Skip to main content

Full text of "Oeuvres complètes de M.T. Cicéron / 19 Lettres"

See other formats




Google 


This is a digital copy of a book that was preserved for generations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project 
to make the world's books discoverable online. 


It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject 
to copyright or whose legal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books 
are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that's often difficult to discover. 


Marks, notations and other marginalia present in the original volume will appear in this file - a reminder of this book's long journey from the 
publisher to a library and finally to you. 


Usage guidelines 


Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the 
public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we have taken steps to 
prevent abuse by commercial parties, including placing technical restrictions on automated querying. 


We also ask that you: 


+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use these files for 
personal, non-commercial purposes. 


+ Refrain from automated querying Do not send automated queries of any sort to Google's system: If you are conducting research on machine 
translation, optical character recognition or other areas where access to a large amount of text is helpful, please contact us. We encourage the 
use of public domain materials for these purposes and may be able to help. 


+ Maintain attribution The Google *watermark" you see on each file is essential for informing people about this project and helping them find 
additional materials through Google Book Search. Please do not remove it. 


+ Keep it legal Whatever your use, remember that you are responsible for ensuring that what you are doing is legal. Do not assume that just 
because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other 
countries. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can't offer guidance on whether any specific use of 
any specific book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner 
anywhere in the world. Copyright infringement liability can be quite severe. 


About Google Book Search 


Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps readers 
discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full text of this book on the web 


alhttb://books.;coodle.comj 





2: 609 20 


QUII EIE E 


+ 














ŒUVRES 
COMPLÈTES 


DE M. T. CICÉRON. 





OUVRAGES DE RHÉTORIQUE. 


RAR TR AARAARARARUARARARAM SAUMRARMRAEFIR A ARMAR UAM RARUS 


HS 


Fe set 


Li 


hu 


ŒUVRES 


COMPLÈTES 


DE M. T. CICÉRON, 


TRADUITES EN FRANCAIS, 


LE TEXTE EN REGARD. 


CANDEEROOIEEUEESOR ENS GT rcc ME ant Se Sc 
Ille se profecisse sciat , cui Cicero valde placebit. 
QuixTIL. lib. X, ep... 


TOME SECOND. 


AL ^8) n 
PARIS, 


| AUX BÉPERS 


DE F.-1. FOURNIER, LIBRAIRE, RUE POUPÉE, N°.-. 





M. DCCC. XVI. 





P 


"ape 


Tr 














ré TOTAL £^) £W fS + on 
pe "E" 4 ^ x |! 
^4 Ae Y o^ P . EX X. J 
* 
-o-o 0» d "- ame, ? 
2 F 
Eye i La = mi H 
^ LA - ^ LA ^ ^ 
3 ' , ^X » * 3 PRU % l| e 
mes ; ., 5 & 
- 2 "o E E $a QUU 4 T 
i Ae MES . 
"££ n s 1 ‘à d * ii À S dd uii di RR 
+ 
i v E 
t sv +: »o023a3 7*1 LENIN la PE | * P 4 
P - 
- Ru TE. E 
E] l , Ca * “ LS 4^ À "x "A He t mm *. ;* T * 
* E" z . + 
zuy € o UM CLR re cw CS Yn? emat CR EST 
^ … 
. , 
SN * n 5 n5 » 27 PRE (Ar N SS vis 
M reU ci 
DP E- DASTCONA à 1 
aM XP sets ses j *. e tr. 
ay uo NA 
. » P. À IET , . x 
M mio à ie x EG ? * Ÿ most i 
SODNIME SI TAN 
n ? 4 d ' Y = 45 " Li 
GC EET MEET C 
H 1 * 
m LIS RN M mo nA se yt tn gis 
^ aue 00 te Ft oí LE Ts" ss Aqt LEE 31 
, : 
- * 
: t - 2" gs ott “on ss tas NS B si 
Le L] 
i4 LI 
t M , $a 5 
Sense 5 It à^ Ÿs d VET IIS pub 
p oC) qu pote qe veas 
: E - x46 xh { 
de tu, F & S s T E k 31- ER "v 
Dour se vrrnas30m xssl: 
r * X * ^. PRET 
ss ét ste tarte TITZ ge TATODK 
PE OR CR i i PAU CCE nds 
7 Y rw if 4 de" sys T “fé 
EL 1 2° 3 T E Br. j 1. dí LA LN el { 
* - 
- E 
S : Fa € 
in cid eou 3e 
: + 
3 MES F a 93 8€ as 36 Ar^ t7 sil) 
: : too0]85,74*y7* uiun i8 Lo + 
L] 











INTRODUCTION. 


€. ouyrage, le premier essai de la jeunesse de 
Cicéron, et qui l'est aussi de la mienne, n'est qu'un 
extrait rapide des leçons de ses maîtres et des ou- 
vrages des rhétêurs grecs admis dans les écoles 
romaines. Il était divisé en six livres. Les quatre 
derniers sont perdus. Ceux qui restent, traitent de 
Y7Invention ou de la Recherche des Preuves, et de la 
Disposition, et renferment une foule de lieux com- 
muns. Cicéron a laissé sur l'art oratoire, plusieurs 
ouvrages écrits avec autant d'agrément que de pro- 
fondeur; mais dans cette ébauche imparfaite et 
grossière , échappée à sa jeunesse *, et je me sers 
ici de ses propres expressions, rien ne déguise l'ari- 
dité du précepte, et ne sauve de l'ennui des formes 
didactiques. Sa marche d’ailleurs n'est pas toujours 
assurée , et j'ai peut-être acquis, en le traduisant, 
le droit de le trouver quelquefois diffus. Un ou 
deux morceaux assez riches d'expressions et d'har- 
monie, surtout le préambule du premier Livre, ne 
me paraissent pas justifier les éloges que Desmeu- 
niers donne au style en général, qu'il wonve soigné 
et trés-brillant. 


* Quis pueris ant adolescentulis nobis ex commentariolis nostris in- 
choata ac rudia exciderunt , etc. ( De Orm. Kb. I. No. Il.) 


i o INTRODUCTION 


C'est la première fois que t6ut'ce qui' hous reste 
de l'Invention paraît en francais: a dature de! l’ou- 
vrage, et surtout la mutilition , ‘expliquent' assez 
cette indifférence; car il ne m’est'pas permis de 
croire que tent d'habiles ét laborreux tradüctéur$ 
aient été rebutés par la diffeuhé. 1} me semble pours 
tant que la curiosité seule*et le plaisir de comparer 
Cicéron avec lui-même, de voir &e qu'avait ajouté 
à l'art oratoire, uprés quarante années d'expérience, 
le génie le plus universel que Rome ait efifund| 
auraient dû encourager à cette pénible ‘entretir®. 

Desmeuniers s'est contenté de traduire le préswf- 
bule de chaque Livre. En 1813, M. Alel-Lóriqueue) 
ancien professeur de rhétorique, publia uie trd- 
duction du premier Livre. Le second, qu'il trouve 
plein de métaphysique, de répdtitious et de subtilité}, 
et qui ne présente, dit-il, qu'une explication fort dif- 
fuse et fort obscure de certaines règles établies dans de 
premier, ne lui a pas para.digne de son átttíntión, 
Par un contraste assez remarquable, cesecond Livre, 
qu'il. traite avec tant de rigueur, et  précisémium 
celur de Se donne la PEER ^ 


ab tbe di 

Nou nostrum inter vos E : «o ier n 

Le travail de M. Abel Louqueue , djué je.na.me 
permettrai pas de juger, n'a pu me setvàr : j'anis 
achevé ma traduction toute entiaçe quand le, fiegne 
a paru. Depuis ce temps, elle.étai teste dans man 


" 


INTRODUCTION. iij 
porte(anille, i et.je.me eroymis pas qu'elle dût sitôt 
voir .]e: jo  Entratné. pas. d'assea pressantes solli- 
citations. je mai pn ,malgné les dangers du voisinage, 
réaiser.à l’attuau séduisant d'associer mon nom à 
celui.da tant de utéatenrs distingués. Trap heureux 
83, Je. conrage. d'avoir. anhayé. le premier une entre- 
Prise qui». jusqu'alors, avait efirayé les plus hardis, 
Peut me servir excuse. -, 

: Dana, un tonvrage purement didactique, j je »'ei 
pes cr. devoir m'aæsservir à cette fidélité rigoureuse 

qwan.esten droit d'exiger d'un traducteur de Cicéron. 
Sans dome, si j'avais entrepris de faire passer en 
français quelques-unes de ses immortelles barangues, 
malexé. le double désavantege de la perfection du 
mmpdéleret de la richesse de la ogue, j'aurais essayé 
dedaner contre le nombre et l'harmonie du latin, 
de conserver, autant que. possible , l'ordre des mots, 
Ja conpe. des. phrases, de réunir enfin l'élégance à la 
plus sévêre exactitude; pour donner au lecteur fran- 
ais una idée, bien imparfaite il est vrai, du premier 
sécrisain:de Rome. Mais j'ai pensé qu'ici, où la clarté 
doit éizg Je premier mérite , 11 sufbsait de suivre la 
marche des idées, de n'en retrancher aucune, sans 
m'astreindre à compter les mots. — 

Au reste, je n'ai eu aucune espéce de secours: 


*Pàrhdíitó dàénjet a reberté tous ceux à qui j'ai demandé 


. “des éonseils; et'ic’#’auvais osé. publier un ouvrage 


“que laid Gi ati séveru et éclairé w'avart pas revu, 
sufis "Hidépüisublé &omplois&nce de M. Lèvée, un 


iv INTRODUCTION. 

des savans qui enrichissent cette collecuon du fruit 
de leurs veilles. ll a revu ma traduction toute en- 
tiére, et je dois à sa longue expérience plus d'une 
heureuse correction. Il est encore l’auteur des notes 
qui se trouvent à la fin de l'ouvrage. Mes oceu- 
pations journaliéres ne m'ont pes laissé le tempa 
nécessaire pour ce travail. Si cet ouvrage offre quel- 
que chose de passable , c’est à lui qu'en appartiendra 
tout l'honneur, il n'y a de moi que les fautes. 

















| 0. — ^ pE 


|—— V'INVENTION, 
TRADUCTION ji A. À. J. LIEZ. 

| . 

| 





DE IN VENTIONE. 





LIBER PRIMUS. 


]. A EPE et multum hoc mecum cogitavi , bonine, an 
mali plus attulerit hominibus et civitatibus copia di- 
cendi , ac summum eloquentiæ studium. Nam cum 
et nostræ reipublice detrimenta considero, et maxi- 
marum civitatum veteres animo calamitates colligo, 
non minimam video per disertissimos homines in- 
vectam partem incommodorum.| Cum autem res ab 
nostra memoria, propter vetustatem , remotas , ex 
literarum monumenus repetere instituo ; multas ur- 
bes constitutas, plurima bella restincta, firmissimas 
societates , sanctissimas amicitias intelligo cum animi 
ratione , tum facilius eloquentia comparatas. Àc me 
quidem diu cogitantem, ratio ipsa in hanc potissi- 
mum sententiam ducit, ut existimem, sapientiam sine 
eloquentia parum prodesse civitatibus, eloquentiam 
vero sine sapientia nimium obesse plerumque, pro- 
desse nunquam. Quare si quis , omissis rectissimis 
atque honestissimis studiis rationis et officii, con- 
sumit omnem operam in exercitatione dicendi , is 
inutilis sibi, perniciosus patriz civis alitur; qui vero 
ita sese armat eloquentia, ut non oppugnare com- 
moda patrie , sed pro his * propugnare possit , is 
1: Pugnare. 


DE L'INVENTION. 


LIVRE PREMIER. 


I. L. talent de la parole et l'étude de l'éloquence ont-ils 
été plus avantageux que ffhisibles à l'homme et à la société? 
Voilà une question dont l'examen m'a souvent occupé. Car, 
si je me rappelle les maux qui ont déchiré la patrie, les 
catastrophes qui ont bouleversé autrefois les cités les plus 
florissantes, partout je vois la plus grande partie de ces 
malheurs causés par des hommes éloquens; mais quand je 
veux, ouvrant les annales de l'histoire, remonter jusqu'aux 
époques les plus reculées, je vois la sagesse, et plus encore 
Véloquence, fonder des villes , éteindre les guerres, établir 
des alliances durables, et serrer les nœuds d’une sainte amitié. 
Ainsi, aprés un mür examen, la raison me porte à croire 
. que la sagesse sans l'éloquence est peu utile aux états, mais 
que l'éloquence sans la sagesse n'est souvent que trop funeste, 
et ne peut jamais étre utile. Aussi l'homme qui s'écartera des 
sentiers de l'honneur et de la vertu, cultiverait en vain l'élo- 
' quence. La patrie nourrit en lui un citoyen inutile à lui- 
méme, et dangereux pour elle; mais s'armer de l'éloquence, 
non pour attaquer les intéréts de sa patrie, mais pour les 
défendre, c'est se rendre aussi utile à soi-même qu'à son pays, 
et mériter l'amour de ses concitoyens. 


N 


4 DE INVENTIONE, LIBER I. 
mihi vir et suis, et publicis rationibus utilissimus ; 
atque amicissimus civis fore videtur. 

Ac si volumus hujus rei , qua vocatur eloquentia, 
sive studii, sive artis , sive exercitationis cujusdam, 
sive facultatis a natura profecta considerare princi- 
pium ; reperiemus id ex honestissimis causis natum, 
atque ' ab optimis rationibus profectum. 

H. Nam fuit quoddam tempus, cum in agris ho- | 
mines passim bestiarum modo vagabantur, et sibi 
victu ? fero vitam propagabant; nec ratione animi 
quidquam, sed pleraque viribus corporis adminis- 
trabant. Nondum divinæ religionis, non humani offi- 
cii ratio colebatur : nemo nuptias viderat legitimas : 
non certos quisquam ? adspexerat liberos : non, jus 
æquabile quid utilitatis haberet , acceperat. Ita prop- 
ter errorem atque inscientiam , cæca ac temeraria 
dominatrix animi cupiditas , ad se explendam viribus 
corporis abutebatur, perniciosissimis satellitibus. 
Quo tempore * quidam , magnus videlicet vir et sa- 
piens, cognovit, qua materia esset, et quanta ad 
maximas res opportunitas * in animis hominum , si 
quis eam posset elicere, et præcipiendo meliorem 
reddere : qui dispersos homines in agris, et in tectis 
silvestribus abditos ; ratione quadam compulit unum 
inlocum, et congregavit, et eos in unamquamque rem 
inducens utilem atque honestam , primo propter in- 
solentiam reclamantes, deinde propter rationem atque 


! Abest ab. — ? Ferino, — ? Inspexerat. — 4 Quidam magous vir. — 5 In 


animis esset hominum. 
a 





DE L'INVENTION, LIVRE E. 5 

Mais, voulez-vous remonter à l’origine de ce qu'on appelle 
éloquence : soit que vous la regardiez comme un fruit de l'é- 
tude, un effet de l'art ou de l'habitude, ou un talent naturel , 
vous trouverez qu'elle doit sa naissance aux motifs les plus 


louables et les plus honnétes. 


II. Il fut un temps où les hommes errant dans les campa- 
gnes comme les animaux, ' se nourrissaient comme eux. 
La force, plutôt que la raison, décidait de tout : ces sauvages 
n'avaient nulle idée de leurs devoirs envers la Divinité ni en- 
vers leurs semblables : point de mariage légal, point d'enfans 
dont on püt s'assurer d’être le père : on ne sentait point les 


avantages de l'équité. Au milieu des ténebres de l'erreur et de 


l'ignorance, les passions aveugles et brutales asservissaient 


Fâme, et abusaient, pour se satisfaire, des forces du corps, 
es armes si pernicieuses. Sans doute, dans ce siècle de bar- 
barie, un homme s'est rencontré d'une sagesse et d'une vertu 
supérieures, qui reconnut combien l'esprit humain était propre 
aux plus grandes choses, si l'on pouvait le développer et le 
perfectionner en l'éclairant. À sa voix, les hommes dispersés 
dans les champs, ou cachés dans le fond des forêts, se ras- 
semblent et se réunissent dans un méme lieu. Il inspire des 
goûts honnétes et utiles à ces cœurs farouches , qui veulent re- 
jeter d'abord un joug nouveau. pour eux, mais qui pourtant, 
sensibles à l'éloquence de la sagesse, devinrent enfin humains 


et civilisés , de féroces et de barbares qu'ils étaient auparavant. 


— A 


6 DE INVENTIONE, LIBER I. 


orationem studiosius audientes, ex feris et immani- 
bus , mites reddidit et mansuetos. Ac mihi quidem 
videtur hoc nec tacita, nec inops dicendi sapientia 
perficere potuisse , ut homines a consuetudine subito 
converteret, et ad diversas vitz rationes traduceret. 
Age vero , urbibus constitutis , ut fidem colere, et 
jusutiam retinere discerent, et aliis parere sua volun- 
tate consuescerent, ac non modo labores excipiendos 
communis commodi causa, sed etiam vitam amit- 
tendam exisümarent : qui tandem fieri potuit , nisi 
homines ea, quz ratione invenissent , eloquentia 
persuadere potuissent ? Profecto nemo , nisi gravi ac 
suavi commotus oratione, cum viribus plurimum 
posset , ad jus voluisset sine vi descendere : ut inter 
quos posset excellere, cum iis se pateretur æquari, 
et sua voluntate a jucundissima consuetudine rece- 
deret, qua presertim jam nature vim obtineret 
propter vetustatem. Âc primo quidem sic et nata , & 
progressa longius eloquentia videtur ; et item postea 
maximis in rebus paciset belli cum summis hominum 
utilitatibus esse versata. Postquam vero commoditas 
quzdam, prava virtutis imitatrix , sine ratione officii, 
dicendi copiam consecuta est; tum ingenio freta 
malitia, pervertere urbes , et vitas hominum labe- 
factare assuevit. 

III. Atque hujus quoque exordium mali, quoniam 
principium boni diximus, explicemus. Verisimilli- 
mum mihi videtur, quodam tempore neque in pu- 
blicis rebus infantes et insipientes homines solitos 








DE L'INVENTION, LIVRE I. | 

Et ce n’était point une sagesse muette et sans éloquence, 
qui pouvait opérer une révolution si grande et si prompte. 
Mais les villes une fois établies, comment apprendre aux 
hommes à respecter les lois, à être fidèles à leur parole, à 
obéir volontairement aux autres, à sacrifier leur travail et 
méme leur vie pour le bien public, si l’éloquence n’était venue 
au secours de la sagesse? Tels furent l’origine et les progrès de 
l'éloquence, qui, dans la suite, décida de la paix et de la 
guerre, et rendit aux hommes les plus grands services. Mais 
quand une facilité dangereuse, cachée sous le masque du ta- 
lent, dédaignant les sentiers de la sagesse, se livra toute entière 
à l'étude de la parole, alors la perversité des orateurs abusa 


des dons de l'esprit pour bouleverser les villes, et faire le 


malheur de leurs concitoyens. 


HII. Puisque nous avons développe la cause des bienfaits de 
l'éloquence, tàchons d'expliquer les causes de sa dépravation. 
Il me semble naturel de croire que d'abord on n'abandonna 


point l'administration des affaires à des hommes sans sagesse 


8 DE INVENTIONE, LIBER I. 


esse versari, nec vero ad privatas causas magnos ac. 


disertos homines accedere : sed cum a summis viris 
maxima res administrareutur, arbitror alios fuisse 
non incallidos homines , qui ad parvas controversias 
privatorum accederent. Quibus in controversiis cum 
sepe a mendacio contra verum homines stare con- 
suescerent , dicendi assiduitas aluit audaciam , ut 
necessario superiores ilh propter injurias civium 
resistere audacibus , et opitulari suis quisque neces- 
sariis cogerentur. Itaque cum 1n dicendo sæpe par, 
nonnunquam etiam superior visus esset is, qui, 
omisso studio sapientie , nihil sibi preter eloquen- 
tiam comparasset, fiebat , ut et mulütudinis et suo 
judicio, dignus, qui rempublicam gereret, videretur. 
Hinc nimirum non injuria, cum ad gubernacula 
reipublice temerarii atque audaces homines accesse- 
rant, maxima ac miserrima naufragia fiebant. Quibus 
rebus tantum odii atque invidiæ suscepit eloquentia, 
ut homines ingeniosissimi , quasi ex aliqua turbida 
tempestate in portum, sic ex seditiosa et tumultuosa 
vita se in studium aliquod traderent quietum. Quare 
mihi videntur postea cetera studia recta atque ho- 
nesta, per otium concelebrata ab optimis, enituisse : 
hoc vero a plerisque eorum desertum obsolevisse eo 
tempore , ‘quo multo vehementius erat retinendum, 
et studiosius adaugendum. Nam quo indignius rem 
honestissimam et rectissimam violabat stultorum et 
improborum temeritas et audacia , summo cum rei- 
publica detrimento; eo studiosius et illis resisten- 
dum fuit, et reipublice consulendum. 





e NN RR PD 


"Aa" n 
+ 


RER JR Lu 


DE L'INVENTION, LIVRE I. a 
et sans éloquence, et que ceux qui réunissaient ces deux avan- 
tages ne se livraient point à la discussion des intéréts parti- 
culiers; mais que, tandis que les hommes supérieurs s'occu- 
paient des affaires de l’état, des hommes qui n'étaient point 
tout-à-fait dépourvus de talens, discutaient les intéréts des 
particuliers. Accoutumés, dans ces débats obscurs, à sou- 
tenir le mensonge contre la vérité, leur audace s'accrut par 
l'habitude de la parole, et bientót il fallut que l'autorité s'oc- 
cupát de les contenir et de défendre les bons citoyens contre 
leurs entreprises. Aussi l'orateur, qui dédaignait l'étude de la 
sagesse pour se livrer tout entier à l’éloquence, paraissait 
souvent marcher le rival des autres, et quelquefois méme s'é- 
lever au-dessus d'eux; et la multitude séduite le jugeait, 
comme il le pensait lui-méme, digne de gouverner la répu- 
blique. Dés-lors, il ne fallut pas s'étonner que, sous des chefs 
sans expérience et sans modération, la patrie éprouvát les 
plus affreuses calamités. Ces désordres jetérent tant de défa- 
veuf et d'odieux sur l'éloquence, que les hommes les plus 
favorisés de la nature , fuyant le tumulte et les orages du 
forum , se réfugièrent au sein des études paisibles comme dans 
un port assuré. C'est ce qui répandit tant d'éclat sur la mo- 
rale, à laquelle des hommes les plus distingués consacrérent 
leurs loisirs; et l'on renonca au talent de la parole, dans lé 
temps où il importait le plus d'en conserver et d'en augmenter 
la salutaire influence; car, plus l'audace et la témérité des 


méchans ou des imprudens profanaient un talent si noble et 





Jo DE INVENTIONE , LIBER I. 


IV.Quod nostrum illum non fugit Catonem, neque 
Lzlium , neque horum : ( vere dicam ), discipulum 
Africanum , neque Gracchos Áfricani nepotes : qui- 
bus in hominibus erat summa virtus , et summa vir- 
tute amplificata auctoritas, et, quz his rebus orna- 
mento, et reipublice presidio esset, eloquentia. 
Quare, meo quidem animo, nihilo minus eloquentiæ 
studendum est, etsi ea quidam et privatim, et publice 
perverse abutuntur : sed eo quidem vehementius; ne 
mali magno cum detrimento bonorum, et communi 
omnium pernicie, plurimum possint : cum præsertim 
hoc unum sit, quod ad omnes res et privatas, et pu- 
blicas maxime pertineat; hoc tuta, hoc honesta, hoc 
illustris, hoc eodem vita jucunda fiat. Nam hinc ad 
rempublicam plurima commoda veniunt, si mode- 
ratrix omnium rerum przsto est sapientia. Hinc ad 
ipsos, qui eam adepti sunt, laus, honos, dignitas 
confluit : hinc amicis quoque eorum certissimum ac 
tutissimum præsidium comparatur. Ác mihi quidem 
videntur homines, cum multis rebus humiliores et 
infirmiores sint, hac re maxime bestiis praestare , 
quod loqui possunt. Quare præclarum mihi quiddam 
videtur adeptus is, qui, qua re homines bestiis præs- 
tent, ea in re hominibus ipsis antecellat. Hoc si forte 
non natura modo , neque exercitatione conficitur , 
verum etiam artificio quodam comparatur; non alie- 


1 Ut vere. 





DE L'INVENTION, LIVRE I. Il 
si juste, en le tournant contre la patrie, plus il fallait résister 
fortement aux abus et défendre la république. 

IV. Voilà ce qui n'avait point échappé à Caton, à Lélius, 
à Scipion l'Africain, leur disciple; aux Gracques, neveux de 
Scipion, tous hommes supérieurs, dont le mérite éclatant 
augmentait l'autorité, et en qui l’éloquence, qu’ils consacraient 
a la défense de la patrie, rehaussait les plus brillantes qua- 
lités. Aussi je suis persuadé que ,. bien loin de négliger l'étude 
de l'éloquence , à cause de l'abus criminel qu'on en fait chaque 
jour dans les affaires publiques et particuliétes, il faut s'y 
livrer avec plus de zéle, pour s'opposer au dangereux ascen- 
dant des orateurs pervers, surtout puisque l'éloquence est le 
principal ressort des affaires publiques et privées, puisqu'elle 
seule nous conduit avec honneur et sans danger dans les sen- 
tiers de la gloire et du bonheur. N'est-ce pas elle qui, dirigée 
par la sagesse, qui doit tout régler ici bas, rend les états flo- 
rissans ? N'est-ce pas elle qui donne aux orateurs la gloire, les 
honneurs, les dignités? N'est-ce pas elle enfin qui offre à leurs 
amis la protection la plus süre? N'est-ce point la parole qui 
donne aux hommes si faibles et si misérables , une supériorité 
si marquée sur la brute? Aussi, qu'il est beau de s'élever au- 
dessus de l'homme, par ce qui l'éléve lui-méme au-dessus des 
animaux ! Si l'on ne doit pas l'éloquence seulement à la na- 
ture et à l'exercice, mais aussi à l'étude de l'art oratoire, il 
ne sera peut-étre pas inutile de mettre sous les yeux les pré- 
ceptes que nous ont laissés les rhéteurs. Mais avant de parler 


12 DE INVENTIONE, LIBER I. 
num est videre ,. ‘ quid dicant ii, qui quzdam ejus 


rei precepta nobis reliquerunt. Sed antequam de 


preceptis oratoriis dicamus, videtur dicendum de 
genere ipsius artis, de officio, de fine, de materia, 
de partibus. Nam his rebus cognius , facilius et expe- 
ditius uniuscujusque animus ipsam rationem, ac viam 
artis considerare poterit. : 


V. Civilis quedam ratio est, qui multis et magnis 


ex rebus constat. Ejus qnaedam magna et ampla pars 
est, artificiosa eloquentia, quam rhetoricam vocant. 
Nam neque cum iis sentimus, qui civilem scientiam 
eloquentia non putant indigere; et ab iis, qui eam 
putant omnem rhetoris vi et artificio contineri, ma- 
gnopere dissentimus. Quare hanc oratoriam faculta- 
tem in eo genere ponemus, ut eam civilis scientiæ 
partem esse dicamus. Officium autem ejus facultatis 
videtur esse, dicere apposite ad persuasionem : finis, 
persuadere dictione. Inter officium autem el finem 
. hoc interest, quod in officio, quid fieri; in fine, quid 
officio conveniat, consideratur : ut- medici officium 
dicimus esse, curare ad sanandum apposite; finem , 
sanare curatione. ltem oratoris quid officium, et quid 
finem esse dicamus , intelligemus , cum id , quod fa- 
cere debet , officium esse dicemus : illud, cujus causa 
facere debet , finem appellabimus. 

Materiam artis eam dicimus , in qua omnis ars, et 
ea facultas, quie conficitur ex arte, versatur. Ut si 
medicine materiam dicamus morbos, ac vulnera, 


t Que. 


DE L'INVENTION, LIVRE I. 25 
des préceptes oratoires, et pour rendre plus facile à suivre la 
marche que nous allons tracer , nous.expliquerons d'abord ce 
que veulent dire ces mots de genre, de devoir, de matière, 


et de ses parties. 


. V. La science du gouvernement se compose d'une foule 
de connaissances importantes , dont la principale est cette élo- 
quence artificielle qu'on nomme rhétorique. Car, sans étre 
de l'avis de ceux qui croient que l'éloquence est inutile pour 
gouverner un état, nous pensons encore moins que la science 
du gouvernement consiste toute entiére dans le talent de 
l'orateur. Mais nous dirons que le talent oratoire fait partie 
de Ja science du gouvernement ; que le devoir de l'orateur 
est de parler de maniére.à persuader ; que Za fin du devoir 
est la persuasion. Il y a cette différence entre 7a fin et le de- 
voir de l’orateur , que le devoir indique le but, et que la fin 
le remplit. Le devoir du médecin est de soigner ses malades 
comme il convient pour.les guérir, et la fin de la médecine 
est la guérison méme des maladies: Ainsi, par le devoir de 
l'orateur, nous entendons ce qu'il doit faire, et par lafin, 
‘le but qu'il veut atteindre. 

On appelle matière de l'art la réunion des choses qui ap- 
partiennent , soit à l'étude, soit à la pratique d'un art en 
général. On dit, par exemple, que les maladies et les bles- 


sures sont la matière de la médecine, parce que la méde- 


14 DE INVENTIONE, LIBER I; 


quod in his omnis medicina versetur : item, quibus 
in rebus versatur ars, et facultas oratoria, eas * res 
materiam artis rhetoricæ nominamus. Has autem res, 
alii plures, alii pauciores existimaverunt. Nam Gor- 
gias Leontinus, antiquissimus fere rhetor, omnibus 
de rebus oratorem optime posse dicere existimavit. 
Hic infinitam , et immensam huic artificio materiam 
subjicere videtur. Aristoteles autem , qui huic arti 
plurima adjumenta atque ornamenta subministravit , 
tribus in generibus rerum versari rhetoris officium 
putavit, demonstrativo, deliberativo, judicial. De- 
monstrativum est, quod tribuitur in alicujus certæ 
persone laudem aut vituperationem. Deliberativum, * 
quod positum in disceptatione, et consultatione ci- 
vili, habet in se sententiæ dictionem. Judiciale, ? 
quod positum in judicio, habet in se accusationem 
et defensionem , aut petitionem et recusationem. Et, 
quemadmodum nostra quidem fert cpinio, oratoris 
ars , et facultas in hac materia tripartita versari existi- 
manda est. | 


" 

VI. Nam Hermagoras quidem, nec quid dicet, 
attendere, nec quid polliceatur, intelligere videtur; 
qui oratoris materiam in causam et in quaestionem 
dividat. Causam esse dicit rem, quæ habeat in se 
controversiam in dicendo positam cum personarum 
certarum interpositione; quam nos quoque oratori 


' Al est res. 2 — Est, quod. — ? Est, quod. 


DE L'INVENTION, LIVRE I. 15 
dne est tout occupée de ce double objet. Nous dirons pareil- 
lement que tout ce qu'embrassent l'art et le talent de l'orateur 
est la matière de la rhétorique. Cependant les rhéteurs ont 
assigné des limites plus ou moins étendues à leur domaine. 
* Gorgias de Léontium , l'un des premiers qui enseignérent les 
règles de l’éloquence, voulait que l'orateur fût capable de 
parler avec facilité sur tous les sujets qu'on lui proposerait. 
Aussi a-t-il prodigieusement reculé les bornes de la rhéto- 
rique. Mais Aristote , * à qui nous devons tant de si belles et 
si excellentes lecons, a jugé que le devoir du rhéteur em- 
brassait trois genres de causes : le démonstratif, le délibératif 
et le judiciaire. Le genre démonstratif a pour but l'éloge ou 
le blâme. Dans le genre délibératif , on se propose d'éclaircir 
un objet de discussion , une question de droit; ensuite on 
prononce. Le genre judiciaire est celui qui consiste à provo- 
quer un jugement favorable, soit que l’orateur accuse ou qu'il 
défende, soit qu’il demande ou qu'il récuse. Nous croyons 
en effet que dans la division de ces trois genres se trouve 
renfermée toute la matière dela rhétorique. 

VI. Hermagoras semble manquer d'attention et ne pas 
réfléchir sur tout ce qu'il promet, quand il divisela matiére 
de l'éloquence en cause, et en question. Il appelle cause un 
sujet de discussion entre différentes parties, sujet que nous 
avons aussi renfermé dans le domaine de l'orateur, par notre 
division des genres démonstratif, délibératif et judiciaire. Il 


appelle question, un point de discussion sans l'intervention de 


16 DE INVÉNTIONE, LIBER I. 


dicimus esse attributam. Nam tres ei partes, quas 
ante diximus, supponimus, judicialem , deJiberati- 
vam , demonstraüvam. Quæstionem autem: eam ap- 
pellat, quz habeat in se controversiam in dicendo 
positam , sine certarum personarum interpositione , 
ad hunc modum: Ecquid sit bonum preter honestatem ? 
Verine sint sensus? Qua sit mundi forma? Que solis ma- 
gnitudo ? Quas quaestiones procul ab oratoris officio 
remotas , facile omnes intelligere existimamus. Nam, 
quibus in rebus summa ingenia philosophorum plu- 
rimo cum labore consumta intelligimus, eas, sicut 
aliquas parvas res, oratori attribuere, magna amentia 
videtur. Quodsi magnam in his Hermagoras habuisset 
facultatem , studio et disciplina comparatam, vide- 
retur fretus sua scientia, falsum quiddam constituisse 
de oratoris officio, et non quid ars, sed quid ipse 
posset , exposuisse. Nunc vero ea vis est in homine, 
ut ei multo rhetoricam citius quis ademerit, quam 
pbilosophiam concesserit. Neque eo dico , quod ejus 
ars, quam edidit, mihi mendosissime scripta videatur: 
nam satis in ea videtur ex antiquis artibus ingeniose 
et diligenter electas res collocasse, et nonnihil ipse 
quoque novi protulisse : verum oratori minimum est 
de arte loqui, quod hic fecit : multo maximum ex 
arte dicere, quod eum minime potuisse, omnes vide- 
mus. Quare materia quidem nobis rhetoricæ videtur 
ea, quam Aristoteli visam esse diximus. 

VII. Partes autem hz sunt, quas plerique dixerunt, 
inventio, dispositio, elocutio, memoria, pronuntiatio. 


DE L'INVENTION, LIVRE I. 7 
parties, comme £'st-1l quelque autre bien que la vertu? Faut- 
il s'en rapporter au témoignage des sens? Quelle, est la 
figure du monde ou la grosseur du soleil? questions, comme 
on le voit sans peine, bien étrangères au devoir de l'orateur. 
Car n'est-ce pas une folie que d'attribuer à Péloquence ; 
comme des sujets peu importans, des quéstions que le génie 
de nos philosophes les plus profonds, soutenu d'un travail 
infatigable, n'a pu encore éclaircir? Quand méme l'étude et 
des connaissances immenses auraient aplani, pour Herma- 
goras, toutes les difficultés, il n'en aurait pas moins, plein de 
confiance dans son érudition, mel défini le devoir de l'ora- 
teur, et tracé les limites de ses connaissances et nom pas 
celles de l'art. Néanmoins on lui refuserait aujourd'hii le 
titre de rhéteur, plutôt qu’on ne lui accorderait celui dé phi- 
losophe. Ce n'est pas que le traité qu'il a publié ne semble 
renfermer beaucoup d'erreurs; car, à ce qu'il recueille dans 
les anciens, avec autant de goût que d’exactitude:; il méla 
souvent des observations neuves et originales ; mais , parler suc 
l'art oratoire (et c'est ce qu'il fait) n'est rien pour l'orateor: 
il doit parler suivant les règles de l'art, et c'est, nous'le 
Voyons tous, ce que n'a point fait Hermagoras. Ainsi , nous 
adoptons l'opinion d'Aristote sur la matière de la rhétorique. 

VII. Les parties sont, comme on l'a si souvent “répété | 
l'invention, la disposition, l’élacution, la mémoire et le débit. 
Il. 2 


18 DE INVENTIONE , LIBER I. 


Inventio est excogitatio rerum verarum, aut verjsi- 
milium, quæ causam.probabilem reddant: Dispositio 
est rerum inventarum in ordinem distributio : Elo- 
cutio est idoneorum verborum, et sententiarum ad 
inventionem accqmmodatio : Memoria est firma animi 
rerum.ac verborpm ad inventionem perceptio : Pro- 
nuntiato est, ex rerum et verborum dignitate , vocis 
et corporis moderatio. Nunc his rebus breviter cons- 
titutis, eas rationes, quibus ostendere possimus ge- 
nus, et officium, et finem hujus artis, aliud in tem- 
pus differemus. Nam et multorum verborum indigent, 
et.non tantopere ad artis descriptionem et praecepta 
wadenda pertinent. Eum autem , qui artem rheto- 
ricam scribat , de duabus reliquis rebus, de materia 
artis, ac parübus scribere oportere existimamus. Ac 
mihi quidem videtur conjuncte agendum de materia 
ac partibus. Quaré inventio, quz princeps est om- 
nium partium , potissimum in omni causarum e 
here , qualis debeat esse , consideretur. ien d 

VIII. Omnis res, qua habet in se, positam in die: 
uüone aut disceptaüoge ; aliquam controversiam , aut 
: facti > But nominis , aut generis , aut actionis conjinet 
questionem. Eam igitur quaestionem > €x qua causa 
nascitur, constitutionem appellamus. Constitutio est 
prima conflictio cáusarum ex depulsione intentionis 
profecta hoc modo : « Fecisti : non feci, aut jure 
_« feci. » Cum facti controversia est, quoniam conjec- 
turis causa firmätur , constitutio conjecturalis appel- 
latur. Cum autem nominis, quia vis vocabuli defi- 


P 








DE L'INVENTION, LIVRE I. 19 
L'invention cherche des choses vraies ou vraisemblables en 
faveur de la cause. La disposition est l'art de les mettre en 
ordre. L'élocution rend les idées et les expressions convenables 
au sujet ; la mémoire les retient d'une manière sûre et inalté- 
rable. Le débit règle le geste et la voix, et les proportionne 
au discours. Je remets à un autre temps ce que j'aurais à 
dire sur le genre et la fin de la rhétorique. J'aurais besoin 
de longs développemens qui n'appartiennent pas si intimement 
à la définition etaux préceptes de l'art; et, pour faire un traité 
de rhétorique, il faut's'occuper de la matière de l'art et de 
ses différentes parties. Telle est mon opinion ,.et il me semble 
convenable de traiter ces deux sujets à la fois. Comine lin: 
vention est la première de toutes ces parties, nous commen- 


eerons par la considérer dans tous les genres de causes. 


'VIII. Tout ce qui offre quelque poiat de discussion sur 
les faits ou sür les mots , renferme une question de fait, de 
nom, de genre ou d'action. On appelle donc état de question 
ce qui fait naître la cause. La question de fait résulte d'un 
conflit , dont le but est le rejet de l'intention : « Vous avez. 
« fait cette chose. » — « Non, ou j'ai eu droit de Ja faire. » 
Discutezwous les faits ? comme les conjectures appuient votre 
cause, c'est un état de question conjectural; le nom? comme 
il faut définir les mots, c'est un état de définition. Quand on 





20 DE INVENTIONE, LIBER f. 


nienda verbis est , constitutio definitiva nominatur. 
Cum vero, qualis sit res, quæritur, quia et de vi, et 
de genere negotii controversia est, constitutio ge- 
neralis vocatur. Át cum causa ex eo pendet , quod 
non aut is agere videtur , quem oportet, aut non cum 
eo, quicum oportet, aut non apud quos, quo tempore, 
qua lege , quo crimine, qua pcena oportet, translativa 
dicitur constitutio; quia actio, translationis et com- 
mutationis indigere videtur. Atque harum aliquam 
in omne cause genus incidere necesse est. Nam in 
quam ' rem non inciderit, in ea nihil esse poterit 
controversiæ. Quare eam ne causam quidem convenit 
putari. 

Ac facti quidem controversia , in omnia tempora 
potest distribui. Nam quid factum sit, potest quæri, 
hoc modo : « Occideritne A jacem Ulysses? » Et quid 
fiat, hoc modo : « Bonone animo sint erga populum 
« romanum Fregellani ? » Et quid futurum sit, hoc 
modo : « Si Carthaginem reliquerimus incolumem; 
« num quid sit incommodi ad rempublicam perven- 
« turum ? » Nominis controversia est, cum de facto 
convenit, et quaritur, id quod factum est, quo no- 
mine appelletur. Quo in genere necesse est ( ideo 
nominis ) esse controversiam ( non quod de re ipsa 
non conveniat ), non quod de facto non constet, sed 
quod id, quod factum sit, aliud alii videatur esse, 
et idcirco alius alio nomine id appellet. Quare in 
hujusmodi generibus definienda res erit verbis , et 


! Abest rem. 








DE L'INVENTION, LIVRE T. ot 
discute sur la chose méme , comme il s'agit d'en examiner 
le genre et la pature , c'est un état de question général. Si le 
demandeur n'a pas droit d'intenter son aetion, si elle ne 
tombe pas sur le coupable ; si le tribunal , le temps, là loi, 
l'accusation , la peine font naître quelque opposition légale ; 
comme il faut que la cause soit changée et portée à un autre 
tribunal , on l'appelle état de récusation. Toute cause doit 
offrir quelqu'une de ces questions, ou biemil n'y a pas de point 
de discussio , et par conséquent pas de cause. 

La discussion du fait peut se rapporter & tous les temps : 
Au passé, « Ulysse a-t-il tué Ajax? » Au présent, « Les habi- 
« tans de Frégelles sont-ils bien disposés pour les Romains? » 
À l'avenir, « Si nous laissons subsister Carthage , quel dom- 
« mage en résultera-t-il ? » C'est une question de nom , quand, 
en convenant. du. fait, on cherche quel nom lui donner. Si 
Yon conteste sur le nom. ce n'est pas.qu'on ne soit d'accord sur 
Ja chose, que le fait ne soit pas certain ; mais comme chacun 
le voit sousun point de vue différent , chacun lui donne un 
nom.différent. Il faut alors recourir à la définition, à une 
courte description. Par exemple : « On a dérobé des vases 
« sacrés chez un particulier : le coupable est-il voleur ou sa- 
« crilége? » Dans ce cas il faut définir le vol, le sacrilége, et 
montrer que les accusateurs ne donnent pas à ce délit le nom. 
tpi lui convient. 


22 DE INVENTIONE, LIBER I. 


breviter describenda : ut, si quis sacrum ex privato 
surripuerit, utrum fur, an sacrilegus sit judicandus. 
Nam id cum quaeritur, necesse erit definire utrum- 
que, quid sit fur, quid sacrilegus, et sua descriptione 
ostendere alio nomine illam rem, de qua agitur, 
appellari oportere , atque adversarii * dicant. 

IX. Generis est controversia, cum ét quid factum 
sit, convenit, et quo id factum nomine appellari 
oporteat , constat : et tamen, quantum, et cujusmodi, 
et omnino quale sit, quæritur, hoc modo : Justum, 
an injustum : utile, an inutile; et omnia, in quibus, 
quale sit id , quod factum est , queritur , sine ulla 
nominis controversia. Huic generi Hermagoras par- 
tes quattuor supposuit , deliberativam , demonstra- 
tivam, juridicialem, negotialem. Quod ejus, ut nos pu- 
tamus, non mediocre peccatum , reprehendendum 
videtur, verum brevi; * ne aut, sitaciti preeterierimus, 
^ sine causa non secuti eum putemur; aut, si diutius in 
hoc constiterimus, moram atque impedimentum reli- 
quis preecéptis ihtulisse videamur. Si deliberatio et 
demonstratio genera sunt causarum, non possunt recte 
partes alicujus generis caus: putari. Eadem enim res 
alii genus esse, alii pars potest: eidem genus esse et pars 
non potest. Deliberatio autem, et demonstratio, genera - 
sunt causarum. Namaut nullum causz genusest, aut 
judiciale solum, aut et judiciale, et demonstrativum, 
et dehiberativum. Nullum dicere causæ esse genus , 
cum causas esse multas dicat, et in eas precepta det , 


! Dicunt, — 2 Ne, si aut. 





DE L'INVENTION, EIVRE I: 25 


IX... Si le fait.est constant, si l'on est d'accord sur le nom 
qu'on doit lui donner, et que néanmoins en examine 500 
étendue, sa nature, en un mot quel il est, s'il est juste ou 
injuste, utile ou nuisible, sans disputer sur le nom, c'est une 
question de genre. Hermagoras la sous-divise en quatre espèces : 
délibérative, démonstrative, juridiciaire et matérielle. Cette 
erreur me paraît assez grossière pour mériter d’être relevée , 
maisen peu de mots. La passer sous silence, serait laisser 
croire que je me suis écarté sans raison de l'opinion de ce 
rhéteur ; m'y arrêter trop long-temps, m'empécherait de tracer 
la suite de ces préceptes. Si le délibératif et le démonstretif 
sont des genres de cause, on he peut sans erreur les regar- 
der comme des espèces. La même chose peut bien être appelée 
genre par les uns, espèce par les autres ; mais elle ne saurait 
être genre et espèce à la fois. Or le délibératif et le démons- 
tratif sont des genres ; car, ou il n’y a pas de genre, ou il 
n'y en a d'autre que le judiciaire , ou bien il y a le délibéra- 
tif, le démonstratif et le judiciaire. Avancer qu'il n'y a pas 
de genre de cause, mais qu'il y a différentes causes, et.don- 
ner des préceptes pour les traiter, est une folie. D’an autre 
côté, comment le genre judiciaire pourrait-il exister seul 


24 DE INYENTIONE, LIBER I. 


amentia est. Unum autem judiciale solum esse qui po- 
test, cum deliberatio et demonstratio, neque ipse 
similes inter se sint , et ab judiciali genere plurimum 
dissideant, et suum queque finem habeat, quo referri 
debeat? Relinquitur ergo, ut omnia tria genera sint 
causarum. Deliberatio igitur, et demonstrauo,non pos- 
sunt recte partes alicüjus generis causæ putari. Male 
igitur eas generalis constitutionis partes esse dixit. 
X. Quodsi generis cause partes non possunt recte 
putari, multo minus recte partis causae partes puta- 
buntur. Pars autem causz, constitutio est omnis. Non 
enim causa ad coustitutionem, sed constitutio ad 
causam accommodatur. Sed demonstratio et delibe- 
ratio, generis caus: partes non possunt recte putari 
quod ipsa sünt genera. Multo igitur minus recte par- 
us ejus, quod hic dicit, partes putabuntur. Deinde 
si constitutio, et ipsa, et pars constitutionis ejus 
quelibet , intentionis depulsio est; quz intentionis 
depulsio non est , ea nec constitutio, nec pars cons- 
titutionis est. Át si, quz intentionis depulsio non 
est, ea nec constitutio, nec pars constitutionis est ; 
demonstratio et deliberatio, neque constitutio , nec 
pars constitutionis est. Si igitur constitutio , et ipsa, 
et pars ejus, intentionis depulsio est; deliberatio 
et demonstratio, ueque constitutio , neque pars 
constitutionis est. Placet autem ipsi, * constitutio- 
nem intentüonis esse depulsionem. Placeat igitur 
oportet , demonstrationem et deliberationem * non 


! Abest constitutionem. — Nec. « 


DE L'INVENTION , LIVRE I. 25 
lorsque le délibératif et le démonstratif , si différens entre eux, 
ont encore moins de rapport avec le judiciaire , lorsque chacun 
d'eux a un but particulier ? Il y a donc trois genres de causes ; 
on ne peut donc considérer le démonstratif et le délibératif 
comme des espéces. C'est donc à tort qu'Hermagoras les a 
considérés comme des espèces de la question de genre. 


X. Que si l'on ne peut les considérer comme des es- 
pèces d'un genre de cause , on se trompe plus lourdement 
encore en les faisant espéces d'espéces. Car la question en- 
tiere est une partie de la cause, puisque ce n'est pas la cause 
qui s'applique à la question, mais la question à la cause. 
Mais si le délibératif et ledémonstratif, parce qu'ils sont 
des genres, ne peuvent être considérés comme les espèces 
d'un genre de cause, encore moins doit-on les regarder comme 

des espèces d'espèces , ainsi que l'a fait Hermagoras. D’ail- 
Leurs, si repousser une accusation constitue la question elle- 
méme ou une partie de la question, ce qui n'y a pas de rap- 
port ne peut étre ni la question ni une partie de la question. 
Si donc repousser une accusation constitue la question ou une 
partie de la question , le délibératif et le démonstratif ne sont 
donc ni la question ni une partie de la question. Mais Her- 
magoras prétend que repousser une accusation constitue la 
question. Qu'il dise donc aussi que le délibératif et le dé- 

monstratif ne sont ni la question ni une partie de la question. 


Et soit qu'il appelle question la confirmation ou la réfutation 


26 DE INVENTIONE, LIBER 1. 


esse constitutionem, nec partem constitutionis. Átque 
hoc eodem urgebitur, sive constitutionem , primam 
causæ accusatoris confirmationem dixerit, sive defen- 
soris primam deprecauonem. Nam eum eadem omnia 
incommoda sequentur. 

Deinde conjecturalis causa non potest simul ex 
eadem parte, eodem in genere et conjecturalis esse, 
et definitiva. Rursus nec definitiva causa potest simul 
ex eadem parte, eodem in genere et definitiva esse, 
et translativa. Et omnino nulla constitutio, nec pars 
constitutionis potest simul et suam habere, et alte- 
rius in se vim continere : ideo quod unaquaeque ex 
se, et ex sua natura simpliciter consideratur : altera 
assumta , numerus constitutionum duplicatur, non 
vis constitutionis augetur. Át deliberativa causa simul 
ex eadem parte, eodem 1n genere et conjecturalem , 
et generalem , et definitivam , et translaüvam solet 
habere constituüonem , et unam aliquando, et plures 
nonnunquam. Ergo ipsa nec consütutio est, nec pars 
constitutionis. Idem in demonstratione solet usu eve- 
nire. Genera igitur, ut ante diximus, haec causarum 
putanda sunt, non partes alicujus constitutionis. 

XI. Hac ergo constitutio, quam generalem nomi- 
namus, partes nobis videtur duas habere , juridicia- 
lem, et negotialem. Juridicialis est, in qua æqui et 
iniqui natura, * præmii, aut poene ratio quzritur. 
Negotialis est, in qua, quid juris ex civili more, et 
æquitate. sit, consideratur : cui diligentiæ præesse 


! Aut prœmii. 


DE L'INVENTION, LIVRE I. a; 
intentée, il se trouve toujours dans le même embarres , i] 
: rentohtre toujours .les mêmes écueils. . 

Ensuite, une cause de conjecture ne peut à la fois, sur le 
méme point et dans le méme genre, être une cause de con- 
jecture et de définition. Une cause de définition ne peut, à 
la fois, sur le méme point et dans le méme genre , étre une 
cause de définition, et de récusation. Nulle question, enfin, 
nulle partie de question ne peut en contenir une autre, parce 
qué chacune d'elles est prise en elle-même, et cousidérée iso- - 
lément. Ajouter-en une nouvelle ; le nombre des questions 
est augmenté, mais la question n'a pas plus d'étendue. Mais 
une cause délibérative renferme ordinairement sur le mérhe 
point et dans le méme genre une ou plusieurs questions de 
conjecture, de genre, de définition et de récusation. Elle 
n'est donc ni la question elle-même, ni une partie de la ques- 
tion. Il en.est de méme pour lé démonstratif. Il faut donc les 
considérer comme !des genres de cause; et non «omme des 
espèces de question. - | 


XI. Ainsi, ce que nous appelons question de genre ren- 
ferme deux parties : la question juridieiaire qui définit le juste 
et l'injuste, qui décide si Von mérite ‘peine ou récompense ; 
la question matérielle, où l’on examine tout ce qui appar- 
tientau droit civil et à l'équité. Cette dernière est du domaine 
des jurisconsultes. 


28 DE INVENTIONE, LIBER I. 
apud nos jurisconsulti existimantur. Ac juridicialis 
quidem ipsa in duas distribuitur partes, absolutam 
et assumtivam. Absoluta est, quz ipsa in se continet 
juris et injurie questionem. Ássumtiva , quz ipsa ex 
se nihil firmi dat ad recusationem ; foris autem aliquid 
defensionis assumit. Ejus pages sunt quattuor, con- 
€essio, remotio criminis, relatio criminis, comparatio. 
Concessio est, cum reus non id, quod factum est, 
defendit, sed ut ignoscatur, postulat. Hzc in duas 
partes dividitur, purgetionem et deprecationem. Pur- 
gatio est , cum factum conceditur, culpa removetur. 
Hsc partes habet tres, imprudentiam, casum , neces- 
sitatem. Deprecatio est , cum et peocasse, et consulto 
peccasse reus se confitetur, et tamen, ut ignoscatur, 
postulat : quod genus perraro potest accidere. Remo- 
tio criminis est , cum id crimen, quod infertur, ab se 
et ' ab sua culpa, vi et potestate in alium reus re- 
movere conatur. Id dupliciter fieri poterit, si.aut 
causa , aut factum in alium transferetur. Causa trans- 
fertur, cum aliena dicitur vi et potestate factum. Fac- 
tum autem , cum alius aut debuisse, aut potuisse 
facere dicitur. Relatio criminis est , cum ideo jure 
factum dicitur, quod * aliquis ante injuria lacessierit. 
Comparatio est , cum aliud aliquod ? alicujus factum 
rectum aut utile contenditur, quod ut fieret , illud, 
quod arguitur, dicitur esse commissum. 

In quarta constitutione , quam translativam nomi- 
namus , ejus constitutionis est controversia , cun) aut 


? À sua. — ? Alins. — ? Abest alicujus. 





DE L'INVENTION, LIVRE I. 29 

La question juridiciaire se sous-divise encore en absolue et 
accessoire : absolue , quand elle renferme en elle-même l'exa- 
men du juste et de l'injuste ; accessoire, si la défense faible 
par elle-méme acquiert du poids par des circonstances étran- 
geres au fond dela cause. Elle offre quatre chefs : l'aveu du 
crime, le recours, la récrimination et la nécessité d'alter- 
native. L'accusé, en avouant le crime, implore-t-il son par- 
don, c'est l'aveu du crime. Alors il emploie le défaut d'inten- 
tion ou la déprécation. Par le défaut d'intention, il convient 
du fait, sans s'avouer coupable, et rejette la faute sur 
son imprudence, sur le hasard ou la nécessité. Par la dé- 
précation, l'accusé avoue qu'il a failli, et failli sciemment; 
mais il demande qu'on ait pitié de lui. IL est très-rare de 
pouvoir employer ce moyen. Par le recours, on se disculpe 
en rejetant l'accusation sur un autre, en démontrant qu'elle ne 
saurait tomber sur. nous, et l'on impute à autrui ou la cause 
ou le fait : la cause, quand nous avons obéi' à une puissance 
étrangère ; le fait, quand on dit qu'un autre a dà ou pu 
commettre la faute. Dans la récrimination on soutient qu'on 
a eu droit d'agir comme on a fait, parce qu'on a été pro- 
voqué. Si l'on montre qu'on avait pour but une action utile 
ou honorable , c'est la nécessité d'alternative. 

Dans la quatrième question, que nous appelons de récusa- 
tion , il s'agit de connaître si l'accusateur a droit d'intenter 
son action ; s'il l’a fait devant le tribunal , suivant la loi, dans 
la forme et dans le.temps convenables ; enfin, si quelque irré- 


3o DE INVENTIONE, LIBER I. 

quem , aut quicum, aut quomodo, aut apud quos; 
aut quo jure , aut quo tempore agere oporteat, quæ- 
ritur, aut omnino aliquid de commutatione, aut in- 
firmatione actionis agitur. Hujus constitutionis Her- 
magoras inventor esse existimatur, non quo non usi 
sint ea veteres oratores saepe multi, sed quia non 
animadverterint artis scriptores eam superiores , nec 
retulerint in numerum constitutionum. Post autem 
ab hoc inventam multi reprehenderunt, quos non 
tam imprudentia falli putamus ( res enim perspicua 
est ), quam invidia atque obtrectatione quadam im- 
pediri. 

XII. Et constitutiones quidem , et earum partes 
exposuimus : exempla autem cujusque generis tunc 
commodius exposituri videmur, cum in unumquod- 
que eorum argumentorum copiam dabimus. Nam 
argumentandi ratio dilucidior erit, cum et ad genus, 
et ad exemplum causs statim poterit accommodari. 

: Constitutiohe causæ reperta , statim placet consi- 
derare, utrum causa sit simplex, an juncta; et si 
juncta erit, utrum sit ex pluribus quæstionibus 
juncta, an ex aliqua comparatione. Simplex est, qua 
absolutam in se continet unam questionem , hoc 
modo : « Corinthiis bellum indicamus, an non. » 
Conjuncta ex pluribus quæstionibus, in qua plura 
quæruntur, hoc pacto : « Utrum Carthago diruatur, 
« an Carthaginiensibus reddatur, an eo colonia dedu- 
« catur. » Ex cornparatione, in qua per contentionem; 
utrum potius ,:aut quid potissimum sit, quaritur, 








DE L'INVENTION, LIVRE Î. 51 
gularité peut faire porter la cause devant un autre tribunal, 
ou annuler Faccusation. Hermagoras passe pour l'inventeur 
de cette question; non qu'une foule d'orateurs ne s'en soient 
servis avant lui , mais parce qu'elle avait échangé aux pre- 
miers rhéteurs, et qu'ils ne l'avaient point mise au nombre des 
questions. On a contesté depuis à Hermagoras l'honneur de 
cette découverte , moins par ignorance ( la chose est assezévi- 


dente pàr elle-méme ) que par jalousie et par envie de nuire. 


XII. Nous avons fait connaître et les questions et leurs dif- 
férentes parties. Il nous sera plus facile de donner des exem- 
ples de chacune d'elles quand nous traiterons des argumens 
qui leur conviennent. La marche du raisonnement ne sera- 
t-elle pas plus claire, quand on pourra l'appliquer sur-le- 
champ au genre et à la cause? | 

La question posée, il faut examiner si la’ cause est simple 
ou complexe. Complexe, elle peut se composer de plusieurs 
questions , ou renfermer une comparaison. La cause simple 
ne contient qu'une seule question absolue; par exemple: 
« Déclarerons-nous la guerre aux Corinthiens, ou non? » Dans 
la cause complexe, composée de plusieurs questions, on a 
plusieurs points à examiner ; par exemple : « Faut-il détruire 
« Garthage, la rendre aux Carthaginojs, ou bien y envoyer 
« ube colonie? » Dans la comparaisen, on discute de deux 


52 DE INVENTIONE, LIBER I. 


ad hunc modum : « Utrum exercitus in Macedoniam 
« contra Philippum mittatur, qui sociis sit auxilio; 
« an teneatur in Italia , ut quam maxim: contra Han- 
« nibaleg copiz sint. » Deinde considerandum est, in 
inn scripto sit controversia. Nam scripti con- 
troversia est ea, qua ex scriptionis genere nascitur. 


XIII. Ejus autem genera, quz sunt separata a 
constitutionibus, quinque sunt. Nam cum verba ipsa 
videntur cum sententia scriptoris dissidere, tum inter 
se duæ leges, aut plures discrepare , tum id, quod 
scriptum est, duas aut plures res significare : tum 
ex eo, quod scriptum est, aliud quoque , quod non 
scriptum est, inveniri : tum vis verbi, quasi in defi- 
nitiva constituüone, in quo posita sit, quari. Quare 
primum genus, de scripto et sententia ; secundum, 
ex contrariis legibus; tertium , ambiguum; quartum, 
ratiocinativum ; quintum , definitivum nominamus. 
Ratio autem est, cum omnis questio non in scrip- 
tione, sed in aliqua argumentatione consistit. 

At tum considerato genere causæ, et cognita cons- 
titutione , cum , simplexne , an conjuncta sit, intel- 
lexeris , et scripti , an rationis babeat controversiam, 
videris; deinceps erit videndum, quz quæstio, que 
ratio, quæ judicatio , quod firmamentum cause sit : 
quiz omnia a constitutione proficiscantur oportet. 
Quæstio est ea , quz ex conflictione causarum gigri- 
tur controversia , hoc modo : « Non jure fecisti. » 
— « Jure feci. » Causarum autem hzc est conflieuo, 








DE L'INVENTION, LIVRE I. 33 
partis quel est le plus avantageux. « Doit-on envoyer une 
« armée en Macédoine contre Philippe, pour défendre nos 
« alliés, ou la faire rester en Italie, pour opposer à Annibal 
« des forces plus considérables ? » Examinez ensuite si la dis- 
cussion porte sur le raisonnement ou sur le sens littérel , c'est- 
à-dire sur ce qui est écrit. 

XIII. Ce dernier genre de cause se divise en cinq espéces, 
qu'il ne faut pas confondre avec les questions ; car, tantôt les 
expressions du législateur ne semblent pas d'accord avec son 
intention , tantôt deux ou plusieurs lois sont en contradiction, 
ou bien la loi a deux ou plusieurs sens différens ; ou l'on peut 
déduire du sens littéral de la loi ce qu'il n'exprime point ; ou 
enfin, comme dans la question de définition, il faut trouver 
la valeur de chaque expression. Ainsi la premiére espéce s'oc- 
cupe du sens littéral de la loi et de l'intention du législateur; 
la seconde, des lois contradictoires ; la troisième, de termes 
ambigus; la quatrieme , de l'analogie; et la cinquième, de 
la définition. 

Dans les causes de raisonnement , la question ne porte pas 
sur le point littéral , mais sur quelque point de raisonnement. 
Dès qu'on a examiné le genre de la cause, posé l'état de la 
question , distingué si elle est simple ou complexe, si elle porte 
sur le sens littéral ou sur un raisonnement, il faut trouver 
le point de discussion, la raison, le point à juger et la preuve 
fondamentale. Tout cela doit naître de l'éjat de la question. 

IL. 3 


34 DE INVENTIONE, LIBER I. 


in qua constitutio constat. Ex ea igitur nascitur con- 
troversia, quam quæstionem dicimus , hoc modo : 
« Jurene fecerit. » Ratio ' est, qui continet causam, 
que si sublata sit, nihil in causa controversiæ relin- 
quetur, hoc modo , ut docendi causa in facili , et per- 
vulgato exemplo consistamus : Orestes si accusetur 
matricid, nisi boc dicat, « Jure feci ; illa enim 
« patrem meum occiderat : » non habet defensionem. 
Qua sublata , omnis quoque controversia sublata sit. 
Ergo ejus causæ ratio est, « Quod illa Agamemnonem 
« occiderit. » Judicatio est, qux ex infirmatione, et 
confirmatione rationis nascitur controversia. Nam sit 
ea nobis exposita ratio, quam peulleante exposuimus. 
« Illa enim, inquit, patrem * meum occiderat. » — 
« Át non, inquit adversarius, abs te filio matrem 
« necari oportuit. Potuit enim sine tuo scelere illius 
« factum puniri. » 

XIV. Ex hac deductione rationis, illa summa nas- 
citar controversia, quam judicationem appellamus. 
Ea est hujusmodi : « Rectumne fuerit, ab Oreste 
« matrem oceidi, cum ilJa Orestis patrem occidisset. » 
Firmamentum est firmissima argumentatio defenso- 
ris ,, et ? appositissima ad judicationem : ut si velit 
Orestes dicere, « ejusmodi animum matris suæ fuisse 
-in.patrem #hum, in se ipsum ac sorores, in regnum, 
in famam generis et familiz, ut ab ea poenas liberi sui 
potissimum petere debuerint. » Et in ceteris quidem 
constitutionibus ad hunc modum judicationes repe- 


! Est ea. — ? Abest meum. — ? Aptissima. 


DE L'INVENTION, LIVRE I. 95 
Le point de discussion est:le débat produit par le choc des 
causes : Vous n’aviez point de droit de le faire. Je l'avais. 
Le choc des causes établit l'état de ha questión. C'est dónc 
de l'état de Ja question que naissent ces débats que nous ap- 
pelons point de discussion : « Avait-il droit de le faire? » 
Les raisons renferment la cause : ótez- les, il n'y a plus de 
débat. Ainsi. pour nous en tenir à un exemple facile et oonnu; 
Oreste est actusé d'avoir tué sa mère. S'il ne répond point: 
« J'en avais le droit, perce qu'elle avait tué mon père, A 
il ne peut se défendre : alors il n'y a point de débat. Sa raisori 
sera donc qu'elle a tué Agamemnon. De l'attaque et de la 
défense naît le point à juger ; et pour continuer à nous servir 
de l'exemple d'Oreste : « Elle avait tué mon père, » dit-il; 
mais, réplique l'accusateur : « É:tait-ce à vous, son fils, de 
« lui donner la mort? Falleit-il puniz un crime par tn crime? » 

. XIV. Le développement des raisons produit ce que nous 
appelons point i: juger : « Oreste s-til eu droit. de tuer sa 
« mère, párce qu'elle avait tué le père dOreste? » 

La preuve fondamentale est le plus ferme rempart de 1'a 
cusé ; ainsi Oreste peüt dire : « Les sentimens de ma mére 
« pour son époux, pour moi-méme , pour mes sœurs, pour 
« notre empire , pour la gloire de notre famille , étaient tels, 
« que ses enfans avaient plus que tout autre- le droit de la 
« punir. » Telle est la maniére de trouver dans tout état de 
question le poiw à juger. Néanmoins, dans la qugstion .de 
conjecture, comme il n'y a pas de rains, puisquionæfac- 


56 DE INVENTIONE , LIBER I. 


riuntur : in conjecturali autem constitutione, quiá 
ratio non est ( factum enim non conceditur ) non 
potest ex deductione rationis nasci judicatio. Quare 
necesse est eandem esse quaestionem et judicationem: 
ut, « Factum est, ' » — « Non est factum ; » — « Fac- 
« tumne sit ? » Quot autem in causa constitutiones, 
aut earum partes erunt, totidem necesse erit quæstio- 
nes, rationes , judicationes , firmamenta reperiri. 

His omnibus in causa repertis, * tum denique sin- 
gulæ partes totius cause considerandæ sunt. Nam 
non ut quidque dicendum primum, ita primum ani- 
madvertendum videtur : ideo quod illa, qua prima 
dicuntur, si vehementer velis congruere, et cohæ- 
rere cum causa, ex eis ducas oportet , qua post di- 
cenda sunt. Quare cum judicalio, et ea, qus ad 
judicationem oportet inveniri argumenta , diligenter 
erunt artificio reperta , cura et cogitatione pertrac- 
tata; tum denique ordinanda suut ceteræ partes ora- 
tionis, Hæ partes sex esse omnino nobis videntur; 
exordium , narrauo, partitio, confirmato, reprehen; 
sio , conclusio. Nunc quoniam exordium princeps 
omnium esse debet, nos quoque primum i in rationem 
exordiendi praecepta dabimus. 


XV. Exordium est oratio animum auditoris idonee 
comparans ad reliquam dictionem : quod eveniet, si 
eum benevólum, àttentum , docilem fécerit. Quaré 
qui bene exordiri causam Solet; eüm necesse est 
genus suæ causé diligenter ante cognoscere. Genera 

-.£Fectunvpea est. — ? Tanc. Me 


, N 

DE L'INVENTION, LIVRE I. 5^ 
carde.pes le fait, le point à juger ne peut naître du déve- 
loppement des raisons. Alors le point de discussion et le point 
à juger ne forment nécessairement qu'un. Le fait existe; il 
n'existe pas : existe-t-il? Autant il y a dans une cause d'états 
de questions , autant il doit nécessairement y avoir de points 
de discussion , de raisons, de points à juger et de preuves 
fandamentales. 
. Toutes ces divisions établies, considérez isolément chacune 
des parties de la .cause , et n’allez point vous occuper d'a- 
bord de ce que vous devez dire en commencant. Voulez- 
vous que vos premiers mots se lient bien, et soient dans une 
harmonie parfaite avec le fond de la cause? faites-les naître 
de ce qui doit suivre. Quand l'art , l'étude et la méditation 
vous auront montré le point à juger, et tous les raisonne- 
mens quil'appuient, ordonnez les différentes parties de votre 
discours. Il y en a six, a ce qu'il nous semble : l'exorde , 
la narration, la division ,. la confirmation, la réfutation et 
là pérotaison. Nous traiterons d'abord de l'exorde , puisqu'il 
se Sese le prese 


XV. L'exorde prépare l'auditoire à entendre le reste du 
discours. Il doit donc lui inspirer la bienveillance, l'attention 
et la.docilité. Aussi lorateur, pour faire un bon exorde, 
doit-il connaitre parfaitement la nature de sa cause. Les causes 
sout honnêtes, extraordinaires, basses, douteuses ow obs- 


58 DE INVENTIONE, LIBER I. 
causarum sunt quinque , honestum, admirabile , bu- 
mile, anceps, obscurum. Honestum cauez gegus eat, 
cui statim sine oratione nostra auditoris favet animus : 
admirabile , a quo alienatus est animus eorum, qui 
audituri sunt : humile , quod negligitur ab auditore, 
et non magnopere attendendum videtur : anceps, in 
quo aut judicatio dubia est; aut causa, et honestatis, 
et turpitudinis particeps, ut et benivolentiam pariat, 
et offensionem : ohbscarum , in quo aut tardi sudi- 
tores eunt, aut. difficilioribus ad eognosoendum ne- 
gouis causa implicita est, Quare quoniam tam di- 
versa sunt genera causarum , exordiri quoque dispari 
ratione in unoquoque genere neresse est. Igitur exor- 
dium in duas partes dividitur, in principium et insi- 
nuationem. Principium est oratio, perspicue et pro- 
tinus perficiens auditorem benivolüm, aut docilem, 
aut attentum. Insinuatio est oratio quadam dissimula- 
tioneet cirouitione obscure subiens auditorisanimum. 
Iu admirabili genere causæ, si noa omnino infesti 
auditores erunt, principia benivolentiam comparare 
licebit. Sin erunt vehementer abalienati, confugere 
necesse erit ad insinuationem. Nam ab iratis si pers- 
picue pax et benivolentia petitur ; non modo ea non 
invenitur, sed augetur atque inflammatur odium. In 
humili autem genere causæ , contemtionis tollendæ 
causa, necesse erit attentum efficere auditorem. An- 
ceps genus cause, si dubiam judicationem habebit , 
ab ipsa judicatione exordiendum est. Sin autem par- 
tem turpitudinis et partem honestatis habebit, bent 





DE L'INVENTION, LIVRE I. A 
cures. Hannêtes, quand l'auditoire est de lui-même prévenu 
en notre faveur ; extraordinaires, quand les esprits sont in- 
disposés contre vons ; basses, si l'auditeur les dédaigne et 
n'y attache pas grand intérét ; douteuses, sile pointà juger 
est incertain, ou si la cause, tout à la fois honnête et hon- 
teuse, prévient également pour et contre elle ; obscures, enfin, 
si elles se refusent à l'intelligence des auditeurs, ou si la 
multiplicité des ineidens y répand de la confusion. Ces genres 
de causes si différens demandent donc des exordes differens ; 
ainsi nous distinguerons deux sortes d'exardes : l'exorde direct, 
et l'exorde par insinuation. Le premier eherche ouvertement 
à disposer l'auditoire à la bienveillance , h l'attention et à la do- 
cilité. L'insihuation se cache avec adresse, et, par des détours 
obscurs, se glisse dans l'esprit de l'auditeur. : 

Dens une cause extraordinaire, si les esprits ne sont pas 
trop indisposés contre vous, táchez de vous les rendre favo- 
rables par l'exorde direct : sont-ils violemment animés, ayez 
recours à l'insinuation ; ear demander ouvertement à un homme 
ericore irrité son induigence et son amitié, c'est le plus sûr 
moyen, non-senlentent d’être refusé, mais de l'irriter encore 
et d'enflammer sa haine. Dans une cause basse , pour éloigner 
le mépris , il faut rendre l'auditeur attentif. La cause est-elle 
douteuse, si le point à juger est incertain, commencez par le 
point à juger : si elle est a La fois honnête et honteuse, pour 
vous concilier la bienveillance, ne la montrez que sous le jour 
le plus avantageux. Dans une causé honnête, vous pouvez passer 


40 DE INVENTIONE , LIBER I. 


volentiam captare oportebit, ut in genus honestum 
causa translata videatur. Cum autem erit honestum 
cause genus, vel præteriri principium poterit, vel, 
si commodum fuerit , aut a narratione incipiemus, 
aut a lege, aut ab aliqua firmissima ratione nostræ 
dicüonis : sin uti principio placebit, benivolentiæ 
partibus utendum est, ut id, quod est, augeatur. 

XVI. In obscuro cause genere , per principium 
dociles auditores efficere oportebit. Nunc , quoniam, 
quas res exordio conficere oporteat, dictum est ; re- 
liquum est, ut ostendatur, quibus quseque res ratio- 
nibus confici possit. 

Benivolentia quattuor ex locis comparatur : ab 
nostra , ab adversariorum , ab judicum persona, ab 


ipsa causa. Ab nostra, si de nostris facts et officiis - 


'Sifte arrogantia dicemus: si crimina illata, et aliquas 
minus honestas suspiciones injectas diluemus : si, 
quæ incommoda acciderint , aut quæ instent difficul- 
tates, proferemus : si prece, et obsecratione humili, 
ac supplici utemur. Ab adversariorum autem, si eos 
aut in odium, aut in invidiam, aut in contemtionem 
adducemus. In odium adducentur, si quod eorum 
spurce, superbe, crudeliter, malitiose factum pro- 
feretur. In invidiam, si vis eorum, potenua, divitiz, 
cognatio, pecuuiæ proferentur, atque eorum usus 
arrogans et intolerabilis ; ut his rebus magis videan- 
tur, quam cause sue confidere: in contemtionem 
adducentur, si eorum inertia , negligentia, ignavia, 
desidiosum studium, et*luxuriosum otium profere- 





DE L'INVENTION, LIVRE I. "m 
l'exorde, et, si vous le jugez à propos, commencer par la nar- 
ration, par la citation de la loi, ou par quelque raison solide; 
ou, si vous voulez un préambule, employez les moyens de bien- 


veillance pour achever de gagner votre auditoire. 


XVI. Dans une cause obscure, que l'exorde direct rende 
d'abord les esprits dociles et attentifs. Nous avons montré quel 
est le but de l'exorde, enseignons maintenant les moyens d'en 
assurer le succés. | 
— L’orateur a quatre moyens de captiver la bienveillance : il 
les puise dans sa propre personne, dans celle des adversaires, 
des juges, enfin dans la cause méme. 

Il parlera modestement de sa conduite et de sa fidélité à ses 
devoirs; il repoussera les accusations, les honteux soupçons 
répandus sur son compte; il retracera les malheurs qu'il a 
éprouvés, ceux qui le menacent encore ; enfin, il aura recours 
auX priéres et aux supplications; il répandra sur ses adver- 
saires l'envie, la haine et le mépris. Pour les rendre odieux, 
on cite des preuves de leur turpitude, de leur orgueil, de 
leur cruauté, de leur méchanceté. Veut-il en faire un objet 
d'envie, qu'il vante leur puissance, leur fortune, leurs al- 
liances : ils en abusent insolemment, ils comptent bien plus sur 
tous ces moyens que sur la justice de leur cause. Rendez-les 
méprisables en dévoilant leur paresse, leur indolence, leurs 
frivoles occupations, leur molle et voluptueuse oisiveté. Pour 


4a DE INVENTIONE , LIBER I. 


tur. Ab euditorum persona benivolenüa captabitur; 
si res ab bis fortiter, sapienter, mansuete gestæ pro- 
ferentur, ut ne qua assentatio nimia significetur : et 
si de his, quam honesta existimatio, quantaque eorum 
judicii et auctoritatis exspectatio sit, ostendetur. Ab 
ipsis rebus, si nostram causam laudando extollemus, 
adversariorum causam per contemtionem deprime- 
mus. Áttentos autém faciemus, si demonstrabimus, 
ea, qua dicturi erimus , magua, nova, ineredibilia 
esse , aut ad omnes, aut ad eos , qui audiunt, aut ad 
aliquos illustres homines, aut ad deos immortales , 
| aut ad summam ' rempublicam pertinere; et si polli- 
cebimur, nos brevi nostram causam demonstraturos, 
atque exponemus judicationem , aut judicationes, si 
plures erunt. Dociles auditores faciemus , si aperte 
et breviter summam causæ exponemts; hoc est, in 
quo consistat controversia. Nam et eum docilem velis 
facere, simul attentum facias oportet, Nam 15 maxime 
do«ilis est, qni atevtissime est paratus audire. 
XVII. Nunc insinugüones quemadmodum tractari 
conveniat, deinceps dicendum videtur. Insinuatione 
igitur utendum est, cum admirabile genus causæ est, 
hoc est, ut ante diximus, cum animus auditoris in- 
festus est. Id autem tribus ex causis fit maxime; si 
aut inest in ipsa causa quzdam turpitudo, aut ab iis, 
qui ente dixerunt , jam quiddam auditori persuasum 
videtur, aut eo tempore locns dicendi datur, cum jam 
ill, quos audire oportet, defessi supt audicndo- Nam 


! Reipublicz. 





DE L'INVENTION ; LIVRE I. 45 
mériter.le bienveillance des: juges, l'orateurloue sans trop de 
complaisance , eur :ocsrege., leur sagesse , leur bonté, en ss- 
shratt qu'ils répondront à la noble estime et à l'attente du pu- 
bike. Enfin, Li tdüse ellé-méine devient une source de bienveil- 
lance, loi en la Somblant d'éloges , on fait ressortir par le 
contraste tout ce qui déshonore celle des adversaires. 
Voulez-vous rendre J'auditeur attentif, annoncez que vous 
allez traiter un sujet grand, neuf, extzeordinaue, qui inté- 
rense. tous, les. citoyens. ou. viotee auditoire en pastioliar, ou 
quelques :héros, ou les. dieux immertels, ou la république. 
Promettez de développér bientôt votre cause, et d'abord faîtes 
connaître le point où | Te points i à juger. Soyez clair et concis 
dans l'exposé de la cause, c 'est-a-dire du point de discussion, 
et vous rendrez vos, auditeurs dogiks ; car je ne sépare point 
la docilité de l'attention, puisque le plus docile est celui qui 
promet le plns d'attention. 


XVII. Comment faut-il traiter l'exotde par insiauation? 
Voilà oe quá va nous oenuper. I1 faut l'employer dans les causes 
extraordinaires, c'esta-dire, comme nous l'avens avancé plus 
hout, quaddl'auditoire est indisposé contre nous; ce qui armve 
quand la cause a quelque chose de honteux, quand l'auditoire 
paraît déjà convaincu par ceux qui ont parlé, ou que son 
attention paraît fatiguée ; circonstance qui n'inspire pas moins 
de prévention que les deux. autres. 

Si la bassesse de la cause peut blesser l'auditoire, à la per- 


44 DE INVENTIONE, LIBER I. 

ex hac quoque re.non minus, quat ex-primis duabus; 
in' oratore nonnunquam artiimus.audioris offenditur. 
Si causz turpitudo contrahet offensionem ; aut pro eo 
homine, in quo offenditur, alium I hominem, qui di- 
ligitur, 1 interponi oportet : aut pro re; in qua: offen- 
ditur, aliam rem, qua probatur aut prore; ; hominem, 
autpro homine rem, ut ab eo, quod odit, ad id, quod 
diligit, auditoris animus traducatur, et dissimuláre id 
te defensurum, quod existimeris defensurus : deinde, 
cum jam mitior factus erit auditor, ingredi pedetentim 
in defensionem , et dicere ,. dà , que ? indignenitur 
adversarii ,. tibi quoque indigna videri : deinde(cum 
Jenieris eum , qui audiet ), demonstrare, nihil eorum 
ad te pertinere, et negare te quidquam de adversariis 
esse dicturum, neque hoc, neque illud : ut neque 
aperte lzedas eos, qui diliguntur, et tamen 1d obscure 
faciens, quoad possis , alienes ab eis auditorum vo- 
luntatem : et aliquorum judicium simili de re , aut 
auctoritatem proferre imitatione dignam : deinde ean- 
dem , aut consimilem, aut majorem, aut minorem agi 
rem in praesentia demonstrare. Sin oratio adversario- 
rum fidem videbitur auditoribus fecisse , * id quod 
ei, qui intelligit, quibus rebus fides fiat , facile erit 
cognitu; oportet aut de eo, quod adversarii sibi fir- 
missimum putarint, et maxime ii , qui audierint , 
probarint, primum te dicturum polliceri , aut ab ad- 
versarii dicto exordiri, et ab eo potissimum , quod 
ille nuperrime dixerit : aut dubitatione uti , quid pri- 


' Oratione, — ? Indisnantur. — ? Abest id. 


DE L'INVENTION, LIVRE I. 45 
sonne ou à la chose ‘sur qui tombe le mépris, substituez une 
personne ou une chose qui intéresse ; ou bien à la personne, 
substituez àne chose ou à la chose une personne pour ame- 
. Rer insensiblement l'auditéur de ce qui lui plait à ce qui le 
blesse. Dissimulez d'abord l'intention de défendre ce qu'on 
vous reproche ; et quand l’auditoire sera calmé, commencez 
insensiblement votre justification ; dites que vous partagez l'in- 
dignation de vos agversaires, mais que vous n'avez rien fait de 
semblable à ce dont ils vous accusent. Protestez de vos égards 
pour leur personne; et, sans blesser ouvertement des hommes 
énvironnés de la faveur publique, tüchez, par des attaques 
indirectes, de la leur enlever. Vous pouvez enfin rapporter 
un jugement rendu dans une affaire semblable, ou du moins 
analogue; et montrer tous les rapports qu'il offre avec votre 
cause. 

, Le discours de votre adversaire a-t-il persuadé l'auditoire 
(ce qu'avec quelque habitude de l'éloquence il est facile de con- 
náitre ) , il faut promettre de détruire avant tout la preuve sur 
laquelleil a le phas insisté et qui a fait le plus d'impression. On 
pourra tirer encore son exorde des paroles mémes de l'adver- 
saire, surtout des dernières, ou paraître embarrassé sur le choix 
des réfutations qui s'offrent de toutes parts. L'auditeur qui vous 
croyait vaincu et terrassé ne peut se persuader que tant de con- 
fiance n'aitaucun fondement, et s'accuse plutót d'une folle cré- 
dulité. Si l'attentionest fatiguée, on promettra de ne point. plai- 
der comme l'orateur qu'on vient d'entendre. Quand le sujet le 


46 DE INVENTIONE, LIBER 1. 
mum dicas, aut cui potissimum loco réspondeas, 
cum admiratione. Nam auditor cam eum, quem ad- 
versarii perturbatum putant oratione , videt animo 
firmissimo contra dicere paratum , plerumque se po- 
tius temere assensisse , quam illum sine causa confi- 
dere arbitratur. Sin auditoris studium defatigatio 
abalienavit a causa, te brevius , quam paratus fueris, 
esse dicturum , commodum est polliceri ; non imi- 
taturum adversarium. Siri res dabit, non inutile est 
ab aliqua re nova aut ridicula incipere : aut ex tem- 
pore que nata sit; quod genus , strepitum, accla- 
mauonem : eut jam parata, quz vel apologum , vel 
fabulam, vel aliquam contineat irrisionem : aut , si 
rei dignitas adimet jocandi facultatem, aliquid triste, 
novum, horribile, statim non incommodum est in- 
jicere. Nam ut cibi satietas, et fastidium aut subamara 
aliqua re relevatur, aut dulci mitigatur; sic animus 
defessus audiendo , aut admiratione integratur, aut 
' risu * novatur. | 
XVIII. Ac separatim quidem, quee de prineipio 
et insinuatione dicenda videbantur, heo. fere sunt, 
Nunc quiddam breviter et communiter de utroque 
præcipiendum videtur. Exordium, sententiarum et 
gravitatis plurimum debet babere , e omnino omnia, 
quæ pertinent ad dignitatem, in se continere, prop- 
terea quod id optime faciendum est , quod oratorem 
auditori maxime * commendet : spleridoris , et festi- 
vitatis , et coneinnitudinis minimum, Massi quod 


! Renovatur. — * Cortnendat. 





DE L'INVENTION, LIVRE L 47 
permet, on commence par quelque chose de neuf ou de plai- 
sant, inspiré par les circonstances, comme une exclamation ; - 
ou médité, comme un apologue ou un conte. Si la gravité du 
sujet vous Óte cette ressource, frappez d'abord les esprits de 
tristesse, d'étonnement ou de terreur. Car si la douceur ou 
l'amertume des mets flatte ou pique un palais engourdi par 
le dégoût et la satiété, la surprise ou la gaîte savent réveiller 
l'attention déja fatiguée. 


XVIII. Tolles eoat les règles particalieres de l'exorde direct 
et de l'insinuatioh : celles qu'il me reste à tracer leur sont 
cómmunes à tous deux. 

Le but de l'exorde est de donner une idée favorable de 
l'orateur : il'sera donc plein de gravité, de noblesse, semé 
de sentences : rien de pompeux, de fleuri, d'affecté : il sen- 
ürait l’art et le travail; et c'est ôter au discours la persua- 
sion, et b l'orateut toute confiance. 

Voyons maintenant les défauts qu'on doit surtout éviter 


48 DE INVENTIONE, LIBER I. 

ex his suspicio quædam apparationis atque artificiosæ 
diligenuse nascitur : quæ maxime orationi fidem, ora- 
tori adimit auctoritatem. Vitia vero hzc sunt certis- 
sima exordiorum, quæ summopere vitare oportebit; 
vulgare , commune, commutabile, longum, separa- 
tum , translatum, contra precepta. Vulgare est, quod 
in plures causas potest accommodari , ut convenire 
videatur. Commune est, quod nihilo minus in hanc; 
quam in contrariam partem causæ, potest convenire. 
Commutabile est, quod ab adversario potest, leviter 
mutatum ex contraria parte dici. Longum est, quod 
pluribus verbis, aut sententiis , ultra quam satis est, 
producitur. Separatum est, quod non ex ipsa causa 
ductum est, nec, sicut aliquod membrum, annexum 
orationi. Translatum est, quod aliud conficit, quam 
causæ genus postulat : ut si quis qiie» faciat audi- 
torem , cum benivolentiam causa : desiderat : aut , si 
principio utatur, cum insinuationem res ? postulat. 
Contra precepta est, quod nihil eorum efficit, quo- 
. rum causa de exordiis precepta traduntur : hoc est, 
quod eum , qui audit, neque benivolum , neque at- 
tentum, neque docilem efficit: aut, quo profecto nihil 
pejus est, ut contra sit, facit. Ac de exordio quidem 
satis dictum est. 

XIX. Narratio est rerum gestarum, aut ut ges- 
tarum, expositio. Narrationum tria sunt genera: 
unum genus est, in quo ipsa causa, et omnis ratio 
controversi& continetur : serum, in quo digressio 


T Desiderct. — ? Postalet. 








DE L'INVENTION, LIVRE I. 49 
dans l’exorde, il est défectueux , s’il s'applique indifféremment 
à plusieurs causes, ou si l'adverssire peut l'employer mot à 
mot ou avec de légers changemens. La diffusion dans le style 
ou dans les pensées est encore un défaut. Il doit naitre de la 
cause méme, et ne faire avec elle qu'un seul corps. Il doit 
surtout ne pas produire un effet différent de celui qu'exige 
le genre de la cause, ni rendre l'auditeur docile, quand. il 
s'agit de se concilier sa bienveillance ; ni étre direct, quand 
l'insinuation est nécessaire. Enfin, il est opposéaux principes, 
s'il manque son but , et s'il ne rend l'auditeur, ni docile, ni 
bienveillant , ni attentif, ou, cequi est pis encore, s’il l'indis- 


pose contre nous. Mais c'en est assez sur l'exorde. 


XIX. La narration est l'exposé des faits ou de ce que l'on 
regarde comme tels. ll y a trois genres de narrations. Le pre- 
mier renferme la cause méme et le point de discussion. Le 
second s'éloigne du sujet afin de l'agrandir, del'orner, d'y placer 

II. á 


5o DE INVENTIONE, LIBER I. 


aliqua extra causam aut criminationis , aut similitu- 
dinis, aut delectationis non alienz ab eo negotio, quo 
de agitur, aut amplificationis causa, interponitur. 
Tertium genus est remotum a civilibus causis , quod 
delectationis eausa, Bon inutili cum exercitauone, 
dicitur et scribitur. Ejus partes sunt dux, quarum 
altera in negotiis, altera in personis maxime versatur. 
Ea, qua in negotiorum expositione posita est, tres 
habet partes , fabulam, historiam , argumentum. Fa- 
bula est, in qua nec verz , nec verisimiles res conti- 
nentur : cujusmodi est: | 


Angues ingentes alites , juncti jugo. 


Historia est gesta res, ab ætatis nostræ memoria re- 
mota : quod genus, « Appius indixit Carthaginien- 
« sibus bellum. » Argumentum est ficta res, quæ 
tamen fieri potuit. Hujusmodi apud Terentium: 


Nam is postquam excessit ex ephebis, Sosia. 


Illa autem narratio , quæ versatur in personis, ejus- 
modi est , ut in ea simul cum rebus ipsis personarum 
sermones , et animi perspici possint, hoc modo: 


Venit ad me sæpe clamitans , Quid agis, Mitio? 
Chr perdis adolescentem nobis? cur amat? 

Dur potat? our tu his rebus sumtum suggeris? 
Vestitu nimio indulges, nimium ineptus es. 
Nimium ipse durus est prater æquumque et bonum. 


, ; 
Hoc in gehere narrationis multa inesse debet fes- 





DE L'INVENTION, LIVRE I. 51 
quelques reproches, une similitude , sans toutefois s'écarter 
troploin. Le dernier, qui n'a point de rapportau barreau, est un 
exercice aussi agréable qu'utile. La narration regarde les choses . 
ou les personnes. Celle qui s'occupe des choses est fondée sur 
la fable, l'histoire, ou sur des hypothèses. On appelle fable, 


ce qui n'est ni vrai ni vraisemblable , comme : 


J'ai vu de grands serpens ailés réunis sous le joug. 


L'histoire embrasse les faits véritables, mais passés. Par exem- 
ple : « Æppius déclara la guerre à Carthage.» L'hypo- 
thése est une chose supposée, mais vraisemblable ; comme 


* 


dans Térence: 
Sosie , aussitôt que mon fils fut sorti de l'enfance. 


Dans la narration qui regarde les personnes, on doit trouver, 


avec les faits, le langage et les passions des personnages : 


Mon frère vient souvent chez moi, en s'écriant : Que 
faites-vous, Mitio? Pourquoi conduire ce jeune homme à sa 
perte? Póurquoi se livre-t-il à l'amour? Pourquoi boit-il 
outre mesure? Pourquoi fournissez-vous à ses folles dé- 
penses? Vous lhabillez trop magnifiquement » VOUS Étes 
trop faible à son égard. Mon frère cst plus sévère que la 

* justice et le bien ne l'exigent. 


C'est là qu'on doit trouver de la variété, une gaîté piquante ; 


Ba DE INVENTIONE, LIBER 1. 


tivitas, confecta ex rerum varietate, animorum 
dissimilitudine , gravitate, lenitate, spe, metu, sus- 
picione , desiderio, dissimulaüone , errore, miseri- 
cordia, fortune commutatione, insperato incom- 
modo, subita lætitia, jucundo exitu rerum. Verum 
hæc ex his, quz postea de elocutione przcipientur , 
ornamenta sumentur. Nunc de narratione ea, que 
cause continet expositionem, dicendum videtur. 
XX. Oportet igitur eam tres habere res : ut brevis, 
ut aperta, ut probabilis sit. Brevis erit, si, unde ne- 
cesse est, inde initium sumctur, et non ab ultimo re- 
petetur, et si cujUs rei satis erit summam dixisse, 
ejus partes non dicentur. Nam sepe satis est, quod 
factum sit, dicere; non ut enarres, quemadmodum 
sit factum : et si non longius, quam quod scitu opus 
est, in narrando procedetur : et si nullam in rem 
aliam transibitur : et si ita dicetur, ut nonnunquam 
ex eo, quod dictum sit, id, quod dictum non sit, in- 
telligatur : et si non modo id, quod obest, verum 
euam id, quod nec obest , nec adjuvat , præteribitur: 
et si semel * unumquodque dicetur : et si non ab eo, 
in quo proxime desitum erit, deinceps incipietur. 
Ac multos imitatio brevitatis decipit, ut, cum se 
breves putent esse, longissimi sint : cum dent ope- 
ram, ut res multas breviter dicant, non ut omnino 
pauéas res dicant, et non plures, quam necesse sit. 
Nam plerisque breviter dicere videtur, qui iia dicit : 
« Áccessi ad edes, puerum evocavi : respondit : qua- 


! Unumquidque. 


DE L'INVENTION, LIVRE 1. 55 

Ja peinture des passions et des mouvemens du cœur, la sévé- 
rité, la douceur, la crainte, l’éspair, le soupcon , le désir, la 
feinte, Perreur, la compassion, des révolutions, des changemens 
de fortune, des revers soudains, des succes inattendus. Mais 
c'est en traitant de l'élocution que nous enseignerons l'art 
d'employer tous ces ornemens. Occupons-nous maintenant de 
la narration, qui renferme l'exposition de la cause. | 
AX. Brieveté, clarté, vraisemblance, voilà les trois qua- 
lités de la narration. Elle a le mérite de la brièveté, si l'orateur 
commence à l'endroit essentiel, sans remonter trop haut ; s'il 
ne donne point de détails, quand il ne faut que des résultats; 
car souvent il suffit d'énoncer un fait sans en développer les 
circonstances ; s'il s'arréte au moment de dire des choses inu- 
tiles; s'il ne s'égare pas dans des digressions; si, de ce qu'il 
dit, on peut conclure ce qu'il ne dit point; s'il écarte non- 
seulement tout oe qui lui est défavorable, mais encore tout 
ce qui ne lui est ni avantageux ni nuisible; enfin, s’il ne se 
répète jamais et ne revient jamais sur' ses pas. Mais n'allez pas 
vous laisser tromper par un air de concision. Que de geus ne 
sont jamais plus longs que quand ils se piquent de brieveté! 
fis tüchent de dire beaucoup de choses cn peu de mots , au lieu 
de se borner à un petit noinbre de choses essentielles ; car sou- 
vent on regarde comme concision de s'exprimer ainsi : « J 'ap- 
« proche de la maison, j "appelle son esclave , il me répond ; j je 
« lui demande son. maître, il m'assure qu'il n'y est pas. » Iles 
impossible de dire plus de choses en moins de mots; mais 


54 DE INVENTIONE , LIBER [. 


« sivi dominum : dotni negavit esse. » Hic, tametsi 
tot res brevius non potuit dicere, tamen , quia satis 
fuit dixisse , « domi negavit esse, » fit rerum multi- 
tudine longus. Quare hoc quoque in genere vitanda 
est brevitatis imitatio, et non miuus rerum non ne- 
cessariarum , quam verborum mulütudine superse- 
dendum est. Aperta autem narratio poterit esse, si, 
ut quidque primum gestum erit, ita primum expo- 
netur, et rerum ac temporum ordo servabitur, ut ita 
narrentur, ut gesta res erunt, aut ut potuisse geri 
videbuntur. Hic considerandum erit, ne quid per- 
turbate , ne quid contorte dicatur , ne quam in aliam 
rem transeatur , ne ab ultimo repetatur, ne ad extre- 
mum prodeatur, ne quid, quod ad rem pertineat, 
prætereatur : et omnino, qua precepta de brevitate 
suñt, hoc quoque in genere sunt conservanda. Nam 
sæpe res parum est intellecta longitudine magis, 
quàm obscuritate narrationis. Ác Vérbis quoque di- 
lucidis utendum est: quo de genere dicendum est in 
ptæceptis elocutionis. 

X X1. Probabilis erit harratio, $i in ea videbuntur 
inesse ea, quæ solent apparere in veritate; si perso- 
narum dignitates servabuntur;,si cause factorum 
exstabunt ; si fuisse facultates faciundi videbuntur; 
si tempus idoneum; si spatii satis; si locus oppor- 
tunus ad eandem rem, qua de re narrabitur, fuisse 
ostendetur ; si res et ad eorum , qui agent, naturam, 
et ad vulgi ' morem, et ad eorum, qui * audient, opi- 


3 Runiorem. — * Audiunt. 


DE L'INVENTION, LIVRE I. 5b 
v’est encore être long, puisqu'il suffisait de dire « qu'il n'y 
« était pas. » Fuyez done cette prétendue conekion, et retran- 
chez les circonstances inutiles aveo autant de soin que les mots 
parasites. | 
La clarté consiste à exposer d'abord les premiers événe- 
mens, à suivre l'ordre des temps et des faits, à sé conformer 
à la vérité ou à la vraisemblance. Íl faut n'étre ni confus ni 
entortillé ; ne point divaguer ; ne point remonter trop haut; 
ne pae aller trop loin, et ne rien omettre d'essentiel. Enfin, je 
renvoie aux préneptea sur la brieyeié ; car souvent l'on. est 
inintdligible plutôt à force d’être long qu'à force d’être 
obscur. En parlant de l'élocution , nous traiterons de la clarté 
du style. 


XXI. Le rarmption a de la vraisemblance, quand elle offre 
vus les caractères de la vérité; quand elle observe &dèlement 
les convenances ; quand elle montre les canses des événemens : 
quand elle prouve qu'on a pu faire ce dont il s'agit ; que le 
temps était favorable, suffisant, le lieu commode ; enfin , quand 
elle ne blesse point les mœurs connues des parties, l'opinion 
publique et les sentimens de l'auditoire. Voila ce qui donne 
aux narrations un air de vérité. 


56 DE INVENTIONE, LIBER I. 


nionem accommodabitur. Ac veri quidem similis ex 
his rationibus esse poterit. Illud autem preeterea con- 
siderare oportebit, ne aut, cum obsit narratio, aut 
cum nibil prosit , ' tamen interponatur; aut non loco, ' 
aut non, quemadmodum causa postulat, narretur. 
Obest tum , cum ipsius.rei gestæ expositio magnam 
excipit offensionem , quam argumentando , et causam 
agendo leniri oportebit. Quod cum acciderit , mem- 
bratim oportebit partes rei gestæ disbergere in cau- 
sam , et ad unamquamque confestim rationem ac- 
commodare ut vulneri presto medicamentum sit, 
et odium statim defensio mitiget.. Nihil prodest nar- 
ratio tunc, cum * aut.ab adversariis re exposita, nostra 
nihil interest , iterum aut alio modo narrare: aut cum 
ab iis, qui audiunt, ita tenetur negotium , ut nostra 
nihil intersit eos alio pacto docere. Quod cum acci- 
derit, omnino narratione supersedendum est. Non 
loco dicitur, cum non in ea parte orationis collo- 
catur, in qua res postulat : quo de genere agemus 
tum , cum de dispositione dicemus; nam hoc ad dis- 
positionem pertinet. Non quemadmodum causa pos- 
tulat , narratur , cum aut id , quod adversario prodest, 
dilucide et ornate exponitur, aut id ; quod ipsum ad- 
juvat; obscure dicitur, et negligenter. Quare, ut hoc 
vitium vitetur, omnia torquenda sunt ad commodum 
suæ Causa , contraria, quæ præteriri poterunt , præ- 
tereundo ; quz illius erunt, leviter attingendo, sua 
diligenter et enodate narrando. Ac de narratione qui- 


J Tunc. — ? Abest aut. 








DE L'INVENTION, LIVRE I. 57 

Un autre point non moins important, c’est de savoir sup- 
primer la narration quand elle est nuisible, ou seulement inu- 
tile; la mettre à sa place et dans un jour favorable. Elle est 
nuisible, quand l'exposition du fait éléve contre nous une 
prévention qu'il faut, dans le cours du plaidoyer, détruire 
par des raisonnemens. Dispersez alors votre narration partie 
par partie dans le discours , et appuyez chaque circonstance 
de tout cg qui peut la justifier : c’est donner le contre-poison 
avec le venin, et ramener les esprits au moment qu'ils s'éloi- 
gnent. N'avez-vous aucun intérét à recommencer la narration 
de votre adversaire, méme en d'autres termes, l'auditoire a- 
t-il si bien envisagé les faits, qu'il vous importe peu de les lui 
présenter sous un autre point de vue, alors la narration est 
inutile, et il faut la supprimer. Elle est déplacée, quand elle 
n'occupe pas la place qui lui convient. Mais ceci appartient 
à la distribution oratoire, et nous en parlerons en traitant 
cette partie. La narration n'est pas dans un jour favorable, 
quand elle expose avec clarté ; quand elle embellit ce qui peut 
justifier notre adversaire, quaud elle est obscure et négligée 
dans ce qui nous est avantageux. Pour éviter cet écueil , ra- 
menez tout à l'intérét de votre cause; supprimez, s'il est pos- 
sible, toutes les circonstances défavorables, ou du moins 
glissez légèrement dessus; mais développez avec soin, avec 
clarté tout ce qni peut vous servir. Passons maintenant à la 


division. 


58 DE INVENTIONE, LIBER IL. 


dem satis dictum videtur : deinceps ad partitionem 
transeamus. 

XXIL Recte habita in causa partitio , illustrem et 
perspicuam totam efficit orationem. Ejus partes duæ 
sunt, quarum utraque magnopere ad aperiendam 
causam , et ‘ ad constituendam pertinet controver- 
siam. Una pars est, qua , quid cum adversariis con- 
veniat, et quid in controversia relinquatur , ostendit : 
ex qua certum quiddam designatur auditor},, in quo 
animum debeat habere occupatum. Altera est, in qua 
rerum earum , de quibue erimus dicturi, breviter 
expositio ponitur distributa : ex qua conficitur, ut 
certas animo res teneat auditor, quibus dicus intel- 
ligat, fore peroratum. Nunc utroque genere parti- 
tionis quemadmodum conveniat uti , breviter dicen- 
dum videtur. Quæ partitio, quid conveniat , aut quid 
non conveniat , ostendit ; hzc debet illud , quod con- 
venit, inclinare ad suæ causæ commodum, hoc modo: 
« Interfectam matrem esse a filio, convenit mihi cum 
« adversariis. » {tem contra : « Interfectum esse a Cly- 
« tæmnestra Agamemnonem, convenit. » Nam hic 
uterque et id posuit, quod conveniebat, et tamen suæ 
cause commodo consuluit. Deinde , quid contro- 
versiæ sit, ponendum est in judicationis expositione: 
qui quemadmodum inveniretur, ante dictum est. 
Qu:e autem partitio rerum distributam conunet ex- 
positionem , hzc habere debet brevitatem , absolu- 
tionem , paucitatem. Brevitas est, cum, nisi nocessa- 

* Abest ad. 


- 


DE L'INVENTION, LIVRE 1. 59 


XXII. La division bien faite, rend tout le discours clair 
et lumineux. On la distingue en deux parties, toutes deux 
nécessaires pour développer ld cause et établir le point de 
discussion. L'une expose ce en quoi nous soïnntes d'accord 
avec l'adversaire, et ce que nous lui contestons ; elle indique 
à l'auditeur ce qui doit fixer son attention. L'autre rend trés- 
briévement compte de ce qui va faire la matiére du discours; 
elle. montre à l’auditeur la route qu'il và parcourir. Nous 
dirôns maintenant éfi fjéu de r&Gts comment il faut les em- 
ployer : la ptetnière doit tournér, en faveur de la cause, ce 
dont on est tombé d'atcord ávec l'adversaire. Vous convénez, 
par exemple, «qu'Oreste a tu& à mere ; mais Clytemnestre 
« avait assassiné Agamemnon. » C’est ainsi que chacun est 
tombé d'arcord sur un point, sans négliger l'intérêt de sa cause. 
Etablisses ensuite le point de discussion , en posant l'état de la 
question, et nous avons indiqué déjà la manière de le trouver. 

Les caractères de la deuxième partie de la division sont la 
concision, l'exactitude et la justesse. La voncision n'admet 
aucun mot inutile, parce qu'il s'agit d'attacher l'auditeur, 
non par des ornemens étrangers, mais par le fond méme et - 
les parties de la cause. L'exactitude embrasse tous les genres 
que renferme la cause : l'écueil le plus dangereux, c’est d'o- 
mettre quelque point essentiel, qu’on serait obligé ensuite 
de placer hors de la division. La justesse empêche de con- 


60 DE INVENTIONE, LIBER 1. 


rium , nullum assumitur verbum. Hzc in hoc genere 
idcirco utilis est, quod rebus ipsis, et partibus causæ, 
non verbis, neque extraneis ornamentis animus audi- 
toris tenendus est. Absolutio est, per quam omnia, 
quz incidunt in causam , genera, de quibus dicen- 
dum est, amplectimur. In qua partitione videndum 
est, ne aut aliquod genus utile relinquatur , aut sero 
extra partitionem , id quod vitiosissimum ac turpis- 
- simum est, inferatur. Paucitas in partitione servatur, 
sl genera ipsa rerum ponuntur, neque * permixte 
cum partibus implicantur. Nam genus est, quod 
plures partes amplectitur, ut animal. Pars est, quz 
subest generi, ut equus. Sed sepe eadem res alii 
genus , alii pars est. Nam homo, animalis pars est; 
Thebani aut Trojani, genus. 

XXIIL Hec ideo diligentius inducitur præs- 
eripuo, ut aperte intellecta generali partiuone , pau- 
citas generum in partitione servari possit. Nam qui 
ita partitur, « Ostendam, propter cupiditatem, et au- 
« daciam , et avaritiam adversariorum , omnia incom- 
« moda ad rempublicam pervepisse; » is nonintellexit, 
in partitione , exposito genere, partem se generis ad- 
miscuisse. Nam genus est, omnium nimirum libi- 
dinum, cupiditas: ejus autem generis sine dubio pars 
est avaritia. 

Hoc igitur vitandum est, ne, cujus genus posueris, 
ejus secum aliquam, sicut diversam ac dissimilem, 
partem pones in eadem partitione. Quodsi quod 1m ' 


1 Permiste. 


DE L'INVENTION, LIVRE I. 61 
fondre les genres et les espéces. Le genre embrasse plusieurs 
espèces, comme animal : l'espéce est une partie du genre, 
comme cheval ; mais souvent le méme objet est à la fois genre 
et espèce : homme , par exemple, est espèce d'animal, et 
genre par rapport aux 'l'hébains ou aux Troyens. 


XXIII. Cette régle, en établissant une division claire et 
distincte des genres, aide beaucoup à la justesse. Car, s'ex- 
primer ainsi : « Je montrerai que les passions, l'audace, 
« l'avarice de mes adversaires, sont la source de tous les maux 
« de la république; » c'est confondre le genre et les espéces. 
Passion est genre pour tous les désirs déréglés de l'àme, et 


l’avarice gst évidemment une de ses espèces. 


Evitez, surtout dans une division, de joindre au genre une 
de ses parties, comme un genre différent. Que si le genre 
comprend plusieurs espèces, exposez-le simplement dans la 
division, et vous pourrez le développer à loisir, quand la 


marche de votre discours vous aura conduit à ce point. La 


Pd 


6a DE INVENTIONE, LIBER 1. 
genus plures incident partes, id cum in prima par- 
ütione cause erit simpliciter expositum, distribuetur 
eo tempore commodissime, cum ad ipsum ventum 
erit explicandum in causz dictione post partitionem. 
Atque illud quoque pertinet ad paucitatem, ne aut 
plura, quam satis est, demonstraturos nos dicamus, 
hoc modo : ostendam , adversarios, quos arguimus, 
et potuisse facere , et voluisse, et fecisse. Nam fecisse - 
ostendere satis est : aut, cum in causa partitio nulla 
sit, et * cum quiddam simplex agatur , tamen utamur 
distributione : id quod perraro potest accidere. Ac 
. sunt alia quoque praecepta partitionum, quæ ad hunc 
usum oratorium non tantopere * pertineant : quz 
versantur in philosophia, ex quibus hzc ipsa trans- 
tulimus, quz convenire videbantur : quorum nihil 
in ceteris artibus inyeniebamus. Atque his de parti- 
uone præcepts, in omni dieügne meminisse opor- 
tebit, ut et prima quique pars, ut exposita est in 
partitioné , sic ordine transigatur: et omnibus expli- 
catis, peroratum sit; hoc modo, ut ne quid posterius 
prater conclusionem iuferatur. Partitur apud Teren- 
üum breviter et commode senex in Andria, quæ - 
cognoscere libertum velit: ^" 

Eo pacto, et gnati vitam, et consilium meum 

Cognosces, et, quid facere in hac re te velim. 
Itaque quemadmodum in partitione proposuit, ita 
narrat , primum gnat vitam: 

Nam is postquam excessit ex ephebis, Sosia, 

Liberius vivendi fuit potestas. 


! Abest cum. — 2 Pertinent. 








DE L'INVENTION, LIVRE I. 65 
justesse nous apprend encore à nous renfermer dans les bornes 
papfpites; à ne pas dire, je prouverai que mes adversaires 
ont eu le pouvoir et la volonté de commettre ce délit, et qu'ils 
l'ont commis : il suffit de prouver qu'ils l'ont commis. La 
cause est-elle assez simple pour ne point admettre de division, 
bornez-vous à la distribution des parties; mais ce cas est ex- 
trémement rare. Il est encore d'autres préceptes sur la divi- 
sion; préeepáes qui n’appartiennent pas proprement à l'art 
eratoire, mais qui s'appliquent aussi à la philosophie, à qui 
nous avons emprunté tout ce qu'elle nous offrait d’utile ; se- 
cours que nous ne trouvions point ailleurs. Suivez toujours, 
dans la marche du discours, l'ordre établi dans la division. 
Quand vous aurez tout développé, que votre discours soit 
terminé, qu'il n’y ait plus rien à ajouter. Voyez, dans l'Àn- 
drieune de Térence, comme Simon établit en peu de mots 
sa division: 

. 4finsi tu connaítras la conduite de Pamphile, mes des- 
seins, et ce que j'attends de ton zèle. 


Yl ne s'écarte point dans son récit de l'ordre établi dans sa 
division, dans la conduite de son fils: 

Mon fils qui touchait à sa vingtième année, livré à jui- 
méme , commençait à fréquentér les jeunes gens. 


64 DE INVENTIONE, LIBER I. 
Deinde suum consilium : 


Et nunc id operam do. 


' Deinde quid Sosiam velit facere, id quod postre- 
mum posuit in partitione , postremum dicit: 


Nunc tuum est officium. 


Quemadmodum igitur hic et ad primam quamque 
partem primum accessit, et omnibus absolutis , finem 
dicendi fecit, sic nobis placet , et ad singulas partes 
accedere, et omnibus absolutis , perorare. Nunc de 
confirmatione deinceps, ita ut ordo ipse postulat, 
præcipiendum videtur. 

XXIV. Confirmatio est, per quam argumentando, 
nostræ causz fidem, et auctoritatem, et firmamentum 
adjungit oratio. Hujus partis certa sunt præcepta, 
quie in singula causarum genera dividentur. Verum- 
tamen non incommodum videtur , quandam silvam , 
atque materiam universam ante permistam , et con- 
fusam exponere omnium argumentationum : post au- 
tem tradere, quemadmodum unumquodque genus 
causz, omnibus hinc argumentandi rationibus tractis, 
confirmare oporteat. | 

Omnes res argumentæhdo confirmantur, aut ex eo; 
quod personis, aut ex eo, quod negotiis est attri- 
butum. Ac personis has res attributas putamus, no- 
men, naturam , victum , fortunam , habitum, affec- 


1 Posthzc. 


DE L'INVENTION, LIVRE I. 65 
Ensuite san dessein : 


Maintenant je voudrais..... 


1l termine par la dernière partie de sa division, ce qu'il 
attend de Sosie: 


Ce que j'attends aujourd'hui de toi... 


Ainsi nous devons , à son exemple, traiter successivement 
et par ordre, chacun des points établis dans la division, et 
terminer quand ils sont développés. Nous allons maintenant 
parler de la confirmation , puisque notre sujet nous y conduit 
naturellement. | 


XXIV. La confirmation persuade l'auditeur par le raison- 
nement, et fait triompher la cause. Elle a pour base des prin- 
cipes certains, qu'on classe suivant les différens genres de 
cause. Cependant il n'y aura pas, ce mesemble, d'inconvé- 
nient à exposer, d'abord péle mêle et sans ordre, tout ce qui 
a rapport à ce sujet, et à montrer ensuite comment 6n doit 
tirer de cette espéce d'arsenal des raisonnemens pour chaque 
genre de cause. Ces raisonnemens naissent des choses ou des 
personnes. Le nom, la nature, le genre de vie, la fortune, 
l'habitude, les affections, les goûts, les desseins , la conduite À 
les événemens et le langage appartiennent aux personnes. Le 
nom est le mot propre et habituel dont on se sert pour ap- 
peler quelqu'un. Quant à la nature, il est plus difficile. de 

IL. 5 


66 DE INVENTIONE , LIBER I. 


tionem , studia, consilia, facta, casus, orationes. 
Nomen est, quod unicuique personæ * attribuitur, 
quo suo quæque proprio et certo vocabulo ? appel- 
letur. Naturam ipsam definire difficile est : partes 
autem ejus enumerare eas, quarum indigemus ad 
hanc præceptionem, facilius est. Hz autem partim 
divino, partim mortali in genere versantur. Morta- 
lium autem pars in hominum, pars in bestiarum 
genere numeratur. Átque hominum genus et in sexu 
consideratur, virile an muliebre sit; et in natione, 
patria, cognatione, state. Natione, Grajus an Bar- 
barus; patria, Atheniensis an Lacedzemonius; co- 
gnatione , quibus majoribus , quibus consanguineis: 
setate, puer an adolescens, natu grandior an senex. 
Praeterea commoda et incommoda considerantur ab 
natura data animo aut corpori , hoc modo: valens an 
imbecillus ; loigus an brevis; formosus an deformis; 
velox an tardus sit; acutus an hebetior ; memor an 
obliviosus : comis, officiosus, pudens, patiens an 
contra. Et omnino, quæ a natura data animo et cor- 
por! (considerabuntur), in natura consideranda sunt. 
Nam quz industria comparantur , ad habitum perti- 
nent, de quo posterius dicendum est. 

XXV. In victu considerare oportet , apud quos, 
et quo more, et cujus arbitratu sit educatus, quos 
habuerit artium liberalium magistros , quos vivendi . 
præceptores, quibus amicis utatur, quo in negotio , 
quæstu , artificio sit occupatus : quo modo rem fami- 


1 Datur. — ? Appcllatur. 





DE L'INVENTION , LIVRE I. 67 
la définir que de faire l'énumération des différentes parties 
qui lacomposent. 

Elle embrasseles dieux et les mortels : les hommes et les ani- 
maux composent les mortels. Dans les hommes, on colsidere le 
sexe, masculin ou féminin ; la nation, la patrie, la famille et 
l’âge : la nation, si l'accusé est Grec ou Barbare ; la patrie, d' A- 
thénes ou de Sparte; la famille, quels sont ses parens , ses 
aieux ; l’âge, s'il est dans l'enfance, dans la jeunesse, dans l’âge 
mür ou dans la vieillesse. Ajoutez encore tous les avantages ou 
les défauts de l’âme et du corps; la force, la faiblesse, la gran- 
‘deur, la petitesse, la beauté, la laideur , la lenteur, la légèreté, 
la pénétration, la mémoire, la douceur , l'empressement à obli- 
ger, la pudeur , la patience et les défauts opposés. En un mot, 
considérez dans la nature tout ce que nous tenons de la nature ; 
car tout ce qu’on peut acquérir se rapporte à l’habitude, dont 
nous parlerons bientôt. 


XXV. Dans la conduite , considérez comment, par qui, 
d’après quels principes un homme a été élevé, quels maîtres il 
a eus pour les arts et pour la morale, quelles sont ses liajsens, 
quelle est sa profession , son art, son commerce, comment il 
gère ses affaires, enfin quel il est dans son intérieur. Dans 


la fortune , on cherche s’il est riche ou pauvre, libre ou es- 


69 DE INVENTIONE , LIBER I. 


liarem administret, qua consuetudine domestica sit. 
In fortuna quzritur , servus sit, an liber; pecunio- 
sus, an tenuis : privatus, an cum potestate : si cum 
potestate , jure an injuria : felix, clarus, an contra: 
quales liberos habeat. Ác si de non vivo quzretur, 
etiam quali morte sit affectus, erit considerandum. 
Habitum autem appellamus , animi aut corporis cons- 
tantem et absolutam aliqua in re perfectionem; ut 
virtutis, aut artis perceptionem alicujus, aut quamvis 
scientiam : et item corporis aliquam commoditatem , 
non natura datam, sed studio industriaque partam. 
Affectio est, animi aut corporis ex tempore, aliqua 
de causa, commutatio, ut lætitia, cupiditas , metus, 
molestia, morbus, debilitas, et alia, quæ genere in 
eodem reperiuntur. Studium * est animi assidua et 
vehemens ad aliquam rem applicata magna cum vo- 
luntate occupatio, ut philosophie, ? poétice , geo- 
metriz , litterarum : consilium est aliquid faciendi, 
aut non faciendi ( vere ) excogitata ratio. Facta autem , 
et casus , et orationes tribus ex temporibus conside- 
rabuntur; quid fecerit, aut quid ipsi acciderit, aut 
quid dixerit ; aut quid faciat , quid ipsi accidat, quid 
dicat; aut quid facturus sit, quid ipsi casurum sit , 
qua sit usurus oratione. Ác personis quidem hzc vi- 
dentur esse attributa. 

XXVI. Negouis autem quz sunt attributa, partim 
sunt continentia cum ipso negotio, partim in gestione 
negotii considerantur, partim adjuncta negotio sunt , 


! Autem est. — ? Poëtices. 


DE L'INVENTION, LIVRE I. 69 
clave, particulier ou non ; s’il doit son élévation a son mérite 
ou à l'intrigue ; s'il est environné de gloire , comblé des fa- 
veurs de la fortune, ou dans la honte et le malheur ; enfin 
quels sont ses enfans; et s’il ne s'agit pas d'un homme vi- 
vant , on peut considérer quel a été son genre de mort. 

On appelle habitude, quelque perfection physique ou mo- 
rale, comme une vertu qui ne se dément point, une con- 
naissance approfondie d'un art ou d'une science, ou quel- 
que autre avantage corporel , que nous devons moins à la na- 
ture qu'à l'art ou à l'étude. Les affections sont les changemens 
soudains qu'éprouvent l’âme et le corps, comme la joie, le 
désir , la crainte, le chagrin, la maladie, l'abattement, etc. 
Le goüt est une volonté fortement prononcée, une application 
continuelle et soutenue, à la philosophie, par exemple , à la 
poésie, à la géométrie, aux lettres. Le dessein est un plan 
médité de faire ou de ne pas faire telle ou telle chose. La 
conduite , les événemens et le discours peuvent être envisagés 
sous le triple rapport du passé , du présent et del'avenir. Voilà 
pour ce qui concerne les personnes. 


XXVI. La substance méme du fait, les accessoires, les cir- 


constances et les conséquences, voila ce qu'il faut considérer 


dans les choses. La substance du fait constitue le fait en lui- 


** aca, mendi d 


28 DE INVENTIONE , LIBER I. 


‘ 


partim gestum negotium consequuntur. Continentia 
cum ipso negotio sunt ea, qua semper affixa esse vi- 
dentur ad rem , neque ab ea possunt separari. Ex his 
prima est brevis complexio totius negoui , quz sum- 
mam continet facti, hoc modo : Parentis occisio, 
patrie proditio: deinde causa ejus summæ, per quam, 
et quamobrem , et cujus rei causa factum sit, quæ- 
ritur : deinde ante rem gestam qua facta sunt, conti- 
nenter usque ad ipsum negotium : deinde, in ipso 
gerendo negotio quid actum sit : deinde, quid postea 
factum sit. 

In gestione autem negotii , qui locus secundus erat 
de iis, quz negouis attributa sunt , * queritur locus, 
tempus, occasio , modus, * facultates. Locus consi- 
deratur, in quo res gesta sit , ex opportunitate , quam 
videatur habuisse ad negotium administrandum. Ea 
autem opportunitas quæritur ex magnitudine, inter- 
vallo, longinquitate, propinquitate , solitudine, ce- 
lebritate , natura ipsius loci, et vicinitate totius regio- 
nis. Ex his etiam attributionibus : sacer an profanus; 
publicus an privatus, alienus an ipsius, de quo agi- 
tur, locus sit an fuerit. Tempus ? est, id quo nunc 
utimur ( nam ipsum quidem generaliter definire dif- 
ficile est), pars quzdam æternitatis, cum alicujus 
annui, menstrui, diurni, nocturnive spatii certa signi- 
ficatione. In hoc et quz ^przterierint, considerantur; 
et eorum ipsorum , quie propter vetustatem 5 obsole- 


! Quæretur. — ? Facultas. — ? Autem est. — 4 Prætcrierunt. — 5 Obso- 
leverunt. 


DE L'INVENTION, LIVRE ]. T 
même ; elle en est inséparable. Elle caractérise d'abord le fait 
en peu de mots, Par exemple : il s'agit d'un parricide, d'un 
erime de haute trahison. Elle cherche ensuite la cause, les 
motifs et les moyens; elle reprend tout ce qui a précédé le 
fait, toutes les circonstances qui l'ont accompagné, et enfin 


tout ce qui l'a suivi. 


Le lieu , le temps , la maniére , l'occasion , le pouvoir d'a- 
gir; voilà les accessoires. Pour le lieu, théâtre de l'action, on 
examine quelles facilités il offrait pour l'exécution ; s'il est 
isolé , fréquenté ou non; quel est son voisinage, sa situation, 
son étendue : enfin, s'il est sacré ou profane, public ou privé; 
sil appartient ou s’il a appartenu ou non à l'accusé. 


Le temps , comme nous l'envisageons ici ( car il serait diffi- 
cile d'en donner une définition générale), est une partie de 
l'éternité désignée per les mots d'année, de mois, de jour et 
de nuit. Il embrasse à la fois et les événemens qui, perdus dans 
la nuit des siècles, nous semblent incroyables, et sont mis au 
rang des fables, et les événemens éloignés, qui, appuyés 
sur le témoignage irrécusable de l'histoire , méritent notre 
croyance; et les événemens récens dont chacun peut avoir 
connaissance , et ce qui a précédé immédiatement, le présent 
méme, et l'avenir qui peut être plus ou moins éloigné. On con- 
sidére encore ordinairement la durée du temps ; car souvent 


ilest nécessaire de le comparer avec le fait, pour juger s'il à 


72 DE INVENTIONE, LIBER I. 


verint, ut incredibilia videantur, et jam in fabularum 
numerum reponantur; et quæ jam diu gesta, et a 
memoria nostra remota, tamen faciant fidem, vere 
tradita esse, quod eorum monumenta certa in litteris 
exstent; et quz nuper gesta sint, quz scire plerique 
possint : et item quae instent in præsentia, et quae 
maxime fiant, et qui consequantur. In quibus potest 
considerari , quid ocyus, et quid serius futurum sit. 
Et item communiter in tempore perspiciendo longin- 
quitas ejus est consideranda. Nam sæpe oportet com- 
metiri cum tempore negotium, et videre, potueritne 
aut magnitudo negotii aut multitudo rerum in eo 
transigi tempore. Consideratur autem tempus et anni, 
et mensis, et diei, et noctis, et vigiliz , et hore, et 
in aliqua parte alicujus horum. 

XXVII. Occasio est pars temporis, habens in se 
alicujus rei idoneam faciendi aut non faciendi oppor- 
tunitatem. Quare cum tempore lioc differt. Nam ge- 
nere quidem utrumque idem esse intelligitur: verum 
in tempore spatium quodammodo declaratur , quod 
in annis, aut in anno, aut in aliqua anni parte spec- 
tatur : in occasione, ad spatium temporis, faciendi 
quadam opportunitas intelligitur. adjuncta. Quare 
cum genere idem sit, fit aliud , quod parte quadam, 
et specie, ut diximus, differat. Hzc distribuitur in 
tria genera , publicum, commune, singulare. Publi- 
cum est, quod civitas universa aliqua de causa fre- 
queniat, ut ludi, dies festus, bellum. Commune, 
quod accidit omnibus eodem fere tempore; ut messis, 








CCE 08 


DE L'INVENTION, LIVRE I. 75 
pu suffire à une si longue action ou à tant d'actions différentes. 
On examine dans quelle année , quel mois , quel jour, à quelle 
heure l'action a été commise ; si c'est le jour ou la nuit. 


XXVII. L'occasion est une partie du temps qui offre la fa- 
cilité de faire ou de ne pas faire une action; c'est ce qui la 
distingue du temps, car il est facile de voir qu'ils ne font 
qu’un genre. Le temps est la durée qui embrasse ou plusieurs 
années ou une seule année, ou seulement une partie de l’année. 
L'occasion, à l'idée de durée , joint celle de moment favorable 
pour agir. Ce sont, comme nous l’avons dit, deux espèces du 
méme genre ; l'occasion est publique, ou commune, ou par- 
ticulière: publique, quand elle rassemble toute une ville, 
comme des jeux, une féte, la guerre ; commune, quand il 
s'agit d'une chose qui arrive à tout le monde à peu prés dans 
le méme temps, commela moisson, la vendange, l'été , l'hiver ; 


74 DE INVENTIONE, LIBER I. 


vindemia, calor, frigus : singulare autem est, quod 
aliqua de causa privatum solet alicui accidere, ut 
nuptig, sacrificium , funus, convivium , somnus. 
Modus ' est, in quo, quemadmodum, et quo animo 
factum sit, queritur. Ejus partes sunt, prudentia et 
imprudentia. Prudentia ? ratio queritur ex iis, quee 
clam, palam, vi, persuasione fecerit : imprudentia 
autem in purgationem confertur, cujus partes sunt 
inscientia , casus, necessitas, et in affectionem animi, 
hoc est, molestiam , iracundiam , amorem, et cetera, 
quee in simili genere versantur. Facultates sunt, aut 
quibus facilius fit, aut sine quibus aliquid confici 
non potest. 

XXVIII Adjunctüm autem negotio id intelli- 
gitur , quod majus, et quod minus, et quod simile 
erit ei negotio, quo de agitur, et quod aque ma- 
gnum , et quod contrarium , et quod disparatum, et 
genus, et pars, et eventus. Majus et minus, el æque 
magnum , ex vi, et ex numero, et ex figura negoui, 
sicut ex statura corporis, consideratur. Simile autem 
ex specie comparabili , ? aut ex conferenda atque * as- 
simulanda natura judicatur. Contrarium est, quod 
positum in genere diverso, ab eodem, cui contra- 
rium esse dicitur, plurimum distat, ut frigus calori , 
vitæ mors. Disparatum autem est id, quod ab aliqua 
re per oppositionem negationis separatur, hoc modo: 
« sapere et non sapere.» Genusest, quod partes aliquas 


! Autem est. — ? Autem ratio. — 3 Comparabile autem conferenda. — 
Á Assimilanda. 


DE L'INVENTION, LIVRE L 75 
particulière , quand l'événement ne concerne qu'un parti- 
culier, comme un mariage, un sacrifice, des funérailles, un 
festin. 

Le mode traite de la manière et de l'intention; il a pour 
principes la prudence et l'imprudence. La prudence s'appuie 
des actions publiques et privées, des voies de douceur ou de 
violence employées pour réussir. L'imprudence, compagne 
ordinaire des passions, la colère, la douleur, l'amour, s'em- 
ploient dans la justification. Elle a pour base l'ignorance , la 
fortune ou la nécessité. Les moyens empêchent ou facilitent 


l'exécution. 


XXVIII. Par accessoires , on entend ce qui est plus grand, 
plus petit que le fait dont il s'agit, ce qui lui est pareil, 
égal, contraire , disparate ; enfin son genre, son espèce et son 
issue. La grandeur en plus ou en moins, et l'égalité , se ju- 
gent pour ainsi dire, par la force, l'ordre, et la figure de l'af- 
faire. C'est un corps dont on mesure la taille. 

Les points de comparaison établissent la similitude : on les 
trouve par le rapprochement. Deux choses sont contraires 
quand leurs genres sont très-différens ; comme le froid et la 
chaleur , la vie et la mort. Elles sont contradictoires, quand 
elles se nient par opposition : «iil est sage, il n'est pas sage. » 
Le genre embrasse plusieurs exemples , comme passion par 
exemple. L'espéce est une division du genre, comme l'amour, 


lavarice. L'issue est la fin. d'une action ; on cherche quel en 


76 DE INVENTIONE , LIBER I. 


amplectitur, ut cupiditas. Pers est, qua subest ge- 
neri, ut amor, avaritia. Eventus est alicujus exitus 
negotii, in quo quæri solet , quid ex quaque re eve- 
nerit , eveniat, ' eventurum sit. Quare hoc in gene, 
ut commodius, quid eventurum sit, ante animo col- 
lgi possit, quid quaque ex re soleat evenire, con- 
siderandum est, hoc modo.: Ex arrogantia odium , 
ex insolentia arrogantia. 

Quarta autem pars est ex iis, quas negotiis dice- 
bamus esse attributas, consecutio. In hac eæ res 
quaruntur, quz gestum negotium consequuntur : 
primum, quod factum est, quo id nomine appel- 
lari conveniat : deinde, ejus facti qui sint principes et 
inventores, qui denique auctoritatis ejus et inven- 
tionis comprobatores atque æmuli : deinde, ecquæ 
ea de re, aut ejus rei sit lex , consuetudo, actio, ju- 
dicium, scientia, artificium : deinde , natura ejus 
evenire vulgo soleat, an insolenter * et raro : postea, 
homines id sua auctoritate comprobare, an offendi 
in his consueverint; et cetera, qua factum aliquod 
similiter confesüm, aut ex intervallo solent consequi. 
Deinde postremo, attendendum est, num que res ex 
iis rebus, qua sunt posite in partibus honestatis , aut 
utilitatis, consequantur : de quibus in deliberativo 
genere cause distinctius erit dicendum. Ac negouis 
quidem fere res e: , quas commemoravimus, sunt 
attribute. 

XXIX. Omnis autem argumentauo, qus cx us 


: Eventurumque — 2 À, 


DE L'INVENTION, LIVRE I. 7^ 
a été , quel en est, quel en sera le résultat. Aussi, pour le trou- 
ver plus facilement, faut-il considérer quel il est ordinaire- 


ment. La haine nait de l'arrogance , l'arrogance de l'orgueil. 


Les conséquences sont le quatrième point qu'il faut consi- 
dérer dans les choses. Elles comprennent tout ce qui dépend 
du fait : d'abord quel nom il faut lui donner ; quels en sont 
les chefs et les auteurs, les fauteurs et les complices ; quelle 
est son importance ; quelle est sur ce point la loi, la coutume, 
Ja formule d'accusation , les jugemens, ce qu'offrent la science 
et l'art ; ensuite quelle est sa nature, s'il est commun ou rare 
et extraordinaire ; s'il est soutenu par l'approbation générale, 
ou s’il excite ordinairement la haine; enfin tout ce qui a un 
rapport plus ou moins éloigné avec votre affaire. Examinez 
aussi tout ce qu'elle peut offrir d'honnéte ou d'utile, ce que 
nous développerons en traitant du genre délibératif. Voilà 
à peu prés tout ce qui concerne les choses. 


XXIX. Toutraisonnement tiré des lieux dont nous parlons, 
sera ou probable ou nécessaire; car, pour le définir en peu 


8 DE INVENTIONE , LIBER I. 


locis, quos commemoravimus , sumetur, aut proba- 
bilis, aut necessaria debebit esse. Etenim, ut breviter 
describamus , argumentatio videtur esse inventum ex 
aliquo genere , rem aliquam aut probabiliter osten- 
dens, aut necessarie demonstrans. Necessarie demons4 
trantur ea, qua aliter ac dicuntur, nec fieri, nec 
probari possunt, hoc modo : « $1 peperit, cum viro 
« concubuit. » Hoc genus argumentandi, quod in 
necessaria demonstratione versatur, maxime trac- 
tatur in dicendo, aut per complexionem , aut per 
enumerationem , aut per simplicem conclusionem. 
Complexio est, in qua, utrum concesseris, repre- 
henditur, ad hunc modum: « Si improbus est, cur 
« uteris? sin probus, cur accusas ? » Enumeratio est, 
in qua, pluribus rebus expositis, et ceteris infirmaus, 
una reliqua necessario confirmatur , hoc pacto: « Ne- 
« cesse est aut inimicitiarum causa ab hoc esse occi- 
« sum, aût metus , aut spei, aut alicujus amici gratia, 
« aut, si horum nihil est, ab hoc non esse occisum. 
« Nam sine causa maleficium susceptum esse non po- 
« test. Sed neque inimicitiæ fuerunt, nec metus ullus, 
« nec spes ex morte illius, alicujus commodi, neque 
« ad amicum hujus aliquem mors * illius pertinebat. 
« Relinquitur igitur, utab hoc non sit occisus. » Sim- 
plex autem conclusio ex necessaria consecutione con- 
ficitur, hoc mogo : « Si vos me istud eo tempore 
« fecisse dicitis, ego autem eo ipso tempore trans 
« mare fui : relinquitur, ut id, quod dicitis, non 
|; Fjus. | 


DE L'INVENTION, LIVRE I. rg 


de mots, un raisonnement est une preuve qui rend un fait 
probable ou le démontre nécessairement. 1l est démontré né- 
cessairement quand il n'a pu arriver autrement qu'on le dit ; 
par exemple: « Si cette femme est enceinte, c'est qu'elle a 
« eu commerce avec un homme. » Cette maniére de raisonner 
s'emploie surtout sous la forme de dilemme , d'énumération ou 


de simple conclusion. 


Le dilemme vous presse des deux côtés : « Si cet homme 
« est un méchant, pourquoi en faire votre ami? S'il est 
« vertueux , pourquoi l'accuser? » L’énumiération expose 
plusieurs choses qu’elle nie toutes ensuite, à l'exception 
d'une seule, dont elle démontre la nécessité. Par exemple : 
« Il faut que l’accusé ait tué cet homme par haine, par 
« crainte, par espérance, ou pour venger un ami; s’il n'est 
« animé par aucun de ces motifs, il ne l'a point tué; car on 
« ne commet point gratuitement un crime. Mais il n'était 
« point son ennemi, il n'avait rien à craindre de lui, rien 
« à espérer desa mort, indifférente pour les amis de l’ac- 
« cusé. Il ne reste donc rieu à conclure, sinon qu'il ne l'a 


« pas tué. » 


La conclusion est une suite nécessaire de ce qu'on avance: 
« À l'époque du délit dont vous m'accusez, j'avais passé la 
« mer: donc, bien loin de l'avoir commis, je n'en avais pas 


« même le pouvoir. » Mais prenez-garde ( car ce serait don- 


8o DE INVENTIONE , LIBER I. 


« modo non fecerim , sed ne potuerim quidem fa- 
« cere. » Átque hoc diligenter videre oportebit, ne 
quo pacto genus hoc refelli possit, ut ne confirmatio 
modum in se argumentauonis solum habeat, et quan- 
dam similitudinem necessariæ conclusionis , verum 
ipsa argumentatio ex necessaria ratione consistat. 

Probabile autem est id, quod fere fieri solet , aut 
quod in opinione positum est , aut quod habet in se 
ad hzc quandam similitudinem , sive id falsum est, 
sive verum. In eo genere, quod fere solet fieri, pro- 
babile hujusmodi est : « S1 mater est, diligit filium : si 
« avarus est, negligit jusjurandum. » In eo autem, 
quod in opinione positum est, hujusmodi sunt pro- 
babilia : « Impiis apud inferos poenas esse præpara- 
«tas; eos, qui philosophie dent operam, non arbi- 
« trari deos esse. » 

XXX. Similitudo autem in contrariis et paribus, 
et in iis rebus, quæ sub eandem cadunt rationem , 
maxime speclatur. In contrariis, hoc modo : « Nam si 
« iis, qui imprudentes læserunt , ignosci convenit , 
« ls , qui necessario profuerunt, haberi gratiam non 
« oportet. » Ex pari, sic : « Nam ut locus sine portu, 
« navibus esse non potest tutus : sic animus sine fide, 
« stabilis amicis non potest esse. » In iis rebus , quz 
sub eandem rationem cadunt , hoc modo probabile 
consideratur : « Nam si Rhodiis turpe non est porto- 
« rium locare, ne Hermacreonti quidem: turpe est 
« conducere. » Hæc tum vera sunt, hoc pacto : « Quo- 
« niam cicatrixest, fuit vulnus; » tum verisimulia, hoc 





DE L'INVENTION, LIVRE I. 8i 
ner des armes contre vous) que votre confirmation n'ait pas 
seulement la forme d'un raisonnement , une apparence de con- 
séquence nécessaire, mais que vos argumens soient bien en- 
chainés et appuyés sur des raisons solides. 


Un fait vrai ou faux est probable, quand il est ou semble 
être conforme à l'usage et aux idées recues. « Si elle est mère, 
« elle aime son fils. » — « S'il est avare, il tient peu à sa pa- 
« role. » — « L'impiété est punie dans les enfers. » — « Les 
« philosophes n'admettent point la pluralité des dieux. » 


XXX. La similitude s'établit entre des choses contraires ; 
pareilles, ou qui ont le méme principe. Exemple des contraires: 
« Si l'on doit pardonner une faute involontaire, doit-on de la 
« reconnaissance à un service forcé? » De choses pareilles : « Si 
« une cóte sans port n'offre point d'asile aux vaisseaux, un 
«cœur sans bonne foi n'offre point de sûreté à l'amitié. » 
Dans les choses qui ont le méme principe, on établit ainsi la 
probabilité : «S'il n'y a point de honte pour. les, Rhodiens d'af- 
« fermer leur port, il n'y en a póint pour Hermacréon d'en 
« prendrele bail.» Les probabilités sont plus ou moins fondées : 


« Une cicathice est la preuve d'une blessure; une chaussure 
II. 6 


83 DE INVENTIONE, LIBER I. 


. modo : « Si muluis erat in calceis pulvis, ex itinere 
« eum venire oportebat. » 

Omne autem ( nt certas quasdam ip partes distri. 
buamus ) probabile , quod sumitur ad argumenta- 
tionem , aut signum est, aut credibile, aut judicatum, 
aut comparabile. Signum est, quod sub sensum ali- 
quem cadit, et quiddam significat, quod ex Ipso 
profectum videtur, quod aut ante fuerit , aut in ipso 
negotio, aut post sit consecutum , et tamen indiget 
testimonii et gravioris confirmationis; ut cruor, fuga, 
pallor, pulvis , et quæ his sunt similia. Credibile est, 
quod sine ullo teste, auditoris opinione firmatur, hoc 
modo : « Nemo est , qui non liberos suos incolumes 
«et beatos esse cupiat, » Judicatum est, res assen- 
sione , aut auctoritate, aut judicio alicujus , aut ali- 
quorum comprobata. Id tribus in generibus specta- 
tir, religioso, communi , approbato. Religiosum est, 
quod jurati legibus judicarunt : commune est, quod 
omnes vulgo probarunt , et secuti supt, hnjysmodi : 
ut majoribus natu assurgatpr, ut sypplicum mise- 
reatur : approbatum est, quod homines , cum dubium 
esset, qugle haberi oporteret, sug constituerunt auc- 
toritate : velut Gracchi patris factum , quem populus 
romanus ' eo, quod insciente collega in censura nihil 
egisset, post censuram consulem fecit. Comparabile 
autem est, quod in rebus diversis similem aliquam 
rationem continet. Ejus parles sunt tres : imago, col- 
latio , exemplum. Imago est oratio demonstrans cor- 

: Ob id, 


DE L'INVENTION, LIVRE I. 85 
« poudreuse indique qu'on arrive de voyage. » Toute proba- 
bilité (pour ne pas marcher au hasard ), e'appuie sur des si- 


gnes, sur l'opinion, les préjugés, eu sur.une comparaison. 


On appelle signe tout indice tiré du fait même, qui tombe 
sous les sens, qui à précédé, accompagné ou suivi le fait, et 
qui néanmoins a besoin d'étre confirmé par quelque témoi- 
gnage plus sûr, comme le sang, la fuite, la pâleur, la pous- 
sière. L'opinion, conforme aux idées de l'auditoire, n'a pas 
besoin de témoignage. « Il n'est personne qui ne souhaite à ses 
« enfans la santé et le bonheur. » Le préjugé est fondé sur le 
consentement , l'autorité ou le jugement d'une ou plusieurs 
personnes. On peut l'envisager sous trois points de vue diffé- 
rens , de religion , d'usage ou d'approbation. Il est religieux, 
quand i] est sanctionné par l’autorité des lois ; vulgaire, quand 
il est conforme à la coutume et au sentiment général, comme 
le respect pour la vieillesse, la pitié pour les supplians. La 
troisième espèce est l'autorisation que denne à une chose d'a- 
bord douteuse le consentement général : par exemple, le peu- 
ple romain nomma consul, aprés sa censure, le pere des 
Gracques , qui; dans cette derniére magistrature, n'avait rien 
fait que de concprt ayec sqn collègue. 


La comparaison établit quelques points de rapport entre 
des choses différentes. Elle emploie l'image, le parallle et 
l'exemple. L'image démontre la ressemblance du corps ou de 
la nature. Le parallèle compare deux choses semblables: 


84 DE INVENTIONE , LIBER I. 
porum, aut naturarum similitudinem : collatio est 
oratio, rem cum re ex similitudine conferens. Exem- 
plum est, quod rem auctoritate, aut casu alicujus 
hominis, aut negotii confirmat , aut infirmat. Horum 
exempla et descriptiones in præcepus elocutionis 
cognoscentur. Ác fons quidem confirmationis, ut 
facultas tulit , apertus est, nec minus dilucide , quam 
rei natura ferebat, demonstratus est. Quemadmodum 
autem quæque constitutio, et pars constitutionis, ét 
omnis controversia , sive in ratione, sive in scripto 
versetur, tractari debeat, et quæ in quasque argu- 
mentationes conveniant, singillatim in secundo libro 
de unoquoque genere dicemus. In præsentia tantum- 
modo numeros, et modos, et partes argumentandi 
confuse et permixte dispersimus : post ' descripte et 
electe in genus quodque causæ , quid cuique con- 
veniat, ex hac copia digeremus. 

. Atque inveniri quidem omnis ex his locis argu- 
mentaüo poterit : inventam exornari, et certas in 
partes distingui et suavissimum est, et summe neces- 
sarium , et ab artis scriptoribus maxime neglectum. 
Quare et de ea præceptione nobis in hoc loco dicen- 
dum * visum est, ut ad inventionem argumenti, ab- 
solutio quoque argumentandi adjungeretur. Et magna 
cum cura et diligentia locus hic omnis considerandus 
est, quod non solum rei magna utilitas est, sed præ- 
cipiendi quoque summa difficultas. 

XXXI. Omnis igitur argumentauo aut per induc- 


! Discrcte. — ? Abest visuri. 


-— 





DE L'INVENTION, LIVRE I. 85 
L'exemple soutient ou infirme le fait, par le rapprochement 
d'un fait analogue. Nous donnerons des exemples et des dé- 
finitions de toutes ces regles, quand nous traiterons de l'élo- 
cution. Nous avons, autant que nous le permettaient nos 
faibles talens et la nature du sujet, indiqué les sources où doit 
puiser l'orateur pour la confirmation. Quant à la manière de 
traiter chaque question, chaque partie de question, toute dis- 
cussion portant sur le raisonnement ou sur le sens littéral, et 
sur les argumens qui conviennent à chacune , nous dévelop 
perons chacun de ces points en particulier dans notre second 
livre. Nous nouscontentons maintenant d'indiquer confusément 
et sans ordre, le nombre, les formes et les parties du raisonne- 
ment, puis nous choisirons ceux qui sont propres à chaque 


genre de cause. 


Voilà les lieux dans lesquels on trouvera des argumens de 
toute espéce ; mais l'art de les embellir et de les diviser en cer- 
taines parties, art aussi agréable qu'utile, a été négligé entiè- 
rement par tous les rhéteurs. Nous allons donc en parler ici 
pour montrer à la fois la manière de trouver l’argument et 
la manière de le poser. L'importance et la difficulté de la 
matière exigent iei le plus grand soin et la plus scrupuleuse 
exactitude. 


XXXI. Dans l'argumentation, on emploie l'induction ou 
le raisonnement. L'induction, en nous faisant convenir de 
1 


£6 DE INVENTIONE, LIBER I. 


tionem tractanda est, aut per ratiocinationem. Induc- 
tio est oratto , qu: rebus non dubiis captat assensio- 
nem ejus, quicum instituta est:quibus assensionibus 
facit, ut illà dubia quaedam res, propter similitudinem 
earum rerum , quibus assensit ; probetur : velut apud 
Socraticum /Eschinem demonstrat Socrates , cum 
Xenophontis uxore, et cum ipso Xenophonte Áspa- 
siam locutam: « Dic mihi, queso, Xenophontis uxor, 
« si vicina tua melius habéat aurum, quam tu habes, 
« uttum illtus an tnum malis? Illius, inquii. Quid 
« si véstetn ; et ceférum Orntátum muliebrem pretii 
« majoris habeat , quam tu habes , tuumne an illius 
« malis? Illius vero, respondit. Âge, inquit, si vi- 
« rum illa meliorem habeat, quam tu habes, * vi- 
« rumne tuum an illius malis? » Hic mulier erubuit. 
Aspasia autem cum ipso Xenophonte sermonem ins- 
tituit : « Quæso, inquit, Xenophon, si vicinus tuus 
«, équum meliorem habeat , quam tuus est; tuumne 
« equum malis , an illius? Illius, i inquit. Quid si fun- 
« dum meliorem habeat , quàm tu habes, ütrum 
« tandem fundum habere Talis ? Illum, inquit, me- 
« liorem scilicet. Quid $i uxorem meliorem habeat, 
« quam tü hábes, * utram malis? » Atque hie Xeno- 
plion quoque ipse tacuit. Post Áspasia: « Quoniam 
« uterque vestrum, inquit, id mihi solum, non res- 
« pondit, quod ego solum audire volueram , egomet 
« dicam , quid uterque cogitet. Nam et tu mulier 
« opümum virum mavis habére, et tu Xenophon 


! Utumne, — 2 Utm illius. 


DE L'INVENTION, LAVRE 1. 8 
choses évidentes ; tire de ces avettt le moyen de nous faire 
convènir de cHbsés dolítélisés ; Mais qui ont dti rapport avec 
lés premilètes. C'est alisi qu'argurienté Sdcfaté dané Eschine, 
quand il fait parlér Aspasie avec la femme de Xénophon et 
avec Xénophon lui-ménie. « Dites-moi , je vous prie, épóuse 
« de Xénophon, si votre voisine a de l'or d'un titre au-dessus 
« du vótte, lequel préférerez-vous ? — Le sien. — Si ellé a 
« des ajustemens, wne parüre plus riche que la vôtre, la- 
« quelle práféretéz-vous ? — La sieine. — Si son mari vaut 
v iifieut qué Ie vótte, Kéquti préféreréz-Vous? » Cétte femmie 


rôugit poür toüte réponse. 


Aspüsie s’adiéisé ensuite & X éiiophon : « Dites-moi, jé vous 
« prie, si votre voisin a un chtval meilleur qué le vôtre, 
«. lequel préférereg-vous ? — Le sien. — S'il a une terre d'un, 
« meilleur zapport que la vótre, laquelle préférerez-vous ? — 
« La sienhe. — Ex s'il a dne femme meilleure que la vôtre, 
« laquelle préférerez-vous? » Xénophon gurda le silence. uPuis- 
« été chdtuh de vous, reprit Aspasie, wa pás voulu me répondre 
« &hr le seul poitit que je désirais sávoir ; je vàis répondre pour 
« Vous. Vous, vous désirez le meilleur des époux, et vous, 
« Xénophon, la meilleure des femmes. Si vous ne réuseissez 
« à devenir ; l'un, l'homme le plus parfait, et l'autre, la 
« femme la plus accomplie, vous regrettérez toujours de 
« n'avoir point fait un meilleur choix. » Ainsi ; en les faisant 


convenir de choses évidentes, elle a réussi à les faire conve- 


88 . DE INVENTIONE, LIBER I. 


« uxorem habere lectissimam maxime vis. Quare ; 
« nisi hoc perfeceritis, ut neque vir melior , neque 
« foemina lectior in terris sit, profecto id semper, 
« quod optimum putabitis esse, multo maxime re- 
« quiretis, ut et tu maritus sis quam optimæ, et hzc 
« quam optimo viro nupta sit. » Hic cum rebus non 
dubiis esset assensum , factum est propter similitu- 
dinem, ut etiam illud, quod dubium videbatur, si 
quis separatim quæreret, id pro certo, propter ra- 
tionem rogandi, concederetur. Hoc. modo sermonis 
plurimum Socrates usus est, propterea quod nihil 
ipse afferre ad persuadendum volebat , sed ex eo, 
quod sibi ille dederat, quicum disputabat, aliquid 
conficere malebat, quod ille ex eo, quod jam con- 
cessisset , necessario approbare deberet. 

XXXII. Hoc in genere przcipiendum nóbis vi- 
detur, primum, ut illud, quod inducemus per si- 
militudinem, ejusmodi sit, ut sit necesse concedi. 
Nam ex quo postulabimus nobis illud , quod dubium 
sit, concedi , dubium esse idipsum non oportebit. 
Deinde illud, cujus confirmandi' causa fiet induc- 
tio, videndum est, ut simile i1s rebus sit, quas res, 
quasi non dul'ias, ante induxerimus. Nam ante ah- 
quid nobis concessum esse, nihil proderit, si ei dis- 
simile erit id , cujus causa illud concedi primum 
voluerimus : deinde non intelligit, quo spectent illae 
prime inductiones, et ad quem sint exitum perven- 
turz. Nam qui videt, si ei rei, '* quam primo rogetur, 


! Que. us ) 





DE L'INVENTION, LIVRE I. 89 
nir de choses douteuses, quand elle les leur demandait iso 


lément. 


C'était la manière de Socrate; i) cherchait moins à con- 
vaincre son adversaire par ses propres raisons, qu’à tirer de 
ses propres aveux des circonstances dont il le forcait de con. 
venir. 


XX XII. Le premier principe de cette manière de raisonner, 
c’est qu'il doit être impossible de ne pas nous accorder la pre- 
mière partie de notre induction; car ce qu'on établit pour 
faire convenir d’une chose douteuse, ne doit pas être douteux 
lui-même. Ensuite, la conséquence doit être semblable à ce 
que nous avons posé d’abord pour certain. Car à quoi peut 
nous servir ce qu’on nous accorde, s’il n’a point de rapport 
avec ce à quoi nous en voulons venir? Enfin, il faut cacher 
sa marche, et ne pas laisser voir le but auquel on veut 
arriver. | 


En effet celui qui voit, dèsla première question, qu'en ac- 
cordant ce qu'on lui demande, il lui faudra nécessairement 


o DE INVENTIONE; LIBER I. 

recté assetisévit , illam quoque rém , quie eibi displi- 
ceat, esse necessario concedendam, plerumque aui 
non respondendo, aut male respondendo longius pro- 
cedete tügatiotiem non sihit. Quäte tátlote togationis 
imprudéns ab éo, (&od tohtessit, ad id, quod non 
vult concedere , deducetidus est. Fin autem 
aut taceatur oportet , aut concedatur , aut negetur. 
Si negabitur , aut ostendenda est similitudo earum 
rerum , quæ ante concesse sunt , aut alia utendum 
inductione. Si concedetur , concludenda est argu- 
mentatio. Si tacebitur, aut elicienda est responsio; 
aut, quoniam taciturnitas imitatur confessionem ,pro 
eo, ac si concessum sit, concludere oportebit argu- 
mentationem. lta fit hoc genus argumentandi tripar- 
ütum : prima pars ex similitudine constat una, pluri- 
busve : altera ex eo, quod eoncedi voluinus, cujus 
causa similitudines adhibitæ sunt : tertia. et conclu- 
sione, quz aut confirmat concessionem, aut, quid ex 
ea conficiatur , ostendit. 

XXXIII. Sed quia non satis alicui videbitur dilu- 
cide demonstratum , nisi quod ex civili causarum 
geuere exérhplum subjecérimus : videtur hujusmodi 
(oque utétduin exemplo, hot qu6 firzeceptio diffe- 
fat; aut aliter hoc in sertnoneé ; atque in dicendo sit 
btenduníi : sed ut éoruri voluütati satisfiat , qui; quod 
aliquo in loco viderint, alio in loco, nisi demonstra- 
tum est, nequeunt cognoscere. Ergo in hac causa , 
qua apud Grsecos est pétvagäta; qood Epaminondas, 
Thebanorurn imperator, ei, (ux sibi 1 €x lege prætor 


DE L'INVENTION, LIVRE I. gt 
accorder ce dont il ne véut pas convenir, vous enrpêchrera par 
Son silente, ou par utte màtivaise réponse, de pousser plus 
loin vos questions. Il faut donc que ces questions le condui- 
sent, sans qu'il s'en apercoive, de ce qu'il vous aécotde 
à ce qu'il ne veut pas accorder : alors vous le réduisez au si- 
lence, ou à l'alternative de nier ou d'avouer, S'il nie, mon- 
trez-lui l'identité de «e qu'il accorde et de ce qu'il n'accorde 
pas, ou servez-vous d'une autre induction. S'il avoue, con- 
cluez; Gerde-t-il lé silénée ? où atráches-lui ute répónse , ou, 
puisque le silence ést un aveu, cóncIuez cotmeé s’il avait avoué. 
Ainsi cet argument se divise en trois parties. Lá première se 
compose d'une ou plusieurs similitudes ; là seconde du point 
dont nous demandons la concession, et la troisième de la con- 
clusion qui confirme la concession, ou montre ce qu'on en 
peut déduire. 


XXXHI. Mais peut-être ne trüuverait-on pás cette dé: 
monstration asséz clatre, si nous de dónniónis uh éxemplé dé 
de l'induction appliquéé à une cause civilé ; nón qu'il y ait 
la moindre différence entre son usage. dans la conversatiort et 
dans le discours, mais pour satisfaire ceux à qui un seul 
exemple ne saurait suffire. Prenons la cause d'Epaminondas , 
cause si célèbre dans la Grèce. Ce général n'ayait point remis 
le commandement entre les mainà du préteur nommé pour 
Jui succéder ; mais il l'avait retenu pendant quelques jours pour 


02 DE INVENTIONE, EIBER I. 


successerat , exercitum non tradidit, et cum paucos 
ipse dies contra legem exercitum tenuisset , Lace— 
dæmonmios funditus vicit, poterit accusator argumen- 
tatione uti per inductionem, cum scriptum legis con- 
tra sententiam defendat, ad hunc modum : « Si, 
« judices, id, quod Epaminondas ait legis scriptorem 
« sensisse , adscribat ad legem , et addat exceptionem 
« hanc : ExTRA QUAM SI QUIS REIPUBLICE CAUSA 
« EXERCITUM NON TRADIDERIT , patiemini ? non opi- 
« nor. Quodsi vosmetipsi, quod a vestra religione et 
« sapientia remotissimum est, istius honoris causa 
« hanc eandem exceptionem , injussu populi, ad le- 
« gem adscribi jubeatis , populus thebanus id patie- 
« turne fieri ? Profecto non patietur. Quod ergo ad- 
« scribi ad legem nefas est, id sequi , quasi adscriptum 
« Sit, ' rectum vobis ? videatur ? Novi vestram intel- 
« ligentiam, non potest ita videri, judices. Quodsi 
« litteris corrigi neque ab illo, neque a vobis scrip- 
« toris voluntas potest; videte ne mülto indignius sit, 


« id re et judicio vestro mutari , quod ne verbo 


« quidem commutari potest. » Ác de inductione 
quidem satis in presentia dictum videtur. Nunc dein- 
ceps ratiocinationis vim et naturam consideremus. 


XXXIV. Ratiocinatio est oratio ex ipsa re probabile 
aliquid eliciens, quod expositum et per se cognitum , 
sua se vi et ratione confirmet. Hoc de genere qui dili- 


3 Rectumne.. — 2 Videtur. 





DE L'INVENTION, LIVRE I. 93 


achever d'abattre la puissance de Lacédémone. L'accusateur 
peut employer l'induction pour défendre le sens littéral de la 
loi contre le sens qu'on lui donnait. 

« Si l'on voulait, magistrats, ajouter au texte de la loi 
« cette exception, qu'Epaminondas soutient avoir été dans 
« l'intention du législateur , à moins que l'intérét de la patrie 
« n'exige que le général ne remette point le commandement, 
« le souffririez-vous ? Je ne le pense pas. Que si vous-mémes, 
« et cette pensée est bien loin de votre sagesse et de votre 
« respect pour laloi, vous vouliez, par honneur pour ce gé- 
« néral, ajouter , sans l'ordre du peuple, cette exception à 
« la loi, le peuple thébain le souffrirait-il? Non, sans doute. 
« Eh quoi! pensez-vous qu'il soit permis de regarder comme 
« inhérent à la loi ce que nous n'oserions y ajouter? Non, 
« magistrats, je connais trop votre prudence ; vous ne pouvez 
« penser aiusi. Et si le peuple, si vous-mémes ne pouvez chan- 
« ger l'expression de la volonté du législateur , ne seriez-vous 
« pas mille fois plus coupables de changer , par le fait et par 
« votre jugement, une loi dont vous ne pouvez pas méme 
« changer les termes? » 

Mais c'est assez parler de l'induction; examinons mainte- 
nant la force etla nature du raisonnement. 

XXXIV. Le raisonnement tire du fond méme du sujet une 
proposition probable qui , une fois connue et développée , n'a 
plus besoin de nouvelles preuves pour étre confirmée. Les 
rhéteurs qui ont parlé avec le plus de soin de cet argument, 


/ 


94 DE INVENTIONE, LIBER I. 


gentius considerandum putaverunt, cum idem usu 
dicendi sequerentur , paullulum in præcipiendi ra- 
tione dissenserunt. Nam partim quinque ejus partes 
esse dixerunt , partim non plus , quam in tres partes 
posse distribui putaverunt. Eorum controversiam non 
incommodum videtur cum utrorumque ratione ex- 
ponere. Nam et brevis est, et non ejusmodi , ut al- 
teri prorsus nihil dicere putentur , et locus hic nobis 
in dicendo minime negligendus videtur. 

Qui pntant in quinque distribui partes oportere , 
ajunt , primum conyenire exponere summam argu- 
mentauonis , ad hunc modum: « Melius accurantur, 
« quz consilio geruntur, quam quz sine consilio ad- 
« ministrantur.» Hanc primam partem numerant : eam 
deinceps rationibus variis, et quam copiosissimis 
verbis approbari putant oportere , hoc modo : « Do- 
« mus ea , quee ratione regitur , omnibus instructior 
«est rebus , et Apparalor , qnam ea , que temere et 
« nullo cogsilio sd ministratur. Exercitus is , cui præ- 
« positus est sapiens et callidus imperator , omnibus 
« partibus commodius regitur , quam is, qui stul- 
« titia et temeritate alicujus administratur. Eadem 
« navigii ratio est. Nam navis optime cursum con- 
«ficit ea , quie scientissimo gubernatore utitur. » 
Cum propositio sit boc pacto approbaia , et duæ par- 
tes transierint rauocinauonis , tertja in parte ajunt , 
quod ostendere velis , id ex vi propositionis oportere 
assumere , hoc pacto : « Nihil autem omnium rerum 
«melius, quam omnis mundus , administratur. » 








-—-A— " o B — 


DE L'INVENTION, LIVRE I. o5 
d'accord sur son usage dans l'éloquence , ne le sont pes sur 
les préceptes qu'ils donnent à ce sujet. Car les uns le divisent 
en cinq parties; les autres ne lui en donnent que trois. Il ne 
me semble pas inutile de faire connaitre leur opinion et les 
raisons dont ils l'appuient. La digression sera courte. D'ailleurs, 
les uns et les autres ne manquent point de raisons; et c'est un 
point assez important en éloquence, pour mériter qu'on s'y 
arrête quelques instans. 

Ceux qui lui donnent cinq parties veulent qu'on établisse 
d'abord la proposition, base du raisonnement. « Les choses 
« gouvernées qyec prudence sont hien mieux conduites que 
« celles où la prudence pe sa trouve point. » C'est le pre- 
mière partie : elle doit être sofitenue de différentes preuves 
et de riches expressions. « Une maison administrée avec sa- 
« gesse est mieux montée et mieux approvisionnée qu'une 
« maison en désordre et abandonnée au hasard. Une armée 
« dirigée par un général plein de sagesse et d’expérience a un 
« avantage immense sur une armée livrée à l'ignorance d’un 
« chef présomptueux. ]] en est de même pour um vaisseau. 
* Celui qui a le meilleur pilote fuit la plus heurenge tra- 


« versée. » 


La majeure ainsi pronvée, il faut tirer de cette proposi- 
tion ce que vous youlez démontrer. « Or, rien n’est mieux 
conduit que l'univers, » C'est la troisième partie. La quatrième 
renferme les preuves de cette assomption. « Car le cours ré- 


o6 DE INVENTIONE , LIBER 1. 


Hujus assumtionis quarto in loco aliam porro indu- 
cunt approbationem , hoc modo : « Nam et signorum 
« ortus et obitus definitum quemdam ordinem ser- 
« vant , etannuz commutationes, non modo quadam 
« ex necessitate semper eodem modo fiunt; verum 
«ad utilitates quoque rerum omnium sunt accom- 
« modatz , et diurnz nocturnæque vicissitudines , 
. « nulla in re unquam mutatæ quidquam necuerunt. 
« Quæ signo ' sunt omnia, non mediocri quodam con- 
« silio naturam mundi administrari.» Quintoinducunt 
loco complexionem eam, quzautid infert solum, quod 
ex omnibus partibus cogitur , hoc modo : « Consilio 
« igitur mundus administratur : » aut unum in locum 
cum conduxerit breviter propositionem et assumtio- 
nem , * adjungit , quod ek his conficiatur , ad hunc 
modum : « Quodsi melius geruntur ea, qua consi- 
« lio, quam quz sine consilio administrantur : nibil 
« autem omnium rerum melius administratur , quam 
«omnis mundus; consilio igiutr mugdus adminis- 
« tratur. » Quinquepartitam igitur hoc pacto putant 
esse argumentationerm. 

XXXV. Quiautem tripartitam esse dicunt , ii non 
aliter putánt tractari oportere argumentationem , sed 
partitionem horum reprehendunt. Negant enim ne- 
que a propositione , neque ab assumtione approba- 
tiones earum separari oportere , neque propositionem 
absolutam, neque assumtionem sibi perfectam videri, 
quæ approbatione confirmata non sit. Quare quas illi 


! Sint. — » Idadjungit. . ME 











DE L'INVENTION, LIVRE I. 97 
v gulier desastres, leurs révolutions annuelles, asservies à une 
« loi immuable et toujours dirigées vers le bien universel, la 
« succession constante des jours et des nuits n'ont jamais, 
« par leur dérangement , causé le plus léger désordre. Preuves 
« évidentes qu'une sagesse supérieure préside à la marche de 
« l'univers. » La cinquième partie est la conclusion qui ren- 
ferme simplement la conséquence des quatre autres parties, 
« Ainsi l'univers est gouverné avec sagesse, » Ou qui résume 
en peu de mots la proposition et l'assomption, auxquelles 
elle ajoute la conséquence : « Les choses gouvernées avec pru- 
« dence sont bien mieux conduites que celles où la prudence 
« ne se trouve pas : or, rien n'est mieux conduit que l'univers; 
« donc l'univers est gouverné avec sagesse. » C'est ainsi qu'on 


donne cinq parties à cet argument. 


XXXV. Ceux, au contraire, qui ne lui en donnent que 
trois, ne suivent point une marche différente dans leur argu- 
ment, mais seulement dans leur division. Ils ne veulent point 
qu'on sépare la proposition et l'assomption de leur preuve. 
Si on les sépare , ces deux parties, selon eux , seront incom- 
plètes. Ainsi, ce que les autres divisent en propesition et en 


preuve, ils le regardent comme une seule et méme chose. 
II. ] 


93 DE INVENTIONE, LIBER I. 


duas partes * numerent , propositionem et approba- 
tionem , sibi unam partem videri, proposiionem : 
qui si approbata non sit, propositio non sit argu- 
mentauonis. Item , qua ab illis assumtio , et assum- 
tionis approbatio ? dicatur, eandem sibi assumtionem 
solam videri. Ita fit, ut eadem rauone argumentatio 
tractata , aliis triparüta , aliis quinquepartita videa- 
tur. Quare evenit , ut res non tam ad usum dicendi 
perüneat, quam ad rationem præcepuüonis. Nobis 
autem commodior illa partiuo videtur esse , quz in 
quinque partes distributa est , quam omnes ab Aris- 
totele et Theophrasto profecti , maxime secuti sunt. 
Nam quemadmodum illud superius genus argumen- 
tandi , quod per inductionem sumitur , maxime So- 
crates et Socratici tractaverunt : sic hoc , quod per 
| ratiocinationem expolitur , summe est ab Aristotele, 
atque a Peripateticis , et Theophrasto frequentatum ;. 
deinde a rhetoribus iis , qui elegantissimi atque ar- 
üficiosissimi putati sunt. Quare autem nobis illa 
magis partitio probetur , dicendum videtur , ne te- 
mere secuti putemur : et breviter dicendum , ne in 
hujusmodi rebus diutius, quam ratio præcipiendi 
? postulet , commoremur. 

XXXVI. Si quadam in argumentatione satis est 
uti propositione , et non oportet adjungere approba- 
tionem propositioni ; quadam auten: in argumenta- 
tione infirma est propositio , nisi adjuncta sit appro- 
batio; separatum quiddam est a propositione appro- 


2) Numerant. — ? Dicitur. — ? Postolat. 


DE L'INVENTION, LIVRE I. Q9 
Sans preuve, ce n'est plus une proposition. Il en est de méme 
pour l'assomption et la preuve, qu'ils appellent seulement 
assomption. C'est ainsi qu'ils divisent le méme argument, 
les uns en trois , les autres en cinq parties : Aussi la différence 


consiste-t-elle moins dans la pratique que dans la théorie. 


La division en cinq parties, adoptée par les disciples d'A- 
ristote et de Théophraste , me semble ptéférable ; tar, si l'école 
de Socrate avait adopté l'induction , Aristote, les péripaté- 
ticiens et Théophraste donnaient la préférence au raisonne: 
ment; systéme suivi par les rhéteurs les plus subtils et les 
plus versés dans la connaissance de leur art; mais il faut 
justifier cette préférence , afin d'éviter le reproche d'une dé- 
férence aveugle pour l'Académie ; et c'est ce que nous allons 
faire en peu de mots. 


XXXVI. S'il est des argumens où il suffit d'établir la 
proposition , sans qu'il soit nécessaire d'y joindre la preuve, 
ilen est d’autres où la proposition n'a de force qu'autant 
qu'elle est soutenue par la preuve. La proposition et la 
preuve sont donc deux choses différentes; car deux choses - 


100 . DE INVENTIONE, LIBER I. 

batio. Quod enim * et adjungi et separari ab aliquo 
potest , id non potest idem esse, quod est id, ad 
quod adjungitur , et a quo separatur : est autem 
quadam argumentatio , in qua propositio non in- 
diget approbatione; et quzdam , in qua nihil valet 
^ sine approbatione, ut ostendemus : separata est 
igitur a propositione approbatio. ? Ostendetur autem 
id , quod polliciti sumus , hoc modo: Quz propositio 
in se quiddam continet perspicuum , * et quod cons- 


tare inter omnes necesse est, hanc velle.approbare 


et firmare nihil attinet. Ea est hujusmodi : « Si, quo 
« die 1sta cædes Romæ facta est , ego Athenis eo die 
« fui , interesse in cæde non potui. » Hoc quia pers- 
picue verum est , nihil attinet approbari. Quare as- 
sumi statim oportet, hoc modo: « Fui autem Athe- 
« nis eo die. » Hoc si non constat , indiget approba- 
tionis : qua inducta , complexio 5 consequetur. Est 
igitur quaedam propositio , quæ non indiget appro- 
batione. Nam esse quandam , qua indigeat, quid 
attinet ostendere , quod cuivis facile perspicuum est? 
Quod si ita est, ex hoc, et ex eo , quod proposue- 
ramus , hoc conficitur , separatum esse quiddam a 
propositione approbationem. Si autem ita est , falsum 
est non esse plus quam tripartitam argumentationem. 
Simili modo liquet , alteram quoque approbationem 
separatam esse ab assumtiorie : si quadam in argu- 
mentatione satis est uti assumtione , et non oportet 


! Abest et. — ? Absque. — ? Ostendemus. — 4 Eo. — 5 Conscquetur, 
Igitur in cede interesse noo potui. Est, etc. — 6 Nam si. 











DE L'INVENTION, LIVRE 1. 101 
qu’on peut réunir ou séparer à volonté, ne peuvent faire ux 
seul et méme tout. Or, certaines propositions n'ont pas be- 
soin de preuves; d'autres, comme nous le montrerons, ne 
sauraient s'en passer ; donc la preuve n'est pas la méme chose 


que la proposition. 


Une proposition évidente et dont tout le monde ne peut 
s'empécher de convenir, n'a pas besoin de preuve. Par exemple: 
« Si j'étais à Athènes le jour que ce meurtre a été commis à 
« Rome, je n'ai pu en être complice. » Voila qui est évident, 
qui n'a pas besoin de preuve. Aussi peut-on ajouter de suite 
l'assomption : « Or, j'étais a Athènes ce jour-là. » Si ce fait 
n’est pas constant, il faut le prouver , et ensuite vient la con- 
clusion : « Donc je n'ai pu être complice. de ce meurtre. » 
Ainsi il est des propositions qui n’ont pas besoin de preuve. 
Prouver que d'autres en ont besoin, serait inutile; pourquoi 
prouver ce qui est évident? Ainsi l'on peut conclure de cet 
exemple et de notre proposition, que la proposition et la 
preuve sont deux choses. différentes. Or, s'il en est ainsi , il est 


faux que cet argument n'ait que trois. parties. 


Nous verrons de méme qu'il faut distinguer l'assomption 
de la preuve ; car, s'il suffit quelquefois de poser l'assomp- 
tion sans y joindre la preuve, si d'autres fois elle n'a de poids 
qu'autant que la preuve y est jointe, la preuve et l'assomp- 
tion sont des choses différentes : or , il est des argumens où 


- lassomption n'a pas besoin de preuve, d'autres au contraire, 


(103 DE INVENTIONE , LIBER I. 


adjungere approhationem assumtioni ; quadam autem 
in argumentatione infirma est assumtio, nisi adjuncta 
sit approbatio : separatum quiddam est extra assum- 
tionem approbatio. Est autem argumentatio quædam, 
in qua assumtio non indiget approbationis ; quedam 
autem , in qua nihil valet sine approbatione , ut os- 
tendemus. Separata est igitur ab assumtioge appro- 
batio. Ostendemus autem id , quod polliciti sumus, 
hoc modo : Qua perspicuam omnibus veritatem con- 
tinet assumtio , nihil indiget approbationis. Ea est 
hujustnodi : « Si oportet sapere , dare operam philo- 
« sophie convenit. » Hac propositio indiget appro- 
bationis. Non enim perspicua est, neque constat inter 
omnes , propterea quod multi nihil prodesse philo- 
sophiam, pleriqueetiam obesse arbitrantur. Assumtio 
perspicua est hæc : « Oportet autem sapere. » Hoc 
autem quia ipsum ex re perspicitur, et verum esse 
intelligitur , nihil attinet approbari. Quare statim 
concludenda est ' arguméntatio. Est ergo assumtio 
quadam , quz approbatiouis non indiget. Nam quan- 
dam indigere perspicuum est. Separata est igitur ab 
assumtione approbatio. Falsum ergo est, non esse 
plus quam tripartitam argumentationem. 

XXXVII. Atque ex his illud jam perspicuum 
est , esse quandam argumentationem , in qua neque 
propositio , neque assumtio indigeat approbationis , 
hujusmodi; ut certum quiddam, et breve, exempli 
causa, ponamus: « 81? sunimo opere sapientia petenda 


* Argumeutatio. Igitur dare operam philosophiz oportet, — * Summopere. 








DE L'INVENTION , LIVRE I. 105 
comme nous. le montrerons, où elle ne peut s'en passer ; donc 
il faut distinguer l'assomption de la preuve. 


Une assomption qui renferme une vérité évidente , n'a pas 
besoin de preuve. Par exemple : Si la sagesse est nécessaire , 
dl faut se livrer à l'étude de la philosophie. Cette proposi- 
tion a besoin d'étre prouvée, car elle n'est pas évidente, 
puisque bien des gens regardent la philosophie comme inu- 
tile, quelques-uns méme, comme nuisible. Mais l'assomp- 
tion est évidente : Or la sagesse est nécessaire. Or une vé- 
rité éviderite n'a pas besoin de preuve, ainsi l'on peut ajouter 
de suite la conclusion: Donc il faut se livrer à l'étude de la 
philosophie. Jl est donc des assomptions qui n’ont pas besoin 
de preuve : démontrer que d'autres ne peuvent s'en passer , est 
inutile. L'assomption etla preuve ne sont donc pas une seule 
et méme chose. I] est donc faux que cet argument n'ait que 
trois parties. 


XXXVII. D'apres oes principes, il est constant qu'il y e 
certains argumens dont ni la proposition ni l'assemption n'ont 
besoin de preuve. En voici un exemple aussi court qu'évident: 
«' S'il faut rechercher avant tout la sagesse, il faut avant tout 


« éviter l'imprudence. Or , il faut rechercher avant tout la 


104 DE INVENTIONE, LIBER I. 


«est, * summo opere stultitia vitanda est : summo 
« autem opere .sapientia petenda est: summo igitur 
« opere stulütia vitanda est. » Hic et assumtio, et 
propositio perspicua est. Quare neutra quoque in- 
diget approbatione. Ex * hisce omnibus illud pers- 
picuum est , approbationem tum adjungi, tum non 
adjungi. Ex quo cognoscitur , neque in propositione, 
neque in assumtione contineri approbationem , sed 
utramque suo loco positam, vim suam, tanquam 
certam et propriam , obünere. Quod si ita est , com- 
mode partiti sunt illi, qui in quinque partes dis- 
tribuerunt: argumentationem. 

Quinque sunt igitur partes ejus argumentationis , 
qua per ratiocinationem tractatur : Propositio , per 
quam locus is breviter exponitur, ex quo vis om- 
nis oportet emanet ratiocinationis : propositionis ap- 
probatio , per quam id, quod breviter expositum 
est, rationibus affirmatum , probabilius et apertius 
fit : assumtio, per quam id , quod ex propositione 
ad ostendendum pertinet , assumitur : assumtionis 

approbatio , per quam id , quod assumtum est, ra- 

tionibus firmatur : complexio, per quam id , quod 
conficitur ex omni argumentatione , breviter expo- 
nitur. Quæ plurimas habet argumentatio partes , ea 
constat ex his quinque partibus: secunda est qua- 
dripartita : tertia tripartita. Dein bipartita ; quod 
in controversia est. De una ? quoque parte potest 
alicui videre posse consistere. 


3 Summopere. — ? His. — ? Qnaque. 


DE L'INVENTION, LIVRE I. 105 
« sagesse ; donc il faut éviter avant tout l'imprudence. » Ici la 
proposition et l'assomption sont incontestables, aussi n’ont-elles 
pas besoin de preuve. Tous ces exemples nous montrent clai- 
rement que la preuve peut tantót s'ajouter, tantót se retran- 
cher. Elle n'est donc renfermée ni dans la proposition , ni dans 
l'assomption. Mais chacune de ses parties a une place et un 
caractére particulier. Ainsi ceux qui divisent le raisonnement 
en cinq parties, ont suivi la division la plus exacte. 


Le reisonnement a donc cinq parties: la proposition, qui 
expose en peu de mots la pensée, base de tout l'argument ; la 
preuve de la proposition , qui l'appuie et lui donne plus de 
probabilité et d'évidence ; l'assomption , qui tire de la propo- 
sition ce qu'elle veut démontrer ; la preuve de l'assomption; 
qui la soutient et l'appuie ; enfin la conclusion, qui renferme 
en peu de mots la conséquence que l'on tire de tout l'argu- 
ment. L'argument le plus compliqué se compose de ces cinq 
parties. Il en est aussi de quatre, de trois et de deux, 
quoiqu'on n'adopte pas généralement cette division. Quel- 
ques-uns méme prétendent qu'un argument peut n'avoir qu'une 
seule partie. Nous donnerons donc quelques exemples des divi- 
sions recues, et nous alléguerons plusieurs raisons en faveur 


des autres. 


106 DE INVENTIONE, LIDER I. 


XXXVII. Eorum igitur, quæ constant , exempla 
ponemus : horum , quz dubia aunt , rationes affere- 
mus, Quinquepartita argumentatio est hujusmodi : 
« Omnes leges , judices , ad commodum reipublice 
« referre oportet , et eas ex utilitate communi , non 
« ex scriptione , qua in litteris est, interpretari. Ea 
« enim virtute et sapientia majóres nostri fuerunt, ut 
«in legibus scribendis nihil sibi aliud , nisi salutem 
«atque utilitatem reipublicæ proponerent. Neque 
« enim ipsi, quod obesset , scribere volebant : et, 
« si scripsissent , cum esset intelleetum , repudiatum 
«iri legem intelligebant, Nemo enim. leges legum 
« causa salvas esse vult, sed reipublicæ , quod ex 
« legibus omnes rempublicam optime pntant admi- 
« nistrari. Quam ob rem igitur leges servari oportet , 
« ad eam causam scripta omnia interpretari convenit: 
« hoc est, quoniam reipublicae servimus , et reipu- 
« blicæ commodo atque utilitate leges interpretemur. 
« Nam ut ex medicina nihil oportet putare proficisci, 
« nisi quod ad corporis utilitatem spectet , quonium 
« ejus causa est instituta ; sic a legibus nihil convenit 
« arbitrari , nisi quod reipublice conducat, profi- 
« cisci, quoniam ejus causa sunt comparatæ, Ergo 
«in hoc quoque judicio desinite litteras legis per- 
« serutari , et legem , ut æquuni est , ex. utilitate rei- 
« publice considerate. Quid enim magis utile The- 
« banis fuit, quam Lacædemonios opprimi ? Cui rei 
« magis Epaminondam , Thebanorum imperatorem, 
«quam victoriæ "Thebanorum , consulere decuit ? 


ge — — 


DE L'INVENTION, LIVRE 1I. 107 
. XXXVII. Voici un raisonnement à cinq parties : « Toutes 
« les lois, magistrats, doivent se rapporter à l'intérêt de la 
« patrie; c’est dans ce sens qu'il faut les entendre plutôt que 
« dans le sens littéral; car si nos sages et vertueux ancêtres 
« n’ont établi les lois que pour le salut et l'intérêt de la patrie, 
« jamais ils n’ont voulu y rien insérer qui dût lui être nui- 
« sible; et quand ils l'aurajent fait, la découverte de leur 
« erreur doit, dans leur intention, abroger la loi. Car ce n'est 
« pas pour la loi elle-même que la loi doit être inviolable, 
« mais pour la patrie, dont la sûreté repose sur les lois. C'est 
« d'après ce principe, qui rend les lois inviolables , qu'on doit 
« en interpréter le texte.Car si nous n'avons d'autre but que 
« l'intérét de la patrie, ce méme intérét doit nous guider dans 
« l'interprétation des lois. En effet si la médecine n'a d'autre 
« but que de rendre la santé, puisque tel est le motif de son 
« invention, les lois n'ent d'autre but que l'intérét de la pa- 
« trie, puisque tel est le motif de leur établissement. » 


« Cegsea donc de vous attacher ici au sens littéral de la loi ; 
«. que l'intérét de la patrie soit, comme il est juste, le seul 
« peint de vue sous lequel vous l'envisagiez . Qu'y a-t-il de plus 
« utile pour Thébes que l'abaissement de Sparte? Epaminon- 
« das, général des Thébains, ne devait-il pas avant tout leur 
« assurer la victoire? Que devait-il préférer a une gloire si 
« brillante , à un triomphe si beau, si éclatant? Ne devait-il 
« pas suivre l'intention du législateur, plutót que le texte de 


108 DE INVENTIONE , LIBER I. 


« Quid hunc tanta Thebanorum gloria, tam claro 
« atque exornato tropæo carius aut antiquius habere 
« convenit? Scripto videlicet legis omisso , scriptoris 
« sententiam considerare debebat. Atque hoc quidem 
« saüs consideratum est , nullam esse legem , nisi 
« reipublice causa scriptam. Summam igitur amen- 
« uam esse existimabat , quod scriptum esset reipu- 
« blicæ salutis causa, 1d non ex reipublice salute in- 
« terpretari. Quodsi leges omnes ad utilitatem reipu- 
« blica referri convenit, hic autem saluti reipublicæ 
« profuit ; profecto non potest eodem facto et com- 
« munibus fortunis consuluisse, et legibus non ob- 
« temperasse. » 

XXXIX. Quattuor autem partibus constat argu- 
mentatio , cum aut proponimus , aut assumimus sine 
approbatione. Id facere oportet , cum aut propositio 
ex se intelligitur, aut assumtio perspicua est, et 
nullius approbationis indiget. Propositionis appro- 
batione præterita , quattuor ex partibus argumentatio 
tractatur ad hunc modum : « Judices, qui ex lege ju- 
«rat judicatis, legibus obtemperare debetis. Ob- 
« temperare autem legibus non potestis, nisi id, 
« quod scriptum est in lege , sequamini. Quod enim 
« certius legis scriptor testimonium voluntatis suæ 
« relinquere potuit, quam , quod ipse magna cum 
« cura atque.diligentia scripsit? Quod si litteræ non 
« exstarent , magnopere eas requireremus , ut ex his 
« scriptoris voluntas cognosceretur ; nec tamen Epa- 
« minondæ permitteremus, ne si extra judicrum 





DE L'INVENTION, LIVRE I. og 
« la loi? Nous avons suffisamment établi qu'aucune loi n'avait 
« d'autre but que l'intérét de la patrie. Epaminondas regar- 
« dait donc comme le comble de la démence dene pas prendre 
« le salut de son pays pour règle dans l'interprétation d'une 
« loi établie pour le salut de la patrie. Que s’il faut rapporter 
« toutes les lois àl'intérét de la république , et si Epaminondas 
« a été utile à la république, il n’a pu en méme temps être 
« utile à la république et désobéir aux lois. » 


XXXIX. Le raisonnement n'a que quatre parties quand 
on retranche la preuve, soit de la proposition, soit de l'assomp- 
tion; et c'est ce qu’il faut faire quand la proposition est évi- 
dente vu l'assomption assez claire pour n'avoir pas besoin 
d'étre prouvée. Voici un exemple d'un raisonnement à quatre 
parties, où la proposition n'a pas de preuve: « Magistrats, 
« qui devez votre pouvoir à la loi, votre premier devoir est 
« de lui obéir. Or vous ne pouvez lui obéir, si vous vous écartez 
« du sens littéral de la loi. Car comment le législateur a-t-il pu 
« manifester plus clairement sa volonté que par ce qu'il a écrit 
« avec soin, avec l'attention la plus scrupuleuse? Si ce texte 
« nesubsistait pas , nous ferions tous nos efforts pour le trou- 
« ver , afin de connaître la volonté du législateur; et quand 


« nous avons le texte de la loi sous les yeux, bien loin de 


-— m ws 


I10 DE INVENTIONE, LIBER I. 


« quidem esset , ut 1s nobis sententiam legis inter- 
« pretaretur , nedum nunc * istum patiamur, cunt 
« præsto lex sit, non ex eo, quod apertissime scrip- 
«tum est, sed ex eo, quod sus cause convenit , 
« scriptoris voluntatem interpretari. Quodsi vos , ju- 
« dices, legibus obtemperare debetis, et id facere 
« non potestis , nisi, quod scriptum est in lege, 
«sequamini, quid cause est, quin istum contra 
« legem fecisse judicetis? » Assumtionis autem ap- 
probatione praeterita , quadripartita sic fiet argumen- 
tatio : « Qui sæpenumero nos per fidem fefellerunt , 
« eorum orationi fidem habere non debemus. Si quid 
«enim perfidia illorum detrimenti acceperimus , 
«remo ‘erit, preter nosmetipsos , quem jure ac- 
« cusaré possimus. Ác primo quidem decipi incom- 
« modum est : iterum , stultum: tertio, turpe. Car- 
« thaginienses autem pérsæpe jam nos fefellerunt. 
« Summa igitur amentia est in eorum fide spem ha- 
« bere , quorum perfidia toties deceptus sis. » Utra- 
que approbatione preterita tripartita fit, hoc pacto: 
« Aut metuamus Carthaginienses oportet , si inco- 
« lues eos reliquerimus ; aut eorum urbem dirua- 
« mus. Ác metuere quidem noti oportet. Restat i igi- 
« tur , ut urbem diruamus. » 

XL. Sunt autem , qui ? pütebt , nonnunquam 
posse complexione ? supersederi, cum id perspi- 
cuum sit , quod conficiatur ex ratiocinatione. Quod 
sifiat, bipartitam quoque fieri argumentationem, hoc 


! Istud. — 2 Putant, — 3 Et oportere supersederi. 





EE ne UN Y 


DE L'INVENTION, LIVRE I. Ii 
« permettre qu'Epaminondss l'interpréte dans le sens de sa 
« cause, plutót que dans le sens littéral , nous ne le souffrirons 
« pas, quand il serait hors de l'atteinte de la loi. Que si, 
« magistrats, vous devez obéir à la loi, et si vous ne le pou- 
« vez qu'en suivant le sens littéral de la loi, pourquoi ne pas 


« prononcer qu'il a enfreint la loi? » 


Voici un exemple d'un raisonnement à quatre parties, où 
la preuve de l'assomption est supprimée. « Il faut se defier 
« de ceux qui nous ont souvent trompés. Car si leur perfidie 
« nous cause quelque tort, nous ne pourrons nous en prendre 
« qu'a nous-mêmes. En effet, se laisser tromper une fois est 
« un malheur ; deux, une sottise ; il serait bumiliant de l'étre 
« trois fois. Or les Carthaginois nous ont déjà souvent trom- 
T é. Le comble de la démence serait donc de se flet à ces 


«"perfides , dont nous avons été si souvent le jouet. » 


Supprimer les deux preuves, votre raisonnement n'a plus 
que trois parties. « Il faut craindre Carthage si nous lx lais- 
« sons subsister, ou il faut la détruire; or il né faut pas la 
« craindre, doncil faut la détruite. » 


XL. Quelques rhéteurs prétendent que l’on peut, que 
l'on doit même quelquefois supprimer la conclusion, quand 
elle est évidente , ce qui réduit le raisonnement à deux parties. 
« Si elle es: mere, elle n'est point vierge. Or, elle est mere. » 


I1 suffit, disent-ils, d'établir la proposition et l assomption, 


112 DE INVENTIONE, LIBER I. 
modo : « Si peperit , virgo non est : peperit autem. » 
Hic satis esse dicunt proponereet assumere: quoniam 
perspicuum sit, quod conficiatur , complexionis rem 
non indigere. Nobis autem videtur et omnis ratioci- 
natio concludenda esse; et illud vitium , quod illis 
displicet , magnopere vitandum , ne, quod perspi- 
cuum sit , id in complexionem inferamus. Hoc au- 
tem fieri poterit, si complexionum genera intelli- 
gantur. Nam aut ita complectemur , ut in unum 
conducamus propositionem et assumtionem , hoc 
modo : « Quodsi leges omnes ad utilitatem reipu- 
« blicze referri convenit, hic autem saluti reipublice 
« profuit; profecto non potest eodem facto , et saluti 
«« communi consuluisse , et legibus non obtempe- 
«rasse. » Áut ita, ut ex contrario sententia confi- 
ciatur , hoc modo : « Summa igitur. amentia est , : 
« in eorum fide spem habere, quorum perfidia toj 
« deceptus sis. » Áut ita, utid solum, quod conficitur, 
inferatur , ad hunc modum : « Urbem igitur dirua- 
« mus. » Aut, ut id, quod eam rem, quz conficitur, 
sequatur , necesse est. Id est hujusmodi : « Si peperit, 
« cum viro concubuit : peperit autem. » Conficitur 
hoc : « Concubuit igitur cum viro. » Hoc si nolis 
inferre , et inferas id, quod sequitur : fecit igitur 
incestum ; et concluseris argumentationem , et per- 
spicuam fugeris complexionem. Quare in longis 
argumentationibus , ex conductionibus , aut ex con 

trario complecti oportet : in brevibus id solum , quod 
conficitur , exponere : in iis, in quibus exitus per- 


Li L4 








DE L'INVENTION, LIVRE I. 113 
sans tirer la conséquence qui est asses claire. Pour moi, il 
me semble quetout raisonnement doit avoir une conséquence ; 
mais, et je suis en cela de leur avis, elle ne doit pas démontrer 
ce qui est déjà palpable. 

Pour éviter cet écueil, il faut connaitre les différentes es- 
peces de conclusions. Tantót elles se forment de la réunion de 
la majeure et de la mineure. Par exemple: « Toutes les lois 
« doivent avoir pour but l'intérét de la patrie; or, l’agcusé 
« a sauvé la patrie. Certes il ne peut pas à la fois avoir sauvé 
« la patrie et désobéi aux lois. » Tantót elle se tire des con- 
traires. « Le comble de la folie serait donc de se fier à ceux 
« qui nous ont. trompés si souvent. » Ou bien l'on n'ava:ce 
que la conséquence seule. « Donc il faut détruire Carthage. » 
On peut encore établir ce qui suit la conclusion: « Si elle est 
« mere, c'est qu'elle a eu commerce avec un homme; or 
« elle est mére; la conclusion est : donc elle.a eu commerce 
« avec un homme. » Mais si vous dites : « Donc elle a com- 
« mjs un inceste , »: votre raisonnergent est terminé, et vous 


évitez une conclusion trop évidénte. 


Ainsi , un raisonnement est-il long, il faut conclure par la 
réunion des prémisses ou par les eontraires; est-il court, exposez 
la conséquence. ' i Quand elle est trop. évidente, ne vous y 
arrétez pas. Ceux qui prétendent qu’un, argument peut n'a- 
voir qu'une seule partie, le posent ainsi: « Puisqu’elle est 

It, 8 


114 DE INVENTIONE , LIBER 1. 


spicuus est, consefutione uti. Siquiautem ex una quo 
que parte putabunt constare argurnentationem , pote- 
runt dicere, sæpe satis esse hoc modo argumentauo- 
nem facere : « Quoniam peperit,cum viro concubuit. » 
Nam hoc nullius neque approbationis, neque assum- 
tionis, vel ejusapprobationis , neque complexionis in- 
digere. Sed nobis ambiguitate nominis videntur er- 
rare. Nam argumentatio nomine uno res duas signifi- 
cat , ideo, quod etinventum aliquam in rem probabile, 
aut necessarium , àárgumentatio voceatür , et ejus in- 
venti artificrosa expolitio. Quando igitur proferent 
aliquid hujusmodi : « Quoniam peperit , cum viro 
« concubuit : » inventum proferent , non expolitio- 
nem. Nos autem de expolitionis partibus loquimur. 
XLL Nibil igitur ad banc rem ratio illa perti- 
nebit.: atque hac distinctione , alia quoque , quæ 
videbuntur officere huic partitioni , propulsabimus , 
si qui äut assumtionem aliquando tolli posse putent , 
aut ptopositionem. Quæ si quid habet probabile , 
aut necessórium , quoquo modo commoveat audi- 
torem necesse est. Quod si solum spectaretur , ac 
nihil, quo pacto tractaretar id, quod excogitatum 
esset, referret : nequaquam tantum inter summos 
oratores et mediocres interesse existimaretur. Variare 
autem orationem magnopere oportebit. Nam om- 
nibus in rebus similitudo est satietatis mater. Id 
fieri poterit, si non similiter semper ingrediamur 
in argumentationein. Nam primura omnium gene- 
ribus ipsis distinguere convenit orationem , hoc est, 


DE:L'INVENTION, LIVRE I. 115 

« mere, elle a eu commerce avec un homme. » Car de cette 

manière il n'est besoin ni de proposition, ni-d'assomption , ni 

de preuves, tii de cencluston. Mais l'ambiguïté du met ergu- 

mentation , produit leur erreur ; car il signifie en méme temps 

et les raisons qui rendent une chose probable ou nécessaire, 

et l'art de les exposer. Ainsi, dire : « Elle est mère, donc 

| « elle a eu commerce avec un homme ; » c'est donner la 

raison, mais sans art; et nous ne mous occupons ici qua 
de l'art. 


25 Sy d 
XLI. Cette objection est deno frivole, et la distinction que, 
nous venons d'étabhr réfute tout ce qu'on pourrait dire vontre 
notre division, en prétendant qu'on peut supprimer la pro- 
position ou l'assomption. Les raisons qui la rendent probable 
ou nécessaire, doivent faire impression sur l'auditoire. Sí, pour 
y parvenir, il suffisait de les exposer , n'importe de quelle pa- 
ni&re, la différence qu'on établit entre les orateurs,. serait 
chimérique. i^ A 
Mettez surtout de la variété dans votre ue: car luni 
formité enfante le dégoût. Pour le prévenir, ne suivez 
poist toujours la même marche, et d'abord variez la forme de 
wos argumens : employez tantôt Finduetien, tantôt l'asgun 
mentation. Que votre raisonnement méme ne COMIMENCE pas 


116 DE INVENTIONE, LIBER I- 

tum inductione uti, tum ratiocinatione: Deinde in 
ipsa argumentatione non semper:a.propositione inci 
pere ,;nec,semper quinque parübus abuti, peque 
eadem ratone partitiones expolire : sed tum ab 
assumtione incipere licet , tum, ab approbatione al- 
terutra , tum utraque ; tum hoc, tum illo genere 
complexionis uti. ld ut perspiciatur , aut scribamus, 
aut in quolibet exemplo de iis, quz proposita sunt , 
hoc idem exerceamus , ut quam facile factu sit. 

Ac de partibus quidem argumentationis satis nobis 
dictum videtur. lllud autem volumus intelligi, nos 
probe tenere , aliis quoque rationibus tractari argu- 
mentationes in philosophia multis et obscuris, de 
quibus certum est artificium constitutum. Verum 
iHa nobis abhorrere:ab usu oratorio videntur. Quæ 
perünere autem ad dicendum, putamus , ea, nos 
Comp oHA > quam ceteros , attendisse , non affir- 
mamus; ' ! perquisitius et diligentius conscripsisse 
pollicemur. Nunc , ut instituimus * proficisci, ordine 
ad reliqua pergemus. | 

“XLIL Reprehensio est, per quam argumentando ad- 
versariorum confirmatio diluitur, aut infirmatur (aut 
allevatur). Hzc fonte inventionis eodem utetur ; quo 
utitur confirmatio, propterea quod , quibus ex locis 
aliqua res confirmari potest , iisdem ' potest ex locis 
infirmari. Nihil enim considerandum est in his om- 
nibus'inventionibus , nisi id ;^quod' personis , aut 
negotüs attributum est. Quate inventionem., et ar. 
*' 1 Sed perquisitius. — * Proficiiotdime;ad,: © 0 07000 007 o d 


DE L'INVENTION, LIVRE I. 117 
^oujours par, la proposition, né soit pas toujotirs divisé en 
:emq parties; ne suivez pas constamment le méme plan dans 
votre division. Mais commencez tantót par l'assomption , tantôt 
par une preuve ou par toutes les deux. Employez tantót une 
‘conclusion, tantôt une autre. Rien n'est plus facile ; et pour 
s'en convaincre, i suffit d'écrire ou de s' exercer sur quelques- 


uns des exemples que n nous avons proposés. 


, 
.! 
M 


' Nous ons; ce me semble, assez développé les différentes 
parties du raisonnement. Nous n'ignorons pas que la méthode 
philosophique est plus subtile et plus étendue; mais elle est 
Ktrangère à l'art oratoire. Nous ne prétendons pas avoir mieux 
traité que les autres tout ce qui a rapport à l'éloquence ; ce- 
pendant nous y avons apporté plus de soin: et d’exactitude. 
"Maintenant, continuons notre route en suivant l'ordre que 
mous avons établi. | 


. ALII. La réfutation détruit, ou, du moins, affaiblit par des 
argumens les assertions de l'adversaire. Elle puise aux mêmes 
Sources que la confirmation ; car les mêmes lieux qui servent à 
confirmer une chose, peuvent servir aussi à l'infirmer. Il ne 
ut donc encore ici considérer que les choses et les personnes; 
et l'on peut appliquer à cette partie de l'éloquence les pré- 
€eptes que nous avons tracés sur la maniere de trouver et 
d'établir dés argumens. Néanmoins, pour donner une théorie 


118 DE INVENTIONE , LIBER I. 
gumentationum expolitionem, ex illis, que ante 
precepta sunt, hanc quoque in partem orationis 
Aransferri oportebit, Verumtamen , ut quedam præ- 
ceptio detur hujus quoque partis, exponemus modos 
reprehensionis; quos qui observabunt, facilius ea, 
quse. contra dicentur, diluere aut infirmare poterunt. 

Omnis argumentatio reprehenditur , si aut ex iis, 
quæ sumta sunt , non conceditur aliquod unum plu- 
rave:aut, his concessis, complexio confici ex his 
negatur : aut si genusipsumargumentatipnis vitiosum 
ostenditur : aut si contra firmam argumentationem , 
alia eque firma , dut firmior ponitur. Ex iis, que 
sumuntur, aliquid non conceditur , cum aut id , quod 
credibile dicunt, negatur esse ejusmodi : aut quod 
comparahde putant, dissimile ostenditur : aut judi- 
catum aliam in partem traducitur, aut omnino ju- 
dicium improbatur : aut, quod signum esse adversari 
dixerunt, id ejusmodi negetur esse, aut si complexio, 
' aut ex una, aut ex utraque parte reprehenditur, aut 
si enumeratuo falsa ostenditur, aut si simplex con- 
clusio falsi aliquid continere demonstratur. Nam 
omne, quod sumitur ad argumentandum, sive pro 
probabili, sive pro necessario, necesse est sumatur 
ex his locis, ut ante ostendimus. 

XLIII. Quod pro credibili sumtum erit, id infir- 
mabitur, si aut perspicue falsum erit, hoc modo: 
« Nemo est , qui non pecuniam, quam sapientiam 
« malit. » Aut ex contrario quoque credibile ali- 
quid habebit, hoc modo: « Quis est, qui non of 


DE L'INVENTION, LIVRE I. 119 
sur ce sujet, nous développerons les différentes espèces de 
réfutations : suivez ces principes, et vous détruirez, ou vous af- 
faiblirez du moins sans peine toutes les objections de vos ad- 


versaires. 


On réfute wp raisonnement en n’accordant pas une ou 
plusieurs des choses qu’on avance, ou bien en niant la con- 
clusion qu'on en tire, ou en opposant à une raison solide une 
objection aussi forte, ou méme plus solide encore. Voulez-vous 
ne pas accorder a votre adversaire ce quil avance , niez que ce 
qu'il établit comme probable, ait la moindre vraisemblance ; 
niez que ses comparaisons offrent le moindre rapport avec le 
sujet : donnez un autre sens qux jugemens qu'il cite; rejetea ce 
qu'il regarde comme des signes ; attaquez sa conséquence sous 
un ou plusieurs rapporte; démontrez que son énumératien 
est fausse; ou, s’il emploie une simple conclusion, qu'elle 
manque de justesse. C'est là, comme nous l'avons enseigné 


ci-dessus, ce qui peut rendre un fait probable ou nécessaire. 


XLIII. Qn réfute une chose qu'an nous donne pour proba- 
ble, soit quand elle est d'une fausseté évidente, comme : « Il 
« n’est personne qui ne préfère l’argent à la sagesse ; » soit quand 
le contraire est aussi probable : « Pour qui le devoir n'est-it 
« pas plus sacré que l'intérét? » soit lorsqu'elle est tout-à-fait 


720 DE INVENTIONE, LIBER I. 


« ficii cupidior sit, quam pecunia ? » Aut eritomnino 
incredibile, « Ut si quis , quem constet esse avarum ; 
« dicat , alicujus mediocris officii causa, se maximam 
« pecuniam neglexisse. » Aut si, quod in quibusdam 
rebus, aut hominibus accidit, id omnibus dicatur 
usu evenire, hoc pacto: « Qui pauperes sunt, iis 
« antiquior officio pecunia est. » — « Qui locus de- 
« sertus est, in eo cædem factam esse oportet. » — 
« In loco celebri homo occidi qui potuit? » Aut si 
id, quod raro fit, fieri omnino : negetur : ut * Curio 
pro Fulvio: « Nemo potest uno aspectu , neque præ- 
« teriens , in amorem incidere. » Quod autem pro 
signo sumetur, id ex iisdem locis, quibus confir- 
matur, infirmabitur. Nam in signo, primum verum 
esse ostendi oportet : deinde ejus esse rei signum 
proprium, qua de re agitur, ut cruorém cadis: 
deinde factum esse, quod non oportuerit; aut non 
factum , quod oportuerit : postremo scisse eum, de 
qua queritur, ejus rei legem et consuetudinem. Nam 
eæ res sunt signo attribute : quas diligentius aperie- 
mus, cum separatim de ipsa conjecturali constitu- 
tione dicemus. Ergo horum unumquodque in repre- 
hensione, aut non esse signo, aut parum magno esse, 
aut a se potius, quam ab adversariis stare, aut om- 
nino falso dici, aut in aliam quoque suspicionem 
duci posse, demonstrabitur. 


XLIV. Cum autem pro comparabili aliquid in- 


! Negatur. — 2 Curius. 


3 


—— ————— ne — 
- - un 


DE L'INVENTION, LIVRE I. 121 
incroyable; par exemple : « Qu’un homme d'une avarice 
« reconnue a, sans motifs importans, négligé un gain consi- 
« dérable; » ou bien si l’on attribue à tous les hommes et à 
toutes les choses, ce qui n'est vrai que de quelques individus, 
comme : « Tous les pauvres préférent l'intérét au devoir. » — 
« Ce lieu est désert ; c'est la qu'on a dà commettre le meurtre. 
« Comment tuer un homme dans un lieu fréquenté? » ou si 
l'on regarde comme impossible ce qui n'arrive que rarement, . 
comme Curion , dans son discours pour.Fulvius : « Une seule 
« entrevue, un coup d'eil, ne suffisent pas pour inspirer de 
« l'amour. » , 

Pour les signes, les mémes lieux qui servent à les établir, 


serviront à les attaquer. Il faut d'abord en démontrer la vérité, 


puisqu'ils sont propres à la chose dont il s'agit, ‘comme , le 


sang est le signe d’un meurtre : ensuite prouver qu’on a fuit ce 
qu'on ne devait pas faire, ou qu'on n'a pas fait ce qu'on devait 
faire ; que l’accusé était sur-ce point parfaitement instruit de 
la loi et de la coutume; car tont eela-appartient aux signes. 
Nous en parlerons avec plus d'étendue quand' nous traiterons 
particulierement de la question de conjecturé. Il faut, dans 
la réfutation, démontrer que chacun de ces signes ne prouve 
rien; qu'il est peu important, qu'il fait plus pour nous que 
pour nos adversaires, qu'il est absolument faux : enfin, táchez 
de les rendre suspects en quelque point. 

- XLIV. Votre adversaire a-t-il établi une comparaison il 
cherche entre les deux causes des rapports que vous devez 


122 DE INVENTIONE, LIBER I. 


ducetur, quoniam id per similitudinem maxime trac- 
tatur , in reprehendendo conveniet, simile id negare 
esse, quod conferetur ei, quicum conferetur. Id fieri 
poterit, si demonstrabitur diversum esse genere , 
natura, vi, magnitudine, tempore, loco, persona, 
opinione : ac si, quo in numero illud, quod per simi- 
litudinem afferetur, et quo in loco hoc genus, cujus 
causa afferetur, haberi conveniat, ostendetur. Deinde, 
quid res cum re differat, demonstrabitur : ex quo do- 
cebimus, aliud de eo, quod eomparabitur, et de eo, 
quicum comparabitur, exisümari oportere. Hujus 
facultatis maxime indigemus, cum ea ipsa argumen- 
talio, que per inducüonem tractatur, erit repre- 
hendenda. * Sin judicatum aliquod inferetur, quo- 
. niam id ex his locis maxime firmatur : laude eorum, 
qui judicarunt ; similitudine ejus rei, qua de agitur, 
ad eam rem, qua de judicatum est, * et commemo- 
rando, non modo nen esse reprehensum judicium , 
sed ab omnibus approbatum ; et demonstrando , dif- 
ficilins et majus fuisse id judicatum, quod afferatur, 
quam id, quod instet : ex contrariis locis , si res aut 
vera, aut verisimilis ? permittat , infirmari oportebit. 
Atque erit observandum diligenter , ne nihil ad id, 
quo de agatur , pertineat id, quod judicatum sit : et 
! videndum, ne ea res proferatur, inqua sit offensum, 
ut de ipso, qui judicarit, judicium fieri videatur. 
Oportet autem animadvertere, ne, cum aliter multa 
sint judicata, solitarium aliquod , aut sarum judica- 
USi — 2 Abest et «—? Permittet. — 5 Videndam est. 


DE L'INVENTION, LIVRE I. 125 
détruire pour le réfuter. Vous réussirez en montrant des dif- 
férences frappantes dans le genre et la nature, la force et la 
grandeur, le temps et le lieu, les personnes et l'opinion ; en 
appréciant, en remettant à sa place ce qu'on nous présente 
comme semblable. Faites ensuite ressortir les différences ; dé- 
montrez que l'on doit juger bien différemment ces deux causes. 
C'est surtout pour réfuter une induction que l'on doit em- 
ployer ces moyens. Si l'an vous oppose quelque jugement, 
comme on l’appuie de l'éloge de ceux qui l'ont rendu, des rap- 
ports qui se trouvent entre les deux affaires, de l'approbation 
générale dont il a été honoré, enfin de son importance et des 
difficultés qu'il présentait, bien supérieures à celles qui se 
rencontrent dans l'affaire dont il s'agit, en me peut l'infirmer 
que par des lieux contraires, si la vérité ou du moins la vrai- 
semblance le permettent. Surtout ne citez que des jugemens 
parfaitement semblables a votre affaire, et prenez garde de ne 
rien vous permettre d'injurieux : on croirait que vous voulez 


juger les juges eux-mêmes, 


N'allez pas, quand un grand nombre de jugemens pronon- 
cent centre vous , en choisir um seul et qui ne tombe que sur 
une espece rare , pour leleur opposer. G'est ôter vous-snéme 
tout peids à votre défense, Tdlle est la manière de répondre 
aux argumens qui établissent la probabilité. 


124 DE INVENTIONE, LIBER 1. 


tum afferatur. Nam his rebus auctoritas judgcati 
maxime potest infirmari. Átque ea * quidem ue 
quasi probabilia * sumentur , ad hunc modum jentari 
oportebit. 

XLV. Qus vero sicuti necessaria 1inducentur , ea 
si forte imitabuntur modo necessariam argumentatio- 
nem, neque erunt ejusmodi, sic reprehendentur. 
Primum completio, que, utrum concesseris, debet 
tollere, si vera est, nunquam reprehendetur ; sin 
falsa; duobus modis , aut conversione, aut alterius 
partis infirmatione. Conversione , hoc modo :. 


Nam si veretur , quid eum accuses , qui est probus? 
Sin inverecundum animi ingenium possidet , 
Quid eum accuses, qui id parvi auditu: ? existimet. 


Hic, sive vereri dixeris, sive non vereri, { conce- 
dendum hoc putat, ut 5 neget esse accusandum. Quod 
conversione sic reprehendetur : « Immo vero accu- 
« sandus est. Nam si veretur, accuses : non enim 
« parvi auditu æstimabit. Sin inverecundum animi : 
« ingenium possidet , tamen accuses. Non enim pro- 
« bus est. » Alterius autem partis infirmatione, hoc 
modo reprehendetur: « Verum si veretur, accusa- 
« tione tua correctus, ab errato recedet, » Enumeratio 
vitiosa intelligitur, si aut preteritum quiddam di- 
cemus, quod velimus concedere , aut infirmum ali- 
quid annumeratum , quod aut contra dici possit , 


' Quidem argumenta. — ? Sumuntur. — 3 AEstimet. — ^ Concladendum. 
e- 5 Neges. 





DE L'INVENTION, LIVRE I. 12) 


"XLV. Il n’est pas difficile de réfuter un argument qui n'a 
que la forme d'un raisonnement rigoureux, sans en avoir la. 
justesse. Si le dilémme qui vous presse également des deux 
côtés, est vrai, n'y répondez pas. Est - il faux, on le réfute 
par la rétorsion, ou en infirmant l’une des deux parties. Par 


exemple : 


Si c'est un homme de bien, et s'il ade la pudeur , pour- 
quoi l'accuser? S'il est insensible aux reproches » pour- 


quoi accuser un homme qui fera la sourde oreille? 


Ainsi, vertueux ou non , l'on conclut qu'il ne faut pas l’accu- 
ser. Vous rétorquez l'argument en disant : «' C’estau contraire’ 
« une raison pour l’accuser ; car s'il conserve encore quelque 
« pudenr, accusez-le : il ne méprisera póint votre accusa- 
« tion. A-t-il perdu toute pudeur, accusez-le , puisqu'il n'est 
« pas vertueux. » Vous pouvez encore infirmer l'une des deux 
propositions : « S'il a conservé quelque pudeur, l'accusation 
« pourra le ramener dans le sentier de la vertu. n 

"Une énumération est vicieuse quand vous pouvez répondre 
qu'on a passé sur quelque chose que vous voulez accorder, ou 
qu'on y a compris des raisons faibles ou que vous pouvez 
tourner contre votre adversaire, ou qu'il ne convient pas que 


126 DE INVENTIONE, LIBER I. 


aut causa non sit, quare non honeste possimus con- 
cedere. Præteritur quiddam in ejusmodi enumera- 
tionibus: « Quoniam habes istum equum, aut emeris 
« oportet, aut hereditate possideas, aut munere ac- 
« ceperis, aut domi tibi natus sit, aut, si horum 
« nihil est, surripueris necesse est: sed neque emisti, 
« neque hereditate venit, neque domi natus est , ne- 
« que donatus est: necesse est ergo surripueris. » Hoc 
commode : reprehendetur, si dici possit ex hostibus 
equus esse captus, cujus prædæ sectio non venierit : 
quo illato, infirmatur enumeratio; quoniam id sit 
inductum , quod preteritum sit in enumeratione. 


XLVI. Altero autem modo reprehendetur, si aut 
contra aliquid dicitur : hoc est, si, exempli causa, 
ut in eodem versemur , poterit ostendi hereditate ve- 
nisse. Àut si extremum illud non, erit turpe conce- 
dere : ut si quis , cum dixerint adversarii : « Aut 
« insidias facere voluisti, aut amico morem gessisti, 
« aut cupiditate elatus es; amico se morem gessisse 
« fateatur. » Simplex autem conclusio * reprehende- 
tur, si id, quod sequitur, non videatur necessario cum 
eo, quod antecessit, cohærere. Nam hoc quidem, 
« Si spiritum ducit, vivit; Si dies est, lucet; » ejus- 
modi est, ut cum priore necessario posterius cohæ- 
rere videatur, Hoc autem : « Si mater est, diligit ; » 
— « Si aliquando peccavit, numquam corrigetur > D 
sic conveniet reprehendi, ut demonstretur non neces- 
sario cum priore posterius cohaerere. Hoc genus, et 


! Reprehenditur, — 2 Repcehenditar 











DE L'INVENTION , LIVRE I. 127 
vous accordiez; par exemple : « Puisque vous avez ce cheval, 
« ou vous l'avez acheté, ou vous l'avez acquis par héritage, 
& ou il vous a été donné, ou il est né dans votre maison ; 
« ou, si rien de tout cela n'est vrai, vous l'avez dérobé. Or, 
« vous ne l'avez ni acheté ni acquis par héritage ; il n'est point 
« né chez vous, onne vous l'a point donné, donc vous l'avez 
« dérobé. » 

Il est facile. de réfuter ce raisonnement, si vous pouvez 
dire que ce cheval a été pris sur l'enneini, et que vous l'avez 
recu dans le partage du butin. Vous renversez toute l'énumé- 
ration en rétablissant ce qu'elle avait oris. 

XLVI. Vous pouvez encore attaquer une des parties de 
l'énumération , et prouver, pour nous en tenir à l'exemple | 
déjà cité , que vous avez eu ce cheval par héritage; ou, enfin, 
convenir d'une chose qui n'a rien de honteux. Qu'un adver- 
saire vous dise : « Ou vous méditiez une trahison, ou vous 
« étiez guidé per la cupidité ou ,par cémplaisance pour un 
« ami. » Pourquoi n'avomeriez-vous pas que vous avez agi 
par compláisatice pour ut ami? | 

On peut réfuter une conclusion simple quand la consé- 
quence n’est pas la suite nécessaire des antécédens. Si vous 
dites : « Cet homme respire , donc il vit. Le soleil brille, donc 
« il fait jour, » le rapport de l’antétédent et du eonséquent 
est sensible. Mais si vous dites : « Elle est mère, donc elle aime 
« ses ‘enfans. » —« Puisqu'il a commis quelques faates, donc 
« il est incorrigible, » ilsuffira, pour vous réfuter, de montrer 


128 DE INVÉNTIONE , LIBER I. 


cetera necessarià , et oinino omhis argumentatio, et 


ejus reprehensio imdjór?m- qüaüdWi vim-tohtinet, 
et latis péter: ee :pahjus araficii 
cognatio tuy vsmarl cet, dt-menMfd hùjunertés parte na 
aliquas ad jungi possit aed ipsa separaimelonghiem- 
poris; 9 magne. atque in cogitatingig bend 


Fe tu 


Re rhetorum ad usum E c tentos 
nos esse oportebit. Cum igitur ex Ris, quie "&uinuniür, 
aliquid non conceditur , sic infirmabiturt- 01501 5 

XLVH. Quum auteni, his concessts ; cémbléhé ex 
his non confcitur , hæc erunt: copsiderpntda s mum 
aliud conficiatur , aliud dicatur, boc modo: Su EURE 
aliquis dicat se profectum esge, ad. exercitupga, £on- 
waque eum quis velit bac argumentatione ufi: «. Si 


y LR 
« venisses ad exercitum , a tribunis militaribus | Jisus 


« esses; non es autem sb his visus ; non e es igitur 
« profectus ad exercitum. » Hic.cum ^condesséris 
propositionem et assurmtionem ; complexiv 'est"in- 
firmanda. Aliud enim , quam cogebatur ,, illatum 
est. ‘ Ác nunc quidem , quo. facilius. res cognosce- 
retur , .perspicuo et grandi vitio pradiqum, posuimus 
exempluni :;sed sepe obscurius posiiuga vitium pro 
vero probatur, cum aut parum memineris , * quid 
concesseris , aut ambiguum * aliquid pro certo con- 
oesseris. Ambigaum si concesseris ex ea parte , quam 


ipse intellexeris , ear.partem si adversarius ad alien 
3 At — * Quad, > à Aliqnod. - 


DE-L'INVENTION , LIVRE I. 129 
qu'il n'y a pas de liaisem mécessaire emtre. l'antécédent et le 
conséquent. La théerie du raissnmement em général et de la 
réfasation a baea pius de profondeur et d'étendue que nous 
ne luien dennons ici. Meis telle est sa mature qu'en me peut 
la joindre à aucune sutre pertie de l'art, et qu'elle exige 
seule une étude particulière et un long travail. Aussi nous 
nous réservons de la développer ailleurs , si nos faibles talens 
nous le permettent. Bornons-nous maintenant aux préceptes 
que donne la rhétorique sur l'éloquence. Telle est la manière 
de réfuter notre adversaire en niant une de ses propositions. 

XLV. Si vous les accordez toutes deux , vous poüvez 
encore attaquer la conséquenoe, et la comparer avec les pré- 
misses. Vous dites , par exemple, que « vous êtes parti pour 
« l'armée. » On vous répond par cet argument : « Si vous 
« étieg venu à l'armée, vous auriez été vu par les tribuns 
« militaires ; or ils ne vous ont point vu, donc vous n'étes 
« pas parti pour l'armée. » Ici on accorde la proposition et 
l'assomption ; mais on attaque la censéquence , qui n'est pas 
exacte. , | 

Pour nous rendre plus clairs, nous avons choisi un exemple 
où ce défaut était saillant ; mais souvent on se laisse vaincre 
_ par un raisonnement faux, mais subtil, soit parce qu’on 
oublie ce qu’on a accordé, ou parce qu’on accorde une pro- 
position douteuse. Admettez-vous , dans le sens que vous lui 
donnez, une chose douteuse que votre adversaire, dans sa 
conclusion , envisage sous un autre point de vue? démontrez 

II. 9 


150 DE INVENTIONE, LIBER 1. 
partem per complexionem velit accommodare ; de: 
monstrare oportebit , nón ex eo, quod ipse conces- 
seris , sed ex eo, quod ille sumserit , confici com- 
plexionem , ad hune modum: « Si pecuniæ indigeus , 
« pecuniam non habetis : si pecuniam non habeuis , 
« pauperes estis : indigetis autem pecunia; mercatura 
« enim , nisi ita esset, operam non daretis : pauperes 
« igitar estis. » Hoc sic reprehenditur , cum dicebas : 
« Si indigetis pecuniz , pecuniam nón habetis; » lioc 
intelligebam , « Si propter inopiam in egestate estis , 
« pecuniam non habetis; » et idcirco concedebam : 
tum autem hoc sumebas, « indigetis autem pecuniz; » 
illud accipiebam , « vultis autem pecunis plus ha- 
« bere. » Ex quibus concessionibus non conficitur 
hoc; « pauperes igitur estis : » conficeretur autem , 
si tibi primo quoque hoc concessissem , « qui pecu- 
« niam majorem vellet habere , eum pecumam non 
« babere. » | | | 

XLVIIIL Sape autem oblitüm putant , quid con- 
cesseris , et idcirco id , quod noh conficitur , quasi 
conficiatur , in conclusione infertur , hoc modo : « Si 
« ad illum hereditas vemiebat , verisimile est ab illo 
« esse necituns » Deinde hoc approbant plurimis 
verbis : post assumunt , « ad illum autem hereditas 
« veniebat. » Deinde infertur, « ille igitur occidit. » 
Id ex iis, quæ sumserant, non conficitur. Quare 
observare .diligenter oportet, et quid sumatur , et 
quid ex his conficiatur. 

Ipsum autem genus argumentationis , vitiosum his 





DE L'INVENTION, IAVRE I. 151 
qu'il ne tire point sa conséquencé de ce que vous lui accor- 
dez, mais de ce qu'il établit. Ainsi : « Si vous avez be- 
« soin d'argent , vous n en avez point ; si vous n "avez pas 
« d'argent, vous êtes pauve s Or vous, avez besoin d'ar- 
« gent, autrement vous n auriez. point embrassé le com- 
« merce;.donc vous!étes panyre. » Il est facile de répondre, 
quand. véns'me dites : '« S&'vous avez besoin d'argent, vous 
« n'én-aved pus »'Fentends :«:Si vous'étes dans’ un dé- 
« nümeni'abselü, vous n'avez point d'argent, » et je vous 
F'accorde. Quand vous ajoutez : « Or vous avez besoin d'ar- 
« gent, » »je comprends : « Vous voulez en avoir daväntage ; » | 
et de ces deux propositions que je vous accorde, il ne faut s 
concu : : « Donc vous êtes pauvre » : conclusion qui serait. 
juste, sij'étais demeuré d'accord avec vous que « celui qui 
« veut augmemier son'argent n'a pas d'argent. » 


) 


i 
L] 


. XALVILL. Souvent onsuppose que vous aves oublié ce que 
vous avez accordé , et l’on feit entrer dans da conclusion, comme. 
conséquence, ce qui ne l'est nullement; par exemple : « S'il 
« avait des droits à sasuccession, il est probable qu'il est son 
assassin. » L'on prouve longuement la majeure; ensuite on 
ajoute : « Or il en avait; donc il est son assassin », ce qui 
n'est nullement la conséquence de ce qu'on a établi. Aussi 
faut-il donner la plus greude attention et aux  prémiases et 
à la conséquence. 

Quant au genre du raisonnement, on prouve qu'il est dé- 


152 DE INVENTIONE, LIBER I. 


de causis ostendetur , si aut in ipso vitium erit, aut 


si non ad id, quod insütuitur , accommodabitur. 
Atque in ipso vitium erit , si omnino totum falsum 
erit, si commune , si vulgare, si leve, si remotum , 
si mala definitio , si controversum , si perspicuum, 
si non concessum , si turpe , si offensum , si contra- 
rium , si inconstans , si adversum. Falsum est , in 
quo perspicue mendacium est, hoc módo : « Non 
« potest esse sapiens, qui pecuniam negligit; Socrates 
« autem pecuniam negligebat : non igitur sapiens 
« erat. » Commune est, quod nihilo magis. ab ad- 
versariis ,. quam a nobis facit, hoc modo : « Idcirco, 
« judices , quia veram causam habebam, . brevi pe- 
« roravi. » Vulgare est, quod in aliam quoque rem 
non probabilem , si nunc concessum sit, transferri 
possit, hoc modo : « Si veram'causam non haberet, 
« vobis se, judices, non commisisset. » Leve est, 
quod aut post tempus dicitar, hoc modo : « Si in 
« mentem venisset, non commisisset : » aut si per- 
spicue rem turpem levi tegere vult defensione , hoc 
modo : 


Cum te expetebant omnes , florentissimo 
Regno reliqui : nunc desertum ab omnibus, 
Summo periculo , sola ut restituam , perd. 


XLIX. Remotum est, quod ultra quam satis est, 
petitur, hoc modo: « Quodsi non P. Scipio Corneliam 
« filiam Tib. Graccho collocasset , atque ex ea duos 
« Gracchos procreasset ,. tantæ seditiones natæ non 


DE L'INVENTION, LIVRE I. 155 
fectueux , lorsqu'il renferme quelque vice en lui-même, ou 
qu'il est mal appliqué. Le vice est en lui-méme, s'il est abso- 
lument faux, commun, vulgaire, futile, tiré de trop loin; 
si la définition n'est pas juste ; s'il est litigieux , évident, con- 
testé ; enfin, sil renferme quelque chose de honteux, d'of- 
fensant, de contraire, d'incohérent ou de contradictoire. Il 
est faux, quend le mensonge est grossier : « Celui qui méprise 
« l'argept. n’rst point sage. Or Socrate méprisait l'argent , denc 
« il a'était:peint sage; » commun , quand il ne fait pas mioins 
pour notre #dversaire que pour nous : « Je suis bref, magis- 
« trats, parce düé ma cause est bonne; » vulgaire , quand 
ce qu'on accorde peut s'appliquer également i à un sujet peu 
probable, comme : « Si sa cause n'était pas juste , magistrats , 
«il ne, s'abandonnerait pas à votre sagesse ; » futile, quand 
exéuje 49 déglatés: Dur exerople : « Il ne l'aurait point fait, 
.& SA y avait pensé. » L’argument est encore vicieux si l'on 
s'effopoe ide jeter un voile. transparent sur.une action dont 
la honte.est évidente. 


Pendant que chacun: vous recherchait avec ardeur, 
je vous ai laissé sur un trône très-florissant ; maintenant 
on vous abandonne; seule, malgré le péril, je oio 
à vous y replacer. 


XLIX. L'argumenat est tré detrop loin, quand en remonte 
plus haut ‘qu’il né faut. « Si P. &í&pion n'oét point donné sa 
« fille à Tibérius Gracchus, si de.cette union n'étaient point 
« nés les deux Graoques, jamais on n'aurait vu ces eruelles 


154 ‘ DE INVENTIONE, LIBER I. 


« essent : quare hoc inesmmodum Scipioni adscri- 
«bendum videtur. » : Hujnsmodi est illa quoque 
conquestio : 


Utinam ne in nemore Pelio securibus 
Cæsa cecidisset abiegna ad terram trabes ! 


Longius enim repetita est, quam res postuläbat. Mala 
defimtio est , cei aut communia. describit , hot 
modo s. « Seditiosus est is, qui malus atque inutilis 
«est civis. » Nam hoc: nen magis. sediuosi , quam 
ambitiosi, quam calumniatoris ,, quam alicujus im- 
probi hominis yim describit. Aut falsum quiddam 
dicit , hoc pacto : « Sapientia est pecunie quærendæ 
« intelligentia. » Aut aliquid non grave, nec magnum 
conünens , sic: « Stultitia est immense gloria cupi- 
« ditas. ‘y Est hzc quidera stultitia , ‘sed ‘ex parte 
quadam , not ex onini 'behere ; defimita. 'Centrovér- 
sum est, in quo ad dubium demonstrandum , dubia 
causa affertur , hoc modo : 


Eho tu, Dii, quibus est potestas motus superum atqueinferum, 
Pacem inter sese conciliant, conferunt concordiam. 


Perspicuum est, de quo non est controversia : ut, 
si quis , « cum Orestem accuset , planum faciat , ab 
« eo matrem esse occisam. » Non concessum est, 
cum id , quod augetur, in -éontroversia est, ut, 
« si quis, cum Ulyssem aceuset, in hoc maxime 
« commoretur : Indignum esse, ab homine ignavis- 
« simo virum fortissimura, Ájacem, necatum. » Turpe 





DE L'INVENTION, LIVRE I. 155 
.« séditions; » ce qui semble accuser Scipion des fautes de ses 
-petits-fils. Ces vers péchent par le méme défaut : 


.. Plüt aux Dieux que la cognée n'eüit jamais abattu les 
pins du mont Pélion ! 


C'est reprendre les choses de trop haut. La définition est dé- 
fectueuse , quand elle peut s'appliquer à différens objets , 

‘comme : « Le séditieux est un citoyen nuisible et dange- 
«reux; » ce qui ne désigne pas plutôt le séditieux que ke 
calomniateur , l’agbitienx qu tout sufre mauvais citoyen; 
ou quand elle est fausse : « La sagesse est le talent de s'en- 
« richir; » ou quand elle n'a ni grandeur ni importanée, 
comme : « La folie est une soif insatiable de gloire; » car c'est 
définir une espèce de folie,'et non pas la folie en elle-même. 
Quand on donne une preuve douteuse, l'argument est liti- 


gieux : 


Holà ! Cresphonte, les Dieux dont la puissance fait 


mouvoir à son gré les cieux et les enfers, D GE 


entre eux la paix et la concorde. 


Ne saurait.on le contester, il est trop évident. C'est, en 
accusant Oreste, démontrer qu'il a tué sa mère. Tl est cón- 
testé, quand on développe ce qu'il faudrait prouver, comme : . 
« Si, en accusant U lysse, Qn s'arréte long-temps . à prouyer 
€ qu'il est indigne qu'un héros meure de læ main du plus 
« lâche des hommes; » honteux, quand le lieu, le temps . 


156 DE INVENTIONE, LIBER I. 


est, quod aut eo loco ; in que dicitur; aut eo ho- 
mine , qui ' dicit; aut eo tempore, quo dicitar ; 
aut iis, qui audiunt ; aut ea ,re , qua de agitur , 
indignum, propter inhonestam rem, videtur. Of- 
fensum est , quod eorum , qui audiunt , voluntatem 
Jædit : « ut, si quis apud equites romanos, cupidos 
judicandi , Cæpionis legem judiciariam laudet. » 

L. Contrarium est, quod tontra ex diettur; qhæ ii, 
qui audiunt , fecerunt : at’, si quis apud Alezandrum 
Macedonem contra aliquem urbis. expuguetorem di- 
ceret, « nihil esse crudelius , quam urbes diruare, - 
« cum ipse Alexander Thebas diruisset. » Inconstans 
est, quod ab eodem de eadem re, diverse dicitur : 
ut, « si quis , cum dixerit ; qui virtutem habeat, 
« eum nullius rei ad bene vivendum indigere , > neget 
« postea sine bora valetudine posse bene viveke ;'àut 
« se amico adesse propter benivolentiam ; 'sperare 
« enim aliquid: commodi ad se PM Ad- 
versum est., quod 3psi cau&e^aliqua ex parte efficit : 
ut « si quis hogium vim , et copias, et felicitatem .au- 
« geat,,cum ad pugnandum mjlites adhortetur ;, » 
si non ad id, guod. instituitur ; sccommodabitr 
aliqua pars argumentatioriis , horum aliquo in 'vitio 
reperietur : si plura pollicitus pauciora demonstra- 
bit; aut , si ; éum totuni débebit óstendere ,' de párte 
aliqua Joquatir, hoc' modo: « Melierum gdnuslava- 
« rum.est; nam-Eriphyle auro vivi vitarb vendidit :-»: 
aut, si non id, quod NND abudé sut, « si 


t ‘ ; I - » 
Dicat, - et 4 La. 


DE L'INVENTION, LIVRE I. 157 
l'ozateur: :l'auditoise! ow de fait en; lgirmóme, répand sur la 
cause quehye | chosecde-déshonerant ;'offensant, quand il 
blessé Tiuditont y confine « si Fon citait devant des chevaliers 
« jaloux de siéger 3ur valute. * ‘la li de Cépion , sur les 


$e uae farne, 
dnce » 
11°} I Aa ars ^ SEE Lo: Q e lan. i ' |f 


600 abere inert P ind SEN. ATE" dose 
^ L,. Condammét; vous inii. de »xluj qni, vous écoute, 
le rabennemént est; contraire. G'est os. que ferait uri orateur 


- qui, ‘paroi ex présence" d' Adexandre kr Grand ; destructeur 


de Thebis 7 dirait « que rien h 'est plus affreux que de dé- 
« truire üné ville » La argumerit est peu d'accord avec lui- 
même, “quandŸo orateur se contredit : si prétend, par exémple, 


+ 


« que, la à sagesse fait seule le "bonheur, » et ensuite , « qu'il n'ya 
v, Res de, bonheur sans la sapté ; », qu que « Je sentiment 'a- 
« Tome, au près de son semi, démarçhe qu'il ne croit pas inutile 
«dafses intérêts. » I1 est. opposé , s'il renferme quelque chose 
de! nuisible a Lx oause. « N'’alles point, en exhortent votre 
« ariiée au combat, exagétet la force, le nombre et le bon- 
« heur des ennemis. » Voici en quoï pèthe un raisonnement 
dont quelque partie est mal appliquée. Ou vous avez promis 
plus que vus ne pouvez, ou vous ne parlez que d'une partie , 
quand il s'egitdutout; par exemple : « Les femmes sont avares ; 
«.-car-Eriphyle a vendu I vie de:son époux. » Ou vous ne vous 


” justifiéz pomt du crime donten Nous aecèse : « On vous »e- 


«-proché des brigues et dés iftrigues ; et vous parlez de votre 
« courage. » Ainsi, « Amphion, dans Euripide et dans Pa- 


158 DE INVENTIONE , LIBER I. 


« quis, eum ambitus acousabitur , manu se fortem 
«esse defendet : » ut « Amphion apud Euripidem, 
« item apud Pacuvium, qui vituperata musica , sa- 
« pientiam Jaudat : » aut si res ex hominis vitio 
vituperabitur , ut, « si quis doctrinam ex alicujus 
« docti vitiis reprehendat : » aut , Si qui, cum ali- 
quem volet laudare , de felicitate ejus , non de virtute 
dicat : aut , si qui rem cum re ita comparabit, ut 
alteram se non putet laudare, nisi alteram vituperarit; 
aut si alteram ita laudet , nt alterius non faciat men- 
tionem: aut si, cum de certa requæretur, de communi 
instituetur oratio : ut, « si quis , cum aliqui delibe- 
«rent, bellum * gerant , an non , pacem laudet 
« omnino, nor illud bellum inutile esse demonstret : » 
aut, si ratio alicujus rei reddetur falsa, hoc modo : 
« Pecunia bonum est, prepterea quod ea maxime 
« vitam beatam ? efíbcit; » aut $i infirma , ut Plautus, 


P 4 ' S . scs | 
Amicum castigare ob meritam noxiam 
Immune est facinus ; verum in ætate utile 
Et conducibile : nam ego amieum hodie meum 


Concastigabo pro commerita noxia : : 


aut eadem , hoc modo : « maximum malum est avari- 
« tia; multos enim magnis imcommodis ? affecit pez 
« cuniæ cupiditas : » aut parum 1donea, hoc modo. 
«maximum bonum est amicitia ; plurime enim 
« delectationes saut in amicitia. » 

LI. Quartus modus erat reprehensionis , per quem 


! (watur. — ? Efliciat.^— * Alicu. . à 


DE L'INVENTION, LIVRE I. 139 
« cuvius, célèbre la sagesse aux dépens de la musique. » Ou 
vous rejetez sur la chose les défauts de l'homme , comme « si 
« l'ón accusait la science des défauts des savans ; » ou dàns 
un éloge, vous parlez de la fortune et non des talens de votre 
héros; ou, dans la comparaison de deux objets, vous ne 
‘croyez pas. pouvoir louer l'un sans dénigrer l’autre, ou sans 
le passer sous silence. Ou si vous quittez votre sujet pour 
vous jeter dans .des lieux communs : « On délibère s’il faut 
,« ou non faire la guerre ; vous vous occupez de l'éloge de la 
'« paix, avant de montrer que la guerre est inutile; » ou vous 
donnez des raisons fausses; par exemple : « L'argent est un 
'« bien, parce qu’il nous rend heureux; » ou des raisons fai- 
bles, comme Plaute, quand il dit : 
- C'est une chose affreuse de reprendre un ami d'une 
faute qu'il a cwmmise ; mais c'est une. chose utile et né- 
cessaire , quand notre ami est déjà vieux. .finsi je 
chátierai aujourd'hui mon ami , pour la faute quM a 


‘commise. 
4 


Ou qui n’ajoutent rien; par exemple : « L'avarice cause de 

« grande anaut: à l'homme: ear l'amour de l'argent le jette 
«'én'Be grânds malfieurs; » ou peu convenables : « L'amitié 
« est le plis grand des biens ; car elle offre ne foule dè 


« jouissancés. »' 


LI, Le quatrième mode de réfutation est d'opposer à un 
gpaisonnement solide , un raisonnement aussi fort ou méme plus 


140 DE INVENTIONE , LIBER I. 


contra firmam argumentationem, zque firma aut 
firmior ponebatur. Hoc genus in deliberationibus 
maxime versabitur , cum aliquid , quod eontra di- 
catur , aequum esse concedimus , sed id, quod nos 
defendimus , necessarium esse: demonstramus.: aut 
cum id, quod illi defendant, utile esse fateamur ; 
quod nos dicamus , demonstremus esse honestum. 
Ac de reprehensione hzc quidem existimavtmus esse 
dicenda. Deinceps nunc de conclusione ponemus. 
Hermagoras degressionem deinde, tum postremam 
conclusionem ponit. In hac autem degressione ille 
; putat oportere quandam inferri orationem , a causa, 
atque a judicatione ipsa remotam , quæ aut sui lau- 
dem, aut adversarii vituperationem contineat ; áüt 
in aliam'causam deducat, ex qua comficiat.ah- 
quid :cenfirmationis , aut. reprehensionis ,. non ara 
gumentando, sed augendo pen quandam, amplifi- 
cationem. Hanc si quis partem putarit orationis. E 
sequatur Hermagoram licebit. Nam et augendi. , et 
laudandi , et vituperandi precepta a nobis parüm 
data sunt , pàrtim suo loco dabuntur. Nobis adtem 
fioi plácét, hanc pártem im muero repont ; «quod: de 
causa deprèdi, nis» per locum comtarauem;.displices; 
quo de genere posterius est dicendum. Laudes autem 
et vituperafiones non separatim placet tractari, sed 
in ipsis argumentationibus esse implicitas. Nunc de 
conclusione dicemus. | 
: LH. "Conclusto est extigisuer: détermtimub ibfius 
orationis v hæc-hubet'partes: tros. enümerationem s 


DE L'INVENTION, LIVRE I. 141 
solide encore. On l'emploie surtout dans le genre délibératif: 
nous accordons que l'avis contraire est juste ; mais nous prou- 
vons que le nôtre est nécessaire: nous avouons que ce qu'on 
propose est utile; mais nous démontrons que notre avis est 
dicté par l'honneur. Voilà ce que nous avions à dire de la réfu- 
tation. Passons maintenant à la péroraison. 


Avant la péroraison Hermagoras place la digression , et 
dans cette digression, étrangère au fond de la cause, il veut 
quel orateur insère son éloge, blàme son adversaire ou traite 
quelque sujet qui lui fournisse, plutót par l'amplification que 
par le raisonnerpente de nouvelles armes pour attaquer ou se 
défendre..Si.l'on veut considérer.la digression comme une 
partie du discours , on peut suivre le sentiment d'Hermagoras. 
Car rods avons dermé ou nous donnerons à leer place des pré- 
ceptes Eur amplifier , loüer ou blämer. Quant à nous, nous 
ne jugeons point convenable de la compter au nombre des 
parties du discours, parce qu'il ne faut jamais s éloigner de sa 
cause, que, dans les lieux communs dont nous parlerons plus 
tard ;.d'eilleuzs , l'éloge «t.le blème ne dpiyent-ils pas se fondre 
ppm Passons donc à la péroraison. 


f gg 14a V e ban ED hou $45 #6 


Peau ‘ sl: 1 À. 
L: 


.- » d * 
TUA * ir! ar 58 NE 3 | 5 *or 13 


LII. La péreraison complète.et" termine. le discours. Elle 
a trois-parties : l'énumération, l'indignation et la plainte. L'é- 


142 DE INVENTIONE, LIBER I. ' 


indignationem, conquestionem. Enumeratio est , per: 
quam res disperse et diffuse dicte unum in locum: 
coguntur, et reminiscendi causa unum sub aspectum 
subjiciuntur. Hzc si semper eodem modo tractabitur,, 
perspicue ab omnibus artificio quodam tractari intel- 
ligetur ; sin varie fiet , et banc suspicionem et satie— 
tatem vitare poterit. Quare tum oportebit ita facere , 

ut plerique faciunt propter facilitatem , singillaüm 
unamquamque rem attingere , et ita omnes transire 
breviter argumentationes : tum autem id, quod dif- 
ficilius est, dicere, quas partes exposueris in par— 
üüone, de quibus te pollicitus sis dicturum , et 
reducere in memoriam , quibus rationibus unam- 
quamque partem confirmaris : tum ab iis , qui àu- 
diunt, quærere, quid sit, quod sibi velle debeant 
demonstrari , hoc modo : « Illud docuimus, illud 
plauum fecimus. » Ita simul et in memoriam redi- 
bit auditor, et putabit nihil esse przterea, quod 
debeat desiderare. Atque in his generibus (ut ante 
dictum est) tum tuas argümehtationes transire se- 
paraüm , tum id, quod 'artificiesrus ‘est, eum tuis 
éontrarias conjungere; etcum tuarn atgumentationem 
dixeris , tum , coniza eam qnod afferebatur, quem- 
admodum dilueris , ostendere. la per brevem com- 
parationem, auditoris memoria et de confirmatione, 
et de reprehensione redintegrabitur. Atque hzc aliis 
actionis quoque modis variare oportebit. Nam cüm 
ex tua persona enumerare possis , ut , quid , et quo 
quidque loco dixeris , admoneas : tum vero personam 








DE L'INVENTION, LIVRE É. 145 
nuraération réunit et rassenable les faits et les raisons disper- 
sées dans le discours; elle les met sous un méme point de vue 
pour eh rappeler le souvenir. Si vous suivez toujours la méme 
marche, il ne sera pas difficile de reconnaître l'art. Pour en 
effacer jusqu'aux moindres traces, pour prévenir le dégoût, 
employez la variété. Tantôt, et cette méthode, comme la plus 
facile, est la plus usitéé , récapitulez en les effleurant tous 
vos raisonnémens ; tantôt, et l’on rencontre iei plus de diffi- 
vultés, vous retracez votre division, et vous rappelez les rai- 
sons dort vous avez appuyé chaque partie. L'orsteur quelque- 
Tois s'adresse à Y'auditoire et lui demande ce qu'il veut qu'on 
lui démontre encore , et il ajoute : « Voila ce que nous vous 
avons appris, voilà ce que nous avons prouvé. » Ainsi vous 
rafrajcltissez la mémoire de l'auditqar, et vous lui persuadez 

qu'il ne doit, rjen attendre de plus.  ; 


dài vous pouvez, comme nous l'avons dit plus haut rappeler 
vos raisonnemens à part, ou, ce qui exige plus de talent, y 
joindre les ohjeotions qu'on vous .& faites el ce que vous y 
ave2 répondu. Ainsi, une courte comparaison rappelle à l’au- 
ditoire et la vénfirmation et la réfutation. Vous aurez encore 
ici recours à là Variété. Au liéu de faire vous-même l'énumé- 
ration, de rappeler | ce que vous avez dit et en quel lieu vous 
l'avez dit, .Yous pouvez la placer dans la bouche de quelque 
personnage ou de quelque . objet inanimé que vous mettez en 
scène. Par exemple: : « Si le législateur paraissait tout à copp 


144 DE INVENTIONE, LIBER I. 


aut rem. aliquam inducere, et enumerationem ei 
totam attribuere. Personam hoc modo : « Nam si 
«legis scriptor exsistat, et quærat a vobis , quid 
« dubitetis, * quid possitis dicere, cum vobis hoc et 
hoc sit demonstratum. » Átque hic, item ut in nostra 
persona , licebit alias singillatim transire omnes ar- 
gumentationes , alias ad partitiones singula genera 
referre , alias ab auditore , quid desideret , querere, 
alias hæc facere per comparationem suarum et con- 
trariarum argumentationum. Res autem inducetur, si 
alicui rei hujusmodi, legi, loco, urbi, monumento 
attribuetur oratio per enumerationem , hoc modo : 
« Quid si leges loqui possent? nonne hzc apud vos 
« quererentur? Quidnam amplius desideratis, judices, 
« cum vobis hoc et hoc planum factum sit? » In hoc 
quoque genere omnibus eisdem modis uu licebit. 
Commune autem præceptum hoc datur ad enume- 
rationem, ut ex unaquaqué argumentatione , quoniam 
tota iterum dici non potest, id eligatur, quod erit 
gravissimum , et upumquodque quam brevissime 
transeatur; ut memoria, non oraüo renovata vi- 
deatur. 

LIII. Indignatio est oratio, per quam conficitur, 
ut in aliquem bominem magnum odium, aut in rem 
gravis offensio concitetur. In hoc genere illud pri- 
mum intelligi volumus, posse omnibus ex locis iis, 
quos in confirmandi preceptis posuimus , tractari 
indignationem. Nam ex iis rebüs, que persénis atque 

! Quod. 


DE L'INVENTION, LIVRE I. 145 
« et vous demandait: Pourquoi hésitez-vous encore ? qu'avez- 
« votis à répondre; quandron veus a démontré?.... » Et vous 
poures, atissi' bier que'si vous parliez en votre propre nom, 
taniÿt' passór eli revue torites vos "faisons, tantôt rappeler la 


division , tantôt hrs a Tauditoire ge qu ^il attend encore, 


WII 18 5t ar 1 E tre 0 à " 4 
er vos T aisons aux M tions eia SE 
. a n ie te TAN TE mixer d (rns bject CEE s. sare. 


aseo ash te ab tt 
Faites vóus arler une c chosé inanimée ? alors : c est une loi, 
|J: LUI DRDIE tab »uu0M errifios os con 


une ville " quelqu e monu ent que vous chargez de l'énumé- 


ad) Cor 483! 


ration «Sj, la Joi pouvait, parler, pe vous diraitelle pas. 
«.Qu'attendez-vous encore , megistrats, quand on vous a dé- 
« mbatné que ?...-»et vous Avez ici les mêmes ressources, Sous 
quelltee forme que vous présenties vetre épumération , comme 


votid'le “pouvér Teppolter Yés''raisofmémens en entier; con- 
dent vol de Fippeldl en' peu de ‘mots ce qu'ils ont de plus 
solide ; car il s’agit de rafralclik la mémoire > et non pas de 


ATE 8 011 Léon, DÀ “is 


recommégeer le discours. 


s 
‘+ di o PEE: E ME 


TP 251] aun LR PET o t" 0.4.5 ot P : Eum 


One JA SAR TU) arf v OR. Se Le QUIM e 


LIH: E'5ndiesatióti excite'netre haine coutre url horhtme , ou 
nous! ped Udàtve' tékique fait. On peut la traitér suivant 


$t] ull sr 
les principes que flous avons dohnés pour la confirmation ; car 
u erool a 4vdutau 


elle se forme , comme ampliliéation à ‘de tout ce qui a rapport 
‘wvt} TALIPTPT zu UE Dn ) 


ARTS. et aux Pru choses. Cepen pendant : nous allons consi- 


dérer ce qui parent a l'indignation en particulier, * 
IL. 10 


1:6 DE INVENTIONE, LIBER I. 


negotis attribute sunt, quavis amplificationes et 
indignationes nasci possunt : sed tamen ea, quie se- 
paraüm de iudignatiome præcipi possunt, conside- 
remus. Primus locus sumitur ab auctoritate, quum 
commemoramus , quant cure res ea fuerit ‘ diis 
immortalibus, aut eis, quorum auctoritas gravissima 
debeat esse. Qui locus sumetur ex sorubus, ex ora- 
culis, vatibns, ostentis, prodigiis, responsis, et si- 
inilibus rebus, item ex majoribus nostris, regibus , 
civitatibus , gentibus, hominibus sapientissimis , Se- 
nàtu, populo, legum scriptoribus. Secundus locus 
‘est, per quem, illa res ad quos pertineat ; cum ampli- 
ficatione, per indignationem , ostenditur , an ad om- 
nes, * aut ed majorem pártei, quod" atrocissimum 
est; ? aut ad superiores, quales sunt ii, quorum éx 
auctoritate indignatio sumitur, quod indignissztmom 
est; * ant ad pares animo, fortuna, corpore, quod 
iniquissimum est; 5 aut ad inferiores, quod super- 
bissimum est. Tertius locus est, per quem quaerimus, 
quidnam sit eventurum, si idem ceteri faciant : et 
simul ostendimus , huic si concessum sit, multos 
æmulos ejusdem audaciz futuros: ex quo, quid mali 
sit eventurum , demonstrabimus. Quartus locus est , 
per quem demonstramus, multos alacres exspectare, 
quid statuatur, ut ex eo, quod uni concessum sit, 
sibi quoque tali de re quid liceat , intelligere possint. 
Quintus locus est, per quem ostendimus , ceteras res 
perperam constitutas, intellecta veritate, commutatas 


! Autdiis. — * An, — ? An. — 4 An. — 5 An. 


DE L'INVENTION , LIVRE I. 147 

Le premier lieu s'appuie sur l'aaterité : on rappelle combien 
ce dont il s'agit intéressait les dieux immortels ou les hommes, 
dont l'autorité est la plus respectable. II émbrasse la divina- 
tion , les oracles, les prodiges , etc., aussi bien que l'histoire 
de nos ancêtres, des rois, des cités, des nations, des sages, 
du sénat , du peuple et des législateurs. Le second lieu montre, 
par l'amplification , que le délit attaque la société entière ou la 
majeure partie de la société , et c'est une atrocité ; qu'elle. 
attaque par exemple, les supérieurs , ceux dont Fautorité nous 
a fourni le premier lieu commun, et c'est une indigmité ; les 
égaux en courage, en fortune, et c'est une injustice ; ou les 
inférieurs, et c'est le comble de l'inhumanité. Dans le troi- 
sième lieu on cherche ce qui pourrait arriver, si d'autres 
imitaient cet exemple ; on montre qu'il aurait la plus grande 


influence , et l'on en développe les funestes conséquences. 


Le quatrième lieu démontre que bien des gens attendent, 
avec impatience Ia décision de cette affaire, pour juger de ce 
qu'ils pourront se permettre. en pareille occasion. Le cin- 
quieme , que, dans d'autres cas, la vérité peut percer et dissi- 
per les ténèbres de l'erreur, mais qu'ici, le jugement une fois 
prononcé, rien ne saurait le changer ; qu’on ne peut plus re- 
venir sur ses pas. Le sixième lieu prouve que le délit a été 
commis à dessein et de propos délibéré; on ajoute que si l'er- 
reur a quelquefois des droits à l'indulgence, il ne faut jamais 
pardonner une faute volontaire. Dans le septiéme lieu , l'hor- 


146 DE INVENTIONE,, LIBER I. 

corrigi posse : hanc esse rem, qua si sit semel judi- 
cata, neque alio commutari judicio , neque ulla po- 
testate corrigi possit. Sextus locus est, per quem-con- 
sulto et de industria factum esse demonstratur, et. 
illud adjungitur, voluntario maleficio veniam dari 
non oportere : imprudentie concedi nonnumquam 
convenire. Septimus locus est, per quem indignamur, 
quod tetrum, crudele, nefarium, tyrannicum fac- 
tum esse dicamus, per vim, per manum opulentam, 
qua res ab legibus et ab æquabili jure remotis- 
sima sit. : 

L1V. Octavus locus est, per quem. demonstramus ;, 
non vulgare, neque factitatum esse, ne ab audacis- 
simis quidem hominibus , id maleficium, de quo 
agitur : atque id a feris quoque hominibus, et a bar- 
baris gentibus, et immanibus bestiis remotum esse. 
Hac erunt, qu: in parentes, liberos , conjuges, con- 
sanguineos , supplices , crudeliter facta dicentur; et 
deinceps s1 qua proferantur in majores natu, in hos- 
pites, in vicinos, in amicos , in eos, quibuscum vitam 
egeris, in eos, apud quos educatus sis, in eos, a qui- 
bus eruditus , in mortuos, in miseros et misericordia 
dignos, in homines claros , nobiles et honore usos, 
in eos, qui neque ledere alium , nec se. defendere 
' potuerint, ut in pueros, senes, mulieres : quibus 
omnibus acriter excitata indignatio, summum in 
eum , qui violarit horum aliquid , odium commo- 
vere poterit. Nonus locus est, per quem cum aliis, 


! Potuerunt. 


DE L'INVENTION, LIVRE I. 149 
peur, la cruauté, l’atrocité inouie d’un délit enfanté par la 
violence toute-puissante, d’un délit qui viole toutes les lois 
et l'équité naturelle, enflamment le courroux de l'orateur. 


LIV. Ee huitième démontre qu'il ne s'agit point d'un 
crime vulgaire, ni même d’un crime habituel aux plus grands 
scélérats , mais d'un forfait inconnu aux hommes les plus cruels, 
aux nations les plus barbares, aux bétes les plus féroces : : telle 
est la cruauté envers nos parens, nos enfans, nos époux, nos 
alliés, envers des supplians; au second rang, on. place les 
violences exyers des vieillards, un hôte , un ami, un voisin, 
Um camarade, veux qui nous ont élevés, qui noms ont ins- 
truíts ; envers un mort, un malheureux digne de pitié, ou un 
homme illustre, revétu d'honneurs et de dignités ; envers des 
gens qui ne peuvent ni attaquer ni se défendre , comme des 
enfans , des vieillards, des femmes. "Toutes ces circonstances 
excitent la plus forte indignation contre le coupable. 


"Le neuvième lieu , en comparant le délit en question avec 
d'uutres délits reconnus comme tels, montre combien il est 


plus atroce et plus abominable encore. Le dixième, en rassem- 


— 


150 DE INVENTIONE, LIBER I. 

quse constat esee peccata, hoc, quo de quæstio est, 
corpparatur; et jta per contenü onem, quanto atrocius 
et indignius sit illud, quo de agitur, ostenditur. 
Decimus locus est, per quem omnia, qu& in ne- 
gotio gerendo acta sunt , quaeque post negotium con- 
secuta sunt , cum uniuscujusque indigpatione et cri- 
minatione colligimus, et rem verbis quam maxime 
ante oculos ejus, apud quem dicitur, ponimus, ut 
id , quod indignum est, perinde illi videatur indig- 
num, ac si ipse interfuerit, ac praesens viderit. Unde- 
cimus locus est, per quem ostendimus, ab eo factum, 
a qua minime oportuerit, et a quo, si alius faceret, 
prohiberi conveniret. Duodecimus locus est, per 
quem indignamur, quod nobis Loc primis acciderit, 
nec alicui unquam usu evenerit. Tertiusdecimus 
locus est, si cum injuria contumelia juncta demons- 
tratur, per quem locum in superbiam et arrogantiam 
odium concitatur. Quartusdecimus locus est, per 


quem petimus ab iis, qui audiunt, ut ad suas res 


nosuwes injurias referam : si ad pueros pertinebit , 


de liberis suis cogitent : si ad mulieres , de uxoribus: 
si ad senes, de patribus aut parentibus. Quintus- 
decimus locus est, per quem dicimus, inimicis quo- 
que et hostibus ea, quæ nobis acciderint , indigna 
videri solere. Et indignatio quidem his fere de locis 
gravissime sumetur. 

LY. Conquesuonis autem hujusmodi de rebus 
partes petere oportebit. Conquestio est oratip, au- 
ditorum misericordiam captans. In hac primum ani- 


DE L'INVENTION, LIVRE I. 15: 
blant les circonstances et les suites de Faction, enflamme 
tous les esprits, et par le tableau frappant qu'il met sous les 
yeux des juges , leur rend le crime aussi odieux que s'ils l'a- 
vaient vu commettre sous leurs yeux. Dans le onzième, faites 
voir que le coupable devait, moins qu'un autre, commettre 
un pareil délit, qu'il était méme de son devoir de l'empé- 
cher. L'orateur , dans le douzième, s'indigne d’être la pre- 
mière victime d'un crime jusqu'alors inseanu. 


Le treipéme lieu, en montrant que l'outragg se joint à la 
eruauté , rend odieux l'orgueil et l’arpogance du çoupable. 
Par le quatorgibme, Forateur supplie ses audheurs de se 
mettre à sa place, de penser à leurs enfans, s’il s'agit d'un 
enfant, à leurs épouses, s'il s’agit d'une femme, à leurs pères, 
si c'est d'un vieillard. Enfin i| dira dans le quinzième que 
l'ennemi le plus implacable serait révolté de ce que nous 
avons souffert. — 


LV. Tels sont à peu prés les lieux les "M propres à 
exciter l'indignation. . .,... 


Dans la plainte, qui peut naître des mêmes causes que l'in- 


152 DE INVENTIONE, LIBER I. 


mum auditoris mitem et misericordem conficere opor 
tet, quo facilius conquestione commoveri possit. Id 
locis communibus efficere oportebit, per quos for- 
tung vis in omnes, et hominum infirmitas ostenditur: 
qua oratione,habita graviter et sententiose, maxime 
demittitur animus hominum , et ad misericordiam 
comparatur; cum in alieno malo suam infirmitatem 
considerabit. Deinde primus locus est misericordie , 
per quem , quibus in bonis fuerint, et nunc quibus 
in malis sint, ostenditur. Secundus , qui in tempora 
tribuitur, per quem , quibus in malis fuerint, et sint 
et futuri/sint, demonstratur. Tertius, per quem 
unumquodque deploratur incommodum, ut in morte 
filii , pueritia delectauo , amor, spes , solatium, edu- 
catio, et, si qua simili in genere, quolibet de in- 
commodo.per conquestionem dici poterunt. Quartus, 
per quem res turpes, et humiles, et illiberales pro- 
ferentur, et indigne state, genere, fortuna, pristino 
honore, beneficiis; quas passi perpessurive sint. Quin- 
tus est, per quem omnia ante oculos singillatim in- 
commoda ponentur, ut videatur 1s, qui audit, videre, 
et re quoque ipsa, quasi adsit , non verbis solum, ad 
misericordiam ducatur. Sextus , per quem preter 
spem in miseriis demonstratur esse; et, cum aliquid 
exspectaret , non modo id non : adeptus esse, sed in 
summas miserias incidisse. Septimus, per quem ad 
ipsos, qui audiunt, similem casum convertimus, et 
petimus, ut de suis liberis, aut parentibus, aut ali- 


! Adeptum. 


- 


| DE L'INVENTION, LIVRE I. 155 
dignation , on cherche à exciter la pitié de l'auditeur. Il faut 
donc l'attendrir d'abord et le préparer à des émotions plus 
douces, si nous voulons le rendre sensible à nos plaintes. 
Pour y réussir, développez des lieux communs sur la puis- 
sance irrésistible de la fortune et sur la faiblesse des mortels. 
Ces pensées , exprimées d'un style grave et sentencieux , font 
sur les esprits une impression profonde, et les disposent à la 
compassion. Le malheur d'autrui leur rappelle leur propre 
faiblesse. 


Le premier lieu oppose notre prospérité passée à notre mal- 
heur présent. Le second a rapport au temps, et raconte de 
quels maux nous avons été, nous sommes et nous serons les 
victimes. Le troisiéme appuie sur chacune des circonstances 
qui aggravent votre malheur. Vous perdez un fils , et vousrap- 
pelez les plaisirs innocens de son âge, son amour, vos espé- 
rances, le soin de son éducation. Ce sont ces détails qui 
rendent votre malheur plus touchant. Le quatrieme lieu fait 
connaitre les affronts, les humiliations , les traitemens désho- 
norans et indignes de notre áge, de notre naissance, de 
notre fortune , de nos honneurs passés, de nos bienfaits , que 
nous avons soufferts ou dont nous sommes menacés. Le cin- 
quième est le tableau de chacun de nos malheurs, tableau si 
vif et si animé, que l'auditeur semble les voir et se laisser at- 
tendrir moins par le récit que par la vue de nos disgráces. Le 
sixième montre que nous sommes tombés dans le malheur au 


154 DE INVENTIONE , LIBER I. 
quo, qui illis carus debeat esse, nos cum videant, re- 
cordentur. Oetavus , per quem aliquid dicitur esse 
factum , quod non oportuerit, aut non factum , quod 
oportuerit, hoc modo: « Non affui, non vidi, non 
« postremam ejus vocem audivi , non extremum ejus 
« spiritum excepi. » Jtem , « Inimicorum in manibus 
« mortuus est, hosuli in terra turpiter Jacuit insepul- 
« tus, a feris diu vexatus, communi quoque honore 
« in morte caruit. » Nonus, per quem oratio ad mutas 
et expertes animi res refertun: ut, si ad equum , do- 
mum, vestem, sermonem alicujus accommodes , qui- 
bus animus eorum, qui audiunt et aliquem dilexerunt, 
vehementer commovetur. Decimus, per quem inopia, 
infirmitas , solitudo demonstratur. Undecimus, per 
quem aut liberorum , ant parentum, aut sui corporis 
sepeliendi, aut alicujus ejusmodi rei commendatio 
fit. Duodecimus, per quem disjunctio deploratur ab 
aliquo, cum diducaris ab eo, quicum libenüssime 
vixeris, ut a parente, filio, fratre , 'famihari. Ter- 
tiusdecimus , per quem cum indignatione conque- 
rimur , quod ab iis, a quibus minime couveniat, 
male traetemur, propinquis, amicie, quibus bene- 
fecerimus, quos adjutores fore putaverimus, aut a 
quibus indignum : sit, ut servis, libertis; clientibus; 
supplicibus. | 


DE L'INVENTION, LIVRE 1. 155 
moment où nous nous y attendions le moins, et que nous 
avons été précipités dans cet abîme de maux, quand nous 
nous bercions d'un vain espoir de bonheur. Per le septième, 
l'orateur applique à l'auditeur sa propre infortune ; il le sup- 
plie de se rappeler , en le voyant, le souvenir ds ses enfans, 
de ses parens , de ceux qui doivent lui être chers. Dans le hui- 
tiéme , nous disons qu’on a fait ee qu'on ne devait pas faire, 
ou qu'on n'a pas fait ce qu'on devait faire; par exemple: 
« J'étais absent, je ne l'ai pas vu, je n'ai point entendu ses 


« dernières paroles, je n'ai point recueilli ses derniers sou- 


« pirs. » Ou bien: « Il est mort entre les mains des barbares, 


«il est étendiy sans sépulture sur une terre ennemis; long- 
« temps exposé à la yorpcité des bêtes sauvages, il a été 
« privé des hosneurs de la pUABre, honneurs qu'on me 
« refuse à personne. » 

Le neuvième s'adresse à des choses muettes ou inanimées , 
à un cheval, une maison, un vêtement , artifice qui touche 
profondément l'auditeyr , en lui rappelant des souvenirs at- 
tendrissms. Le dixième expose notre pauvreté, notre faiblesse, 
notre isolement. Dans le onzième, an recommande à Ja bien- 
velllance publique ses parens, ses enfans, le goin de sa sépul 
ture, etc. Dans le douzième, on se plaint de Péloignement de 
quelqu'un qui nous st ch cher, d'un père, d'un fils , d'un frere, 
d'un serviteur fidèle. Dans le treizième, on mêle l'indignation 
à la plainte, en songeant que nous éprouvons ces indignes 


traitemens de ceux dont nous devrions le moins les attendre ; 


156 DE'INVENTIONE, LIBER I. 


LVI. Quartusdecimus, qui per obsecrationem su- 
mitur : in quo orantur modo illi, qui audiunt, hu- 
mili et supplici oratione, ut misereantur. Quintus- 
decimus , per quem non nostras , sed eorum , qui 
cari nobis debent esse, fortunas conqueri nos de- 
monstramus. Séstasdecinms est, per quem animum 
nostrum in alios misericordem esse ostendimus. Et 
tamen amplum, et excelsum, et patientem incom- 
modorum esse, et futurum * esse, si quid acciderit , 
demonstramus. Nam ssepe virtus et magnificentia, in 
qua gravitas et auctoritas est, plus proficit ad mi- 
sericordiam commovendam, quam humilitas et obse- 
cratio. Commotis autem animis, diutius in conques- 
tione morari non oportebit. Quemadmodum enim 
dixit rhetor. Ápollonius , Jacryma nihil citius arescit. 
Sed * quoniam et satis videmur de omnibus partibus 
orationts ? dixisse, et hujus voluminis magnitudo 
longius processit; quz sequuntur deinceps, in se- 
cundo libro dicemus. 


! Abest esse. — * Quoniam satis , ut videmur. 14 Diximus. 


DE L'INVENTION, LIVRE L.— ^ +159 
par exemple , de la part de nos proches , de nos amis’, de ceux 
que nous avons obligés ou dont nous attendions du secours ;- 
de ceux enfin pour qui c'est le plus noir des crimes, d'un 
esclave , d'un affranchi, d'un client ou d'un suppliant. 

LVI. Le quatorziéme lieu emploie l'obsécration. Par des 
prières , par un langege humble et suppliant , nous implorens 
la pitié des auditeurs. Dans le quinziéme, nous nous plai- 
gnons moins de notre infortune que de celle des personnes 
qui nous sont chères. Dans le seiziéme , nous nous montrons 
sensibles pour les autres, mais supérieurs à tous les malheurs 
qui fondent sur nous; et cette fermeté ne se démentira ja- 
mais; car souvent le courage et la grandeur d'àme , qui s'ex- 
priment avec noblesse et dignité, savent mieux nous attendrir 
que l'humiliation et les prières. Mais les esprits une fois émus , 
gardez-vous d'étre prolixe dans vos plaintes ; car, comme l'a 
dit le rhéteur Apollonius, rien ne sèche plus vite que les 
larmes. Mais comme nous avons, à ce qu'il nous semble, 
assez développé toutes les parties du discours, et comme ce 
Livre nous parait assez long, nous réservons peur le second 


Li 


ce qui nous reste à dire. e.g. A 


DE INVENTIONE. 





LIBER SECUNDUS. 


I. Cnoivwiare quondam , cum florerent omuibus 
copiis , et in Italia cum * primis beati numerarentur , 
templum Junonis, quod religiosissime colebant, egre- 
giis picturis locupletare voluerunt Itaque Heracleo- 
tem Zeuxin, qui tum longeceteris excellere pictoribus 
existimabatur, magno pretio conductum adhibuerunt. 
Is et ceteras complures tabulas pinxit , quarum non- 
nulla pars usque ad nostram memoriam propter fani 
religionem retnansit; et, ut excellentem muliebris 
formæ pulchritudinem muta in suse imago coutineret, 
Helene se piugere sinrulacrum velle dixit : quod 
Crotoniatæ, qui eum muliebri in corpore pingendo 
plurimum aliis præstare sspe accepissent , libenter 
audierunt : putaverunt enim, si, quo in genere plu- 
rimum posset, in eo magnopere elaborasset, egregium 
sibi opus illo in fano relicturum. Neque tum eos illa 
opinio fefellit. Nam Zeuxis illico quæsivit ab eis, 
quasnam virgines formosas haberent. lll; autem statim 
hominem * deduxerunt in palæstram , atque ei pueros 
ostenderunt multos , magna præditos dignitate. Ete- 
nim quodam tempore Crotoniatæ multomi omnibus 
corporum viribus et diguitatibus antesteterunt, atque 


! In. primis. — ? Duxeront. 


DE L'INVENTION. 


LIVRE SECOND. 


I. aov. célebre par son opalence, et regardée comme 
une des*plus heureuses villes d'Italie, voulut jadis orner de 
peintures excellentes le temple de Junon , $4 divinité tuté- 
laire. On fit venir a grands frais d'Héraclée Zeuxis, le pre- 
mier peintre de son siècle. Après avoir peint plusieurs ta- 
bleaux , que le respect des peuples a conservés jusqu’à nous, 
l'artiste, pour donner le modèle d'une beauté parfaite, réso- 
lut, dg : fqire. le perizeit, d'Hélène. Ge prejet flaita ies Groto- 
niates qys avaient entmmdu vanter le tulent singulier de Zeuxis 
pobr.peindre les femmes, et ils penskrent que s'il voulait 
développer tous ses moyens, dàns un genre où il excellait, 
il entichir&it leur temple d'un chef-d'euvre. 


Leur attente ne fur point trompée. D'abord Zeuxis de- 
manda s'ils dvaient de belles femmes. Ou le conduisit aussitôt 
dans le gymnase, oi il vit des jeunes gens de la figure la 
plus noble; car il fut un temps où les Cretoniates se disün- 
guerent pat leur vigueur, par l’élégapte proportion de leurs 
formes , et remportrent, d'évlatantes victoires dans les jeux 
gymniques. Cotnine - d -adimirait le grüces et la beauté de 


toute cette jeunesse : Nous avons leurs sœurs, lui dit-on ; ce 


160 DE INVENTIONE, LIBER Il. 


honestissimas ex gymnico certamine viltorias domum 
cum maxima laude retulerunt. Cum puerorum igitur 
formas et corpora magno hic opere miraretur : Ho- 
rum , inquiunt ' illi, sorores sunt apud nos virgines: 
quare, qua sint ille dignitate, potes ex his suspicari. 
Prebete igitur mihi, quæso, inquit, ex istis virgini- 
bus formosissimas, dum pingo id , quod pollicitus 
sum vobis, ut mutum in simulacrum ex animali 
exemplo veritas transferatur. * Tum Crotoniatæ , 
publico de consilio , virgines unum in locum con- 
duxerunt, et pictori , quas vellet, eligendi potestatem 
dederunt. llle autem quinque delegit ;; quarum no- 
mina multi poete memoriz tradiderunt , quod ejus 
essent judicio probate , qui verissimum pulchritudi- 
nis habere judicium debuisset : neque enim, putavit, 
omnia , quz quæreret ad venustatem, uno incorpore 
se reperire posse; ideo quod nihil, simpliciin genere, 
omni ex parte perfectum natura expolivit : itaque , 
tanquam ceteris non sit habitura quod largiatur , si 
uni cuucta concesserit, aliud alii commodi, aliquo 
adjuncto incommodo , muneratur. 

IL. Quod quoniam nobis quoque voluntatis accidit, 
ut artem dicendi perscriberemus , non unum aliquod 
proposuimus exemplum, cujus omnes partes, quo- 
cumque essent in genere, exprimendz nobis neces- 
sario viderentur : sed , omnibus unum in locum 
coactis scriptoribus , quod quisque commodissime 
praecipere videbatur , excerpaimus , et ex variis inge- 

' Abest ili. — 2 Tunc. 








DE L'INVENTION, LIVRE II. 161 
que vous voyez peut vous donner. une idée de leurs charmes. 
Que l'on me donne les plus belles pour modèles! s'éoria l'ar- 
tiste, et l'on trouvera dans une nate muette toute la vérité, 
de la nature. 


Alors un décret du peuple rassembla dans un méme lieu 
toutes les jeunes filles, et donna au peintre laliberté de choi- 
sir parmi elles. Il en choisit cinq. Les poétes se sont empressés 
de nous transmettre les noms de celles qui obtinrent le prix 
de la beauté, an au jugement d'un artiste qui devait savoir si 
bien l’apprégier. Zeuxis ne crut done, pes- pouvoir . trouver 
réunies dans une gehle femme toutes les perfections qu'il wou« 
lit donnekh sé Hélène. En effet; la noture ne produit rien 
de parfait :'elfe 'sexible craindre d'épuiser sés pétféctionié eni 
les prodiguaht i à üü seul individu, et fait iode  atheter 
Ses faveurs par quelque disgráce. 


gris ^ dern t o A deg 
) Mer hok 5 TL 
II. EX nous aussi, dans'ile dessein que nous avons formó 
d'écrire sur Péloquence , nous né nous sommes point assujettis 
à calquer servilement tous es traits d’un modèle duelconque ; 
mais nous avons réuni tous les écrivains pour] puiser dens leurs 


|j ]U0nCE IL LED 


ouvrages ce qu’ ls renferment di de plu parfait, pour en prendre 

en quelque sorte la fleur, Car si, parmi les écrivains qui 

méritent d’être cités, il n’en est aucun qui n'offre quelque 
II. I1 


162 DE INVENTIONE, LIBER El. 

niis. excellentissima quaeque libavimus. Ex bis epim , 
qui nomine et memoria digni sunt, nec nihil optime, 
nec omnia præclarissime quisquam dicere vobis vi- 
debatur. Quapropter stultitia visa est, aut a. bene 
inventis alicujus recedere, si quo in vitio ejus offende- 
remur ; aut ad vitia. quoque ejus accedere, cujus 
aliquo bene precepto duceremur. Quodsi in ceteris 
quoque studiis a multis eligere homines commodis- 
simurh quodque, quam sese uni alicui certo vellené 
addicere , inus in arrogantia offenderent; noii tan- 
topere nr vitiis perseverarent ; aliquanto levius ex in- 
Seiéntia luborsrent. *Ac si pat- im niobis hujus. artis , 
atqué:in illo picture, scienta fuisset , fertasse niagis 
hoc s1::àn genere ogus nestrum ,.qeam ille in sua 
pictara gobilis eniteret. Ex majore enim copia nobis, 
quam ill, fuit exemplorum eligendi potestas. Ille 
una ex urbe, et ex eo numero virginum , quæ tum 
erant , eligere potuit : nobis omnium , quicumque 
fuerunt, ab ultimo principio hujus preeceptionis usque 
ad hoc tempus , expositis copiis , quodcumque pla- 
ceret , eligendi potestas fuit. 

...Á€ veteres quidena scriptdresártis , usque a prin- 
eipe illo atque inventore Tisia repeutos , unum in lo- 
cum conduxit Aristoteles, et nominatim cujusque 
precepta magna conquisita cura perspicue conscrip- 
sit, atque enodata diligenter exposuit : at tantum 
inventoribus ipsis suavitdte et brevitate dicendi præs- 
tiit, ut nemo illorum praecepta ex ipsorum libris 

r Ae. | | 





DE L'INVENTION, LIVRE II. 165 
chose d’excellent , il n’en ‘est aucun aussi qui réunisse toutes 
les parties. Ce serait donc ane folie de rejeter ce qu'il y a de 
bom, a cause de quelques défauts, ou de suivre dans ses erreurs 
l'é écrivain dont nous ávons recu d'utiles preceptes: | B 


^. * 


Mais si l’on voulait suivre cette marche dans les autres arts ; 
si, ‘au lieu de s'en tenir opiniátrément à un $eul maître, on 
voulait prendre de chacun ce qu'il a de meilleur, on verrait 
parmi les hommes moins de présomption, de prévention et 
d'ignorance, Si j'avais. peur l'éloguence le méme talent que 
Zeuxis pour ls: pénture, peut-être mob óuvrage, sprait-il. 
supérieus: au. chef-d'œuvee sorti de sen. pinceau; car j'di'eu 
un ples grand ‘hottibre:-de modèles. I ne pu: choisit que 
parmi les vierges d’une seule ville; et moi, j'avais li fna dis 
position tous les é écrivains qui, T l'origine de l'éloquerice 


jusqu'a nos jours ) ont'donné des préceptes s sur la rhétorique. 


Aristote rassetibla tous les anciens rhéteurs depuis Fisiès ^ 
le premier inverte&t de l'art, et réunit tous leurs préceptes 
dans un seul ouvrage. Il les développa avec tant de détails et 
de netteté , l'élégance et la précision de son style lui donnent 
yne telle supériorité, que personne n'étudie plus. les premiers 
rhéteurs dans leurs propres écrits, mais dans ceux du. philo-- 
Due qui erit pre inc lnc deter cuu E 


. Ce grand homme nous fait TM a la fois fon dpinion 
et celle de ses prédécesseurs ; et quoique ses disciples, à l'exem- 


164 DE INVENTIONE , LIBER II. 
cognoscat, sed omnes , qui, quod illi præcipiant ; 
velint intelligere, ad hunc, quasi ad quendam multo 
commodiorem explicatorem , revertantur. Átque hic 
quidem ipse , et sese ipsum nobis , et eos, qui ante 
se fuerant, in medio posuit, ut ' et ceteros , et 
seipsum, per se cognosceremus : ab'hoc autem qui 
profecti sunt , quanquam in maximis philosophie 
partibus opere plurimum consumserunt , sicut et 
ipse, cujus instituta sequebantur, fecerat; tamen 
permulta nobis precepta dicendi reliquerunt. Atque 
alii quoque alio ex fole præceptorés dicendi ema- 
naverubt , qui item permultum ad dicendum, si 
quid ars proficit , opitulati sunt : nam fuit tempore 
eodem , quo Aristoteles , magnus et nobilis rhetor 
Isocrates : cujus ipsius quam constet esse artem , non 
invenimus. Discipulorum autem atque eorum , qui 
prounus ab hac suut disciplina profecti, multa de 
arte præcepta reperimus. | 

. II. Ex his duabus diversis sicuti familiis, quarum 
altera cum versaretur in philosophia, nonnullam rhe- 
toricæ quoque artis sibi curam assumebat, altera 
vero omnis in dicendi erat studio et præceptione oc- 
cupaia , unum quoddam est conflatum genus a pos- 
terioribus , qui ab utrisque ea, quæ commode dici 
videbantur, in sues artes contulerant : quos ipsos 
simul, atque illos superiores, nos nobts omnes, quoad 
facultas tulit, proposuimus , et ex nostro quoque 
Honnihil in commune contulimus. Quodsi ea, quæ 


1. Abest et. 


DE L'INVENTION, LIVRE II. 165 
_ple de leur maître, se soient pour lh plupart enfoncés dans 
‘la philosophie la plus abstraite, ils ont néanmoins fourni 
beaucoup de secours à l'éloquence. Des rhéteurs, sortis d’une 
autre école , ont encore beaucoup contribué aux progrès 
de l’éloquence, si l'art y contribue en quelque chose ; car 
Isocrate , rhéteur célébre , était contemporain d'Aristote. Nous 
avons perdu ses lecons ; mais ses disciples et ses imitateurs 
nous ont transmis une foule de préceptes. 


III. De ces deux écoles, l'une, livrée à la philosophie , em- 
ployait quelques momens à l'étude de l'art oratoire , et l'autre 
s’appliquait toute entière à la théorie et à la pratique de l'élo- 
quence ; elles ont donné naissance à une troisième qui e em- 
pranté des deux autres tous les secours qu'elles lui offraient. 
Pour moi, j'ai tàché de suivre en méme temps, autant queje 
l'ai pu, et les anciens et les modernes, en mélant quelquefois 
mes observations aux leurs. 


Si le sujet que nous traitons mérite tout le soin que nous 


y avons apporté, cet ouvrage ne déplaira ni à son auteur ni à 


166 DE INVENTIONE , LIBER IT. 
in his libris exponontur, tantopere eligenda fuerunt , 
quanto studio electa sunt; profecto neque nos ; neque 
alios industriæ nostræ peepitebit. Sin autem 1emere 
aliquid alicujus prætertisse , aut non. satis eleganter 
secuti videbimur , docti ab aliquo , facile et libenter 
sententiam be Non enim parum cog- 
nosse , sed in parum cognito stulte et diu perseverasse 
turpe est: propterea quod alterum cormmuni homi- 
num infirmitati ,: alterum singulari uniuscujusque 
vitio est attributum. Quare nos quidem sine ulla 
affirmauone , simul quaerentes, dubitanter * unum- 
quodque dicemus , ne, dum parvulum hoc conse- 
quimur, ut satis commode hzc perscripsisse videa- 
mur , illud amittamus, quod maximum est, ut ne 
cui rei temere atque arroganter assenserimus. Verum 
hoc quidem nos , et in hoc tempore , et in omni vita 
studiose , quoad facultas feret , consequemur. Nunc 
autem , ne longius oratio progressa videatur , de 
reliquis , qua præcipienda videntur esse , dicemus. 
gitur primus liber , exposito genere hujus artis, 
et. ofhoio , et fine, et materia , et partibüs , generá 
cognwoyersiarum , et invyentiones , et constitutiones ; 
et judicationes conunebat , deinde partes orationis , 
et in eas omnes omnia præcepta. Quare cum in eo ce- 
teris de rebus distinctius dictum sit , disperse autem 
de confirmatione et de reprehensione : nunc certos 
confirmandi et reprehendendi in singula causarum 
genera locos tradendos arbitramur. Et quia , quo 


1 Unumquidque. 








DE L'INVENTION , LIVRE II. 167 
personne. Mais si l'on nous fait remsaquer quelques missions 
ou quelques erreurs, nous nous empresserons de nous corri- 
ger ; car ce qui fait la honte, ce n'est pas l'erreur, mais la sotte 
opiniâtreté avec laquelle on s'y attache. L'une tient à la fai- 
blesse humaine, l’autre est un vice de caractère. Ainsi, sans 
rien affirmer, nous parlerons de chaque objet avec la circons- 
pection du doute; et si nous perdons l'avantage assez mince 
de passer pour avoir bien traité notre sujet, nous éviterons up 
écuil bien plus dangereux , la présomption et l’impudence : 
c'est un système que nous suivrons toujours , autant que pos- 
sible, dans tout le cburs de notre vie. Maintenant, pour re- 


venir à notre sujet, nous allons donner la suite des préceptes. 


Avec la définition de la nature de l’éloquence, de son de- 
voir, de sa fin et de sa matière, le premier Livre renfermait 
les différens genres de causes, les questions, les points à ju- 
ger ; enfin les parties d'un disceurs et des préceptes sur cha- 
cune. Tous ces sujets sont traités avec assez de méthode; mais 
pu pourrait trouyer un peu de confusion à l’article de la réfu- 
tation et de la confirmation. Nóus allons donc douner, pour 
chaque genre de cause, des lieux certains de confirmation et 
de réfutetion; et comme nous avons développé avec assez de 
soin, dans le premier Livre, la marche du raisonnement , 
nous nous contenterons d'exposer ici, avec simplicité et sans 
ornement , les raisons que chaque cause peut offrir. On pourra 
revoir ci-dessus la manière de les employer. Ainsi, ce que 


168 DE INVENTIONE, LIBER II. 


pacto tractari conveniret argumentationes , in libro 
primo non indiligeuter expositum est, hic tantum 
ipsa inyenta unamquamque in rem exponentur sim- 
pliciter, sine ulla exornatione , ut ex hoc inventa ipsa, 
ex superiore autem expoliüo inventorum petatur. 
Quare hzc , qus nunc præcipientur , ad confirma- 
tionis et reprehensionis partes referre oportebit. 
IV. Oninis et demonstrauva, et deliberativa , et 
judicialis causa , necesse est in aliquo eorum, quee 
ante exposita :sunt , constitutionis genere , uno plu- 
ribusve, versetur. Hoc quanquam ita est, tamen 
cum communiter quadam de omnibus præcipi pos- 
sint, separatim quoque aliæ sunt cujusque generis, 
et diverse præceptiones. Aliud enim laus aut vitu- 
peratio, aliud sententiæ dictio, aliud accusatio, aut 
recusatio , conficere debet. In judiciis, quid equum 
sit, queritur; in demonstrationibus, quid honestum; 
in deliberationibus, ut nos arbitramur , quid hones- 
tum sit, et quid utile. Nam ceteri utilitatis modo 
finem in suadendo et in dissuadendo exponi opor- 
tere arbitrati sunt: Quorum igitur generum fines et 
exitus diversi sunt , eorum præcepta eadem esse non 
possunt. Neque nunc hoc dicimus, non easdem in- 
cidere constitutiones : verumtamen oratio quzdam 
ex ipso fine ' et ex genere causa nascitur, quz per- 
tineat ad vitz alicujus demonstrationem , aut ad sen- 
tentiæ dicüonem. Quare nunc in exponendis contro- 
versus, in judiciali genere causarum et præceptorum 


3 Abest et. 


| DE L'INVENTION, LIVRE II. 169 - 
nous allons dire se rattache à la confirmation et à la réfu- 
tation. 


-- 


IV. Toute cause, ou démonstrauve, ou délibérative, ou 
judiciaire, doit nécesesiresent se rapporter à un ou à plusieurs 
des genres de questions établis plus haut. Quoiqu'on puisse 
donner pour tous des principes généraux, chaque genre à 
néanmoins des régles particuliéres ; car on ne saurait employer 
la méme méthode pour louer, blàmer , accuser, défendre ; ou 
pour énoncer une opinion. Dans le genre judiciaire, on cherche 
la justice ; dans le démonstratif , l'honneur ; dans le délibératif, 
l'honneur et l'intérét, du moins à notre avis; car d'autres 
veulent qu'en persuadant ou dissuadant , on n'ait d'autre but 
que l'intérét. 

Ainsi des genres qui ont un but différent , né peuvent avoir 
la méme méthode : nous ne disons pas qu'ils ne peuvent offrir 
les mémes questions; car il peut entrer dans le genre d: la 
cause de faire connaitre la vie d'un homme ou d'énoncer 
Ane opinion. Nous allons donc donner des préeeptes sur l'ex- 
position des points de discussion et sur le genre judiciaire, 
On pourra aisément les appliquer aux différens genres de 
causes qui offriront les mêmes difficultés. Nous traiteron sen- 
suite de chaque genre en particulier. 


170 DE INVENTIONE , LIBER 1I. 
versabimur. Ex quo pleraque in cetera quoque cau 
sarum genera, simili implicata controversia , nulla 
cum difficultate transferentur : post autem separatim 
de reliquis dicemus. 

Nunc : ab conjecturali « constitutione proficiscemur; 
cujys exemplum sit hoc expositum : « In itinere qui- 
« dam proficiscentem ad mercatum quendam, et se- 
« cum aliquantum nummorum ferentem, est consecu- 
« tus : cum hoc, ut fere fit, in via sermonem contulit: 
« ex quo fectum est, ut illud iter familiarius facere 
« yellent. Quare , cum in eandem tabernam deyertis- 
« sent, simul cœnare, et in eodem loco somnum 
« capere voluerunt" Cœnati discubuerunt ibidem. 
« Caupo autem ( nam ita dicitur post inventum , cum 
« in alio maleficio deprehensus esset) cum illum 
« alterum, videlicet qui nummos haberet , animad- 
« vertisset : noctu , postquam illos * arctius, ut fit, ex 
« lassitudine dormire sensit , accessit , et alterius eo- 
« rum , qui sine nummis erat, gladium propter appo- 
« stum e vagina eduxit, et illum alterum occidit , 
se nummos abstulit, gladium cruentatum in vaginam 
« recondidit, ipse sese in lectum suum recepit. Ille 
« autem, cujus gladio, occisio erat facta, multo ante 
« lucem surrexit, comitem ? suum inclamavit semel 
« et sgpius. Illum somno impeditum non respondere 
« existimavit : ipse gladium, et cetera, qus secum 
« attulerat , sustulit, solus profeetns est. Gaupo non 
« multo post conelamavit, hominem esse occisum., 


1 À. — ? Arctius jam. — ? Jiluo suum. 


DE L'INVENTION , LIVRE II. 17r 

Commençons par un exemple de question de conjecture. 

« Un voyageur rencontre un marchand chargé de l'argent 

' « nécessaire à son commerce : ils lient bientôt conversetion, 
« et une espèce d'intimité s'établit entre eux. Arrivés à l'hó- 

« tellerie, ils soupent ensemble et couchent dans la méme 
« chambre. L'hóte (il en fit l'aveu quand il se vit eonyaincu 
« d'un autre crime ), avait remarqué celui qui portait de l'ar- 
« gent. Au milieu de la nuit, quand il juge que la fatigue les 
« a plongés dans un profond sommeil , il entre dans leur cham- 
'« bre, tire l'épée du voyageur, égorge le marchand , s'empare 
« de son argent, remet l'épée sanglante dans le fourreau, et 


« va se mettre au lit. 


« Cependant le voyageur, dont l'épée avait servi à com- 
« mettre le crime, s’éveille long-tempg avant le jour , et ap- 
«. pelle à plusieurs reprises son compagnon de voyage. Comme 
_« il ne répondait point, il le croit endormi, prend son épée, 
« son bagage, et se met seul en route. Bientôt Lawbergiste 
« s'écrie qu'on a assassiné un homme , et poursuit avee quel- 
« ques-uns de ses hôtes le voyageur parti le premier. Il Pat- 
« teint, l'arréte, tire son épée du fourreau, et la trouve en- 
« sanglantée. On ramène notre homme à la ville, on le met en 
« justice. » Vous Payez tué? dit l'accusateur. Je ne l'ai pas 
tué, répond le défendeur. L’a-t-il tué? voila ce qui forme 
le fond de l'affaire, et ce point à juger appartient au genre 
conjectural. 


172 DE INVENTIONE , LIBER II. 


« et cum quibusdam deversoribus illum , qui ante 
« exierat , consequitur. In itinere hominem compre- 
« hendit, gladium ejus e vagina educit, reperit cruen- 
« tum : homo in urbem ab illis deducitur, ac reus 
« fit. » In hac intentio est criminis , Occidisti ? Depul- 
sio, Non occidi. Ex quibus constitutio est. Quæsuo 
eadem in conjecturali, qu: judicatio , Occideritne ? 
V. Nunc exponemus locos, quorum pars aliqua 
in omnem conjecturalem incidit controversiam. Hoc 
autem et in horum locorum expositione, et in cete- 
rorum , oportebit attendere, non omnes in omnem 
causam convenire. Ut enim omne nomen ex aliqui- 
bus, non ex omnibus litteris scribitur : sic omnem in 
causam non omnis argumentorum copia , sed eorum 
necessaria pars aliqua conveniet. Omnis igitur, ex 
causa, ex persona, ex facto ipso, conjectura ca- 
pienda est. " 
. Causa distribuitur in impulsionem, et in ratioci- 
nationem. Impulsio est, que sine cogitatione per. 
quandam affectionem animi facere aliquid hortatur, 
ut amor, iracundia, zgritudo, vinolentia, et omnino 
omnia , in quibus animus ita videtur affectus fuisse, 
ut rem perspicere cum consilio et cura non potuerit: 
et id, quod fecit, impetu quodam animi potius, quam 
cogitatione fecerit. Ratiocinatio autem est diligens et 
considerata faciendi aliquid , aut non faciendi ex- 
cogitatio. Ea dicitur * interfuisse tum, cum aliquid 
faciendum, aut non faciendum, certa de causa vitasse, 


1 Tum interfuisse. 


. DE L'INVENTION, LIVRE Ii. 155 


V. Nous allons maintenant traiter des lieux que peut offrir 
une question conjecturale, et nous ferons ici une remarque 
générale; c'est que tous ne s'emploient pas dans toutes les 
causes. Pour écrire un mot, on n'emploie que quelques lettres , 
et non pas "alphabet entier. Ainsi, dans une cause, on ne se 
sert pas de toutes les espèces de raisonnemens , mais de ceux-là 
seuls qui sont nécessaires. Toute conjecture doit se tirer du 
motif, de la personne, ou du fait même. 

' On agit par:passion ou avec préméditation : par passion, 
quand nous sommes: emportés per quelque violente affection 
de l'àme, comme l'amour, la colère, la douleur , l'ivresse ; et 
en gériéral par tout ce qui peut ôter à l'àme le sang-froid et 
l'attention, et nous faire agir par emportement plutót que par 


réflexion. 


On agit avec préméditation, quand on a mürement exa- 
miné les raisons pour ou contre. On emploie ce lieu, quand 
notre conduite a des motifs certains, comme l'amitié, la ven-. 
geence, la crainte, la gloire, l'intérêt, en un mot, ce qui peut 


174 DE INVENTIONE , LIBER II. 


aut secutus esse animus videtur, ut, si amicitie quid 
causa factum dicetur , si inimici ulciscendi, si metus, 
si gloriæ, si pecunie, si denique, ut omnia gene- 
ratim amplectamur, alicujus retinendi , augendi, adi- 
piscendive commodi, aut contra rejiciendi, demi- 
nuendi ,' devitandive incommodi causa. Nam horum 
in genus alterutrum illa quoque incident, in quibus 
aut incommodum aliquod majoris vitandi incommodi 
causa, aut majoris adipiscendi commodi , suscipitur , 
aut commodum aliquod majoris adipiscendi com- 
modi , aut majoris vitandi incommodi, præteritur.. 
Hic locus sicut aliquod fundamentum est hujus 
constitutionis; nàm nihil factüm esse cuiquam pro- 
bat&r, nisi aliquid , quate factum sit, ostenditur. 
Ergo aecusator , eum aliquidampulsione factum esse 
dicet, illum impetum, et qnándam- commotionem 
animi, affectionemque verbis et sententiis amplificare 
debebit, et ostendere, quanta vis amoris sit, quanta 
animi perturbauo ex iracumdia fiat, aut ex aliqua 
causa earum , qua impulsum liquem id fecisse dicet. 
Hie et exemplorum commemoratione, qui simili 
impulsu aliquid commiserint, et similitudinum col- 
latione , et ipsius animi affectionis explicatione, cu- 
randum est, ut non mirum videatur, si quod ad faci- 
nus tah perturbatione commotus animus accesserit. 

. VI. Cum autem non impulsione, verum ratiocina- 
tioné aliquem commisisse quid dicet, quid corimódt 
8 secutis , aut quid incommodti fügerit j demonstra: 
bit, et id augebit, quan: maxime poterit, ut, quoed 











DE L'INYENTION, LIVRE IL. 155 . 


eonser fer, sugmentey noa avantages et en éjouter de nouveaux, 
eu aw contraire éleiguer , affeiblir ou éviter tout.ce qui peut 
hous nuire. Et sort que l'on ait souffert quelque dommage, ou 


négligé quelque avahtagé pour en obtenir un plus graud, où 


se garantir d'un plus grand mal, où retombe toujours dans 


l’un de ces deux motifs. 


Tél'est le Heu qui sert comme idédindi kn ii de 
cause; car on he prouvé jamais uh fait sans en développer les 
raisons. . L' accusateur prétend qué l'accusé a agi pat passion, 
qu'il s'étende sur la violence et l'activité des passions ; qu'il 
prouxe quelle est la puissance de l'amour , quel trouble porte 
dans Pme la colère ow le sentiment qui a fait agir l'accusé ; 
exil , que des exemples et des comparaisons, que le dévelop- 
perhéht de la passion élle-inême, protyeut qu'il m'est poiut 
étonriant que l'âme, empórtée par une Seton & violente; se 
soit laissée aller au crime. — 


VI. L'accusé a-t-il agi avec préméditation, démontrez les 
dermmages qu'il voulait éviter, les avantages qu'il voulait ac- 
quérir ; amplifiez , autant qu'il seta: possible, pour démontrer, 
si vous le pouvez, jusqu'à l'évidence, que l'accusé avait une 


eu 


196 DE INVENTIONE, LIBER II. 
ejus fieri possit, idonea quam mexime causa ad perc 
candum hortata videatur. Si gloriæ causa; quantam. 
gloriam consecuturam existimarit ; item si domina- 
tionis, $1 pecunja , $1 amicitia , $1 1nimicitiarum ; et 
omnino quicquid erit, quod causæ fuisse dicet, id 
summe augere debebit. Et hoc eum magnopere consi- 
derare oportebit , non quid in veritate modo, verum 
etiam vehementius , quid in opinione. ejus, quem 
arguet, fuerit. Nihil enim refert , non fuisse, aut non 
esse aliquid commodi , aut incommodi, si ostendi 
potest, ei visum esse, qui arguatur. Nam opinio 
dupliciter fallit homines ; cum aut res aliusmodi est, 
ac putatur, aut non is eventus est, quem arbitrati 
sunt. Res aliusmodi est tum , cum aut id, quod bo- 
num est, malum putant : aut contra, quod malum 
est, bonum : aut. quod nec malum est, nec honum, 
malum, aut bonum : aut quod malum, aut bonum 
est, nec malum, nec bonum. Hoc intellecto, si quis 
negabit , ullam esse pecuniam, fratris aut amici vita, 
aut denique * officio antiquiorem , aut suaviorem , 
non erit hoc accusatori negandum. Nam in eum 
culpa, et summum odium transferetur, qui id , quod 
tam vere et pie dicetur , negabit. Verum illud dicen- 
dum erit, illi non esse ita visum : quod sumi oportet 
ex iis, quz ad personam pertinent, de quo post di- 
cendum est. 

VII. Eventus autem tum fallit, cum aliter accidit , 
atque ii, qui arguuntur, arbitre esse dicuntur: 

* Officio sao. | 





À 
DE L'INVENTION, LIVRE IL 177 


raison suffisante de se rendre criminel, Est-ce l'amour de la 
gloire qui l’a fait agir ; montrez combien: il s'en promettait : 
est-ce l'ambition, Pintérêt, l’amitié, Ia haine; V eexeIoppes e ces 


motifs, quels qu'ils soient. 


Surtout attachez-vous moins à la vérité qu'à l'intention de 
Paccusé. Qu'i more ue Füventage ou le dommage soit réel, 
si l'accusé en a jugé ainsi ? Car! les hommes se trompent, | 


ou sur Ja nature de la chose, ou sur l'événement. Sur la na- 


ture de la chose, quand. ils prennent le mal:pour le bien, ou 
le bidn gonn do. mel ; pourrhien ou mal, ce qui'est indifférent, 
ou! pour imdiffééenvce qui est bien ou’ mal: ' 

d bou, Dita co. - 


uu Qua l'on dise Aon que lintérét. na TM ni cli cher. ni. 
plus sacré que la rie d'ah épere y d'un: am?, ou que le devoir: 
n'allez pomt le'nier: Vobs-rHfuser a. des véntés si saintes, .ce 

serait vous retidre sósd coupable qu'odieux.' Mais soutenez 
que vous n'en avez pas jugé ainsi , et alors vous pourrez puiser . 
votre défense dans les lieux qui appartiennent à la personne, 
et dont nous jtraiterons bientôt. 


' Vu e Pe an 
*- 


«JU 


VIL, L'acrusé 4e-jrompe sur l'événement, quand il ne r&- 
pond par à Son attenje. Égaré par la ressemblance, par de 
faux soupçons, par de fausses apparences, il a tué celui qu'il 


Il. Y 12 


178 DE INVENTIONE , LIBER II. 
ut, ' si qui dicatur alium occidisse, ac voluerit ; 
quod aut similitudine , aut suspicione , aut demons- 
watione falsa deceptus sit : aut eum necasse , cujus 
testamento non sit heres, quod ejus testamento se 
heredem arbitratus sit. Non enim ex eventu cogita- 
tionem spectari oportere ; sed qua cogitatioue et spe 
ad maleficium profectus sit, considerare ; et quo 
animo quid quisque faciat, non quo casu utatur , ad 
rem pertinere. In hoc autem loco , caput illud erit 
accusatori, si demonstrare poterit, ali nemini cau- 
sam fuisse faciendi : secundarium , si tantam , aut 
tem idoneam nemini. Sin fuisse aliis quoque causa 
faciendi videbitur; aut potestas aliis defuisse demons- 
tranda est, aut facultas, aut voluntas. Potestas , si 
eut nescissc , aut non affuisse , aut conficere aliquid 
non potuisse dicetur. Facultas , si ratio, adjutores , 
‘adj umenta , et cetera , qua ad rem pertinebunt , de- 
fuisse alicuà demonstrabuntur. Voluntas , si apimus 
a talibus factis vacuus , et integer esse dicetur. Pos- 
tremo , quas ad defensionem rationes reo dabimus, 
iis accusator ád alios ex culpa eximendos abutetur. 
Verum id brevi faciendum est, et in unum multa 
sunt conducenda, ut ne alterius defendendi causa 
hunc accusare , sed hujus accusandi causa defendere 
alterum videatur. | 

VIII. Atque accusatori quidem hzc fere sunt in 
_ ۇusa facienda, et consideranda. Defensor autem ex 
contrario primum impulsionem aut nullam fuisse 


* * $i quis. 


DE L'INVENTION, LIVRE I. 179 
ne voulait pas tuer; ou bien il a tué un homme dont il se 
croyait légataire, quoiqu'il ne le fût point; car il ne faut pas 
juger de l'intention par l'événement, mais bien plutót quelle 


. intention, quelles espérances ont conduit au crime. Il s'agit 
moins du fait que du motif. 


L'accusateur doit, dans ce lieu, s'attacher surtout à dé- 
montrer que personne, excepté laccusé, n'avait intérét à . 
commettre ce délit, ou du moins n'en avait un si grand et si 
pressant ; ou si quelque autre semble avoir eu quelque intérêt, il 
n'avait ni le pouvoir, ni les moyens, ni la volonté: le pouvoir, 
il ignorait le fait; il était absent; un obstacle insurmontable 
l'arrétait : les moyens, il n'avait ni complices, ni rien de ce qui 
était nécessaire pour réussir : la volonté, son austére vertu 
se refuse à de pareilles actions. Enfin, tous les moyens que 
nous fournirons à l'aceusé pour sa défense, l'accusateux pourra 
s'en servir à justifier les autres; mais qu'il soit nerveux, con- 
cis, et ne paraisse pas accuser l’un pour défendre les autres, 
mais bien les justifier pour accuser le coupable. 


VIH. Tels sont, à peu près, les moyens de l'accusateur. » Le 
dMndeur , de son côté, soutiendra d'abord que son client n'a 
point agi par passion ; ou, s'il est obligé d'en convenir, il tà- 
chera d'affaiblir cet aveu, en montrant que cette passion n'avait 


180 DE INVENTIONE , LIBER II. 


dicet , aut , si fuisse concedet , extenuabit , et par= 
vulam quandam fuisse demonstrabit , aut non ex 
ea solere hujusmodi facta nasci docebit. Quo * et erit 
in loco demonstrandum , quz vis et natura ejus sit 
affectionis , qua impulsus aliquid reus commisisse 
dicetur : in quo et exempla, et similitudines erunt 
proferendæ , et ipsa diligenter natura ejus affectionis 
quam lenissime quietissimam ad partem explicanda, 
ut et res ipsa a facto èrudeli et turbulento ad quoddam 
mitius et tranquillius traducatur , et oratio tamen dtl 
animum ejus, qui audiet, et ad animi quendam 
intimum sensum accommodetur. Ratiocinationis au- - 
tem suspiciones infirmabit, si aui commodum nullüm 
fuisse, aut parvum , aut aliis magis fuisse, aut nihilo 
sibi magis , quam aliis, aut incommodum sibi majus, 
quam commodum dicet : ut nequaquam fuerit illius 
commodi , quod expetitum dicatur , magnitudo aut 
cum eo incommodo , quod acciderit , aut cum illo 
periculo , quod subeatur , comparanda : qui omnes 
loci similiter * in incommodi quoque vitatione trac- 
tabuntur. Sinaccusator dixerit , eum id esse secutum, 
quod ei visum sit commodum, aut id fugisse , quod 
putarit esse incommodum ; quanquam in falsa fuerit 
opinione : demonstrandum erit defensori , neminem 
tanta esse stultitia , qui tali in re possit veritatem 
ignorare. Quod si id concedatur; illud non concessum 
iri; ne dubitasse quidem hunc, quid ejus juris es, 
sed id ; quod falsum fuerit, sine ulla dubitauone 


1 Abcst et. — 2 Abest in. 


DE L'INVENTION, LIVRE Il. (081 
point assez d'énergie pour produire de semblables effets. Il 
faut alors analyser la passion qui a dirigé l'accusé, en faire 
connaitre la force, citer des exemples, des comparaisons , 
montrer cette passion sous le point de vue le plus favorable, 
et dans ses effets les plus doux, pour passer insensiblement 
du trouble et de la barbarie du crime , à des objets plus doux 


et plus tranquilles, sans révolter l'auditoire. 


L'orateur affaiblira le soupcon de préméditation en mon- 
trant qu'on n'avait nul intérét, qu'on en avait peu, que d'au- 
tres en avaient davantage ou autant, ou qu'il devait en revenir 
plus de mal que de bien; en sorte qu'il n'y a aucune com- 
paraison à établir entre l'avantage qu'on s’en promettait , et les 
dommages qu'on a éprouvés, ou le danger auquel on s'exposait. 
On peut encore, dans tous ces lieux, se prévaloir du désir 


d'éviter quelque désavantage. 


Si Paccusateur prétend que l'accusé s'est trompé dans ce 
qu'il a cru favorable ou contraire à ses intéréts, le défendeur 
doit prouver qu'il n'est personne assez stupide pour s'y mé- 
prendre. Accordez-vous encore ce point, n'accordez pas au 
moins que l'accusé ait eu le moindre doute sur ce qui l'inté- 
ressait ; mais qu'il a, sans balancer, jugé faux ce qui était faux, 
vrai ce qui était vrai : car le comble de la felie serait de s'ex- 


poser à un péril certain pour des espérances incertaines. 


L'accusateur , pour justifier les autres, se sert des lieux du 


183 DE INVENTIONE , LIBER If. 
pro falso, quod verum , pro vero probasse. Quod si 


dubitaverit , summe fuisse amentiæ , dubia spe inr 
pulsum, certum in periculum se committere. Quem- 
admodum autem accusator, cum ab alus culpam 
* demovebit, defensoris locis utetur : sic ns locis , 
qui accusatori dati sunt , utetur reus , cum in alios ab 
se crimen volet transferre. 

IX. Ex persona autem conjectura capietur , si ez 
‘res , quae personis attribute sunt , diligenter consi- 
derabuntur , quas omnes in primo libro exposuimus. 
Nam et de nomine nonnunquam aliquid suspicionis 
nascitur. Nomen autem cum dicimus , cognomen 
quoque intelligatur oportet. De hominis enim certo 
et proprio vocabulo agitur : ut si dicamus, « Idcirco 
« aliquem Caldum vocari , quod temerario et repen- 
« tno consilio sit : » aut si, « * Ea re hominibus 
« Grsecis imperitis verba dedisse , quod Clodius, aut 
« Caecilius , aut Mucius, vocarentur. » Et de natura 
licet aliquantulum ducere suspicionis. Omnia enim 
hec, vir, an mulier; hujus an illius civitatis sit ; 
quibus sit majoribus , quibus consanguineis, qua 
lale , quo animo , quo corpore, qua naturz sunt 
atwibuta , ad aliquam conjecturam faciendam per- 
tinebunt. Et ex victu multe trahuntur suspiciones , 
cum , quemadmodum , et apud quos , et a quibus 
educatus et eruditus sit, queritur, et quibuscum vi- 
vat, qua ratione vite , quo more domestico vivat. 
Et ex fortuna sepe argumentatio nascitur , cum ser- 

' Dimovebit. — * Fa de re. 


DE L'INVENTION, LIVRE Ik 185 
.défendeër : ainsi l'accusé se servira de ceux de l'accusateur, 
-pour rejeter la faute sur d'autres que Jai. 


IX. On tite les conjectures de la personne, quand on-con- 
sidète attentivement tous les chefs attribués à la personne, 
'et que nous avons développés dansle premier Livte : car on 
élève quelquefois des doutes sur le nom, et par le nom nous 
“entendons aussi le surnom. Én effet, il s'agit du mot propre 
et particulier pour désigner quelqu'un : comme si l'on disait, 
« Qu'un tel à été nommé Caldus, à cause de son emporte- 
.« ment ou de son unpétuosité ; » qu « que les Grecs ont donné 
« les noms de Clesius, de Ceeoilins ou de Macias à des igno- 
^ * rans. » 


- On peut former aussi quelques conjectures sur la nature ; 
car le sexe, la nation, les ancêtres, la famille, l’âge, le 
<arectère , la complexion (toutes choses qui forment ce qu’on 
- appelle la nature), peuvent donner matiére à quelques oupr 
cons. On en tire encore beaucoup de la conduite, en exami- 
nant comment, chez qui, par qui on a été élevé et instruit ; 
quelles sont les liaisons, le plan de vie, de l'accusé, méme 


dans son intérieur. 


La fortune peut encore fournir des argumens : on considère 


18, DE INVENTIONE , LIBER II. 


vus an liber, pecuniosus an pauper; nobilis an igno- 
bilis, felig an infelix, privatus an in potestate sit, 
aut fuerit , aut futurus sit, consideratur : aut denique 
aliquid eorum queritur , quz fortunz esse attributa 
intelliguntur. Habitus autem , quoniam in aliqua 
perfecta et constanti animi aut corporis absolutione 
consistit , quo in genere est virtus, scientia , et quæ 
comtraria sunt; res ipsa, causa posita, docebit, ec- 
quid: hic quoque locus suspicionis ostendat. Nam 
affectionis quidem ratio perspicuam solet prz se ge- 
rere conjecturam , ut amor , iracundia , molestia : 
propterea quod et ipsorum vis intelligitur , et quee 
res s aliquam rem consequantur , faciles cognitu 
sunt. Studium autem quoniam est assidua et vehemens 
ad aliquam rem applicata magna cum voluntate occu- 
patio , facile ex eo ducetur argumentatio, quam res 
ipsa desiderabit in causa. Item ex consilio sumetur 
aliquid suspicionis. Nam consilium est, aliquid fa- 
ciendi non faciendive excogitata ratio. Jam facta, et 
casus , et orationes , quai sunt omnia ( ut in confirma- 
tionis preceptis dictum est) in tria tempora distri- 
buta, facile erit videre, ecquid afferantad conjecturam 
confirmandam suspicionis. 


X. Ac personis quidem res ez sunt attributæ, cx 
quibus omnibus unum in locum coactis, accusatoris 
erit improbauone hominis uti. Nam causa facti parum 


DE L'INVENTION, LIVRE II. 185 
alors si l'accusé est esclave ou libre, riche ou pauvre, illustre 
ou inconnu, heureux ou malheureux ; si c'est un simple par- 
ticulier, ou s'il a été, s'il est ou s'il sera revétu de quelque 


“dignité. Enfin, on s'attache à tout ce qui a rapport à la fortune. 


Quant à la manière d’être, qui consiste dans quelque perfec- 
tion physique ou morale, comme la science, la vertu, et méme 
leurs contraires; le fait lui-même, quand l'état de la question 
est posé, montre quels soupcons peut faire naître ce lieu 
commun; car il n'est pas difficile de former des conjectures 
sur les affections de l’âme, comme l'amour, la colère, le cha- 
grin. On ne saurait s'y tromper, puisqu'on en connaît par- 

-faitement la nature et les effets. 


Le goût, qui n'est qu'une volonté fortement prononcée , 
une application continuelle et soutenue à quelque objet, fournit 
-aisément des raisons favorables à la cause. Il en est de méme 
de l'intention : c'est un plan médité pour faire ou ne pas faire 
‘télle ou telle chose. Quant aux actions, aux événemens et aux 
discours, qui, comme nous l'avons dit en traitant de la con- 
firmation, peuvent s'envisager sous trois points de vue, il 
est facile de trouver les conjectures qu'ils offrent pour con- 


firmer les soupcons. 


e 


, X. Voilà tout ce qui a rapport aux personnes. En réunis- 


“sant tous ces lieux en un seul, l'aecusateur, doit jeter de la 


défaveur sur l'accusé : car les causes du fait sont par elles- 


186 DE INVENTIONE , LIBER II. 

firmitudinis habet , nisi animus ejus, quiinsimulatur, 
in eam- suspicionem adducatur , ut a tali culpa non 
videatur abhorruisse. Ut enim animum alicujus im- 


probare nihil attinet, cum causa, quare peccaverit ,- 


non : intercessit : sic causam peccati intercedere leve 
est, si abimus nulli minus honeste rationi affinis 
ostenditur. Quare vitam ejus , quem arguit, ex ante 
factis accusator improbare debebit , et ostendere , si 
quo in pari ante peccato convictus sit. Sed id non 
poterit; si quam in similem ante suspiciouem venerit, 
ac maxime , si fieri poterit , simili aliquo in genere 
ejusdem modi causa aliqua cómmotum peccasse , aut 


in æque magna re , aut ih majore , aut in minore: ut —- 


si, quem pecunia dicat inductum fecisse , possit de— 
monstrare aliqua in re ejus aliquod factum avarum. 
Item in omni causa naturam , aut victum , aut stu- 
dium , aut fortunam, autaliquid eorum , quæ persouis 
attributa sunt , ad eam causam , qua commotum pec- 
casse dicet , adjungere , atque ex dispari quoque 
genere culparum , si ex pari sumendi facultas nen 
erit , improbare animum adversarii oportebit : « Ut 
« $1 avaritia inductum arguas fecisse , et avarum eum, 
« quem accuses, demonstrare non possis; aliis affinem 
« esse vitiis doceas , et ex ea re non esse rhirandum , 
«qui in illa re turpis, aut cupidus, aut petulans 
« fuerit, hac quoque in re eum deliquisse. » Quantum 
enim de honestate et auctoritate ejus , qui arguitur , 
detractum est , tantumdem de facultate totius est de- 


! [ntercesscrit. 








DE L'INVENTION, LIVRE Il. 187 
mêmes de peu d'importance, si l'on ne jette sur l'accusé des 
soupçons qui rendent une telle conduite vraisemblable de sa 
part. En effet , s'il est inutile dereprocher à un homme de mau- 
vaises intentions, quand il n'a point eu occasion de se rendre 
coupable, l'accusation n'a guère plus de fondement, si l’oc- 
casion du crime s'est présentée à un homme dont la vertu ne 
s'est jamais démentie. Aussi l’accusateur doit-il s'attacber sur- 
tout à répandre de la défaveur sur la vie de celui qu'il accuse, 
et à montrer qu'il a déja été convaincu d'un semblable délit. 
. Cela n'est-il pas possible , faites voir qu'il a été déja exposé à 
de semblables souptons ; où plutôt, si vous le pouvez, dites que 
des motifs à peu près semblables l'ont rendu coupable d'une - 
faute de méme espéce, égale, ou plus grave ou plus légère : 
par exemple , si, en disant qu'il a été entraîné par la soif de 
l'or, vous prouvez qu'il a montré , dans certaine occasion, de 
l'avidité. 


' On peut, dans quelque cause que ce seit, fortifier le motif 
qui fait agir l’accusé , par des oonjectures tirées de la nature, 
de la manière de vivre, des goûts, de la fortune ou de quel- 
qu'un des lieux qui appartiennent aux personnes, ou bien 
par des délits d'un genre différent ; si vous n'en trouvez 
point de semblables, élevez des préventions contre lui. Dites- 
vous qu'il a été entraîné par Ja soif de l'or ; «si vous ne pou- 
« vez montrer qu'il est avare , prouvez qu'il est sujet à d’autres 
« défauts, et qu'il n'est point étonnant qu'un homme vil, em- 


/ 


188 DE INVENTIONE, LIBER II. 


fensionis deminutum. Si nulli affinis poterit vitie 
reus ante admisso demonstrari ; locus inducetur ille , 
per quem hortandi judices erunt , ut veterem famara 
hominis , nihil ad rem putent pertinere. Nam eum 
ante celasse , nunc manifesto teneri; quare non 
oportere hanc rem ex superiori vita spectari , sed su- 
periorem vitam ex hac re improbari , et aut potesta- 
tem ante peccandi non fuisse, aut causam : aut , si 
hac dici non poterunt, dicendum erit illud extre- 
mum , non esse mirum , si nunc primum deliquerit. 
Nam necesse est , eum , qui velit peccare , aliquando 
primum delinquere. Sin vita ante acta ignorabitur , 
hoc loco przeterito, et cur prætereatur , demonstrato, 
arguments accusationem statim confirmare oportebit. 


XI. Defensor autem primum , si poterit , debebit 
vitam ejus , qui insimulabitur , quam honestissimam 
demonstrare. Id faciet , si ostendet aliqua ejus nota 
et communia officia : quod genus, in parentes , co- 
gnatos, amicos, affines, necessarios : etiam quae magis 
rara et eximia sunt , si ab eo cum magno aliquo la- 
bore, aut periculo , aut utraque re , cum necesse non 
esset , officii causa , aut in rempublicam , aut in pa- 
rentes, aut in aliquos eorum , qui modo expositi 
sunt, * factum aliquid esse dicet : deinde si nihil 


^ 


1 Facta. 





DE L'INVENTION, LIVRE II. 189 
'« porté, avide, se soit rendu coupable d'un pareil délit. » 
Car, plus vous affaiblissez sa réputation de vertu, plus vous 
rendez sa défense diffieile. | 


Si vous ne pouvez montrer que l'accusé soit sujet à aucuu 
défaut , engagez les juges à n’avoir aucune considération pour 
la réputation dont il a joui jusqu'alors ; car il dissimulait au- 
paravant , et vient de se montrer tel qu'il est. Sa vie antérieure 
ne doit donc pas justifier son action; mais son action doit 
déposer contre sa vie antérieure. Il ne lui a manqué que le 
pouvoir ou l'occasion de faillir. Si ce moyen est impraticable , 
dites, pour dernière ressource, qu'il n'est point étonnant que 
ce soit la’ première faute : il faut bien qu'un coupable ait com- 


mencé par quelque chose. Sa vie antérieure n'est-elle pas 


connue , supprimez ce lieu commun , en exposant vos raisons , 


et appuyez de suite votre accusation par des raisonnemens. 


XI. Quant à ce qi concerne le défendeur, son premier de- 
voir est de montrer que jamais son client ne s'est écarté du 
sentier de la vertu ; qu'il a rempli les devoirs communset or- 
dinaires envers ses parens, ses proches, ses amis, ses alliés ; 
qu'il s'est distingué par des actions rares et éclatantes, en 
S'exposant , sans y être forcé, à de grandes fatigues , à de grands 
dangers, ou en bravant ce double obstacle, pour l'intérét de 
. la patrie ou de ceux auxquels il est uni par le sang ou par 
l'amitié ; ensuite, qu'il n’a jamais failli ; que jamais les passions 
n'ont pu l'écarter de son devoir. Si vous montrez qu'il n'a 


190 DE [NVENTIONE , LIBER II. 

deliquisse , nulla cupiditate impeditum ab officio 
recessisse. Quod eo confirmatius erit , si , cum potes- 
tas impune aliquid faciendi minus honeste fuisse di- 
cetur , voluntas ei faciendi demonstrabitur abfuisse. 
Hoc autem ipsum genus erit eo firmius , si eo ipso in 
genere , quo arguetur , integer antea fuisse demons- 
trabitur : üt si, cum avaritise causa fecisse arguatur , 
minime omni invita pecunie cupidus fuisse doceatur. 
Hic illa magna cum gravitate inducetur indignatio , 
juncta conquestioni, per quam miserum facinus esse, 
et indignum demonstrabitur , cum animus omni in 
vita fuerit a vitiis reniotissimus , eam causam, putare, 
qua homines audaces in fraudem rapere soleat , cas- 
tissimum quoque hominem ad peccandum potuisse 
impellere : aut iniquum esse , et optimo cuique per- 
niciosissimum , non vitam honeste actam tali in tem 
pore quam plurimum prodesse , sed subita ex crimi- 
natione , quz confingi * quamvis facile possit , non 
ex ante acta vita , qus neque ad tempus fingi , neque 
ullo modo immutari possit, facere judicium. Sin 
autem in ante acta vita alique turpitudines erunt ; 
aut falso venisse in eam existimationem.diceutur , aut 
ex aliquorum invidia, aut obtrectatione , aut falsa 
opisione , aut imprudentiæ , necessitudini , aut per- 
suasioni adolescentiz , aut alicui non malitiosæ animi 
affectioni attribuentur , aut dissimili in genere vitio- 
rum , ut animus non omnino integer , sed a tali culpa 
remotus esse videatur. Ac si nullo modo vite turpi- 


! Abest quamvis. 


| 1 
DE L'INVENTION, LAVRE II. 191 
jamais eu la volonté de faillir, quand il le pouvait impuné- 
ment, vous ajoutez un nouveau poids à cette défense. 


* 


Votre justification sera plus évidente encore , si vous prou- 
_ vez qu'il a toujours été à l'abri du soupcon sur le genre de 
délit dont on l'accuse ; que l'on donne l'avarice pour motif à 
un homme qui n’a jamais aimé l'argent. Alors plaignez-vous 
avec un ton d'indignation et de noblesse; montres combien 
il est injuste, combien il est indigne, de supposer qu'un homme 
vertueux ait pu se baisser aller au crime , par les mémes motifs 
qui guident les hommes pervers et audacieux ; eombien ce 
serait exposer les honnétes gens que de n'avoir, dans de 
telles circonstances, aucun égard pour une vie consacrée toute 
entière à la vertu, en des jugeant sur une accusation sou- 
daine, qu'il est si facile de supposer, plutôt que sur le témoi- 
gnage aussi évident qu'irráprochable de leur vie passée. 


Sa vie passée offre-t-elle quelques actions honteuses , ré- 
pondez qu'on s'est trempé, ou attribuez-les à l'envie, à la 
malveillance, à l'erreur ou à l'imprudence, à la nécessité, à 
des conseils dangereux , à la jeunesse, ou à quelque passion 
qui n'ait rien de criminel, ou à un défaut différent de celui 
dont on accuse votre client, afin de le faire paraître , sinon 
innocent, du moins incapable d’une pareille faute. Si rien ne 
peut justifier la bassesse ou l'infamie de sa conduite, répon- 
dez qu’il ne s’agit point de ses mœurs et de sa conduite passée, 


192 DE INWENTIONE, LIBER II. 


tudo , aut infamia leniri poterit. oratione ; negare 
oportebit de vita ejus et moribus quzri , sed de eo 
crimine , quo de arguatur : quare , ante factis omis— 
sis , illud , quod instet , agi oportere. 

XII. Ex facto autem ipso suspiciones ducentur, si 
totius administratio negotii ex omnibus parübus 
pertentabitur : atque hæ suspiciones partim ex nego- 
tio separatim , parlim communiter ex personis atque 
ex negotio proficiscentur. Ex negotio duci poterunt , 
si eas res, qua negotiis attribute sunt , diligenter 
considerabimus. Ex iis igitur in hanc constituüonem 
convenire videntur genera eorum omnia., partes 
generum pleraque. Videre igitur primum oportebit, 
quæ sint continentia cum ipso negotio , hoc est, quæ 
ab re separari non possunt. Quo in loco saus erit di- 
ligenter considerare , quid sit ante rem factum , ex 
quo spes perficiendi nata, et faciendi facultas quæsita 
videatur ; quid in ipsa re gerenda ; quid postea con- 
secutum sit. Deinde ipsius est negotii gestio pertrac- 
tanda. Nam hoc genus earum rerum , quæ negotio 
attribute sunt , secundo in loco nobis est expositum. 
: Hoc ergo in genere spectabitur locus, tempus , oc- 
casio , facultas : quorum uniuscujusque vis diligenter 
in confirmationis preceptis explicata est. Quare, ne 
aut hic non admonuisse , aut ne eadem iterum dixisse 
videamur , breviter demonstrabimus , quid quaque 
in parte considerari oporteat. In loco igitur opportu- 
nitas , in tempore longinquitas , in occasione commo- 
ditas ad faciendum idonea , in facultate copia et po- 


DE L'INVENTION, LIVRE II. 193 
mais uniquement du délit dont on l'accuse, et dont il faut 
s'occuper sans rappeler le passé. 


XII. Pour tirer des soupcons de l'action même, il faut en 
examiner la marche dans tous les points. Les uns naissent du 
fait en particulier, les autres du fait et de la personne. On 
les tire du fait, en examinant attentivement tout ce que nous 
avons rapporté aux choses. Il est facile de voir que ce point 


embrasse tous les genres et-presque toutes leurs espèces. 


Examinez d'abord les circonstances inhérentes au sujet, 
c'est-à-dire qui en sont inséparables ; et il suffit de considérer 
ce qui a précédé, ce qui a donné l'espoir de réussir, et les 
moyens.d'exécuter , le fait lui-méme et ses suites, puis l'exé- 
cution; car ce lieu commun est le second de ceux: que nous 
attribuons aux choses. 


Jl faut alors examiner le lieu, le temps, l'occasion, les 
moyens : nous avons développé tous ces points en traitant de 
laconfirmation. Aussi , pour qu'on ne puisse pas nous reprocher 
de n'en point parler ici , ou de nous répéter, nous allons mon- 
trér en peu de mots ce qui, dans chacun d'eux , doit fixer l'at- 
tention. Dans le lieu, c'est la commodité ; dans le temps , la 
durée; dans l’occasion, l'opportunité ; dans le pouvoir, l'a- 
bondance et la disposition des moyens indispensables pour 
l'exécution, ou qui la facilitent. | 

II. | 13 


194 DE INVENTIONE, LIBER II. 


testas earum rerum , propter quas aliquid facilius fit, 
aut sine quibus omnino confici non potest , consido- 
randa est. Deinde videndum est , quid adjunctum sit 
negotio, hoc est, quid majus, quid minus, quid eque 
magnum sit, quid simile : ex quibus conjectura quæ- 
dam ducitur , $1, quemadmodum res majores , mi- 
nores, seque magnæ similesque agi soleant , diligenter 
considerabitur. Quo in genere eventus quoque viden- 
dus erit, hoc est, quid ex unaquaque re soleat eve- 
nire, magnopere considerandum est; ut metus , ]z- 
titia, titubatio. Quarta autem pars erat ex iis, quas 
negotiis dicebamus esse attributas , consecutio. Iu ea 
quæruntur ea, quæ gestum negotium confestim , aut 
ex intervallo consequuntur. In qua videbimus ecquæ 
consuetudo sit, ecqua actio, ecquod ejus rei artifi- 
cium sit, aut usus, aut ' exercitatio, hominum aut 
approbatio , aut. offensio ; ex quibus nonnumquam 
elicitur. aliquid. suspicionis. 

XIII. Sunt autem aliquæ suspiciones , quz com- 
muniter et ex negotiorum , et ex personarum attribu- 
tionibus sumuntur. Nam et ex fortuna , et ex natura, 
et ex victu, studio, factts, casu, orationibus , con- 
- ailio, et ex habitu animi , aut corporis pleraque per- 
tinent ad easdem res, qua rem credibilem , aut in- 
credibilem facere possunt, et cum facti suspicione 
junguntur. Maxime enim quæri oportet in hac cons- 
titutione, primum potueritne aliquid fieri : deinde 
ecquo ab alio potuerit : deinde facultas , de qua antc 


! Exercitatio hominum , aut. 


DE L'INVENTION, LIVRE Il. 195 
Considérez ensuite les accessoires, c'est-à-dire ce qui est 
plus grand, moindre , égal ou semblable. On en peut tirer des 
conjectures, en considérant avec attention la conduite des 
choses plus grandes, moindres, égales ou semblables. C'est 
à ce lieu qu'il faut rapporter le résultat, je veux dire ce que 
produit chaque chose ,-comme la crainte, la joie , l'incertitude. 
Les conséquences étaient le quatrième lieu commun que nous 
avons attribué aux choses. Elles comprennent ce qui dépend du 
fait, immédiatement on nom. Il faut considérer quelle est la cou- 
tume , la nature du délit, la formule d'accusauon , l'usege on 
T'habitude , l'intérét ou la haine que l'actien inspire, parce 
que ces moyens peuvent quelquefois conduire à des con- 
jectures. | 


XUL. D'autres soupçons naissent à la fois et des lieux at- 
tribués aux «hoses, et des lieux attribués aux personnes ; cay 
tout ce qui concerne et la fortune, et la nature, et la ma- 
nière de vivre, les goûts, les actions, les événemens , les dis+ 
cours, les intentions, enfin, le physique et le moral, font 
partie de tout ce qui contribue à rendre un fait probable ou 


non, et fortifient les soupcons. , 


On doit surtout examiner alors si le délit est possible ; en. 
suite, si tout autre que l'accusé peut en être l'auteur; puis 
on discute le pouvoir qu'il a eu de le commettre, et dont nous 


196 DE INVENTIONE, LIBER II. 


diximus : deinde utrum id facinus sit, quod pœnitere 
fuerit necesse: item quod spem celandi ' non baberet: 
deinde necessitudo ; in qua, num necesse fuerit id 
aut fieri, aut ita fieri , quæritur. Quorum pars ad 
consilium pertinet , quod personis attributum est , 
ut in ea causa , quam exposuimus. Ánte rem erit , 
quod in itinere se tam familiariter applicaverit , quod 
sermonis causam quæsierit, quod simul * deverterit, 
cœnarit. In re, nox, somnus. Post rem, quod solus 
exierit, quod illum tam familiarem ? comitem tam 
equo animo réliquerit , quod cruentum gladium 
habuerit. Horum pars ad consilium pertinet. Quæ- 
ritur enim , utrum videatur diligenter ratio faciendi 
esse habita et excogitata , an ita temere, ut non 
verisimile sit, quemquam tam temere ad maleficium 
accessisse. In quo quzritur , num quo alio modo com- 
modius potuerit fieri, vel a fortuna administrari. Nam 
ssepe , si pecuniæ , * si adjumentà , si adjutores de- 
sint , facultas fuisse faciendi non videtur. Hoc modo 
si diligenter attendamus , apta inter se esse intelli- 
gimus hzc , quæ negotiis ,' et illa, qua personis sunt 
attributa. | 
Hic neque facile est, neque necessarium distin- 
. guere, ut in superioribus partibus, quo pacto quid- 
que accusatorem , et quomodo defensorem tractare 
"oporteat. Non necessarium , propterea quod, causa 
posita , quid in quamque conveniat , res ipsa. docebit 
eos , qui non omnia hic se inventuros putabunt, sed 


1 Abest non. — ? Diverterit. — ? Comitatum. — ^ Abest si. 








DE L'INVENTION, LIVRE Il. 107 
venons de parler ; si cette action était de nature à causer des 
remords, et en miéme temps, quel espoir on avait de la ca- 
cher ; enfin la nécessité , qui montre si le fait ou les suites étaient 
inévitables. ? Presque tout ceci peut serapporter à l'intentien; 
que nous attribuons aux personnes , comme dans la cause que 
nous avons étfblie. Cet abord familier dans la route , la conver- 
sation engagée , le choix de la même auberge, le souper com- 
mun , voila pour les antécédens ; la nuit et le sommeil, voilà 
pour le fait. Son départ, seul, son indifférence envers un 
homme qu'il accompagnait comme son ami, son épée ensan- 
glantée, voila pour les suites. á 


Une partie se rapporte à l'intention. On examine si l'accusé 
avait étudié avec soin et préparé toutes ses démarches , ou 
s'il a agi avec assez d'imprudence pour qu'on ne puisse y 
rien soupconner de criminel. C'est alors que l'on considère 
s’il ne pouvait point trouver quelque voie plus commode, si 
ce n'est point l'ouvrage du hasard. Car souvent, si l'argent, 
les secours et les complices viennent a manquer , on n'a plus 
de moyens d'exécution. C'est ici qu'avec un peu d'attention, 
on verra seréunir les lieux relatifs aux choses et aux personnes. 
Il serait aussi difficile que superflu de tracer, comme nous 
Vavons fait plus haut, à l'accusateur et au défendeur , la 
marche que chacun doit suivre. Superflu : la question une 
fois posée, on trouvera facilement tout ce qui lui convient, 


5i , en ne croyant pas trouver ici tous les cas prévus et déve- 


108 DE INVENTIONE, LIBER IT. 


(ad ea, quæ precepta sunt, comparationis) modé 
quandam in commune mediocrem intelligentiam con- 
ferent : non facile autem , quod et infinitum est tot de 
rebus utramque in partem singillatim de unaquaque 
explicare, et alias aliter hæc in utramque partem causae 
solent convenire. Quare considerare hz, qux expo- 
suimus , oportebit. | 

XIV. Facilius autem ad inventionem animus in- 
cedet, si gesti negotii et suam, et advetsarii narratio- 
hem sæpe et diligenter pertractabit, et‘ quod quaque 
pars suspicionis habebit, eliciens, considerabit, quare, 
qud consilio , qua spe perficiendi quidque factum sit : 
cur hoc modo potius , quam illo: cur ab hoc potius, 
quam ab illo: cur nullo adjutore, aut cur hoc : cur 
nemo sit conscius, aut cur sit, aut cur hic sit; cur hoc 
ante factum sit : cur hoc ante factum non sit : cur hoe 
in ipso negotio : cur hoc post negotium : aut quid 
factum de industria , aut quid rem ipsam consecutum 
sit : constetne oratio aut cum re, aut ipsa secum : hoc 
hujusne rei sit signum, au illius , an * et hujus etillius, 
ét utrius potius: quid factum sit, quod non oportuerit, 
afit non factum , quod oportuerit. Cum animus hat 
iftentione omnés totius negotii partes considerebit , 
tum illi ipsi in medium conservati loci procedent , 
de quibus ante dictum est : et tum ez singulis, ? tum 
ex conjunctis argumenta certa nascentur. Quorum ar- 
gumentorum pars probabili, pars necessario in ge- 
nere versabitur. Accedunt autem ad con jecturam sæpe 


J Quid..— 2 Abest et. == 3 Cum. 


DE L'INVENTION, LIVRE H. 199 
kappés, om met um peu du sien dans l'étude des précepiss , 
et si l'oa a quelque intelligence : difficile ; en effet, on n'aurais 
jetnais fini de développer le pour et le contre sur chacun de 
ces nombreux sujets , qui se modifient suivant lescirconstances. 
Il faut donc s'attacher à l'examen des points dont nous avons 
parlé. | 


XIV. Pour rendre l'invention plus facile , revenez souvent 
et avec boin sur la narration de votre adversaire et sur la vôtre, 
et en formant toutes les conjectures dont chaque point est 
susceptible, examinez pourquoi, dans quelle intention, avec 
quel espoir de réussite l’action a été commise ; pourquoi de 
telle manière plutôt que de telle autre ; pourquoi par celui-ci 
plutôt que par celui-là ; pourquoi sans coniplices, où avec 
tels et tels; pourquoi avec ou sans confidens, ou précisément 
avec ceux-là ; pourquoi a-t-ón eu n'a-t-on pas fait telle chosé 
avant l'action ; pourquoi celle-ci pendant l'action méme ; pour- 
, quoi celle-Ia aprés; ce qu'on a fait à dessein, ou ce qui était 
une suite naturelle de l'action ; si le discours est d'accord 
avec le sujet ou avec lui-même ;-si tel signe indique plutôt 
ceci que cela, ou l'un et l'autre, ou lequel des deux; ce qu'on 
a fait d’inutile, ce qu'on n'a pas fait de nécessaire. 


Après cet examen rigoureux de toutes les parties du fait, 
on déploiera les lieux communs dent nous avons parlé, et 
qu’on tenait en réserve, Tantôt séparés, tantôt réunis, ils 
fésrrirunt des argumens solides, dont les uns établiront la 


200 DE INVENTIONE , LIBER II. 


quæstiones , testimonia , rumores : Quæ contra otia 
uterque simili via praeceptorum, torquere ad suem 
causæ commodum debebit. Nam et ex.quasstione sus- 
piciones , et ex testimonio, et ex rumore aliquo pari 
ratione , ut ex causa , et ex persona, et ex facto duci 
oportebit. 

Quare nobis et i1 videntur errare, qui hoc genus 
suspicionum , artificii non putant indigere, et ii, qui 
aliter hoc de genere, ac de omni conjectura præci- 
piendum putant. Omnis enim iisdem ex locis conjec- 
tura sumenda est : nam et ejus, qui in quæstione 
aliquid dixerit, et ejus, qui in testimonio, et ipsius 
rumoris causa et veritas ex iisdem attribytionibus 
reperietur. Omni autem in causa pars argumentorum 
est adjuncta ei cause solum , quz dicetur, et ab ipsa 
ita ducta, ut ab ea separatim in omnes ejusdem gene- 
gis causas transferri non satis commode possit : pars 
autem est pervagatior, et aut in omnes ejusdem ge- 
neris , aut in plerasque causas accommodata, 


XV. Hxc ergo argumenta, quz transferri in mul- 
tas causas possunt, locos communes nominamus. Nam 
locus communis aut certz rei quandam continet am- 
plificationem : ut si quis hoc velit ostendere, eum , 
qui parentem necarit, maximo supplicio esse dignum; 
quo loco, nisi perorata et probata causa, non est 

utendum : aut dubie , qua ex contrario quoque ha- 





DE L'INVENTION, LIVRE IL. sor 
probabilité, les autres, la nécessité du fait. Souvent les tor- 
tures ; les témoins , les bruits publics fortifient les conjectures ; 
et chacune des deux parties doit, par les mémes moyens, 


tâcher de les faire tourner à son avantage ; car on doit tirer 


. des soupcons de la question, des témoins et des bruits pu- 


blics, comme de la cause, de la personne, et du fait méme. 


Aussi, suivant nous, on se tromperait également en pen- 
sant que cette espèce de soupcons n'a nullement besoin d'art, 
ou bien en donnant pour chacun d'eux une méthode particu- 
iere. En effet, on peut tirer des mêmes lieux toutes sortes de 
conjectures ; car on peut suivre la méme marche pour vérifier 
les dépositions arrachées par la torture, celles des témoins; 
les bruits publics, et pour remonter à leur source : et dans 
toute cause, lorsqu'une partie des argumen tirés de la cause. 
méme lui sont inhérens, et ne peuvent facilement s'adapter à 
toutes les causes dela méme espéce , l'autre partie s'applique 
d'une manière plus vague à toutes celles dela méme espéce , ou 


même la plupart des causes. 


XV . Ces argamens, qui conviennent à un grand nombre de : 
causes , # nous les appelons lieux communs ; car un lieu com- 
un sert de développement à une chose douteuse ou certaine : 
certaine ; si vous voulez, par exemple, montrer qu’un par- 
ricide est digne des plus grands supplices , il faut, avant d'ap- 
puyer sur ce point, prouver le crime ; ou douteuse , quand le 


302 DE INVENTIONE , LIBER II. 

beat probabiles rauones argumentandi : ut suspicio- 
nibus credi oportere, et contra, suspicionibus credi 
non oportere. Ac pars locorum communium : per 
indignationem , aut per conquestionem inducitur, 
de quibus ante dictum est; pars per aliquam pro- 
babilem utraque ex parte rationem. Distinguitur au- 
tem oratio atque illustratur maxime, raro inducendis 
locis communibus, et aliquo loco, jam certioribus 
illis auditoribus, et argumentis confirmatis. Nam et 
tom conceditur conimune quiddam dicere, cum dili- 
genter aliquis proprius causz locus tractatus est, et 
auditoris animus aut renovatur ad ea, que restat, 
sut omnibus jam dictis exsuscitatur. Omnia enim 
ornamenta elocutionis , in quibus et euavitatis et grar 
vitatis plurimum consistit , et omnia, quz in inven» 
tione ^ verbornm et sententiarum aliquid, habent 
dignitaus , in communes locos conferuntur. Quare, 
non ut causarum, sic oratorum quoque multorum 
communes loci $unt. Nam nisi ab iis, qui multa 
exercitatione magnam sibi verborum et sententiarum 
copiam comparaverint , tractari non poterunt ornate, 
et graviter, quemadmodum natura ipsorum desiderat. 
Atque hoc sit nobis dictum eommuniter de omni 
genere locorum communium. r3 


. XVI. Nunc exponemus , in oonjecturalem cons- 
titutionem qui loci communes incidere soleant : sus; 
picionibus credi oportere, et non oportere : rumo- 
ribus credi oportere , et non oportere : testibus 


! Aut per. — ? Et verborum. 





DE L'INVENTION, LIVRE Il. 20% 
eontreire offre des raisons également paobables; par esemple : 
ll faut croire áut sóupcons , cu bien il ne faut pas y croire. 
Parmi les lieux commtiuns, les uns s'emploient pour exciter 
Pindignation ou la compassioh , comme nóus l'avons dit plus 
haut, les autres pour appuyer quelque point qui offre des rai- 
sons pour et contre. 

Voulez-vous mettre de l'ordre et de la clarté dans un dis- 
cours, employez raretnent les heux commuris , et seulement 
‘quand vous aurez gagné l'auditeur par des preuves plus con- 
vaincantes. Car il n'est permis de parler en général, que lors- 
qu'oü a développé quelque lieu propre ala cause, pour préparer 
l'auditoire à ce qui suit, ou pour le délasser, quand on a 
épuisé la matière, Tout cé qui donne de l'agrément et du 
poids à un. discours, de la dignité au style et aux pensées , se 
Tdpporte aux lieux comtuns. 

Aussi les lieux communs ne sont-ils pas plus le propre de 
tous les orateurs que de toutes les causes ; car celui qui, par 
une longue habitude de la parole, n’aura pas amassé un grand 
fonds de pensées et d'expressions, ne pourra point leur donner 
les ornemens et la force nécessaires. Cette observation peut 
s'appliquer à tous les lieux comwrans en général. 

XVI. S'agit-ll d'une cause de conjecture, voici les lieux 
communs qu'elle offre ordinairement : les soupçons, les bruits 
publics, les témoins , les aveux arrachés par le torture (selon 
Ja uature du sujet), méritent ou me méritent pas notre con- 


204 " DE INVENTIONE, LIBER II. 
credi oportere , et non oportere : questionibus credi - 
oportere , et non oportere : vitam anteactam spectari 
oportere , et non oportere : ejusdem esse, qui in 
ila re peccarit, et hoc quoque admisisse , et non 
esse ejusdem : maxime spectari causam oportere , et 
non oportere. Átque hi quidem, et si qui ejusmodi 
ex proprio argumento communes loci nascentur , in 
contrarias partes deducentur. Certus autem locus est 
accusatoris, per quema auget facti alrocitatem ; et 
alter, per quem negat malorum misereri oportere : 
defensoris, per quem calumnia accusatorum cum 
indignatione ostenditur ; et per quem cum conques- 
tione misericordia captatur. Hi, et ceteri omnes loci 
communes , ex iisdem preceptis sumuntur , quibus 
ceteræ argumentatuones: sed 1llæ tenuius , et acutius, 
et subtilius tractantur; hi autem gravius, et orna- 
tius , et cum verbis , tum etiam sententiis excellen- 
tibus. In illis enim finis est, ut id, quod dicitur, 
verum esse videatur : in his, tametsi hoc quoque 
videri oportet , tamen finis est amplitudo. Nunc ad 
aliam constitutionem transeamus. 


X VII. Cum est nominis controversia , quia vis vo- 
cabuli definienda verbis est, constitutio definitiva 
dicitur. Ejus generis exemplo nobis posita sit hzc 
causa : « C. Flaminius is, qui consul rempublicam 
« male gessit bello Punico secundo , cum tribunus 
« plebis esset , invito senatu , et omnino contra vo- 
« luntatem omnium optimatum , per seditionens ad 


DE L'INVENTION, LIVRE II. 205 
fiance. Il faut avoir ou ne pas avoir égard à la conduite pas- 
sée. Un homme déjà coupable de tel délit, est ou peut n'étre 
pas capable de tel autre. Il faut s’attacher surtout à la cause, 
ou ne point s'y arréter. Ces lieux communs et tous les autres 
semblables , qui naissent du fond du sujet, peuvent s'employer 
pour et contre. 


Mais un lieu propre à l'accusateur est celui qui exagére 
Tatrocité du fait, et qui nous défend la pitié pour les méchans. 
Il appartient au défenseur d'exciter l'indignation en dévoilant 
la mauvaise foi de l'accusateur , et de chercher par ses plaintes 
à exciter la compassion. On suit, à l'égard de fes lieux com- 
muns et de tous les autres, les mémes régles que pour toutes 
les autres espéces de raisonnemens. Mais ceux-ci exigent plus 
d'art et de finesse, eten méme temps plus de simplicité ; les 
autres plus de force, plus d'ornemens, plus de pompe dans 
le style et dans les pensées. Car les uns n'ont d'autre but que 
de prouver; les autres, quoiqu'ils servent aussi à prouver, *- 
ont pour but l'amplification. Passons maintenant à une autre 


question. 


XVII. La discussion porte-t-elle sur les mots : comme il 
faut les définir, la question s'appelle définitive. Prenons pour 
exemple la cause suivante : « Le consul C. Flaminius qui , pen- 
« dant la seconde guerre punique , mit la république dans un 
« si grand danger, était tribun du peuple, lorsque, malgré 
« le sénat , malgré l'opposition de tous les patriciens , il porta 


206 DE INYENTIONE , LIBER IL. 

« populnm legem agrariam ferebat. Hunc pater suus 
« concilium plebis habentem de jemplo deduxit : ar- 
« cessitur. majestatis. » Intentio est, « Majestatem 
« minuisi , quod tribunum plebis de templo de- 
« duxisu. » Depulsio est , « Non minui majestatem. » 
Quæstio est, « Majestatemne minuerit. » Ratio : « In 
« filum enim quam habebam potestatem , ea usus 
« sum, » Rationis infirmatio : « At enim , qui pstria 
« potestate , hoc est, privata ( quadam ), tribuniciam 
« (potestatem ) , hoc est, populi potestatem infirmat, 
« minuitis majestatem. » Judicauo est : « Minuatne 
« is majestatem , qui in tribuniciam potestatem patria 
« potestate utatur. » Ad hanc judicationem argumen- 
tationes omnes afferri oportebit. « 

Ac ne quis forte arbitretur , nos non intelligere , 
aliam quoque incidere constitutionem in hane can- 
sam ; eam Sos partem solem sumimus , in quam pra- 
cepta nobis danda sunt. Omsibus autem partibus hoc 

. in libro explicatis, quivis omni in causa, si diligenter 
attendet , omnes videbit constitutiones , et earum par- 
tes, et controversias, si quz forte in eas incident. 
Nam de omnibus perscribemus. Primus ergo accu- 
satoris locus est, cjus nominis , enjus de và quæritur, 
brevis , et aperta, et ex hominnm opipione definitio , 
hoc modo : « Majestatem minuere , est de dignitate, 
« aut amplitudine, aut potestate populi , aut eorum , 
« quibus populus potestatem dedit, aliquid dero- 
« gare. » Hoc sic breviter ex positum , pluribus verbis 
est et rationibus confirmandum , et ita esse , at des- 





DE L'INVENTION, LIVRE II. 207 
u les Romains à sc soulever, en leur prepnsant la loi agraire. 
« Son père vint l’arracher du temple où À présidait l'assemblée 
x« du peuple, et fut accusé de lèse-majesté. » Voici l'accusation : 
« Vous êtes coupable de lese-majesté; vous avezarraché du tem- 
« ple un tribun du peuple. » La défense : — « Je ne suis point 
« coupable de lèse-majesté. » La question : — « Est-il cou- 
« pable de lèse-majesté ? » La raison : — « J'ai usé de l'auto- 
« rité que j'avais sur mon fils. » — La réfutation : « Celui 
« qui se sert de l'autorité paternelle, e’est-a-dire d'une auto- 
« rité privée, contre la puissance tribunitienne , c'est-à-dire 
« contre l'autorité du peuple, est coupable de lèse-majesté. » 
— Le point à juger : « Est-il coupable de lese-majesté , celui 
« qui emploie contre un tribun l'autorité paternelle ? » C'est 
à cela qu'il faut rapporter tous vos raisonnemens. 


Mais, qu'on n'aille pas s'imaginer que nous ne voyons 
pas d'autre question dans cette cause. Nous n'envisageons 
ici que le point qui nous occupe. Mais lersque, dens ce Livre, 
nous aurons développé chaque partie, il sera facile, avec wu 
peu d'attention, de trouver, dans quelque cause que ce soit, 
toutes les questions, leurs parties et les points de discussion 
qui s'y rencontrent; car nous n'en omettrons pas un seul. Le 
premier lieu de l'accusateur est donc la définition courte, 
claire et conforme à l'opinion générale, du mot dont on cherche 
la valeur; par exemple : « C'est se rendre coupable de lése- 
« méjesté que d'ettenter à la majesté , a la gramdeur, à la 


208 DE INYENTIONE , LIBER II. 


cripseris , ostendendum. Postea ad id, quod defi- 
nieris , factum ejus, qui acousabitur , adjungere opor- 
tebit , et ex eo, quod ostenderjs.esse ;. verbi .causa., 
majestatem, minuere ; docere , adversarium, majesta- 
tem minuisse , et hunc locum totum communi loco 
confirmare , per quem ipsius facti atrocitas , aut in- 
dignitas, aut omriino 'culpa cum alone 
geatur. Post erit infitmianda adverkätiorunt descNp- 
tio. Ea autem infirmabrter 7 sifalá démd&strabnur. 
Hoc ex opinione hominmem spmtur ,,62038 ,,qugm- 
admodum , et quibus in rebns homines in SPAS 


dine scribendi > aut sermocinañdi, eo verbo uti, sq 
leant , considerabitur. Item iütrmiabiur Si turpis , 
aut inutilis esse ostendetür ejus descriptionis'à appro- 
bato ; et.3i, quæ incórmimodh éonsétuturh- si", €0 
concesso ,. ostendetur:; idi autem ex hünestatis et 
uulitatis. parübus sumetur , de qubus an .delbbere- 
tionis præceptis exponemus ; et si cum, definitione 
nostra adversariorum definitionem .conferemgs,,. et 
nostram , veram ; honestam. "5 utilem esse demonstra- 
bimus ; illorum , contra. Queremus. autem res , aut 
inajori, aut pari in negotio similes , ex x quibus af- 
firmetur nostra descriptio. 2o Ll 
- HENCE EEUU À en LOEO E M 


d x - . E so à E AT «à . pat 
- + -9 * » # 


XVIII. Jam si res plures erunt definiendæ : ut, 
si quaratur, « Fur sit, an sacrilegus, qui ‘vasa 


DE L'INVENTION , LIVRE II. 209 
« puissante du peuple, ou de ceux que le peuple a revétus de 
« son autorité. »: Appuyez cette.courte exposition de raisons 
bien dévdoppées ;. montrez -en la justesse. IF fout ensuite 
prouver qu'elle s'applique parfaitement à l’action de l'accusé, 
et que, suivant la définition que vous avez donnée du délit, 
votre adversaire est coupable de lése-majesté ; et vous vous ap- 
puyes d’un lieu commun qui excite l'indignation de l’auditoire, 
en exagérant l'atrocité ou l'indignité de l'action. 

Jl faut ensuite réfuter la définition de l'adversaire : vous la 
réfoterez en prouvant qu'elle est fausse. Vous vous appuyez 
de l'opinion générale, en considérant de quelle maniére et 
dans quel sens on emploie ordinairement ce mot. Vous la ré- 
futerez encore, en montrent qu'il serait aussi honteux que 
dangereux de l'admettre ; en faisant voir quelles en seraient 
les funestes conséquences ; et vous avez ici les lieux de l'hon- 
neur et de l'intérêt, que nous développerons en nous occu- 
pent des préceptes relatifs au genre délibératif. Vous pouvez 
aussi comparer votre définition à celle de votre adversaire ; 
montrer que la vôtre est vraie, honnéte, utile, et que la sienne 
est tout le contraire. "^ | | | | 

Cherchons ensuite des exemples supérieurs, inférieurs ou. 
semblables à ceux de l'adversaire, pour étayer notre défi» 
aition. | 

XVIII. Avez-vous plusieurs choses à définir, comme lors- 
qu'il s'agit de savoir « Si celui qui dérobe chez un particulier 

IL. ELIT 


210 DE INVENTIONE , LIBER If. 

& ex privato sacra sürFipüérit j » erit utendàm plü- 
ribus definittonrbns : deinde simili ratiode G90s0 
tractanda. Locus autein cemmunis im ejnà3 nmli- 
tiam, qui non modo rerum, verum euam verbo- 
rum petestatem sibi arrogare conetur, ut et faciat 
quod velit , et id ; quod fecerit , quo velit nomine 
appellet. Deinde defensoris prifaus locus est , item 
hoininis brévis, et ápérta, et ex optüioneé ioininnm 
descriptio ; hóc modo : « Májésuttetit miüere, ést 
« aliquid de republica , out potestatem non habéis, 
« administrare. » Deinde hujus confirmauo similibug 
et exem plis , et rationibus. Postea sui fact ab illa de- 
finitione separatio. Deinde locus communis , per 
quem facti uülitas , aut honéstas adaugetur. Deinde 
éequitut adversariorunt defititionis repreliétislo, qua 
rtsdent ex locis ómnibus ; quos acttisatort prieserip 
strous , conficitur : et cetera post cadem prseter cóm 
munem locum inducentür. Locus antém cémmunis 
erit. defensoris is , per quem indignabitur , accusa- 
torem sui periculi causa non res solum convertere , 
verum etiam verba commutare conari. Nam illi qui- 
dem comniunés loci > qui aut calumnia accusatorum 
demonstrande , aut misericordie cäpiandæ , au facü 
sadignandi , set à raisericordia detérrench cáuss 3u- 
minbtur , ez periuli magnitadiné , non, ex eitss 
genere, ducuntur. Quare non in omnem causam , 
sed in omne causæ genus incidunt. Eorum mentionem 
in coûjectürali constitutione fecimus. Inductioïie "au- 
tem , cürk causà postülabit ; utemür. 

' Aatem éotum. 





DE L'INVENTION, LIVRE IL . 211 
& des vases smcrés, est voleur oxi secrilége ; » eniploÿtz plu- 
sieurs défaiions, et suivez éhoulté ha même méthode. La 
pervetsité du coupable, quí, ton eonteht de faire ee qui lul 
plait, veut encore dénaturer les môts, pour donriei à ses ac- 
tions le nom qui lui contient, vous offre un autre.lieu commun. 
Le premier lieu du défenseur est aussi la définition courte, claire 
et conforme à Popidion générale du mot; par ‘exemple : « C'est 
w se rendre eoupablé de ese- majesté que de se méler dq l'ad- 
e tialitratior dé Fétat, quand on j'en a pas requ le pouvoir. » 
Ensuite ón apptie cette définition de raisons et d'eeniples; 
pui$ on prouvé combien, elle contient pet aù fait dotit if 
3'agit. Enfin, on insisté sur l'utilité, l’honniéteté de l'action. 


Xa réfatationi de l'adversaire se tire des méitiès lie tue 
nous avons indiqués; à l'aecusateur. Tout le reste est égalémetit 
semblable, exeepté le lieu commun ; car le défenseur doit s’in- 
digner que, pour le mettre en danger, l'accusateur ne se 
contente point de dénaturer les faits, et veuille encore changer 
les uíots : ear les lieux communs, qui montrent la perüidiv de 
l'acousatear, qui éxoitent la pitié, l'iridigneticm, et ceux quinaus 
ietient ent garde contre ja pitié, 46 tirent de la grandeur du 
danger et non du genre dé la cause. Aussi, si he s'éfftertt point 
dans toutes les causés, ils s'offrent dans dés câûsés de toùté 
espèce. Nous en avons parlé dans les chuses de conjectures, 
et nous les mettrons en avant lorsqu'il sera nécessaire. 


217 DE INVENTIONE, LIBER II. 

XIX. Cum autem actio translationis aut commuta- 
tionis indigere videtur, quod non aut is agit, quem 
oportet, aut cum eo, quicum oportet, aut apud quos, 
qua lege, qua pena, quo crimine, quo tempore 
oportet , constitutio translativa appellatur. Hujus : no- 
bis exempla permulta opus sunt , si singula transla- 
tionum genera quzraius: sed quia rátio precepto- 
rum similis est, exemplorum mulütudine superse- 
dendum est. Átque in nostra quidem consuetudine 
multis de causis fit, ut rarius incidant translationes. 
Nam et praetoriis exceptionibus multe excluduntur 
actiones , et ita jus civile habemus constitutum , ut 
causa cadat is, qui non, quemadmodum oportet , 
egerit. Quare in jure plerumque versantur. Ibi enim 
et exceptiones postulantur ; et quodammodo agendi 
potestas datur, et omnis conceptio privatorum | judi- 
ciorum constituitur. In ipsis autem judiciis rarius in- 
cidunt , et tamen si quando incidunt , ejusmodi sunt, 
ui per se minus habeant firmitudinis, confirmentur 
autem assumta aliaaliqua constitutione : ut in quodam 
judicio, « cum.venefici cujusdam nomen esset dela- 
«tum, et, quia parricidii causa subscripta esset , 
« extra ordinem esset acceptum , cum in accusatione 
« alia quædam crimina testibus et argumenüs confir- 
« marentur, parricidii autem solum mentio facta esset? 
« defensor in hoc ipso multum oportet : et diu con- 
« sistat : cum de nece parentis nihil demonstratum 
« sit, indignum facinus esse , ea poena afficere eum ; 


| Ut. 





"a 


DE L'INVENTION, LIVRE H. 2315 
- XIX. Si l'accusateur n'a pas droit d’intenter.son action, si 
elle ne tombe pes sur le coupable, si le tribunal, le temps, la 
loi, l'accusation, la peine, offrent quelque irrégularité ; comme 
il faut que la cause soit changée et portée devant un autre tri- 
bunal, on l'appelle question de récusation. ll est inutile de 
donner des exemples de chaque genre de récusation ; ils nous 
entrajneraient trop loin, d'autant plus que la méthode est 
1oujours la méme. D'ailleurs , oet état de question se présente 
rarement : car les préteurs 5 en rejettent un grand nombre ; et, 
suivant nos lois, on perd sa cause quand.on ne. suit pas les 
formes prescrites. m | 


"Aussi la plupert des réeusations se fe PS le pré- 
teur; car c'est à lui que s'adressent les demandes -de fin de 
non-recevoir ; c’est lui qui donne, en quelque sorte. le pouvoir 
d'intenter uge action , et qui régle la formule à suivre dans les 
affaires particuliéres. Elles ont lieu rarement devant les tri- 
bunaux ; et méme, quand. cela se rencontre, elles sont ordi- 
pairement peu fondées,, et. il suffit, pour y. remédier, de 
changer l'état dela question. « Dans ume accusation d'empoi- 
« sohnement, ‘la’ cause présentée comme parricide et inscrite 
« hors de sorf rang, les dépositions des témoins et les rai- 
« sonnemens de l’accusateur chargent le coupable de diffé- 
« rens délits , et ne font que parler de parricide : il faut alors 
« que le défenagis insiste long-temps.sur ce point. Si l'on n'a 


« pas prouvé le meurtre du pere, c'est une injustice criante 


- Oo S nw 


214 DE INVENTIONE , LIBER I. 


« qua parricides affoiuntur : id autem , si * damneiur, 
« fieri necesse esse , qnoniam et id eausa subscrip- 
« jum , et ex ea re nomen extra ordinem sit acceptum. 
« Ea igitur poena si affici reum non oporteat, damnari 
« quoque non oportere quoniam ea poena amnatio- 
« nem necessario consequatur. » Hic defensor poenze 
commutationem. ex traüslativo geïñeré inducendo , 
totam infirmabit accusationem. Vérum'timen ceteris 
quoque crimmibus defeudendis : — M eonsu- 
tutione translatiguem coufirmabit. .. .  . :..: 
XX..Exempkum autem ab Go 1n <a skis 
positum sit hujusmodi : « Cum ad vim faciendam 
« quidam armati venissent, armati contra praesto, fue- 
« runt , ez cuidam equiti romano quidam ek armatis 
« resistenti , gladio manum praecidit. Agit i, cuj 
« manus precisa est, injnrigrum. Postülat i$; qui- 
« cum agitur ,8 praetore exceptionem , CEYTRA' QUAM 
« IN REUM CAPITIS PREJUDICIUN FIAT. Hic is, “qui 
«agit, judicium purum postulat : ille , quicum agi- 
« tur , exceptionem addi, ait oportere. » — Quæs- 
tio est, « Facipieudum sit, an nom. » «— Ratio ; 
« Non enim oportst., im rocuperatorio, judicio, ejus 
« maleficii, de quo. inter sicarios quaritur » pre- 
« judicium fer, » — Jufirmatio rationig, « Ejusmodi 
« sunt mjuriæ , ut de his indignum sit non primo 
« quoque tempore judicari. D — j udicatio, « Atro- 
« citas injuriarum satisne Causæ sit, quare , dum de 
« ea judicetur , de aliquo majore maleficio , de quo 


3 Damuaretar. 


DE L'ENVENFION, LIVRE IL. aii 
s que d'infliger le chÂtiment des parricides ; ge qui doit priver 
« 5i Row AoFanes Rondpmnés, puisque la. oswee est inserite 
s; hos de son rang comme ppritide. Sl ect injuste d'inflger 
« geo peine |'accusó , il est injuste de le condamner, puisque 
« sa condamnatiün‘ehtraîne nécessairement cette peine. » Le 
défenseur, en deinandant parl ‘la récusation le changement de 
la t peipe, détruire toute l'accusation ; ili Rppuiera : sa récusation 
par la guestion de conjecture , n se justifiant sur tous les autres 
shefs dont nn d'cue. | 
XX. Pranions posit exemple, de réousation , PR 
Le fi suivent. u Des gens.armés, venus pour coummèttie 
« quelque violence, furent repoussés par d'autres gens armés, 
«et un chevalier du nómbre de agresseurs , eut la main cou- 
« * pee Le blessé ucl une accusation de voies de E put 


ec svr- 


* 4i moins que l'oceusatoyr np mit dur ant pe 
LA GÈRE FRA R | 

: ^ Locmpuenr xesd in jigaent sens; lat = exige 
quon y ajoute sette restriction : Faut-il adaneitte ou non , la 
« réstriction T°» Voilà la question. ^ « Tine faut point, dans 
« Wn jugemeot per eonnirsion,. pronancer d'akord eur le 
rocrie. dons jl pagis guise des apssenipt ; v ni la rio. 
^V gicide aépense : x La violence pent $tee;do nature à exiger 
« dé suité un jugement. » d] s'egit donc de ‘décider « il y a 
« des raisons auffisantes, avant de prononcer sur ces voies 


« de fuit, pour prononcer sur un crime plus grave, dejà 


216 DE INVENTIONE, LIBER ni. 

« judicium comparatum-sit ; præjudicetüt: ‘Atqué 
« exemplum quidem. hoc est: » In omni autem causa 
ab utroque quari oportelit,,a quo , et.per quos , et 
quo modo , et quo tempore ant agi.,,aut judicari, aut 
quid statui de ea re, conveniat; Id fx,partübus. juris ? 
de quibus post dicendum est, sumi oportebit , et ri ra- 
tiocinari , quid in imis. rebus fier soleat , et 
videre , utrum maliüià * aliud agatur, aliud simuletur, 
an stultitia', ab diéCessitudine ; quód. älto Ynodo agi 
non possit ,-an occasione agendi sic! sit'judiciüutf'att 
acüo constituta, en. nectorsye nlla rerejusmedi'res 
sgatur., Locus .autem. aomxanpis dontra-oum, qui 
translationem .inducet ; fugere; judicinm:ag. poenam, 
quia cause diffidat. A translatione, gutem ni, omnium 
fore perturbationem. » si non ita res agantur, et in 
judicium veniant , quo pacto oporteat ; ; hoc est, si 
aut cum eo agatur, quicümi non oporteat , aut T 
pœna, alio crimine , aliô tempóré': atque hanc ra- 
tionem ad perturbationem judicidrum ‘omitiiuif pét 
tinere. Tres igitus e: constitunivnes, que pertes noh 
habent , ad luna modum:tmétabnatnr Nuna:gese- 


ralem consututionem , et, paftes. ejus considesemus, 


XXI. Cum et facto, et facti nine conicesso | ne- 
que ulla aetionis illats'controversia, vis'et'natura, et 
genus negoti )psius quæritür ; consututipnem gene- 
ralem appellamus. Hujus primss esse partes duas 
nobis videri diximus , negotialem, et juridicialem, 


1 Quid aliud.. i4 








DE L'INVENTION ; LIVRE IE 217 
& porté devant les juges. » Les deux parties: ‘doivent, dans 
toute cause, chercher pht qui, avec qui ,' de quelle manière et 
dans quel temps 3 faut intente? l'action ou porter ke) jugement. 
: Vous dévez iét &volr fecoié áàu' droit dont nous parlerons 
plus bas, et sontuer, pa vos raisonnemens, «e qu'il faut 
faire en pereille circonstance; 5 distinguer s; pat malice, on 
n'a pas fein, una. chose en en faisant, ume aute; Al, par sot- 
tise op, pgr nécessité. dans Viroposiibilié d'agir autrement, 
oti-per occasion ; 6n: & deivreetteghaiiche pour le jugemerit ou 
pour 'l'accusatioti ;' ów si l'on n'& commis aucune erréut. UA 
lieu comian contre celui qui récuse; c'est qu'il cherche à 
viter Te' jugement et la punition, parce qu'il se défie de sa 
cause. Il peut se défendre en montrant que tout ordre serait 
boulever se, si l'on ne suit point, dans les proces et les juge- 
mens, la marche tracée par la loi ; si l’on souffre qu'un homme à 
SARS aucun droit, jntente;upe action suivant un mode ou dans 
Am. temps. illégal; que cef; vouloir renotieer à toute justice: 
Voilä conime;on - peut traiter ces tróis: questions ; qui Wônt 
pomt dei parties: ar maidéerfänt Fi vo de paire 
ét ses différentes ; parties. — EE 
_ XXI: Le fait et le nom qu on lui donne, une joie convenus, 
quad la forme, de l'a accusation n 'offre aucun point de disçus- 
sion, on examine la valeur, la nature et Fespèce du fait : c’est 
ce qu’on appelle quéstion de genre. Nous la divisons d'abord , 
tomme nous l'avons dit, en deux parties, matérielle et juri- 
diciaire. Elle est matérielle, quand le point de discussion 


218 DE INYENTIONE, IIRER H. 

Negotialie est , quæ in 3pso negotio juris civilis ba 
bet ' implieatam copiroversiam. Ea st hujusmodi : 
« Quidam pupillum heredem fecit ; pupillus autem 
« ante mortuus est, quam in suam.tutelam 2 yenisset. 
« De hereditate ea, quæ pupillo venit , inter eos, 
« qui patris pupilli heredes seeundi sunt , ét inter 
« agnatos pupilli controversia est. Possessio heredum 
« secandorum est. » Intentio est agndtorum, « Nostra 
« pecunia est; dequa às, cujus:agnati sumns, jestatus 
v. non est. » Depalsio ent, « — lano postta.; qui hga 
« nedes secundi testamento patris sumps, » Questio 
est, « Utrorum sit? » Ratio est, « Pater epim et sibi, 
« et filio testamentum scripsit , dum is pupillus esset. 
« Quare , qus filii fuerunt, testamento patris nostra 
« fiant necesse est. » Infirmatio est rationis, « Immo 
« pater sibi scripsit, et secundum heredem non filio, 
« sed sibi jussit esse; Quare , preterquam quod ip- 
« sius ? fuit, tesumento illus vestwunm esso non po- 
«e$, » dndicaue , « Possine quisquam de fihi 
« papall re testaxi: ap heredes. secundi ,ipaus patrie 
«familias, mon fili quoque ejus pupilh heredes 
« sint? » Atque hoc non alienum est ? qued ad multa 
pertineat , ne aut 7. , aut usquequaque gdi- 
catur , hic admonere. Sunt causz , quæ plures ha- 
bent rationes in simplici constitutione : quod fit, 
cum 1d, quod factum est, aüt quod defenditur ; 
pluribus de cousis rectum, ant probalsle vidari potest, 
ut in her ipsa eausa. Gupponatur enia ob heredibus. 

* bmplcuam. — ? Venir. = ? Puit in testenisute ils. 


DE L'INVENTION, LIVRE il. 219 
porte. sur-ls droit civil même, Par exemple, 2 « Un homme 
a n nemmé pour héritier un mideyr meet avant d'avoir at-. 
«téint sa''majorité. Les héritiers substitués dw père et les 
« agnats du mineur se di isputent la suecession. Les héritiers 
« substitués sont en possession, » Les agnats les attaquent, 
en di disant : « Les Lies sur lesquels celul dont nous sommes 
pres p'a pas fait, de festement, neus appartiennent.» On 
leus répand < « Mon, es. à Opus qui, per Je fepament. du 
« pise , sonos dos eecends héritier. » La. question «st de 
savoie «o qui ils appartiennent. » 'ioiei la raison des hépitiers : 
« Le’pbre s ait son téstament pour lui et pour son fils encore 
« mipeur. Ainsi le testament ‘du'} père nous donne les biens 
« “du 1 fils. » On les réfute, Zi en disant : s Le pére n’a fait d'aytre 
« JEDE D] que Je sep. (rrt à nj ep non pas à gon fe qu'il 

«,3 van dep. meçpnds héritiers. » re 4-Aipsl , votis D'AVEZ 
«d'autres droits que news. qu'il avait brie dans sep de 
v tsinesit. »/ Tl s'orit de décider é ei l'on peut tester ppur un 
«filo rhéreur, ets les aiconds héritiers da que doivent hé- 

« ftér dissi d fils mineur. Ne | 
| "Pour n ne point oublier où répéter ‘sans cesse une observa- 
tion générale, il me semble i à propos v de direj ici qu'une ques- 
ion simple peut Mir glusieyrs Faisons différentes ; ce qui 
porive si, comma dapa la anse, dont nous parlaps, au a plu- 
sieurs moÿens pour justifier ou resdve prebeble 1e fax 0n la 
causé qu'on défend. Supposons que les héritiers allèguens 
pour raison que « des causes opposées ne peuvent donner des 


220 DE INVENTIONE, LIBER Il. 

hzc ratio. « Unius enim pecuniæ plures, dissi- 
« milibus de causis , heredes esse non possunt , 
« nec umquam factum est, ut ejusdem pecunie 
« alius testamento , alius lege heres * esset : » infirma- 
tio hzc erit , « Non est una pecunia : propterea, quod 
« altera jam erat pupilli adventicia; cujus heres non, 
« ? illo tempore, testamento quisquam scriptus erat , 
« si quid pupillo accidisset : et de. altera , patris etiam 
« nunc mortui voluntas plurimum valebat , quz jam 
« mortuo pupillo suis heredibus concedebat. » Judi- 
catio est , « Ünane pecunia fuerit : » ac , si hac eruns 
usi infirmatione , « Posse plures esse unius pecuniæ 
« heredes dissimilibus de causis ; » de eo, ipso judi- 
catio nascitur , « Possintne ejusdem pecunie plures 
« dissimilibus generibus esse heredes. » 

XXII. Ergo una in constitutione intellectum est , 
quomodo et rationes , et rationum infirmationes , & 
preterea füdicadanes plures fiant. Nuuc hujus ge- 
neris precepta videamus. Utrisque ; aut euam amni- 
bus, si plures ambigent, jus ex quibus rebus constet , 
est considerandum. Initium ergo ejus.ab natura duc- 
tum videtur: quædam autem ex utilitatis ratione aut 
perspicua nobis , aut obscurg , jn consuetudinem ve- 
nisse : post autem , approbata quadam , aut a consue- 
tudine aut a vero utilia visa, legibus esse firmata : ac 
nature quidem j jus * esse , quod nobis non opinio, sed 
quidam innata vis afferat , ut religionem, pietatem., 
graüam , vindicationem , observantiem , veritatem. 


' Essct. Infirmnotio autern. + * In illo tempore. —? Eat : 


DE L'INVENTION, LIVRE If. 221 
x droits sur le méme héritage, et qu'il n'arrive jamais que. la 
« loi et un testameut nomment deux héritiers différens. » On 
peut leur répondre « que l'héritage n'est point un, puisqu'une 
« partie des biens était venue accidentellement au mineur, et 
« que, s'il lui venait quelque chose, le testament n'en désigne 
« point les héritiers ; que, pour le reste, la volonté du père 
« mort, qui, au décès du mineur, les donnait à ses propres 
« héritiers, avait la plus grande validité. » — « L'héritage 
u est-il un? » voilà le point à juger ; et si l’on accorde que « des 
“ causes opposées peuvent donner des droits à uri méme hé- 
« ritage, » il faudra encore décider « si des branches oppo- 
« 'sées peuvent avoit les mêmes droits sur le méme héritage. » 
XXII. Ainsi vous voyez, par une seule question ; qu'il peut 
y avoir plusieurs raisons, plusieurs manières de les réfuter, 
et plusieurs points à juger. Voyons maintenant les régles à 
suivre à ce sujet. Dans toutes les parties, on doit examiner ce 
qui constitue la justice. Elle est puisée dans la nature. L'uti- 
lité plus ou moins évidente de certaines choses les a fait passer 
en usage : une fois, leur utilité démontrée par l'évidence ou 
par l'expérience, la loi les a confirmées. La justice naturelle 
. n'est point fondée sur l'opinion, mais sur un sentiment inné, 
eomme la religion , la piété, la reconnaissance, la veagaince ; 
» ds ou la vérité. 


EX crainte ds dieux et les cérémonies de leur culte consti- 


293 DE INVENTIONE, LIBER II. 
Religionem , e&m , quæ in metu et ceremonia deo- 
rum sit, &ppelleht : piétatem , quie erga patriam , 
aut parentes , aut alros sanguine conjunctos officium 
conservare moneat : gratiam , qua in meraorie , et 
remuneratione officiorum , et * honoris, et amicitia- 
rum, observantiam teneat : vindicationem, per quam, 
vint , et contumeliam , defendendo , aut ulciscendo , 
propulsamus a nobis, et à hostris , qui nobis esse 
cari debent , et per quaih. peecata. putrifaus : obser« 
vanüani,'pér quam state, edt sapientis, aut ho- 
note , aut alique digsitave ahtescdontes veremur , et 
colimus : veritatetn , per quam damus operam , ne- 
quid aliter , quam confirmaverimus , fiat, aut factum 
aut futurum sit. Ác nature quidem jura minus ipsa 
quæruntur ad hanc controversiam , quod neque in 
hoc civili jure versentur , et a vulgari iucelBgéenua 
remotiora sunt : sd samilutudinem vero aliqué&m ; ant 
ad rem amplifieandan ssepe sunt:inforenda Gonsue- 
tudinis autem jus.esse putatur id, quod, voluntate 
omnium sine lege vetustas comprobarit. In ea autem 
jura sunt quadam ipsa jam certa propter vetustatem. 
Quo in genere et alia sunt mulia, et eorum mülio 
maxima pars, quæ prætores edicéfe consuerunt. Quæ- 
dam auterr penerz furi$; jdri certà, eOnsuetudiiié 
facta sunt: quod pebus, pattum, par, judicatn. 
Paetum est, quod inter aliquos convenit, quod jam 
ita justum putatur , ut * jure præstari dicatur. Par, 
quod in omnes æquabile est. Judicatum , de quo jam 


2 us s s gu sg pet gilet nsi po 7v 
© Honoram. — 2 Juri prastare. 


DE EINVENTIÓN, LIVRE II. 225 
taént Iz réligibh. La pide£ ést le sébtitfiéhit qui nous attache 
& la pattie, i nos pareris, k oet qui nous appartiennent par 
1e sañg. Là reconnaissance tohsisté dans les égatds qu'inspirent 
le souvenir des bienfaits, des ‘honneurs et de l'amitié, et le 
désir d'y répondre. La vengeahcé punit ou repousse la vio- 
lence , ou l'affront fait à nous ou à ceux que nous devons 
chérir. On entend per le respect , les égatdé que nous avons 
pour làfe, la sagestd, les honneurs ou les dignitós, Par Is 
wéri ; os (bons que Hes, dins le'piisé, le présent et 
l'avenir, hé démetité cé qué nobá avons affirmé. 


1 


Il est rare que, dans une cause de cette espèce, on ait re- 
cours aux droits naturels, dont le droit oivil s'ocoupd peu , et 
qni ne sent poiit à la portée du vulgaire, Cependunt on peut 
les éfnployer dans là sunllitdé où dins Pemplificatiott. On 
appelle droit coutumier, tout ce qtié le-témps a cotisacré, par le 
consentement universel, sans l'autorisation de la loi. La loi 
ménie contient plusieurs droits établis par le tempé. La plu- 
part, et beaucoup. d'autres de la mème espèce, sont ordinai- 
rement renfermés duns les édits des préteurs. D'autres espèces 
de drvit ; au eomtreire , sont fondées sur la coutumit; qumme 
un Gontrát , l'égalité, les jágetiehs antérieurs. 


Un contrat est un traité entre différens individus, qu'on 
regarde comme si juste, qu'il est supérieur au droit. L'égalité 
denne un droit égal à tous, Un jugernent antérieur est la dé- 
€iiou déjà rendue par vie où plusieurs mnetités. La lui tióus 


224 DE INVENTIONE , LIBER IE 

ante sententia alicujus , aut aliquorum constitutuzm 
est. Jam jura legitima ex legibus cognosci oportebit. 
His ergo ex partibus juris , quidquid aut ex ipsa re, 
aut ex simili, aut ex majore minoreve nasci videbitur, 
attendere , atque elicere pertentando unamquamque 
partem juris oportebit. Locorum autem communium, 
quoniam (ut ante dictum est ) duo sunt genera , quo- 
rum alterum dubie rei , alterum certæ continet am- 
phficationem , quid ipsa causa det , et quid augeri 
per communem locum possit et oporteat , considera- 
bitur. Nam certi, qui in omnes incidant, loci, præ- 
scribi non possunt : in plerisque fortasse ab auctoritate 
jurisconsultorum , et contra auctoritatem dici opor- - 
tebit. Attendendum est autem et in hac , et in omni- 
bus, num quos locos communes , praster eos, quos 
exposuimus , ipsa res ostendat. Nunc juridiciale ge- 
nus et partes ejus consideremus. 

XXIII. Juridicialis est, in qua æqui et iniqui na- 
tura, et præmil aut poene ratio quæritur. Hujus par- 
tes sunt duz, quarum alteram absolutam, assumtivam 
alteram nominamus. Absoluta est : qu& ipsa in se, 
non ut negotialis implicite et abscondite, sed patentius 
et expeditus recti et non recti questionem continet: 
Ea est hujusmodi : « Cum Thebani Lacedemonios 
« bello superavissent, et fere mos esset Grajis, cum 
« inter se bellum gessissent, ut 1i, qui vicissent, tro- 
« pæum aliquod in finibus statuerent , victoriæ modo 
« in præsentia declarandæ causa; non ut in perpe- 
« tuum belli memoria maneret; sneum sttoeruxis 














BE L'INVENTION , LIVRE il. 225 
fait connaître les droits légitimes. Il faut mettre à profit tout 
ce que ces différentes parties du droit pourront vous fournir, 
ou dans le‘ fait même, ou-dans une affaire semblable aussi im- 
portante, ou qui 'l'était moins. Il faut aussi examiner et ana- 
lyser chaqu e partie du ároit: Pour les lieux communs, qui 


"ft (talo AU uas aj ti 


forment jj comme nous l'avons « dit plus baut, deux espéces, 
urn, LEM DSTI 


dant l'une déxeloppeJes choses | douteuses, et l’autre les choses 
er iipet y BCE stls fournissent de secours à. votre cause, 
eo 3jus sons penvez, | oe! que- ous. deved développer en lieu 
céatpuh" On 'he: pet en'éwablis qui :conviennent à tous les 
sujets gra ést peu de ésuses dans lesquelles on ne puisse 


+0" 
a táquer o où U di fendré l'autoriié des jurisconsultes. Examinez 


-s{if110 {I iH tc shit if EC U tout, DCE (07 n 
surtout pee S sont, outre DEUX ques nous tons indiqués, les 


liens ROUES que vous offre la cause même. Passons main- 

tenant au genre : juridicigire et à ses différentes parties. 
,XXllo La question juridiciaire définit le juste et l'injuste, . 

décide i 1ldn mérite peine ou récompense. Elle se. divise en 

question itisoltie et eni question accessoire. Absolue, quand 

elfe renférme &h elle-même, non pas implicitement, comme la 
SOU OP un 


ena 
estion Inatértelle; - mais d une manière évidente, ; l'examen 
SICILE dur cEÉS - .: Fa 


du juste. et, de  l'injuste. Prenons V'exemple suivant : « Les 
« « Thébains, jveipguenrs. des Spartiates , avaient élevé un tro- 
« phéeud'sirain ,: suivant. l'usage des Grecs, qui, dans leurs 
ét guerres 'pártieuliéres;:érigeaient un trophée sur les fron- 
«9B , "pies B vic | sictolse, iid pour perpétuer le souvenir 


HAUT ge id00udd . 33505050 707 s 7 15 


LI 


! 

226 DE INVENTIONE, LIBER il. 

« tropæum. Áccusanturapud Ámphictyonas, id est, 
« apud commune Græciæ toncilium. » Intentio est, 
« Non oportuit. » Depulsio est, « Oportuit. » Quæs- 
tio est, « Oportueritne ?» Ratio est, « Eam enim ex 
« bello gloriam virtute peperimus, ut ejus æterna 
« insignia posteris nostris relinquere vellemus. » In- 
firmatio est, « Attamen æternum inimicitiarum mo- 
« numentum Grajos de: Grajis statuere non opor- 
« tet. » Judicauo est, « Cum summe virtutis cele- 
« brandæ causa Graji de Grajis ætervum inimici- 
« Uerum monumentum statuérint, rectene, àn contra. 
« fecerint. » Hanc 1deo rationem subjecimus , ut hoe 
causæ genus ipsum, de quo agimus, cognosceretur. 
Nam si eam supposuissemus, qua fortasse usi sunt : 
« Non enim juste, neque pie bellum gessistis; » in 
relationem criminis delaberemur , de qua post lo- 
quemur. Utrumque autem causæ genus in hanc can- 
sam ineidere perspreuutm est. In hanc argementa- 
tienes ex isdem locis sumenda sunt, atque iu causam 
hegotialem , qua de ante diotum est. Loos autem 
cominunes.et ex causa ipsa, si quid ineritindignationis 
aut conquestionis, et ex juris utilitate, et natura mul- 
tos et graves sumere licebit, et oportebit, si causæ 
dignitas videbitur postulare. 











DE L'INVENTION, LIVRE II. 297 
« de la guerre que pour constater leur victoire. » On les 
accuse au tribunal des Amphictyons : c'était le conseil général 
de la Grece. 
« Ils nele devaient point, » disentles accusateurs. — « Nous 
« le pouvions, » répondentles accusés. —« Le pouvaient-ils ? » 
voila la question. Voici la raison des Thébains : « La vic- 
« toire que nous avons remportée est. si glorieuse, que nous 
« avons voulu en laisser à nos descendans un monument 
« éternel. » On les réfute en disent « que les Grecs ne doivent 
« point élever un monument éternel des discordes de la Grèce. » 
Le point à juger est de savoir « si des Grees qui, pour im- 
« mortaliser leurs exploits, élèvent un monument éternel 
« des discordes de la Grèce, font bien ou mal. » Nous ne 
donnons cette raison que pour faire bien connaître le genre 
de cause qui nous occupe ; car si nous répondions , comme ils 
le firent sans doute : «Votre guerre était unpie et criminelle , » 
ce serait une récrimination, et nous n’en somete point en- 
core à ce sujet. B est évident que oes deux questions se 
rencontrent dans cette cause , et que, pour celle-ci, on puise 
des raisonnemens dans les mêmes lieux que pour une affare 
de droit civil | | | 
Quant aux lieux communs, la cause ellgmême, si elle est 
susceptible d'exciter la pitié ou l'indignation, la mature et l'uti- 
lité du droit, vous en fourniront un.grend nombre de solides, 
que vous pourrez, que vous devrez méme employer, gi la gi- 


gnité du sujet vous semble Pexiger. 


558 DE INVENTIONE , LIBEB IL. 

XXIV. Nunc assumtivam partem'juridiciahs con- 
sideremus. Assümtiva igitur tunc dicitur, cum ip- 
sum ex se factum probari non potest, aliquo autem 
forisadjuncto argumenta defenditur. Ejus partes sunt 
quattuor : comparatio , relatio criminis , remotio cri- 
minis, concessio. Comparatio est, cum aliquod fac- 
tum, quod per se ipsum non sit probandutr, et'ex eo, 
cujus id causa factum est; defenditur. Eà est hujus- 
modi : « Quidam imperator, cum ab hostibus cir- 
« cumsideretur, neque effugere ullo modo posset, 
« depactus est cum eis, ut arma et mmpedimenta 
« relinqueret, milites educeret : itaque. fecit : armis 
« et impedimentis amissis , præter spem milites con- 
« servavit. Áccusatur. majestatis. » Incurrit huc defi- 
nitio. Sed nos hunc locum, de quo agimus, con- 
sideremus. Intentio est, « Non oportuit arma et 
« impedimenta relinquere. » Depulsio est, « Opor- 
' « tuit. » Quæsuo est, « Oportueritne ? » Ratio est, 
« Milites enim omnes periissent. » Infirmatio est, aut 
conjecturalis, « Non periissent: » aut altera conjec- 
turalis , « Non ideo fecisti. » Ex quibus sunt judi- 
cationes, « Periissentne ? » et,.« Ideone 'fecerit 2 » 
aut hec comparativa, cujus nune indigemus, « Át 
« enim satius fuit anrittere milites, quam arma et 
« impedimentf hostibus concedere. » Ex qua judi- 
catio nascitur , « Cum omnes perituri milites essent, 
« nisi ad hanc pactionem venissent, utrum satius 
& fuerit amittere milites, an ad hanc condiuonem 
« venire? » Hoc causæ genus ex his locis * tractari 


! Tractari convenict. Oportcbit. 


DE L'INVENTION , LIVRE 1I. 229 

XXIV. Examinons maintenant la question juridiciaire ac- 
cessoire. La question juridiciaire est accessoire; quand les 
preuves ou la défense, trop faibles par elles-mêmes , acquièrent 
. du poids par des" circonstances étrangères. Elle offre quatre 
. Chefs : l'alternative, la récrimination, le recours et la concession. 


. L’alternative justifie, par les motifs, un fait condamnable en 
lui-même. Par exémple : « Un général, enfermé per l'ennemi, 
« sans pouvoir s'échapper , obtient d'emmener ses soldats, à 
« condition qu'il laissera ses armes et ses bagages. Le traité 
« s'exécute. Il a perdu ses armes et son bagage, mais il a sauvé 
« son armée contre toute attente. On l'accuse de lèse-majesté. » 
Ici s'offre une définition. Mais ne perdons point de vue l'objet 


qui nous occupe. 


« Il ne devait pas abandonner ses armes et son bagage : » 
voilà l'accusation. Le général répond « qu'il le devait. » La 
question est : « Le devait-il? » Il donne pour raison « que tous 
« ses soldats auraient été égorgés: » On le réfute par cette 
conjecture : « Ils n’auraient pas été égorgés; » ou par cette 
autre : « Ce n'est pas la votre motif. » Alors s'offrent ces.points 
à juger: « Auraient-ils été égorgés, et est-ce là le motif de la 
*« conduite de l'accusé? » ou cette alternative dont nous nous 
| occupons : « Fallait-il laisger périr son armée, plutót que de 
« livrer ses armes et ses bagages à l'ennemi ? » Il s’agit alors 
de décider « si, lorsqu'il fallait perdre son armée, ou sous- 


« crire à ce traité, il valait mieux perdre son armée que: de 


250 DE INVENTIONE, LIBER If. 


oportebit ; et adhibere ceterarum. quoque constitu- 
tionum rationem augue pracepta; ac maxime con- 
jecturis faciendis infirmare illud, quod cum eo, quod 
crimini dabitur, ii, qui accusabuntur, comparabunt. 
Id fiet, si aut id, quod dicent defensores futurum 
fuisse, nisi id factum esset, quo de facto judicium 
est, futurum fuisse négabitur : aut 8i alia. ratione, 
et aliam ob causam, ac dicet se réus fecisse, de- 
monstrabitur esse fáctum. Ejus rei confirmatio, et 
item eontraria de parte infirmatio ex eonjecturali 
constitutione sumetur. Sin autem certo nomine ma- 
leficii vocabitur in judicium , sicut in hac causa (nam 
majestatis arcessitur ) , definitione et definitionis præ- 
ceptis uti oportebit. 

XXV. Atque hoc quidem plerumque in genere 
accidit, ut ' et conjectura et definitione utendum 
sit. Sin aliud quoque aliquod genus incidet, ejus 
generis præcepta licebit huc pari ratione transferre. 
Nam accusatori maxime est 1n hoc elaborandum , ut 
id ipsüm factum, propter quod sibi reus concedi 
putat óportere, quàm plurimis infirmet rationibus. 
Quód facile est; si quam plurimis constitutionibus 
* ággreditur id improbare. Ipsa autem .comparatio, 
éépafats a ceteris generibus controversiarum , sic ex 
eua vi considerabitur, si illud, quod comparabitur, 
aut non honestum, aut non utile, aut non necessa- 
rium fuisse, aut non tantopere utile, aut non tan- 
topere honestum , aut non tantopere * necessarium 


! Abest ct, — ? Aggredietar, — ? Necessarium fuisse. 


DE L'INVENTION, LIVRE II. 251 
« la sauver à ces aonditiens. » Telle.est la manière de traiter 
une cause de cette espéce. 

On peut suivre ici la méthode et les préceptes tracés pour 
les autres questions, et surtout réfuter, par des conjectures, 
l'alternative qu'établit l'accusé. Vous y parviendrez, en niant 
que ce qu'il regarde. comme, néfessaire ne serait point arrivé 
sil n'eàt point agi comme il a fait, ou en démontrant que sa 
conduite a ew. d’autres motifs que ceux qu'il avoue. La dé- 
fense'et hi réfutation se: prennent également dans la cause de 
cotijectitre ; ou bien, si Pon qualifie le délit, comme dans cet 
exemple où le général est accusé de lése-majesté , il faut suivre 
les préceptes de la définition. 

XXV. Il arrive souvent que l'on est ohligé d'employer à 
la fois.les qonjeetuses et la définition. Si l'on rencontre encore 
quelque autre genré, il faut également suivre les préceptes de 
ce genre. Puisque le but principal de l’accusateur est de réunir 
Je plus de moyens qu'il pourra contre le fait dont l'accusé veut 
obtenir le > pardon, il y réussira en multipliant le nombre des 


'PAffetnative,, dans les autres genres de discussion, isolée 


de ces genres, peut être considérée en clle-méme, ct alors 
vous démontrez que le fait dont il s'agit n'était ni utile, ni 
honnéte , ni nécessaire, ou du moins ne l'était pas à un si haut 
degré. Sachez ensuite disting uer le fait que vous imputez à 


l'accusé, de celui que le défendeur présente comme alterna- 


55 DE INVENTIONE, LIBER II. 


demonstrabitur. Deinde oportet accusatorem , illud, 
quod ipse arguat, ab eo, quod defensor comparat, 
separare. Id autem faciet, si demonstrabit, non ita 
fieri solere, neque oportere, neque esse rationem, 
quare hoc propter hoc fiat, ut, propter salutem mi- 
litum, ea, quæ salutis causa comparata sunt, hosti- 
bus tradantur. Postea comparare oportebit cum be- 
neficio maleficium , et omnino id, quod arguitur, 
cum eo, quod factum ab defensore * laudatur, aut 
faciendum fuisse demonstrabitur, contendere, et hoc 
extenuando, maleficii magnitudinem simul adaugere. 
Id fieri poterit, si demonsträbitur, honestis, utilius, 
magis necessarium fuisse * 1d, quod vitarit reus, quam 
illud, quod fecerit. Honesti autem et utilis et neces- 
sarii vis et natura in doliberationis praeceptis cognos- 
cetur. Deinde oportebit ipsam illam comparativam 
judicationem exponere , tanquam causam delibera- 
tivam , et de ea ex deliberationis praeceptis deinceps 
dicere. Sit enim hzc judicatio , quam ante exposui- 
mus. « Cum omnes perituri milites essent, nisi ad 
« hanc pactioném venissent, utrum sattus fuerit pe- 
« rire milites, an ad hanc pactionem venire? » Hoc 
ex locis deliberationis, quasi aliquam in consulta- 
tionem res veniat , tractari oportebit. 

XXVI. Defensor autem , quibás in locis ab ac- 
cusatore alie constitutiones erunt inducte ; m iis 
ipse quoque'ex iisdem constitutionibus defensionem 
comparabit: ceteros autem omneslocos, qui ad ipsam 


iJ 


! Laudabitar. — ? Illud, 


—— : 








|. — WEM. Fe $ 2c A LS te i. us WE e rem AE, ree ota ES SO DEM A c CE GG EE LEE V ELE A MONEDAS 


— ^ —-— —— —— ———— 


DE L'INVENTION , LIVRE HI. 255 
tive, et démontrez que l'usage ne permet point d'en agir | 
ainsi, et que nulle raison ne peut autoriser à livrer, pour le - 
salut d'une armée, les armes qui font son salut. Il faudra 
comparer ensuite les avantages et les inconvéniens, en oppo- 
sant ce que vous blámez aux choses que le défenseur prétend 


qu'on 'a faites avec raison, ou qu'on aurait dü faire; et, pour 


affaiblir ses moyens et ajouter aux vôtres, prouvez qu'il a pris 


le plus mauvais parti, au liey de prendre le plus honorable, 
le plus utile et le. plus nécessaire. 


Les régles de la délibération vous apprendront à connaitre 
la nature et le pouvoir de Phonneur, de l'intérét et de la 


nécessité. Exposez cette cause d'alternative comme une cause 


 délibérative, et suivez'les règles du genre délibératif; car, 


pour nous servir toujours du méme exemple : « Toute l'armée 
« devait périr, si l'on n'avait signé ce traité ; valait-il mieux 


« la laisser périr que de le signer? » Quant au style, envisagez 


,votre sujet comme une chose sur laquelle on vous demande 
votre avis, et sur laquelle vous avez à délibérer. 


- 


+ 
4 


XXVI. Les lieux dans lesquels l'accusateur a puisé les 
questions qu'il raméne à sa cause, fourniront aussi des armes 
au défenseur pour réfuter ces mêmes questions, et il suivra 
une marche opposée à celle de son adversaire dans les lieux qui 
najtront de l'alternative elle-même. 


DE INVENTIONE, LIBER II. 


comparationem pertinebunt , c1.contrario tractabit. 
' Loci communes erant, aecusatoris , in eum , qui 
cum de facto turpi aliquo , aut inuuli, aut ptroque 
fateatur, quærat tamen aliquam defensionem , et 
facii inutilitatem , aut turpitudinem cum indigna- 
tione * proferre; defensoris, nullum factum inutile , 
neque turpe, neque item utile, neque honestum 
putari oportere, nisi, quo animo , quo tempore, 
qua de causa factum sit, intelligatur :'qui loeus ita 
communis est, ut bene tractatus in hae eausa , mapmo 
ad persuadendum momento futurus ?. sit : et alter 
locus, per quem magna cum amplificatione , beneficii 
magnitudo ex utilitate , aut honestate , aut facti ne— 
cessitudine * demonstratur: et tertius, per quem res 
expressa verbis, ante oculos eorum , qui audiant, po- 
nitur, ut ipsi se quoque idem facturos fuisse arbitren- 
tur , si sibi illa res , atque ea faciendi causa per idem 
tempus accidisset. | | 

Relatio criminis est, cum reus id, quod arguitur , 
confessus , alterius se inductum peccato , jure fecisse 
demonstrat. Ea est hujusmodi : « Horatius occisis 
« tribus 5 Curiatibus, et duobus amissis fratribus , 
« domum se victor recepit. Is animadvertit sororem 
« suam de fratrum morte non laborantem : sponsi 
« autem nomen appellantem identidem Curiatis cum 
« gemitu et lamentatione. Indigue passus ; virgiütfh 
« occidit, Aceusatur. y» Prenuo est, « nouis isig- 


* Loci autem. — ? Proferre. Defensoriz és; — ^ Sit. E E. — À D.monj* 


| < 
| 
| 


DE L'INVENTION, LIVRE IL 255 

Les lieux comnruus seront , pour l'accusateur, d'exhaler son 
indignation contre la bassesse oti les inconvéniens d'une action 
que l'accusé avoue basse ou dangereuse, ou l'une et Pautre à 
la fois, en méme temps qu'il veut la justifier. Le défendeur 
répondra qu'on ne peut juger des avantages, des inconvé- 
niens, de la bassesse ou de la gloire d'une action, sans en con- 
naître la cause, le temps et l'intention. Ce lieu commun, bien 
développé, est un des plus puissans moyens de persuasion. Le 
développement de l'rmportance du service, qui se tire ordinai- 
rement de la nécessité, de l'honneur ou de l'utilité de l'action, 
vous offre un second lieu commun. 

Un troisiéme met sous les yeux de l'auditoire une peinture 
animée, qui lui persuade que, dans les mémes circonstances 
et avec les mémes causes, il aurait agi comme vous. 

La récrimination a lieu , lorsqu'em avouant le délit, on se jus- 
tife en montrant qu'on a été entraîné à le commettre par la 
faute d’un autre. « Horace, vainqueur des trois Curiaces, 
« après fa mort de ses deux frères, rentre en triomphe dans la 
« ville. Il voit que sa sœur, sans être affligée de la perte de 
« ses frères, prononce de temps en temps, avec des pleurs et 
« des sanglots, le nom d’un des Curiaces, auquel elle était 
« fiancée. Dans le transport de son indignation, il la tue. On 
« le cite en justice. » 

On l'aecuse « d’avoir, sans aucun droit, tué sa sœur. » Il 
répond « qu'il en avait le droit. » C'est ce qu'il s’agit de dé- 
cider. Voici son motif: « Elle pleurait la mort d'un ennemi, 


256 DE INVENTIONE, LIBER El. 
« rorem occidisti. » Depulsio est, « Jure occidi. » 
. Quæstio est, « Jurene occiderit. » Ratio est, « Illa 
« enim hostium.mortem lugebat, fratrum negligebat: 
.« me et populum romanum vicisse moleste ferebat. » 
Infirmatio est, « Tamen a fratre indemnatam necari 
« non oportuit. » Ex qua judicatio fit : « Cum He- 
« ratia fratrum mortem negligeret ; hostium lugeret , 
« fratris et populi romatii” viétoria non"gauderet , 
« oportueritne eam a fratre indemnatam .neenei ? » 
XX VII.:Hoc in-genere cause, primam si quid ex 
ceteris dabitur constitutionibus, sumi oportebit, sicut 
" in comparatione praeceptum est : postea si qua facultas 
erit, per aliquam constitutionem illum , in quem cri- 
men transfertur, defendere: deinde, levius ' esse, quod 
in alterum peccatum reus transferat, quam quod ipse 
susceperit : postea translationis partibus uti , ét osten- 
dere a quo, et.per quos , et quo modo: et quo tem- 
pore aut agi , aut judicari , aut statui de ea re conve- 
nerit; ac simul ostendere; non oportuisse ante sup- 
plicium , quam judieium, interponere, Tum leges 
quoque et judicia. demonstranda,sunt , per qua po- 
tueritid peccatum , quod sponte sua reus punitus sit, 
moribus et judicio vindicari. Deinde negare debebit, 
audiri oportere id, quod iu eum criminis conferatur, 
de quo is ipse, qui conferat, jüditiuin fleri noluerit : 
et id, quod judicatum "noti sit; pro dafecto haberi 
oportere : póstea impudentiam demonstrare.eorum , 
qui eum nunc apud judices accusent, quem sine ju- 
4:9. Esse illud. bd ds 





DE L'INVENTION, LIVRE î. 239 
« sane songer à celle de ses frères ; elle. détestait ma victoire 
« et celle du peuple romain. » On le réfute, en disant «que 
« son frère ne devait pas néanmoins la tuer, sans qu'elle fût 
« condamnée. » Voici le point à juger : « Horatia ne songeait 
« peint à la mort de ses frères, pleurait celle des ennemis, 
« ne se réjoujssait point de la victoire de son frére et du 
« peuple, romain : son frère avait-il le droit de la tuer, sans 
« qu'elle füt condamnée? »,r. 

XX VEF. Dans ce genre; de cause, on peut, aingi que nous 
l'avons dit pour l'alternative j; emprunter aux autres questions 
ce qui convient à cele que nous discutons. Il faut ensuite 
trouver, s'il est possible, quelque question qui puisse servir 
a la défense de celui sur qui l'accusé rejette le crime. 

., On montre d'abord qu'il est moins grave que celui dont 
l'eceusé «st coupable, Ensuite on prouve, par la récrimina- 
tiers? par qni, devant qui, de quelle manière, dans quel temps 
devait être intentée l'action, le jugement rendu ou la décision 
de cettb affaire prononcée; on prouve surtout qu'il ne fallait 
pas qué la purition dévancát k jugement. Puis on développe - 
les lois, et les jugemens qui pouvaient punir légalement une 
faute dopt l'accusé D est déclaré le vengeur de sa pleine auto- ' 
rité. Dites ensuite, qu'on ne doit pas rejeter toute accusation 
sur uh délit dont l'agcusateur lui-même n’a pas voulu attendre 
lé jugement, et‘regartier. comme non, 4yenu ce, p. n'a pas été 
jugé: ' 

Appuyez sur l'impudence de ceux qui accusent devant les 


- 





258 DE INVENTIONE , LIBER Il. 

dicibus ipsi condemnarint : et de eo judicium faciant, 
de quo jam ipsi supplicium sumeeript. Postea pertur- 
bationem judicu futuram dicemus, et judices lon- 
gius, quam potestatem habeant, progressuros, si 
simul et de reo, et de eo, quem reus arguat, judica- 
rint : deinde, hoc si constitutum sit, ut peccata ho- 
mines peccatis, et injurias injuriis ulciscantur , quan- 
ium incommodorum consequatur : ac si idem facere 
ipse , qui nunc ' accuset , voluisset ; ne hoc quidem 
ipso quidquere opus fuise jadscio : s1 vero ceteri 
quoque idem. faciant , empino judicium nullum fu- 
turum. Postea demonstrabitur , ne, si judicio quidem 
illa damnata esset, in quam id crimen ab reo confe- 
ratur , potuisse hunc ipsum de illa supplicium su- 
mere : quare esse indignum , eum , qui ne de damnata 
quidem poenas sumere potuisset , de ea supplicium 
sumsisse , quæ ne adducta quidem sit in judicium. 
Deinde postulabit , ut legem , qua lege fecerit, profe- 
rat. Deinde quemadmodum in comparauene præci- 
piebamus, ut illud quod * eomparabitur, extenuare- 
tur ab acousatore quam maxime : sic in hoc genere 
oportebit illius culpam, in quem crimen transferetur, 
cum hujus maleficio , qui se jure fecisse dicat, com- 
parare. Postea demonstrandum est, non esse illud 
ejusmodi , ut ob id hoc fieri conveniret. Extrema est, 
“ut in comparatione , assumtio judieationie, et de 
ea per amplifica&onem ex deliberetionis praeceptis 
dicto. 


* Accusat. — ? Comparabatur. 








DE L'INVENTION, LIVRE II. 25g 
juges, celui qu'ils ont eux-mêmes condamné sans l’entendre, 
qui demandent un jugement contre celui qu'ils ont déja puni. 
Prouvez qu'il n'y aura plus d'ordre dans les jugemens, que 
les juges dépasseront les bornes de leur pouvoir, s'ils pro- 
noncent à la fois sur l'accusé et sur celui qu’il accuse. Quels 
désordres ne produira point ce principe, une fois établi, de 
pupir.upe faute par une autre faute, une injustice par une in- 
justiee,, Si l'accusateur avait voulu suivre l'exemple de l'ac- 
cusé ..il n’auræt pas besoin non:plus de jugement; et si cha- 
cun en agísseit de'méme,iln'y aursit plus detribunaux. Quand 
même Horatia , sur qui l'accusé rejette son crime , eût été con- 
damnée, aura&-il dà la punir? Et s’il neTa pas dû, quand 
elle eüt été condamnable, combien est-il coupable de l'avoir 
fait, sans qu'elle fût méme citée en justice! Qu'il nous montre 
la loi qui le justifie. Nous avons dit, en parlant de l'alterna- 
iive ,-que l’accusateur devait mettre tous aes soins à atténuer 
ce qu'il deune pour alternative. Bl fant encore ici comparer Ta 
faute de celui sur qi Ton rejette l'accusstion, avec le crime 
de celui qui prétend avoir suivi les règles dela justice. Démon- 
trez ensuite que ce n'est point ce qu'il fallait faire en pareille 
circonstance. Enfin, comme dans l'alternative, arrétez-vous 
au point à juger, et développez-le suivant les règles du genre 
délibéraüf, ^. 


sh lui cts tg 


240. DE INVENTIONE, LIBER II. 


XXVIII. Defensor. autem , quz per alias consti- 
tutiones inducentur , ex. iis locis, qui traditi sunt, 
infirmabit : ipsam autem relationem comprobabit , 
primum augendo ejus, in quem refert crimen, culpam 
et audaciam, et quam maxime per indignationem, si 
res feret, juncta conquestione, ante oculos ponendo. 
Postea levius demonstrando reum punitum , quam sit 
ille promeritus , et suum supplicium cum illius inju- 
ria conferendo. Deinde oportebit eos locos , qui ita 
erunt ab accusatore tractati, ut refelli, et contrariam 
in partem converti possint, quo in genere sunt tres 
extremi, contrariis ratiomibus infirmare. Illa autem 
acerrima accusatorum criminatio, per quam pertur- 
bationem fore omnium judiciorum demonstrant , si 
de indemnato supplicii sumendi potestas data sit , 
levabitur, primum si ejusmodi demonstrabitur inju- 
ria , ut non modo viro bono, verum omnino homini 
libero videatur non fuisse toleranda : deinde ita pers- 
picua, ut ne ab ipso quidem , qui fecisset , in dubium 
vocaretur : deinde ejusmodi , ut in eam is maxime 
debuerit animadvertere , qui animadverterit ; ut non 
tam rectum , non tam fuerit honestum , in judicium 
illam rem pervenire , quam eo modo, atque ab eo 
* vindicari, quomodo et a quo sit vindicata : postea 
&ic rem fuisse apertam, ut judicium: de ea re fieri 
nihil attinuerit. Atque hic demonstrandum est ra- 
tionibus, et rebus similibus, permultas ita atro- 
ces, et perspicuas res esse, ut de his non modo non 


3 Vindicarc. 








DE L'INVENTION, LIVRE II. Mt 
XXVHI. Le:défendeur, de son côté, réfutera, par les lieux 
que fous 'ávóhs dadiques; 'les moyens tirés des autres qués- 
tions. Il sdutiendrh là comparaison, d'abofd, en exagérant le 
crime et l'audace de celui sur lèquel il rejette le délit, en ex- 
citant , suivant son sujet, l'indignation ou la pitié par une 
peinture vive et animée; puis, comparant la faute et le cháti- 
ment, il #jontrers que.la peine. a/été trop légère. Quant aux 
autres lieux..que-Éacoudtieur aura traités dermanière qu'on 
puisse les: rétorquét ét-kes:tourmer contre Ini et tels. sont les 
trois derniers qu'i dengue, ' Sutver, poe les s réfute, une 
marche contrairé Hà Sjenne. ^" ^5 € 


-) $934 or 4" (24 + 1 
'" La plus solide raison que l'accusateur ait à vous opposer, 
c'est le désordre général que CUBCEAT le pouyoir de punir un 
homme qui n'aurait point éié condamné : ‘répondez que le 


"* TY gal. 


crime était tel, qu'un homme , je ne dis | pass vertueux , mais 
seulement un homme libre pps point le souffrir ; Si 
évident, que le coupable méme n'qsait essayer de le nier; tel 
enfin, que celui qui l'a puni avait plus qua tout autre Je droit 
de le faire; que la justice et l'honneur exigeaient plutót qu'il 
füt puni comme il l'a été, et par celui qui devait le punir, que 
porté devant les tribunaux ; enfin, qu'il a été si public, qu'il 
n’était pas besoin de j jugement. li vous prouverez, per des 
raisonnemens et des comparaisons, qu il est une foule de crimes 
si atroces et si évidens, qu'il n'est pas nécessaire, pas même 


utile d'attendre que les juges aient prononcé. L'accusateur 
It, | 36 


"T DE INVENTIONE , LIBER II. 


necesse sit, sed ne utilequidem, ' quam moz judicium 
fiat, exspectare. Locus communis aecysatoris in eum, 
qui cum id, quad arguitur , negare non possit , tamen 
aliquid sibi spei comparet ex judiciorum perturba- 
tione. Atque hic utilitatis judiciorum demonstratio, 
et de eo conquestio , qui supplicium dederit indem- 
natus; in ejus autem , qui sumserit, audaciam et 
crudelitatem, indignatio. Ab defensore, in ejus, quem 
ultus sit, audaciam sui conquestione : rem nou ex 
porine ipsius negotii, sed ex consiho ejus, qui 
fecerit, et causa , et tempore considerari oportere: 
quid mali futurum sit , aut ex injuria , aut ex sce- 
lere alicujus, nisi tanta, et tam perspicua audacia 
ab eo , ad cujus famam , aut ad parentes , aut ad li- 
beros pertinuerit , aut ad aliquam rem , quam caram * 
esse omnibus, aut necesse est, ayt oportet esse, 
fuerit vindicata. 

XXIX. Remotio criminis est , cum ejus intentio 
facti , quod ab adversario infertur , in alium , aut in 
aliud * demovetur. Id fit bipertito. Nam tum causa, 
tum res ipsa removetur. Causa remotionis hoc nobis 
exemplo sit ::« Rhodii quosdam legarunt Athenas. 
« Legatis quæstores sumtum , quem oportebat dari, 
« non dederunt. Legati profecti non sunt. Áccusan- 
« tur. » Intentio est, « Proficisci oportuit, » Depulsio 
est, « Non oportuit. » Quaestio est, « Oportueritne. » 
Ratio est, « Sumtus enim qui de publico dari solet , 
& 1s ab quæstore non est datus. » Infirmatio est, « Vos 


E Quin. — * Dimovetur, 





DE L'INVENTION, LIVRE II. 2,5 
aura ua lieu commun contre l'aecusé qui, ne pouvant nier le 
délit qu'on lui impute, ose fonder quelque espéranee sur le 
renversement de toute justice. Il démontrera l'utilité des tri« 
bunaux; il plaindra le sort d'un malheureux exécuté sans 
avoir été condamné ; il exhalera son indignation contre l'au- 
dace et la cruauté de l’exécuteur. 

Le défendeur fera de méme contre l'andacieux qu'il a puni. 
Il ue faut point juger l'affaire sur le nom qu'on lui donne, 
mois considérer intention du coupable, les motifs, le temps 
de l'exécution. Quels maux u'énfanterait pot l'injustiee ow 
le exime, si celui qu'on attaque dans son honneur, dans sea 
parens, dans ses enfins, enfin’ dens ce qui doit être cher à 
tous les hommes, n'avait puni un attentat si énorme et si 


évident ! 


^OXXIX. Le reçouxs rejette sur quelque autzé personne ou, 
sux quelque ehose l'accusation intentée contre nous. Il y en a. 
deux espóees ; car e'est tantôt la cause et tantót le fu qu'ow 
rejette. Pur exemple : « Ees Rhodietis ont nommé des députés 
« pour se rendre à Athénes; les questeurs ne leur ont point 
« remis d'argent, et les députés ne sont point partis. » On les 

cite en justice. « Ils devaient partir, » voilà l'accusation. Ils 

la repoussent , en. disant « qu'ils n'y étaient pas obligés. » La, 
question est: u X étaient-ils obligés? » Ils donnent pour raison 
« que Je questeur ne leur a point remis l'argent qu’ils de- 
« vaient recevoir du trésor public, » On les réfute, en disant ; 


244 DE INVENTIONE, LIBER II. 


« tamen id , quod publice vobis datum erat nepotii, 
« conficere oportebat. » Judicatio est, « Cum iis, 
« qui legati erant , sumtus , qui de publico debeba- 
« tur, non daretur, oportueritne eos.conficere nihilo- 
« minus legationem. » Hoc in genere primum , sicut 
in ceteris, si quid aut ex conjecturali , aut ex alia 
constitutione sumi possit , videri oportebit. Deinde 
pleraque * et ex comparatione , et ex relatione crimi-. 
nis in hanc quoque causam convenire poterunt. Ac- 
cusator autem .illum , cujus culpa id factum reus 
dicet , primum defendet , si poterit : sin minus 
poterit , negabit, ad hoc judicium, illius, sed hujus, 
quem ipse accuset , culpam pertinere. Postea dicet , 
suo quemque officio consulere oportere : nec , si ille 
peccasset , hunc oportuisse peccare : deinde si ille 
deliquerit, separatim illum , sicut hunc, accusari 
oportere , et non cum hujus defensione conjungi il- 
lius accusationem. Defensor autem cum cetera , si 
qua ex aliis incident consttuuonibus , pertractarit , 
de ipsa remotione sic argumentabitur. Primum cujus 
acciderit culpa, demonstrabit : deinde, cum id aliena 
culpa accidisset , ostendet se aut non potuisse , aut 
non debuisse id facere , quod accusator dicat opor- 
tuisse : quod non potuerit , ex utilitatis partibus , in 
quibus est necessitudinis vis * implicata : quod non 
debuerit, ex honestate considerabitur. De utroque 
distinctius in deliberativo genere dicetur. Deinde 
omnia facta esse ab reo , qus in ipsius fuerint potes- 


. 5 Abest et. —"2 Implicata demonstrabit. 


DE L'INVENTION, LIVRE I. 245 
« Vas n'eà deviez pas moins remplir les fonctions dont l'état 
« vous avait chargés. » Il s’agit de décider « si des députés 
« qui ne recoivent pas du trésor public leurs frais de voyage , 
« n'en doivent pas moins remplir leur mission. » Examinez 
encore ici ce que vous fournit la cause de conjecture pu toute 
autre question. L'alternative et la récrimination vous offri- 
ront aussi des. secours. | T 2. 
L’accusateur justifiera, s'il le petii cede sur qui Piowid 
rejette sa faute; sinon il affirmera qu'elle est: personnelle à: 
celui qu'il accuse. D'ailleurs , chacun deit remplir ses devoirs ; 
et de ce que l'un est coupable, ce n'est pas une raison pour 
les autres de le devenir. L'adversaire est-il coupable, accu- 
sez-le à part comme je vous accuse, et ne confondez pas votre 
défense et son accusation. Quand le défendeur aura traité 
toutes les questions incidentes, voici la marche qu'il suivra - 
pour le recours. D'ahord, il démontrera quel est ]e.coupable ;. 
et outre que ce n'est point lui, qu'il n'a.pas pu, qu'il n'a dà: 
agir comme le prétend l’accusateur. Il ne l’a pas pu, ce' qu'il: 
prouvera par les raisons d'intérét qui embrassent aussi la né- 
cessité. Il ne Pa pas dû, l'honneur s'y opposait. Nous déve-' 
lopperons mieux ces deux motifs, en traitant du genre déli-. 
bératif. L'accusé a fait tout ce qui était en son pouvoir, et 
la faute toute entière retombe sur un autre. Mais en chargeant. 
ce dernier, n'oubliez point de faire voir tout le.zèle et tontgla . 
bogne volonté de.l'accusé ; prouvez.le. par. l'empresserhett ^ 
qu'on a toujours remarqué en lui, par ses discours, per'ses 


- 


246 DE INVENTIONE, LIBER II. 


tate; quod minus, quam convenerit, factum sit, culpa id 
alterius accidisse. Deinde in alterius culpa exponenda 
demonstrandum est, quantum voluntatis et studii fue- 
rit in ipso : et id signis confirmandum hujusmodi ; ex 
cetera diligentia, ex ante facüs , aut dictis; atque hoc 
ipsi utile fuisse facere , inutile autem non facere , et 
cum cetera vita magis hoc fuisse consentaneum, quam 
quod propter alterius culpam non fecerit. 

XXX. Si autem nón in hominem certum , sed in 
rem aliquam causa dimovebitur, « ut in bac eadem 
«re, 5i quæstor mortuus esset , et 3deirco legatis 
« pecunia data non esset; » accusatione alterius , et 
culpe depulsione dem!a ceteris similiter uti locis 
oportebit et ex concessionis partibus , qua con- 
venient , assumere : de quibus post nobis dicendum 
erit. Eo autem communes iidem utrisque fere , qui 
superioribus assumtivis ; incident : hi tamen certis- 
sini : accusatoris, facti indighatio ; defensoris, cum 
id aho culpa sit, in ipso non sit, qupplicio * se affici 
non oportere. . 

Ipsius autem rei fit remotio ; cum id, qued datur 
crimini, pegat neque ad se , neque ad officium suum 
reus pertinuisse : nec, si quod in eo sit delictum, 
sibi attribui oportere. Id genus causæ est hujusmodi: 
« Tn ‘eo fœdere , quod factum est quondam cum 
€ Sahnitibüs , quidarh adolescens nobilis porcam 
«. $agtehunt jussu imperatoris: Fesdere autem ab se- 
« net. HOMO» et per here Sen Ri oue de- 


| Reem. 


DE L'INVENTION, LIVRE If. 24^ 
actions passées. D'ulleurs , il éttit aussi üitile à ses intéréts d'en 
agir aitisi, que dahgeteux de nie le pas faire ; et cela s’accordait 
biet mieux avec le reste de sa vie, que de n'avoir pas fait ce 
qu'il a fait par la faute d'autrui. | 


XXX.Sil'on rejette la faute, non sur un homme, muis suc 
tme chose ; si, pour nous servir du mème exemple, «1a mort 
« du questeur a empéché de remettre l'argent aux députés, » 
en retranchant Ía récrimination, on peut se servir également 
des autres lieux communs , et prendre dans le concession 
( oul'aveu du crime) , dont nous traiteronsplus bas , ce qu'elle 
offre de favorable. 


Les lieux communs sont pour l’un et l'autre à peu près les 
mémes que dans les précédentes questions accessoires. Quel- 
ques-uns néanmoins sont particuliers à celle-ci, comme l'in- 
dignation pour l’accusateur ; pour le défendeur, l'injustice 
quil y aurait à punir l'accusé d'une faute dont un autre est 
coupable. | 

Récuser le fait, c’est nier que l’action dont on nous ac- 
cuse dépendit de nous ep aucune manière, et que ce n'est 
point a nous qu'il fet attribuer «e. qu’elle peut avoir de cri- 
winel. Prenons pour exexzple, « ln oause du jeune petricien 
« qui tint la victime, 9 lorsque l'on conclut autrefois un traite 


248 DE INVENTIONE , LIBER II. 

« dito, quidam in senatu eum quoque dicit, qui 
« porcam tenuerit , dedi oportere. » Intentio est, 
« Dedi oportet. » Depulsio est, « Non oportet. » 
Quæstio est, « Oporteatne? » Ratio est, « Non 
« enim meum fuit officium, nec mea potestas, cum 
« et id statis, et privatus essem , et esset summa 
« cum auctoritate et potestate imperator , qui vide- 
« ret, ut satis honestum foedus feriretur. » Infir- 
matio est, « -Át enim quoniam tu particeps factus 
«es in turpissimo foedere summze religionis , dedi 
« te convenit. » Judicatio est, « Cum is, qui po- 
« testaüs nihil habuerit , jussu imperatoris in fce- 
« dere, et in tanta religione interfuerit , * dedendus 
« sit hostibus , necne? » Hoc genus causæ * cum 
superiore hoc differt , quod in illo concedit se reus 
oportuisse facere id , quod fieri dicat accusator opor- 
tuisse , sed alicui rei , aut homini causam attribuit , 
que voluntati suæ fuerit impedimento, sine con- 
cessionis partibus; nam earum major quaedam vis 
est; quod paullo post intelligetur : in hoc autem 
nón accusare alterum, nec culpam inalium transferre 
débet, sed demonstrare, eam rem ? nihil ad se, * ne- 
que ad potestatem , neque ad officium suum pert- 
nuisse aut pertinere. Átque in hoc genere hoc accidit 
novi, quod accusator quoque sæpe ex remotione 
criminationem conficit. « Ut, ‘si quis eum 5 accuset , 
«'qui , eum préetór esset ; in expeditionem ad arma 
« populum vocarit , cum cohsules adessent. » Nam 


1 Dedendusne. — ? A. d Nec. x Á'Nec. — 5 Accusat. j 








DE L'INVENTION, LIVRE II. 249. 
« avec les Samnites. Le.sénat refusa de le ratifier ; on livra aux 
« ennemis Te général, et un sénateur fut d'avis qu'il fallait 
« aussi livrer celui quiavait tenu la victime. » Le jeune homme 
allègue pour sa défense, « qu'il n'y a point de sa faute, puis- 
« que son âge et sa condition privée ne lui donnaient aucun 
« pouvoir, surtout en présence d'un général qui , revétu d'une 
« magistrature et d'une autorité supréme, devait juger si le 
« traité était honorable ou non. » On le réfute ainsi : « Puis- 
« que vous avez pris part aux cérémonies religieuses qui con- 
« sacrent un traité honteux, vous devez être livré. » — Voici 
le point à juger. « Un particulier sans nulle autorité qui, par 
« l'ordre du général, prend part au traité et à des cérémonies 
« si augustes , doit-il être ou non livré aux ennemis? » . 
Ce qui distingue ces deux genres de cause, c'est que dans 
le premier, l'accusé accorde qu'il a dû faire ce dont on l'ac- 
cuse ; meis sans employer la concession, il enattribue la cause 
à quelque chose ou à quelqu'un qui a, enchalné sa volonté. 
Nous montrerons bientôt que la concession emploie des moyens 
plus victorieux. Dans le second , au contraire, il ne doit pas 
accuser un autre, mais démontrer que le fait n'était pas en 
son pouvoir, et ne le regardait nullement. Alors il arrive 
souvent que l'accusateur intente son accusation par le recours; 
comme si, per exemple, « l'on mettait en justice un préteur 
« qui, en présence des consuls, aurait appelé le peuple aux 
«armes, pour quelque expédition. » Car, de méme que 
dans l'exemple précédent, l'accusé déclarait que le fait n'était 


250 DE INVENTIONE, LIBER II. 

ut in superiore exemplo reus ab suo * officio et a sua 
potestate factum * demovebat; sto in hocab ejusofficio 
ac potestate , qui accusatur , ipse accusetor factum 
removendo, hac ipsa ratione confirmat accusationem. 
In hac ab utroque ex omnibus honestaus et utilitatis 
partibus , exemplis , signis , ratiocinando , quid cu- 
jusque officii, juris, potestatis sit, quæri oporte- 
bit, et fueritne ei, quo de agitur , id juris, officii , 
potestatis attributum, necne. Locos autem communes 
ex ipsa re, $1 quid indigmetionis ac conquestionis 
liabebit , sami oportebit. 

XXXI. Concessio est, per quam non factuu ip- 
sum ? probatur ab reo : sed ut ignoscatur, id petitur. 
Cujus partes sunt duz, purgatio et deprecatio. Pur- 
gatio est, per quam ejus , qui accusatur , non factum 
ipsum, sed voluntas defenditur. Ea habet partes tres, 
imprudentiam, casum, necessitudinem. Imprudentia 
est, cum scisse aliquid is, qut arguitur, negatur : 
« Ut apnd quosdem lex erat, ne quis Dianæ vitulum 
« immolaret. Nautæ quidam, cum adversa tempestaté 
« in elio jactarentur, voverunt,si eO portu, quem 
« conspiciebant, potiti essent, ei deo, qui ibi esset, 
«se vitulum immolaturos. Casu erat in eo portu 
« fanum Diane ejus , cui vitulum immolari non li- 
« cebat. Imprudentes legis, cum exissent, vitulum 
« imnrolaverunt. Áccusantur. » Intentio est, « Vi- 
« tulum immolastis ei deo , cui non licebat. » Depul- 
sio est in concessione posta. Ratio est, « Nescminom 

+ Officio ac potestate. = * Bimovebat. —— 5 Émprobetur. 


DE L'INVENTION, LIVRE II. 15r 
xollemett de son ressort; abhsi ,'& l'aceusateur appuie sot 
« accusation, en démontrantgue le fait n'était point du res- 
« sort de celui sur qui on le rejette. » 

. Chacune des deux parties doit chercher par l'honneur, par 
l'intérêt, par des exemples , des signes et des raisons, à établir 
ses devoirs, ses droits, son pouvoir, et mo&trer s'ils portent 
ou non sur le fait dent il s'agit. La mature du fait indiquera 
les lieux communs do l'iudiguaticn ou du pathétique. 


XXXI. La concession a lieu lorsque l'accusé, sans justi- 
fier le fait, supplie qu’on lui pardonne. Il emploie le défaut 
d'intention ou la déprécation. Par le défaut d'intention, il 
ne eherche point à se justifier du. fait, mais de l'intention ; 
et alors il peut alléguer l'igoprance, le hasard où la nécessité. 
Par Vignerance, Faoqusé mesure qu'il ne commissait pas telle 
ou telle chose. « Un peuple avait defenda d'tmmioler des veaux 
« à Diane. Des imatelots, pendant une tempête , firent vœu, 
& s'ils pouvaient entrer dans un port qu'ils apercevaient, d'im- 
« moler un veau à la divinité qu'on y adorait. Sur le port se 
« trouvait par hasard le temple de cette Diane, à laquelle on ne 
« pouvait immoler de veaux. Les matelots débarquent , et, n& 
« connaissent pas la loi, accarsplissent leur vœu ; em les sc- 
« cuse. Vous aves inmolé un veaw à Diane; se sacrifice était 
«.défendu. » — « Oui, mais nous l'ignorions. » -— « Qu'im- 
« porte; puisque vous avez enfrejnt la loi, elle vous con- 


a5a DE INVENTIONE, LIBER II. 


« licere. » Infirmatio est, « Tamen, quoniam fecisu 
« quod non licebat, ex lige supplicio dignus es. » 
Judicatio est, « Cum id fecerit, quod non oportuerit, 
« et id non oportere nescierit, sitne supplicio di- 
« gnus ? » Casus autem inferetur in concessionem , 
cum demonstrabitur aliqua fortunz vis voluntati ob- 
stitisse, ut in hac: « Cum Lacedæmoniis lex esset, 
« * ut, hostias nisi ad sacrificium quoddam redemtor 
præbuisset, capitale esset, hostias is, qui redeme- 
« rat, cum sacrificii dies instaret, in urbem ex agro 
coepit agere. Tum subito magnis commotis tempes- 
«tatibus fluvius Eurotas is, qui propter Lacedæmo- 
« nem fluit, ita magnus et vehemens factus est, ut 
« eo traduci vicümz nullo modo possent. Redemtor, 
« suz voluntatis ostendendz causa , hostias constituit 
« omnes in littore, ut, qui trans flumen essent, videre 
« possent. Cum omnes studio ejus subitam fluminis 
« maguitudinem scirent fuisse impedimento , tamen 
« quidam capitis arcessierunt. » Intentio est, « Hos- 
« tix , quas debuisti ad sacrificium, presto non fue- 
« runt. » Depulsio est, concessio. Ratio, « Flnmen 
« enim subito accrevit, et ea re traduci non potue- 
« runt. » Infirmatio est, « Tamen, quoniam, quod 
« lex jubet, factum non est, supplicio dignus es. » 
Judicatio est, « Cum in ea re redemtor contra legem 
* fecerit , qua in re studio ejus subita fluminis ob- 
« stiterit magnitudo , ewpplicione dignus sit? - 
XXXII. Necessitudo eutezm infertur; cum. vi qua- 


* Abest uf. — * Aliquid fecerit. 


= 


a 





DE L'INVENTION, LIVRE IL 255 

« démbe, » Il s'agit de décider « si celui qui a enfreint une 
« défense qu'il ne connaissait pas, doit être puni. » : 

' On allégue le hasard, quand on veut prouver que des évé- 
nemens imprévus se sont opposés à notre volonté. « A Lacé- 
« démone, la loi condamnait à mort celui qui s'était chargé 
« de fournir les victimes pour certains sacrifices , s’il manquait 
« à ses engagemens. À l'approche du jour de la fête, l'entre- 
« preneur se disposait à faire conduire les victimes à la ville, 
« quand. tout à coup l’Eurotas, qui coule près de Sparte, 
« gonflé par des pluies extraordinaires, se déborda avec tant 
« de violence, qu'il fut impossible de faire passer les victimes. 

« L'entrepreneur, pour prouver sa bonne volenté , range 
« toutes les victimes sur le rivage, de maniere qu'on pouvait 
« les apercevoir de l'autre bord. Chacun était convaincu que 
« le débordement du fleuve avait seul arrêté le zèle de cet 
« homme : néanmoins , on le cite en justice. On l'accuse 
« de n'avoir pas fourni les victimes nécesseires au sacrifice. » 
Il en eonvient; mais il'ajoute : « Le débordement subit de 
« PEurotaë m'a empêché de les conduire à la ville. » On 
loi répond : « Vous n'en avez pas moins manqué à ce que 
« prescrit la loi ; vous méritez donc d'étre puni. » Voici 
le point à juger : « L'entrepreneur a manqué à la loi; mais 
« le débordement du fleuve a seul arrêté son zèle ; doit-il être 
«puni? » | 
. XXXIL On.allègue la nécessité, quand l'accusé montre 
qu'il n’a cédé. qu’à l'ascendant irrésistible d'une force supé- 


254 DE INVENTIONE , LIBER 1I. 
dam reus id, quod fecerit, fecisse defenditur, hoe 
modo : « Lex est apud Rhodios, ut, si qua rostrata 
«in portu navis deprehensa sit, publicetur. Cum 
« magna in alto tempestas esset; vis ventorum , invitis 
« nautis, Rhodiorum in portum navim coégit. Quæs- 
« tor navim populi vocat. Navis dominus negat pu- 
« blicari oportere. » Intentio est, « Rostrata navis in 
« portu deprehensa est. » Depulsio est, concessio. 
Rauo, « Vi et necessario sumus in portum coacti. » 
Infirmatio est, « Navim ex lego t&men popul: esse 
« oportet. » Judieauo est, «. Cum rostratam navim 
« in portu deprehensam lex publicerit , cumque bæc 
« navis , iyvitis nautis , vi tempestatis in portum con- 
« jecta sit; oporteatne eam publicari. » Horum trium 
generum idcircounumin locum contulimus exempla, 
quod similis in ea præcepuio argumentorum traditur. 
Nam in his omnibus primum, si quid res ipsa dabit 
facultatis, conjeeturam induci ab accusatoré oporte« 
bit, ut id, quod voluntate letum negabitur, consulto 
factum , suspicione aliqua demonstretur : deimda 
inducere definiionem, necesgiuadinie , aui cajus , 
aut imprudentiæ , et exempla ad eam definitionem 
adjungere , in quibus imprudentia fuisse videatur , 
aut casus , aut necessitudo , et ab his id , quod reus 
inferat , separare ( id est, ostendere dissimile ), 
quod levius , facilius , non ignorabile, non fortui- 
tum , non con fuerit : postea demonstrare , 
potuisse vitari; et hao rotione provider] peruisée , 
si hoe , aut ilud : fecisset; aut! wv sie feciaset y 


! Fecisset , aut nisi fecisset. 


DE L'INVENTION, LIVRE 11. 255 
rieurb. « ° Une lai des Rhodiens ordounait de faire vendre tout 
« vaisseau armé d'un éperon qu'on trouverait dans leur port. 
« Une tempête furieuse s'éléve, et la violence du vent oblige 
« un vaisseau de relâcher malgré lui dans le port de Rhodes. 
« Le questeur réclame ce vaisseau , comme appartenant 
« au peuple. Le propriétaire s'oppose à la vente. L’accusa- 
« teur dit qu'un vaisseau à éperon a été saisi dans le port. » 
L'accusé en convient, mais il répond « qu'il y a été poussé 
« malgré lui par une nécessité insurmontable. » On le réfute 
en disant, « qu'aux termes de la lai, le vaisseau n’en appat- 
« tient pas moins au peuple. » Il s'agit de décider « si, lors- 
« que la loi ordonne de vendre tout vaisseau armé d'un épe- 
« ron qu'on saisira dans le port, un vaisseau que les vents y 
« ont poussé, malgré l'équipage, doit être vendu. » 

Nous avons réuni les exemples de ces trois genres, parce 
que la marche du raisonnement est la méme pour chacun d'eux ; 
car, dans tous trois, l'accusateur doit, s'il est possible, em- 
ployer des conjectures pour faire soupconner l'accusé de n'a- 
voir pas fait sans intention une action qu'il prétend indépen- 
dante de la volonté de cet aecusé; qu'il définisse ensuite 
la nécessité, le hasard ou l'ignorance ; qu'il appuie sa défi- 
nition d'exemples frappans, par l'un ou l'autre de ces trois 
incidens; qu’il les distingue bien du fait dont il s'agit; 
qu'il montre la différence qui se trouve entre eux ;. par exem- 
ple : l'affaire en question est bien moins importante, bien 
plus facile, et n'offre aucun prétexte d’ignorance, de hasard 


556 DE INVENTIONE, LIBER II. 


præcaveri : et definitionibus ostendere , non hanc 
imprudentiam , aut casum , aut necessitudinem , sed 
inertiam , negligentiam , fatuitatem nominari opor- 
tere. Àc si qua necessitudo turpitudinem videbitur 
habere , oportebit per locorum communium impli- 
cationem redarguentem demonstrare , quidvis per- 
pet, mori denique satius fuisse, quam ejusmodi 
necessitudini obtemperare. Átque tum ex his locis, 
de quibus in negotii parte dictum est, juris et 
æquitatis naturam oportebit quærere , et, quasi 
in absoluta juridiciali, per se hoc ipsum ab re- 
bus omnibus separatum considerare. Átque hoc in 
loco , si facultas erit , exemplis ut. oportebit, qui- 
bus in simili excusatione non sit ignotum : et con- 
tentione , magis illis ignoscendum fuisse : et ex de- 
liberationis parübus, turpe aut inutile esse concedi 
eam rem, qua ab adversario commissa sit ; permag- 
num esse et magno futurum detrimento, si ea res ab 
iis , qui potestatem habent vindicandi , neglecta sit. 


XXXIII Defensor autem conversis omnibus 
bis partibus poterit uti. Maxime autem in volun- 
tate defendenda commorabitur, et in ea re adau- 
genda, qus voluntati fuerit impedimento : et se 
plus, quam fecerit, facere non potuisse : et in 
omnibus rebus voluntatem spectari oportere : et se 
convinci non posse , quod non absita culpa : et ex suo 
nomine: communem hominum infirmitatem posse 


DE L'INVENTION, LIVRE II. 257 
eu de nécessité. D'ailleurs il était facile de l'éviter ; il ne fal- 
lait que faire ou ne pas faire telle ou telle chose pour la pré- 
voir et la prévenir; et les définitions montreront qu’on ne 
doit point donner à une telle conduite les noms d'ignorance , 
de hasard ou de nécessité, mais l'appeler indolence, inatten- 
tion et sottise. 

Cette nécessité entraîne-t-elle avec elle quelque chose dehon- 
teux , prouvez alors, par un enchainement de lieux communs, 
qu'il valait mieux tout souffrir , mémela mort , que de s'y sou- 
mettre. Établissez ensuite, d'aprés les lieux dont nous avons 
parlé dans la cause matérielle, la nature du droit et de l'équité; 
et, comme dans la question juridiciaire absolue, considérez le 
fait isolément et en lui-même. C'est alors qu'il faut, si vous le 
pouvez, prouver par des exemples que de pareilles excuses 
n'ont point été recues; que cependant les circonstances leur 
donnaient un nouveau poids. Prouvez , par les parties de la 
délibération '', qu'il y aurait de la honte ou du danger à par- 
donner une telle faute, et que la négligence des magistrats, 
chargés de la punir, entraînerait les plus funestes conséquences. 

XXXIII. Le défendeur peut rétorquer toutes ces parties 
contre son adversaire ; mais il s'occupera surtout de justifier 
l'intention et de développer les obstacles qu'il a rencontrés. 
Il n'a pas été en son pouvoir d'en faire davantage : c'est l'in- 
tention qu'il faut en tout considérer. On ne peut le convaincre 
d’être coupable : on:egndamne ilenc en lui la faiblesse bu- 


maine. Quelle'mainité:de qussie tàn maueenc! L'accasnieur. 
II. 17 


258 DE INVENTIONE, LIBER Il. 
damnari, Deinde nihil indiguius esse , quam eum, 
qui culpa careat , supplicio non carere. Loci autem 
communes accusatoris , unus in confessione , et alter, 
quanta potestas peccandi relinquatur , si semel insti- 
tutum sit , ut non de facto , sed de facti causa quæra- 
tur : defensoris conquestio calamitatis ejus, quz non 
culpa , sed #i majore quadam acciderit, et de for- 
tunz potestate , et hominum infirmitate, et uti suum 
animum , non eventum considerent. In quibus om- 
nibus conquestionem suarum ærumnarum , et crude- 
litatis adversariorum indignationem inesse oportebit. 
Ac neminem mirari conveniet , si aut in his , aut in 
aliis exemplis scripti quoque controversiam adjunc- 
tam videbit. Quo de genere post erit nobis separatim 
dicendum , propterea quod quadam genera causa- 
rum , simpliciter et éx sua vi considerantur : quedam 
autem sibi aliud quoque aliquod controversiz genus 
assumunt. Quare omnibus cognitis , non erit difficile 
in unamquamque causam transferre, quod ex eo 
quoque genere conveniet : ut in his exemplis conces- 
sionis inest omnibus scripti controversia ea , quæ 
ex scripto et sententia nominatur : sed quia de con- 
cessione loquebamur, in eam præcepta dedimus: 
Alio autem loco de scripto et sententia dicemus. 
Nuncin alteram concessionis partem considerationem 
intendemus. 

XXXIV. Deprecatio est, in qua non defensio 
facti , sed ignoscendi postulatio continetur. Hoc ge- 
Aus vix in judicio probari potest, ideo quod concesso 





DE L'INVENTION, LIVRE II. 259 
tirera des lieux communs, d’abord de l’aveu de l'accusé, et 
de la licence qu’on laisse au crime, si l'on établit une fois 
qu'il faut juger non le fait, mais l'intention. Le défendeur 
se plaindra d'un malheur causé, non par sa faute, mais par 
une force superieure; du pouvoir de la fortune et de la fai- 
blesse humaine : ce n'est pas l'événement, ce sont ses motifs 
qu'il faut considérer. Que le défendeur, en déplorant son in- 
fortune , excite l'indignation contre la cruauté de ses ennemis. 
Et qu'on ne s'étonne point ici de me voir mêler à cet exemplé 
ou à d'autres la discussion du sens littéral de la loi. Il nous 
faudra plus bas traiter à part cette question ; car s'il est des 
causes qui veulent étre considérées isolément et en elles- 
mémes , il en est d'autres qui offrent une complication de dif- 
férentes espèces de questions. 

Ainsiil ne sera point difficile d'appliquer à chaque cause 
les règles des genres qu’elle embrasse. Dans tous ces exemples 
de concession se trouve mélée la question littérale , qui prend 
son nom de la lettre et de l'esprit : comme nous traitions de 
la concession, nous en avons donné les règles ; nous, traite- 
rons ailleurs de l'esprit et de la lettre. Voyons maintenant une 
autre partie de la concession. 


( 


4 s 
" 


XXXIV. Par la déprécation, l'oreteur ne  ehérche point 
a se justifier, mais il supplie qu'on lui pardonne. Je ne suis 
point d'avis d'employer ce moyen devant les tribunaux ; car, 


260 DE INVENTIONE , LIBER II. 


peccato , difficile est ab eo, qui peccatorum vindex 
esse debet, ut ignoscat , impetrare. Quare parte ejus 
generis, cum causam non in eo constitueris , uti 
licebit. Ut si pro aliquo claro , aut forti viro , cujus 


in rempublicam multa sint beneficia, dixeris; possis, 


cum videaris non uti deprecatione , uti tamen , ad 
hune modum: « Quod si, judices, hic pro suis bene- 
« ficiis , pro suo studio , quod in vos habuit semper, 
« tali suo tempore, multorum suorum recte factorum 
« causa, uni delicto ut ignosceretis postularet , tam 


« dignum vestra mansuetudine, quam virtute hujus, 


« esset, judices, a vobis hanc rem, hoc postulante, 


« impetrari. » Deinde augere beneficia licebit , et ju- 


dices perlocum communem ad ignoscendi voluntatem 
* deducere. Quare hoc genus, quamquam in judiciis 
non versatur, nisi quadam ex parte : tamen quia et 
pars ipsa inducenda nonnumquam est, et in senatu, 
aut ? in consilio sepe omni in genere tractanda , in 
id quoque precepta ponemus. « Nam in senatu, et 
« in consilio de Syphace diu deliberatum est; et de 
« Q. Numitorio Pullo apud L. Opimium et ejus con- 
«silium diu dictum est. Et magis in hoc quidem 


«ignoscendij quam cognoscendi postulatio valuit. 


« Nam semper animo bono se in populum romanum 
« fuisse non tam facile probabat , cum conjecturali 
« constitutione uteretur , quam ut, propter posterius 
« beneficium , sibi ignosceretur, cum deprecationis 
« partes adjungeret. » 


! Docere. — ? Abest én. | ense 


^ 





DE L'INVENTION, LIVRE 1l. 26! 
le crime une fois avoué, il est difficile d’en obtenir le pardon 
de celui qui ddit le punir. Voulez-vous employer ce moyen 
de défense, n'allez point en faire votre argument. principal. 
. Mais si vous parlez pour un homme illustre par sa valeur ou 
par lesservices qu'il a rendus à l'état, vous pouvez avoir re- 
cours à la déprécation , sans paraître en faire usage, comme 
dans cet exemple : « Magistrats, si, en faveur des services de 
.« l'accusé, en faveur de son dévouement pour vos intérêts, 
« il venait aujourd’hui, pour prix de tant d'actions éclatantes, 
« réclamer votre indulgence pour une seule faute, il serait 
« digne de votre clémence et de votre vertu d'accorder une 
« telle gráce à un tel suppliant. » Vous pouvez ensuite exa- 
gérer ses services, et, par des lieux communs, disposer les 
juges à la clémence. 

Quoique ce moyen ne soit que rarement employé dans les 
tribunaux, si ce n'est comme accessoire, néanmoins comme 
on est quelquefois obligé d'y avoir recours et de lemployer 
dans toutela cause, devant le sénat ou les assemblées , nous 
en tracerons les régles. « Lorsque le sénat et l'assemblée déb- 
« bérérent sur le sort de Syphax , :* et le préteur L. Opimius 
« sur celui de Q. Numitorius Pullus , la décision fut longue , 
« et le coupable réussit moins à se justifier qu'a obtenir son, 
. « pardon. Il ne fut pas aussi facile de prouver; par la question 
« de conjecture, qu'il avait été toujours.dévoué aux intérêts 
« de Rome, que d'obtenir par la déprécation le pardon de 


« sa faute, en faxeur de ses derniers services. » 


262 DE INVENTIONE , LIBER II. 

. XXXV. Oportebit igitur eum , qui sibi ut ignos- 
catur , postulabit , commemorare , si qua sua poterit 
heneficia , et si poterit, ostendere, ea majora esse, 
quam hzc , quz deliquerit, ut plus ab eo boni quam 
mali profectum esse videatur : deinde majorum suo- 
rum beneficia , si qua exstabunt, proferre : deinde 
ostendere , non odio , neque crudelitate fecisse , quod 
fecerit , sed aut stultitia, aut impulsu alicujus, aut 
aliqua honesta, aut probabili causa : postea polliceri; 
et confirmare, se et hoc peccato doctum, et beneficio 
eorum , qui sibi ignoverint , confirpatum , omni 
tempore a tali ratione abfuturum : deinde spem ,os- 
tendere , aliquo se in loco, magno us, qui sibi 
concesserint , usui futurum : postea, si facultas. erit, 
se, aut consanguineum , aut jam a majoribus in- 
primis amicum esse demonstrabit; et amplitudinem 
suæ: voluntaüs, et nobilitatem generis eorum , qui se 
salvum velint, et dignitatem ostendere , ét cetéra ea, 
qua personis ad honestatem et amplitudinem 'sunt 
attributa, cum conquestione , sine arrogantia ,..in 
se esse demonstrabit , ut honore potius aliquo, quam 
ullo supplicio dignus esse videatur : deinde ceteros 
proferre, quibus majora delicta concessa sint. Ac 
multum proficiet , si se misericordem iu potestate , 
et propensum ad ignoscendum fuisse ostendet. Atque 
ipsum illud peccatum erit extenuandum , ut quam 
minimum obfuisse videatur; et aüt turpe, aut inutile 
demonstrandum , tali de homine supplicium sumere. 
Deinde locis communibus misericordiam captare 


eh 


DE L'INVENTION, LIVRE Il. 263 
XXXV. Demandez-vous qu'on vous pardonne, rappelez 
les services que vous pouvez avoir rendus, montrez qu'ils sur- 
passent de beaucoup votre faute; qu'enfin, vous avez fait 
plus de bien que de mal. N'oubliea point non plus les services 
de vos ancétres. Prouvez que vous n'étiez guidé ni par la 
haine ni par la cruauté; mais que vous étiez égaré, séduit; 
que vous aviez des motifs honorables, ou qui, du moins, 
n'avaient rien de criminel. Promettez, jurez, qu'instruit par 
votre erreur méme, affermi dans le chemin de la vertu par 
un pardon si généreux, on n'aura plus désormais rien de pa- 
reil à vous reprocher, et montrez l'espoir d'étre quelque jour 
utile à ceux qui vous auront pardonné. 


Rappelez encore, si vous le pouvez, que les liens du sang 
et l'amitié de vos ancétres vous unissent étroitement. Relevez 
votre dévouement , la haute naissance, la dignité de vos pro- 
tecteurs ; usez, en un mot , de tous les lieux relatifs à l'hon- 
neur et à l'amplification attribués aux personnes. Employez 
les prières, mais sans hauteur, et prouvez qu'on vous doit 
des récompenses plutôt que des chátimens. Nommez ceux à qui 
en a pardonné des délits plus graves. Un de vos moyens les 
plus victorieux sera de démontrer que lorsque vous étiez armé 
de la puissance et de l'autorité, vous étiez bon et porté à.la 
clémence. Enfin, atténuez votre faute, rendez-la la plus lé- 
gere possible, et vous faites voir ainsi qu'il ne serait pas moins 


honteux qu'inutile de vous punir pour si peu. de chose 


26 DE INVENTIONE , LIBER Il. 
oportebit ex iis preceptis , quæ in ‘primo libro sunt 


- 


exposita. 


XXXVI. Adversarius autem malefacta augebit : 
nihil imprudenter, sed omnia ex crudelitate et ma- 
liüa facta dicet : ipsum immisericordem, superbum 
fuisse: et, si poterit, ostendet, semper inimicum" 
fuisse, et amicum fieri nullo modo posse. Si bene- 
ficia proferet : aut aliqua de causa facta , non propter 
benivolentiam demonstrabit ; aut postea odium esse 
acre susceptum , aut illa omnia maleficiis esse deleta : 
aut leviora beneficia, quam maleficia : aut, cum be— 
neficiis honos habitus sit, pro maleficio poenam sumi 
oportere. Deinde turpe esse, aut inutile, ignosci. 
Deinde, de quo ut potestas esset, sepe optarint , in 
eum potestate non uti, summam esse stultitiam : et 
cogitare oportere, quem animum in eum, vel quale 
odium. habuerint. Locus autem communis erit, in- 
dignatio maleficii , et alter, eorum misererá oportere, 
qui propter fortunam , non propter malitiam in mi- 
seriis sint. Quoniam igitur in generali constitutione 
tamdiu propter ejus parüum multitudinèm commo- 
ramur, ne forte varietate et dissimilitudine rerum 
diductus alicujus animus in quemdam errorem defe- 
ratur : quid etiam nobis ex eo genere restet, et quare 
restet, admonendum videtur. Juridicialem causam 
esse dicebamus, in qua æqui et iniqui natura, præmii 
aut pœnæ ratio quæreretur. Eas causas, in quibus 
de æquo et iniquo quzritur, exposuimus. Restat 
nunc , ut de przmio et de poena explicemus. 





DE L'INVENTION, LIVRE II. 265 

Pour attendrir vos auditeurs, employez les moyens que 
nous avons indiqués au premier Livre. 

XXXVI. L'adversaire, de son côté, exagérera la faute: 
le coupable n'a rien fait par ignorance, mais il a agi par mé- 
chanceté , par cruauté, par orgueil, par inhumanité. Il a 
toujours été, dira-t-il, mon ennemi ; il ne changera jamais de 
sentimens. Ces services qu'il rappelle , est-ce à sa bienveil- 
lance ou à des vues intéressées que je les dois? Ils ont été 
suivis de la haine, il les a effacés par tout le mal qu'il m'a 
fait; ou ses services sont bien au-dessous des fautes qu'il a 
commises ; ou bien ses services ont été récompensés ; il faut 
punir ses fautes : le pardon serait aussi honteux qu'inutile. - 

Quelle folie de me point user de votre pouvoir sur celui 
que vous avez désiré si souvent avoir entre vos mains! Rap- 
pelez-vous quels étaient pour lui vos sentimens , quelle était 
votre haine. L'indignation qu'inspire le crime de l'accusé four- 
nit à l'orateur un lieu commun; la pitié qu'excite le malheur 
dà à la fortune , et nori à sa propre faute, lui en fournira un 
second. 

" La multitude des divisions de la question générale nous a 
forcés de nous y arréter aussi long-temps. Comme la différence et 
la variété des objets qu'elle embrasse pourraient nous conduire 
à quelque erreur, il me paraît indispensable de prévenir mes 
lecteurs de ce qui me reste a dire sur ce genre de question, 
et de leur expliquer mes motifs. La question juridiciaire traite, 
avons-nous dit, de la nature du juste et de l'injuste, des chá- 


266 DE INVENTIONE , LIBER I. 


XXXVII. Sunt enim multe causæ, que ex præ- 
mii alicujus petitione constant. Nam et apud judices 
de praemio sæpe accusatorum quaeritur, et a senatu , 
aut ' a consilio aliquod premium sepe petitur. Ac 
neminem conveniet arbitrari, nos, cum aliquod 
exemplum ponamus, quod in senatu agatur, ab ju- 
diciali genere exemplorum recedere. Quicquid enim 
de homine probando , aut improbando dicitur , cum 
ad eam dictionem sententiarum quoque ratio accom- 
modetur, id non, ? etsi per sententiæ dictionem agi- 
. tur, deliberativum est : sed quia de homine statuitur, 
judiciale est habendum. Omnino autem qui diligenter 
omniurh causarum vim et naturam cognoverit , tuns 
à genere, tum euam forma eas intelliget dissidere. 
Ceteris autem partibus aptas inter se omnes, et 
aliam in aliam implicatam videbit. Nunc de premiis 
consideremus. « L. Licinius Crassus consul quosdam 
« in citeriore Gallia, nullo illustri, neque certo 
« duce, neque eo nomine , neque numero przditos, 
« ut digni essent, qui hostes populi * rotnani dice- 
« rentur; quod tamen excursionibus et latrociniis 
« infestam provinciam redderent, consectatus est , et 
« confecit : Romam 5 redit : triumphum ab senatu 
« postulat. » Hic , ut et in deprecauone, nihil ad nos 

1 Abest a. — ? Si, — 3 Genere primo. — 4 Romani esse. — 5 Bediit 


DE L'INVENTION, LIVRE IL. 267 
timens et des récompenses. Nous avons développé la première 
partie; il faut donc maintenant parler des peines et des récom- 
penses. 


- XXXVII. Un grand nombre de causes ont pour but la 
demande d'une récompense; car souvent les tribunaux s'oc- 
cupent des récompenses dues à l'accusateur, et l'on sollicite 
ces récompenses devant le sénat ou devant une assemblée. 
Qu'on n’aille pas croire qu'én parlant d’affaires portées devant 
les Sénat, nous sortions du genre judiciaire. En effet, la louange 
et le blàme, quand il s'agit de porter ensuite un jugement, ne 
sont plus du genre délibératif , mais bien du genre judiciaire, 
puisqu'il faut énoncer un. avis et prononcer sur un citoyen, 
Avec une connaissance approfondie de la pature de toutes ces 
causes, il est facile de vol. que, malgré Ia différence de leur 
génré et'h ‘variété’ de formes qu'elles présentent, elles n'en 
sont ‘pas mioins liées entre elles par les rapports les plus in- 
times. Obcupons-nous d'abord des récompenses. « Le consul 
« L. Licinius Crassus poursuit et parvient à détruire dans la 
« Gaule citérieure des brigands qui, sous différens chefs in- 
« connus, dévastgjent. la province par dea courses continuelles, 
« sansqueleur nombreetleur nom permissent de les considérer 
« comme ennemis du peuple romain. Le consul, à son retour 
« à Rome, demanda au sénat les honneurs du triomphe. » 
Ici, comme dans la déprécation , il ne s'agit point d'établir le 


point à juger par des raisonnemens et des réfutations; car, 


268 DE INVENTIONE, LIBER II. 


attinet, rationibus et infirmationibus rationum sup- 
ponendis, ad judicationem pervenire : propterea 
quod, nisi alia quoque incidet constitutio , aut pars 
constitutionis, simplex erit judicatio, et in quæs- 
tione ipsa continebitur. In deprecatione, hujusmodi : 
« Oporteatne poena affici? » In bac, hujusmodi: 
« Oporteatne premium dari? » Nunc ad premu 
quæstionem appositos locos exponemus. 

XXXVIIL Ratio igitur præmii quattuor est im 
partes distributa; in beneficia, in hominem , in præ- 
mii genus, in facultates. Beneficia ex sua vi, ex 
tempore, ex animo ejus, qui fecit, ex casu consi- 
derantur. Ex sua vi quærentur hoc modo : magna, 
au parva; facilia, an difficilia; singularia sint, an 
vulgaria ; vera, an falsa quadam ex ' ratione hones- 
tentur : ex tempore autem , si' tum , cum indigere- 
mus; cum ceteri non possent, aut nollent opitulari ; 
si tum, cum spes deseruisset : ex animo, si non sui 
commodi causa, sed eo consilio fecit omnia, ut hoc 
conficere posset : ex casu , si non fortuna, sed indus- 
tria factum videbitur, aut si industrie fortuna obsti- 
tisse. In hominem autem ; quibus rationibus vixerit , 
quid sumtus in eam rem aut laboris insumserit; ec- 
quid aliquando tale fecerit, num alieni laboris, aut 
deorum bonitatis premium sibi postulet; num ali- 
quando ipse talem ob causam præmio aliquem affici 
negarit oportere; aut num jam satis pro eo, quod 
fecerit , honos habitus sit; aut num necesse fucrit ei 


8 Orationc. 


. ei 





DE L'INVENTION, LIVRE IL 269 
s’il ne se présente point de question ni de partie de question 
incidente, le point à juger est simple et renfermé dans la de- 
mande elle-même. Dans la déprécation, on s'exprimerait ainsi : 
« Faut-il punir? » Ici on dira: « Faut-il récompenser ? » 


- 


* 


XXXVIII. Pour traiter des lieux qui appartiennent à la 
question des récompenses , on la divise en quatre parties; les 
services , l'homme, le genre de récompense et les richesses. On 
considère les services en eux-mêmes, relativement aux cir- 
constances , à l'intention du bienfaiteur et à la fortune. On les 
considere en eux-mémes, en examinant s'ils sont importans 
ou non, faciles ou difficiles; rares ou communs; ennoblis ou 
non par leur motif, relativement aux circonstances. On exa- 
mine si l'on nous a rendu des services quand nous en avions 
besoin; quand les autres ne pouvaient ou ne voulaient nous 
les rendre; quand nous avions perdu tout espoir. Pour ce qui 
regarde l'intention, on recherche si les services n'ont pas pour 
principe des vues intéressées , mais bien le désir sincére d'étre 
utile. On examine aussi, quant à la fortune, si les services ne 
sont point dus au hasard, mais à une volonté bien décidée, 
ou si la fortune ne s'opposait point aux effets de cette bonne 
volonté. 

Quant à l'homme, on s'attache à découvrir sa conduite, à 


connaitre quels frais ou quels soins lui a coütés cette action ; 


E 


270 DE INVENTIONE, LIBER II. 


facere 1d, quod fecerit ; aut num hujusmodi sit fac- 
tum , ut, nisi fecisset , supplicio dignus esset, non, 
quia fecerit, premio; aut num ante tempus praemium 
petat, et spem incertam certo venditet pretio ; aut 
num, quo supplicium aliquod vitet , eo premium 
postulet , uti de se prejudicium factum esse videatur. 


XXXIX. In premii autem genere, quid, et quan- 
tum , et quamobrem postuletur , et quo , et quanto 
quaeque res praemio digna sit, considerabitur: deinde, 
apud majores quibus hominibus, et quibus de causis 
talis honos sit habitus , queretur: deinde, ne is honos 
nimium pervagetur. Átque hic ejus , qui contra ali- 
quem premium postulantem dicet , locus erit com- 
munis; præmia virtutis et officii sancta et casta esse 
oportere , neque ea aut cum improbis communicari, 
aut in medioeribus hominibus pervulgari : et'älter,' 
minus honiines virtütis cupidos fore, virtutis pr#-: 
mio pervulgato ; quz enim rara et ardua sunty-ea tx. 
premio pulcra et jucunda hominibus videri : et ter-. 
tius, si existant, qui apud majores nostros ob egre- 
giam virtutem tali honore dignati sunt : nonne de sua 
gloria , cuin pari praemio tales liomines affici videant, 


DE L'INVENTION, LIVRE II. 271 

s'il en a déjà fait une semblable; s'il ne réclame point le prix 
d'une action dont un autre est l'auteur , ou qui n'est due qu'aux | 
dieux ; s'il n'a pas lui-même refusé d'accorder une récompense 
méritée par les mêmes moyens ; si l'honneur qu'il s'est acquis 
par ses services ne l’a point assez récompensé ; s'il n'a pas été 
forcé d'agir comme il a fait; ou si son action n'est point de 
nature à ne mériter aucune reconnaissance, quoiqu'il eût mé- 
rité d'étre puni pour n'avoir point fait cette action dontil se glo- 
rifie ; enfin, s’il ne demande point ttop tôt sa récompense, et 
ne vend point hà un prix assuré des espérancés incertaines ; ou 
s'il ne se hâte point de demander une récompense, pour se 
dérober à quelque peine par ce jugement anticipé. 

XXXIX. Pour le genre de récompense, on examine celle 
qu'on exige, l’action pour laquelle on la réclame, et le prix 
que mérite chaque action. On va chercher ensuite dans l'anti- 
quité, à quels hommes et à quelles actions on a accordé un 
pareil honneur, qu'on ne doit pas prodiguer. 

Celui qui s'oppose à ce qu'on accorde la récompense, a pour 
lieux communs, d'abord, que les récompenses de la vertu et 
du zèle , dans l'accomplissement de ses devoirs, sont sacrées, 


qu'on ne doit point les accorder au crime ni les prodiguer à la 


médiocrité; ensuite , que les hommes deviendront moins épris 
de la vertu, si on les famriliarise avec les récompenses, qui 
seules prêtent des charmes à des actións difficiles et pénibles 
en elles-mêmes; enfin, que si, dans l'antiquité , on rencontré 
quelques grands hommes dont le mérite supérieur a été honoré 


272 DE INVENTIONE, LIBER II. 


* delibari putent? et eorum enumeratio , et cum eis; 
quos contra dicat , comparatio. Ejus autem , qui præ- 
mium petet, facti sui amplificatio, et eorum, qui 
præmio affecti sunt , cum suis factis contentio. Deinde 
ceteros a virtutis studio repulsum iri, si ipse premio 
non sit affectus. Facultates autem considerantur, cum 
aliquod pecunierum premium postulatur : in quo 
? utrum copia sit agri , vecügalium , pecuniz , an pe- 
nuria, consideratur. Loci communes, Facultates 
augere, non minuere oportere, et Impudentem esse, 
qui pro beneficio non gratiam, verum mercedem 
postulet : contra autem de pecunia ratiocinari, sor- 
didum esse ,cum de gratia referenda deliberetur : et 
se non pretium pro facto, sed honorem (ita ut fac- | 
titatum sit) pro beneficio postulare. Ac de consti- 
tuüonibus quidem satis dictum est : nunc de iis 
controversiis, quæ in scripto versantur, dicendum 
videtur. 


- XL. In scripto versatur controversia , cum ex 
. scriptionis ratione aliquid dubii nascitur. Id fitex am- 
biguo, ex scripto et sententia, ex contrariis legibus , 
ex raüocinatione, ex definiuone. Ex ambiguo autem 
nascitur controversia, cum quid senserit scriptor, 


* Deliberare. — ? Copiane. 


DE L'INVENTION, LIVRE II. 275 
d’une pareille distinction, le public croirait que l’on veut 
répandre des doutes sur la gloire des anciens, en accordant 
.la même récompense à des hommes tels que ceux qui la recoi- 
vent aujourd'hui. L'orateur comptera ces héros ; il les opposera 
aux adversaires. Celui qui demande la récompense, dévelop- 
pera son action, et la comparera avec celles qu'on a honorées 
d'une récompense. N'est-ce pas, ajoutera-t-il, décourager la 


vertu, que de me refuser le prix de mes efforts? 


On parle des richesses, quand il s'agit d'une récompense 
pécuniaire. Alors on examine si le pays qui l'accorde est riche 
ou non en propriétés, en revenus, en argent comptant : les 
lieux communs sont qu'il faut augmenter et non diminuer les 
richesses d'un état; qu'il y a de l'impudence à ne point se 
contenter de la récompense, et à trafiquer de ses bienfaits. 
L'adversaire répondra qu'une basse avarice peut seule calculer, 
quand il s'agit d'étre reconnaissant ; qu'il ne vend point ses 
services, mais qu'il réclame l'honneur qu'il a mérité. C'est 
assez parler des questions : passons aux discussions qui portent 
sur le sens littéral. 


. XL; Cette question , sar le sens Jittéral, a lieu quand un 

texte offre guglque chose de doutenx : ce.qui vient de termes 

ambigus, da Ja lettre et de l'esprit de la loi , de lois contraires, 

delanalagie.eu:de mots mal définis. Ln question naît de l’am- 

higuité des termes, quand le texte offre/deux ou plusieurs sens 

qui empéchent de distinguer l'intention de celui qui a écrit. 
II. 18 


274 DE INVENTIONE, LIBER II. 


obscurum est, quod scriptum duas pluresve res signi- 
ficat, ad hunc modum : « Paterfamilias, cum filium 
« heredem faceret, vasorum argenteorum centum pon- 
« do uxori suæ sic legavit: HERES MEUS UXORI MEE 
à VASORUM ARGENTEORUM PONDO CENTUM , QU £ VO— 
« LET, DATO. Post mortem ejus, vasa magnifica et pre- 
«tiose cælata petit a flo mater. Ille se, qua ipse 
« vellet, debere dicit. » Primum, si fieri poterit, de- 
monstrandum est, non esse ambigue scriptum ; prop- 
terea quod omnes in consuetudine sermonis sic uti 
: soleant eo verbo uno pluribusve ? in eam senten- 
tiam , in quam is, qui dicet, accipiendum esse de- 
monstrabit. Deinde ex superiore ‘et ex inferiore 
scriptura docendum , id, quod quæratur, fieri per- 
spicuum. Quare si 1psa separatim ex se verba consi- 
derentur, omnia, aut pleraque, ambigua visum iri. 
Quæ autem ex omni consideratà scriptura perspicua 
fiant, heec ambigua non oportere existimari. Deinde, 
quà in sententió seriptor fuerit, ex ceteris.ejus scrip- 
ts, factis, dictis, animo, atque vita ejus sumi oportebit, 
et eam ipsam scripturam, in qua inerit illud ambi- 
guum , de quo queritur, totam omnibus ex partibus 
pertentare, si quid, aut ad id appésitum sit, quod 
nos interpretemur, aut ei, quod adversarius intelh- 
gat , adversetur. Nam facile, quid verisimile sit eum 
voluisse , qui scripsit, ex omni scriptura et ex 
persona scriptoris, atque iis rebus, qux personis 
attribute sunt, considerabitur. Deinde erit demons- 


: Solent. — ? In ea sententia in qua. 








DE L'INVENTION, LIVRE If. 255 
Par exemple: « Un pere de famille, qui a fait son fils son hé- 
« ritier, légue cent livres de vaisselle d'argent à son épouse, 
« en ces termes : QUE MON HÉRITIER DONNE À MA FEMME 
« CENT LIVRES DE VAISSELLE D'ARGENT A SON cHorx. Le 
« père mort, la mère demande à son fils la vaisselle la plus 
« précieuse, les piéces les mieux travaillées. Le fils soutient 


« qu'il ne doit lui donner que celles qu'il voudra. » 


Démontrez d'abord, s'il est possible, qu'il n'y a point d'am- 
biguité dans les termes, puisque, dans la conversation, on 
emploie ce mot ou cette expression dans le sens que vous lui 
donnez. Prouvez ensuite que ce qui précéde et ce qui suit 
jette un jour nouveau sur l'endroit à juger. Si l'on considere 
chaque mot en particulier, tous, ou du moins le plus grand 
nombre, auront quelque chose d'ambigu. Mais si le sens du 
texte, dans son ensemble, est clair, il n'y a point d'ambi- 
guité. D'ailleurs, les autres écrits, les actions, les paroles, 
l'eprit, la conduite enfin de celui qui a rédigé, pourront 
vous éclairer sur son intention. Étudiez encore avec soin l'écrit 
dont il s’agit; examinez-en toutes les parties, pour découvrir 
quelque chose de favorable au sens que vous lui donnez, ou 
qui détruise celui de votre adversaire: car il n'est pas difficile, 
d’après le sens général de l'écrit, te caractère de celui qui l'a 
fait, et d’après les différens chefs qui appartiennent à la per- 


sonne, de trbuver ce qu 1l a dû vräisemblablement écrire. 


t 


Montrez ensuite, quand le sujet le permet, que le sens 


576 DE INVENTIONE , LIBER II. 


tandum, 61 quid ex ipsare dabitur facultatis, id ; 
quod adversarius intelligat, multo minus commode 
fieri posse, quam id, quod nos accipimus, quod illius 
rei neque administratio, neque exitus ullus exstet; 
nosquod dicamus , facile et commode transigi posse. 
Ut in hac lege (nihil enim prohibet fictam exempli 
loco ponere , quo faciliusresintelligatur), MyngTRix 
CORONAM AUREAM NE HABETO. SI HABUERIT, PUBLICA 
ESTO, contra eum , qui meretricem publicari dicat 
ex lege oportere, posset dici, « Neque administra- 
« tionem esse ullam publice meretricis , neque exi- 
« tum legis in meretrice publicanda. At in auro 
« publicando et administrationem et exitum facilem 
« esse, et incommodi nihil inesse. » 

XLI. Ac diligenter illud quoque attendere opor- 
tebit, num, illo probato, quod adversarius intel- 
ligat, utilior res, aut honestior , aut magis necessaria, 
a scriptore neglecta videatur. Id fiet, si id, quod 
nos demonstrabimus , honestum, aut utile, aut ne- 
cessarium demonstrabimus : et, si id, quod ab adver- 
sariis dicetur, minime ejusmodi dicemus esse. Deinde 
si in lege erit ex ambiguo controversia, dare operam 
oportebit , ut de eo, quod adversarius intelligat, alia 
in lege cautum esse doceatur. Permultum autem pro- 
ficiet, illud demonstrare , quemadmodum scripsisset, 
si id, quod adversarius accipiat, fieri , aut intelligi 
voluisset : ut in hac causa, in qua de vasis argenteis 
queritur, possit mulier dicere , « Nihil attinuisse 
« adscribi, quse volet, si heredis voluntati permit- 





DE L'INVENTION , LIVRE Il. 275 
proposé par votre adversaire est bien moins avantageux que 
le vótre; qu'il est inintelligible, et n'offrirait aucun résultat 
utile, tandis que le vôtre présente autant de facilité dans l'exé- 
cution que d'avantages dans le résultat. Supposons ( car rien 
ne nous empéche d'avoir recours à des suppositions, pour 
nous faire mieux comprendre ), supposons qu'une loi porte : 
13 UNE cOURTISANE NE PEUT AVOIR UNE COURONNE D'OR ; EN 
AT-ELLE UNE, " QU'ON LA VENDE. On pourrait répondre à celui 
qui voudrait, aux termes de la loi, faire vendre la courtisane : 
« Quel avantage pourrait-on retirer de la vente d'une courti- 
« sane ? La vente de la couronne, au contraire, est aussi aisée 


« qu'utile, et n'offre aucun inconvénient. » 


XLI. Examinez avec soin, tout en approuvant le sens de 
votre adversaire , si l'auteur de l'écrit n'a pas négligé quelque 
chose de plus utile, de plus honnéte ou de plus nécessaire. 
Montrez que si le parti que vous proposez est dicté par 
l'honneur, il n'est pas moins conforme à nos intérêts et com- 
mandé par la nécessité, et qu'il n'en est pas de méme de celui 
de la partie adverse. | 


Si la question naît de l'ambiguité des termes, attachez-vous 
à montrer qu'une autre loi a réfuté l'opinion de votre adver- 
saire. Il est encore important pour vous de faire voir quelles 
expressions eüt employées le rédacteur de l'écrit, s'il eüt voulu, 
* L'ambiguité naît du mot publica, qui peut se rapporter à eorona et à 


meretrix. 


278 DE INVENTIONE , LIBER Il. 
« teret. Lo enim non adscripto, nihil inesse dubi- 
«. taüonis, quin heres, quz ipse vellet, daret. * Amen- 
« tiam igitur fuisse, cum heredi vellet cavere, id 
« adscribere, quo non adscripto, nihilominus heredi 
« caveretur. » Quare hoc genere magnopere talibus 
in causis uti oportebit : si hoc modo scripsisset , isto 
verbo usus non esset, non isto loco verbum istud 
collocasset. Nam ex his sententia scriptoris maxime 
perspicitur. Deinde quo tempore scriptum sit, quæ- 
rendum est , ut , quid eum voluisse in ejusmodi tem- 
pore verisimile sit, intelligatur. Post ex deliberationis 
partibus : quid utilius , et quid honestius , et illi ad 
scribendum, et his ad comprobandum sit, demons- 
trandum : et ex his, si quid amplificauonis dabitur, 
communibus * utrosque locis uti oportebit. 


La 


XLII. Ex scripto et sententia controversia consis- 
tit : cum alter verbis ipsis, quæ scripta sunt, utitur, 
alter ad id, quod scriptorem sensisse dicet, omnem 
adjungit dictionem. Scriptoris autem sententia ab eo; 
qui sententia se defendet, tum semper ad idem spec- 
tare, et idem velle demonstrabitur : tum aut ex facto, 
aut ex eventu aliquo ad tempus id, quod instituit, 
accommodabitur. Semper ad idem spectare , hoc 
modo : « Paterfamilias cum liberorum nihil haberet, 
« uxorem autem haberet, in testamento ita scripsit: 


* Amentiz. — ? Utrumque. 


DE L'INVENTION , LIVRE IL. 279 
parler dans le sens de votre adversaire. Dans la cause où il est 
question de vaisselle d'argent , la mére ne peut-elle pas dire 
que « Le testateur n'aurait pomt ajouté à son ohoix, s’il s'en 
« fût rapporté à l'héritier? Son silence eût indiqué que le 
« choix de la vaisselle était laissé à l'héritier. Quelle folie - 
« d'ajouter, pour la süreté de l’héritier, un mot dont la sup- 
« pression ne blesserait en rien ses intéréts ! » | 

Dans de pareilles causés, servez-vous surtout de ce raison- 
nement : Si telle avait été son intention , il ne se serait point 
servi de ce mot, il me l'aurait pas mis.à cette place; car c’est 
là surtout ce qui répand du jour sur la volonté du testateur. 
Examinez aussi dans quel temps il a écrit : les circonstances 
pourront vous aider à deviner son intention ; puis vous cher- 
cherez, en employant la délibération, ce que l'honneur et 
l'intérét prescrivaient à l'un d'écrire , et aux autres d'entendre ; 
et pour amplifier, vous avez recours aux lieux commyns. 

XLII. Quand l'un s’attache à la lettre, que l'autre, au con- 
traire , ramène toutes les expressions a l'intention qu'il sup- 
pose au testateur, la question naît alors de l'esprit et de la 
lettre. | 

, Celui qui s'attache à l'esprit, montrera , ou que le testateur 
n'a jamais eu qu'un seul but, qu'une seule volonté, soit 
par le fait, soit par quelque incident. Il adaptera le texte à la 
circonstance; il prouvera que la volonté du testateur n'a ja- 
mais changé. Voici un exemple applicable au cas dont il s'agit : 
« Un homme marié, mais sans enfans, a fait son testament, en 


dd DE INVENTIONE , LIBER II. 


« S1 MIHI FILIUS GENITUS UNUS, PLURESVE , I5 MIHT 
« HERES ESTO. Deinde quz assolent. Postea, S1 riz1vs 
« ANTE MORITUR, QUAM IN TUTELAM SUAM VENERIT, 
« TU MIHI, dicebat, s£CUNDUS RERES ESTO. Filius 
« non est natus. Ambigunt agnati cum eo, qui est 
« heres, si filius ante, quam 1n suam tutelam veniat , 
« mortuus sit. » In hoc genere non potest hoc dici, 
ad tempus , aut ad eventum aliquem sententiam scrip- 
toris oportere accommodari, propterea, quod ea sola 
demonstratur , qua fretus ille, qui contra scriptum 
dicit, suam esse hereditatem defendit. Alterum au- 
tem genus esteorum, qui sententiam inducunt. In 
quo non simplex voluntas scriptoris.ostenditur , que 
in omne tempus , et in omne factum idem valeat : 
sed ex quodam facto , aut eventu ad tempus inter- 
pretanda dicitur. Ea partibus juridicialis assumtivæ 
maxime sustinetur. Nam tum inducitur comparatio, 
ut « In eum, qui, cum lex aperiri portas noctu veta- 
« ret, aperuit quodam in bello, et auxilia quedam 
« in oppidum recepit , ne ab hostibus opprimerentar, 
« 8&1 foris essent , quod prope muros hostes castra 
« haberent: » tum relatio criminis, ut «In eo* milite, 
« qui,cum communis lex omnium hominem occi- 
« dere vetaret , tribunum ( militum ) suum, qui vim 
« sibi ? afferre conaretur, occidit : » tum remotio cri- 
minis, ut « Ineo, qui, cum lex, quibus diebus in lega- 
« tionem proficisceretur, præstituerat, quia sumtum 
« quaestor non dedit, profectus non est : » tum con- 


3 Abest milite. — ? Inferre. 








DE L'INVENTION, LIVRE 1I. »8t 

« ces termes : SI J'AI UN OU PLUSIEURS FILS, ILS HÉRITERONT 

« DE MES BIENS ; suivent les formules ordinaires. Puis il ajoute : 

« SI MON FILS MEURT AVANT SA MAJORITÉ, VOUS SEREZ MON 

* SECOND HÉRITIER. Il n'eut pas de fils; les agnats demandent 

« à l’héritier si le fils est mort avant d'avoir atteint l’âge de 

« majorité. » 

. Onnme peut pas conseiller ici d'adapter la volonté du tes- 
tateur au temps et aux circonstances ; car la seule circons- 

tance qu'on pourrait indiquer ferait toute la force de celui 
‘qui attaque le texte pour défendre ses droits à l'héritage. 
Il est encore une manière de défendre l'intention. On ne sou- 

tient pas que la volonté du testateur ait été toujoursla même, 
indépendante des événemens et dirigée vers le même but; 
mais que , d’après certains faits, certains incidens, il faut 
linterpréter suivant les circonstances ; et alors on puisera ses 
. plus puissans moyens dans la cause juridiciaire accessoire. Tan- 
tôt on emploie l'alternative , comme le fit « Celui qui, malgré la 
« loi, ouvrit de nuit les portes, pendant'la guerre, pour 
« recevoir des troupes qui eussent infailliblement été acca- 
« blées par l'ennemi campé sous les murs; » tantót la récri- 
mination , comme « Celui qui, malgré la loi générale qui dé- 
« fend l'homicide, a tué son tribun militaire, pour se déroberà 
« ses violences criminelles ; » tantót le recours , comme « Celui 
« qui, nommé ambassadeur, n'a pu partir au jour fixé par la 
« loi, faute d'avoir recu de l'argent du questeur; » enfin, 


laveu du crime, pour s'excuser sur son ignorance; comme 


282 DE INVENTIONE, LIBER II. 

cessio per purgationem , et per imprudentiam , ut 
« in vituli immolatione : » et per vim, ut « in navi 
« rostrata : » et per casum , ut « in Eurotz fluminis 
« magnitudine. » Quare aut ita sententia inducetur, 
ut unum quiddam voluisse scriptor demonstretur : 
aut sic, ut in ejusmodi re et tempore, hoc voluisse 
doceatur. 

XLIII. Ergo is, qui scriptum defendit, his locis 
plerumque omnibus, majore autem parte semper 
poterit uti : Primpm scriptoris collaudatione , et loco 
communi, nihil eos, qui judicent, nisi id, quod 
scriptum sit, spectare oportere : et hoc eo magis, 
si legitimum scriptum proferetur, id est, aut lex 
ipsa, aut ex lege aliquid. Postea quod vehementissi- 
mum est, facti, autintentionis adversariorum cum ipso 
scripto contentiome, quid scriptum sit, quid factum, 
quid juratus judex : quem locum mulus modis va- 
rjare oportebit. Tum ipsum secum admirantem , 
quidnam contra dici possit : tum ad judicis officium 
revertentem , ft ab eo quærentem, quid preterea 
audire, aut exspectare debeat : tum ipsum adver- 
sarium , quasi intentantis loco, producendo, hoc 
est, interrogando, utrum scriptum neget esse eo 
modo, an ab se contra factum esse, aut contra con- 
tendi neget : utrum negare ausus sit, se dicere de- 
siturum. Bi neutrum neget, et contra tamen dieat : 
nihil esse, quo hominem impudentiorem quisquam 
se visurum arbitretur. In.hoc ita commorari con- 
veniet, quasi nibil preterea dicendum sit, et quasa 











DE L'INVENTION, LIVRE IL. 283 
« dans le sacrifice du veau ; » sur une force irrésistible, comme 
« dans le vaisseau à éperon ; » sur le hasard , comme « dans 
« le débordement de l’Eurotas. » Ainsi développez l'esprit du | 
texte, de rhanière à prouver que la volonté du testateur ou 
du législateur était une et invariable, ou qu'elle a été déter- 
minée par telle ou telle circonstance , tel ou tel événement. 
XLIII. Tous les lieux que nous allons indiquer, ou du 
moins le plus grand nombre, pourront servir à celui qui dé- 
fend la lettre. Il commencera par l'éloge du législateur ou du 
testateur, et par un lieu commun sur 1a nécessité indispen- 
sable pour un juge, de s'en tenir à la lettre , surtout quand 
il s’agit du texte de la loi, et de tout ce qui s'y rapporte. 
Ensuite ( et c'est surtout ici qu'il faut redoubler d'énergie ), 
l'orateur doit comparer la conduite ou l'intention de ses ad- 
versaires avec l'écrit lui-méme, les définir l'un et l'autre, 
rappeler aux juges leur serment, et surtout varier les formes 
de son:éloquence. Tantót il se demande avec étonnement à 
lui-mêmeecequ’on peut répondre ; tantôt il s'adresse encore aux 
juges. Il semble les interroger sur ce qu'ils doivent encore at- 
tendre de lui; enfin, s'adressant à son adversaire , qu'il pa- 
rait accuser à son tour, niez-vous, dipa-t-il , que ce soit là 
le texte de laloi, et que vous ayez agi dans un sens contraire, 
ou que vous y portiez atteinte? osez nier l'un ou l'autre, et 
je me tais. | 
Accorde - t-il l'un et l’autre, sans se désister de ce qu’il 
avance, vous ne pouvez plus victorieusement prouver son 


28; DE INVENTIONE , LIBER II. 
contra dici nihil possit , sepe id , quod scriptum 
est, recitando; sepe cum scripto factum adversarri 
confligendo; atque interdum acriter adjudicem ipsum 
revertendo. Quo in loco judici demonstrandum est, 
quid juratus sit, quid sequi debeat : duabus de causis 
judicem dubitare oportere , si aut scriptum sit obs- 
cure, aut neget aliquid adversarius. 


XLIV. Cufn et scriptum aperte sit, et adversarius 
omnia confiteatur , tum judicem legi parere, non 
interpretari legem oportere. Hoc loco confirmato , 
tum diluere ea, quz contra dici poterant, oportebit. 
Contra autem dicetur , si aut prorsus aliud sensisse 
scriptor , et scripsisse aliud demonstrabitur : ut in 
illa de testamento, quam posuimus, controversia , 
aut causa assumtiva inferetur , quamobrem scripto 
non potuerit, aut non oportuerit obtemperari. Si 
aliud. sensisse scriptor, aliud scripsisse dicetur , is, 
qui scripto utetur, hoc dicet , non oportere de ejus 
voluntate nos argumentari, qui, ne id facere pos- 
semus , * indicium nobis reliquerit suæ voluntatis : 
multa incommoda consequi , si instituatur , ut a 
scripto recedatur. Nam et eos, qui aliquid scribant , 
non existimaturos , id, quod scripserint , ratuni fu- 
turum : et eos, qui judicent, certum , quod sequan- 
tur, nihil habituros, si semel a scripto recedere 
consueverint. Quodsi voluntas scriptoris conservanda 


1 Judicium. 


DE L'INVENTION, LIVRE II. 285 
impudence, qu'en vous arrétant tout à coup, comme si vous 
n'aviez plus rien à dire, comme si l'on n'avait rien à vous 
répondre ; lisez souvent à haute voix l'écrit qui fait l'objet 
de la discussion ; comparez avec cet écrit la conduite de votre 
adversaire ; adressez-vous quelquefois au juge avec vivacité ; 
rappelez-lui son serment , les règles qu'il doit suivre, en ajou- 
tant que l'obscurité du texte ou les dénégations de l'adver- 
saire pourraient seules le jeter dans lincertitude. 

ALIV. Mais puisque le texte est formel, que votre adversaire 
convient de tous les faits , le devoir du juge est d'obéir à la 
loi, et non de l'interpréter. Ceci bien: établi, écartez toutes 
les objections qu'on pourrait vous faire. 

On vous réfutera en prouvant que les expressions du rédac- 
teur ne sont pas d'accord avec sa volonté, comme il est ar- 
rivé dans l'exemple du testament; ou par la question acces- 
soire, pourquoi l'on n'a pes pu ou dù s'en tenir rigoureuse- 
nent au texte. 

Si l'on soutient que les expressions et l'intention du rédac- 
teur ne s'accordent pas, celui qui s'en tient à-la lettre dira 
qu'il ne nous appartient pas de raisonner sur la volonté de 
celui qui, pour nous en empécher , nous en a transnfís l'ex- 
pression. Que d'inconvéniens ne se présenteront pas, si l'on 
met une fois en principe que l'on peut s'écarter de la lettre! 
Ceux qui écriront leurs volontés , croiront qu'on ne les obser- 
vera pas, et les juges n'auront plus de régle süre, une fois qu'ils 


seront habitués à s'éloigner du sens littéral. Vous voulez suivre 


286 DE INVENTIONE, LIBER II. 


sit , se , non adversarios , a voluntate ejus stare. Nam 
multo propius accedere ad scriptoris voluntatem eum, 
qui ex ipsius eam liueris interpretetur , quam illum , 
qui sententiam scriptoris non ex ipsius scripto spec- 
tet, quod ille suz voluntatis quasi imaginem relique- 
rit, sed domesticis suspicionibus perscrutetur. Sin 
causam afferet is , qui a sententia stabit , primum erit 
contra dicendum : quam absurdum , non negare con- 
tra legem fecisse , sed quare fecerit , causam aliquam 
invenire : deinde conversa ormnia esse : ante solitos 
esse accusatores judicibus persuadére , affinem esse 
alicujus culpe eum, qui accusaretur; causam pro- 
ferre, quæ eum ad peccandum impulisset : nunc 
ipsum reum causam afferre , quare deliquerit. Deinde 
hanc inducere partitionem, cujus in singulas partes 
multe convenient argumentationes : primum nulla in 
lege ullam causam contra scriptum accipi convenire : 
deinde si in ceteris legibus conveniat , hanc esse hu- 
jusmodi legem , ut in ea non oporteat : postremo si in 
hac quoque lege oporteat, hane quidem causam ac- 
cipi minime oportere. 


XLV. Prima pars his fere locis confirmabitur : 
scriptori neque ingenium , neque operam, neque 
ullam facultatem defuisse, quo minus posset aperté 
perscribere id, quod eogitaret : non fuisse ei grave , 
nec difficile, eam causam excipere, quam adversarii 
proferant, si quicquam excipiendum putasset : con- 
suesse eos , qui leges scribant , exceptionibus uu. 


i 











DE L'INVENTION, LIVRE II. 287 
la volonté du rédacteur ; mais ce n'est pas moi qui m'en écarte ; 
c’est mon adversaire : car celui qui juge l'inténtion d’un homme, 
d’après ses expressions, est bien plus fidèle à ses volontés, que 
celui qui ne s'en rapporte point aux expressions que le rédac- 
teur nous a laissées comme le tableau fidele de ses intentions, 
et qui prétendrait les deviner ou les interpréter mieux que 
lui-méme. 

' Si celui quis attache à l'esprit , expose ses raisons, répondez 
d'abord qu'il est absurde de convenir qu'on a enfteiat la loi, 
et de chercher à justifier sa conduite. Dites ensuite que tout 
est bouleversé : autrefois c'était l'accusateur qui prouvait aux 
juges que l'accusé était coupable , qui établissait les motifs de 
son crime ; aujourd'hui c'est l'accusé qui montre pourquoi il 
est coupable. Chaque partie de la division suivante lui four- 
mire une foule de raisonnemens. 1°. Aucune loi ne permet 
d'alléguer des raisons contre le texte de la loi; 2°. quand toutes 
les autres lois le permettraient, celle dont il s’agit ferait seule 
exception; 3. enfin, quand cette loi méme le permettrait, 
dans une cause de cette nature , on ne devrait point le souffrir. 

XLV. Voici à peu prés les moyens dont on peut appuyer 
la première partie. Le rédacteur ne manquait ni de l'esprit, 
ni des lumières, ni des secours nécessaires pour exprimer sa 
volonté. S'il avait cru que le cas où se trouve votre adver- 
saire méritàt quelque exception, rien n'était plus simple et 
plus facile que de l'exprimer. Les législateurs n'ont-ils pas 


l'usage de faire des exceptions? 


288 DE INVENTIONE, LIBER II. 


Deinde oportet recitare leges cum exceptionibus 
scriptas , et maxime videre , si qua in ea ipsa lege, 
qua de agitur , sit exceptio aliquo in capite, aut apud 
eundem legis scriptorem, quo magis eum probetur 
fuisse excepturum, si quid excipiendum putaret : et 
ostendere , causam accipere, nihil aliud. esse , nisi 
legem tollere : ideo quod , cum semel causa consi- 
deretur, nihil attineateam ex lege considerare, quippe 
quæ in lege scripta non sit. Quod si sit institutum; 
omnibus causam dari et potestatem peccandi , cum 
intellexerint, vos ex ingenio ejus, qui contra legem fe- 
cerit , non ex lege, in quam jurati sitis, rem ju- 
dicare : deinde et ipsis judicibus judicandi, et ceteris 
civibus viyendi rationes perturbatum iri, si semel a 
legibus recessum sit : nam et judices neque quid se- 
quantur, habituros, si ab eo, quod scriptum sit, re- 
cedant : neque, quo pacto aliis improbare possint , 
quod contra legem judicarint : et ceteros cives , quid 
agaDt , ignoraturos , si ex suo quisque consiho, et ex 
ea ratione , quz in mentem , aut in libidinem venerit, 
noB. ex communi prescripto civitatis unamquamque 
rem * administrarit ; pestea. quærere à judicibus ip- 
sis, quare in alienis detineantur negotiis : : cur reipu- 
blicz munere impediantur, cum sepius * suis rebus 
et com modis servire possint: cur in certa verba jurent: 
cur certo tempore conveniant , certo discedant : nihil 
quisquam afferat causæ, quo mitiué frequenter ope- 
Yam reipublice det, nisi quæ causa' iri nis ‘extépta 


1^ Administrabit. — 2 Seriis suis rebas. 








DE L'INVENTION, LIVRE II. 289 
Lisez ensuite les lois qui portent des exceptions; examinez 
surtout si la loi dont il s'agit, n'en renferme aucune; ou si le 
législateur n'en a point fait ailleurs quelques autres; ce qui 
prouvera qu'il ne les aurait point omises ici, s'il avait cru qu'elles 
fussent nécessaires. Prouvez ensuite qu'admettre ces raisons, 
c’est anéantir la loi, puisqu'on ne peut prendre ces exceptions 
en considération, d’après une loi qui n'en parle pas. Si l'on 
adoptait cette maxime, on offrirait à chacun les moyens et 
l'occasion de devenir criminel, puisque alors on jugerait les 
délits d'aprés lé caprice du coupable, et non d'aprés la loi 
que l'on a juré d’observer ; enfin, que s'écarter de la loi, c'est 
renverser les principes qui guident les magistrats dans leurs 
jugemeus , et les citoyens dans leur conduite. 


En effet, qui pourra diriger les juges, s'ils s'écartent de la 
lettre? Comment pourront-ils condamner les autres, eux qui 
auront jugé contre la loi? Et les citoyens sauront-ils ce qu'ils 
doivent faire, si chacun , sans respect pour les lois générales 
de l’état, ne suit dans sa conduite d’autre règle que son ca- 
price et sa volonté? Demandez aux juges pourquoi ils s’inquiè- 
tent d’affaires étrangères; pourquoi ils s’occupent du bien 
de l’état, tandis qu'ils pourraient se livrer tout entiers à leurs 
intérêts et à leurs plaisirs; pourquoi ils emploient une for- 
mule de serment; pourquoi ils s'assemblent et se séparent à 
des heures fixes et réglées ; pourquoi, s'ils se sont détournés 
des affaires publiques, n’allèguent-ils d'autres causes que celles 

Hl. 19 


290 DE INVENTIONE , LIBER If. 

sit : an se legibus obstrictos in tantis molestiis esse 
equum censeaut, adversarios nostros leges negligere 
concedant : deinde item quærere ab judicibus, si 
ejus rei causam, propter quam se reus contra legem 
fecisse dicat, exceptionem ipse in lege adscribat , 
passurine sint: postea hoc, quod faciat , indignius 
et impudentius esse , quam si adscribat : age porro, 
quid si ipsi velint judices adscribere : passurusne sit 
populus? atque hoc esse indignius , quam rem yerbo 
et literis mutare non possint , eam re ipsa, et judicio 
maxime, commnuuare : deinde indignum esse de lege 
aliquid derogari , aut legem abrogari , aut aliqua ex 
parte commutari , cum populo cognoscendi , et pro- 
bandi, aut improbandi potestas nulla fiat : hoc ipsis 
judicibus invidiosissimum futurum : non hunc locum 
esse, neque hoc tempus legum corrigendarum.: apud 
populum hoc, et per populum agi convenire :.quod si 
nunc id agant, velle se scire, qui lator sit, qui sint 
accepturi : se actiones videre et dissuadere velle : 
quodsi hæc cum summe inutilia, tum multo turpis- 
sima sint ; legem , cujuscemodi sit, in presentia con- 
servari ‘ ab judicibus, post, si displiceat , a populo 
corrigi convenire : deinde, si scriptum non exstaret 
megnopere quæreremus : neque isti, ne si extra peri- 
culum quidem esset, crederemus. Nunc cum serip- 
tum sit, amenüam esse, ejus, qui peccarit potius , 
quam legis ipsius verba cognoscere. His et hujusmodi 
rationibus ostenditur, causam extra scriptum accipi 
non oportere. | | 

CA, ? 











DE L'INVENTION, LIVRE II. 29€ 
exceptées par la loi: est-il juste que la loi vous impose un 
joug si pesant dont vos adversaires savent s'affranchir ? 

Si le coupable, direz-vous encore, voulait ajouter à la loi 
l'exception qui peut justifier sa conduite, le souffririez-vous ? 
N’est-il pas mille fois plus indigne et plus impudent d'en- 
freindre la loi, que d'y ajouter? Supposons que vous-mémes, ma- 
gistrats, vous veuillez le faire, le peuple le souffrira-t-il? Et 
n'est-il pas plus indigne de changer une loi par le fait même 
et par votre jugement, que d’en altérer le texte et les ex- 
pressions ? | 

‘4 Quelle indignité de déroger à la loi , de l'abroger, ou d'y 
faire le plus léger changement , sans que le peuple puisse en 
prendre connajssence , l'approuver ou le rejeter! Cette inno- 
vation ne sera-t-elle pas dangereuse pour les juges? Ce n'est 
ni letemps ni le lieu de corriger les lois ; c'est devant le peuple, 
c'est parle peuple qu'elles doivent l'étre. Si l'on fait ces chan- 
gemens , dites que vous voulez savoir quel législateur s'en char- 
gera, quels citoyens les approuveront ; dites que vous prévoyez 
les suites de cette innovation , et que vous vous y opposez. | 

Quand même ces dispositions seraient aussi honteuses qu'i- 
nutiles , les juges n'en doivent pas moins observer la loi , quelle 
qu'elle soit. S'ils y trouvent quelque chose à reprendre, c'est 
au peuple à la corriger. Enfin , si nous n'avions point le texte 
de la loi, nous metirions tous nos soins à le découvrir ; nous 
n'y croirions | pas, tant qu'il ne serait pas hors de toute at- 


teinte. Maintenant que nous l'avons, quelle folie d'en croire 


292 DE INVENTIONE , LIBER If, 


XLVI. Secunda pars est, in qua est ostendendum, 
si in ceteris legibus oporteat, in: hac non oportere. 
Hoc demonstrabitur, si lex aut ad res maximas, 
utilissimas , honestissimas , religiosissimas videbi- 
tur pertinere : aut inutile, aut turpe , aut nefas esse 
tali in re non diligenussime legi obtemperare : aut 
ita lex diligenter perscripta demonstrabitur , ita 
cautum unaquaque de re, ita quod oportuerit , ex- 
ceptum , ut minime conveniat quidquam in tam 
diligenti scriptura preteritum arbitrari. Tertius lo- 
cus est ei ; qui pro scripto dicet, maxime necessarius, 
per quem ostendat oportet , si conveniat causam con- 
tra scriptum accipi, eam tamen minime oportere , 
quæ ab adversariis afferatur. Qui locus idcirco est 
huic necessarius , quod semper is , qui contra scrip- 
tum dicit, æquitatis aliquid. afferat oportet. Nam 
summa impudentia * sit, eum , qui contra ? quam 
quod scriptum sit , aliquid probare velit , non æqui- 
tatis præsidio id facere conari. Si quid igitur ex hac 
ipsa quippiam accusator deroget , omnibus partibus 
justius et probabilius accusare videtur. Nam superior 
oratio hoc omnis faciebat , uti judices , etiamsi nol- 
lent , necesse esset ; hac autem , etiamsi necesse non 


1 Est. — ? Abest quam. 





DE L'INVENTION, LIVRE Il. 293 
plutôt le coupable que les paroles mêmes de la loi! C’est par 
ces raisons et par d'autres semblables , qu'on prouve qu'il ne 
faut point admettre d'exceptions qui ne se trouvent pas dans 
la loi. 

XLVI. Dans la seconde partie il faut montrer que, quand 
méme les autres lois seraient susceptibles d'exceptions, celle-ci 
ne saurait en admettre. Prouvez que cette loi embrasse les 
objets les plus utiles, les plus importans, les plus nobles et 
les plus sacrés ; qu'il serait honteux, inutile ou sacrilége de 
ne pas observer scrupuleusement la loi. dans une semblable 
affaire, ou que la loi est si exacte, a si bien prévu tous les 
cas et toutes les exceptions possibles , qu'il est ridicule de sup- 
poser qu'on ait omis quelque chose dans une loi rédigée avec 
tant de soin. 

. Enfin, celui qui défend la lettre, a pour troisième lieu com- 
mun, et c'estle plus important, que s'il convient quelque- 
fois d'admettre des raisons qui combattent le texte , il ne faut 
pas du moins s'arréter à celles de son adversaire. Ce point 
est d'autant plus essentiel, que toujours celui qui attaque la 
lettre doit avoir pour lui les apparences de la justice. Ne se- 
 rait-ce pas le comble de l'impudence, que d'attaquer un texte 
sans s'appuyer sur l'équité? Si donc l'aecusateur parvient à . 
jeter des doutes sur ce point, a l'égard de l'aecysé, l'accusa- 
tion paraîtra bien plus juste et bien mieux fondée, Car tout 
ce qui précède ne tendait qu'à mettre les juges dans la néces- 
sité de ne rien faire contre le sens littéral ; tandis que l'inno- 


294 DE INVENTIONE, LIBER II. 


esset , ut vellent contra judicare. Id autem fiet , si , 
quibus ex locis culpa demonstrabitur non esse in co, 
qui comparatione , aut remotione, aut relatione cri- 
minis , aut concessionis partibus se defendit ( de 
quibus ante , ut potuimus , diligenter perscripsimus; 
de his locis , quz res postulabit , ad causam adver- 
sariorum improbandam transferemus ) : aut causz et 
rationes afferentur , quare , et quo consilio ita sit in 
lege , aut in testamento scriptum ; ut sententia quo- 
que, et voluntate scriptoris, non ipsa solum scripture 
causa confirmatum esse videatur : aut aliis quoque 
constitutionibus factum coarguetur. 


XLVII. Contra scriptum autem qui dicet, primum 
eum inducet locum , per quem æquitas cause de- 
monstretur : aut ostendet , quo animo, quo consilio, 
qua de causa fecerit : et, quamcunque causam assu- 
met, assumtüonis partibus se defendet, de quibus 
ante dictum est. Atque hoc in loco cum diutius com- 
moratus, sui facti rationem et æquitatem causa 
exornaverit, tum ex his locis fere contra adversa- 
rios dicet oportere causas accipi. Demonstrabit , nul- 
lam esse legem , quz aliquam rem inutilem, aut ini- 
quam fieri velit : omnia supplicia , quz a legibus 
proficiscantur , culpe ac malitiæ vindicandæ causa 
constituta esse : scriptorem ipsum , si existat factum 











DE L'INVENTION , LIVRE Il. 205 
vation proposée par les adversaires force le juge à prononcer 
contre le sens de laloi. Vous réussirez , en pareil cas, à per- 
suader , si, entre les lieux propres à la cause, vous tournez 
contre l'adversaire ceux par lesquels il aura été démontré qu'on 
n’a rien à reprocher à un homme qui, dans sa défense, a em- 
ployé la comparaison ou le désaveu, la justification ou la 
concession ( point que j'ai trés-soigneusement développé); 
vous réussirez, si vous allégues les eauses et les motifs pour 
lesquels la loi où un testament renferme de telles disposi- 
tions, de sorte que vous insistiez plutót sur la pensée et la 
volonté du rédacteur, que sur le motif méme de l'écrit. Vous 
pourrez enfin employer d'autres argumens pour démontrer la 
mauvaise foi avec laquelle l’adversaire a interprété le sens lit- 
téral. 

XLVII. Celui qui attaque la lettre, établit d'abord l'équité 
de sa cause; il montre quelle à été son intention, ses motifs, 
l'esprit qui Pa dirigé; et, quelques raisons qu'il apporte, il 
suivra, dans sa défense, les principes que nous àvoiis donnés 
sur la question accessoire. Aprés avoir, en développant ces 
moyens, expose ses motifs, établi l'équité de sa cause, il exi- 
gera que ses adversaires l'attaquent avec des armes semblables 
à celles qu'il emploie pour sa défense; à prouvera que la loi 
n'ordonne jamais rien d’injuste eu d'inutile, et que les peines 
qu'elle prononce ne doivent tomber que sur le crime ou la 
méchanceté ; que le rédacteur, s'il existait encore, approuve- 


rait une telle action; qu'il en aurait fait autant dans les mémes 


- 


* 


26 DE INVENTIONE , LIBER II. 


hoc probaturum : et idem ipsum, si ei talis res ac- 
cidisset , facturum fuisse : et ea re legis scriptorem 
certo ex ordine judices, certa xtate præditos consti- 
tuisse , ut essent, non qui scriptum suum recitarent , 
quod quivis puer facere posset , sed qui cogitationem 
assequi possent , et voluntatem interpretari : deinde 
illum scriptorem , si scripta sua stultis hominibus et 
barbaris judicibus committeret , omnia summa dili- 
gentia perscripturum fuisse: nunc vero, quod intel- 
ligeret , quales viri judicaturi essent, idcirco eum , 
quie perspicua videret esse, non adscripsisse : neque 
enim vos scripti sui recitatores , sed voluntatis inter- 
pretes fore putavit: postea quærere ab adversariis, 
quid si hoc fecissem ? quid si hoc accidisset ? eorum 
aliquid , in quibus aut causa sit honestissima , aut 
necessitudo certissima; tumne accusaretis ? Átqui 
hoc lex nusquam excepit: Non ergo omnia scriptis , 
sed quadam, quæ perspicua * sint , tacitis excep- 
tionibus caveri: deinde nullam rem neque legibus, 
neque scriptura ulla, denique ne in sermone quidem 
quotidiano atque imperiis domesticis recte posse ad- 
ministrari, si unusquisque velit verba spectare , et 
non ad voluntatem ejus, qui verba habuerit , ac- 
cedere. 


XLVIII. Deinde ex utilitatis et honestatis partibus 
ostendere , quam inutile, aut quam turpe sit id, 
quod adversarii dicant fieri oportuisse , aut oportere: 
et id, quod nos fecerimus, aut postulemus, quam 


! Sunt. 


DE L'INVENTION, LIVRE IL. 297 
circonstances : Magistrats, dira-t-il, si le législateur exige que 
les juges soient. pris dans un certain ordre de citoyens, qu'ils 
aient atteint un certain âge, ce n'est pas pour qu'ils puissent 
répéter ses paroles , ce que pourrait faire un enfant, mais pour 
être en état de deviner sa pensée et d’être les interprètes de 
sa volonté. Si le rédacteur eût abandonné l'expression de sa 
volonté à des juges barbares et ignorans, il eût prévu tous les 
cas avec le plus grand soin ; mais, comme il connaissait ses 
juges, il n’a point parlé de ce qui lui semblait évident, per- 
suadé que vous ne vous contenteriez point de répéter ses pa- 
roles, et que vous chercheriez plutót à interpréter sa volonté. 

Ensuite, s'adressant à ses adversaires, qu'il leur demande: 
Si j'avais fait telle chose, si tel événement était arrivé (et il 
ne s'agit ici que d'actions honnétes ou d'une nécessité inévi- 
table), m'auriez- vous accusé? et cependant la loi ne parle. 
point de cette exception. Elle ne les fait donc pas toutes? Il 
en est donc d'assez évidentes pour qu'elle n'en parle pas? 
Enfin, dans la conversation, dans l'administration de sa mai- 
son , aussi bien que dans la loi et dans un écrit, que de bévues 
ne commettrait-on pas, si l'on voulait s'en tenir à la lettre, 


sans se prêter à l'intention de celui qui a parlé! 


XLVIIT. Prouvez ensuite, par les lieux communs de l'hon- 
neur et de l'intérét, combien ce que vous devez ou vous auriez 
dù faire, suivant vos adversaires, serait honteux ou inutile; 


combien, au contraire, ce que vous demandez ou ce que vous 


298 DE INVENTIONE, LIBER 1I. 


utile , aut quam honestum sit : deinde leges nobis ca- 
ras esse non propter litteras, quz tenues et obscure 
notz sint voluntatis , sed propter earum rerum , qui- 
bus de scriptum est, utilitatem , et eorum , qui 
scripserint , sapientiam et diligentiam : postea , quid 
sit lex , describere , ut ea videatur in sententiis , non 
in verbis consistere : et judex is videatur legi obtem- 
perare, qui sententiam ejus, non qui scripturam 
sequatur : deinde , quam indignum sit , eodem affici 
supplicio eum, qui propter aliquod scelus etaudaciam 
contra legem fecerit , et eum, qui honesta , aut neces- 
saria de causa, nou ab sententia, sed ab litteris legis 
recesserit : atque his, et hujusmodi rationibus , et 
accipi causam, et in hac lege accipi, et eam causam , 
quam ipse afferat , oportere accipi demonstrabit. Et 
quemadmodum ei dicebamus , qui a scripto diceret, 
hoc fore utilissimum , si quid de æquitate ea , quæ 
cum adversario staret, derogasset : sic huic, qui 
contra scriptüm dicet, plurimum proderit, ex 1psa 
scriptura , aliquid ad suam causam convertere , aut 
ambigue aliquid scriptum ostendere : deinde ex illo 
ambiguo eam partem , quz sibi prosit, defendere, aut 
verbi definitionem inducere , et illius verbi vim , quo 
urgeri videatur , ad suæ caus: commodum traducere, 
aut ex scripto non scriptum aliquod inducere per ra- 
tiocinaüonem , de qua post dicemus. Quacumque 
autem in re , quamvis leviter probabili, scripto ipso 
se defenderit , etiam cum æquitate causa abundabhit , 
necessario multum proficiet , ideo quod , si id , qua 





| 


DE L'INVENTION, LIVRE IL. 29) 
avez fait est utile et honorable. L'orateur fera aussi cette ré- 
flexion : ce qui nous est cher dans la loi, ce n'est point seule- 
ment les expressions , marques faibles et obscures de la volonté, 
mais l'importance du sujet, mais la sagesse et la prudence du 
législateur. Définisscz ensuite la loi; montrez qu'elle ne con- 
siste pas dans les mots, mais dans le sens, et que le juge qui 
s'attache à l'esprit et non à la lettre, n'en est pas moins fidele 
à la loi. Quelle indignité de punir du méme supplice le scélérat 
dont l'audace criminelle a enfreint la loi, et celui que des 
motifs honnétes, ou une nécessité insurmontable , ont écarté, 
non pas du sens, mais de la lettre de la loi ! C'est par ces rai- 
sons et d'autres semblables, que l'orateur prouvera qu'on peut 
admettre des exceptions, les admettre pour la loi dont il s’agit, 
et admettre celle qu'il demande. 

Si rien n'est plus utile, pour celui qui défend la lettre, que 
de répandre du doute sur l'équité dont se pare son adversaire, 
il ne l'est pas moins, pour ce dernier, de montrer que le texte 
est pour lui, ou qu'il offre quelque ambiguité ; de justifier 
lequel des deux sens est le plus avantageux à sa cause, ou de 
tourner en sa faveur, par la définition , l'expression la plus 
défavorable, ou enfin de tirer du texte, par induction, ce qui 
ne s’y trouve pas expressément. Nous parlerons plus bas de 
ce moyen de preuve. 

Lorsqu'on peut tirer de la lettre méme un moyen de dé- 
fense, quelque faible qu'il soit, pourvu que la cause soit juste, 


ce moyen sera nécessairement trés-avantageux , puisqu'en ren- 


300 DE INVENTIONE, LIBER II. 


nititur adversariorum causa, subduxerit, omnem 
illam ejus vim et acrimoniam lenierit ac diluerit. 
Loci autem communes * ceteri ex assumtiomis part- 
bus in utramque partem convenient. Przterea ejus, 
qui a scripto dicet , leges ex se, non ex ejus, qui con- 
tra commiserit , utilitate spectari oportere, et legibus 
antiquius haberi nihil oportere. Contra scriptum, leges 
in consilioscriptoris, et utilitate communi, non in ver- 
bis consistere. Quam indignum sit, æquitatem litteris 
urgeri, quz voluntate ejus, qui scripserit, defendatur. 


XLIX. Ex contrariis autem legibus controversia 
nascitur, cum inter se duæ videntur leges, aut plures 
discrepare , hoc modo : Lex est, QUI TYRANNUM oc- 
CIDERIT , OLYMPIONICARUM PREMIUM CAPITO, ET 
QUAM VOLET SIBI REM A MAGISTRATU DEPOSCITO , 
ET MAGISTRATUS EI CONCEDITO. Et altera lex, TY- 
AANNO OCCISO , QUINQUE EJUS PROXIMOS COGNA- 
TIONE , MAGISTRATUS NECATO. « Alexandrum , qui 
« apud Pheræos in Thessalia tyrannidem occuparat , 
« uxor sua, cui Thebe nomen fuit, noctu, cum 
« simul cubaret , occidit. Hzc filium suum , quem 
« ex tyranno habebat, sibi * in prezmii loco deposcit. 
« Sunt, qui ex lege puerum occidi dicant oportere. » 
Res in judicio est. In hoc genere utramque in partem 
iidem loci, atque eadem precepta convenient, 1deo 
quod uterque suam legem confirmare, contrariami'in- 
firmare debebit. Primum igitur leges oportet conten- 
dere, considerando, utra lex ad majores , hoc est, ad 

! Cerü. — 2 Abest in. 





1 





DE L'INVENTION, LIVRE II. 3ot 
versant le point d'appui de l'adversaire, on óte à ses moyens 
tout leur nerf et toute leur vivacité. L'un et l'autre pourront 
puiser leurs lieux communs dans la question accessoire. Celui 
qui défend la lettre pourra dire encore qu'il ne faut point in- 
terpréter la loi suivant l'intérét du coupable; que rien n'est 
plus sacré que la loi. Son adversaire répondra que la loi ne 
consiste point dans les mots, mais bien dans l'intention du 
législateur et dans l'intérét général; qu'il serait souveraine- 
ment injuste de se prévaloir des expressions du législateur 
contre l'équité dont il avait l'intention de prendre la défense. 

XLIX.-Quand deux ou plusieurs lois semblent contradic- 
toires , le point de discussion naît de cette opposition; par - 
exemple, une loi porte : LE MEURTRIER D'UN TYRAN RECEVRA 
LE PRIX DES JEUX OLYMPIQUES, ET LE MAGISTRAT LUI ACCORDERA 
TOUT CE QU'IL POURRA DEMANDER. Une autre loi ordonne, 
QU'APRÈS LA MORT D'UN TYRAN, LE MAGISTRAT FASSE MOURIR 
SES CINQ PLUS PROCHES PARENS. « Thébé, épouse d'Alexandre, 
« tyrau de Phères, égorge son mari pendant son sommeil. * 
« Elle demande pour récompense le fils qu'elle a eu du tyran. 
« Quelques citoyens prétendent que la loi veut la mort de 
« l'enfant. » L'affaire est portée au tribunal. Les mémes lieux 

, communs, les mêmes préceptes conviennent ici à chacune des 
deux parties, puisqu'il s'agit, pour l'une et pour l'autre, 
d'établir la loi favorable à sa cause, et.d'infirmer celle qui lui 
est contraire. 


Il faut d'abord les comparer, examiner celle qui traite de 


502 DE INVENTIONE , LIBER II. 


utiliores, ad honestiores ac magis necessarias resper— 
tineat:ex quo conficitur, ut, si leges duse, aut si plures, 
aut, quotquot erunt, conservari non possint, quia 
discrepent inter se; ea maxime conservanda putetur , 
quz ad maximas res pertinere videatur : deinde utra 
lex posterius lata sit : nam postrema quaque gravis- 
sima est : deinde utra lex jubeat aliquid , utra permit- 
tat : nam id, quod imperatur, necessarium : illud , 
quod permittitur , voluntarium est : deinde in utra 
lege, $1 non obtemperatum sit, poena afficiatur, aut 
in utra major poena statuatur : nam maxime conser— 
vanda est ea, quz diligentissime sancta est : deinde 
utra lex jubeat , utra vetet : nam sæpe ea, quz vetat , 
quasi exceptione quadam corrigere videtur illam ; 
qui jubet : deinde utra lex de genere omni; utra de 
parte quadam ; utra communiter in plures; utra in 
aliquam certam rem scripta videatur : nam quz in 
partem aliquam , et quie in certam quandam rem 
scripta est , promtius ad causam accedere videtur , 
et ad judicium magis pertinere : deinde, ex lege 
utrum statim fieri necesse sit : utrum habeat aliquam 
moram et sustentationem : nam id , quod statim fa- 

ciendum sit, perfici prius oportet : deinde operam 
dare , ut sua lex ipso scripto videatur niti : contraria 

autem aut per ambiguum , aut per ratiocinationem , 

aut per defiuitionem induci; quo sanctius et firmius 

id videatur esse, quod apertius ! scriptum sit: Deinde 

suz legis ad scriptum, ipsam sententiám quoque ad- 

jungere , contrariam legem item ad aliam sententiàm 


! Descriptum. 





DE L'INVENTION, LIVRE Il. 3v3 
plus grands intérêts, je veux dire, d'objets plus utiles, plus 
honnétes et plus nécessaires. On conclut alors. que si l'on ne 
peut conserver deux ou plusieurs lois qui se contredisent,, il 
faut donner la préférence à celle dont les dispositions em- 
brassent de plus grands intéréts. On recherche ensuite quelle 
est la loi la plus récente : c'est ordinairement la plus impor- 
tante. On distinguera laloi qui permet, et celle qui ordonne; 
car on est obligé de faire ce qui est ordonné expressément ; ou. 
est plus libre à l'égard de ce qui est permis; puis on examine 
la loi qui punit la désobéissance, ou celle quila punit avec 
le plus de sévérité. Il faut conserver la loi qu'on a rédigée 
avecle plus de soin, ensuite conserver aussi celle qui or- 
donne, et celle qui défend; car la loi prohibitive ne semble, 
le plus souvent, qu'une exception de la loi impérative. Après 
quoi l'orateur s'arréte à la loi générale et à la loi particulière ; 
à celle qui s'applique à plusieurs circonstances ; à celle qui ne. 
s'applique qu'a un seul cas. En effet, la loi particulière et 
celle qui ne parle que d’un seul cas, tiennent de plus près à une 
cause, à un jugement ; puis on examine celle qui ordonne 
sur-le-champ , et celle qui accorde quelques délais et quelques 
retards ; car il faut s'en tenir d'abord i à ce qu'on nous ordonne 
sur-le-champ. 

T lâchez e ensuite de paraître fidèle à la lettre de votre loi, 
tandis que v. votre adyersaire est obligé de choisir entre un dauble 
sens, ou de recourir à l'analogie, à la définition. Une loi dont 
lc sens estclair, a bien plus de poids et d'autorité. Montrez en- 


504 DE INVENTIONE, LIBER II. 


traducere, ut, si fieri poterit, ne discrepare quidem 
videantur inter se : postremo facere , si causa dabit 
facultatem , ut nostra ratione utraque lex conservari 
videatur , * adversariorum ratione, altera sit neces- 
sario negligenda. Locos autem communes , et quos 
ipsa causa det, videre oportebit, et ex utilitatis et 
honestatis amplissimis partibus sumere , demons- 
trantem per amphficationem , ad utram potius legem 
accedere oporteat. 

L. Ex ratiocinatione nascitur controversia, cum 
ex eo , quod uspiam est , ad id , quod nusquam 
scriptum est, pervenitur , hoc pacto : Lex est: Sz 
FURIOSUS EST ; * AGNATORUM GENTILIUMQUE IN 
EO PECUNIAQUE EJUS POTESTAS ESTO. Et lex : PA- 
TERFAMILIAS UT1 SUPER FAMILIA PECUNIAQUE SUA 
? LEGAVERIT, ITA JUS ESTO. Et lex: S1 »PATERFAMI- 
LIAS INTESTATO MORITUR , FAMILIA PECUNIAQUE 
EJUS * AGNATORUM GENTILIUMQUE ESTO. « Quidanr 
« judicatus est parentem occidisse. Ei staüm , quod 
« effugiendi potestas non fuit, ligneæ soleæ in pedes 
« inducte sunt : os autem obvolutum est folliculo et 
« przeligatum : deinde est in carcerem deductus, ut 
1bi esset tantisper, dum culeus, in quem conjectus 
« in profluentem deferretur , compararetur. Interea 
« quidam ejus familiares in carcerem tabulas affc- 
runt, et testes adducunt : heredes , quos ipse jubet, 
« scribunt : tabulæ obsignantur. De illo post suppli- 
« cium sumitur. Inter eos, qui heredes in tabulis 
€ scripti sunt, et inter agnatos , de hereditate contro- 

* Et adversariorum, — ? Agnatum. — ? Legassit. — 4 Agnatum, 


ma 


EN 


e c 


( 


PS 


( 


Le.) 





DE L'INVENTION, LIVRE Il. 305 
quite l'accord de la lettre et de l'esprit; essayez de ramener 
au sens de votre loi celle qu'invoque votre adversaire , et de 
montrer qu'elles ne sont point contradictoires ; que, dans votre 
sens, on peut les conserver l'une et l’autre, tandis qu'en adop- 
tant celui de votre adversaire , il faut nécessairement ne point 
tenir compte de l'une des deux. Pour les lieux communs, 
la cause elle-même vous en fournira;et, en développaat les. 
lieux féconds de l'honneur et de l'interét, vous montrerez à 
laquelle des deux lois on doit obéir de préférence. 
L. C'est une question d’analogie quand , de ce qui se trouve 

dans laloi, on déduit ce qui ne s'y trouve pas. Là ro1 wer UN 
FURIEUX ET TOUS SES BIENS SOUS LA TUTELLE DE SES PARENS 
DU CÔTÉ PATERNEL, ET DE SES PARENS DU CÔTÉ MATERNEL. 
Une autre loi PERMET AU PÈRE DE-FAMILLE DE LÉGUER A 
QUI IL VOUDRA SES ESCLAVES ET 8ES 3IENS. Enfin, une troi- 
sième porte que Ss uw PÈRE DE FAMILLE MEURT SANS TESTER, 

SES ESCLAVES ET SES BIENS APPARTIENNENT À SES AGNATS ET 

A SES COLLATÉRAUX. | 

« Un homme est condamné pour parricide ; aussitót , pour 

« l'empécher de fuir, on lui met des entraves , on lui enveloppe 

« la téte dans un sac de cuir, et on le méne en prison, jus- 

« qu'à ce qu'on ait achevé le sac oü l'on doit l'enfermer pour 

« le jeter dans la rivière, Cependant quelques amis lui appor- 
« tent des tablettes dans la prison, amènent des témoins, et 
« écrivent les noms de ceux qu'il institue ses héritiers. On: 


« signe le testament, ct le coupable est conduit au supplice. 
IL. 20 


e" 


506 DE INVENTIONE, LIBER II. 


« versia est. Hic certa lex, quæ testament faciendi 
« iis, qui in eo loco sint, adimat otestatem y nulja 
« profertur. Ex ceteris legibus, et que hunc ipsum 
« supplicio hujusmodi afficiunt, et qua ad testamenti 
« faciendi potestatem pertinent, per ràtiócinationem 
« veniendum est ad ejusmodi rationem ; ut quaeratur, 
« habueritne testamenti faciendr potestatem. » Locos 
autem communes boc in genere argumentandi, hos, 
et hujusmodi quosdam. esse arbitramur : primum, 
ejus scripti, quod proferas , laudationem et confir- 
mationem : deinde ejus rei, qua de quaratur, cum 
eo , de quo censtat, collaüonem ejusmodi, ut id, de 
quo quaeritur , rei , de qua constet , simile esse videa- 
tur : postea admirationem ' per contentionem , qui 
fieri possit, ut, qui hoc : æquum esse concedat, » illud 
reget; quod aut æquius, aut eodem sit in gonere : : 
deinde idéireo hac de re nihil esse sériptum ; quod , 
cumx de iHa esset scriptum , de hac reis; qui scribe- 
bat, neminem dubuanrum arbitratus sit : postea 
multus in legibus multa esse præterita , qua idcirco 
præterita nemo arbitretur; quod ex ceteris, de qui- 
bus scriptum sit, intelligi possint : deinde æquitas rei 
demonstranda est, ut in juridiciali absoluta. Contra 
autem qui dicet , similitudinem infirmare debebit : 
quod faciet , si demonstrabit , iHud , quod conferatur, 
ab eo, cm eonferatur , diversum esse genere , natura, 
v, magaudine, tempors:, lpeo, persona , opinione : 
si, quo in oumeroillud, qued per similitudinem affer - 
|o" 777 Peromiiüooe, 





DE L'INVENTION, LIVRE Il. Bor 
« Lesagnats disputent la succession à ceux que le testament a 
« norumés héritiers. Mais ils ne peuvent produire aucune loi qui 
« Ôte formellement à ceux qui sont en prison, le pouvoir de 
« tester. Il faut donc, par analogie, chercher, et d'apres les lois 
« qui l'ont condamné, et d’après celles qui prononcent sur les 
« testamens, si le coupable avait, ou non, le pouvoir de 


« tester. » 


Voici à peu prés les lieux communs qu'offre ce genre de cause, 
L’orateur commence par louer et établir l'écrit qu'il produit ; 
il compare ensuite ce qui est douteux avec ce qui est certain, 
de maniéré à faire regarder ces objets comme absolument 
semblables. IJ s'étonne qu'en regardant l'un comme juste, on 
rejette l'autre qui l'est bien davantage, ou, du moins, qui 
l'est autant. Si le législateur n'en fait point mention, c'est 
qu'il a pensé qu'après ce qu'il avait écrit, le doute n'était 
plus permis. D'ailleurs, les lois ne sont-elles point remplies 
d'omissions auxquelles on ne s'arréte point, parce qu'on peut, 
d’après ce qui est écrit , suppléer ce qui manque? Établissez 
ensuite la justice de votre cause, comme dans la question ju- 
ridiciaire absolue. L’adversaire, de son côté, pour chercher 
à affaiblirles rapports, prouvera que les deux termes com- 
parés different, de genre, de nature, d'essence, d'étendue; 
qu'ils ne sont applicables, ni pour le heu , ni pour la per- 
sonne, ni pour l'opimon. L’orateur marquers le remg et la 
place qu'on doit assigner à chacun de ces termes ; enfn ilen 


/ 


508 DE INVENTIONE , LIBER il. 


tur, et quo in loco illud , cujus causa affertur, haberi 
conveniat , ostendetur : deinde , quid res cum re dif- 
ferat ,. demonstrabitur ,' ut rión idern videatur de uwa- 
que exisümári oportere. Ac; si ipse. quoque poterit 
ratiocinationibus ut, iisdem ratiocinationibus , qui- 
bus ante dictum est, utetur : fi non poterit , negabit 
oportere quidquam ; nisi quod scriptum sit , conside- 
rare { periclitari omnia jura, si similitudines acci- 
piantur : nihil esse pene; quod non alteri simile esse 
videatur ): multis dissimilibus rebus, ià unamquam- 
que rem tantum singulas esse leges: omnia posseinter 
se vel similia vel dissimilia demonstrari. Loci com- 
munes a ratiocinatione , oportere conjectura ex co, 
quod scriptum sit, ad id , quod non scriptuni sit; 


pervenire : et neminem posse omnes res per scriptu- 


ram amplecti , sed eum commodissime scribere , qui 
curet, ut quaedam ex quibusdam intelligantur : con- 
tra ratiocinationem ; hujuscemodi : conjecturam divi- 
nationem esse, et stulti scriptoris esse , non posse om- 
nibus de rebus cavere, quibus velit. m 


LI. Definitio est, cum in scripto verbum aliquod 
est positum , cujus-de vi quæritur, hoc modo: Lex, 
QUI IN ADVERSA TEMPESTATE NAVIM RELIQUERINT ; 
OMNIA AMITTUNTO ; EORUM NAVIS ET ONERA SUNTO; 
QUIIN NAVI REMANSERINT. « Duo quidam, cum jam 
« in alto navigarent, et * cum eorum alterius navis , 
« alterius onus esset , naufragum quendam natantem, 
« et manus ad se tendentem animadverterunt : mise- 

1 Abest cum. 











DE L'INVENTION, LIVRE II. 509 
fera sentir la différence, et. pronvera qu'on ne doit point 
&voir la même. opinion de l’un.et de Pautre, 

Weut: employer . l’'andogie, qu'il,se serve de celles que 
nous venons d'iridiquer. S'il nee peut , il affirmera qu'on doit 
s'en'tehir à ce qui est écrit; que toutes les lois seront expo- 
sées à des altérations , Si l'on veut admettre les rapports pro- 
posés. On ne trouvera presque rien qui ne ressemble à quel- 
que autre chose; dans cette variété , il y a des lois parti- 
culières pour chaque objet, at l'on peut trouver partout dek 
rapports ét. des différences. Quant aux lieux communs desti- 
nés à établir l'analogie , ils consistent à passer de conjecture 
en cónjecture', ‘de ce qui est écrit à ce qui ne l'est. pas, Jl 
m'est'persónne qui puissé toüt prévoir, tout embrüsser; 
et c'est mettre dans la rédaction toute l'exactitude possible 
que de fajre conclure une chose d'une autre. Pouf réfuter 
cette proposition, on dira qu'il n'appartient qu'aux augures 
de conjecturer, et qu'un étourdi peut seul ne pas prévoir 
toutes les choses qu'il doit éviter. 

LI. La définition a lieu quand il se trouve dans le texte 
quelque mot dont on cherche la valeur. Par exemple : La Los 
DÉPOUILLE CEUX QUI, DANS UNE TEMPÉTE, ABANDONNENT 
LEUR YAISSEAU, ET DONNE LE BATIMENT ET 84 CARGAISON A 
CEUX QUI NE LE QUITTENT PAS. « Deux hommes, dont l'un 
« était propriétaire du navire, et l'autre de sa cargaison, ren- 
* contrérent en pleine mer un malheureux naufragé qui, en 


« nageant , implora&it leur secours. Touchés de compassion , 


510 DE INVENTIONE, LIBER II. 


« ricordia commoti , navim ad eum applicaverunt : 
hominem ad se sustulerunt. Postea aliquanto, ip- 
« sos quoque tempestas vehementius jactare ccepit 
« usque adeo, ut dominus navis, cum idem guber- 
« nator esset, in scapham confugeret, et inde funiculo, 
« qui a puppi religatus scapham annexam trahebat , 
« navim , quoad posset , moderaretur ; ille autem , 
« cujus merces erant , in gladium * ibidem incum- 
« beret. Hic ille naufragus ad gubernaculum acces- 
« sit, et navi, quoad potuit, est opitulatus. Sedatis 
« autem fluctibus, et tempestate jam commutata , 
« navis in portum * pervehitur. Ille autem , qui in 
« gladium incubuerat , leviter saucius facile est ex 
« vulnere recreatus. Navim cum onere, horum trium 
« suam quisque esse dicit. » Hic omnes scripto ad 
causam accedunt, et ex nominis vi nascitur contro- 
versia. Nam et relinquere navem , et remanere in 
navi, denique navis ipsa quid sit, definitionibus quæ- 
ritur. lisdem autem ex locis omnibus , quibus defini- 
uva constitutio, tractabitur. 

Nunc, exposius ii argumentauonibus, quæ in 
judiciale causarum genus accemmodantur , deinceps 
iu deliberativum genus et demonstrativum , argumen- 
tandi locos et praecepta dabimus , non quo non in 
aliqua constitutione omnis semper causa versetur; 
sed quia proprii ? tamen harum causarum quidam 
loci sunt, non a constitutione separati, sed ad fines 
horum generum accommodati. Nam placet, in judi- 


( 


^^ 


^. 


n 


! In uavi ibidem. — 2 Provebitar. — ? Tantum, 





DE L'INVENTION, LIVRE Il. Sir 
& ils allérent à lui, et le prirent à bord. Bientôt la tempête 
« devint si fürieuse, que le propriétaire du navire, qui était 
« en même temps pilote, se jette dans l’esquif, et fait tous ses 
« efforts pour diriger le vaisseau à l’aide du câble qui l'attache 
« à sa barque. Le propriétaire des marchandises , qui n'avait 
« pas quitté le vaisseau , se passe son épée au travers du corps. 
« Celui que ke propriétaire et le pilote ont sauvé , s'empare 
« du gourernail, et.emploie tous ses efforts à sauver le bà- 
« metit. Enfin les flots s'upaisent, le temps change, et 
« Vôn arrive au port. La blessuré de célui qui s'était percé 
« de son épée n'était pas dangereuse ; il fut bientôt guéri. 
« Chacun de ces trois hommes réclame le navire et sa car- 
« gaison ; chacun d'eux fonde ses prétentions sur le texte de 
« la lei. » La.contestation naît du sens qu'on attache aux mots ; 
il faut définir ee qu'on entend par abandonner le bitiment, ce 
qu'on entend par y vester; et enfin ,'ce qu'on entend par le 
bâtiment lui-même. On emploiera ici les mérhes lieux que pour 
la question de définition. 

Maintenant que nous avons exposé les régles du genre judi- 
ciaire, nous traiterons des genres délibératif et démonstratif; 
non pes que toute.cause ,ne se rattache nécessairement à 
quelque question ; mais ces -oauses ont des lieux communs 
qui leur sont propres, et qui, sans s'écarter de la question, 
s'appliquent au but de ces genres. 

On veut que le genre judiciaire ait pour but l'équité, c'est- 
a-dire une partie de l'honnéteté, Aristote donne pour but au dé- 


312 DE INVENTIONE , LIBER II. 


ciali genere finem esse æquitatem, hoc est, partem 
quandam honestatis. In deliberativo autem Aristoteli 
placet utilitatem , nobis et honestatem , et utilitatem. 
* |n demonstrativo, honestatem. Quare in hoc quo- 
que genere cause quzdam argumentationes com- 
muniter , ac similiter tractabuntur : quædam separa- 
tius ad finem, quo reférri omnem ? orationem opor- 
tet , adjungentur. Átque uniuscujusque constitutionis 
exemplum supponere non gravaremur , nisi illud 
videremus , quemadmodum res obscure dicendo fie- 
rent apertiores; sic res apertas, obscuriores fieri ora- 
uone. Nunc ad deliberationis præcepta pergamus. 
LII. Rerum expetendarum tria genera sunt : par 
autem numerus vitandarum ex contraria parte. Nam 
est quiddam , quod sua vi nos * allicit ad sese, non. 
emolumento captans aliquo, sed trahens sua digni- 
tate : quod genus virtus, scientia, veritas.est. Aliud 
autem non propter suam vim et naturam , sed prop- 
ter fructum , atque utilitatem, petendum : quod genus 
pecunia est. Est porro quiddam ex horum partibus 
junctum , quod et sua vi, et dignitate nos inductos 
ducit , et prz se quandam gerit utilitatem , quo magis 
expetatur, ut amicitia, bona existimatio. Atque ex his 
horum contraria facile, tacentibus nobis , intelligen- 
tur. Sed ut expeditius ratio tradatur > Ca, qus posui- 
mus, brevi nominabuntur. Nam in primo genere quæ 
sunt , honesta appellabuntur. Quæ autem in secundo, 
utilia. Hiec autem tertia , quia partem honestatis cQn- 


! [n demonstrgtivo autem, — * Rationem. — ? Alliciat. 








DE L'INVENTION, LIVRE TI. 313 
libératif l'utile, et nous l'honnéte et l'utile; au démonstratif, 
l’honnête. Aussi ce dernier genre également des raisonne- 
mens généraux et communs , et d'autres qui s'appliquent plus 
particulièrement au fond de la cause. Nous n'hésiterions pas à 
donner un exemple de chaque question, si nous n'étions persua- 

dés que le discours qui répand du jour sur les objets obscurs, 
peut aussi rendreobseures des choses évidentes par ellessmémes. 


Passons maintenant aux préceptes de la délibération. 


LII. Tous les motifs qui peuvent exciter ou réprimer les 
désirs de l'homme, se divisent en trois genres. L'un , par un 
pouvoir qui lui est propre, nous attire à lui, moins par l'at- 
trait des charmes qu'il nous offre, que par l'ascendant de sa 
dignité : telles sont la vertu, la science, la vérité. On désire 
les autres choses plutót par intérét et pour leur utilité que 
pour elles-mémes : telles sont les richesses. D'autres enfin, qui 
participent des deux premiéres, nous séduisent par leur di- 
gnité naturelle et par une apparence d'utilité qui leur donne 
un nouveau prix ; comme l'amitié, une bonne réputation. Notre 
silence n'empéchera point l'adverssire de se prévaloir de ces 
avantages. Pour abréger, nous allons de suite donner un nom 
à chacun de ces genres. Le premier s'appelle honnête ; le se- 
cond , utile; le troisième , qui a aussi pour principe l'honneur, 


bien supérieur à tout lereste, se compose également des deux 


Sui DE INVENTIONE , LIBER Il. 


tinent, et quia major est vis honestatis, junctæ res 
omnino ex duplici genere intelligentur : sed m melio. 
rem partem vocabuli conferantur, et hónesta nomi- 
nentur. Ex his illud conficitur, ut appetendarum 
rerum partes sint, honestas et utilitas; vitandarum , 
turpitudo et inutilitas. His igitur duabus rebus duæ 
res grandes sunt attribute , necessitudo et affectio : | 
quarum altera ex vi, altera ex re et personis conside- 
ratur. De utraque post apertius perscribemus. Nunc 
honestatis rationes primum explicemus. 





LHI. Quod aut totum , aut aliqua ex parte propter 
se petitur, honestum nominabimus. Quare cum ejus 
duæ partes sint, quarum altera simplex , altera juncta 
sit, simplicem prius consideremus. Est igitur in eo 
genere omnes res una vi atque uno nomine amplexa 
virtus. Nam virtus est animi hebztus mature modo, 
rationi consentaneus. Quamobrem omnibus ejus par- 
tibus cognitis, tota vis erit simplicis honestatis consi- 
derata. Habet igitur partes quattuor : prudentiam , 
justitiam , fortitudinem , temperantiam. Prudenua est 
rerum bonarum, et malarum, * neutrarumqtie scien- 
tia. Partes ejus, memoria, intelligentia, providentia. 
Memoria est, per quam animus repetit, iMa, quee 
fuerunt. Intelligentia est, per qu&m ea petépicit , quæ 
sunt. Providentia est, per quam futurum ahquid 
videlur ante quam factum sit. Justitia est habitus 
animi, communi utilitate conservata, suam cuique 
wibuens dignitatem. Ejus initium est ab natura pro 


1 Et utrarumque. 





DE L'INVENTION, LIVRE II. 315 
premiers; mais, pour lui donner le nom le plus honorable, 
nous l’appellerons aussi honnête. Nous conclurons de là que 
l'honneur et l'intérêt sont les principes des choses désira- 
bles, et que la honte et l'inutilité sont le principe de celles 
qu'on doit rejeter. À ces deux principes, il faut en ajouter 
deux autres non moins puissans, la nécessité et l'affection. 
Dens l'un, on considére la force; dans l'autre, les objets et 
les personnes : nous les développerons plus bas. Maintenant 
expliquons ee qui constitue l'honneur. 

LHI. Nous appellerons honnéte, ce qu'en tout ou en partie 
on recherche pour soi-même. On divise en deux parties ce 
qui concerne l'honnéteté de nos actions : l'une embrasse seu- 
lement l'honnéteté; et l’autre, l'honnéteté et l'utilité. Occu- 
pons-nous d'abord de la premiére, qui comprend tout ce qui 
a rapport à l'honnéteté, sous le titre seul de vertu, et dans 
toute l'étendue de ce mot ; car la vertu * est une disposition 
naturelle de l'àme, conforme à la raison. Si donc nous connais- 
sons la vertu dans toutes ses parties, nous aurons une défini- 
tion complète de l'bonnéteté simple. La vertu.a quatre parties : 
Ja prudence, la justice, le courage et Ja tempérance. 

La prudence est la connaissance du bien et du mal. 'Elle 
se compose de la mémoire, de l'intelligence et de la prévoyance. 
La mémoire nous rappelle le passé; l'intelligence examine le 
présent; la prévoyance lit dans l'avenir; la justice est une 


* Cette définition est loin d'être exacte. La vertu est une disposition habi- 
telle de l'Àme qui porte à faire le bien et à fuir le ual. 


316 DE INVENTAONE,, LIBER II. 
fectum : deinde quædam ‘in consuetudinem ex utili- 
talis ratione venerunt : postea res. et. ab. natura pro- 
fcctas, et ab consuetudine probatas, legum, metus et 
religio sanxit. Natura jus est, quod non opinio genuit, 
sed quedémi innata vis inseruit, ut religionem, , pie- 
tatem , gratiam, vindicationem , observantiam, véri- 
tatem. Religio ést, quai superioris cujüsdath tiaturæ 
(quam divinhm vocant) caram ceremouiamqueaffert.c 
pietas; per. quam sunguine:.conjunciis , paltlÆque 
benivolis officium ei. dligens uibuitur cultas; gqatias 
10. qua, amicitiarum et officiorum alterius memoria 
"et remunetandi voluntas continetur : ?  Yindicatio, 
per quam vis et injuria, et omnino omne, quo: obfu- 
turum est, defendendo, aut ulciscendo propulsatur : 
* observantia , per quam homines aliqua dignitate 
antecedentes, cultu quodam et honore dipuantur : 
^ veritas, pér quam immutata ea ,' qux sunt ; aut apte 
fuerunt ; dut futura:sunt, dicuntur. L4 rec. À 


E " * H 
alii " 2 © t d ipn st. PM. Ó 1h10) "01 for: " 


e LIV. dimindliude est , quod «ant. leviter a 
matura tractum aluit etmagus fecit usus y.at xeligro- 
nem: au si quid eorum ,.qus ante diximus ; ab; na- 
tura profectum, majus factum propter fonçuerus inem 
videmus, aut quod i in morem vetustas vul gi approba- 
uone perduxit : quod genus, pactum, par, judica- 
tum. Pactum est, quod inter PAT Convenit : par, 
quod in omnes æquabile est: judichtdli; ud quo ali- 
cujus , aut aliquorum jam sententiis constitutum est. 


' Et alterius remunerandi, — 2 Add. est. — 3 Add.'est; — À Add. est: 











DE L'INVENTION, LIRE II. 317 
disposition (de l’âme;, qui, sans'blesser l'intérêt général, rend 
à chacun ce'qui'lui est dà. Elle a sa source dans la nature; 
ensuite l'utilit&'a fait de certaines choses autant de coutumes ; 
enfin la; crainte des lois et là religion ont sanctionné l'ouvrage 
de la nature, confirmé par l'habitude. 

La justice naturelle n'est point fondée sur l'opinipn ; nous 
la trouvons gravée dans nos. cœurs, comme la religion , la 
piété, Ta 'zeconnaissanee , la vengeance *., lea égards et la vé- 
rite. LA réligióh nous enseigne la manière d'honorer une nature 
supérieure, qu'on appelle divine. La piété est l'accomplisse- 
ment des devoirs envers nos parens et les bienfaiteurs de notre 
patrie. La reconnaissance est le souvenir de l'attachement d'un 
ami, et le désir de lui rendre service pour service. La ven- 
genuas repousse et punit la violence, et tout ce qui peut nous 
nue: Les égards consistent dans, Le respect et les honneurs 
qu'en rend aux hommes supérieurs en dignité. La vérité est 
le récit non altéré d'un événement présent, passé ou futur. 

LIV::Le droit coutumier consiste, ou dans les notions natu- 
reles! développées et fortifiées par l'usage, comme la religion, 
ou ‘dans lés actióris que nous inspire la nature, confirmées par 
l'habitude; que le temps et l'approbation du peuple ont chan- 
gées. eh! coütume , comme un contrat ; légalité, un jugement 
antérieur. Un contrat est un traité entre un ou plusieurs in- 
dividus. L'égalité donne un, droit égal à tous. Un jugement 

* Dane le cas de légiüime délense ; ou considérée comme chiâtiment infligé 
au crime, d’après les lois. 


518 DE INVENTIONE , LIBER II. 

Lege jus est , quod in eo scripto , quod populo expo- 
situm est, ut observet , contmetur. Fortitudo est 
considerata periculorum susceptio , et laborum per- 
pessio. Ejus partes, magnificenua, fidentia, patientia, 
perseverantia. Magnificentia est rerum magnarum , 
et excelsarum cum animi ampla quadam et splendida 
propositione agitatio, atque administratio : fidentia 
est, per quam magnis et honestis in rebus multum 
ipse animus in se fiduciæ certa cum spe collocavit: 
patientia: est: honestatis, aut utilitatis causa, rerum 
arduarum , ao dif&eilium voluntaria , ac diuturna per- 
pessio : perseverantia est 1n ratione bene considerata 
stabilis et perpetua permansio. Temperantia est ra- 
tionis in libidinem, atque in alios non rectos impetus 
animi, firma et moderata dominatio. Ejus partes sunt, 
continentia, clementia, modestia. Continentia est, 
per quam cupiditas, consili gubernatione regitur : 
clementia, per quam animi temere in odium ali- 
cujus ' conertati invectio , comitate retinetur : modes- 
tia, per quam pudor honestus, * caram et stabilem 
comparat auctoritatem. Átque bac omnia propter se 
solum , ut nihil adjungatur emolumenti, petenda 
sunt, Quod ut demonstretur, neque ad hoc nostrum 
institutum pertinet, et a brevitate præcipiendi remo- 
tum est. Propter se autem vilanda sunt, non ea modo, 
quz his contraria sunt, ut forütudim) ignavia, et 
justitiæ injustitie : verum etiam illa, que propinqua 
videntur et finitima esse, absunt autem longissime : 


* Inveciionis concitati , comitate retinentur. — 2 Claram. 








RE ER SL DU mo cal ST OO Se Rm 


DE L'INVENTION, LIVRE IL. 519 
antérieur est la décision déjà rendue par une ou plusieurs 
personnes. Le,droit civil est renfermé dans ces écrits, qu'on 
expose à la. vue du peuple, pour qu'il s'y conforme. 

Le courage brave les dangers et soutient les travaux , dont 
il connait toute l'étendue. ]l embrasse la magnificence, la fer- 
meté, la patience, la persévérance. La magnificence exécute 
avec éclat les nobles et vastes projets qu'elle a formés. La 
fermeté est une juste confiance de l'Àme en elle-même, dans 
l'exécution dr, projets. grands et honorables. La patience sup- 
porte. volontairement de longs et pénibles wevaux, pour arri- 
ver à un but utile et honnète. La persévérance persiste dans 
le parti qu'elle a emibrassé aprés de müres réflexions. 

La témpéránce régle et dirige, d'une main ferme et süre, 
toutes [es p passions « et tous les désirs de l'àme. Elle comprend 
la modération > la clémence et la modestie. La modération 
assujetti} les passions qu jong de la sagesse, La clémence 
calme, par la. douceur, l'emportement que neus causait une 
insulte. La modestie donne à une honnête pudeur un ascen- 
dant masqué et durable. On doit rechercher toutes ces vertus 
pour elles-mêmes , et sán$ aucune vue d'intérêt. Le démontrer, 
serait nous écarter de notre plan et de la brieveté qui convient 
aux préceptes. 

On doit encore éviter pour eux-mémes., non-seulement les 
vices contraires a ces yertus, comme la lácheté opposée au 
courage, l'injustice à l'équité, mais encore ceux qui, tout en 
paraissant plus proches et plus voisins de la vertu , n'en sont 


520 DE INVENTIONE, LIBER II. 


quod genus , fidentiæ contrarium, est diffidentia, et 
ea re vitium est : audacia non contrarium, sed appo— 
situm est ac propinquum, et tamen vitium est. Sic 
unicuique virtuu finitimum vitium reperietur, aut 
certo jam nomine appellatum ; ut audacia , quz fiden- 
tiæ; pertinacia, quz perseverantiæ finitima est; su— 
perstitio, qua religioni propinqua est : aut sine ullo 
certo nomine. Qua omnia item uti contraria rerum 
bonarum, in rebus vitandis reponemus. Ac de eo 
quidem genere honestatis, quod omni ex parte prop- 
ter se petitur , satis dictum est. 

LV. Nunc de eo, in quo utilitas quoque adjungi- 
tur, quod tamen honestum vocamus, dicendum vide- 
tur. Sunt igitur multa, quæ nos cum dignitate , tum 
fructu quoque suo ducunt ' : quo in genere est gloria, 
dignitas , amplitudo, amicitia. Gloria est frequens de 
aliquo fama cum laude : dignitas , alicujus honesta , 
et cultu, et honore, et verecundia digna auctoritas : 
amplitudo, potentiz , aut majestatis, aut aliquarum " 
copiarum magna abundantia : amicitia, voluntas erga 
aliquem rerum bonarum, illius ipsius causa, quem 
diligit, cum ejus pari voluntate. Hic , quia de civilibus 
causis loquimur , fructus ad amicitiam adjungimus , 
ut eorum quoque causa petenda videatur : ne forte, 
qui nos de omni amicitia dicere ? existiment, repre- 
hendere incipiant. Quanquam sunt qui propter uti- 
litatem modo petendam ? putent amicitiam: sunt qui 
propter se solum : sunt qui propter se; et utilitatem. : 


. ! Add. ad se. «= ? Existimant. == ? Patant. 








DE L'INVENTION, LIVRE II. Sat 
pas moins très-éloignés. La faiblesse, par etemple;' est op- 
posée a la fermeté, et c'est un vice: L'hudace né’ lui est pas 
opposée : elle se rapproche de la Yu et ‘pourtant elle est 
un défaut *. Ainsi, l'on trouvera tou] cürs un défaut ; désigné 
ou non par un mot particulier, voisin d'une vertu, S le 
sont l'audace de la fermeté  lopiniâtreté de la persévérance, la 
superstition de la religion. Nous les. mettons ; ainsi que les vices 
contraires aux vertus, au nombre-des choses à eviter, En voila 
assezsur le genre d'honnéteté pass co &ie-méme.. 

LV. Occupons-nous sneintessnt du genre qui mous offre à 
la fois l'honnéte et l'utile. 


Il est bien des choses qui nous attirent , et par leur éclat , et 
par les avantages qu'elles nous offrent ; comme la glaire, la 
dignité , la grandeur, l'amitié. La gloire occupe.souvent , «ét 
d'une manière honorable, la voix de la Renommée: La dignité 
donne une autorité fondée sur l'honneur ; elle nous conéilie les 
hommages et le respect. La grandeur est fondée sur la puis- 
sance, la majesté, ou d'immenses richesses. L'amitié est le 
désir d'étre utile à celui qu'on aime, et le retour dont il 
nous paye. 


Comme nous parlons ici des causes légales , nous ne séparons 
point de l'amitié les vues d'intérét qui peuvent nous la faire ud 
chercher : mais qu'on n n'aille point nous blàmer et croire que. 


* Aristote , de Morib., lib. II. . 
I. | 21 


322 DE INVENTIONE, LIBER Il. 

Quorum quid verissime constituatur , alius locus erit 
considerandi. Nunc hoc sic ad usura oratorium relin- 
quatur , utramque propter rem amicitjam esse expe- 
tendam. A micitiarum autem ratio, quoniam partim 
sunt religionibus juncta , partim non sunt, et quia 
partim veteres sunt, partim novæ, partim ab llorar; 
partim ab nostro beneficio profecta, partim utiliores, 
parüm minus utiles: ex causarum dignitstibus, ex 
temporum opportunitatibus, ex officiis, ex religio- 
nibus, ex vetustatibus habebitur. 


"LVI. Uulitas autem aut in corpore posita ést, aut 
in extraneis rebus : quarum tamem rerum multo 
maxume pars ad corporis commodum, revertitur , ut 
in republica quadam sunt, qui (ut sie dicam ) ad 
corpus pertinent civitatis , ut agri, portus, pecunia, 
classes, nautæ, milites, socii; quibus rebus inco- 
lumitatem ac libertatem retinent civitates : alia vero, 
que jam quiddam magis amplum, et minus necessa- 
rium conficiunt , ut urbis egregia exornatio atque 
amplrtudo, ut quedam excellens pecuniz , mogui- 
tudo , amicitiarum ac societatum multitudo. Quibus 
rebus.non illud solum conficitur, ut salve et inco- 
lumes, verum etiam , ut ample atque potentes sint 
civitates. Quare utilitatis duæ partes videntur esse, 
incolumitas et potentia. Incolumitas est salutis. tuta 


DE L'INVENTION, LIVRE II. 525 
nous parlons de l'amitié en général. Au reste, les uns, dans 
amitié, me voient que les avantages qu'elle peut leur pro- 
curer; d'autres la recherchent pour elle-même seulement ; 
quelques-uns enfin, poür elle-méme et pour ces avantages. 
Nous déciderons ailleurs quelle est la definition qui lui convient 
le mieux. Accordons à l'orateur qu'on peut la rechercher pour 
les deux derniers motifs. 

L'amitié, tantót consacrée par la religion, | > tantôt profane, 
tantôt fortifiée par une longue habitude, tantôt récente ; 
ou fondée sur des services rendus, ou sur des services 
reçus, tantôt sur d'importans bienfaits, ou sur de légères 
obligations , doit étre jugée d'aprés toutes ces considérations. 

LVI. L'intérét est personnel, ou extérieur * ; cependant 
presque tout se rapporte au bien-étre personnel, comme.dans 
la république, où certaines choses constituent le corps de 
l'État , telles que le territoire, les ports, les richesses, les 
flottes, les matelots, les soldats, les alliés; enfin tout ce qui 
sert au maintien de son indépendance et de son intégrité. 
D'autres sont d’une utilité plus vague et moins nécessaire, 
comme une ville vaste et magnifique , des richesses immenses, 
des alliances multipliées. 

Comme tous ces avantages ne servent pas seuls à main- 
tenir l'intégrité et l'indépendance des États, mais à les rendre —- 
vastes et puissagms, on peut envisager deux choses dans l'in- 
térét , la sûreté et la puissance. La sûreté nous protége et nous 

*. C'est celui qui regarde les choses qui ne novs concernent pas directement. 


524 DE INVENTIONE, LIBER II. 
atque'integra conservatio : potentia est ad sua consér= 
vanda, et alterius obtinenda, 1donearum rerum fa- 
cultas. Átque in iis omnibus, que ente dieta sunt, - 
quid difficulter fieri et quid facile fier: possit, oportet 
considerare. Facile fieri id dicimus, quod sine magno, 
aut sine ullo labore , sumtu , molestia, quam brevis- 
simo tempore confici potest. Difficile autem fieri, 
quod quamquam laboris , sumtus , molestiæ , longin- 
quitatis indiget, atque aut omnes , aut plurimas, aut 
maximas causas habet difficultaüs, tamen, his sus- 
ceptis difficultatibus, compleri , atus ad exitum per- 
duci potest. 

Quoniam ergo de honestate, et de utilitate dixi- 
mus , nunc restat , ut de iis rebus, quas his attributas 
esse dicebamus , necessitudine et affectione, per- 
scribamus. | : 

'L VII. Puto 1gitur esse hanc. necessitudinem , cui 
nulla vi resisti potest; quæ neque mutari, neque 
leniri potest. Atque, ut apertius hoc sit, exemplis 
licet vim rei , qualis et quanta sit, cognoscamus. Uri 
posse flamma ligneam materiam necesse est. Corpus 
mortale aliquo tempore interire necesse est; atque ita 
necesse, ut vis postulat ea, quam modo describe- 
bamus, necessitudinis, cui nulla vi resisti potest , 
qua neque mutari, neque leniri potest. Hujusmodi 
(necessitudines) cum in dicendi rationes incident, 
recte necessitudines appellabuntur : sin alique res 
incident difficiles, in*illa superiori, possitne fieri, 
quæstione considerabimus. 'Átque etiam hoc mihi 








DE L'INVENTION, LIVRE H. 525 
défend contre les dangers. La puissance est le pouvoir de 
conserver ses avantages et. d'obtenir ceux des autres. Il faut 
encore, dans tout ce que nous avons dit, considérer le plus 
ou le moins de facilité. Ce qui ne demande que peu ou point de 
peine, de frais, de fatigue et de temps, est facile. On regarde 
comme difficile ce qu'on ne peut achever et conduire i à sa fin, 
malgré la peine, les frais, les fatigues et le temps, en bravant 
toutes les difficultés qui s'opposent à l'exécution d’une entre- 
prise. | ' 

Nous avons traité de l'honnéte et de l'utile; il nous reste 
a.parler de la nécessité et des modifications que nous avons 
jointes à ces deux premiers mobiles. 


LVII. J'appelle nécessité, une force irrésistible qu'on ue 
peut ni changer ni adoucir. Des exemples sur son influence 
rendront notre définition plus claire. Le bois est nécessaire- 
ment combustible. L'homme doit nécessairement mourir un 
jour; aussi nécessairement que l'exige la force irrésistible de 
cette nécessité, que rien ne peut adoucir ni changer, et telle que 
nous la définissions tout à l'heure. Quand l'orateur rencontre 
de tels obstacles, il peut les appeler nécessités. S'il trouve 
des difficultés, nous considérerons, d’après la question pré- 
cédente, s'il est possible de les surmonter. 

11 me semble encore qu’il y a des nécessités accessoires, et - 
d'autres simples et absolues. Car nous ne disons pas dans le 


526 DE INVENTIONE , LIBER 1H. 


videor videre , esse quasdam cum adjunctione neces- 
situdines, quasdam simplices etabsolutas. Nam aliter 
dicere solemus, necesse est Casiinenses se dedere An- 
nibali : aliter autem, necesse est Casilinum venire in 
"Annibalis potestatem. lllic, in superiore , adjunctio 
est bæc, ' nisi si malunt fame perire: si enim id 
malunt , non mecesse : hoc inferius non item, prop- 
terea quod, sive velint Casilinenses se dedere, sive 
famem perpeti atque ita perire, necesse est Casi- 
linum venire in Annibalis potestatem. Quid igitur 
perficere potest hzec necessitudinis distributio ? Prope 
dicam, plurimum, cum is loous necessitudinis vi^ 
debitur incurrere. Nam cum eimplez erit necessitudo, 
nibilerit quod multa dicamus, cum eam nulla ratione 
lenire possimus : cum autem ita necesse erit, ut ali- 
quid effugere, aut adipisci velimus, tum adjunctio 
illa quid habeat utilitatis, aut quid honestatis, erit 
considerandum. Nam si velis attendere (ita tamen, 
ut id quæras, quod conveniat ad usum civitatis); 
reperias nullam esse rem, quam facere necesse sit, 

nisi propter aliquam causam, quam adjunctionem 
nominamus : pariter autem esse multas res necessi- 
tudinis , ad quas similis adjuncto non accedit. Quod 
genus , ut homines mortales necesse est interire, sine ad- 
junctione: ut cibo utantur, non necesse est, nisi cum illa 
exceptione: Extra quam, si nolint fame perire. Ergo, 
ut dixi , illud , quod adjungitur , semper, cujusmodi 

. sit, erit considerandum. Nam omni tempore id per- 
' ? Nisi malint, 


DE L'INVENTION, LIVRE II. 327 
méme sens: J] est. nécessaire que les Casiliniens se ren- 
dent à Annibal, et il est ndcessaire que Casilinum tombe 
au pouvoir d'/fnnibal. Dans ke premier càs, nous ajou- 
tons : à moins qu'ils n'aiment mieux mourir de faim. Cat 
s'ils aiment mieux prendre ce parti, il n’y a plus de né- 
cessité. Il n'en est pas de même pour le second cas; car, soit 
que les Casiliniens se rendent, soit qu'ils aiment mieux mourir 
de faim, il n'en est pas moins nécessaire que Casilinum tombe 
au pouvoir d'Anmibal. Cette distinction de nécessité est-elle 
Wile? sans doute, surtout quand le premier cas se présente; 
cat si la nécessité est simple et absolue, il n’y a presque rieh 
à diré, puisque rién ne peut en adoucir la rigueur. 

N'y a-til nécessité que pour éviter ou obtenir quelque 
chose , Considérons ce que cet accessoire offre d'hennéte ou 
d'utile. En effet, si vous voulez y prendre garde, pourvu 
néammoins que vous né cherchiez que l'intérêt de l'Etat, vous 
ne trouverez aucune action nécessaire , que par dne cause 
que nous appelons accessoire ; mais vous trouverez bien des 
Chosés nécessaires sans cet accessoire. Par exemple : I est 
nécessaire que l'homme meure ; il n'y a point d’accessoire. 
Il n'est pas nécessaire qu'il mange , excepté s’il ne veut pas 
mourir de faim. I] faudra denc, comme nous l'avons dit, 
considérer toujours la nature des accessoires; car dans toutes 
les circonstances, Hl faut exposet la nécessité , ou d’après 
l'honnéte, comme : cela est nécessaire, si nous voulons 
étre fidèles à l'honnéteté ; ou d'aprés la sûreté : cela est né- 


328 DE INVENTIONE , LIBER II. 


tinebit, * ut (ad honestatem ) hoc modo exponenda 
necessitudo sit : necesse est,? , si honeste volumus ? vi- 
vere : necesse est, si incolumes volumus esse : necesse 
est 5, si sine incommodo volumus vivere. 

LVIII. Ac summa quidem necessitudo. videtur 
esse honestatis : huic proxima, incolumitatis : tertia 
ac levissima , commoditatis : quæ cum his nunquam 
poterit duabus contendere. Hasce autem inter se sæpe 
necesse est comparari, ut, quamquam præstet ho- 
nestas incolumitati , tamen, utri potissimum con- 
sulendum sit, deliberetur. Cujus rei certum quod- 
dam præscriptum videtur in perpetuum dari posse. 
Nam, qua in re fieri poterit, ut, cum incolumitat 
consuluerimus , quod sit in præsentia de honestate 
delibatum, virtute aliquando et industria recupe- 
retur, incolumitaüs ratio videbitur habenda : cum 
autem id non poterit, honestatis. Ita in ejusmodi 
quoque re, cun incolumitaü videbimur consulere, 
vere poterimus dicere, nos honestatis rationem ha- 
bere, quoniam sine incolumitate eam nullo tempore 
possumus adipisci. Qua in re vel concedere alteri, 
vel ad conditionem alterius descendere, vel in præ- 
sentia quiescere, atque aliud tempus exspectare opor- 
tebit. In commoditatis vero ratione, modo illud at- 
tendatur, dignane causa videatur ea, quæ ad utili- 
tatem perünebit, quare aut de magnificentia, aut 
de hones:ate quiddam derogetur. Atque in hoc loco 


1 Add. aut. — ? Add. hoc faciamus. — ? Add. aut ad incolumitatem hoc 
modo. — ^ Add, aut ad commoditutem hoc modo. 








DE L'INVENTION, LIVRE II. 52g 
cessaire , si nous voulons étre en sûreté ; ou d’après le bien- 
être : cela est nécessaire , si nous voulons vivre commo- 
dérhent. 

LVIII. La nécessité la plus impérieuse est celle que prescrit 
P'honnéteté ; vient ensuite celle de la sûreté ; la troisième, et 
la moins importante, est celle du bien-étre , qu'onne peut nul- 


lement opposer aux deux autres. 


Il est néanmoins souvent indispensable de les comparer 
pour décider (quoique l'honneur doive toujours l'emporter) à 
qui l'on doit donner la préférence. On peut établir sur ce point 
une régle générale. Quand, en s'occupant de sa süreté ) on 
espère recouvrer quelque jour, par ses talens et par son mérite, 
ce qu'on a sacrifié de l'honneur , il semble qu'on peut pré- 
férer sa sûreté; sinon l'honneur doit l'emporter. Ainsi, dans 
de telles circonstances, nous pouvons dire encore que nous 
avons suivi l'honneur, puisqu'en sacrifiant notre süreté, nous 
n'aurions pu le recouvrer. Il faut alors céder, se soumettre 
aux conditions qu'on impose , ou bien ne pas agir, et attendre 
wn moment plus favorable. 


Pour le bien-être, il faut considérer si ce qu'exigent nos 
intéréts , mérite que l'on déroge à la magnificence ou à l'hon- 
neur. Le plus important, selon moi, c'est d'examiner si ce 
que nous voulons obtenir ou éviter, rend telle chose nécessajre, 


c'est-à-dire quel est l'accessoire, afin de se décider ensuite en 


30 DE INVENTIONE , LIBER Il. 

mihi caput illud videtar ess&e, ut quxramus, quid 
sit illud, quod si adipisci, aut effugere velimus , 
aliqua res nobis sit necessaria, hoc est, quz sit 
adjunctio, ut proinde, uti quaque res erit, labo- 
remus, et gravissimam quamque causam vehemen- 
tissime necessarinn judicemus. 

Affectio est quædam ex tempore, aut ex negotiorum 
eventu aut administratione , aut hominum studio, 
commutauo rerum, ut non tales, quales ante ha- 
bite sint, aut plerumque haberi soleant , habendæ 
videantur esse : ut, « ad hostes transire turpe videtur 
« esse; at non illo animo, quo Ulysses transiit : et 
« pecuniam in mare dejicere , inutile; at non eo 
« consilio , quo Aristippus ' dejecit. » Sunt. igitur 
res quaedam ex tempore, et ex consilio, non ex sua 
natura considerandæ : quibus m omnibus, quid tem- 
pora petant, aut quid persomis dignum sit, consi— 
derandum est, et non quid, sed quo quidque animo, 
quicum , quo tempore , quamdiu fiat, attendendum 
est. His ex partibus ad sententiam dicendam, locos 
sumi oportere arbitramur. 

LIX. Laudes autem, et vituperationes ex his locis 
sumentur , qui loci personis sunt attributi, de quibus 
ante dictum est. Sin distributius tractare quis volet, 
parüatur in animum , et corpus, et extrarias res 
licebit. Animi ést virtus, cujus de partibus paullo 
ante dictum est : corporis, valetudo, diguitas, vires, 
velocitas : extrariæ, honos , pecunia , affinitas , genus, 


Q1 


1 Fecit. 











DE L'INVENTION , LIVRE IL. 551 
conséquence , en regardant comme plus nécessaire ce qui nous 
importe le plus. | 


Par ces modifications , on entend les changemens causés 
par les circonstances, les événemens , la maniere d'agir ou les 
motifs , en sorte que les faits ne sont plus tels qu'auparavant , 
où tels qu'ils sont ordinairement. « Il est honteux de passer 
« à l'ennemi, mais non pas quand c'est dans le méme dessein 
« qu'Ulysse. C'est une sottise de jeter son argent dans la mer, 
« mais non pas quand c'est pour le méme motif qu’Aris- 
«,Uppe. » Il est donc des choses qu’il faut juger non en elles- 
mêmes, mais d’après le temps et les motifs. Considérez alors 
ce qu'exigent le temps ou les personnes; ne vous attachez 
point à l'action , maïs aùx motifs, au temps, à la durée. Tels 
sont les lieux communs que l'on peut développer pour exposer 


son avis. 


LIX. La louange et le blàme se tirent des lieux que nous 
avons plus haut attribués aux personnes. Voulez-vous les trai- 
ter isolément, envisagez-les sous les rapports moraux, phy- 
siques et extérieurs. Le rapport moral, c'est la vertu dont 
nous avons parlé tout à l'heure. La santé , la majesté, la force, 
la légèreté, appartiennent au physique ; l'illustration , les ri- 
chesses , la naissance, les amis, la patrie, la puissance et tout 


552 DE INVENTIONE, LIBER IL. —— 
amici, patria, potentia, et cetera, qua simili esse 
in genere intelhgentur. Atque in his, id, quod in 
omnia valet, valere oportebit: contraria quoque , qua 
et qualia sint, intelligentur. Videre autem in lau- 
dando et in vituperando oportebit, non tam quæ 
in corpore, aut in extraneis rebus habuerit is, de 
quo agetur, quam quo pacto his rebus usus sit. 
« Nam fortunam quidem et laudare, stuluua, et 
« vituperare , superbia est : animi autem, et laus 
« honesta, et vituperatio vehemens est. » Nunc quo- 
niam omne in causa genus argumentandi ratio tra- 
dita est, de Inventione, prima ac maxima parte 
rhetoricæ , satis dietum videtur. Quare, quoniam et 
una pars ad exitum hunc ab superiore libro per- 
ducta est, et hic liber non parum continet litterarum, 
qua restant, in reliquis dicemus. 


FINIS. 











Le Hi 


DE L'INVENTION, LIVRE II. 353 
ce qui leur ressemble, forment les lieux extérieurs. Ce qui 
l'emporte sur tout doit encore l'emporter ici. Il n'est pas dif- 
ficile de connaitre les contraires. 


Pour louer ou blàmer, attachez-vous moins aux avantages 
physiques et extérieurs qu’a la manière dont on en use. « Car 
« louer quelqu'un de son bonheur, c’est une sottise ; l'en blà- 
« mer, c'est unsot orgueil. » Quant à ce qui concerne le moral, 
on peut le louer ou le blàmer avec véhémence. Maintenant 
que nous avons tracé des préceptes pour tous les genres de 
cause , c'est avoir assez parlé de l'Invention, la premiere et 
la plus importante des parties de la rhétorique. Comme nous 
avons terminé cette partie, qui occupe déja le Livre précédent, 
et que celui-ci est assez étendu , nous traiterons dans les Livres 
suivans de ce qui nous reste à développer *. 


* Les autres Livres ne sont point parvenus jusqu'à nous. 


FIN, 


REMARQUES 


SUR 


LE PREMIER LIVRE. 


ARGUMENT. 


Croénon traite, dans ce premier Livre, de l'utilité et de l'abus 
de l'Éloquenee dans la conduite de la vie et dans celle des 
États. Il fait voir quelle en fut l'origine, et comment elle est 
insensiblement arrivée à la perfection, en se soumettant aux 
lumières de la raison et aux règles de l'art. Il parle ensuite du 
devoir de l'orateur, de la fin, de la matiére et des parties 
de l'Éloquence, «ui sont au nombre de cinq, l'Invention, 
la Disposition, l'Élocution, la Mémoire et la Prononciation. 
Il s'étend beaucoup sur ce qui concerne l'Invention dans 
tout état de question, soit conjecturale, soit de définition, 
soit générale. Il donne ensuite les règles d’après lesquelles 
on compose les Exordes, les Narrations, les Divisions, les 
Confirmations, les Réfutations et les Péroraisons ; il en fait 
voir aussi les qualités, les défauts et l'usage. 

: — Il. Bestiarum modo vagabantur, etc. L'éloqnence , considérée comme 
une faculté commune au poete et à l'orateur, a jeté, parmi les peuples, 
les premiers fondemens de la civilisation. Telle était l'opinion des Grecs, 
de tous les poëtes, de tons les philosophes, de tons les historiens de 
l'antiquité. Voyez Cicéron, De Oratore, lib. I, N°. VIII. Horace, 
Ant Poét. v. 391. Virgile, Énéid. liv. VIII. Diodor. de Sicil., bv. I, 
p. 17, édition de VVesseling , etc. ; l'Histoire critique de l'Éloquence 
ches les Grecs, par Belin de Ballu , tom. I, etc. 


sn 





REMARQUES SUR LE LIVRE I. 335 


» — V. Nam Gorgias Leontinus. Cicéron parle souvent dans ses ouvrages 
de cet oratcur, surnommé Leontinus, parce qu'il était né à Leontium, 
ville de Sicile. 1l vécut jusqu'à l'âge de cent huit ans. H ne subsiste plus 
que deux fragmens des écrits de Gorgias. 


3 — Idem. Aristoteles autem , qui huic arti plurima adjumenta , atque 
ornamenta subministravit, eic. On trouve darts la rhétorique d' Aristote, 
de l'ordre, de l'exactitude, et une grande suite de principes et de raisonne- 
mens bien liés. Les préceptes que ce rhéteur philosophe foarnit sur le 
geure délibératif, le démonstrauf et le judiciaire; la peinture qu'il fait 
des mœurs de chaque âge, de chaqne état, de chaque condition; la 
manière dont il explique les moyens d'exciter, on de calmer les passions; 
les instructions qu'il donne par rapport aux preuves, aux caractères de 
la bonne élocution, au choix des mots, à la structure de la période, et 
à toute l'économie du discours oratoire , montrent qu'il n'ignorait rien 
de ce qui est essentiel à l'éloquence, et qu'il en avait approfondi toutes 
les parties; mais en général sa diction a un air sec, triste et scolastique. 
Cicéron est à la vérité moins méthodique, mais il est plus poli, plus 
agréable , plus engageant; il a renfermé dans ses Livres de rhétorique tout 
ce qu'Aristote avait de meilleur, et on peut dire qu'en suivant ses prin- 
cipes, il a ennobli et perfectionné sa doctrine, soit par le soin qu'il a 
pris de rectifier ce qu'il y avait de défectueux, soit par le poids et la 
force qu'il a donnés à ce qui avait besoin d'appui, soit par les charmes 
qu'il y a répandus, soit par les ressources qu'il a trouvées dans ses ré- 
flexions et dans son expérience. 

(Préface de la traduction du Traité de l'Orateur, par l'abbé Cozrx.) 


4 — XXXVI. Si quadam in argumentatione satis est uti propositione. 
Personne n'ignore que le syllogisme est composé de trois propositions ; 
savoir : Ja majeure. la mineure, et la conclusion qui doit suivre nécessaire- 
ment des deux premières , pour que le syllogisme soit en forme. L'ora- | 
teur donne quelquefois cinq propositions au syllogisme , parce qu'à 
chacune des propositions ordinaires , il ajoute quelque preuve qui la con- 
firme. ll le fait, soit pour l'ornemint, soit par la nécessité, quand la 
proposition ordinaire est douteuse. Cette espèce de syllogisme se nomme 
épichérème. En voici un exemple : 

19. « Celui-là n'a pas violé les lois dont l'action avait pour bat de sauver 
« la république, et qui l'a effectivement sauvée ; 
2*. « Parce que la fin pour laquelle les lois ont été faites, est le salut de la 


« république; 


356 REMARQUES SUR LE LIVRE I. 


3o. « Or, Milon a voulu sauver la république , et l’a sauvée réellement 
« en tuant Clodius; 

49. « En effet, Clodius était l'ennemi déclaré de la république, dont il 
« aurait causé la perte , s'il n'eüt été tué; 

5o. « Donc Milon n'a point violé les lois en tuant Clodius. » 

Supprimez la seconde et la troisième proposition, et ce raisonnement 
oratoire n'est plus qu'un syllogisme ordinaire. 


5 — XL. Inüs, in quibus exitus perspicuus est, consecutione uti , etc. 
Il aurait fallu franciser le mot consecutio, pour traduire ce passage plus 
littéralement. Le mot consecutio est expliqué plus haut par l'auteur da 
Traité de l'Invention ; aut ut id, quod cam rem, quar conficitur, se- 
quatur, necesse est. 


6 — XLIX. Cœpionis legem jadiciariam. Q. Servilius Cœpion, consul , 
l'an de Rome 648, porta une loi qui abrogeait une disposition de la loi 
rendue par C. Gracchus , disposition qui accordait aux chevaliers romains 
le droit de juger. Par sa nouvelle loi, Cœpion adjoignit les sénateurs aux 


FIN DES REMARQUES SUN LE PREMIER LIVRE. 


REMARQUES 


SUR 


LE SECOND LIVRE. 


ARGUMENT. 


Cox Cicéron n'avait parlé, dans son premier Livre, que 

. d’une manière imparfaite et confuse, de ce qui concerne la 
Réfutation et la Confirmation, il indique, dans ce second 
Livre, les lieux communs propres à chaque genre de causes. 
C'est pourquoi il enseigne comment il faut traiter la Confir- 
mation et la Réfutation dans le genre judiciaire et dans la 
question de conjecture , et les lieux communs dont l'accu- 
sateur et l'accusé doivent faire usage. Il applique les mêmes 
règles à la question de définition, à l'état de cause qui exige 
un changement de juge : ensuite il passe à la question de 
droit civil et à la question juridiciaire, aux différens sens 
d'une loi ou d'un écrit, aux argumens propres au genre 
délibératif et au genre démonstratif. 


| V. Impulsio est, quae sine cogitatione, etc. C'est ainsi que Cieéron 
| s’attache à prouver, dans la Milonienne, que son client n'a point dressé 
d'embüches à Clodius, et que ce dernier en a dressé à Milon; que 
Milon n'avait aucun motif de haine contre Clodius, tandis que Clodius 
en avait un trée-grave contre l'accusé. 
« At valuit odium, Milonis, fecit iratus, fecit inimicus, fecit ultor in- 
« juris , punitor doloris sui. Quid? si hzc, non dico, majora fuerent in 
« Clodio, quam in Milone, sedin illo maxima, nulla in hoc : quid vultis 
« amplius? Quid enim odisset Clodium Milo, segetem ac materiam eus 
IL. 22 


538 


A 


REMARQUES SUR LE LIVRE II. 
« glorie, prater. boc civile odium, quo omnes improbos odimus? lile, 
« erat, ut odissct , primom defensorem salutis mez, deinde vexatorema 
« furoris, domitorem armorum suorum, postremo etiam accusatorem 
« suum. Reus enim Milonis, lege Plotia, fuit Clodius, quoad vixit. 
& Quo tandem animo hoc tyrannum tulisse creditis? Quantum odium 
« illius, et, in bomine injusto, quam etiam justum ? » 
( Cic. pro Milone, Ne. XIII.) 

Mais, dira-t-on, la haine a prévalu; l'inimitié et l’animosité l'ont en- 
« traine; il voulait venger une injure , satisfaire son ressentiment. Eh ! 
« si ces motifs étaient plus faibles dans Milon que dans Clodius; que 
« dis-je? s'ils étaient uds-impédeuz poar cefai—ci , et nuls pour l'accusé , 
« que voulez-vous de plus? En cflet, pourquoi Milon , qui ne voyait 
« daos Clodius qu'un aliment toujours nouveau et une occasion perpé- 
« tuelle de gloire, l'eüt-Il bai, sinon dé cette haine que tout citoyen 
« porte aux méchens ? Clodies, su evntraict , avait Ben de hair Miloo, - 
« d'abord, comme un dés prineipaux inetromene dé mou rappel , ensuite 
« comme le plus redoutable écueil de ses fureurs et de ses violences, en- 
« fin comme son accusateur. Car Clodius, en vertu de la loi Plotia, fut 
€ l'accusé de Milon (ant qu'il vécut. Avec quel dépit croyes-voas que 
« cetyiahisé suit và éternellement dens las Heus d'ane accusation? Quelle 
« heiec ne devait pes l'animet contre celui qui l'y tenait? haine 
« assez naturelle e même juste , quoique dans le plus injuste des 


« hommes. 
( Traduction de l'ubisi Avovors. ) 


3 — "ITI. Defensor autem ex contrario primum impalsionim emt ntilkun 


füisio dieet , etc. C’est ainsi. que Cluéron refnle le reproche d'incon- 
duite adressé à Muréna, pour lequel il plaidait. 


« Saltatorem appellat L. Murenam Cato. Maledictum est , si vere objicitur, 


« vehementis accusatoris: sin falso , maledici conviciatoris. Quarè tune 
« ista sis auctoritate, non debes, M. Cato, arripere maledictum ex 


. « trivio , aut ex scurrarum aliquo convivio , beque temere consulem pop. 


« rom. saltatorem vocare : sed conspicere, quibus preterea vitis affectum 
« csse neccsee sit eum , cui vere istud objici possit. Nemo enim fere saltat 
« sobrius, nisi forte insanit : neque in solitudine, neque in convivio mo— 
« derato atque honesto ; tempesüivi convivii , amæni loci , multarum de- 
« liciarum comes cst extrema saltatio. Tu mihi arripis id, quod necesse est 
« ocnium vitiorum esse postremum : relinquis illa, quibus remotis hoe 
« viüum omnino esse non potest; nullum turpe convivium , non amor, 
« non comissaiio, non libido, non sumtus ostenditur ; et, com ea noa 


REMARQUES SUR LE LIVRE II. 55g 


« reperiantur, quz voluptatis nomen habent, queque vitiosa sunt: in 
« quo ipsam luxuriam reperire non potes, in eo te umbram luxuriz re- 
* pun ( Cic. pro Murena , No. VI.) 

« Caton. appelle L. Muréha un danseur. Le reproche est violent, s’il est 
« fondé; s'il ne l'est pas , il devient une injuriense calomnie. Est-ce 
« à un homme comme vous, Caton, de ramasser de pareilles injures 
« dans les carrefours, de les dérober à quelque misérable bouffon , de 
« donner si légèrement le nom de danseur à un coneul romain , au 
« lieu d'examiner de combien d’autres vices serait nécessairement souillé 
« celui qui mériterait un pareil reproche? Un bomme sobre ne danse 
« guère, tant qu'il est maître de sa raison, ni quand il est seul, ni 
« dans la gaité d'un repas lionnéte et frugal; aux festins méme ex- 
« traordingires, où l'on cherche à réunir tous les plaisirs, la danse est 
« le dernier de tous. Vous l'accusez d'abord du vice le plus grossier, et 
« vous ne parlez point des autres sans lesquels celui-ci ne peut exister ; 
« vous ne rapportez ni repas honteux, ni galanterie, ni dissipation, ni 
« libertinage; et ne trouvant aucun des vices qui suivent la volupté, vous 

_« voulez, où la débauche n'est pas, nous y faire voir son ombre. » 
( Traduction de MM. Go&novrs. ) 


3 — XIIL Quorum pars ad consilium pertinet , etc. C'est l'intention 
qui excuse ou qui aggrave l'action, Mais comment sonder los replis du 
cœur humain, sans s’exposer à un grand nombre de méprises, toutes les 
fois que l'intentiou n'est pes exprimée? Les hommes sont naturellement 
portés à penser que celui qui a voulu l’action en a voulu aussi toutes les 
suites. Cette propension est souvent un obstacle insurmontible qui s'op- 
pose au triomplie de l'ionocence et de la vérité. I! fant être doué de beau 
coup de pénétration et de sagacité, pour juger de ce que pensait intérieu- 
rement un accusé, an moment de commettre un délit, si cet accusé n'é- 
tait pes faunliarisé avec le crime. L'hommede bien, chargé de prononcer 
sur le sort d'un prévenu, ou d'éclairer la conscience des juges, doit , avant 
d'examiner l'imention, dhns l'intérét de l'accusé, du carps social et du 
genre humain, éçarter les préjugés d'habitude, devenir étranger à ses 
propres passions, comme à celles des autres; et si, après le plus mür exa- 
men, il n'est pas absolument content de lui-méme, il ne doit, jamais 
franchir au-delà du doute. C'est la. voix de sa conscience qi lui die. 
alors : Arrête, et crains de prononcer. Ta veux sauver l'innocence , prends 
garde de laisser échapper le coupable ; tu désires punir un coupable, prends 
garde de frapper l'innocent. Dans cette penible alternative, ne comfonds 


- 


340 


REMARQUES SUR LE LIVRE Il. 


jamais l'horreur que le crime inspire, avec celui qu'on accuse de l'avoiz 
commis ; et si tu. dois ètre entraîné par l'erreur , la plus excusable sera 
toojours celle qui absout, plutôt que celle qui condamne , celle qui 
conserve, plutót que celle qui detruit. Le repentir peut entrer dans 
l'âme du coupable que tu conserves , ct tu ne rappelleras pas à la vic 
l’inaocent que le glaive des lois aora sacrifié. 


Je suis persuadé que l'auteur du traité de l’favention était, ainsi que tous 


les rbéteurs anciens , pénctré des principes que je viens d'ezposer, et que 
les moyens multipliés qu'il indique à l'orateur, ne sont point, comme 
bien des gens se l'imaginent, de vaines et ridicales subtilités ; et, si je me 
trompe , il me semble. alors que les réflexious que j'ai faites peuvent 
devenir vraiment utiles. 


4 — XV. Hec ergo argumenta, qua transferri in multas causas pos- 


sunt, locos communes nominamus. En faisant une aussi longue énu- 
mération des lieux communs , Cicéron n'avait certainement pas en 
vue ces détails insignifians qui s'adaptent indifféremment à toutes les 
causes, et qui dàe-lors n'appartiennent à aucune. 


5 — XIX. JVam et pratorüs exceptionibus multas excluduntur actiones. 


Le préteur de la ville ne rendait point de jugement, excepté dans les 
affaires importantes , mais il vous adressaiteu tribunal dont vous ressortiez , 
en vous donnant la formule de l'accusatioo. 


— XX. on enim oportet, in recuperatorio judicio, ew. Le préteur 


déléguait quelquefois un juge qui, en vertu de sa commission , connaissait 
des causes dans lesquelles il s'agissait du recouvrement et de la restitution 


rator, et le jugement qu'il rendait était nommé judicium recuperatorium. 


, Ce passage donne aussi lieu de croire que les récupérateurs prouonçaient 
aussi sur les dommages et intéréts, puisque le chevalier qui a eu la main 


coupée, réclame un dédommagement, 


7 — XXI. Quidam pupillum heredem fecit. Un citoyen conservait jusqu'à 


son dernier soupir , le droit de changer son testament, qu'on pouvait, 
dans les cas déterminés per la loi, casser aprés la mort do testateur; car les 
personnes qu'il y nommait pouvaient mourir avant lui, ou n'avoir pas la 
capacité requise. D’après ces considérations , on permit de désigner des 
seconds et même des troisièmes héritiers, qui se remplacaient les uns les 
autres. 


REMARQUES SUR LE LIVRE IH. 34x 


' 


. 9 — XXVII. Postea. translationis partibus. uti, etc. L'orateur dira, par 
exemple : « Votre sœur eüt-elle mérité la mort, son frère ne devait pas la lui 
« doaner avant qu'elle y eût été condamnée, ni troublee mal à propos 
« par un meurtre, la joie de toute une ville. » 


9 — XXX. In eo fiedere, quod factum est quondam cum Samnitibus , 
quidam adolescens nobilis porcam sustinuit jussu imperatoris, Après 
avoir conclu un traité de paix, on immolait une truie. 


« Inter se posito certamine, reges 
« Armaü Jovis ante aram , paterasque tenentes 
« Stabant, et cæsa jungebant foedera porca. 


( AExzID. Jib. VIII, v. 639.) 


Poyez Quintilien, Institut. Orat. lib. VIE, et les commentaires de Servius 
et de Piérius sur les vers de Virgile que je viens de citer , ete. 

Pinsieurs auteurs prétendent que l'on immolait un porc, et non pas une 
truie. On peut aussi , pour avoir une juste idée de la solennité qui accom- 
pagnait les traités, consulter encore Virgile, Énéid, liv. XII , depuis le 
vers 166 jusqu'au vers 216. 


19 — XXXI. Lex est apud Rhodios, ut, si qua rostrata in portu navis 
deprekensa sit, publicetur. Toute la difficulté roule sur le sens que l'on 
suppose que le législateur attachait au mot deprehensa; mais il est peu 
probable qu'un homme sensé eût jamais prononcé la confiscation contre 
un vaisseau jeté par la tempête dans le port de Rhodes. Poyez ce que dit 

Aristote , dans le premier livre de sa Rhétorique, chap. XIII , sur l'in- 
tention du législateur. 


1! — Idem. Et ex deliberationis partibus, etc. Personne n'ignore que les 
trois genres de causes et les trois genres de style se trouvent fort souvent 
réunis dans un seul et méme discours. Vous pouvez louer, par exemple , 
ce qui est honnéte, comme la vertu dont vous pouvea aussi prendre la 
défense contre ceux qui l'attaquent ou qui la persécutent ; vous pouvez. 
enfin la persuader à ceux qui hésitent ou qui négligent de la pratiquer. Il 
est aisé de voir ici combien les trois genres oratoires se rapprochent Pan 
de l’autre. En défendant un accusé, on a quelquefois occasion de faire 
l'éloge de sa conduite présente ou antérieure, et cette partie de la défense 
rentre nécessairement dans le genre démonstratif. 


12 — XXXIV. JYam in senatu , et in consilio de $yphacc. Consultez les 
notes de Fulv. Ursinus , lib. V, de Finibus. 


542 


REMARQUES SUR LE LIVRE II. 


19 — XL. Meretrix coronem auream ne habeto. Si habuerit, publica 


esto. Mermogènes, qui cite le même exemple, fait consister l'ambi- 


, guité dans l'accent : ETespe, y pueia, «i popoin, d'muoeia, eco. 


Meretrix coronam auream si ferat, publica esto. L’accneateur pro- 
nonce le mot d'AMosie avec un accent sur la pénukième, et par cela 
même, il prétend que la courtisane soit vendue ou qu'elle devienne la 
propriété de la république. Le défenseur met l'accent. sur l'antépénul- 
ti&me, et dit qu'il faut. prononcer ó'npócia , et per conséquent, que 
c'est la couronne, et non pas la courtisane , que la loi ordonne de mettre 
en vente. 


14 — XLV. Deinde indignum esse de lege aliquid derogari, etc. Dero- 


gare, c'est abolir une partie de loi par une loi contraire; abrogare, c'est 
aummler une loi; exrogare, c'est déroger à une ancienne Joi par une 
nouvelle; obregare, c'est présenter une loi qui en abroge une autre. 
Voyez sor ces mou, les Antiquités grecques ot romaines de Sam. 
PPitiseus , et les commentaires dont le P. Preast a enrichi l'édition des 
Livres oratoires de Cicéron , ad usum Deoiphimi. Paris, 1689. 


15 — XLIX. Ælexandrum, qui apud. Pheræos, etc. Alexandre, tyran de 


Phère en Thessalie, déclara la guerre aux Macédoniens et fit Pélopidas 
qeisoonier. Malgré les précautions qu'il prenait pour sa vie, il fut tué par 
Thébé sa femme, l'an 357 avant J. C. 


FIN DES REMARQUES SUR LE SECOND LIVRE. 


. TABLE DES MATIÈRES. 


L 





LIVRE PREMIER. 


L Le talent de la parole et l'étude de l'éloquence ont-ils été 
plus avantageux que nuisibles à l'homme et à la société? 

II. Origine et progres de l'éloquence. | 

III. Causes de sa dépravation. Ambition des orateurs. 

IV. Ses bienfaits. Union indispensable de la sagesse et de 
l'éloquence. 

V. De la rhétorique. Devoir et fin de l'orateur. Des trois 
genres de cause. 

VI. Opinion d'Hermagoras. Elle est combattue par Cicéron. 

VII. Des cinq parties de la rhétorique. De Pinvention, de la 
disposition, de l'élocution, de la mémoire et du débit. 

VII. Différens états de question, suivant la différence des 
causes. Questions de fait, de nom et de genre, etc. 

IX. Question de genre. Hermagoras la sous-divise en quatre 
espèces : délibérative, démonatrative , juridiciaire et maté- 
rielle. Son opinion est réfutée. Cicéron n'admet que trois 
genres, le démonstratif, le délibératif et le judiciaire. 

X. Continuation du méme sujet. Nature des trois genres de 
cause. 

XI. De la question juridiciaire absolue et accessoire. Elle 
offre quatre chefs : l'aveu du crime, le recours, la récri- 
mination , la nécessité d’alternative. La question commu- 
tative ou translative est une sorte de récusation. 

XII. La cause est simple ou complexe. Il faut examiner si la 
discussion porte sur le raisonnement ou sur le sens littéral, 


- 


544 | TABLE DES MATIÉRES. 

XIII. Du genre de cause fondé sur le sens littéral, et de celui 
fondé sur le raisonnement. Du point à juger. 

XIV. De la preuve fondamentale. Des parties du discours 
oratoire, qui sont, l'exorde, la narration, la division, la 
confirmatiof , la réfutation et la péroraison. 

XV. Les causes sont honnêtes, extraordinaires, basses, dou- 


teuses ou obscures. De l'exorde direct et de l'exorde par 


insinuation, 


XVI. Cicéron, après avoir montré quel est le but de l'exorde, 


enseigne les moyens d'en assurer le succés. 

XVII. De l'xorde par insinuation. Dans quelles circons- 
tances il faut l'employer. Qualités de l'exorde. 

XVIII. Règles communes à l'exorde direct et à l'exorde par 
insinuation. Défauts de l'exorde. 

XIX. De la narration. Il y a trois genres de narrations. La 
narration regarde les choses ou les personnes. 

XX. Les trois qualités de la narration sont, la brieveté , la 
clarté, la «raisemblance. 

XXI. Eu quoi consiste la vraisemblance dans la narration. 
Défauts qui nuisent à la vraisemblance. 

XXII. De la division. Lorsqu’elle est bien faite, elle rend le 
discours clair et lumineux. De'la concision, de l'exactitude 
et de la justesse. 

XXIII. Continuation du méme sujet. Défauts à éviter. 

XXIV. De la confirmation. Des argumens ; ils se tirent des 
qualités de la cause ou de celles des personnes. Qualités 
naturelles et acquises. Influence de la nature, de la com- 
plexion, du sexe, du caractère, de la patrie, de l’âge et de 

. Ia. parenté. 


A XV. Qualités personnelles acquises et provenant de l'édu- 


P —— 


TABLE DES MATIÈRES. 345 
cation. Culture de l'esprit; liaisons, facon de vivre, usages; 
moeurs, penchans, etc. Effets du hasard. 

XXVI. De la substance du fait. Le lieu, le temps, la ma- 
niére, l'occasion, le pouvoir d'agir, voilà ce qu'on entend 
par accessoires. 

XXVII. De l'occasion. De l'intention. 

XXVIII. Des points de comparaison. Distinction du genre et 
de l'espéce. Des conséquences. 

XXIX. Du dilemme. De la conclusion. | 

XXX. La similitude s'établit entre des choses contraires, pa- 
reilles, ou qui ont le méme principe. L'auteur en apporte 
des exemples. Observations touchant les sources, la forme 
et la grandeur des argumens. De l'image, du parallèle et 
de l'exemple. 

XXXI. Dela simple induction et du raisonnement composé. 
L'auteur cite un exemple de l'induction; c'est l'entretien 
d'Aspasie avec l'épouse de Xénophon, et Xénophon lui- 
méme. 

XXXII. Continuation du méme sujet. 

XXXIII. De l'induction. Exemple de cet argument. 

AXXIV. Force et nature du raisonnement. Est-il composé 
de cinq parties ou de trois? Argumentation de cinq parties. 

XXXV. L'auteur citeà ce sujet l'opinion de Socrate, d'Aris- 
tote et de Théophraste. Il adopte célle d'Aristote et de 
Théophraste. 

XXXVI. Argumens oü la proposition n'a de force qu'autant 
qu'elle est soutenue par la preuve. Il faut distinguer l'as- 
somption de la preuve. 


XXXVII. Il y a des argumens dont la proposition ni l'as- 


soiption n'ont besoin de preuve. 


346 TABLE DES MATIÉRES. 

XXXVIIL Exemple d'un raisonnement à cinq parties. 

XXXIX. Exemple d'un raisonnement à quatre parties, où 
la majeure, ou proposition, n'a pas de preuve. Autre exem- 
ple ou la preuve de l'assomption ou mineure est supprimée. 

XL. Du raisonnement réduit à deux parties. H faut éviter 
une conclusion trop évidente. Ambiguité du mot argu- 
mentation expliquée. 

XLI. Nécessité pour l'orateur de varier la forme de ses argu- 
mens. 

XLII. De la réfutation ; elle puise a mêmes sources que la 
eonfirmation. 

XLIII. De la réfutation des signes. | 

XLIV. Manière de réfuter les argumens qui établissent la 
probabilité. 

XLV. Manière de rétorquer le dilemme, et de réfuter une 
énumération quand elle est vicieuse. | 

—. XLVI. Continuation du méme sujet. Réfutation d'une con- 
clusion simple, quand la conséquence n'est gas la suite né- 
cessaire des antécédens. 

XLVII. L'orateur doit examiner si la conclusion ne dit pes 
plus que ne font les prémisses. Supposition fausse. 

XLVIII. Argumens vicieux. Conséquence trop étendue. Ma- 
jeure fausse. Preuves mal choisies. Règles particulières. 

XLIX. Conünuation du méme sujet. Exeniples assortis aux 
régles. 

L. Fin des observations que peuvent comporter les vices d'uft 
argument. Règles générales. 

LI. Choix de raisons égales en force, ou méme supérieures à 
celles d'un adversaire. Sentiment d'Hermagorss touchant ln 

_digression, qu'il place avant la conclusion. 


TABLE DES MATIÈRES. 547 

LII. De la péroraison et de ses parties. Des mouvemens ora- 
toires. De p IE et de la plainte. Qualités de la ré- 
capitulation. 

LIII. Les mouvemens oratoires exigent, comme les preuves, de 
l'art et de la mesure. Comment l'orateur parvient à exciter 
l'indignation. 

LIV. Continuation du méme sujet. 

LV. Quels sont les moyens d'attendrir l'auditeur et de le 
rendre sensible à nos plaintes. 

LVI. De l'observation. Conclusion du premier Livre. 


LIVRE IL 


+ 

I. Portrait d'Hélène par Zeuxis. 

II. Cicéron avoue qu'il a emprunté des anciens rhéteurs ce 
qu'il a dit et ce qu'il va dire touchant la rhétorique. Tisias 
premier inventeur de l'art. Aristote loué par Cicéron. 

III. L'auteur indique le plan qu'il a dessein de suivre, en 
profitant des lumières de ceux qui l'ont précédé. 

IV. Chacun des trois geures d'éloquemoe a un but différent. 
Toute espèce de cause se rapporte à l’un de ces treis genres. 
Exemple de la question de conjecture. 

V. Lieux communs de la question conjecturale. De la pas- 
sion et de la préméditation. 

VI. Ce que doit faire l'accusateur , quand l'accusé a agi avec 
préméditation. 

VIT. Continuation du même sujet. 

VIII. Moyens que doit employer le défenseur pour justifier 
son client, accusé d'avoir agi avec préméditation. Objec- 
tions de l'accusateur. 


548 TABLE DES MATIÈRES. 


IX. Conjectures tirées de la personne, du sexe, de la nation; 
des ancêtres, de l’âge, de la complexion, de la conduite de 
l'accusé. 

X. Continuation du même sujet. Nouveaux moyens d’accu- 
sation. 

XI. Moyens de justification dont le défendeur doit se servir. 
Comment il peut affaiblir ou détruire les soupcons élevés 

. contre son client. 

XII. Des circonstances inhérentes au sujet. Il faut examiner 
le lieu, le temps, l'occasion, les moyens. 

XIII. Des choses qui rendent un fait probable ou non, et 
qui fortifient les soupcons. De l'intention. Défauts à éviter 
dans l'application de ces lieux communs. | 

XIV. Pour rendre l'invention des preuves plus facile » l'ora. 
teur reviendra souvent sur sa propre narration et sur celle 
de l’adversaire. : 

XV. De ce que l’auteur entend par lieux communs. Pour 
mettre de l'ordre et de la clarté dans le discours, il faut 
employer rarement ces lieux communs. 

XVI. Lieux communs dans une cause conjecturale ; tels sont 
les sdupcons, les bruits publics, les témoins, les aveux, etc. 

XVII. De là question définitive. Définition d'un mot dont 
on cherche la valeur. 

XVIII. Continuation du méme sujet. Réfutation de l’adver- 
saire. | 

XIX. Question de récusation. Exemple cité par l'auteur. 

XX. Autre exemple de récusation. Du jugement par com- 
MUSSION. 

XXI. Question de genre, matérielle et juridiciaire. 

XXII. Règles à suivre dans une cause, quand elle offre plu- 
sieurs points a juger. Du droit civil, du droit coutumier , 
du contrat, de l'égalité, du jugement antérieur. 











hi 


TABLE DES. MATIÈRES. 549 


XXIII. De la question.absolue et de la question accessoire, 

XXIV. De l'alternative, de la récrimination, du recours et 
de la concession. 

XXV. Continuation du méme sujet. 

XXVI. Manière dont l’accusateur et le défendeur emploient 
ces lieux communs. Exemple. Horace, vainqueur des Cu- 
riaces, accusé pour avoir tué sa sœur Horatia. 

XXVII. Moyens de défense et d'accusation dans cette cause. 

XXVIII. Continuation du méme sujet. 

XXIX. Il y a deux espéces de recours : c'est tantót la cause 
et tantót le fait qu'on rejette. 

XXX. Continuation du méme sujet. Exemples. 

XXXI. La concession a lieu lorsque l'accusé, sans justifier 
le fait, supplie qu'on lui pardonne. Exemples. 

XXXII Argument tiré de la nécessité et de la force ma- 
jeure. Exemple. 

XXXIII. Maniére dont le défendeur rétorque les ees 
de son adversaire. 

XXXIV. De la déprécation. Exemples. 

XXXV. Moyens du défendeur pour appuyer la déprécation. 

AXXVI. Objections de l'accusateur. 

XXXVII. Des peines et des récompenses. 

XXXVIII. La question des récompenses se divise en quatre 
parties, les services, l'homme, le genre de récompense et 
les richesses. 

XXXIX. Du prix que mérite chaque action. 

XL. Discussions sur le sens littéral d'une loi ou d'un écrit. 

XLI. Ambiguité des termes. Exemple. 

XLII. Intention du rédacteur ou du testateur. Exemple. 
Moyen de défendre l'intention. Exemples. 

ALIII. Continuation du méme sujet. 


550 TABLE DES MATIÈRES. 


XLIV. Continuation du méme sujet. 

XLV. Continuation du méme sujet. La loi ne doit que tres- 
rarement proposer d'exceptions. On ne peut déroger à la loi 
ni l'abroger. 

XLVI. Continuation du méme mS Moyens de celui qui 
défend la lettre. 

XLVII. Moyens de oelui qui attaque la lettre. 

XLVIII. Emploi des lieux communs de l'honneur et del'in- 
térét. 

XLIX. Point de discussion, lorsque deux ou plusieurs lois 
semblent contradictoires. Exemples. 

L. De la question d’annlogie. Exemples. Lieux communs de 
ce genre. 

LI. De la définition, quand il se trouve dans le texte de la loi 
quelque mot dent on cherche la valeur. Exemple. Des 
genres délibératif et démonstratif. Opiniom d'Aristote. 

LII. Motifs qui peuvent exciter ou réprimer les désirs de 
l'homme. 

LIII. L'auteur définit ce qu'on enténd par ces mots, honnéte, 
vertu , etc. Définitions des vertus. 

LIV. En quoi consistent le droit coutumier , l'égalité, lec con- 
trat, le jugement antérieur. Suite de la définition des vertus. 

LV. De l'honnéte et de l’utile réunis. De la gloire, de la di- 
gnité, de la grandeur, de l'amitié. 

LVI. De l'intérét personnel ou extérieur. 

LVII. Définition étendue de la nécessité. 

LVIII. Du bien-être. Les circonstances , les événemens , les 
motifs de l’action changent la nature des faits. 

LIX. De la louange et du blàme. Conclusion. 


FIN DE LA TABLE DE L'INVENTION. 





LES 


TROIS DIALOGUES 
DE L'ORATEUR, 


ADRESSÉS A QUINTUS FRÈRE DE CICÉRON. 


TRADUCTION DE J. B. LEVÉE. 


\ 


Z4 AO), . 


ts tite . NE it 


pb us supra ira eal ear iig 
eo o er] Pesazy t TPE UTETEE 
00st at d suse d YY 98 19952, Xt 
i, yo pue uw ae bui jJ 1 
*o pod 5g, bts onn J :-2) 3U9J if. v. 
"oes dao A x Raj t6 tia cà E #01) 13 ai 
“+ 0g dts n) Uo pee tol eU 


, tete out) 


M o3: Cea cmt s] eu: 
k d yh aj ^ {hair 

22 Le 7 wit. Ms: B8 -ÍC UL 

; 3 TP ig »ru e 

"Uer; E ORE oe qd ty duree Tie stra 

. € eo y cw rund LN 

x er ee cCudbeae OOYG Sae REA, is 

can dons rss ute v] is Colitlos 


t ater 9 arzotqiu 90191 

4t E Sri Ur à | M hab] sib 
E ua! hin ME. b sitio lue ni 

sv ss abes 1 no Q99918 
More it d 40 11619q29 bar. 
pisc sls SUI 69^ Tüsceviq fb 


e pU [prre notes viedo eil jo e553b. 


*a X » À - 2047 À 
Li " ü 
£r $3 * [EFEZN! 
* CE " 
& Ep 7 c, Vu "4 
$33 L] h (Pg s pt Ln 
CR eil + r t! 
> t |] E * 1 1* 
$34 9 à 
a! n " LI 
à L * 
"1 aC: tou” : 
$ 
Eat CI n r] 
L] 
Uude  SOUUE S ts 
- ^ LAM 1 t 
[| - 
* HT S . 5 7 
h 
i pov o^ 
+ 4 r 1 à 
[E * i ER * 
1 
Ta BA LI t 
1 H 
^. 4. *a. r1 
. M + a * # A7 
E « Li "3 “+ 
1 4 
PEU ocr54v$ t, aid; FN 
* * t 
Uibae*kpe doe 491 
b S. x 
1 zi sf pore # J: 


Vos bit uL equieJ-suol e uq» 


f 
+ Md t ,., LATE ELLE tt T 929 LET 


7*7 
E 


INTRODUCTION. 


Ds tous les Ouvrages que Cicéron composa sur l'élo- 
quence , il n'en est point de plus beau que /es Z7ois 
Dialogues de l'Orateur. L'intérét naît tout à la fois, 
et de l'importance du sujet, et du mérite des inter- 
locuteurs. L'oreteur romain avait passé sa vie au bar- 
reau et dans l'administration des affaires de la répu- 
blique, lorsqu'il écrivit ces Dialogues. 

Quelle distance d'un traité de rhétorique, rédigé 
dans la forme usuelle et méthodique, et tel qu'un 
maître le dicte à des écoliers, à cette conversation 
si noble et si imposante établie par Cicéron ! Quelle - 
manière plus heureuse de donner une grande idée de 
son art, que de représenter les premiers hommes de 
la république, des personnages consulaires, tels 
qu' Antoine et Crassus , etson gendre Scévola , grand- 
pontife, et la lumière du barreau pour la jurispru- 
dence , employant le loisir et le repos de la campa- 
gue pendant le peu de jours de liberté que leur laisse 
la solennité des jeux publics, à s'entretenir sur l'élo- 
quence , en présence de deux jeunes gens de la plus 
grande espérance, Lucius Cotta et Servius Sulpicius, 
qui pressent ces grands hommes de leur révéler leurs 
idées et leurs observauons sur cet art, dont ils ont été 
depuis long-temps les modéles! Tel est l'entretien 
que Cicéron suppose avoir eu lieu, lorsqu'il. était 

IT. 23 


354 "^ » INTRODUCTION. 

à peine sorti de l'enfance, environ cinquante ans 
avant le temps où il écrit, et lui avoir été rapporté 
par Cotta. C'est:un effort de mémoire qu'il prétend 
faire en faveur de son frère Quintius, qui lui avait 
demandé ses idées sur l'éloqnence. Il est probable 
qu'en effet cette conversation. m'était pas tout-à-fait 
une supposition; que-Cotta en avait parlé à Cicéron, 
et lui en avait rapporté les principaux résultats; que 
eelui-ci, dans.]a suite ; saisit l’occasion de travailler 
sur un fonds qui lui avait paru intéressant et riche, 
et que le prince des orateurs romains , quelque droit 
que lui donuassent la vieillesse et la gloire (ül avait 
alors soixante-un ans) de dicter les lecons de son 
expérience et les lois. de. son génie, aima mieux se 
déroker. au danger de s'ériger. en législaieue , et pré- 
féra de se. mettre à ‘couvert sous la vieille autorité 
de deux maîtres fameux, qur ayateme été avant dui 
les: premiers organes de l'éloquence romame. 

Il est à remarquer que Scévola , l'un des inter- 
locutéurs du premier Dialogue, n'est point présent 
au second; et il paraît que Cicéron l’a écarté à des- 
sein, parce qu'il ne convenait pas qu'on fit un traité 
sur la plaisanterie, en présence d'un homme aussi 
grave qu'un grand-pontife. Ces sortes de bienséances 
sont soigneusement observées par les anciens; et 
Cicéron surtout, qui ne recommande rien tant à 
l'orateur que l'exacte observation des convenances 
de toute espéce, avait trop de délicatesse et de goût 
pour y manquer. 





INTRODUCTION. 355 


Telle est, sur cet ouvrage de Cicéron, l'opinion 
d'un homme qui mérita d’être regardé comme un 
iouveau Quinülien *, et dont je viens d’empranter 
les propres expressions, et qui nous a laissé une trés- 
judicréuse analyse'de ce Traité. d 

Les Dialogues de l'Orateur furent traduits en fran- 
cais par Cassagne , en 1673; M. Desmeuniers en donna 
unénouvelletraduction en 1783. Jeune dissimule point 
que l'une et l'autre m'ont été de quelque secours , en 
composant celle que j'offre aujourd'hui au public. 
J'ai dà vaincre plus d'un obstacle, en traduisant les 
quatre Livres de la Rhétorique à Hérennius. Séduit 
per l'intérêt que m'inspira, de tout temps, la lecture 
des trois Dialogues , j'ai-redoublé de zéle pour don- 
ner la traduction de cet ouvrage admirable , espérant, 
je le dis avec franchise, trouver dans mon travail une 
sorte’ de récompensée et un dédommagement de mes 
premiers efforts. 

. La Harpe , Cours de Littérature ancienne et moderne , tom. 2, 1816, 
pag. 111 et suiv. 


4 


jus sl ss (P 


à $009 ' . 
! ess, y!) HR ot)esg P9, 0p. , ' , $ (7 , 


M. T. CICERONIS 
^] 1.'ABg rndfuxs £C) T M 


DIALOGI TRES 


' ^. DE ORATORE:::: 


DALOGUS, stv/LIBER. PRIMUS: 


| 
t. CIC. — ds mihi sæpenumero , & me: 
moria vetera repetenti , perbeati fuisse, Quinte Tra- 
ter, illi videri solent, qui in optima republica, cum 
et honoribus, et rerum gestarum gloria florerent, : eum 
viæ cursum tenere potuerunt, ut vel in negotio s sine 
periculo ,. vel in. otio. cum dignitate esse possent, 4 Ac 
fut * quidem , cum milii quoque initium requies- 
cendi, atque animum ad utriusque nostrum. preclara 
studia referendi, fore justum et prope .ab omnibus 
concessum arbitrarer , si infinitus forensioss: rérum 
labor , et ambitionis occupatio , decurstf homorüdn , 
'etiam ætatis flexu, constirisset. Quam spem:cdfita- 
tionum et consiliorum meorum, curn gráves'Gopomqu- 
nium temporum, tum' varii nostri cásds/fefélletunt. 
Nam , qui locus. quieus et tranquillitatis pleñibsitfus 


1 Tempos illud, cum. 





LES 


TROIS DIALOGUES 
^ IDE L'ORATEUR j : 


ADRESSÉS A QUINTUS FRERE, DE CICÉRON. 


. DIALOGUE , où LIVRE PREMIER. 


I. CIC. — | m livré souvent à mes réflexions, ma 

mémoire se reporte sur les choses passées, mon cher : Quin- 
tus , ceux-là me semblent vraiment heureux qui, nés sóus un 
bon gouvernement, parvenus au comble des honneurs et de 
la gloire, peuvent sans crainte selivrer aux affaires, ou vivre 
avec digoité dans le repos. Il fut un temps où, aprés avoir 
vieilli * daws les honneurs, et devenu étranger aux intrigues 
qu'il faut employer pour y parvenir, libre enfin de mes oceu- 
pations infinies aa barreau et: dans la magistrature, je me 
flattai de goûter, sans qu'on me désapprouvát, les donceurs 
de la retraite, et de me livrer à l'étude des lettres que nous 
chéresens. Mais.la rigueur des circonstances etla suite de mes 


 3majheurs détruisirent mes espérances. En effet, dans le lieu 


qui paraissait m'offrir le calmeet la tranquillité, se sont éle- 
vées dihorribles tempétes , et je me suis vu environné de nom- 
breux écueils. La fortune, toujours contraire à mes vœux les 
plus ardens, ne nous a point permis de consacrer nos loisirs 


558 DE ORATORE, LIBER I. 


fore videbatur , in eo maximæ moles molestiarum $ 

et turbulentissimæ tempestates exstiterunt. "Nequc 
vero nobis cupientibus atque' exoptantibus früctus 
otii datus est ad eas artes, quibus a pueris dediti 
fuimus, celebrandas, * inter nosque recolendas. Nam 
prima ætate. incidimus in ipsam perturbationem . dis- 
ciplinz veteris : et consulatu devenimus in medium 
rerum omnium certamen atque discrimen : et hoc 
tempus omne post consulatum objecimus s flncij- 
bus, qui , per nos a communi peste depulsi , in 
»osmetipsos redundarunt. Sed tamen in his vel aspe- 
ritatibus rerum , vel angustiis temporis, obsequar 
studiis nostris , et, quantum mihi vel fraus iniumivb- 
rum , vel cause amicorum , vel respublica tribuet 
otii, ad scribendum potissimum conferam. Tibi vero, 
frater , neque hortanti deero, neque roganti. Nam 
neque auctoritate quispiam apud me plus valere te 
potest , neque voluntate. 

“IL. Ac mihi repetenda est veteris cufasdam memo- 
rie non sane satis explicata recordatio ; sed ; ut àrBi- 
tror apta ad id, quod requiris, ut cognoscás; quz 
viri omnium eloquentissimi, clarissimique senserint 
de omni ratione dicendi. Vis enim, ut mihi sæpe 
dixisti ; quoniam quæ pueris ,aut adolescentulis up 
bis ex cadimentatiobé nostris inchoata ac rudia exci- 
derunt , yix hac state digna, et hoe usu, quem, ex 
Causis , quas diximus, tot tanysque consecuti $995 ; 
aliquid iisdem de rebus m a —— 


c EU 








DE. L'ORATEUR , LIVRE I. 559 


à ces beaux-arts qui, dés l'enfance , firent nos plus chères dé- 
lices. À peine entré dans la carrière de la vie, je me trouvai 
au milieu des troubles politiques qui avaient changé la face 
de l’État, et je parvins à la dignité de consul, à travers les dan- 
gers, quand les partis étaient encore aux prises; et, pendant 
le temps qui suivit mon consulat, les orages dont j'avais ga- 
ranti ma patrie, sont venus fondresur ma téte. Mais cependant, 
malgré ces conjonctures pénibles et difficiles, je me livrerai 
au goüt qui nous domine, et je consacrerai désormais à écrire 
les loisirs die me laisseront encore les intéréts de Pamitié, 
ceux de mon pays, et les persécutions de mes implaeables enne- 
mis: ! Mon frère, j'aime à céder à vos instances et à vos oon- 
sels 2 personne n'a sur mai , ni plus d'empire, ni plus d'au- 


e, 


torue. 


AL. Ici. je dois me rappeler le.souvenir de certain entretien 
Hop. peu, connu, et qui sera très-propre à vous satisfaire, 
fn. vous découvrant l'opinion que les hommes les plus élo- 
guens et les plus illustres avaient conçue de l'art oratoire. 
Cur vous voulez, comme vous me l'avez dit plus d'une fois, 

Tui avec beaucoup de soin et d'une manière plus appro- 

ondie, une matière qui fut l’objet de quelques essais échappés 
à ma plume , dans mon enfance et dans ma jeunesse , 4 et que 
vous croyez indignes ‘de mon âge et de l'expérience,qe j'ai 
“âcqüise'atr barreau et dans les ‘affairés. Vous avez coutuine , 
‘dans fes discussions particulièges ; de ne poirit êtie de mon 
avis, quand je prétends que l'éloquence des hommes les.plus 


560 DE. ORATORF, RIBER- T. " 
proferni::s0]esque nonnurmquans: ksc de rene in 
dispaitatiomibus: nouis dissentire qubd eto prüden- 
tispimotum honimum artibus éléquentiath cohifnéri 
statuam ; tu autem illam ab elegantia. doctrinie Segre- 
gandum: putes, et in quodam i ingenii alque exercita- 
tionis genera ponendam. P 
‘+ Ac'hihi quidem : spenümero in | summQs homines 
ac summis ingeniis præditos i intuenti ; quarendum 


esse yisum est, quid esset, cur plures in amnibus re 


bus, ; quam in dicendo admirabiles exstitissent. Nana, 
Auocumque te animo et cogilalione converters, 
permultos excellentes in quoque genere vadebas., mon 
mediocrium artium , sed prope maximarum: Quis 
enim est, qui, si clarorum hominum serentüstyre- 
rum gestarum vel.utilitate vel magnitudine metiri 
velit , non antepouat oratoti imperatorem ?:Quis àu— 
tem dubitet : quin belli duces præstantissimos ex hac 
una civitate pne innumerabiles, in dicendo autem 
excellentes vix paucos proferre possimus? Jam veto, 
consilio ac sapientia qui regere ac gubernare, rempu- 
blicam possent , mult nostra, plures patrum memo 
ria, atque etiam májorum exstiterunt , cum, boni 
perdiu nulli, vix autem. singulis, tatibus singuli 
tolerabiles oratores invenirentur Âç,. ne quis forte 
cum alis studiis, qua. recanditis in; artibus., at 
que in quadam varietate litterarum versentur , magis 
hanc dicendi-rationem , quam cum imperatoris laude, 
aut cum boni senatoris prudentia comparandam pu- 
tet; convertat animum ad ea ipsa artium genera » 





"TN 





DEiE/ORATEUNR,: LIVRE. I. 561 


TURPE peur baet la conpaissance de l'üptoire et de 19 juris- 
Rrydene; vous pepsess (n oopiraize , quielleidbis óte dégegée 
de tout l'appareil de l'écudiuon.. et qu'elle dépend. ipn 

mnm nature et de l'exercice. . +, +3, 4: innarten 
GE Én jetant l les yeux sur les hommes dont le gái fait ER 
notre admiration, on est forcé dese demander pourquoi, Pi plus 


T's 


niéz " ded et votre pensée, vous apercevez dans les arts 
Yóritsedlenient ordinaires, maïs encore daris les plus élevés " 
béndeoup dé xtiodéles accomplis dans chaque genre. Et quel 
«yt oelüi qui, mesurant le mérite de cés personnages illustres 
ques l'utilité on par ha gloire de leurs productions , ne soït porté 
à. préférer le guerrier x l'oreteur? Or, qui deute que Rue ne 
compte. à elle. seule. beaucoup d’habiles capiteines; ‘tandis 
qu'elle pent.à peine.citer quelques grands orateurs? De nos 
jours, et.plus encore du temps de nos pères et de nos.ancétres, 
combien n'y eut-il pas de citoyens capables de diriger la ré- 
publique par leur prudence et par leur sagesse, tandis que, 
depuis ; plusieurs siècles , chaque génération offre à peine quel- 
ques orateurs supportables ! Mais si l'on était tenté de com- 
parer l'éloquence aux autres talens qui dépendent des sciences 
1 plus profondes et des diverses parties de la littérature 3 
‘plutôt qu'a la science militaire óu à la politique , il suffira de 
W'arrétér atteritivemént à cé qui ‘concerne cliáque genre de 
#eñce;''et de considérer le nombre prodipieux de ceux qui 
S'y sont distingués ,"pour recohnaître sans pene que. "de tout 
Aemps ,. il I— x j E eg 
gibt ta s rib D I LT 


LT BH ee din Eran ati o! uu rM tu a1)! 


v 
x 
LS 


562 DE ORATORE , LIBER I. 
circumspiciatque , qui in iis floruerint , quamque 
multi : sic facillime , quanta oratorum sit , semperque 
fuerit paucitas , judicabit. 

III. Nequeenimte fugit, * artium. omnium Jaudata- 
rum procreatricem quandam, et quasi parentem eam, 
quam œraooplar Grseci vocant, ab hominibus doctis- 
simis judicari: in qua difficile est enumersre ,. quot 
viri , quanta scientia, quantaque in suis studiis varie- 
tate, et copia fuerint, qui nou una aliqua in re separa- 
tim elaborarint, sed omnia , quæcunque possent , vel 
scientie pervestigauone , vel disserendi ratione com- 
_prehenderint. Quis ignorat, 11, qui mathematici 
vocantur, quanta in obscuritate rerum , et quam. 
recondita in arte et muluplici subulique , versentur? 
quo tamen in genere ita multi perfecti homines exsti- 
terunt, ut nero fere studuisse ei scientie vehemen- 
üus videatur, quin, quod voluer& , consecutus sit. 
Quis musicis , quis huic studio litterarum, quod pro- 
fitentur ii, qui grammatici vocantur , penitus &e:de- 
didit, quin omnem illarum artium psæme infinitam 
vim et materiam scientiz cogitatione compreliende- 
rit? Vere mihi hoc videor esse dicturus, ex omnibus 
lis, qui in harum artium studiis liberalissimis sint 
doctrinisque versati, minimam copiam poétarum 
egregiorum » exstitisse. Átque in hoc i ipso numero, 
in quo perraro exoritur aliquis excellens, si diligen- 
ter, et ex nostforum, et ex Græcorum copia. compea- 
rare voles, multo tamen pauciores: oratores ,.quam 


* Latdatarutu artium omnitm —* Estifitse : à(qe- ic ctn nn! 








DE'L'ORATÉOR ; EUVRE I. 563 


rt < ^ o» 
Tu LL "ET SUB EE m Lg j 25 sea cb Rae OA ès 


dt! nifttm ,' 20 gt sj pola sq 


«diy. Vous migtoret:pas que la philosophie est regardéé par 
- Gus les gens instruit , comme la sburee et le principe des beaux- 
arts: El est dif&ode de vompter combien elle a produit d'bom- 
-quep élonmans: par lebr savoir , par la variété et l'étendue de 
. lens .conbaissences , eppliqués non-sçeulement à un seul objet; 
iai SBoorq fibrgssans dens leurs méditations toutes les profon- 
. fleurs de la science, toutes les difficultés de la dialectique. 
Ne sait-on pas que les mathématiciens marchent environnés 
de ténèbres , dont ils ne peuvent dissiper l'obscurité qu'à l'aide 
d une sagacité rare , et par de longs efforts? Cependant il a 
‘existé tant de srathématiciens habiles, qu'il semble qu'avec 
 dé'l'árdéür et déla persévérance, on fas, quand on le veut, 
dáüs les mäthémiatiques , lés plus rapides progrès. Quel ‘est 
éttot qui , s'étant fortement livré à l'étnde de la Musique 5 et 
de hu'éruntmaire , $a pts approfondi tout ce qu'elles offrent 
de; plus. difficile, et n5 a pas obtenu la supériorité ? Il me 
-simhle, à, dire vrai, que ,: parmi tons ceux qui ont excellé 
danses :seinmons st dans les beaux-erts, les grands postes 
. SPMAFRERTE ceux qui se présentent en plus petit nombre. 

Dens. cette. foule que je parcours ,. d s'en élève quelques-uns 
. au-dessus des autres; mais si vous voulez examiner parmi 
, nous et , parmi les Grecs, vous trouverez moins de bons ora- 
“teurs q je de bons , poetes. Cela doit paraitre d'autant plus 
| surprenant, qu'il faut étudier les autres arts dans des sources 

cachées et peu connues, fandis que l’éloquence est à la portée 
"BB touté monde; quelle eihprunte tout de nos usages, de nos 
ihtürs, dénotre langage: et quand c’est un' mérite pour les 

autres arts de s'élever au-dessus de l'iptelügence humaine et 


564 DE ORATORE, LIBER I. 


poëtæ boni reperientur. Quod hoc etiam mirabilius 
debet videri , quia ceterarum artium studia fere re- 
condiüs atque abditis e fonübus' hauriuntur : dicendi 
autem omnis ratio in medio posita , communi quo- 
dam in usu, atque in hominum more et sermone 
versatur : ut in ceteris id maxime excellat, quod 
longissime sit ab imperitorum intelligentia sensuque 
disjunctum, in dicendo autem vitium vel maximum 
? sit a vulgari genere orationis atque a consuetudine 
communis sensus abhorrere. 

IV. Ac ne illud quidem vere dici potest , aut plu- 
res ceteris artibus inservire, aut majore delectatione, 
aut spe uberiore, aut præmtis ad perdiscendum am- 
plioribus commoveri. Atque, ut omittam Greciam, 
qua semper eloquentiæ princeps esse voluit, atque 
illas omnium doctrinarum inventrices Áthenas , in 
quibus summa dicendi vis et inventa est et perfecta : 
in hac ipsa civitate profecto nulla umquam vehemen- 
tius , quam eloquentiz studia viguerunt. Nam postea- 
quam, imperio omnium gentium constituto, dinturnr 
_ tas pacis otium confirmavit, nemo fere laudis cupidus 
adolescens non sibi ad dicendum. studio omni eniten- 
dum putavit. Àc primo quidem totius rbtionis ignari, 
qui neque exercitationis ullam viam , neque:aliqued 
præceptum artis esse arbitrarentur ; tanum, quantum 
ingenio et cogitatione poterant , consequebantüt.Post 
autem , auditis oratoribus grzcis , cognitisque éofüm 
litteris , adhibitisque doctoribus, mcredibili tjüódam. 


ha dodo 
. t Est | : 








i 
DE L'ORATEUR, LIVRE I. * $65 
du vulgaire, en regarde comme le plus grand des’ défauts 
dans l'orateur de ne pas s'exprimer comme le commun des 
hommes a coutume de le faire , et de maniére à en être en- 


up tits), P - | 


» IV.:On ne doit pas dire assurément que les autres arts ont 
plus de. disciples, ni que ces disciples sont excités par un 
charme plus puissant, par, des espérances plus belles, par de plus 
armples récompenses. Sans parler de la Grèce, qui voulut tou- 
jours domiper sur les autres dans l'empire de l'éloquence, et 
d'Athènes, qui se regardait comme le berceau des beaux-arts , et 
où l'art de parler fut porté au plus haut degré ; dans Rome 
méme, aücun art ne fut plus généralement cultivé, et ne ' 
parvint à une supériorité plus marquée. Lorsque nous eü- 
mes soumis l'Univers , et qu'une paix durable eut assuré notre 

tranquillité et notre tepós, presque tous tes jeunes pers sen- 
sed à lé kloire crürent devoir se livrer ardemment à l'élo- 
quèhet: Igtirant d'abord l'art et la méthode. ne sotrpeonnant 
pub-méme qu'il'en existit , ils s'abandonnèrent à leur génie 
e$ à, Kur» imagination. Lorsqu'ils, eurent ensuite entendu les 
QOIS re63 » et. connp leurs, ressources , ils prirent des mai- 

vida f Rfpreèrent avec un zèle incroyable de se distinguer 
i e de l'élpquence. Li importance, le nombre et 
idi gnuses qui se présentaient en tout genre, , les exci- 
taient à Aa autant qu'il é étaient en eux , indé pendamment 
des talens naturels, l'expérience qui vaut mieux que les meil- 


566 DE'ORATORE ; LIBER I. 

nostri homines dicendi studio fhieraverunt. uxciabot 
eos magnitudo et varietas , mulinwdoque in awnniigeo: 
mere causarum , ut'ad- eam ‘doctrifam , quami sue 
quisque studio assecutus esset, adjungeretür- usus 
frequens, qui oinnium magistrorum praecepta supe— 
raret. Érant autem huic studio maxima, que nunc : 
quoque sunt , exposita przemia , vel ad gratiam , vel 
ad opes, vel ad dignitatem. Ingenia vero (ut multis. 
rcbus possumus die) nostrorum hominum mul- 
tum ceteris ( hominibus ) omnium gentium præstite- 
runt. Quibus de causis, quis non jure miretur , ex 
omni memoria :etatum , temporum , civitatum , tam 
exiguum oratorum numerum inveniri ? Sed nimirum 
majus est hoc quiddam , quam homines opinantur , 
et pluribus ex artibus studiisque collectum. 

V. Quis enim aliud , m maxima discentium nialti- 
dine, summa' magistrorum copia, præstantissimis 
hominum ingeniis, infinita causarum varietáte, am- 
plissimis eloquentiz propositis praemiis, esse causæ - 
putet, nisi rei quandam incredibilem magnitudinem, : 
ac difficultatem ? Est enim et scientia comprehen- 
denda rerum plurimarum, sine qua verborum volu- 
bilitas inanis, atque irridenda est : et ipsa oratio 
conformanda , non solum electione, sed etiam goBg-,, 
tructione verborum : et omnes animorum; motus; 
quos hominum generi rerum natura tribuit, penitus. 
pernoscendi; quod: omnis vis ratioque diaendi; an 
eorum ,.qui audiunt, mentsbus aut sedandis dut , 
excitandis 'expromenda est. Accedat eodem oportet 














DE L'ORATEUR, LIVRE I. 567 


leures lecons. Pour prix de son zèle, an obtenai alors, comme 
de nos jours, les faveurs , les richesses et les dignités. Les 
hommes de génie, chez les Romains (comme nous en pouvons 
juger dans beaucoup de choses), l'ont emporté sur tous ceux 
. des autres nations. Combien donc n'a-t-on pes lieu d'étre sur- 
pris, qu'apres tant de siècles, parmi tant de peuples et de 
cités, il se soit rencontré si peu d'hommes éloquens? C'est 
que l'éloquence offre bien plus de difficultés qu'on ne le pense, 
et qu'elle se compose d'une réunion parfaite de talens et de 
connaissances. 


. V. Quelle autre cause, malgré cette foule inwense de dis- 
ciples et de maîtres , malgré la diversité infinie des sujets, et 
les récompenses les plus magnifiques, a pu s'opposer aux pro- 
grès. de J'éloquence, si ce n'est son incroyable étendue et la 
difficulté d'y réussir? En effet, elle exige beaucoup de qua- 
lités sans lesquelles elle ne serait qu'un bavardage inutile et 
ridicule ; son mérite dépend non-seulement du choix, mais 
aussi de l'arrangement des mots, de l'étude approfondie des 
passions multipliées que la nature a’ mises dans lé cœur hu- 
malti; de 14 force que l'orateur emploie pour les apaiser ou 
les éxcitét! dims l'ànie de ses auditeurs : ajoutes ài ces moyens 
l'agrétátti( et leglehhrmes du style, 12 science da monde , ka 
vivacité let: hw brièveté dois Vattaque.et dens:la défense, unis 
à l'adresse ttr Pusbanité, Il fant aussi. posséder l’histoire poux 
y puiser des exetaplee, ét étsg versé dans la jurisprudenee. Que 


568 DE ORATORE, LIBER I1. 
lepos quidam facetizeque , et eruditio libero digaa ; 
celeritasque et brevitas et respondendi et lacessendi , 
subtili venustate atque urbanitate corjüneta. "TF enénda 
praterea est omnis antiquitas exentjfforümqQue vis : 
neque legum, aut juris civilis scientia Dëgligenda est. 
Nam quid ego de actione ipsa plüra dicam? quze 
motu corporis, quz gestu , qua vultu, quz vocis 
conformatione ac varietate moderanda est : que sola 
per se ipsa quanta sit , histrionum levis ars et scena 
declarat : in qua cum omnes in oris, et vocis, et mo- 
tus moderatione elaborent , quis ignorat , quam pauci 
sint , fuerintque , quos animo sequo spectare possi- 
mus ? Quid dicam de thesauro rerum omnium, me- 
moria? qus nisi custos inventis cogitatisque rebus 
et verbis adhibeatur , intelligimus, omnia , etiamsi 
præclarissima fuerint ‘in oratere, peritura. Quam- 
obrem mirari desinamus, quz causa sit eloquentium 
paucitatis, cum ex iis rebus universis eloquentia cons- 
tet, quibus in singulis elaborare permagnum est , 
hortemurque potius liberos nostros , ceterosque , 
quorum.gloria nobis et dignitas cara est, ut animo rei 
magnitudinem complectantur , neque iis aut przcep- 
tis, aut magistris, aut exercitationibus, quibusutuntur 
omnes, sed aliis quibusdam, se id, quod expetunt , 
. consequi posse confidant. 

VI. Ac mea quidem sententia nemo poterit esse 
omni laude cumulatus orator , nisi erit omnium 
rerum magnarum atque artium scientiam consecutus. 


! [n oratore peritura. 


" DE-LRORATEUHO SAŸRE | 369 
le.duats-perpésl enitobeode l'acuóu UPC suppáse les 'mouve- 
ridfenduceongb ) Je best de qendela -physiondiit" 2" voi iet 
les;ipfgsipus.variéen, dont-Vartdhéitrut sous 4t setti Pim* 
Partner Freie eit. lep-octewns -s'appliquent:h ae*former:i la. 
déclemptig guten intéresser ouue 
nous ayons. ropvés, ie Que dirni-je.de lb mémoire (. 
dépdsitaire d des Upon d e l'esprit ?. Gardigone de n3 ipenséns;, 


de "nos édouvertes " de hos expressions , ,qug seyaiept 3ens 
eflfe ens es! plus distingués e l'orateur ? Cessons dona 
de'notis ‘toner qu'il ' y ait si peu 'hommes eloquens , puis 
que FElbtraéhce éxige une universalité de; connaissances , dont, 
chséüne deiendE wi très-prand travail ; exhortons plutôt n nos 
enfseneetoteda cebux'" dont la gloire et Phonneur nous tou- 
client de:prés, à se pénétrer de l'importance et de l'éten- 
due g-cet, apo; disqns-leur que; sans des moyens plus puissans 
encore: gne kis:règles, les maîtres et l'exercite, ils he peu- 
eese Tm tcd ua 
an gpols v2 pis pur t 
Donges De Pul ots Le. 
eo dO ^ic n hh 
.oHpeoTota? UE 
v onnanB NT. 
-] Y, 1 sg" AT 
ugidgeudnp.e lot | 
j | "NS $27 c.a aou ap rtg t9 


p 
1" 


11133q49 bep 


equi (ff trn tot 


Aib Onnesqurat être: : id un brateut rs " 


conpfiseréput;ne qul a degrend darts les attset Miele 
CAS pog iMac Pat b fand de aicliessesxtt debes atis quP ai: 


vent se retrouver dans le discours ; sans quoi, dépourvu de 
II. 24 


e mm s* Eu  e ss qi meo 


Ro. DE ORATORE , LIBER I. 


Etenim ex rerum, cognitione efflorescat et redundet 
. Oportet oratio : qus nisi subest, res ab oratore per- 
cepta et cognita , inanem quandam habet elocutionem 
et pene puerilem. Neque vero ego hoc tantum oneris 
imponam, nostris przsertim , oratoribus in hac tanta 
occupatione urbis , ac vitse , nihil ut iis putem licere 
nescire : quamquam vis oratoris , professioque ipsa 
bene dicendi, hoc suscipere ac polliceri videtur, ut 
omni de re, quæcunque sit proposita , ab eo ornate, 
copioseque dicatur. Sed quia non dubito, quin hoc 
plerisque immensum infinitumque videatur , et quod 
Graecos homines non solum ingenio et doctrina, sed 
etiam otio studioque abundantes, partitionem quan- 
dam artium fecisse video, neque in universo genere 
singulos elaborasse, sed seposuisse a ceteris dictio- 
nibus eam partem dicendi , quz in forensibus discep- 
tationibus judiciorum, aut deliberationum versaretur, 
et id unum genus oratori reliquisse; non complectar 
in his libris amplius, quam quod huic generi, re 
quæsita, et multum disputata , summorum hominum 
prope consensu est tributum : repetamque, non ab 
incunabulis nostræ veteris puerilisque doctrine quen- 
dam ordinem præceptorum , sed ea, quæ quondam 
accepi in nostrórum hominum , eloquentissimorum , 
- et omni dignitate principum , disputatione esse ver- 
sata : non quod illa contemnam ,, quz Græci dicendi 
artifices et doctores reliquerunt ; ; sed, cum illa pa- 
teant, in promtuque sint omnibus , neque ea inter- 
pretatione mea aut ornatius explicari, aut planius 











DE L'ORATEUR , LIVRE I. 57r 
solidité , le talent de l'orateur se réduirait à'un babil inutile et 
puéril. Je ne prétends pas cependant imposer à nos orateurs, 
distraits par tant d’affaires et de soins, l'obligation de ne rien 
ignorer, quoique , à dire vrai, la qualité d'orateursemble annon- 
cer et promettre les moyens de discourir avec facilité et avec 
agrément sur un sujet donné. Mais je ne doute pas que la plu- 
part trouveront cette carriére trop immense à parcourir, et, 
puisque les Grecs, qui avaient autant de loisir que de savoir 
et de génie, ont'assigné des bornes aux différens arts, puisque, 
loin d'exiger qu'un seul homme excellàt dans chaque genre, 
ils ont tracé les limites qui séparent les arts de l’éloquence, en 
laissant pour partage à l'orateur le barreau et les délibéra- 
tions publiques ; je ne m'écarterai point , dans ces dialogues , de 
ces limites, que les meilleurs esprits n'ont posées qu'aprés 
de müres réflexions et de graves diseussions. Je rapporterai , 
non pas cette suite de prégeptes que nos maîtres nous, ont 
donnés dans notre enfance, mais ce que m'ont appris sur l'art 
oratoire , les Romains les plus distingués par leur éloquence, 
par leur rang et leurs vertus. Ce n'est pas que je méprise les 
Grecs ni la doctrine que les maîtres habiles nous ont trans- 
mise ; cependant, comme leurs ouvrages sont connus de tout le 
monde, et que mes commentaires n'ajouteraient rien àla clarté 
ni au mérite de leurs écrits, j'espére, mon cher Quintus, 
que vous me permettrez de préférer à l'autorité des Grecs celle 
de nos plus célebres orateurs. 


572 DE ORATORE , LIBER T. 
exprimi possint, dabis henc veniam , mi frater , ut 
opinor , ut eorum , quibus summa dicendi laus a 
nostris hominibus concessa est, auctoritatem Grsecis 
anteponam. 

VIL Cum igitur vehementius inveheretur in cau- 
sam principum consul Philippus , Drusique tribuna- 
tus , pro senatus auctoritate susceptus , infringi jam 
debilitarique videretur; dici * mihi memini, ludorum 
romanorum diebus, L. Crassum, quasi colligendi 
sui causa, sein Tusculanum contulisse : venisse eo- 
dem * socerum ejus , qui fuisse Quintus Mucius dice- 
batur, et M. Antonius, homo et consiliorum in 
republica socius , et summa cum Crasso familiari- 
tate conjunctus. Exierant autem cum ipso Crasso 
adolescentes ? duo, ^ Drusi maxime familiares, et in 
quibus magnam tum spem majores natu dignitatis suæ 
collocarant , C. Cotta, qui tum tribunatum plebis 
petebat, et P. Sulpicius, qui deinceps eum magistra- 
tum petiturus putabatur. Hi primo die de temporibus 
illis, deque universa republica , quam ob causam 
venerant , multuin inter se usque ad extremum tem- 
pus diei collocuti sunt. Quo quidem in sermone multa 
divinitus a tribus illis consularibus Cotta deplorata et 
commemorata narrabat , ut nihil incidisset postea ci- 
vitati mali , quod non impendere illi tanto ante vidis- 
sent : eo autem omni sermone confecto, tantam in 
Crasso humanitatem fuisse, ut, cum lauti accubuis- 


‘ Abest mihi. — 2 Socer ejus qui fuerat, Quintus Mucius dicebatur. 
— ? Abest duo. — 4 Et Drusi. 


DE L'ORATEUR , LIVRE I. 575 


VII. A l'époque où le consul Philippe se déchaînait avec 
violence contre les patriciens, et où le tribun Drusus, défen- 
seur de l'autorité du sénat, semblait abattu et découragé , je 
me souviens que L. Crassus, voulant se recueillir, profita des 
jeux qui. se célébraient à Rome pour aller à sa campagne de 
Tusculum. Il ÿ vint accompagné de son beau-père Quintus 
Mucius Scévola, et de M. Antoine, son ami intime, qui par- 
tageait son opinion touchant les affaires de la république. 
Avec eux étaient aussi des jeunes gens étroitement unis à. 
Drusus, et sur lesquels Antoine et Crassus, déjà avancés en 
âge , fondaient de grandes espérances, pour [soutenir leuts 
prétentions contre la faction des chevaliers. Ces deux jeunes 
patriciens aspiraient l'un et l'autre à la charge de tribun. 
€. Cottalesollicitàit pour la prochaine élection, et P. Sulpicius 
se proposait de se mettre bientôt sur les rangs. Le premier 
‘jour, on ne s'entretint que des circonstances et des affaires de: 
la république, car c'était la le principal motif de cette réunión: 
Ja conversation dura jusqu’à la fin de la journée. J'ai oui dire 
à Cotta que ces trois illustres consulaires annoncèrent alors, 
comme par inspiration, la tempête qui nous menacait et les 
malheurs qui, depuis, ont accablé notre patrie. Ces tristes 
réflexions durèrent jusqu’au souper. 6 Dès qu'on fut à table, 
Crassus , qui était doué de beaucoup d esprit, tourna la con- 
versation vers des objets moins sérieux, et fit tant par le 
charme de ses plaisanteries et son intarissable gaité, que si la 
tonversation avait eu pendant le jour toute là. gravité des dis- 


374 DE ORATORE, LIBER I. 


sent, tolleretur omnis illa superioris tristitia sermo— 
nis, eaque esset in homine jucunditas, et tantus in 
jocando lepos , ut dies inter eos curte fuisse videre- 
tur , convivium Tusculani. Postero autem die, cum 
illi majores natu satis quiessent, et in ambulationem 
ventum esset , dicebat tum , Scevolam , duobus spa- 
tiis wibusve factis, dixisse : Cur nonimitamur, Crasse, 
Socratem illum , qui est in Phædro Platonis? nam me 
hec tua platanus admonuit, qux non minus ad opa- 
candum hunc locum patulis est diffusa ramis, quam 
illa, cujus umbram secutus est.Socrates, quie mihi 
videtur non tam ipsa aquula, quz describitur , quam 
Platonis oratione crevisse : et quod ille durissimis pe- 
dibus fecit , ut se abjiceret in berbam , atque ita illa , 
quæ philosophi divinitus ferunt esse dicta, loquere- 
tur, id meis pedibus certe concedi est æquius. Tum 
Crassum : Immo vero commodius etiam ; pulvinosque 
poposcisse , et omnes in iis sedibus , qus erant sub 
platano , consedisse dicebat. 

. VIII. Ibi, ut ex pristino sermone relaxarentur 
animi omnium , solebat Cotta narrare, Crassum ser- 
monem quendam de studio dicendi intulisse. Qui 
cum ita esset exorsus : 

" CR. — Non sibi cohortandum Sulpicium et Cot- 
tam, sed magis utrumque collaudandum videri, 
quod tantam jam essent facultatem adepti, ut non 
æqualibus suis solum anteponerentur, sed cum ma- 
joribus natu compararentur, Neque vero mihi quid- 
quam, inquit, præstabilius videtur, quam posse 


DE L'ORATEUR , LIVRE I. 375 


oussions du sénat , le repas eut tout l’enjouement qu inspirait 
la campagne de Tusculum. 

: Le lendemain , lorsque les trois plus âgés eurent pris assez 
de repos, la société se réunit à la promenade. Aprés quelques 
tours dans les allées, Scévola dit à Crassus : Pourquoi ne pas 
bmiter Socrate dont parle le Phedre de Platon? : Ce platane 
m'en rappelle le souvenir, et ses rameaux qui s'étendent au 
loin n'offrent pas moins d'ombrage que celui qui plaisait tant - 
au philosophe. Le petit ruisseau dont le platane était arrosé, 
n’a pas sans doute autant contribué que le Dialogue de Platon, 
à lui donner de la célébrité. Vous me permettrez donc de 
suivre l'exemple de Socrate, qui s'asseyait sur l'herbe pendant 
ces sublimes entretiens, admirés par toute la Gréce; car mes 
pieds ne sont pas, comme les siens, endurcis à la fatigue. 
Rien de plus juste , répondit Crassus ; je veux méme que vous 
soyez assis plus commodément. Il fit apporter des carreaux ; 
on les rangea sur les siéges dont l'arbre était environné, et 
chacun s'y placa. 


VIII. Cotta avait coutume de nous répéter que Crassus, 
pour écarter alors de leur pensée le souvenir des affaires pu- 
bliques , leur parla de l'éloquence en ces termes : 

CR. — Sulpicius et Cotta n'ont plus besoin de mes exhor- 
tations ; jeleur dois méme des éloges, puisqu'ils surpassent 
en talens tous les jéunes Romains, et qu'ils sont déja comptés 
parmi les orateurs les plus consommés. Rien de plus beau , 
dit-il, que de captiver par son éloquence l'attention de 
toute une assemblée , d'enchanter les esprits , de s'en rendre 
maître, de les conduire à son gré. L'empire de l'éloquence 
n'a jamais été plus florissant que dans les républiques et dans. 


576 DE ORATORE, LIBER I. 


. dcendo tenere hominum cetus , mentes allicere , 
voluntates impellere, quo velit: unde autem velit, 
deducere. Hac una res in omui libero populo, maxi- 
meque in pacatis tranquillisque civitatibus, precipue 
semper floruit, semperque dominata est. Quid enim 
est aut tam admirabile, quam ex infinita multitudine 
hominum exsistere unum, qui id, quod omnibus 
natura sit datum, vel solus, vel cum paucis facere 
possit? aut tam jucundum cognitu atque auditu , 
quam sapientibus sententiis gravibusque verbis or- 
nata oratio et polita ? aut tam potens , tamque magni- 
ficum , quam populi motus , judicum religiones , 
senatus gravitatem , unius oraüone converti ? Quid 
tam porro regium , tam liberale, tam munificurn , 
quam opem ferre supplicibus, excitare afflictos , dare 
salutem , liberare periculis , retinere homines in 
civitate ? Quid autem tam necessarium , quam tenere 
semper arma, quibus vel tectus ipse esse possis, 
vel provocare * improbos, vel te ulcisci lacessitus ? 
Age vero, ne semper forum, subsellia, rostra, cu- 
riamque meditere, quid esse potest in otio aut ju- 
cundius, aut magis proprium humanitatis, quam 
sérmo facetus.ac nulla in re rudis? Hoc enim uno 
præstamus vel maxime feris, quod colloquimur i inter 
nos, et quod exprimere dicendo sensa possumus. 
Quamobrem quis hoc non jure miretur, summe- 
que in eo elaborandum esse arbitretur , ut, quo uno 
homines maxime bestiis præstent, in hoc hominibus 


* [nicgcos. ! 4 





DE L'ORATEUR, LIVRE I. 377 
Jes États qui jouissent de la paix et de la tranquillité. Quoi 
de plus admirable qu’un mortel, au milieu de la multitude, 
qui semble jouir seul, ou avec quelques êtres privilégiés, du 
don de la parole, quela nature a accordé à tous les hommes ? 
Est-il un plaisir plus doux que de prononcer ou d’entendre 
un discours, où brillent à l'envi la richesse de l'expression 
et la justesse des pensées? Est-il rien de plus imposant que 
d'apaiser les séditions, de commander à la conscience des 
juges,' de dicter les décrets du sénat? Quoi de plus sublime, 
de plus généreux, de plus noble, que de protéger les faibles, 
de consoler les malheureux, de sauver l'innocence, d'écarter 
les dangers dont elle est menacée, de maintenir l'ordre dans 
l'État ? Quoi de plus utile que d'avoir des armes pour se dé- 
fendre contre.nos ennemis, pour attaquer les méchans , ou 
venger un outrage? Mais, sans parler toujours du barreau, de 
la tribune aux harangues et du sénat : quoi de plus doux et 
de plus honnête, au sein de la retraite, qu'une conversation 
polie , élégante et pure? Parler avec nos semblables, leur com- 
muniquer nos pensées, voilà surtout ce qui nous met bien 
au-dessus des animaux. Combien donc ne doit-on pas s'effor- 
cer d'exceller sur le$ autres hommes , dans ce qui les met au- 
dessus de la brute! Je dirai plus : n'est-ce pas l'éloquence 
qui rassembla les peuples épars, qui adoucit le caractere sau- 
vage des premiers. humains, qui fonda les cités , qui leur 
donna des lois, qui traça les règles de la justice et del'équité? 
Mais, pour ne pas rappeler des bienfaits innombrables, je me 
contenterai de vous: dire que l'orateur n'est pas seulement 
l'arbitre de son propre sort et de sa gloire, mais encore que 
le salut de la patrie.et de ses concitoyens est vraiment entre 
ses mains. Livrez-vous donc, jeunes Romains, à l'étude de l’é- 


578 DE ORATORE , LIBER I. 


ipsis antecellat ? Ut vero jam ad :lla summa venia- 
mus; quz vis alia potuit aut dispersos homines 
unum in locum congregare, aut a fera agrestique 
vita ad hunc humanum cultum civilemque deducere, 
aut, jam constitutis civitatibus, leges, judicia, jura 
describere? Ac, ne plura, que sunt pene innume- 
rabilia, consecter , comprehendam brevi; sic enim 
statuo, perfecti oratoris moderatione et sapientia non 
solum ipsius dignitatem , sed et privatorum pluri- 
morum, et universe reipublice salutem maxime 
contineri. Quamobrem pergite, ut facitis, adoles- 
centes : atque in id studium, in quo estis , incumbite, 
ut et vobis honori, et amicis utilitati, et reipublice 
emolumento esse possitis. 

IX. SC. — Tum Scævola comiter , ut solebat : Ce- 
tera , inquit, assentior Crasso, ne aut de C. Lælu, 
soceri mei , aut de hujus , generi , aut arte, aut gloria 
detraham : sed illa duo, Crasse , vereor , ut tibi possim 
concedere; unum, quod ab oratoribus civitates et 
? initio constitutas, et sepe conservatas esse dixisti, 
alterum, quod, remoto foro, concione , judiciis y e- 
natu , statuisti , oratorem in omni genere sermonis et 
humanitatis esse perfectum. Quis enira tibi hoc con- 
cesserit , aut initio genus hominum in montibus ac 
silvis dissipatum, non prudentium oonsiliis com- 
pulsum potius, quam disertorum oratiene delinitum, 
se oppidis mœnibusque sepsisse? aut vero reliquas 
utilitates, * aut in constituendis, aut conservandis 


| Áb initio. — ? Aut instituendis. 








DE L'ORATEUR, LIVRE I. 579 


Joquence ; attachez-vous avec ardeur à un art qui vous fournit 
les moyens de défendre vos amis, de servir l’État, et de vous 
couvrir de gloire. 


IX. SC. — Scévola reprit alors avec sa douceur accoutu- 
mée : Mon dessein n’est pas de rabaisser un art qui fit la gloire 
de Lélius, mon beau-père, et de mon gendre Crassus; mais 
. je necrois pas devoir convenir de ces deux points : l'un, que 
l'éloquence ait jeté les premiers fondemens des États ; l'autre, 
que , loin du barreau, de la tribune et du sénat, l'orateur se 
fasse encore admirer par son élocution. Qui peut en effet vous 
accorder que les premiers humains, errant dans les bois et 
les montagnes , n'ont pas cédé plutót aux conseils de la raison 
qu'àux Charmes de l'éloquence, pour se réunir dans l'enceinte 
des villés; ou que les hommes sages ont moins contribué à la 
fondation età la conservation des États, que les hommes diserts 
etlesorateurs? W'est-ce pas par une prudence et une sagesse 
. profonde , plutôt que par son éloquence , que Romulus ras- 
semabla des pátres et des étrangers, qu'il conclut les mariages 
avec les Sabins , et repoussa les ennemis de Rome naissante ? 


580 DE ORATORE, LIBER I. 


civitatibus non a sapientibus et fortibus viris, sed 
a disertis et ornate dicentibus esse constitutas? Æns 
vero tibi Romulus ille aut pastores et convenas con- 
gregasse , aut Sabinorum connubia conjunxisse , aut 
finitimorum vim repressisse eloquentia videtur, non 
consilio et sapientia singulari? Quid enim? in Numa 
Pompilio, quid? in Ser. Tullo, quid? in ceteris 
regibus, quorum multa sunt eximia ad consütuendam 
rempublicam , num quod eloquentiæ vestigium ap- 
paret? Quid? exacts regibus ( tametsi ipsam exac- 
tionem mente, non lingua, perfectam L. Brut esse 
cernimus ), sed deinceps ommia , nonne plena consi- 
liorum, inania verborum videmus? Ego vero si 
velim et nostre civitatis exemplis uti, et akisrum , 
plura proferre possim détrimenta pubhcis ?ebus , 
quam adjumenta, per homines eloquentissimbüs im- 
portata : sed , ut reliqua przttermittam , omnium mihi 
videor, exceptis, Crasse, vobis duobus, eloqueutis- 
simos audisse Ti. et C. Sempronios, quorum pater, 
homo prudens et gravis, haudquaquam eloquens, et 
sæpe alias, et maxime censor, saluti rei publice * fuit. 
Átque is non accurata quadam orationis copia, sed 
nutu atque verbo liberünos in urbanas tribus trans- 
tulit; quod nisi fecisset, rempublicam , quam uunc 
vix tenemus, jamdiu nullam haberemus. Át vero ejus. 
filii diserti, et omnibus vel naturæ, vel doctrinæ 
praesidiis ad dicendum parati , cum civitatem vel pa- 
terno consilio, vel avitis armis florentsssimam acce- 


.* Fuit, atque. 





DE L'ORATEUR , LIVRE I. 581 
Que dirai-je de Numa Pompilius , de Ser. Tullus, et des autres 
rois à qui nous devons des institutions encore admirées , quoi- 
qu'il ne subsiste aucune trace de l'éloquence de ces législa- 
teurs? On sait de quelle mamière L. Brutus chassa les tyrans ; 
cette expulsion fut l'ouvrage de son génie, et non pas de sesta- 
lens oratoires. Ne voit-on pas ensuite sa sagesse présider à tout , 
sans donner une seule preuve de son éloquence ? Mais, si je 
le voulais, je n'aurais besoin que des exemples puisés dans 
notre histoire ou dans celle des autres nations , pour démon- 
trer que les hommes éloquens ont été plus nuisibles qu'utles 
aux Etats. Je ne citerai que les Gracques, les plus éloquens 
de tous ceux de nos compatriotes que j'aie entendus, excepté 
Antoine et vous, Crassus. Leur père, homme prudent et res- 
pectable, sans étre orateur, servit utilement l'État en mille 
rencontres, et surtout en sa qualité de censeur; par son auto- 
rité seule, il ftincorporer les affranchis dans les tribus ; action 
qui sauva Rome, et sans laquelle la république ne subsiste- 
rait plus. Ses deux fils, au contraire , dont la nature et l'art 
avaient fait de si grands orateurs, n'ont-ils pas, à l'aide 
de cette méme éloquence que vous appelez la maîtresse des 
empires, causé les plus grands désordres, les plus affreuses 
calamités, dans une république que la prudence de leur père 
et le courage de leurs aieux avaient élevée au plus haut degré 
de splendeur ? | 


ut da Nr ts5 l 
1 


382 DE ORATORE, LIBER I. 


pissent, ista preclara gubernatrice , ut ais, civitatum , 
eloquentia , rempublicam dissipaverunt. 

X. Quid? leges veteres, moresque majorum; quid ? 
auspicia , quibus et ego, et tu, Crasse, cum magma 
reipublicz salute præsumus; quid ? religiones et cæ- 
remoniæ ; quid? hzc jura civilia, que jam pridem 
in nostra familia sine ulla eloquentiz laude versantur; 
num aut inventa sunt, aut cognita , aut omnino ab 
oratorum genere tractata ? Equidem et Ser. Galbam, 
memoria teneo, divinum hominem in dicendo, et 
M. Æmilium Porcinam, et * C. ipsum Carbonem , 
quem tu adolescentulus perculisti, igngrum legum, 
hæsitantem in majorum insütuüs, rudem in jure 
civili : et hæc setas nostra, præter te, Crasse, qui tuo 
magis studio, quam proprio munere aliquo: diser- 
torum , jus a nobis civile didicisti , quod interdum 
pudeat, juris ignara est. 

Quod vero in extrema oratione, quasi tuo jure 
$umsisti, oratorem in omnis sermonis disputatione 
copiosissime posse versari , id , nisi hic in tuo regno 
essemus, non tulissem, multisque præessem, qui 
aut interdicto tecum contenderent, aut te ex jure 
manu consertum vocarent, quod in alienas posses- 
siones tam temere irruisses. Ágerent enim tecum lege 
primum Pythagorei omnes atque Democritici, * cete- 
rique, in suo genere, physici vindicarent, ornati 
homines in dicendo et graves , quibuscum tibi justo 
sacramento contendere non liceret. Urgerent praterea 


' Cn. ipsum. — + Ceterique, in suo genere pbysici , vindicarentque. 











DE-L'ORATEUR , LIVRE 1. 585 


X. Que dirai-je de nos antiques lois; des mœurs de nos 
anoétres , des auspices auxquels nous présidons, vous et moi; 
Crassus, pour le salut de Rome? que dirai-je de la reli- 
gion et des cérémonies, du droit civil, dont notre famille, 
peu distinguée dans l'éloquence, tire toute sa gloire? Est-ce 
entierement aux orateurs que nous en devons la connaissance et 
lorigine? s'en sont-ils vraiment occupés? Je me souviens 
méme d'avoir vu Ser. Galba, qui s'exprimait divinement , et 
' M. Æmilins Porcina , et ce Cn. Carbon que vous eûtes la gloire 
de vaincre dans un de vos premiers plaidoyers : Carbon ignorait 
les lois, les coutumes de nos ancêtres, le droit civil ; et; parmi les 
orateurs de nos jours; excepté vous, qui avez appris de moi 
Ja science des lois, ce qui, peut-être, vous fait rougir , citez- 
m'en-un seul qui seit un: habile jurisconsulte. . 

Mais vous, prétendez,, en concluant, qu’il n'est point di 
sujet qui n'appartienne à l'orateur; c'est un droit que voug 
vous réservez. Si nous n'étions pasici dans votre domaine, je 
 p'aurais pas souffert cette usurpation, et je me serais mis à la 
téte d'une infinité de gens qui vous poursuivraient en justice , 
et qui ne vous  laisseraient pas: si témérairement envahir les pro- 
priétés d'autrui. Vous verriez d'abord s'élever contre vous, en 
vertu de la loi, tous les disciples de Pythagore et de Démo- 
crite, et les physiciens, qui, chacun dans leur genre, ont énoncé 
léurs idées avec sublimité, vous demandant de quel droit 
vous osez les attaquer. Autour de vous se presseraient encore 
les sectes innombrables de philosophes, conduits par Socrate, 
leur fondateur et leur père, unis pour vous convaincre que 
vous ignorez entièrement tout ce qui concerne la moralité de 
nos actions, la nature des passions , le caractère des hommes, 


584 DE ORATORE, LIBER I. 


philosophorum greges, jam ab illo fonte, et capite 
Socrate , nihil te de bonis rebus in vita , nihil de malis, 
nihil de animi permotionibus, nihil de hominum 
moribus , nihil deratione vitæ didicisse, nihil omnino 
quaesisse , nihil scire convincerent : et cum universi 
in te impetum fecissent , tum singulæ familiz litem 
tibi mtenderent. Instaret Academia, qua , quidquid 
dixisses, id teipsum * negare cogeret. Stoici vero 
nostri disputationum suarum , atque interrogationum 
laqueis teirreütum tenerent. Peripatetici autem etiam 
hæc ipsa, quæ propria oratorum * putares esse adju- 
menta, atque ornamenta dicendi, ab se peti vincerent 
oportere: ac non solum meliora, sed etiam multo 
plura Aristotelem Theophrastumque de his rebus, 
quam omnes dicendi magistros, scripsisse ostende- 
rent. Missos facio mathematicos , grammaticos, mu- 
sicos , quorum artibus vestra ista dicendi vis ne 
minima quidem societate contingitur. Quamobrem 
ista tanta, tamque multa, profitenda , Crasse, non 
censeo. Satis id est magnum, quod potes præstare, 
ut in judiciis ea causa, quamcumque tu dicis, melior : 
et probabilior esse videatur : ut in concionibus et 
sententiis dicendis ad persuadendum tua plurimum 
valeat oratio : denique ut prudentibus diserte, stultis 
etiam vere dicere videaris. Hoc amplius si quid po- 
teris, non id mihi videbitur orator , sed Crassus sua 
quadam propria, non communi oratorum facultate, 
posse. 
* Scire negaret. — ? Putas esse, 





DE'L'ORATEUR , LIVRE I. 585 


la conduite de la vie; en un mot, que vous ne savez rien, 
absolument rien ; et , aprés vous avoir livré un assaut général, 
chacun des membres de cette redoutable famille vous attaque- 
rait en particulier. Viendrait ensuite l'Académie, qui vous 
forcerait de rétracter tout ce que vous auriez avancé. Les 
stoiciens , à l'aide de questions et d'argumens subtils, vous 
envelopperaient dans leurs filets. Les péripatéticiens vous 
prouveraient qu'ils fournissent à l'orateur les ornemens dont 
il embellit ses discours, et vous démontreraient qu'Aristote 
ét"'héophraste ont plus écrit sur l'art de bien dire, et qu'ils 
y ont iéux réussi que tous les rhéteurs de profession. Je 
lalésé” dé côté les mathématiciens, les grammairiens, les mu- 
sitiens , 'dorit le tdlent n'a pas le moindre rapport avec celui de 
Poráteur. Je pense dont, Crássus, qu'il ne faut pas lui ac- 
corder uh Champ si vaste : qu'il vous suffise de donner de la 
vraisethblaAce' àt toutes les causes que vqus plaiderez; que, - 
dars l’asserablée: du peuple ou au sénat, votre discours ait 
le pouvoir‘ de-.persuader , et que les sages soient frappés de 
votre éloquence , et les plus simples, de la justesse de vos 
raisonnemens: Etendre plus loin vos prétentions, ce n’est 
plus me donner une idée de l’orateur ; c'est faire le portrait 
de Crassus. 


386 DE ORATORE, LIBER I. 

. XI. CR. — Tum ille, Non sum, inquit, nescius, 
Scaevola, ista inter Graecos dici et disceptari solere. 
Audivi enim summos homines, cum quæstor ex 
Macedonia venissem Athenas, florente Academia, 
ut temporibus illis ferebatur , quod earn * Charmadas, 
et Clitomachus, et /Eschines obtinebant. Erant etiam 
Metrodorus , qui cum illis una ipsum illum * Char- 
madam diligentius audierat, hominem. omnium in 
dicendo , ut ferebant, acerrimum et copiosissimum. 
Vigebat auditor Panœtii illius tui Mnesarchus; et 
peripatetici * Critolai Diodorus. Multi erant praterea 
praeclari in philosophia et nobiles , a quibus omnibus 
una pæne * voce repelli oratorem a gubernaculis civi- 
tatum , excludi ab omni doctrina rerumque majorum 
scientia, ac tantum in judicia et conciunculas, tam- 
quam in aliquod pistrinum, detrudi et compingi 
videbam. Sed ego neque illis assentiebar, neque 
harum disputationum inventori et principi longe 
omnium in dicendo gravissimo et eloquentissimo, 
Platoni, cujus tum Athenis cum 5 Charmada dili- 
gentius legi Gorgiam : quo in libro 5 in hoc maxime 
admirabar Platonem , quod mihi in oratoribus irri- 
dendis ipse esse orator summus videbatur. Verbi 
enim controversia jam diutorquetGraculos homines, 
contentionis cupidiores, quam veritatis. Nam si quis 
hunc statuit esse oratorem, qui tantummodo in jure, 
aut in judiciis possit , aut apud populum , aut in se- 


! Carneades. — ? Carneadem. — ? Critolsus et Diodorus. — 4 Repelli voce. 
— 5 Carneade. — 6 Abest Ut, 








DE L'ORATEUR, LIVRE I. 587 


XI. CR. — Je sais, dit Crassus a Scévola, que les Grecs 
étaient de votre sentiment. En effet, en revenant de Macé- 
doine , où j'avais exercé la questure, je vis à Athènes ceux qui 
rendaient alors l'Académie florissante , Charmadas , 8 Clitoma- 
chus et Eschine. J'y vis aussi Métrodore leur condisciple, qui 
passait pour l'homme du monde qui parlait le mieux, et 
Mnésarque, élève de votre PanéQus ; enfin les péripatéticiens 
Diodore et Critolaus. Il s’y trouvait aussi beaucoup de philo- 
sophes renommés, qui , d'un commun accord, excluaient les 
orateurs du gouvernement des États, en disant qu'ils ignorent 
les usages de l'antiquité, les maximes de la politique, et qui ' 
les reléguaient et les renfermaient, pour ainsi dire, dans 
l'enceinte du barreau et de la tribune, en réduisant leurs fonc- 
tions à une espéce de verbiage. Mais je n'étais ni de leur avis 
ni de celui de Platon, le plus éloquent des philosophes , le 
plus sévére inventeur de tous ces systémes. Pendant mon sé- 
jour à Athènes, je lus trés-attentivement, avec Charmadas, 
son Dialogue de Gorgias » ; je fus bien surpris d'y voir Platon 
se montrer le plus grand des orateurs, en se moquant de l'art 
oratoire. Au reste, dans cette dispate de mots, nos petits 
Grecs s'agitent plus pour faire, parade de leur esprit, que 
pour découvrir la vérité. 


Je veux que l'orateur ne puisse déployer ses talens qu'au 
sénat, à la tribune et au barreau : encore faut-il lui donner 
les moyens, d'y réussir. Mais comment parlera-t-il avec succès , 
sans connaitre à fond la politique, les intéréts des peuples, les 
lois, les usages, la jurisprudence, les passions humaines , et 
sans étre bien versé dans ces différentes parties? Qui pourra 
ne pas accorder une trés-grande étendue de connaissances à 
celui qui embrasse ces nombreux détails, dont le plus petit 
contribue à nous éclairer dans toutes les causes ? Si vous dites 


388 DE ORATORE, LIBER 1. 


natu copiose loqui , tamen huic ipsi multa tribuat 
et concedat necesse est. Neque enim sine multa per- 
tractatione omnium rerum publicarum , neque sine 
legum, morum, juris scientia, neque naturahominunm 
incognita, ac moribus, in his ipsis rebus satis callide 
versari , et perite potest. Qui autem hzc cognoverit , 
sine quibus ne illa quidem minima in causis quis- 
quam recte tueri potest , quid huic abesse poterit de 
maximarum rerum scientia? Sin oratorisnihil vis esse, 
nisi composite, ornate, copiose eloqui: quero , id 
ipsum qui possit assequi sine ea scientia , quam ei 
non ' concedis ? Dicendi enim virtus, nisi ei, qui 
dicit, ea, de quibus dicit , percepta sint, exstare non 
potest. Quamobrem , si ornate locutus est, sicut 
fertur, et mihi videtur, physicus ille Democritus; ma- 
teries illa fuit physici, de qua dixit : ornatus vero ipse 
verborum , oratoris putandus est. Et, si Plato derebus 
a civilibus controversiis remotissimis, divinitus est 
locutus, quod ego concedo : si item Aristoteles, si 
Theophrastus , si Carneatles in rebus iis , de quibus 
disputaverunt, eloquentes, etin dicendo suaves, atque 
ornati fuerunt: sint he res, de quibus disputant, in 
aliis quibusdam studiis : oratio quidem ipsa, propria 
ést hujus unius rationis, de qua loquimur, et quæ- 
rimus. Etenim videmus, iisdem de rebus jejune quos- 
dam et exiliter , ut eum , quem acutissimum ferunt , 
Chrysippum, disputavisse , neque ob eam rem philo- 
sophiæ non satisfecisse, quod non habuerit hanc 
dicendi in arte aliena facultatem. 
! Conceditis. 


DE L'ORATEUR, LIVRE I. 589 


que les fonctions de l'orateur se réduisent & traiter un sujet 
d'une manière élégante, précise et variée, je vous le demande, 
pourra-t-il les remplir sans les lumiéres que vous lui refusez? 
En effet, la justesse des mots dépend de celle des pensées; 
il fant avoir approfondi une matière, pour la revêtir des orne- 
mens convenables. Si Démocrite, comme on le dit, et comme 
je le crois, a fait admirer la pompe de son style en parlant 
de la physique, la force du raisonnement et des pensées ap- 
partient à la philosophie, et les ornemens à l'art oratoire. 
Si Platon, comme j'en conviens, a traité divinement des su- 
jets bien étrangers aux discussions politiques; si Aristote, 
$i Théophraste et Carnéades ont mis de l'éloquence et de la 
grâce dans leurs dissertations, l'objet de ces dissertations ap- 
partenait à la philosophie , aux sciences mathématiques : mais, 
pour embellir leur sujet, ils ont emprunté le langage des 
orateurs. Chrysippe, dont on vante la pénétration, a parlé 
des mêmes objets avec sécheresse et sans intérêt ; et si l'on. 
pe peut le regarder comme orateur, dans une partié étran- 
gère à sa profession, il n’en fut pas moins un grand phi- 
losophe. Rs | 


| 390 DE ORATORE, LIBER I. 


XII. Quid ergo interest ? ant qui discernes eorum , 
ques nominavi , ubertatem im dicendo, et copiam, 
ab eorum exilitate, qui hac dicendi varietate , et ele- 
gantia nom utuntur? Unum erit profecto, quod ii, 
qui bene dicunt, " afferant proprium; compositam 
orationem , et ornatam , et artificio quodam, et expo- 
litione distinctam. Hæc autem oratio , si res non subest 
ab oratore percepta et cognita; aut nulla sit necesse 
est, aut omnium irrisione ludatur. Quid est enim 
tam furiosum , quam verborum, vel optimorum atque 
ornatissimorum , sonitus inanis, nulla subjecta sen- 
tentia , nec scientia ? Quicquid erit igitur quacumque 
ex arte, quocumque de genere , id orator, si tanquam 
clientis causam, didicerit, dicet mehus et ornatius, 
quam ille ipse ejus rei inventor , atque artifex. Nam 
si quis erit, qui hoc dicat , esse quasdam oratorum 
proprias sententias, atque causas , et certarum rerum 
forensibus cancellis circumscriptam scientiam; fate- 
bor equidem in his magis assidue versari hanc nostram 
dictionem : sed tamen in hisipsis rebus permulta sunt, 
quæ isti magistri, qui rhetorici vocantur, nec tra- 
dunt, nec tenent. Quis enim nescit, maximam vim 
exsistere oratoris in hominum mentibus vel ad iram, 
aut ad odium, aut dolorem incitandis, vel ab hisce 
iisdem permotionibusad lenitatem, misericordiamque 
revocandis ? * quare , nisi qui naturas hominum, vim- 
que omnem humanitatis, causasque eas, quibus 
mentes aut incitantur, aut reflectuntur, penitus pers- 


1 Afferunt, — ? Qua. 











DE L'ORATEUR, LIVRE I. 59! 


XII. Comment donc marquer cette différence? Comment 
distinguer ceux que je viens de nommer, et dont le style est 
riche et pompeux , d'avec ceux dont j'ai blàmé la sécheresse 
et la froideur, et qui ne connaissent aucune des ressources de 
l'éloquence? Ceux qui parlent bien , réclameront certainement 
un avantage qui leur est propre, celui de l'élégance, de la 
richesse, de la perfection et de l'artifice de la diction. J'avoue 
que le discours le mieux écrit est ridicule, s'il ne porte pas 
sur des idées justes, et si l'écrivain n'a pas médité son sujet. 
En effet, quoi de plus déraisonnable, de plus insensé, qu'uh 
amas de termes pompeux et vainement sonores , bien choisis, 
bien disposés, mais dépourvus de pensées et d'érudition ? À 
quelque science, à quelque genre qu'un orateur se soit livré, 
comme il le ferait à la cause d'un client, il en parlera mieux 
et plus éloquemment que l'inventeur ou les maîtres de l'art. 
Si l'on veut absolument que certaines matières, certaines 
causes soient du ressort de l'orateur, et que son talent soit 
resserré dans les limites du barreau, du sénat et de la tribune, 
j'en conviendrai ; mais il n’en devra pas moins avoir des con- 
naissances que les rhéteurs n'enseignent point, et que peut- 
étre ils ignorent. Ne sait-on pas que le talent de l'orateur 
consiste surtout à toucher l’âme de ses auditeurs, à leur ins- 
pirer l'indignation , l'amour ou la colére, à les porter à la clé- 
mence et à la pitié? Or, s’il n'a pas étudié parfaitement les 
passions de l'homme, et les moyens puissans qui peuvent les 
exciter ou les apaiser, il ne produira jamais ces grands ef- 
fets. Ce qui regarde les passions est du ressort des philo- 
sophes, et je ne conseille point à l'orateur de leur disputer 
cette prérogative ; mais s'il leur abandonne la théorie, à.lui 
seul appartient l'art d'en faire l'application à l’éloquence. Le 
propre de l'orateur, comme je l'ai dit souvent, est de parler 


392 DE ORATORE, LIBER I. 


pexerit, dicendo, quod volet, perficere non poterit. 
Atqui totus hic locus philosophorum proprius vide- 
tur ! neque orator , me auctore , unquam repugnabit: 
sed, cum illis cognitionem rerum concesserit, quod 
in ea solum illi voluerint elaborare; tractationem 
orationis, quz sine illa scientia nulla est, sibi assu- 
met: hoc enim est proprium oratoris , quod sape jam 
dixi, oratio gravis, et ornata, et hominum sensibus 
ac mentibus accommodata. 

XIII. Quibus de rebus Aristotelem et Theopbras- 
tum 'scripsisse fateor. Sed vide, ne hoc, Scævola, 
totum sit a me. Nam ego, qu: sunt oratori cum illis 
communia, non mutuor ab illis : isti quæ de his rebus 
disputant, oratorum esse concedunt. Itaque ceteros li- 
bros, artis isü suz nomine, hos rhetoricos et inscribunt, 
et appellant. Etenim cum illi in dicendo inciderint 
loci (quod persæpe evenit) ut de diis immortalibus, 
de pietate, de concordia, de amicitia, de communi 
civium, de hominum, de gentium jure, de æquitate, 
de temperantia , de magnitudine animi, de omni vir- 
tutis genere sit dicendum, clamabunt, credo, omnia 
gymnasia, atque omnes philosophorum scholæ, sua 
hec esse omnia propria; nihil omnino ad oratorem 
pertinere. Quibus ego, ut de his rebus omnibus in 
angulis , consumendi otii causa, disserant, cum con- 
cessero, illud tamen oratori tribuam et dabo, ut 
eadem , de quibus illi tenui quodam exsanguique sez 
mone disputant, hic cum omni gravitate et jucunditate 
explicet. Hzc ego cum ipsis philosophis tum Athenis 


DE L'ORATEUR, LIVRE I. 393 


avec noblesse et avec élégance, d’une manière analogue au 
sujet, et qui soit à la portée de l’auditeur. 


XIII. J'avoue qu'Aristote et Théophraste ont écrit sur ces 
matiéres. Mais prenez garde, Scévola, que cette remarque 
ne me soit favorable ; car je ne leur conteste point ce qu'il y 
a de commun entre eux et l'orateur; mais ils avouent alors 
qu'ils entrent sur son domaine. En effet, ils donnent à leurs 
ouvrages, sur ce qui le concerne, le nom de Livres de Rhé- 
torique. S'il arrive donc aux orateurs ( ce qui est trés-com- 
mun), de parler des dieux immortels, de la religion, de la 
concorde , de l'amitié, du droit des gens, du droit des nations 
en particulier, et des hommes en général, de la justice, de la 
générosité, de la tempérance et des autres vertus; les Acadé- 
mies et les Écoles des philosophes s’écrieront que tout cela 
leur appartient exclusivement. Quand je leur aurai accordé ; 
pour amuser leur oisiveté, de discourir en secret sur ces ob- 
jets importans , dans un style sec et aride , j'accorderai, à juste 
titre, àl'orateur, le droit d'en parler avec éloquence. Voilà ce 
que je soutenais à Athènes devant les philosophes. Notre ami 
Marcellus, qui serait sans doute présent à notre entretien, si 
ses fonctions d'édile ne l'obligeaient aujourd'hui de présider 
aux jeux, me priait de leur répondre ; et je crus devoir me 
rendre aux sollicitations d'un jeune patricien, brülant du désir 


o ; 


394 DE ORATORE, LIBER I. 


disserebam. Cogebat enim me M. Marcellus hic 
noster , qui nunc zdilis curulis est, et profecto, nisi 
ludos nunc faceret, huic nostro sermoni interesset ; 
ac Jam tum erat adolescentulus his studiis mirifice 
deditus. Jam vero de legibus instituendis, de bello , 
de pace, de sociis, de vectigalibus, de jure * civili 
generatim in ordines ætatesque descripto, .dicant 
vel Greci, si volunt, Lycurgum, aut Solonem 
( quamquam illos quidem censemus in numero elo— 
quentium reponendos ) scisse melius, quam Hype- 
ridem, aut Demosthenem, perfectos jam homines im 
dicendo, et perpolitos : vel nostros decemviros, qui 
XII tabulas perscripserunt, quos necesse est fuisse 
prudentes , anteponant ? in hoc genere et Ser. Galbæ, 
et socero tuo C. Eælio, quos constat dicendi gloria 
præstitisse. Numquam enim negabo, esse quasdam 
artes proprias eorum , qui in his cognoscendis atque 
tractandis studium suum omne posuerunt : sed ora- 
torem plenum atque perfectum esse eum dicam , qui 
de omnibus rebus possit varie copioseque dicere. 
XIV. Etenim sepe in iis causi$, quas omnes pro- 
prias esseoratorum confitentur, est aliquid, quod non 
ex usu forensi , quem solum oratoribus conceditis, sed 
ex obscuriore aliqua scientia sit promendum ? atque 
sumendum. Quæro enim, num possit aut contra im- 
peratorem , aut pro imperatore dici , sine rei militaris 
usu, aut sepe etiam sine regionum terrestrium aut 
maritimarum scientia: num apud populum de legibus 


! Ciium. — ? Abest ir. — ? Et assumcodum. 


DE L'ORATEUR, LIVRE I. | Sob 


de s'instruire. Quant à ce qui concerne l'établissement des lois, 
la guerre, la paix , les alliances, les impôts, les droits des dif- 
férens ordres de citoyens, selon l’âge, les Grecs diront, s'ils 
le veulent, que Lycurgue et Solon (qui d’ailleurs me sem- 
blent devoir étre mis au nombre des hommes éloquens ), 
l'emportaient sur Hypérides et Démosthénes , dont l’éloquence 
est si parfaite; ils mettront méme encore Ser. Galba et C. 
Lélius, votre beau-père, si célèbre par le talent de la parole, 
au-dessous des décemvirs qui composèrent la loi des Douze 
Tables, et qui furent incontestablement doués d’une haute 
sagesse. Je ne nierai jamais que certains arts sont devenus la 
propriété de ceux qui les ont étudiés et pratiqués toute leur 
“vie; mais je ne cesserai de dire qu'un parfait orateur doit être 
en état de parler sur tout d’une manière intéressante et variée. 


’ 


XIV. D'ailleurs, dans les causes mêmes qui, d'un consen- 
tement unanime , sont du ressort de l'éloquence, il y a quelque 
chose que l'usage du bärreau, où vous reléguez l'orateur, ne 
lui apprendra jamais, s'il n'a pas recours aux sciences les plus. 
étrangères à sa profession. Je vous le demande, en effet, 
peut-on parler contre un général, ou en sa faveur, sans con- 
naitre l'art militaire, et souvent méme les lieux et les mers 
où les actions se sont passées? Comment, dans les assemblées 
du peuple, donner son avis pour ou contre une loi, ou au 
sénat, sur les différens points de l'administration de la répu- 


596 DE ORATORE, LIBHR 1. 


jubendis , eut vetandis : num in senatu de omni rei- 
publicae genere ( dici) sine summa rerum civilium 
cognitione, et prudentia : num.ad moveri possit oratio 
ad sensus animorum atque-motus vel inflammandos , 
vel etiam exstinguendos ( quod unum in oratore do- 
minatur ), sine diligentissima pervestigatione earum 
omnium rationum , que de naturis humani generis 
ac moribus a philosophis explicantur. Átque haud 
scio, an minus hoc vobis sim probaturus : equidem 
non dubitabo, quod sentio, dicere. Physica * ista 
ipsa, et mathematica, et quz paullo ante ceterarum 
artium propria posuisü, scienti sunt eorum, qui 
illa profitentur. lllustrare autem oratione si quis ists 
ipsas artes velit , ad oratoris ei confugiendum est f. 
tatem. Neque enim , si Philonem illum vasca 
qui Atheniensibus armamentarium fecit, constat, per 
diserte populo rationem operis sui reddidisse, exis- 
ümandum est, architecti potius artificio disertum, 
quam oratoris , fuisse. Nec , si huic M. Antonio pro 
Hermodoro fuisset de navalium opere dicendum, non, 
cum ab illo causam didicisset, ipse ornate de alieno 
artificio copioseque dixisset ? Neque vero Asclepiades 
is , quo nos medico amicoque usi sumus, tum , cunt 
eloquentia vincebat ceteros medicos , in eoipso, quod 
ornate dicebat, medicinæ facultate utebatur, non elo- 
quentiæ. Átque illud est probabilius , neque tamen 
verum , quod Socrates dicere solebat , omnes in eo, 
quod scirent, satis esse eloquentes : illud verius ,, 


! Ista ipea, quæ paullo ante, ct matbemetica et cetera um ertium. 











CT 


DE L'ORATEUR, LIVRE I. 597 


blique , si l'on ignore la politique? Comment composer un 
discours capable. d'enflammer ou d'éteindre dans les àmes l'ar- 
deur des passions ( et c'est en cela que consiste la puissance 
de l'orateur ), sans avoir profondément médité tout ce qu'en- 
seigne la philosophie sur le caractère et les mœurs des hommes? 
J'ignore si vous approuverez ma pensée, mais je n'hésiterai 
pas à vous la développer. La physique, les mathématiques et 
les autres branches que vous avez indiquées , il n'y a qu'un 
moment, sont l'apanage de ceux qui les cultivent; mais si 
quelqu'un veut embellir ces sciences par les charmes de la 
diction , ne devra-t-il pas recourir à la science de l'orateur? 
Si, comme on le rapporte, l'architecte Philon, qui construisit 
F'arsenal d'Athènes, rendit compte de ses travaux au peuple 
d'une mamére éloquente, il puisa dans l'art oratoire, plutót 
que dans l'architecture, les beautés de son discours. Si An- 
toine, que voila, avait à plaider pour Hermodore sur ce qui 
concerne la construction nautique, aprés avoir bien étudié la 
cause avec lui, ne parlerait-il pas avec succès d’un art étranger 
à l'orateur ? Asclépiades, '* notre ami, notre médecin , parlait 
ec. éloquence sur la médecine, et l'emportait sur tous ses 
rères; c'est qu'il n'était pas moins grand orateur qu'habile 
mé . Socrate avait coutume de dire, avec plus de vrai- 
semblance que de vérité , qu'on parle bien des choses qu'on sait 
parfaitement ; mais on peut affirmer qu'un homme parle tou- 
jours mal des choses qu'il ignore, et qu'il ne parle jamais 
bien de celles qu’il sait, s’il ne connait pas l'art et les res- 
sources de l'élocution. 






598 DE ORATORE, LIBER I. 


neque quemquam in eo disertum esse posse, quod 
nesciat, neque, si id optime sciat, ignarusque sit 
faciundæ ac poliendz orationis, diserte id ipsum 
posse, de quo sciat, dicere. 

X V.Quam ob rem, si quis universam et propriam 
oratoris vim definire, complectique vult, isorator erit , 
mea sententia , hoc tam gravi dignus nomine , qui, 
quacumque res inciderit, quz sit dictione explicanda, 
prudenter , et composite , et ornate, et memoriter 
dicat, cum quadam etiam actionis dignitate. Sin cui- 
piam nimis infinitum videtur, quod ita posui, qua- 
cumque de re, licet hinc , quantum cuique videbitur , 
circumcidat atque, amputet : tamen illud tenebo , si, 
quz ceteris in artibus aut studiis sita sunt , orator 
ignoret , tantumque ea teneat , quz sint in discep- 
tationibus, * atque in usu forensi; tamen bis de rebus 
ipsis si sit ei dicendum , eum cognoverit ab iis , qui te- 
nent , quz sint in quaque re, multo oratorem melius, 
quam ipsos illos, quorum ez sunt artes, esse dictu-e 
rum. lta si de re militari dicendum huic erit Sulpicio, 
quæret a C. Mario affini nostro, et, cum acceperit , 
ita pronunuabit, ut ipsi C. Mario pæne hic melius , 
quam ipse , * illa scire videatur: sin de jure civili ; te- 
cum communicabit, teque hominem prudentissimum, 
et peritissimum in iis ipsis rebus, quas abs te didicc- 
rit, dicendi arte superabit : sin ? que res inciderit, 
in qua de natura, de vitiis hominum, de cupi- 
ditatibus, de modo, de continentia, de dolore, de 


' Aut, — ? Ille. — ? Qua. 








DE L'ORATEUR, LIVRE I. 299 


XV. C'est;pourquoi, si quelqu'un veut définir l'orateur dans 
l'acception la plus étendue, il dira, selon moi , que, pour étre 
digne d'un si beau nom, il faut pouvoir parler sur tous les 
sujets avec sagesse , ayec éloquence et avec justesse , et avoir 

€une mémoire süre, et de la dignité dans l'action. Si on me 
reproche d'offrir un champ trop vaste à l'orateur , en disant 
qu'il doit parler sur tous les sujets , je permets à chacun d'en 
retrancher et de le circonscrire comme il voudra; je soutiens 
cependant que, s'il s'agit de faire un discours sur les artsétran- 
gers au barreau , à la tribune et au sénat, les orateurs, après 
avoir consulté les hommes instruits, en parleront mieux que 
personne. Ainsi, que Sulpicius ait à parler de la guerre, il 
ira consulter. C. Marius , notre allié; et Marius entendant 
aprés cela son discours, l'orateur lui paraitra posséder mieux 
que lui l'art militaire. Qu'il ait à traiter un point de droit civil, 
il s'en entretiendra ayec vous, et quand il aura embelli par 
les grâces du style les choses que vous lui aurez enseignées, . 
il passera pour un jurisconsulte plus habile que son maître. 
S'il tombe sur un sujet relatif aux caracteres , aux défauts , 
aux passions des hommes , à la tempérance, à la chasteté , à 
la douleur ou à la mort, s'il ne connait pas bien ces objets, 
que néanmoins tout orateur doit connaître , il prendra des le- 
cons de Sextus Pompée, trés-versé dans la philosophie, et il 
en parlera mieux que lui. Puisque les trois divisions princi- 
pales de la philosophie embrassent les secrets de la nature, 
les subtilités du raisonnement et la morale , nous dispenserons 
les orateurs des deux premières, pour ménager leur paresse ; 


400 DE ORATORE, LIBER I. 


morte dicendum sit, forsitan; si ei sit visum ( etsi 
hæc quidem nosse debet orator), cum Sex. Pompejo, 
erudito homine in philosophia , * communicarit : hoc 
profecto efficiet , ut quamcunque rem a quoque cog- 
norit, de ea multo dicatornatius, quam illeipse, unde 
cognorit. Sed si me audierit, quoniam philosophia 
in tres partes est ? tributa, in naturæ obscuritatem , 
in disserendi subtilitatem, in vitam atque mores; duo 
illa relinquamus, ? atque largiamur inertiz nostra : 
tertium vero, quod semper oratoris fuit, nisi tenebi— 
mus , nihil oratori , in quo magnus esse possit , relin- 
quemus. Quare hic locus de vita et moribus totus est 
oratori perdiscendus : cetera si non didicerit, tamen 
poterit , si quando opus erit, orpare dicendo, si modo 
erunt ad eum delata, et tradita. 

,. XVL, Etenim si constat inter doctos, hominem 
ignarum astrologie , 5 Aratum ornatissimis atque 
optimis versibus de celo stellisque: dixisse : si de 
rebus rusticis hominem ab agro remotissimum, Ni- 
candrum Colophonium , poética quadam facultate , 
non rustica, scripsisse præclare : quid ést, cur non 
orator de rebus iis eloquentissime dicat , quas ad 
certam causam tempusque cognorit ? E Est epim fini- 
timus oratori poëta, numeris adstrictior paulo, v verbo- 
rum autem licentia liberior ; myltis, vero ornandi 
genéribus socius , ac, pane par; in hoc quidem certe 
prope idem ,. nullis ut terminis circumscribat aut 


! Communicabit. Hoc. — ? Distributa. — 5 Idque. — 4 Or. a. opt. v. 
Aratum. 








DE L'ORATEUR, LIVRE I. áo1 


mais ne les dispensons pas de la troisième, dont la connais- 
sance est indispensable au véritable orateur. Quant aux opé: 
rations et aux secrets de la nature et à la dialectique, il peut 
s'en instruire au besoin, et en parler ensuite d'une maniére 
éloquente et agréable. 


* 


XVI. Si lessavans s’accordent à dire qu’Aratus, qui ne cone 
naissait pas l'astronomie , a fait un très-beau poeme sur le ciel 
et les étoiles ; si Nicandre , qui était fort étranger à l'agricul- 
ture, et qui vivait éloigné des champs, a composé en vers 
des géorgiques admirables, oü rien n'est villageois que la ma- 
tière, pourquoi l'orateur n'aurait] pas, comme les poëtes, 
le talent d'embellir des sujets dont il n'avait pas aupara- 
vant la moindre idée, et qu'il étudie au moment de la com- 
position ? Le poéte a beaucoup de rapport avec l'orateur; si 
la mesure du vers le géne un peu plus, on lui laisse un peu 
plus de liberté dans le choix des expressions. L'un et l'autre 
emploient à peu près.les mêmes ornemens, au point qué cha- 
cun peut marquer à son gré les limites de son domaine , et 
qu'ils ont un droit égal de s'en écarter autant qu'ils le veulent. 
Au reste, Scévola, pourquoi avez-vous refusé, si je n'eusse 

IL. 26 


áoi DE ORATORE, LIBER I. 


definiat jus suum , quo minus ei liceat eadem illa 
facultate et copia vagari, qua velit: Namque illud 
quare , Scævola, negasti te fuisse laturum , nisi in 
meo regno esses , quod in omni genere sermonis , in 
omni parte humanitatis dixerim oratorem perfectum 
esse debere ? Numquam mehercule hoc dicerem, si 
eum, quem fingo, meipsum esse arbitrarer. Sed , ut 
solebat C. Lucilius sæpe dicere, homo tibi subiratus, 
mihi propter eam ipsam causam minus , quam vole- 
bat, familiaris, sed tamen et doctus , et perurbanus : 
sic sentio , neminem esse ?h oratorum numero haben- 
dum , qui non sit omnibus iis artibus, quz sunt li- 
bero digne , perpolitus : quibus ipsis , si in dicendo 
non utimur, tamen apparet, atque erstat, utrum 
simus earum rudes, an didicerimus. Ut, qui pila lu- 
dunt , mon utuntur in ipsa lusione artificio proprio 
palæstræ , sed indicat ipse motus , didicerintne pa- 
Iæstram, an nesciant : et qui aliquid fingunt, etsi tum 
pictura nibil utuntur , tamen , utrum sciant pingere, 
an nesciant, non obscurum est : sic in orationibus 
hisce ipsis judiciorum , concionum, senatus , etiamsi 
$ proprie ceterz non adhibentur actes, tamen facile 
declaratur, utrum is, qui dicat, tantummodo in hoc 
declamatorio sit opere jactatus , an ad dicendum om- 
nibus ingenuis artibus instructus aeoesserit. 

X VII. SG. — Tum ridens Scaevola : Non luctabor, 
inquit, tecum, Crasse, amplius. Id enim ipsum, quod 
contra me locutas es, artificio quodam es consecutus; 


! Propris — adhibeantur. 








DE L'ORATEUR, LIVRE 1. 405 
pes été sur mon terrain, de convenir avec moi que, dans 
toute espèce de discours, l'orateur parfait doit connaître tout 
ce qui constitue l'érudition ? Jamuis, en vérité, je n'eusla pré- 
tention d’être ce modèle dont je veux donner l'idée ; mais je 
partage l'opinion de C. Lucilius, qui avait un peu d'aigreur 
contre vous, et qui, pour cela, me fréquentait moins qu'il ne 
le désirait. Cet homme, d'ailleurs trés-savant et de bonne société, 
disait ordinairement que, pour étre mis au nombre des ora- 
teurs, il faut être versé dans les beaux-arts, et que, si on n'a 
pas occasion de les montrer dans le discours , on apercoive et 
que l'on reconnaisse si nous les ignorons ou si nous les avons 
cultivés. De méme que les joueurs de paume , sans employer 
tous les mouvemens de la gymnastique, annoncent par leur 
démxrche s'ils sont habitués aux exercices de la lutte, et que 
ceux qui faconnent un vase, une statue, montrent s'ils ont 
appris à dessiner ou à peindre ; de méme aussi, lorsqu'un ora- 
teur parle au barreau, à la tribune ou au sénat, sans avoir 
besoin d'étaler son érudition , on juge facilement si ce n'est 
qu'un déclamateur , ou un homme véritablement instruit. 


» 


XVII. SC. -— Soévola dit alors en sourtent à Crassus : Je 
ne lutterai pas deyantage avec vous. Je ne sais par quel arti- 
fice, aprés m'avoir accordé qu'il ne fallait pas laisser tant de 
prérogatives à l’orateur , vous les avez toutes établies. Lors- 


an. 


404 DE ORATORE, LIBER 1. 


nt et mibi, quz ego vellem , non esse oratoris, conces 
deres: et ea ipsa nescio quoniodo rursus detorqueres, 
atque oratori propria traderes. Hzc , cum ego prætor 
Rhodum venissem, et cum sumnio illo doctore istius 
discipline Apollonio, : ea, qui a Panætio acceperam, 
contulissem : irrisit ille quidem, ut solebat, philoso- 
phiam atque contemsit, multaque non tam graviter 
dixit, quam facete. Tua autem fuit oratio ejusmodi , 
non ut ullam artem doctrinamye contemneres, sed ut 
omnes comites ac ministras oratoris esse diceres. Quas 
ego, si quis sit unus complexus omnes, idemque si ad 
eas ' facultatem istam ornatissimæ orationis adjunxe- 
rit; non possum diéere , eum mou egregsum;quendam 
hominem atque admirandum fore : sed'$s, 541 qui :es- 
set, aut si etiam umquain.fuisset |; aut'véro sil. esse 
posset , tu esses unus profecto; qui et nieo judo, et 
omnium , vix ullam cetéris oratoribus (pate 'horum 
dixerim ) laudem reliquisti. Verum si tibi ipsi nihil 
deest, quod in forensibus rebus civilibusque verse- 
tur, quin scias, neque eam tamen scientiam ,, quam 
adjungis oratori , complexus es; videamus, ne plus el 
tribuas, quam res et veritas ipsa concedat. |. 
CR. — Hic Crassus , Memento, inqnit ,, mg, non 
de mea, sed de oratoris facultate dixisse. Quid. enim 
nos aut didicimus, aut scire potuimus, qui,ante ad 
«gendum, quam:ad cognoscendum. venigius;. quos 
in foro , quos ib ámbnuone , quos in-republica quos 
1n amicorum negotiis , res ipsa ante confeeit , quam 


* Facultates. — ? Si quis. 








DE L'ORATEUR, LIVRE. 4o5 
que j'étais préteur à Rhodes, je voulus répéter au célèbre 
rhéteur Apellonius les lecons que m'avait données Panétius ; 
il se moqua de moi, et, méprisant la philosophie , selon sa cou- 
tume, il en parla avec plus d'enjouement que de solidité. Vous 
employez les mémes armes , non pour attaquer les arts et les 
sciences, mais pour les assujettir a servir de cortége à l'orateur. 
Celui qui réunirait à tant de connaissances le talent de bien 
dire et de bien écrire, serait, je l'avoue, un homme admirable ; 
mais s'il en fut jamais de tel, ou méme s'il peut y en avoir, 
c’est vous, Crassus, vous qui, n’en déplaise aux autres ora- 
teurs , ne Vs presque plus de gloire à acquérir : si donc, 
vous à qui rien ne manque pour exceller dans le barreau, 
et dansles délibérations du sénat ; vous n'avez point embrassé 
cette étendue de doctrineque vous assignez à l'orateur, voyons 
si l'idée que vous en avez ne va pas plus loin que la vérité. 

CR. — Souvenez-vous, dit. Crassus, que je n'ai point eu 
dessein de parler de moi, mais. du parfait orateur. En effet, 
que pouvais-je avoir appris, que pouvais-je savoir, moiqui 
me suis livré à la pratique de l'art oratoire avant d'en avoir 
étudié la théorie? moi qui ai paru à la tribune et au barreau, 
sollicité et rempli des charges, pris les intéréts de mes amis et 
ceux de la république ; moi qui suis parvenu à un certain áge 
avant d'avoir soupconné méme l'importance de chacun de ces 
objets? Si vous avez de l'estime pour un homme qui , en lui 
supposant le talent et le mérite que vous daignez lui accorder, 
n'a pas eu du moins assez de loisir pour s'instruire, ni ce 
zèle infatigable qui veut tout savoir, que ne devez-vous pas 
attendre d'un: orateur qui, doué d'un rare génie, réunirait 
encore ces nombreuses connaissances? N’obtieudrait-il pas les 
plus brillans succès? . 


406 DE ORATORE , LIBER I. 


possemus aliquid de rebus tantis suspicari? Quod. si 
tibi tantum in nobis videtur esse, quibus eüamsi 
ingenium , ut tu putas , nen maxime defuit, doctrina 
certe, et otium , et hercule etiam studium illud 
discendi acerrimum defuit : quid censes , si ad alicu- 
jus ingenium vel majus illa, qua ego non attigi, 
accesserint? qualem illum, et quantum oratorem 
futurum? 

. XVIII. ANT. — Tum Antonius : Probas mihi , 
inquit , 1sta , Crasse , qus dicis : nec dubito, quin 
multo locupletior in dicendo futurus sit, si quis om- 
nium rerum atque artium rationem naturamque cora- 
prehenderit. Sed primum id difficile est factu , præ- 
sertim in hac nostra vita, nostrisque occupationibus : 
deinde illud etiam verendum est, ne abstrahamur ab 
hac exercitatione , et consuetudine dicendi populari , 
et forensi: Áliud enim mihi quoddam genus orauonis 
esse videtur eorum hominum , de quibus paullo ante 
dixisti, quamvis illi ornate et graviter , aut de natura 
rerum , aut de humanis rebus Joqiantas. Natdum 
quoddam genus est verborum et lztum , sed palæs- 
. træ magis et olei, quam hujus civilis turba ae fori. 
Namque egomet , qui sero, ác leviter græcas litteras 
attigissem , tamen cum proconsule | in Ciliciam pro- 
ficisçens Athenas venissem , complures tum ibi dies 
snm propter navigapdi difficultatem. comamoratus : 
sed, cum quotidie mecum haberem bemiues doc- 
tissimos,.eos fere ipsos, qui abs te modo sunt 
nominati, cumque hoc, nescio quomodo , apud eos 














e 


DE L'ORATEUR, LIVRE I. 407 


XVIII. ANT. — Vous prouvez trés-hien ce que vous avan- 
cez, dit Antoine à Crassus; et je ne doute point qu'un homme 
universel , tel que vous le supposez, ne composát un discours 
plein d abondance et de richesse. Mais d’abord , c’est une chose 
difficile à exécuter, pour nous surtout , qüi sommes accablés 
du poids des saires. D'ailleurs, il serait à craindre que tant 
de recherches et d’érudition ne fissent perdre à l'orateur la 
manière qui conviérit aux plaidoyers et aux harangues.. En 
effet ;'? style de céux dont vous venez de faire l'éloge traite 
avec élégance et avec dignité de la natuge et de la morale. 
"C’est uh genre d'élocution agréable et fleuri , mais qui convient 
phus à l'aeadémie qu'au tumulte du forum ou au fraces des ti- 
bunsux/ Moi-méme , je me bvrai fort tard et euperficiellement 
à l'étude des auteurs grecs; mais lorsque je fus envoyé pro- 
consul en Cilicie , .le mauvais | temps mm 'empéchant de centi- 
nuer le trajet, je m'arrétai plusieurs j jours à Athènes ; je passai 
tous mes instans avec les savans distingués que vous avez nom- 
més au pommencement de cet entretien; et comme le bruit se 
répandait , parmi eux , qu x Rome vous et moi nous parlions 
dans les causes les plus célèbres, chacun d’euxvoulut, autapt 
qu'il le pouvait, discourir sur les fonctions de l'orateur et sur 
l'éloquence. Mnésarque et plusieurs autres disaient que nos 





* 


408 DE ORATORE, LIBER I. 


increbuisset , me in causis majoribus, sicuti te, solere 
versari, pro se quisque ut poterat, de officio et ra- 
tione oratoris disputabat. Horum alii, sicut iste 1 pse 
Mnesarchus, hos, quos nos oratores vocaremus , 
nihil esse dicebat, nisi quosdam operarios , lingua 
celeri et exercitata; oratorem autem , msi quisapiens 
esset , esse neminem : atque ipsam eloquentiam, quod 
ex bene dicendi scientia constaret, unam quandam 
esse virtutem, et, qui unam virtutem haberet , omnes 
habere, * easque esse inter se æquales et pares : ita, 
qui esset eloquens , eum virtutes omnes habere, atque 
esse sapientem. Sed hzc erat spinosa quxdam et 
exilis oratio, longeque a nostris sensibus abharrebat. 
^ Charmadas vero, multo. uberius iisdem. de. . rebus 
loquebatur : : non quo aperiret sententiam suam;. hic 
enim mos erat patrius Academiz, adversari semper 
omBibus in disputando; sed ? cum maxime tamen 
hoc significabat, eos, qui rhetores nominarentur, et 
qui dicendi præcepta traderent, nihil plane tenere, 
neque posse quemquam facultatem assequi dicendi, 
nisi qui philosophorum inventa didicisset. 
. XIX. Disputabant contra diserti homines; Akhe- 
nienses, et in republica causisque versati , in quibus 
erat etiam 1s, quinu per Roma fuit, Menedemus;hos- 
pes meus; qui cum diceret esse quandam priteniamt, 
quz versaretur in perspiciendis tatiodibus cótisiituen- 
darum et regendarum rerum pubhcarurh ; 'excitàba- 
tur homo promtus ab homine abundanti doctrina, et 


! Easque ipsas. — ? Carneades, — 3 Tou maxime, 


LS 


DE L'ORATEUR , LIVRE I. '' 409 


prétendus orateurs sont des artisans, dont la langue est agile 
et exercée ; qu'il n'y a d'orateur que le sage; que l'éloquence, 
qui nous apprend à bien parler, est une vertu ; que les ver- 
tus sont. égales entre elles ; que si on en possède une , on les 
possède toutes ; qu'ainsi l'homme éloquent a toutes les vertus, 
et que, par conséquent , c'est un sage. Leur langage était sec 
et rude, et bien éloigné de nos usages et du bon goüt. Mais 
Charmadas '* parlait sur les mêmes objets avec plus d'élégance 
et d'une manière plus profonde, sans néanmoins découvrir 
sa facon de penser , suivant l'usage de Platon et de l'Acadé- 
mie, qui se plaît à combattre tous les systèmes ; mais il donnait 
cependantà entendre que les rhéteurs qui se mélent de donner 
des règles sur l'art de bien dire, sont des ignorans, et que, si 
un orateur néglige de s'instruire à l'école des philosophes , 
il ne parviendra jamais à la véritable éloquence. 


XIX. bd Athéniens assez doque; versés dans l'ad- 
ministration del’État et dans le barreau’, soutenaient l'opinion 
contraire, €ÿ parnir eux, Ménédème, celui méme que vous 
avez vu Rome, et qui logeait chez moi. Il disait qu'il y avait 
une certaine prudence dans la conduite des affaires , qu'il re- 
gardait comme l'apanage de l'orateur. La vivacité de son 
esprit semblait excitée par l'éloquence et l'érudition de l’anta- 
goniste avec lequel il se mesurait. Charmadas prétendait que 


la politique s'apprend dans les écrits des philosophes ; qu'on . 


3 


9 ^. 





«te. 


410 DE ORATORE, LIBER I. 


quadam incredibili varietate rerum et copia. Omnes 
enim partes illiusipsius prudentuiæ petendas esse a phs- 
losophia ' dicebat , neque ea, quse statuerentur in re- 
publica de diis immortalibus, de diseiplina juventutis, 
de justitia, de patientia, de temperantia, de modo 
rerum omnium , ceteraque , sine quibus civitates aut 
esse, aut bene moratæ esse non possent, usquam in 
eorum inveniri libellis. Quodsi tantam vim rerum 
maximarum arte sua rhetorici illi doctores complec- 
terentur : quærebat, cur de prooemiis , et de epilogis, 
et de hujusmodi nugis (sic enim appellabat) referu 
essent eorum libri: de civitaubus instituendis , de 
scribendis legibus, de æquitate, de jusutia , de fide, 
de frangendis cupiditstibus, de conformandis ho- 
minum moribus , littera in eorum libris nulla inve- 
niretur. Ipsa vero przcepta sic illudere solebat , ut 
ostenderet, non modo eos illius expertes esse pru- 
denüz , quam sibi asciscerent, sed ne hanc quidem 
ipsam dicendi rafionem ac viam nosse. Caput enim 
esse arbitrabatur oratoris, ut etipsis, apud quos age- 
ret, talis, qualem se ipse optaret, videretur : id feri 
vitz dignitate , de qua nihil rhetorici isti doctores in 
præceptis suis reliquissent: et uti eorum, qui audi 
rent , sic afficerentur animi, ut eos offici vellet orator: 
quod item fieri nullo modo posse , nisi cognosceret 
is, qui diceret, quot modis hominum mentes, et 
quibus rebus, et quo genere orationis m quamque 
partem moverentur : hzc autem esse penitus in media 


! Doccbat. 

















DE L'ORATEUR, LIVRE I. que 


me saurait trouver dans ceux des rhéteurs des règles touchant 
le culte des dieux, l'éducation de:la jeunesse, la justice, la 
constance, la tempéranoe , les lois et la police, toutes choses 
sans lesquelles les républiques ne peuvent être bien gouver- 
nées ; que. si la sçience des rhéteurs embrassajt une si grande 
quantité d'objets, il leur demandait pourquoi leurs livres 
étaient remplis de préceptes sur l'exorde et la péroraison, et 
sur d’autres bagatelles semblables ( c'est le nom dont il se ser- 
vait), au lieu d'epseigner l'art de gouverner les États, de 
leur donner des lois, celui de faire aimer l'équité, la justice, 
la bonne foi; de maftriser les passions , et de régler les mœurs. 
Il aÿaït coutume dé se moquer des rhéteurs et de leurs lecons , 
au pótit de prouver ;' non-seulement qu'ils n'entendent rien 
à le'bolitique ni aux parties qu'ils s'attribuent, mais encore 
qu'ils igdurast les veritables moyens de parler avec succès. Car il 
croyait juede but prineipal d'un orateur est de se montrer aux 
yeux de ss. auditeurs tel qu'il veut paraître; et qu'on ne 
peut y réussir sans la probité , dont les rhéteurs n'ont rien dit 
dans leurs écrits. Il croyait également impossible à l'orateur 
de diriger i à son gré l'esprit des audit e leur faire parta- 
ger les Sinpinens qu'il éprouve, s’il ignore les moyens et le 
genre de 3t i e propre à exciter les passions , s'il n'a pas essayé de 
pénétrer ans la profondeur de fa philosophie, dont ces rhé- 
teuts n’ont paë même les prernières notions. Ménédéme táchait 
dé'tÉfutér son adversaire par dés exemples, plutôt que par des 
rálbontiemeng: il déciamáit/les plus bexux passages de Démos- 
thènes( en disant que oet orutèue cónbaigssit vous les moyens 
d'egtralnenries juges et ilo pouple ;: moyens m ’o8 dit appar- 
Hunt ere MR 1M : 


f (1 zpitin. tof seen if Xe 0). PERTE 





- 


41a DE ORATORE, LIBER I. 


philosophia retrusa atque abdita; quz isti rhetores ne. 
primoribus quidem labris atügissent. Ea Menedemus 
exemplis magis , quam arguments , conabatur refel- 
lere : memoriter enim multa ex orationibus Demos- 
thenis præclare scripta pronuntians, * dicebat, illum 
in animis vel judicum, vel populi , 1n omnem partem 
dicendo permovendis, non fuisse ignarum , quibus 
ea rebus consequeretur , quæ negaret ille sine philo- 
sophia quemquam scire posse. 

XX. Huic ille respondebat, non se negare , De- 
mosthenem summam prudentiam , summamque vim 
habuisse dicendi : sed sive ille hoc ingenio potuisset, 
sive , id quod constaret , Platonis studiosus audiendi 
fuisset; non, quid ille potuisset , sed quid isü doce- 
rent , esse querendum. Sepe etiam in eam partem 
ferebatur oratione, ut omnino disputaret , nullam 
artem esse dicendi : idque cum argumentis docuerat , 
quod ita nati essagus, ut et blandiri , et suppliciter 
insinuare iis, MÀ. esset petendum , et adversa- 
rios minaciter terrere possemus , et rem gestam expo- 
nere, et id, quod intenderemus , confirmare , et id, 
quod contra diceretur, refellere, et.ad extremum 
deprecari aliquid ,. et conqueri; quibus in: rebus 
omnis oratorum versaretur faeultas: et qitod consue- 
tudo, exercitetioque et intelligend? prudentiam acue- 
ret, et eloquendi celéritatent incitaret : tum. etiem 
exemplorum copia nitebatur. Nam primum, quasi 
dedita opera, neminem scriptorem artis ne medio- 

* Doccbat. 


















DE L'ORATEUR , LIVRE I. 413 


XX. Charmadas ne contestait ni les lumières ni l’éloquence 
admisable de. Démosthènes, sans examiner, disait-il, si cet 
orateur,]es dut à son génie ou aux lecons de Platon, dont il 
fut le disciple; il ajoutait aussi qu'il n’était pas question des 
talens de Démosthenes , mais des préceptes des rhéteurs. Sou- 
vent méme, dans la discussion, il s'emportait au point de 
soutenir qu il n'y a point d'art de parler ; que la nature seule 
apprend | à solliciter une grâce d'un ton suppliant, à nous in- 
sinuer dans esprit de ceux dont nous la réclamons, à effrayer 
nos adversäires par un ton menaçant, à fournir des preuves 
à lappiti de notré'épinion, X réfuter les avis contraires, à 
employet enfin , d'hàe mamièré pressante, ou les plaintes, ou 
la prière: Hi n'étendait pas plus loim Je poevoir de l'orateur, 
«et :pséteudait que l'habitude et l’exereice donnent ensuite la 
sagacité;. la prudence et Ja. farilité nécessaires, et il s'appuyait 
sareu0o foie, d'exemples.. Fil faut l'en croise, de tous les 
rhétautée: depuis un cantaim Gozax. et Tisas, qui ont écrit 
Jes, prepipns sur. l’art. oratoire,, pas un, ne, fut doué d'une 
€logyenes, ardinaire, tandis qu'il pouvait citer un nombre 


prodigieux d'orateurs célèbres, qui ne se mirent jamais en 
peine d'apprendre ces règles; et il me comptait parmi eux, 


414 DE ORATORE, LIBER 1.- 


criter quidem disertum fuisse dicebat , cum repeteret 
usque a Corace , nescio quo, et Tisia; quos arüs 
illius inventores et principes fuisse constaret: elo- 
quentissimosautem homines , qui istanec didicissent , 
nec omnino' scire curassent , innumerabiles quosdam 
nominabat : in quibus euam (sive ille irridens , sive 
quod ita putaret , atque ita audisset ), me in illo nu- 
mero , qui illa non didicissem et tamen (ut ipse dice— 
bat ) possem aliquid iu dicendo, proferebat. Quorum 
illi alterum facile assentiebar , nibil me didicisse; in 
altero autem me illudi ab eo, autetism ipsum errare 
arbitrabar. Ártem veró negabat esse ullam , nisi quoe 
cognitis , penitusque perspectis , et in unum exitum 
spectantibus , et numquam fallentibus rebus conti- 
meretur. Hæcautem omnia, quæ tractarentur ab ora- 
toribus , dubia esse et incerta : cum et dicerentur ab 
lis, qui ea omnia non plane tenerent , et audirentur 
ab iis , quibus non scientia esset tradenda , sed exigui 
temporis aut falsa, aut certe obscura opinio. Quid 
multa ? sic mihi tum persuadere videbatur, neque 
arüficium ullum esse dicendi, neque quemquam 
posse , nisi, qui illa, qux a doctissimis hominibus 
in philosophia dicerentur , cognosset , aut callsde aut 
copiose dicere. * In quibus dicere Chermadas solebat , 
ingenium tuum , Crasse, vehementer admirans , me 
sibi perfacilem in audiendo , te perpugnacem in dis- 
putando esse visum. à 

X XI. Tumque ego, hac eadem opinioneadductus, 


» Scisse. — 2 Quibus dicere Carneades. 


* 
PNR es ES à E = —- em te — o -—-— om. aen. fete. R00 


DE L'ORATEUR , LIVRE I. 415 
soit pour me flatter, soit avec sincérité , soit enfin qu'on lui 
eût donné de moi cette opinion. Je répondis que j'étais d'accord 
avec lui sur l'un deces points, c'est-à-dire, que je n'avais pas 
appris la rhétorique ; mais que, pour l'autre, il se tronpait. Il 
ajoutait que les règles d'un art doivent être certaines, évi- 
dentes et invariables, et ne contenir aucune erreur ; que tout 
est incertain en matière d'éloquence; que les orateurs ne pos- 
sedent pas entièrement les sujets dont ils parlent ; que leur but 
n’est point d'en instruire à fond leurs auditeurs, mais de leur en 
donner des idées superficielles, et quelquefois méme des idées 
fausses. Que dirai-je de plus? Tl parvint, pour ainsi dire, à 
me convaincre que l'éloquence n'est pas un art, et qu'il est 
impossible de parler convenablement et avec abondance, sans 
avoir étudié les plus habiles philosophes. Dans ces entretiens , 
mon cher Crassus, Charmadas, admirateur sincère de vos ta- 
lens, se plaisait à m'assurer que je paraisenis un disciple docile, 
et vous un adversaire trés-pressant. 


XXI. Amené alors à penser comme lui, je ne pus m'em- 
pécher d'écrire, dans un petit ouvrage devenu public malgré 


416 DE ORATORE, LJBER I. 
scripsi etiam illud quodam in libello, qui me im- 
prudente et invito excidit, et pervenit in manus 
bominum, disertos me cognosse nonnullos, elo- 
quentem adhuc neminem : quod eum statuebam di- 
sertum , qui posset satis acute , atque dilucide , apud 
mediocres homines , ex communi quadam opinione, 
dicere : eloquentem vero , qui mirabilius et magnifi- 
centius augere posset atque ornare, quz vellet, 
omnesque omnium rerum , qua ad dicendum perti- 
nerent, fontes animo ac memoria contineret. ld si 
est difficile nobis , qui ante , quam ad discendum in- 
gressi sumus, obrummur ambitione et foro; sit tamen 
in re positum atque natura. Ego enim, quantum 
auguror conjectura, quantaque ingenia in nostris 
hominibus esse video, non despero, fore aliquem 
aliquando, qui et studio aeriore, quam nos sumus 
atque fuimus , et otio ac facultate discendi majore ac 
maturiore , et labore atque industria superiore , cum 
se ad audiendum , legendum , scribendumque dedi- 
derit, exsistat talis orator, qualem quaerimus: qui 
jure non solum disertus, sed etiam cloquens dici 
possit: qui tamen, mea sententia, aut hic est jam 
Crassus , aut, si quis pari fuerit ingenio , pluraque 
quam hic, et audierit, et lectitarit, et scripserit, 
paullum huic aliquid poterit addere. 

SULP. — Hoc loco Sulpicius , Insperanti mihi , 
inquit , et Couæ, sed valde optanti utrique nostrum, 
cecidit, ut in istum sermonem, Crasse, delabere- 
mini: Nobis enim huc venientibus jucundum satis 





DE L'ORATEUR, LIVRE I. 419 
moi, que je connaissais des hommes diserts, mais pas un d’é- 
loquent ; et j'accordais le titre de disert à celui qui s'exprime 
avec assez de netteté et d'esprit pour satisfaire le commun 
des hommes’; j'appélais éloquent celui qui ennoblit tout par la 
magnificence dés'exptessions et la beauté des mouvemens, et 
dont le génie et la mémoire sont pour lui des sources inépui- 
sables, où il trouve tout ce qu'il veut. 

Il nous est difficile d'erriver à ce degré de perfection, 
puisque, avant de nous être livrés à l'étude, tous nos instans 
ont été consacrés aux affaires du barreau, et à briguer les em- 
plois; mais cette perfection n'est pas au-dessus des forces 
humaines et dugpouvoir de la nature. 

Pour moi; autanf que je puis en juger par les heureuses 
dispositiorls de mes concitoyens, je ne désespère pas de voir 
naître un homme qui, trouvant plus de loisirs, livré plus ar- 
demment, que nous à l'étude des lettres, joignant une plus 
grande habitude à un plus grand travail, et aprés avoir beau- 
coup lu, beaucoup entendu, beaucoup écrit, ne devienne 
non-seulement disert, mais éloquent, et tel que nous Je de- 
mandons ; et cet orateur parfait, ce sera Crassus lui-même, ou 
bien un Romain doué du méme talent, plus libre d'entendre 
les grands orateurs, de s'appliquer à la lecture ou de se livrer 
à la composition. 

SULP. — Cotta et moi, nous désirions vivement vous en- 
tendre sur cette matiére, mais nous n'osions l'espérer. Il nous 
semblait, en venant'ici, que ce serait déja pour nous un 
grand plaisir de profiter de votre conversation toujours ins- 
truetive, et d'en recueillir les fruits dans notre mémoire; mais 
nous sommes au tomble du bonheur, puisque vous daignez 
uous initier aujourd'hui dans les secrets de l'art, et nous:ré- 


véler les mystères de l’éloquence. Dès ma plus tendre enfance, 
I. | 27 


448 DE ORATORE, LIBER I. 


fore videbatur, si , cum vos de rebus aliis loqueremini, 
tamen no$ aliquid ex sermone vestro memoria dignum 
excipere possemus; ut vero penitus in eam ipsam 
tous hujus vel studii, vel arüificii, vel facultatis dis- 
putationem pæne intimam veniretis, vix optandum 
nobis videbatur. Ego enim , qui ab ineunte ætate in- 
census essem studio utriusque vestrüm , Crassi vero 
etiam amore , cum ab eo nusquam discederem , ver- 
bum ex eo numquam elicere potui de vi ac ratione 
dicendi, cum et per memetipsum egissem , et per 
Drusum szpe tentassem : quo in genere tu, Antoni 
( vere loquar) numquam mihi percunctanti , aut quæ- 
renti aliquid, defuisti, et persæpe me, qus soleres 
in dicendo observare , docuisti. Nunc quoniam uter 
que vestrüm patefecit earum rerum ipsarum aditum, 
quas quærimus , et quoniam princeps Crassus ejus 
sermonis ordiendi fuit, date nobis hanc veniam, ut ea, 
quie sentitis de omui genere dicendi , subtiliter per- 
sequamini. Quod quidem si erit a vobis impetratum, 
magnam habebo , Crasse , huic palæstræ, et Tuscu- 
lano tuo gratiam, et longe Academiæ illi ac Lyceo 
tuum hoc suburbanum gymnasium anteponam. 
XXII. CR. — Tum ille, Immo vero, inquit , Sul- 
pici , rogemus Antonium , qui et potest facere * id, 
quod requiris , et consuevit, ut te audio dicere, Nam 
me quidem , ? fateor, semper a genere hoc toto ser- 
monis refugisse, et tibi cupienti atque instanti sæpis- 
sime negasse, ? ut tute paullo ante dixisti. Quod ego 
! Abest id. — * Abest ftcor. — ? Abest ut. 





DE L'ORATEUR, LIVRE I. 419 


, je vous recherchais'ardemment l'un et l'autre ; vous connaissez 
combien j'aime Crassus ;. je m'en éloigne rarement ; et jamais 
je n'ai pu lui arracher une parole touchant l’éloquence ; anes. 
instances, à cet égard, et les sollicitations de Drusus, ont été 
inutiles : pour vous, Antoine ( et je rends hommage à la vé- 
rité ), vous m'avez traité avec moins de rigueur, et trés.sou- 
vent vous m'avez fait part de vos observations journalières. 
Maintenant, comme chacun de vous a commencé à nous ins- 
truire sur ce que nous désirions savoir, continuez un sujet 
entamé par Crassus; dites-nous, je vous en prie, votre opi- 
nion sur toutes les parties de l'art oratoire. Si vous doignez 
condescendre à mes vœux, je ne perdrai jamais le souvenir 
des jardins de Crassus et du séjour de Tusculum, et je préfé- 
rerai toujours ce gymnsse voisin de Rome, à FAR de 
Platon et au Lycée d'Aristote. 


XXII. CR. — Ne vaudrait-l. pas mieux, Sulpicius, s'a- 
dresser à Antoine, qui, de votre propre aveu, est en état 
de vous satisfaire, et ne hait pas ces sortes d'entretiens? Je 
conviens que je ne les aime guere , et vous avez eu raison 
de vous plaindre de mes refus continuels. Cependant, ce 
n'était ni par orgueil, ni par un excés d'impolitesse; votre 
zèle pour l'eloquence est trés-louable ; et je l'aurais d'autant 


420 DE ORATORE , LIBER I. 


non superbia , neque inhumanitate faciebam , neque 
quo tuo studio rectissimo atque optimo non obsequi 
vellem, praesertim cum te unum ex omnibus ad 
dicendum maxime natum , aptumque cognossem , 
sed mehercule istius disputationis insolentia, atque 
earum rerum , quz quasi traduntur in arte, inscitia. 

COTT. — Tum Cotta, Quoniam id , quod diffi- 
cillimum nobis videbatur, ut omnino de his rebus, 
Crasse , loquerere , ‘assecuti sumus : de reliquo jam 


nostra culpa fuerit, si te , nisi omnia , quæ percunc- 


tati erimus , explicaris, dimiserimus. 

CR. — De his, credo, rebus, inquit Crassus , ut 
in cretionibus scribi solet, Qu1BUS SCIAM, POTEROQUE. 

COTT. — Tum ille, Namque quod tu non poteris; 
aut nescies , quis nostrüm tam impudens est , qui se 
scire aut posse postulet ? 

CR. — Jam vero, ista conditione , dum inihi liceat 
negare, posse quod non potero; et fateri, nescire 
quod nesciam , licet , inquit Crassus, vestro arbitratu 
percunctemini. 

SULP. — Atque, inquit Sulpicius, hoc primum 
ex te, dequo modo Ántonius exposuit , quid sentias, 
quærimus : existimesne artem aliquam esse dicendi? 

CR. — Quid? mihi nunc vos, inquit Crassus, 
tanquam alicui Græculo otioso et loquaci , et for- 
tasse docto, atque erudito, quæstiunculam , de qua 
meo arbitratu loquar, ponitis? Quando enim me ista 
curasse, aut cogitasse arbitramini, et non semper 
irrisisse potius eorum hominum impudentiam , qui 





DE L'ORATEUR, LIVRE I. 421 
. plus secondé ; que vous êtes: né pour y exceller; mon excuse 
'est vraiment dans le peu d'habitude que j'ai de traiter cette 


matiere, et dans une ignorance presqu'absolue des règles de 
l'art 


 COTT. —. Puisque nous sommes parvenus, malgré ces 
difficultés, à vaincre votre répugnanoe , Crassus, nous ne 
pourrions nous pardonner à nous-mémes de vous avoir quitté, 
sans que vous ayez éclairci nos doutes. 


, CR. — Oui, mais vous n’exigerez de moi, comme le disent 
nos jurisconsultes , ** que ce que je sais et ce que je puis. 


COTT. — Quel homme aura la prétention de savoir ce 
que vous ignorez, et de Ph ce qui vous est impossible? 


CR. — Puisque vous me laissez le dis de vous répondre 
à mon gré, je ne sais pas , ou je ne suis point en état de 
vous satisfaire , proposez-moi vos questions. 


SULP. — Je commencerai par un chapitre dont Antoine 
vient de parler : croyez-vous que Se tac soit véritable- 
ment un art? 


' CR. — Quoi donc? vous me traitez comme un de ces Grecs 
oisifs et babillards, mais quelquefois savans , à qui l'on pro- 
pose une question frivole pour les faire parler. Croyez -vous 
que j'estime de semblables bagatelles , et que je ne me sois pas 
toujours moqué de ces. effrontés qui, pour avoir été sur les, 
bancs de l’école, demandent, au milieu d'une assemblée nom- 


423 DE ORATORE, LIBER I. 


cum in schola assedissent , ex magna hominum fre — 
quentia dicere juberent, si quis quid quæreret ? 
Quod primum ferunt Leontinum fecisse Gorgiam : 
qui permagnum quiddam suscipere ac profiteri vide- 
batur , cum se ad omnia, de quibus quisque audire 
vellet, esse paratum denuntiaret. Postea vero vulgo 
hoc facere ceperunt, hodieque faciunt , ut nulla sit 
res , néque tanta , neque tam improvisa , neque tam 
nova, de qua se non omnia, quæ dici possunt, pro- 
fiteantur esse dicturos. Quod si te, Cotta , arbitrarer , 
aut te, Sulpici, de iis rebus audire velle , adduxissem 
huc Græcum aliquem, qui ' vos istiusmodi dispu- 
tationibus delectaret : quod ne nunc quidem difficile 
factu est. Est enim apud M. Pisouem , adolescentem 
jam huic studio deditum , summo hominem ingenio, 
nostrique cupidissimum , peripateticus Staseas, homo 
nobis sane familiaris, et, ut inter homines peritos 
constare video , in illo suo genere omnium princeps. 

XXIII. SCAEV.— Quem tu, inquit, mihi, Mu- 
cius , Staseam, quem peripateticum narras? gerendus 
est tibi mos adolescentibus , Ürasse : qui hon Greci 
alicujus quotidianam loquacitatem sine usu, neque 
ex schohs cantilenam requirunt, sed ex homine 
omaium $apienussimo atque eloquentissimo , atque 
ex 60, qui non in ibellis, sed in maximis osusis, 
et in hoc domicilio ih»perii et gloriæ, sit consilio 
Hnguaque priteeps, cojus vestigia persequi cupiunt, 
ejus sentéftidm sciscitantur. Equidem te cum iu 

1 Nos. PE . $ 


DE L'ORATEUR, LIVRE I. 425 
breuse, qu'on leur propose un sujet? Gorgies le Léontin 
s'avisa, dit-on, le premier de ce bel expédient , et s'imagina 
passer pour un grand homme, en offrent de parler, sans pré- 
paration, sur toutes sortes de matiéres. Cette manie gagna 
bientôt, '? et regne encore aujourd'hui : des bavards présomp- 
tueux se vantent de traiter à fond les cas imprévus, les ma- 
tières les plus neuves et les plus importantes. Si j'avais cru 
Cotta ou Sulpicius jaloux d'entendre de pareilles choses, 
j'aurais amené, pour vous amuser, un de ces docteurs grecs, 
et rien n'était plus aisé. Le jeune M. Pison, mon intime ami, 
doué d'un excellent esprit, se livre avec tant d'ardeur à la 
philosophie, qu'il a maintenant chez lui le péripatéticien 
Staséas , : que nóus connaissons particulièrement , et que les 
hommes habiles regardent comme le premier des rhéteurs. 
J'aurais pu l'amener iei. | 


XXIII. SCÉV. — Que nous parlez-vous là de Staséas et 
de péripatéticien? C'est à vous, Crassus, à satisfaire ces 
jeunes gens ; ils ne cherchent point à entendre une lecon de 
l'école, eu le caquet inutile d'un sophiste grec; ils veulent 
s'instruire avec l'homme du monde le plus éloquent et le plus 
sage; ils veulent marcher sur les traces d'un orateur, qui, 
loin de se borner à composer des bagatelles, a mérité, par ses 
succès dans les causes les plus importantes, par ses lumiÿres 
et par ses talens, de tenir le premier rang dans cette capitale 
la maîtresse du monde. Vos talens oratoires m'ont paru tou- 
jours admirables ; mais je ne crois pas que vous ayez moins de 
bonté que d'éloquence, et vous ne pouvez plus résister à .l'em- 


624 DE ORATORE , LIBER I. 
dicendo semper putavi deum, tum vero tibr nun- 
quam eloquentia majorem tribui laudem , quam 
humanitatis : qua nunc te uti vel maxime decet, 
neque defugere eam disputationem, ad quam te duo 
excellentis ingenii adolescentes cupiunt accedere. 
CR.— Ego vero, inquit, istis obsequi studeo , 
neque gravabor breviter meo more , quid quaque 
de re sentiam, dicere. Ác primum illud (quoniam 
auctoritatem tuam negligere, Scaevola , fas mihi esse 
‘non puto) respondeo, mihi dicendi adt nullam ar- 
tem , aut pertenuem videri, sed omnem esse cog- 
tentionem inter homines doctos in verbi controversia 
positam. Nam si arg ita definitur , ut paullo ante 
exposuit Ántonius, ex rebus penitus perspectis , pla- 
neque cognitis , atque ab opinionis arbitrio sejunctis, 
scientiaque comprehensis; non mihi videtur ars ora- 
toris esse ulla. Sunt enim varia, et ad vulgarem po- 
pularemque sensum accommodata omnia genera hu. 
jus forensis nostre dictionis. Sin autem ea , 'que 
observata sunt in usu ac ratione dicendi, hzc ab 
hortinibus:callidis ac peritis animadversa ac notata, 
verbis designata, generibus illustrata, partibus dis- 
íributa sunt (id quod fieri potuisse video): non 
intelligo, quamobrem non, si minus illa subtili defi- 
nitione, at hac vulgari opinione, ars esse videatur. 
Sed sive est ars, sive artis quxdam similitudo, non 
est quidem ea negligenda : verum intelligendum est, 
alia quedam ad consequendam eloquentiam esse 
majora. 


DE L'ORATEUR , LIVRE I. 425 


pressememt de deux jeunes Romains qui annoncent les plus 
beüreuses potione ! 


- 


^ 
t 


- CR. — Eh bien, il faut les contenter ; mais, selon ma 
coutume, je développerai mon opinion trés-brievement. Et 
d'abord ( puisque les paroles de Scévola sont sacrées pour 
moi), je réponds que l'éloquence ne me paraît point 
véritablement un art, ou que cet art est peu de chose. D'ail- 
leurs, toute la contestation roule sur les mots. Si les arts, 
comme le disait tout-à-l'heure Antoine, sont fondés sur des 
principes sûrs, évidens et infaillibles, il me semble que la 
profession des orateurs n'est pas un art. Dans tout ce que 
nous disons au barreau, nos principes varient et sont ordi- 
nairement subordonnés aux sentimens et au poût du peuple. 
Mais si les observations qu'on a faites dans la théorie et la 
pratique de l'éloquence, ont été recueillies par des esprits 
justes et exercés, si elles ont été rédigées et classées ensuite 
selon le genre et l’espèce ( et c'est ce que je crois avoir été 
fait), ces observations, selon moi , suffiront.peut-étre pour 
constituer un art, si ce n'est à la rigueur, du moins d'aprés 
l'opinion générale. Mais que ce soit un art ou quelque chose 
qui en approche, peu nous importe, pourvu qu'on en con- 
naisse les règles, sans négliger surtout d'autres moyens indis- 
pénsables pour parvenir à l’éloquence. | 


426 DE ORATORE , LIBER I. 

XXIV. ANT. — Tum Antonius vehementer se 
assentire Crasso dixit, quod neque ita amplecteretur 
artem, ut ii solerent , qui omnem vim dicendi in 
arte ponerent, neque rursum eam totam, sicut ple- 
rique philosophi facerent , repudiaret. Sed existimo , 
inquit, gratum te his, Crasse, facturum, si ista ex— 
posueris, quæ putas ad dicendum plus, quam ipsam 
artem posse prodesse. 

CR. — Dicam equidem , quoniam institui, petam- 
que a vobis, inquit, ne has meas ineptus efferaus : 
quamquam moderabor ipse, ne, ut quidam magister 
atque artifex , sed quasi unus e togatorum numero; 
atque ex forensi usu homo mediocris, neque om- 
nino rudis, videar, non ipse aliquid a me promsisse, 
sed fortuito in sermonem vestrum incidisse. Equi- 
dem , cum peterem * magistratum , solebam in pren- 
sando dimittere a me Sce volam , cum e1ità dicerem, 
me velle esse ineptum : id erat petere blandius : quod 
nisi inepte fieret, bene non posset fieri. Hunc autem 
esse unum hominem ex omnibus , quo presente ego 
ineptus esse minime vellem : quem quidem nunc 
mearum ineptiarum testem et spectatorem fortuna 
constituit. Nam quid est ineptius, quam de dicendo 
dicere, * cum ipsum dicere nunquam sit non inep- 
tum, nisi cum est nectssarium ? 

SC/EV. — Perge vero, Crasse, inquit Mucius. 
Istam enim culpam , quam vereris, ego preestabo. 

XXV.CR. — Sic igitur ? , inquit Crassus, sen- 


! Magistratus. — ? Id ipsum. — ? Censeo, inquit Crassus, nat. ” 


DE L'ORATEUR , LIVRE I. 427 

XXIV. ANT. — Crassus , je suis bien de votre sentiment: 

vous n'imitez pas ceux qui renferment l'art de parler dans les 

sculs principes de la rhétorique, ni ces philosophes qui dé- 

daignent les règles, comme absolument inutiles. Vous nous 

obligeres beaucoup, en nous disant quels sont les moyens les 
plus propres à former un bon orateur. 


CR. — Je répondrai, puisque je l'ai promis; mais ne di- 
vulguez pas, s'il vous plaît, les bagatelles que je vais débiter. 
Cependant je mé conduirai de maniere à ne point m'exprimer 
comme un rhéteur de profession, mais comme un sénateur 
qui, sans ignorer entierement ce qui concerne l'usage du bar- 
reau , ne possède pas sur cet objet des connaissances pro- 
fondes, et n'en parle que par.hasard , et pour vous plaire. 
Lorsque je faisais ma cour au peuple, afin d'obtenir ses suf- 
frages pour les magistratures, j'avais coutume de me débar- 
rasser de Scévola, en lui disant que j'allais embrasser l'un, 
sourire à l'autre, demander humblement des voix, en un mot, 
faire des bassesses indignes de mon rang ; qu'il était le seul 
homme devant lequel je ne voulais point avoir à rougir de 
ynes sottises ; le hasard le contraint aujourd'hui d'en devenir 
encore le témoin. En effet, est-il rien de plus ridicule que 
de discourir sur la théorie du langage, et de parler, lorsque 
cela n'est pas absolument nécessaire ? 


SCÉV. — Continuez , Crassus, je me charge de la faute, 
si c'en est une. 


XXV.CR. — Je pense d'abord que la natureet le génie con- 


428 DE ORATORE, LIBER I. 
tio, haturam primum , atque ingenium ad dieesgdunm 
vim afferre maximam : neque vero istis, de quibus . 
paullo ante dixit Antonius, scriptoribus artis, ra- . 
tionem dicendi et viam , sed naturam defuisse. Nam 
et animi atque ingenii celeres quidam motus esse 
debent, qui et ad excogitandum acuti , et ad expli— 
candum ornandumque sint uberes , et ad memoriam 
firmi atque diuturni. Et si quis est, qui hæe putet arte 
accipi posse , quod falsum est ( præclare enim se res 
habeat , $1 hæc accendi , aut commoveri arte possint: 
inseri quidem , et donari ab arte non possunt onmia ; 
sunt enim illa dona nature ) : quid de illis dicet, quae 
certe cum ipso homine nascuntur? linguz solutio, 
vocis sonus, latera, vires , conformatio quidam et 
figura totius oris et corporis? Neque hzc ita dico, 
ut ars aliquid limare non possit ( neque enim ignoro, 
et que bona sint, fieri meliora posse doctrina, et 
quæ non optima, aliquo modo acui tamen et corrigi 
posse ): sed sunt quidam aut ita lingua hæsitantes, 
aut ita voce absoni , aut ita vultu, motuque corporis 
vasti atque agrestes , ut, etiamsi ingeniis atque arte 
valeant , tamen in oratorum numerum venire non 
possint. Sunt autem quidam *. ita. in iisdem rebus 
babiles, ita naturz muneribus oruatüi , ut non nau, 
sed ab aliquo deo ficti esse videantur. Magnum 
quoddam est onus atque munus, suscipere, atque 
profiteri, se esse, omnibus silentibus, unum maximis 
de rebus, magno in conventu hominum , audiendum. 
' Ita natocz munecbos in iisdem rebus habiles, ita omati, © 





DE L'ORATEUR, LIVRE I. 429 
tribuent puissamment à l'éloquence; en effet, ces rhéteurs dont 
parlait Antoine, n'ignoraient point les préceptes de l’art, mais 
ils manquaient de génie. On exige dans l'orateur une âme 
prompte à s'émouvoir , un esprit fécond , une imagination vive 
et brillante, une conception rapide, et une mémoire süre et 
fidéle. Ces qualités sont un présent de la nature, et tout ce 
qu'on doit attendre de l'art, c'est d'en augmenter l'énergie. 
Maisquand il pourrait les donner, combien d'autres avantages , 
tels que la flexibilité de l'organe, le son de la voix, les pou- 
mons, la force du corps, le jeu de la physionomie, le main- 
tien et les mouvemens de l'orateur, sont dus uniquement à la 
nature? L'art , j'en conviens, peut y ajouter; car je n'ignore 
point que les lecons perfectionnent les bonnes qualités, et 
corrigent les mauvaises ; mais il y a des hommes dont la langue 
est si embarrassée, la voix si.discordante, ou les traits si 
désagréables et le geste si grossier, qu'avec les dons les plus 
précieux de la nature et les efforts les plus constans, ils ne 
peuvent jamais s'élever au rang des orateurs ; d'autres, au 
contraire, sont nés si heureusement, qu'un dieu semble les 
avoir formés pour l'éloquence. C'est une grande et belle fonc- 
tion, mais un pénible fardeau , de prononcer un discours sur 
les objets lesplusi importans, et de parler seul, au milieu d'une 
assemblée nombreuse quise tait pour nous écouter. On est bien, 
plus frappé des défauts que des bonnes qualités de celui qui 
parle, au point d'oublier ce qui est digne d'éloges , pour s'at- 
tacher à des imperfections passagéres. Je ne prétends point 
détourner de la carrière lesjeunes gens à qui la nature a refusé 
quelques-unes de ces faveurs. C. Célius, qui était à peu prés 
de mon âge, et d'une famille obscure, ne s'est-il- pas élevé 
aux homnueurs, à force de travail, et quoiqu'il n'eüt qu'une, 


450 DE ORATORE, LiBER I. 


Adest enim fere nemo, quin acutius atque acrius 
vitia in dicente, quam.recta videat : ita , quicquid 
est, in quo offenditur, id etiam illa , que laudanda 
sunt, obruit. Neque hzc in eam sententiam disputo, 
uthominesadolcscentes, si quid naturale fortenon ha- 
beant, omninoa dicendi studio deterream.Quis enim 
non’ videt, C. Colio , æquali meo, magno honori 
fuisse , homini novo, illam ipsam, quamcunque asse- 
qui potuerit, in dicendo mediocritatem? Quis ves- 
trum * æqualem, Q. Varium , vastum hominem atque 
fœdum, non intelligit, illa 3psa facultate, quamcunque 
habet , magnam esse in civitate gratiam conseoutum ? 

XXVI. Sed quia de oratore querimus, fingendus 
est nobis oratione nostra, detractis omnibus vitiis, 
orator, atque omni laude ? cumulatus. Neque enim , 
si multitudo litium, $1 varietas causarum, si heec 
turba , et barbaria forensis dat locum vel vitiosissimis 
oratoribus , idcirco nos hoc , quod quaerimus , omit- 
temus. Itaque in iis artibus; in quibus non utilitas 
quaeritur necessaria , sed animi libera quedam oblec- 
tatio, quam diligenter, et quam prope fasudiose 
judicamus ? Nullæ enim lites, neque controversia 
sunt , qu& cogant homines , sicut in foro non bonos 
oratores , item in theatro actores malos perpeu. Est 
igitur oretori diligenter providendum , non uti illis 
satisfaciat , quibus necesse est: sed ut is admirabilis 
esse videatur, quibus libere liceat judicare. Ac, 
8 qugritis, plane, quid sentiam , cnuntiabo apud 

! Videat. — 2 AEqualem meum. — ? Cumulandus. 





DE L'ORATEUR , LIVRE I. 451 
éloquence médiocre? Varius , malgré sa laideur et son air lourd, 
ne jouit-il pas aujourd'hui dans Rome du crédit et de l'auto- 
rité d'un habile orateur ? 


XX VI. Mais comme il est ici question d'un véritable ora- 
teur, il faut le peindre dans sa perfection , exempt de défauts. 
Si le grand nombre de procès, si la diversité des causes, si 
le tumulte et la barbarie du forum nous obligent à supporter 
de très-mauvais orateurs, nous ne devons pas pour cela nous 
écarter de notre but. Dans les arts qui ne sont point indis- 
pensables, mais de pur agrément, on se montre fort exigeant ; 
ne juge-t-on pas méme avec beaucoup de rigueur?‘par exemple : 
on refuse de supporter au théâtre de mauvais acteurs, mais 
on a plus d'indulgence pour un homme qui plaide ou qui 
harangue sans esprit. L'orateur doit donc mettre tous ses soins 
pour plaire, non-seulement à ceux qui ont recours à son mi- 
pistére , mais encore il doit aussi se faire admirer de ceux qui, 
n'ayant aucun intérét à la cause dont il est chargé, le jugent 
librement. Voulez-vous connaître mon opinion? Je révélerai 
à mes meilleurs amis un secret que j'ai toujours tenu caché. 
Nous voyons des orateurs s'exprimer avec beaucoup d’élégance 
et de facilité; cependant sls prononcent un discours sans 


432 DE ORATORE , LIBER I. 


homines familiarissimos , quod adhuc semper taeui , 
et tacendum putavi. Mihi etiam, quique optime 
dicunt , quique id facillime atque ornatissime facere 
possunt , tamen, nisi timide ad dicendum accedunt , 
et in * exordienda oratione perturbantur, pene impu- 
dentes videntur : tametsi id accidere non potest. Ut 
enim quisque opüme dicit, ita maxime dicendi diffi - 
cultatem , variosque eventus orationis , exspectatio 
nemque hominum pertimescit. Qui vero nilil potest 
dignum re , dignum nomine oratoris, dignum homi- 
num auribus efficere atque edere, is mihi, etiamsi 
commovetur in dicendo, tamen impudens videtur. 
Non enim pudendo , sed non faciendo id, quod noa . 
decet, impudentia nomen effugere debemus. Quem 
vero non pudet (id quod in plerisque video) hunc 
ego non reprehensione solum , sed etiam poena dig- 
num puto. Equidem et in vobis animadvertere soleo , 
et in me ipso sæpissime experior, ut exalbescam in 
principiis dicendi: > et tota mente, atque omnibus 
artubus contremiscam. Adolescentulus vero sic initio. 
accusationis exanimatus sum , ut hoc summum bene- 
ficium Q. Maximo debuerim , quod continuo consi- 
lium dimiserit , simul ac me fractum ac debilitatum 
metu viderit. 

Hic omnes assensi , sign ificare i Inter sese, et colloqui 
ceperunt : fuit enim mirificus quidam in Crasso pudor , 
qui tamen non modo non obesset ejus orationi , sed etiam 
probitatis commendatione prodesset. 


! Ordienda. 














DE L'ORATEUR , LIVRE I. 455 
crainte, ou ‘sans être troublés pendant leur exorde, je suis 
tenté de les regarder comme deseffrontés. A la vérité, il me 
semble impossible de ne.pas éprouver-cette appréhension ; car 
plus on est éloquent , plus on connait la difficulté de l'art, et 
plus on est inquiet sur l'effet qu'on produira. Meis celui qui 
ne peut rien faire ni rien dire qui soit digne du sujet, de l'o- 
rateur et de l'auditoire, n'est à mes yeux qu'un impudent, 
lors méme qu'il éprouve l'émotion dont je parle. Ce n'est pas 
la crainte que nous avons en faisant mal, mais celle qui nous 
empéche de malfaire, qu'on doit appeler modestie. Ceux qui 
n'éprouvent aucun embarras (et j'en connais beaucoup ), sont 
les plus blämables ; outre le mépris, on devrait, à mon avis, - 
leur infüger une peine. Je le remarque souvent, vous pälis- 
sez, ainsi que moi, et vous tremblez de tous vos membres 
pendant l'exorde. Dans ma première jeunesse, je fus si effrayé 
en commencant mon plaidoyer, que Q. Maximus , s'apercevant 
de mon trouble, renvoya la cause à un autre jour, et, de 
ma. vie, je n’oublierai cette faveur. | 


Ici les auditeurs de Crassus l'applaudirent et se parlé- 
rent tout bas l'un à l'autre; car rien n'égalait sa pudeur 
et sa modestie, qui d'ailleurs ne nuisaient pas à son élo- 
quence , et devenaient un nouveau témoignage de son inté- 
grité. Antoine dit alors : | 


IL. MR a8 


454 DE ORATORE, LIBER I. 
XXVII. ANT. —Tum Antonius , Saepe , utdicis, 


inquit , animadverti , Crasse, et te, et ceteros summos 
oratdres , quamquam tibi par, mea sententia, nemo 
umquam fuit, in dicendi exordio permoveri. Cujus 
quidem rei cum causam quærerem , quidnam esset, 
cur, utin quoque oratore plurimum esset , itamaxime 
is perüimesceret , has causas inveniebam duas : unam, 
quod intelligerent ii , quos usus ac natura docuisset , 
nonnumquam summis oratoribus non satis ex sen- 
tentia eventum dicendi procedere : ita non injuria , 
quotiescunque dicerent, id, quod aliquando posset 
accidere , ne tum accideret , timere. Áltera est hac, 
de qua queri ssepe soleo; cetererum homines artium 
spectati et probati, si quendo aliquid minus bene 
fecerunt, quam solent , aut noluisse, aut valetudine 
impediti non potuisse consequi, id quod scirent , 
putaotur : noluit, inquiunt, hodie agere Roscius ; 
aut, crudior fuit : oratoris peccatum ,.si quod est 
animadversum , stulitiæ peccatum videtur. Stultitia 
autem excusationem pon habet : quia nemo videtur , 
aut quia crudus fuerit , aut quod ita maluerit , stultus 
fuisse. Quo etiam gravius judicium in dicendo subi- 
mus. Quoties enim dicimus, toties de nobis judicatur: 
et, qui semel in gestu peccavit , non continuo exis- 
timatur nescire gestum ; cujus autem in dicendo 
aliquid reprehensum est, aut æterna in eo, aut certe 
diuturna valet opinio tarditatis. 

XXVIII. Illud vero, quod ate dictum est, esse 
permulta, qua orator nisi a natura haberet, non 


DE L'ORATEUR, LIVRE I. 435 


 XXVH. ANT. — J'ai souvent observé, comme vous, 
Crassus , que les grands orateurs, dont aucun, selon moi , ne 
vous égale, ne commencent jamais un discours sans éprouver 
de l'émotien et de l'embarras. En examinant pourquoi les 
hommes les plus éloquens sont les plus émus , je crois en avoir 
découvert deux raisons. D'abord ils savent que les orateurs 
les plus habiles et les plus expérimentés, ne réussissent pas tou- 
jours à parler comme ils le désireraient, et par cela même, ils 
ne parlent jamais sans redouter alors un de ces accidens qui ne 
sont pas sans exemple parmi lesorateurs. Ensuite , ct je blàme 
gette injustice, cenx qui excellent dans les autres arts, ont- 
ils un jour moins de succès que de coutume , on les accuse de 
négligence , ou bien on s'imagine qu’une indispositron les em- 
pêche de développer leurs talens. Roscius , dit-on, n'a pas fait 
aujourd'hui tous ses efforts , ou son estomac était un peu 
chargé. Surprend-on l'orateur en défaur,. on le taxe d'ig- 
norance, on le traite sans pitié; personne ne présume 
'un homme dise des sottises de ptopos délibéré , ou parce 
qu'il est malade. Nous subissons donc un jugement bien ri- 
goureux, dès que nous paraissons en public; toutes les fois 
que nous ouvrons la bouche , on prononce contre nous un 
nouvel arrét; et quoiqu'un seul mauvais geste ne suffise point 
pour décrier un acteur, une seule faute dans un discours est ' 
une tache éternelle, ou , du moins, trés-difficile à effacer. 


AXVIIL Vous avez dit que les conseils d'un maître ne 


peuvent suppléer à certaines qualités, si on nc les a point 


456 DE ORATORE , LIBER 1. 


multum a magistro adjuvaretur: valde tibi assentior , 
inque eo vel maxime probavi summum illum docto- 
rem, Alabandensem Apollonium, qui, cum mercede 
doceret , tamen non patiebatur , eos , quos judicabat 
non posse oratores evadere, operam apud sese per- 
dere , dimittebatque: et ad * quam quemque artem 
putabat esse aptum , ad eam impellere atque hortari 
solebat. Satis est enim ceteris artificiis percipiendis , 
tantummodd similem esse hominis ; et id , quod tra- 
datur , vel etiam inculcetur, si quis ferte sit tardior, 
posse percipere animo , et memoria custodire. Non 
quæritur mobilitas lingue , non celeritas verborum , 
non denique ea , quz nobis non possumus fingere, 
facies , vultus, sonus..1n oratore autem acumen dia- 
lecücorum , sententiz philosophorum , verba prope 
poËtarum , memoria jurisconsultorum , vox trague- 
dorum, gestus pæne summorum actorum est requi- 
rendus. Quamobrem nihil in hominum genere rarius 
perfecto oratore inveniri potest. Qua enim singula- 
rum rerum artifices singula si mediocriter. adept 
sunt, probantur , ea, nisi omnia summa sunt in ora- 
tore , probari non possunt. i 
CR. — Tum Crassus, Atqui vide, siqui , in 
artificio perquam tenui et levi, qyanto plus adhibea- 
tur diligentie , quam in hac re, quam constat esse 
màximam. Saepe enim soleo audire Roscium!, cum 
ita dicat, se adhuc reperire discipulum, quem qui- 
dem probaret, potuisse neminem: non quo non essent 


! Quamcurque artem. 





DE L'ORATEUR , LIVRE I. 457 


reçues de la nature. Je suis de votre avis, et j'approuve beau- 
coup la conduite du rhéteur Apollonius " qui, se faisant payer 
ses leçons, renvoyait néanmoins ceux qu'il jugeait incapables 
de devenir orateurs, afin de ne pas leur faire perdre de temps; 
‘il les exhortait à se livrer à d’autres arts, s’il les croyait propres 
à y réussir. En effet, il suffit pour cela d'avoir un esprit or- 
dinaite. Lorsqu'un élève a la conception lente, on lui répète 
plusieurs fois les mêmes choses, et s’il parvient à les saisir, 
à les graver dans sa mémoire, il acquiert des talens comme 
celui qui a beaucoup d'esprit. On n'exige pas de lui la flexi- 
-bilité dans l'organe ; la prompititude dens l'expréssion , ni ces 
autres qualités qui ne sauraient dépendre de nous-mêmes, 
telles qu'une T— une figure, : et un son de voix 
agréables. ,,.. 


' Mais on veut trouver dems l'orateur la subtilité des dialec- 
“ticiens; la. profondeur -des philosophes, presque l'élocution 
figurée des poétes, la mémoire des jurisconsultes , la, voix des 
acteurs tragiques , et le geste. des meilleurs comédiens. Rien 
n’est donc plus difficile a rencontrer dans:la nature qu'un par- 
fait orateur. On se fait estimer dans les arts avec un talent 
médiocre dans chaque partie ; mais , pour se faire admirer , un 
orateur doit réunir toutes les qualités dans un degré éminent. 


CR. — Voyez avec combien plus de soin on s'applique 
aux arts inférieurs, qu'a celui de l'éloquence, le premier , le 
plus précieux de tous les àrts. J'entends souvent répéter à 
"Roscius qu'il wa point encore trouvé d'élève dont il soit satis- 
fait. Plusieurs de ceux qui viennent prendre ses lecons ne 
manquent pas de talent ; mais il ne peut les souffrir , s'il aper- 
a. Apollonias d'Alabanda , ville de Carie, qu'il ne faut pas tonfondre avec 
Anolonius Molon. : 


458 DE ORATORE, LIBER I. 
quidam probabiles, sed quia, si aliquid modo esset 
. vitii, id ferre ipse non posset. Nihil est enim tam in- 
signe, nec tam ad diuturnitatem memoriz stabile , 
quam id, in quo aliquid. offenderis. Itaque ut ad 
hanc similitudinem hujus histrionis, oratoriam lau- 
dem dirigamus , videtisne, quam nihil ab eo, nisi 
perfecte , nibil nisi cum summa venustate fiat ? nihil 
nisi ita , ut deceat , et uti omnes moveat atque delec- 
teu? Itaque hoc jamdiu est consecutus, ut, in quo 
quisque arüficio exeelleret, i$ in suo genere Roscius 
diceretur. Hane ego absolutienem perfectionemoque 
in oratore desiderans , a qua ipse lomge absum , facie 
impudenter : mihi enim volo ignosci, ceteris ipse non 
ignosco. Nam qui non potest, qui vitiose facit, quem 
denique nou decet, hunc (ut Apollanius jubebat ) 
ad id, quod facere pessit, detruderdum pute. 

XXIX. SULP. — Num ta igitur, mquit Sulpi- 
oius, me , aut huuc Cottam, jus:civile, aut rem mili- 
tarem jubes discere? nam quis ad ista summa, atque 
in omni genere perfecta, potest pervenire ? 

CR. — Tum ille, Ego vero, inquit , quod in vobis 
egregiam quandam ac præclaram indolem ad dicen- 
dum esse cognovi , idcirco hzc exposui omnia : nec 
magis ad eos deterrendos , qui non possent , quam ad 
vos, qui possetis, exacuendos accommodavi ora- 
tionem meam : eí quamquam in uusque vesrána 
summum esse ingemuans studiameque perspoxi, tamem 
hzc, quæ sunt in specie posita, de quibus plura 
fortasse dixi, quam solent Græci dicere, in te, Sul- 














DE L'ORATEUR , LIVRE I. 459 
ceit en'eux le moindre défaut. En effet, ce qui choque est 
toujouzs ce qui frappe le plus tôt, et ce qu'on eublie le plus 
tard. Pour appliquer aux progrés de l’éloquenceles principes de 
cet acteur , n’observez-vous pas qu'il ne fait rien que dans la 
plus grande perfection et avec beaucoup de grâce ? N’admirez- 
vous pas ses mouvemens et l'enchantement qu'il produit sur 
les spectateurs? C'est pourquoi, depuis fort long-temps, on 
' donne le nom de Roscius à quiconque excelle dans sa profes- 
sion. Mais ne suis-je pes bien effronté d'exiger d'un orateur dés 
quálités extraordinaires que je ne possède point? Je demandé 
gráce pour moi, et je suis sans indulgence pour les autres ; 
can je partage l'opmion d" À pollonius , et je dis qu'il faut écar- 
ter dû sanctüare de l'éoquence l’homme sens goût, sans ta- 
lens, l'homme inospable d'observer les bieriséanoes. 


XXIX. SULP. — Quoi donc ! nous conecillez-vous, à 
Cotta et à mei , de suivre la carrière du barreau, ou d'em- 
brasser la profession militaire? Car est-il possible d'attein- 
dte en tout genre à ce degré de perfection que vous exigez 
d'unorateur? — 

CR. — Comme j'ai reconnu en vous des dispositions très- 
heureuses et très-brillantes pour l'éloquence, je vous ai dit 
mon secret, sans avoir l'intention de décourager ceux qui 
n'ont pas, comme vous, des talens, mais pour exciter votre 
ardeur. Vous avez l'un et l'autre du génie, du zéle pour le 
travail; et quant aux qualités extérieures, sur lesquelles j'ai 
insisté plus que les Grecs n'ont coutume de le faire, Sulpicras, 
vous avez quelque chose de divin. Je n'ai vu personne qui eüt 
un maintien plus décent, des gestes plus. nobles, plus natu- 


1 


440 DE ORATORE , LIBER I. . 

pici, divina sunt. Ego enim neminem , nec motu cor- 
poris, neque ipso habitu atque forma aptiorem , nec 
voce pleniorem , aut suaviorem mihi videor audisse; 
quæ quibus a natura minora data sunt , tamen illud 
assequi possunt, ut iis, quae habeant, modice et 
scienter utantur, ct uL ne dedeceat. ld enim estmaxime 
vitandum , et de hoc uno minime est facile præcipere, 
non mihi modo, qui sicut unus paterfamilias , his 
de rebus loquor, sed etiam ipsi illi Roscio; quem 
sæpe audio dicere, caput esçe artis, decere; quod 
tamen unum id esse, quod tradi arte non possit. Sed , 
si placet, sermonem aliotransferamus, et nostro more 
aliquando , non rhetorico; loquamur. 

COT. — Minime vero , inquit Cotta: nunc enim 
te jam exoremus necesse est, quoniam retines nós 
in hoc studio , nec ad aliam dimittis artem , ut nobis 
explices, quidquid est istud , quod tu in diceñdé po- 
tes: nequeenim sumus nimis avidi : ista tua mediocri 
eloquentia contenti. sumus, idque ex te quærimus 
(ut ne plus nos assequamur , quam quantulum tu in 
dicendo assecutus es ), quoniam , qus a natura expe- 
tenda sunt, ea dicis non nimis deesse nobis, quid 
praeterea esse assumendum putes? 

XXX.CR.— Tum Crassus arridens, Quid eenses, 
inquit, Cotta, nisi studium, et ardorem quendam 
amoris ? sine quo cum in vita nihil quidquam egre- 
gium, tum certe hoc, quod tu expetis, nemo um- 
quam assequetur.: Neque vero.vos ad eam rem video 
esse cohortandos : quos, cum mihi quoque sitis mo- 





V 


DE L'ORATÉUR , LIVRE I. 44K. 
rels, une voix tout à la fois plus douce et plus forte. .Ceux 
qui ne sent pas doués:de ces avantages dans un degré si émi- 
nent, peuvent employer leurs moyens avec intelligence et 
avec adresse, et de mapiére & ne pas déplaire à un auditoire : ge 
qu’on ne saurait trop soigneusement éviter ; mais il est difficile 
d'étabhr des règles sur ce point. J'y serais fort embarrassé , 
moi, qui vous parle comme un père parle à ses enfans. Roscius 
Iui-méme, qui dit souvent que la bienséance est la qualité 
la plus importante et la seule que l'art ne puisse enseigner, 
ne serait pas moins embarrassé que moi. Mais il est temps de 
changer de conversation. Permettez-moi donc de ne plus par- 
ler de la rhétorique. 


COT. — Non, Crassus : puiequ'au lieu.de nous conseiller 
de suivre une autre profession, vous mous engagez à persister 
dans l'étude de l'éloquence, daignez nous déconvrir la mé- 
thode dont yous faites usage. Nos prétentions ne sont pas 
excessives, et nous bornons notre ambition à ne point aller 
au-delà de cette médiocrité où vous êtes parvenu; et comme 
vous nous avez dit que la nature nous a accordé quelques 
dispositions, FCTGEEFied- VO de nous Spprenore le ne de 
les perfectionner? ^ : de 


XXX. CR. — Quel moyen imaginez-vous donc, mon cher 
Cotta, si:ce n'est un zèle ardent ,, un certain enthousiasme ? 
Sans cela, vous:me ferez rien de grand dans la vie, et vous ne 
parviendrez jamais à la gloire à laquelle vous aspirez. Mais, 
à cet égard, vous n'avez pas besoin d'étre excité ; votre em- 
pressement à me questionner, dont je me plains, annonce 


442 DE ORATORE, LIBER I. 

lest , nimis etiam flagrere xatelligo eupiditate. Seek 
profeeto studia :mihil prosunt pervenremdi slhiquo,. 
nist illud , quod eo, que mtendas , ferat deducatque, 
cognoris. Quare, quoniatn mihi levius quoddam ontus 
imponitis , neque et nie de oratotis arte, sed de hac 
mea , quantulacunque est, facultate quaeritis, expo- 
nam vobis quandam, non aut perreconditam, aut 
valde difficilem , aut magnificam , aut gravem ra- 
tionem consuetudinis mee, qua quondam solitus 
sum uti, cum mihi in isto studio versari adolescenti 
licebat. 

SULP. —Tum Sulpicius, O diem, Cotta, nobis ; 
mquit, optatunt! quod ewirh neque precibus un- 
quam , nec iusidiando, tiec speculando assequt potüi , 
ut, quid Crassus ageret, rhediandi aut dicendi 
causa , non modo videre mihi , sed ex ejus scriptore 
et cire Diphilo suspicari liceret ; id spero nos esse 
adeptos ; omniaque jam ex ipso , quz diu cupimus , 
cognituros. 

XXXI. CR. —Tum Css , Atqui arbitror, Sul- 
pic! ; cum, audieris, non tam te htec admiraturum , 
quæ dixero, quam existimaturum , tum , cum eaau- 
dire cupiebas , causarh, cur cuperes, non fuisse. Nihil 
enim dicam. reconditum , uehil exspectatione vestra 
dignam , nihif att isauditum vobis, set cniquanii 
^hóvura. Nom primcipto illud , quod est liomine m- 
genuo liberaliterque edueato diguute , non negabo 
me ista omnium communia ét contrita precepta didi- 
cisse : primum, oratoris officium esse, dicere ad 








^. a 


Um D e 


DE L'ORATEUR, LIVRE I. 44 
d'arriver est inutile, si'l'on ne connaît pas le chemin qui conduit 
asi but. Au reste, puisque vous no m'imposez peint une tâche 
&u-dessus de mes forces, et.que, sanus me demander les règles 
de l'art oratoire, vous voulez savoir quelle est ma méthode 
particulière, je vous dirai celle que je suivais autrefois dans ' 
ma jeunesse, lorsque j j'avais le loisir d'étudier ; mais n'attendez 
pas de moi une théorie mystérieuse, magnifique ou impo- 
sante. 


.i SULP. — Cotta, que ce jour est heureux pour nous ! J'ai 
employé , sans succès. jusqu'a présent , les prières et l’artifice ; 
j'ai vainement épié les occasions de surprendre Crassas dans 
ses méditations, d'apprendre de lui-même ou de Diphile, son 
secrétaire, les règles qu'il s'est formées sur l'éloquence : enfin 

nos souhaits sont accomplis; il va, je l'espére, nous instruire 


de ce que nous désirons savoir. 


a 
4 + 
á 


: XXXI. CR. = J'ai bien peur, Sulpicitts, qu'après m'avoir 
eutbudw, vous me goye» pas dans l'admiration, vous serez 
peut-être surpris d'avoir eu tant d'empreseement pour si peu 
de chose. En effet, je ne vous dirai rien de mystérieux, rien 
qui. réponde à votre attente, rien de nouveau m, d’extraor- 
dinajre. Je vous avouerai d'abord avec franchise, et en homme 
d'honneur, que j'ai meublé ma mémeire des préceptes les plus 
communs et les plus rebattus. Essayons de vous les retracer. 
‘Le devoir de l'orateur est de parler d'une maniére propre à 
persuader. Le discours a pour objet une question indéfinie, 
sans désignation de personnes ni de temps, ou une question 


444 DE ORATORE , LIBER I. 


persuadendum aécommodate : deinde , esse omnens 
orationem aut de infinitz rei questione, sine designa- 
tione personarum et temporum ; aut de re cerüs in 
personis ac temporibus locata. In utraque autem re 
quidquid m controversiam veniat ,'in eoquæri solere, 
aut factumne sit, aut, si est factum , quale sit, aut 
etiam quo nomine vocetur, aut , quod nonnulli ad- 
dunt, rectene factum esse videatur. Exsistere autem 
controversias etiam , ex scripti interpretatione, in 
quo aut ambigue quid sit scriptum , aut contrarie , aut 
ita, ut a sententia scriptum dissideat : his autem 
omnibus partibus subjecta quaedam essé argumenta 
propria. Sed causarum , quæ sint à communi quæs- 
tione sejunctz , partim in judiciis versari , partim in 
deliberationibus : esse etiam genus tertium , quod in 
laudandis aut vituperandis hominibus poneretur: cer- 
tosque esse locos, quibus in judiciis uteremur, in 
quibus zquitas ' quzreretur : alios in deliberationibus, 
qui omnes ad utilitatem dirigerentur eorum , quibus 
consilium daremus : ahos utem íi laudationibus , in 
quibus ad personaruin dignatatem omnia referrentur. 
Cumque esset omnis oratoris vis ac facultas m quinque 
partes distribute, ut deberet reperire primüm , quid 
diceret : deinde inventa non solum ordine , sed etiam 
momento quodam atque judició dispensare atque 
componere : tum ea denique vestire atque ornare ora- 
tione: post memoria sepire : ad extremum agere cum 
dignitate ac venustate. Etiam illa cognoram , et acce- 


! Quæritur. 





DE L'ORATÉUR, LIVRE I. 445 
particulière, déterminée par le temps et les personnes. Dans 
les deux genres dé question, et dans tout ce qni devient ma- 
tière à controverse, on a coutume d'examiner si le fait est ar- 
rivé ; s'il est arrivé, quelle est sa nature, ou quel nom il faut 
lui donner, ou enfin, s'il est juste ou injuste. Les discussions 
roulent souvent sur l'interprétation des lois et des actes, ou 
sur l'ambiguité des termes, ou sur une contradiction, ou sur 
l'opposition entre le sens Httéral et l'intention du rédacteur. 
Dans chacun de ces différens cas, on emploie des argumens 
particuliers. Mais dans les causes qui n'appartiennent pas à la 
question générale, on distingue deux genres, le judiciaire et 
le délibératif; on en ajoute un troisième * , destiné à la louange 
dés hoinmes vertueux et à la censure des méchans. On a re- 
eours à certains lieux communs pour le genre judiciaire, dont 
le but est de découvrir ce qui est équitable; d'autres lieux 
communs servent dabs les délibérations où il est question de 
l'utilité des conseils que nous donnons ; d'autres aussi sont, 
en usage dans le troisième genre, où tout se rapporte à la 
louange et au mérite, ou à l'indignité de ceux qui en sont 
l'objet. Le talent et le pouvoir de l'orateur embrassent cinq 
parties. Il doit premièrement imaginer ce qu'il convient de 
dire, ensuite disposer ses idées, non - seulement en ordre, 
mais aussi les disttibuer sagement et avec goût, les embellir 
et les revêtir des ornemens de l'élocution, les imprimer for- 
tement dans sa mémoire, et les débiter d'une maniére noble 
et agréable. Je connaissais et j'avais appris aussi, qu'avant 
tout, on doit sé concilier là bienveillance des auditeurs, ra- 
contei"énsuite lé fait, exposer l’état dela question , développer 
-et appuyer ses moyens; téfuter ceux: de l'adversaire; et, vers 


j 
* Le genre démonstratif. 


446 DE ORATORE, LIBER 1. 
peram , antequam dere diceremus, initioconciliendos 
eorum esse animos, qui Budirent: deinde rem de- 
monstrandam : postea controversiam constituendam: 
tum id, quod nos intenderemus , confirmandum : 
post, quz contra dicerentur , refellenda : extrema 
autem oratione, ea, quz pronobis essent, amplificanda 
et augenda ; quique essent pro adversariis, infir- 
manda atque frangenda. 

XXXII. Audieram etiam que de orationis. ipsius 
ornamentis traderentur ; in qua præcipitur primum , 
ut pure et latine loquamur : deinde ut plane et dilu- 
cide : tum ut ormate : post ad rerum dignitatem apte 
et quesi decore : singularumque rerum praecepta 
oognoram. Quinetiam , quae maxime propria essent 
naturz , tamen his ipsis artem adhiberi videram: nam 
de actione et de memoria quedam brevia, sed magna 
cum exercitatione praecepta gustaram. In his enim 
fere rebus omnis istorum artificum doctrina versatur, 
quam ego si nihil dicam adjuvare, mentiar. Habet 
enim quaedam quasi ad commonendum oratorem, 
quo quidque referat, et quo intuens, ab eo, quod- 
cunque sibi proposuerit , minus aberret. Verum ego 
banc vim intelligo esse in preceptis omuibus, non 
ut ea secuti oratores , eloquentiz laudem sint adepti, 


sed , que sua sponte homines eloquentes facerent, - 


ea quosdam observasse , atque id egisse : sic esse non 
eloquentiam ex artificio , sed arüficium ex eloquentia 
natum : quod tamen, ut ante dixi, non ejicio: est 
enim etiamsi minus necessarium ad bene dicendum, 





* 


DE L'ORATEUR, LIVRE I. 44? 
la fin du discours , amplifier et exagérer ce-qui est pour nous, 
combattre et détruire ce qui nous est défavorable. 


, 


. AXXH. On m'avait également enseigné les moyens d'or- 
mer un discours : ces moyens consistent à parler purement 
notre langue, à choisir les termes propres, des expressions 
claires, vn style riche et analogue au sujet. Les règles à ob- 
server sur chacun de ces objets m'étaient bien connues. Je 
savais méme que, dans les choses qui dépendent le plus de la 
nature, l'art est pourtant d'un grand secours. J'avais goüté, 
en les mettant souvent en pratique, les préceptes qu'on a ima- 
ginés sur la mémoire et la prononciation. La doctrine des rhé- 
teurs se borne à peu prés à ces différens points ; j'aurais tort 
de dire qu'elle est inutile : car elle montre à l'orateur quel doit 
être son but; elle le guide, et l'empêche de s'en détourner: 
Mais je sens néanmoins que les règles n'ont pss formé les pre- 
rmiers -orateurs. On a établi les préceptes d'aprés les beautés 
ebservées dans les ouvrages des hommes éloquens ; ainsi l'é- 
loquence n'est point. née- de l'art, mais l'art est né de l'élo- 
quence. Cependant, quoique l'art ne soit pas absolument 
nécessaire pour parler avec suçcès, je suis loin, comme je 
vous l'ai dit, dele condamner. S'il n'est pas indispensable, 
un homme instruit ne dédaignera pas d'en connaître la théorie. 
C'est une étude à laquelle il est bon de vous livrer, quoique 
vous soyez méme avancés depuis long-temps dans la carrière ; 
mais il importe à ceux qui se proposent de la parcourir, de 


448 DE. ORATORE, LIBB I. 

tamen sd.eaguegcendum aonallibesnle. : Eteserstatio 
quzdam suscipienda volisest: quamquam vet equidem 
jampridem estis in cursu: sed * 11 , qui ingrediungur 
i stadium, quique ea, quæ ‘agenda sunt in foro, 
tamquam in acie, possupt etiam nunc exercitatione 
quasi ludicra prædiscere ac meditari. 

SULP. — Hanc ipsam , inquit Sulpicigs , nosse 
volumus : attamen )sta , quæ abs te breviueg de awe 
decursa sunt , audire cupimus , quamquam sunt uo- 
bis quoque non inaudita. Verum illa mox : nunc , de 
ipsa exercitatione quid sentias , quærimus. 

. XXXIII. CR. — Equidem. probo ista j!Qraséus 
inquit , quæ vos facere soletis , ut, causa aliqua posiu 
consimili causarum earum , quæ in foram deféruntur; 
dicatis qnam inaxime ad veritatem accommodate : sed 
plerique in hoc vocem modo , neque eam scienter , et 
vires exercent suas , et lingue celeritatem incitant a 
verborumque frequentia delectantur. In quo fallit 
eos , quod audierunt dicendo homines , ut dicaqt ;, 
efficere solere. Vere enim etiam allud dicitur 4 Pa 
VERSE DICERE ; HOMINES , PERVERSE. DIGENDOG s disv* 
CILLIME CONSEQUI. Quamobrem in.istis apsiseganti: 
tationibus, etsi ntile est , otm subito-eepo. dasete*) 
tamen illud sulins , sumto spatia ad: oegitaudumvy 
paratius atque adcuratius decere! Cappro sutheoriese 
quod (ut vere dicam) mimime facimte + tnt 

magni laboris , quem plerique füpitnus* quisffi"phi- 

rimum scribere. STi1LUS OPTIMÜS , £T PRESTANTIS- 

1 Ea. — ? is. 


LS à ce s —Ó Era 


DE L'ORATEUR , LIVRE I. 449 
s'exercer, par des déclamations sinsulóes , aux combats qui se 
livrent am barres. 


SULP. — Voilà ce que nous voulons apprendre de votre 
bouche. Nous désirons entendre plus en détail ce que vous 
nous avez dit rapidement sur l'art oratoire, quoique nous 
l'ayons appris d'ailleurs. Nous y reviendrons bientôt. Ensei- 
gnez-nous maintenant ce que vous pensez sur ces sortes d'exer- 
ciots, nous vous en prions avec instance. 


* 


XXXIII. CR. — J'approuve beaucoup l'usage où vous 
étes de supposer une cause à peu pres semblable à celles dont 
on s'occupe au barreau, et de la traiter avec soin, comme si 
elle était véritable. Mais il est des gens qui crient à pleine 
gorge sans donner d'inflexions à leur voix, sans ménage 
leurs poumons : ils pensent avoir réussi, quand ils ont dé- 
clamé avec volubilité , et sont en ela véritablement dupes des . 
apparences. On a certainement raison de dire, qu'en parlant 
mal, on i prend de mauvaises habitudes ont il est MS 
sible de sè corriger. "S'il est quelquefois utile, dans ces de- 
clamations ; de dou: sans être prépare né lest-il pas 
davantage de prendre du'temps pour méditer soh sujet et dire 
de--benties choses ? La meilleure méthode ("celle- pourtant 
qu'on suit leaaoirs , pour.s'épargner un peu de travail), est 
d'écrire besncoup, Ko miumoe ost le maître d’élogaence ic 
meüleur et le plus sûr. Rien de plus éyident.» si un diseours 
Lien pep4é, bien médité , Jj xopotie sur .un discoura impro- 
visé, un discours ou l'on, recagnaît l'habitude d'écrire et un 
stylechátié , l'emporterait encore plus sur un discours médité. 

IT. 20 





450 DE :ORATORE , LIBER 1. 

SIMUS PIGENBE EFFECEOR. AC, MAGISTER :. Beque in- 
juria. Nam:si subitam et fortuitem orstionem cema- 
mentauo et cogitsuo facile: vincit ; banc ipsam. pro- 
fecto assidua ac diligens scripiura superabit. * Om- 
nes enim., bive atus swnt loci , sive ingenii cujusdam 
atque prudente , qui: modo insunt in ed re, de 
qua scribimus , anquirentibus riobis, omnique acie 
ingenii contemplantibus ostendunt se et occurrunt : 
omnesque sententie , verbaque onfhia, quz sunt 
cujusque generis maxime illustria , sub acumen stili 
subeant et succedant necesse est: tum ipsa çollo- 
caüo conformatioque verborum perficitur in scri- 
bendo, non poëuco, sed quodam oratorio nuxgero ct 
modo. Hac sunt , quz clamores et admiratioues in 
bonis orateribus efficiunt, neque ea quisquam , nisi 
diu multumque soriptithrit , etiamsi vehemehtissime 
se in his subitis dictionibus exercuerit , consequetur 


' et qui a scribendi consuetudine ad dicendum vetiüt , 


hanc affert facultatem , ut , etiam subito si dicat , ta- 
men illa , qua dicantur , similia scriptorum esse vi- 
deantur ; atque etiam , si quando in dicendo scriptum 
attulerit aliquid , cum ab eo discesserit , reliqua si- 
milis oratio consequetur. Ut concitato navigio , cum 
remiges inhibuerunt, reünet tamen ipsa navis motum 
et cursum suum , intermisso impetu pulsuque reme- 
rum : sic in oratione perpetua, cum scripta deficiunt, 
parem tamen obtünet oratio reliqua cursum, scripto 
rum similitudine et vi concitata. 


! Omnes evim sive. 





DE L'ORATEUR,, LIVR f?. 4^1 
'Toutes les ressonxces de Fert; de l'esprit et du jugèntent ; les 
lieux commíuhs, propres au sujet, se présentent en écrivant. 
à l'opateur, parce qu'ajors il prend soin de les cheroher. Les 
penses les plus justes, les expressions les plus heureuses, 
se placent naturellement sous sæ plume, Gependant,onia be- 
soin de combinaisons pour donner qux périodes la.gamhre. et 
l'harmonie qui conviennent, non pas à la poésie, mais à ]'é- 
loquence. C'est ainsi que les bons orateurs excitent Jes applau- 
dissemens et l'admiration. En vain se sseraient-ils mille fois 
exercés à ces déclamations improvisées , ils ne produiront 
jamais de grands effets sans avoir contracté l'habitude d'é- 
crire. Celur qui se présente au bárreau avec cette heureuse 
habitude; x plusieurs ávantages. Lors ième qu’il parlé’ ir 
l'improviste , son discours offre la justesse d'un discoüre écrit; 
et s’il lui-plaft aussi d'ajouter quelque €hese x ce qu'il a écrit; 
l'aisance de sa -diction ne permet pas d'y remarquer une! dif- 
f&remce: Amsi qu'one galère, où l'ou cease de. rainér, vogue 
encore. par-suite de l'impulsion qu'elle a recue, le discours. 
continue à marcher avec rapidité, en wertn du mouvement 
que le style lui a imprimé. 


* 
* I 





452 DE.ORATORE, LIBER i. 

XXXIV. Inquoudzmnisautemoogitatidnilfgs èqui- 
dem mili adolescentulus psoponere solebam aliam 
exercitationem maxime, qua €. Carbonem ,; nostram 
ilum ' inimicum , solitum esse uti sciebam , ut aut 
vérsibus propositis quam maxime gravibus , aut ora- 
tione aliqua lecta ad eüm finem , quem merhória'pos- 


sem com rehendere , cam rem ipsam > quàm legis- 
sem , verbis aliis quam maxime possem. lectis , pro- 
nuntiarem. Sed post animadverti , hoc esse in hoc 
vitii, quod ea verba , quz maxime cujusque rei pro- 
pria , quæque essent ornatissima , atque optime , oc- 
cupasset, aut Envius, si ad ejus versus. me exercerem, 
ant Gracchus , si ejus orationem mibi. farte. propo- 
suissem. lta , si iisdem verbis uterer , nihil prodesse; 
si aliis, etiam obesse, cum minus idoneis:uti consues- 
cerem. Postea'mihi placuit ; eoque suni usus edôles- 
cens , ut summoftunm oratorum græcas ordtiónes: ex- 
plicarem: Quibus lectis hoc assequebar ; ut , cunrea, 
qui legerem grace, latine redderem ,' non 'solüm 
optimis verbis uterer , et tamen usitatis , $ed etiarn 
exprimerem quzdam verba imitando , quæ nova nos- 
tris essent ,. dummodo essent idonea. Jam vocis, 
et spiritus, et totius corporis, et ipsius linguæ motus 
et exercitationes , non tam artis indigent , quam la- 
boris ; quibus in bus habenda est ratio diligenter ; 
quos imitemur , quorum similes velimus esse. In- 
tuendi nobis sunt.non solum oratores , sed etiam 
actores , ne mala consuetudine ad aliquam deformi- 
tatem pravitatemque veniamus, Exercenda cst etjapa 


DE $/ORATEUR', LIVRE I. '^— 455 
XXXIV. Par suite. de mes méditotiens jearnalicreS , je me 
déterminsi ,, dans ma première jeunesee,, à essayer d'un exer- 
cice pratiqué pa. C. Carbon, devenu depuis mon ennemi. Je 
lisais attentivement un passage en vers ou en prose, et, lorsque 
j'en étais bien pénétré, je m'efforcais.de l'exprimer en d'au- 
tres termes; mais je m'apercus que Gracchus, dans ses dis- 
cours, et Ennius, dans ses poésies, avaient choisi les expres- 
sions les plus élégantes et les meilleures. Je manquais mon 
but en employant les mèmes mots, et il était dangereux d’en 
chercher d’autres, puisque je ne pouvais en trouver que de 
moihs expressifs. Je pris ensuite plaisir à traduire, áprés es 
avoir lues avec soin, les plus belles harangues des ‘oratéurs 
gréés ; et ce travail me fut-atile. Je prenais l'habitude dé me 
servir'dés termes les plus nobles, et analogie de: l'original 
m'insprain ét me fournissait des expressions. heureuses,, quoi- 
qu'elles fussent nouvelles dans notre langue, Tout ce qui re- 
garde la voix, la force des poumons, le geste, la volubilité, 
dépend. moins de l'art que de l'exercice. Il importe de choisir 
prudemment les modèles que l'on se propose d'imiter. Non- 
seulement il ne faut point perdre de vue les grands orateurs, 
mais on doit en outre étudier la maniere de déclamer des 
bons acteurs, afin de ne pas eontracter d'habitudes yicieuses, 
| | - 
.. La mémoire a besoin aussi d’être exercée, en apprenant 
per cœur, Te plus qu'il est possible, nos ouvrages et ceux des 
autres. Je ne bläme point, dans. ce genre d'exercice , l'usage 
des emplacemens et des i images destinés à mieux imprimér le 
souvenir des objets. Quand l'oateur s'est accoutumé, en 
particulier, à parler avec dignité, 1l doit montrér so élo- 
dtiencé &u grand jour, se familieriser avec le bruit; se pré- 
sitér au barreau comme s'il entrait dans un champ de 





454 DE ORATORE, LIBER I.: 

memotia, ediscendisad verbum quam plurimis et uo s- 
ttiá seriptis' et alenis. Atque in ea exercitatione non 
sane fnifil displicet adhibere , si consuétis, etiam is— 
tám locorum simulacrorumque rationem, quz in arte 
traditur. Educenda deinde dictio est ex hac domestica 
exercitatione et umbratili, medium in agmen , in 
pulverem, in clamorem , in castra , atque. in aciem 
forensem. Subeundus usus omnium , et periclitandæ 
vires ingenii ; et illa commentatio inclusa in veritauis 
lucem proferenda est. Legendi etiam poëtæ , cognos- 
cenda historia , omnium bonarum artium scriptores 
ac doctores et legendi , et pervolutandi , ét exercita- 
tionis causa laudandi, interpretandi , corrigendi , 
vituperandi , refellendi ; disputandumque de onini 
re in contrarias partes , et, quicquid erit in quaque 
re , quod probabile videri possit , eliciendum atque 
dicendum. Perdiscendum j jus civile, cognoscendæ 
leges , percipienda omnis antiquitas , senatoria con 
suetudo , disciplina reipublicz , jura sociorum, fœ- 
dera , pactiones , causa imperii cognoscenda est ;.li- 
b jam ex omni genere urbanitatis facetiarum 
qi pos : quo, tanquam sale, perspergatur om- 
nis oratio. Effudi vobis omnia , que sentiebam , quz 
fortasse, quemcunque patremfamilas arripuisseus 
ex aliquo circulo, eadem vobis percunctanübus res- 
pondisset. 

- XXXV. Hec cum Crassus dixisset , sileutium est 
consecutum. Sed quamquam satis is, qui aderat , ad id, 
quod erat propositum , dietum videbatur , tamen sentic- 










DE L'ORATEUR); LIVRE. 455 
bataille ow dais la-carriere, au nblten: des .eris et: des pom- 
battaus, pour étudier leurs. mquvemens,. pour. y, déployer 
toptes. ses forces et tirer parti .de,ses méditasiops, Il faut 
aussi étudier Jes, poëtes, connaître T'histoire lire et relire 
tous les bons auteurs, les louer, les blàmer , les qorriger ou 


. ; ; | i FÉ og full, 
les interpréter ; chercher à soutenir indifféremment les deux 


149 a 


MNT PA ONES UT 
partis dans la dispute, et à dire tout ce qu'ün sujet paraît 
L eu "ris RL uj taa 


offrir de vraisemblable. — '* — '"' d 


[| 
dr. *t LED , + f » P E 


n: E. s ' E 

, M. faut. aussi ayoir la connaissance du droit ciyjl. et des 
lois, posséder l'antiquité, ne rien ignorer de ce qui regarde 
la discipline romaine, les usages du sénat, les droits des al- 
liés, les traités publics, les conventions, les intéréts de l'em- 
pire; il faut recueillir ce qui donne des grâces à l'esprit, 
préndre un ton d'urbanité et d'enjouement qui se répande 
sur tout le discours. Je vous ài dit avec effusio ce que je 
shis ; Vous én auriez appris autant en questionnant un de ces 


bons pères de famille, qui s'amusent à causer ehsemlile dans 
leurs monens de loisir. "nM 


| XXXV. Aprés que Crassus eut ainsi parlé , il se fi un 
grand silence ; et quoiqu'il eût répondu aux questions qu'on 





— *- — — 


456 DE QRATORE , LIBER & 

baut celerius «sse multo. quam ipti. vellent, abeo. para 

ratum. : "EE € cs T 
SCÆV.— Tum Scævola, Quid est, Cotta .èn- 

quit , quid tacetis ? nihilne vobis in mentern venie., 

quod præterea a Crasso requiratis ? 


COT. — Immo id mehercule , inquit; ipsum at- 
tendo. Tantus enim cursus verborum fit, et sic eva: 
Javit oratio , ut ejus vim atque incitationem adspeze- 
rim , vestigia ingressumque vix viderim , et tamquerh 
in aliquam locupletem ac refertam domum veutrem , 
non explicata veste , neque proposito ürgento , ne 
que tabulis et signis propalam collocatis , sed his om- 
nibus multis maguificisqué rebus constructis ac'* Te- 
conditis : sic modo in oratione Crassi divitias atque 
ornamenta ejus ingenii per quedam involucra atque 
integumenta perspexi : sed ea cum contemplari cupe: 
rem , vix aspiciendi potestas fuit. [ta neque hoc pas- 
sum dicere , me omnino ignorare , quid possidet ,. 
neque plane nosse , ac vidisse. 

SC/EV. — Quin tu igitur facis idem, inquit Scæ- 
vola, quod faceres, si in aliquam domum, plenam 
ornamentorum , * villamve venisses? Si ea seposua , 
ut dicis , essent, ? tu valde spectandi cupidus esses; 
non dubitares rogare dominum , ut proferri juberet, 
præbertim si * esses familiaris : similiter nunc 5 petes 
a Crasso , ut eam copiam ornamentorum suorum 4 
quam coustructam uno in loco, quasi. per transen- 


* Reconditis, Sic. — » Viflamque. — 3 Tuque, — € Esset. — 5 Petis. 





DE 'L'ORATEUR ; £XVRE 1. 457 
lui-avato proposées ; l'assemblée: auroir désiré qu'il se far 
étendu davantage. Scévola dit alors à Cotta: sare 


- SGÉV: 2L Comment, ‘vous gardez le silence? N'avezvous 
phusfienü demmder à Crassus 0 "fuir ot 


ba ED à de La E 


COT. — Fort bien! Je songe aux questions que je dois 
lui faite. Il vient de parler avec tant d'aisaneg, $on discours a 
tant de rapidité, que je n'ai pu en suivre la.darche ; à pere, 
dans le chemin qu'il a parcourt, si-je reconnu sas traces ; et, 
comme si j'étais entré dans une maison magnifique , doit les 
meubles, les tableaux, les statues et l'argenterie auraient été 
couverts et cachés, 3' m'a été impossible. de contempler dans 
tout leur éclat les richesses.et les trésors renfermés dans, l’é- 
loquente conwersation ,de, Crassus. Il les a seulement laissé 
paraitre au travers d'un voile, sans me permettre de les ad- 
mirer, et méme de les regarder; et si je me suis apercu des 
VERAM qu'il posséde, je ne puis dire que j'en connais toute 
l'étendue. 


" SCÉV. — Que ne faites-vous donc ce que vous feriez dans 
un palais ou dans une maison de campagne richement décorée ? 
Si, comme vous le dites, tout était eaché, et si vous étiez 
bien curieux de voir ces meubles magnifiques, craindriez- 
vous d'engager le maître du logis à les découvrir, surtout s'il 
était votre ami ? Ainsi , *priez Crassus d'étaler à nos yeux les 
richesses que nous avons seulement entrevues, et de les ran- 
ger par ordre, afin que nous les admirions plus à notre aise. 


458 DE ORATORE, LIBER 1. 


nam prætereuntes strictim aspeximus, in luceni pro— 
ferat, et suo quidque : in loco collocet. 

. COT. — Ego vero, inquit Cota, a te peto ; Se»- 
vola (me enim, et hunc Sulpicium impedit pudor 
ab homine omnium gravissimo, qui genus hujus- 
modi disputationis semper contemserit , hzc, qui 
isti, forsitan puerorum elementa Videsne , e1qui- 
rere ). Sed t ,,ac nobis da, Scævola, et perfice , ut 
Crassus hzc, quz coarctavit et peranguste refersit 
in oratione sua, dilatet nobis atque explicet. 

SCÆV. — Ego mehercule , inquit Mucius ,:xmten 
vestra maris hoc causa volebam , quam men. Neque 
enim tantopere hasc a Crasso disputationem deside:. 
rabam, quantopere ejus in causis oratione deleetor : 
nunc vero, Crasse, mea quoque etiam causa rogo, 
ut quoniam tantum habemus otii, quantum jimdiu 
nobis non contingit, ne graveris exzedificare id opus , 
quod instituisti. Formam enim totius negotii opinione 
majorem, melioremque video; quam vehementer 
probo. 

XXXVI. CR. — Enimvero, inquit Crassus; mi- 
rari satis non queo, etam te hasc, Sexvola, deside» 
rare , quz:neque ego teneo uti 11; qua docent ; neque 
sunt ejus generis, ut, si -optime se 
essent ista sapientia ac tuis auribus. —  ---: "":: 

. SCÆV. — > Ain tu? inquit Hle, Si de isus jegm- 
oui et pervagatis vix huic æuti audiendum pu- 
tas, etiamne illa. negligere re , que qu orator 

! Abest nc — ? An tu, inqnit ilie, si, XN 1e. 








DE L'ORATEUR, LIVRE I. 459 


* di Ant} Óí o * n * ! 


4GOT. —. Nous n'oserions , ni Sulpicius , pi moi, lui de- 
mander .cetta grâce. Le respect que Crassus nous inspire, 
nous empêche de l'importuner. D'ailleurs, il & toujours dé- 
daigné çes sortes, d'entretiens, et pe consentira peut-être pas 
à nous rappeler les premieres lecons de notre enfance. Solli- 
citez pour nous, Scévola, et déterminez Crassus à nous déve- 
lopper amplement un sujet qu'il a trop resserré. 


"SCÉV. — Je souhaitais vraiment, plus encore pour vous 
que pour moi , de le voir entrer dans de plus grands détails. 
Car.si-]e désirois ardemment entendre Crassus dans cette dis- 
cyssion.,, j'éprouvs bien plus de plaisir en assistant à ses élo- 
quens, plaidoyers. Cependant, Crassus, puisque nous avons 
gu loisir ,. je vous prie, en mon nom, comme au nom de ces 
jeunes gens, d'adhever l'édifice dont vous nous avez com- 
muniqué le plan. J'en suis enchanté, et je ne croyais pas 
quil fût possible. d'en concevoir un ni ol ni plus vaste. 


'XXANVL: CR: En vérité, Scévola, je ne puis assez ad- 
mer votre empressement. Je ne suis pas instruit comme un 
sháteur. de profession; et quand je posséderais toutes ses 
comnhissannes. sont-elles dignes de l'attention d'un homme 
aussi éclairé que vous? 


"SÓEN. — "i vous pensez que les premiers sise de la 
tHétorique fhéritent à peine Vattention de ces jeunes gens, 
pensez-vUus aussi que Pürateur puisse négliger ee qui regarde 
les caractères, la morale, la philosophie, l’art d’exciter et de 


460 DE ORATORE, LIBER 1. 

cognoscenda esse dixisti, de naturis hominum, de 
moribus, de rationibus iis , quibus hominum mentes 
et incitarentur et reprimerentur, de historia ,'de am— 
tiquitate, de administratione rei publice ; denique 
de nostro ipso jure civili? Hanc enim ego omnem 
scientiam , et copiam rerum , in tua prudenta scie- 
bam inesse : in oratoris vero instrumento tam lautam 
supellectilem numquam videram. 

CR. — Potes igitur, inquit Crassus ( ut alia éimit- 
tam innumerabilia et immensa , et ad ipsum tuum 
jus civile veniam ), oratores putare eos , quos mul- 
tas horas exspeclavit , cum in campum properareta 
et ridens et stomachans Scævola, cum Hypseus 
maxima voce , plurimis verbis , a M. Crasso prætore 
contenderet, ut ei, quem defendebat, cansa cadene 
liceret , Cn. autem Octavius, homo consularis, nou 
minus longa oratione recusaret , ne adversarrua causa 
caderet , ac neis , pro quo ipse diceret , turpi tutela: 
judicio ,' atque oumi molestia, staluta advergari 
liberaretur ? Ego vero istos, inquit ( meniiwi/'éntix 
mihi narrare Mucium ), non modo oratoris nomme; 
sed ne foro quidem dignos putarim. Atqui non de- 
fuit illis patronis, inquit Crassus , eloquentia, nequé 
dicendi ratip aut copia, sed juris civilis prudentia: 
quod alter plus , lege agendo, petebat, quam quan- 
tum lex in XII Tabulis permiserat; ; quod cum im- 
petrasset , causa caderet : alter i iniquum, patabas plus 
secum agi, quam quod erat in acüone; Reque imellige- 
bat, si ita esset actum, litem adversarium perditurum, 


DE L'ORATEUR, LIVRE I. 4t 
calmer les passions, l’histoire, l'antiquité, l'administration de 
la république, enfin le droit civil, objets sur lesquels. vous 
exigez;qu'il soit instruit? Je savais que vous possédiez ces 
connaissances variées ; mais j'ignorais que les ressources de 
l'orateur fussent aussi nombreuses. | 


CR. — Pour ne point parler ici d'une infinité d'autfis 
connaissances, celle du droit civil, dans laquelle vous excellez, 
est indispensable. Pouvez-vous donner le nom d'orateur à ces 
ignorans , dont la sottise occupa et fit rire de bon cœur, pen- 
dant plusieurs ] heures, Scévola *5, l’un de vos ancêtres, quoi- 
qu'il fát pressé de se ;éadise aux comices, et qu'il fût indigné 
dé' l'ignorance de ces avocats. surtout de celle d'Hypséus 1 
et de Cn. Octavius, dont l'un, plaidant devant le preieur 
M. Coassus,, contre un tuteur, s'exposait, par son bavárdage! 
a-perdre ha cause ‘:: du pupille; et l'autre, parlant pour le 
tuteur; ayertissait Hyÿpséus d'ane erreur, au lieu d'en pro- 
fitér,. pouri empêcher son client d'être condammé comme ayant 
mal, administré les biens d’un pupille? Loin de les mettre au 
nombre des orateurs (:et je me souviens que Mucius. Scévola 
était du même avis); ils me semblent indignes d'entrer. au 
barreau. Cependant ils ne manquaent ni de facilité ni d'élo- 
quénce mais ils ignoraient le droit civil, puisque le premier, 
dans une cause qu'il intentait d'apres la lo des Douze Tables , 
dexnahdait plus que la loi ne permettait, s'exposant ainsi à 
pérdre sa cause; ét que le second trouvait injuste qu'on lui 


démhndat plus que [a lor n'accordait, et ne sóngeàit pas 


que par: cei erit Vüldversire perdift dà cate: 7" 


A Ogg « t t 0114 at) 1 


462 DE ORATORÉ, LIBER 1. 

XXXVII. Quid? bis paucis diebus, nodhé (obi 
in tribunali Q. Pompeii, prætoris nrbani , f#milrrs 
nostri, sedenuübus, homo et numero disértotitm 
postulabat, ut illi, unde peteretur, vetus atque 
usitata exceptio daretur, CUJUS PECUNIE DIES FU15— 
sxr ? quod petitoris causa comparatum esse, non. 
intelligebat : : ut si ille infitiator probasset judici > 
ante petitam esse pecuniam, quam esset cepta de- 
Fri, petitor rursus cum peteret, exceptione exclu- 
deretur , QUOD EA RESIN JUDICIUM ANTEA VENISSET. 
Quidergo hoc fieri turpius, aut dici potest, quàm eum, 
qui hanc personam susceperit , ut amicórum cotttro- 
versias causasque tueatur, laborantibus succurrat , 
ægris  medeatur , afflictos excitet, hunc i in minimis! 
tenuissimisque rebus ita labi : ut aliis miserandus 3»: 
aliis irridendus esse videatur? Equidem propinquum. 
nostrum, P. Crassum, illum divitem, cum, mulus 
alus rebus elegantem hominem et ornagum , ‘| ipa 
precipue in hoc ferendum et laudandum pnio quod y: 
cum P.$cse vole frater esset eolitas ei.pereappe dicere, 
neque illum in jure civili soíss ( illi arti) faveqe posscy: 
nisi dicendi copiam aseumeisset ( qued.quidem hic ; 
qui mecum Cos. fuit, filius ejus. est copsecutus ) : 
neque se ante causas amicorum tractareatqne ; agere. 
cepisse, quam jus civile didicisset. Quid, vero ile 
M. Cato? nonne et eloquentia. tanta. fuit, quaptam 
illa tempora , atque illa atas in bac. ,eiyjtasg fgxre.- 
maximam potui, et juris civilis omauium periüssk . 


* " ‘ ?4 +4 1 / , 2H 
, Abest tum. FO e we 2, AS CRETE 


DE L'ORATEUR, LIVRE I. 465 


XX X VIE N'avons-nous pas été témoins, il y a peu de 
jours: due settise pareille? Tandis que. mous servions d'as- . 
sesseurs à nptre ami .(}. Pompée, préteur de la ville, un 
homme, .qui. passe. pour aypir, du talent, vint demander le 
paiement d’une somme, qui: n'était pas encore due : ‘# si le débi- 
teur eüt prouvé ensuite qu'on l'avait traduit en justice pour 
une somme dont l'échéance n’était pas arrivée, le créancier 
aurait été condamné à une forte amende, et il sure perdu à 
jamais lé droit de réclamer sa créance, parce que la chose 


auf bit étd jugée TINI GE 


Quoi de plus honteux que de se Charge d'étre le défenseur 
et l'appui des citoyens, | le protecteur des faibles opprimés, le 
vengeur de l'innocence et de commettre, dans les choses les 
plus simples, des fautes capables d'exciter la compassion ou 
le mépris? Le riche P. Crassus , notre parent, distingué par 

l'éclat dé sa fortune. , par l'étendue et la variété de ses connais- 
sances à mérité les plus grands éloges, en répétant toujours 

à son flèré adoptif P. $cévola, que, pour réussir dans le. 
dióit civil, Il fállit se livrer à 'éloquence ( c'est à quoi son 
fil, móh áneien collègue dans le consulat, et que vous voyez 
ici! S'epb constmment appliqué Y; que pour lut, Crássus, il 
ne:sitaitpoint chargé des imtéréts de ses amis , et ne s'était 
point montré autbannesu: avant d'avoir étudié nos lois, 


Mais que dirai-j e de M. Caton? Ne réunissait-il pas, au 
plus Haut degré, toute l'éloguence « et l'instruction sur le droit 
civd, qu'il ht polsiblé d'avoir’ de son temps? J'éprouve une 
softe' dé onte! d! piller' divantagé sur cet objet dévant un 
horae qhef'édmire! que je’ regarde comme le premier des - 
orofeur$; et qüi.& Goujours méprisé l'étude: de la jurispru- 
dence. Mais puisque vous voulez savoir,mon opinion, je ne 


464 DE QRATQRE, JADER LE 

mus? Verecyndiushagde re jrodadmp lognos,qno«d 
adest vir in dicendo summus ques 99 wanes ea — 
torem maxime admiror ; sed tamen idem hoc semper 
jus civile contemsit. Verum, qwomiam sentenuæ 
atque opinionis mez voluistis esse participes, nihil 
occultabo, et quoad potero, vobis exponam , quid 
de quaque re sentiam. 

XXXVIIL Antonu incredibilis quedaga,es prape 
singularis et divina vis ingenii. videtur , tam, hec 
scientia juris nudata sit, passe se facile ceteris esmse 
prudenti ^ tueri atque defendere. Quamobrém fie 
nobis srt-exceptus: ceteros vero non dubitabo primam 
inertiæ condemnare sententia mea, post eftam 1m- 
pudentie. Nam volitare in foro, hærere in jure ac 
praetorum tribunalibus , judicia privata magnarum 
rerum obire, in quibus sepe non de facto, sed de 
aequitate ac Jure certetur, jactare se in caysis centum- 
viralibus in quibus usücapionum , tutelarum , genus 
tilitatum ; agnationum » alluyionum , cycumlariw- 
num  nexorum , mancipiorpm , paricjaum «UMP ETRe 
sullicidiorum , testamentosum ruptorum.^.2mt zato- 
rum ,,.ceterarumaque .rermae annnsmersdjolee: jura 
versentur, cum omnino , quid smmm, quid aene, 
quare denique civis ? aut perpgsinus ,.servos. sut 
hber quispizgm sit, ignoret. Ineig ais wp 4. amem - 
dentis. llla vero deridenda srrogantia est ; itinrino— 
ribusnavigits rudem esse se Corifiterí; ; quitigiii E mes, 
aut euam majores, gulerparg didiime.. JA mibi 


! Causas taeri. — ? Algst: aut raterum. — © An — an. — 6 Baposdeatiz. 





DE L'ORÂTEUR, LIVRE I. 465 


cheiheisi apollo déguiser : je mettrai même tout en usage 
PR aane 
LP ELLE 3e 25d Qiu vin. 
+ :21(9»43:1:2 "i.c? VÉ 
. 


= Li 
ye qug wie nuo 


| AELXVEHE "Antoine est doué d'une sagacité incroyable et 
peesque divine ; il peut, sans la science du droit civil, défen- 
des œuec: sacoës toutes les causes, car sa sagesse profonde lui 
suf&t. Faisons dont pour lui seul une exception. Mais je ne 
craindrel, pas d’aceuser et de condamner la présomption et la 
témérité, de. ceux qui négligent ce genre d'étude. Ex effet, 
n'est-ce: pas le comble de l'impudence, que d'aller et venir 
dans le forum, de se présenter tous les jours devant les tribu- 
naux des preteurs; d'y parler dans les causes les plus impor- 
tantes, où souvent il s’agit, non pas de questions de fait, mais 
de questions de droit; de traiter devant les cehtumvirs, des 
E presériptions, ‘des tutelles, des droits de parenté, des alu 
vions, des attérrissemens , des obligations, des servitudes, des 
nés titoyèss, des différents jours, des gouttiéres , des tes- 
tatHiéris bnhulés, et d'àné multitude d'autres objets, sans con- 
Bitte les lois qui fieutuotre propriété; nptre qualité d'etsanger 
QW xe citoyén , d'homme libre ou d'esclave C'est un orgueil 
vidàcule dea axoner mrapakje de conduire une nacelle, et de 
vouloix diriger des galères i à cinq rangs de rames, et même 
encore, de plus grandes. Vous qui ne ponvez passér la moindre 
cogx egtigg ont VOUS Sans, vous laisser surprendre ; vous qui 


dial ft uot Deopdt Gh Mbid apicá !- -zéquel nos omilles sant peu ‘acécuitnmées ; 


c'est ce qui m'a empêché de J'emplover. . a 
IL. 3o 


\ 


466 DE 'ORATORE , -LIDER i. 
cunsan cireulo:deespsore. adversaru stipnlatiuncula , 
cum obsignes tubellas clientis tui, quibus in:tbellis 
id sit seriptum , quo lle capiatur ; ego: ubr' üllüm 
causani majorem corimittendam putem? cigrus' Her- 
cule is, qui duorum scalmorain navicülam ih portu 
everterit ; in Euxino Ponto Argonauiarum navem 
gubernarit. Quid: ? si ne parve quidem € caus sunt ; 
sed sz pe maximae ; in quibus certatur de jure civili; 
quod tandem os est illius patroni, qui ad eas causas 
sine ulla scientia juris audet accedere? Quz potuit 
igitur esse causa major, quam illius militis? de cujus 
morte cum domum falsus ab exercitu uuptius ve- 
nisset, et pater ejus, re credita, testamentum mu 
tasset, et quem ei visum csset, fecisset heredem, 
essetque ipse mortuus : res delata est ad centumviros, 
cum miles domum revenisset , egissetque lege in 
hereditatem. paternam ( testameuto exheres filius ). 
Nempeines causa quæsitum est de jure civih, possetne 
paternorum bonorum. exheres esse filus , quem pater tes- 
tamento neque heredem, neque exheredem scripsisset 
nominatim ? 

XXXIX. Quid? qua de re imer Mhrcellps et 
Claudios patricios centumviri judicartmt, cum Mar- 
eelli ab Tiberi filio stirpe , Claudii patricii ejusdem 


" hominis hereditatem , gente ad se rediissé dicerent; 


"monne in éa causa fuit orbtoribus de t6tbitirpis ac 
gentilitaris jure dicendum? Quid? quod "Iténii in 
centimvirali judicio certatuin' esse siccépitifug qu 


I UC 
| Nomini. | 





DE L'ORATEUR , LIVRE i. 467 


signe2.sans. hésiter un contrat qui referme des disposiWons 
contaaines aux iaténéts de. vos clians, dites-moi si je puis vous 
confier une cause importante? Certes, il vaudrait mieux laisser, 
au milieu du Pant-Euxun, Ja conduite du vaisseau des Argo- 
nautes à celui dont l'ignorance aurait fait périr une barque 
dans le port. Comment? Si; non-seulement dans les moindres 
affaires, mais encore dans les plus difficiles, il se présente des 
questions de droit civil, de quil front un avocat ose-t-il 5 en 
charger, sans connaître ls lois? Que dira-t-il si onlui confie une 
affaire semiblable à celle dont je vais parler? Un père apprend 
la mort de son fils qui se trouvait sous les drapeaux. La nou- 
velle était firusse ; le père institue un autre liénritier, ‘et Vient 
amonrir. E,e fils réclame là succession. Comment-décider cette 
quetidh ? Un Kl» peut-il être privé des bibis paterneln, 
sem être hormmément PR cid testament ,de son 
"—92 d Hao 


LE: 


LEE | 


XX IX. Comment les centumvirs ont-Als jugé dans la 
cnise entré les Marcellusiet les Claudies ; de rave pauicienhe, 
quiiprétendmient les runs et. Jes autres-avair des: dohita b libéri- 
tege d'ou: fils d'affnancki?.:9 La famillesies Marcallusséphaspit 
la sigession per droit de,snuçhe et celle des Claudius, par 
droit d'efigjté, N lura fally disqnter. completement. nes 
deux différpus-droits? Nrgot;on., pas, gaué. une, faune, apssi 


épineuse det les mémes centumvirs? Un étranger exilé avait 


D AM---—t— 


468 DE ORATORE , LIBER 1. 

Romam'in exsilium venisset; oui Romæ-exsulare 
jus esset , ‘si se ‘ad aliquem quasi patronurh apphies- 
visset ; intestatoque esset‘mortaus t * .... nonne ia 
ea causa jus applicaionis, obscurum saneet 1gnotum, 
patefactum i injudicio atque illustratum est a patrono? 
Quid ? ? nuper, cum ego C. Sergii Auratæ contra hunc 
nostrum Antoniuim judicia privato causam defen- 
derem ; nonne omnis nostra in jure versata defensio 
est ? Cun! enim Marius Gratidianus zdes Auraue 
vendidisset, neque, servire quandam, earum ædium 
partem,.in mancipii lege dixisset; defendebamus ; 
quidquid. fuisset incommodi in Tancipio , id B1. yen- 
ditor: scisset, neque deolarasset ,. præstare debere. 
Quo quidem in genere familiaris. noster M. Buccu- 
lejus, homo neque meo judicio stultus, ‘et suo valde 
sapiens, et a juris studio non abhorrens, simili in re 
quodam modo nuper erravit. Nam cum edes T.. Fafo. 
venderet , in mancipio lumina, uti tum essent, ita 
recepit. Fufius autem , simul atque ædificati cóeptum 
est in quadam parte urbis, quz modo ex illis edibus 
conspici posset, egit statim cum Bucculejo, quod, 
cuicumque particule coeli ofhceretur , quamvis esset 
proeul ,, mutari lumina putabat. Quid vero ? claris- 
sima M.. Curii causa M. que Coponii, nuper apod 
«entumviros quo concursu hominum,.qma ,exspec- 
tatione defensa est ? cum Q. Scævola, æqualis.ft.col- 
lega meus, homo omnium et disciplina juris civilis 
eruditissimus, et ingenio pradentiaque acutissimus, 


1 Deest aliquid. 





_ War 
x 


- 


uid 
LL 
er — 


RSR TL ES ui m 


We zo .* 5A os 


urbs 3 X © 


Ct" 


5o. 
Toa. 


AR - o» 
; 3 Me pM E 
PEE fi... 


Wert 
tt 4191 . 
- Xt. 


mm 


iu 
iig e 

t. 17, 
pate à 5-451 


QoDI UPeteei. 
t 


* c 


rem Die 
iode d og 


arbe 


tug 


PRE "1 
se ; AVI 


tm H 
P 


& --— A 0m acl 
CE 


DE L'ORATEUR, LIVRE 1. 46) 


choisi-Ronte pourile lieu de sen exil. IL y rourut sans-faire de 
testainent. Il.s'était attaché à un citoyen qui lui servait, pour 
ainsi. dire, de patron : ce dernier réclama la succession. Mais 
ne fut-j] pas ohligé d’éclaircir, dans sa défense, un droit 
obscur et inconnu jusqu'alors? La cause de C. Sergius Aurata, 
que j'ai plaidée dernièrement contre Antoine, ne roulait-elle 
pas sur un point de droit? Marius Gratidianus avait vendu 
une maison à Sergius, sans faire méntion, dans le contrat de 
vente, d'une servitude dont elle était chargée ; je soutins que 
le nl était tenu de cette servitude, pour ne l'avoir pas 
déclareé, puisqu'il en avait connaissance. Notre ami M: Buc- 
culéiüs, homme à ton avis assez instruit, et qui se croit fort 
habflé, s'est mépris dans un cas a peu près semblable ,' quoi- 
qu'il ait étudié le droit. Il vendit une maison à E. Fufius ; ** en: 
mi garantissant de jour et la vue, par le contrat de vento. 
Fufius lui-même ayant bâti, quelque temps. après, dans une 


partie de la ville éloignée de l'endroit où la maison vendue 


était située, mais que l’on apercevait de cette maison, il ap- 
pela Bucculéins en justice, et prétendit que le nouveau báti- 
ment lui cachait une petite partie de l'horizon, et changeait le 
point de vue. Qu'est-il besoin de parler de cette cause de 
M. Curius et de M. Coponius, ?* plaidée, ces jours derniers , 
devant les. centumvirs , de cette cause qui attira un si grand 
concours, et qui piqua si vivement la curiosité ? Q. Scévola , 
mon collègue, mon contemporain, l'homme du monde qui 
‘sait le hiléil£ le droit civil; qu? a le plus de sagacité et d'é- 
loquefide "dont le style est Ie plus correct et le plus pur ; en 

un 'Àot; de ylus grimd 'orátebr entre les jurisconsoltes , et le 
“plus gratid 'jurisconsulte 'etitre les orateurs , le plus habile en 
tuatière testmmentaire , soutenait qu'un homme institué pour 
héritier au défaut d'un enfant né posthume, ou né et mort 


2 ""ÜMiuy ——7——— RS 


470 DE ORATORE, LIBER f. 

ét ofatione maxime limiatus atque subtilis, atque; ue 
eso soleo dicere, juris peritorum eloquentissimus , 
eloquentium j juris peritissimus , € ex scripto testamen- 
torum jura defenderet , negaretque , nisi postum us 
ei nalus, et, antequam in suam tutelam venisset , 
mortuus esset, heredem eum esse posse, qui set 
secundum postumum , et natum, et mortuum, heres 
institutus : ego.voluntatem defenderem ; hac eum tum 
mente fuisse, qui testamentum fecisset , ut, si filius 
non esset, qui in tutelam * venisset : M. Curius esset 
heres. Num destitit uterque nostrum in ea causa, in 
auctoritatibus, in exemplis, in testamentorum for- 
mulis, hoc est, in medio jure civili versari? 

XL. Omitto jam plura exempla causarum &mbfis- 
simarum, qua sunt innumerabilia : capitis nostri 
sempe potest accidere, ut causa versentur in jure. 
Etenim sic C. Mancinum , nobilissimum aique 9p- 
timurh virum, ac consularem , cum eum propter 
invidiam Numantini fœderis paterpatratus ex S. C. 
Numantinis dedidisset, eumque illi non reoepissent, 
posteaque Mancinus domum revenissel, neque jn 
senatum introire dubitasset ; P; Rutilius, M. fifius, 
fribunus plebis, de.senatu jussit eduei , quod elm 
eivem negaret esse; quia memoria sic bssetlpredi- 
tum; quem pater suus aut populus veudidtsses;l iut 
pàterpatratus dedidisset , ei nullum osse posdiii- 
nium. Quam possumus reperire ex oriinibus rebus 
civilibus causam contentionemque rajorom , Tam 


à Von 


DE H'ORATEUR» LIVRE 1. "T 


Mid été placé squs sa tutelle, a'ayaij aucun drpij a la 


Suqeestion y, puisque cet homme avait été désigné pour tuteur 
postérieprement a la mort du  pupille. Je P que l'ip- 
tention du testateur avait été  d'instituer M. Curius pour hé- 
ritier, quand mème i| ne naîtrait pas de posthume. Ne fümes- 
fous pas obligés d'alléguer l'un et l'autre des autorités, ét 
d'épuisér les preuves tirées des maximes lés plus inconirues dé 
la ANR MORE See 


; 6 : 
Yorstis s, ' + : « {rs 0 M Ut, e 


; I n 
PROS SE PRE T os ELE p OUS DRE À : + . ce t 80090 0. t4 


T je is | ETE 
, KL. Je passe sous silence un grand nombre d'autres causes 
semblables et trés importantes , et je me borne aux exemples 
que j'ai cités. Une affaire capitale ?* où il s'agit de notre état, 
dépend souvent de la jurisprudence. En voici la preuve. 
C. Mancinus, »5 personnage consulaire, très-recommandable par 
sa naissance et ses rares qualités, fut condammé , en vertu d'un 
sénafus'cónsulte; aêtre livré par le chef des féciales * *4 au pou- 
volé des Nümantins, en punition d’un traité qu'il avait fait 
vet tes derniers, et qui ne fut pas ratifié par le sénat. Mais 
Jes Numantins n'ayant pas voulu recevcir Mancinus , il revint 
à Korhe. Comme À se disposait a prendre place au. sénat, le 
Abun P. RotiBus, filsde M., lui ordonna de sortir : on soutint 
r& Mancinus que , d’après une ancienne tradition , tout homme 
vendt par son pete ow par le peuple, ou livré par le chef des 
féciales a perdu ses droits de citoyen, et ne pent ètre ré- 


tabli en son premier état. La liberté, les prérogatives, l'exis- 


* Par un héraut d'armes. 7^. oyez les notes sur le mot paierpatratus. 


472 DE ORATORE, LIBER I. 


de ordine , de civitete, de libertate , de capitehominis 


consularis ; presertim: eum htec non ià crimine ali— 
quo, quod ille posset infitiari ; sed in'civilr jure con- 
sisteret ? Simibque in genere, inferiore ordine, si 
quis apud nos servisset ex populo fœdetato, seseque 
liberasset, ac postea domum revenisset ; quæsitdm est 
apud majores nostros , num is ad suos postliminio 
rediisset , et amisisset hanc civitatem. Quid ? de li- 
bertate, quo judicium gravius esse nullum potest; 
nonne ex jure civili potest esse contentio , cum quæ- 
ritur, is,qui domini voluntate census sit, continuone, 
an ubilustrum conditum, liber sit? Quid , quod usu, 
memoria patrum, venit , ut paterfamilias , qui ex His- 
pania Romam venisset, cum uxorem prægpantem 
in provincia reliquisset, Romæque alteram duxisset , 
neque nuntium priori remisisset , mortuusque esset 
intestato, et ex utraque filius natus esset ; médiocrisne 
res iu controversiam adducta est? cum qüzreretur 
de dnobus civium capitibus, et de puero, qui ex 
posteriore natus erat, et de ejus matre; que, si 
judicaretur , certis quibusdam verbis, non novis 
nuptiis, fieri cum.superiore divortium, ig concu- 
binz locum duceretur. Hæc igitur ; et horum similia 
jura suge civitatis ignorantem , erectum et, celgum , 
alacri et prompto ore ac vultu, huc atque. illnc in- 
tuentem , vagari magua cum. caterva toto. foüro., pré. 
sidium clientüibus, atque opem amicis, et prepe 
cunetis civibus luceni ingenii et consili sui porri- 
gentematque tendentem , aonne in prins flagttiosum 
putandum est? 


DE L'ORATEËR ; TiVRE I. 475 
tence citile ‘d'un personnage: doneulasre étaient compromis ; 
peut-il y avoir de causes plus importantes;'surtout, puisqu'il 
ne s'agissait pas de prouver -un délit: douteux, ntais de con- 
naître les dispositions de le:loi, ce: qui suppose" un orateur 
versé dans le droit civil ?.  .s'éleva autrefois une autre ques- 
tion du méme genre, ais d'un. ordre inférieur. Un homme 
ayant recu le jour chez nos alliés, était devenu esclave parmi 
nous. Il recouvra sa liberté, et s'en retourna dans sa patrie : 
on demandait s'il pouvait étre rétabli dans sa qualité de ci- 
toyen, par le droit de retour qui le ramenait parmi ses com- 
patriotes. Est-il question de la liberté, la discussion n’est-elle 
pas presque toujours fondée sur un point de droit? Par 
exemple : +5 Un esclave qui, del'aveu de son maître ; a dit son 
nom et l'état de ses biens lors d dénombrement des censeurs, 
est-il'libre dés ce moment, ou ne: Fest qu'à Pmstuit où les 
lustrations sont dchevées? Que direitje d'une affaire dont nos 
ancétres furent témoins ? Un père de:faraille revenu de PEs- 
pagne , où il avait laissé sa femmasnosinte , contracta à Rome 
un nouveau mariage, sans avoir, népudié sa preziere femme : 
il mourut sans tester, en laissant un fils de chacune, Lie. cas 
était grave ; il fallait décider du sort de la seconde épouse et. 
de son fils: lar mère allait papser pour concubine,, et l'enfant. 


NL 


pas honteux’ quand on ignore ainsi les dloits de ses conci- 
toyéns les lüis'de'sbn' pays, de' se présenter dans la place 
publique, la téte haute ; dun ait leite et plebs d'effronterie, 
suivi d'une foule de cliéns; courant cà et' à, au' milieu du 
barreau, comme pour offrir à tout le monde sx protection, 
ses conseils et les lumières de son génie ? 


* 


474 DE ORATQBE, LIBER I. 

XLI. Et quoniam de impudenua dixi, caspigemus 
etiam segnitiem hominum atque inertiam. Nam si 
esset isla cognMio juris magna »e difficilis; 4amen 
utilitatis magnitudo deberethonvimesadsuscipesndum 
discendi laborem tmpellere. Sed , o dsi- immértales, 
non dicerem hoc , audiente Sctevola , nis: ipse dicere 
soleret , nullius artis faciliorem sibi coghitioncir vi- 
deri. Quod quidem certis de causis a plerisque altter 
existimatur: primum, quia veteres illi, qui huic scien- 
tiæ præfuerunt, obtinendæ atque augeudie potentiae 
suæ causa , pervulgari artem suam noluerunt: deinde, 
posteaquam est editum, ex positis: aCn. Flavio rimum 
acüonibus, nulli fuerunt , qui illa artificiose digesta 
generaüm componerent. Nibil est enim, quad ad 
artvema redigi poseit, nisi ile prius, qui ila 1enet, 
quorumartem instituere vult, babesadlam.scieptiam, 
ut ex iis rebus, quarum ers nondum at, ectem eficene 
possit. Hoc video, dum breviter voluerim dicere , 
dictum a me esse paullo obscurius : sed experiar, et 
dicam, si potero, planius.  . cau dre 

XLII. Omnia fere, qua sunt conclusa unc, arti- 
bus, dispersa et.dissipata quondam fuerunt ; ut in 
musicis, numeri , et voces, et modi; in geometria, 
lineamenta ,. forme , intervalla , "magnitmdimus;: m 
astrologia, cceli conversio , ortus, obites , motusque 
siderum; in gra&imaticis, poetarum  pertraótatió , 
histoflarum coguitio , verborum interpretaltü; pro- 
nuntiandi quidarh sonus; iii hac denique ipéi t ratione 
dicendi à excogitare L Ornare, , disponere; merinisse , 


DE L'ORATEUR, LIVRE I. 475 
XLE'Püisque j'ai défnasqué ces 'impwdens, -châtions avec 
la même sévérité leur indolence et leur paresse. En effet, si 
la sciehce- du droit est immense et difficile, la grandeur de 
son btité: doit nous- porter. à l'étudier , saos craindre les obs- 
taclés. Mais, Ô dieux immortels | js megarderais bien de parler 
d'obstacles en présence de Scéyola,, qui dit lui-même qu'il 
n’y a point d'art dont la connaissance lui semble plus facile à 
acquérir .”À la vérité, bien des personnes n'en ont pas la méme 
idée que Scévola. J 'en dirai la raison. Les anciens, qui possé- 
daient la jurisprudence, en ont fait un mystére, pour aug- 
menter Jetr crédit ou pour en obtenir. Les premiers traités 
publiés sur cette matière, tels que ceux de Cn. Flavius sur les: 
actions , ont généralement dépourvus d'ordre et de méthodé: 
Pérsonhe n’a voulu se chatger de lës retoucher. Pour réduite 
eri art des observations, c’est peu de connaître bien le sujet 
qu'on traite, 4 faut avoir le talent de composer ane théorie, 
Je mi'apercois qu'en voulant ‘être précis, je deviens obscur; 
mais jé vais essayer de m'exprimer plus clairement. . 


" } 


XLII. Presque toutes les paftles dont les arts sé composent 
atjourd’'hni, étaient'autrefoiséperseset dis pervées ; tels étaient, 
par exemple, dans la musique, les mesures, les tons et: les 
modes; daas la géométrie , les lignes, les Égures, les espsers, 
les dimensions.; dans l'astromomie, les mauvemens, des cieux, 
lelavenet:ke onuchtz des astres,, et leurs réyplutions;. dans Ja 
ltéraure, la, poésie, Phjatoire, la. valeur, et l'harmonie, des 
mots; enfin, dans l'art. de parler, l'invention , la dispggition 
des parties, l'élocution, la mémoire, la prononciafion; mais 
on manquait de préceptes, et les regles étaient inconnues ou 
disséminées de tous côtés. Il a donc fallu emprunter une mé- 


476 DE ORATORE, LIBER I. 

agere; ignota quondam omnibus , et diffusa late vide- 
bantur. Adhibita est igitur ars quadam extrmsecus 
ex alio genere quodam, quod sibi totum philosophi 
assumunt, qus rem dissolutam divulsamque conglu- 
tinaret, et ratione quadam constringeret. Sit ergo in 
jure civili finis hic , legitimis atque. usitate in rebus 
causisque civium æquabilitatis conservatio... Tum 
sunt notanda genera , et ad certum numerum pauci- 
tatemque revocanda. Genus autem est id , quod sui 
similes communione quadam, specie autem diffe— 
rentes , duas aut. plures complectitur partes, Partes 
autem sunt , quz generibus iis, ex quibus emiätant , 
subjiciuntur; omniaque , qua sunt vel generum vel 
partum nomina, definitionibus , quam virn habeátit , 
est exprimendum. Est enim definiuo, earumrerum , 
quee sunt ejus rei proprie, quam definire volumus , 
brevis, et circumscripta quzdam explicatio. Hisce ego 
rebus exempla adjungerem , nisi, apud quos hzc ha- 
beretur oratio, cernerem : nunc complectar quod pro- 
posui , brevi. .Si.enim aut mihi facere licuerit. quod 
jamdiu eogito, aut alius quispiem , aut , me impedito, 
occuparit, aut mortuo effecerit , ut.primum omne jus 
civile in genera digerat , quæ perpauca sunt; :deinde 
eorum generum quasi quxdam metnbra dispertiat ; 
tam propriam cujusque vim definitione declaret; pet- 
fectam artem juris civilis habebitis, magis magna , 
atque uberem , quam difficilem "atque obscuram. 
Atque interea tamen , dum hzc , quz dispersa sunt , 
coguntur, vel passim licet carpentém et colligentem 
undique, repleri justa Juris civilis scientia. 





DE L'ORATEUR, LIVRE I. 77 


thode d'un genre étranger à ces différens arts, et que les phi- 
losophes s'attribuent toute entière : afin de pouvoir mettre de 
la liaison, de l'ensemble dans ces connaissances, d'abord vagues 
et indéterminées. 


‘Ainsi, dans le droit civil, posons premièrement l'équité 
pour fin, et distinguons ensuite des genres, en les réduisant 
à un petit nombre. J'appelle genre ce qui renferme en soi deux 
ou plusieurs parties semblables entre elles, sous un certain 
point de vue général, et qui different par quelque chose de 
particulier. Ces parties, que j'appelle espèces, sont subordon- 
nées au genre dont elles émanent. Éclaircissons ensuite, par 
des définitions , les genres et les espèces. La définition est 
une explication concise et néanmoins complète de tout ce qui 
convient aux choses que nous voulons définir. 


Je donnerais ici des exemples, si je ne parlais à des per- 
sonnes qui n'en ont pas besoin pour me comprendre. J'en re- 
viens maintenant à mon premier dessein. Soit que je travaille 
moi-même a réduire en art la jurisprudence, comme j'ai résolu 
depuis long-temps de le faire, dés que jen aurai le loisir, 
soit qu'un autre l’entreprenne pendant nid vie ou après ma 
mort, si nous divisons le droit en un petit nombre de genres, 
et chacun de ces genres en différentes espèces, en'y ajoutant 
des: définitions exactes, nous aurons sur le droit une théorie 
tres+étendue, trbs-féoende ,' mais claire et facile à apprendre 
Far attendant, il faut s'instruire ,-corame. on. peut, du droit 
civil, et rassembler des richesses éparses de tous côtés, pour 
entfermen une ample moisson. 


478 DE ORATORE, LISER L 


XLIII. Nonne.videns , equitem.romanofn )foini- 
nem acutissimb omniam ibgenib , s6d- mimimecegonis 
artibus eruditum ,'C, Aculeónem ; qui mécum vivit, 
semperque vixit, itu temere jus civile, tit di';'cáin 
ab hoc discesseritis , nemo de: fis y qui peritissimi 
sunt , anteponatur ? Omnia enim Sunt posita. ánté 
oculos , cóllocata in usu quotidiano, » in congressione 


RE 
hominum atque in foro : neque lta mukis fi fitteris aut 


voluminibus magnis continentur ; eadem, enim supt 
elata primum a pluribus : deinde, paucis verbis, COR 

mutatis , etiam ab iisdem scripteribus, scripta sunt 
sepius. Accedit veroquo facilius percipi cagnosrique 
jus civile possat (quod minime plerique arbitvasenm)j 
mira quadam. in cognoscendo suavitas et delectatip.. 
Nom, sive quem ahena studia delectanty: plara 
est, et omni jure civili , etin pontifieute Rbris', 
et in Xll Tabulis, antiquitatis effigies, qudd et velt 
borum prisca vetustas cognoscitur, ét àctiobum oè- 


leu 
nera quadam majorum consuetudinem vièm que déJ iJ 
i ST Nl 

clarant : sive quis civilem scientiam conter etur 


M. ne SO 
ævola non putat oratori 
quam Scaevola non putat ora! oris esse Pr riam , sed 


cujusdam ex alio genere prudentis ; H eram hane a, 
descriptis omnibus civitatis utilitatibus 8G 35H bus s. 
XII Tabulis.contineci ' videhit ;.s)ye,quemyista prater 
petens et gloriesa philosopbia delectet Kdices etr! 


deciue) , hosoe *:habebit fontes cw pans depssistian: 
num suarum , qui jure civili.eolegibos. eoh uegemttári: 


Ex his enim: et dignitgtem maxyme expetèndan videc' 
| Videbuis — iHabn C Co ut ea c! 


toco — mto TITO vc 


DE L'ORATEUR, LIVRE I. 4-9 


XII. Ne oommaissez-veus pas C. Aculéon, qui fut tou- 
joure 3503 ami intme ,, et. qui l’est essore ? Ce ehevalier ro- 
maja, .hpwnme de beaucaup d'espriv, mais pau versé dans les 
arts ,, ne.possède-trjl pas la science, du droit si parfaitement, 
qu'on jos mettre personne Au-dessus de lui? En matière de 
droit , les choses $ sont, pour ajusi. dire, placées sous nos yeux : 
on Yepprend e tous les j jours, et dans la conversation et au bar- 
reau : 1 nés lad nécessaire , pour. en connaitre les regles, de 
lire Minna nombre de volumes; P usieurs ‘auteurs en ont 
parlé; ináis ils disent tous à peu pr ès la même chose; souvent 
même leurs Traités offrent à peine éntre éux Juéiques légers 
changériéhs &ermots.' D'ailleurs (te qué bien des gens ont 
pelse i eroite ); l'agrément et le charme dé eette-étude en 
dimitreent lcrucoep lesdiffionltós. En efft , parti les attraits 
répandus dns: ke arts, en est-il de comparables x eeux que 
nous :effeent : la jurisprudence, les kvres-des pontifes, les 
Douwza Tables, où geux. qui aiment à s'ügstruire treuvent des 
lumignes sup lantiquité, sur la langue, les mœufs et la ma- 
nière de vivre de nos ancêtres? Si vous avez du goût pour la 
politique ( et l'administration ( qui, selon Scévola, ne sont pas 
du ress it de l'orateur ) ne les retrouvez-vous pas dans les 
Douze "ilie dont j je viens de parler? Si la philosophie si 
puissante et ét di fiere, a des charmes pour vous, je le dirai har- 
dimeii, ses plus savantes ‘controverses ont pour objet les lois 
et lé droit eivil. "C'est én dffet les Tois qui nüüs inspirent l’a- 
mon pé la vértu, pufsqu'ón y voit les acUns justes et utiles; 
honbrées yglorietiseinènt récompenstées, et led crimes et ^ 
mauvaise foi panis "par :l'émende: TPignoininie la prisen, les 
chátiuens; desi) etíla sort. Elles neus apprenment, non par 
la vaie Jente des discussions mais: par leur autorité, à mo- 
dérer nos désirs, à dompter nos passions, à veiller sur nos 


(ap trDEa 9FATOM ER d, 
MÁS a 6938 Mene ipsi: : MANS bomeguie jeep han 
ribus, przmiis , * splendore decorstur ; vip. ate 
hominum, atque fraudes , damnis, iguominiis , vin- 
culis, verberibus, exsiliis , morte multantur : et 
docemur non infinitis, concertationumque plenis dis- 
putationibus, sed auctoritate , nutuque legum domi- 
tas habere libidines, coercere omnes cupiditates, nos- 
tra tueri, ab alienis mentes, oculos , manus absünere. 
- KLIV., Erogontomaca liget : dicspagnodgepio : 
ibibliotheead mehlerculeomnui um philosqphogy p, Ways 
-mphi videtur iX IL Tabaulécuss blellus , sides Adrien 
formes «66 cipe :videsit , et eucioritatis'pendhro jet 
*uWlitius ubertatc: superato. A03. si: near ad »qned 
vnekime debet , nostr& patria delecti ; etujtibose: tata 
est'vis; sc tanta nature , üt MhatathiMant us 
rimis saxdlis, tanquatii' njdulum , tdt ,°84 
tissimus. vir immoitälitati antepotiéké "qi Mid 
tandem inflamniaü esse | débemüs 3 in , ejüseiodi 
iam. , que una in omnibus terris domus est yr TA 
imperüi, dignitatis? Cujus primum nqbis} ns 95; 
disciplina, nota esse debet; vel quia est JAN e BARCA 
omnia nostrüg , vel quia, janta;sapiepu Gusse. in 
jure. senstsincndo patada. : Sp AR DA T hj 
ztamis opibus imperii comparsndis, Peyci piene ek 
dHam'ex :cogaiuiome juris laetior | ui 

quod; quabtuni prestitecibtiomud towidreb prudibibsis 
"tetéris: gentibus, tem fatilime dovrei] aldea 
or” L Yeurgs ; ; "et ‘Bratonke j «At Si Br 


JUL 4e AU wp wi eco w2 HieOnee -]9991 9] si 197 
1 Atque splendore. S #1 T 
* 





wu 4b à 





WE L'ORATEUR, LIVRE I. FOR 


miel pates me pi dio qiii viis 
de: batres:! * Ub 1ti is vrl NU etes ot sg 


TAN PUR rat (6s dE? 2° oig 


TEE ec rit CEE RTS € , 7 75 TE + 


ALI. Quand je devrais extiter un sértinie généré, je 
dira ce due je pense. Oui ,'je préfère le petit Livre des XII 
“Fables à tous les volames des pisilesophes ; il est plus impo- 
cani, plus utile : c'est la seurve etie principe de nos lois. Si 
mous-chérissons la patrie, si telles sont la nsjure et la foros 
dke.ce sentiment, que le sage Ulysse. oit refusé l'immqrtalité 
posa aetonraer aur. le miségable rocher d'Itaqye, quel amour 
ne Aven; nous, pas avoir pour Rome, la capitale du monde, 
le séjour de la vertu, de la grandeur, de la majesté? Ne de- 
vons-nous pas étudier avec empressement l'esprit de sa cons- 
titütion, ses coutumes et sa discipline, ou parce que Rome 
XT patrie, notre mére commune, ou parce qu'elle a 
montré "autant dé sagesse ‘dans ses dou. que dé courage et 
d'hiciélsnié Hánb ses conquétes? Vous retirtrez dussi de la con- 
naiséimed Œi dioit une grande satisfaction; vous y: trouverez 
del véritables jouisbaneer, en aoquérant l'inthne conviction 
que ia eunte de hos eitux- fut supeneure-à oelle:de- teutes 
les.antieu rations , euriout si rous:cospereg.noe lois aux. lois 
de dien de Dponon et de. Lycuagug, On.n peine à: croire 
aombien la, jurisprudence dee apires peuples ast. remplie de 
déespdir juu P nons paraltre presque ridicule, I] est certain 
(et je le répète souvent en conversation ) que la législation 

It 31 


482 DE ORATORE, LIBER t. 
leges.con(prre volnerkis. Ingpedibile est enim ,qu21a 
sit.omnejuseivile , przterbocaostrum , inçoaditum., 
ac pæne ridienlum x de .quo-multa.soleo in: sermoni- 
bus quotidianis dicere , cum hominum nostrorum 
prudentiam ceteris omnibus, et maxime Græcis, 
antepono. His ego de causis dixeram , Scævola, iis, 
qui perfecti oratores esse vellent , juris civilis cog- 
nitionem esse necessariam. 

XLV. Jay.vero.ipsa per sese.quantum effepat ps, 
qui ei piæsupt, boporis., grauis , dignitaus , quis 
ignoret? liaque, ut apud Graeos noun homines ; 
snergedala:addueti , sainistros Fi dame à ans 

ortoribus, ii, qui apud Îles rvyériit wüesttar 7 
sit, 4 Hostre civitaté contre, emplissimus quisque 
et’clârissimus vir; ut ille, qui propter: {Hané’ jüris 
civilis scientiam ‘sic appellatus x suninio poeti est =" 


Egregie corditus homo ; catus &lius Bextust, 1 1 


Multique preeteres ; qui, cum imgenio mln ( auctoza?j 
dignitatem: reperissent , perfeceruat, ut 3u respon 
dende * de juré , euctoritate plus-etiat , quampsphsy 
ingehio, valerent; Senectuñ vero celebranda et dr 
‘naudæ quod honestius potest esse perfugium , quaii 
jüris interpretatio? Equidein inibi boc subsidiürh jam. 
ab adolesceatis comparavi , non solum ud'caussrénr 
usum ? * forensium; sed etiam ‘ad decuÿ tique gat 
mentum. senectutis 2 Ut: cum me vires, (qued, 

jam wmpps adveutat) deficere ccepissent,,,?. oeil 


US Abeitidac 3 P Foeniems— 3 liga ab^ ;^ 5; 1 8 ou 9| . i12 


D£É L'ORATEUR, LIVRE T. —— 488 
dés Gitecim'égol jaime celle: Îles Tuottilins! Voli Tà^ráaur 
qui. ty buutoporté à: dire à Soévélx; que, quar deseap ua or 
tau psrípit; le stûence: VER das dod qe | 


fi^. port, vt Ag m fous € T AA EIS ML epe aub rt e #1 | 


: & , ACE, LI LI Z 
i.d zt s e D. + f. Pad L] » os; ipte s E did 
* 
$ PEL. SIE "rn 
Y . . a : 
d ets: e. Á €. . 2v] 4 * * 4 4 ops i^ ‘à 5, i 
epos 7 9e 8 dito esi tli] 


" XDV: Mais, d'abord ; ne sait-on pas combien elle procure 
à ceiix qui jr distinguerit, d'honneurs, de grâces et de crédit? 
Que chez ls Grecs, des hommes avilis , séduits pâr une chié- 
tive sécompense; prótent à un orpteur leur ministère: et:lg 
secours, de leurs lumières sur le drojt public, il n'eg est; pee 
ainsi parmi nous : les personnages les plus illustres et les plus 
qualifiés s'appliquent. à la jurisprudence , et c'est pour cela 
qu'un, poéte célèbre s'écria en parlant d'Ælius Sextus; ., 


Homme plain de sagesse et d'un. sens. meresillpux:! : 


Plusieurs autres ‘hommes illustres avaient acquis, par let 
géniey wnaigrnade supórionité; ils en ont encore acquis .da- 
vanigge. en. exerçant la profession de juriscousultes, en éclai- 
rant Jeurs concitoyens par d’utiles conseils. Pour honorer, 
pour. embellir sa vieillesse, est-il rien de plus louable que de 
s’ 'occuper y dans le silence de la retraite, à iuterpréter les lois? 
C's Une ressource que jer me suis préparée des mn jeunesse, 
non-seu ement pour en faire ' usage au barreau, mais encore 
a; la glbire et l'orneinent de mes dernieres annees, alin 
ue si nidi. Robes, qui 'coiülenceut à s 'affaiblir, véniiéht à 
V alt Léa iso ne devine jus athutige Meere) 
Est-il, je vous le demande, «nibh -de pluncintéresshnt qu'un 


"T DE ORATOBE, LIBER 1: 

tudine! dbnrumr' rheam : vindicaeem. Qüidi est enar 
preclérins j quam honoribus et'reipablitæ mener 
bus pérfanciüm' senem'pósse suó jure"dicére tdem, 
quod apud Éànium dicat ille Pythius Apollo, de esse 
eum , unde sibi, si non populi et reges, at omnes 
sui cives cansilum expetantz |... . 4 


AIN 0 Ma X 
Suarum rerum incerti : : quos ego mea ope ex | 


Incertis certos, compótesque consili ove eee À 
. , Dimitto, ut ne res temere tractent tucbidas.. NOS 


Est enim. sine dubio domus jurisconsulti tolius ora- 
culum civitaus. "Testis est hujusce Q. Mücii us 
et yestibulum , quod in ejus infirmissima valetuc RG A 
affectaque j jam setate , maxima quotidie frequentia Ks 
vium ,acsummorum hominum splendore celebratur. 
XLVI. Jam vero illa non longam oratiénehi dési— 
derant, quamobrem existimer publica quoque (ain ; 
quæ sunt propria civitatis atque imperii , tüni moti 
menta rerum gestaruni, ét vetustatis etefü 
tori. nota esse debere. Nam ut in rerüm u^ 
causis dique judiciis depronicnda sepe or Wd LS 
jure civili , el idcirco, ut ante diximus, oratori t Jua 
ris civilis sqientia necessaria est: sic in causis 1 ficis 
judiciorum, eoncionum , genatus, orimis jupg,st apr 
tig nitatis, mgmorga yet, publici juris augtoritase;tk 
vegeudae nel publiez oratio; ac; scientia temque. alia 
Aeteries , 118 orátoribus pui: ;kqrsantur. 4 LE pu^ 
blica; sulsjecta esse debent. Non:enim ceusidieum 


Besáto/quens, peque:proelamatorem') iwrabulam| 







RSS SD 


DE L'ORATEUR, LIVREL —— 485 


| ‘homme reillisdéns Jes honneurs et.les. enctions publiques, 


et, qui pent #'échier pur-la fin de sa cartière ; comme Apollon 
dapsi Enpius: Si Jes peuples «t. les rois ne viennent p. 
consnlter , je suis du moing l'oracle de mes conçitoyens ? 


* Phr d'utifes vonsells ; comme un guide fidèle" +1: 
J'éclaire , je soutiens leur raison qut'éháncdle) 770 
Et des lois , avec eux, percant l'obscurité, 08 
J'oppose ma prudence à & leur témérité. M". r 


» 
í ' 


Oui, sans doute; un juiísconsulte'habile est l'oracle de toute 
une républi ue. J'en atteste Mucius Scevola, qui est ici pré 
sent; quoi e d'une santé faible et d’un âge trés avancé, ses 
por és sont remplis chaque jour d'une multitude dé "Re: 
mairis , et nos &itoy ens les plus distingués vienhetit ed fódie 3i 
ensuite." FO TM QE ae 
ot gn oleo » "eon IDEEN Wfüs- iuh eui 
AVE Mais il serait superin d'ajouter que l'or doi 
connaître aussi, le .drou, public et les intérêts. de L'État. les 
changemens survenus, dans l'empire, de Rome, et chez les 3n: 
cieps peuples. Car gu. est obligé de recourir aux lois cy iles, à 
orsqu il pates en faveur des em quand il il tr traite une 


cause pub lique quand PE par e à la tribune et au | sut, Ya 
connaissance de an uité, ‘des anciens usages, , "du droit ju- 
blé, ‘des principes de l'adibiuistration, Tui devient indispen- 
sable! ehe & pátle pas ici d'uri praticien cHicaneur À pror£éstón; 
d'un dédlibidatbu E tissplde 'd'án récit boat) "adf Gh. 
drartr b Uer phi;- Te peteie dits son-drt; et telleriehit eM vé 
is dekiers de Paicméside!, «weil semble avoir veeidw olel lent 
dé. phrble etais perte/penset que Uélbquebicé; quedous 
regardes: echange: notre /propre.aganage, est;djahvrage-dbs 
dieuiude:pasle d'uv'ovsianri quon -xéviie. etrqu'on egal. 


496 «DE: ORATORE ; LIBER :1í 
hoc sérimotie nostro conquirimes, sed- edi wifwme :, 
qui primum sit eyas attis antistes, Cujàs cüfht ipsa 
natura magnam homini facultatem farei, tatfeh e&se 
deus Y putabatur ,. ut et ipsum, quod SN hominis 
proprium ,.non pertum per nos, sed diviriius ád nos 
delatum videretur : deinde, qui possit, non tam ca- 
duceo, quam, nomine oratoris ornatus, ängolu ümi 18; 
vel inter hostium tela, versari : tum , .qui, scelus 
draudemque. nocentis possit dicendo subjicerg,.odio 
civium , supplicioque comswingere : idemque ingenii 
prfesdio inmocemuam judicorum perma lberere : 
idemque languentem labentemque populumi aut ad 
decus excitare ,; aut ab errore dedueere ; dut saffsin— 
mare in improbos, aut incitatum in bones , :tWiti— 
gare: qui denique, quemcumque in animris hominum 
motum res et causa postulet, eum dicendo vef etci- 
tare possit, vel sedare. Hanc vim si quis existimat , 
aut ab iis, qui de dicendi ratione scripserunt , expo- 
sitam esse, aut a me posse exponi tam brevi, vehe- 
menter errat: neque solum inscientiam meam, sed 
ne rerum quidem magnitudinem perspicit. Equidem 
vobis ; quoniam ita voluistis, fontes, unde haurireus , 
atque itinÿra ipsa, ita putavi esse demousuands ; 
non ut ipse dux essem (quod et iufinitum est, et 
non necessarium ), eed ut commotistrarem tantus 
viam, et, ut fieri solet , digitum ad fontes intenderem. 
*: ^L Li. SCGÆEV. -^ Mahi. vero, iuit Mucius , 
tent Pies abe ae aie istorum 4twdibis, » nrodo 


t Puaur, C ‘‘* ur 


L "ups w- WE = 


DE -IAORATEUR, /LAVRE I. 487 


étre el portait Jlecodiitée, d'ui oratqur tranquille et cale 
au, miliqn.des traits de. ses, enuerais, qui dévoye les qu 
à Ja hine. publique et.à.ls rigueur, des supplices, qui, par 
le segours de son génie, assure le triomphe de | si ac- 


(n TOC 

cusée, maltrise : une nátion entière " la fait du de sa. léthar- 
gie, relève son « courage abattu, et Ja rend i à l Honneur; qui 
l'éclaire et T'enflamme contre les méchans, qui lintéiesse en 


faveur à e l'homme de Bién, qui excite ét calme à son gré, 


quarid dd dàuse le demande, les passions de $es auditeurs. Si 
düélqu'um d'entre vous s'intaginé que les rhéteurs, qui ori 
écrit sur Firt de parler, ont développé ces secrets, ow que 
je wir és) état. de Ip free si peu de mets ; me songe print 
"ib Then igadsamce: n3: à. Yétemdue idu sujet... À:la:vértéy wéns 
XisftA conirgigt à vous indiquer les sources ph-vons devez 
per, à poi dà vous frayer Ig rout qui vous y. canduit, ais 
posa aii vous servir de guide Morin bn (ce qui ma 
u trop lang et PE ET CR 
bati LUE SE TI 
SCUUZS 6 hada Di EUR wu Ste ppt € Patio Gy cw 4AW* 
+ SLT 2EKY ats. fits ost! 0 47. qt 8 1 5 92s pU ti. 
HE GRR ae fo deze (5020 ceo Wa] at 
DRE Pew AN pe RAR CUR. cube MO QUE ae cao ra^ 
fb regere MEANS oue Gate nr m 
Rao qq ^ PE E c EE ra 
MARE dU V E adgpiMeko 9o. Cu le diced csiodrüpp Sun 
uir LEE fe ges 04i lc. maeefsdea. cou tt vd 
^ XLMIE ScÉv.. — Voused-avez-dit iies)élddn doi , peur 
“éxeiter l'arddur de ces:jennes: geris; ;s'ils-almest véritablement 
leur profession; ct comme Socrate avait coutume de dire qu'il 


498 PB OBRATONSI LIRER 1. 

quot Rudkon., choc fackums Nan , sut Soaralom illustra 
anl Luka .ajupt décerne , perféctum:sibi.opna eispu 2m 
«uis.solis est concitatasevhortations'sus adl studi te 
cophÓscendà iperciiemdieque viris (ibus! exiit 
nd persüzsuti'esset , ut tilii? thallent se esse | quat. 
Bonos" €irbs , fis iéliquáin faeiferh' Essé"octiinum ) : 
sic ego intelligo , si jn hzc , qua patefecit or&ione 
sua Crassus , intrare volueritis ; facillime vos ad ea " 
qu: cupitis, perventuros ab hoc aditu > januaque 
patefacta. 

! )SUL,P. — Nobis vero, i&quitSaliietus; ist démt 
pergrata perque jucunda :-sed pauca -etiáih equiti 
Bitis , inprimisque ea , quie valde brevitera te, Châssis 
de ipsa arte percursa sunt; cum illa te et noà cotiteii- 
nete, et didicisse confiterere. a si paulo faitus dixe- 
ris , expleris omnem exspectationem dipturni desi- 
derii nostri. Nam nuuc, quibus studendum gbus 
esset , accepimus, quod ipsum est tamen; magnum à 
sed vias earum rerum rationemque cupimus cog- 


noscere. 
E : 2: » e ^C r . if, x A9 
CR. — Quid si, inquit. Crassus , quoniam ego y 
quo facilius vos apud me tenerem , vestræ potius ob- 
secutus sum voluntati , quam. aut consuetudini ,.ayt 
gature meg , petimus ab Antonio. nt ea ,. qi con- 
pet , neque adhuc protulit ,:ex quibus unum Jibels 
lum sibi excidisse jamdudum: questus est ; explicet 


nobis , et illa dicendi mysteria enuntiet., - p 
the CAPE OA EU PRE EN OS OS A RO M = l4 le 


SULP. — Ut videte, inquit Sulpitius, Nam Aa; 





DE L'URATÉGOT LIRE 1. #& 


rohit atrole assed fait , lomifues rptkr.sds-exliontationtes) 8l dealt — 


inspire goègret L'amouss-dé iaquertn', chien persuadé » que: 
vut; Iu rese ae-cndin rien, dceeux qui potféceat. à tone len 
Suus Uuree [o qualité d'homme dh big : Ale jatoin, .Sulpi 
cius. Coua, que, si vopg ehérissea l'éloquenega Yap y atri 
riverea, Arès facilemens per, le sentier, que frassns Yient.de 


vous vri . 
‘à MTS ; pocdti sg esp " pix si 1” QUA zd | »JITÉ cu (ao 


no bu Y trnasdil4 27 € Hi Bii] 3 4: Ut e créer) b1id 


€, 


ht daba pron Poar dU edt das.) "d ceu» LEIIT 


G1 tas (Él q : 


. SULP, —Ce:qu'il nous a dit nens a. reisé le plub grand 
plie. et qt Aque.a, été. fort agréable; mais. nous demandons 
quelque, chose de plus, Nous voudrions surtout, , Crasse 
connaître en | détail ces;régles dont vous ave parlé trop riis 
vement, ei et e, de votre aveu, vous ne dédaignez point, que 
vous avez méme étudiées. N ous vous prions de mettre le comble 
à nos désirs, “Nous savons à quel genre d’études il faut nous 
livrér; c'est déja beaucoup : mais nous ‘brälons d'apprendre 
id f'ihojeni de pare à Ace 
a) di'tit, ' o n'estut £019) Jr 
| CR. — Mais, si > pour xpus garder plus Le d 
mai ; j'ai répond à vos premières questions , et.si, pour 
yous satisfaire, j'ai traité des objets q qui ne me sont point fa- 
miliets, je m'adresse maintenant à Antoine. Il a composé un 
petit 'oüvráge 'sur Téloquence, qu'il nous disait tantót étré 
devebil public malgré Jui. Je lé supplie de sous découvrir E 
mystères et les secrets de l'art. 


: PMID. xcd) "S 
SELP. — Trés-volontiers. Les sentimens d'Ántoine seront 


aoséi les vôtres: Je n'e sautsis douter. 7) 1 i07 


F. 


4go: DE OBADORF ) RUBER - T. 
tonio dicente , etiam quid tu * sentias , intellisemus. 
acm aud Reniribicuv Dit Grissus: a té, quohinm 
id dobif; Kntótii ;’Homifibus" id' &tátis , oneiis"ab 
fiorühr Mdtoleséénliáin: studiis fmpôtitür, at' éxpo- 
nas , quid iis de rebus , ques a te quæri vides , 
sentias. 
+ XLVIH ANT. — Depreliensuni equidem! me, 
inquit 'ÀÁ tomus , plane video utque sentio, 119m se— 
lim quod ea requirumur'a mae , quotum sen iggarus 
atque insolens, sed quia; quod in causis valde fugere 
Soleo ; tie tibi ; Crasse , succodam , id the nie tst 
fire Won sinat. Veram lioc ingtediar &d dà , d 
vultis » audacius , quod idem mihi spero dsü Sie 
venturum in hac disputatione , quod i ih dicendo : sq- 
let > ut nulla exspectetur ornatà oratio. Neque. enim 
sum de arte dicturus, quam humquam didici, s sed 
de mea consuetudine ; ipsaque illa ,. quain. comugn- 
tarinm angum retuli , sunt sinamodi..ponaliquamibs 
dosirina tradste , sed an rerum:nusu cau sieque tre 
tata :.quie.si. vobis, homimibus erndiüssimis , non 
probabuntur , vestram iniquitatéWi.aceusetote ; quirex 
me ea quæsierilis , quæ ego nescirem : meam facih— 
tatem laudatote , cum vobis , noti meo judicio , sed 
vestro studio inductus , non gravate respondero. 
CR. — Tum rassus ; Perge modo, inquit , An- 
toni. Nullum est enim perículüni ; ‘ne qud tu l'elo- 


^f: 
quare , nisi ita prudenter , ut neminem nostrüm pe 


niteat ad hunc te sermonem impulisse. 


! Intelligas, scntiemas. 








DE PORN LIVRE T. LA 
2odigYeb tir 
Ron Minis ate Dali d dme inyposent 
estie; táche, sans égard pour netze vieillesse, je vong. prie de 
leur développer vptre opinion sur l'objet dont il est question. 


& HS EOS ir. M 1 b. 45» à a 


l 
2 1.3 CR) 


ce) ELWIM: ANT. -— Je:suis bris, je le vois Bien; ob me 
deme ,, noarsenkainent des détails que j'igenre, et dont je 
æiai, poln& ceutume. de m'occuper, mais on. m'oblige encare À 
parler: après, Crassps ,.et.c'eqt un. désavantage que j'ai sain 
Skvies dangles discours publics. J'abordgrai donc la question 
: ABYS d'aytapt plus d'assurance, que vous n'exigerez pas de 
nol, je l'espère, dans cette discussion, un style plus brillant 
Lx dans mes plaidoyers. Je ne vous parlerai point de l'art 

es rhéteurs , je ne l'ai point appris, mais de la méthode que 
] ai adoptée. Je ne dois qu’à mon expérience ét à là pratique 
"les printipes contenus dans le petit ouvrage dont vous iap- 
pelez & souvenir, et je l'ai composé pour soulager ma mémoire. 
"Si jE né qontetrte pas des hommes wussi écláirés que vous Fêtes’. 
deiisier vous: en prendre à vonus-mêmes , et ne tenir compte 
‘dermon: sèle. Je is emayer, malgré mon Re de 
TS h vos sollicitations. | | 


Print les 
Ou HER ! 
eR, en] TTD "E: DPI 7 01 
,CR, 77 assurez-vous, Antoine : entrez en matièpe. Per- 
sonne d'entre nous ne se repentira de vous avoir si vivement 
préssé. 


,5.,-ti "un , » 7. d TETTER a, 5 ow ^ 


= — me o 


Am 007 s 
A à 
! 7 Se . iie 

D + E 


4gà DE: ORATORE, LIBER ti 

"ANT —di go vero, inqui ; peseirriet rd facdatir , 
quodin "oriseérplo "fleri Ai otiibiBos Hp acted Pire 
oporteré turséó': uy quid fluid sit, dé quo dispertiéc- 
tàt y éxplanetaf, n né vagari trae “topatur ofàiió 
si it ui inter se dissenserint | non idem e esse lud , 
quo de; » agitür ; 2 iptelligant. Naim; ; si forte querere 
tür ; que esset ars imperatoris x constitiendun; pu 
tare m prinpipio P quis esset unperator : qui cum eset, 
constitutis administrator quidam belli gerendi, tupa, 
adjungeremus deexercitu, decasuis,dp agminibus, a, 
sigaoruam collationibus, deoppaderum oppugnssieni-: 
bus, decommenu, dein&idiis facsendis atque sütan das, 
de reliquis rc^us, qua essent propriz:bellioldthisiss 
troüdi : qusrdm qui essent anifno et-scleitiwtenin pis 
tes, eos'esse imperatores dieerem; utererqbeeéxetifplis : 
Africahorum et Maximoruri ; "Epanfaéhden à áiqüe. 
Hannibalem, atque ejus, generis homínésioniiatédia" 
Sin autem quareremus , quis esset is , qui ad rempu- 
blicam moderandam usum , et scientiam , et studium 
suum contulisset , definirem hoc modo : qui, quibus 
rebus utilitas reipublicæ parareturiaugereturque, te- 
neret, iisque uteretur ; hunc reipublicze- réciorera , | 
et consilii publici auctorem'essé tiabenduriit pipa: 
caremque P.'Lentulum ,' priüciperh' ilfüii ^; E 97 
Gracchüni patrerü , et Q. Metellum ;, ét: AGE ia, 
num , et C. Lilium , et innuimerabiles liés ‘cum ex 
nostra civitate , tum ex ceteris. Sin autem quærere- 
tur , quisnam jurisconsultus vere nominaretur ; eunt 


! Intelligent, 





| DE EORATEUR) LIVRE: & D - 
ANT..+ Avant:teut, établissons biencle. peiat dela/ques- 
Hopy, pour. me pos perdre-le- temps pn. penoles lyitiles, pt per. 
éviter |evanéptisen, et neipeemqus écarter de,l'objes de.Ja.die: 
cussipn. Sj, Jon me. dempndait, quels sont, les fanetiogs, et les - 
devoirs d'un général chargé de conduire une guerre impor- 
tante, j 'examinerais d'abord ge qui i regarde l'organisation d’une 
armée , les! campemens , les manœuvres, 1e choc des iroupes, 
les iles le siège des’ villes, leb' äpprovisionnemens ,' ia 
pièges s qu'on doit tendre ( et ceux qu'il importé d éviter | eli u un 
hot! ec 'iful concerne l'adtiiistration et l'àrtroilitalte: J 
düànerals ébstóte le titre d'éxellleiit général à cefái qui nis 
à" umigrad' courage’ tÜüutes -ces' cenhalsshncet ; à Je aita 
poub msodéles. les Süipions, les: Fabius ;'Epamisondes de Air: 
nilisl, S6kéthés question d'un-homme d'État qui se dévons ati 
de la sépubiigne, qui.la.rend: heurense et do«- 
rissenye. «qui V énlsien, je eibtzaim alors-P. Lentulus, T, Grae: 
dins le piso,  Métellas, P. Scipion lAfrisain,.C. Lélius; 
et png, multitude, d'autres. Romains où .ftrangers.. )bajpnnie 


HQE he pO MEC fé D Spa oat M ET V Arf? ^ dte Sdn e # 

(tirrtbrrte j* PLA a6 fo, fier cu! pit Lt poto cts 66 enis 
» » " Lj 

eudinp, y't ive rnt sn IIT La SIBI est uU ft 


9, q 


93 921mm G3 7 60. pastas e à 
QR Van désirait ares à gn. Fendi à lig. dej jurisn- 
copgulte, 1elle,sezaik me réponse : J'appelle jurisconsulte celui, 
TU pp es paie la goutyppa y, est ce padile de donner, 
epe n gt de, . 5 diriger ; et Je gi E 


emper 
le, Raul 
25 Nr ah 6 gnis, £t e sd TTMMITE! vd 49 , ifm 


Og fmm RSR GI. iain * feat s teri) ID Eft 
uf upstairs sry cts effer Lord 


)y? f ! ; ' 


494 DE ORATORE, LIBER 1: 

dicerem , qui legum , et consuetudinis ejus, qua 
privati io civitate uterentur , et ad respondendum , et 
ad * scribendum , et ad cavendum , peritus esset : et 
ex eo genere Sex. /Elium , * M' Manilium, P. Mu- 
cium nominarem. 

XLIX. Atque , ut jam ad "leviora srtlim/sthdia 
veniam , si musieus, $1 grammaticüs , st i poete tr. 
tur, possim similiter explicare , quid eotiítal üis— 
que profiteatur , et quo non amplius ab q quoque Kd 
postulandum. Philosophi denique i ipsius, qui de sua. 
vi ac sapientia unus omnia pene profitetur, ft taper 
quædam descriptio, nt i$, qui student OR rera. 
divinarum atque bumanarnm vim ;, DALUFARR CREE. 
que nasse, et omnem. bene vivendi. reàonem, tenen. 
et persequi, nomine hoc appelleisr. Orstorgrsoiui- : 
tem , quonam de eo quaerimus , equidem.son:facros 
cundem , quem Crassus ; qui mihi visus-eso pslmomt 
onmium rerum atque artium scientiem-éomprebere-: 
dere uno oratoris officio ae nomine : atque eüfn plita^ 
esse , qui verbis ad audiendum jucundis et Renten 
ad probandum accommodatis uti possit in causis ja 
rensibus atque communibus. Hune ego appelle Qrar- 
torem , eumque esse preterea instructuga VOOR y 6f; 
actione , et lepore. quodam volo. Crassus. Tero mil. 
noster visus est oratoris facultatem non: Ain: arti 
terminis , sed. ingenii sui. fipibus, inymengis. peine s 
deseribere.. Nam. et «ivitatum. regobdacuin: orstort 
gobermaonla-sorientia sua tradidit : ap qno ipér wshi: 


M A nant eg p D dee fut nur Beo LfYRe VSulelo? 9/7 
V Agendüi. ts M7: 77 (1) sep Lfz8^ Q9ülelo? JAY 


DE L'GRATEUR, LAVE I. ái 


008 .et (QI sÓ 5 PE CAS i65 , GE T8 afi] $5155 1 
, e 
T dk + biubuol uc 1607 q$».3,'.Lt: 19449. NICE € EL I tIEU 
dos Je OLI] Mq. As sgbye gl oh  Ltbiéeuet & far 
rÍ * z VS. - 
i141 D e Hr Í- i. NOT "SN n À « fX. rs ORA c - . * »l'xà > Æ 3 - H 


KAIAX.. Quant aux, atisipférieurgs à Von ame s dé 
l'idée gpc isi cppçue d'un musicien , d'un gramanien ek d'un 
poëte., Lassienfrais de même à chacun d'eux Les bornes. et l'é; 
tendue de sa Pee Enfin, a l'égard du philosophe, qui 


semble, lui $eu embrasser et exercer toufes les autres pro- 
fessions À je de définitais d'une manière plus précise, et je; di- 
rais qu'il élidie la nature et les principes de toutes les Sciences 
diVinés brAümaïnes ; quil s se livre'a la théorie et à la pratique 
de T4 nora: Pour en "venil à l'éräteur, qui fait le principal 
objet V Xütre ehtrétien, , fe ne pehse pas , corhme Crassus, que 
le 'titro. evoca: fontidés: Q'otic eur supposetit nécessilrérent 
des eónnassances universelles ;' i ispfilt, selon:mok, h l'ora- 
teur; de pousoir, an hèrreau et à la.cribune, s'expristier dams 
———nm€ de ss un hel 
Orge» ABodébit plein de gxàcem . TI 


"illüstaoe 19: bo : 
E reste, notre ami Crassus n'a pes défini Passions d'après 
les ornés de Part, mais To gprés | l'étendue prodigieuse de ses 
taléns. Én effet , r a cru ' fevoir lui confier le gouvernement 
dés Ktats: Il m'a paru; Scétola; que vous ne pouvez point 
fita xime" tefle concesstort y Crassus, ‘vous dot Te sénat a sou<' 
vétit&dbpiE l'avis our tes isháies des! plüs graves, quoiqtté 
veus Duisdthtdedwd d we mhdièté contise ; et^ sans deu dat: 
coues aux riche de Jélocwtion) BUM. Scauros, le ptosgraad: 
dechon politiquep, qui.se iere, ana rteon dit, à ÁumecsTa pes 
gne voisine, savait que Crassus veut lui ravir sa gloirg et son 


46 DE ORATORE, LISER t. 

mirum visum est , Scævola , te hoc ilh. ecscedere ; 
cum sæpissime tibi sensips, breviter impolsseque 
dicenti, meximis sit de rebus aseenaua. M. veso Sesu- 
rus , qnem non longe, ruri , apud se, esse amdao , vic 
regenda reipablcs scientisaimes , si audierit , banc 
auctoritatem gravitatis et consilii sui vindicari a te , 
Crasse , quod esm oratoris propriam esse dicas; jam , 
credo, huc veniat, et hanc loq: iacitatem nosirárn 
vultu ipso sspectuque conterreat : qui quamquam es 

in dicendo minime contemnendus , prudentia Lane 

rerum magnarum magis , quam dicendi arte , nititur. 

Neque vero, ai quas utrumque potest , aut. lle. const 

lii publici auctor. ac senator. bonus, ob eamipsam 

causan oretor est; aut hic disertus etque elaquena, si 

est idem in procuratione civitaus egregine-, * alum 

scientiam- dicendi copia est consecutus. Multum in- 

ter se distant isue fácultates, longeque eunt diverser , 

atque sejunctz , neque esdem ralione ac via M. Cato, 

P. Africanus , Q. Metellus, €. Lælius, qui omnes 

eloquentes fuerunt , orationem suam et reipublice 

dignitatem exornabant. 

L. Neque enim est interdictum aut a erum ma- 
tura , aut a lege aliqua atque more D. ut singulis ho- 
xiii 3 ne amplius , quam, singplas. arips » . pone 
liceat. Quare non, etsi eloqueptissimpa Athemis Pe- 
ricles, idemque in ea civitate plurupos aunos prin- 
ceps censilii pablici fuit, ideireo ejusdem ominis 
atque artis utraque facultas existimenda est; nec , 95 


* * Alíqham seiettiam. 


pk LR EGRE À ii 
a fito En et aurBnant it Forster: id diendraît bientot lo; 
an préiend tous en" imposerelt ; ét? d'ia! seb dé ses regards, 
il nef forntesék Me bouche. & la vérhi'" ses Uiicouts ne sorit 
pes à dédie: dur-cdeé le, Fatty atiis if compte Bièn: plus 
uu. Jb sagesot de aes, ums: que wur da talent'de, laoparole;, - 

“L'homme qui ‘réunit le double ayautage d’être un sénateux 
habile'et un grand homm? d'État ; n'est pas pour celà un bon 
Grateur. 5i Ce personnage disert, éloquent méme , se distingue 
dabis àdilnisttation dé la république, c’est qu'il a acquis, 
en se fivrant a l'ldquénce, d'autres connaissances. Les talens 
de Pus: et de Pantre ien sont pas tas bien difiérens pár la 
ditshhee^ qui esc séparé; M: Eator, P. Seipion F'Afriótin; 
Q.-Mésiimn ©. Lélies, hemimes vraiment loquens; trm 
ploysient; ple Jes, mêmes. müyens pour gouverner l'État: ev 


muy eme lt s 0: ous 


) 


Querceib aae ns E07 | but ecl £3] 
ut) if BIS + oc 
etse CTI npa H : tar xs . $t uad u 
^ sb OT ET + 


H 


^T. Là nature, la loi ou la coutume, ne défendent pas à 
chaqrié honime , "én'patticülier, de s'appliquer a un seul art. 
Perfiles, "1 bus gi&nd órateur de son siècle; goutérna qua“ 
ride MES partie 7 on ne doit pas en conclure que. le talent 
du sglnbfitirateusr «ot. otlay-de- l'orateee son une sealé ef 
xxéraesehbser Ét si P .«Oeassus. fut.otateur.et juriiossulte, ib 
se fasépass psbrctla ,-sonfoudbs-'éloquemco aveo la juris — 
prudence. Quand on excelle dans un art, et qu'on en apprend 
IL. 32 — 


498 DE ORATORE, LIBER I. 


P. Crassus idem fuit. eloquens , et juris peritus , ob 
eam causam inest in fàcultate dicendi juris civilis 
scientia. Nam si quisque , ut in aliqua arte et facultate 
excellens , aliam quoque artem sibi assumserit, * ita 
perficiet , ut, quod praterea sciet, id ejus, in quo 
excellet , pars quedam esse videatur: licet ista ratione 
dicamus , pila bene, et duodecim scriptis ludere, 
proprium esse juris civilis , quoniam utrumque eo- 
rum P. Mucius optime fecerit ; eademque ratione 
dicantur , et quos ques Graci nominant , idem 
poëtæ , quoniam Empedocles physicus egregium 
poéma fecerit. At hoc ne philosophi quidem ipsi, qui 
omnia , sicut propria , sua esse , atque a se possideri 
volunt , dicere audent, geometriam , aut,musicam , 
philosophi esse , quia Platonem omnes in illis ari bus 
praestantissimum fuisse fateantur. Ac, si jam placet , 
omnes artes oratori subjungere , tolerabilius est , sic 
potius dicere , ut , quoniam dicendi facultas non de- 
beat esse jejuna atque nuda , sed aspersa atque dis- 
tincta multarum rerum jucunda quadam varietate, sit 
boni oratoris multa auribus accepisse, multa vidisse, 
multa;animo et cogitatione , multa.etiam:legendo per- 
currisse : neque ea, ut sua, possedisse ; sed , ut 
aliena , libasse. Fateor enim , callidum ien dat 
hunc , et nulla in re tironem ac rudem, nec pe- 
regrinum atque hospitem in agendo esse debere. 
LI. Neque vero istis tragoediis tuis , quibus , uti 
philosophi maxime solent , Crasse, perturhor ; quod 


1 Is perf. 


DE L'ORATEUR , LIVRE I. 499 


un second, il ne s'ensuit pas que ce dernier fasse partie de 
celui qu'on savait déjà ; ou bien nous aurions raison de dire 
que le jeu de paume et celui des dames appartiennent au 
droit civil, puisque le jurisconsulte P. Mucius Scévola devint 
habile dans ces deux espèces de jeux 27 : il faudrait dire aussi 
que la poésie et la physique ne forment qu'une seule et méme 
partie, parce que le physicien Empédocles a composé un 
poëme excellent. Mais les philosophes eux-mêmes, qui pré- 
tendent se méler de tous les arts, comme s'ils formaient leur 
apanage, n'osent pas y comprendre la géométrie et la mu- 
sique , quoique, d'un consentement unanime , Platon fût ha- 
bile dans l'une et dans l'autre. Associez, si vous le voulez; 
tous les arts à l'éloquence, j'y consens, puisque le style de 
Vorateur ne doit avoir ni sécheresse ui stérilité, et qu'il doit 
y réguer ume agréable variété; ce qui demande une certaine 
étendue de connaissances. Le bon orateur est donc obligé d'a- 
voir beaucoup appris, d'avoir beaucoup vu et beaucoup mé-. 
dité ; enfin, d'avoir lu beaucoup. Mais, loin de s'approprier les 
objets étrangers à son art, il doit seulement les effleurer. Je 
conviens , en effet, qu'un homme éclairé, et qui n'est pas sans 
expérience, ne se trouve jamais, quand il s'agit des sciences et 
des arts, comme un voyageur égaré dans un pays inconnu. 


LI. Au reste, Crassus, 'je n'ai point été ébranlé par ce 
morceau pathétique où vous souteniez , à l'exemple des philo- 
sophes , que l’orateur , dont le principal talent est d'émouvoir 


Noo DE ORATORE, LIBER I. 

ista dixisti , neminem posse eorum mentes , qui au- 
dirent, aut inflammare dicendo, aut inflammatas 
restinguere , curn eo maxime vis oratoris magnitu- 
doque cernatur , nisi qui rerum omuium naturam , 
mores hominum atque rationes penitus perspexerit : 
in quo philosophia sit oratori necessario percipienda : 
quo in studio hominum quoque ingeniosissimorum 
otiosissimorumque totas ztates videmus esse contri- 
tas : quorum ego copiam magnitudinemque cognitio- 
nis atque artis non modo non contemno , sed euam 
vehementer admiror: nobis tamen, qui in hoc populo 
foroque versamur satis est, ea de moribus hominum 
et ecire , et dicere , qua non abhorrent ab hominum 
moribus. Quis enim unquam orator magnus , et gra- 
vis, cum iratum adversario judicem facere vellet , 
bæsitavit ob enm causam , quod nesciret, quid esset 
iracundia , fervorne mentis , an cupiditas puniendi 
doloris? Quis, cum ceteros animorum motus aut 
judicibus , aut populo dicendo miscere atque agitare 
vellet , ea dixit, quæ a philosophis dici solent? qui 
partim omnino motus negant in animis ullos esse de- 
bere, quique eos in judicum mentibus concitent , 
scelus eos nefarium facere; partim , qui tolerabiliores 
volunt esse , et ad veritatem vitz propius accedere , 
permediocres ac potius leves motus debere esse di- 
cunt. Orator autem omnia hzc, quae putantur in 
communi vite consuetudine , mala ac molesta, et 
fugienda, multo majora et acerbiora verbis facit : 
itemque ea , qui vulgo expetenda atque optabilia 


DE L'ORATEUR, LIVRE I. por 


ou de calmer les passions, ne'peut y réussir sans connaître 
à fond les secrets de la nature, le caractère des hommes , et la 
différence des mœurs et des esprits; ce qui exige nécessaire- 
ment le secours de la philosophie, a l'étude de laquelle nous 
voyons des hommes de génie, ayant quelques loisirs: se livrer 
toute leur vie. Loin de mépriser l'étendue de leurs lumières, 
et leur zèle infatigable, je les admire de tout mon Cœur : pour 
nous, dont les intérèts du peuple et ceux de no$ cliens de- 
vident tous les soins, qu'il nous suffise de savoir, sur la 
morale et les passions , ce que l'expérience Toürréharé nous 
apprend. Quel est donc l'orateur habile et recommandable , 
qui, voulant extiter l'indlgnation dans l'áÀme d'un juge , ait été 
embarrassé, parce qu'il ne savait pas si la colère est une:ar- 
deur violente ou un mouvement de vengeance ? Quel est.celui 
qui , pour réveiller les autres passions an barreau ou à la tri- 
bune , en: parle dans ses discours, comme. on le fait dans les 
ouvrages de philosophie? Parmi les philosophes, les uns font 
un crime d'émouvoir ainsi l'àme des juges , et les moins sévères, 
ou les plus tolérans, ne permettent pas d'exciter ces passions 
aveo trop de violence. Tout ce qui est mal, tout ce qu'il faut 
éviter, suivant l'opinion commune, devient egcore plus odieux 
sous les pinceaux de l'orateur; il exagére de méme la beauté 
des choses que nous aimons et que nous désirons ; mais, loin 
de vouloir passer pour un homme trop sage parmi des fous 
qui se moqueraient de lui comme d'un extravagant, il cherche 
à déployer ses talens et son esprit, sans affecter une supério- 
rité qui blesserait l'amour propre de ses auditeurs. Mais il: 
sinsinue tellement dans le cœur humain ; il commande telle- 
ment aux passions ; il manie les esprits avec tant d'adresse, 
qu'il n'a pas besoin de recourir à la méthode des philosophes, 
ni d'examiner, dans son discours, si le souverain bien dépend. 


Bon DE ORATORE , LIBER I. 


videntur, dicendo amplificat atque ornat : neque vult 
ita sapiens inter stultos videri , uti, qui audiant, aut 
illum ineptum ''et Greculum putent, aut etiams: 
valde probent 1 ingenium oratoris , sapientiam admi- 
rentur , se esse stultos moleste ferant ; sed ita pera- 
grat per animos hominum , ita sensus mentesque per- 
tractat, ut non desideret philosophorum descriptiones, 
neque exquirat oratione , summum illud bonum in 
animone sit , an in corpore : virtute an voluptate de- 
finiatur : an hzc inter se jungi copularique possint : 
an vero, ut quibusdam visume, nihil certum sciri , 
nihil plane cognosci et percipi possit : quarum rerum 
fateor magnam muluplicemque esse disciplinam , et 
multas , copiosas, variasque rationes ; sed ahud quid- 
dam, longe aliud , Crasse, quaerimus. Acuto ho- 
minenobis opus est, et natura usuque callido, qui 
sagaciter pervestiget , quid sui cives , iique homines , 
quibus aliquid dicendo persuadere velit, cogitent , 
sentiant , opinentur , exspectent. | 

LIT. Teneat oportet venas cujusque generis , æta- 
tis , ordinis , et eorum , apud quos aliquid aget , aut 
eritacturus, metftes, sensusque degustet: philosopho- 
rum autem libros reservet sibi ad hujuscemodi Tus- 
culani requiem atque otium , ne , si quando ei dicen- 
dum erit de justitia et fide, mutuetur a Platone; qui, 
cum. hzc exprimenda verbis arbitraretur , novam 
quandam finxit in libris civitatem : usque eo illa, quae 
dicenda de justitia putabat , a vitæ consuetudine , et 


3 Aut Gr. 


: DE L'ORATEUR, LIVRE I. 5o) 
de l'àme ou du corps ; sila volupté ou la vertu rendent l'homme 
heureux ; si elles peuvent s'allier, ou si elles sont incompa- 
tibles; s'il y a quelque chose de certain, et si l'on peut avoir 
des idées claires et précises. J'avoue que les régles, sur toutes 
ces matières, sont tres-étendues , tres-diversifiées et très-inté- 
ressantes. Mais, Crassus, ce n'est point là ce que nous cher- 
chons ; nous demandons un homme plein de sagacité, d'expé- 
rience et d'adresse, capable d'examiner les opinions, les sen- 
timens de ses concitoyens ou de ceux qu'il veut persuader , de 
répondre à leur attente et de se conforrher à leur goût. 


LII. Il est tenu: de connaître à fond les inclinations di- 
verses que produisent la naissance, l’âge et la dignité des 
auditeurs, de sonder leur âme, d'y découvrir leurs plus se- 
crétes pensées. Quant aux systémes des philosophes, que 
l'orateur les réserve pour ses méditations particulières, et pour 
un délassement tel que celui que nous prenons à Tusculum : 
s’il veut parler de la justice et de la bonne foi, il se gardera 
d'imiter Platon, qui, croyant reconnaitre l'impossibilité de 

concilier son opinion avec le caractère et la dépravation de son 
siècle, établit des principes uniquement applicables à une ré- 
publique imaginaire. Si les peuples et les républiques approu-- 


le ne m Ha mm Ho o 





5o4 DE ORATORE, LIBER I. 


a civitatum moribus abhorrebant. Quodsi ea proba— 
rentur in populis atque in civitaubus; quis tibi, 
Crasse, concessisset, clarissimo viro, et amplissimo 
principi civitatis, ut illa diceres in maxima concione 
tuorum civium , quz dixisti? ERIPITE NOS EX MISE— 
RIIS, ERIPITE NOS EX FAUCIBUS EORUM, QUORUM 
CRUDELITASNOSTRO SANGUINE NON POTEST ÉXPLERI: 
NOLITE SINERE NOS CUIQUAM SERVIRE, NISI VOBIS 
UNIVERSIS, QUIBUSET POSSUMUS ET DEBEMUS. Omitto 
miserias , in quibus, ut illi ajunt, vir fortis esse non 
potest; omitto fauces , ex quibus te eripi vis, ne judi- 
cio iniquo exsorbeatur sanguis tuus : quod sapienu 
negant accidere posse : servire vero non modo te, sed 
universum senatum , cujus tum causam agehas ,. ausus 
es dicere? Potestne virtus , Crasse , servire, istis auc- 
toribus, quorum tu præcepta oratoris facultate com- 
plecteris ? quæ et semper, et sola libera est, queque, 
etiamsi corpora capta sint armis, aut constricta vincu- 
lis, tamen suum jus, atque omnium rerum impuni- 
tam libertatem tenere debeat. Quæ vero addidisti, non 
modo senatum servire posse populo, sed etiam debere, 
quis hoc philosophus tam mollis, tam languidus, tam 
enervatus , tam omnia ad voluptatem corporis dolo- 
remque referens, probare posset ? Senatum servire 
populo, cui populus ipse moderandi et regendi sui 
potestatem , quasi quasdam habenas, tradidisset? 
LUI. ltaque hzc cum a te divinitus ego dicta ar- 
bitrarer, P. Rutilius Rufus, homo doctus, et philo- 
sophix deditus, non modo parum commode , sed 


DE L'ORATEUR,, LIVRE I. 505 


vaient les maximes de la philosophie, comment, Crassus, 
vous l'homme le plus recommandable et le plus illustre de 
Rome, auniez-vous été accueilli, quand vous disiez au milieu‘ 
d'un peuple nombreux : *? « Affranchissez-nous de tant de 
« misères ; arrechez-nous à la voracité de ces monstres altérés 
« de notre sang ; ne souffrez pas'que nous dépendions de per- 
« sonne, si ce n'est de vous, par qui nous sommes et nous 
« pouvons tout? » Je vous passe cette expression miséres , 
quoique, suivant les philosophes, il n'y en ait point vérita- 
blement pour l'homme vertueux ; je passe encore le mot vora- 
cité , quoiqu'une injustice ne fasse pas rigoureusement de mal 
au sage. Mais, comment avez-vous osé grler de votre dé- 
pendance et de celle du sénat, dont vous souteniez alors les 
prérogatives ? Crassus, j'en prends pour garans les philosophes 
dont vous associez les principes à ceux de l'éloquence; la vertu 
n'est-elle pas toujours indépendante? Chargée de chaînes, au 
fond des cachots, au sein de la captivité, ne conserve-t-elle 
pas tous ses droits? Vous osâtes méme ajouter que le sénat 
est soumis au peuple, que cette soumission est un devoir. Le 
philosophe le plus mou, le plus faible, le plus énervé, le plus 
disposé à faire consister le bonheur dans les plaisirs des sens, 
aurait-il pu ne pas vous désapprouver ? Le sénat, à qui le 
peuple a remis le pouvoir de le diriger, doit-il être assujetti 
à ce méme peuple? | 


LA 


LIII. Aussi, tendis que j'admirais ce passage , qui me sem- 
blait divin, P. Rutilius Rufus, homme savant et dévoué à la 
philosophie, non-seulement vous désapprouvait, mais encore 


5o6 DE ORATORE , LIBER I. 


etiam turpiter et flagitiose dicta esse dicebat. Idern- 
que Servium Galbam , quem hominem probe ' com- 
meminisse seajebat, pergraviter reprehendere solebat, 
quod is, L. Scribonio quaestionem in eum ferente , 
populi misericordiam concitasset , cum M. Cato, 
Galbz gravis atque acer inimicus , aspere apud, popu- 
lum romanum et vehementer esset locutus : quam 
orationem in Originibus suis exposuit ipse. Repre- 
hendebat igitur Galbam Rutilius , quod is C. Sulpiui 
Galli, propinqui sui , Q. pupillum filium ipse pene 
in humeros suos extulisset , qui patris clarissimi re- 
cordatione et memoria fletum populo moveret , et 
duos filios suos parvos tutelæ populi commendasset , 
ac se, tanquam in procinctu testamentum faceret , 
sine libra atque tabulis, populum romanum tutorem 
instituere dixisset illorum orbitati. Itaque cum et invi- 
dia etodio populi tum Galba premeretur, his quoque 
eum trageediis liberatum ferebat ; quod item apud 
Catonem scriptum esse video, nisi pueris et lacrymis 
usus esset, poenas eum daturum fuisse. Hzc Rutilius 
valde vituperabat , et huic humilitati , dicebat, vel 
exsilium fuisse , vel mortem anteponendam. Neque 
vero hoc solum dixit, sed ipse et sensit, et fecit. Nam 
cum esset ille vir exemplum, ut scitis, innocentiæ ; 
cumque illo nemo neque integrior esset in civitate, 
neque sanctior , non modo supplex judicibus esse no- 
luit, sed ne ornatius quidem, aut liberius causam dici 
suam, quam simplex * ratio veritatis ferebat. Paullum 


1 Nosse ct commeminisse. — ? Oratio. 








DE L'ORATEUR, LIVRE I. 507 


1l y trouvait quelque chose d'avilissant , et vous en faisait un 
crime. Ce méme Ruulius, se souvenant d'avoir entendu Ser- 
vius Galba, qui répondait à une accusation intentée contre 
lui par L. Scribonius, le blämait fortement d'avoir imploré 
la commisération du peuple, aprés le discours éloquent et 
véhément que M. Caton, l'ennemi le plus redoutable de 
Galba, venait d'adresser au peuple romain. Le discours de 
Caton se trouve encore dans ses Origines. Rutilius reprochait 
donc à Galba d'avoir pris entre ses bras le fils de C. Sulpi- 
cius Gallus son parent, afin d'émouvoir le peuple par le sou- 
venir du pére, et de lui arracher des larmes à la vue de l'enfant; 
il lui reprochait d'avoir recommandé ses deux fils à la protec- 
tion publiqüe, comme s'il eût fait un testament militaire, et 
nommé l'État tuteur de ces ogphelins. Malgré la haine de la 
nation, que Galba avait encourue, ce tableau toucbant le dé- 
roba au dernier supplice. 

Il me semble encore lire, dans cet ouvrage, que si l'accusé 
n'eüt pas eu recours à ces enfans et aux larmes, il aurait été 
condamné. Rutilius disait qu'il vaut mieux souffrir l'exil et la 
mort, que de s'avilir par une bassesse. Non-seulement il tint 
ce langage, mais méme, dans sa propre cause, il ne s'écarta 
point de ces principes austéres. Cet homme, vous ne l'ignorez 
pas , le modèle de l'innocence, de la vertu et de l'intégrité, 
loin de paraitre en suppliant devant ses juges , ne permit pas 
à ses défenseurs d'user d'aucun ornement oratoire, ni d'em- 
ployer d'autres moyens que le simple langage de la vérité. Il 
confia une partie de sa défense a Cotta, dont l'éloquence vous 
est connue ; et Q. Mucius, charge de l'autre partie du plai- 
doyer, s'exprima, selon sa contume, avec simplicité, sans 
pompe et sans appréts, mais d'une manière claire et précise. 
Eh quoi ! Crassus, si vous eussiez alors porté la parole, vous 


508 DE ORATORE , LIBER I. 


huic Cottæ tribuit parüum , disertissimo adolescenti, 
sororis suæ filio. Dixit item causam illam quadam ex 
parte Q. Mucius , more suo, nullo apparatu, pure et 
dilucide. * Quod si tu tunc, Crasse, dixisses , qui 
subsidium oratori ex illis disputationibus , quibus 
philosophi utuntur , ad dicendi copiam , petendum 
esse paullo ante dicebas; et, si übi pro P. Rurilio non 
philosophorum more, sed tuo licuisset dicere? quam- 
vis scelerati illi fuissent , sicuti. fuerunt , pestiferi 
cives , supplicioque digni ; tamen omnem eorum im- 
portunitatem ex intimis mentibus evellisset vis ora- 
tionis tux : nunc talis vir amissus est, dum causa ita 
dicitur , ut si in illa commentitia Platonis civitate res 
ageretur. Nemo ingemuit, nemo inclamavit patrono- 
rum , nihil cuiquam doluit , nemo est questus , nemo 
rempublicam imploravit , nemo supplicavit. Quid 
multa? pedem nemo in illo judicio supplosit , credo, 
ne stoicis renuntiaretur. 

LIV. Imitatus est homo romanus et | consuléris 
veterem illum Socratem , qui » quum omnium, fa 
pientissimus esset , sanctissimeque vixisset, ita in ju- 
dicio capitis pro se ipse dixit, ut non supplex , aut 
reus , sed magister , aut dominus videretur esse jadi- 
cum. Quinetiam , quum ei scriptam orationem diser- 
tissimus orator Lysias attulisset, qnam, si ei videretur, 
edisceret, ‘ut ea pro se in judicio uteretur , non invi- 
tus legit, et commode scriptam esse dixit : « Sed , 
« inquit, ut, si mihi calceos sicyouios attulisses, non 


! Quid si tu nunc. 


DE L'ORATEUR , LIVRE I. bog 


qui voulez que l'orateur emploie dans ses discours la méthode 
des philosophes, n'auriez-vous: pas pris, dans la cause de 
P. Rutilius, le ton d'un orateur, plutót que celui d'un philo- 
sophe? La force de votre éloquence aurait confondu des scélé- 
rats, des hommes pernicieux ; elle aurait déraciné l'opinion 
que leurs celomnies avaient fait naître dans tous les esprits. 
Maintenant le plus vertueux des Romains a succombé, parce 
qu'en a'plaidé pour lui, comme on Paurait fait dans la répu- 
blique whaginaire de Platon. Personne ne poussa des gémisse- 
mens; aucun des orateurs ne fit entendre de plaintes ; aucun 
ne témoigna sa douleur; personne n'implora la république; 
personne ne supplia pour. obtenir la grâce de l'accusé. Que 
dirai-je de plus? Personne n'osa méme frapper du pied, sans 
doute pour ne point spisure aux stoiciens. 


!] 


LIV. Un Romain, le consulaire Rutilius, imita Socrate, 
le plus vertueux personnage de l'antiquité, le plus sage des 
mortéls , qui, se voyant cité devant les tribunaux pour un 
crime capital, s'y présenta, non comme un suppliant et un 
accusé, mais commé un maître, comme un souverain qui 
venait dbines des lecons à sés juges. Tl fit plus encore : Lysias, 
oráteuP^trésJinbile, luf préserita üne Apologie!, essayarit de lui 
persadet de l’apprendie par cœur ; s’il jugeait à- propos de 
l'emploger pour sa défense, Socrate la lut avee complaisance, 
et l'approuva ;: o Mais, ‘dit+il; comrhe.je ne porterais-pas de 
« chaussure brodée *,. quand elle conviendrait a mes. pieds, 


! L'original di: : Comme je ne porterais pas de chaussure à la sy cioniennc. 


- am 


^ 


5.0 — DE ORATORE, LIBER I. 
« uterer, quamvis essent habileset apti ad pedem, quia 
« non essent viriles ; sic 1llam orationem disertam sibi 
« et oratoriam videri , forterh et virilem non videri. » 
Ergo ille quoque damnatus est : neque solum primis 
sententiis, quibus tantum statuebant judices , dam- 
narent , an absolverent , sed etiam illis , quas iterum 
legibus ferre debebant. Erat enim Athenis, reo dam- 
nato , si fraus capitalis non esset , quasi pœnæ zsti- 
matio : ' et sententia cum judicibus daretur , interro- 
gabatur reus, quam quasi æstimationemcommeruisse 
se maxime confteretur : quod cum interrogatus So- 
crates esset , respondit , sese meruisse , ut amplissi- 
mis honoribus et præmns decoraretur , et ei victus 
quotidianus in Prytaneo publice præberetur ; qui 
honos apud Græcos maximus * habetur. Cujus res- 
pouso sic judices exarserunt, ut capitis hominem 
innocentissimum condemnarent. Qui quidem si abso- 
lutus esset; quod mehercule, etiamsi nihil ad nos 
pertinet, tamen propter ejus ingenii magnitudinem 
vellem : quonam modo istos philosophos ferre posse- 
mus , qui nunc, cum ille damnatus est, nullam aliam 
ob culpam , nisi propter dicendi inscientiam , tamen 
a se oportere dicunt peti præcepta dicendi? Quibus- 
cum ego non pugno , utrum sit melius , aut verius: 
tantum dico, et aliud illud esse , atque hoc , et hoc 
sine illo summum esse posse. 

LV. Nam quod jus civile, Crasse, tam vehementer 
amplexus es; video, quid egeris. Tum, quum dice- 


| Ex sent. — 2 Haberetür. 





DE L'ORATEUR , LIVRE I. Sri 


« parce que cet ornement ne sied qu'a des femmes; de même 
« je ne ferai point usage de votre discours, quoiqu'il me pa- 
« raisse très-éloquent, parce qu'il ne convient point à la gran- 
« deur d'áme et à la fermeté d'un sage. » Aussi fut-il condamné, , 
non-seulement par la premiére sentence dans laquelle les juges 
décidaient si l'accusé était innocent ou coupable, mais méme 
par la seconde sentence qui fixait la nature du châtiment. 
Vous savez, en effet, que les lois d'Athènes, s'il ne s'agis- 
sait pas d'un crime capital, laissaient au coupable le choix 
de la peine qu'il devait souffrir. Les juges, avant de pronon- 
cer, ordonnèrent au condamné de déclarer la peine dont il 
se croyait digne; Socrate répondit qu'il méritait les plus 
grands honneurs et les plus grendes récompenses; qu'on de- 
vait le nourrit dans le Prytanée , aux dépens-du public ; ce qui 
était une marque de la plus haute distinction qu'il füt possible. 
de recevoir chez les Grecs. Les juges furent tellement irrités 
de sa réponse, qu'ils condamnèrent à mort le plus innocent 
des hommes. Quoiqu'il semble que nous ne devions y prendre 
aucun intérêt, je voudrais, en vérité, que Socrate eût été 
absous, à cause de l'étendue de son génie et de son mérite; 
mais quand cela serait arrivé, comment souffrir ces philo- 
sophes, qui, ayant vu Socrate payer de sa vie son opiniátreté 
à ne pas recourir à l'éloquence, veulent néanmoins qu'on 
fasse des ouvrages d’après leurs principes? Je n'examine pas 
s'il a pris le bon ou le mauvais parti; mais j'en conclus que 
la philosophie et l'éloquence différent entre elles, et qu'elles 
peuvent étre séparées l'une de l'autre. 


LV. Je vois, Crassus, pourquoi vous avez embrassé si 
vivement la cause du droit civil; je le voyais méme pendant 
que vous parliez. Vous avez voulu plaire à Scévola, dont la 


5a DE. ORATORE ; BH :6 

baa, sadehem: Primear dentolete ^ désligdn, pneu 
onanes ames. neeri0p Sic 6 pre 6s etti éd PTPIPEE 
debemus v'eajus ‘arte ctm indouitami APE 
comtam videres , verbotüim edm "dóte f HERI LC 
otnasti. Deitide quod 1 1n éa ‘tu plus operæ b] "fabori Py 
consüniseras ; cum ejus studii t übi A cte End E 
gister esset doni, veritus es, nisi i istam arte 


exaggerasses , ne operam perdidisses. Sedeg n6, GP3A 
ista quidem arte pugno. Sit sape, Uf) s it AREA Fui 
illam esse vis. Étenim sine controvesgs Sj pagas 
et late patet , et ad mulios pertinet, et. aptomesminoa: 
nore semper fuit, et clerosima.cives ei sms ememff 
hodie præsuat: sed vide, Grasse, bey démo 
alieno ornata velis ornare yaris civilis vcipinidune, etie- 
qnoque eam concesso et tradito spoBes amfoe'flenudfés 7 
Nam , si ita diceres, qui jurisconsaltus esset, esse 
eum oratorem , itemque qui esset orator , juris eun-, 
dem esse consultum : præclaras duas artés constitue. 
res , atque inter se pares, et ejusdem socias : digontane e 
Nunc vero, jurisconsultum sine hac elognengia ; “le 
qua quærimus, fateris esse posse, fuisseque plepmes: 
oratorem negas, nisi illam 5Cjentiarp ASUS EME 
posse. lta? est tibi jurisconanltus àpae per ee mbil, sem. 
legulejus quidam camus et aamine, pacanctasinpues 
cantor formularum , auceps syllabarum : sed quis 
szepe utitur orator subáidio Juris in causis, idcirco is- 
tam juris scientiam cloquentiæ tanquam ancillulam 


pedisequamque adjunxisti. 










: Dedidisti. — ? Atque incomitatam et inc. — ? Et tibi. 


ic 


-—3. ES = SE RE URNA 88 A Oo-— 


DE L'ORATEUR, LIVRE I. 513 
douceur nses elarme tous. Consme son style est sans parure, 
comme il-s wa qertain. aix négligé, «t qu'il ne marche pas ac- 
Gompegné de l'attirail des figures, xous aves voulu l’enrichir 
et Porner des grâces et de la pompe de votre éloquence. D'ail- 
leurs vous yvex chez vous un maître de jurisprudence; ‘un 
guide qui sontenait l'ardeur avec laquelle vous vous êtes ap- 
pliqué à cette étude ; et vous exngérez les avantages qu'on en 
retire, dans la crainte d'être accusé d'avoir perdu votre temps. 
Aa récit, je ne suis point en guerre avet la jurisprudence : 
donats-lui âgtant de pouvoir qu'il vous plaira. En effet, ses 
droits s'étendent fort loin ; an grand nombre de personnes sont 
iptésesées à je» maintenir; elle fut toujours homorée dans 
Rom , et , de mos jours, nos plus illustres citoyens la cultivent : 
meis, genes gerde, Crassus, en la revétant d'une parure étran- 
ge, de la dépouiller de ce qui fait son plus bel .ornement. 
Si vous disiez qu'il faut être jurisconsulte pour mériter le nom 
d'orateur, et orateur pour mériter celui de jurisconsulte, vous 
mettriez les deux arts de niveau ; mais vous avouez que, sans 

l'éloquence, on ne peut être juriscorisulte, et qu'on ne peut 
être orsteur sans la jurisprudence : dans ce cas, que reste- 
t-il su juriscousulte? li ne sera plus qu'un petit légiste fua et 
rusé ,: une espèce. d'huissrer-priseur , un répétiteur de droit, 
dietant des formules; un éenseur vétilleux , sans cesse à l'affüt.— 
des expressions. Mais comme l'orateur a souvent besoin du 
atonuza de da jrisprudepnce, vous en avez fait une petite sui- 
— — DRE 


i 


IT. | 33 


5: 4 DE ORXTORE, LIBER 1! 
J 


VI. Quod ve vero impüdebtiàm admiratus: es eorum 
P1, * y 


Eod qui aut, cum parva pescirent à magna 
profiterentur , aut ça, quæ maxima essené à in jure ci- 
vili,.tractare auderent in CAUSIS , CUI. ea descirent, 
»umguamque didicissent ; utriusque rei facilis est et 
promia defensio. Nam; neqne illud, est. miragdum, 
qui, quibus. verbis coémtüo fiat , nesciat »$0nden 
ejus mulieris; quæ coémtionem fecerit, causari perse 
! defendera : nec, si pervi navigii etemagwi ebilem est 
itl gábertiando scientia; idciroo qui, quibus verbis 
erétum "cleri oporteat , nesciät ; ide hercrseutids 
familiæ causam agere non possst. Nim; qiStlrhif- 
inaá centunvirales causas in jure posità: protüfiii: 
que tandem earum causa fuit > uc ab'hoinrifé'elo- 
quenti, juris imperito, non ornatissime poterit. dici? 
quibus quidem in causis omnibus, sicut in ipsa M. 
Curii , quæ abs te nuper est dicta , et ip C Hosilii 
Mancini. controversia , atquein eo puerQa, qui se dr 
sene natus erat uxorg ,.non remo35s0 nuntio SAPEFIOP 
fait mter peritissimos homines.summa de jure dise 
eensio, Quæro igitur , quid adjiveritoratorom inhis 
(ndisis juris seientia ; eum-hta jurisconsnitus snpériir 
fuerit diseessurus , qui 'esset non suo artificio ,'sed 
ilieno , hoc est; non jüris sciettia, sed éloges: ; 
susterítatus. Equidem hoc sepe audivi , ébre iidilita- 
icm P. Crassus peteret, edmqüe thijór"tiátü , etrára 
consularis, Ser. Galba assecta retur; quod Cissitifiäin 
G. filio s suo despondisiet, ; áccessisse ad Crässum éoi- 


LE cel ado H6 1 «Habl! 
: Defendere. Nec. 


DE L'ORATEUB , LIVRE I. 515 
i LVI. Vous Avez paru surpris de l'impudence A qrà- 
teurs, quit traitent de grands objets, sans mème tré les 
plus petils; qui osent agiter dans leurs discours les questions 
les plusi importantes du droit civil, suns lavoir jumais étudiés 
n ési "ués-aisé de les justifier. 'd'ést ponit extraotüindléé 
qu'ün avocat, ignorant quels daivent être préciéntigtit les 
terines d'yn contrat ‘de mariage; soit em état de déféndre lg 
én'use- d'une fenime qui a-signé dé contrat. Celui; nos aver 
vous dit, quine sait pas manœuwrer une petite mocelle., niegt 
pes capáble de manœuvrer ‘un vaisseau : cela peut être; mis 
d'en est pas de même ici et celui qui ne connaît pas tous 
lei Aermes dent il faut se servir pour faire un partage de biens 
dppes lesifosmes , peut cependant plaider avec succès une cause 
de. pritager. Vous nous ayez objecté que les causes les plus 
intéressantes ; portées devant les centumvirs, sont fondées sur 
le droit civil. Or, en ‘est-il une qu’un homme éloquent nb 
RUSSE traiter, ‘sans être habile jurisconsulte ? ? Dans toutes ces 
causes, comme daks celle de M. Curius, que vous avez plaidée 
depuis pea; dans l'affaire de C. Hostilius Mancinus, ou de 
l'enfant né d'uge seconde femme, avant que le père de l'en- 
fdnt cût répudié la premiere, 2 avait-il pas la plus grande 
diVisio entre les savans, qui tous citaient des lois? À quoi 
dohe ; je vous le demande, pouvait servir à l'eratenr la science 
du droit, puisque, en cgtte occasion, le.jurisconsulte pro- 
fond, seoendé, non par ses propres moyens, mais par ceux 
d'autrui, c'est-a-dire, soutenu, non par la connaissançe du 
droit, maja par l'éloquence., dut le céder à l'orateur ? J'ai 
souvent entendu dire qu'à l'époque où P. Crassus sollicitait 
l'édlité, Ser, Galba, plus âgé que lui, et comme lui: per- 
Sonnage consulire, ne le quittait jamais ; parce qué la hie de 
Crassus était promise au fis de Galba. Un p horde 


516 DE. QRATQRE, I4BER fs 
sulendicausaquendam rusticanum : quicum Crassuzg 
seduxisset, atque ad eumretulisset, responsyumgue ab 
, € verum. anogis , quami ad suam,rem aecammgedasuan 
abstulisset; ut eura tristem Gelha vidis j nemine ap 
pellavit , quæsivitque, qua-de re ad Crassumrretukis 
set. Bx'quo ut audivit, commoiumque ut vidithonri- 
hem , Suspenso, inquit, animo'et déttrpaté Crassum 
übi respondisse video : deinde i ipsum Crsesdm: misti 
prehendit, et, heustü, inqüit, quid' übii In | mentóri 
venit ita respondere Tüm ille fidenter ; homo f peri- 
üssimus, confirmare, i ita se rein | haber cut respondis; 

TEES DEL est 
set; nec dubium esse posse. "Galba autem" “all lludens 
varie, et copiose; multas similitudines. afferre, multe 
que pro, æquitate contra jus dicere ; atque illum, qum 
disserendo par esse non posset (quamquam. fit, Gros, 
&us-ip mumero disertorum., .sed. pat; {elbæ nulla 
wodo), ad auctores confagisse , eid quad inseidi 
ceret, et in. P- Mucii, fratrisem hbris; etin Sex. Elia 
commentariis scriptum 'protulisse ; ac tateti/condesge 
| sisse ; Galbæ dlpptámonenta sibi probabilem et prope 
veram videri. 

" LVII. Attamen, qua causa eunt ejusmodi, jut de 
earum jure dubium esse non possit, omnino ia judis 
cjum vocari non solent. Num quis eo; team ente 
quod: paterfamilias ante fecit , quam. ex filins. natus 

'ésset, hereditatem petit? nemo :  quiaéeniiqt ag 
Descendo rumpi testamentum. Erpo iw lr geisdren pi 
ris: judicia nulla suut. Licet- DEM im pud dritort 


ik CU 0020 Mure notre qoo! se 5 uauniaq 


"i Ut] e3dd ul 264 





—- — = rer L' 


DE L'ORATEUR , ‘LIVRE 1. $15 


Krassus;; l'áppelir'én: particulier; eh le priant'de ldiidémner 


son-avis sur une" affaire : celui«cifit une féponse "plüs:cóu- 


formeiaex lois-qu'aux désirs: da client. Le paySin: e retrait 
fort triste: Gulba ; qui l'apercut, lui demanda , en l'appelidy 


pat.som nem,.le: sujet de sôn-chggrin:: le paysan: raconte: sog 


affaire et la décision de Crassus. Je vois, :s'éeria Golhaj que 


Crassus éyait distrait et préoccupé , lorsqu'il a décidé de Gelig 
panier, Ensuite i s’appragha de Crassus, et, le prenant. par 
la maig, il lui dit^; j Gomment avez-vous. pa faire une paxeille 
réponse? ? Crassus , qui savait trés-bien la jurisprudence, se 
mit à prouver que son opinion étdit fondée , et méme i incon- 
testable:! Galba s $outint la sienne , pour ainsi dire, en se jouant ; 

il eut recours à l'analogie, et pdt éloqueñimént Te partt de 
l'équité eohtre la rigueur du droit. Crassus, qui parläit res” 
Bien, hais qui nlavait pas le talent de Galba , Voyant q&il ne 
poitváit'&é! miesnber avéc son adversaire , eut révolirs aux aui 
toritéé, et dit qu'il avait tiré son uvis des ouvrages de P. Muctirs 
soù fiere, et des Cómmentaires de Sextus /Elims : cependustt 1t 
fitit par avouer que le sentiment de is était plus june, , 9t 


a sousoriyait. Ro. 


“ ] * i 
EJ R^ 
4 
à x: * = 0] E 
& 


4f 
*. 


/3LVIIL. Les affaires où la loi prononce. clairement ‘ne ile- 
viénnent guère la matière d’un procès. Vit-on jamais’ réclámer 
yBe eactrstion en. vertu: d'un testament fait par un'hóníme qui 
alons. n'avait point de fils? Non: parce que le testament n'es: 
point, spplioablo i à celui qui ait depuis ce testament, Tl. n'y 
3.done point de causes de oe genre, Un orateur n'est pas olligé 


de, connaitre cette partie du droit sur laquelle. onne, dispute 
point, et chacun conviendra que c'est là plus étendue. Les 


plus habiles jurisconsultes n'étant pas d'accord sur le reste, il 








518 DE ORATORE, LIBER. I. 


omnem. hene. partem joris, Gincontroversi | ignôrare e 

quexpars sine dubio mulio maxima est in,ep, "pe 
juré y-quod-ambigiun. inter. peritissimos, nem. ., st 

ralifficilnlornteri ,.ejus partis} quamcnmqne defendi, 

'abutoremi 'aliqudm -mvensfe: é cquo cnm .ementatg: 
* Mdsuia^kedepeit ;'ipse ens-oratoris. lacertis vieibisr ue 
torijuébit: 'Nisi vero ( bona. venia bujusoptmi wiri 
 disérini, ‘Scavolé y tu libeltis, ht prieeeptis isóceri 

| iu, ; Causam M Curii defendis. N otitie' afripuisu 

patrocinium gquitatis et defensionern téstatrénté- 
rum , aC voluntatis mortuorum? Ac mea 'quidémi sén- 
wntig ( frequens enim te audivi , » atque aff .)5 “hufto 
majonem. partem sententiarum sale tuo, et lepore ye 
politassimis facetiis pellexisti, cum et illu nimium 
aeuman illuderes, et admirarere i ingenium | cavole " 
«nieucopMestet, nasci prias opgrtere, quam.e emori : 
eumque multa colligeres, * et ex legibus etex senatgs- 
convitiltis,'6t ex vita ac sérmone communi,. ann modo 
acute , sed etiam ridicule ac facete ; 'ubi si: werbá ;.pon 

: rem séqueremur, confiéi nil posset. Itaque-htlaNitau: 

"plenum judicium ac letitize fuit : in quo:quidctibi 

| juris civilis exercitatio profüerit ; tiw iifteliteos di. 

| cendi vis: ;egregia ps sunimd' fesiifiuic dé wp gaitieahe 


| çanjuneta profuit. Ipse ille Mucibs — 
. fensor, et quasi patrimonii propugn gnator Sui , qt 


agn 9 
a causa, eum contra te diceret, auul it, TET. 7 


eV + 


vil depromptum videretur. " ime 1 rfeita Ds 
' quid patefecit dicendo, quod, fuisses petite pecul- 
* Eme. — 3 Abegtæ 0 








"€97» 0 


Te o--— - Be NT DC oco 


DE L'ORATEUR, LIVRE I. ig 
1 DUET de OTé HO Jd: 
'orateur de trouver des autorités pour se 


n'est pas Tor a 
deti quelque ci qu'ils itáqud AS effifrifitèr 
qat tats qu’ il lancera avec toute lá vigaeür dé s0rr élotraenee. 
"Mais ‘Cassis ( [éi dembride "gardon ü- notre! butyami; Seë- 
voli ! dais défense dq: Mz Curius; vous 'entemdit-ai tiler 
' dé6'éxvtupes'et les décisions dervetre oncle?-Nh.fíteseyovsrpes 
"wiloir d'équité ete! respeet qu'om a pour les..testamens.et ]es 
dernières volontés ides -oitoyens? Je vous entendis tontes les 
1 foie qquérkons, perlátes dang cette. affaire, où selon. moi, Yos 
; rlisconrs. étaient. pleins de sel et de. raison;/votre enjouement 
suit l'auditoire, surtout quand, pour vous, moquer de la 
fubtilité de nos jurisconsultes , vous dites que cette maxime de 
. Seéypla j| il faut, naître avant de mourir , était vrainient ad- 
, mmirable. En citant une ‘multitude d'expressions tirées dés lois, 
“dès sénhqas-consultes et du langage ordinaire, €*oüs fitis 6b- 
server, d'u une manière ingénieuse et plaisante, que si Ton süi- 
* vait le sens littéral et non pas l'intention, Tl'en résulterait les 
plus gránds abus. L'affaire fut agréable et divertissante ; et si 
jene vois pas à quoi vous servit alprs la connaissance du droit, 
- 36 suis bien.que jene fus pas moins frappé de atte douce 
/ tte debigmces et de la beauté dé votre style; 
Keynes Aout si télé partisan de la PER 
a’ défend -camme son héritage et son patrimoine, regeurut-il 
f droit:ciyil dans la .cause qu'il plaida contre. yous ? Quelle 


., Ani \wi entenditea-vous citer ? Que dit-il, qui ne füt coneu de 


pd le monde? Tout sop. plaidoyer. roula sur la nécessité de 
fi Mp aux écrits. Les jeunes gens qui i déclainent chez leurs 
, mai dr ne ‘suivent pas une méthode différente ; l'un prend le 
arti, l'équité et de [a justice naturelle, et Fautre celui du 
ES Tittéral.' Dans lá: causé d soldat, $i: vous aviez! ploidé 
pout Vtéliiti; 60 poer Ie soldat: méme; veus ‘ati , je le 


0.53 F4 


520 DE .ORATORE ; .I4AER 1. 
tius? nempe.qns emnis.orauog yersatqvest im rep, ut 
Scriptum plarimum -alere, apottere: defende £. : 1& t 
in hoc, genere pueri -apud; magistros exercentur:em- 
nes, com. n: ejusmodi éspsis alias sérifitum , ‘‘afias 
æquisetens defendere docentur. Et eredo inta. mm$li- 
tà$.a2154 , si wr aut heredem , aut militem défendiisses, 
ad Hosilixpas te actiónes , udniad tuam Vim ét óra— 
tóritm facaltatém cortulisses. Tu vero , vel si testa- 
mrenturn defènderes , sic ageres, ut omne omnium 
testamentorum jus in eo judicio positum videretur ; ; 
vel si causam ageres militis, patrem ejus, ut soles.» 
dicendo à mortuis excitasses : statuisses ante oculos 
complexus esset filium , flensque eum centumyiris 
commendasset : lapides Rebel omnes flere ac la- 
mentari coégisset , ut totum illud, ur: LINCUA NUN- 
CUPASSET , non in XII Tabulis, quas tu omnibus 
bibliothecis anteponis , sed in magistri carmine scrip- 
tum videretur. 
LVIIT. Nam quodi inertiam.accusas adoleicétiium, 
qu jstam artem , primum facillimam. non ediscitt ; 
qna,quam qi fanis , illi viderint, qui ejus art 
rogápüa., quas diffietllima: sit,:ta submixi ambulant; 
deimde :etiam tu ipse videris ; quieam artem fieileni 
esse dicis, quam concedis adhuc artem óritbino Hóíü 
esse, sed aliquando , si quis aliarh ariem. didicerit, 
ut hanc"artem efflcere posált ; tuni' esse illam amem 
futuram : deinde, quod. sit plèna delecuitiótis; 1 inqua 
übi remittunt omnes islam voluptatem, ei et. pud secarere 
patiuntür ; nec quisquam est eorum , qui, si'[atü sit 








DE EORATÉÓOR ; "TIVRÉ I. bat 
Xrois, plus eóufyté sat ded Yurrrudey * Hs ; qué sat 
"Vetce loduesteletsurthéshivres des rhétèuts! Ska vitis el 
chargé de plaider en favemr: dui tésyimiónt '** votis gurier gi 
néralisé Ja question, dt. dit. qu'ella nmééressaititous:ies vestu- 
qnens; si vaus aviez parlé en-favebr da seldati, en-vous: pit 
Vu, par ame figu, qui vous est ordinaire, camimer la;cendze 
du père; yous, l'auriez présenté aux yeux deg.audiponra, ete 
brassant son. fils, l'arrosent de ses pleurs, et le xrecommanadent 
aux centumvirs ; vous auriez, je le crois, attendri même les 
rochers, arraché des ; pleursa aux êtres insensibles ; enfin, vous 


auriez persuadé que ‘cette sentence,  Réglez-vous sur les ter- 


mes d'un acte , ne se trouvait pes dans la loi des Douze 
"Fables ,' supérieuré, selon vous, à toutes les bibliothèques. du 
meide, ne Span 5 aphofismes d’un professeur: en droit. 


Y 8) à 


| À 


, LNMIE^ Vous accusez de paresse et de négligence nos jeunes 
geus; qiii n'npprenrient pas cet aet, ddrit la connaissance vous 


paraît si faeile. J'en preads pour tes hos jurisconsultes , si 
fiers de posséder. ume science si difficile : je vous en premdeus 
à. témoin, vous qui noua disiez à l'instant. que oette jurispru-- 
dence, $} facile à apprendre, n'egk, pas encore réduite en art;- 


mais ; que , à l'aide de Ja dialectique, on pourra en donner .les 
règles ; vous ajoutez qu’ elle est remplie d'attraits; tout le monde 


* Le mot luin, actiones , s'eupnd, ici, où des termes dans. lesquels la doi 
Hostäia de furtis, était concue, ou utót , comme semble l'entendre Cicéron, 
de verménes fntitiokés ust. ddób édédalneà dates et dans es’ téddrhbtis: On al- 
tique ce formules à un juriseonsulte nomme Hostilius. Voyeg des: IYotes. 
| cst-à-dire, en ma de l’héritier collatéral. Zoyez le No. XXXVIIT. 


vs | 


$22 DE, ORATQRE, LIBER [T 

edisrendum sihi siquid, non, Fepgrum Eacnui ma- 
lit, quam. Manilamas rem vendendorum degr * 
ediscere. Turn autem quod. amore patzie, FETSER nos 
mostrorurmm majorum anvemte mosse. dehese, upn, vi- 
des; veteres leges aut * ipsa suziicteistate- 008389M1500, 
adt bois legibus'esse sabhnse? "Quot wgrocvisiss:lun- 
nos jure- civili fier. putas "quia. legium et preramga 
proposita sint virtutibus et' supplicin vitits ?wquidem 
putabam , virtutem hominibus (31 modó'trad?'vatiobe 
possit ) instituendo et persuadeudo, non midi cti, 
ac metu tradi. Nami ipsum quidem | illud; ete 


cognilione juris, quam sit bellum, cavere ME 
og ] : 4 ? . re mali , 


scire possumus, De me autem ipso " cui uni; tu conce- 
ID. i£? TION 
dis, ut, sine ulla juris scientia, tamen causis s gatjst- 
cere posaim , übi hoc, Crasse, respondeo, neque me 
umquam jus civile didicisse , neque. jJamen niis cau- 
sis, quas in jure possem defendere, ulRquam. istam. 
scientiam desiderasse. Aliud est.enim ;.esse artificem 
cujusdam generis atque artis ,- aliud in éommunras(: 
et vulgari hominum consuetudine nec helvetem])j asc 
rudem. Cui nostrum non licet fundos mbltros obi , 
aut res rusticas vel fructus causa, vél défeGtaüunis, 
invisere? tamen nemo tam sine  ocdlis, uidi stie merite 
vivit; ut, quid sit sementis ac. messià , d db 


i dora 'b iul 
putatio ac vitium " quo tempore : anni 1, aut quo r1 
üs 


ea fiant, omnino nesciat. Num i igisur, jt, CI cui Parr 
inspiciendus , aut si mandardun aliquid pr: oppi 
de agrieultara,, ant — villica aH ap Magnus 


VEA , t * 
* Ipeas. pa Pone! te agciupon Lei 


DE L'ORATEUR , ‘LIVRE I. 8a* 


be ab stidohibi cé plait : :tioud'alhoné mieux lire fe Teucer 


atüViis "que Te THaité de WMasihiws sur: fes: comats: de 
SRE "E'ichour dela pattie ‘ajeutez-vous, duit nons inspirer 
"M désir de’curimiître- tout ed qu'ont établi, pos angêtres ; mais 


- he Vogez Vous pas queles. anciennes lois sont. tombées en. K- 


smétnde; ou que den lois nouvelles les ont abolies ? Quant à ce 
“Quesvogsiavez dit, que les lois rendent les hgmmes meilleurs, 
pat Fimage des peines et des : récompenses décernées i à la vertu 
zt gu, vice. j'ai toujours pensé que la vertu (si on peut l'ins- 
_Pirer aux, hommes), 6 "inspire par la persuasion et la bonne 
éducation, latón. que par la crainte, les menaces et la vió- 
Jem xq. On n’a pas besoin d’être jurisconsulte pour savoir qu’il 
est honnête de s'abstenir du mal. Vous ‘avez eu’ boiité de 
75 940909 960 à t 
convenir que, sans ‘aucune connaissance du droit; je suis'de 
seul qui puisse pláider toutes sortes de cases : je vein ayotie, 
| Chassus ; que je ne Paï jamais appris, et que, dans ces causes 
que je pls défendre au barreau , d'apres les lois, je a'ai ja- 
^ dis eu! liew deme repentir de mon ignorance, Il y a.bien de 
"ko différense-entre: posséder: un art à fond ,. qu iyporer ce que 
-T'usagerjenrnalier et l'habitude du monde nous en apprennent. 
xNtlloaemelis Ipaa souyd&, visiter nos campagnes et nos do- 
" meidles ,. spi. pour Je. plaisir pe nqus y trouvons, soit pour 
. avoir; l'ail qux notre bien ? Cependant, personne d'entre nous 
.h Eh 2592. dépend de bon sens, pour n 'avoir pas examiné 
A magiere d "'enséemencer es terres, le temps de la moisson, 
hi d'émonder les arbres et de tailler les vigties. Si quelqu'un 
dp: noms. dbit visiter ses térres; ou doriner des ordrés à un fär- 
mier, sera-t-il obligé dé "fe müpársvant FAgricdkarb.de 
M 08 Coli pnloiie dt Ne mé'sufBt-il donc pas, surtaut en 
poer Mfott HAY, (dé imb: owner aus connaissances que 


j'ai acquises au barreau, dans les affaires et dans un grand 


Bag DE ORATORE LIBER 1^ 
Gurhugisiehsts stht'lHibei perdiscéndi Yan Bac com- 


iuri iutelfigetriia' córitenti essé possumus? ur ndygo 
don lidem" jure. civili, præsertim, | cum in san sisa 
etin negotiis ; et iu foro conteramur ,, satis Asunt 
esse possumus ad hoc duntaxat » A, in nosua patria 
peregrini atque, advenae esse videamur ? Ag, s jam ait 
causa aliqua ad nos delata obscurior , difficile y. oreido; 
sit, cum hoc Sczvola.communicare; quamquemipsi 
Qmnia,. quorum. negotum esty.consulta ad'&os^tet 
exquisita deferunt. An voro&i dere psa, 3i dé ‘finis 
bus, cum in rem.presentom: &oti venimus 5i et: 
bulas et * perseripuonibüs controversia est; ; edle 
res et sæpe difficiles necessario perdiscifiüs ? Li 
ges nobis , aut si hominum peritorum responsa cog- 
noscenda sunt, veremur , ne ea , si ab adolescentia 
juri civih minus studuerimus , non queamus cog- 
noscere. De | | 
“LIX. Nibiloe igitur piodést"ôraibri Juris eitis 
scientia ? Non possüm negare prôdesse u n Sex i 
tiam , ei præsertim , cujus eloquentia copia ren o 
debeat esse ornata : sed multa , St mag agna gii fücil à. 
sunt ea; qua sunt oratori necestgria sui ejusd 
triam in plura studia distrahere olim, Quis. neget s! 
Opps esse oratori , in hoc oratoria MOH: SLAM] 
Roscii. gestum. et venustatem). tamen. 0s ausser - 
studiosis dieendi adolesoentibue im gestu acendd 
histrionum more elaborare. Quidiestoretort tamea! 


cepsarjum y-quam. vox? tnmen" aie Jmietope! SUO" 
5 Paetriplinitte. qno 41 sr 19 .<99LLS vu91eulq jasbnsq 


DE HQRATENR , JANE. 1. ab 
nombre de causes, et d'éqre.agees nstr Hit pez Da pos arise 
bler à un, yoyageur, étranger aux Jeis, sux usages de mon-payat 

, Mais si l'on nous charge d'une affaire obspugg, esr jl dane 
biet difficile de consulter Scévola ? D'ailleurs, les parties. ng 
fioul eh lhissent pès le So, et nous apportent toujours les avis 
dé: udi fieillearó Suriscorisultes. S'il s'agit d'une question de 
fiii (afl Faut régler Tes Hilos" sas qué les juges aient des- 
cetideruz delent , oui juger de lebe: d'llii céntrat et des 
éxqiptiVas qu'on oppose, nous'sommes" Yortés 'étadier" dei 
getop ean !Hirgu)llén eb épipdus ::si. mous devdhs appioforidit lg 
lis nt ley Décisions des légitesiles plus éclairés, cfaisdont" 
nous. de, ne pnuvoir également: nous: imstruire-sur des: his oki 
viles, lgrsgue nous n'ayqus pas eu l'hevasion de Jes apprendré 
désmotre JUPES ^. , oi anos in mu due cer trem 


onn nueces (ea in ea nmm tg M RES SN Te 
5 

, 2. e. "av : * no p p. d 

dope ele c 2. 6 o en jV és &o* ' 

' : ; M ; , 

en { eftt * zi 5 "A * ‘111%: , SIT > AV x TRES : AL 


1 " * pitt 


, M UX.. Est-il donc innplo à Leratgur de esvhirile droit? Je 
ne puis le nier , il n'est aucune science qni. ne.centribue à;la 
richesse du discours ; mais les choses absolument nécessaires à, 
lÉrateur sont si étendues , si difficiles et si multipliées, que. 
je b Yóudiais pas e voir employer son tempe à tant d'études 
différéntés. Qui peut nier combien seraient utiles à l'orateur 
le itaintéen; le geste et les grâces de Roscius Y Cependant; 
persone &éconselllerii ii Teuries gehs de s'appliquer à la dé- 
clumaaiure doec autant de' soin qüte les actetris! Est-il rien d£ 
plus néseshoire oa d’eratees Qu^une belle vox BE nékilintihu 
l'àpi regn exoita: personne &'exigera: de. nos Ras loHitbincc P 
d'ügniter les Gyess, gt lesactenns tragiques, qui déclarent assis 
pendant plusieurs années, et qui, le jour où ils doivent 


526 DE. ORATORE, | LIBER E : 


dicendi studiorss , Grmcdrum more ot4nidgordorsant, 
voi serviet ,' «qui 'at loarmmosicorhplures sádeintes :de- 
clumitant, et'qiotidié, ahtequait promanüent; oem 
c'übantes setisitt extitant ;'ésidetique, cum egeret , 
sedentes ab acutissimo sono usque ad gravissitrium 
sonum recipiunt , et quasi quodam modo colligunt. 
Hoc nos si facere velimus, ante condemnentur ii, 
quorum causib receperinrus, quam toiies ; düeites 
perscribitur , pæanem , aut munionem citarimus. 
Quodsi in gestu ; qui mültum oratorem adjuvat, et 
in voce, quæ uns maxime eloquentiam vel commen- 
dat , vel sustinet , elaborare nobis non licet ; àc Lan 
tum in utroque assequi possumus , quantum ,in lac 


ac 
Ms À 5 e : A rtl eor. 
acie quotidiani muneris , spatii nobis dater; qnanto 
minus est ad juris civilis perdiscendi oceupaliopem. 
descendendum? qnod et summatim percipi gine, doc, 
trina potest , et hanc habet ab illis rebus dissimilitu- 
dinein od vor & pestus subito sumi , et aliunde 
3 qu ; 5 J 
aeripi won potést; joris uit bd.quamque dausam 
quamvis repente ‘vel a périus ,.*«l de libris depromi 
potest. Itaque ilh disertissirhi hoiminés ministres ka. 
beni iri causis jüris peritos , count ipsi git "iryperque: 
| **. , LAN PES geo Aero Job ow FT - 
simi, et qui , ut abs ie paullo änté dictuh eit; prag- 
WORD b aede sirt-oili 52 “ppoèe f + 
rhatici vocantur. In quo nosirrotihino dits uit 
t. QE qu : ep Rd NOE RC Ce 
quod clarissimorum hominum auctoritlé 4 é 
AR M x CON Ld E _e'r ood br us UL, Suit 
jura tecta esse voluerunt. Sed tameri non Uhóe 
G " s se ai Dilrai 3D entes... 
ræcos hozaines , s1 1ta necesse esse arbitrati essent , 
vr ET ES e tet O77 T ua à Le "ten. f ip e 7» it n ^S 
à Peritissint, 5950 N TRO oe v diro am (odora ob Te." 


= — — VR.  f- 


3 a 


DH FOÜNATEUR)'ELIVAE KE .—— 527 
partétre! wel isèène j euercent eux voix -penddnt qu'fisisont 
aw lit ;-etilal font desdendre-ducton de:plus aigu jusquau :ton 
leplse grave: Sinont&pulionsen;feire autant, nous Juisserions 
condgipnes Mr span, avoir. possis. le. Pd Rt 


li Cédenges icu DuC seven cdit mo Shed M Late cdi 

t ty seta, d eet prex ck CO ENS SLR 
3 , à 

, T, 1111; Yon De Ve: 3 t6 S M QUE 


joipgur EUN le geste qui) Lseivé hesucaup k mérite 
PAR et. ponr. se. fortifier dans Ja déclamation , dent 
léloquence, ure | les. pius grands avantages et une partie de *. 
gloire, HOUS. ne devons y CODSACrer que le lemps que nous 
laissent nos occupations. jpurnalières : combien moins devons- 
no! us donnér d de momens à l'étude du droit? En effet, on l'étudie 
sans maltte; et, pour ainsi dire , sommairement. D'ailleurs, on 
ne péuty au bein émprünter la voix et le FESIe d'un autre, 
dis dés dans ‘plus d'une occasion, oh à recours Sur un 
point d: &rdit, aux ire ét Aux juriscitsiltes. iT erg 


esteli, LIPPE ^. e. i N - 


afro AE )b. pato IW wey Ü " Aa i 


!UAuési* és ‘orateurs si habilis, si versés dans la inar 
dence ae voué leubacteordiea , n'y a-qu'uninjtant, le.titne 
desjériecnaiuhes ; awient-tnijnuss auprès d'eux, au barreau, 
des prosigiens "I. gui. les, aidaient da leurs huaières. Bien plus 
sagea que les (avec. les lus illustres Romains s'appliquent 


Mais si eraty A pépeseirement posséder la connais 
sance A dto BY EN les 5 Grecs, n'auraient point cm Te 


EE EE M 
ours dej nra 
(19825) I un 3 in Len nu sp ue guit Id ogreee 


* Cest praticiens qui éclairaient ainsi les orateurs, avaient , selon toute appa- 
r^nce , une certaine instruction ; mais ils n’éthient pes en grand honnour. 


549 DE ORATORE , LIBER I. 

oratorem ipsum erudire in jure civili , nen ei prag- 
maticum adjutorem dare. 

. LX. Nam quod. dicis senectutem:a sob udieeyin- 
dicati juris cavilis. scientia : fontusee CHAM pesmpix 
magnitudine. Sed nos, non quid nobis utile, verum 
quid oratori necessarium sit., quserimus. Quamquam, 
quoniam multa ad oratoris similitudinem ak;uno se- 
tifice sumimus; solet idem Roseius dicentyssa y. qo 
plus sibi »wtatis aecederet , eo'tardioses mbigininaao- 
dos , et cantüs remissiores etse farsseau. Guod si 
ille, adstrictus certa quadam noméroffiriilodute- 
tione et pedum, tamen aliquid ad" requin deridet - 
tis excogifat, quanto facilius nos non lat£áié "iaodBs , 
sed totos mutare possumus ? Neque enim hoc te, 
Crasse , fallit, quam multa sint, et quam yaria ge- 
nera dicendi ,. eat quod haud sciam , an, ux primus 
osteuderis, qui jamdiu multo dicis remtssius ot. ]e— 
nius, quam solebas : neque miuus hec tmm tua 
gravissimi sermonis lenitas , quam ille suumima vis. et 
contenuo probatur : multique oratores fiiia, wt 
illum Scipionem audimus , et Lielium; qui omnia 
sermone conBcerent páulle inientiore, numquam, 
it Ser. Galba, lateribus, aut clamore,contenderent. 
Quodsi jum hoc facere rióm poteris, aut. moles : ve- 
reris , ne tua domns; talis et viri, et eivis, sia lin- 
giosis hominibus non colatur, a ceteris deseratur ? 
Equidem tentum absum ab 1s1a sententa, ut noa 
modo non arbitrer subaidiues seno, jg eorum, 


qui consultum veniant, multitudine oso ponendum, 


DÉ L'ORATEUR, LIVRE I. 529 


"LX: Vous nous avez dit encore que la connaissance du droit 
exapüche les vielllards d'être délaisés entièrement sur la fin de 
lenrs jours. Hl ne s’agit pas ici-d'exsaniner ce qui nous est 
utile, reis ce qui ext nénessaire à l'erateur. Roscius, cité sau- 
vent dans oet eatretieg , dit qu’en ayançant en âge, il aura 
sein de salentir le jen de la ite", °° et déclamera ses vers d'une 
rampiare. plus donce.et plus lente. Si, malgré la contrainte et 
la mesure des vers , Roscius songe à ce qui peut Je soulager un 
peu dans ses dernières années, ne nous est-il pas facile d'adou- 
cir. notre ‘voix, et méme d'en changer les inflexions , plutôt 
que de renoncer au barreau ? 


Vous savez, Crassus , combien il y a de différentes manières 
de prononcer un discours : je crois méme que, le premier , 
vous nous en aves, doané la preuve ; car, depuis quelque temps, 
votre décismetion est plus lente et plus douce , etle ton calme 
À pravo que vous prenes, w'excite pas moins notre admiration 
que la véhémence et la force qui vous méFitèrent tant de fois 
nos suffrages. Plusieurs orateurs , tels que Scipion et Lélius , 
- *wrent tonjours un ton modéré , et ne s'abandonnérent jamais 
à ces cris ridicules, à ces éclats de voix qu'on reprochait à 
Ser. Galba. Si vous ne pouviez suivre sa méthode, ou si 
elle n’est pas de votre goût , pensez-vous que la demeure d'un 
grand homme, d'un citoyen tel que vous , sera déserte et aban- 
donnée , parce que les plaideurs de profession ne la rempliront 
pas? Loin de partager votre sentiment , je ne fonde point la 
consolation de mes vieux ans sur une foule de cliens qui vien- 
 fraient me consulter. J'espire même à ete iue que vous 


vlt. X 
* Payez min Notes sar le premier Dialogue PRET 
IL. 31 


550 DE ORATORE , LIBER f: 

sed tanquam portum aliquem, exspectem istain; quam 
tu times , solitudinem. Subsidium enim bellissimum 
existimo esse senectuti , otium. 

Reliqua vero etiamsi adjuvant, historiam dico, 
et prudentiam juris publici, et antiquitatis iter, et 
exemplorum copiam, si quando opus erit, a viro 
optimo, et istis rebus instructissimo , familiari meo, 
Lougino mutuabor. Neque repugnabo, que miens 
(id quod modo hortatus es) omnie legant , omnia 
audiant , in omni recto studio atque humanitate ver- 
sentur : sed mehercule non ita multum spatii mihi 
videtur, si modo ea facere et persequi volent, quæ 
a te, Crasse, præcepta sunt: qui mihi prope etiam 
nimis duras leges mponere visus es huic ætati ; sed 
famen ad id, quod cupiunt, adipiscendum prope 
necessarias. Nam et subitz ad propositas causas exer- 
citationes , et accurata , et meditatæ commentaüoneg, 
ac stilus ille tuus, quem tu vere dixisti perfectorem 
dicendi esse ac magistrum, mulu sudoris egt, et 
illa orationis suz cum scriptis alienis. compamie, 
et. de .alieno scripto subita, vel laudanda, vel wan-— 
perends, vel comprobandi , vel refollends cause, 
disputatio , non mediocris comentmenss cst, vebud 
memoriam, vel ad imitandum. c^ os c3— 

LXI. Illud vero fuit horribile, dod a riéhérchle 
vereor, ne majorem vim ad deterrendum habuerit, 
quam ad cohortandum. Voluisti enim in suo genere 
unumquemque nostrüm quasi quendam esse Ros- 
cium; dixistique, nón tam ea, quae recta essent , 


DE L'ORATEUR, LIVRE I. 531 


apgréhqndez. a ii ad dans Je viilleusg, rien n'est 
si doux que le repos. 

Quant aux autres connaissances ; telles que | l'histoire, les 
principes de l'administration et de la politique; quant à l'an- 
tiqui té et aux nombreux exemples dont vous avez parlé , je 
puis m "adresser , s'il le faut, à mon ami Longin * , l'homme le 
plus érudit et le olus complaisant. J'en conviens avec vous ; les 
jeumes gens doivent beaucoup lire, prendre des lecons sur 
tout ce qui concerne les arts et les sciences ; mais en vérité! 
Grassus , je ne crois pes qu'il leur reste assez de temps pour 
a£ livrer à tent d'exerckes divers; vous leur impneez une 
tèche trop pénible, et vous m'avez peru t»op exiger de nog 
jeunes gene. Cependant je n'en regarde pas moins ces oennais- 
sances Re Mens s'ils veulent atteindre à la per- 
fection. 

. Vous leur avez parlé de discours i improvisés ; d'ouvrages 
composés dans le silence de la méditation , et vous nous avez 
dit que la plume est le meilleur maítre didloracnos; c'est-à- 
dire qu’ils doivent beaucoup écrire , et s’accoutumer à com- 
parer leurs compositions avec celles des autres , à reconnaître 
sur-le-champ.ce qu'il y a de bon et de mauvais dans une ha- 
range om dans uri plaidoyer , à louer, à critiquer tour à tour, 
à soutemir leur opinion, à réfuter celle des autres: mais tout 
rela n'exige-t4l-pss un grand travail, une mémoire prodi- 
que; et les jeunes gone sont-ils capables d'en jones les 
fatigues , ou d'en surmonter les difficultés ? 

. LXI. Mais une chose m'a vraiment effrayé , et je là crois 
plus propre à nous décourager qu'à exciter notre émulation, 
Vous voulez que chaeun de nous , dans son genre , soit un nou- 
veau Roscius, et vous ajoutez qu'on fait bien moins d'atten- 


* Cicéron veul prier ici de C. Caæius Été 


532 DE ORATORE , LMBER I. 
probari, quam quz prava ( sunt), fastidais aflkseres- 
cere : quod ego non tam fastidiose in nebis , quam iur 
bistrionibus , spectari puto. Itaque nos radcos swepe 
aueptissime audiri video : tenet enims res ipsè aique 
causa : at /Esopuná, si paullum irrausetit , esplodi. 
A quibus eniin nibil preter voluptatem surium quie 
ritur, in iis offenditur, simul atque imminuitur ali- | 
quid de voluptate. In eloqueutia autém rnuha sunt, ) 
quz teneant, quz si omnia summa non sunj (et 
pleraque tamen magna sunt ), necesse est , ea ipsa , 
quz suat, mirabilia videri. n 

" Ergo, ut ad primum * illud revertar, sit,oraton. 
nobis is , qui, ut Crassus descripsit , accommodate, 
ad persuadendum possit dicere. Is autem canclada- 
tur in ea, quz sunt in usu civitatum vulgari. ec fo- 
rensi, reinotisque ceteris studiis, quamyis ea *aint 
ampla atque preclara , in hoc uno opere, uti di- 
cam, noctes et dies urgeatur«: 1miteturque illum ,'cui 
sine dubio summa vis dicendi conceditur, Atlieriéi- 
sem Demosthenem , in quo tantum studiuni fuisse, 
umtusque labor dicitur, ut primum impeditibli. 
naturz , diligentia industriaque * superarél : cumque 
ità balbus esset, ut ejus ipsius artis, cui | siuderet " 
primam litteram non posset dicere, perfecit, medi 
tando , ut nero planius eo locutus pusarequr,: deinde. 
cum spiritus ejus esset angustior, tantum eon 

anima jn dicendo est assecutus, ut, po 
tione verborum (id quod ejus scripta declarant ) 


! IMuc. — 2 Sant. — ? Superarit. sarl y 


nor 


-— nm ——— m-m- Wm 


D L—o— — M -—— — — -— es —— 7 2 uS 0 -—— mem nm — —— : 


DE L'ORATEUR , LIVRE I. 535 


fien aut'beautés qu'aux défauts : si l'on vous en croit , on est 
encore: plus difficile pour nóus que pour les acteurs. Je m'aper- 
çois cependant tous les jouts qu’on nous évoute avec la plus 
grande attention , parce qu'on s'occupe delmewmse, sans songer 
si notre yoix est plus ou moins enrouée. Mais dès qu'Ésope * # 
a la voix rauque ,.on ne peut plus le souffrir. Aussitôt que loi 
reille est blessée, on ne pardonne rien à ceux, que l'on vient 
entendre pour le plaisir de l'oreille. Mais il y a dans Félo- 
quence des choses qui nous attachent : si tout n’est pas égale- 
ment bon, du moins on nous tient compte de ce qu'il y a de 
ben. : | 
Pour en revenir donc à l'objet le plus important de cejte 
discussion, donnons, avec Crassus, le nom d'orateur à celui 
qui, par son éloquence, est en état de persuader ; mais que 
ges 'études se bornent à ce qui concerne la tribune et le bar- 
Yeau , à ce qui regarde les délibérations du sénat, les intérêts 
des .eitoyens; qu'il renonce aux autres connaissances ; malgré 
leur. noblesse et. leur utilité; qu'il travaille jour et nuit à son 
art, et qu'il imite l’erateur d' Athénes , Démosthénes , ce grand 
homme digne de servir de modele ; lui dont le zéle et le travail 
surmontérent les obstacles que lui opposait la nature. On dit 
qu'il bégayait si fort, qu'il pouvait a peine prononcer la pre- 
miére lettre de son art; il vint à bout de délier sa langue, 
et pérsonnene parlait plus distinctement que lvi. Il avaitla res- , 
piration faible; par des soins continuels, sa voix acquit beau- 
coùp de force et d'étendue, au point de l'élever à son gré, et 
de l'hbaisser deux fois dans Ia même période, comme il l'an- 
nohce Wii-iéme dans ses Écrits. On rapporte aussi que, tenant | 
de ee be ou sá bonche; 1 prononçait tout d'une 
MMC 


* Célèbre acteur. d 


554 DE ORATORE, LIBER L^ 

binæ ei contentiones vocis et remissiones éontif 3, 
rentur : qui etiam (ut memoriæ proditum est) éon- 
jectis in os calculis, summa voce versus multos : uno 
spiritu pronuutiare consuescebat ; neque i5 copsistehs 
in loco, sed inambulans, atque adscensu ingrediens 
arduo. Hisce ego cohortationibus, Crasse, ad stu- 
dium et ad laborem incitandos juvenes vehementer 
assentior : cetera, quæ collegisti ex varus etidiversis 
studiis et artibus, tametsi ipse es omnia consecutus, 
tamen ab oratoris proprio officio atque munere se— 
juncta esse arbitror. ROSE 

LXII. Hec cum Antonius dixisset , sane düfitàre 
visus est Sulpicius, et Cotta , utrius oratio propius ad 
veritatem videretur accedere. 

CR..— Tum Crassus : Operarium nobis quendam, 
Antoni, oratorem facis, atque haud scio, an aliter 
sentias, et utare tua illa mirifica ad refellendum 
consuetudine, qua tibi nemo umquam præstitit : 
cujus quidem ipsius facultatis exercitatio, oratorum 
propria est, sed jam in philosophorum consuetudine 
versatur, maximeque edrum, qui de. omni re propo- 
sita in utramque partem solent copiosissime .dicere, 
Verum ego non solum arbitrabar, hia præsertim 
audientibus, a me informari oportere ,  qualis :ssse 
posset is, qui habitaret in subselliis meque quid- 
quam amplius afferret, quam quod cauiserum: ne- 
cessitas postularet:sed majus quiddam vrüebath ; cum 
censebam, oratorem, præsertim in nóstra republica, 
nullius ornamenti expertem esse oportere. T'ü'áütem, 


— —- c 


DE L'ORATEUR, LIVRE I. 555 
halefne, et d'un ton élevé, une longue tirade de vers, non pas 


en se tepant au méme endroit, mais en se promenant : dans 
des chemins pénibles, et même en iode dés lieux es- 


Voila, Crassus, par edis iocis étais és 
jeunes géné l'amour du travail; quant à cette. éfuditiqn. n- 
ménse que vous avez eu le courage d'acquérir, en étudiant 
tous les arts, je rie la crois paa nécessaire à l'orateur, et je ne 
la confondrai jamais avec l'éloquence. 


- 


LXII. prés qu’ Antoine eut cessé de parler, Sulpicius 
et Cotta ne savaient si son opinion approchait plus dé la 
vraisemblance que celle de Crassus, et restaient indécis. 
Crassus dit alors: 


CR. — Antoine, vous faites de l'orateur une espèce d'ou- 


vrier qui vit au jour la journée ; je ne sais ce que vous pensez 


à cet égard ; vous avez sans doute voulu nous offrir une nou- 
velle preuve du talent merveilleux avec lequel vous réfutez 


tout ce qu'il vous plait. C'est un moyen propre aux orateurs, 


et depuis peu fort usité parmi les philosophes , surtout parmi 
les Sceptiques, qui, prenant également le pour et le contre, 
parlent avéc saccès sur tous les sujets qu'on leur propose. Je 


‘ne’ croyais pas, surtout en m'adressant à des auditeurs tels 
' que véus;- vous donner l'idée d'un orateur tel que pourrait 
‘étre celui dont les talens se réduisent à parler au barreau, et 
‘qui ne: doit y apporter d’autres connaissances que celles qu'il 


faut avoir pour composer un plaidoyer ; mais je me faisais une 
idée plus grande de l'orateur, surtout dans notré république, 
où celui. qui se destine à l'art de parler, doit réunir en sa 


536 DE ORATORE, LIBER 1. 
quoniam exiguis quibusdam finibus tolum .osatoris 
munus circumdedistü , hoc facilius nobis.eupenes ER 
quæ abs te de officus prseceptisque.onatorss snatezsa 
sunt : sed opinor, secundum hunc diese. Setis. enym 
multa a nobis hodie dieta sant, Nunc. et Stevola , 
quoniam in Tuseulanmm ire constituit ; paallèm 
requiescet , dum se calor frmgat ; ‘et no$ msi, quo- 
niam id temporis est, valetudini demus" operam. 
Placuit sic omnibus. Tum Scævols : Sane, inquit x 
vellem non constituissem , in Tusculanum me hodie ven- 
turum esse, Lælio : libenter audirem Antonium : et, 
cum exsurgeret , simul arridens, Negue enim, inquit » 
tam mihi molestus fuit , quod jus nostrum civile pervelli , 
quam jucundus , quod se id nescire confessus est. | 


EXPLICIT LIBER PRIMUS. 


— ——— = —— ——— [1 LS -- "e - uam *H- 


DÉ L'ORÂTEUR, LIVRE I. 557 
persetme tott'ce qui fait l'orhement de’ l'éloquence. Puisque 
vous asslgaps b^ l'órhteur ‘des bórnbs si étroites, il vous sera 
uéssfacije de: npus:dire les devoirs qüe vous lui imposez, et 
lea précaptes dos il he doit pas s'&catter : mais ce sera pour un 
autte jons? idest tems definir. Maintenant, puisque Scévola 
désiceraller à on anáison de campugme, laissüns-le prendre un 
peu de rapes en attendant que la chaleur se passe. Pour nous, 
voici l'heure d'aller aussi mousxeposer. Ménageons notre santé. 

Tout le monde goûta cet avis. Scévola dit alors : Je wou- 
drais en vérité n'avoir pas promis à Lélius de me rendre 
auprès de lui * , j'entendrais Antoine bien volontiers. ll se 
leva et dit en souriant : Le mépris qu'il affecte pour notre 
droit ‘civil, m'a fait moins de peine, que l'aveu de son 
ignorance ne m'a causé de plaisir. 

* A la maison de campagne de Scévola, sitnée à Tusculum, mais dans une | 
autre partie que celle oà se trouvait la maison de Crassus. 


FIN DU PREMIER LIVRE. 


* 














gilize