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Full text of "Oeuvres complètes de M.T. Cicéron : pub. en français, avec le texte en regard"

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r  7 


OEUVRES 

COMPLÈTES 

DEM.T.CICÉRON. 

TOME  VIIL 


DISCOUAS. 


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DE  L'IMPRIMERIE  DE  CRAPELET, 

BCK  DE  YAUOIRARD,  Xf»  9. 
1826. 


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OEUVRES 


COUPLÂTES 


DEM.T.  CICERON, 

^         PUBLIÉES  EN  FRANÇAIS, 

ATBC  LK  TBXTK  BIT  RBGARD, 

PAR  JOS.-VICT.  LE  CLE;RC, 

ruormttmvn  o'iLoQviircs  latiitb  a  la  rAjcvLri  ost  lbttre*, 

ACAOiMIB   DB    FABIS. 


SBCOHDE  BDITlOjr. 

TOME    HUITIÈME. 


PARIS. 

WKRDET   ET   LEQUIRN    FILS, 

MUE  DU  BATTOIR,  H*»  20. 


MDCCCXXyl. 


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SECONDE  ACTION 

CONTRE  VERRES. 

///.  SDR  LES  BLÉS. 
TRADUCTION  lyATH.  AUGER, 

REVUE  PAR  l'ÉDITCUB. 


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ARGUMENT. 


li'oRATEUR  commence  par  un  long  et  magni- 
fique préambule ,  où  il  montre  quel  fardeau  il 
8*est  imposé  ea  accusant  un  Yerrès  coupable 
de  toutes  les  sortes  de  crimes,  et  combien  Û  doit 
être  ennemi  d'un  tel  bomme ,  d'un  bomme  qui , 
malgré  ses  vices  et  ses  for£iits ,  est  protégé  et 
cbéri  par  Hortensius  et  par  les  autres  nobles. 
Il  divise  alors  en- trois  parties  le  cbef  d'accusa- 
tion qui  r^rde  les  blés  de  la  Sicile ,  et  il  an- 
nonce qu'il  parlera,  ddus  la  première,  du  blé 
dim4i  dans  la  seconde ,  du  blé  acheté;  dans  la 
troisième ,  du  blé  estimé-    ^ 

La  premiè;'e  partie ,  où  il  est  question  du  blé 
dimé  ou  de  dîmes ,  occupe  seule  près  des  deux 
tiers  de  tout  le  Discours.  Cicéron  détaille ,  dans 
des  narrations  aussi  variées  et  aussi  intéres- 
santes que  le  sujet  peut  le  permettre ,  tous  les 
vols  que  Verres  a  faits  aux  particuliers  et  aux 
villes ,  a  Toccâsion  des  dîmes.  Les  villes  de  Si- 
cile ,  excepté  celles  qui  étaient  libres  et  fran- 
cbes ,  étaient  tenues  de  payer  au  peuple  romain 
la  dîme  de  leurs  blés.  On  recueillait  cette  dîme 
en  nature ,  et  on  l'envoyait  à  Rome. 

On  ne  trouve  pas  ici  d'explications  précises 


278677  "'*'^^'^°°s'' 


4  ARGUMENT, 

sur  la  manière  dont  se  recueillaient  les  dîmes 
dans  les  provinces  romaines  ;  tous  ces  dé- 
tails étaient  connus  des  juges.  Nous  pouvons 
indiquer  cependant  quelques  faits  généraux. 
Lorsque  les  blés  commençaient  à  croître ,  des 
fermiers  publics ,  appelés  en  latin  decumani , 
et  que  nous  appelons  en  français  décimateurs , 
prenaient  la  dîme  k  Tenchère  (emebanf)  pour 
tant  de  boisseaux  de  blé  ;  c*est-k-dire  qu'ils  se 
chargeaient  de  fournir  aU  peuple  romain  tant 
de  boisseaux  de  blé  pour  la  dîme  qui  devait  lui 
revenir  de  tel  champ  ou  de  tel  canton.  Les  par- 
ticuliers et  les  villes  pouvaient  mettre  Tenchère 
sur  les  décimateurs.  Si  la  récolte  était  abon- 
dante ,  et  que  la  dîme  passât  le  nombre  de  bois- 
seaux de  blé  pour  lequel  ils  avaient  pris  la  dîme, 
c'était  autant  de  gagné  pour  eux  :  ils  pouvaient 
perdre  aussi  à  proportion  de  ce  qu'elle  était 
inférieure  à  ce  nonfbre.  Le  préteur ,  ou  quel- 
qu'un pour  lui ,  adjugeait  les  dîmes  à  celui  ou 
ceux  dont  l'enchère  était  portée  le  plus  haut  ^ 
cela  s'appplait  vendere  decumas. 

Gicéron  prétend  que  Yerrès  s'était  associé 
aux  décimateurs ,  dont  le  chef  était'  un  Apro- 
nius  qui  est  peint ,  dans  le  Discours ,  des  traits 
Içs  plus  forts  et  les  plus  odieux.  Il  explique 
très  bien  par  quelles  injustices  criantes  les  mal- 
heureux agriculteurs  se  trouvaient  obligés  de 
donner  aux  décimateurs  plusieurs  dîmes  au 
lieu  d'une,  comment  quelquefois  il  leur  restait 
à  peine  la  dîme  de  leur  récolte.  La  première 


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ARGUMENT.  s 

partie  est  terminée  par  la  lecture  d'une  lettre 
de  Tiniarchide,  accompagnée  de  réflexions. 

La  seconde  partie  traite  du  blé  acheté.  Il  j 
avait  deux  sortes  de  blés  achetés  :  une  seconde 
dtme  que  les  peuples  de  la  Sicile  étaient  obli- 
gés de  vendre ,  dans  les  besoins  de  la  républi- 
que ,  à  un  prix  fixé  par  le  sénat ,  et  huit  cent 
mille  boisseaux  de  blé  répartis  sur  toutes  les 
villes  de  la  même  province,  qu'on  les  obligeait 
de  vendre  tous  les  ans ,  et  dont  le  prix  était 
aussi  fixé.  L^orateur  raconte,  au  sujet  de  ces 
deux  sortes  de  blés ,  les  vols  et  les  rapines  de 
Verres." 
*  Le  blé  estimé,  dont  il  s'agit  dans  la  troisième 
partie,  était  le  blé  que  la  province  devait  four- 
nir pour  la  provision  de  la  maison  dii  préteur, 
et  que  celui-ci  pouvait  prendre  en  argent,  au 
lieu  de  le  prendre  en  nature.  On  reproche  à 
Verres  d'en  avoir  exigé  ^us  qu'il  ne  lùr tétait 
dû,  et  de  l'avoir  estimé  bien  au-delà  du  prix. 
Un  moyen  de  défense  qu'il  alléguait ,  que  d'au- 
tres avant  lui  avaient  fait  de  même,  est  réfuté 
avec  beaucioup  d'éloquence  et  de  fécondité. 

Un  tableau  pathétique  de  la  triste  situa- 
tion des  agriculteurs  siciliens  termine  le  Dis- 
cours. 

Il  est  beaucoup  parlé  ici  de  médimnes  et  de 
boisseaux.  Le  médimne ,  selon  le  père  Montfau- 
çon ,  était  une  mesure  de  six  setiers.  Il  fallait 
six  boisseaux  pour  faire  un  médimne  (Cornél. 
Wépos,  Fit,  Attic,  c..a). 


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6  ARGUMEÎÎT. 

«  Gîcéron  avertît  lui-même  les  juges,  qu'obligé 
de  citer  une  foule  de  calculs,  il  sera  moins  inté- 
ressant que  dans  les  autres  parties  de  Taccusa- 
tion  ;  mais  il  développe  si  bien  les  faits ,  il  en- 
chaîne ses  preuves  avec  tant  d'art,  le  style  est 
si  varié ,  que  Touvrage  plaît  d'un  bout  à  Tautre. 
L'orateur  a  eu  soin  d'entremêler  ces  détails  de 
morceaux  énergiques  et  brillants  :  tel  est  le 
.  passage  sur  Sylla,  chap.  35;  tel  est ,  chap.  89, 
le  tableau  de  la  corruption  des  Romains,  et  de 
la  haine  qu'inspiraient  les  magistats  de  la  répu- 
blique à  tous  les  peuples  du  monde.  Il  expose 
d'une  manière  très  agréable  les  intrigues  qui 
précédaient  l'adjudication  des  dîmes ,  les  vols 
qu'on  se  permettait  dans  la  levée  de  l'impôt. ...  Il 
est  difEcile  d'imaginer  une  administration  plus 
tyrannique  et  plus  défectueuse....  Ce  Discours, 
quoiqu'il  ne  satisfasse  point  toute  notre  curio- 
sité sur  plusieurs  poiéts  d'économie  politique, 
offre  cependant  quelquefois  des  renseignements, 
qu'on  ne  trouverait  point  ailleurs ,  sur  le  pro- 
duit des  terres ,  la  valeur  des  grains ,  la  quotité 
des  impôts ,  et  ja  manière  de  les  percevoir  :  ces 
faits  sont  d'autant  plus  précieux ,  qu'ils  peu- 
vent donner  une  idée  du  gouvernement  et  de 
la  richesse  des  anciens  peuples.  »  Desmeu* 
niers. 

—  On  peut  consulter ,  pour  mieux  entendre 
quelques  détails  de  ce  Discours,  les  observa- 
tions de  Desjardins ,  de  Eejrumentaria,  à  la 
suite  de  son  commentaire ,  Paris ,  1 738  j  et  l'ou- 


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AUGUMEm*.  ç 

rrage  intitulé  :  Recherches  historiques  et  criti" 

gués  sur  l'administratioM  publique  et  privée 

"  des  terres  chez  les  Romains ,  par  Dumont , 

Paris,  1779. 


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IN   G.   VERREM 

ACTIO  àEGUNDA. 

LIBER  TERTIUS. 


DE  RE   FRUMENTARIA. 

ORATIO  OCTÀVA. 

I.  Ouïtes,  qui  alterum,  judices,  nalHs  impulaî 
inimicltiisy  nulla  privàtim  laesi  injuria,  nuUo  prse- 
mioaddncti,  in  judicium  reipublicae  causa  vocant, 
providere  debent ,  non  solum  cpiid  oneris  in  prs^ 
sentia  tollant,  sed  etiam  quantum  in  omnem  vitam 
negotii  suscîpere  conentur.  Legem  enim  sibi  ipsi 
dicunt  innocent!»,  continentias,  virtutanique  om- 
nium, qui  ab  altero  rationem  yitœ  reposcunt; 
atque  eo  magis,  si  id,  ut  ante  dixi,  faciunt  nulla 
re  commoti  alia,  nisi  utilitate  communi.  Nam  qui 
sibi  hoc  sumsity  ut  corrigat  mcx'es  aliorum,  ac 
peccata  reprehendat,  quis  huic  ignoscat,  si  qua 
in  re  ipse  ab  'religione  offîcii  declinarit?  Qua- 
propter  hoc  etiam  Ynagis  ab  omnibus  ejusmodi 
ciyis  laudandus  ac  diligendus  est ,  qui  non  solum 
*ab  republica  civem  improbum  removet,  verum 
etiam  se  ipsum  ejusmodi  fore  profitetur  ac  prae- 

'  Gamton.  ad  Philippic.,  II,   40,  conj.  regione.  — 
•  Sic  codd.  Parisiens.  OÙm ,  reipublicae.  Em. ,  republica. 


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SECONDE  ACTION 

CONTRE  VERRES. 

LIVRE  TROISIÈME. 


SUR  LES  BLÉS. 

DISCOURS  HUITIÈME. 

I.  Juges,  tons  cenx  qm ,  sans  avoir  de  haine  à  lïitîs' 
faire  ni  d'înjnre  partîcnlière  à  venger ,  tons  cenx  qnî , 
sans  antre  espoir  de  récompense  que  la  gloire  et  l'in- 
térêt de  leur  patrie ,  appellent  nn  coapable  devant  les 
tribnnanx ,  doivent  considérer  à  la  fois  et  le  fardeau 
qu'ils  s*imposent  pour  ce  moment ,  et  bien  pins  en- 
core les  obligations  qu'ils  contractent  pour  tout  le 
reste  de  leur  vie.  Demander  aux  autres  compte  de 
leurs  actions,  c'est  se  prescrire  à  soi-même  l'intégrité, 
la  modération,  tontes  les  vertus;  surtout,  je  le  ré- 
pète, si  l'on  n'est  point  animé  par  d'autre  motif  que 
par  celui  de  l'utilité  commune.  En  effet ,  l'homme  qui  se 
charge  de  réformer  les  mœurs  et  de  reprendre  les  fau- 
tes d*autmi,  peut -il  espérer  qu'on  lui  pardonnera  de 
s'écarter  en  rien  de  la  religion  du  devoir?  Ne  refu- 
sons donc  point  notre  estime  et  notre  amour  an  ci- 
toyen qui,  non  seulement  travaille  à  retrancher  du 
corps  politique  un  membre  pervers ,  mais  qui ,  à  ce 
penchant  naturel  que  nous  avons  tous  pour  le  bien, 
ajoute  encore  une  sorte  d'engagement  particulier  ei 


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lo  IN  VERREM  ACT.  II,  UB.  III. 

stat,  ut  sibî  non  modo  communî  yoliintate  virtatia 
atque  officii,  sed  edam  ut  quadam  magis  necessa- 
ria  ratione  recte  ait  honesteque  Tivendum.  Itaque 
hoc,  judices,  ex  homine  clariasimo  atque  eloquen- 
tissimo,  L.  Grasso,  satpe  auditum  est,  quum  se 
nullias  rei  tam  poenitere  diceret ,  quam  quod 
C.  Carbonem  unquam  in  judicium  Tocayisset  : 
minus  enim  libéras  omnium  rerum  yoluntates 
habebat,  et  vitam  suam  pluribus,  quam  yellet, 
obseryari  oculis  arbitrabatur.  Atque  ille  bis  prsesi- 
dîis  ingenii  fortunaeque  munitus,  tamen  bac  cuxa 
continebatur,  quam  sibi ,  nondum  confirmato  con- 
siiio,  sed  inennte  «etate,  susceperat.  Quo  minus 
eûsaj^  '  perspicitur  eorum  yirtus  et  integritas ,  qui., 
ad  banc  rem  adolescentuli,  quam  qui  jam  firmata 
State  descendunt.  Illi  enim,  antequam  potuerunt 
existimare ,  quanto  liberior  yita  sit  eorum ,  qui 
nemiuem  accusarint,  glorias  causa  atque  ostenta- 
tionis  accusant  :  nos,  qui  jam,  et  quid  facere,  et 
quantulum  judicare  possemus,  ostendimus,  nisi 
facile  cupiditates  nostras  teneremus ,  nunquam 
ipsimet  nobis  prœcideremus  istam  licentiam  Ubeiv 
tatemque  yiyendi. 

II.  Atque  hoc  ego  plus  oneris  babeo,  quam  qui 
ceteros  accusarunt  (  si  onùs  est  id  appellandum , 
quod  cumlietitia  feras  ac  yoluptate);  yerumtamen 
hoc  ego  amplius  susoepî ,  quam  ceteri  :  quod  ita 
postulatur  ab  omnibus,  ut  ab  iis  se  abstineant 
^axime  yitiis ,  in  quibus  alterum  reprehenderint. 
Furem  aliquem  aut  rapacem  accusaris.»*  yitanda  tibi 

■  Cod.  Metell.,  percipitor;  eodd.  duo  Paris,,  praecipi- 
tar,  quod  Culielm,  jam  inexcerptis  SUtorpii  probaverat. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  IH.  ii 
irrérocable ,  et  s'annonce  Ini-m^me  comme  obHgé  de 
vÎTTe  toojonn  à  l'abri  da  reproche  et  dn  soupçon. 
ÂJuA ,  jnges,  l'âoqoent  et  vertaens  L.  Craasns  s'e«t-il 
repenti  soayent ,  comme  on  nons  Ta  raconté,  d'aroir 
dénoncé  Carbon  k  la  justice  :  par  U,  disait*U,  ses 
volontés  en  tont  étaient  moins  libres,  et  sa  vie  pins 
observée  qn*il  n'aurait  voulu.  Ce  grand  homme,  quoi- 
que doué  de  tous  les  avantages  du  génie  et  de  la  for- 
tune ,  se  sentait  comme  gêné  par  le  frein  qu'il  s'était 
donné  dans  sa  jeunesse,  lorsqu'il  se  décidait  encore 
avec  trop  peu  de  réflexion.  Yoilà  pourquoi  les  jeunes 
gens  qui  entreprennent  une  accusation  donnent  en 
cela  un  témoignage  moins  sûr  de  leur  intégrité  et  de 
leur  sagesse ,  que  les  hommes  qui  remplissent  ce  devoir 
dans  leur  maturité.  Un  jeune  homme  est  entraîné  par 
Tamonr  de  la  gloire,  par  une  sorte  d'ostentation,  ^v^ant 
que  d'avoir  pu  connaître  qu'on  vit  bien  plus  libre- 
ment quand  on  n'a  accusé  personne  :  pour  nons ,  qui 
avons  déjà  donné  quelques  preuves  de  force  et  d'intel- 
ligence, si  nous  n'avions  pris  de  l'empire  sur  nos  pas- 
sions, jamais  nons  n'aurions  le  courage  de  renoncer, 
par  nn  tel  engag^ement ,  à  l'indépendance  d'une  vie 
qu'aucun  ennemi  ne  surveille. 

II.  Je  m'impose  même  nn  plus  grand  fardeau  que 
les  antres  accusateurs  (si  l'on  doit  appeler  fardeau  ce 
qu'on  porte  avec  plaisir  et  avec  joie  )  ;  mais  enfin  ma 
charge  est  bien  plus  pesante  que  celle  d'aucun  d'entre 
enx.  On  leur  demande  à  tous  qu'ils  s'abstiennent  prin- 
cipalement des  vices  qu'ils  ont  repris  dans  celui  qu'ils 
accusent.  Avez-vous  accusé  uu  déprédateur ,  un  con- 
cussionnaire,  il  vous  faudra  par  la  suite  éviter  tout 
soupçon  de  cupidité.  Avez-vous  amené  aux  pieds  de  la 
justice  nn  homme  méchant  ou  cruel ,  il  vous  fiiudra 
toujours  eue  sur  vos  gardes  pour  ne  montrer  en  vous 


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1%  IN  VERREM  ACT.  II,  UB.  ffl. 

semper^  erit  omnis  avaritiae  snspicio.  Hlalefîcum 
quempiam  adduxeris,  aut  crudelem?  caTendum 
erit  semper ,  ne  qua  in  re  asperior  aut  inhumanior 
fuisse  yideare.  Corruptoreni ,  adulterum  ?  provi- 
dendum  dilîgenter,  ne  quod  in  vita  yestigium  libi- 
dinis  appareat.  Omnia  postremo,  quse  yindicaris 
in  altero ,  tibi  ipsi  yehementer  fugienda  sunt.  Et- 
enimndn  modo  accusator,  sed  ne  objurgatorqui- 
dem  ferendus  est  is,  qui,  cpiod  in  altero  vitlum 
reprehendit,  in  eo  ipse  deprehenditur.  Ego  in 
uno  homine  omnia  yitia ,  qus  possunt  in  homine 
perdito  nefarioque  esse,  reprehendo  :  nullum  esse 
dico  indicium  libidinis ,  soeleris ,  audaciœ ,  quod 
non  in  istius  unius  yita  perspicere  possitîs.  '  Ego 
in  isto  reo  legem  hanc,  judices,  mihi  statuo;  yi- 
yeudum  ita  esse ,  ut  isti  non  modo  factis  dictisque 
onmibus ,  sed  etiam  oris  oculorumque  illa  contu- 
macia  ac  superbia ,  quam  yide^is ,  dissimillimus 
esse,  ac  semper  fuisse  yidear.  Patior  non  moleste, 
judices,  eam  yitam,  quae  mihi  sua  sponte  antea 
jucunda  fuerit ,  nunc  jam  mea  lege  et  conditione  • 
necessariam  quoque  futuram. 

III.  Et  in  hoc  homine  saepe  a  me  quavis,  Hor- 
tensi ,  quibns  inimicitiis ,  aut  qua  injuria  adductus , 
ad  accusandum  descenderim.  Mitto  jam  rationem 
of&cii  méi,  necessitudinisque  Siculorum  :  de  ipsis 
tibi  inimicitiis  respondeo.  An  tu  majores  uUas 
inimicitias  putas  esse,  quam  contrarias  faomînum 
sententias,  ac  dissimilitudines  studiorum  et  yo- 
luntatum  ?  Fidem  sanctissimam  in  y  ita  qui  putat, 

'  Ernest,  saibendam  putat ,  Ergo  in  ist.  r.,  librarios 
ratus  initium  pnecedentis  periodi  hue  itemm  itvocasst. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  HI.  ^3 
ancane  mécluaiceté ,  ni  même  la  moindre  aspérité  de 
mœurs.  Avez-yoïis  traduit  devant  les  jnges  un  corrup- 
tenx ,  tin  adultère ,  vous  ne  pouvez  être  désormais  trop 
attentif  pour  que  votre  vie  n'ofire  aucune  £iiblesse. 
En  un  mot ,  il  faudra  fuir  avec  un  soin  extrême  les 
vices  que  vous  aurez  poursuivis  dans  un  antre  ;  car  on 
ne  saurait  soufirir  un  accusateur ,  ni  même  un  censeur 
qui  se  laisse  surprendre  dans  la  faute  qu*il  a  reprise 
en  autrui.  Et  moi,  Romains,  j'attaque  devant  vous, 
I  dans  un  seul  homme,  tous  les  vices  qui  peuvent  se 

j  rencontrer  dans  un  homme  entièfement  dépravé.  Oni, 

j    *        je  le  prétends,  îl  n*est  aucun  trait  d*impudicité,  dç 
I  perversité ,  d'audace ,  qu'on  ne  puisse  remarquer  daaa 

la  vie  du  seul  Terres.  Ce  seul  accusé  m'impose  l'ohli* 
gation  d*  annoncer  par  ma  conduite  que  je  suis  et  que 
je  fus  toujours  absolument  éloigné ,  je  ne  dis  pas  seu- 
lement de  commettre  les  mêmes  actions ,  de  tenfr  les 
mêmes  propos ,  je  dis  encore  d'affecter  cette  arrogance, 
cette  ef&onterie ,  qm  se  peignent  dans  ses  yeux  et  dans 
tons  les  traits  de  son  visage/Je  vois  sans  peine,  Ro- 
mains, qu'une  vie  que  f  aimais  déjà  par  goût  et  pour 
elle-même,  me  sera  désormais  indispensable  par  la  loi 
que  je  m'en  fiiis  aujourd'hui. 

m.  Et  vous  me  demandes  souvent.  Hortensias, 
qnéUe inimitié  avec  Verres,  ou  quels  outrages  de  sa  part 
m'ont  engagé  à  l'accuser.  Je  ne  parle  pas  du  devoir 
que  m'imposent  mes  liaisons  intimes  avec  les  SicUiens  ; 
je  ne  réponds  qu'à  la  question  de  llnimitié.  Croyez- 
Tons  donc  qu'il  y  ait  une  inimitié  pins  vive  que  celle 
qui  naît  de  l'opposition  des  sentiments ,  de  la  diffé- 
rence des  goûts  et  des  inclinations  ?  Peut-on  regarder 
la  bonne  foi  comme  le  devoir  le  plus  sacré  de  la  vie , 
et  n'être  pas  ennemi  d'un  homme  qui ,  nommé  ques- 
teur, a  osé  dépouiller ,  abandonner,  trahir,  attaquer 
VIII,  a 


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i4  IN  VERREM  ACT.  n,  LIE.  m. 

potest  eî  non  inimicus  esse ,  qui  quaestor  consu- 
lem  suum,  consiliis  commisses,  pecunia  tradita» 
rébus  oii^bus  credîds,  spoliare,  relinquere,  pro- 
dere,  oppugnare  ansus  sit?  Pudorem  et  pudici- 
tiam  qui  colit,  potest  anîmo  sequo  istius  quotidiana 
adulteria,  meretriciam  disciplinam ,  domesticum 
lenocinium  videre  ?  Qui  religiones  deonim  immor- 
talium  retinere  Tult,  ei,  qui  fana  spoliarit  omnia, 
qui  ex  thensarum  orbitis  prœdari  sit  ausus,  inimi- 
cus non  esse  qui  potest  ?  Qui  jure  aequo  omnes 
putût  esse  oportere,  is  tibi  non  infestissiraus  sit, 
quum  cogitet  yarietatem  libîdinemque  decretorum 
tuorum  ?  Qui  sociorunï  injuriis,  proTinciarumque 
incommodis  doleat,  isin  te  non  expilatîone  Asiae, 
vexatione  Pampbylia;,  squalore  et  lacrymis  Sîcî- 
liae  concitetur?  Qui  civium  romanorum  jura  ac 
libertàtem  sanctam  apud  omnes  baberi  "velit,  îs 
non  tibi  plus  etiam ,  quam  inimicus  esse  debeat, 
quum  tua  yerbera,  quum  secures,  quum  cruces 
ad  ciyium  romanorum  supplicia  fixas  recordetur  ? 
Au,  si  qua  in  re  contra  rem  meam  decresset  ali- 
quid  injuria,  jure  me  ei  inimicum  esse  arbitrarer; 
quum  omnia  contra  omnium  bonorum  rem ,  caut 
sam,  rationem,  utilitatem ,  yoluntatemque  fecerit» 
quaerisy  cur  ei  sim  inimicus,  cui  populus romanns 
infestus  sit?  qui  prœsertim  plus  etiam,  quam  para 
virilis  '  postulat ,  pro  yoluntate  populi  romani 
oneris  ac  munerts  suscipere  debeam. 

IV.  Quid?  iUa ,  quae  leyiora  yidentur  esse,  non 
cujusyis  animum  possunt  moyere  ?  quod  ad  tuam 
ipsius  amicîtiam,  ceterorumque  hominum  magno- 

'  An  postulet  ?  Emâst. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  lU.  i5 
son  consul,  un  consul  qoi  loi  avait  commaniqné  ms 
secrets ,  livré  sa  caisse,  confié  tons  ses  intérêts?  Peat-on 
chérir  la  pndenr  et  la  chasteté ,  et  voir  d'an  œil  tran- 
quille les  continuels  adultères  de  Verres ,  ses  odieuses 
prostitutions ,  ses  infamies  domestiques  ?  Peut- on  être 
attaché  au  culte  des  dieux  immortels,  et  ne  pas  dé- 
tester un  brigand  sacrilège  qui  a  dépouillé  tous  les 
temples,  qui  a  eu  le  front  de  voler  sur  la  roure  même 
des  chars  sacrés  '  ?  Peut-on  mettre  quelque  prix  k  Pîm- 
partialité  de  la  justice ,  et  ne  pas  vous  déclarer.  Terres , 
une  haine  opiniâtre ,  quand  on  se  rappelle  les  varia- 
tions et  les  caprices  de  vos  ordonnances?  Peut-on 
s'afiBliger  de  Toppression  des  alliés^  du  mallumr  îles  pro- 
vinces, et  voir,  sans  indignation  contre  vous,  le  piUage 
de  TÂaie,  les  vexations  exercées  dans  la  Pamphylie, 
le  deuil  et  ies  larmes  de  la  Sicile  ?  Peut-on  faire  des 
rceax  pour  que  les  droîu  et  la  liberté  des  citoyens  ro- 
mains^ soient  regardés  partout  comme  inviolables ,  et 
ne  pas  être  plus  que  votre  ennemi ,  lorsqu'on  se  repré- 
sente les  fonets ,  les  haches ,  les  croix  dressées  pour  le 
supplice  des  citoyens  romains  ?  Quoi  !  si ,  dans  quelque 
occasion.  Terres  avait  prononcé  injustement  contre 
mes  intérêts ,  je  me  croirais  fondé  à  être  son  ennemi  • 
et  lorsqu'il  attente  aux  intérêts,  k  la  fortune,  au  bon- 
heur ,  à  la  liberté  de  tous  les  gens  de  bien,  vous  me 
demandez ,  Hortensîus ,  pourquoi  je  suis  Tennemi  d'un 
homme  qu'abhorre  le  peuple  romain,  moi  surtottt 
qui,  pour  obéir  à  la  volonté  du  peuple  romain,  re- 
garde comme  un  devoir  d'accepter,  sans  oonsidter 
mes  forou  «  un  si  pénible  ministère  { 

rV.  Et  ces  antres  considérations ,  peu  importantes  à 
ce  qu'elles  paraissent,  ne  sont-elles  pas  propres  à  faire 
impression  sur  notre  esprit  ?  Qui  ne  s'indignerait ,  Hor- 
tensins,  de  voir  que  les  vices  et  les  criijaes  de  Terres 


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te  m  VERREM  ACT.  H,  LIE.  HI. 

rum  atque  nobiliutn,  facîliorem  adittim  istlus  ha- 
bet  nequitîa  et  audacia,  quam  cujusquam  nostrum 
yirtus  etintegrîtas?  Odistis  hominum  novorum  in- 
dustrias;  despîcitis  eorum  frugalitatem;  pudorem 
contemnitis;  ingenlum  vero ,  et  yirtutein  depres- 
sam  exstinctamque  cupitis.  Verrem  amatis.  Ita 
credo  :  si  non  yirtute,  non  industria,  non  inno- 
centîa ,  non  pudore ,  non  pudicitia  ;  at  sermone , 
at  lîttéri»,  at  humanitate  ejus  delectamini.  Nihil 
honim  est  :  contraque  sunt  omnia  quum  sununo 
dedecore  ac  turpitadîne,  tum  singulari  stultitia 
atque  Inhumanitate  oblita.  Huic  homini  si  cujus 
domus  patet ,  utrum  qa  patere ,  an  hiare  ac  poscere 
aliquid  yidetur?  Honc  yestrl  janitoreSy  hune  cu- 
bîcularii  diligunt;  hune  libertiyestri,  hune  seryî 
anciUseque  amant;  hic  quum  yenit,  extra  ordinem 
y'ocatur;  hic  solus  introducitur  :  ceteri,  ssepe  fru- 
galissîmi  homines,  eYrJiidnntur.  Kx  quo  intelligi 
potest,  eos  yobis  esse  carissimos,  qui  ita  '  yixe- 
runt,  ut  sine  yestro  prœsidio  salyi  esse  non  pos- 
sint.  Quid?  hoc  cuiquam  ferendum  putas  esse, 
nos  ita  yiyere  in  pecunia  tenni,  ut  prorsus  nihil 
acquirere  yelimus;  ut  dignitatem  nostram ,  popu- 
lique  romani  bénéficia,  non  copits,  sed  yirtute 
tjAeamur  :  istnm,  rébus  omnibus  undiqq^  ereptis, 
impune  eludentem  circumfluere  atque  abundare  ? 
hi^us  argento  *  dominia  yestra ,  hujus  signis  et 
tabulis  forum  eomitiuraque  omari  ,  pnesertim 
quum  yos  yestro  Marte  his  rébus  omnibus  abun- 

*  Ernest,  malit  Tixerint.  —  '  Sic,  pi.  mss,  et  Nonius, 
IV,  laS.  Al.,  domus  vestras,  quam  lecttoném  e^ett,  edd, 
revocavit  Gmvius. 


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SEC.  ACTION  CQirrRE  TERRES,  IH.  17 
obtiennent  plus  facilement  votre  amitié  et  celle  des 
antres  nobles  qjne  la  vertu  et  Tintégrité  de  chacnn  de 
nous?  yous  ne  poaVez  soofinr  le  mérite  des  hommes 
nouveaux  ;  vous  dédaignez  leur  régularité  ;  vous  mé- 
prisez leur  sagesse  ;  vous  voudriez  éteindre  leurs  ta- 
lents, étouffer  leurs  vertus.  Tous  aimez  Terrés.  Oui ,  je 
le  crois  ;  à  défaut  de  vertu ,  d'activité,  d'innocence ,  de 
pudeur,  de  chasteté,  vous  aimez  en  lui  les  grâces  de 
l'entretien ,  la  politesse,  les  connaissanees.  Non,  vous 
n'oseriez  le  dire  :  tout ,  au  contraire,  offre  dans  Terres 
le  comble  de  l'opprobre  et  de  l'infamie ,  joint  à  Texcès 
de  la  grossièreté  et  de  la  sottise.  Si  quelque  maison 
s'ouvre  pour  recevoir  un  tel  homme ,  ne  paraît*«lle 
pas  s'ouvrir  pour  demander  elle-même  et  pour  rece- 
voir? Tos  portiers  et  vos  valets  chérissent  Terres;  il 
est  aimé  de  vos  affranchis,  adoré  de  vos  esclaves. 
AmVe-t-il,  on  l'annonce  aussitôt;  il  est  seul  intro- 
duit; les  hommes  les  plus  honnêtes  sont  exclus:  d'on 
l'on  voit  sans  peine  que  vous  chérissez  principalement 
ceux  qui  se  sont  livrés  à  de  tels  excès,  qu'ils  ne  peu- 
vent trouver  leur  sûreté  que  dans  votre  protection. 
Enfin,  lorsque,  satisfaits  d'uHé  fortune  médiocre, 
nous  ne  cherchons  pas  à  l'augmenter  ;  lorsque  noitt 
sontenoils  notre  rang  et  les  bienfaits  du  peuple  ro- 
main par  la  vertu  et  non  par  l'opulence  ;  je  vous  le 
demande,  Hortensins,  tfoufirlrons-nous  que  Terrés 
brave  impunément  les  lois;  que,  fier  de  l'immense 
butin  qu'il  a  fait  chez  tons  les  peuples,  ce  déprédateur 
insulte  à  notre  médiocrité  ;  que  vos  festins  soient  dé- 
corés de  ses  vases  d'argent ,  le  ^mm  et  le  comice ,  de 
ses  stataes  et  de  ses  tableaux ,  surtout  quand  vos  pro- 
pres talents  né  vous  en  laissent  point  manquer  ?  souf- 
frirons-nous que  ce  soit  Terres ,  un  Terres,  qui  orne 
de  son  butin  vos  maisons  de  plaisance  ;  qu'un  Terres 


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i8  m  TEREEM  ACT.  II,  LEB.  HL 

detis  P  Verrem  esse,  qui  yestras  villas  suis  manu- 
biis  omet?  Verrem  esse,  qui  cum  L.  Mummio 
certet;  ut  plures  hic  sociorum  «irbes ,  quam  ille 
kostium ,  spoliasse  videatur  ?  plures  hic  solus  villas 
omamentis  fanorum ,  quam  ille  fana  spoliis  hos- 
tium  ornasse  ?  Et  is  erît  ob  eam  rem  yobis  carîor , 
ut  ceteri  libentius  suo  periculo  yestris  cupiditati- 
bus  seryiant  ? 

V.  Verum  h«c  et  dicentur  alio  loco,  et  dicta 
sunt  :  nunc  proficiscemur  ad  reliqua,  sipauca  ante 
fuerimus  a  yobis ,  judices ,  deprecati.  SuperÎOTe 
Qmni  oratione  perattentos  yestros  animos  habui- 
mus  :  id  fuit  nobis  gratum  admodum.  Sed  multo 
erit  gratins,  si  reliqua  voletis  attendere  :  propterea 
quod  in  hit  omnibus,  qu»  antea  dicta  sunt,  erat. 
quœdam  ex  ipsa  yarietate  ac  'novitate  rerum  ac 
criminum  delectatio.  Nunc  tractare  causam  insti- 
tuimus  frumentariam  ;  quœ  magnitudine  injuriae 
*  être  criminibus  ceteris  antecellit;  jucunditatis  in 
agendo  et  yarietatis  minus  habebit.  Vestra  autem 
auctoritate  et  prudentia  dignissimum  est,  judices , 
in  audiendi  diligentia  non  minus  religioni  tri- 
buere,  quam  yoluptati.  In  bac  causa  frumentaria 
cognosceuda  hsec  yobis  proponi^e,  judices  ^yos 
de  rébus  fortunisque  Siculorum  omnium,  de  ci- 
yium  romanorum  ,  qui  arant  in  Sicilia,  bonis,  de 
yectigalibus  a  majoribus  tradiffes,  de  yita  yictuqua 
populi  romani  cognituros.  Qu»  si  magna ,  atque 
adeo  maxima  yobis  yidentur  ;  quam  varie  et  quam 
copiose  dicantur ,  exspectare  nolite.  Neminem  ves- 

■  Cod.  MetéU.,  nobilitate.  —  ^Sic  Gmterus  e  codd. 
OUm  fere,  quod  SchiUz  restUmt.  Emestio  longuet. 


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SEC.  ACnON  COimUB  USURES,  in.  wg 
U  dispate  k  L.  Mouuniiu,  qull  s*i^plMidi«e  d*CTOv 
dépoaillé  plus  de  vittes  alliées  qae  oe  général  n*a  dé- 
pouillé de  villes  ennemies,  d'avoir  seul  orné  plosdfl 
maisons  de  campagne  de  la  décoration  des  temples, 
que  Tantre  n'a  décoré  de  temples  de  la  dépouille  des 
vaincus?  Et  voilà  Thomme  à  qni  vons  ne  montres  tant 
de  prédilection ,  qae  pour  encoarager  les  antres  à  ser- 
vir vos  passions  an  prix  de  la  haine  pabliqne  ! 

T.  Mais  je  reviendrai  ailleQrs*  snr  ces  réflexions, 
qu'il  est  temps  de  finir  :  je  vais  suivre  le  coiin  de  cette 
plaidoirie,  après  vons  avoir  fait,  Romains,  nne  prière. 
Dana  tout  ce  qui  précède,  vous  m'aves  écouté  aveo^ 
bienveillance ,  et  feu  éprouve  nne  reconnaissance  pro* 
fonde  ;  mais  elle  sera  plus  vive  enoore ,  si  voua  écoutes 
ce  qui  reste  avec  la  même  attention.  Jusqu'ici  la  diver- 
^jsjfé.  même  et  hi  nouveauté  des  objets  et  des  griefs  pou- 
vaient attacher  les  juges.  Maintenant  je  vais  discuter 
les  malversations  de  Verres  dans  l'administration  des 
blés,  où  ses  crimes,  plus  grands  et  plus  odieux  que 
dans  tout  autre  genre,  offriront  moins  d'intérêt  et  de 
variété,  n  est  bien  digne  ,  Romains,  de  votre  gravité 
et  de  votre  sagesse  d'être  ici  également  attentiû ,  et  de 
donner  plus,  en  nous  écoutant ,  à  votre  religion  qu'au 
plaisir  de  nous  entendre.  Songez  que,  dans  cette  partie 
delà  cause ,  vous  avez  à  prononcer  snr  les  destinées  de 
tous  les  Siciliens,  sur  la  fortune  des  citoyens  romains 
qui  cultivent  des  terres  dans  la  Sicile,  sur  les  revenus 
que  nous  ont  laissés  nos  ancêtres ,  snr  la  vie  et  les  sub- 
sistantes du  peuple  Tomaîn.  Si  ces  objets  tous  parais- 
sent importants,  et  même  des  plus  importants,  ne 
cherches  point  dans  l'orateur  un  talent  varié,  une 

*  Dans  les  Discours  suivants,  où  Cicéroa  s'élève  quel- 
^efois  contre  la  fierté  et  la  tyrannie  des  nobles. 

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ao  IN  VERREM  ACT.  ÏI,  U6.  IIL 

trura  praterit,  judiceS)  omnem  utilitatem  ôppor- 
tunitatemqne  proyinctse  SicilisB,  quse  ad  commoda 
popaii  romani  adjuncta  sit,  consistere  in  re  fru- 
mentaria  maxime  :  nam  ceteris  rébus  adjuvamur 
ex  illa  proyincia  ;  hac  vero  alimur  ac  sustinemur. 

£a  causa  tripertita ,  judices ,  erit  in  accusatione. 
Primum  enim  de  decumano,  deinde  de  emtodi- 
cemus  frumento ,  postremo  de  aestimato. 

YI.  Inter  Siciliam ,  ceterasque  proyincias ,  judi- 
ces, in  agrorum  yectigalium  ratione  hoc  interest, 
quod  ceteris  aut  impositum  vectigal  est  certum , 
'  quod  stipendiarium  dicitur ,  ut  Hispanis  et  ple-> 
risque  Pœnorum ,  quasi  yictoriae  prsemium ,  ac 
pœna  belU;  aut  censoria  locatio  constituta  est,  ut 
Âsiœ ,  lege  Sempronia.  Siciliae  ciyitates  sic  in  ami-> 
citiam  fidemque  '  recepimus ,  ut  eodem  jure  esseps^ 
quo  fuissent;  eadem  conditione  populo  romano 
parèrent ,  qua  suis  antea  paraissent.  Perpaucse  Si- 
ciliae  ciyitates  sunt  bello  a  majoribus  nostris  sub- 
actae  :  quarum  ager  quum  esset  publicus  populî 
romani  factus,  tamen  illis  est  redditus  :  is  ager  a 
censoribus  locari  solet.  Fœderatœ  ciyitates  dusB 
sunt ,  quarum  decumao  yenire  non  soleant ,  Ma- 
mertina  et  Taurominitana-  Quinque  praeterea  sine 
fœdere  immunes  ciyitates  ac  libers,  Centuripina, 
Hâlesina,  Segestana,  Halicyensis,  Panormitana. 
Prœterea  omnis  ager  Siciliae  ciyitatum  decumanus 
est  ;  itemque ,  aute  imperiiun  popnli  romani ,  ipso- 
rum  Siculorum  yoluntate  et  institutis  fuit.  Yidete 
nunc  majorum  sapientiam  ;  qui ,  quum  Siciliam , 

'  Garaton.  Ubenter  scriheret,  qui  stipendiarii  dicantnr. 
—  ^  Cod.  MeteU,  habet  accepimus. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  YERRÈS,  HI.  ai 
ëldqaence  féconde.  Nal  de  vons,  Romains,  n*îgnore 
qne  ce  nant  snrtont  les  blés  qui  fi>nt  ponr  nous  de  la 
Sicile  nne  province  si  riche  et  si  précieuse  :  dans  le 
reste,  elle  nous  donlie  d^  secoues;  ici,  elle  nous 
donne  la  nourriture  et  la  yie. 

Ce  chef  d'accusation  sera  divisé  en  trois  parties.  Nous 
parlerons  d'abord  du  blé  dîmé,  ensuite  du  blé  acheté  ^ 
enfin  du  blé  estimé.  *  ' 

"VI.  Entre  la  Sicile  et  les  autres  provinces,  voici, 
Romains,  la  différence  dans  le  système  des  impôts. 
Nous  avons  imposé  sur  les  autres  peuples,  par  exemple, 
sur  les  Espagnols  et  la  plupart  des  Carthaginoi»,  un 
tribut  fixe  ^,  une  taxe  qui  est  comme  le  p^rix  de  nos 
victoires  et  le  châtiment  de  leur  résbtance;  ou  bien,^ 
ce  qui  se  voit  en  Asie ,  on  a  établi  que  les  censeurs 
«STermeraient  les  terres  d'après  là  loi  Sempronia.  En 
recevant  les  villes  d^  la  Sicile  dans  notre  amitié  et  sous 
notre  protection,  ttbns  avons  stipnlé  qu'elles  seraient 
gouvernées  par  leurs  anrij>nnes  lois ,  qu'elles  obéiraient 
au  peuple  romain  sons  les  mêmes  conditions  qu'elles 
avaient  obéi  à  leurs  princes.  Très  peu  *  de  ces  villes 
ont  été  conquises  par  nos  ancêtres;  leur  territoire,  - 
devenu  la  propriété  du  peuple  romain ,  mais  qu'on 
leur  a  rendu,  est  afibrmé  par  les  censeurs.  Il  est  deux 
viUes  fédérées ,  dont  les  dîmes  ne  s'afferment  pas.  Mes- 
sine etTaurominium  ^.  Cinq ,  sans  être  fédérées,  sont 
franches  et  libres ,  Centorbe ,  Halèse ,  Ségeste ,  Hali- 
cye,  Palerme.  Tous  les  autres  territoires  des  villes  de 
Sicile  sont  sujets  aux  dîmes,  comme  il  l'étaient,  avant 
notre  domination ,  par  le  voen  et  les  lois  des  Sîciliena 
eux-mêmes.  "Voyez  maintenant  la  sagesse  de  nos  an- 
cêtres :  après  avoir  réuni  à  la  république  la  Sicile , 
•omme  un  utile  secours  dans  la  guerre  et  dans  la,paix , 


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aa  IN  YERREM  A.CT.  H,  LIB.  III. 

tftm  opportunum  subsidium  belli  atque  pacis,  ad 
rempublicam  adjuDxissent ,  tanta  cura  Siculos  tueri 
et  retinere  yoluerunty^ut  non  modo  eomm  agris 
vectigal  novum  nullum  impoaerent,  sed  ne  legem 
quidem  vénditionis  decumarum ,  neve  *  vendundi 
aut  tempns  aut  locum  commutarent  ;  ut  certo  tem- 
pore  anniy  ut  ibidem,  in  Sicilia,  denique  utlege 
éiieronîca  yenderent  :  yoluerunt  eos  in  suis  rébus 
ipsos  interesse  ;  eorumque  animos,  non  modo  lege 
noya ,  sed  ne  nomîne  quidem  legis  noyo  commo- 
yeri.  Ita  decumas  lege  Hieronica  semper  yendun- 
das  censuenint,  ut  îis  jucundior  esset  muneris 
iUius  functio,  si  ejus  régis,  qui  Siculis  carissimus 
'fuit,  non  solum  Instituta,  commutato  imperio» 
yerum  etiam  nomen  maneret.  Hoc  jure  ante  Ver- 
rem  prœtorem  Siculi  semper  usi  sunt  :  hic  primus 
instituta  omnium,  consuetudinem  a  majoribus  tra- 
ditam,  conditionem  amicitise ,  j«i^  soctetatis,  con- 
yellere  et  commutare  ausus  est. 

VU.  Qua  in  re  primum  illud  reprehendo  et  ac- 
cusot  cur  in  re  tam  yeteri,  tam  usitata ,  quidquam 
noyi  feceris.  Ingenio aliquid assecutua  es?  tôt  ho- 
mines  sapientissimos  et  clarissinfbs ,  qui  illam  pro« 
yinciam  ante  te  tenuerunt,  prudentîa  consilioque 
yicisti  ?  Est  tuum ,  est  ingenii  diligentiseque  tu». 
Do  boc  tibi  et  concedo  :  scio,  te  Rom»,  quum 
praetor  esses ,  edicto  tuo  possessiones  bereditatum 
^a  suis  ad  alienos,  a  primis  beredibus  ad  secun- 
dos ,  a  legibus  ad  iibidinem  tuam  transtulisse  :  scio, 

'  Sie  Gruterus  e  eodd.  Fabr,  et  Metell.  Olbn  yendniidis. 
Idem  in  eorumque  adjecù  encliticam ,  jussus  ab  iisdem 
eodiciBus»  —  *  Ernest,  malil  fuisset.  —  '  A  liberis  ad  a. 


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SEC  ACTION  CONTRE  VERRES,  in.  a3 
jaloux  de  ménager  les  Silîciens ,  ils  ont  en  Tattention , 
non  seulement  de  ne  mettre  sor  les  terres  aocnne  im- 
position  noOTelle ,  mais  même  de  ne  donner  ancone 
atteinte  à  la  loi  de  radjadiration  des  dîmes ,  de  ne 
changer  ni  le  temps,  ni  le  liea  ;  ils  ont  Tonln  qn*on  les 
affermât  dans'on  certain  temps  de  l'année,  sor  les 
Ueoz  mêmes ,  dans  la  Sicile ,  enfin  d'après  la  loi  dHié* 
ron  ^  ;  que  les  Siciliens  passent  présider  eax-mêmes  à 
lenn  afiaires,  ipi'iU  ne  fussent  pas  effaronchés  par 
nne  loi  nouvelle ,  ni  même  par  ane  loi  qui  portât  on 
nouveau  nom.  La  loi  d'Hiéron  a  été  conservée ,  afin 
que  les  Siciliens  s'acquittassent  plus  volontiers  de 
leur  taxe»  en  voyant  subsister,  sous  notre  empire, 
les  établissements  et  même  le  nom  d'au  roi  qui  leur 
fut  cher.  Les  SidL'ens  avaient  toujours  joui  de  ce  pri- 
vilège avant  la  prétnre  de  Terres  :  Terrés ,  le  premier , 
sans  respect  pour  l'usage  adopté,  pour  les  coutumes 
transmises  par  nos  ancêtres ,  pour  les  conditions  de 
notre  amitié  avec  les  Siciliens  et  les  clauses  de  leur 
allianoe  avec  nous,  a  osé  fouler  anx  pieds  tous  les 
droits. 

"VIL.  Ici,  Terrés,  je  vous  blâme  d'abord,  et  je  vous 
accuse  d'avoir  donné  atteinte  à  des  usages  d'une  anti- 
quité si  respectab^.  Avex-vons  fait  quelque  décou- 
verte par  l'efïbrt  de  votre  génie?  surpasses-vous  en 
lumières  et  en  iutellîgence  tous  ces  hommes  illustres 
et  sages,  qui,  avant  vous ,  ont  gouverné  la  province? 
-  Soit,  je  reconnais  ici  votre  pénétration  et  vos  talents. 
Je  veux  bien  faire  honneur  à  votre  génie  de  cette 
révolution.  A  Rome ,  je  le  sais,  lorsque  vous  étiez  pré- 
teur ' ,  votre  édît  a  transporté  les  successions  des  en- 
&nts  aux  étrangers  ;  des  héritiers  directs  anx  colla- 
téianx;  des  héritiers  institua  par  les  lob,  k  ceux  que 
désignait  votre  caprice  :  vous  aves,  je  le  sais ,  réformé 


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a4  IN  TERREM  ACT.  H,  LIB.  IIL 

te  edicta  snperiorum  omnium  correxisse,  et  posses- 
siones  hereditatum  non  secundum  eos ,  qui  pro- 
ferrent ,  sed  secundum  eos ,  qui  dicerent  testamea* 
tum  factum ,  dédisse  ;  easque  res  noyas  abs  te  pro- 
latas  et  intentas  magno  tibi  qusestui  fuisse  scio  : 
eumdemque  te  memini  censorias  quoque  leges.in 
aartistectis  exîgendis  tollere  et  commntare  :  ne  is 
redimeret ,  cuja  res  esset  ;  ne  pupillo  tutores  pro- 
pinquique  consulerent ,  quo  minus  fortunis  omni- 
bus eyerteretup;  exîgtiam  diem  preefinire  operi, 
'  quo  ceteros  ab  negotio  excluderes,  ipse  in  tuo 
redemtore  nullam  certam  diem  observares.  Quaia- 
obrem  novam  legem  te  in  decurois  statuisse  non 
miror,  bominem  in  edictis  prstoriis,  in  censorils 
legibus  tam  prudentem ,  tam  exercitatum  ;  non , 
inquam,  miror,  te  aliquid  excogitasse  :  sed,  quod 
tua  sponte,  injussu  populi,  sine  senatus  auctori- 
tate,  jura  proyincise  Siciliae  mutaris,  id  repre- 
heudo,  id  accuso. 

L.  Octayio  et  G.  Cottse  consulibus  senatus  per- 
misit,  ut  yini  etolei  decumas,  et  frugum  minuta- 
rum,quas  ante  te  qusestores  in  Sicilia  yendere con- 
suessent ,  Romae  yenderent ,  legemque  bis  rébus , 
'  quam  ipsis  yideretur ,  edicerent.  Quum  locatio 
fieret,  publicani  postularunt,  quasdam  res  ut  ad 
legem  adderent,  neque  tamen  a  censoriis  ceterig 
legibus  recédèrent.  Contra  dixit  is ,  qui  casu  tum 
Romse  fuit ,  tuujs  bospes ,  Verres ,  hospes ,  inquam, 
et  familiaris  tuus ,  Stbeniushic  Tbermitanus.  Con- 

■  Qna.  —  '  Qu».  Grœv.  et  Ernest,  revocarunt  quam  ex 
antiq.  edd.  Hahent  quoque  du9  mss.  e  nostris  regiù. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TEAAÈS,  m.      îi5 

Ita  ^ts  de  yo»  prédéoeaseun ,  adjuge  les  sacceMÎoiu, 
non  à  oenx  qui  prodaÎMÎent  des  testaments ,  mais  à 
ceux  qni  en  supposaient  ;  et  ces  nonyelles  règles  de 
yotre  invention  vons  ont  été  d*nn  grand  profit  :  je  me 
le  rappelle  encore,  voos  changiez  et  abolissiez  les  lois 
des  censeurs  pour  Tentretien  des  édifices  pablics  ;  sons 
votre  prétnre ,  un  particulier ,  quoique  son  bien  y  fut 
intéressé ,  ne  pouvait  se  faire  donner  xine  entreprise  ; 
les  tuteurs  et  les  proches  ne  pouvaient  empêcher  la 
ruine  d*nn  pnpille  ;  vous  aviez  soin  de  prescrire  im 
terme  fort  court  pour  nn  ouvrage,  afin  d^en  écarter 
les  autres ,  Undb  que  vous  ne  marquiez  aucun  terme 
à  vos  entrepreneurs.  Ainsi,  je  ne  sub  pas  étonné 
qu'nn  homme  aussi  éclairé  et  aussi  habile  que  vons 
dans  les  édits  des  préteurs,  dans  les  lois  des  censeurs , 
ait  établi  une  |oi  nouvelle  ponr  les  dîmes  :  non,  je'  ne 
suis  pas  étonné  des  inventions  li^  votre  génie  ;  mais 
que,  de  votre  propre  mouvement,  sans  Tordre  du 
peuple ,  sans  Tautorité  du  sénat ,  vous  ayez  changé  les 
lois  de  la  Sicile,  c'est  en  quoi  je  vons  blâme,  c'est  de 
quoi  je  vous  accuse. 

Antorisés  par  le  sénat,  les  consuls  '  L.  Octavins  et 
C.  Gotta  avaient  affermé  à  Rome  les  dîmes  de  vin  , 
d'huile  et  de  mennes  récoltes  que  les  questeurs ,  avant 
vous,  affermaient  en  Sicile;  et  à  ce  sujet  ils  avaient 
porté  la  loi  qu'ils  jugeaient  convenable.  Lorsqu'on  re- 
nouvelait le  bail ,  les  fermiers  publics  demandèrent 
qu'on  ajoutât  quelque  chose  à  la  loi ,  et  que  cependant 
on  ne  s'écartât  point  des  autres  lob  des  censeurs. 
Cette  demande  fut  contredite  par  quelqu'un  qui  se 
trouvait  alors  à  Rome,  par  votre  hôte ,  Terres ,  oui , 
par  votre  hôte  et  votre  ami ,  Sthénins  de  Thermes  *, 

*  Voy,  le  Discours  qui  précède,  chap.  34,  et  la  cin- 
qaième  Ferrine ,  chap.  4^. 

VIII.  3 


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a6  IN  TERREM  ACT.  n,  LIB.  m. 

suies  causam  cognoverunt  :  ^um  yiros  prîmarios 
atque  amplisshnos  ciyitatis  multos  in  con»ilium  ad- 
yocassenty  de'consilii  sententia  pronuntianinty  se 
lege  Hieronica  yendituros. 

YIII.  Itane  yero?  prudentissimi  yin,  summa 
auctorîtate  prœditi ,  quibus  senatus  legum  dîcenr- 
darum  m  locandis  yectigalibus  oinnem  potestatem 
permiserat ,  populusque  romanus  idem  jussérat , 
Siculo  uno  récusante ,  cum  ampli£catione  vectiga- 
linm ,  nomen  Hieronicœ  legîs  mutare  noluerunt  : 
tu,  homo  minimi  consilii,  nuUius  auctoritatîs, 
injussu  popuH  ac  senatus,  tota  Sicilia  récusante, 
cum  maximo  detrimento  atque  adeo  exitio  yecti» 
galium,  totam  Hieronicam  legem  sustulisti. 


Atquamlegemcorrigit,  judices,  atque  adeo  totam 
toUit?  acutissime  ac  diligentissime  scrîptam;  quae 
omnibus  custodiis  subjectum  aratorem  decumano 
tradit,  ut  neque  in  segetibus,  neque  in  areis,  ne- 
que  in  borreis,  neque  in  amoyendo,  neque  in 
asportando  frumento ,  grano  uno  '  possit  arator 
sine  maxima  pœna  fraudare  decumanum.  Scripta 
lex  ita  diligenter  est,  ut  eum  scripsisse  appareat, 
qui  alia  yectigaiia  non  baberet;  ita  acute,  ut  Sicu- 
lum;  ita  severe,  ut  tjrannum;  qua  lege  Siculis 
tamen  arare  expediret  :  ns^m  ita  diligenter  consti- 
tuta  sunt  jura  decumano ,  ut  tamen  ab  inyito  ara* 
tore  plus  decuma  non  possit  auferri. 


Quum  bsBc  essent  ita  constituta.  Verres  tôt  an- 
*  Posset. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TEftBÈS,  DI.  17 
ici  présent.  Les  consaU  exafliinère&t  U  diose.  Ayant 
appelé ,  pour  la  délibération,  pkisiears  dtoyaas  dis- 
tingaés  et  illustres,  ik  prononcèrent ,  de  Tavis  da  con- 
seil, qa'on  a£fennerait  diaprés  la  loi  d'Hiérun. 

VUI.  Comment  !  dat  hommes  qni  avaient  de  grandes 
lomières  et-nne  autorité  imposante,  â  qni  le  sénat 
avait  accordé  tont  pouvoir  de  porter  des  lois  pour  af- 
fermer les  impôts,  à  qni  le  peuple  romain  avait  con- 
firmé ce  pouvoir,  de  tels  hommes  ont  déféré  k  la  ré- 
clamation d^un  seul  Sicilien;  ilsn*ont  pas  voulu,  m^me 
pour  augmenter  les  impôts ,  changer  le  nom  de  la  loi 
d'Hiéron  :  et  vous ,  homme  de  fort  peu  d'intelligence 
et  de  nuQe  autoiité,  vous  vous  êtes  permis,  malgré 
les  récla^iâtions  de  tonte  la  Sicile ,  au  grand  détriment 
et  même  à  la  mine  des  impôts  publics,  vous  vous  êtes 
permis,  sans  aucun  ordre  dn  sénat  et  du  peuple, 
d'anéantir  la  loi  dHiéron  ! 

Mais  quelle  loi,  Romains ,  a-t-il  réformée ,  ou  plutôt 
anéantie?  la  meilleure  et  la  plus  sage  loi,  qni,  par 
tontes  les  précautions  imaginables,  livre  et  soumet  au 
décîmateur  PagncnltetAr  vciIIa  de  «  près,  qu'il  ue  peut , 
sans  s'exposer  à  la  plus  rigoureuse  peine,  frustrer 
d'un  seul  grain  le  décimateitr ,  ni  lorsque  les  blés  sont 
sur  pied ,  ni  lorsqu'ils  sont  dans  le  grenier  ou  dans 
^'aire ,  ni  lorsqu'on  les  transporte  dans  un  Ueu  voisin 
ou  dans  un  endroit  éloigné.  La  loi  est  faite  avec  toute 
l'attention  d?un  homme  qui  n'avait  pas  d'autre  revenu, 
avec  tonte  l'habileté, d'un  Sicilien ,  avec  toute  la  sévé- 
rité d'un  maître  absolu.  D'après  ceUe  loi  cependant , 
il  est  avantageux  en  Sicile  de  s'oocqper  d'agriaaltwpe, 
parce  que  les  droits  du  décîmateur  sont  si  bien  réglés, 
qu'il  ne  peut  jan^ais  forcer  le  cultivateur  de  lui  payer 
plus  que  la  dîme. 

Malgré  la  sagesse  de  cette  institution,  il  s'est  trouvé 


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«8  m  -VEAMM  ACT.  H,  UB.  HI. 

nis  atque  adeo  sœculis  inyentus  est  y  qui  k«e  non 
commatarety  sed  eyertéret;  eaque,'  qa»  janidiu 
ad  salutem  socionim,  utilitatemque  reipublicae 
composita  comparataque  essent,  ad  suos  impro- 
bissimos  quiaestus  converteret  :  qui  primum  certos 
instituerit  nomine  decumanos,  re  vera  ministro» 
ac  satellites  cupiditatum  suarum.  Per  quos  osten- 
dam  sic  proyinciam  per  triennium  vexatam  atque 
vastatam ,  judices  ^  ut  eam  multis  annis  multorum 
iimocentia  sapientiaque  recreare  nequeamus. 

IX.  Eorum  omnium,  qui  decumani  yocabantur, 
princeps  erat  Q.  iile  Âpronins,  quem  yidetis  :  de 
€ujus  improbitate  singulari,  grayissimarum  lega- 
tionumi  querimonia,  audistîs.  Adspicite,  judices, 
yultum  hominis  et  '  adspectum;  et  ex  ea  contuma- 
cia,  quam  hic  in  perditis  rébus  retinet,  illos  '  ejus 
spiritus  Sicilienses  quos  fuisse  putetis ,  cogitate  ac 
recordamini.  Hic  est  Apronius,  quem  in  proyincia 
tota  V(>rres ,  quum  undique  nequissimos  homines 
conquisisset ,  et  quum  ipse  secum  sui  similesduxis- 
set  non  parum  multos ,  nequitia ,  luxuria ,  audacia , 
sui  simillimum  judicayit.  Itaque  istos  inter  se  per- 
breyi  tempore,  non  res,  non  ratio,  non  commen- 
datio  aliqua ,  sed  studiomm  turpitudo  similitudo- 
que  conjunxit.  Yerris  mores  improbos  impurosqué 
nostis  :  fingite  yobis,  si  potestis,  aliquem,  qui  in 
omnibus  istis  rébus  par  ad  omnium  flagitiorum 
uefarias  libidinesesse  possit  :  is  erit  Apronius  iUe; 
qui ,  ut  ipse  non  solum  yita ,  sed  etiam  corpore 
atque  ore  significat,  immensa  aliqua  yorago  est 

■  Herelius  malit  adsessitm.  —  *  Sic  omnis  édita  script 
taque  lectio,  Lambinus ,  iÙos  etiajn  sp. 


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SEC.  ACTION  COîfrRE  I^ERRÈS,  IH.  ag 
xm  homme  qni^  après  tant  d'aimée» ,  que  dis-je?  après 
pins  d'un  siède ,  a  entrepris  de  la  changer,  de  la  dé- 
tmire  :  om ,  Terres  est  le  senl  qoi  ait  converti  en  un 
profit  criminel  des  règlements  sages ,  favorables  pour 
les  alliés,  utiles  pour  la  république;  qui  aiti^||al»li, 
sons  le  faux  titre  de  dédmateurs ,  des  ministres  et  des 
satellites  de  son  odieuse  cupidité.  Je  vous  les  mon- 
trerai ,  Romains ,  vexant  et  ravageant  si  bien  la  pro- 
vince pendant  trois  ans,  que  nos  gouverneurs  les  plus 
intègres  et  les  plus  habiles  pourront  à  peine ,  après 
un  long  intervalle ,  réparer  tant  de  malheurs. 

IX.  Le  chef  de  tous  ces  hommes  qu'on  appdUit  déci- 
mateurs ,  était  ce  Q.  Apronius  que  vous  voyez,  dont  la 
perversité  sans  exemple  vous  est  certifiée  parle  témoi- 
gnage des  députés  les  plus  dignes  de  foi.  Remarquez ,  * 
je  vous  prie,  l'air  du  personnage  et  sa  figure  ;  et  par 
là  fierté  qu'il  garde  encore  dans  une  situation  déses- 
pérée, essayez  de  vous  repré9e:nter  à  vous-mêmes  et 
de  vous  figurer  quelle  a  dû  être  son  arrogance  lorsqu'il 
régnait  en  Sicile.  C'est  cet  Apronius  que  Terres,  qui , 
dans  toute  la  province ,  avait  ramassé  de  toutes  parts 
avec  tant  de  soin  les  hommes  les  plosIÉricux ,  et  qui 
a?ait  emmené  avec  lui  une  n  grande  ronle  de  ses  pa- 
reils, a  regardé  comme  un  autre  lui-même,  comme 
nneparfidte  image  de  ses  vioes,  de  sa  débauf^,  de 
son  audace.  Aussi,  en  fort  peu  de  temps,  fhrent-ila 
étroitement  liés;  et  ce  ne  fat  ni  l'intérêt ,  ni  la  raison , 
ni  qmiLqne  recommandation  particulière,  mais  la  même 
dépravation  qui  les  nuit.  Tons  connaissez  les  moeurs 
perverses  et  déréglées  de  Terres  :  imaginez-vous ,  si 
vous  le  pouvez,  nn  homme  qui  l'égale  en  infamies, 
en  dissolutions  ;  vous  aurez  alors  une  idée  d' Apronius, 
qoi,  comme  on  en  peut  juger,  non  seulement  par  sa  . 
conduite,  mais  par  sa  taille 9  et  tout  son  extéiieor. 


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3o  IN  mSRAEM  AOT.  II,  LIB.  UI. 

'  ac  gurges  vitiorum  turpitudinumque  omnium. 
Hune  in  omnibus  stupris«  hune  in  fanoram  exfû- 
lationibus ,  hune  in  in^uris  conviviis  prineipem 
adhibebat;  tantamque  hàbebat  morum  similitudo 
conjdtctionem  atque  concordiam,  ut  Apronias, 
qui  aliis  inhumanus  ac  barbarus ,  isti  uni  commo- 
dus  ac  disertus  videretur;  ut,  quem  omnes  pdis- 
sent ,  neque  videre  vellent ,  sine  eo  iste  esse  non 
posset;'ut,  quum  alii-ne  conviviis  quidem  iisdem, 
quibus  Aproniusy  hic  iisdem  etiam  poculis  utere- 
tur;  postremo ,  ut  odor  Apronii  teterrimus  oris  et 
corporis,  quem,  ut  aiunt,  ne  bestiae  quidem  ferre 
possenty  uni  isti  suavis  et  jucundus  videretur. 
liie  erat  in  tribunali  proximus  ;  in  cubiculo  ^  so- 
cius  ;  in  convivio  dominus  ;  ac  tum  maxime,  quum, 
accubante  praetextato  prstoris  filio,  in  convivio 
saltwe  nudus  cœperat. 


X.  Hune ,  uti  dicere  institui ,  prineipem  Verres 
ad  fortunas9fl|orum  yexandas  diripiendasque  esse 
voluit  :  huju?t[udacîsB,  nequitiœ,  crudelitati ,  fide- 
lissimos  socios^  optimosque  cives,  scitote,  hoc 
prsBtore  traditos ,  judices ,  atque  addictos  fuisse , 
novis  institutis  et  edictis;  tota  Hieronica  lege, 
qnemadmodum  antea  dixi,  rejecta  et  repudiata.^ 

Primum^  edictum,  judices,  audite  pvcclaram  : 

'  Al.  aut;  sed  habet  ac  ^etus  liber  Vrsim/  idque  recte 
plttcuit  Mureto  et  Grœvio.  —  *  Soins.  Quam  ntocem  Beck 
e  n^ett.  fidd,'restituit.  Ipse  Ubens  fecerim,  collato  in/ra 
cap.  a3. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERMES,  m.      3i 

est  on  gouffre  immeiise ,  vm  vaste  abîme ,  oà  vieiànciit 
se  rassemliler  tons  les .  opprobres  et  tons  les  vices. 
Verres  l'employait  en  cbef  dans  tous  ses  adaltères, 
dans  les  pillages  des  temples ,  dans  ses  fêtes  impures. 
La  ressemblance  des  mœnrs  les  avait  rapprochés,  les 
avait  nnis  au  point  que  cet  Apronius  qu'on  trouvait 
généralement  grossier  et  rustique ,  Terrés  seul  le  trou- 
yut  agréable  et  disert  ;  que  celui-là  même  que  toat  le 
monde  abhorrait,  qu'on  ne  voulait  pas  voir,  Terrés 
ne  pouvait  s'en  passer  ;  qu'un  homme  avec  lequel  on 
évitait  de  se  rencontrer  à  la  même  table ,  buvait  dans 
la  même  coupe  que  Terrés;  qu'enfin  Vodenr  infecte 
qu'exhalait  sa  bouche  et  son  corps,  et  que  les  bétes 
même,  comme  on  dit,  ne  pourraient  souf&ir,  parais- 
sait  à  Terrés  le  parfVun  le  plus  doux.  Apronios  se 
trouvait  à  ses  côtés  au  tribunal;' Apronius  était  sans 
cesse  dans  sa  chambre  ;  il  fusait  les  honneun  de  ses 
repas,  et  surtout  de  ces  honteux  festins  on,  aans  res- 
pect pour  le  jeune  fils "^  du  préteur,  il  se  mettait  à 
danser  nu  devant  ses  yeux. 

X.  C'est  là  l'homme  que  Terrés ,  comme  je  le  disais , 
a  nommé  en  chef  pour  tourmenter  ejt  dépouillai!  les 
malheureux  agriculteurs.  Oui ,  Romains,  sachez  que , 
sons  sa  préture,  de  fidèles  alliés  et  d'excellents  cf- 
toyens  ont  été  livrés  et  abandonnés  *  à  la  perversité ,  à 
Taudace ,  à  la  cruauté  d'un  Apronius ,  par  des  dispo- 
sition» et  des  ordonnances  nouvelles ,  au  mépris  de  la 
loi  dlliéron ,  de  cette  loi  que  Terrés ,  je  le  répète,  a 
rqetée  et  réprouvée  tout  entière. 

écoutes  d'abord,  Romains,  «on  admirable  ordon- 
nance :  Le  culnvcaeur  donnera  au  décimateur  tout  ce 

*  Addictos,  on  comialt  l'énergie  de  ce  mot.  «Qnum 
jndicatum  non  faceret ,  addictas  Hermippo ,  et  ab  hoc 
dnctus  est.  »  Pro  Flacco,  c.  ao. 


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3a  m  VERREM  ACT.  II,  LIB.  m. 

«Quantum  decumanus  edidisset  aratorem  sibi  de- 
«  cumse  dare  oportere ,  ut  tantum  arator  decumano 
«  dare  cogeretur.  »  Quombdo  ?  quantum  poposce- 
rît  Apronîus ,  dato.  '  Quid  est  hoc?  utrum  praetoris 
înstitutum  in  socios,  an  în  hostes  yîctos  insanî 
edictum  atque  imperium  tyranni?  Ego  ^tantum- 
dem ,  quantum  ille  poposcerit?  poscet  omne ,  quan- 
tum exarayero.  Quid  omne?  imo  plus  etiam,  in- 
quit ,  si  yolet.  Quid  tum?  Quid  censés?  aut  dabis, 
aut  contra  edictum  fecisse  damnabere.  Per  deos 
immortales  !  quid  est  hoc  ?  yerisimile  enim  non  est. 
Sic  mihi  persuadeo,  judices  :  tametsi  omnia  in 
istum  hominem  conyenire  putetis,  tamen  hoc  yo- 
hiM  falsum  yideri.  Ego  enim',.quum  hoc  tota  Sicilia 
diceret,  tamen  affirmare  non  Quderem,  si  hsBC 
edicta  non  ex  ipsius  tabulis  totidem  i^rbis  reci- 
tare  pos9em;  sicuti  faciam.  Da,  quiBso^  scribse  : 
recitet  ex  codice.  Recita  edictum  de  professione. 
Edictum  de  pbofessione.  Negat  me  recitare  to- 
1  tum  r  nam  id  significare  nutu  yidetur.  Quid  prae- 
tereor  an  illud ,  ubi  cayes  tamen  Siculis ,  et  mi- 
seros  respicis  aratores  ?  Edicis  enim ,  te  in  decu- 
manum ,  ^  si  plura  sustulerit ,  quam  debitum  sit , 
in  octuplum  judicium  daturum  esse.  Nihil  mihi 
placet  prstermitti.  Recita  hoc  quoque,  quod  pos- 
tulat; totum  recita.  Edictum  de  luuicio  m  ootu^ 
PLUM.  Judicio  ut  arator  decumanum  persequatur? 
Mîserum  atque  miquum,  ex  agro  homines  traduci 

'  Rescripsit  Beck  ,  teste  ms.  j  Quid ,  quid  est  hoc  ?  — 
'  uil.  tantum  dem,,  quod  probat  ffotomann.  Sed  Êmest, 
nferetur  ne  dem  sit  a  glossa,  ideoque  deUndum.  —  ^Beck 
maluit  scribere  e  cod.  Urs.,  si  plus  sustulerit;  quodjam 
Ernest,  suaserat. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TEBilÈS,  IH.      33 

que  cdui-ci  aura  déclaré  lui  être  dâ.  Comment  !  il  faat 
donner  tout  oe  qa'Apronios  demandera?  Qnoi  donc  ! 
est-ce  là  le  règlement  d'an  jeteur  ponr  de»  alliés,  on 
redît  despotique  d*nn  tyran  inaenaé  pour  des  ennenùs 
iraincDs?  Je  donnerai  tont  ce  qa*il  demandera!  Mais 
il  demandera  tout  oe  cpie  j'aurai  cnltivé.  Tout?  même 
pins ,  s'il  le  vent.  Qu'importe  ?  ou  vous  donnerez ,  on 
vous  serez  condamné  comme  ayant  enfreint  l'ordon- 
nance. Dieux  immortels  !  quelle  oppression  !  la  chose 
n'est  pas  vraisemblable.  Tout  persuadés  que  vous  êtes, 
Komain»,  qu'il  n'est  rien  dont  'Verres  ne  soit  capable  » 
je  m'imagine  que  ce  fait  vous  parait  faux.  Quand  tonte 
la  Sidle  en  déposerait,  je  n'oserais  moi-même  l'affir- 
mer ,  ai  je  n'en  trouvais  la  preuve  dans  les  édits  mêmes 
tirés  de  ses  registres;  les  voici.  Remettez  %  je  vous 
prie,  ta  pièce  an  greffier:  qu'il' lise  d'après  le  registre 
même.  lise»  redit  sur  la  déclaration  dés  terres  mises 
enlaJbonr.  ÉniT  sur  la  DécLAKATioir.  Terres  se  plaint 
qu'on  ne  lit  pas  tont  :  il  semble  du  moins  me  le  faire 
entendre.  Qn'avons-nons  passé?  est-œ  l'artide  on  vous 
avez  l'air  de  songer  aux  Siciliens ,  et  de  jeter  un  re- 
gard de  pitié  snr  les  maUienreax  agriculteurs?  Vous 
dites,  en  effet,  que  si  le  décimateur  prend  au-delà 
de  ce  qui  lui  est  dû,,  vous  permettrez  de  le  poursuivre 
pour  lui  faire  payer  buit  fois  la  somme  perçue  au-delà 
de  ses  droits.  Je  ne  veux  rien  passer.  Lisez  Tartide , 
lisez-le  tont  entier.  Édit  sur  lb  droit  db  réclakbr 
Hurr  rois  la  somkb.  Le  cultivateur  opprimé  pour- 
suivra donc  le  décimateur  ?  Il  est  triste ,  il  est  injuste 
que  des  laboureurs  soient  transportés  de  leurs  cam- 
pagnes an  barreau^  de  la  cbarrae  au  tribunal,  de 

*  Remettez,,.,  C'est  à  son  seerétaire  que  Cicéron  adresse 
la  parole. 


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34  IN  YBR&EM  ACT.  n,  LIB.  HI. 

ia  forum ,  ab  aratro  ad  subsellia ,  ab  ucu  rerum 

rusticarum  ad  insalitam  litem  atque  judicium.  « 

Xly.  Quum  omnibus  in  aliU  yectigalibus,  Asis, 
Macedoni»,  Hispani»,  GalliaB,  A&ic»,  Sardiniae, 
ipsius  Itali» ,  '  qna  vectigalia  sunt;  quum  in  his, 
inquam ,  rébus  omnibus  publicanus  petitor  ac  pig- 
nerator ,  non  ereptor  n«que  possessor  soleat  esse  : 
tu  de  optimo ,  de  justissimo ,  de  honestissimo  ge* 
nere  hominum,  hoc  est,  de  aratoribus,  ea  jura 
constituebas ,  quae  omnibus  aliis  essent' contraria. 
Utrum  est  aequius ,  decumanum  petere ,  an  aratv- 
rem  repetere?  judicium  intégra  re,  an  perdita, 
fieri  ?  eum ,  qui  manu  quesierit ,  an  éum ,  qui  di- 
gito  licitus  sît,  possidere?  Quid?  qui  in  singulis 
jugis  arant,  qui  ab  opère  ipsi  non  recedunt,  quo 
in  numéro  magnus  ante  te  praetoi^m  numerus, 
magna  multitudo  Siculorum  fuît  :  quid  faoknt? 
quum  dederiçt  Apronîo ,  quod  poposoerit,  relin- 
quent  arationes  ?  relinquent  Larem  familiarem 
suum?  venient  Syracusas,  ut,  te  praetore  vide- 
licet,  aeqfto  'jure  Apronium,  doHcias  ac  vitam 
tuam ,  judiciô  recuperatorio  persequantur  ?  Verum 
esto  :  reperietur  alîquis  fortis  et  experiens  arator^ 
qui,  quum  tantum  dederit  decumano,  quantum 
iUe  deberi  dîxerit,  judicio  répétât,  et  poenam  oc- 
tupli  persequatur.  Exspecto  vim  edicti ,  seyerita- 
tem  prœtoris  ;  faveo  aratori,  cupio  octupli  damnari 
Apronium.  Quid  tandem  postulat  arator?  nihil, 
nisi  ex  edicto  judicium  in  octuplum.  Quid  Apro- 

'  Sequimur  emendationem  Hotomanni.  Fulg-  qa«<  Tria 
hœe  oferba  Ernest,  uncis  inclusU;  Schûtz  deletdt,  —  '  Er- 
nest, malit  jure  abesse. 


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f 


SEG.  ACTION  CONTRE  TERRES,  IH.  35 
leurs  tt-avaax  tnstiqaes  à  ces  plaidoiries,  à  ces  discns* 
sions  qt^Os  ne  conndisaeiit.  pas. 

XI.  Quoi  !  dans  tontes  4es  antres  imposîttons  de 
r  Asie ,  de  k  Macédoine ,  de  PEspagne ,  de  la  Ganle , 
de  rAiiiqae,  de  la  Saidaigne,  de  la  partie  de  ITtalie 
qui  y  est  sujette  ;  dans  tontes  ces  impositions ,  dis-je , 
le  fermier  public  n'a  droit  que  dé  faire  des  demandes 
et  de  prendre  des  gages ,  non  d'enlever  ni  de  saisir  les 
récoltes;  et  vous,  Yerrès,  vous  établissiez  pour  la 
classe  d'hommes  la  plus  utile ,  la  plus  vertueuse ,  la 
plus  honnête ,  je  veux  dire  pour  les  agriculteurs ,  une 
jurisprudence  contraire  à  toute  jurisprudence!  Eh! 
lequel  est  plus  juste  que  le  décimateur  demande  ou 
que  le  cultivateur  redemande?  que  le  cultivateur  soit 
jugé  quand  il  possède  encore  son  bien, .  ou  quand  il 
l'a  perdu?  que  celui  qui  a  amassé  par  ses  travaux  soit 
en  possession ,  on  celui  qui  a  acquis  par  la  simple  en- 
chère "  ?  Et  ceux  qui  ne  labourent  qu'un  arpent ,  qui 
le  labourent  eux-mêmes  (tels  étaient,  avant  votre 
préture ,  un  grand^  nombre  de  Siciliens) ,  que  feront- 
ils?  Quand  ils  auront  donné  à  Apronius  ce  qu'Q  aura 
demandé ,  quitteront-ils  leur  labour?  abandonneront- 
ils  leurs  pénates?  se  transporteront-ils  à  Syracuse?  et 
là ,  dans  nn  jugement  par  commissaires ,  devant  vous 
préteur,  sans  donte  à  partie  égale,  poursuivront-ils 
Apronius ,  yo9  dâices ,  l'objet  de  vos  tendresses?  Mais 
soit;  il  se  trouvera  nn  agriculteur,  courageux  et 
habile,  qui,  après  avoir  donné  au  décimateur  tout  ce 
qu'il  aura  demandé,  le  poursuivra  en  justice,  et  lui 
intentera  procès  aux  termes  de  l'édtt.  J'attends  l'efTet 
des  lois,  la  sévérité  du  préteur;  je  m'intéresse  pour 
l'agriculteur,  je  souhaite  qn' Apronius  soit  condamné. 
Que  demande  l'agriculteur  ?  rien  que  de  pouvoir 
poursuivre  aux  termes  de  Tédit.  Et  Apronius  ?  il  ne 


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36  IN  VERKÉM  ACT.  H,  LIB.  in.  , 

nias?  non  récusât.  Quid  prsetor?  jubet  recapera- 
tores  rejicere.  Decurias  scribamus.  Quas  decurias  ? 
de  cohorte  mea  'rejicies,  inquit.  Quid?  ista  co- 
hors quorum  hominum  est?  Volusii  aruspicis,  et 
Cornelii  medici ,  et  horum  canum ,  quoa  tribuna,! 
meum  yides  lambere.  Nam  de  conyentu  nullom 
unqnam  judicem ,  nec  recuperatorem  dédit  :  ini- 
quos  decumanis  esse  aiebat  omnes,  qui  ullam  agri 
glçbam  possiderent.  Veniendum  erat  ad  eos  con- 
tra Apronîum ,  qui  nondum  etiam  Aproniani  con- 
yivii  crapulam  exhalassent. 

XII.  O  praeclarum  et  commemorandtlm  judi- 
ciam!  o  seyerum  edictnm!  o  tutum  perfugium 
aratorum  ! 

Atque ,  ut  intelligatis ,  cujusmodi  ista  jndicia  in 
octuplum  f  cujusmodi  istius  de  cohorte  récupéra'^ 
tores  existimati  sint,  sic  attendite.  Ecquem  putatis 
decumanum,  hac  licentia  permissa,  ut  tantum  ab 
aratore  ,  quantum  poposcisset ,  auferret ,  plus  , 
quam  deberetur ,  poposcisse  ?  Gonsiderate  cum 
yestris  animis  yosmet  ipsi,  ecquem  putetis,  prae- 
sertim  quum  id  non  solum  ^ayaritia,  sed  etiam 
itnprudentia  accidere  potuerit  :  mnltos  necesse  est. 
At  ego  omnes  dico  plus,  ac  multo  plus,  quam  de- 
cumas,  abstnlisse.  Cedo  mihi  unum  ex  triennio 
praeturse  tu»,  qui  octupli  damnatus  sit  :  damna- 
tus?  imo  yero,  in  quem  judicium  ex  edicto  tuo 
postulatum  sit.  Nemo  erat  yidettcet  aratorum ,  qui 
injuriam  sibi  factam  queri  posset  :  nemo  decuma- 

'  Gnev»  et  Ernest,  juhent  haitc  ^ocent  delere  :  Schutz 
contradlcit.  Recte.  DeijardUns  optime  rem  expUeat.  — 
^  Sinearar.,  s.  e.  sine  impudentia.  Nostrwn  Gnev,emss. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  m.  3, 
teFase  pas  d'être  jugé.  Et  le  prétenr?  U  ordonne  de 
choisir  des  commissaire»  '*.  Écrivons  les  classes  dans 
lesquelles  on  choisira.   —  Qa'appelez-yons   classes? 

"Vons  prendrez ,  dit-il-,  des  hommes  de  ma  snîte. Et 

de  qnels  hommes  est  composée  votre  snite?  De  Fams- 
pice  Toinsias,  du  médecin  Cornélius,  et  de  toute  cette 
mente  affamée  qui  entoure  mon  tribunal.  Terres,  ea 
effet,  ne  tira  jamais  un  seul  juge,  un  seul  commissaire 
da  nombre  des  citoyens  romains.  Quiconque,  disait-il 
possède  un  pouce  de  terre,  est  ennemi  des  décima- 
tears.  Il  fallait  donc  plaider  contre  Apronius  devant 
des  hommes  tout  échauffés  encore  du  vin  de  la  table 
d*Apronins. 

XII.  Quel  admirable  et  quel  incorruptible  tribunal  ! 
quel  édit  sévère  !  quel  excellent  refage  pour  les  cul- 
tivateurs / 

Et  afin  que  vous  compreniez  quelles  étaient  ces 
poursuites  autorisées  par  l'édit,  et  quelle  estime  on 
faisait  de  ces  juges  tirés  de  la  suite  de  Terres ,  écoutez 
Romains.  Ne  s'est-Q  pas  trouvé ,  croyez-vous ,  quelque 
décimatenr  qui,    avec  la  liberté   de   faire  donner  à, 
l'agriculteur  tout  ce  qu'il  lui  demandait ,  ait  demandé    " 
au-delà  de  ce  qui  lui  était  du  ?  Toyez ,  examinez  ;  ne 
s'en  est-il  pas  rencontré  quelqu'un,  surtout  lorsqu'il 
aundt  pu  outre-passec  ses  droits ,  non  par  cupidité , 
juais  par  mégarde  ?  Il  s'en  est  trouvé  nécessairement 
un  grand  nombre.  Je  dis ,  moi,  que  tous  ont  pris  au- 
delà  et  bien  au-delà  des  dîmes.  Or,  Terres,  dans  les 
trois  années  de  votre  préture ,  montrez-m'en  un  seul  ' 
qui  ait  été  condamné  à  rendre  huit  fois  la  somme  ; 
quedis-je.*^  qui  ait  été  poursuivi  II  n'y  avait,  appa- 
remment ,  aucun  agriculteur  qui  put  se  plaindi-e  qu'on 
lui  eût  fait  une  injustice  ;  il  n'y  avait  aucun  décima- 
tear  qui  eût  demandé  un  grain'  au-delà  d«  ce  qtd  lui 

VITI.  4 

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38  m  YERREM  ACT.  H,  UB.  m. 

nonim,  qui  grano  amplius  sibi ,  quam  deberetur, 
deberi  professus  esset.  Imo  yero  contra ,  rapiebat 
et  asportabat ,  quantum  a  quoque  volebat ,  Apro- 
nius;  omnibus  autem  locis  aratores  spoliati  ac 
yexati  querebantur  :  neque  tamen  ullnm  judiciùm 
reperietur.  Quid  est  hoc?  tôt  TÎri  fortes,  honesti, 
gratiosî ,  tôt  Siculi ,  tôt  équités  romani ,  ab  uno 
homine  nequissimo  ac  turpissimo  lassi,  pœnam 
octupliy  sine  ulla  dubitatîone  comràissam,  non 
persequebantur?  qu»  causa?  qu»  ratio  est?  Una 
illa ,  judices ,  quam  videtis  :  qupd  ultro  etiam  illu-, 
SOS  se  et  irrisos  ab  judicio  discessuros  videbant. 
Etenim  quod  esset  judiciùm ,  quum  e  Verris  tur- 
pissimo flagitiosissimoque  comitatu  très  recupera- 
torum  nomine  assedissent,  asseclœ  istius,  •  non  a 
pâtre  ei  traditi ,  sed  a  meretricula  commendati  ? 
Ageret  videlicet  causam  arator  :  nihil  sibi  frumenti 
ab  Apronio  relictum,  bona  sua  etiam  direpta,  se 
pulsatum  yerberatumque  diceret.  Conferrent  viri 
boni  capita  :  de  comissatione  loquerenturinter  se, 
ac  de  mulierculis ,  si  quas  a  praetore  abeuntes  pos- 
sent  deprehendere.  Res  agi  yideretur.  Siirrexisset 
Apronius,  nova  dignitas  publicani,  non  ut  decu- 
manus,  squalorifi  plenus  ac  pulyeris;  sed  unguen- 
tis  oblitus,  vino  vigiliisquc  languidus  :  omnia 
primo  motu  ac  spiritu  suo,  vini,  unguenti,  cor- 
poris  odore  complesset.  Dixisset  hœc,  qu»  vulgo 
dicere  solebat,  non  se  decumas  émisse,  sed  bona 
fortunasque  aratorum;  non  se  decumanum  esse 
Apronium,  sed  Verrem  alterum,  dominum  illo- 

»  Cod,  Franc. ,  non  a  populo  romano  ei  traditi  ;  quod 
verum  Gravio  ^idetur. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  HI.  3q 
était  dû.  Mais  Apronlas ,  an  contraire ,  prenait  et  en- 
levait à  cbacon  tont  ce  qa*il  voulait;  tont  retentissait 
des  plaintes  des  cultivateurs  vexés  et  dépouillés  :  et 
cependant  on  ne  trouvera  pas  une  seule  poursuite. 
Quoi  donc  !  tant  d'hommes  cfuiNnraient  de  la  fermeté, 
du  crédit  et  de  la  considération ,  tant  de  Siciliens,  tant 
de  chevaliers  romains ,  lésés  par  un  seul  homme,  aussi 
vil,  aussi  déshonoré,  ne  le  poursuivaient  pas  pour 
lui  faire  subir  la  peine  qu'il  avait  publiquement  en- 
courue?  Quelle  en  pouvait  être  la  raison?  ceùt  que 
tout  le  monde  aperçoit.  Se  présenter  au  tribunal, 
c'était,  lis  n'en  doutaient  pas,  aller  chercher  du  mé- 
pris et  des  insultes.  Quel  tribunal ,  en  effet ,  que  celui 
où  auraient  siégé ,  avec  le  titre  de  jnge&rcommîssaires, 
trois  hommes  tirés  de  l'infâme  cohorte  de  Terres ,  ses 
compagnons  odieux,  qui  ne  lui  avaient  pas  été  don- 
nés par  son  père ,  mab  recommandés  par  une  vile 
courtisane  !  Supposes  qu'un  agriculteur  plaide  sa 
cause,  et  dise  qu'Apronîus  ne  lui  a  point  laissé  de 
blé ,  que  ses  biens  même  oat  été  pillés ,  qu'il  a  été 
frappé  et  battu.  Nos  honnêtes  juges  s'approchent 
comme  pour  délibérer  sur  ses  plaintes  ;  mais  ils  ne 
parlent  entre  eux  que  d'une  partie  de  débauche ,  que 
des  femmes  sortant  des  bras  de  Terrés ,,  dont  ils  pour- 
raient s'emparer.  Fier  de  sa  dignité  nouvelle  de  fer- 
mier public ,  ^pronios  se  lève ,  non  oomme  un  déci* 
mateor  tout  couvert  de  poussière ,  mais  parfumé  d'es- 
sences, avec  cet  >  air  de  langueur  que  donnent  la 
débauche  et  les  veilles  :  à  son  premier  mouvement , 
de  son  premier  soufBe ,  il  remplit  l'assemblée  d'exha- 
laisons vineuses  et  de  l'odeur  de  ses  parfums.  Il  répète 
ses  discours  ordinaires ,  qu'il  ne  s'est  pas  fait  '  adjuger 
les  dîmes,  mais  les  biens  et  les  fortunes  des  cultiva- 
teurs ;  qu'il  n'est  pas  le  décimatenr  Apronins ,  mais  un 


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/ 


iio  IN  TERREM  ÀCT.  H,  LIB.  III. 

rum  ac  tyrannum.  Quae  quum  dixisset,  illi  vin 
optimi  de  cohorte  istius  recuperatorcs ,  non  de 
absolvendo  Apronio  délibérèrent,  sed  quœrerenty 
ecquo  modo  petitorem  ipsum  Apronio  condemnare 
possent.  • 

XIII.  Hanc  tu  licentiam  diripiendorum  arato- 
rum  quum  decumanis ,  hoc  est ,  «Apronio  permisis- 
ses,  ut,  quantum  vellet ,  posceret  ;  quantum  popos- 
cisset ,  auferret  :  hoc  tibi  defensionis  ad  judicium 
tuum  comparahas,  habuisse  te  edictum,  recupe- 
ratores  daturum  in  œtnplum?  Si  mehercnle  ex 
omni  copra  conventus  Syracusani ,  splendidissimo- 
rum  honestissimorumque  hominum,  facéres  po- 
testatem  aratori,  non  modo  rejiciiîndi,  sed  etîam 
snmendi  recuperatores  :  tamen  hoc  noyum  genus 
injurisB  ferre  nemo  posset,  '  te,  quum  tuos  omnes* 
fructus  publicano  tradidisses ,  et  rem  de  maii^iuk 
amisisses,  tum  bona  tua  repetere,  acpersequi  lite 
atque  judicio.  Quum  vero  verbo  judicium  sit  in 
edicto,  re  quidem  vera  tuorum  conïitum,  homi- 
num nequissimorum ,  coUusio  cum  decumanis , 
sociîs  tuis,  atque  adeo  procuratoribus  :  tanien  au- 
des  illius  judicii  mentionem  facere;  prsesertim 
qiium  id  non  modo  oratione  mea,  sed  etiam  re 
ipsa  refellatnr?  quum  in  tantis  incommodis  arato- 
rum,  injuriisque  decumanorum,  nullnm  ex  isto 
prseclaro  edicto  non  modo  factum ,  sed  ne  postu- 
latum  quidem  judicium  inyeniatur?  Krit  tamen 
in  aratores  lenior,  quam  videtur  :  nam,  qui  in 
decumanos  octupli  judicium  se  daturum  edixit, 

'  Wyttenhach,  Bibl  crû.,  l\,  p.  i3«  emendat  :  se... 
snos...  tradidisKet...  ainisitset...  sua...  Schutz  recepif. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  m.  4t 
second  "Verres,  lenr  maître,  leur  souverain.  A  ces 
mots ,  les  excellents  jages  de  la  troupe  de  Verres  n'aa- 
raient  pas_  délibéré  poar  absoudre  Apronins,  mais 
cherché  les  moyens  de  condamner,  an  profit  d'Apro* 
nins ,  le  demandeur  lui-même. 

XIII.  Après  avoir  autorisé  les  décimatears,  c'est-à- 
dire  Apronins ,  à  piller  les  agriculteurs  ;  après  lui  avoir 
permis  de  demander  tout  ce  qu'il  voulait,  de  prendre 
tout  ce  qu'il  aurait  demandé ,  tous  vous  ménagiez , 
Terres ,  en  cas  d'accusation ,  cette  défense  :  Je  me  suis 
engagé  par  un  édit  à  nommer  une  commission  qui  fit 
rendre  huit  fois  la  somme.  Mais  eussiez-vons  permis 
au  cultivateur  de  choisir  librement  des  jnges  '  ^  dans 
cette  classe  si  recommandable  et  si  intègre  des  citoyens 
romains  établis  à  Syracuse ,  on  se  plaindrait  encore 
de  ce  nouveau  genre  de  vexation,  d'être  obligé ,  après 
avoir  abandonné  toutes  ses  récoltes  au  décimatent', 
après  s'être  dessaisi  de  ses  biens ,  d'intenter  un  procès 
pour  les  recouvrer.  Mais  lorsque ,  dans  l'édit ,  il  n'est 
parlé  de  jugement  que  pour  la  forme  ;  lorsque  le  ju- 
geiéent,  en  effet,  n'eut  été  qu'une  collusion  de*  vos 
infâmes  satellites  avec  les  décimateûrs  vos  associés ,  on 
platôt  vos  intendants  ;  vous  osez  encore  parler  de  ce 
jugement  prétendu ,  vaine  défense ,  réfutée  déjà  par 
le  fait ,  puisque  jamais  on  n'a  poursuivi  d'après  votre 
admirable  édit ,  et  qu'on  n'a  pas  même  demandé  le 
droit  de  poursuivre  !  Cependant  ^rrès  sera  plus  favo- 
rable aux  caltivateurs  qu'il  ne  le  parait;  puisque, 
dans  le  même  édit  on  il  annonce  qu'il  permettra  de 
poursuivre  les  décimateûrs  pour  leur  faire  payer  cette 
amende ,  il  déclare  que  les  cultivateurs  ne  pourront 
être  condamnés  qu'à  payer  une  somme  quadruple. 
Osera-t-on  dire  qu'il  ait  été  déchaîné  contre  les  agri- 
«oltenrs ,  qu'il  ait  été  leur  ennemi  ?  ne  leur  a>t-il  pas 


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42  IN  TERREM  ACT.  II,  LIB.  III. 

idem  habuit  ia  edicto ,  se  in  aratorem  in  quadru- 
plum  daturum.  Quis  hune  audet  dicere  aratoribus 
infestum  aut  inîmicum  fuisse  ?  quanto  lenior  est , 
quam  in  publicanum  ?  Edixit ,  ut,  quod  decuma- 
nus  edidisset  sibi  dari  oportere ,  id  ab  aratore  ma- 
gistratus  Siculus  exigeret.  Quid  derelîquit  judicii, 
quod  in  aratorem  dari  posset  ?  Non  malum  est , 
inquit ,  esse  istam  formidinem  :  ut ,  quum  exactum 
sit  ab  aratore,  tamen  ne  se  commoveat,  reliquus 
metus  judicii  sit.  Si  judicio  a  me  vis  exigere,  re- 
raove  Siculum  magistratum  :  si  banc  vim  adhibes, 
quid  opus  est  judicio?  Quis  porro  erit,  qui  non 
malit  decumanis  tuis  dare ,  quod  poposcerint , 
quam  ab  asseclis  tuis  quadruplo  condemnari  ? 

XIV.  lUa  vero  praeclara  est  clausula  edicti,  quod 
omnium  controversiarum,  quse  essent  inter  ajcato- 
rem  et  decumanum ,  si  uter  velit ,  edicit ,  se  recu- 
peratores  daturum.  Primum ,  quse  potest  esse  con- 
trovçrsia,  quum  is,  qui  petere  débet ,  aufert  ?.  et 
quum  is  non,  quantum  debetur,  sed  quantum 
commodumest,  aufert?  ille  autem,  unde  ablatum 
est, "judicio  suum  recuperare  nuUo  modo  potest? 
Deinde  in  boc  homo  '  luteus  etiam  callidus  ac  ve- 
terator  esse  vult ,  quod  ita  scribit ,  Si  uter  volet, 
RECUPERATORES  olbo.  Quam  lepide  se  furari  pu- 
tat  ?  Utrique  facit  potestatem  :  sed  utrum  ita  scrip- 
serit,  si  uter  volet ,  an,  si  decumanus  volet,  nihil 
interest  :  arator  enim  tuos  istos  recuperalores 
^  nunquam  volet.  * 

'  Restkmmus  priscam  lectionem.  Lambin. ,  bliteas  ; 
Ernest.,  lynceus.  Reperit  Gruterus  in  Palat.  sec. ,  laatus , 
quod  el  non  displicere  miror.  -—  '  Ita  codd.  Nann^  et  Me- 
tell.  Olim,  uumquid  volet  ? 


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SEC  ACTION  CONTRE  TERRES,  III.  43 
été  bien  plas  favorable  qo^aux  fermiers  publics  ?  Mais 
redit  porte  que  le  magistrat  sicilien  fera  payer  aa 
cultivateur  ce  qae  le  collecteur  exige  '  *.  N'est-ce  pas  là 
épuiser  toutes  les  rigueurs  judiciaires  qu^on  peut  em- 
ployer contre  Tagriculteur  ?  Il  n*est  pas  mal ,  dit 
Yerrès,  de  le  contenir  par  la  crainte  d'un  jugement, 
de  Tempécher  de  remuer  après  qu'on  Fanra  fait  payer. 
—  Si  vous  vôul«B  me  faire  payer  en  verfu  d'un  juge- 
ment ,  ne  faites  pas  intervenir  le  magistrat  sicilien  *  ' , 
si  vous  employez  cette  voie  de  rigueur ,  qu'est-îl  besoin 
d'un  jugement  ?  Qui  n'aâmera  pas  mieux  donner  à  vos 
décimateurs  ce  qu'ils  auront  demandé  ,  que  d'être 
condamné  par  vos  odieux  compagnons  à  payer  le 
quadruple?* 

XrV.  Mais  voyons  la  belle  conduaion  qui  termine 
son  édit  :  il  annonce  que ,  pour  les  démêlés  q«î  sur- 
viendront entre  le  cultivateur  et  le  décimatenr,  il 
donnera  des  commissaires ,  si  l'un  des  deux  le  désire. 
D'abord,  quel  démêlé  peut-il  y  avoii*  lorsque  celui  qui 
doit  demander  enlève;  qu'il  enlève,  non  ce  qui  lui  est 
du,  mais  ce  qu'il  veut;  et  que  celui  à  qui  on  a  enlevé 
ne  peut,  en  aucune  maniera,  recouvrer  par  un  juge- 
ment ce  qui  lui  appartient  ?  Mais  ensuite  cet  homme 
méprisable  prétend  même  ici  faire  le  fin  et  le  rusé.  Jb 
DOirirERAi ,  dit-il ,  nss  commissaires  ,  si  l'uit  des 
DExrx  LE  nésiRB.  Comme  il  s'imagine  voler  adroite- 
ment !  n  perm  A  à  tous  les  deux  de  réclamer  des  com- 
missaires. Mais  quelle  différence,  Terres,  y  a-t-il entre 
annoncer ,  si  l'un  des  deux  le  désire ,  ou  si  le  décîma- 
teur  le  désire?  Eh!  Fagricnltenr  demandera-t-il  jamais 
vos  commissaires? 

*  L'orateur  suppose  qae  les  joges  vendus  à  Verres 
prononceront  toujours  en  faveur  des  décimateors,  ses 
complices. 


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44  IN  VERREM  ACT.  U,  LIB.  III. 

Quid  ?  illa  cujusmodi  sunt ,  (juse  ex^  tempore  ^  aH 
Apronio  admonitus ,  edixit?  Q.  Septitio,  hones- 
tissiino  homiiie ,  equiteque  romano ,  resistente 
Apronio,  et  affirmante,  se  plus^decumanondatu- 
rum,exoritur  peculiare  edictum  repeatinum ,  ne 
quis  frumentum  de  area  tolleret  ante ,  quam  cum 
decumano  pactus  esset.  Ferebat  hanc  quoque  ini- 
qiiitatem  S<?ptitias,  et  imbri  fromentam  corrumpi 
in  area  patiebatur  :  quum  illud  edictum  repente 
iiberrimum  et  qiiœstuosissimum  uascitdr,  nt  ante 
kalendas  sext.  omnes  decumas  ad  aqiiam  depor- 
tatas  haberent.  Hoc  edicto  non  Siculi  (nam  eos 
quidem  jam  superioribus  edictis  satis  perdiderat 
atque  afflixerat),  sed  isti  ipsi  équités  romani,  qui 
snum  juâ  retinere  se  contra  Apronium  posse  erant 
ai'bitvati,  splendidi  bomiues,  et  aliis  praetoribus 
gratiosi,  vincti  Apronio  traditi  sunt.  Attendite 
enim,  cujasmodi  edicta  sint.  Ne  toll\t,  inquit, 
EX  ABR4,  HTsi  ERIT  PACTUS.  Satis  hacc  magna  vis 
est  ad  inique  paciscendum  :  malo  enim  plus  dare, 
qnara  non  mature  ex  area  tollere.  At  ista  vis  Sep- 
titium,  et  nonnuUos  Septitii  similes,  non  coercet; 
qui  ita  dicunt  :  Non  toUam  potins ,  quam  paciscar. 
His  boc  '  opponitur  :  Deportatum  bnbeas  ante  ka- 
lend.  sext.  Deportabo  igitur.  Nisi pactus  eris, non 
commovebis.  Sic  deportandi  dies  prxstituta  tôl- 
ière cogebat  ex  area  ;  prohibitio  toUendi ,  nisi 
pact^s  esset ,  vim  adhibebat  pacticmi ,  non  volon- 
tatem. 

'  Hœe  est  vera  lectio ,  qnam  Gruter,  dare  ^oluiif  sed 
operœ  vulgatam  apponîtnr  seryavere,  nec  id  Gronov.  cor- 
rexù,  nec  OUvet,,  nec  LalUm.  Uabeni  ^a/ne»  opponitur 
ioni  nus,  * 


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SEC.  ACnON  CONTRE  TERRÉS,  m.  45 
Qae  diron»>noas  de  Pédit  qa^il  a  reada  sar-le-champ 
et  par  occasion,  d'après  Favis  d'Apromus?  Q.  Septi- 
tins ,  chevalier  romain  des  pins  distlngnés ,  résistait  à 
Àpronins,  et  protestait  qu'il  ne  donnerait  qae  la 
dime  :  on  voit  paraître  tout  à  <x)np  une  ordonnance  ' 
spéciale,  qu'on  ne  pourrait  enlever  son  blé  de  Faire 
avant  de  s'être  arrangé  avec  le  décîmateur.  Septitins 
supportât  encore  cette  injustice ,  et  il  laissait  son  blé 
dans  l'aire  se  gâter  par  la  pluie ,  lorsque  soudain  on 
voit  éclore  cette  autre  ordonnance  si  féconde  en  profits 
pour  son  auteur,  qu'avant  les  kalendes  de  sextilis 
(août),  toutes  les  dîmes  devaient  être  portées  au 
détroit  de  Sicile.  Par  cette  ordonnance,  il  a  livré, 
pieds  et  mains  liés,  à  Apronius,  non  les  Siciliens  (ses 
précédentes  ordonnances  les  avaient  déjà  assez  épuisés, 
assez  minés) ,  mais  les  chevaliers  romains  eux-mêmes^ 
qai  avaient  cru  pouvoir  conserver  leurs  droits  contre 
Apronitts ,  parce  qu'ils  jouissaient  de  qudqne  consi- 
dération, et  qu'ils  avaient  en  du  crédit  auprès  des 
autres  préteurs.  Remarquez ,  en  effet ,  quels  sont  ces 
édits.  On  n'enlèvera  point  i.e  blé  de  l'aire  ,  a  moins 
qu'on  ne  se  soit  arrangé.  Cest  une  assez  grande 
violence  poUr  contraindre  à  un  arrangement  peu  fa- 
vorable :  car  j'aime  mieux  donner  davantage  que  de 
ne  pas  enlever  à  temps  mon  blé  de  l'aire.  Mais  cette 
violence  n'ébranle  pas  encore  Septitius  et  d'autres 
Romains  aussi  fermes  que  lui.  Plutôt  que  d'entrer  en 
arrangement,  disent-ils,  je  n'enlèverai  point  mon  blé; 
Cest  pour  eux  qu'il  donne  ensuite  cet  ordre  :  Portez 
votre  blé  avant  les  kalendes  de  sextilis.  Je  le  porterai 
donc.  Mais  vous  le  laisserez  en  place  jusqu'à  ce  que 
vous  vous  soyez  arrangé.  Ainsi  le  jour  fixé  pour  porter 
le  blé  obligeait  de  l'enlever  de  l'aire;  la  défense  de 
l'enlever  de  l'aire  avant  qu'on  se  fût  arrangé  contrai- 
gnait, malgré  soi,  à  nu  arrangement. 


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46  IN  YERREM  ACT.  H,  LIB.  m. 

XV.  Jam  vero  illud  non  solum  contra  legem 
Hieronicam ,  nec  solum  contra  consuetudinem  su- 
periomm,  sed  etiam  contra  omnia  jura  Siculo- 
rum,  qu8B  habent  a  senatu  populoque  romano,  ne 
extra  suum  forum  vadimonium  promittere  cogan- 
tur.  Statuit  iste,  ut  arator  decumano,  quo  vellet 
decumanus ,  yadimonium  promitteret  :  ut  hic 
quoque  Aprqnio ,  quum  '  ex  Leontino  usque  Li- 
lybaeum  aliquem  yadaretur ,  ex  miseris  aratoribus 
calumniandi  quœstus  accederet.  Quanquam  illa 
fuit  ad  calumniam  singulari  consilio  reperta  ra- 
tio, quod  edixerat,  ut  aratores  jugera  sationum 
suarum  profiterentur.  Quœ  res  quum  ad  pactio> 
nés  iniquissimas  magnam  yim  babuit,  sicut  osten- 
dam ,  neque  ad  ullam  utilitatem  reipublicae  perti- 
nuit  ;  tum  vero  ad  calumnias ,  in  quas  omnes  in- 
ciderent,  quos  vellet  Apronius.  Ut  enim  quisque 
contra  yoluntatem  ejus  dixerat,  ita  in  eum  judi- 
cium  de  professione  jugerum  postulabatur.  Cujus 
judicii  metu  magnus  a  multis  frumenti  numerus 
ablatus ,  magnsque  pecuniaî  coactœ  sunt  :  non  quo 
jugerum  numerum  vere  profiteri  esset  difficile, 
aut  amplius  etiara  profiteri  :  quid  enim  in  eo  péri- 
culi  esse  posset?  sed  causa  erat  judicii  postulandi, 
quod  ex  edicto  professus  non  esset.  Judicium  au- 
tem  quod  fuerit  isto  prœtore,  si,  qusB  cohors,  et 
qui  comitatus  fuerit ,  meministis ,  scîre  debetis. 
Quid  igitur  est ,  quod  ex  bac  iniquitate  novorum 
edictorum  intelligi  velim ,  judices  ?  Injuriamne 
factam  sociis?  at  yidetis.  Auctoritatem  superio- 

'Sic  edd.  a>ett.  SequurUur  tamen  Gruter.,  Lambin,, 
hallem.  mss.  nonnuUos  scribendo,  a  Leontinis. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  m.      ^7 
"Xy.  Ce  que  je  vais  dire  n'est  pas  seulement  contraire 
à  la  loi  dlliéron  et  à  Fusage  des  anciens  préteurs, 
mais  encore  à  tontes  les  lois  que  les  Siciliens  tiennent 
du  sénat  et  du  peuple  romain ,  d'après  lesquelles  ils  ne 
sont  forcés  de  plaider  que  devant  leurs  propres  juges  *. 
Verres  ordonna  que  le  décimatear  pourrait  ajourner 
le  cultivateur  devant  tel  juge  qu'il  voudrait,   afin 
sans  doute ,  qu'Apronius  put  ajourner  à  Lilybée  un 
•habitant  de  Léontini,  et  qu'il  eût  ce  nouveau  moyen 
d'inquiéter  et  de  rançonner  les  infortunés  laboureurs. 
Mais  voici  ce  qu'il  avait  imaginé  de  plus  étrange  et  de 
plus  propre  à  tourmenter  ces  malheureux  :  il  leur  était 
en^int  de  déclarer  les  arpents  qu'ils  auraient  ense- 
mencjés.  Cette  ordonnance,  comme  nous. le  montre- 
rons ,  avait  tme  grande  vertu  pour  faire  conclure  des 
arrangements  sans  que  la  république  en  tirât  aucun 
avantage;  et  elle  servait  surtout  à  Apronius  pour  faire 
de  mauvaises  difficultés  k  tous  cenx'  qu'il   voulait. 
Quelqu'un  avait>il  parlé  contre  son  gré ,  il  était  dté  en 
justice  pour  déclaration  d'arpents  ensemencés.  Nombre 
de  cultivateurs  se  sont  vu  enlever  par  cette  crainte  une 
grande  quantité  de  blés  et  de  fortes  sommes  d'argent. 
Ce  n'est  pas  qn'il  fut  difficile  de  déclarer  avec  vérité 
tous  les  arpents  ensemencés,  et  même  d'en  déclarer 
davantage  :  quel  danger  pouvait-on  courir  ?  Mais  il  y 
avait  toujours,. <]Çuelqne    prétexte  pour  être  dté  '**, 
comme  n'ayant  pas  déclaré  suivant  l'ordonnance.  Or 
vous  devez  savoir  de  quelle  manière  on  était  jugé  sous 
la  préture  de   Terres,  si  vous  vous   rappelez  quels 
odieux  satellites  composaient  son  tribunal.  Que  devez- 
vous  condure  enfin  de  l'iniquité  de  ces  étranges  édîts? 
Qn'on  a  vexé  les  alliésr  mais  la  chose  est  claire.  Qu'on 

*  Dans  leur  juridictjTon  immédiate,  qui  était  toujours 
la  plus  voisine  da  canton  qu'ils  occupaient.  Desmeuniers. 


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48  IN  VERREM  ACT.  H,  LIE.  TH. 

rum  repudiatam?  non  audebit  n égare.  Tantum 
Âpronium  isto  praetore  potuisse?  confiteatur  ne- 
cesse  est. 

XVI.  Sed  yos  fortasse,  quod  vos  lex  commo- 
net,  îd  in  hoc  loco  qaxretis,  num  quas  ex  hisce 
rébus  pecunias  ceperit.Docebo,  oepisse  maxiraas, 
omnesque  eas  iniquîtates ,  de  qnibus  antea  dixi , 
sui  qusestus  causa  constituisse  >  vincam,  si  prîus 
illud  propugnacolnm ,  quo  contra  omnes  raeos 
impetus  usurum  se  putat»  ex  defensione  ejus  de- 
jecero.  Magno,  inquit,  decamas  vendidi.  Quid 
ais?  an  tu  decumasy  homo  audacissime  atque 
amentissime,  yeadidisti?  tu  partes  eas,  quas  te 
senatus  populusque  romanus  voluit,  an  fructus 
integros,  atque  adeo  bona  fortnnasque  aratorum 
omnes  vendidisti?  Si  palam  prsco  jussu  tuo  prse- 
dicasset,  non  decumas  frumenti,  sed  dimidias 
venirè  partes ,  et  ita  emtores  accessissent ,  ut  ad 
dimidias  partes  emendas  :  si  pluris  vendidisses 
tu  dimidias,  quam  ceteri  decumas,  cuinam  mirum 
videretur?  Quid  vero,  si  prseco  decumas  pronun' 
tiavit;  re  vera,  hoc  est,  lege,  edicto,  conditione 
plus  etiam,  quam  dimidia  yenierunt?  tamen  hoc 
tibi  prseclarum  putabis,  te  pluris,  quod  non  lice- 
bat,  quam  oeteros,  quod  oportebat,  yendidisse? 
Pluris  "vendidi  decumas ,  quam  ceteri.  Quibus  ré- 
bus id  assecutus  es?  Innocentia.^  adspice  sedeni 
Castoris  ;  deinde ,  si  audes ,  fac  mentionem  inno- 
'ceutiae  Diligentia?  codicis  litui^as  tui  contemplare 

*  Fulg.    conviiicam.  Lect.  mss.  GnUer.  yrœtulimus  ; 
.    quôd  jain  muld  ante  nos  fecerant.  Hahent  edam  viucam 
duo  codd.  regii. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  m.  4^ 
a  méprisé  Vaatorité  des  anciens  préteurs  P  Terrés 
n'osera  ïe  nier.  Qa'Apronios  a  en ,  soos  la  prétare  de 
Verres,  an  pouvoir  sans  bornes?  Terres  est  obligé 
d'en  convenir. 

XTI.  Mais  peat-être  ici ,  comme  la  loi  vous  en  fait 
an  devoir,  vous  me  demanderez  si  Terrés  a  tiré  de 
Targent  de  toute  cette  manœuvre.  Je  vous  montrerai 
qu'il  en  a  tiré  des  sommes  immenses ,  et  qu'il  a  tcmt 
fait  pour  le  gain  ;  mais  je  veux  d'abord  détruire  le 
rempart  qu'il  croit  opposer  à  toutes  mes  attaquer.  J'ai 
fait  hausser,  dira-t-il,  l'adjudication  des  dîmes.  Que 
dites-vous ,  6  le  plus  audacieux  et  le  plus  insensé  des 
bommes?  Sont-ce  les  dîmes  que  vous  avez  adjugées  ."* 
avez-vons  adjugé  la  partie  que  réclamaient  le  sénat  et 
le  peuple  romain,  ou  les  récoltes  entières,  et  même 
les  biens  et  les  fortunes  des  agriculteurs  ?  Si  le  crieur 
eût  pabiié  par  votre  ordre  qu'on  affermait ,  non  les 
dîmes  du  blé ,  mais  les  moitiés ,  et  qu'on  eût  enchéri 
pour  se  les  faire  adjuger,  serait-il  étonnant  cjue  vous 
en  cassiez  porté  l'adjudication  plus  haut  que  les  autres 
n'ont  fait  celle  des  dîmes?  Mais  si  le  crieur  a  publié 
les  dîmes,  et  qu'en  effet,  c'est-à-dire  en  vertu  de  votre 
loi,  de  votre  édit,  de  vos  dispositions  particulières, 
on  ait  adjugé  même  plus  que  les  moitiés ,  vous  ferez- 
vOQs  cependant  un  mérite  d'avoir  porté  l'adjudication 
de  ce  que  vous  ne  deviez  pas  adjuger,  plus  haut  que 
les  autres  nVnt  porté  celle  de  ce  qu'ils  avaient  le  droit 
de  vendre  ?  J'ai  affermé  les  dîmes  à  un  plus  haut  prix 
que  les  antres.  Comment  avez-vous  obtenu  cet  avan- 
tage? Par  votre  intégrité?  regardez  le  temple  de  Cas- 
tor '  ^  ;  et  ensuite ,  si  vous  l'osez ,  venez  parler  d'in- 
tégrité. Par  votre  exactitude?  considérez  les  ratures  d^ 
vos  registres  à  l'article  de  Sthénius  de  Thermes;  et 
osez  ensuite  vous  dire  un  homme  exact.  Par  la  subti- 
VII  r.  ^ 

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5o  IN  TERREM  ACT.  Il,  LIB.  m.      ' 

in  Sthenii  Thermitani  nomme  ;  deinde  auçje  te 
dicere  diligentem.  Ingenio?  qui  testes  inteirogati 
priore  actione  nolueris,  et  iis  tacitum  os  tuum 
praebere  malueris ,  quanturayis ,  et  te ,  et  patronos 
tuos ,  ingeniosos  esse  dicito.  Qua  re  igitur  id , 
quod  ais,  assecutus  es?  Magna  est  enim  laus,  si 
superiores  consilio  vioisti ,  posterîoribus  exem- 
plum  atque  auctoritatem  reliquîsti.  Tibi  fortasse 
idoneus  fuit  riemo,  quem  imitarere;  at  te  Tideli- 
cet ,  inTcntorem  rerum  optimarum  ac  principem , 
imîtabuntur  omnes.  Quis  aratorum,  te  praetore, 
decumam  dédit?  quis  duas?  quis  non  maximo  se 
affectum  beneficio  putavit ,  quum  tribus  decumis 
pro  una  dêfungeretur,  praeter  paucos,  qui  prop- 
ter  societatem  furtorum  tuorum  nibil  omnino  de- 
derunt ?  "Vide ,  inter  impo^tunitatem  tuam ,  sena- 
tusque  bonitatem,  quid  intersit.  Senatus,  quum 
temporibus  reipublicae  cogitur,  ut  décernât,  ut 
alterse  decuraae  exigantur ,  ita  decernit ,  ut  pecu- 
nia  pro  bis  decumis  solvatur  aratoribus  ;  ut ,  quod 
plus  sumitur,  quam  debetur,  id  emi,  non  auferri 
putetur.  Tu ,  quum  tôt  decumas  non  senatuscon- 
sulto,  sed  novis  edictis  tuis,  nefariisque  institutis 
exigeres  et  eriperes;  magnum  te  fecisse  arbitra- 
bere  ,  si  pluris  vendideris ,  quam  L.  Hortensius  , 
pater  istius  Q.  Hortensii,  quam  Cn.  Pompeius , 
quam  *M.  Marcellus,  qui  ab  œquitate,  ab  lege, 
ab  institutis  non  recesserunt? 

XVII.  An  tibi  unias  anni,  aut  biennii  ratio  ha- 

*  Mtdti,  inter  quos  C.  Stephan.y  Lallem.,  Beck.,  e  cod. 
Nanfùano  ethis  orationibus ipsis,  Viptnat.,  c.  ^;in  F'err., 
II,  3  ,  21,  ediderunt,  rectius  forte ,  C.  Marcellus. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TKRRÊS,  ffl.  5r 
lité  de  votre  esprit  ?  après  vous  être  refusé,  dans  la 
première  instance  ,  à  Tinterrogatoire  des  témoins , 
après  avoir  mieux  aimé  voos  présenter  muet  devant 
eux;  dîtes  encore,  tant  que  vons  vondrez,  qne  vons 
avez  beancoop  dVsprit,  vous  et  vos  défenseurs.  Par 
qhel  moyen  avez-vous  donc  rendu  o^  important  ser- 
vice à  l'état  ?  C*est  une  grande  gloire  d'avoir  surpassé 
\os  prédécesseurs  en  intelligence,  de  laisser  à  vos 
successeurs  un  exemple  et  une  autorité.  Peut-être 
n'avez-vous  point  trouvé  de  modèle;  mais  tous  les 
antres  imiteront  sans  doute  votre  sage  administra- 
don.  Est-il  un  cultivateur,  sous  votre  préture,  qui 
n'ait  payé  qu'une  simple  dîme.'  qui  n'en  ait  payé  que 
deux?  qui  ne  se  soit  pas  cru  traité  favorablement 
quand ,  pour  une  dîme ,  il  n'en  a  payé  que  trois , 
excepté  quelques  protégés ,  vos  complices ,  qui  n'ont 
rien  donné  .^  Voyez  quelle  difierence  entre  votre  des- 
potisme et  la  bonté  du  sénat!  Le  sénat,  quand  l'in- 
téiét  public  le  force  à  exiger  une  seconde  dîme ,  or- 
donne qu'on  paiera  cette  dîme  aux  cultivateurs  ;  et  s'il 
prend  au-delà  de  ce  qui  lui  est  dû ,  il  est  censé  acbeter 
ce  qu'il  prend ,  et  non  l'enlever.  Vous ,  lorsque  vous 
avez  exigé  et  arraché  tant  de  dîmes ,  non  d'après  un 
sénatus-consulte,  mais  d'après  vos  règlements  iniques 
et  les  édits  de  votre  invention ,  vous  vous  glorifierez 
d'avoir  porté  l'adjudication  des  dîmes  plus  haut  que 
L.  Hortensius  *,  père  de  votre  défenseur,  plus  haut  que 
Pompée'®,  plus  haut  que  M.  Marcellus**,  qui  ne  se 
sont  écartés  en  rien  de  l'équité ,  de  la  loi,  de  nos  in- 
stitutions ! 
XVII.  Deviez-vous  ne  songer  qu'à  une  ou  deux  an- 

*  Préteur  en  ^56.  11  est  probable  qu'il  obtint  la  pro- 
vince de  Sicile  au  sortir  de  sa  préture.  —  **  Foj.  la 
note  latine. 


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S2  IN  TERREM  ACT.  H,  UB.  m. 

benda  fuit;  salus  provincisè,  coiTimoda  rei  fru- 
ftientArite,  ratio  reipublicae  '  in  poJ^terum  fuit  ne- 
gligenda  ?  quum  ita  rem  coustitutam  accepisses , 
ut  et  populo  romano  satis  frumenti  ex  Sicîlia 
suppeditaretur,  et  aratoribus  tamen  arare,  atque 
agros  colère  exnediret.  Quid  effecisti?  quid  aye- 
cutus  es  ?  Ut  populo  romano ,  prsetore  te ,  nescio 
quid  ad  decumas  accederet ,  deserendas  arationes 
relinquendasque  curasti.  Successit  tibi  L.  Metellus. 
Tu  innocentior,  quam  Metellus?  tu  laudi^et  ho- 
noris cupidior?  tibi  enim  consulatus  quacrebalur, 
Metello  paternus  honor  et  avitus  negligebatur  : 
multo  minoris  vendidît ,  non  modo ,  quam  tu ,  sed 
etiam,  quam  qui  ante  te  yendiderunt.  Quaero,  si 
ipse  excogitare  non  poterat,  quemadmodum  quam 
plurimo  renderet;  ne  tua  quidemrecentia  proxirai 
prœtoris  vestigia  persequi  poterat ,  ut  tuis  praecla- 
ris,  abs  te  principe  inyentis  et  excogitatis  edictis, 
atque  institutis  uteretur  ?  Ille  vero  tum  se  Metel- 
lum  minime  fore  putasset ,  si  te  uUa  in  re  imitatus 
esset  :  qui  ab  nrbe  Roma^,  quod  nemo  unquam 
post  hominum  memorîam  fecit ,  quum  sibi  in  pro- 
yinciam  proficiscendum  putaret,  litteras  ad  Sici- 
lia  ciyitates  misit ,  per  quas  hortatur  et  rogat ,  ut 
arent,  ut  serant  *in  benefîcio  populi  romani.  Hoc 
petit  aliquanto  ante  adventum  suum;  et^  simul 
ostendit,  se  lege  Hieronica  yenditurum,  hoc  est, 
in  omni  ratione  decumarum  nihil  isti  simile  fac- 

'  GrœviarU  codd.,  et  nonntdli  regii,  in  posteritatem. 
—  ^  Grœvius  delevit  in  ,  guod  non  fuit  û»  ms.  Nanniano  , 
negatque  commode  dici ,  serere  in  beneficio  p.  r.  Fidetur 
id  non  intellexisse  Grœvius. 


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SEC  ACnON  CONTRE  VERRES,  m.      53 
nées,  et  négliger  pour  Tavenir  le  salât  de  la  province , 
les  intérêts  des  approvisionnements,  les  aTantages  de 
la  république ,  lorsqne  la  Sicile ,  à  votre  arrivée,  pou- 
vait fournir  assez  de  blé  au  peuple  rofnaîn ,  et  qne 
cependant  les  agriculteurs  trouvaient  leur  profit    â 
cultiver  les  terres?  Qu'avea-vous  fait?  qu'a  ve«-vous  ga- 
gné ?  Pour  procurer  au  peuple  romain,  sous  votre  pré- 
ture ,  je  ne  sais  quel  surcroît  de  dîmes,  vous  avez  fait 
abandonner  et  déserter  les  campagnes.  L.  Métellns  vous 
a  succédé.  Êtes-vons  plus  intègre  que  Métellns?  êtes- 
vous- plus  sensible  à  la  gloire  et  à  rhonnenr?  Yous  as- 
piriez au  consnlat  '9;  Métellns,  pent-étre,  méprisait 
cette  dignité  qu'avaient  obtenue  son  père  et  son  aïeul*  : 
eb  bien  !  il  a  porté  l'adjudication  des  dîmes  beaucoup 
nxoins  bant,  non  seulement  qne  vous,  mais  que  les 
préteurs  qui  les  avaient  adjngées  avant  vous.  Je  vous 
le  demande;  s'il  ne  pouvait  imaginer  lui-même  un 
moyen  d'en  faire  bansser  l'adjudication,  ne  pouvait-il 
pas  suivre  les  traces  toutes  récentes  de  son  prédéces- 
seur immédiat  ?  ne  ponvait-il  pas  faire  usage  des  belles 
ordonnances ,  des  beaux  règlements  dont  vous  aviez 
été  l*beurenz  inventeur?  Certes,  il  ne  se  serait  gnère 
reconnu  pour  un  Métellns ,  s'il  vous  eût  imité  en  la 
moindre  cboa^.  Il  était  encore  à  Rome ,  il  se  disposait 
à  partir  pour  sa  province ,  lorsqu'il  écrivit  aux  Sici- 
liens, ce  qui  ne  s'était  jamais  fait  avant  lui ,  pour  les 
ezborter  à  labourer  et  à  ensemencer  les  terres  qa'il» 
doivent  au  peuple  romain.  Il  leur  fait  cette  prière  un 
peu  avant  son  arrivée ,  et  en  même  temps  il  annonce 
qu'il  affermera  les  dîmes  d'après  la  loi  dliiéron ,  c'est- 
à-dire  qne,  dans  tontes  les  adjudications  de  dîmes,  il 
n'imitera  en  rien  'Verres.  Et  ce  n'est  point  par  amour 

*  FaiO  MeieîH  Rcmœjiunt  consules. 


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54,  IN  VERREM  ACT.  II,  LIB.  HI. 

turum.  Ataue  haec  non  cupiditate  aliqua  scrîbît 
ariductus ,  ut  in  alienam  provinciam  mittat  litteras 
ante  tempus  ;  sed  consilio ,  ne ,  si  tempus  sationîs 
praeteriûset ,  granum  in  proyincia  Sicilia  nullum 
haberemus.  Gognoscîte  Metelli  litteras.  Recita 
epistolam  L.  Metelli.  Littera  L.  Metelli. 
.  XVIII.  Hœ  litterse ,  judices  ,  L.  Metelli,  quas 
audistis,  hoc,  quantum  est  ex  Sicilia  frumenti  . 
hornotini ,  exararerunt.  Glebam  commosset  in 
agro  decumano  Sicîliae  nemo,  si  Metellus  banc 
epistolam  non  misisset.  Quid  ?  Metello  di-vinitus 
hoc  yenit  in  mentem;  an  ab  Siculis,  qui  Romam 
frequentissimi  conyenerant .  negotiatoribusque  Si- 
ciliœ  '  doctus  est  ?  quorum  quanti  conyentus  ad 
Marcellos,  antiquissimos  SicilisB  patronos,  quanti 
ad  Cn.  Pompeium,  consul em  designatum,  cete- 
rosqùe  illius  proyincise  necessarios ,  :Reri  soliti 
sint ,  quis  ignorât  ?  Quod  quidem  judicium  nuUo 
unquam  de  homine  factum  est,  ut  absens  accusa- > 
retur  ab  iis  palam,  quorum  in  bona  liberotque 
summum  imperium  potestatemque  haberet.  Tanta 
yis  erat  injurianim,  ut  homines  quidyis  perpeti, 
quam  non  de  istius  prayitate  et  injuriis  deplorare 
et  conqueri  mallent.  Quas  litteras  quum  ad  omnes 
ciyitates  prope  suppliciter  misisset  Metellus  ;  tamen 
antiquum  modum  sationis  nulla  ex  parte  assequi 
j>otuit  :  diffugerant  enim  permulti ,  id  quod  osten- 
dam;  non  solum  arationes,  sed  etiam  sedes  suas 
patrias,  istius  injuriis  exagitati,reliqueraat. 

Non  mehercule  crin>inis  augendi  causa  dicam , 
'  Forte  edoctus  est ,  induit  GuUelmius. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  III.  55 
du  pouvoir  qrfil  écrit  avant  le  temps  dans  une  pro^ 
vince  qu'an  antre  gouvernait  encore ,  c'est  par  pru- 
dence :  peut-être ,  s'il  eût  laissé  passer  le  temps  des 
semailles ,  n'aurions-nons  pas  en  un  grain  de  blé  dans 
la  province  de  Sicile.  Écoutez  la  lettre  même  de  L.  Mé- 
tellus.  Lettre  de  L.  MÉTELiiUs. 

XTm.  Cest ,  Romains ,  à  cette  lettre  de  L.  Métellns , 
dont  vous  venez  d'entendre  la  lecture ,  que  vous  devez 
tout  le  blé  recueOli  cette  année  dans  la  Sicile.  On  n'an* 
rait  point  tracé  nn  sillon  dans  les  campagnes  de  cette 
province  sujettes  aux  dîmes,  si  Métellns  n'eût  écrit 
cette  lettre.  Mais  quoi  !  sont-ce  les  dieux  qui  lui  ont 
inspiré  cette  pensée?  on  bien  a-t-il  été  porté  à  cette 
démarche  par  toute  cette  multitude  de  Siciliens  qui 
s'étaient  rendus  à  Rome,  et  par  les  commerçants  de 
la  Sicile?  Qui  ne  sait  en  quel  nombre  ils  s'assemblaient 
chez  les  Marcellus ,  ces  anciens  protecteurs  de  la  Si- 
cile; chez  Pompée,  consul  désigné,  et  chez  les  autres 
amis  de  cette  province  ?  Quel  préjugé  contre  un  homme 
d'avoir  été,  même  avant  de  quitter  sa  province,  ac- 
cusé publiquement  par  ceux  dont  les  biens  et  les  en- 
fants étaient  soumis  encore  à  son  pouvoir  abs(du ,  à 
son  autorité  souveraine  !  Les  injustices  de  Verres  étaient 
à  criantes  ;  qu'on  aimait  mieux  s^xposer  à  tout  souf* 
frir  que  de  ne  pas  exhaler  sa  douleur  et  ses  plaintes 
centte  la  perversité  et  les  vexations  du  préteur.  Mé- 
tellus  avait  envoyé  dans  tonte  la  Sicile  cette  lettre 
presque  suppliante  ;  et  cependant  il  ne  parvint  nulle 
part  à  faire  ensemencer  les  terres  avec  le  même  soin 
qu'autrefois.  Une  foule  d'agriculteurs ,  ainsi  que  je  le 
montrerai ,  avaient  pris  la  fuite ,  et  non  seulement  ils 
avaient  renoncé  à  la  culture,  mais  les  persécutions  de 
Verres  leur  avaient  fait  abandonner  leurs  foyers. 

Non,  Romains,  ce  n'est  point  une  exagération  de 


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56  IN  VERREM  ACT.  Il,  LIB.  IH. 

judîces;  sed,  quem  accepi  ipse  oculis  animoqne 
sensum,  hune  vere  apud  vos,  et,  ut  potero,  pla- 
nisûme  exponam.  Nam,  quam  quadriennio  post 
în  Siciliam  venissem ,  sic  mihi  affecta  visa  est ,  ut 
hœ  terrœ  soient ,  iii  qaibus  belium  acerbum  diu- 
tumumque  yersatum  est.  Quos  ego  campos  antea 
coUesque  nitidissimos  Tiridissimosque  -vidlssem , 
hos  ita  yastatos  nunc,  ac  desertos  yidebam,  ut 
açer  ipse  cnltorem  desiderare,  ac  lugere  dominum 
yideretar.  Herbitemis  ager,  Ennensis,  'Morgan- 
tinus,  AssorÎDUs,  'Imacharensisy  AgyrineVisis ,  ita 
relictus  erat  ex  maxima  parte ,  ut  non  solum  juge- 
rum,  sed  etiam  dominorum  multitudinem  qusere- 
remus.  ^tnensis  yero  ager ,  qui  solebat  esse  cul- 
tissimus ,  et ,  quod  caput  est  rei  frumentarise , 
campus  Leontinus,  cujus  antea  spes  hsec  erat,  ut  y 
quum  ob'situm  yidisses ,  annonœ  caritatem  non  ye- 
rerere,  sic  erat  defonnis  atque  horridus ,  ut  in 
uberrima  Siciliae  parte  Siciliam  qusereremus.  La- 
befactarat  enim  yehementer  aratores  jam  superior 
annus;  proximus  yero  funditus  eyerterat. 

XIX.  Tu  mihi  etiam  audes  mentionem  facere 
decumarum  !  tu  in  tanta^improbitate,  tu  in  tanta 
acerbitate ,  in  tôt  et  tantis  injuriis  |  quum  in  ara- 
tionibus,  et  in  earum  rerum  jure  proyincia  Si- 
cilia  consistât,  eyersis  funditus  aratoribus,  relîctis 
a  gris,  quum  in  proyincia  tam  'locupleti  ac  re- 
ferta,  non  modo  rem,  sed  ne  spem  quidem  ullam 
reliquam  cnîquam  feceris,  aliquid  te  populare  pu- 
tabis  habere,  quum  dices,  te  pluris,  quam  cete- 

■  Mnrgentinus.  —  *  Macharensis.  —  '  .îic  PHsêan.^ 
p   765.  AL  locuplete. 


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SEC.  ACnON  CONTRE  yERRES,  III.  Sj 
IDA  part ,  je  ne  ferai  qne  voas  exposer  simplement  et 
avec  vérité  le  sentiment  que  j'ai  éproavé  en  revoyant 
la  Sicile.  Il  y  avait  quatre  ans  qne  j'avais  quitté  cette 
province*  :  elle  me  parut  comme  ces  pays  qu'ont  dé- 
solés les  ravages  d'une  gnerre  longue  et  cruelle.  Ces 
campagnes  et  ces  collines  que  j'avais  vues  auparavant 
si  hfiUes  et  si  florissantes ,  je  les  voyais  alors  daa|  un 
état  d'abandon  et  de  dévastation  :  le  sol  même  paraissait 
redemander  son  cultivateur  et  pleurer  son  maître.  Les 
territoires  dllerbite,  d'Enna ,  de  Aforgante,  d'Assore , 
d'Imachara ,  d'Agyrone ,  étaient  déserts  en  grande 
partie,  et  je  n'y  r^ronvais  plus  cette  multitude  de 
terres  labourées  et  même  de  propriétaires.  Le  territoire 
d'Etna,  ordinairement  si  bien  caltivé,  la  principale 
source  des  approvisionnements;  celui  de  Léontiniqni 
donnait  auparavant  de  sijselles  espérances  que,  lorsqu'il 
était  ensemencé,  on  ne  craignait  plus  la  disette;  ces 
denx  territoires  étaient  alots  si  hérissés  de  ronces  et  si 
"défigurés,  qne,  dans  la  partie  la  plus  riche  de  la  Sicile, 
nous  cherchions  la  Sicile  même.  L'avant-dernière  an- 

I  née  avait  déjà  extrêmement  fatigué  les  laboureurs;  la 

I  dernière  les  avait  entièrement  ruinés. 

'  XIX.  Et  vous  osez  encore  nous  parler  de  dîmes  î 

Quoi  donc  !  la  Sicile  ne  subsiste  que  par  la  culture  et 
par  les  lois  qui  règlent  la  culture  :  vous  y  avez,  par 
toates  vos  cruautés,  toutes  vos  injustices,  tontes  vos 
vexations ,  entièrement  miné  les  agriculteurs  ;  vous  les 
avez  contraints  d'abandonner  les  campagnes;  dans  une 
province  si  riche  et  si  fertile,  vous  n'avez  rien  laissé  à 
personne,  pas  même  l'espérance;  et  après  cela,  vous 
croirez  vous  être  ^t  un  titre  à  la  popularité ,  si  vous 
pouvez  dire  que  vous  avez  porté  plus  haut  que  les  an- 
tres l'adjudication  des  dîmes?  comme  si  le  peuple  vou* 
*  Après  sa  questure, 


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58  IN  TERREM  ACT.  II,  LIE.  III. 

ros ,  declunas  yendidisse  ?  Quasi  rero  aut  populos 
romauus  hoc  yoluerit ,  aut  senatus  hoc  tibi  man- 
daverit ,.  ut ,  quum  omnes  aratorum  fortunas  de- 
cumarum  nomine  eriperes,  in  posterum  fructu 
illo  commodoque  rei  frumentariaB  populum  roma- 
num  priyares  ;  deinde,  si  quam  partem  tusepraedas 
ad  Ammam  decumarum  addidisses ,  bene  de  po- 
pulo romano  meritus  yiderere. 

Atque  '  hsc  petinde  loquor,  quasi  in  eo  ait  ini- 
quitas  ejus  reprehendenda ,  quod  propter  glorisc 
cupiditatem ,  ut  aliquos  summa  decumarum  yin- 
ceret,  acerbiorem  legem,  duriora  edicta  interpo- 
suerit,  omnium  superiorum  auctori^tatem  repu- 
diarijt.  Magno  tu  decuma^  yendidisti.  Quid  ,  si 
doceo ,  te  non  miuus  domum  tuam  ayertisse ,  quam 
Romam  misisse  decumarum  nomine?  quid  habet 
populare  ratio  tua,  quum  ex  proyincia  populî^ 
romani  sequam  partem  tu  tibi  sumseris,  atque 
populo  romano  miseris  ?  Quid,  si  duabus  partibus 
doceo  te  amplius  frumenti  abstulisse,  quam  po- 
pulo romano  misisse?  tamenne  putamus patronum 
tuum  in  hoc  crîmine  ceryiculam  jactaturum,  et 
populo  se  '  ac  coronœ  daturum?  Hœc  yos  antea , 
judices ,  audistis  ;  yerum  fortasse  ita  audistis ,  ut 
auctorem  rumorem  haberetis ,  sermonemque  om- 
nium :  cognoscite  nunc,  innumerabilem  pecuniam 
frumentario  nomine  ereptam;  ut  simul  iilam  quo- 
que  ejus  yocem  improbam  agnoscatis ,  qui  se  uno 
quaestu  decumarum  omnia  sua  pericula  redem- 
turum  esse  dicebat. 

'  Multi  editores  inter  opùmos  omitiunt  luec.  Non  coni' 
mode.  —  '  Ad  coronam. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  III.  59 
eût  ordonné ,  ou  que  le  sénat  vous  eût  chargé  de  rayir 
toates  les  fortanes  des  cultivateurs  soos  prétexte  de 
dîmes,  de  priver  à  l'avenir  le  peuple  romain  da  fruit 
et  de  l'avaAitage  des  approvisionnements,  et  de  faire 
croire  ensuite  que  vous  avez  servi  la  république ,  parce 
que  vous  aurez  ajouté  à  la  somme  des  dîmes  une  por- 
tion de  votre  butin  ! 

Et  jusqu'ici  je  parle  comme  si  tout  le  crime  de  Terrés 
était  d^avoir ,  par  vanité ,  par  ambition  de  faire  mon- 
ter les  dîmes  plus  haut  que  d'autres ,  établi  une  loi 
plus  dure,  des  ordonnances  plus  rigoureuses ,  méprisé 
rautorité  de  tous  ses  prédécesseurs.  "Vous  avez  fait 
hausser,  dites-vous,  l'adjudication  des  dîmes.  Mais  si 
je  montre  que,  sous  prétexte  de  dîmes,  vous  n'avez 
pas  moins  emporté  de  blé  dans  votre  maison  que  vous 
en  avez  envoyé  à  Rome,  qu'est-ce  que  votre  conduite 
a  de  populaire,  lorsque,  dans  une  province  romaine, 
vous  avez  pris  autant  pour  vous  que  vous  avez  envoyé 
au  peuple  romain?  Mais  si  je  montre  que  vous  avez  en- 
levé deux  tiers  plus  de  blé  que  vous  n'en  avez  envoyé 
à  Rome ,  croyons-nous  qu'ici ,  secouant  la  tête  avec 
affectation  "® ,  votre  défenseur  se  tournera  d'un  air 
de  triomphe  vers  la  foule  des  citoyens  qui  environnent 
cette  enceinte?  Nos  juges  ont  déjà  la  connaissance  de 
ces  faits;  mais  peut-être  ne  les  connaissaient-ils  que 
sur  des  discours  et  des  bruits  publics  :  qu'ils  sachent 
maintenant  que,  sons  prétexte  de  blés,  "Verres  a  en- 
levé des  sommes  immenses ,  et  qu'ils  voient  en  même 
temps  quelle  ^st  Teifronterie  du  personnage  d'avoir  osé 
se  vanter  que  la  seule  augmentation  des  dîmes  pourrait 
le  faire  triompher  de  toutes  les  attaques  de  son  accu- 
sateur. 


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6o  IN  TERREM  ACT.  II,  LIB.  m. 

XX.  Audimus  hoc  jamdiu,  judices  :  nego  quem- 
quam  esse  vestrum,  quin  sœpe  audierit,  socios 
îstius  fuisse  decumanos.  Nihil  aliud  j|rbitror  in 
istum  falso  esse  dictum  ab  iis,  qui  maie  de  isto 
exigtimarint,  nisi  hoc.  Nam  socii  putandi  sunt , 
quos  inter  res  communicata  est.  Ego  rem  tptam, 
fortunasque  aratorum  omnes ,  istius  fuisse  dico  : 
Apronium,  Veneriosque  servos,  quod  isto  prse- 
tore  fuit  novum  genus  publicanorum ,  ceterosque 
decumanos,  procuratores  istius  qusestus  et  '  mi- 
nistres rapinarum  fuisse  dico.  Quo  modo  hoc  do- 
ces?  '  quo  modo  ex  locatione  îHa  columnarum  do- 
cui  istum  esse  praedatum  ;  opinor ,  ex  eo  maxime, 
quod  iniquam  legem  novamque  dixisset.  Quis 
enim  unquam  conatus  est  ^jura  omnia,  et  consue- 
tudinem  omnium  commutare  cum  yituperatione , 
sine  quaestu  ?  Pergam  ,  atque  insequar  longius. 
Iniqua  lege  vendebas,  quo  pluris  yenderes.  Cur, 
pm  ^addictis  et  venditis  decumis,  quum  jam  ad 
summam  decumarum  nihil,  ad  tuum  quœstum 
multum  posset  accedere,  subito  atque  ex  tempore 
nova  nascebântur  edicta  ?  nam  ut  yadimonium 
decumano,  quocumque  is  yellet,.  promitteretur; 
ut  ex  area,  nisi  pactus  esset,  arator  ne  toUeret; 
ut  ante  kaleud.  sext.  decumas  déporta  tas  *  habe- 
ret  :  hœc  omnia,  yenditis  deourais,  anno  tertio  te 
edixisse  dico.  Quae  si  reipublic»  causa  faceres,  in 
yendundo  essent  pronuntiata;  quia  tua  causa  fa- 

'  Beck  e  libr.  Nanniano ,  administros.  —  ^  Aliis  ma- 
gis  placet  iterata  interrogatio,  quo  modo  —  esse  praeda- 
tam?  —  '  Gulielm,  conj.,  jura  commuiiia.  —  ^  Edd.  pr, 
ainittunt  addictis  et.  —  '  Habcrent. 


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SEC.  ACTICW  CONTRE  "VERRES,  UL  6i 
XX.  Il  y  a  long-temps ,  Romains ,  qne  nons  avons 
entendu  dire ,  et  je  soutiens  qn'il  n^est  aucun  de  vous 
à  qui  on  n'ait  dit  souvent,  que  les  décimateurs  étaient 
les  associés  du  préteur.  Cest,  selon  moi,  la  seule 
chose  qu'il '7  ait  de  faux  dans  les  rapports  faits  contre 
Terres  par  ceux  qui  n'avaient  pas  une  bonne  opinion 
de  lui.  On  doit  regarder  comme  associés  ceux  entre 
qui  les  profits  se  partagent:  or,  je  puis  l'afQrmer, 
toutes  les  récoltes,  toutes  les  fortunes  des  agriculteurs 
n'étaient  que  pour  Verres.  Apro^ius,  les  esclaves  de 
Yénus  ^%  dont  sa  préture  a  fait  une  nouvelle  espèce 
de  fermiers  publics ,  et  les  autres  collecteurs ,  n'étaient 
que  les  agents  de  son  trafic  et  les  ministres  de  ses  ra- 
pines. Comment  le  prouvez- vous?  me  dira-t-on.  Comme 
j'ai  prouvé  qu'il  avait  volé  dans  la  réparation  des  co- 
lonnes *  ;  c'est-à-dire ,  par  cela  surtout  qu'il  avait 
porté  une  loi  injuste  et  nouvelle.  Qui  jamais ,  en  eifet , 
voulut  changer  toutes  les  lois  et  toutes  les  coutumes , 
pour  n'en  tirer  que  du  blâme  sans  profit?  Je  vais  plus 
loin.  Vous  adjugiez  les  dîmes  par  une  loi  injuste ,  afin 
d'en  hausser  l'adjudication  :  mais  pourquoi ,  lorsque 
les  dîmes  étaient  adjugées ,  lorsqu'on  ne  pouvait  plut» 
augmenter  la  somme  des  dîmes ,  mais  bien  votre  pro- 
fit; pourquoi  voyait- on  édore  tout  à  coup  et  par  occa- 
sion de  nouvelles  ordonnances?  Oui,  ces  ordonnances 
qui  permettaient  aux  décimateurs  d'ajourner  le  culti- 
vateur où  il  voulait,  qui  défendaient  à  celui-ci  d'en- 
lever son  blé  de  l'aire  avant  qu'il  eut  transigé,  qui  en- 
joignaient de  porter  les  dîmes  avant  le  mois  de  sextilis, 
je  dis  que  vous  les  avez  faites  la  troisième  année  de 
votre  préture ,  lorsque  les  dîmes  étaient  adjugées.  Si 
vous  aviez  cherché  le  bien  de  l'état ,  vous  auriez  publié 

*  Du  temple  de  Castor.  F'ojr.  seconde  Action,  liv.  I, 
cji.  54. 

VIII.  6 

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6a  IN  VERREM  ACT.  II,  UB  ffl. 

ciebas ,  quod  erat  imprudentia  praetermissum ,  îd 
quaestu  ac  tempore  admonitus  reprehendisti.  Illud 
vero  ctti  probari  potest?  te  sine  tuo  qusBstu,  ac 
niaximo  qusestu,  tantam  tuam  infamiam,  tantum 
capitis  tai  fortunarumque  periculum  neglexiase; 
ut,  quum  totius  Sicilîœ  quotidie  gemîtus  querl- 
moniasque  audires;  quum,  ut  ipse  dixisti,  reum 
te  fore  putares  ;  quum  hujusce  judicii  discrimen 
ab  opînione  tua  non  abhorreret  :  paterere  tamen 
aratores  indignissimis  injurîis  -vexari  ac  diripi? 
Profecto ,  quanquam  es  sîngulari  crudelitate  et 
audacia*,  tamen  abs  te  totam  aliénari  provinciam, 
tôt  homînes  '  honestissimos  tibi  inimicissimos  fieri 
nolles ,  nisi  banc  rationem,  et  cogitationem  salutis 
tu»,  pecunise  cuplditas,  ac  praesens  illa  prseda  su- 
peraret. 


Etenim,  quonîam  summam  et  numerum.inju- 
rîarum,  judices,  vobis  non  possum  exponere; 
singillatim  autem  de  uniuscujusque  incommodo 
dicere  infinitum  est  :  gênera  ipsa  injuriarum , 
quseso,  cognoscite. 

XXI.  Nympho  est  Centuripînus,  bomo  nayus 
et  industrius,  experieâtissiimus  ac  diligentissimus 
arator.  Is  quum  aratioifes  magnas  condnctas  ba- 
beret  (quod  bomines  etiam  locupletes,  sicut  ille 
est  y  in  Sicilia  facere  consueverunt) ,  easqu'e  magna 
impensa,  magno  instrumento  tueretur  :  tanta  ab 
isto  iniquitate  oppressus  est,  ut  non  modo  aratio- 

'  Hou.  aclocupletissîmos.  NuUus  cod.  habet,  monente 
adversus  Gruterum  Grœvio. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  "VERRES,  HI.  63 
ces  édits  en  adjugeant  les  dîmes  ;  mais  vous  ne  songîee 
qu'à  votre  avantage  personnel  ;  et  alors ,  ce  qae  voas 
aviez  omis  par  mégarde,  vous  Pavez  réformé,  averti 
par  votre  intérêt  et  par  l'expérience.  Mais  à  qni  peut- 
on  persuader  que ,  sans  un  gain  pour  vous ,  et  an  gain 
considérable,  vous  vous  soyez  exposé  légèrement  à 
une  telle  infamie ,  à  de  tels  risques  pour  votre  fortune 
et  pour  vous?  Chaque  jour,  vous  entendiez  les  gémis- 
sements et  les  plaintes  de  tous  les  Siciliens  ;  vous  vous 
attendiez ,. comme  vous  Favez  dit,  à  être  accusé;  vous 
n'étiez  pas  sans  inquiétude  sur  le  péril  où  vous  jette- 
rait l'accusation ,  et  vous  auriez  souffert  que  les  labou- 
reurs fussent  vexés  et  pillés  d'une  manière  si  injuste  et 
SI  odieuse  l  Assurément ,  malgré  votre  cruauté  et  votre^ 
audace ,  vous  n'auriez  pas  voulu  soulever  contre  vons 
toute  la  Sicile,  vous  faire  des  ennemis  de  tant  d'hommes 
dont  le  témoignage  est  respecté ,  si  l'amour  de  l'or  et 
Tappat  d'un  gain  présent  ne  l'eussent  emporté  daiis 
votre  esprit  sur  la  considération  même  de  votre  sûreté. 
Comme  îl  serait  trop  long ,  Romains  ,  de  détailler 
les  dommages  de  chacun ,  et  que  je  ne  pourrais  faire 
une  énumération  exacte  de  tontes  les  vexations  de 
Terres ,  je  me  borne  à  quelques  unes  qui  vous  don* 
neront  une  idée  de  toutes  les  autres. 

XXI.  Nymphon,  de  Centorbe,  est  un  homme  actif 
et  industrieux ,  cultivateur  très  vigilant  et  très  habile. 
H  avait  pris  à  ferme  une  quantité  considérable  de  terres, 
suivant  l'osage  pratiqué  en  Sicile  même  par  les  hom- 
mes qni,  comhie  lui,  ont  de  la  fortune,  tffc  il  n'épar- 
gnait, pour  les  faire  valoir,  ni  dépenses  ni  instru- 
ments de  labourage  :  les  énormes  vexations  de  Verres 
le  contraignirent  d'abandonner  toute  culture  ;  il  j'en- 
Aiit  même  de  SîciK,  et  vint  à  Rome  avec  beaucoup 
d'autres  qu'avait  chassés  le  préteur.  D'après  l'înstiga- 


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«54  IN  VERREM  ACT.  II,  LIÇ.  IH. 

nés  relinqueret ,  sed  etiam  ex  Sicilia  profugeret, 
Romamque  una  cum  multis  ab  isto  ejectis  veni- 
ret.  Fecit  ut  decumanus  Nymphouem  negaret ,  ex 
edicto  illo  priBclaro ,  quod  nallam  ad  aliam  rem , 
nisi  ad  hujusmodi  qaœstus  perdnebat,  numerum 
jugerum  professum  esse.  Nympho  quum  se  vellet 
aequo  judicio  defendere,  iste  Viros  optimos  reçu- 
peratores  dat ,  eumdem  illum  medicum  Gornelium 
(  is  est  Artemidorus  Pergaus ,  qui  in  sua  patrîa 
dux  isti  quondam  et  magister  ad  '  despoliandum 
Diauee  teraplum  fuit),  etaruspicemYolusiaDum, 
et  Yalerium  prœconem.  Nympho,  antequam  plane 
constîtit ,  condemnatur.  Quanti  ?  fortasse  quaritis. 
Nulla  erat  edicti  pœna  certa.  Fmmenti  ejus  om- 
nis  y  quod  in  areis  esset.  Sic  Âpronius  decumanus, 
non  decumam  debitam ,  non  frumentum  remotum 
atque  celatum ,  sed  tritici  septem  millia  medim- 
num  ex  Nymphonis  arationibus,  edicti  pcena,  non 
redemtionis  aliquo  jure  tollit. 

XXII.  Xenonis  Meneni ,  nobilissiml  hominis , 
uxôris  fundus  erat  r.olono  locatus  :  colonus,  quod 
decumanorum  injurias  ferre  non  poterat,  ex  agro' 
profugerat.  Verres  in  Xenonem  judicium  dabat 
illud  suum  damnatorium  de  jugerum  professione. 
Xeno  ad  se  pertinere  negabat  :  fundum  eiocatum 
esse  dicebst.  Dabat  iste  judicium,  si  parerbt, 
jugera  ejus  lundi  esse  plura ,  quam  cotonus  esset 
professus,  tnm  uti  Xeno  damnaretur.  Dicebat  ille, 
non  modo  non  arasse  se,  id  quod  '  satîs  erat,  sed 
nec  domînum  ejus  esse  fundî ,  nec  locatorem  ; 

'  Malit  Ernest.  dispoUandum ,  atq^  infra^  lY,  ao, 
dispoliaretur.  —  ^  Hotomann.  conj.,  in  satîs  erat. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  AHERRÈS,  III.  «5 
tion  de  Terres,  d'après  c^tte  belle  ordonnance  qui 
n^étalt  faite  qae  pour  ces  sortes  de  rapines,  Apronias 
prétendit  qne  Nymphon  n^avait  pas  déclaré  le  nombre 
de  ses  arpents.  Nympbon  voulait  se  défendre  en  justice 
réglée  ;  le  préteur  donne  pour  commissaires  de  très 
honnêtes  gens,  son  médecin  Cornélius  ^'  (c'est  le 
même  qui ,  sons  le  nom  d'Artémidore ,  dans  Perga  sa 
patrie,  avait  aidé  si  puissamment  Terres  à  piller  le  temple 
de  Diane),  Yolnsius  Taruspice ^  et  Yalérius  le  crienr 
public.  Avant  que  le  délit  pût  être  bien  établi ,  Nym- 
phon est  condamné.  Tous  demandez  peut-être  à  quelle 
amende  ?  Il  n'y  avait  point  de  peine  fixée  par  l'ordon- 
nance. U  est  condamné  à  donner ,  comme  amende , 
tout  le  blé  qu'il  avait  récolté.  Ainsi  le  décimatenr 
Apropius,  en  vertu  de  l'ordonnance,  et  non  par  an> 
cnn  droit  de  son  bail,  enlève,  non  la  dîme  qui  était 
due,  non  le  blé  qui  avait  été  détourné  et  caché,  mais 
tonte  la  récçlte  de  Nymphon ,  sept  mille  médimnes 
de  blé. 

XXII.  Xénon  est  nn  des  habitants  les  plus  distin- 
gués de  Mena  :  un  champ  appartenant  à  sa  femme 
avait  été  affermé  à  nn  homme  qui ,  ne  ^pouvant  tenir 
contre  les  vexations  des  décimateurs,  avait  pris  la 
fuite.  Terres  donnait  action  contre  Xénon  pour  dé- 
claration fausse.  Xénon  opposait  une  fin  de  non-re- 
cevoir.  Le  champ  est  affermé ,  disait-il;  Terrés  persis- 
tait; il  voulait  que,  s'il  était  prouvé  qu'il  y  avait  plus 
d'arpents  que  le  fermier  n'en  avait  déclaré,  Xénon 
fât  condamné.  Ce  n'est  pas  moi ,  disait  celui-ci ,  qui  ai 
fait  valoir  cette  terre,  et  cela  snffisait  pour  l'absoudre; 
mais  de  plus ,  le  champ  ne  m'appartient  pas  ;  je  n'ai 
point  passé  le  bail  ;  c'est  la  propriété  de  ma  femme 
qui,  veillant  elle-même  k  ses  intérêts ,  a  choisi  son  fer- 


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66  IN  VERREM  ACT.  II,  LIE.  m. 

uxoris  esse;  eam  ipsam  suum  negotîum  gerere; 
îpsam  locavisse.  Defendebat  Xenonem  homo  sum- 
roo  splendore ,  et  summa  auctoritate  prseditus , 
M.  Cossetius.  Iste  nihilominus  judicium  H-S  lxxx 
mijlium  dabat.  Ille  tametsi  recuperatores  de  co- 
horte latronum  sibi  parari  videbat;  tamen  judi- 
cium accepturum  se  esse  dicebat.  Tum  iste  magua 
voce  Veneriis  imperat ,  ut  Xeno  audiret  :  Dum  res 
judicetur,  hominem  ut  asservent;  quum  judica- 
tum  sit ,  ad  se  adducant  ;  et  iUud  simul  dixit  :  Se 
non  putare  ,  illum ,  si ,  propter  diyitias ,  pœnas 
danmationîs  contemneret,  etiam  TÎrgas  contem- 
nere.  Hac  ille  yi  et  hoc  metu  adductus,  tantum 
decumanis,  quantum  iste  imperavit,  exsolyit* 

XXIII.  Polemarchus  est  Morgantinus ,  vir  bo- 
nus atque  honestus.  Is ,  quum  pro  jugeribus  quîn- 
quaginta  medimna  locc  decumœ  imperarentur  » 
quod  recusabat,  domum  'ad  istum  in  jus  deduc- 
tus  est;  et,  quum  iste  etiam  cubaret,  in  cubicu- 
lum  introductus  est ,  quod ,  nisi  muheri  et  decu- 
mano,  patebat  '  alii  nemini.  Ibi,  qaum  pugnis  et 
calcibus  con^cissus  esset,  qui  dcc  medimnis  deci- 
dere  noluisset,  mille  promisit. 

Eubulides  est  Grosphus ,  Centuripinus ,  homo 
quum  Yirtute  et  nobilitate  domi  suae ,  tum  etiam 
pecunia  prinoeps.  Huic  homini,  judices^  hones- 
tissims  ciyitatis  houestissimo ,  non  modo  frumenti 
scitote,  sed  etiam  yitœ  et  sanguinis  tantum  relic- 
tum  esse,  quantum  Âpronii  libido  tulit  :  nam  yi, 
malo,  plagis  adductus  est,  ut  frumenti  daret,  non 
quantum  haberet,  sed  quantum  cogeretur. 

*  Ad  i.  i.  j.  eductus  est.  Vtrumque  recte.  —  *  Nemini 
alii. 

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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  III.  67 
mier.  Xénon  avait  nn  défenseur  de  la  plas  hante  con- 
sidération et  da  plas  grand  poids,  M.  Cossétins.  Le 
prétenr  néanmoins  donnait  contre  loi  une  action  de 
qnatre-vingt  mille  sesterces  *.  lue  Sicilien,  quoique  sàr 
d'avoir  des  commissaires  tirés  d^one  troape  de  bri- 
gands ,  consentait  pourtant  à  être  jugé.  Alors  Verres 
ordonne  aux  esclaves  de  Vénns ,  assez  haut  pour  que 
Xénon  pût  Tentendre,  de  le  garder  à  Dite  pendant 
qu  'on  le  jugerait^  de  le  lui  amener  lorsqu'on  curait  pro- 
noncé la  sentence  ;  et  en  même  temps  il  ajonte  :  Si  ses 
richesses  ne  loi  font  tenir  aucnn  compte  d'ane  amende, 
je  ne  crois  pas  qa'il  méprise  anssi  les  verges.  Xénon 
tremblant  paya  anx  décimatears  toat  ce  que  Terres 
ordonna  de  payer. 

XXIII.  Polémarqae,  de  Morgante,  est  an  homme 
honnête  et  distingué.  On  lui  demandait  sept  cents  mé- 
dimnes  de  blé  pour  la  dîme  de  cinquante  arpents.  Sur 
son  refus,  on  le  traîne,  pour  le  juger.,  an  palais  du 
préteur.  Celui-ci  était  encore  couché;  on  fait  entrer 
Polémarque  daps  la  chambre,  qui  n'était  ouverte  qu'aux 
femmes  et  au  décimateur  Apronius.  Là,  meurtri  de 
coups,  il  promet  de  payer  mille  médimnes,  après  en 
avoir  refusé  sept  cents. 

Eubnlide  Grosphus,  de  Centorbe ,  est  le  premier  de 
sa  ville  par  son  mérite ,  par  sa  nais§ance,  et  même  par 
ses  richesses.  Sachez,  Romains,  que  ce  noble  citoyen 
d'one  si  noble  ville  a  abandonné  de  son  blé ,  je  dis 
nl|pie  de  son  sang  et  de  sa  vie ,  autant  qu'il  a  plu  au 
tyran  Apronius  :  car  la  violence ,  les  coups  et  le»  mau- 
vais traitements  l'ont  contraint  à  donner  de  blé,  non 
ce  qu'il  avait,  mais  ce  qu'il  était  forcé  de  donner. 

*  10,000  liv.  A. 


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68  IN  YERREM  ACT.  II,  LIB.  IH. 

Sostratus,  et  Numenius,  et  Nymphodorus^jus- 
dem  ciyitatis ,  qunm  ex  a  gris  très  ira  très  consortes 
profugissent ,  quod  iis  plus  frumenti  împerabatur, 
quam  quantum  exararant  ;  hominibus  coactîs ,  in 
eorum  aratîones  Apronius  yenit ,  omne  instm- 
mentum  diripuit,  familiam  abdnxit,  pecus  abegit. 
Po8tea  quum  ad  eum  Nyinphodorus  yenisset  Mt- 
nam,  et  oraret,  ut  sibi  sua  restituerentur,  homi- 
nem  corrîpî  ac  suspendi  jussit  in  oleastro  quodam  : 
quae  est  arbor,  judices,  in  foro.  Tamdiu  pepen- 
dit  in  arbore  socius  amicusque  populi  romani,  in 
sociorum  urbe  ac  foro ,  colonos'  aratorque  yester , 
quamdiu  voluntas  Aprouii  tulit. 

Gênera  jamdudum  innumerabiiium  injuriarum, 
judices,  singulis  nominibus  profero  :  infinitam 
multitudinem  injuriarum  prsetermitto.  Vos  ante 
oculos  animosque  yestros ,  tota  Sicilîa ,  decuma- 
norum  hos  împetus,  aratorum  direptiones,  hujus 
importunitatem ,  Ajpronii  regnum  proponite.  Con- 
temsit  Siculos  ;  non  duxit  homines  ;  nec  ipsos  ad 
persequendum  véhémentes  fore,  et  yos  eorum  in- 
jurias leyiter  laturos  existimayit. 

XXIV.  Esto;  falsam  deillis  habuit  opinionem, 
malam  de  yobis  ;  yerumtamen  quum  de  Siculis 
maie  mereretur,  cives  romanos  coluit,  bis  indui- 
sit, eorum  yoluntati  et  gratiae  deditus  fuit.  I^e 
ciyes  romanos?  At  '  nallus  inimicior  aut  infestibr 
fuit.  Mitto  yîncla ,  mitto  carcerem ,  mitto  verbera  , 

'  Lectio  Ernestiana,  nnllis,  est  ab  Hotomanno.  Gras- 
pius,  OliveUy  Lallem.,  ^eterem  lectiomm  revocant ;  quos 
nunc  sequimur. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  III.  <^ 
Sostrate ,  Noménias ,  et  Nymphodore  ,  trois  frères  de 
la  même  ville ,  possédant  le  même  héritage ,  s^étaient 
enfuis  de  lenrs  campagnes ,  parce  qu'on  lear  demandait 
plus  de  blé  qu'ils  n'en  avaient  recueilli.  Apronius ,  avec 
une  troupe  armée ,  se  jeta  sur  leurs  terres ,  enleva  tons 
les  instruments  de  labourage ,  emmena  les  esclaves  et 
les  troupeaux.  Depuis,  Nympbodore  étant  venu  le 
trouver  à  Etna*,  et  le  priant  de  lui  rendre  ce  qui  lui 
appartenait ,  il  le  fit  saisir  et  suspendre  à  un  olivier 
sauvage  dans  la  place  publique  d'Etna.  Ainsi,  Romains, 
au  milieu  d'une  ville  et  d'une  place  pnbfiqne  de  nos 
alHés,  un  ami  et  un'  allié  de  Rome ,  son  fermier  et  «on 
laboureur,  resta  suspendu  à  un  arbre  tout  le  temps 
que  l'exigea  le  caprice  d' Apronius. 

Je  viens  de  vous  citer,  juges,  plusieurs  traits  par- 
ticuliers qui  peuvent  donner  une  idée  de  ces  innom- 
brables vexations  ;  mais  je  n'en  détaillerai  pas  la  mul- 
titude infinie.  Représentez-vous  par  l'imagination ,  et 
mettez-vous  sous  les  yeux  les  violences  des  décimateurs 
par  toute  la  Sicile ,  le  pillage  de  tous  les  biens  des  cul- 
tivateurs, l'arrogance  de  Verres,  la  tyrannie  d' Apro- 
nius. Yerrès  a  méprisé  les  Siciliens  ;  il  ne  les  a  pas 
regardés  comme  des  hommes  ;  il  a  cru  qu'ils  n'auraient 
pas  la  force  de  le  poursuivre  en  justice ,  et  que  vous 
verriez  leurs  infortunes  d'un  œil  indifférent. 

XXIT.  Soit  ;  il  a  en  des  Siciliens  une  idée  fausse ,  et 
une  mauvaise  opinion  de  vous  :  mais  s'il  a  maltraité  les 
Siciliens,  il  a  traité  avec  égard  les  citoyens  romains  ;  il 
les  a  ménagés;  ilsVst  prêté' à  leurs  désirs  ;  il  a  tout  fait 
pour  leur  plaire.  Lui ,  ménager  les  citoyens  romains  ! 
•H  a  été  leur  plus  cruel  ennemi.  Je  ne  parle  point  des 

*  Ville  qui  était  située  au  pied  du  mont  Etna ,  du  côté 
do  midi.  Fazelli  {ap.  Cluver.  Sicil.  ant. ,  p.  laa)  y  plac« 
un  couvent  nommé  S.  NicoloV Arena. 


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70  IN  VERREM  ACT.  H,  LIE.  HI. 

mitto  secures  ;  crucem  denique  illam  praeter- 
mitto,  quam  iste  civibus  rofpanis  testem  huma- 
nîtatis  in  eos  ac  benivolentiae  sus  yoluit  esse  ;  mitto, 
inquam,  hœc  omhia,  atque  in  aliud  dicendi  tem- 
pus  rejicio  :  de  decumîs,  de  civium  romanorum 
conditione  in  arationibus  dispute;  qui  quemad- 
modum  esseut  accepti,  judices,  audistisex  ipsis. 
Bona  sibi  erepta  esse  dixere.  Verum  haec,  quo- 
nialh  ejusmodi  causa  fuit,  ferenda  sunt  :  nihil 
yaluisse  œquitatem,  nihil  consuetudinem  ;  damna 
denique  y  judices,  nulla  tanta  sunt,  quœ  non  yiri 
fortes,  magno  et  libero  animo  affecti ,  ferenda 
arbitrentur.  Quid ,  si  equitibus  romanis  non  ob- 
scuris,  neque  ignotis,  sed  honestiset  illustribus, 
manus  ab  Apronio ,  isto  prsetore ,  sine  ulla  dubi- 
tatione  afferebanturPquid  exspectatis?  quid  a  me 
amplius  dicendum  putatis?  An  id  agendum,.ut 
eo  celerius  de  isto  transîgamus ,  quo  maturius  ad 
Apronium  possimus ,  id  quod  ego  illi  jam  in  Si- 
cilia  pollicitus  sum ,  '  pervenire  ?  qui  C.  Matri- 
nium ,  judices ,  summa  yirtute  hominem ,  summa 
industria ,  summa  gratia ,  Leontinis ,  in  publico  , 
biduum  teuuit.  *  Atque  ab  Apronio,  judices,  ho- 
mine  in  dedecore  nato ,  ad  turpitudinem  educato , 
adVerris  fiagitiaKlibidinesque  accommodato ,  equi- 
tem  romanum  scitote  biduum  cibo  tectoque  prè- 
hibitum;  biduum  Leontinis,  in  foro,  custodiis 
Apronii  retentum  atque  seryatum ,  neque  ahte  di- 
missum,  quam  ad  conditiones  ejus  depactus  ^  est. 

*  Ita  cod.  Nann.  Ftdg.  olim ,  renire.  —  *  Gruteriani 
côdices,  et  regitis  optimus,  Atqai.  —  '  Maliet  Ernest.^ 
esset. 


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EC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  III.  71 
prisons ,  de»  chaînes,  des  verges ,  des  haches  ,  enfin  jic  " 
cette  croix  qu^il  a  élevée  comme  un  témoignage  écla- 
tant de  sa  donceur  et  de  sa  bienveillance  pour  les  ci- 
toyens romains;  je  snpprime  tous  ces  détails,  je  les 
réserve  ponr  nn  antre  temps  *  :  je  parle  ici  des  dîmes , 
de  la  condition  des  citoyens  romains  agriculteurs,  qnî 
vous  ont  appris  eux-mêmes,  dans  leurs  dépositions, 
comment  Terres  les  a  traités.  Il  les  a,  vous  ont-ils  dit, 
dépouillés  de  leurs  biens.  Mais  puisqu'il  avait  ponr 
prétexte  l'intérêt  de  l'état,  pardonnons4ui  ces  abus 
d'autorité,  ce  mépris  de  toute  justice,  de  tous  les  usa- 
ges; il  n'est  pas,  enfin ,  de  pertes  à  considérables ,  que 
des  hommes  courageux ,  avec  une  âme  grande  et  libre, 
ne  croient  devoir  supporter.  Oui  ;  maie  s'il  est  prouvé 
que,  sous  la  préture  de  Terrés,  Apronins  ne  craignait 
pas  d'insulter  des  chevaliers  romains ,  et  non  des  hom. 
mes  obscurs  et  inconnus,  mais  respectables,  distin- 
gués, illustres  ^^,  qu'attendent  nos  juges?  que  dematt- 
dent-ils  encore  de  moi  ?  Faut-il  passer  plus  rapidement 
sur  les  crimes  de  Terrés  pour  en  tenir  plus  tôt  à  ceux 
d' Apronins,  comme  je  le  lui  ai  promis  '*  dès  le  temps 
où  j'étais  en  Sicile  ?  Apronins  a  retenu  deux  jours  pri- 
sonnier ,  dans  la  place  publique  de  Léontini ,  C.  M a- 
trlnius,  dont  le  crédit  égale  le  mérite  et  la  vertu.  Oui, 
Romains,  un  Apronins,  nç  dans  l'opprobre,  voué 
à  l'infamie,  ministre  des  débauches  et  des  dissolutions 
de  Terres ,  a  tenu  deux  jours  un  chevalier  romain  sans 
abri  et  sans  nourriture  ;  il  l'a  fait  garder  à  vue  par  se» 
gens,  deux  jours  entiers,  à  Léontini,  dans  la  place 
publique ,  et  ne  Ta  laissé  partir  qu'après  l'avoir  con- 
traint de  faire  avec  lui  un  arrangement  dont  il  lui  a 
dicté  les  conditions. 

*  Pour  le  Discours  de  SuppliciU. 

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72  Iir  VERREM  ACT.  II,  UB.  III. 

XXV.  Nam  qiiid  ego  de  Q.  Lollio,  jtidices ,  di- 
cara ,  équité  romano  spectato  atque  honesto?  Clara 
res  est ,  quam  dicturus  sum ,  tota  Sicilia  celeber- 
rima  atque  notissima  :  qui  quum  araret  in  iïltnensi, 
quumque  is  ager  Apronio  cum  ceteris  agris  esset 
traditus  ;  equestri  vetere  illa  et  auctoritate  et  gra- 
tia  fretus,  affîrmaTÎt,  se  decumanis,  plus  quam 
deberet,  non  daturuin.  Referlur  ejus  sermo  ad 
Apronium.  Enimvero  iste  ridere ,  ac  mirari ,  Lol- 
lium  nihil  de  Matriuio ,  nihil  de  ceteris  '  rébus 
audisse.  Mittit  ad  kominem  Veuerios  :  boc  quo- 
que  attèndite,  apparitores  a  prœtore  assignâtes 
habuisse  decutnanum  ;  si  boc  médiocre  argumen- 
tum  videri  potest,  istum  decumanorum  nomine 
ad  suos  qusestus  esse  abusum.  Adducilur  a  Yene- 
riis,  atque  adeo  attrabitur  Lollius,  ^commodum 
quum  Apronius  e  palseslra  redisset ,  et  in  tricli- 
nio ,  quod  in  foro  JEtntd  stravet-at ,  '  decubuisset. 
Statuitur  Lollius  în  illo  tempestivo  gladiatorum 
convivio.  Non  mebercule ,  qu»  loquor,  crederem, 
judices,  tametsi  vulgo  audieram,  nisi  mecura  ipse 
senex,  quumraibi  atque  buic  voluntati  accusatio- 
nis  mesB  lacrymans  gratias  ageret,  summa  cum 
auctoritate  esset  locutds.  Statuitur,  ut  dico ,  eques 
romanus ,  prope  annos  xc  natus,  In  Apronii  con- 
vivio ,  quum  interea  Apronius  caput  atque  os 
suum  unguento  perfricaret.  Quid  est,  Lolïi.?  in- 
quit  :  tu ,  nisi  malo  coactus ,  recte  facere  nescis  ? 

*  lallefn.  ^oce/n  hanc  suspectant  habet.  —  '  f^ulg. 
commode.  Schiitz  rescripsit  commodum.  F'enssime.  •— 
^  Lambin.,  rccubuis^et.  (Samton.  ajulgat,<le/endebat,  sect 
ita  ut  moncret,  legi  etiam  posse ,  discubuiiyet. 

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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  IH.       ,3 

XXT.  Que  dîrai-je  de  Q.  Lolllns,   aussi  chevalier 

romain,  non  moins  recommah4able  par  sa  rertn  que 

par  son  rang  ?  Le'  fait  dont  je  vais  parler  est  incon- 

^testable ,  répandu  etconnii  dans  toute  la  Sicile.  Lollius 
faisait  valoir  dans  le  terrîtojr%  d'Etna ,  qui  avait  été 
livré  avec  tant  d'autres  à  la  tyrannie  '  d'A|>rpnius. 
Plein  de  confiance  dans  le  crédit  et  l'autorité  dont 
jouissait  jadis  Tordre  équestre,  il  protesta  qu'il  ne 
doAzLeraît  aux  décimatenrs  que  ce  qu'il  leur  devait. 
On  rapporte  son  discours  à  A  promus.  Il  se  met  à  rire , 
étonné  que  Lollius  ne  fut  pas  instruit  de  ce  qui  était 
arrivé  à  Matriniya  et  à  d'autres  encore.  Il  lui  envoie 
des  esclaves  de  Ténus.  Remarquez ,  Homains ,  que  les 
huissiers  du  déci^iateur  ^ui  étaient  4,*^signés  pat  le 
préteur;  et  voyez  si  c'est  une  faible  preuve  que  "Verres 
se  servait  da  nom  des  dédmateurs  pour  son  profit 
personnel  Lollius  est  mené,  ou  plutôt  traîné,  par  les 
esclaves  de  Ténus ,  devant  Apronius,  à  l'instftnt  même 
où  celui-ci ,  de  retour  du  gymnase ,  était  couché  siu* 
un  lit,  dans  une  sajle  à  manger  qu'il  avait  fait  con- 
struire an  milieu  de  la  place  publique  d'Etna.  Lollius 

,  est  laissé  debout  dans  un  festin  dissolu  ^*  d'infâmes 
gladiateurs.  Non ,  malgré  le  témoignage  public ,  je  ne 
croirais  pas  ,  juges ,  ce  que  je  vous  raconte ,  si  le  vieil  - 
lard,  me  remerciant,  les  larmes  au^  yeux,  d*avoic. 
bien  voulu  me  charger  de  l'accusation ,  ne  m'eût  parlé 
lui-même  de  ce  fait  atec  la  gratté  de  son  caractère. 
ïTn  chevalier  romain,  âgé  de  près  de  quatre- vii)gt- 
élx  ans ,  est  donc  laissé  debout  au  milieu  des  convives 
d'Aprouius,  tandia  qu'Apronîus  se  frottait  la  tête  et 
le  visage  avec  des  parfums.  Eh  bien  I  Lollius ,. lui  dit-il , 
vous  ne  pouve:^  donc  vous  ranger  à  votre  devoir,  à 
moins  qu'on  ne  vous  y  contraigne  ?  Lollius ,  que  sa 
vertu  et  ses  années  rendaient  si  respectable* ,  ne  savait 

VIIT.  ^  ,  7 


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74  ny  VERREM  ACT.  tl,  LIB.  HI.    • 

Homo  qmd  ageret  ;  taceret ,  responderet  ;  quid 
faceret  deniqne,  illa  auctoritate  et  aetAte  prapdî- 
tas,  nesrfebat.  Apronius  interea  cœnam  ac  pocula, 
/poscebat.  Servi  autem  ejifs,  qui  et  moribus  iîsdem 
esseut ,  quîbus  domiftus ,  et  eodem  génère  ac  loco. 
nati ,  prsBter  oculos  Lollii  hœc  omnîa  ferebant. 
Ridere  convivae  ;  cacbinnari  ipse  Apronius  :  nisi 
^  forte  existimïitis ,  eum  in  vino  ac  luxu  non  risisse, 
qui  nunc  in  periçulo  atque  exitio  suo  risum  tenere 
non  possit.  Ne  multa ,  judices  :  his  contumeliis 
scitote  Q.  Lollium  ôoactum ,  ^d  Apronii  lege^  con- 
ditionesque  yenîsse.  Lollius ,  setate  e|  morbo  ini- 
peditusy  ad  testimonium  diceiMum  yenire  nûn 
potuit.  Quid  opus  est  Lollio  ?  nemo  hoc  ^escit  ; 
nemo  tuorum  amicorum,  nemo  abs  te  productus,  * 
nemo  interrogatus ,  nunc  se  primum  hoc  dicet 
audire.  M.  Lollius,  eju*  filius ,  adolescens  lectis- 
simus,  pfaesto  est  :  hujus  verba  andietis.  Nam  " 
Q.  Lollius  ejus  fîlius,  qui  Calidium  accusavit, 
adolescens  et  bonus ,  et  fortis ,  et  in  primis  diser- 
tus ,  quum  his  înjuriis  oontumeliisque  commotHs  ^ 
in  Siciliam  esset  profectus,  in  itinere  occisus  est  : 
cujus  mortis  caiviam  fagitivi  sustinent  ;  re  qnidem 
^  vera  nemo  in  Sicilîa  dubitat ,  quin  eo  sit  occisus , 
quod  habere  claasa,  non  potuerit  sua  consilia  de 
Verre.  Iste  porro  non  dnbitabat,  quin  is,  qui  an- 
tea  alium  studio  adductuf^  accusasse^,  sibi  adVe- 
nienti  prsesto  essel  futnrus ,  quum  esset  pàrentis 
.  iujuriis  et  domesticb  dolore  commotiis. 

XX Vï.  Jâmne  intelligitis,  judices,  quae  pestis, 
quae  immanitas  in  vestra  antiquissima ,  fîdelis«;îma , 
prôxiraaque  provincia  versata  sit  ?  Jam  TÎdetis ,  # 

%  '  :  • 

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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  in.,     75 
s^îl  devait  se  taire,  s*il  devait  répondre;  il  restait  immo- 
bile  )  interdit.  Cependant  Apronius  ordonne  de  servir. 
Ses  esclaves,  du  même  caractère,  de  la  même  extrac- 
tion que  lear  maître  ^^,  affectent  de  passer  les  plats 
devant  Lollias.  Les  convives  s'en  divertissaient;  Apro-  ' 
nins  riait  aux  éclats.  Comment  n'eùt-il  pas  ri  dans  le 
vin  et  dans  la  débauche ,  lai  qnî  i/e  pent  s'empêcher 
de  rire  dans  Textréme  péril  dont  il  est  aujourd'hui 
menacé.'  H  fautfiiifin  vous  l'apprendre  :  Q.  Lollius ,    ^ 
'  à  force  d'outrages ,  fut  contraint  d'en  passer  par  tout 
oe  que  voulut  Apronins.  Lollius,  retenu  p»r  ïkge  et- 
les  infirmités,  n'a  pu  venir  déposer  lui-même.  Mais 
qn'es(fil  besoin  de  Lollius  P  le  fait  n'est  ignoré  de  per- 
sonne ;  aucun  de  yf»  amis,  Terres ,  aucun  de^  témoins 
que  vous  av^  présentés,  aucun  de  ceux  que  vous  avec 
interrogés ,  ne  dira  qu'on  lui  en  pfrle  aujourd'hui  pour 
la  Mcmière  fois.  Le  fils  de  LoIUas,  jeune  homme  d'un 
mént»»rare,  est  ici  présent  :  jl  fera  sa  dépâsitioli.  Pour 
Q.  Lollius  ,  un  autre  de  ses  fils ,  ^enne  homme  vertnen:t, 
brave,  éloquent,  et  qui  fut  l'accusateur  de  Calidius, 
étant  parti  pour  la  Sicile  k  la  nouvelle  de  ceslâcnes 
outrages,  il  fut  tué  sur  la  route.  On  impute  sa  mort 
aux  esclaves  ^^gitifs  ^^  ;  mais,  en  effet,  personne  ne 
doute  qu'il  n'ait  été  tué,  purée  qu'il  n'a  pu  cacher  ses^ 
desseins  contre  Terrés.  Terres  9e  doutait  pas  qne  le 
fiUde  Lollius,  après  ^voir  accusé  un  citoyen  par  le  - 
seul  amour  de  la  jp^tice,  ne  dût  être  prêt^à  l'attaquer 
lui-même  air  retour  de  sa  p'ro^nce ,  lorsqu'il  y  serait 
excîlé  par  un  ressentiment  ^personnel  contre  l'oppres- 
seur de  son  père. 

XÎ.TI.  Tdyci-vous  k  présent,  Romains ,  quel  fléau , 
quel  monstre  affreux  a  exér^  ses  fureurs  dans  une  de 
vos  provinces  la  plus  ancienne,  la  plus  fidèle,  la  plus 


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76  ,  IN  VERREM  ACT.  Il,  LIB.  in. 
quam  ob  causam  Sicilia ,  tôt  hominunivantea  furta, 
rapinasy  miquîtates ,  ignbminiasque  ^erpessa ,  non 
potuerit  hoc  noyum ,  ac  singulare ,  atque  incredi- 
hUe  genus  injuriarum  contumeliarumque  perferre? 
Jam  omnes  intelligunt ,«  cur  universa  provincia 
defensorem  su»  ^alutis  ejam  '  qusesivit,  cu;usiste 
fidel ,  diligentise  ,  perseyerantiae  ,  nulla  ratione 
eripi  '  posset.  T<it  judiciis  interCaistis  ;  tôt  homi- 
ûes  nocentes  et  improb'os  accusatos ,  et  vestra  et 
superionvn  memorki ,  scitis  esse  :  ecquem  yidistis , 
ecquem  audistis,  in  tantis  furtis,  în  tam  apertis, 
■^  i^i  tanta  audacia  ,  tanta  impudentia  esse  yersa- 
tum?  Apronius  stipatores  Venerios  secum  habe- 
bat;  ducebai  eos  cii^um  ciyitates;  publiée  sibi 
conviyia  parari,st£rm  triclinîa,  et  in  foro  stemi 
jubebat;  ^  eo  yocari  hommes  honestissimos,#on 
solum  Siiiulos ,  sed  etiam  équités  romanos  :  ut , 
quicum  inire  conyiyii#i  nemo  unquam ,  nisi  tur- 
pis  impurusque,  yohiisset ,'  ad  ejùs  conyivium 
spçftatissiini  atque  honestissimi  yiri  teijerentur. 
Hœc  tu  ,  omnium  mortaîium  profligatissime  ac 
perditissime ,  quum  scîres  ,^  quum  aùdires  quoti- 
die ,  quum  yîderes  :  si  sme  tuo  maximo  qusestu 
fièrent,  cum  tànto  pesriculo  tuo  fieri  paterere  at-' 
que  concederes  ?  et  tantum  apud  te  qusstus  Apro- 
niif'tantum  ejus  serwo  inquinatissimus ,  et  blan- 
ditidB  flagitiossB  yaluerunt ,  ut  nunqùam  animum 
tuuni  cura  tuarum  fortunarum  cogitatioque  tan- 
geret  ? 

'  Omnirib  cUm'^Herelio  corrig&ndum  arbilror,  qoaesive- 
rit,  —  "  Emendatio  est  Emestii.  FiUg.  possit.  —  ^  Schiitz 
prœpositionem  delevU ,  sensu  satis  bono.  —  *  Id.  recepit 
lectionem  al'upu>t  mss.,  evocari.  Al.  habent,  eo  convocari. 


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•^EC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  III.  77 
voisine  de  Rome?  Voyez-vous  à  présent  pourquoi  la 
'Sicile,  ^ai,  jusqu'alors,  avait  supporté  les  vols,  les 
■  rapines,  les  injustices ,  les  affronts  de  tant  d'autres , 
n'a  pu  soutenir  ce  genre  nouveau ,  singulier ,  ân- 
croyable,  de  vexations  et  d'outrages  ?  Tout  le  moptde 
conçoit  maintenant  pourquoi  t«nte  la  province  en 
corps  a  choisi  un  défenseur  vlgifaiit,  fidèle,  incor- 
ruptible, à  qui  "Verres  ne  saurait  échapper.  Vous  avez 
assisté,  Romains,  a  de  nombreux  jugements;  vous 
sa^cz'  qu'une  foule  d'hommes  coupables  et  pervers  ont 
été  accusés  de  votre  temps  et  dans  les  temps  qui  pré- 
cèdent :  avez-vous  connu  quelqu'un,  ou  par  vous- 
'  mêmes ,  ou  par  ouï-dire ,  qui  ait  commis  des  volç  si 
énormes  et  si  manifestes,  qui  ait  signalé  tant  d'audace 
«t  tant  d'impudence?  Aproniu»  se  gisait  escorter  par 
des  esclaves  de  Vénus  ;  il  les  menait  avec  lui  de  ville-ea 
ville;  chaque  ville  fournissait  aux  frais  de  ses  repas  et 
des  salles  de  festin  qu'Q  se  faisait  dresser  dans  les  places  ' 
publiques.  Là  étaient  cités  les  personnages  les  plus 
recommandables ,  Siciliens ,  et  même  chevaliers  ro- 
mains. Oui  j  les  personnages  les  plus  distingués  et  les 
plus  hotinêtes  se  voyaient  forcés  d'assister  au  repas 
d"^  Apronius,  q^ue  personne,  eicepté  des  impudi- 
ques et  des  infâmes ,  n'aurait  voulu  jamaU  avoir  pour 
convive.  O  le  plus  scélérat  et  le  plus  effronté  des  hom- 
mes! vous  saviez,  vous  appreniez  tous  les  joura  èes 
^  horribles  abus ,  vous  en  étiez  témoin  :  je  vous  le  de- 
^  mande,  Verres,  s'ils  ne  vous  eussent  pas  procuré  des 
profits  imm£nsès  f  les  eussiez-voas  souffi^rts,  les  eus- 
siez-Voas  autorisés,  malgré  les  périls  qu'ils  amassaient 
sur  votre  tête  ?  Troiltiez-vous  donc  assez  de  charyae 
I  .aux  gains  honteux  d' Apronius,  à  ses  basses  flatteries , 
à  ses  impurs  entretiens ,  pour  négliger,  ppur  oublier  ' 
toujours  vos  pfus  chers  intérêts? 


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/ 


78    .^  ,m  VERMM  ACT.  II,  up.  m.    - 

Cemitis ,  judices ,  quod  et  quantum  incendium 
decumanorum  impetu  non  solum  per  agros ,  sed 
etiam  per  reliquas  fortunas  aratorum  ;  neque  so- 
in m  per  bona,  sed  etiam  per  jura  libertatîs  et 
ci^itatis  ,  isto'praetore,  pervaserit  :  yidetis  pen- 
dere*alios  ex  arbore  ;  piûsari  auteni  alîos  et  ver- 
berari  ;  porro  alios  in  publico  custodiri  ;  destitui 
alios  in  convivio  ;  condemnari  alios  a  medico  et 
prsecone  prsetoris  ;  bona  tamen  interea  nihilomi- 
-iius  eorum  omnium  ex  agris  auferri  ac  diripi.  Quid 
est  hoc  ?  populi  romani  imperium?  populi  romani 
leges?  jndicia  ?  socii  fidèles?  provincia  subuiiwma  ? 
Nonne  «mnia  potius  *ejusmodi  sunt,  quae,  'si 
A.tbenio  Ticisset^^  ia  Sicijia  non  fecisset?  Non, 
inquam ,  judices ,  esset  uUam  partem  istius  )ie- 
quitiœ  fugitivorinu  insolentia  consecuta.     , 

XXV II.  Pmatim  hoc  modo  :  quid  ?  publiée 
civitates  quemadmodum  traetatœ  sunt?  audistis 
permulta  indicia  et  testimonia  civitatum ,  et  re- 
'  liquarum  audieti^^.'  Ac  primum  de  Agyrinensi  po- 
pulo ,  fîdeli  et  illustri ,  breviter  cognoscite.  Agyri- 
nensis  est  in  prîmis  honesta  ci-vitas  Siciliae ,  hofti- 
num  ante  hune  prœtorem  locupletium  summorum- 
que  aratorum.  Ejus  agri  decumas  quum  emisset 
idem  Apronius,  Agyrium  venit.  Qui  quum  eo" 
cum  apparitovibus ,  id  est ,  cum  minis  ac  vi  ye- 
nisset,  poscere  pecuniam  gra^dem  cœpit,«nt, 
accepto  lucro ,  discederet  :  noUe  se  negotii  quid- 
quam  habçre  dicebat ,  sed ,  accepta  pecuniA,'quain 

'  Addit  post  hœc  tria  ^erha  liber  Nannianus,  rex  fu-    ' 
gitivonun.  Quod  glossema  imprudentior  Lambinus  ad' 
rnisit.     /  -v  ^ 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  ni.-  ^y 
Tous  voyez,  joges,  qâel  faueste  incendie,  allomé  par, 
la  violence  des  décimatenrs ,  s'eut  répanda ,  jpendant  la 
prétnre  de  Terres ,  et  sor  les  campagnes  et  sdr  tonç 
^jfis  biens  des^  agricultenrs ;  il  a  dévoré  même  des  ci- 
'toyens,  des  hommes  libres  :  voas  le  voyes;  les  nns 
sont  suspendus  à  fles  arbres*,  les  autres  sont i battus 
et  frappés  ind^nement,  d'autres  sont  gardés  à  vue 
dans  une  place  publique ,  d'autres  laissés  debout  dans 
un  repas  ,  d'autres  condamnés  par  le  médecin  et 
riraissier  du  préteur;-  les  biens  de  tous  sont  pillés  et 
enlevés  des  campagnes.  Quoi  donc  !  est-ee  là  l'empire 

'   du  peuple  romain  ^sont-«e  là  nos  lois  ?  no;  jugeknents  ? 

>  notf>aQUés  fidèles?  une  province  à  nos  portes.^  Atbé- 
nion  même,  s'il  eût  été  vaincpieur,  se  fut-il  jamais  per- 
mis dans  la  Sidle  de  semblables  excès  P  Non ,  Romains, 
l'insolence  des  esclaves  fugitifs  n'eût  jamais  pu  attein- 
dre à  une  partie  de&  brigaiidages  de  yerrès. 

XXTn.  "Voilà  comme  on  traitait  les  particuliers  : 
et  les  villes,  comment  les  a-t-on  traitées?  Tons  avec 
entendu  les  dénonciations  et  les  dépositions  du  plus 
grand  nombre  d'en|re  elles  ;  vous  entendrez  les  autres. 
Et  d'abord ,  écoutez  en  peu  de  mots  ce  qui  regarde  le 
peuple  d'Agyrone,  aussi  illustre  que  fidèle.  La  cité -s 
d'Agyrone  est  une  des  plus  distinguées  de  la  Sicile: 
avant  la   prétnre  de  "Verres  ,    elle  était  remplie  de 

^  cdtoyens  riches  et  d'excellents  agriculteurs.  Le  même 
Apronins,  s'étant  fait, adjuger  les  dîmes  du  territoire, 
se   rendit  à  Agyrone.  Il  y i  vint  avec- ses  satellites, 

*  c'est-à-(^re  avec  des  menaces  et  la  violence.  Il  demân  • 
dait,  pour  addition  à  son  marché  *^;jine  somme  con- 
sidérable ,  et  il  ne  voulait,  disait-ii ,  entrer  dans  aucune , 

*  Suspendus  a  des  atfges,  chap.  aS;  battus,  ibid.; 
gardés  a  a;ue,  chap.  ^4;  laissés  debout,  etc.  ,^hap.  a5; 
condamnés,  etc. ,  chap.  %i. 


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,8o  IN  VERREM  ACT.  II,  LIB.  IH,  * 

primum  aliam  civitateii[^'  occurrere.  Sunt  onmes 
Siculi  non  contemnendi ,  si  per  nostros  magistra* 
tus  liceat;   sed  homines  et  satis  fortes,  et  satis 

*  plane  /rugi  ac  sobrii  :  et  in  primis  haec  civîtas  i  " 
de  qua  lôquor,  judices.  Itaque  ^ominî  in  primis 
improbîssimo  respondent  Agyrinënses ,  s'ese  He- 
cumas  ci ,  quemadmodum  deberent ,  daturos  ;  lu- 
crum,  quum  ille  magno 'pr^esertim  emisset,  non 
addituros.  Apronîus  certiorem  facit  istum,  cuja 
res  erat ,  quid  rei  esset.  * 

XXVIII. ,  Statim  ,  taùquam  conjuratio  aliqua 
Agyrii  contra  rempubticain  facta ,  aut  legatus'pirap- 
toris  pulsatiis  esset ,  ita  Agyrio  magistratus ,  et 
quinqueprimi ,  accitu  istias  evocantur.  Veniunt 
Syracnsas.  Praesto  est  Apronîus  :  ait ,  eos  ipsos ,  qui 
vènissent ,  contra  edictuœ  praetoris  fecissîî.  Quae- 
rebant,  quid?  respondebat,  se  ad  recuperatores 
esse  dicturum.  Iste ,  aequissimus  homo ,  formidi- 
nem  iU;im  snam  miseris  Agyrinensibus  injiciebat  : 
recuperatores  se  de  cohorte  sua  daturum  minaba- 
tur.  Agyrinenses,  viri  fortissimi ,  judicium  se  pas- 

'^suros  esse  dicebant.  Ingerebat  iste  '  Artemidorum 
Cornelium  raedicum  ,  Valerium  prseconem ,  Tle- 
poleiUiSln  pictorem ,  et  ejusraodi  recuperatores  ; 

^.  quorum  ci  vis  romanus  nemo  erat  ;  sed  Graeci  sa- 
crilegi ,  jampridem  improbi ,  repente  Corhelii. 
Videbant  Agyrinenses^  quidquid  ad  eos  reeape- 

*'  Herel.  conjkit  obruere.  Fid.  Desjarâ.^ pag.  675.  — 

*  Displicet  Emestio  plane ,  ^ix  coiis^ntiens,  'vérbo  satis. 
Sed  forte  ipswn  satis  poiius  delendtèm.  —  ^  PriscûS  edd. , 
Arteibidorum  mcdicuin  («orD^um/  pictorem  Tlépole- 
mnm,  omissis  ceteris.  Sola  forte  a>9Xt  Arteniidoruin , 
ex  alicujus  inlerpretatione  defluxit. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  HI.       8r 

discussîoTi ,  mais  passer  anssîtdt  à  une  autre  ville , 
aprè%  avoir  reça  Fargent.  L^s  Siciliens  ne  sont  point 
des  hommes  méprisables,  quand  nos  gouverneurs  ne 
les  avilissent  pas  :  ils  ont  de  la  fermeté  ,  de  la  sagesse , 
de  la  raison ,  et  surtout  les  habitants  d'AgyK)ne.  Il» 
répondent  à  cet  homme  pervers  :  !^ous  vous  donne- 
rons les  dîmes  qui  vous  sont  dues  ;  mais  nous  n^ajou- 
teroni^rien ,  d'autant  plus  que  votre  bail  est  très  élevé. 
Apronius  infotm»  dej^ctiose  "Verres;  "Verres  y  était  le 
plus  intéressé. 

I 
XX"VIII.  Anssitôt^n  eut  dit  qu'on  avait  conspiré  à 
Agyroue  contre  la  république  ,  ou  qu'on  avait  frappé 
un  lieutenant  du  préteur  ;  aussitôt  les  magistrats  et  les' 
cinq  premiers  citoyens  sont  mandés  d' Agyroue  par 
ordre  de  "V*errès.  Ils  viennent  à  Syracuse.  Apronius  se 
présente  ;  c'étaient,  disait -il,  les  députés  eux-mêmes 
qui  avaient  enfreint  l'ordonnance  du  préteur.  En  quoi.*^ 
demandaient  les  députés.  Je  le  dirai,  répondait  Apro- 
nius, devant  les.  commissaires.  "Veiyè*,  préteur  équi-  \, 
table,  montrait  à  ces  nffiheureux  son  épouvaiitail  or- 
dinaire ;  il  menaçait  de  leur  donner  des  commissaires 
parmi  ses  satellites.  Les  députés  d'Agyrone ,  toujours 
fermes ,  consentaient  à  subir  un  jugement.  Le  préteur 
leur  annonçait  pour  juges,  Artémidore,  c'est-à-dîre 
Cornélius  le  médecin  ^î>,  l'huissier  "Valérius,  le  peintre 
Tlépôlème,  et  d'autres  gens  pareils;  pas  un  citoyen 
romain ,  tous  Grecs  sacrilèges ,  connus  d'ancienne  date^ 
par  leur  perversité,  et  devenus  tout  à  coup  des  Cosné- 
liu^  Les  accusés  voyaient  qn' Apronius  ferait  recevoir 
sans  peine  toutes  les  raisons  qu'il  apporterait  devant 
de  tels  conïmifisaires  ;  mais  ils  aimèrent  mieux  que  le 
préteur  se  rendit  odieux  et  se  déshonorât  en  les  faisant 
'Condamner  ,'que  de  se  soumettre  ^ux  lois  et  aux  condi-     • 


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,12  IN  TERKEM  ACT.  II,  LIB.  IH. 

ratores  Aprobius  attulisscft,  îUuth  pei  facile  proba- 
turum  >  condemnavi  cum  Istius  iuvidia  ixifamiaque 
malebant ,  quam  ad  ejus  condidones  pactionesque 
accedere.  Qusrebaat .  quae  in  yerba  recuperatores 
daret.  Respondebat,  si  parerbt,  adyrrsus  rdic- 
TUM  FECissE  .*  qua6  '  in  judicio  dicturum  else  dî- 
cebat.  Iiiiquissimis  yerbis,  improbissJmis  recupe- 
ratoribus ,  conflictari  malebant ,  ({tiain  quid<}uam 
ccim  isto  sua  yoloutate  decidefe.  Summittebat  iste 
Tiriiarcbidem ,  qui  monetet  eos,  si  sapèrent,  ut 
transigèrent.  Pernegabant.  Quid  ergo  ?  in  singu-> 
los'H-S  qainquagenis  millibus  damnari  mayiiltis  ? 
Malle  dicebant.  Tum  iste  cli^e ,  omnibus  audien- 
tibus,  «Qui  damnatuserit,  inquit,  yirgis  ad  ne- 
cem  csedetur.  »  Hic  illi  fientes  rogare  alque  orarç 
cœpernnt^  ut  sibi  suas  segetes,  fructusque  omnes, 
arationesque  yacuas^Apronio  tradere  liceret,  ut  . 
ipsi  sine  ignominia  molestiaque  discederent,^ 

Hac  lege,  judices,  decumas  yendidit  Verres. 
Dicat  lîcet  Hortensius,  si  Tolet,  magno  Verrem 
yéndidisse. 

XXiX.  Haec  coûditio  fuît,  isto  prœtore,  arato- 
rum ,  ut  secum  prseclare  agi  arbitrarentur ,  si  ya- 
cuos  agros  Apronio  tradere  liceret  :  multas  enim 
cruces  propositas  effugere  cupîebantA  Quantum 
/  Apronius  edidisset  deberî ,  tantum  ex  edicto  dan- 
diim  erat.  Etiamne  si  plus-«edidisset ,  quam  quan- 
tui^  natum  esset  ?  Ëtiam.  Quomodo  ?  Magistratus 
ex  ipsius  edicto  exigere  debebant.  At  arato^  repe- 
tere'  poterat.  Verum  Arten^idoro  recaperatore. 
Qoid,  si  minus  ^ralor  dedisset,  quam  poposcisset 

'  Alii  addunt  se.  Frustra  hmtc  suspecta  Emestio. 


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SEé.  ACTION  CONTRE  TERRES,  m.  8J 
tions  da  décimatbnr.  Ils  demandaient  à  Verres  à  qr  elles 
fins  il  dontferait  des  commissaires.  Aux  Fiirs ,  répondit- 

a  ,   Dï  FAIRE  PROUVÈJR  QUI  VOUS  AVEZ  BKf  REIITT  l'oR- 

DOirNAN CE  ;  et  c'est  là-dessa^l  que  je  rendrai  mon  joge- 
ment.  Ils  persistent ,  et  ils  aiment  mienx  avoir  à  latte^ 
fx>ntre  des  formes  iniques,  devant  d'iujustes  commis- 
saires ,  qtie  de  s'arranger  au  gré  de  Verres.  Verres  les 
faisait  avertir  se^ètement,«par  Timarchide,  de  tran- 
siger s'ils  étaient  sages.  Ils  refusent  encore.  Quoi  donc  f^ 
aimez -vous  mieux   être  condamnés  chacun  à   cin- 
quante mille  sesterces  *  ?  Oui ,  disaient-ils ,  nods  l'ai- 
mons mieux.  Eh  bien  !  dit  alors  Verres ,  assez  haut 
pour  être  entendu  de  tout  le  monde ,  celui  qui  sera  " 
condamné  sera  battu  de  ^verges  jusqu'à  expirer  sous  . 
les  coups.  Les  infortunés  se  mettent  alors  à  le  prier  et   ^ 
à  le  conjurer ,  les  larmes  aux  yeux ,  de  leur  permettre 
de  livrer  à  Apronins  leurs  blés  ,  leurs  récoltes ,  leurs 
ferres ,  afin  de  se  retirer  du  moins  sans  subir  une  peine 
corporelle  et  déshonorante. 

Voilà,  Romains  ,  la  loi  qu'imposait  Verres  pour  af- 
fermer les  dîmes,  lïorlensitis  peut  dire,  s'il  le  veut,  e't 
s'il  l'ose ,  que  Verres  en  a  haussé  l'adjudication. 

XXIX.'Telle  a  été,  sous  sa  préture,  la  <jondition  des 
'  agriculteurs,  qu'ils  se  croyaient  heureux  qu'on  leur 
permit  de  livjcjer  leurs  champs  mêmes  à  Aprouiûs  :  ils 
croyaient  toujours  voir  devant  eux  des  croix  mena- 
çaoktes.  Il  fallâh  donner,  en 'vertu  de  l'édît ,  tout  ce* 
que  deman!âait  Apronius.  —  Même  s'il  demandait  plus 
qu'on. n'avait  recueilli.**  —  Sans  doute.  —  Comment 
celft  ?  —  Les  magistrats ,  en  vertu  du  même  édit ,  de- 
Taient  les  forcer  de  piiyer.  — «  Bib^  le  cultivateur  pou- 
vaitréclamer?  -^  Oui,  mai«  devait  \e  commissaire* 

*  6,2 5o  liv.  A. 


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84  IN  VERREM  ACT.  II,  LIB.  III.  ^ 

Apronîus  ?.  Judicium  in  aratorem  in  quadruplum. 
Ex  qûo  judicum  numéro?  Ex  cohorte  praeiori» 
prsBcJara  Iiominum  honestissimorum.  Quid  am- 
plius?  Minua  te  jugeitim  professum  esse  dico  : 
recuperatpres  '  rejice',  qiiod'adversum  edictum 
feceris.  Ex  quo  numéro  ?  Ex  eadem  cohorte.  Quid 
erit  extremom  ?  Si  damnatus  eris  (nara  dubitatio 
damnationite ,  ilKs  recuperatoribns ,  quae  poterat 
esse?)  ,.virgis  te  ad  necem  caedi  necesse  erit.  His 
legibus,  his  conditiotiibus ,  erit  quisquam  tam  stul- 
tus,  qui  décidas  yenisse  arbitretur?  qui  aratori 
noveip  partes  reliquas  factas  esse  existimet  ?  qui 
non  intelligat,  istum  sibi  quœstui  prœdaeque  ha- 
buisse  bona ,  possessiones ,  fortunas  aratorum  ? 

XXX.  Virgarum  raetu  Agyrinenses,  quod  im- 
pertitum  esset,  facturos  se  esse  dixerunt.  Accipite 
nuncy  quid  împeràrit;  et  dissimulate  ^vos,  si  po- 
testis ,  vos  intelligere ,  ipsum  prstorem ,  quod  tota 
Sicilia  perspexerit,  redemtorem  decumarum,  at- 
que  adeo  ^  arationum  dominum  ac  regem  fuisse. 
Imperat  Agyrinensibus,  ut  decumas  ip^  publiée 
accipiant ,  Apronio  lucrum  dent.  Si  inagno  eme- 
rat,  quoniara  tu  es,  qui  diligentissime  pretium' 
exquisisti  ;  qui,  ut  ais,  magno  vendidisti  :  quare 
putabas  emtori  lucrum 'addi  oporte»e?  Esto  :  pu-' 
tabas.  Quamobr^m  imperabas,  ut  adderent?  Quid 
est  aliud,  capere  et  conciliare  pecunias,  in  quo  t« 

^  Non  intelligebat  hœc  Grtevius,  àiun  eorrigebat  recipe. 

Fid.  not.  ^r-  *  Ernest,  uncis  includit  vos  ;  Jferel.  mallet , 

Hissiniulate,  quacso.  ^-  ^  Edunt  sic  C.   Steph.,   Gnev. , 

\  al.  Feteres  fdd.,  aralonim.  Sed  arationum  reatius  t-on- 

venit  aierho  decnmaniin. 


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SEC.  ACTION  contre!  VERRES,  III.  85 
Artémidore.  —  Et  si  le  cultivatear  avait  donné  moins 
que  ne  loi  demandait  ApronL^s  ?  —  On  le  faisait  con- 
damner à  Taxnende  du  qoadraple.  -^  Et  oÀ  prenait-OQ 
les  jnges  ?  —  Parmi  les  homn^es  intègres  qni  formaient 
la  snite  dn  préteur.  —  Est-ce  tont?  —  Non;  votre  dé- 
claration est  fausse,  choisissez  ^°  des  cominissaires, 
vous  anrez  enfreinî.l'éûit.  —  Et  où  seronftpris  ces  com- 
missaires?- —  Parmi  les  mêmes  hommes.  — ^  Qu'arri- 
vera-t-il  enfin?  —  Si  vous  êtes  condamné  (et  comment 
ne»le  seriez- vous  pas  avec  de  tels  juges?),  les  verges 
et  la  mort  vous  attendent.  D'après  ces  lois ,  d'après 
ces  condition^,  qui  serait  assez  inseï^  povr  croire 
(pi'qea  ait  adjugé  les  dîmes  ;  pour  s'Imaginer  qu'on  ait 
laissé  au  laboureur  les  neuf  dixièmes;  pour  ne  pas 
comprendre  que  Verres  a  fait  son  profit  et  sa  pi'oie , 
des  biens,  des  possessions,  de  la  vie  des  cultivateurs? 

XXX.  Le»  représentants  d'Agyrone,  intimidés  parla 
menace  d'un  supplice  ignominieux,  consentirent  à  Aûre 
ce  qui  leur  serait  ordonné.  Écoutez  maintenant  ce 
qu'ordonna  "Verres,,  et  feignez,  si  vous  pouvez ,  de  ne 
pas  voir  ce  qu'a  im  toute  la  Sicile ,  que  le  préteur  lui- 
même  a  été  le  fermier  des  dîmes,  ou  plutôt  le  pvô- 
priétaire  unique  et  le  maître  absolu  des  terres. *I1  or- 
donne aux  accusés  de  "ptendre  eux-méàLes  le  bail  au 
nom  de  leur  ville ,  en  y  joignant  quelque  bénéfice 
pour  Apronins.  Si  4e  bail  était  déjà  très  haut ,  vous , 
"Verres,  ^trî  étiez  si  exact  sur  l'adjudication  des  dîmes , 
et  .qui  êtes  si  fier  d'en,  avoir  haussé  le  prix,  pourquoi 
pensiez-vous  qu'on  dût  y  joindre  quelque  "bénéfice 
pour  Fadjudicatai^e?  Soit;  voos  le  pensiez.  Pourquoi 
esoîgiez-vous  qu'on  le  lui  payât?* N'est-ce  pas  prendre 
et  se  faire  donner  de  l'argent,  ce  qui  est  défendu  par 
la  loi',  que  de  'contraindre  des  peuples,  par  force  et 
par  autorité ,  de  se  charger  de  l'acquisition  d'un  autre , 

VIII.'  ^  8 


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86  IN  VERREM  ACT.  II,  LIE.  IH.  u 

lex  tenet,  si  lioç  non  est,  vi  atque  imperio  éogere 
invitos  'luçrum  dare^lteri ,  hoc  est  ,^  pecui^iam 
âare?  Age,  quid  tom?  si  Apronio,  deliciis  prae- 
toris  f  lucelli  aliquici  jùssi  sunt  dare,  putate  Apro- 
nio datum,  si  Apronianum  lucellum,  ac  non  prae- 
toria  prseda  vobis  yi^ebitur.  Imperas ,  ut  deoumas 
accipiant;  Apromo  dent  lucrum,  tritici  medim- 
Xium  '  XXXIII.  Quid  est  hoc  ?  un  a  civitas  ex  uno 
agro  ^plêbei  romanâe  prope  menstrua  cibaria  prœ- 
toris  imperio  donare  Apronio  cogitur  :  tu  magno 
dipcutnas  vendidisti ,  quum  tantum  lucri  decumano 
sit  datum?  Profecto,  si  pretium  exquisisses  dili- 
genter,  tum,  quum  yendebas,  '  x  me^imnum  po- 
tius*  add i dissent ,  quam  H-S  loc  postea.  Magna 
prspda  yidetur  :  audite  reliqua,  et  dib'genter  at- 
tendite,  quo  minus  miremini,  Siculos,  re  neces- 
sarta  coactos,  auxilium  a  patronis,  a  consuhbus, 
a  senatu,  a  legibus,  a  judiciis  petiyisse.  ■* 


XXXI.  Ut  probaret  Apronius  hoc  triticum, 
<  quod  ei  dabatur,  imperat  Agyrinensibus  Verres, 
ut  in  medimna  singula  dentor  Apronio  H-S  m. 
Quid  est  hoc  ?  tanto  numéro  frumenti ,  lucri  no- 
mîne ,  imperato  et  '  expresso  ,  nummi  praeterea 
exîgentur,  ut  probetur  frumeifftum?  an  poterat 
lion  modo  Apronius ^  sed  qijivis,  exercitui  si  me- 

*  xxxiix  millia.  —  ^  |fleb4.  Formant  ^ero  Ulam,  ple- 
bei,  non  maie  recepit  e  mss.  'Lambinus,  Genilivus  est, 
qùem  indocte  mutfivit  in  .plebi  librarius.  —  '.  Oijinino 
sic  legendum,  prœeunte  Hotom.  et  Gnevio.  F'ulg.,  x  me- 
dimna. —  ^  Tiia  hcec  alerta  recte  Grœv.  restitidt ,  maie 
Ernest,  delevit.  IFeec  servatjv^ius  codex  ofti/nus. 


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SEC.  ACTION  CONTRE^^-ERRÈS,  IJI^  87 
en  laUdojm^nt  encore  nne  indemnité ,  c^est-à-diré  de 
Targeiit*^  '  ?  Mais  enfin,  s'ils  oçt  reçu  otdi-e  de  faire  nn 
modique  pi-ésent  à  Apronîas,  le*  délices  du  prétenr, 
croyez,  Romains,  que  c'est  à  Àpronios  qu'il  a  été  fait, 
si  vous  y  trouvez  \e  gain  d*un  Apronins,  et  non  la 
proie  de  Verres.  Prenez  les  dîmes,  leur  dite»- vous,  et 
donnez  à  Apronius,  comme  bénéfice,  trente-trois  mille 
médimnes  de  blé.  Quoi  !  i^e  seule  viUe ,  un  seul  ter- 
ritoire est  obligé ,  par  prdre  du  préteur ,  de  donner  à 
Apronins  ce  qnx  suffirait  presque  *  pour  le  peuple  de 
Rome  pendant  un  mois  !  et  vpns  dites  avoir  haussé 
radjudication  des  dîmes ,  lorsque  vous  avez  fai^donnf  r 
un  paf^il  surcroît  à  un  décimatenr!  Certes,  si  vous 
aviez  été  si  exact  sur  le  prix ,  Agyrone  aurait,  mieux 
aimé,  lorsque  vous  affermiez  les  dîmes,  enchérir  de 
dix  mille  médimnes  que  de  donner  ensuite  six  cent 
mille  sesterces  '^.  Ce  butin  vous  paraît  grand  :  écoutez 
le  reste  avec  attention,  et  vous  serez  moins  surpris 
q^e  les  Siciliens,  forcés  parla  nécessité,  aient  imploré 
le  seconrç  dé  leurs  protecteurs,  des  consuls,  du  sénat , 
des  lois  et  des  tribunaux;. 

XXXjI.  Pour  Vexamen  du  blé  "  qui  serait  donné  à 
Apronius,  Terres  commande  aux  habitants  d'Agyroûe 
de  lui  compter  trois  sesterces  par  médimne.  Comment  ! 
après  les  avoir  forcés  de  doni|Ler  utie  si  grande  quantité 
de  blé  à  titre  de  bénéfice,  on  exigera  encore  de  l'argent 
pour  l'examen  du  blé  ?  Quand  il  aurait  fallu  en  me- 
surer pour  l'armée,  Apronins,  ou  tout  autre,  pou- 
vâit-il  refuser  le  blé 'de  Sicile,  puisqu'il  avait  le  droit 
de  se  le  fair<y  Kvrer  dans  l'aire  même ,  s'U  le  voulait  ? 
Hfne  ^  grande  quantité  d»  blé  est  exigée  et  donnée  par 

*  «  Bene  addit  ^propei  ut  emm  huic  rei  stafficeret ,  pins 
tertia  )»arte  major  ilîe  medimaum  nume^s  esse  debue- 
rait.  y>  Desjardin^. 


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^88  IN  VERREM  ACT.  II,  UB.  HI. 

tiiindum  esset,  iroprob^e  Siculum  frumentum ,  , 
quod  isti  ex  area^  si  vellet ,  adm^^tin  licebat  ?  Fru- 
menti  tantus  numéros  irap^rio  tuo  datur,  et  cogi- 
tur.  Non  est  satis.  Nummi  prseterea  imperantur  : 

'  dantur.  Pnrura  est.  Pro  decumis  hordei  alla  pecu- 
nia  cogitur.  J^bes  H-S  xxx  lucri  dari.  Ita  ab  una 
ciyitate,Yi,  mini§,  iropeyio,  injuriaque'prxtoris' 
eripiuntur  tritici  medimnum  xxxiii,  et  praeterea 
H-S  '  LX.  An  hsec  obscura  sunt?,aut,  si  onvies 
hoiniAes  yelint,  obscura  esse  possunt,  qua^  tu 
palam  egisti,  in  conveutu  imperasti,  omnibu^  in> 

-  spee^antibus  coegisti  ?  qua  de  r^  Agyrinenses  ma- 
gistrMus ,  et  quinqueprimi ,  quo9  tu  *  tui  quaestus 
causa  evocasti ,  acta  et  imperia  tua  domum  ad 
senatum  suum  renuntiaverunt  ;  quorum  renun- 
tiatio,  legibus  illorum,  litteris  publicis  mandata 
est  :  quorum  legatî ,  homines  nobilissimi ,  Romae 
sunt ,  qui  boc  idem  pro  testimonio  dixerunt. 
Çogno9Cite  Agyrinensium  publicas  litteras  ; 
deinde  testimcAiiom  pubiicum  civîtatis.  Recita  litte- 
ras publicas.  LiTTEKJE  puBLiCiE.  R  ecita  testimonium 
pubiicum.  TESTiMOirium  pubj^icum.  Animadyer- 
tistis  in  hoc  testimonio ,  judices ,  Apollo^orum , 
cui  Pyragro  cognonien  '  est ,  principem  snae  civi- 
tatis ,  lacrymantem  festari  ac  dicere  ,  ^unquam 
])Ost  popuji  romani  nomen  ab  Siculis  auditutn  et 
cogoitum,  Agyrinenseâ  contra  quemquam  infimubi 
civem  romauum  dixisse ,  aut  fecisse  quippiam  ; 

'  Hotomann.,  cxxix.  N^meri  aatent  pleriwiqme  liepra- 
vati,  qvâ  tamen  a/ix  corrigi  sine  libris  possunt.  W-  not. 
interpret.  —  *  Grut. ,  tuique.  Lectio  scUicet  TfaréfUana^- 
^ulgaia  enim,  quos  tui." 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES  ^IH.  8> 
•  TOtre  ordre.  Ce  n'est  jgoïiit  assez.  On  exige  en  outre 
de  l'argent  ;  il  est  donné.  Cjest  peo  de  chotfe.  On  force 
de  payer  d'autres  somîiies  pour  les  dîmes  de  Forge. 
Tous  faîtes  donner,  "Verres,  trente  mille  sesterces  *  à 
titre  de  présent.  Afnsi  la  violenée ,  les  menaces ,  Fau- 
iforité ,  rinjnstice  du  préteur ,  enlèvent  à  une  seule 
ville  trente-trois  ibille  médimnes  de  blé ,  et  en  outre 
soixante  mille  sesterces  ^^.  Ce*  faits  sont-ils  obscurs,  * 
ou  peuvent-Os  Fétrc,  quand  tout  Ij  monde  le  voudrait? 
n'est-ce  pas  en  pleine  assemblée ,  aux  yeux  de  tous ,  • 
que  vous  avez  ordonné ,  exigé ,  menacé  1  Les  magistrats 
d'A^rone  et  les  cinq  premiers  citoyens  que  vous  aviez 
mandés  pour  votre  intérêt',  ont  fait  chez  eux  à  leur 
sénat  le  rapport  de  tous  vos  aetes  tyranniques.  Le  rap- 
'port ,  conformément  à  leurs, lois  ,  a  été  consigné  dans 
les  registres  de  la  TÎlle.  Leurs  députés ,  hommes  d'un 
rang  illustre,  sont  à  Rome;  ils  ont  confirmé  ce  que  je 
dja  par  lepr  déposition.  -, 

"Voici  les  registres  d'Agyrone  ,  et  la  déposition  de  ses 
députés.  Lisez  les  registres.  Registres  pu»i.ics.  Lisez  ta 
déposition.  Déposition  des  dé  putes,  x  Juges  ^  vous  avez 
pu  le  ren^rquer,  dans  cette  déposition,  ApoUodore, 
surnommé  Pyragre,  le  premier  de  sa  ville ,  dit  et  pro- 
teste ,  les  larmes  aux  yeux ,  que ,  depuis  que  les  Siciliens 
avaient  entendu  parler  de  Rome ,  depuis  qu'ilsTavaient 
cof^Rue ,  les  habitants  d'Agyrone  n'avaient  rien  dit/ 
ou  feit  contre  le  dernier  de  nos  concitoyens,  eux  qui 
anjourd'htii  se  voient  forcés ,  par  les  plus  criantes 
vexatîohs  et  le  plus  juste  ressentiment,  de  déposer  an 
nom  de  leur  ville  contre  un  préteur  du  peuple  romain. 
Aucune  défense ,  Verres ,  non ,  aucune  défense  ne  sau- 
rait détruire  le  témoignage  de  cette  seule  ville ,  tant 

*  3^7 5o  liv.'  A.         ^. 


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90  I^  VERREM  AÇT.  H,  Life.  IH. 

qui  nunc  contra  pr^torem  p^puli  romani  magnis 

injuriisy  et  magno  dolore  piJ[>lice  testimonîum 

'  dicere  cogerentur.  Uni,  riieherculé,  huic  cÎTitati, 
"Verres ,  obsistere  tua  defensione  non  potes  :  tenta 
auctoritas  est  in  eorum  hominum  fîdeHtate ,  tantus 
dolor  in  injuria,  ^anta  religio  in  jtestimonio.  Ve-  \ 

^  rum  lion  uua  te  tantum,  sed  uniyersse,  similibus 
afflicta»>  içcommodis ,  legationibus  ac  testimoniîs 

'  publicis  '  persequuntur.  , 

XXXII.  Etenim  deinceps  videamus ,  Herbifensi^ 
civitas ,  honesta  y.  et  antea  copiosa ,  quemâTdmodun^ 
spolfata  ab  isto  ac  vexata  sit.  At  quorum  homi- 
num ?  summor|im  aratorum ,  remotissimorum  a  ~ 
fore ,  judiciis ,  controversiis  :  qnibus  parcere  et 
Gonsulere ,  liomo  impurissime,  et  quod  genus  ho- 
minum studiosissime  conservare*debuisti.  Primo 
«?nno  venierunt  ejus  agri  decumae  tritiçi  medim-    , 
num  XVIII.  ^  Atidius ,  istiu?  item  miuister  in  de- 
cumis,  quum  emissetj.et  praîfecti  nomine  quum 
vênisset  Herbitam  cum  Veneriis,  locusque  ei  pu-  , 
blicé ,  quo  deverteretur,  datus  esset;  co^ntur. 
'  HerbitenSfes  ei  lucri  dare  tritici  medimnum-xxxviï*,  ^ 
quum  decumae  yenissent  tritici  medimnum  xyiii. 
Atque  hoc  tantum  ttiticum  lucri  coguntur  dare 
publice ,  quum  jam  privatim  aratores  ex  a  gris, 
spoliati  atque   exagitati  decumanortim  injuriis,   , 
profugissent.  Anno  secundo  quum  emisset  Apro^ 
nius  decumas  tritici  medimnum  xxy  nàillibus,  et 
ipse  Herbitam  cum  illa  prsedonum  copia  manuque 
venisset  ;  populus  publice  coactus  est  ei  conferre . 

'  Persequentur.  —  *  Qdidam /volant ,  Accensiis  iitius, 
item  m. 


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V 

SEC.  ACTIONS'  CONTRE  VERRAS,  III.      91 

les  hommes  qui  le  rendent  sont  dignes  de  fui  par  lear 
dévoaement  à  notre  empire  !  tant  ils  sont  pénétrés  des 
înjnres  qn^ils.  ont  reçues  !  tant  ils  déposent  avec  nn 
scrupule  religieux  !  Mais  ce  n'est  pas  une  seule  ville  , 
ce  sont  toutes  les  villes  opprimées  par  vous ,  dont  les 
députatioas  et  les  témoignages  publics  vous  poufsui* 
vent  et  vous  accusent. 


XXXII.  Voyons ,  en  effet,  comment  Herbire ,  ville 
distinguée  et  auparavant  opulente ,  a  été  pillée  et  dé- 
solée par  Terrés.  Mais  quels  sont  ses  habitants?  De  la- 
borieux cultivateurs,  qui  défèrent  le  barreau ,  les  plai- 
doiries, les  contestations  judiciaires  :  vous  deviez,  lâche 
tyran ^ épargner  cette  classe  d'hommes^  les  ménager, 
les  conserver  avec  beaucoup  de  zèle  et  de  soin.  La  pre- 
mière année ,  les  dîmes  de  lenr  territoire  furent  alRTer^ 
nfées  dix-huit  mille  médimnes  de  blé.  Atidius  ^^,  qui 
était  aussi  un  des  agents  de  Yerrès  dans  cette  partie , 
avait  pris  le  bail  :  il  arrive  à  Herbite  avec  \e  titre  de 
préfet,  suivi  des  esclaves  de  Vénus,  etia  ville  lui  as- 
sène un  logement.  A  peine  a-t-il  paru ,  les  habitants 
«ont  forcés  de  lui  donner  trente-sept  mille<ànédimùes 
de  bénéfice ,  quoique  les  dîmes  n'eussent  été  affermées 
que  dix-huit  mille.  Et  ils  sont  forcés  de  lui  donner  ce 
surcroit  au  nom  de  la  ville ,  lorsque  les  cultivateurs  en 
pa^culier ,  déponiUés  déjà  et  tourmentés  par  les  vexa- 
tiotis  des  décimateurs,  s'étaient  enfuis  de  leurs  champs. 
La  seconde  année,  Apronius  ayant  pris  les  dimes  pour 
vingt-cinq  mille  médimnes  de  blé ,  et  étant  venu  lui- 
même  à  Herbite  avec  sa  Irqupe  Je  brigands,  le  peuple, 
au  nom  de  la  vUle ,  fut  obligé  •  de  lui  payer  une'  in- 
demnité de  vingt-six' mille  ^édimues  ^^,  et  en  outre  ' 
deux  mille  sesterces.  Pour  ce  qui  est  de  l'argent ,  je 


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<)a  IN  TEJlREM  ACT.  II,  LIB.  HIj 

'  lucri  tritici  medimnnm  "xxlri ,  et  accessioi^ein 
H-S  CI3C10.  De  aCcessione  dubito,  aij^Apronio 
ipçi  data  sit,  merces'.operae ,  pretiumque  impu- 
dentiae.  De  tritici  quidem  numéro  tanto ,  quis  po- 
test* dubi tare,  qiiin  ad  istum  praedoiiem  frumenta- 
rium ,  sicut  Agyrinense  frîiinentum ,  pervenerit  ? 
XXXIII.  Anno  vero  tertio  in  hoc  agro  con- 
.  suetudine  usus  est  regia.  Solere ,  aiunt ,  barbaros 
reges  Persarnm  aç  Syrorum,  plhres  uxores  lia- 
bere;  his  antem  «xoribus  civitates  attribuere,  hoc 
modo  :  Hac  civitas  mulieri  redimiculum  praeheat, 
haec  in  collum ,  haec  i»  crines.  Ita  populos  habe^t 
universosnon  solum  conscios  libidinis  suse,  verfim 
etiam  administros.  Eamdem  istius,  qui  se  regem 
Siculorum  esse  ducebat,  licentiam  libidmemque 
fi\isse  cognoscite.  uEschrionis  Syracusani  uxor  est 
Pippa  :  cujus  nomen  istius  nequitja  tota  Sicilia 
perYulgalum  est  ;  d^  qua  muliere  versus  plurimi 
supra. tribunal  et  supra  praetoris  caput  scribeban- 
tur.  Hlc*^schrio,  Pippa  vir  adumbratus,  in  Her- 
bitensibus  decumis  no  vus  instituitur  publicnnift. 
Herbitenses  quum  vidèrent,  si  ad  iEschrionem 
pretium  redisset,  se  ad  arbitrium  libidinosissimaQ 
mulieris  spoliatum  iri;  liciti  sunt  usque  eo,  quoad 
se  effîcere  posse  arbitrabantur.  Sûpra  adjecit  JEs- 
chrio  :  neque  enim  metuebat,  ne,  prœtore  Verre, 
d^cumana  muHer  damno  affîci  posset.  Addicitut*  " 
medimnum  xxxv  millîbus ,  dimidio  fere'pluris, 
quam  superiore  anoo.  Aratores  funditus  evcrte- 
bafirtur  ;  el  eo  magi»,  quod  jam  superioribus  annis 

'  Ernest,  in  hocjoto  dufius  putat  lucri,  quodintelUgi 
eominodé  posset.  \ 


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'  '   I 


SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  III.  ^ 
doute  s'il  n*^  pas  été  donné  à  Apronias  lui-même 
comme  salaire  jie  sa  peine  et  comme  prix  de  son  im-  . 
pudence.  OTais  peut-on  douter  que  d'une  teUe  quantité 
de  Hë,  comme  lie  celui  d'Agyrone,' il  ne  soit  venu 
la  plus  'grande  partie  à  'Verrèft,  à  ce  dévastateur  de» 
campagnes?  ^ 

XXXm.  La  troisième  année  ;  le  préteur  a  suivi  pour 
ce  territoir^ne  coutume  royifte.  Les  rois  de  Perse  et 
de  Syrie  sont,  dit-on,  dans  l'usage  d'avoir  plusieurs 
femmes,  et  d'assigner  des  vîîles  ponr  leur  parure  ;  telle 
ville  doit  lroui:nir  pour  les  rubans,  celle-ci  pour  les 
colliers,  celle-là  pour  les  coifTiires.  Ainsi  ils  odt,  dans 
tous  les  peuples ,  non  seulement  des  témoins ,  mais  en- 
core des  ministres  de  leurs  dissolutions:  "Verjrès,  qui  se 
regai-dait  comme  le  roi  des  Siciliens,  s'est  permis  le 
même  abus  de  pouvoir  et  la  même  licence.  Êscluion, 
de  Syracuse^  a  pour  femme  une  nommée  Pippa ,  nom, 
célèbre  dans  toute  la  Sicile  par  les  dérèglements  de 
Verres,  et  par  les  couplets  sans  nombre  qu'on  affîch£(it 
sur  le  tribunal  £t  jusqu'au-dessus  de  la  tête  du  préteur. 
Esobrion,  époux  honoraire  de  Pippa,  est  installé  nou- 
veau fermier  public  pour  les  dîmes  d'Herlût^.  Les  habi- 
tants ,  qui  voyaient  qne  si  les  enchères  d'Eschrion  pré-  , 
valaient,  ils  seraient  dépouillé»  ^'gré  d'Ane  femme 
sans  honneur ,  enchérirent  tant;  qu'ils  crurent  pouvoir 
le  faite.  Eschrigp  mettait  toujours)  au-dessus  d'eux  ;  il 
ne  craignait  pas  que,  sous  la  préture  de  Verres^  au- 
cune adjudication  pût  tourner  au  désavantage  d'une 
fermière^  publique.  Les  dîmes  soijt  affermée^  tredte- 
çinq  mille  médimnes  ^';  c'était  près  de  la  moitié  plus 
que  Vannée  précédente.  C'en  était  fait  des  agriciilteurs, 
d'autant  plus  >]ue  les  années  précédentes  ils  s'étaient 
déjà  vus  presque  entièrement  épuisés.  Verres  ayant 
îemarqoé  que  les  dîmes  avaient  été  portées  trop  haut 


( 

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94  IN  YEl^REM  ACT.  H,  LIB.  m. 

exhausti  erant  ac  pï»ne  perditi.  Iiitellexit  iste ,  ita 
raagno  yenisse,  «t  aniplius  ab  Herbitensibus  ex- 
primî  non  posse^  :  démit  dç  capite  médiranum 
CIO  CJD  CIO  i3c;'}ubet  in  tabulas  |$ro  mediinnum 
*  XXXV  referri  xxxi  et  cccc.  '^ 

3^XXTV.  Hordei  decumas  ejusdem  agri  D<ïcimus 
emerat.  Hic  est  Docimus,  qui  ad  istum.  ded axera t 
Tertiam,  Isidori  mimi  fîliam,  vi  abductam'  ab 
Rhodio  tibicine.  .Hujus  Tertiae  plus  etiam  ,  quam 
Pfppae ,  pli^  quam  ceterarum ,  ac  prope  dicam  , 
tantum  apud  istum  in  Siciliens!  prtetura  auctoritas 
valnit,  quantum  in  urbana  Cbelidonis.  Veniunt 
Herbitam  duo  prœtoris  semuli ,  non  molesti ,  mu- 
liercularumteterrimarum  improbissimi  cognitores; 
incipiuntpostulare,  poscere,  minari.  Non  poterant 
tamen,  quum  cuperent,'Apronium  imitari.  Siculi 
Siculos  non  tam  pertimescebant.  Quum  omni  ra- 
tione  tamen  illi  calumniarentur;  promiwunt  Her- 
bitenses  yàdimonium  Syracusas.  Eo  postenquam 
ventum  est,  coguntur  uEschrioni,  id  est,  Pippse, 
dare  tantum,  quantum  erat  de  capite  demtum, 
tritfci  medimnum  cio  ci3  ci3  ^  dg.  Mulierculae 
publicansB  noluit  ex  decumis  nimium  lucri  dare , 
ne  forte  ab  noctumo  suo  quaest;^  aniraum  ad  vec- 
tigalia  redim^nda  transferret.  Transactum  pnta- 
bant  Herbitensës;  quam  iste  :  Quid  de  bordeo, 
inquit,  et  Docimo,  amiculo  meo?  quid  cogitatis?, 
At  bo'c  agebat  in  Cubiculo ,  judices ,  atque  in  lec- 

*  Olim  XXXI.  Fitiosos  numéros  lùc  atque  infra  Ernest, 
correxit.  Multa  tamen ,  ut  in' his  siglis ,  dubia  sunt.  -^ 
'ix.  Scripsit  Ernest,  dc  e  cap.  prœcedente ;  et  .tic  olim 
edittim  /uit.  Quidam  conjiciunt  modios ,  sed  htec  refingunt 


omtua. 


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SEa  ACTION  CONTRE  vi^UÈS,  UI.      95 

fllr  qu'on  pût  rien  tirer  de  pins  des  Herbitain%,  re- 
nche  de  rim)pôt  public  trois  miUe  six  cents  médim-  -; 
.   nés;  et,  an  lieu  de  trente-cinq  mille,  fait  p'orter  sur  les 
registres  trente  et  un  mille  quatre  cents.  ^^  - 

^XXIV.  -Bocîmus  avait  pris  à  £erme  les  dîmes  de 
/l'orge  du  même  teiritoii'e.  G^est  ce  Docimns  qui  avait 
amené  â  Verres  la  Tertia ,  fille  du  comédien  Isidore , 
enlevée  .par  Im  de  force  à  un  musicien  de  Rhodes.  Cette 
Tertia  avait  plus  d'empire  suri'esprit  d^y^rès  que 
Pippa  et  ies  autres  ;  je  dirai  pres(|ne  qu'elle  était  aussi 
puissante  dans  la  préture  de  Sicile,  que  l'avait  été  Aé- 
lidon  dans  la  préture  de  Rome.  Les  deux  rivaux  in 
préteur ,  qui  lui  avaient  cédé  tous  leurs  droits ,  se  ren- 
dent à  Herbite  :  ces  agents  criminels  de  femmes  disso- 
lues demandent ,  exigent ,  menacent.  Ils  ne  pouvaient 
toutefois,  malgré  leur  désir,  imiter  Aprdnîus.  Les  Si- 
ciliens ne  redoutaient  pas  autant  leurs  ^compatriotes. 
Les  nouveaux  décimateurs  n'en  faisaient  pas  moins 
mille  difficultés;  les  Herbitains  s'engagent  à  plaider 
contre  eux  à  Syracuse.  Quand  ils  furent  venus,  on  les 
qblige  de  donner  à  Escbrion ,  c'est-à-dire  à  Pippa .  ce 
qu'QU  9vait  retranché  de  l'impôt  public ,  trois  mille  six 
ctfnts  nrédimnés*.  Yerrès  ne  voulut  pas  donner  sur 
les  dîmes,  à  l'épouse  adultère  dudédmateur,  un  trop 
fort  bénéfice  ;  «lie  aurait  pu  renpncer  à  son  trafic  noc- 
turne pour  prendre  à  ferme  nos  impôts.  Les  Herbi- 
tains cro^^aient  touf^fini,  lorsque  Verres  prensfnt  la 
parole  :  Et  l'orge,  dit-il,  ct.Pocimus,  mon  tendre 

*  Auger  suit  la  leçon  tritici  modios  ci»  tio  clo  dc  ; 
n/ais  il  eCt  alors  obligé  de  lire  à  la  fin  du  chapitre  ppc- 
cédcnt  medimna  \^c ,  de  supposer  600  médimnes  au  lieu 
de  3,600, «t  de  changer  les  autres  nombres.  Wous  aflop- 
tons  le  texte  à'Krnesti  ,-plus  clair  et  t>lus  Yraiscmblable, 


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96'  ,  IN  VEiREM  ACT.  II,  LIB.  Ilf. 
'  tulo  suo.  Negabant  illi  sibî  quidquam  esse  maii 
tnm.  Non  au^io  :  uumerate  H-S  xv;  Qoi(J  facell 
imseri?  aut  ^uid  recusarent?  praeserthn  quum^ 
lectulo  decumanse  mulieris  yestigia  \iderent  ^è- 
centia,  quii>us  illum  inflammari  ad  perseverandum 
iiitelligebant  ?  Ita  civîtas  una  soclonim  atqtie  ami- 
conrm  ,  auabus  '  teterrimis  muliercalis ,  Verre 
prœtore,  vectigab's  fuit.  Atque  ego  nunc,  eum  ' 
fruraenti  numerum,  et  eas  publiée  pecunias  decu- 
mauis  ab  JHerbitensibi]»  datas  esse  dico  :  quo  illi 
fmmçnto,  et  quibtis  pecuuiis  tamen  a  decumano- 
i^m  injuriis  ciyës  suos  non  redemerunt.  Perditis 
enim  et  direptis  aratarum  bonis ,  haec  .decumanis 
merces  dabatar,  ut  aliquando  ex  eorum,  agris 
atque  èx  urbibus  abirent.  Itaque  quum  Philinus 
Herbitensis^  homo  diserlus,  et  prudens,  et  domi 
nobilis-,  de  ealamitate  aratorura,  et  de  fûga ,  et  de 
reliqnonim'paucitate  public^  diceret ,  q^jaimadver- 
tistis ,  judices ,  geYnitum  populi  romani ,  cujus 
froquentia  hfùjc' causse  uunquam  defuit  :  qurf  de 
paucîtate  aratorum  alio  looo  dicam.   ^         *  -  ^• 


XXXV.  Nunc  illud ,  iquod  paene  praeterii ,  non 
omnino  relinquen(}um  YÎdetur  :  nam ,  per  deos  - 
imraortales  !  quod   de  capite  ipso  demsit ,  '  quo 
tandem  modo  vbbis  non  modo  ferendum ,  verum 
«tiam  audiendiim  videtur  ?  Unns  adhuc  fuit  pôst 

,  '  Haud  aliter  codd.  Palat\  et  Nànnianus  ,  atque  etiam 
supra  et  cap.  sequenti.  Fulgata  olim  lectio,  deterrlmis. 
—  *  Hoc  est  e  ms.  Nannii.  Edd.  pr.,  quo  tandem  inodo 
ferendnm,  yerum  ctiam  audiendara  TÎd.  jéldus  hic  nia^ 
luit  aQiœadTertendum. 

\ 


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SEC.  ACTION  CONTRE,VERRÊS,  III.  97 
ami,  qa'en  pensez -vons?  Observez,  juges,  que  Ver- 
res traitait  cette  affaire  dans  sa  chambre ,  de  son  lih 
Nons  n'avon^recn  aucun  ordre,  disent  les  député» 
d'Herbît«.  Je  n'entçnds  pas,  dit-il ;* comptez  quinze 
mille  sesterces*.  Que  pouvaient  faire  ces  malheu- 
reux? pouvaieninb  refuser,  surtout  lorsqu'ils  voyaient  ^ 
^rtir  du  lit  de  Terres  une  femme  devenue  intendante 
de  la  ferme  poblîqhe,  et  don^  l'amour  Texcitait  a 
ne  faire  aucune  remise?  Ainsi,  «ous  la  préture  de  Tern  ' 
rès ,  toute'une  ville  de  nos  alfiés  et  de  nos  ami^  s'est 
vue  tributaire  de  deux  infâmes  courtisanes.  Je  vais 
plus  loin  i  je  dis  que,  par  tout  ce  blé,  par  totit  cet 
argent  fourni  aux  décîmateurs,  la  ville  d'Herbite  n'a 
pu  encore  racheter  ses  citoyens  de  leurs  vexations. 
Après  avoir  enlevé  et  pillé  les  biens  des  cultivateurs, 
on  les  obligeait  de  donner  anx  décimateurs  les  addi- 
tions de  marché  qui  les  ont  réduits  enfin  à  déserter 
les  villes  et  les  campagûes.  Aussi,  lorsque  Philinus 
d'Herbite,  distingué  par  ses  lumières,  son  éloquence 
et  sa  noblesse,  j^arlait,  au  nom  de  toute. sa  yille,  de 
l'ififortune  des  cultivateurs,  de  leur  faite,  du  petite 
nombre  de  ceux  qui  restaient ,  on  a  vu  éclater  les  gé- 
missements 4du  peuple  rôqaain ,  qui  s'est  toujours  trouvé 
en  foule  à  cette  cause.  Mais  je  dirai  plus  tard  combien 
la  Sicile  a  perdu  de  laboureurs. 

XXXV.  Ici ,  et  p^tte  réflexion  m'était  presqi|^  échap- 
pée, je  crois  devoir  seulement  vous  demander,  Ro- 

'  mains,  au  n«»ra  des  dieux  immo^els,  si  vous  êtes  dis- 
poisé«  à  «ouffrit,  ou  même  à  entendre  avec  indiffé- 
rence ,  qu'un  préteur  ait  retranché  du  tribut  qui  se 

/'paj^  à  votre  empire?  Il  ne  s'est  rencontré  encore  qu'un 
seul  homme,  depuis  que  Rome  ^xiste  (fassent les  dieux 
qu'il  ne  s'en  renoontre  pas  un  second  !),  à  qui  la  ré- 

♦  1,875  liv.  A.  ' 

VIIT.  9 

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98  IN  VERREM  ACT.  U;  UB.  III, 

Romam  coiiditam  (  dii  immortales  faxint ,.  ne  sit 
âltv!)»  cui  respublica  totam  se  '  traderet,  tempo» 
ribus  coaçta ,  et  malis"  domesticis ,  L.  Sulla.  Hic 
tantum  potuit,  tit  nemo ,  illo  inyito^  ncc  bona, 
«ec  patriam,  nec  vitatn  retînere  posset;  tantum 
animi'habuit  ad  audaeiam,  nt  dîd^re  in  concione 
non  dubitaret,  bopa  ciyium  romanorum  quum 
venderet ,  se  praedam  suam  vendére.  Ejus  omnes  ' 
res  gestas  non  solum  obtinemus;  verum  etiam, 
propter  majorum  incommodorum  et  caiamitatuifïi 
meti^m,  publica  auctoritattf  defendimus.  'Uiîum 

'  hoc  /illius  senatusconsulto  reprehensum ,  decre- 
tumque  est,  ut,  quîbus  ille  de  capite  demsisset, 
4ii  pecunias  in  srarium  referrent.  ^  Statuit  senatus 
hoc,  ne  illi  quidem  esse  licitum,  cui  concesseirat  ' 
omoia ,  ^  a  populo  factarum  quacsitarumque  rerum 
summas  imminuere.  Illum  yirîs  fortissimis  judica- 
runtv  patres  conscripti  remittere.  de  stimina  non 
potuis«e  :  te  mulieri   teterrimae  recte  Femisissè 

/  senatores  judicabunt  ?  Ille ,  de  quo  lege  populue» 
romanus  jusserat,  ut  ipsius  yoluntas  populo  ro^ 
mano  esset  pro  lege^  tamen  in  hoc  uno  génère , 
^veterum  religione  leguûi ,  reprehendifur  :  tu,  qui 
omnibus  legibus  implicatus  tenebare,  libidinem 
tibi  tulm  pro  lege  esse  voluisti?  In  illo  reprehen- 
ditur,  quod  ex  ea  pecunia  remiserit ,  quam  ipSe 

"    quœsierat  :  tibi  concedetur,  qui  de  ca()ile  yecliga- 
'  lium  populi  romani  remisisti  ? 

XXXVI.  Atque  in  hoc  .génère  audaciae  multa 

'  Olim  ,  tradidît,  laliniiate  mmus  rectet.  —^  '  St.  se- 
natus,-Iioc.  —  *  Al.  delent  a;  al.  lé^.  ab  ipso ,  ^uod  in 
inlcrpretando  sequimur. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  "VERRES,  III.  99- 
pabliqa«  se  «oit  livrée  tout  entière,  forcée  par  les  cir- 
conatances  et  par  les  discordes  intestines  :  4i^est  L.  S^^lla. 
Son  ponvoir  fat  tel,  ^e  persoiflie,  mdlgré  loi ,  n'était 
sûr  de  conserver  ni  ses  biens,  ni  sa  pi^trie ,  ni  ses  jonrs  ; 
et  tell^  était  sa  confiance  afidacîease  qne,  lorsqnMl 
vendait  les  biens  des  citoyens  romains,  il  ne  cifiignait 
pas  de  dire,^en  pleine  assemblée,  qa*il  vendait  son 
bntin.  Loin  de  rien  «hanger  à  ce  qn'ii-a  fait,  de  pear 
d'attirer  de  pins  grandes  calamités  sur  Fétat ,  nous  an- 
torisons ,  nous  maintenons  ses  décrets  ^^,  Il  en  est  un 
seul;  qu'on  a  réformé  par  un  sénatus- consulte  :  il  a 
été  décidé  que  ceux  pour  lesquels  il  aurait  refranché 
de  l'impôt  public,  rapporteraient  les  deniers' au  trésor. 
Ainsi  Va  V  statué  le  sénat;  celui  même  à  qui  l'on  avait 
tou^pc1;pis,  n'avait  pas  le  droit  de  diminuer  les  res- 
^  sources  dont  le  recouvrement  était  dû  à  ses  armes  et 
A  son  courage.  Les  pères  conscrits  ont  jngé  que  Sylla 
n'avait  pu  prendre  sur  les  fonds  puolics  pour  donner 
à  des  hommes  dignes  d'esiime  ;  et  les  sénateurs  juge- 
ront qne  vous,  Terres,  votts  pouviez  en  gtalifier  une 
inftrae  courtisane  !  Celui  pour  qui  le  peuple  avait  or- 
donné par  une  loi  que  sa  volonté  ferait  loi  dans  la 
république ,  a  cependant  été  repris  dans  ce  seul  point 
par  respect  pour  les  lois  anciennes;  et  vous,  Verres, 
que  toutes  les  lois  tenaient  enchaîné,  vous  avez  voulu 
que  votre  <àprice  fît  loi!  On  blâme  le  dictateur  d'avoir 
pris  sur  les  fonds  qu'il  avait  recouvrés  lui-ménlK,  et  à 
vous,  on  vous  pardonnera  d'avoir  pris  sur  les  revenus 
du  peuple  romaih  ! 

XXXTI.  Dans  ce  genre. d'audace,'' il  «'es*  conduit 
beaucoup  plus  impudemment  encore  pour  les  dîmes  de  , 
Ségeste  *°.  Ilies  avait  adjugées  au  mêftie  Docimus  pour 
cinq  mille  boisseaux  de  blé ,  et  une  indemnité  de  quinze 


b'yGodglé 


Trto  IN  -VERREM  ACT^.  Il,  ÏXR.  III. 

ctiam  îinpudentius  in  decamis  Segestepsium  yer- 
satus  est  :  qûas  quum  addixisset  eidem  illi  Doci- 
ino,  '  hoc  est,  tritîci  modiiim  quînque  millibus,  et 
accessîonem  adscripsisset  H-S  md,  coegit  Seges- 
^tenses  a  Docimo  tantidem  publiée  accipere  :  id 
qnod  ex  Segestensium  pubÏÏco  testimonio.cogno- 
scite.  Récita  testimonium  publicum.  Testimonium 
puBLicuac.  Audistis,  quanti  decumas  acceperit  a 
Docimô  civitas,  tritici  modium  quinque  ^ millibus, 
et  accessione.  Cognoscite  nupc,  quanti  se  vendi- 
disse  rçtulerit  Lex  decumis  ykwdundis  C.  Verre 
VR.  Hoc  nomine  videtis  tritici  modium  cis  cio  cio 
de  capite  esse  demta  ;  quse  quum  de«populi  romani 
yictu,  d«  vectigalium  neryis,  de  sanguine  de- 
traxisset  aerarii ,  Tertiae  mimse  condonavit.'Utrum 
impudentius  a  sociis  abstulit  ?  an  turpius  meretrici 
dédit?  an  improbius  populo  romano  ademit?  an 
audacius  tabulas  publicastcommutavit?  Ex  horam 
severitate  te  ulla  vis,  aut  ulla  largifîo  eripiet?  Se<ï 
si  ^  eripuerit  ;  non  intelligis ,  hsec ,  quae  jamdudam 
loquor/ad  aliam  quaestionem  atqne  ad  peculatuis 
judiûium  pertinere?  Itaque  hoc  mihi  reservabo 
genus  integrum  *  totum  :  ad  iilam,  quarainstitui, 
causam  frumenti  ac  decumarum  revertar. 

Qui  quum  agros  maximos  ac  feracissimos ,  per 
se  ipsum ,  hoc  est ,  per  Apronium ,  Verrem  alte- 
rum ,  depopularetur  :  ad  minores  oivitates  habeb^t 
alios ,  quos ,  tanquam  canes ,  immitteret ,  nequam 

'  M  e  ms.  Lambini,  Loc  est,  Tfertiœ,  tr.  —  '  f^tilgl, 
milliaf  et  accessioneih.  Sequimur  Hotom.  et  Schiitz.  — 
'  Sic  recte  edd.  pr.y  quas  et  Giœvms  seqUitur;  Gruter. 
njero,  eripueris.  —  *  ]}fon  est  superfluum  totûm,  ut  Schel- 
hro  n)isum  est. 


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,    -  \  •    - 

SEC  ACTION  CONTRE. ^ÇRÈS,  III.  loi' 
mille  sesterces*.  Il  força  la  ville  de  Ségeste  de  les  prendre 
de  Dociinns  aux  mêmes  conditions  ;  ce  qaè  voas  allez 
voir  par  Jla  déposition  des  Ségestai^s.  Lisez  la  déposi- 
tion. DÉPOSITION  DE  liA  VILLE  DE  SeGESTE.  'VoUS  VCneZ 

.  d'entendre  à  quelles  copHitîdns  la  ville  de  Ségeste  a  prîs 
de  Docimns  les  dîmes ,  -poar  cinq  mille  boisseaax  de 
*  bléi'et  quinze  mille  sesterces  **.  Apprenez  maintenant, 
d'après  sa  propre  loi,  combien  Yerrè^  a  déclaré  les 
ayoir  aflermées.  Loi  pour  l'adjudication  •  des  dîmes 
sous  LA  PRÉTURE  DE  C.  "Verrès.  "Vous  voycz  qu'il  a 
retranché  ici  trois  mille  boisseaux  ^'  de  la  somme  de 
blé  qni  doit  revenir  an  peuple  romaîki  :  c'est  notre 
propre  substance,  c'est  le  pins  précieux  de  nos  re- 
venu^, c'est  le  sang  même  du  trésor  qu'il  a  abandonné 
à^la  con^édtenne  Tertia.  Enlever  cette  quantité  de 
grains  à  des  alliés ,  qnelle  effronterie  !  La  ^donner  à 
tme  prostituée,  quelle  infamie  !  L'ôter  au  peuple  ro- 
main, quel  attentat!  Falsifier  des  registres  publics, 
qnelle  audace  !  Aucune  puissance ,  aucune  largesse , 
pourront-elles,  "Verres,  vous  dérober  à  la  sévérité  des 
juges  ?  Mais ,  s'il  en  était  ainsi ,  ne  voyevvous  pas  que 
tous  ces  délits  sont  du  ressdl't  d'un  autre  tribunal  ^* , 
et  appartiennent  au  jugement  de  pécclat?  Je  me  ré- 
serve donc  ce  chef  tout  en^îer,  et  je  reviens  à  mon 
objet,  à  l'article  des  blés  çt  des  dîmes. 

Les  territoires  lès  plus  étendus,  les  plus  fertiles,  le 
préteur  les  pfllait  lui-même  ^  c'est-à-dire  par  le  minis- 
tère d'Apronius^  de  ce  second  "Verres.  Pour  les  villes 
de  moindre  importance,  il  avait  de  légères  mentes,  des 

■*  Si  Vbn  adopte  le  texte  de  Lambin^  conservé  par 
Grévius  et  Lallemand  ,  11  faut  traduire  ,  «  ap  même  Do- 
cimus ,  c'est-a-dire  à  Tertia.  »  Ainsi,  ch,  34  :  jSschrioni^ 
id^i^  Pi^p(v.  —  **  1,875  Uv.  A.  ^ 

^  -  ^  DigitizedbyÇoOgle 


y 


toi       ,  m  VERREM  AGT.  II,  LIB.^^. 
ïiomines  et  imprbljos  ;  quîAus  aut  frumentum,  aut . 
pecuniam*  publiée  cogebat 'dare. 

XXXVII  A.  Valentius  est  in  Sicilia ,  interpres  :  ' 
qno  iste  interprète  non  pd  linguam  graecam ,  sed 
ad  fur  ta  et  flagitia  uti  solebat.  Fit  interpres  hic, 
homo  levis  atque  egens,  repente  decutnanus.  Emit 
agri  Liparensis  ,  miseri  atque  jejuni ,  decnmas 
tritici  medimnis  lo^  Liparenses  yocahtur  ;  ipsi 
accipere  decunias ,  et  numerare  Valentio  coguntur 
lucri  H-S  XXX  mîllia.  Per  deos  immortalesj  utrum 
^tibi  sûmes  ad  defensionem  ?  tantone  minoris  *  te 
>decumas  vendîdisse ,  ut  ad  medimna  loc ,  xxx 
mîllia  lucri ,  statim  uua  voluntate  civitas  adderet , 
hoc  est ,  tritici  medimnum  ii  millia  ?  an ,  quum 
magno  decumas  vendidisses,  te  expressisse  ab 
invitis  PJparensibus  hanc  pecuntam  ?  Sed  quid  ego 
ex  te  qnaero ,  quid  defensurus  sis ,  polius ,  quain 
cognoscam  ex  ipsa  cÎTitate,  quid  gestum  sit?  Re- 
cita testfmoniuTn  publicum  Lîparensium,  deinde 
quemadmodum  Valentio  nummi  sint  dali.  Testi- 
Moiriuia  publicum;  quomodo  ^lutum  sit,  ex 
tiTTEAis  puBLTcis.  Etiamne  haec  tam  parva  civitas, 
tam  procul  a  manibus  tuis  atque  a  conspectu  re- 
mota ,  sejuncta  a  Sicilia ,  in  ^  insula  inculta  tenui- 
que  positâ,  cumulata  aliis  tuis  majoribus  injuriis, 
in  hoc  quoque  frumentario  génère ,  praedœ  tibi  et 
quaestiii  fuit  ?  quam  tu  totam  insulam  cuidam  tuo- 
rum  sodaliifm,  sicut  aliquod  munusculum,  con- 
donaras  ;  ab  hac  etiam  haec   frumentaria  luqra , 

'  Sic  Emçst.  réscripsit.  Fulg.,  darî.  — ♦  '  Maràit.  et 
quidam  alii,  tibi  decumas  venisse.  — ^  Cod  Nannii  opti- 
ntiis,  ihsnlula.  ,Falde  pnbat  Garaton.  ad  PIfilippie.,  X,  5. 


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'  SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  III.  io3 
volaurs  sobaltemes  qu'H  lâchait ,  et  à  qui  elles  étaient 
forcées  de  donner  dn  ble  on  de  l'argent. 

XXXTII.  A.'  Yalentias  en  Sicile  est  interprète.  Il 
servait  moins  à  Verres  d^interprète  ppnr  la  lantpie 
grecque  que  de  ministre  pour  s^s  vols  et  ses  infamifes. 
Ce  vil  et  indigent  personnage  devient  toat  à  couplé- 
cimatear.  Il  prend  les  dîmes  du  territoire  de  l^ipare , 
territoire  sec  et  aride,  pour  six  cents  médimnes  de  blé. 
On  mande  les  Lipariens\  on  les  force  de  prendre  eux- 
mêmes  les  dîmes,  et  de  compter  à  Yalenâns  trente 
miUe  sesterces  *  de  bénéfice.  An  nom  des  dieux ,  Ver- 
res, que  dirbz-vons  pour  votive  défense?  direz-vons  que 
vous  aviez  adjugé  les  dîmes  pour  si  pen ,  que  la  vflle 
ajoutait  d*elle-knéme  aux  six  «ents  médimnes  u^  béné- 
£ce,de  trente  mille  sesterces,  c^«Bt-à-dire  deqx  mille 
médimnes^*  de  l^lé.'  on  que  vous  aviez  porté  le* dîmes 
très  iu^nt,  et  que  les  Lipariens  ont  été  forcéf  par  vous 
de  donner  cette  somme  malgré  eux  ?  Mais  ponrqooi 
vous  demander  quelle  sera  votre  défense ,  plutôt  que 
>  d^appren^^Be  de  la  ville  même  la  vérité  du  fait  ?  Lisez 
la  déposition  des  députés  de  Lipare ,  et  ensuite  com- 
ment on  a  remis  la  s(vunie  à  Valentîus.  Dépositioit. 
Somme  b«mise^  extrait  des  registres  publk^.  Quoi 
donc.  Verres!  une  ville  si  pauvre,  si  éloignée  de  vos 
yeux,  de  vos  mains  avide§,  séparée  de  la  Sicile  ^^,  et 
placée  dans  une.  petite  île  inculte ,  déjà  accablée  par 
vous  des  plus  ^orribles  vexations ,  a-t-elle  encore  été 
pour  vous  dans  Tartide  des  blés  une  proie  et  un  bu- 
tin.»* Cette  île  que  vous  aviez  abandonnée  à  un  de  vos 
compagnons  de  plaisir,  en  lui  faisant  des  excuses  sur* 

*  3,75o  lîv.  A.  —  **  a,ooo  médimnes  font  12,000 
boisseaux  ;  il  fallait  donc  oue  le  boisseau  ne  fàt  compté 
que  deux  sesterces  et  demi,  pour  que  12,000  boisseaux 
pussent  équivaloir  à  3o,ooo  sesterce^.  A.  / 


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io4t         ^  TERREM  Aqf,  II,  LIB.  JII.' 
tanquam  a  mediterraneis ,  exigebantur?  It^que^iui 
tôt  annis  ageUos  suos  ante  te  prœtorem  redimerc 
a  piratis  %olebant,  iidem  se  ipsos  a  te  pretlo  impo-  ' 
•ito  redemerunt.    . 

XXX"VIlI.,Quid  ergo?  a  '  Tissensibus ,  per-, 
parva  et  tenui"rivitate ,  sed  aratoribus  laBoriosis- 
simit    frugalissimisque  bpminlbus,  ponne.  plus, 
lucri  Domine,  eripitur,  quam  quantum  frumepti, 
omnino 'exararant  ?  ad  quos  tu  decuni^num  Diog- 
notura  Venerium  misisci,  noyum  genus  publièani. 
Cuf  hoc  auctore  non  Komse  quoque  ^  servi  publici 
ad  vectigalia  accédant?  Anno  secundo  Tissenses 
H-S  XXI  lucri  dsre  coguntur  inviti.  Terfio  anno 
CI3  Gto  CI3  medimuum  tritici ,  lucri   Diognoto 
yenerio  dare  coacti  sunt.  Hic  Diognotus ,  qui  ex 
pablicis  vecrigalibus  tanta.  lucra  facît ,  vicariiitn 
nuUum*  habet^  nihil  omnino  peculii.  Vos  etiam 
nunc  dubitate,  si  pote'stis,  utrum  tantuip*  nume-   • 
rum  tritici  Venerius  apparitor  istius  sibi  acceperit,  » 
an  huic  exegerit.  Atque  hœc  ex  publico  Tissensium  • 
testimcfnio  cognoscite.  Tr^timoisïvm  ^tv^licvm 
TissKKsiuM.  Obscure ,  judices ,  praetor  ipse  decu- 
nlauus  est,  quum  ejus  apparitores  frlimentum  a 
ci-vitatibus  exigeant,  pecuifias  imperent,  aliquanto 
plus  ipsi  lucri  auferant,  quam  quantum  populo 
romano  decumarum  nomine  daturi   sunt?  Hase 
9eqùitas  in  tuo  imperio  fuit ,  hsec  prsetoris  (fîgnî- 
tas  y  ut  servos  Venerios  Siculorum  dominos  esse 

'  Lambin.,  Cruter.,  Tissiensibus.  ^-  *  Probat  Grœvius 
lecUonem  IVanniani  codicis ,.  servi  ad  publica  yectîgalia 
aocedaat.  • 

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SEC.  ACTION  CQJITRE  VERRES,  III.  po5 
la  modicité  dc^  présent»  où  exigeait  donc  aassi  d'elle 
des  additions  an  marché'  dans  lés  baux  de^  dîmes , 
comtne  des  villes  d^Vîntérienr  de  la  provint?  Ainsi, 
ces  malheureux  qui,  avant  votre  prétnre,  rachetaient 
lears  petits  champs  des  pirates ,  ont  été  forcés  de  les 
rpîoheter  de  vous  ! 

XXXVIII.  Et  la  ville  de  Tissa  ,"quî  est  sî  petite ,  si 
pauvre ,  mais  dont  les  habftants  sont  des  laboureurs  sî 
actifs  et  si  économes,  ne  leur  a-t-onpas  enlevé,  à  titre 
d^bénéfice ,  plue  de  bl«  qu'ils  n'eiv^avaieht  cultivé  ? 
"Vous  leur  avez  envoyé  pour  décîmateur  Diognote  , 
esclave  de  Yénns ,  nouvelle  espèce  de  fermier  public. 
Pourquoi-,  à  Rome ,  d'après  l'exemple  de  "Verres ,  ne 
Jaîsons-nous  pas  aussi  entrer  les  esclaves  publics  dans 
Vadministration  des  impot;^?  La  seconde  année,  les  ha- 
bitants de  Tissa  sont  obligés  de  donner ,  malgré  eux  , 
un  auti«  bénéfice  de  vingt  et  an  mille  sesterces*.  La 
troisième  année ,  ils  ont  été  forcés  d'en  donner  un  de 
trois  mille  médianes  de  blé ,  todjours^à  Dlo^n^e ,  es- 
clav<y  de  Vénus.  Et  ce  Diognote,  qui  tire  des  impôts 
/  public^  de  si  grands  bénéfices ,  n'a  point  d'esclave  à 
lui,  n'a  pas  mémd  de  pécule**.  Doutez  encore, 'Ro- 
mains, sî  vous  pouvez,  doutez  si  un  esclave  de  Vénus, 
appartlenr  de  Verres,  a  reçu  poi|r  lui-même  une  si 
grande  quantité  de  blé ,  ou  l'a  fait  donner  pour  son 
maître.  Voici  la  déposition  du  peuple  de  cette  ville. 

DÉPOSITION    DE    LA    VILLE    DE    TiSSA.  Est-il    doUteUX , 

Romaii^s,  que  le  préteur  lui-même  ne  soit  décimaleur, 
puisque  ses  appariteurs  font  donner  du  blé  anx  villes, 
puisqn'ib)  exigent  des  sommes  d'argent ,  puisqu'ils  em- 
portent, à  titre  de  bénéfice,  pin»  qu'ils  ne  doivent 
donner  au  peuple  romain  à  titre  de  dîmes?  Telle  a  été ,  ' 
Vérrès ,  l'équité  de  votre  gouvernement ,  telle  a  été  la 

*  2,625  liv.  A.  •  '  '     \  \ 


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i(i6.        IN  VÊRREM  AOft  II,  LIB.  m. 
Telles;  hic  dclectus*,  hoc  di«criinén  ,  te  jitaetore, 
fuit,  ut aràtol'es  in  servorum  numéro  essen^,  servi 
nn  publîcanorum. 

XXXIX.  Quid?  Amestratini  miserî,  impositis^ 
ita  magms  decumis,>ut  ipsis  reliqui  nihil  fîeret, 
nonne  tamen  numerare.pecunias  coacti  sunt?  Ad- 
dicuhtur  decuma»'  M.  Csssio  ,  quum  ^dessent  le- 
gati  amestratini  :  statim  cogitur  Iieracliûs  legatus 
numerare  H-S  xxii.  Quid  hoc  est?  qu»  est  ista 
prseda  ?  quae  vis  ?  quae  direptio  sociorum  ?  Si  erat 
Heraclio  ab  senatu  mandatum ,  ut  emèret ,  emi^- 
set;  si  non  erat,  qui  j>oterat  sua  sponte  pecuniam 
'  numerare  ?  Csesio  renuntiat  se  dédisse.  Cognoscite 
seil^ntiationem  ex  litteris.  Recita  ex  litteris  publi-  . 
ds.  LiTTER^ -PUBJLic*  Quo  scnatuscousulto  erat 
hoc  legato*  permissum  ?  nullo  :  cur  fecit?  éoactus', 
'^t  :  quis  lioc  dicit  ?  tota  civitas.  Kecita  testimo- 
niiim  publièurà.  TESTTMoiriuM  publicum.  Ah  hac 
eadem  civitate ,  annb  secundo ,  simili  ratione  ex- 
tortam  esse  pecuniam ,  et  Sext.  Vennonio  datam , 
ex  codera  testim<$îio  cognovistis.  At  Amestrati- 
nos ,  homines  tenues ,  quum  eorum  d^cumas  nie- 
dimnis  noce  veudidlsses  Banobali  Venerio  (cog- 
noscite nomina  puhlicanorum),  bogis  eos  plus  lu- 
cri  addere,  quam  quanti  venierant,^uum  magno 
venissent.  Dant  Banobali  *  medimnis  dccc  ,  H-S 

'  Cui  addictas  fuisse  anno  etiam  tertio  e  cap.  43  Gara- 
ton.  coHigU  ;  wideinfray  pro-ejusd^m  cîvitatis  nomine , 
At  Araestratinos ,  conjicit  legendum  Matistratinos ,  ^el 
3VIyti6tratinos ,  'vel  aiiud  notnen  civitatis.  —  '  Mendosus 
ibcus.  Auger  'vertit,  qiiasi  legeret  pro  iiiedimnis  dcoc  h-s 
MD.  Narmii  cùdex ,  medimna  dcccl.  Prof.  n. 


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SEC.  ACTION  CQQfTRE  VEKRÈS,  III.     li^  / 

dignité  de  votre  prétoire,  qae  voas  avez  rendu  des  «s-    .      * 
claves  de  Vénus  maîtres  4es  Siciliens.  Telle  a  été ,  tfons 
voua ,  la  distinction  des  états  et  detf  conditions ,  qni^ 
«les  agrtcnltenrs  étaient  esclaves ,  et  les  esclaves ,  fe^ 
miers  4e  nos  domaines. 

^  XXXIX.  Et  les .  malheiireux  habitants  d^mestra, 
quoiqu'on  leur  eut  imposé  des  dîmes  «  fqrflV  qu'il  ne 
leur  restait  rien,  n'ont-ils  pas  toutefois  été  Torcés  de 
compter.de  l'argent?  Les  dânes  asunt  adjugées  4  Cé> 
sins  en  présence  des  députes  de  la  ville  :  on  force  snr- 

'  le-champ  'Héradins ,  un  des  députés',  de  compter  à 
l'adjudicataire  vingt-deux  mille  sesterces*.  Quelle  con- 
duite !  qnel]^  violence  !  quelle  rapine  !  quel  indigne 
pillage  des  alliés!  Si  Héraclius  avalît  reçu  ordiC  de  son 
sénat  de  prendre  le  bail  des  dîmes,  U  Paurait  pris;  si-       ^ 
non ,  comment  ponv^it-u,  de  soq  chef,  compter  une 
somme  d'argent?  Il  déclare  à  son  retour  qu'il  l'a  don-  / 
née  à  Césius.  \ous  ailes  en  être  instruits  par  les  ^e- 
gistMBs  publics.  Lisez  l^xtrait  des  registres.  Extraix  ' 
DES  -KEGisTREs.  Qucl  décret  de  son  sénat  autorisait 
Héraclius  à -compter  de  l'argent?  aucun.  Pourquoi  en 

-  a-t-Jl  compté?  il  y  a  été  contraint.  Qui  le  dît?  tonte  la 
ville.  Lisez  la  déposition.  Déposition  de  âa  viLf.£ 
d'Amsstra.  Tous  voyez,  parla  ntême  pièce,  qae  la 
seconde  année,  pour  une  raison^pareîlle,  oft  a  extor- 
qué à  la  même  ville,  et  donné  à  Sext.  Vennonins  ^^  une 
somme  d'argent.  14ais  après  avoir  adjugé  à  Banobal , 
eadave  de  Vénus  (apprenez,  Romains,  les  noms  des 
Termiers  de  voMlomaines) ,  apr^  lui  avoir  adjugé  pour 
huit  oenjts  médimnes  de  blé  les  dîmes  des  habitants 
d'Amestra ,  hommes  fort  peu  ridies ,  Ven-ès  les  force 
d'ajouter,  comme  bénéfice ,  plus  que  les  dîmes  n'avaient 
été  affermées,  encore  que  l'adjudication  eu  eût  été 


9.,75o  liv.  A. 


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ip8 .         IN  VÈRREM  ACT.  II,  LIE.  in. 

Mt).  Profecto  nunquam  iste  tam  araens  fuisset ,  ut 

exagro  populi  romani  plus  frûmenti  servo  Vene- 

\io,  quam  populo  romano  tïibui  pateretur,'  uisî' 
omni^  ea  pra;da,  servi  nomine,  ad  istum  ipsum 
perveniret.  Pe^rini ,  quum  eorum  decumae  i;nagno 
addictsfflpssent ,  tamen  invitissimî  P.  N»vîo  T,ur- 
pioni,  improbissimo  homini,  qui  injyriarum,  Sa- 
cerdote  praetore ,  damnatus  est ,  H-S  xxxvii  et  id 
dare'coacti  sunt.  Itane  dissolute  decumas  vendî- 
dî^ti ,  ut ,  quum  '  mej^imnum  esset  H-S  xv,  deciimae 
Auteo^medimnum  m  venissent,  hoc  est,  H-S  xxxxy, 
lucri  deçumano  cio  cio  cia  H-S  darentur?  At  per- 
m^gno*  decumas  '  ejus  agri    ^  veudidi.  Yidelicet 

'  ^  gloriatur ,  non  Turpioni  lucrym  datum  ,   sed 
Petrinis  pecuniam  ereptam. 


.  •  XL.  Quîd  ?  Halicyenses ,  quorum  incol»  decu- 
,mas  dant,  ipsi  agros  immunes  habent;  nonne  huic 
eidem  Turpioni,  quum  decumae  c  med.  venissent, 
H-S  XV  ciD  dare  coacti  sunt  ?  Si  id.,  quod  maxime 
vis,  posses  probare,  haec  ad  decumanos  lucra  ve- 
nisse,  uihil  te  attigisse;  tamen  hae  pecuniie,  per 
vim  atque  injuriam  tuam  capt»  et  conciliât»,  tibi 
fraudi  et  damnationi  esse  debf  rent.  O^um  vero 
hoc  nemini  persuadere  possis,  te  tam  ament^m 
fuisse ,  ut  Apronium  ac  Turpionem ,  servos  homi- 
nes ,  tuo  libeForumqhe  tuorum  periculo  divites 
neri  velles  ;  dubitaturum  quemquam  existimas , 

'  Quûm modiukn XV millibus  venissent,  roedimaum  m 
'   m. ,  hoc  est .  H-S  xxxxv,  lucri  d.  dar.  —  '  Yendidisti.  — ► 
'■'  £dd.  pr.  habent  ^itiose  igitur  pro  gloriatur. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  ^TERRES,  ni.  tOQ 
portée  fort  h&ot.  Ils  donnent  à  Banobal ,  pour  hnit 
cents  médimnes  de  blé,  quinze  cents  sesterces.  Certes, 
Terrés  u^eût  pas  souffert  que ,  sur  an  domaine  du 
peuple  romain ,  on  donnât  à  un  esclave  de  Yénus  plus 
qu'au  peuple  romain,  si  tout  ce  butin,  sous  le  nom 
d'un  esclave ,  n'eût  pas  été  pour  lui-même.  Les  habi- 
tants de  Pétra  *,  malgré  une  adjudication  très  élevée , 
ont  été  contraints  de  donner  trente -sept  mille  cinq 
cents  sesterces  à  P.  Névius  Turpion,  homme  pervers, 
qui  a  été  condamné  pour  des  violences  sous  la  préture 
de  Sacerdos.  Avicz-vous  donc,  "VeiTes,  affermé  si  peu 
les  dîmes,  que,  lorsque  le  médimne  valait  quinze  ses- 
terces, et  que  les  dîmes  étaient  affermées  trois  mille 
médimnes ,  c?est-à-dire  quarante-cinq  raille  sesterces , 
vous  aocoijliez  au  dédmateur  trois  mille  sesterces  de 
bénéfice.'  —  Mais  j'ai  adjugé  fort  cher  les  dîmes  de  ce 
territoire.  -^  Il  se  vante  alors ,  non  d'avoir  enrichi 
Turpion,  mais  d'avoir  volé  Ifc  habitants  de  Pétra. 

XL.  Et  la  ville  d'Halicye,  où  les  dîmes  ne  sont 
payées  que  par  les  étrangers  résidants ,  n'a-t-elle  pas 
été  forcée  de  donner  quinze  mille  sesterces  au  même 
Turpion ,  lorsque  les  dîmes  n'avaient  été  affermées  que 
*  cent  médimnes  ?  Quand  vous  pourriez  prouv  er,  comme 
c'est  votre  intention,  que  tout  le  gain  a  été  pour  les 
décimatenrs,  des  exactions  aussi  odieuses,  autorisées 
par  vous ,  ne  dcvraient-eUes  pas  vous  faire  condam- 
ner? Mais  comme  il  est  impossible  que  vous  ayez 
voulu  qu'un  Apronîus  et  un  Turpion ,  ces  vîls  escla- 
ves, s'enrichissent  à  vos  périls,  aux  périls  de  vos 
en&nts,  doutera-t-on,  je  vous  le  demande,  qnéce  ne 
soit  pour  vous  que  ces  émissaires  ont  recueilli  cette 
proie  ?  Ségeste  est  une  ville  franche  ;  on  dépêche  aussi 

*  Ville  située  sur  une  hauteur  dans  la  partie  occiden- 
tale de  la  Sicile  ;  aujourd'hui  Petraglia. 


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iio  m  tERREM  ACT.  II,  LIB.  HL 

quin  illis  emissarîis  tiœc  tibi  omnis  pecunia  quae- 
sita  sit  ?  Segestam  item  ad  imnaunem  civitatem 
Yenerias  Symmachus  decumanus  immittitur  :  is 
ab  isto  litteras  affert ,  ut  sibi  contra  omnia  sena- 
tusconsulta,  contra  '  onmia  jura,  contraque  legem 
Rupiliam ,  extra  forum  Tadimonium  promittant 
ara  tores.  Audite  litteras,  quas  ad  Segestanos  mi- 
sent. LiTTER£  C.  Vbbris.  Hic  Veherius  quemad- 
modum  aratores  duserît,  ex  uiia  pactione  bomi- 
nis  honesti  gratiosique  cognoscite  :  in  eodem  enim 
génère  sunt  cetera.  Diodes  est  Panormitanus ,  Pbi- 
mes  cognomine ,  homo  illustris ,  ac  nobilis  '  arator. 
Is  agrum  in  Segestano  (nam  commercium  in  eo 
agro  3  Panormitanis  est  )  conductum  babebat  H-S 
sex  millibus.  Pro  decuma ,  qunm  puisatus  a  Yene- 
rio  esset,  decidit  H-S  xti  millibus  et  iocliiii  :  id 
ex  tabalis  ipsîus  cogndlcite.  Nomek  Dioclis  Pa- 
iro^iTAiri.  Huic  eidem  Symmacbo  Anneîus  Broc- 
cbus,  sepator,  homo  eo  splendore,  ea  virtute, 
qua  omnes  existimatis ,  nummos  prœter  frumen— 
tum  coactus  est  dare.  Yenerîone  servo,  te  pr»-  , 
tore  ,  talis  vir ,  senator  populi  romani ,  quœstui 
fuit? 

XLI.  Hune  ordinem  si  dignitate  antecellere  non 
existimabas ,  ne  boc  quidem  sciebas ,  judicare  ?  An- 
tea  quum  equester  prdo  judicaret,  improbi  et  ra- 
paces  Diagistratus  in  proyinciis  inserviebant  publi- 
canis  ;.  ornabant  eos,  quicomqne  in  operis  erantf 

■  Gulielm.  conjicit ,  commania  jura.  —  '  Ftrbum  hoc, 
a  C.  Steph.  et  Grœu.  deîetum,  Ernest,  restituit.  —  '  Ita 
regii  codices  et  ^ett.  editL  Gnevius,  ex  Nanniicodiee  dédit , 
iiemini  est.  Ernest,  recte  damnavit. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  ^^RRÈS,  lU.  xit 
(»ntre  elle  le  décknateur  Symmaqae ,  esdave  de  "Vé- 
nos.  Il  présente  une  lettre  de  Verres,  qui,  au  mépris 
de  tous  les  sénatos-consiiltes,  de  tons  les  droits,  de  la 
loi  Rapilia  *,  porte  que  les  cultivateurs  s'engageront  i 
plaider  devant  d'autres  juges  que  leurs  juges  naturels. 
Yoici  la  lettre  aux  Ségestains.  Lettre  de  C.  Terres. 
"Vous  allez  voir  comment  Tesdave  a  traité  les  cultiva- 
teurs ;  je  vous  en  convaincrai  par  le  seul  arrangement 
fait  avec  un  homme  d'honneur,  estimé  de  ses  con- 
citoyens :  le  reste  est  dans  le  même  genre.  Dioclès  de 
Palerme,  surnommé  Phimès,  homme  distingué,  bon 
agriculteur,  avait  pris  à  ferme,  pour  six  miUe  ses- 
terces**, une  terre  dans  les  campagnes  de  Ségeste  ;  car 
les  dtoyens  de  Palerme  font  valoir  dans  ces  campa 
gnes.  Diodes  ayant  été  frappé ,  au  sujet  de  la  dime , 
par  l'esdave  de  Vénus,  s'arratigea  pour  lui  donner 
seize  miJle  six  cent  cinquante-quatre  sesterces  ***.  Ses 
registres  en  fout  foi.  Registres  de  Dioclès  de  Pa- 
lerme. Annéins  Brocchus,  ce  noble  sénateur,  dont 
vous  eennaissez  la  vertu ,  a  été  forcé  de  donner  au 
même  Symmaque  de  l'argent  outre  le  blé.  Un  td 
homme,  un  sénateur  du  peuple  romain,  s'est  donc 
vu ,  sous  votre  préture ,  rançonné  par  un  esdave  de 
Vénus? 

XLI.  Si  vous  aviez  oublié  la  dignité  de  cet  ordre  , 
ne  saviez-vous  pas  qu'il  était  diargé  de  la  justice  ? 
Quand  les  tribunaux  étaient  occupés  par  l'ordre  éques- 
tre ^^,  les  magbtrats  les  plus  avides  respectaient ,  dans 
lenrs  provinces ,  les  fermiers  publics  ;  ils  ac^rdaient 
des  distinctions  aux  employés  dans  les  fermes  ;  tout 

*  Voyez,  sur  la  loi  Rupilia,  le  Discours  précédent, 
ehap.  i3  ,  et  les  notes  sm-  ce  chapitre.  —  **  750  lir.  A. 
—  ***  Environ  2,081  liv.  A. 


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lia  IN  VERREM  ACT.  II,  LIE.  m. 

quemcumque  eqùitem-TcpaiLum  in  provîncîa  vi- 
derant,  benefîciis  ac  lîberalitate  prosequebantur  : 
neque  tantum  illa  res  nocentîbus  proderat ,  quan- 
tum obfuit  multis,  quum  ab'quid  contra  utilitatem 
ejus  ordinis  yoluntatemque  fecissent.  Rçtinebatur 
hoc  tum,  nescio  quomodo,  quasi  communi  consilio 
ab  illis  diligenter,*ut,  qui  unum  equitem  roma- 
num  contumelia  dignum  putasset ,  ab  uni  verso 
ordine  malo  dignus  judicaretur.  Tu  sic  ordinem 
senatorium  despexistî ,  sic  ad  injurias  libidinesque 
tuas  omnia  coaequasti,  sic  babuisti  statutum  cum 
animo  ac  deliberatum ,  omnes ,  qui  '  babl tarent  in 
^icilia ,  aut ,  qui  Siciliam  te  prsetorè  attigissent , 
judices  rejicere ,  "  ut  illud  non  cogitares ,  tamen 
ad  ejusdem  ordini»  homines  te  judices  esse  yen- 
turum  ?  in  quibus ,  si  ex  ipsorum  domestico  in- 
commodo  nullus  dolor  insideret,  tamen  esset  iita 
cogitatio ,  in  alterius  injnria  sese  despectos,  digni- 
tateraque  ordinis  contemtam  et  abjectam.  Quod 
mebercule,  judices,  mihi  non  mediocriter  feren- 
dum  vîdetur.  Habet  enim  quemdam  aculeum  con- 
tumelia ,  quem  pati  pudentes  ac  viri  boni  difiicil- 
lime  possunt.  Spoliasti  Siculos  :  soient  enim  inulti 
esse  in  injuriis  suis  {Mrovinciales.  Vexasti  negotia- 
tores  :  inviti  enim  Romam  raroque  decedunt. 
^  Equités  rt>manos  ad  Apronii  injurias  dedisti  : 
quid  enim  jam  nocere  possunt  »  quibus  non  licet 
judiçare?  Quid,  quum  ^senatorem  summis  injuriis 

*  Cod.  Vfann.y  haberent.  —  *  Ernest,  locum  lacunoswn 
putai,  Quare?  non  ofideo.  —  ^  Matrûdum  et  LoUium,  Al, 
Eqaitem  r.  —  ^  Seuatçres.  Emendavit  Ernestins  seaato^ 
rem ,  scilicet  Anneium, 


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SEC.  ACTION  COISTRE  TERRES,  III.  iiî 
«bevàlier  qu'ils  voyaient  dans  lear  goovemement ,  ils 
le  comblaient  de  bienfaits  et  d'égards ,  et  ces  attentions 
n'étaient  pas  aassi  utiles  anx  coupables,  qu'il  leur 
était  nuisible  d'avoir  agi  en  quelque  cbose  contre  les 
intérêts  et  le  vœu  de  cet. ordre.  Les  chevaliers  romains 
regardaient  alors  comme  une  règle,  que  celui  qui 
avait  jagé  un  s«ul  chevalier  roBiain  digne  d'essuyer 
un  affront ,  devait  être  jugé ,  par  tout  l'ordre ,  digne 
d'éprouver  une  disgrâce.  Et  vous,  Verres,  vous  avez 
méprisé  l'ordre  entier  des  sénateurs  ;  vous  avez  étendu 
sur  ^x  tous  vos  criantes  injustices  et  vos  tyranniques 
exactions  ;  vous  avez  en  soin  de  récuser  pour  juges 
tous  ceux  qui  avaient  habité ,  ou  qui  avaient  mis  le 
pied  dans  la  Sicile  sons  votre  préture ,  sans  faire  ré- 
flexion quHl'vons  faudrait  toujours  avoir  des  sénateurs 
pour  juges?  Et  quand  même  ces  juges  ne  seraient 
animés  contre  vous  par  aucun  sujet  de  plainte  per- 
sonnelle, ne  peuvent-âs  croire  qu'ils  ont  été  insultés 
dans  l'injure  faite  à  un  de  leurs  membres;  que ,  dans  la 
personne  d'un  seul ,  la  dignité  de  tout  Tordre  a  été 
méprisée  et  avflie.'  Or,  le  mépris,  Romains,  est  ce 
qu'il  y  a  de  plus  difficile  à  dévorer.  Tout  afh-ont  est 
fait  pour  piquer  et  révolter  une  âme  noble  et  géné- 
reuse. Vous  avez,  Verres,  dépouillé  les  Siciliens  ;  les 
injures  faites  aux  provinces  sont  trop  souvent  impu- 
nies. Vous  avez  persécuté  les  commerçants  :  ils  vien- 
nent rarement  à  Rome.  Vons  avez  livré  les  chevaliers  , 
romains*  aux  vexations  d'Apronîus:  en  quoi  peuvent- 
ils  wns  nuire  à  présent  qu'ils  ne  sont  plus  du  nombre 
des  jages  ?  Mais  lorsque  vous  outragez  indignement 
nn  sénateur,  n'est-ce  pas  comme  si  vous  disiez  :  Don- 
nez-moi encore  ce  sénateur  ;  je  veux  que  cet  auguste 

*  C.  Matrinius  et  Q.  Lollius.  Foj.  plus  haut,  chap.  24 
et  25. 


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.114  IN  TERREM  ACT.  H,  LIB.  IH. 

affîcis? quid aliud  dicis,  nisi  hoc?  cedo  mihi  etiam 
istum  senatorem  :  ut  hoc  amplissimum  nomen  se- 
natorium  non  modo  ad  inyidiam  imperitomm ,  sed 
etiam  ad  contumeliam  improbornm  natum  esse 
yideatur.  Neque  hoc  in  uno  fecit  Anneio;  sed  in 
omnibus  senatoribus  :  ut  crdinis  nomen  non  tan- 
tum  ad  honorem,  quantum  ad  ignominiam  yale* 
ret.  In  C.  Cassio ,  yiro  clarissimo  et  fortissimo , 
quum  is  eo  ipso  tempore ,  primo  istius  anno,  con- 
sul esset,  tanta  improbitate  usus  est,  ut,  quum 
ejus  uxor,  femina  primaria ,  patemas  haberet  ara- 
tiones  in  Leontino ,  frumentum  omne  '  in  decumas 
auferre  jusserit.  Hune  tu  in  hac  causa  testem, 
Verres,  habebis;  quoniam,  judicem  ne  haberes, 
proyidisti.  Vos  autem ,  judices,  putare  debetis^ 
esse  quiddam  nobis  inter  nos  commune  atqne  con- 
junctnm.  Multa  sunt  imposira  huic  ordini  munera, 
multi  labores ,  multa  pericula ,  non  solum  legum 
ac  judiciorum,  sed  etiam  rumorunvâc  temporum. 
Sic  est  hic  ordo  quasi  propositus  atque  editus  in 
altum,  ut  ab  omnibus  yentis  inyidiae  circumflari 
posse  yideatur.  In  hac  tam  misera  et  iniqua  con- 
ditione  yitae,  ne  hoc  quidem  retinebimus,  judices , 
ut  magistratibus  nostris  in  obtiuendo  jure  nostro 
ne  contemtissimi  ac  despectissimi  esse  yideamur? 

XLII.  Thermitani  miserunt,  qui  decumas  eme- 
rent  agri  sui.  Magni  sua  putabant  interesse ,  pu- 
bliée potius  quamyis  magno  emi,  quam  in  ahquem 
istius  enriisarium  incidere.  Appoaitus  erat  Venu- 
leius  quidam,  qui  emeret.  Is  iiceri  non  destitit. 
Illi,  quoad  yidebatur  ferri  aliquo  modo  posse  « 

'  Fet.  lib.  apud  Lamb.,  decumanos  auferre. 


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\ 


SEC.  ACTION  CONTRE  SERRÉS,  IH.  ii5 
»  nom  paraisse  fait  poar  être  en  batte,  non  senlement 
à  la  haine  des  ignorants,  mais  encore  aux  outrages 
des  perrers  ?  Et  Brocchns  n^est  pas  le  seul  qu'il  ait 
ainsi  traité  :  il  s'est  conduit  de  même  avec  tons  les 
sénateurs ,  an  point  que  le  nom  de  notre  ordre  parais- 
sait moins  app#er  ses  égards  que  ses  insultes.  La  pre-* 
mière  année  de  sa  préture ,  quel  outrage  un  illustre  con- 
sul, C.  Cassius ,  a-t-il  reçu  de  lui  ?  Son  épouse ,  femme 
d^  la  première  distinction,  possédait,  dans  le  pays  des 
Léontins,  des  champs  héréditaires  :  il  a  fait  enlever  tout 
son  blé  sons  prétexte  des  dîmes.  "Vous  aurez ,  Verres , 
Casdus  pour  témoin  dans  cette  cause ,  puisque  vous 
'  avez  en  la  prévoyance  de  ne  pas  Tavoir  pour  juge. 
Vous,  Romains,  qui  nous  jugez,  vous  devez  vous  per- 
suader qu'il  existe  entre  nous  des  rapports  communs 
qui  nous  nnissent.  Notre  ordre  est  soumis  à  bien  des 
charges,  à  bien  des  travaux;  il  est  exposé ,  non  seule- 
ment à  une  foule  de  lois/^  et  de  procédures  rigon- 
renses ,  mais  à  beaucoup  de  Bruits  fâcheux  et  de  con- 
jonctures critiques.  Placés  en  quelque  sorte  an-dessns(^ 
des  antres  dans  un  lieu  déébuvert,  battus  par  tous  les 
orages  de  la  prévention  et  de  la  bain»,  au  miLeu  de 
tous  ces  dangers ,  ne  conserverons-nous  pas  même , 
Romains ,  la  prérogative  de  n'être  point  regardés  par 
nos  magistrats  é5mme  dignes  de  mépris,  quand  nous 
poursuivons  nos  droits  ? 

XLn.  Les  Thermitains  avaient  envoyé  i^es  déptxtés 
pom-  prendre  les  dîmes  de  leur  territoire  :  ils  jugeaient 
important  pour  eux  que  la  ville  les  prît ,  même  bien 
au-dessus  de  leur  valeur,  plntôt  que  de  tomber  entre 
les  mains  d'un  émissaire  de  Verres.  On  avait  aposté  un 
certain  Vénuléius  pour  les  prendre  à  ferme.  Il  ne  ces- 
sait pas  d'enchérir.  Les  Thermitains  enchérissaient  aussi 


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ii6  IN  VERREM  ACT.  Il,  LIE.  m. 

contenderunt  :  postremo  liceri  destitemnt.  Addi-* 
citur  Venuleîo  tritici  modium  '  viii  millibus.  Le- 
gatus  Possidorus  renuntiat.  Quum  omnibus  hoc 
intolerahdum  videretur,  tamen  Venuleio  dantur, 
ne  accédât,  tritici  ^  mod.  vin;  prœterea  H-S  cvô  ciî>. 
Ex  quo  facile  apparet ,  qnae  merces  oecumani ,  qu» 
praetoris  praeda  esse  videatur.  Cedo  Thermitano- 
rum  mihi  litteras,et  testimonîum.  Tabula  Tubr» 
JHITAMORUM ,  ET  thstimoitium;.  Imacharcnses ,  jam 
oihni  frumento  ablato,  jam  omnibus  injuriis  tuis 
exinanitos ,  tributum  facere ,  miseros  ac  perditos  ^ 
coegisti  ;  ut  Apronio  darent  H-S  xx  millia.  Récita 
decretum  de  tributis ,  et  publicum  testimonium. 

SElTA-TUflCOirSULTUM    DE     TRIBUTO     CONFBREKDO» 

Testim oiriuM  luACHARENSiuM.  Euneuses ,  qnum 
decumœ  venîssent  agri  Ennensis  raedimnum 
cia  cia  CIO  ce,  Apronio  coacti  sunt  dare  tritici 
modium  '  xviii,  et  H-S  m  millia.  Quaeso,  atten- 
dite ,  quantus  numerus  frumenti  cogatur  ex  omni 
agro  decumano  :  nasi  per  omnes  civitates ,  quœ 
decumas  debent ,  percurrit  oratio  mea  ;  et  in  hoc 
génère  nunc,  judices,  versor,  in  quo  non  singil- 
latim  aratores  eversi  bonis  omnibus  sunt,  sed  pu- 
bliée decumanis  lucra  data  sunt,  u't  aliquando  ex 
eorum  agris  atque  urbibus  expleti  atque  saturi  cum 
hoc  cumulo  qusestus  décédèrent. 

XLIII.  Calactinis  quamobrem  imperasU  anno 
tertio ,  ut  decumas  agri  sui ,  quas  Calactae  dare 
consueyerant,  Amestrati  M.  Caesio  decumano  da- 
rent y  quod  neque  aute  te  prœtorem  iili  fecerant  y 

*  VII  millibus.  —  *  Modii  vu.  —  ^  lxxiii  millia. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  III.  117 
tant  qae  l'enchère  paraissait  tolérable  :  ils  renoncèrent 
enfin.  Les  dîmes,  sont  adjugées  à  Ténnléias  pour  hait 
mille  boisseaux  de  blé.  Possldorps ,  un  des  députés,  fait 
son  rapport.  Il  n'y  avait  personne  qni  ne  trouvât  la 
chose  révoltante;  cependant  on  donne  à  Ténuléius, 
pour  se  garantir  de  ses  vexations  ,  outre  les  huit  mille 
boisseaux ,  deux  mille  sesterces  *  :  d'où  l'on  voit  aisé- 
ment <qael  était  le  salaire  du  décimateur  et  le  butin  du 
préteur.  Lisez  les  registres  des  Thermîtaîns  et  la  dépo- 
idtion  de  leurs  députés.  Registres  des  Thermîtaîns. 
DÉPOsiTiOK.  Yous  avez  forcé ,  "Verres ,  les  malheureux 
habitants  d'Imachara ,  dépouillés  déjà  de  tout  leur  blé  , 
minés ,  épuisés  par  toutes  vos  vexations  ;  vous  les  avez 
forcés  de  payer  on  tribut,  de  donner  vingt  mille  ses- 
terces *^  à  Apronius.  Lisez  le  décret  du  sénat  sur  le  tri- 
but, et  la  déposition  des  députés  d'Imachara.  Séna- 
Tus-coirsuii^.  DÉPOSITION.  Quoique  les  dîmes  du  ter- 
ritoire d'Knna  eussent  été  affermées  trois  mille  deux 
cents  médimnes,  les  habitants  ont  été  forcés  de  donner 
à  Apronius  dix-huit  mille  boisseaux  et  trois  mille  ses- 
terces ***.  Faitfes,  je  vous  prie,  attention,  Romains ,  à 
la  quantité  de  blé  qu'on  impose  à  tous  les  territpires 
sujets  aux  dîmes;  car  je  parcours  toutes  les  villes  qui 
doivent  des  dîmes ,  et  je  m'occupe  maintenant  à  mon- 
trer, non  comment  chaque  agriculteur  en  particulier 
là  été  entièrement  ruiné,  mais  comment  les  peuples 
ont  donné  des  bénéfices  aux  décimatenrs  ,  pour  que , 
riches  de  cette  proie ,  ils  se  retirassent  de  leurs  villes 
et  de  leurs  campagnes ,  satisfaits  et  assouvis. 

XUII.  Pourquoi ,  Verres ,  dans  votre  troisième  an- 
née ,  a^ez-vous  exigé  des  habitants  de  Calacte  que  les 
dîmes  de  leur  territôifle,  qu'ils' livraient  ordinairement 
dans  la  ville  même,  ils  les  portassent  à  Amestra  au  dé* 
*  a5o  Uv.  —  **  a,5oo  liv.^ —  ***  375  Uy.  A, 


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ii8  IN  TERREM  ACT.  H,  LIB.  IH. 

.  neque  tu  ipse  hoc  ita  statueras  antea  per  bienniutn  ? 
Theompastus  Syracusanus  in  agrum  '  Mutycen- 
sem  cur  abs  te  immissus  est  ?  qui  aratores  ita  vexa- 
vit,  ue  illi  in  altéras  decumas,  id  quod  in  aliîs 
quoque  civîtatibus  ostendam ,  triticum  emere  ne- 
cessario ,  propter  inopîam ,  cogerentur.  Jam  vero 
ex  Hyblensium  pactionibus  intelligetis,  quae  pacte 
sint  cum  decumano  Cn.  Sergio,  sexies  tantum , 
quam  quantum  satum  sit ,  ablatum  esse  ab  arato- 
ribus.  Recita  sationes  et  pactiones  ex  litteris  pu- 
blicis.  Récita.  Pactiones  Htblehsium  cuk  Ve- 

irSRIO    SERYO    EX   UTTERIS    FUBLIGI8.    CogUOSCitè 

item  professiones  sationum,  et  pactiones  *  Mené- 
norum  cum  Venerio  ser^o.  Recita  ex  litteris  pu- 
blicis.    Professiones   sationum,   et   pactiones 

MeNENORUM  cum    VrnERTO    SERTO    ex   I.ITTEEIS 

puBLicis.  Patiemini,  judices,  a  socîis,  ab  âratori- 
bus  populi  romani,  ab  iis,  qui  vobis  laborant, 
3  vobis  seryiunt,  qui  ita  plebem  romanam  ab  sese 
ali  Yolunt ,  ut  sibi  ac  liberis  sais  tantum  supersît  y 
quo  ipsi  ali  possiut;  ab  bis,  per  summam  injuriam, 
per  acerbissimas  contumeliw,  plus  aliquando  abla- 
tum esse,  quam  natum  sit?  Sentio,  judices,  mo- 
derandum  mihi  esse  jam  oratioui  meae,  fugien- 
damque  vestram  satietatem.  Non  yersabor  in  uno 
génère  diutius,  et  ita  cetera  de  oratione  mea  tol- 
lam ,  ut  tamen  in  catisa  relinquam.  Audietis  Agri- 
gentinorum,  fortissimorum  yirorum  (ftligentissi- 
morumque,  querimonias;  cognoscetis,  judices, 
Entellinorum ,  summi  laboril  summœque  indu- 

'  Mutycnsem.  —  '  Meneniorom.  Sequimur  codd.  re- 
çrios.  —  5  Forte,  vobis  serunt.  LaUem. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  IH.  119 
cimatenr  Césias,  c^  qu'ils  n'avaient  point  fait  avant 
votre  prétnre ,  et  ce  que  vous  n'aviez  point  réglé  vous- 
même  durant  <lenx  années?  Pourquoi  avez-vous  dé- 
chaîné contre  le  territoire  de  Mntyca  le  Syracusain 
Théomnaste?  Cet  homme  a  tellement  vexé  les  agricul- 
teurs ,  qu'ils  étaient  forcés  par  la  disette ,  comme  d'an- 
tres Siciliens  que  je  ferai  connaître,  d'acheter  du  blé 
pour  la  seconde  dîme.  Vous  verrez,  juges,  parles  ar- 
rangements que  les  habitants  dTIybla  ont  faits  avec 
le  dédmatenr  Sergius,  qu'on  a  enlevé  aux  agriculteurs 
six  fois  ^®  autant  de  blé  qulls  «m  avaient  semé.  lises 
dans  les  registres  publics  l'état  des  terres  ensemencées, 
et  la  convention  faite  par  la  ville  d'Hybla.  Lisez.  Cow- 

VKWftOW  EHTKE  LA  VXI.LS  dIIyBLA  ET  I.'zSCI.ÀVE  DE 
YÉHtrs  ,  EXTRAITE  DES  REGISTRES  PUBLICS.  ÉcOUtez  en- 

core ,  juges ,  les  déclarations  des  terres  ensemencée^ 
et  les  arrangements  des  cultivateurs  de  Mena  avec  l'es- 
clave de  Vénus.  Lisez.  Extrait  des  registres  pu- 
blics. DÉCLARATION   DES    TERRES  EHSEMEITCEES.    CoiTy 

VEKTioKs.  Souffrirez- VOUS ,  Romains ,  que  vos  alliés , 
que  vos  laboureurs,  que  des  hommes  qui  travaillent 
pour  vous ,  qui  vous  consacrent  leurs  peines ,  qui ,  en 
nourrissant  le  peuple  de  Rome,  ne  veulent  garder 
que  ce  qui  suffît  pour  les  nourrir ,  eux  et  leurs  en- 
fanta ;  souffrirez- vous  qu'on  les  traite  aussi  indigne- 
ment, qu'on  les  accable  d'outrage»,  et  qu'on  leur 
enlève  plus  qu'ils  n'ont  recueilli?  Je  sens ,  Romains, 
qu'H  est  temps  de  m'arréter  :  de  nouveaux  détails  ne 
produiraient  qae  l'ennui.  Je  ne  m'étendrai  pas  davan- 
tage sur  un  seul  chef  d'accusation  ;  mais ,  en  suppri- 
mant les  antres  faits  dans  mon  discours ,  je  les  laisserai 
dans  la  cause.  "Vous  entendrez  les  plaintes  des  Agri- 
gentins ,  cea  hommes  aussi  braves  qu'agriculteurs  vi- 
gilaïAs  ;  vous  apprendrez  les  afflictions  et  les  vexations 


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120  IN  TERREM  ACT.  II,  LIB.  III. 
strige,  dolorem  et  injurias;  Heracliensium ,  Ge- 
lensium ,  '  Soluntinorum  incommoda  proferentur  ; 
Catinensium ,  locupletissimorum  hominura  ami- 
cissimorumque ,  a  gros  vexatos  ab  Âproniô  cogno- 
scetis  ;  Tyndaritanam  ,  nobilissimam  ciTitatem  , 
Cephalœditanam  ,  Halentinam  ,  Apollonîensem  , 
Engynam,  Capitinam,  perditas  esse  hac  iniqui- 
tate  decumarum  intelligetis  ;  *  Morgantinis ,  Asso- 
rinis,  Elorinis,  Ennensibus,  ^  Letinis,  nihil  om- 
nino  relictum;  ^CiUurinos,  Acherinos,  parvarum 
civitatum  homines,  omniuo  abjectos  esse  ac  per- 
ditos  ;  onmes  denique  agros  decmnanos  per  trien- 
nium  populo  romauo  ex  parte  decuma ,  G.  Verri 
ex  omni  relique  vectigales  fuisse;  et  plerisque  ara- 
toribus  nihil  omnino  superfuîsse  ;  si  cui  quid  aut  . 
remissum ,  aut  relictum  sit ,  id  fuisse  tantum , 
quantum  ex  eo  ,  quo  istius  ayaritia  contenta  fuit , 
vedundarit. 

XLIV.  Dnarum  mihi  civitatum  reliquos  fecî 
agros,  judices,  fere  optimos  ac  nobilissimos,  ^t- 
neusem  et  Leontinum.  Horum  agrorum  ego  misses 
faciam  quaestus  triemiii  :  unum  annum  eligam, 
quo  facilius  id,  quod  institut,  explicare  possim. 
Sumam  annum  tertium,  quod  et  recentissimus est, 
et  ab  isto  ita  administra  tus,  ut,  quum  se  certe 
decessùrum  videret,  non  laboraret,  si  aratorem 
nullum  in  Sicilia  omnino  esset  relicturus.  Agri 
^tnensis  et  Leontini  decumas  agemus.  Attendite, 

'  Solentinorum.  —  *  Murgentinîs.  —  '  Grœvius  con- 
tenait legendum  esse,  letinis.  Lallem,  sic  edidit.  — 
*  Cluver.,  Getn-inos.  • 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  III.  lat 
qn'ont  essayées  les  habitants  actifs  et  laborieux  d^n- 
t^U;  on  vous  fera  connaître  les  maax  qa^ont  souf- 
ferts les  citoyens  d'Héradée,  de  Gela,  de  Solonte; 
vous  sattrez  que  les  caosipagnes  des  .habitants  de  Ca- 
tane ,  ce  peuple  riche ,  si  fidèle  et  si  dévoue ,  ont  été 
ravagées  par  Apronius  ;  vous  verrez  que  la  ville  cé- 
lèbre de  Tyndare ,  que  les  villes  de  Cqphalède ,  d*Ha- 
lence ,  d'Apollonie ,  d'Engyum  *» ,  de  Capitium ,  ont 
été  ruinées  totalement  par  les  exactions  des  décima- 
tenrs  ;  qu'on  n'a  rien  laissé  aux  peuples  de  Mor^nte , 
d*Assore ,  d'Élore,  de  Létum  *  ;  que  les  petites  villes  de 
Citare  et  d'Achéris  ont  été  saccagées  et  désolées  ;  qu'en- 
ûUf,  i|iendant  trois  ans,  toutes  les  campagnes  sujettes 
aux  dîmes  ont  été  tributaires  du  peuple  romain  pour 
un  dixième,  et  de  Terres  pour  todt  le  i«ste;'quela 
plupart  des  laboureurs  n'ont  aujourd'hui  aucune  res- 
s^i*ce ,  aucune  espérance  ;  et  que  s'il  en  est  à  qui  il 
reste  quelque  chose ,  c'est  qu'un  seul  homme  ne  pou- 
vait tout  envahir ,  et  que  la  satiété  mettait  quelquefois 
un  terme  à  sa  passion. 

XLIT.  Je  ne  parlerai  plus,  Romains,  que  de  deux 
villes  dont  les  territoires  sont  à  peu  près  les  meilleurs 
et  les  plus  célèbres  de  la  Sicile,  Etna  et  Léontini.  Je  né- 
gligera même  le»  gains  que  "Verres  a  faits  sur  ces  ter- 
ritoires pendant  trois  ans  ;  je  ne  prendrai  qu'une  an- 
née ,  pour  vous  faire  mieux  jager  du  reste.  Je  choisirai 
la  troisième  année ,  parce  que  c'est  la  plus  récente ,  et 
que  "Verres ,  au  moment  de  quitter  la  Sicile ,  parait 
s'être  inquiété  peu  s'il  y  laisserait  un  seul  cultivateur. 
Je  vais  donc  m'occuper  des  dîmes  d'Etna  et  de  Léon- 

*  Comme  on  ne  trouve  point  de  ville  de  Letum  en 
Sicile,  on  pourrait  lire  dans  le  texte  letinis  (Pline,  III, 
Si  ïetenses)  ^ovL  Netinis ,  d'après  Cicéron  lui-même,  in 
Verr,,  IV,  a6. 

VTTI.  n 


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i2a  IN  VERREM  ACT.  n,  LIB.  HI. 

judices ,  diligenter.  Agrî  sunt  feraces  ;  annns  ter- 
tius;  decumanus  Apronius.  De  ^diensibus  per- 
pauca  dicam  :  dîxerunt  enîm  îp$i  priore  actione 
publiée.  Memoria  tenetîs,  Artemidorum.  iEtnen- 
sem,  legationîs  ejus  prîncipem  publiée  dicere, 
Apronium  venisse  ^tnam  cum  Yeneriis  ;  vocasse 
ad  se  magistratum  ;  imperasse ,  ut  in  foro  sibi 
medîo  lecti  sternerentur  ;  cpiotidie  solit^m  esse 
non  modo  in  pubiico ,  sed  etiam  de  puï>lic<>  con- 
yiyari;  quum  in  eis  conviviis  symphonia  caneret, 
maximisque  poculis  ministraretur ,  '  retinere  so» 
litum  esse  aratores ,  atque  ab  iis  non  niod9  per 
injuriam;  sed  etiam  per  contumeliam,  tantam 
exprimi  frumenti ,  quantum  Apronius  imperasset. 
Audistis  haie ,  judices ,  qusB  nunc  ego  omnia  prse- 
tereo  ac  relinquo.  Nihil  de  luxuria  Apronii  loquor, 
nihil  de  insolentia ,  nihil  de  singulari  nequitia  ac 
turpitudine  :  tantum  de  quœstu  ac  lucro  dicam 
unius  agri  et  unius  annî,  quo  facilius  vos  con- 
jecturam  de  triennio ,  et  de  tota  Sîcilîa  facere  pos- 
sitis.  Sed  mihi  ^tnensium  brevis  est  oratio  :  ipsi 
enim  venerunt;  ipsipubKcas  litteras  deportarunt; 
docuerunt  vos,  quid  lucelli  fecerit  homo  won  ma- 
lus ,  familiaris  praetoris ,  Apronius  ;  id ,  quœso ,  ex 
ipsorum  testimonio  cognoscite.  Recita  testimo- 
nium  ^tnensium.  Testimoitium  iETifEirsiunr. 

XLV.  Quid  ais  ?  die ,  die ,  quœso ,  clarius  ,  ut 
populus  romanus  de  suis  yectigalibus,  de  suis  ara- 
toribus,  de  suis  sociis  atque  amicis  aifdiat.  L  mce- 
DiMNiTM,  I.  H-s  MiLLiA.  Per  dcos  immortales! 

'  Lambinus  corrig,,  retineri  soHtos  este.  Ernest,  pïau- 
dit. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  HI.  125 
tini.  Écoutez ,  Romains ,  avec  attention  :  il  a*agit  de 
cantons  fertiles  ;  c'est  la  troisième  année  ;  le  décima- 
tear  est  Apronios.  Je  dirai  fort  pea  de  chose  des  ha- 
bitants d'Etna  :  dans  la  première  action ,  ils' ont  déposé 
enx-mémes  an  nom  de  lenr  ville.  Yons  voos  le  rap- 
pelez, Artémidore,  d'Etna,  chef  de  la  dépatatîon, 
disait  an  nom  de  sa  ville,  qn' Apronios  était  venn  à 
Etna  avec  des  esclaves  de  Ténns  ;  qu'il  avait  mandé  les 
magistrats ,  lenr  avait  ordynné  de  lui  dresser  des  ten- 
tes ^°  au  milien  de  la  grande  place  ;  qu'il  faisait  tous 
les  jours  des  festins  publics  et  aux  frais  publics ,  fes- 
tins on  retentissaient  de  bruyants  concerts ,  on  se  ser^ 
vaient  de  grandes  coupes;  qu'on  y  mandait  les  culti- 
vateurs ,  qu'on  lenr  faisait  donner  injustement ,  et 
même  avec  outrage ,  autant  de  blé  qn'e&  exigeait  Apro- 
nius.  On  vous  a  attesté ,  Romains,  Ups  ces  foits  que 
je  supprime  aujourd'hui.  Je  ne  dis  rien  du  faste  d'Apro- 
nius,  de  son  insolence,  de  ses  débauches ,  de  ses  infa- 
mies; je  me  borne  à  parler  des  gains  qu'il  a  fiûts  sur 
un  seul  territoire  et  dans  une  seule  année  :  jugez  par 
là  des  trois  années  et  de  tonte  la  Sicile.  L'article  des 
habitants  d'Etna  sera  court  :  ils  sont  venus  eux-mêmes , 
ils  ont  apporté  les  registres  de  leur  ville,  et  vous  ont 
instruits  des  gains  modestes  qu'a  faits  un  homme  sim- 
ple ,  le  bon  ami  du  préteur ,  Apronins.  Écoutez  de 
nouveau,  je  vous  prie,  la  déposition  des  habitants, 
et  lenr  propre  témoignage.  Lisez.  Dépositioit  des  ha- 
bitants d'Etita. 

XLT.  Que  dites-vous?  parlez,  je  vous  prie,  parlez 
plus  distinctement  ;  que  le  peuple  romain  entende  ce 
qui  intéresse  ses  revenus,  ses  laboureurs,  ses  alliés, 
ses  amis.  Trois  cent  mille  boisseaux  ^'  et  cinquante 
MILLE  SESTERCES.  Dicux  immoitcls  !  sur  un  seul  terri- 
toire, en  une  seule  année,  Apronins  a  gagné  trois 


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124  IN  TEftïtEM  ACT,  n,  LIB.  m. 

unus  ager  uno  anno  cc!C'.  millia  modiuin  triticî , 
et  praet^Tea  H-S  l  millia,  .lucri  dat  Apronio?  tan- 
tone  minoris  decumae  venierunt ,  quam  fuerunt  ? 
an ,  qiium  satis  magno  venissent ,  hic  tantus  ta- 
men  friimenti  peciuiis^que  numeru»  ab  aratoribus 
per  vîm  ablatas  est  ?  ntrum  enim  horum  dixeris  , 
in  eo  culpa  et  crimen  hœrebit.  Nam  îUud  quidem 
non  dices ,  quod  utinam  dicas ,  ad  Apronium  non 
pervenisse  tantum.  Ita  te'  non  modo  publicis  te- 
nebo ,  sed  etiam  priyatis  aratonim  pactionibus  ac 
litterîs;  ut  intelligas,  non  te  diligentiorem  in  fa- 
cîendis  furtis  fuisse ,  quam  me  in  deprehendendis. 
Hoc  tu  feres  ?  hoc  quisquam  defendet?  hoc  hi ,  si 
aliter  de  te  statuere  Voluerint ,  sustinebunt  ?  Uno 
adventp,  ex^j^o  agro ,  Q.  Apronium,  praster 
eam ,  quam  dixi ,  pecuniam  numeratam ,  ccc  ^il- 
lia  modium  triticî  lucri  nomine  sustulisse  ?  Quid? 
hoc  j£tnenses  soli  dicuntPimo  etiam  Centuripini^ 
qui  agri  iEtnensis  multo  maximam  partem  possi- 
dent.  Quorum  legatis,  hominibus  nobilissirais , 
Androni  «  Artemoni ,  senatus  ea  mandata  dédit , 
quae  publiée  ad  civitatem  ipsorum  pejtinebant  ; 
de  iis  injuriis ,  quas  cives  Centuripini  non  in  suis , 
«ed  in  aliorum  finibus  acceperunt ,  senatus  et  po- 
pulus  Centuripinus  legatos  noluit  mittere  :  ipsi 
ara^tores  Centuripini ,  qui  numerus  est  in  Sîcilia 
maximus  hominum  honestissimorum  et  locuple- 
tissimorum,  très  legatos,  çives  suos,  delegerunt, 
ut  eorum  testimonio  non  unius  agri,  sed  prqpe 
totius  Siriliae  calamitates  cognosceretis-  Arant  enim 
tota  Sicilla  fere  Centuripini  :  et  hoc  in  te  gravio- 
res  cçrtioresque  testes  sunt ,  quod  ceterœ  ciyitates 


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SEC.  AqjriON  CONTRE  TERRES,  m.  laS 
cent  mille  boisseaux  et  cinquante  mille  sesterces!  Les 
dîmes  ont-elles  donc  été  affermées  beaucoup  moins 
qu'elles  ne  pouv^eut  Fétre  ?  ou  bien  a-t-on  enlevé  de 
force  aux  cultivateurs  tout  ce  blé,  tout  cet  argent? 
Quoi  que  vous  disiez,  Apronius  sera  toujours  coupa- 
ble. Vous  ne  direz  pas ,  sans  doute ,  comme  je  le  vou- 
drais bien,  qu' Apronius  n'a  pas  fait  d'aussi  énormes 
profits;  car  je  vous  convaincBai,  non  seulement  par 
les  registres  de  la  ville,  mais  encore  par  les  traités, 
parles  registres  des  agriculteurs,  et  vous  verrez  que 
vous  n'avez  pas  mis  plus  de  soin  à  exercer  vos  rapines  . 
que  je  n'en  ai  mis  à  les  découvrir.  Sontiendrez-vous 
cette  seule  accusation?  quel  orateur  pourra  la  réfuter? 
quel  juge,  même  le  plus  favorable,  n'y  céderait  pas? 
Du  premier  abord,  sur  un  seul  ten^itoire ,  un  Apro- 
nius avoir  enlevé ,  à  titre  de  bénéfice ,  outre  les  cin- 
quante mille  sesterces,  trois  cent  miUe  boisseaux  de 
blé  !  Mais  les  habitants  d'Etna  sont-ils  les  seuls  qui  en 
déposent?  Non;  à  eux  se  joignent  les  habitants .  de 
Centorbe,  qui  possèdent  la  plus  grande  partie  du  ter- 
ritoire d'Etna.  Le  sénat  de  CeAtorbe  a  donné  à  ses 
nobles  députés,  Andron  et  Artêmon,  les  ordres  qui 
regardaient  leur  ville  :  quant  aux  vexations  que  les 
particuliers  ont  essuyées  ^ur  lé  territoire  d'autrui,  le 
sénat  et  le  peuple  n'ont  pas  voulu  envoyer  de  dépu- 
tés; les  agriculteurs  eux-nifémes  de  Centorbe,  si  nom- 
breux, si  distingué^,  si  opulents,  «nt  choisi  pour  dé- 
putés trois  de  leurs  concitoyens;  et  vous  pourrez  ap-< 
prendre  par  leur  déposition  le  désastre ,  Aon  d'un  seul 
territoire,  mais  de  presque  tpute  la  Sicile.  Les  habi- 
tants de  Centorb«  font  valoir  dans  presque  toute  la 
Sicile,  et  ils  sont  contre  vous.  Verres,  des  témoins 
d'autant  plus  accablants,  d'autant  pins  dignes  de  foi, 
que  les  autres  cantons  ne  'sont  occupés  que  de  leurs 


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126  IN  VERREM  ACT.  II,  LI^  m. 

suis  solum  incommodis  commoTentur;  Genturî- 
pini ,  quod  in  '  omnium  fere  finibus  habent  pos- 
sessiones,  etiam  ceterarnm  ciyitatum  damna  ac 
detrimenta  senserunt. 

XL VI.  Verum,  ut  dixi,  ratio  certa  est  jEtnen- 
sium,  et  publiais  et  privatis  litteris  consignata  : 
meœ  diligentise  pensum  magis  in  Leontino  agro 
est  exigendum,  propter  banc  causam,  quod  ipsi 
Leontini  publiée  non  sane  me  multum  adjuyerunt. 
Neque  enim  eos,  isto  prœtore ,  bse  decumanorum 
injuria  IsBserunt:  potius  etiam,  judices,  adjuve- 
runt.  Mirum  fortasse  boc  yobis,  aufe  incredibile 
yideatur ,  in  tantis  aratorum  incommodis ,  Leon-^ 
tinos ,  qui  principes  rei  frumentariae  fuerunt ,  ex- 
pertes iucommodorum  atque  injuriarum  fuisse. 
Hoc  caus»  est ,  judices ,  quod  in  a^ro  Leontino  j 
prseter  unam  Mnasistrati  familiam ,  glebam  Léon- 
tinorum  possîdet  nemo.  Itaque  Mnasistrati,  bo- 
minis  bonestissimi  atque  optimi  yiri,  testimonium^ 
judices,  âudietis  :  ceteros  Leontinos,  quibus  non 
modo  Apronius  in  agris ,  sed  ne  tempestas  qui- 
dem  ulla  nocere  potuit,  exspectare  n^lite.  Ëtenim 
non  modo  incommodi  nihil  ceperunt  ;  sed  etiam 
in  Apronianis  illi«  rapinis ,  in  qusestu  sunt  compen* 
dioque  yersati.  Quapropter,  quouiam  me  Léon* 
tina  ciyitas  atque  legatio ,  propter  eam ,  quam  dixi , 
causam ,  defecit  ;  mibimet  ineunda  ratio ,  et  yia  re- 
periunda'est,  qua  ad  Apronii  qusstum,^  siye  adeo, 
qua  ad  istius  ingehtem  immanemque  prœdam  pos^ 
sim  peryenire.'Agri  Leontini  decumœ  anno  tertio 

'  Sic  e  cod.  Nanniano  ded^mnt  C.  Steph,,  GnU.,  alii» 
Maie  antea  legebatur  omnibus. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  Ut,  127 
propres  injures ,  an  lien  qae  Centorbe ,  qui  a  des  pos- 
sessions dans  presque  tons  les  territoires,  a  ressenti 
encore  les  pertes  et  les  dommages  de  tons  les  antres 
peuples. 

XL'VI.  Mais,  je  le  répète,  les  prëjndioes  causés  ant: 
habitants  d'Etna  sont  bien  certifiés;  ils  sont  consignés 
dans  des  registres  particuliers  et  |inblic8  :  on  doit  exi- 
ger de  mon  zèle  de  plus  grands  détails  sur  le  territoire 
de  Léontini ,  par  la  raison  que  les  Léontins  eux-mêmes 
ne  m'ont  pas  beaucoup  servi  au  nom  de  leur  Tille. 
En  effet,  sous  la  préture  de  Terres,  les  exactions  des 
décimateurs,  loin  de  leur  causer  aucun  tort,  leur  onf 
procuré  du  profit  et  de  Tavantage  ^*.  Il  vous  paraîtra 
peur-etre  étonnant  et  incroyable  qu'au  milieu  de  tous 
les  dommages  qu'ont  essuyés  les  agriculteurs ,  les  Léon- 
tins, si  connus  pour  la  fertilité  de  leurs  champs,  ne 
s*en  soient  aucunement  ressentis.  La  raison,  juges, 
c'est  que,  dans  le  territoire  de  Léontini^  excepté  la 
famille  de  Mnasistrate ,  aucun  Léontin  ne  possède  un 
seul  pouce  de  terre.  Aussi  tous  entendrez  la  déposition 
de  l'illustre  et  vertueux  Mnasistrate  :  n'attendM  pas 
celle  dfls  autres  Léontins,  auxquels  Apronius  »  ni  même 
aucune  intempérie  de  l'air,  n'ont  pu  nuire  dans  leurs 
campagnes.  Que  dis- je?  loin  d'en  avoir  reçu  aucun 
préjudice,  ils  ont  même  tiré  du  profit  et  du  gain  des 
rapines  d* Apronius.  Puis  donc  que  la  vîUe  et  la  dépn- 
tation  de  Léontini  m'ont  manqué  pour  la  raison  que 
je  viens  .de  dire ,  je  dois  chercher  moi-même  une  voie 
et  des  moyens  pour  parvenir  à  faire  connaître  les  pro- 
fits d' Apronius,  ou  plutôt  le  butin  considérable,  l'im- 
mense butin  de  Terres.  Les  dîmes  du  territoire  de 
Léontini  ont  été  affermées  la  troisième  année  trente- 
six  mille  médimnes  de  blé,  c'est-à-dire  deux  cent  seize 
mille  boisseaux.  Cest  beaucoup,  Romains,  je  ne  puis 


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128  m  TERREM  ACT.  II,  LIB.  III, 

▼enierunt  tritici  medimnum  xxxvi  millibus  ;  hoc 
est,  tritici  modium  tcxvi  millibus.  Magno,  judi- 
ces,  magno  :  neque  enim  hoc  possum  ^egare. 
Itaque  necesse  est ,  aut  damnum  ,  aut  certe  non 
magnum  lucrum  fecisse  decumanura  :  hoc  enim 
solet  usu  yenire  iis ,  qui  magno  redemerunt.  Qnid, 
si  ostendo ,  in  hac  una  emtione ,  lucri  (ieri  tri- 
tici modium  c?  qurd,  si  ce?  quid,  si  ccc  ?  quid  , 
si  cccc  millia?  '  dubitabitis  etiam,  cui  ista  tan  ta 
praeda  qusesîta  sit?  Iniquum  me  esse  quispiara  dl- 
cet ,  qui  ex  lucri  magnitudiue  conjecturam  faciam 
furti  atque  prsedœ.  Quid?  si  doceo,  judlces ,  eos  , 
qui  cccc  millia  modium  lucri  faciunt,  damnum 
facturos  fuisse,  si  tua  iniquitas,  si  tui  ex  cohorte 
recuperatores  non  intercédèrent  ?  num  quis  pote- 
rit  in  tanto  lucro ,  tantaque  iniquitate ,  dubitare , 
quin  proptçr  improbitatem  tam  magnos  quaestus 
feceris  ?  propter  magnitudinem  quaestus  improbus 
esse  volyeris  ? 

XL VII.  Quomodo  igitur  hoc  assequar,  judices, 
ut  sciam,  quantum  lucri  factum  sit?  non  ex  Apro- 
nii  tabulis ,  quas  ego  quum  conquirerem ,  non  in- 
veni  ;  et  quum  in  jus  ipsum  eduxi ,  expressi ,  ut 
confîcere  tabulas  se  negaret  Si  mentiebatur  ;  quam- 
obrem  removebat,  si  hse  tpbulx  nihil  tibi  erant 
obfuturae?  si  omnino  nullas  confecerat  litteras;  ne 
id  quidem  satis  significabat ,  illum  non  suum  ne- 
gotium  gessisse?  Ea  est  enim.  ratio  decumanorum, 
ut  sine  plurimis  litteri^  confici  non  possit.  Singula 
enim  nomina  aratorum ,  et  cum  singulis  pactiones 
decumanorum ,  litteris  persequi  et  conficere  ne- 

'  Fulg,,  dobitatis. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  m.  laf) 
le  nier;  oui,  c^est  beaaeoap.  Âjjssi  faat-il  nécessaire- 
ment que  le  dédmatear  y  ait  perdu  on  qu'il  y  ait  bien'' 
peu  gagné  y  eau  c'est-  là  ce  qui  arrive  quand  on  a  pris 
un  bail  porté  trop  haut.  Mais  si  je  montre  que,  sur 
un  seul  territoire ,  on  tirait  un  bénéfice  de  cent  mille 
boisseaux,  et  même  de  deux  cent  mille,  et  même  de 
trois  cent  mille,  et  même  de  quatre  cent  mille  ;  dou- 
terez-vous  encore  pour  qui  un  si  grand  butin  a  été 
recueilli?  On  dira  peut-être  que  je  suis  injuste  de  juger 
du  vol  et  du  butip  par  la  grandeur  du  bénéfice.  Mais 
«je  montre,  Yerrès,  que  ceux  qui  extorquent  quatre 
cent  mille  'boisseaux  de  bénéfice  auraient  perdit,  si 
Totre  iniquité  et  les  commissaires  pris  parmi  vos  satel- 
lites ne  fussent  venus  à  leur  secours;  doutera -t-on,  en 
voyant  un  si  grand  bénéfice  extorqué  si  injustement, 
doutera-t-on  que  votre  cupidité  ne  vous  ait  porté  à 
faire  des  profits  immenses ,  et  qu'à  son  tour  Fimmen- 
site  des  profits  n'ait  allumé  encore  votre  cupidité  P 


XLYII.  Comment  donc ,  juges ,  poprrai-je  parvenir 
à  connaître  le  bénéfice  qu'a  extorqué  Apronius?  Ce 
n'est  point  par  ses  registres  :  je  les  ai  cherchés  sans 
pouvoir  les  trouver;  et  lorsque  je  le  citai  devant  le 
juge ,  je  le  forçai  de  dire  qu'il  ne  tenait  pas  de  regis- 
tres. S^il  mentait ,  pourquoi ,  Verres ,  écartait-il  des 
registres  qui  n'auraient  pu  vous  nuire?  S'il  n'en  avait 
point  tenu  réellement,  cela  même  n'est-il  pas  une 
preuve  suffisante  que  ce  n'était  point  pour  lui-même 
qu'il  agissait  ?  Les  dîmes  ne  peuvent  s'exploiter  sans 
beaucoup  de  registres.  Il  faut  nécessairement  des  re- 
ntres pour  y  porter  exactement  les  noms  des  agri- 
culteurs et  les  arrangements  faits  avec  chacun.  Tous  les 
cultivateurs ,  d'après  vos  ordres  et  votre  établissement^ 


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i3o  IN  TERREM  ACT.  II,  LIE.  UI, 

cesse  est.  Jugera  professi  sunt  aratores  omnes  im- 
perio  atque  instituto  tuo  :  non  opinor  quemquam 
minus  esse  professum ,  quam  quantum  arasset , 
quum  tôt  cruces,  tôt  supplicia,  tôt  ex  cohorte 
recuperatores  proponerentur,  '  In*  jugere  agrî 
Leontini  medimnum  fere  tritici  seritur,  perpétua 
atque  sequabili  satione.  Ager  e^cit ,  cum  octavo 
bene  ut  agatur  ;  verum ,  ut  omnes  dii  adjuvent , 
cum  decumo  :  quod  si  quando  accidit ,  tum  fît ,  ut 
tantum  decums  sit ,  quantum  severis  ;  hoc  est , 
ut ,  quot  jugera  sunt  sata ,  totidem  medimna  de^ 
envase  debeantur.  Hoc  quum  ita  esset;  primum 
illud  dico ,  pluribus  millibiis  medimnum  yenisse 
decumas  agri  Leontini ,  quam  quot  miUia  ji^e- 
rum  sata  erant  in  agro  Leontino.  Quod  si  fieri  non 
poterat ,  ut  plus  quam  decera  medimua  ex  jugere 
ararent  ;  medimnum  autem  ex  jugere  decumano 
dari  poterat,  quum  ager,  id  quod^perraro  eve* 
nit ,  cum  decumo  extulisset  :  quœ  erat  ratio  decu- 
mani,  si  quidein  decumas,  ac  non  bona  yenibant 
^aratorum,  ut  pluribus  aliquanto  medimnis  decu- 
mas emeret,  quam  jugera  erant  sata? 

XLVIII.  In  Leontino  jugerum  subscriptio  ac 
professio  non  est  plus  xxx  millium.  Decums  xxxvi 
'  medinmum  venierunt.  ËrraYÎt,  an  potius  insani- 
vit  Apronius  ?  imo  tum  insanisset,  si  aratoribus, 
quod  deberent,  licitum  esset,  et  non,  quod  Apro- 
nius  imperasset,  necesse  fuisset  dare.  Si  ostendo, 
minus  tribus  medimnis  in  jugerum  neminem  dé- 
disse decumae,  concèdes,  opinor,  ut  cum  ^  de* 

'  In  Jugero.  —  *  Medimnis.  —  '  Decumano.  Sed  ha- 
hent  decumo ,  n/el  àtcimOy/erg  omnes  çodd,  regii^ 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  IH.  ï3i 
ont  déclaré  les  arpents  qu'ils  faisaient  valoir  *.  En  ont- 
ils  déclaré  moins  ?  Je  ne  le  pense  pas  ;  ils  avaient  à 
craindre  trop  de  supplices,  trop  de  tourments,  trop 
de  commissaires  pris  parmi  vos  satellites.  Dans  un  ar- 
pent du  territoire  de  Léontini ,  on  sème  chaque  année 
régulièrement   près   d'un  médimne  de  blé.    Ou  est 

'  heureux  quand  ce  médinme  en  rapporte  huit  ;  s'il  en 
rapporte  dix ,  c'est  nn  bonheur  extraordinaire ,  un 
bienfait  des  dieux.  Si  la  récolte  va  ^elquefois  jusque 
là ,  il  arrive  alors  qu'il  y  a  autant  à  dîmer  qu'oa  a 
semé ,  c'est-à-dire  que ,  pour  la  dîme ,  on  doit  autant  de 
médimnes  qu'on  a  ensemencé  d'arpents.  Dans  cet  état 
de  choses ,  je  dis  d'abord  que  les  dîmes  du  territoire 
de  Léontini  ont  été  affermées  plusieurs  milliers  de  mé- 
dimnes plus  qu'il  n'y  a  en  d'arpents  ensemencés  dans 
le  territoire  de  Léontini.  S'il  était  impossible  qu'on  re- 
cueillît plus  de  dix  médimnes  d'un  arpent,  si  l'on 
n'était  astreint  à  donner  an  dédmateur  qu'un  mé- 
dimne par  arpent ,  même  quand  le  médimne  semé,  ce 

,  qui  est  fort  rare ,  en  avait  rapporté  dix  ;  quelle  rai- 
son, si  c'étaient  les  dîmes  qui  étaient  adjugées  et  non 
les  biens  des  cultivateurs,  quelle  raison  pouvait  porter 
un  dédmateur  à  se  les  faire  adjuger  pour  plus  de  mé- 
dimnes qu'il  n'y  avyit  d'arpents  ensemencés  ? 

XLYIIL  Suivant  les  déclarations ,  il  n'y  a  pas  plus 
de  trente  mille  arpents  dans  le  terrîtoire  de  Léontini. 
Les  dîmes  ont  été  affermées  trente  six  mille  médimnes. 
Apronius  se  trompait-il  ?  ou  bien  était-il  fou  ?  Il  au- 
rait fallu ,  sans  doute,  l'accuser  de  folie,  s'il  eût  été 
permis  aux  agriculteurs  de  ne  lui  donner  que  ce  qu'ils 
lui  devaient ,  et  s'ils  n'eussent  pas  été  contraints  de 
livrer  tout  ce  que  demandait  Apronius.  Si  je  montre 
que  personne  n'a  donné  de  dime  moins  de  trois  mé- 
*  ^r.  chap.  lo. 


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i32  IN  VERREM  ACT.  II,  UB.  in. 

cumo  fructus  arationis  perceptus  sît,  neminem 
minus  tribus  decumis  dédisse.  'AtqUe  hoc  in  be- 
ueficii  loéo  petitum  est  ab  Apronio ,  ut  in  jugera 
singula  ternis  medimnis  décider©  liceret.  Nam 
quum  a  multis  quaterna ,  etiam  quiua  exîj[erén- 
tur;  multiâ  autem  non  modo  granum  nuUum,  sed 
ne  palesB  quidem  ex  omni  fructu  atque  ex  aritiuo 
labore  relinquerentur  :  tum  aratores  Centuripini , 
qui  numerus  in  agro  Leontino maximus  est,  unum 
in  locum  couTenerunt;  bominem  su»  civitatis  in 
primis  honestum  ac  nobilem,  Andronem  Centu- 
ripinum,  legarunt  ad  Apronium,  eumdemj  quem 
lioc  tempore  ad  hoc  judicium  legatum  et  testem 
Genturipina  civitas  misit  ;  ut  is  apud  eum  causam 
aratorum  ageret,  ab  eoque  peteret,  ut  ab  arato- 
ribus  Centuripinis  ne  amplius  in  jugera  singuJa , 
quam  terna  medimna  exigeret.  Hoc  vix  ab  Apro- 
nio in  summo  beneficio ,  pro  iis  ,  qui  etiam  tum 
incolumes  erant,  impetratum  est.  Id  quum  impe- 
trabatur,  hoc  videlicet  impetrabatur,  ut,  pro  sin- 
gulis  decumis ,  temas  decumas  dare  liceret.  Quod 
si  tiia  res  non  agerelur,  a  te  potius  postularent , 
ne  ampHus,  quam  singulas ,  quam  ab  Apronio,  ut 
ne  plus,  quam  ternas  decumas  darent.  Nunc,  ut 
hoc  tempore  ea,  quae  régie ,  seu  potius  tyrannice, 
statuit  in  aratores  Apronius ,  prœtermittam  ;  neque 
eos  appellem,  a  quibus  omne  frumentum  eripuit, 
et  quibus  nihil  non  modo  de  fructu,  sed  ne  de 
bonis  quidem  suis  reliqui  fecit  :  ex  his  ternis  me- 
dimnis (quod  beneiîcii  gratixque  causa  concessit) 
quid  lucri  fiât,  cognoscite. 
'  Atqui. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  m.  i33 
dîmnes  par  arpent ,  vous  m'accorderez ,  je  pf  nse ,  que 
petsolme  n'a  donné  moins  de  trois  dîmes ,  en  snppo» 
sant  qne  les  terres  aient  produit  au  décuple.  Or  on  a 
demandé  à  Âpronins  comme  une  grâce ,  qu'il  fât  per- 
mis de  transiger  pour  trois  médimnes  par  arpent.  En 
effet ,  comme  il  y  en  avait  plusieurs  dont  on  exigeait 
quatre  médimnes  et  même  cinq  ;  plusieurs  à  qui ,  de 
toute  la  récolte  et  de  tout  le  travail  d'une  année ,  ou 
ne  laissait  pas  un  seul  grain ,  xà  même  la  paille  :  les 
agriculteurs  de  Centorbe,  qui  mettent  en  valeur  la 
plupart  des  terres  du  canton  de  Léontini ,  s'assemblè- 
rent et  députèrent  à  Apronius ,  Andron  de  Centorbe , 
le  plus  considéré  et  le  plus  qualifié  de  leur  ville  (  c'est 
le  même  que  la  ville  de  Centorbe  a  envoyé  anjourd'huî 
à  ce  jugement  comme  député  et  comme  témoin  )  ;  ils 
le  députèrent  à  Apronius  pour  plaider  auprès  de  lui 
la  cause  des  agriculteurs ,  pour  le  prier  de  ne  pas  exi- 
ger dfes  agriculteurs  de  Centorbe  plus  de  trois  mé- 
dimnes par  arpent.  On  l'obtint  à  peine  d' Apronius 
comme  une  grâce  insigne  pour  ceux  qui  alors  même 
n'avaient  pas  encore  déserté  leurs  champs.  En  l'ob- 
tenant ,  on  obtenait ,  comme  vous  le  voyez ,  qu'il  fut 
permis  de  donner  trois  dîmes  pour  une.  Si  ce  n'était  pas 
pour  vous ,  "Verres ,  qu'Apronîus  agissait ,  on  vous  eût 
demandé  de  ne  pas  donner  plus  d'une  dîme ,  plutôt  que 
de  demander  à  Aproyius  de  n'en  pas  donner  plus  de 
trois.  J'omets  pour  le  moment  tous  les  traits  parti- 
culiers du  despotisme  et  de^  la  tyrannie  d'Apronius  en- 
vers les  cultivateurs  ;  je  ne  nomme  pas  ceux  dont  il 
s'est  approprié  les  récoltes  entières  ,  et  qu'il  a  dé- 
pouillés de  leur  fortune  après  leur  avoir  enlevé  leurs 
moissons  :  apprenez  seulement ,  Romains ,  quel  profit 
il  a  tiré  de  ces  trois  médimnes  qu'il  avait  accordés 
comme  une  grâce ,  comme  un  bienfait. 


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i34  IN  VERREM  ACT.  H,  LIB.  m. 

XLI^  Professio  est  agri  Leontinî  ad  jugerum 
«XX  millia.  Hsc  snnt  ad  tritici  medimnuiii  xc,  id 
est,  tritici  modium  dxl  millia.  Deductis  tritici 
modium  ccxvi  millibus,  quanti  decums  venie- 
.  rnnt ,  reliqua  sunt  tritici  cccxxrv  millia.  Adde  to« 
tius  summœ  ïoxl  millium  modium  très  qutnqna- 
gesimas ,  id  est ,  tritici  modium  xxxii  millia  cccc 
(ab  omnibus  enim  ternœ  prœterea  quinquagesimae 
exigebantur)  :  sunt  haec  jam  ad  gcclyi  millia  cccc 
mod.  tritici.  At  ego  cccc  millia  lucri  facta  esse 
dixeram.  Non  enim  duco  in  bac  ratione  eos ,  qui- 
bus  ternis  medimnis  non  est  licitum  decidere. 
Verum,  ut  bac  ipsa  ratione  summam  mei  pro- 
roissi  compleam ,  ad  singula  '  medimna  multi  H-S 
duo  y  multi  H-S  quinque  accessionis  cogebantur 
dare  ;  qui  n>inimum ,  *  singulos  nummos.  Hoc 
minimum  ut  sequamur,  quonîam  xq  medimnum 
millia  duximus ,  ^  accedebant  eo ,  novo  pessimo- 
que  exemplo ,  H-S  xc  millia.  Hic  mihi  etiam  di- 
cere  audebit ,  magno  se  decumas  yendidisse,  quum 
ex  eodem  agro,  dimidioplus  ipse  abstulerit,  quam 
populo  romano  miserît  ?  ccxti  modium  millibus 
decumas  agri  Leontini  vendidisti  :  si  ex  lege, 
magno;  si,  ut  lex  esset  libido  tua,  paryo;  si,  ut, 
qusB  dimidisB  essent ,  decumae  yocarentur ,  parvo 
vendidisti.  Multo  enim  pluris  fructus  annui  Sici- 
lis  yenire  potuerunt ,  si  id  te  senatus  aut  populus 
romanus  facere  yoluisset  ;  etenim  sœpe  decumae 

'  Medimnum.  —  *  Singala  nummiuh.  Sic  Gruterus  et 
eum  secuù  in  his  duobus  locis  dederunt;  sed  Gneviusex 

njetustis  editis  restituit,   singula  medimna singulos 

nummos ,  quam  lectionem  habet  quoque  ms,  regius  opti- 
mus.  —  ^  Accédant. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  m.  i35 
XIIX.  Tsà  dit  que ,  snivant  les  dédarations ,  il  y  a 
trente  mille  arpents  dans  le  territoire  de  Léontini.  Trois 
médimnes,  pris  sar  chaque  arpent,  font  quatre-vingt- 
dix  mille  médimnes ,  c'est-à-dire  cinq  cent  quarante 
mille  boisseaux.  Déduisez  deux  cent  seize  mille  bois- 
seaux qui  sont  le  prix  des  dîmes ,  il  reste  trois  cent 
vingt-quatre  mille  boisseaux.  Ajoutez  trois  cinquan- 
tièmes de  la  somme  totale,  cinq  cent  quarante  mille 
boisseaux,  c'est-à-dire  trente-deux  mille  quatre  cents 
boisseaux  (  car  on  exigeait  en  sus  trois  cinquantièmes 
dé  tous  les  cultivateurs  ),  nous  aurons  trob  cent  cia- 
quanté-six  mille  quatre  cents  boisseaux  de  blé.  Mais 
f  avais  annoncé  un  bénéfice  de  quatre  cent  mille. 
Aussi  je  ne  parle  point  dans  ce  calcul  de  ceux  à  qui 
Ton  n'a  pas  permis  de  transiger  pour  trois  médimnes 
par  arpent.  Mais  afin  de  reqiplir  toute  ma  promesse  , 
même  d'après  ce  calcul ,  plusieurs  étaient  obligés  de 
donner  pour  surcroît  deux  sesterces  par  médimne, 
plusieurs  cinq  ;  on  ne  donnait  pas  moins  d'un  sesterce. 
Prenons  le  moins  ;  puisque  nous  avons  compté  quatre- 
vingt-dix  mille  médimnes,  il  fallait  ajouter,  ce  qui 
était  quelque  chose  d'inouï  et  d'affreux,  quatre-vingt- 
dix  mille  sesterces  *.  Et  il  osera  encore  nous  dire 
qu'il  a  haussé  l'adjudication  des  dîmes ,  lorsque ,  sur  le 
même  territoire,  il  a  enlevé  une  fois  plus  qu'il  n'a  en- 
voyé au  peuple  romain  !  Vous  avez  affermé  les  dîmes 
du  territoire  de  Léontini  deux  cent  seize  mille  bois- 
seaux. Cest  beaucoup ,  si  c'est  suivant  la  loi  ;  c'est  peu , 
s'il  n'y  a  de  loi  que  votre  'caprice  ;  c'est  peu ,  si  vous 
appelez  dîme  ce  qui  n'était  réellement  que  la  moitié. 
Tous'auriez  pu  affermer  beaucoup  plus  la  récolte  an* 
nuelle  de  la  Sicile ,  si  le  sénat  ou  le  peuple  romain^ 
Vous  en  eussent  donné  l'ordre  ;  car  il  est  souvent  arrivé 

*  ii,25o  liv.  A. 


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i36  m  VERREM  ACT.  II,  UB.  III. 

tanti  yenierunt ,  quum  lege  Hieronica  venirent , 
quanti  nunc  lege  Verrea  Yenierunt.  Cedo  mihi 
C.  Norbani  decumas  venditas.  C.  No&bani  deguma 
VENDIT*  AGRi  LEOKTiiri.  Âtqui  tum  neque  judi- 
cium  de  modo  jugemm  dabatur;  neque  enim  erat 
Artemidorus  Comeliu&recuperator;  neque  ab  ara- 
tore  magistratus  Siculus  tantum  exigebat ,  quan- 
tum decumanùs  ediderat;  nec  benefîci\^m  pete- 
batur  a  decumano,  ut  in  jugera  singula  ternis 
medimnis  decidere  liceret;  nec  nummorum  ac- 
cessionera  cogebatur  arator  dare  ;  nec  ternas  quin- 
qnagesimas  frumenti  addere  :  et  tamen  populo 
romano  magnus  frumenti  numerus  mittebatur. 


L.  Quid  yero  ists  sibi  quinquagesimae ,  quid 
porro  nummorum  accessiones  yolunt  ?  Quod  id 
jure,  atque  adeo,  quo  id  [potius]  '  more  fecisti  ? 
Nummos  dabat  arator  :  quomodo?  aut  unde?  Qui, 
si  largissimus  esse  vellet ,  cumulatiore  mensura 
uteretur ,  ut  antea  solebant  facere  in  'decumis , 
quum  aequa  lege  et  conditione  venibant.  Is  num- 
mum  dabat.  Unde  ?  de  frumento  ?  quasi  habuisset, 
te  praetore ,  quod  venderet.  De  vivo  igitur  erat 
aliquid.  resecaudum ,  ut  esset,  unde  ^pronio  ad 
illos  fructus  arationum  boc  corollarium  nummo- 
rum adderetur.  Jam  id  porro  utrum  libentes ,  an 
inviti  dabant?  libentes?  amabant,  credo,  Apro- 
nium  :  inviti  ?  qaa  re,  nisi  yi  et  malo ,  cogebantur? 
Jam  iste,  bomo  amentissimus ,  in  vendundis  de- 
cumis nummorum  faciebat  accessiones  ad  singular 

'  Or«. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  III,  iS; 
qne  quand  on  afTermait  les  dîmes  diaprés  la  loi  d'Hié- 
ron  *',  elles  ont  été  affermées  autant  qu'elles  Tout  été 
d'après  la  loi  de  "Verres.  Lisez  radjudication  des  dîmes 
sous  la  préture  de  Norbanus.  Bail  du  canton  de 
LÉOHTiNi ,  PASSÉ  sous  C.  NoRBANUs.  Et  Cependant  per- 
sonne alors  n'était  poursuivi  pour  déclaration  d'ar- 
pents ;  un  Artémidore  Cornélius  n'était  pas  commis- 
saire ;  un  magistrat  Sicilien  ne  forçait  pas  les  cultiva- 
teurs de  donner  tout  ce  que  demandait  le  décimatenr  ; 
on  ne  demandait  pas  à  un  fermier  des  dîmes ,  comme 
une  grâce ,  qu'il  fut  permis  de  transiger  pour  trois  mé- 
dimnes  par 'arpent;  les  cultivateurs  n'étaient  pas  con- 
traints de  donner  un  surcroît  d'argent ,  ni  d'ajouter 
trois  cinquantièmes  de  blé  :  et ,  malgré  cela ,  une 
grande  quantité  de  blé  était  envoyée  au  peuple  ro- 


L.  Mais  que  veulent  dire  ces  cinquantièmes  de  blé 
et  ces  surcroîts  d'argent?  Quel  droit,  ou  même  quel 
exemple  vous  autorisait  à  les  demander?  Un  cultiva- 
teur donnait  de  l'argent  :  comment  cela?  où  le  pre- 
nait-il? S'il  eut  voulu  se  montrer  plus  généreux  que 
les  autres ,  il  eut  fait  meilleure  mesure ,  comme  cela  se 
pratiquait  dans  les  dîmes,  lorsqu'on  les  affermait  sui- 
vant les  règles  et  avec  équité.  Mais  il  donnait  de  l'ar- 
gent! Sur  quoi  le  prenait -il?  Sur  son  blé?  comme  s'il 
en  eût  eu  à  vendre  sous  la  prétare  de  Terres.  Il  lui 
fallait  donc  couper  dans  le  vif  pour  ajouter  aux  autres 
gains  d'Apronius  '^  cette  gratificatiop  pécuniaire.  Et 
cette  gratification ,  les  contribuables  la  faisaient-ils  vo- 
lontiers on  malgré  eux?  "Volontiers?  Oui,  sans  doute, 
ils  chérissaient  Apronius.  Malgré  eux?  Qu'est-ce  qui 
les  forçait,  sinon  la  violence  et  les  mauvais  traite- 
ments? Enfin,  le  préteur  insensé,  en  affermant  les 
dîmes,  ajoutait  à  cbaque  dîme,  par  surcroît,  ni^e 


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i38  IN  VERREM  ACT.  11^  UB.  III. 

decumas  :  neque  multum;  bina  aut  terna  millîa 
addebat.  Fiunt  per  triennium  H-S  fortasse  id  mil- 
lia.  Hoc  neque  exemplo  cujusqaam,  lieque  ullo 
jure  fecit  :  neque  eam  pecunîam  retulit  :  neque 
hoc.  parvum  crimen  quemadmodum  defensuru& 
sit ,  homo  quisquani  unquam  '  excogitabit. 

Quod  quum  ita  sit,  audes  dîcere,  te  magno  de- 
cumas veudidisse ,  quum  sit  perspicuum ,  te  bona 
fortunasque  aratorum,  non  populi  romani,  sed  tui 
quaestus  causa ,  veudidisse  ?  Ut ,  si  quis  yillicus  ex 
eo  fundo,  '  qui  H-S  dena  meritasset,  excisis  arbo- 
ribus  ac  venditis,  demtîs  tegulis,  instrumente, 
pécore  abalienato,  domino  xx  millia  nummum 
pro  X  miserit,  sibi  alia  praeterea  centum  confece- 
rit  :  primo  dominus,  ignarus  incommodi  suî,  gau- 
deat,  viUicoque  delectetur,  quod  tanto  sibi  plus 
mercedis  ex  fundo  refectum  sit  :  deinde,  quum 
audierit ,  eas  res ,  quibus  fundi  fructus  et  cultura 
contînetur ,  araotas  et  yenditas  ;  summo  supplicio 
yillicum  affîciat,  et  secum  maie  actum  putet  :  item 
populus  romanus  quum  audit ,  pluris  decumas 
yendidisse  C.  Verrem  ,  quam  innocentissimum 
hominem ,  cui  iste  successit,  C.  Sacerdotem ,  putat 
se  bonum  in  arationibus  fructibusque  suis  habuisse 
custodem  ac  yillicum  ;  quum  senserit,  istum  omne 
insfrumentum  aratonim,  omnia  subsîdia  yectiga- 
lium  yeudidisse,  omuem  spem  posteritatis  avàritia 
sua  sustulisse,  arationes  et  agros  yectigales  yas- 

'  Excogitavit.  —  '  Lallem.  post  Grœvium  prœtulU  Fie- 
torianam  lectionem  ,  cui  H-S  dena  merces  esset. 


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SEC.  ACTION  iSONTRE  TERRES,  UI.  i3(, 
somme  d'argent  '^  :  la  somme  n^était  pas  bien  consi- 
dérable; il  ajoatait  deux  on  trois  mille  sesterces.  Cela 
fait  peut-être ,  pendant  trois  ans,  cinq  cent  mille  ses- 
terces. De  quel  droit  les  recevait-il,  je- le  demande  en- 
core, et  d'après  qnel  exemple?  Cet  ai^^ent  n'a  pa^étc 
remis  an  trésor,  et  quelque  léger  que  soit  ce  délit  entre 
tant  d'aatres ,  je  ne  crois  pas  que  personne  imagine 
jamais  un  moyen  d'en  justifier  l'accusé. 

Après  cela ,  vous  osez  dire  que  vous  avez  porté  fort 
haut  l'adjudication  des  dîmes,  lorsqu'il  est  évident  que 
vous  avez  adjugé  les  biens  et  les  fortunes  des  labou- 
reurs à  votre  profit ,  et  non  au  profit  du  peuple  ro- 
main*! C'est  comme  si  un  économe  ^^,  dans  une  terre 
qui  rapporterait  dix  mille  sesterces  *,  après  avoir  coupé 
et  vendu  les  arbres,  enlevé  les  couvertures,  engagé 
les  troupeaux  et  les  instruments  de  labourage,  en- 
voyait à  son  maître  vingt  mille  sesterces  ** ,  au  lieu  de 
dix  mille ,  et  en  faisait  cent  mille  ***  pour  lui  :  d'abord 
le  maître,  ignorant  son  désastre,  se  réjouirait,  serait 
enchanté  de  son  économe,  parce  qu'il  lui  aurait  dou- 
blé le  produit  de  sa  terre;  mais  ensuite,  quand  il  ap- 
prendrait qu'il  a  détourné  et  vendu  les  effets  néces- 
saire pour  la  culture  et  la  récolte,  il  croirait  avoir  été 
fort  mal  servi,  et  punirait  le  coupable.  Ainsi,  lorsque 
le  peuple  romain  apprend  que  "Verres  a  porté  les  dîmes 
plus  bant  que  Sacerdos,  ce  préteur  intègre  auquel  il  a 
succédé,  il  croit  qu'il  a  eu  un  bon  surveillant,  un 
exceUent  économe  pour  ses  terres  et  pour  ses  récoltes; 
mais  lorsqu'il  s'apercevra  que  Verres  a  vendu  tous  les 
instruments  des  cultivateurs ,  toutes  les  ressources  des 
impositions ,  que,  par  sa  cupidité ,  il  a  ruiné  tontes  les 
espérances  pour  l'avenir ,  qu'il  a  épuisé  et  ravagé  toutes 
les  campagnes  tributaires,  qu'il  a  fait  pour  lui-même 

*  i,a5o  liv.  —  **  a,5oo  liv.  —  *"*  ia,5oo  liv.  A. 


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i4o     .      IN  TERREM  AGT.  ÏI,  LIE.  III. 

tasse  atque  exinanîsse,  ipsum  maximos  quœstn» 

praedasque  fecisse  ;  intelliget  secum  actum  esse 

pessîme,  îstum  autem  summo  supplicio  dignum 

existimabit. 

Lrl.  Unde  ergo  hoc  intelligi  potest?  Ex  hoc 
maxime ,  quod  ager  decumanus  provincise  Siciliae 
propter  istius  avaritiam  desertus  est  :  neque  id 
solum  accidit,  uti  minus  multîs  jugis  ararent,  si 
qui  in  agris  remanserunt  ;  sed  etiam ,  ut  permulti 
locupletes  homines,  magni  et  navi  aratores,  agros 
'  latos  ac  fertiles  desererent ,  totasque  arationes 
dereUnquerent.  Id  adeo  sciri  facillime  potest  ex 
litteris  publicis  civitatum,  propterea  quod  lege 
Hieronica  numerus  aratorum  quotannis  apud  ma- 
gistratj|s  publiée  subscribitur.  Recita  tandem ,  quot 
acceperit  aratores  agri  Leontini  Verres.  l.xxxiii. 
Quot  anno  tertio  profiteantur.  xxxii.  Unum  et 
quinquaginta  aratores  ka  yideo  dejectos,  ut  his 
ne  vicârii  quidem  successerint.  Quot  aratores, 
adveniente  te ,  fuerunt  agri  Mutycensis  ?  videamus 
ex  litteris  pubUcis.  CLXxxjiit.  Quid?  anno  tertio  ? 
CI.  Lxxxvii  aratores  uniis  ager  istius  injuria  desi- 
derat;  atque  adeo  nostra  respubUca,  quoniam  illa 
populi  romani  vectigalia  sunt,  hune  tôt  patrum- 
familias  numerum  desiderat  et  reposcit.  Ager  Her- 
bitensis  primo  anno  habuit  aratores  ducentos  quin- 
quaginta septem,  tertio  centum  i^iginti  :  hinc 
centum  triginta  septem  patresfamilias  extorres  pro- 
fugerunt.  Agyrinensis  ager,  quorum  hominum! 
quam  honestorum  !  quam  locupletium  !  ducentos 

*  Laetos.  Ernest,  antiquam  lectionem  optimo  jure  prtt' 
tidit,  muhi  a  GnUero  recentiorem. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  III.  141 
des  profits  immenses  en  jullant  les  alliés,  il  Terra  qn'il 
a  été  fort  mal  servi ,  et  le  prêteur  loi  paraîtra  digne  do 
pins  rigonrenx  châtiment. 

LI.  'Vonlez-vons  en  jnger  par  yous-mémes?  contem- 
plez la  Sicile  :  les  terres  sujettes  aux  dîmes  sont  dé- 
sertes ,  grâce  à  la  cupidité  de  Terres  ;  et  non  seulement 
ceux  qui  sont  restés  dan^  les  campagnes  labourent 
avec  «noins  de  chaiTues ,  mais  une  infinité  d^hommes 
riches ,  agriculteurs  actifs  et  industrieux ,  ont  aban- 
donné pour  jamais  de  grands  et  fertiles  domaines.  Les 
registres  publics  le  prouveront  aisément ,  puisque , 
d'après  la  loi  d'Hiéron,  les  magistrats  des  villes  font , 
tons  les  ans ,  un  nouveau  recensement  des  cultiva- 
teurs. Greffier ,  lisez  combien  "Verres  a  trouvé  dé  cul- 
tivateurs sur  le  territoire  de  Léontini.  —  Quatre-vingt- 
trois.  —  Combien  ont  donné  leurs  noms  la  troisième 
année  ?  —  Trente-deux.  —  Voilà  donc  cinquante  et 
un  cultivateurs  dépossédés ,  sans  que  d^autres  aient 
pris  leur_j>laGe.  Combien  y  avait-il,  à  votre  arrivée, 
de  cultivateurs  dans  le  territoire  de  Mntyca  ?  voyons 
les  registres.  —  Cent  quatre-vingt-huit.  —  Et  la  troi- 
sième année  ?  —  Cent  un.  —  Vos  vexations ,  Verres  , 
ont  enlevé  quatre-vingt  sept  cultivateurs  à  un  seul- 
territoire,  ou  plutôt  à  notre  république,  qui  réclame 
et  redemande  tous  ces  pères  de  famille,  puisque  ce 
sont  là  les  revenus  du  peuple  romain.  Il  y  avait ,  la 
première  année  ,  dans  le  territoire  d'Herbite ,  deux 
cent  cinquante  sept  cultivateurs  ;  cent  vingt  la  troi- 
sième :  ainsi,  cent  trente-sept  pères  de  famille  se  sont 
enfuis  des  campagnes.  De  quels  hommes  riches  et  re- 
commandables  n'était  point  rempli  le  territoire  d'Agy- 
rone.P  On  y  comptait  Éj^x  cent  cinquante  cultivateurs 
la  première  année  de  votre  préture;  et  la  troisième, 


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142  IN  VERREM  ACT.  II,  LIB.  ni. 

qainquaginta  aratores  habuit  primo  anno  praetnrar 
tuse.  Quid  tertio  anno  ?  octoginta ,  quemadmodnm 
legatos  Agyrinenses  recitare  ex  publicis  litteris 
audistis. 

LU.  Pro  dii  immortales!  si  ex  provincîa  tota 
centum  septuaginta  ejecisses,  possesne,  severis 
judicibus,  salyus  esse?  Unus  ager  Agyrinensis 
CLXX  aratoribus  inanior  quum  sît ,  vos  conjectu- 
ram  totius  provinci»  non  facietis  ?  Atque  boc*per- 
anpie  in  omni  agro  decumano  reperietis  :  quibus 
aliquid  tamen  reliqui  fîierit  ex  magno  patrimoni o , 
eos  in  agris  minore  instrumento,  minus  'multis 
jugis,'reraansisse,  quod  metuebant,  si  reçessis- 
sent,  ne  reliquas  fortunas  omnes  amitterent;  qui- 
bus autem  iste  nibil  reliqui,  quod  perderent,  fece- 
rat,  eos  plane  non  solum  ex  agris,  verum  ex  ciyi- 
tatibus  suis  profugisse.  Illi  ipsi,  qui  remanserant» 
vix  decnma  pars  aratorum ,  relicturi  agrps  omnes 
erant,  nisi  ad  eos  Metellus  Roma  litteras  misissety 
se  decumas  lege  Hieronica  venditurum  ;  et  nisi  ab 
iis  hoc  petivisset,  ut  sererent  quam  plorimum  : 
quod  ilU  semper  ^  sua  causa  fecerant ,  quum  eos 
nemo  rogaret ,  quamdiu  intelligebant ,  sese  sibi  et 
populo  romano,  non  Verri  et  Apronio  serere, 
impendere,  laborare.  Jam  vero,  judices,  si  Sicu- 
lorum  fortunas  negligitis  ;  si ,  quemadmodum  socii 
populi  romani  a  magistratibus  nostrîs  tractentur, 
non  laboratis  :  at  vos  communem  populi  romani 
causam  suscipite  atque  defendite.  Ëjectos  aratores 
esse  dico;  agros  yectigales  yexatos  atque  exina- 
nitos  a  Verre  ;  populatam  ^exatamque  provin- 
'  Optime  cod.  Nann.  Olim  multis  locis.  —  ^  Sui. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  UI,  143 
quatre-Tingts,  comme  vous  Faves  entendu  des  députés 
d'Agyrone  qui  vous  ont  lu  les  registres  de  leur  ville. 


m.  An  nom  des  dieux ,  je  vous  le  demande ,  Terres, 
si  vous  eussiez  fait  enfuir  de  tonte  la  province  cent 
soixante  et  dix  cultivateurs,  pourriez-vons  être  absous 
par  des  juges  sévères?  Et  lorsqu'il  s>n  trouve  cent 
soixante  et  dix  de  moins  dans  le  seul  territoire  d*Agy- 
rone,  ne  jugeres-vous  point  par  là,  Romains,  de  tonte 
la  province?  Oui,  vous  trouverez  la  même  désolation 
dans  tous  les  territoires  sujets  aux  dîmes.  Les  agricul' 
tenrs ,  à  qui  il  est  resté  quelque  portion  d'un  ample 
patrimoine,  sont  demeurés  dans  les  campagnes,  ont 
labouré  avec  moins  d'instruments  et  de  cbarmes  ;  ils 
craignaient ,  en  se  retirant ,  de  voir  périr  le  reste  de 
leur  fortune  :  ceux  à  qui  Terres  n'avait  rien  laissé  à 
perdre ,  se  sont  enfuis  et  de  leurs  campagnes  et  de 
leurs  vffles.  Ceux  même  qui  étaient  restés ,  formant  à 
peine  la  dixième  partie  des  agriculteurs,  auraient 
abandonné  toutes  leurs  terres,  si  Métellus  ne^lenr  eût 
écrit  de  Rome  qu'il  affermerait  les  dime^d'après  la  loi 
dHiéron,  et  s'il  ne  les  eût  priés  d'ensemencer  Ie*plus 
de  terres  qu'il  leur  serait  possible;  ce  qu'ils  avaient 
fait  toujours  pour  leur  propre  avantage ,  sans  que  per- 
sonne les  en  priât ,  tant  qu'ils  voyaient  que  c'était 
pour  eux  et  pour  le  peuple  romain ,  non  pour  un 
Terres  et  pour  un  Apronins,  qu'ils  semaient,  qu'ils 
dépensaient,  qu'Us  travaillaient.  Si  donc,  Romains, 
vous  ête^  indifférents  sur  le  sort  de  la  Sicile ,  si  vous 
vous  inquiétez  peu  de  la  manière  dont  les  alliés  de 
Roine  sont  traités  par  nos  magistrats,  soutenez  du 
moins  et  défendez  la  cause  commune ,  la  cause  de  cet 
empire.  Je  dis  qu'on  a  fait  déserter  les  cnltivateurt , 


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\ 


X44  IN  TERREM  ACÏ.  H,  LIB.  lU. 

«iam  :  hsec  omnia  doceo  litteris  *  puhlicis  hones- 
tissimorum  civitatum,  et  privatis  primariorum 
Tirorum  testimouils. 


LUI.  Qnid  Tultis  amplius?  imm  exspectatîs, 
dum  L.  Met^as  îs,  qui  maltos  in  îstum  te$teB 
imperio  et  potestate  deterruit,  idem  absens  de 
istias  scelere,  împrobitate ,  audacia  testimonium 
dicat  ?  non  oplnor.  At  is  optime ,  qui  successit  isti , 
potuit  cognoscere.  Ita  est  :  venim  amicitia  impe- 
ditur.  At  débet  nos  certiores  facere ,  quo  pacto  se 
habeat  provincial.  Débet  :  verumtamen  non  cogi- 
tur.  Num  quis  in  Verrem  L.  Metelli  testimonium 
requirit  ?  nemo  :  num  quis  postulat  ?  non  opinor. 
Quid ,  si  testimonio  L.  Metelli  ac  litteris  bxc  om- 
nia vera  esse  *  doceo  ?  quid  dîcetis  ?  utrum  Me- 
tellum  falsum  scribere  ?  an  ami  cura  Iseden^i  e^^sc 
cupidum  ?  an  praetorem,  quemadmodum  provincia 
affecta  sit,  nescire  ?  Recita  litteras  L.  Metelli,  qiias 
ad  Cn.  Pompeium  et  M.  Crassum  consules ,  quas 
ad  M*  Muramium  praetorem,  quas  ad  qusstores 
Qrbis  mîsit.  £pisïoi.a.  L.  Mktelli.  Decuma.s  pru- 

MEirTI  I.KGK    HiRRONICA.  TEKDIDI.  Quum  ScHblt , 

se  lege  Hieronica  vendidisse,  quid  scribit?  ita  se 
vendidisse ,  ut  omnes ,  praeter  Verrem  :  quum  scri- 
bit, se  lege  Hieronica  yendidisse,  quid  scribit  ?  se 
per  istum  erepta  Siculis  majorum  nostrorum  bene- 
.  ficia,  jus  ipsorum,  conditionem  socîetatis,  ami- 
citisB,  fœderum  reddidisse.  Dicit,  quant}  cujusqiie 

*  Aberant  hœc  duo  verha  ,•  recepimus  e  codd.  —  '  D»* 
•  cebo. 


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SEC,  ACTION  CONTRE  VERRES,  IH.  145 
que  nos  campagnes  tribataires  ont  été  ravagées  et  dé- 
pcnplécs  par  Verres,  qne  Verres  a  piUc  et  vexé  la  pro- 
vince :  je  prouve  tons  ces  fait»  par  les  registres  publics 
des  villes  les  plus  célèbres,  et  par  les  dé^sitîons  par- 
ticulières de  leurs  premiers  citoyens. 

LUI.  Que  voulez-vous  de  plus?  atteadez-vous  que 
L,  Métellus,  qui,  d'antorité  et  par  le  pouvoir  de  sa 
place,  a  empêché  un  grand  nombre  de  SicUiens  de 
déposer  contre  Verre»,   dépose   lui-même,   quoique 
absent,  contre  les  crimes,  la  cupidité  et  Taudace  de 
Faccusé?  Je  ne  le  pense  pas.  Cependant,  comme  U  lui 
a  succédé ,  U  pourrait  être  mieux  instruit  que  tout 
autre.—  Oui;  mais  il  est  retenu  par  l'amitié.  —  U 
doit  au  moins  nous  informer  de  l'état  de  sa  province 
—  Il  le  doit;  mais  on  ne  l'y  force  point.  Quelqu'un 
attend-il  donc  le  témoignage  de  L.  MéteUus  cohtre 
Verres?  Personne.  Quelqu'un  le  demande-t-il ?  Per- 
sonne, sans  doute.  Que  sera-ce  donc,  si,  par  le  iémoi- 
gnage  et  par  une  lettre  de  L.  MéteUns ,  je  prouve  que 
tous  ces  faits  sont  véritables?  que  direz -vous  aloî»? 
Que  Métellus  écrit  contre  la  vérité,  ou  qu'a  veut  nuire 
à  son  ami ,  ou  qu'un  préteur  ignore  l'état  de  sa  pro- 
vince?  Greffier,  bsez  la  lettre  que  L.  MéteUns  adresse 
aux  consuU  Cn.  Pbmpée  et  M.  Crassus,  qu'il  adresse 
au  préteur  M,  Mupimius ,  qu'il  adresse  encore  aux 
questeurs  de  la  ville.  Lettre  ue  L.  Métellus.  ^Ar 

AFFERMÉ  LA  DIME  DES  BLES  d'aPRÈS  LA  LOI  D»HiÉROW 

Lorsqu'à  écrit  qu'il  a  affermé  d'après  la  loi  d'Hiéron 
que  veut-il  dire?  Qu'ira  fait  comme  tous  les  préteurs' 
excepté  Verres.  Lorsqu'il  écrit  qu'il  a  affermé  d'aprèl 
la  loi  d'Hiéron,  que  vent-fl  dire?  Qu'il  a  rendu  aux 
SidKens  ce  que  Verres  leur  avait  enlevé,  les  bienfaits  ' 
de  nos  ancêtres ,  leurs  lois,  les  conditions  de  l'alliance 
fc'n  traité,  de  l'amitié,  fl  dit  combien  il  a  affermé  la 

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146  IN  TORREM  ACT.  II,  LIB.  m. 

agri  decumas  Teiididfeqit  :  deinde  quid  scrîbit? 

Recita   de   epistola   reliqua.   '  Summa  data   est 

OPBaA  A  ME  ,  UT  QUAM  PLURIMO  DECUMAS  TEHDE- 

REM.  Car  igitnr ,  Metelle ,  non  ita  magno  yendî- 
disti?  quia  désertas  arationes,  inanes  agros,  pro- 
Tinciam  miseram  perditamque  ofFendi.  Quid  ?  id 
îpsum ,  quod  satum  est ,  qua  ratione  qnisquam , 
qui  sereret,  inventus  est?  Recita  litteras.  Litter£. 
Ait  se  misisse^  et  praésentem  confirmasse,  suam 
interposuisse  auctoritatem  :  tantum  quod  aratori- 
bus  Metellus  obsides  non  dédit,  se  nulla  in  re 
Verri  sîmilem  futurum.  At  quid  est  tandem,  in 
quo  se  laborasse  dicat  ?  Recita.  Ut  aratores,  qui 

REI.IQUI  RRANT  ,  QUAM  PLURXMUM  SERERBIIT.  Qui 

reli^ui  ?  quid  hoc  est  ?  reliqui  ?  quo  ex  bello  ?  qua  ex. 
yastitate ?  qusenam  in  Sicilia  tanta  clades,  aut  quod 
bellum  tam  diutumum,  tam  calamitosum,  te  prœ- 
tore,  versatum  est,  ut  is,  qui  tibi   successerit ,  ' 
reliquos  aratores  coilegisse  et  recréasse  y ideatur  ? 


LIV.  Qaum  bellis  Carthaginiensibns  Sicilia 
yexata  est,  et  post  nostra  patrumque  memorîa 
quum  bis  in  ea  proyincia  magnae  fugitivorum 
copias  yersat»  *  sunt  ;  tamen  aratorum  ^  interîtio 
facta  nulla  est  :  tum ,  semente  prohibîta,  aut  messe 
amissa,  fructus  annuus  interibat;  tamen  incolumis 
numerus  manebat  dominorum  atque  aratorum  : 
tum ,   qui   M.   ♦  Lœyino ,   aut   P.   Rupilio ,  aut 

'  SuMMA  yi.  Jferel.  confiât,  summaqub.  Gmi.  prio- 
rem  Uct.  probant,  —  *  Sint.  —  ^  Internecio.  —  *  Levi^ 
uio.  Pigkius  sine  causa  mallet ,  proconsulibus  et  pra:t. 


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SEC,  ACTION  CONTRE  TERRES,  HI.     i4y 
di'me  de  chaque   territoire.  Ensuite  ?  Lisez  :  Je  ir*Ai 

RXEir  NÉGLIGÉ  POUR  ADJUGER  LES  DIMES  LE  PLUS  BAUT 

POSSIBLE.  Pourquoi  donC',  Métellns,  les  adjudications 
u'ont-elles  pas  été  plus  fortes?  C'est  que  f  ai  trouvé  les 
tenues  abandonnées ,  les  campagnes  désertes ,  la  pro- 
vince pauvre  et  ruinée.  Mais  cependant  on  avait  mis 
quelques  terres  en  valeur  :  comment  s'est -il  trouvé 
quelqu'un  qui  voulut  les  ensemencer?  Lise^  Lettre 
DE  MÉTELLU5.  Il  a  écrit ,  dit-il,  aux  laboureurs;  arrivé 
dans  la  Sicile,  il  les  a  rassurés,  il  a  interposé  son  au- 
torité; Métellus  enfin  leur  a  presque  donné  des  gages 
et  des  assurances  pour  leur  persuader  qu'il  ne  suivrait 
en  rien  l'exemple  de  Terres.  Quel  est  donc  l'objet  pour 
lequel  il  dit  s'être  imposé  de  si  pénibles  devoirs?  Lisez. 

POTTR  ENGAGER  LES  CULTIVATEURS  QUI  RESTAIENT  A 
SE^ER  LE  PLUS  Qu'iL  SERAIT  POSSIBLE.  Lcs  CulÙvOteurs 

qui  restaient?  Qu'est-ce  que  cela  veut  dire,  qui  res- 
taient? à qaelle  guerre,  à  quelle  dévastation  avaient- 
ils  échappé?  qaelle  si  grande  calamité.  Terrés,  quelle 
guerre  si  longue  et  si  désastreuse  a  désolé  ]a  Sicile  sous 
votre  préture,  pour  que  votre  successeur  ait  été  réduit 
à  reoneiUir  et  à  ranimer  ce  qui  restait  de  laboureurs? 
LTV.  La  Sicile  a  été  anciennement  dévastée  dans  les 
guerres  de  Carthage;  elle  l'a  été  aussi  de  notre  temps 
et  du  temps  de  nos  pères;  deux  fois  '^  elle  a  été  en 
proie  à  des  armées  d'esclaves  fugitifs  :  cependant  on  ne 
l'a  pas  vne  dépeuplée  ainsi  d'agriculteurs  ;  seulement 
on  a  été  une  année  sans  avoir  de  récolte,  on  parce 
qu'on  n'avait  pas  semé,  ou  parce  qu'on  avait  perdu 
la  moisson  ;  mais  le  nombre  des  propriétaires  et  des 
cultivateurs  était  toujours  le  même;  ceux  qpi  avaient 
succédé  dans  cette  province  aux  préteurs  Lévinus , 
Rupilîns,  on  Aquilius,  ne  se  voyaient  pas  réduits  à 
recueillir  ce  qui  restait  de  labonreurs.  Terres,  avec 


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U8  IN  TERREM  ACT.  ti,  LIB.  lit 

M.  Aquillio^  praetoribus ,  in  eam  provinciam  suc-" 
cesserant,  ara  tores  reliquos  non  colligebant.  Tan" 
tone  plus  Verres  ciim  Apronio  proyinci»  Sicili» 
calamitati»  importa^it,  quam  aut  Hasdrubal  cam 
Pœnorum  exercitu ,  aut  Atbenio  cum  fugitivorum 
-maximis  copiis;  ut  temporibus  illis,  simul  atque 
hostis  superatus  esset ,  ager  araretur  omnis ,  neqne 
aratori  prsetor  per  litteras  supplicaret,  neque  eum 
prxsens  oraret  y  ut  quam  plnrimum  sereret  ;  nunc 
autem ,  ne  post  abitum  quidem  Lujus  importunis- 
sîmae  pestis ,  quisquam  reperiretur ,  qui  sua  volun- 
tate  araret  ?  pauci  essent  reliqui ,  qui  L.  Metellî 
auctoritate  in  agros,  atque  ad  suum  larem  fami- 
liarem  redirent  ?  His  te  litteris ,  bomo  audacissime 
atque  amentissime ,  jugulatum  esse  non  sentis? non 
vides ,  quum  is ,  qui  tibi  successit ,  aratores  reli- 
quos appellet ,  boc  eum  diserte  scribere ,  reliquos 
bos  esse,  non  ex  bello,  neque  ex  aliqua  bujusmodi 
calamitate,  sed  ex  tuo  scelere,  importunitate  <, 
avaritia,  crudelitate?  Recita  cetera.  Tamek  pro 

S<>  y.    17T     TEMPORIS     DIPFICULT4S  ,    ARATORVttQUK 

PEifURiA.  TULiT.  Aratorum ,  inquît ,  penuria.  Si 
ego  accusator  toties  de  re  eadem  dicerem ,  vererer, 
ne  animos  yestros  offenderem,  judices  :  clamât 
Metellus  :  Nisi  litteras  misissem  :  non  est  satis. 
Nisi  PR£SEiTs  coKPiRMASSEBC  :  ne  id  quidem  satis 
est.  Reliquos,  inquit,  aratores  :  reliquos?  prope 
lugubri  yerbo  calamitatem  provinciœ  Siciliœ  signi- 
ficat  :  addit,  Aratorum  penuria. 

LV.  Exspectate etiam,  judices,  exspectate, si po- 
testisy  auctoritatem  accusationis  me».  Dico  arato- 


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SEC.  ACTION  COmrRE  VERRES,  ÎU.  149 
ApronitM,  a-t-il  donc  ùdt  peser  sar  la  Sicile  ploa  de 
calamités  qa'Asdrnbal  avec  les  troapes  des  Cartha- 
ginois ,  on  Atfaénion  avec  des  années  dVsclaves  fugi- 
tifs? Alors,  sans  doate,  anssitôt  après  la  victoire  rem- 
portée sur  Tennemi ,  toutes  les  terres  étaient  labourées , 
un  préteur  ne  suppliait  point  par  lettres  un  cultiva- 
teur, on  ne  le  priait  pas ,  de  vive  voix ,  de  semer  le 
plus  qu'il  était  possible;  tandis  qn*à  présent,  même 
après  le  départ  de  ce  dévastateur  des  campagnes,  il 
ne  s'en  trouvait  pas  un  qui  labourât  Volontairement; 
il  n'y-  en  avait  qu'un  petit  nombre  de  reste,  qui,  en- 
couragés par  Métellus ,  revinssent  dans  leurs  champs 
et  dans  leurs  anciennes  demeures.  O  le  plus  audadeux  ' 
et  le  plus  insensé  âm  hommes  !  ne  voyez-vous  pas  que  ' 
cette  lettre  est  pour  vous  un  arr^t  de  mort  ?  ne  voyez- 
vous  pas  que ,  quand  votre  successeur  parle  de  culti- 
vateurs qui  restent ,  il  écrit  expressément  qu'ils  restent 
échappés,  non  à  la  guerre,  non  k  quelque  désastre 
semblable ,  mais  à  votre  perversité ,  4  votre  cruauté . 
à  votre  avidité,  à  votre  fureur?  Lisez  la  suite.  Toute - 

fT)»,  AUTANT  QUE  I<'a  PERMIS  I.S  MALHEUR  DES  CXR- 
CONSTAlfCES      ET     LA     DISETTE     DE     CULTIVATEURS     La 

disette  de  cultivateurt,  dit-il.  Si  moi,  accusateur,  je 
répétais  aussi  souvent  la  même  chose,  je  craindrais^ 
Romains ,  de  vous  fatiguer.  Métellus  dit  hautement  : 
Si  je  n'avais  écrit  iftrx  cultivateurs.  Ce  n'est  pas 

tout.  Si  ,  ARRIVÉ  EN  SiCILE  ,  JE  NE  LES  AVAIS  RASSURES. 

Ce  n'est  pas  encore  assez.  Les  cultivateurs  qui  res- 
tent ,  dit-il.  Qui  restent  !  Ce  mot  presque  lugubre 
exprime  assez  l'état  désespéré  de  la  province  de  Sicile; 
et  cependaiit  Métellus  ajoute  :  La  disette  de.cstl- 
tivateurs. 

LV.  Attendez  encore,  juges,  atteiidez,  si  vous  le 
pouvez,  les  preuves  de  mon  accusation.  Je  dis  que  la 


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i5o  IN  TERKEM  ÀCff,  H,  IIB.  m. 

res  istius  avaritia  ejectos  :  scribit  Metellus,  reliquos 
ab  se  esse  confînnatos.  Dico  agros  relictos,  ara- 
tionesque  désertas  esse  :  scribit  Metellus  aratonim 
esse  penuriam.  Hoc  quum  scribit,  iUud  ostendit, 
dejectos,  ejectos,  fortunis  omnibus  expulsos  esse 
populi  romani  socios  atque  amicos.  Quibus  si  qua 
calamitas  propter  istum,  saKis  -vectigalibus  nos- 
tris  ,  accidisset ,  animadvertere  in  eum  -vos  opor- 
tebat;  prsesertim  qumn  ea  lege  judicaretis ,  quae 
sociorum  causa  esset  constituta  :  quum  yero ,  per- 
ditis  profligatisque  sociis ,  yectigalia  populi  ro- 
mani sint  deminuta  ;  res  frumentaria ,  commeatus  y 
copia ,  salus  urbis  atque  exercituum  nostrorum  in 
posteritatem  istius  avaritia  interierit  ;  saltem  corn- 
moda  populi  romani  respicite ,  si  sociis  fidelissi- 
mis  prospicere  non  laboratis.  Atque,  ut  inteUiga- 
tis ,  ab  isto  ,  prae  lucro ,  prœdaque  prsesenti ,  nec 
vectigalium,  nèc  posteritatis  babitam  esse  ratio- 
nem  ;  cognoscite  ,  quid  ad  extremum  scribat  Me- 
tellus :  IN  RfeLTQUUM  TKMPUS  TEGTIGALIBUS  PRO- 

SPEXI.  In  reliquum  tempus.ait  se  yectlgalibus 
prospexisse.  Non  scriberet,  se  yectigaUbas  pro- 
spexisse  ,  nisi  hoc  yellet  ostendere ,  te  yectigalia 
perdidisse.  Quid  enim  erat ,  quod  yectigalibus 
prospiceret  Metellus  in  decumis ,  et  in  tota  re  fru- 
mentaria f  si  iste  non  yectigalia  populi  romani  suo 
qusstu  peryet-tisset  ?  Atque  ipse  Metellus,  qui  yec- 
tigalibus prospicit,  qui  reliquos  aratores  colligit^ 
qu^d  assêquitur,  nisi  boc,  ut  arent,  si  quid  pos- 
sunt,  quibus  aratrum  saltem  aliquod  satelles  istius 
Apronius  reliquum  fecit  ;  qui  tamen  in  agris  spe 
atque  exspectatione  Metelli  remanserpnt  ?  Quid  ? 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  HI.  i5i  ' 
cnpidité  de  Yerrès  a  fait  enfdir  les  agricnltenrs  :  Mé- 
tellus  écrit  qu'il  a  rassuré  ceux  qui  restaient.  Je  dis 
que  les  terres  ont  été  abandonnées,  les  campagnes 
désertées  :  Métellus  écrit  qu'il  y  a  diselte  de  cultiva- 
teurs. En  écrivant  ces  mots,  îl  annonce  que  les  amis 
<^  les  alliés  du  peuple  romain  ont  été  persécutés,  dé- 
pouillés de  leurs  biens,  chassés  de  leurs  terres.  S'il 
leur  fut  arrivé  quelque  mal  par  la  faute  de  "Verres , 
sans  que  nos  revenus  en  eussent  souffert,  vous  deviez 
le  punir,  surtout  en  le  jugeamt  d'après  une  loi  établie 
en  faveur  des  alUés;  mais  puisque  par  la  mine  entière 
et  la  désolation  de  nos  alliés ,  la  cnpidité  de  Terres  a 
diminué  les  revenus  du  peuple  romain,  et  détruit 
pour  long-temps  les  approvisionnements  de  blés,  nos 
Tivres,  nos  ressources,  la  subsistance  même  de  Rome 
et  de  nos  armées ,  songei^  du  moins  aux  intérêts  du 
peuple  romain,  si  vous  ne  daignez  pas  pourvoir  à 
ceux  de  vos  alliés  fidèles.  Et  afin  que  vous  sachiez  que 
l'envie  d'une  proie  assurée  et  d'un  gain  présent  a 
fait  négliger  à  Terrés  vos  revenus ,  et  lui  a  fait  ou- 
blier l'avenir,  écoutez  ce  que  Métellus  écrit  à  la  fin  de 
sa  lettre  :  J'ai  veilla,  dit-il,  pour  i.a  suite  a  iros 
RBVEifiTS.  Il  dit  qu'il  a  veillé  pour  ta  suite  à  nos  re- 
venus, n  n'écrirait  point  qu'il  a  veillé  à  nos  revenus, 
s'il  ne  voulait  montrer  que  nos  revenus  ont  été  détruits 
par  Terrés.  Eh  !  pourquoi  Métellus  aurait-il  veillé  à 
nos  revenus  dans  les  dîmes  et  dans  tout  ce  qui  con- 
cerne les  blés,  si  Terres ,  par  ses  exactions ,  n'eut  pas 
ruiné  les  revenu»^  peuple  romain?  Mais  Métellus 
lui-même,  qui  jl^H  à  nos  revenus,  qui  recueille  le 
reste  des  cultivJHk,  que  gagne-t-il,  sinon  de  faire 
cultiver  les  terres  par  ceux  qui  le  peuvent  encore , 
par  ceux  à  qui  Apronins,  le  satellite  de  Terres,  a 
laissé  du  moins  une  charrue ,  et  qui  cependant  ne  sont 


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i5a  IN  TERREM  ACT.  II,  LIB.  UI. 

ceteri  SicuU ,  qaîd  ?  ille  maximus  numerus  arato- 
Tuxttf  qui  non  modo  ex  a  gris  ejecti  sunt,  sed 
etiam  ex  civitatibus  suis ,  ex  provincia ,  denique 
bonis  fortunisque  omnibus  ereptis,  profugerunt, 
qua  ratione  ii  reyocabuntur  ?  quot  prœtorum  in- 
nocentîa  sapientiaque  opus  est ,  ut  illa  aratorum 
multitudo  aliquando  in  suis  agris  ac  sedibus  col- 
locetur  ? 

LVI.  Ac ,  ne  miremîni ,  tantam  multitudinem 
profugisse,  quantam  ex  litteris  publicis,  arato- 
rumque  professionibus  cognovistis;  scitote,  tan- 
tam acerbitatera  istius ,  tantum  scelus  in  aratore? 
fuisse  (incredibile  dictu  est,  judices  :  sed  et  fac- 
tura, et  tota  Sicilia  pervulgatum  ) ,  ut  bomines, 
prDpter  injurias  licentîamque  decumanorum,  mor- 
tem  sibi  ipsi  consciyerint.  Centuripinum  Dioclem , 
hominem  locupletem,  suspendisse  se  constat,  quo 
die  sit  ei  nuntiatum ,  Apronium  decumas  rede- 
misse.  Dyrrbachinum ,  primum  civitatis ,  eadem 
ratione  mortem  oppetisse ,  dixit  apud  vos  homo 
nobilissimus  ,  Ai«bonidas  Elorinus,  quum  audis> 
set  tantum  decumanum  professum  esse  ex  edicto 
istius  sibi  deberi ,  quantum  ille  bonis  suis  omui- 
bus  efBcere  non  posset. 

H«c  tu ,  tametsi  omnium  homiuum  dissolutissi- 
mus  crudelissimusque  semper  fiiisti ,  tamen  nun- 
quam  perpeterere,  quod  illi  gMnitus  luctusque 
proyinci»  ad  tui  capitis  periciaRb  pertinebant  : 
non,  inquam,  perpeterere,  utnoraines  injuris 
tuse  remedium  morte  ac  suspendio  quœrerent, 
nisi  ea  res  ad  qusestum  et  ad  prsedam  tuam  perti' 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  m.  i53 
listes  que  parce  qu^ils  attendaient  Métellns,  parce 
qu^ils  comptaient  sar  son  arrivée  ?  Et  tons  ]es  antres 
Siciliens,  et  cette  multitude  Infinie  de  coltivateors ,  à 
qni  on  a  fait  déserter  les  campagnes  ;  qui ,  dépouillés 
de  leurs  biens  et  de  toute  leur  fortune ,  se  sont  même 
enfoîs  de  leurs  villes  et  de  la  province ,  comment  les 
rappellera-t-on  ?  combien  faut-il  de  sages  et  intègres 
préteurs  pour  ramener  enfin  tous  ces  malheureux  dans 
leurs  terres  et  sous  leurs  toits  domestiques  ? 

liYl.  Tous  ne  serez  pas  étonnés ,  Romains ,  qu'il  s'en 
soit  enfui  un  aussi  grand  nombre  que  vous  l'avez  vu 
par  les  registres  publics  et  par  les  déclarations  des  cul- 
tivateurs, quand  vous  saurez  un  fait  qui  est  incroyable, 
mais  réel  et  répandu  dans  toute  la  Sicile  :  plusieurs 
d'entre  eux ,  désespérés  par  la  dureté  et  la  tyrannie  de 
Terres,  parles  vexations  et  les  excès  des  dédmateurs, 
se  sont  donné  la  mort.  Oui ,  la  chose  est  avérée  :  Dio- 
des de  Centorbe,  homme  riche,  s'est  étranglé  luî- 
méme,  le  jour  qu'on  lui  eut  annoncé  qn'Apronius 
avait  pris  le  bail  des  dîmes.  Archonide  d'Élore ,  d'ane 
naissance  distinguée ,  a  dit ,  dans  sa  déposition ,  que 
Dyrrhachinns,  un  des  premiers  citoyens  de  cette  ville, 
s'était  fait  périr  de  même ,  lorsqu'il  eut  appris  que 
le  décimatenr  lui  demandait,  en  vertu  de  l'ordon- 
nance  de  Terres ,  plus  qu'il  ne  pouvait  faire  avec  tous 
ses  biens. 

Non,  quoique  vous  ayez  toujours  été,  Verres,  le 
plus  insouciant  à  la  fois  et  le  plus  cruel  des  hommes  , 
vous  n'auriez  jamais  souffert ,  en  voyant  que  cette  af- 
fliction et  ces  gémissements  de  toute  la  province  inté- 
ressaient votre  existence  civile ,  .vous  n'auriez ,  dis- je , 
jamais  souffert  que  Ton  cherchât  dans  une  aussi  triste 
mort  un  remède  à  vos  injustices,  si  vous  n'aviez  trouvé 
dans  ces  injustices  de  quoi  assouvir  votre  insatiable 


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i54  IN  TERREM  ACT.  H,  LIE.  ni. 
neret.  Quîd?  illud  perpeterere  ?  attendite,  judi- 
ces  ;  omnibus  enim  nervis  mihi  '  contendendum 
est ,  atque  in  hoc  laborandum ,  ut  omnes  intelli- 
gant,  quam  improbam,  quam  manifestam ,  quant 
confessam  rem  pecunia  redimere  coneutur.  Grave 
crîmen  est  hoc ,  et  yebemens ,  et  post  homînum 
memoriam ,  judiciaque  de  pecuniis  repetundis 
constituta,  grayissimum,  prsBtorem  populi  romani 
40cios  babuisse  decumanos. 

LYII,  Non  boc  nunc  primum  audit  privatus  de 
inimico,  reus  ,ab  accusatore  :  jam  antea  in  sella 
seden^  praetor,  quum  provinciam  Siciliam  ob- 
tineret,  quum  ab  omnibus  non  solum,  id  quod 
commune  est ,  propter  imperium ,  sed  etiam  ,  id 
quod  istius  praecipuum  est,  propter  crudelitatem 
metueretur ,  millies  audivit ,  quum  ejns  animum 
ad  persequendum  non  negligentia  tardaret,  sed 
conscientia  sceleris  avaritiseque  suae  refrenaret. 
Loquebantur  enim  decumani  palam,  et  praeter 
ceteros  is ,  qui  apud  istum  plurimum  poterat , 
maximosque  agros  populabatur ,  Apronius  :  per- 
parvum  ex  illis  magnis  lucris  ad  sese  pervenire  ; 
praetorem  esse  socium.  Hoc  quum  palam  decu- 
mani tota  provincia  loquerentur,  tuumque  npmen 
in  re  tam  turpi  uefariaque  interponerent  ;  nibilne 
tibi  venit  in  mentem  existimationi  tuae  consulere  ? 
nibil  denique  capiti  ac  fortunis  tuis  providere? 
Quum  tuî  nominis  terror  in  auribus  animisque 
aratorun  versaretur;  quum  decumani  aratorî- 
bus  ad  pactiones  faciendas ,  non  suam  yim ,  sed 

'  Connitendnm.  Probat  Gruterus  atque  admittit  hanc 
hctionem  libri.  Pianniani,  Ernest,  n/ulgatam  tuetur. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  SERRÉS,  UI.  i55 
cupidité.  Enfin,  anriez-Tons  soa£fertP...  Écoutez,  Ro- 
mains :  car  je  dois  enaployer  ici  tons  mes  efforts  et  toot 
mon  zèle  pour  faire  comprendre  à  chacun  de  vons  quel 
infâme  délit,  quel  crime  manifeste  et  certain  on  vent 
racheter  par  Tor  et  par  1^  corruption.  Ce  chef  d'acca- 
sation  est  un  des  plus  grs^es  et  des  plus  odieux  ;  et 
depuis  qu'il  existe  des  hommes ,  depuis  qu'il  y  a  des 
jugements  rendus  contre  les  concussionnaires ,  on  n'a- 
vait pas  encore  vu  qu'un  préteur  du  peuple  romain 
se  fut  associé  aux  décimatenrs.  * 

LVII.  Yerrès ,  aujourd'hui  simple  partictdîer  et  ac- 
cusé ,  s'entend  faire  ce  reproche  par  un  Cànemi  et  un 
accosatenr;  mais  déjà,  loraque  sur  son  tribunal,  pré- 
teur et  souverain  dans  la  Sicile ,  il  était  craint  comme 
tout  antre  préteur ,  parce  qu'il  était  le  maître  p  et  plus 
que  tout  antre,  parce  qu'il  était  cruel,  cette  accusa- 
tion a  mille  fois  frappé  ses  oreilles  ;  et  s'il  négligeait 
de  s'en  venger ,  ce  n'était  point  par  indifférence ,  mais 
par  le  remords  de  ses  malversations  et  de  ses  crimes. 
Les  décimatenrs  disaient  publiquement,  et  surtout 
Âpronius ,  cet  homme  si  puissant  auprès  de  lai ,  ce 
fléau  des  campagnes,  qu'il  leur  revenait  fort  peu  de 
chose  de  ces  gains  immenses ,  que  le  préteur  était  leur 
associé.  Quoi  !  les  décîmateurs  tenaient  publiquement 
ce  langage  dans  toute  la  province  ;  ils  s'appuyaient  de 
vous  dans  deft  vexations  aussi  odieuses,  aussi  infimes , 
et  vous  n'avez  point  songé  à  votre  réputation ,  à  vos 
plus  prédeax  intérêts!  Lorsque  la  terreur  de  votre 
nom  glaçait  l'ame  des  laboureurs  ;  lorsque ,  pour  con- 
clure les  marchés ,  les  fermiers  des  dîmes  opposaient 
aux  cultivateurs  des  champs,  non  leur  puissance, 
mais  votre  nom  et  votre  affreuse  tyrannie  :  pensiez- 
votis  qu'il  y  aurait  à  Rome  des  juges  assez  faibles , 
irssez  pervers,  ansez  disposés  à  se  laisser  corrompre, 


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i56  IN  VERREM  ACT.  II,  LIB.  Uh 

tuum  scelus  ac  nomen  opponerent  :  ecqnod  ju- 
dicium  Rom»  tam  dissolutum ,  tam   peiTlitum, 
tam  nummarium  fore  putasti ,  quo  ex  judicio  te 
uUa  Salus  servare  posset  ?  quum  planum  fîeret , 
decumis  contra  instituta^  l^ges,  consuetudÎDem- 
que  omnium  yenditis,  in  aratorum  bonis  fortu- 
nisque  diripiendis  decumaAos  dictitasse  tuas  esse 
partes,  tuam  rem ,  tuam  prœdam  ;  idque  te  tacuisse, 
et,  quum  dissimulare  non  posses,  potuisse  tamen 
perpeti  et  perferre ,  quod  roagnitudo  lucri  obscu- 
/  raret  peri^uli  raagnitudinem ,  plusque  aliquanto 
apud  te  pecunix  cupiditas ,  quam  judicii  metus 
posset  ?  Esto  ;  cetera  negare  non  potes  :  ne  illud 
quidem  tibi  reliquum  fecisti ,  ut  boc  posses  dicere , 
nibil  eorum  te  audisse ,  nihil  ad  tuas  aures  de  in- 
famia  tua  pervenhse  ?  Querebantur  cum  luctu  et 
gemitu  aratores  :  tu  id  nesciebas  ?  Fremebat  tota 
proYÎncia  :  nemo  id  tibi  renuntiabat?  Romae  que- 
rimonis  de  tuis  injuriis ,  conventusque  habeban- 
tur  :  ignorabas  b»c  ?  ignorabas  haec  omnia  ?  Quid  ? 
quum  palam  Syracusis ,  te  audiente,  maximo  con- 
ventu  P.  Rubrius  Q.  Apronium  sponsione  laces- 
81  vit.  Ni  Apronius  dictitaret,  te  sibi  in  de- 
cumis ESSE  sociuM  :  baec  te  vox  non  '  perculit  ? 
non  perturbavit?  non,  ut  capiti  et  fortunis  tuis 
prospiceres ,  excitavit  ?  Tacuisti  :  sedasti  etiam  li- 
tes  illorum  ;  et  sponsio  illa  ne  fieret,laborastî. 

LVllI.  Pro  dii  immortales  !   '  hoc  innocens 
komo  perpeti  potuisset  ?  aut  quamvis  nocens,  qui  • 
modo  judicia  Romœ  fore  putaret^jion  aliqua  simu-* 

'  Ernest,  e  conjectura  dederat  perc assit.  —  ■  Hoc  aut. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  IH.  iS'j 
pour  que  la  déesiie  Sains  '*  elle-même  pat  yoas  san^er 
de  lears  mains?  Et  cependant  3  était  pronyé  qae  les 
dîmes  avaient  été  affermées  contre  les  règlements, 
contre  les  lois ,  contre  Tnsage  de  vos  prédécesseurs ,  et 
que  les  décîmatears  avaient  dit  partout  que  la  chose 
vous  regardait ,  que  c  était  votre  affaire ,  que  le  butin 
était  pour  vous  ;  il  était  prouvé  que  vous  aviez  gardé 
le  silence ,  et  que ,  ne  pouvant  dissimuler  leurs  pro- 
pos, vous  aviez  pu  les  supporter  et  les  souffrir  :  tant 
la  grandeur  du  gain  vous  cachait  la  grandeur  du  péril  ! 
tant  Tamour  de  Tor  pouvait  plus  sur  vous  que  la 
crainte  d'un  jugement  !  Non ,  sans  doute ,  vous  ne 
pouvez  nier  le  rtste  ;  mais  ne  vous  étes-vous  pas  même 
réservé  de  pouvoir  dire  que  vous  n'avez  rien  entendu 
de  ces  discours ,  que  le  bruit  de  votre  infamie  n'est 
point  arrivé  jusqu'à  vous  ?  Les  cultivateurs  se  plai- 
gnaient, ils  pleuraient,  ils  gémissaient;  et  vous  n'en 
saviez  rien  !  Tonte  la  province  murmurait  ;  et  personne 
ne  vous  en  avait  instruit  !  On  tenait  ù  Rome  des  as- 
semblées contre  vous  ;  et  vous  l'ignoriez  !  vous  igno- 
riez tout  cela  I  Mais  lorsque  publiquement  à  Syracuse , 
vous  présent,  dans  un  grand  concours  de  peuple, 
P.  Rnbrius,  portant  à  Q.  Apronius  un  défi  judiciaire, 
offrait  de  prouver  qu'il  disait  partout  qu'il  était 
VOTRE  ASSOCIÉ  DAHs  LES  DIMES ,  ces  parolcs  ne  vous 
ont  pas  frappé ,  ne  vous  ont  pas  troublé ,  ne  vous  ont 
pas  averti  de  sauver  votre  honneur  et  votre  personne  ? 
Vous  avez  gardé  le  silence,  vous  avez  même  apaisé 
les  deux  parties,  vous  n'avez  point  voulu  que  cette 
affaire  eut  de  suite. 

LVm.  Dieux  immortels  !  un  homme  innocent  eût-il 
pu  souffrir  un  tel  affront  ?  et  un  coupable  même ,  s'il 
eut  seulement  pensé  qu'il  y  avait  des  uibunaux  h 
Rome,  n'aurait-il  pas  du  moins  essayé,  par  quelque 


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i58  IN  TERREM  ACT.II,  LIB.  m. 

latioDe  existimationî  se  homînum  '  vendîtasset  ? 
Quid  est  hoc?  sponsio  fit  de  capîte  ac  fortunis 
tuis  :  tu  sedes  et  quiescis  ?  non  persequeris  ?  non 
'persévéras  ?  non  perquirîs ,  cui  dixerît  Apronias  ? 
quis  audierit  ?  unde  hoc  natum ,  quemadmodum 
proktura  sit  ?  Si  quis  tibî  ad  aurem  accessisset ,  et 
dixisset,  Apronium  dîctitare,  te  sibî  esse  socium; 
commoyeri  te  oportuit,  yocare  Apronium,  nec 
illum  ante  tibi  satisfacere ,  quam  tu  omniuqni  exis- 
timationî satisfecisses.  Qump  vero  in  foro  celeber- 
rimo ,  tanta  frequentîa ,  hoc ,  verbo  et  simnlatione , 
Apronio,re  vera,  tibi  objectum  e^et,  tu  unquam 
tantam.plagam  tacitus  accipere  potuisses,  nisi  hoc 
ita  statuisses,  in  re  tam  manifesta  quidquid  dixis- 
ses ,  te  deterius  esse  facturum  ?  Qusestores ,  lega- 
tos ,  praefectos  suos ,  tribunos ,  miilti  missos  fece- 
runt ,  et  de  provincia  decedere  jussernnt ,  quod 
eorum  culpa  se  minus  commode  audire  arbitra- 
rentuf,  aut  quod  peccare  illos  aliqua  in  re  judi- 
carent  :  tu  Apronium ,  hominem  vix  liberum , 
contaminatum ,  perditum  ,.  fla^itiosum ,  qui  non 
modo  animum  integrum ,  sed  ne  animam  quidem 
puram  conservare  potuisset ,  eum ,  in  tanto  tuo 
'  dedecore ,  non  profecto  ne  verbo  quidem  gra- 
viore  appellasses ,  neque  apud  te  tam  sancta  religio 
societatis  fuisset,  ut  tui  capitis  periculum  negli- 
gères  ;  nisi  rem  tam  notam  esse  omnibus ,  et  tam 
manifestam  videres,  Cum  eodem  Apronio  postea 
P.  Scandilius,  eques  romanus,  quem  vtih  omnes 

f  Sic  reg,  codd.  Al,  maie,  vindicasset.  —  *  lÔedecore 
profecto ,  ne  r.  Se^uùnur  Ernest,  Restât  tamen  aliquid 


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SEC,  ACTION  CONTRE  VERRES,  m.  i5<) 
feinte  colère ,  de  regagner  Testime  pobliqne  ?  Com- 
ment !  on  vent  intenter  nn  procès  où  tos  intéiêts  le» 
pins  chers  sont  compromis;  et  vous  restez  assis  et 
tranquille  !  tous  ne  donnez  ancone  soîte  à  cette  dé- 
nonciation !  vous  n*însistez  pas  !  youb  ne  cherchez  pas 
à  qoi  Apronîns  a  tenu  le  propos ,  qni  l'a  entendu  de 
sa  bouche,  qni  Ta  rapporté ,  comment  il  s*est  répandu  ! 
Si  quelqu'un  vous  eût  dit  à  l'oreille  qu'Apronius  se  di- 
sait partout  votre  associé ,  n'auriez-vous  point  du  tous 
indigner ,  mander  Apronins,  et  ne  pas  accepter  sa  sa- 
tisfaction avant  que  d'avoir  vous-même  satisfiût  à  l'es- 
time publique?  Mais  lorsque ,  dans  la  place  de  Syra» 
euse ,  devant  tout  le  peuple ,  on  semblait  diriger  contre 
Apronlus  une  accusation  qui  réellement  tombait  sur 
vous ,  auriez- vous  jamais  enduré  en  silence  un  tel  ou- 
trage ,  si  vous  n'aviez  été  persuadé  que ,  dans  un  fait 
aussi  notoire ,  tout  ce  que  vous  auriez  dit  n'aurait  pu 
que  vous  nuire  ?  Souvent  des  gouverneurs  tint  ren- 
voyé leurs  questeurs ,  leurs  lieutenants,  leurs  préfets, 
leurs  tribuns  ;  ils  leur  ont  ordonné  de  sortir  de  leur 
province,  parce  qu'ils  croyaient  que ,  par  la  fente  de 
leurs  agents,  ils  ne  jouissaient  pas  eux-mêmes  d'une 
bonne  réputation ,  ou  parce  qu'ils  les  jugeaient  cou- 
pables de  quelque  délit  grave  :  et  un  Apronius ,  un 
homme  à  peine  libre,  un  scélérat,  un  pervers ,  souillé 
de  crimes  et  d'opprobres ,  dont  l'âme  est  aussi  infecte 
que  l'haleine  *»,  vous  auriez  craint,  lorsque  votre  hon- 
neur était  si  fort  compromis  ',  vous  auriez  craint  de  le 
blesser  par  quelque  parole  un  peu  sévère  !  Non,  cer- 
tes ,  vous  n'auriez  jamais  respecté  assez  les  droits  de 
votre  association  pour  être  indifférent  à  tous  vos  ris- 
ques personnels ,  si  vous  n'aviez  reconnu  vous-mémo 
la  publicité  de  votre  infamie.  Depuis ,  P.  Scandilins  , 
chevalier  romain ,  que  vous  connaissez  tous ,  intenta 


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x6o  IN  VERKEM  ACT,  II,  LIB.  III. 
nostis ,  eamdem  sponsionem  de  societate  fecit , 
quam  Rubrius  facere  voluerat.  Institit,  oppressit, 
non  remisit  :  facta  est  sponsio  H-S  v  '  millium  : 
cœpit  Scandilius  recuperatores,  aut  judicem  pos- 
tulare. 

LIX.  Satisne  vobis  prsetori  improbo  circumdatî 
cancelli  videntur  in  sua  provincia,  imo  vero  in 
sella  aç.  tribunali  ;  ut  aut  de  suo  capite  judicium 
fieri  patiatur  prœsens  ac  sedens ,  aut  confiteatur , 
se  omnibus  judiciis  convincl  necesse  esse  ?  Spon- 
sio  est,  Ni  te  âprokius  tv  deguuis  socium  bsse 
BICAT  ;  proyincia  tua  est  ;  ades  ;  abs  te  judicium 
postulatur.  Quid  facis  ?  quld  decernis  ?  Recupera- 
tores dicis  te  daturum.  ^  Bene  agis  :  tametsi  qui 
erunt  tantis  cervicibus  recuperatores ,  qui  audeant 
in  provincia ,  quum  prstor  adsit ,  non  solum  con- 
tra volontatem  ejus,  sed  etiam  contra  fortunas 
judicare?  Verum  esto  :  manifesta  res  est,  quum 
nemo  esset ,  quin  hoc  se  audisse  liquido  diceret , 
locupletissimus  quisque  certissimus  testis  esset  : 
nemo  erat  Sicilia  tota ,  qui  nesciret  decumas  esse 
praetoris  ;  nemo ,  qui  non  audisset  ita  Apronium 
dictitasse  :  prseterea  conventus  honestus  Syracu- 
fiis ,  multi  équités  romani ,  -viri  primarii ,  ex  qua 
copia  recuperatores  rejici  oporteret,  qui  aliter 
judicare  nuUo  modo  possent.  Instat  Scandilius 
poscere  recuperatores.  Tum  iste  bomo  innocens, 
qui  illam  suspicionem  leyare,  atque  ab  se  remo- 

'  Palatinus  uterque  rejidt  illud  millium  ;  primœ  etiam 
ftUHones ,  teste  Grutero ,  non  agnoscurU,  *—  '  Lallem, 
post  Grœvium  maluit ,  Bene  ai»,  ut  infra,  c.  6a. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  IIÎ.  xôi 
an  même  Apronins,  an  sujet  de  la  société,  le  même 
procès  qu'avait  voaln  lui  intenter  Rnbrius.  Il  le  pour- 
suivit ,  le  pressa ,  ne  lâcha  point  prise  :  il  déposa  cinq 
mille  sesterces  *,  et  demanda  des  commissaires  on  un 

LIX.  Vous  semble-t-îl  qu'on  ait  assez  investi  un  pré- 
teur coupable,  dans  sp  province,  que  dis-je?  sur  son 
siège  et  sur  son  tribunal;  qu'on  l'ait  réduit,  ou  à  se 
laisser  juger  pour  crime  capital,  lui-même  présent  et 
siégeant,  ou  à  reconnaître  qu'il  n'était  point  de  tri- 
bunal qui  ne  dut  le  condamner  ?  On  s'engage  à  prou- 
ver qu'ApROiTius  s'est  dit  votre  associé  pour  les 
DÎMES  ;  c'est  dans  votre  province  qu'on  l'attaque  ;  vous 
êtes  présent  ;  on  vous  demande  des  JQges  ;  que  faites- 
vous?  que  prononcez-vous?  Je  donnerai,  dites-vous, 
des  commissaires.  Fort  bien.  Cependant,  quels  seront 
les  commissaires  d'une  âme  assez  forte,  pour  oser, 
dans  une  province  où  un  homme  gouverne ,  juger,  je 
ne  dis  pas  seulement  contre  sa  volonté ,  mais  contre 
ses  plus  grands  intérêts?  On  en  eût  trouvé,  sans 
doute  :  caria  chose  était  publique ,  et  il  n'y  avait  per- 
sonne qui  ne  déclarât  nettement  l'avoir  entendu  dire, 
et  les  hommes  les  plus  distingués  et  les  plus  riches  en 
étaient  les  premiers  témoins  ;  il  n'y  avait  personne , 
dans  tonte  la  Sicile  ,■  qui  ne  sût  que  les  dîmes  étaient 
au  préteur  ;  personne  à  qui  on  n'eût  dit  qn'Apronius 
le  publiait  partout  :  de  plus ,  il  y  avait  à  Syracuse  un 
corps  nombreux  et  illustre  de  citoyens  et  de  c)ievalicrs 
romains ,  parmi  lesquels  il  fallait  choisir  des  commis  - 
saires  qui  n'auraient  pu  absolument  prononcer  que 
dans  la  vérité.  Scandilîns  insiste,  il  demande  des  com- 
missaires. Alors  Verres ,  cet  homme  pur  et  intègre , 
qui  voulait  écarter  et  dissiper  tout  soupçon  sur  s» 

*629lbr.  A. 


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x6a  IN  TERREM  ACT.  U,  LIB.  IH. 

yere  cuperet,  recuperatores  dicit  se  de  cohorte 

àua  daturam. 

LX.  Pro  deum  hominemque  fidemi  quem  ego 
accuso  ?  in  quo  meam  indastriam  ac  diligentiam 
spectari  vole?  quid  est,  quod  ego  dicendo  aut 
cogitando  efficere ,  aut  assequi  debeam  ?  Teneo  , 
teneo ,  înquam ,  in  mediis  vectigalibus  populi  ro- 
mani ,  in  ipsis  fructibus  provinciœ  Sicilias,  furem, 
manifesto  '  avertentem  rem  fruraentariam  omnem, 
pecunîam  maximam  :  teneo, inquam,  ita,  ut  negare 
non  possit.  Nam  quid  hic  dicet  ?  Sponsio  facta  est 
cum  cogpitore  tuo  Apronio  de  fortunis  tuis  om- 
nibus ,  ni  socium  *  te  sibi  in  decumis  esse  dictita- 
ret.  Exspectant  omnes,  quant»  tibi  ea  res  curae. 
sit,  quemadinodum  hominum  existimatîoni  te  at- 
que  innocentîam  tuam  probari  y  élis.  Hic  tu  medi- 
cum ,  et  aruspicem ,  et  prœconem  tuum,  recupe- 
ratores dabis ,  aut  etiam  illum  ipsum ,  quem  tu  in 
cohorte  tua  Cassianum  judicem  habebas,  si  qua 
res  major  esset,  Papirium  Potaroonera,  hominem 
severum ,  ex  yetere  illa  equestri  disciplina?  Scan- 
dilius  postulare  de  conventu  recuperatores.  Tum 
îste  nègat  se  de  existimatione  sua  cuiquam,  nisî 
suis ,  commissurum.  Negotiatores  putant  esse  tur- 
pe,  id  forum  sibi  iniquura  ejurare,  ubi  negotien- 
tur;  prator  provinciam  suam  totam  sibi  iniqvam 
ejnrat.  O  impudentiam  singularem  !  Hic  postulat 
se  Rom»  abiolvi ,  qui  in  sua  provincia  judicavit , 

'  Cod.  Nann.,  C.  Stephan.,  Grœp.  y  Garatom.,  Beck , 
averrenteiii.  — •  ^  Se  tibi,  recepta  lectio  a  recentioribus  e 
ms.  Nanniano  y  rectius  a>ero  hahetu  edd.  ofett, ,  te  sibi , 
quod  apte  respondet  formulœ  sponsionis. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERR*:S,  m.  i63 
yretta ,  annonce  qa*il  prendra  des  commissaires  parmi 
ses  ministres. 

LX.  Grands  dieox  !  qnel  est  Thomme  qaé  j'accose  ? 
quelle  est  la  caase  dans  laquelle  je  désire  de  donner  des 
preuves  de  mon  zèle  et  de  ma  fidélité  ?  qn*esf-il  besoin 
ici  de  mes  paroles  on  de  mes  réflexions?  que  peuvent- 
elles  faire  ou  obtenir?  Au  mâien  des  domaines  dtk 
peuple  romain ,  an  milieu  des  récoltes  mêmes  de  la 
province  de  Sicile ,  je  le  tiens ,  je  le  tiens  ce  dépréda- 
teur public ,  qui  détourne  à  son  profit  tous  les  grains 
et  un  argent  immense;  je  le  tiens,  dis-je,  en  flagrant 
délit  sans  qu'il  puisse  nier.  Tin  effet,  Yerrès,  que  dîrez- 
,vous  ?  On  intente  à  Apronius,  votre  commissionnaire  ®**^ 
an  procès  on  vos  plus  grands  intérêts  sont  compromis; 
on  Tattaqne  comme  ayant  publié  qu'il  était  votre  asso- 
cié pour  les  dîmes.  Tout  le  monde  est  impatient  de  sa- 
voir combien  vous  prendrez  la  cbose  à  cœur,  comment 
vous  sauverez  votre  réputation  aux  yeux  du  public , 
comment  vous  le  persuaderez  de  votre  innocence.  Et 
c'est  alors  que  vous  donnerez  pour  commissaires , 
votre  médecin ,  votre  aruspice ,  votre  huissier ,  ou 
même  celui  que  vous  regardiez  pomme  un  excellent 
juge,  comme  le  Cassius^'  de  votre  tribonal,  que  vous 
cluMsissiez  dans  les  araires  nn  peu  flHes,  Papifius 
Potamo,  personnage  austère,  formé  à Tecole  antique 
des  chevaliers  romains.  Scaudilius  demande  des  com- 
missaires parmi  nos  concitoyens  établis  à  Syracuse. 
"Verres  dit  qu'il  ne  s'en  remettra  qu'aux  officiers  de 
son  tribunal  pour  ce  qui  regarde  sa  réputation.  Les 
commerçants,  croiraient  se  déshonorer  s'ils  récbsaient 
les  juges  du  lieu  où  ils  commercent;  un  préteur  récuse 
toute  sa  province.  O  effronterie  sans  exemple  !  il  pré- 
tend être  absous  à  Rome,  lui  qui  a  jugé  que,  dans  sa 
province  même ,  il  n'était  pas  possible  de  l'absoudre  ! 


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i64  IN  VERREM  ACT.  II,  UB.  HI. 

se  absolvi  nullo  modo  posse?  qui  plus  existimet 
apud  lecti£simos  senatores  pecuuiam ,  quam  apud 
très  negotiatores  metum  yalere  ?  Scandilius  vero 
negat  sese  apud.Arteinidornm  recuperatorem  ver- 
bum  esse'  factarum  ;  et  tamen  auget  atque  onerat 
te  bonis  conditionibus ,  si  tiT  uti  yelis  :  si  ex  pro- 
^ncia  Sicilia  tota  statuas  idoneum  judicem,  aut 
recuperatorem  nullum  posse  reperiri ,  postulat  a 
te,  ut  Bomam  rejicias.  Hic  enimyero  tu  exclamas, 
bominem  improbum ,  qui  postulet,  ibi  de  tua  exis- 
timatione  judicinm  fîeri ,  ubi  te  invidiosum  esse 
'  intelligat.  Negas  te  Romam  rejecturum;  negas 
de  conventu  recuperatores  daturum;  cobortem* 
tuam  proponis.  Scandilius  rem  se  totam  relictu- 
rum  dicit,  et  suo  tempore  esse  rediturum.  Quid 
tu  ibi  tum  ?  quid  facis?  Scandilinm  cogis  :  *  quid? 
spondonem  acceptam  facere?  Impudenter  tollis 
exspectatum  cxistimationis  tuae  judicium  :  nou 
facis.  Quid  ergo?  Apronio  permittis,  ut,  quos 
velit,  de  coborte  sumat  recuperatores?  Indignum, 
uni  potius  ex  iniquis  sumendi,  quam  utrisque  ex 
sequis  rejicÎM^  fîeri  potestatem.  Neutrnm  facis 
eorum.  Qu^prgo  ?  Est  aliquid ,  qtiod  improbins 
fîeri  potest.  Cogit  enim  Scandiliiim  quinque  illa 
millia  nummum  dare  atque  adnumerare  Apronio. 
Quid  potuit  elegantius  facere  prsetor  cupidus  exis- 
trmationis  bonaa  ;  qui  ab  sese  omnem  suspicionem 
^  propulsare,  qui  se  eripere  ex  infamia  cupieret? 

'  InteUigebat.  ~~  ^  Sch'ùtz  nimia  licenda  'verbum  delet, 
legitque simpliciter ,  Scand.  cogis  sp.  accept.  facere?  — 
^  Propukaret. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  III.  x65 
Croît-il  qae  Fargent  fasse  plus  sur  des  sénatears  disdn- 
gaés  que  la  crainte  snr  trois]  coinmerçants  ^'  ?  Scaa- 
dilîus  proteste  qa'il  ne  dira  pas  nn  mot  devant  le  com- 
missaire Artéoiîdore;  et  cependant,  Verres,  il  von» 
fait  les  propositions  les  pins  avantageuses ,  des  propo- 
sitions de  nature  à  être  reçues  avec  empressement.  Si 
TOUS  êtes  persuadé  que ,  dans  tonte  la  Sicile ,  on  ne 
saurait  trouver  aucun  juge  ou  commissaire  conve- 
nable ,  il  vous  demande  de  renvoyer  TafFaire  à  Rome. 
A  ces  mots ,  vous  vous  écriez  qn*il  y  avait  de  la  mé- 
clianceté  à  ScandiHus  de  demander  qu'on  vous  jugeât 
sur  votre  réputation  dans  an  Ueu  on  il  voyait  que  vous 
n'étiez  pas  aimé.  Vous  refosez  de  renvoyer  Taffaire  à 
Rome;  vous  refusez  de  donner  des  commissaires  parmi 
les  citoyens  romains  établis  à  Syracuse;  vous  proposez 
▼os  ministres.  Scandilius  finit  par  dire  qu'il  se  désis- 
tera de  son  accusation,  et  qu^U  reviendra  dans  un 
autre  temps.  Quel  parti  prenez- vous  alors?  que  faites- 
vous?  vous  obligez  Scandilius  :  à  quoi?  à  tenir  le  défi 
qu'on  avait  accepté  ®  '  ?  Non ,  vous  aimez  mieux  éluder 
avec  impudence  le  jugement  qui  doit  décider  de  votre 
bonnenr.  Que  faites-vous  donc?  autorisez-vous  Apro- 
nius  à  choisir  parmi  vos  ministres  les  commissaires 
qu'il  voudra  ?  Ce  serait  une  indignité  de  permettre  h. 
une  des  parties  de  prendre  des  juges  panbi  des  gens 
iniques,  plutôt  qu'à  toutes  les  deux  d'en  choisir  parmi 
des  hommes  équitables.  Vous  ne  faites  ni  l'un  ni 
l'autre.  Que  décidez-vous  donc?  Voici  une  méchanceéé 
bien  plus  ingénieuse.  Il  oblige  Scandilius  à  donner  et 
à  compter  les  cinq  mille  sesterces  *  à  Apronius.  Qne 
pouvait  faire  de  plus  subtil  nn  préteur  jaloux  d'an« 
bonne  renommée,  qui  voulait  se  purger  de  tont  soup- 
çon et  se  rétablir  dans  l'estime  publique? 

*6a5Uv,  A 


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i66  IN  17ERREM  ACT.  U,  LIB,  HI. 

LXI.  Âdductus  erat  in  sermonem,  invidîam, 
yituperationem;  dictitarat  homo  improbus  atque 
impurus,  Âpronius,  socium  esse  praetorern;  yene- 
rat  res  in  judicium  atque  discrimen;  potestas  erat 
isti ,  homini  integro  atque  innocenti ,  data ,  ut  iu 
Apronium  quum  animadTertisset ,  sese  gravissima 
leyaret  infamia.  Quid  excogitat  pœnae  ?  quid  anim- 
adyersionîs  in  Apronium  ?  cogit  Scandilium  Apro- 
nio ,  ob  singularem  improbitatem  atque  audaciam , 
prœdicationemque  nefarise  societatis,  H-S  y  millia 
mercedîs  ac  prsemii  d^e.  Quid  interfuit,  bomo 
audacissime,  utrum  boc  decetneres;  an  id,  quod 
Apronios  dictitabat,  tute  de  te  profiterere  ac  dicti- 
tares  ?  Qnem  bominem ,  si  quis  pudor  in  te,  atque 
adeo  si  quis  metus  fuisset,  sine  supplicio  dimit- 
tere  non  debuistî  ;  bunc  abs  te  sine  prœmio  disce- 
dere  noluisti.  Omuia  simul  intelligere  potuîstis , 
judices ,  ex  uno  crimine  Scandiliano  :  primum  , 
boc  non  esse  Bomœ  natum  de  societate  decuma- 
rum ,  non  ab  accusatore  fictum  ;  non  (  ut  solemus 
interdum  in  defensionibus  dicere)  crimen  doraes- 
ticum  ac  yernaculum ,  non  ex  tempore  periculi  tui 
constitutum ;  sed  yetus  [excogitatum]  jam,  et,  te 
prsetore ,  jactatum ,  et  non  ab  iuimicis  Romae  com- 
positum ,  sed  Romam  de  proyincia  '  deportattkm. 
Simul  ititelligi  potest  illud  istius  in  Apronium  stu- 
dium,  Apronii  de  isto  non  modo  confessio ,  yerum 
etiam  'commemoratio.  £odem  accedit ,  quod  hoc 
quoque  intelligere  potestis,  istum  statuisse,  in 
proyincia  sua  existimationis  suse  judicium ,  extra 
cobortem  suam  ,  committendum  fuisse  nemini. 

'  Exportatum. 


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SEC  ACTION  CO]N"TRE  TERRES,  m.  167 
IXI.  On  parlait  mal  de  Yerrès,  sa  conduite  était 
blâmée  et  décriée;  un  méchant  homme,  an  acélérat, 
Apronins,  avait  publié  qae  le  préteur  était  son  associé  ; 
on  l'avait  attaqué  juridiquement  sur  ce  propos  qu^il 
s'était  permis  :  le  préteur,  pur  et  intègre ,  pouvait,  par 
la  punition  d* Apronins,  se  décharger  du  soupçon  le 
plus  diffamant  et  le  plus  odieux.  Quelle  peine,  quel 
châtiment  imagine- 1- il  contre  Apronin»?  il  oblige 
Scandilins  à  lui  compter  cinq  mille  sesterces  pour  ré- 
compense de  sa  perversité  inouïe ,  de  son*  audace  à  pu- 
blier partout  une  société  criminelle.  O  le  plus  effronté 
des  hommes  !  rendi«  ce  jugement ,  n'était-ce  pas  avouer 
hautement  et  publier  vous-même  contre  vous-même 
ce  que  publiait  Apronins?  Un  homme  que  vo«s  n'au- 
riez pas  du  renvoyer  amoa  punition ,  si  voua  eusses  eu 
la  moindre  pudeur  ou  plutôt  la  moindre  prudence, 
vous  n'ayez  pas  voulu  qu'il  se  retirât  de  votre  tribunal 
sans  un  salaire.  Par  le  seul  £iit  de  Scandilins ,  vous  avez 
pu  voir,  Romains,  bien  des  choses.  Tous  avez  vu 
d'abord  que  le  reproche  de  société  pour  les  dîmes  n'a 
pas  pris  naissance  à  Rome,  n'a  pas  été  forgé  par  l'ac- 
cusateur; que,  comme  nous  le  disons  quelquefois  dans 
nos  défenses,  ce  n'est  pas  une  accusation  fabriquée 
chez  soi  à  loisir,  et  que  la  droonstance  du  jugement 
a  fiait  naître;  que  ce  reproche  est  ancien,  qu'il  a  déjà 
été  fax  et  publié  sous  la  préture  de  Verres;  qu'il  n'a 
pas  été  inventé  à  Rome  par  ses  ennemis ,  mais  trans- 
porté à  Rome  de  la  provhice.  On  peut  voir  aussi  par 
Û  l'attachement  de  Terrés  pour  Apronins,  et  juger  de 
l'aven  et  même  de  la  dédaration  d'Apronius  an  sujet 
«le  Terrés.  Le  même  fait  peut  encore  voas  apprendre 
que  Terrés ,  dans  sa  province ,  n'a  voulu  remettre 
qu'à  ses  «atellites  Us  jugements  qui  intéressaient  son 
lionneur. 


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i68  m  TERREM  ACT.  H,  LIB.  m. 

LXII.  Ecquis  est  judex,  cul  non  ab  initio  decu- 
roani  criminis  persuasum  sit ,  istum  in  aratoram 
bona  fortunasque  impetum  fecîsse  ?  quis  boc  non 
ex  eo  statim  judicavit,  quod  ostendi,  istum  decu- 
mas  nova  lege,  atque  adeo  nulla  lege ,  contra  om- 
nium consuetudiiiem  atque  instituta  yendidisse  ? 
Yerum ,  ut  istos  ego  jucices  tam  severos ,  tam 
diligentes,  tam  religiosos  non  baberem;  ecquis 
est,  ex  injuriarum  magnitudine,  improbitate  de- 
cretorum ,  judiciorum  iniquitate ,  qui  boc  non 
jamdudum  statuerit  et  judicarit?  Ëliam  sane  sit 
aliquis  dissolutior  in  judicando  ;  legum ,  officii , 
reipublicœ  sociorum  atque  amicormn  negligen- 
tior  :  quid  ?  is  possitne  de  istias  improbitate  du- 
bltare ,  quum  tanta  lucra  facta ,  tam  iuiqnas  pac- 
tiones,yi  et  metu  expressas  cognoyerit?  quum 
tanta  prsemia  civitates ,  yi  atque  imperio ,  yirga- 
rum  ac  mortis  metu ,  non  modo  Apronio  atque 
ejus  similibus ,  yerum  etiam  Veneriis  servis  darc 
coactas  ?  Quod  si  quis  sociorum  incoramodis  mi- 
nus movetur  ;  si  quem  aratorum  fug» ,  calamita- 
les  ,  exsilia ,  suspendia  deuique  non  permoyent  : 
non  possum  dubitare,  quin  is  tameu,  quum  yas- 
tatam  Sicib'am,  relictos  agros,  ex  ciyiiatum  litte- 
ris,  et  epistola  L.  Metelli cognoyerit,  statuât,  fieri 
non  posse,  ut  de  isto  non  seyerissime  judicetur. 
£rit  etiam.  aliquis ,  qui  bsec  omnia  dissimolare  ac 
negligere  possit  ?  Attuli  sponsiones  ipso  prsosente 
factas  de  decumarum  societate,  ab  ipso  probibitas 
judicari  :  quid  est,  quod  '  possit  quisquam  mani- 
festius  boc  desiderare  ?  Non  dubito ,  quin  vobis 
*  Possct. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  III.  169 
LXII.  Quel  est  celui  des  juges  qui,  dès  le  premier 
débat  de  Vaccasatioii  conoemant  les  dîmes,  n'a  pas 
été  persuadé  que  Yerrès  a  envahi  les  biens  et  la  for- 
tune des  laboureurs.'  quel  est  celui  qui  n'a  point  senti 
sur-le-champ  ce  que  j'ai  prouvé,  que  Yerrès  a  affermé 
les  dîmes  par  une  loi  nouvelle ,  ou  plutôt  contre  les 
lois",  contre  les  usages  et  les  règlements  de  se-s  prédé- 
cesseurs.'' Mais  quand  nous  n'atirions  pas  des  juges  aussi 
sévères,  aussi  exacts,  aussi  religieux,  est-il  quelqu'un, 
qui,  d'après  l'excès  des  vexations, la  perversité  des  or- 
donnances, l'iniquité  des  jugements,  ne  se  soit  pas 
décidé  sans  peine  et  n'ait  pas  depuis  long-temps  pro- 
noncé ?  Supposons  même  qu'il  se  trouve  un  juge  moins 
scrupuleux,  moins  occupé  des  lois ,  de  ses  devoirs,  des 
alliés  et  des  amis  de  la  république;  pourra-t-il  avoir 
des  doutes  sur  1#  cupidité  de  Yerrès,  lorsqu'il  est  in- 
struit des  gains  énormes  faits  sur  les  dîmes,  des  con- 
ventions iniques  arrachées  par  la  violence  et  par  la 
crainte;  lorsqu'il  sait  que  les  villes  ont  été  contraintes 
de  force  et  par  autorité,  pas  la  peur  des  verges  et  de 
la  mort,  à  remettre  de  si  énormes  bénéfices,  non  seu- 
lement à  Apronius  et  à  ses  semblables ,  mais  même  aux 
esclaves  de  Yénus?  Dût-on  être  peu  touché  des  dom- 
mages qu'ont  essuyés  les  alliés,  de  la  fuite  des  cultiva- 
teurs, de  leurs  désastres,  de  leur  exil,  enfin  de  leur 
mort  déplorable  ;  je  n'en  puis  douter ,  quiconque 
apprendra  par  les  registres  des  villes  et  par  la  lettre 
de  Métellus ,  que  la  Sicile  a  été  ravagée ,  que  les  terres 
ont  été  abandonnées ,  se  convaincra  qu'il  est  impos- 
sible de  ne  pas  juger  Verres  avec  la  dernière  rigueur. 
Quelqu'un  voudra-t-il  encore  refuser  de  croire  ce  que 
je  dis ,  et  résister  à  tant  de  preuves?  Eh  bien!  j'ai  ap- 
porté les  ajournements  des  procès  intentés  en  présence 
de  Yerrès ,  au  sujet  de  là  société  pour  les  dîmes ,  procès 
vm.  i5 


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J70  IN  VER&EM  ACT.  II,  LIB.  HI. 

satisfecerim ,  judices.  Yerunitamen  progrediar 
longius  :  non  mehercnle  quo  magis  hoc  vobis 
persuadeatur,  quam  jam  persuasum  esse  confîdo; 
sed  ut  ille  aliquando  impndentia;  suœ  fîdem  fa- 
ciat;  aliquando  desinat ,  ea  se  putare  posse  emere , 
quœ  ipse  semper  habuit  venalia ,  fîdem,  jusjuran- 
dum ,  yeritatem ,  offîcium ,  religionem  ;  desinant 
amicî  ejus  ea  dictitare,  qu»  detrimento ,  maculœy 
Invidiae,  infamiœ  nobis  omnibus  esse  possint.  At 
qui  amici  ?  O  miserum ,  atque  înyidiosum ,  offen- 
sumque  paucorum  culpa  atque  indignitate  ordi- 
nem  s«iatorium  !  Albam  ^milium  sedentem  In 
faucibus  macelli  loqui  palapti)  ticisse  Verrem , 
emtos  habere  judices ,  alium  H-S  cccc  millibus  » 
aliamH-S  »,  quem  miuimo,  ceci  Atque  ei  quum 
responsum  esset,  fieri  non  posse;  multos  testes 
esse.dicturos,  me  prœterea  causse  non  defuturum  : 
«  Licet  hercules,  înquit,  omnes  omnia  dicant  in 
illum;  nisi  ita  res  manifesta  erit  allata,  ut  respon- 
deri  nihil  possit,  yicimus.  »  Bene  '  ais,  Alba  :  ad 
tuam  yeniam  conditionem  :  nihil  pu  tas  yalere  in 
judiciis  conjecturam ,  nihil  suspicionem ,  nihil  an- 
teactsB  yirse  exîstimationem ,  nihil  bonorum  yiro- 
rum  testimonia ,  '  nihil  ciyitatum  auctoritates  ac 
testimonia  :  litteras  manifestas  quseris.  Non  qusélro 
judices  Cassianos;  yeterem  judiciorum  seyerita- 
tem  non  requiro;  yestram  in  hoc  fidem,  dignita- 
tem,  religionem  in  judicandonon  imploro  :  Albam 

'  Al.  habent,  agis,  ut  supra ,  c.  Sp.  Sed  supra  de  facto 
sermo  est.  —  *  Sequimur  in  interpretando  eximiam  emen- 
dationem  Hotomanni  ,  nihil  civitatum  auctoritates ,  te»- 
iimonia ,  litteras  :  res  manifestas  quseris. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TORRÈS,  HI.  171 
dont  il  a  arrêté  la  poursuite  :  peat-on  rien  désirer  de 
plus  clair  ?  Non ,  je  ne  doute  pas ,  Romains ,  que  je 
ne  vous  aie  pleinement  satisfaits.  Cependant  j'irai  plus 
loin  encore  :  non  pour  que  vous  soyez  plus  convain- 
cus que  vous  ne  Fêtes  sans  doute ,  mais  pour  que  Fac- 
cusé ,  mettant  enfin  des  bornes  à  son  audace,  cesse 
enfin  de  croire  qu'il  peut  acheter ,  ce  qui  pour  lui  fut 
toujours  vénal ,  la  bonne  foi ,  le  serment ,  l'équité ,  le 
devoir,  la  religion  ;  mais  pour  que  ses  amis  cessent  de 
dire  ce  qui  pourrait  nous  nuire  à  tous  dans  l'esprit  du 
peuple,  nous  rendre  odieux,  nous  aécrier,  nous  dés- 
honorer. Eh!  quels  sont  ces  amis?  Que  l'ordre  dâ 
sénateurs  est  à  plaindre ,  et  combien ,  par  la  faute  de 
quelques  hommes  méprisables ,  il  est  en  butte  au  mé- 
pris et  à  la  haine!  Un  Émilius  Alba  **,  qu'on  peut 
voir  tous  les  jours  à  l'entrée  du  marché ,  ose  dire  pu- 
bliquement que  Terrés  a  gagné  sa  cause ,  qu'il' a  acheté 
les  juges ,  qu'il  a  donné  à  l'nn  quatre  cent  mille  ses- 
terces *,  à  l'antre  cinq  cent  mille  **,  qu'il  n'a  pas 
donné  moins  de  trois  cent  mille  ***  !  Et  comme  on  lui 
répondait  qu'il  n'était  pas  possible  que  Terres  l'em- 
portât, qu'une  foule  de  témoins  déposeraient,  que 
d'ailleurs  je  plaiderais  avec  zèle  :  Quand  tout  le  monde, 
répliqua-t-il ,  dirait  tout  ce  qu'on  peut  dire ,  si  l'on  ne 
produit  des  faits  si  évidents  qu'il  soit  impossible  de  ré- 
pondre, nous  avons  la  ^victoire.  A  la  bonne  heure , 
Alba  :  j'accepte  votre  condition  :  vous  ne  comptez 
pour  rien  dans  un  jugement  les  conjectures,  les  pré- 
somptions ,  le  préjugé  d'une  vie  antérieure,  les  témoi- 
gnages des  citoyens  honnêtes,  l'autorité  des  villes, 
leurs  dépositions ,  leurs  registres;  vous  voulez  des  faits 
notoires.  Je  ne  demande  pas  pour  juges  des  Cassius; 
je  ne  désire  pas  l'ancienne  sévérité  des  jugements  ;  je 
*  5o,ooo  Uv.  —  **  6a,5oo  liv.  —  ***  37,5oo  lir.  A. 


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t72  IN  TERREM  ACT.  II,  LIB,  Ul. 

habebo  judicem ,  eum  hominem',  qui  se  scairàm 
improbissimum  existimari  vult  ;  qui  a  scurrîs  po- 
tins semper  gladiator,  quam  scurra  appellatus  si  t. 
ÂfTeram  rem  ejusmodi  in  decumis ,  ut  Alba  fatea- 
tur,  istum  in  re  frumentaria,  et  in  bonis  aratorum 
aperte>palamque  esse  praçdatum. 


LXIII.  Decumas  agri  Leontini  magno  dicit  se 
Tendidisse.  Ost^di  jam  illud  initio ,  non  existi- 
yiandum  magno  yendidisse  eum ,  qui  yerbo  decu- 
mas yendiderit ,  re ,  et  conditione ,  et  lege ,  et 
edicto ,  et  licentia  decumanorum ,  decumas  ara^o- 
ribus  nuUas  reliquas  fecerit.  Ëtiam  illud  ostendi , 
yendidisse  alios  magno  decumas  agri  Leontini, 
ceterorumque  agrorum  ;  et  lege  Hieronica  yendi- 
disse; et  pluris  etiam,  quam  te  yendidisse;  nec 
aratorem  quemquam  esse  questum.  Nec  enim  fuit 
quod  quisquam  queri  posset ,  quum  lege  œquis- 
sime  scripta  yenirent  :  neque  illud  unquam  ara- 
toris  interfuit ,  quanti  decumae  yenirent.  Non  enim 
ita  est,  ut,  si  magno  yenierint,  plus  arator  de- 
beat  ;  si  paryo,  minus.  Ut  frumenta  nata  sunt,  ita 
decumae  yeneunt.  Aratoris  autem  interest,  ita  se 
frumenta  babere ,  ut  decumœ  quam  plurimo  yenire 
possint  :  dum  arator  ne  plus  decuma  det ,  expedit 
ei  decumam  esse  quam  maximî.  Yerum  hoc,  ut 
opinor,  esse  yis  caput  defensionis  tuœ,  magno  te 
decumas  yendidisse  ;  '  agri  yero  Leontini ,  qui  plu- 

'  Atqae  allomm  qaidcm  agrorum  pro  portione  magno 
decamas  yendidisse  y  agri  v.  etc.  Âddidit  hase  Lambin, 
aa:  uno  codice* 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  UI.  173 
ne  réclame  pas ,  Romains  ,  votre  équité ,  votre  hon- 
neur, votre  reli|û|^  je  prendrai  pour  juge  Alba ,  un 
homme  qui  se  flHIk'e  lui-même  pour  un  mauvais 
bouffon ,  et  qui ,  par^i  les  bouffons ,  ne  passe  que 
pour  un  vîl  gladiateur.  Telles  seront  mes  preuves  sur 
Taffaîre  des  dîmes,  que  notre  nouveau  juge,  Alba 
lui-même ,  sera  forcé  de  convenir  que ,  dans  ce  qui 
regarde  les  blés  et  les  biens  des  agriculteurs,  son  ami 
a  exercé  ouvertement  un  odieux  brigandage. 

LXJII.  "Vous  prétendez ,  "Verres ,  avoir  haussé  Tad- 
jndication  des  dîmes  du  territoire  de  Léontini.  J'ai 
montré,  dès  le  commencement,  que  celni-U  ne  devait 
pas  être  répnté  avoir  haussé  Tadjndication  des  dîmes, 
qui ,  en  apparence,  a  adjugé  les  dîmes,  mais  qui,  en 
efl'et,  par  ses  conditions,  par  sa  loi,  par  ses  édtts,  et 
par  les  vexations  des  décimatenrs ,  n'a  pas  même  laissé 
anx  agriculteurà  les  dîmes  de  leurs  récoltes.  J'ai  en- 
core montré  que  plusieurs ,  avant  vous  ,  avaient 
haussé,  et  même  plus  haussé  que  vous  l'adjudication 
des  dîmes  du  territoire  de  Léontini  et  d'antres  terri- 
toires ;  que  cependant  ils  les  avaient  adjugées  d'après 
la  loi  d'Hiéron,  et  qu'aucun  agriculteur  ne  s'était 
plaint.  Et  aucun  ne  devait  se  plaindre,  puisqu'elles 
avaient  été  adjugées  d'après  une  loi  très  équitable. 
L'agriculteur  ne  s'inquiéta  jamais  de  l'adjudication 
des  dîmes.  Que  cette  adjudication  soit  portée  haut  on 
non  :  il  n'en  doit  ni  plus  ni  moins.  On  afferme  les 
dîmes  suivant  l'abondance  des  récoltes.  Or,  il  est  de 
l'intérêt  du  cultivateur  qu'il  ait  assez  de  blés  pour  que 
l'adjudication  des  dîmes  soit  portée  fort  haut  ^'pourvu 
qu'il  ne  donne  pas  plus  que  la  dîme,  il  lui  est  avi^n- 
tageux  que  la  dîme  soit  considérable.  Mais ,  sans  doute , 
vous  voulez  que  votre  principale  défense  soit  d'avoir 
haussé  l'adjudication  des  dîmes ,  et  surtout  d'avoir 


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374  IN  VERREM  ACT.  Il,  LIB.  HI. 

limum  efficit,  tritici  modium  ccxvi  millibus.  St 
doceo,  pluris  aliquanto  potuisaMb  vendere,  neqxie 
his  voluisse  addicere,  qui  conSK^proiiium  lice- 
rentur;  et- Apronio  multo  mîiforis,  qaam  aliis  po- 
tuerîs,  tradidisse;  si  hoc  doceo,  poteritne  te  Alba, 
tuus  antiquissimus  non  solum  amicus,  yemm 
etiam  amator,  absolvere? 


LXIV.'  Dico ,  equFtem  romanum ,  hominem  in 
primis  lionestum ,  Q.  Minucium ,  cum  sui  simili- 
bas,  ad  decumas  agri  Leontini  tritici  modium  non 
CIO,  non  ciD  cid,  non  cid  ci3  cid,  sed  ad  unas  unius 
agri  decumas  tritici  modium  yxx  millia  voluisse 
addere,  et  ei  potestatem  emendi  non  esse  factam, 
ne  res  abiret  ab  Apronîo.  Negare  hoc,  nisi  forte 
negare  omnia  constituîsti,  nullo  modo  potes:  Pa- 
.  lam  res  gesta  est ,  maxîmo  conventu ,  Syracusis  : 
testis  est  tota  provincia ,  propterea  quod  undique 
ad  emendas  decumas  soient  eo  convenire.  Quod 
sive  fateris,  siye  conyinceris;  quot,  et  quam/  ma*- 
nîfestis  in  rébus  teneare,  non  vides?  Primum  tuam 
rem  illam,  et  praedam  fuisse  :  nam,  nisi  ita  esset , 
cur  tu  Apronîum  malebas  (  quem  omnes  tuum 
procurare  in  decumis  negotium  loquebantur  ) , 
quam. Minucium,  decumas  agri  Leontini  sumere? 
Deinde  immensum  atque  infinitum  hicrum  esse 
factum  :  nam  si  xxx  millibus  modium  tritici  tu 
commotus  '  non  esses  ;  certe  hoc  idem  lucri  Mi- 

'  Olùn  editumfuit ,  ibaximis.  —  ^  Ferratius  delet  non  , 
et  commotus  esses  dictutn  putat  pro  contentas  esses.  Non 
probamus. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  III.  175 
«ffermé  les  dîmes  dn  territoire  de  Léontiiii,  un  de  ceux 
qui  prodttiseiit  le  pins,  deux  cent  seize  mille  boisseaux 
de  blé.  Si  je  prouve  que  vous  auriez  pu  les  affermer 
davantage,  que  vous  n'avez  pas  voulu  les  adjuger  à 
ceux  qui  enchérissaient  sur  Apronius ,  que  vous  les 
avez  données  à  Apronius  pour  beaucoup  moins  que 
vous  n'auriez  pu  à  d'autres;  si  je  le  prouve,  votre  an> 
cienami,  on  plutôt  votre  ancien  amant,  Alba  luî> 
même  pourra-t-il  vous  absoudre? 

LXIY.  Je  dis  donc  qœ  Q.  Minucius,  chevalier  ro- 
main des  plus  considérés ,  avec  d'autres  personnes  de 
la  même  distinction,  a  voulu  ajouter,  non  pas  mille, 
non  pas  deux  mille,  non  pas  trois  nulle,  mais  trente 
mille  boisseaux  aux  dîmes  du  territoire  de  Léontinî , 
aux  dîmes  uniques  d'un  seul  territoire,  et  que  vous 
ne  leur  avez  point  permis  de  prendre  le  bail,  pour 
qu'il  restât  entre  les  mains  d' Apronius.  Ou  vous  avez 
résolu  de  tout  nier,  ou  vous  ne  nierez  pas  ce  fait.  La 
chose  s'est  passée  publiquement ,  au  milieu  d'une 
grande  assemblée,  à  Syracuse  :  toute  la  province  en 
est  témoin,  parce  qu'il  vient  du  monde  de  tous  les 
endroits  pour  l'adjudication  des  dîmes.  Si  vous  con- 
venez de  ce  fait,  on  si  vous  en  êtes  convaincu,  voyez 
que  de  grie&  contre  vous,  et  de  griefs  accablants! 
D'abord  il  est  pronvé  que  l'adjudication  vous  regar- 
dait, qu'elle  était  à  votre  profit  :  autrement,  pour- 
quoi vouliez  -  vous  qu' Apronius  eut  les  dîmes  du 
territoire  de  Léontinî  préférablement  à  Minucius; 
Apronius,  dis-je,'  nommé  par  tout  le  monde  votre 
commis  pour  les  dîmes?  Il  est  pronvé  ensuite  que 
vous  avez  fait  un  immense  profit  :  car  si  les  trente 
mille  boisseaux  offerts  par  Minucius  ne  vous  eussent 
point  donné  l'espérance  d'une  plus  belle  proie  ^^,  vous 
auriez  permis  sans  doute  à  Minucius  de  donner  ce 


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176  IN  TERREM  ACT.  II,  LIB.  ni. 

nucius  Âpronio  libenter  dedisset,  si  îlie  accipere 
Yoluisset.  Quantam  îgitur  illi  gpem  prsedse  propo- 
sitam  arbitramur  fuisse,  qui  tantum  prœsens  lu- 
crum,  nuUa  .opéra  insumtsi,  contemserit  atquc 
despexerit  ?  Deinde  ipse  Minucius  nunquam  tanti 
Iiabere  yoluisset,  si  decumas  tu  lege  Hieronica 
venderes  :  sed  quod  tuis  noyis  edictis,  et  iuiquis- 
simis  institutis  plus  aliquanto  se,  quam  decumas, 
ablaturum  videbat ,  idcirco  longius  progressus  est. 
Ât  Apronio  semper  plus  etiam  multo  abs  te  per- 
mîssum  est,  quam  quod  edixeras.  Quantum  îgitur 
qusBstum  putamus  factum  esse  per  eum ,  cui  quid- 
vis  licitum  sit;  quum  tantum  lucri  voluerit  addere 
is,  cui,  si  decumas  emisset,  idem  non  liceret? 
Postremo  illa  quidem  certe  tibi  praecisa  defensio 
est,  in  qua  tu  semper  omnia*tua  furta  atque  fia- 
gitia  latere  posse  arbitratus  es  :  magno  te  decumas 
Tendidisse;  plebi  romane  consuluisse;  annonae 
prospexisse.  Non  potest  hoc  dicere  is,  qui  negare 
non  potest,  se  unius  agri  decumas  xxx  millibus 
modium  minons,  quam  potuerit ,  vendidisse  :  ut , 
etiamsi  tibi  hoc  concedam ,  Minucio  ideo  te  non 
tradidisse,  quod  jam  addixisses  Apronio;  aiunt 
enim  te  ita  dictitare ,  quod  ego  *  exspecto ,  cupio- 
que  te  ita  illud  defendere;  verum,  ut  ita  sit,  ta- 
men  non  potes  hoc ,  quasi  prxclarum  aliquid , 
prsedicare,  magno  te  decumas  vendidisse,  quum 
fuisse  fateare ,  qui  multo  pluris  voluérint  emere. 

LXV.  Tenetur  '  îgitur  jam ,  judices ,  et  mani- 
'  Al.  malunt  ergo. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  m.  177 
l)énéiice  k  Apronias,  s'il  eût  vonlu  le  recevoir.  §nr 
qael  batin  ne  comptait  donc  pas  Yerrès,  paJsqu*Sl  a 
méprisé  et  dédaigné  an  bénéfice  actuel  si  considérable, 
et  qni  ne  lui  coûtait  ancnne  peine?  Ajontez  qae  Mi- 
nncius  lui-même  n'eût  jamais  voulu  prendre  les  dîmes 
portées  aassi  haut,  si  vous  les  aviez  adjugées  d'après 
la  loi  d'Hiéron  ;  il  n'a  été  si  loin  que  parce  qu'il  espé- 
rait tirer  plus  que  les  dîmes  en  vertu  de  vos  ordon- 
nances énormes  et  de  vos  iniques  jugements.  Apro- 
nîus  avait  bien  d'antres  privilèges ,  et  vous  lui  avez  tou- 
jours permis  beaucoup  plus  que  ne  permettaient  déjà 
vos  ordonnances  mêmes.  Quels  devaient  être  les  gains 
de  celni  qni  avait  droit  de  tout  faire ,  puisqu'un  ai^^ 
qui  B?eût  pas  eu  le  même  droit,  s'il  eût  été  l'adjudi- 
cataire des  dîmes,  proposait  un  tel  bénéfice?  Enfin, 
vous  vous  êtes  certainement  privé  de  cette  excuse  qui 
devait  justifier,  selon  vous,  toutes  vos  malversations 
et  vos  infâmes  rapines;  vous  ne  pouvez  plus  dire ,  j'ai 
baassé  l'adjudicat^n  ;  j'ai  travaillé  pour  le  peuple  de 
Rome;  j'ai  pourvu  à  sa  subsistance.  On  ne  peut  tenir 
ce  langage ,  quand  on  ne  peut  nier  qu'on  n'ait  adjugé 
les  dîmes  d'un  seul  territoire  pour  trente  mille  bois- 
seaux dé  moins  qu'on  n'aurait  pu  les  adjuger.  Ainsi , 
quand  même  je  vous  accorderais  que  vous  n'avez  pas 
donné  lés  dîmes  à  Minncîns ,  parce  que  vous  les  aviez 
déjà  adjugées  à  Apronius ,  car  on  prétend  que  c'est  là 
votre  moyen  de  défense,  et  moi,  j'attends,  je  désire, 
je  souhaite  que  votw  vous  défendiez  de  cette  maniéle; 
mais,  quand  cela  serait,  vous  ne  pouvez  vous  faire  un 
mérite  d'avoir  haussé  l'adjudication. des  dîme»,  puisque 
-VOU&  convenez  que  d'antres  voulaient  en  donner  beau- 
coup plus. 

LXT.  "Voilà  donc ,  Romains,  voilà  l'avarice  d*nn 
Infâme  déprédateur,  sa  cupidité,  sa  perversité,  son 


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17»  IN  VERREM  ACT.  II,  LIE.  HI. 

festo  tenetar  ayaritia ,  cupiditas  hominîs ,  sceln^  , 
improbitas ,  audacia.  Quîd  si  hsec ,  quae  dico ,  îpsîus 
amici  defensoresque  judicarunt  ?  quid  yultis  aAi- 
plius  ?  Adventa  L.  Metelli ,  praetoris ,  quum  omne» 
ejas  comités  iste  sibi  suo  illo  pancbresto  medica- 
mento  amicos  *  reddidisset  ;  aditum  est  ad  Metel- 
lum  ;  eductus  est  Apronius.  Ëduxit  vir  primarias 
C.  Gallius,  sènator;  postulavit  a  L.  Metello,  ut  ex 
edicto  sud  judicium  daret  in  Apronium,  Quod 
PEA  yiM  AUT  METUBK  ABSTULissET  :  quam  foimu- 
lam  Octayiauam ,  et  Roms  Metellus  habuerat ,  et 
bai^ebat  in  proyincia.  Non  impetrat;  quum  boc 
diceret  Metellus,  prsejudicium  a  se  de  capite 
C  Verris  per  hoc  judicium  noile  fieri.  Tota  Me- 
telli cohors,  bominum  non  ingratorum,  aderat 
Apronio.  G.  Gallius,  bomo  nostri  ordinîs,  a  sùo 
familiarissimo  L.  Metello  judicium  ex  edicto  non 
potest  impetrare.  Non  reprebendo  Metellum  :  pe- 
percit  bomini  amico,  et  quemadmodum  ipsum 
dicere  audiyi,  necessario  :  non  reprebendo,  in- 
quam,  Metellum;  sed  boc  miror,  quomodo,  de 
quo  bomine  pr»judicium  noiuerit  fieri  per  reçu- 
peratàres ,  de  boc  ipso  non  modo  praejudicarit , 
yerum  grayissime  ac  yebementissime  judicarit. 
Primum  enim,  si  Apronium  absolutum  iri  puta* 
lil;  nibil  erat,  quod  nllum  prejudicium  verere- 
tuT.  Deinde,  si,  condemnato  Apronio,  conjunc- 
tam  cum  eo  Verris  causam  omnes  erant  existima* 
turi  ;  Metellus  quidem  certe  jam  boc  jndicabat  ; 
eorum  rem  causamque  esse  conjunctam  :  qui  sta- 
tnerit,  Apronio  condemnato,  de  isto  praejudicium 

'Sic  éditant  e  cod,  Natuiiano,  pro  redemisset. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  ^RRÈS,  ni.  179 
audace ,  démontrées ,  et  démontrées  avec  é^ence. 
Mais  si  je  ne  dis  rien  qne  ses  amis  et  ses  défenseurs 
niaient  prononcé  enx-mémes,  que  voalez-vous  de  plus? 
A  l'arrivée  de  L.  Métellas  en  Sicile,  Verres,  avec  son 
secret  universel  * ,  s'était  fait  des  amis  de  tous  les  offi* 
ders  de  ce  préteur  :  on  s'adressa  à  Métellus  ;  on  cita 
Apronins  à  son  tribunal.  Il  était  cité  par  le  sénateur 
C.  Gallius ,  personnage  distingué ,  qui  demanda  à 
L.  Métellus  de  lui  donner  action  contre  Apronins  en 
vertu  de  son  ordonnance ,  et  de  lui  permettre  de  le 
poursuivre  comme  ayaitt  enlevé  les  bieits  a  leurs 

POSSESSEURS  ,    DE  FORCE  ET  PAR  LA  CRAINTE    :    formule 

dn  préteur  Octavius^®,  que  Métellus  avait  employée 
à  Rome ,  et  qu'il  employait  encore  dans  sa  province. 
C.  <&allins  n'obtient  pas  sa  demande  :  L.  Métellus  allé- 
guait qu'il  ne  voulait  pas  rendre  un  jugement  qui  for- 
merait un  préjugé  contre  C.  Terres.  Les  officiers  de  la 
'  suite  de  Métellus*  n'étaient  point  ingrats  ;  ils  soute- 
naient tous  Apronins.  C.  Gallius,  un  sénateur  romain ,' 
ne  peut  obtenir  action  de  Métellus ,  son  ami  intime , 
en  vertu  de  son  ordonnance.  Je  ne  blâme  point  Mé- 
tellus; il  a  ménagé  son  ami,  et,  comme  je  lui  ai  en- 
tendu dire  à  lui-même,  son  parent.  Je  ne  blâme  point, 
dis-je,  Métellus;  mais  je  suis  surpris  qu'il  ait  accablé, 
par  nn  jugement  direct  et  des  plus  rigoureux ,  un 
homme  dont  il  craignait  que  des  commissaires  ne  pré- 
jugeassent la  cause.  Et  d'abord ,  s'il  pensait  qu' Apro- 
nins serait  absous,  avait-il  à  craindre  qu'on  préjugeât 
la  cause  de  son  ami?  Ensuite,  s'il  s'attendait  à  voir 
tout  le  monde  bien  persuadé  que  la  condamnation 
d' Apronins  était  liée  avec  la  cause  de  Verres ,  il  jugeait 
donc  déjà  qne  leurs  causes  étaient  inséparables,  puLs- 

*  Le  mot  panchrtsto  est  dérivé  de  irS,y,  omne,  et  d« 


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i8o  IN  A7ERKEM  ACT.  H,  LIB.  Ill, 

futurum.  Et  simul  una  res  atrique  rei  est  argu-  ' 
mento  :  et  aratores  tî  et  metu  coactos  Apronio 
multo  plus,  qnam  debuerint,  dédisse;  et  Apro- 
nium  istius  rem  suo  nomine  egisse,  quum  L.  Me- 
tellus  statuent,  non  posse  Apronium  condemnari, 
quin  simul  de  istius  scelere  atque  iraprobitate 
judicaretur. 

LXVI,  Venio  nunc  ad  epîstolam  Timarcbidis , 
libertl  istius  et>accensî  :  de  qua  quum  dixero,  to- 
tum  boc  crimen  decumanum  '  peroraro.  Hœc  epis- 
tola  est»  judices,  quam  nos  Syracusis  in  sedibus 
Apronii,  quum  litteras  conquireremus,  invenimus. 
Missa  est,  ut  ipsa  significat,  ex  itinere,  quum 
Verres  jam  de  provincia  decessisset,  Timarcbidis 
manu  scripta.  Recita  epistolam  Timarcbidis.  Ti- 

MARCHIDBS    VeRRIS    ACGBNSUS    ApROITIO   SALUTRK 

DiciT.  Jam  boc  quidem  non  reprebendo,  quod 
adscripsit,  Accensus.  Cur  enim  sibi  boc  scrib» 
soli  sumant ,  L.  Papirius  scbiba  ?  Volo  ego  boc 
esse  comnmne  accensorum ,  lictonim ,  viatorum. 

FaC   DILIGEITTIAM   ADHIBK48  ,  QUOD  AD  EXISTIAIA- 

TioifEM  PBATOBis  ATTiHET.  Commcndat  Apronio 
Verrem ,  et  bortatur,  ut  inimicis  ejus  résistât.  Bono 
prssidio  munitur  existimatio  tua;  si  quidem  in 
Apronii  constituitur  diligentia  atque  auctoritate. 

HaBBS    VTRTUTEM     ATQUE     ELOQUEN  TIAM.     Quam 

copiose  laudatur  Apronîus  a  Timarcbide  ?  quam 
magnifiée  ?  cui  ego  non  putem  illum  placere  opoi^ 
tere ,  qui  tantopere  Timarcbidi  probatus  sit  ?  Ha- 

■  Ita  GrcBvius  e  suis  mss,,  et  Jirmant  re^.  Fulg.  per- 
urabo. 


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SEC.  ACTION  CONTJRE  VERRES,  III.  i8i 
qa'îl  a  déclaré  qae  la  condamnatîoii  d^Apronins  for- 
merait un  préjngé  contre  "Verres.  Ce  seul  acte  prouve 
eu  même  temps  deux  choses  :  et  que  les  cultivateurs , 
forcés  par  la  crainte  et  la  violence,  ont  donné  à  Apro- 
^us  beaucoup  plus  qu^îls  ne  devaient ,  et  qulApronias 
prêtait  son  nom  à  Verres ,  puisque  L.  Métellus  a  dé- 
claré qu'on  ne  pouvait  condamner  Tun  sans  pronon- 
cer contre  la  cupidité  et  les  malversations  de  Tautre. 

LXVI.  Je  viens  maintenant  à  la  lettre  de  Timar-  . 
chide , /affranchi  et  huissier  de  Verres;  c^est  parla  que 
je  vais  finir  toute  cette  partie  de  mon  discours  concer- 
nant les  dîmes.  Nous  avons  trouvé  la  letti'e  à  Syracuse , 
dans  la  maison  d^Apronius ,  lorsque  nous  y  avons  fait 
des  perquisitions.  Elle  a  été  envoyée ,  comme  la  lettre 
même  le  prouve,  à  l'époque  où  Verres  avait  déjà  quitté 
sa  province  :  elle  est  écrite ,  durant  le  voyage ,  de  la 
main  même  de  Timarchide.  Lisez  la  lettre  de  Timar- 
cfaide.  Timarchide  ,  huissier  de  Verres  ,  a  Aproitius  , 
SALUT.  Je  ne  trouve  p^  à  redire  qu'il  ait  mis  son  titre 
à  la  tête  de  sa  lettre  ^^.  Pourquoi  les  greffiers  s'arroge- 
raient-ils seuls  un  pareil  droit?  L.  Papirius,  gref- 
fier. Je  veux  que  les  huissiers ,  les  appariteurs ,  les 
licteurs  en  usent  de  même.  Veille  soigneusement  a 

TOUT  CE  qui  intéresse  .LA  REPUTATION  DU  PRETEUR. 

n  recommande  Verres  à  Apronii^s ,  et  l'exhorte  à  le 
défendre  avec  zèle  contre  ses  ennemis.  Votre  réputa- 
tion ,  Verres ,  est  bien  à  couvert  et  bien  défendue , 
puisqu'elle  est  confiée  à  la  vigUance  et  au  crédit 
d'Apronius.  Tu  as  diï  courage  et  de  l'éloquence. 
Quels  éloges  pompeux  et  magnifiques  Timarchide  , 
donne  à  Apronius  !  Qui  oserait  trouver  quelque  chose 
à  reprendre  dans  un  homme  si  estimé  de  Timarchide  ? 

Tu  ES  EN  ÉTAT  DE  PRODIGUER  l'oR.  Oui ,  Sans  doUtC, 

Timarchide  et  Verres ,  vous  avez  fait  sur  les  blés  des 

VTtt.  l6 


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i82  IN  YERREM  ACT.  H,  MB.  m. 

BKS,  8UKTUM  UNDE  FACiAS.  Necesse  est ,  ^quod 
'  redimdaiit  de  vestro  framentario  qusestu ,  ad 
illam  potissimmn ,  per  quem  agebatis ,  deflnxisse. 

SCBIBAS,  APPARITORES  RKGEKTES  ARETPB  ;  CUM 
L.  VULTEIO*,  QUI  PLURIMUII  POTEST,  C£OE  ,  CON- 

ciDE.  Yidete,  quam  valde  malitiœ  sus  confidat 
Timarchidesy  qui  etiam  Apsonio  iraprobitatis  prse- 
cepta  det.  Jam  hoc,  cjede,  concide,  '  non  verba 
domo  patroni  depromere  yidetur,  ad  omne  genus 
nequitisB  acoommodata  ?  Yolo ,  mi  frater  ,  fra- 
TERCULO  Tuo  CREDAS.  Consortî  quîdem  in  Incris 
atque  furtis  gemino  et  simillimo  nequitia,  impro- 
bitate,  audacia. 

LXYII.  In  cohorte  carus  Habebere.  Quid.6st 
hoc,  tir  COHORTE?  quo  pertinet  ?  Apronium  doces? 
quid  ?  in  Testram  cohortem ,  te  monitore ,  an  sua 
sponte  pervenerat?  Quod  cuique  opus  sit,  op- 
poiTE.  Qua  impudentia  putatis  enm  in  domina- 
tione  fuisse ,  qui  in  fuga  tam  improbus  sit  ?  ait , 
omnia  pecunia  effici  posse  :  '  da ,  profùnde ,  op. 
pone,  si  vclis  vincere.  Non  hoc  mihi  tam  molestum 
est ,  Apronio  suadere  Timarchidem ,  quam  quod 
hoc  idem  patrono  suo  prsecîpit.  Te  postulaitte 
omnEs  ymcERB  soleitt.  Yerre  quidem  prstore, 
non  Sacerdote,  non  Peducxo,  non  hoc  ipso  Me- 
tello.  Scis  Meteixubc  jtAPiEnTEM  esse.  Hoc  vero 
ferri  jam  non  potest,  irrideri  viri  optimi ,  L.  Me- 
telliy  ingenium ,  et  contemni  ac  despici  a  fugitivo 

'  MaU  ante  Lamhinum,  redundaret.  —  '  Em.  restituit 
-vêtus  non ,  pro  nonne ,  quod  e  ms.  Nann.  receptum  est, 
Illud  efficaàiis.  —  ^  Hotomanni  lectio.  Fulg.  dare ,  pro- 
fundere,  o^^ponere,  Laml/in.  nmlit ,  profùnde re  oportere. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  in.  i83 
gains  si  considérables ,  que  rotre  excédant  doit  néces- 
sairement s*étre  répanda  sur  le  ministre  de  vos  mal- 
versations. Saisis-toi  des  itouveaux  greffieilï  et 

APPARITEURS  ;   COUPE  ,    TAII.LE    AVEC   L.    TuLTÉIUS  *'  , 

QUI  PEUT  BEAUCOUP.  Toycx  combicn  Timarchide 
compte  sur  ses  talents ,  paisqn'il  donne  des  leçons  de 
perversité  à  Âpronins  lui-même  !  Ces  paroles ,  coupe  , 
TAILLE ,  ne  paraît-il  pas  les  tirer  de  la  maison  de  son 
maître ,  comme  pouvant  s'appliquer  k  toute  criminelle 
manœuvre?  Je  veux  que  tu  en  croies  ton  bon  ami, 
TON  VRÈRE.  Son  compaguon  du  moins  dans  les  gains 
iniques  et  dans  les  vols  ;  son  semblable ,  son  égal  en 
infamie ,  en  méchanceté,  en  audace. 

LX'VU.  Tu  SAURAS  te  rendre  cher  a  la  nouvelle 
cour.  Qu'est-ce  à  dire,  ▲  la  nouvelle  cour?  à  quoi 
tendent  oes  mots,  Timarchide?  instruisez-vous  Apro- 
nins? est -ce  par  vos  conseils  ou  de  lui-même  qu'il 
était  enu^  dans  la  cour  de  votre  préteur  ?  Emploie 

LES  MOYENS  LES  PLUS   PROPRES  A  SEDUIRE.  Qucllc  im- 

podenoe  ne  devait  pas  avoir  dans  sa  domination  un 
homme  qui  se  montre  si  ef&onté  dans  sa  fuite  ?  Il  dit 
qu'on  peut  tout  faire  avec  de  Targent  :  donne ,  pro- 
digue,  séduis,  si  tu  veux  triompher.  Ce  conseil  de  Ti- 
marchide à  Apronius  me  révolterait  moins  s'il  ne  don- 
nait pas  les  mêmes  leçons  à  son  maître.  On  est  tou- 
jours SÛR  DE  l'emporter  QUAND  TU  SOLLICITES.  Ouî, 

SOUS  la  préture  de  Terres,  mais  non  sous  celle  de  Sa- 
cerdos ,  de  Péduoéus ,  de  Métellus  lui-même.  Tu  le 
SAIS ,  Métellus  est  un  homme  de  sens  ^^.Toilà  ce  qui 
ne  peut  plus  se  souffrir,  qu'un  esclave  fugitif,  un  Ti- 
marchide, se  permette  de  plaisanter  sur  un  homme 
aussi  vertueux  que  Métellus,  qu'il  attaque  son  esprit, 
qu'il  le  tourne  en  ridicule.  Si  tu  as  pour  toi  "Vul- 
tAius,  tu  feras,  en  tb  jouant,  tout  ce  que  tu  vou- 


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1^4  IN  TERREM  ACT.  II,  LIB.  lU. 

Timarchide.  Si  Vultkium  habebis,  oMiri4  ludï- 
BUNDUS  coiTFiGiES.'  Hic  veliementcr  errât  Timar- 
chides,  qui  aut  Vulteium  pecunia  corrumpi  putet 
posse,  ant  Metellutn  unius  arbifratu  gerere  prae- 
turam;  sed  errât  conjectura  domestica  :  quia  mul- 
tos ,  per  se  et  per  alios ,  multa  ludibundos  { libi- 
dinose]  apud  Verrem  effecisse  vidit;  ad  omnes, 
eosdem  patere  aditus  arbitratur.  Facilius  vos  effi- 
ciebatis  ludibundi,  quae  yolebatis  a  Verre ,  q^od 
tnulta  ejus  ludorum  gênera  noratis.  IircuLCàTimi 

EST    MeTELLO   et  VulTEIO  ,   TE   ARàVORES    ETER- 

TissE.  Quis  istuc  Apronio  attribuebat ,  quum  ara- 
torem  aliquem  everterat  ?  aut  Timarchidi ,  quum 
OD  judicandum ,  aut  decernendum ,  aut  imperan- 
dum  aliquid,  aut  remittendum ,  pecuniam  acce- 
perat  ?  aut  Sestio  lictori ,  quum  aliquem  innocen- 
tera securi  percusserat  ?  Nemo  :  omnes  ei  Verri 
tune  attribuebant,  quem  nunc  condemnari  yolunt. 

ObTUDERUIîT    ejus   AURES,   te    SOCIUHf    PR£TORIS 

FUISSE.  Videsne,  hoc  quam  clarum  sit  ac  fuerit, 
quum  etiam  Timarchides  hoc  metuat?  '  conce- 
desne,  non  hoc  crimen  nos  in  te  confingcre,  sed 
jampridem  ad  crimen  aliquam  defensionem  liber- 
tum  quserere  ?  Libertus  et  accensus  tuus ,  et  tibi 
ac  liberis  tuis ,  omnibus  in  rébus ,  conjunctus  ac 
proximuSy  ad  Apronium  scribit,  viilgo  esse  ab 
omnibus  itademonstratumMetello,  tibi  Apronium 
in  decumis  socium  fuisse.  Fac  sciat  improbita- 

TEM  ARATORUM  :  IPSI  SUDABUICT  ,   SI  DII  *  VOLUITT^ 

Quod  i«tuc ,  per  deos  immortales  !  aut  qua  de 

'Concèdes. /ita  mu/f/.  Olive  t.  ^  Lallem.,  Oxonienses  ^ 
e  priscis  edd.  Prœstat  interrogatio.  —  *  Al.  volewt. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  T^ERRÈS,  UI.  i8J 
»RAS.  Ici  Timarchide  se  trompe  de  croire  qae  Yùltéias 
paisse  étrt  gagné  par  argent,  ou  que  Mételltu  se  goa- 
Terne  dans  sa  préture  an  gré  d^on  seul  homme;  mais 
son  erreur,  il  Ta  prise  encore  dans  la  maison  de  son 
maître.  Il  avait  vn  bien  des  gens,  par  loi  ou  par  d^au-* 
très ,  faire  anprès  de  Yerrès ,  en  se  jouant ,  tout  ce  qu'ils 
yonlaient;  il  s'est  imaginé  qu'on  avait  les  mêmes  faci- 
lités de  tons  les  magistrats.-  Yous  obteniez  de  Terres 
tout  ce  que  vous  demandiez ,  facilement ,  en  vous 
jouant,  parce  que  vous  connaissiez,  vous  et  lui ,  bien 
des  espèces  de  jeux.  On  est  venu  a  bout  de  persua- 
der A  MÉTELLUS  ET  A  "VuiTEIUS  QUE  TU  AVAIS  RUINE 

LES  AGRicuLTEUs.  Qul  cst-cc  qui  s'eu  prenait  à  Apro- 
nius ,  lorsqu'il  avait  ruiné  un  agriculteur;  ou  à  Timar- 
cbide,  lorsqu'il  avait  reçu  de  l'argent,  soit  pour  juger 
un  procès ,  soit  pour  décider  une  affaire ,  soit  pour 
donner  des  ordres ,  soit  ponr  accorder  des  grâces  ;  ou 
an  licteur  Sestins  *,  lorsqu'il  avait  tranché  la  tête  à  un 
homme  innocent?  Personne.  Tout  le  monde  s'en  pre- 
nait à  ce  Terres  dont  tout  le  monde  veut  aujourd'hui 
voir  la  condamnation.  Ils  lui   ont   rebattu  aux 

OREILLES  QUE  TU  ETAIS  l' ASSOCIE  DU  PRETEUR.  VoyCZ- 

VOUS,  Terres,  combien  ce  reproche  était  répandu, 
puisque  même  Timarchide  l'appréhende?  M'accorde- 
rez-vous  que  je  ne  forge  pas  à  présent  ce  délit  contre 
vous,  puisque  votre  affranchi  cherchait  dès  lors  à  vous 
en  justifier?  "Votre  affranchi,  votre  huissier,  étroite- 
ment lié  avec  vous  et  avec  votre  fils,  votre  homme  de 
confiance,  écrit  à  Apronius  que  la  voix  publique  a 
dénoncé  à  Métellus  une  association  entre  vous  et 
Apronius  pour  les  dîmes.  Tache  de  l'instruire  de 

LA  MÉCHANCETÉ  DES  AGRICULTEURS;  ILS  s'eN  REPENTI- 
RONT, s'il  plaît  aux  dieux.  Eh!  d'où  vient,  grands 

*Yoj.  in  Ferr.,  V,  43,  45. 


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i86  IN  TERREM  ACT.  Il,  LIB.  IH. 

causa  excitatum  esse  dîcamus  in  aratores  tam  in- 
festum  odium  atque  tantum?  quantam  înjuriam 
fecerunt  Verri  aratores,  ut  eoS  etiam  libertus  et 
accensus  ejus  tam  îrato  animo  his  Htteris  inse- 
quatur? 

LXVIII.  Neque  ego  hujus  fngitiyi,  judîces, 
epîstolam  yobis  recitassem,  nisi  ut  ex  ea  totius 
familiœ  prxcepta ,  et  instîtuta ,  et  discîplinam  cog- 
nosceretis.  Videtis,  ut  moneat  Aproniura?  quibus 
rébus  ac  muneribus  insinuet  in  familiaritatem  Me- 
telli?  Vulteium  corruijnpat?  scribas  accensumque 
pretîo  deliniat?  ea  praecipit,  qu^  yidit;  ea  monet 
alienum  hominem ,  quse  domi  didicit  ipse.  Verum 
in  hoc  errât  uno,  quod  easdem  existimat  yias  ad 
omnium  familiaritates  esse  munitas.  Quanquam 
merito  sum  îratus  Metello;  tamen  haec,  quae  yera 
sunt ,  dicam.  Apronius  ipsum  Metellum  non  pre« 
tio ,  ut  Verrem ,  non  conyiyio ,  non  muliere ,  non 
sermone  '  incauto  atque  improbo  posset  corrum* 
père  :  quibus  rébus  non  sensim  atque  moderate  ad 
istius  amicitiam  adrepserat ,  sed  brevi  tempore 
totum  hominem ,  totamque  ejus  çrœturam  posse- 
derat.  Cohortem  autem  Metelli ,  quam  yocat,  quid 
erat ,  quod  corrumperet ,  ex  qua  *  in  aratorem 
recuperatores  nulli  dabantur?  Nam  quod  scrîbit, 
Metelli fihum puerum  esse,  yehementer errât:  non 
enim  ad  omiies  prœtorum  filios  iidem  aditus  sunt 
O  Timarchide ,  Metelli  est  filius  in  proyincia ,  non 
puer  9  sed  adolescens  bonus  ac  pudens,  dignus  illo 
loco  ac  nomine  :  yester  ille  puer  prœtextatus,  in 

'  Cod.  Nann,,  impuro.  —  *  Addidit  Grœv.  e  mss.  iw 
aratorem.  Hahent  quoque  duo  regii. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  "VERRES,  lU.  i»; 
dienx  !  cette  haine,  cette  animosîté  contre  les  agricul- 
teurs? qnel  si  grand  mal  les  agricnltenrs  ont-ils  fait  à 
Yerrès,  pour  que  même  son  affranchi,  son  huissier, 
les  poursuive  dans  cette  lettre  avec  tant  d'acharne- 
ment ? 

liXTIII.  Je  ne  vous  aurais  pas  fait  lire,  Romains,  la 
lettre  de  ce  vil  esclave,  si  je  n'eusse  voulu  par  là  vous 
faire  connaître  les  principes  et  les  maximes  de  toute  la 
maison  de  Terres.  Voyçz-vous  les  avis  qu'il  donne  à 
Apronius?  voyez-vous  par  quels  moyens,  par  quelles 
largesses  il  lui  conseille  de  s'insinuer  dans  l'amitié  de 
Métellus;  comme  il  lui  recommande  de  corrompre 
Tnltéins,  de  gagner  par  argent  les  greffiers  et  les  huis- 
ûers?  Q  lui  enseigne  ce  qu'il  a  vu;  c'est  un  étranger  à 
qui  il  conseiUe  oe  qu'il  a  appris  lui-même  dans  la  mai- 
son de  son  maître.  Mais  il  se  trompe  en  un  seul  point  ; 
c'est  de  croire  qu'on  parvient  à  l'amitié  de  tout  le 
monde  par  les  mêmes  voies.  Quoique  j'aie  des  raisons 
pour  n'être  pas  «ontent  de  Métellus,  je  dirai  néan- 
moins ce  qui  est  vrai.  Apronius  ne  pourrait  gagner 
Métellas  lui-même,  comme  il  a  &it  Terres,  ni  par  des 
présents,  ni  par  des  festins,  ni  par  des  femmes,  ni 
par  des  propos  obscènes  et  licencieux  :  moyens  par 
lesquels  IL  s'était,  non  pas  insinué  peu  à  peu  et  insen- 
siblement dans  l'amitié  du  préteur,  mais  emparé  aussi- 
tôt de  toute  sa  personne  et  de  toute  sa  prétnre.  Pour  ce 
qu'il  appelle  la  cour  de  Métellus,  quelle  raison  avait-il 
de  la  corrompre ,  puisqu'on  n'en  tii^ait  pas  de  com- 
missaires contre  les  agriculteurs?  Timarchide  écrit 7*^ 
que  le  fils  de  Métellus  n'est  encore  qu'un  enfant;  mais 
il  se  trompe  fort  :  on  n'a  pas  le  même  accès  auprès  de 
tous  les  ôis  de  préteurs.  Non,  Timarchide,  le- fils  de 
'  Métellus,  dans  sa  province,  n'est  pas  un  enfant,  mais 
un  jeune  homme  sage  et   honnête  ,  digne  de  son 


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i88  IN  TERREM  ACT.  II,  LIB.  IH. 

proyincia  quemadmodum  fuisset,  non  dicerem, 
si  pueri  esse  illam  culpam ,  ac  non  patris  existima- 
rem.  Tune,  quum  te  ac  tuam  vitam  nosses,  in  Sîci« 
liam  tecum  grandem  praetextatum  filium  ducebas  ? 
ut  f  etiamsi  natura  puerum  a  paternis  yîtiis ,  atque 
^  generis  similitudine  abduceret ,  consuetudo  ta- 
men  eum  et  disciplina  degenerare  non  sineret? 
Fac  enim  fuisse  in  isto  C.  Lselii,  M.  Catonis  ma- 
teriem  atque  indolem  :  quid  ex  eo  boni  sperari 
âtque  effici  potest ,  qui  in  patris  luxnrie  sic  yixerit , 
Ut  nuUum  unquam  pudicum  neque  sobrium  conyi- 
yium  yiderit  ?  qui  in  epulis  quotidianis ,  adulta 
aetate ,  per  trîennium  inter  impudicas  mulieres  et 
intempérantes  yiros  yersatus  sit  ?  nihil  unquam  a 
pâtre  audierit,  quo  pudentior  aut  melior  esset? 
nihil  unquam  patrem  agere  yiderit,  quod  quum 
imitatus  esset,  non,  id  quod turpissimnm  est,  pa- 
tri  similis  putaretur? 

LXIX.  Quibus  in  rébus  non  solum  fîlîo ,  yerum 
etiam  reipublicae  fecisti  injuriam.  Susceperas  enim 
liberos  non  solum  tibi ,  sed  etiam  patriae  ;  qui  non 
modo  tibi  yolnptati,  sed  etiam  qui  aliquando  usui 
reipublics  esse  possent.  Eos  instituere  atque  eru- 
dire  ad  majorum  instituta,  atque  civitatis  disci- 
<  plinam,  non  '  ad  tua  flagitia ,  neque  ad  tuas  turpi- 
tudines  debuisti.  Esset  ex  inerti,  atque  impuro, 
et  improbo  parente  nayus ,  et  pudens ,  et  probus 
filius  :  haberet  aliquid  abs  te  respublica  muneris. 
Nunc  pro  te  Yerrem  substitui$ti-  alterum  ciyitati  : 
nisi  hoc  forte  deterior  est,  si  fieri  potest,  quod 

'  KestUuimus quatuor  kœc^erba,  quœ  Eniest,  deleverat. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  ni.  189 
rang  et  de  son  nom  :  quant  an  jeune  fils  de  Yerrès, 
je  ne  dirais  pas  comment  il  s'est  comporté  dans  la  pro- 
TÎnce,  si  je  croyais  qne  ce  fat  la  faute  du  fils  et  non 
celié  du  père.  Quoi!  Verres,  vous  vous  connaissiez 
voas-méme,  tous  connaissiez  votre  vie,  et  vous  me- 
niez avec  vous  en  Sicile  un  fils  qui  approchait  de 
Tadolescence,  afin  que,  si  son  caractère  Peut  détourné 
des  vices  de  son  père  et  des  désordres  de  sa  famille, 
rhabitude  et  l'éducation  ne  lui  permissent  pas  de  dé- 
générer! En  lui  supposant  le  naturel  heureux  d'un 
Caton  et  d'un  Lélius,  que  peut-on  attendre  on  que 
peut-on  faire  de  bon  d'un  fils  qui  a  vécu  au  milieu  des 
débauches  de  son  père,  qui  n'a  jamais  vu  de  repas 
honnête  et  sobre,  qui,  durant  trois  ans,  à  son  âge, 
s'est  trouvé  totis  les  jours  à  table  avec  des  femmes  im- 
pudiques et  des  hommes  dissolus,  et  n'a  jamais  rien 
entendu  de  son  père  qui  pût  le  rendre  meilleur  et  plus 
sage,  ne  lui  a  jamais  vu  faire  rien  qne  ce  qu'il  ne  pou- 
vait imiter  sans  s'attirer^ le  honteux  reproche  d'être 
semblable  à  son  père.>^ 

LXIX.  Et  «n  ^la ,  Terres,  vous  avez  fait  tort,  non 
seulement  à  votre  fils,  mais  encore  à  la  république. 
Non,  ce  n'était  pas  pour  vous  seul,  mais  pour  la  pa- 
trie, que  vous  aviez  des  enfants;  ce  n'était  pas  pour 
votre  seul  plaisir,  mais  pour  qu'ils  fussent  un  jour 
utiles  à  l'état.  Vous  auriez  du  instruire  votre  fils  et  le 
former  sur  les  maximes  de  nos  ancêtres,  sur  les  lois 
de  cette  ville,  et  non  sur  vos  infamies  et  sur  vos  désor- 
dres ;  d'un  père  lâche,  dissolu  et  pervers,  nous  au- 
rions un  fils  actif,  sage  et  vertueux;  et  du  moins  la 
république  vous  devrait  quelque  chose.  Mais  vous  lui 
donnez,  pour  vous  remplacer,  un  autre  vous-même  : 
que  dis-je  ?  il  sera  pire ,  s'il  est  possible  ;  car  vous  n'avez 
pas  été  formé,  comme  lui,  à  tous  les  vices  de  la  gran- 


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igo  m  TERREM  ACT.  II,  LIB.  HI. 

tu  ejusmodi  evasisti,  non  in  hominis  luxurîosi , 
sed  tantum  in  foris  ac  divisons  disciplina  edaca- 
tas.  Qnid  isto  festivius  fore  arbitramur,  qai  est 
tuus  natura  fîlius,  consuetadine  discipulus,  to- 
luntate  similis  ?  Quem  ego ,  judices,  qnamyîs  bo- 
num  fortemque  facile  paterer  evadere  :  non  enim 
me  inimiciti»  commovent,  si  qase  mihi  cum  isto 
fiititrsB  sint.  Nam  si  in  omnibus  rébus  innocens 
fuero,  meique  similis,  quid  mibî  istius  inimicitiœ 
uocebunt?  Sin  aliqua  in  re  Verri  similis  fiiero; 
non  magis  mihi  deerit  inimicus ,  quam  Verri  de- 
fuit.  Etenim,  judices,  ejusmodi  respublica  débet 
esse,  et  erit,  seyeritate  judiciorum  constituta,  ut 
inimicus  neque  déesse  nocenti  posât ,  neque  ob- 
esse  innocenti.  Quapropter  nuUa  res  est,  quam- 
obrem  ego  istum  nolim  ex  paternis  probris  ac  yitiif 
emergere.  Id  quqd  tametsi  isti  difficile  est,  tamen 
haud  scio  an  fieri  possit  :  praesertim  si,  ut  nunc 
fit,  custodes  amicorum  eum  sectabuntur;  quoniam 
pater  tam  neglîgens  ac  dissolutus  «st.  Verum  hue 
longius,  quanl  voluntas  fuit,  ab  epistola  Timar- 
chidis  degréssa  est  oratio  mea.  Qua  recitata ,  con- 
clusurum  me  esse  crimen  decuraanim  dixeram  : 
ex  quo  intellexistis,  innumerabilem  frumenti  nu- 
merum  per  triennium  ayersum  a  republica  esse , 
ereptumque  aratoribus. 

\ 
LXX.  Sequitur ,  ut  de  frumento  emto  yos ,  ju- 
dices, doceam,  maximo  atque  impudentissimo 
furto  :  de  quo  dum  certa,  et  paUca,  et  magna 
dicam  breyiter,  attendite.  Frumentum  emere  in 
Sicilia  debuit  Verres  ex  senatusconsulto ,  et  ex 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  III.  tgi 
denr  et  de  la  fortane;  vom  n'aviez  pour  modèle  qa'un 
volenr  des  deniers  pvblics,  nn  contiptear  de  suffrages. 
Qae  ne  deyons*noiis  pas  attendre  de  ce  jeone  homme, 
votre  fils  par  la  naissance,  votre  disciple  par  Thabi- 
tode  de  vons  imiter,  votre  semblable  par  le  caractère? 
Ce  n^est  pas  qne  je  ne  le  visse  avec  plaisir,  Romains > 
devenir  sage  et  vertnenx  :  je  m'inqniète  pen  de  l'ini- 
mitié qni  pourra  exister  entre  lui  et  moi.  Si  je  me 
montre  intègre  dans  tontes  les  circonstances  de  ma 
vie,  Il  je  ne  me  démens  pas,  en  qnoi  son  inimitié 
ponrra-t-elle  me  nnire?  Mais  si  je  ressemble  en  quel- 
que chose  à  Terres ,  je  ne  manquerai  pas  plus  d'enne- 
mis qu'il  n'en  a  manqué  hû-méme.  En  effet,  Romains, 
la  république  doit  être  assez  bien  constituée  (et  elle 
le  sera  avec  de  sévères  tribunaux)  pour  qu'un  cou- 
pable ne  puisse  manquer  d'ennemis,  et  qu''un  ennemi 
ne  puisse  nnire  à  un  homme  innocent.  Je  n'ai  donc 
aucune  raison  pour  ne  pas  vcraloir  qne  le  fils  de  Ver- 
res renonce  aux  désordres  et  aux  vices  de  son  père.  La 
chose  est  difficile,  mais  peut-être  n'est-elle  pas  im- 
possible, surtout  s'il  continue  d'être  sur vçillé ,  comme 
à  présent,  par  les  amis  de  son  père,  puisque  le  père 
lui-même  est  d'une  si  lâche  indifférence.  Mais  je  me 
suis  écarté ,  plus  que  je  ne  voulais,  de  la  lettre  de  Ti- 
marchide.  J'avais  promis  de  terminer  par  cette  lecture 
ce  qni  regarde  le  blé  dùnê  :  vous  avez  vu,  Romains, 
quelle  immense  quantité  de  grains  Verres  a ,  pendant 
trois  ans,  soustraite  ainsi  à  la  république  et  enlevée  aux 
cultivateurs. 

LXX.  Je  dois  vous  parler  maintenant  du  blé  acheté , 
c'est-à-dire  du  vol  de  Verres  le  plus  efironté  et  le  plus 
grave.  Je  traiterai  brièvement  cette  seconde  partie: 
soyez  attentifs ,  je  vous  en  conjure  ;  je  ne  dirai  rien  qui 
lie  soit  aussi  important  qu'incontestable.  Verres  devait 


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UJ7L  IN  VERREM  ACT.  II,  LIB.  m. 
lege  Terentia  et  Cassia  frumentaria.  Emundi  duo 
gênera  fuerunt  :  unum  '  alterarum  decumarum  ; 
alternm,  quod  praeterea  civitatibus  squaliter  es- 
set  *  distributum.  Illius  decumani  tantum,  quan- 
tum ex  primis  decumis  fuisset  ;  hujus  imperatî 
tritici  modium  loccc  millia.  Pretium  autem  con- 
stitutum  decumano  in  modios  singulos  H-S  terni  ; 
imperato  H-S  tiii.  Ita  in  frumentum  imperatum 
H-S  bis  et  tricies  in  annos  singulos  Verri  éi/scer- 
nebatur,  quod  aratoribus  solveret  ;  in  altéras  de- 
cumas  ferme  ad  nonagies.  Sic  per  triennium  ad 
hanc  frumenti  emtionem  Siciliensem  prope  cen* 
ties  et  tricies  erogatum  est.  Hanc  pecuniam  tan- 
tam,  datam  tibi  ex  aerario  inopi  atque  exbausto; 
datam  ad  frumentum,  hoc  est,  ad  necessitatem  sa- 
lutis  et  vit»;  datam,  ut  Siculis  aratoribus,  quibus 
tanta  onera  respublica  imponeret,  solveretur;  abs 
te  sic  laceratam  esse  dico ,  ut  possim  illud  pro- 
bare,  si  velim ,  omnem  te  banc  pecuniam  dpmum 
tuam  avertisse.  Et'enim ,  sic  banc  rem  totam  admi- 
nistrasti ,  ut  boc ,  quod  dico ,  probari  aequissimo  ju- 
dici  possit.  Sed  ego  babebo  rationem  auctoritatis 
mese  :  meminero,  quo  animo,  quo  consilio  ad  causam , 
publicam  accesserim.  Non  agam  tecum  accusato- 
rie  :  nibil  fingam  :  nibil  cuiquam  probari  velim , 
me  dicente ,  quod  non  ante  mibimet  ipsi  proba- 
tum  sit.  In  bac  pecunia  publica,  judices,  hsec  in- 
sunt  tria  gênera  furtomm  :  primum,  quum  posita 
csset  pecunia  apud  eas  societatçs,  ùnde  erat  attri- 

'  Sic  lîotottianni  n^etus  liber ,  idque  acUtruunt  duo  e 
Paris.  Mss.  F'ulg.  ceterarum.  —  '  Ernest,  conjicit,  de- 
frriptuiD.  Probat  fVyttenhach.  Schutz  admisU. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  ni.  193 
acheter  da  blé  dans  la  Sicile  en  yerta  d^an  sénatas-con- 
snlte ,  en  verta  des  lois  Térentia  et  Cassia  concernant 
les  blés.  Il  est  deux  sortes  de  blés  qn^on  achète  :  c'est 
on  nne  seconde  dime  qu'on  oblige  de  vendre,  on  une 
certaine  quantité  de  grains  qui  doivent  être  aussi  ven- 
dus, répartie  en  jv^te  proportion  sur  toutes  les  villes. 
La  quantité  de  blé  de  la  seconde  dîme  est  réglée  sur  la 
première;  l'autre  sorte  de  blé  consiste  en  huit  cent 
mille  boisseaux  ^  '  que  nous  achetons  tous  les  ans.  Le 
prix,  pour  l'un,  est  fixé  à  trois  sesterces  par  chaque  bois« 
seau;  îL.est  ûjjé  à  quatre  pour  l'autre.  Ainsi,  pour  ce 
dernier,  on  donnait  à  Verres,  chaque  année,  trois 
millions  deux  cent  mille  sesterces  ^^  qu'il  devait  payer 
aux  agriculteurs;  on  lui  en  donnait,  pour  le  premier, 
environ  neuf  millions.  Vous  voyez  que,  pendant  trois 
ans,  on  a  assigné  à  Verres ,  pour  tons  les  achats  de  blé  en 
Sicile,  près  de  trente-sept  millions  de  sesterces  '  '.  Cette 
somme  immense  ,  une  somme  donnée  au  préteur  sur 
un  trésor  pauvre  et  épuisé ,  donnée  pour  acheter  du 
blé ,  pour  fournir  à  notre  subsistance ,  aux  premiers 
besoins  de  la  vie,  donnée  pour  payer  les  agrictdteurs 
siciliens  auxquels  la  république  imposait  de  si  grandes 
charges,  je  le  soutifns,  Verres,  vous  l'avea  tellement 
dissipée,  que  je  puis  vous  convaincre,  si, je  le  veux, 
de  l'avoir  détournée  et  transportée  tout  entière  dans 
votre  maison  :  car ,  d'après  la  manière  dont  vous  l'avez 
administrée,  je  puis,  sans  peine,  démontrer  ce  que 
j'avance  à  tout  juge  équitable.  Mais  je  considérerai  ce 
que  je  me  dois  à  moi-même;  je  me  rappellerai  dans 
quel  esprit ,  dans  quelle  vue  je  me  suis  chargé  de  cette 
cause  publique.  Je  ne  vous  traiterai  pas  en  accusateur; 
je  ne  supposerai  rien;  je  ne  chercherai  à  rien  persua- 
der à  personne  que  je  ne  me  sois  auparavant  persuadé 
à  moi-même.  Dans  cette  somme  donnée  sur  le  trésor , 


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194  IN  TERREM  ACT.  II,  LIB.  IH/    • 

buta,  binis centesimis  fœneratus  est;  deinde , per- 
inultis  cWitatibus  pro  frumento  nihil  solvit  om- 
nino;  postremo,  si  cui  civltatî  solvit,  tantum 
detraxit,  quantum  commodum  fuît;  nulli,  quod 
debitum  est,  reddidit. 

LXXI.  Ac  primum  hoc  ex  te  quaro  ;  [tti] ,  cui 
publicani  ex  Carpinatii  litterîs  gratias  egerunt; 
pecunia  publica  ex  œrario  erogata ,  ex  yectigalibus 
populi  roitiani  ad  emendum  frumentum  attributa , 
fueritne  tjbi  quaestui?  pensitaritne  ttbi  binas  cen- 
tesimas?  Credo  te  negaturum  :  turpis  enim  est  et 
pericnlosa  confessio.  Mihi  autem  hoc  perarduum 
est  demonstrare  :  quibus  enim  testibus  ?  publica- 
nis  ?  tractati  bonorifice  sunt  :  tacebunt.  '  Litteris 
eorum  ?  décrète  decumanôrum  remet»  sunt.  Quo 
me  igitur  vertam  ?  rem  tam  improbam ,  crimen 
tant»  audacisB,  tantseque  impudentiœ,  propter 
inopiam  testium  ac  iitterarum  prœtermittam  ?  Non 
faciam ,  judices.  Utar  teste  :  quo  ?  L.  Vettio  Chi- 
lone,  homine  equestris  ordinis  faonestissimo  atque 
omatissimo  :  qui  isti  ita  amicus  et  necessarius  est , 
ut,  etiamsi  vir  bonus  non  esset,  tamen,  quod 
contra  istum  diceret ,  grave  videretur  ;  ita  vir 
bonus  est ,  ut ,  etiamsi  inimicissimus  isti  esset , 
tamen  ejus  testimonio  credi  oporteret.  Admiratur 
et  exspectat ,  qnidnam  Vettius  dictùrus  sit.  Nihil 
dicet  ex  tempore  ;  nibil  ex  sua  voluntate  ;  •  nihil , 
ut  ei  utrumyis  ^licuisse  -videatur.  Misit  in  Sici- 

'  Litterae ,  et  supra ,  pnblicani  tractati.  Sed  reeepimus, 
Ernestio  duce ,  lectionem  a  Lamb.  e  mss,  enttam.  Deinde 
legimus  cum  multis  post  Manutium,  "L.  pro  P.  Vettio. — 
'  Inserunt  quidam  fieri ,  quod  nutlus  agnoscU  e  reg.  mss. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  AHERRÈS,  III.  igS 
je  Tois,  Romains,  trois  espèces  de  vols.  D^abord  Ter- 
res Tayaut  placée  sar  les  compagnies  ^^  changées  de  la 
loi  fournir,  en  a  tiré  nn  intérêt  de  deux  centièmes; 
ensuite  il  n^a  rien  payé  à  la  plupart  des  villes  pour  le 
blé;  enfin,  s'il  a  payé  9  quelques  villes^  il  a  retenu  de 
la  somme  tout  ce  qu^U  a  voulu  ;  il  n'a  remis  à  fiucune 
d'elles  ce  qu'il  devait  lui  remettre. 

LXXI.  Et  d'abord,  Verres,  je  vous  le  demande,  à 
vous  7^  à  qui  les  fermiers  de  nos  domaines  ont  fait  des 
remercîments  d'après  la  lettre  de  Carpiuatius;  avez- 
vous  trafiqué  d'un  argent  public^  qcd  vous  était  assigné 
sur  le  trésor,  sur  les  revenus  du  peaple  romain,  qui 
vous  était  donné  pour  acheter  du  blé?  cet  argent  vous 
a-t-Q  rapporté  deux  centièmes?  Vous  le  nierez,  je  n'en 
doute  pas  ;  l'aveu  en  serait  aussi  honteux  que  dange- 
reux. Je  sens  combien  il  m'est  difficile  de  prouver  ce 
chef  d'accusation.  Quels  témoins  emploierai- je?  les  fer- 
miers de  nos  domaines?  mais  Yerrès  les  a  traités  avec 
honneur  :  ils  se  tairont.  Produirai-je  des  lettres?  mais 
elles  ont  été  soustraites  d'après  un  arrêté  des  décima- 
tenrs.  Que  ferai-je  donc?  faute  de  témoins  et  de  lettres, 
abandonnerai-je  un  délit  aussi  grave,  qui  annonce 
tant  d'audace  et  tant  d'impudence?  Non,  sans  doute. 
Je  prendrai  pour  témoin....  Qoi?  L.  Tettius  Chilon, 
de  l'ordre  équestre,  personnage  d'un  rare  mérite  et 
d'une  haute  considération.  Il  est  allié  de  Terres,  et 
son  ami  si  intime  que ,  quand  même  il  ne  serait  {fas 
honnête  homme,  ce  qu'il  attesterait  contre  lui  serait 
d'un  très  grand  poids;  mais  il  est  si  honnête  homme 
que,  quand  même  il  serait  son  ennemi  déclaré,  on 
devrait  ajouter  foi  à  sa  déposition.  Verres  pavait  in- 
terdit; il  est  impatient  de  savoir  ce  que  dira  Vettîns. 
n  ne  dira  rien  pour  la  circonstance ,  rien  de  sa  propre 
volonté;  rien  de  manière  qu'il  soit  librç  de  le  dire  ou 


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196  m  \ERREM  ACT.  II,  LIB.  III. 

liam  litteras  ad  Carpinatium,  quum  esset  magîster 
scriptorsB,  et  ejus  societatis  publicanorum  ;  quas 
ego  Syracusis,  apud  Carpinatium  in  litterarum 
allatarum  libris ,  Romse  ,  in  litterarum  missarum 
apud  magistrum  Tuliium  ,  familiarem  tuum,  in- 
veni  :  quibus  ex  litteris  impudeutiam  fœneratio- 
nis ,  quaeso ,  cognosclte.  Litt«rje  MissiE  L.  Vbt- 
Tii,  »  L.  Servïlïi,  C.  Awtistii,  magistborum. 
Prassto  se  tibi  ait  futurum  Yettius ,  et  observatu- 
rum,  quemadmodum  rationes  ad  serarium  referas  : 
ut,  si  banc  ex  fœnore  populo  pecuniam  non  retu- 
leris,  reddas  societati.  Possumus  hoc  teste,  pos- 
sumus  L.  Servilii  et  C.  Antistii,  magistrorum, 
'litteris,  primornm  hominum  atqne  honestissi- 
morum  ,  possumus  auctoritate  societatis ,  eu  jus 
litteris  utimur,  quod  dicimus,  obtinere?  an  «H- 
qua  firmiora ,  aut  graviora  quaerenda  sunt  ? 


LXXII.  Vettius,  tuus  familiari^simus ;  Vettius, 
tuus  afjûnis,  cujus  sororemhabes  in  matrimouio; 
tuae  fraèer  uxoris  Vettius,  frater  tui  quaestoris, 
testatur  impudentissimum  tuum  furtum,  cerdssi- 
mumque  pecuiatum  :  nam  quo  alio  nomine  pe- 
cuniae  publicae  fœneratio  est  appellanda?  Recita 
RELiQUA.  Scribam  tuum  ^dicit,  Verres,  hujus 
perscriptorem  fœnerationis  fuisse  :  ei  quoque  ma- 

■  Alii,  interquos  Lallem.,  habetit  P.  —  *  Ferbum  hoc 
sine  causa  Ernest,  deleverat.  —  '  Ernest,  reposait  dicunt. 
Sed  dicit  Fettius. 


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SEC.  ACTÏON  tONTRE  VERRES,  III.  197 
de  ne  pas  le  dire.  H  a  écrit  une  lettre  en  Sicile  à  Car- 
pînatins,  lorsqu'il  était  chef  d'nne  compagnie  de  fer- 
miers, chef  de  la  ferme  des  pâtorages  publics.  J'ai 
trouvé  cette  lettre  à  Syracase  chez  Carpinatias,  parmi 
plnâeurs  antres  lettres  envoyées  de  Rome  ;  je  l'ai  trou- 
vée à  Rome  parmi  les  copies  des  lettres  écrites  en  pro- 
vince, chez  Tullins,  un  des  chefs  de  la  ferme,  ami  in- 
time de  Verres.  Voyez,  je  vous^prie,  Romains,  par 
cette  lettre,  avec  quelle  impudence  il  a  mis  à  intérêt 
pour  Ini-inéme  l'argent  du  trésor.  Lettre  de  L.  Vet- 
Tius,  L.  Servilius,  C.  Awtistius,  chefs  de  la  ferme. 
Vous  l'entendez ,  Verres ,  Vettius  dit  qu'il  suivra  vos 
démarches;  qu'il  examinera  comment  vous  rendrez 
vos  comptes  an  trésor  :  '  si  vous  ne  remettez  pas  au 
peuple  l'argent  que  vous  aura  produit  l'intérêt,  il  vent 
que  vous  le  rendiez  à  la  ferme.  Pouvons-nous,  avec  ce 
témoin,  pouvons-nouâ ,  avec  la  lettre  de  L.  Servîllus 
et  de  C.  Antistius ,  chefs  de  la  ferme ,  personnages  de 
la  première  distinction ,  pouvons-nous  ,  avec  le  té- 
moignage de  la  ferme  dont  nous  produisons  les  lettres, 
pouvons- nous,  dis-je,  prouver  ce  que  nous  avançons? 
on  faut-il  chercher  des  preuves  plus  fortes  et  plus 
imposantes.' 

LXXII.  Vettius,  votre  intime  ami;  Vettius,  votre 
allié,  dont  vous  avez  épousé  la  sœur;  Vettius,  frère 
de  votre  épouse ,  frère  de  votre  questeur ,  dépose  con- 
tre vons  du  vol  le  plus  impudent ,  du  pécnlat  le  plus 
avépé  :  car  quel  antre  nom  donner  au  crime  d'un  pré- 
teur qui  place  à  usure  les  deniers  publics  ?  Lisez  la 
suite  de  liA  lettre.  Vous  venez  de  l'entendre.  Ver- 
res, Vettius  dit  que  votre  greffier  a  rédigé  les  condi- 
tions de  ce  trafic;  les  chefs  de  la  ferme  le  menacent 
aussi  dans  leur  lettre.  Les  deux  chefs  de  la  ferme ,  asso- 
ciés pour  lors  à  Vettius ,  étaient  par  hasard  greffiers. 


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iqS  m  VERREM  ACT.  II,  LIE.  HI. 

gistri  minantur  in  litteris.  Etenim  casu  [scribas] 
tum  duo  magistri  faertmt  cum  Vettio.  Binas  cen- 
tesimas  ab  se  ablatas  ferendum  non  putant  :  et 
recte  non  putant.  Qui  s  enim  hoc  fecît  unquam? 
qui  s  deniqne  conatus  est  facere ,  aut  posse  fieri 
cogitavit ,  ut ,  quum  senatus  publicanos  '  usura 
sœpe  juvisset,  magistratus  a  publicanis  pecuniam 
pro  usuris  auderet  auferre?  Certe  buic  horaini 
spes  nulla  salutis  esset,  si  publicani,  hoc  est,  si 
équités  romani  judicarent.  Mînor  esse  nunc ,  judi- 
ces,  vobis  discept^tibus,  débet;  et  tanto  minor, 
quauto  est  honestius ,  alienis  injuriis,  quam  re  sua 
coramoveri.  Quid  ad  hase  respondere  cogitas  ? 
Utrum  factum  negabis  ?  au  tibi  hoc  licitum  esse 
défendes?  Negare  qui  potes?  an  ut  tanta  auctori- 
tate  litterarum,  tôt  testibus  publicanis  conyiscare? 
Licuisse  vero  qui  ?  si  niehercule  te  pecuniam 
tuam ,  ^  non  populi  romani ,  ii»  provincia  fœnera- 
tum  docerem,  tamen  effugere  non  posses  :  sed  ' 
piiblicam  y  sed  ob  frumentum  decretam ,  sed  a  pu- 
blicanis fœnore  accepto  ;  hoc  licuisse  cuiquam 
probabis  ?  quo  non  modo  ceteri ,  sed  tu  ipse  nihil 
audacius  improbinsque  fecisti.  Non  mehercule 
hoc,  quod  omnibus  singulare  videtur,  de  quo 
mihi  deinceps  dicendum  est ,  possum ,  judices  ; 
dicere  audacius  esse,  aut  irapudentius,  quod  per- 
multis  ciyitatibus  pro  frumento  nihil  solyit  om- 
nino  :  major  haec  prxda  fortasse  est;  sed  illa  im- 

'  Gronovius,  de  pecunia  vet.»  IV,  3,  malebat  rersora 
saepe  juvisset.  —  *  Schiiiz,  e  Lamàini  margine,  praeto- 
rem  p,  r.  Quod  paucis  placebù. 


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SEC.  ACTION  CONtRE  VERRES,  Ul.  iç^ 
lâs  sont  fort  mécontents  qu'on  lear  ait  arraché  deux 
centièmes;  et  leur  mécontentement  est  fondé  :  car  qui 
jamais  se  permit  une  pareille  malversation?  Quel  ma- 
gistrat entreprit  jam^,  on  crut  qu'il  fut  possible 
de  tirer  de  l'argent,  à  titre  d'intérêt ,  des  fermiers  de 
nos  domaines ,  à  qui  le  sénat  laissa  plus  d'une  fois 
un  argent  public  '*  pour  les  soulager  ?  Non ,  certes , 
"Verres  n'aurait  aucun  espoir  d'être  absous ,  s'il  était 
jugé  par  les  fermiers  de  nos  domaines,  c'est-à-dire  par 
les  chevaliers  romains.  Il  doit  avoir  encore  moins  d'es- 
poir étant  accusé  devant  des  sénateurs ,  qui  le  traite- 
ront d'autant  plus  rigoureusement,  qu'il  est  plus  beau 
d'être  touché  des  torts* faits  à  autrui,  que, de  ceux  qui 
nous  regardent.  Que  pouvez-vous  répondre ,  Verres, 
à  ces  reproches?  Nierez-vous  le  fait,  ou  entreprendrez- 
vous  de  justifier  votre  conduite?  Pouvez-vous  nier  le 
fait ,  lorsque  vous  êtes  convaincu  par  une  lettre  d'une  ^ 
pareille  autorité,  par  tant  de  témoins  pris  parmi  les 
fermiers  de  nos  domaines?  Essaierez-vous  de  justifier 
votre  conduite  ?  Certes,  si  je  montrais  que,  dans 
votre  province,  vous  avez  fait  valoir  votre  argent, 
et  non  celui  du  peuple  romain,  vous  ne  pourriez 
échapper:  mais,  qu'il  vous  fut  permis  de  faire  valoir 
l'argent  de  notre  trésor,  un  argent  qui  vous  était 
donné  pour  le  blé,  un  argent  dont  vous  avez  fait  payer 
l'intérêt  à  la  ferme,  à  qtû  le  persuaderez- vous?  Je  ne 
parle  pas  des  autres;  vous-même,  vous  ne  fîtes  jamais 
rien  qui  portât  un  plus  grand  caractère  d'effronterie  et 
de  perversité.  Non,  Romains,  je  ne  puis  dire  que  le 
délit  dont  je  vais  bientôt  vous  entretenir,  ^de  n'avoir 
absolument  rien  payé  au  plus  grand  nombre  des  villes 
,  pour  leur  blé  ;  je  ne  puis  dire  que  ce  délit ,  tout  étrange 
qu'il  paraisse,  annonce  plus  d'audace  et  plus  d'impu- 
dence. Le  vol  est  plus  considérable  peut-être;  mai» 


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aoo  m  VEKREM  ACT.  II,  LIB.  III. 

pudentia  certe  non  minor.  Et,  quoniam  de  illa 
fœneratione  satis  dictum  .est,  nunc  de  hac  tota 
pecunia  aversa,  quseso,  cognoscite. 

LXXIII.  Siciliae  civitates  multse  sunt,  judices, 
ornatsB  atque  honestas  :  ex  quîbus  in  primis  nuine- 
randa  est  ciyitas  Halesina.  Nullam  enim  reperietis 
aut  ofBciis  fideliorem ,  aut  copiis  locupletiorem , 
aut  auctoritate  gra^iorem.  Huic  iste  in  annos  sin- 
gulos  quum  sexaginta  tritici  millia  niodium  impe- 
ravisset,  pro  tritico  nummos  abstulit,  quanti  erat 
in  Sicilia  triticum  :  quos  de  publico  nummos 
acceperat ,  retiuuit  omues.  Obstupui ,  judices  , 
quum  hoc  mihi  primum  Halesiae  demonstravit  in 
senatu  Halesinorum  homo  summo  ingenio ,  sum- 
ma  prudentia,  summa  auctoritate  prxditus.  Haie- 
sinus  ^neas  :  cui  senatus  dederat  publice  [cau- 
sam],  ut  mihi  fratrique,  meo  gratins  ageret  ;  et 
simul ,  qui  nos  ea ,  quse  ad  judicium  pertinerent , 
doceret.  Demonstrat,  hanc  istius  cousuetudinem 
ac  rationem  fuisse  :  quum  omnis  frumenti  copia  de- 
cumarum  nomine  pênes  istum  esset  redacta,  so- 
litum  esse  istum  pecuniam  cogère  a  civitatibus  ; 
frumentum  improbare  ;  quantum  frumenti  Romam 
esset  mittendum ,  tantum  de  suo  quaestu,  ac  de  sua 
copia  frumenti  mittere.  Posco  rationes  :  inspicio 
litteras  :  yideo  frumenti  granum  Halesinos ,  qui- 
bus  LX  millia  modiuro  imperata  erant ,  nullum 
dédisse  :  pecuniam  Volcatio,  Timarchidi,  scribse 
dédisse.  Reperio  genus  hujusmodi,  judices,  prœ- 
dœ,  ut  praetor,  qui  frumentum  emere  debebat, 
non  eraaty  sed  vendat;  pecunias,  quas  civitatibus 


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SEC.  ACTION  COJÎÎ^RE  TERRES,  m.  201 
certainement  il  n'est  pas  plus  effronté.  "Vous  venez 
d'apprendre  cette  nsore  criminelle  :  il  est  temps  de 
parler  de  tontes  ces  antres  sommes  détonmées  à  son 
profit. 

LXXIII.  Parmi  lei  villes  opulentes  et  illustres  de  la 
Sicile,  on  compte  surtout  celle  d'Halèse.  Yous  n'en 
trouverez  aucune  dont  la  fidélité  soit  plus  constante , 
dont  les  richesses  soient  plus  étendues,  dont  l'autorité 
soit  d'un  plus  grand  poids.  "Verres  l'avait  assujettie  à 
vendre  tous  les  ans  soixante  mille  boisseaux  de  j^lé  ; 
an  lien  de  blé ,  il  exigea  d'elle  de  l'argent ,  selon  la 
valeur  du  blé ,  en  Sicile ,  et  retint  tout  l'argent  qu'il 
avait  reçu  du  trésor.  Je  fus  étonné,  Romains ,  la  pre- 
mière fois  que  cette  malversation  me  ftit  exposée  dans 
le  sénat  d'Halèse  par  le  citoyen  de  cette  ville  qui  a  le 
plus  de  talents,  de  lumières  et  de  considération,  par 
Enéas,  que  le  sénat  avait  chargé,  au  nom  de  la  ville, 
de  nous  remercier,  mon  frère  *  et  moi,  et  de  nous 
fournir  des  détails  sur  l'accusation.  Il  nous  dit  que  le 
prétenr ,  qui  s'était  en^aré  de  tout  le  blé  par  le  moyen 
des  dîmes ,  s'était  fait  un  usage  et  une  règle  d'exiger 
de  l'argent  des  villes ,  de  rejeter  leur  blé ,  et  d'envoyer 
à  Rome ,  sur  lefi  provisions  de  grains  pillées  à  son  pro- 
fit ,  tout  ce  qu'il  en  fallait  envoyer.  Je  demande  les 
comptes,  je  regarde  les  registres;  jp  vois  que  les  habi- 
tants d'Halèse,  chargés  de  nous  vendre  soixante  mille 
boisseaux,  n'avaient  pas  fourni  un  seul  grain  de  blé, 
mais  qu'ils  avaient  remis  de  l'argent  à  Yolcatins ,  à  Ti- 
marchide,  au  greffier.  Je  découvre  alors,  juges,  une 
malversation  d'une  nouvelle  espèce  :  le  prétenr  qui 
devait  acheter  du  blé  n'en  achète  pas  ;  il  vend  ce  qu'il 
devait  acheter;  l'argent  qu'il  devait  distribuer  aux  vil- 

*  Cest'k'àire  , /ratri  patrueli,  L,  Tullius  ,   cousin  do 
Cicéron.  • 


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aoa  .  m  TERREM  ACT.  Il,  LIB.  UL 
distribuera  debebat ,  eas  omnes  avertat  atque  aufe* 
rat.  Non  mihi  jam  furtum ,  sed  monstrum  ac  pro- 
digium  yidebalur  :  ciyitatuin  frumentum  împio- 
bare,  suum  probare;  quum  suum  probasset,  pre- 
tium  ei  frumento  constituere;  quod  constituisset, 
id  cîvitatibus  atfferre;  quod  a  populo  romano 
accepisset,  tenere. 

JLXXIV.  Quot  Tultis  esse  in  uno  furto  pecca- 
torum  gradus?  ut  si  singulis  insistere  velim,  pro- 
gr^i  iste  non  possit.  Improbas  frumentum  Sicu- 
lum.  Quid?  ipse  quod  mittis?  peculiarem  habes 
aliquam  Siciliam,  quœ  tibi  ex  alio  génère  fru- 
mentum suppeditare  possit?  Quum  senatus  decer- 
nit,  ut  ematur  in  Sicilia  frumentum,  aut  quum 
populus  jubet,  boc,  ut  opinor,  intelligit,  ex  Si- 
cilia Siculum  frumentum  apportari  oportere.  Tu,  - 
quiun  civitatum  Siciliœ  yulgo  omne  frumentum 
improbas,  num  ex  .^gypto,  aut  ex  Syria  fru- 
mentum Romam  mittis  ?  Improbas  Halesînnm , 
Gepbalœditanum,  Thermitanum,  Amestratinum , 
Tyndaritanum ,  Herbitense,  mùltarnm  praeterea 
cîyitatum;  Quid  accidit  tandem,  ut  horum  popu«> 
lorum  agri  frumentum  ejusmodi,  te  prœtore,  fer- 
rent, quod  nunquam  antea,  ut  neque  mihi,  neque 
tibi,  neque  populo  romano  posset  probari,  pre-< 
sertim  quum  ex  iisdem  agris,  ejusdemque  anni 
frumentum  ex  decumis  Romam  mancipes  adyexis- 
sent?  quid  acciderat,  ut  ex  eodem  horreo  decu- 
manum  probaretur,  emtum  non  probaretur?  On- 
biumne  est,  quin  ista  omnis  improbatio  cogends 
pecunia;  causa  nata  sit  ?  Esto  :  improbas  Halesi- 
num  (  habes  ab  alio  populo ,  quod  probes  :  eme 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  III.  îo3 
les,  il  le  détonme,  il  le  garde  ponr  lai.  Cela  ne  me 
paraissait  plas  un  simple  vol ,  ttaî$  nn  abus  étiorme 
et  monstmeux  :  rejeter  le  blé  des  Tilles ,  accepter  le 
sien;  après  Tavoir  accepté,  y  mettre  un  prix;  le  prix 
qa*on  venait  d*y  mettre,  le  faire  payer  aax  villes;  re- 
cevoir de  Fargent  de  la  république,  le  garder  pour  soi. 


LXXIT.  Combien  un  seul  vol  ne  renferme-t-il  pas 
de  genres  de  malversations!  si  je  les  développais  tous^ 
l'accusé  se  trouverait  arrêté  et  pris  de  tous  côtés.  "Vous 
rejetez ,  Yerrès ,  le  blé  de  Sicile.  Mais  quel  blé  en^royez^ 
vous  donc  vous-même  ?  ave^vons  une  Sicile  particu- 
lière, qui  puisse  vous  fournir  du  blé  d^une  autBtf 
espèce  ?  Lorsque  le  sénat  statue,  et  que  le  peuple  or- 
donne qu'on  achètera  du  blé  dans  la  Sicile ,  ils  enten- 
dent, je  crois,  qu'on  doit  envoyer  de  Sicile  du  blé 
sicilien.  "Vous,  "Verres,  lorsque  vous  rejetez  tout  le  blé 
des  peuples  de  Sicile ,  en  envoyez-vous  à  Rome  d'E- 
gypte ou  de  Syrie .î' "Vous  rejetez  le  blé  d'Halèse,de 
Cépbalède,  dé  Thermes-,  «fAmestra,  de  Tyndare, 
dllerbite ,  de  bien  d'autres  villes  enéore.  Comment 
est-il  arrivé  que  les  territoires  de  ces  peuples,  sous 
votre  préture ,  portassent  du  blé  d'une  espèce  qu'ils 
n'avaient  jan^ais  portée  auparavant;  du  blé  qui  ne 
pût  être  accepté,  ni  par  moi ,  ni  par  vous ,  ni  par  le 
peuple  romain ,  surtout  lorsque  les  entrepreneurs  des 
blés  avaient  envoyé  à  Rome  du  blé  dimé  de  la  même 
année ,  pris  sur  les  mêmes  territoires  ?  Comment  est-il 
arrivé  que ,  du  même  grenier ,  le  blé  dlmé  fut  accepté , 
et  que  le  blé  acheté  ne  le  fût  pas  ?  Peut>on  douter  que 
toute  cette  manœuvre  de  rejeter  le  blé  n'ait  été  un 
moyen  d'extorquer  de  l'argent?  A  la  bonne  heure, 
vous  rejetez  le  blé  d'Halèse ,  vous  acceptez  celui  d'un 


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204  IN  TERREM  ACT.  II,  tIB.  III. 

illud,  quod  placet;  misses  fac  eos,  quorum  fru- 
mentum  improbasti.  Sed  ab  iis,  quos  répudias , 
exigis  tantum  pecunise,  quantum  ad  eum  nume- 
rum  frumenti  satis  sit ,  quem  civitati  imperas.  Du- 
bium  est,  quid  egeris ?  In  medimna  singula  ^ideo 
ex  litteris  publicis  tibi  Halesinos  H-S  quinos  de- 
nos  dédisse.  Ostendam  ex  tabulis  locupletissimo- 
rum  aratorum ,  eodem  tempore  neminem  in  Sicilia 
pluris  frumentum  yendidisse. 

*  LXXV.  Quas  est  ergo  ista  ratio,  aut.qus&  potius 
amentia ,  frumentum  improbare  id ,  quod  ex  eo 
loco  sit ,  ex  quo  senatus  et  populus  romanus  emi 
voluerit  ;  ex  eo  acervo ,  ex  quo  partem  tu  idem  , 
decumarum  nomine,  probaris  :  deinde  a  civita- 
tibus  peennias,  ad  emendum  frumentum,  cogère, 
({uum  ex  aerario  acceperis?  Utrum  te  lex  Terentia 
Siculorum  pecunia  frumentum  emere  a  Siculis, 
an  populi  romani  pecunia  frumentum  ab  Siculis 
emere  jussit  ?  Jam  vero  ab  isto  omnem  illam  ex 
serario  pecuniam,  quam  bis  oportitit  ciyitatibus 
pro  frumento  dari,  lucrifactam  yidetis.  Accipis 
enim  H-S  xv  pro  medimno;  tanti  enim  est  illo 
tempore  medimnum  :  rétines  H-S  '  xyin  ;  tanti 
enim  est  frumentum  Siciliense  ex  lege  sestimatum. 
Quid  interest ,  utrum  hoc  feceris ,  an  frumentum 
non  improbaris ,  sed  frumento  probato  et  accepto, 
pecuniam  publicam  tenuerîs  omnem,  neque  quid- 
quam  ulU  dissolyeris  ciyitati ,  quum  xstimatio 
legis  ejusmodi  sit,  ut  ceteris  temporibus  toïera- 
bilis  Siculis ,  te  prœtore  etiam  grata  esse  debuerit  ? 
Est  enim  modius  lege  H-S  m  aestimatns  :  fuit 
'  M.  xu. 


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SE(i.  ACTION  CONTRE  VERRES,  lU.  aoô 
aatre  peuple  ;  achetez  donc  celui  qni  yous  pkît ,  et 
laissez  les  peuples  dont  vous  avez  rejeté  le  blé.  Mais 
vons  exigez  des  villes  dont  vons  ne  voulez  pas  le  blé , 
tout  l'argent  qui  vous  est  nécessaire  pour  le  blé  que 
vous  demandez  à  d'antres.  Votre  dessein  est-il_  dou- 
teux ?  Les  registres  publics  d'Halèse  m'apprennent  que 
les  habitants  vous  ont  donné  quinze  sesterces  *  par 
médimne.  Les  registres  des  plus  riches  agriculteurs 
prouveront  que ,  dans  le  même  temps ,  personne  en 
Sicile  n'a  vendu  le  blé  à  un  plus  haut  prix. 

LXXV.  Quelle  est  donc  cette  conduite ,  ou  plutôt 
«ette  extravagance,  de  rejeter  le  blé  d'un  pays  où  le 
sénat  et  le  peuple  ont  voulu  qu'on  en  achetât ,  de 
rejeter  le  blé  pris  au  même  tas  dont  vousHmêoie  avez 
accepté  une  partie  sous  le  nom  de  dîmes  ;  et  ensuite , 
d'extorquer  dç  l'aident  des  villes  pour  acheter  du  blé , 
lorsque  vous  eu  avez  reçu  de  notre  trésor  .»*  La  loi  « 
Térentia  vous  ordonnait-elle  d'acheter  du  blé  aux 
Siciliens  avec  l'argent  des  Siciliens ,  ou  avec  celui  du 
peuple  romain  ?  H  est  facile  de  voir  que  l'accusé  a  dé- 
tourné à  son  profit  tout  l'argent  de  notre  trésor  qu'il 
devait  donner  aux  villes. pour  le  blé  :  car  enfin,  Ver- 
res, vous  prenez  des  villes  quinze  sesterces  par  mé- 
dimne, ce  qui  était  alors  le  prix  du  médimne;  vous 
retenez  dix-huit  sesterces,  ce  qui  est  le  prix  auquel  le 
blé  de  Sicile  est  estimé  en  vertu  de  la  loi.  Agir  de  la 
sorte ,  n'est-ce  pas  comme  si  vous  n'eussiez  point  re- 
jeté le  blé ,  que  vous  l'eussiez  accepté  et  reçu ,  que  vous 
eussiez  gardé  tout  l'argent  de  notre  trésor  sans  rien 
payer  à  aucune  ville ,  lorsque  l'estimation  de  la  loi  est 
telle  que  les  Siciliens  ne  devaient  pas  s'en  plaindre 
<lans  les  autres  temps,  et  que  même  ils  devaient  s'en 
louer  sous  votre  préture.^  En  effet,  le  boisseau  est 
*  37  sous  6  djenniers.  A. 

viir.  18 


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2o6  IN  TERREM  ACT.  II,  IIB.  III. 

autem ,  te  prsetore ,  ut  tu  in  maltis  epistolis  ad 
amicos  tuos gloriaris ,  '  H-$  n.  Sed  faeritH-S  m; 
qnoniam  tu  tantum  a  ciyitatibus  in  modios  singulos 
exegisti  :  quum^  si  solyeres  Sicnlis  tantum ,  quan- 
tum te  populus  romanus  jusserat,  aratoribus  fieri 
gratissimum  posset;  tu  non  modo  eos  accîpere, 
quod  oportebat,  noluisti;  sed  etiam  dare,  quod 
non  debebant,  coegisti.  Âtque  hsec  ita  gesta  esse, 
judices,  cognoscite  et  ex  litteris  publicis  civitatum , 
et  ex  testîmoniis  publicis  :  in  quibus  nihil  fictum , 
nihil  ad  tempus  accommodàtum  intelligetis.  Om- 
nia ,  ifax  dicimus ,  rationibus  populorum  non  in- 
terpositis,  neque  perturbatis,  neque  repentinîs, 
sed  certis ,  institutis ,  ordine  relata  atque  confecta 
sunt.  Recita  rationes  Halesinorum.  Cui  pecuniam 
datam  dicit?  'die,  die  etiam  clarius.  yoi.CA.Tio, 

TlMARGUlDI  ,  MiEVIO. 

LXXVI.  Quid  est,  Verres?  ne  illam  quidem 
tibi  defensionem  reliquam  fecisti,  mancipes  in 
istis  rébus  esse  Tersatos?  mancipes  frumentum 
improbasse?  mancipes  pretio  cum  ciyitatibus  d%ci- 
disse,  et  eosdem  abs  te  illarum  çiyitatum  nomine 
pecunîas  abstulisse  ;  deindcf  ipsos  sibi  frumentum 
coemisse  ;  nihil  bac  ad  te  pertinere  ?  Mala  meher- 
cule  ac  misera  defensio,  praetorem  lioc  dicere  : 
Ego  frumentum  neque  attigi,  neque  adspexi; 
mancipibus  potestatem  probandi  improbandique 
permisi;  mancipes  a  civitatibus  pecunias  extorse- 

'  Beck  ^didit ,  Lambin,  et  Garaton.  auctoribus ,  M-8  ii 
s. ,  id  est,  duobus  sestertiis  cum  semisse.  AptCus.  — 
^  Abest  alterum  die. 


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.  SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  III.  107 
estimé  trois  sesterces  par  la  loi ,  et  il  était  venda  deux 
sesterces  sons  votre  prétnre ,  comme  toi^  voas  en  ap- 
plaudissiez dans  beancoqp  de  lettres  écrites  à  vos  amis. 
Mais  je  supppose  qa*on  Tait  venda  trois  sesterces, 
puisque  vons  les  avez  exigés  des  villea  par  boisseaa  ; 
vons  qui  pouviez  faire  le  plus  grand  plaisir  aux  agri- 
culteurs en  payant  aux  Siciliens  ce  qui  vous  avait  été 
prescrit  par  le  peuple  romain ,  'non  seulement  vons 
les  avez  frustrés  de  ce  qu'Os  devaient  recevoir,  vous  en 
avez  exigé  même  ce  qu^ils  ne  devaient  pas  donner. 
Tous  ces  faits ,  juges ,  sont  prouvés  par  les  registres  et 
par  les  dépositions  des  villes  ;  et  on  n'y  trouvera  rien 
qui  soit  supposé ,  rien  qui  soit  accommodé  au  besoin 
du  moment.  Tout  ce  que  nous  disons  est  mis  et  porté 
par  ordre  dans  les  comptes  des  peuples ,  et  ces  comptes 
ne  sont  *  ni  raturés ,  ni  embrouillés ,  ni  écrits  à  La 
hâte,  mais  faits  en  règle  et  en  bonne  forme.  Lisez  les 
comptes  des  habitants  d'Halèse.  A  q«i  dites-vous  qu'on 
a  donné  de  l'argent?  Parlez,  parlez  plus  haut.  A  Tol- 

CATIUS,  A  TiMARCHIDE,  A  MÉVIUS. 

LXXVI.  Quoi  !  "Verres ,  ne  vous  êtes-vons  pas  même 
réservé  cette  défense,  que  ce  sont  les  entrepreneurs 
des  blés  qui  ont  tout  fait ,  qui  ont  rejeté  le  blé ,  qui  se 
sont  arrangés  avec  les  villes  pour  de  l'argent ,  qui  ont 
reçu  de  vous  de  l'argent  au  nom. des  villes,  et  qui  en- 
suite ont  acheté  eux-mêmes  du  blé  à  leur  compte  ; 
que  cela  ne  vous  regarde  en  rien?  Ce  serait  assuré- 
ment une  défense  misérable  pour  un  préteur  de  dire  î 
Je  n'ai  reçu  ni  examiné  de  blés ,  j'ai  laissé  aux  en- 
trepreneurs toute  liberté  de  rejeter  et  d'accepter  ;  ils 
ont  fait  donner  de  l'argent  aux  villes ,  et  ont  reçu  de 
moi  celui  que  j'aurais  dû  donner  aux  peuples.  Ce 
serait  là,  je  le  répète,  une  défense  misérable;  mai6. 

*  Comme  ceux  que  Verres  avait  produits. 


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Qto8  ^  IN  TERREM  ACT.  U,  LIE.  ni. 
runt  :  ego  autem ,  quam  pecuniam  populis  dare 
debni,  mancipibus  dedi.  Mala  est  haec  quidem,  ut 
dixi,  '  defensio  criminis  ;  sed  tamen  hac  ipsa  tibi, 
si  uti  cupias,  non  licet.  Vetat  te  Volcatius,  tuae 
tuorunique  delicise,  mentionem  mancîpis  facere. 
Tîmarchides  autem ,  columen  familîse  yestrae ,  pre- 
mît  fauces  defensionls  tuae  :  oui  simul  et  Volcatio 
pecunia  a  civîtate  numerata  est.  Jam  vero  scriba 
tuus  annulo  aureo  suo ,  quem  ex  his  rébus  invenit , 
ista  te  ratione  uti  non  sinet.  Quid  igitur  est  reli- 
quùm,  nisi  uti  fateare,  te  Romam  frumentum 
emtum  Siculorum  pecunia  misisse ,  publicam  pe- 
cvniam  domum  tuam  convertisse  ?  O  consuetudo 
peccandi ,  quantam  babes  jucunditatem  in  impro- 
bis  et  audacibus,'  quum  pœna  abfuit,  et  licentia 
consecuta  est  !  Iste  in  hoc  génère  peculatus  non 
nunc  primum  invenitur;  sed  nnnc  demum  tene- 
tur.  Vidimus  buic  ab  œrario  pecuniam  numerari 
quœstori  ad  sumtum  exercitus  consularis  :  vidimus 
paucis  post  mensibus  et  exercitum  et  consulem 
spoljatum.  nia  omnis  pecunia  latûit  in  illa  cab'gine 
ac  tenebris ,  quœ  totam  rempublicam  tum  occupa- 
verant.  Iterum  gessit  bereditariam  qussturam  cum 
Dolabella;  magnani  pecuniam  avertit  :  sed  ejus 
rationem  cum  damnatione  Dolabellae  permiscuit. 
Commissa  est  pecunia  tanta  prsetori:  non  reperietis 
hominem  timide  nec  leviter  haec  improbissima  lu- 
cra  b'gurrieiitem;  devorare  omnem  pecuniam  pu- 
blicam non  dubitavit.  Ita  serpit  illud  insitum  in 
jiatnra  malum  consuetudine  peccandi  libéra,  finem 
ut  audaciae  statuere  ipse  sibi  non  possit.  Tenetur 
'  Grœvius  addit  e  ms.  Fabr.,  ac  potius  perdiu. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  Iff.  209 
enfin,  qnelle  qn*e]le  soit,  vous  ne  pourriez  tous  en 
servir,  quand  vous  le  voudriez.  Tolcatins ,  vos  délices , 
les  délices  de  vos  amis,  vous  empêche  de  parler  d'au- 
cun eutrepreneur.  Timarchide,  Tappui  de  votre  mai- 
son, ruine  votre  défense,  puisque  la  ville  dllalèse  lui 
a  compté  de  l'argent  en  même  temps  qu'à  "Volcatius. 
Enfin  votre  g/ettier  avec  son  anneau  d'or  77^  qu'il 
doit  à  ses  rapines ,  ne  vous  permet  pas  de  recourir  à 
ce  moyen.  Que  vous  reste-t-il  donc ,  sinon  de  conve- 
nir que  vous  avez  envoyé  à  Rome  du  blé  acheté  avec 
l'argent  de  la  Sicile,  et  que  l'argent  de  notre  trésor, 
vous  l'avez  détourné  dans  vos  coffres  ?  O  habitude  de 
malfaire ,  que  tu  as  d'attrait  pour  des  hommes  per- 
vers et  audacieux,  lorsqu'ils  n'ont  pas  été  punis,  et 
que  l'impunité  a  produit  la  licence!  Ce  n'est  pas 
aujourd'hui  pour  la  première  fois  que  Yerrès  est  at- 
teint de  ce  genre  de  pécnlat;  mais  c'est  d'aujourd'hui 
enfin  qu'il  en  est  convaincu.  Lorsqu'il  était  questeur  "  ^, 
nous  lui  avons  vu  recevoir  de  l'argent  du  trésor  pour 
fournir  à  l'entretien  d'une  armée  consulaire  :  peu  de 
mois  après,  nous  avons  vu  et  l'armée  et  le  consul 
entièrement  dépouillés.  Cette  malversation  énorme  a 
été  comme  ensevelie  et  perdue  dans  les  ténèbres 
épaisses  dont  la  république  était  alors  enveloppée.  Il 
a  géré  une  seconde  fois  sous  Dolabella  une  questure 
qui  lui  était  échue  par  succession  ;  il  s'est  approprié 
des  sommes  d'argent  considérables  :  mais  il  a  brouillé 
le  compte  qu'il  en  devait  rendre  en  le  mêlant  avec  la 
condamnation  de  Dolabella.  Nommé  préteur  de  Sicile, 
on  lui  a  remis  des  sommes  immenses  :  il  ne  les  a  points 
détournées  peu  k  peu  d'une  main  timide  par  de  hon- 
teux larcins  ;  il  a  englouti  à  la  fois  tout  cet  argent  da 
trésor.  C'est  ainsi  que  la  mauvaise  habitude  de  Verres 
n'étant  pas  arrêtée  ,  un  vice  qui ,  chez  lui ,  n'est  que 


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2IO  ^IN  VERREM  ACT.  U,  LIE.  m. 
îgîtur  aliquando,  et  in  rébus  tum  maximis,  tum 
nianifestis  tenetnr.  Atque  in  eam  fraudem  mihi 
yidetur  diTÎnîtus'incidisse,  non  solum  ut  eas  pœ- 
nas,  quas  proximemeruisset,  solveret;  sed  ut  ilU 
etiam  scelera  ejus  in  Carbonem  et  in  Dolabellam 
vindicarentur. 

LXXVII.  Et^im  nova  quoque  ab'a  res  exstitit, 
judices,  in  boc  <;riminè,  quse  tollat  omnem  dubi- 
tationem  superioris  illlus  decumanî  criminis.  Nam , 
ut  illud  missum  faciam ,  permultos  aratores  in  alte-; 
ras  decumas ,  et  in  haec  loccc  millia  modium',  quod 
emtum  populo  romàno  darent,  non  babuisse,  sed 
a  tuo  procuratore,  boc  est,  ab  Aptonio,  émisse  ; 
ex  quo  intelligi  potest,  nibil  te  aratorîbus  reliqui  f 
fecisse':  ut  boc  praeteream,  quod  in  multis  est 
testimoniis  expositnm;  potest  illo  quidquam  ejsse 
certiûs ,  in  tua  potêstate ,  atque  in  tuis  borrei»  omne  • 
frumentum  Sicflise,  per  triennium,  atque  omnes 
fructus  agri  decumani,  fuisse?  Quum  enim  a  civi- 
tatibus  pro  frumeuto  pecuniam  exigebas,  unde 
erat  fpumentum,  quod  Romam  mitteres,  si  tu  id 
non  omne  clausum  et  compressum  possidebas? 
Itaque  in  eo  frumento  primus  tibi  ille  quaestus 
fuit  ipsius  frumenti ,  quod  erat  ereptum  ab  arato- 
rîbus :  alter,  quod  id  frun^entum  improbissime 
per  triennium  partum,  non  semel,  sed  bis,  neque 
unô,  sed  duobus  pretiis,  unum  et  idem  frumen- 
tum yendidisti  ;  semel  civitatibus ,  H-S  xv  in  me- 
dimnum;  iterum  populo  romano ,  a  quo  H-S  xviii 
in  medimna  pro  eodem  illo  frumento  abstulisti. 
At  enim  frumentum  Genturipinorum,  et  Agrigen- 
tino]»im,  et  nonnulloram  fortasse  prseterea  pro» 


f 

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SEC.  ACTION  CONTAE  tERRÈS,  III.  air 
trop  naturel ,  va  croiasant  toujours,  an  point  que  lui- 
même  ne  saurait  plus  mettre  de  bornes  à  son  audace, 
n  est  donc  enfin  convaincu ,  et  manifestement  con- 
vaincu ,  des  plus  graves  malversations.  Les  dieux  me 
semUent  avoir  voulu  >  en  permettant  qu^il  comblât  la 
mesure ,  et  le  punir  de  ses  derniers  vols ,  et  venger 
Carbon  et  Dolabella  de  ses  premiers  crimes. 

LXXVII.  Ici ,  Romains ,  s'ofTre  une  réflexion  nou- 
velle qui  dissipe  tons»  les  doutes  sur  les  vexations  au 
sujet  des  dîmes.  Je  ne  dirai  pas ,  Yerrès,  qu  une  iniinité 
d'agriculteurs,  n'ayant  pas  de  quoi  fournir  k  la  seconde 
dime  et  aux  huit  cent  mille  boisseaux  de  blé  qu'ils  de- 
vaient vendre  an  peuple  romaîh ,  ont  acheté  du  blé  à 
Apronius ,  votre  agent  ;  ce  qui  prouve  que  vous  n'aviez 
rien  laissé  aux  agriculteurs.  Je  ne  rappellerai  point  ce 
fait  assez  démontré  par  une  foule  de  dépositions;  mais 
quoi  de  plus  incontestable  que,  pendant  trois  ans,  vous 
avez  eu  en  votre  pouvoir  et  dans  vos  magasins  tout  le 
blé  de  la  Sicile ,  tontes  les  récoltes  'des  terres  sujettes 
aux  dîmes  ?  En  effet ,  lorsque  vous  exigiez  de  l'argent 
des  villes  au  lieu  de  blé ,  on  preniez-vous  du  blé  pour 
l'envoyer  à  Rome ,  ai  vous  n'étiez  pas  saisi  de  tout  le 
blé  de  la  Sicile,  si  vous  ne  le  teniez  pas  dans  vos  maga- 
sins ?  Ainsi ,  le  premier  gain  que  vous  avez  fait  dans 
cette  partie ,  c'est  le  blé  même  que  vous  aviez  enlevé 
aux  cultivateurs.  Le  second  gain,  c'est  que  ce  blé, 
amassé  pendant  trois  ans  par  des  voies  iniques,  vous 
l'avez  vendu,  non  une  fois ,  mais  deux  ;  c'est  que  vous 
avez  vendu,  à  deux  différeufs  prix,  un  seul  et  même 
blé,  d'abord  aux  villes  dont  vous  avez  exigé  quinze 
sesterces  par  médimne^  ensuite  au  peuple  romain,  à 
qui  vous  avez  pris ,  par  médimne ,  dix-huit  sesterces 
pour  le  même  blé.  Mais  vous  avez ,  direz- vous,  accepté 
le  blé  des  peuples  de  Centorbe,  d'Agrigente,  de  qud- 


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ai2  m  TERREM  ACT.  U,  LIB.  IH. 

basti,  et  his  populis  pecumam  dissolvisti.  Sint  ali- 
quœ  civitates  in  eo  numéro ,  quarum  frumentum 
improbare  nolueris  :  quid  tandem?  bis  civitatibus 
onuiisne  pecunia,  quœ  pro  frumento  débita  est, 
dissoluta  est?  Unum  mihi  reperi,  non  populum, 
sed  aratorem  :  vide,  quœre,  circumspice,  si  quis 
forte  est  ex  ea  provincia ,  in  qua  tu  triennium  praî- 
fuisti,  qui  te  uolit  périsse;  unum,  inquam,  da 
mihi  ex  illis  aratoribus ,  qui  tibi  vel  ad  statuam 
pecuniam  contulerunt,  qui  sibi  dicat  pro  frumento 
omne  esse,  quod  oportuerit,  solutum.  Confîrmo, 
iudices,  neminem  esse  dicturum. 

LXXVIIl.  Ex  omni  pecunia,  qUam  aratoribus 
solvere  debuisti ,  certis  nominibus  deducliones 
fieri  solebant  :  primum  pro  spectatione  et  coUybo  ; 
deinde  pro  nescio  quo  cerario.  Hsec  omnia,  judi- 
ces,  non  rerum  certarum,  sed  furtorum  iraprp- 
bissimorum  sunt  vocabula.  Nam  collybus  esse  qui 
potest ,  quum  utantur  omnes  uno  génère  nummo- 
rum?  Cerarium  rero  quid?  quomodo  hoc  nomen 
ad  rationes  magistratus,  quomodo  ad  pecuniam 
publicam  allatum  est?  Nam  illud  genus  tertinm 
deductionis  erat  ejusmodi ,  quaâi  non  modo  lice- 
ret,  sed  etiam  oporteret;  nec  solum  oporteret, 
sed  plane  necesse  esset.  Scribae  nomine  de  tota 
pecunia  binae  quinquagesimae  detrahebantur.  Quis 
tibi  hoc  concessit?  quae  lex?  quœ  senatus  aucto^ 
ritas?  quœ  porro  œquitas,  ut  tantara  pecuniam 
scriba  tuus  '  auferret,  sive  de  aratorum  bonis, 
sive  de  populi  -romani  vectigalibus?  Nam  si  po- 

*  Cod.  Tiann.y  averreret.  ÎAmb.,  Lalhm,,  avertcret. 


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SEÇ.  ACTION  CONTRE  VERRES,  IH.  2i3 
rj[Bes  aatres  encore ,  et  voas  leur  avez  donné  de  l'argent. 
A  la  bonne  heare ,  qu'il  y  ait  (jnelques  villes,  dans  le 
nombre ,  dont  vous  n'ayez  pas  voulu  rejeter  le  blc. 
Mais  enfin  avez-vous  payé  à  ces  villes  tout  l'argent  qui 
leur  était  dû  pour  le  blé  qu'elles  avaient  fourni  ?  Trou- 
vez-nous ,  je  ne  dis  pas  un  seul  peuple ,  mais  un  seul 
agriculteur  ;  voyez ,  cherchez ,  regardez  de  tous  côtés  ; 
examinez  si ,  par  hasard ,  il  en  est  quelqu'un ,  dans 
une  province  que  vous  avez  gouvernée  pendant  trois 
ans,  qui  ne  désire  v^tre  condamnation.  Oui,  parmi 
ces  agriculteurs  qui  ont  contribué  pour  votre  statue , 
noromez-en  un  seul  qui  dise  avoir  reçu,  pour  son  blé , 
toute  la  somme  qu'on  devait  lui  payer.  Je  le  sou- 
tiens ,  juges ,  il  ne  s'en  trouvera  pas  un  qui  le  dise. 

LXXVIII.  De  toutes  les  sommes  que  vous  deviez 
payer  aux  cultivateurs ,  on  faisait  des  déductions  pour 
certains  articles,  pour  les  droits  d'examen'»  et  de 
change,  pour  je  ne' sais  quel  entretien  de  cirt.  Ce  ne 
sont  pas  là ,  Romains ,  des  noms  de  droits  réels ,  mais 
des  noms  de  vols  iniques.  D'abord,  quel  droit  de  change 
peut-îl  y  avoir  dans  une  province  où  tons  les  peuples 
'  ont  la  même  monnaie  ?  Et  qu'appelle-t-il  entretien  de 
cire?  comment  ce  nom  est-il  entré  dans  les  compte» 
d'un  magistrat,  dans  un  compte  de  finances  pubb'qaes  ? 
11  est  une  troisième  déduction  qui  s'est  faite  comme  si 
«^Ue  eût  été ,  non  seulement  permise ,  mais  ordonnée  ; 
non  seolemenf  ordonnée,  mais  nécessaire.  On  tirait 
sur  la  somme  totale  deux  cinquantièmes  pour  le  gref- 
fier. Quel  exemple,  quelle  loi,  quel  arrêté  du  sénat , 
quel  principe  d'équité,  vous  ont  fait  permettre  à  votre 
greffier  de  prendre  tout  cet  argent,  ou  sur  les  biens 
des  agriculteurs,  ou  sur  les  revenus  du  peuple  romain  ? 
Car, si  l'on  peut,  sans  injustice,  prendre  cet  argent 
aux  agriculteurs,  il  faut  le  remettre  au  peuple  romain , 


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'2i4  IN.  VERREM  ACT.  U,  LIB.  HT. 

lest  ista  pecunia  sine  aratorum  injuria  ^detrâhi; 
popirlus  romanus  habeat,  prssertim  in  tands  «ra- 
rii  angustiis  :  8in  autem  et  populus  id  yoluit,  et 
aequum  ita  est,  solvi  aratoribus;  tuus  apparitor 
parya  meVcede  populi  conductus,  de  aratorum 
bonis  praedabitur  ?  et  in  bac  causa  scribarum  or- 
dinem  in  me  concitabit  Hortensius?  et  eorum 
commoda  a  me  labefactarî ,  atque  oppugnari  '  jura 
dicet  ?  quasi  vero  boc  smbis  ullo  exemplo  sit ,  aut 
uUo  jure  concessum.  Quid  ego  vetera  repetam? 
aut  quid  eorum  scribarum  mentionem  faciam , 
quos  constat  sanctissimos  bomines  atque  innocen- 
tissimos  fuisse?  Non  me  fugit,  judices,  vetera 
exempla  pro  fîctis  fabulis  jam  audiri  atque  baberi  : 
in  bis  temporibus  versabor  miseris  ac  perditis, 
Nuper,  Hortensi,  qusstor  fnisti;  quid  tui  scriba? 
fecerint,  tu  potes  dicere  :  ego  de  meis  boc  dicoy 
quum  in  eadem  ista  Sicilia  pro  framento  civitati- 
bus  pecuniara  solverem ,  et  mecum  duos  frugaHs-  ' 
sîmos  bomines  scribas  baberem,  L.  Mamilium  et 
L.  Sergium;  non  modo  istas  duasquinquagesimas  , 
sed  omnino  nummum  nullum  cuiquam  esse  de» 
dncjtum. 

LXXIX.  Dicerem,  hoc  mibi  totum  esse  attri- 
buendum ,  judices ,  si  illi  unquam  a  me  hoc  postu- 
lassent, si  unquam  omnino  cogitassent.  Quam- 
obrem  enim  scriba  deducat ,  ac  non  potiuâ  mulio , 
qui  "advexit?  tabellarius,  cujus  adventu  certiores 

'  Injuria.  Utnimque  Ernest,  ahesse  mallet.  —  *Alu  ha- 
bent  adTexerit;  alii ,  adduxerit.  Deinde  reseripium  kâire 
e  cod.  Nanmano.  Fere  omnes  ctteii,  abire.  JHotom,  def- 
derat  adesse ,  quod  quidam  recepenuit. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  UI.  ar5 
partout  lorsque  le  trésor  est  dans  an  tel  état  d'épuisé- 
ment.  Mab  si  le  peuple  romain  voulait ,  et  s'il  était 
juste  qu'o^  payât  les  cultivateurs,  votre  appariteur 
s'enrichira-t-il  à  leurs  dépens,  pour  suppléer  aux  ga-  : 
ges  modiques  qu'il  reçoit  du  peuple?  Et  Hortensius, 
à  ce  sujet ,  animera-t-il  contre  moi  Tordre  des  greffiers  ? 
dira-t-il  que  j'attaque  leurs  droits  et  leurs  privilèges  ? 
comme  si  cette  gratification  accordée  aux  greffiers  était 
appuyée  d'une  seule  loi  ou  d'un  seul  exemple.  Faut-il 
remonter  aux  temps  anciens?  &ut-il  parler  de  ces  gref- 
fiers que  l'on  sait  avoir  été  des  modèles  de  désintéres- 
sement et  d'intégrité  ?  Les  anciens  exemples ,  je  ne 
Fignore  pas,  ne  sont  plus  reçus  et  ne  sont  plus  regardés 
que  comme  dèft  fables  et  des  fictions  ;  je  m'arrêterai 
donc  à  nos  temps  déplorables.  Il  n'y  a  pas  long-temps , 
Hortensius ,  que  vous  avez  été  questeur  ;  vous  pouvez 
dire  ce  qu'ont  fait  vos  grefiBers  ;  voîd  ce  que  je  dis 
des  miens  (  c'étaient  deux  hommes  remplis  de  probité, 
L.Mamiliu8  et  L.  Sergius)  :  dans  la  même  province  de 
Sicile ,  lorsqua  je  payais  aux  villes  leur  blé,  on  n'a  pas 
déduit  ces  deux  cinquantièmes ,  on  n'a  pas  déduit  un 
seul  sesterce  pour  personne. 


gLXXIX.  Que  dis-je,  Romains?  si  les  greffiers  m'eus- 
sent demandé  une  pareille  gratification,  s'ils  y  eussent 
seulement  pensé,  oui,  je  l'avouerais,  ce  serait  à  moi 
seul  qu'il  faudrait  en  faire  un  crime.  Et  pourquoi  dé- 
duirait-on de  la  somme  pour  un  greffier,  et  non  plutôt 
pour  le  muletier  qui  l'apporte ,  pour  le  courrier  ®^  qui 
l'annonce,  pour  l'huissier  qtii  avertit  de  la  venir  pren- 
dre ,  pour  l'appariteur  ou  l'esclave  qui  la  transporte  à 
la  caisse  ?  Quelle  peine  le  greffier  s'est-il  donnée  dans 
cette  affaire,  ou  quel  avantage  a- t-il  procuré,  pour 


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2i6  IN  VERREM  ACT.  II,  LIB.  m. 

facti  [petiyemnt]?  prseco,  qui  adiré  jussitpTÎa' 
tor,  ac  Venerius,  qui  fiscum  sustulit?  Quae  pars 
opérai  aat  opportunitatis  in  scriba  est ,  cur  ei  non 
modo  merces  tanta  detur,  sed  cur  cum  eo  tantse 
pecnnise  partitio  fiât  ?  Ordo  est  honestus,  Quis 
negat?  aut  quid  ea  res  ad  hanc  rem  pertinet? 
Est  vero  honestus,  quod  eorum  honjinum  fidei 
tabulœ  publicae  periculaque  magistratuum  commit- 
tuntur.  Itaque  ex  bis  scribis,  qui  digni  sunt  iUo 
ordine,  patribusfamilias ,  viris  bonis  atque  bone^- 
tis ,  percontamini ,  quid  sibi  istSB  quinquagesimse 
velint.  Jara  omnes  intelligetis,  novam  rem  totam 
atque  indignam  yideri.  Ad  eos  nie  scribas  revoca, 
si  placet  :  noli  hos  colligere ,  qui  nummulis  corro- 
gatis  de  nepotum  donis ,  ac  de  scenicorum  corol- 
lariis,  quum  decuriam  emerunt,  ex  primo  ordine 
explosorum  in  secundum  ordinem  civitatis  se  ve- 
nisse  dicunt.  Eos  scribas  tecum  disceptatores  hu« 
jus  criminis  babebo ,  qui  istos  scribas  esse  moleste 
ferunt.  Tametsi ,  quum  in  eo  ordine  videamus  esse 
multos  non  idoneos,  qui  ordo  industriae  propo- 
situs  est  et  dignitati;  mirabimur,  turpes  'aliquos 
ibi  esse ,  quo  cuivis  licet  pretio  pervenire  ? 

r' 

LXXX.  Tu  ex  peconia  publica  H-S  tredecies 
scribam  tuum  permissn  tuo  quum  abstulisse  fa- 
teare,  reliquam  tibi  uUam  defensionem  putas  esse  ? 
boc  ferre  quemqnam  pDsse?  hoc  quemquam  déni- 
que  nunc  tuorum  advocatorum  animo  œquo  au- 
dire  arbitrale?  qua  in  ciyitate  C.  Catoni,  claris- 

^  Felt.  edd.,  aliqnot. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  UI.  317 
qn'on  lai  accorde  an  si  fort  salaire ,  je  dis  même  pour 
qu^on  lai  abandonne  qnelqae  portion  d'one  somme  si 
considérable  ?  L'ordre  des  gre£Bers  est  on  ordre  hon- 
nête. Qu'est-ce  qui  le  nie  ?  on  qa'est-ce  qae  cela  jRsiit  à 
la  chose?  C'eit  an  ordre  honnête,  parce  qa'on  remet 
à  leur  foi  les  registres  publics  et  les  actes  des  magis- 
trats ®'.  Aussi  demandez  aux  greffiers  qui  sont  dignes 
de  cet  ordre,  qui  sont  pères  de  famille ,  pleins  de  pro- 
bité et  de  vertu,  ce  que  veulent  dire  ces  cinquan- 
tièmes ;  voos  verrez  qu^nne  pareille  gratification  leur 
paraît  aussi  nouvelle  qu'odieuse.  Citez-moi  ces  gref- 
fiers, si  vous  le  voulez  ;  mais  n'allée  pas  chercher  ceux 
qui ,  ayant  grossi  peu  à  peu  leur  fortune  aux  dépens 
de  nos  dissipateurs  et  par  de  méprisables  dons  obtenus 
sur  le  théâtre  *" ,  ont  acheté  une  charge  de  greffier, 
et  ont  crcrpasser  du  premier  ordre  des  histrions  siffles 
dans  le  second  ordre  des  citoyens.  Je  prendrai ,  Hor- 
tensius ,  je  prendrai  pour  juges  de  notre  discussion , 
les  greffiers  qui  voient  avec  peine  ces  sortes  de  gens 
dans  leur  corps.  Au  reste ,  si  nous  trouvons  beaucoup 
de  sujets-  ineptes  ou  pervers  dans  le  premier  ordre  de 
Tétat ,  dans  un  ordre  qui  doit  être  la  récompense  du 
talent  et  de  la  vertu,  serons-nous  surpris  "^  qu'il  se 
rencontre  de  misérables  sujets  dans  une  profession 
à  laquelle  tout  le  monde  peut  parvenir  avec  de  Tar- 
gent? 

LXXX.  Mais  lorsque  vous  convenez ,  "Verres ,  que 
vous  avez  permis  à  votre  greffier  de  prendre  sur  les 
deniers  du  trésor  un  million  trois  cent  mille  sesterces  ^  ^, 
croyez-vous  qu'il  vous  reste  quelque  défense  ?  croyez- 
vous  qu'on  puisse  supporter  une  telle  conduite;  qu'au- 
cun enfiln  de  vos  défenseurs  mêmes  entende  avec  plaisir 
que ,  dans  une  république  où  un  personnage  consu- 
kîre,  d'une  naissance  illustre  y  Caïus  Caton  ^^,  s'est  vu 
TiiT.  19 


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2i8  IN  TERREM  ACT.  II,  LIB.  m. 

sîmo  viroy  consulari  homini,  H-S  xyiii  millibus 
lis  aestimata  sit;  în  eadem  civilate  apparitori  tuo 
esse  concessum ,  ut  H-S  uno  nomine  tredecies  au- 
ferret?  Hinc  ille  est  annulus  aureus ,  guo  tu  istum 
in  concione  donasti  :  quse  tua  donatio  singulari 
impudentia  praedita ,  nova  Siculis  omnibus ,  mihi 
vèro  etiam  incredibilis  videbatur.  Saepe  enim  nos- 
tri  imperatores ,  superatis  hostibus ,"  optime  repu- 
blica  gesta ,  scribas  suos  annulis  aurais  in  concione 
donarunt  :  tu  vero  quibus  rébus  gestis,  quo  hoste 
superato,  concionem,  donandi  causa,  adyocare 
ausus  es?  Neque  enim  solum  scribam  tuum  an- 
nula; sed  etiam  virum  fortissimum  ac  tui  dissi- 
millimum,  Q.  Rubrium,  »  excellentem  virtute, 
auctoritate,  copiis,  corona  et  phaleris,  et  torque 
donasti  ;  M.  Cossutium ,  sanctissimum  virum  atque 
honestissimum  ;  M.  Castritium ,  summo  splendore, 
ingenio ,  gratia  prseditum.  Quid  hœc  sibi  horum 
trium  ci-vîum  romanorum  dona  yoluerunt  ?  Siculos 
praeterèa ,  potentissimos  nobilissimosque ,  donasti  ; 
qui  non,  quemadmodum  sperasti,  tardiores  fue- 
runt,  sed  ornatiores  tuo  judicio  ad  testimonia  di- 
cunda  yenerunt.  Quibus  ex  hostium  spoliis?  de 
qua  yictoria  ?  qua  ex  prœda  aut  '  manubiis  haec 
abs  te  donatio  constituta  est  ?  an  quod ,  te  prse- 
tore ,  paucorum  adyentu  myoparonum ,  classis 
pulcherrima,  Siciliae  propugnaculum,  praesidium- 
que  proyincisB,  piratarum  manibus  incensa  est? 
an  quod  ager  Syracusanus  prsedonura  incendiis, 

'  Fictor,y  Nanut.y  excellent].  —  ^Ernest,  adderejuhet 
qaibus  ;  Schutz  addidit,  Ambo  in  mss,  et  edd.  perperam 
9missum  putant. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  III.  auj 
condamné  à  une  restîtntion  de  dix-boit  mille  sesterces , 
dans  cette  même  répobCqae  voas  avez  accordé ,  sur 
un  seul  article,  à  votre  appariteur  un  million  trois  cent 
mille  sesterces  ?  Toilâ ,  sans  donte ,  ce  qni  lai  a  mérité 
cet  annean  d'or  dont  voas  l'avez  gratifié  en  pleine  as- 
semblée :  récompense  donnée  avec  une  singulière  ef- 
fronterie ,  et  qui  paraissait  aassi  nouvelle  à  tous  les 
Siciliens  qu'elle  me  semblait  incroyable  à  moi-même. 
Souvent  nos  généraux ,  après  avoir  vaincu  les  ennemis 
et  s'être  signalés  par  d'importants  services  ^ont  décoré 
publiquement  leurs  secrétaires  de  l'anneau  d'or  ;  mais 
vou% ,  après  quels  services ,  après  quels  exploits  avez- 
vous  osé  convoquer  une  assemblée  pour  accorder  le 
même  bonnearP  Et  vous  ne  vous  êtes  pas  contenté 
d'honorer  d'un  anneau  d'or  votre  greffier  ;  vous  avez 
donné  une  couronne ,  une  écharpe  et  un  collier  à  Q. 
Rabjrins,  homm^  d'un  vrai  mérite  et  bien  difiPérent  de 
TOUS ,  que  sa  vertu ,  son  rang  et  ses  richesses  distin- 
guent également  ;  à  M.  Cossutius,  personnage  des  plus 
honnêtes  ejt  des  plus  respectables  ;  à  M.  Castritins,  qui 
joint  à  beaucoup  de  talent  un  grand  crédit  et  une 
grande  considération.  Que  voulaient  dire  les  récom- 
penses accordées  à  ces  trois  citoyens  romains?  Tous 
avez  encore  récompensé  les  plus  puissants  et  les  plus 
qualifiés  des  Siciliens,  qui  n'ont  pas  été  par  là,  comme 
vous  Tespériez ,  moins  ardents  à  vous  poursuivre ,  mais 
qui  sont  venus  déposer  contre  vous ,  quoique  honorés 
par  vous-même.  Quelle  victoire ,  je  le  répète ,  quelles 
dépouilles  remportées  sur  les  ennemis ,  quel  butin  f«it 
sur  eux ,  vous  ont  autorisé  à  donner  ces  récompenses  ? 
Est-ce  parce  que,  sous  votre  préture,  une  très  belle 
flotte ,  le  rempart  de  la  Sicile  et  la  défense  de  cette  pro^ 
vince,  tombée  au  pouvoir  de  quelques  bâtiments  lé- 
gers, a  été  brûlée  par  les  mains  des  pira|BS?  est-ce 


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aao  IN  VERREM  ACl'.  H,  LIE.  îlt. 

te  praetore,  yastatns  est?  an  quod  forum  SyraclT' 
sanum  nàyarchorum  sanguine  redundavit  ?  an  quod 
in  portu  Syracusano  piraticus  myoparo  navigavit? 
Nihil  possum  reperire,  quaniobrem  te  in  istam 
amentiam  incidisse  arbitrer  :  nisi  forte  id  egisti,  ut 
hominibus  ne  oblivisci  quidem  rerum  tuarum 
maie  gestarum  liceret.  Annulo  est  aureo  seriba 
donatus,  et  ad  eam  donationem  concio  est  advo- 
cata.  Quod  erat  os  tuum ,  quum  videbas  in  con- 
cione  eos  homine»,  quorum  ex  bonis  iste  annulus 
aureus  donabatur ,  qui  ipsi  annuTos  aureos  posne- 
rant,  liberisque  detraxerant,  ut  '  esset,  unde  seriba 
tuus  hoc  tuum  munus  ac  benefîcium  tueretur  ?  Quae 
porro  prœfatio  tu»  donationis  fuit?  Illa  scilicet 
vêtus  atque  imperatoria  ?  Qua.vdo  tit  quidem  iir 
pAjELio ,  tu  BSLLo,  IN  &B  MILITA.&I  ;  cuJQs  ne  meo- 
tio  quidem,  te  prniore,  ulla  facta  est  :  an  illa? 

QUAIVDOQUIDRM  TU  HVIXA.  UHQUAM  MIHI  Ilf  GU* 
PIDITATE  AC  TURPITUDIITE  DEFUISTi;  OMITIBUSQUE 
IN  IISDEM  FLAGTTIIS  XECUM  ET  IN  LEGATIONS  ,  ET 
IN  PAJETURA  ,  ET  HIC  IN  SiCILlA  VBRSATUS  ES  :  OB 
HASGB  BBS,  QUONIAM  TE  LOCUPLETAVi  ,  HOC  AN- 
NULO AUBEO  DONO.  Vera  hsec  fîiisset  oratio  :  non 
enim  iste  annulus  aureus  abs  te  datus,  istum  tî- 
rum  fortera ,  sed  hominem  locupletem  esse  decla*- 
rat.  Ita  eumdem  annulum  ab  aUo  datum,  testem 
TÛrtutis  duceremus  :  abs  te  donatum,  comitem  pe- 
cuniae  judicamus. 

*  OUm  ofulgati  omnes  lihri ,  essent.  Primus  Grono^.  e 
cod.  Franc,  dédit  esset  ;  quam  lectiomem  nemùù  non  ap- 
probavit. 


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SEC.  ACTION  COOTRE  TERRES,  111.  111 
parce  que  le  territoire  de  Syracuse ,  sons  votre  admî- 
nistratioa ,  a  été  la  proie  des  flammes  qae  les  brigands 
avaient  allumées  ?  est-ce  parce  que  le  forum  de  Syra- 
cuse a  regorgé  du  sang  des  capitaines  siciliens  P  est-ce 
parce  qu'un  £ûble  navire.de  pirates  a  vogué  insolem- 
ment dans  le  port  de  Syracuse?  Je  ne  puis  trouver  la 
raison  qui  vous  a  jeté  dans  cette  extravagance  ;  à  moins 
peut-être  que  vous  n*ayez  voulu  empêcher  qu'on  ne 
put  même  oublier  vos  succès  malheureux.  Vous  avez 
donc  décoré  votre  greffier  d'un  anneau  d'or ,  et  vous 
avez  convoqué  une  assemblée  pour  lui  décerner  cette 
récompense.  De  quel  front  l'avez -vous  fait,  lorsque 
vous  aperceviez  dans  l'assemblée  ceux  même  aux  dé- 
pens desquels  cet  anneau  d'or  était  donné ,  qui  avaient 
quitté  leurs  anneaux  d'or  ^®  et  les  avaient  ôtés  à  leurs 
enfants ,  pour  que  votre  greffier  eût  de  quoi  soutenir 
le  nouvel  honneur  que  lui  conférait  son  maître  ?  Maî^ 
comment  avez- vous  annoncé  votre  présent  ?  est-ce  par 
la  formule  antique  de  nos  généraux  ?  Puisque  vous 

Vous  ÊTES  DISTINGUA  DANS  I.E  COMBAT  ,  A  I.A  GUERRE  , 
DANS   LES    EXPLOITS    MILITAIRES ,  exploitS    dout   il 

n'a  pas  même  été  fait  mention  sous  votre  préture.  Ou 
bien  :  Puisque  vous  w'avez  jamais  manqué  de  me 

SERVIR  DANS  MA  CUPIDITE  ET  DANS  MES  DISSOLUTIONS, 
ET  QUE  VOUS  AVEZ  PARTAGE  VOUTES  LES  INFAMIES, 
SOIT  DE  MA  LIEUTENANTS,  Softp  DE  MA  PRETURE,  A 
ROME   ET  EN    SiCILB  ;  APRÈS  VOUS    AVOIR  ENRICHI  ,  JE 

VOUS  GRATIFIE  DE  CET  ANNEAU  d'or.  Voilà  la  procla- 
mation qui  aurait  convenu ,  puisque  Vanneau  d'or  dont 
vous  avez  récompensé  votre  greffier  n'annonce  pas  un 
homme  brave ,  mais  un  homme  riche.  Oui ,  ce  même 
anneau  qui,  donné  par  un  autre,  serait  une  preuve 
de  courage ,  donné  par  vous ,  ne  prouve  que  la  ri- 
chesse. 


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222  IN  TERICEM  ACT.  n,  LIB.  III. 

LXXXI.  Dictum,  judices,  est  de  decumano 
frumento  ;  dictum  de  emto  :  extremum  et  reli- 
quum  est,  de  sestimato.  Quod  '  quum  magnitudine 
pecunî»,  tum  injuriœ  génère  quemvîs  débet  com- 
movere;  tum  vero  eo  ma  gis,  quod  ad  hoc  crimen 
non  ingeniosa  aliqua  defensio ,  sed  improbissima 
confessio  comparatur.  Nam  quum  ex  senatuscon- 
sulto  et  ex  legibus  frumentum  ei  in  cellam  sttmere 
liceret;  idque  frumentum  senatus  ita  «stimasset^ 
quaternis  H-S  tritici  modium;  binis,  hordei  :  iste, 
numéro  ad  summam  tritici  adjecto,  tritici  modios 
singulos  cum  aratoribus  denariis  ternis  aestimayit. 
Non  «st  in  hoc  crimen ,  Hortensi  ;  ne  forte  ad  hoc 
meditere /multos  saepe  -viros  bonos,  et  fortes,  et 
innocentes  cum  aratoribus  et  cum  ciyitatibus  fru- 
mentum, in  cellam  quod  sumi  oporteret,  aesti- 
masse,  etpecuniam  pro  frumento  abstulisse.  Scio, 
quid  soleat  jQeri  ;  scio ,  quid  liceat  :  nihil ,  quod 
antea  fuerat  'M  consuetudine  bonorum,  nunc  in 
istius  facto  reprehenditur;  Hocreprehendo,  quod, 
quum  in  Sicilia  H-S  ii  tritici  modius  esset ,  ut  is- 
tius epistola  ad  te  missa  Tleclarat;  summum  H-S 
ternis,  id  quod  et  testimoniis  omnibus  et  tabulis 
aratorum  planum  factum  antea  est  :  tum  iste  pro 
tritici  modiis  singulis  ternos  ab  aratoribus  dena- 
rios  e^egit.  Hoc  crimen  est;  ut  inteLligas,non  ex 
œstimatione,  neque  ex  ternis  denarib  pendere  cri- 
men ,  sed  ex  coauctione  annonse ,  atque  aestima- 
tionis. 

LXXXII.  Etenim  hœc  aestimatio  nata  est,  judi- 
'  Al.  tum  magnitudine. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRÈIS,  III.  aaS 
LXXXI.  J^aî  padé,  Romains ,  da  blé  éUmi  et  da  )>lé 
acheté  ;  il  me  reste ,  et  c'est  la  dernière^  partie  de  ce 
discours,  à  parler  da  blé  esàmé.  Ce  chef  d'accusation 
doit  indigner  tont  le  monde  parla  nature  du  vol  comme 
par  la  grandeur  des  sommes  soustraites  ;  et  cela  d'au- 
tant plus  que ,  pour  le  détruire  ,  on  imagine ,  non  une 
défense  ingénieuse,  mais  le  pins  impudent  aveu.  Un 
sénatus-consulte  et  les  lois  permettaient  au  préteur  de 
prendre  du  blé  pour  la  subsistance  de  safmaîson  ;  le 
sénat  avait  estimé  ce  blé  à  quatre  sesterces  par  bois- 
seau de  froment ,  et  à  deux  sesterces  par  boisseau 
d'orge  :  Yerrès,  non  content  d'exiger  plus  de  blé  qu'il 
ne  lui  en  était  du,  força  les  cultivateurs  à  lui  payer 
douze  sesterces  par  boisseau  de  froment.  Ce  n'est  pas 
de  l'estimation  «n  général  qu'on  lui  fait  un  crime  ;  ne 
pensez  pas ,  Hortensius ,  à  nous  répondre  que  plnsiears 
hommes  de  bien ,  généreux  et  irréprochables,  ont  sou- 
vent traité  avec  les  cultivateur  et  i^ec  les  villes,  ont 
estimé  ce  qu'on  leur  devait  pçur  l'entretien  de  ;lear 
maison ,  et  ont  pris  de  l'argent  au  lieu  de  blé.  Je  sais 
ce  qui  est  d'usage,  je  sais  ce  qui  est  permis  :  je  ne  blâme 
rien  dans  la  conduite  de  Yerrès  qui  ait  été  déjà  pra- 
tiqué par  des  citoyens  vertueux.  Ce  que  je  blâme ,  Hor- 
tensius ,  c'est  que  le  blé  en  Sicile  ne  valant  que  deux 
sesterces ,  comme  l'annonce  la  lettre  que  Yerrès  tous  a 
écrite ,  ou  tout  au  plus  trois  sesterces,  comme  il  a  été 
prouvé  par  toutes  les  dépositions  et  par  les  registres 
des  agriculteurs ,  "Verres  ait  exigé  de  ceux-ci  douze  ses- 
terces par  boisseau  de  blé.  Toilà  mon  accusation  :  non^ 
le  crime  n'est  pas  d'avoir  estimé  le  blé ,  ni  même  de 
l'avoir  estimé  douze  sesterces  ^7,  mais  d'en  avoir  exigé 
plus  qu'il  ne  vous  était  dû ,  et  d'en  avoir  alors  porté 
si  haut  le  prix. 

LXXXII.  Ce  qui  dans  le  principe  a  fait  naître  la  cou- 


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224  IN  TERREM  ACT.  U,  LIB.  HI. 

ces,  initio,  non  ex  prsetorum  aut  consulum,  sed 
ex  aratorum  atque  civitatum  commodo.  Nemo 
enîm  fuit  inîtio  tam  impudens,  qui,  quum  fru- 
mentum  deberetur,  pecuniam  posceret  :  certe  hoc 
ab  aratore  primum  est  profectum ,  aut  ab  ea  ciyi  - 
tate ,  cui  imperabatur  :  quum  aut  frumentum  yen- 
didisset,  aut  servare  yellet,  aut  in  eum  locum, 
qi^o  imperabatur,  portare  noUet;  petiyit  in  bene- 
ficii  loco,  et  gratiae,  ut  sibi  pro  frumento,  quanti 
frumentum  esset ,  dare  liceret.  Ex  hujusmodi  prin- 
cipio ,  atque  ex  liberalitate  atque  accommodatione 
magistratuum,  consuetudo  aeslimationis  introducta 
est.  Secuti  sunt  ayariores  magistratus  :  qui  tamen 
in  ayaritia  sua  non  solam  yiam  quœstus  inyene« 
runt,  yerum  etiam  exitum  ac  rationem  defensio" 
nis.  Instituerunt  semper  ad  ultima  ac  diffîcillima 
'  ad  portandum  loca  frumentum  imperare,  ut,  yec- 
turœ  difBcultate,  ad  quam  yellent  aestimationem 
peryenirent.  In  hoc  génère  facîlior  estexistimatio, 
quam  reprehensio  ;  ideo ,  quod  euita ,  qui  hoc  fa- 
city  ayarum  possumus  existimare,  crimen  ih  eo 
constituere  non  tam  facile  possumus;  quod  yide- 
tur  concedendum  magistratibus  nostris  esse,  ut 
iis,  quo  loco  yelint,  frumentum  accipere  ,liceat. 
Itaque  hoc  est,  quod  multi  fortasse  fecerunt  :  *  et 
ita  multi ,  ut  ii  ^  quos  innocentissimos  meminimus, 
aut  andiyimus,  non  fecerint. 

LXXXIII.  Quaero  nunc  a  te,  Hortensi,  cum 
utris  tandem  istius  factum  collaturus  es  ?  cum  iis, 
credo ,  qui ,  benignitate  adducti ,  per  beneficium 

'  Al.  habent,  loca  adportandum  fr.  irop.  >~  '  Melius 
sed ,  utjam  'vidit  Martutius. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  IH.  2a5 
tome  de  l'eatimatîon ,  ce  n'est  pas ,  Romains ,  Tavantage 
desprétenrs  on, des  consuls,  mais  celui  des  agricul- 
teurs et  des  villes.  Il  n'y  a  point  en  dans  Torigine  de 
magistrat  assez  effronté  pour  demander  de  Targent  an 
lieu  du  blé  qui  lui  était  dû  :  cette  coutume  est  certai- 
nement venue  de  Tagriculteur  ou  de  la  ville  qui  de- 
vait fournir  le  blé.  Soit  quMls  eussent  vendu  leurs 
grains ,  soit  qu'ils  voulussent  les  garder ,  ou  ne  les  pas 
transporter  dans  le  lieu  que  Ton  prescrivait ,  ils  ont 
demandé ,  comme  une  faveur  et  une  grâce ,  de  pouvoir 
donner  au  lieu  de  blé  la  valeur  en  argent.  Tel  est ,  sans 
doute ,  l'origine  de  l'estimation  ;  c'est  l'envie  d'obliger 
et  la  condescendance  de  nos  magistrats  qui  en  ont  in- 
troduit l'usage.  Sont  venus  depuis  des  magistrats  avides, 
mais  dont  l'avidité ,  en  chercbant  une  voie  pour  s'en- 
richir, s'est  ménagé  un  moyen  de  défense.  Us  ordon- 
naient qu'on  transportât  leur  blé  dans  les  lieux  les  plus 
éloignés,  et  où  le  transport  était  le  plus  difficile/  afin 
que  la  difficulté  du  charriage  fit  mettre  l'estimation 
qu'ils  voudraient.  Il  est  alors  plus  aisé  de  blâmer  un 
préteur  que  de  l'accuser  :  nous  pouvons  trouver  sa 
cupidité  répréhensible ,  mais  nous  ne  pouvons  aussi 
fadlement  établir  une  accusation  contre  lui,  parce 
qu'il  doit  être  permis,  ce  semble ,  à  nos  magistrats  de 
recevoir  leur  blé  où  ils  veulent.  "Voilà  peut-être  ce 
qu'ont  fait  beaucoup  d'entre  eux ,  mais  non  pas  néan- 
moins les  plus  intègres,  que  nous  connaissons  par 
nous-mêmes  ou  par  la  tradition. 

LXXXni.  Je  vous  le  demande  â  présent,  Horten- 
sins,  à  laquelle  de  ces  deux  sortes  de  magistrats  com> 
parerei-von»Ter  rès  et  sa  conduite  ?  "Vous  le  comparerez, 
je  n'en  doute  pas ,  à  c^ux  qui ,  par  bonté ,  ont  accordé 
aux  villes ,  comme  une  grâce,  de  donner  de  l'argent  an 


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426  m  VERREM  ACT.  H,  LIE.  IH. 

et  gratiam  civitatibus  concessenint ,  ut  nummos 
pro  frumento  darent.  Ita  credo,  petiisse  ab  isto 
aratores,  ut,  quum  H-S  ternis  tritici  modium  ven- 
dere  non  possent ,  pro  singulîs  modiis  temos  de- 
narios  dare  liceret.  An ,  quoniam  hoc  non  audes 
dicere,  illuc  confugîes,  vecturse  djjïicultate  ad- 
ductos ,  ternos  denarios  dare  maluîsse  ?  Cujus  vec- 
turae?  quo  ex  loco,  in  quem  locum  ne  portarent? 
Philômelione  Ephesum  ?  Video ,  quid  inter  aAno- 
nam  interesse  soleat;  video,  quot  dierum  via  sit;  " 
video  Philomeliensibus  expedire,  quanti  Ëphesi 
sit  frumentum,  tantum  dare  potius  in  Phrygia, 
quam  Ephesum  portarc ,  aut  ad  emendum  frumen- 
tum Ephesum  pecuniam  et  legatos  mittere.  In  Si- 
cilia  vero  quid  ejusmodi  ?  Enna  mediterranea  est 
maxime  :  coge ,  ut  ad  aquam  tibi ,  id  quod  summi 
juris  est,  frumentum  Ennenses  metiantur  :  vel 
Phintiam,  vel  Halesam,  vel  Catinam,  loca  inter 
se  maxime  diversa ,  eodein  die,  quo  jusseris,  de- 
portabunt.  Tametsi  ne  vectura  quidem  opus  est. 
Nam  totus  quaestus  hic ,  judices ,  sestiraationîs ,  ex 
annonae  natus  est  varietate.  Hoc  enim  magistratus 
in  proviucia  assequi  potest,  ut  ibi  accipiat,  ubi 
est  carissimum.  Ideo  valet  ista  ratio  aestimationis 
in  Asia  ;  valet  in  Hispanîa  ;  valet  in  bis  provinciis , 
in  quibus  nnum  pretium  frumento  esse  non  solet. 
In  Sicilia  vero  quid  cujusquam  intererat,  quo  loco 
daret?  neque  enim  portandum  erat;  et,  quo  quis- 
que  vehere  jussus  esset,  ibi  tantidem  frumentum 
emeret ,  quanti  domi  vendidisset.  '  Quj^mobrem  si 

'  Lamhmus  edidit,  Quamobrem  si  vis ,  Hortensi ,  do- 
cere  aliquid.  Garaton.  n}€ro  aliquid  delere  rnalit. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  III.  aa; 
lien  de  blé.  Oai ,  sans  doate ,  les  agriculteurs  ont  de- 
mandé à  Terres  que ,  ne  pouvant  pas  vendre  le  bois- 
sean  de  blé  trois  sesterces ,  il  lear  fat  permis  d*en  don- 
ner donze  pour  chaque  boisseau.  Mais ,  co Ame  vous 
n'oserez  pas  dire  cette  absurdité ,  direz-vous  qu'ils  ont 
mieux  aimé  donner  douze  sesterces  à  cause  de  la  diffi- 
culté du  charriage?  Et  de  quel  charriage  ?  de  quel  lieu 
et  dans  quel  endroit  fallait-îl  transporterie  blé?  de  Phi- 
lomélinm  ®*  à  Ephèse  ?  Je  vois  la  différence  qu'il  y  a 
entre  le  prix  du  blé  des  deux  villes  ;  je  vois  combien 
il  y  a  de  jours  de  transport  ;  je  vois ,  quel  que  soit  le 
prix  du  blé  à  Éphèse ,  qu'il  est  avantageux^  aux  habi- 
tants de  Pbilomélium  de  donner  plutôt  en  Phrygîe  l'ar- 
gent qu'on  leur  dentande ,  que  de  transporter  leur  blé 
à  Éphèse ,  ou  d'y  envoyer  de  l'argent  et  des  commis- 
sionnaires pour  acheter  du  blé.  Mais,  dans  la  Sicile, 
qu'y  a-t-il  de  pareil  ?  Enna  est  la  ville  le  pins  au  centre 
des  terres  :  obligez  les  habitants ,  ce  qui  est  d'une  ex- 
trême rigueur ,  à  vous  mesurer  votre  blé  sur  les  bords 
de  la  mer ,  ou  à  Phintie ,  ou  à  Halèse ,  on  à  Catane , 
lieux  les  plus  éloignés  les  uns  des  autres ,  ils  vous  le 
porteront  le  même  jdur  que  vous  l'aurez  demandé.  Que 
dis-je  ?  il  n'est  p^s  même  besoin  de  transport.  En  efiet , 
tout  ce  trafic  de  l'estimation  est  vena  de  la  divecsité 
des  prix.  Un  magistrat  peut  exiger  dans  sa  province 
qu'on  lui  fournisse  son  blé  dans  l'endroit  oà  il  est  le 
pins  cher.  Aussi  cette  pratique  êe  l'estimation  est  fort 
en  usa^e;  dans  l'Asie,  dans  l'Espagne,  dans  les  pro- 
vinces bù  le  prix  du  '^lé  varie.  Mais  dans  la  Sicile , 
qu'est-ce  que  fetâtt  à  chacun  le  Uen  où  il  fournirait  le 
blé.P  II  ne  sét'4k'{tb»  èbligé  de  l'y  porter  ;  et  dans  l'en- 
dfoit  où  û  sfuralôordre  d'en  faire  le  transport ,  il  achè- 
terait do  blé  le 'même  prix  qu'il  l'aurait  vendu  dans  sa 
viUe.  Ainsi  donc,  Hortensius,  voulez-vous  montrer 


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aaS  m  VERREM  ACT.  II,  LIB.  m. 

quid,  Hortensi,  docére  vis,  aliqaid  ab  isto  sîmile 
in  sestimatione ,  atque  a  ceteris,  esse  factnm;  do- 
oeas  oportet ,  aliquo  in  loco  Sicilisfr ,  prstore 
Verre,  ternis  denariis  tritici  modium  iiiisse. 

LXXXI V.  Vide ,  quam  tibi  defensionem  pâte- 
fecerim;  quam  iniquam  in  socios,  quam  remotam 
ab  utilitate  reipublicae,  quam  sejiinctam  a  yolun- 
tate  atque  sententia  legis.  Tu,  quum  tibi  ego  fru- 
mentum  in  meis  agris ,  atque  in  mea  civitate ,  de- 
nique  quum  in  iis  locis,  in  quibus  es,  Tersari^, 
rem  geris,  provinçiam  administras,  paratus  sim 
dare;  angulum  mihi  aliquem  eligas  pro'vinciœ  re- 
conditum  ac  derelictum  ?  jubeas  ibi  me  metiri ,  quo 
portare  non  expédiât?  ubi  emete  non  'possim? 
Improbum  facinus,  judices,  non  ferendum,  ne- 
mini  lege  concessum,  sed  fortassè  adhuc  in  nulle 
etiam  yindicatum  :  tamen  ego  boc,  quod  ferri 
nego  posse,  Verri,  judices,  concedo  et  largior. 
Si  ullo  in  loco  ejus  provinciœ  frumentum  tanti 
fuit,  quanti  iste  sestimavit,  hoc  crimen  in  istum 
reum  yalere  oportere  non  arbitror'  Veruni,  enim- 
vero  quum  esset  H- S  binîs,  aut  etiam  ternis  jqui- 
busVis  in  locis  pro-vinciœ,  duçdenos  sestertios  es^- 
egisti.  Si  mihi  tecum  neque  de  annpna ,  neque  de 
aestimatione  tua  pot^t  esse  controversia ,  quid  se- 
des?  quid  exspectas?  quid  défendes,?  Utrum  tibi 
pecunisB  ^  conciliât»  videntur.adversum  leges ,  ad- 
versum  rempublicam,  cum  maxingia  sociorum  in^ 
juria;  an  vero  id  recte;  ordine,.  e  republica,  sine 
cujusquam  injuria  factum  esse  défendes?  Quum 
tibi  senatus  ex  aerario  pecuniam  promsisset ,  et 

'  Possnm.  —  '  Lambin,  addit  coact». 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  III.  229 
que  Verres  a  suivi  pour  restimation  Fexemple'des  au- 
tres magistrats ,  montrez  qae ,  dans  quelque  endroit 
de  la  Sicile,  sOus  la  prétnre  de  Verres,  le  blé  8*est 
vendu  douze  sesterces.  . 

LXXXIV:  Voyez  quel  champ  de  défense  je  vous  on* 
vre;  qnel  moyen  je  vous  fournis  ;  combien  ce  moyen 
est  injuste  pour  les  alliés ,  contraire  aux  intérêts  de  la 
république ,  peu  conforme  au  vœu  et  à  l'esprit  de  la 
loi.  Je  suis  prêt  à  vous  fournir  moti  blé  dans  mes  cam- 
pagnes ,  dans  ma  ville ,  enfin  dans  les  lieux  où  vous 
êtes ,  ou  vous  séjournez ,  où  vous  administrez  les  af> 
faires  ,  on  vous  gouvernez  votre  province  ;  et  vous  me 
choisirez  un  coin  de  la  province  caché  et  abandonné  ! 
vous  m^ordonnerez  de  mesurer  le  blé  que  je  vous  dois 
dans  un  lien  où  il  ne  m'est  pas  commode  d'en  porter , 
où  je  ne  puis  en  acheter  !  Ce  serait  là  une  odieuse  et 
intolérable  manœuvre,  une  conduite  que  n'autorisa 
jamais  la  loi ,  mais  que  peut-être  jusqu'à  ce  jour  on 
n'a  punie  dans  personne  :  eh  bien  !  ce  que  je  dis  n'être 
pas  tolérable ,  je  Faocorde ,  je  le  passe  à  Verres.  Oui , 
si ,  dans  quelque  endroit  de  sa  province ,  le  blé  s'est 
vendu  aussi  cher  qvAl  l'a  estimé,  |e  ne  crois  f)as  qu'on 
doive  en  faire  un  crime  à  un  accusé  tel  que  lui.  M«is 
non  :  lorsque ,  dans  tous  les  endroits  de  votre  pro- 
vince ,  le  blé  se  vendait  deux  ou  trois  sesterces ,  vous 
en  avez  exigé  douze.  Si  donc  il  ne  peut  y  avoir  de 
contestation  entre  vous  ^  moi ,  ni  pour  le  prix  du  blé 
ni  pour  votre  estimation ,  pourquoi  rester  assis  ?  qn'at- 
tendez-vous?  par  où  peut-on  vous  défendre?  Vous 
parait-il  que  vous  ayez  exigé  de  l'argent  contre  les  lois , 
contre  la  république ,  au  gran^  préjudice  des  alliés  ? 
ou  bien  soutiendra-tsou  que  vous  avez  agi  dans  la  règle, 
sans  violer  la  lof,  sans  léser  la  république,  sans  faire 
tort  à  personne  ?  Le  sénat  ayant  tiré  de  l'argent  du 
vrir.  20 

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a3o  IN  TERREM  ACT.  II,  LIB.  lU. 

singulos  tibi  denarios  adnumerasset ,  quos  tu  pro 
singulis  modus  aratoribus  solyeres;  quid  facere 
debuisû  ?  Si ,  quod  L.  Piso  ille  Fnigi ,  qui  legem 
de  pecnniis  repetuudis  primus  tulit;  quum  émis- 
ses, quanti  «sset,  quod  superaret  pecuniae,  retu- 
lisses  :  si,  ut  ambitiosi  bomines,  aut  benigni; 
quum  pluris  senatus  sestimasset ,  quam  quanti  esset 
annona ,  ex  senatus  sestimatione ,  non  ex  annonœ 
ratione,  solvisses  :  sin ,  ut  plerique  faciuut,  in  quo 
etiam  erat  aliquis  quaestus,  sed  is  honestus,  atque 
concessus;  frumentum,  quoniam  yilius  erat,  ne 
émisses;  sumsisses  id  nummorum ,  quod  tibi  sena- 
tus, cellsD  nomine,  concesserat. 

LXXX  V.  Hoc  vero  quid  est  ?  quam  habet  ra- 
tionem,  non  quaero  aequitatis,  sed  ipsius  impro- 
bitatis  atque  impudentise?  Neque  enim  est  fere 
quidquam ,  quod  horaines  palam  facere  audeant 
in  magistratu ,  quamvis  improbi,  quin  ejus  facti, 
si  non  bonam,  at  aliquam  riltionem  afferre  soleant. 
Hoc  quid  est?  Venit  prastor  :  Frumentum,  in- 
quit,  me  abs  te  emere  oportet.  Optime.  Modium 
denario.  Bénigne,  ac  liberalitep  :  nam  ego  tribus 
H-S  non  possum  vendere.  Mihi  frumento  non 
opus  est  :  nummt)S  yolo.  Nam  speraveram ,  inquit 
arator,  me  ad  denarios  perventurum;  sed,  si  ita 
necesse  est ,  quanti  frunpentum  sit ,  considéra.  Vi- 
deo esse  binis  H-S.  Quid  ergo  a  me  tibi  nummo- 
rum dari  potest,  quum  senatus  tibi  quatemos  H-S 
dederit?  Quid  iposcat,  attendite;  et  vos ,  quaeso , 
$imul ,  judices ,  aequîtatem  pr«toris«attendire.  Qua- 

'  Fictor.,  ManiU.»  poscit. 

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5EC.  ACTION  CONTRE  TEKRÈS,  HI.  a3r 
trésor,  et  vous  ayant  compté  quatre  sesterces  pour  les 
donner  anx  agricnltears  par  chaque  boisseau,  que 
deviez- vous  faire  ?  Suivre  Texemple  de  Pison ,  ce  magis- 
trat si  intègre,  ce  premier  auteur  d'une  loi  contre  la 
concu^ion ,  et,  après  avoir  acheté  le  blé  ce  qu'il  valait , 
rapporter  au  trésor  ce  qui  serait  resté  d'argent;  ou 
chercher ,  comme  quelques  uns ,  à  gagner  les  bonnes 
grâces  des  alliés,  à  leur  «faire  du  bien,  et  les  payer 
d'après  l'estimation  du  sénat  qui  était  au-dessus  du 
prix  courant,  et  non  d'après  la  valeur  du  blé;  ou 
enfin,  imiter  ce  qu'ont  fait  la  plupart,  et  ce  qui 
n'était  pas  même  sans  quelque  profit  honnête  et  légi- 
time ,  ne  pas  j|cheter  de  blé ,  puisqu'il  était  à  bas  prix , 
et  garder  l'argent  que  vous  avait  remis  le  sénat  pour 
les  provisions  de  votre  maison. 

LXXXV.  Mais  vous,  qu'avez-vous  fait?  comment 
expliquer  votre  conduite,  je  ne  dis  pas  d'après  les 
règles  de  la  justice,  je  dis  même  d'après  les  principes 
ordinaires  de  la  perversité  la  plus  impudente?  Quel- 
ques excès  que  commette  ouvertement  un  magistrat, 
même  pervers,  il  se  ménage  toujours  une  réponse,  un 
prétexte ,  s'il  n'a  point  réellement  d'excuse.  Ici ,  com- 
ment le  préteur  procède-t-U  avec  le  cultivateur?  Il  va 
le  trouver  :  Il  faut ,  dît-il,  que  je  vous  achète  du  blé. 
•—  Fort  bien.  ^  J'ai  quatre  sesterces  par  boisseau. 
—  "Vous  me  traitez  avec  bonté  et  générosité ,  car  je  ne 
puis  le  vendre  tf  ois  sesterces.  —  Je  n'ai  pas  besoin  de 
blé,  je  veux  de  l'argent.  —  Je  m'attendais ,  en  effet , 
qu'il  faudrait  payer  en  argent  ;  mais ,  puisqu'il  le  faut, 
considérez  quel  est  le  prix  du  blé.  —  Oui ,  je  sais  qu'il 
se  vend  deux  sesterces,  —  Que  pnis-je  donc  vous  don- 
ner d'argent,  lorsque  le  sénat  vous  en  a  remis  quatre  ? 
Écoutez,  Romains,  ce  que  Verres  demande;  et  en 
même  temps  remarquez,  je  vous  prie,  l'équité  du 


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a5a  IN  TBRREM  ACT.  II,  LIB.  III. 
ternos  H-S,  quos  mihi  senatus  decrevit,  et  ex 
serario  dédit ,  ego  habebo ,  et  in  cistam  transferam 
ex  fisco.  Qnid  postea  ?  Quid  ?  pro  singulis  modiis, 
qiios  tibi  impero ,  tu  mihi  octonos  H-S  dato.  Qua 
ratione  ?  Qnid  quaeris  rationem  ?  non  tantàm  ratio- 
nem  res  habet,  quantam  utilitatem  atque  prœdaxn. 
pic,  die  y  inquit  ille,  planîus.  Senatus  te  yoluit 
mihi  nummos  dare;  me  tibi  frumentum  metiri.  Tu 
eosnummos,  quo#mihi  senatus  dari  Toluit,  ipse 
habebis;  a  me,  cui  singulos  denarios  dari  opor- 
tuit,  binos  aufers?  et  huie  prsedœ  ac  direptioni, 
cellflB  nomen  imponis?  '  Hsc  deerat  injuria,  et 
bsc  calamitas  aratoribus,  te  praetore,  qua  reliquis 
fortunis  omnibus  eyerterentur  :  nam  quid  esse  re- 
liqui  poterat  c4,  qui  per  hanc  injurîam  non  modo 
frumentum  omne  amittere ,  sed  etiam  omne  in- 
strumentum  yendere  cogeretur  ?  Quo  enim  se  ver- 
teret,  non  habebat.  Ex  quo  fruetu  nummos,  quos 
tibi  daret,  inveniret?  Decumanim  nomine  tantum 
erat  ablatum ,  quantum  yoluntas  tulerat  Apronii  ; 
pro  alteris  decumis,  emtoque  frumento,  aut  nihil 
datum,  aut  tantum  datum,  quantum  reliqui  scriba 
fecerat,  aut  ultro  etiam,  id  quod  didicistis,  abla- 
tum. Cogantur  etiam  nummi  ab  aratore?  quo- 
modo  ?  quo  jure  ?  quo  exemplo  ? 

LXXXVI.  Nam,  quum  fructus  diripiebantur 
aratorum,  atque  omni  lacerabantur  injuria;  vide- 
l>atur  id  perdere  arator,  quod  aratro  ipse  quaesis- 
set,  in  quo  elaborasset,  quod  agri  segetesque  ex- 

'  Cod.  Tfann.y  Hoc  deerat  injuria». 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  lU.     233 
pirétear.  Je  garderai  les  qaatre  sesterces  que  le  sénat 
m'a  fait  donner  sur  le  trésor,  et  je  les  transporterai  de 
la  caisse  dans  mon  coffre.  —  Et  après  celst?  —  A.près 
cela  ?  Donnez-moi  huit  sesterces  pour  chaque  boisseau 
que  j'exige  de  vous.   —  Y  a-t-il  de  la  raison  ?  —  Que 
me  parlez-vous  de  raison?  Ce  n'est  pas  la  raison  que 
je  cherclie ,  mais  mou  profit  et  mon  intérêt.  —  Par- 
lez, parlez  sérieusement,  dit  le  cnltÎTateur.  Le  sénat 
veut  que  vop»  me  donniez  de  l'ailfent,  et  que  je  vous 
mesure  du  blé.  Et  vous,  vous  garderez  l'argent  que  le 
sénat  vous  a  remis  pour  moi,  et  vous  me  prencbez 
huit  sesterces  lorsque  vous  deviez  m'en  donner  qua- 
tre !  ce  pillage  et  <5ette  rapine ,  vous  l'appellerez  pro- 
vision de  votre  maison  !  n  ne  manquait  plus,  Verres, 
aux  infortunés  laboureurs ,  sous  votre  préture ,  que 
cette  vexation  et  cette  calamité  pour»consommer  leur 
raine.  En  effet ,  que  pouvait-il  rester  à  un  malheureux, 
qui  parla  se  voyait  réduit  à  perdre  tout  son  grain, 
et  même  à  vendre  tous  ses  instruments  de  labourage  ? 
Quel  secours.^  quelle  espérance?  Sur  quelle  récolte 
pouvait-  il  trouver  de  l'argent  pour  vous  en  donner  ? 
Sous  prétexte  de  dîmes,  on  lui  avait  enlevé  tout  ce 
qu'avait  demandé  Apronius  ;  pour  une  seconde  dîme 
qu'il  se  trouvait  obligé  de  vendre ,  on  ne  lui  avait  rien 
donné  absolument ,  ou  on  ne  lui  avait  donné  que  les 
restes  du  greffier  ;  on  lui  avait  même  ,  comme  je  l'ai 
fait  voir,  enlevé  de  son  bien  sans  aucun  prétexte.  Et 
l'on  exigera  encore  de  l'argent  de  cet  infortuné  !  Com- 
ment? de  quel  droit?  d'après  quel  usage  ? 

LXXX'VI.  Lorsque  les  récoltes  des  agriculteurs 
étûent  pillées ,  anéanties  par  mille  vexations ,  le  culti- 
vateur d'un  champ  ne  semblait  perdre  que  ce  qu'il 
avait  gagné  par  sa  charrue ,  le  fruit  de  son  labeur,  le 
produit  de  ses  terres  et  de  ses  moissons.  Il  lui  restait 


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7.34  IN  TERREM  ACT.  Il,  LIB.  III. 

tulissent.  Quibus  injuriis  gravissimis  tamon  illud 
erat  misenim  solatium,  quod  id  perdere  yideba- 
tur,  quod  alio  praetore,  eodem  ex  agro  rcparare 
posset.  Nummos  vcro  ut  '  det  arator,  *  quos  non 
aratro  ac  manu  quserit,  boves,  et  aratrum  ipsum, 
et  omne  instrumentum  vendat ,  necesse  est.  Non 
enim  debetis  hoc  cogitare  :  habet  idem  in  num- 
mis;  habet  idem  ip  urbanis  prsdiis.  Nam  qnum 
aratori  onus  aliquod  imponitur,  'non  hominisy 
si  qus  sunt  prseterea,  facultates,  sed  arationis  ip- 
sius  vis  ac  ratio  consideranda  est,  quid  ea  susti- 
nere,  quid  pati,  quid  e£Qcere  possit  ac  debeat. 
Quanquam  illi  quoque  sunt  homines  ab  isto  omni 
ratione  exinaniti  ac  perditi;  tamen  hoc  yobisest 
statuendum,  quid  aratorem  ipsum  arationis  no- 
mine  muneris  in  republica  fungi  ac  sustinere  ve- 
]itis.  Imponîtis  decumas  :  patiuntur  ;  altéras  :  tem- 
poribus  yestris  serviendum  putant;  dent  emtum 
prsterea  :  dabunt,  si  voletis.  Haec  quam  sint  gra- 
via ,  et  quid ,  his  rébus  detractis ,  possit  ad  domi- 
nos puri  ac  relîqui  pervenire,  credo  vos  ex  vestris 
rébus  rusticîs  conjectura   assequi  posse.   Addite 
nunc  eodem  istius  edicta^instituta,  injurias;  ad- 
dite Apronii  Veneriorumque  servorum  in  agro  de- 
cumano  régna  ac  rapinas.  Quanquam  hœc  omitto  : 
de  cella  loquor.  Placetne  vobis,  in  cellam  magis- 
tratibus  nostris  frumentum  Siculos  gratis  dare? 
Quid  hoc  indignius?  quid  iniquius  ?  Atqui  hoc  sci- 

'  Daret.  —  ^  Cod.  Tfann.,  quos  non  exarat.  Audacius. 
—  ^  Sic,  teste  Camerario,  edilio  Feneta,  et  eodem  ductuit 
regii  codices ,  in  quibus  sciilitur ,  non  homines.  Ernest, 
cum  niulgat.,  non  omnes.  ^ 


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SEa  ACTION  CONTRE  VERRES,  III.     235 
diT  moins  dans  son  malheur  cette  tiiste  consolation , 
que  les  pertes  quMl  faisait ,  le  même  champ ,  sons  nn 
antre  prêteur,  lui  fournirait  de  quoi  les  réparer.  Mais 
pour  qu'il  donne  un  argent  que  ne  lui  procurent  point 
ses  bras  et  sa  charrue ,  il  faut  qu'il  vende  ses  bœufs , 
sa  charrue  même  et  tous  ses  instruments  de  labourage. 
En  effet,  juges,  vous  ne  devez  pas  vous  dire  :  Il  a  de 
Fargent  dans  ses  coffres ,  il  a  des  maisons.  Lorsqu'on 
impose  une  charge  au  cultivateur  d'une  terre ,  on  ne 
doit  pas  considérer  les  facultés  qu'il  peut  avoir  d'ail- 
leurs ,  mais  le  produit  naturel  de  la  culture  ,  mais  les 
charges  que  cette  terre  peut  et  doit  supporter.  Quoi- 
que les  plus  riches  agriculteurs  *  aient  été  épuisés  de 
toutes  les  manières  et  minés  par  Yerrès ,  vous  devez 
néanmoins  régler  les  charges  que  le  cultivateur,  par 
lui-même ,  doit  porter  et  acquitter  dans  la  république 
pour  les  terres  qu'il  laboure.  Yous  leur  imposez  une 
dîme ,  ils  le  souffrent  ;  une  seconde  dime ,  ils  croient^ 
devoir  subvenir  à  vos  besoi^  ;  vous  exigez  de  plus 
qu'ils  vendent  des  grains  à  l'état  ®9;  ils  les  vendront, 
4  vous  le  voulez.  L'administration  de  vos  biens  de 
campagne  sufBt,  je  pense,  pour  vous  faire  juger  com- 
bien ces  charges  sont  onéreuses ,  et  ce  qui  peut  revenir 
net  aux  propriétaires  lorsque  tout  est  acquitté.  Ajou- 
te«-y  maintenant  les  ordonnances  de  "Verres ,  ses  rè- 
glements, ses  vexations  sans  nombre;  ajoutez-y  la 
tyrannie  et  les  rapines  d'Apronius  et  des  esclaves  de 
Ténus  dans  les  terres  sujettes  aux  dîmes.  Mais  je  laisse 
ces  exactions  iniques ,  je  ne  parle  que  des  provisions 
de  la  maison.  Youlez-vous  que  les  Siciliens  fournissent 
gratuitement  le  blé  pour  la  maison  de  nos  magistrats  ? 
Quoi  de  plus  odieux,  de  plus  tyrannique?  Eh  bien! 

*  Ceux  même  qui  ont  d'autres  revenus ,  d'autres  pro- 
priétés ,  gui  habent  in  nummis,  in  prcediis. 


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236  m  VERREM  ACT.  II,  LIB.  III, 

tote,  aratoribus,  hoc  praetore,  optandum  ac  pe- 

tendum  fuisse. 

LXXXVII.  '  Sositenns  est  Entellinus,  homo 
cum  primis  prudens ,  et  domi  nobilis  :  eu  jus  verba 
andistis;  qui  ad  hoc  judicium  legatus  puhlice  cum 
Artemone  et  Menisco,  prîmàriis  yiris,  missus  est. 
Is  quum  in  senatu  Eutellino  multa  mecum  de  îs- 
tius  injuriis  ageret,  hoc  dixît  :  si  hoc  de  cella  at» 
que  hac  œstimatione  concederetur,  Telle  Siculos 
senatui  poUiceri  frumentnm-  in  cellam  gratis,  ne 
posthac  tantas  pecunias  magistratibus  nostris  de- 
cerneremus.  Perspicere  vos  certo  scio ,  Siculis 
quantopere  hoc  expédiât,  non  ad  sequitatem  con- 
ditionis,  sed  ad  minima  malorum  eligenda.  Nam, 
qui  '  mille  modium  Verri  su»  partis  in  cellam  gra- 
tis dedisset,  duo  millia  nummum,  aut  summum 
tria  dedisset  :  idem  nunc  pro  eodem  numéro  fru- 
menti  H-S  yiii  millia  dare  coactus  est.  Hoc  arator 
assequi  per  triennium,  ^certe  fructu  suo,  non 
potuit  :  yendiderit  instrumentum  ,  necesse  est* 
Quod  si  hoc  munus  et  hoc  yectigal  aratio  tolerare, 
hoc  est,  Sicilia  ferre  ac  pati  potest;  populo  ro- 
mano  ferat  potius,  quam  nostris  magistratibus. 
Magna  est  pecunia  ;  magnum  praeclarumque  vec- 
tigal.  Si  modo  id  salva  provincia ,  si  sine  injuria 
sociorum  percipere  possitis;  nihil  detraho;  magis- 
tratibus tantumdem  detur  in  cellam,  quantum 

'  Lambinus  scripsit  Sositheiu.  —  '  PiUat  Grœvius  id 
latine  dici  non  passe  ,  et  conj.  mille  modios.  Sed  Uvius, 
TU,  16^  dieu  etiam  mille  jagenui,  et  XXIII,  44 > 
mille  passmim.  —  ^  Edd.  ^ett.,  certo  fructu  suo;  quod 
Desjardins  prohavit.  Sed  plures  mss.  re/ra^antur. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  III.  23; 
sachez  qae  les  agricoltears  l'aoraient  désiré ,  raaraîent 
demandé  8oa&  la  prétnre  de  'Verres. 

LXXXVII.  Sositène ,  de  la  ville  d'EnteUa,  en  est  nn 
des  citoyens  les  pins  nobles  et  les  jins  sages.  Vons  avez 
entebdn  sa  déposition  :  ses  compatriotes  l'ont  dépoté 
pour  cette  canse  avec  Artéiîion  et  Ménisque,  deux 
des  premiers  de  leur  ville.  Sositène,  dans  le  sénat 
d'Eatella ,  se  plaignant  à  moi  des  vexations  de  Verres , 
me  dit  qne ,  si  Ton  faisait  grâce  aux  Siciliens  dea  pro- 
visions de  la  maison  et  de  Festimation  arbitraire ,  ils 
promettaient  au  sénat  de  fournir  gratuitement  de  blé 
la  maison  des  préteurs ,  pour  que  nos  magistrats ,  à 
Tavenir,  ne  se  crussent  pas  autorisés  par  nous  à  extor- 
quer de  pareilles  sommes.  On  voit ,  j'en  suis  sur,  com- 
bien cet  arrangement  serait  avantageux  aux  Siciliens; 
ce  n'est  pas  qu'il  «oit  équitable ,  mais ,  entre  les  maux, 
ils  choisissent  le  moindre.  En  effet ,  celui  qui  aurait 
fourni  pour  sa  part  la  maison  de  Verres  de  mille  bois- 
seaux de  blé,  aurait  donné  deux  mille  sesterces,  on 
tout  au  plus  trois  mille  ;  au  lieu  que  ,  pour  la  même 
quantité  de  blé,  il  a  été  forcé  de  donner  huit  mille 
sesterces.  Le  laboureur,  pendant  trois  années ,  n'a  pu 
suffire  à  cette  exaction  avec  sa  récolte  ordinaire;  il  a 
fàUa  qu'il  vendît  ses  instruments  de  labourage.  Si 
l'agriculture  ,  si  la  Sicile  peut  souffrir  cette  imposition, 
qu'elle  la  souffre  pour  le  peuple  romain ,  plutôt  que 
pour  nos  magistrats.  La  somme  est  considérable;  c'est 
nn  excellent  revenir  Si  vons  pouvez  le  recueillir  sans 
ruiner  la  province ,  sans  écraser  les  alliés ,  à  la  bonne 
heure ,  recueillez-le  ;  qu'on  donne  à  nos  magistrats , 
pour  leurs  provisions ,  ce  qu'on  leur  a  toujours  donné. 
Si  les  Siciliens  ne  peuvent  suffire  aux  impôts  de 
Verres,  qu'ils  s'y  refusent;  s'ils  le  peuvent,  qne  ce 
soit  plutôt  un  revenu  de  la  république  qu'un  butin 


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a38  IN  TERREM  ACT.  II,  UB.  HI. 

semper  datum  est.  'Qood  prœterea  Verres  împe* 
rat,  id,  si  facere  dod  possunt,  récusent;  si  pos- 
sunt,  populi  romani  potius  hoc  sit  yectigal,  quant 
prsda  prœtoris.  Deinde  cur  in  uno  génère  solo 
frumenti  sestimatio  constituitur?  Si  est  sequa  et  fe- 
renda  :  débet  populo  rbmano  Sicilia  decumas  ;  det 
pro  singulis  tritici  modiis  '  ternos  denarios  ;  sibi 
habeat  frumentum.  Data  tibi  pecunia  est ,  Verres  : 
una  ,•  qua  frumentum  tibi  emeres  in  cellam  ;  altéra  , 
qua  frumentum  emeres  a  civitatibus,  quod  Romam. 
mitteres  :  tibi  datam  pecuniam  domi  rétines,  et 
prœterea  pecuniam  permagnam  tuo  nomine  aufers. 
Fac  idem  in  eo  frumento ,  quod  ad  populum  ro- 
manum  pertinet  ;  exige  eadem  aestimatione  pecu- 
niam a  civitatibus,  et  refer,  quam  accepisti  :  tum 
refertius  erit  ararium  populi  romani,  quam  un- 
quam  fuit.  At  enim  istam  rem  in  publico  frumento 
Sicilia  non  ferret  :  banc  rem  in  meo  frumento  tu- 
lit.  '  Proinde  quasi  aut  squior  sit  îsta  sestimatio  in 
tuo ,  quam  in  populi  romani  commodo  ;  aut  ea  res, 
quam  ego  dico ,  et  ea ,  quam  tu  fecisti ,  inter  se 
génère  injuriae,non  magnitudinepecuniae différât. 
Verum  istam  ipsam  cellam  ferre  nullo  modo  pos- 
sunt :  ut  omnia  remîttantur ,  ut  omnibus  injurils  et 
calamitatibus,  quas  te  praetore  tulerunt,  in  poste- 
rum  liberentur  ;  istam  se  cellam  atque  istam  acsti- 
mationem  ^  negant  uUo  modo  terre  posse. 

LXXXVIII.  Multa  Sopbocles  Agrigentinus 
apud  Gn.  Pompeium  consulem  nuper ,  homo  di- 

'  Cod.  Nann.  et  FaBr. ,  item  éd.  Grœvu,  ternos  X, 
scilicet  nota  denarii.  —  "  Lallem,,  ut  multi  alii,  Perinde. 
-—  ^  Negant  se  a.  m.  £m.  secutus  est  Manutium. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  m.  a3g 
dtt  prêteur.  Mais  pourquoi  cette  estimation  u'est-eUe 
établie  que  pour  un  genre  de  blé  ?  Si  die  est  juste  et 
.supportable ,  la  Sicile  doit  au  peuple  romain  '  des 
dîmes  f  qu^elle  lui  donne  douze  sesterces  par  boisseau , 
qu^elle  gardis  son  blé.  On  vous  a  remis ,  Terrés ,  deux 
sommes  d'argent,  destinées ,  Tune ,  à  acheter  dtt  blé 
pour  votre  maison;  Fautre,  à  en  acheter  aux  villes 
pour  renvoyer  à  Rome  :  vous  gardez  chez  vous  Far- 
gent  qui  vous  a  été  donné ,  et ,  outre  cela ,  de  votre 
chef,  vous  enlevez  aux  Siciliens  des  sommes  immenses, 
faites  la  même  chose  pour  le  blé  qui  appartient  au 
peuple  romain;  servez-vous  de  la  même  estimation 
pour  faire  payer  de  l'argent  aux  villes ,  et  reportez 
à  Rome  ce  que  vous  avez  reçu  de  Rome  ;  alors ,  sans 
doute,  le  trésor  du  peuple  romain  sera  plus  riche  qu'il 
ne  le  fut  jamais.  Mais,  direz- vous,  la  Sicile  ne  sup- 
porterait pas  cet  arrangement  pour  le  blé  de  l'état  : 
elle  l'a  supporté  pour  le  mien.  Comme  si  votre  esti- 
mation était  plus  juste  pour  votre  avantage  que  pour 
celui  de  la  l'époblique ,  ou  comme  si  mon  arrange- 
ment et  le  vôtre,  qui  diffèrent  pour  la  comme,  diffé- 
raient pour  l'injustice  !  Dites  plutôt  que  les  SiciBens 
ne  peuvent  nullement  supporter  votre  estimation  : 
dut-on  leur  remettre  tout  le  reste ,  dût-on  les  garantir 
à  jamais  de  tout  le  mal  que  leur  a  fait  votre  préture , 
ils  ne  peuvent ,  disent-ils ,  soutenir  en  aucune  manière 
cette  odieuse  exaction. 


LXXXVIII.  Sophocle,  d'Agrigente,  homme  fort 
éloquent,  rempli  de  science  et  de  vertu,  parla  derniè- 
rement devant  le  consul  Pompée  *,  au  nom  de  toute  la 
Sicile ,  sur  les  infortunes  des  laboureurs ,  qu'il  déplora. 

*  Cn.  Pompée ,  consul  en  683  avec  M.  Licinius  Crassus. 


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240  IN  TERKEM  ACT.  H,  UB.  UI. 
sertissimui,  et  omui  doctrina  et  virtute  omatîssi- 
nKis,  pro  tota  Sicilia  de  aratorum  miseriis  graviter 
ac  copiosd  dixisse  ac  déplorasse  dicitur.  Ex  quibus 
hoc,  lis,  qui  aderant  (nam  magno  conyentu  acta 
res  est),  iqidignissimuiii  videbatur  :  qua  in  re  se- 
natus  optime  ac  begnissime  cum  aratoribus  egîs- 
set,  latge  liberaliterque  asstimasset,  in  ea  re  prs- 
dari  praetorem,  bonis  everti  aratores;  et  id  non 
modo  iieri,  sed  ita  fieri,  quasi  liceat,  'conces^* 
samque  sit. 

Quid  ad  hœc  Hortensius  ?  Falsum  esse  crimen  ? 
Koc  nunquam  dicet.  Non  luagnam  hac  ratione 
pecuniam  captam?  Ne  id  quidem  '  dicet.  Non  iu- 
juriam  factam  Siculis  atqué  aratoribus  ?  Qui  pote- 
rit  dicere?  Quid  igitur  dicet?  Fecisse  alios.  Quid 
est  hoc  ?  utruni  crimini  defensio ,  an  comitatus  ex- 
silio  quœritur?  Tu  in  hac  republica,  '  atque  in  hac 
hominum  libidine ,  et  (  ut  adhuc  habuit  se  status 
judiciorum)  etiam  licentia,  son  ex  jure^  non  ex 
squitate,  non  ex  lege ,  non  ex  eo ,  quod  oportue- 
rit ,  non  ex  eo ,  quod  licuerit ,  sed  ex  eo ,  quod 
aliquis  feccrit ,  id ,  quod  reprehenditur ,  recte  fac- 
tum  esse  défendes  ?  Fecerunt  alii  alia  quam  multa  : 
cnr  in  hoc  uno  crimine  isto  génère  defensionis 
uteris  ?  Sunt  qusedam  omnino  in  te  singularia,  quse 
in  nullum  alium  hominem  dici^  neque  conyemre 
possint  :  qusedam  tibi  cum  multis  commmunia. 
£rgo ,  ut  omittanî  tnos  peculatus ,  ut  ob'jus  di- 
cundum  pecunias  acceptas,  uf  ejusmodi  cetera , 
quœ  forsitan  alii  quoque  etiam  fecerint  :  iUud ,  i]t 

'  Sic  Lalfem.,  Beck.  Al.  post  Grnt.,  dicit.  —  '^/.  au. 
Maie. 


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SEC.  ACTION  CONTRB  VERKÈS,  m.  241 
dlt'On,  d^aoe  manière  Vîtc  et  tondbante.  Ce  qui  ireTot- 
mit  le  pins  les  assistants  (  et  rassemblée  était  nom- 
breuse ) ,  c'est  qu'un  arrangement  que  la  bonté  et  la 
générosité  du  sénat  avaient  fiût  tout  à  davantage  des 
cultivateurs ,  en  décrétant  une  estimation  aussi  favo< 
rable  à  leurs  intérêts ,  eèt  été ,  pour  un  préteur ,  i^ne 
occasion  de  les  piller  et  de  les  ruiner ,  et  qu'il  se  fut 
même  porté  à  cette  rapine ,  comme  si  elle  lui  avait  été 
expressément  permise. 

Que  répondra  Hortensius  ?  Que  l'imputation  est 
fausse  ?  Il  ne  le  dira  jamais.  Que ,  par  ce  moyeu ,  Verres 
n'a  pas  tiré  de  grandes  sommes  d'argent?  Non,  il  ne 
le  dira  point.  Que  ce  n'est  pas  une  vexation  exercée 
sur  les  Siciliens  et  sur  les  agi'icnlteurs  ?  Comment  le 
pourra-t-il  dire  ?  Que  dira-t-il  donc  ?  que  d'antres  ont 
fait  de  même.  Comment  !  est-ce  là  détruire  l'imputa- 
tion d'un  délit,  on  chercher  pour  l'accusé  des  com- 
pagnons d'exil?  Quoi  !  dans  cette  république,  au  mi- 
lieu des  excès  qtii  régnent  partout ,  et  même ,  grâce  à 
la  faiblesse  des  juges,. au  milieu  de  la  licence  univer- 
sdfte ,  vous  défendrez  une  action  qu'on  attaque ,  voua 
la*  défendrez ,  son  par  le  droit ,  non  par  la  justice , 
non  par  la  loi,  non  parce  qu'on  devait,  non  parce 
qu'on  pouvait  la  faire ,  mais  parce  qu'un  a^tre  l'a  faite  ! 
D'autres  magistrats  ont  mérité  bien  d'antres  repro- 
ches :  pourquoi  donc  emploie-t>on  une  telle  défense 
dans  ce  seul  délit  ?  Verres ,  vous  avez  commis  des  cri- 
mes qui  vous  sont  entièrement  propres,  qui  ne  peu* 
vent  convenir  qu'à  vous ,  qui  ne  peuvent  êtie  imputés 
à  nul  autre  homme  ;  il  en  est  qui  vous  sont'commnns 
avec  d'autres.  Sans  parler  de  vos  péculats,  de  l'ar- 
gent qu'on  a  été  forcé  de  vous  payer  pour  obtenir 
justice, -et  de  plusieurs  iniquités  pareilles,  que  d'au- 
vue.  21 


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a4a  IN  TERREM  ACT.  H,  LIB.  III. 

quo  te  gravissime  accasavi ,  quod  ob  judicandam 
rem  pecuniam  accepisses ,  eadem  ista  ratione  dé- 
fendes, fecisse  alios?  Ut  ego  assentiar  orationî, 
defensîonem  tamen  non  probabo.  Potius  enîm,  te 
damnato,  ceterîs  angustior  locus  împrobitatis  de- 
fendendac  '  relinquatur,  quam,  te  absoluto,  aliî, 
quod  audacissime  fecerunt,  recte  fecisse  existi- 
mentur. 

LXXXIX.  Lugent  omnes  proyinciae;  querun- 
tur  omnes  liberi  populi  ;  régna  denique  jam  omnia 
de  nostris  cupiditatibus  et  injuriis  expostulant  : 
locus  intra  Oceanum  jam  nullus  est,  neque  tam 
longinquus,  neque  tam  reconditus,  quo  non,  per 
bsBC  tempora ,  nostrorum  hominum  libido  iniqui- 
tasque  pervaserit.  Sustinere  jam  populus  romanus 
omnium  nationum  non  vim,  non  arma,  non  bel- 
lum,  sed  luctum,  lacrymas,  querîmonias  non  po- 
test.  In  ejusmodi  re  ac  moribus,  si  is,  qui  erit 
adductus  in  judicium,  quum  manifestis  in  âagitiis 
tenebitur,  alios  eadem  fecisse  dicet  :  illi  exempla 
non  deeruDt;  reipublicss  salus  deerit,  si  improbo- 
rum  exemplis  improbi  judicio  ac  perîculo  libera- 
buntur.  Placent  vobis  hominum  mores  ?  placet  ita 
geri  magistratus,  ut  geruntur?  placet  socios  sic 
tractari,  quod  restât,  ut  per  haec  tempora  tracta - 
tos  yidetis  ?  Cur  hsBC  a  me  opéra  consumitur  ?  quid 
sedetis?  cur  non  in  média  oratione  mea  consur- 
gitis  atque  disceditis?  Vultis  autemistorum  auda- 
cias  oc  libidines  aliqua  ex  parte  resecare  ?  Desinite 
dubitare,  utrum  sit  utilius ,  propter  multos  impro- 

'  Reiinquetur. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  HI.  243 
très  se  sont  anssî  permises ,  défendres-yoas ,  par  le 
•  même  moyen,  le  délit  que  je  vous  ai  reproché  avec 
tant  de  force ,  d^avoir  vendu  d'injustes  arrêts  ?  direz- 
yous  que  d'autres  ont  fait  de  même  ?  Quand  j'en  con- 
viendrais avec  vous,  je  ne  recevrais  pas  néanmoins 
votre  défense  ;  car  il  vaut  mieux,  en  vous  condamnant, 
ôter  à  vos  pareils  les  moyens  de  défendre  leurs  actions 
perverses ,  que  de  paraître ,  en  vous  absolvant ,  justi- 
fier les  coupables  excès  qui  les  ont  déshonorés. 

LXXXIX.  Toutes  les  provinces  gémissent ,  tous  les 
peuples  libres  se  plaignent ,  enfin  tous  les  royaumes 
crient  contre  nos  vexations  et  nos  violences  :  il  n'est 
plus,  jusqu'à  rOcéan,  aucun  lieu  si  reculé  et  si  caché , 
où  niaient  pénétré ,  de  nos  jours ,  l'iniquité  et  la  tyran- 
nie de  nos  concitoyens.  Le  peuple  romain  ne  peut 
plus  soutenir,  non  la  force,  non  les  armes,  non  les 
révoltes ,  mais  les  gémissements ,  mais  les  larmes ,  mais 
les  plaintes  de  tontes  les  nations.  Dans  de  telles  cir- 
constances et  dans  de  pareUles  mœurs ,  si  un  accusé , 
convaincu  des  plus  honteuses  malversations ,  vient  dire 
que  d'autres  ont  fait  de  même,  il  trouvera  assez  d'exem- 
ples ;  mais  la  république  aussi  trouvera  sa  ruine  et  sa 
fin,  si  les  méchants  s'appuient  de  l'exemple  des  mé- 
chants pour  échapper  à  la  sévéfité  des  lois.  Les  mœurs 
présentes  vous  plaisent  -  elles  ?  vous  plait-îl  qu'on 
exerce  les  magistratures  coin|flie  on  les  exerce  ?  vous 
plait-il  que  les  alliés  soient  tesités  éternellement  comme 
vous  les  voyez  traités  aujoitïd'hui  ?  Pourquoi  ces  vains 
discours  ?  pourquoi  vous  fia^^er  à  m'entendre  ?  pour- 
quoi ne  pas  vous  lever  «I  vous  retirer  au  milieu  de 
cette  accusation  ?  Mais  voulez- vous  réprimer  an  moins 
en  partie  l'audace  et  la  tyrannie  des  oppresseurs  des 
peuples  ?  Cessez  de  douter  s'il  est  plus  utile  d'épargn^ 
un  seul  coupable ,  parce  qu'il  en  est  une  foule  d'au- 


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244  IN  VEKKEM  AC£,  II,  LIB.  m. 
bos  uni  parcere ,  an  unius  improbi  suppHcîo  mul- 
torom  imprôbitatem  coercere.  Tametsi  quse  ista 
sunt  exempla  IÀoltor^m?  nam  quum  in  causa  tanta, 
quum  in  crimine  maximo  dici  a  defensore  cœptum 
est,  factitatum  esse  aliquid;  exspectant  ii,  qui  au- 
diunt ,  exempla  ex  vetere  memoria  et  monumen- 
tis  ac.litteris,  plenadignitatis,  plena  antiqujtatis. 
Haec  '  enim  plurimum  soient  et  auctoritatis  habere 
ad  probandura,  et  jucunditatis  ad  audiendum.- 


XC.  Africanos  mibi ,  et  Catones,  et  Lœlios  com- 
memorabls?  et  eos  fecisse  idem  dices?  quamvis 
res  mibi  non  placeat,  tamen  contra  bominum  auc- 
toritatem  pugnare  non  potero.  An ,  quum  eoi  non  . 
*  poteris ,  profères  bos  récentes ,  Q.  Catulum  pa- 
trem,  C.  Marium,  Q.  Scaevolam,  M.  Scaurum, 
Q.  Meiellum?  qui  omnes  proyincias  babuerunf, 
et  frumentum  cellœ  nomine  imperaverunt.  Magna 
est  bominum  auctoritas ,  et  tanta ,  ut  etiam  delicti 
suspicionem  tegere  possit.  Non  babes,  ne  ex  bis 
quidem  bominibus,  qui  nuper  fuerunt,  uUum  auc- 
torem  istius  xstimationis.  Quo  me  igitur,  autad 
qnse  exempla  revocas  ?  Âb  illis  bominibus ,  qui  tum 
yersati  sunt  in  republvca,  quum  et  optimi  mores 
erant,  et  bominum  existimatio  gravis  babebatia*, 
etjudicia  severa  iîebani^|id  banc  bominum  licen-* 
tiam  et  libidinem  me  a%k|ucis?  et  in  quos  aHquid 
ex  empli  populus  roman  us  statui  putat  oportere^ 

'  Aherat  enim.  E  cod.  Nanniano  Crœv.  récupérant. 
Post  deleverat  Laihm,  y  n/olentibus  codd.  suis.  Cum  Er- 
nestio  restùuimus.  —  *  Al. ,  poteris  proferre ,  profères. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  III.  a45 
très,  on  d^arrétet  le  débordement  des  crime$  par  le 
supplice  d'an  senl  criminel.  Mais  enfin ,  qnelle  est  cette 
mnltitnde  d'exemples  dont  on  s'appnie  ?  car  on  défen< 
senr  qni ,  dans  une  cause  aussi  importante ,  dans  une 
accusation  aussi  grave,  prétend  qu'une  chose  s'est  faite 
souvent ,  semble  annoncer  des  exemples  pris  dans  des 
temps  reculés ,  dans  les  anciennes  annales ,  des  exem- 
ples respectables  par  la  dignité  des  personnes  et  l'an- 
tiquité des  témoignages.  Voilà  les  faits  qui  donnent 
le  plus  d'intérêt  au  discours ,  et  aux  preuves  le  plus 
d'autorité. 

XC.  Nous  citerez-vous ,  Hortensius ,  les  Scipion ,  les 
Caton ,  les  Lélius  ?  direz-vous  qu'ils  ont  fait  comme 
Verres  ?  Je  suis  loin  d'approuver  sa  conduite ,  je  ne 
pourrais  néanmoîps  combattre  l'exemple  de  ces  grands 
hommes.  Faute  de  pouvoir  trouver  rien  qui  vous  con- 
vienne dans  leur  histoire ,  nommerez-vous  des  magis- 
trats plus  modernes ,  Q.  Catulus  le  père ,  C.  Marias , 
Q.  Scévola ,  M.  Scaurus ,  Q.  Métellus ,  qui  tous  «nt 
gouverné  des  provinces ,  et  exigé  du  blé  pour  la  pro- 
vision de  leur  maison  ?  Le  nom  de  ces  hommes  est  im- 
posant, et  si  imposant ,  qu'il  semblerait  même  pouvoir 
couvrir  une  action  suspecte.  Mais  aucun  de  ces  ma- 
gistrats, qui  ont  vécu  peu  de  temps  avant  nous,  ne 
vous  fournira  d'exemple  pour  appuyer  cette  odieuse 
estimation.  A  quel  temps ,  à  quels  exemples  voulez - 
vous  donc  me  rappeler  ?  De  ces  époques  heureuses  où 
d'irréprochables  citoyens  ont  gouverné  la  république , 
lorsque  les  mœurs  étaient  excellentes ,  qu'on  respec- 
tait l'opinion ,  et  que  la  justice  se  rendait  avec  sévérité , 
me  transportez-vous  à  la  licence  et  aux  excès  de  nos 
contemporains?  vous  défendez-vous  par  l'exemple  de 
ces  hommes  dont  le  peuple  romain  voudrait  qu'on 
fit  un  exemple  ?  Je  no  récpse  pas  même  nos  mœurs 


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a4r>  IN  VERREM  ACT.  U,  LIB.  III. 

ab  iis  tu  .defensionis  exempla  quaeris?  Non  fagio 
ne  hos.  quidem  mores,  dummodo  ex  his  ea ,  quae 
probat  po'pulus  romanos^-exempla ,  non  ea,  qu» 
condemnat,  sequamur.  Non  tircumspiciam ,  non 
quaerara  foris,  quum  babeas  judices,  principes  civi- 
tatis ,  P.  ServiKum ,  Q.  Catulum  :  qui  tanta  auctori- 
tate  suut,  tantîs  rébus  gestis,  ut  inillo  antiqnorum 
et  clarissimorum  bominum,  de  quibus  antea  dixi, 
numéro  reponantur.  Exempla  quaerimus ,  et  ea 
non  antiqua  :  modo  uterque  borum  exercitum  ba» 
buit.  Quœre,  Hortensi ,  quoniam  te  recentia  exem- 
pla délectant,  quid  fecerint.  Itane  vero?  Q.  Ca- 
tulus  frumento  est  usus,  pecuniam  non  coegît; 
P.  Servilius  quinquennium  exerdtui  quum  praees- 
set ,  et  ista  ratione  innumerabllen^ecuniam  facere 
posset,  non  statuit  sibi  quidquam  licere,  quod 
non  patrem  suum,  non  avum  Q.  Metellum  fàcere 
vidisset  :  C.  Verres  reperietur,  qui,  quod  expé- 
diât, id  licere  dicat?  quod  nemo,  nisi  improbus, 
fecerit,  id  aliorum  exemplo  se  fecisse  defendat?     s 

XGI.  At  in  Sicilia^  factitatum  est.  Quae  est  ista 
conditio  Siciliœ?  cur,  qua»  optimo  jure,  propter 
vetustatem ,  fidelitatem ,  propinquitatem  esse  dé- 
bet, buic  '  prsecipua  lex  injuriae  definitur?  Sed  in 
.  ista  ipsa  Sicilia ,  non  quaeram  exemplum  foris  :  boc 
ipso  ex  consilio  utar  exemplis.  C.  Marcelle ,  te  ap- 
pello.  Siciliœ  proyinciœ,  quum  esses  pro  consule, 
praBfuisti.  Num  quœ  in  tuo  imperio  pecunise,  celles 
nomine,  coactse  sunt  ?  Neque  ego  boc  in  tua  laude 
pono  :  alia  sunt  tua  facta,  atque  consilia,  sunrnia 
laude  digna;  quibus  illam  tu  proyinciam  afflictam 
*  Hotom,  malit  praecipue. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERJRÊS,  m.  247 
âctnelles ,  ponrvn  qne  nous  y  prenions  les  exemples 
qn'appronve  le  peuple  romain ,  et*non  cenx  qu'il  rc- 
'  pronve.  Je  n'irai  pas  bien  loin ,  je  ne  sortirai  pas  de 
(«  tribunal  :  parmi  les  juges ,  je  vois  les  premiers  hom- 
mes de  cet  empire,  P.  Servilius,  Q.  Catnlns,  qui, 
par  leurs  exploits  et  leur  gloire ,  se  sont  déjà  placés 
an  rang  de  ces  anciens  et  illustres  personnages ,  que 
j'ai  d'abord  nommés.  Nous  cherchons  des  exemples , 
et  nous  en  cherchons  qui  soient  de  notre  temps.  Ils 
Tiennent  l'un  et  l'autre  de  commander  une  armée. 
Les  exemples  récents  vous  plaisent  ;  demandez-leur , 
Hortensius ,  ce  qu'ils  ont  fait.  Comment  !  Catnlns  a  pris' 
du  blé  sans  exiger  d'argent;  Servîlius  qui,  pendant 
cinq  ans ,  a  commandé  des  troupes ,  et  qui ,  par  l'exac- 
tion que  vous  voulez  justifier ,  aurait  pu  amasser  des 
sommes  immenses,  Servilius  n'a  point  cm  pouvoir  se 
permettre  ce  qu'il  n'avait  v»  faire,  ni  à  son  père ,  ni  à 
son 'aïeul  Q.  Métellus  :  et  un  C.  "Verres  viendra  nous 
dire  que  ce  qui  est  utile  est  permis  ;  il  se  défendra  par 
l'exemple  des  autres  d'avoir  fait  ce  qui  n'a  pu  être  fait 
qne  par  un  méchant  ! 

XCI.  Mais  cela  s'est  pratiqué  souvent  en  Sicile. 
Quelle  est  donc  la  destinée  de  la  Sicile  !  Quoi  !  une  pro- 
vince à  qui  son  ancienneté,  sa  fidélité,  sa  proximité 
de  Rome ,  devraient  donner  plus  de  privilège  qu'aux 
'antres,  n'aurait  d'autre  distinction  que  d'être  assu- 
jettie à  un  règlement  inique!  Mais,  pour  la  Sicile 
même,  je  ne  cheroJberaî  pas  d'exemples  hors  d'ici,  j'en 
prendrai  encore  dans  ce  tribunal.  J'en  appelle  à  vous, 
C.  Marcellus.  "Vous  avez  gouverné  la  province  de  Sicile 
en  qualité  de  proconsul  9°.  Sous  votre  gouvernement, 
s'est-on  servi,  pour  lever  des  sommes  d'argent,  dn 
même  prétexte  que  "Verres  ?  Je  ne  vous  en  fais  point 
un  mérite  :  il  existe  de  vous  d'antres  actions  et  d'an- 


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248  IN  VERKEM  ACT.  II,  LIB.  IIL 
çt  perditam  erexisti  atque  recreasti.  Nam  hoc  de 
cella  ne  Lepidus  ^idem  fecerat,  cui  tu  snccessisti. 
Quae  sunt  tibi  igitur  'exempta  in  Sicilia  cell»,  si 
hoc  crimen  non  modo  Marcelli  facto ,  scd  né 
Lepidi  qoidem  potes  defendere  ?  An  me  ad  M.  An- 
tonii  aestimationem  frnmenti,  exactionemque  pe- 
cuniae  revocaturus  es?  Ita,  inquit,  ad  M.  ^ntonii  : 
hoc  enim  mihi  significasse  et  annuisse  yisus  est. 
£x  omnibusne  igitur  populi  romani  praetoribus, 
'consulibus,  imperatoribus,  M.  Antoninçidele- 
gisti ,  et  ejus  unum  împrobissimum  factum^  quod 
imitarere  ?  Et  hic  utram  mihi  difficile  est  dicere , 
an  his  existimare,  ita  se  in  illo  infinito  imperio 
M.  Antonium  gessisse,  ut  multo  isti  pemiciosius 
sit  dicere ,  se  in  re  improbissima  -voluisse  Anto- 
nium imitari,  quam  si  ^efendere  possit,  nihil  in 
vita  se  M.  Antonii  simile  fecisse?  Homines  in  ju- 
diciis  ad  crimen  defendendum,  non,  quid  fecerit 
quispiam,  proferre  soient,  sed  quid  probarit.  An- 
tonium ,  quum  multa  contra  sociorum  salutem , 
multa  contra  utilitatem  proyinciarum  et  faceret 
et  cogitaret,  in  mediis  ejus  injuriis  et  cupiditati- 
bus  mors  oppressit.  Tu  mihi,  quasi  ejus  omnia 
facta  atque  consilia  senatus  populusque  romanus 
[  judices  ]  comprobarint ,  ita  M.  Antonii  exemplo 
isti  us  audaciam  défendis. 

XCII.  At  idem  feclt  Sacerdos.  Hominem  inno- 
centem  et  summa  prudentia  prœditnm  nominas  : 
sed  tum  idem  fecisse  erit  existimandiis ,  si  eodem 

'  Proconsiilibus ,  ap.  Gruter. ,  Qnev. ,  al. ,  e  cod. 
Nann. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  III.  t^Q 
n'es  entreprises  dignes  des  plos  grands  éloges  y  et  q^i 
ont  relevé  tont  à  coup  cette  province  abattue  et  rai- 
née 9'.  Lépidns  même,  auquel  vous  avez  succédé, 
n'avait  point  abusé  d«  ce  droit.  De'  quiels  exemples  en 
Sicile  vous  appuyéz-vous  donc ,  Hortensitis ,  si'  vous 
ne  pouvçz  justifier  cette  exaction  par  la  conduite  de 
Marcellns,  ni  même  par  celle  de  Lépidns?  Me  citerez- 
vous  restimadon  du  blé  faite  par  Marcus  Antonius  9"*, 
et  ses  exactions  d'argent.^  Oui,  dit  Hortensias,  je 
vous  cite  Marcus  Antonius  ;  car  il  me  le  fait  entendre 
par  son  air.  Parmi  tons  les  préteurs,  proconsuls  et 
généraux. du  peuple  romain  >  avez-vous  donc  choisi , 
Terres,  Marc«s  Antonius?  avez-vous  choisi ,  pour  le 
copier,  le  trait  de  sa  vie  le  plus  criminel?  M'ést-il 
difficile  de  dire  et  aux  jages  de  croire  qu' Antonius,  dans 
son  commandement  illimité,  s'est  conduit  de  telle  sorte, 
qu'il  est  bien  plus  dangereux^poar  l'accusé  de  dire  qu'il 
a  venin  le  copier  dans  sa  plus  méchante  action,  que 
s'il  pouvait  soutenir  qu'il  ne  s'en  est  rapproché  dans 
aucune  partie  de  sa  vie  ?  Devant  les  juges ,  on  dte  com- 
manément  pour  sa  propre  justification ,.  non  pas  en 
général  ce  qu'a  fait  un  autre ,  mais  ce  qu'il  a  fait  de 
lâen.  Antonius  avait  entrepris  et  médité  beaucoup  de 
'  choses  contre  le  salut  des  alliés ,  contre  l'utilité  des 
provinces  ;  la  mort  l'a  enlevé  au  milieu  de  ses  injustices 
et  de  ses  funeste»  projets.  Et  vous,  Hortensins,  comme 
si  le  sénat  et  le  peuple  romain  eussent  approuvé  toutes 
les  opérations  d'Antonius,  vous  aUéguez  son  exemple 
pour  justifier  l'audace  de  Terres  I 

XCII.  Mais  Sacerdos  a  fait  *de  même.  Tons  citez  là 
un  homme  intègre ,  un  homme  d'une  sagesse  recon- 
nue; Mais  on  doit  croire  qu'il  a  fait  de  même,  s'il  a 
agi  dans  les  mêmes  intentions.  Non,  je  n'ai  jamais 
blâmé  l'estimation  en  elle-même  :  c'est  d'après  l'avan- 


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a5o  m  VERREM  ACT.  H,  LIB.  HI. 

consilio  fecerit.  Nam  genus  sstimationis  ipsum  a 
me  nunquam  est  reprehensum  :  sed  ejus  aeqnitas 
aratonim  commodo  et  yoluntate  perpènditur.  Non 
potest  reprehendi  alla  aestimado ,  quae  aratori  non 
modo  incommoda  non  est,  sed  etiam  grata  est. 
Sacerdos,  ut  in  provinciam  venit ,  frumentum  in 
cellam  imperayit.  Quum  esset,  ante  novum,  tritici 
modius  denariis  quinque  ;  petiverunt  ab  eo  ciyi- 
tates ,  ut  aestimaret.  Remissior  aliquanto  ejus  fuit 
«stimatio,  qttam  annonae  :  nam  sestimayit  dena- 
riis III,  Vides,  'eamdem  aestimationem ,  propter 
temporis  dissimilitudinem,  in  illo  laudîs  causam 
habere;  in  te,  criminis  :  in  illo,  beneficii;  in  te, 
injuriae  ?  £odem  tempore  Ântonius  m  denariis 
aestimayit,  post  messem ,  summa  in  yilitate,  quum 
aratores  frumentum  dare  gratis  malebant.  Et  aie- 
bat,  se  tantidem  sstimasse,  quanti  Sacerdoteih  ; 
neque  mentiebatur  :  sed  eadem  ista  SBStimatione , 
alter  subleyarat  aratores,  alter  eyerterat.  Quod 
nisi  omnis  frumenti  ratio  ex  temporibus  esset  et 
annona ,  non  ex  numéro ,  neque  ex  summa ,  con- 
sideranda  ;  nunquam  tara  grati  hi  sesquimodii , 
Q.  Hortcnsi,  fuissent,  quos  tu  quum  ad  mensurse 
tam  exiguam  rationem  populo  romano  in  capita 
desçripsisses,  gratissimum  omnibus  fecisti  :  cari- 
tas'  enim  annonae  facîebat ,  ut  istuc,  quod  re  par- 
yum  yidebatur ,  tempore  magnum  yideretur.  Idem 
istuc  si  in  yilitate  populo  romano  largiri  yoluisses; 
derisum  tuum  benefîcium  esset,  atque  contemtura. 

XCIII.  Noli  igitur  dicere,  istum  idem  fecisse, 
quod  Saoerdotem  :  quoniam  '  non  eodem  tem- 

'  Non  eo  tempore. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  ÎU.    a5i 
tage  et  le  désir  des  caltiyateurs  qu'il  faut  fn  peser  U 
justice.  On  ne  peut  blâmer  une  estimatign  ^ui ,  loin 
d'être  désavantageuse,  est  même  agréable  au  cultiva- 
teur. Lorsque  Sacerdos  fut  arrive  dans  sa  province    il 
exigea  du  blé  pour  la  provision  de  sa  maison.  Le  bois- 
seau de  blé,  avant  la  moisson ,  était  à  vingt  sesterces , 
lorsque  les  villes  le  prièrent  d'estimer  son  blé.  Il  porta 
son  estimation  moins  haut  que  le  prix  courant  ;  il  ne 
la  porta  qu'à  douze  sesterces.  Vous  le  voyez ,  Verres 
la  même  estimation ,  vu  la  difïerence  des  temps ,  doit 
être  louée  dans  Sacerdos ,  et  blâmée  dans  voas  :  chez 
lui  c'était  un  bienfait ,  chez  vous  c'est  une  exaction.  La 
même  année ,  Antonins  estima  son  blé  douze  sesterces 
après  la  moisson ,  lorsque  le  blé  était  au  plus  bas  prix, 
lorsque  les  agriculteurs  auraient  mieux  aimé  lui  four- 
nir son  blé  gratuitement.  Il  prétendait  l'avoir  estimé 
autant  que  Sacerdos ,  et  il  ne  mentait  pas  ;  mais,  par 
la  même  estimation ,  l'un  avait  soulagé ,  l'autre  avait 
ruiné  les  laboureurs.  Si  le  temps  ne  réglait  pas  l'esti- 
mation du  blé ,  s'il  ne  fallail;,pas  en  considérer  la  valeur 
diaprés  l'abondance  ou  la  stérilité  de  la  récolte ,  et  non 
d'après  la  quantité  de  boisseaux,  vos  distributions  de 
blé ,  Hortensius ,  ù'auraient  jamais  été  si  agréables  au 
peuple  romain  :  vods  n'aviez  fait  distribuer  par  tête 
qu'un  boisseau  et  demi  ;  et  tout  le  monde  reçut  avec 
un  plaisir  extrême  votre  largesse  qui,  modique  en 
elle-même,  parut  considérable  à  cause  de  la  cherté 
des  grains.  Si  vous  enssiçz  voulu  distribuer  au  peuple 
la  même  quantité  de  blé  lorsqutl  était  à  bas  prix    on 
se  fat  moqué  de  votre  bienfait ,  on  l'eût  méprisé. 

XCIUL  Ne  dites  donc  pa«  :  "Verres  a  fait  la  même 
chose  que  Sacerdos.  «Il  ne  l'a  fait ,  ni  dans  le  *même 
temps,  ni  lorsque  le  blé  était  au  même  prix.  Dites  plu- 


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252  IN  VEKREM  ACT.  II,  LIB.  HI. 
pore  f  neque  ftimili  fecit  anaona.  Dicito^potius , 
quoniam  habes  auctorem  idoneum',  quod  Anto- 
nius  uno  adventa ,  et  vix  menstruis  cibariis  fecerit, 
id  istum  per  triennium  fecisse;  et  istius  iimoceii- 
tiam  JVI.  Antonii  facto  atqne  auctorîtate  defendito. 
Nam  de  Sext.  quidem  Peducaeo ,  fortissimo  atque 
innocentissimo  vilro ,  quid  dicetîs  ?  de  quo  quis 
unquam  arator  questus  est  ?  aut  quis  non  ad  hoc 
tQmpus  inuocentissimam  omnium  diligentissimam- 
que  prsBluram  illius  hominis  existimaTit?  Bien- 
nium  provinciam  obtinuit,  quum  alter  annus  in 
yilitate ,  alter  in  summa  caritate  fuerit  :  num  aut 
in  yilitate  nummum  arator  quisquam  dédit,  aut 
iiv»caritate  de  aestimatione  frumenti  questus  est? 
At  uberiora  cibaria  facta.  sunt  caritate.  Credo  :  ne- 
que  id  est  noTum ,  neque  reprebendendum.  Modo 
C.  Seotium  vidimus,  homiuem  .yetere  illa  ac  sin- 
gulari  innocentia  prœditum  ,  jipropter  caritatem, 
frumenti ,  qu»  fuerat  in  Macedonia ,  permagnam 
ex. cibariis  pecuniam  deportare.  Quamobrem  non 
ego  inyideo  tuis  ^mmodis ,  si  qtta  ad  te  lege  ye- 
nerunt  :  injuriam  quejcor,  impr^bitatem  coarguo, 
ayaritiam  in  crimen  et  in  judijqium  yoco. 

Quod  si  suspiciones  injicere  voletis,  ad  plures 
hpmines  et  ad  plures  provincias  crimen  hoc  perti- 
iiere  ;  non  ego  istam  defensionem  yestram  perti'- 
mescam ,  sed  me  omnium  pioyinciarum  defenso- 
rem  esse  profîtebor.  Etenim  boc  dico ,  et  magna 
voce  dico  :  Ubicumque  hoc  factum  est,  improbe 
factuntest;  quicumque  hoc  fecit,  suppllciodignus 
est. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  HI.  255 
tèt ,  puisque  tous  avez  dans  Antonius  une  autorité 
suffisante  :  'Verres  a-  faif  pendant  trois  ans  ce  qn'An- 
Conins  n'a  fait  qn'à  son  arrivée,  et  à  peine  pour  ]es 
provisions  d'un  mois  ;  défendez  Fintégrité  de  Verres 
parla  conduite  et  l'exemple  d'Antonins.  Quant  à  Sext. 
Fédncéus  *,  homme  d'une  fermeté  et  d'une  probité  ra- 
res, qu'en  direz- vous?  quel  agriculteur  s'est  jamais 
plaint  de  lui  ?  ou  plutôt ,  qui  est-ce  qui  ne  l'a  pas  re- 
gardé jusqu'à  ce  jour  comme  le  plus  e^ct  et  le  plus 
désintéressé  des  préteurs  ?  Il  a  gouverné  deux  ans  la 
province  :  dans  l'une  des  deux  années,  le  hlé  était  à 
bas  prix ,  dans  l'autre  il  était  fort  cher.  Lorsqu'il  était 
à  bas  prix ,  le  cultivateur  a-t-il  donné  un  sesterce  ? 
s'esf-il  plaint  de  l'estimation  dans  la  cherté?  Mais  dans 
la  cherté,  dira-t-on,  ses  provisions  lui  ont  été  d'un 
plus  grand  rapport.  Je  le  crois  :  ce  n'est  une  chose  ni 
nouvelle,  ni  blâmable.  Quel  homme  que  C.  Sentins  ! 
quelle  probité  antique  et  peu  commune  !  Nous  l'avons  . 
vn  dernièrement  tirer  beaucoup  d'argent  de  ses^ro- 
visîons ,  à  cause  de  la  cherté  des  grains  en  Macédoine. 
Ainsi,  Verres,  je  ne  vous  envie  pas  les  bénéfices  que 
vous  avez  pu  retire»  par  des  voies  légitimes  :  je  me 
plains  de  vos  exactions,  je  vous  reproche  vos  ra- 
pines, ^e  condamne  et  je  dénonce  à  la  justice  votre 
cupidité.  # 

Voulez-vous  faire  soupçonner  que  ce  cJaef  d'accusa- 
tion intéresse  plus  d'une  province  et  tombe  sur  plus 
d'un  préteur,  votre  défense  ne  m'effraiera  pas  :  je  me 
déclarerai  le  défenseur  de  tontes  les  provinces.  Car  je  le 
dis ,  et  je  le  dis  à  haute  voix  :  Partout  on  la  même  chose 
s'est  faite,  elle  s*est  faite  injustement;  quiconque  a 
tenu  la  même  conduite  mérite  d'être  puni. 

*  Sous  lequel  Cicéron  avait  été  qulkteur. 


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254  IN  TERKEM  ACT.  II,  LIB.  HI. 

XCIV.  Nam  ,  per  ^eos  immortales  !  yidéte , 
jadices,  et  prospicite  aniihîs,  qiiid  futurum  sit. 
Multi  magnas  pectinias  ab  invitis  cÎTitatibus  atcpie 
ab  invitis  aratoribus  îsta  ratîone ,  cellae  nomine , 
coegerunt  (  omnino  ego  neminem  rideo ,  praeter 
istum;  sed  do  hoc  yobis,  et  concedo,  esse  mal- 
tos):  in  hoc  horaine  rem  adductam  in  judicium 
videtis  :  quid  facere  potestis  ?  Utrum ,  quum  ju- 
dices  sitis  de  pecunîa  capta,  conciliata,  tautam 
pecuniam  çaptam  negligere  ;  an ,  quum  lex  socio- 
rum  causa  rogata  sit,  socionim  querimonias  non 
audire?  Yerum  hoc  quoque  yobis  remitto;  negli> 
gite  prseterita,  si  yultis:  sed  ne  reliquas  spestor- 
betis,  atque  omnes  provincias  evertatis;  idprovi- 
dete,  ne  âyaritiss,  quae  antehac  occultis  itineribus 
atque  '  angustis  uti  solebat,  auctoritate  vestr^  yiam 
patefaciatis  iiïustrem  atque  latam.  Nam  si  hoc  pro- 
batis-,  et  si  hoc  licere,  pecunias  isto  nomine  capi, 
judicatis;  certe  hoc,  quod  adhui;  nemo,  nisi  im- 
probissimus,  fecit,  posthac  nemo,  nisî  stultissi- 
mus ,  non  faciet.  Improbi  sunt,  qui' pecunias  con- 
tra leges  cogunt;  stulti,  <^i,  quod  licere  judica« 
tum  est,  prœtermittunt.  Deinde,  judices,  videte, 
qnam  infinitam  sitis  hominibus  licentiam  pecunia- 
rum  eripiendarum  daturi.  Si  ternos  denarios  qui 
coegit,  erit  absolutus;  quatemos,  quinos,  denos 
denique ,  aut  yicenos  coget  alius.  Quœ  erit  repre- 
hensio  ?  in  quo  primum  injurise  gradu  resistere 
incipiet  severitas  judicis  ?  quotas  erit  iste  dena- 
rius,  qui  non  sit  feirendus,  et  in  quo  primiim  sesti- 
mationis  iniqni^s  atque  improbitasreprehendatur? 

'  Olim,  angustiis. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  ^RRÈS,  III.  a55^ 
XCIV.  En  effet,  Romains,  je  vons  le  demande  an 
nom  des  dieux,  considères  et  prévoyez  l'avenir.  Bean- 
ooap'de  magistrats,  ainsi  que  Terrés,  sous  prétexte 
des  provisions  de  leur  maison ,  ont  exigé  des  villes  et 
des  agriculteurs  de  grosses  sommes  d'argent  (pour 
moi ,  je  n'en  vois  pas  d'autres  que  Terres ,  mais  je  veux 
bien  convenir  qu'il  y  en  ait  un  grand  nombre  )  ;  vous 
voyez  dans  sa  personne  ce  délit  porté  en  justice  :  que 
pouvez-vous  faire  ?  Totis ,  établis  juges  des  malversa- 
tions ,  fermerez-vous  les  yeux  sur  une  malversation  si 
révoltante  ?  La  lei  a  été  faite'  pour  les  aUlés ,  refuserez - 
vous  d'entendre  les  plaintes  des  alliés  ?  ,Mais ,  j'y  con- 
sens, négligez  le  passé,  si  vous  voulez;  ne  détruisez 
pas  an  moins  toutes  nos  espérances  pour  l'avenir  ;  ne 
minez  pas  tontes  les  provinces  :  l'avarice  auparavant 
ne  marchait  que  par  des  sentiers  étroits  et  détournés  ; 
prenez  garde  de  lui  ouvrir,  par  vos  décisions,  une 
voie  large  et  spacieuse.  Oui ,  si  Vous  approuvez  la  con- 
duite de  Terrés,  si  vons  décidez  qu'il  n'est  pas  défendu 
par  la  loi  de  prendre  de  l'argent  sous  le  même  pré- 
texte ,  tout  le  monde ,  excepté  les  sots ,  adoptera  dés- 
ormais ce  moyen  de  s'enrichir  qui  n'a  été  employé 
jusqu'à  présent  que  par  des  magistrats  criminels  :  car 
si  c'est  un  crime  d'exiger  àe  l'argent  contre  les  lois ,  ce 
serait  une  sottise  de  s'interdire  ce  qui  est  déclaré  légi- 
time. Toyez  ensuite ,  Romains ,  quelle  énorme  licence 
vous  allez  donner  à  la  cupidité  des  magistrats  !  Si  ce- 
lui qui  a  exigé  douze  sesterces  est  absous ,  un  antre 
exigera  le  double ,  le  triple ,  le  quadruple  :  pourra - 
t-on  le  blâmer  ?  A  quel  degré  de  la  vexation  le  juge 
opposera-t-il  la  rigueur  de  sa  sentence  ?  quelle  est  la 
somme  qui  cessera  enfin  d'être  tolérable,  et  pour  la- 
quelle on  se  déterminera  à  condamner  l'injustice  et  la 
mauvaise  foi  de  l'estimation?  Car  ce  n'est  point  la 


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256  IN  VERREM  ACT.  II,  LIÔ.  III. 
Non  enim  a  Yobis  summa,  sed  gebus  aestimatiom^ 
erit  comprobatum  :  neque  hoc  potestis  judicare  , 
ternis  dcnariis  aestimare  licere  ;  dénis  non  licere. 
Ubi  enim  sémel  ab  annonœ  ratione ,  et  ab  aratD- 
rum  Yoluntaté  res  ad  prœtoris  libidinem  translata 
est;  non  est  jam  in  lege  atque  in  ofBcîo,  sed  in 
'  voluntate  hominum  atque  avaritia  positus  modus 
aBstimandi. 

XCV.  Quapropter,  si  vos  semel  in  judicando 
finem  sequitatis  et  legis  transieretis  ;  scitote,  vos 
nullum  ceteris  in  œstimando  fineiQ  improbitatis  et 
avaritise  reliquisse.  Videte  igitur ,  quam  multa  si- 
mul  a  -vobis  postulentur.  Âbsolvite  eum,  qui  se 
fateatur  maximas  pecunias  cum  summa  sociorum 
injuria  cepisse.  NoU  est  satis.  Sunt  alii  quoque 
'  plures,  qui  idem  feceriut  :  absolyite  etiam  illos^ 
si  qui  sunt;  ut  uno  Judicio  quam  plurimos  impro- 
bos  liberetis.  Ne  id  quidem  satis  est.  Facile,  ut 
ceteris  posthac  idem  liceat  :  licebit.  *  At  hoc  pa- 
rum  est.  Permittite,  ut  liceat,  quanti  quisque  ve- 
lit,  tanti  aeslimet  :  aestimabit.  Vidctis  jam  profecto, 
judices,  hac  aestimatione  a  vobis  comprobata,, ne- 
que  modum  posthac  avaritiae  cujusquam ,  neque 
pœnam  improbitatis  futuram.  Quas  ob  res ,  quid 
agis ,  Hortensi  ?  Consul  es  designatus  ;  provinciam 
^  sortitus  es  :  de  œstiraatione  quum  dices  frumenti, 
sic  te  audiemus ,  quasi  id ,  ^  quod  ab  isto  recte 
factum  esse  défendes ,  te  facturum  profiteare ,  et 
quasi,  quod  isti  licitum  esse  dices,  vehementer 

'  Al.  complures.  —  *  Prêtas  liber  Ursini,  Adhuc  pa- 
rum  est,  et  sic  emendatum/iùt  in  uno  cod.  regio.  —  '  Con- 
jicit  Ant.  Augustin,  t  sortiturus. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  YERRÈS,  III.  aS- 
somme ,  mais  Festimation  en  elle-même  qne  vous  aurez 
approuvée  ;  et  vons  De  pouvez  décider  qne  la  loi  per- 
met d^estimer  à  douze  sesterces ,  et  non  pas  à  qua- 
rante. Que  la  chose  ne  soit  point  fixée  par  le  prix  da 
blé  et  selon  le  désir  des  cultivateurs,  mais  abandonnée 
au  cajNrice  du  ma^strat ,  alors  ce  ne  sera  plus  la  raison 
et  la  loi ,  mais  la  fantaiûe  et  la  cupidité  qui  régleront 
Festimation. 

XCV.  Si  donc  vous  vous  permettez ,  en  jageant ,  de 
franchir  les  principes  de  Téqnité  et  les  règlements  de  la 
loi,  sachez  que,  pour  Festimation,  vous  ne  laisserez 
plus  de  homes  à  Finjustîce  et  à  Fenvie  de  s'enrichir. 
Voyez ,  d'après  cela ,  combien  de  choses  on  vous  de- 
mande k  la  fois.  Renvoyez  absous  celui  qui  confesse 
avoir  pris  injusiement  aux  alliés  des  sommes  immenses. 
Ce  n'est  point  assez.  Il  en  est  beaucoup  d'autres  qui 
se  sont  permis  cette  concussion  :  renvoyez  encore  ab- 
sous ceux  qui  auront  commis  le  même  délit  ;  et ,  par 
UB  seul  jugement,  vous  déchargerez  nue  foule  de 
coupables.  Cela  même  ne  suffit  point.  Faites  qu'à 
l'avenir  la  même  conduite  dans  les  autres  soit  recon- 
nue légitime ,  elle  sera  légitime.  Cest  encore  trop  peu. 
Décidez  que  la  loi  abandonne  Festimation  à  la  volonté 
des  préteurs,  ils  useront  de  ce  droit.  Assurément, 
Romains ,  vons  voyez  qu'en  approuvant  l'estimation 
de  Yerrès,  il  n'y  aura  plas,  à  Favenir ,  ni  limites  pour 
la  cupidité ,  ni- châtiment  pour  la  malversation.  A  quoi 
pensez- vous  donc,  Hortensius?  Vous  êtes  désigné  con- 
sul *  ;  le  sort  vous  a  donné  une  province  :  lorsque  vous 
parlerez  de  l'estimation  du  blé ,  nous  croirons,  si  vous 
justifiez  la  conduite  de  Terrés,  que  vous  tous  annon- 
cez comme  devant  vous  conduire  de  même  ;  vous  nous 
paraîtrez  désirer  ardemment  que  la  loi  ^us  permette 

*  Pour  Fan  684. 


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a58  IN  TERREM  ACT.  II,  LIB.  IH. 

cupias  tibi  Ucere.  Atqui,  si  id  lîcebit,  nihil  est  ^ 
quod  puteris  qaemquam  posthac  commissurum ,  ut 
de  pecuniis  repetundis  condemnari  possit.  Quan- 
tam  enim  quisque  concupierit  pecuniam^  tantam 
licebit,  per  cellae  nomen,  aestîmationis  magnitu- 
dine  consequatur. 

XCVI.  At  enim  est  quiddam,  quod,  etiamsi 
palam  in  defendendo  non  dicit  Hortensius,  tamen 
ita  dicit,  ut  vos  id  suspicari  et  cogitare  possitis  : 
pertinere  hoc  ad  commodum  senatorium  ;  perti- 
nere  ad  utilitatem  eorum,  qui  judicent,  qui  in 
provinciis  cum  potestate,  aut  cum  legatione  se 
îuturos  aliquando  arbitrentui*.  Prœdaros  vero  exisr 
timas  judices  nos  habere,  quos  alienis  peccatis  con- 
cessuros  putes,  quafacilius  ipsos  peccare  liceat.  Er- 
go  id  volumus  populum  romanum,  idproYincias,  id 
socios  nationesque  exteras  existimare ,  si  senatores 
judicent,  hoc  certe  unum  genus  infinitae  pecuni» 
per  summam  injuriam  cogendse  nullo  modo  posse 
reprehendi  ?  Quod  si  ita  est,  q;uid  possumus  contra 
ilium  praetorem  dicere ,  qui  quotidie  templum 
tenet,  qui  rempublicam  sîstere  negat  posfee,  ni  ad 
equestrera  ordinem  judicîa  referantur?  Quod  si 
ille  hoc  unum'agitare  cœperit,  esse  aliquod  genus 
cogendae  pecunias ,  senatorum  commune ,  et  jam 
prope  concessum  ordini ,  quo  génère  ab  sociis 
maxima  pecunia  per  summam  injuriam  '  auferatur; 
neque  ullo  modo  senatoiiis  judiciis  rejMrehendi 
posse ,  idque,  dum  equester  ordo  judicaret,  nu»- 
qnam  esse  commissum  :  qixis  *  obsistet  ?  (pus  erit 

*  Averratur.  —  '  C  %tephaH.,  Grœv.,  al.,  obstet. 

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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  III.  %5g 
ce  que  yous  direz  avoir  été  permis  à  Verre».  Mais  si  U 
loi  le  permet ,  croyez- vous  que  personne  puisse  être 
condamné  jamais  pour  crime  de  concussion?  Quelque 
somme  que  Ton  convoite,  on  pourra  Fobtenir  légiti- 
xnement ,  sous  prétexte  des  provisions  de  sa  maison 
qu'on  aura  le  droit  d'évaluer. 

XCVI.  Il  est  une  chose  que  ne  dit  pas  ouvertement 
Hortenâus  en  défendant  Terrés ,  mais  qu'il  laisse  en- 
tendre et  soupçonner  :  c'est  que  l'article  dont  je  parle 
intéresse  les  sénateurs ,  intéresse  ceux  qui  occupent  les 
tribunaux ,  et  qui  peuvent  espérer  qu'un  jour  ils  com- 
manderolit  dans  les  provinces  en  qualité  de  procon- 
suls ,  de  préteurs  on  de  lieutenants.  Certes ,  Horten* 
slns ,  vous  avez  une  grande  idée  de  nos  juges ,  si  vous 
pensez  qu'ils  pardonneront  aux  autKs  leurs  prévari- 
cations ,  jpôur  àe  procurer  à  eux-mêmes  la  facilité  d'en 
commettre.  Nous  voulons  donc  apprendre  au  peuple 
romain,  aux  provinces,  aux  alliés  ^  aux  nations  étran- 
gères, que  si  les  sénateurs  occupent  les  tribunaux, 
cette  manière  d'extorquer  des  sommes  immenses  ayec 
tan(  de  violence  et  d'audace,  est  la  seule  du  moins 
qu'on  ne  saurait  attaquer?  S'il  en  estaii;||^i,  qu'avons- 
nous  à  dire  contre  ce  préteur  9^,  qui  monte  tous  les 
jours  à  la  tribune,  ^  qui  soutie«t.que  la  république 
ne  peut  subsister,  si  l'ordre  équestre  n'est  rétabli  dans 
l'administration  de  la  justice?  Que  ce  tnagistrat essaie 
de  prouver  cela  seul ,  qu'il  est  un  genre  de  coifcussion.^ 
que  tous  les  sénateurs  se  permettent ,  qui  est  presque 
autorisé  pour  cet  ordre ,  pair  le  moyen  duquel  on  en- 
lève aux  iedliés  un  argent  énofme  sous  le  prétexte  le 
plus  injuste  ;  qu'il  n'est  pas  permis  d*i|ttaquer  cette 
malversation  dans  les  causes  jugée»  par  le»  sénateurs  ; 
qu'elle  n'ïi  jamais  eu  lieu  lorsqu*  Vordre  équestre 
fournissait  les  juges  ,    qui  osera    If  contredire?   et 


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o.6o         IN  VERKEM  ACT.  II,  LIB.  m. 

tara  cupidus  vestrum,  tam  fautor  ordinis,  qui  de 

traïisferendis  judiciis  possît  recusare  ? 

XCVII.  Atque  utinafm  posset  '  aliqua  ratione 
hoc  crimen ,  quamvis  falsa ,  modo  humana  atque 
usitata  defendere  !  minore  periculo  vestro ,  minore 
periculo  provînciarum  omnium ,  judicaretis.  Ne- 
garet  *  hic  œstimatione  se  usum  ?  vos  id  credidisse 
homini  ,  non  factura  comprobasse  videremini. 
Nullo  modo  negare  potest;  urgetur  a  tota  Sicilia; 
nemo  est  ex  tanto  numéro  aratorum,  a  quo  pecu- 
nia  cell»  nomine  non  sit  exacta.  Vellem  etiam  hoc 
posset  dicere,  nihil  ad  se  istam  rationem  perti- 
uere  ;  per  quœftores  rem  frumentariam  es$e  admi- 
nistratam.  Ne  id  quidera  ei  licet  dicere  :  yropterea 
quod  îpsius  litterae  recitantur ,  ad  civitatcs  de  ter- 
nis denariis  raissœ.  Quœ  est  igitur  defensio?  Feci, 
quod  arguis  ;  coegi  pecunias  maximas  cell»  no- 
mine :  sed  hoc  mihi  licuit;  vobis,  si  prospicitis, 
licebit,  Periculosura  provinciis,  genns  injuriée  con- 
firmari  judkio;  perniciosum  nostro  ordini,  popu- 
lum  romanum  existimare,  nonposse  eos  homines, 
qui  ipsi  legibus  teneantur,  leges  in  judicando 
relîgiose  defendere.  Atque  isto  prsetore,  judices, 
non  solum  seêtiraandi  frumenti  modus  non  fuit,  ' 
sed'ne  imperandi  quidera  :  neque  enim  id ,  quod 
debebatur,  sed  quantum  commodum  fuit,  impe- 
ravit.  Surainam  faciam  vobis,  ex  publicîs  lilteris 
et  testimonîis  civitatum ,  frumenti  in  cellara  impe- 
rati  :  reperietis  quinquies  tanto,  judices ,  amplius 

'  Excidisse  oHdetur  iste.  Schûtt*  —  "  Lamhinus  edidit 
liac ,  quod  ^idetur  aptitis.  ' 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  HI.  ft6i 
rhomme  le  plus  dévoné  à  vos  intérêts ,  le  plas  zélé 
partisan  de  TOtre  ordre  ponrraot-il  s'opposer  à  cette 
révolatipn  dans  les  tribonanx  ? 

XCVII.  Eh!  plût  aox  dienx  qne  "Verres  pût  founiir 
ici  quelque  moyen  de  défense ,  assez  plausible ,  assez 
spécieux  potir  qu'il  fâf  permis  de  Faccneillir!  vous 
prononceriez  avec  moins  de  risque  pour  vous-mêmes , 
avec  moins  de  péril  pour  toutes  les  provinces.  S*il 
pouvait  nier  la  malversation  que  je  lui  reproche,  vous 
paraîtriez  Ten  avoir  cru  sur  sa  parole  ,  et  non  pas  avoir 
approuvé  sa  conduite.  Mais  il  est  de  toute  impossibilité 
qu'il  nie  ;  il  est  chargé  par  toute  la  Sicile  ;  parmi  un 
si  grand  nombre  de  cultivateurs^  il  n'en  est  pas  un 
seul  dont  il  n'ait  tiré  de  l'argent  sons  prétexte  des 
provisions  de  sa  maison.  Je  voudrais  encore  qu'il  put 
dire  que  .tout  cela  ne  le  regarde  point  ;  que  ce  sont  ses 
questeurs  qui  ont  administré  les  blés.  Mais  il  ne  lui 
reste  pas  même  ce  moy«n  :  nous  citons  des  lettres  qu'il 
a  écrites  aux  villes  pour  les  douze  sesterces.  Quelle 
est  donc  sa  défense  .^^  J'ai  fait  ce  qu'on  me  reproche  ; 
j'ai  levé  de^j^andes  sommes  pour  ces  provisions;  mais 
je  le  pouvais ,  et  si  vous  y  songez ,  vous  le  pourrez 
comme  moi.  Il  est  dangereux  pour  les  provinces  de 
confirmer  dans  un  tribunal  un  système  d'exaction; 
il  est  pernicieux  pour  notre  ordre  de  laisser  croire  au 
peuple  romain  qi:^les  sénateurs ,  qui  sont  eux-mêmes 
enchaînés  par  les  lois,  ne  peuvent,  dans  leurs  fonc- 
tions judiciaires,  maintenir  religieusement  les  lois. 
Sons  la  préture  de  Terrés ,  jages ,  non  seulement  dans 
l'estimation,  mais  dans  la  levée  même  de  cet  impôt, 
on  a  violé  toutes  les  règles  :  le  préteur  exigeait,  non 
ce  qui  lui  était  du ,  mais  ce  qui  lui  plaisait.'  Yonlez-vous 
savoir ,  par  les  registres  publics  et  par  les  dépositions 
des  villes,  la  quantité  de  blé  qu'il  a  exigée  à  ce  titre? 


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26a  nSf  "VERREM  ACT.  II,  LIB.  III. 
îstum,  quam  quantum  ei  in  cellam  sumere  licitum 
'  ftit ,  c^YÎtatibus  imperasse.  Quicl  ad  hanc  impu- 
dentiam  addi  potest,  si  et  «stimayit  tanti,  ut  ho- 
mines  ferre  non  possent,  et  tanto  plus ,  quam  erat 
ei  concessum  legibus ,  imperayit  ? 
•       • 

Quapropter,  cognita  tota  re  frumentaria,  judi- 
ceS|  jam  facillime  perspicere  potestis;  amissam 
esse  populo  romano  Siciliam ,  fructuosissimam 
atque  opportunissimam  proTinciam ,  nisi  eam  tôs 
istius  damnatione  recuperatis.  Quid  est  enim  i§i- 
cilia ,  si  ei  agri  cultionem  sustuleris,  et  si  aratonim 
numerum  ac  nomen  exstinxeris  ?  Quid  enim  po-^ 
test  esse  in  calamitate  residui  ^  quod  non  ad  mi- 
seros  aratores,  isto  prœtore,  par  summaiç  inju- 
riam  ignominiamque  pervenerit?  quibus,  quum 
decumas  dare  debereut ,  vix  ^  ipsis  decumae  relicts 
suut;  quum  pecunia  deberetur,  soluta  non  est; 
quum  optima  «stimatione  senatus  frumentum  eos 
in  cellam  dare  yoluisset ,  etiam  ijistruii|enta  agro- 
rum  vendere  coacti  sunt. 

XCVIII.  Dixi  jam  antea ,  judices ,  ut  bas  omnes 
injurias  toUatis,  tamen  ipsam  rationem  arandi  spe 
magis  et  jucunditate  quadam,  quam  fructu  atque 
emolumento  teneri.  Etenim  ad  ^ertum  casum  et 
eventum  certus  quotannis  labor  et  certus  sumtus 
impenditur.  Annona  porro  pretium ,  nisi  in  cala- 
mitate fructuum ,  non  habet  ;  si  autem  ubertas  in 
percipiendis  fructibus  fuit,  consequitur  vilitas  in 
vendendis  :  ut  aut  raale  vendendum  intelligas ,  si 

'  Ernest,  malebat  esset.  Sine  causa.  —  *  Lamh.,  ipsae , 
iwitis  libris  omnibus. 


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/ 

SEC.  ACTION  CONTRE  VEMLÈS,  III.  a63 
FOUS  trotiyerez,  Romains,  qa*U  a  réclamé  des  villes, 
pour  ses  provisions,  cinq  fois  plos  qu^il  ne  loi  élait 
permis  de  prendre.  Que  peot-on  ajouter  à  son  effron- 
terie ,  si,  i^on  content  de  faire  de  son  blé  nne  estima- 
tion eKorbitante ,  il  en  a  exigé  une  si  grande  quantité 
an-delà  de  .celle  que  lui  accordaj^nt  les  lois  i^ 

Ainsi,  Romains,  à  présent  que  tous  êtes  instruits 
de  totit  ce  qui  concerne  Tadministration  des  blés ,  vous 
pouvez  voir  aisément  que  cette  province ,  qui  fut  tou- 
jours pour  nous  si  utile  et  si  fructueuse,  que  la  Sicile 
enfin  est  perdne  pour  notre  empire ,  si  vous  ne  la  lui 
rendez  par  la  condamnation  de  Terrés.  En  effet, 
qu'est-ce  que  la  SicUe ,  si  vous  en  ôtez  Tagriculture , 
si  vous  détruisez  toute  la  race  des  cultivateurs  dont 
elle  est  remplie  ?  Est-il  une  calamité,  une  injustice ,  un 
opprobre  dont  cette  préture  ne  les  ait  accablés  ?  Ils 
ne  devaient  donner  que  la  dlme  ;  à  peiné^  leur  a-t-on 
laissé  la  dîme  même.  Leur  blé  devait  leur  êtreyayé; 
ils  n'ont  rien  reçu.  Le  vœu  du  sénat  était  qu'ils  four- 
nissent de  blé  la  maison  du  préteur,  d'après  une  esti- 
mation favorable  ;  ils  ont  été  forcés  de  vendre  jusqu'à 
leurs  instruments  de  labourage. 

XCTIU.  Je  l'ai  déjà  fait  observer,  Romains  :  quand 
vous  réprimeriez  toutes  ces  vexations ,  c'est  moins  par 
la  richesse  du  produit  que  par  un  certain  attrait ,  par 
la  douceur  de  l'espérance ,  que  l'agriculture  se  soutient. 
Tous  les  ans  on  abandonne  des  frais  et  des  travaux 
œrtains  à  l'incertitude  et  an  hasard.  Le  blé  n'a  une 
grande  valeur  que  si  les  récoltes  sont  mauvaises  ; 
sont-elles  abondantes,  il  se  vend  à  vil  prix  :  ainsi, 
l'année  a-t-elle  été  bonne ,  elle  rapporte  peti  ;  elle  ne 
rapporte  beaucoup  que  si  elle  a  été  malheureuse.  Le 
SUCCES' dans  la  culture  dépend  moins  du  travail  et  de 
la  prudence,    que  des  choses  les  plus  variables,  des 


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a64  IN  TERREM  ACT.  II,  LIB.  III. 
'f>roce8sit;  aut  maie  perceptos  fructus,  si  recte 
licet  yeDdere.  Totœ  autem  res  rusticae  ejusmodi 
sunt,  ut  eas  non  ratio,  neque  labor,  sed  içes  incer- 
tissimœ,  ^enti  lempeâtatesque  moderentur.  Hinc 
quum  unsedecumœ  lege  et  ^  conditione  traliàntur; 
alterae  noVis  instituas  propter  annonse  ralitonem 
împerentur  ;  ematur  praeterea  frumentum  quptan- 
iiis  publiée;  postremo  etiam  in  cellam  magistra- 
tibus  et  legatis  imperetur  :  quid  aut  quantum  prae- 
terea est,  quod  aut  liberum  possit  babere  ille 
arator  aq  dominus  in  potestate  suorAn  fructuum , 
aut  in  ipsis  fructibus  solutum  ?  Quod  si  baec  fe- 
runtur  omnia  ;  si  Tobis  potius  ac  populo  romano  « 
quam  sibi  et  suis  commodis,  opei^t,  sumtu,  labore 
deserviunt  :  etiamne  baec  noya  debent  edicta  et 
iroperia  prsetorum ,  et  Âpronii  dominationem ,  et 
Ven^riorum  servorum  furta  rapinasque  perferre  ? 
etiamne  frumentum  pro  emto  gratis  dare  ?  etiamne 
in  cellam  quum  cupiant  gratis  dare  ultro,  pecu- 
niam  grandem  dare  ?  etiamne  baec  tôt  detriraenta 
atque  damna  cum  maximis  injuriis  contumeliisque 
perferre  ?  I  laque  bac ,  judices  ,  qu»  pati  nullo 
modo  potuerunt,  non  peitulerunt.  Arationes  tota 
Sicilia  désertas  atque  a  dominis  relictas  esse  cog- 
i^oscitis;  neque  quidquam  aliud  agitur  hoc  judi"^ 
cio,  nisi  ut  aatiquissimi  socii  fidelissimique,  Siculi, 
coloni  populi  romani  atque  aratores,  yestra  seye- 
ritate  et  diligentia,  me  duce  atque  auctore,  in 
agros  atque  in  œdes  suas  revertantur, 

'  Beck,  e  Franc,  i  et  éd.  Fenet. ,  additheae.  —  '  (^ruf. 
et  Grœv.  e  cod.  Nann.,  consueludine.  JVihil  horum  âa  pla- 
cct ,  ut  admittamus. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  m.  a65 
vents  et  des  saoLsons.  Lorsqu^on  exige  une  dîme  en 
vertu  de  la  loi  et  aax  termes  d'un  traité  ;  lorsque , 
d'après  un  règlement  plas  nouveau ,  on  demande  une 
antre  dime  à  caf^e  de  la  disette  des  grains  ;  lorsqu'on 
achète  du  blé  tous  les  ans  an  nom  de  la  république  ; 
lorsqu'on  en  exige  encore  pour  la  provision  des  ma- 
gistrats et  des  llea  tenants,  quelle  partie  delà  récite 
reste-t-il  au  laboureur  et  au  propriétaire,  dont  ils 
puissent  disposer  librement  et  en  tonte  assurance?  Si 
Ton  pr^ève  sur  leurs  moissons  tout  ce  que  je  viens  de 
dire;  si,  dans  la  réalité,  c'est  pour  vous  et  pour  le 
peuple  romain ,  plutôt  que  pour  eux-mêmes  et  pour 
leur  propre  avantage  qu'ils  emploient  leur  argent , 
leurs  soiâs ,  leurs  travaux  ,  faut -il  encore  qu'ils  sup- 
portent des  ordonnances  inouïes ,  le  despotisme  des 
préteurs ,  la  domination  d'un  Apronins  ,'  les  vols  et 
les  rapines  de  vils  esclaves  r  fant-il  encore  qu'ils  don- 
nent pour  rien  le  blé  qu'on  devait  leur  acheter?  faut41 
encore  qu'ils  paient  de  fortes  sommes  pour  la  pro- 
vision du  préteur,  quand  ils  consentiraient  à  lui  four- 
nir du  blé  gratuitement?  faut-3  encore  que  ces  pré- 
judices et  ces  pertes  soient  accompagnés  des  plus  cruels 
affronts  et  des  plus  sanglants  outrages?  Aussi,  Ro- 
mains ,  n'ont-rils  pas  supporté  ce  qui  n'était  nullement 
sapportable.  Tous  le  savez,  dans  tonte  la  Sicile  9^  les 
propriétaires  ont  abandonné  la  culture,  déserté  les 
campagnes  ;  et  tout  ce  que  je  demande  dans  ce  juge- 
ment, c'est  que,  grâce  à  votre  équité  rigoureuse,  les 
Siciliens ,  vos  anciens  et  fidèles  alliés ,  les  fermiers  et 
les  laboureurs  du  peuple  romain,  à  la  voix  de  leur  zélé 
défenseur,  retournent  en  paix  dans  Içurs  'champs  et 
sous  leurs  toits  domestiques. 


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NOTES 


LA  SECONDE   ACTION 
CONTRE  VERRES. 

LIVRE    TROISIÈME. 


1.  —  III.  1  HEirsjE  étaient  des  espèces  de  bran- 
cards ou  de  chars,  sur  lesquels  on  portait  les  statues  des 
dieux.  On  a»  vu  dans  le  Discours  sur  la  préture  de  Rome  ^ 
cliap.  69 ,  quelles  avaient  été  les  exactions  de  Verres  , 
pendant  son  édilité ,  pour  l'entretien  de  la  rue  qui  con- 
duisait de  la  statue  de  Vertumne  au  grand  cirque ,  et  que 
parcouraient  les  chars  des  dieux  dans  les  pompes  reli- 
gieuses. Desjardins  a  très  bien  expliqué  les  mots  ex  then- 
sarum  orbitis,  par  ce  commentaire,  Ex  njia ,  qua  then- 
sœ  deducuntur.  Cicéron  les  explique  lui-même ,  in  Verr. 
V,  72.  L'abbé  Auger  n'a  pas  compris  cette  phrase ,  et  il 
ignore ,  dit-il^ ,  comment  Verres  avait  volé  suf  la  route 
des  chars  sacrés  ;  mais  il  ne  faut  pas  l'accuser  de  l'idée 
bizarre  de  ses  éditeurs ,  qui ,  par  respect  pour  une  faute 
d'impression  ,  lui  font  dire  que  Verres  avait  ofolé  sur  les 
roues.  Je  remarque  cette  erreur ,  parce  qu'elle  est  plai- 
sante ;  il  y  en  a  mille  dont  je  ne  ^arle  pas.  J.  V.  L. 

\ —  V.  Blé  dîmé  y  blé  acheté ,  blé  estimé  :  voyejt, 
dans  l'argument  de  ce  Discours,  l'explication  de  ces 
diverses  sortes  de  blés. 

3-  —  VI.  Vn  tribut  fixe,  une  sompie  d'argent  pour 
payer  les  troupes  ou  po«r  d'autres  objets ,  qu'on  çst  temi 
de  donner  tous  les  ans  ,  et  qui  est  toujours  la  même.  Ce 
tribut  est  appelé/j:^  par  rapport  à  la  dîme  dont  il  sera 
parlé  tout  à  l'heure ,  laquelle  varie  selon  la  récolta. 


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NOTES.  267 

4.  —  VI.  L'oratear  dit  très  peu,  parce  €pi*il  veut 
ménager  les  Siciliens  dont  il  était  ami  :  on  sait  d'ailleurs 
par  lai-méme  qu'elles  étaient  au  nombre  de  dix-^ept. 
Les  territoires  de  ces  yillés  étaient  devenus  la  propriété 
du  peuple  romain  par  droit  de  conquête  ;  il  aurait  pu  en 
chasser  les  anciens  habitants  et  y  en  établir  d'autres.  Il 

•  les  y  a  conservés ,  mais  à  condition  que  les  territoires 
seraient  affermés  par  les  censeurs. 

5.  —  Ibid.  Dans  le  Discours  sur  les  Supplices,  ch.  aa, 
Cîcéron  joint  à  ces  deux  villes  celle  de  Nétum.  —  FiUes 

fédérées.  Les  villes  libres  alliées  doivent  jêtre  distinguées 
des  villes  hhres  fédérées.  Les  premières  étaient  celles  qui 
se  gouvernaient  par  leurs  propres  lois  san«  être  assujet- 
ties à  aucun  tribut  ;  les  secondes  se  gouvernaient  aussi 
par  leurs  propres  lois ,  mais  étaient  soumises  à  un  tribut 
quelconque  ,  en  vertu  d'un  traité ,  exfa^ere  ;  de  là  on 
les  appelait /œti^m/â?. 

6.  — Ibid.  Hiéron,  second  du  nom,  ancien  roi  de 
Syracuse  et  maître  de  toute  la  Sicile.  Il  la  gouverna , 
pendant  un  long  règne ,  avec  beaucoup  d'équité  et  de 
douceur ,  et  fut  constamment  l'ami  des  Romains. 

7.  —  VI ï.  Cicéron  va  tracer  un  tableau  rapide  de  tous 
les  excès  d'injustkïe  que  s'était  permis  Verres  dans  sa 
préture  de  Rome.  Voyez  le  Discours  où  il  est  question 
de  cette  préture. 

8.  —  Ibid.  Il  y  a  des  critiques  qui ,  au  lieu  de  consuls, 
veulent  qu'on  lise  censeurs ,  parce  que  c'étaient  les  cen-i 
seurs  qui  affermaient  à  Rome  les  revenus  de  la  répu> 
blique.  Mais ,  au  défaut  des  censeurs ,  c'étaient  souvent 
les  consuls ,  et  même  les  préteurs ,  qui  étaient  chargés 
de  cette  fonction. 

9.  —  IX.  îl  paraît  qu'Apronius  était  fort  grand,  fort 
large  et  fort  épais.  —  Un  gouffre  ùnmense,  etc.  Ces  expres- 
sions ont  quelque  chose  de  révoltant  dans  notre  langue  ; 
mais  on  ne  peut  croire  que  Cicéron  les  eût  employées , 
si  elles  n'eussent  pas  été  tolérées  chez  les  Romains.  -— 
S'il  y  a  ici  des  personnalités  trop  fortes ,  on  doit  se  sou* 
vettir  que  cet  Apronius  était  un  vil  esclave  ,  parvenu  à  la 
confiance  de  Verres  par  toutes  sortes  d'infamies  et  de 
bassesses  ;  que  jamais  tyran  subalterne  ne  déploya  tant 


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,68  NOTES. 

de  cruauté  ,  et  ne  commit  des  vols  avec  autant  d'effron- 
terie. Desmeuniers. 

lO.  —  IX.  Mot  à  mot,  pour  son  Jus  en  robe  prétexte. 
On  sait  que  chez  les  Romains  les  enfants  portaient  la 
robe  prétexte  ou  robe  bordée  de  pourjïre  juMju'à  l'âge 
de  seize  ans.  Les  Grecs  dansaient  nus  dans  leurs  repas 
de  fête  ;  mais  les  Romains  abhorraient  cet  usage.  {Fojrez 
le  Discours  pour  Muréna ,  chap.  6 ,  et  Quintilien ,  Instii. 
orat. ,  Liv.  I ,  chap.  a.  ) 

jj. XI.  Latin,  digito.  Dans  les  ventes,  ceux  qui 

voulaient  mettre  l'enchère  levaient  le  doigt.  Le  rapport 
de  digito  et  de  manu  est  sensible  dans  le  texte  :  on  ne 
peut  le  rendre  en  français. 

j2. Ibid.  Mot  à  mot,  il  ordonne  de  récuser  des  com- 
missaires. Il  y  avait  différentes  classes  ou  décuries  de 
jugea.  Le  préteur  donnait  des  juges ,  parmi  lesquels  cha- 
cune des  deux  parties  pouvait  en  récuser  un  certain 
nombre.  On  disait  récuser  des  juges,  parce  qu'en  récuser 
quelques  uns ,  c'était  en  quelque  sorte  choisir  les  autres. 

,3^ XIII    Mot  à  mot,  non  seulement  de  récuser, 

mais  encore  de  prendre  5  c'est-à-dire  de  choisir  parmi 
tous  les  jilges,  sans  récusation. 

14. ihid.  Après  avoir  parlé  ironiquement,  Ciceron 

reprend  le  ton  sérieux.  N'est-ce  pas  Va ,  c'est-à-dire 

vous  ajoutez  à  la  crainte  d'un  jugement  Tintervention  du 
magistrat  siciUen  :  si  voua  faites  intervenir  ce  magistrat, 
il  n'est  pas  besoin  d'un  jugement.  Verres  ensuite  objecte, 
et  Cicéron  réfute.  Examinons  tout  ce  que  renfermait  l'or- 
donnance de  Verrèv  1°.  Le  décimateur  pourra  faire 
payer  à  l'agriculteur  tout  ce  qu'il  lui  demandera.  2<>.  L'a- 
griculteur pourra  attaquer  le  décimateur ,  et  lui  faire 
payer  huit  fois  la  somme  perçue  au-delà  des  droits.  3** .  Le 
décimateur  pourra  faire  intervenir  le  magistrat  sicilien 
pour  se  faire  payer.  4*^.  11  pourra  en  outre  poursuivre 
l'agriculteur,  et  lui  faire  payer  une  somme  quadruple. 
5°.  Le  préteur  donnera  des  commissaires,  si  l'un  des 
deux  le  désire.  Cicéron  démontre  l'iniquité  de  plusieurs 
de  ces  articles,  l'inutilité  ou  l'absurdité  des  autres. 

i5.  —Ibid.  Si  Verres  avait  ordonné  d'abord  à  ses 
ministres  de  prêter  main-forte  aux  fermiers  du  dixième  , 


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NOTES.  iSg 

s'il  eût  permis  ensuite  aux  oipprimés  de  se  pourvoir  de- 
vant les  magistrats  siciliens ,  son  injustice  serait  moins 
criante  ;  mais  en  obligeant  les  magistrats  siciliens  à  con- 
traindre d'abord  les  agriculteurs  à  payer,  ceux-ci  ne 
pouvaient  plus  recourir ,  en  dernière  instance ,  qu'aux 
ministres  de  Verres,  c'est-à-dire  à  des  jug^s  corrompus, 
dont  on  n'epérait  pas  un  arrêt  équitable.  Desn^uniers, 

^6.  —  XV.  Au  lieu  de  judicU  postulandi,  plusieurs 
interprètes  proposent  de  lire  judicU  pertimescendi  ou/or- 
midandi  C'était  l'opinion  de  Desjardins  lui-même,  qui 
a  si  bien  expliqué  le  texte  des  Ferrines ,  et  l'abbé  Auger 
l'avait  adoptée  dans  sa  traduction  :  cette  fois ,  du  moins , 
il  avait  pour  lui  de  respectables  témoignages.  Cepeadant 
on  verra  q^'il  ne  faut  rien  changer  au  texte ,  si  l'on  fait 
attention  an  vrai,  sens  de  postulare  judicium.  Apronius 
trouvait  quelque  prétexte  pour  d/emander  à  m^re  en  ju- 
gement ,  c'est-à-dire  pour  accuser.  (Voyez  Vlnaex  d'Er- 
nesti.)  J.  V.  L. 

17.  —  XVI.  Nous  avons  vu  dans  un  des  Discours  qyi 
précèdent ,  que  Verres  avait  fait  d'immenses  profits  sur 
les  réparations  de  ce  temple.  —  De  Sthênius ,  dont  il  est 
beaucoup  parlé  dans  le  Discours  qui  précède. 

18.  —  Ibid.  On  ignore  s'il  s'agit  ici  du  grand  Pompée 
ou  de  Cnéus  Pompéius  Strabp  son  père  :  je  croirais  que 
c'est  plutôt  de  ce  dernier  qu'il  est  ici  question  ;  il  avait 
été  prêteur  en  660.  On  ne  sait  pas  à  quelles  circonstances 
r^rateur  rapporte  ce  qu'il  dit  des  trois  hommes  qu'il 
vient  de  nommer.  Il  est  cependant  fort  vraisemblable 
qu'il  ne  cite  leur  exemple  que  parce  qu'ils  avaient  cha- 
cun, au  sortir  de  leur  préture ,  goiiverné  la  Sicile. 

19.  —  XVII.  Ceux  qui  aspiraient  au  consulat  met- 
taient tout  en  œuvre  pour  mériter  les  bonnes  grâces  du 
peuple  romain ,  qui  surtout  paraissait  voir  avec  plaisir 
les  gouverneurs  des  provinces  augmenter  les  impôts  sur 
les  adliés ,  sans  doute  parce  qu'il  se  croyait  par  là  soulagé 
lui-même.  Le  père  de  Métellus ,  L.  Alétellus  Dalmatiens, 
et  son  aïeul,  Q.  Métellus  Numidicus,  avaient  été  con- 
suls. Desjardins. 

ao.  —  XIX.  Hortensius  avait  quelquefois  en  parlant  un 
mouvement  de  tête  affecté  qu'on  lui  reprochait.  (  f^ùyez 


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270  NOTES. 

Aulu-Gelle  et  Quintilien.  )  (C'est  ce  qne  Cicéron  appelle , 
Orat.f  cbap.  i8  ,  mollitia  cervieum.  ,' 

ai .  —  XX.  Les  esclaves  de  Vénus.  Ce  titre  particulier 
semble  désigner  en  général  les  esclayi^s  des  temples.  Ils 
étaient  aux  ordres  des  préteurs.  La  ferme,  ou  l'associa- 
tion des  publicains  ,  avait  aussi  ses  esclaves. 

22.  —  XXI.  Ce  Cornélius  avait  pris  ce  nom  en  deve- 
nant citoyen  romain  ;  il  s'appelait  auparavant  Ârtémi- 
dore;  il  était  de  Perga,  dans  la  Pamphylie,  où  Verres 
avait  été  lieutenant.  (  Vcye:^  seconde  Action  >  Livre  I , 
cbapitr^  20.  ) 

23.  —  XXIV.  L'épitbète  ^illustres  se  donnait  aux 
cbevuliers  romains  qui  ,  -sans  être  sénateurs ,  avaieiit  l'es- 
pérance d'entrer  un  jour  au  sénat,  portaient  le  laticlave , 
et  souvent  même  prenaient  part  aux  délibérations.  {Voyez 
Auln-Ge^ ,  II ,  x8  ;  Juste-Lipse,  Comment,  sur  les  Ann, 
de  Tacite ,  II ,  4.  )  Juste-Lipse  a  tort  de  dire  que  ce  titre 
ne  date  que  dû  règne  d'Auguste  :  on  en  trouve  de  tt<Mn- 
breux  exemples  dans  la  république.  DesjaVdins, 

24.  —  Ibid,  Cicéron  avait  menacé  Apronius  de  l'ac- 
cuser après  la  condamnation  de  Verres,  comme  ayant 
partagé  ses  vols  et  ses  rapines.  Telle  est  l'opinion  de 
ï*.  Manuce  ;  mais  peut>être  Cicéron  veut-il  dire  simple- 
ment qu'il  va  parler  enfin  >  dans  ce  Discours  même ,  des 
crimes  d' Apronius. 

25.  ——  XXV.  Tempestivum  conviifium  se  prenait  tou- 
jours en  mauvaise  part  ;  c'était  un  repas  de  débaucbe  , 
fait  le  jour,  dédie ,  avant  l'beure  prescrite  par  l'usage. 

26.  —  Ibid.  Apronius  probablement,  ainsi  queTimar- 
chide,  était  a^ranchi,  c'est-à-dire  peu  éloigné  de  la 
condition  d'esclave. 

^'j^^-'Ibid.  Bande  de  déserteurs  et  de  brigands  armés 
qui  infestaient  la  Sicile  ,  et  dont  le  chef  était  Athénion, 
Ils  étaient  devenus  si  redoutables ,  qu'il  fallut  faire  con^ 
tre  eux  uûe  guerre  dans  les  formes.  Le  consul  AquilUus  , 
collègue  de  Marins ,  ayant  tué  Atbémon ,  ces  brigands 
n'osèrent  plus  reparaître  en  bartaille  rangée.  Desmeu^ 
niers, 

28.  —  XXVI ï.  Il  y  a  dans  le  texte  lucrum.  Ce  mot , 
en  termes  à%  finances ,  signifiait  une  somme  que  le  fer-* 


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NOTES.  2^1 

Inicr  des  revenus  de  l'état  demandait,  lorsqu'il  propo- 
sait aux  contribuables  de  leur  remettre  son  bail  :  c'était 
ce  qu'an  appelle  aujourd'hui  un  pot-de-^m.  Quoiqu'on 
se  servît  autrefois  de  ce  mot  dans  les  négociations  des 
'  fermiers-généraux  avec  le  contrôleur-général  .et  avec  le 
roi ,  il  ne  nous  parait  pas  encore  assez  ennobli  pour  l'em- 
ployer. Desmeuniers. 

^9-  —  XXVIII.  Voyez  plus  haut  ce  que  nous  avons 
dit  de  cet  Artémidore ,  ou  médecin  Cornélius.  — ^  Tous 
Grecs  sacrilèges.  L'orateur,  sans  doute  ,  fait  allusion  ici 
à  Tlépolcme  et  à  Hiéron ,  ces  deux  frères  de  Cibyre,  qu'il 
dira,  dans  le  Discours  suivant,,  o.  i3 ,  avoir  été  soupçon- 
nés par  leurs  concitoyens  d'avoir  piUé  un  temple  d'A- 
pollon. -—  Devenus  tout  a  coup  des  Cornélius ,  c'est-à-dire 
qui  étaient  devenus  citoyens  romains  grâce  à  Verres ,  et 
qui  avaient  pris  son  prénom  :  car  Verres  se  nommait 
Caïus  Cornélius  Ferrés  ,  quoiqu'il  ne  fàt  point  de  la 
famille  Corçélia.  —  Desjardins ,  contraire  à  cette  opi- 
nion de  Manuce  et  de  Grévins,  prétend  que  tous  ces 
Grecs  devaient  leur  lil»erté  à  Sylla ,  qui  avait  affranclii , 
en  leur  donnant  son  nom ,  plus  de  dix  nulle  esclaves  de 
proscrits.  J.  V.  L. 

3o.  —  XXIX.  Recuperatores  rejice,  c'est-à-dire  recupe- 
ratcéfs  recipe,  elige.  Wous  avons  fait  observer  déjà 
note  la  ,  que  les  parties  ayant  droit  de  récuser  un  cer- 
tain nombre  de  juges ,  om  disait  récftser  des  juges  pour 
choisir  des  Juges ,  parce  qu'en  récusant  on  choisit ,  en 
que^ue  sorte,  ceux  que  l'on  garde.  Fojr.  aus^  plus 
^as,  cfaap.  59.       , 

3i.  •—  XXX.  De  l'argent {  six  cent  mille  sesterces  , 
prix  à  peu  près  de  33,ooo  médimnes  de  blé.  Ce  qui  fait 
néanmoins  une  difficulté  dans  cet  endroit,  c'est  que 
tantôt  l'orateur  parle  comme  si  les  33,ooo  médimnes 
avaient  été  payés  en  blé ,  tani^^  comme  s'ils  avaient  été 
payés  en  argent.  ^ 

32.  —  Ibid..  Six  cent  mille  sesterces   (75,000  liv.  )  , 
étaient  à  peu  près  le  produit  en  argent  de  trente-trois 
mille  médunnes  de  blé.  Il  fallait  six  bois%çaux  pour  un 
médimne.  Trente-trois  mille  médimnes  se  résolvent  en 
cent  qnatre-vingt-tiix-huit  mille  boisseaux.  En  mettant 


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2-2  NOTES. 

ie  prix  du  boisseaa  à  trois  sesterces,  on  a  cinq  cent 
quatre-vingt-quatorze  mille  sesterces,  c'est-à-dire  six 
cent  mille  sesteices  moins  six  mille  :  le  boisseau  était 
donc  compte  à  un  peu  plus  de  trois  sesterces. 

33.  —  XXXI.  Verres  faisait  examiner  le  blé  ;  et  quand  < 
il  n'était  pas  assez  bon  à  sa  fantaisie  ou  à  celle  d' Apro- 
nius ,  il  faisait  donner  tant  de  sesterces  par  médimne. 
Nous  Yoyons  ici  qu'il  fait  donner  aux  Âgyriens  trois 
sesterces ,  et  non  trois  mille ,  comme  le  voudrait  Paul 
Manuce.  Ainsi,  ou  il  faut  Ure  sestertu  très ,  ce  que  je 
voudrais,  ou  H-3  m  doit  s'entendre  de  cette  manière. 

34.  —  Ihid.  7,5oo  liv.  Mais  la  somme  est  beaucoup 
moins  forte  qu'elle  ne  devrait  l'être.  Nous  avons  3o,ooo 
sesterces  ^nr  pot-de-^vin  des  dîmes  de  l'orge ,  et  99,000 
pour  les  trois  sesterces  par  médimne;  ce  qui  fait  en 
tout  129,000  sesterces,  16, 1^5  liv.  Ainsi,  au  lieu  de 
H-S  LX ,  il  faudrait  écrire  H-S  cxxix. 

35.  -  XXXII.  L'abbé  Auger  préférait  la  leçon  ,  Ac- 
census  istius ,  item  minister  in  decumis.  Nous  conservons 
le  texte  ordinaire ,  qui  n'a  pas  besoin  d'être  changé.  Le 
même  traducteur  suppose  que  V huissier  de  Verres  n'a- 
vait pas  affermé  les  dimes  en  son  propre  nom ,  mais 
au  nom  du  préfet  de  Verres.  Nous  adoptons  une  expli- 
cation plus  simple.  Il  y  avait  autour  du  préteur  un  g^and 
nombre  d'officiers  qui  portaient  le  titre  de  pne/'ecti. 
Peut-être  même  le  fermier  des  dîmes  avait-il  sous  lui 
des' intendants  ou  inspecteurs,  stp^lés prœ/ecti  decuma- 
rum.  On  peut  croire  aussi,  d'après  d'autres  passages  de 
Cicéron ,  que  le  préteur  donnait  quelquefois  ce  titre  mi- 
litaire àtprœfectus  à  des  receveurs  publics  ,  qui  se  fai- 
saient accompagner  d'hommes  armés ,  pour  faciliter  et 
protéger  leurs  exactions.  Il  y  avait  bien  d'autres  abus  : 
nous  voyons.  Epis  t.  ad  Att. ,  Y,  ai ,  Appius  ,  proconsul 
de  Cilicie ,  donner  quelques  escadrons  de  cavalerie  à 
Scaptius ,  et  le  nommer  préfet ,  pour»  qu'il  aille  se  faire 
payer  ses  dettes.  J.  V.  L. 

36.  —  Ibid.  L'abbé  Auger  pense  qu'il  eût  mieux  valu 
mettre  26,000  boisseaux  av  lieu  de  26,000  médimoes  , 
parce  que ,  «i  lepot-de-^in  eût  mente  plus  haut  que  les 
dimes  mêmes ,  Cicéron  en  eût  averti ,  comme  il  l'a  déjà 


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NOTES.  273 

fait  et  comme  il  le  fera  dans  la  suite.  Les  deax  miUe 
sesterces  (  a5o  liv.  )  en  sas  étaient,  sans  doute,  pour 
Texamen  du  blé.  Mais  la  somme  est  bien  forte,  même 
en  lisant  boisseaux  au  lieu  de  médimnes.  Dans  36,ooo 
boisseaux,  il  y  a  environ  .4i3^3  médimnes.  Or,  en  exi- 
geant trois  sesterces  par  médimne ,  comme  ou  a  vu  plus 
haut,  on  aurait  21,999  sesterces.  •*' 

37.  —  XXXIII.  Quelques  uns  pensent  qu'il  y  a  faute 
dans  le  texte  pour  les  nombres.  Les  dtmes ,  Tannée  pré- 
cédente, avaient  été  affermées  25,ooo  médimnes.  Or, 
c'est  bien  plus  que  la  lûoitié  de  35,ooo.  Il  est  vrai  que 
Fauteur  dit ,  fere  dimidio. 

38.  —  Ibïd.  C'est-à-dire  que,  par  une  convention 
secrète  ,  le  bail  fut  réellement  adjugé  à  3 1 ,400  mé- 
dimnes. 

39.  —  XXXV.  Cicéron  lui-même  les  défendit  pendant 
son  consulat  :  les  enfants  des  proscrits  ,  à  qui  le  dicta- 
•teur  avait  ôté  le  droit  de  solliciter  les  charges ,  deman- 
daient à  être  rétablis  dans  tous  leurs  privilèges ,  sons  le 
consulat  de  l'orateur  romain  ;  il  s'y  opopsa  ,  et  il  main- 
tint l'ancien  règlement.'  Desmeuniers. 

40.  —  XXXVI.  Ségeste  était  une  ville  franche ,  im- 
*  munis  s  comment  donc  Verres  a-t-il  exigé  des  dîmes  de 

cette  ville  ?  ou  comment ,  s'il  l'a  fait ,  Cicéron  ne  le  lui 
reproche-t-il'pas  ?  Cette  ville  apparemment  cultivait  des 
fonds  hors  de  ion  territoire ,  et  c'était  pour  ces  fonds 
qu'elle  devait  des  dîmes  ;  ou  bien  des  étrangers  ,  faisant 
valoir  sur  son  fonds,  devaient  des  dîmes  au  peuple 
romiin. 

4i.  —  Ibid.  Verres  avait  donc  déclaré  n'avoir  affermé 
les  dîmes  de  Ségeste  que  2000  boisseaux  de  blé. 

4a.  — —  Ibid,  Cicéron  menace  ici  Verres  de  le  citer 
devant  le  tribunal  qui  connaissait  det  crimes  de  péculat. 

43.  —  XXXVII.  Ainsi  l'île  de  Lipare  et  la  ville  du 
même  nom  ,  quoique  non  comprises  dans  la  Sicile  , 
étaient  renfermées  dans  le  ressort  du  préteur  de  Sicile. 

44-  —XXXVIII.  On  appelait  ^^cu/«  l'argent  qu'amas- 
sait un  esclave  danades  moments  où  on  lui  permettait  de 
travailler  pour  lui.  Avec  cet  argent  il  achel;ait  quelque* 


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274  NOXfe. 

fois  un  escUve  qw  lui   appartenait  et  obéissait  à  ses 

ordres  :  cet  esclave  s'appelait  'vicarius. 

45.  —  XXXIX.  Il  parait  que  ce  Yennouios  eut  la 
ferme  d'Ame&tra  la  seconde  année.  Ce  passage  et  plu- 
sieurs autres  des  Ferrines ,  montreat  que  les  baux  se 
renouvelaient  tous  les  ans.  Desmeuniers. 

46.  —  XLI.  Les  chevaliers  romains,  eit  vertu  de  la 
loi  Sempron^»  avaient  eu  d'abord  le  département  des 
tribunaux,  que  Sylla  leur  6ta  ensuite  pourrie  donner  aux 
sénateurs.  --  Cicéron,  qui  était  d'une  famille  de  che- 
valiers romains  ,  semble  partager,  dans  tons  les  Discours 
de  |;ette  époque ,  Topinion  d'Aurélius  Cotta ,  qui  tra- 
vaillait alors  à  faire  rendre  aux  chevaliers  leur  ancien 
droit.  Montesquieu  a  blâmé  leur  politique  :  «  Les  che- 
valiers, dit-il,  étaient  les  traitants  de  la  république;  ils 
étaient  avides ,  ils  semaient  les  malheurs  dans  les  mal- 
heurs ,  et  faisaient  oaitre  les  besoins  publics  des  besoins 
publics.  Bien  loin  de  donner  à  de  telles  gens  la  puissance 
de  juger,  il  aurait  fallu  qu'ils  eussent  été  sans  cesse  sous 
les  yeux  des  JM[es....  Une  profession  qui  n'a  ni  ne  peut 
avoir  d'objet  que  le  gain  ;  une  profession  qui  demandait 
toujours  et  à  qui  on  ne  demandait  rien  ;  une  profession 
sourde  et  inexorable ,  qui  appauvrissait  les  richesses  et  * 
la  misère  même ,  ne  devait  point  avoir  à  Rome  les  juge- 
ments. »  Esprit  des  Lois  ,  XI ,  18.  Cicéron  pensait  à  son 
ordre  et  À  ses  amis  ;  Montesquieu ,  anx  financiers  de  sofii 
temps,  aux  fermiers-généraux.  J.  V.  L. 

47.  —  Ibid.  Nous  voyons,  dans  les  plaidoyers  potfr 
Cluentius  et  pour  Rabirius  Postumus ,  que  les  sénateurs 
étaient  assujettis  à  des  lois  auxquelles  ne  l'étaient  pas  les 
autres  citoyens. 

48.  —  XLIIÎ.  C'est-à-dire  presque  toute  la  récolte, 
puisque ,  suivant  Cicéron ,  le  plus  fort  prodmt  des  terres 
en  Sicile,  et  produit  rare",  était  au  décuple. 

49.  —  Ibid.  Engjma  civitas ,  Engyum  ou  Enguimb, 
dont  il  est  souvent  parlé  dans  les  Ferrines  ;  les  habi- 
tants, Engpà.  Capitium,  dans  Btoléinée  Kei^'t/'riov^  les 
habitants,  Capiiini.  J.  Y.  L.  t 

50.  —  XLIV.  Latin ,  des  Uts  ;  c'est-à-dire  des  tentés  , 
sous  lesquelles  il  y  avait  des  lits  pour  le  repas. 


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NOTES.,  275 

5t.  —  XLY.  Le  latin  porte  5o,ooo  médimnes ,  ce  qui 

est  la  même  chose   que  3oo,ooo  boisseaux,   puisqu'il 

fallait  six   boisseaux  pour  faire  un  médimne.   5o,ooo 

sesterces ,  6,a5o  livres. 

Si.  —  XLYI.  Est-ce  que  les  L^ntins  ne  faisaient 
TalcAr  ni  dans  leur  pays  ,  ni  ailleurs  f  Alors  je  vois  bien 
comment  Apronius  n*a  pu  leur  nuire  }  mais  je  ne  vois 
pas  comment  ses  rapines  ont  pu  leur  être  utiles.  Cicérox^ 
Iirobablement  ne  croyait  pas  nécessaire  de  s'expliquer 
davantage  pour  ceux  à  qui  il  parlait. 

53.^-'-XLIX.  Sans  doute,  dans  les  années  où  l'assu- 
rance d'une  récolte  abondante  permettait  de  porter  la 
dîme  aussi  haut,  en  suivant  la  loi  juste  d'Hiéron ,  qu'elle 
était  portée  d'après  la  loi  injuste  de  Verres. 

54.  —  L.  Corollarium ,  suivant  Varron ,  ce  qu'on 
ajoutait  à  ce  qui  était  dû.  Ce  mot  est  formé  des  petites 
couronnes  (  a  corollis  )  que  l'on  donnait  aux  acteurs  sur 
le  théâtre ,  lorsqu'on  en  était  content. 

55.  —  Ibid.  L'orateur  parle  d'une  nouvelle  malver- 
sation de  Terres.  En  affermant  les  dîmes  Ae  chaque 
people ,  il  exigeait  par  dîme  deux  ou  trois  mille  sesterces, 
iSo'oli  225  livres.  Pline  compte  soixante  et  douze  peu- 
ples en  Sicile;  cela  faisait  donc  en  im  an  i44>ooo  ses- 
terces ,  en  ne  prenant  que  deux  miUg  sesterces  par  dlme , 
et  en  trois  ans  432,ooo.  Mais  on  exigeait  de  quelques 
peuples  trois  miUe  sesterces  :  Cicéron  fait  donc  monter 
la  somme  à  environ  5oo,ooo  sesterces ,  6*»5oo  livres. 

56.  —  Ibid.  Chez  les  ÇLomains,  un  esclave,  appelé  ^U- 
Ucus ,  était  chargé  de  la  manutention  des  biens  <le  cam- 
pagne. (  Ployez  Varron ,  de  Re  rustica  ,1,2;  Coluihelle , 
Pré/,  du  Livre  Xll  ,*€tc.) 

57.  —  LIV.  Les  esclaves  se  révoltèrent  deux  fois  en 
Sicile*  ayant  pour  chefs  d'abord  Ëunus,  et  ensuite  Athé- 
nion.  Eunus  fut  défait  par  Publius  Rupilius,  l'an  de 
Kome  62 T  ,  et  Athenion  par  M'  Aq^llius,  en  Q53. 
{^Foyez  Florus,  III,  19.) 

58.  -^  L  VII.  La  déesse  Salu$^  à  qui  les  Romains  avaient 
élevé  un  temple  dans  la  guerre  des  Samuites.  Térence  a 
dit  dans  sa  comédie  des  Adelphes,  ^a  si  cupiat  Salus, 
Setvare prorsus  non  potest  kancj'amiliam  ,  Adelph.,  act.  4  > 


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2^6  .NOTES. 

5p.  —  LTIII.  Animus  en  latin,  l'esprit,  le  cofiur , 
rame;  anima,  le  souffle,  l'haleine. 

^.  —  LX.  Cognitor  en  latin ,  celui  qui  agissait  pour 
un  homme  présent  et  en  son  nom  ;  procurator,  celui  qui 
agissait  pour  un  homme  absent. 

6i.  —  Ibid.  Lucins  Cassius  était  célèbre  par  sa  sévé-^ 
rite  dans  les  jugements. 

6a.  —  Ihid.  Sur  trois  commerçants  pris  parmi  les  ci- 
toyens romains  que  Scandilius  demandait  pour  juges  , 
et  qu£  redoutait  Yerrès  ,  croyant  qu'ils  prononceraient 
sans  crainte  de  son  pouvoir. 

63.  —  Ilfid.  L'abbé  Auger  avait  traduit  d'après  la 
conjecture  d'un  habile  critique  qui  voudrait  qu'on  lût , 
sponsionem  acceptam  missamJacere.QuelqaefoiSy  dit-il, 
dans  les  contestations  judiciaires ,  les  deux  contendants 
déposaient  une  somme,  qu'ils  consentaient  à  perdre  s'ils 
perdaient  leur  procès.  Sponsionem  accipere ,  déposer  cette 
«omme;  missam J'acere ,  la  reprendre,  renoncer  au  pro- 
cès, abandonner  toute  poursuite.  Malgré  cette  note,  le 
texte  de  Cicéron  nous  a  paru  mériter  plus  de  confiance 
que  le  texte  imaginé  par  V habile  critique,  et  nous  avons 
suivi  le  commentaire  de  Desjardins,  qui  pourrait  aussi 
corriger  son  auteur ,  mais  qui  se  contente  de  l'expliquer. 
J.  V.  L.  ^ 

64.  —  LXIl.  Je  ne  crois  pas ,  comme  Paul  Manuce  , 
que  cet  Émilius  Alba  fût  un  sénateur;  je  pense  que  c'était 
un  huissier  et  crieur  public ,  prœco.  L^s  huissiers  et  les 
crieurs  publics  se  tenaient  ordinairement  à  l'entrée  du 
marché-,  in/aucibus  macelli,  Cicéron  ne  parlerait  jamais 
d'un  sénateur ,  quel  qu'il  fût ,  comme  on  verra  qu'U  parle 
d'Émilius. 

65.  —  LXIV.  La  particule  non,  qui  se  trouve  après 
commotus,  est  supprimée  par  l'abbé  Auger,  qui  adopte 
en  cela  l'opinion  de  Ferratius  :  ils  trouvent  tons  deux 
que  ce  non' embarrasse  le  raisonnement.  J'ai  cru  encore 
que ,  sans  rien  retrancher  »  il  valait  mieux  suivre  l'expli- 
cation de  Desjardins.  J.  Y.  L. 

66.  —  LXV.  Octavius ,  un  des  juges ,  avait  été  préteur. 
On  sait  que  les  préteurs ,  dans  toutes  les  causes ,  don- 
naient aux  juges  une  formule  suivant  laquelle  ils  devaient 


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NOTES.  277 

juger  et  prononcer.  Octavins ,  dans  sa  préture,  s'était 
servi  d'une  formule  que  Métellus  avait  employée  après 
lui  à  Rome,  et  qu.*'û  employait  encore  dans  sa  province. 

67.  —  LXVI.  Il  n'y  avait  que  les  magistrats  distingués , 
consuls ,  préteurs ,  édiles  ,  censeurs ,  qui  ajoutassent  à 
leur  nom,  en  écrivant,  le  t^e  de  leur  place.  Cicéron  se 
moque  de  Timarcbide,  qui  ajoute  au  sien  celui  d'huis- 
sier, et  de  quelqnes  greffiers  qui  prenaient  aussi  ce  tou. 

68.  —  lôid.  Vultéius ,  s&us  doute ,  était  un  officier  de 
la  «uite  du  préteur  Métellus.,  qui  avait  sa  coufiance. 
C'était,  à  ce  qu'il  semble,  un  homme  de  quelque  consi- 
dération.* 

69.  —  LXVIT.  Cet  éloge  d'homme  de-sens ,  Timarcbide 
le  donnait  sans  doute  à  Métellus  comme  à  un  hommo 
qui  n'avait  pas  un  grand  génie ,  à  un  honune  d'un  esprit 
ordinaire. 

70.  —  LXVIII.  Timarchide  écrit....  On  voit  par  là 
que  Cicéron  n'avait  pas  fait  lire  toute  la  lettre  de  Timar- 
chide, qu'il  en  avait  omis  plusieurs  articles,  celui-ci 
entre  autres.  Mais  des  critiques  pensent,  d'après  cet 
endroit ,  que  fe  texte  des  chapitres  66  et  67  n'est  pas 
complet. 

71 .  —  LXX.  On  avait  fixé ,  sur  ces  huit  cent  mille  bois- 
seaux de  blé  que  les  villes  de  Sicile  étaient  obligées  de 
vendre  au  peuple  romain ,  la  quantité  que  chacune  ven- 
drait. —  A  trois  sesterces  t  h  quatre ,  soit  que  les  années 
fussent  bonnes,  soit  qu'elles  fussent  mauvaises;  on  avait 
adopté  sans  doute  un  prix  moyen. 

72.  -^-Ibid.  400,000  livres,  ^euf  millions  de  sesterce*, 
i,iaâ>,ooo  livres. 

73.  —  Ihid.  Le  texte  porte  centies  et  tricies;  c'est 
une  faute  évidente ,  et  il  est  clair  qu'il  faut  lire  trecenties 
et  sepiuagies ,  trente-sept  millions  de  sesterces.  Trois 
fois  douze  millions  deux  cent  mill^  font  trente-six  mil- 
lions six  cent  mille ,  trente-sept  millions  moins  quatre  cent 
mille ,  c'est  -  à  -  dire  près  de  trente-sept  millions  de  ses- 
terces, 4,625,000  livres.  —  Nous  avons  "conservé  cette 
note  de  l'abbé  Auger ,  et  même  sa  traduction ,  parce  que 
les  lettres  numérales  sont  très  souvent  fautives  et  incer- 
taines; mais -il  est  probable  que  per  triennium  signifie, 

viir.  24 


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278  NOTES. 

comme  Desjardios  Vex^\iqae,persù^iulos  annos  triennii, 
J.  V.  L. 

74.  —  LXX.  Les  compagnies  de  fermiers  en  Sicile 
avaient  'de  l'argent  à  verser  au  trésor  public;  il  était 
naturel  qu'elles  remissent  à  Terres  l'argent  qui .  deyait 
lui  être  payé  par  le  trésor.  Que  faisait  Verres  ?  Il  leur 
laissait  cet  argent ,  en  tirant  un  intérêt  de  deux  centiè- 
mes par  mois,  quoique  l'intérêt  ordinaire  ne  fdt  que 
d'un  centième.  Mais  pourquoi  ces  compagnies  souf- 
fraient-elles cette  usure  exorbitante?  Cicéron  n'en  dit 
pas  la  raison ,  et  je  ne  saurais  la  deviner. 

75.  —  LXXI.  11  y  a  dans  le  texte  un  tu  qui  n'a  pas 
de  suite  ;  cette  irrégularité  de  construction  n'est  point 
rare  dans  les  anciens  écrivains.  Emesti  regardait  ce  mot 
comme  douteux;  M.  Schùtz  l'a  supprimé.  J.  Y.  h, 

76.  —  LXXII.  Usura  ,  c'est-à-dire  usu  pecuniœ.  Les 
fermiers  des  domaines  publics  devaient  remettre  des 
sommes  au  trésor;  le  sénat  quelquefois,  pour  les  soula- 
ger ,  leur  laissait  ces  sommes  entre  les  mains ,  et  ils  ne 
les  rendaient  qu'après  un  certain  terme.  L'intérêt  de 
l'argeut  à  cette  époque  était  de  douze  pour  cent. 

77.  —  LXXVL  Cet  anneau  dont  vous  l'avez  décoré 
en  pleine  assemblée ,  et  avec  lequel  il  a  scellé  vos  re- 
gistres. 

78.  —  Ibid.  Voyez,  pour  tous  ces  faits,  le  Discours 
où  il  s*agit  de  la  questure ,  de  la  lieutenance  et  de  la 
préture  de  Verres ,  premier  Discours  de  la  seconde  ac- 
tion. 

79.  —  LXXVIIT.  Il  y  avait  des  hommes  chargés 
d'examiner  si  les  monnaies  étaient  de  bon  aloi  ;  c'est  ce 
qu'on  appelait  spectatio.  Colljrbus  était  l'examen  du  rap- 
port d'une  monnaie  d'un  pays  à  celle  d'un  autre.  On  ne 
sait  pas  au  juste  ce  qu'il  faut  entendre  par  cerarium.  —- 
Desmeuniers  observ^  avec  raison  que  ce  mot  parait  si- 
gnifier ici  V enregistrement ,  les  frais  de  registres. 

80.  —  LXXtX.  Mot  %  mot,  pour  le  courrier  pan  l'arri- 
vée duquel  on  est  averti  de  la  somme  qu*on  a  a  réclamer. 
—  Grévins ,  Ernesti  et  M.  Schiitz  regardent  petiverunt 
comme  une  glose  qu'il  faut  ,effacer. 

81.  ~>  Ibïd.  L'abbé  Auger  s'était  trompé  en  tradui- 


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NOTES.  279 

sant ,  et  Vhoimeur  des  magistrats;  mais  il  s*était  trompé 
avec  le  célèbre  jurisconsulte  Hotman ,  et  plusieurs  autres 
interprètes.  JI  serait  trop  long  d'expliquer  ici  le  raolpe- 
riculum ,  épreuve,  protocole,  formulaire  d*acte  public. 
(  Voyez  la  note  de  Grévius  sur  cet  endroit ,  et  surtout 
celle  de  Bosius  sur  Cornélius  Népos,  chapitre  8  à!Épa- 
minondas.)  J.  V.  L. 

82.  —  LXXIX.  Cicéron,  sans  doute,  parle  ici  de  cer- 
tains hommes  qui ,  après  avoir  été  acteurs ,  et  s'être  en- 
richis dans  cette  profession ,  avaient  acheté  une  charge 
de  greffier.  Nous  avons  déjà  remarqué  que  corollarium 
est  ce  qu*on  ajoutait  à  ce  qui  était  dû ,  et  que  ce  mot 
était  formé  des  petites  couronnes  ( a  corollis)  que  l'on 
donnait  aux  acteurs  lorsqu'on  en  était  content.  Ainsi, 
comme  il  est  question  d'acteurs ,  le  mot  ici  a  une  force 
et  une  propriété  singulières.  Scenicorum,  SQOS-entendez 
ludorum.  —  Une  charge  de  grenier,  mot  à  mot ,  une  dé- 
curie. Les  greffiers  apparemment  étaient  partagés  en  plu- 
sieurs décuries.  —  Dans  le  second  ordre  des  citoyens.  Il 
semble  que  ce  devait  être  l'ordre  des  greffiers;  mais  on 
sait  que  le  second  ordre  était  l'ordre  équestre.  Peut-être 
est-il  question  de  citoyens  qui,  de  l'ordre  des  greffiers, 
étaient  passés  dans  l'ordre  équestre.  S'il  y  a  ic^ quelque 
difficulté ,  elle  est  aisément  levée  par  ces  mots ,  se  gé- 
nisse dicunt.  C'était  une  illusion  de  leur  ^vanité.  —  Dans 
le  premier  ordre  de  Vétat ,  dans  l'ordre  des  sénateurs. 

83.  —  Ibid.  Je  ne  m'amuse  pas,  dit  l'abbé  Auger ,  à 
commenter  la  réflexion  de  l'orateur;  j'avertis  seulement 
d'y  faire  attention. 

84.  —  LXXX.  Kous  avons  vu  plus  haut  que  la  somme 
totale  remise  à  Yerrès  pour  les  trois  années  de  sa  pré- 
ture  montait  à  près  de  sept  millions  de  sesterces.  Or , 
deux  cinquantièmes  de  trente-sept  millions  font  un  mil- 
lion cinq  cent  mille  moins  quelque  chose.  Mais  on  faisait 
encore  des  déductions  pour  certains  articles  ,  ainsi  qu'on 
le  voit.  Elles  emportaient  peut-être  plus  de  200,000  ses- 
terces ,  et  par  là  la  somme  se  trouvait  réduite  à  un  mil- 
lion trois  cent  mille  sesterces  «  8i,25o  livres'^ 

85.  —  Ibid,  Caïus  Caton ,  petit-fils  de  Caton  le  Censeur, 
avait  gouverné  la  Macédoine  :  il  fut  accusé  de  concus- 


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28o  NOTES. 

hiou,  et  condamné  au  retour  de  5»  province.  Dix-huit 
milfe  sesterces  ,  ^yi5o  livres. 

86.  — LXXX.  L*anneaud'or  était  Ordinairjçnientla  mar- 
que des  chevaliers  romains;  il  fallait  un  certain  revenu 
pour  être  dans  l'ordre  équestre  :  or  Verres  en  avait  ruiné 
beaucoup  de  cet  ordre ,  qui  se  trouvaient  dans  rassem- 
blée où  il  décorait  son  greffier  d'un  anneau  d'or;  à  moins 
qu'il  ne  parle  de  citoyens  romains  riches,  ruinés  par 
Verres ,  et  qui  avant  cela  ne  portaient  l'anneau  d'or  que 
comme  une  marque  de  richesse.  On  voit  plus  bas  la 
preuve  que  l'anneau  d'or  «l'était  pas  toujours  la  marque 
(l'un  chevalier  romain. 

87.  —  LXXXI.  Verres  n'était  pas  coupable  précisé- 
ment pour  avoir  estimé  le  blé  douze  sesterces,  mais 
pour  l'avoir  estimé  ce  prix  lorsqu'il  valait  beaucoup 
moins  >  et  ^ur  en  avoir  exigé  une  plus,  grande  quantité 
qu'on  ne  lui  en  devait. 

88.  —  LXXXIII.  Philomélmm ,  ville  de  la  Grande- 
Phrygie.  La  distance  de  Philomélium  à  Éphèse  était, 
dit-on ,  de  deux  cent  trente  mille  pas ,  environ  soixante- 
seize  de  nos  lieues ,  et  les  cliemins  n'étaient  pas  faciles. 

8i).  —  LXXXVI.  L'orateur  parle  ici  de  cette  quantité 
de  blé  qu'on  rép;)rtissait  sur  les  villes  de  la  Sicile ,  et 
qu'elles  étaient  obligées  de  vendre  à  la  république , /ru- 
mentam  emtum. 

90.  —  XCf.  Marcellus  n'avait  pas  été  consul,  il  n'avait 
été  que  préteur;  mais  souvent  on  envoyait  dans  les  pro- 
vinces, avec  l'autorité  proconsulaire,  des  citoyens  qui 
n'avaient  été  que  préteurs. 

91.  —  Ibid.  Par  les  concussions  et  les  vexations  de 
Lépidus,  prédécesseur  de  Marcellus. 

\)i.  —  Ibid.  Nous  avons  déjà  parlé  plusieurs  fois  de  cet 
Antonins ,  qui  avait  eu  la  commission  de  défendre  les  cô- 
tes maritimes  avec  un  pouvoir  illimité  :  il  périt  en  faisant 
la  guerre  aux  Cretois.  —  Plus  bas,  le  mot  jtuiices,  si  on 
le  conserve  dans  le  texte ,  se  rapporte  au  sénat  et  au  peu- 
ple romain,  peut-être  faudrait -il  hxejudiào  suo. 

93.  —  XCVI.  Marcus  Aurélius  Cotta.  Qui  monte..., 
lemplum  tenet.  On  appelait  templum  l'emplacement  de  la 
tribune  aux  harangues,  parce  qu'il  avait  été  consacré 


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NOTES.  agi 

par  les  augures.  — -  Un  peu  plus  bas,  sistere  doit  se 
•prendre  ici  dans  le  sens  de  subsistere ,  consistere.  (Yoy.  la 
note  de  Desjardins ,  page  680.  ) 

94.  —  XCVIIl.  Fotis  le  savez,  dans  toute  la  Sicile.... 
TeUe  était  donc  Fadministration  de  ces  vainqueurs  du 
monde  ?  partout  la  tyrannie  et  Toppression  dans  les  pro- 
vinces conquises ,  ées  préteurs  pÛlant  les  villes ,  les  pu- 
blicains  forçant  les  laboureurs  de  fuir  les  campagnes. 
Ubi  soUtudinem /ecere ,  pacem  appellant.  Nous  en  pre- 
nons à  témoin  Cicéron  lui-même ,  et  surtout  le  chap.  89 
de  ce  Discours,  où  il  atteste  les  gémissements  et  les 
murmures  de  tous  les  peuples.  «  La  liberté  était  dans  le 
centre,  dit  Montesquieu,  et  la  tyrannie  aux  extrémités.  » 
J.  V.  L. 


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SECONDE  ACTION 

CONTRE  VERRES. 

IF.  DES  STATUES, 

» 
TRADUCTION  NOUVELIJE, 

PAR  P.  C.  B.  GUEaOTJLT, 

AirCIETf    COirSEUitER  TITULAIRE  DE  l'DMIVERSITB. 


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INTRODUCTION/ 


Gaïus  Yerrès  avait  été  envoyé  proconsul  en 
3icill ,  après  l'expiration  de  sa  préture.  On  sait 
qlie  les  proconsuls  étaient  rois  dans  leurs  pro- 
vinces. La  guerre,  le  détail  des  troupes  de 
terre  et  de  mer,  l'administration  de  la  justice 
et  des  finances ,  tout  était  h  leur  disposition. 
Verres  n'usa  de  ce  pouvoir  illimité  que  pour  le 
malheur  des  Siciliens.  Aux  concussions  les 
plus  errantes ,  aux  débauches  les  plus  honteu- 
ses, il^oignit  une  cruauté  qui  faisait  presque 
regretter  à  ces  peuples  leurs  Denys  et  leurs 
Phalaris. 

Suivant  l'usage  et  la  loi ,  son  administration 
ne  devait  durer  qu'un  an  j  mais  ses  amis ,  ses 
intrigues  et  ^on  argent  lui  obtinrent  une  pro- 
rogation de  deux  autres  années.  Après  ce  temps 
enfin ,  on  lui  nomma  un  successeur,  et  il  re- 
vint à  Rome  chargé  des  dépouilles  et  de  la  haine 
des  Siciliens.  Toutes  les  villes,  excepté  Syra- 

*  Comme  le  traducteur  rappelle  ici  dWe  manière 
très  succincte  l'histoire  et  le  sujet  des  cinq  Discours 
précédents ,  nqiis  avons  cm  devoir ,  même  dans  une  édi- 
tion complète ,  ne  pas  supprimer  cette  analyse,  en  faveur 
de  ceux  qui  voudront  lire  à  part  les  deux  dernières  Ver- 
rines.  Note  de  Véditeur. 


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INTRODUCTION.  a85 

dise  et  Messine ,  envoyèrent  des  députés  pour 
Faccuser. 

Ils  s*adressèrent  à  Gicéron ,  qu'ils  avaient  eu 
pour  questeur  quelques  années  auparavant.  Nul 
autre  ne  pouvait  mieux  les  servir.  Il  était  dans 
la  force  de  Tâge,  et  dans  la  route  des  honneurs; 
Il  avait  trente-sept  ans ,  «t  il  sollicitait  Tédilité 
curule,  qu'il  obtint  à  cette  même  époque  (  l'an 
de  Rome  685),  comme  le  prix  d'une  longue 
suite  de  services  et  de  succès  au  barreau.  Il 
nous  dit  lui-même ,  dans  son  plaidoyer  contre 
Cécilius,  c.  ]5,  que  déjà  il  avait  défendu  plus 
de  causes  qu'aucun  Romain  de  son  âge  :  Ego , 
guif  sicut  omnes  sciant ,  inforo  judiciis^e  ita 
verser,  ut  ejusdem  œtatis  aat  mémo ,  aut  pauci , 
plures  causas, defonderint.  Le  peuple,  charmé 
de  son  éloquence ,  et  persuadé  de  sa  vertu ,  lui 
prodiguait  dans  ^toutes  les  occasions  la  faveur 
la  plus  signalée. 

Maiâ  s'il  apportait  dans  cett^  cause  de  grands 
avantages,  il  eut  aussi  de  grands  obstacles  à 
vaincre.  Les  familles  les  plus  puissantes ,  les 
Métellus,  les  Sctpions,  et  en -général  tous  les 
Dobles,  se  déclarèrent  en  faveur  de  Yerrès. 
Hortensîus,  qu'on  surnommait  le  roi  du  bar> 
reau ,  était.son  défenseur.  Ils  employèrent  touis 
les  moyens  pour  le  soustraire  à  la  sévérité  des 
lois.  Et  d'abocd  un  certain  Cécilius  Niger  vint 
disputer  à  Cicéron  et  revendiquer  pour  lui- 
même  le  droit  d'accuser  Verres.  Il  disait  qu'il 
avait  personnellement  à  se  plaindre  de  ses  in- 


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a86  INTRODUCTION, 

justices  ;  qu*ayant  été  son  questeur,  il  connais- 
sait  mieux  tous  ses  crimes;  qu'enfin,  étant  Si- 
cilien ,  il  lui  convenait  plus  qu'à  tout  autre  de 
venger  ses  compatriotes.  Cet  homme  n'était  en 
effet  qu'un  agent  de  Verres,  soudoyé  pour  atti- 
rer la  cause  h  lui ,  et  la  trahir  ensuite  par  la  plus 
lâche  perfidie.  Cicéron  triompha  aisément  d'un 
tel  adversaire.  C'est  dans  cette  occasion  qu'il 
prononça  le  Discours  intitulé  In  Cçecilium  di- 
vinatio. 

Le  tribunal  lui  fixa  ,  conformément  à  la  loi , 
cent  dix  jours  pour  recueillir  les  témoignages 
et  vérifier  les  mémoires  et  les  accusations.  Il 
partit  aussitôt  pour  la  Sicile  ;  mais  son  infati* 
'gable  activité  n'eut  pas  besoin  de  la  moitié  du 
temps  qui  lui  avait  été  accordé.  Il  revint  au 
bout  de  cinquante  jours ,  et  la  promptitude  de 
son  retonr  jeta  la  consternation  parmi  les  amis 
de  Verres.  Celui-ci  cherchait  à  faire  remettre  le 
jugement  h  l'anaée  suivante,  certain  d'être  ab- 
sous alors  par  le  crédit  des  magistrats  qui  lui 
seraient  dévoués.  Hortensius  et  Q.  Métellus  ve- 
Baient  d'être  nommés  consuls ,  et  M.  Métellus, 
préteur  et  président  du  tribunal  devant  lequel 
la  cause  aurait  été  portée. 

Cicéron  sentit  qu'une  longue  plaidoirie  con- 
sumerait ua  temps  précieux.  Le  Discours  qu'il 
prononça  dans  cette  circonstance  est  connu 
sous  le  nom  de  In  Ferrem  Actio  prima.  L'ora- 
teur ne  chercha  point  à  donner  à\sa  cause  tous 
les  développements  nécessaires.  Il  exposa  suc- 


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INTRODUCTION.  %%j 

cînctement  et  avec  beaucoup  d'énergie  les  prin- 
cipaux crimes  de  Verres ,  et  annonça  aux  juges 
qu'il  allait ,  k  chaque  fait  qu'il  dénoncerait,  pro- 
duire les  pièces  et  faire  entendre  les  témoins. 
Neuf  jours  furent  employés  à  ces  débats.  Hor- 
tensius  essaya  d'abord  de  réfuter  et  de  com- 
battre. Mais  les  preuves  furent  si  claires ,  les 
dépositions  si  accablantes,  les  murmures  de 
tout  le  peuple  romain  qui  assistait  k  ce  procès 
se  firent  entendre  avec  tant  de  violence,  qu'il 
n'osa  plaider  la  cause.  Verres  prévint  l'arrêt 
par  un  exil  volontaire; 

Ainsi ,  des  sept  Discours  que  Cicéron  nous  a 
laissés  relativement  à  ce  procès ,  les  deux  pre- 
miers seulement  ont  été  prononcés;  les  cinq 
autres ,  connue  sous  le  nom  de  'jàctio  secunda 
in  Verrem ,  ne  l'ont  pas  été.  Il  les  composa 
pour  convaincre  le  public  que  Verres  n'aurait 
rien  gagné  à  attendre  le  jugement.  D'ailleurs ,  il 
s.'honorait  lui-même  en  faisant  éclater  son  indi- 
gnation contre  les  prévarications  d'un  bomme 
puissant  et  soutenu  par  les  premières  familles 
de  Rome.  Enfin ,  un  sentiment  d'amour-propre 
put  y  entrer  pour  quelque  chose.  Le  défen- 
seur de  Verres  était  Hortensius  ,  l'orateur  le 
plus  célèbre  de  ce  temps.  Cicéron  fut  bien 
aise  dis  lui  montrer  un  rival  déjii  redoutsrble , 
et  qui  en  effet  ne  tarda  pas  à  le  laisser  loin  de 
lui  dans  la  carrière. 

Ces  cinq  Discours  ne  sont  que  les  cinq  divi- 
sions d'un  seul  et  même  plaidoyer.  L'orateur  les 


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288  INTRODUCTION, 

a  publiés  tels  qu'il  les  aurait  prononcés  en  pré- 
sence des  juges  et  de  Verres.  Il  y  fait  passer  en 
revue  toute  la  vie ,  c'est-à-dire  tous  les  crimes  de 
Taccusé. 

Dans  le  premier  (  Actidnis  secundœ  liber  pri- 
mus) ,  il  expose  la  conduite  de  Yerrès  avant  sa 
préture  en  Sicile.  Verres  avait  été  questeur  de 
Carbon  en  Italie,  lieutenant  de  Dolabella  en 
Cilicie,  enfin  préteur,  à  Rome.  Gicérou  le  suit 
à  la  tr^ce  de  sts  injustices  dans  cbacune  de  s^s 
fonctions. 

Le  second  a  pour  objet  la  manière  dont  il  a 
administré  la  justice  en  Sicile. 

Le  troisième ,  les  vexations  qu'il  a  exercées  à  - 
l'occasion  des  blés  que  les  Siciliens  étaient  te- 
nus de  foifrnir  en  nature  ou  de  vendre  au  peuple 
romain. 

Le  quatrième ,  les  vols  qu^  a  faits  en  Sicile  ^ 
et  comme  la  plupart  des  objets  volés  étaient  des 
statues ,  ce  Discours  a  reçu  le  titre  de  Oratio 
de  Signis. 

C'est  ainsi  que  le  cinquième  est  intitulé  De 
Suppliciis  y  parce  que  l'orateur  y  traife  sur- 
tout des  supplices  que  Verres  a  fait  ^arbitraire- 
ment subir  à  des  Siciliens ,  et  même  à  des  ci- 
toyens romains. 

Les  deux  defniers  de  ces  Discours  sont  rer 
gardés  comme  des  chefs-d'œuvre.  C'est  à  eux  , 
spécialement  qu'il  faut  appliquer  ce  que.Cicé- 
mil  lui-même  (  Orat.  ^  c.  29)  a  dit  de  ses  Ver- 
rines  f  qu'il  y  avait  fait  entrer  tous  les  gewes^ 


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INTRODUCTION.  aSg 

d^éloquenoe  :  Quod  igitur  in  accusationif  quin- 
que  libris  non  reperitur  g^nus  ? 

La  première  phrase  du  Discours  intitulé  In 
Verremcde  Signis ,  n'est  qu^une  simple  transi- 
tion ^  Cicéron  passe ,  de  la  troisième  division 
de  son  plaidoyer  contre  Verres ,  a  la  quatrième , 
où  il  va  s'occuper  des  vols  et  des  pillages  que 
•le  préteur  a  commis  en  Sicile. 

L'orateur  annonce  son  sujet  par  une  propo- 
sition générale,  qui  l'embrasse  tout  entier,  et, 
comme  sjil  craignait  de  n'être  pas  assez  clair  ni 
assez  précis ,  il  la  développe  encore  en  d'autres 
termes ,  protestant  aux  juges  qu'il  ué  parle  point 
en  accusateur,  et  qu'il  ne  se  permet  aucune  exa- 
gération. Il  présente  donc  Verres  comme  un 
brigand  qui  a  ravi  aux  habitants  de  la  Sicile  ce 
qu'ils  pouvaient  avoir  d'effets  précieux ,  sans 
en  laisser  un  seul  à  qui  que  ce  soit.  Ensuite, 
il  entre  dans  lès  détails.  11  retrace  successive- 
ment chacun  des  vols  dont*  le  préteur  s'est 
rendu  coupable.  Ce  Discours  ne  contient  donc 
qu'une  suite  de  narrations  indépendantes  les 
unes  des  autres,  ayant  toutes  leurexorde, 
leur  confirmation  et  leur  péroraison. 

Rien  de  si  simple  qu'une  telle  méthode ,  rien 
de  si  uniforme  qu'un  tel  plan.  Mais  ce  qu'on 
ne  saurait  trop  admirer  dans  cette  longue  suite 
de  récits ,  qui  sembleraient  devoir  dégénérer 
en  une  monotonie  fatigante ,  par  le  retour  saus 
cesse  répété  des  mêmes' genre$  de  crifties ,  c'est 
l'incroyable  variété  que  le  génie  de  l'orateur  a 
viiï.  25 


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.^^o  INTRODUCTION, 

eu  Tai*  de  répandre  dans  chacune  de  ces  nar- 
rations. Jamais  on  n'«  su  décrire  et  peindre  une 
foule  d'objets  de  la  même  nature ,  avec  des  traits 
plus  vrais ,  plus  variés ,  plus  énergiques  ;  et  ces 
traits  expriment*  non  seulement  les  choses ,  mais 
les  caractères. 

Il  ne  présente  point  les  faits  au  hasard  et 
sans  un  dessein  réfléchi  4  sa  marche  est'habile- 
ment  calculée,  et  il  les  a  cjassés  dans  l'ordre 
le  plus  propre  à  augmenter  l'intérêt.  Il  parle 
d'abord  des  vols  ^ont  les  individus  ont  été  vic- 
times, et  de  là  il  passe  ^l'enlèvement  des  pro- 
priétés publiques ,  au  pillage  des  temples ,  à  la 
dévastation  des  monuments  consacrés ,  soit  k 
la  gloire  du  peuple  romain,  soit  à  la  religion 
des  habitants  de  la  Sicile. 

L'orateur  excite  l'attention ,  il  pique  la  cu- 
riosité ,  et  toujours  il  intéresse.  Veut41  ensuite 
faire  sentir  l'énormité  d'un  crime,  avec  quel 
art  il  l'analyse  ef  le  décompose!  Il  ne  l'aban- 
donne qu'après  en  avoir  exprimé,  pour  ainsi 
dire,  tout  l'odieux  qu'il  renferme.  S'il  réfute 
les  excuses  et  les  réponses  de  Verres ,  la  jus- 
tesse des  raisonnements  est  toujours  fortifiée 
par  l'énergie  du  langage  et  l'éloquence  des  pen- 
sées }  et  en  même  temps  qu'il  excite  l'indigna- 
tion contre  la  cupidité  du  préteur,  il  livre  au 
mépris  sa  grossièreté  et  son  ignorance.  Tour  a 
tour  il  le  frappe  des  traits  perçants  du  ridicule, 
et  l'accable  sous  le  poids  des  preuves  les  plus 
imposantes.  • 


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INTRODUCTION.  291 

On  distingue  dans  ce  Discours  onze  articles 
ou  griefs  qui  forment  autant  de  narratioas  par- 
ticulières. Toutes  ont  le  degré  de  perfection  et 
de  beauté  dont  elles  sont  susceptibles.  Cha- 
cune a  son  caractère  propre  et  le  ton  de  cou- 
leur qui  lui  convient.  Cest  une  galerie  où  tout 
est  heureusement  diversifié.  Mais  il  est  des  ta- 
bleaux qui  prêtent  plus  au  génie  de  l'artiste  et 
k  la  hardiesse  de  son  pinceau.  Les  sujets  en 
sont  grands  et  riches  ;  ils  offrent  un  plus  beau 
spectacle.  Tels  sont  It  trait  de  ce  (candélabre 
d'or ,  enrichi  de  pierreries ,  que  Verres  vola  au 
roi  Antiochus,  Tenlèvement  de  la  statue  de 
Diane  à  Ségeste ,  du  Mercure  de  Tyndare ,  de 
la  Gérés  d'Enna  ,  et  la  comparaison  établie  en- 
tre Marcellus  et  Verres.  J'ai  tâché  de  dévelop- 
per, dans  les  Notes,  les  beautés  de  ces  diffé- 
rents morceaux. 


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IN   C.   VERREM 

ACTIO  SECUNDA. 

LIBER  QUARTUS. 


DB  SIGNIS. 
ORATIO  NONA. 

I.  Yeitio  nunc  ad  istius,  quemadmodum  ipse 
appellat ,  studium  ;  ut  amici  ejus ,  morbum  et  in- 
saniam;  ut  Siculi,  latrocinium  :  ego^  quo  nomine 
appellem,  nescio.  Rem  yobis  proponam  :  vos  eam 
siTo,  non  nominis  pondère  penditote.  Genus  ip- 
sum  prius  cognoscite,  judices  ;  deinde  fortasse 
non  raagnopere  quasret^,  quo  nomine  appellan- 
dum  putetis. 

Nego  in  Sicilia  tota,  tam  locupleti ,  tam  vetere 
proyincia,  tôt  oppidis,  tôt  familiis  tam  copiosis, 
ullum  argenteum  vas",  uUum  Corinthium,  aut 
Deliacum  fuisse  ;  uliam  g^mmam ,  aUt  margarîtam  ; 
quidquam  ex  auro,  aut  ebore  factum;  signum 
uUum  œneum  ,  marmoreum  ,  ebumeum  ;  nego 
uUam  picturam ,  .^  neque  i^  tabula ,  neque  textili 
fuisse ,  quin  conquisierit  y  inspexerit  ;  quod  placi- 
tum  sit,  abstulerit. 

'  jilii,  neque  in  tabulis,  neqoe  teztilem.  Schûtz,  in 
textili.  • 


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SECONDE  ACTION 

CONTRE  VERRES. 

LIVRE  QUATRIÈME. 


DES  STATUES. 

DISCOURS  NEUVIÈME. 

I.  J  B  vais  parler  de  ce  que  Verres  appelle  son  goàt  ; 
ses  amis  disent  sa  maladie,  sa  manie;  les  Sicilens,  son 
brigandage  ;  moi',  je  ne  sais  de  quelle  expression  me 
s<^Tir  *.  Je  vons  exposerai  la  chose  ;  c'est  k  vous  d*en 
juger  par  ce  quelle  est ,  sans  vous  arrêter  au  nom  qu'on 
lui  donne.  Prenez-en  d'abord  une  idée  générale,  et 
peut-être  n'anrez-vous  pas  beaucoup  de  peine  à  trou- 
ver le  mot  propre. 

•  Je  nie  que  dans  la  Sicile  entière ,  cette  province  si 
riche ,  si  andeune ,  peuplée  de  tant  de  cités  et  de  fa- 
milles si  opulentes,  il  ait  existé  un  seul, vase,  soit  d'ar- 
gent ,  soit  de  métal  de  Corinthe  »  ou  de  Délos ,  une 
seule  pierrerie,  une  seule  perle,  un  seul  ouvrage  en  or 
ou  en  ivoire,  un  seul  marbre ,  un  seul  bronze ,  enfin 
un  seul  tableau ,  un  seul  tapis ,  qu'il  n'ait  recherdbé , 
qu'il  n'ait  examiné,  et  si  l'objet  lui  a  plu, -qu'il  n'ait 
enlevé. 

*  L'orateur  emploie  une  forme  presque  semblable, 
tfro  Qumtib,  c.  iS;  in  Ferr.,  V,  66. 


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294  IN  VERREM  ACT.  Il,  LIB.  IV. 

Magnum  videor  dicere  :  attendite  etiam  qiiem- 
admodum  dicam.  Non  enim  verbi,  neqae  criminis 
augendi  causa  complector  omnia  ■  Quum  dico ,  nihil 
istum  ejusmodi  rerum  in  tota  proymciareliqaisse^ 
latine  me  sritote,  non  accusatorîe  loqui.  Etiatn 
planius  :  nihil  in  aedibus  cujusquam,  ne  in  oppidis 
quidem;  nihil  in  locis  communibus,  ne  in  fanis 
quidem  ;  nihil  apud  Siculum ,  nihil  apud  civem 
romanum;  denique  nihil  istum,  quod  ad  oculos, 
animumque  accident ,  neque  privati ,  neque  pu- 
blici,  neque  profani,  neque  sacri,  tota  in  Sicilia 
reliquisse. 

Unde  igituf  potius  încipîam,  quam  ab  ea  ciyi* 
tate,  quœ  tibi  una  in  amore,  atque  in  deliciis  fuit? 
aut  ex  quo  potius  numéro  ^  quam  ex  ipstg  lauda- 
toribus  tuis?  Facilius  enim  perspicietur ,  quahs 
apud  eos  fueris,  qui  te  oderunt,  qui  accusant,  qui 
persequuntur  ;  quum  apud  tuos  Mamertino|  inve- 
niare  improbissima  ratione  esse  prsdatus. 

IL  G.  Heius  est  Mamertinus  (  omnes  hoc  mihi 
facile  concèdent,  qui  Messanam  accesserunt)  om- 
nibus rébus  in  illa  civitate  ornatissimus.  Hujus 
domus  est  vel  optiraa  MessansB,.notissima  quidem 
certe,  et  nostris  hominibus  apertissima,  maxime- 
que  hospitalis.  Ea*  domus  ante  adventum  istius  sic 
omata  fuit,  ut  urbi  quoque  esset  omamento  :  nam 
ipsa  Messana,  qu^e  situ,  mcenibus,  portuque  or- 
nata  sit,  ab  his  rébus,  quibus  iste  delectatur,  sane 
vacua ,  atque  nuda  est  Elrat  apud  Heium  sacra- 
rium  magna  cum  dignitate  in  aedibus ,  a  majoribus 
traditum ,  perantiqmim  :  in  quo  signa  pulcharima 
quatuor,  summo  artificio,  summa  nobilitate;  qnsB 


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SEC.  ACTION  CONTRJK  YERRÈS,  IV.  295 
Jqges,  cette  proposition  vonp  étonne.  Cependant  je 
vous  sappKe^encore  de  peser  tons  les  termes.  H  n'y  a 
point  ici  d'hyperbole;  je  ne  cherche  point  à  exagérer 
les  torts  de  Verres.  Quand  je  dis  que  dans  toute  la 
province  il  n'a  rien  laissé  de  tous  ces  objets  précieux, 
je  ne  parle  pas  en  accusateur ,  j'énonce  simplement  un 
fait.  Je  vais  pfcs  loin  ;  j'affirme  qu'il  n'a  rien  laissé  dans 
les  maisons ,  ni  même  dans  les  villes  ;  dans  les  édifices 
publics,  ni  même  dans  les  temples;  rien  chez  les  Sici- 
liens, rien  chez  les  citoyens  romains;  en  un  mot,  qne 
dans  la  Sicile  entière,  tout  ce  qui  a  frappé  ses  regards 
ou  excité  ses  désirs ,  décorations  privées  et  publiques 
ornement^ profanes  et  sacrés,  tout  est  devenu  sa  proie. 
Pnis-je  mieux  commencer ,  Verres,  que  par  la  ville 
qui  fat  toujours  l'objet  de  vos  plus  chères  afièëtions , 
que  par  vos  prc^res  panégyristes.^  En  voyant  à  quel 
point  les  Mamertins ,  vos  amis ,  ont  été  victimes  de 
ros  déprédations,  on  concevra  {dus  facilement  ce  qne 

.durent  éprouver  ceux  qui  vous  haïssent,  qui  vous  «c- 
cooent,  qui  vous  poursuivent. 

II.  De  tons  les  habitants  de  Messine,  C.  Héiu9  est 
celui  qui  possède  le  mobilier  le  plus  riche  et  le  pluii 

nciagnifique  :  quiconque  a  vu  Messine  sera  de  mon  avis. 
Sa  n^aison  y  tient  le  premier  rang;  c'est  sans  coa> 
tredit  la  plus  connue ,  et  celle  où  nos  citoyens  sont  le 
plus  généreusement  accueillis  *.  Avant  l'arrivée  de  Ver- 
res, elle  était  si  bien  décorée,  qu'elle-même  étftit  la 
décoration  de  la  ville  ;  car  Messine ,  dont  on  vante  le 
site,  les  murailles  et  le  port,  est  absolument  dépour- 
vue de  toutes  ces  curiosités  pour  lesquelles  notre  pré- 
teur a  tant  de  gont  Héios  avait  chez  lui  un  très  bel 
oratoire,  monument  antique  de  la  piété  de  ses  ancê- 
tres 3.  On  y  voyait  quatre  statues  très  célèbres,  toutes 
d'un  travail  exquis  et  faites  pour  charmer ,  je,ne  dis 


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396  IN  TERREM  ACT.  H,  LIB.  IT. 

non  modo  istum  hominem ,  ingeniosum  atque  in- 
telligentem ,  yenim  etiam  quemvis  nostrum,  quos 
îste  idiotas  appellat ,  delectare  possent  :  unum 
Gupidinis  marmoreum,  Praxîtelis  :  nimirum  didîci 
etiam,  dum  in  istum  inquiro ,  artîficum  nomina; 
idem,  opinor,  artifex  ejusdem  modi  Copidinem 
fecit  illum ,  qui  est  Thespiis ,  propter  quem  The»- 
piœ  visuntur  :  nam  alia  yisendi  causa  nnlla  est. 
Itaque  ille  L.  Muramius,  quum  Thespiadas,  qu» 
ad  aedem  Felicitatis  sunt,  ceteraque  profana  ex 
illo  oppido  signa  tolleret ,  hune  marmoreum  Cu- 
pidinem ,  quod  erat  consecratus ,  non  attigit. 

III.  Verum,  ut  ad  illud  sacrarium  redeam, 
signum  erat  boc,  quod  dico,  Gupidinis  e  mar- 
more  :  ex  altéra  parte  Hercules  egregie  '  factus  ex 
aère  ;  is  dicebalur  esse  Myronis ,  ut  opinor  :  et 
certe.  Item  ante  hosce  deos  erant  arulae,  quœ  cuivis 
sacrarii  religionem  significare  possent.  Erant  «nea 
prsterea  duo  signa ,  non  maxima ,  verum  eximia 
venustate ,  virginali  habitu  atque  vestitu ,  quae 
manibus  sublatîs  sacra  quœdam ,  more  Atbeniene 
sium  yirginum  ,  reposita  in  capitibus  sustinebann 
Canepbors  ipsas  vocabantnr  :  sed  earum  artificem 
•  quem  ?  quemnam  ?  Recte  admones  :  Polycletum 
esse  dicebant.  Messauam  ut  quisque  nostrum  ye- 
nerat ,  bac  yisere  solebat  ;  omnibus  hase  ad  yisen- 
dum  patebant  quotidie  :  domus  erat  non  domino 
magis  ornamento,  quam  ciyîtati. 

G.  Glaudius,  cujus  aedililatem  magnificentissi- 

'  Sic  Grœv.  recte;  olim,  factas  est.  —  *  Alii  maie  omit- 
tuât  qaem  ? 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  IV.  297 
pas  seulement  nn  amatear  et  an  connaisseur,  tel  que 
Terres ,  mais  (les  hommes  i^orantset  grossiers ,  comme 
vons  et  moi,  citoyens;  car  c*est  ainsi  qu'il  nous  traite. 
Unne  des  quatre  était  un  Cupidon  de  marbre,  ouvrage 
de  Praxitèle.  En  faisant  mon  enquête ,  j'ai  appris  jus- 
qu'aux noms  des  artistes  ^.  Si  je  ne  me  trompe,  c'est  le 
même  Praxitèle  qui  a  fait  le  Cupidon  de  marbre  qu'on 
voit  à  Thespies,  où  sa  beauté  seule  attire  les  étrangers; 
car  cette  ville  n'a  rien  d'ailleurs  qui  puisse  les  appeler. 
Loi'sque  Mummius  enleva  de  Thespies  les  statues  des 
M'uses,  aujourd'hui  placées  devant  le  temple  de  la  Fé- 
licité „  et  les  autres  ornements  profançs ,  il  ne  toucha 
pas  à  ce  Cupidon,  parce  qu'il  était  consacré. 

m.  Je  reyiens  à  l'oratoire  dlléias.  En  face  de  ce 
Cupidon  de  marbre  dont  je  riens  de  parler ,  était  un 
Hercule  de  bronze  ;  on  le  disait,  je  crois,  de  Myron  : 
je  dis  bien ,  de  Myron.  De  petits  autels  dressés  devant 
ces  deux  divinités  annonçaient  la  sainteté  da  lieu.  Les 
deux  autres  statues  étaient  aussi  de  bronze ,  et  d'une 
grandeur  moyenne ,  mais  d'une  beauté  parfaite.  A  leurs 
traits ,  k  leurs  vêtements ,  on  reconnaissait  de  jeunes 
vierges;  les  bras  élevés,  elles  portaient  sur  leurs  têtes, 
comme  les  jeunes  Athéniennes  dans  les  fêtes  de  Cérès, 
des  corbeilles  sacrées  qu'elles  soutenaient  de  leurs 
mains  ^.  On  les  appelait  Canéphores.  L'artiste  qui  les 
avait  faites  était....  son  nom  m'échappe....  Tous  avez 
raison  :  c'était  Polyclète.  Nos  Romains ,  en  arrivant  à 
Messine ,  s'empressaient  de  vinter  l'oratoire  d'Héius  : 
il  était  ouvert  à  tout  le  monde  ;  on  le  voyait  tons  les 
jours.  (Sette  maûon  ne  fiiisait  pas  moins  d'honneur  à 
la  ville  qn'au  propriétaire  lui-même. 

C.  Claudius ,  qui  signala  son  édilité  par  la  magnifi- 
cence de  ses  fêtes  *,  emprunta  ce  Cupidon  pour  tout  le 

*  En  654. 


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298  IN  TERREM  ACT.  H,  LIB.  TV. 

mam  scimus  fuisse ,  usus  est  hoc  Cupidine  tamdiu , 
dum  forum  diis  immortaiibus ,  populoqiie  romano 
habuit  ornatum  ;  et ,  quum  esset  hospes  Heiorum  , 
Mamertini  autem  populi  patronus,  ut  illis  benig- 
nis  usus  est  ad  commodandum ,  sic  ipse  diligens 
fuit  ad  reportandum.  Nuper  homines  nobiles 
ejnsraodi ,  judices ,  et  quid  dico  nuper  ?  imo  vero 
modo,  ac  plane  paullo  ante  vidimus,  qui  forumi 
ac  basilicas ,  non  spoliis  provinciarum ,  sed  orna- 
mentis  amicorum,  commodis  hospitum,  non  furtis 
hoceutium,  ornarent  :  qui  tamen  signa,  atque  or- 
namcQta  sua  cuique  reddebant;  non  ablata  ex 
urbibus  sociorum ,  -quatridui  causa ,  j>er  simula- 
tionem  œdilitatis,  domum  deinde  atque  ad  suas 
villas  auferebant.  Hsec  omnia ,  quse dixi ,  signa,  ju- 
dices, ab  Heio  de  sacrariq  Verres  abstulit  :  nul- 
lum ,  inquam ,  horum  reliquit ,  neque  aliud  ullpm 
tamen,  prœtcr  unum  pervetus  ligneum,  Bonam 
Fortunam ,  ut  opinor  :  eam  iste  habere  domi  suae 
noluit. 

IV.  Pro  deum  hominumque  fidem  !  quid  hoc 
est  ?  qux  haec  causa  ?  quae  h%c  impudentia  est  ? 
'  quaî  dico  signa ,  antequam  abs  te  sublata  sunt , 
Messanam  cum  iraperio  nemo  venit,  quin  aident; 
tôt  prsBtores,  tôt  consules  in  âicilia,  tura  in  pace, 
tum  etiam  in  bello  fiierunt  ;  tôt  homines  cujusque 
modi  :  non  loquor  de  integris,  innocentibus,  reli- 
giosis  :  tôt  cupidi ,  tôt  improbi ,  tôt  audaces  ;  quo- 
rum nemo  sibi  tam  yehemens ,  tam  poten»,  tam 
nobilis  yisns  est ,  qui  ex  illo  sacrario  quidquam 
poscere ,  aut  tollere ,  aut  attingere  auderet.  Ver- 

'  Ijacunam  hic  Ernest,  andet.  Schfitz  addit  ista. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  YERRÈS,  IV.  2<)c, 
temps  qu'il  fit  décorer  le  forum  en  llionneur  des  dieux 
et  du  peuple  romain  «;  et  ce  magistrat,  lié  avec  les 
Héins  par  les  nœuds  de  l'hospitalité ,  protecteur  de  la 
ville  de  Messine,  ne  fut  pas  moins  exact  à  le  rendre 
qu'ils  n'avaient  été  empressés  à  le  prêter.  Dans  ces  der- 
niers tenl|)s,  que  dis-je?  ces  jours  mêmes,  nous  avons 
vu  d'autres  nobles  encore  décorer  le  forum  et  les  por- 
tiques qui  l'entourent  ' ,  non  pas  avec  les  dépouilles  des 
provinces  et  les  trophée^  du  brigandage,  mais  avec  des 
ornements  prêtés  par  des  amis,  ou  confiés  par  des 
hôtes  :  et  ces  effets  ]^récieux,  ils  les  ont  rendus  avec 
fidélité;  ils  ne  les  ont  point  transportés  dans  leurs  pa- 
lais et  dans  leurs  campagnes,  après  les  avoir  emprun- 
tés à  nos  alliés  pour  les  fêtes  de  leur  édilité.  Mais  les 
statues  dont  j'ai  parlé ,  Verras  les  a  enlevées  tontes  les 
quatre  de  l'oratoire  d'Héius,  et  même  il  a  fait  main 
basse  sur  les  autres,  sans  en  laisser  une  seule,  à  la 
réserve  pourtant  d'une  vieille  figure  en  bois  qui  repré- 
sentait, je  crois,  la  Bonne  Fortune,  dbat  il  ne  voulut 
pas  chez, lui. 

rv.  O  justice  des  dieux «t  des  hommes!  quelle  cause 
monstrueuse!  quel  excès  d'impudence  !  Avant  qu'il  eût 
enlevé  ces  statues,  tous  les  magistrats  qui  étaient  en- 
trés dans  Messine  les  avaient  vues  comme  lui.  De  tant 
de  préteurs  et  de  consuls  envoyées  en  Sicile,  et  dans 
la  paix  et  même  dans  la  guerre,  de  tant  de  gouver- 
neurs de  tousses  caractères;  je  ne  parle  pas  des  ma- 
gistrats vertueux,  intègres,  scrupuleux,  mais  enfin  de 
tant  d'hommes  cupides,  prévaricateurs,  audacieux, 
nul  n^a  jamais  assez  présumé  de  sa  hardiesse,  de  son 
pouvoir,  de  sa  noblesse,  pour  oser  demander,  enlever, 
toucher  rien  de  ce  qui  décorait  cet  oratoire  :  et  "Verres 
saisira  ce  qu'il  y  a  de  pltis  beau,  eu  quelque  lieu  qu'il 


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3oo  m  TERREM  ACT.  n,  UB.  IV. 

res,  quod  ubique  erit  pulcherrimum ,  auferet? 
nihil  habere  prseterea  cuiquam  licebit  ?  tôt  domus 
locupletîssimas  domus  istius  una  capiet  ?  idcirco 
nemo  superiorum  attigit,  ut  iste  lolleret?  ideo 
C.  Claudius  Pulcber  retulit,  ut  C.  Verres  posset 
auferre  ?  At  non  requirebat  ille  Cupido  leponis 
domum,  ac  meretriciam  disciplinam  :  facile  illo 
sacra rio  patrio  continebatur  :  Heio  se  a  majoribus 
relictum  esse  sciebat  '  in  hereditate  sacrorum  : 
non  quaerebat  meretricis  heredem. 

Sed  quid  ego  tam  vehementer  inv^ehor  ?  Verbo 
jam  uno  repellar;  Emi ,  ihquit.  O  dii  immortales  ! 
prœclaraia  defensionem  !  mercatorem  cum  impe- 
rio  ac  secnribus  in  provinciam  mia^aus  ;  qui 
omnia  signa,  tabulas  pictas,  omné^ argentuin , 
aurum,  ebur,  gemmas  coemeret;  nihil  cuiquam 
relinqueret.  Hœc  enim  mihi  ad  omnia  defensio 
patefieri  videtur,  émisse.  Primum ,  si  id,  quod  vis, 
tibi  ego  concedam,  ut  emeris,  quoniam  in  toto 
hoc  génère  bac  una  defensione  usurus  es;  qu«ro, 
cujusmodi  tu  judicia  Rom»  putaris  esse ,  si  .tibi 
hoc  quemquam  concessurum  putasti ,  te  in  praetura 
atque  iinperio ,  tôt  res  tam  pretiosas ,  omnes  de- 
nique  res,  qu8e  alicujus  pretii  fuerint,  Cota  ex 
provincia  coemisse  ? 

Y.  Videte  majorum  diligentiam ,  qui  nihildwn 
etiara  istiusmodi  suspicabantur  ;  -verumtamen  ea , 
quae  parvis  in  rébus  accidere  poterant,  provide- 
bant.  Neminem ,  qui  cum  potestate ,  aut  legatione 
in  provinciam  esset  profectus ,  tam  amentem  fore 

'  Ernest,  maluit  Uctionem  aliam,  ad  heredilatem. 


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SEC.  ACTION  CONTRE,  VEkRÈS,  FV.  3oi 
le  trouve  !  Nul  aatre  n'aura  droit  de  rien  posséder  ! 
Les  ridiesses  de  tant  de  maisons  opulentes  iront  se 
oonfo'ndre  dans  la  maison  da  senl  'Verres  !  Quand  ses 
prédéc^senrs  oUt  respecté  ces  chefs-d*œavre,  c'était 
donc  ponr  qu'il  les  ravit?  Lorsque  Qandios  Pnlcher 
les  a  6dèlement  restituées ,  c'était.donc  pour  que  Terres 
en  fît  sa  proie?  Mais  ce  CufMdon  ne  cherdiait  pas  une 
maison  de  débauche ,  une  école  de  prostitution  :  il  se 
plaisait  dans  cette  chapelle  héréditaire.  Transmis  à 
Héius  avec  les  autres  dieux  de  cette  vertueuse  famille , 
il  ne  demandait  pas  à  passer  chez  l'héritier  d'une  cour- 
tisane. • 

J'ai  tort  dé  m'emporter.  Un  seul  mot  va  me  réduire 
au  silence.  J'ai  acheté,  dit  'Verres^.  O  dieux!  quelle 
excuse  !  Ainsi  -nous  avons  envoyé  en  Sicile  un  mar- 
chand avec  tout  l'appareil  de  l'autorité ,  pour  acheter 
indistinctement  les  statues,  les  tableaux,  l'argenterie, 
l'or,  i'ivoire,  les  pierreries  qui  se  trouveraient  dans  la 
province.  Ofeir  je  vois  qu'à  tons  mes  griefs  on  n'oppo- 
sera que  ce  seul  mot ,  H  a  acheté.  Je  le  suppose  ponr 
un  moment,  pnisqn'enfin  telle  doit  être  votre  unique 
réponse  à  toute  cette  partie  été  mon  accusation.  Quelle 
étrange  idée  avies-vons  donc  conçue  des  tribunaux  de 
Rome ,  si  vous  pensiez  qu'on  pardonnerait  à  un  pré- 
teur,  à  un  homme  revêtu  du  pouvoir  suprême,  d'avoir 
acheté  tant  d'effets  d'une  si  haute  valeur,  en  un  mot 
tout  ce  qu'il  y  avait  de  précieux  dans  toute  la  pro- 
vince ? 

y.  Admirez,  citoyen^  l'attention  scrupuleuse  de 
nos  ancêtres  :  assurément  l'idée  de  pareils  excès  était 
bien  loin  de  leor  esprit;  toutefois  leur  prévoyance 
s'étendait  sur  les  détails  les  plus  minntieux.  Ils  n'ima- 
ginèrent pas  qu'un  préteur,  qu'un  lieutenant,  envoyés 
dans  une  province,  fussent  jamais  tentés  d'y  acheter 
viir.  '  a6 


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3o2  IN  VERKEM  AÇT.  II,  UB.  lY. 

putanmt ,  ut  emeret  argentum  ;  dabatur  enim  de 
publico  :  ut  vestera;  prsebebatur  enim  legibus  : 
mancipium  putayerunt  ;  quo  et  omnes  utimur,  et 
non  pnebetur  a  populo  :  sanxertint,  «  Ne  quis 
emeret  mancipium,  nisi  in  demortui  locum.  »  Si 
qui  RomiB  esset  demortuus  ?  imo ,  si  quis  ibidem  : 
non  enim  te  instruere  domum  tuam  yoluerunt  in 
proyincia,  sed  illum  usum  proyinci»  supplere. 
Quae  fuit  causa,  cur  tam  dîligenter  nos  in  pro- 
yinciis  ab  emtioLÎbus  removerent  ?  haec ,  judices, 
quod  putabant  ereptionem  esse,  non  emtionem, 
quum  yenditori  suo  arbitratu  vexidere  jion  liceret  : 
in  provinciis  intelligebant ,  si  is,  qui  esset  cum 
imperio  ac  potestate ,  quod  apud  quemque  esset , 
emere  yellet,  idque  ei  liceret,  fore  uti,  quod  quis- 
que  yellet ,  sive  esset  vénale ,  sive  no»  esset ,  quanti 
vellet ,  aufexret.  Dicit  aliquis  :  Noli  isto  modo  agere 
cum  Verre  ;  noli  ejus  facta  ad  antiquae  religionis 
rationem  exquirere;  concède,  ut  impune  emerit, 
modo  ut  bona  ratione  «merit ,  nibil  pro  potestate, 
nihil  ab  inyito,  nibil  ^er  injuriam.  Sic  agam  :  si 
quid  yenale  habuit  Heius ,  si  id ,  quanti  «stimabait, 
tanti  yendidit,  desino  quaerere,  cur  emeris. 

yi.  Quid  igitur  nobis  faciendum  est?  num  ar- 
gumentis'  utendum  in  re  ejusmodi  ?  quserendum 
est,  credo,  Heius  iste  num  ses  alienum  habuerit, 
nqm  auctionem  fecerit  ;  sf  fecit ,  num  tanta  diffî- 
cultas  eum  rei  nummari«e  tenuerit,  tanta  egestas^ 
tanta  yis  '  oppressent,  ut  sacrarium  suum  spolia- 

'  Melius  quant  presserit ,  quod  haùent  quidam  mss.  et 
edd. 


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SEC.  ACTÎON  CONTRE  VERRÈ5f,  IT.     3o5 
de  Targeiiterie;  la  répabliqne  leur  en  donnait  '°  :  des 
amenblements ,-  les  lois  y  avaient  pourvu.  Mais  ils  pen- 
sèrent qu'ils  pourraient  acheter  des  esclaves;  il  en  faut 
a  tout  le  monde ,  et  l'état  n'en  fournit  pas.  Ils  lenr 
interdirent,  par  une  loi,  l'achat  d aucun  esclave,  si 
ce  n'itait  afin  d'en  remplacer  un  qui  serait  mort,  non 
pas  à  Rome,  mais  dans  le  lieu  même  de  leur  itési- 
dence  '  '  ;  car  ils  n'ont  pas  voulu  qu'un  préteur  allât 
monf.er  sa  maison  dans  sa  province ,  mais  que  seule- 
ment il  pût  réparer  la  perte  d'un  de  ces  objets  qui 
sont  d'un  usage  journalier.  Et  pourquoi  nous  inter- 
dire avec  tant  de  précaution  tout  achat  dans  nos  pro- 
vinces? C'est  qu^ils  pensaient  qn'nn  achat  n'est  qu'une 
extorsion,  toutes  les  fois  que  le  vendear  n'est  pas 
libre;  c'est  qu'ils  sentaient  que  si  un  homme,  armé 
de  l'anferité  «âviXe  et  militaire ,  avait  la  volonté  et  le 
droit  de  tout  adieter,  il  enlèverait  tout  ce  qui  serait  à 
sa  bienséance,  au  prix  qu'il  le  voudrait,  la  chose  fut- 
elle  à  vendre  ou  non.  Mais,  me  dit-on,  c'est  agîr^vec 
trop  de  rigueur;  ne  jugez  pas  la  conduite  de  Verres 
sur  les  principes  austères  de  nos  ancêtres;  pardonnez- 
lui  d'avoir  acheté,  pourvu  qu'il  l'ait  fait  de  bonne  foi, 
sans  abus  d'autorité,  sans  contrainte,  sans  lécioa.  Je 
le  veux  bien  :  si  Héins  «  voulu  vendre,  et  «11  à  reçu 
le  prix  qu'il  désirait,  je  ne  demande  plus  pourquoi 
vous  avez  acheté. 

TI.  Ici  les  raisonnements  deviennent  superflus.  Tout 
se  réduit,  je  pense ,  ^ces  questions  :  Héins  a-t-il  eu  des 
dettes?  Héius  a-t-il%is  ses  effets  en  vente?  Et  s'il  l'a 
fait,  s'est-il  trouvé  dans  une  détresse  assez  grande, 
dans  une  situation  assez  fâcheuse  pour  être  contraint 
defdéponiÛer  son  oratoire  et  de  vendre  les  dieux  de  ses 
-  pères  ?  Or ,  je  vois  qu'Héius  n'a  fait  aucune  vente  de 
ses  biensi,  qu'il  n'a  jamais  vendu  que  les  fruits  de  ses 


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3o4  IN  TERKEM  ACT.  H,  LIB.  IV. 

ret ,  ut  deos  patries  yenderet.  At  hominem  video 
auctionem  fecisse  nullam  ;  yendidissse ,  prseter 
fructus  suos ,  nihil  onquam  ;  Don  modo  in  sere 
alieuo  nuUo ,  sed  in  suis  nummis  multis  esse ,  ac 
semper  fuisse  ;  si  hœc  contra ,  ac  dico ,  essent  om- 
nia,  tameu  ilium  haec,  quae  tôt  annos  in  familia 
sacrarioque  majomm  fuissent,  yeuditurum  non 
fuisse.  Quid ,  si  magnitudine  pecuni»  persuasum 
est'ei?  Verisiniile  non  est,  ut  ille  bomo  tam  locu- 
pies,  tam  honestus,  religioni  su»  monumentisque 
majorum  pecuniam  anteponeret.  Sunt  ista  :  ^e- 
rumtamen  abducuntur  homines  nonnunquam  etiam 
ab  institutis  suis  magnitudine  pecuniœ.  Videamus, 
quanta  ista  pecunia  fuerit ,  quae  potuerit  Heium, 
hominem  maxime  Idcupletem  ,  minime  af  arum , 
ab  humanitate,  a  pietate,  ab  religione  deducere. 
Ita  jussisti,  opinor,  ipsum  in  tabulas  referre  : 
«  Hœc  omnia  signa  Praxitelis ,  Myronis ,  Polycleti  ^ 
«  H*S  yi  mill.  et  d  Yerri  yendita  sunt.  »  Recita  ex 
tabulis.  Tabulje  Heii.  Juyat  me,  hajc  prseclara 
nomina  artificum,  quae  isti  ad  cœlum  ferunt,  Verris 
«stimatione  sic  concidisse.  Cupidinem  Praxitelis 
H-S  M  DC  î  Profecto  bine  natum  est  :  «  Malo  emere, 
«  quam  rogare.  » 

YII.  Dicet  aliquis  :  Quid?  tu  ista  permagno 
aestimas?  Ego  vero  ad  meam  rationem  usumque 
non  sestimo  :  yerumtamen  ^  y  obis  ita  arbitror 
spectari  oportere,  quanti  hœc  eorum  judicio,  qui 
studiosi  sunt  haruni  rerum,  sestimentur;  quanti 
yenire  soleant;  quanti  haec  ipsa,  si  palam  lib^- 
que  yenirent;  yenire  possent,  denique  ipse  Verres 

'  M.  multi,  fuit.  • 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  TV,  3o5 
terres  ;  qae  loin  qu'il  ait  des  dettes ,  se»  coffres  sont 
an^oord^hni,  comme  ils  l'ont  toujours  été ,  remplis  d'ar- 
gent; je  vois  qu'en  supposant  ]e  contraire  de  tout  ce 
que  je  dis,  il  était  incapable  de  vendre  des  monaments 
sacrés  qui ,  depuis  tant  d'années,  étaient  dans  la  famille 

et  dans  l'oratoire  de  ses  ancêtres Mais  on  l'a  séduit 

peut-être  par  une  forte,  somme Non,  citoyens,  il 

n'est  pas  Traisemblable  que  cet  homme  si  riche  ,-si  hon- 
nête ,  eut  sacrifié  à  une  somme  quelconque  ses  dieux 
et  les  monuments  de  ses  pères......  Oui,  mais  l'argent, 

l'argent  quelquefois  nous  entraine  bien  loin  de  nos 
principes.....  Toyons-la  donc  cette  somme  prodigieuse 

qiû  a  pu  éblouir  Héius ,  un  des  hommes  les  plus  riches  - 
et  les  moins  intéressés ,  an  point  de  lui  faire  oublier 
les  sentiments  de  l'honneur ,  de  la  piété  filiale,  et  de  la 
religion.  "Voici  ce  qu'il  a  écrit  lui-même  sur  ses  regis- 
ties ,  sacs  doute  par  votre  ordre  :  Toutes  ces  statues  de 
fraxieèle,  de  Mjrron,  de  Poljclète ,  ont  été  'vendues  à 
Ferrés  six  mille  cinq  cents  sesterces  *.  Lisez  :  Registres 
dHéius.  J'aime  à  voir  ces  noms  fameux  d'artistes ,  ces 
noms  que  les  amateurs  portent  au  ciel ,  rabaissés  ainsi 
par  l'estimation  de  Verres.  Un  Cupidon  de  Praxitèle , 
seke  cents  sesterces**.  Ah!  sans  doute  c'est  de  là 
qi/est  né  le  proverbe  :  J'aime  mieux  acheter  que  de- 
muider. 

VII.  On  dira  que  c'est  attacher  un  grand  prix  à  ces 
frÎTolités.  Citoyens ,  je  ne  les  apprécie  ni  d'après  mes 
principes ,  ni  pour  mon  usage  ;  mais  je  pense  que  vous 
devez  vous  mettre  à  la  place  de  ceux  qui  ont  cette 
manie  ,  examiner  ce  qu'elles  valent  dans  leur  opiniou , 
combien  elles  se  vendent  communément,  quel  prix 
on  pourrait  donner  de  celles  dont  je  parle ,  dans  une 

•  1,46a  fr.  —  **  36o  fr.  G. 


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3o6  IN  TERREM  ACT.  H,  LIB.  IV. 

quanti  «stimet.  Nunquam  étiim ,  si  deuariîs  qaa- 
dringentis  Cupidinem  illum  putasset,  commisis^ 
set,  ut  propter  eum  in  sermonem  hominum  atque 
in  tantam  vituperationem  yeniret.  Quis  vestrum 
igitur  nescit,  quanti  hsec  aestimentur  ?  In  auctione 
signnm  aeneum,  non  magnum,  H-S  '  cxx  milllbus 
Tenire  non  yidimus  ?  Quid ,  si  yelim  nominare 
homines ,  qui  aut  non  minoris ,  aut  etiam  pluris 
emerint ,  nonne  possum  ?  etenim  qui  modus  est  in 
his  rébus  cupiditatis,  idem  est  «stimationis  :  dlC- 
ficile  est  enim  finem  facere  pretio,  ni  si  libidini 
feceris.  Video  igitur  Heium,  nefque  voluntate, 
neque  diffîcultate  aliqua  temporis ,  neque  magnî- 
tudiue  pecuni»  adductum  esse ,  ut  haec  signa  veu- 
deret;  teque  ista  simulatione  emtidnis,  vi,  metu, 
imperio,  fascibus,  ab  homine  eo,  qnem  una  cun 
ceteris  sociis  non  solum  potestati  tuse,  sed  eùnT$ 
fidei'populus  romanus  commiserat,  erlpuisse  atqu^ 
abstulisse. 

Quid  mibi'tam  optandum,  judices,  potest  esie 
în  hoc  crimine,  quam  ut  bsec  eadem  dicat  îp^ 
Heius?  nihil  profecto;  sed  ne  diffîcilia  optemus. 
Heius  est  Mamertinus  ;  Mamertina  ciyitas  istum 
publiée  communi  consilio  sola  laudat  :  omnibus 
ipse  ceteris  Sicub's  odio  est;  ab4iis  solis  amattr. 
Ejns  autem  legationis,  quas  ad  istum  laudandum 
missa  est,  princeps  est  Heius;  etenîm  est  primas 
civitatîs  ;  'ne  forte,  dum  publicis  mandatis  ser- 

'  Codd.  LamèùU,  xl  millibus.  —  *  f^erba  hcec,  ne 
forte,  Emestio  suspecta,  optime  interpretatur  rytten- 
hach ,  Biblioth.  crû.,  I,  a,  /?.  i^,  per  ellipsin  grecam 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  IV.  3o7 
vtiate  ybre  «t  publique ,  en  an  mot  ce  qu'elles  valefit 
aax  yenx  de  Yerrès  iai-méine.  Il  a  payé  ce  Çiqiidon 
quatre  cents  deniers.  Mais ,  s'il  ne  Teât  pas  esCÎnié  da> 
vantage ,  aarait-ilTooln,  pour  nn  objet  anasi  modique , 
braver  les  propos  de  la  malignité  et  s'exposer  aux 
reprodies  les  plus  honteux?  D'ailleurs,  qui  de  vous 
ignore  le  prix  de  ces  cboses?  N'avons-nous  pas  vu 
dans  une  vente  publique  un.  bronze ,, d'une  grandeur 
moyenne ,  payé  cent 'vingt  nulle  sesterces*  ?  Ne  pourraîs- 
je  pas  citer  des  personnes  qui  en  ont  payé  de  sembla- 
bles aussi  cher ,  et  même  plus  cher  ?  Ce  sont  là  des  ob- 
jets de  fantaisie  :  on  ne  peut  assigner  de  terj;ae  à  leur 
valeur  ;  elle  dépend  toute  du  caprice  des  acheteurs.  Je 
vois  donc  qulléius  n'a  point  voulu  vendre  ses  statues, 
qu'il  n'a  point  été  contraint  pat  le  besoin ,  qu'il  n'a 
pas  été  séduit  pat  l'importance  de  la  somme ,  mais  que 
c'est  vous  qui ,  par  la  force ,  par  la  crainte,  par  l'abus 
dxÈ  pouvoir ,  p  v^  une  violence  colorée  du  nom  d'achat , 
les  avez  enlevées  et  arrachées  des  mains  d'un  homme 
que  la  république  avait  mis ,  avec  les  autres  alliés ,  sous 
la  sauve'gsp^de  de  TOtre  piûssance  et  de  votre  loyauté. 
Que  me  resterait-il  à  désirer  si  Héius  attestait  lui- 
même  ce  que  je  viens  de  dire  ?  Certes ,  mon  triomphe 
serait  complet  ;  mais  ne  souhaitons  pas  l'impossible. 
Héius  est  de  Messine  ,  et  Messine  est  la  seule  viUe  qui 
ait  décerné  un  éloge  à  Verres.  Détesté  du  reste  des 
Sidliens ,  Verres  n'a  d'amis  qu?à  Messine.  Or ,  Héius , 
le  premier  citoyen  de  la  ville ,  est  chef  de  la  députa- 
tion  envoyée  pour  louer  Verres.  Organe  de  la  re- 
connaissance publique ,  vondrait-3  faire  entendre  ses 
plaintes  personnelles  ?  J'avais  fait  ces  réflexions.  Tou- 
tefois j'ai  osé  me  confier  à  sa  probité,  je  l'ai  fait  en- 
tendre dans  la  première  action  ;  et  je  n'avais  rien  à 

*  27»ooo.  fr,  G. 


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3o8  m  TERREM  ACT.  H,  LIB.  IT. 

TÎaty  de  priTatis  injuriic  reticeat.  Haec  qucun  scî- 
rem  et  cogitarem,  comnisî  tamen  me,  judices, 
Heio  :  produxi  eum  prima  actione  ;  Deque  id  tamen 
uUo  periculo  feci.  Quîd  euim  poterat  Heius  res- 
pondere ,  si  esset  improbus,  si  soi  dissimilis  ?  Signa 
illa  domi  suœ  esse ,  non  apud  Verrem  ?  Qui  pote- 
rat quidquam  ejusmodi  dicere?  ut  homo  turpissi- 
mus  esset,  impudentissimeque  mentifetur,  hoc  di- 
ceret,  illa  se  habuisse  veualia,  eaque  sese,  quanti 
voluerit,  yendidisse.  Homo  domi  su»  nobib'ssi- 
mus,  qui  vos  de  religionè  sua  ac  dignitate  yere 
existimare  maxime  "vellet,  primo  dixit,  se  istum 
publiée  laudare ,  quod  sibi  ita  mandatum  esset  : 
deinde  neque  se  illa  habuisse  venalia;  neque  uUa 
conditione,  si,  utnim  vellet,  liceret,  adduci  un- 
quam  potuisse,  ut  venderet,  illa,  qnas  in  sacrario 
fuissent  a  majoçibus  suis  relicta  et  tradita. 

VIII.,  Quid  sedes ,  Verres?  quid  exspectas?  quid 
te  a  Centuripina  civitate,  a  Cstinensi,  ab  Halesina, 
abTyndaritana,  Ennensi,  Agyrinensi,  ceterisque 
Sicilis  civitatibus  cîrcumveniri  atque  opprimi  di- 
cis  ?  tua  te  altéra  patria ,  quemadmodum  dicere 
solebas,  Messana  circumvenit  :  tua,  inquam,  Mes- 
sana ,  tuorum  adjutrix  scelerum ,  libidinum  testis, 
prsedarum  ac  furtorum  receptrix.  Adest  enim  vir 
amplissimus  ejiis  civîtatis ,  legati:^  hujusce  judicii 
causa  domo  missus ,  princeps  laudationis  tuae  ;  qui 
te  publiée  laudat  (  ita  enim  mandatum ,  atque  im- 
peratum  est  :  tametsi  rogatus  de  '  Cybea ,  tenetis 
memoria,  quid  responderit  :  cdificatam  publicis 

'  Conjiciunt  Tumeb.  et  Salmasius ,  Cypaea,  a  Kvr»; 
Grttvms,  Cymbia,  a  Jiuf*Cti. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRÉS,  IV.  309 
craindre.  Quand  Héin^  aarait  été  on  homme  wins  prin- 
cipes ,  qnand  il  anrait  démenti  son  caractère  honnête, 
que  ponvait-U  répondre  ?  Qne  les  statues  étaient  chez 
loi  et  non  chez  Terres  ?  LMmpostore  était  trop  gros- 
sière. Qu'on  le  suppose  le  plus  vil  des  mortels ,  le  plus 
audacieux  des  imposteurs ,  voici  tout  au  plus  ce  qu'il 
pouvait  dire  :  J'ai  voulu  les  vendre ,  et  j'en  ai  reçu  le 
prix  que  je  demandais.  Mais  ce  citoyen  respecté  dans 
sa  patrie ,  et  jaloux  de  vous  donner  une  juste  idée  de 
sa  religion  et  de  sa  probité ,  a  déclaré  d'abord  qu'il 
louait  Terrés  an  nom  de  ses  concitoyens ,  parce  que 
telle  était  sa  mission  ;  ensuite  qi^e  ses  statues  n'avaient 
pas  été  à  vendre ,  et  que ,  s'il  avait  été  maître  de  les 
garder,  les  offres  les  plus  séduisantes  n'auraient  pu 
l'engager  à  vendre  les  monuments  religieux  qui  lui  ont 
été  transmis  par  ses  ancêtres. 


TIII.  Fuyez ,  Terres ,  fuyez ,  et  ne  dites  plus  que 
Centorbe,  Catane,  Enna,  Halèse,  Tyndare ,  Agyre , 
et  les  autres  villes  de  Sicile  se  sont  liguées,  contre  vous. 
Messine,  votre  seconde  patrie,  comme  vous  l'appeliez 
vous-même  ;  oui ,  votre  chère  Messine ,  la  complice  de 
vos  crimes ,  la  confidente  de  vos  débauches ,  l'entrepôt 
de  vos  larcins  et  de  vos  brigandages ,  vous  attaque  et 
vous  pouEBuit.  Nous  voyons  à  cette  audience  le  pre- 
mier de  ses  citoyens ,  envoyé  à  cause  de  votre  procès , 
chef  de  la  députation  chargée  de  vous  louer.  Il  vous 
loue  au  nom  de  sa  ville ,  parce  qu'il  en  a  reçu  l'exprès 
commandement.  Au  surplus,  vous  vous  rappelez, 
citoyens ,  ce  qu'il  répondit  lorsqu'il  fut  interrogé  sur 
le  Cybée  *  *.  Il  vous  dit  que  ce  vaisseau  a  été  construit 
par  des  ouvriers  publics,  aux  frais  de  la  cité ,  sous  les 
yeux  d'un  sénateur  chargé  de  présider  à  la  conitruo^ 


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3io  IN  TERREM  ACT.  II,  tIB.  FV. 

operis,  pablice  coactîs,  eique  sedificandse  publice 
Mamertinum  senatorem  prsefaisse  )  :  idem  ad  vos 
privatim,  judices,  confugit;  utitur.  hac  l*ge,  qua 
jndicium  est  communis  et  privatœ  rei  sociorum  : 
tametsi  lex  est  de  pecuniis  repetundîs,  ille  se  negat 
pecuniam  repetere ,  qnam  ereptam  non  tantopere 
desiderat  ;  sacra  se  majorum  suorum  repetere  abs 
te  dicît;  deos  pénates  a  te,  *  et  patries  reposcit. 

Ecqui  pudor  est?  ecquft  reljgio,  Verres?  ecqui 
metus  ?  Habitasti  apud  Heium  Messanse  :  res  illum 
divinas  apud  eos  deos  in  suo  sacrario  prope  quo- 
tidie  facere  Tïdisti.  Non  movetu^  pecunia;  déni- 
que,  qu«  ornamenti  causa  fuerunt,  non  re^irit: 
habe  Canephoros  ;  deomm  simulacra  restitue.  Qu8b 
quia  dixit  ;  quia ,  tempore  dato ,  moc|^ste  aptid  vos 
socius  amicusqne  populi  romani  questus  est;  quia 
religioni  su»  non  modo  in  diis  patriis  repetundîs, 
sed  etiam  in  ipso  jurejurando  ac  testimonio ,  proxi- 
mus  fuit  :  hominem  missnm  ab  isto  scitote'  esse 
Messanam  de  legatis  unum,  illum  ipsum,  qui  navi 
istius  sedificandae  publice  prsefuit;  qui  a  senatu 
peteret ,  ut  Heius  ignominîa  affîceretur. 


IX.  Homo  amentissime,  quid  putasti?  te  impe- 
traturum?  Quanti  is  a  civibus  suis  fieret,  quanti 
auctoritas  ejus  baberetur,  ignorabas?  Verum  fac 
te  impetravisse  ;  fac  aliquid  gravi  us  in  Heiom  sta- 
tuisse  Mamertinos  :  quantam  putas  auctoritatem 
laudationis  eorum  futuram,  si  in  eum,  quemcon- 
stet  verum  pro  testimonio  dixisse ,  poenam  consti- 

'  Deest  copula  in  mss. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  IV.  3n 
tion.  Aujoardlini ,  ce  même  Héîns  implore  votre  jus- 
tice comme  simple  particulier  ;  il  «invoque  la  loi  qui , 
chez  nos  alliés ,  protège  également  les  propriétés  des 
villes  et  les  fortunes  des  citoyens  ;  et  quoique  cette  loi 
Tautorise  à  réclamer  les  biens  qu^on  )ui  a  ravis ,  il  en 
fait  Tabandon  ;  cette  perte  n'est  pas  ce  qui  le  touche  le 
plus ,  il  redemande  les  dieux  de  ses  ancêtres ,  il  réclame 
\es  dieax  protecteurs  de  sa  famille. 

Ah ,  Verres  !  où  est  donc  la  pudeur,  le  respect  de  la 
religion ,  la  crainte  des  lois  ?  Vous  avez  été  reçu  dan^ 
h.  maison  ^'Héins;  vous  Tavez  vu  presque  tous  les 
jours  ofX^  àps  sacrifices  sur  les  autels  de  ces  mêmes 
dieux  !  Il  est  insensible  à  la  perte  de  son  argent  ;  il 
dbsmdonne  ce  qui  n'était  que  pour  la  décoration. 
Gardez  mes  Canéphores,  vous  dit-il;  rendez-moi  les 
images  de  mes  dieux.  Et  parce  qu'il  s*est  permis  une 
juste  réclamation ,  parce  qu'un  allié ,  un  ami  du  peu- 
ple romain ,  a  profité  des  circonstances  pour  faire  en- 
toidre  une  plainte  modéfée,  parce  qu'il  a  obéi  à, sa 
ccmscience  en  redemandant  les  dieux  de  ses  pères ,  en 
respectant  la  foi  du  serment ,  apprenez ,  citoyens , 
que  Verres  a  renvoyé  à  Messine  un  des  memibres  de  la 
dépniation,  celui  méine  qui  a  présidé  à  la  construction 
du  vaisseau ,  pour  demander  au  sénat  que  la  conduite 
d'Héîns  fut  censurée  et  blâmée. 

IX.  Homi^e  insensé  !  vous  êtes-vous  flatté  d'obtenir 
un  tel  décret  ?  Ignoriez-vons  le  crédit  et  la  considéra- 
tion dont  jouit  Héins  parmi  ses  compatriotes  ?  Sup- 
posons que  vouft  l'eussiez  obtenu  ;  supposons  que  les 
MamertLofl  eussent  décerné  quelqae  peine  contre  lui, 
de  qn«l  poids  serait  leur  témoignage ,  si  l'on  était  puni 
chez  eu*  pour  avoir  dit'  la  vérité?  Au  surplus,  que 
penser  d'un  éloge ,  quand  les  panégyristes  deviennent 
accusateurs  aussitôt  qu'on  les  interroge  ?  Or,  Verres, 


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3ia  IN  VERAEM  ACT.  H,  UB.  ï\.   -      ^ 

tuerint?  Tametsi  qus  est  îsta  laudatio,  quum  lau- 
dator  interrogatus  laedat  necesse  est  ?  Quid  ?  isti 
laudatores  tui  nonne  testes  mei  sunt  ?  Heius  est 
laudator  :  Isesit  grayissime.  Prodacam  ceteros  : 
reticebuot,  que  poterunt,  libenter;  dicent,  quae 
necesse  erit,  '  ingratis.  Negent  isti  onerariam  na- 
vem  maximam  sedificatam  esse  Messanœ?  negent, 
si  possint»  Negent  ei  navi  faciunds  senatorem  Ma- 
mertinum  publiée  prsefuisse  ?  utinam  negent  !  Sttnt 
etiam  cetera ,  quae  malo  intégra  reservare ,  ut  quam 
minimum  sit  illi^  temporis  ad  meditandum  confîr- 
mandumque  perjurium. 

Hsec  tibi  laudatio  procédât  in  nnmerum  :  hi  te 
homines  auctoritate  sua  sublevent;  qui  te  neque 
debent  adjuyare  ,  si  possint ,  neque  possunt ,  si 
velint;  quibus  tu  privatim  injurias  plurimas,  con- 
tumeliasque  imposuisti;  quo  in  oppido  multas  fa- 
milias  in  perpetuum  infâmes  tais  s^upris  flagi- 
tiisque  fecisti.  At  publice  commodasti.  Non  sine 
magno  quidem  reipublipae ,  j^oyineiaeque  Sicilia: 
detriipento.  Tritici  modium  tx  millia  emta  po- 
pulo romano  dare  debebant,  et  solebaut  :  abs  te 
solo  remissum  est.  Respubliça  detrimentum  fecit, 
'  quod  per  te  imperii  jus  una  in  ciyitate  imminutum 
est;  Siculi,  quod  *  hoc  non  de  summa  frumenti 
detractum  est ,  sed  transktum  in  Centuriptnos ,  et 
Halesinos ,  hnmunes  populos  ;  et  hoc  plus  imposi- 
tum,  quam  ferre  possent.  Navem  imperare  ex  fœ- 
dere  debuisti  ;  remisisti  in  triennium  :  militem 

'  Muiti  codd.  mendose,  gczXïs,.  I^mbinus ,  iogratiis. 
—  "  LambinuA-,  hoc  ipsusi. 


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tac.  ACTION  CONTRE  VERRES,  FV.  3i3 
vos  panégyristes  ne  sont -ils  pas  mes  témoins?  Héîns 
vous  loue ,  et  c'est  Ini  qui  vons  a  fait  le  pins  de  mal. 
J'interrogerai  anssi  les  autres  :  ils  seront  discrett;  je 
dois  m'y  attendre.  Us  ne  révéleront  rien  de  ce  qa'ils 
pourront  taire  ;  mais  il  faudra  bien  qu'ils  avouent  ce 
qu'il  est  impossible  de  nier.  Nieront-ils  qu'un  vaisseau 
ait  été  construit  à  Messine  pour  "Verres?  qu'ils  le 
nient ,  s'ils  l'osent.  Nieront-ils  qu'un  sénateur  de  BCes^ 
sine  ait  présidé  à  la  construction?  puissent-il)  avoir 
cette  impudence  !  J'ai  d'autres  questions  encore  que  je 
réserve  pour  le  moment  même.*  Je  ne  veux  pas  leur 
donner  le  temps  àe  méditer  et  de  concerter  leni- 
parjure. 

Que  cet  éloge  unique,  Verres ,  vous  tienne  lien  de 
ceux  qu'on  vons  refuse.  Faites  valoir  le  suffrage  d'une 
ville  qui  ne  devrait  pas  vous  secourir,  si  elle  le  pou- 
vait, et  qui  ne  le  pourra  pas  quoiqu'elle  le  veuille^ 
d'une  ville  où  tant  de  citoyens  ont  essuyé  de  vous  des 
injustices  et  des  outrages  sans  nombre ,  on  tant  de 
familles  ont  été  déshonorées  à  jamais  par  vos  infâmes 
dissolutions.  Mais  vous  avez  rendu  des  services  im- 
portants à  la  cité.  Oui,  Verres,  et  c^s 'importants 
services  ont  conté  che^  la  république  et  à  la  Sicile. 
Les  Mamertins  devaient  nous  vendre  soixante  mille 
boisseaux  de  blé  '  ^  ;  ils  l'ont  fait  dans  tons  les  temps. 
Vons  seul  les  en  avez  dispensés  ;  et  cela  aux  dépe'ns  de 
la  république ,  privée  par  vous  de  l'exercice  d'un  dvoit 
de  souveraineté  ;  aux  dépens  des  SicilieuA  mêmes , 
puisque  les  soixante  mille  boisseaux  n'ont  pas  été 
retranchés  de  la  totalité  du  blé  qu'ils  doivent,  mais 
répartis  sur  Halèse  et  Centorbe ,  villes  franches ,  que 
vons  avez  ainsi  taxées  au-dessus  de  leurs  moyens.  Votre 
devoir  était  d'exiger  un  vaisseau  des  Mamertins  :  vous 
les  en  a\>ez  exemptés  pendant  trois  ans,  et  pendant 
viir.  37 

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3i4  IN  TERREM  ACT.  U,  UB.  rv.     • 

nuUum  uncpam  poposcisti  per  tôt  annos.  Fecisti 
item,  uti  prsedones  soient;  qui  quum  communes 
hostes  sint  omnium ,  tamen  aliquos  sibi  institnunt 
amtoos  y  quibus  non  modo  perçant ,  yenim  etiam 
prsdft  quos  angeant,  et  eos  maxime,  qui  habent 
oppidum  opportuno  loco,  quo  ssepe  adeundum  sit 
nayibus ,  nonnunquam  etiam  necessario. 

X.  Pbaselis  illa,  quam  cepit  P.  Seryilius,  non 
fuerat  urbs  ante  Cilicum  atque  praedonum  :  Lycii 
îUara ,  Grxci  homines ,  incolebant.  Sed  quod  erat 
ejusmodi  loco,  atque.  ita  projecta  in  altum,  ut  et 
exeuntes  e  Cilicia  prsedones  saepe  ad  eam  necessa- 
rio devenirent,  et,  quum  ex  hisce  se  locis  recipe- 
rent,  eodem  deferrentur,  adsciverunt  illud  sibi 
oppidum  pirats ,  primo  coipmercio,  deinde  etiam 
societate.  Mamertina  civitas  improba  antea  non 
erat;  etiam  erat  inimica  improborum  rquae  C.  Ca- 
tonis,  illius,  qui  consul  fuit,  impedimenta  retinuit: 
at  cujus  hominis?  clarissimi,  potentissimique  ;  qui 
tamen  <faum  consul' fuisset,  condemnatus  est  :  ita 
C.  Cato,  duorum  hominuiMElarissimorum  nepos, 
L.  Paulli ,  et  M.  CatUtais  ,^t  P.  Africani  sororis 
filius  :  qiio  damnato,  tum,  quum  seVera  judicia 
fiebant,  H-S  xviii  millibus  lis  œstimata  est  :  buic 
Mamertini  irati  'fuerunt;  qui  majorem  sumtum, 
quam  quanti  Catonis  lis  sstimata  est,  in  Timar- 
cfaidis  prandium  saepe  fecemnt.  Verum  bœc  civi- 
tas isti  prsedoni  ac  pîratae  Siciliensi  Pbaselis  fuit  : 
bue  omnia  undique  deportabautur,  apud  istos  re- 

'  Maie  Ernest.,  non  fuerant ,  quasi  fuec  ad  yerrtm  re- 
J'erantur. 


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SEC.  ACnON  CONTRE  VERRES,  lY.  3i5 
ces  trois  ans,  Yons  ne  leur  avez  pas  demandé  on  seul 
homme  de  guerre.  Yons  avez  fait  ce  que  font  les 
pirates  :  ennemis  communs  de  tons  les  peuples,  ils 
se  ménagent  cependant  quelles  amis  qu*ils  épar- 
gnent ,  qu^ils  enrichissent  même  d'une  partie  de  leur  ' 
butin  ;  ils  ont  soin  de  choisir  ceux  qui  leur  of&ent  un 
port  sûr,  et  chez  lesquels  ils  sont  quelquefois  obligés 
de  chercher  un  asile. 

X.  Cette  Phasélis,  qui  fut  prise  par  Servilius,  n'avait 
pas  toujours  été  un  repaire  de  Ciliciens  et  de  pirates  ; 
c'était  une  colonie  de  Lydens,  peuple  sorti  delà  Grèce. 
Comme  cette  ville  s'avance  beaucoup  dans  la  mer,  les 
pirates  étaient  souvent  obligés  d'y  aborder,  soit  en 
sortant  de  leurs  ports,  soit  en  revenant  de  leurs  cour- 
ses. Ils  se  l'associèrent  d'abord  par  le  commerce,  en- 
suite par  un  traité  d'alliance.  De  même,  avant  la  pré- 
ture  de  Verres ,  Messine  n'était  pas  corrompue  ;  elle 
était  même  ennemie  des  méchants.  Ce  fut  elle  qui 
arrêta  les  équipages  de  C.  Caton,  d'un  consulaire, 
d'un  citoyen  dont  le  nom  et  la  puissance  étaient  si 
imposants.  Sa  dignité  de  proconsul  ne  put  le  soustraire 
aux  lois  '*  :  oui,  Caton,  petit-fils  de  Paul  Emile  et  de 
Marcus  Caton ,  neveu  de  Scipion  l'Africain,  fut  con- 
damné à  restituer  dix-huit  mille  serterces*;  et  les  tri- 
bunaux étaient  sévères  alors.  Ce  fut  an  sujet  d'une 
somme  aussi  modique  que  les  Mamertins  montrèrent 
cette  animosité  contre  lui,  eux  qui  depuis  ont  souvent 
dépensé  beaucoup  plus  pour  un  souper  de  Timarchide. 
Messine  a  été  la  Phasélis  de  ce  bi^and ,  de  ce  pirat» 
sicilien.  Cétait  là  que  s'entassaimt  les  dépouilles  de 
la  province  entière  ;  on  les  déposaît'chez  eux.  Ils  met- 
taient à  part,  ils  cac|i9ient  ce  qu'il  fallait  dérober  aux 
regards.  C'étaient  eux  qui  se  Chargeaient  d'embarquer 

*  4,o5o  fr.  G. 


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3i6  m  VEÏtREM  ACTî  II,  LIB.  IT. 

linquebantur;  quod  celari  opus  erat ,  habebant 
sepositum,  ac  reconditum  ;  per  istos,  cju»  yolebat, 
in  nayem  clam  imponenda,  occulte  exportanda 
curabat;  naTem  denique  maximam,  quam  onus- 
tam  furtis  in  Italiain  mitteret,  apad  istos  facien- 
dam  aedificandamque  curavit.  Pro  hisce  rébus  va- 
catio  data  est  ab  isto  sumtus,  laboris,  militise , 
rerum  denique  omnium.  Per  triennium  soli  non 
modo  in  Sicilia,  verum,  ut  opinio  mea  fert,  bis 
quidem  temporibus,  in  onmi  orbe  terrarum,  va- 
cni,  expertes,  soluti,  ac  liberi  fuerunt  ab  omni 
sumtu,  molestia,  munere.  Hinc  illa  Verrea  nata 
sunt:  bine  in  convirium  Sext.  Gominium  protrahi 
jussit^  in  quem  scypbum  de  manu  jacere  conatus 
est;  quem  obtorta  gula  de  couvivio  in  yincula, 
atqu£  in  tenebras  abripi  jussit  :  hinc  illa  crux,  in 
quam  civemromanum  iste,  multis  inspectantibus, 
sustulit;  quam  non  ausus  est  usquam  defigere,  nisi 
apud  eos,  quibuscum  omnia  seelera  sua,  ac  latro- 
cinia  communicasset. 

XI.  Laudatum  etiam  vos  quemquam  venire  au- 
detis?  qua  auctoritate?  utrum,  quam  apud  sena- 
torium  ordinem,  an,  quam  apud  populum  roma- 
num  babere  debetis  ?  *  Ecquse  civitas  est ,  non 
'  modo  in  provinciis  nostris ,  verum  etiam  in  ulti- 
mis  nationibus,  aut  tam  potens,  aut  tam  libéra, 
aut  etiam  tam  immanis,  ac  barbara;  rex  denique 
ecquis  est ,  qui  scftatorem  populi  romani  tecto  ac 
domo  non  invitet?  qui  honos  non  homini  solum 
babetur,  sêd  primum  populo  romano,  cujusbene- 

*  Beck  e  mss.  et  edd.  nSnnullis,  Ecqna.  —  '  M.  omit- 
tant  modo. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  YERRÈS,  IV.  817 
en  secret,  de  transporter  sans  bmit  ce  qull  vonlait. 
C'est  chez  eux.,  enfin,  qa^il  a  fait  construire  nn  très 
grand  vaisseau,  pour  envoyer  en  Italie  le  fruit  de  ses 
déprédations.  Pour  prix  de  tant  de  soins ,  ils  ont  été 
pendant  trois  ans  exemptés  de  contributions,  de  cor- 
vées, de  service  militaire,  en  un  mot  de  toute  chargé 
publique.  Eux  seuls,  dans  toute  la  Sicile,  je  pourrais 
dire  dans  le  monde  entier,  ont  été,  pendant  ces  trois 
années,  libres,  tranquilles,  affranchis,  déchargés  de 
toute  dépense,  de  tout  embarras,  de  toute  redevance. 
Aussi  est-ce  à  Messine  que  furent  instituées  les  fa- 
meuses Verréennes  '  ^.  C'est  dans  un  repas  donné  à 
Messine  qu'il  lit  traîner  à  ses  pieds  Sextus  Con^nius , 
qn^il  lui  jeta  sa  coupe  au  visage,  et  qu'il  le  fit  saisir  à 
la  gorge  pour  être  jeté  dans  un  cachot  ténébreux. 
Cest  là  que  fut  dressée  cette  croix  sur  laquelle  expira 
nn  citoyen  romain ,  à  la  vue  d'une  foule  de  spectateurs^ 
lB!h  I  dans  quel  autre  lieu  l'aurait-il  osé  placer  que  chez 
ceux  qu'il  avait  associés  à  tous  ses  forfaits  et  à  tous  ses 
brigandages  ? 

XI.  Mamertins,  vous  osez  venir  ici  décerner  des 
éloges!  de  quel  droit.'  quels  titres  vous  recommandent 
au  sénat  et  au  peuple  romain  7  Est-il ,  je  ne  dis  pas 
dans  nos  provinces ,  mais  Hux  extrémités  du  monde , 
une  seule  nation  si  fière  de  sa  puissance ,  si  orgueilleuse 
de  sa  liberté ,  si  féroce  même  et  si  barbare  qu'on  la 
suppose,  est-il  un  senl  roi  qui  ne  s'einpresse  d'accueil- 
lir et  d'inviter  un  sénateur  romain?  Cet  hommage 
s'adresse,  non  à  la  personne^  mais  d'abord  au  peuple 
romain,  puisque  ce  titre  est  un  de  ses  bienfaits  '^,  en- 
suite à  la  dignité  de  l'ordre  sénatorial.  Qae  devien- 
draient en  effet  la  gloire  et  la  majesté  de  notre  empirç , 
si  cet  ordre  auguste  n'était  pas  respecté  chez  les  alliés  et 


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Si8  m  VEKREM  ACT.  II,  LIB.  IT. 

ficio  nos  in  hune  ordinem  venîmus;  deînde  ordi-* 
nis  auctoritati ,  qus  nui  grayis  erit  apud  socios , 
'  atqae  exteras  nationes,  ubi  erit  imperii  nomen  et 
dignitas  ?  Mamertiui  me  publiée  non  m^itarunt  : 
me  quum  dieo ,  levé  est.  Senatorém  populi  romani 
si  non  inyitaYenint,  honorem  debitum  detraxe- 
runt,  non  homini,  sed  ordini.  Nam  ipsi  Tullio 
patebat  domuîs  locupletîssima  et  amplissima  Cn. 
Pompeil  Basilisei;  quo,  etiam  si  esset  inyi.tatus  a 
Yobis,  tamen  devertisset.  Erat  etiam  Parcennio- 
rum,  qui  nune  item  Pompeii  sunt,  domushones- 
tissima  ;  quo  L.  frater  mens  summa  illorum  -volun- 
tate  devertit.  Senator  populi  romani,  quod  in  vobîs 
fuit,  in  Testro  oppido  jaemt>  et  pernoctavit  in 
publico  :  nulla  hoc  eiyitas  unquam  alia  commisit. 
Amieum  enim  nostrum  in  judicium  Tocabas. 
Tu,  quid  ego  privatim  negotii  geram,  interpreta- 
bere  imminuendo  honore  senatorio?  Verum  haec 
tum  queremur ,  si  quid  de  yobis  per  eum  ordinem 
agetur,  qui'ordo  a  yobis  adhue  solis  eontemtus 
est.  In  populi  romani  quidem  conspectum  quo  ore 
yos  commisistis  ?  nec  prius  illam  erueem ,  qu» 
etiam  nune  civis  romalli  sanguine  redundat ,  qu« 
fixa  est  ad  portnm ,  urbemque  yestram ,  reyellis- 
tis,  neque  in  profundum  abjeeistis,  locumque 
illum  omnem  expiastis,'  quam  Rbmam,  atque  in 
.  horum  eonyentâm  adiretis  ?  In  Mamertinorum 
solo  fœderato  atque  paeato ,  monumentum  istius 
crudelitatis  constitutum  est.  Vestrane  urbs  electa 
est,  ad  quam  *  qui  adirent  ëx  Italia,  crucem  civis 

'  Grut.  et  Em.  e  codd.  Pal.,  in  exteras.  —  *  Sic  Lam- 
Jjmiis.  Fulg.  quuxn. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  IV.  3«) 
les  nations  étrangères?  Eh  bien!  les  Mameitins  ne 
m^ont  fiiit  k  moi  ancnne  invitation  pnblîqne.  Qnand 
je  dis  à  moi ,  c^est  pen  de  diose  ;  mais  j'étais  sénatenr  : 
en  ne  m'invitant  pas ,  ils  ont  offensé,  non  nn  seul  in« 
dividn,  mais  Tordre  entier  dn  sénat.  Qoant  à  moi  per- 
sonnellement ,  la  riche  maison  de  Pompéius  Basiliscos 
m'était  ouverte  :  j'aarais  logé  chez  loi ,  qnand  même 
Tons  m'anriez  invité.  J'avais  encore  la  maison  des  Par- 
cennias ,  qni  portent  anasi  le  nom  de  Pompéîns.  Ln- 
cias,  mon  frère  '^,  fut  reçn  c^ez  eux  avec  le  pins 
vif  empressement.  Mais  il  n'a  pas  dépendu  de  vous 
qu'un  sénatenr  romain  n€  trouvât  point  d'asile  dans 
votre  ville ,  et  qu'il  y  passât  la  nuit  entière  exposé  aux 
injures  de  Faîr  :  nuDe  autre  cité  ne  donna  jamais 
l'exemple  d'une  telle  insolence. 

Cest,  dites-vous,  que  j'accusais  vôtre  ami.  Et  quoi! 
mes  torts  personnels  vous  donneront  le  droit  de  man- 
quer à  un  sénatenr?  Je  réserve  mes  plaintes  pour  quel- 
que moment  où  l'on  s'occupera  de  vous  dans  le  sénat, 
dans  cet  ordre  auguste  qui  n'a  jamais  été  méprisé  que 
par  vous.  De  quel  front  cependant  osez-vous  paraître 
devant  le  peuple  romain  ?  Et  cette  cràat ,  qui  fume  en- 
core dn  sang  d'un  de  nos  citoyens,  cette  croix  dressée 
à  l'entrée  de  votre  portât  de  votre  ville ,  vous  ne  l'avez 
pas  arrachée ,  avant  que  de  vous  montrer  dans  Rome 
et  devant  cette  assemblée  ?  vqj^  ne  l'avez  pas  préci- 
pitée au  fond  de  la^j^ss^'^ons  n'avez  pas  purifié  cette 
terre  soiyJJ«9^^tffTe  plus  horrible  des  attentats?  Hélas  ! 
aux  portes  de  Messine ,  de  Messine  notre  alliée ,  notre 
amie ,  nn  monument  atteste  à  jamais  la  cruauté  de 
Terres.  A-t-on  fait  choix  de  votre  ville,  afin  que  ceux 
qui  arrivent  d'Italie  aperçoivent  Finstrument  du  sup- 
plice d'un  citoyen  romain,  avant  qu'ils  puissent  ren- 


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320  m  TERREM  ACT.  II,  LIB.  IT, 

romani  prius,  quam  quemquam  amicam  populi 
romani  yiderent?  quam  -vos  Rheginis,  quorum 
ciTÎtati  înyidetis,  item  incolis  yestris,  civibus  ro- 
manis ,  ostendere  soletis  :  quo  minus  sibi  arrogent , 
minosque  tos  cfespiciant,  quum  yideant  jus  ciyi- 
lads  illo  supplicio  esse  mactatum. 

XII.  Verùm  haec  émisse  te  dicis.  Quid  ?  illa  At- 
talica,  tota  Sicilia  nominata,  ab  eodem  Heio  pe- 
ripetasmata  emere  oblitus  es?  Licuit  eodem  mpdo, 
ut  signa.  Quid  enim  actum  est  ?  an  litteris  peper- 
cistiPYerum  hominem  amentem  hoc  fugit  :  minus 
clarum  putayit  fore,  quod  de  armario ,  quam  quod 
de  sacrario  esset  ablatum.  At  quomodo  abstuilit, 
Non  possum  dicere  planius,  quam  ipse  apud  yos 
dixit  Heius.  Quum  quassissem,  numquid  aliud  de 
bonis  ejus  peryenisset  ad  Yerrem,  respondit  istum 
ad  se  misisse,  ut  sibi  mitteret  Agrigeiitum  peripe- 
tasmata.  Qpaesiyi,  an  misisset.  Respondit  id ,  quod 
necesse  erat ,  se  dicto  audientem  fuisse  prstori  : 
misisse.  Rogayi,  peryenissentne  Agrigentum.  Dixit 
peryenisse.  Quœsiyi ,  an  domum  reyertissent.  Ne- 
gayit  adhuc  reyertisse.  Risus  populi,  atque  ad- 
murmnratio  omnium  yestrum  facta  est. 

Hic  tibî  in  mentem  non  yenit  jubere ,  ut  h«c 
quoque  referret,  HéS  yi  millibus  i3  se  tibi  yendi- 
disse?  Metuisti,  ne  ses  alienum  tibi  cresceret,  si 
H-S  yi  millibus  id  sç  tibi  constarent  ea,  quœ  ta 
facile  posses  yendere  H-S  ce  millibus?  Fuit  tanti» 
mihi  crede  :  haberes,  quod  defenderes  :  nemo  quac- 
reret,  quanti  illa  res  esset;  si  modo  te  posses  do- 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  IV.  3ai 
contrer  un  ami  de  la  république?  Vous  affectez  de 
montrer  cette  croix  aux  habitants  de  Rhége ,  à  qaî 
vous  enviez  le  droit  de  citoyen;  vous  la  montrez  aux 
Romains  étai>lis  parmi  vous,  afin  de  les  humUier  et 
de*  vous  venger  de  leurs  dédains ,  en  leur  faisant  voir 
les  privilèges  des  citoyens  anéantis  par  ce  supplice 
infâme. 

XII.  (Test  trop  long -temps  oublier  les  statues 
d'Héius  ;  vous  prétendez ,  Verres ,  les  avoir  achetées. 
Et  ces  tapis  attaliques  '^,  renommés  dans  toute  la  Si- 
cile, avez-vons  oublié  de  lA  acheter  du  même  Héins."* 
Vous  pouviez  faire  comme  pour  les  statues:  Pourquoi 
ce  défaut  de  forme  ?  était-ce  peur  épargner  les  écri- 
tures ?  Sa  prévoyance  ne  s'est  pas  étendue  jusque  là  : 
il  a  cru  qu'on  s'apercevrait  moins  d'un  garde-meuble 
volé  que  d'un  oratoire  dépouillé.  Mais  de  quelle  ma- 
nière les  a-t-n  enlevés.^  Je  ne  puis  mieux  vous  l'expli- 
quer qu'en  vous  répétant  la  déposition  d'Héius.  Je  lui 
demandais  si  quelque  autre  de  ses  effets  n'était  point 
passé  dans  les  maips  de  Verres.  Il  m'a  fait. dire,  a-t-il 
répondu,  d'envoyer  mes-  tapis  à  Agrigente.  —  Les 
avez- vous  envoyés.^  —  Il  fallait  bien  obéir  an  préteur  : 
je  les  ai  envoyés.  —  Lui  sont-ils  parvenus  ?  —  Oui.  — 
Sont-ils  revenus  *  ?  —  Pas  encore.  A  cette  réponse ,  le 
peuple  se  mît  à  rire.  Et  vous,  juges, 'vous  frémîtes 
d'indignation.  .^ 

Quoi  !  Verres ,  il  ne  vous  est  pas  venu  dans  l'esprit 
de  lui  faire  écrire  qu'il  vous  les  avait  vendus  six  mille 
cinq  cents  sesterces  !  Craigniez  -  vous  de  vous  ririner , 
en  payant  six  mille  cinq  cents  sesterces  ce  que  vous 
pouviez  aisément  vendre  deux  cent  mille  sesterces.^ 
Ah  !  la  précaution  n'était  pas  inutile  :  vous  pourriez 

*  Lambin ,  Grévius  et  Lallemand  ont  préféré  la  leçon 
de  Victorius,  quemadmodum  revertissent. 


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3tx2  IN  yERREM  ACT.  II,  LIB.  rv. 

cere  émisse  ,  facile  ,  cui  velles ,  tuam  causam  et 
factum  probares  :  hudc  de  peripetasmatis  qiiemad- 
modum  te  expédias ,  non  habes. 

Quid  ?  a  Philarcho  Centuripino ,  hdmine  locu- 
plete  ac  nobili,  phaleras  pulcherrîme  factas,  quœ 
fegis  Hieronis  fuisse  dicuntur,  utrum  tandem  abs- 
tulisti ,  an  emisti  ?  In  Sicilia  quidem  quum  essem, 
sic  a  Centaripinis ,  sic  a  ceteris  audiebam  ;  non 
enim  parum  res  erat  clara  :  tam  te  bas  phaleras  a 
Philarcho  Centuripino  aibstulisse  dicebant,  quam 
alias  item  nobiles  ab  Aristo  Panormitano  ;  quam 
tertîas  a  Cratippo  Tyndaritano.  Etenim  si  Pfailar» 
chus  vendidisset ,  non  ei ,  posteaqnam  reus  factus 
es  y  redditurum  te  promisisses.  Quod  quia  TÎdisti 
plures  scire ,  cogitasti ,  si  ei  reddidisses ,  te  minus 
bàbiturum ,  rem  niMominus  testatam  futuram  ; 
non  reddidisti.  Dixit  Philarchus  pro  testimonio, 
se,  quod  nosset  tnum  istum  morbum,  ut  amici  tul 
appellant,  cupisse  te  celare  de  pbaleris;  quum  abs 
te  appellatus  esset ,  negasse  habere  sese  ;  apud 
alium  quoque  eas  habuisse  depositas,  ne  qua  inve- 
nirentur  ;  tuam  tantam  fuisse  sagacitatem ,  ut  eas 
per  illum  ipsum  inspiceres,  ubi  erant  depositœ; 
tum  se  deprehensum  negare  non  potuisse  :  ita  ab 
se  invito  ablatas  phaleras  gratis. 

XIII.  Jam,  ut  haec  omnia  reperire ,  ac  perscru- 
tari  solitus  sit,  judices,  est  operae  pretium  cogno- 
scere.  Cibyratae  sunt  fratres  quidam,  Tlepolemus 
et  Hiero  :  quorum  alterum  fin  gère  opinor  e  cera 
solitum  esse ,  alterum  esse  pictorem.  Hosce  opinor 
Cibyr»,  quum  in  suspicionem  venissent  suis  civi- 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  IV.  Sa,^ 
i«pondre  atgourd'liiiû  On  ne  demanderait  pas  le  prix; 
et  ce  titre  serait  votre  justification.  A  présent,  vous 
voilà  dans  an  en^rras  inextricable. 

Et  ces  coUiers  '9,  vrais  che6-d'œnvre  dtf  Tart,  qui 
.  viennent ,  à  ce  qu'on  dit ,  du  roi  Hiéron ,  l^s  avez- 
vous  pris ,  les  avez-vous  achetés  à  Philarque  de  Cën- 
torbe?  Pendant  mon  séjour  en  SicOe,  j'ai  oui  dire  aux 
habitants  de  Centorbe  et  à  tous  les  Siciliens  (  car  la 
chose  n'était  rien  moins  qu'un  mystère  ) ,  que  vous  les 
avez  enlevés  à  Philarque  ,  comme  vous  en  avez  pris 
d'antres  non  moins  précieux  à  Ariste  de  Palerme ,  et 
d'autres  encore  à  Cratippe  de  Tyndare.  Et  dans  'Ife 
fait,  si  vous  les  aviez  achetés ,  pourquoi,  lorsque  vous 
avez  été  cité  devant  les  tribunaux ,  avez-vous  promif 
à  Philarque  de  leslui  rendre?  Il  est  vrai  que,  voyant 
tant  de  personnes  daiû  le  secret,  vous  avez  calculé 
que,  si  vous  les  rendiez,  vous  ne  les  auriez  plus ^  et 
que  le  voi  n'en  serait  pas  moins  constaté  :  en  oonséc- 
quence  vous  les  avez  gardés.  Philarqii^  a  déposé  que , 
connaissant  ce  que  vos  amis  appellent  votre  maladie^ 
il  avait  voulu  vous  cacher  ces  colUers;-  que,  mandé 
par  vous,  il  avait  nié  qu'il  les  eût;  qn'^n  effet  i}  les 
avait  déposés  chez  un  tiers ,  afin  qu'ils  ne  fassent  pas 
trouvés  chez  loi  ;  mais  que  rien  ne  pouvait  échapper 
à  votre  sagacité  ;  que  vot«B  aviez ^u  vous  les  faire  mon- 
trer par  le  dépositaire  lui-même;  qu'alors  il  n'a  plus 
été  possible  de  nier,  et  qu'il  a  fslllu  céder  les  colliers 
malgré  lui  et  sans  indemnité. 

XIII.  Il  est  bon  ^e  vous  sachiez  par  quel  moyen  il 
parvenait  à  faire  tontes  ces  découvertes.  U  existe  deux 
frères  nés  à  Obyre.  On  les  nomne  Tlépolème  et 
Hiéron.  Si  je  ne  me  trompe ,  l'un  tnyaille  en.cire  ; 
l'autre  est  peintre  '°.  Si  je  ne  me  trompe  «noo^re ,  ces 
deux  hommes,  soupçonnés  d'avoir  volé   le   temple 


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3H  IN  VERREM  ACÏ.  II,  LIB.  IV. 

bas,  fanum  expila^se  Âpollinis,  veritos  poenamju- 
dicii  ac  legis ,  domo  profugisse.  jQuod  Verrem 
artificn  svli  cupjdum  coguo-verant  tum ,  quuin  iste , 
id  qu*od  ex  testibus  didicistis ,  Cibyram  cum  ina- 
nibus  syngraphis  yenerat,  domo  profugientes  ad 
eum  se  exsuies ,  quum  iste  esset  in  Asia,  contule- 
runt.  Habuit  secum  eo^  ab  illo  tempore  ;  et  in  lega- 
tionis  prœdis  atque  furtis,  multum  illorum  opéra, 
cousilioque  usus  est. 

Hi  sunt  iUi ,  quibus  in  tabulis  retulit  sese  Q.  Ta- 
<jttus  dédisse  jussu  istius ,  Grxci»  pictoribus.  Eos 
jam  bene  cognitos,  et  re  probatos  secum  in  Sici- 
liam  duxit.  Quo  posteaquam  venerunt ,  mirandum 
in  modam  (canes  -venaticos  diçeres)  ita  odorar- 
bantur  omnia,  et  pervestigabant,  ut,  ubi  quidque 
esset  y  aliqua  ratione  inyenirent.  Aliud  minitando , 
atiud  poUicendo,  aliud  per  seryos,  aliud  per  libe- 
ros,  per  amicnm  aliud,  aliud  .per  iuimicum  inve- 
niebant.  Quiuquid  illis  placuerat ,  perdendum 
erat  :  nihil  aliud  optabant,  quorum  poscebatur 
argentum ,  nisi  ut  Hieronî  et  Tlèpolemo  displi- 
ceret.     » 

XIV.  Vere  meheucbles  hoc ,  judices,  dicam  :  me- 
mini,  Pamphilutn'Lilybœtanum ,  hospitem  meum, 
et  amicum ,  nobilem  hominem ,  mihi  narrare  : 
quum  iste^  ab  sese  hydriam  Boethi  manu  factam , 
prsclaro  opère,  et  grandi  pondère,  per  potesta- 
tem  abstulisset,  se  sane  tristem  et  conturbatuni 
domum  revertisse,  quod  vas  ejusmodi,  quod  sibi 
a  pâtre  et  a  ms^oribus  esset  relictuip,  quo  ^ol^tus 
e^set  uti  ad  festos  dies,  ad  bospitum  adyentum,  a 
se  esset  ablatum.  Quum  sederem,  inquit,  domî 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  lY.  325 
d'ApoUon,  s'enfairent  de  leur  pays  pour  échapper  à 
la  rigaepr  des  lois.  lù  avaient  connu  Terres  lorsqu'il 
élait  venu  à  Cibyrc  avec  des  obligations  qui  n'avaient 
plus  de  valeur  ''  (je  ne  parl«  ici  que  d'après  les 
témoins).  Ils  savaient  sa  passion  pour  les  ouvrages  de 
leur  art.  Ils  se  réfugièrent  auprès  de  lui,  en  Asie,  où 
il  était  alors.  Depuis  ce  temps ,  il  les  a  toujours  eus  à 
sa  suite  :  leur  adresse  et  leurs  conseils  Tout  merveil- 
leusement servi  dans  les  vols  qui  signalèrent  sa  lieu- 
tenance  en  Asie. 

Cest  d'eux  que  parle  Tadius  dans  ses  registres ,  lors- 
qu'il dit  avoir,  par  l'ordre  de  "Verres,  payé  une 
4»omme  d'argent  à  dès  peintres  grecs.  Sûr  de  leur  talent, 
dont  ils  lui  avaient  donné  des  preuves  non  équivoqi^es, 
il  les  mena  avec  lui  en  Sicile.  Là  ces  excellents  limiers 
se  mirent  en  quête  :  ils  éventaient  le  gibier  et  le 
suivaient  à  la  piste,  sans  qu'il  fût  posâble  de  les 
mettre  en  défaut.  Menaces ,  promesses,  esclaves ,  hom- 
,  mes  lâires,  amis,  ennemis,  tout  devenait  poor^eux 
un  instrument  utile.  Il  fallait  se  résoudre  à  perdre 
tout  ce  qui  leur  semblait  beau.  Ceux  dont  l'argenterie 
était  demandée  ne  formaient  qu'un  seul  vœu ,  c'était 
qu'elle  ne  fut  pas  du  goût  des  ieux  frères. 

XIV.  Voici  une  anecdote  dont  je  peux  vous  garan- 
tir la  vérité  :  je  la  tiens  de  Pampliile ,  mon  hôte  et 
mon  ami,  et  l'un  des  premiers  citoyens  de  Lilybée. 
Verrèl  lui  avait  pris  d'autorité  un  dief-d'œuvre  de 
Boëthus ,  une  aiguière  d'un  grand  po'idg  et  d'un  travail 
achevé.  Il  était  rentré  chez  lui  fort  triste  et  de  très 
mauvaise  humeur  :  ce  vase  avait  appartenu  à  son  père 
et  à  ses  aïeux  ;  il  s'en  servait  les  jours  de  fêtes ,  et  lors- 
qu'il recevait  des  hôtes.  J'étais  assis  <^ez  moi,  me 
disait-il,  fort  mécontem.  Je  vois  paraître  un  des  es- 
claves attachés  an  temple  de  Véuns  ;  il  m'enjoint  d'ap- 

VIIT.  28 


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326  IN  VERREM  ACT.  II,  LIB.  IV. 

tristis,  accurrit  Venerius  :  jubet  me  iscyphos  sigil- 
latoft  ad  prsetorem  stalim  afferre.  Permotus  som , 
inquit  :  binos  habebam  :  jubeo  promî  utrosque ,  ne 
quid  plus  mali  nasceretur,  et  mecum  ad  prâBtoris 
domum  ferri.  £o  quum  venio ,  prsetor  quiescebat  : 
fratres  illi  Cibyratœ  înambulabaut.  Qui  me  ubi 
videruut ,  Ubi  sunt,  Pamphile ,  inquîunt ,  scypbi  ? 
Ostendo  tristis  :  laudant.  Incipio  queri ,  me  nihîl 
habiturum,  quod  alîcujus  esset  pretii ,  si  etiam 
scyphi  essent  ablati. Tum  illi,  ubi  me  conturbatum 
-vident  :  Quid  -vis  nobis  dare ,  ut  isti  abs  te  ne  au- 
ferantur?  Ne  multa ,  '  sestertios  ce  me,  inquit, 
poposcerunt  :  dixi  me  daturum  c  Vocat  interea 
prstor  :  scyphos  poscit.  Tum  illos  cœpisse  prstori 
dicere ,  putasse  se  id ,  <quod  audissent ,  alicujus 
pretii  scyphos  es&e  Pamphili  :  luteum  negotiura 
esse,  non  dignum,  quod  in  suc  argento  Verres 
haberet.  Ait  ille  idem  sibi  viderî  :  iu  Pamphiins 
scyphos  optimos  aufert.  Et  raehercules  ego  antea , 
tametsi  hbc  nescio  quid  nugatorium  sciebam  esse, 
ista  intelligere,  tamen  mirari  solebam,  istum iuhis 
ipsis  rébus  aliquem  seiisum  habere,  queiii  scirem 
nulla  in  re  quidquam  sîraile  hominîs  habere. 

XV.  Tum  primum  intellexi,  ad  eam  rem  istos 
fratres  Cibyratas  fuisse ,  ut  iste  in  furando  manibus 
suis ,  oculis  illorum  nferetur.  At  ita  stndiosus  est 
hujus  prœclarsB  existimationis ,  ut  puletur  in  hisce 
rébus  intelligens  esse,  ut  niiper  (\idete  hominis 
amentiani),  posteaquam  est  comperendinatus,  qiiuin 

'  Beckemss.  etccdd.,  sest.  ci:^dixiineclatariim;omùfêjr 
céleris. 


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SEC.  ACriON  C03NTR£  VERRES,  IV.     827 

porter  sur-le-champ  aa  prétenr  mes  coapes  ornées  de 
reliefs.  Cet  ordre  fut  an  conp  de  fondre  :  j'en  avais 
denx  ;  de  peor  d'nn  plus  grand  mal,  f ordonne  qu'on 
le^  tire  toute»  deux  du  buffet ,  et  qu'on  les  apporte  avec 
moi  chez  le  préteur.  J'arrive  :  il  reposait  ;  les  deux 
frères  se  promenaient.  Dès  qu'ils  me  voient  :  Vos 
coupes,  Pamphîle,  où  sont-elles?  Je  les  montre  en 
soupirant.  Ils  les  trouvent  admirables  :  Hélas  !  disais-je, 
s'il  faut  qu'on  m'enlève  anssî  mes  coupes ,  je  n'aurai 
^lus  rien  qui  soit  de  quelque  valeur.  Attendris  par 
mes  plaintes  :  Eh  bien  !  md  dirent-ils ,  que  voulez- vous 
donner  pour  qu'elles  ne  vous  soient  pas  enlevées  ? 
Bref,  ils  veulent  denx  cents  sesterces.  J'en  promets 
cent  ".  Sur  ces  entrefaites,  le  prétenr  appelle;  i! 
demande  les  coapes  :  ils  lai  disent  qu'ils  avaient  cm 
sur  la  foi  d'autrui  qu'elles  é(aienl  de  quelque  valeur, 
mais  qu'elles  sont  indignes  de  figurer  parmi  l'argen- 
terie de  Terres.  Le  préteur  fut  de  leur  avis ,  et  Pam- 
phile  remporta  ses  coupes ,  qui  dans  la  réalité  étaient 
des  chefe-d'œuvre.  Franchement ,  j'ai  toujours  pensé 
qu'il  y  a  bien  peu  de  mérite  à  se  connaître  en  pareilles 
bagatelles.  Cependant  je  ne  comprenais  pas  que  Ver- 
res pût  même  avoir  cette  espèce  de  mérite ,  lui  qui , 
dans  tont  le  reste,  n'a  rien  de  ce  qui  ressemble  à 
l'homme. 

X.V.  L'aventure  de  Pamphile  m'a  fait  voir  pourquoi 
il  tenait  ces  deux  frères  auprès  de  lui  :  c'est  qu'il  pre- 
nait par  ses  maibs  ce  qu'il  voyait  par  leurs  yeux.  Mais 
vous  ne  coia^evez  pas  à  guel  point  il  est  jaloux  de  ce 
glorieux  renom  de  connaisseur.  Un  de  ces  matins, 
admirez  son  extravagance ,  le  sursis  de  trois  jours  ve- 
nait d'être  prononcé,  et  déjà  on  le  regardait  comme 
un  homme  condamné  et  rayé  du  nombre  des  ci- 
toyens*', n  entra  chez  Sisenna,  pendant  la  célébra- 


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3a8  IN  TERREM  ACT.  H,  LIB.  ït. 

jam  pro  damnato  mortaoque  esset ,  ludis  Circen-» 
sîbas  f  mane  apud  L.  Sisennam ,  virum  primarium , 
quum  essent  triclinîa  strata,  argeatumque  exposi- 
tum  in  sedibus,  quum  pro  dignitate  L.  Sisennam 
donius  esset  plena  hominum  honestissimorum  , 
accesseiit  ad  argentujn  ;  contemplari  unumquod- 
que  otiose,  et  considerare  cœperit.  Mirari  stultî- 
tiam  alii,  quod  in  ipso  judicio,  ejus  ipsius  cupi- 
ditatis,  cujus  insimularetur,  suspicionem  augeret; 
alii  amçntiam,  cui  comperendinato ,  quum  tam 
multi  testes  dixissent ,  quidqnam  illorum  veniret 
in  mentem.  Pueri  autem  Si sennse,' credo,  qui  au- 
divissent ,  quae  ifl  istum  testimopia  essent  dicta , 
oculos  de  isto  nusquam  dejicere ,  neque  ab  argeuto 
dl^itum  discedere.  * 

Est  boni  judicis,  parvis  ex  rébus  conjecturam 
facere  uniuscujusque  et  cupiditatis  et  incontinen- 
tise.  Qui  reus  lege,  et  reus  comperendinatus,  re 
et  opinione  bominum  paene  dapinatus,  '  temperare 
non  potuerit  maxirao  conventu,  quîn  L.  Sisennse 
£^gentum  tractaret  et  consideraret;  hune  in  pro- 
vincia  praetorem' quisquam  putabit  a  Siculorum 
argento  cupiditatem,  aut  manus  abstinere  po- 
tuisse  ? 

XVI,  Verum  uti  Lilybseum ,  unde  '  degressa est , 
oratio  reyertatur ;  Diodes  est,  Pamphili  gêner, 
illius,  aquo  hydriaablafa  eat,Popilliusfognomine. 
Ab  hoc  abaci  vasa  omnia,  ut  exposita  fuérant,  abs* 
tulit.  Dicat  se  émisse  ;  etenim  hic  propter  magni- 
tudinem  furti,  sunt,  ut  opinor,  litterae  factae.  Jussit 

'  Lambinus  edidit,  sibi  temperare  n.  p.  —  *  Alii,  ut 
passim ,  digressa. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  IW.  329 
tlon  des  jeax;  les  lits  étaient  parés,  Fargenterie  ex- 
posée sûr  les  buffets,  la  maison  remplie  d^onefoole 
de  citoyens  distingués,  tels  qu'on  doit  les  trouver  chez 
un  homme  de  ce  ranf^.  Terres  s'approche  de  l'argen- 
terie. Il' ^arrête  à  considérer ,  à  examiner  chaque  pièce 
Tune  après  l'antre.  Les  uns  admiraient  cette  mal- 
adresse imbécîile ,  de  venir ,  dans  le  cours  d'un  procès 
on  il  était  accusé  d'une  passion  extrême  pour  ces  sor- 
tes d'objets,  aggraver  encore  et  fortifier  les  soupçons 
contre  lui-même.  Les  autres  ne  concevaient  pas  cette 
étrange  apathie  qui,  à  la  veille  du  jugement,  après  y 
t^t  de  dépositions  accablantes,  lui  permettait  de  s'oc- 
cuper de  ces  bagatelles.  Quant  aux  esclaves  de  Si* 
-  senna ,  instruits  sans  doute  des  dépositions  faites  con^ 
tre  lui,  ils  suivirent  des  yeux  tous  ses  mouvements,' 
et  ne  s'ccartèrent  pas  un  ins^nt  du  buffets 

Un  bon  joge  tire  des  inductions  des  ^s  petites 
choses.  Un  homme  est  accusé  ;  son  arrêt  sen^>rononcé 
dans  trois  jours;  s'il  n'est  pas  encore  condamné  par  le 
tribunal,  il  l'est  déjà  par  l'opinion  publique  :  et  cet 
homme ,  devant  une  nombreuse  assemblée ,  ne  peut 
s'empêcher  de  toucher  et  d'examiner  pièce  à  pièce 
l'argenterie  de  ^isenna;  est-il  croyable  que,  dans  son 
gouvernement,  il  ait  pu  êt^  assez  maître  de  lui,  pour 
ne  pas  convoiter  et  ne  pas  prendre  l'argenterie  des 
Siciliens.'^  ,  • 

XTI.  Mais  terminons  cette  digression  et  revenons  à 
Ulybée.  Dans  cette  vlUe  habite  Diodes,  surnommé 
Popillius,et  gendre  dePamphile,  deceltii  k  qui  "Verres 
enleva  ce  beau  vase  de  Boëthns.  Le  préteur  dégarnit 
chez  lui  le  buffet  tout  entier ,  tel  qu'il  se  trouvait.  Il 
Sha  qu'il  a  acheté  :  car  ici,  vu  l'importance  de  l'objet, 
il  en  a  sans  doute  fait  mention  dans  ses  registres. 
Timarchlde  eut  ordre  d'en  faire  l'estimation.  Mais  on 


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33o  IN  TERREM  ACT.  H,  LIE.  lY. 

Timarcfaidem  «stimare  argenlum.  Qiio  modo  ?  que 
qui  nnquam  tennissime  in  doiiatione  histrionum 
«stimavit.  Tametsi  jamdudam  erro^  qai  tam  malta 
de  istius  emtionibus  verba  faciam ,  et  quseram  , 
utrnm  emeris,  'necne,  et  quomodo,  et  qustfitî 
emeris  :  quod  yerbo  tran$igere  possum.  Ede  mihî 
scriptum,  quid  argent!  în  provincia  Sicilia  para- 
ris,  unde  quidque,  aut  quanti  emeris.  Quid  fît? 
quanquam  non  debebam  ego  abs  te  bas  litteras 
poscere  :  me  enim  tabulas  tuas  babere,  et  proferre 
oportebat.  Verum  negas  te  borum  annorum  ali- 
quot  confecisse.  Compone  boc,  quod  postulo,  de 
argento  :  de  reiiquo  ^Idero.  Nec  scriptum  babeo , 
nec  possum  edere.  Qnid  futurum  igitur  est?  quid 
existîmas  bosce  judices  facere  posse  ?  Domus  plena 
Mgnorumpulcberrimorum ,  jam  etiamante  praetu- 
ram;  onKa  ad  TÎllas  tuas  posita,  apud  amicos 
multa  deposita,  multa  aliis  data  atque  dônata  :  ta» 
,  bulai  uuUum  indicant  emtnm.  Omne  argentum 
ablatom  ex  Sicilia  est;  nihil  cuiquam,  quod  suum 
dicî  vellet,  relictum  :  fingitur  imprdba  defensio, 
praetorem  omne  id  argentum  coemisse  ;  tamen  id 
ipsnm  tabulis  demonstrari  non  potest.  Si  quas 
tabulas  profers,  in  bis,  quid  babeas,  qUomodo 
babefis,  scriptum  non  est.  Horum  autem  tempo- 
rum,  qvnm  te  plurimas  res  émisse  dicas,  tabulas 
omnino  nullas  proferas  ;  nonne  te  et  prolatis ,  et 
non  prolatis  tabulis ,  condenmari  necesse  est  ? 

XVIL  Tu  a  M.  Cœlio,  équité  romano,  lectis- 
simo  adolescente ,  quae  voluisti ,  vasa  argeutea 
'  Olirn  omissum  oecne.  Addidit  Grœv.  e  mss.  reg. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES  j  IV.  33 1 
xi'c^'ahia  jamais  à  si  bas  prix  les  bagatelles  qu'on  donne 
aux  histrions  à  la  £n  des  repas '^.  An  reste,  j'ai  tort 
de  m'éteddre  aussi  long-temps  sur  vos  achats  préten- 
du», çt  de  demander  si  vous  avez  acheté ,  comment  et 
combien  vous  avez  payé.  Un  mot  suffit.  Produisez  un 
état  de  l'argenterie  que  vous  avez  acquise  en  Sicile , 
avec  le  ùom  des  vendeurs  et  la  somme  qu'ils  ont  reçue. 
Avez-vous  cet  état?  Je  ne  devrais  pas  être  obligé  de 
vous  le  demander;  il  #nviendrait  qvCJl  fut  entre  mes 
mains  et  produit  par  moi.  Mais  vous  dites  que  pendant 
tout  ce  temps  vous  n'avez  tenu  aucun  registre.  Donnez 
dn  moins  quelques  éclaircissements  sur  l'acticle  de 
l'argenterie.  Pour  le  reste,  nous  verrons.  Je  'n'ai  rien 
écrit;  je  ne  puis  rien  produire.  Que  voulez-vous  donc 
que  fassent  les  juges?  Dès  avant  votre  préture,  votre 
maison  était  remplie  des  plus  beUes  statues  ;  vous  en 
avez  placé  an  grand  nombre  dans  vos  qampagnes,  dé- 
'  posé  un  grand  nombre  chez  vos  amis;  vous  en  avez 
donné  beaucoup  à  d'atttres  ;  et  vos  registres  n'indiquent 
aucun  achat.  Tonte  l'argenterie  a  disparu  de  la  Sidle  ; 
il  n'y  reste  rien,  absolument  rien,  qui  soit  de  qn^ne 
prix;  et  potir  toute  réponse,  on  me  dit  que  le  préteur 
a  tout  acheté  ;  et  cette  réponse  qui  n'en  est  pas  une , 
est  démentie  par  les  regbtres  dn  préteur.  Car,  si  vous 
en  produisez  quelques  uns ,  on  n'y  trouve  ni  le  détail 
de  ce  que  vous  possédez,  ni  la  manière  dont  vous  Favez 
acquis.  Et  pour  tout  le  temps  où  vous  placez  laMlate  de 
vos  achats  multipliés,  vous  dites  que  vous  n'avez  pas 
tenu  de  registres.  Vofis  yoilà'  donc  nécessairement  con- 
damné et  par  les  regbtres  qui  sont  produits,  et  par 
«enx  qui  ne  le  sont  pas. 

XVH.  Dans  cette  même  ville  de  Lilybée ,  vous  avez 
pris  à  M.  Célius,  jeune  chevalier  romain  du  plnst grand 
mérite,  tout  ce  qui  vous  a  pin  dans  son  argenterie; 


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332  m  TERREM  ACT.  H,  LÎB.  ÎV. 

Lilybaei  abstulisti  :  tu  C.  Cacurii ,  promtî^siml 
hominis,  et  experîentis,  et  in  primis  gratiosi,  su- 
pellectîlem  oninem  auferre  non  dubitasti  :  tu  maxi- 
mam  et  pulcberrimam  mensam  citream  a  Q.  Lu- 
tatio  Diodoro,  qui  Q.  Catuli  bénéficie  a  L.  Sulla 
civis  romanus  factus  est,  omnibus  scientibus,  Lily- 
bsi  abstulisti.  Non  tibi  objicio,  quod  hominem 
dignissimum  tuis  moribus^pollonium,  Niconis 
filium,  Drepanitanum ,  qui  nunc  A.  Clodius  vo- 
catur,  omni  ^rgento  optime  facto  spoliasti  ac  de- 
peculatus  es  :  taceo  :  non  enim  putatille  sibiinju- 
riam  factam  ;  propterea  qtiod  homini  jam  perdito, 
et  coUum  in  laqueum  inserenti  subvenisti ,  quum 
pupillis  Drepanitanis  bona  patria  erepta  cum  illo 
partitus  es.  Gaudeo  etiam ,  si  quid  ab  illo  abstu- 
listi; et  abs  te  nibil  rectius  factum  esse  dico.  A 
Lysone  vero  Lilybaetano,  primo  bomine,  apud 
quem  deyersatus  es ,  ApoUinis  signum  ablatum 
certe  esse  non  oportuit.  At  dices  te  émisse  :  scio  ; 
H-S  M.  Ita  opinor  :  scio ,  inquam.  Proferam  litte- 
ras  *  et  tamen  id  factum  non  oportuit.  A  pupillo 
Heio,  cui  Marcellus  tutor  est,  a  quo  pecuniam 
grandem  erîpueras ,  scaphia  cum  emblematis  Li- 
lybsei  utrum  emta  esse  dicis,  an  confiteris  erepta? 

Sed  quid  ego  istius  in.  ejusmodi  rébus  médio- 
cres injurias  coUigo,  quœ  tantummodo  in  furtis 
istius ,  et  damnis  eorum,  a  guibus  auferebat,  ver- 
sât» esse  videantur?  Accipite,  si  vultis,  judices, 
rem  ejusmodi ,  ut  amentîam  singularem ,  ut  furo- 
rem  jam,  non  cupiditatem  ejus  perspicere  pos- 
sitis.  . 

XV' III.  Mclitensis  Diodoms  est,  qui  apud  vos 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VEKRÈS,  lY.  333 
vons  avez  fait  lAaîn- basse  sur  tout  le  mobilier  de 
C.  Cacarins  ,  ôtoyen-  plein  de  talent ,  de  connais- 
sances, et  généralement  estimé;  aux  yenx  de  tons  Jes 
habitants,  vons  avez  enlevé  ane  grande  et  «aperbe 
table  de  citre  ^'  à  I^utatids  Diodorns,  que  Sylla  avait 
fait  citoyen  romain  sur  la  recommandation  de  Catnlus. 
Je  ne  vous  reproche  pas  d'avoir  dépouillé  Apotionias 
de  Drépane,  fils  de  Nicon,  et  connu  aujourd'hui  sons 
le  nom  d'Aulas  Clodius.  Tous  vons  êtes  approprié 
toute  sa  magnifique  argenterie.  Cet  homme  était  digne 
de  vous  «  je  n'ai  rien  à  dire  ;  lui-même  ne  songe  pas 
à  se  plaindre.  Il  était  perdu  sans  ressource ,  et  prêt  à 
se  donner  la  mort,  lorsque  vons  partageâtes  avec  lui 
les  dépouilles  des  pupilles  de  Drépane.  y  oui  avez  bien 
fait  de  ne  pas  le  ménager  :  c'est  la%ieilleure  action  de 
votre  vie.  Mais  Lyson,  un  des  premiers  de  sa  ville  et 
qui  vons  avait  logé  chez  lui,  il  lie  fallait  pas  loi  pren- 
dre sa  statue  d'Apollon.  Tous  prétendez  l'avoir  ache- 
tée; oui,  mille  sesterces;  je  sais  cela.  Je  produirai 
même  les  registres.  Mais  je  dirai  toujours  qu'il  ne  le 
fallait  pas  faire.  Et  les  gondoles  ornées  de  reliefs'^, 
qui  appartenaient  au  jeune  Héins,  ce  pupille  de  Mar- 
cellus,  à  qui  vous  aviez  déjà  extorqué  une  grande 
somme  d'argent ,  direz-vous  les  avoir  achetées ,  on 
convenez-vous  de  bonne  foi  les  avoir  volées? 

Mais  pourquoi  recueOlir  ces  anecdotes  communes, 
qui  présentent  partout  une  suite  uniforme  d'effets  vo- 
lés d'une  part,  et  perdus  de  l'antre  ."*  Toici  un  trait 
d'une  espèce  différente.  Jusqu'ici  vous  n'avez  vu  que 
de  la  cupidité  :  vous  allez  voir  de  l'extravagance  et 
même  de  la  frénésie. 


XTIII.  Diodore  de  Malte,  nn  des  témoins  que  vous 


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334  IN  VERREM  ACT.  II,  MB.  I\. 

antea  testimonium  dixit  ':  is  Lilybœi  multos  jara 
annos  habitat,  homo  et  domioiobiUs,  et  apud  eos , 
quo  se  contulit,  propter  virtntem  splendidus  et 
gratiosus.  De  hoc  Vçrri  dicitur ,  habere  eum  per- 
bona  toreumata;  in  his  pocula  duo  quacdam,  quse 
Thericlea  nominantur ,  Mentons  manu,  summo 
artifi<âo,  facta.  Quod  iste  ubi  audivît,  sic  cupidi- 
tate  inflammatus  est  non  solum  inspiciendî ,  -verura 
etiam  auferendi,  ut  Diodorum  ad  se  vocaret,  ac 
posceret.  lUe,  qui  il]^  non  inyitus  haberet,  res- 
pondet  se  Lilybaei  non  babere;  Melitae  apud  quem- 
dam  propinquum  suum  reliquisse.  Tupi  iste  con- 
tinuo  mittit  homiues  certos  Melitam;  scribit  ad 
quosdam  Melitenies,  ut  ea  yasa  perquirant  ;  rogat 
Diodorum,  ut  ad  illum  suum  propinquum  det 
litteras  :  nihil  ei  longius  yidebatur,  quam  dum 
illud  TÎderet  argentum.  Diodorus ,  homo  frugi  ac 
diligens,  qui  sua  servare  vellet,  prqpinquo  suo 
scribit,  ut  iis,  qui  a  Verre  venisscnt,  responde- 
ret ,  illud  argentum  se  paucis  illis  diebus  hiisisse 
Lilybseum.  Ipse  interca  recedit  :  abesse  ab  domo 
pauUisper  malnit,  quam  prapsens  illud  optime  fac- 
tum  argentum  amittere.  Quod  ubi  audi-vit  iste, 
usque  eo  est  commotus,  ut  sine  uUa  dubitatione 
insanire  omnibus,  ac  furere  videretur.  Quia  non 
potuerat  argentum  erîpere ,  ipse  a  Diodoro  erepta 
sibi  vasa  optime  facta  dicebat;  minitari  absenti 
Diodoro  ;  vociferari  palam  ;  lacrymas  interdum  vix 
tenere.  Eripbylam  accepimus  in  fabulis  ea  cupi- 
ditate,  nt,  quum  yidisset  monile,  ut  opinor,  ex 
auro  et  gemmis,  pulchritudine  ejus  incensa,  sa- 
lutem  yiri  proderet.  Similis  istius  cupiditas  :  hoc 


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SEC.  ACTION  CONTRE  YERRÈS,  IV.  3J5 
avez  enteodws,  s'est  fixé  à  lilybée  depnis  plnsienrs 
années.  Distingué  dans  sa  patrie,  il  a  mérité  par  ses 
vertus  l'estime  et  Tamitié  de  ses  nouveaux  oondtoyeQs. 
Verres  apprît  qu'il  avait  de  très  beaux  vases  travaillés 
au  tour* ,  entre  autres,  deux  coupes,  de  celles  ({u'on 
appelle  Théridées"' ,  ouvrages  admirables  de  Mentor. 
A  peine  en  fut-il  instruit ,  impatient  de  les  voir  et  de 
s'en  emparer ,  il  fait  venir  Diodore ,  et  les  lui  demande. 
Celui-ci,  qui  n'était  pas  fâché  de  les  avoir ^  répond 
qu'elles  ne  sont  pas  à  LUybée,  qu'il  les  a  laissées  4 
Malte  chez  un  parent.  Sans  perdre  un  moment,  Ter- 
rés' envoie  à  Malte  des  commissaires  affidés*  il  écrit  à 
quelques  habitants  de  lui  chercher  les  vases;  il  prie 
Diodore  d'en  écrire  à  ce  parent  :  les  moments  lui  sem- 
blent des  siècles.  Diodore,  homme  économe  et  attentif, 
était  bien  aise  de  conserver  ce  qui  était  à  lui.  Il  mande 
à  son  parent  de  répondre  aux  agents  'de  Terres  qu'il 
vient  de  faire  partir  ces  coupes  pour  Lilybée.  Cepen- 
dant il  s'éloigne,  aimant  mieux  s'absenter  pour  quel- 
que temps  que  de  perdre ,  en  «estant  chez  lui ,  ce  qn  il 
avait  de  plu^  précieux.  A  la  nouvelle  de  sa  retraite . 
le  préteur  devient  furieux.  Tout  le  monde  le  croyait 
dans  un  accès  de  folie  et  de  démence. .Parce  qu'il  n  a- 
vait  pu  saisir  les  vases  de  Diodore ,  il  disait  que  Dio- 
dore lui  volait  des  vases  admii^ablei;  il  menaçait  DIi>- 
dore  absent  ;  il  poussait  des  cris  de  rage  )  des  larmes 
même  coulaient  de  ses  yeux.  Nous  lisons  dans  la  fable 
qu'Érîphyle ,  à  la  vue  d'un  collier  d'or  enrichi  de  pier- 
reries, fut  éprise  d'une  passion  si  violente  que,  pour 
l'obtenir,  eUe  trahit  et  sacrifia  son: époux.  Telle  et 
plus  violente  et  plus  furieuse  encore  était  la  passion 
de  Terrés.  Ériphyle  du  moins  avait  vu  ce  qu'elle  dé- 

*  f^ojr.  le  Mémoire  tk  Heyue  sur  la  toreutique,  t.  TH 
de  V/Iist.  de  l'Art,  par  Winkelmann ,  trad.  fr. ,  p.  ifj  >. 


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536  IN  VERREM  ACT.  Il,  LIB.  IV.  ^ 

etiamacrioT  atque  insanior,  quod  illa  cupiebat  id , 
quod  Tiderat;  hujus  libidînes  non  solumoculis, 
sed  etiam  auribus  excitabantur.    «^ 

XIX.  Conquiri  Diodorum  tota  provîncia  jubet. 
lUe  ex  Sicilia  jam  castra  moverat,  et  vasa  coUe- 
gerat.  Homo  \  lit  aliquo  modo  illum  in  provinciam 
reyocaret ,  banc  excogitavit  ratîonem ,  si  h»c  ratio 
potius,  quam  amentia  nominanda  est  :  apponit  de 
suis  cauibus  quemdam ,  qui  dicat ,  se  Diodorum 
Melitensem  rei  capitalis.reum  velle  facere.  Primo 
mirum  omnibus  TÎderi,  Diodorum  reum,  bomi- 
nem  quietissimum,  abomni  non  modo  'facinoris, 
-verum  etiam  minîmi  errati  suspicione  remotissi- 
mum  ;  deinde  esse  perspicuum ,  fieri  omnia  illa 
propter  argentum.  Iste  non  dubitat  jubere  nomen 
deferri  :  et  tum  primum  opinor  istum  absentis  no- 
men  récépissé.  Res  clara  Sicilia  tota,  propter  cadati 
argent!  cupiditatem  reos  fîeri  rerum  capitalium; 
neque  solum  prœsentes  reos  fieri ,  sed  etiam  ab- 
^  sentes.  Diodorus  Romse  sordidatus  circum  patro- 
nos  atque  bospites  cursare  :  rem  omnibus  narrare. 
Litterae  mittuntur  isti  a  pâtre  véhémentes;  ab  ami- 
cis  item  :,  videret,  quid  ageret;  de  Diodoro  quo 
progrederelur  :  rem  claram  esse,  et  invidiosam; 
insanire  hominem;  periturum  boc  uno  crimine , 
nisi  cavisset.  Iste  etiam  tum  patrem,  si  non  in 
parentis,  at  in  bominum  numéro  putabat;  ad  ju- 
dicium  nondum  se  satis  instruxerat  :  primus  annus 
erat  provinciœ  :  non ,  ut  in  Sthenio ,  jam  refertus 
pecunia.  Itaquefuror  ejus  pauUulum,  non  pudore, 
sed  metu  ac  timoré  repressus  est  :  condemnare 
'  OUm,  facinore. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  IV.  337 
sîraît;  mais  Verres  se  passionnait  sur  nn  ouï- dire,  et 
les  désirs  entraient  dans  son  âme  par  les  oreilles  comme 
par  les  yeux. 

XIX.  Il  ordonne  qu'on  cherche  Diodore  par  tonte 
la  province.  Diodore  avait  déjà  £ùt  retraite ,  il  n'était 
plos  en  Sicile.  Afin  de  la  forcer  à  reparaître,  Verres 
imagine  cet  expédient ,  on  plutôt  ce  chef-  d'oeavre 
d'extravagance  :  il  aposte  an  de  ses  limiers  ponr  in- 
tenter an  procès  criminel  à  Diodore.  D'ahord  la  sur- 
prise est  extrême.  Diodore  accusé!  lui,  le  plus  paisible 
des  hommes  et  le  moins  fait  ponr  être  soupçonné ,  je 
ne  dis  pas  d'une  action  criminelle ,  mais  même  de  la 
faute  la  plus  légère.  On  reconnut  bientôt  que  ses 
beaux  vases  faisaient  tout  son  crime.  Le  préteur,  sans 
balancer,  reçut  la  dénonciatiofa,  et  je  crois  que  c'est 
la  première  qu'il  ait  admise  contre  un  absent  ''.  Voilà 
.donc  toute  la  Sicile  informée  qu'on  traduit  devant  les 
tribunaux  ceux  qui  possèdent  de  beaux  vases,  et  que 
l'absence  même  ne  met  pas  à  l'abri  des  poursuites  ju-. 
diciaires.  Cependant  Diodore  était  à  Rome.  Il  se  pré- 
sente en  habit  de  deuil  chez  ses  patrons,  chez  ses 
hôtes  :  il  leur  raconte  l'affaire.  Le  père  de  Verres  écrit 
à  son  fils  dans  les  termes  les  plus  énergiques.  Ses  amis 
lui  mandent  de  prendre  garde  à  ce  qu'i).  fait;  qu'il  se 
compromet  étrangement  vis-à-vis  de  Diodore  ;  que  la 
vérité  est  connue;  que  chacun  est  révolté;  qu'il  a 
perdu  la  raison;  que  s'il  n'y  fait  attention,  cette  affaire 
su£Bt  pour  le  perdre.  Quoique  Verres  n'eût  pas  un 
profond  respect  ponr  son  père ,  il  daignait  encore 
l'écouter  ;  il  ne  se  voyait  pas  alors  en  état  d'acheter  le 
silence  des  lois.  C'était  la  première  année  de  sa  pré- 
tare :  il  n'avait  pas  encore  accumulé  autant  de  richesses 
que  dans  le  temps  de  l'affaire  de  Sthénius.  Il  met  donc 
nn  frein  à  sa  fîirenr  :  contenu  par  la  crainte  plus  que 

VTII,  «9 


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338  IN  YERREM  ACT.  n,  LIB.  IT. 

Diodorum  non  audet  ;  absentem  de  reis  eximlt. 
Diodoms  interea ,  prsetore  isto ,  prope  triennium 
proyincia  domoque  caruit.  Ceteri  non  solum  Si- 
culi ,  sed  etiam  cives  romani  hoc  statuerant  :  quo> 
niam  iste  tantum  cupiditate  progrederetur ,  nihil 
esse,  quod  qùisquam  putaret  se;  quod  isti  paullo 
magis  placeret ,  conservare  ,  aut  domi  retineW' 
posse. 

XX.  Postea  -vero  quam  intellexerunt ,  isti  vi- 
rum  fortera ,  quem  summe  proyincia  exspectabat , 
Q.  Arrium  non  succedere;  statuerunt  se  nihil  tam 
clausum,  neque  tam  reconditutd  posse  habere , 
quod  non  istius  cupfditati  apertissimum  prom- 
tissimumque  esset.  Tum  iste  ah  équité  romano 
splendido  et  gratioso,  Cn.  Calidio,  cujus  fîliuni 
sciebat  senatorem  populi  romani  et  jiidicem  esse , 
equuleos  argenteos  nobiles,  quique  maximi  fue- 
ratit,  aufert.  Imprudens  hue  incidi,  judices,;  émit 
enim ,  non  abstuUt  :  nollem  dixisse  :  jactabit  se , 
et  in  bis  equitabit  ecpiuleis.  Emi  ;  pecuniam  solyi . 
Credo ,  etiam  tabula;  proferentur  :  est  tanti.  Cedo 
tabulas;  dilue  sane  crimen  hoc  Calidianum,  duni 
ego  tabulas  adspicere  possim.  Verumtamen  quid 
erat,  quod  Calidius  Romae  quereretur,  se,  quum 
tôt  annos  in  Sicili»  negotiaretur ,  abs  te  solo  it» 
esse  contemtum ,  ita  desp^ctom ,  ut  etiam  una  cuui 
ceteris Siculis  despoliaretur,  4^<n^i^s^  Quid  erat, 
quod  confirmabat,  se  abs  te  argentum  esse  repeti- 
turum ,  si  tibi  sua  yoluntate  yendiderat?  Tu  porro 
possel  facere,  ut  Cn.  Calidio  non  redderes?  prse- 
sertim  quum  is  L.  Sisenna,  defensore  tuo,  tam 
familiariter  ttteretur;  et  quum  ceteris  familiaribus 
Siscnnse  reddidisses? 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  IV.  33ij 
par  la  honte,  il  n'ose  condamner  Diodore;  il  refface, 
comme  absent,  de  la  liste  des  accusés.  Celui-cî  cepen- 
dant se  garda  bien  de  rentrer  en  Sicile ,  tant  qne  dura 
la  prétnre  de  Verres ,  c'est-à-dire  pendant  près  de  trois 
ans.  Siciliens,  Romains,  tons  les  antres  s^étaient  rési- 
gnés :  îU  sentaient  que  sa  cupidité  se  portant  à  de  tels 
excès ,  il  leur  était  impossible  de  conserver  et  de  gar- 
der chez  eux  rien  de  ce  qui  aurait  le  malheur  de  lui 
plaire.  * 

XX.  Ils  espéraient  que  Q.  Arrins  viendrait  le  rempla- 
cer :  la  province  l'attendait  avec  impatience  *.  Quand 
ib  virent  leur  attente  déçue ,  ils  comprirent  qu'ils  ne 
pourraient  avoir  de  porte  ii  bien  fermée  qne  sa  cupi- 
dité ne  sût  l'ouvrir ,  de  dépôt  si  bien  caché  qne  ses 
mains  ne  pussent  l'atteindre.  Ce  fut  alors  qu^il  etdeva 
de  petits  dievanx  d'argent  très  renommés  et  d'un  très 
grand  prix  à  un  chevalier  romain  de  la  première  dis- 
tinction, à  Cn.  Calidius,  dont  il  savait  que  le  fila  était 
à  Rome  sénateur  et  jugcl  Mais  j'ai  tort;  il  ne  les  a  pas 
^enlevés  :  il  les  a  achetés.  Je  me  suis  trop  hasardé. 
Comme  il  va  se  pavaner  sur  ces  petits  chevaux  1  /e  les 
ai  achetés;  Je  les  ai  payés.  Je  le  croîs,  Verres.  Les  re- 
gistres même  seront  produits  :  la  chose  en  vaut  la 
peine.  Voyons-les,  et  je  n^nsîste  plus.  Cependant,  si 
vous  aviez  acheté ,  pourquoi  Calidius  se  phdgnait-îl  à 
Rome  que ,  depuis  tant  d'années  qu'il  fait  le  commerce 
en  Sicile ,  vous  seul  l'avez  assez  dédaigné ,  assez  mé- 
prisé pour  le  dépouiller,  ainsi  que  l«<i«rnier  des  Sici- 
liens ?  S'il  vous  les  avait  vendns  librement ,  pourquoi 
;tssnratt-il  qu'il  les  réclamerait  devant  les  tribunaux? 
Kt  comment  vons  dispenser  4e  les  rendre  ?  Calidius  est 
l'intime  ami  de  L.  Sisenna ,  votre  défenseur  ;  et  vous 
avez  renc^  aux  autres  amis  de  Sisenna. 

*  Il  fut  envoyé  contre  Spartacui. 


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340  IN  VERREM  ACT.  II,  LIB.  IV. 

Deinde  non  opinor  negaturum  esse  te,  hominî 
honesto ,  sed  non  gratiosîori ,  quam  Calidius  est , 
L.  Cordio  argentum  per  Potamonem,  amicum 
tunm ,  reddidisse  :  qni  quidem  ceterorum  causam 
apud  te  (liffîciliorem  fecit.  Nam  quum  te  complu- 
ribus  confirmasses  redditurum ,  posteaquam  Cor- 
dius  pro  testimonio  dixit ,  te sibi  leddidisse , finem 
recidendi  fecisti;  quod  intellexisti ,  te,  praeda  de 
manibus  amîssa,  testimonium  tamen  efîugere  non 
posse.  Cn.  Calidio ,  equiti  romano ,  per  omnes 
prxtores  licuit  argentum  habere  bene  factura  ; 
licuît  posse  domesticis  copiis,  quum  magistratum , 
aut  jdiquem  superiorem  invitasset,  omare  et  ap- 
parare  conyiyinm  ; 'multi  domi  Cn.  Calidii  cum 
imperio  ac  potestate  fuerunt  :  nemo  inyentus  est 
tam  amens,  qui  illud  argentum  tam  prœclamm  ac 
tam  nobile  erîperet;  nemo  tam  audax,  qui  posce- 
ret  ;  nemo  tam  impudéns,  qui  postularet,  ut  yen- 
derct.  Superbum  est  enim,  judices,  et  non  feren- 
dum,  dicere  prœtorem  in  proyincia  homini  ho- 
nesto ,  locûpleti ,  splendido  :  «  Vende  mihi  vasa 
caelata.  »  Hoc  est  enim  dicere  :  Non  es  dignus  tu, 
qui  habeas,  quse  tam  bene  facta  sint;  meae  digni- 
tatis  ista  sunt.  Tu  dignior.  Verres,  quam  Cali- 
dius ?  qui  (  ut  non  conferam  yitam ,  atque  existi- 
mationem  tuam  cum  illius;  neque  enim  est  confe- 
renda  :  hoc  ipsum  conferam ,  quo  tu  te  superiorem 
fingis)  quod  H-S  lxxx  millia  diyisoribus,  ut  prse- 
tor  renuntiarere ,  dedisti;  trecenta  accusa  tori ,  ne 
tibi  odiosus  esset;  ea  re  contemnis  equestrem  or- 
dinera ,  ac  despicis  ?  ea  re  indignum  ti]pi  yi^um 
est,  quidquam,  quod  tibi  placeret,  Calidium  po- 
tins habere,  quam  te  ? 


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SEC.  ACnON  COïmiE  TERRES,  FV.  341 
Nierez-voQS  que  votre  fidèle  Poumon  ait  nestitaé 
de  votre  part  rargenterie  de  L.  Cordias,  citoyen  hon- 
nête sans  doute,  mais  qni  n'a  pas  pins  de  droits  qne 
Caliciins  à  la  considéi;ation  pnbliqne  ?  C'est  même  ce 
Cordins  qai  a  fait  tort  aux  antres.  Plusieurs  avaient 
votre  narole;  mais  depuis  gn*îl  a  déposé  que  vous  lui 
aviez  Fait  restitution,,  vous  avez  pris  le  parti  de  ne  plus 
rendre ,  poisqn'en  lâchant  la  proie ,  vous  ne  fermiez 
pas  la  bouche  aux  témoins.  Avant  vous ,  tous  les  pré- 
teurs avaient  permis  à  Calidius  de  posséder  une  belle 
argenterie.  Lorsqu'il  incitait  un  magistrat,  on  quelque 
citoyen  d'un  rang  supérieur ,  il  avait  le  droit  d'orner 
et  de  parer  sa  table  de  ses  ridlesses  domestiques.  Des 
hommes  revêtus  de  Tautorité  ont  souvent  été  reçus 
dans  sa  maison.  Nul  d'eux  n'a  jamais  été  assez  extra- 
vagant pour  enlever  cette  argenterie  si  b^e  et  si  jus- 
tement admirée ,  assez  audacieux  pour  la  demander, 
assez  impudent  pour  lui  proposer  de  la  vendre.  ïTeat- 
ce  pas  en  effet,  dans  un  préteur  ,^le  comble  de  l'orgmeil 
et  l'excès  du  despotisme  que  de  dire  à  un  de  ses  admi^ 
nistrés,  homme  honnête,  opulent,  qui  tient  un  grand 
état  :  Vendez-moi  vos  vases  ciselés.  Cest  lui  dire  :  Yoas 
n'êtes  pas  digne  de  posséder  de  si  beaux  ouvrages;  ils 
sont  faits  pour  un  homme  comme  moi.  Un  homme 
comme  vous ,  Terres  !  Je  ne  ferai  pas  à  Calidius  l'in- 
jure de  comparer  \otife  vie  avec  la  sienne ,  sa  réputa- 
tion aveu  la  vôtre.  Mais  dans  les  choses  mêmes  sur 
lesquelles*  vous  fondez  votre  prétendue  supériorité, 
qn'avez-vous  plua  que  lui?  Quatre-vingt  mille  sesterces 
remis  aux  distributeurs,  pour  vous  faire  nommer  pré- 
teur ^^  ,  trois  cent  mille  donn^  pour  acheter  le  silence 
d'un  accusateur  ^^ ,  vous  assurent-ils  le  droit  de  mé- 
priser, de  dédaigner  l'ordre  des  chevaliers,  et  de  trou- 
ver mauvais  que  Calidius  possède  plutôt  que  vous  de» 
choses  qui  vous  plaisent? 


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342  IN  \ERRKM  AX}T,  II,  U».  IV. 

XXI.  Jactat  se  jamdudam  de  Calidio  :  narrât 
omnibus  se  émisse.  Nnm  etiafm  de  L.  '  Papirio , 
▼iro  primarioy  locuplet»,  konestocpie  équité  ro- 
mano,  thuribuluBiemisti  ?  qui^pro  testimonio  dixit, 
te ,  quum  inspiciendum  ^Soposcisses,  *  avulso  em- 
blemate  remisisse  :  utintellîgatis,  in  hominei&ntel- 
ligentiam  esse,  non  al^aritîara;  artificil  cupidum, 
non  argent!  fuisse.  Nec  solum  in  Papirio  fuit  hac 
abstinentia  :  tenuit  hoc  înstitutum  in  tburibulis 
omnibus ,  quœcumque  in  Sicilia  fuerunt.  Incredi- 
bile  est  autem ,  quam  multa ,  et  quam  praeclara 
fuerint.  Credo  tum  ,  guum  SiciUt  florebat  opibus 
et  copiisy  magna  artificia  fuiss^in  ea  insula  :  nam 
domus  erat  ante  istum  praetorem  nalla  panllo  locu- 
pletior,  qua  in  dcuno  base  non  essent,  etiamsi 
praârrea  nihîl  esset  argenti  :  patella  grandis  cum 
sigilHs ,  ac  nmulacris  deorum  ;  patera ,  qua  mnlie- 
ref  4d  res  divinas  utere^tur  ;  tburibulum  :  hsec  au- 
tem omnia  antiquo  opère ,  et  summo  artificîo  facta  : 
ut  hoc  liceret  suspicari,  fuisde  aliquando  apud  Si- 
culos  '  persBqua  proportion©  cetera  ;  sed  qui  bus 
multa  fortuna  ademisset,  tamen  apud  eos  reman- 
sisse  ea,  quae  religio  retinuisset. 


Dixi,  judices,  'multa  fuisse  fere  apud  Siculos 
onmes  :  ego  idem  confirmo,  nusc  ne  unum  qui- 

'  £dd.  pr.,  Papiuio,  t^  mss.  GrœvU;  ted  libéra  repw 
blica  nulli  diim  Papinu  reperiimtur.  —  *  Ernest,  ex  edd. 
'vett.,  vulso;  alii,  evulso.  —  ^Ernest.,  Turnebttm  secu- 
tus,  Adversar.,  VITI ,  ro ,  edidit ,  per.Tque  pro  por- 
tioDP. 


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SEC  ACTION  CONTRE  "VERRES,  IV.  $4^ 
X^t.  Il  y  a  tong-temp&qa'il  triomphe  sur  cet  article  : 
îl  va  disant  paaoat  qu'il  a  payé.  £h  bien  !  Yeérès , 
aves-vona  payé  anâsi  là  cassolette  de  L«  Papirias.^  '  ?  Ce 
chevalier  romain ,  également  distingué  par  son  rang  «t 
sa  fortune ,  a  déposé  que  Payant  demajtkdée  ponr  la  voir, 
vous  la  renvoyâtes  après  en  avoir  détaché  les  relief; 
car  il  faut  que  vous  sachiez ,  citoyens ,  que  ^  la  part 
de  Yerrès  c'est  affaire  de  goût,  et  non  cupidité  :  ce 
n'est  point  h\  matière  ,  c'est  l'art  qu'il  recherche.  Pa- 
pîrins  n'est  pas  le  seul  qui  se  soit  aperçu  de  ce  noble 
désintéressement  ;  "Verres  s'est  conduit  suivant  les  mê- 
mes principes  dans  l'examen  de  touteç  les  cassolettes 
qui  existaient  en  Sicile.  Or  vous  ne  ponn^^  con^cevoir 
quel  en  était  le  nombre ,  qnette  en  était  la  beauté.  Il 
est  probable  que  celie  prOvintoe,  dans  les  temps  de  sa 
gloire  et  de  sa  splendeur,  possédait  une  infinité  de 
che£i~d'œavre  en  ce  genre*  ;,car  avant  la  prétare  de 
Verres ,  il  n'était  pas  nne  maUon  ^n  peu  aisée,  dans 
laquelle  on  «ne  trouvât  au  moins  un  grand  plat  pour 
les  sacrifices ,  orné,  de  reliefs  et  des  images  de  quel- 
ques dieux  f  une  patère  dont  les  femmes  se  servaient 
pcmr  les  libations ,  une  ca^olette ,  et  tout  cela  d'un 
goût  antique  et  d'un  travail  achevé.  D'où  l'on  peut 
conjecturer  qu'autrefois  les  autres  ornements  étaient 
..  aussi  communs  en  proportion,  et  que  les  Siciliens,  à 
qui  la  fortune  en  a  ravi  la  plus  grande  partie ,  avaient 
conservé  du  moim^^ceux  que  la  religion  avait  retenus. 
Jetons  ai  dit  qu'il 'exist&It' beaucoup  de  ces  objets 
précieux  chez  presque  tous  les  Siciliéhs;  j'affirme  qu'au- 
jourd'hui il  n'en  reste  pas  un  seul.  .Grands  dieux ,  quel 

*Winkelmann  observe,  Liv.  VI,  chap.  4,  que  les 
malheurs  de  la  Sicile  n*y  étouffèrent  jamais  le  goût  des 
arts  ;  on  en  peut  juger  par  les  belks  médailles  qai  nous 
restent  de  cette  î-le. 


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344  IN  VEB.REM  ACT.  II,  LIB.  IT. 

dem  esse.  Quid  hoc  est?  quod  monstrum,  quod 
prodfgium  in  provmciam  misimus?  Nonne  vobis 
id  egisse  videtur ,  ut  non  unius  libidinem ,  non 
snos  oculos ,  sed  omnium  cupidissimorum  insanias , 
quuni  Roraam  revertisset,  expleret?  qui  simul  at- 
que  in  oppidum  quopiam  yenerat,  îmmittebantur 
illi  conlÉiuo  Cibyratici  canes,  qui  investigabant 
et  persçrutabàntur  omnîa.  Si  quod  erat  grande  vas , 
et  majus  opus  inventum ,  lœti  adferebant  :  si  minus 
ejusmodi  quippiam  yeuari  potuerant ,  illa  quidem 
certe  pro  lepusculis  capiebantur ,  patellae ,  paterae , 
thuribula.  Hic  quos  putatis  fletus  mulierum?  quas 
lamentationes  fîeri  solitas  esse  iuhisce  rébus?  quae 
forsitan  yobis  paryœ  esse  yideantur  :  sed  magnum 
et  aierbum  dolorem  commoyent ,  mulierculis  prae- 
sertim ,  quum  eripiuntur  e  manibus  ea ,  quibus  ad 
res  diyinas  uti  cousuerunt,  quae  a  suis  acceperunt^ 
quse  in  famiiia  semper  fuerunt. 

XXII.  Hic  nolite  exspectare,  dum  ego  hoc  cri- 
men  agam  ostiatim;  ab  ^schylo  Tyndaritano  is- 
tum  pjiteram  abstulisse^a  Thrasone  item  Tynda- 
ritano  patellam;  a  ^ymphodoro  Agrigentino  thu- 
ribulûm.  Quum  testes  ex  Sicilia  dabo ,  quem  yolet, 
ille  eligat,  quem  ego  interrogem  de  patellis,  pa- 
terisy  thuribulis  :  non  modo  oppidum  nullum , 
'  sed  ne  domus  quidem  paullo  locupletior  expers 
hujus  injurîœ  reperietur.  Qui  quum  in  convivium 
yeuisset,  si  quidquam  caelati  adspexerat,  manum 
abstînere,  judices,  non  poterat.  Cn.  Pompeius  est 
Philo ,  qui  fuit  Tyndaritanus  :  is  cœnam  isti  dabat 

'  Ernest,  ex  edd.  ^eu.  et  quihusdam  codd. ,  domiu 
niella  p.  1. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES ,  lY.  345^ 
âéaa  !  qad  ravageur  nous  avons  envoyé  dans  cette  mal- 
henrtfHse  province  !  Ne  semble-t-il  pas  qn'il  se  soit  pro- 
posé ,  non  de  r«paitre  sa  propre  cnriosité  et  sa  seule 
avarice,  mais  de  satisfaire,  à  son  retour,  les  fantaisies 
de  tons  les  hommes  les  pins  avides?  S'il  entrait  dans  une 
ville ,  aussitôt  il  lâchait  ses  deux  limiers  ;  ils  se  mettaient 
en  quête,  ils  furetaient  partout.  S'ils  découvraient  quel- 
que grand  vase ,  une  pièce  importante ,  ils  l'apportaient 
.  en  triomphe.  Quelquefois  la  chasse  était  moins  heu- 
reuse ;  ils  se  contentaient  de  menu  gibier,  de  plats,  de 
coupes,  de  cassolettes.  Combien  de  femmes  durent  alors 
verser  de  larmes  !  quels  cris  lamentables  elles  firent  en- 
tendre !  Peut-être  leurs  douleurs  Vous  sembleront-eUes 
frivoles  et  peu  dignes  d'attention  ;  mais  c'étaient  des 
femmes.  Songez  combien  il  est  dur  et  cruel,  surtout 
pour  ce  sexe ,  de  se  voir  arracher  des  vases  dont  on 
s'est  toujours  servi  pour  les  sacrifices ,  qu'on  a  reçus 
de  ses  ancêtres ,  et  que  de  tout  temps  on  a  vus  dans  sa 
famille. 

XXII.  N'attendez  pas  que  je  parcoure  toutes  les  mai- 
sons de  la  proviâce,  et  que  je  vous  dise  :  Il  a  pris  une 
coupe  à  Eschyle  de  Tyndare ,  un  plat  à  Thrason  de  la 
même  ville ,  une  cassolette  à  Nymphodore  d'Agrigente. 
Quand  je  produirai  les  tén#îns siciliens,  qu'il  choisisse 
celui  qn'U  voudra  :  je  l'interrogerai  sur  ces  détails  trop 
uniformes,  et  vous  verrez  qu'il  n'est  pas  une  ville,  pas 
même  une  maison  un  peu  fortunée,  qui  n'ait  à  réclamer 
quelques  effets  de  cette  nature.  Il  venait  à  un  repas  : 
il  voyait  une  pièce  de  vaisselle  ciselée.  Entraîné  par  une 
force  irrésistible ,  il  fallait  qn'il  y  portât  la  main.  Cn. 
PompéiusPhilon*,  autrefois  citoyen  de  Tyndare,  l'avait 
invité  à  sa  campagne.  Il  fit  ce  que  nul  Sicilien  n'osait 

♦  Sicilien  ,  qui  devait  sans  douté  à  Pompée  le  titre  de 
citoyen  romain.  ^ 


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346  IN  YERREM  ACT.  II,  LIB.  lY. 

apud  viilaiti  in  Tyndaritano.  Fecit,  quod  Siculi 
non  aadebant;  îlle,  ci  vis  romanus  quod  erat,  im- 
punius  id  se  facturum  putavit  :  apposiùt  pateUa^^ 
in  qua  sigilla  erant  egregia.  Iste  ccmtinuo  ut  TÎdit , 
non  dnbitavit  illud  insigne  penatium*  hospitalium- 
que  deorum  exhospitali  mensa  tôlière  :  sed  tamen, 
quod  antea  dé  istius  abstineôtia  dixeram ,  sigillis 
avulsis  reliquum  argentum  sine  ulla  ayaritia  red- 
didit. 

Quid?  Eupolemo  Calactino,  homini  nobili,  Lu- 
cuUorum  bospiti  ac  perfamiHari  ^  qui  nunc  apud 
eXiBrcitum  cum  L.'  Lucullo  est ,  non  idem  fecit  ? 
Cœnabat  apud  eum  :  argentum  ille  ceterum  purum 
apposuerat,  ne  purus  ipse  relinqueretur  ;  duo  po- 
ciila  non  magna ,  verumtamen  cum  emblematis. 
Hic  y  quasi  festivum  acroama,  ne  sine  corollarto 
de  convivio  discederet ,  ibidem ,  conTivis  inspec- 
tantibus,  emblemata  ayellenda  cura  vit. 


Neque  ego  nunc  istius  facta  omnîa  enumerare 
conor  ;  neque  opus  est ,  nec  fîeri  ullo  modo  potest. 
Tantummodo  uniuscujusque  de  varia  improbitate 
generis  indicia  apud  vos ,  et  exempla  profero  :  ne-  • 
que  enim  ita  se  gessit  in  bis  rébus,  tan'qaam  ratio- 
ném  aliquando  esset  redditurus  ;  sed  prorsus  ita , 
quasi  aut  reus  nunquam  esset  futurus ,  aut  quo 
plura  abstulisset ,  eo  minore  peripulo  in  judicium 
esset  venturas  :  qui  hsec,  qu«a  dioo,*  jam  non  oc- 
culte ,  non  per  amicos  atque  interprètes,  sed  pa- 
lam,  de  loco  superiore,  ageret  pro  imperio  et 
potestate. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  IV.  347 
faire  ;  mais  il  pensait  qu^un  Romain  avait  des  droits 
qae  les  Siciliens  n^avaient  pas.  Il  fit  placer  snr  sa  table 
nn  plat  enrichi  c|e  trèsl>elles  figures.  Verres  le  voit,  et 
Verres  à  Vinstantsaisit  sur  la  table  d'un  hôte  cette  pièce 
consacrée  aux  dieux  domestiques,  aux  dieux  protec- 
teurs de  rhospitalité.  Cependant ,  par  une  suite  de  ce 
désintéressement  dont  je  vous  parlais  tout  à  Theure ,  U 
se  contenta  de  détacher  les  figures,  et  rendit  généreu- 
sement ce  qui  restait  de  cette  pièce  d'argenterie. 

'  N'en  a-t-îl  pas  usé  de  même  à  Végard  d'Eupolème  de 
Calacte ,  d'une  famille  noble  ,  l'hôte  et  Tami  des  Lu- 
cûUus,  qui,  dans  ce  moment,  est  à  l'armée  auprès  de 
Lucius  Lucullus  ^'  ?  Il  sonpait  chez  lui.  Eupolèrae  avait 
^t  servir  son  argenterie  dépouillée  de  ses' reliefs ,  afin 
que  le  préteur  ne  fut  pas  tenté  de  la  dépouiller  lui- 
même.  Deux  coupes  seulement,  ^et  toutes  deux  assez 
petites ,  os^nt  paraître  avec  leurs  ortfemeiîts.  L^pré- 
teur ,  comme  s'il  eût  été  l'igi  de  ces  boufibns  ^^  qu'on 
mande  pour  Tamusement  de  la  société ,  ne  voulut  pas 
se  retirer  du  festin  sans  emporter  sa  petite  couronne, 
et  à  la  vue  des  convives  il  fit  détacher  les  figures. 

Je  n'entreprends  pas  de  dénombrer  tous  ses  vols  : 
cette  énuméradon  est  inutile ,  elle  est  même  impossi- 
ble. Seulement  je  présente  en  chaque  genre  des  essais 
et  des  exemples  de  ses  déprédations  variées  sous  toutes 
les  formes  ;  car  il  n'agissait  pas  comme  un  homme 
qui  doit  un  jour  rendre  compte  de  ses  action^  il  sem- 
blait s'être  persuadé  c[ae  jamais  il  ne  serait  accusé,  on 
que  la  multiplicité  même  de  ses  vols  en  assurerait 
l'impunité.  Ce  n'était  pluâ  dans  l'ombre,  ni  parles 
mains  de  ses  amis  et  de  ses  agents  qu'il  commettait 
ses  crimes,  mais" ouvertement,  du  haut  de  son  tribu- 
nal ,  en  déployant  tout  l'appareil  de  l'autorité. 


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348  m  TERREM  ACT.  H,  LIE.  FV. 

XXIII.  Catinam  quum  yenisset,  oppidum  locu- 
pies ,  honestum ,  copiosum ,  Dionysiarcbum  ad  se 
proagOTum,  hoc  est,  summum  magistratum,  vo- 
cari  jubet  :  ei  palam  imperat ,  ut  omne  argentum , 
quod  apud  quemque  esset  Catinœ,  conquirendum 
curaret,  et  ad  se  transferendum.  Philarchum  Cen- 
turipinum  ,  primum  hominem  génère ,  Tirtute , 
pecunia ,  non  hoc  idem  juratum  dicere  audistis , 
sibi  istum  negotium  dédisse ,  atque  imperayisse , 
ut  Centuripinis ,  in  civitate  totius  Siciliae  multo 
maxima  et  locupletissima ,  omne  argentum  con- 
quireret,  et  ad  se  comportari  juberet?  Agyrîo  si- 
militer  istius  imperio  yasa  Corinthia  per  ApoUo- 
dorum,  quem  testem  audistis,  Syracusas  deportata 
sunt. 

Illa  yero  optima ,  quod ,  quum  ad  Haluntium 
yenisset  prator  laboriosus  et  diligens,  ipse  in 
oppidum  accedere  noluit ,  quod  erat  di£Qcili  ad- 
scensu  atque  arduo  ;  Archagathum  Haluntinum , 
hominem  non  solum  domi  su»,  sed  tota  Sicilia 
in  primis  nobilem ,  yocari  jussit  ;  ei  negotium 
dedif,  ut,  quidquid  Haluntii  esset  argenti  caslati, 
aut  si  quid  etiam  Corinthiorum ,  ici  omne  statim 
ad  mare  ex  oppido  deportaretur.  '  Escendit  în 
oppidum  Archagathus.  Homo  nobilis,  qui  a  suis 
et  amari  et  diligi  yellet,  fereTjat  grayiter  illam  sibi 
ab  isto  proyinciam  datam;  nec,  quid  faceret,  ha- 
bebat.  Proi^tmtiat ,  quid  sibi  imperatum  esset  : 
.  jubet  omnes  proferre ,  quae  haberentl  Metus  eràt 
summus  :  ipse  eaim  tyrannus  non  discedebat  lon- 
giu$4  Archagathum,  et  argentum,  in  lectica  cu> 
bans ,  ad  mare  infra  oppidum  exspectabat. 
'  Sic  Grtey.  e  ms.  reg.  Al.,  Adscendit. 

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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  IV.  349 
XXIII.  Il  aiTÎTe  à  Catane,  ville  riche  et  célèbre  ; 
il  mande  Dionysîarqae  qui  en  était  proagore  *,  c'est- 
à-dire  le  premier  magistrat ,  et  loi  ordonne  pabli^ne- 
ment  de  rechercher  tonte  Fargenterie  qui  se  trouvera 
dans  la  ville,  et  de  la  Ini  apporter.  Philarqne,  un  des 
premiers  citoyens  de  Centorbe  par  son  mérite  per- 
sonnel ,  par  sa  naissance  et  sa  fortnne,  a  déclaré  sons 
serment  qn'ime  pareillelnjonction  lui  a  été  faîte  pour 
cette  ville ,  une  des  plus  opulentes  et  des  plus  consi- 
dérables de  la  Sicile.  Par  un  ordre  semblable ,  ApoUo- 
dore ,  dont  vous  avez  entendu  la  déposition ,  fit  de 
même  transporter  à  Syracuse  les  vases  corinthiens 
qui  étaient  dans  la  ville  d'Agyre. 


Mais  voici  le  trait  le  plus  admirable.  Notre  actif  et 
infatigable  préteur  s'était  approché  d'Halnntium.  La 
ville  est  sqr  une  hauteur  et  d'un  accès  difficile.  Il  ne 
voulut  pas  se  donner;  la  peine  de  monter  jusque  là.  Il 
mande  Archagathe ,  citoyen  qui  jouit  de  la  plus  grande 
considération  dans  sa  patrie  et  dans  toutes  la  Sicile. 
H  le  charge  de  faire  apporter  aussitôt ,  sur  le  bord  de 
la  mer,  l'argenterie  ciselée ,  et  même  tout  ce  qu'il  y  a 
de  vases  corinthiens  dans  Haluntîum.  Archagathe 
-remonte.  Cet  homme  honnête ,  et  jaloux  de  mériter 
l'estime  et  l'amitié  de  ses  compatriotes  ,  était  désespéré 
d'une  commission  si  odieuse;  mais  il  fallait  obéir.  Il 
signifie  l'ordre  du  préteur  :  il  enjoint  à  chacun  de 
produire  ce  qu'il  possède.  La  crainte  était  extrême  :  le 
tyran  ne  s'éloignait  pas;  couché  dans  sa  litière,  il 
attendait  sur  le  rivage,  au  pied  delà  montagne,  Ar- 
chagathe et  l'argenterie  d^  Haltin  tiens. 

*  Inscriptions  de  Grater ,  pag.  401  :  Aio*X8oç  Tfoat- 

viir.  3o 


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s/o  IN  VERREM  ACT.  II,  LIB.  IV. 

Quem  concursum  in  oppido  factum  putatis  ? 
quem  clamorem  ?  quem  porro  fletum  muliemm  ? 
qui  vidèrent ,  equum  Trojaijum  introductum ,  - 
urbem  captam  esse  dicerent.  Efferri  sine  thecis 
vasa-,  extorqueri  alia  de  manibus  mulierum, 
offringi  multorum  fores,  revelli  claustra.  Quid 
enim  putatis  ?  scuta  si  quando  conquiruntur  a  pri- 
vatis  in  beilo  ac  tumultu,  tamen  bomines  inviti 
dant,  etsi  ad  salutem  communem  dari  sentlunt  : 
ne  quem  putetis  sine  maximo  dolore  argentum 
crœlatum  domo,  quod  alter  eriperet,  protulisse. 
Omnia  deferuntur  :  Cibyratae  fratres  Tocantur  : 
pauqa  improbant  ;  quse  probarant ,  iis  crustae  aut 
emblemata  detrahuntur.  Sic  Haluntini,  excussis 
deliciis ,  cum  argento  puro  domum  reyerterunt. 


XXIV.  Quod  unquam  ,  judices ,  hujusmodi 
eyerriculum  in  illa  provincia  fuit?  Ayertere  ali- 
quid  de  publico  quam  obscurissime  per  magistra- 
tum  solebant,  etiam  aliquid  de  priTato  nonnun- 
.quam  Qcculte  auferebant  ;  et  illi  tamen  condenma- 
bantut*.  £t)^si  quxritis,  ut  ipse  de  me  detraham, 
îllos  ego  accusatores  puto  fuisse,  qui  bujusmodi 
homiiium  furta  odore ,  aut  aliquo  leviter  presso 
vestigio  persequebantur.  Nam  nos  quidem  quid 
facimus  in  Verre ,  quem  in  luto  -volutatum  totius 
corpoi  is  vestigiis  invenimus  ?  Permagnuni  est  in 
eum  dicerc  aliquid  »  qui  prseteriens ,  lectica  paul- 
lisper  deposita,  non  perprœstigias,  sed  palam, 
per  potestatem,  uno  imperio,  ostiatim  totum  op- 
pidum compilant?  At  tamen,  ut  possit  se  dicere 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  IT.  35i 
Comment  vohs  peindre  le  tomnlte  et  Ta^tation  qui 
régnent  dans  la  ville,  les  cris,  les  plaintes  et  les  plenrs 
des  femmes?  On  eût  dit  qne  le  cheval  de  Troie  était 
entré  dans  les  mnrs,  et  qa'Halnntinm  était  pris  d'as- 
saut. Ici  des  vases  sont  emportés  sans  leurs  étuis  ;  là 
d'antres  vases  sont  arrachés  aux  femmes  ;  on  enfonce 
les  portes ,  on  brise  les  verronx.  ^i  quelquefois  dans 
une  guerre  ou  dans  une  alarme  soudaine ,  on  oblige 
les  particuliers  de  fournir  leurs  armes ,  ils  les  cèdent 
à  regi*et,  quoique  ce  soit  pour  la  défense  commluie. 
Quelle  devait  donc  être  la  douleur  des  Haluntiens,  en 
se  voyant  enlever  leur  argenterie  pour  qu'elle  devînt 
la  proie  d'un  Brigand?  Enfin  tout  est  apporté.  Les 
deux  frères  sont  appelés.  Ils  rejettent  un  très  petit 
nombre  de  pièces  ;  et  à  mesure  qu'as  approuvent ,  on 
détache  les  reliefs  et  les  figures  ^^.  Alors  les  Halun- 
tiens retournèrent  chez  eux  avec  leur  argenterie 
débarrassée  de  toutes  ces  superfluités  d'un  luxe  frivole. 
XXIY.  Quel  fléau  pour  la  province ,  et  quel  excès 
de  déprédation  !  Qn  a  vu  des  magistrats  détourner  en 
secret  quelque  somme  du  trésor  {fublic,  quelquefois 
porter  une  main  furtive  sur  les  propriétés  des  citoyens  ; 
et ,  malgré  leurs  précautions ,  ils  étaient  condamnés. 
S'il  faut  le  dire,  aux  dépens  de  mon  amour-propre, 
ceux  qui  les  accusaient  avaient  besoin  de  talent  pour 
suivre  à  la  piste  ces  larcins  ténébreux ,  et  s'attacher,  à 
des  traces  légères.  Mais  lui ,  je  trouve  toutes  les  parties 
de  son  corps  empreintes  dans  la  fange  où  il  s'est  roulé. 
Quel  talent  faut -il  poar  convainctre  un  homme  qui, 
passant  près  d'une  ville,  fait  aiTéter  un  instant  sa 
litière ,  et  sans  autre  prestige  que  l'abus  du  pouvoir 
et  la  force  d'un  ordre  tyrannique,  dépouille  ouverte- 
ment toutes  les  maisqns  de  toute  une  cité  ?  Cependant 
il  &ut  qu'il  puisse  dire  :  J'ai  acheté.  Il  charge  Archa- 


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352  IN  TERREM  ACT.  II,  LIB.  IV. 
.  émisse,  Archagatho  imperat,  ut  aliquid  illis,  quo- 
rum argentum  fnerat,  nummulorum,  dicis  causa, 
daret.  Invenit  Archagathus  paucos,  qui  y  client 
accîpere  :  his  dédit.  Eos  nummos  tamen  iste  Ar- 
cfaagatho  non  reddidit.  Voluit  Romas  petere  Ar- 
chagathus :  Cn.  Lentulus  Marcellinus  dissuasit, 
sicut  ipsum  dicere  audistis.  Recita  Arcuagathi  et 

hlLSTVJJ.  TE8TIMONIUM. 

Et ,  ne  forte  homineqi  existimetis  hanc  tantam 
vim  emblematum  sine  causa  coacervare  yoluisse , 
yidete,  quanti  yos,  quanti  existimationem  popuU 
romani ,  quanti  leges  et  judicia ,  quanti  testes  Si- 
culos,  negotiatoresque  fecerit.  Posteaquam tantam 
multitudinentcoUegerat emblematum,  ut  ne  unum 
quidem  cuiquam  reliquisset,  instituit  officinam 
Syracusis  in  regia  maximam ,  palam  ;  artifices 
omnes,  cœlatores ,  ac  yascularios  conyocari  jubet; 
et  ipse  suos  complures  habebat.  £o  conduoit  mag- 
nam  hominum  multitudinem  :  menses  octo  conti«> 
nuos  opus  his  non  defuit,  quum  yas  nullum  fieret, 
nisi  aureum.  Tum  illa ,  ex  patellis  et  thuribuiis 
quae  yellerat,  ita  scite  in  aureis  pocuUs  iiiigabat, 
ita  apte  in  scyphis  aureis  includebat,  ut  ea  ad 
illam  rem  nata  esse  diceres.  Ipse  tamen  praetor, 
qui  sua  yigilantia  pacem  in  Sicilia  dicit  fuisse,  in 
bac  officina  majorera  partem  diei  cum  tunica  pulla 
sedere  solebat,  et  pallio. 

XXV.  Use  ego,  jttdices,  non  auderem  pro- 
ferre ,  ni  yererer,  ne  forte  plura  de  isto  ab  aliis  in 
sermone ,  quam  a  me  in  judicio  audisse  yos  dice- 
retis.  Quis  enim  est,  qui  de  bac  officina,  qui  de 


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SEC,  ACTION  CONTRE  TERRES,  ÏV.  353 
fatlie  de  compter,  pour  la  forme,  quelques  pièces  de 
monnaie  à  ceux  qu'il  a  dépouillés.  Il  en  trouva  fort 
peu  qui  Yonlnssent  accepter*.  Il  les  paya.  Mais  cet 
argent  ne  lui  a  pas  encore  été  remis  par  Yerrès.  Il  a 
voulu  le  lui  demandera  Rome;  etLentulasMarcelUnus 
lui  a  conseillé  de  n'ei^rien  faire.  Vous  ^e  voyee  par  sa 
déposition.  Lisez  les  depositioits  d'Ajichagatbe  et 
DE  LEirrui.ns. 

Ne^  croyez  pas  que  S  homme  ait  accumulé  sans 
motif  ce  nombre  incroyable  d'objets  si  précieux.  Vous 
allez  voir  une  preuve  de  son  respect  pour  vçus,  pour 
Topinion  publique ,  pour  les  lois  et  les  tribunaux ,  pour 
les  Siciliens  et  nos  Romains  témoins  de  son  impu- 
dence. Après  qu'il  eut  rassemblé  tous  ces  reliefs,  et 
qu'U  n'en  re&ta  plus  un  seul  à  personne,  il  établit  un 
atelier  immense  à  Syracuse,  dans  le  palais  des  anciens 
rois ,  sous  le^  yeux  de  tous  les  habit^nts.  Il  y  rassem- 
bla tous  les  orfèvres ,  les  graveurs ,  les  ciseleurs  de  la 
province,  sans  compter  ceux  qui  étaient  à  lui;  et  le 
nombre  en  était  grand.  Cette  multitude  d'ouvriers 
travailla  buit  mois  entiers,  quoiqu'on  les  occupât 
seulement  à  des  ouvrages  en  or.  C'est  alors  que  les 
ornements  arrachés  des  plats  et  des  cassolettes,  furent 
appliqués  à  des  coupes  d'or  avec  tant  d'adresse ,  in- 
crustés avec  tant  de  goût ,  qu'ils  semblaient  avoir  été 
faits  pour  occuper  cette  place.  Cependant  ce  préteur, 
qui  veut  qu'on  fasse  honneur  à  sa  vigilance  de  la  paix 
dont  a  joui  la  Sici|ie ,  passait  la  plus  grande  partie  du 
jour  assis  dans  son  atelier,  vêtu  d'une  tunique  brune 
et  d'un  manteau  grec.  ^^ 

XXV.  Je  n'oserais  vous  entretenir  de  tous  ces  dé- 
tails, si  je  ne  craignais  pas  qu'on  ne  me  reprochât  d'en 
avoir  moins  dit  devant  ce  tribunal  que  chacun  de  vous 
n'en  apprend  dans  les  conversations  particulières.  Fn 


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^54  IN  TERIŒM  ACT.  n,  UB.  Vf. 

Tasis  Bureis,  qui  de  isbas  pallio ,  timica  pulla ,  non 
andierit?QueinToles  decoDTentn  '  Syracasanoram 
▼irum  boDum  nominaio  :  producam  i  néroo  erit , 
qoin  hoc  se  ant  yidisse ,  aut  audisse  dicat.  O  tem- 
pora  !  o  tnores  !  nihil  nimiam  vetas  proferam. 
Sunt  yestrom ,  judices ,  quam  multi  ,  qui  L.  Pîso- 
nem  'cognoyerunt ,  nujus  L.  Pisonis ,  qui  prxtor 
fiiit ,  patrem.  Is  qnum  es^  in  Hispanîa  praetor , 
qua  in  proyincia  occisus  est ,  nescio  quo  picto  , 
dnm  armis  exercetur ,  annulus  anreus,  quem  ha* 
bebat,  fractus  est  et  comminutus.  Qtium  yellet 
sibl  annulum  facere,  aorificem  jussit  yocari  in 
Cortim,  ad  sellant,  Cordub»,  et  ei  palam  appendit 
aurum.  Hominem  în  foro  aeUam  jnbet  ponere ,  et 
(acere  annulum,  omnibus  prsBsentibas.  Nimium 
fortasse  dîcet  aliqais  hune  diligentem.  Hactenus  ' 
reprehendat ,  si  quis  volet  ;  nihîl  amplius  :  verum 
fuit  ei  concedendum  :  filius  enîm  L.  Pisoms  erat, 
ejus ,  qui  primus  de  pecuniis  repetundis  legem  tu- 
lit.  Biaiculum  est  nunc  de  Verre  me  dicere, quum 
de  Pisone  Frugî  dixerim.  Verumtamen,  quantum 
intersit ,  yidete  ;  iste  quum  aliquot  abacorum  face- 
ret  yasa  aurea,  non  laboravit,  quid  non  modo  in 
Sicilia ,  yerum  etiam  Rom»  in  judicio  audiret;  ille 
în  auri  semuncia  totam  Hispaniam  scircyoluit, 
unde  prœtori  annulus  fieret.  Nîmirum,  ut  hic 
nomen  suum  comprobayit,  sic  ille  cognomen.  • 

XXVI.  Nullo  modo  possum  omnia  istius  Sftcta 
aut  memoria  consequi ,  .aut  oratione  complecti  : 
gênera  ipsa  cupio  breyiter  attingere;  ut  hic  modo 
me    commonuit    Pisonis    annulus ,   qnod   totum 

•  [.nmhinHsX ,  Syracusano. 


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SJEC.  ACTION  CONTRE  TlffllHÈS,  IV.  355 
eâbt,  qui  n'a  pas  ouï  parlisr  de  cet  atelier,  des  vases 
d'or,  du  manteaa  ^rec  et  de  la  taniqae  brotte?  Nom- 
mez qui  votis  vofidrez  dé  nos  Romains  établis  à  Syra- 
cuse, poarva  que  ce  soit  un  bonnéte  bomme;  je  Tin- 
terrogerai  :  il  ne  s'en  trouvera  pas  un  qui  n'atteste 
avoir  vu  lui-même  tout  ce  que  je  dis,  on  l'avoir  appris 
de  témoins  oculaires.  O  que  les  temps  sont  cbangés  ^^  ! 
Sans  remonter  à  des  époques  éloignées,  plusieurs  de 
vous  ont  connu  L.  Pison ,  père  de  celui  qui  dernière- 
ment a  été  préteur  ^7.  Pendant  qu'il  commandait  en 
Espagne,  où  il  a  été  tué,  il  arriva  qu'en  s'exerçant  aux 
armes,  il  brisa  son  anneau.  H  voulait  en  avoir  un  au- 
tre ;  il  fit  venir  un  orfèvre  dans  le  forum ,  au  pied  de 
son  tribunal ,  à  Cordoue.  lia ,  publiquement ,  il  pesa 
For  nécessaire ,  et  commanda  à  l'ouvrier  de  s'établir 
sur  la  place  et  de  faire  l'anneau  en  présence  di|  peuple. 
Cest,  dit-on ,  porter  le  scrupule  à  l'excès.  Le  blâme 
qui  voudra.  Mais  c'était  Piaon;  c'é^t  le  fils  de  celai 
qui,  le  premier,  porta  une  loi  contre  les  concussion- 
naires. Il  est  ridicule  de  nommer  Terres,  après  avoir 
<âté  le  vertueux  Pison.  Cependant  voyez  le.vontraste  : 
l'un  se  fait  fabriquer  des  vases  d'or  en  assez  grand 
nombre  pour  couvrir  plusieurs  buffets,  sans  s'inquié- 
ter de  ce  qu'on  dira  non  seidement  en  Sicile,  mais 
même  dans  les  tribunaux  de  Rome;  l'autre,  pour  une 
demi-once  d'or ,  veut  que  toute  l'Espagne  sacbe  d'où 
provient  l'anneau  du  préteur.  Le  premier  a  justifié  son 
nom;  le  second  s'est  montré  digne  du  stimom  qui  bo- 
nore  sa  famiUe. 

XXYI.  Dans  l'impossiblité  où  je  suis  de  rappeler  à 
ma  mémoire,  et  de  rassembler,  dans  un  seul  discours ,  • 
tons  les  crimes  de  Terres,  je  tâcbe  de  vous  donner  en 
peu  de  mot^  une  idée  sommaire  de  cbaque  espèce  de 
vol.  En  voici  une,  par  exemple,   que  Fanneau  de' 


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356  m  TEBKEM  ACT.  H,  LIB.  TV. 

effluxerat.  Quam  multis  istum  putatis  honiinibus 
honestis  de  digitis  annulos  aureos  abstulisse  ?  nun- 
quam  dnbîtairit ,  quotiesccnftque  alicujas  aut  gem- 
ma ,  aut  anntdo  délectatus  est.  Incredibilem  rem 
dîcam ,  sed  tam  claram ,  ut  îpsum  negaturmn  non 
arbitrer.  Quum  Valentio  ejus  întrerpreti  epistola 
Agrigento  allata  esset ,  casu  signum  Iste  animad- 
▼ertit  in  cretula  :  placuît  :  exquisivît,  unde  esset 
epistola.  Respondity  Agrigento.  Iste  litteras,  ad 
quos  solebaty  misit,  ut  is  annulus  ad  se  primo 
quoque  tempore  afferretur.  Ita  litteris  istius ,  patrl- 
familias,  L.  Titio  cuidam,  cm  romano,  annulus 
de  digito  detractus  est.  Illa  vero  ejus  cupiditas 
incrèdibilis  est  :  nam  ut  in  singula  conclavia,  qusD 
iste  non  modo  Roms,  sed  in  omnibus  yillis  babet, 
tricenos  lectos  optime  stratos  cum  ceteris  orna- 
mentis  convivii  quaereret,  nimium  multa  compa- 
rare  '  yideretur.  NuUa  doinus  in  Sicilia  locuples 
fuit ,  ubi  iste  non  textrinnm  instituent. 

Mulier  est  Segestana ,  perdiyes  et  nobilis,  Lamia 
non^ine  :  *  per  triennium  isti,  plena  domo  tela- 
rum  y  stragulam  yestem  confecit  :  nibil  nisi  cou- 
cbylio  tinctum.  Attabis,  homo  pecuniosus,  Neti  ; 
Lyso ,  Lilybsei  ;  Critolaus ,  Ennœ  ;  Syracusîs ,  ^»- 
chrio ,  Cleonienes ,  Tbeomnastus;  *  Elori ,  Archo- 
nides,  Megistas  :  yox  me  citius  defecerit,  quam 
nomina.  Ipse  dabat  purpuram  tantum,  amici  ope- 
ras  ;  credo  :  jam  enim  non  libet  omnia  criminari  ; 

'  Gœr^nz.  ad  Cic.  Acad.y  W,  ao,  entend.  vide)>atur. 
Frustra.  —  '  Ernest,  conjiàt  legendum  esse ,  ea  per 
triennium.  —  ^  Sic  Grœvius ,  LalUm. ,  Ernest.,  quan- 
qtiam  contra  scriptam  lectionem,  Pelôri. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  IV.  S57 
Plson  me  rappelle  et  qui  m'était  entièrement  échappée 
de  Tesprit.  Combien  d'hommes  honnêtes  se  sont  yu 
arracher  da  doigt  leurs  anneaux  d'or  !  Il  Ta  fait  sans 
scrupule  toutes  les  ibis  qu'un  ann^o  lui  plaisait  par 
sa  forme  ou  par  la  beauté  de  la  pierre.  Je  vais  citer  un 
fait  incroyable ,  mais  si  notoire  qu'il  n'osera  pas  hii> 
même  le  démentir.  Talentius*  son  secrétaire,  avait 
reçu  une  lettre  d'Agrigente;  par  hasard  il  aperçoit  sur 
la  craie  l'empreinte  du  cachet  '*.  Elle  lui  plaît  :  il  de- 
mande d'où  vient  la  lettre.  Qn  lui  répond ,  d'Agrigente. 
n  écrit  à  ses  agents  qu'on  lui  apporte  tout  de  suite  ce 
cachet.  Sur  cet  ordre,  un  père  de  famille,  un  citoyen 
romain ,  L.  Titii^ ,  se  voit  enlever  son  anneau.  Mais 
ce  qui  est  vraiment  inconcevable,  <;'est  sa  fureur  pour 
les  étofies.  Quand  même  il  aurait  eu  dessein  de  placer 
dans  chacune  de  ses  salles  à  manger,  soit  à  Rome,  soit 
dans  ses  différentes  campagnes,  trente  lits  magnifique- 
ment ornés  ^^ ,  et  tontes  les  antres,  décorations  des 
festins ,  il  n'aurait  jamais  pu  employer  ce  qu'il  amas- 
sait en  ce  genre.  Il  n'est  pas  de  maison  opulente ,  dans 
la  Sicile ,  où  il  n'ait  établi  une  fabrique. 

A  Ségeste  est  une  femme  distinguée  par  sa  naissance 
et  sa  fortune.  Durant  trois  ans,  dans  sa  maison  rem- 
plie de  métiers,  on  fabriqua  des  tapis  pour  Verres,  et 
tous  étaient  en  pourpre  conchy Henné  *.  II  avait  des 
^  commis  dans  toutes  les  villes  :  à  Nétum ,  Attale ,  homme 
fort  riche  ;  Lyson ,  k  Lilybée  ;  CritoTaiis ,  à  Enna  ;  à 
Syracuse,  Eschrion,  Cléqmène,  Théomnaste;  à  ÉIoi;e, 
Archonidé ,  Mégiste.  La  voix  me  manquerait  plus  tôt 
que  les  noms.  Mais^  dira-t-on,  il  fournissait  seulement 
la  pourpre ,  et  ses  amis  la  main  d'oeuvre.  Je  veux  bien 
le  croire  :  car  enfin,  il  ne  faat pas  chercher  des  crimes 
partout.  Eh!  ne  suffit-il  pas,  pour  que  je  l'accuse, 

*  rox.  PUne,  XXI,  22.  •     • 


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358  IN  TERREM  ACT.  Il,  LIB.  IV. 

quasi  hoc  mihi  non  satis  sit  ad  crimen ,  habuisse 
tam  multum»  quod  daret;  voluisse  deportare  tam 
multa;  hoc  denique,  quod  concedit,  amicorum 
operis  esse  in  hufhscemodi  rébus  nsum.  Jam  vero 
lectos  «ratos  et  candelabra  aenea  num  cui,  prieter 
istum,  Syracusis  per  triennium  facta  esse  existi- 
matis  ?  Emebat  ;  credo.  Sed  tantum  vos  certiores , 
judice^,  facio,  quid iste  in  provincia praetor  egerit, 
ne  cui  forte  nimium  negligens  fuisse  yideatur, 
neque  se  satis,  quum  potestatem  habuerit,  in- 
struxisse  et  ornasse. 

XXVIL  Venio  nunc ,  non  jam  ad  furtum  y  non 
ad  ayaritiam,  non  ad  cupiditatem ,  sed  ad  ejus- 
modi  faciuus,  in  quo  omnia  nefaria  contineri  mihi 
atque  inesse  yideantur  :  in  quo  dii  immortales 
yiolati,  existimatio  atque  auctoritas  nominis  po- 
puli  romani  imminuta ,  hospitium  spoliatum  ac 
proditum ,  abalienati  scelere  istius  a  nobis  omnes 
reges  .amicissimi ,  nationesque ,  quas  in  eorum 
regno  flc  ditîone  sunt. 

Nam  rege^  Syriae,  régis  Antîochi  filios  pueros, 
scitis  Romae  nuper  fuisse  :  qui  vénérant  non  prop- 
ter  Syriae  regnum  ;  nam  id  sine  contrbversia  obtî- 
nebant ,  ut  a  pâtre  et  a  majoribus  acceperant  :  sed 
regnum  uEgypti  ad  se,  et  ad  Selenen,  matrem 
snam ,  pertinere  arbitrabantur.  Hi  ipsi  posteaquam 
temporibus  rëipublicse  exclusi ,  per  senatum  agere  , 
qusB  voluerant ,  non  potuerunt ,  in  Syriam ,  in 
regnum  patrium  |Àrof(?cti  sunt.  Eorum  aiter,  aui 
Antiochus  vocatur,  iter  per  Siciliam  facere  voluit  : 
itaque,  isto  preotore,  venit  Syracusas. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  -VERRES,  IV.  SSg 
qu'il  ait  été  en  état  de  foamir  cette  quantité  de  pour- 
pre ,  qu'il  ait  projeté  d'emporter  tant  de  choses  de  la 
province ,  quil  ait  enfin ,  comme  il  en  convient ,  em- 
ployé les  esclaves  de  ses  amis  à  de  tels  ouvrages  ?  Et 
les  l^ts  de  bronze  et  les  candélabres  d'airain ,  pour  q«el 
antre  en  a-t-on  fabriqué'  dans  Syracuse,  pendant  trois 
années  entières  ?  Il  achetait ,  je  le  crois.  Mais  je  veux 
seulement  vous  instruire  de  ce  qu'il  a  fait  dans  sa  pro- 
vince ,  afin  qu'on  ne  le  soupçonne  pas  de  s'être  oublié 
loi-méme ,  et  d'avoir  négligé  le  soin  de  son  ameuble- 
ment, pendant  qu'il  était  revéta  de  l'antorité. 

XXVn.  Maintenant ,  jnges  ,  ce  n'est  pins  un  larcin , 
ce  n  est  plus  vu  trait  d'avarice  et  de  cnpidité  que  je  dé- 
nonce ,  mais  un  délit  où  je  vois  rassemblé  tout  ce  qui 
porte  atteinte  aux  lois  de  la  morale  publique.  Les  dieux 
iramortek  outragés ,  la  majesté  du  peuple  romain  avi- 
he,  rhospitalité  trahie  et  dépouillée,  tous  les  rois  les 
plus  dévoués  à  la  république  et  les  nations  qai  vivent 
sous  leur  empire,  aHénés  de  nous  par  le  crime  d'un 
préteur  :  tels  sont  les  attentats  dont  ^e  demande  ven- 
geance. <o  . 

Tons  savez  que ,  dans  ces  derniers  temps ,  les  jeunes 
rois  de  Syrie,  fils  du  roi  Antiochus,  ont  fait  quelque 
séjour  à  Rome  ^'.  Ils  y  étaient  venus  pour  une  contes- 
tation relative ,  non  au  royaume  de  Syrie  qu'on  ne  leur 
disputait  pas  (Us  le  tiennent  de  leur  père  et  de.  leurs 
aïeux),  mais  à  celui  d'Egypte ,  sbr  lequel  ils  croyaient 
avoir  des  droits  par  Séiéno^lenr  mère.  I^es  drcoostaHoes 
ne  permettant  )>as  an  sénat  d'accueillir  leur  demande , 
ils  repartirent  pour  la  Syrie ,  leur  reyaume  héréditaire: 
L'un  d'eux,  Antiotbns.,  voulut  passer  par  la  Sicile.  Il 
vînt  donc  à  Syracqse  dorant  la  préture  de  Verres. 


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Jtio  IN  VERREM  ACT.  II,  LIB.  IV. 

Hic  Verres  hereditatem  sibi  yenisse  arbitratus 
est ,  quod  in  ejus  regnum  ac  manus  yenerat  is , 
quem  iste  et  audierat  multa  secum  prseclara  ha- 
bere ,  et  suspicabatur.  Mrttit  bomini  munera  satis 
latge  :  haec  ad  asum  domesticum  ;  vini,-olei  quod 
yisum  erat;  etiam  tritici.  quod  satis  esset,  de  ^uis 
decumis.  Deinde  ipsum  regem  ad  cœnam  vocayit. 
Exornat  ample  magnifîceque  triclinium;  exponit 
ea,  quibus  abundabat,  plurima  ac  pulcherrima 
vasa  argentea  :  namque  haec  aurea  nondum  fecerat. 
Omnibus  curât  rébus  instructum  et  paratum  ut  sit 
conyivium.  Quid  multa?  rex  ita  discessit,  ut  et 
istum  copiose  ornatum ,  et  se  honorifipe  acceptant 
arbitraretur.  Voc4it  ad  \;œnam  deinde  ipse  praeto- 
rem;  exponit  suas  confias  omnes,  multum  argen- 
tum,  non  pauca  etian^pocula  ex  aaro;  quse,  ut 
mos  est  regius^  et  maxime  in  Syria,  gemtnis  erant 
distincta  clarîssimis.  Erat  etiam  vas  vinarium  ex 
una*  gemma  pergrandi,  truUa  excavata,  manubrio 
aureo  :  de  qua ,  credo ,  satis  idoneura ,  satis^  gra- 
vemtestem,  Q.  Minucium  dicere  audistis. 

Iste  unumquodque  vas  in  manus  sumere,  lau- 
dare,  mirari.  Rex  gaudere,  praetori  populi  romani 
satis  jucundum  et  gratum  illud  esse  conviyium. 
Posteaquam  Inde  discessum  est,  cogitare  iste  nihil 
aliud,  quod  ipsa  res  declarayit,  nisi,  quemadmo- 
dum  regem  ex  proyincia  spoliatum  expilatumquc 
dimitteret.  Mittit  rogatum  yasa  ea ,  qu»  puldier- 
rima  apud  ilhim  yiderat  :  ait  se  suis  caelatoribus 
velle  ostendere.  Rex,  qui  isturanon  nosset,  sine 
ulla  suspicione  libeutissime  dédit.  Mittit  etiam 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  IV.  36 r 
Dès  qoe  ce  tyran  le  vit  entrer  dans  ses  états ,  il  le 
regarda  comme  une  proie  tombée  entre  ses  ^ains.  Il 
avait  ouï  dire  que  le  jeune  prince  apportait  avec  lui 
beaucoup  d'objets  précienic  ;.  son  ayidité  l'aurait  seule 
deviné.  Il  lui  envoie  des  présents  assez  considérables  ^*, 
et  spécialement,  pour  l'entretien  de  sa  maison,  de 
l'buile ,  du  vin,  et  même  une  quantité  suffisante  de  blé: 
c'était  le  fi'uit  des  décimes  extorquées.  Il  l'invite  lui- 
même  à  souper.  Il  fait  parer  la  salle  avec  la  plus  grande 
magnificence,  expose  sur  ses  buffets  cette  argenterie 
admirable  dont  il  était  si  bien  pourvu  rsa  vaisselle  d'or 
n'existait  pas  encore.  Il  a  soin  que  rien  ne  manque  à 
la  délicatesse  et  à  la  somptuosité  du  festin.  Enfin  le  roi 
se  retira  frappé  de  l'opulence  de  Yvrrès,  et  charmé  de 
la  récept'^on  honorable  qu'on  kii  avait  fiiite.  A  son  tour, 
il  invite  le  préteur.  Il  étale  tontes  ses  richesses,  beau^ 
coup  d'argenterie ,  et  même  une  grande  quantité  de 
coupes  d'pr  ornées  de  pierreries,  telles  qu'en  ont  les 
rois ,  et^^tout  les  rois  de  Syrie.  On  remarquait,  entre 
autres  pièces ,  un  vase  à  mettre  du  vin ,  d'une  seule 
pierre,  avec  une  anse  d'or.  Tous  avez  enfendu  la 
déposition  de  Q.  Minucius,  témoin  éclairé  et  digne 
de  foi.  * 

Terres  prend  chaque  pièce  dans  ses  mains  ;  il  loue,  il 
admire.  Le  roi  est  enchanté  que  la  f$te  soit  agréable  à 
un  préteur  du  peuple  romain.  On  se  sépare.  Dès  ce  mo- 
ment Terres  ne  s'occupe  plus ,'  comme  la  suite  Ta  fait 
voir,  qu'à  trouver  le  secret  de  faire  sortir  de' la  pro- , 
vince  le  roi  entièrement  pillé  et  dépouillé.  Il  lut  envoie 
demander  les  plus  beaux  des  vases  qu'il- a  vus  chez  lui. 
C'était  pour  les  montrer  à  ses  ciseleurs.  Le  roi ,  qui  ne 
connaissait  pas  l'homme ,  les  donûe  avec  plaisir  et  sans 
aucun  soupçon.  Terres  fait  demander  aussi  le  vased^une 
vitr.  3r 


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362  IN  VERREM  ACT.  II,  LIB.  1\. 

trullam  gemmeam  rogatum  :  T^e  se  eam  diiigen- 
tius  considerare.  Ea  quoqae  ei  mîttitnr. 

XXVIII.  Nunc  reliquum ,  judices,  attendite ,  de 
quo  et  y  os  audistis,  et  populus  romanu^non  nùnc 
primum  audiet;  et  in  exteris  dationibus  usque  ad 
ultimas  terras  pervagatum  est.  Candelabrum  e 
gemmis  clarissîmîs,  opère  mirahili  perfectum,  re- 
ges  fai ,  quos  dico ,  Romam  quum  attulissent ,  ut 
in  Gspitolio  ponerent  ;  quod  nondum  etiam  per- 
fectum  templum  ofTenderant ,  neque  ponere  po- 
tueruDt ,  neque  yulgo  ostendere  ac  proferre  vo- 
luerunt ,  ut  et  magnificentius  yideretur,  quum  suc 
tempore  in  cella  Joyis  optimi  maximi  poneretur , 
et  clarius,  quum  pulchritudo  ejus  recens  ad  ocu- 
los  hominum  atque  intégra  perveniret  i  statuerunt 
id  secum in  Syriam  repoitare ,  ut,  quum  audissent 
simulacrum  Joyis  optimi  maximi  dedicatum ,  le- 
gatôs  mitterent ,  qui  cum  ceteris  rébus  illud  quo- 
que  eximium  atque  pulcherrimum  donum  in'Cà* 
pitolium  afferrent.  Peryenit  res  ad  istius  aures, 
uescio  quomodo  :  nam  rex  id  celatum  voluerat  ; 
non  quo  quidquam  metueret,  aut  suspicaretur , 
sed  ut  ne  multi  illud  ante  prœciperent  oculis, 
quam  populus  romanus.  Iste  petit  a  rege,  et  eum 
pluribus  yerbis  rogat ,  ut  id  ad  se  mittat  :  cupere 
se  dicit  inspicere ,  neque  se  aliis  yidendi  potesta- 
tem  esse  facturum. 

Antiochus,  qui  animo  et  puerili  esset,  et  regio  ^ 
nihil  de  istius  improbitate  suspicatus  est  ;  imperat 
suis ,  ut  id  in  prastoriura  involutum  quam  occul' 
tîssime  déferrent.  Quo  posteaquam  attalerunt , 
inyolucrisque  rejectis  constitueruut ,  iste  clamare 


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SEC.  Ai^TION  CONTRE  TERRES,  IT,  363 
seule^. pierre.  H  veut  le  considérer  avec  attention.  Ce 
vase  aussi  lai  est  envoyé. 

XXYIII.  Juges,  redoablex  votre  attention  :  ce  qae 
je  vais  dire  n'est  point  nouveau  pour  vous  ;  le  peuple 
romain  nerenten4ra  point  ici  pour  la  première  fois;  le 
brait  en  est  parvenu  chez  les  nations  étrangères,  jus- 
qu'aux extrémités  du  monde^  Les  princes  dont  je  parle 
avaient  apporté  un  candélabre  enrichi  des  pierres  les 
plus  brillantes  et  d'un  travail  admirable.  Leur  dessein 
était  de  le  placer  dans  le  Capitole  ;  mais  l'édifice  n'étant 
pas  achevé ,  ils  ne  purent  y  déposer  leur  offrande.  D'un 
autre  côté ,  ils  ne  voulaient  pas  livrer  ce  chef-d'œuvre 
à  l'avidité  des  regards  publics  :  ils  étaient  bien  aises  de 
lui  aménager  le  mérite  de  la  nouveauté ,  pour  le  mo- 
ment où  il  serait  placé  dans  le  sanctuaire  du  maître  „ 
des»  dieux  ^^,  afin  que  le  plaisir  de  la  surprise  ajoutât 
encore  au  sentiment  de  l'admiration.  Ils  prirent  le  parti 
de  le  remporter  avec  eux  en  Syrie ,  et  d'attendre  la  dé- 
dicace du  temple  pour  envoyer  cette  rare  et  magni- 
fique offrande  pair  les  sunbassadeurs  chargés  des  autres 
présents.  Terrés  eut  connaissance  de  ce  candélabre,  je 
ne  sais  par  quelle  voie ,  car  le  roi  en  faisait  un  secret; 
non  pas  qa'il  eût  des  craintes  et  des  soupçons,  mais 
il  ne  voulait  pas  que  beaucoup  de  personnes  fas- 
sent admises  à  le  voir  avant  le  peuple  romain.  Le  pré- 
teur demande  an  roi  et  le  prie  avec  instance  de  le  lui 
envoyer  ;  il  a  le  plus  grand  désir  de  le  voir  ;  cette  faveur 
sera  pour  lui  seul. 

Autiochus  était  jeune,  il  était  roi;  il  ne  soupçonna 
rien  de  sa  perversité.  Il  ordonne  à  ses  officiers  d'enve- 
lopper le  candélabre  et  de  le  porter  au  palais  du  pré- 
teur le  plus  secrètement  possible.  On  l'apporte ,  on  le 
découvre,  on  le  place  devant  Verrè^  Il  s'écrie  que  c'est 


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364  IN  VERREM  ACT.  II,  LIB.  IV. 

cœpit,  dignam  rem  esse  regno  Syris,  digoam 
legio  manere ,  dignam  Capitolio.  Etenim  erat  ea 
splendôre,  qui  ex  clarîssimis  et  'plurimis  gemmis 
esse  debebat  ;  ea  yarietate  operum ,  ut  ars  certare 
yideretur  cum  copia  ;  ea  magnitudine ,  ut  intel-' 
lij^i  posset ,  non  ad  hominum  apparatum ,  sed  ad 
amplissimi  templi  ornamentùm  esse  factum.  Quod 
quum  satis  jam  perspexisse  yideretur ,  toUere  in- 
cipîunt,  ut  referrent.  Iste  ait,  se  yelle  illud  etiam 
atque  etiam  considerare;  nequaquam  se  esse.sa- 
tiatum  :  jubet  illos  discedere ,  et  candelabruni 
relinquere.  Sic  illi  tum  inanes  ad  Antiochum  re- 
vertuntur. 

XXIX.  Rex  primo  nihil  metuere ,  nîbil  suspi- 
cari  :  dies  unus,  alter,  plures  :  non  referri.  Tum 
mittit  rex  ad  ïstum,  si  sibi  yideatur,  ut  reddat. 
Jubet  iste  posterius  ad  se  reyerti.  Mirum  illi  yi- 
deri  :  mittit  iterum^:  non  redditur.  Ipse  hominem 
appellat;  rogat,  ut  reddat.  Os  hominis,  insignem- 
que  impudentiam  cognoscite.  Quod  sciret,  quod* 
que  ex  ipso  rege  audisset  in  Capitolio  esse  ponen- 
dum  ;  quod  Joyi  optimo  maxirao ,  quod  populo 
romano  servari  videret ,  id  sibi  ut  donaret ,  ro- 
gare ,  et  yehementer  pètere  ccppit.  Quum  ille  se , 
et  religione  Joyis  Capitolini ,  et  bominum  existi- 
matione  impediri  diceret,  quod  multse  nationes 
testes  essent  illius  operis ,  ac  muneris  :  iste  homini 
rainari  acerrime  cœpit.  Ubi  yidet  eum  nibilo  ma- 
gis  minis,  quam  precibus  permoyeri ,  repente  ho- 
minem de  proyincia  jubet  ante  noctem  decedere  : 
ait  se  comperisse  ex  ejus  regno  piratas  in  Siciliam 

'  jil.  pulcberrimii. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  IV,  365 
tm  présent  digne  daToyaome  de  Syrie ,  digne  dn  roi, 
digne  da  Capitole.  En  efifet,  ce  candélabre  étincelaitdn 
feu  des  pierres  les  pins  éclatantes.  La  variété  et  la  déli- 
catesse dn  travail  semblaient  le  disputer  à  la  richesse 
de  li  matière  ;  et  sa  grandeur  annonçait  qu'on  Tavait 
destiné,  non  à  pamr  ïe  palais  d*nn  mortel,  mais  à  dé- 
corer le  temple  le  plus  auguste  de  Funivers.  Quand  les 
officiers  crurent  que  Yerrès  avait  «n  tout  le  temps  de 
l'examiner,  ils  se  mirent  en  devoir  de  le  remporter, 
ïl  leur  dît  qu'il  ne  l'a  pas  assez  vu,  qu'il  veut  le  voir 
encore;  il  leur  ordonne  de  se  retirer  et  de  laisser  le 
candélabre  ;  ils  retournent  vers  Antiocbus ,  sans  rien 
rapporter. 

XXIX.  D'ajbord  le  roi  est  sans  inquiétude  et  sans  dé' 
fiance.  Un'jour ,  deux  jours ,  plusieurs  jours  m  passent , 
et  le  candélabre  ne  revient  pas.  Il  envoie  le  redeman- 
der. Yerrès  remet  au  lendemain.  Àntiochus  est  étonné. 
Il  envoie  une  seconde  fois;  le  candélabre  n'est  pas 
rendu.  Il  va  lui-même  trouver  le  préteur,  et  le  prie 
de  vouloir  bien  le  rendre.  Ici  connaissez  l'effronterie 
et  l'impudence  insigne  du, personnage.  Il  savait  que  ce 
chef-d'œuvre  devait  être  placé  dans  le  Gftpitole,  qu'il 
était  réservé  pour  Jnpittr  et  pour  le  peuple- romain, 
n  le  savait,  il  l'avait  appris  du  roi  lui-même;  et  il  de- 
mande qu'il  lui  en  £ass<e  un  don,  et  il  insiste  de  la  ma- 
nière la  plus  pressante..  Le  prince  s'en  défend  :  le  vœu 
qu'il  a  fait  à  Jupiter,  le  so^n  de  son  hoiïneur,  ne  lui 
laissent  pas  la  liberté  d'en  disposer.  Plusieurs  nations 
ont  vu  travailler  à  ce  magnifique  ouvrage  5  elles  en 
connaissent  la  destination.  Le  préteur  ne  répond  que 
par  des  menaces  ;  mais,  voyant  qu'elles  ne  réussissent 
pas  mieux  que  les  prières ,  il  lui  enjoint  brusquement 
de  sortir  de  la  province  avant  la  nuit.  On  l'a  informé, 


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366  m  TERREM  ACT.  Il,  LIB.  rV. 

esse  venturos.  Rex  raaximo  conventu,  Syracusis, 
în  foTO ,  ne  quis  forte  me  in  crimine  obscnro  ver- 
sari  ,  atque  affîngere  alîquid  suspîcione  homînum 
arbitretur ,  in  foro ,  inquam ,  Syracusis ,  flens  ac 
deos  hominesque  contestans,  clamare  cœpit,  can- 
delabrum  factum  e  gemmis ,  quod  in  Capitoliuni 
missurtis  èsset ,  quod  in  templo  clarissimo ,  po- 
pulo romano  monumentum  su»  societatis,  amici- 
tiaeque  esse  yoluisset ,  id  sibi  C.  Verrem  abstulisse; 
de  ceteris  operibus  ex  auro  et  gemmis,  quae  sua  pê- 
nes illum  esseut ,  se  non  laborar^;  hoc  sibi  eripi  ^ 
miserum  esse,  et  indignum  :  id  etsi  antea  jam 
mente  et  cogitatione  sua,  fTatrjsqne  sui,  conse- 
cratum  esset,  tamen  tum  se  in  illo  .conventu  ci- 
vium  romanorum  dare ,  donare ,  dicare ,  conse- 
crare  Jovi  optimo  maximo ,  testemque  ipsum  Jo- 
vem  suae  voluntatis  ac  religionis  adbibere. 

XXX.  Qu»  vox  ?  qus  latera  ?  quœ  Vires  bujus 
uuius  criminis  querimoniam  possint  sustinere  ? 
Rex  Antiocbus,  qui  Rom»  ante  oculos  omnium 
nostrum ,  bienninm  fere ,  comitatu  regio  atque 
omatu  fuisset ,  is  quum  amicus  et  socius  popuH 
romani  esset ,  amicissimo  pâtre ,  avo ,  majoribus  , 
antiquisshnis  et  clarissimîs  regibus,  opulentissimo 
et  maximo  regno ,  prseceps  '  e  provincia  populî 
romani  exturbattts  est.  Quemadmodum  hoc  accep- 
turas  nationes  exteras  ;  quemadmodum  bujus  tui 
facti  famam  in  régna  aliorum  atque  in  ultimas 
terras  perventuram   putasti  ,   quum  audierint  a 

'  Prœpositionem  e  ofett.  edd.  et  mss.  restituerunt,  Olim 
legebant,  prseceps  provincia.    , 


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son  TofShme 


SEC.  ACTION  CONTRE  ^flH|,  IV.     367 

dit-il,  que  des  pirates  sortis  de  son  ro^rame  doivent 
faire  une  descente  en  Sicile.  Le  toi,  en  présence  d'un^ 
fonle  de  Romains  ^^,  dans  le  fomm  de  Syracuse  (car 
ne  croyez  pas  que  je  parle  ici  d*on  crime  commis  dans 
l'ombre ,  *et  que  je  Faccuse  sur  de  simples  soupçons  )  ; 
oui,  le  roi,  les  larmes  aux  yeux,  attestant  et  les  dieux 
et  les  hommes,  déclare  à  haute  voix  que  'Verres  lui 
enlève  un  candélabre  to.ut  en  pierrerios ,  qu^il  destinait 
au  Capitole ,  et  qu'il  voulait  y  placer  comme  un  mo- 
nument de  son  amitié  et  de  son  alliance  avec  le  peuple 
romain  ;  qu'il  fait  le  sacrifice  des  autres  ouvrages  en 
or  et  en  pierreries  que  Verres  lui  retient;  mais  qu'il 
est  cruel,  qn*il  est  odieux  que  le  candélabre  aussi  lui 
soit  enlevé;  qu'il  renouvelle  la  consécration  que  son 
frère  et  lui  ont  déjà  prononcée  dans  leur  cœnr,  et 
qu'en  présence  des  Romains  qui  l'entendent,  il  le 
donne,  il  le  dédie,  il  le  consacre  à  Jupiter  capitolin, 
et  qu'il  atteste,  sur  la  sincérité  de  son  hommage,  le 
dieu  même  qui  reçoit  sos^  serment. 

XXX.  Quelle  voix,  qufls  poumons,  quelles  forces 
peuvent  suffire  à  l'indignation  qu'excite  ce  seul  atten- 
tat*'? Un  roi  qui,  pendant  près  de  deux  années  en- 
tières, s'est  montré  dans  Rome  avec  le  cortège  et  l'ap- 
pareil imposant  de  la  royauté;  un  roi,  l'ami,  l'allié  du 
peuple  romain,  dont  le  père,  l'aïeul  et  le»  ancêtres, 
tous  illustres  et  par  l'ancienneté  de  letir  origine ,  et  par 
leur  grandeur  personnelle,  ont  été  constamment  atta- 
chés à  notre  république,*  le  souverain  d'un  empire 
aussi  vaste  que  florissant ,  Antiochns  est  chassé  hon- 
teusement d'une  province  romaine!  Répondez,  Ver- 
res, quelle  sensation  cette  nonvelle  devait-elle  produire 
chez  les  nations  étrangères?  qu'auront  pensé  les  au- 
tres rois  et  les  peuples  placés  aux  extrémités  de  la 
terre,  lorsqu'ils  auront  appris  qu'un  préteur  romain 


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368  ^^IHP^^  A.CT.  II,  LIB.  IV. 

prœtore^j^jjpoli  romani  in  provincia  yiolatum  re- 
gem ,  spolîatum  hospitem ,  ejectum  socium  populi 
romani ,  atque  amicum  ?  Nomen  vestpum  popoli- 
que  romani ,  odio ,  atque  acerbitati  scitote  natio- 
nibus  exteris,  judices,  futurum ,  si  istius  haec  tanta 
injuria  impunita  discesserit  :  sic  omnes  arbitra- 
buntur,  presertim  quum  haec  omnino  fama  de, 
nostrorum  hominum  ayaritia  et  cupiditate  per- 
crebruerit,  non  istius  solius  boc  esse  facinus,  sed 
eorum  etiam ,  qui  '  approbarint.  Muiti  reges , 
muh»  libersB  civitates ,  multi  privati  opulenti  ac 
potentes ,  habent  profecto  in  animo  Capitolium 
sic  omare ,  ut  templi  dignitas ,  imperiiqiie  nostri 
nom^  desiderat  :  qui  si  intellexerint,  interyerso  - 
regali  boc  dono,  grayiter  yos  tulisse,  grata  fore 
yobis  popirloque  romano  sua  studia  ac  dona  arbi- 
trabuntur  ;  sin  hoc  yos  in  rege  tam  nobili ,  in  re 
tam  eximia,  in  injuria  tam  acerba ,  neglexisse 
audierint,  non  erunt  tau  ameutes,  ut  operam , 
curam,  pecuniam  impiendant  in  eas  res,  quas 
yobis  gratas  fore  non  arbitrentur. 

XXXI.  Hoc  loco ,  Q.  Catule ,  te  appello  :  loquor 
enim  de  tuo  '  clarîssimo  pulcberrimoque  monu* 
mento.  Non  judicis  solum  severitatem  in  hoc  cri- 
mine,  sed  prope  inimici  atque  accusatoris  yim 
suscipere  debes  :  tuus  est  enim  honos  in  illo  tem- 
}5lo,.senatus  populique  romani  benefîcio;  tui  no- 
minis  œterna  memoria  simul  cum  templo  illo  con- 
secratur  ;  tibi  hœc  cura  suscipienda ,  tibi  haec  opéra 
sumenda  est,  ut  Capitolium,  ^quomodo  magnifî- 

*  Sic  Ernest,  e  cod.  Guèlferb.  Fulgo  approbaront.  — 
'  Beck  rescripsit  qnemadmodam  e  mss.  Lamb.  et  Ursini ,  . 
hvi  de  causa. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRÉS,  lY.  369 
a  oatragé  on  roi,  dépooâlé  nn  hôte,  cbassé  de  sa  pro- 
vince an  ami  et  an441ié  da  penplç  romain?  Jnges, 
n'en  doutez  pas,  si  un  tel  attentat  demeure  impuni, 
votre  nom,  le  nom  de  Rome  sera  voué  désormais  à 
rhorreur  et  à  Texécration  des  nations;  aujourd'hui 
surtout  qu'elles  ne  s'entretiennent  que  de  l'avarice  et 
de  la  cupidité  de  nos  magistrats,  elles  croiront  que  ce 
crime  doit  être  imputé,  non  pas  au  seul  Vecrèa,  mais 
à  tous  ceux  qui  l'auront  approuvé.  Beaucoup  de  rois, 
beaucoup  de  républiques,  beaucoup  de  particuKers  ri- 
ches et  puissants  se  proposent,  sans  doute,  d'envoyer 
au  Capitole  des  offrandes  dignes  de  la  majesté  et  de  la 
grandeur  de  notre  empire.  S'ils  apprennent  que  vous 
avez  puni  sévèrement  le  sacrilège  qui  a  détourné  l'of- 
frande d'un  roi,  ils  aimeront  à  penser  que  leurs  dons 
et  leur  zèle  seront  agréables  au  sénat  et  au  peuple  ; 
mais  s'ils  entendent  dire  que  l'insulte  faite  à  un  roi^si 
respectable,  que  le  vol  d'ux»  objet  aussi  précieux^ 
qu'un  outrage  aussi  atroce ,.  vous  ont  trouvés  froids  et 
indifférents,  n'espérez  pas  qu'ils  soient  assez  insensés 
pour  employer  leurs  peines  ,  leurs  soins,  leurs  ri- 
chesses, à  vous  ofirir  des  dons  qu'ils  croiront  de  nul 
prix  à  voï  yeux. 

.XXXI.  Je  m'adresse  à  voujb,  Catulus  :  car  je  parle 
d'un  temple  dont  la  magnificence  est  votre  ouvrage  *®. 
J'attends  ici  de  vous,  non  pas  seulement  la  sévérité 
d'un  juge,  mais  j'ose  dire ,  la  passion  d'un  ennemi ,  et 
l'animosité  d'un  accusateur.  Par  une  faveur  '  spéciale 
du  sénat  et  du  peuple  romain,  votre  gloire  est  insépa- 
rable de  celle  de  ce  temple.  "Votre  nom ,  consacré  avec 
ce  superbe  édifice,  arrivera  comme  lui  à  l'immortalité. 
Cest  pour  vous  un  devoir,  une  obligation  sacrée ,  de 
tout  faire  pour  que  le  nouveau  Capitole,  déjà  plus 
magnifique  par  la  majesté  de  l'architectaTe ,  devienne 


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3^o  IN  VEBREM  ACT.  II,  LIB.  IV. 

centius  est  restitutum ,  sic  copiosius  ornatum  sit, 
quam  fuit;  ut  illa  flamma  divinitus  exstitisse  vi- 
deatur,  non  qu»  deleret  Jovis  optimi  maximi 
templum ,  sed  quse  prœclarius  magnificentiusqae 
depdsceret. 

Audisti  Q.  Minucîum  Rufum  dicere,  domi  suae 
deversatum  esse  Antiochum  regem  Syracusis  ;  se 
illud  scîre  ad  îstum  esse  delatum  ;  ^e  scire  non  red- 
ditum  :  audisti ,  et  audies  omni  e  conventu  Syra- 
cusano,  qui  ita  dicant,  iese  audientibus,  illud  Jovi 
optimo  maximo  dicatum  esse  ab  rege  Antiocho  et 
consecratum.  Si  judex  non  esses,  et  haec  ad  te  de- 
lata  resesset,  te  potissimum  hoc  persequi,  te  pe- 
tere,  te  agere  oporteret.  Qnare  non  dubito,  quo 
animo  judex  hujus  criminis  esse  debeas ,  qui  apud 
alium  judicem  midto  acrior,  quam  ego  sum,  actor 
accusatorque  esse  deberes. 

XXXII.  Vobis  autem ,  judices ,  quid  hoc  indig- 
nius ,  aut  quid  minus  ferendum  videri  potest?  Ver- 
resne  habebit  domi  suœ  candelabrum  Joyis  optimi 
maximi,  e  gemmis  auroque  perfectum?  cujus  ful- 
gore  coUucere  atque  illustrarî  Jovis  optimi  maximi 
templum  oportebat,  id  apud  istum  in  ejusmodi 
conyiviis  constituetur ,  quse  domesticis  stupris  fla- 
gitiisque  flagrabunt?  in  istius  lenonis  turpissimi 
domo  y  «imul  cum  ceteris  Chelidonis  hereditariis 
ornamentis,  CapitoUi  ornamenta  ponentur?  Quid 
huic  sacri  unquam  fore,  aut  quid  fuisse  religiosî 
putatis ,  qui  nunc  tanto  scelere  se  obstrictum  esse 
non  sentiat?  qui  in  judicium  yeniat,  ubi  ne  pre- 
cari  quidem  Joyem  optimum  maximum ,  atque  ab 
eo  auxilium  petere  more  omnium  posait  ?  a  quo 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  IV.  371 
aaasi  phis  éclatant  par  la  richesse  des  décoratioiis  ;  il 
faut  qn^on  dise  que  la  flamme  qui  Favait  consamé 
était  descendue  da  ciel,  non  pour  détruire  le  temple 
de  Jupiter,  mais  pour  nous  avertir  d^en  élever  un 
autre  plus  brillant  encore  et  plus  magnifique. 

Minucins  Rniin  a  déposé  que  le  roi  Antiochus  a  logé 
cliez  lui  à  Syracuse,  qu'il  sait  que  le  candélabre  fut 
porté  chez  Verres,  qu'il  Sait  aussi  qu'il  n'a  pas  été 
rendu  ;  il  a  déposé ,  et  tous  les  Romains  établis  à  Syra-  , 
cuse  répéteront  qu'ils  ont  entendu  le-  rgi  Antiochus 
dédier  et  consacrer  ce  même  candélabre  au  grand 
Jupiter.  Si  vous  n'étiez  pas  juge  dans  cette  cause ,  et 
que  ce  crime  vous  fut  dénoncé ,  ce  serait  à  vous  de  le 
déférer  aux  tribunaux ,  de  le  poursuivre  et  de  vous 
porter  accusateur.  Je  n'ai  donc  pas  de  doute  sur  l'ar- 
rêt que  vous  âUez  prononcer,  puisque,  devant  d'au- 
tres juges ,  vous  devriez  accuser  aYec  encore  plus  de 
chaleur  que  je  ne  le  fais  moi-même. 

XXXII.  Et  vous ,  juges ,  concevez-vous  rien  de  plus 
indigne  et  de  plus  intolérable  P  Verres  aura  dans  sa 
maison  le  riche ,  le  magnifique  candélabre  du  grand 
Jupiter!  cet  inappréciable  chef-d'œuvre,  qui- devait 
remplir  de  sa  splendeur  le  temple  du  maître  des  dieux, 
prêtera  sa  lumière  à  ces  festins  honteux  et  souillés  par 
les  débauches  les  plus  scandaleuses  !  les  ornements  du 
Capitule,  placés  dans  la  maison  d'un  infâme,  seront 
confondus  avecJes  meubles  d'une  Chélidon  *  !  Pensez - 
vous  que  rien  puisse  jamais  être  sacré  pour  Verres,  ou 
qu'il  ait  jamais  rien  respecté,  lui,  qui  ne  sent  pas 
encore  toute  l'énormité  de  son  crime  ;  lui ,  qui  ose  se 
présenter  dans  une  cause  où  il  ne  peut  pas ,  comme 
les  autres  accusés,  lever  les  mains  vers  Jupiter  et  im- 
plorer son  aijpui;  lui,  enfin,  qui  voit  les  dieux  re- 

*  Foy.  la  note  8. 


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37»  IN  VERREM  ACT.  II,  LIB.  IT. 

etiam  diî  immortales  sua  répétant  in  eo  pdicîo  , 
quod  hominibus  ad  suas  res  repetundas  est  consti- 
tutum?  Miramur  Athenis  Mineryam,  Dell  ApoUi- 
nem,  Junonem  Sanii,  Pergae  Dianam,  multos  prœ- 
terea  ab  îsto  deos  tota  Asia  Grsecîaqué  violatos , 
qui  a  Capitolio  manus  abstinere  non  potuerit? 
Quod  priyati  homines  de  suis  pecuniis  ornant, 
omaturique  sunt,  id  G.  Verres  ab  regibus  ornari 
non  est  passus.  Itaque  hoc  nefario  scelere  con- 
cepto,  nibil  postea  tota  in  Sicilia  neque  sacri, 
neque  religiosi  esse  duxit  ;  ita  sese  in  ea  provin- 
cia  per  triennium  gessit ,  ut  ab  isto  non  solum  ho- 
minibus, yerum  etiam  diis  immortalibus  bellum 
indictum  putaretur. 

XXXIII.  Segesta  est  oppidum  perveius  in  Si- 
cilia ,  judices ,-  quod  ab  ^nea  fugiente  a  Troja  , 
atque  in  hœc  loca  yeniente ,  conditum  esse  demon- 
strant.  Itaque  Segestani ,  non  solum  perpétua*  so- 
cietate  atque  amicitia ,  verum  etiam  cognatione  se 
cum  populo  romano  conjunctos  esse  arbitrantur. 
Hoc  quondam  oppidum,  quum  illa  ciyitas  cum 
Pœnis  suo  nomine  ac  sua  sponte  bellaret,  a  Car- 
tbaginiensibus  yi  captum  atque  deletum  est;  om- 
niaque,  quœ  ornamento  urbi  esse  possent,  Car- 
tbaginem  sunt  ex  illo  loco  deportata.  Fuit  apud 
Segestanos  ex  œre  simulacrum  Diante ,  quum  sum- 
ma  atque  autiquissima  praeditum  religione  ,  tum 
singulari  opère  artificioque  perfectum.  Hoc  trans- 
latum  Carthaginem , .  locum  tantum  bominesque 
mutarat,  religionem  quidem  pristinam  conserya* 
bat  :  nam  propter  eximiam  pulchritudinem ,  etiam 
bostibus  digna ,  quam  sancttssime  colerent,  yide- 


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\ 

SEC.  ACTION  CONTRE  \ERKÈS,  TV.  373 
'  courir  à  un  tribunal  qui  jusqu'ici  n'avait  entendu  que 
les  réclamations  des  hommes!^  S'il  n'a  pas  épargné  le 
Capitole  même ,  faut-il  s'étonner  qu'il  ait  pillé  dans 
Athènes  le  temple  de  Minerve,  le  temple  d'Apollon  à 
Bélos,  à  Samos  celui  de  Junon,  celui  de  Diane  s( 
Perga ,  enfin  ceux  de  tant  de  dieux  dans  la  Grèce  et 
dans  toute  l'Asie?  Ce  temple  que  des  particuliers  s'em^ 
pressent,  et  s'empresseront  toi^ours  de  décorer  de 
leurs  richesses,  Verres  n'a  pas  souffert  qu'il  fut  décoré 
par  un  roi  !  Aussi ,  depuis  cette  époque  funeste ,  rien 
n'a  pu  réprimer  son  audace  saorilége;  et  sa  conduite 
dans  la  province  a  été  con^mment  celle  d'un  bri- 
gand ,  qui  a  déclaré  li^guerre  non  seulement  aux  hom- 
mes, mais  encore  aux  dieux  immortek. 

XXXUI.  Ségeste  est  une  villç  de  la  plus  haute 
antiquité  ^^  :  on  assure  qu'elle  fut  bâtie  par  Énée , 
lorsque  ce  prince  ,  échappé  des  ruines  de  Troie , 
aborda  sur  les  cotes  de  la  Sicile.  Aussi  les  ségestaiiis 
se  croient-ils  unis  avec  le  peuple  romain ,  autant  par 
les  liens  du  sang  que  par  ceux  d'une  alliance  et  d'une 
amitié  qui  ne  souffrirent  jamais  d'iitterruption.  Dans 
une  guerre  qu'ils  soutinrent  en  leur  nom  contre  les 
Carthaginois ,  leur  ville  fut  prise  et  détnrite.  Tout  ce 
qui  pouvait  servir  à  l'embellissement  de  Carthage  fut 
emporté  par  les  vainqueurs.  Parmi  les  dépouilles  était 
une  Diane  en  bron» ,  objet  du  culte  le  plus  antique 
et  vrai  chef-d'œuvre  de  l'art.  Transportée  en  Xj&ique , 
cette  Diane  n'avait  fai^  que  changer  d'autels  et  d'ado- 
rateurs. Ses  honneurs  la  suivirent  dans  ce  nouveac|  sé- 
jour, et  son  incomparable  beauté  lui  fit  retrouver  éhez' 
un  peuple  ennemi  tous  les  hommages  qu'elle  recevait  à 
Ségeste.  Quelques  siècles  après,  dans  la  troisième  guerre 
punique ,  P.  Scipion  se  rendit  maître  de  Carthage  ;  le 
virt.  3a 


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374  IN  TERREM  ACT.  H,  UB.  IV. 

betar.  Aliquot  seculis  post ,  P.  Scipîo  bello  Punico 
tertio  Cartfaaginem  cepit  :  qua  in  yictorîa  (videte 
hominis  Tirtutem  et  diligentiam ,  ut  et  domesticis 
prœclarissim»  yirtutis  exemplis  gaudeatis ,  et  eo 
majore  odio  dignam  istius  incredibilem  audaciam 
judicetis),  conyocatis  Sîculis  dmnibus,  quoddiu- 
tissiine  sœpissimeque  Siciliam  yexatam  a  Cartha- 
giniensibus  cognorat ,  jubet  omnia  cd'nquiri  :  pol- 
lioetur,  sibi  magns  cur»  fore  «  ut  civitatibus ,  quae 
cuj^sque  fuissent,  restituerentur.  Tum  illa,  quœ 
quondam  fuerant  Himera  sublata ,  de  quibus  antea 
dixi,  Tbermitanis  sunt  reddita  ;  tum  alia  Gelensi- 
bus ,  alia  Agrigentinis  :  in  quibus  etiam  ille  nobilis 
taurus ,  quem  chidelissimus  omnium  tyrannorum 
Pbalaris  habuisse  dicitur,  quo  yivos,  supplicii 
causa ,  diemittere  homines  ,  et  subjicere  flammam 
solebat  ;  quem  taurum  Scipio  quum  redderet  Agri- 
gentinis y  dixisse  dicitur ,  œquum  esse  iUos  cogi- 
tare,  utrum  esset  Siculis  utilius,  £uisne  servire  , 
an  populo  romano  obtempefare ,  quum  idem  mo- 
numentum,  et  domesticae  crudelitatis ,  et  nostrse 
mansuetudinis  baberent. 

XXXIV.  Illo  tempore  Segestanis  maxima  cum 
cura  hsBC  ipsa  Diana ,  de  qua  dicimus ,  redditur  ; 
reportatur  Segestam  ;  in  suis  antiquis  sedibus 
summa  cum  gratulatîone  ciyium  et  laetltia  reponi- 
tur.  H«c  erat  posita  Segestae ,  sane  excelsa  in  basi  ; 
in  qua  grandibus  litteris  P.  Africahi  nomen  erat 
'  incisum,  eumque  Garïuagthe  capta  abstituisse, 
perscriptum.  Colebatar  a  ciyibus  ;  ab  omnibuB  ad- 
venis  yisebatur  ;  quum  qusstor  essem ,  nibil  mihi 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  IV.  375 
vainqaear  (  observez  l'active  probité  de  ce  héros  :  ce 
grand  exemple  de  vertu  dans  aa  de  vos  citoyens  sera 
pour  vo«  coeurs  une  jouissance  délicieuse, /et  vous  en 
concevrez  encore  plus  de  haine  contre  Taudace  in- 
croyable de  Verres  )  ;  Scipion ,  dîs-je ,  rassembla  tous 
les  Siciliens.  U  savait  qae ,  pendant  long-temps  et  à 
diverses  reprises ,  leur  pays  avait  été  dévasté  par  les 
Cartliaginois  :  il  ordonna  les  perquisitions  les  plas 
exactes ,  et  promit  de  donner  tous  ses  soins  pour  faire 
restituer  à  chaque  ville  ce  qui  lui  avait  appartenu. 
Alors  les  statues  d'Himère,  dont  j'ai  parlé  ailleurs,  fu- 
rent reportées  chez  les  Thermîlains  ^^.  Gela ,  Agri* 
gente ,  recouvrèrent  ce  qu'elles  avaient  perdti ,  entre 
autres  chefs-d'œuvre ,  ce  taureau ,  instrument  trop  fa- 
meux des  vengeances  de  Phalaris.  On  «ait  que  le  plus 
atroce  de  tou^  les  tyrans  allamait  des  feux  sous  les 
flancs  de  ce  taureau,  après* y  avoir  enfermé  les  hom- 
mes que  sa  haine  avait  proscrftl  En  le  i*endant  aux 
Agrigentins,  Scipion  leur  dit  qu'ils  devaient  sentir 
lequel  était  le  plus  avantageux  pour  les  Siciliens ,  de 
vivre  sous  le  joug  de  leurs  compatriotes,  ou  d'obéir  au 
peuple  romain ,  puisque  la  présence  de  ce  monument 
attestait  à  la  fois  et  la  cruauté  de  leure  -tyrans  et  la 
douceur  de  notre  république. 

XXXrV.  A  cette  même  époque  ♦s,  la  Diane  dont  je 
parle  fut  rendue  aux  Ségestadns.  .£lle  fut  reportée  à 
Ségeste  et  rétablie  dans  son  premier  séjour,  au  milieu 
des  tfansports  et  des  acclamations.  Elle  était  posée  sur 
un  piédestal  fort  exhaussé ,  sur  lequel  on  lisait  ces  mots 
en  gros  caractères  :'SriPXOif  l'Africaiit  i'a  rendue 
APRàs  LA  PRISE  DE  Carthage.  Lcs  citoycus  l'hono^ 
raient  d'un  culte  religieux  ;  les  étrangers  la  visitaient  ; 
c'est  la  première  chose  qu'on  m'ait  montrée  à  Ségeste  *-, 

*  En  678. 


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376  m  TERREM  ACT.  II,  LIB.  IV. 
ab  illis  est  densonstratum  prius.  Erat  admodtiiR 
amplum  et  excelsam  s^gnam  cum  stola;  yeruni- 
tamen  inerat  in  illa  magnitudine  stas  atque  ba- 
bitus  Tirginalis  :  sagîtts  pendebant  ab  humero  : 
sînistra  manu  retinebat  arcum ,  dextra  ardentem 
facem  prieferebat. 

Hanc  quum  iste  sacrortfm  omnium  hostis ,  relî- 
gîonnmque  prsdo  vidisset,  quasi  illa  ipsa  face 
percussus  esset ,  ita  flagrare  cupiditate  atque  amen- 
tia  cœpit.  Imperat  magistratibus  iste ,  ut  eam  de- 
moliantur,  et  sibi  dent  :  nibii  sibi  gratius  ostendit 
fuCurum.  Illi  yero  dicere,  id  sibi  nefas  esse;  seque 
quum  summa  religione ,  tum  summo  metu  legum 
et  jndiciorum'teneii.  Iste  tum  petere  ab  ilHs ,  tum 
minari ,  tum  spem ,  tum  metum  ostendcre.  Oppo- 
nebant  illi  interdum  nomen  Africani  ;  donum  po- 
puli  romani  illud  esse  dicebant;  nibil  se  in  eo 
potestatis  babere ,  quod  imperator  clarissimus  ,' 
urbe  bostium  capta ,  monumentum  victorias  po- 
puli  romani  esse  yolnisset. 

Quum  is^e  nibilo  remissius,  atque  etiam  inulto 
yebemîentius  instaret  quotidiie ,  res  àgitur  in  se- 
natu  :  yebementer  ab  omnibus  reclamatur.  Itaque 
illo  tempore,  ac  primo  istius  adventu,  pemega- 
tur.  Postea ,  quidquid  erat  oneris  in  nantis  remi- 
gibusque  et:i^endis ,  in  frumento  imperando ,  Se- 
gestanis ,  prseter  ceteros ,  imponebat  aliquanto 
amplius  ,  quam  ferre  possent  ;  prseterea  niagistra- 
tus  eorum  evocabat  ;  optimum  quemque  et  nobi- 
lissimum  ad  se  arcessebat  ;  circum  omnia  provin- 
çiad  fora  rapiebat  ;  singillatim  unicuique  calamitati 
fore  se  denuntiabat;  universam  se  funditus  illam 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  IV.  377^ 
pendant  ma  qnestnre.  Malgré  sa  grandear  presque 
«olossale ,  on  distinguait  les  traits  et  le  maintien  d^one 
vierge  ;  vêtne  d'une  robe  longuQ  ^°,  un  carquois  sur 
Vépaulc^,  elle  tenait  son  arc  de  la  main  gauche,  et  de 
la  droite  elle  présentait  pne  torche  allumée.  * 

Dès  que  cet  ennemi  de  tous  les  dieux ,  ce  spoliateur 
de  tous  les  autels ,  Tent  aperçue ,  aussitôt ,  comme  si 
la  déesse  Feût  frappé  de  son  flambeau ,  il  s'enflamma 
pour  elle  et  brûla  du  désir  de  la  posséder  ^'.  Il  com- 
mande aux  magbtrats  de  Fenlever  du  piédestal ,  et  de 
lui  en  faire  don  :  rien  au  monde  ne  peut  lui  être  plus 
agréable.  Cenx-<â  lui  représentent  qu'ils  ne  le  peuvent 
sans  crime  ;  que  la  i«Ugîon  et  les  lois  le  leur  défendent. 
Verres  insiste  ;  il  prie,  menace,  promet,  s'emporte. 
On  lui  opposait  le  nom  de  Scipion  ;  on  cherchait  à  lui 
faire  entendre  que  ce  qu'A  demandait  était  un  don  du 
peuple  romain;  que  les  Ségestains  ne  pouvaient  rien 
sur.  une  statve  que  le  célèbre  général  qui  l'avait  con- 
quise avait  placée  chez  eux  comme  un  monument  de 
la  victoire  du  peuple  romain. 

Le  préteur  n'en  était  que  plus  pressant  et  plus  opi- 
niâtre. Sa  demande  est  portée  au  sénat  ;  elle  est  unani- 
mement rejetée.  Ainsi ,  pour  cette  fois  et  à  son  premier 
voyage ,  il  éprouva  un  refus  positif.  De  ce  moment , 
lorsqu'il  imposait  quelque  contribution  en  matelots  f 
en  rameurs  ou  en  grains ,  Ségeste ,  à  chaque  fois ,  était , 
plus  que  toute  autre  ville ,  taxée  au-delà  de  ses  moyens. 
Ce  n'est  pas  tout  :  il  mandait  leurs  magistrats  à  sa 
suite  ;  il  appelait  auprès  de  lui  les  citoyens  les  plus 
considérés.  11  affectait  de  les  traîner  dans  toutes  les 
villes  où  il  tenait  ses  assises,  déclarant  à  chacun  en 
particulier  qu'il  le  perdrait ,  et  que  leur  cité  serait  ren- 
*  yof.  Winkelmann ,  VI,  2,  77. 


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%S  m  VERREM  ACT.  H,  LIB.  IV. 
eTersorum  esse  civitatem  minabatur.  Itaque  ali- 
quando,  mnltis  malis,  magnoque  metu  yicti  Se- 
gestani ,  prsetoris  imperîo  parendum  esse  decre- 
verunt  :  magno  cum  luctu,  et  gemitu  totius  clyi- 
tatis,  multis  cum  lacrymis,'  et  lamentatione  viro- 
mm  xnulîerumque  omnium,  simulacrum  Dianaè 
tollendum  locatur. 

XXXV.  Videte  quanta  rejîgîone  fnerit  :  apud 
Segestanos  repertum  esse,  judices,  scitote  nemi- 
nem,  neque  liberum,  neque  servum,  neqne  ci- 
vem ,  neque  peregrinum ,  qui  illud  sîgnum  aude- 
ret  attingere.  Barbaros  quosdam  Lilybaeo  scitote 
adirocatos  esse  operarios  :  hi  denique  iUud ,  ignari 
totius  negotîi  ac  religionis ,  mercede  accepta ,  sus- 
tulerunt.  Qnod  quum  ex  oppido  exportaretur , 
quem  eonventum  mulierum  fiaictum  esse  arbitra- 
mini  ?  quem  fletum  raajorum  natu  ?  quorum  non- 
nulH  etfam  illum  diem  memoria  tenebant,  quum 
iUa  eadem  Diana ,  Segestam  Cartbagîne  revecfa , 
yictoriam  populi  romani  redîtu  suo  nuntîasset. 
Quam  dissiroilis  hic  dies  illi  tempori  videbatur? 
tum  imperator  populi  romani ,  vir  clarîssimus  , 
deos  patrios  reportabat  Segestanis,  ex  urbe  hos- 
tium  recuperatos  :  nunc  ex  urbe  sociorum  prsetor 
ejusdem  populi  turpissimus,  atque  impurissimus , 
eosdem  illos  deos  nefario  scelere  auferebat.  Quid 
hoc  tota  Sicilia  est  clarius ,  quam  omnes  Segesta- 
nas  matronas  et  vir  gin  es  conyenîsse ,  quum  Diana 
exportaretur  ex  oppido  ;  unxisse  unguentis  ;  com- 
plesse  coronis  et  florîbus;  thure,  bdoribusque  in- 
censis,  usque  ad  agrî  fines  prosecutas  esse? 

Hanc  tu  tantam  religionem  si  tum  iu   imperio 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  IV.  379 
versée  de  foi^d  en  comble.  Vaincns  par  tant  de  persé- 
cutions et  de  menaces,  lés  Ségestaîns  enfin  décidèrent 
qu'il  fallait  obéir  à  Texprès  commandement  du  pré- 
teur **.  An  regret  de  tous  les  habitants,  au  milieu  des 
larmes ,  des  gémissements ,  des  lamentations  des  hom- 
mes et  des  fen^mes',  on  convient  d'un  prix  pour  le 
transport. 

XXXV.  Voyez  quelle  était  leur  vénération  pour  la 
déesse.  Apprenez  que ,  dans  toute  la  yille  ,'on  ne  trouva 
pas  un  seul  homme,  libre,  esclave ,  citoyen ,  étranger, 
qui  osât  porter  la  main  sur  la  statue.  Apprenez  qu'on 
fit  venir  de  Lilybée  quelques  ouvriers  barbares ,  qui 
n'étant  informés,  ni  des  faits ,  ni  dfs  sentiments  reli- 
gieux des  Ségcstains ,  firent  leur  lùarché ,  et  se  char- 
gèrent de  l'opération.  Vous  auriez  peine  à  concevoir 
quel  fut ,  au  moment  du  départ;,  le  concours  des  fem- 
mes, et  quels  furent  les  gémissements  des  vieillards; 
plusieurs  se  rappelaient  encore  le  jour  où  cette  même 
Diane ,  ramenée  de  Carthage  à  Ségeste ,  avait  annoncé, 
par  son  retour,  la  victoire  du  peuple  romain  *'.  Que 
les  temps  étaient  changés  !  Alors ,  un  général  romain , 
modèle  de  toutes  les  vertus ,  rapportait  aux  Ségestains 
leurs  dieux  paternels,  arrachés  des  mains  de  leurs  en- 
nemis; et  maintenant  ces  mêmes  di3u^  étaient  indigne- 
ment enlevés  du  sein  d'une  ville  alliée  par  un  préteur 
romain ,  le  plus  vil  et  le  plus  infâme  des  mortels.  La 
Sicile  entière  attestera  que  tontes  les  femmes  de  Ségeste 
accompagnèrent  la,  déesse  jnsqu'apx  bornes  de  leur  ter- 
ritoire ,  et  que,  pendant  toute  la  marche,  elles  ne  ces- 
sèrent de  répandre  des  essences  sur  sou  image  sacrée , 
de  brûler  de  l'encens  et  des  parfums  autour  d'elle ,  et 
de  la  couvrir  de  fleurs  et  de  guirlandes. 

Ah,  Verres!  si  l'ivresse  du  pouvoh',  si  l'excès  de 

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38o  m  VERREM  ACT.  H,  LIE.  IT. 
propter  cûpiditatem  atqtte  avidaciam  non  perti* 
mêscebas  ;  ne  nunc  quidem ,  in  tanto  tuo  liBero- 
rumque  tnorum  periculo ,  '  perhorrescis  ?  Quem 
tibi  aut  bomûiem ,  invitis  dus  immortalibus ,  aut 
Tero  deum,  tantîs  eorum  reb'gionibus  violatlsy 
auxilio  futupum  putas?  Tibi  illa  Dkna  in  pace 
atque  in  otio  religionem  nuUam  attulit,  quse, 
quum  duas  urbes,  in  quibns  locata  fiierat,  captas 
incensasque  vidisset,  bis  ex  duonim  bdlorum 
fiarama  ferroque  servata  est  ;  quae  CartbaginieQ- 
sium  yictoria,  loco  mutato ,  religionem  tamen  nom 
amisit;  B.  Africani  virtute  religionem  simul  cum 
loco  recuperavit  ?  Quo  quidem  se^lere  suscepto  , 
quum  inanis  esset  basis,  et  in  ea  P.  Africani  no- 
men  iucisum  ;  res  indigna  atque  intoleranda  -vide-* 
baturi>mnibus,  non  jsolum  religiones  esse  violatas, 
verum  etiam  P,  Africani,  yiri  fortissimi,  rerum 
gestamm  gloriaifa,  memoriam  Tirtutis,  monu- 
menta  victoriae,  C.  Verrem  sustulisse.  Quod  quum 
isti  renuntiarctur  de  basi  ac  litterîs,  existimavit 
bomines  in  oblivionem  totius  negotii  esse  ventu- 
ros,  si  etiam  basim ,  tanquam  indicem  sui  sceleris, 
sustulîsset.  Itaque  toUendam  istius  imperio  loca> 
verunt;  quae  vobis  locatio  ex  publicis  Segestano- 
rum  litteris  priore  actione  revcitata  est. 

XXX VI.  Te  nunc ,  P.  Scipio ,  te ,  îpquam,  lec- 
tissimum  ornatissimumque  adolescentem  appello  : 
abs  te  officium  tuum ,  debitum  generî  et  nomiui , 
requiro  et  flagito*  Cur  pro  isto,  qui  laudeni  bono- 
remque  familiae  vestrae  depeculatus  est ,  pugnas  ? 
cur'  eum  defensum  esse  -vis  ?  cur  ego  tuas  partes 
susçipio  ?  cur  tuum  '  onus  sustineo  ?  M.  Tullius 

'  Lamb.,  munus. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  IV.     38i 
Tandace  et  la  capidité  fermèrent  alors  votre  âme  à 
tous  les  sentimens  religieux ,  aujonrd^hm  qa'an  si  grand 
danger  menace  votre  tête  et  celle  de  vos  enfants  ,  ne 
frissonnez-yons  pas  à  ce  terrible  son  venir  ?  Quel  homme 
ponrra  von»  défendre  de  la  colère  des  dieux?  et  quel 
dieu  voudra  sauver  le  spoliateur  de  tous  les  autels  ? 
Dans  un  temps  de  paix  ,  chez  une  nation  amie ,  vous 
n'avez  pas  respecté  cette  Diane  qui ,  deux  fois  témoin 
de  la  ruine  et  de  Tembrasement  des  villes  ou  elle  était 
placée ,  a  deux  fois  échappé  aux  flammes  et  au  fer  de 
l'ennemi  ;  qui ,  transférée  loin  de  son  temple  par  la  vic- 
toire dtis  Carthaginois ,  devint  l'objet  d'un  culte»  chez 
nne  nation  étrangère ,  et  ramenée  à  Ségeste  par  la  va- 
leur de  Scipion ,  y  retrouva  ses  premiers  adorateurs  ! 
Cependant  le  piédestal  subsistait  encore  :  on  y  lisait  le 
nom  de  Scipion.  A  cette  vue,  chacun  s'indignait 'que 
.  Verres ,  en  profanant  la  religion  dans  ce  qu'elle  a  de 
pins  saint ,  eût  encore  outragé  la  gloire  d'un  héros  tel 
que  Scipion  ;  qu'il  eût  détruit  les  titres  de  sa  valeur , 
et  anéanti  les  monuments  de  sa  victoire.  Instruit  des 
réflexions  que  faisaient  naître  le  piédestal  et  l'inscrip- 
tion ,  il  imagina  que  tout  serait  bientôt  oublié  s'il  fai- 
sait disparaître  aussi  ce' piédestal  accusateur.  Il  envoie 
l'ordre  de  le  démolir.  On  vous  a  Iti  les  registres  de  Sé- 
geste, et  vous  avez  vu  ce  qu'on  a  payé  pour  cette 
seconde  opération. 

XXXVI.  Cest  à  yons,  P.  Scipion  **,  onî ,  c'est  à  vous- 
même  que  j'adresse  la  parole  ;  et  je  somme  aujourd'hui 
le  jeune  héritier  d'un  héros ,  d'acquitter  ce  qu'il  doit  à 
son  nom  et  à  sa  naissance.  Pourquoi  combattre  pour 
cet  homme  qui  a  porté  la  plus  cruelle  atteinte  à  la  gloire 
de  votre  famille  ?  pourquoi  vouloir  qu'il  soit  défendu  ?, 
pourquoi  faut-il  que,  moi,  je  remplisse  votre  fonction,  et 


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382  m  VERREM  ACT.  U,  UB.  ÏV^ 

P.  Âfiicanî^monumenta  requirit  :  P.  Scipio  eom , 
qui  iUa  snstufit ,  défendit.  Quum  mos  a  majoribus 
traditus  sit,  ut  monumeuta  majorum  ita  suorum 
quisque  defendat,  ufea  ne  omari  quidem  nomine 
alieno  sinat;  tu  isti  aderis,  qui  non  obtrusit  aliqua 
ex  parte  monumenta  P.  Scipionis,  sedfunditus  sus- 
tulitac  deleyitPQuisnam  igitur,  per  deos  immorta- 
les  !  tuebitur  P.  Scipionis  memoriam  niortui  ?  quis 
monumenta,  atqueindicia  virtutis,  si  tu  ea  relin- 
ques  ac  deseres,  neque  soium  spoliata  illa  patiere, 
sedetiam  eorum  spoliatorem,  yexatoremque  dé- 
fendes ? 

Âdsunt  Segestani ,  clientes  tui ,  socii  populi  ro- 
mani ,  atque  amici  :  certiorem  te  faciunt ,  P.  Afri- 
canum ,  Garthagine  deleta ,  simulacrum  Dianae 
majoribus  suis  restituisse  ;  idqûe  apud  Segestanos 
ejus  imperatoris  nomine  positum,  ac  dedicatum 
fuisse  ;  hoc  Verrem  demoliendum  et  asportandum, 
nomenque  omnino  P.  Scipionis  delendum  tollen- 
dumque  curasse  :  orant  te,  atque  obsecrant,  ut 
sibi  religionem,  generi  tuo  laudem  gloriamque 
restituas ,  ut ,  quod  ex  urbe  hostium  per  P.  Afri- 
canum  recuperarint ,  id  per  te  ex  prsedonis  domo 
conservare  possint. 

XXX VU.  Quîd  aut  bis  respondere  honeste 
potes  ?  aut  illi  facere ,  i^ai  iiî-  te  ac  fidem  tuam 
implorent?  Adsunt,  et  implorant  :  pote§  dômes- 
ticae  laudis  amplitudinem ,  Scipio,  tueri;  potes  : 
omnia  in  te  sunt,  qus  aut  fortuna  hbminibus, 
aut  natura  largitur.  Non  poecerpo  fructum  offîcii 
tui;  non  alienam  mihi  laudem  appeto  :  non  est 
pudoris  mei,  P.  Sciptone,  florentissimo  adoles- 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  IV.  383 
que  f  exerce  un  ministère  qui  vous  appartient?  Cicérou 
réclame  les  gi^onaments  de  Scipion  TAfincain ,  et  Sci- 
pion  défend  celai  qni  les  a  enlevés  !  Un  nsage  antiqne 
prescrit  à  chacun  de  nons  de  maintenir  les  monuments 
de  ses  ancêtres ,  de  ne  pas  souffrir  même  qn^ils  soient 
décorés  d'un  nom  étranger  :  et  quand  un  pervers  a  osé, 
je  ne  dis  pas  dénaturer  ^^,  mais  ravir  et  détruire  les 
monuments  de  Scipion ,  vous  serez  son  appui  !  Et  qni 
donc ,  grands  dieux  !  vengera  la  mémoire  de  Scipion  ? 
qui  donc  maintiendra  les  trophées  de  sa  valeur,  si  vous- 
même  les  ahandonnez ,  si  vous  les  laissez  à  la  merci  de 
Taudace ,  que  dis-je  ?  si  vous  couvrez  dé  votre  protec- 
tion Texécrahle  auteur  d'un  tel  forfait  ? 

Vous  voyez. ici  les  Ségestalns,  vos  clients ,  les  alliés , 
les  amis  du  peuple  romain.  Ils  certifient  qu'après  la 
mine  de  Carthage,  Scipion  TAfricain  rendit  la  statue 
de  Diane  à  leurs  ancêtres  ;  que  cette  statue  fut  posée 
et  consacrée  chez  eux ,  sons  les  auspices  de  ce  grand 
homme  ;  que  Verres  Ta  fait  déplacer  et  enlever;  qu'il 
a  fait  disparaître  le  nom  de  Scipion.  Ik  vous  prient, 
il»  vous  conjurent  de  rendre  à  leur  piété  l'ohjet  d'un 
culte  sacré,  à  votre  £imille  les  plus  heanx  titres  de  sa 
gloire,  et  de  leur  faire  reconnaître,  en  arrachant  leur 
déesse  de  la  maison  d'un  brigand,  la  vertu  du  héros 
qui ,  pour  eux  autrefois ,  l'enleva  des  murs  d'une  ville 
ennemie. 

X.XXVII.  Que  pouvez-vous  décemment  leur  répon- 
dre? eux-mêmes  que  peuvent-ils  faire  que  d'invoquer 
votre  nom  et  d'implorer  votre  appui  ?  Les  voici;  ils 
l'implorent.  Vous  pouvez,  Scipion,  soutenir  le  lustre 
et  rhonneur  de  votfte  maison.  Oui,  vous  le  pouvez*: 
la  fortune  et  la  na\tire  vous  oi\t  comblé  de  tous  leurs 
dons.  Je  ne  viens  pqint  disputer  vos  droits ,  usurper 
une  gloire  qui  vous  appartient;  je  n'ai  pas  la  folle  pl'é- 


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384  IN  VERREM  ACT.  II,  LIB.  IT, 

cente»  tivo  et  inçoliuni ,  me  propugnatorem  mo- 
numentorum  P.  Scipionis  y  defensoremque  pro- 
fiter!. 

Quamobrem  si  suscipift  domestic»  landis  patro- 
cinium,  me  non  solam  silere  de  yestris  raonu- 
mentis  oportebit,  sed   etiam  laetari,  P.  Âfricani 
ejiismodi  esse  fortunas  mortui ,  ut  ejus  h  on  os  ab 
ils,  qui  ex  eadem  iamilia  sunt,  defendatur,  neque 
allum  adventitium  requiratur  auxilium.  Sin'istius 
amicitia  te  impediet  ;  si  hoc ,  quod  ahs  te  postulo  , 
minus  ad  offîcium  tuum  pertinere  arbitrabere , 
succedam  ego   yicarîus   tuo    muneri  ;  suscipiam 
partes ,  quas  aliénas  esse  arbitrabar  :  ne  ista  pr%- 
clara  nobilitas  desinat  queri,  populum  romanum 
hominibus  no  vis  atque  industriis  libenter  honores 
mandare ,  semperqu^  mandasse.  Non  est  queren- 
dum,  in  ea  civitate,  quœ  propter  virtutem  omni- 
bus nationibus  imperat ,  Tirtutem  plurimum  posse. 
Sit  apud  alios  imago  P.  iiricaui;  ornentur  alii 
mortuî  yirtute  ac  nomine  :  talis  ilie  vir  fuit,  ita  de 
populo  romano  meritus  est,  ut  non  uni  familis , 
sed  univers*  civitati  commendatus  e^se  debeat. 
Est  aliqua  mea  pars  virilis,  quod  ëjus  civitatis 
sura ,  quam  ille  amplam ,  illtistrem  ,  claramque 
reddidit  ;  prsecipue  quod  in  his  artibus  pro  mea 
parte  versor,  quarum  ille  princeps  fuit ,  aequitate , 
industria ,  temperantia  ,  defensione   miserorum  9 
odio  improborum  :  quœ  cogoatio  studiorum  et 
artium  propemodum  non  minus  est  coryuncta, 
quam  ista,  qua  vos  delectamini,  generis  et  no- 
minis. 

XX XVI II.  Repeto  abs  te,  Verres,  monumen- 


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SKC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  IV.  385 
rention  de  m'établir  le  vengeur  des  monoments  de 
Scipion  TAfricaîa,  quand  f  aperçois  ici  l'héritier  de  sa 
gloire. 

Péfendez  l^onnenr  de  votre  famille  :  mon  devoir 
sera  de  me  taire  et  d'applaodir  même  à  Theureose 
destinée  de  Scipion,  en  voyant  que  sa  gloire  trouve  un 
appui  dans  sa  propre  maison,  et  n'a  pas  besoin  d'un 
secours  étranger.  Mais  si  votre  amitié  pour  Verres  se 
fait  seule  entendre;  si  ce  que  je  réclame  de  vous  ne 
vous  semble  pas  un  devoir  indispensable ,  alors  je  pren- 
drai votre  plaoe ,  alors  je  me  chargerai  d'une  fonction 
que  je  croyais  la  vôtre  :  je  veux  que  notre  brillante 
noblesse  ne  cesse  pas  de  se  plaindre  que  depuis  long- 
temps le  peuple  romain  prend^  plaisir  à  conférer  les 
honneurs  aux  généreux  efforts  des  hommes  nouveaux. 
Au  surplus,  elle  a  tort  de  trouver  mauvais  que  la  vertu 
{lit  des  droits  dans  une  cité  que  la  vertu  a  faite  la  reine 
des  nations.  Que  d'antres  gardent  chez  eux  l'image  de 
Scipion;  qu'ils  se  parent  du  n#m  et  des  titres  d'un 
homme  qui  n'est  plus  :  mais  Scipion  fiit  un  héros;  il 
fut  le  bienfaiteur  du  peuple  romain  ;  sa  gloire  n'est  pas 
l»  propriété  d'une  seule  famille  ;  elle  est  le  patrimoine 
de  la  république  entière.  Je  prétends  pour  ma  part  à 
ce  noble  héritage,  parce  que  je  suis  citoyen  d'une 
patrie  qu'il  a  honorée ,  agrandie,  illustrée,  et  plus  en- 
core parce  que  je  pratique ,  autant  qu'U  est  en  mon 
pouvoir,  les  hautes  vertus  dont  sa  vie  nous  offre  le 
plus  parfait  modèle ,  l'équité,  l'amour  du  travail,  la 
tempérance,  la  défense  des  malheureux,  la  haine  des 
méchants.  Cette  conformité  de  goûts  et  de  principe^ 
établit  aussi  des  rapports  non  moins  sacrés  peut-être, 
ni  moins  intimes  que  ces  liens  àvi  sang  dont  vous  faites 
vanité. 

XXXVIII.  Verres,  je  réclame  de  vous  le  monument 
vitt.  3i 


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386  IN  VERIŒM  ACT.  H,  LIB.  IT. 

tum  P.  Africani;  causam  Siculornm,  quam  suscepî, 
relinquo  ;  judicium  de  pecuniis  repetundis  ne  sit 
hoe  tempore  ;  Segestanorum  injuriae  neglîgantur  : 
basis  P.  Africani  restituatur  ;  nomen  inyictissimi 
imperatoris  incidatur;  signirm  pulcherrimum  Car- 
thagine  captum  reponatur.  Haec  abs  te  non  Siculo- 
rum  defensor,non  tuus  accusator,  non  Segestanî 
postulant  ;  sed  is ,  qui  laudem  gloriamque  P.  Afri- 
cani tuendam  conseryandamque  suscepit.  Non 
vereoT,  ne  hoc  officium  P-  Servilio  judici  non 
probem  ;  qui  quum  res  maximas  gesserit ,  monu- 
raentaque  suanun  rerum  quum  maxime  constituât  * 
atque  in  his  elaboret,  profecto  volet  h«c  non  so- 
lam  suis  posteris ,  yerum  etiam  omnibus  viris  for- 
tibus  et  bonis  civibus  defendenda ,  non  spolianda 
improbis  tradere.  Non  vereor,  ne  tibi ,  Q.  Catule, 
displiceat ,  cujus  amplissimum  in  orbe  terrarum , 
clarissimumque  moAumentum  est,  quara  plurimos 
esse  custodes  monumentorum ,  et  putare  omnes 
bonos  aliénas  gloriae  defensionem  ad  officium  suum 
pertinere. 

Etquidem  ceteris  istius  furtis  atque  flagitiis  ita 
moveor,  ut  ea  reprebendenda  tantum  putem  :  hic 
vero  tanto  dolore  afjQcior,  ut  nihil  mihi  indignius, 
nihil  minus  ferendum  videatur.  Verres  Africani 
monumentis  domum  suam,  plenam  stupri,  ple- 
nam  flagitii,  plenam  dedecoris,  ornabit?  Verres 
temperatissimi  sanctissimique  viri  monumentum, 
Dianœ simulacrum  virginis,  in  ea  domo  coUocabit, 
in  qua  semper  meretricum  lenonuraque  flagitia 
yersantur  ? 

XXXIX.  At  hoc  solum  Africani  monumentum 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  IV,  387 
de  Scipion  F  Africain,  ^abandonne  ponr  an  moment 
la  cause  des  Siciliens  ;  je  ne  parle  plas  de  vos  concas- 
sions ;  f  oablie  les  maux  dont  se  pljugnent  les  Séges- 
tajns.  Qae  le  piédestal  soit  rétabli;  que  le  nom  d'an 
invincible  général  y  soit  gravé  ;  qae  cette  admirable 
statne ,  reconquise  à  Cartbage ,  reprenne  sa  place  :  ce 
n'est  pas  le  défenseur  des  Siciliens ,  ce  n'est  pas  votre 
accnsatear,  ce  ne  sont  pas  les  Ségestains  qui  le  deman- 
dent, mais  un  citoyen  qui  s'est  cbargé  de  venger  et  de 
maintenir  l'honneur  et  la  gloire  de  Scipion.  P.  Servi- 
Hus ,  qui  siège  parmi  nos  juges ,  ne  peut  improuver  mon 
zèle.  Célèbre  par  tant  de  hauts  faits ,  occupé  dans  ce 
moment  même  du  soin  de  ses  monuments ,  il  ne  vent 
pas  sans  doute  les  laisser  à  la  merci  des  pervers  ;  il  dé- 
sire les  placer  sons  la  garde  non  seulement  de  sa  fa- 
mille, mab  de  tous  les  bons  citoyens.  Et  vous,  Q.  Ca- 
tnlus,  dont  le  monument  est  le  plus  beau  et  le  plus 
magnifique  qui  existe  dans  tout  TuniveFs ,  les  élans  de 
cette  généreuse  émulation  ne  peuvent  vous  déplaire, 
et  vous  verrez  avec  intérêt  tous  les  honnêtes  gens  se 
faire  un  devoir  c^  maintenir  les  trophées  des  grands 
hommes. 

Pour  moi ,  quelque  criminels  que  soient  à  mes  yeux 
les  autres  vols  et  les  autres  bassesses  de  "Verres ,  je  n'y 
vois  que  la  matière  d'une  juste  accusation.  Mais  ce 
dernier  forfait  me  révolte  ;  il  m'indigne  ;  il  me  remplit 
d'horreur.  Les  trophées  de  Scipion  dans  la  maison  de 
Yerrès  !  dans  une  maison  vouée  an  vice ,  au  crime ,  à 
Topprobre  !  le  monument  du  pluâ  sage  et  du  plus  ver- 
tueux des  mortels,  la  statue  de  la  chaste  Diane,  au 
miUeu  d'un  ramas  de  femmes  corrompues  et  d'homfnes 
corrupteurs  \ 

XXXIX.  Ce  monument  de  Scipion  est- il  le  seul 


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388  IN  TERREM  ACT.  H,  LIB.  IT. 

YÎolMtî?  quid?  a  Tyndaritanis  non  ejusdem  Sci- 
pionis  beneficio  positum  fîmulacrum  Mercurii  , 
pnlcherrime  factura  ,  sustulisti  ?  Ât  quemadmo- 
dum,  dii  immortales!  quam  audacter!  quam  Hbî- 
dinose  !  quam  impudenter  î  Âudistis  nuper  dicere 
legatoA  Tyndaritanos ,  homines  honestissimos  ac 
principes  ciyitatis,  Mercurium,  qui  sacris  anni- 
versariis  apud  eos  ac  summa  religione  coleretur  y. 
quem  P.  Africanus,  Carthagine  capta,  Tyndarita- 
nis non  solum  sus  victoris,  sed  etiam  illorum 
fidei  societatisque  monumentum  atque  indicium 
dedissety  hujus  vi,  scdere,  imperioque  esse  sub- 
latum  :  qui  ut  primum  in  iliud  oppidum  yenit , 
statim ,  tanquam  ita  fieri  non  solum  oporteret , 
sed  etiam  necesse  esset;  tanquam  boc  senatus  man- 
dasset,  populusque  romanus  jassisset;  ita  conti-r 
nuo,  signum  ut  demolirentur,  et  Messanam  de- 
portarent ,  imperayit. 

Quod  quum  illis ,  qui  aderant ,  îndignum ,  qui 
audiebant ,  incredibile  yideretur;^on  est  ab  isto, 
primo  illo  adyentu ,  perseveratum  :  discedens  man- 
dat proagoro  Sopatro,  cujus  verba  âudistis^  ut 
demoliatur  :  quum  recusaret,  yebementer  mina- 
4ur  :  ita  tum  ex  illo  oppido  proficiscitur.  Proago- 
rus  refert  rem  ad  senatum  :  yebementer  uudique 
reclamatur.  Ne  multa  :  iterum  iste  aliquanto  post 
ad  illos  yenit,  quaerit  continuo  de  signo.  Respon- 
detur  ei ,  senatum  non  permittere  ;  pcénam  capitis 
constitutam,  si  injussu  senatus  quisquam  attigisaet  : 
simul  religio  commemoratur.  Tum  iste  :  Quam 
mibi  religionem  narras  ?  quam  pœnam  ?  quem  se- 
natum? yiyum  te  non  relinquam;  moriere  yirgis. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  IT.  ^g 
qne  vous  ayez  violé  ?  n'avez- vons  pas  enlevé  aussi  aux 
habitants  de  Tyndare  un  superbe  Mercure  qi^'iis 
tenaient  dn  même  Scipion?  Et  de  qu^fîe  manière  s'en 
est-il  emparé?  Grands  dieux!  quelle  audace!  quelle 
tyrannie  !  et  quelle  impudence  !  Les  déposés  de  Tyn- 
dare, citoyens  resfKCtables  et  les  premiers  de  leur 
ville ,  vous  ont  dit  que  ce  Mercure  était  Tobjet  de  leur 
vénération;  qu'ils  l'honoraient  chaque  année  par  des 
fêtes  solennelles  ;  que  Scipion ,  après  la  prise  de  Car- 
thagé,  l'avait  placé  chez  eux,  pour  é|re  à  la  fois  le 
monument  de  sa  victoire  et  le.  prix  de  leur  fi^^lité  ; 
qu'il  leur  a  été  ravi  par  la  violé|Lce,  par  la  acélératesse 
et  le  despotisme  de  Terres.  Au  moment  de  sa  première 
entrée  dans  la  ville ,  comme  si  Vent  été  pour  lui  un 
devoir,  que  dîs-je  ?  une  nécessité  pressante ,  indispen- 
sable ;  comme  s'il  n'eût  fait  qu'exécuter  un  décret  di( 
sénat,  une  loi  du  peuple  romain,  il  ordonne  sur-le- 
champ  qu'on  descende  la  statue  et  qu'on  la  transporte 
à  Messine. 

Comme  cet  ordre  révolte  ceux  qui  l'entendent,  et 
que  ceux  à  qui  on  le  répète  refusent  d'y  croire ,  il  n'in- 
siste pas  pour  ce  premier  moment;  mais ,  en  quittant 
la  ville ,  il  charge  de  l'exécution  Sopater,  proagore , 
dont  vous  avez  entendu  la  déposition.  Celui-ci  résiste. 
Terres  menace ,  et  part.  Le  proagore  fait  son  rapport 
au  sénat.  La  proposition  est  rejetée  à  rnnanimfté. 
Bref,  à  quelques  Jours  de  là ,  le  préteur  rcvâent ,  et 
aussitôt  il  s'informe  de  la  statue.  On  lui  répond  que  le- 
isénat  refuse,  et  qu'il  est  défendu,  squs  p^ne  de  mort,^ 
de  toucher  à  la  statue  sans  un  ordie  da  sénat.  On 
joint  à  cela  des  motifs  dç  reUgion.  La  religion  !  s'écrie 
Terras  :  le  sénat  !  des  peines  que  m'importe  à  moi? 
Sopater,  il  y  va  de  la  vie.  La  statue ,  ou  la  mort.  L'inr 
fortuné  retourne  au  sénat ,  les  larmes  aux,  yeux  ;  il 


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ÎQO  IN  TERREM  ACT.  n,  UB.  IV. 

nisi  signum  traditur.  Sopater  iterum  flens  ad  sena* 
tun  refert  istius  cupiditatem ,  minasqne  démon- 
strat.  Senatus  Sopatro  re$ponsum  nuUum  dat,  sed 
commotus  perturbatasque  discedit  lUe  prstoris 
arcessitus  nuntio,  rem  demonstrat  :  negat  ullo 
modo  fîeri  posse. 

XL.  Âtque  hsc  (  nihîl  enim  prœtermittendum 
de  istias  impudentia  videtur)  agebantur  in  con- 
yentu  palam,  de  sella ,  ac  de  loco  superiore.  Erat 
hiems  sumuM  ;  tempestas ,  ut  ipsum  Sopatrum  di- 
cere  audistis ,  perfiigida  ;  imber  maximus  :  qnam 
iste  imperat  lictoiribus,  ut  Sopatmm  de  portica , 
in  qua  ipse  sedebat ,  praecîpitem  in  forum  deji-  , 
ciant,  nndumque  constituant.  Vix  erat  boc  plane 
rmperatum ,  quum  illnm  spoliatum  ,  stipatumcpie 
lictorihus  videres.  Omues  ideojputabant,  ut  miser 
atque  innocens  virgîs  caederetur  :  fefellit  h«c  bo- 
mines  opinio  :  virais  iste  c»deret  sine  causa  so- 
cium  popuU  romani,  atque  amicum  ?  Non  est  usque 
eo  improbus  ;  non  omnia  sunt  in  eo  uno  vitia  ; 
nunquam  fuît  crudelis  :  leniter  hominem  clemen- 
terque  accepit.  Equestres  sunt  medio  in  foro  Mar- 
cellorum  statu  se ,  si  cuti  fere  ceteris  in  oppidis  Si- 
ciUae  :  ex  quibus  iste  C.  Marcelli  statuam  delegit, 
cujus  officia  in  illa  civitate  totaque  provincia  re- 
centissiroa  erant  et  maxima  :  in  ea  Sopatrum,  bo- 
.  minem  tum  domi  uobilem ,  tum  suromo  magistrat* 
prseditum  ,  diyaricari  ac  deligari  jubet. 

Quo  cruciafu  sit  afFectusf  venire  in  mentem  ne- 
cesse  est  omnibus,  quumesset  vinctus  nudus  in  are, 
in  imbri ,  in  frigore.  Neque  tamen  finis  buic  in- 
juriae  crudelitatique  fîebat,  donec  populus  atque 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  IV.  391 
«zpose  les  menaces  de  Verres  et  la.  yiolence  de  ses 
désîi^.  Les  sénateurs,  sans  donner  ancane  réponse, 
se  retirent  pâles  et  tremblants.  Sopat«r,*taiandé  par  le 
préteur,  lui  rend  compte  de  tout,  et  déclare  que  la 
chose  est  impossible. 

XL.  Observes,  car  il  ne  Êint  rien  perdre  de  l'impu- 
dence du  personnage,  observez  que  cette  scène. se 
passait  en  public  devant  une  foule  de  Romains ,  le 
préteur  siégeant  sur  son  tribunal.  On  était  au  fort 
de  l'biver,  et ,  comme  vous  Ta  dit  Sopater,  le  froid  était 
très  vif;  la  pluie  tombait  avec  violence,  il  ordonne 
aux  licteurs  de  le  saisir,  de  le  jeter  à  bas  du  portique 
ou  était  le  '  tribunal ,  et,  de  le  dépouiller.  A  peine 
l'ordre  est  prononcé ,  et  déjà  il  est  nu ,  au  milien  des 
licteurs.  Tout  le  monde  s'attendait  à  le  voir  battre  de 
verges.  Tout  le  monde  se  trompait.  Verres  battre  de 
verges ,  sans  aucune  raison ,  un  allié,  un  ami  du  peu- 
ple romain  !  Sa  perversité  ne  va  pas  jusque  là  ;  il  ne 
réunit  pas  en  Ini'senl  tous  les  vices  à  la  fois;  jamais 
il  ne  fut  oruel.  H  traita  Sopater  avec  douceur  et  dé- 
mence. Il  y  a  dans  le  forum  de  Tyndarc,  ainsi  que 
dans  presque  toutes  les  villes  de  la  province,  des 
statues  équestres  des  Maroellus.  Il  choisit  celle  de 
Caïus  MarceUas ,  dont  les  bienfaits  envers  Tyndare  et 
lu  Sicile  entière  sont  les  plus  récents  et  les  plus  si- 
gnalés. Il  ordonne  que  Sopater,  un  des  principaux 
dtoyens,  et  alors  le  premier  magistrat  de  Tyndare, 
soit  lié  derrière  la  statue ,  les  jambe»  pendantes  de 
l'un  et  de  l'antre  côté.  N 

Tâchez  de  concevoir  ce  qu'il  dut  éprouver  de  dou- 
leurs, lié  nu  sur  ce  bronze,  par  une  pluie  aussi  vio- 
lente, par  un  froid  aussi  rigoureux  ^®.  Ce  supplice 
injurieux  et  barbare  ne  cessa  pourtant  que  lorsque  la 


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Sga  IN  TERREM  ACT.  II,  LIB.  IT. 

universa  multitudo ,  atrocitate  rei  misericordiaqar 
commota,  senatam  clamore  coegit,  ut  ei  simula- 
crum  illud  Afercuiii  polUceretur.  Clamabant  fore , 
ut  ipsi  sese  dii  immortales  ulciscereutur  :  hominem 
interea  perire  innocentem  non  oportere.  Tum  fre* 
quens  senatus  ad  îstum  venit  ;  pollicetur  sig^num. 
Ita  Sopatér  de  statua  C.  Marcelli ,  quum  jam  paene 
obriguisset ,  vix  yivus  aiifertur. 

XLI.  Non  possum  disposite  istum  accusare,  si 
cupiam  :  opus  est  non  solum  ingenio,  verum  etîam 
artîficio  quodam  singulari.  Unum  hoc  crimen  vi- 
detur  esse ,  et  a  me  pro  uno  ponîtur ,  de  Mercurio 
Tyndaritano  :  plura  sunt  ;  sed  ea  quo  pacto  distin- 
guère,  ac  separare  possim,  nescio.  Est  pecuniarum 
captarum ,  quod  sîgoum  a  sociis  pecuniae  magn« 
sustutit  ;  est  peculatus,  quod  publiée  populi  romani 
signum,  de  fftxda  hostium  captum,  positum  im? 
peratoris  nostri  nomine ,  non  dubitavit  auferre;  est 
majestatis,  quod  imperii  nostri  glovis  rerumque 
gestarom  monumenta  erertere  atque  asportare 
ausus  est;  est  sceleris,  quod  religiones  roaximas 
violavit  ;  est  crudelitatis  9  quod  in  bominem  inno- 
centem, in  socium  nostrum  atque  amicum,  noyum 
ac  singulare  supplicii  genus  excogitavit. 

Illud  vero  quid  sit,  jam  non  queo  dicere  ;  quo 
nomine  appellem ,  nescio ,  quod  in  C.  Marcelli 
statua.  Quid  est  hoc?  patronusne  quod  erat?  Quid 
tum  ?  quo  id  spectat  ?  utrum  ea  res  ad  opem ,  an. 
ad  calamitatem  clientium  atque  hospitum  valere 
debebat?  an  ut  hoc  ostenderes,  contra  vim  tuam. 
in  patfouis  praesidii  nihil  esse  ?  Qui«  hoc  non  in- 
telligeret,  in  improbi  pr8eseutis  imperio  majorem. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  IV.  398 
maltitade ,  transportée  à  la  fois  dlndignation  et  de 
pitié,  ettt,  par  ses  damenrs,  contraint  le  sénat  de 
promettre  la  statue  à  Verres.  Les  dienx  sat^ront  se 
venger  eax-mémes,  criait-on  de-.. tontes  parts;  mais 
cependant  il  ne  fant  pas  qu'on  innocent  périsse.  Le 
sénat  en  corps  va  donc  trouver  le  préteur,  et  loi  pro- 
met la  sMtae.  Alors  Sopater  est  délié.  On  l'emporte 
chez  lui  roide  de  froid,  et  presque  mort. 

XLI.  J'essaierais  en  vain  de  disposer  par  ordre  les 
divers  chefs  d'accusation  :  l'esprit  seul  ne  sufBrait  pas  ; 
il  faudrait  y  joindre  un  art  et  une  adresse  infinis.  Ce 
vol  du  Mercure  de  Tyndare  semhle  n'offrir  qu'un  seul 
délit ,  et  je  le  présente  comme  un  seul  crime.  Il  en 
renferme  plusieurs  ;  mais  je  ne  sais  comment  les  diviser 
et  les  distinguer.  Il  y  a  tout  à  la  fois  :  —  Concussion  : 
une  statue  d'un  grand  prix  a  été  enlevée  k  nos  alliés. 

—  Péculat  :  cette  statue,  enlevée  par  autorité,  était 
une  propriété  publique;  c'était  le  prix  de  notre  vic- 
toire ;  elle  avait  été  consacrée  par  notre  général.  —  Lèse- 
majesté  :  Verres  a  osé  renverser  et  s'approprier  .les 
monuments  de  la  gloire  de  notre  empire.  --*  Sacrilège  : 
la  religion  a  été  violée  dans  ce  qu'elle  a  de  plas  saint. 

—  Barbarie  :  un  supplice  nouveau,  inconnu,  a  été 
inventé  contre  un  homme  innocent, Tami,  l'allié  de 
notre  république. 

Mais  comment  caractériser  l'emploi  qu'il  a  fait  de 
la  statue  de  Marcellus  ?  je  n'ai  pas  d'expressions  pour 
définir  ce  dernier  attei^tat.  Quel  en  était'l'objet?  pour- 
quoi cette  insulte  inconcevable  ?  Était  -  ce  parce  que 
Marcellus  est  le  patron  des  Siciliens.»^  Mais  ce  titre  de- 
vait-il opérer  le  malheur  de  ses  clients  et  de  ses  hôtes  .^ 
Voulicz-vous  montrer  que  lespatrons  ne  peuvent  rien 
contre  votre  violence?  Eh!  ne  savait -on  pas  qu'un 
magistrat  pervers  peut  faire  plus  de  mal  on  il.  est ,  que 


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194  IN  VERRFM  ACT.  II,  LIB.  IV. 

esse  yim ,  quam  in  bonorum  absentium  patrocinio  ? 
An  vero  ex  hoc  ilia  tua  sin^nlaris  significatur  in- 
solentia,  superbia ,  «coatumacia  ?  Detrahere  ride- 
licet  aliquid  te  de  «mptîtudine  Marcellorum  pu- 
tasti.  Itaqae  nunc  Sicçloruni  Marcelli  non  sunt 
patroni  :  Verres  in  eorum  locum  substitntus  est. 

Qnam  in  te  tantam  virtutem  esse,  aut  dlpiitatem 
arbitratus  es, ut  conarere  clientelam  tam  illustrem, 
tam  splendidsB  proyincix,  transducere  ad  te,  au- 
ferre  a  certissimis  antiquissimisque  patronis  ?  Tu 
ista  stultîtia ,  nequitîa ,  inertia ,  non  modo  totius 
SicilisB  ,  sed  unius  tenuissimi  Siculi  clientelam 
tueri  potes  ?  tibi  Marcelli  statua  pro  patibulo  in 
clientes  Marcellorum  fuit  ?  tu  ex  illîus  honore  in 
•  eos  ipsos ,  qui  honorem  illi  habuerant ,  supplicia 
quaerebas?  quid  postea?  quid  tandem  tuis  statuts 
fore  arbitrabare?  An  rero  id,  quod  accidit?  Nara 
TyndaritanI  statnamistius,  quam  sibi  propter  Mar- 
cellos,  altiore  etiam  basi  poni  jusserat,  detnrba- 
runt ,  simul  ac  successum  isti  audierunt. 

XLII.  Dédit  igitur  tibî  fortuna  Siculorum  C. 
Marcellum  judicem ,  ut ,  cujûs  ad  statuam  Siculi , 
te  prstore ,  alligabantur,  ejus  religioni  te  eumdem 
yinctum  adstrictumque  dedamus.  Ac  primo,  judi- 
ces,  hoc  ^gnUm  Mercurii  4icebat  iste  Tyndarita- 
nos  C.  Marcello  huic  ^sernîno  vendidisse;  atque 
hoc  sua  causa  etiam  Marcellum  ipsum  sperabat  e^sse 
dicturum  :  quod  mihi  nunquam  verisimile  visum 
est ,  adolescentem  illo  loco  natum ,  patronum  Sici- 
liœ ,  nomen  suum  isti  ad  translationem  criminis 
commodaturum.  Verumtamen  ita  res  mibi  tota 


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SEC.  ACTION  CONTRE  WRRÈS;  IV.  ScjS 
ton»  les  protcctenra  honnêtes  n'en  peuvent  empêcher 
où  ils  ne  sont  pasP  On  bien  était-ce  an  dernier  efifbrt 
de  votre  insolence,  de  votre  tyrannie,  de  votre-incn- 
rable  perversité?  Oni,  vons  pensiez  avilir  et  dégrader 
les  Marcellas.  Aussi  ne  sont-ils  plas.les  patrons  des 
Siciliens  :  Terres  leur  a  été  substitué. 

Quelle  vertu ,  quel  mérite  si  grand  vous  donnait  le 
droit  d'usuiper  cette  honorable  fonction ,  aux  dépens 
d^une  famille  qui  Ta  ren^plie  depuis  si  long-temps  avec 
tant  de fîdéUté.^  Hommie  dépourvu  de  sens,  de  talents, 
de  moyens,  vous,  le  protecteur,  je  ne  dis  pas  delà  Si- 
cile entière ,  mais  du  plus  chétif  des  Siciliens  ?  "Vons 
avez  fait  de  la  statue  de  Marcellus  un  instrument  de 
supplice  pour  les  clients  de  cette  illustre  famille  !  "Vous 
cherchiez  dans  le  monument  de  sa  gloire  un  moyen 
de  torture  contre  ceux  qui  l'avaient  érigé  !  Et  vos  sta- 
tues, qu'cspérîez-vous  pour  elles?  avez-vous  prévu  ce 
qui  letir  est  arrivé?  En  effet,  citoyens,  à  la  première 
nouvelle  qu'un  successeur  lui  avait  été  donné,  les  ha- 
bitants de  Tyndare  s'eippressèrent-d'abattre  la  statue 
de  Yerrès,  placée  près  de  celle  des  Mafcellus,  et  même 
sur  un  piédestal  plus  élevé. 

XLU.  Ainsi  donc,  Yerrès,  la  fortune  des  Siciliens 
vons  a  donné  C*  Marcellas  pour  juge,.. a£n  que  ceux 
que  vous  attachiez  à  sa  statue  vous  traînent  à  leur  tour 
pieds  et  mains  liés  à  son  tiibunal.  Il  disait  d'abord  que 
les  Tyndaritains  avaient  vendu  cette  statue  à  Marcel- 
las  Éseminus  :  il  pensait  que  Marcellus  aurait  la  com- 
plaisance de  ne  pas  le  démentir.  Pour  moi,  je  n'ai  ja- 
mais pu  concevoir  qu'un  jeune  homme,  protecteur  né 
des  Siciliens,  voulût  prêter  son  nom  pour  une  telle 
infamie.  Toutefois  f  ai  tout  prévu  ;  j'ai  si  bien  pris  mes 
mesures ,  que  si  un  homme  se  rencontrait  capable  de 
se  charger  du  crime  de  Yerrès,  il  ne  pourrait  lui  être 


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396  IN  \ERF..EM  ACT.  II,  LIB.  I\. 

prsvisa  atque  prœcaula  est,  uti,  si  maxime  esset 
inventus  ;  qui  in  se  suscipere  istius  culpam  cri- 
menque  cuperet,  tamen  is  proficere  liihil  posset  : 
cos  enim  testes  deduxi,  et  eas  litteras  deportavi, 
ut  de  istius  facto  dubium  nemini  esse  posset. 

Publicae  litterœ  sunt,  deportatum  esse  Mercu- 
rium  Méssauam  sumtu  publico  :  dicuiit,  quanti; 
praeruisse*  huic  negotio  publiée  legatum  Poleam  : 
quid?  is  ubi  est?  Praesto  est;  testis  est.  Proagori 
Sopatri  jussu  :  quis  est  hic  ?  Qui  ad  statuam  ad- 
strictus  est  :  quid  ?  is  ubi  est  ?  Testis  est  ;  vidîstis 
hominem ,  et  verba  ejus  audistis.  Demoliendum 
curavit  Democritus  gymnasiarchus ,  quod  is  eo 
loco  prîEerat  :  quid?  hoc  nos  dicimus?  imo  vero 
ipse  praesens;  Rpmœ  nuper  ipsum  esse  poUici- 
tum ,  sese  id  signum  legatis^  esse  redditurum ,  si 
ejus  rei  testificatio  tolleretur,  cautumque  esscA,  eos 
testimonium  non  esse  ^icturos.  Dixit  hoc  apud  vos 
Zosippus ,  et  Hismenias ,  hpmines  nobilissimi ,  et 
principes  Tyndaritan»  civitatis. 

XLIII.  Quid  ?  Agrigento  nonne  ejusdem  P.  Sci- 
pionia  monumentum ,  signum  Apollinis  pulcheiri- 
mum ,  cujus  in  femine ,  littemlis  minutîs  argeuteis , 
nomen  Myronis  erat  inscriptum,  ex  ^sculapii  re- 
ligiosissimo  fano  sustuUsti  ?  quod  quidem ,  judi- 
ces,  quum  iste  clam  fecisset;  ^uùra  ad  suum  scelus 
ilhid^  furtumquè  nefarium,  quotdam  homines  im-> 
probos  duces  atque  adjutores  adbibuisset,  vebe- 
ménter  commota  civitas  est.  Uno  eodem  tempore 
Agrigentini  beneficium  Africaui ,  religionem  do- 
mesticam,  ornamentum  urbis,  iudicium  yictorise, 
testimonium  societatis ,  requirebant.  Itaque  ab  illis. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  lY.  397 
d'aucune  utilité.  J'ai  amené  des  témoins,  j'ai  apporté 
des  pièces  écrites  qui  ne  laisseront  aucun  doute  sur  ce 
vol  sacrilège. 


Les  registres  publics  font  foî  que  ce  Mercure  a  été 
transporté  à  Messine  aux  frais  de  Tyndare  :  la  somme 
est  spécifiée  ;  que  Poléa  fut  délégué  pour  surveiller 
cette  opération  :  où  est-il  ce  Poléa  ?  le  voici ,  c'est  un 
de  mes  témoins;  que  Tordre  fut  donné  par  le  proagore 
Sopater  :  ce  Sopater  est  le  même  qui  fut  lié  sur  la  sta- 
tue; il  est  aassi  un  de  mes  témoins  ;  vous  l'avez  vu  et 
entendu.  Démocrite ,  intendant  du  gymnase  où  la  sta- 
tue était  placée ,  fut  chargé  de  la  descendre;  et  ce  n'est 
pas  moi,  c'est  lui-même  ici  présent  qui  déclare  que 
tout  récemment,  à  Rome,  Verres  a  offert  de  la  rendre 
aux  députés,  s'ils  voulaient  se  taire,  et  s'engager  à  ne 
pas  déposer.  Ce  fait  est  attesté  par  Zosippe  et  Hismé- 
nias ,  qoî  tiennent  le  premier  rang  parmi  leurs  con- 
citoyens, 

XT.TTT.  N'avez-vous  pas  enlevé  aussi  du  temple  d'Eii- 
culape ,  dans  Agrigente ,  un  autre  monument  du  vain- 
queur de  Carthage,  un  très  bel  Apollon,  sûr  la  cuisse 
duquel  le  nom  de  Myron  avait  été  gravé  en  petits  ca- 
ractères d'argent*  ?  Ce  vol,  commis  en  secret  par  quel- 
ques scélérats  auxquels  le  préteur  avait  confié  l'exécu- 
tion de  cette  entreprise  sacrilège ,  souleva  toute  la  ville. 
Les  Agrigentins  perdaient  à  la  fois  le  bienfait  de  Sci- 
pîon,  l'objet  de  leur  culte ,  l'ornement  de  leur  ville ,  le 
monument  d'une  victoire ,  et  le  gage  de  leur  alliance. 

*  Voyez  le  Mémoire  de  Fraguier  sut  la  Galerie  d^ 
Verres ,''tom.  YI  du  recae4  de  l'Académie  des  Inscrip- 
tions. 

VIII.  34 


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3^8  IN  TÏIRREM  ACT.  U,  UB.  Vf, 

qui  principes  in  ea  cixitate  erant,  prae^pitur,  et 
negotiam  datnr  qucstoribns  et  «dilibos ,  ut  Itoctn 
-vigilias  agerent  ad  sdes  sacras  :  etenim  iste  Agri- 
genti  (credo  propter  mulûtudinem  illonim  homi- 
nom  atqae  Tirtateai ,  et  qnod  cives  romani ,  yiri 
fortes,  ac  strenoi,  et  honesti  permalti  in  illo  op- 
pido,  conjunctissimo  anîmo,  cam  ipsis  Agrigen- 
tinis  iriyunt  ac  negotiantnr.)  non  audebat  palam 
toUere,  aut  poscere,  qu«  plaeebant 

Herculîs  templum  est  âpud  Agrigentinos,  non 
longe  a  foro ,  sane  sanctnm  apad  illos  et  religio- 
snm  :  ibi  est  ex  aère  simulacrom  îpsius  Hercolis  , 
qno  non  facile  q[uidqaam  dixerim  me  vjdisse 
pnlcbrius  (tametsi  non  tam  multum  in  isds  rébus 
intelligo ,  quam  multa  yidi  ) ,  nsque  eo ,  judices , 
nt  rictom  ejns  ac  mentum  paullo  sit  attritiijis, 
^aod  in  precibus  et  gratnlationibas  non  solom  id 
yenerari,  yemm  etiam  osculari  soient.  Ad  hoc 
templum ,  quum  esset  iste  Agrigenti ,  duce  Ti- 
marchide ,  repente ,  nocte  intempesta ,  seryorum 
armatomm  fit  concursus  atque  impetns.  Qamor  a 
yigilibns ,  faniqne  custodibus  tollitur  ;  qui  pbmo 
quum  <^sistere  ac  defendere  conarentur,  mkle 
'  mulcati  ,  clayis  ac  fustibus  repellantnr.  Postea 
conynlsis  repagulis ,  eflfractisque  yalyis ,  <|emoliri 
signum ,  ac  yectibus  labefactare  conantur.  Interea 
ex  clamore  fama  tota  urbe  percrebruit ,  èxpugnari 
■deos  patrios ,  non  bostium  adventû  n&c  opina to, 
neque  repentino  praedonum  imp^tu ,  sed  ex  domo , 
atque  coborte  praetoria  ^  manum  fugitiyomm  in- 
structam  armatamque  yenisse. 

'  Sic  omnino  iegenâum,  Lamlnno  duce,  non  mulctati. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  IV.  899 
Anptf^l  les  premien  magistrats  enjoignirent  anx  ques- 
teurs et  aux  édiles  de  yeiU^  %  nuit  autour  des  tem- 
ples. Comme  Agrigente  es^  remplie  d*hommes  fermes 
et  intrépides,  et  qu'une*  foule  dé  nos  citoyens,  tou9 
brav^  et  pleins  d'honneur,  que  le  commerce  a  fixés 
dans  ses  murs,  y  vivent  dans  la  meilleure  intelligence 
arec  les  habitants ,  Yerrès  n'osait  ni  demander  ni 
prendre  ouvertement  ce  qui  avait  «xcité  ses  désirs. 

Non  loin  du  forum,  s'élève  un  temple  d'Hercule 
très  révéré  dans  ce  pays  ;  la  statue  du  dieu  est  en  ai- 
rain. Quoique  j'aie  vu  beaucoup  de  cîiefs-d'œuvre  en 
ce  genre,  Je  ne  sub  psis  un  grand  connaisseur;  cepen- 
dant j'ose  dire-  que  jamais  rien  de  plus  beau  né  s'offrit 
â  mes  yeux.  Les  habitants  ne  se  contentent  pas  de  lui 
adresser  leurs  hommages;  mais  dans  lenrs'prières'et 
leurs  actions»  de  grâces ,  ils  lui  donnent  un  si  grand 
nombre  de  baisers ,  que  la  boache  et  le  ro^ton  sont 
usés".  Pendant  le  séjour  de  Terres  dans  Agrigent^ 
Timarchide ,  à  la  tête  d'une  troupe  d'esclaves  armés , 
vient  attaquer  le  temple  au  milieu  de  la  nuit.  Les  gar- 
diens poussent  un  cri.  Us  veulent  résister;  ils  sont  mal- 
traités et  chassés  à  coo^  de  massues  et  de  bâtons.  Les 
esclaves  arra<9ient  les  barrières  ;  ils  brisent  les  portes  ; 
ils.  essaient  de  soulever  la  statue  et  de  l'ébranler  avec 
des  leviers.  Cependant  le  cri  des  gardiens  a  jeté  l'efFroj 
dans  la  ville.  Partout  on  répète  que  les  cUeux  de  la  pa- 
trie sont  attaqués,  non  par  des  ennemis  on  des  pirates 
descendus  à  l'improviste ,  mais  par  une  horde  de  bri- 
gands de  la  suite  du  préteur,  sortis' armés  du  palais  du 
magistrat  romain. 

*  Lucrèce,  I,  817  : 

Tom ,  portas  -pTùpiéf ,  aliéna 
Signa  nuniu  dntra<  ottenduntattemiari 
Sxpc  sslutantom  tactu ,  pneterqne  meantum. 


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/#oo  IN  TERREM  ACT.  U,  LIB.  IV. 

Nemo  Agrigenti  neque  «tate  tam  affecta, «le^* 
qae  iriribus  tam  infirmfs  fuit,  quji  non  ,  illa  nocte, 
eo  nuntio  excitatus  surrexerit,  telumque,  quod 
cuique  fors  offerebat  ,  anî puent.  Itaque  brevi 
tempore  ad  fannm  ex  urbe  tota  concurritur.ffora 
amplius  jam  in  demoliendo  signo  permulti  bomi- 
nes  moliebantur  :  illud  interea  nulla  lababat  ex 
parte;  quum  alii  yectibus  subjectis  conarentur 
commoyere,  alii  deligatum  omnibus  membris  ra- 
pere  ad  se  funibus.  Repente  Agrigentini  concur- 
runt  :  fit  magna  lapidatio  :  dant  sese  in  fuganv  is- 
tius  prJBc]ari  imperatoris  nocturni  milites  :  duo 
tamen  sigilla  perparvula  tollunt,  ne  omnino  ina- 
nés  ad  istum  prsedonem  religionum  reverterentur. 
Nunquam  tam  maie  est  Siculis,  quinaliquid  facete 
et  commode  dicant ,  Telut  in  bac  re  :  aiebant  in 
labores  Herculis  non  minus  hune  immanissimum 
"^eiTem,  quam  illum  aprunr  Erymanthium,  refeiri 
oportere. 

XLIV.  Hanc  yiftutem  Agrigentinomm  imita ti 
sunt  Assorini  postea ,  yiri  fortes  et  fidèles ,  sed  ne- 
quaquam  ex  tam  ampla ,  neque  tam  ex  noblli  ci- 
yitate.  Cbrysas  est  amuis,  qui  per  Assorino<*um 
agros  finit;  is  apud  illos  habetur  deu<;,  et  religîone 
maxima  colitilr.  Fanum  ejus  est  in  agro  propter 
ipsam  yiam ,  qua  Assoro  itur  Ennam  :  in  eo  Chryss 
est  simulacrum ,  prseclare  factum  e  marmore.  Id 
iste  poscere  Assoripos  propter  singularem  ejus 
fani  religionem  non  ausus  est.  Tlepolemo  dat 
Hieronique  negotium  :  illi  noctu,  facta  manu  ar- 
mataque ,  yeniunt  ;  fores  aedis  effringunt  :  '  seditui 
'  Lambinus,  (Bditimi,  e  G^llio,  XII,  lo. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  IV.  401 
•  Tons  les  habitants,  sans  excepter  même  les  vieil- 
lards, même  les  în^rmes,  se  réveillent,  se  lèvent,  s'ar- 
ment de  ce  qu'ils  "Rencontrent.  En  un  instant ,  on  ac- 
court au  temple  de  tous  les  quartiers  de  la  ville.  Déjà, 
depuis  plus  d  une  heure,  un  grand  nombre  d'hommes 
travaillaient  à  détache^ la  statue;  mais  quelques  efforts 
qu'ils  fissent ,  les  uns  pour  la  soulever  avec  des  levers, 
les  antres  pour  rentrainer  avec  dès  câbles  attachés  à 
chacun  des  membres,  elle  demeurait  constamment 
immobile.  Tout  à  coup  surviennent  les  Agrigentîi^  : 
les  pierres  pleuvent  de  toutes  parts  ;  l'armée  nocturne 
de  cet  illustre  général  fuit  et  se  disperse.  Cependant , 
pour  ne  pas  retoum^  les  mains  vides  vers  ce  dépré- 
dateur des  lieux  sacrés,  ils  emportent  deux  p^etites 
statues.  Dans  les  plus  grands  malheurs,  les  Siciliens 
trouvent  toujours  l'occasion  de  placer  un  hop  mot  :  ils 
dirent  alors  que  ce  terrible  poctrceau  '^  méritait  d'être 
compté  parmi  les  travaux  d'Hercule ,  aus.si-bien  que  le 
sanglier  d'Erymanthe. 

XLIV.  Les  habitants  d'Assore ,  braves  et  fidèles,  mais 
dont  la  ville  est  bien  moins  riche  et  moii^s  peuplée , 
imitèrent  cet  acte  de  vigueur.  Le  fleure  Chrysas ,  q«i 
traverse  leur  tei+îtoire ,  csit  le' dieu  du  pays;  ils  lui  ren- 
dent le  culte  le  plus  solennel.  Son  temple  *  est  dans  une 
campagne  qui  borde  le  chemin  d'Assore  à  Enna  :  sa 
statue  est  de  marbre  et  d'un  travail  achevé.  "Verres 
n'osa  pas  leur  demander  l'objet  d'une  si  gfrande  véné- 
ration. Il  chargea  Tlépolèmc  et  Hiéron  de  l'enlever. 
Ceux-ci ,  à  la  tête  d'unë^  troupe  armée.,  viennent  de 
nuit  fondre  .sur  le  temple  |  ils  brisent  les  portes  :  les 

*  FazeUi  {de  Reh.  Sieul,  Decad.  I ,  Lib.  10)  prétend 
qu'il  restait  encore ,  vei*8  i55o,  trois  grands  arcs  et  neuf 
portes  du  temple  de  Chrysas. 


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402  m  TERREM  ACT.  Il,  LIA  TV, 

custodesque  inattire  sentiunt  ;  signum ,  quod  erat 
notum  TÎcinitati ,  buccina  datnr  ;  Jt^omines  ex  agris 
concuiTUnt;  ejicitur,  fagaturque  Tlepolemus;  ne- 
que  quidquam  ex  fano  Chrysse ,  prseter  unum 
perparyulum  sîgnum  ex  sere,  desideratum  est. 

M%^ris  magn»  fanum  apud  Enguinos  est  :  jam 
enim  mihi  non  mçdo  breyiter  de  unoquoque  ;  di- 
cendum,  sed  etiam  praetereunda  iridentur  esse 
periDulta  ,  ut  ad  majora  istius  et  illustriora  in  hoc 
génère  farta  et  scelera  Teniamus.  In  hoc  fano  lo- 
ricaâ  galeasque  seiieas ,  c»latas  opère  Gorinthio , 
hydrrasque  grandes ,  simili  ii^  génère ,  atque  ea- 
dem  arte  perfectas ,  idem  ille^P.  Scipio ,  vir  om- 
nibus rébus  prsecellentissimas ,  posnerat,  et  suum 
nomen  inscripserat.  Qnid  jam  de  isto  plura  dicam, 
aut  querarP'orania  illa,  judices,  abstulit;  nihil  in 
i*eligiosissimo  fano,  praetervestigia  violât»  reli- 
gionis,  nomenque  P.  Scipionis,  reliquit  :  hostium 
spolia,  monumenta  imperatorum,  décora  atque 
ornamenta  faribrum  posthac ,  bis  prœclaris  noini- 
n^us  amissis,  in  instrumento  ac  supellectili  G. 
Verris  numerabuntur. 

Tu  yidelicet  solus  yasîs  Corinthiis  delectaris  ?  tu 
illicis  aeris  temperationem ,  tu  operum  lineamenta 
solertissimeperspicis?  haec  Soipio  ille  noh  intelli- 
gebat,  bomo  doctissimus  atque  bumanissimus?  tu 
sine  uUa  bona  arte,  sine  humanitate,  sine  inge- 
nio,  sine  litteri»,  intelligis  et  judicas?  Vide,  ne 
ille  non  solum  tfemperantia ,  sed  etiam  inteliigen- 
tia  te ,  atque  istos^  qui  se  élégantes  dici  yolunt,  yi- 
cerif.  Nam  quia ,  quam  pulchra  essent,  intellige-  * 

'  Alu,  dicendum  est. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VEKRÈS,  IV.  4o3 
gan^ens  et  les  officiers  du  temple  s'en  aperçoivent  à 
temps  ;  ils  sonnent  de  la  trompeUe,  signal  connu  de  tont 
le  voisinage  :  on  accourt  des  campagnes;  Tlépolème  est 
cbassé ,  mis  en  fiiite  ;  il  n'en  cpûta  qu'une  très  petite 
statue  d'airain.  ^ 

Je  ne  puis  dire  qu'un  mot  de  chaque  délit.  Je  suis 
mén^e  obligé  d'en  omettre  un  grand  nombre ,  afin  d'ar- 
river aux  vols  et  aux  crimes  de  ce  g9iirt  qui  ont  plus 
d'éclat  et  d'importance.  Chez  les  Enguiniens,  est  un  . 
temple  de  la  mère  des  dieux.  Ce  même  Scipion ,  cet 
homme  supérieur  dans  tous  les  genres  de  mérite ,  y 
avait  placé  àfis  cuirasses ,  des  casques  dont  les  orne- 
ments étafent  en  airain  de  Corinthê ,  de  grandes  urnes 
du  même  métal ,  et  d'un  travail  aussi  parfait.  Le  ^qm 
du  héros  était  inscrit  au  ba%  de  ces  che&-d'œuvre. 
Qu'est -il  besoin  de  plus  de  paroles?  "Verrèâ  a  tont 
enlevé.  Il  n'a  laissé  dans  ce  temple  auguste  que  les 
traces  du  sacrilège,  et  le  nom  de  Scipion.  Les  dépouilles 
des  ennemis ,  les  trophée^e  nos  géaéftux ,  les  décoo 
rations  et  les  ornements  des  temples,  dépouillés  de 
•leors  titres  honorables ,  feront  désormais  partie  du  mo- 
bilier de  Verres. 

Totls  seul  apparemttent  êtes  sensible  À  la  beauté  de» 
vases  corinthiens  ^  et  vous  seul  savez  apprécier  la  com* 
position  de  ce  métal  et  la  délicatesse  du  dessin  !  Scipion 
n'en  connaissait  pas  le  mérite,  Scipion,  l'homme  le 
plus  instruit,  le  plus  éclairé  de  son  siècle!  et  vous, 
honune  grossier ,  sauf  instruction ,  sans  talent ,  san» 
étude ,  vous  possédez  ce  sentiment  exquis  !  Ah  !  ce 
n'est  pas  seulement  par  son  dé^ntéressement,  mais 
pat-  son  goût  et  son  inteDigence  qu'il  l'emportait  sur 
vous ,  et  sur  tant  de  prétendus  oonnaissenrs.  Cest  parce 
qu'il  savait  apprécier  «es  ouvrages ,  qu'il  les  jugeait 


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404  IN  YEJtREM  ACT.  II,  LIB.  IV. 

bat,  îdcîrco  existimabat ,  éa  non  ad  homînum 
luxuriem  ,  sed  ad  ornatum  fanorum  atque  oppi- 
dorum  esse  facta ,  ut  posteris  nostris  mouumenta 
religiosa  esse  -videantur. 

XLV.  Audite  etiam  sîngularem  ejus,  judices, 
cupiditateniy  audacîam,  amentîam,  in  bis  praeser- 
tim  sacris  polluendis  ,  qiise  non  modo  manibus 
attingi ,  sed  ne  bogitatione  quidem  violari  fas  fuit. 
Sacrarium  Cereris  est  apud  Catinenses ,  eadem 
religione ,  qua  Kcmae,  qua  in  ceteris  locis ,  qua 
prope  in  .toto  oJ-be  terrarum.  In  eo  sacrario  în- 
tirao  fuit  signum  Cereris  perantiquum  ;  quod  viri, 
non<raodo  cuju&modi  esset,  sed  ne  esse  qoidem 
scieba^t  :  aditus  eniip  in  id  sacrarium  non  est 
Tiris;  sacra  per  mulieres  ac  virgines  confici  so- 
ient. Hoc  signum  noctu  clam  istius  servi  ex  illa 
religiosissimr)^îque  antiquissimo  fano  sustulerunt. 
Postridie  sacerdotes  Cereiis,  atque  illius  fani  an- 
tistitae ,  majores  iiatu ,  .probatae  ac  nobiles  mulie- 
res, rem  ad  magistratu*  suos  déférant.  Omnibus  ' 
acerbum,  indiguum,  luctuosum  denique  videba- 
tur.  Tum  iste  permotus  illa  atrocitate  negotii,  ut 
ab  se  sceleris  isiius  suspicio  removeretur,  dat 
bospiti  suo  cuidam  negohum ,  ut  aliqnem  reperi- 
ret ,  quem  ea  ferisse  însimularet  ;  daretque  ope- 
ram,,ut  îs  eo  crimiue  damnaretur,  ne  ipse  esset 
in  crîmine.  Res  non  procrastiaatur  :  nam-  quum 
iste  Catina  profnctus  esset,  servi  cujusdam  nomen 
defertur.  Is  accusatur;  firti  testes  in  eum  dantur; 
rem  cunctHs  sénat iis  Catlnonsium  legibus  judicat. 
Sacerdotes  vocantur;  ex  bis  qua'ritur  secreto  in 
curia,  quid  esset  factum,  quemadmodum  arbitra- 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  Vf,    4o5 

dignes  de  servir,  non  au  luxe  des  particuliers ,  mais  à 
la  décoration  des  temples  et  des  villes ,  afin  que  la  po^ 
térité  les  reçût  comme  des  monuments  consacrés  par 
la  religion. 

XLV.  Juges,  voulez-vous  un  trait  unique  de  la  cupi- 
dité de  Terres,  de  son  audace ,  de  son  extravagance,  et 
surtout  de  son  mépris  pour  les  objets  sur  lesqueb  nous 
ne  pouvons  ni  porter  les  mains,  ni  même  arrêter  nos 
pensées ,  sans  commettre  un  sacrilège  ?  Cérès  est  adorée 
k  Catane  "  avec  le  même  respect  qo^elle  Test  à  Rome  et 
dans  beaucoup  d'antres  lieux  ,  pour  ne  pas  dire,  dans 
tout  l'univers.  Au  fond  du  sanctuaire  était  une  statue 
très  antique.  Les  bommes  ne  savaient  pas  quelle  en 
était  I9  forme  ;  ils  n'en  connaissaieiit  pas  même  l'exi- 
steipe.  L'entrée  est  interdite  à  tous  les  bommes  ;  les 
femmes  sont  les  ministres  de  ce  culte.  Eb  bien  !  de  ce 
temple  saint  et  antique,  la  statue  fut  enlevée  secrète- 
ment ,  pendant  la  nuit ,  par  les  esclaves  de  Terres.  Le 
lendemain  les  prêtresses  et  les  intendantes  du  temple , 
femmes  respectables  par  leur  âge ,  par  leurs  vertus  et 
par  leur  naissance ,  portent  leurs  plaintes  aux  magis- 
trats. Cet  i]|riKne  attentat  révolte  tous  les  babitants. 
Effrayé  deXRnséqnences ,  et  voulant  détourner  les 
soupçons,  Terres  cbarge  s^  bote  de  cbercber  un 
bomme  qu'il  puisse  accuser  et  faite  condamner,  pour 
se  mettre  lui-même  à  l'abri  des  poursuites.  L'bôte  ne 
perd  pas  un  moment.  A  peine  Terres  est-il  sorti  de 
Catane,  un  esclave  est  dénoncé.  L'accusation  est  ad- 
mise ;  de  faux  témoins  sont  produits.  Le  sénat  en  corps 
instiTiit  le  procès ,  suivant  les  lois  du  pays.  Ou  appelle 
les  prêtresses;  on  les  interroge  secrètement  sur  le  fait, 
sur  les  circonstances  du  voL  Elles  répondent  que  des 

,    *  ror.  Lactance,  Dw,  Instit.,  II,  4. 


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4o6  IN  "VERREM  ACT.  H,  LIB.  IT. 

#entur  signiim  esse  ablatum.  Respondent  iHae , 
pnetoris  in  eo  loco  serros  esse  yisos  :  res ,  quae 
esset  jam  antea  non  obscura,  sacerdotum  testimo- 
nio  perspicua  esse  cœpit.  Itur  in  connlium;  ser- 
Tus  ille  innocens  omnibus  sentendis  absolTitur, 
quo  facilius  tos  hune  omnibus  sententiis  condem- 
nare  possetis.  Quid  enim  postulas ,  Verres  ?  quid 
speras?  quid  spectas?  quem  tibi  aut  deorum^  aut 
hominum  auxilio  putas  fîiturum  ?  £one  tu  serves 
ad  spoiiandum  fanum  îmmittere  apsns  es,  quo  li- 
beros  adiré,  ne  orandi  quidem  causa,  fas  erat? 
bisne  rébus  manus  afferre  non  dubitasti,  a  quibus 
etiam  oculos  cohibere  te  r^'gionum  jura  coge- 
baut?  tametsi  ne  oculis  quidem  captus  in  banc 
fraudem  tam  sceleratan^ac  tam  nefariam  decidisti  : 
nam  id  concupîsti ,  quod  nunquam  yideras  ;  id  ^ 
inquam ,  adamasti ,  quod  antea  non  adspexeras  ; 
auribus  tu  tantam  cupiditatem  concepisti ,  ut  eam 
non  metus,  non  religio,  non  deorum  vis,  non 
hominum  existimatio  contineret.  At  ex  yiro  bono 
audieras ,  credo ,  et  bono  aoctore.  QÂ  id  potes  , 
qui  ne  ex  yiro  quidem  audîre  potuffis  ?  Audistt 
igitur  ex  muliere,  quoasam  id  yiri  neque  yidisse, 
neque  nosse  poterânt.  Qualem  porro  illam  femi- 
nam  fuisse  putatis ,  judices  ?  quam  pudicam ,  quae 
cum  Verre  loqueretur?  quam  religiosam,  quae  sa- 
crarii  spoliandi  ostenderet  rationem  ?  At  minime 
mirum,  quae  sacra  per  summam  castimoniam  yir- 
ginum  ac  mulierum  fiant,  eadem  per  istius  stu- 
prum  ac  flagitium  esse  yiolata. 

XLVI.  Quid  ergo?  hoc  solum  auditione  expe- 
tere  cœpit ,  quum  id  ipse  non  yidisset  ?  imo  yero 


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SEC.  ACTION  CONTRE  YERRÈS,  IV.  407 
esclaves  dn  prétear  ont  été  vus  ^ai^s  le  temple  :  oAte 
déposition  éclaircit  une  affaire  qui  d'aillears  n'était  pas 
très  obscure.  On  va  aux  opinions.  L'esclave  innocent 
est  absous  d'une  voix  unanime  :  et  d'une  voix  unanime, 
vous  condamnerez  sans  doute  le  coapable  que  je  pour- 
suis. Car  enfin,  que  demandez- vous ,  Yerrès?  quel  est 
votre  espoir  ?  quelle  est  votre  attente  ?  qui  des  dieux  ou 
des  hommes  voudra  vous  secourir?  Vous  envoyez  des 
esclaves  pour  dépouiller  un  temple,  où  les  hommes 
libres  n'ont  pas  le  droit  d'entrer ,  même  pour  prier  ? 
vous  portez  les  mains  sur  des  objets  que  vos  regards 
ne  peuvent  atteindre  sans  crime  ?  Et  vous  n'avez  pas 
même  été  entraîné  à  cet  horrible  sacrilège  par  la  sé> 
duction  de  vos  yeux  :  vous  avez  convoité  ce  que  vous 
n'aviez  jamais  vu  ;  vous  vous  êtes  passionné  pour  une 
chose  que  vous  n'aviez  pas  encore  aperçue.  C'est  par 
les  oreilles  qu'est  entrée  dans  votre  âme  cette  cupidité 
que  ni  la  crainte ,  ni  la  religion ,  ni  la  colère  des  dieux , 
ni  l'indignation  des  hommes,  n'ont  pu  réprimer.  Sans 
doute  un  homme  bien  instruit  vous  en  avait  parlé  ? 
Cela  n'est  pas  possible  :  les  hommes  ne  pouvaient  ni 
l'avoir  vue  ni  la  connaître.  Cétaît  donc  une  femme  ? 
Or ,  que  penser  de  cette  femme ,  citoyens  ?  quelle  idée 
vous  former  de  ses  mœurs ,  puisqu'elle  avait  des  entre- 
tiens avec  Verres  ?  de  sa  religion ,  puisqu'elle  lui  indi- 
quait les  moyens  de  dépouiller  un  temple  ?  Au  reste , 
faut-îl  s'étonner  qu'il  se  soit  servi  de  l'adultère  et  de  la 
débaudie  pour  profaner  un  culte  qui  exige,  danâ  les 
mères  de  iamiUe  et  dans  les  vierges ,  une  innocence  et 
une  pureté  de  mœurs  irréprochable  ? 


XLVI.  Est'Ce  donc  la  seule  fois  que,  sur  un  simple 
onî-dire ,  il  se  soit  enflammé  pour  ce  qu'il  n'avait  pas 


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4oS  IN  VERREM  ACT.  n,  LIE.  IV. 

alîa  complura  :  ex  ^Ibos  eligam  spoliatîônem  no- 

biliftsinii  afque  antiquissimi  fani;  de  qna  priore 

actione  testes  dicere  aadistis.  Nunc  eadem  illa , 

quxso,  audite,  et  diligenter,  sicut  adhuc  fecîstis, 

attendite. 

Insula  est  Melîta ,  judices ,  satîs  lato  ab  Sicilia 
mari  periculosoque  disjuncta;  in  qua  est  eodem 
Domine  oppidum,  quo  iste  nanquam  accessit  : 
quod  tamen  isti  textrinum  per  triennium  ad  ma- 
liebrem  vestem  coniîciendam  fuit.  Ab  eo  oppido 
non  longe ,  in  promontorip ,  fanum  est  Junonis 
antîqunm  ;  quod  tanta  religione  semper  fiiit ,  ut 
non  modo  illTs  Punicis  bellis ,  qu«  in  bis  fere  lo« 
cis  navali  copia  gesta  atque  yersata  sunt,  sed  etiam 
in  bac  prsdonum  multitudine  semper  inviolatum 
sanctumque  fnerit.  Quin  etiam  boc  memoriae  pro- 
ditum  est,  (4asse  quondam  Masinisss  régis  ad 
eum  locnm  appulsa,  prsfectum  regium  dentés 
ebumeos,  incredibili  magnitudine,  e  fano  sustu- 
lisse,  et  eos  in  Africam  portasse,  Masinisssque 
douasse.  Regem  quidem  primo  delectatum  esse 
munere  :  post,  ubi  audisset,  unde  essent,  statlm 
certos  bomines  in  quinqueremi  misisse,  qui  eos 
dentés  reportarent.  Itaque  in  bis  inscriptum  lit- 
teris  Punicis  fuit  :  «  Regem  Masinissam  impruden- 
«  tem  accepisse  ;  re  côgnita ,  reponendos  restituen- 
«  dosque  curasse..»  Erat  praeterea  magna  vis  ebo- 
ris ,  multa  ornamenta  ;  in  quibus  eburnese  Vieto- 
nse ,  antiquo  opère ,  ac  summa  arte  perfectae.  Hsec 
iste  omnia,  ne  multis  morer,  uno  impetu  atque 
uno  nuntio,  per  servos  Venerios,  qnos  ejus  rei 
eausa  mis^at ,  toUenda  atque  asportanda  curayit. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  IV.  409 
vu?  non,  certes;  msàs  parmi  une  foule  de  traits,  je 
choisirai  la  spoliation  d^un  temple  non  moins  révéré 
que  celui  de  Catane.  Les  témoins  voasen  ont  déjà  parlé 
dans  la  première  action.  Je  vais  vous  rappeler  ce  fait. 

L^ile  de  Ma|te  est  séparée  de  la  Sicile  par  un  détroit 
assez  large  et  d'un  trajet  périlleux.  Dans  cette  île  est 
une  ville  du  même  nom,  on  Verres  n'alla  jamais,  quoi- 
que pendant  trois  ans  il  en  ait  fait  une  fabrique  d'étoffes 
à  Fasage  des  femmes.  Non  loin  de  la  ville  ^sur  un  pro- 
montoire ,  s'élève  un  ancien  temple  de  Junon  tellemeiît 
révéré,  que  daus  les  guerres  Puniques,  durant  les- 
quelles tant  de  flottes  occupèrent  ces  parages ,  que  de 
nos  jours  on  ces  côtes  sont  infestées  par  un  si  grand 
nombre  de  pirates,  il  est  resté  toujours  inviolable.  On 
rapporte  même  que  la  flotte  de  Masinîssa  ayant  abordé 
daus  ces  lieux,  l'amiral  emporta  du  temple  des  dents 
d'ivoire  d'une  grandeur  extraordinaire,  et  qu'à  son 
«etour  en  Afrique,  il  les  ofTrit  au  roi.  Celui-ci  les  reçat 
avec  plaisir'^;  mais  dès  qu'il  sut  â^on  elles  venaient,  il 
fit  partir  une  galère  à  cinq  rangs  de  rames,  pour  les 
reporter  à  Malte.  On  y  grava  cette  inscription  en  ca- 
ractères phéniciens  :  Le  roi  Masinissa  les  avait  reçues 
imprudemment;  mieux  ir^ormé ,  U  les  renvoya,  et  les 
fit  replacer  dans  le  temple.  On  y  voyait  encore  tme 
grande  quantité  d'ivoire,  beaucoup  d'ornements,  entre 
autres  deux  Victoire»  *,  d'un  goût  antique  et  d'un  tra- 
vail prédeux.  Abrégeons  ce  récit.  Verres  envoya  des 
esclaves  publics,  et  d'un  seul  coup  de  main,  et  par  un 
seul  ordre ,  tout  fut  enlevé  à  la  fois. 

*  yoy. ,  sur  les  statues  d'ivoire  de^  anciens ,  une  dis- 
.  sertation  de  Heyne  à  la  suite  du  premier  volume  de 
V Histoire  de  l'Art,  p«r  l/Vinkelmanu ,  pag.  578  de  la 
traduction  françawe. 

vni*  35 


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410  IN  TERREM  ACT.  II,  LIB.  IV. 

XL  VIT.  Pro  dii  immortales  !  quem  ego  homî- 
nem  accuso  ?  cpient  legibus  ac  judiciali  jure  per- 
sequor  ?  de  quo  vos  sententiam  per  tabellam  fe- 
retis  ?  Dicunfe  legati  Melitenses  publiée ,  spoliatam 
lemplum  esse  Junonis  ;  nihil  istum  in  religiosis- 
simo  fano  reliquisse  :  quem  in  locum  classes  hos- 
tium  sœpe  accesserint;  ubi  piratae  fere  quotannis 
bie^are  soleant;  quod  neqne  praedo  violarit  antea , 
neque  unquam  bostis  attigerit,  id  ab  isto  sic  spo- 
liatum  esse ,  ut  nibil  omnino  sit  relictum.  Hic  uunc 
aut  iste  reus,  aut  ego  accusator,  aut  boc  judicium 
appellabitur  ?  criminibus  enim  coarguitur,  aut 
suspicionibus  in  judicium  vocatur?  Dii  ablati, 
fana  yexata,  nudatas  urbes  reperiuntur;  earum 
autem  rerum  nullam  sibi  iste  neque  inficiandi  ra- 
tionem,  neque  defendendi  facultatem  reliquit; 
omnibus  in  rébus  coarguitur  a  me,  convincitur  a 
testibus,  urgetur  confessione  sua,  manifestis  in 
maleficiis  tenetur  :  et  manet  etiaâ»,  ac  tacitus  iacta 
mecum  sua  recognoscit. 

Nimium  mibi  diu  videor  in  uno  génère  versari 
criminum.  Sentio ,  judices ,  occurrendum  esse  sa- 
tietati  aurium  animorumque  vestrorum.  Quam- 
obrem  multa  prœtermittam  :  ad  ea  autem ,  quaâ 
dièturus  sum ,  reficite  vos  ,  quseso ,  judices  ,  per 
deos  immortales  !  per  eos  ipsos ,  de  quorum  reli- 
.  gione  jamdiu  diciraus;  dum  id  ejus  facinus  com- 
memoro  et  profero ,  quo  provincia  tota  commota 
est.  De  quo  si  pauUo  altius  ordiri,  ac  repetere 
memoriam  religionis  videbor,  îgnoscîte.  Rei  mag- 
nitudo  me  breviter  perstringere  atrocitatem  cri- 
miuis  non  sinit. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  IV.  41* 
XLYII.  Qael  est  donc  Thoiiune  que  j'accase ,  que  je 
poursuis  deyant  ce  trîbimal,  et  sur  qui  voas  allez  pro- 
noncer? Les  délégués  de  Malte  déclarent,  au  nom  de 
leur  viUe,  que  le  temple  de  Jnnon  a  été  pillé ,  que  Ver- 
res n*a  rien  laissé  dans  cette  demeure  sacrée  ;  que  ce 
lieu,  où  les  flottes  ennemies  ont  abordé  tant  de  fois, 
où  les  pirates  hivernent  presque  tons  les  ans ,  que  nul 
brigand,  avant  lui,  n'a  violé,  que  nul  ennemi  ne  pro- 
fana jamaû,  le  seul  Verres  Ta  teUement  dépouillé  qu^il 
n'y  reste  absolument  rien.  Que  faisons-nous  ici?  ac- 
cusé, accusateur,  juges,  quel  rôle  avons-nous  à  rem- 
plir ?  Tous  les  faits  portent  avec  eux  leur  évidence  : 
on  ne  me  laisse  rien  à  prouver.  On  voit  les  dieux  en- 
levés, les  temples  dévastés,  les  villes  dépouillées;  et 
sur  aucun  de  ces  griefs,  cet  homme  ne  s'est  laissé  à 
lui-même  ni  le  moyen  de  nier,  ni  la  faculté  de  rien 
excuser;  je  le  démontre  coupable  sur  tout;  il  est  con- 
vaincu par  les  témoins,  condamné  par  ses  propres 
aveux;  ses  crimes  sont  publics  et  notoires  :  et  cepen- 
dant il  reste  ici ,  et  cependant  il  écoute  sans  répondre 
la  longue  énnmération  de  ses  forfaits. 

Cest  m'arréter  trop  long-temps  sur  un  seuj  genre  do 
délit;  je  sens  qu'Q  faut  prévenir  le  dégoût  et  lennuî^ 
J'omettrai  donc  une  infinité  de  faits.  Mais  renouvelez 
votre  attention  pour  ce  qui  me  re^e  à  dire  :  je  le  de- 
mande, au  nom  des  dieux  immortels,  de  ces  dieux 
dont  je  venge  la  majesté  outragée^''.  Je  vais  vous  dé- 
noncer un  crime  qui  a  soulevé  la  province  entière.  Si 
je  reprends  les  choses  d'un  peu  haut,  si  |# remonte  à 
l'origine  d'un  culte,  excosez-moi  :  l'importance  du  fait 
ne  me  permet  pas  de  passer  légèrement  sur  un  sacii- 
lége  aussi  atroce. 


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4i2         IN  VERREM  ACT.  H,  LIB.  lY. 

XLVIII.  Vêtus  est  hacc  npinio,  judices ,  qûse 
constat  ex  antiquissimis  Graecorum  litteris  atcpie 
moDumentis,  iusulam  Siciliam  totam  esse  Cereri 
et  Liherae  consecratam.  Hoc  quum  cererae  gentes 
sic  arbitrantur,  tuni  ipsis  Siculis  tam  persuasum 
est,  ut  animis  eorum  insitnm  atque  innatum  esse 
videatur.  Nain  et  natas  esse  bas  in  bis  locis  deas  , 
et  fruges  in  ea  terra  primum  repertas  arbitnuitur, 
et  raptam  esse  Liberam ,  quam  eamdem  Proserpi- 
nam  votant ,  ex  Ennensium  nemore  ;  qui  locos  , 
quod  in  média  est  iosula  situ  s,  umbiUcos  Siciliae. 
nominatnr  :  quam  quum  investigare  et  conqnirere 
Céres  vellet ,  dicitur  inflammasse  tsedas  iis  ignibus  y 
qui  ex  JEtnaî  vertice  erumpunt  ;  quas  sibi  quum 
ipsa  prsBferrety  orbem  omnium  paragrasae  ter- 
rarum. 
•  Enna  autem ,  ubi  ea ,  quae  dico ,  gesta  esse  me- 
morantur,  est  loco  praecelso  atque  edito;  quo  in 
sumrao  est  sequat^  agri  planities,  et  aquse  perennes. 
Tota  vero  ab  omni  aditu  circumcisa,  atque  di- 
renita  e&t  :  quam  circa  lacuslucique  sunt  plurimi, 
et  laetissimi  flores  onrni  tempore  anni  ;  locus  ut 
ipse  raptum  illum  virginis,  quem  jam  a  pueris 
accepimus,  declarare  videatur.  Ëtenim  propter  est 
spelunca  qusdam  ,  conversa  ad  aquilonem ,  infi- 
nita  altitudine ,  qua  Ditem  patrem  ferunt  repente 
cum  curru  exstitisse,  abreptamque  ex  eo  loco  vir- 
ginem  secflki  asportasse,  et  subito  non  longe  a 
Syracusis  pénétrasse  sub  terras ,  Jiacumque  in  eo 
loco  repente  exstitisse  ;  ubi  usque  ad  hoc  tempus 
Syracusani  festos  dies  anniversarios  agunt ,  cele- 
berrimo  virorum  mulierumque  conventu. 


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SEa  ACTION  CONTRE  VERRES,  TV,  4i3 
XLTIII.  Uneyieille  tradition,  appayée  sar  les  livres'  , 
'  «t  les  monaments  les  plos  antiques  de  la  Grèce,  nous 
apprend  qae  la  Sicile  entière  est  consacrée  à  Cérès  et  à 
Proserpine.  Cette  opinion  des  antres  nations  est  pour 
lés  Siciliens  nn  sentiment  intime,  une  persuasion  in- 
née. Ils  croient  que  ces  déesses  prirent  naissance  chez 
enx,  que  Tasage  du  blé  fut  inventé  dans  leur  pays,  et 
que  Libéra,  quUls  appellent  aussi  Proserpine,  ifnt  en- 
levée dans  le  bois  d'Ehna.  Ce  lieu  est  le  point  central 
de  la  Sicile.  Ils  disent  que  Cérès ,  voulant  chercher  sa 
fille,  alluma  des  flambeaux  aux  feux  de  l'Etna ,  et  que 
les  portant  elle-même  à  ses  n»ains,  elle  parcourut  tons 
les  pa^s  de  l'univers. 


£nna,  qu'on  prétend  avoir  été  le  théâtre  de  ces  évé- 
nements, est  sur  une  hauteur  qui  domine  totts  les  en- 
virans.  Au  sommet  se  ti'onve  une  plaine  arrosée  par 
des  eaax  qui  ne  tarissent  jamais.  La  viUe  s'élève  comme 
une  pointe  détachée  :  elle  est  partout  environnée  de 
lacs,  de  bois  sacrés,  où  les  fleurs  les  plus  agréables  se 
renouvellent  dans  toutes  les  saisons  de  Tannée.  Le  seul 
aspect  des  lieux  semble  attester  ce  que  nous  avons  ap'- 
pris  dès  notre  enfance  sur  l'enlèvement  de  la  jeune 
déesse.  En  effet,  on  aperçoit  à  peu  de  distance  une 
caverne,  ouverte  an  nord,  et  d'nne  profondeur  in- 
croyable. C'est  de  là,  dit-on,  que  le  dieu  des  enfers 
sorti!  tout  à  coup  sur  un  char  et  vînt  enle\er  Proser- 
pine. On  ajoute  qne  bientôt  il  s'enfonça  dan«»  la  terre 
aux  environs  de  Syracuse,  et  qu'à  l'instant  nn  lac  se 
forma  dans  ce  lien.  Chaque  année  les  Syracusains  y 
célèbrent  des  fêtes,  qui  attirent  un  concours  imiâense 
d'hommes  et  àt  femmes. 


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4i4  IN  TERREM  ACT.  U,  LIB,  IV. 

XLIX.  Propter  hujus  opînioni8v»tustatem,qiiod 
eorum  in  his  locis  vestigia  ac  prope  incunabnla 
reperiuntur  deorum,  mira  quaedam  tota  Sicilia 
privatim  ac  publiée  religio  est  Cereris  Ennei*is. 
£tenim  multa  sœpe  prodigia  vim  ejus  numeuque 
déclarant  ;  multis  ssepe  in  diffîcillimis  rébus  prœ- 
senâ  auxilium  ejus  oblatum  est  :  ut  hsec  insula  ab 
ea  non  solum  diligi,  sed  etianvincoli  custodirique 
videatur. 

Nec  solum  Siculi,  vçrum  etiam  ceterae  gentes 
nationesque  Ennensem  Cererem  maxime  c«luiit. 
Etenim ,  si  Atheniensium  sacra  summa  cupiditate 
expetuntur ,  ad  quos  Ceres  in  illo  errore  venisse 
dicitur,  firugesque  attulisse;  quantam  esse^religio- 
nem  convenit.eoruiA,  apud  quos  eam  natam  esse, 
et  fruges  invemsse  constat?  Itaque  apud  patres 
nostros,  atroci  ac  difficili  reipublics  tempore, 
qujum ,  Tib.  Graccho  occiso ,  magnorum  pericolo- 
rum  metus  ex  osteutis  portenderetur,  P.  Mucio, 
L.  Calpurpio  cousulîbus,  aditum  est  ad  libros  Si- 
byllînos;  in  quibus  inirentum  est,  «  Cererem  anti- 
«  quissimam  placarî  oportere.  »  Tum  ex  amplissimo 
collegio  decemvirali  sacerdotes  populi  romani , 
quum  esset  in  urbe  nostra  Cereris  pulcherrimnm 
et  ^  Qtiagnifîcentissimum  templum ,  tamen  usque 
Ennam  profecti  sunt  :  tanta  enim  erat  auctoritas 
et  Tetustas,  illius  religionis ,  ut ,  quum  illuc  ir«Bt , 
non  ad  sedem  Cereris ,  sed  ad  ipsam  Cererem  pro- 
ficisci  yide.rentur. 

Non  obtundam  dîutius  :  etenim  jamdudum  ve* 
reor,  ne  oratio  raea,  aliéna  ab  judiciorum  r»- 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  XV.  41 5 
XUX.  L'ancienneté  de  cette  opinion ,  ces  lienx  où 
l'on  retrouve  les  traces  et  comme  le  berceaiji  de  ces 
déesses,  inspirent  à  tons  les  habitants,  à  tontes  les 
villes  de  1»  Sicile,  nne  vénération  singulière  pour  1a 
Cérès  d'Enna.  Des  prodiges  sans  nombre  attestent  son 
pouvoir  et  sa  présence.  Souvent,  dans  les  circon- 
stances les  plus  fâcheuses, 'elle  leur  a  donné  des  se- 
cours éclatants  ;  en  sorte  qu'elle  semble  non  seule- 
ment chérir  cette  ile ,  mais  y  rési<|er  et  l'honorer  d'une 
protection  spéciale. 

Ce  culte  n'est  point  concentré  dans  la  Sicile  :  Des 
autres  peuples  et  les  autres  nations  rendent  les  hom- 
mages les  plus  signalés  à  la  Cérès  d'Enna.  Si  on  s'em- 
presse de  se  faire  initier  dans  les  mystères  des  Athé- 
niens *9,  parce  que,  dit-on ,  Cérès  vint  chez  enx , . et 
leur  apporta  le  blé ,  lorsqu'elle  cherchait  éa  fille  dans 
toutes  les  parties  du  monde,  quelle  doit  être  la  véné- 
ration des  peuples  chez  qui  cette  déessie  a  reçu  la  nais- 
sance ,  et  inventé  l'usage  de  ce  précieux  alimeiA  !  Dans 
des  temps'  orageux  et  difficiles ,  lorsqu'après  la  mort 
de  Tibérius  Gracchus  bs  prodige»  annonçaient  les  plqs 
grands  dangers,  nos  ancêtres,  sous  le  consulat  de 
Mucins  et  de  Calpnrnius,  ouvrirent  les  livres  sibyllins; 
ils  y  trouvèrent  qu'il  fallait  apaiser  la  plus  andenne 
Cérès.  Quoique  cette  déesse  eût,  à  Rome,  un  temple 
d'une  beauté  et  d'une  magnificence  admirable,  des 
prêtres  du  peuple  romain ,  choisis  dans  le  collège  dé- 
eem viral,  furent  envoyés  jusqu'à  Enna.  Telle  était  la 
majesté  et  l'ancienneté  de  son  culte,  qu^en  partant 
pour  cette  ville ,  ils  semblaient  se  transporter,  non  pas 
au  temple  de  Cérès,  mais  auprès  de  Cérès  elle-même. 

Je  m'arrête  ,  car  peut-être  mon  discours  vou*  paraît 
étranger  au  barreau,  et  déplacé  devant  un  tribunal. 


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M6  in  TERREM  ACT.  II,  LIB.  IT. 

tione,  et  quotidiana  dicendi  consueta^ne  esse 
videatur.  Hoc  dicQ ,  han'c  ipsam'Cerenpm,  anti- 
quis»imam,  religiosissimam ,  prîncipem  omnium 
sacrorum ,  qwae  apud  omnes  gentes  nafîonesque 
fiunt,  a  C.  Vçr;re  ex  suis  templis  ac  sedibus  esse 
sublaftam.  Qui  accessistis  Ennam ,  vidistis  simula- 
crum  Cereris  e  marmore,  et  in  altero  templo  , 
Libers  :  sunt  ea  perampla  atqne  prseclara ,  sed  non 
ita  antiqua.  Ex  aère  fuit  quoddam  modica  ampli- 
tudine,  ac  singulari  opère,  cum  faribus,  peranti- 
quum  ,  omnium  illorum ,  quœ  sunt  in  eo  fano  , 
multo  antiquissimum  :  id  sustulit  ;  ac  tamen  eo^ 
contentus  non  fuît.  Ante  aedem  Cereris,  in  aperto 
ac  propatnlo  loco  ,  signa  duo  sunt,  Cereris  unum^ 
alterum  Trîptolemi,  et  pulcberrima^  et  perampla  : 
his  pulchritudo  periculo ,  amplitudo  saluti  hiit , 
quod  eorum  demofitio  atque  asportatio  perdiffî" 
cilis  vid^batur.  Insistebat  in  manu  Cereris  dexfra 
simulacrum  pulcherrime  factum  Victoria  :  hoc 
iste  e  signo  Cereris  avellendufti ,  asportandumque 
curavit. 

L.  Quf  tandem  istius  animus  est  nunc  in  *  re- 
cognitione  scelerum  suorum,  quum  ego  ipse  in 
conimemoratione  eornm  non  solum  animo  com> 
moveaF,  -verum  etiam  corpore  perhorrescam  ? 
"Venit  enim  mîhi  fani,  loci ,  religionis  illius  in 
mentem  ;  versantur  ante  oculos  omnia  :  dies  ille  , 
quo  ego  Ennam  quum  yenissem ,  prœsto  mihi 
sacerdotes  Cereris  cum  infulis  ac  yerbenis  fuerunt  ; 
concio,  conventusque  civiumj  in  quo  ego  quum 

'  Codd.  Cujac,  Guelferhyt.,  Memm,,  recordatieae. 
yidetur  e  glossa. 


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SEC.  ACTIOH  CONTRE  VERRES,  IV.  417 
Apprenez  qae  cette  Cérès  même,  la  plas  ancienne  et 
la  plas  révérée  de  tontes  les  divinités,  celle  à  qui  tons 
les  peuples  et  tontes  les  nations  offrirent  leurs  premiers 
hommages ,  a  été  enlevée  de  son  temple  et  de  sa  de- 
meure par  "Verres.  Ceux  de  vous  qui  sont  entrés  dans 
Enna ,  ont  vu  nne  statue  de  Cérès  en  marbre ,  et  dans 
un  antre  temple  une  statue  de  Proserpine.  Elles  sont 
toutes  deux  très  belles  et  très  grandes,  mais  plus 
modernes.  Il  y  en  avait  une  autre  en  bronze,  d^une 
grandeur  moyenne,  d'une  beauté  parfaite,  portant 
des  flambeaux,  très  ancienne,  la  plus  ancienne  même 
de  toutes  celles  qui  sont  dans  ce  temple  :  c'est  celle-là 
qae  Verres  a  enf^vée  ;  et  ce  ne  fut  pas  assez  de  ce  seol 
sacrilège.  Devant  le  temple ,  dans  un  lieu  découvert  et 
spacieux,  sont  deux  statues,  Tune  de  Cérès,  l'autre  de 
Triptolème,  tontes  deux  très  belles  et  d'une  très 
grande  proportion.  Leur  beauté  les  a  mises  en  péril , 
mais  leur  grandeur  les  a  sauvées.  Le  déplacement  sem- 
blait offrir  trop  de  diffîcnltés.  Dans  la  main  droite  de 
Cérès  était  une  très  jolie  figure  de  la  Victoire  ^®  :  Verres 
la  fît  arracher  de  la  statue,  et  la  transporta  dans  son 
palais. 

L.  Opels  remords  doivent  Aehirer  son  âme ,  lors- 
qu'il parcourt  la  liste  de  ses  forfaits ,  puisque  moi-même 
je  ne  puia^les  raconter  sans  frémir  d'horreur,  sans 
frissonner  de  tout  mon  corps!...  Ce  temple,  ce  lieu, 
la  majesté  de  ce  culte ,  toutes  les  circonstances  enfin 
sont  présentes  à  mon  esprit.  Je  me  rappelle  ce  jour 
où ,  lorsque  j'entrai  dans  Enna ,  je  rencontrai  sur  mon 
passage  les  prêtres  de  Cérès ,  ceints  de  bandelettes  et 
de  verveines  ;  je  me  rappelle  ce  concours  et  cette  foule 
de  citoyens  qui  s'empressaient  autour  de  moi  ;  pendant 
que  je  leur  parL^Îp,  ils  fondaient  en  pleurs,  ils  pous- 
saient des  gémissements  ;  il  semblait  que  la  ville  en- 


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Ai8  m  VÈRREaj  ACT.  n,  UB.  XV. 

loquerer,  tai^ti  fletus  gemitusque  fiebant,  ut  acer- 
bissimus  tota  urbe  luctus  versari  videretur.  Non 
illi  decumarum  imperia ,  non  bonorum  direptio- 
nesy  non  iniqua  judîcia  ,  non  impoTtunissimas 
istius  libidines,  non  vim,  non  contumelias ,  quibus 
'  operti  oppressîque  er^nt ,  conquerebantur  :  Ce- 
reris  numen,  saçrorum  vetustatem ,  fanî  reli^io- 
nem ,  istius  ficeieratissimi  atque  audncissimi  sup- 
plicio  expiari  volebant;  omnia  se  cetera  pati  ac 
negligere  dicebant.  Hic  dolorerat  tantus,  ut  Ver- 
res ,  alter  Oi  eus ,  venisse  £nnam ,  et  non  Proser- 
pinam  apportasse ,  sed  ipsam  abripuisse  Cererem 
videretur.  Etenim  urbs  îlia  non  urbs  videtur,  sed 
fanum  Cereris  esse  :  habitare  apud  sese  Cererem 
Ennenses  arbitrantur;  ut  mihi  non  cives  illius 
civitatis  ,  sed  orones  sacerdoces  ,  umnes  accolée 
atque  antistites  Cereris  esse  videantur.  *  Knnae  tu 
sinmlacruih  Cereris  tollere  audebas  ?  Ennae  tu  de 
manu  Cereris  Victoriam.  deripere,  et  deam  deae 
detrahere  conatus  esPquoium  nihil  violare,  nibil 
attîngere  ausi  sunt^n  qiiibus  eiant  omnia,  quae 
sceleri  propiora  suntyquam  religioni.  Tenuerunt 
enim  P.  Popillio ,  P.  Rupilio  consulibus ,  illum 
locum  servi,  fugitivi,  barbari,  bostes  :  J»ed  neqne 
tam  servi  ilii  dominorum ,  quam  tu  libidinum  ; 
neque  tam  fugitivi  illi  a  dominis ,  quam  tu  a  jure 
et  a  legibus;  neque  tam  barbari  lingua  et  natione 
illi,  quam  tu  natura  et  moribus;  neque  illi  tam 
bostes  bominibus,  quam  tu  diis  immortalibus.  Quae 
deprecatio  est  igitur  ei  reliqua  ,  qui  ind^guitate 

'  Grœv.  e  codd.  recepit  texati ,  quod^rte  giossema  est, 
—  *  Ernest. ,  Enna. 


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.  SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  IV.  419 
tlère  fat  plongée  dans  le  deail  le  pins  crael.  Ils  ne  se 
plaignaient  pas  de  ses  exactions  dans  les  décimes, 
de  la  spoliation  de  leurs  biens,  de  Finiqnité  de  ses 
jugements ,  de  Finfamie  de  ses  débauches ,  de  sa  vio- 
lence, des  outrages  sans  nomj^re  dont  il  les  avait 
accablés  :  ils  voulaient  que  la  majesté  de  Cérès,  que 
Tancienneté  de  son  culte ,  que  la  sainteté  de  son  tem- 
ple ,  fussent  vengées  par  le  supplice  dn  plus  scélérat  et 
du  plus  audacieux  des  hommes.  A  qp  prix,  ili  oubliaient 
tous  leurs  autres  maux.  Cette  douleur  était  si  vive 
qu'on  eût  dît  que  Verres  était  entré  dans  Enna, 
comme  nn  autre  Plu  ton,  et  qu'il  avait,  non  pas  enlevé 
Proserpine,  mais  arraché  de  leurs  bras  Cérès  elle- 
même.  En  effet,  Enna  est  moins  une  ville  qu'un  tem- 
ple de  Cérès:  ils  croient  qu'elle  réside  an  mflieu  d'eux, 
et  les  habitants  semblent  tons  être  les  prêtres,  les 
concitoyens,  les  ministres  de  cette  déesse.  Et  dans 
Enna  vous  osiez  ravir  la  statue  de  Cérès  !  vous  osiez 
dans  Enna  enlever  la  Victoire  d£  la  main'  de  Cérès , 
arracher  nne  déesse  de  la  main  d'une  déesse!  Des 
hommes  habitués  an  crime,  étrangers  à  tout  senti- 
ment de  religion,  n'ont  osé  cependant  profaner  et 
toucher  aucun  de  ces  objets  sacrés.  Sous  le -consulat  de 
P.  PopiUius  et  de  P.  Rupilins,  Enna  fut  occupée  par 
des  esclaves ,  par  des  fugitifs ,  par  des  barbares ,  par  des 
ennemis  ^'.  Mais  ces  hommes  étaient  moins  eMlaves 
de  leurs  maîtres  que  vous  ne  l'êtes  de  vos  passions;  ils 
avaient  moins  d'horreur  ponr  lenrs>  fers  que  vous 
pour  la  justice  et  les  lois  ;  ils  étaient  moins  barbares 
par  leur  langage  et  leur  patrie  qne  vous  par  votre 
caractère  et  vos  mœurs;  moms  ennemis  des  hommes 
qne  vous  ne  l'êtes  des  dieux  immortels.  Quel  moyen 
d'excase  peut  rester  à  celui  qni,  plus  vil  qne  les  escla- 
ves ,  phis  Inrienx  que  les  révoltés  ^  plus  féroce  que  les 


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420  IN  VERREM  ACT.  II,  LIB.  IT. 

seryos,  temeritate  fugitivos ,  scelere  barbaros,  cru- 

delitate  bostes  vicerit  ? 

LI.  Audistis  Theodorum,  et  Numînium,  et  Ni- 
casîonem ,  legatos  Ennenses ,  publice  dicere ,  sese  a 
suis  cWibus  haec  h^ere  mandata ,  ut  ad  Vèrrem 
adirent,  et  eum  simulacrum  Cereris  et  Vîctori» 
reposcerent;  id.si  impetrassent,  tum  ut  morem  ve- 
terem  Enpensium  conservarent ,  publiée  in  eum  , 
tametsi  yexasset  ^ciliam,  tamen,  quoniam  haec  a 
majoribus  constituta  accepLssent ,  testimonium  ne 
quod  dicerent  :  sin  autem  ea  non  reddidisset ,  tum 
ut  judicio  adessent,  tum  uti  de  ejusinjuriis  judices 
docerent,  sed  multo  maxime  de  religione  quere- 
rentur.  Quas  illorum  querimonias  nolite  ^  per  deos 
immortales,  aspernari;  nolite  contemnere  ac  né- 
gligerez judices.  Aguntur  injuriœ  socioriim  ;  agi- 
tur  vis  legum  ;  agitur  existimatio ,  veritasque  judi- 
ciorum.  Quse  sunt  omnia  permagna;  yerum  illud 
maximum  :  tanta  religione  obstricta  tota  provinda 
est,  tanta  superstitioex  istius  facto  mentes  omnium 
Siculorum  occupayit ,  ut ,  qttSBcnmque  accidant  pu- 
blice vel  privatim  incommoda ,  propter  eam  cau- 
sam  scelere  istius  evenire  videantur.  Audistis 
Centuripinos ,  Agyrinenses,  Gatînensés  ,  Herbi- 
tenSiSy  Ennenses,  complunes  alios,  publice  di- 
cere, quae  solitudo  esset  in  agrîs,  quœ  yastitas^ 
quae  fuga  aratorum,  quam  déserta,  quam  inculta , 
quam  relicta  omnia.  Ea  tametsi  istius  multis  et  va- 
riis  injuriis  acciderunlr;  tamen  bsc  una  causa  in 
opinione  Siculorum  plurimum  valet,  quod,  Ce- 
rere  violata,  omnes  cultus,  fractusque  Cereris  in 
bis  locîs  interiisse  arbitrantur.  Medemini  religioni 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  rv.  421 
barbares,  plus  impitoyable  que  les  ennemis,  les  a 
surpassés  tous  dans  lepirs  excès? 

LI.  Vous  ayez  entendn  Théodore,  Numinius  et  Nica- 
slon ,  députés  d'Enna ,  tous  dire ,  au  nom  de  leur  Tille, 
qu'ils  ont  été  chargés  de  voir  Verres ,  de  lui  redeman- 
der les  statues  de  Cérès  et  de  la  Victoire  :  s'il  les  ren- 
dait ,  ils  deyaient  se  conformer  à  Tusage  antique  des 
Ehnéens ,  et  malgré  ses  déprédations,  s'abstenir  de  dé- 
poser contre  lui ,  parce  que  leurs  ancêtres  n'ont  jamais 
accusé  aucun  de  leurs  préteurs  ;  si  au  contraire  il  refu- 
sait ,  ils  ayaient  ordre  de  se  joindre  aux  autres  accusa- 
teurs, d'instruire  les  juges  de  tous  ses  forfaits,  et  sur- 
tout d'insister  sur  ce  qui  concerne  la  religion.  Au  nom 
des  dieux,  accueillez  leurs  justes  réclamations  !  Gardez- 
yous  de  les  mépriser  et  de  les  repousser.  Il  s'agit  des 
injustices  qu'ont  épi'ouvées  vos  alliés  ;  il  s'agit  du 
maintien  des  lois  et  de  l'honneur  des  tribunaux.  A  ces 
motifs  si  forts  par  eux-mêmes  se  joint  un  intérêt  plus 
puissant  encore  :  ce  sentiment  de  religion  répandu 
dans  tonte  la  province  s'est  changé  en  superstition  de- 
puis cet  attentat  de  Verres  ;  les  Siciliens ,  dont  les  es- 
prits sont  A'appés  et  prévenus,  croient  que  toutes 
leurs  calamités  pubh'qnes  et  privées  sont  la  punition 
de  son  impiété.  Les  députés  de  Ccntorbe",  d'Agyre  ,  de 
Catane,  d'Herbîte,  d'Enna,  et  plusieurs  autres  voo» 
ont  exposé  le  tableau  affligeant  de  la  solitude  qui  règne 
dans  leurs  campagnes  ;  ils  vous  ont  peint  les  charrues 
délaissées ,  les»  laboureurs  dispersés ,  toutes  les  tertes 
désertes,  incultes,  abandonnées.  Je  sais  qu'il  faur en 
accuser  les  vexations  de  Verres  ;  mais  dans  l'opinion 
des  Siciliens ,  une  seule  cause  a  produit  tous  ces  maux  : 
ils  croient  qu.e  Cérès  ayant  été  outragée,  tons  les  fruits 
et  toutes  les  productions  de  Cérès  ont  été  frappées  de 
mort.  Vengez  et  protégez  la  religion  de  vos  alliés  ; 
vur*  36 


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4ia  IN  VERREM  ACT.  Il,  UB.  IV. 

sociorum ,  judices  ;  conservate  vestram.  Neqae 
enim  hsc  externa  vobis  est  relîgîo,  neqne  aliéna  : 
quod  §i  esset,  si  suscipere  eam  noUetis,  tamen  in 
eo ,  qui  TÎolasset,  sancire  vos  velle  oporteret.  Nnnc 
veroin  coinmunî*'omniuui  gentium  religîone,  in- 
^e  hift  sacris ,  qus  majores  nôstri  ab  exteris  na- 
tionibus  adscita  atqiie  arcessita  colnerunt,  quas 
sacra,  ut  erant  rêvera,  sic  appellari  Graeca  yolue- 
runt;  négligentes  ^c  dissoluti  si  cupiamvs  esse^ 
qui  possumus? 

LU.  Unius  etiam  urbis,  omnium  pulcberrîmae 
atque  ornatissimse,  Syracusarum  direptionem  com- 
meraorabo  ,  et  in  médium  proferam ,  judices  ;  ut 
aliquando  tqtam  bujus  generis  orationem  conclu- 
dam  ac  definiam.  Nemo  fere  vestrum  est ,  quin , 
quemadmodum  captas  sint  a  M.  Marcello  Syra» 

.  eusse,  saepe  audierit,  nonnunquam  etiam  in  anna- 
libus  legerit.  Conferte  banc  pacem  cum  illo  bello; 
hujus  pr^etoris  adventum ,  cum  illius  imperatorts 
Victoria  ;  bujus  cohortem  impuram  ,  cum  illius 
exercitu  invicto;  bujus  libidines,  cuAi  illius  con« 
tinentia  :  ab  illo,  qui  cepit,  conditas  ;  ab  hoc,  qui 
constitutas  accepit,  captas  dicetis  Syracusas.  Ac 
jam  illa  omitto ,  quse  disperse  a  me  multis  locis 
dicentur,  ac  dicta  sunt  :  forum  Syracusanorum , 

'  quod  introitu  Marcelli  purum  a  cœde  servatum 
est ,  id  adventu  Verris  Siculorum  innocentium 
sanguine  redundasse;  portum  Syraousanorum , 
qui  tum  et  nostris  dassibus  et  Cartbaginiensium 
clausiis  fuisset ,  eum,  isto  prstore,  Gilicumrayo- 
paroni  prœdonibusque  patuisse.  Mitto  adhibitam 
vim  ingennis,  matresfamilias  violstas;  quœtum» 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  IT.  4^3 
maintenez  la  vôtre.  En  effet ,  cette  religion  ne  vous  est 
pas  étrangère;  et,  qnand  elle  le  serait,  (juand  même 
TOUS  ne  voudriez  pas  l'adopter ,  votre  devoir  serait  de 
la  sanctionner ,  en  pnnissant  celai  qui  Ta  violée.  Mais 
il  s'agit  ici  d'une  religion  commune  à  tous  les  peuples, 
d'un  culte  que  nos  ancêtres  ont  emprunté  et  reçu  des 
nations  étrangères ,  et  dont  ils  ont  consacré  l'origine, 
en  le  nommant  culte  grec  :  pourrions-nous,  quand 
nous  le  voudrions ,  demeurer  froids  et  indifférents  ? 

LII.  Bour  terminer  enfin  cette  partie  de  l'accusation, 
je  vous  exposerai  la  manière  dont  il  a  pillé  Syracuse  ^*, 
la  plus  belle  et  la  plus  riche  de  toutes  les  cités  de  la 
province.  Il  n'est  personne  de  vous  qui  n'ait  souvent 
entendu  dire  ,  on  qui  même  n'ait  lu  quelquefois  dans 
nos  annales,  comment  cette  ville  fut  prise  par  Marcel- 
lus.  Eh  bien!  comparez  les  temps  de  la  paix  sous  Ver- 
res, aux  temps  de  la  guerre  sous  Marcellns  ^^  ;  compa- 
rez l'arrivée  du  préteur  à  la  victoire  du  général  ;k  cour 
impure  du  magistrat  ^^  à  l'armée  invincible  du  guerrier  ; 
les  violences  de  Tun  à  la  modération  de  l'autre  :  et  vous 
direz  que  le  vainqueur  de  Syracuse  à  sembl^  en  être 
le  fondateur,  et  que l'admimstrateur  Ta  traitée. comme 
s'il  l'avait  prise  d'assaut.  Et  je  ne  rappelle  pas  ce  que 
j'ai  déjà  dit,  ce  qu'il  me  faudra  dire  encore,  que  le 
forum  de  Syracuse ,  que  Uni  carnage  n'avait  souillé 
quand  MarceUus  entra  dans  la  ville ,  fut ,  à  l'arrivée  de 
Verres ,  inondé  du  sang  des  Siciliens  innocents  ;  qu'une 
barque  de  pirates  ciliciens  est  entrée  san§  ré^stance 
dans  le  port  de  Syracuse,  jusqu'alors  impénétrable 
aux  flottes  de  Reme  et  de  Carthage.  Je  ne  dis  pas  que, 
sous  sa  préture ,  les  hommes  et  les  femmes  ont  essuyé 
des  outrages  que  les  soldats  ennemis  et  fupenx  n'a- 
vaient pas  commis ,  malgré  les  nsages  de  la  guerre  et 


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ki(,  IN  VERREM  ACT.  H,  LIB.  IV. 

urbe  capta,  commissa  non  sunt,  neque  odio  hos-. 
tili ,  neque  lîcentia  militari ,  neque  more  belli  , 
neque  jure  yictoriœ.  Mitto ,  inquam ,  hœc  omnia  ^ 
quae  ab  isto  per  triennium  perfecta  sunt  :  ea,  quae 
conjuncts^  cum  îllis  rébus  sunt,  de  quibus  antea 
dixi ,  cognoscite. 

Urbem  SyracuSas  maximamjesse  GrsBcarum  ur- 
bium  y  pulcherrimamque  omnium ,  saepe  audistis. 
Est ,  judices ,  ita ,  ut  dicitur  ;  nam  et  situ  est  quum 
munito,  tum  ex  omni  aditu,  vel  terra,  vel  mari , 
praeclaro  ad  adspectum  :  et  portus  babet  prope  in 
œdificatione  adspectuque  urbis  inclusos  ;  qui  quum 
diversos  inter  se  aditus  babeant ,  in  exitu  conjun- 
guntur  et  confluunt.  Ëorum  conjunctione  pars  op- 
pidi,  quse  appellatur  Insuta,  mari  disjuncta  an- 
g-usto ,  ponte  rursum  adjungitur  et  continetur. 

LUI.  Ea  tanta  est  urbs ,  ut  ex  quatuor  urbibus 
maxin^s  constare  dicatur;  quarum  una  est  ea, 
quam  dixi ,  Insula  :  quae  duobus  portubus  cincta , 
in  utriusque  portus  ostium  aditumque  projecta 
est  ;  in  qua  domus  est ,  quae  régis  Hieronis  fuit , 
qua  prsetores  uti  soient.  In  ea  sunt  aedes  sacr» 
compiures;  sed  du»,  quae  longe  ceteris  antecel- 
lunt  :  Dianae  una  ;  et  altéra ,  quae  fuit  ante  istius 
adventum  ornatissima ,  Minervae.  In  bac  insula 
extrema  est  fons  aquae  dufçis,  cui  nomen  Are- 
tbusa  est,  incredibili  magnitudine,  plenissimus 
piftcium  ;  qui  fluctu  totus  operiretur ,  nisi  muni- 
tione  ac  mole  lapidum  a  mari  disjunctus  esset. 

Altéra  autem  est  urbs  Syracusis ,  cui  nomen 
Acbradina  est  ;  in  qua  forum  maximum ,  pulcher- 
rimae  porticus ,  ornatissimum  prytaneum,  amplis- 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  lY.  4a5 
les  droits  de  la  victoire.  Non ,  toas  ces  forfaits  aoca- 
malés  pendant  les  trois  années  de  son  administration, 
je  lés  passe  sons  silence  :  je  ne  parlerai  qae  des  crimes 
qni  se  rapportent  à  ceax  dont  je  m'occupe  en  ce  mo-. 
ment. 

On  vous  a  dît  souvent  que  Syracnse  est  la  plas^rande 
des  villeç  grecques,  et  la  plus  belle  de  tontes  les  villes  *  ; 
elle  Test  en  effet.  Cette  cité,  forte  par  sa  position»  offre 
une  perspective  admirable,  tant  du  côté  de  la  terre  que 
du  coté  de  la  mer.  Ses  deux  ports  pénètrent  dans  Fen- 
ceinte  de  ses  murs ,  et  sont  entourés  d'édifices.  Ils  ont 
chacun  une  entrée  particulière ,  et  vont  aboutir  an 
même  bassin  ;  c'est  ce  qui  forme  la  partie  qu'on  nomme 
l'île ,  et  qui,  séparée  par  un  petit  bras  de  mer,  com^ 
munique  par  un  pont  au  reste  de  la  ville. 

LUI.  Syracuse  est  si  vaste  qu'elle  semble  c<ynposée 
de  quatre  grandfle  villes  ^*  :  la  première  est  l'île  dont 
je  viens  de  parler  ;  baignée  par  les  deux  ports ,  elle  se 
prolonge  jusqu'à  leur  embouchure.  C'est  là  que  se 
trouve  l'ancien  palais  d'Hiéron ,  aujourd'hui  le  palais 
du  préteur.  On  y  voit  aussi  un  grand  nombre  de  tem- 
ples. Deux  l'emportent  sur  tous» les  autres;  celui  ^e 
Diane,' et  celui  de  Minerve,  richement  décoré  avant 
la  préture  de  "Verres.  A  l'extrémité  de  l'île  est  une 
fontaine  d'eau  douce,  qu'on  nomme  Aréthuse  :  son 
bassin ,  d'une  grandeur  immense ,  rempli  de  poissonsV 
seffait  inoadé  par  la  mer,  s'il  n'était  défendu  par  une 
forte  digue. 

La  seconde  ville ,  l'Achradine ,  rénf^me  un  forum 

*  C'est  ainsi  qu'il  fant  traduire  cette  phrase  ;  nous  etè 
jivons  la  preuve,  de  Rep.,  III,  23. 


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4^6  m  VERREZ  ACT.  II,  LIB.  IT. 

sima  est  curia,  templumque  egregium  Jovis  OIyi^»-> 
pii ,  ceteraeque  urbis  partes  hna  lata  via  perpétua  , 
miiltisque  transversis  divîsœ,  privati»  sedificiiscon- 
tînentur.  Tertia  est  urRs,  quae,  quod  in  ei  parte 
Fortuns  faaum  antiquum  fuit^Tycha  nominata 
est;  în  qua  et  gymnasium  araplissimum  est,  et 
complnrés  aedes  sacrae  :  coliturqiie  ea  pars ,  et  ha- 
bitatur  frequentissirae.  Quarta  autem  est  urbs, 
qUae/quia  postrema  œdificata  est,  Neapolis  nomî- 
natiir;  quam  ad  summam  theatrura  est  maximum: 
prsBterea  duo  templa  sunt  egregia ,  Cereris  unum  , 
alterum  Liberae;  signumque  Apollinis,  quiTeme- 
nites  vocatur  ,  pulcherrimum  et  maximum':  quod 
i«te  si  portare  potuisset ,  no»  dubitasset  auferre. 

LIV.  Nunc  ad  Marcellum  revertar,  ne  ha;c  a 
me  sine  causa  commemorata  esse  yideantur  :  qui 
quum  ûim  prseclaram  urbem  vi  copiisque  cepisset, 
non  putavit  ad  laudem  populi  romani  hoc  perti- 
nere ,  hanr  pulchritudinem ,  ex  qua  prseserlim  ni- 
hil  periculi  ostenderetur ,  delere  et  exstinguere. 
Itaque  aedificiis  omnibus,  '  publicis  et  privatis, 
sacris  et  profanis ,  sic  pepercit ,  quasi  ad  ea  defen- 
denda  cum  exercitu ,  non  expugnanda  veuisset.  In 
ornatu  urbis  hnbuit  yictoriae  rationem,  liabaithu- 
manitatis  :  yictorise  putahat  esse,  mnlta  Romam 
def  ortare ,  quae  ôrnaraento  urbi  esse  possent  ;  hu- 
msnitatis,  non  plaûe  *  spoliare.iïrbem,  (k'sesertibi 
quam  conservare  voluisset.  In  bac  partitibne  orna* 
tus,  lion  plus  Victoria  Marcelli  populo  romano 

*  Gneviut  e  codd.  reg.  et  ed,  Fenet.,  publicis ,  priva- 
fis,  sacris,  profanis.  —  '  Gnev.,  Beck,  alii ,  exspoJiare, 
aitctoritate  miUtùrum  codd. 


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\ 
} 


N^  SEC.  ACTtON  CONTRE  VERKÈS,  IT.     427 

^li^ienx,  de  très  beaax  portîqnes,  un  sqperbe  pry- 
tane^  ®® ,  an  vaste  palais  pour  le  sén^t ,  un  temple 
maiestueu  de  Jupiter  olympien  ;  ane  rue  large ,  coa- 
pée'd*nne  infinité  d'autres  rues ,  la  traverse  dans  toute 
sa  tpngueur.  La  troîsièiiie  a  été  nommée  Tycha,  pa^ce 
qu'il  y  avait  autrefois  un  temple  de  la  Fortune»  On  y 
remarque  un'  très  grand  gymnase  ^^^  et  plusieurs  édi- 
fices sacrés.  C'est  la  partie  la  plus  populeuse.  La  qua- 
trième est  la  Yîlle-Neuve ,  ainsi  nommée  parce  qu'elle 
a  été  bâtre  la  dernière.  Dans  sa  partie  la  plus  haute, 
est  un  théâtre  immense  ;  on  y  voit  de  plus  deux  temples 
très  fcien  bâtis,  l'un  de  Cérès ,  l'autre  de  Prosèrpîne  , 
une  statue  d'Apollon  surnommé  Téménitès ,  très  belle 
et  d'uilfe  grandeur  colossale  *•  ;  Verres  l'aurait  enlevée, 

-  «î  le  transport  avait  été  possible. 

LIT.  Je  reviens  à  Maroellas ,  et  vous  verrez  que  cette 
digression  n'est  pas  tout-à-fait  sans  objet.  Après  qu'il 
se  ftrt  rendu  maître  de  cette  ville ,  si  forte  et  sî  riche , 
il  jugea  9ue la  destruction  d'une  aussi  belle  cité,  sur- 
tout lorsquîelle  n'était  plus àciaindre ,  louiUerait  la 
gloire  du  peuple  romain.  Il  éparg^ia  tous  les  édifices 
publics  et  privés ,  sacrés  et  profanes ,  comme  s'il  fut 
venu  avec  une  armée ,  non  pour  les  conquérir ,  mais 
pour  les  défendre.  Qtiant  aux  ornements  de  la  viUe^ 
il  sut  concilier  les  droits  de  la  victoire  avec  les  lois  dé 
l'humanité.  Il  pensa  qu'il  devait  à  la  victoire  de  trans- 
porter à  Rome  beaucoup  d'objets  qui  pouvaient  déco- 
rer la  capitale  du  nibnde  ,  mais  qu'en  même  temps  il 
devait  à  l'humanité  de  ne  pas  entièrement  dépouiller 
une  ville  qu'il  avait  résolu  de  conserver.  L'égalité  pré- 
sida au  partage ,  et  la  portion  que  la  victoire  assignait 
au  peuple  romain  ,  ne  fut  pas  plu»  grande  que  celle 
que  l'humanité  réservait  po.or  les  Syracusaîns!  Ce  qui 
fut  transporté  à  Rome ,  nous  le  voyons  «ooore  auprès 


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4a8  IN  VERREM  ACT.  II,  LIB.  lY. 

appetivit,  quam  humanitas  Syracusanis  réserva;-' 
vit.  Romam  qdse  asportata  sunt ,  ad  œdem  Honoris 
atque  Yirtutis,  itemque  aliis  in  locis  vidons.  Ni- 
hil  in  aedibus,  nihîl  in  hortis  posuit,nihil  in  sub- 
urbano  :  putavit ,  si  urbis  omamenta  domum 
suam  non  contulisset,  'domum  suam  omamento 
nrbi  futuram.  Syracusis  autem  permulta,  atque 
egregia  reliquitf  deum  vero  nullum  violuvit ,  nul- 
lun  attigit.  Confeite  Verrem;  non  ut  hominem 
cum  homine  comparetis ,  ne  qua  tab*  viro  mortuo 
fiât  injuria;  sed  ut  pacem  cum  bello ,  leges  cum 
-vi,  forum  et  jurisdictionem  cum  .ferro  et  armis, 
adventum  et  comitatum  cum  exercitu  et  yictoria 
conferatis. 


LV.  jEdes  Mineryse  est  in  Insula ,  de  qua  ante 
dixi  ;  quam  Marcellus  non  attigit ,  quam  plenam 
atque  ornatam  reliquit  :  quse  ab  isto  sic  spoliata 
atque  direpta  est,  non  ut  ab  hoste  aliquo,  qui 
tamen  in  bello  religionum.  et  consuetudinis  jura 
retineret,  sed  ut  a  barbaris  prsdonibus  vexata  esse 
Wdeatur.  Pugna  erat  equestris  Agathocli  régis  in 
ubulis  picta  praiclare  :  his  autem  tabulis  interipres 
templi  parietes  vestiebantur.  Nihîl  erat  ea  pictura 
nobilius;  nibil  Syracusis,  quod  magis  visendnm 
putaretur.  Has  tabulas  M.  Marcellus,  quum  omnia 
illa  Victoria  sua  profana  fecisset ,  tamen  religione 
impeditus  non  attigit:  iste,  quum  illajam,  prop- 
ter  diuturnam  pacem  fidelitatemque  populi  Sysa- 

'  Lambin,  sine  nifs.j  dooitti  suœ  ornaineiito  urben» 
futuram.  Malo  judicio. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  IV.  429 
da  temple  de  rHonnear  et  de  la  Vertu  ^9,  et  dans 
plusieurs  autres  lieux.  Marcellus  ne  plaça  rien  dans 
ses  maisons ,  dans  ses  jardins ,  dM^ses  campagnes  :  il 
pensa  que,  s'il  n'emportait  P«|^|ps  sa  demeure  les 
ornements  destinés  ppur  Rom^'ra  simplicité  même 
de  sa  maison  serait  le  plus  bel  ornement  de  cette  ville, 
n  laissa  dans  Syracuse  une  infinité  de  chefs-d^œuvre  : 
surtout  il  ne  toucha  point  aux  dieux  ;  nul  des  dieux 
ne  fut  violé.  Rapprocliez  maintenant  la  cof^duite  dt 
Verres  ;  je  ne  vous  dis  pas  de  comparer  ensemble  Ver- 
res et  Marcellus  ;  ce  serait  outrager  les  mânes  de  ce 
grand  homme.  Mais  enfin,  Verres  a  gouverné  pendant 
la  paix  ;  il  était  le  chef  de  la  justice ,  le  ministre  des 
lois.  Marcellus  fit  la  guerre  ;  chargé  de  la  vengeance 
nationale ,  ses  moyens  étaient  le  fer  et  les  armes.  Com- 
pareztrarrivée  et  le  cortège  de  Verres  à  l'armée  et  à  la 
victoire  de  Marcellus.    -  *► 

LV.  Dana  File  ^^nn  temple  de  Minerve ,  dont  j*ai 
parlé  plus  haut.  Marcellus  le  respecta  ;  il  y  laissa  tous 
les  ornements.  Verres  Ta  dévasté ,  non  en  ennemi  qui 
dans  la  guerre  respecte  encore  les  dieux  et  le  droit  des 
gens ,  mais  en  barbare ,  mais  en  pirate.  Une  suite  de 
tableaux  qui  représentaient  Agathocle  *  livrant  des. 
combats  de  cavalerie ,  décorait  les  parois  intérieures 
du  temple.  L*art  n'a  rien  produit  de  plus  beau;  Syra- 
cuse n'offrait  rien  de  plus  parfait  à  la  curiosité  des 
étrangers.  Quoiqu'ils  fussent  devenus  profanes  par  la 
victoire  de  Marcellas  ^°,  ce  guerrier  ne  vit'en  eux  que 
des  objets  consacrés  par  la  religion  :  il  n'y  toucha 
point.  Une  longue  paix  et  la,,  fidélité  constante  des 
Syracusains  les  rendaient  saints  et  sacrés  pour  Verres  : 
Veffès  les  a  tous  enlevés.  Ces  murailles  dont  les  orne- 

*  On  a  def  médailles  de  ce  prince,  ^ojr.  Spanbeim , 
fie  Prœst.  numism.,  pag.  252. 


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43o  IN  VERREM  ACT.  U,  LIE.  Vf, 

cu«anî,  sacra  religiosaque  accepisset,  omnes  eas 
tabulas  abstulit;  parietés,  quorum  ornatus  tôt  se« 
cula  mans^rat,  ^o^^Hj^  efFugerat,  nwfos  ac  defor-' 
matos  reliquit.     ^HT^ 

KtMarcellus,  qui,  si  Syracnsas  cepîsset,  duo 
templa  se  Roms  dedicaturum  voverat,  id,  quod 
erat  aedificaturus,  hîs  rébus  omare,  quas  ceperar, 
noluit  ;  Verres ,  qui  non  Honori ,  neque  Virtuti ,  ut 
îlle,  sedVeneri  et  Cupidini  vota  deberet,  is  Mi- 
nervaè  templum  spoliare  conatus  est.  Ille  deosdeo- 
Vum  spoliis  ornare^nuluit;  hic  ornamenta  Mineryaef 
Tirginis  in  meretriciam  domi/m  transtulit.  Viginti 
et  septem  prstefea  tabulas  pulcherrime  pictas  ex 
eadem  sùde  sustnlit  :  in  quibiis  erant  imagines  Si^ 
cilisreguni  ac  tjrannorum,  quœ  non  solun^piç" 
torura  artifîcio  delectaftnt ,  sed  etiara  commemo- 
ratione  hominura ,  et  cogmt\<^mB  formarura.  Ac 
yidete,  quanto  tetrior  hic  tyranuos  Syracusanns 
fuerit,  qnam  quîsquam  superiorum  :  quum  illi  ta- 
men  ornarint  templa  deonim  iromortalium  ;  hic 
etiam  deorum  raonumenta  atque  ornamenta  sus- 
tulerit. 

*T^VI.  Jam  vero  qu'd  ego  de  yalvis'illius  templi 
commeraorem  ?  Vereor,  ne ,  haec'qui  non  viderunt, 
omiiia  roe  nimis  an  gère  atque  ornare  arbitrentur  : 
quod  ta  men  nemo  suspicari  débet,  tam  esse  me 
cupidum  ,  ut  tôt  viros  primarios  vellm ,  praesertim 
ex  judiciim  numéro,  qui  Syracusis  fuerint ,  qui 
haec  viderint,  esse  fe'merii'ati  et  mendacio  meo 
couscios.  Coniîrmare  hoc  iiquido,  judices,  pos- 
sum,  valvas  magnificentioVes,  ex  auro  atque  ebore 
perfectiores  nullas  unquam  uUo  templo  fuisse.  lu* 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  IV.  43i 
anénts  avaient  snrvéca  à  tant  de  siècles  ,  avaient 
échappé  à  tant  de  guerres  ,  n^ofTrent  p]as  anjourd'hni 
qn^ane  triste  et  honteuse  nudité. 

Marcellns;  qni  avait  fait  vœu  d'élever  deux  temples 
dans  Rom«!  s*il  prenait  Syracnse ,  ne  voulut  point  les 
décorer  avec  les  dépouilles  dès  ennemis.  "Verres ,  qui 
'^  adressait  ses  voeux  non  à  THonùeur  et  à  la  Vertu , 
mais  à  Vénus  et  à  Cçipidon ,  n'a  pas  craint  de  dépouiller 
le  temple  de  Minerve.  Le  premier  ne  voulut  point 
pafer  ses  dieux  aux  dépens  des  dieux  étrangers;  le 
second  a  transporté  les  ornements  de  la  chaste  Minerve 
dans  la  maison  d^ttne  courtisane.  Il  a  enlevé  du  même 
temple  vingt-sept  tableaux  d'une  grande  betuté, 
p^rmi  lesquels  étaient  les  portraits  des  rois  et  des  tyrans 
de  la  Sicile ,  précieux  aux  habitants  non  senlement.:par 
la  périeétion  da  trayaii ,  mais  par  les  traits  et  les  sou- 
venirs quMls  leur  rappelaient.  Et  voyez  combien  ce 
-tyran  d^s  Syracusains  était  plus  détestable  que  les 
tyransr  sea^rédécesseurs  :  ceux-ci  du  moins  décorèrent 
les  tehiples  des  inftnartels;  Verres  a  enlevé  les  dieux 
et  dépouillé  les  templ^. 

LVI;  Que  dirai-Jé  dèà  poHeç  à  depx  battants  de  ce 
méîne  temple,  de  Minerve  *  ?  ceux  qui  ne  les  ont  pas 
vues ,  m'accuseront  de  tout  exagérer.  Cependant  une 
foul€  de  ciiqyens  dn  pren^ier  rang,  et  même  plusieurs 
de  nos  juges,  oi^t  voyagé  à  Syracnse  ;  ils  les  ont  vues  : 
.  il  leur  serait  très  facile  de  me  honvaincre  d'impudence 
et  de  mensonge.  Je ''parle  sans  passion,  et  j'affirme 
que  jaJhais,  dans  aucun  temple,  il  n'y  eut  de  portes 
plus  magnifiquement  déoorées  en  or  et  en  ivoire.  Vous 

*  Fojrez  Wiakelmann,  Histoire  de  VArî,  Livé  VI, 
«hap.  4 ,  S-  37- 


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432  IN  VERREM  ACT.  II,  LIE.  IV. 

credibîle  dictn  est ,  quam  multi  Graeci  de  valyamm 
haruTii  pulchritudine  scriptnm  reliquerint.  Nimiam 
forsîtan  hac  illi  mîrentur  ^qae  efferant  :  esto  ;  ve- 
rumtamen  honestius  est  reipublicae  nostrs,  judi- 
ces ,  ea  ,  qus  illis  pulchra  esse  videantar ,  impera- 
torem  nostrum  in  bello  reliquisse,  quam  praetorem 
in  pace  abstulisse.  Çx  efaore  diligentissime  perfecta 
argumenta  erant  in  y  al  vis  :  ea  detrahenda  cnrayit 
omnia.  Gorgonis  os  ^uicherrimum ,  ciinitum  an> 
gnibus ,  revellit  atque  abstulit  :  et  tamen  indicayit , 
se  non  solum  artiiicio ,  sed  etiam  pretlo  quœstuque 
duci.  Nam  buUas  aurea&  omnes  ex  bis  yalyis ,  quae 
era»t  et  multœ^  et  grayes,  non  dubitavit  auferre; 
quarum  istenon  opère  delectabatur,  sed  pondère. 
Itaque  ejusmodi  yalyas  reliquit,  ut,  quae  olim  ad 
omandum  templum  erant  maxime ,  nunc  taiitum 
ad  claudendnm  factse  esse  yideantur. 

Etiamne  gramineas  hastas  ?  yidi  enim  yos  in  hoc 
non  minime ,  quum  teste»  dicerent ,  comnioyeri , 
quod  erant  bujusmodi,  ut  semel  yidissesatîs  esset  : 
in  quibus  neque  manu  factum  qnidquam ,  neque 
pulcbritudo  erat  uUa ,  sed  tantum  magnitudo  in- 
credibilis,  de  qua  yel  audîre  satis  esset;  nimium, 
yidere  plus  quam  semel  :  etiamne  id  concupisti  ? 

LVII.  Nam  Sappho ,  quae  sublata  de  prytan;^o 
est ,  dat  tibi  justam  excusationem ,  prope  ut  con- 
cedendum  atque  igUoscendum  ésse  yideatur.  Sila- 
nionis  opus  tam  perfectum ,  tam  elegans ,  tam  ela- 
boratum ,  quisquam  non  modo  priyatus ,  sed  po- 
pulus  potins  baberet ,  quam  bomo  elegantissimus 
atque  eruditissimus  Verres  ?  nimirum  contra  dici 
nihi]  potest.  Nostrum  enim  unusquisque,  qui  tam 


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SEC.  ACTION  CONTRE  YERRÈS,  IV.  433 
ne  croiriez  jamais  combien  de  Grecs  en  ont  décrit  la 
beaaté.  Peat-étre  leur  enthousiasme  et  leurs  éloges 
sont-ils  outres.  Je  le  yeux  croire.  Mais  enfin  le  général 
qui  dans  la  guerre  a  laissé  aux  peuples  ces  objets  de 
leur  admiration ,  a  fait  plus  dlionneur  à  la  république 
que  le  préteur  qui  les  a  tous  enlevés  pendant  la  paix. 
Ces  portes  étaient  ornées  de  reliefs  historiques ,  tra- 
vaillés en  ivoire  avec  un  art  infini.  "Verres  a  détaché 
.  tons  les  reliefs  ,  entre  autres  une  superbe  tête  de 
Méduse,  avec  sa  chevelure  de  serpents.  Toutefois  il 
s'est  trahi  lui-même  ;  il  a  montré  qu'il  n'était  pas  seule- 
ment séduit  par  la  perfection  de  l'art ,  mais  aussi  par 
la  richesse  de  la  matière  :  car  il  fit  arracher  tous  les 
dons  d'or^  (]pii  étaient  en  grand  nombre  et  fort  pesants. 
Certes  ils  ne  pouvaient  lui  plaire  que  par  leur  poids. 
Ainsi  ces  portes,  autrefois  superbe  décoration  d'un  si 
bel  édifice ,  ne  servent  plus  aujourd'hui  que  pour  la 
clôture  du  temple. 

Des  piques  même,  oui,  des  piques  de  frêne  7'  ont  été 
enlevées.  J'ai  remarqué  votre  étonnement,  citoyens, 
lorsque  les  témoins  déposaient.  En  effet  elles  étaient 
biOnnes  à  voir  une  fois.  Dénuées  de  tout  ornement, 
elles  n'avaient  d'autre  mérite  que  leur  longueur.  C'était 
assez  d'en  entendre  parler  :  c'était  trop  de  les  voir  deux 
fois.  Cette  cbétive  proie  a-t-elle  aussi  excité  vos  désirs? 

LVII.  Quant  à  cette  Sapho  que  vous  enlevâtes  du 
prytanée,'sa  beanté  est  votre  excuse;  et  ce  fait  est 
bîçn  pardonnable.  Quel  homme  et  même  quel  peuple 
devait  plutôt  que  Yerrès,  le  plus  habile,  le  plus  in- 
struit des  connaisseurs,  posséder  le  chef-d'œuvre  de" 
Silanion,  un  ouvrage  aussi  délicat,'  et  d'un  travail 
aussi  parfait  ?  Assurément ,  on  ne  peut  rien  objecter  à 
cela.  Nous  qui  ne  sommes  pas  aussi  fortunés  que  lui , 
et  qui  ne  pouvons  pas  nous  prôcarer  les  mêmes  jouis- 
viir.  .         3; 


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434  IN  TERREM  ACT.  II,  LIB.  IW. 

beat] ,  quam  iste  est ,  non  sumus ,  tam  delicati  esse 
non  poflsumus,  si  quando  «liquid  istiusmodi  videre 
Tolet,  eat  ad  asdem  Felicitatis,  ad  monumentum 
Catuli,  in  porticum  Metelli;  det  operam,  ut  ad- 
mittatur  in  alicujus  istoram  Tusculanum  ;  spectet 
forum  omatum ,  si  qnid  iste  saorum  «edilibus  ac- 
commodayit.  Verres  h«c  habeat  domi  ?  Verres 
omamentis  fanomm  atque  oppidorum  habeat  ple- 
nam  domum ,  yillas  refertas  ?  Etiamne  hujus  ope- 
raiii  studia  ac*delicias,  judices,  perferetisP  qui 
ita  natus  est ,  ita  educatus ,  ita  factus  et  animo  et 
corpore ,  ut  multo  appositior  ad  deferenda ,  quan^ 
ad  auferenda  signa  esse  videatur. 


Atque  h»c  Sappho  sublata  quantum  desiderium 
sui  reliquerit ,  dici  yix  potest.  Nam  quum  ipsa  fiiit 
egregie  facta ,  tum  epigramma  Grsecum  pemobiie 
incisum  babuit  in  basi ,  quod  iste  eruditus  homo , 
et  Grœculus,  qui  hsc  snbtiliter  jtudîcat,  qui  solus 
intelligit,  si  nnam  litteraro  Grscam  scisset,  certe 
non  sustulisset  :  nunc  enim  quod  inscriptum  est 
inani  in  basi ,  déclarât ,  quid  fuerit ,  et  id  ablatum 
indicat. 

Quid  ?  signum  Psanis  ex  aede  iSsculapii ,  prae- 
clare  factum ,  sacrum  et  religiosum ,  non  sqstulisti  ? 
quod  omnes  propter  pulchritudinem  visere,  prop- 
ter  religionem  colère  solebant.  Quid  i'  ex  aede;  Li- 
beri  simulacrum  Anstaei  ncm  tuo  imperio  palam 
.  ablatum-  est  ?  Quid  ?  ex  »de  Joyis  religiosissimum 
simulacrum  Joyis  Imperatoris ,  quem  Graeci  Urion 
nominant  »  pulcherrime  factum ,  nonne  abstulisti  ? 


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SEC.  ACTION  CONTRE  \^RRÈS,  TV.  435 
sauces^  si  nous  voulons  voir  quelqu'un  de  ces  beaux 
ouvrages,  allons  an  temple  de  la  Félicité,  an  monu- 
ment de  Catnlns,  an  portique  de  Métellns;  tâchans 
d'être  admis  dans  les  jardins  de  nos  heureux  privilé- 
giés; contemplons  les  décorations  du  forum,  quand 
yerrès  vaudra  bien  prêter  aux  édiles  quelques-uns  de 
ees  morceaux  précieux.  Parlons  sérieusement  :  Terrés 
possédera- t-il  lai  seul  toutes  ces  richesses  ?  La  maison, 
les  campagnes  de  Terres  seront-elles  encombrées  des 
ornements  des  temples  et  des  villes?  Et  vous,  ju^es, 
souffrirez-vons  plus  long-temps  les  fantaisies  et  les 
g^onts  d*un  tel  homme?  Quand  il  s'agira  de  porter  des 
statues,  qu'on  le  préfère,  j'y  consens  :  par  la  nature 
et  par  Féducation ,  par  l'âme  et  par  le  corps,  il  sem- 
ble bien  plus  propre  à  ce  métier  qu'aux  jouissances  du 
connaisseur. 

Je  ne  puis  vous  dire  combien  cette  Sapho  lussa  de 
regrets.  Outre  qu'elle  était  d'une beattté  admirable,  une 
inscription  grecque  qu'on. lit  sur  le  piédestal  ajoute 
encore  à  la  douleur  des  peuples.  Cet  homme  instruit , 
ce  Grec  habile ,  qui  juge  si  bien  des  productions  des 
arts,  et  qui  seul  en  sent  le  prix,  l'aurait  fait  dispa- 
raître, s'il  avait  su  un  seul  mot  de  la  langue  grecque; 
car  cette  inscription  solitaire  annonce  quelle  statue 
avait  été  placée  sur  le  piédestal,  et  atteste  qu'on  l'a 
enlevée. 

Verres  n'a-t-il  pas  ravi  de  même  du  temple  d'Escn- 
lape  une  statue  d'Apollon ,  qui  excitait  par  sa  beauté 
l'admiration  des  peuples,  et  recevait  depuis  long-temps 
leurs  hommages  religieux?  Celle  d'Aristée  n'a-t-elle  pas 
été,  pai^on  ordre,  aux  yeux  de  tout  le  monde,  em- 
portée du  temple  de  Bacchus?  N'a-t-il  pas  enlevé  du 
temple  de  Jupiter ,  la  statue ,  non  moins  belle  ni  moins 
révérée,  de  Jupiter  Imperçeor,  que  les  Grecs  nom- 


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OQ  IN  VERREM  ACT.  II,  LIE.  IV. 
Quid?  ex  sede  Liberœ  *  Parium  illud  capat  piocher- 
rimum,  quod  visere  solebamus-,  Qum  dubitastî 
tollere?  Àtque  illePœan  sacrificiis  anniversariis  si- 
mili cam  ^sculapio  apud  illos  colebatur.  Âristaeus, 
qui ,  ut  Gracci  ferunt  [Liberi  fiiius],  inyentor  olei 
esse  dicitur ,  una  cum  Libero  pâtre  apud  illos  eo- 
dem  erat  in  templo  consecratus. 

LVIII.  Jovem  autem  Imperatorem  quanto  ho- 
nore îu  suo  templo  fuisse  arbitramîni?  hinc  colli- 
gere  potestis ,  si  recordari  voluerîtis ,  quanta  reli  - 
gione  fuerit  eadem  specie  atque  forma signumillud, 
qùod  ex  Macedonia  captum  in  Gapitolio  posuerat 
Flamininus.  Etenim  tria  ferebantur  in  orbe  terra- 
ru'm  signa  Jovis  Imperatoris  uno  in  génère  pul- 
cherrime  facta  :  unum  illud  Macedonicum ,  quod 
in  Gapitolio  videmus;  alterum,  in  Ponti  ore  et 
angustiis  ;  tertium ,  quod  Syracusis  ante  Verrem 
prsBtorem  fuit.  Illud  Flamininus  ita  ex  aede  sua 
sustulit ,  ut  in  Gapitolio  y  hoc  est ,  in  terrestri  do- 
micilio  Jovis  poneret.  Quod  autem  est  ad  introi- 
tum  Ponti ,  id ,  quum  tam  multa  ex  illo  mari  bella 
emerseriot,  tam  multa  porro  in  Pontum  invecta 
sint ,  usque  ad  banc  diem  integrum  inviolatumque 
servatum  est.  Hoc  tertium ,  quod  erat  Syracusis , 
quod  M.  Marcellus ,  armalus  et  victor,  viderai  ; 
quod  religioni  concesserat;  quod  cives  atque  in- 
colae  Syracusani  colère,  adveuss  non  solum  visere, 
verum  etiam  venerarî  solebant ,  id  Verres  ex  tem- 
plo Jovis  sustulit.  Ut  sspius  ad  M.  Marcellum  re- 
vertar,  judices  ,  sic  habetote  :  plures  esse^  Syra- 

'  f^ulg. ,  parrum.  LalUm.,  e  Cujacu  libro  et  quatuor- 
mss.  regiis,  Pariaum.  Grœvium  seçuimur. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VEKRÈS,  rv.  4^7 
ment  Ounos"^^ ,  et  de  celui  de  Proserpine  on  superbe 
buste  de  marbi;^  de  Paros,  qui  attirait  tant  de  cu- 
rieux? Or  cet  Apollon  était  honoré,  conjointement 
avec  Escnlape,  par  des  sacrifices  annuels.  Aristée,  que 
les  Grecs  regardent  comme  Tinventeur  de  Thuile,  était 
adoré  chez  les  Sypacusains  dans  le  même  temple  que 
Baccbns  son  père.  *  V 

LVin.  Et  quels  honneurs  Jupiter  ïmperator  n*a-t-îl 
pas  dû  recevoir  dans  son  temple?  Pour  vous  en  former 
une  juste  idée ,  rappelez-vous  combien  était  respectée 
cette  statue  de  la  même  forme  et  delà  même  beauté, 
que  Flamininns  apporta  de  la  Macédoine  et  plaça*dan8 
le  Capitole.  On  comptait  dans  Funivers  trois  statues 
de  Jupiter  ïmperator,  toutes  trois  parfaites  dans  le 
même  genre  :  la  première  était  celle  de  Macédoine  que 
nous  voyons  an  Capitole;  la* seconde  est  à  l'entrée  et 
dans  le  détroit  du  ?ont-Enxin;  la  troisième  se  voyait 
à  Syracuse,  avant  la  prétnre  de  Verres.  Flamîhinus 
emporta  la  première,  mais  pour  la  poser  dans  le  Ca- 
pitole, c'est-à-dire  dans  la  demeure  j^ue  Japiter  s'est 
choisie  sur  la  terre.  Celle  du  Pont -Euxin, Quoique 
des  flottes  armées  aient  tant  de  fois  traversé  le  dé- 
troit, ou  pou?  sortir  de  cette  mer,  ou  pour  y  péné- 
trer ,  est  restée  jusqu'ici  sans  recevoir^  aucune  at- 
teinte. La  troisième,  qui  était  à  Syracuse,  que  ÎWar- 
cellus  a*  respectée,  à  la  tête  d'une  arfnée  Tictorieuse, 
qu'il  a  cédée  à  la  religion  des  peuples, .que  les  habi* 
tants  de  Syracuse  adoraient,  que  les  étrangers  visi- 
taient et  révéraient ,  "^rrès  l'a  enlevée  du  temple  de 
Jupiter.  Je  ne  me  Imac  point  de  citer  Marcellus  :  sa- 
chez donc  que  l'arrivée  de  Yerrès  a  conté  plus  de  dieux 

*  f^,  les  observations  de  M.  Le  Clerc  sur  cette  phrase, 
dans  ses  notes  sur  le  Tr^téde  la  Nature  des  dieux,  111, 1 9. 


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438  IN  TERREM  ACT.*  H,  LIB.  IV. 

cusanis  isims  adventu  deos ,  quam  victoria  Marcelli 
homines  desideratos.  EteDÎm  ille  requiéUse  dicitur 
etiam  Archimedém  illuip'^  sammo  ingenio  homi- 
nem  ac  disciplina  ,  eomqu^  quum  audisset  inter- 
fectum ,  p«rmoleste  tulisse  :  iste  omnki  ^  qax  re- 
quisiyit ,  jion  ot  servafet ,  •  yeram  ut  asportaret , 
reqttisivît.       ,  "^ 

UJL.  Jam  illa ,  qaia  leyiora  videbuntUTy  si  hoc 
loco  dicerentur ,  ideo  prœteribo  ;  quod  iste  mensas 
Delphicas  e  marmore,  crateras  ex  œre  pulcherri- 
mas  f  vim  maxiraam  Yasorum  Corintliiorum ,  ex 
omnibus  asdibus  sacris  Syracusis  abstulit  Itaque» 
judices  y  hi,  qui  hospites  ad  ea ,  qu»  yisenda  sunt, 
ducere  soient,  et  unumquidqiie  ostendere,  quos 
illi  mystagogos  yocant ,  conyersam  jam  babent  de- 
monstrationem  suam  :  nam,  ut  ante  demonstra- 
banty  quid  ubique  esset,  ita  nunc,  quid  nndique 
ablatnm  sit ,  ostendunt.  Quid  tum  ?  mediocrine 
tandem  doiore  eos  affectos  esse  arbitramini  ?  Non 
ita  est ,  judices  :  primum,  quod  omnes  relfgione 
moventur  y  et  deos  patrios,  quos  a  majoribus  acce- 
perunt,  colendos  sibi  diligenter  et  retinendos  esse 
arbitrantur;  déinde  hic  ortiatus ,  haec  opéra  atque 
artificia,  signa,  tabulœ  picts,  Graecos  homines 
nimio  opère  délectant.  Itaque  ex  illorum  querimo- 
niis  intelligere  possumus,  haec  illis  acerbissima 
yideri ,  quse  forsitan  nobis  leyia  et  contemnenda 
esse  yideantur.  Mihi  crédite ,  judices  (tametsi  yos- 
met  ipsos  haec  eadem  audire  certo  scio  ) ,  quum 
multas  acceperiut  per  kosce  annos  socii  atqne  ex- 
terse  nationes  calamitates  et  injurias  ;  nuUas  Grsci 
homines  grayius  tulerunt,  nec  ferunt,  quam  hu-> 
juscemodi  spoliationes  fanorum  atque  oppidorum. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  IV.  43g 
•QX  Syracosams  que  la  victoire  de  Marcellos  ne  lent 
a  coûté  de  citoyens.  On  dit  même  qne  oe  grand  gêné* 
rai  fit  chercher  Archimède  qui  joignait  le  plnf  heau 
génie  aux  connaissances  les  plfis  étendues,  et  qu'il 
ressentit  la  plus  vire  douleur  en  apprenant  qu'il  avait 
été  tué.  Terres  n'a  jamais  fait  faire  de  recherches  que 
pour  emporter  ce  qu'il  pourrait  découvrir. 

LIX.  Je  ne  rappellerai  point  des  larcins  qui  paraî- 
traient ici  d'une  trop  faihle  importance.  Je  ne  dirai 
point  qu'il  a  enlevé  de  tous  les  teittples  de  Syracuse , 
des  tables  delphiques  *  en  marl>Te ,  de  très  belles  coupes 
en  airain,  une  immense  quantité  de  vases  corinthiens. 
Aussi  les  mystagognes ,  qui  servent  de  guides  aux 
étrangers  et  leur  font  voir  tout  ce  qu'il  y  a  de  curieux, 
ont-ils  changé  de  méthode  :  ils  montraient  autrefois 
les  belles  productions  'des  arts  ;  ils  indiquent  aujour- 
d'hui la  place  qu'elles  occupaient.  Si  vous  ci^oyex  que 
ces  peuples  n'en  ont  ressenti  qu'une  douleur  médiocre , 
détrompez -vous.  D'abord  tous  les  hommes  sont  atta- 
chés aux  objets  de  leur  culte;  ils  se  font  un  devoir 
d'honorer  et  de  conserver  les  dieux  de  leurs  pères  : 
mais  de  plus,  les  Grecs  se  passionnent  à  l'excès  pour 
leurs  statues ,  leurs  tableaux  et  les  autres  monuments 
de  ce  genre.  La  vivacité  de  leurs  plaintes  fait  connaître 
à  quel  point  ces  pertes ,  qui  peut-être  vous  semblent 
frivoles,  sont  cruelles  pour  eux.  On  vous  l'a  dit,  et  je 
le  répète  :  de  toutes  les  vexations  que  nos  alliés  et  les 
nations  étrangères  ont  essuyées  dans  ces  derniers 
temps ,  rien  n'a  jamais  plus  diagriné  les  Grecs ,  que 
ces  spoliations  de  leurs  temples  et  de  leurs  villes. 

*  De  la  même  forme  que  le  trépied  de  Delphes. 
Pline,  XXXÏV,  3;  Martial,  XII,  67;  Inscriptions  âe 
Gniter,  pag.  iii5. 


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44o  m  TERREM  ACT.  n,  LIB.  IV. 

Licet  iste  dicat  émisse  se ,  sicuti  solet  diceri?  r 
crédite  hoc  mihi  /judices  :  nulla  luiquam  ciyitas 
tota  Asia  et  Grsecîa,  signum  ulium,  tabulam  pic- 
tam ,  ullum  denique  or  namentam  urbis ,  sua  vo- 
luntate  cuiquam  -v«ndidit.  Nisi  forte  existimatis , 
posteaquam  judicîa  severa  Romse  fieri  desieriot  » 
GrsBCOs  homines  haec  venditare  cœpisse ,  qus  tum 
non  modo  non  yenditabant ,  quum  judicia  fiebant, 
yerum  etiam  coemebant  ;  aut  nisi  arbitramini , 
L.  Grasso,  Q.  Sc^yola,  G.  Glaudio,  potentissimîs 
hominibus ,  quorum^  sedilitates  orn^tissimas  yidi- 
mus  y  commerciùm  istarum  rerum  cum'Grsecis  ho- 
mikiibus  non  fuisse  ;  iis ,  qui  post  judiciorum  dis- 
soiutiones  sediles  facti  sunt ,  fuisse. 

LX.  Acerbiorem  etiam  scitote  èsse  ciyitatibus 
falsam  istam  et  simulatam  emtionem ,  quam  si 
quis  'clam  surripiat,  aut  eripiat  palam  atque  aufe- 
rat  :  nam  turpitudinem  ftimmam  esse  arbitrantur, 
referri  in  litteras  publicas ,  pretio  adductam  civi- 
tatem,  et  pretio  paryo ,  ea,  qusB  accepîsset  a  toa- 
joribus,  yendidisse  atque  aliénasse.  Etenim  mi- 
raudum  in  modum  Grsci  rébus  istis,  quas  nos 
contemnimus ,  delectantur.  Itaque  majores  nostri 
facile  patiebantur,  hsBC  esse  qnam  plurima  apud 
socios,  ut  imperio  nostro  quam  ornatissimi  floren- 
tissimique  essent  :  apud  eos  autem ,  quos  yecti  ga- 
les aut  stipendiarios  feceraut,  tamen  hsecrelinque- 
bant ,  ut  illi ,  quibus  ea  jucunda  sunt ,  quœ  nobis 
leyia  yidebantur>  haberent  haec  oblectamenta  et 
solatia  servitutis. 

Quid  arbitramini  Rbçginos,  qui  jam  ciyes  ro- 
mani sunt ,  merere  y  elle ,  ut  ab  eis  marmorea  Ve- 


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SEC.  Acnorî  contre  terres,  iv.    441 

Vainement  Terres  continuera  de  dire  qn'il  a  acbelé  : 
daignez  mVn  croire  :  nul  penple ,  dans  FAsie  entière , 
ni  dans  toute  la  Grèce ,  ne  vendit  volontairement  une 
seule  statue,  un  seul  tableau,  en  un  mot,  un  seul  or* 
nement  de  sa  ville.  Quand  les  lois  étaient  en  vigneur, 
les  Grecs,  loin  de  vendre  ces  objets  précieux,  les  ache- 
taient «partout  où  ils  pouvaient.  Pensez -vous  qu'ils 
aient  cherché  à  les  vendre ,  lorsque  les  tribunaux  ont 
cessé  d'être  sévères.**  Crassus,  Scévola,  Claudius,  ces 
hommes  si  puissants ,  et  dont  Tédilité  fut  signalée  par 
tant  de  magnificence,  ne  purent  se  procurer  ces 
chefs-d'œuvre  par  la  voie  du  commerce  :  le  trafic  ne 
s*en  est-il  établi  que  pour  les  édiles  nommés  depuis  la 
corruption  de  nos  tinbnnaux?' 

LX.  Sachez  que  ces  achats  simulés  leur  causent  en- 
core plus  de  douleur  qu'un  larcin  secret,  on  qu'un 
enlèvement  à  force  ouverte  :  car  ils  regardent  comme 
une  infamie  qu'on  lise  dans  leurs  regis^tres  qnfk  ont 
été  capables  de  vendre  et  d'aliéner  pour  une  somme, 
et  pour  une  somme  modique,  ce  qu'ils  avaient  reçu  de 
leurs  ancêtres.  Je  le  répète,  leur  passion  est  extrême 
pour  tous  ces  objets ,  qui  sont  de  nul  prix  à  nos  yeux. 
Aussi  nos  ancêtres  voyaient -ils  sîids  peine  qu'ils  en 
possédassent  un  grand  nombre.  Ils  voulaient  que, 
sous  notre  empire ,  les  villes  fussent  magnifiques  et 
florissantes;  et  lors  même  qu'ils  les  soumettaient  à  des 
tributs  et  à  des  impôts?',  ils  leur  abandonnaient  ces 
frivoles  jouissances,  comme^;^  amusement  et  une 
consolation  de  la  servitude. 


Eh!  quelle  somme  pourrait  déterminer  les  Rhé- 
%îens ,  aujourd'hui  citoyens  romains ,  à  céder  leur 


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Ua  m  TERREM  ACT.  II,  UB.  IV. 

nus  iUa  aoferatur?  quid  Tarentinos,  ut  Ëaropani 
in  tauro  amittant?  ut  Satyrum,  qui  apud  illos  in 
acde  \estm  est?  ut  cetera?  quîd  Thespieiises ,  nt 
Cupidinift  sigoum,  propter  quod  unum  yisuntiir 
Thespiœ  ?  quid  Cnidios ,  ut  Venerem  marmoream  ? 
quid,  ut  pictam ,  Coos?  quîd  Ephe$ios,  ut  Alexan- 
drum  ?  quid  Cyzicenos ,  ut  Ajacem ,  aut  Medeam  ? 
quid  Rhodios,  ut  lalysum?  quid  Athenienses,  ut 
ex  marmore  lacchum,  aut  Paralum  pictuin,  aut 
ex  œre  My rouis  buculam?  Lougum  est,  et  non 
necessarium,  commemorare,  quse  apud  quosque 
yisenda  sunt  tota  Asia  et  Grascia  :  yerum  illud  est, 
quamobrem  hsBc  '  commemorarim,quodexLstiniare 
Tos  hoc  volo ,  mirum  quemdam  dolorem  accipere 
eos,  ex  quorum  urbibus  haec  auferantur.. 

LXI.  Atque,  ut  ceWos  omittamus,  de  ipsis  Sy- 
racusanis  cognoscite  :  ad  quos  ego  quum  veuissem, 
sic  primo  existimabam ,  ut  Romx  ex  istius  amicis 
acceperam ,  civitatem  Syracusanam ,  propter  He- 
rnclii  bereditatem,  non  minus  esse  isti  amicam  , 
quam  Mamertinaih ,  propter  praedanïm  ac  furto- 
rum  omnium  societatem;  simul  et  vcrebar,  ne 
mulierum  nobilium  et  formosarum  gratia ,  quarum 
iste  arbitrio  praeturam  per  triennium  gesserat ,  vi- 
rorumque,  quibuscum  illœ  nuptae  erant,  nimia  in 
istum  non  modo  lentifudine ,  sed  etiam  liberalitate 
oppugnarer,  si  quid  «x  litteris  Syracusanorum 
conquirerem. 

Itaque  Syracusis- cum  civibus  romanis  eram; 
eorum  tabulas  exquirebam  ;  injurias  cognoscebam. 
Quum  dintius  in  negotio  curaque  fueram,  ut  re- 

'  Emesl.f  conuBemorem. .  <P 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  IV.  443 
Vénns  de  riiarbre;  et  les  Tarentins,  lear  sutae  d*Ea- 
rope  enlevée  par  an  taoreaa,  le  Satyre  qu'ils  ont  dans 
lear  temple  de  Testa ,  et  lears  antrek  chefi»-d'oeaTre?  A 
qael  prix  les  Thèspiens  mettraient-ils  le  Capidon*  qai 
seul  attire  les  curieux  dans  lear  ville  ?  les  Cnidiens , 
leur  Vénus  de  marbre  ?  ceux  de  Cos ,  le  tableau  de 
cette  même  déesse  ?  Épbèse ,  son  Alexandre  ?  Cyzique , 
son  Ajax  ou  sa  Médée?  Rhodes,  son I^y sus?  Athènes, 
son  Bacchus  de  marbre,  son  tableau  de  Paralus,  ou  la 
fameuse  génisse  de  Myron  ?  Il  serait  long ,  autant  qu'in- 
utile ,  de  dénombrer  ici  tontes  les  choses  qui  sont  à 
voir  dans  chacune  des  villes  de  rAsi%et  de  la  Grèce. 
Ce  que  j'en  ai  cité  n'est  que  pour  faire  concevoir  com- 
bien sont  douloureusement  affectés  ceux  à  qui  on  en- 
lève de  si  précieux  ornements. 

LXI.  Juges^n  par  les  Syracnsains.  Lorsque  j'arrivai 
chez  eux ,  je  crus  d'abord,  comme  les  amis  de  Verres 
le  disaient  à  Rome,  que  l'héritage  d'Uéraclins  avait 
mis  Syracuse  dans  ses  intérêts  ^^ ,  de  même  qu'il  s'était 
concilié  Messine ,  en  l'associant  à  ses  vols  et  à  ses  pil- 
lages. D'ailleors,  je  craignais,  si  je  demandab  la  com- 
munication de  leurs  registres ,  d'être  traversé  par  les 
intrigues  des  femmes  les  plus  nobles  et  les  plus  belles 
de  la  ville ,  dont  il  avait  été  l'esclave  pendant  les  trois 
années  de  sa  prétare,  et  par  les  maris  de  ces  femmes, 
qui  s'étaient  montrés  si  faciles  et  si  complaisants  pour 
leur  préteur.  7<>  ' 


Je  ne  voyais  donc  que  les  citoyens  romains  ;  je  fenil- 

*  Ouvrage  de  Praxitèle.  Voyez  plus  haut,  chap.  i\ 
Pausanias,  I,  20;  IX,  27,  etc.  Cette  statue  fut  trans- 
portée à  Rome,  où  elle  périt  dans  ou  incendie. 


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444  IN  \ERREM  ACT.  II,  LEB.  IV. 

quiescerem ,  curamqiie  animi  remitterem ,  ad  Car* 
pinadi  praeclaras  tabulas  reyertebar;  ubi  cum  equi* 
tibus  romanis  ex  îUo  conyentu  honestissimis,  illos 
Vernitios,  dequibus  ante  dix! ,  explicabam  :  a  Sy- 
racusanîs  prorsas  fiihil  adjumenti  neque  publice  , 
neque  privatim  exspectabam  ;  neque  erat  in  animo 
postulare.  Quum  haec  agerem,  repente  ad  me  ve- 
nit  Heraclius  is,  qui  tum  magistratum  Syracusis 
habebat ,  bomo  nobilis,  qui  sacerdos  Jovis  fuisset; 
qui  honos  apud^Syracusanos'est  amplissimus.  Agit 
mecum,  et  cum  L.  fratre  meo,  ut,  si  nobis  vide- 
retur)*'  adiremus*  ad  eorum  senatum;  fréquentes 
esse  in  curia  ;  se  jussu  senatus  a  nobis  petere ,  ut 
veniremus.  Primo  nobis  fuit  dubium ,  quid  âge- 
remus  :  deinde  cito  yenit  in  mentem ,  non  esse  yi- 
tandum  nobis  illum  conyentum  et  locum. 

LXII.  Itaqine  in  curiam  yenimus.  Honorificesane 
consurgitur' :  nos  rogatu  magistratus  assedimus. 
Incipit  is  loqui ,  qui  et  auctdritate ,  et  setate,  et,  ut 
mîKi  yi^m  est,  usu  rerum  antecedebat,  Diodorus 
Timarcbides;  cujusomnis  oratio  banc  babuit  pri- 
mo sententiam  ;  Senatum,  populumque  Syracusa- 
num  moleste  graviterqué  ferre,  quod  ego,  quum 
in  ceteris  Siciliae  ciyitatibus  senatum  populuiiique 
docuissem,  quid  eis  utilitatis,  quid  salutis  afïer- 
rem,  et  quum  ab  omnibus  mandata ,  legatos ,  litte- 
ras,  testimoniaque  sumsissem,  in  illa  ciyitate  nihil 
ejusmodi  facerem.  Respondi ,  neque  Romae  in  con- 
yentu Siculorum ,  quum^  a  me  auxilium  communi 
omnium  legationum  consilio  petebatur,  causaque 
totius  ad  me  Siciliae  deferebatnr,  legatos  Syracuaa- 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  IV.  445 
letaîs  lears  joamaax  ;  j'y  recneillaù)  l^s  traces  de  ses, 
iajastices.  Pour  me  délasser  de  ces  travaux  pénibles , 
je  revenais  aax  fameux  registres  de  Carpinatîas  ^^.  Avec 
les  plus  respectables  des  chevaliers  qoi  sont  établis  dans 
cette  ville,  je  parvenais  à  éclaircir  cette  multitude  d'ar- 
ticles dont  je  vons  ai  parlé  ailleurs,  et  que  je  vojrais  tous 
insccîts  sous  le  nom  dfe  Verrntins.  Je  n'attendais  lien 
ni  des  magistrats ,' ni  des  habitants  de  Syracuse  :  il 
n'était  pas  dans  mon  intention  d'avoir  recours  à  eux. 
iTn  jour  ,  je  vois  paraître  chez  moi  Héraftlius ,  le 
premier  magistrat  de  Syracuse ,  citoyen  distingué  par 
sa  naissance  et  qui  avait  été  prêtre  de  Japiter  :  c'est 
chez  eux  la  dignité  la  plus  honorable.  Il  me  propose 
de,  venir  au  sénat  avec  mon  frère  ;  il  nous  dit  que  tout 
le  corps  s'est  réuni ,  et  qu'il  vient ,  de  sa  part ,  nous 
faire  cette  invitation.  Nous  hésitons  d'abord;  mais  bien- 
tôt nous  jugeâQies  qu^  nous  ne  devions  pas  refuser  de 
nous  rendre  à  cfette  assemblée.  .. 

LXII.  Nous  allons  donc  an  sénat  :  on  se  lève  pour 
nous  &ire  honneur  ;  et  sur  la  prière  du  magistrat ,  nous 
prenons  place.  Diodore  Timard&id^  le  premier, des 
sénateurs  par  son  autorité  personnelle ,  par  sa  sagesse , 
et ,  autant  que  j'en  pus  juger ,  par  son  expérience ,  prit . 
la  parole.  Voiici  quelle  fat  à  |»eu  près  la  substance  de 
soi^discotirs.  Le  sénat  et  le  peuple  de  Syracuse  ressen-  " 
talent  une  peine  extrême  de  ce  qu'après  avoir  informé 
les  autres  villes  de  l'objet  de  mon  voyage  et  des  secours 
que  je  leur. apportais ,  et. avoir  pris  partout  des  rensei- 
gnements ,  fait  nommer  des  dépuCations ,  recueilli  des 
pièces  et  des  témoignages ,  je  n'agissais  pas  de  même 
avec  eux.  -Te  répondis  que ,  lorsque  les  .députations 
réunies  étaient  venues  à.Roïné-Tédamer  mes  bons  oiïi- 
cea,  et  me  confier  la  défense  de  toute  la  Sicile ,  les  dé- 
putés de  Syracuse  ne  s'étaient  pas  pnésentés ,  et  que 
vii{.  38 


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446  IN  TERREM  ACT.  II,  liB.  IV. 

nommaffuisse;  neque  me  postulare ,  nt  quidquam 
contra  C.  Verrem  decemeretur  in  ea  curia  »  in  qua 
inaoratam  C.  Veiris  statuam  Tiderem. 

Quodposteâqnam  dixi ,  tantus  est  gemitus  factus 
adspectu  status  et  commemoratione,  ut  illud  in 
curia  po^itum  monumentum  scelerum ,  non  bene- 
ficiorum  yideretur.  Tum  pro  se  quisque,  quantum 
dicendo  assequi  poterat,  docere  me  cœpit  ea ,  que 
paullo  ante  commemoravi  :  spoliatam  urbem ,  fana 
direpta;  ex  Heradii  hereditate,  quam  paliestritis 
concessisçet ,  multo  maximam.partei^  ipsum  abstu- 
lisse  ;  neque  postulandum  fuisse ,  ut  ille  palœstritas 
diligeret,  qui  etiam  inyentorem  olei  denm  austu- 
lisset;  neque  illam  statuam  esse  ex  pecunia  pu- 
blica,  neque  publiée  datam;  sed  eos,  qui  here- 
diutis  diripiends  participes  fuissent,, faciendam 
statuendamque  curasse;  eosdem  Rom»  fdisse  le- 
gatos ,  illius  adjutores  improbitatis ,  socios  furto- 
rum ,  conscios  flagitiorum;  «eô  minus  miran  me 
oportere,  si  illi  communi  legatorum  yoluntati  et 
saluti  Sicilise^defuissent. 

LXIII.  Ubi  eorum  dolorem  ex  îllius  injuriis , 
non  modo  non  minorem,  sed  prope  majorem, 
quam  ceterorum  Siculorum  esse  cognoyi  :  tjim 
ego'  meum  animttm  in  illos ,  tum  mei  consilii  ne- 
gotiique  totius  suscepti  causam  rationemque  pro- 
posui  ;  tum  eos  bortatus  sum ,  ut  causse  communi 
salutique  ne  deessent;  ut  illam  laudationem  ^  quam 
se  yî  ac  metu  coactos,  paucis  illis  diebus,  decresse 
dicebanty  toUerent.  Itaque,  judices,  Syracusani 
bœc  faciunt ,  istius  clientes  atque  amici  :  primom 
mihi  litteras  publicas,  quas  in  «rorio  sanctiore 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  IV.  447 
tirailleurs  je  ne  ponvais  solUciter  un  arrêt  contre  Ver- 
res ,  dans  une  salle  où  je  voyais  une  statue  de  Verres 
tonte  brillante  d*or.  ^^ 

A  ces  mots ,  tons  les  yeux  se  portèrent  vers  la 'stallie 
dont  je  rappelais  le  souvenir.  Un  gémissement  général 
me  fit  voir  qu'elle  était  un  monument  de  ses  forfaits , 
et  non  un  hommage  de  leur  reconnaissance.  Chacun 
s'empresse  4«  m'instruire  des  vols  que  j'ai  cités  plus 
haut,  ils  me  disent  que  Verres  a  pillé  h^  ville  et  dé- 
pouillé les  temples  ;  qu'il  a  gardé  pour  lui  la  plus  grande 
partie  de  l'héritage  d'Héradius  *,  adjugé  au  gymnase  ; 
qu'en  effet,  après  avoir  enlevé  le  dieu  inventeur  de 
l'huile  ,  il  ne  pouvait  pas  prendre  beaucoup  d'intérêt 
aux  exercices  des  lutteurs.  Ils  m'apprennent  que  sa 
statue -n'a  point  été  érigée' par  un  décret  public  ^  mais 
par  ceux  qtd  ont  partagé  avec  lai  l'héritage  d'Héra- 
dius ;  que  la  députation  a  été  composée  de  ces  mêmes 
hommes,  ministres  de  ses  forfaits,  complices  de  ses 
vola,  compagnons  de  ses  débauches  ;  que  je  ne  dois  pas 
être  étonné  qu'ils  ne  se  soient  pas  unis  aux  autres  dé* 
pûtes  pour  le  salut  de  la  Sicile. 

LXni.  Dès  que  j'eus  connu  que  leur  ressentiment 
égalait ,  s'il  ne  surpassait  même  celui  des  autres  Sid- 
liens,  je  leur  ouvris  mon  âme  tout  entière;  je  leur 
développai"  le  plan  que  je  m'étais  trfkcé.  Je  les  exhor- 
tai à  ne  pas  trahir  la  cause  commune;  à  rétracter  cet 
éloge  qu'ils  disaient  leur  avoir  été  arraché  quelques 
jours' auparavant  par  la  violence  et  la  crainte.  Que 
font  alors  les  Syracusains  j  les  clients ,  les  amis  de  Ver- 
res ?  lU  m'apportent  leurs  registres ,  qu'ils  tenaient 
cachés  dans  le  lieu  le  plus  secret  de  leurs  archives;  ils 
me  inonUrent  l'état  des  objets  qne  je  vous  ai  dit  avoir 
.    *  Fojr.  la  note  74- 


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448  IN  TERREM  ACT.  H,  LIB.  IV. 

conditas  habebant,profenmt  ;  in  qttibus  osten- 
'  dunt  oitinia,  quse  dixi  ablata  esse,  perscripta,  et 
plura  etlam,  quam  ego  potui  dico'e;  perscripta 
acTtein  hoc  modo ,  «  Quod  ex  œde  Minervae  hoc  et 
illud  abesset,  qnod  ex  œde  Joyis,  quod  ex  asde 
Liberi  »  :  nt  quisque  eis  rébus  tuendis  qôâsenran- 
disque  prsefuerat,  itfa  perscriptum  erat,  quùm  ra- 
tionem  ex  lege  redderet,  et  qu^  acceperat,  debe- 
ret  tradere ,  petisse ,  ut  sibi ,  quod  hse  res  abessent  ^ 
ignosceretur  ;  itaque  omnes  b'beratos  discessisse  ^ 
et  esse  ignotum  Omnibus.  Quas  ego  litteras  ob- 
signandas  publico  signo,  deportandasque  curavî. 

De  laudatione  autem.  ratio  sic  reddita  est  :  prî- 
muniv  quum  a  Verre  litterœ  aliquanto  ante  adven- 
tum  meum  de  laudatione  venissent,nihil  esse  de- 
cretum  ;  deînde ,  qi^um  quidam  ex  lUius  amicis 
commonerent  oportère  deceroi  ^  maximo  esse  cla- 
more  et  convicio  repudiatos;  posteaquam  meus 
advefitus  appropinquarit ,  imperasse  eum ,  que 
summam  potestatem  haberét,  ut  décernèrent;  de- 
cretnm  ita  esse ,  ut  multo  plus  illa  laudatio  mali , 
quani^boni  possit  afferre.  Id  adeo  ,  judices ,  ut 
mihi  ab  illîs  demonstratum  est,  sit  vos  ex. me 
cognoscite.        ^ 

LXIV.  Mos  est  Syracusis,  ut,  si  qua  de  Te  ad 
senatum  referatur ,  '  ditat  sententiam  ,  qui  velit. 
Nominatim  nemo  rogatur  :  et  tahiBn ,  ttt  quisque 
honore  et  œtate  antecedit,  ifa  primus  sojet  sua 
sponte  dicere;  idque  a  ceteris  ëî  conceditiir.  Si 
quahdo  taceant  omnes ,  tune  sortito  cogjuntur  di- 
cere. Quum  nîc  mos  esset,  refertur  ad  senatum  de 
laudatione  Verris.  In  quo  primum,  ut  aliquid  esset 


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SEa  ACTIOjr  CONTRE  VERRES,  IV.  449 
«té  enlevés  par  Yerrès,  et  de  bien  d'antres  dont  je  n'ai 
pil  Tons  pflrler.  \ie  procès-verbal  portait  qae  tel  on  tel 
,  objet^ manquait  dans  le  temple  de  Minerve,  tel  antre 
dans  le  temple  de  Jnpiter,  tel  antre  dans  celni  de 
Bacchns  ;  et  qu'en  rendant  lenip  comptes ,  anx  termes 
de  la  loi ,  chacnn  des  hommes  préposés  à  la  garde  de 
ces  dépôts  qu'ils  devaient  représenter,  avait  demandé 
à  n'être  pas  inquiété  pour  les  objets  qui  ne  se  ft-ouT- 
vaient  plus;  qae  tous  avaient  été  décharges  et  acquittés. 
J'eus  soin  de  fiaiire  apposer  le  sceau  de  la  ville  sur  ces 
registres,  et  je  les  fis  emporter. 

.   »  '  ■ 

Quant  à  l'éloge  décerné  à  "Verres,  voici  l'explication 
qui  me  fdt  donnée.  Quelque  tfemps  avant  que  j'arri- 
vasse ,  Terrés  leur  avait  écrit  à  ce  sujet.  On  ne  prit 
aucun  arrêté.  Dans  la  suite ,.  plusieurs  de  ses  amis 
avaient*  e^jé  de  renouer  la  négociation  :  ils  furent 
repoussé^l^ar  des  cris  et  des  huées.  Au  mqi)[ient  où 
j'allais  arriver ,  celui  qid  était  revêtu  du  pouvoir  su- 
pi*ême  lettr  avait  enjoint  de  prendre  un  arrêté  en  fa- 
veur de  Verres.  Bs  avaient  obéi,  mais  de  manière  qne 
leur  éloge  devait  lui  faire  plus  de  mal  qne  de  bien. 
Cest  ce  que  je  vais  vous  expliquer  d'après  ce  qu'ils 
m'ont  dit  eux-mêmes. 

■  LXrV.  Lorsqu'on  rapporte  une  affaire  dans  le  sénat 
de  Syracuse,  celui  qui  veut  parler  prend  la  parole.  On 
ne  fait  point  l'appel  :  cependant  les  sénateurs,  qui 
l'emportent  par  l'âge  ou  la  dignité ,  parlent  oiâi- 
nairemeut  les.  premiers  ;  o^est  un»  déférence  qu'on  a 
pour  eux.  Quelquefois  tous  gardent  le  silence  :  alors 
ceux  que  le  sort  désigne  sont  obligés  d'ouvrir  un  avis. 
On  fit  donc  un  rapport  sur  Verres.  XJuelques  membres 
cherchèrent  d'abord  à  gagner  du  temps  par  une  mo- 


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45o  m  TERREM  ACT.  n,^LIB.  IV. 

morae ,  multi  interpellant  :  de  Sext.  Peduc«o ,  qui 
de  illa  civitate  totaque  proyincia  optime  méritas 
esset,  sese  antea ,  quum  audissent  ei  negotîum  fa- 
cessitnm ,  quumque  eum  publiée  pro  plnrîmis  ejus 
et  maximis  meritis  laudare  cuperent,  a  C.  Verre 
prohibitos  esse  ;  iniquum  esse ,  tametsî  Peducxus 
eorum  laudation%jain  non  uteretur,  tamen  non  id 
prins  decemere,  quod  aliqnando  voluissent,  quam 
quod  tmn  cogerentur. 

Conclamant  omnes,  et  approbafit  ita  fieri  opor- 
tere.  Refertur  de  Peducœo.  Ut  quisque  aetate  et 
honore  antecedebat,  ita  sententiam  dixit  ex  ordine. 
Id  adeo  ex  ipso  senatnsconsnlto  cognosçite  :  nam 
principam  sententise  perseribi  soient.  Récita.  Quoo 

TEBBA   PACTA   SCITT  DE  S  EXT.  ÎPedÛcJEo!    DeCCmi- 

tur.  Refertnr  deinde  de  Verre  :  die,  qu^so,  quomo- 
do?  Quod  yerb^  pacta  suht  db  C.  VeEre.  Quid 
postea  scriptum  est?  Quum  surgeret  iKmOf  wb- 

QUE    SENTEKTIAM   DICERET.   Quid    hoC    est  ?  SoHS 

DuciTUR.  Quamobrem  ?  nemo  erat  voluntarius. 
laudator  prseturx  tuae,  defensor  periculonim  tuo« 
mm,  prœsertim  quum  inire  a  prsetore  gratiam^ 
posset  ?  nemo  :  ipsi  illi  tuî  convivae ,  consiliarii , 
conseil ,  socii,  verbum  facerenon  audebant.  In  qua 
curia  statua  tua  stabat,  et  nuda  filii,  in  ea  nema 
fuit ,  quem  ne  nudus  quidem  fîlius  in  nuda  pro* 
vincia  commoVeret. 

Atque  etiam  hoc  me  docent,  ejusmodi  senatus^- 
consulto  sese  fecisse  laudationem,  ut  omnes  intel- 
ligere  possent,  non  laudationem,  sed  potius  irri- 
Vionem  esse  illam ,  quœ  commonefaceret  istius 
turpçm  calaraitosamque  prasturam.  Etenîm  srrip- 


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SEC  ACTIO]>r  CONTRE  TJRRÈS,  IV.  45  f 
tîon  incid^pte.  Ih  obseryèi:ent  qne  Pédiicéiis ,  qui  avait 
très  bien  mérité  de  Syracuse ,  ainsi  qoe  de  tonte  la 
province,  se  trouvant  inquiété  à  Rome,  le  sénat  avait 
voulu  décerner  Thommage  qu'ils  dcTaient  à  leur  bien- 
faiteur, et  que  Verres  l'en  avait  empêché;  qu'à  la  vé- 
rité Péducéus  n'avait  plus  besoin  de  leur  suffrage; 
mais  qu'il  serait  injuste  de  i^e  pas  prendre  cet  arrêté, 
si  conforme  à  leuF  ancien  désir,  avant  de  s'occuper  de 
celui  qu'on  leur  arrachait  par  violencte. 

Tons  s'écrient  et  denuindent  la  priorité  pour  Pédu- 
céus. On  fait  le  rapport.  Ghacnn  opine  suivant  son  âge 
et  sa  dignité.  C'est  ce  qne  vous  allez  connaître  par  le 
sénatusHïonsulte  ;  les  noms  des  premiers  opinants  y 
sont  inscrits.  Lisez  :  Sur.  une  proposition  faite  en  faveur 
de  Péducétis*.LepTO}ete&t  adopté.  Ensuite  on  fait  le 
rapport  an  scget  de  Yerrès.  Voyons  comment  la  ehose 
s'est  passée.  Sur  une  proposition  faite  en  faveur  de 
Verres.  La  suite  :  Comdie  personne  ne  se  levait  et  ne 
donnait  son  avis.  Eh  bien  !  On  tire  au  sort.  Comment  ! 
il  s'agit  de  louer  votre  préture ,  il  s'agit  de  vous  secou- 
rir ,  et  personne  ne  se  présente ,  quoique  par  ce  moyen 
on  soit  usAiré  de  plaire  à  votre  shccesseur.  Vos  con- 
vives eux-mêmes,  vos  conseillers,  vos  tîomplices,'  vos 
associés  n'osent  dire  un  seul  mot.  Us  ont  devant  eux 
votre  statue,  la  statue  de  votre  fils  tont<nn,  et  pas  un 
seul  cœur  ne  s'ouvre  à  la  pitié!  '* 


Les  Syracnsalns  me  font  connaître  encore ,  par  les 
termes  mêmes  du  décret,  qne  cet  éloge  n'est  qu'une 
dérision  qui  rappelle  la  honte  et  les  malheurs  de  sa 
préture.  Voici  comme  il  était  rédigé  :  Le  sénat  consî- 

*Des  manuscrits  ajoutent,  Bicit,  quiprimi  sûaserint. 


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45a  m  TERÏUEM  ACT.  Il,  LIB.  IV. 

tum  esse  ita,  «  Quod  iste  virgis  nenûn^  ceci- 
disset»;  a  quo  cognoscitis  iK^iUssimos^homine» 
atqueixmocentissimos  securi  e5sc  percussos  :  «Qnod 
vigilanter  provinciam  administra^set»;  cujus  om- 
nés  vigilias  in  stupris  constat  adulteriisque  esse 
consumtas.  Hoc  autem  scriptum  etiam ,  quod  pro- 
ferre  non  auderet  reu% ,  accusator  recîtare  non 
desmeret,  «  Quod  prsedones  procul  ab  insula  Si- 
cilia  prohibuisset  Verfes  »  ;  qttos  etiam  intra  Syra- 
Qusanam  insulam  recepisSet.  Qus  posteaquam  ex 
illis  cognovi ,  discessi  cum  fratre  e  curia,  ut^  no- 
bis  absentibus ,  si  quid  vellent ,  décernèrent 

LXV.  Decernnnt  statim  :  pnVnum ,  «  Ut  cum 
L.  fratre  hospitium  publice  fiêfflt ,  »  quod  is  eam- 
dem  voluntatem  ei*ga  Syracasanos  suscepisse^, 
quam  ego  semper  habuissem.  Id  non  modo  tum 
scripserunt ,  verum  etiam  in  œre  incisum  nobis 
tradiderunt.  Valde  bercle  te  Syracusa'ni  tui ,  quos 
crebro  commemorare  soles ,  diligunt  ;  qui  cum 
accusatore  tuo  salis  justam  causam  conjongendae 
necessitudinis  putant,  quod  te  accusataru$  sit,  Kt 
quod  ad  inquirendum  in  te  venent.  Postea  àecer- 
nitur,  ac  ndn  varie  «  sed  prope  conjunctis  sen- 
teiitiis ,  «  Ut  laudatio ,  quae  C.  Verri  décréta  esaet , 
tolleretyr.  » 

At  vero  quum  jam  non  solum  discessip  facta 
.  esset ,  sed  etiam  perscri^tum ,  atque  in  tabulas 
relatum ,  praetor  appellatur.  At  quis  appellat  ? 
magistratus  aliquis?  nemo.  Seuator?  ne  i4  qoidem. 
Syracusanorum  aliquis  ?  minime.  Quis  igitur  prx-^ 
torem  appellat  ?  qui  qusBstor  istius  iiierat,  Cssetius. 
O  rem  ridiculam  !  o  desertum  bominem  !  o  despe- 


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SEC.  ACTION  CONTRJE  VERRES,  TV.  453 
déraDirqne  Verres  n'a/aie  battre  personne  de  'verges  ; 
^  vous  savez  qae  des  hommes  distingués  et  innocents 
ont  été  frappés  de  la  hache  :  qu'il  a  administré  la  pro- 
vince 0fec  'vigilance  ;  il  e&t  notoire  qn'il  n'a  jamais 
veillé  qae  pour  la  débauche  et  l'adultère.  Ils  avaient 
ajouté  un  troîsièpie  considérant,  tel  qne^.Vaccusé 
n/oserait  jamais  le  produire ,  et  que  Taccusateur  ne 
cesserait  jamais  de  le  répéter.  Cétait  qu'il  avait  ga- 
ranti  la,  Sicile  deS'  incursions  des  pirates  ;  et ,  grâce  à 
lui ,  les  pirates  étaient  entrés  jusque  dans  File  de  Syra- 
cuse. Après  avoir^èBtenu  ces  renseignements,  nous 
sortîmes ,  afin  que  les  sénateurs  pussent  délibérer. 

LXV.  Ils  arrêtent  ausAôt  que  les  holftieurs  de  l'hos- 
pitalité publique  seront  oâerts  à  mon  frère  *  ,  parce 
qu'il  a  montré  aux  Syracusaiùs  la  même  bienveillance 
dout  j'ai  toujours  été  animé  pour  eux.  Non  setilement 
eet  arrêté  fut  transcrit  dans  leurs  registres,  mais  on 
nous  en  remit  une  copie  gravée  sur  l'airain.  Il  faut 
ravonerj-yerrès,  ils  vous  aiment  tendrement ,  cev  Sy- 
raçusains  dont  vous  nous  parlez  sans  cesse.  Un  homme 
se  dispose  à  Vous  accuser  ;  U  vient  recueillir  des  infor- 
matiotis  contre  vous,  et  c'est  un  titre  suffisant  pour 
qu'ils  s'unissent  à  lui  par  les  nœuds  ^e  la  plus  intime 
amitié.  On  propose  ensuite  de  rapporter  l'arrêté  pris 
en  faveur  de  Verres  :  il  est  rapporté  sans  aucun  débiSit 
et  presque  à  l'ananimitç.  «  ^ 

La  délibération ,  ét»it  finie.  Déjà  la  rédaction  était 
transcrite  dans  le  pBocès-verbal.  On  en  appelle  au  pré- 
teur 79.  Mais  qui  fotma  cet  appel?  Un  magistrat? 
non.  Un  sénateur  ?  pas  même  un  sénateur.  Un  Syra- 
cusain?  point  du  tout.  Qui  donc?  'un  ancien  questeur 
de  Verres ,  Gésétius  *".  O  comble  du  ridicule  !  et  com- 

*  Cum  L.fratre  (^scil.  patrueli).  L.  Cicéron,  coa&in 
de  M.  Tullius.  Fof,  la  note  i6. 


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454  IN  VERREM  ACT.  II,  LIE.  IV. 

ratum  ac  relictum  a  magistratn  Siculo  !  Ne  sena- 
tusconftaltuum  Siculi  homines  facere  possent ,  wêb 
suum  jus  sois  moribus,  suis  legîbus  obtinere  pos- 
sent ,  non  arnicas  istius,  non  hospes,  non  denîque 
aliquis  Sicnlus,  sed  qùsestor  prsetorem  appellat. 
Quîs  hoc  Tidit  ?  aut  quîs  audivit  ?  Prœtor  aequus 
et  sapiens  dimitti  jubet  senatum.  Concurrit  ad 
me  maxima  muUîtudo  :  primum  senatores  cla- 
mare ,  eiîpi-  sibi  jus ,  eripi  libertatem  ;  popuJus 
senatum  laudare,  grati  s  agere;  cives  romani  a  me 
nusquam  discedere.  Quo  quidem  die  nihiL  sgrius 
factum  est,  multo  labore  n^o,  quam  ut  manus  ab 
illo  appellatore  abstinerentur.  Quum  ad  praetorem 
in  jus  adis.«emus ,  excogîtat  sane  diligenter  et 
caute,  quid  décernât.  Nam  ante,  quam  yerbum 
facerem ,  de  sella  surrexit ,  atque  abiit.  Itaque  tum 
de  foro,  quum  jam  advesperasceret,  di&cessimus. 

LXVI.  Postridie  mane  ab  eo  postulo,  ut  Syra- 
cusanis  Hceret  senatusconsultum ,  ijuod  pndie 
fecissent ,  mihi  reddere.  lUe  enimvero  negat  ;  et 
ait  indignum  facinus  esse,  quod  -ego  in  senatu 
Graeco  verba  fecissem  5  quod  qnidem  apud  Graecos 
grsBce  locutus  essem ,  id  ferri  null»  modo  posse. 
Bespondi  homini,'ut  potui,  ut  volui,ut  debui. 
Tum  multa ,  tum  etiam  hoc  me  memini  dicere , 
facile  esse  perspicuum ,  quantum  inter  hune ,  et 
illum  Numidicum,  verum  et  germapum  Metellum , 
interesset  :  illum .  noluisse  sua  laudatione  juvare 
L.  Lucullum,  sororis  vjrum,  quicum  optime  con- 
venisset;  hune  homini  alienissimo  a  ciyitatibus 
laudationes  per  vim  et  metum  comparare. 

Quod  ubi  intellexi ,  multura  apud  illum  récentes 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  IV.  455 
bien  cet  homme  est  délaissé,  désespéré,  abandonné 
parles  magistrats  de  la  Sicile  !  Qaoi  !  pour  empêcher 
les  Siciliens  de  prendre  nn  arrêté,  d'nser  de  leurs 
droits,  conformément  aux  lois  et  anx usages  du  pays, 
ce  n'est  ni  nn  hôte ,  ni  un  ami  de  Verres ,  ni  même 
un  Sicilien;  c'est  son  questeur  qui  forme  nn  appel  au 
préteur  !  Qui  jamais  a  rien  vu,  rien  entendu  de  pareil? 
Le  sage,  l'équitable  préteur  lève  la  séance.  On  se 
réunit  en  foule  autour  de  moi  ;  les  sénateurs  s'écrient 
qu'on  attente  à  leurs  droits,  qu'on  viole  leur  liberté; 
le  peuple  loue  et  remercie  le  sénat.  Les  citoyens  ro- 
mains ne  me  quittent  pas.  Il  m'en  coûta  1*  plus  grands 
efforts  pour  sauver  ce  malheureux  appelant,  de  la 
fureur  de  la  multitude.  Nous  nous  présentons  an 
préteur  *'.  n  ne  vonlat  pas  prononcer  légèrement; 
car  avant  que  j'epsse  dit  nn  mot,  il  se  leva  et  dispa- 
rut. La  Était  approchait.  Nous  quittâmes  le  fomm. 

LXVI.  Le  lendemain  matin ,  je  le  somme  d'autoriaer 
les  Syracusains  à  me  remettre  le  aénatna-consnlte  de 
la  veille.  Il  refose,  et  dit  que  je  me  suis  étrangement 
compromis  en  prenant  la  parole  dans  ni» sénat  grec, 
qu'avoir  parlé  grec  à  des  GrecaiP^  ^^^  action  impar- 
donnable "'.  Ma  réponse  fut  telle  que  je  pouvais,  que 
je  voulais,  que  je  devais  la  faire.  J'observai  entre 
autres  choses  qu'il  existait  nnç  grande  différence 
entre  lui  et  le  vainqueur  de  la  Nnmidie.  Ce  vrai ,  ce 
digne  Métellus ,  lui  dis-je ,  ne  voulut  pas  appuyer  par 
nn  éloge  Lucullus ,  son  beau-frère  et  son  ami  ;  et  vous, 
par  la  violence  et  la  menace ,  vous  arrachez  aux  peu- 
ples des  certificats  en  faveur  d'un  homme  qui  vous 
est  entièrement  étranger. 
» 

Dès  que  je  vii  l'impression  qu'avaient  faite  sur  lui, 


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456  IN  'VERREM  ACT.  II,  LIE.  IV. 

nuntioB ,  multum  tabulas  non  commendatitias,  sed 
tribataria8*valuisse  :  admonitu  ipsorum  Syracusa- 
norum  impetum  in  eas  tabulas  facio ,  in  quibus 
singula  persciipta  erant.  Ecce  autem  nota  turba 
atque  rixa.  Ne  tamen  istum  omninp  Syracusis  sine 
amicis,  sine  hospitibus,  plane  nudum  esse  ac  de- 
serttun  putetis  ;  retinere  cœpit  tabulas  Tkeomnas- 
tus  quidam,  bomo  ridicule  insanus,quem  Sjra- 
cusani  Theoractum  vocant  :  qui'  iUic  'ejusmodi 
est,  ut  eum  pueri  sectentur;  ut  omneÉ,  quum 
loqui  cœp#it ,  irrideant.  Hujus  tamen  insania , 
quK  ridicula  est  aliis,  mihi  tum  molesta  sane/uit  : 
liam  quum  spumas  ageret  în  ore ,  ardèrent  oculi , 
yoce  maxima  iflm  me  sibi.afferre  clamaret,  copu- 
lati  in  jus  peryenimus.     • 

Hic  ego  postulare  cœpi,  ut  mibi  tabulas  oh^g- 
nare  ac  deportare  liceret  lile  contra  dicere  ;  ne- 
gare  esse  illud  senatusconsultum ,  in  quo  praetor 
appellatus  esset  ;  negare  id  mihi  tradi  oportere. 
Ego  legem  recitare , ^omnium  mihi'  tabularum  et 
litterarum  fieri  p^^tatem  bportere.  Contra  ille 
furiosus  urgere,  IBîl  ad  se  nostras  leges  p^ti> 
nere.  Practor  intelligens  negare  sijbi  placer.|«  qu'ôd 
senatusconsultum  ratum  esse  non  deberet,  id  me 
RonAim  deportare.  Quid  nuiUa  ?*nisi  yehemeDtius 
.homini  minatus  essém,  nisi  legum  sanctiqnem 
pœnamque  recitassem ,  tabularum  mihi  potestas 
£aicta  non  esset.  Ille  autem  ifiisanus,  qui  pro  isto 
contra  me  Tebeméntissime  declamasset ,  postquam 
non  impetrayit,  credo,  ut  in  gratiam  mécum  re- 
dîret,  lïbellum  mihi  det,in  quo  istius  furta  Syra- 
cusana  perscripta  erant  ;  quœ  ego  auteà  jam  ab 
illis  cogttoram  et  acceperam. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  TERRES,  IT,  467 
non  pas  les  lettres  de  recommandation,  maè  les  let- 
tres de  crédit  qui  Tenaient  de  lui  être  apportées  ®',  je- 
suivis  le  conseil  des  SyiAcusains^  et  je  saisîâ|  les  regis- 
tres oà  tous  les  faits  étaient  consi^és.  Mais  voici  ua 
antre  incident ,  et  nne  nouvelle  (yierelle.  Yous  allez 
sentir  que  Yerrès  n'est  pas  sans  amis  et  sans  hôtes,  qu'ily 
n'est  pas  délaissé  ni  abandonné  par  tout  le  monde  «à 
Syracuse.  Un  certain  Théomnaste  essaie  de  retenir  les 
registres  *^.  C'est  une  espèce  de  fou  ridicule ,  que  les 
Syracusains  ont  nommé  Théoracfe.  Les  enfants  cou- 
rent après  lui  dans  les  rues  :  dès  qu'il  dit  un  mot,  cha- 
cun se  met  à  rire.  Sa  folie,  qui  est  amusante  pour  les 
autres,  fut  ce  jour-là  très  incommode  pour  moi.  Il 
écumait,  ses  yeux  étinoelaient ,  il  criait  de  toutes  ses 
forces  que  je  lui  faisais  violence.  Nous  npns  traînons 
Fmn  Tautre  devant  le  préteur. 

Là  je  demanda  qu'il  me  soit  permis  de  sceller  et  d'em- 
porter les  registres.  Théomnaste  soutient  qne  le  séna- 
tus-consnlte  est  nul ,  puisqu'on  à  formé  un  appel  aa 
préteur,  et  que  par  conséquent  on  ne  doit  pas  me  le 
remettre.  Je  fais  lecture  de  la  loi  qui  met  à  ma  dispo- 
sition tons  les  registres  et  tontes  les  pièces.  Il  insiste 
avec  fureur ,  et  dit  que  nos  lois  ne  sont  pas  faites  pour 
lui.  L'habile  préteur  déclare  qu  il  ne  consent  pas  que 
j'emporte  à  Rome  un  sénatus-consulte  qui  n'a  pas  été 
ratifié.  Si  je  n'avais  menacé  dans  les  termes  les  plus 
énergiques ,  si  je  n'avais  donné  lecture  des  peines  pro- 
noncées contre  la  désobéissance  aux  lois ,  les  registres 
ne  m'auraient  pas  été  livrés  **.  Notre  fou,  qui  avait 
crié  avec  tant  de  violence  ,  voyant  qu'il  n'%vait  rien 
.  gagné,  me  remit,  sans  doute  pour  se  réconSi^ilier  avec 
moi ,  un  état  circonstancié  ée  tons  les  vols  de  Yerrès 
à  Syracuse ,  dont  les  sénateurs  m'avaient  déjà  donné 
une  entière  connaissance. 

viir.  39 

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419  m  VEIUŒM  ACT.  H,  UB.  rv. 

LXVII.  Laiident  te  sane  jam  Mamertini ,  qai  ex 
tanta  provincia  «oli  snnt,  qui  te  salmm  Telint  :  ita 
tamen  laudent,  ut  Heius,  ^i  ejus  princeps  lega* 
ttonis  est, adsit;  itt  laudent,  ut  ad  ea,  qu»  rogati 
ernnt,  mihi  parati  sint  respondere.  Ac  ne  subito 
a  me  opprimantur ,  haec  sum  rogaturus  :  Navem 
populo  romano  '  debeantne  ?  fatebuntur^  Praebue- 
rîntne ,  prœtore  C.  Verre  ?  negabunt.  ^dificaye- 
rintne  nayem  onerariam maximam  publiée,  qnam 
Yerri  dederunt?  negare  non  poterunt.  Frumen- 
tumne  ab  bis  sumserit  Verres,  quod  popplo  ro- 
mano mitteret,  sicuti  superiores?  negabunt.  Quid 
militum,  aut  nautarum  per  triennium  dederint? 
nullum  datum  dicent.  Fuisse  Messanam  omnium 
istius  furtorum  ac  prsedarum  receptricem,  negaite 
non  poterunt.  Permulta  multis  navibus  illinc  ex- 
portata;  banc  nayem  deniqne  maximam  a  Mamer- 
tinis  datam,  onustam  cum  isto  prsitore  profectam 
fatebuntur. 

Quamobrem  tibi  babe  sane  istam  laudationem 
Mamertinam  ;  Syracusanam  quidem  cWilalemL,  ut 
abs  te  affecta  est,  ita  in  te  esse  animatam  yidemus  ; 
apud  quos  etiam  Verrea  illa  flagitiosa  sublata  sunt. 
Ëtenim  minime  couyeniebat,  ei  deorum  bonores 
baberi,  qui  simulacra  deorum  sustulisset.  Etiam 
meb#rcule  illud  in  Syracusaniâ  merito  repreben- 
deretuT,  si,  quum  diem  festum  ludorum  de  fastis 
suis  sustnlisftent  celeberrimum  et  sanctis»mum, 
quod  eo  ipso  die  Syracusae  a  Marcello  capt»  esse 

'  Gœrenz.  ad  Cic.  Academ,,  II,  $9,  co/iy.  debeanl, 
uecue?  Frustra. 


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SEC.  ACTION  CONTRE  VERRES,  IV.  459 
LXVIÏ.  Que  maintenant  les  Mamertins  vous  louent , 
|>nisqaè  senU,  dans  une  si  grande  proTÎnoe,  ils  s'inté- 
ressent à  votre  sort;  mais  que  Héius ,  chef  de  leur  dé- 
pntatioh ,  soit  ici  *  :  qu'ils  vous  louent ,  mais  qu'ils  se 
tiennent  prêts  à  répondre  aux  questions  que  je  leur 
adresserai  :  je  ne  veux  pas  les  surprendre  ;  je  les  pré- 
viens que  je  leur  demanderai  s'ils  doivent  un  vaisseau 
de  guerre  an  peuple  romain  ^'^  :  ils  en  conviendront. 
—  S'ils  l'ont  fourni  durant  la  préture  de  Verres  :  la 
réponse  sera  négative.  —  S'ils  ont  construit  un  grand 
vaisseau  de  transport  qu'ils  ont  donné  à  Verres  :  ils  ne 
pourront  le  nier.  —  Si  Verres  a  tiré  de  chez  eux  le  hlé 
qu'il  devait  envoyer  à  Rome ,  à  Texemple  de  ses  pré- 
décesseurs :  ils  dirent  que  non.  Je  leur  demanderai 
combien  ils  ont  fourni  de  soldats  et  de  matelots  :  ils 
répondront  qu'ils  n'en  ont  pas  fourni  un  seul.  Os  ne 
pourront  disconvenir  que  Messine  n'ait  été  le  dépôt  de 
ses  vols  et  de  ses  brigandages.  Ils  avoueront  que  beau- 
coup d'effets  précieux  sont  sortis  de  lears  ports  ;  qu'en- 
fin ce  grand  vaisseau  donné  par  les  Mamertins ,  est 
parti  avec  Ifi  préteur ,  chargé  de  richesses. 

Ainsi  je  vous  laisse  cet  éloge  des  Mamertins.  Quant 
aux  Syracusains ,  nous  voyons  que  leurs  sentiments 
répondent  aux  traitements  qu'ils  ont  reçus  de  vous.  Ils 
ont  même  aboli  ces  fêtes  impies  instituées  sous  votre 
nom.  Convenait-il  en  e£fet  que  les  honneurs  des  dieux 
fussent  rendus  au  ravisseur  de  tous  les  dieux  ?  Certes 
les  Syracusains  mériteraient  les  plus  sévères  reproches 
si,  après  avoir  effacé  de  leurs  fastes  une  fête  et  des 
jeux  solennels ,  parce  que  ce  jour-là  Syracuse  avait  été 
prise  par  Marcellus,  ils  célébraient  une  fête  en  l'hon- 

*  Fe^»  plus  haut,  chap.  a.  —  **  /«  rerr.,  V,  19;  snr 
le  vaissean  de  transport ,  nommé  Cybée ,  V,  1 7  ;  sur  les 
Ferréennes,  ou  fêtes  de  Verres  à  Syracnse,  II ,  ai. 


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46o  IN  VERREM  ACT.  II,  LIB.  FV. 

dicunfUr,  iidem  diem  festum  Yerris  nomîne  âge- 
rent,  quum  iste  Syracusanis ,  quae  iUe  calamitosus 
dies  reliquerit ,  ademisset.  At  videte  hominis  im- 
pudentiam  atque  arrogantiaiii ,  judices ,  qui  non 
solum  Verrea  hsc  turpia  ac  ridicula  ex  Heraclii 
pecimia  constituent ,  verum  etiam  Marcellea  tolli 
imperarit,  ut  ei  sacra  facerent  quotaunts,  cujus 
opéra  omnium  annorum  sacra  deosque  patrios 
amiserant;  ejus  autem  £amilis  dies^festos  tolle- 
rent ,  per  quam  ceteros  quoque  festos  dies  reçu- 
perarant. 


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.  '  SEC.  ACTION  CONTRE  "VERRES,  IV.  461 
nenr  de  Ter i  es ,  qui  a  déponillé  Syracuse  de  tout  ce  que 
ce  jour  fatal  ne  lai  a  pas  rayi.  Et  remarquez ,  citoyens , 
Timpadence  et  Tixisolente  présomption  du  personnage  : 
non  content  d'avoir  fondé  avec  Fargent  d'Héraclias  ces 
Verréennes  honteuses  et  ridicules,  il  commande  que 
les  fêtes  de  Marcellfis  soient  abolies.  Il  voulait  que  ces 
peuples  honorassent,  par  un  culte  sacré ,  un  homme 
qui  leur  avait  ravi  leurs  fêtes  antiques  et  leurs  dieux 
paternels,  et  qu'ils  supprimassent  les  solennités  con- 
«acré^  à  la  gloire  d'une  famille  à  laquelle  ils  devaient 
le  rétablissement  de  tontes  les  autres  fêtes. 


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NOTES  ■■■ 


SUR 

LA   SECONDE  ACTION 
CONT&E    VERKÈS. 

LIVRE   QUATRIÈICS. 


r.  *—  I.  Jjis  Grecs  et  les  Romains  recherchaient  arec 
passion  ces  sortes  d'ouvrages.  Ils  pensaient  que  cet  ai- 
rain était  on  mélange  de  tous  les  métaux  précieux ,  mis 
eu  fusion  dans  l'iacendie  de  Corinthe.  Mais  l'expérience 
a  démontré  Tabsurdité  de  cette  opinion.  Quelle  que  soit 
la  yiolence  d*un  incendie ,  les  statues  d'or  et  d'airain  ne 
se  fondront  pas  ;  et  les  petites  parties  qui  se  trouveraient 
mises,  en  fuûon ,  ne  se  mélaraWyt  pas  au  point  de  former 
un  nouveau  métal.  Pline,  XXlnV,  a ,  se  moque  de  l'igno- 
rance des  prétendus  connaisseurs  de  son  temps.  Pour  les 
confondre,  d'it41,  il  suffira  de  rappeler  que  Corinthe 
fut  prise  la  troisième  année  de  la  cent  cinquante-huitième 
olympiade,  l'an  608  de  Rome.  Or  ces  fameux  artistes, 
aux  ouvrages  desquels  ils  donnent  le  nom  de  Corinthiens  ^ 
avaient  cessé  de  vivre  plus  d'un  siècle  avant  cette  épo- 
que. Corinthus  capta  est  olympiadis  CL  FI  II  amno  tertio, 
nostrœ  Urbis  DCFÏII  :  quum  ante  sœcula  fietores  nobiles 
esse  desissent,  quorum  ista  omnia  signa  hodie  Corinthia 
appellant. 

a.  —  II.  L'orateur  s'arrête  à  ces  détails,  pour  don- 
ner une  idée  avantageuse  de  Héius  ,  et  intéresser  les  ju- 
ges en  sa  faveur ,  quand  il  leur  montrera  avec  quelle 
indignité  le  préteur  l'a  dépouillé. 

3.  —  Ibid.  Chaque  famille  et  même  chaque  individu 
avait  ses  dieux  auxquels  on  élevait  des  autels  dans  l'in- 


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NOTES.  463 

térteqr  des  maUoiis.  Ce  culte  et  ces  dieux  se  trani^et- 
taient  et  faisaient  partie  de  rhiritage. 

4.  —  II.  Cic^rôa  ne  vent  point  paraiitto  connai«s^. 
Les  Grecs  avaieiù  cultivé  et  perfectiooné  les  beaux-arts  : 
les  BomaîAs  les  ignorèrent  toifs' jusque  TCrsle  temps  de 
Scipion  rAlTricain.  Qnoi^e  le  luxe  et  le  goAt  des  %rts 
eusseiit  ^à  fait  de  grands  prûgrèk  à  Borne  du  têjjiips  die 
Cicéron ,  le^  citoyens  qui  youliuent  se  éoncilier  les  suf- 
frages du  peuple,  alTectaient  encore  le  lâéprjs  du  luxe , 
le  goût  de  la  simplicité ,  et  un  grand  respect  pbur  les 
monirs  anciennes.  — Sur  le  Cufidon  de  Praxitèle,  les 
Canépkores  de  Polyclète ,  et  les  antres  objets  d'art  en- 
levés aux  Siciliens ,  voyex  la  Galerie  de  Ferrés  y  disser- 
tation de  Vabbé  Fraguier,  tome  YI  des  Mémoires  de 
rAcadémie  des  Inscriptions. 

5.  —  III.  Aux  fêtes  d'Eleusis,  de  jeunes  Athéniennes 
portaient  sur  leur  tête  des  corbeilles  mystérieuses  qui 
étaient  l'objet  de  la  vénération  publique  ;  on  y  renfer- 
mait les  symboles  sacrés  dont  l'inspection  ^tait  interdite 
an  public. 

6.  —  Ibid.  Les  édiles  cnrules ,  institués  l'an  de  Rome 
388 ,  avaient  spécialement  rintcndance  des  jeux  de  Ce- 
rhê ,  des  jeux  flc>ranx  et  des  grands  jeux  ou  jeux  ro- 
mains. La  célébration  s'en  faisait  à  leurs  frais.  Gomme 
les  jeux  étaient  toujours  précédés  d'une  procession  so- 
lennelle oà  l'on  portait  en  pompe  les  images  et  les  sta- 
tues des  dieux,  les  édiles  étaient  chargés  de  tenir' les 
rues  et  les  places ,  par  ou  le  cortège  devait. passer  ,  ri- 
chement ornées  de  tapis ,  d'étoffes  précieuses ,  de  ta<- 
bleaux,  de  statues.  Dans  ces  occasions ,  ils  avaient  re- 
cours à  leurs  amis ,  et  même  aux  provinces  où  ils  avaient 
quelque  crédit.  Ils  devaient  aussi  fournir  les  chars  et  les 
chevaux  pour  les  courses,  les  gladiateurs,  et  les  prix 
décernés  aux  vainqueurs.  C'était  par  la  pompe  de  ces 
jeux,  et  par  l'éclat  de  leur  édilité,  qu'ils  espéraient  se 
frayer  un  chemin  à  la  prétnre  et  an  consulat.  Le  peuple 
donnait  volontiers  ses  sufl^ges  à  ceux  qui  l'avaient 
amusé  par  de  magnifiques  spectacles  ;  et  plusieurs  pro- 
diguèrent un  immense  patrimoine  pour  acquérir  le  droit 
d'ép^^r  les  provinces.  Cicéron,  Ferrine  Y,  cbap.  14» 


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464  NOT3KS. 

décrit  les  fonctions  des  édiles  et  les  distinctions  hono* 

râbles  qui  leur  étaient  accordées. 

7.  —  m.  Par  le  niot  basilicas,  Cicéron  désigne  les 
magnifiques  édifices  qni  entouraient  le  forum;  et  les  por- 
tiques sous  lesquels  les  centumyirs  rendaient  la  justice. 
Gé  n*est  que  dans  la  basse  latiftité  qu'on  a  donné  le  nom 
de  basiliques  aux  édifices  religieux. 

8.  —  IV.  L'orateur  reproche  ici  à  Verres  son  com- 
merce honteux  a-vec  Chélidon.  Cette  courtisane ,  dont  il 
9êt  souvent  question  dans  les  terrines ,  avait  reçu  da 
préteur  le  Cupidon  enlevé  à  Héins.  En  mourant,  elle  le 
lui  laissa  par  son  testament. 

9.  —  Ihid.  Le  préteur  a-t-il  pu  acheter  ?  Héins  a-t-il 
voulu  prendre  ?  c'est  à  quoi  se  réduit  toute  la  question. 
Il  faut  remarquer  ici  une  sorte  d'argumentation  très 
adroite  et  très  pressante  que  Cicéron  a  souvent  enudojée. 
Il  démontre  que  Verres  n'a  pour  lui  ni  le  droit  ni  le  fait. 
Quand  même  il  aurait  acheté ,  il  serait  très  coupable , 
puisque  la  loi  lui  défendait  expressément  de  rien  acqué- 
rir dans  sa  province.  D'un  autre  côté,  Héius  n'était  pa» 
dans  le  besoin  ;  ses  affaires  étaient  dans  l'état  le  plus 
florissant ,  et  la  modicité  de  la  somme  que  lui  a  payée 
Verres ,  ne  pouvait  déterminer  un  homAe  tel  que  lui 
à  céder  de  si  beaux  .ouvrages,  d^^  statues  qui  étaient 
l'objet  de  son  culte ,  et  qu'il  avait  reçues  de  la  piété  de 
ses  ancêtres  :  c'est  donc  la  violence  et  l'abus  du  pouvoir 
qui  en  ont  dépouillé  le  propriétaire. 

10.  •*-  V.  Auguste  assigna  le  premier  des  appointe- 
ments aux  proconsuls.  Dans  l'ancimine  république ,  on 
ne  leur  en  donnait  point  ;  mais  l'état  fournissait  abon- 
damment aux  dépenses  et  à  l'entretien  de  leur  maison. 
A  défaut  de  traitement ,  le  pcMivoir  sans  bornes  dont  ils 
jouissaient,  la  perception  et  la  répartition  des  impôts  ^ 
les  emplois  multipliés  dont  ils  avaient  la  disposition, 
étaient  pour  eux  la  source  de  fortunes  immenses.  Noua 
voyons  dans  Cicéron  (m  Pisonem,  c.  35)  que  Pison, 
envoyé  proconsul  en  Macédoine ,  avait  reçu  pour  son 
équipage  dix-huit  millions.de  sesterces  (  4,5oo,000  fr.  ). 

XI.  —  Ibid.  On  lit  dans  Athénée,  Liv.  II,  que  Sci- 
pion  Émilien  ne  voulut  pas  user  du  bénéfice  de  ce||p  loi. 


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NOTES.  4«5 

Xorsqu'il  se  rendit  en  Afrique  pour  y  régler  la  siicces" 
sioQ  de  Masinissa ,  un  des  cinq  esclaves  qQ*il  menait  avec 
lui  vint  à  mourir  :  il  écrivit  à  Rome  pour  qu'on  en  ache- 
tât, et  qu'on  lui  en  fit  passer  un  autre. 

la.  — '  y III.  Ce  mot  vient  du  grec  xt/Coc,  qui  vent 
dire  cube.  On  avait  probablement  donné  ce  nom  au 
vaisseau  dont  il  s'agit  ici ,  parce  qu'il  était  extrêmement 
large. 

i3.  '—  IX.  Outre  la  dimad  prélevée  an  profit  du  peuple 
romain  sur  la  plus  grande  partie  des  terres,  la  republi-. 
que  achetait  800,000  boisseaux  de  blé ,  qui  étaient  ré- 
partis sur  toutes  les  villes  sans  exception.  Messine  devait 
en  fournir  60,000.  Le  boisseau  (  modius)  contenait  vingt 
livres  romaines  (  treize  livres  quatre  onces  quatre  gros) , 
un  peu  plus  de  six  kilogrammes. 

14.  —  X.  C'est  un  grand  exemple' de  sévérité  qu'un 
jbomme  de  cette,  importance  ait  été  condamné  pour  un 
objet  aussi  modique;  mais  il  avait  été  vaincu  honteuse- 
ment par  les  Scordisques ,  sur  les  bords  du  Banube.  Il 
se  peut  que  sa  mauvaise  conduite  dans  la  guerre ,  et  sa 
défaite ,  aient  été  le  véritable  motif  du  jugement  pro- 
noncé contre  lui.  Voici  la  réflexion  de  Velléius  Patér- 
«ulus  (  II  ,.8  )  au  sujet  de  cette  condamnation  :  Aefeo  illi 
'viri  magis  njolwUatem  peccandi  mtuebantur ,  quant  mo" 
dutn ,  factaque  ad  corisiliutn  dirigebant ,  et  qmd,  non  in 
quantum  admissum  foret ,  aestimabant, 

i5.  —  Ibid,  M arcellus  avait  été  le  vainqueur  et  le  père 
des  Siciliens.  Des  fêtes  et  des  jeux  publics  furent  insti- 
tués en  son  honneur  par  la  reconnaissance  des  peuples. 
Verres  les  abolit  pour  y  substituer  des  fêtes  en  son  nom. 
On  voit  dans  la  seconde  Ferrine,  c.  21  ,  qu'il  avait  pris 
jBoin  d'assurer  les  fonds  nécessaires  pour  en  perpétuer  la 
durée.  Mais  elles  furent  abolies  aussitôt  que  Verres  eut 
quitté  la  province. 

16.  —  XI.  Cicéron  n'avait  quW  frère,  Quintus  Ci- 
céron.  Lncius  était  fils  4®  Lncius  Cicéron ,  oncle  pater- 
nel de  l'orateur.  Mais  chez  les  Romains  on  appelait 
frères  les  enfants  des  frères.  Frater  nos  ter,  cognatione 
patruelis,  amore  germanusT  (De  finibus,  V,  i.)  Lucius 
fîtait  homm^de  lettres  et  fort  attaché  à  son  cousin.  On 


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4<>6  NOTES. 

peut  Toir  daus  les  Lettres  a  Atticus,  I»  5,  comEien  Cî- 
céron  l'estimait,  et  quels  regrets  lai  causa  la  perte  de 
ce  parent. 

17.  —  XI.  Le  peuple  ne  nommait  pas  les  sénateurs, 
mais  il  accordait  les  magistratnres ,  et  ces  magistratures 
donnaient  entrée  au  s^aat. 

z8.  —  XH.  C'étaient  des  tapis  à  grands  personnages 
en  laine  et  en  or.  Les  premiers  avaient  été  faits  pour 
Attale,  roi  de  Pergame,  <{ni  en  fnt  l'inTenteor.  (Plin. , 
VIII,  48.) 

19.  —  Ibid.  On  ne  sait  pas  positivement  ce  que  le» 
iLomains  entendaient  par  le  mot  pkalerœ.  Il  est  certain 
que  ce  n'était  pas  seulement  un  ornement  pour  les  che> 
vaux.  Tite  Live,  IX,  46  «  dit  :  Tantum  FUvU  conùtU 
indignitatis  hahuerunt,  ut  plerique  nobiUum  an/udos  au- 
reos  et  phalems  deponereiit^  Il  est  probable  que  c'étaient 
des  plaques  d'or  ou  d'argent  qui  pendaient  sur  la  poi- 
trine ;  c'est  ce  que  semblent  mdiqaer  ces  vers  de  SiHm 
ftalicus,  XV  >  a55  ; 

Phaîeris  hic  pectorafulget  ; 
H>e  torque  aurato  circumdat  beilica  colla. 

20.  —  XI II.  Cicéron  n'affirme  point  le  fait.  Il  en  étak 
pourtant  instruit;  mais  il  ne  voulait  point  paraître  s'être 
trop  iaformé  de  la  conduite  de  deux  misérables,  tels  que 
ces  deux  frères. 

2c.  —  Ibid.  Souvent  des  hommes  qui  étaient  appelés 
dans  une  province  par  des  affaires  personnelles,  obte- 
naient une  légation  qui  les  attachait  an  proconsul.  Il 
parait  que  Verres  voidant  en  oMenir  une,  pour  suivre 
DolabeUa  en  Asie,  avait  allégué  le  recouvrement  d'obli- 
gations qui  étaient  sans  valeur,  parce  que  déjà  elles  avaient 
été  acquittées.  ' 

22.  —  XIV.  Le  signe  numéral  parait  altéré.  Deux 
cents  sesterces  (  45  fr.  )  demandés  par  les  agents  de  Ver- 
res ,  cent  sestercci»  (  !ia  fr.  5o  c.)  promis  par  Pamphile, 
sont  nne  somme  trop  modique  ,  quand  il  s'agit  de  coupes 
dont  on  nous  donne  une  si  grande  idée.  Quelques  criti- 
ques ont  proposé  sestertùmi  dueenta  millia  deux  cent 
mille  sesterces  (  45,000  fir.  )  ;  mais  alors  la  somme  de- 


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NOTES,  46, 

viendrait  exorbitante.  Quelle  aurait  donc  été  la  valeur 
.de  ces  coupes  ?  On  lit  dans  plnûeurs  éditions  anciennes  : 
H-S  CI3  me,  inquU,  dixi  daturum.  Mille  sesterces  font 
jdeux  cent  vingt-cinq  francs.  Ce  qui  donne  un  sens  très 
raisonnable;  mais  la  correction  est  bien  hardie,  il  fau- 
drait effacer  plusieurs  mots  et  changer  la  forme  de  la 
phrase. 

23.  —  XV.  Il  y  a  dans  le  texte  :  Quumjam  pro  mortuo 
esset.  Verres  ne  pouvait  être  condamné  qu'au  bannisse- 
ment ;  mais  cette  peine  emportait  la  mort  civile.  On  lit 
au  même  endroit,  comperendinatus ,  remis  au  surlende- 
main. Lorsque  les  deux  parties  avaient  plaidé ,  les  juges 
les  renvoyaient  à  trois  jours.  L'accusateur  et  Taccusc 
parlaient  une  seconde  fois.  L'arr^ne  pouvait  se  rendre, 
si  la  cause  n'avait  pas  été  remise^lette  loi  avait  été  por- 
tée {  afin  que  les  accusés  ne  fussent  pas  les  victimes  de 
la  précipitation  des  juges. 

24.  —  XVI.  Les  riches  faisaient  venir  des  bouffons 
pour  les  amuser  pendant  leurs  repas  ;  ils  leur  donnaient 
en  paiement  quelques  pièces  de  vaisselle.  Mais ,  afin  de 
ne  point  paraître  dissipateur  et  prodigue ,  on  avait  soin , 
en  écrivant  cet  article  sur  le  livre  des  dépenses,  de  l'es- 
timer au-dessous  de  sa  valeur. 

25.  —  XVII.  Les  anciens  entendaient  par  le  mot  citre,. 
un  arbre  de  l'espèce  du  cèdre  ou  du  cyprès ,  qui  croissait 
dans  la  Mauritanie  vers  le  mont  Atlas.  Le  bois  était 
veiné,  très  dur,  et  presque  indestructible.  Pline,  XIII  , 
i5,  explique  assez  en  détail  quelles  sont  les  beautés  et 
les  défauts  des  veines  de  ce  bois.  Théophraste,  qui  écri- 
vait vers  l'an  44o  de  Rome,  avait  fait  une  mention  ho- 
norable du  citre.  H  avsuit  parlé  de  temples  anciens ,  dont 
la  charpeute  et  les  toits ,  formés  de  ce  bois ,  s'étaient 
maintenus  depuis  des  siècles  sans  aucune  altération.  Mais 
il  n'avait  pas  dit  un  mot  des  tables  de  citre.  On  n'en  cite 
aucune  avant  le  temps  de  Cicéron.  Ces  tables  étaient 
rondes ,  et  portées  par  un  seul  pied  d'ivoire ,  qui  repré- 
sentait quelque  animal.,  une  panthère,  un  lion,  etc.  Ju- 
vénal,  XI,  120.  C'était  un  des  objets  de  luxe  les  plus 
coûteux.  Martial ,  XIV,  89  ,  nous  le  fait  couxiaître  par 
#es  deux  vers  : 


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468  NOTES. 

Accipe  felicjss ,  Atlantic  a  munera,  s  il  vas  s 
Aurea  qui  dederit  dona ,  minora  dabil. 

Ciceron  en  possédait  une  q«'il  arait  paye©  un  million 
de  sesterces  (2a5,oob  fr.).  Pline  cite  entre  autres  une  table* 
héréditaire  dans  la  famille  des  Céthégus,  qui  avait  coûté 
quatorze  cent  mille  sesterces  (35o,ooo  fr.).  Il  parait  que 
cet  objet  de  luxe  prit  faveur ,  parce  que  les  llomains 
furent  long-temps  sans  connaître  l'usage  des  nappes. 

26. XVII.  On  appelait  emblemata  les  ornements 

qu'où  ajoutait  aux  vases,  aux  lambris,  aux  colonnes,  et 
qui  pouvaient  s*en  détacher.  Celaient  des  figures ,  des 
festons ,  des  guirlandes ,  des-  bas  -  reliefs  en  or  et  en  ar- 
gent. 

27.  XV [II.    TiUriclès,  Corinthien,    acquît  une 

grande  renommée  par  ses  ouvrages  travaillés  au  tour. 
Pline  ,  XVI ,  40 ,  dit  qu'il  employait  surtout  le  bois  de 
térébinthe.  Il  trouva  le  secret  d'appliquer  sur  les  vases 
un  vernis  admirable.  On  imita  sa  mauière  j  ses  vases  et 
tous  ceux  qui  étaient  faits  dans  le-  même  goût,  de  quel- 
que matière  qu'ils  fussent ,  et  quel  qu'^a  fût  l'auteur , 
étaient  nommés  ThéricUes. 

a8. XIX.  Quand  on  voulait  accuser,  il  fallait 

d'abord  se  présenter  au  préteur ,  et  obtenir  son  autori- 
sation pour  citer  tel  ou  tel  citoyen  dont  on  lui  doooait 
le  nom.  Les  lois  ne  permettaient  pas  à  un  accusateur  de 
profiter  de  Tabsence  d'un  homme  pour  le  poursuivre 
devant  les  tribunaux.  Dans  la  troisième  année  de  sa  pré- 
ture  Verres  jugea  et  condamna  Sthénius  absent,  et  sans 
qu'il  eût  pu  répondre  à  ses  accusateurs.  C'est  qu'alors  il 
était  assez  riche ,  et  qu'il  croyait  p'avoir  plus  rien  à  mé- 
nager et  pouvoir  tout  faire  avec  impunité.  On  voit  tout 
le  détail  de  cette  affaire ,  in  Verr.,  Il ,  34. 

20.  —  XX.  Souvent  les  candidats ,  pour  'se  rendre  la 
multitude  favorable ,  répandaient  quelque  argent  parmi 
le  peuple.  Mais  il  ne  fallait  pas  que  cet  argent  fût  donné 
par  eux-mêmes ,  ni  dans  leur  maison.  S'ils  étaient  con- 
vaincus de  l'avoir  fait ,  leur  nomination  était  annulée. 
Des  hommes  connus  dans  les  diverses  tribus  se  char- 
geaient du  détail  des  distributions.  On  les  nommait  rfi- 
visores,  distributeurs. 


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NOTES.  46t> 

3o.  -^  XX.  Lorsqu'un  magistrat  avait  été  nommé» 
«hacun  de  ses  compétiteurs  pouvait  attaquer  l'élection, 
et  s'il  parvenait  à  prouver  que  le  citoyen  élu  était  cou- 
pable de  brigue,  l'élection  était  annulée,  et  l'accusateur 
«tait  suHstltué  à  celui  qu'il  avait  fait  condamner.  Voilà 
pourquoi  Verres  ,  qui  n'avsnt  fait  dilstribuer  au  peuple 
que  80,000  sesterces ,  en  donne  3oo,ooo  à  celui  qui  se 
disposait  à  l'accuser. 

3i.  —  XXI.  Le  mot  thuribulum  dont  se  sert  Cièéron 
signifie  cassolette  à  brûler  di  l'encens.  On  ignore  quelle 
était  la  forme  de  ces  cassolettes ,  mais  il  paraît  certain 
que  les  anciens  n'ont  point  connu  nos  encensoirs. 

32.  «—  XXII.  Le  texte  porte  :  Qui  nunc  apud  exerci- 
tum  cum  Lucullo  est.  Il  faut  distinguer  en  latin  esse  in 
exercitu,  et  esse  apud  exercitum.  Le  premier  se  disait 
d'un  bomme  qui  servait  dans  l'armée  comme  militaire , 
e/ l'autre  de  celui  qui  s'y  trouvait  sans  fonction  militaire. 

33.  —  Ibid.  Acroama,  employé  dans  le  texte,  signifie 
également  un  récit  plaisant  et  l'homme  qui  le  fait.  11 
désigne  ici  un  ^de  ces  bouffons  qu'on  appelait  dans  les 
repas  pour  l'amusement. des  convives. 

34.  —  XXllI.  Il  y  a  dans  le  texte  :  Crustûs  aut  emble- 
mata  detrahuntur.  Il  faut  entendre  par  crustas  de  petites 
figures  en  or  et  en  argent,  qu'on  incrustait  dans  les 
vases  «  et  par  emblemata  celles  qu'on  y  adaptait  exté- 
rieurement, de  maâière  qu'on  les  détachait  à  volonté. 

35.  —  XXIV.  La  tunique  était  une  espèce  d'habille- 
ment plus  court  et  moins  ample  que  la  toge.  Elle  des- 
cendait aux  genoux.  Il  n'y  avait  que  les  femmes  et  les 
hommes  efféminés  qui  portassent  une  tunique  pendante 
jusqu'aux  talons.  Ceux  qui  n'avaient  pas  le  moyen  d'a- 
voir une  toge,  ne  porUient  que  la  tunique.  Horace, 
Epist.,  I,  7,  64  : 

Vuîteium  mane,  Philippus, 
f^ilia  vendentem  tunicato  scruta  popello. 
Occupât. 

Mais  un  homme  de  quelque  distinction  n'aurait  osé  pa- 
raître sans  toge.  Aussi  l'oratenr  reproche  avec  raison  au 
magistrat  l'indécence  de  son  vêtement. 

La  co|ileur  bruàe  était  affectée  au  petit  peuple ,  parce 
VIII.  40 


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;no  NOTES. 

qu'elle  entraiuait  moins  de  dépense.  Tous  les  autres  ci- 
toyens portaient  la  tunique  et  la  toge  blanches. 

On  nommait  palUum  un  aanteau  assez  semi>labl«  vkx. 
nôtres ,  mais  un  peu  plus  long.  C'était  un  habiUcment 
propre  aux  Grecs.  Les  "Romains  se  seraient  crdi  désho- 
norés en  portant  l'habit  des  autres  nations.  On  avait  fait 
un  crime  à  Scipion  l'Africain  de  s'être  montré  en  Sicile 
vêtu  à  la  manière  des  Grecs.  Cependant  il  ne  l'avait  fait 
que  pour  plaire  aux  Siciliens ,  et  les  attacher  encore 
plus  à  la  république.  • 

35. XXV.  O  tempora  !  o  mores  /  Cette  exclamation 

se  trouve  aussi  dans  la  première  Catilinaire.  Elle  est  de- 
venue banale.  Tout  le  monde  a  voulu  l'employer. 

3 .y.  —  Jbid.  L.  Calpurnius  Pison  ,  tribun  Van  de 
Rome  604 ,  porta  une  loi  contre  les  concussionnaires. 
C'est  la  première  sur  cet  objet  qu'on  trouve  da'ns  la  juris- 
prudence de  la  république.  Elle  donna  aux  habitants  ^es 
provinces  le  droit  d'accuser  à  Rome  tous  les  nmgistrats 
qui  s'étaient  permis  des  concussions.  Pison  «vait  été  tué 
en  Espagne  l'an  de  Rome  642,  c'est-à-dire  41  ans  avant 
le  procès  de  Verres.  Ainsi  quelques  uns  des  juges  avaient 
pu  le  connaître.  Il  fut  surnommé  Frugi,  l'honnête  hoomie. 
Ce  mot  vient  àefrux^f rugis :\\  est  au  datif  parce  que  le 
mot  natïis  est  sous-entendu.  Les  Romains  ne  connais- 
saient que  deux  occupations,  la  guerre  et  T agriculture. 
Un  père  de  famille  économe ,  et  qui  fait  valoir  lui-même 
son  bien ,  est  rarement  un  homme  lifté  au  désordre  et 
aux  passion».  C'est  ainsi  que  ,  par  analogie ,  le  moi  frugi 
a  été  employé  pour  signifier  un  honnête  homme. 

38.  —  XXVI.  On  roulait  les  lettres  de  manière  qu'elles 
étaient  liées  par  im  fil ,  sur  lequel  on  appliquait  de  la 
cire ,  ou  de  la  craie  délayée ,  x>our  imprimer  un  cachet 
comme  nous  le  faisons  pour  les  nôtres. 

39.  —  Ibid.  C'était  surtout  dans  cette  partie  de  l'ameu- 
blement que  le  luxe  étalait  6a  magnificence.  Les'tapis  qui 
couvraient  les  lit»  étaient  teints  en  pourpre ,  brochés  en 
or,  avec  des  fleurs  et  des  feuillages  de  toutes  couleurs. 
Les  pieds  et  le  bois,  souvent  précieux  par  lui-même, 
étaient  ornés  d*écaille,  d'ivoire,  de  lames  d'or  et  d'ar- 
gent ,  quelquefois  même  de  perle*  et  de  pierreries. 


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'       NOTES.  471 

40.  —  XXVII.  Le  crime  dont  Verres  s'est  rendu  cou- 
pable, en  dépouillant  le  roi  Àatiochus ,  surpasse  tous 
ses  autres  délits  ,  soit  que  Ton  considère  le  prix  de  l'ob- 
jet ,  ou  sa  destination ,  ou  le  rang  de  la  personne  offen- 
sée. Aussi  l'orateur  a-t-il  soin  de  préparer  les  esprits 
par  une  espèce  d'exorde  :  'cette  vexation  du  préteur  a 
tout  à  la  fois  attaqué  le  peuple  romain  et  ses  alliés,  les 
hommes  et  les  dieux.  Ce  n'est  plus  un  crime  seulement , 
ce  sont  tous  les  crimes  réunis  en  un  seul. 

41  •  —  Ibid.  L'orateur  commence  sa  narration  par  le 
Toyage  d'Antiochus.  Ce  début  est  naturel  :  il  fallait  bien 
rappeler  aux  juges  à  quelle  occasion  ce  roi  de  Syrie 
s'était  rencontré  à  Syracuse;  mais  il  ne  touche  de  ce 
Toyage  que  les  circonstances  que  la  clarté  du  récit  exige , 
et  qui  peuvent  intéresser  en  faveur  de  ce  jeune  prince. 
Séléné,  sœur  de  Ptolémée  Physcon,  avait  épousé  An- 
tiochus ,  roi  de  Syrie.  Ptolémée  étant  mort  sans  enfants , 
Ptolémée  Lathyre  hii  succéda ,  et  ne  laissa  qu'une  fille 
qui  fut  reconnue  pour  reine.  Mais  le  dictateur  Sylla 
nomma  roi  d'Egypte  Alexandre  >  neveu  de  Lathyre.  Sa 
conduite  le  rendit  odieux  aux  Égyptiens.  Les  troubles 
survenus  dans  le  pays  donnèrent  à  Séléné  l'idée  de  pré- 
tendre à  la  couronne.  Ses  deux  fils ,  Antiochus  et  Sé- 
leucus ,  vinrent  à  Rome  pour  solliciter  le  sénat  et  en  ob- 
tenir quelques  secours;  mais  les  circonstances  n'étaient 
pas  heureuses.  Rome  avait  alors  deux  ennemis  redou- 
tables à  combattre,  Sertorius  en  Espsigne  ,  et  Mitliridate 
en  Asie.  Les  jeunes  princes  n'obtinrent  que  des  pro- 
messes qu*Qn  ne  put  exécuter.  Ils  repartirent  pour  leurs 
étals ,  après  deux  aus  de  séjour  à  Rome. 

42.  —  Jbid.  Rien  de  mieux  peint  que  le  manège 
de  l'avare  préteur  pour  surprendre  la  confiance  d'An- 
tiochus. D'un  côté  on  voit  la  manœuvre  d'un  fourbe  rusé 
et  consommé  dans  l'art  de  tromper;  de  l'autre,  les  pro- 
cédés hoBnétes  et  simples  d'un  jeune  prince ,  qui  joint 
à  là  candeur  de  son  âge  la  noble  franchise  d'un  roi ,  et 
cette  hauteur  d'âme  qui  ne  connaît  pas  la  défiance.  Peut- 
on  conter  d'une  manière  plus  agréable  les  messages  réi- 
térés de  la  part  d'A&tiochus ,  qui  veut  ravoir  son  bien , 
et  les  défaites  étemelles  de  Verres ,  qui  n'avait  jamais 


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/,72  NOTES. 

assex  vu  le  candélabre  ?  Cette  narration  plaît  snrtotif 
par  une  certaine  légèreté  de  style ,  par  ce  ton  facUe  et 
naïf  qui  semble  l'expression  de  la  vérité  :  c'est  le  triomphe* 
de  l'art  qui  se  cache  lui-même. 

43.  —  XXVHI.  Ce  temple  était. consacré  particuliè- 
rement à  Jupiter.  Mais  il  y  avait  trois  chapelles  ou  sanc- 
tuaires ,  dont  le  premier  était  dédié  à  Jupiter ,  le  second 
à  Junon ,  et  le  troisième  à  Minerve.  Dans  le  système  re- 
ligieux des  Romains  ,  Jupiter  était  le  dieu  suprême  ; 
c'était  le  seul  qu'on  regardât  comme  le  maître  du  ton- 
nerre ,  le  seul  qu'on  nommât  deus  optimus  maximusj  le 
dieu  très  bon,  très  grand.  Quem  propter  bénéficia popu- 
lus  romanus  optimum  ,  propter  ^im,  maximum  nominaidt. 
(Pro  dom.,  c.  47.)  Ils  avaient  mis  avec  raison  la  bonté 
avant  la  pubsance.  Il  est  Naturel  que  ce  qui  rapproche 
le  plus  Dieu  de  nos  pensées ,  ce  soit  sa  bonté ,  parce  que 
c'est  elle  qui  le  rapproche  le  plus  de  nos  b^oins.  Il  était 
défendu  à  tout  citoyen  de  prendre  ce  titre.  Ce  ne  fut 
que  dans  la  suite  des  temps  que  la  flatterie ,  pour  qui 
rien  n'est  sacré ,  osa  le  prodiguer  aux  empereurs. 

44*  —  XXIX.  Ici  le  style  devient  plus  grave ,  pour 
mieux  faire  sentir  Vimpndence  de  Verres;  et  la  dernière 
partie  de  la  narration  est  pleine  de  force  et  df énergie ,. 
lorsqu'elle  présente  Antiochus  au  milieu  du  forum ,  dé- 
nonçant l'attentat  du  préteur,  prononçant  à  haute  voix 
la  consécration  du  candélabre ,  et  prenant  à  témoin  de 
ses  serments  le  die«  auquel  il  l'avait  destiné. 

On  lit  dans  le  texte,  dare ,  donare ,  dicare,  eonsecrare: 
les  trois  premiers  mots  étaient  les  termes  dont  on  se  ser- 
vait pour  offrir  une  chose  aux  dieux.  On  trouve  sur  d'an- 
ciennes médailles  trois  D.  Ils  signifient,  dédit,  donavit, 
dicavit.  Antiochus  ajoute  eonsecrare.  S'il  y  avait  eu  d'au- 
tres mots ,  il  ne  les  aurait  pas  oubliés ,  afin  de  rendre  la 
consécration  plus  formelle. 

45.  —  XXX.  Après  une  exposition  vive  et  pathétique, 
qui  déjà  excite  une  juste  indignation  contre  Verres,  Ci- 
céron  achève  de  soulever  les  esprits  en  développant  les 
principales  circonstances  du  fait ,  et  en  les  présentant  de 
manière  à  montrer  tout  ce  qu'il  renferme  de  plus  odieux 
et  de  plus  atroce.  C'est  ce  qu'on  appelle  amplification. 


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^  NOTES.  473 

D'abord  l'orateur ,  pénétré  lui-même  des  seotiments  qu'il 
Teut  faire  passer  dans  l'âme  de  ses  auditeurs,  désespère 
d'avoir  assez  de  force  pour  égaler  la  plainte  à  l'outrage. 
La  dignité  de  la  personne,  celle  deft  rois  ses  aïeux,  leur 
alliance  ancienne  et  constante  avec  le  peuple,  romain , 
sont  autant  de  circonstances  qui  aggravent  l'outrage  fait 
à  Antiochus.  La  réputation  du  peuple  romain  lui-même 
s'y  trouve  compromise  :  ce  crime  seul  suffit  pour  le  dés- 
honorer aux  yeux  des  nations  étrangères.  Il  fait  sentir 
aux  juges  les  suites  funestes  d'un  tel  sacrilège,  s'il  restait 
impuni. 

46.  — XXXI.  Ce  beau  candélabre  dont  Verres  s'est  em- 
paré,.était  destiné  à  Jupiter;  il  devait  être  placé  dans  le 
Capitole.  Catulus  avait  été  chargé  de  présider  à  la  recon- 
struction de  ce  temple.  Il  en  avait  fait  la  dédicace  ;  et 
précisément  ce  Catulus  était  un  des  juges  de  Terres. 
Cicéron  .profite  de  cette  heureuse  occasion.  Il  l'apostro- 
phe du  ton  le  plus  noble  et  le  plus  énergique  :  Le  temple 
dont  je  parle ,  dit-il ,  est  votre  monument  ;  sa  gloire  est 
la  vôtre,  etc.  De  quel  œil  Catulus  doit-il  voir  Verres 
frustrer  oe  temple  d'un  de  ses  plus  riches  ornements  ? 
Sin^>le  citoyen ,  il  aurait  un  intérêt  personnel  à  l'accuser 
et  à  le  poursuivre;  mais  aujourd'hui  qu'il  est  juge,  avec 
quelle  sévérité  doit -il  en  faire  justice  à  lui-même,  au 
peuple  romain ,  et  à  Jupiter? 

47.  —  XXXIII.  L'orateur  annonce  Ségeste  comme 
une  ville  qu'une  origine  commune  avec  celle  de  Rome 
même  aurait  rendue  chère  et  respectable  à  tout  antre 
Romain  que  Verres.  De  l'éloge  de  la  ville ,  il  passe  à 
celui  de  la  statue.  La  beauté  du  travail ,  la  vénération 
des  -peuples ,  l'admiration  et  les  hommages  des  ennemi» 
mêmes,  tout  la  rendait  recommandable.  Aussi  le  vain- 
queur de  Cartbage  regarda-t-il  comme  un  des  plus  doux 
fruits  de  sa  victoire,  l'honneur  de  la  restituer  aux  Séges- 
tains.  La  piété  et  la  générosité  de  Scipion  n'en  font  que 
mieux  sentir  l'audace  et  le  crime  de  Verres. 

4S.  ^  Ibid.  Nous  voyons,  in  Ferr.,  II,  35,  pour- 
quoi ces  statues  furent  portées  chez  les  Thermilains  : 
Himera  deleta,  quos  cwes  belli  calamitas  reliquôs  fecerat, 
ii  sese  Themùs  coUocarant^  in  ejuêdem  agrifiiibus,  nec 


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4:4  NOTES. 

longe  ab  opfido  anùquo.  Ainsi  les  Thermitains  étaient 

les   descendants  et  les  héritiers  des  anciens  habitanfs 

d'Himère. 

49.  —  XXXIV.  deéron  revient  à  son  sujet  après  nne 
courte  digression ,  qu'il  ne  s'est  permise  que  pour  mon-' 
trer ,  par  le  fait  qu'il  a  raconté ,  combien  ces  monuments 
rendus  aux  alliés  contribuaient  à  ta  gloire  du  nom  ro- 
main ,  et  lé  rendaient  cher  et  respectable  aux  nations. 

50.  -^  Tbid.  Le  mot  stola ,  qui  est  dans  le  latin  ,  dé- 
signe rhabillement  des  femmes.  II  différait  de  celui  des 
hommes  en  ce  qu'il  était  plus  ample  et  plus  long  :  il  des- 
cendait jusqu'aux  talons  ;  de  plus ,  il  avait  des  manches 
qui  tombaient  au-dessous  du  coude.  Les  hommes  n'en 
^rtaient  pas. 

5i.  —  Jbiâ.  La  fureur  avec  laquelle  Verres  se  pas- 
sionna pour  cette  statue  est  peinte  d'un  seul  trait  et  par 
une  allusion  très  lieureuse.  Diane  était  représentée  tenant 
im  flambeau  à  la  main,  et  l'on  sait  qae  l'opinion  popu- 
laire lui  attribuait ,  sous  le  nom  de  lune ,  le  pouvoir  de 
rendre  fous  ceux  qu'elle  touchait  dans  sa  colère. 

5a.  —  Ibid.  11  y  a  dans  cet  endroit  une  adresse  d'ex- 
pression à  remarquer.  Cicéron  né  dit  pas  directement 
que  les  Ségestains  livrèrent  leur  déesse,  il  prend  un  dé- 
tour et  leur  sauve  l'odieux  de  la  chose  :  Itaque  alèfuando, 
mulùs  malis,  magnoque  metu  ^icti  Segeslani,  preetoris 
imperio  parendum  esse  decreverunt. 

53.  —  XXXV.  Plusieurs  se  rappelaient  encore  ce  jour. 
Carthage  avait  été  prise  l'an  609  de  Rome.  Verres  avait 
été  préteur  l'an  678.  Il  pouvait  se  trouver  quelques  vieil- 
lards qui  dans  leur  enfance  avaient  vu  ce  jour  si  heu- 
reux pour  Ségeste.  Un  pareil  événement  se  grave  dans 
la  mémoire  et  ne  s'efface  pas. 

54.  —  XXXVI.  Scipion,  dont  il  s'agit  ici,  est  Mé- 
tellus  Scipion ,  qui  dans  la  suite  devint  consul  et  cen- 
seur. La  célèbre  Comélie,  sa  fille,  épousa  Pompée. 
Après  la  bataille  de  Pharsale ,  il  alla  joindre  Varus  et 
Juba  en  Afrique ,  et  se  tua  pour  ne  pas  survivre  à  la  dé- 
faite de  sou  armée  à  Thapsus. 

55.  —  Ibid.  Il  y  a  dans  le  texte  t  qui  non  obtrusit  aliqua 
ex  parte  monumenta  P.  Sdpionis  ,sed/unditus  sustuUt  ae 


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NOTES.  475 

iielevit.  Ce  verbe  obtrusit  a  beaaconp  occupé  les  com-  ' 
mentateurs.  Ils  se  sont  tourmentés  pour  y,  substituer  un 
autre  mot;  mais  ils  n'out  rien  offert  de  satisfaisant.  Il 
n'y  a  cependant  auéline  espèce  de  difficulté  dans  la 
phrase  ,  si  l'on  veut  y  reconnaître  une  hypallage ,  c'est- 
à-dire  une  transposition  ,  un  renversement  de  construc- 
tion. On  traduira  alors  comme  s'il  y  avait  :  qui  non  ob- 
trusit nomen  alienum  monumentis  Scipionis.  Alors  obtru- 
dere  sera  dans  sa  signification  propre.  Il  veut  dire,  pousser 
avec  violence,  faire  entrer  de  force.  L'emploi  de  ce  trope 
ou  de  cet  idiotisnie  n'est  pas  rare  chez  les  auteurs  latins. 
Cicéron  a  dit  :  Gladium  ,ajagina  njacuum  in  urbe  non  a^i- 
dimus.  Pro  Marc,  c.  6.  —  Virgile,  ^n.,  viii,  542; 
Hercideis  sopitas  ignilfus  aras  Excitât. 

56.  —  XL.  L'orateur  s'arrête  ;  il  appuie  sur  les  cir- 
constanceA  ^u'il  a  déjà  présentées.  Il  prolonge  en  quelque 
sorte  la  durée  de  ce  Supplice,  pour  donner  aux  audi- 
teurs le  temps  de  connaître  et  de  sentir  toute  la  cruauté . 
de  Verres. 

57.,  — ^  XLIII.  Cicéron  s'est  permis  sur  le  nom  Verres 
beaucoup  trop  de  mauvaises  plaisanteries.  Celle-ci  est 
lieureuse ,  et  ne  peut  que  plaire  à  l'esprit  par  la  justesse 
de  l'application. 

58.  —  XLVII.  L'orateur  va  rapporter  un  fait  très  im* 
portant  ;  il  veut  préparer  d'avance  l'esprit  des  auditeurs  ; 
il  excite  leur  attention  par  ce  court  préambule.  Il  com- 
mence par  nous  faire  connaître  le  respect  que  de  tout 
temps  on  eut  en  Sicile  pour  Cérès  et  Proserpine.  C'était 
en  Sicile  que  ces  déesses  avaient  pris  naissance  ,  et  Pro- 
serpine était  dans  les  bois  d'Enna  lorsqu'elle  fut  enlevée 
par  Pluton.  Rien  de  plus  riant  et  de  plus  gracieux  que  la 
description  qu'il  fait  d'Enna  et  de  la  prairie  qui  eu  est 
voisine.  Le  seul  aspect  des  lieux  rendait  vraisemblable 
ce  que  la  fable  pablie  de  l'enlèvement  de  la  jeune  déesse. 
Cette  description  semble  placée  ici  pour  faire  diversion 
et  délasser  les^  juges  dont  l'imagination  est  fatiguée  par 
le  récit  de  tant  d'hori[>eurs. 

5g.  —  XLÏX.  Les  fêtes  Éleusines  étaient  les  plus 
fameuses  de  la  Grèce.  On  les  célébrait  régulièrement  tous 
les  cinq  ans.  Cérès  elle-même  en  avait  réglé  les  cérémo- 


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4;6  NOTES. 

nies ,  lorsque  parcourant  la  terre  sur  les  traces  de  Pro^ 
serpine  enlevée  par  Pluton ,  elle  fut  arrivée  à  Eleusis  , 
petite  ville  de  l'Attique ,  à  trois  lieues  d'Athènes.  Flattée 
de  l'accueil  (px'elle  reçut  des  habitaots,  elle  leur  accorda 
deux  bienfaits  signalés,  l'art  de  l'agriculture  et  la  con- 
naissance de  la  doctrine  sacrée.  Les  Grecs ,  et  surtont 
les  Athéniens ,  s'empressaient  de  s'initier  aux  mystères. 
Ils  y  étaient  admis  dès  l'Age  le  plus  tendre.  Ils  se  seraient 
regardés  comme  criminels ,  s'ils  avaient  laissé  mourir 
leurs  enfants  sans  leur  avoir  procuré  cet  avantage.  Une 
loi  ancienne  en  avait  exclu  tous  les  autres  peuples. 

60.  — XLIX.  La  Victoire  dans  la  main  de  Cérès  me 
semble  un  emblème  ingénieux ,  qui  signifie  que  l'abon- 
daoce  des  vivres  contribue  beaucoup  à  la  victoire. 

61.  —  L.  Des  esclaves  fugitifs  et  révoltés  avaient  été 
autrefois  maîtres  de  ce  pays ,  et  leur  fureur  avait  respecté 
ce  qoe  Verres  a  osé  profaner.  L'orateur  saisit  cette  cir- 
constance ;  il  établit  un  parallèle  odieux  entre  ces  es- 
claves et  Verres.  Il  faut  avouer  qu'on  croirait  lire  ici  un 
morceau  de  Sénèque.  Cicéron  joue  sur  les  i^ots  ensemble 
s'étudier  à  rapprocher  de  petites  antithèses.  Il  est  bel- 
esprit  dans  toute  la  fin  de  ce  chapitre. 

62.  —  LII.  Cicéron  termine  cette  partie  de  son  accu- 
sation par  le  récit  des  brigandages  commis  4  Syracuse. 
Il  nous  fait  la  description  de  cette  cité  que  sa  vaste  éten- 
due ,  l'avantage  de  sa  situation ,  la  commodité  de  son 
double  port ,  ses  fortifications ,  le  nombre  et  la  richesse 
de  ses  habitants ,  avaient  placée  au  premier  rang  parmi 
les  villes  grecques.  Ce  morceau  est  vraiment  précieux  par 
son  exactitude  et  par  ses  détails.  En  décrivant  les  quatre 
quartiers  dont  la  ville  se  compose ,  l'orateur  cite  tout  ce 
qu'il  y  a  de  remarquable  dans  chacun.  Il  n'a  garde  d'ou- 
blier les  temples  dont  il  aura  souvent  occasion  de  parler 
dans  la  suite. 

63.  •—  Ibid.  L'antithèse ,  qui  est  souvent  une  figure  un 
peu  froide ,  donne  ici  une  vivacité  singulière  à  la  pensée 
et  en  fait  ressortir  toute  la  justesse  ;  eUe  ne  roi^e  pas  sur 
des  mots,  elle  porte  sur  un  fond  vrai  et  solide  ;  elle  est 
l'image  naturelle  de  la  conduite  de  deux  hommes  mis  en 
opposition.  Cicéron  cite  cette  phrase  tout  entière  pour 


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NOTES.  477 

exemple,  Orator,  c.  49»  dans  l'endroit  où  il  parle  des 
figures  qui  produisent  par  eilea-mémes ,  et  sans  le  se- 
cours de  l'art ,  le  nombre  et  la  cadence  :  Semper  hύ , 
quœ  Grceci  À/li^ttu.  nominant ,  quu>n  contrarus  opponun- 
tur  contraria ,  numerum  oratorium  necessitate  ipsa  effi- 
ciunt ,  et  ewn  sine  industria. 

64-  —  LU.  On  entendait  par  cohors  prœtoria ,  ce 
nombre  d'officiers  et  d'employés  qui  étaient  attachés  à 
la  personne  du  préteur,  nommés  par  lui ,  et  salariés  par 
la  république.  Ils  étaient  ou  militaires  ou  civils.  Les  pre- 
miers étaient  les  lieutenants  ,  ordinairement  au  nombre 
de  trois,  les  tribuns  des  soldats,  les  centurions  et  dé- 
curions. Les  employés  civils  étaient  les  assesseurs  et 
quelques  jurisconsultes  qui  secondaient  le  préteur  dans 
l'administration  de  la  justice,  les  greffiers ,  les  secré- 
taires ,  huissiers ,  appariteurs  et  autres  subalternes. 

65.  —  LUI .  La  circonférence  de  cette  ville  était  de  i8o 
stades  ,  qui  font  a2,5oo  pas  romains ,  ou  six  lieues 
2^010  toises,  en  prenant  des  lieues  de  2,5oo  toises. 

66.  —  Tbid.  C'était  un  édifice  public,  où  s'assemblaient 
les  magistrats  ;  les  citoyens  qui  avaient  rendu  de  grands 
services  à  la  patrie  y  étaient  entretenus  aux  frais  de 
l'état.  Chaque  ville  grecque  avait  son  prytanée. 

67.  — Jbid.  Les  gymnases  étaient  de  vastes  édifices 
entourés  de  jardins.  C'était  là  que  se  rendait  la  jeunesse  , 
pour  s'appliquer  aux  différents  exercices,  tels  que  la 
course ,  la  lutte ,  etc^ ,  qui  peuvent  rendre  l'homme  agile , 
robuste  et  capable  de  supporter  les  fatigues  et  les  tra- 
vaux de  la  guerre.  Toute  la  Grèce  les  regardait  comme 
une  partie  essentielle  de  l'éducation.  Ces  exercices  or- 
donnés par  les  lois  étaient  soumis  à  des  règles  certaines. 
Un  magistrat  spécial  présidait  au  gymnase.  Il  avait  sous 
lui  divers  officiers  chargés ,  les  uns  d'entretenir  le  bon 
ordre ,  et  les  autres  de  donner  les  leçons. 

68.  —  Ibid.  Il  était  surnommé  Téménitès ,  parce  que 
ce  nom  était  celui  d'un  terrain  isolé ,  hors  des  murs  de 
Syracuse ,  sur  lequel  son  temple  avait  été  bâti.  Ce  mot 
Téménitès  vient  de  o-c/uey  oc  >  qui  signifie  lieu  isolé,  séparé, 
consacré  à  quelque  dieu. 

Suétone  (  Tiher. ,  c.  74  )  nous  apprend  que  Tibère , 


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4:8  NOTES. 

dans  les  derniers  temps  de  sa  vie,  fit  transporter  cet 
Apollon  à  Rome  :  il  voulait  en  faire  un  des  ornements 
de  la  bibliothèque  d'un  temple  nouvellement  construit. 

69.  —  LI V.  Marcellus  avait  fait  vœu  de  bâtir  un  temple 
à  l'Honneur  et  à  la  Vertu.  Les  augures  consultés  répon- 
dirent qu'on  ne  pouvait  pas  élever  un  seul  temple  à  deux 
divinités.  Il  prit  le  parti  de  faire  construire  deux  temples , 
qui  n'avaient  qu'une  entrée  commune  à  tous  les  deux. 
On  n'entrait  dans  le  temple  de  l'Honneur  qu'après  avoir 
passé  par  celui  de  la  Vertu.  Emblème  admirable  ! 

70.  —  LV.  Lorsqu'on  s'était  emparé  d'une-  ville ,  les 
temples ,  les  statues ,  en  un  mot  toutes  les  choses  ssicréeê 
devenaient  profanes  ;  elles  étaient  censées  tomber  en  es- 
clavage. 

71.  —  LVI.  Toutes  les  éditions  portent  gramineas  has- 
tas.  Les  commentateurs  se  sont  donné  bien  des  peines 
pour  déterminer  le  sens  de  ces  mots.  Il  me  semble  qu'une 
phrase  de  Justin  doit  faire  cesser  toutes  les  incertitudes 
pour  le  mot  hastas.  Cet  auteur  dit ,  XLIII,  3  :  Perea  tem- 
pora,  reges  pro  did4emate  hastas  habebant ,  quas  Gneci 
sceptra  dixere.  Nam  et  ab  origine  rerum  ,  pro  diis  immor- 
talibus ,  fveteres  hastas  coluere  :  ob  cujus  religionis  memo- 
riam  adhuc  deorum  simulacris  hastœ  adduntur.  Les  scep- 
tres des  dieux  n'étaient  autre  chose  que  des  piq«es.  Jupi- 
ter ,  Junon  et  Minerve  sont  représentés  ,  dans  beaucoup 
de  médailles ,  portant  à  la  main  gauche  une  pique  sans 
fer.  Chez  les  Romains  aussi ,  la  pique  était  le  symbole  de 
la  puissance.  Lorsque  les  préteurs  rendaient  la  justice 
et  présidaient  les  tribunaux ,  deux  piques  étaient  dressées 
au  bord  de  l'estrade  sur  laquelle  était  placé  le  siège  de 
ces  magistrats.  Une  pique  indiquait  toujours  les  ventes 
publiques  qui  se  faisaient  par  l'ordre  d'un  magistrat 
supérieur. 

Quant  à  gramineas ,  quelques  commentateurs  l'inter- 
prètent comme  b'il  y  avait ,  gramine  ^vestitas ,  ornées 
d'herbe*  et  de  gazon  ,  ainsi  que  les  tliyrses  des  bac- 
chantes étaieut  ornés  de  lierre  et  de  pampre.  Tel  est 
l'avis  de  Grévius.  Mais  ce  sens  n'est  guère  admissible, 
('icéron  nous  dit  :  In  quibus  neque  manu  factwn  quid- 
quam,  neque  pulchritudo  «rat  uila.  Servius  et  Verburge 


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NOTES.  47f 

•ut  entendu  des  herbes  ou  des  tiges  de  je  ne  sais  quel 
gramen,  aussi  hautes  que  des  piques.  Coiùme  ils  n*indi<^ 
quent  ni  ces  herbes  ni  ce  gramen,  cette  interprétation 
me  semble  forcée  et  ridicule.  Presque  tous  les  autres  ont 
reconnu  qu'il  y  avait  quelque  altération  dans  le  texte ,  et 
plusieurs  ont  essayé  de  le  rectifier.  On  a  proposé  de 
mettre  gravissimas  (très  pesantes).  Mais  il  faudrait  ajou- 
ter deux  lettres.  Et  d'ailleurs  qu'importe  ici  la  pesanteur 
de  ces  piques  ?  Le  changement  le  plus  vraisemblable  est 
celui  qui  a  été  présenté  par  deux  critiques  savants  et  ju- 
dicieux, Hotman  et  lixaibXnyfraxineas.  On  n'a  que  deux 
lettres  à  changer,  sans  rien  ajouter  ni  retrancher.  Ce 
mot  exprimant  seulement  la  matière  de  ces  piques  ,  me 
semble  entrer  tout-à-fait  dans  le  sens  de  l'auteur ,  qui 
nous  dit  de  la  manière  la  plus  précise  que  l'art  n'avait 
rien  fait  pour  les  embellir,  et  qu'elles  n'avaient  rien 
d'extraordinaire  que  leur  longueur.  J'ai  cru  devoir  le 
préférer ,  et  traduire  des  piques  defrêfie. 

72.  —  LVn.  Les  Grecs  l'avaient  nommé  ovftoç,  pro- 
tecteur des  limites.  On  ne  sait  trop  pourquoi  les  Romains 
lui  avaient  donné  le  nom.  d^ Irnperator ,  qui  n'a  auciwe 
analogie  avec  le  mot  grec.  On  a  soupçonné  quelque  al- 
tération dans  ce  mot;  à  moins  que  les  Grecs  ne  lui  aient 
donné  ce  nom  comme  exprimant  sa  puissance,  puisque 
la  protection  qu'il  accordait  aux  limites  des  terres  est  un 
acte  du«ouveraiu  pouvoir.  Il  y  a  des  médailles  de  Nérou  - 
qui  ont  au  revers  l'image  de  Jupiter  avec  cette  légende , 
Jupiter  ctjstos. 

73.  —  LX.  On  lit  dans  le  texte  njectigales  aut  stipen- 
diarios.  Par  le  premier  mot ,  il  faut  entendre  ceux  des 
alliés  à  qui  les  Romains  avaient  laissé  la  jouissance  de 
leurs  terres ,  à  condition  qu'ils  paieraient  seulement  le 
dixième  des  productions.  Cette  dîme  était  variable  et 
proportionnée  au  produit  de  la  récolte.  SUpendiarii  dé- 
signe les  alliés  dont  les  impositions  étaient  fixées  et  dé- 
terminées ,  et  qui  étaient  obligés  de  plus  à  fournir  des 
soldats,  des  vaisseaux,  etc.,  quand  les  Romains  avaient 
une  guerre  à  soutenir. 

74-  —  LXL  Une 'riche  succession  avait  été  laissée  au 
Syracusain  Héraclius  ,  à  condition  qu'il  placerait  des 


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48o  NOl^S. 

statues  dan»  le  gymnase.  Verres  lui  fit  intent      uu  procès 
par  les  maîtres  du  gymnase,  comme  n*ayant     as  rempli 
les  intendons  du  testateur.  Il  ordonna  aux  juges   de  le 
condamner  et  d'adjuger  la  succession  à  la  ville  de  Syra- 
cuse. C'était  une  injustice  criante.  Mab  Verres,  qui  ne 
commettait  pas  une  injustice  gratuitement,  se  fit  donner 
à  plusieurs  reprises ,  par  les  Syracnsains,  différents  ob- 
jets précieux ,  des  tableaux ,  des  vases ,  de  l'argenterie , 
des  tapis ,  etc.  Bnfin  il  eut  l'impudence  d'exiger  en  une 
seule  fois  denx  cent  mille  sesterces.  Ainsi»  loin  de  gagner 
l'affection  des  Syracnsains,  il  les  arait  encore  aigris 
contre  lui.  fojrez ,  pour  les  détails  de  cette  *^fsiire ,  la 
seconde  Ferrine,  c.  14  et  suiv. 

75.  —  LXI.  Quelques  commentateur  nt  proposé  le- 
nitiuUne.  Mais  Cicéron  nous  fait  comic^^^re  Ini-ménae  la 
signification  de  ce  mot,  7Wck/.,IV,  19  :  Firum  videri 
negant,  quiirasci nesciat ;  eamque,  quam  lenitatem  nos  di- 
cimus ,  'vitioso  Untitudinis  i\o  'pie  appellant.  Ce  mot  ex- 
prime la  faiblesse  d'un  marij  ^^  ferme  les  yeux  sur  les 
désordres  de  sa  femme.  Ovide,  Amor.,  II,  19,  5i  : 

Lentus  es  j  et  pateris  nul  H  patienda  marito. 

76.  —  Jbid.  Cet  homme  était  chargé  de  percevoir  les 
droits  qu^  payaient  les  Siciliens  pour  mettre  leurs  trou- 
peaux daiis  les  pâturages  de  la  république.  Il  arait  aussi 
la  recette  des  droits  d'importation  et  d'exportation.  0ni 
d'intérêt  avec  le  préteur,  il  lui  recommandait  ceux  qui 
voulaient  obtenir  des  places  ou  des  jugements  favo- 
rables ,  et  leur  prétait  à  usure  l'argent  nécessaire  pour 
payer  Verres.  Comme  ils  ne  voulaient  ni  l'on  ni  l'autre 
paraître  avoir  eu  de  si  grandes  affaires  ensemble,  Car- 
pinatius  avait  imaginé  de  falsifier  ses  registres ,  en  sub- 
stituant aux  deux  dernières  lettres  de  Verres,  utius  :  ce 
qui  formait  Ferrutius.  Or  ce  Verrutius  était  un  person- 
'uage  imaginaire.  Malgré  toutes  ses  recherches ,  Cicéron 
ne  put  jamais  parvenir  à  savoir  quel  était  son  pays ,  son 
état,  sa  fortune.  Carpinatius  garda  un  silence  obstiné. 
On  avait  reconnu  d'ailleurs  qu'en  beaucoup  d'endroits 
les  lettres  substituées  avaient  été  brouillées  et  raturées  ; 
ce  qui  a  fait  dire  à  l'orateur ,  in  Verr.,  U  ,  78  :  VidelU 


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ILOTES.  481- 

Femm^  ,É.P  ^videtis  primas  luteras  intégras  P  ^iietis  ex- 
tremarm^artem  nominis»  cauctam  Hlam  Fenis,  tanquam 
ô»  luto ,  demersam  esse  in  litura? 

*J1.  —  LXII.  Cette  statue  avait  été  érigée  à  Verres, 
comme  bienfaiteur  de  Syracuse,  lorsqu'il  eat  adjugé  à 
cette  ville  l'héritage  dcmt  il  dépouillait  Héraclins. 

78.  —  LXIV.  Nemofuity  quem  ne  nudus  quidemJiUus 
in  nuda provincia  conimoveret.  Jeu  de  mots,  tout  au  moius 
déplacé  dans  un  tel  sujet ,  et  <pi'il  n'est  guère  possible 
de  traduire  en  français  d'une  manière  supportable. 

79.  —  LX V.  A  Rome ,  on  formait  appel  au  peuple , 
et  dans  los  provinces  au  préteur. 

80.  — ibid.  Dans  la  plupart  deiP  anciennes  éditions ,  on 
lit  Cœcilius.  ^îffis  si  cet  homme  avait  été  Cécilius,  l'ora-  . 
teur  n'aurait  ^Çim  manqué  de  lui  reprocher  cette  conduite 
dans  son  premier  Discours  intitulé  Divinatio. 

8t.  — Ibid.  Cicéron  nous  a  fait  connaître  (seconde 
Ferrine,  c.  26)  quelle  f  ^a  conduite  de  Métellus,  suc- 
cesseur de  Verres.  Il  it  >la,  dit- il,  n'être  venu  que 
pour  guérir  les  maux  de  la  province.  Les  premiers  mois 
de  son  administration  méritèrent  les  plus  grands  éloges. 
Il  ordonna  des  restitutions,  et  réforma  une  multitude 
d'arrêtés  iniques.  Mais  il  changea  tout  à  coup  de  prin- 
cipes, deux  jours  avant  l'arrivée  de  Cicéron.  Une  lettre 
de  Verres  produisit  cette  révolution.  De  ce  moment, 
Métellus  se  déclara  -ouvertement  pour  lui.  Il  sollicita 
auprès  des  villes  des  éloges  en  faveur  de  son  prédéces- 
seur. Il  usa  de  menaces  envers  les  témoins  qui  se  pré- 
paraient à  déposer  ;  et  même  sans  la  fermeté  de  Cicéron , 
aucun  d'eux  n'aurait  obtenu  la  liberté  de  sortir  de  la  pro- 
vince et  de  venir  à  Rome. 

8a.  —  LXVI.  La  fierté  des  Romains  ne  permettait  pas 
à  leurs  magistrats  de  faire  usage  d'une  langue  étrangère 
dans  l'exercice  de  leurs  fonctions.  Les  préteurs  se  ser- 
vaient d'interprètes ,  quoiqu'ils  connussent  la  langue  des 
peuples  qu'ils  gouvernaient.  Les  jugements  étaient  ren- 
dus et  les  actes  publics  étaient  écrits  en  latin.  Dans  la 
circonstance  présente,  Cicéron  n'était  pas  magistrat; 
c'était  un  «impie  citoyen  chargé  de  la  cause  des  Siciliens. 

83.  —  Ibid.  11  y  a  dans  le  texte,  tabulas  tributarias. 
VIII.  41 


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48a  NOTES. 

C'est  encore  im  jea  de  mots.  Trihuianuf  rent  dire ,  qui 
concerne  le  tribut.  Le  sénat  envoyait  quelquefois  des 
ordres  aux  préteurs  pour  qu'ils  imposassent  des  tributs. 
C'était  ce  qu'on  appelait  tabvJtœ  trihutarûe.  L'orateur  dé- 
tourne le  sens  du  mot ,  et  entend  des  lettres  qui  appor- 
^tent  un  tribut ,  comme  nous  dirions  des  lettres  de  change 
et  des  billets  à  ordre. 

84.  —  LXYI.  Tnéomnaste  signifie,  qui  se  sonyient  des 
dieux.  Des  Siciliens  s'égayant  sur  le  nom ,  l'ayaient  appelé 
Théoracte ,  de  0ioc ,  Dieu ,  et  de  fti^o'w ,  frapper ,  frappé 

Mes  dieux ,  fou.  Cet  homme  avait  été  prêtre  de  Jupiter. 
Il  est  bon  de  savoir  par  quelle  ruse  et  par  quel  arfiiice 
Verres  l'avait  fait  parvenir  à  ce  sacerdoce.  L'usage  était 
que  les  Syracusains  présentassent  trois  candidats  qni 
devaient  tirer  au  sort.  "Verres  mit  trois  billets  dans  l'urne , 
mais  les  trois  billets  portaient  le  nom  de  Théomnasle.  Ci- 
céron  raconte  avec  beaucoup  de  détails  et  de  gatté  cette 
opération  dont  toute  la  ville  avait  été  témoin.  {In 
fVrr.,  II,  5i.) 

85.  — -  IBid.  La  loi  Comélia  permettait  à  quiconque 
accusait  un  concussiounaire  «  d'emporter  de  son  gouver- 
nement toutes  les  pièces  probantes  et  tous  les  registres , 
excepté  ceux  des  receveurs  publics.  Cette  loi  punissait 
avec  sévérité  ceux  qui  gênaient  un  accusateur  dans  ses 
recherches. 


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TABLE  DES  MATIERES. 


r 
•A* 

SkCOITDE  action  COITTRE  TBHRàs.  III.  SuF  IcS  blés. 

Tradaction  d^Ath.  Anger,  reVue  par  Téditear. 

t                                                                                          Page  I 

Argument 3 

^^                         Notes 266 

fj  Seconde  action  contre  VEURi».  IV.  Des  statues. 

Tradaction   nonvelie,  par  P.  C.  B.  Gneronlt^ 

ancien  conseiUer  titulaire  de  FUniversité 28'i 

Introduction 284 

Notes 46» 


riN    DU   TOME   HUITIEME. 


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MAY  10    1915 


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