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818
tL4b
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Digitizedby Google
Digitizedby Google
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r 7
OEUVRES
COMPLÈTES
DEM.T.CICÉRON.
TOME VIIL
DISCOUAS.
i Digitizedby Google
DE L'IMPRIMERIE DE CRAPELET,
BCK DE YAUOIRARD, Xf» 9.
1826.
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OEUVRES
COUPLÂTES
DEM.T. CICERON,
^ PUBLIÉES EN FRANÇAIS,
ATBC LK TBXTK BIT RBGARD,
PAR JOS.-VICT. LE CLE;RC,
ruormttmvn o'iLoQviircs latiitb a la rAjcvLri ost lbttre*,
ACAOiMIB DB FABIS.
SBCOHDE BDITlOjr.
TOME HUITIÈME.
PARIS.
WKRDET ET LEQUIRN FILS,
MUE DU BATTOIR, H*» 20.
MDCCCXXyl.
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byGoogle
Digitized byVOOQle
SECONDE ACTION
CONTRE VERRES.
///. SDR LES BLÉS.
TRADUCTION lyATH. AUGER,
REVUE PAR l'ÉDITCUB.
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Di^itizedby Google
ARGUMENT.
li'oRATEUR commence par un long et magni-
fique préambule , où il montre quel fardeau il
8*est imposé ea accusant un Yerrès coupable
de toutes les sortes de crimes, et combien Û doit
être ennemi d'un tel bomme , d'un bomme qui ,
malgré ses vices et ses for£iits , est protégé et
cbéri par Hortensius et par les autres nobles.
Il divise alors en- trois parties le cbef d'accusa-
tion qui r^rde les blés de la Sicile , et il an-
nonce qu'il parlera, ddus la première, du blé
dim4i dans la seconde , du blé acheté; dans la
troisième , du blé estimé- ^
La premiè;'e partie , où il est question du blé
dimé ou de dîmes , occupe seule près des deux
tiers de tout le Discours. Cicéron détaille , dans
des narrations aussi variées et aussi intéres-
santes que le sujet peut le permettre , tous les
vols que Verres a faits aux particuliers et aux
villes , a Toccâsion des dîmes. Les villes de Si-
cile , excepté celles qui étaient libres et fran-
cbes , étaient tenues de payer au peuple romain
la dîme de leurs blés. On recueillait cette dîme
en nature , et on l'envoyait à Rome.
On ne trouve pas ici d'explications précises
278677 "'*'^^'^°°s''
4 ARGUMENT,
sur la manière dont se recueillaient les dîmes
dans les provinces romaines ; tous ces dé-
tails étaient connus des juges. Nous pouvons
indiquer cependant quelques faits généraux.
Lorsque les blés commençaient à croître , des
fermiers publics , appelés en latin decumani ,
et que nous appelons en français décimateurs ,
prenaient la dîme k Tenchère (emebanf) pour
tant de boisseaux de blé ; c*est-k-dire qu'ils se
chargeaient de fournir aU peuple romain tant
de boisseaux de blé pour la dîme qui devait lui
revenir de tel champ ou de tel canton. Les par-
ticuliers et les villes pouvaient mettre Tenchère
sur les décimateurs. Si la récolte était abon-
dante , et que la dîme passât le nombre de bois-
seaux de blé pour lequel ils avaient pris la dîme,
c'était autant de gagné pour eux : ils pouvaient
perdre aussi à proportion de ce qu'elle était
inférieure à ce nonfbre. Le préteur , ou quel-
qu'un pour lui , adjugeait les dîmes à celui ou
ceux dont l'enchère était portée le plus haut ^
cela s'appplait vendere decumas.
Gicéron prétend que Yerrès s'était associé
aux décimateurs , dont le chef était' un Apro-
nius qui est peint , dans le Discours , des traits
Içs plus forts et les plus odieux. Il explique
très bien par quelles injustices criantes les mal-
heureux agriculteurs se trouvaient obligés de
donner aux décimateurs plusieurs dîmes au
lieu d'une, comment quelquefois il leur restait
à peine la dîme de leur récolte. La première
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ARGUMENT. s
partie est terminée par la lecture d'une lettre
de Tiniarchide, accompagnée de réflexions.
La seconde partie traite du blé acheté. Il j
avait deux sortes de blés achetés : une seconde
dtme que les peuples de la Sicile étaient obli-
gés de vendre , dans les besoins de la républi-
que , à un prix fixé par le sénat , et huit cent
mille boisseaux de blé répartis sur toutes les
villes de la même province, qu'on les obligeait
de vendre tous les ans , et dont le prix était
aussi fixé. L^orateur raconte, au sujet de ces
deux sortes de blés , les vols et les rapines de
Verres."
* Le blé estimé, dont il s'agit dans la troisième
partie, était le blé que la province devait four-
nir pour la provision de la maison dii préteur,
et que celui-ci pouvait prendre en argent, au
lieu de le prendre en nature. On reproche à
Verres d'en avoir exigé ^us qu'il ne lùr tétait
dû, et de l'avoir estimé bien au-delà du prix.
Un moyen de défense qu'il alléguait , que d'au-
tres avant lui avaient fait de même, est réfuté
avec beaucioup d'éloquence et de fécondité.
Un tableau pathétique de la triste situa-
tion des agriculteurs siciliens termine le Dis-
cours.
Il est beaucoup parlé ici de médimnes et de
boisseaux. Le médimne , selon le père Montfau-
çon , était une mesure de six setiers. Il fallait
six boisseaux pour faire un médimne (Cornél.
Wépos, Fit, Attic, c..a).
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6 ARGUMEÎÎT.
« Gîcéron avertît lui-même les juges, qu'obligé
de citer une foule de calculs, il sera moins inté-
ressant que dans les autres parties de Taccusa-
tion ; mais il développe si bien les faits , il en-
chaîne ses preuves avec tant d'art, le style est
si varié , que Touvrage plaît d'un bout à Tautre.
L'orateur a eu soin d'entremêler ces détails de
morceaux énergiques et brillants : tel est le
. passage sur Sylla, chap. 35; tel est , chap. 89,
le tableau de la corruption des Romains, et de
la haine qu'inspiraient les magistats de la répu-
blique à tous les peuples du monde. Il expose
d'une manière très agréable les intrigues qui
précédaient l'adjudication des dîmes , les vols
qu'on se permettait dans la levée de l'impôt. ... Il
est difEcile d'imaginer une administration plus
tyrannique et plus défectueuse.... Ce Discours,
quoiqu'il ne satisfasse point toute notre curio-
sité sur plusieurs poiéts d'économie politique,
offre cependant quelquefois des renseignements,
qu'on ne trouverait point ailleurs , sur le pro-
duit des terres , la valeur des grains , la quotité
des impôts , et ja manière de les percevoir : ces
faits sont d'autant plus précieux , qu'ils peu-
vent donner une idée du gouvernement et de
la richesse des anciens peuples. » Desmeu*
niers.
— On peut consulter , pour mieux entendre
quelques détails de ce Discours, les observa-
tions de Desjardins , de Eejrumentaria, à la
suite de son commentaire , Paris , 1 738 j et l'ou-
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AUGUMEm*. ç
rrage intitulé : Recherches historiques et criti"
gués sur l'administratioM publique et privée
" des terres chez les Romains , par Dumont ,
Paris, 1779.
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IN G. VERREM
ACTIO àEGUNDA.
LIBER TERTIUS.
DE RE FRUMENTARIA.
ORATIO OCTÀVA.
I. Ouïtes, qui alterum, judices, nalHs impulaî
inimicltiisy nulla privàtim laesi injuria, nuUo prse-
mioaddncti, in judicium reipublicae causa vocant,
providere debent , non solum cpiid oneris in prs^
sentia tollant, sed etiam quantum in omnem vitam
negotii suscîpere conentur. Legem enim sibi ipsi
dicunt innocent!», continentias, virtutanique om-
nium, qui ab altero rationem yitœ reposcunt;
atque eo magis, si id, ut ante dixi, faciunt nulla
re commoti alia, nisi utilitate communi. Nam qui
sibi hoc sumsity ut corrigat mcx'es aliorum, ac
peccata reprehendat, quis huic ignoscat, si qua
in re ipse ab 'religione offîcii declinarit? Qua-
propter hoc etiam Ynagis ab omnibus ejusmodi
ciyis laudandus ac diligendus est , qui non solum
*ab republica civem improbum removet, verum
etiam se ipsum ejusmodi fore profitetur ac prae-
' Gamton. ad Philippic., II, 40, conj. regione. —
• Sic codd. Parisiens. OÙm , reipublicae. Em. , republica.
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SECONDE ACTION
CONTRE VERRES.
LIVRE TROISIÈME.
SUR LES BLÉS.
DISCOURS HUITIÈME.
I. Juges, tons cenx qm , sans avoir de haine à lïitîs'
faire ni d'înjnre partîcnlière à venger , tons cenx qnî ,
sans antre espoir de récompense que la gloire et l'in-
térêt de leur patrie , appellent nn coapable devant les
tribnnanx , doivent considérer à la fois et le fardeau
qu'ils s*imposent pour ce moment , et bien pins en-
core les obligations qu'ils contractent pour tout le
reste de leur vie. Demander aux autres compte de
leurs actions, c'est se prescrire à soi-même l'intégrité,
la modération, tontes les vertus; surtout, je le ré-
pète, si l'on n'est point animé par d'autre motif que
par celui de l'utilité commune. En effet , l'homme qui se
charge de réformer les mœurs et de reprendre les fau-
tes d*autmi, peut -il espérer qu'on lui pardonnera de
s'écarter en rien de la religion du devoir? Ne refu-
sons donc point notre estime et notre amour an ci-
toyen qui, non seulement travaille à retrancher du
corps politique un membre pervers , mais qui , à ce
penchant naturel que nous avons tous pour le bien,
ajoute encore une sorte d'engagement particulier ei
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lo IN VERREM ACT. II, UB. III.
stat, ut sibî non modo communî yoliintate virtatia
atque officii, sed edam ut quadam magis necessa-
ria ratione recte ait honesteque Tivendum. Itaque
hoc, judices, ex homine clariasimo atque eloquen-
tissimo, L. Grasso, satpe auditum est, quum se
nullias rei tam poenitere diceret , quam quod
C. Carbonem unquam in judicium Tocayisset :
minus enim libéras omnium rerum yoluntates
habebat, et vitam suam pluribus, quam yellet,
obseryari oculis arbitrabatur. Atque ille bis prsesi-
dîis ingenii fortunaeque munitus, tamen bac cuxa
continebatur, quam sibi , nondum confirmato con-
siiio, sed inennte «etate, susceperat. Quo minus
eûsaj^ ' perspicitur eorum yirtus et integritas , qui.,
ad banc rem adolescentuli, quam qui jam firmata
State descendunt. Illi enim, antequam potuerunt
existimare , quanto liberior yita sit eorum , qui
nemiuem accusarint, glorias causa atque ostenta-
tionis accusant : nos, qui jam, et quid facere, et
quantulum judicare possemus, ostendimus, nisi
facile cupiditates nostras teneremus , nunquam
ipsimet nobis prœcideremus istam licentiam Ubeiv
tatemque yiyendi.
II. Atque hoc ego plus oneris babeo, quam qui
ceteros accusarunt ( si onùs est id appellandum ,
quod cumlietitia feras ac yoluptate); yerumtamen
hoc ego amplius susoepî , quam ceteri : quod ita
postulatur ab omnibus, ut ab iis se abstineant
^axime yitiis , in quibus alterum reprehenderint.
Furem aliquem aut rapacem accusaris.»* yitanda tibi
■ Cod. Metell., percipitor; eodd. duo Paris,, praecipi-
tar, quod Culielm, jam inexcerptis SUtorpii probaverat.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, IH. ii
irrérocable , et s'annonce Ini-m^me comme obHgé de
vÎTTe toojonn à l'abri da reproche et dn soupçon.
ÂJuA , jnges, l'âoqoent et vertaens L. Craasns s'e«t-il
repenti soayent , comme on nons Ta raconté, d'aroir
dénoncé Carbon k la justice : par U, disait*U, ses
volontés en tont étaient moins libres, et sa vie pins
observée qn*il n'aurait voulu. Ce grand homme, quoi-
que doué de tous les avantages du génie et de la for-
tune , se sentait comme gêné par le frein qu'il s'était
donné dans sa jeunesse, lorsqu'il se décidait encore
avec trop peu de réflexion. Yoilà pourquoi les jeunes
gens qui entreprennent une accusation donnent en
cela un témoignage moins sûr de leur intégrité et de
leur sagesse , que les hommes qui remplissent ce devoir
dans leur maturité. Un jeune homme est entraîné par
Tamonr de la gloire, par une sorte d'ostentation, ^v^ant
que d'avoir pu connaître qu'on vit bien plus libre-
ment quand on n'a accusé personne : pour nons , qui
avons déjà donné quelques preuves de force et d'intel-
ligence, si nous n'avions pris de l'empire sur nos pas-
sions, jamais nons n'aurions le courage de renoncer,
par nn tel engag^ement , à l'indépendance d'une vie
qu'aucun ennemi ne surveille.
II. Je m'impose même nn plus grand fardeau que
les antres accusateurs (si l'on doit appeler fardeau ce
qu'on porte avec plaisir et avec joie ) ; mais enfin ma
charge est bien plus pesante que celle d'aucun d'entre
enx. On leur demande à tous qu'ils s'abstiennent prin-
cipalement des vices qu'ils ont repris dans celui qu'ils
accusent. Avez-vous accusé uu déprédateur , un con-
cussionnaire, il vous faudra par la suite éviter tout
soupçon de cupidité. Avez-vous amené aux pieds de la
justice nn homme méchant ou cruel , il vous fiiudra
toujours eue sur vos gardes pour ne montrer en vous
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1% IN VERREM ACT. II, UB. ffl.
semper^ erit omnis avaritiae snspicio. Hlalefîcum
quempiam adduxeris, aut crudelem? caTendum
erit semper , ne qua in re asperior aut inhumanior
fuisse yideare. Corruptoreni , adulterum ? provi-
dendum dilîgenter, ne quod in vita yestigium libi-
dinis appareat. Omnia postremo, quse yindicaris
in altero , tibi ipsi yehementer fugienda sunt. Et-
enimndn modo accusator, sed ne objurgatorqui-
dem ferendus est is, qui, cpiod in altero vitlum
reprehendit, in eo ipse deprehenditur. Ego in
uno homine omnia yitia , qus possunt in homine
perdito nefarioque esse, reprehendo : nullum esse
dico indicium libidinis , soeleris , audaciœ , quod
non in istius unius yita perspicere possitîs. ' Ego
in isto reo legem hanc, judices, mihi statuo; yi-
yeudum ita esse , ut isti non modo factis dictisque
onmibus , sed etiam oris oculorumque illa contu-
macia ac superbia , quam yide^is , dissimillimus
esse, ac semper fuisse yidear. Patior non moleste,
judices, eam yitam, quae mihi sua sponte antea
jucunda fuerit , nunc jam mea lege et conditione •
necessariam quoque futuram.
III. Et in hoc homine saepe a me quavis, Hor-
tensi , quibns inimicitiis , aut qua injuria adductus ,
ad accusandum descenderim. Mitto jam rationem
of&cii méi, necessitudinisque Siculorum : de ipsis
tibi inimicitiis respondeo. An tu majores uUas
inimicitias putas esse, quam contrarias faomînum
sententias, ac dissimilitudines studiorum et yo-
luntatum ? Fidem sanctissimam in y ita qui putat,
' Ernest, saibendam putat , Ergo in ist. r., librarios
ratus initium pnecedentis periodi hue itemm itvocasst.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, HI. ^3
ancane mécluaiceté , ni même la moindre aspérité de
mœurs. Avez-yoïis traduit devant les jnges un corrup-
tenx , tin adultère , vous ne pouvez être désormais trop
attentif pour que votre vie n'ofire aucune £iiblesse.
En un mot , il faudra fuir avec un soin extrême les
vices que vous aurez poursuivis dans un antre ; car on
ne saurait soufirir un accusateur , ni même un censeur
qui se laisse surprendre dans la faute qu*il a reprise
en autrui. Et moi, Romains, j'attaque devant vous,
I dans un seul homme, tous les vices qui peuvent se
j rencontrer dans un homme entièfement dépravé. Oni,
j * je le prétends, îl n*est aucun trait d*impudicité, dç
I perversité , d'audace , qu'on ne puisse remarquer daaa
la vie du seul Terres. Ce seul accusé m'impose l'ohli*
gation d* annoncer par ma conduite que je suis et que
je fus toujours absolument éloigné , je ne dis pas seu-
lement de commettre les mêmes actions , de tenfr les
mêmes propos , je dis encore d'affecter cette arrogance,
cette ef&onterie , qm se peignent dans ses yeux et dans
tons les traits de son visage/Je vois sans peine, Ro-
mains, qu'une vie que f aimais déjà par goût et pour
elle-même, me sera désormais indispensable par la loi
que je m'en fiiis aujourd'hui.
m. Et vous me demandes souvent. Hortensias,
qnéUe inimitié avec Verres, ou quels outrages de sa part
m'ont engagé à l'accuser. Je ne parle pas du devoir
que m'imposent mes liaisons intimes avec les SicUiens ;
je ne réponds qu'à la question de llnimitié. Croyez-
Tons donc qu'il y ait une inimitié pins vive que celle
qui naît de l'opposition des sentiments , de la diffé-
rence des goûts et des inclinations ? Peut-on regarder
la bonne foi comme le devoir le plus sacré de la vie ,
et n'être pas ennemi d'un homme qui , nommé ques-
teur, a osé dépouiller , abandonner, trahir, attaquer
VIII, a
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i4 IN VERREM ACT. n, LIE. m.
potest eî non inimicus esse , qui quaestor consu-
lem suum, consiliis commisses, pecunia tradita»
rébus oii^bus credîds, spoliare, relinquere, pro-
dere, oppugnare ansus sit? Pudorem et pudici-
tiam qui colit, potest anîmo sequo istius quotidiana
adulteria, meretriciam disciplinam , domesticum
lenocinium videre ? Qui religiones deonim immor-
talium retinere Tult, ei, qui fana spoliarit omnia,
qui ex thensarum orbitis prœdari sit ausus, inimi-
cus non esse qui potest ? Qui jure aequo omnes
putût esse oportere, is tibi non infestissiraus sit,
quum cogitet yarietatem libîdinemque decretorum
tuorum ? Qui sociorunï injuriis, proTinciarumque
incommodis doleat, isin te non expilatîone Asiae,
vexatione Pampbylia;, squalore et lacrymis Sîcî-
liae concitetur? Qui civium romanorum jura ac
libertàtem sanctam apud omnes baberi "velit, îs
non tibi plus etiam , quam inimicus esse debeat,
quum tua yerbera, quum secures, quum cruces
ad ciyium romanorum supplicia fixas recordetur ?
Au, si qua in re contra rem meam decresset ali-
quid injuria, jure me ei inimicum esse arbitrarer;
quum omnia contra omnium bonorum rem , caut
sam, rationem, utilitatem , yoluntatemque fecerit»
quaerisy cur ei sim inimicus, cui populus romanns
infestus sit? qui prœsertim plus etiam, quam para
virilis ' postulat , pro yoluntate populi romani
oneris ac munerts suscipere debeam.
IV. Quid? iUa , quae leyiora yidentur esse, non
cujusyis animum possunt moyere ? quod ad tuam
ipsius amicîtiam, ceterorumque hominum magno-
' An postulet ? Emâst.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, lU. i5
son consul, un consul qoi loi avait commaniqné ms
secrets , livré sa caisse, confié tons ses intérêts? Peat-on
chérir la pndenr et la chasteté , et voir d'an œil tran-
quille les continuels adultères de Verres , ses odieuses
prostitutions , ses infamies domestiques ? Peut- on être
attaché au culte des dieux immortels, et ne pas dé-
tester un brigand sacrilège qui a dépouillé tous les
temples, qui a eu le front de voler sur la roure même
des chars sacrés ' ? Peut-on mettre quelque prix k Pîm-
partialité de la justice , et ne pas vous déclarer. Terres ,
une haine opiniâtre , quand on se rappelle les varia-
tions et les caprices de vos ordonnances? Peut-on
s'afiBliger de Toppression des alliés^ du mallumr îles pro-
vinces, et voir, sans indignation contre vous, le piUage
de TÂaie, les vexations exercées dans la Pamphylie,
le deuil et ies larmes de la Sicile ? Peut-on faire des
rceax pour que les droîu et la liberté des citoyens ro-
mains^ soient regardés partout comme inviolables , et
ne pas être plus que votre ennemi , lorsqu'on se repré-
sente les fonets , les haches , les croix dressées pour le
supplice des citoyens romains ? Quoi ! si , dans quelque
occasion. Terres avait prononcé injustement contre
mes intérêts , je me croirais fondé à être son ennemi •
et lorsqu'il attente aux intérêts, k la fortune, au bon-
heur , à la liberté de tous les gens de bien, vous me
demandez , Hortensîus , pourquoi je suis Tennemi d'un
homme qu'abhorre le peuple romain, moi surtottt
qui, pour obéir à la volonté du peuple romain, re-
garde comme un devoir d'accepter, sans oonsidter
mes forou « un si pénible ministère {
rV. Et ces antres considérations , peu importantes à
ce qu'elles paraissent, ne sont-elles pas propres à faire
impression sur notre esprit ? Qui ne s'indignerait , Hor-
tensins, de voir que les vices et les criijaes de Terres
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te m VERREM ACT. H, LIE. HI.
rum atque nobiliutn, facîliorem adittim istlus ha-
bet nequitîa et audacia, quam cujusquam nostrum
yirtus etintegrîtas? Odistis hominum novorum in-
dustrias; despîcitis eorum frugalitatem; pudorem
contemnitis; ingenlum vero , et yirtutein depres-
sam exstinctamque cupitis. Verrem amatis. Ita
credo : si non yirtute, non industria, non inno-
centîa , non pudore , non pudicitia ; at sermone ,
at lîttéri», at humanitate ejus delectamini. Nihil
honim est : contraque sunt omnia quum sununo
dedecore ac turpitadîne, tum singulari stultitia
atque Inhumanitate oblita. Huic homini si cujus
domus patet , utrum qa patere , an hiare ac poscere
aliquid yidetur? Honc yestrl janitoreSy hune cu-
bîcularii diligunt; hune libertiyestri, hune seryî
anciUseque amant; hic quum yenit, extra ordinem
y'ocatur; hic solus introducitur : ceteri, ssepe fru-
galissîmi homines, eYrJiidnntur. Kx quo intelligi
potest, eos yobis esse carissimos, qui ita ' yixe-
runt, ut sine yestro prœsidio salyi esse non pos-
sint. Quid? hoc cuiquam ferendum putas esse,
nos ita yiyere in pecunia tenni, ut prorsus nihil
acquirere yelimus; ut dignitatem nostram , popu-
lique romani bénéficia, non copits, sed yirtute
tjAeamur : istnm, rébus omnibus undiqq^ ereptis,
impune eludentem circumfluere atque abundare ?
hi^us argento * dominia yestra , hujus signis et
tabulis forum eomitiuraque omari , pnesertim
quum yos yestro Marte his rébus omnibus abun-
* Ernest, malit Tixerint. — ' Sic, pi. mss, et Nonius,
IV, laS. Al., domus vestras, quam lecttoném e^ett, edd,
revocavit Gmvius.
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SEC. ACTION CQirrRE TERRES, IH. 17
obtiennent plus facilement votre amitié et celle des
antres nobles qjne la vertu et Tintégrité de chacnn de
nous? yous ne poaVez soofinr le mérite des hommes
nouveaux ; vous dédaignez leur régularité ; vous mé-
prisez leur sagesse ; vous voudriez éteindre leurs ta-
lents, étouffer leurs vertus. Tous aimez Terrés. Oui , je
le crois ; à défaut de vertu , d'activité, d'innocence , de
pudeur, de chasteté, vous aimez en lui les grâces de
l'entretien , la politesse, les connaissanees. Non, vous
n'oseriez le dire : tout , au contraire, offre dans Terres
le comble de l'opprobre et de l'infamie , joint à Texcès
de la grossièreté et de la sottise. Si quelque maison
s'ouvre pour recevoir un tel homme , ne paraît*«lle
pas s'ouvrir pour demander elle-même et pour rece-
voir? Tos portiers et vos valets chérissent Terres; il
est aimé de vos affranchis, adoré de vos esclaves.
AmVe-t-il, on l'annonce aussitôt; il est seul intro-
duit; les hommes les plus honnêtes sont exclus: d'on
l'on voit sans peine que vous chérissez principalement
ceux qui se sont livrés à de tels excès, qu'ils ne peu-
vent trouver leur sûreté que dans votre protection.
Enfin, lorsque, satisfaits d'uHé fortune médiocre,
nous ne cherchons pas à l'augmenter ; lorsque noitt
sontenoils notre rang et les bienfaits du peuple ro-
main par la vertu et non par l'opulence ; je vous le
demande, Hortensins, tfoufirlrons-nous que Terrés
brave impunément les lois; que, fier de l'immense
butin qu'il a fait chez tons les peuples, ce déprédateur
insulte à notre médiocrité ; que vos festins soient dé-
corés de ses vases d'argent , le ^mm et le comice , de
ses stataes et de ses tableaux , surtout quand vos pro-
pres talents né vous en laissent point manquer ? souf-
frirons-nous que ce soit Terres , un Terres, qui orne
de son butin vos maisons de plaisance ; qu'un Terres
dby Google
i8 m TEREEM ACT. II, LEB. HL
detis P Verrem esse, qui yestras villas suis manu-
biis omet? Verrem esse, qui cum L. Mummio
certet; ut plures hic sociorum «irbes , quam ille
kostium , spoliasse videatur ? plures hic solus villas
omamentis fanorum , quam ille fana spoliis hos-
tium ornasse ? Et is erît ob eam rem yobis carîor ,
ut ceteri libentius suo periculo yestris cupiditati-
bus seryiant ?
V. Verum h«c et dicentur alio loco, et dicta
sunt : nunc proficiscemur ad reliqua, sipauca ante
fuerimus a yobis , judices , deprecati. SuperÎOTe
Qmni oratione perattentos yestros animos habui-
mus : id fuit nobis gratum admodum. Sed multo
erit gratins, si reliqua voletis attendere : propterea
quod in hit omnibus, qu» antea dicta sunt, erat.
quœdam ex ipsa yarietate ac 'novitate rerum ac
criminum delectatio. Nunc tractare causam insti-
tuimus frumentariam ; quœ magnitudine injuriae
* être criminibus ceteris antecellit; jucunditatis in
agendo et yarietatis minus habebit. Vestra autem
auctoritate et prudentia dignissimum est, judices ,
in audiendi diligentia non minus religioni tri-
buere, quam yoluptati. In bac causa frumentaria
cognosceuda hsec yobis proponi^e, judices ^yos
de rébus fortunisque Siculorum omnium, de ci-
yium romanorum , qui arant in Sicilia, bonis, de
yectigalibus a majoribus tradiffes, de yita yictuqua
populi romani cognituros. Qu» si magna , atque
adeo maxima yobis yidentur ; quam varie et quam
copiose dicantur , exspectare nolite. Neminem ves-
■ Cod. MetéU., nobilitate. — ^Sic Gmterus e codd.
OUm fere, quod SchiUz restUmt. Emestio longuet.
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SEC. ACnON COimUB USURES, in. wg
U dispate k L. Mouuniiu, qull s*i^plMidi«e d*CTOv
dépoaillé plus de vittes alliées qae oe général n*a dé-
pouillé de villes ennemies, d'avoir seul orné plosdfl
maisons de campagne de la décoration des temples,
que Tantre n'a décoré de temples de la dépouille des
vaincus? Et voilà Thomme à qni vons ne montres tant
de prédilection , qae pour encoarager les antres à ser-
vir vos passions an prix de la haine pabliqne !
T. Mais je reviendrai ailleQrs* snr ces réflexions,
qu'il est temps de finir : je vais suivre le coiin de cette
plaidoirie, après vons avoir fait, Romains, nne prière.
Dana tout ce qui précède, vous m'aves écouté aveo^
bienveillance , et feu éprouve nne reconnaissance pro*
fonde ; mais elle sera plus vive enoore , si voua écoutes
ce qui reste avec la même attention. Jusqu'ici la diver-
^jsjfé. même et hi nouveauté des objets et des griefs pou-
vaient attacher les juges. Maintenant je vais discuter
les malversations de Verres dans l'administration des
blés, où ses crimes, plus grands et plus odieux que
dans tout autre genre, offriront moins d'intérêt et de
variété, n est bien digne , Romains, de votre gravité
et de votre sagesse d'être ici également attentiû , et de
donner plus, en nous écoutant , à votre religion qu'au
plaisir de nous entendre. Songez que, dans cette partie
delà cause , vous avez à prononcer snr les destinées de
tous les Siciliens, sur la fortune des citoyens romains
qui cultivent des terres dans la Sicile, sur les revenus
que nous ont laissés nos ancêtres , snr la vie et les sub-
sistantes du peuple Tomaîn. Si ces objets tous parais-
sent importants, et même des plus importants, ne
cherches point dans l'orateur un talent varié, une
* Dans les Discours suivants, où Cicéroa s'élève quel-
^efois contre la fierté et la tyrannie des nobles.
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ao IN VERREM ACT. ÏI, U6. IIL
trura praterit, judiceS) omnem utilitatem ôppor-
tunitatemqne proyinctse SicilisB, quse ad commoda
popaii romani adjuncta sit, consistere in re fru-
mentaria maxime : nam ceteris rébus adjuvamur
ex illa proyincia ; hac vero alimur ac sustinemur.
£a causa tripertita , judices , erit in accusatione.
Primum enim de decumano, deinde de emtodi-
cemus frumento , postremo de aestimato.
YI. Inter Siciliam , ceterasque proyincias , judi-
ces, in agrorum yectigalium ratione hoc interest,
quod ceteris aut impositum vectigal est certum ,
' quod stipendiarium dicitur , ut Hispanis et ple->
risque Pœnorum , quasi yictoriae prsemium , ac
pœna belU; aut censoria locatio constituta est, ut
Âsiœ , lege Sempronia. Siciliae ciyitates sic in ami->
citiam fidemque ' recepimus , ut eodem jure esseps^
quo fuissent; eadem conditione populo romano
parèrent , qua suis antea paraissent. Perpaucse Si-
ciliae ciyitates sunt bello a majoribus nostris sub-
actae : quarum ager quum esset publicus populî
romani factus, tamen illis est redditus : is ager a
censoribus locari solet. Fœderatœ ciyitates dusB
sunt , quarum decumao yenire non soleant , Ma-
mertina et Taurominitana- Quinque praeterea sine
fœdere immunes ciyitates ac libers, Centuripina,
Hâlesina, Segestana, Halicyensis, Panormitana.
Prœterea omnis ager Siciliae ciyitatum decumanus
est ; itemque , aute imperiiun popnli romani , ipso-
rum Siculorum yoluntate et institutis fuit. Yidete
nunc majorum sapientiam ; qui , quum Siciliam ,
' Garaton. Ubenter scriheret, qui stipendiarii dicantnr.
— ^ Cod. MeteU, habet accepimus.
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SEC. ACTION CONTRE YERRÈS, HI. ai
ëldqaence féconde. Nal de vons, Romains, n*îgnore
qne ce nant snrtont les blés qui fi>nt ponr nous de la
Sicile nne province si riche et si précieuse : dans le
reste, elle nous donlie d^ secoues; ici, elle nous
donne la nourriture et la yie.
Ce chef d'accusation sera divisé en trois parties. Nous
parlerons d'abord du blé dîmé, ensuite du blé acheté ^
enfin du blé estimé. * '
"VI. Entre la Sicile et les autres provinces, voici,
Romains, la différence dans le système des impôts.
Nous avons imposé sur les autres peuples, par exemple,
sur les Espagnols et la plupart des Carthaginoi», un
tribut fixe ^, une taxe qui est comme le p^rix de nos
victoires et le châtiment de leur résbtance; ou bien,^
ce qui se voit en Asie , on a établi que les censeurs
«STermeraient les terres d'après là loi Sempronia. En
recevant les villes d^ la Sicile dans notre amitié et sous
notre protection, ttbns avons stipnlé qu'elles seraient
gouvernées par leurs anrij>nnes lois , qu'elles obéiraient
au peuple romain sons les mêmes conditions qu'elles
avaient obéi à leurs princes. Très peu * de ces villes
ont été conquises par nos ancêtres; leur territoire, -
devenu la propriété du peuple romain , mais qu'on
leur a rendu, est afibrmé par les censeurs. Il est deux
viUes fédérées , dont les dîmes ne s'afferment pas. Mes-
sine etTaurominium ^. Cinq , sans être fédérées, sont
franches et libres , Centorbe , Halèse , Ségeste , Hali-
cye, Palerme. Tous les autres territoires des villes de
Sicile sont sujets aux dîmes, comme il l'étaient, avant
notre domination , par le voen et les lois des Sîciliena
eux-mêmes. "Voyez maintenant la sagesse de nos an-
cêtres : après avoir réuni à la république la Sicile ,
•omme un utile secours dans la guerre et dans la,paix ,
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aa IN YERREM A.CT. H, LIB. III.
tftm opportunum subsidium belli atque pacis, ad
rempublicam adjuDxissent , tanta cura Siculos tueri
et retinere yoluerunty^ut non modo eomm agris
vectigal novum nullum impoaerent, sed ne legem
quidem vénditionis decumarum , neve * vendundi
aut tempns aut locum commutarent ; ut certo tem-
pore anniy ut ibidem, in Sicilia, denique utlege
éiieronîca yenderent : yoluerunt eos in suis rébus
ipsos interesse ; eorumque animos, non modo lege
noya , sed ne nomîne quidem legis noyo commo-
yeri. Ita decumas lege Hieronica semper yendun-
das censuenint, ut îis jucundior esset muneris
iUius functio, si ejus régis, qui Siculis carissimus
'fuit, non solum Instituta, commutato imperio»
yerum etiam nomen maneret. Hoc jure ante Ver-
rem prœtorem Siculi semper usi sunt : hic primus
instituta omnium, consuetudinem a majoribus tra-
ditam, conditionem amicitise , j«i^ soctetatis, con-
yellere et commutare ausus est.
VU. Qua in re primum illud reprehendo et ac-
cusot cur in re tam yeteri, tam usitata , quidquam
noyi feceris. Ingenio aliquid assecutua es? tôt ho-
mines sapientissimos et clarissinfbs , qui illam pro«
yinciam ante te tenuerunt, prudentîa consilioque
yicisti ? Est tuum , est ingenii diligentiseque tu».
Do boc tibi et concedo : scio, te Rom», quum
praetor esses , edicto tuo possessiones bereditatum
^a suis ad alienos, a primis beredibus ad secun-
dos , a legibus ad iibidinem tuam transtulisse : scio,
' Sie Gruterus e eodd. Fabr, et Metell. Olbn yendniidis.
Idem in eorumque adjecù encliticam , jussus ab iisdem
eodiciBus» — * Ernest, malil fuisset. — ' A liberis ad a.
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SEC ACTION CONTRE VERRES, in. a3
jaloux de ménager les Silîciens , ils ont en Tattention ,
non seulement de ne mettre sor les terres aocnne im-
position noOTelle , mais même de ne donner ancone
atteinte à la loi de radjadiration des dîmes , de ne
changer ni le temps, ni le liea ; ils ont Tonln qn*on les
affermât dans'on certain temps de l'année, sor les
Ueoz mêmes , dans la Sicile , enfin d'après la loi dHié*
ron ^ ; que les Siciliens passent présider eax-mêmes à
lenn afiaires, ipi'iU ne fussent pas effaronchés par
nne loi nouvelle , ni même par ane loi qui portât on
nouveau nom. La loi d'Hiéron a été conservée , afin
que les Siciliens s'acquittassent plus volontiers de
leur taxe» en voyant subsister, sous notre empire,
les établissements et même le nom d'au roi qui leur
fut cher. Les SidL'ens avaient toujours joui de ce pri-
vilège avant la prétnre de Terres : Terrés , le premier ,
sans respect pour l'usage adopté, pour les coutumes
transmises par nos ancêtres , pour les conditions de
notre amitié avec les Siciliens et les clauses de leur
allianoe avec nous, a osé fouler anx pieds tous les
droits.
"VIL. Ici, Terrés, je vous blâme d'abord, et je vous
accuse d'avoir donné atteinte à des usages d'une anti-
quité si respectab^. Avex-vons fait quelque décou-
verte par l'efïbrt de votre génie? surpasses-vous en
lumières et en iutellîgence tous ces hommes illustres
et sages, qui, avant vous , ont gouverné la province?
- Soit, je reconnais ici votre pénétration et vos talents.
Je veux bien faire honneur à votre génie de cette
révolution. A Rome , je le sais, lorsque vous étiez pré-
teur ' , votre édît a transporté les successions des en-
&nts aux étrangers ; des héritiers directs anx colla-
téianx; des héritiers institua par les lob, k ceux que
désignait votre caprice : vous aves, je le sais , réformé
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a4 IN TERREM ACT. H, LIB. IIL
te edicta snperiorum omnium correxisse, et posses-
siones hereditatum non secundum eos , qui pro-
ferrent , sed secundum eos , qui dicerent testamea*
tum factum , dédisse ; easque res noyas abs te pro-
latas et intentas magno tibi qusestui fuisse scio :
eumdemque te memini censorias quoque leges.in
aartistectis exîgendis tollere et commntare : ne is
redimeret , cuja res esset ; ne pupillo tutores pro-
pinquique consulerent , quo minus fortunis omni-
bus eyerteretup; exîgtiam diem preefinire operi,
' quo ceteros ab negotio excluderes, ipse in tuo
redemtore nullam certam diem observares. Quaia-
obrem novam legem te in decurois statuisse non
miror, bominem in edictis prstoriis, in censorils
legibus tam prudentem , tam exercitatum ; non ,
inquam, miror, te aliquid excogitasse : sed, quod
tua sponte, injussu populi, sine senatus auctori-
tate, jura proyincise Siciliae mutaris, id repre-
heudo, id accuso.
L. Octayio et G. Cottse consulibus senatus per-
misit, ut yini etolei decumas, et frugum minuta-
rum,quas ante te qusestores in Sicilia yendere con-
suessent , Romae yenderent , legemque bis rébus ,
' quam ipsis yideretur , edicerent. Quum locatio
fieret, publicani postularunt, quasdam res ut ad
legem adderent, neque tamen a censoriis ceterig
legibus recédèrent. Contra dixit is , qui casu tum
Romse fuit , tuujs bospes , Verres , hospes , inquam,
et familiaris tuus , Stbeniushic Tbermitanus. Con-
■ Qna. — ' Qu». Grœv. et Ernest, revocarunt quam ex
antiq. edd. Hahent quoque du9 mss. e nostris regiù.
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SEC. ACTION CONTRE TEAAÈS, m. îi5
Ita ^ts de yo» prédéoeaseun , adjuge les sacceMÎoiu,
non à oenx qui prodaÎMÎent des testaments , mais à
ceux qni en supposaient ; et ces nonyelles règles de
yotre invention vons ont été d*nn grand profit : je me
le rappelle encore, voos changiez et abolissiez les lois
des censeurs pour Tentretien des édifices pablics ; sons
votre prétnre , un particulier , quoique son bien y fut
intéressé , ne pouvait se faire donner xine entreprise ;
les tuteurs et les proches ne pouvaient empêcher la
ruine d*nn pnpille ; vous aviez soin de prescrire im
terme fort court pour nn ouvrage, afin d^en écarter
les autres , Undb que vous ne marquiez aucun terme
à vos entrepreneurs. Ainsi, je ne sub pas étonné
qu'nn homme aussi éclairé et aussi habile que vons
dans les édits des préteurs, dans les lois des censeurs ,
ait établi une |oi nouvelle ponr les dîmes : non, je' ne
suis pas étonné des inventions li^ votre génie ; mais
que, de votre propre mouvement, sans Tordre du
peuple , sans Tautorité du sénat , vous ayez changé les
lois de la Sicile, c'est en quoi je vons blâme, c'est de
quoi je vous accuse.
Antorisés par le sénat, les consuls ' L. Octavins et
C. Gotta avaient affermé à Rome les dîmes de vin ,
d'huile et de mennes récoltes que les questeurs , avant
vous, affermaient en Sicile; et à ce sujet ils avaient
porté la loi qu'ils jugeaient convenable. Lorsqu'on re-
nouvelait le bail , les fermiers publics demandèrent
qu'on ajoutât quelque chose à la loi , et que cependant
on ne s'écartât point des autres lob des censeurs.
Cette demande fut contredite par quelqu'un qui se
trouvait alors à Rome, par votre hôte , Terres , oui ,
par votre hôte et votre ami , Sthénins de Thermes *,
* Voy, le Discours qui précède, chap. 34, et la cin-
qaième Ferrine , chap. 4^.
VIII. 3
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a6 IN TERREM ACT. n, LIB. m.
suies causam cognoverunt : ^um yiros prîmarios
atque amplisshnos ciyitatis multos in con»ilium ad-
yocassenty de'consilii sententia pronuntianinty se
lege Hieronica yendituros.
YIII. Itane yero? prudentissimi yin, summa
auctorîtate prœditi , quibus senatus legum dîcenr-
darum m locandis yectigalibus oinnem potestatem
permiserat , populusque romanus idem jussérat ,
Siculo uno récusante , cum ampli£catione vectiga-
linm , nomen Hieronicœ legîs mutare noluerunt :
tu, homo minimi consilii, nuUius auctoritatîs,
injussu popuH ac senatus, tota Sicilia récusante,
cum maximo detrimento atque adeo exitio yecti»
galium, totam Hieronicam legem sustulisti.
Atquamlegemcorrigit, judices, atque adeo totam
toUit? acutissime ac diligentissime scrîptam; quae
omnibus custodiis subjectum aratorem decumano
tradit, ut neque in segetibus, neque in areis, ne-
que in borreis, neque in amoyendo, neque in
asportando frumento , grano uno ' possit arator
sine maxima pœna fraudare decumanum. Scripta
lex ita diligenter est, ut eum scripsisse appareat,
qui alia yectigaiia non baberet; ita acute, ut Sicu-
lum; ita severe, ut tjrannum; qua lege Siculis
tamen arare expediret : ns^m ita diligenter consti-
tuta sunt jura decumano , ut tamen ab inyito ara*
tore plus decuma non possit auferri.
Quum bsBc essent ita constituta. Verres tôt an-
* Posset.
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SEC. ACTION CONTRE TEftBÈS, DI. 17
ici présent. Les consaU exafliinère&t U diose. Ayant
appelé , pour la délibération, pkisiears dtoyaas dis-
tingaés et illustres, ik prononcèrent , de Tavis da con-
seil, qa'on a£fennerait diaprés la loi d'Hiérun.
VUI. Comment ! dat hommes qni avaient de grandes
lomières et-nne autorité imposante, â qni le sénat
avait accordé tont pouvoir de porter des lois pour af-
fermer les impôts, à qni le peuple romain avait con-
firmé ce pouvoir, de tels hommes ont déféré k la ré-
clamation d^un seul Sicilien; ilsn*ont pas voulu, m^me
pour augmenter les impôts , changer le nom de la loi
d'Hiéron : et vous , homme de fort peu d'intelligence
et de nuQe autoiité, vous vous êtes permis, malgré
les récla^iâtions de tonte la Sicile , au grand détriment
et même à la mine des impôts publics, vous vous êtes
permis, sans aucun ordre dn sénat et du peuple,
d'anéantir la loi dHiéron !
Mais quelle loi, Romains , a-t-il réformée , ou plutôt
anéantie? la meilleure et la plus sage loi, qni, par
tontes les précautions imaginables, livre et soumet au
décîmateur PagncnltetAr vciIIa de « près, qu'il ue peut ,
sans s'exposer à la plus rigoureuse peine, frustrer
d'un seul grain le décimateitr , ni lorsque les blés sont
sur pied , ni lorsqu'ils sont dans le grenier ou dans
^'aire , ni lorsqu'on les transporte dans un Ueu voisin
ou dans un endroit éloigné. La loi est faite avec toute
l'attention d?un homme qui n'avait pas d'autre revenu,
avec tonte l'habileté, d'un Sicilien , avec toute la sévé-
rité d'un maître absolu. D'après ceUe loi cependant ,
il est avantageux en Sicile de s'oocqper d'agriaaltwpe,
parce que les droits du décîmateur sont si bien réglés,
qu'il ne peut jan^ais forcer le cultivateur de lui payer
plus que la dîme.
Malgré la sagesse de cette institution, il s'est trouvé
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«8 m -VEAMM ACT. H, UB. HI.
nis atque adeo sœculis inyentus est y qui k«e non
commatarety sed eyertéret; eaque,' qa» janidiu
ad salutem socionim, utilitatemque reipublicae
composita comparataque essent, ad suos impro-
bissimos quiaestus converteret : qui primum certos
instituerit nomine decumanos, re vera ministro»
ac satellites cupiditatum suarum. Per quos osten-
dam sic proyinciam per triennium vexatam atque
vastatam , judices ^ ut eam multis annis multorum
iimocentia sapientiaque recreare nequeamus.
IX. Eorum omnium, qui decumani yocabantur,
princeps erat Q. iile Âpronins, quem yidetis : de
€ujus improbitate singulari, grayissimarum lega-
tionumi querimonia, audistîs. Adspicite, judices,
yultum hominis et ' adspectum; et ex ea contuma-
cia, quam hic in perditis rébus retinet, illos ' ejus
spiritus Sicilienses quos fuisse putetis , cogitate ac
recordamini. Hic est Apronius, quem in proyincia
tota V(>rres , quum undique nequissimos homines
conquisisset , et quum ipse secum sui similesduxis-
set non parum multos , nequitia , luxuria , audacia ,
sui simillimum judicayit. Itaque istos inter se per-
breyi tempore, non res, non ratio, non commen-
datio aliqua , sed studiomm turpitudo similitudo-
que conjunxit. Yerris mores improbos impurosqué
nostis : fingite yobis, si potestis, aliquem, qui in
omnibus istis rébus par ad omnium flagitiorum
uefarias libidinesesse possit : is erit Apronius iUe;
qui , ut ipse non solum yita , sed etiam corpore
atque ore significat, immensa aliqua yorago est
■ Herelius malit adsessitm. — * Sic omnis édita script
taque lectio, Lambinus , iÙos etiajn sp.
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SEC. ACTION COîfrRE I^ERRÈS, IH. ag
xm homme qni^ après tant d'aimée» , que dis-je? après
pins d'un siède , a entrepris de la changer, de la dé-
tmire : om , Terres est le senl qoi ait converti en un
profit criminel des règlements sages , favorables pour
les alliés, utiles pour la république; qui aiti^||al»li,
sons le faux titre de dédmateurs , des ministres et des
satellites de son odieuse cupidité. Je vous les mon-
trerai , Romains , vexant et ravageant si bien la pro-
vince pendant trois ans, que nos gouverneurs les plus
intègres et les plus habiles pourront à peine , après
un long intervalle , réparer tant de malheurs.
IX. Le chef de tous ces hommes qu'on appdUit déci-
mateurs , était ce Q. Apronius que vous voyez, dont la
perversité sans exemple vous est certifiée parle témoi-
gnage des députés les plus dignes de foi. Remarquez , *
je vous prie, l'air du personnage et sa figure ; et par
là fierté qu'il garde encore dans une situation déses-
pérée, essayez de vous repré9e:nter à vous-mêmes et
de vous figurer quelle a dû être son arrogance lorsqu'il
régnait en Sicile. C'est cet Apronius que Terres, qui ,
dans toute la province , avait ramassé de toutes parts
avec tant de soin les hommes les plosIÉricux , et qui
a?ait emmené avec lui une n grande ronle de ses pa-
reils, a regardé comme un autre lui-même, comme
nneparfidte image de ses vioes, de sa débauf^, de
son audace. Aussi, en fort peu de temps, fhrent-ila
étroitement liés; et ce ne fat ni l'intérêt , ni la raison ,
ni qmiLqne recommandation particulière, mais la même
dépravation qui les nuit. Tons connaissez les moeurs
perverses et déréglées de Terres : imaginez-vous , si
vous le pouvez, nn homme qui l'égale en infamies,
en dissolutions ; vous aurez alors une idée d' Apronius,
qoi, comme on en peut juger, non seulement par sa .
conduite, mais par sa taille 9 et tout son extéiieor.
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3o IN mSRAEM AOT. II, LIB. UI.
' ac gurges vitiorum turpitudinumque omnium.
Hune in omnibus stupris« hune in fanoram exfû-
lationibus , hune in in^uris conviviis prineipem
adhibebat; tantamque hàbebat morum similitudo
conjdtctionem atque concordiam, ut Apronias,
qui aliis inhumanus ac barbarus , isti uni commo-
dus ac disertus videretur; ut, quem omnes pdis-
sent , neque videre vellent , sine eo iste esse non
posset;'ut, quum alii-ne conviviis quidem iisdem,
quibus Aproniusy hic iisdem etiam poculis utere-
tur; postremo , ut odor Apronii teterrimus oris et
corporis, quem, ut aiunt, ne bestiae quidem ferre
possenty uni isti suavis et jucundus videretur.
liie erat in tribunali proximus ; in cubiculo ^ so-
cius ; in convivio dominus ; ac tum maxime, quum,
accubante praetextato prstoris filio, in convivio
saltwe nudus cœperat.
X. Hune , uti dicere institui , prineipem Verres
ad fortunas9fl|orum yexandas diripiendasque esse
voluit : huju?t[udacîsB, nequitiœ, crudelitati , fide-
lissimos socios^ optimosque cives, scitote, hoc
prsBtore traditos , judices , atque addictos fuisse ,
novis institutis et edictis; tota Hieronica lege,
qnemadmodum antea dixi, rejecta et repudiata.^
Primum^ edictum, judices, audite pvcclaram :
' Al. aut; sed habet ac ^etus liber Vrsim/ idque recte
plttcuit Mureto et Grœvio. — * Soins. Quam ntocem Beck
e n^ett. fidd,'restituit. Ipse Ubens fecerim, collato in/ra
cap. a3.
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SEC. ACTION CONTRE TERMES, m. 3i
est on gouffre immeiise , vm vaste abîme , oà vieiànciit
se rassemliler tons les . opprobres et tons les vices.
Verres l'employait en cbef dans tous ses adaltères,
dans les pillages des temples , dans ses fêtes impures.
La ressemblance des mœnrs les avait rapprochés, les
avait nnis au point que cet Apronius qu'on trouvait
généralement grossier et rustique , Terrés seul le trou-
yut agréable et disert ; que celui-là même que toat le
monde abhorrait, qu'on ne voulait pas voir, Terrés
ne pouvait s'en passer ; qu'un homme avec lequel on
évitait de se rencontrer à la même table , buvait dans
la même coupe que Terrés; qu'enfin Vodenr infecte
qu'exhalait sa bouche et son corps, et que les bétes
même, comme on dit, ne pourraient souf&ir, parais-
sait à Terrés le parfVun le plus doux. Apronios se
trouvait à ses côtés au tribunal;' Apronius était sans
cesse dans sa chambre ; il fusait les honneun de ses
repas, et surtout de ces honteux festins on, aans res-
pect pour le jeune fils "^ du préteur, il se mettait à
danser nu devant ses yeux.
X. C'est là l'homme que Terrés , comme je le disais ,
a nommé en chef pour tourmenter ejt dépouillai! les
malheureux agriculteurs. Oui , Romains, sachez que ,
sons sa préture, de fidèles alliés et d'excellents cf-
toyens ont été livrés et abandonnés * à la perversité , à
Taudace , à la cruauté d'un Apronius , par des dispo-
sition» et des ordonnances nouvelles , au mépris de la
loi dlliéron , de cette loi que Terrés , je le répète, a
rqetée et réprouvée tout entière.
écoutes d'abord, Romains, «on admirable ordon-
nance : Le culnvcaeur donnera au décimateur tout ce
* Addictos, on comialt l'énergie de ce mot. «Qnum
jndicatum non faceret , addictas Hermippo , et ab hoc
dnctus est. » Pro Flacco, c. ao.
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3a m VERREM ACT. II, LIB. m.
«Quantum decumanus edidisset aratorem sibi de-
« cumse dare oportere , ut tantum arator decumano
« dare cogeretur. » Quombdo ? quantum poposce-
rît Apronîus , dato. ' Quid est hoc? utrum praetoris
înstitutum in socios, an în hostes yîctos insanî
edictum atque imperium tyranni? Ego ^tantum-
dem , quantum ille poposcerit? poscet omne , quan-
tum exarayero. Quid omne? imo plus etiam, in-
quit , si yolet. Quid tum? Quid censés? aut dabis,
aut contra edictum fecisse damnabere. Per deos
immortales ! quid est hoc ? yerisimile enim non est.
Sic mihi persuadeo, judices : tametsi omnia in
istum hominem conyenire putetis, tamen hoc yo-
hiM falsum yideri. Ego enim',.quum hoc tota Sicilia
diceret, tamen affirmare non Quderem, si hsBC
edicta non ex ipsius tabulis totidem i^rbis reci-
tare pos9em; sicuti faciam. Da, quiBso^ scribse :
recitet ex codice. Recita edictum de professione.
Edictum de pbofessione. Negat me recitare to-
1 tum r nam id significare nutu yidetur. Quid prae-
tereor an illud , ubi cayes tamen Siculis , et mi-
seros respicis aratores ? Edicis enim , te in decu-
manum , ^ si plura sustulerit , quam debitum sit ,
in octuplum judicium daturum esse. Nihil mihi
placet prstermitti. Recita hoc quoque, quod pos-
tulat; totum recita. Edictum de luuicio m ootu^
PLUM. Judicio ut arator decumanum persequatur?
Mîserum atque miquum, ex agro homines traduci
' Rescripsit Beck , teste ms. j Quid , quid est hoc ? —
' uil. tantum dem,, quod probat ffotomann. Sed Êmest,
nferetur ne dem sit a glossa, ideoque deUndum. — ^Beck
maluit scribere e cod. Urs., si plus sustulerit; quodjam
Ernest, suaserat.
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SEC. ACTION CONTRE TEBilÈS, IH. 33
que cdui-ci aura déclaré lui être dâ. Comment ! il faat
donner tout oe qa'Apronios demandera? Qnoi donc !
est-ce là le règlement d'an jeteur ponr de» alliés, on
redît despotique d*nn tyran inaenaé pour des ennenùs
iraincDs? Je donnerai tont ce qa*il demandera! Mais
il demandera tout oe cpie j'aurai cnltivé. Tout? même
pins , s'il le vent. Qu'importe ? ou vous donnerez , on
vous serez condamné comme ayant enfreint l'ordon-
nance. Dieux immortels ! quelle oppression ! la chose
n'est pas vraisemblable. Tout persuadés que vous êtes,
Komain», qu'il n'est rien dont 'Verres ne soit capable »
je m'imagine que ce fait vous parait faux. Quand tonte
la Sidle en déposerait, je n'oserais moi-même l'affir-
mer , ai je n'en trouvais la preuve dans les édits mêmes
tirés de ses registres; les voici. Remettez % je vous
prie, ta pièce an greffier: qu'il' lise d'après le registre
même. lise» redit sur la déclaration dés terres mises
enlaJbonr. ÉniT sur la DécLAKATioir. Terres se plaint
qu'on ne lit pas tont : il semble du moins me le faire
entendre. Qn'avons-nons passé? est-œ l'artide on vous
avez l'air de songer aux Siciliens , et de jeter un re-
gard de pitié snr les maUienreax agriculteurs? Vous
dites, en effet, que si le décimateur prend au-delà
de ce qui lui est dû,, vous permettrez de le poursuivre
pour lui faire payer buit fois la somme perçue au-delà
de ses droits. Je ne veux rien passer. Lisez Tartide ,
lisez-le tont entier. Édit sur lb droit db réclakbr
Hurr rois la somkb. Le cultivateur opprimé pour-
suivra donc le décimateur ? Il est triste , il est injuste
que des laboureurs soient transportés de leurs cam-
pagnes an barreau^ de la cbarrae au tribunal, de
* Remettez,,., C'est à son seerétaire que Cicéron adresse
la parole.
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34 IN YBR&EM ACT. n, LIB. HI.
ia forum , ab aratro ad subsellia , ab ucu rerum
rusticarum ad insalitam litem atque judicium. «
Xly. Quum omnibus in aliU yectigalibus, Asis,
Macedoni», Hispani», GalliaB, A&ic», Sardiniae,
ipsius Itali» , ' qna vectigalia sunt; quum in his,
inquam , rébus omnibus publicanus petitor ac pig-
nerator , non ereptor n«que possessor soleat esse :
tu de optimo , de justissimo , de honestissimo ge*
nere hominum, hoc est, de aratoribus, ea jura
constituebas , quae omnibus aliis essent' contraria.
Utrum est aequius , decumanum petere , an aratv-
rem repetere? judicium intégra re, an perdita,
fieri ? eum , qui manu quesierit , an éum , qui di-
gito licitus sît, possidere? Quid? qui in singulis
jugis arant, qui ab opère ipsi non recedunt, quo
in numéro magnus ante te praetoi^m numerus,
magna multitudo Siculorum fuît : quid faoknt?
quum dederiçt Apronîo , quod poposoerit, relin-
quent arationes ? relinquent Larem familiarem
suum? venient Syracusas, ut, te praetore vide-
licet, aeqfto 'jure Apronium, doHcias ac vitam
tuam , judiciô recuperatorio persequantur ? Verum
esto : reperietur alîquis fortis et experiens arator^
qui, quum tantum dederit decumano, quantum
iUe deberi dîxerit, judicio répétât, et poenam oc-
tupli persequatur. Exspecto vim edicti , seyerita-
tem prœtoris ; faveo aratori, cupio octupli damnari
Apronium. Quid tandem postulat arator? nihil,
nisi ex edicto judicium in octuplum. Quid Apro-
' Sequimur emendationem Hotomanni. Fulg- qa«< Tria
hœe oferba Ernest, uncis inclusU; Schûtz deletdt, — ' Er-
nest, malit jure abesse.
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f
SEG. ACTION CONTRE TERRES, IH. 35
leurs tt-avaax tnstiqaes à ces plaidoiries, à ces discns*
sions qt^Os ne conndisaeiit. pas.
XI. Quoi ! dans tontes 4es antres imposîttons de
r Asie , de k Macédoine , de PEspagne , de la Ganle ,
de rAiiiqae, de la Saidaigne, de la partie de ITtalie
qui y est sujette ; dans tontes ces impositions , dis-je ,
le fermier public n'a droit que dé faire des demandes
et de prendre des gages , non d'enlever ni de saisir les
récoltes; et vous, Yerrès, vous établissiez pour la
classe d'hommes la plus utile , la plus vertueuse , la
plus honnête , je veux dire pour les agriculteurs , une
jurisprudence contraire à toute jurisprudence! Eh!
lequel est plus juste que le décimateur demande ou
que le cultivateur redemande? que le cultivateur soit
jugé quand il possède encore son bien, . ou quand il
l'a perdu? que celui qui a amassé par ses travaux soit
en possession , on celui qui a acquis par la simple en-
chère " ? Et ceux qui ne labourent qu'un arpent , qui
le labourent eux-mêmes (tels étaient, avant votre
préture , un grand^ nombre de Siciliens) , que feront-
ils? Quand ils auront donné à Apronius ce qu'Q aura
demandé , quitteront-ils leur labour? abandonneront-
ils leurs pénates? se transporteront-ils à Syracuse? et
là , dans nn jugement par commissaires , devant vous
préteur, sans donte à partie égale, poursuivront-ils
Apronius , yo9 dâices , l'objet de vos tendresses? Mais
soit; il se trouvera nn agriculteur, courageux et
habile, qui, après avoir donné au décimateur tout ce
qu'il aura demandé, le poursuivra en justice, et lui
intentera procès aux termes de l'édtt. J'attends l'efTet
des lois, la sévérité du préteur; je m'intéresse pour
l'agriculteur, je souhaite qn' Apronius soit condamné.
Que demande l'agriculteur ? rien que de pouvoir
poursuivre aux termes de Tédit. Et Apronius ? il ne
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36 IN VERKÉM ACT. H, LIB. in. ,
nias? non récusât. Quid prsetor? jubet recapera-
tores rejicere. Decurias scribamus. Quas decurias ?
de cohorte mea 'rejicies, inquit. Quid? ista co-
hors quorum hominum est? Volusii aruspicis, et
Cornelii medici , et horum canum , quoa tribuna,!
meum yides lambere. Nam de conyentu nullom
unqnam judicem , nec recuperatorem dédit : ini-
quos decumanis esse aiebat omnes, qui ullam agri
glçbam possiderent. Veniendum erat ad eos con-
tra Apronîum , qui nondum etiam Aproniani con-
yivii crapulam exhalassent.
XII. O praeclarum et commemorandtlm judi-
ciam! o seyerum edictnm! o tutum perfugium
aratorum !
Atque , ut intelligatis , cujusmodi ista jndicia in
octuplum f cujusmodi istius de cohorte récupéra'^
tores existimati sint, sic attendite. Ecquem putatis
decumanum, hac licentia permissa, ut tantum ab
aratore , quantum poposcisset , auferret , plus ,
quam deberetur , poposcisse ? Gonsiderate cum
yestris animis yosmet ipsi, ecquem putetis, prae-
sertim quum id non solum ^ayaritia, sed etiam
itnprudentia accidere potuerit : mnltos necesse est.
At ego omnes dico plus, ac multo plus, quam de-
cumas, abstnlisse. Cedo mihi unum ex triennio
praeturse tu», qui octupli damnatus sit : damna-
tus? imo yero, in quem judicium ex edicto tuo
postulatum sit. Nemo erat yidettcet aratorum , qui
injuriam sibi factam queri posset : nemo decuma-
' Gnev» et Ernest, juhent haitc ^ocent delere : Schutz
contradlcit. Recte. DeijardUns optime rem expUeat. —
^ Sinearar., s. e. sine impudentia. Nostrwn Gnev,emss.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, m. 3,
teFase pas d'être jugé. Et le prétenr? U ordonne de
choisir des commissaire» '*. Écrivons les classes dans
lesquelles on choisira. — Qa'appelez-yons classes?
"Vons prendrez , dit-il-, des hommes de ma snîte. Et
de qnels hommes est composée votre snite? De Fams-
pice Toinsias, du médecin Cornélius, et de toute cette
mente affamée qui entoure mon tribunal. Terres, ea
effet, ne tira jamais un seul juge, un seul commissaire
da nombre des citoyens romains. Quiconque, disait-il
possède un pouce de terre, est ennemi des décima-
tears. Il fallait donc plaider contre Apronius devant
des hommes tout échauffés encore du vin de la table
d*Apronins.
XII. Quel admirable et quel incorruptible tribunal !
quel édit sévère ! quel excellent refage pour les cul-
tivateurs /
Et afin que vous compreniez quelles étaient ces
poursuites autorisées par l'édit, et quelle estime on
faisait de ces juges tirés de la suite de Terres , écoutez
Romains. Ne s'est-Q pas trouvé , croyez-vous , quelque
décimatenr qui, avec la liberté de faire donner à,
l'agriculteur tout ce qu'il lui demandait , ait demandé "
au-delà de ce qui lui était du ? Toyez , examinez ; ne
s'en est-il pas rencontré quelqu'un, surtout lorsqu'il
aundt pu outre-passec ses droits , non par cupidité ,
juais par mégarde ? Il s'en est trouvé nécessairement
un grand nombre. Je dis , moi, que tous ont pris au-
delà et bien au-delà des dîmes. Or, Terres, dans les
trois années de votre préture , montrez-m'en un seul '
qui ait été condamné à rendre huit fois la somme ;
quedis-je.*^ qui ait été poursuivi II n'y avait, appa-
remment , aucun agriculteur qui put se plaindi-e qu'on
lui eût fait une injustice ; il n'y avait aucun décima-
tear qui eût demandé un grain' au-delà d« ce qtd lui
VITI. 4
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38 m YERREM ACT. H, UB. m.
nonim, qui grano amplius sibi , quam deberetur,
deberi professus esset. Imo yero contra , rapiebat
et asportabat , quantum a quoque volebat , Apro-
nius; omnibus autem locis aratores spoliati ac
yexati querebantur : neque tamen ullnm judiciùm
reperietur. Quid est hoc? tôt TÎri fortes, honesti,
gratiosî , tôt Siculi , tôt équités romani , ab uno
homine nequissimo ac turpissimo lassi, pœnam
octupliy sine ulla dubitatîone comràissam, non
persequebantur? qu» causa? qu» ratio est? Una
illa , judices , quam videtis : qupd ultro etiam illu-,
SOS se et irrisos ab judicio discessuros videbant.
Etenim quod esset judiciùm , quum e Verris tur-
pissimo flagitiosissimoque comitatu très recupera-
torum nomine assedissent, asseclœ istius, • non a
pâtre ei traditi , sed a meretricula commendati ?
Ageret videlicet causam arator : nihil sibi frumenti
ab Apronio relictum, bona sua etiam direpta, se
pulsatum yerberatumque diceret. Conferrent viri
boni capita : de comissatione loquerenturinter se,
ac de mulierculis , si quas a praetore abeuntes pos-
sent deprehendere. Res agi yideretur. Siirrexisset
Apronius, nova dignitas publicani, non ut decu-
manus, squalorifi plenus ac pulyeris; sed unguen-
tis oblitus, vino vigiliisquc languidus : omnia
primo motu ac spiritu suo, vini, unguenti, cor-
poris odore complesset. Dixisset hœc, qu» vulgo
dicere solebat, non se decumas émisse, sed bona
fortunasque aratorum; non se decumanum esse
Apronium, sed Verrem alterum, dominum illo-
» Cod, Franc. , non a populo romano ei traditi ; quod
verum Gravio ^idetur.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, HI. 3q
était dû. Mais Apronlas , an contraire , prenait et en-
levait à cbacon tont ce qa*il voulait; tont retentissait
des plaintes des cultivateurs vexés et dépouillés : et
cependant on ne trouvera pas une seule poursuite.
Quoi donc ! tant d'hommes cfuiNnraient de la fermeté,
du crédit et de la considération , tant de Siciliens, tant
de chevaliers romains , lésés par un seul homme, aussi
vil, aussi déshonoré, ne le poursuivaient pas pour
lui faire subir la peine qu'il avait publiquement en-
courue? Quelle en pouvait être la raison? ceùt que
tout le monde aperçoit. Se présenter au tribunal,
c'était, lis n'en doutaient pas, aller chercher du mé-
pris et des insultes. Quel tribunal , en effet , que celui
où auraient siégé , avec le titre de jnge&rcommîssaires,
trois hommes tirés de l'infâme cohorte de Terres , ses
compagnons odieux, qui ne lui avaient pas été don-
nés par son père , mab recommandés par une vile
courtisane ! Supposes qu'un agriculteur plaide sa
cause, et dise qu'Apronîus ne lui a point laissé de
blé , que ses biens même oat été pillés , qu'il a été
frappé et battu. Nos honnêtes juges s'approchent
comme pour délibérer sur ses plaintes ; mais ils ne
parlent entre eux que d'une partie de débauche , que
des femmes sortant des bras de Terrés ,, dont ils pour-
raient s'emparer. Fier de sa dignité nouvelle de fer-
mier public , ^pronios se lève , non oomme un déci*
mateor tout couvert de poussière , mais parfumé d'es-
sences, avec cet > air de langueur que donnent la
débauche et les veilles : à son premier mouvement ,
de son premier soufBe , il remplit l'assemblée d'exha-
laisons vineuses et de l'odeur de ses parfums. Il répète
ses discours ordinaires , qu'il ne s'est pas fait ' adjuger
les dîmes, mais les biens et les fortunes des cultiva-
teurs ; qu'il n'est pas le décimatenr Apronins , mais un
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/
iio IN TERREM ÀCT. H, LIB. III.
rum ac tyrannum. Quae quum dixisset, illi vin
optimi de cohorte istius recuperatorcs , non de
absolvendo Apronio délibérèrent, sed quœrerenty
ecquo modo petitorem ipsum Apronio condemnare
possent. •
XIII. Hanc tu licentiam diripiendorum arato-
rum quum decumanis , hoc est , «Apronio permisis-
ses, ut, quantum vellet , posceret ; quantum popos-
cisset , auferret : hoc tibi defensionis ad judicium
tuum comparahas, habuisse te edictum, recupe-
ratores daturum in œtnplum? Si mehercnle ex
omni copra conventus Syracusani , splendidissimo-
rum honestissimorumque hominum, facéres po-
testatem aratori, non modo rejiciiîndi, sed etîam
snmendi recuperatores : tamen hoc noyum genus
injurisB ferre nemo posset, ' te, quum tuos omnes*
fructus publicano tradidisses , et rem de maii^iuk
amisisses, tum bona tua repetere, acpersequi lite
atque judicio. Quum vero verbo judicium sit in
edicto, re quidem vera tuorum conïitum, homi-
num nequissimorum , coUusio cum decumanis ,
sociîs tuis, atque adeo procuratoribus : tanien au-
des illius judicii mentionem facere; prsesertim
qiium id non modo oratione mea, sed etiam re
ipsa refellatnr? quum in tantis incommodis arato-
rum, injuriisque decumanorum, nullnm ex isto
prseclaro edicto non modo factum , sed ne postu-
latum quidem judicium inyeniatur? Krit tamen
in aratores lenior, quam videtur : nam, qui in
decumanos octupli judicium se daturum edixit,
' Wyttenhach, Bibl crû., l\, p. i3« emendat : se...
snos... tradidisKet... ainisitset... sua... Schutz recepif.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, m. 4t
second "Verres, lenr maître, leur souverain. A ces
mots , les excellents jages de la troupe de Verres n'aa-
raient pas_ délibéré poar absoudre Apronins, mais
cherché les moyens de condamner, an profit d'Apro*
nins , le demandeur lui-même.
XIII. Après avoir autorisé les décimatears, c'est-à-
dire Apronins , à piller les agriculteurs ; après lui avoir
permis de demander tout ce qu'il voulait, de prendre
tout ce qu'il aurait demandé , tous vous ménagiez ,
Terres , en cas d'accusation , cette défense : Je me suis
engagé par un édit à nommer une commission qui fit
rendre huit fois la somme. Mais eussiez-vons permis
au cultivateur de choisir librement des jnges ' ^ dans
cette classe si recommandable et si intègre des citoyens
romains établis à Syracuse , on se plaindrait encore
de ce nouveau genre de vexation, d'être obligé , après
avoir abandonné toutes ses récoltes au décimatent',
après s'être dessaisi de ses biens , d'intenter un procès
pour les recouvrer. Mais lorsque , dans l'édit , il n'est
parlé de jugement que pour la forme ; lorsque le ju-
geiéent, en effet, n'eut été qu'une collusion de* vos
infâmes satellites avec les décimateûrs vos associés , on
platôt vos intendants ; vous osez encore parler de ce
jugement prétendu , vaine défense , réfutée déjà par
le fait , puisque jamais on n'a poursuivi d'après votre
admirable édit , et qu'on n'a pas même demandé le
droit de poursuivre ! Cependant ^rrès sera plus favo-
rable aux caltivateurs qu'il ne le parait; puisque,
dans le même édit on il annonce qu'il permettra de
poursuivre les décimateûrs pour leur faire payer cette
amende , il déclare que les cultivateurs ne pourront
être condamnés qu'à payer une somme quadruple.
Osera-t-on dire qu'il ait été déchaîné contre les agri-
«oltenrs , qu'il ait été leur ennemi ? ne leur a>t-il pas
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42 IN TERREM ACT. II, LIB. III.
idem habuit ia edicto , se in aratorem in quadru-
plum daturum. Quis hune audet dicere aratoribus
infestum aut inîmicum fuisse ? quanto lenior est ,
quam in publicanum ? Edixit , ut, quod decuma-
nus edidisset sibi dari oportere , id ab aratore ma-
gistratus Siculus exigeret. Quid derelîquit judicii,
quod in aratorem dari posset ? Non malum est ,
inquit , esse istam formidinem : ut , quum exactum
sit ab aratore, tamen ne se commoveat, reliquus
metus judicii sit. Si judicio a me vis exigere, re-
raove Siculum magistratum : si banc vim adhibes,
quid opus est judicio? Quis porro erit, qui non
malit decumanis tuis dare , quod poposcerint ,
quam ab asseclis tuis quadruplo condemnari ?
XIV. lUa vero praeclara est clausula edicti, quod
omnium controversiarum, quse essent inter ajcato-
rem et decumanum , si uter velit , edicit , se recu-
peratores daturum. Primum , quse potest esse con-
trovçrsia, quum is, qui petere débet , aufert ?. et
quum is non, quantum debetur, sed quantum
commodumest, aufert? ille autem, unde ablatum
est, "judicio suum recuperare nuUo modo potest?
Deinde in boc homo ' luteus etiam callidus ac ve-
terator esse vult , quod ita scribit , Si uter volet,
RECUPERATORES olbo. Quam lepide se furari pu-
tat ? Utrique facit potestatem : sed utrum ita scrip-
serit, si uter volet , an, si decumanus volet, nihil
interest : arator enim tuos istos recuperalores
^ nunquam volet. *
' Restkmmus priscam lectionem. Lambin. , bliteas ;
Ernest., lynceus. Reperit Gruterus in Palat. sec. , laatus ,
quod el non displicere miror. -— ' Ita codd. Nann^ et Me-
tell. Olim, uumquid volet ?
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SEC ACTION CONTRE TERRES, III. 43
été bien plas favorable qo^aux fermiers publics ? Mais
redit porte que le magistrat sicilien fera payer aa
cultivateur ce qae le collecteur exige ' *. N'est-ce pas là
épuiser toutes les rigueurs judiciaires qu^on peut em-
ployer contre Tagriculteur ? Il n*est pas mal , dit
Yerrès, de le contenir par la crainte d'un jugement,
de Tempécher de remuer après qu'on Fanra fait payer.
— Si vous vôul«B me faire payer en verfu d'un juge-
ment , ne faites pas intervenir le magistrat sicilien * ' ,
si vous employez cette voie de rigueur , qu'est-îl besoin
d'un jugement ? Qui n'aâmera pas mieux donner à vos
décimateurs ce qu'ils auront demandé , que d'être
condamné par vos odieux compagnons à payer le
quadruple?*
XrV. Mais voyons la belle conduaion qui termine
son édit : il annonce que , pour les démêlés q«î sur-
viendront entre le cultivateur et le décimatenr, il
donnera des commissaires , si l'un des deux le désire.
D'abord, quel démêlé peut-il y avoii* lorsque celui qui
doit demander enlève; qu'il enlève, non ce qui lui est
du, mais ce qu'il veut; et que celui à qui on a enlevé
ne peut, en aucune maniera, recouvrer par un juge-
ment ce qui lui appartient ? Mais ensuite cet homme
méprisable prétend même ici faire le fin et le rusé. Jb
DOirirERAi , dit-il , nss commissaires , si l'uit des
DExrx LE nésiRB. Comme il s'imagine voler adroite-
ment ! n perm A à tous les deux de réclamer des com-
missaires. Mais quelle différence, Terres, y a-t-il entre
annoncer , si l'un des deux le désire , ou si le décîma-
teur le désire? Eh! Fagricnltenr demandera-t-il jamais
vos commissaires?
* L'orateur suppose qae les joges vendus à Verres
prononceront toujours en faveur des décimateors, ses
complices.
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44 IN VERREM ACT. U, LIB. III.
Quid ? illa cujusmodi sunt , (juse ex^ tempore ^ aH
Apronio admonitus , edixit? Q. Septitio, hones-
tissiino homiiie , equiteque romano , resistente
Apronio, et affirmante, se plus^decumanondatu-
rum,exoritur peculiare edictum repeatinum , ne
quis frumentum de area tolleret ante , quam cum
decumano pactus esset. Ferebat hanc quoque ini-
qiiitatem S<?ptitias, et imbri fromentam corrumpi
in area patiebatur : quum illud edictum repente
iiberrimum et qiiœstuosissimum uascitdr, nt ante
kalendas sext. omnes decumas ad aqiiam depor-
tatas haberent. Hoc edicto non Siculi (nam eos
quidem jam superioribus edictis satis perdiderat
atque afflixerat), sed isti ipsi équités romani, qui
snum juâ retinere se contra Apronium posse erant
ai'bitvati, splendidi bomiues, et aliis praetoribus
gratiosi, vincti Apronio traditi sunt. Attendite
enim, cujasmodi edicta sint. Ne toll\t, inquit,
EX ABR4, HTsi ERIT PACTUS. Satis hacc magna vis
est ad inique paciscendum : malo enim plus dare,
qnara non mature ex area tollere. At ista vis Sep-
titium, et nonnuUos Septitii similes, non coercet;
qui ita dicunt : Non toUam potins , quam paciscar.
His boc ' opponitur : Deportatum bnbeas ante ka-
lend. sext. Deportabo igitur. Nisi pactus eris, non
commovebis. Sic deportandi dies prxstituta tôl-
ière cogebat ex area ; prohibitio toUendi , nisi
pact^s esset , vim adhibebat pacticmi , non volon-
tatem.
' Hœe est vera lectio , qnam Gruter, dare ^oluiif sed
operœ vulgatam apponîtnr seryavere, nec id Gronov. cor-
rexù, nec OUvet,, nec LalUm. Uabeni ^a/ne» opponitur
ioni nus, *
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SEC. ACnON CONTRE TERRÉS, m. 45
Qae diron»>noas de Pédit qa^il a reada sar-le-champ
et par occasion, d'après Favis d'Apromus? Q. Septi-
tins , chevalier romain des pins distlngnés , résistait à
Àpronins, et protestait qu'il ne donnerait qae la
dime : on voit paraître tout à <x)np une ordonnance '
spéciale, qu'on ne pourrait enlever son blé de Faire
avant de s'être arrangé avec le décîmateur. Septitins
supportât encore cette injustice , et il laissait son blé
dans l'aire se gâter par la pluie , lorsque soudain on
voit éclore cette autre ordonnance si féconde en profits
pour son auteur, qu'avant les kalendes de sextilis
(août), toutes les dîmes devaient être portées au
détroit de Sicile. Par cette ordonnance, il a livré,
pieds et mains liés, à Apronius, non les Siciliens (ses
précédentes ordonnances les avaient déjà assez épuisés,
assez minés) , mais les chevaliers romains eux-mêmes^
qai avaient cru pouvoir conserver leurs droits contre
Apronitts , parce qu'ils jouissaient de qudqne consi-
dération, et qu'ils avaient en du crédit auprès des
autres préteurs. Remarquez , en effet , quels sont ces
édits. On n'enlèvera point i.e blé de l'aire , a moins
qu'on ne se soit arrangé. Cest une assez grande
violence poUr contraindre à un arrangement peu fa-
vorable : car j'aime mieux donner davantage que de
ne pas enlever à temps mon blé de l'aire. Mais cette
violence n'ébranle pas encore Septitius et d'autres
Romains aussi fermes que lui. Plutôt que d'entrer en
arrangement, disent-ils, je n'enlèverai point mon blé;
Cest pour eux qu'il donne ensuite cet ordre : Portez
votre blé avant les kalendes de sextilis. Je le porterai
donc. Mais vous le laisserez en place jusqu'à ce que
vous vous soyez arrangé. Ainsi le jour fixé pour porter
le blé obligeait de l'enlever de l'aire; la défense de
l'enlever de l'aire avant qu'on se fût arrangé contrai-
gnait, malgré soi, à nu arrangement.
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46 IN YERREM ACT. H, LIB. m.
XV. Jam vero illud non solum contra legem
Hieronicam , nec solum contra consuetudinem su-
periomm, sed etiam contra omnia jura Siculo-
rum, qu8B habent a senatu populoque romano, ne
extra suum forum vadimonium promittere cogan-
tur. Statuit iste, ut arator decumano, quo vellet
decumanus , yadimonium promitteret : ut hic
quoque Aprqnio , quum ' ex Leontino usque Li-
lybaeum aliquem yadaretur , ex miseris aratoribus
calumniandi quœstus accederet. Quanquam illa
fuit ad calumniam singulari consilio reperta ra-
tio, quod edixerat, ut aratores jugera sationum
suarum profiterentur. Quœ res quum ad pactio>
nés iniquissimas magnam yim babuit, sicut osten-
dam , neque ad ullam utilitatem reipublicae perti-
nuit ; tum vero ad calumnias , in quas omnes in-
ciderent, quos vellet Apronius. Ut enim quisque
contra yoluntatem ejus dixerat, ita in eum judi-
cium de professione jugerum postulabatur. Cujus
judicii metu magnus a multis frumenti numerus
ablatus , magnsque pecuniaî coactœ sunt : non quo
jugerum numerum vere profiteri esset difficile,
aut amplius etiara profiteri : quid enim in eo péri-
culi esse posset? sed causa erat judicii postulandi,
quod ex edicto professus non esset. Judicium au-
tem quod fuerit isto prœtore, si, qusB cohors, et
qui comitatus fuerit , meministis , scîre debetis.
Quid igitur est , quod ex bac iniquitate novorum
edictorum intelligi velim , judices ? Injuriamne
factam sociis? at yidetis. Auctoritatem superio-
'Sic edd. a>ett. SequurUur tamen Gruter., Lambin,,
hallem. mss. nonnuUos scribendo, a Leontinis.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, m. ^7
"Xy. Ce que je vais dire n'est pas seulement contraire
à la loi dlliéron et à Fusage des anciens préteurs,
mais encore à tontes les lois que les Siciliens tiennent
du sénat et du peuple romain , d'après lesquelles ils ne
sont forcés de plaider que devant leurs propres juges *.
Verres ordonna que le décimatear pourrait ajourner
le cultivateur devant tel juge qu'il voudrait, afin
sans doute , qu'Apronius put ajourner à Lilybée un
•habitant de Léontini, et qu'il eût ce nouveau moyen
d'inquiéter et de rançonner les infortunés laboureurs.
Mais voici ce qu'il avait imaginé de plus étrange et de
plus propre à tourmenter ces malheureux : il leur était
en^int de déclarer les arpents qu'ils auraient ense-
mencjés. Cette ordonnance, comme nous. le montre-
rons , avait tme grande vertu pour faire conclure des
arrangements sans que la république en tirât aucun
avantage; et elle servait surtout à Apronius pour faire
de mauvaises difficultés k tous cenx' qu'il voulait.
Quelqu'un avait>il parlé contre son gré , il était dté en
justice pour déclaration d'arpents ensemencés. Nombre
de cultivateurs se sont vu enlever par cette crainte une
grande quantité de blés et de fortes sommes d'argent.
Ce n'est pas qn'il fut difficile de déclarer avec vérité
tous les arpents ensemencés, et même d'en déclarer
davantage : quel danger pouvait-on courir ? Mais il y
avait toujours,. <]Çuelqne prétexte pour être dté '**,
comme n'ayant pas déclaré suivant l'ordonnance. Or
vous devez savoir de quelle manière on était jugé sous
la préture de Terres, si vous vous rappelez quels
odieux satellites composaient son tribunal. Que devez-
vous condure enfin de l'iniquité de ces étranges édîts?
Qn'on a vexé les alliésr mais la chose est claire. Qu'on
* Dans leur juridictjTon immédiate, qui était toujours
la plus voisine da canton qu'ils occupaient. Desmeuniers.
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48 IN VERREM ACT. H, LIE. TH.
rum repudiatam? non audebit n égare. Tantum
Âpronium isto praetore potuisse? confiteatur ne-
cesse est.
XVI. Sed yos fortasse, quod vos lex commo-
net, îd in hoc loco qaxretis, num quas ex hisce
rébus pecunias ceperit.Docebo, oepisse maxiraas,
omnesque eas iniquîtates , de qnibus antea dixi ,
sui qusestus causa constituisse > vincam, si prîus
illud propugnacolnm , quo contra omnes raeos
impetus usurum se putat» ex defensione ejus de-
jecero. Magno, inquit, decamas vendidi. Quid
ais? an tu decumasy homo audacissime atque
amentissime, yeadidisti? tu partes eas, quas te
senatus populusque romanus voluit, an fructus
integros, atque adeo bona fortnnasque aratorum
omnes vendidisti? Si palam prsco jussu tuo prse-
dicasset, non decumas frumenti, sed dimidias
venirè partes , et ita emtores accessissent , ut ad
dimidias partes emendas : si pluris vendidisses
tu dimidias, quam ceteri decumas, cuinam mirum
videretur? Quid vero, si prseco decumas pronun'
tiavit; re vera, hoc est, lege, edicto, conditione
plus etiam, quam dimidia yenierunt? tamen hoc
tibi prseclarum putabis, te pluris, quod non lice-
bat, quam oeteros, quod oportebat, yendidisse?
Pluris "vendidi decumas , quam ceteri. Quibus ré-
bus id assecutus es? Innocentia.^ adspice sedeni
Castoris ; deinde , si audes , fac mentionem inno-
'ceutiae Diligentia? codicis litui^as tui contemplare
* Fulg. conviiicam. Lect. mss. GnUer. yrœtulimus ;
. quôd jain muld ante nos fecerant. Hahent edam viucam
duo codd. regii.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, m. 4^
a méprisé Vaatorité des anciens préteurs P Terrés
n'osera ïe nier. Qa'Apronios a en , soos la prétare de
Verres, an pouvoir sans bornes? Terres est obligé
d'en convenir.
XTI. Mais peat-être ici , comme la loi vous en fait
an devoir, vous me demanderez si Terrés a tiré de
Targent de toute cette manœuvre. Je vous montrerai
qu'il en a tiré des sommes immenses , et qu'il a tcmt
fait pour le gain ; mais je veux d'abord détruire le
rempart qu'il croit opposer à toutes mes attaquer. J'ai
fait hausser, dira-t-il, l'adjudication des dîmes. Que
dites-vous , 6 le plus audacieux et le plus insensé des
bommes? Sont-ce les dîmes que vous avez adjugées ."*
avez-vons adjugé la partie que réclamaient le sénat et
le peuple romain, ou les récoltes entières, et même
les biens et les fortunes des agriculteurs ? Si le crieur
eût pabiié par votre ordre qu'on affermait , non les
dîmes du blé , mais les moitiés , et qu'on eût enchéri
pour se les faire adjuger, serait-il étonnant cjue vous
en cassiez porté l'adjudication plus haut que les autres
n'ont fait celle des dîmes? Mais si le crieur a publié
les dîmes, et qu'en effet, c'est-à-dire en vertu de votre
loi, de votre édit, de vos dispositions particulières,
on ait adjugé même plus que les moitiés , vous ferez-
vOQs cependant un mérite d'avoir porté l'adjudication
de ce que vous ne deviez pas adjuger, plus haut que
les autres nVnt porté celle de ce qu'ils avaient le droit
de vendre ? J'ai affermé les dîmes à un plus haut prix
que les antres. Comment avez-vous obtenu cet avan-
tage? Par votre intégrité? regardez le temple de Cas-
tor ' ^ ; et ensuite , si vous l'osez , venez parler d'in-
tégrité. Par votre exactitude? considérez les ratures d^
vos registres à l'article de Sthénius de Thermes; et
osez ensuite vous dire un homme exact. Par la subti-
VII r. ^
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5o IN TERREM ACT. Il, LIB. m. '
in Sthenii Thermitani nomme ; deinde auçje te
dicere diligentem. Ingenio? qui testes inteirogati
priore actione nolueris, et iis tacitum os tuum
praebere malueris , quanturayis , et te , et patronos
tuos , ingeniosos esse dicito. Qua re igitur id ,
quod ais, assecutus es? Magna est enim laus, si
superiores consilio vioisti , posterîoribus exem-
plum atque auctoritatem reliquîsti. Tibi fortasse
idoneus fuit riemo, quem imitarere; at te Tideli-
cet , inTcntorem rerum optimarum ac principem ,
imîtabuntur omnes. Quis aratorum, te praetore,
decumam dédit? quis duas? quis non maximo se
affectum beneficio putavit , quum tribus decumis
pro una dêfungeretur, praeter paucos, qui prop-
ter societatem furtorum tuorum nibil omnino de-
derunt ? "Vide , inter impo^tunitatem tuam , sena-
tusque bonitatem, quid intersit. Senatus, quum
temporibus reipublicae cogitur, ut décernât, ut
alterse decuraae exigantur , ita decernit , ut pecu-
nia pro bis decumis solvatur aratoribus ; ut , quod
plus sumitur, quam debetur, id emi, non auferri
putetur. Tu , quum tôt decumas non senatuscon-
sulto, sed novis edictis tuis, nefariisque institutis
exigeres et eriperes; magnum te fecisse arbitra-
bere , si pluris vendideris , quam L. Hortensius ,
pater istius Q. Hortensii, quam Cn. Pompeius ,
quam *M. Marcellus, qui ab œquitate, ab lege,
ab institutis non recesserunt?
XVII. An tibi unias anni, aut biennii ratio ha-
* Mtdti, inter quos C. Stephan.y Lallem., Beck., e cod.
Nanfùano ethis orationibus ipsis, Viptnat., c. ^;in F'err.,
II, 3 , 21, ediderunt, rectius forte , C. Marcellus.
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SEC. ACTION CONTRE TKRRÊS, ffl. 5r
lité de votre esprit ? après vous être refusé, dans la
première instance , à Tinterrogatoire des témoins ,
après avoir mieux aimé voos présenter muet devant
eux; dîtes encore, tant que vons vondrez, qne vons
avez beancoop dVsprit, vous et vos défenseurs. Par
qhel moyen avez-vous donc rendu o^ important ser-
vice à l'état ? C*est une grande gloire d'avoir surpassé
\os prédécesseurs en intelligence, de laisser à vos
successeurs un exemple et une autorité. Peut-être
n'avez-vous point trouvé de modèle; mais tous les
antres imiteront sans doute votre sage administra-
don. Est-il un cultivateur, sous votre préture, qui
n'ait payé qu'une simple dîme.' qui n'en ait payé que
deux? qui ne se soit pas cru traité favorablement
quand , pour une dîme , il n'en a payé que trois ,
excepté quelques protégés , vos complices , qui n'ont
rien donné .^ Voyez quelle difierence entre votre des-
potisme et la bonté du sénat! Le sénat, quand l'in-
téiét public le force à exiger une seconde dîme , or-
donne qu'on paiera cette dîme aux cultivateurs ; et s'il
prend au-delà de ce qui lui est dû , il est censé acbeter
ce qu'il prend , et non l'enlever. Vous , lorsque vous
avez exigé et arraché tant de dîmes , non d'après un
sénatus-consulte, mais d'après vos règlements iniques
et les édits de votre invention , vous vous glorifierez
d'avoir porté l'adjudication des dîmes plus haut que
L. Hortensius *, père de votre défenseur, plus haut que
Pompée'®, plus haut que M. Marcellus**, qui ne se
sont écartés en rien de l'équité , de la loi, de nos in-
stitutions !
XVII. Deviez-vous ne songer qu'à une ou deux an-
* Préteur en ^56. 11 est probable qu'il obtint la pro-
vince de Sicile au sortir de sa préture. — ** Foj. la
note latine.
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S2 IN TERREM ACT. H, UB. m.
benda fuit; salus provincisè, coiTimoda rei fru-
ftientArite, ratio reipublicae ' in poJ^terum fuit ne-
gligenda ? quum ita rem coustitutam accepisses ,
ut et populo romano satis frumenti ex Sicîlia
suppeditaretur, et aratoribus tamen arare, atque
agros colère exnediret. Quid effecisti? quid aye-
cutus es ? Ut populo romano , prsetore te , nescio
quid ad decumas accederet , deserendas arationes
relinquendasque curasti. Successit tibi L. Metellus.
Tu innocentior, quam Metellus? tu laudi^et ho-
noris cupidior? tibi enim consulatus quacrebalur,
Metello paternus honor et avitus negligebatur :
multo minoris vendidît , non modo , quam tu , sed
etiam, quam qui ante te yendiderunt. Quaero, si
ipse excogitare non poterat, quemadmodum quam
plurimo renderet; ne tua quidemrecentia proxirai
prœtoris vestigia persequi poterat , ut tuis praecla-
ris, abs te principe inyentis et excogitatis edictis,
atque institutis uteretur ? Ille vero tum se Metel-
lum minime fore putasset , si te uUa in re imitatus
esset : qui ab nrbe Roma^, quod nemo unquam
post hominum memorîam fecit , quum sibi in pro-
yinciam proficiscendum putaret, litteras ad Sici-
lia ciyitates misit , per quas hortatur et rogat , ut
arent, ut serant *in benefîcio populi romani. Hoc
petit aliquanto ante adventum suum; et^ simul
ostendit, se lege Hieronica yenditurum, hoc est,
in omni ratione decumarum nihil isti simile fac-
' GrœviarU codd., et nonntdli regii, in posteritatem.
— ^ Grœvius delevit in , guod non fuit û» ms. Nanniano ,
negatque commode dici , serere in beneficio p. r. Fidetur
id non intellexisse Grœvius.
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SEC ACnON CONTRE VERRES, m. 53
nées, et négliger pour Tavenir le salât de la province ,
les intérêts des approvisionnements, les aTantages de
la république , lorsqne la Sicile , à votre arrivée, pou-
vait fournir assez de blé au peuple rofnaîn , et qne
cependant les agriculteurs trouvaient leur profit â
cultiver les terres? Qu'avea-vous fait? qu'a ve«-vous ga-
gné ? Pour procurer au peuple romain, sous votre pré-
ture , je ne sais quel surcroît de dîmes, vous avez fait
abandonner et déserter les campagnes. L. Métellns vous
a succédé. Êtes-vons plus intègre que Métellns? êtes-
vous- plus sensible à la gloire et à rhonnenr? Yous as-
piriez au consnlat '9; Métellns, pent-étre, méprisait
cette dignité qu'avaient obtenue son père et son aïeul* :
eb bien ! il a porté l'adjudication des dîmes beaucoup
nxoins bant, non seulement qne vous, mais que les
préteurs qui les avaient adjngées avant vous. Je vous
le demande; s'il ne pouvait imaginer lui-même un
moyen d'en faire bansser l'adjudication, ne pouvait-il
pas suivre les traces toutes récentes de son prédéces-
seur immédiat ? ne ponvait-il pas faire usage des belles
ordonnances , des beaux règlements dont vous aviez
été l*beurenz inventeur? Certes, il ne se serait gnère
reconnu pour un Métellns , s'il vous eût imité en la
moindre cboa^. Il était encore à Rome , il se disposait
à partir pour sa province , lorsqu'il écrivit aux Sici-
liens, ce qui ne s'était jamais fait avant lui , pour les
ezborter à labourer et à ensemencer les terres qa'il»
doivent au peuple romain. Il leur fait cette prière un
peu avant son arrivée , et en même temps il annonce
qu'il affermera les dîmes d'après la loi dliiéron , c'est-
à-dire qne, dans tontes les adjudications de dîmes, il
n'imitera en rien 'Verres. Et ce n'est point par amour
* FaiO MeieîH Rcmœjiunt consules.
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54, IN VERREM ACT. II, LIB. HI.
turum. Ataue haec non cupiditate aliqua scrîbît
ariductus , ut in alienam provinciam mittat litteras
ante tempus ; sed consilio , ne , si tempus sationîs
praeteriûset , granum in proyincia Sicilia nullum
haberemus. Gognoscîte Metelli litteras. Recita
epistolam L. Metelli. Littera L. Metelli.
. XVIII. Hœ litterse , judices , L. Metelli, quas
audistis, hoc, quantum est ex Sicilia frumenti .
hornotini , exararerunt. Glebam commosset in
agro decumano Sicîliae nemo, si Metellus banc
epistolam non misisset. Quid ? Metello di-vinitus
hoc yenit in mentem; an ab Siculis, qui Romam
frequentissimi conyenerant . negotiatoribusque Si-
ciliœ ' doctus est ? quorum quanti conyentus ad
Marcellos, antiquissimos SicilisB patronos, quanti
ad Cn. Pompeium, consul em designatum, cete-
rosqùe illius proyincise necessarios , :Reri soliti
sint , quis ignorât ? Quod quidem judicium nuUo
unquam de homine factum est, ut absens accusa- >
retur ab iis palam, quorum in bona liberotque
summum imperium potestatemque haberet. Tanta
yis erat injurianim, ut homines quidyis perpeti,
quam non de istius prayitate et injuriis deplorare
et conqueri mallent. Quas litteras quum ad omnes
ciyitates prope suppliciter misisset Metellus ; tamen
antiquum modum sationis nulla ex parte assequi
j>otuit : diffugerant enim permulti , id quod osten-
dam; non solum arationes, sed etiam sedes suas
patrias, istius injuriis exagitati,reliqueraat.
Non mehercule crin>inis augendi causa dicam ,
' Forte edoctus est , induit GuUelmius.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, III. 55
du pouvoir qrfil écrit avant le temps dans une pro^
vince qu'an antre gouvernait encore , c'est par pru-
dence : peut-être , s'il eût laissé passer le temps des
semailles , n'aurions-nons pas en un grain de blé dans
la province de Sicile. Écoutez la lettre même de L. Mé-
tellus. Lettre de L. MÉTELiiUs.
XTm. Cest , Romains , à cette lettre de L. Métellns ,
dont vous venez d'entendre la lecture , que vous devez
tout le blé recueOli cette année dans la Sicile. On n'an*
rait point tracé nn sillon dans les campagnes de cette
province sujettes aux dîmes, si Métellns n'eût écrit
cette lettre. Mais quoi ! sont-ce les dieux qui lui ont
inspiré cette pensée? on bien a-t-il été porté à cette
démarche par toute cette multitude de Siciliens qui
s'étaient rendus à Rome, et par les commerçants de
la Sicile? Qui ne sait en quel nombre ils s'assemblaient
chez les Marcellus , ces anciens protecteurs de la Si-
cile; chez Pompée, consul désigné, et chez les autres
amis de cette province ? Quel préjugé contre un homme
d'avoir été, même avant de quitter sa province, ac-
cusé publiquement par ceux dont les biens et les en-
fants étaient soumis encore à son pouvoir abs(du , à
son autorité souveraine ! Les injustices de Verres étaient
à criantes ; qu'on aimait mieux s^xposer à tout souf*
frir que de ne pas exhaler sa douleur et ses plaintes
centte la perversité et les vexations du préteur. Mé-
tellus avait envoyé dans tonte la Sicile cette lettre
presque suppliante ; et cependant il ne parvint nulle
part à faire ensemencer les terres avec le même soin
qu'autrefois. Une foule d'agriculteurs , ainsi que je le
montrerai , avaient pris la fuite , et non seulement ils
avaient renoncé à la culture, mais les persécutions de
Verres leur avaient fait abandonner leurs foyers.
Non, Romains, ce n'est point une exagération de
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56 IN VERREM ACT. Il, LIB. IH.
judîces; sed, quem accepi ipse oculis animoqne
sensum, hune vere apud vos, et, ut potero, pla-
nisûme exponam. Nam, quam quadriennio post
în Siciliam venissem , sic mihi affecta visa est , ut
hœ terrœ soient , iii qaibus belium acerbum diu-
tumumque yersatum est. Quos ego campos antea
coUesque nitidissimos Tiridissimosque -vidlssem ,
hos ita yastatos nunc, ac desertos yidebam, ut
açer ipse cnltorem desiderare, ac lugere dominum
yideretar. Herbitemis ager, Ennensis, 'Morgan-
tinus, AssorÎDUs, 'Imacharensisy AgyrineVisis , ita
relictus erat ex maxima parte , ut non solum juge-
rum, sed etiam dominorum multitudinem qusere-
remus. ^tnensis yero ager , qui solebat esse cul-
tissimus , et , quod caput est rei frumentarise ,
campus Leontinus, cujus antea spes hsec erat, ut y
quum ob'situm yidisses , annonœ caritatem non ye-
rerere, sic erat defonnis atque horridus , ut in
uberrima Siciliae parte Siciliam qusereremus. La-
befactarat enim yehementer aratores jam superior
annus; proximus yero funditus eyerterat.
XIX. Tu mihi etiam audes mentionem facere
decumarum ! tu in tanta^improbitate, tu in tanta
acerbitate , in tôt et tantis injuriis | quum in ara-
tionibus, et in earum rerum jure proyincia Si-
cilia consistât, eyersis funditus aratoribus, relîctis
a gris, quum in proyincia tam 'locupleti ac re-
ferta, non modo rem, sed ne spem quidem ullam
reliquam cnîquam feceris, aliquid te populare pu-
tabis habere, quum dices, te pluris, quam cete-
■ Mnrgentinus. — * Macharensis. — ' .îic PHsêan.^
p 765. AL locuplete.
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SEC. ACnON CONTRE yERRES, III. Sj
IDA part , je ne ferai qne voas exposer simplement et
avec vérité le sentiment que j'ai éproavé en revoyant
la Sicile. Il y avait quatre ans qne j'avais quitté cette
province* : elle me parut comme ces pays qu'ont dé-
solés les ravages d'une gnerre longue et cruelle. Ces
campagnes et ces collines que j'avais vues auparavant
si hfiUes et si florissantes , je les voyais alors daa| un
état d'abandon et de dévastation : le sol même paraissait
redemander son cultivateur et pleurer son maître. Les
territoires dllerbite, d'Enna , de Aforgante, d'Assore ,
d'Imachara , d'Agyrone , étaient déserts en grande
partie, et je n'y r^ronvais plus cette multitude de
terres labourées et même de propriétaires. Le territoire
d'Etna, ordinairement si bien caltivé, la principale
source des approvisionnements; celui de Léontiniqni
donnait auparavant de sijselles espérances que, lorsqu'il
était ensemencé, on ne craignait plus la disette; ces
denx territoires étaient alots si hérissés de ronces et si
"défigurés, qne, dans la partie la plus riche de la Sicile,
nous cherchions la Sicile même. L'avant-dernière an-
I née avait déjà extrêmement fatigué les laboureurs; la
I dernière les avait entièrement ruinés.
' XIX. Et vous osez encore nous parler de dîmes î
Quoi donc ! la Sicile ne subsiste que par la culture et
par les lois qui règlent la culture : vous y avez, par
toates vos cruautés, toutes vos injustices, tontes vos
vexations , entièrement miné les agriculteurs ; vous les
avez contraints d'abandonner les campagnes; dans une
province si riche et si fertile, vous n'avez rien laissé à
personne, pas même l'espérance; et après cela, vous
croirez vous être ^t un titre à la popularité , si vous
pouvez dire que vous avez porté plus haut que les an-
tres l'adjudication des dîmes? comme si le peuple vou*
* Après sa questure,
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58 IN TERREM ACT. II, LIE. III.
ros , declunas yendidisse ? Quasi rero aut populos
romauus hoc yoluerit , aut senatus hoc tibi man-
daverit ,. ut , quum omnes aratorum fortunas de-
cumarum nomine eriperes, in posterum fructu
illo commodoque rei frumentariaB populum roma-
num priyares ; deinde, si quam partem tusepraedas
ad Ammam decumarum addidisses , bene de po-
pulo romano meritus yiderere.
Atque ' hsc petinde loquor, quasi in eo ait ini-
quitas ejus reprehendenda , quod propter glorisc
cupiditatem , ut aliquos summa decumarum yin-
ceret, acerbiorem legem, duriora edicta interpo-
suerit, omnium superiorum auctori^tatem repu-
diarijt. Magno tu decuma^ yendidisti. Quid , si
doceo , te non miuus domum tuam ayertisse , quam
Romam misisse decumarum nomine? quid habet
populare ratio tua, quum ex proyincia populî^
romani sequam partem tu tibi sumseris, atque
populo romano miseris ? Quid, si duabus partibus
doceo te amplius frumenti abstulisse, quam po-
pulo romano misisse? tamenne putamus patronum
tuum in hoc crîmine ceryiculam jactaturum, et
populo se ' ac coronœ daturum? Hœc yos antea ,
judices , audistis ; yerum fortasse ita audistis , ut
auctorem rumorem haberetis , sermonemque om-
nium : cognoscite nunc, innumerabilem pecuniam
frumentario nomine ereptam; ut simul iilam quo-
que ejus yocem improbam agnoscatis , qui se uno
quaestu decumarum omnia sua pericula redem-
turum esse dicebat.
' Multi editores inter opùmos omitiunt luec. Non coni'
mode. — ' Ad coronam.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, III. 59
eût ordonné , ou que le sénat vous eût chargé de rayir
toates les fortanes des cultivateurs soos prétexte de
dîmes, de priver à l'avenir le peuple romain da fruit
et de l'avaAitage des approvisionnements, et de faire
croire ensuite que vous avez servi la république , parce
que vous aurez ajouté à la somme des dîmes une por-
tion de votre butin !
Et jusqu'ici je parle comme si tout le crime de Terrés
était d^avoir , par vanité , par ambition de faire mon-
ter les dîmes plus haut que d'autres , établi une loi
plus dure, des ordonnances plus rigoureuses , méprisé
rautorité de tous ses prédécesseurs. "Vous avez fait
hausser, dites-vous, l'adjudication des dîmes. Mais si
je montre que, sous prétexte de dîmes, vous n'avez
pas moins emporté de blé dans votre maison que vous
en avez envoyé à Rome, qu'est-ce que votre conduite
a de populaire, lorsque, dans une province romaine,
vous avez pris autant pour vous que vous avez envoyé
au peuple romain? Mais si je montre que vous avez en-
levé deux tiers plus de blé que vous n'en avez envoyé
à Rome , croyons-nous qu'ici , secouant la tête avec
affectation "® , votre défenseur se tournera d'un air
de triomphe vers la foule des citoyens qui environnent
cette enceinte? Nos juges ont déjà la connaissance de
ces faits; mais peut-être ne les connaissaient-ils que
sur des discours et des bruits publics : qu'ils sachent
maintenant que, sons prétexte de blés, "Verres a en-
levé des sommes immenses , et qu'ils voient en même
temps quelle ^st Teifronterie du personnage d'avoir osé
se vanter que la seule augmentation des dîmes pourrait
le faire triompher de toutes les attaques de son accu-
sateur.
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6o IN TERREM ACT. II, LIB. m.
XX. Audimus hoc jamdiu, judices : nego quem-
quam esse vestrum, quin sœpe audierit, socios
îstius fuisse decumanos. Nihil aliud j|rbitror in
istum falso esse dictum ab iis, qui maie de isto
exigtimarint, nisi hoc. Nam socii putandi sunt ,
quos inter res communicata est. Ego rem tptam,
fortunasque aratorum omnes , istius fuisse dico :
Apronium, Veneriosque servos, quod isto prse-
tore fuit novum genus publicanorum , ceterosque
decumanos, procuratores istius qusestus et ' mi-
nistres rapinarum fuisse dico. Quo modo hoc do-
ces? ' quo modo ex locatione îHa columnarum do-
cui istum esse praedatum ; opinor , ex eo maxime,
quod iniquam legem novamque dixisset. Quis
enim unquam conatus est ^jura omnia, et consue-
tudinem omnium commutare cum yituperatione ,
sine quaestu ? Pergam , atque insequar longius.
Iniqua lege vendebas, quo pluris yenderes. Cur,
pm ^addictis et venditis decumis, quum jam ad
summam decumarum nihil, ad tuum quœstum
multum posset accedere, subito atque ex tempore
nova nascebântur edicta ? nam ut yadimonium
decumano, quocumque is yellet,. promitteretur;
ut ex area, nisi pactus esset, arator ne toUeret;
ut ante kaleud. sext. decumas déporta tas * habe-
ret : hœc omnia, yenditis deourais, anno tertio te
edixisse dico. Quae si reipublic» causa faceres, in
yendundo essent pronuntiata; quia tua causa fa-
' Beck e libr. Nanniano , administros. — ^ Aliis ma-
gis placet iterata interrogatio, quo modo — esse praeda-
tam? — ' Gulielm, conj., jura commuiiia. — ^ Edd. pr,
ainittunt addictis et. — ' Habcrent.
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SEC. ACTICW CONTRE "VERRES, UL 6i
XX. Il y a long-temps , Romains , qne nons avons
entendu dire , et je soutiens qn'il n^est aucun de vous
à qui on n'ait dit souvent, que les décimateurs étaient
les associés du préteur. Cest, selon moi, la seule
chose qu'il '7 ait de faux dans les rapports faits contre
Terres par ceux qui n'avaient pas une bonne opinion
de lui. On doit regarder comme associés ceux entre
qui les profits se partagent: or, je puis l'afQrmer,
toutes les récoltes, toutes les fortunes des agriculteurs
n'étaient que pour Verres. Apro^ius, les esclaves de
Yénus ^% dont sa préture a fait une nouvelle espèce
de fermiers publics , et les autres collecteurs , n'étaient
que les agents de son trafic et les ministres de ses ra-
pines. Comment le prouvez- vous? me dira-t-on. Comme
j'ai prouvé qu'il avait volé dans la réparation des co-
lonnes * ; c'est-à-dire , par cela surtout qu'il avait
porté une loi injuste et nouvelle. Qui jamais , en eifet ,
voulut changer toutes les lois et toutes les coutumes ,
pour n'en tirer que du blâme sans profit? Je vais plus
loin. Vous adjugiez les dîmes par une loi injuste , afin
d'en hausser l'adjudication : mais pourquoi , lorsque
les dîmes étaient adjugées , lorsqu'on ne pouvait plut»
augmenter la somme des dîmes , mais bien votre pro-
fit; pourquoi voyait- on édore tout à coup et par occa-
sion de nouvelles ordonnances? Oui, ces ordonnances
qui permettaient aux décimateurs d'ajourner le culti-
vateur où il voulait, qui défendaient à celui-ci d'en-
lever son blé de l'aire avant qu'il eut transigé, qui en-
joignaient de porter les dîmes avant le mois de sextilis,
je dis que vous les avez faites la troisième année de
votre préture , lorsque les dîmes étaient adjugées. Si
vous aviez cherché le bien de l'état , vous auriez publié
* Du temple de Castor. F'ojr. seconde Action, liv. I,
cji. 54.
VIII. 6
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6a IN VERREM ACT. II, UB ffl.
ciebas , quod erat imprudentia praetermissum , îd
quaestu ac tempore admonitus reprehendisti. Illud
vero ctti probari potest? te sine tuo qusBstu, ac
niaximo qusestu, tantam tuam infamiam, tantum
capitis tai fortunarumque periculum neglexiase;
ut, quum totius Sicilîœ quotidie gemîtus querl-
moniasque audires; quum, ut ipse dixisti, reum
te fore putares ; quum hujusce judicii discrimen
ab opînione tua non abhorreret : paterere tamen
aratores indignissimis injurîis -vexari ac diripi?
Profecto , quanquam es sîngulari crudelitate et
audacia*, tamen abs te totam aliénari provinciam,
tôt homînes ' honestissimos tibi inimicissimos fieri
nolles , nisi banc rationem, et cogitationem salutis
tu», pecunise cuplditas, ac praesens illa prseda su-
peraret.
Etenim, quonîam summam et numerum.inju-
rîarum, judices, vobis non possum exponere;
singillatim autem de uniuscujusque incommodo
dicere infinitum est : gênera ipsa injuriarum ,
quseso, cognoscite.
XXI. Nympho est Centuripînus, bomo nayus
et industrius, experieâtissiimus ac diligentissimus
arator. Is quum aratioifes magnas condnctas ba-
beret (quod bomines etiam locupletes, sicut ille
est y in Sicilia facere consueverunt) , easqu'e magna
impensa, magno instrumento tueretur : tanta ab
isto iniquitate oppressus est, ut non modo aratio-
' Hou. aclocupletissîmos. NuUus cod. habet, monente
adversus Gruterum Grœvio.
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SEC. ACTION CONTRE "VERRES, HI. 63
ces édits en adjugeant les dîmes ; mais vous ne songîee
qu'à votre avantage personnel ; et alors , ce qae voas
aviez omis par mégarde, vous Pavez réformé, averti
par votre intérêt et par l'expérience. Mais à qni peut-
on persuader que , sans un gain pour vous , et an gain
considérable, vous vous soyez exposé légèrement à
une telle infamie , à de tels risques pour votre fortune
et pour vous? Chaque jour, vous entendiez les gémis-
sements et les plaintes de tous les Siciliens ; vous vous
attendiez ,. comme vous Favez dit, à être accusé; vous
n'étiez pas sans inquiétude sur le péril où vous jette-
rait l'accusation , et vous auriez souffert que les labou-
reurs fussent vexés et pillés d'une manière si injuste et
SI odieuse l Assurément , malgré votre cruauté et votre^
audace , vous n'auriez pas voulu soulever contre vons
toute la Sicile, vous faire des ennemis de tant d'hommes
dont le témoignage est respecté , si l'amour de l'or et
Tappat d'un gain présent ne l'eussent emporté daiis
votre esprit sur la considération même de votre sûreté.
Comme îl serait trop long , Romains , de détailler
les dommages de chacun , et que je ne pourrais faire
une énumération exacte de tontes les vexations de
Terres , je me borne à quelques unes qui vous don*
neront une idée de toutes les autres.
XXI. Nymphon, de Centorbe, est un homme actif
et industrieux , cultivateur très vigilant et très habile.
H avait pris à ferme une quantité considérable de terres,
suivant l'osage pratiqué en Sicile même par les hom-
mes qni, comhie lui, ont de la fortune, tffc il n'épar-
gnait, pour les faire valoir, ni dépenses ni instru-
ments de labourage : les énormes vexations de Verres
le contraignirent d'abandonner toute culture ; il j'en-
Aiit même de SîciK, et vint à Rome avec beaucoup
d'autres qu'avait chassés le préteur. D'après l'înstiga-
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«54 IN VERREM ACT. II, LIÇ. IH.
nés relinqueret , sed etiam ex Sicilia profugeret,
Romamque una cum multis ab isto ejectis veni-
ret. Fecit ut decumanus Nymphouem negaret , ex
edicto illo priBclaro , quod nallam ad aliam rem ,
nisi ad hujusmodi qaœstus perdnebat, numerum
jugerum professum esse. Nympho quum se vellet
aequo judicio defendere, iste Viros optimos reçu-
peratores dat , eumdem illum medicum Gornelium
( is est Artemidorus Pergaus , qui in sua patrîa
dux isti quondam et magister ad ' despoliandum
Diauee teraplum fuit), etaruspicemYolusiaDum,
et Yalerium prœconem. Nympho, antequam plane
constîtit , condemnatur. Quanti ? fortasse quaritis.
Nulla erat edicti pœna certa. Fmmenti ejus om-
nis y quod in areis esset. Sic Âpronius decumanus,
non decumam debitam , non frumentum remotum
atque celatum , sed tritici septem millia medim-
num ex Nymphonis arationibus, edicti pcena, non
redemtionis aliquo jure tollit.
XXII. Xenonis Meneni , nobilissiml hominis ,
uxôris fundus erat r.olono locatus : colonus, quod
decumanorum injurias ferre non poterat, ex agro'
profugerat. Verres in Xenonem judicium dabat
illud suum damnatorium de jugerum professione.
Xeno ad se pertinere negabat : fundum eiocatum
esse dicebst. Dabat iste judicium, si parerbt,
jugera ejus lundi esse plura , quam cotonus esset
professus, tnm uti Xeno damnaretur. Dicebat ille,
non modo non arasse se, id quod ' satîs erat, sed
nec domînum ejus esse fundî , nec locatorem ;
' Malit Ernest. dispoUandum , atq^ infra^ lY, ao,
dispoliaretur. — ^ Hotomann. conj., in satîs erat.
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SEC. ACTION CONTRE AHERRÈS, III. «5
tion de Terres, d'après c^tte belle ordonnance qui
n^étalt faite qae pour ces sortes de rapines, Apronias
prétendit qne Nymphon n^avait pas déclaré le nombre
de ses arpents. Nympbon voulait se défendre en justice
réglée ; le préteur donne pour commissaires de très
honnêtes gens, son médecin Cornélius ^' (c'est le
même qui , sons le nom d'Artémidore , dans Perga sa
patrie, avait aidé si puissamment Terres à piller le temple
de Diane), Yolnsius Taruspice ^ et Yalérius le crienr
public. Avant que le délit pût être bien établi , Nym-
phon est condamné. Tous demandez peut-être à quelle
amende ? Il n'y avait point de peine fixée par l'ordon-
nance. U est condamné à donner , comme amende ,
tout le blé qu'il avait récolté. Ainsi le décimatenr
Apropius, en vertu de l'ordonnance, et non par an>
cnn droit de son bail, enlève, non la dîme qui était
due, non le blé qui avait été détourné et caché, mais
tonte la récçlte de Nymphon , sept mille médimnes
de blé.
XXII. Xénon est nn des habitants les plus distin-
gués de Mena : un champ appartenant à sa femme
avait été affermé à nn homme qui , ne ^pouvant tenir
contre les vexations des décimateurs, avait pris la
fuite. Terres donnait action contre Xénon pour dé-
claration fausse. Xénon opposait une fin de non-re-
cevoir. Le champ est affermé , disait-il; Terrés persis-
tait; il voulait que, s'il était prouvé qu'il y avait plus
d'arpents que le fermier n'en avait déclaré, Xénon
fât condamné. Ce n'est pas moi , disait celui-ci , qui ai
fait valoir cette terre, et cela snffisait pour l'absoudre;
mais de plus , le champ ne m'appartient pas ; je n'ai
point passé le bail ; c'est la propriété de ma femme
qui, veillant elle-même k ses intérêts , a choisi son fer-
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66 IN VERREM ACT. II, LIE. m.
uxoris esse; eam ipsam suum negotîum gerere;
îpsam locavisse. Defendebat Xenonem homo sum-
roo splendore , et summa auctoritate prseditus ,
M. Cossetius. Iste nihilominus judicium H-S lxxx
mijlium dabat. Ille tametsi recuperatores de co-
horte latronum sibi parari videbat; tamen judi-
cium accepturum se esse dicebat. Tum iste magua
voce Veneriis imperat , ut Xeno audiret : Dum res
judicetur, hominem ut asservent; quum judica-
tum sit , ad se adducant ; et iUud simul dixit : Se
non putare , illum , si , propter diyitias , pœnas
danmationîs contemneret, etiam TÎrgas contem-
nere. Hac ille yi et hoc metu adductus, tantum
decumanis, quantum iste imperavit, exsolyit*
XXIII. Polemarchus est Morgantinus , vir bo-
nus atque honestus. Is , quum pro jugeribus quîn-
quaginta medimna locc decumœ imperarentur »
quod recusabat, domum 'ad istum in jus deduc-
tus est; et, quum iste etiam cubaret, in cubicu-
lum introductus est , quod , nisi muheri et decu-
mano, patebat ' alii nemini. Ibi, qaum pugnis et
calcibus con^cissus esset, qui dcc medimnis deci-
dere noluisset, mille promisit.
Eubulides est Grosphus , Centuripinus , homo
quum Yirtute et nobilitate domi suae , tum etiam
pecunia prinoeps. Huic homini, judices^ hones-
tissims ciyitatis houestissimo , non modo frumenti
scitote, sed etiam yitœ et sanguinis tantum relic-
tum esse, quantum Âpronii libido tulit : nam yi,
malo, plagis adductus est, ut frumenti daret, non
quantum haberet, sed quantum cogeretur.
* Ad i. i. j. eductus est. Vtrumque recte. — * Nemini
alii.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, III. 67
mier. Xénon avait nn défenseur de la plas hante con-
sidération et da plas grand poids, M. Cossétins. Le
prétenr néanmoins donnait contre loi une action de
qnatre-vingt mille sesterces *. lue Sicilien, quoique sàr
d'avoir des commissaires tirés d^one troape de bri-
gands , consentait pourtant à être jugé. Alors Verres
ordonne aux esclaves de Vénns , assez haut pour que
Xénon pût Tentendre, de le garder à Dite pendant
qu 'on le jugerait^ de le lui amener lorsqu'on curait pro-
noncé la sentence ; et en même temps il ajonte : Si ses
richesses ne loi font tenir aucnn compte d'ane amende,
je ne crois pas qa'il méprise anssi les verges. Xénon
tremblant paya anx décimatears toat ce que Terres
ordonna de payer.
XXIII. Polémarqae, de Morgante, est an homme
honnête et distingué. On lui demandait sept cents mé-
dimnes de blé pour la dîme de cinquante arpents. Sur
son refus, on le traîne, pour le juger., an palais du
préteur. Celui-ci était encore couché; on fait entrer
Polémarque daps la chambre, qui n'était ouverte qu'aux
femmes et au décimateur Apronius. Là, meurtri de
coups, il promet de payer mille médimnes, après en
avoir refusé sept cents.
Eubnlide Grosphus, de Centorbe , est le premier de
sa ville par son mérite , par sa nais§ance, et même par
ses richesses. Sachez, Romains, que ce noble citoyen
d'one si noble ville a abandonné de son blé , je dis
nl|pie de son sang et de sa vie , autant qu'il a plu au
tyran Apronius : car la violence , les coups et le» mau-
vais traitements l'ont contraint à donner de blé, non
ce qu'il avait, mais ce qu'il était forcé de donner.
* 10,000 liv. A.
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68 IN YERREM ACT. II, LIB. IH.
Sostratus, et Numenius, et Nymphodorus^jus-
dem ciyitatis , qunm ex a gris très ira très consortes
profugissent , quod iis plus frumenti împerabatur,
quam quantum exararant ; hominibus coactîs , in
eorum aratîones Apronius yenit , omne instm-
mentum diripuit, familiam abdnxit, pecus abegit.
Po8tea quum ad eum Nyinphodorus yenisset Mt-
nam, et oraret, ut sibi sua restituerentur, homi-
nem corrîpî ac suspendi jussit in oleastro quodam :
quae est arbor, judices, in foro. Tamdiu pepen-
dit in arbore socius amicusque populi romani, in
sociorum urbe ac foro , colonos' aratorque yester ,
quamdiu voluntas Aprouii tulit.
Gênera jamdudum innumerabiiium injuriarum,
judices, singulis nominibus profero : infinitam
multitudinem injuriarum prsetermitto. Vos ante
oculos animosque yestros , tota Sicilîa , decuma-
norum hos împetus, aratorum direptiones, hujus
importunitatem , Ajpronii regnum proponite. Con-
temsit Siculos ; non duxit homines ; nec ipsos ad
persequendum véhémentes fore, et yos eorum in-
jurias leyiter laturos existimayit.
XXIV. Esto; falsam deillis habuit opinionem,
malam de yobis ; yerumtamen quum de Siculis
maie mereretur, cives romanos coluit, bis indui-
sit, eorum yoluntati et gratiae deditus fuit. I^e
ciyes romanos? At ' nallus inimicior aut infestibr
fuit. Mitto yîncla , mitto carcerem , mitto verbera ,
' Lectio Ernestiana, nnllis, est ab Hotomanno. Gras-
pius, OliveUy Lallem., ^eterem lectiomm revocant ; quos
nunc sequimur.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, III. <^
Sostrate , Noménias , et Nymphodore , trois frères de
la même ville , possédant le même héritage , s^étaient
enfuis de lenrs campagnes , parce qu'on lear demandait
plus de blé qu'ils n'en avaient recueilli. Apronius , avec
une troupe armée , se jeta sur leurs terres , enleva tons
les instruments de labourage , emmena les esclaves et
les troupeaux. Depuis, Nympbodore étant venu le
trouver à Etna*, et le priant de lui rendre ce qui lui
appartenait , il le fit saisir et suspendre à un olivier
sauvage dans la place publique d'Etna. Ainsi, Romains,
au milieu d'une ville et d'une place pnbfiqne de nos
alHés, un ami et un' allié de Rome , son fermier et «on
laboureur, resta suspendu à un arbre tout le temps
que l'exigea le caprice d' Apronius.
Je viens de vous citer, juges, plusieurs traits par-
ticuliers qui peuvent donner une idée de ces innom-
brables vexations ; mais je n'en détaillerai pas la mul-
titude infinie. Représentez-vous par l'imagination , et
mettez-vous sous les yeux les violences des décimateurs
par toute la Sicile , le pillage de tous les biens des cul-
tivateurs, l'arrogance de Verres, la tyrannie d' Apro-
nius. Yerrès a méprisé les Siciliens ; il ne les a pas
regardés comme des hommes ; il a cru qu'ils n'auraient
pas la force de le poursuivre en justice , et que vous
verriez leurs infortunes d'un œil indifférent.
XXIT. Soit ; il a en des Siciliens une idée fausse , et
une mauvaise opinion de vous : mais s'il a maltraité les
Siciliens, il a traité avec égard les citoyens romains ; il
les a ménagés; ilsVst prêté' à leurs désirs ; il a tout fait
pour leur plaire. Lui , ménager les citoyens romains !
•H a été leur plus cruel ennemi. Je ne parle point des
* Ville qui était située au pied du mont Etna , du côté
do midi. Fazelli {ap. Cluver. Sicil. ant. , p. laa) y plac«
un couvent nommé S. NicoloV Arena.
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70 IN VERREM ACT. H, LIE. HI.
mitto secures ; crucem denique illam praeter-
mitto, quam iste civibus rofpanis testem huma-
nîtatis in eos ac benivolentiae sus yoluit esse ; mitto,
inquam, hœc omhia, atque in aliud dicendi tem-
pus rejicio : de decumîs, de civium romanorum
conditione in arationibus dispute; qui quemad-
modum esseut accepti, judices, audistisex ipsis.
Bona sibi erepta esse dixere. Verum haec, quo-
nialh ejusmodi causa fuit, ferenda sunt : nihil
yaluisse œquitatem, nihil consuetudinem ; damna
denique y judices, nulla tanta sunt, quœ non yiri
fortes, magno et libero animo affecti , ferenda
arbitrentur. Quid , si equitibus romanis non ob-
scuris, neque ignotis, sed honestiset illustribus,
manus ab Apronio , isto prsetore , sine ulla dubi-
tatione afferebanturPquid exspectatis? quid a me
amplius dicendum putatis? An id agendum,.ut
eo celerius de isto transîgamus , quo maturius ad
Apronium possimus , id quod ego illi jam in Si-
cilia pollicitus sum , ' pervenire ? qui C. Matri-
nium , judices , summa yirtute hominem , summa
industria , summa gratia , Leontinis , in publico ,
biduum teuuit. * Atque ab Apronio, judices, ho-
mine in dedecore nato , ad turpitudinem educato ,
adVerris fiagitiaKlibidinesque accommodato , equi-
tem romanum scitote biduum cibo tectoque prè-
hibitum; biduum Leontinis, in foro, custodiis
Apronii retentum atque seryatum , neque ahte di-
missum, quam ad conditiones ejus depactus ^ est.
* Ita cod. Nann. Ftdg. olim , renire. — * Gruteriani
côdices, et regitis optimus, Atqai. — ' Maliet Ernest.^
esset.
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EC. ACTION CONTRE TERRES, III. 71
prisons , de» chaînes, des verges , des haches , enfin jic "
cette croix qu^il a élevée comme un témoignage écla-
tant de sa donceur et de sa bienveillance pour les ci-
toyens romains; je snpprime tous ces détails, je les
réserve ponr nn antre temps * : je parle ici des dîmes ,
de la condition des citoyens romains agriculteurs, qnî
vous ont appris eux-mêmes, dans leurs dépositions,
comment Terres les a traités. Il les a, vous ont-ils dit,
dépouillés de leurs biens. Mais puisqu'il avait ponr
prétexte l'intérêt de l'état, pardonnons4ui ces abus
d'autorité, ce mépris de toute justice, de tous les usa-
ges; il n'est pas, enfin , de pertes à considérables , que
des hommes courageux , avec une âme grande et libre,
ne croient devoir supporter. Oui ; maie s'il est prouvé
que, sous la préture de Terrés, Apronins ne craignait
pas d'insulter des chevaliers romains , et non des hom.
mes obscurs et inconnus, mais respectables, distin-
gués, illustres ^^, qu'attendent nos juges? que dematt-
dent-ils encore de moi ? Faut-il passer plus rapidement
sur les crimes de Terrés pour en tenir plus tôt à ceux
d' Apronins, comme je le lui ai promis '* dès le temps
où j'étais en Sicile ? Apronins a retenu deux jours pri-
sonnier , dans la place publique de Léontini , C. M a-
trlnius, dont le crédit égale le mérite et la vertu. Oui,
Romains, un Apronins, nç dans l'opprobre, voué
à l'infamie, ministre des débauches et des dissolutions
de Terres , a tenu deux jours un chevalier romain sans
abri et sans nourriture ; il l'a fait garder à vue par se»
gens, deux jours entiers, à Léontini, dans la place
publique , et ne Ta laissé partir qu'après l'avoir con-
traint de faire avec lui un arrangement dont il lui a
dicté les conditions.
* Pour le Discours de SuppliciU.
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72 Iir VERREM ACT. II, UB. III.
XXV. Nam qiiid ego de Q. Lollio, jtidices , di-
cara , équité romano spectato atque honesto? Clara
res est , quam dicturus sum , tota Sicilia celeber-
rima atque notissima : qui quum araret in iïltnensi,
quumque is ager Apronio cum ceteris agris esset
traditus ; equestri vetere illa et auctoritate et gra-
tia fretus, affîrmaTÎt, se decumanis, plus quam
deberet, non daturuin. Referlur ejus sermo ad
Apronium. Enimvero iste ridere , ac mirari , Lol-
lium nihil de Matriuio , nihil de ceteris ' rébus
audisse. Mittit ad kominem Veuerios : boc quo-
que attèndite, apparitores a prœtore assignâtes
habuisse decutnanum ; si boc médiocre argumen-
tum videri potest, istum decumanorum nomine
ad suos qusestus esse abusum. Adducilur a Yene-
riis, atque adeo attrabitur Lollius, ^commodum
quum Apronius e palseslra redisset , et in tricli-
nio , quod in foro JEtntd stravet-at , ' decubuisset.
Statuitur Lollius în illo tempestivo gladiatorum
convivio. Non mebercule , qu» loquor, crederem,
judices, tametsi vulgo audieram, nisi mecura ipse
senex, quumraibi atque buic voluntati accusatio-
nis mesB lacrymans gratias ageret, summa cum
auctoritate esset locutds. Statuitur, ut dico , eques
romanus , prope annos xc natus, In Apronii con-
vivio , quum interea Apronius caput atque os
suum unguento perfricaret. Quid est, Lolïi.? in-
quit : tu , nisi malo coactus , recte facere nescis ?
* lallefn. ^oce/n hanc suspectant habet. — ' f^ulg.
commode. Schiitz rescripsit commodum. F'enssime. •—
^ Lambin., rccubuis^et. (Samton. ajulgat,<le/endebat, sect
ita ut moncret, legi etiam posse , discubuiiyet.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, IH. ,3
XXT. Que dîrai-je de Q. Lolllns, aussi chevalier
romain, non moins recommah4able par sa rertn que
par son rang ? Le' fait dont je vais parler est incon-
^testable , répandu etconnii dans toute la Sicile. Lollius
faisait valoir dans le terrîtojr% d'Etna , qui avait été
livré avec tant d'autres à la tyrannie ' d'A|>rpnius.
Plein de confiance dans le crédit et l'autorité dont
jouissait jadis Tordre équestre, il protesta qu'il ne
doAzLeraît aux décimatenrs que ce qu'il leur devait.
On rapporte son discours à A promus. Il se met à rire ,
étonné que Lollius ne fut pas instruit de ce qui était
arrivé à Matriniya et à d'autres encore. Il lui envoie
des esclaves de Ténus. Remarquez , Homains , que les
huissiers du déci^iateur ^ui étaient 4,*^signés pat le
préteur; et voyez si c'est une faible preuve que "Verres
se servait da nom des dédmateurs pour son profit
personnel Lollius est mené, ou plutôt traîné, par les
esclaves de Ténus , devant Apronius, à l'instftnt même
où celui-ci , de retour du gymnase , était couché siu*
un lit, dans une sajle à manger qu'il avait fait con-
struire an milieu de la place publique d'Etna. Lollius
, est laissé debout dans un festin dissolu ^* d'infâmes
gladiateurs. Non , malgré le témoignage public , je ne
croirais pas , juges , ce que je vous raconte , si le vieil -
lard, me remerciant, les larmes au^ yeux, d*avoic.
bien voulu me charger de l'accusation , ne m'eût parlé
lui-même de ce fait atec la gratté de son caractère.
ïTn chevalier romain, âgé de près de quatre- vii)gt-
élx ans , est donc laissé debout au milieu des convives
d'Aprouius, tandia qu'Apronîus se frottait la tête et
le visage avec des parfums. Eh bien I Lollius ,. lui dit-il ,
vous ne pouve:^ donc vous ranger à votre devoir, à
moins qu'on ne vous y contraigne ? Lollius , que sa
vertu et ses années rendaient si respectable* , ne savait
VIIT. ^ , 7
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74 ny VERREM ACT. tl, LIB. HI. •
Homo qmd ageret ; taceret , responderet ; quid
faceret deniqne, illa auctoritate et aetAte prapdî-
tas, nesrfebat. Apronius interea cœnam ac pocula,
/poscebat. Servi autem ejifs, qui et moribus iîsdem
esseut , quîbus domiftus , et eodem génère ac loco.
nati , prsBter oculos Lollii hœc omnîa ferebant.
Ridere convivae ; cacbinnari ipse Apronius : nisi
^ forte existimïitis , eum in vino ac luxu non risisse,
qui nunc in periçulo atque exitio suo risum tenere
non possit. Ne multa , judices : his contumeliis
scitote Q. Lollium ôoactum , ^d Apronii lege^ con-
ditionesque yenîsse. Lollius , setate e| morbo ini-
peditusy ad testimonium diceiMum yenire nûn
potuit. Quid opus est Lollio ? nemo hoc ^escit ;
nemo tuorum amicorum, nemo abs te productus, *
nemo interrogatus , nunc se primum hoc dicet
audire. M. Lollius, eju* filius , adolescens lectis-
simus, pfaesto est : hujus verba andietis. Nam "
Q. Lollius ejus fîlius, qui Calidium accusavit,
adolescens et bonus , et fortis , et in primis diser-
tus , quum his înjuriis oontumeliisque commotHs ^
in Siciliam esset profectus, in itinere occisus est :
cujus mortis caiviam fagitivi sustinent ; re qnidem
^ vera nemo in Sicilîa dubitat , quin eo sit occisus ,
quod habere claasa, non potuerit sua consilia de
Verre. Iste porro non dnbitabat, quin is, qui an-
tea alium studio adductuf^ accusasse^, sibi adVe-
nienti prsesto essel futnrus , quum esset pàrentis
. iujuriis et domesticb dolore commotiis.
XX Vï. Jâmne intelligitis, judices, quae pestis,
quae immanitas in vestra antiquissima , fîdelis«;îma ,
prôxiraaque provincia versata sit ? Jam TÎdetis , #
% ' : •
DigitizedbySODgle.
SEC. ACTION CONTRE TERRES, in., 75
s^îl devait se taire, s*il devait répondre; il restait immo-
bile ) interdit. Cependant Apronius ordonne de servir.
Ses esclaves, du même caractère, de la même extrac-
tion que lear maître ^^, affectent de passer les plats
devant Lollias. Les convives s'en divertissaient; Apro- '
nins riait aux éclats. Comment n'eùt-il pas ri dans le
vin et dans la débauche , lai qnî i/e pent s'empêcher
de rire dans Textréme péril dont il est aujourd'hui
menacé.' H fautfiiifin vous l'apprendre : Q. Lollius , ^
' à force d'outrages , fut contraint d'en passer par tout
oe que voulut Apronins. Lollius, retenu p»r ïkge et-
les infirmités, n'a pu venir déposer lui-même. Mais
qn'es(fil besoin de Lollius P le fait n'est ignoré de per-
sonne ; aucun de yf» amis, Terres , aucun de^ témoins
que vous av^ présentés, aucun de ceux que vous avec
interrogés , ne dira qu'on lui en pfrle aujourd'hui pour
la Mcmière fois. Le fils de LoIUas, jeune homme d'un
mént»»rare, est ici présent : jl fera sa dépâsitioli. Pour
Q. Lollius , un autre de ses fils , ^enne homme vertnen:t,
brave, éloquent, et qui fut l'accusateur de Calidius,
étant parti pour la Sicile k la nouvelle de ceslâcnes
outrages, il fut tué sur la route. On impute sa mort
aux esclaves ^^gitifs ^^ ; mais, en effet, personne ne
doute qu'il n'ait été tué, purée qu'il n'a pu cacher ses^
desseins contre Terrés. Terres 9e doutait pas qne le
fiUde Lollius, après ^voir accusé un citoyen par le -
seul amour de la jp^tice, ne dût être prêt^à l'attaquer
lui-même air retour de sa p'ro^nce , lorsqu'il y serait
excîlé par un ressentiment ^personnel contre l'oppres-
seur de son père.
XÎ.TI. Tdyci-vous k présent, Romains , quel fléau ,
quel monstre affreux a exér^ ses fureurs dans une de
vos provinces la plus ancienne, la plus fidèle, la plus
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76 , IN VERREM ACT. Il, LIB. in.
quam ob causam Sicilia , tôt hominunivantea furta,
rapinasy miquîtates , ignbminiasque ^erpessa , non
potuerit hoc noyum , ac singulare , atque incredi-
hUe genus injuriarum contumeliarumque perferre?
Jam omnes intelligunt ,« cur universa provincia
defensorem su» ^alutis ejam ' qusesivit, cu;usiste
fidel , diligentise , perseyerantiae , nulla ratione
eripi ' posset. T<it judiciis interCaistis ; tôt homi-
ûes nocentes et improb'os accusatos , et vestra et
superionvn memorki , scitis esse : ecquem yidistis ,
ecquem audistis, in tantis furtis, în tam apertis,
■^ i^i tanta audacia , tanta impudentia esse yersa-
tum? Apronius stipatores Venerios secum habe-
bat; ducebai eos cii^um ciyitates; publiée sibi
conviyia parari,st£rm triclinîa, et in foro stemi
jubebat; ^ eo yocari hommes honestissimos,#on
solum Siiiulos , sed etiam équités romanos : ut ,
quicum inire conyiyii#i nemo unquam , nisi tur-
pis impurusque, yohiisset ,' ad ejùs conyivium
spçftatissiini atque honestissimi yiri teijerentur.
Hœc tu , omnium mortaîium profligatissime ac
perditissime , quum scîres ,^ quum aùdires quoti-
die , quum yîderes : si sme tuo maximo qusestu
fièrent, cum tànto pesriculo tuo fieri paterere at-'
que concederes ? et tantum apud te qusstus Apro-
niif'tantum ejus serwo inquinatissimus , et blan-
ditidB flagitiossB yaluerunt , ut nunqùam animum
tuuni cura tuarum fortunarum cogitatioque tan-
geret ?
' Omnirib cUm'^Herelio corrig&ndum arbilror, qoaesive-
rit, — " Emendatio est Emestii. FiUg. possit. — ^ Schiitz
prœpositionem delevU , sensu satis bono. — * Id. recepit
lectionem al'upu>t mss., evocari. Al. habent, eo convocari.
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•^EC. ACTION CONTRE VERRES, III. 77
voisine de Rome? Voyez-vous à présent pourquoi la
'Sicile, ^ai, jusqu'alors, avait supporté les vols, les
■ rapines, les injustices , les affronts de tant d'autres ,
n'a pu soutenir ce genre nouveau , singulier , ân-
croyable, de vexations et d'outrages ? Tout le moptde
conçoit maintenant pourquoi t«nte la province en
corps a choisi un défenseur vlgifaiit, fidèle, incor-
ruptible, à qui "Verres ne saurait échapper. Vous avez
assisté, Romains, a de nombreux jugements; vous
sa^cz' qu'une foule d'hommes coupables et pervers ont
été accusés de votre temps et dans les temps qui pré-
cèdent : avez-vous connu quelqu'un, ou par vous-
' mêmes , ou par ouï-dire , qui ait commis des volç si
énormes et si manifestes, qui ait signalé tant d'audace
«t tant d'impudence? Aproniu» se gisait escorter par
des esclaves de Vénus ; il les menait avec lui de ville-ea
ville; chaque ville fournissait aux frais de ses repas et
des salles de festin qu'Q se faisait dresser dans les places '
publiques. Là étaient cités les personnages les plus
recommandables , Siciliens , et même chevaliers ro-
mains. Oui j les personnages les plus distingués et les
plus hotinêtes se voyaient forcés d'assister au repas
d"^ Apronius, q^ue personne, eicepté des impudi-
ques et des infâmes , n'aurait voulu jamaU avoir pour
convive. O le plus scélérat et le plus effronté des hom-
mes! vous saviez, vous appreniez tous les joura èes
^ horribles abus , vous en étiez témoin : je vous le de-
^ mande, Verres, s'ils ne vous eussent pas procuré des
profits imm£nsès f les eussiez-voas souffi^rts, les eus-
siez-Voas autorisés, malgré les périls qu'ils amassaient
sur votre tête ? Troiltiez-vous donc assez de charyae
I .aux gains honteux d' Apronius, à ses basses flatteries ,
à ses impurs entretiens , pour négliger, ppur oublier '
toujours vos pfus chers intérêts?
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/
78 .^ ,m VERMM ACT. II, up. m. -
Cemitis , judices , quod et quantum incendium
decumanorum impetu non solum per agros , sed
etiam per reliquas fortunas aratorum ; neque so-
in m per bona, sed etiam per jura libertatîs et
ci^itatis , isto'praetore, pervaserit : yidetis pen-
dere*alios ex arbore ; piûsari auteni alîos et ver-
berari ; porro alios in publico custodiri ; destitui
alios in convivio ; condemnari alios a medico et
prsecone prsetoris ; bona tamen interea nihilomi-
-iius eorum omnium ex agris auferri ac diripi. Quid
est hoc ? populi romani imperium? populi romani
leges? jndicia ? socii fidèles? provincia subuiiwma ?
Nonne «mnia potius *ejusmodi sunt, quae, 'si
A.tbenio Ticisset^^ ia Sicijia non fecisset? Non,
inquam , judices , esset uUam partem istius )ie-
quitiœ fugitivorinu insolentia consecuta. ,
XXV II. Pmatim hoc modo : quid ? publiée
civitates quemadmodum traetatœ sunt? audistis
permulta indicia et testimonia civitatum , et re-
' liquarum audieti^^.' Ac primum de Agyrinensi po-
pulo , fîdeli et illustri , breviter cognoscite. Agyri-
nensis est in prîmis honesta ci-vitas Siciliae , hofti-
num ante hune prœtorem locupletium summorum-
que aratorum. Ejus agri decumas quum emisset
idem Apronius, Agyrium venit. Qui quum eo"
cum apparitovibus , id est , cum minis ac vi ye-
nisset, poscere pecuniam gra^dem cœpit,«nt,
accepto lucro , discederet : noUe se negotii quid-
quam habçre dicebat , sed , accepta pecuniA,'quain
' Addit post hœc tria ^erha liber Nannianus, rex fu- '
gitivonun. Quod glossema imprudentior Lambinus ad'
rnisit. / -v ^
dbyObOgle
SEC. ACTION CONTRE VERRES, ni.- ^y
Tous voyez, joges, qâel faueste incendie, allomé par,
la violence des décimatenrs , s'eut répanda , jpendant la
prétnre de Terres , et sor les campagnes et sdr tonç
^jfis biens des^ agricultenrs ; il a dévoré même des ci-
'toyens, des hommes libres : voas le voyes; les nns
sont suspendus à fles arbres*, les autres sont i battus
et frappés ind^nement, d'autres sont gardés à vue
dans une place publique , d'autres laissés debout dans
un repas , d'autres condamnés par le médecin et
riraissier du préteur;- les biens de tous sont pillés et
enlevés des campagnes. Quoi donc ! est-ee là l'empire
' du peuple romain ^sont-«e là nos lois ? no; jugeknents ?
> notf>aQUés fidèles? une province à nos portes.^ Atbé-
nion même, s'il eût été vaincpieur, se fut-il jamais per-
mis dans la Sidle de semblables excès P Non , Romains,
l'insolence des esclaves fugitifs n'eût jamais pu attein-
dre à une partie de& brigaiidages de yerrès.
XXTn. "Voilà comme on traitait les particuliers :
et les villes, comment les a-t-on traitées? Tons avec
entendu les dénonciations et les dépositions du plus
grand nombre d'en|re elles ; vous entendrez les autres.
Et d'abord , écoutez en peu de mots ce qui regarde le
peuple d'Agyrone, aussi illustre que fidèle. La cité -s
d'Agyrone est une des plus distinguées de la Sicile:
avant la prétnre de "Verres , elle était remplie de
^ cdtoyens riches et d'excellents agriculteurs. Le même
Apronins, s'étant fait, adjuger les dîmes du territoire,
se rendit à Agyrone. Il y i vint avec- ses satellites,
* c'est-à-(^re avec des menaces et la violence. Il demân •
dait, pour addition à son marché *^;jine somme con-
sidérable , et il ne voulait, disait-ii , entrer dans aucune ,
* Suspendus a des atfges, chap. aS; battus, ibid.;
gardés a a;ue, chap. ^4; laissés debout, etc. ,^hap. a5;
condamnés, etc. , chap. %i.
Digitized \0^
»Google
,8o IN VERREM ACT. II, LIB. IH, *
primum aliam civitateii[^' occurrere. Sunt onmes
Siculi non contemnendi , si per nostros magistra*
tus liceat; sed homines et satis fortes, et satis
* plane /rugi ac sobrii : et in primis haec civîtas i "
de qua lôquor, judices. Itaque ^ominî in primis
improbîssimo respondent Agyrinënses , s'ese He-
cumas ci , quemadmodum deberent , daturos ; lu-
crum, quum ille magno 'pr^esertim emisset, non
addituros. Apronîus certiorem facit istum, cuja
res erat , quid rei esset. *
XXVIII. , Statim , taùquam conjuratio aliqua
Agyrii contra rempubticain facta , aut legatus'pirap-
toris pulsatiis esset , ita Agyrio magistratus , et
quinqueprimi , accitu istias evocantur. Veniunt
Syracnsas. Praesto est Apronîus : ait , eos ipsos , qui
vènissent , contra edictuœ praetoris fecissîî. Quae-
rebant, quid? respondebat, se ad recuperatores
esse dicturum. Iste , aequissimus homo , formidi-
nem iU;im snam miseris Agyrinensibus injiciebat :
recuperatores se de cohorte sua daturum minaba-
tur. Agyrinenses, viri fortissimi , judicium se pas-
'^suros esse dicebant. Ingerebat iste ' Artemidorum
Cornelium raedicum , Valerium prseconem , Tle-
poleiUiSln pictorem , et ejusraodi recuperatores ;
^. quorum ci vis romanus nemo erat ; sed Graeci sa-
crilegi , jampridem improbi , repente Corhelii.
Videbant Agyrinenses^ quidquid ad eos reeape-
*' Herel. conjkit obruere. Fid. Desjarâ.^ pag. 675. —
* Displicet Emestio plane , ^ix coiis^ntiens, 'vérbo satis.
Sed forte ipswn satis poiius delendtèm. — ^ PriscûS edd. ,
Arteibidorum mcdicuin («orD^um/ pictorem Tlépole-
mnm, omissis ceteris. Sola forte a>9Xt Arteniidoruin ,
ex alicujus inlerpretatione defluxit.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, HI. 8r
discussîoTi , mais passer anssîtdt à une autre ville ,
aprè% avoir reça Fargent. L^s Siciliens ne sont point
des hommes méprisables, quand nos gouverneurs ne
les avilissent pas : ils ont de la fermeté , de la sagesse ,
de la raison , et surtout les habitants d'AgyK)ne. Il»
répondent à cet homme pervers : !^ous vous donne-
rons les dîmes qui vous sont dues ; mais nous n^ajou-
teroni^rien , d'autant plus que votre bail est très élevé.
Apronius infotm» dej^ctiose "Verres; "Verres y était le
plus intéressé.
I
XX"VIII. Anssitôt^n eut dit qu'on avait conspiré à
Agyroue contre la république , ou qu'on avait frappé
un lieutenant du préteur ; aussitôt les magistrats et les'
cinq premiers citoyens sont mandés d' Agyroue par
ordre de "V*errès. Ils viennent à Syracuse. Apronius se
présente ; c'étaient, disait -il, les députés eux-mêmes
qui avaient enfreint l'ordonnance du préteur. En quoi.*^
demandaient les députés. Je le dirai, répondait Apro-
nius, devant les. commissaires. "Veiyè*, préteur équi- \,
table, montrait à ces nffiheureux son épouvaiitail or-
dinaire ; il menaçait de leur donner des commissaires
parmi ses satellites. Les députés d'Agyrone , toujours
fermes , consentaient à subir un jugement. Le préteur
leur annonçait pour juges, Artémidore, c'est-à-dîre
Cornélius le médecin ^î>, l'huissier "Valérius, le peintre
Tlépôlème, et d'autres gens pareils; pas un citoyen
romain , tous Grecs sacrilèges , connus d'ancienne date^
par leur perversité, et devenus tout à coup des Cosné-
liu^ Les accusés voyaient qn' Apronius ferait recevoir
sans peine toutes les raisons qu'il apporterait devant
de tels conïmifisaires ; mais ils aimèrent mieux que le
préteur se rendit odieux et se déshonorât en les faisant
'Condamner ,'que de se soumettre ^ux lois et aux condi- •
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,12 IN TERKEM ACT. II, LIB. IH.
ratores Aprobius attulisscft, îUuth pei facile proba-
turum > condemnavi cum Istius iuvidia ixifamiaque
malebant , quam ad ejus condidones pactionesque
accedere. Qusrebaat . quae in yerba recuperatores
daret. Respondebat, si parerbt, adyrrsus rdic-
TUM FECissE .* qua6 ' in judicio dicturum else dî-
cebat. Iiiiquissimis yerbis, improbissJmis recupe-
ratoribus , conflictari malebant , ({tiain quid<}uam
ccim isto sua yoloutate decidefe. Summittebat iste
Tiriiarcbidem , qui monetet eos, si sapèrent, ut
transigèrent. Pernegabant. Quid ergo ? in singu->
los'H-S qainquagenis millibus damnari mayiiltis ?
Malle dicebant. Tum iste cli^e , omnibus audien-
tibus, «Qui damnatuserit, inquit, yirgis ad ne-
cem csedetur. » Hic illi fientes rogare alque orarç
cœpernnt^ ut sibi suas segetes, fructusque omnes,
arationesque yacuas^Apronio tradere liceret, ut .
ipsi sine ignominia molestiaque discederent,^
Hac lege, judices, decumas yendidit Verres.
Dicat lîcet Hortensius, si Tolet, magno Verrem
yéndidisse.
XXiX. Haec coûditio fuît, isto prœtore, arato-
rum , ut secum prseclare agi arbitrarentur , si ya-
cuos agros Apronio tradere liceret : multas enim
cruces propositas effugere cupîebantA Quantum
/ Apronius edidisset deberî , tantum ex edicto dan-
diim erat. Etiamne si plus-«edidisset , quam quan-
tui^ natum esset ? Ëtiam. Quomodo ? Magistratus
ex ipsius edicto exigere debebant. At arato^ repe-
tere' poterat. Verum Arten^idoro recaperatore.
Qoid, si minus ^ralor dedisset, quam poposcisset
' Alii addunt se. Frustra hmtc suspecta Emestio.
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SEé. ACTION CONTRE TERRES, m. 8J
tions da décimatbnr. Ils demandaient à Verres à qr elles
fins il dontferait des commissaires. Aux Fiirs , répondit-
a , Dï FAIRE PROUVÈJR QUI VOUS AVEZ BKf REIITT l'oR-
DOirNAN CE ; et c'est là-dessa^l que je rendrai mon joge-
ment. Ils persistent , et ils aiment mienx avoir à latte^
fx>ntre des formes iniques, devant d'iujustes commis-
saires , qtie de s'arranger au gré de Verres. Verres les
faisait avertir se^ètement,«par Timarchide, de tran-
siger s'ils étaient sages. Ils refusent encore. Quoi donc f^
aimez -vous mieux être condamnés chacun à cin-
quante mille sesterces * ? Oui , disaient-ils , nods l'ai-
mons mieux. Eh bien ! dit alors Verres , assez haut
pour être entendu de tout le monde , celui qui sera "
condamné sera battu de ^verges jusqu'à expirer sous .
les coups. Les infortunés se mettent alors à le prier et ^
à le conjurer , les larmes aux yeux , de leur permettre
de livrer à Apronins leurs blés , leurs récoltes , leurs
ferres , afin de se retirer du moins sans subir une peine
corporelle et déshonorante.
Voilà, Romains , la loi qu'imposait Verres pour af-
fermer les dîmes, lïorlensitis peut dire, s'il le veut, e't
s'il l'ose , que Verres en a haussé l'adjudication.
XXIX.'Telle a été, sous sa préture, la <jondition des
' agriculteurs, qu'ils se croyaient heureux qu'on leur
permit de livjcjer leurs champs mêmes à Aprouiûs : ils
croyaient toujours voir devant eux des croix mena-
çaoktes. Il fallâh donner, en 'vertu de l'édît , tout ce*
que deman!âait Apronius. — Même s'il demandait plus
qu'on. n'avait recueilli.** — Sans doute. — Comment
celft ? — Les magistrats , en vertu du même édit , de-
Taient les forcer de piiyer. — « Bib^ le cultivateur pou-
vaitréclamer? -^ Oui, mai« devait \e commissaire*
* 6,2 5o liv. A.
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84 IN VERREM ACT. II, LIB. III. ^
Apronîus ?. Judicium in aratorem in quadruplum.
Ex qûo judicum numéro? Ex cohorte praeiori»
prsBcJara Iiominum honestissimorum. Quid am-
plius? Minua te jugeitim professum esse dico :
recuperatpres ' rejice', qiiod'adversum edictum
feceris. Ex quo numéro ? Ex eadem cohorte. Quid
erit extremom ? Si damnatus eris (nara dubitatio
damnationite , ilKs recuperatoribns , quae poterat
esse?) ,.virgis te ad necem caedi necesse erit. His
legibus, his conditiotiibus , erit quisquam tam stul-
tus, qui décidas yenisse arbitretur? qui aratori
noveip partes reliquas factas esse existimet ? qui
non intelligat, istum sibi quœstui prœdaeque ha-
buisse bona , possessiones , fortunas aratorum ?
XXX. Virgarum raetu Agyrinenses, quod im-
pertitum esset, facturos se esse dixerunt. Accipite
nuncy quid împeràrit; et dissimulate ^vos, si po-
testis , vos intelligere , ipsum prstorem , quod tota
Sicilia perspexerit, redemtorem decumarum, at-
que adeo ^ arationum dominum ac regem fuisse.
Imperat Agyrinensibus, ut decumas ip^ publiée
accipiant , Apronio lucrum dent. Si inagno eme-
rat, quoniara tu es, qui diligentissime pretium'
exquisisti ; qui, ut ais, magno vendidisti : quare
putabas emtori lucrum 'addi oporte»e? Esto : pu-'
tabas. Quamobr^m imperabas, ut adderent? Quid
est aliud, capere et conciliare pecunias, in quo t«
^ Non intelligebat hœc Grtevius, àiun eorrigebat recipe.
Fid. not. ^r- * Ernest, uncis includit vos ; Jferel. mallet ,
Hissiniulate, quacso. ^- ^ Edunt sic C. Steph., Gnev. ,
\ al. Feteres fdd., aralonim. Sed arationum reatius t-on-
venit aierho decnmaniin.
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SEC. ACTION contre! VERRES, III. 85
Artémidore. — Et si le cultivatear avait donné moins
que ne loi demandait ApronL^s ? — On le faisait con-
damner à Taxnende du qoadraple. -^ Et oÀ prenait-OQ
les jnges ? — Parmi les homn^es intègres qni formaient
la snite dn préteur. — Est-ce tont? — Non; votre dé-
claration est fausse, choisissez ^° des cominissaires,
vous anrez enfreinî.l'éûit. — Et où seronftpris ces com-
missaires?- — Parmi les mêmes hommes. — ^ Qu'arri-
vera-t-il enfin? — Si vous êtes condamné (et comment
ne»le seriez- vous pas avec de tels juges?), les verges
et la mort vous attendent. D'après ces lois , d'après
ces condition^, qui serait assez inseï^ povr croire
(pi'qea ait adjugé les dîmes ; pour s'Imaginer qu'on ait
laissé au laboureur les neuf dixièmes; pour ne pas
comprendre que Verres a fait son profit et sa pi'oie ,
des biens, des possessions, de la vie des cultivateurs?
XXX. Le» représentants d'Agyrone, intimidés parla
menace d'un supplice ignominieux, consentirent à Aûre
ce qui leur serait ordonné. Écoutez maintenant ce
qu'ordonna "Verres,, et feignez, si vous pouvez , de ne
pas voir ce qu'a im toute la Sicile , que le préteur lui-
même a été le fermier des dîmes, ou plutôt le pvô-
priétaire unique et le maître absolu des terres. *I1 or-
donne aux accusés de "ptendre eux-méàLes le bail au
nom de leur ville , en y joignant quelque bénéfice
pour Apronins. Si 4e bail était déjà très haut , vous ,
"Verres, ^trî étiez si exact sur l'adjudication des dîmes ,
et .qui êtes si fier d'en, avoir haussé le prix, pourquoi
pensiez-vous qu'on dût y joindre quelque "bénéfice
pour Fadjudicatai^e? Soit; voos le pensiez. Pourquoi
esoîgiez-vous qu'on le lui payât?* N'est-ce pas prendre
et se faire donner de l'argent, ce qui est défendu par
la loi', que de 'contraindre des peuples, par force et
par autorité , de se charger de l'acquisition d'un autre ,
VIII.' ^ 8
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86 IN VERREM ACT. II, LIE. IH. u
lex tenet, si lioç non est, vi atque imperio éogere
invitos 'luçrum dare^lteri , hoc est ,^ pecui^iam
âare? Age, quid tom? si Apronio, deliciis prae-
toris f lucelli aliquici jùssi sunt dare, putate Apro-
nio datum, si Apronianum lucellum, ac non prae-
toria prseda vobis yi^ebitur. Imperas , ut deoumas
accipiant; Apromo dent lucrum, tritici medim-
Xium ' XXXIII. Quid est hoc ? un a civitas ex uno
agro ^plêbei romanâe prope menstrua cibaria prœ-
toris imperio donare Apronio cogitur : tu magno
dipcutnas vendidisti , quum tantum lucri decumano
sit datum? Profecto, si pretium exquisisses dili-
genter, tum, quum yendebas, ' x me^imnum po-
tius* add i dissent , quam H-S loc postea. Magna
prspda yidetur : audite reliqua, et dib'genter at-
tendite, quo minus miremini, Siculos, re neces-
sarta coactos, auxilium a patronis, a consuhbus,
a senatu, a legibus, a judiciis petiyisse. ■*
XXXI. Ut probaret Apronius hoc triticum,
< quod ei dabatur, imperat Agyrinensibus Verres,
ut in medimna singula dentor Apronio H-S m.
Quid est hoc ? tanto numéro frumenti , lucri no-
mîne , imperato et ' expresso , nummi praeterea
exîgentur, ut probetur frumeifftum? an poterat
lion modo Apronius ^ sed qijivis, exercitui si me-
* xxxiix millia. — ^ |fleb4. Formant ^ero Ulam, ple-
bei, non maie recepit e mss. 'Lambinus, Genilivus est,
qùem indocte mutfivit in .plebi librarius. — '. Oijinino
sic legendum, prœeunte Hotom. et Gnevio. F'ulg., x me-
dimna. — ^ Tiia hcec alerta recte Grœv. restitidt , maie
Ernest, delevit. IFeec servatjv^ius codex ofti/nus.
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SEC. ACTION CONTRE^^-ERRÈS, IJI^ 87
en laUdojm^nt encore nne indemnité , c^est-à-diré de
Targeiit*^ ' ? Mais enfin, s'ils oçt reçu otdi-e de faire nn
modique pi-ésent à Apronîas, le* délices du prétenr,
croyez, Romains, que c'est à Àpronios qu'il a été fait,
si vous y trouvez \e gain d*un Apronins, et non la
proie de Verres. Prenez les dîmes, leur dite»- vous, et
donnez à Apronius, comme bénéfice, trente-trois mille
médimnes de blé. Quoi ! i^e seule viUe , un seul ter-
ritoire est obligé , par prdre du préteur , de donner à
Apronins ce qnx suffirait presque * pour le peuple de
Rome pendant un mois ! et vpns dites avoir haussé
radjudication des dîmes , lorsque vous avez fai^donnf r
un paf^il surcroît à un décimatenr! Certes, si vous
aviez été si exact sur le prix , Agyrone aurait, mieux
aimé, lorsque vous affermiez les dîmes, enchérir de
dix mille médimnes que de donner ensuite six cent
mille sesterces '^. Ce butin vous paraît grand : écoutez
le reste avec attention, et vous serez moins surpris
q^e les Siciliens, forcés parla nécessité, aient imploré
le seconrç dé leurs protecteurs, des consuls, du sénat ,
des lois et des tribunaux;.
XXXjI. Pour Vexamen du blé " qui serait donné à
Apronius, Terres commande aux habitants d'Agyroûe
de lui compter trois sesterces par médimne. Comment !
après les avoir forcés de doni|Ler utie si grande quantité
de blé à titre de bénéfice, on exigera encore de l'argent
pour l'examen du blé ? Quand il aurait fallu en me-
surer pour l'armée, Apronins, ou tout autre, pou-
vâit-il refuser le blé 'de Sicile, puisqu'il avait le droit
de se le fair<y Kvrer dans l'aire même , s'U le voulait ?
Hfne ^ grande quantité d» blé est exigée et donnée par
* « Bene addit ^propei ut emm huic rei stafficeret , pins
tertia )»arte major ilîe medimaum nume^s esse debue-
rait. y> Desjardin^.
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^88 IN VERREM ACT. II, UB. HI.
tiiindum esset, iroprob^e Siculum frumentum , ,
quod isti ex area^ si vellet , adm^^tin licebat ? Fru-
menti tantus numéros irap^rio tuo datur, et cogi-
tur. Non est satis. Nummi prseterea imperantur :
' dantur. Pnrura est. Pro decumis hordei alla pecu-
nia cogitur. J^bes H-S xxx lucri dari. Ita ab una
ciyitate,Yi, mini§, iropeyio, injuriaque'prxtoris'
eripiuntur tritici medimnum xxxiii, et praeterea
H-S ' LX. An hsec obscura sunt?,aut, si onvies
hoiniAes yelint, obscura esse possunt, qua^ tu
palam egisti, in conveutu imperasti, omnibu^ in>
- spee^antibus coegisti ? qua de r^ Agyrinenses ma-
gistrMus , et quinqueprimi , quo9 tu * tui quaestus
causa evocasti , acta et imperia tua domum ad
senatum suum renuntiaverunt ; quorum renun-
tiatio, legibus illorum, litteris publicis mandata
est : quorum legatî , homines nobilissimi , Romae
sunt , qui boc idem pro testimonio dixerunt.
Çogno9Cite Agyrinensium publicas litteras ;
deinde testimcAiiom pubiicum civîtatis. Recita litte-
ras publicas. LiTTEKJE puBLiCiE. R ecita testimonium
pubiicum. TESTiMOirium pubj^icum. Animadyer-
tistis in hoc testimonio , judices , Apollo^orum ,
cui Pyragro cognonien ' est , principem snae civi-
tatis , lacrymantem festari ac dicere , ^unquam
])Ost popuji romani nomen ab Siculis auditutn et
cogoitum, Agyrinenseâ contra quemquam infimubi
civem romauum dixisse , aut fecisse quippiam ;
' Hotomann., cxxix. N^meri aatent pleriwiqme liepra-
vati, qvâ tamen a/ix corrigi sine libris possunt. W- not.
interpret. — * Grut. , tuique. Lectio scUicet TfaréfUana^-
^ulgaia enim, quos tui."
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SEC. ACTION CONTRE VERRES ^IH. 8>
• TOtre ordre. Ce n'est jgoïiit assez. On exige en outre
de l'argent ; il est donné. Cjest peo de chotfe. On force
de payer d'autres somîiies pour les dîmes de Forge.
Tous faîtes donner, "Verres, trente mille sesterces * à
titre de présent. Afnsi la violenée , les menaces , Fau-
iforité , rinjnstice du préteur , enlèvent à une seule
ville trente-trois ibille médimnes de blé , et en outre
soixante mille sesterces ^^. Ce* faits sont-ils obscurs, *
ou peuvent-Os Fétrc, quand tout Ij monde le voudrait?
n'est-ce pas en pleine assemblée , aux yeux de tous , •
que vous avez ordonné , exigé , menacé 1 Les magistrats
d'A^rone et les cinq premiers citoyens que vous aviez
mandés pour votre intérêt', ont fait chez eux à leur
sénat le rapport de tous vos aetes tyranniques. Le rap-
'port , conformément à leurs, lois , a été consigné dans
les registres de la TÎlle. Leurs députés , hommes d'un
rang illustre, sont à Rome; ils ont confirmé ce que je
dja par lepr déposition. -,
"Voici les registres d'Agyrone , et la déposition de ses
députés. Lisez les registres. Registres pu»i.ics. Lisez ta
déposition. Déposition des dé putes, x Juges ^ vous avez
pu le ren^rquer, dans cette déposition, ApoUodore,
surnommé Pyragre, le premier de sa ville , dit et pro-
teste , les larmes aux yeux , que , depuis que les Siciliens
avaient entendu parler de Rome , depuis qu'ilsTavaient
cof^Rue , les habitants d'Agyrone n'avaient rien dit/
ou feit contre le dernier de nos concitoyens, eux qui
anjourd'htii se voient forcés , par les plus criantes
vexatîohs et le plus juste ressentiment, de déposer an
nom de leur ville contre un préteur du peuple romain.
Aucune défense , Verres , non , aucune défense ne sau-
rait détruire le témoignage de cette seule ville , tant
* 3^7 5o liv.' A. ^.
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90 I^ VERREM AÇT. H, Life. IH.
qui nunc contra pr^torem p^puli romani magnis
injuriisy et magno dolore piJ[>lice testimonîum
' dicere cogerentur. Uni, riieherculé, huic cÎTitati,
"Verres , obsistere tua defensione non potes : tenta
auctoritas est in eorum hominum fîdeHtate , tantus
dolor in injuria, ^anta religio in jtestimonio. Ve- \
^ rum lion uua te tantum, sed uniyersse, similibus
afflicta»> içcommodis , legationibus ac testimoniîs
' publicis ' persequuntur. ,
XXXII. Etenim deinceps videamus , Herbifensi^
civitas , honesta y. et antea copiosa , quemâTdmodun^
spolfata ab isto ac vexata sit. At quorum homi-
num ? summor|im aratorum , remotissimorum a ~
fore , judiciis , controversiis : qnibus parcere et
Gonsulere , liomo impurissime, et quod genus ho-
minum studiosissime conservare*debuisti. Primo
«?nno venierunt ejus agri decumae tritiçi medim- ,
num XVIII. ^ Atidius , istiu? item miuister in de-
cumis, quum emissetj.et praîfecti nomine quum
vênisset Herbitam cum Veneriis, locusque ei pu- ,
blicé , quo deverteretur, datus esset; co^ntur.
' HerbitenSfes ei lucri dare tritici medimnum-xxxviï*, ^
quum decumae yenissent tritici medimnum xyiii.
Atque hoc tantum ttiticum lucri coguntur dare
publice , quum jam privatim aratores ex a gris,
spoliati atque exagitati decumanortim injuriis, ,
profugissent. Anno secundo quum emisset Apro^
nius decumas tritici medimnum xxy nàillibus, et
ipse Herbitam cum illa prsedonum copia manuque
venisset ; populus publice coactus est ei conferre .
' Persequentur. — * Qdidam /volant , Accensiis iitius,
item m.
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V
SEC. ACTIONS' CONTRE VERRAS, III. 91
les hommes qui le rendent sont dignes de fui par lear
dévoaement à notre empire ! tant ils sont pénétrés des
înjnres qn^ils. ont reçues ! tant ils déposent avec nn
scrupule religieux ! Mais ce n'est pas une seule ville ,
ce sont toutes les villes opprimées par vous , dont les
députatioas et les témoignages publics vous poufsui*
vent et vous accusent.
XXXII. Voyons , en effet, comment Herbire , ville
distinguée et auparavant opulente , a été pillée et dé-
solée par Terrés. Mais quels sont ses habitants? De la-
borieux cultivateurs, qui défèrent le barreau , les plai-
doiries, les contestations judiciaires : vous deviez, lâche
tyran ^ épargner cette classe d'hommes^ les ménager,
les conserver avec beaucoup de zèle et de soin. La pre-
mière année , les dîmes de lenr territoire furent alRTer^
nfées dix-huit mille médimnes de blé. Atidius ^^, qui
était aussi un des agents de Yerrès dans cette partie ,
avait pris le bail : il arrive à Herbite avec \e titre de
préfet, suivi des esclaves de Vénus, etia ville lui as-
sène un logement. A peine a-t-il paru , les habitants
«ont forcés de lui donner trente-sept mille<ànédimùes
de bénéfice , quoique les dîmes n'eussent été affermées
que dix-huit mille. Et ils sont forcés de lui donner ce
surcroit au nom de la ville , lorsque les cultivateurs en
pa^culier , déponiUés déjà et tourmentés par les vexa-
tiotis des décimateurs, s'étaient enfuis de leurs champs.
La seconde année, Apronius ayant pris les dimes pour
vingt-cinq mille médimnes de blé , et étant venu lui-
même à Herbite avec sa Irqupe Je brigands, le peuple,
au nom de la vUle , fut obligé • de lui payer une' in-
demnité de vingt-six' mille ^édimues ^^, et en outre '
deux mille sesterces. Pour ce qui est de l'argent , je
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<)a IN TEJlREM ACT. II, LIB. HIj
' lucri tritici medimnnm "xxlri , et accessioi^ein
H-S CI3C10. De aCcessione dubito, aij^Apronio
ipçi data sit, merces'.operae , pretiumque impu-
dentiae. De tritici quidem numéro tanto , quis po-
test* dubi tare, qiiin ad istum praedoiiem frumenta-
rium , sicut Agyrinense frîiinentum , pervenerit ?
XXXIII. Anno vero tertio in hoc agro con-
. suetudine usus est regia. Solere , aiunt , barbaros
reges Persarnm aç Syrorum, plhres uxores lia-
bere; his antem «xoribus civitates attribuere, hoc
modo : Hac civitas mulieri redimiculum praeheat,
haec in collum , haec i» crines. Ita populos habe^t
universosnon solum conscios libidinis suse, verfim
etiam administros. Eamdem istius, qui se regem
Siculorum esse ducebat, licentiam libidmemque
fi\isse cognoscite. uEschrionis Syracusani uxor est
Pippa : cujus nomen istius nequitja tota Sicilia
perYulgalum est ; d^ qua muliere versus plurimi
supra. tribunal et supra praetoris caput scribeban-
tur. Hlc*^schrio, Pippa vir adumbratus, in Her-
bitensibus decumis no vus instituitur publicnnift.
Herbitenses quum vidèrent, si ad iEschrionem
pretium redisset, se ad arbitrium libidinosissimaQ
mulieris spoliatum iri; liciti sunt usque eo, quoad
se effîcere posse arbitrabantur. Sûpra adjecit JEs-
chrio : neque enim metuebat, ne, prœtore Verre,
d^cumana muHer damno affîci posset. Addicitut* "
medimnum xxxv millîbus , dimidio fere'pluris,
quam superiore anoo. Aratores funditus evcrte-
bafirtur ; el eo magi», quod jam superioribus annis
' Ernest, in hocjoto dufius putat lucri, quodintelUgi
eominodé posset. \
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' ' I
SEC. ACTION CONTRE VERRES, III. ^
doute s'il n*^ pas été donné à Apronias lui-même
comme salaire jie sa peine et comme prix de son im- .
pudence. OTais peut-on douter que d'une teUe quantité
de Hë, comme lie celui d'Agyrone,' il ne soit venu
la plus 'grande partie à 'Verrèft, à ce dévastateur de»
campagnes? ^
XXXm. La troisième année ; le préteur a suivi pour
ce territoir^ne coutume royifte. Les rois de Perse et
de Syrie sont, dit-on, dans l'usage d'avoir plusieurs
femmes, et d'assigner des vîîles ponr leur parure ; telle
ville doit lroui:nir pour les rubans, celle-ci pour les
colliers, celle-là pour les coifTiires. Ainsi ils odt, dans
tous les peuples , non seulement des témoins , mais en-
core des ministres de leurs dissolutions: "Verjrès, qui se
regai-dait comme le roi des Siciliens, s'est permis le
même abus de pouvoir et la même licence. Êscluion,
de Syracuse^ a pour femme une nommée Pippa , nom,
célèbre dans toute la Sicile par les dérèglements de
Verres, et par les couplets sans nombre qu'on affîch£(it
sur le tribunal £t jusqu'au-dessus de la tête du préteur.
Esobrion, époux honoraire de Pippa, est installé nou-
veau fermier public pour les dîmes d'Herlût^. Les habi-
tants , qui voyaient qne si les enchères d'Eschrion pré- ,
valaient, ils seraient dépouillé» ^'gré d'Ane femme
sans honneur , enchérirent tant; qu'ils crurent pouvoir
le faite. Eschrigp mettait toujours) au-dessus d'eux ; il
ne craignait pas que, sous la préture de Verres^ au-
cune adjudication pût tourner au désavantage d'une
fermière^ publique. Les dîmes soijt affermée^ tredte-
çinq mille médimnes ^'; c'était près de la moitié plus
que Vannée précédente. C'en était fait des agriciilteurs,
d'autant plus >]ue les années précédentes ils s'étaient
déjà vus presque entièrement épuisés. Verres ayant
îemarqoé que les dîmes avaient été portées trop haut
(
DigilizedbïGoOgle'
94 IN YEl^REM ACT. H, LIB. m.
exhausti erant ac pï»ne perditi. Iiitellexit iste , ita
raagno yenisse, «t aniplius ab Herbitensibus ex-
primî non posse^ : démit dç capite médiranum
CIO CJD CIO i3c;'}ubet in tabulas |$ro mediinnum
* XXXV referri xxxi et cccc. '^
3^XXTV. Hordei decumas ejusdem agri D<ïcimus
emerat. Hic est Docimus, qui ad istum. ded axera t
Tertiam, Isidori mimi fîliam, vi abductam' ab
Rhodio tibicine. .Hujus Tertiae plus etiam , quam
Pfppae , pli^ quam ceterarum , ac prope dicam ,
tantum apud istum in Siciliens! prtetura auctoritas
valnit, quantum in urbana Cbelidonis. Veniunt
Herbitam duo prœtoris semuli , non molesti , mu-
liercularumteterrimarum improbissimi cognitores;
incipiuntpostulare, poscere, minari. Non poterant
tamen, quum cuperent,'Apronium imitari. Siculi
Siculos non tam pertimescebant. Quum omni ra-
tione tamen illi calumniarentur; promiwunt Her-
bitenses yàdimonium Syracusas. Eo postenquam
ventum est, coguntur uEschrioni, id est, Pippse,
dare tantum, quantum erat de capite demtum,
tritfci medimnum cio ci3 ci3 ^ dg. Mulierculae
publicansB noluit ex decumis nimium lucri dare ,
ne forte ab noctumo suo quaest;^ aniraum ad vec-
tigalia redim^nda transferret. Transactum pnta-
bant Herbitensës; quam iste : Quid de bordeo,
inquit, et Docimo, amiculo meo? quid cogitatis?,
At bo'c agebat in Cubiculo , judices , atque in lec-
* Olim XXXI. Fitiosos numéros lùc atque infra Ernest,
correxit. Multa tamen , ut in' his siglis , dubia sunt. -^
'ix. Scripsit Ernest, dc e cap. prœcedente ; et .tic olim
edittim /uit. Quidam conjiciunt modios , sed htec refingunt
omtua.
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SEa ACTION CONTRE vi^UÈS, UI. 95
fllr qu'on pût rien tirer de pins des Herbitain%, re-
nche de rim)pôt public trois miUe six cents médim- -;
. nés; et, an lieu de trente-cinq mille, fait p'orter sur les
registres trente et un mille quatre cents. ^^ -
^XXIV. -Bocîmus avait pris à £erme les dîmes de
/l'orge du même teiritoii'e. G^est ce Docimns qui avait
amené â Verres la Tertia , fille du comédien Isidore ,
enlevée .par Im de force à un musicien de Rhodes. Cette
Tertia avait plus d'empire suri'esprit d^y^rès que
Pippa et ies autres ; je dirai pres(|ne qu'elle était aussi
puissante dans la préture de Sicile, que l'avait été Aé-
lidon dans la préture de Rome. Les deux rivaux in
préteur , qui lui avaient cédé tous leurs droits , se ren-
dent à Herbite : ces agents criminels de femmes disso-
lues demandent , exigent , menacent. Ils ne pouvaient
toutefois, malgré leur désir, imiter Aprdnîus. Les Si-
ciliens ne redoutaient pas autant leurs ^compatriotes.
Les nouveaux décimateurs n'en faisaient pas moins
mille difficultés; les Herbitains s'engagent à plaider
contre eux à Syracuse. Quand ils furent venus, on les
qblige de donner à Escbrion , c'est-à-dire à Pippa . ce
qu'QU 9vait retranché de l'impôt public , trois mille six
ctfnts nrédimnés*. Yerrès ne voulut pas donner sur
les dîmes, à l'épouse adultère dudédmateur, un trop
fort bénéfice ; «lie aurait pu renpncer à son trafic noc-
turne pour prendre à ferme nos impôts. Les Herbi-
tains cro^^aient touf^fini, lorsque Verres prensfnt la
parole : Et l'orge, dit-il, ct.Pocimus, mon tendre
* Auger suit la leçon tritici modios ci» tio clo dc ;
n/ais il eCt alors obligé de lire à la fin du chapitre ppc-
cédcnt medimna \^c , de supposer 600 médimnes au lieu
de 3,600, «t de changer les autres nombres. Wous aflop-
tons le texte à'Krnesti ,-plus clair et t>lus Yraiscmblable,
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96' , IN VEiREM ACT. II, LIB. Ilf.
' tulo suo. Negabant illi sibî quidquam esse maii
tnm. Non au^io : uumerate H-S xv; Qoi(J facell
imseri? aut ^uid recusarent? praeserthn quum^
lectulo decumanse mulieris yestigia \iderent ^è-
centia, quii>us illum inflammari ad perseverandum
iiitelligebant ? Ita civîtas una soclonim atqtie ami-
conrm , auabus ' teterrimis muliercalis , Verre
prœtore, vectigab's fuit. Atque ego nunc, eum '
fruraenti numerum, et eas publiée pecunias decu-
mauis ab JHerbitensibi]» datas esse dico : quo illi
fmmçnto, et quibtis pecuuiis tamen a decumano-
i^m injuriis ciyës suos non redemerunt. Perditis
enim et direptis aratarum bonis , haec .decumanis
merces dabatar, ut aliquando ex eorum, agris
atque èx urbibus abirent. Itaque quum Philinus
Herbitensis^ homo diserlus, et prudens, et domi
nobilis-, de ealamitate aratorura, et de fûga , et de
reliqnonim'paucitate public^ diceret , q^jaimadver-
tistis , judices , geYnitum populi romani , cujus
froquentia hfùjc' causse uunquam defuit : qurf de
paucîtate aratorum alio looo dicam. ^ * - ^•
XXXV. Nunc illud , iquod paene praeterii , non
omnino relinquen(}um YÎdetur : nam , per deos -
imraortales ! quod de capite ipso demsit , ' quo
tandem modo vbbis non modo ferendum , verum
«tiam audiendiim videtur ? Unns adhuc fuit pôst
, ' Haud aliter codd. Palat\ et Nànnianus , atque etiam
supra et cap. sequenti. Fulgata olim lectio, deterrlmis.
— * Hoc est e ms. Nannii. Edd. pr., quo tandem inodo
ferendnm, yerum ctiam audiendara TÎd. jéldus hic nia^
luit aQiœadTertendum.
\
Digitized
»,
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SEC. ACTION CONTRE,VERRÊS, III. 97
ami, qa'en pensez -vons? Observez, juges, que Ver-
res traitait cette affaire dans sa chambre , de son lih
Nons n'avon^recn aucun ordre, disent les député»
d'Herbît«. Je n'entçnds pas, dit-il ;* comptez quinze
mille sesterces*. Que pouvaient faire ces malheu-
reux? pouvaieninb refuser, surtout lorsqu'ils voyaient ^
^rtir du lit de Terres une femme devenue intendante
de la ferme poblîqhe, et don^ l'amour Texcitait a
ne faire aucune remise? Ainsi, «ous la préture de Tern '
rès , toute'une ville de nos alfiés et de nos ami^ s'est
vue tributaire de deux infâmes courtisanes. Je vais
plus loin i je dis que, par tout ce blé, par totit cet
argent fourni aux décîmateurs, la ville d'Herbite n'a
pu encore racheter ses citoyens de leurs vexations.
Après avoir enlevé et pillé les biens des cultivateurs,
on les obligeait de donner anx décimateurs les addi-
tions de marché qui les ont réduits enfin à déserter
les villes et les campagûes. Aussi, lorsque Philinus
d'Herbite, distingué par ses lumières, son éloquence
et sa noblesse, j^arlait, au nom de toute. sa yille, de
l'ififortune des cultivateurs, de leur faite, du petite
nombre de ceux qui restaient , on a vu éclater les gé-
missements 4du peuple rôqaain , qui s'est toujours trouvé
en foule à cette cause. Mais je dirai plus tard combien
la Sicile a perdu de laboureurs.
XXXV. Ici , et p^tte réflexion m'était presqi|^ échap-
pée, je crois devoir seulement vous demander, Ro-
' mains, au n«»ra des dieux immo^els, si vous êtes dis-
poisé« à «ouffrit, ou même à entendre avec indiffé-
rence , qu'un préteur ait retranché du tribut qui se
/'paj^ à votre empire? Il ne s'est rencontré encore qu'un
seul homme, depuis que Rome ^xiste (fassent les dieux
qu'il ne s'en renoontre pas un second !), à qui la ré-
♦ 1,875 liv. A. '
VIIT. 9
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98 IN VERREM ACT. U; UB. III,
Romam coiiditam ( dii immortales faxint ,. ne sit
âltv!)» cui respublica totam se ' traderet, tempo»
ribus coaçta , et malis" domesticis , L. Sulla. Hic
tantum potuit, tit nemo , illo inyito^ ncc bona,
«ec patriam, nec vitatn retînere posset; tantum
animi'habuit ad audaeiam, nt dîd^re in concione
non dubitaret, bopa ciyium romanorum quum
venderet , se praedam suam vendére. Ejus omnes '
res gestas non solum obtinemus; verum etiam,
propter majorum incommodorum et caiamitatuifïi
meti^m, publica auctoritattf defendimus. 'Uiîum
' hoc /illius senatusconsulto reprehensum , decre-
tumque est, ut, quîbus ille de capite demsisset,
4ii pecunias in srarium referrent. ^ Statuit senatus
hoc, ne illi quidem esse licitum, cui concesseirat '
omoia , ^ a populo factarum quacsitarumque rerum
summas imminuere. Illum yirîs fortissimis judica-
runtv patres conscripti remittere. de stimina non
potuis«e : te mulieri teterrimae recte Femisissè
/ senatores judicabunt ? Ille , de quo lege populue»
romanus jusserat, ut ipsius yoluntas populo ro^
mano esset pro lege^ tamen in hoc uno génère ,
^veterum religione leguûi , reprehendifur : tu, qui
omnibus legibus implicatus tenebare, libidinem
tibi tulm pro lege esse voluisti? In illo reprehen-
ditur, quod ex ea pecunia remiserit , quam ipSe
" quœsierat : tibi concedetur, qui de ca()ile yecliga-
' lium populi romani remisisti ?
XXXVI. Atque in hoc .génère audaciae multa
' Olim , tradidît, laliniiate mmus rectet. —^ ' St. se-
natus,-Iioc. — * Al. delent a; al. lé^. ab ipso , ^uod in
inlcrpretando sequimur.
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SEC. ACTION CONTRE "VERRES, III. 99-
pabliqa« se «oit livrée tout entière, forcée par les cir-
conatances et par les discordes intestines : 4i^est L. S^^lla.
Son ponvoir fat tel, ^e persoiflie, mdlgré loi , n'était
sûr de conserver ni ses biens, ni sa pi^trie , ni ses jonrs ;
et tell^ était sa confiance afidacîease qne, lorsqnMl
vendait les biens des citoyens romains, il ne cifiignait
pas de dire,^en pleine assemblée, qa*il vendait son
bntin. Loin de rien «hanger à ce qn'ii-a fait, de pear
d'attirer de pins grandes calamités sur Fétat , nous an-
torisons , nous maintenons ses décrets ^^, Il en est un
seul; qu'on a réformé par un sénatus- consulte : il a
été décidé que ceux pour lesquels il aurait refranché
de l'impôt public, rapporteraient les deniers' au trésor.
Ainsi Va V statué le sénat; celui même à qui l'on avait
tou^pc1;pis, n'avait pas le droit de diminuer les res-
^ sources dont le recouvrement était dû à ses armes et
A son courage. Les pères conscrits ont jngé que Sylla
n'avait pu prendre sur les fonds puolics pour donner
à des hommes dignes d'esiime ; et les sénateurs juge-
ront qne vous, Terres, votts pouviez en gtalifier une
inftrae courtisane ! Celui pour qui le peuple avait or-
donné par une loi que sa volonté ferait loi dans la
république , a cependant été repris dans ce seul point
par respect pour les lois anciennes; et vous, Verres,
que toutes les lois tenaient enchaîné, vous avez voulu
que votre <àprice fît loi! On blâme le dictateur d'avoir
pris sur les fonds qu'il avait recouvrés lui-ménlK, et à
vous, on vous pardonnera d'avoir pris sur les revenus
du peuple romaih !
XXXTI. Dans ce genre. d'audace,'' il «'es* conduit
beaucoup plus impudemment encore pour les dîmes de ,
Ségeste *°. Ilies avait adjugées au mêftie Docimus pour
cinq mille boisseaux de blé , et une indemnité de quinze
b'yGodglé
Trto IN -VERREM ACT^. Il, ÏXR. III.
ctiam îinpudentius in decamis Segestepsium yer-
satus est : qûas quum addixisset eidem illi Doci-
ino, ' hoc est, tritîci modiiim quînque millibus, et
accessîonem adscripsisset H-S md, coegit Seges-
^tenses a Docimo tantidem publiée accipere : id
qnod ex Segestensium pubÏÏco testimonio.cogno-
scite. Récita testimonium publicum. Testimonium
puBLicuac. Audistis, quanti decumas acceperit a
Docimô civitas, tritici modium quinque ^ millibus,
et accessione. Cognoscite nupc, quanti se vendi-
disse rçtulerit Lex decumis ykwdundis C. Verre
VR. Hoc nomine videtis tritici modium cis cio cio
de capite esse demta ; quse quum de«populi romani
yictu, d« vectigalium neryis, de sanguine de-
traxisset aerarii , Tertiae mimse condonavit.'Utrum
impudentius a sociis abstulit ? an turpius meretrici
dédit? an improbius populo romano ademit? an
audacius tabulas publicastcommutavit? Ex horam
severitate te ulla vis, aut ulla largifîo eripiet? Se<ï
si ^ eripuerit ; non intelligis , hsec , quae jamdudam
loquor/ad aliam quaestionem atqne ad peculatuis
judiûium pertinere? Itaque hoc mihi reservabo
genus integrum * totum : ad iilam, quarainstitui,
causam frumenti ac decumarum revertar.
Qui quum agros maximos ac feracissimos , per
se ipsum , hoc est , per Apronium , Verrem alte-
rum , depopularetur : ad minores oivitates habeb^t
alios , quos , tanquam canes , immitteret , nequam
' M e ms. Lambini, Loc est, Tfertiœ, tr. — ' f^tilgl,
milliaf et accessioneih. Sequimur Hotom. et Schiitz. —
' Sic recte edd. pr.y quas et Giœvms seqUitur; Gruter.
njero, eripueris. — * ]}fon est superfluum totûm, ut Schel-
hro n)isum est.
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, - \ • -
SEC ACTION CONTRE. ^ÇRÈS, III. loi'
mille sesterces*. Il força la ville de Ségeste de les prendre
de Dociinns aux mêmes conditions ; ce qaè voas allez
voir par Jla déposition des Ségestai^s. Lisez la déposi-
tion. DÉPOSITION DE liA VILLE DE SeGESTE. 'VoUS VCneZ
. d'entendre à quelles copHitîdns la ville de Ségeste a prîs
de Docimns les dîmes , -poar cinq mille boisseaax de
* bléi'et quinze mille sesterces **. Apprenez maintenant,
d'après sa propre loi, combien Yerrè^ a déclaré les
ayoir aflermées. Loi pour l'adjudication • des dîmes
sous LA PRÉTURE DE C. "Verrès. "Vous voycz qu'il a
retranché ici trois mille boisseaux ^' de la somme de
blé qni doit revenir an peuple romaîki : c'est notre
propre substance, c'est le pins précieux de nos re-
venu^, c'est le sang même du trésor qu'il a abandonné
à^la con^édtenne Tertia. Enlever cette quantité de
grains à des alliés , qnelle effronterie ! La ^donner à
tme prostituée, quelle infamie ! L'ôter au peuple ro-
main, quel attentat! Falsifier des registres publics,
qnelle audace ! Aucune puissance , aucune largesse ,
pourront-elles, "Verres, vous dérober à la sévérité des
juges ? Mais , s'il en était ainsi , ne voyevvous pas que
tous ces délits sont du ressdl't d'un autre tribunal ^* ,
et appartiennent au jugement de pécclat? Je me ré-
serve donc ce chef tout en^îer, et je reviens à mon
objet, à l'article des blés çt des dîmes.
Les territoires lès plus étendus, les plus fertiles, le
préteur les pfllait lui-même ^ c'est-à-dire par le minis-
tère d'Apronius^ de ce second "Verres. Pour les villes
de moindre importance, il avait de légères mentes, des
■* Si Vbn adopte le texte de Lambin^ conservé par
Grévius et Lallemand , 11 faut traduire , « ap même Do-
cimus , c'est-a-dire à Tertia. » Ainsi, ch, 34 : jSschrioni^
id^i^ Pi^p(v. — ** 1,875 Uv. A. ^
^ - ^ DigitizedbyÇoOgle
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toi , m VERREM AGT. II, LIB.^^.
ïiomines et imprbljos ; quîAus aut frumentum, aut .
pecuniam* publiée cogebat 'dare.
XXXVII A. Valentius est in Sicilia , interpres : '
qno iste interprète non pd linguam graecam , sed
ad fur ta et flagitia uti solebat. Fit interpres hic,
homo levis atque egens, repente decutnanus. Emit
agri Liparensis , miseri atque jejuni , decnmas
tritici medimnis lo^ Liparenses yocahtur ; ipsi
accipere decunias , et numerare Valentio coguntur
lucri H-S XXX mîllia. Per deos immortalesj utrum
^tibi sûmes ad defensionem ? tantone minoris * te
>decumas vendîdisse , ut ad medimna loc , xxx
mîllia lucri , statim uua voluntate civitas adderet ,
hoc est , tritici medimnum ii millia ? an , quum
magno decumas vendidisses, te expressisse ab
invitis PJparensibus hanc pecuntam ? Sed quid ego
ex te qnaero , quid defensurus sis , polius , quain
cognoscam ex ipsa cÎTitate, quid gestum sit? Re-
cita testfmoniuTn publicum Lîparensium, deinde
quemadmodum Valentio nummi sint dali. Testi-
Moiriuia publicum; quomodo ^lutum sit, ex
tiTTEAis puBLTcis. Etiamne haec tam parva civitas,
tam procul a manibus tuis atque a conspectu re-
mota , sejuncta a Sicilia , in ^ insula inculta tenui-
que positâ, cumulata aliis tuis majoribus injuriis,
in hoc quoque frumentario génère , praedœ tibi et
quaestiii fuit ? quam tu totam insulam cuidam tuo-
rum sodaliifm, sicut aliquod munusculum, con-
donaras ; ab hac etiam haec frumentaria luqra ,
' Sic Emçst. réscripsit. Fulg., darî. — ♦ ' Maràit. et
quidam alii, tibi decumas venisse. — ^ Cod Nannii opti-
ntiis, ihsnlula. ,Falde pnbat Garaton. ad PIfilippie., X, 5.
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' SEC. ACTION CONTRE TERRES, III. io3
volaurs sobaltemes qu'H lâchait , et à qui elles étaient
forcées de donner dn ble on de l'argent.
XXXTII. A.' Yalentias en Sicile est interprète. Il
servait moins à Verres d^interprète ppnr la lantpie
grecque que de ministre pour s^s vols et ses infamifes.
Ce vil et indigent personnage devient toat à couplé-
cimatear. Il prend les dîmes du territoire de l^ipare ,
territoire sec et aride, pour six cents médimnes de blé.
On mande les Lipariens\ on les force de prendre eux-
mêmes les dîmes, et de compter à Yalenâns trente
miUe sesterces * de bénéfice. An nom des dieux , Ver-
res, que dirbz-vons pour votive défense? direz-vons que
vous aviez adjugé les dîmes pour si pen , que la vflle
ajoutait d*elle-knéme aux six «ents médimnes u^ béné-
£ce,de trente mille sesterces, c^«Bt-à-dire deqx mille
médimnes^* de l^lé.' on que vous aviez porté le* dîmes
très iu^nt, et que les Lipariens ont été forcéf par vous
de donner cette somme malgré eux ? Mais ponrqooi
vous demander quelle sera votre défense , plutôt que
> d^appren^^Be de la ville même la vérité du fait ? Lisez
la déposition des députés de Lipare , et ensuite com-
ment on a remis la s(vunie à Valentîus. Dépositioit.
Somme b«mise^ extrait des registres publk^. Quoi
donc. Verres! une ville si pauvre, si éloignée de vos
yeux, de vos mains avide§, séparée de la Sicile ^^, et
placée dans une. petite île inculte , déjà accablée par
vous des plus ^orribles vexations , a-t-elle encore été
pour vous dans Tartide des blés une proie et un bu-
tin.»* Cette île que vous aviez abandonnée à un de vos
compagnons de plaisir, en lui faisant des excuses sur*
* 3,75o lîv. A. — ** a,ooo médimnes font 12,000
boisseaux ; il fallait donc oue le boisseau ne fàt compté
que deux sesterces et demi, pour que 12,000 boisseaux
pussent équivaloir à 3o,ooo sesterce^. A. /
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io4t ^ TERREM Aqf, II, LIB. JII.'
tanquam a mediterraneis , exigebantur? It^que^iui
tôt annis ageUos suos ante te prœtorem redimerc
a piratis %olebant, iidem se ipsos a te pretlo impo- '
•ito redemerunt. .
XXX"VIlI.,Quid ergo? a ' Tissensibus , per-,
parva et tenui"rivitate , sed aratoribus laBoriosis-
simit frugalissimisque bpminlbus, ponne. plus,
lucri Domine, eripitur, quam quantum frumepti,
omnino 'exararant ? ad quos tu decuni^num Diog-
notura Venerium misisci, noyum genus publièani.
Cuf hoc auctore non Komse quoque ^ servi publici
ad vectigalia accédant? Anno secundo Tissenses
H-S XXI lucri dsre coguntur inviti. Terfio anno
CI3 Gto CI3 medimuum tritici , lucri Diognoto
yenerio dare coacti sunt. Hic Diognotus , qui ex
pablicis vecrigalibus tanta. lucra facît , vicariiitn
nuUum* habet^ nihil omnino peculii. Vos etiam
nunc dubitate, si pote'stis, utrum tantuip* nume- •
rum tritici Venerius apparitor istius sibi acceperit, »
an huic exegerit. Atque hœc ex publico Tissensium •
testimcfnio cognoscite. Tr^timoisïvm ^tv^licvm
TissKKsiuM. Obscure , judices , praetor ipse decu-
nlauus est, quum ejus apparitores frlimentum a
ci-vitatibus exigeant, pecuifias imperent, aliquanto
plus ipsi lucri auferant, quam quantum populo
romano decumarum nomine daturi sunt? Hase
9eqùitas in tuo imperio fuit , hsec prsetoris (fîgnî-
tas y ut servos Venerios Siculorum dominos esse
' Lambin., Cruter., Tissiensibus. ^- * Probat Grœvius
lecUonem IVanniani codicis ,. servi ad publica yectîgalia
aocedaat. •
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SEC. ACTION CQJITRE VERRES, III. po5
la modicité dc^ présent» où exigeait donc aassi d'elle
des additions an marché' dans lés baux de^ dîmes ,
comtne des villes d^Vîntérienr de la provint? Ainsi,
ces malheureux qui, avant votre prétnre, rachetaient
lears petits champs des pirates , ont été forcés de les
rpîoheter de vous !
XXXVIII. Et la ville de Tissa ,"quî est sî petite , si
pauvre , mais dont les habftants sont des laboureurs sî
actifs et si économes, ne leur a-t-onpas enlevé, à titre
d^bénéfice , plue de bl« qu'ils n'eiv^avaieht cultivé ?
"Vous leur avez envoyé pour décîmateur Diognote ,
esclave de Yénns , nouvelle espèce de fermier public.
Pourquoi-, à Rome , d'après l'exemple de "Verres , ne
Jaîsons-nous pas aussi entrer les esclaves publics dans
Vadministration des impot;^? La seconde année, les ha-
bitants de Tissa sont obligés de donner , malgré eux ,
un auti« bénéfice de vingt et an mille sesterces*. La
troisième année , ils ont été forcés d'en donner un de
trois mille médianes de blé , todjours^à Dlo^n^e , es-
clav<y de Vénus. Et ce Diognote, qui tire des impôts
/ public^ de si grands bénéfices , n'a point d'esclave à
lui, n'a pas mémd de pécule**. Doutez encore, 'Ro-
mains, sî vous pouvez, doutez si un esclave de Vénus,
appartlenr de Verres, a reçu poi|r lui-même une si
grande quantité de blé , ou l'a fait donner pour son
maître. Voici la déposition du peuple de cette ville.
DÉPOSITION DE LA VILLE DE TiSSA. Est-il doUteUX ,
Romaii^s, que le préteur lui-même ne soit décimaleur,
puisque ses appariteurs font donner du blé anx villes,
puisqn'ib) exigent des sommes d'argent , puisqu'ils em-
portent, à titre de bénéfice, pin» qu'ils ne doivent
donner au peuple romain à titre de dîmes? Telle a été , '
Vérrès , l'équité de votre gouvernement , telle a été la
* 2,625 liv. A. • ' ' \ \
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i(i6. IN VÊRREM AOft II, LIB. m.
Telles; hic dclectus*, hoc di«criinén , te jitaetore,
fuit, ut aràtol'es in servorum numéro essen^, servi
nn publîcanorum.
XXXIX. Quid? Amestratini miserî, impositis^
ita magms decumis,>ut ipsis reliqui nihil fîeret,
nonne tamen numerare.pecunias coacti sunt? Ad-
dicuhtur decuma»' M. Csssio , quum ^dessent le-
gati amestratini : statim cogitur Iieracliûs legatus
numerare H-S xxii. Quid hoc est? qu» est ista
prseda ? quae vis ? quae direptio sociorum ? Si erat
Heraclio ab senatu mandatum , ut emèret , emi^-
set; si non erat, qui j>oterat sua sponte pecuniam
' numerare ? Csesio renuntiat se dédisse. Cognoscite
seil^ntiationem ex litteris. Recita ex litteris publi- .
ds. LiTTER^ -PUBJLic* Quo scnatuscousulto erat
hoc legato* permissum ? nullo : cur fecit? éoactus',
'^t : quis lioc dicit ? tota civitas. Kecita testimo-
niiim publièurà. TESTTMoiriuM publicum. Ah hac
eadem civitate , annb secundo , simili ratione ex-
tortam esse pecuniam , et Sext. Vennonio datam ,
ex codera testim<$îio cognovistis. At Amestrati-
nos , homines tenues , quum eorum d^cumas nie-
dimnis noce veudidlsses Banobali Venerio (cog-
noscite nomina puhlicanorum), bogis eos plus lu-
cri addere, quam quanti venierant,^uum magno
venissent. Dant Banobali * medimnis dccc , H-S
' Cui addictas fuisse anno etiam tertio e cap. 43 Gara-
ton. coHigU ; wideinfray pro-ejusd^m cîvitatis nomine ,
At Araestratinos , conjicit legendum Matistratinos , ^el
3VIyti6tratinos , 'vel aiiud notnen civitatis. — ' Mendosus
ibcus. Auger 'vertit, qiiasi legeret pro iiiedimnis dcoc h-s
MD. Narmii cùdex , medimna dcccl. Prof. n.
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SEC. ACTION CQQfTRE VEKRÈS, III. li^ /
dignité de votre prétoire, qae voas avez rendu des «s- . *
claves de Vénus maîtres 4es Siciliens. Telle a été , tfons
voua , la distinction des états et detf conditions , qni^
«les agrtcnltenrs étaient esclaves , et les esclaves , fe^
miers 4e nos domaines.
^ XXXIX. Et les . malheiireux habitants d^mestra,
quoiqu'on leur eut imposé des dîmes « fqrflV qu'il ne
leur restait rien, n'ont-ils pas toutefois été Torcés de
compter.de l'argent? Les dânes asunt adjugées 4 Cé>
sins en présence des députes de la ville : on force snr-
' le-champ 'Héradins , un des députés', de compter à
l'adjudicataire vingt-deux mille sesterces*. Quelle con-
duite ! qnel]^ violence ! quelle rapine ! quel indigne
pillage des alliés! Si Héraclius avalît reçu ordiC de son
sénat de prendre le bail des dîmes, U Paurait pris; si- ^
non , comment ponv^it-u, de soq chef, compter une
somme d'argent? Il déclare à son retour qu'il l'a don- /
née à Césius. \ous ailes en être instruits par les ^e-
gistMBs publics. Lisez l^xtrait des registres. Extraix '
DES -KEGisTREs. Qucl décret de son sénat autorisait
Héraclius à -compter de l'argent? aucun. Pourquoi en
- a-t-Jl compté? il y a été contraint. Qui le dît? tonte la
ville. Lisez la déposition. Déposition de âa viLf.£
d'Amsstra. Tous voyez, parla ntême pièce, qae la
seconde année, pour une raison^pareîlle, oft a extor-
qué à la même ville, et donné à Sext. Vennonins ^^ une
somme d'argent. 14ais après avoir adjugé à Banobal ,
eadave de Vénus (apprenez, Romains, les noms des
Termiers de voMlomaines) , apr^ lui avoir adjugé pour
huit oenjts médimnes de blé les dîmes des habitants
d'Amestra , hommes fort peu ridies , Ven-ès les force
d'ajouter, comme bénéfice , plus que les dîmes n'avaient
été affermées, encore que l'adjudication eu eût été
9.,75o liv. A.
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ip8 . IN VÈRREM ACT. II, LIE. in.
Mt). Profecto nunquam iste tam araens fuisset , ut
exagro populi romani plus frûmenti servo Vene-
\io, quam populo romano tïibui pateretur,' uisî'
omni^ ea pra;da, servi nomine, ad istum ipsum
perveniret. Pe^rini , quum eorum decumae i;nagno
addictsfflpssent , tamen invitissimî P. N»vîo T,ur-
pioni, improbissimo homini, qui injyriarum, Sa-
cerdote praetore , damnatus est , H-S xxxvii et id
dare'coacti sunt. Itane dissolute decumas vendî-
dî^ti , ut , quum ' mej^imnum esset H-S xv, deciimae
Auteo^medimnum m venissent, hoc est, H-S xxxxy,
lucri deçumano cio cio cia H-S darentur? At per-
m^gno* decumas ' ejus agri ^ veudidi. Yidelicet
' ^ gloriatur , non Turpioni lucrym datum , sed
Petrinis pecuniam ereptam.
. • XL. Quîd ? Halicyenses , quorum incol» decu-
,mas dant, ipsi agros immunes habent; nonne huic
eidem Turpioni, quum decumae c med. venissent,
H-S XV ciD dare coacti sunt ? Si id., quod maxime
vis, posses probare, haec ad decumanos lucra ve-
nisse, uihil te attigisse; tamen hae pecuniie, per
vim atque injuriam tuam capt» et conciliât», tibi
fraudi et damnationi esse debf rent. O^um vero
hoc nemini persuadere possis, te tam ament^m
fuisse , ut Apronium ac Turpionem , servos homi-
nes , tuo libeForumqhe tuorum periculo divites
neri velles ; dubitaturum quemquam existimas ,
' Quûm modiukn XV millibus venissent, roedimaum m
' m. , hoc est . H-S xxxxv, lucri d. dar. — ' Yendidisti. — ►
'■' £dd. pr. habent ^itiose igitur pro gloriatur.
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SEC. ACTION CONTRE ^TERRES, ni. tOQ
portée fort h&ot. Ils donnent à Banobal , pour hnit
cents médimnes de blé, quinze cents sesterces. Certes,
Terrés u^eût pas souffert que , sur an domaine du
peuple romain , on donnât à un esclave de Yénus plus
qu'au peuple romain, si tout ce butin, sous le nom
d'un esclave , n'eût pas été pour lui-même. Les habi-
tants de Pétra *, malgré une adjudication très élevée ,
ont été contraints de donner trente -sept mille cinq
cents sesterces à P. Névius Turpion, homme pervers,
qui a été condamné pour des violences sous la préture
de Sacerdos. Avicz-vous donc, "VeiTes, affermé si peu
les dîmes, que, lorsque le médimne valait quinze ses-
terces, et que les dîmes étaient affermées trois mille
médimnes , c?est-à-dire quarante-cinq raille sesterces ,
vous aocoijliez au dédmateur trois mille sesterces de
bénéfice.' — Mais j'ai adjugé fort cher les dîmes de ce
territoire. -^ Il se vante alors , non d'avoir enrichi
Turpion, mais d'avoir volé Ifc habitants de Pétra.
XL. Et la ville d'Halicye, où les dîmes ne sont
payées que par les étrangers résidants , n'a-t-elle pas
été forcée de donner quinze mille sesterces au même
Turpion , lorsque les dîmes n'avaient été affermées que
* cent médimnes ? Quand vous pourriez prouv er, comme
c'est votre intention, que tout le gain a été pour les
décimatenrs, des exactions aussi odieuses, autorisées
par vous , ne dcvraient-eUes pas vous faire condam-
ner? Mais comme il est impossible que vous ayez
voulu qu'un Apronîus et un Turpion , ces vîls escla-
ves, s'enrichissent à vos périls, aux périls de vos
en&nts, doutera-t-on, je vous le demande, qnéce ne
soit pour vous que ces émissaires ont recueilli cette
proie ? Ségeste est une ville franche ; on dépêche aussi
* Ville située sur une hauteur dans la partie occiden-
tale de la Sicile ; aujourd'hui Petraglia.
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iio m tERREM ACT. II, LIB. HL
quin illis emissarîis tiœc tibi omnis pecunia quae-
sita sit ? Segestam item ad imnaunem civitatem
Yenerias Symmachus decumanus immittitur : is
ab isto litteras affert , ut sibi contra omnia sena-
tusconsulta, contra ' onmia jura, contraque legem
Rupiliam , extra forum Tadimonium promittant
ara tores. Audite litteras, quas ad Segestanos mi-
sent. LiTTER£ C. Vbbris. Hic Veherius quemad-
modum aratores duserît, ex uiia pactione bomi-
nis honesti gratiosique cognoscite : in eodem enim
génère sunt cetera. Diodes est Panormitanus , Pbi-
mes cognomine , homo illustris , ac nobilis ' arator.
Is agrum in Segestano (nam commercium in eo
agro 3 Panormitanis est ) conductum babebat H-S
sex millibus. Pro decuma , qunm puisatus a Yene-
rio esset, decidit H-S xti millibus et iocliiii : id
ex tabalis ipsîus cogndlcite. Nomek Dioclis Pa-
iro^iTAiri. Huic eidem Symmacbo Anneîus Broc-
cbus, sepator, homo eo splendore, ea virtute,
qua omnes existimatis , nummos prœter frumen—
tum coactus est dare. Yenerîone servo, te pr»- ,
tore , talis vir , senator populi romani , quœstui
fuit?
XLI. Hune ordinem si dignitate antecellere non
existimabas , ne boc quidem sciebas , judicare ? An-
tea quum equester prdo judicaret, improbi et ra-
paces Diagistratus in proyinciis inserviebant publi-
canis ;. ornabant eos, quicomqne in operis erantf
■ Gulielm. conjicit , commania jura. — ' Ftrbum hoc,
a C. Steph. et Grœu. deîetum, Ernest, restituit. — ' Ita
regii codices et ^ett. editL Gnevius, ex Nanniicodiee dédit ,
iiemini est. Ernest, recte damnavit.
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SEC. ACTION CONTRE ^^RRÈS, lU. xit
(»ntre elle le décknateur Symmaqae , esdave de "Vé-
nos. Il présente une lettre de Verres, qui, au mépris
de tous les sénatos-consiiltes, de tons les droits, de la
loi Rapilia *, porte que les cultivateurs s'engageront i
plaider devant d'autres juges que leurs juges naturels.
Yoici la lettre aux Ségestains. Lettre de C. Terres.
"Vous allez voir comment Tesdave a traité les cultiva-
teurs ; je vous en convaincrai par le seul arrangement
fait avec un homme d'honneur, estimé de ses con-
citoyens : le reste est dans le même genre. Dioclès de
Palerme, surnommé Phimès, homme distingué, bon
agriculteur, avait pris à ferme, pour six miUe ses-
terces**, une terre dans les campagnes de Ségeste ; car
les dtoyens de Palerme font valoir dans ces campa
gnes. Diodes ayant été frappé , au sujet de la dime ,
par l'esdave de Vénus, s'arratigea pour lui donner
seize miJle six cent cinquante-quatre sesterces ***. Ses
registres en fout foi. Registres de Dioclès de Pa-
lerme. Annéins Brocchus, ce noble sénateur, dont
vous eennaissez la vertu , a été forcé de donner au
même Symmaque de l'argent outre le blé. Un td
homme, un sénateur du peuple romain, s'est donc
vu , sous votre préture , rançonné par un esdave de
Vénus?
XLI. Si vous aviez oublié la dignité de cet ordre ,
ne saviez-vous pas qu'il était diargé de la justice ?
Quand les tribunaux étaient occupés par l'ordre éques-
tre ^^, les magbtrats les plus avides respectaient , dans
lenrs provinces , les fermiers publics ; ils ac^rdaient
des distinctions aux employés dans les fermes ; tout
* Voyez, sur la loi Rupilia, le Discours précédent,
ehap. i3 , et les notes sm- ce chapitre. — ** 750 lir. A.
— *** Environ 2,081 liv. A.
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lia IN VERREM ACT. II, LIE. m.
quemcumque eqùitem-TcpaiLum in provîncîa vi-
derant, benefîciis ac lîberalitate prosequebantur :
neque tantum illa res nocentîbus proderat , quan-
tum obfuit multis, quum ab'quid contra utilitatem
ejus ordinis yoluntatemque fecissent. Rçtinebatur
hoc tum, nescio quomodo, quasi communi consilio
ab illis diligenter,*ut, qui unum equitem roma-
num contumelia dignum putasset , ab uni verso
ordine malo dignus judicaretur. Tu sic ordinem
senatorium despexistî , sic ad injurias libidinesque
tuas omnia coaequasti, sic babuisti statutum cum
animo ac deliberatum , omnes , qui ' babl tarent in
^icilia , aut , qui Siciliam te prsetorè attigissent ,
judices rejicere , " ut illud non cogitares , tamen
ad ejusdem ordini» homines te judices esse yen-
turum ? in quibus , si ex ipsorum domestico in-
commodo nullus dolor insideret, tamen esset iita
cogitatio , in alterius injnria sese despectos, digni-
tateraque ordinis contemtam et abjectam. Quod
mebercule, judices, mihi non mediocriter feren-
dum vîdetur. Habet enim quemdam aculeum con-
tumelia , quem pati pudentes ac viri boni difiicil-
lime possunt. Spoliasti Siculos : soient enim inulti
esse in injuriis suis {Mrovinciales. Vexasti negotia-
tores : inviti enim Romam raroque decedunt.
^ Equités rt>manos ad Apronii injurias dedisti :
quid enim jam nocere possunt » quibus non licet
judiçare? Quid, quum ^senatorem summis injuriis
* Cod. Vfann.y haberent. — * Ernest, locum lacunoswn
putai, Quare? non ofideo. — ^ Matrûdum et LoUium, Al,
Eqaitem r. — ^ Seuatçres. Emendavit Ernestins seaato^
rem , scilicet Anneium,
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SEC. ACTION COISTRE TERRES, III. iiî
«bevàlier qu'ils voyaient dans lear goovemement , ils
le comblaient de bienfaits et d'égards , et ces attentions
n'étaient pas aassi utiles anx coupables, qu'il leur
était nuisible d'avoir agi en quelque cbose contre les
intérêts et le vœu de cet. ordre. Les chevaliers romains
regardaient alors comme une règle, que celui qui
avait jagé un s«ul chevalier roBiain digne d'essuyer
un affront , devait être jugé , par tout l'ordre , digne
d'éprouver une disgrâce. Et vous, Verres, vous avez
méprisé l'ordre entier des sénateurs ; vous avez étendu
sur ^x tous vos criantes injustices et vos tyranniques
exactions ; vous avez en soin de récuser pour juges
tous ceux qui avaient habité , ou qui avaient mis le
pied dans la Sicile sons votre préture , sans faire ré-
flexion quHl'vons faudrait toujours avoir des sénateurs
pour juges? Et quand même ces juges ne seraient
animés contre vous par aucun sujet de plainte per-
sonnelle, ne peuvent-âs croire qu'ils ont été insultés
dans l'injure faite à un de leurs membres; que , dans la
personne d'un seul , la dignité de tout Tordre a été
méprisée et avflie.' Or, le mépris, Romains, est ce
qu'il y a de plus difficile à dévorer. Tout afh-ont est
fait pour piquer et révolter une âme noble et géné-
reuse. Vous avez, Verres, dépouillé les Siciliens ; les
injures faites aux provinces sont trop souvent impu-
nies. Vous avez persécuté les commerçants : ils vien-
nent rarement à Rome. Vons avez livré les chevaliers ,
romains* aux vexations d'Apronîus: en quoi peuvent-
ils wns nuire à présent qu'ils ne sont plus du nombre
des jages ? Mais lorsque vous outragez indignement
nn sénateur, n'est-ce pas comme si vous disiez : Don-
nez-moi encore ce sénateur ; je veux que cet auguste
* C. Matrinius et Q. Lollius. Foj. plus haut, chap. 24
et 25.
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.114 IN TERREM ACT. H, LIB. IH.
affîcis? quid aliud dicis, nisi hoc? cedo mihi etiam
istum senatorem : ut hoc amplissimum nomen se-
natorium non modo ad inyidiam imperitomm , sed
etiam ad contumeliam improbornm natum esse
yideatur. Neque hoc in uno fecit Anneio; sed in
omnibus senatoribus : ut crdinis nomen non tan-
tum ad honorem, quantum ad ignominiam yale*
ret. In C. Cassio , yiro clarissimo et fortissimo ,
quum is eo ipso tempore , primo istius anno, con-
sul esset, tanta improbitate usus est, ut, quum
ejus uxor, femina primaria , patemas haberet ara-
tiones in Leontino , frumentum omne ' in decumas
auferre jusserit. Hune tu in hac causa testem,
Verres, habebis; quoniam, judicem ne haberes,
proyidisti. Vos autem , judices, putare debetis^
esse quiddam nobis inter nos commune atqne con-
junctnm. Multa sunt imposira huic ordini munera,
multi labores , multa pericula , non solum legum
ac judiciorum, sed etiam rumorunvâc temporum.
Sic est hic ordo quasi propositus atque editus in
altum, ut ab omnibus yentis inyidiae circumflari
posse yideatur. In hac tam misera et iniqua con-
ditione yitae, ne hoc quidem retinebimus, judices ,
ut magistratibus nostris in obtiuendo jure nostro
ne contemtissimi ac despectissimi esse yideamur?
XLII. Thermitani miserunt, qui decumas eme-
rent agri sui. Magni sua putabant interesse , pu-
bliée potius quamyis magno emi, quam in ahquem
istius enriisarium incidere. Appoaitus erat Venu-
leius quidam, qui emeret. Is iiceri non destitit.
Illi, quoad yidebatur ferri aliquo modo posse «
' Fet. lib. apud Lamb., decumanos auferre.
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SEC. ACTION CONTRE SERRÉS, IH. ii5
» nom paraisse fait poar être en batte, non senlement
à la haine des ignorants, mais encore aux outrages
des perrers ? Et Brocchns n^est pas le seul qu'il ait
ainsi traité : il s'est conduit de même avec tons les
sénateurs , an point que le nom de notre ordre parais-
sait moins app#er ses égards que ses insultes. La pre-*
mière année de sa préture , quel outrage un illustre con-
sul, C. Cassius , a-t-il reçu de lui ? Son épouse , femme
d^ la première distinction, possédait, dans le pays des
Léontins, des champs héréditaires : il a fait enlever tout
son blé sons prétexte des dîmes. "Vous aurez , Verres ,
Casdus pour témoin dans cette cause , puisque vous
' avez en la prévoyance de ne pas Tavoir pour juge.
Vous, Romains, qui nous jugez, vous devez vous per-
suader qu'il existe entre nous des rapports communs
qui nous nnissent. Notre ordre est soumis à bien des
charges, à bien des travaux; il est exposé , non seule-
ment à une foule de lois/^ et de procédures rigon-
renses , mais à beaucoup de Bruits fâcheux et de con-
jonctures critiques. Placés en quelque sorte an-dessns(^
des antres dans un lieu déébuvert, battus par tous les
orages de la prévention et de la bain», au miLeu de
tous ces dangers , ne conserverons-nous pas même ,
Romains , la prérogative de n'être point regardés par
nos magistrats é5mme dignes de mépris, quand nous
poursuivons nos droits ?
XLn. Les Thermitains avaient envoyé i^es déptxtés
pom- prendre les dîmes de leur territoire : ils jugeaient
important pour eux que la ville les prît , même bien
au-dessus de leur valeur, plntôt que de tomber entre
les mains d'un émissaire de Verres. On avait aposté un
certain Vénuléius pour les prendre à ferme. Il ne ces-
sait pas d'enchérir. Les Thermitains enchérissaient aussi
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ii6 IN VERREM ACT. Il, LIE. m.
contenderunt : postremo liceri destitemnt. Addi-*
citur Venuleîo tritici modium ' viii millibus. Le-
gatus Possidorus renuntiat. Quum omnibus hoc
intolerahdum videretur, tamen Venuleio dantur,
ne accédât, tritici ^ mod. vin; prœterea H-S cvô ciî>.
Ex quo facile apparet , qnae merces oecumani , qu»
praetoris praeda esse videatur. Cedo Thermitano-
rum mihi litteras,et testimonîum. Tabula Tubr»
JHITAMORUM , ET thstimoitium;. Imacharcnses , jam
oihni frumento ablato, jam omnibus injuriis tuis
exinanitos , tributum facere , miseros ac perditos ^
coegisti ; ut Apronio darent H-S xx millia. Récita
decretum de tributis , et publicum testimonium.
SElTA-TUflCOirSULTUM DE TRIBUTO CONFBREKDO»
Testim oiriuM luACHARENSiuM. Euneuses , qnum
decumœ venîssent agri Ennensis raedimnum
cia cia CIO ce, Apronio coacti sunt dare tritici
modium ' xviii, et H-S m millia. Quaeso, atten-
dite , quantus numerus frumenti cogatur ex omni
agro decumano : nasi per omnes civitates , quœ
decumas debent , percurrit oratio mea ; et in hoc
génère nunc, judices, versor, in quo non singil-
latim aratores eversi bonis omnibus sunt, sed pu-
bliée decumanis lucra data sunt, u't aliquando ex
eorum agris atque urbibus expleti atque saturi cum
hoc cumulo qusestus décédèrent.
XLIII. Calactinis quamobrem imperasU anno
tertio , ut decumas agri sui , quas Calactae dare
consueyerant, Amestrati M. Caesio decumano da-
rent y quod neque aute te prœtorem iili fecerant y
* VII millibus. — * Modii vu. — ^ lxxiii millia.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, III. 117
tant qae l'enchère paraissait tolérable : ils renoncèrent
enfin. Les dîmes, sont adjugées à Ténnléias pour hait
mille boisseaux de blé. Possldorps , un des députés, fait
son rapport. Il n'y avait personne qni ne trouvât la
chose révoltante; cependant on donne à Ténuléius,
pour se garantir de ses vexations , outre les huit mille
boisseaux , deux mille sesterces * : d'où l'on voit aisé-
ment <qael était le salaire du décimateur et le butin du
préteur. Lisez les registres des Thermîtaîns et la dépo-
idtion de leurs députés. Registres des Thermîtaîns.
DÉPOsiTiOK. Yous avez forcé , "Verres , les malheureux
habitants d'Imachara , dépouillés déjà de tout leur blé ,
minés , épuisés par toutes vos vexations ; vous les avez
forcés de payer on tribut, de donner vingt mille ses-
terces *^ à Apronius. Lisez le décret du sénat sur le tri-
but, et la déposition des députés d'Imachara. Séna-
Tus-coirsuii^. DÉPOSITION. Quoique les dîmes du ter-
ritoire d'Knna eussent été affermées trois mille deux
cents médimnes, les habitants ont été forcés de donner
à Apronius dix-huit mille boisseaux et trois mille ses-
terces ***. Faitfes, je vous prie, attention, Romains , à
la quantité de blé qu'on impose à tous les territpires
sujets aux dîmes; car je parcours toutes les villes qui
doivent des dîmes , et je m'occupe maintenant à mon-
trer, non comment chaque agriculteur en particulier
là été entièrement ruiné, mais comment les peuples
ont donné des bénéfices aux décimatenrs , pour que ,
riches de cette proie , ils se retirassent de leurs villes
et de leurs campagnes , satisfaits et assouvis.
XUII. Pourquoi , Verres , dans votre troisième an-
née , a^ez-vous exigé des habitants de Calacte que les
dîmes de leur territôifle, qu'ils' livraient ordinairement
dans la ville même, ils les portassent à Amestra au dé*
* a5o Uv. — ** a,5oo liv.^ — *** 375 Uy. A,
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ii8 IN TERREM ACT. H, LIB. IH.
. neque tu ipse hoc ita statueras antea per bienniutn ?
Theompastus Syracusanus in agrum ' Mutycen-
sem cur abs te immissus est ? qui aratores ita vexa-
vit, ue illi in altéras decumas, id quod in aliîs
quoque civîtatibus ostendam , triticum emere ne-
cessario , propter inopîam , cogerentur. Jam vero
ex Hyblensium pactionibus intelligetis, quae pacte
sint cum decumano Cn. Sergio, sexies tantum ,
quam quantum satum sit , ablatum esse ab arato-
ribus. Recita sationes et pactiones ex litteris pu-
blicis. Récita. Pactiones Htblehsium cuk Ve-
irSRIO SERYO EX UTTERIS FUBLIGI8. CogUOSCitè
item professiones sationum, et pactiones * Mené-
norum cum Venerio ser^o. Recita ex litteris pu-
blicis. Professiones sationum, et pactiones
MeNENORUM cum VrnERTO SERTO ex I.ITTEEIS
puBLicis. Patiemini, judices, a socîis, ab âratori-
bus populi romani, ab iis, qui vobis laborant,
3 vobis seryiunt, qui ita plebem romanam ab sese
ali Yolunt , ut sibi ac liberis sais tantum supersît y
quo ipsi ali possiut; ab bis, per summam injuriam,
per acerbissimas contumeliw, plus aliquando abla-
tum esse, quam natum sit? Sentio, judices, mo-
derandum mihi esse jam oratioui meae, fugien-
damque vestram satietatem. Non yersabor in uno
génère diutius, et ita cetera de oratione mea tol-
lam , ut tamen in catisa relinquam. Audietis Agri-
gentinorum, fortissimorum yirorum (ftligentissi-
morumque, querimonias; cognoscetis, judices,
Entellinorum , summi laboril summœque indu-
' Mutycnsem. — ' Meneniorom. Sequimur codd. re-
çrios. — 5 Forte, vobis serunt. LaUem.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, IH. 119
cimatenr Césias, c^ qu'ils n'avaient point fait avant
votre prétnre , et ce que vous n'aviez point réglé vous-
même durant <lenx années? Pourquoi avez-vous dé-
chaîné contre le territoire de Mntyca le Syracusain
Théomnaste? Cet homme a tellement vexé les agricul-
teurs , qu'ils étaient forcés par la disette , comme d'an-
tres Siciliens que je ferai connaître, d'acheter du blé
pour la seconde dîme. Vous verrez, juges, parles ar-
rangements que les habitants dTIybla ont faits avec
le dédmatenr Sergius, qu'on a enlevé aux agriculteurs
six fois ^® autant de blé qulls «m avaient semé. lises
dans les registres publics l'état des terres ensemencées,
et la convention faite par la ville d'Hybla. Lisez. Cow-
VKWftOW EHTKE LA VXI.LS dIIyBLA ET I.'zSCI.ÀVE DE
YÉHtrs , EXTRAITE DES REGISTRES PUBLICS. ÉcOUtez en-
core , juges , les déclarations des terres ensemencée^
et les arrangements des cultivateurs de Mena avec l'es-
clave de Vénus. Lisez. Extrait des registres pu-
blics. DÉCLARATION DES TERRES EHSEMEITCEES. CoiTy
VEKTioKs. Souffrirez- VOUS , Romains , que vos alliés ,
que vos laboureurs, que des hommes qui travaillent
pour vous , qui vous consacrent leurs peines , qui , en
nourrissant le peuple de Rome, ne veulent garder
que ce qui suffît pour les nourrir , eux et leurs en-
fanta ; souffrirez- vous qu'on les traite aussi indigne-
ment, qu'on les accable d'outrage», et qu'on leur
enlève plus qu'ils n'ont recueilli? Je sens , Romains,
qu'H est temps de m'arréter : de nouveaux détails ne
produiraient qae l'ennui. Je ne m'étendrai pas davan-
tage sur un seul chef d'accusation ; mais , en suppri-
mant les antres faits dans mon discours , je les laisserai
dans la cause. "Vous entendrez les plaintes des Agri-
gentins , cea hommes aussi braves qu'agriculteurs vi-
gilaïAs ; vous apprendrez les afflictions et les vexations
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120 IN TERREM ACT. II, LIB. III.
strige, dolorem et injurias; Heracliensium , Ge-
lensium , ' Soluntinorum incommoda proferentur ;
Catinensium , locupletissimorum hominura ami-
cissimorumque , a gros vexatos ab Âproniô cogno-
scetis ; Tyndaritanam , nobilissimam ciTitatem ,
Cephalœditanam , Halentinam , Apollonîensem ,
Engynam, Capitinam, perditas esse hac iniqui-
tate decumarum intelligetis ; * Morgantinis , Asso-
rinis, Elorinis, Ennensibus, ^ Letinis, nihil om-
nino relictum; ^CiUurinos, Acherinos, parvarum
civitatum homines, omniuo abjectos esse ac per-
ditos ; onmes denique agros decmnanos per trien-
nium populo romauo ex parte decuma , G. Verri
ex omni relique vectigales fuisse; et plerisque ara-
toribus nihil omnino superfuîsse ; si cui quid aut .
remissum , aut relictum sit , id fuisse tantum ,
quantum ex eo , quo istius ayaritia contenta fuit ,
vedundarit.
XLIV. Dnarum mihi civitatum reliquos fecî
agros, judices, fere optimos ac nobilissimos, ^t-
neusem et Leontinum. Horum agrorum ego misses
faciam quaestus triemiii : unum annum eligam,
quo facilius id, quod institut, explicare possim.
Sumam annum tertium, quod et recentissimus est,
et ab isto ita administra tus, ut, quum se certe
decessùrum videret, non laboraret, si aratorem
nullum in Sicilia omnino esset relicturus. Agri
^tnensis et Leontini decumas agemus. Attendite,
' Solentinorum. — * Murgentinîs. — ' Grœvius con-
tenait legendum esse, letinis. Lallem, sic edidit. —
* Cluver., Getn-inos. •
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, III. lat
qn'ont essayées les habitants actifs et laborieux d^n-
t^U; on vous fera connaître les maax qa^ont souf-
ferts les citoyens d'Héradée, de Gela, de Solonte;
vous sattrez que les caosipagnes des .habitants de Ca-
tane , ce peuple riche , si fidèle et si dévoue , ont été
ravagées par Apronius ; vous verrez que la ville cé-
lèbre de Tyndare , que les villes de Cqphalède , d*Ha-
lence , d'Apollonie , d'Engyum *» , de Capitium , ont
été ruinées totalement par les exactions des décima-
tenrs ; qu'on n'a rien laissé aux peuples de Mor^nte ,
d*Assore , d'Élore, de Létum * ; que les petites villes de
Citare et d'Achéris ont été saccagées et désolées ; qu'en-
ûUf, i|iendant trois ans, toutes les campagnes sujettes
aux dîmes ont été tributaires du peuple romain pour
un dixième, et de Terres pour todt le i«ste;'quela
plupart des laboureurs n'ont aujourd'hui aucune res-
s^i*ce , aucune espérance ; et que s'il en est à qui il
reste quelque chose , c'est qu'un seul homme ne pou-
vait tout envahir , et que la satiété mettait quelquefois
un terme à sa passion.
XLIT. Je ne parlerai plus, Romains, que de deux
villes dont les territoires sont à peu près les meilleurs
et les plus célèbres de la Sicile, Etna et Léontini. Je né-
gligera même le» gains que "Verres a faits sur ces ter-
ritoires pendant trois ans ; je ne prendrai qu'une an-
née , pour vous faire mieux jager du reste. Je choisirai
la troisième année , parce que c'est la plus récente , et
que "Verres , au moment de quitter la Sicile , parait
s'être inquiété peu s'il y laisserait un seul cultivateur.
Je vais donc m'occuper des dîmes d'Etna et de Léon-
* Comme on ne trouve point de ville de Letum en
Sicile, on pourrait lire dans le texte letinis (Pline, III,
Si ïetenses) ^ovL Netinis , d'après Cicéron lui-même, in
Verr,, IV, a6.
VTTI. n
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i2a IN VERREM ACT. n, LIB. HI.
judices , diligenter. Agrî sunt feraces ; annns ter-
tius; decumanus Apronius. De ^diensibus per-
pauca dicam : dîxerunt enîm îp$i priore actione
publiée. Memoria tenetîs, Artemidorum. iEtnen-
sem, legationîs ejus prîncipem publiée dicere,
Apronium venisse ^tnam cum Yeneriis ; vocasse
ad se magistratum ; imperasse , ut in foro sibi
medîo lecti sternerentur ; cpiotidie solit^m esse
non modo in pubiico , sed etiam de puï>lic<> con-
yiyari; quum in eis conviviis symphonia caneret,
maximisque poculis ministraretur , ' retinere so»
litum esse aratores , atque ab iis non niod9 per
injuriam; sed etiam per contumeliam, tantam
exprimi frumenti , quantum Apronius imperasset.
Audistis haie , judices , qusB nunc ego omnia prse-
tereo ac relinquo. Nihil de luxuria Apronii loquor,
nihil de insolentia , nihil de singulari nequitia ac
turpitudine : tantum de quœstu ac lucro dicam
unius agri et unius annî, quo facilius vos con-
jecturam de triennio , et de tota Sîcilîa facere pos-
sitis. Sed mihi ^tnensium brevis est oratio : ipsi
enim venerunt; ipsipubKcas litteras deportarunt;
docuerunt vos, quid lucelli fecerit homo won ma-
lus , familiaris praetoris , Apronius ; id , quœso , ex
ipsorum testimonio cognoscite. Recita testimo-
nium ^tnensium. Testimoitium iETifEirsiunr.
XLV. Quid ais ? die , die , quœso , clarius , ut
populus romanus de suis yectigalibus, de suis ara-
toribus, de suis sociis atque amicis aifdiat. L mce-
DiMNiTM, I. H-s MiLLiA. Per dcos immortales!
' Lambinus corrig,, retineri soHtos este. Ernest, pïau-
dit.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, HI. 125
tini. Écoutez , Romains , avec attention : il a*agit de
cantons fertiles ; c'est la troisième année ; le décima-
tear est Apronios. Je dirai fort pea de chose des ha-
bitants d'Etna : dans la première action , ils' ont déposé
enx-mémes an nom de lenr ville. Yons voos le rap-
pelez, Artémidore, d'Etna, chef de la dépatatîon,
disait an nom de sa ville, qn' Apronios était venn à
Etna avec des esclaves de Ténns ; qu'il avait mandé les
magistrats , lenr avait ordynné de lui dresser des ten-
tes ^° au milien de la grande place ; qu'il faisait tous
les jours des festins publics et aux frais publics , fes-
tins on retentissaient de bruyants concerts , on se ser^
vaient de grandes coupes; qu'on y mandait les culti-
vateurs , qu'on lenr faisait donner injustement , et
même avec outrage , autant de blé qn'e& exigeait Apro-
nius. On vous a attesté , Romains, Ups ces foits que
je supprime aujourd'hui. Je ne dis rien du faste d'Apro-
nius, de son insolence, de ses débauches , de ses infa-
mies; je me borne à parler des gains qu'il a fiûts sur
un seul territoire et dans une seule année : jugez par
là des trois années et de tonte la Sicile. L'article des
habitants d'Etna sera court : ils sont venus eux-mêmes ,
ils ont apporté les registres de leur ville, et vous ont
instruits des gains modestes qu'a faits un homme sim-
ple , le bon ami du préteur , Apronins. Écoutez de
nouveau, je vous prie, la déposition des habitants,
et lenr propre témoignage. Lisez. Dépositioit des ha-
bitants d'Etita.
XLT. Que dites-vous? parlez, je vous prie, parlez
plus distinctement ; que le peuple romain entende ce
qui intéresse ses revenus, ses laboureurs, ses alliés,
ses amis. Trois cent mille boisseaux ^' et cinquante
MILLE SESTERCES. Dicux immoitcls ! sur un seul terri-
toire, en une seule année, Apronins a gagné trois
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124 IN TEftïtEM ACT, n, LIB. m.
unus ager uno anno cc!C'. millia modiuin triticî ,
et praet^Tea H-S l millia, .lucri dat Apronio? tan-
tone minoris decumae venierunt , quam fuerunt ?
an , qiium satis magno venissent , hic tantus ta-
men friimenti peciuiis^que numeru» ab aratoribus
per vîm ablatas est ? ntrum enim horum dixeris ,
in eo culpa et crimen hœrebit. Nam îUud quidem
non dices , quod utinam dicas , ad Apronium non
pervenisse tantum. Ita te' non modo publicis te-
nebo , sed etiam priyatis aratonim pactionibus ac
litterîs; ut intelligas, non te diligentiorem in fa-
cîendis furtis fuisse , quam me in deprehendendis.
Hoc tu feres ? hoc quisquam defendet? hoc hi , si
aliter de te statuere Voluerint , sustinebunt ? Uno
adventp, ex^j^o agro , Q. Apronium, praster
eam , quam dixi , pecuniam numeratam , ccc ^il-
lia modium triticî lucri nomine sustulisse ? Quid?
hoc j£tnenses soli dicuntPimo etiam Centuripini^
qui agri iEtnensis multo maximam partem possi-
dent. Quorum legatis, hominibus nobilissirais ,
Androni « Artemoni , senatus ea mandata dédit ,
quae publiée ad civitatem ipsorum pejtinebant ;
de iis injuriis , quas cives Centuripini non in suis ,
«ed in aliorum finibus acceperunt , senatus et po-
pulus Centuripinus legatos noluit mittere : ipsi
ara^tores Centuripini , qui numerus est in Sîcilia
maximus hominum honestissimorum et locuple-
tissimorum, très legatos, çives suos, delegerunt,
ut eorum testimonio non unius agri, sed prqpe
totius Siriliae calamitates cognosceretis- Arant enim
tota Sicilla fere Centuripini : et hoc in te gravio-
res cçrtioresque testes sunt , quod ceterœ ciyitates
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SEC. AqjriON CONTRE TERRES, m. laS
cent mille boisseaux et cinquante mille sesterces! Les
dîmes ont-elles donc été affermées beaucoup moins
qu'elles ne pouv^eut Fétre ? ou bien a-t-on enlevé de
force aux cultivateurs tout ce blé, tout cet argent?
Quoi que vous disiez, Apronius sera toujours coupa-
ble. Vous ne direz pas , sans doute , comme je le vou-
drais bien, qu' Apronius n'a pas fait d'aussi énormes
profits; car je vous convaincBai, non seulement par
les registres de la ville, mais encore par les traités,
parles registres des agriculteurs, et vous verrez que
vous n'avez pas mis plus de soin à exercer vos rapines .
que je n'en ai mis à les découvrir. Sontiendrez-vous
cette seule accusation? quel orateur pourra la réfuter?
quel juge, même le plus favorable, n'y céderait pas?
Du premier abord, sur un seul ten^itoire , un Apro-
nius avoir enlevé , à titre de bénéfice , outre les cin-
quante mille sesterces, trois cent miUe boisseaux de
blé ! Mais les habitants d'Etna sont-ils les seuls qui en
déposent? Non; à eux se joignent les habitants . de
Centorbe, qui possèdent la plus grande partie du ter-
ritoire d'Etna. Le sénat de CeAtorbe a donné à ses
nobles députés, Andron et Artêmon, les ordres qui
regardaient leur ville : quant aux vexations que les
particuliers ont essuyées ^ur lé territoire d'autrui, le
sénat et le peuple n'ont pas voulu envoyer de dépu-
tés; les agriculteurs eux-nifémes de Centorbe, si nom-
breux, si distingué^, si opulents, «nt choisi pour dé-
putés trois de leurs concitoyens; et vous pourrez ap-<
prendre par leur déposition le désastre , Aon d'un seul
territoire, mais de presque tpute la Sicile. Les habi-
tants de Centorb« font valoir dans presque toute la
Sicile, et ils sont contre vous. Verres, des témoins
d'autant plus accablants, d'autant pins dignes de foi,
que les autres cantons ne 'sont occupés que de leurs
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126 IN VERREM ACT. II, LI^ m.
suis solum incommodis commoTentur; Genturî-
pini , quod in ' omnium fere finibus habent pos-
sessiones, etiam ceterarnm ciyitatum damna ac
detrimenta senserunt.
XL VI. Verum, ut dixi, ratio certa est jEtnen-
sium, et publiais et privatis litteris consignata :
meœ diligentise pensum magis in Leontino agro
est exigendum, propter banc causam, quod ipsi
Leontini publiée non sane me multum adjuyerunt.
Neque enim eos, isto prœtore , bse decumanorum
injuria IsBserunt: potius etiam, judices, adjuve-
runt. Mirum fortasse boc yobis, aufe incredibile
yideatur , in tantis aratorum incommodis , Leon-^
tinos , qui principes rei frumentariae fuerunt , ex-
pertes iucommodorum atque injuriarum fuisse.
Hoc caus» est , judices , quod in a^ro Leontino j
prseter unam Mnasistrati familiam , glebam Léon-
tinorum possîdet nemo. Itaque Mnasistrati, bo-
minis bonestissimi atque optimi yiri, testimonium^
judices, âudietis : ceteros Leontinos, quibus non
modo Apronius in agris , sed ne tempestas qui-
dem ulla nocere potuit, exspectare n^lite. Ëtenim
non modo incommodi nihil ceperunt ; sed etiam
in Apronianis illi« rapinis , in qusestu sunt compen*
dioque yersati. Quapropter, quouiam me Léon*
tina ciyitas atque legatio , propter eam , quam dixi ,
causam , defecit ; mibimet ineunda ratio , et yia re-
periunda'est, qua ad Apronii qusstum,^ siye adeo,
qua ad istius ingehtem immanemque prœdam pos^
sim peryenire.'Agri Leontini decumœ anno tertio
' Sic e cod. Nanniano ded^mnt C. Steph,, GnU., alii»
Maie antea legebatur omnibus.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, Ut, 127
propres injures , an lien qae Centorbe , qui a des pos-
sessions dans presque tons les territoires, a ressenti
encore les pertes et les dommages de tons les antres
peuples.
XL'VI. Mais, je le répète, les prëjndioes causés ant:
habitants d'Etna sont bien certifiés; ils sont consignés
dans des registres particuliers et |inblic8 : on doit exi-
ger de mon zèle de plus grands détails sur le territoire
de Léontini , par la raison que les Léontins eux-mêmes
ne m'ont pas beaucoup servi au nom de leur Tille.
En effet, sous la préture de Terres, les exactions des
décimateurs, loin de leur causer aucun tort, leur onf
procuré du profit et de Tavantage ^*. Il vous paraîtra
peur-etre étonnant et incroyable qu'au milieu de tous
les dommages qu'ont essuyés les agriculteurs , les Léon-
tins, si connus pour la fertilité de leurs champs, ne
s*en soient aucunement ressentis. La raison, juges,
c'est que, dans le territoire de Léontini^ excepté la
famille de Mnasistrate , aucun Léontin ne possède un
seul pouce de terre. Aussi tous entendrez la déposition
de l'illustre et vertueux Mnasistrate : n'attendM pas
celle dfls autres Léontins, auxquels Apronius » ni même
aucune intempérie de l'air, n'ont pu nuire dans leurs
campagnes. Que dis- je? loin d'en avoir reçu aucun
préjudice, ils ont même tiré du profit et du gain des
rapines d* Apronius. Puis donc que la vîUe et la dépn-
tation de Léontini m'ont manqué pour la raison que
je viens .de dire , je dois chercher moi-même une voie
et des moyens pour parvenir à faire connaître les pro-
fits d' Apronius, ou plutôt le butin considérable, l'im-
mense butin de Terres. Les dîmes du territoire de
Léontini ont été affermées la troisième année trente-
six mille médimnes de blé, c'est-à-dire deux cent seize
mille boisseaux. Cest beaucoup, Romains, je ne puis
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128 m TERREM ACT. II, LIB. III,
▼enierunt tritici medimnum xxxvi millibus ; hoc
est, tritici modium tcxvi millibus. Magno, judi-
ces, magno : neque enim hoc possum ^egare.
Itaque necesse est , aut damnum , aut certe non
magnum lucrum fecisse decumanura : hoc enim
solet usu yenire iis , qui magno redemerunt. Qnid,
si ostendo , in hac una emtione , lucri (ieri tri-
tici modium c? qurd, si ce? quid, si ccc ? quid ,
si cccc millia? ' dubitabitis etiam, cui ista tan ta
praeda qusesîta sit? Iniquum me esse quispiara dl-
cet , qui ex lucri magnitudiue conjecturam faciam
furti atque prsedœ. Quid? si doceo, judlces , eos ,
qui cccc millia modium lucri faciunt, damnum
facturos fuisse, si tua iniquitas, si tui ex cohorte
recuperatores non intercédèrent ? num quis pote-
rit in tanto lucro , tantaque iniquitate , dubitare ,
quin proptçr improbitatem tam magnos quaestus
feceris ? propter magnitudinem quaestus improbus
esse volyeris ?
XL VII. Quomodo igitur hoc assequar, judices,
ut sciam, quantum lucri factum sit? non ex Apro-
nii tabulis , quas ego quum conquirerem , non in-
veni ; et quum in jus ipsum eduxi , expressi , ut
confîcere tabulas se negaret Si mentiebatur ; quam-
obrem removebat, si hse tpbulx nihil tibi erant
obfuturae? si omnino nullas confecerat litteras; ne
id quidem satis significabat , illum non suum ne-
gotium gessisse? Ea est enim. ratio decumanorum,
ut sine plurimis litteri^ confici non possit. Singula
enim nomina aratorum , et cum singulis pactiones
decumanorum , litteris persequi et conficere ne-
' Fulg,, dobitatis.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, m. laf)
le nier; oui, c^est beaaeoap. Âjjssi faat-il nécessaire-
ment que le dédmatear y ait perdu on qu'il y ait bien''
peu gagné y eau c'est- là ce qui arrive quand on a pris
un bail porté trop haut. Mais si je montre que, sur
un seul territoire , on tirait un bénéfice de cent mille
boisseaux, et même de deux cent mille, et même de
trois cent mille, et même de quatre cent mille ; dou-
terez-vous encore pour qui un si grand butin a été
recueilli? On dira peut-être que je suis injuste de juger
du vol et du butip par la grandeur du bénéfice. Mais
«je montre, Yerrès, que ceux qui extorquent quatre
cent mille 'boisseaux de bénéfice auraient perdit, si
Totre iniquité et les commissaires pris parmi vos satel-
lites ne fussent venus à leur secours; doutera -t-on, en
voyant un si grand bénéfice extorqué si injustement,
doutera-t-on que votre cupidité ne vous ait porté à
faire des profits immenses , et qu'à son tour Fimmen-
site des profits n'ait allumé encore votre cupidité P
XLYII. Comment donc , juges , poprrai-je parvenir
à connaître le bénéfice qu'a extorqué Apronius? Ce
n'est point par ses registres : je les ai cherchés sans
pouvoir les trouver; et lorsque je le citai devant le
juge , je le forçai de dire qu'il ne tenait pas de regis-
tres. S^il mentait , pourquoi , Verres , écartait-il des
registres qui n'auraient pu vous nuire? S'il n'en avait
point tenu réellement, cela même n'est-il pas une
preuve suffisante que ce n'était point pour lui-même
qu'il agissait ? Les dîmes ne peuvent s'exploiter sans
beaucoup de registres. Il faut nécessairement des re-
ntres pour y porter exactement les noms des agri-
culteurs et les arrangements faits avec chacun. Tous les
cultivateurs , d'après vos ordres et votre établissement^
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i3o IN TERREM ACT. II, LIE. UI,
cesse est. Jugera professi sunt aratores omnes im-
perio atque instituto tuo : non opinor quemquam
minus esse professum , quam quantum arasset ,
quum tôt cruces, tôt supplicia, tôt ex cohorte
recuperatores proponerentur, ' In* jugere agrî
Leontini medimnum fere tritici seritur, perpétua
atque sequabili satione. Ager e^cit , cum octavo
bene ut agatur ; verum , ut omnes dii adjuvent ,
cum decumo : quod si quando accidit , tum fît , ut
tantum decums sit , quantum severis ; hoc est ,
ut , quot jugera sunt sata , totidem medimna de^
envase debeantur. Hoc quum ita esset; primum
illud dico , pluribus millibiis medimnum yenisse
decumas agri Leontini , quam quot miUia ji^e-
rum sata erant in agro Leontino. Quod si fieri non
poterat , ut plus quam decera medimua ex jugere
ararent ; medimnum autem ex jugere decumano
dari poterat, quum ager, id quod^perraro eve*
nit , cum decumo extulisset : quœ erat ratio decu-
mani, si quidein decumas, ac non bona yenibant
^aratorum, ut pluribus aliquanto medimnis decu-
mas emeret, quam jugera erant sata?
XLVIII. In Leontino jugerum subscriptio ac
professio non est plus xxx millium. Decums xxxvi
' medinmum venierunt. ËrraYÎt, an potius insani-
vit Apronius ? imo tum insanisset, si aratoribus,
quod deberent, licitum esset, et non, quod Apro-
nius imperasset, necesse fuisset dare. Si ostendo,
minus tribus medimnis in jugerum neminem dé-
disse decumae, concèdes, opinor, ut cum ^ de*
' In Jugero. — * Medimnis. — ' Decumano. Sed ha-
hent decumo , n/el àtcimOy/erg omnes çodd, regii^
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, IH. ï3i
ont déclaré les arpents qu'ils faisaient valoir *. En ont-
ils déclaré moins ? Je ne le pense pas ; ils avaient à
craindre trop de supplices, trop de tourments, trop
de commissaires pris parmi vos satellites. Dans un ar-
pent du territoire de Léontini , on sème chaque année
régulièrement près d'un médimne de blé. Ou est
' heureux quand ce médinme en rapporte huit ; s'il en
rapporte dix , c'est nn bonheur extraordinaire , un
bienfait des dieux. Si la récolte va ^elquefois jusque
là , il arrive alors qu'il y a autant à dîmer qu'oa a
semé , c'est-à-dire que , pour la dîme , on doit autant de
médimnes qu'on a ensemencé d'arpents. Dans cet état
de choses , je dis d'abord que les dîmes du territoire
de Léontini ont été affermées plusieurs milliers de mé-
dimnes plus qu'il n'y a en d'arpents ensemencés dans
le territoire de Léontini. S'il était impossible qu'on re-
cueillît plus de dix médimnes d'un arpent, si l'on
n'était astreint à donner an dédmateur qu'un mé-
dimne par arpent , même quand le médimne semé, ce
, qui est fort rare , en avait rapporté dix ; quelle rai-
son, si c'étaient les dîmes qui étaient adjugées et non
les biens des cultivateurs, quelle raison pouvait porter
un dédmateur à se les faire adjuger pour plus de mé-
dimnes qu'il n'y avyit d'arpents ensemencés ?
XLYIIL Suivant les déclarations , il n'y a pas plus
de trente mille arpents dans le terrîtoire de Léontini.
Les dîmes ont été affermées trente six mille médimnes.
Apronius se trompait-il ? ou bien était-il fou ? Il au-
rait fallu , sans doute, l'accuser de folie, s'il eût été
permis aux agriculteurs de ne lui donner que ce qu'ils
lui devaient , et s'ils n'eussent pas été contraints de
livrer tout ce que demandait Apronius. Si je montre
que personne n'a donné de dime moins de trois mé-
* ^r. chap. lo.
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i32 IN VERREM ACT. II, UB. in.
cumo fructus arationis perceptus sît, neminem
minus tribus decumis dédisse. 'AtqUe hoc in be-
ueficii loéo petitum est ab Apronio , ut in jugera
singula ternis medimnis décider© liceret. Nam
quum a multis quaterna , etiam quiua exîj[erén-
tur; multiâ autem non modo granum nuUum, sed
ne palesB quidem ex omni fructu atque ex aritiuo
labore relinquerentur : tum aratores Centuripini ,
qui numerus in agro Leontino maximus est, unum
in locum couTenerunt; bominem su» civitatis in
primis honestum ac nobilem, Andronem Centu-
ripinum, legarunt ad Apronium, eumdemj quem
lioc tempore ad hoc judicium legatum et testem
Genturipina civitas misit ; ut is apud eum causam
aratorum ageret, ab eoque peteret, ut ab arato-
ribus Centuripinis ne amplius in jugera singuJa ,
quam terna medimna exigeret. Hoc vix ab Apro-
nio in summo beneficio , pro iis , qui etiam tum
incolumes erant, impetratum est. Id quum impe-
trabatur, hoc videlicet impetrabatur, ut, pro sin-
gulis decumis , temas decumas dare liceret. Quod
si tiia res non agerelur, a te potius postularent ,
ne ampHus, quam singulas , quam ab Apronio, ut
ne plus, quam ternas decumas darent. Nunc, ut
hoc tempore ea, quae régie , seu potius tyrannice,
statuit in aratores Apronius , prœtermittam ; neque
eos appellem, a quibus omne frumentum eripuit,
et quibus nihil non modo de fructu, sed ne de
bonis quidem suis reliqui fecit : ex his ternis me-
dimnis (quod beneiîcii gratixque causa concessit)
quid lucri fiât, cognoscite.
' Atqui.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, m. i33
dîmnes par arpent , vous m'accorderez , je pf nse , que
petsolme n'a donné moins de trois dîmes , en snppo»
sant qne les terres aient produit au décuple. Or on a
demandé à Âpronins comme une grâce , qu'il fât per-
mis de transiger pour trois médimnes par arpent. En
effet , comme il y en avait plusieurs dont on exigeait
quatre médimnes et même cinq ; plusieurs à qui , de
toute la récolte et de tout le travail d'une année , ou
ne laissait pas un seul grain , xà même la paille : les
agriculteurs de Centorbe, qui mettent en valeur la
plupart des terres du canton de Léontini , s'assemblè-
rent et députèrent à Apronius , Andron de Centorbe ,
le plus considéré et le plus qualifié de leur ville ( c'est
le même que la ville de Centorbe a envoyé anjourd'huî
à ce jugement comme député et comme témoin ) ; ils
le députèrent à Apronius pour plaider auprès de lui
la cause des agriculteurs , pour le prier de ne pas exi-
ger dfes agriculteurs de Centorbe plus de trois mé-
dimnes par arpent. On l'obtint à peine d' Apronius
comme une grâce insigne pour ceux qui alors même
n'avaient pas encore déserté leurs champs. En l'ob-
tenant , on obtenait , comme vous le voyez , qu'il fut
permis de donner trois dîmes pour une. Si ce n'était pas
pour vous , "Verres , qu'Apronîus agissait , on vous eût
demandé de ne pas donner plus d'une dîme , plutôt que
de demander à Aproyius de n'en pas donner plus de
trois. J'omets pour le moment tous les traits parti-
culiers du despotisme et de^ la tyrannie d'Apronius en-
vers les cultivateurs ; je ne nomme pas ceux dont il
s'est approprié les récoltes entières , et qu'il a dé-
pouillés de leur fortune après leur avoir enlevé leurs
moissons : apprenez seulement , Romains , quel profit
il a tiré de ces trois médimnes qu'il avait accordés
comme une grâce , comme un bienfait.
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i34 IN VERREM ACT. H, LIB. m.
XLI^ Professio est agri Leontinî ad jugerum
«XX millia. Hsc snnt ad tritici medimnuiii xc, id
est, tritici modium dxl millia. Deductis tritici
modium ccxvi millibus, quanti decums venie-
. rnnt , reliqua sunt tritici cccxxrv millia. Adde to«
tius summœ ïoxl millium modium très qutnqna-
gesimas , id est , tritici modium xxxii millia cccc
(ab omnibus enim ternœ prœterea quinquagesimae
exigebantur) : sunt haec jam ad gcclyi millia cccc
mod. tritici. At ego cccc millia lucri facta esse
dixeram. Non enim duco in bac ratione eos , qui-
bus ternis medimnis non est licitum decidere.
Verum, ut bac ipsa ratione summam mei pro-
roissi compleam , ad singula ' medimna multi H-S
duo y multi H-S quinque accessionis cogebantur
dare ; qui n>inimum , * singulos nummos. Hoc
minimum ut sequamur, quonîam xq medimnum
millia duximus , ^ accedebant eo , novo pessimo-
que exemplo , H-S xc millia. Hic mihi etiam di-
cere audebit , magno se decumas yendidisse, quum
ex eodem agro, dimidioplus ipse abstulerit, quam
populo romano miserît ? ccxti modium millibus
decumas agri Leontini vendidisti : si ex lege,
magno; si, ut lex esset libido tua, paryo; si, ut,
qusB dimidisB essent , decumae yocarentur , parvo
vendidisti. Multo enim pluris fructus annui Sici-
lis yenire potuerunt , si id te senatus aut populus
romanus facere yoluisset ; etenim sœpe decumae
' Medimnum. — * Singala nummiuh. Sic Gruterus et
eum secuù in his duobus locis dederunt; sed Gneviusex
njetustis editis restituit, singula medimna singulos
nummos , quam lectionem habet quoque ms, regius opti-
mus. — ^ Accédant.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, m. i35
XIIX. Tsà dit que , snivant les dédarations , il y a
trente mille arpents dans le territoire de Léontini. Trois
médimnes, pris sar chaque arpent, font quatre-vingt-
dix mille médimnes , c'est-à-dire cinq cent quarante
mille boisseaux. Déduisez deux cent seize mille bois-
seaux qui sont le prix des dîmes , il reste trois cent
vingt-quatre mille boisseaux. Ajoutez trois cinquan-
tièmes de la somme totale, cinq cent quarante mille
boisseaux, c'est-à-dire trente-deux mille quatre cents
boisseaux ( car on exigeait en sus trois cinquantièmes
dé tous les cultivateurs ), nous aurons trob cent cia-
quanté-six mille quatre cents boisseaux de blé. Mais
f avais annoncé un bénéfice de quatre cent mille.
Aussi je ne parle point dans ce calcul de ceux à qui
Ton n'a pas permis de transiger pour trois médimnes
par arpent. Mais afin de reqiplir toute ma promesse ,
même d'après ce calcul , plusieurs étaient obligés de
donner pour surcroît deux sesterces par médimne,
plusieurs cinq ; on ne donnait pas moins d'un sesterce.
Prenons le moins ; puisque nous avons compté quatre-
vingt-dix mille médimnes, il fallait ajouter, ce qui
était quelque chose d'inouï et d'affreux, quatre-vingt-
dix mille sesterces *. Et il osera encore nous dire
qu'il a haussé l'adjudication des dîmes , lorsque , sur le
même territoire, il a enlevé une fois plus qu'il n'a en-
voyé au peuple romain ! Vous avez affermé les dîmes
du territoire de Léontini deux cent seize mille bois-
seaux. Cest beaucoup , si c'est suivant la loi ; c'est peu ,
s'il n'y a de loi que votre 'caprice ; c'est peu , si vous
appelez dîme ce qui n'était réellement que la moitié.
Tous'auriez pu affermer beaucoup plus la récolte an*
nuelle de la Sicile , si le sénat ou le peuple romain^
Vous en eussent donné l'ordre ; car il est souvent arrivé
* ii,25o liv. A.
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i36 m VERREM ACT. II, UB. III.
tanti yenierunt , quum lege Hieronica venirent ,
quanti nunc lege Verrea Yenierunt. Cedo mihi
C. Norbani decumas venditas. C. No&bani deguma
VENDIT* AGRi LEOKTiiri. Âtqui tum neque judi-
cium de modo jugemm dabatur; neque enim erat
Artemidorus Comeliu&recuperator; neque ab ara-
tore magistratus Siculus tantum exigebat , quan-
tum decumanùs ediderat; nec benefîci\^m pete-
batur a decumano, ut in jugera singula ternis
medimnis decidere liceret; nec nummorum ac-
cessionera cogebatur arator dare ; nec ternas quin-
qnagesimas frumenti addere : et tamen populo
romano magnus frumenti numerus mittebatur.
L. Quid yero ists sibi quinquagesimae , quid
porro nummorum accessiones yolunt ? Quod id
jure, atque adeo, quo id [potius] ' more fecisti ?
Nummos dabat arator : quomodo? aut unde? Qui,
si largissimus esse vellet , cumulatiore mensura
uteretur , ut antea solebant facere in 'decumis ,
quum aequa lege et conditione venibant. Is num-
mum dabat. Unde ? de frumento ? quasi habuisset,
te praetore , quod venderet. De vivo igitur erat
aliquid. resecaudum , ut esset, unde ^pronio ad
illos fructus arationum boc corollarium nummo-
rum adderetur. Jam id porro utrum libentes , an
inviti dabant? libentes? amabant, credo, Apro-
nium : inviti ? qaa re, nisi yi et malo , cogebantur?
Jam iste, bomo amentissimus , in vendundis de-
cumis nummorum faciebat accessiones ad singular
' Or«.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, III, iS;
qne quand on afTermait les dîmes diaprés la loi d'Hié-
ron *', elles ont été affermées autant qu'elles Tout été
d'après la loi de "Verres. Lisez radjudication des dîmes
sous la préture de Norbanus. Bail du canton de
LÉOHTiNi , PASSÉ sous C. NoRBANUs. Et Cependant per-
sonne alors n'était poursuivi pour déclaration d'ar-
pents ; un Artémidore Cornélius n'était pas commis-
saire ; un magistrat Sicilien ne forçait pas les cultiva-
teurs de donner tout ce que demandait le décimatenr ;
on ne demandait pas à un fermier des dîmes , comme
une grâce , qu'il fut permis de transiger pour trois mé-
dimnes par 'arpent; les cultivateurs n'étaient pas con-
traints de donner un surcroît d'argent , ni d'ajouter
trois cinquantièmes de blé : et , malgré cela , une
grande quantité de blé était envoyée au peuple ro-
L. Mais que veulent dire ces cinquantièmes de blé
et ces surcroîts d'argent? Quel droit, ou même quel
exemple vous autorisait à les demander? Un cultiva-
teur donnait de l'argent : comment cela? où le pre-
nait-il? S'il eut voulu se montrer plus généreux que
les autres , il eut fait meilleure mesure , comme cela se
pratiquait dans les dîmes, lorsqu'on les affermait sui-
vant les règles et avec équité. Mais il donnait de l'ar-
gent! Sur quoi le prenait -il? Sur son blé? comme s'il
en eût eu à vendre sous la prétare de Terres. Il lui
fallait donc couper dans le vif pour ajouter aux autres
gains d'Apronius '^ cette gratificatiop pécuniaire. Et
cette gratification , les contribuables la faisaient-ils vo-
lontiers on malgré eux? "Volontiers? Oui, sans doute,
ils chérissaient Apronius. Malgré eux? Qu'est-ce qui
les forçait, sinon la violence et les mauvais traite-
ments? Enfin, le préteur insensé, en affermant les
dîmes, ajoutait à cbaque dîme, par surcroît, ni^e
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i38 IN VERREM ACT. 11^ UB. III.
decumas : neque multum; bina aut terna millîa
addebat. Fiunt per triennium H-S fortasse id mil-
lia. Hoc neque exemplo cujusqaam, lieque ullo
jure fecit : neque eam pecunîam retulit : neque
hoc. parvum crimen quemadmodum defensuru&
sit , homo quisquani unquam ' excogitabit.
Quod quum ita sit, audes dîcere, te magno de-
cumas veudidisse , quum sit perspicuum , te bona
fortunasque aratorum, non populi romani, sed tui
quaestus causa , veudidisse ? Ut , si quis yillicus ex
eo fundo, ' qui H-S dena meritasset, excisis arbo-
ribus ac venditis, demtîs tegulis, instrumente,
pécore abalienato, domino xx millia nummum
pro X miserit, sibi alia praeterea centum confece-
rit : primo dominus, ignarus incommodi suî, gau-
deat, viUicoque delectetur, quod tanto sibi plus
mercedis ex fundo refectum sit : deinde, quum
audierit , eas res , quibus fundi fructus et cultura
contînetur , araotas et yenditas ; summo supplicio
yillicum affîciat, et secum maie actum putet : item
populus romanus quum audit , pluris decumas
yendidisse C. Verrem , quam innocentissimum
hominem , cui iste successit, C. Sacerdotem , putat
se bonum in arationibus fructibusque suis habuisse
custodem ac yillicum ; quum senserit, istum omne
insfrumentum aratonim, omnia subsîdia yectiga-
lium yeudidisse, omuem spem posteritatis avàritia
sua sustulisse, arationes et agros yectigales yas-
' Excogitavit. — ' Lallem. post Grœvium prœtulU Fie-
torianam lectionem , cui H-S dena merces esset.
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SEC. ACTION iSONTRE TERRES, UI. i3(,
somme d'argent '^ : la somme n^était pas bien consi-
dérable; il ajoatait deux on trois mille sesterces. Cela
fait peut-être , pendant trois ans, cinq cent mille ses-
terces. De quel droit les recevait-il, je- le demande en-
core, et d'après qnel exemple? Cet ai^^ent n'a pa^étc
remis an trésor, et quelque léger que soit ce délit entre
tant d'aatres , je ne crois pas que personne imagine
jamais un moyen d'en justifier l'accusé.
Après cela , vous osez dire que vous avez porté fort
haut l'adjudication des dîmes, lorsqu'il est évident que
vous avez adjugé les biens et les fortunes des labou-
reurs à votre profit , et non au profit du peuple ro-
main*! C'est comme si un économe ^^, dans une terre
qui rapporterait dix mille sesterces *, après avoir coupé
et vendu les arbres, enlevé les couvertures, engagé
les troupeaux et les instruments de labourage, en-
voyait à son maître vingt mille sesterces ** , au lieu de
dix mille , et en faisait cent mille *** pour lui : d'abord
le maître, ignorant son désastre, se réjouirait, serait
enchanté de son économe, parce qu'il lui aurait dou-
blé le produit de sa terre; mais ensuite, quand il ap-
prendrait qu'il a détourné et vendu les effets néces-
saire pour la culture et la récolte, il croirait avoir été
fort mal servi, et punirait le coupable. Ainsi, lorsque
le peuple romain apprend que "Verres a porté les dîmes
plus bant que Sacerdos, ce préteur intègre auquel il a
succédé, il croit qu'il a eu un bon surveillant, un
exceUent économe pour ses terres et pour ses récoltes;
mais lorsqu'il s'apercevra que Verres a vendu tous les
instruments des cultivateurs , toutes les ressources des
impositions , que, par sa cupidité , il a ruiné tontes les
espérances pour l'avenir , qu'il a épuisé et ravagé toutes
les campagnes tributaires, qu'il a fait pour lui-même
* i,a5o liv. — ** a,5oo liv. — *"* ia,5oo liv. A.
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i4o . IN TERREM AGT. ÏI, LIE. III.
tasse atque exinanîsse, ipsum maximos quœstn»
praedasque fecisse ; intelliget secum actum esse
pessîme, îstum autem summo supplicio dignum
existimabit.
Lrl. Unde ergo hoc intelligi potest? Ex hoc
maxime , quod ager decumanus provincise Siciliae
propter istius avaritiam desertus est : neque id
solum accidit, uti minus multîs jugis ararent, si
qui in agris remanserunt ; sed etiam , ut permulti
locupletes homines, magni et navi aratores, agros
' latos ac fertiles desererent , totasque arationes
dereUnquerent. Id adeo sciri facillime potest ex
litteris publicis civitatum, propterea quod lege
Hieronica numerus aratorum quotannis apud ma-
gistratj|s publiée subscribitur. Recita tandem , quot
acceperit aratores agri Leontini Verres. l.xxxiii.
Quot anno tertio profiteantur. xxxii. Unum et
quinquaginta aratores ka yideo dejectos, ut his
ne vicârii quidem successerint. Quot aratores,
adveniente te , fuerunt agri Mutycensis ? videamus
ex litteris pubUcis. CLXxxjiit. Quid? anno tertio ?
CI. Lxxxvii aratores uniis ager istius injuria desi-
derat; atque adeo nostra respubUca, quoniam illa
populi romani vectigalia sunt, hune tôt patrum-
familias numerum desiderat et reposcit. Ager Her-
bitensis primo anno habuit aratores ducentos quin-
quaginta septem, tertio centum i^iginti : hinc
centum triginta septem patresfamilias extorres pro-
fugerunt. Agyrinensis ager, quorum hominum!
quam honestorum ! quam locupletium ! ducentos
* Laetos. Ernest, antiquam lectionem optimo jure prtt'
tidit, muhi a GnUero recentiorem.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, III. 141
des profits immenses en jullant les alliés, il Terra qn'il
a été fort mal servi , et le prêteur loi paraîtra digne do
pins rigonrenx châtiment.
LI. 'Vonlez-vons en jnger par yous-mémes? contem-
plez la Sicile : les terres sujettes aux dîmes sont dé-
sertes , grâce à la cupidité de Terres ; et non seulement
ceux qui sont restés dan^ les campagnes labourent
avec «noins de chaiTues , mais une infinité d^hommes
riches , agriculteurs actifs et industrieux , ont aban-
donné pour jamais de grands et fertiles domaines. Les
registres publics le prouveront aisément , puisque ,
d'après la loi d'Hiéron, les magistrats des villes font ,
tons les ans , un nouveau recensement des cultiva-
teurs. Greffier , lisez combien "Verres a trouvé dé cul-
tivateurs sur le territoire de Léontini. — Quatre-vingt-
trois. — Combien ont donné leurs noms la troisième
année ? — Trente-deux. — Voilà donc cinquante et
un cultivateurs dépossédés , sans que d^autres aient
pris leur_j>laGe. Combien y avait-il, à votre arrivée,
de cultivateurs dans le territoire de Mntyca ? voyons
les registres. — Cent quatre-vingt-huit. — Et la troi-
sième année ? — Cent un. — Vos vexations , Verres ,
ont enlevé quatre-vingt sept cultivateurs à un seul-
territoire, ou plutôt à notre république, qui réclame
et redemande tous ces pères de famille, puisque ce
sont là les revenus du peuple romain. Il y avait , la
première année , dans le territoire d'Herbite , deux
cent cinquante sept cultivateurs ; cent vingt la troi-
sième : ainsi, cent trente-sept pères de famille se sont
enfuis des campagnes. De quels hommes riches et re-
commandables n'était point rempli le territoire d'Agy-
rone.P On y comptait Éj^x cent cinquante cultivateurs
la première année de votre préture; et la troisième,
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142 IN VERREM ACT. II, LIB. ni.
qainquaginta aratores habuit primo anno praetnrar
tuse. Quid tertio anno ? octoginta , quemadmodnm
legatos Agyrinenses recitare ex publicis litteris
audistis.
LU. Pro dii immortales! si ex provincîa tota
centum septuaginta ejecisses, possesne, severis
judicibus, salyus esse? Unus ager Agyrinensis
CLXX aratoribus inanior quum sît , vos conjectu-
ram totius provinci» non facietis ? Atque boc*per-
anpie in omni agro decumano reperietis : quibus
aliquid tamen reliqui fîierit ex magno patrimoni o ,
eos in agris minore instrumento, minus 'multis
jugis,'reraansisse, quod metuebant, si reçessis-
sent, ne reliquas fortunas omnes amitterent; qui-
bus autem iste nibil reliqui, quod perderent, fece-
rat, eos plane non solum ex agris, verum ex ciyi-
tatibus suis profugisse. Illi ipsi, qui remanserant»
vix decnma pars aratorum , relicturi agrps omnes
erant, nisi ad eos Metellus Roma litteras misissety
se decumas lege Hieronica venditurum ; et nisi ab
iis hoc petivisset, ut sererent quam plorimum :
quod ilU semper ^ sua causa fecerant , quum eos
nemo rogaret , quamdiu intelligebant , sese sibi et
populo romano, non Verri et Apronio serere,
impendere, laborare. Jam vero, judices, si Sicu-
lorum fortunas negligitis ; si , quemadmodum socii
populi romani a magistratibus nostrîs tractentur,
non laboratis : at vos communem populi romani
causam suscipite atque defendite. Ëjectos aratores
esse dico; agros yectigales yexatos atque exina-
nitos a Verre ; populatam ^exatamque provin-
' Optime cod. Nann. Olim multis locis. — ^ Sui.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, UI, 143
quatre-Tingts, comme vous Faves entendu des députés
d'Agyrone qui vous ont lu les registres de leur ville.
m. An nom des dieux , je vous le demande , Terres,
si vous eussiez fait enfuir de tonte la province cent
soixante et dix cultivateurs, pourriez-vons être absous
par des juges sévères? Et lorsqu'il s>n trouve cent
soixante et dix de moins dans le seul territoire d*Agy-
rone, ne jugeres-vous point par là, Romains, de tonte
la province? Oui, vous trouverez la même désolation
dans tous les territoires sujets aux dîmes. Les agricul'
tenrs , à qui il est resté quelque portion d'un ample
patrimoine, sont demeurés dans les campagnes, ont
labouré avec moins d'instruments et de cbarmes ; ils
craignaient , en se retirant , de voir périr le reste de
leur fortune : ceux à qui Terres n'avait rien laissé à
perdre , se sont enfuis et de leurs campagnes et de
leurs vffles. Ceux même qui étaient restés , formant à
peine la dixième partie des agriculteurs, auraient
abandonné toutes leurs terres, si Métellus ne^lenr eût
écrit de Rome qu'il affermerait les dime^d'après la loi
dHiéron, et s'il ne les eût priés d'ensemencer Ie*plus
de terres qu'il leur serait possible; ce qu'ils avaient
fait toujours pour leur propre avantage , sans que per-
sonne les en priât , tant qu'ils voyaient que c'était
pour eux et pour le peuple romain , non pour un
Terres et pour un Apronins, qu'ils semaient, qu'ils
dépensaient, qu'Us travaillaient. Si donc, Romains,
vous ête^ indifférents sur le sort de la Sicile , si vous
vous inquiétez peu de la manière dont les alliés de
Roine sont traités par nos magistrats, soutenez du
moins et défendez la cause commune , la cause de cet
empire. Je dis qu'on a fait déserter les cnltivateurt ,
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X44 IN TERREM ACÏ. H, LIB. lU.
«iam : hsec omnia doceo litteris * puhlicis hones-
tissimorum civitatum, et privatis primariorum
Tirorum testimouils.
LUI. Qnid Tultis amplius? imm exspectatîs,
dum L. Met^as îs, qui maltos in îstum te$teB
imperio et potestate deterruit, idem absens de
istias scelere, împrobitate , audacia testimonium
dicat ? non oplnor. At is optime , qui successit isti ,
potuit cognoscere. Ita est : venim amicitia impe-
ditur. At débet nos certiores facere , quo pacto se
habeat provincial. Débet : verumtamen non cogi-
tur. Num quis in Verrem L. Metelli testimonium
requirit ? nemo : num quis postulat ? non opinor.
Quid , si testimonio L. Metelli ac litteris bxc om-
nia vera esse * doceo ? quid dîcetis ? utrum Me-
tellum falsum scribere ? an ami cura Iseden^i e^^sc
cupidum ? an praetorem, quemadmodum provincia
affecta sit, nescire ? Recita litteras L. Metelli, qiias
ad Cn. Pompeium et M. Crassum consules , quas
ad M* Muramium praetorem, quas ad qusstores
Qrbis mîsit. £pisïoi.a. L. Mktelli. Decuma.s pru-
MEirTI I.KGK HiRRONICA. TEKDIDI. Quum ScHblt ,
se lege Hieronica vendidisse, quid scribit? ita se
vendidisse , ut omnes , praeter Verrem : quum scri-
bit, se lege Hieronica yendidisse, quid scribit ? se
per istum erepta Siculis majorum nostrorum bene-
. ficia, jus ipsorum, conditionem socîetatis, ami-
citisB, fœderum reddidisse. Dicit, quant} cujusqiie
* Aberant hœc duo verha ,• recepimus e codd. — ' D»*
• cebo.
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SEC, ACTION CONTRE VERRES, IH. 145
que nos campagnes tribataires ont été ravagées et dé-
pcnplécs par Verres, qne Verres a piUc et vexé la pro-
vince : je prouve tons ces fait» par les registres publics
des villes les plus célèbres, et par les dé^sitîons par-
ticulières de leurs premiers citoyens.
LUI. Que voulez-vous de plus? atteadez-vous que
L, Métellus, qui, d'antorité et par le pouvoir de sa
place, a empêché un grand nombre de SicUiens de
déposer contre Verre», dépose lui-même, quoique
absent, contre les crimes, la cupidité et Taudace de
Faccusé? Je ne le pense pas. Cependant, comme U lui
a succédé , U pourrait être mieux instruit que tout
autre.— Oui; mais il est retenu par l'amitié. — U
doit au moins nous informer de l'état de sa province
— Il le doit; mais on ne l'y force point. Quelqu'un
attend-il donc le témoignage de L. MéteUus cohtre
Verres? Personne. Quelqu'un le demande-t-il ? Per-
sonne, sans doute. Que sera-ce donc, si, par le iémoi-
gnage et par une lettre de L. MéteUns , je prouve que
tous ces faits sont véritables? que direz -vous aloî»?
Que Métellus écrit contre la vérité, ou qu'a veut nuire
à son ami , ou qu'un préteur ignore l'état de sa pro-
vince? Greffier, bsez la lettre que L. MéteUns adresse
aux consuU Cn. Pbmpée et M. Crassus, qu'il adresse
au préteur M, Mupimius , qu'il adresse encore aux
questeurs de la ville. Lettre ue L. Métellus. ^Ar
AFFERMÉ LA DIME DES BLES d'aPRÈS LA LOI D»HiÉROW
Lorsqu'à écrit qu'il a affermé d'après la loi d'Hiéron
que veut-il dire? Qu'ira fait comme tous les préteurs'
excepté Verres. Lorsqu'il écrit qu'il a affermé d'aprèl
la loi d'Hiéron, que vent-fl dire? Qu'il a rendu aux
SidKens ce que Verres leur avait enlevé, les bienfaits '
de nos ancêtres , leurs lois, les conditions de l'alliance
fc'n traité, de l'amitié, fl dit combien il a affermé la
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146 IN TORREM ACT. II, LIB. m.
agri decumas Teiididfeqit : deinde quid scrîbit?
Recita de epistola reliqua. ' Summa data est
OPBaA A ME , UT QUAM PLURIMO DECUMAS TEHDE-
REM. Car igitnr , Metelle , non ita magno yendî-
disti? quia désertas arationes, inanes agros, pro-
Tinciam miseram perditamque ofFendi. Quid ? id
îpsum , quod satum est , qua ratione qnisquam ,
qui sereret, inventus est? Recita litteras. Litter£.
Ait se misisse^ et praésentem confirmasse, suam
interposuisse auctoritatem : tantum quod aratori-
bus Metellus obsides non dédit, se nulla in re
Verri sîmilem futurum. At quid est tandem, in
quo se laborasse dicat ? Recita. Ut aratores, qui
REI.IQUI RRANT , QUAM PLURXMUM SERERBIIT. Qui
reli^ui ? quid hoc est ? reliqui ? quo ex bello ? qua ex.
yastitate ? qusenam in Sicilia tanta clades, aut quod
bellum tam diutumum, tam calamitosum, te prœ-
tore, versatum est, ut is, qui tibi successerit , '
reliquos aratores coilegisse et recréasse y ideatur ?
LIV. Qaum bellis Carthaginiensibns Sicilia
yexata est, et post nostra patrumque memorîa
quum bis in ea proyincia magnae fugitivorum
copias yersat» * sunt ; tamen aratorum ^ interîtio
facta nulla est : tum , semente prohibîta, aut messe
amissa, fructus annuus interibat; tamen incolumis
numerus manebat dominorum atque aratorum :
tum , qui M. ♦ Lœyino , aut P. Rupilio , aut
' SuMMA yi. Jferel. confiât, summaqub. Gmi. prio-
rem Uct. probant, — * Sint. — ^ Internecio. — * Levi^
uio. Pigkius sine causa mallet , proconsulibus et pra:t.
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SEC, ACTION CONTRE TERRES, HI. i4y
di'me de chaque territoire. Ensuite ? Lisez : Je ir*Ai
RXEir NÉGLIGÉ POUR ADJUGER LES DIMES LE PLUS BAUT
POSSIBLE. Pourquoi donC', Métellns, les adjudications
u'ont-elles pas été plus fortes? C'est que f ai trouvé les
tenues abandonnées , les campagnes désertes , la pro-
vince pauvre et ruinée. Mais cependant on avait mis
quelques terres en valeur : comment s'est -il trouvé
quelqu'un qui voulut les ensemencer? Lise^ Lettre
DE MÉTELLU5. Il a écrit , dit-il, aux laboureurs; arrivé
dans la Sicile, il les a rassurés, il a interposé son au-
torité; Métellus enfin leur a presque donné des gages
et des assurances pour leur persuader qu'il ne suivrait
en rien l'exemple de Terres. Quel est donc l'objet pour
lequel il dit s'être imposé de si pénibles devoirs? Lisez.
POTTR ENGAGER LES CULTIVATEURS QUI RESTAIENT A
SE^ER LE PLUS Qu'iL SERAIT POSSIBLE. Lcs CulÙvOteurs
qui restaient? Qu'est-ce que cela veut dire, qui res-
taient? à qaelle guerre, à quelle dévastation avaient-
ils échappé? qaelle si grande calamité. Terrés, quelle
guerre si longue et si désastreuse a désolé ]a Sicile sous
votre préture, pour que votre successeur ait été réduit
à reoneiUir et à ranimer ce qui restait de laboureurs?
LTV. La Sicile a été anciennement dévastée dans les
guerres de Carthage; elle l'a été aussi de notre temps
et du temps de nos pères; deux fois '^ elle a été en
proie à des armées d'esclaves fugitifs : cependant on ne
l'a pas vne dépeuplée ainsi d'agriculteurs ; seulement
on a été une année sans avoir de récolte, on parce
qu'on n'avait pas semé, ou parce qu'on avait perdu
la moisson ; mais le nombre des propriétaires et des
cultivateurs était toujours le même; ceux qpi avaient
succédé dans cette province aux préteurs Lévinus ,
Rupilîns, on Aquilius, ne se voyaient pas réduits à
recueillir ce qui restait de labonreurs. Terres, avec
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U8 IN TERREM ACT. ti, LIB. lit
M. Aquillio^ praetoribus , in eam provinciam suc-"
cesserant, ara tores reliquos non colligebant. Tan"
tone plus Verres ciim Apronio proyinci» Sicili»
calamitati» importa^it, quam aut Hasdrubal cam
Pœnorum exercitu , aut Atbenio cum fugitivorum
-maximis copiis; ut temporibus illis, simul atque
hostis superatus esset , ager araretur omnis , neqne
aratori prsetor per litteras supplicaret, neque eum
prxsens oraret y ut quam plnrimum sereret ; nunc
autem , ne post abitum quidem Lujus importunis-
sîmae pestis , quisquam reperiretur , qui sua volun-
tate araret ? pauci essent reliqui , qui L. Metellî
auctoritate in agros, atque ad suum larem fami-
liarem redirent ? His te litteris , bomo audacissime
atque amentissime , jugulatum esse non sentis? non
vides , quum is , qui tibi successit , aratores reli-
quos appellet , boc eum diserte scribere , reliquos
bos esse, non ex bello, neque ex aliqua bujusmodi
calamitate, sed ex tuo scelere, importunitate <,
avaritia, crudelitate? Recita cetera. Tamek pro
S<> y. 17T TEMPORIS DIPFICULT4S , ARATORVttQUK
PEifURiA. TULiT. Aratorum , inquît , penuria. Si
ego accusator toties de re eadem dicerem , vererer,
ne animos yestros offenderem, judices : clamât
Metellus : Nisi litteras misissem : non est satis.
Nisi PR£SEiTs coKPiRMASSEBC : ne id quidem satis
est. Reliquos, inquit, aratores : reliquos? prope
lugubri yerbo calamitatem provinciœ Siciliœ signi-
ficat : addit, Aratorum penuria.
LV. Exspectate etiam, judices, exspectate, si po-
testisy auctoritatem accusationis me». Dico arato-
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SEC. ACTION COmrRE VERRES, ÎU. 149
ApronitM, a-t-il donc ùdt peser sar la Sicile ploa de
calamités qa'Asdrnbal avec les troapes des Cartha-
ginois , on Atfaénion avec des années dVsclaves fugi-
tifs? Alors, sans doate, anssitôt après la victoire rem-
portée sur Tennemi , toutes les terres étaient labourées ,
un préteur ne suppliait point par lettres un cultiva-
teur, on ne le priait pas , de vive voix , de semer le
plus qu'il était possible; tandis qn*à présent, même
après le départ de ce dévastateur des campagnes, il
ne s'en trouvait pas un qui labourât Volontairement;
il n'y- en avait qu'un petit nombre de reste, qui, en-
couragés par Métellus , revinssent dans leurs champs
et dans leurs anciennes demeures. O le plus audadeux '
et le plus insensé âm hommes ! ne voyez-vous pas que '
cette lettre est pour vous un arr^t de mort ? ne voyez-
vous pas que , quand votre successeur parle de culti-
vateurs qui restent , il écrit expressément qu'ils restent
échappés, non à la guerre, non k quelque désastre
semblable , mais à votre perversité , 4 votre cruauté .
à votre avidité, à votre fureur? Lisez la suite. Toute -
fT)», AUTANT QUE I<'a PERMIS I.S MALHEUR DES CXR-
CONSTAlfCES ET LA DISETTE DE CULTIVATEURS La
disette de cultivateurt, dit-il. Si moi, accusateur, je
répétais aussi souvent la même chose, je craindrais^
Romains , de vous fatiguer. Métellus dit hautement :
Si je n'avais écrit iftrx cultivateurs. Ce n'est pas
tout. Si , ARRIVÉ EN SiCILE , JE NE LES AVAIS RASSURES.
Ce n'est pas encore assez. Les cultivateurs qui res-
tent , dit-il. Qui restent ! Ce mot presque lugubre
exprime assez l'état désespéré de la province de Sicile;
et cependaiit Métellus ajoute : La disette de.cstl-
tivateurs.
LV. Attendez encore, juges, atteiidez, si vous le
pouvez, les preuves de mon accusation. Je dis que la
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i5o IN TERKEM ÀCff, H, IIB. m.
res istius avaritia ejectos : scribit Metellus, reliquos
ab se esse confînnatos. Dico agros relictos, ara-
tionesque désertas esse : scribit Metellus aratonim
esse penuriam. Hoc quum scribit, iUud ostendit,
dejectos, ejectos, fortunis omnibus expulsos esse
populi romani socios atque amicos. Quibus si qua
calamitas propter istum, saKis -vectigalibus nos-
tris , accidisset , animadvertere in eum -vos opor-
tebat; prsesertim qumn ea lege judicaretis , quae
sociorum causa esset constituta : quum yero , per-
ditis profligatisque sociis , yectigalia populi ro-
mani sint deminuta ; res frumentaria , commeatus y
copia , salus urbis atque exercituum nostrorum in
posteritatem istius avaritia interierit ; saltem corn-
moda populi romani respicite , si sociis fidelissi-
mis prospicere non laboratis. Atque, ut inteUiga-
tis , ab isto , prae lucro , prœdaque prsesenti , nec
vectigalium, nèc posteritatis babitam esse ratio-
nem ; cognoscite , quid ad extremum scribat Me-
tellus : IN RfeLTQUUM TKMPUS TEGTIGALIBUS PRO-
SPEXI. In reliquum tempus.ait se yectlgalibus
prospexisse. Non scriberet, se yectigaUbas pro-
spexisse , nisi hoc yellet ostendere , te yectigalia
perdidisse. Quid enim erat , quod yectigalibus
prospiceret Metellus in decumis , et in tota re fru-
mentaria f si iste non yectigalia populi romani suo
qusstu peryet-tisset ? Atque ipse Metellus, qui yec-
tigalibus prospicit, qui reliquos aratores colligit^
qu^d assêquitur, nisi boc, ut arent, si quid pos-
sunt, quibus aratrum saltem aliquod satelles istius
Apronius reliquum fecit ; qui tamen in agris spe
atque exspectatione Metelli remanserpnt ? Quid ?
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, HI. i5i '
cnpidité de Yerrès a fait enfdir les agricnltenrs : Mé-
tellus écrit qu'il a rassuré ceux qui restaient. Je dis
que les terres ont été abandonnées, les campagnes
désertées : Métellus écrit qu'il y a diselte de cultiva-
teurs. En écrivant ces mots, îl annonce que les amis
<^ les alliés du peuple romain ont été persécutés, dé-
pouillés de leurs biens, chassés de leurs terres. S'il
leur fut arrivé quelque mal par la faute de "Verres ,
sans que nos revenus en eussent souffert, vous deviez
le punir, surtout en le jugeamt d'après une loi établie
en faveur des alUés; mais puisque par la mine entière
et la désolation de nos alliés , la cnpidité de Terres a
diminué les revenus du peuple romain, et détruit
pour long-temps les approvisionnements de blés, nos
Tivres, nos ressources, la subsistance même de Rome
et de nos armées , songei^ du moins aux intérêts du
peuple romain, si vous ne daignez pas pourvoir à
ceux de vos alliés fidèles. Et afin que vous sachiez que
l'envie d'une proie assurée et d'un gain présent a
fait négliger à Terrés vos revenus , et lui a fait ou-
blier l'avenir, écoutez ce que Métellus écrit à la fin de
sa lettre : J'ai veilla, dit-il, pour i.a suite a iros
RBVEifiTS. Il dit qu'il a veillé pour ta suite à nos re-
venus, n n'écrirait point qu'il a veillé à nos revenus,
s'il ne voulait montrer que nos revenus ont été détruits
par Terrés. Eh ! pourquoi Métellus aurait-il veillé à
nos revenus dans les dîmes et dans tout ce qui con-
cerne les blés, si Terres , par ses exactions , n'eut pas
ruiné les revenu»^ peuple romain? Mais Métellus
lui-même, qui jl^H à nos revenus, qui recueille le
reste des cultivJHk, que gagne-t-il, sinon de faire
cultiver les terres par ceux qui le peuvent encore ,
par ceux à qui Apronins, le satellite de Terres, a
laissé du moins une charrue , et qui cependant ne sont
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i5a IN TERREM ACT. II, LIB. UI.
ceteri SicuU , qaîd ? ille maximus numerus arato-
Tuxttf qui non modo ex a gris ejecti sunt, sed
etiam ex civitatibus suis , ex provincia , denique
bonis fortunisque omnibus ereptis, profugerunt,
qua ratione ii reyocabuntur ? quot prœtorum in-
nocentîa sapientiaque opus est , ut illa aratorum
multitudo aliquando in suis agris ac sedibus col-
locetur ?
LVI. Ac , ne miremîni , tantam multitudinem
profugisse, quantam ex litteris publicis, arato-
rumque professionibus cognovistis; scitote, tan-
tam acerbitatera istius , tantum scelus in aratore?
fuisse (incredibile dictu est, judices : sed et fac-
tura, et tota Sicilia pervulgatum ) , ut bomines,
prDpter injurias licentîamque decumanorum, mor-
tem sibi ipsi consciyerint. Centuripinum Dioclem ,
hominem locupletem, suspendisse se constat, quo
die sit ei nuntiatum , Apronium decumas rede-
misse. Dyrrbachinum , primum civitatis , eadem
ratione mortem oppetisse , dixit apud vos homo
nobilissimus , Ai«bonidas Elorinus, quum audis>
set tantum decumanum professum esse ex edicto
istius sibi deberi , quantum ille bonis suis omui-
bus efBcere non posset.
H«c tu , tametsi omnium homiuum dissolutissi-
mus crudelissimusque semper fiiisti , tamen nun-
quam perpeterere, quod illi gMnitus luctusque
proyinci» ad tui capitis periciaRb pertinebant :
non, inquam, perpeterere, utnoraines injuris
tuse remedium morte ac suspendio quœrerent,
nisi ea res ad qusestum et ad prsedam tuam perti'
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, m. i53
listes que parce qu^ils attendaient Métellns, parce
qu^ils comptaient sar son arrivée ? Et tons ]es antres
Siciliens, et cette multitude Infinie de coltivateors , à
qni on a fait déserter les campagnes ; qui , dépouillés
de leurs biens et de toute leur fortune , se sont même
enfoîs de leurs villes et de la province , comment les
rappellera-t-on ? combien faut-il de sages et intègres
préteurs pour ramener enfin tous ces malheureux dans
leurs terres et sous leurs toits domestiques ?
liYl. Tous ne serez pas étonnés , Romains , qu'il s'en
soit enfui un aussi grand nombre que vous l'avez vu
par les registres publics et par les déclarations des cul-
tivateurs, quand vous saurez un fait qui est incroyable,
mais réel et répandu dans toute la Sicile : plusieurs
d'entre eux , désespérés par la dureté et la tyrannie de
Terres, parles vexations et les excès des dédmateurs,
se sont donné la mort. Oui , la chose est avérée : Dio-
des de Centorbe, homme riche, s'est étranglé luî-
méme, le jour qu'on lui eut annoncé qn'Apronius
avait pris le bail des dîmes. Archonide d'Élore , d'ane
naissance distinguée , a dit , dans sa déposition , que
Dyrrhachinns, un des premiers citoyens de cette ville,
s'était fait périr de même , lorsqu'il eut appris que
le décimatenr lui demandait, en vertu de l'ordon-
nance de Terres , plus qu'il ne pouvait faire avec tous
ses biens.
Non, quoique vous ayez toujours été, Verres, le
plus insouciant à la fois et le plus cruel des hommes ,
vous n'auriez jamais souffert , en voyant que cette af-
fliction et ces gémissements de toute la province inté-
ressaient votre existence civile , .vous n'auriez , dis- je ,
jamais souffert que Ton cherchât dans une aussi triste
mort un remède à vos injustices, si vous n'aviez trouvé
dans ces injustices de quoi assouvir votre insatiable
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i54 IN TERREM ACT. H, LIE. ni.
neret. Quîd? illud perpeterere ? attendite, judi-
ces ; omnibus enim nervis mihi ' contendendum
est , atque in hoc laborandum , ut omnes intelli-
gant, quam improbam, quam manifestam , quant
confessam rem pecunia redimere coneutur. Grave
crîmen est hoc , et yebemens , et post homînum
memoriam , judiciaque de pecuniis repetundis
constituta, grayissimum, prsBtorem populi romani
40cios babuisse decumanos.
LYII, Non boc nunc primum audit privatus de
inimico, reus ,ab accusatore : jam antea in sella
seden^ praetor, quum provinciam Siciliam ob-
tineret, quum ab omnibus non solum, id quod
commune est , propter imperium , sed etiam , id
quod istius praecipuum est, propter crudelitatem
metueretur , millies audivit , quum ejns animum
ad persequendum non negligentia tardaret, sed
conscientia sceleris avaritiseque suae refrenaret.
Loquebantur enim decumani palam, et praeter
ceteros is , qui apud istum plurimum poterat ,
maximosque agros populabatur , Apronius : per-
parvum ex illis magnis lucris ad sese pervenire ;
praetorem esse socium. Hoc quum palam decu-
mani tota provincia loquerentur, tuumque npmen
in re tam turpi uefariaque interponerent ; nibilne
tibi venit in mentem existimationi tuae consulere ?
nibil denique capiti ac fortunis tuis providere?
Quum tuî nominis terror in auribus animisque
aratorun versaretur; quum decumani aratorî-
bus ad pactiones faciendas , non suam yim , sed
' Connitendnm. Probat Gruterus atque admittit hanc
hctionem libri. Pianniani, Ernest, n/ulgatam tuetur.
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SEC. ACTION CONTRE SERRÉS, UI. i55
cupidité. Enfin, anriez-Tons soa£fertP... Écoutez, Ro-
mains : car je dois enaployer ici tons mes efforts et toot
mon zèle pour faire comprendre à chacun de vons quel
infâme délit, quel crime manifeste et certain on vent
racheter par Tor et par 1^ corruption. Ce chef d'acca-
sation est un des plus grs^es et des plus odieux ; et
depuis qu'il existe des hommes , depuis qu'il y a des
jugements rendus contre les concussionnaires , on n'a-
vait pas encore vu qu'un préteur du peuple romain
se fut associé aux décimatenrs. *
LVII. Yerrès , aujourd'hui simple partictdîer et ac-
cusé , s'entend faire ce reproche par un Cànemi et un
accosatenr; mais déjà, loraque sur son tribunal, pré-
teur et souverain dans la Sicile , il était craint comme
tout antre préteur , parce qu'il était le maître p et plus
que tout antre, parce qu'il était cruel, cette accusa-
tion a mille fois frappé ses oreilles ; et s'il négligeait
de s'en venger , ce n'était point par indifférence , mais
par le remords de ses malversations et de ses crimes.
Les décimatenrs disaient publiquement, et surtout
Âpronius , cet homme si puissant auprès de lai , ce
fléau des campagnes, qu'il leur revenait fort peu de
chose de ces gains immenses , que le préteur était leur
associé. Quoi ! les décîmateurs tenaient publiquement
ce langage dans toute la province ; ils s'appuyaient de
vous dans deft vexations aussi odieuses, aussi infimes ,
et vous n'avez point songé à votre réputation , à vos
plus prédeax intérêts! Lorsque la terreur de votre
nom glaçait l'ame des laboureurs ; lorsque , pour con-
clure les marchés , les fermiers des dîmes opposaient
aux cultivateurs des champs, non leur puissance,
mais votre nom et votre affreuse tyrannie : pensiez-
votis qu'il y aurait à Rome des juges assez faibles ,
irssez pervers, ansez disposés à se laisser corrompre,
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i56 IN VERREM ACT. II, LIB. Uh
tuum scelus ac nomen opponerent : ecqnod ju-
dicium Rom» tam dissolutum , tam peiTlitum,
tam nummarium fore putasti , quo ex judicio te
uUa Salus servare posset ? quum planum fîeret ,
decumis contra instituta^ l^ges, consuetudÎDem-
que omnium yenditis, in aratorum bonis fortu-
nisque diripiendis decumaAos dictitasse tuas esse
partes, tuam rem , tuam prœdam ; idque te tacuisse,
et, quum dissimulare non posses, potuisse tamen
perpeti et perferre , quod roagnitudo lucri obscu-
/ raret peri^uli raagnitudinem , plusque aliquanto
apud te pecunix cupiditas , quam judicii metus
posset ? Esto ; cetera negare non potes : ne illud
quidem tibi reliquum fecisti , ut boc posses dicere ,
nibil eorum te audisse , nihil ad tuas aures de in-
famia tua pervenhse ? Querebantur cum luctu et
gemitu aratores : tu id nesciebas ? Fremebat tota
proYÎncia : nemo id tibi renuntiabat? Romae que-
rimonis de tuis injuriis , conventusque habeban-
tur : ignorabas b»c ? ignorabas haec omnia ? Quid ?
quum palam Syracusis , te audiente, maximo con-
ventu P. Rubrius Q. Apronium sponsione laces-
81 vit. Ni Apronius dictitaret, te sibi in de-
cumis ESSE sociuM : baec te vox non ' perculit ?
non perturbavit? non, ut capiti et fortunis tuis
prospiceres , excitavit ? Tacuisti : sedasti etiam li-
tes illorum ; et sponsio illa ne fieret,laborastî.
LVllI. Pro dii immortales ! ' hoc innocens
komo perpeti potuisset ? aut quamvis nocens, qui •
modo judicia Romœ fore putaret^jion aliqua simu-*
' Ernest, e conjectura dederat perc assit. — ■ Hoc aut.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, IH. iS'j
pour que la déesiie Sains '* elle-même pat yoas san^er
de lears mains? Et cependant 3 était pronyé qae les
dîmes avaient été affermées contre les règlements,
contre les lois , contre Tnsage de vos prédécesseurs , et
que les décîmatears avaient dit partout que la chose
vous regardait , que c était votre affaire , que le butin
était pour vous ; il était prouvé que vous aviez gardé
le silence , et que , ne pouvant dissimuler leurs pro-
pos, vous aviez pu les supporter et les souffrir : tant
la grandeur du gain vous cachait la grandeur du péril !
tant Tamour de Tor pouvait plus sur vous que la
crainte d'un jugement ! Non , sans doute , vous ne
pouvez nier le rtste ; mais ne vous étes-vous pas même
réservé de pouvoir dire que vous n'avez rien entendu
de ces discours , que le bruit de votre infamie n'est
point arrivé jusqu'à vous ? Les cultivateurs se plai-
gnaient, ils pleuraient, ils gémissaient; et vous n'en
saviez rien ! Tonte la province murmurait ; et personne
ne vous en avait instruit ! On tenait ù Rome des as-
semblées contre vous ; et vous l'ignoriez ! vous igno-
riez tout cela I Mais lorsque publiquement à Syracuse ,
vous présent, dans un grand concours de peuple,
P. Rnbrius, portant à Q. Apronius un défi judiciaire,
offrait de prouver qu'il disait partout qu'il était
VOTRE ASSOCIÉ DAHs LES DIMES , ces parolcs ne vous
ont pas frappé , ne vous ont pas troublé , ne vous ont
pas averti de sauver votre honneur et votre personne ?
Vous avez gardé le silence, vous avez même apaisé
les deux parties, vous n'avez point voulu que cette
affaire eut de suite.
LVm. Dieux immortels ! un homme innocent eût-il
pu souffrir un tel affront ? et un coupable même , s'il
eut seulement pensé qu'il y avait des uibunaux h
Rome, n'aurait-il pas du moins essayé, par quelque
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i58 IN TERREM ACT.II, LIB. m.
latioDe existimationî se homînum ' vendîtasset ?
Quid est hoc? sponsio fit de capîte ac fortunis
tuis : tu sedes et quiescis ? non persequeris ? non
'persévéras ? non perquirîs , cui dixerît Apronias ?
quis audierit ? unde hoc natum , quemadmodum
proktura sit ? Si quis tibî ad aurem accessisset , et
dixisset, Apronium dîctitare, te sibî esse socium;
commoyeri te oportuit, yocare Apronium, nec
illum ante tibi satisfacere , quam tu omniuqni exis-
timationî satisfecisses. Qump vero in foro celeber-
rimo , tanta frequentîa , hoc , verbo et simnlatione ,
Apronio,re vera, tibi objectum e^et, tu unquam
tantam.plagam tacitus accipere potuisses, nisi hoc
ita statuisses, in re tam manifesta quidquid dixis-
ses , te deterius esse facturum ? Qusestores , lega-
tos , praefectos suos , tribunos , miilti missos fece-
runt , et de provincia decedere jussernnt , quod
eorum culpa se minus commode audire arbitra-
rentuf, aut quod peccare illos aliqua in re judi-
carent : tu Apronium , hominem vix liberum ,
contaminatum , perditum ,. fla^itiosum , qui non
modo animum integrum , sed ne animam quidem
puram conservare potuisset , eum , in tanto tuo
' dedecore , non profecto ne verbo quidem gra-
viore appellasses , neque apud te tam sancta religio
societatis fuisset, ut tui capitis periculum negli-
gères ; nisi rem tam notam esse omnibus , et tam
manifestam videres, Cum eodem Apronio postea
P. Scandilius, eques romanus, quem vtih omnes
f Sic reg, codd. Al, maie, vindicasset. — * lÔedecore
profecto , ne r. Se^uùnur Ernest, Restât tamen aliquid
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SEC, ACTION CONTRE VERRES, m. i5<)
feinte colère , de regagner Testime pobliqne ? Com-
ment ! on vent intenter nn procès où tos intéiêts le»
pins chers sont compromis; et vous restez assis et
tranquille ! tous ne donnez ancone soîte à cette dé-
nonciation ! vous n*însistez pas ! youb ne cherchez pas
à qoi Apronîns a tenu le propos , qni l'a entendu de
sa bouche, qni Ta rapporté , comment il s*est répandu !
Si quelqu'un vous eût dit à l'oreille qu'Apronius se di-
sait partout votre associé , n'auriez-vous point du tous
indigner , mander Apronins, et ne pas accepter sa sa-
tisfaction avant que d'avoir vous-même satisfiût à l'es-
time publique? Mais lorsque , dans la place de Syra»
euse , devant tout le peuple , on semblait diriger contre
Apronlus une accusation qui réellement tombait sur
vous , auriez- vous jamais enduré en silence un tel ou-
trage , si vous n'aviez été persuadé que , dans un fait
aussi notoire , tout ce que vous auriez dit n'aurait pu
que vous nuire ? Souvent des gouverneurs tint ren-
voyé leurs questeurs , leurs lieutenants, leurs préfets,
leurs tribuns ; ils leur ont ordonné de sortir de leur
province, parce qu'ils croyaient que , par la fente de
leurs agents, ils ne jouissaient pas eux-mêmes d'une
bonne réputation , ou parce qu'ils les jugeaient cou-
pables de quelque délit grave : et un Apronius , un
homme à peine libre, un scélérat, un pervers , souillé
de crimes et d'opprobres , dont l'âme est aussi infecte
que l'haleine *», vous auriez craint, lorsque votre hon-
neur était si fort compromis ', vous auriez craint de le
blesser par quelque parole un peu sévère ! Non, cer-
tes , vous n'auriez jamais respecté assez les droits de
votre association pour être indifférent à tous vos ris-
ques personnels , si vous n'aviez reconnu vous-mémo
la publicité de votre infamie. Depuis , P. Scandilins ,
chevalier romain , que vous connaissez tous , intenta
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x6o IN VERKEM ACT, II, LIB. III.
nostis , eamdem sponsionem de societate fecit ,
quam Rubrius facere voluerat. Institit, oppressit,
non remisit : facta est sponsio H-S v ' millium :
cœpit Scandilius recuperatores, aut judicem pos-
tulare.
LIX. Satisne vobis prsetori improbo circumdatî
cancelli videntur in sua provincia, imo vero in
sella aç. tribunali ; ut aut de suo capite judicium
fieri patiatur prœsens ac sedens , aut confiteatur ,
se omnibus judiciis convincl necesse esse ? Spon-
sio est, Ni te âprokius tv deguuis socium bsse
BICAT ; proyincia tua est ; ades ; abs te judicium
postulatur. Quid facis ? quld decernis ? Recupera-
tores dicis te daturum. ^ Bene agis : tametsi qui
erunt tantis cervicibus recuperatores , qui audeant
in provincia , quum prstor adsit , non solum con-
tra volontatem ejus, sed etiam contra fortunas
judicare? Verum esto : manifesta res est, quum
nemo esset , quin hoc se audisse liquido diceret ,
locupletissimus quisque certissimus testis esset :
nemo erat Sicilia tota , qui nesciret decumas esse
praetoris ; nemo , qui non audisset ita Apronium
dictitasse : prseterea conventus honestus Syracu-
fiis , multi équités romani , -viri primarii , ex qua
copia recuperatores rejici oporteret, qui aliter
judicare nuUo modo possent. Instat Scandilius
poscere recuperatores. Tum iste bomo innocens,
qui illam suspicionem leyare, atque ab se remo-
' Palatinus uterque rejidt illud millium ; primœ etiam
ftUHones , teste Grutero , non agnoscurU, *— ' Lallem,
post Grœvium maluit , Bene ai», ut infra, c. 6a.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, IIÎ. xôi
an même Apronins, an sujet de la société, le même
procès qu'avait voaln lui intenter Rnbrius. Il le pour-
suivit , le pressa , ne lâcha point prise : il déposa cinq
mille sesterces *, et demanda des commissaires on un
LIX. Vous semble-t-îl qu'on ait assez investi un pré-
teur coupable, dans sp province, que dis-je? sur son
siège et sur son tribunal; qu'on l'ait réduit, ou à se
laisser juger pour crime capital, lui-même présent et
siégeant, ou à reconnaître qu'il n'était point de tri-
bunal qui ne dut le condamner ? On s'engage à prou-
ver qu'ApROiTius s'est dit votre associé pour les
DÎMES ; c'est dans votre province qu'on l'attaque ; vous
êtes présent ; on vous demande des JQges ; que faites-
vous? que prononcez-vous? Je donnerai, dites-vous,
des commissaires. Fort bien. Cependant, quels seront
les commissaires d'une âme assez forte, pour oser,
dans une province où un homme gouverne , juger, je
ne dis pas seulement contre sa volonté , mais contre
ses plus grands intérêts? On en eût trouvé, sans
doute : caria chose était publique , et il n'y avait per-
sonne qui ne déclarât nettement l'avoir entendu dire,
et les hommes les plus distingués et les plus riches en
étaient les premiers témoins ; il n'y avait personne ,
dans tonte la Sicile ,■ qui ne sût que les dîmes étaient
au préteur ; personne à qui on n'eût dit qn'Apronius
le publiait partout : de plus , il y avait à Syracuse un
corps nombreux et illustre de citoyens et de c)ievalicrs
romains , parmi lesquels il fallait choisir des commis -
saires qui n'auraient pu absolument prononcer que
dans la vérité. Scandilîns insiste, il demande des com-
missaires. Alors Verres , cet homme pur et intègre ,
qui voulait écarter et dissiper tout soupçon sur s»
*629lbr. A.
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x6a IN TERREM ACT. U, LIB. IH.
yere cuperet, recuperatores dicit se de cohorte
àua daturam.
LX. Pro deum hominemque fidemi quem ego
accuso ? in quo meam indastriam ac diligentiam
spectari vole? quid est, quod ego dicendo aut
cogitando efficere , aut assequi debeam ? Teneo ,
teneo , înquam , in mediis vectigalibus populi ro-
mani , in ipsis fructibus provinciœ Sicilias, furem,
manifesto ' avertentem rem fruraentariam omnem,
pecunîam maximam : teneo, inquam, ita, ut negare
non possit. Nam quid hic dicet ? Sponsio facta est
cum cogpitore tuo Apronio de fortunis tuis om-
nibus , ni socium * te sibi in decumis esse dictita-
ret. Exspectant omnes, quant» tibi ea res curae.
sit, quemadinodum hominum existimatîoni te at-
que innocentîam tuam probari y élis. Hic tu medi-
cum , et aruspicem , et prœconem tuum, recupe-
ratores dabis , aut etiam illum ipsum , quem tu in
cohorte tua Cassianum judicem habebas, si qua
res major esset, Papirium Potaroonera, hominem
severum , ex yetere illa equestri disciplina? Scan-
dilius postulare de conventu recuperatores. Tum
îste nègat se de existimatione sua cuiquam, nisî
suis , commissurum. Negotiatores putant esse tur-
pe, id forum sibi iniquura ejurare, ubi negotien-
tur; prator provinciam suam totam sibi iniqvam
ejnrat. O impudentiam singularem ! Hic postulat
se Rom» abiolvi , qui in sua provincia judicavit ,
' Cod. Nann., C. Stephan., Grœp. y Garatom., Beck ,
averrenteiii. — • ^ Se tibi, recepta lectio a recentioribus e
ms. Nanniano y rectius a>ero hahetu edd. ofett, , te sibi ,
quod apte respondet formulœ sponsionis.
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SEC. ACTION CONTRE VERR*:S, m. i63
yretta , annonce qa*il prendra des commissaires parmi
ses ministres.
LX. Grands dieox ! qnel est Thomme qaé j'accose ?
quelle est la caase dans laquelle je désire de donner des
preuves de mon zèle et de ma fidélité ? qn*esf-il besoin
ici de mes paroles on de mes réflexions? que peuvent-
elles faire ou obtenir? Au mâien des domaines dtk
peuple romain , an milieu des récoltes mêmes de la
province de Sicile , je le tiens , je le tiens ce dépréda-
teur public , qui détourne à son profit tous les grains
et un argent immense; je le tiens, dis-je, en flagrant
délit sans qu'il puisse nier. Tin effet, Yerrès, que dîrez-
,vous ? On intente à Apronius, votre commissionnaire ®**^
an procès on vos plus grands intérêts sont compromis;
on Tattaqne comme ayant publié qu'il était votre asso-
cié pour les dîmes. Tout le monde est impatient de sa-
voir combien vous prendrez la cbose à cœur, comment
vous sauverez votre réputation aux yeux du public ,
comment vous le persuaderez de votre innocence. Et
c'est alors que vous donnerez pour commissaires ,
votre médecin , votre aruspice , votre huissier , ou
même celui que vous regardiez pomme un excellent
juge, comme le Cassius^' de votre tribonal, que vous
cluMsissiez dans les araires nn peu flHes, Papifius
Potamo, personnage austère, formé à Tecole antique
des chevaliers romains. Scaudilius demande des com-
missaires parmi nos concitoyens établis à Syracuse.
"Verres dit qu'il ne s'en remettra qu'aux officiers de
son tribunal pour ce qui regarde sa réputation. Les
commerçants, croiraient se déshonorer s'ils récbsaient
les juges du lieu où ils commercent; un préteur récuse
toute sa province. O effronterie sans exemple ! il pré-
tend être absous à Rome, lui qui a jugé que, dans sa
province même , il n'était pas possible de l'absoudre !
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i64 IN VERREM ACT. II, UB. HI.
se absolvi nullo modo posse? qui plus existimet
apud lecti£simos senatores pecuuiam , quam apud
très negotiatores metum yalere ? Scandilius vero
negat sese apud.Arteinidornm recuperatorem ver-
bum esse' factarum ; et tamen auget atque onerat
te bonis conditionibus , si tiT uti yelis : si ex pro-
^ncia Sicilia tota statuas idoneum judicem, aut
recuperatorem nullum posse reperiri , postulat a
te, ut Bomam rejicias. Hic enimyero tu exclamas,
bominem improbum , qui postulet, ibi de tua exis-
timatione judicinm fîeri , ubi te invidiosum esse
' intelligat. Negas te Romam rejecturum; negas
de conventu recuperatores daturum; cobortem*
tuam proponis. Scandilius rem se totam relictu-
rum dicit, et suo tempore esse rediturum. Quid
tu ibi tum ? quid facis? Scandilinm cogis : * quid?
spondonem acceptam facere? Impudenter tollis
exspectatum cxistimationis tuae judicium : nou
facis. Quid ergo? Apronio permittis, ut, quos
velit, de coborte sumat recuperatores? Indignum,
uni potius ex iniquis sumendi, quam utrisque ex
sequis rejicÎM^ fîeri potestatem. Neutrnm facis
eorum. Qu^prgo ? Est aliquid , qtiod improbins
fîeri potest. Cogit enim Scandiliiim quinque illa
millia nummum dare atque adnumerare Apronio.
Quid potuit elegantius facere prsetor cupidus exis-
trmationis bonaa ; qui ab sese omnem suspicionem
^ propulsare, qui se eripere ex infamia cupieret?
' InteUigebat. ~~ ^ Sch'ùtz nimia licenda 'verbum delet,
legitque simpliciter , Scand. cogis sp. accept. facere? —
^ Propukaret.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, III. x65
Croît-il qae Fargent fasse plus sur des sénatears disdn-
gaés que la crainte snr trois] coinmerçants ^' ? Scaa-
dilîus proteste qa'il ne dira pas nn mot devant le com-
missaire Artéoiîdore; et cependant, Verres, il von»
fait les propositions les pins avantageuses , des propo-
sitions de nature à être reçues avec empressement. Si
TOUS êtes persuadé que , dans tonte la Sicile , on ne
saurait trouver aucun juge ou commissaire conve-
nable , il vous demande de renvoyer TafFaire à Rome.
A ces mots , vous vous écriez qn*il y avait de la mé-
clianceté à ScandiHus de demander qu'on vous jugeât
sur votre réputation dans an Ueu on il voyait que vous
n'étiez pas aimé. Vous refosez de renvoyer Taffaire à
Rome; vous refusez de donner des commissaires parmi
les citoyens romains établis à Syracuse; vous proposez
▼os ministres. Scandilius finit par dire qu'il se désis-
tera de son accusation, et qu^U reviendra dans un
autre temps. Quel parti prenez- vous alors? que faites-
vous? vous obligez Scandilius : à quoi? à tenir le défi
qu'on avait accepté ® ' ? Non , vous aimez mieux éluder
avec impudence le jugement qui doit décider de votre
bonnenr. Que faites-vous donc? autorisez-vous Apro-
nius à choisir parmi vos ministres les commissaires
qu'il voudra ? Ce serait une indignité de permettre h.
une des parties de prendre des juges panbi des gens
iniques, plutôt qu'à toutes les deux d'en choisir parmi
des hommes équitables. Vous ne faites ni l'un ni
l'autre. Que décidez-vous donc? Voici une méchanceéé
bien plus ingénieuse. Il oblige Scandilius à donner et
à compter les cinq mille sesterces * à Apronius. Qne
pouvait faire de plus subtil nn préteur jaloux d'an«
bonne renommée, qui voulait se purger de tont soup-
çon et se rétablir dans l'estime publique?
*6a5Uv, A
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i66 IN 17ERREM ACT. U, LIB, HI.
LXI. Âdductus erat in sermonem, invidîam,
yituperationem; dictitarat homo improbus atque
impurus, Âpronius, socium esse praetorern; yene-
rat res in judicium atque discrimen; potestas erat
isti , homini integro atque innocenti , data , ut iu
Apronium quum animadTertisset , sese gravissima
leyaret infamia. Quid excogitat pœnae ? quid anim-
adyersionîs in Apronium ? cogit Scandilium Apro-
nio , ob singularem improbitatem atque audaciam ,
prœdicationemque nefarise societatis, H-S y millia
mercedîs ac prsemii d^e. Quid interfuit, bomo
audacissime, utrum boc decetneres; an id, quod
Apronios dictitabat, tute de te profiterere ac dicti-
tares ? Qnem bominem , si quis pudor in te, atque
adeo si quis metus fuisset, sine supplicio dimit-
tere non debuistî ; bunc abs te sine prœmio disce-
dere noluisti. Omuia simul intelligere potuîstis ,
judices , ex uno crimine Scandiliano : primum ,
boc non esse Bomœ natum de societate decuma-
rum , non ab accusatore fictum ; non ( ut solemus
interdum in defensionibus dicere) crimen doraes-
ticum ac yernaculum , non ex tempore periculi tui
constitutum ; sed yetus [excogitatum] jam, et, te
prsetore , jactatum , et non ab iuimicis Romae com-
positum , sed Romam de proyincia ' deportattkm.
Simul ititelligi potest illud istius in Apronium stu-
dium, Apronii de isto non modo confessio , yerum
etiam 'commemoratio. £odem accedit , quod hoc
quoque intelligere potestis, istum statuisse, in
proyincia sua existimationis suse judicium , extra
cobortem suam , committendum fuisse nemini.
' Exportatum.
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SEC ACTION CO]N"TRE TERRES, m. 167
IXI. On parlait mal de Yerrès, sa conduite était
blâmée et décriée; un méchant homme, an acélérat,
Apronins, avait publié qae le préteur était son associé ;
on l'avait attaqué juridiquement sur ce propos qu^il
s'était permis : le préteur, pur et intègre , pouvait, par
la punition d* Apronins, se décharger du soupçon le
plus diffamant et le plus odieux. Quelle peine, quel
châtiment imagine- 1- il contre Apronin»? il oblige
Scandilins à lui compter cinq mille sesterces pour ré-
compense de sa perversité inouïe , de son* audace à pu-
blier partout une société criminelle. O le plus effronté
des hommes ! rendi« ce jugement , n'était-ce pas avouer
hautement et publier vous-même contre vous-même
ce que publiait Apronins? Un homme que vo«s n'au-
riez pas du renvoyer amoa punition , si voua eusses eu
la moindre pudeur ou plutôt la moindre prudence,
vous n'ayez pas voulu qu'il se retirât de votre tribunal
sans un salaire. Par le seul £iit de Scandilins , vous avez
pu voir, Romains, bien des choses. Tous avez vu
d'abord que le reproche de société pour les dîmes n'a
pas pris naissance à Rome, n'a pas été forgé par l'ac-
cusateur; que, comme nous le disons quelquefois dans
nos défenses, ce n'est pas une accusation fabriquée
chez soi à loisir, et que la droonstance du jugement
a fiait naître; que ce reproche est ancien, qu'il a déjà
été fax et publié sous la préture de Verres; qu'il n'a
pas été inventé à Rome par ses ennemis , mais trans-
porté à Rome de la provhice. On peut voir aussi par
Û l'attachement de Terrés pour Apronins, et juger de
l'aven et même de la dédaration d'Apronius an sujet
«le Terrés. Le même fait peut encore voas apprendre
que Terrés , dans sa province , n'a voulu remettre
qu'à ses «atellites Us jugements qui intéressaient son
lionneur.
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i68 m TERREM ACT. H, LIB. m.
LXII. Ecquis est judex, cul non ab initio decu-
roani criminis persuasum sit , istum in aratoram
bona fortunasque impetum fecîsse ? quis boc non
ex eo statim judicavit, quod ostendi, istum decu-
mas nova lege, atque adeo nulla lege , contra om-
nium consuetudiiiem atque instituta yendidisse ?
Yerum , ut istos ego jucices tam severos , tam
diligentes, tam religiosos non baberem; ecquis
est, ex injuriarum magnitudine, improbitate de-
cretorum , judiciorum iniquitate , qui boc non
jamdudum statuerit et judicarit? Ëliam sane sit
aliquis dissolutior in judicando ; legum , officii ,
reipublicœ sociorum atque amicormn negligen-
tior : quid ? is possitne de istias improbitate du-
bltare , quum tanta lucra facta , tam iuiqnas pac-
tiones,yi et metu expressas cognoyerit? quum
tanta prsemia civitates , yi atque imperio , yirga-
rum ac mortis metu , non modo Apronio atque
ejus similibus , yerum etiam Veneriis servis darc
coactas ? Quod si quis sociorum incoramodis mi-
nus movetur ; si quem aratorum fug» , calamita-
les , exsilia , suspendia deuique non permoyent :
non possum dubitare, quin is tameu, quum yas-
tatam Sicib'am, relictos agros, ex ciyiiatum litte-
ris, et epistola L. Metelli cognoyerit, statuât, fieri
non posse, ut de isto non seyerissime judicetur.
£rit etiam. aliquis , qui bsec omnia dissimolare ac
negligere possit ? Attuli sponsiones ipso prsosente
factas de decumarum societate, ab ipso probibitas
judicari : quid est, quod ' possit quisquam mani-
festius boc desiderare ? Non dubito , quin vobis
* Possct.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, III. 169
LXII. Quel est celui des juges qui, dès le premier
débat de Vaccasatioii conoemant les dîmes, n'a pas
été persuadé que Yerrès a envahi les biens et la for-
tune des laboureurs.' quel est celui qui n'a point senti
sur-le-champ ce que j'ai prouvé, que Yerrès a affermé
les dîmes par une loi nouvelle , ou plutôt contre les
lois", contre les usages et les règlements de se-s prédé-
cesseurs.'' Mais quand nous n'atirions pas des juges aussi
sévères, aussi exacts, aussi religieux, est-il quelqu'un,
qui, d'après l'excès des vexations, la perversité des or-
donnances, l'iniquité des jugements, ne se soit pas
décidé sans peine et n'ait pas depuis long-temps pro-
noncé ? Supposons même qu'il se trouve un juge moins
scrupuleux, moins occupé des lois , de ses devoirs, des
alliés et des amis de la république; pourra-t-il avoir
des doutes sur 1# cupidité de Yerrès, lorsqu'il est in-
struit des gains énormes faits sur les dîmes, des con-
ventions iniques arrachées par la violence et par la
crainte; lorsqu'il sait que les villes ont été contraintes
de force et par autorité, pas la peur des verges et de
la mort, à remettre de si énormes bénéfices, non seu-
lement à Apronius et à ses semblables , mais même aux
esclaves de Yénus? Dût-on être peu touché des dom-
mages qu'ont essuyés les alliés, de la fuite des cultiva-
teurs, de leurs désastres, de leur exil, enfin de leur
mort déplorable ; je n'en puis douter , quiconque
apprendra par les registres des villes et par la lettre
de Métellus , que la Sicile a été ravagée , que les terres
ont été abandonnées , se convaincra qu'il est impos-
sible de ne pas juger Verres avec la dernière rigueur.
Quelqu'un voudra-t-il encore refuser de croire ce que
je dis , et résister à tant de preuves? Eh bien! j'ai ap-
porté les ajournements des procès intentés en présence
de Yerrès , au sujet de là société pour les dîmes , procès
vm. i5
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J70 IN VER&EM ACT. II, LIB. HI.
satisfecerim , judices. Yerunitamen progrediar
longius : non mehercnle quo magis hoc vobis
persuadeatur, quam jam persuasum esse confîdo;
sed ut ille aliquando impndentia; suœ fîdem fa-
ciat; aliquando desinat , ea se putare posse emere ,
quœ ipse semper habuit venalia , fîdem, jusjuran-
dum , yeritatem , offîcium , religionem ; desinant
amicî ejus ea dictitare, qu» detrimento , maculœy
Invidiae, infamiœ nobis omnibus esse possint. At
qui amici ? O miserum , atque înyidiosum , offen-
sumque paucorum culpa atque indignitate ordi-
nem s«iatorium ! Albam ^milium sedentem In
faucibus macelli loqui palapti) ticisse Verrem ,
emtos habere judices , alium H-S cccc millibus »
aliamH-S », quem miuimo, ceci Atque ei quum
responsum esset, fieri non posse; multos testes
esse.dicturos, me prœterea causse non defuturum :
« Licet hercules, înquit, omnes omnia dicant in
illum; nisi ita res manifesta erit allata, ut respon-
deri nihil possit, yicimus. » Bene ' ais, Alba : ad
tuam yeniam conditionem : nihil pu tas yalere in
judiciis conjecturam , nihil suspicionem , nihil an-
teactsB yirse exîstimationem , nihil bonorum yiro-
rum testimonia , ' nihil ciyitatum auctoritates ac
testimonia : litteras manifestas quseris. Non qusélro
judices Cassianos; yeterem judiciorum seyerita-
tem non requiro; yestram in hoc fidem, dignita-
tem, religionem in judicandonon imploro : Albam
' Al. habent, agis, ut supra , c. Sp. Sed supra de facto
sermo est. — * Sequimur in interpretando eximiam emen-
dationem Hotomanni , nihil civitatum auctoritates , te»-
iimonia , litteras : res manifestas quseris.
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SEC. ACTION CONTRE TORRÈS, HI. 171
dont il a arrêté la poursuite : peat-on rien désirer de
plus clair ? Non , je ne doute pas , Romains , que je
ne vous aie pleinement satisfaits. Cependant j'irai plus
loin encore : non pour que vous soyez plus convain-
cus que vous ne Fêtes sans doute , mais pour que Fac-
cusé , mettant enfin des bornes à son audace, cesse
enfin de croire qu'il peut acheter , ce qui pour lui fut
toujours vénal , la bonne foi , le serment , l'équité , le
devoir, la religion ; mais pour que ses amis cessent de
dire ce qui pourrait nous nuire à tous dans l'esprit du
peuple, nous rendre odieux, nous aécrier, nous dés-
honorer. Eh! quels sont ces amis? Que l'ordre dâ
sénateurs est à plaindre , et combien , par la faute de
quelques hommes méprisables , il est en butte au mé-
pris et à la haine! Un Émilius Alba **, qu'on peut
voir tous les jours à l'entrée du marché , ose dire pu-
bliquement que Terrés a gagné sa cause , qu'il' a acheté
les juges , qu'il a donné à l'nn quatre cent mille ses-
terces *, à l'antre cinq cent mille **, qu'il n'a pas
donné moins de trois cent mille *** ! Et comme on lui
répondait qu'il n'était pas possible que Terres l'em-
portât, qu'une foule de témoins déposeraient, que
d'ailleurs je plaiderais avec zèle : Quand tout le monde,
répliqua-t-il , dirait tout ce qu'on peut dire , si l'on ne
produit des faits si évidents qu'il soit impossible de ré-
pondre, nous avons la ^victoire. A la bonne heure ,
Alba : j'accepte votre condition : vous ne comptez
pour rien dans un jugement les conjectures, les pré-
somptions , le préjugé d'une vie antérieure, les témoi-
gnages des citoyens honnêtes, l'autorité des villes,
leurs dépositions , leurs registres; vous voulez des faits
notoires. Je ne demande pas pour juges des Cassius;
je ne désire pas l'ancienne sévérité des jugements ; je
* 5o,ooo Uv. — ** 6a,5oo liv. — *** 37,5oo lir. A.
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t72 IN TERREM ACT. II, LIB, Ul.
habebo judicem , eum hominem', qui se scairàm
improbissimum existimari vult ; qui a scurrîs po-
tins semper gladiator, quam scurra appellatus si t.
ÂfTeram rem ejusmodi in decumis , ut Alba fatea-
tur, istum in re frumentaria, et in bonis aratorum
aperte>palamque esse praçdatum.
LXIII. Decumas agri Leontini magno dicit se
Tendidisse. Ost^di jam illud initio , non existi-
yiandum magno yendidisse eum , qui yerbo decu-
mas yendiderit , re , et conditione , et lege , et
edicto , et licentia decumanorum , decumas ara^o-
ribus nuUas reliquas fecerit. Ëtiam illud ostendi ,
yendidisse alios magno decumas agri Leontini,
ceterorumque agrorum ; et lege Hieronica yendi-
disse; et pluris etiam, quam te yendidisse; nec
aratorem quemquam esse questum. Nec enim fuit
quod quisquam queri posset , quum lege œquis-
sime scripta yenirent : neque illud unquam ara-
toris interfuit , quanti decumae yenirent. Non enim
ita est, ut, si magno yenierint, plus arator de-
beat ; si paryo, minus. Ut frumenta nata sunt, ita
decumae yeneunt. Aratoris autem interest, ita se
frumenta babere , ut decumœ quam plurimo yenire
possint : dum arator ne plus decuma det , expedit
ei decumam esse quam maximî. Yerum hoc, ut
opinor, esse yis caput defensionis tuœ, magno te
decumas yendidisse ; ' agri yero Leontini , qui plu-
' Atqae allomm qaidcm agrorum pro portione magno
decamas yendidisse y agri v. etc. Âddidit hase Lambin,
aa: uno codice*
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, UI. 173
ne réclame pas , Romains , votre équité , votre hon-
neur, votre reli|û|^ je prendrai pour juge Alba , un
homme qui se flHIk'e lui-même pour un mauvais
bouffon , et qui , par^i les bouffons , ne passe que
pour un vîl gladiateur. Telles seront mes preuves sur
Taffaîre des dîmes, que notre nouveau juge, Alba
lui-même , sera forcé de convenir que , dans ce qui
regarde les blés et les biens des agriculteurs, son ami
a exercé ouvertement un odieux brigandage.
LXJII. "Vous prétendez , "Verres , avoir haussé Tad-
jndication des dîmes du territoire de Léontini. J'ai
montré, dès le commencement, que celni-U ne devait
pas être répnté avoir haussé Tadjndication des dîmes,
qui , en apparence, a adjugé les dîmes, mais qui, en
efl'et, par ses conditions, par sa loi, par ses édtts, et
par les vexations des décimatenrs , n'a pas même laissé
anx agriculteurà les dîmes de leurs récoltes. J'ai en-
core montré que plusieurs , avant vous , avaient
haussé, et même plus haussé que vous l'adjudication
des dîmes du territoire de Léontini et d'antres terri-
toires ; que cependant ils les avaient adjugées d'après
la loi d'Hiéron, et qu'aucun agriculteur ne s'était
plaint. Et aucun ne devait se plaindre, puisqu'elles
avaient été adjugées d'après une loi très équitable.
L'agriculteur ne s'inquiéta jamais de l'adjudication
des dîmes. Que cette adjudication soit portée haut on
non : il n'en doit ni plus ni moins. On afferme les
dîmes suivant l'abondance des récoltes. Or, il est de
l'intérêt du cultivateur qu'il ait assez de blés pour que
l'adjudication des dîmes soit portée fort haut ^'pourvu
qu'il ne donne pas plus que la dîme, il lui est avi^n-
tageux que la dîme soit considérable. Mais , sans doute ,
vous voulez que votre principale défense soit d'avoir
haussé l'adjudication des dîmes , et surtout d'avoir
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374 IN VERREM ACT. Il, LIB. HI.
limum efficit, tritici modium ccxvi millibus. St
doceo, pluris aliquanto potuisaMb vendere, neqxie
his voluisse addicere, qui conSK^proiiium lice-
rentur; et- Apronio multo mîiforis, qaam aliis po-
tuerîs, tradidisse; si hoc doceo, poteritne te Alba,
tuus antiquissimus non solum amicus, yemm
etiam amator, absolvere?
LXIV.' Dico , equFtem romanum , hominem in
primis lionestum , Q. Minucium , cum sui simili-
bas, ad decumas agri Leontini tritici modium non
CIO, non ciD cid, non cid ci3 cid, sed ad unas unius
agri decumas tritici modium yxx millia voluisse
addere, et ei potestatem emendi non esse factam,
ne res abiret ab Apronîo. Negare hoc, nisi forte
negare omnia constituîsti, nullo modo potes: Pa-
. lam res gesta est , maxîmo conventu , Syracusis :
testis est tota provincia , propterea quod undique
ad emendas decumas soient eo convenire. Quod
sive fateris, siye conyinceris; quot, et quam/ ma*-
nîfestis in rébus teneare, non vides? Primum tuam
rem illam, et praedam fuisse : nam, nisi ita esset ,
cur tu Apronîum malebas ( quem omnes tuum
procurare in decumis negotium loquebantur ) ,
quam. Minucium, decumas agri Leontini sumere?
Deinde immensum atque infinitum hicrum esse
factum : nam si xxx millibus modium tritici tu
commotus ' non esses ; certe hoc idem lucri Mi-
' Olùn editumfuit , ibaximis. — ^ Ferratius delet non ,
et commotus esses dictutn putat pro contentas esses. Non
probamus.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, III. 175
«ffermé les dîmes dn territoire de Léontiiii, un de ceux
qui prodttiseiit le pins, deux cent seize mille boisseaux
de blé. Si je prouve que vous auriez pu les affermer
davantage, que vous n'avez pas voulu les adjuger à
ceux qui enchérissaient sur Apronius , que vous les
avez données à Apronius pour beaucoup moins que
vous n'auriez pu à d'autres; si je le prouve, votre an>
cienami, on plutôt votre ancien amant, Alba luî>
même pourra-t-il vous absoudre?
LXIY. Je dis donc qœ Q. Minucius, chevalier ro-
main des plus considérés , avec d'autres personnes de
la même distinction, a voulu ajouter, non pas mille,
non pas deux mille, non pas trois nulle, mais trente
mille boisseaux aux dîmes du territoire de Léontinî ,
aux dîmes uniques d'un seul territoire, et que vous
ne leur avez point permis de prendre le bail, pour
qu'il restât entre les mains d' Apronius. Ou vous avez
résolu de tout nier, ou vous ne nierez pas ce fait. La
chose s'est passée publiquement , au milieu d'une
grande assemblée, à Syracuse : toute la province en
est témoin, parce qu'il vient du monde de tous les
endroits pour l'adjudication des dîmes. Si vous con-
venez de ce fait, on si vous en êtes convaincu, voyez
que de grie& contre vous, et de griefs accablants!
D'abord il est pronvé que l'adjudication vous regar-
dait, qu'elle était à votre profit : autrement, pour-
quoi vouliez - vous qu' Apronius eut les dîmes du
territoire de Léontinî préférablement à Minucius;
Apronius, dis-je,' nommé par tout le monde votre
commis pour les dîmes? Il est pronvé ensuite que
vous avez fait un immense profit : car si les trente
mille boisseaux offerts par Minucius ne vous eussent
point donné l'espérance d'une plus belle proie ^^, vous
auriez permis sans doute à Minucius de donner ce
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176 IN TERREM ACT. II, LIB. ni.
nucius Âpronio libenter dedisset, si îlie accipere
Yoluisset. Quantam îgitur illi gpem prsedse propo-
sitam arbitramur fuisse, qui tantum prœsens lu-
crum, nuUa .opéra insumtsi, contemserit atquc
despexerit ? Deinde ipse Minucius nunquam tanti
Iiabere yoluisset, si decumas tu lege Hieronica
venderes : sed quod tuis noyis edictis, et iuiquis-
simis institutis plus aliquanto se, quam decumas,
ablaturum videbat , idcirco longius progressus est.
Ât Apronio semper plus etiam multo abs te per-
mîssum est, quam quod edixeras. Quantum îgitur
qusBstum putamus factum esse per eum , cui quid-
vis licitum sit; quum tantum lucri voluerit addere
is, cui, si decumas emisset, idem non liceret?
Postremo illa quidem certe tibi praecisa defensio
est, in qua tu semper omnia*tua furta atque fia-
gitia latere posse arbitratus es : magno te decumas
Tendidisse; plebi romane consuluisse; annonae
prospexisse. Non potest hoc dicere is, qui negare
non potest, se unius agri decumas xxx millibus
modium minons, quam potuerit , vendidisse : ut ,
etiamsi tibi hoc concedam , Minucio ideo te non
tradidisse, quod jam addixisses Apronio; aiunt
enim te ita dictitare , quod ego * exspecto , cupio-
que te ita illud defendere; verum, ut ita sit, ta-
men non potes hoc , quasi prxclarum aliquid ,
prsedicare, magno te decumas vendidisse, quum
fuisse fateare , qui multo pluris voluérint emere.
LXV. Tenetur ' îgitur jam , judices , et mani-
' Al. malunt ergo.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, m. 177
l)énéiice k Apronias, s'il eût vonlu le recevoir. §nr
qael batin ne comptait donc pas Yerrès, paJsqu*Sl a
méprisé et dédaigné an bénéfice actuel si considérable,
et qni ne lui coûtait ancnne peine? Ajontez qae Mi-
nncius lui-même n'eût jamais voulu prendre les dîmes
portées aassi haut, si vous les aviez adjugées d'après
la loi d'Hiéron ; il n'a été si loin que parce qu'il espé-
rait tirer plus que les dîmes en vertu de vos ordon-
nances énormes et de vos iniques jugements. Apro-
nîus avait bien d'antres privilèges , et vous lui avez tou-
jours permis beaucoup plus que ne permettaient déjà
vos ordonnances mêmes. Quels devaient être les gains
de celni qni avait droit de tout faire , puisqu'un ai^^
qui B?eût pas eu le même droit, s'il eût été l'adjudi-
cataire des dîmes, proposait un tel bénéfice? Enfin,
vous vous êtes certainement privé de cette excuse qui
devait justifier, selon vous, toutes vos malversations
et vos infâmes rapines; vous ne pouvez plus dire , j'ai
baassé l'adjudicat^n ; j'ai travaillé pour le peuple de
Rome; j'ai pourvu à sa subsistance. On ne peut tenir
ce langage , quand on ne peut nier qu'on n'ait adjugé
les dîmes d'un seul territoire pour trente mille bois-
seaux dé moins qu'on n'aurait pu les adjuger. Ainsi ,
quand même je vous accorderais que vous n'avez pas
donné lés dîmes à Minncîns , parce que vous les aviez
déjà adjugées à Apronius , car on prétend que c'est là
votre moyen de défense, et moi, j'attends, je désire,
je souhaite que votw vous défendiez de cette maniéle;
mais, quand cela serait, vous ne pouvez vous faire un
mérite d'avoir haussé l'adjudication. des dîme», puisque
-VOU& convenez que d'antres voulaient en donner beau-
coup plus.
LXT. "Voilà donc , Romains, voilà l'avarice d*nn
Infâme déprédateur, sa cupidité, sa perversité, son
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17» IN VERREM ACT. II, LIE. HI.
festo tenetar ayaritia , cupiditas hominîs , sceln^ ,
improbitas , audacia. Quîd si hsec , quae dico , îpsîus
amici defensoresque judicarunt ? quid yultis aAi-
plius ? Adventa L. Metelli , praetoris , quum omne»
ejas comités iste sibi suo illo pancbresto medica-
mento amicos * reddidisset ; aditum est ad Metel-
lum ; eductus est Apronius. Ëduxit vir primarias
C. Gallius, sènator; postulavit a L. Metello, ut ex
edicto sud judicium daret in Apronium, Quod
PEA yiM AUT METUBK ABSTULissET : quam foimu-
lam Octayiauam , et Roms Metellus habuerat , et
bai^ebat in proyincia. Non impetrat; quum boc
diceret Metellus, prsejudicium a se de capite
C Verris per hoc judicium noile fieri. Tota Me-
telli cohors, bominum non ingratorum, aderat
Apronio. G. Gallius, bomo nostri ordinîs, a sùo
familiarissimo L. Metello judicium ex edicto non
potest impetrare. Non reprebendo Metellum : pe-
percit bomini amico, et quemadmodum ipsum
dicere audiyi, necessario : non reprebendo, in-
quam, Metellum; sed boc miror, quomodo, de
quo bomine pr»judicium noiuerit fieri per reçu-
peratàres , de boc ipso non modo praejudicarit ,
yerum grayissime ac yebementissime judicarit.
Primum enim, si Apronium absolutum iri puta*
lil; nibil erat, quod nllum prejudicium verere-
tuT. Deinde, si, condemnato Apronio, conjunc-
tam cum eo Verris causam omnes erant existima*
turi ; Metellus quidem certe jam boc jndicabat ;
eorum rem causamque esse conjunctam : qui sta-
tnerit, Apronio condemnato, de isto praejudicium
'Sic éditant e cod, Natuiiano, pro redemisset.
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SEC. ACTION CONTRE ^RRÈS, ni. 179
audace , démontrées , et démontrées avec é^ence.
Mais si je ne dis rien qne ses amis et ses défenseurs
niaient prononcé enx-mémes, que voalez-vous de plus?
A l'arrivée de L. Métellas en Sicile, Verres, avec son
secret universel * , s'était fait des amis de tous les offi*
ders de ce préteur : on s'adressa à Métellus ; on cita
Apronins à son tribunal. Il était cité par le sénateur
C. Gallius , personnage distingué , qui demanda à
L. Métellus de lui donner action contre Apronins en
vertu de son ordonnance , et de lui permettre de le
poursuivre comme ayaitt enlevé les bieits a leurs
POSSESSEURS , DE FORCE ET PAR LA CRAINTE : formule
dn préteur Octavius^®, que Métellus avait employée
à Rome , et qu'il employait encore dans sa province.
C. <&allins n'obtient pas sa demande : L. Métellus allé-
guait qu'il ne voulait pas rendre un jugement qui for-
merait un préjugé contre C. Terres. Les officiers de la
' suite de Métellus* n'étaient point ingrats ; ils soute-
naient tous Apronins. C. Gallius, un sénateur romain ,'
ne peut obtenir action de Métellus , son ami intime ,
en vertu de son ordonnance. Je ne blâme point Mé-
tellus; il a ménagé son ami, et, comme je lui ai en-
tendu dire à lui-même, son parent. Je ne blâme point,
dis-je, Métellus; mais je suis surpris qu'il ait accablé,
par nn jugement direct et des plus rigoureux , un
homme dont il craignait que des commissaires ne pré-
jugeassent la cause. Et d'abord , s'il pensait qu' Apro-
nins serait absous, avait-il à craindre qu'on préjugeât
la cause de son ami? Ensuite, s'il s'attendait à voir
tout le monde bien persuadé que la condamnation
d' Apronins était liée avec la cause de Verres , il jugeait
donc déjà qne leurs causes étaient inséparables, puLs-
* Le mot panchrtsto est dérivé de irS,y, omne, et d«
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i8o IN A7ERKEM ACT. H, LIB. Ill,
futurum. Et simul una res atrique rei est argu- '
mento : et aratores tî et metu coactos Apronio
multo plus, qnam debuerint, dédisse; et Apro-
nium istius rem suo nomine egisse, quum L. Me-
tellus statuent, non posse Apronium condemnari,
quin simul de istius scelere atque iraprobitate
judicaretur.
LXVI, Venio nunc ad epîstolam Timarcbidis ,
libertl istius et>accensî : de qua quum dixero, to-
tum boc crimen decumanum ' peroraro. Hœc epis-
tola est» judices, quam nos Syracusis in sedibus
Apronii, quum litteras conquireremus, invenimus.
Missa est, ut ipsa significat, ex itinere, quum
Verres jam de provincia decessisset, Timarcbidis
manu scripta. Recita epistolam Timarcbidis. Ti-
MARCHIDBS VeRRIS ACGBNSUS ApROITIO SALUTRK
DiciT. Jam boc quidem non reprebendo, quod
adscripsit, Accensus. Cur enim sibi boc scrib»
soli sumant , L. Papirius scbiba ? Volo ego boc
esse comnmne accensorum , lictonim , viatorum.
FaC DILIGEITTIAM ADHIBK48 , QUOD AD EXISTIAIA-
TioifEM PBATOBis ATTiHET. Commcndat Apronio
Verrem , et bortatur, ut inimicis ejus résistât. Bono
prssidio munitur existimatio tua; si quidem in
Apronii constituitur diligentia atque auctoritate.
HaBBS VTRTUTEM ATQUE ELOQUEN TIAM. Quam
copiose laudatur Apronîus a Timarcbide ? quam
magnifiée ? cui ego non putem illum placere opoi^
tere , qui tantopere Timarcbidi probatus sit ? Ha-
■ Ita GrcBvius e suis mss,, et Jirmant re^. Fulg. per-
urabo.
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SEC. ACTION CONTJRE VERRES, III. i8i
qa'îl a déclaré qae la condamnatîoii d^Apronins for-
merait un préjngé contre "Verres. Ce seul acte prouve
eu même temps deux choses : et que les cultivateurs ,
forcés par la crainte et la violence, ont donné à Apro-
^us beaucoup plus qu^îls ne devaient , et qulApronias
prêtait son nom à Verres , puisque L. Métellus a dé-
claré qu'on ne pouvait condamner Tun sans pronon-
cer contre la cupidité et les malversations de Tautre.
LXVI. Je viens maintenant à la lettre de Timar- .
chide , /affranchi et huissier de Verres; c^est parla que
je vais finir toute cette partie de mon discours concer-
nant les dîmes. Nous avons trouvé la letti'e à Syracuse ,
dans la maison d^Apronius , lorsque nous y avons fait
des perquisitions. Elle a été envoyée , comme la lettre
même le prouve, à l'époque où Verres avait déjà quitté
sa province : elle est écrite , durant le voyage , de la
main même de Timarchide. Lisez la lettre de Timar-
cfaide. Timarchide , huissier de Verres , a Aproitius ,
SALUT. Je ne trouve p^ à redire qu'il ait mis son titre
à la tête de sa lettre ^^. Pourquoi les greffiers s'arroge-
raient-ils seuls un pareil droit? L. Papirius, gref-
fier. Je veux que les huissiers , les appariteurs , les
licteurs en usent de même. Veille soigneusement a
TOUT CE qui intéresse .LA REPUTATION DU PRETEUR.
n recommande Verres à Apronii^s , et l'exhorte à le
défendre avec zèle contre ses ennemis. Votre réputa-
tion , Verres , est bien à couvert et bien défendue ,
puisqu'elle est confiée à la vigUance et au crédit
d'Apronius. Tu as diï courage et de l'éloquence.
Quels éloges pompeux et magnifiques Timarchide ,
donne à Apronius ! Qui oserait trouver quelque chose
à reprendre dans un homme si estimé de Timarchide ?
Tu ES EN ÉTAT DE PRODIGUER l'oR. Oui , Sans doUtC,
Timarchide et Verres , vous avez fait sur les blés des
VTtt. l6
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i82 IN YERREM ACT. H, MB. m.
BKS, 8UKTUM UNDE FACiAS. Necesse est , ^quod
' redimdaiit de vestro framentario qusestu , ad
illam potissimmn , per quem agebatis , deflnxisse.
SCBIBAS, APPARITORES RKGEKTES ARETPB ; CUM
L. VULTEIO*, QUI PLURIMUII POTEST, C£OE , CON-
ciDE. Yidete, quam valde malitiœ sus confidat
Timarchidesy qui etiam Apsonio iraprobitatis prse-
cepta det. Jam hoc, cjede, concide, ' non verba
domo patroni depromere yidetur, ad omne genus
nequitisB acoommodata ? Yolo , mi frater , fra-
TERCULO Tuo CREDAS. Consortî quîdem in Incris
atque furtis gemino et simillimo nequitia, impro-
bitate, audacia.
LXYII. In cohorte carus Habebere. Quid.6st
hoc, tir COHORTE? quo pertinet ? Apronium doces?
quid ? in Testram cohortem , te monitore , an sua
sponte pervenerat? Quod cuique opus sit, op-
poiTE. Qua impudentia putatis enm in domina-
tione fuisse , qui in fuga tam improbus sit ? ait ,
omnia pecunia effici posse : ' da , profùnde , op.
pone, si vclis vincere. Non hoc mihi tam molestum
est , Apronio suadere Timarchidem , quam quod
hoc idem patrono suo prsecîpit. Te postulaitte
omnEs ymcERB soleitt. Yerre quidem prstore,
non Sacerdote, non Peducxo, non hoc ipso Me-
tello. Scis Meteixubc jtAPiEnTEM esse. Hoc vero
ferri jam non potest, irrideri viri optimi , L. Me-
telliy ingenium , et contemni ac despici a fugitivo
' MaU ante Lamhinum, redundaret. — ' Em. restituit
-vêtus non , pro nonne , quod e ms. Nann. receptum est,
Illud efficaàiis. — ^ Hotomanni lectio. Fulg. dare , pro-
fundere, o^^ponere, Laml/in. nmlit , profùnde re oportere.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, in. i83
gains si considérables , que rotre excédant doit néces-
sairement s*étre répanda sur le ministre de vos mal-
versations. Saisis-toi des itouveaux greffieilï et
APPARITEURS ; COUPE , TAII.LE AVEC L. TuLTÉIUS *' ,
QUI PEUT BEAUCOUP. Toycx combicn Timarchide
compte sur ses talents , paisqn'il donne des leçons de
perversité à Âpronins lui-même ! Ces paroles , coupe ,
TAILLE , ne paraît-il pas les tirer de la maison de son
maître , comme pouvant s'appliquer k toute criminelle
manœuvre? Je veux que tu en croies ton bon ami,
TON VRÈRE. Son compaguon du moins dans les gains
iniques et dans les vols ; son semblable , son égal en
infamie , en méchanceté, en audace.
LX'VU. Tu SAURAS te rendre cher a la nouvelle
cour. Qu'est-ce à dire, ▲ la nouvelle cour? à quoi
tendent oes mots, Timarchide? instruisez-vous Apro-
nins? est -ce par vos conseils ou de lui-même qu'il
était enu^ dans la cour de votre préteur ? Emploie
LES MOYENS LES PLUS PROPRES A SEDUIRE. Qucllc im-
podenoe ne devait pas avoir dans sa domination un
homme qui se montre si ef&onté dans sa fuite ? Il dit
qu'on peut tout faire avec de Targent : donne , pro-
digue, séduis, si tu veux triompher. Ce conseil de Ti-
marchide à Apronius me révolterait moins s'il ne don-
nait pas les mêmes leçons à son maître. On est tou-
jours SÛR DE l'emporter QUAND TU SOLLICITES. Ouî,
SOUS la préture de Terres, mais non sous celle de Sa-
cerdos , de Péduoéus , de Métellus lui-même. Tu le
SAIS , Métellus est un homme de sens ^^.Toilà ce qui
ne peut plus se souffrir, qu'un esclave fugitif, un Ti-
marchide, se permette de plaisanter sur un homme
aussi vertueux que Métellus, qu'il attaque son esprit,
qu'il le tourne en ridicule. Si tu as pour toi "Vul-
tAius, tu feras, en tb jouant, tout ce que tu vou-
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1^4 IN TERREM ACT. II, LIB. lU.
Timarchide. Si Vultkium habebis, oMiri4 ludï-
BUNDUS coiTFiGiES.' Hic veliementcr errât Timar-
chides, qui aut Vulteium pecunia corrumpi putet
posse, ant Metellutn unius arbifratu gerere prae-
turam; sed errât conjectura domestica : quia mul-
tos , per se et per alios , multa ludibundos { libi-
dinose] apud Verrem effecisse vidit; ad omnes,
eosdem patere aditus arbitratur. Facilius vos effi-
ciebatis ludibundi, quae yolebatis a Verre , q^od
tnulta ejus ludorum gênera noratis. IircuLCàTimi
EST MeTELLO et VulTEIO , TE ARàVORES ETER-
TissE. Quis istuc Apronio attribuebat , quum ara-
torem aliquem everterat ? aut Timarchidi , quum
OD judicandum , aut decernendum , aut imperan-
dum aliquid, aut remittendum , pecuniam acce-
perat ? aut Sestio lictori , quum aliquem innocen-
tera securi percusserat ? Nemo : omnes ei Verri
tune attribuebant, quem nunc condemnari yolunt.
ObTUDERUIîT ejus AURES, te SOCIUHf PR£TORIS
FUISSE. Videsne, hoc quam clarum sit ac fuerit,
quum etiam Timarchides hoc metuat? ' conce-
desne, non hoc crimen nos in te confingcre, sed
jampridem ad crimen aliquam defensionem liber-
tum quserere ? Libertus et accensus tuus , et tibi
ac liberis tuis , omnibus in rébus , conjunctus ac
proximuSy ad Apronium scribit, viilgo esse ab
omnibus itademonstratumMetello, tibi Apronium
in decumis socium fuisse. Fac sciat improbita-
TEM ARATORUM : IPSI SUDABUICT , SI DII * VOLUITT^
Quod i«tuc , per deos immortales ! aut qua de
'Concèdes. /ita mu/f/. Olive t. ^ Lallem., Oxonienses ^
e priscis edd. Prœstat interrogatio. — * Al. volewt.
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SEC. ACTION CONTRE T^ERRÈS, UI. i8J
»RAS. Ici Timarchide se trompe de croire qae Yùltéias
paisse étrt gagné par argent, ou que Mételltu se goa-
Terne dans sa préture an gré d^on seul homme; mais
son erreur, il Ta prise encore dans la maison de son
maître. Il avait vn bien des gens, par loi ou par d^au-*
très , faire anprès de Yerrès , en se jouant , tout ce qu'ils
yonlaient; il s'est imaginé qu'on avait les mêmes faci-
lités de tons les magistrats.- Yous obteniez de Terres
tout ce que vous demandiez , facilement , en vous
jouant, parce que vous connaissiez, vous et lui , bien
des espèces de jeux. On est venu a bout de persua-
der A MÉTELLUS ET A "VuiTEIUS QUE TU AVAIS RUINE
LES AGRicuLTEUs. Qul cst-cc qui s'eu prenait à Apro-
nius , lorsqu'il avait ruiné un agriculteur; ou à Timar-
cbide, lorsqu'il avait reçu de l'argent, soit pour juger
un procès , soit pour décider une affaire , soit pour
donner des ordres , soit ponr accorder des grâces ; ou
an licteur Sestins *, lorsqu'il avait tranché la tête à un
homme innocent? Personne. Tout le monde s'en pre-
nait à ce Terres dont tout le monde veut aujourd'hui
voir la condamnation. Ils lui ont rebattu aux
OREILLES QUE TU ETAIS l' ASSOCIE DU PRETEUR. VoyCZ-
VOUS, Terres, combien ce reproche était répandu,
puisque même Timarchide l'appréhende? M'accorde-
rez-vous que je ne forge pas à présent ce délit contre
vous, puisque votre affranchi cherchait dès lors à vous
en justifier? "Votre affranchi, votre huissier, étroite-
ment lié avec vous et avec votre fils, votre homme de
confiance, écrit à Apronius que la voix publique a
dénoncé à Métellus une association entre vous et
Apronius pour les dîmes. Tache de l'instruire de
LA MÉCHANCETÉ DES AGRICULTEURS; ILS s'eN REPENTI-
RONT, s'il plaît aux dieux. Eh! d'où vient, grands
*Yoj. in Ferr., V, 43, 45.
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i86 IN TERREM ACT. Il, LIB. IH.
causa excitatum esse dîcamus in aratores tam in-
festum odium atque tantum? quantam înjuriam
fecerunt Verri aratores, ut eoS etiam libertus et
accensus ejus tam îrato animo his Htteris inse-
quatur?
LXVIII. Neque ego hujus fngitiyi, judîces,
epîstolam yobis recitassem, nisi ut ex ea totius
familiœ prxcepta , et instîtuta , et discîplinam cog-
nosceretis. Videtis, ut moneat Aproniura? quibus
rébus ac muneribus insinuet in familiaritatem Me-
telli? Vulteium corruijnpat? scribas accensumque
pretîo deliniat? ea praecipit, qu^ yidit; ea monet
alienum hominem , quse domi didicit ipse. Verum
in hoc errât uno, quod easdem existimat yias ad
omnium familiaritates esse munitas. Quanquam
merito sum îratus Metello; tamen haec, quae yera
sunt , dicam. Apronius ipsum Metellum non pre«
tio , ut Verrem , non conyiyio , non muliere , non
sermone ' incauto atque improbo posset corrum*
père : quibus rébus non sensim atque moderate ad
istius amicitiam adrepserat , sed brevi tempore
totum hominem , totamque ejus çrœturam posse-
derat. Cohortem autem Metelli , quam yocat, quid
erat , quod corrumperet , ex qua * in aratorem
recuperatores nulli dabantur? Nam quod scrîbit,
Metelli fihum puerum esse, yehementer errât: non
enim ad omiies prœtorum filios iidem aditus sunt
O Timarchide , Metelli est filius in proyincia , non
puer 9 sed adolescens bonus ac pudens, dignus illo
loco ac nomine : yester ille puer prœtextatus, in
' Cod. Nann,, impuro. — * Addidit Grœv. e mss. iw
aratorem. Hahent quoque duo regii.
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SEC. ACTION CONTRE "VERRES, lU. i»;
dienx ! cette haine, cette animosîté contre les agricul-
teurs? qnel si grand mal les agricnltenrs ont-ils fait à
Yerrès, pour que même son affranchi, son huissier,
les poursuive dans cette lettre avec tant d'acharne-
ment ?
liXTIII. Je ne vous aurais pas fait lire, Romains, la
lettre de ce vil esclave, si je n'eusse voulu par là vous
faire connaître les principes et les maximes de toute la
maison de Terres. Voyçz-vous les avis qu'il donne à
Apronius? voyez-vous par quels moyens, par quelles
largesses il lui conseille de s'insinuer dans l'amitié de
Métellus; comme il lui recommande de corrompre
Tnltéins, de gagner par argent les greffiers et les huis-
ûers? Q lui enseigne ce qu'il a vu; c'est un étranger à
qui il conseiUe oe qu'il a appris lui-même dans la mai-
son de son maître. Mais il se trompe en un seul point ;
c'est de croire qu'on parvient à l'amitié de tout le
monde par les mêmes voies. Quoique j'aie des raisons
pour n'être pas «ontent de Métellus, je dirai néan-
moins ce qui est vrai. Apronius ne pourrait gagner
Métellas lui-même, comme il a &it Terres, ni par des
présents, ni par des festins, ni par des femmes, ni
par des propos obscènes et licencieux : moyens par
lesquels IL s'était, non pas insinué peu à peu et insen-
siblement dans l'amitié du préteur, mais emparé aussi-
tôt de toute sa personne et de toute sa prétnre. Pour ce
qu'il appelle la cour de Métellus, quelle raison avait-il
de la corrompre , puisqu'on n'en tii^ait pas de com-
missaires contre les agriculteurs? Timarchide écrit 7*^
que le fils de Métellus n'est encore qu'un enfant; mais
il se trompe fort : on n'a pas le même accès auprès de
tous les ôis de préteurs. Non, Timarchide, le- fils de
' Métellus, dans sa province, n'est pas un enfant, mais
un jeune homme sage et honnête , digne de son
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i88 IN TERREM ACT. II, LIB. IH.
proyincia quemadmodum fuisset, non dicerem,
si pueri esse illam culpam , ac non patris existima-
rem. Tune, quum te ac tuam vitam nosses, in Sîci«
liam tecum grandem praetextatum filium ducebas ?
ut f etiamsi natura puerum a paternis yîtiis , atque
^ generis similitudine abduceret , consuetudo ta-
men eum et disciplina degenerare non sineret?
Fac enim fuisse in isto C. Lselii, M. Catonis ma-
teriem atque indolem : quid ex eo boni sperari
âtque effici potest , qui in patris luxnrie sic yixerit ,
Ut nuUum unquam pudicum neque sobrium conyi-
yium yiderit ? qui in epulis quotidianis , adulta
aetate , per trîennium inter impudicas mulieres et
intempérantes yiros yersatus sit ? nihil unquam a
pâtre audierit, quo pudentior aut melior esset?
nihil unquam patrem agere yiderit, quod quum
imitatus esset, non, id quod turpissimnm est, pa-
tri similis putaretur?
LXIX. Quibus in rébus non solum fîlîo , yerum
etiam reipublicae fecisti injuriam. Susceperas enim
liberos non solum tibi , sed etiam patriae ; qui non
modo tibi yolnptati, sed etiam qui aliquando usui
reipublics esse possent. Eos instituere atque eru-
dire ad majorum instituta, atque civitatis disci-
< plinam, non ' ad tua flagitia , neque ad tuas turpi-
tudines debuisti. Esset ex inerti, atque impuro,
et improbo parente nayus , et pudens , et probus
filius : haberet aliquid abs te respublica muneris.
Nunc pro te Yerrem substitui$ti- alterum ciyitati :
nisi hoc forte deterior est, si fieri potest, quod
' KestUuimus quatuor kœc^erba, quœ Eniest, deleverat.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, ni. 189
rang et de son nom : quant an jeune fils de Yerrès,
je ne dirais pas comment il s'est comporté dans la pro-
TÎnce, si je croyais qne ce fat la faute du fils et non
celié du père. Quoi! Verres, vous vous connaissiez
voas-méme, tous connaissiez votre vie, et vous me-
niez avec vous en Sicile un fils qui approchait de
Tadolescence, afin que, si son caractère Peut détourné
des vices de son père et des désordres de sa famille,
rhabitude et l'éducation ne lui permissent pas de dé-
générer! En lui supposant le naturel heureux d'un
Caton et d'un Lélius, que peut-on attendre on que
peut-on faire de bon d'un fils qui a vécu au milieu des
débauches de son père, qui n'a jamais vu de repas
honnête et sobre, qui, durant trois ans, à son âge,
s'est trouvé totis les jours à table avec des femmes im-
pudiques et des hommes dissolus, et n'a jamais rien
entendu de son père qui pût le rendre meilleur et plus
sage, ne lui a jamais vu faire rien qne ce qu'il ne pou-
vait imiter sans s'attirer^ le honteux reproche d'être
semblable à son père.>^
LXIX. Et «n ^la , Terres, vous avez fait tort, non
seulement à votre fils, mais encore à la république.
Non, ce n'était pas pour vous seul, mais pour la pa-
trie, que vous aviez des enfants; ce n'était pas pour
votre seul plaisir, mais pour qu'ils fussent un jour
utiles à l'état. Vous auriez du instruire votre fils et le
former sur les maximes de nos ancêtres, sur les lois
de cette ville, et non sur vos infamies et sur vos désor-
dres ; d'un père lâche, dissolu et pervers, nous au-
rions un fils actif, sage et vertueux; et du moins la
république vous devrait quelque chose. Mais vous lui
donnez, pour vous remplacer, un autre vous-même :
que dis-je ? il sera pire , s'il est possible ; car vous n'avez
pas été formé, comme lui, à tous les vices de la gran-
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igo m TERREM ACT. II, LIB. HI.
tu ejusmodi evasisti, non in hominis luxurîosi ,
sed tantum in foris ac divisons disciplina edaca-
tas. Qnid isto festivius fore arbitramur, qai est
tuus natura fîlius, consuetadine discipulus, to-
luntate similis ? Quem ego , judices, qnamyîs bo-
num fortemque facile paterer evadere : non enim
me inimiciti» commovent, si qase mihi cum isto
fiititrsB sint. Nam si in omnibus rébus innocens
fuero, meique similis, quid mibî istius inimicitiœ
uocebunt? Sin aliqua in re Verri similis fiiero;
non magis mihi deerit inimicus , quam Verri de-
fuit. Etenim, judices, ejusmodi respublica débet
esse, et erit, seyeritate judiciorum constituta, ut
inimicus neque déesse nocenti posât , neque ob-
esse innocenti. Quapropter nuUa res est, quam-
obrem ego istum nolim ex paternis probris ac yitiif
emergere. Id quqd tametsi isti difficile est, tamen
haud scio an fieri possit : praesertim si, ut nunc
fit, custodes amicorum eum sectabuntur; quoniam
pater tam neglîgens ac dissolutus «st. Verum hue
longius, quanl voluntas fuit, ab epistola Timar-
chidis degréssa est oratio mea. Qua recitata , con-
clusurum me esse crimen decuraanim dixeram :
ex quo intellexistis, innumerabilem frumenti nu-
merum per triennium ayersum a republica esse ,
ereptumque aratoribus.
\
LXX. Sequitur , ut de frumento emto yos , ju-
dices, doceam, maximo atque impudentissimo
furto : de quo dum certa, et paUca, et magna
dicam breyiter, attendite. Frumentum emere in
Sicilia debuit Verres ex senatusconsulto , et ex
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, III. tgi
denr et de la fortane; vom n'aviez pour modèle qa'un
volenr des deniers pvblics, nn contiptear de suffrages.
Qae ne deyons*noiis pas attendre de ce jeone homme,
votre fils par la naissance, votre disciple par Thabi-
tode de vons imiter, votre semblable par le caractère?
Ce n^est pas qne je ne le visse avec plaisir, Romains >
devenir sage et vertnenx : je m'inqniète pen de l'ini-
mitié qni pourra exister entre lui et moi. Si je me
montre intègre dans tontes les circonstances de ma
vie, Il je ne me démens pas, en qnoi son inimitié
ponrra-t-elle me nnire? Mais si je ressemble en quel-
que chose à Terres , je ne manquerai pas plus d'enne-
mis qu'il n'en a manqué hû-méme. En effet, Romains,
la république doit être assez bien constituée (et elle
le sera avec de sévères tribunaux) pour qu'un cou-
pable ne puisse manquer d'ennemis, et qu''un ennemi
ne puisse nnire à un homme innocent. Je n'ai donc
aucune raison pour ne pas vcraloir qne le fils de Ver-
res renonce aux désordres et aux vices de son père. La
chose est difficile, mais peut-être n'est-elle pas im-
possible, surtout s'il continue d'être sur vçillé , comme
à présent, par les amis de son père, puisque le père
lui-même est d'une si lâche indifférence. Mais je me
suis écarté , plus que je ne voulais, de la lettre de Ti-
marchide. J'avais promis de terminer par cette lecture
ce qni regarde le blé dùnê : vous avez vu, Romains,
quelle immense quantité de grains Verres a , pendant
trois ans, soustraite ainsi à la république et enlevée aux
cultivateurs.
LXX. Je dois vous parler maintenant du blé acheté ,
c'est-à-dire du vol de Verres le plus efironté et le plus
grave. Je traiterai brièvement cette seconde partie:
soyez attentifs , je vous en conjure ; je ne dirai rien qui
lie soit aussi important qu'incontestable. Verres devait
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UJ7L IN VERREM ACT. II, LIB. m.
lege Terentia et Cassia frumentaria. Emundi duo
gênera fuerunt : unum ' alterarum decumarum ;
alternm, quod praeterea civitatibus squaliter es-
set * distributum. Illius decumani tantum, quan-
tum ex primis decumis fuisset ; hujus imperatî
tritici modium loccc millia. Pretium autem con-
stitutum decumano in modios singulos H-S terni ;
imperato H-S tiii. Ita in frumentum imperatum
H-S bis et tricies in annos singulos Verri éi/scer-
nebatur, quod aratoribus solveret ; in altéras de-
cumas ferme ad nonagies. Sic per triennium ad
hanc frumenti emtionem Siciliensem prope cen*
ties et tricies erogatum est. Hanc pecuniam tan-
tam, datam tibi ex aerario inopi atque exbausto;
datam ad frumentum, hoc est, ad necessitatem sa-
lutis et vit»; datam, ut Siculis aratoribus, quibus
tanta onera respublica imponeret, solveretur; abs
te sic laceratam esse dico , ut possim illud pro-
bare, si velim , omnem te banc pecuniam dpmum
tuam avertisse. Et'enim , sic banc rem totam admi-
nistrasti , ut boc , quod dico , probari aequissimo ju-
dici possit. Sed ego babebo rationem auctoritatis
mese : meminero, quo animo, quo consilio ad causam ,
publicam accesserim. Non agam tecum accusato-
rie : nibil fingam : nibil cuiquam probari velim ,
me dicente , quod non ante mibimet ipsi proba-
tum sit. In bac pecunia publica, judices, hsec in-
sunt tria gênera furtomm : primum, quum posita
csset pecunia apud eas societatçs, ùnde erat attri-
' Sic lîotottianni n^etus liber , idque acUtruunt duo e
Paris. Mss. F'ulg. ceterarum. — ' Ernest, conjicit, de-
frriptuiD. Probat fVyttenhach. Schutz admisU.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, ni. 193
acheter da blé dans la Sicile en yerta d^an sénatas-con-
snlte , en verta des lois Térentia et Cassia concernant
les blés. Il est deux sortes de blés qn^on achète : c'est
on nne seconde dime qu'on oblige de vendre, on une
certaine quantité de grains qui doivent être aussi ven-
dus, répartie en jv^te proportion sur toutes les villes.
La quantité de blé de la seconde dîme est réglée sur la
première; l'autre sorte de blé consiste en huit cent
mille boisseaux ^ ' que nous achetons tous les ans. Le
prix, pour l'un, est fixé à trois sesterces par chaque bois«
seau; îL.est ûjjé à quatre pour l'autre. Ainsi, pour ce
dernier, on donnait à Verres, chaque année, trois
millions deux cent mille sesterces ^^ qu'il devait payer
aux agriculteurs; on lui en donnait, pour le premier,
environ neuf millions. Vous voyez que, pendant trois
ans, on a assigné à Verres , pour tons les achats de blé en
Sicile, près de trente-sept millions de sesterces ' '. Cette
somme immense , une somme donnée au préteur sur
un trésor pauvre et épuisé , donnée pour acheter du
blé , pour fournir à notre subsistance , aux premiers
besoins de la vie, donnée pour payer les agrictdteurs
siciliens auxquels la république imposait de si grandes
charges, je le soutifns, Verres, vous l'avea tellement
dissipée, que je puis vous convaincre, si, je le veux,
de l'avoir détournée et transportée tout entière dans
votre maison : car , d'après la manière dont vous l'avez
administrée, je puis, sans peine, démontrer ce que
j'avance à tout juge équitable. Mais je considérerai ce
que je me dois à moi-même; je me rappellerai dans
quel esprit , dans quelle vue je me suis chargé de cette
cause publique. Je ne vous traiterai pas en accusateur;
je ne supposerai rien; je ne chercherai à rien persua-
der à personne que je ne me sois auparavant persuadé
à moi-même. Dans cette somme donnée sur le trésor ,
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194 IN TERREM ACT. II, LIB. IH/ •
buta, binis centesimis fœneratus est; deinde , per-
inultis cWitatibus pro frumento nihil solvit om-
nino; postremo, si cui civltatî solvit, tantum
detraxit, quantum commodum fuît; nulli, quod
debitum est, reddidit.
LXXI. Ac primum hoc ex te quaro ; [tti] , cui
publicani ex Carpinatii litterîs gratias egerunt;
pecunia publica ex œrario erogata , ex yectigalibus
populi roitiani ad emendum frumentum attributa ,
fueritne tjbi quaestui? pensitaritne ttbi binas cen-
tesimas? Credo te negaturum : turpis enim est et
pericnlosa confessio. Mihi autem hoc perarduum
est demonstrare : quibus enim testibus ? publica-
nis ? tractati bonorifice sunt : tacebunt. ' Litteris
eorum ? décrète decumanôrum remet» sunt. Quo
me igitur vertam ? rem tam improbam , crimen
tant» audacisB, tantseque impudentiœ, propter
inopiam testium ac iitterarum prœtermittam ? Non
faciam , judices. Utar teste : quo ? L. Vettio Chi-
lone, homine equestris ordinis faonestissimo atque
omatissimo : qui isti ita amicus et necessarius est ,
ut, etiamsi vir bonus non esset, tamen, quod
contra istum diceret , grave videretur ; ita vir
bonus est , ut , etiamsi inimicissimus isti esset ,
tamen ejus testimonio credi oporteret. Admiratur
et exspectat , qnidnam Vettius dictùrus sit. Nihil
dicet ex tempore ; nibil ex sua voluntate ; • nihil ,
ut ei utrumyis ^licuisse -videatur. Misit in Sici-
' Litterae , et supra , pnblicani tractati. Sed reeepimus,
Ernestio duce , lectionem a Lamb. e mss, enttam. Deinde
legimus cum multis post Manutium, "L. pro P. Vettio. —
' Inserunt quidam fieri , quod nutlus agnoscU e reg. mss.
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SEC. ACTION CONTRE AHERRÈS, III. igS
je Tois, Romains, trois espèces de vols. D^abord Ter-
res Tayaut placée sar les compagnies ^^ changées de la
loi fournir, en a tiré nn intérêt de deux centièmes;
ensuite il n^a rien payé à la plupart des villes pour le
blé; enfin, s'il a payé 9 quelques villes^ il a retenu de
la somme tout ce qu^U a voulu ; il n'a remis à fiucune
d'elles ce qu'il devait lui remettre.
LXXI. Et d'abord, Verres, je vous le demande, à
vous 7^ à qui les fermiers de nos domaines ont fait des
remercîments d'après la lettre de Carpiuatius; avez-
vous trafiqué d'un argent public^ qcd vous était assigné
sur le trésor, sur les revenus du peaple romain, qui
vous était donné pour acheter du blé? cet argent vous
a-t-Q rapporté deux centièmes? Vous le nierez, je n'en
doute pas ; l'aveu en serait aussi honteux que dange-
reux. Je sens combien il m'est difficile de prouver ce
chef d'accusation. Quels témoins emploierai- je? les fer-
miers de nos domaines? mais Yerrès les a traités avec
honneur : ils se tairont. Produirai-je des lettres? mais
elles ont été soustraites d'après un arrêté des décima-
tenrs. Que ferai-je donc? faute de témoins et de lettres,
abandonnerai-je un délit aussi grave, qui annonce
tant d'audace et tant d'impudence? Non, sans doute.
Je prendrai pour témoin.... Qoi? L. Tettius Chilon,
de l'ordre équestre, personnage d'un rare mérite et
d'une haute considération. Il est allié de Terres, et
son ami si intime que , quand même il ne serait {fas
honnête homme, ce qu'il attesterait contre lui serait
d'un très grand poids; mais il est si honnête homme
que, quand même il serait son ennemi déclaré, on
devrait ajouter foi à sa déposition. Verres pavait in-
terdit; il est impatient de savoir ce que dira Vettîns.
n ne dira rien pour la circonstance , rien de sa propre
volonté; rien de manière qu'il soit librç de le dire ou
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196 m \ERREM ACT. II, LIB. III.
liam litteras ad Carpinatium, quum esset magîster
scriptorsB, et ejus societatis publicanorum ; quas
ego Syracusis, apud Carpinatium in litterarum
allatarum libris , Romse , in litterarum missarum
apud magistrum Tuliium , familiarem tuum, in-
veni : quibus ex litteris impudeutiam fœneratio-
nis , quaeso , cognosclte. Litt«rje MissiE L. Vbt-
Tii, » L. Servïlïi, C. Awtistii, magistborum.
Prassto se tibi ait futurum Yettius , et observatu-
rum, quemadmodum rationes ad serarium referas :
ut, si banc ex fœnore populo pecuniam non retu-
leris, reddas societati. Possumus hoc teste, pos-
sumus L. Servilii et C. Antistii, magistrorum,
'litteris, primornm hominum atqne honestissi-
morum , possumus auctoritate societatis , eu jus
litteris utimur, quod dicimus, obtinere? an «H-
qua firmiora , aut graviora quaerenda sunt ?
LXXII. Vettius, tuus familiari^simus ; Vettius,
tuus afjûnis, cujus sororemhabes in matrimouio;
tuae fraèer uxoris Vettius, frater tui quaestoris,
testatur impudentissimum tuum furtum, cerdssi-
mumque pecuiatum : nam quo alio nomine pe-
cuniae publicae fœneratio est appellanda? Recita
RELiQUA. Scribam tuum ^dicit, Verres, hujus
perscriptorem fœnerationis fuisse : ei quoque ma-
■ Alii, interquos Lallem., habetit P. — * Ferbum hoc
sine causa Ernest, deleverat. — ' Ernest, reposait dicunt.
Sed dicit Fettius.
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SEC. ACTÏON tONTRE VERRES, III. 197
de ne pas le dire. H a écrit une lettre en Sicile à Car-
pînatins, lorsqu'il était chef d'nne compagnie de fer-
miers, chef de la ferme des pâtorages publics. J'ai
trouvé cette lettre à Syracase chez Carpinatias, parmi
plnâeurs antres lettres envoyées de Rome ; je l'ai trou-
vée à Rome parmi les copies des lettres écrites en pro-
vince, chez Tullins, un des chefs de la ferme, ami in-
time de Verres. Voyez, je vous^prie, Romains, par
cette lettre, avec quelle impudence il a mis à intérêt
pour Ini-inéme l'argent du trésor. Lettre de L. Vet-
Tius, L. Servilius, C. Awtistius, chefs de la ferme.
Vous l'entendez , Verres , Vettius dit qu'il suivra vos
démarches; qu'il examinera comment vous rendrez
vos comptes an trésor : ' si vous ne remettez pas au
peuple l'argent que vous aura produit l'intérêt, il vent
que vous le rendiez à la ferme. Pouvons-nous, avec ce
témoin, pouvons-nouâ , avec la lettre de L. Servîllus
et de C. Antistius , chefs de la ferme , personnages de
la première distinction , pouvons-nous , avec le té-
moignage de la ferme dont nous produisons les lettres,
pouvons- nous, dis-je, prouver ce que nous avançons?
on faut-il chercher des preuves plus fortes et plus
imposantes.'
LXXII. Vettius, votre intime ami; Vettius, votre
allié, dont vous avez épousé la sœur; Vettius, frère
de votre épouse , frère de votre questeur , dépose con-
tre vons du vol le plus impudent , du pécnlat le plus
avépé : car quel antre nom donner au crime d'un pré-
teur qui place à usure les deniers publics ? Lisez la
suite de liA lettre. Vous venez de l'entendre. Ver-
res, Vettius dit que votre greffier a rédigé les condi-
tions de ce trafic; les chefs de la ferme le menacent
aussi dans leur lettre. Les deux chefs de la ferme , asso-
ciés pour lors à Vettius , étaient par hasard greffiers.
y Google
iqS m VERREM ACT. II, LIE. HI.
gistri minantur in litteris. Etenim casu [scribas]
tum duo magistri faertmt cum Vettio. Binas cen-
tesimas ab se ablatas ferendum non putant : et
recte non putant. Qui s enim hoc fecît unquam?
qui s deniqne conatus est facere , aut posse fieri
cogitavit , ut , quum senatus publicanos ' usura
sœpe juvisset, magistratus a publicanis pecuniam
pro usuris auderet auferre? Certe buic horaini
spes nulla salutis esset, si publicani, hoc est, si
équités romani judicarent. Mînor esse nunc , judi-
ces, vobis discept^tibus, débet; et tanto minor,
quauto est honestius , alienis injuriis, quam re sua
coramoveri. Quid ad hase respondere cogitas ?
Utrum factum negabis ? au tibi hoc licitum esse
défendes? Negare qui potes? an ut tanta auctori-
tate litterarum, tôt testibus publicanis conyiscare?
Licuisse vero qui ? si niehercule te pecuniam
tuam , ^ non populi romani , ii» provincia fœnera-
tum docerem, tamen effugere non posses : sed '
piiblicam y sed ob frumentum decretam , sed a pu-
blicanis fœnore accepto ; hoc licuisse cuiquam
probabis ? quo non modo ceteri , sed tu ipse nihil
audacius improbinsque fecisti. Non mehercule
hoc, quod omnibus singulare videtur, de quo
mihi deinceps dicendum est , possum , judices ;
dicere audacius esse, aut irapudentius, quod per-
multis ciyitatibus pro frumento nihil solyit om-
nino : major haec prxda fortasse est; sed illa im-
' Gronovius, de pecunia vet.» IV, 3, malebat rersora
saepe juvisset. — * Schiiiz, e Lamàini margine, praeto-
rem p, r. Quod paucis placebù.
dby Google
SEC. ACTION CONtRE VERRES, Ul. iç^
lâs sont fort mécontents qu'on lear ait arraché deux
centièmes; et leur mécontentement est fondé : car qui
jamais se permit une pareille malversation? Quel ma-
gistrat entreprit jam^, on crut qu'il fut possible
de tirer de l'argent, à titre d'intérêt , des fermiers de
nos domaines , à qui le sénat laissa plus d'une fois
un argent public '* pour les soulager ? Non , certes ,
"Verres n'aurait aucun espoir d'être absous , s'il était
jugé par les fermiers de nos domaines, c'est-à-dire par
les chevaliers romains. Il doit avoir encore moins d'es-
poir étant accusé devant des sénateurs , qui le traite-
ront d'autant plus rigoureusement, qu'il est plus beau
d'être touché des torts* faits à autrui, que, de ceux qui
nous regardent. Que pouvez-vous répondre , Verres,
à ces reproches? Nierez-vous le fait, ou entreprendrez-
vous de justifier votre conduite? Pouvez-vous nier le
fait , lorsque vous êtes convaincu par une lettre d'une ^
pareille autorité, par tant de témoins pris parmi les
fermiers de nos domaines? Essaierez-vous de justifier
votre conduite ? Certes, si je montrais que, dans
votre province, vous avez fait valoir votre argent,
et non celui du peuple romain, vous ne pourriez
échapper: mais, qu'il vous fut permis de faire valoir
l'argent de notre trésor, un argent qui vous était
donné pour le blé, un argent dont vous avez fait payer
l'intérêt à la ferme, à qtû le persuaderez- vous? Je ne
parle pas des autres; vous-même, vous ne fîtes jamais
rien qui portât un plus grand caractère d'effronterie et
de perversité. Non, Romains, je ne puis dire que le
délit dont je vais bientôt vous entretenir, ^de n'avoir
absolument rien payé au plus grand nombre des villes
, pour leur blé ; je ne puis dire que ce délit , tout étrange
qu'il paraisse, annonce plus d'audace et plus d'impu-
dence. Le vol est plus considérable peut-être; mai»
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aoo m VEKREM ACT. II, LIB. III.
pudentia certe non minor. Et, quoniam de illa
fœneratione satis dictum .est, nunc de hac tota
pecunia aversa, quseso, cognoscite.
LXXIII. Siciliae civitates multse sunt, judices,
ornatsB atque honestas : ex quîbus in primis nuine-
randa est ciyitas Halesina. Nullam enim reperietis
aut ofBciis fideliorem , aut copiis locupletiorem ,
aut auctoritate gra^iorem. Huic iste in annos sin-
gulos quum sexaginta tritici millia niodium impe-
ravisset, pro tritico nummos abstulit, quanti erat
in Sicilia triticum : quos de publico nummos
acceperat , retiuuit omues. Obstupui , judices ,
quum hoc mihi primum Halesiae demonstravit in
senatu Halesinorum homo summo ingenio , sum-
ma prudentia, summa auctoritate prxditus. Haie-
sinus ^neas : cui senatus dederat publice [cau-
sam], ut mihi fratrique, meo gratins ageret ; et
simul , qui nos ea , quse ad judicium pertinerent ,
doceret. Demonstrat, hanc istius cousuetudinem
ac rationem fuisse : quum omnis frumenti copia de-
cumarum nomine pênes istum esset redacta, so-
litum esse istum pecuniam cogère a civitatibus ;
frumentum improbare ; quantum frumenti Romam
esset mittendum , tantum de suo quaestu, ac de sua
copia frumenti mittere. Posco rationes : inspicio
litteras : yideo frumenti granum Halesinos , qui-
bus LX millia modiuro imperata erant , nullum
dédisse : pecuniam Volcatio, Timarchidi, scribse
dédisse. Reperio genus hujusmodi, judices, prœ-
dœ, ut praetor, qui frumentum emere debebat,
non eraaty sed vendat; pecunias, quas civitatibus
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SEC. ACTION COJÎÎ^RE TERRES, m. 201
certainement il n'est pas plus effronté. "Vous venez
d'apprendre cette nsore criminelle : il est temps de
parler de tontes ces antres sommes détonmées à son
profit.
LXXIII. Parmi lei villes opulentes et illustres de la
Sicile, on compte surtout celle d'Halèse. Yous n'en
trouverez aucune dont la fidélité soit plus constante ,
dont les richesses soient plus étendues, dont l'autorité
soit d'un plus grand poids. "Verres l'avait assujettie à
vendre tous les ans soixante mille boisseaux de j^lé ;
an lien de blé , il exigea d'elle de l'argent , selon la
valeur du blé , en Sicile , et retint tout l'argent qu'il
avait reçu du trésor. Je fus étonné, Romains , la pre-
mière fois que cette malversation me ftit exposée dans
le sénat d'Halèse par le citoyen de cette ville qui a le
plus de talents, de lumières et de considération, par
Enéas, que le sénat avait chargé, au nom de la ville,
de nous remercier, mon frère * et moi, et de nous
fournir des détails sur l'accusation. Il nous dit que le
prétenr , qui s'était en^aré de tout le blé par le moyen
des dîmes , s'était fait un usage et une règle d'exiger
de l'argent des villes , de rejeter leur blé , et d'envoyer
à Rome , sur lefi provisions de grains pillées à son pro-
fit , tout ce qu'il en fallait envoyer. Je demande les
comptes, je regarde les registres; jp vois que les habi-
tants d'Halèse, chargés de nous vendre soixante mille
boisseaux, n'avaient pas fourni un seul grain de blé,
mais qu'ils avaient remis de l'argent à Yolcatins , à Ti-
marchide, au greffier. Je découvre alors, juges, une
malversation d'une nouvelle espèce : le prétenr qui
devait acheter du blé n'en achète pas ; il vend ce qu'il
devait acheter; l'argent qu'il devait distribuer aux vil-
* Cest'k'àire , /ratri patrueli, L, Tullius , cousin do
Cicéron. •
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aoa . m TERREM ACT. Il, LIB. UL
distribuera debebat , eas omnes avertat atque aufe*
rat. Non mihi jam furtum , sed monstrum ac pro-
digium yidebalur : ciyitatuin frumentum împio-
bare, suum probare; quum suum probasset, pre-
tium ei frumento constituere; quod constituisset,
id cîvitatibus atfferre; quod a populo romano
accepisset, tenere.
JLXXIV. Quot Tultis esse in uno furto pecca-
torum gradus? ut si singulis insistere velim, pro-
gr^i iste non possit. Improbas frumentum Sicu-
lum. Quid? ipse quod mittis? peculiarem habes
aliquam Siciliam, quœ tibi ex alio génère fru-
mentum suppeditare possit? Quum senatus decer-
nit, ut ematur in Sicilia frumentum, aut quum
populus jubet, boc, ut opinor, intelligit, ex Si-
cilia Siculum frumentum apportari oportere. Tu, -
quiun civitatum Siciliœ yulgo omne frumentum
improbas, num ex .^gypto, aut ex Syria fru-
mentum Romam mittis ? Improbas Halesînnm ,
Gepbalœditanum, Thermitanum, Amestratinum ,
Tyndaritanum , Herbitense, mùltarnm praeterea
cîyitatum; Quid accidit tandem, ut horum popu«>
lorum agri frumentum ejusmodi, te prœtore, fer-
rent, quod nunquam antea, ut neque mihi, neque
tibi, neque populo romano posset probari, pre-<
sertim quum ex iisdem agris, ejusdemque anni
frumentum ex decumis Romam mancipes adyexis-
sent? quid acciderat, ut ex eodem horreo decu-
manum probaretur, emtum non probaretur? On-
biumne est, quin ista omnis improbatio cogends
pecunia; causa nata sit ? Esto : improbas Halesi-
num ( habes ab alio populo , quod probes : eme
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, III. îo3
les, il le détonme, il le garde ponr lai. Cela ne me
paraissait plas un simple vol , ttaî$ nn abus étiorme
et monstmeux : rejeter le blé des Tilles , accepter le
sien; après Tavoir accepté, y mettre un prix; le prix
qa*on venait d*y mettre, le faire payer aax villes; re-
cevoir de Fargent de la république, le garder pour soi.
LXXIT. Combien un seul vol ne renferme-t-il pas
de genres de malversations! si je les développais tous^
l'accusé se trouverait arrêté et pris de tous côtés. "Vous
rejetez , Yerrès , le blé de Sicile. Mais quel blé en^royez^
vous donc vous-même ? ave^vons une Sicile particu-
lière, qui puisse vous fournir du blé d^une autBtf
espèce ? Lorsque le sénat statue, et que le peuple or-
donne qu'on achètera du blé dans la Sicile , ils enten-
dent, je crois, qu'on doit envoyer de Sicile du blé
sicilien. "Vous, "Verres, lorsque vous rejetez tout le blé
des peuples de Sicile , en envoyez-vous à Rome d'E-
gypte ou de Syrie .î' "Vous rejetez le blé d'Halèse,de
Cépbalède, dé Thermes-, «fAmestra, de Tyndare,
dllerbite , de bien d'autres villes enéore. Comment
est-il arrivé que les territoires de ces peuples, sous
votre préture , portassent du blé d'une espèce qu'ils
n'avaient jan^ais portée auparavant; du blé qui ne
pût être accepté, ni par moi , ni par vous , ni par le
peuple romain , surtout lorsque les entrepreneurs des
blés avaient envoyé à Rome du blé dimé de la même
année , pris sur les mêmes territoires ? Comment est-il
arrivé que , du même grenier , le blé dlmé fut accepté ,
et que le blé acheté ne le fût pas ? Peut>on douter que
toute cette manœuvre de rejeter le blé n'ait été un
moyen d'extorquer de l'argent? A la bonne heure,
vous rejetez le blé d'Halèse , vous acceptez celui d'un
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204 IN TERREM ACT. II, tIB. III.
illud, quod placet; misses fac eos, quorum fru-
mentum improbasti. Sed ab iis, quos répudias ,
exigis tantum pecunise, quantum ad eum nume-
rum frumenti satis sit , quem civitati imperas. Du-
bium est, quid egeris ? In medimna singula ^ideo
ex litteris publicis tibi Halesinos H-S quinos de-
nos dédisse. Ostendam ex tabulis locupletissimo-
rum aratorum , eodem tempore neminem in Sicilia
pluris frumentum yendidisse.
* LXXV. Quas est ergo ista ratio, aut.qus& potius
amentia , frumentum improbare id , quod ex eo
loco sit , ex quo senatus et populus romanus emi
voluerit ; ex eo acervo , ex quo partem tu idem ,
decumarum nomine, probaris : deinde a civita-
tibus peennias, ad emendum frumentum, cogère,
({uum ex aerario acceperis? Utrum te lex Terentia
Siculorum pecunia frumentum emere a Siculis,
an populi romani pecunia frumentum ab Siculis
emere jussit ? Jam vero ab isto omnem illam ex
serario pecuniam, quam bis oportitit ciyitatibus
pro frumento dari, lucrifactam yidetis. Accipis
enim H-S xv pro medimno; tanti enim est illo
tempore medimnum : rétines H-S ' xyin ; tanti
enim est frumentum Siciliense ex lege sestimatum.
Quid interest , utrum hoc feceris , an frumentum
non improbaris , sed frumento probato et accepto,
pecuniam publicam tenuerîs omnem, neque quid-
quam ulU dissolyeris ciyitati , quum xstimatio
legis ejusmodi sit, ut ceteris temporibus toïera-
bilis Siculis , te prœtore etiam grata esse debuerit ?
Est enim modius lege H-S m aestimatns : fuit
' M. xu.
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SE(i. ACTION CONTRE VERRES, lU. aoô
aatre peuple ; achetez donc celui qni yous pkît , et
laissez les peuples dont vous avez rejeté le blé. Mais
vons exigez des villes dont vons ne voulez pas le blé ,
tout l'argent qui vous est nécessaire pour le blé que
vous demandez à d'antres. Votre dessein est-il_ dou-
teux ? Les registres publics d'Halèse m'apprennent que
les habitants vous ont donné quinze sesterces * par
médimne. Les registres des plus riches agriculteurs
prouveront que , dans le même temps , personne en
Sicile n'a vendu le blé à un plus haut prix.
LXXV. Quelle est donc cette conduite , ou plutôt
«ette extravagance, de rejeter le blé d'un pays où le
sénat et le peuple ont voulu qu'on en achetât , de
rejeter le blé pris au même tas dont vousHmêoie avez
accepté une partie sous le nom de dîmes ; et ensuite ,
d'extorquer dç l'aident des villes pour acheter du blé ,
lorsque vous eu avez reçu de notre trésor .»* La loi «
Térentia vous ordonnait-elle d'acheter du blé aux
Siciliens avec l'argent des Siciliens , ou avec celui du
peuple romain ? H est facile de voir que l'accusé a dé-
tourné à son profit tout l'argent de notre trésor qu'il
devait donner aux villes. pour le blé : car enfin, Ver-
res, vous prenez des villes quinze sesterces par mé-
dimne, ce qui était alors le prix du médimne; vous
retenez dix-huit sesterces, ce qui est le prix auquel le
blé de Sicile est estimé en vertu de la loi. Agir de la
sorte , n'est-ce pas comme si vous n'eussiez point re-
jeté le blé , que vous l'eussiez accepté et reçu , que vous
eussiez gardé tout l'argent de notre trésor sans rien
payer à aucune ville , lorsque l'estimation de la loi est
telle que les Siciliens ne devaient pas s'en plaindre
<lans les autres temps, et que même ils devaient s'en
louer sous votre préture.^ En effet, le boisseau est
* 37 sous 6 djenniers. A.
viir. 18
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2o6 IN TERREM ACT. II, IIB. III.
autem , te prsetore , ut tu in maltis epistolis ad
amicos tuos gloriaris , ' H-$ n. Sed faeritH-S m;
qnoniam tu tantum a ciyitatibus in modios singulos
exegisti : quum^ si solyeres Sicnlis tantum , quan-
tum te populus romanus jusserat, aratoribus fieri
gratissimum posset; tu non modo eos accîpere,
quod oportebat, noluisti; sed etiam dare, quod
non debebant, coegisti. Âtque hsec ita gesta esse,
judices, cognoscite et ex litteris publicis civitatum ,
et ex testîmoniis publicis : in quibus nihil fictum ,
nihil ad tempus accommodàtum intelligetis. Om-
nia , ifax dicimus , rationibus populorum non in-
terpositis, neque perturbatis, neque repentinîs,
sed certis , institutis , ordine relata atque confecta
sunt. Recita rationes Halesinorum. Cui pecuniam
datam dicit? 'die, die etiam clarius. yoi.CA.Tio,
TlMARGUlDI , MiEVIO.
LXXVI. Quid est, Verres? ne illam quidem
tibi defensionem reliquam fecisti, mancipes in
istis rébus esse Tersatos? mancipes frumentum
improbasse? mancipes pretio cum ciyitatibus d%ci-
disse, et eosdem abs te illarum çiyitatum nomine
pecunîas abstulisse ; deindcf ipsos sibi frumentum
coemisse ; nihil bac ad te pertinere ? Mala meher-
cule ac misera defensio, praetorem lioc dicere :
Ego frumentum neque attigi, neque adspexi;
mancipibus potestatem probandi improbandique
permisi; mancipes a civitatibus pecunias extorse-
' Beck ^didit , Lambin, et Garaton. auctoribus , M-8 ii
s. , id est, duobus sestertiis cum semisse. AptCus. —
^ Abest alterum die.
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. SEC. ACTION CONTRE VERRES, III. 107
estimé trois sesterces par la loi , et il était venda deux
sesterces sons votre prétnre , comme toi^ voas en ap-
plaudissiez dans beancoqp de lettres écrites à vos amis.
Mais je supppose qa*on Tait venda trois sesterces,
puisque vons les avez exigés des villea par boisseaa ;
vons qui pouviez faire le plus grand plaisir aux agri-
culteurs en payant aux Siciliens ce qui vous avait été
prescrit par le peuple romain , 'non seulement vons
les avez frustrés de ce qu'Os devaient recevoir, vous en
avez exigé même ce qu^ils ne devaient pas donner.
Tous ces faits , juges , sont prouvés par les registres et
par les dépositions des villes ; et on n'y trouvera rien
qui soit supposé , rien qui soit accommodé au besoin
du moment. Tout ce que nous disons est mis et porté
par ordre dans les comptes des peuples , et ces comptes
ne sont * ni raturés , ni embrouillés , ni écrits à La
hâte, mais faits en règle et en bonne forme. Lisez les
comptes des habitants d'Halèse. A q«i dites-vous qu'on
a donné de l'argent? Parlez, parlez plus haut. A Tol-
CATIUS, A TiMARCHIDE, A MÉVIUS.
LXXVI. Quoi ! "Verres , ne vous êtes-vons pas même
réservé cette défense, que ce sont les entrepreneurs
des blés qui ont tout fait , qui ont rejeté le blé , qui se
sont arrangés avec les villes pour de l'argent , qui ont
reçu de vous de l'argent au nom. des villes, et qui en-
suite ont acheté eux-mêmes du blé à leur compte ;
que cela ne vous regarde en rien? Ce serait assuré-
ment une défense misérable pour un préteur de dire î
Je n'ai reçu ni examiné de blés , j'ai laissé aux en-
trepreneurs toute liberté de rejeter et d'accepter ; ils
ont fait donner de l'argent aux villes , et ont reçu de
moi celui que j'aurais dû donner aux peuples. Ce
serait là, je le répète, une défense misérable; mai6.
* Comme ceux que Verres avait produits.
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Qto8 ^ IN TERREM ACT. U, LIE. ni.
runt : ego autem , quam pecuniam populis dare
debni, mancipibus dedi. Mala est haec quidem, ut
dixi, ' defensio criminis ; sed tamen hac ipsa tibi,
si uti cupias, non licet. Vetat te Volcatius, tuae
tuorunique delicise, mentionem mancîpis facere.
Tîmarchides autem , columen familîse yestrae , pre-
mît fauces defensionls tuae : oui simul et Volcatio
pecunia a civîtate numerata est. Jam vero scriba
tuus annulo aureo suo , quem ex his rébus invenit ,
ista te ratione uti non sinet. Quid igitur est reli-
quùm, nisi uti fateare, te Romam frumentum
emtum Siculorum pecunia misisse , publicam pe-
cvniam domum tuam convertisse ? O consuetudo
peccandi , quantam babes jucunditatem in impro-
bis et audacibus,' quum pœna abfuit, et licentia
consecuta est ! Iste in hoc génère peculatus non
nunc primum invenitur; sed nnnc demum tene-
tur. Vidimus buic ab œrario pecuniam numerari
quœstori ad sumtum exercitus consularis : vidimus
paucis post mensibus et exercitum et consulem
spoljatum. nia omnis pecunia latûit in illa cab'gine
ac tenebris , quœ totam rempublicam tum occupa-
verant. Iterum gessit bereditariam qussturam cum
Dolabella; magnani pecuniam avertit : sed ejus
rationem cum damnatione Dolabellae permiscuit.
Commissa est pecunia tanta prsetori: non reperietis
hominem timide nec leviter haec improbissima lu-
cra b'gurrieiitem; devorare omnem pecuniam pu-
blicam non dubitavit. Ita serpit illud insitum in
jiatnra malum consuetudine peccandi libéra, finem
ut audaciae statuere ipse sibi non possit. Tenetur
' Grœvius addit e ms. Fabr., ac potius perdiu.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, Iff. 209
enfin, qnelle qn*e]le soit, vous ne pourriez tous en
servir, quand vous le voudriez. Tolcatins , vos délices ,
les délices de vos amis, vous empêche de parler d'au-
cun eutrepreneur. Timarchide, Tappui de votre mai-
son, ruine votre défense, puisque la ville dllalèse lui
a compté de l'argent en même temps qu'à "Volcatius.
Enfin votre g/ettier avec son anneau d'or 77^ qu'il
doit à ses rapines , ne vous permet pas de recourir à
ce moyen. Que vous reste-t-il donc , sinon de conve-
nir que vous avez envoyé à Rome du blé acheté avec
l'argent de la Sicile, et que l'argent de notre trésor,
vous l'avez détourné dans vos coffres ? O habitude de
malfaire , que tu as d'attrait pour des hommes per-
vers et audacieux, lorsqu'ils n'ont pas été punis, et
que l'impunité a produit la licence! Ce n'est pas
aujourd'hui pour la première fois que Yerrès est at-
teint de ce genre de pécnlat; mais c'est d'aujourd'hui
enfin qu'il en est convaincu. Lorsqu'il était questeur " ^,
nous lui avons vu recevoir de l'argent du trésor pour
fournir à l'entretien d'une armée consulaire : peu de
mois après, nous avons vu et l'armée et le consul
entièrement dépouillés. Cette malversation énorme a
été comme ensevelie et perdue dans les ténèbres
épaisses dont la république était alors enveloppée. Il
a géré une seconde fois sous Dolabella une questure
qui lui était échue par succession ; il s'est approprié
des sommes d'argent considérables : mais il a brouillé
le compte qu'il en devait rendre en le mêlant avec la
condamnation de Dolabella. Nommé préteur de Sicile,
on lui a remis des sommes immenses : il ne les a points
détournées peu k peu d'une main timide par de hon-
teux larcins ; il a englouti à la fois tout cet argent da
trésor. C'est ainsi que la mauvaise habitude de Verres
n'étant pas arrêtée , un vice qui , chez lui , n'est que
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2IO ^IN VERREM ACT. U, LIE. m.
îgîtur aliquando, et in rébus tum maximis, tum
nianifestis tenetnr. Atque in eam fraudem mihi
yidetur diTÎnîtus'incidisse, non solum ut eas pœ-
nas, quas proximemeruisset, solveret; sed ut ilU
etiam scelera ejus in Carbonem et in Dolabellam
vindicarentur.
LXXVII. Et^im nova quoque ab'a res exstitit,
judices, in boc <;riminè, quse tollat omnem dubi-
tationem superioris illlus decumanî criminis. Nam ,
ut illud missum faciam , permultos aratores in alte-;
ras decumas , et in haec loccc millia modium', quod
emtum populo romàno darent, non babuisse, sed
a tuo procuratore, boc est, ab Aptonio, émisse ;
ex quo intelligi potest, nibil te aratorîbus reliqui f
fecisse': ut boc praeteream, quod in multis est
testimoniis expositnm; potest illo quidquam ejsse
certiûs , in tua potêstate , atque in tuis borrei» omne •
frumentum Sicflise, per triennium, atque omnes
fructus agri decumani, fuisse? Quum enim a civi-
tatibus pro frumeuto pecuniam exigebas, unde
erat fpumentum, quod Romam mitteres, si tu id
non omne clausum et compressum possidebas?
Itaque in eo frumento primus tibi ille quaestus
fuit ipsius frumenti , quod erat ereptum ab arato-
rîbus : alter, quod id frun^entum improbissime
per triennium partum, non semel, sed bis, neque
unô, sed duobus pretiis, unum et idem frumen-
tum yendidisti ; semel civitatibus , H-S xv in me-
dimnum; iterum populo romano , a quo H-S xviii
in medimna pro eodem illo frumento abstulisti.
At enim frumentum Genturipinorum, et Agrigen-
tino]»im, et nonnulloram fortasse prseterea pro»
f
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SEC. ACTION CONTAE tERRÈS, III. air
trop naturel , va croiasant toujours, an point que lui-
même ne saurait plus mettre de bornes à son audace,
n est donc enfin convaincu , et manifestement con-
vaincu , des plus graves malversations. Les dieux me
semUent avoir voulu > en permettant qu^il comblât la
mesure , et le punir de ses derniers vols , et venger
Carbon et Dolabella de ses premiers crimes.
LXXVII. Ici , Romains , s'ofTre une réflexion nou-
velle qui dissipe tons» les doutes sur les vexations au
sujet des dîmes. Je ne dirai pas , Yerrès, qu une iniinité
d'agriculteurs, n'ayant pas de quoi fournir k la seconde
dime et aux huit cent mille boisseaux de blé qu'ils de-
vaient vendre an peuple romaîh , ont acheté du blé à
Apronius , votre agent ; ce qui prouve que vous n'aviez
rien laissé aux agriculteurs. Je ne rappellerai point ce
fait assez démontré par une foule de dépositions; mais
quoi de plus incontestable que, pendant trois ans, vous
avez eu en votre pouvoir et dans vos magasins tout le
blé de la Sicile , tontes les récoltes 'des terres sujettes
aux dîmes ? En effet , lorsque vous exigiez de l'argent
des villes au lieu de blé , on preniez-vous du blé pour
l'envoyer à Rome , ai vous n'étiez pas saisi de tout le
blé de la Sicile, si vous ne le teniez pas dans vos maga-
sins ? Ainsi , le premier gain que vous avez fait dans
cette partie , c'est le blé même que vous aviez enlevé
aux cultivateurs. Le second gain, c'est que ce blé,
amassé pendant trois ans par des voies iniques, vous
l'avez vendu, non une fois , mais deux ; c'est que vous
avez vendu, à deux différeufs prix, un seul et même
blé, d'abord aux villes dont vous avez exigé quinze
sesterces par médimne^ ensuite au peuple romain, à
qui vous avez pris , par médimne , dix-huit sesterces
pour le même blé. Mais vous avez , direz- vous, accepté
le blé des peuples de Centorbe, d'Agrigente, de qud-
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ai2 m TERREM ACT. U, LIB. IH.
basti, et his populis pecumam dissolvisti. Sint ali-
quœ civitates in eo numéro , quarum frumentum
improbare nolueris : quid tandem? bis civitatibus
onuiisne pecunia, quœ pro frumento débita est,
dissoluta est? Unum mihi reperi, non populum,
sed aratorem : vide, quœre, circumspice, si quis
forte est ex ea provincia , in qua tu triennium praî-
fuisti, qui te uolit périsse; unum, inquam, da
mihi ex illis aratoribus , qui tibi vel ad statuam
pecuniam contulerunt, qui sibi dicat pro frumento
omne esse, quod oportuerit, solutum. Confîrmo,
iudices, neminem esse dicturum.
LXXVIIl. Ex omni pecunia, qUam aratoribus
solvere debuisti , certis nominibus deducliones
fieri solebant : primum pro spectatione et coUybo ;
deinde pro nescio quo cerario. Hsec omnia, judi-
ces, non rerum certarum, sed furtorum iraprp-
bissimorum sunt vocabula. Nam collybus esse qui
potest , quum utantur omnes uno génère nummo-
rum? Cerarium rero quid? quomodo hoc nomen
ad rationes magistratus, quomodo ad pecuniam
publicam allatum est? Nam illud genus tertinm
deductionis erat ejusmodi , quaâi non modo lice-
ret, sed etiam oporteret; nec solum oporteret,
sed plane necesse esset. Scribae nomine de tota
pecunia binae quinquagesimae detrahebantur. Quis
tibi hoc concessit? quae lex? quœ senatus aucto^
ritas? quœ porro œquitas, ut tantara pecuniam
scriba tuus ' auferret, sive de aratorum bonis,
sive de populi -romani vectigalibus? Nam si po-
* Cod. Tiann.y averreret. ÎAmb., Lalhm,, avertcret.
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SEÇ. ACTION CONTRE VERRES, IH. 2i3
rj[Bes aatres encore , et voas leur avez donné de l'argent.
A la bonne heare , qu'il y ait (jnelques villes, dans le
nombre , dont vous n'ayez pas voulu rejeter le blc.
Mais enfin avez-vous payé à ces villes tout l'argent qui
leur était dû pour le blé qu'elles avaient fourni ? Trou-
vez-nous , je ne dis pas un seul peuple , mais un seul
agriculteur ; voyez , cherchez , regardez de tous côtés ;
examinez si , par hasard , il en est quelqu'un , dans
une province que vous avez gouvernée pendant trois
ans, qui ne désire v^tre condamnation. Oui, parmi
ces agriculteurs qui ont contribué pour votre statue ,
noromez-en un seul qui dise avoir reçu, pour son blé ,
toute la somme qu'on devait lui payer. Je le sou-
tiens , juges , il ne s'en trouvera pas un qui le dise.
LXXVIII. De toutes les sommes que vous deviez
payer aux cultivateurs , on faisait des déductions pour
certains articles, pour les droits d'examen'» et de
change, pour je ne' sais quel entretien de cirt. Ce ne
sont pas là , Romains , des noms de droits réels , mais
des noms de vols iniques. D'abord, quel droit de change
peut-îl y avoir dans une province où tons les peuples
' ont la même monnaie ? Et qu'appelle-t-il entretien de
cire? comment ce nom est-il entré dans les compte»
d'un magistrat, dans un compte de finances pubb'qaes ?
11 est une troisième déduction qui s'est faite comme si
«^Ue eût été , non seulement permise , mais ordonnée ;
non seolemenf ordonnée, mais nécessaire. On tirait
sur la somme totale deux cinquantièmes pour le gref-
fier. Quel exemple, quelle loi, quel arrêté du sénat ,
quel principe d'équité, vous ont fait permettre à votre
greffier de prendre tout cet argent, ou sur les biens
des agriculteurs, ou sur les revenus du peuple romain ?
Car, si l'on peut, sans injustice, prendre cet argent
aux agriculteurs, il faut le remettre au peuple romain ,
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'2i4 IN. VERREM ACT. U, LIB. HT.
lest ista pecunia sine aratorum injuria ^detrâhi;
popirlus romanus habeat, prssertim in tands «ra-
rii angustiis : 8in autem et populus id yoluit, et
aequum ita est, solvi aratoribus; tuus apparitor
parya meVcede populi conductus, de aratorum
bonis praedabitur ? et in bac causa scribarum or-
dinem in me concitabit Hortensius? et eorum
commoda a me labefactarî , atque oppugnari ' jura
dicet ? quasi vero boc smbis ullo exemplo sit , aut
uUo jure concessum. Quid ego vetera repetam?
aut quid eorum scribarum mentionem faciam ,
quos constat sanctissimos bomines atque innocen-
tissimos fuisse? Non me fugit, judices, vetera
exempla pro fîctis fabulis jam audiri atque baberi :
in bis temporibus versabor miseris ac perditis,
Nuper, Hortensi, qusstor fnisti; quid tui scriba?
fecerint, tu potes dicere : ego de meis boc dicoy
quum in eadem ista Sicilia pro framento civitati-
bus pecuniara solverem , et mecum duos frugaHs- '
sîmos bomines scribas baberem, L. Mamilium et
L. Sergium; non modo istas duasquinquagesimas ,
sed omnino nummum nullum cuiquam esse de»
dncjtum.
LXXIX. Dicerem, hoc mibi totum esse attri-
buendum , judices , si illi unquam a me hoc postu-
lassent, si unquam omnino cogitassent. Quam-
obrem enim scriba deducat , ac non potiuâ mulio ,
qui "advexit? tabellarius, cujus adventu certiores
' Injuria. Utnimque Ernest, ahesse mallet. — *Alu ha-
bent adTexerit; alii , adduxerit. Deinde reseripium kâire
e cod. Nanmano. Fere omnes ctteii, abire. JHotom, def-
derat adesse , quod quidam recepenuit.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, UI. ar5
partout lorsque le trésor est dans an tel état d'épuisé-
ment. Mab si le peuple romain voulait , et s'il était
juste qu'o^ payât les cultivateurs, votre appariteur
s'enrichira-t-il à leurs dépens, pour suppléer aux ga- :
ges modiques qu'il reçoit du peuple? Et Hortensius,
à ce sujet , animera-t-il contre moi Tordre des greffiers ?
dira-t-il que j'attaque leurs droits et leurs privilèges ?
comme si cette gratification accordée aux greffiers était
appuyée d'une seule loi ou d'un seul exemple. Faut-il
remonter aux temps anciens? &ut-il parler de ces gref-
fiers que l'on sait avoir été des modèles de désintéres-
sement et d'intégrité ? Les anciens exemples , je ne
Fignore pas, ne sont plus reçus et ne sont plus regardés
que comme dèft fables et des fictions ; je m'arrêterai
donc à nos temps déplorables. Il n'y a pas long-temps ,
Hortensius , que vous avez été questeur ; vous pouvez
dire ce qu'ont fait vos grefiBers ; voîd ce que je dis
des miens ( c'étaient deux hommes remplis de probité,
L.Mamiliu8 et L. Sergius) : dans la même province de
Sicile , lorsqua je payais aux villes leur blé, on n'a pas
déduit ces deux cinquantièmes , on n'a pas déduit un
seul sesterce pour personne.
gLXXIX. Que dis-je, Romains? si les greffiers m'eus-
sent demandé une pareille gratification, s'ils y eussent
seulement pensé, oui, je l'avouerais, ce serait à moi
seul qu'il faudrait en faire un crime. Et pourquoi dé-
duirait-on de la somme pour un greffier, et non plutôt
pour le muletier qui l'apporte , pour le courrier ®^ qui
l'annonce, pour l'huissier qtii avertit de la venir pren-
dre , pour l'appariteur ou l'esclave qui la transporte à
la caisse ? Quelle peine le greffier s'est-il donnée dans
cette affaire, ou quel avantage a- t-il procuré, pour
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2i6 IN VERREM ACT. II, LIB. m.
facti [petiyemnt]? prseco, qui adiré jussitpTÎa'
tor, ac Venerius, qui fiscum sustulit? Quae pars
opérai aat opportunitatis in scriba est , cur ei non
modo merces tanta detur, sed cur cum eo tantse
pecnnise partitio fiât ? Ordo est honestus, Quis
negat? aut quid ea res ad hanc rem pertinet?
Est vero honestus, quod eorum honjinum fidei
tabulœ publicae periculaque magistratuum commit-
tuntur. Itaque ex bis scribis, qui digni sunt iUo
ordine, patribusfamilias , viris bonis atque bone^-
tis , percontamini , quid sibi istSB quinquagesimse
velint. Jara omnes intelligetis, novam rem totam
atque indignam yideri. Ad eos nie scribas revoca,
si placet : noli hos colligere , qui nummulis corro-
gatis de nepotum donis , ac de scenicorum corol-
lariis, quum decuriam emerunt, ex primo ordine
explosorum in secundum ordinem civitatis se ve-
nisse dicunt. Eos scribas tecum disceptatores hu«
jus criminis babebo , qui istos scribas esse moleste
ferunt. Tametsi , quum in eo ordine videamus esse
multos non idoneos, qui ordo industriae propo-
situs est et dignitati; mirabimur, turpes 'aliquos
ibi esse , quo cuivis licet pretio pervenire ?
r'
LXXX. Tu ex peconia publica H-S tredecies
scribam tuum permissn tuo quum abstulisse fa-
teare, reliquam tibi uUam defensionem putas esse ?
boc ferre quemqnam pDsse? hoc quemquam déni-
que nunc tuorum advocatorum animo œquo au-
dire arbitrale? qua in ciyitate C. Catoni, claris-
^ Felt. edd., aliqnot.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, UI. 317
qn'on lai accorde an si fort salaire , je dis même pour
qu^on lai abandonne qnelqae portion d'one somme si
considérable ? L'ordre des gre£Bers est on ordre hon-
nête. Qu'est-ce qui le nie ? on qa'est-ce qae cela jRsiit à
la chose? C'eit an ordre honnête, parce qa'on remet
à leur foi les registres publics et les actes des magis-
trats ®'. Aussi demandez aux greffiers qui sont dignes
de cet ordre, qui sont pères de famille , pleins de pro-
bité et de vertu, ce que veulent dire ces cinquan-
tièmes ; voos verrez qu^nne pareille gratification leur
paraît aussi nouvelle qu'odieuse. Citez-moi ces gref-
fiers, si vous le voulez ; mais n'allée pas chercher ceux
qui , ayant grossi peu à peu leur fortune aux dépens
de nos dissipateurs et par de méprisables dons obtenus
sur le théâtre *" , ont acheté une charge de greffier,
et ont crcrpasser du premier ordre des histrions siffles
dans le second ordre des citoyens. Je prendrai , Hor-
tensius , je prendrai pour juges de notre discussion ,
les greffiers qui voient avec peine ces sortes de gens
dans leur corps. Au reste , si nous trouvons beaucoup
de sujets- ineptes ou pervers dans le premier ordre de
Tétat , dans un ordre qui doit être la récompense du
talent et de la vertu, serons-nous surpris "^ qu'il se
rencontre de misérables sujets dans une profession
à laquelle tout le monde peut parvenir avec de Tar-
gent?
LXXX. Mais lorsque vous convenez , "Verres , que
vous avez permis à votre greffier de prendre sur les
deniers du trésor un million trois cent mille sesterces ^ ^,
croyez-vous qu'il vous reste quelque défense ? croyez-
vous qu'on puisse supporter une telle conduite; qu'au-
cun enfiln de vos défenseurs mêmes entende avec plaisir
que , dans une république où un personnage consu-
kîre, d'une naissance illustre y Caïus Caton ^^, s'est vu
TiiT. 19
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2i8 IN TERREM ACT. II, LIB. m.
sîmo viroy consulari homini, H-S xyiii millibus
lis aestimata sit; în eadem civilate apparitori tuo
esse concessum , ut H-S uno nomine tredecies au-
ferret? Hinc ille est annulus aureus , guo tu istum
in concione donasti : quse tua donatio singulari
impudentia praedita , nova Siculis omnibus , mihi
vèro etiam incredibilis videbatur. Saepe enim nos-
tri imperatores , superatis hostibus ," optime repu-
blica gesta , scribas suos annulis aurais in concione
donarunt : tu vero quibus rébus gestis, quo hoste
superato, concionem, donandi causa, adyocare
ausus es? Neque enim solum scribam tuum an-
nula; sed etiam virum fortissimum ac tui dissi-
millimum, Q. Rubrium, » excellentem virtute,
auctoritate, copiis, corona et phaleris, et torque
donasti ; M. Cossutium , sanctissimum virum atque
honestissimum ; M. Castritium , summo splendore,
ingenio , gratia prseditum. Quid hœc sibi horum
trium ci-vîum romanorum dona yoluerunt ? Siculos
praeterèa , potentissimos nobilissimosque , donasti ;
qui non, quemadmodum sperasti, tardiores fue-
runt, sed ornatiores tuo judicio ad testimonia di-
cunda yenerunt. Quibus ex hostium spoliis? de
qua yictoria ? qua ex prœda aut ' manubiis haec
abs te donatio constituta est ? an quod , te prse-
tore , paucorum adyentu myoparonum , classis
pulcherrima, Siciliae propugnaculum, praesidium-
que proyincisB, piratarum manibus incensa est?
an quod ager Syracusanus prsedonura incendiis,
' Fictor,y Nanut.y excellent]. — ^Ernest, adderejuhet
qaibus ; Schutz addidit, Ambo in mss, et edd. perperam
9missum putant.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, III. auj
condamné à une restîtntion de dix-boit mille sesterces ,
dans cette même répobCqae voas avez accordé , sur
un seul article, à votre appariteur un million trois cent
mille sesterces ? Toilâ , sans donte , ce qni lai a mérité
cet annean d'or dont voas l'avez gratifié en pleine as-
semblée : récompense donnée avec une singulière ef-
fronterie , et qui paraissait aassi nouvelle à tous les
Siciliens qu'elle me semblait incroyable à moi-même.
Souvent nos généraux , après avoir vaincu les ennemis
et s'être signalés par d'importants services ^ont décoré
publiquement leurs secrétaires de l'anneau d'or ; mais
vou% , après quels services , après quels exploits avez-
vous osé convoquer une assemblée pour accorder le
même bonnearP Et vous ne vous êtes pas contenté
d'honorer d'un anneau d'or votre greffier ; vous avez
donné une couronne , une écharpe et un collier à Q.
Rabjrins, homm^ d'un vrai mérite et bien difiPérent de
TOUS , que sa vertu , son rang et ses richesses distin-
guent également ; à M. Cossutius, personnage des plus
honnêtes ejt des plus respectables ; à M. Castritins, qui
joint à beaucoup de talent un grand crédit et une
grande considération. Que voulaient dire les récom-
penses accordées à ces trois citoyens romains? Tous
avez encore récompensé les plus puissants et les plus
qualifiés des Siciliens, qui n'ont pas été par là, comme
vous Tespériez , moins ardents à vous poursuivre , mais
qui sont venus déposer contre vous , quoique honorés
par vous-même. Quelle victoire , je le répète , quelles
dépouilles remportées sur les ennemis , quel butin f«it
sur eux , vous ont autorisé à donner ces récompenses ?
Est-ce parce que, sous votre préture, une très belle
flotte , le rempart de la Sicile et la défense de cette pro^
vince, tombée au pouvoir de quelques bâtiments lé-
gers, a été brûlée par les mains des pira|BS? est-ce
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aao IN VERREM ACl'. H, LIE. îlt.
te praetore, yastatns est? an quod forum SyraclT'
sanum nàyarchorum sanguine redundavit ? an quod
in portu Syracusano piraticus myoparo navigavit?
Nihil possum reperire, quaniobrem te in istam
amentiam incidisse arbitrer : nisi forte id egisti, ut
hominibus ne oblivisci quidem rerum tuarum
maie gestarum liceret. Annulo est aureo seriba
donatus, et ad eam donationem concio est advo-
cata. Quod erat os tuum , quum videbas in con-
cione eos homine», quorum ex bonis iste annulus
aureus donabatur , qui ipsi annuTos aureos posne-
rant, liberisque detraxerant, ut ' esset, unde seriba
tuus hoc tuum munus ac benefîcium tueretur ? Quae
porro prœfatio tu» donationis fuit? Illa scilicet
vêtus atque imperatoria ? Qua.vdo tit quidem iir
pAjELio , tu BSLLo, IN &B MILITA.&I ; cuJQs ne meo-
tio quidem, te prniore, ulla facta est : an illa?
QUAIVDOQUIDRM TU HVIXA. UHQUAM MIHI Ilf GU*
PIDITATE AC TURPITUDIITE DEFUISTi; OMITIBUSQUE
IN IISDEM FLAGTTIIS XECUM ET IN LEGATIONS , ET
IN PAJETURA , ET HIC IN SiCILlA VBRSATUS ES : OB
HASGB BBS, QUONIAM TE LOCUPLETAVi , HOC AN-
NULO AUBEO DONO. Vera hsec fîiisset oratio : non
enim iste annulus aureus abs te datus, istum tî-
rum fortera , sed hominem locupletem esse decla*-
rat. Ita eumdem annulum ab aUo datum, testem
TÛrtutis duceremus : abs te donatum, comitem pe-
cuniae judicamus.
* OUm ofulgati omnes lihri , essent. Primus Grono^. e
cod. Franc, dédit esset ; quam lectiomem nemùù non ap-
probavit.
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SEC. ACTION COOTRE TERRES, 111. 111
parce que le territoire de Syracuse , sons votre admî-
nistratioa , a été la proie des flammes qae les brigands
avaient allumées ? est-ce parce que le forum de Syra-
cuse a regorgé du sang des capitaines siciliens P est-ce
parce qu'un £ûble navire.de pirates a vogué insolem-
ment dans le port de Syracuse? Je ne puis trouver la
raison qui vous a jeté dans cette extravagance ; à moins
peut-être que vous n*ayez voulu empêcher qu'on ne
put même oublier vos succès malheureux. Vous avez
donc décoré votre greffier d'un anneau d'or , et vous
avez convoqué une assemblée pour lui décerner cette
récompense. De quel front l'avez -vous fait, lorsque
vous aperceviez dans l'assemblée ceux même aux dé-
pens desquels cet anneau d'or était donné , qui avaient
quitté leurs anneaux d'or ^® et les avaient ôtés à leurs
enfants , pour que votre greffier eût de quoi soutenir
le nouvel honneur que lui conférait son maître ? Maî^
comment avez- vous annoncé votre présent ? est-ce par
la formule antique de nos généraux ? Puisque vous
Vous ÊTES DISTINGUA DANS I.E COMBAT , A I.A GUERRE ,
DANS LES EXPLOITS MILITAIRES , exploitS dout il
n'a pas même été fait mention sous votre préture. Ou
bien : Puisque vous w'avez jamais manqué de me
SERVIR DANS MA CUPIDITE ET DANS MES DISSOLUTIONS,
ET QUE VOUS AVEZ PARTAGE VOUTES LES INFAMIES,
SOIT DE MA LIEUTENANTS, Softp DE MA PRETURE, A
ROME ET EN SiCILB ; APRÈS VOUS AVOIR ENRICHI , JE
VOUS GRATIFIE DE CET ANNEAU d'or. Voilà la procla-
mation qui aurait convenu , puisque Vanneau d'or dont
vous avez récompensé votre greffier n'annonce pas un
homme brave , mais un homme riche. Oui , ce même
anneau qui, donné par un autre, serait une preuve
de courage , donné par vous , ne prouve que la ri-
chesse.
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222 IN TERICEM ACT. n, LIB. III.
LXXXI. Dictum, judices, est de decumano
frumento ; dictum de emto : extremum et reli-
quum est, de sestimato. Quod ' quum magnitudine
pecunî», tum injuriœ génère quemvîs débet com-
movere; tum vero eo ma gis, quod ad hoc crimen
non ingeniosa aliqua defensio , sed improbissima
confessio comparatur. Nam quum ex senatuscon-
sulto et ex legibus frumentum ei in cellam sttmere
liceret; idque frumentum senatus ita «stimasset^
quaternis H-S tritici modium; binis, hordei : iste,
numéro ad summam tritici adjecto, tritici modios
singulos cum aratoribus denariis ternis aestimayit.
Non «st in hoc crimen , Hortensi ; ne forte ad hoc
meditere /multos saepe -viros bonos, et fortes, et
innocentes cum aratoribus et cum ciyitatibus fru-
mentum, in cellam quod sumi oporteret, aesti-
masse, etpecuniam pro frumento abstulisse. Scio,
quid soleat jQeri ; scio , quid liceat : nihil , quod
antea fuerat 'M consuetudine bonorum, nunc in
istius facto reprehenditur; Hocreprehendo, quod,
quum in Sicilia H-S ii tritici modius esset , ut is-
tius epistola ad te missa Tleclarat; summum H-S
ternis, id quod et testimoniis omnibus et tabulis
aratorum planum factum antea est : tum iste pro
tritici modiis singulis ternos ab aratoribus dena-
rios e^egit. Hoc crimen est; ut inteLligas,non ex
œstimatione, neque ex ternis denarib pendere cri-
men , sed ex coauctione annonse , atque aestima-
tionis.
LXXXII. Etenim hœc aestimatio nata est, judi-
' Al. tum magnitudine.
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SEC. ACTION CONTRE VERRÈIS, III. aaS
LXXXI. J^aî padé, Romains , da blé éUmi et da )>lé
acheté ; il me reste , et c'est la dernière^ partie de ce
discours, à parler da blé esàmé. Ce chef d'accusation
doit indigner tont le monde parla nature du vol comme
par la grandeur des sommes soustraites ; et cela d'au-
tant plus que , pour le détruire , on imagine , non une
défense ingénieuse, mais le pins impudent aveu. Un
sénatus-consulte et les lois permettaient au préteur de
prendre du blé pour la subsistance de safmaîson ; le
sénat avait estimé ce blé à quatre sesterces par bois-
seau de froment , et à deux sesterces par boisseau
d'orge : Yerrès, non content d'exiger plus de blé qu'il
ne lui en était du, força les cultivateurs à lui payer
douze sesterces par boisseau de froment. Ce n'est pas
de l'estimation «n général qu'on lui fait un crime ; ne
pensez pas , Hortensius , à nous répondre que plnsiears
hommes de bien , généreux et irréprochables, ont sou-
vent traité avec les cultivateur et i^ec les villes, ont
estimé ce qu'on leur devait pçur l'entretien de ;lear
maison , et ont pris de l'argent au lieu de blé. Je sais
ce qui est d'usage, je sais ce qui est permis : je ne blâme
rien dans la conduite de Yerrès qui ait été déjà pra-
tiqué par des citoyens vertueux. Ce que je blâme , Hor-
tensius , c'est que le blé en Sicile ne valant que deux
sesterces , comme l'annonce la lettre que Yerrès tous a
écrite , ou tout au plus trois sesterces, comme il a été
prouvé par toutes les dépositions et par les registres
des agriculteurs , "Verres ait exigé de ceux-ci douze ses-
terces par boisseau de blé. Toilà mon accusation : non^
le crime n'est pas d'avoir estimé le blé , ni même de
l'avoir estimé douze sesterces ^7, mais d'en avoir exigé
plus qu'il ne vous était dû , et d'en avoir alors porté
si haut le prix.
LXXXII. Ce qui dans le principe a fait naître la cou-
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224 IN TERREM ACT. U, LIB. HI.
ces, initio, non ex prsetorum aut consulum, sed
ex aratorum atque civitatum commodo. Nemo
enîm fuit inîtio tam impudens, qui, quum fru-
mentum deberetur, pecuniam posceret : certe hoc
ab aratore primum est profectum , aut ab ea ciyi -
tate , cui imperabatur : quum aut frumentum yen-
didisset, aut servare yellet, aut in eum locum,
qi^o imperabatur, portare noUet; petiyit in bene-
ficii loco, et gratiae, ut sibi pro frumento, quanti
frumentum esset , dare liceret. Ex hujusmodi prin-
cipio , atque ex liberalitate atque accommodatione
magistratuum, consuetudo aeslimationis introducta
est. Secuti sunt ayariores magistratus : qui tamen
in ayaritia sua non solam yiam quœstus inyene«
runt, yerum etiam exitum ac rationem defensio"
nis. Instituerunt semper ad ultima ac diffîcillima
' ad portandum loca frumentum imperare, ut, yec-
turœ difBcultate, ad quam yellent aestimationem
peryenirent. In hoc génère facîlior estexistimatio,
quam reprehensio ; ideo , quod euita , qui hoc fa-
city ayarum possumus existimare, crimen ih eo
constituere non tam facile possumus; quod yide-
tur concedendum magistratibus nostris esse, ut
iis, quo loco yelint, frumentum accipere ,liceat.
Itaque hoc est, quod multi fortasse fecerunt : * et
ita multi , ut ii ^ quos innocentissimos meminimus,
aut andiyimus, non fecerint.
LXXXIII. Quaero nunc a te, Hortensi, cum
utris tandem istius factum collaturus es ? cum iis,
credo , qui , benignitate adducti , per beneficium
' Al. habent, loca adportandum fr. irop. >~ ' Melius
sed , utjam 'vidit Martutius.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, IH. 2a5
tome de l'eatimatîon , ce n'est pas , Romains , Tavantage
desprétenrs on, des consuls, mais celui des agricul-
teurs et des villes. Il n'y a point en dans Torigine de
magistrat assez effronté pour demander de Targent an
lieu du blé qui lui était dû : cette coutume est certai-
nement venue de Tagriculteur ou de la ville qui de-
vait fournir le blé. Soit quMls eussent vendu leurs
grains , soit qu'ils voulussent les garder , ou ne les pas
transporter dans le lieu que Ton prescrivait , ils ont
demandé , comme une faveur et une grâce , de pouvoir
donner au lieu de blé la valeur en argent. Tel est , sans
doute , l'origine de l'estimation ; c'est l'envie d'obliger
et la condescendance de nos magistrats qui en ont in-
troduit l'usage. Sont venus depuis des magistrats avides,
mais dont l'avidité , en chercbant une voie pour s'en-
richir, s'est ménagé un moyen de défense. Us ordon-
naient qu'on transportât leur blé dans les lieux les plus
éloignés, et où le transport était le plus difficile/ afin
que la difficulté du charriage fit mettre l'estimation
qu'ils voudraient. Il est alors plus aisé de blâmer un
préteur que de l'accuser : nous pouvons trouver sa
cupidité répréhensible , mais nous ne pouvons aussi
fadlement établir une accusation contre lui, parce
qu'il doit être permis, ce semble , à nos magistrats de
recevoir leur blé où ils veulent. "Voilà peut-être ce
qu'ont fait beaucoup d'entre eux , mais non pas néan-
moins les plus intègres, que nous connaissons par
nous-mêmes ou par la tradition.
LXXXni. Je vous le demande â présent, Horten-
sins, à laquelle de ces deux sortes de magistrats com>
parerei-von»Ter rès et sa conduite ? "Vous le comparerez,
je n'en doute pas , à c^ux qui , par bonté , ont accordé
aux villes , comme une grâce, de donner de l'argent an
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426 m VERREM ACT. H, LIE. IH.
et gratiam civitatibus concessenint , ut nummos
pro frumento darent. Ita credo, petiisse ab isto
aratores, ut, quum H-S ternis tritici modium ven-
dere non possent , pro singulîs modiis temos de-
narios dare liceret. An , quoniam hoc non audes
dicere, illuc confugîes, vecturse djjïicultate ad-
ductos , ternos denarios dare maluîsse ? Cujus vec-
turae? quo ex loco, in quem locum ne portarent?
Philômelione Ephesum ? Video , quid inter aAno-
nam interesse soleat; video, quot dierum via sit; "
video Philomeliensibus expedire, quanti Ëphesi
sit frumentum, tantum dare potius in Phrygia,
quam Ephesum portarc , aut ad emendum frumen-
tum Ephesum pecuniam et legatos mittere. In Si-
cilia vero quid ejusmodi ? Enna mediterranea est
maxime : coge , ut ad aquam tibi , id quod summi
juris est, frumentum Ennenses metiantur : vel
Phintiam, vel Halesam, vel Catinam, loca inter
se maxime diversa , eodein die, quo jusseris, de-
portabunt. Tametsi ne vectura quidem opus est.
Nam totus quaestus hic , judices , sestiraationîs , ex
annonae natus est varietate. Hoc enim magistratus
in proviucia assequi potest, ut ibi accipiat, ubi
est carissimum. Ideo valet ista ratio aestimationis
in Asia ; valet in Hispanîa ; valet in bis provinciis ,
in quibus nnum pretium frumento esse non solet.
In Sicilia vero quid cujusquam intererat, quo loco
daret? neque enim portandum erat; et, quo quis-
que vehere jussus esset, ibi tantidem frumentum
emeret , quanti domi vendidisset. ' Quj^mobrem si
' Lamhmus edidit, Quamobrem si vis , Hortensi , do-
cere aliquid. Garaton. n}€ro aliquid delere rnalit.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, III. aa;
lien de blé. Oai , sans doate , les agriculteurs ont de-
mandé à Terres que , ne pouvant pas vendre le bois-
sean de blé trois sesterces , il lear fat permis d*en don-
ner donze pour chaque boisseau. Mais , co Ame vous
n'oserez pas dire cette absurdité , direz-vous qu'ils ont
mieux aimé donner douze sesterces à cause de la diffi-
culté du charriage? Et de quel charriage ? de quel lieu
et dans quel endroit fallait-îl transporterie blé? de Phi-
lomélinm ®* à Ephèse ? Je vois la différence qu'il y a
entre le prix du blé des deux villes ; je vois combien
il y a de jours de transport ; je vois , quel que soit le
prix du blé à Éphèse , qu'il est avantageux^ aux habi-
tants de Pbilomélium de donner plutôt en Phrygîe l'ar-
gent qu'on leur dentande , que de transporter leur blé
à Éphèse , ou d'y envoyer de l'argent et des commis-
sionnaires pour acheter du blé. Mais, dans la Sicile,
qu'y a-t-il de pareil ? Enna est la ville le pins au centre
des terres : obligez les habitants , ce qui est d'une ex-
trême rigueur , à vous mesurer votre blé sur les bords
de la mer , ou à Phintie , ou à Halèse , on à Catane ,
lieux les plus éloignés les uns des autres , ils vous le
porteront le même jdur que vous l'aurez demandé. Que
dis-je ? il n'est p^s même besoin de transport. En efiet ,
tout ce trafic de l'estimation est vena de la divecsité
des prix. Un magistrat peut exiger dans sa province
qu'on lui fournisse son blé dans l'endroit oà il est le
pins cher. Aussi cette pratique êe l'estimation est fort
en usa^e; dans l'Asie, dans l'Espagne, dans les pro-
vinces bù le prix du '^lé varie. Mais dans la Sicile ,
qu'est-ce que fetâtt à chacun le Uen où il fournirait le
blé.P II ne sét'4k'{tb» èbligé de l'y porter ; et dans l'en-
dfoit où û sfuralôordre d'en faire le transport , il achè-
terait do blé le 'même prix qu'il l'aurait vendu dans sa
viUe. Ainsi donc, Hortensius, voulez-vous montrer
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aaS m VERREM ACT. II, LIB. m.
quid, Hortensi, docére vis, aliqaid ab isto sîmile
in sestimatione , atque a ceteris, esse factnm; do-
oeas oportet , aliquo in loco Sicilisfr , prstore
Verre, ternis denariis tritici modium iiiisse.
LXXXI V. Vide , quam tibi defensionem pâte-
fecerim; quam iniquam in socios, quam remotam
ab utilitate reipublicae, quam sejiinctam a yolun-
tate atque sententia legis. Tu, quum tibi ego fru-
mentum in meis agris , atque in mea civitate , de-
nique quum in iis locis, in quibus es, Tersari^,
rem geris, provinçiam administras, paratus sim
dare; angulum mihi aliquem eligas pro'vinciœ re-
conditum ac derelictum ? jubeas ibi me metiri , quo
portare non expédiât? ubi emete non 'possim?
Improbum facinus, judices, non ferendum, ne-
mini lege concessum, sed fortassè adhuc in nulle
etiam yindicatum : tamen ego boc, quod ferri
nego posse, Verri, judices, concedo et largior.
Si ullo in loco ejus provinciœ frumentum tanti
fuit, quanti iste sestimavit, hoc crimen in istum
reum yalere oportere non arbitror' Veruni, enim-
vero quum esset H- S binîs, aut etiam ternis jqui-
busVis in locis pro-vinciœ, duçdenos sestertios es^-
egisti. Si mihi tecum neque de annpna , neque de
aestimatione tua pot^t esse controversia , quid se-
des? quid exspectas? quid défendes,? Utrum tibi
pecunisB ^ conciliât» videntur.adversum leges , ad-
versum rempublicam, cum maxingia sociorum in^
juria; an vero id recte; ordine,. e republica, sine
cujusquam injuria factum esse défendes? Quum
tibi senatus ex aerario pecuniam promsisset , et
' Possnm. — ' Lambin, addit coact».
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, III. 229
que Verres a suivi pour restimation Fexemple'des au-
tres magistrats , montrez qae , dans quelque endroit
de la Sicile, sOus la prétnre de Verres, le blé 8*est
vendu douze sesterces. .
LXXXIV: Voyez quel champ de défense je vous on*
vre; qnel moyen je vous fournis ; combien ce moyen
est injuste pour les alliés , contraire aux intérêts de la
république , peu conforme au vœu et à l'esprit de la
loi. Je suis prêt à vous fournir moti blé dans mes cam-
pagnes , dans ma ville , enfin dans les lieux où vous
êtes , ou vous séjournez , où vous administrez les af>
faires , on vous gouvernez votre province ; et vous me
choisirez un coin de la province caché et abandonné !
vous m^ordonnerez de mesurer le blé que je vous dois
dans un lien où il ne m'est pas commode d'en porter ,
où je ne puis en acheter ! Ce serait là une odieuse et
intolérable manœuvre, une conduite que n'autorisa
jamais la loi , mais que peut-être jusqu'à ce jour on
n'a punie dans personne : eh bien ! ce que je dis n'être
pas tolérable , je Faocorde , je le passe à Verres. Oui ,
si , dans quelque endroit de sa province , le blé s'est
vendu aussi cher qvAl l'a estimé, |e ne crois f)as qu'on
doive en faire un crime à un accusé tel que lui. M«is
non : lorsque , dans tous les endroits de votre pro-
vince , le blé se vendait deux ou trois sesterces , vous
en avez exigé douze. Si donc il ne peut y avoir de
contestation entre vous ^ moi , ni pour le prix du blé
ni pour votre estimation , pourquoi rester assis ? qn'at-
tendez-vous? par où peut-on vous défendre? Vous
parait-il que vous ayez exigé de l'argent contre les lois ,
contre la république , au gran^ préjudice des alliés ?
ou bien soutiendra-tsou que vous avez agi dans la règle,
sans violer la lof, sans léser la république, sans faire
tort à personne ? Le sénat ayant tiré de l'argent du
vrir. 20
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a3o IN TERREM ACT. II, LIB. lU.
singulos tibi denarios adnumerasset , quos tu pro
singulis modus aratoribus solyeres; quid facere
debuisû ? Si , quod L. Piso ille Fnigi , qui legem
de pecnniis repetuudis primus tulit; quum émis-
ses, quanti «sset, quod superaret pecuniae, retu-
lisses : si, ut ambitiosi bomines, aut benigni;
quum pluris senatus sestimasset , quam quanti esset
annona , ex senatus sestimatione , non ex annonœ
ratione, solvisses : sin , ut plerique faciuut, in quo
etiam erat aliquis quaestus, sed is honestus, atque
concessus; frumentum, quoniam yilius erat, ne
émisses; sumsisses id nummorum , quod tibi sena-
tus, cellsD nomine, concesserat.
LXXX V. Hoc vero quid est ? quam habet ra-
tionem, non quaero aequitatis, sed ipsius impro-
bitatis atque impudentise? Neque enim est fere
quidquam , quod horaines palam facere audeant
in magistratu , quamvis improbi, quin ejus facti,
si non bonam, at aliquam riltionem afferre soleant.
Hoc quid est? Venit prastor : Frumentum, in-
quit, me abs te emere oportet. Optime. Modium
denario. Bénigne, ac liberalitep : nam ego tribus
H-S non possum vendere. Mihi frumento non
opus est : nummt)S yolo. Nam speraveram , inquit
arator, me ad denarios perventurum; sed, si ita
necesse est , quanti frunpentum sit , considéra. Vi-
deo esse binis H-S. Quid ergo a me tibi nummo-
rum dari potest, quum senatus tibi quatemos H-S
dederit? Quid iposcat, attendite; et vos , quaeso ,
$imul , judices , aequîtatem pr«toris«attendire. Qua-
' Fictor., ManiU.» poscit.
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5EC. ACTION CONTRE TEKRÈS, HI. a3r
trésor, et vous ayant compté quatre sesterces pour les
donner anx agricnltears par chaque boisseau, que
deviez- vous faire ? Suivre Texemple de Pison , ce magis-
trat si intègre, ce premier auteur d'une loi contre la
concu^ion , et, après avoir acheté le blé ce qu'il valait ,
rapporter au trésor ce qui serait resté d'argent; ou
chercher , comme quelques uns , à gagner les bonnes
grâces des alliés, à leur «faire du bien, et les payer
d'après l'estimation du sénat qui était au-dessus du
prix courant, et non d'après la valeur du blé; ou
enfin, imiter ce qu'ont fait la plupart, et ce qui
n'était pas même sans quelque profit honnête et légi-
time , ne pas j|cheter de blé , puisqu'il était à bas prix ,
et garder l'argent que vous avait remis le sénat pour
les provisions de votre maison.
LXXXV. Mais vous, qu'avez-vous fait? comment
expliquer votre conduite, je ne dis pas d'après les
règles de la justice, je dis même d'après les principes
ordinaires de la perversité la plus impudente? Quel-
ques excès que commette ouvertement un magistrat,
même pervers, il se ménage toujours une réponse, un
prétexte , s'il n'a point réellement d'excuse. Ici , com-
ment le préteur procède-t-U avec le cultivateur? Il va
le trouver : Il faut , dît-il, que je vous achète du blé.
•— Fort bien. ^ J'ai quatre sesterces par boisseau.
— "Vous me traitez avec bonté et générosité , car je ne
puis le vendre tf ois sesterces. — Je n'ai pas besoin de
blé, je veux de l'argent. — Je m'attendais , en effet ,
qu'il faudrait payer en argent ; mais , puisqu'il le faut,
considérez quel est le prix du blé. — Oui , je sais qu'il
se vend deux sesterces, — Que pnis-je donc vous don-
ner d'argent, lorsque le sénat vous en a remis quatre ?
Écoutez, Romains, ce que Verres demande; et en
même temps remarquez, je vous prie, l'équité du
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a5a IN TBRREM ACT. II, LIB. III.
ternos H-S, quos mihi senatus decrevit, et ex
serario dédit , ego habebo , et in cistam transferam
ex fisco. Qnid postea ? Quid ? pro singulis modiis,
qiios tibi impero , tu mihi octonos H-S dato. Qua
ratione ? Qnid quaeris rationem ? non tantàm ratio-
nem res habet, quantam utilitatem atque prœdaxn.
pic, die y inquit ille, planîus. Senatus te yoluit
mihi nummos dare; me tibi frumentum metiri. Tu
eosnummos, quo#mihi senatus dari Toluit, ipse
habebis; a me, cui singulos denarios dari opor-
tuit, binos aufers? et huie prsedœ ac direptioni,
cellflB nomen imponis? ' Hsc deerat injuria, et
bsc calamitas aratoribus, te praetore, qua reliquis
fortunis omnibus eyerterentur : nam quid esse re-
liqui poterat c4, qui per hanc injurîam non modo
frumentum omne amittere , sed etiam omne in-
strumentum yendere cogeretur ? Quo enim se ver-
teret, non habebat. Ex quo fruetu nummos, quos
tibi daret, inveniret? Decumanim nomine tantum
erat ablatum , quantum yoluntas tulerat Apronii ;
pro alteris decumis, emtoque frumento, aut nihil
datum, aut tantum datum, quantum reliqui scriba
fecerat, aut ultro etiam, id quod didicistis, abla-
tum. Cogantur etiam nummi ab aratore? quo-
modo ? quo jure ? quo exemplo ?
LXXXVI. Nam, quum fructus diripiebantur
aratorum, atque omni lacerabantur injuria; vide-
l>atur id perdere arator, quod aratro ipse quaesis-
set, in quo elaborasset, quod agri segetesque ex-
' Cod. Tfann.y Hoc deerat injuria».
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, lU. 233
pirétear. Je garderai les qaatre sesterces que le sénat
m'a fait donner sur le trésor, et je les transporterai de
la caisse dans mon coffre. — Et après celst? — A.près
cela ? Donnez-moi huit sesterces pour chaque boisseau
que j'exige de vous. — Y a-t-il de la raison ? — Que
me parlez-vous de raison? Ce n'est pas la raison que
je cherclie , mais mou profit et mon intérêt. — Par-
lez, parlez sérieusement, dit le cnltÎTateur. Le sénat
veut que vop» me donniez de l'ailfent, et que je vous
mesure du blé. Et vous, vous garderez l'argent que le
sénat vous a remis pour moi, et vous me prencbez
huit sesterces lorsque vous deviez m'en donner qua-
tre ! ce pillage et <5ette rapine , vous l'appellerez pro-
vision de votre maison ! n ne manquait plus, Verres,
aux infortunés laboureurs , sous votre préture , que
cette vexation et cette calamité pour»consommer leur
raine. En effet , que pouvait-il rester à un malheureux,
qui parla se voyait réduit à perdre tout son grain,
et même à vendre tous ses instruments de labourage ?
Quel secours.^ quelle espérance? Sur quelle récolte
pouvait- il trouver de l'argent pour vous en donner ?
Sous prétexte de dîmes, on lui avait enlevé tout ce
qu'avait demandé Apronius ; pour une seconde dîme
qu'il se trouvait obligé de vendre , on ne lui avait rien
donné absolument , ou on ne lui avait donné que les
restes du greffier ; on lui avait même , comme je l'ai
fait voir, enlevé de son bien sans aucun prétexte. Et
l'on exigera encore de l'argent de cet infortuné ! Com-
ment? de quel droit? d'après quel usage ?
LXXX'VI. Lorsque les récoltes des agriculteurs
étûent pillées , anéanties par mille vexations , le culti-
vateur d'un champ ne semblait perdre que ce qu'il
avait gagné par sa charrue , le fruit de son labeur, le
produit de ses terres et de ses moissons. Il lui restait
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7.34 IN TERREM ACT. Il, LIB. III.
tulissent. Quibus injuriis gravissimis tamon illud
erat misenim solatium, quod id perdere yideba-
tur, quod alio praetore, eodem ex agro rcparare
posset. Nummos vcro ut ' det arator, * quos non
aratro ac manu quserit, boves, et aratrum ipsum,
et omne instrumentum vendat , necesse est. Non
enim debetis hoc cogitare : habet idem in num-
mis; habet idem ip urbanis prsdiis. Nam qnum
aratori onus aliquod imponitur, 'non hominisy
si qus sunt prseterea, facultates, sed arationis ip-
sius vis ac ratio consideranda est, quid ea susti-
nere, quid pati, quid e£Qcere possit ac debeat.
Quanquam illi quoque sunt homines ab isto omni
ratione exinaniti ac perditi; tamen hoc yobisest
statuendum, quid aratorem ipsum arationis no-
mine muneris in republica fungi ac sustinere ve-
]itis. Imponîtis decumas : patiuntur ; altéras : tem-
poribus yestris serviendum putant; dent emtum
prsterea : dabunt, si voletis. Haec quam sint gra-
via , et quid , his rébus detractis , possit ad domi-
nos puri ac relîqui pervenire, credo vos ex vestris
rébus rusticîs conjectura assequi posse. Addite
nunc eodem istius edicta^instituta, injurias; ad-
dite Apronii Veneriorumque servorum in agro de-
cumano régna ac rapinas. Quanquam hœc omitto :
de cella loquor. Placetne vobis, in cellam magis-
tratibus nostris frumentum Siculos gratis dare?
Quid hoc indignius? quid iniquius ? Atqui hoc sci-
' Daret. — ^ Cod. Tfann., quos non exarat. Audacius.
— ^ Sic, teste Camerario, edilio Feneta, et eodem ductuit
regii codices , in quibus sciilitur , non homines. Ernest,
cum niulgat., non omnes. ^
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SEa ACTION CONTRE VERRES, III. 235
diT moins dans son malheur cette tiiste consolation ,
que les pertes quMl faisait , le même champ , sons nn
antre prêteur, lui fournirait de quoi les réparer. Mais
pour qu'il donne un argent que ne lui procurent point
ses bras et sa charrue , il faut qu'il vende ses bœufs ,
sa charrue même et tous ses instruments de labourage.
En effet, juges, vous ne devez pas vous dire : Il a de
Fargent dans ses coffres , il a des maisons. Lorsqu'on
impose une charge au cultivateur d'une terre , on ne
doit pas considérer les facultés qu'il peut avoir d'ail-
leurs , mais le produit naturel de la culture , mais les
charges que cette terre peut et doit supporter. Quoi-
que les plus riches agriculteurs * aient été épuisés de
toutes les manières et minés par Yerrès , vous devez
néanmoins régler les charges que le cultivateur, par
lui-même , doit porter et acquitter dans la république
pour les terres qu'il laboure. Yous leur imposez une
dîme , ils le souffrent ; une seconde dime , ils croient^
devoir subvenir à vos besoi^ ; vous exigez de plus
qu'ils vendent des grains à l'état ®9; ils les vendront,
4 vous le voulez. L'administration de vos biens de
campagne sufBt, je pense, pour vous faire juger com-
bien ces charges sont onéreuses , et ce qui peut revenir
net aux propriétaires lorsque tout est acquitté. Ajou-
te«-y maintenant les ordonnances de "Verres , ses rè-
glements, ses vexations sans nombre; ajoutez-y la
tyrannie et les rapines d'Apronius et des esclaves de
Ténus dans les terres sujettes aux dîmes. Mais je laisse
ces exactions iniques , je ne parle que des provisions
de la maison. Youlez-vous que les Siciliens fournissent
gratuitement le blé pour la maison de nos magistrats ?
Quoi de plus odieux, de plus tyrannique? Eh bien!
* Ceux même qui ont d'autres revenus , d'autres pro-
priétés , gui habent in nummis, in prcediis.
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236 m VERREM ACT. II, LIB. III,
tote, aratoribus, hoc praetore, optandum ac pe-
tendum fuisse.
LXXXVII. ' Sositenns est Entellinus, homo
cum primis prudens , et domi nobilis : eu jus verba
andistis; qui ad hoc judicium legatus puhlice cum
Artemone et Menisco, prîmàriis yiris, missus est.
Is quum in senatu Eutellino multa mecum de îs-
tius injuriis ageret, hoc dixît : si hoc de cella at»
que hac œstimatione concederetur, Telle Siculos
senatui poUiceri frumentnm- in cellam gratis, ne
posthac tantas pecunias magistratibus nostris de-
cerneremus. Perspicere vos certo scio , Siculis
quantopere hoc expédiât, non ad sequitatem con-
ditionis, sed ad minima malorum eligenda. Nam,
qui ' mille modium Verri su» partis in cellam gra-
tis dedisset, duo millia nummum, aut summum
tria dedisset : idem nunc pro eodem numéro fru-
menti H-S yiii millia dare coactus est. Hoc arator
assequi per triennium, ^certe fructu suo, non
potuit : yendiderit instrumentum , necesse est*
Quod si hoc munus et hoc yectigal aratio tolerare,
hoc est, Sicilia ferre ac pati potest; populo ro-
mano ferat potius, quam nostris magistratibus.
Magna est pecunia ; magnum praeclarumque vec-
tigal. Si modo id salva provincia , si sine injuria
sociorum percipere possitis; nihil detraho; magis-
tratibus tantumdem detur in cellam, quantum
' Lambinus scripsit Sositheiu. — ' PiUat Grœvius id
latine dici non passe , et conj. mille modios. Sed Uvius,
TU, 16^ dieu etiam mille jagenui, et XXIII, 44 >
mille passmim. — ^ Edd. ^ett., certo fructu suo; quod
Desjardins prohavit. Sed plures mss. re/ra^antur.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, III. 23;
sachez qae les agricoltears l'aoraient désiré , raaraîent
demandé 8oa& la prétnre de 'Verres.
LXXXVII. Sositène , de la ville d'EnteUa, en est nn
des citoyens les pins nobles et les jins sages. Vons avez
entebdn sa déposition : ses compatriotes l'ont dépoté
pour cette canse avec Artéiîion et Ménisque, deux
des premiers de leur ville. Sositène, dans le sénat
d'Eatella , se plaignant à moi des vexations de Verres ,
me dit qne , si Ton faisait grâce aux Siciliens dea pro-
visions de la maison et de Festimation arbitraire , ils
promettaient au sénat de fournir gratuitement de blé
la maison des préteurs , pour que nos magistrats , à
Tavenir, ne se crussent pas autorisés par nous à extor-
quer de pareilles sommes. On voit , j'en suis sur, com-
bien cet arrangement serait avantageux aux Siciliens;
ce n'est pas qu'il «oit équitable , mais , entre les maux,
ils choisissent le moindre. En effet , celui qui aurait
fourni pour sa part la maison de Verres de mille bois-
seaux de blé, aurait donné deux mille sesterces, on
tout au plus trois mille ; au lieu que , pour la même
quantité de blé, il a été forcé de donner huit mille
sesterces. Le laboureur, pendant trois années , n'a pu
suffire à cette exaction avec sa récolte ordinaire; il a
fàUa qu'il vendît ses instruments de labourage. Si
l'agriculture , si la Sicile peut souffrir cette imposition,
qu'elle la souffre pour le peuple romain , plutôt que
pour nos magistrats. La somme est considérable; c'est
nn excellent revenir Si vons pouvez le recueillir sans
ruiner la province , sans écraser les alliés , à la bonne
heure , recueillez-le ; qu'on donne à nos magistrats ,
pour leurs provisions , ce qu'on leur a toujours donné.
Si les Siciliens ne peuvent suffire aux impôts de
Verres, qu'ils s'y refusent; s'ils le peuvent, qne ce
soit plutôt un revenu de la république qu'un butin
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a38 IN TERREM ACT. II, UB. HI.
semper datum est. 'Qood prœterea Verres împe*
rat, id, si facere dod possunt, récusent; si pos-
sunt, populi romani potius hoc sit yectigal, quant
prsda prœtoris. Deinde cur in uno génère solo
frumenti sestimatio constituitur? Si est sequa et fe-
renda : débet populo rbmano Sicilia decumas ; det
pro singulis tritici modiis ' ternos denarios ; sibi
habeat frumentum. Data tibi pecunia est , Verres :
una ,• qua frumentum tibi emeres in cellam ; altéra ,
qua frumentum emeres a civitatibus, quod Romam.
mitteres : tibi datam pecuniam domi rétines, et
prœterea pecuniam permagnam tuo nomine aufers.
Fac idem in eo frumento , quod ad populum ro-
manum pertinet ; exige eadem aestimatione pecu-
niam a civitatibus, et refer, quam accepisti : tum
refertius erit ararium populi romani, quam un-
quam fuit. At enim istam rem in publico frumento
Sicilia non ferret : banc rem in meo frumento tu-
lit. ' Proinde quasi aut squior sit îsta sestimatio in
tuo , quam in populi romani commodo ; aut ea res,
quam ego dico , et ea , quam tu fecisti , inter se
génère injuriae,non magnitudinepecuniae différât.
Verum istam ipsam cellam ferre nullo modo pos-
sunt : ut omnia remîttantur , ut omnibus injurils et
calamitatibus, quas te praetore tulerunt, in poste-
rum liberentur ; istam se cellam atque istam acsti-
mationem ^ negant uUo modo terre posse.
LXXXVIII. Multa Sopbocles Agrigentinus
apud Gn. Pompeium consulem nuper , homo di-
' Cod. Nann. et FaBr. , item éd. Grœvu, ternos X,
scilicet nota denarii. — " Lallem,, ut multi alii, Perinde.
-— ^ Negant se a. m. £m. secutus est Manutium.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, m. a3g
dtt prêteur. Mais pourquoi cette estimation u'est-eUe
établie que pour un genre de blé ? Si die est juste et
.supportable , la Sicile doit au peuple romain ' des
dîmes f qu^elle lui donne douze sesterces par boisseau ,
qu^elle gardis son blé. On vous a remis , Terrés , deux
sommes d'argent, destinées , Tune , à acheter dtt blé
pour votre maison; Fautre, à en acheter aux villes
pour renvoyer à Rome : vous gardez chez vous Far-
gent qui vous a été donné , et , outre cela , de votre
chef, vous enlevez aux Siciliens des sommes immenses,
faites la même chose pour le blé qui appartient au
peuple romain; servez-vous de la même estimation
pour faire payer de l'argent aux villes , et reportez
à Rome ce que vous avez reçu de Rome ; alors , sans
doute, le trésor du peuple romain sera plus riche qu'il
ne le fut jamais. Mais, direz- vous, la Sicile ne sup-
porterait pas cet arrangement pour le blé de l'état :
elle l'a supporté pour le mien. Comme si votre esti-
mation était plus juste pour votre avantage que pour
celui de la l'époblique , ou comme si mon arrange-
ment et le vôtre, qui diffèrent pour la comme, diffé-
raient pour l'injustice ! Dites plutôt que les SiciBens
ne peuvent nullement supporter votre estimation :
dut-on leur remettre tout le reste , dût-on les garantir
à jamais de tout le mal que leur a fait votre préture ,
ils ne peuvent , disent-ils , soutenir en aucune manière
cette odieuse exaction.
LXXXVIII. Sophocle, d'Agrigente, homme fort
éloquent, rempli de science et de vertu, parla derniè-
rement devant le consul Pompée *, au nom de toute la
Sicile , sur les infortunes des laboureurs , qu'il déplora.
* Cn. Pompée , consul en 683 avec M. Licinius Crassus.
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240 IN TERKEM ACT. H, UB. UI.
sertissimui, et omui doctrina et virtute omatîssi-
nKis, pro tota Sicilia de aratorum miseriis graviter
ac copiosd dixisse ac déplorasse dicitur. Ex quibus
hoc, lis, qui aderant (nam magno conyentu acta
res est), iqidignissimuiii videbatur : qua in re se-
natus optime ac begnissime cum aratoribus egîs-
set, latge liberaliterque asstimasset, in ea re prs-
dari praetorem, bonis everti aratores; et id non
modo iieri, sed ita fieri, quasi liceat, 'conces^*
samque sit.
Quid ad hœc Hortensius ? Falsum esse crimen ?
Koc nunquam dicet. Non luagnam hac ratione
pecuniam captam? Ne id quidem ' dicet. Non iu-
juriam factam Siculis atqué aratoribus ? Qui pote-
rit dicere? Quid igitur dicet? Fecisse alios. Quid
est hoc ? utruni crimini defensio , an comitatus ex-
silio quœritur? Tu in hac republica, ' atque in hac
hominum libidine , et ( ut adhuc habuit se status
judiciorum) etiam licentia, son ex jure^ non ex
squitate, non ex lege , non ex eo , quod oportue-
rit , non ex eo , quod licuerit , sed ex eo , quod
aliquis feccrit , id , quod reprehenditur , recte fac-
tum esse défendes ? Fecerunt alii alia quam multa :
cnr in hoc uno crimine isto génère defensionis
uteris ? Sunt qusedam omnino in te singularia, quse
in nullum alium hominem dici^ neque conyemre
possint : qusedam tibi cum multis commmunia.
£rgo , ut omittanî tnos peculatus , ut ob'jus di-
cundum pecunias acceptas, uf ejusmodi cetera ,
quœ forsitan alii quoque etiam fecerint : iUud , i]t
' Sic Lalfem., Beck. Al. post Grnt., dicit. — '^/. au.
Maie.
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SEC. ACTION CONTRB VERKÈS, m. 241
dlt'On, d^aoe manière Vîtc et tondbante. Ce qui ireTot-
mit le pins les assistants ( et rassemblée était nom-
breuse ) , c'est qu'un arrangement que la bonté et la
générosité du sénat avaient fiût tout à davantage des
cultivateurs , en décrétant une estimation aussi favo<
rable à leurs intérêts , eèt été , pour un préteur , i^ne
occasion de les piller et de les ruiner , et qu'il se fut
même porté à cette rapine , comme si elle lui avait été
expressément permise.
Que répondra Hortensius ? Que l'imputation est
fausse ? Il ne le dira jamais. Que , par ce moyeu , Verres
n'a pas tiré de grandes sommes d'argent? Non, il ne
le dira point. Que ce n'est pas une vexation exercée
sur les Siciliens et sur les agi'icnlteurs ? Comment le
pourra-t-il dire ? Que dira-t-il donc ? que d'antres ont
fait de même. Comment ! est-ce là détruire l'imputa-
tion d'un délit, on chercher pour l'accusé des com-
pagnons d'exil? Quoi ! dans cette république, au mi-
lieu des excès qtii régnent partout , et même , grâce à
la faiblesse des juges,. au milieu de la licence univer-
sdfte , vous défendrez une action qu'on attaque , voua
la* défendrez , son par le droit , non par la justice ,
non par la loi, non parce qu'on devait, non parce
qu'on pouvait la faire , mais parce qu'un a^tre l'a faite !
D'autres magistrats ont mérité bien d'antres repro-
ches : pourquoi donc emploie-t>on une telle défense
dans ce seul délit ? Verres , vous avez commis des cri-
mes qui vous sont entièrement propres, qui ne peu*
vent convenir qu'à vous , qui ne peuvent êtie imputés
à nul autre homme ; il en est qui vous sont'commnns
avec d'autres. Sans parler de vos péculats, de l'ar-
gent qu'on a été forcé de vous payer pour obtenir
justice, -et de plusieurs iniquités pareilles, que d'au-
vue. 21
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a4a IN TERREM ACT. H, LIB. III.
quo te gravissime accasavi , quod ob judicandam
rem pecuniam accepisses , eadem ista ratione dé-
fendes, fecisse alios? Ut ego assentiar orationî,
defensîonem tamen non probabo. Potius enîm, te
damnato, ceterîs angustior locus împrobitatis de-
fendendac ' relinquatur, quam, te absoluto, aliî,
quod audacissime fecerunt, recte fecisse existi-
mentur.
LXXXIX. Lugent omnes proyinciae; querun-
tur omnes liberi populi ; régna denique jam omnia
de nostris cupiditatibus et injuriis expostulant :
locus intra Oceanum jam nullus est, neque tam
longinquus, neque tam reconditus, quo non, per
bsBC tempora , nostrorum hominum libido iniqui-
tasque pervaserit. Sustinere jam populus romanus
omnium nationum non vim, non arma, non bel-
lum, sed luctum, lacrymas, querîmonias non po-
test. In ejusmodi re ac moribus, si is, qui erit
adductus in judicium, quum manifestis in âagitiis
tenebitur, alios eadem fecisse dicet : illi exempla
non deeruDt; reipublicss salus deerit, si improbo-
rum exemplis improbi judicio ac perîculo libera-
buntur. Placent vobis hominum mores ? placet ita
geri magistratus, ut geruntur? placet socios sic
tractari, quod restât, ut per haec tempora tracta -
tos yidetis ? Cur hsBC a me opéra consumitur ? quid
sedetis? cur non in média oratione mea consur-
gitis atque disceditis? Vultis autemistorum auda-
cias oc libidines aliqua ex parte resecare ? Desinite
dubitare, utrum sit utilius , propter multos impro-
' Reiinquetur.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, HI. 243
très se sont anssî permises , défendres-yoas , par le
• même moyen, le délit que je vous ai reproché avec
tant de force , d^avoir vendu d'injustes arrêts ? direz-
yous que d'autres ont fait de même ? Quand j'en con-
viendrais avec vous, je ne recevrais pas néanmoins
votre défense ; car il vaut mieux, en vous condamnant,
ôter à vos pareils les moyens de défendre leurs actions
perverses , que de paraître , en vous absolvant , justi-
fier les coupables excès qui les ont déshonorés.
LXXXIX. Toutes les provinces gémissent , tous les
peuples libres se plaignent , enfin tous les royaumes
crient contre nos vexations et nos violences : il n'est
plus, jusqu'à rOcéan, aucun lieu si reculé et si caché ,
où niaient pénétré , de nos jours , l'iniquité et la tyran-
nie de nos concitoyens. Le peuple romain ne peut
plus soutenir, non la force, non les armes, non les
révoltes , mais les gémissements , mais les larmes , mais
les plaintes de tontes les nations. Dans de telles cir-
constances et dans de pareUles mœurs , si un accusé ,
convaincu des plus honteuses malversations , vient dire
que d'autres ont fait de même, il trouvera assez d'exem-
ples ; mais la république aussi trouvera sa ruine et sa
fin, si les méchants s'appuient de l'exemple des mé-
chants pour échapper à la sévéfité des lois. Les mœurs
présentes vous plaisent - elles ? vous plait-îl qu'on
exerce les magistratures coin|flie on les exerce ? vous
plait-il que les alliés soient tesités éternellement comme
vous les voyez traités aujoitïd'hui ? Pourquoi ces vains
discours ? pourquoi vous fia^^er à m'entendre ? pour-
quoi ne pas vous lever «I vous retirer au milieu de
cette accusation ? Mais voulez- vous réprimer an moins
en partie l'audace et la tyrannie des oppresseurs des
peuples ? Cessez de douter s'il est plus utile d'épargn^
un seul coupable , parce qu'il en est une foule d'au-
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244 IN VEKKEM AC£, II, LIB. m.
bos uni parcere , an unius improbi suppHcîo mul-
torom imprôbitatem coercere. Tametsi quse ista
sunt exempla IÀoltor^m? nam quum in causa tanta,
quum in crimine maximo dici a defensore cœptum
est, factitatum esse aliquid; exspectant ii, qui au-
diunt , exempla ex vetere memoria et monumen-
tis ac.litteris, plenadignitatis, plena antiqujtatis.
Haec ' enim plurimum soient et auctoritatis habere
ad probandura, et jucunditatis ad audiendum.-
XC. Africanos mibi , et Catones, et Lœlios com-
memorabls? et eos fecisse idem dices? quamvis
res mibi non placeat, tamen contra bominum auc-
toritatem pugnare non potero. An , quum eoi non .
* poteris , profères bos récentes , Q. Catulum pa-
trem, C. Marium, Q. Scaevolam, M. Scaurum,
Q. Meiellum? qui omnes proyincias babuerunf,
et frumentum cellœ nomine imperaverunt. Magna
est bominum auctoritas , et tanta , ut etiam delicti
suspicionem tegere possit. Non babes, ne ex bis
quidem bominibus, qui nuper fuerunt, uUum auc-
torem istius xstimationis. Quo me igitur, autad
qnse exempla revocas ? Âb illis bominibus , qui tum
yersati sunt in republvca, quum et optimi mores
erant, et bominum existimatio gravis babebatia*,
etjudicia severa iîebani^|id banc bominum licen-*
tiam et libidinem me a%k|ucis? et in quos aHquid
ex empli populus roman us statui putat oportere^
' Aherat enim. E cod. Nanniano Crœv. récupérant.
Post deleverat Laihm, y n/olentibus codd. suis. Cum Er-
nestio restùuimus. — * Al. , poteris proferre , profères.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, III. a45
très, on d^arrétet le débordement des crime$ par le
supplice d'an senl criminel. Mais enfin , qnelle est cette
mnltitnde d'exemples dont on s'appnie ? car on défen<
senr qni , dans une cause aussi importante , dans une
accusation aussi grave, prétend qu'une chose s'est faite
souvent , semble annoncer des exemples pris dans des
temps reculés , dans les anciennes annales , des exem-
ples respectables par la dignité des personnes et l'an-
tiquité des témoignages. Voilà les faits qui donnent
le plus d'intérêt au discours , et aux preuves le plus
d'autorité.
XC. Nous citerez-vous , Hortensius , les Scipion , les
Caton , les Lélius ? direz-vous qu'ils ont fait comme
Verres ? Je suis loin d'approuver sa conduite , je ne
pourrais néanmoîps combattre l'exemple de ces grands
hommes. Faute de pouvoir trouver rien qui vous con-
vienne dans leur histoire , nommerez-vous des magis-
trats plus modernes , Q. Catulus le père , C. Marias ,
Q. Scévola , M. Scaurus , Q. Métellus , qui tous «nt
gouverné des provinces , et exigé du blé pour la pro-
vision de leur maison ? Le nom de ces hommes est im-
posant, et si imposant , qu'il semblerait même pouvoir
couvrir une action suspecte. Mais aucun de ces ma-
gistrats, qui ont vécu peu de temps avant nous, ne
vous fournira d'exemple pour appuyer cette odieuse
estimation. A quel temps , à quels exemples voulez -
vous donc me rappeler ? De ces époques heureuses où
d'irréprochables citoyens ont gouverné la république ,
lorsque les mœurs étaient excellentes , qu'on respec-
tait l'opinion , et que la justice se rendait avec sévérité ,
me transportez-vous à la licence et aux excès de nos
contemporains? vous défendez-vous par l'exemple de
ces hommes dont le peuple romain voudrait qu'on
fit un exemple ? Je no récpse pas même nos mœurs
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a4r> IN VERREM ACT. U, LIB. III.
ab iis tu .defensionis exempla quaeris? Non fagio
ne hos. quidem mores, dummodo ex his ea , quae
probat po'pulus romanos^-exempla , non ea, qu»
condemnat, sequamur. Non tircumspiciam , non
quaerara foris, quum babeas judices, principes civi-
tatis , P. ServiKum , Q. Catulum : qui tanta auctori-
tate suut, tantîs rébus gestis, ut inillo antiqnorum
et clarissimorum bominum, de quibus antea dixi,
numéro reponantur. Exempla quaerimus , et ea
non antiqua : modo uterque borum exercitum ba»
buit. Quœre, Hortensi , quoniam te recentia exem-
pla délectant, quid fecerint. Itane vero? Q. Ca-
tulus frumento est usus, pecuniam non coegît;
P. Servilius quinquennium exerdtui quum praees-
set , et ista ratione innumerabllen^ecuniam facere
posset, non statuit sibi quidquam licere, quod
non patrem suum, non avum Q. Metellum fàcere
vidisset : C. Verres reperietur, qui, quod expé-
diât, id licere dicat? quod nemo, nisi improbus,
fecerit, id aliorum exemplo se fecisse defendat? s
XGI. At in Sicilia^ factitatum est. Quae est ista
conditio Siciliœ? cur, qua» optimo jure, propter
vetustatem , fidelitatem , propinquitatem esse dé-
bet, buic ' prsecipua lex injuriae definitur? Sed in
. ista ipsa Sicilia , non quaeram exemplum foris : boc
ipso ex consilio utar exemplis. C. Marcelle , te ap-
pello. Siciliœ proyinciœ, quum esses pro consule,
praBfuisti. Num quœ in tuo imperio pecunise, celles
nomine, coactse sunt ? Neque ego boc in tua laude
pono : alia sunt tua facta, atque consilia, sunrnia
laude digna; quibus illam tu proyinciam afflictam
* Hotom, malit praecipue.
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SEC. ACTION CONTRE TERJRÊS, m. 247
âctnelles , ponrvn qne nous y prenions les exemples
qn'appronve le peuple romain , et*non cenx qu'il rc-
' pronve. Je n'irai pas bien loin , je ne sortirai pas de
(« tribunal : parmi les juges , je vois les premiers hom-
mes de cet empire, P. Servilius, Q. Catnlns, qui,
par leurs exploits et leur gloire , se sont déjà placés
an rang de ces anciens et illustres personnages , que
j'ai d'abord nommés. Nous cherchons des exemples ,
et nous en cherchons qui soient de notre temps. Ils
Tiennent l'un et l'autre de commander une armée.
Les exemples récents vous plaisent ; demandez-leur ,
Hortensius , ce qu'ils ont fait. Comment ! Catnlns a pris'
du blé sans exiger d'argent; Servîlius qui, pendant
cinq ans , a commandé des troupes , et qui , par l'exac-
tion que vous voulez justifier , aurait pu amasser des
sommes immenses, Servilius n'a point cm pouvoir se
permettre ce qu'il n'avait v» faire, ni à son père , ni à
son 'aïeul Q. Métellus : et un C. "Verres viendra nous
dire que ce qui est utile est permis ; il se défendra par
l'exemple des autres d'avoir fait ce qui n'a pu être fait
qne par un méchant !
XCI. Mais cela s'est pratiqué souvent en Sicile.
Quelle est donc la destinée de la Sicile ! Quoi ! une pro-
vince à qui son ancienneté, sa fidélité, sa proximité
de Rome , devraient donner plus de privilège qu'aux
'antres, n'aurait d'autre distinction que d'être assu-
jettie à un règlement inique! Mais, pour la Sicile
même, je ne cheroJberaî pas d'exemples hors d'ici, j'en
prendrai encore dans ce tribunal. J'en appelle à vous,
C. Marcellus. "Vous avez gouverné la province de Sicile
en qualité de proconsul 9°. Sous votre gouvernement,
s'est-on servi, pour lever des sommes d'argent, dn
même prétexte que "Verres ? Je ne vous en fais point
un mérite : il existe de vous d'antres actions et d'an-
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248 IN VERKEM ACT. II, LIB. IIL
çt perditam erexisti atque recreasti. Nam hoc de
cella ne Lepidus ^idem fecerat, cui tu snccessisti.
Quae sunt tibi igitur 'exempta in Sicilia cell», si
hoc crimen non modo Marcelli facto , scd né
Lepidi qoidem potes defendere ? An me ad M. An-
tonii aestimationem frnmenti, exactionemque pe-
cuniae revocaturus es? Ita, inquit, ad M. ^ntonii :
hoc enim mihi significasse et annuisse yisus est.
£x omnibusne igitur populi romani praetoribus,
'consulibus, imperatoribus, M. Antoninçidele-
gisti , et ejus unum împrobissimum factum^ quod
imitarere ? Et hic utram mihi difficile est dicere ,
an his existimare, ita se in illo infinito imperio
M. Antonium gessisse, ut multo isti pemiciosius
sit dicere , se in re improbissima -voluisse Anto-
nium imitari, quam si ^efendere possit, nihil in
vita se M. Antonii simile fecisse? Homines in ju-
diciis ad crimen defendendum, non, quid fecerit
quispiam, proferre soient, sed quid probarit. An-
tonium , quum multa contra sociorum salutem ,
multa contra utilitatem proyinciarum et faceret
et cogitaret, in mediis ejus injuriis et cupiditati-
bus mors oppressit. Tu mihi, quasi ejus omnia
facta atque consilia senatus populusque romanus
[ judices ] comprobarint , ita M. Antonii exemplo
isti us audaciam défendis.
XCII. At idem feclt Sacerdos. Hominem inno-
centem et summa prudentia prœditnm nominas :
sed tum idem fecisse erit existimandiis , si eodem
' Proconsiilibus , ap. Gruter. , Qnev. , al. , e cod.
Nann.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, III. t^Q
n'es entreprises dignes des plos grands éloges y et q^i
ont relevé tont à coup cette province abattue et rai-
née 9'. Lépidns même, auquel vous avez succédé,
n'avait point abusé d« ce droit. De' quiels exemples en
Sicile vous appuyéz-vous donc , Hortensitis , si' vous
ne pouvçz justifier cette exaction par la conduite de
Marcellns, ni même par celle de Lépidns? Me citerez-
vous restimadon du blé faite par Marcus Antonius 9"*,
et ses exactions d'argent.^ Oui, dit Hortensias, je
vous cite Marcus Antonius ; car il me le fait entendre
par son air. Parmi tons les préteurs, proconsuls et
généraux. du peuple romain > avez-vous donc choisi ,
Terres, Marc«s Antonius? avez-vous choisi , pour le
copier, le trait de sa vie le plus criminel? M'ést-il
difficile de dire et aux jages de croire qu' Antonius, dans
son commandement illimité, s'est conduit de telle sorte,
qu'il est bien plus dangereux^poar l'accusé de dire qu'il
a venin le copier dans sa plus méchante action, que
s'il pouvait soutenir qu'il ne s'en est rapproché dans
aucune partie de sa vie ? Devant les juges , on dte com-
manément pour sa propre justification ,. non pas en
général ce qu'a fait un autre , mais ce qu'il a fait de
lâen. Antonius avait entrepris et médité beaucoup de
' choses contre le salut des alliés , contre l'utilité des
provinces ; la mort l'a enlevé au milieu de ses injustices
et de ses funeste» projets. Et vous, Hortensins, comme
si le sénat et le peuple romain eussent approuvé toutes
les opérations d'Antonius, vous aUéguez son exemple
pour justifier l'audace de Terres I
XCII. Mais Sacerdos a fait *de même. Tons citez là
un homme intègre , un homme d'une sagesse recon-
nue; Mais on doit croire qu'il a fait de même, s'il a
agi dans les mêmes intentions. Non, je n'ai jamais
blâmé l'estimation en elle-même : c'est d'après l'avan-
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a5o m VERREM ACT. H, LIB. HI.
consilio fecerit. Nam genus sstimationis ipsum a
me nunquam est reprehensum : sed ejus aeqnitas
aratonim commodo et yoluntate perpènditur. Non
potest reprehendi alla aestimado , quae aratori non
modo incommoda non est, sed etiam grata est.
Sacerdos, ut in provinciam venit , frumentum in
cellam imperayit. Quum esset, ante novum, tritici
modius denariis quinque ; petiverunt ab eo ciyi-
tates , ut aestimaret. Remissior aliquanto ejus fuit
«stimatio, qttam annonae : nam sestimayit dena-
riis III, Vides, 'eamdem aestimationem , propter
temporis dissimilitudinem, in illo laudîs causam
habere; in te, criminis : in illo, beneficii; in te,
injuriae ? £odem tempore Ântonius m denariis
aestimayit, post messem , summa in yilitate, quum
aratores frumentum dare gratis malebant. Et aie-
bat, se tantidem sstimasse, quanti Sacerdoteih ;
neque mentiebatur : sed eadem ista SBStimatione ,
alter subleyarat aratores, alter eyerterat. Quod
nisi omnis frumenti ratio ex temporibus esset et
annona , non ex numéro , neque ex summa , con-
sideranda ; nunquam tara grati hi sesquimodii ,
Q. Hortcnsi, fuissent, quos tu quum ad mensurse
tam exiguam rationem populo romano in capita
desçripsisses, gratissimum omnibus fecisti : cari-
tas' enim annonae facîebat , ut istuc, quod re par-
yum yidebatur , tempore magnum yideretur. Idem
istuc si in yilitate populo romano largiri yoluisses;
derisum tuum benefîcium esset, atque contemtura.
XCIII. Noli igitur dicere, istum idem fecisse,
quod Saoerdotem : quoniam ' non eodem tem-
' Non eo tempore.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, ÎU. a5i
tage et le désir des caltiyateurs qu'il faut fn peser U
justice. On ne peut blâmer une estimatign ^ui , loin
d'être désavantageuse, est même agréable au cultiva-
teur. Lorsque Sacerdos fut arrive dans sa province il
exigea du blé pour la provision de sa maison. Le bois-
seau de blé, avant la moisson , était à vingt sesterces ,
lorsque les villes le prièrent d'estimer son blé. Il porta
son estimation moins haut que le prix courant ; il ne
la porta qu'à douze sesterces. Vous le voyez , Verres
la même estimation , vu la difïerence des temps , doit
être louée dans Sacerdos , et blâmée dans voas : chez
lui c'était un bienfait , chez vous c'est une exaction. La
même année , Antonins estima son blé douze sesterces
après la moisson , lorsque le blé était au plus bas prix,
lorsque les agriculteurs auraient mieux aimé lui four-
nir son blé gratuitement. Il prétendait l'avoir estimé
autant que Sacerdos , et il ne mentait pas ; mais, par
la même estimation , l'un avait soulagé , l'autre avait
ruiné les laboureurs. Si le temps ne réglait pas l'esti-
mation du blé , s'il ne fallail;,pas en considérer la valeur
diaprés l'abondance ou la stérilité de la récolte , et non
d'après la quantité de boisseaux, vos distributions de
blé , Hortensius , ù'auraient jamais été si agréables au
peuple romain : vods n'aviez fait distribuer par tête
qu'un boisseau et demi ; et tout le monde reçut avec
un plaisir extrême votre largesse qui, modique en
elle-même, parut considérable à cause de la cherté
des grains. Si vous enssiçz voulu distribuer au peuple
la même quantité de blé lorsqutl était à bas prix on
se fat moqué de votre bienfait , on l'eût méprisé.
XCIUL Ne dites donc pa« : "Verres a fait la même
chose que Sacerdos. «Il ne l'a fait , ni dans le *même
temps, ni lorsque le blé était au même prix. Dites plu-
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252 IN VEKREM ACT. II, LIB. HI.
pore f neque ftimili fecit anaona. Dicito^potius ,
quoniam habes auctorem idoneum', quod Anto-
nius uno adventa , et vix menstruis cibariis fecerit,
id istum per triennium fecisse; et istius iimoceii-
tiam JVI. Antonii facto atqne auctorîtate defendito.
Nam de Sext. quidem Peducaeo , fortissimo atque
innocentissimo vilro , quid dicetîs ? de quo quis
unquam arator questus est ? aut quis non ad hoc
tQmpus inuocentissimam omnium diligentissimam-
que prsBluram illius hominis existimaTit? Bien-
nium provinciam obtinuit, quum alter annus in
yilitate , alter in summa caritate fuerit : num aut
in yilitate nummum arator quisquam dédit, aut
iiv»caritate de aestimatione frumenti questus est?
At uberiora cibaria facta. sunt caritate. Credo : ne-
que id est noTum , neque reprebendendum. Modo
C. Seotium vidimus, homiuem .yetere illa ac sin-
gulari innocentia prœditum , jipropter caritatem,
frumenti , qu» fuerat in Macedonia , permagnam
ex. cibariis pecuniam deportare. Quamobrem non
ego inyideo tuis ^mmodis , si qtta ad te lege ye-
nerunt : injuriam quejcor, impr^bitatem coarguo,
ayaritiam in crimen et in judijqium yoco.
Quod si suspiciones injicere voletis, ad plures
hpmines et ad plures provincias crimen hoc perti-
iiere ; non ego istam defensionem yestram perti'-
mescam , sed me omnium pioyinciarum defenso-
rem esse profîtebor. Etenim boc dico , et magna
voce dico : Ubicumque hoc factum est, improbe
factuntest; quicumque hoc fecit, suppllciodignus
est.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, HI. 255
tèt , puisque tous avez dans Antonius une autorité
suffisante : 'Verres a- faif pendant trois ans ce qn'An-
Conins n'a fait qn'à son arrivée, et à peine pour ]es
provisions d'un mois ; défendez Fintégrité de Verres
parla conduite et l'exemple d'Antonins. Quant à Sext.
Fédncéus *, homme d'une fermeté et d'une probité ra-
res, qu'en direz- vous? quel agriculteur s'est jamais
plaint de lui ? ou plutôt , qui est-ce qui ne l'a pas re-
gardé jusqu'à ce jour comme le plus e^ct et le plus
désintéressé des préteurs ? Il a gouverné deux ans la
province : dans l'une des deux années, le hlé était à
bas prix , dans l'autre il était fort cher. Lorsqu'il était
à bas prix , le cultivateur a-t-il donné un sesterce ?
s'esf-il plaint de l'estimation dans la cherté? Mais dans
la cherté, dira-t-on, ses provisions lui ont été d'un
plus grand rapport. Je le crois : ce n'est une chose ni
nouvelle, ni blâmable. Quel homme que C. Sentins !
quelle probité antique et peu commune ! Nous l'avons .
vn dernièrement tirer beaucoup d'argent de ses^ro-
visîons , à cause de la cherté des grains en Macédoine.
Ainsi, Verres, je ne vous envie pas les bénéfices que
vous avez pu retire» par des voies légitimes : je me
plains de vos exactions, je vous reproche vos ra-
pines, ^e condamne et je dénonce à la justice votre
cupidité. #
Voulez-vous faire soupçonner que ce cJaef d'accusa-
tion intéresse plus d'une province et tombe sur plus
d'un préteur, votre défense ne m'effraiera pas : je me
déclarerai le défenseur de tontes les provinces. Car je le
dis , et je le dis à haute voix : Partout on la même chose
s'est faite, elle s*est faite injustement; quiconque a
tenu la même conduite mérite d'être puni.
* Sous lequel Cicéron avait été qulkteur.
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254 IN TERKEM ACT. II, LIB. HI.
XCIV. Nam , per ^eos immortales ! yidéte ,
jadices, et prospicite aniihîs, qiiid futurum sit.
Multi magnas pectinias ab invitis cÎTitatibus atcpie
ab invitis aratoribus îsta ratîone , cellae nomine ,
coegerunt ( omnino ego neminem rideo , praeter
istum; sed do hoc yobis, et concedo, esse mal-
tos): in hoc horaine rem adductam in judicium
videtis : quid facere potestis ? Utrum , quum ju-
dices sitis de pecunîa capta, conciliata, tautam
pecuniam çaptam negligere ; an , quum lex socio-
rum causa rogata sit, socionim querimonias non
audire? Yerum hoc quoque yobis remitto; negli>
gite prseterita, si yultis: sed ne reliquas spestor-
betis, atque omnes provincias evertatis; idprovi-
dete, ne âyaritiss, quae antehac occultis itineribus
atque ' angustis uti solebat, auctoritate vestr^ yiam
patefaciatis iiïustrem atque latam. Nam si hoc pro-
batis-, et si hoc licere, pecunias isto nomine capi,
judicatis; certe hoc, quod adhui; nemo, nisi im-
probissimus, fecit, posthac nemo, nisî stultissi-
mus , non faciet. Improbi sunt, qui' pecunias con-
tra leges cogunt; stulti, <^i, quod licere judica«
tum est, prœtermittunt. Deinde, judices, videte,
qnam infinitam sitis hominibus licentiam pecunia-
rum eripiendarum daturi. Si ternos denarios qui
coegit, erit absolutus; quatemos, quinos, denos
denique , aut yicenos coget alius. Quœ erit repre-
hensio ? in quo primum injurise gradu resistere
incipiet severitas judicis ? quotas erit iste dena-
rius, qui non sit feirendus, et in quo primiim sesti-
mationis iniqni^s atque improbitasreprehendatur?
' Olim, angustiis.
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SEC. ACTION CONTRE ^RRÈS, III. a55^
XCIV. En effet, Romains, je vons le demande an
nom des dieux, considères et prévoyez l'avenir. Bean-
ooap'de magistrats, ainsi que Terrés, sous prétexte
des provisions de leur maison , ont exigé des villes et
des agriculteurs de grosses sommes d'argent (pour
moi , je n'en vois pas d'autres que Terres , mais je veux
bien convenir qu'il y en ait un grand nombre ) ; vous
voyez dans sa personne ce délit porté en justice : que
pouvez-vous faire ? Totis , établis juges des malversa-
tions , fermerez-vous les yeux sur une malversation si
révoltante ? La lei a été faite' pour les aUlés , refuserez -
vous d'entendre les plaintes des alliés ? ,Mais , j'y con-
sens, négligez le passé, si vous voulez; ne détruisez
pas an moins toutes nos espérances pour l'avenir ; ne
minez pas tontes les provinces : l'avarice auparavant
ne marchait que par des sentiers étroits et détournés ;
prenez garde de lui ouvrir, par vos décisions, une
voie large et spacieuse. Oui , si Vous approuvez la con-
duite de Terrés, si vons décidez qu'il n'est pas défendu
par la loi de prendre de l'argent sous le même pré-
texte , tout le monde , excepté les sots , adoptera dés-
ormais ce moyen de s'enrichir qui n'a été employé
jusqu'à présent que par des magistrats criminels : car
si c'est un crime d'exiger àe l'argent contre les lois , ce
serait une sottise de s'interdire ce qui est déclaré légi-
time. Toyez ensuite , Romains , quelle énorme licence
vous allez donner à la cupidité des magistrats ! Si ce-
lui qui a exigé douze sesterces est absous , un antre
exigera le double , le triple , le quadruple : pourra -
t-on le blâmer ? A quel degré de la vexation le juge
opposera-t-il la rigueur de sa sentence ? quelle est la
somme qui cessera enfin d'être tolérable, et pour la-
quelle on se déterminera à condamner l'injustice et la
mauvaise foi de l'estimation? Car ce n'est point la
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256 IN VERREM ACT. II, LIÔ. III.
Non enim a Yobis summa, sed gebus aestimatiom^
erit comprobatum : neque hoc potestis judicare ,
ternis dcnariis aestimare licere ; dénis non licere.
Ubi enim sémel ab annonœ ratione , et ab aratD-
rum Yoluntaté res ad prœtoris libidinem translata
est; non est jam in lege atque in ofBcîo, sed in
' voluntate hominum atque avaritia positus modus
aBstimandi.
XCV. Quapropter, si vos semel in judicando
finem sequitatis et legis transieretis ; scitote, vos
nullum ceteris in œstimando fineiQ improbitatis et
avaritise reliquisse. Videte igitur , quam multa si-
mul a -vobis postulentur. Âbsolvite eum, qui se
fateatur maximas pecunias cum summa sociorum
injuria cepisse. NoU est satis. Sunt alii quoque
' plures, qui idem feceriut : absolyite etiam illos^
si qui sunt; ut uno Judicio quam plurimos impro-
bos liberetis. Ne id quidem satis est. Facile, ut
ceteris posthac idem liceat : licebit. * At hoc pa-
rum est. Permittite, ut liceat, quanti quisque ve-
lit, tanti aeslimet : aestimabit. Vidctis jam profecto,
judices, hac aestimatione a vobis comprobata,, ne-
que modum posthac avaritiae cujusquam , neque
pœnam improbitatis futuram. Quas ob res , quid
agis , Hortensi ? Consul es designatus ; provinciam
^ sortitus es : de œstiraatione quum dices frumenti,
sic te audiemus , quasi id , ^ quod ab isto recte
factum esse défendes , te facturum profiteare , et
quasi, quod isti licitum esse dices, vehementer
' Al. complures. — * Prêtas liber Ursini, Adhuc pa-
rum est, et sic emendatum/iùt in uno cod. regio. — ' Con-
jicit Ant. Augustin, t sortiturus.
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SEC. ACTION CONTRE YERRÈS, III. aS-
somme , mais Festimation en elle-même qne vous aurez
approuvée ; et vons De pouvez décider qne la loi per-
met d^estimer à douze sesterces , et non pas à qua-
rante. Que la chose ne soit point fixée par le prix da
blé et selon le désir des cultivateurs, mais abandonnée
au cajNrice du ma^strat , alors ce ne sera plus la raison
et la loi , mais la fantaiûe et la cupidité qui régleront
Festimation.
XCV. Si donc vous vous permettez , en jageant , de
franchir les principes de Téqnité et les règlements de la
loi, sachez que, pour Festimation, vous ne laisserez
plus de homes à Finjustîce et à Fenvie de s'enrichir.
Voyez , d'après cela , combien de choses on vous de-
mande k la fois. Renvoyez absous celui qui confesse
avoir pris injusiement aux alliés des sommes immenses.
Ce n'est point assez. Il en est beaucoup d'autres qui
se sont permis cette concussion : renvoyez encore ab-
sous ceux qui auront commis le même délit ; et , par
UB seul jugement, vous déchargerez nue foule de
coupables. Cela même ne suffit point. Faites qu'à
l'avenir la même conduite dans les autres soit recon-
nue légitime , elle sera légitime. Cest encore trop peu.
Décidez que la loi abandonne Festimation à la volonté
des préteurs, ils useront de ce droit. Assurément,
Romains , vons voyez qu'en approuvant l'estimation
de Yerrès, il n'y aura plas, à Favenir , ni limites pour
la cupidité , ni- châtiment pour la malversation. A quoi
pensez- vous donc, Hortensius? Vous êtes désigné con-
sul * ; le sort vous a donné une province : lorsque vous
parlerez de l'estimation du blé , nous croirons, si vous
justifiez la conduite de Terrés, que vous tous annon-
cez comme devant vous conduire de même ; vous nous
paraîtrez désirer ardemment que la loi ^us permette
* Pour Fan 684.
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a58 IN TERREM ACT. II, LIB. IH.
cupias tibi Ucere. Atqui, si id lîcebit, nihil est ^
quod puteris qaemquam posthac commissurum , ut
de pecuniis repetundis condemnari possit. Quan-
tam enim quisque concupierit pecuniam^ tantam
licebit, per cellae nomen, aestîmationis magnitu-
dine consequatur.
XCVI. At enim est quiddam, quod, etiamsi
palam in defendendo non dicit Hortensius, tamen
ita dicit, ut vos id suspicari et cogitare possitis :
pertinere hoc ad commodum senatorium ; perti-
nere ad utilitatem eorum, qui judicent, qui in
provinciis cum potestate, aut cum legatione se
îuturos aliquando arbitrentui*. Prœdaros vero exisr
timas judices nos habere, quos alienis peccatis con-
cessuros putes, quafacilius ipsos peccare liceat. Er-
go id volumus populum romanum, idproYincias, id
socios nationesque exteras existimare , si senatores
judicent, hoc certe unum genus infinitae pecuni»
per summam injuriam cogendse nullo modo posse
reprehendi ? Quod si ita est, q;uid possumus contra
ilium praetorem dicere , qui quotidie templum
tenet, qui rempublicam sîstere negat posfee, ni ad
equestrera ordinem judicîa referantur? Quod si
ille hoc unum'agitare cœperit, esse aliquod genus
cogendae pecunias , senatorum commune , et jam
prope concessum ordini , quo génère ab sociis
maxima pecunia per summam injuriam ' auferatur;
neque ullo modo senatoiiis judiciis rejMrehendi
posse , idque, dum equester ordo judicaret, nu»-
qnam esse commissum : qixis * obsistet ? (pus erit
* Averratur. — ' C %tephaH., Grœv., al., obstet.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, III. %5g
ce que yous direz avoir été permis à Verre». Mais si U
loi le permet , croyez- vous que personne puisse être
condamné jamais pour crime de concussion? Quelque
somme que Ton convoite, on pourra Fobtenir légiti-
xnement , sous prétexte des provisions de sa maison
qu'on aura le droit d'évaluer.
XCVI. Il est une chose que ne dit pas ouvertement
Hortenâus en défendant Terrés , mais qu'il laisse en-
tendre et soupçonner : c'est que l'article dont je parle
intéresse les sénateurs , intéresse ceux qui occupent les
tribunaux , et qui peuvent espérer qu'un jour ils com-
manderolit dans les provinces en qualité de procon-
suls , de préteurs on de lieutenants. Certes , Horten*
slns , vous avez une grande idée de nos juges , si vous
pensez qu'ils pardonneront aux autKs leurs prévari-
cations , jpôur àe procurer à eux-mêmes la facilité d'en
commettre. Nous voulons donc apprendre au peuple
romain, aux provinces, aux alliés ^ aux nations étran-
gères, que si les sénateurs occupent les tribunaux,
cette manière d'extorquer des sommes immenses ayec
tan( de violence et d'audace, est la seule du moins
qu'on ne saurait attaquer? S'il en estaii;||^i, qu'avons-
nous à dire contre ce préteur 9^, qui monte tous les
jours à la tribune, ^ qui soutie«t.que la république
ne peut subsister, si l'ordre équestre n'est rétabli dans
l'administration de la justice? Que ce tnagistrat essaie
de prouver cela seul , qu'il est un genre de coifcussion.^
que tous les sénateurs se permettent , qui est presque
autorisé pour cet ordre , pair le moyen duquel on en-
lève aux iedliés un argent énofme sous le prétexte le
plus injuste ; qu'il n'est pas permis d*i|ttaquer cette
malversation dans les causes jugée» par le» sénateurs ;
qu'elle n'ïi jamais eu lieu lorsqu* Vordre équestre
fournissait les juges , qui osera If contredire? et
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o.6o IN VERKEM ACT. II, LIB. m.
tara cupidus vestrum, tam fautor ordinis, qui de
traïisferendis judiciis possît recusare ?
XCVII. Atque utinafm posset ' aliqua ratione
hoc crimen , quamvis falsa , modo humana atque
usitata defendere ! minore periculo vestro , minore
periculo provînciarum omnium , judicaretis. Ne-
garet * hic œstimatione se usum ? vos id credidisse
homini , non factura comprobasse videremini.
Nullo modo negare potest; urgetur a tota Sicilia;
nemo est ex tanto numéro aratorum, a quo pecu-
nia cell» nomine non sit exacta. Vellem etiam hoc
posset dicere, nihil ad se istam rationem perti-
uere ; per quœftores rem frumentariam es$e admi-
nistratam. Ne id quidera ei licet dicere : yropterea
quod îpsius litterae recitantur , ad civitatcs de ter-
nis denariis raissœ. Quœ est igitur defensio? Feci,
quod arguis ; coegi pecunias maximas cell» no-
mine : sed hoc mihi licuit; vobis, si prospicitis,
licebit, Periculosura provinciis, genns injuriée con-
firmari judkio; perniciosum nostro ordini, popu-
lum romanum existimare, nonposse eos homines,
qui ipsi legibus teneantur, leges in judicando
relîgiose defendere. Atque isto prsetore, judices,
non solum seêtiraandi frumenti modus non fuit, '
sed'ne imperandi quidera : neque enim id , quod
debebatur, sed quantum commodum fuit, impe-
ravit. Surainam faciam vobis, ex publicîs lilteris
et testimonîis civitatum , frumenti in cellara impe-
rati : reperietis quinquies tanto, judices , amplius
' Excidisse oHdetur iste. Schûtt* — " Lamhinus edidit
liac , quod ^idetur aptitis. '
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, HI. ft6i
rhomme le plus dévoné à vos intérêts , le plas zélé
partisan de TOtre ordre ponrraot-il s'opposer à cette
révolatipn dans les tribonanx ?
XCVII. Eh! plût aox dienx qne "Verres pût founiir
ici quelque moyen de défense , assez plausible , assez
spécieux potir qu'il fâf permis de Faccneillir! vous
prononceriez avec moins de risque pour vous-mêmes ,
avec moins de péril pour toutes les provinces. S*il
pouvait nier la malversation que je lui reproche, vous
paraîtriez Ten avoir cru sur sa parole , et non pas avoir
approuvé sa conduite. Mais il est de toute impossibilité
qu'il nie ; il est chargé par toute la Sicile ; parmi un
si grand nombre de cultivateurs^ il n'en est pas un
seul dont il n'ait tiré de l'argent sons prétexte des
provisions de sa maison. Je voudrais encore qu'il put
dire que .tout cela ne le regarde point ; que ce sont ses
questeurs qui ont administré les blés. Mais il ne lui
reste pas même ce moy«n : nous citons des lettres qu'il
a écrites aux villes pour les douze sesterces. Quelle
est donc sa défense .^^ J'ai fait ce qu'on me reproche ;
j'ai levé de^j^andes sommes pour ces provisions; mais
je le pouvais , et si vous y songez , vous le pourrez
comme moi. Il est dangereux pour les provinces de
confirmer dans un tribunal un système d'exaction;
il est pernicieux pour notre ordre de laisser croire au
peuple romain qi:^les sénateurs , qui sont eux-mêmes
enchaînés par les lois, ne peuvent, dans leurs fonc-
tions judiciaires, maintenir religieusement les lois.
Sons la préture de Terrés , jages , non seulement dans
l'estimation, mais dans la levée même de cet impôt,
on a violé toutes les règles : le préteur exigeait, non
ce qui lui était du , mais ce qui lui plaisait.' Yonlez-vous
savoir , par les registres publics et par les dépositions
des villes, la quantité de blé qu'il a exigée à ce titre?
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26a nSf "VERREM ACT. II, LIB. III.
îstum, quam quantum ei in cellam sumere licitum
' ftit , c^YÎtatibus imperasse. Quicl ad hanc impu-
dentiam addi potest, si et «stimayit tanti, ut ho-
mines ferre non possent, et tanto plus , quam erat
ei concessum legibus , imperayit ?
• •
Quapropter, cognita tota re frumentaria, judi-
ceS| jam facillime perspicere potestis; amissam
esse populo romano Siciliam , fructuosissimam
atque opportunissimam proTinciam , nisi eam tôs
istius damnatione recuperatis. Quid est enim i§i-
cilia , si ei agri cultionem sustuleris, et si aratonim
numerum ac nomen exstinxeris ? Quid enim po-^
test esse in calamitate residui ^ quod non ad mi-
seros aratores, isto prœtore, par summaiç inju-
riam ignominiamque pervenerit? quibus, quum
decumas dare debereut , vix ^ ipsis decumae relicts
suut; quum pecunia deberetur, soluta non est;
quum optima «stimatione senatus frumentum eos
in cellam dare yoluisset , etiam ijistruii|enta agro-
rum vendere coacti sunt.
XCVIII. Dixi jam antea , judices , ut bas omnes
injurias toUatis, tamen ipsam rationem arandi spe
magis et jucunditate quadam, quam fructu atque
emolumento teneri. Etenim ad ^ertum casum et
eventum certus quotannis labor et certus sumtus
impenditur. Annona porro pretium , nisi in cala-
mitate fructuum , non habet ; si autem ubertas in
percipiendis fructibus fuit, consequitur vilitas in
vendendis : ut aut raale vendendum intelligas , si
' Ernest, malebat esset. Sine causa. — * Lamh., ipsae ,
iwitis libris omnibus.
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/
SEC. ACTION CONTRE VEMLÈS, III. a63
FOUS trotiyerez, Romains, qa*U a réclamé des villes,
pour ses provisions, cinq fois plos qu^il ne loi élait
permis de prendre. Que peot-on ajouter à son effron-
terie , si, i^on content de faire de son blé nne estima-
tion eKorbitante , il en a exigé une si grande quantité
an-delà de .celle que lui accordaj^nt les lois i^
Ainsi, Romains, à présent que tous êtes instruits
de totit ce qui concerne Tadministration des blés , vous
pouvez voir aisément que cette province , qui fut tou-
jours pour nous si utile et si fructueuse, que la Sicile
enfin est perdne pour notre empire , si vous ne la lui
rendez par la condamnation de Terrés. En effet,
qu'est-ce que la SicUe , si vous en ôtez Tagriculture ,
si vous détruisez toute la race des cultivateurs dont
elle est remplie ? Est-il une calamité, une injustice , un
opprobre dont cette préture ne les ait accablés ? Ils
ne devaient donner que la dlme ; à peiné^ leur a-t-on
laissé la dîme même. Leur blé devait leur êtreyayé;
ils n'ont rien reçu. Le vœu du sénat était qu'ils four-
nissent de blé la maison du préteur, d'après une esti-
mation favorable ; ils ont été forcés de vendre jusqu'à
leurs instruments de labourage.
XCTIU. Je l'ai déjà fait observer, Romains : quand
vous réprimeriez toutes ces vexations , c'est moins par
la richesse du produit que par un certain attrait , par
la douceur de l'espérance , que l'agriculture se soutient.
Tous les ans on abandonne des frais et des travaux
œrtains à l'incertitude et an hasard. Le blé n'a une
grande valeur que si les récoltes sont mauvaises ;
sont-elles abondantes, il se vend à vil prix : ainsi,
l'année a-t-elle été bonne , elle rapporte peti ; elle ne
rapporte beaucoup que si elle a été malheureuse. Le
SUCCES' dans la culture dépend moins du travail et de
la prudence, que des choses les plus variables, des
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a64 IN TERREM ACT. II, LIB. III.
'f>roce8sit; aut maie perceptos fructus, si recte
licet yeDdere. Totœ autem res rusticae ejusmodi
sunt, ut eas non ratio, neque labor, sed içes incer-
tissimœ, ^enti lempeâtatesque moderentur. Hinc
quum unsedecumœ lege et ^ conditione traliàntur;
alterae noVis instituas propter annonse ralitonem
împerentur ; ematur praeterea frumentum quptan-
iiis publiée; postremo etiam in cellam magistra-
tibus et legatis imperetur : quid aut quantum prae-
terea est, quod aut liberum possit babere ille
arator aq dominus in potestate suorAn fructuum ,
aut in ipsis fructibus solutum ? Quod si baec fe-
runtur omnia ; si Tobis potius ac populo romano «
quam sibi et suis commodis, opei^t, sumtu, labore
deserviunt : etiamne baec noya debent edicta et
iroperia prsetorum , et Âpronii dominationem , et
Ven^riorum servorum furta rapinasque perferre ?
etiamne frumentum pro emto gratis dare ? etiamne
in cellam quum cupiant gratis dare ultro, pecu-
niam grandem dare ? etiamne baec tôt detriraenta
atque damna cum maximis injuriis contumeliisque
perferre ? I laque bac , judices , qu» pati nullo
modo potuerunt, non peitulerunt. Arationes tota
Sicilia désertas atque a dominis relictas esse cog-
i^oscitis; neque quidquam aliud agitur hoc judi"^
cio, nisi ut aatiquissimi socii fidelissimique, Siculi,
coloni populi romani atque aratores, yestra seye-
ritate et diligentia, me duce atque auctore, in
agros atque in œdes suas revertantur,
' Beck, e Franc, i et éd. Fenet. , additheae. — ' (^ruf.
et Grœv. e cod. Nann., consueludine. JVihil horum âa pla-
cct , ut admittamus.
dbii Google
SEC. ACTION CONTRE VERRES, m. a65
vents et des saoLsons. Lorsqu^on exige une dîme en
vertu de la loi et aax termes d'un traité ; lorsque ,
d'après un règlement plas nouveau , on demande une
antre dime à caf^e de la disette des grains ; lorsqu'on
achète du blé tous les ans an nom de la république ;
lorsqu'on en exige encore pour la provision des ma-
gistrats et des llea tenants, quelle partie delà récite
reste-t-il au laboureur et au propriétaire, dont ils
puissent disposer librement et en tonte assurance? Si
Ton pr^ève sur leurs moissons tout ce que je viens de
dire; si, dans la réalité, c'est pour vous et pour le
peuple romain , plutôt que pour eux-mêmes et pour
leur propre avantage qu'ils emploient leur argent ,
leurs soiâs , leurs travaux , faut -il encore qu'ils sup-
portent des ordonnances inouïes , le despotisme des
préteurs , la domination d'un Apronins ,' les vols et
les rapines de vils esclaves r fant-il encore qu'ils don-
nent pour rien le blé qu'on devait leur acheter? faut41
encore qu'ils paient de fortes sommes pour la pro-
vision du préteur, quand ils consentiraient à lui four-
nir du blé gratuitement? faut-3 encore que ces pré-
judices et ces pertes soient accompagnés des plus cruels
affronts et des plus sanglants outrages? Aussi, Ro-
mains , n'ont-rils pas supporté ce qui n'était nullement
sapportable. Tous le savez, dans tonte la Sicile 9^ les
propriétaires ont abandonné la culture, déserté les
campagnes ; et tout ce que je demande dans ce juge-
ment, c'est que, grâce à votre équité rigoureuse, les
Siciliens , vos anciens et fidèles alliés , les fermiers et
les laboureurs du peuple romain, à la voix de leur zélé
défenseur, retournent en paix dans Içurs 'champs et
sous leurs toits domestiques.
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NOTES
LA SECONDE ACTION
CONTRE VERRES.
LIVRE TROISIÈME.
1. — III. 1 HEirsjE étaient des espèces de bran-
cards ou de chars, sur lesquels on portait les statues des
dieux. On a» vu dans le Discours sur la préture de Rome ^
cliap. 69 , quelles avaient été les exactions de Verres ,
pendant son édilité , pour l'entretien de la rue qui con-
duisait de la statue de Vertumne au grand cirque , et que
parcouraient les chars des dieux dans les pompes reli-
gieuses. Desjardins a très bien expliqué les mots ex then-
sarum orbitis, par ce commentaire, Ex njia , qua then-
sœ deducuntur. Cicéron les explique lui-même , in Verr.
V, 72. L'abbé Auger n'a pas compris cette phrase , et il
ignore , dit-il^ , comment Verres avait volé suf la route
des chars sacrés ; mais il ne faut pas l'accuser de l'idée
bizarre de ses éditeurs , qui , par respect pour une faute
d'impression , lui font dire que Verres avait ofolé sur les
roues. Je remarque cette erreur , parce qu'elle est plai-
sante ; il y en a mille dont je ne ^arle pas. J. V. L.
\ — V. Blé dîmé y blé acheté , blé estimé : voyejt,
dans l'argument de ce Discours, l'explication de ces
diverses sortes de blés.
3- — VI. Vn tribut fixe, une sompie d'argent pour
payer les troupes ou po«r d'autres objets , qu'on çst temi
de donner tous les ans , et qui est toujours la même. Ce
tribut est appelé/j:^ par rapport à la dîme dont il sera
parlé tout à l'heure , laquelle varie selon la récolta.
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NOTES. 267
4. — VI. L'oratear dit très peu, parce €pi*il veut
ménager les Siciliens dont il était ami : on sait d'ailleurs
par lai-méme qu'elles étaient au nombre de dix-^ept.
Les territoires de ces yillés étaient devenus la propriété
du peuple romain par droit de conquête ; il aurait pu en
chasser les anciens habitants et y en établir d'autres. Il
• les y a conservés , mais à condition que les territoires
seraient affermés par les censeurs.
5. — Ibid. Dans le Discours sur les Supplices, ch. aa,
Cîcéron joint à ces deux villes celle de Nétum. — FiUes
fédérées. Les villes libres alliées doivent jêtre distinguées
des villes hhres fédérées. Les premières étaient celles qui
se gouvernaient par leurs propres lois san« être assujet-
ties à aucun tribut ; les secondes se gouvernaient aussi
par leurs propres lois , mais étaient soumises à un tribut
quelconque , en vertu d'un traité , exfa^ere ; de là on
les appelait /œti^m/â?.
6. — Ibid. Hiéron, second du nom, ancien roi de
Syracuse et maître de toute la Sicile. Il la gouverna ,
pendant un long règne , avec beaucoup d'équité et de
douceur , et fut constamment l'ami des Romains.
7. — VI ï. Cicéron va tracer un tableau rapide de tous
les excès d'injustkïe que s'était permis Verres dans sa
préture de Rome. Voyez le Discours où il est question
de cette préture.
8. — Ibid. Il y a des critiques qui , au lieu de consuls,
veulent qu'on lise censeurs , parce que c'étaient les cen-i
seurs qui affermaient à Rome les revenus de la répu>
blique. Mais , au défaut des censeurs , c'étaient souvent
les consuls , et même les préteurs , qui étaient chargés
de cette fonction.
9. — IX. îl paraît qu'Apronius était fort grand, fort
large et fort épais. — Un gouffre ùnmense, etc. Ces expres-
sions ont quelque chose de révoltant dans notre langue ;
mais on ne peut croire que Cicéron les eût employées ,
si elles n'eussent pas été tolérées chez les Romains. -—
S'il y a ici des personnalités trop fortes , on doit se sou*
vettir que cet Apronius était un vil esclave , parvenu à la
confiance de Verres par toutes sortes d'infamies et de
bassesses ; que jamais tyran subalterne ne déploya tant
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,68 NOTES.
de cruauté , et ne commit des vols avec autant d'effron-
terie. Desmeuniers.
lO. — IX. Mot à mot, pour son Jus en robe prétexte.
On sait que chez les Romains les enfants portaient la
robe prétexte ou robe bordée de pourjïre juMju'à l'âge
de seize ans. Les Grecs dansaient nus dans leurs repas
de fête ; mais les Romains abhorraient cet usage. {Fojrez
le Discours pour Muréna , chap. 6 , et Quintilien , Instii.
orat. , Liv. I , chap. a. )
jj. XI. Latin, digito. Dans les ventes, ceux qui
voulaient mettre l'enchère levaient le doigt. Le rapport
de digito et de manu est sensible dans le texte : on ne
peut le rendre en français.
j2. Ibid. Mot à mot, il ordonne de récuser des com-
missaires. Il y avait différentes classes ou décuries de
jugea. Le préteur donnait des juges , parmi lesquels cha-
cune des deux parties pouvait en récuser un certain
nombre. On disait récuser des juges, parce qu'en récuser
quelques uns , c'était en quelque sorte choisir les autres.
,3^ XIII Mot à mot, non seulement de récuser,
mais encore de prendre 5 c'est-à-dire de choisir parmi
tous les jilges, sans récusation.
14. ihid. Après avoir parlé ironiquement, Ciceron
reprend le ton sérieux. N'est-ce pas Va , c'est-à-dire
vous ajoutez à la crainte d'un jugement Tintervention du
magistrat siciUen : si voua faites intervenir ce magistrat,
il n'est pas besoin d'un jugement. Verres ensuite objecte,
et Cicéron réfute. Examinons tout ce que renfermait l'or-
donnance de Verrèv 1°. Le décimateur pourra faire
payer à l'agriculteur tout ce qu'il lui demandera. 2<>. L'a-
griculteur pourra attaquer le décimateur , et lui faire
payer huit fois la somme perçue au-delà des droits. 3** . Le
décimateur pourra faire intervenir le magistrat sicilien
pour se faire payer. 4*^. 11 pourra en outre poursuivre
l'agriculteur, et lui faire payer une somme quadruple.
5°. Le préteur donnera des commissaires, si l'un des
deux le désire. Cicéron démontre l'iniquité de plusieurs
de ces articles, l'inutilité ou l'absurdité des autres.
i5. —Ibid. Si Verres avait ordonné d'abord à ses
ministres de prêter main-forte aux fermiers du dixième ,
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NOTES. iSg
s'il eût permis ensuite aux oipprimés de se pourvoir de-
vant les magistrats siciliens , son injustice serait moins
criante ; mais en obligeant les magistrats siciliens à con-
traindre d'abord les agriculteurs à payer, ceux-ci ne
pouvaient plus recourir , en dernière instance , qu'aux
ministres de Verres, c'est-à-dire à des jug^s corrompus,
dont on n'epérait pas un arrêt équitable. Desn^uniers,
^6. — XV. Au lieu de judicU postulandi, plusieurs
interprètes proposent de lire judicU pertimescendi ou/or-
midandi C'était l'opinion de Desjardins lui-même, qui
a si bien expliqué le texte des Ferrines , et l'abbé Auger
l'avait adoptée dans sa traduction : cette fois , du moins ,
il avait pour lui de respectables témoignages. Cepeadant
on verra q^'il ne faut rien changer au texte , si l'on fait
attention an vrai, sens de postulare judicium. Apronius
trouvait quelque prétexte pour d/emander à m^re en ju-
gement , c'est-à-dire pour accuser. (Voyez Vlnaex d'Er-
nesti.) J. V. L.
17. — XVI. Nous avons vu dans un des Discours qyi
précèdent , que Verres avait fait d'immenses profits sur
les réparations de ce temple. — De Sthênius , dont il est
beaucoup parlé dans le Discours qui précède.
18. — Ibid. On ignore s'il s'agit ici du grand Pompée
ou de Cnéus Pompéius Strabp son père : je croirais que
c'est plutôt de ce dernier qu'il est ici question ; il avait
été prêteur en 660. On ne sait pas à quelles circonstances
r^rateur rapporte ce qu'il dit des trois hommes qu'il
vient de nommer. Il est cependant fort vraisemblable
qu'il ne cite leur exemple que parce qu'ils avaient cha-
cun, au sortir de leur préture , goiiverné la Sicile.
19. — XVII. Ceux qui aspiraient au consulat met-
taient tout en œuvre pour mériter les bonnes grâces du
peuple romain , qui surtout paraissait voir avec plaisir
les gouverneurs des provinces augmenter les impôts sur
les adliés , sans doute parce qu'il se croyait par là soulagé
lui-même. Le père de Métellus , L. Alétellus Dalmatiens,
et son aïeul, Q. Métellus Numidicus, avaient été con-
suls. Desjardins.
ao. — XIX. Hortensius avait quelquefois en parlant un
mouvement de tête affecté qu'on lui reprochait. ( f^ùyez
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270 NOTES.
Aulu-Gelle et Quintilien. ) (C'est ce qne Cicéron appelle ,
Orat.f cbap. i8 , mollitia cervieum. ,'
ai . — XX. Les esclaves de Vénus. Ce titre particulier
semble désigner en général les esclayi^s des temples. Ils
étaient aux ordres des préteurs. La ferme, ou l'associa-
tion des publicains , avait aussi ses esclaves.
22. — XXI. Ce Cornélius avait pris ce nom en deve-
nant citoyen romain ; il s'appelait auparavant Ârtémi-
dore; il était de Perga, dans la Pamphylie, où Verres
avait été lieutenant. ( Vcye:^ seconde Action > Livre I ,
cbapitr^ 20. )
23. — XXIV. L'épitbète ^illustres se donnait aux
cbevuliers romains qui , -sans être sénateurs , avaieiit l'es-
pérance d'entrer un jour au sénat, portaient le laticlave ,
et souvent même prenaient part aux délibérations. {Voyez
Auln-Ge^ , II , x8 ; Juste-Lipse, Comment, sur les Ann,
de Tacite , II , 4. ) Juste-Lipse a tort de dire que ce titre
ne date que dû règne d'Auguste : on en trouve de tt<Mn-
breux exemples dans la république. DesjaVdins,
24. — Ibid, Cicéron avait menacé Apronius de l'ac-
cuser après la condamnation de Verres, comme ayant
partagé ses vols et ses rapines. Telle est l'opinion de
ï*. Manuce ; mais peut>être Cicéron veut-il dire simple-
ment qu'il va parler enfin > dans ce Discours même , des
crimes d' Apronius.
25. —— XXV. Tempestivum conviifium se prenait tou-
jours en mauvaise part ; c'était un repas de débaucbe ,
fait le jour, dédie , avant l'beure prescrite par l'usage.
26. — Ibid. Apronius probablement, ainsi queTimar-
chide, était a^ranchi, c'est-à-dire peu éloigné de la
condition d'esclave.
^'j^^-'Ibid. Bande de déserteurs et de brigands armés
qui infestaient la Sicile , et dont le chef était Athénion,
Ils étaient devenus si redoutables , qu'il fallut faire con^
tre eux uûe guerre dans les formes. Le consul AquilUus ,
collègue de Marins , ayant tué Atbémon , ces brigands
n'osèrent plus reparaître en bartaille rangée. Desmeu^
niers,
28. — XXVI ï. Il y a dans le texte lucrum. Ce mot ,
en termes à% finances , signifiait une somme que le fer-*
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NOTES. 2^1
Inicr des revenus de l'état demandait, lorsqu'il propo-
sait aux contribuables de leur remettre son bail : c'était
ce qu'an appelle aujourd'hui un pot-de-^m. Quoiqu'on
se servît autrefois de ce mot dans les négociations des
' fermiers-généraux avec le contrôleur-général .et avec le
roi , il ne nous parait pas encore assez ennobli pour l'em-
ployer. Desmeuniers.
^9- — XXVIII. Voyez plus haut ce que nous avons
dit de cet Artémidore , ou médecin Cornélius. — ^ Tous
Grecs sacrilèges. L'orateur, sans doute , fait allusion ici
à Tlépolcme et à Hiéron , ces deux frères de Cibyre, qu'il
dira, dans le Discours suivant,, o. i3 , avoir été soupçon-
nés par leurs concitoyens d'avoir piUé un temple d'A-
pollon. -— Devenus tout a coup des Cornélius , c'est-à-dire
qui étaient devenus citoyens romains grâce à Verres , et
qui avaient pris son prénom : car Verres se nommait
Caïus Cornélius Ferrés , quoiqu'il ne fàt point de la
famille Corçélia. — Desjardins , contraire à cette opi-
nion de Manuce et de Grévins, prétend que tous ces
Grecs devaient leur lil»erté à Sylla , qui avait affranclii ,
en leur donnant son nom , plus de dix nulle esclaves de
proscrits. J. V. L.
3o. — XXIX. Recuperatores rejice, c'est-à-dire recupe-
ratcéfs recipe, elige. Wous avons fait observer déjà
note la , que les parties ayant droit de récuser un cer-
tain nombre de juges , om disait récftser des juges pour
choisir des Juges , parce qu'en récusant on choisit , en
que^ue sorte, ceux que l'on garde. Fojr. aus^ plus
^as, cfaap. 59. ,
3i. •— XXX. De l'argent { six cent mille sesterces ,
prix à peu près de 33,ooo médimnes de blé. Ce qui fait
néanmoins une difficulté dans cet endroit, c'est que
tantôt l'orateur parle comme si les 33,ooo médimnes
avaient été payés en blé , tani^^ comme s'ils avaient été
payés en argent. ^
32. — Ibid.. Six cent mille sesterces (75,000 liv. ) ,
étaient à peu près le produit en argent de trente-trois
mille médunnes de blé. Il fallait six bois%çaux pour un
médimne. Trente-trois mille médimnes se résolvent en
cent qnatre-vingt-tiix-huit mille boisseaux. En mettant
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2-2 NOTES.
ie prix du boisseaa à trois sesterces, on a cinq cent
quatre-vingt-quatorze mille sesterces, c'est-à-dire six
cent mille sesteices moins six mille : le boisseau était
donc compte à un peu plus de trois sesterces.
33. — XXXI. Verres faisait examiner le blé ; et quand <
il n'était pas assez bon à sa fantaisie ou à celle d' Apro-
nius , il faisait donner tant de sesterces par médimne.
Nous Yoyons ici qu'il fait donner aux Âgyriens trois
sesterces , et non trois mille , comme le voudrait Paul
Manuce. Ainsi, ou il faut Ure sestertu très , ce que je
voudrais, ou H-3 m doit s'entendre de cette manière.
34. — Ihid. 7,5oo liv. Mais la somme est beaucoup
moins forte qu'elle ne devrait l'être. Nous avons 3o,ooo
sesterces ^nr pot-de-^vin des dîmes de l'orge , et 99,000
pour les trois sesterces par médimne; ce qui fait en
tout 129,000 sesterces, 16, 1^5 liv. Ainsi, au lieu de
H-S LX , il faudrait écrire H-S cxxix.
35. - XXXII. L'abbé Auger préférait la leçon , Ac-
census istius , item minister in decumis. Nous conservons
le texte ordinaire , qui n'a pas besoin d'être changé. Le
même traducteur suppose que V huissier de Verres n'a-
vait pas affermé les dimes en son propre nom , mais
au nom du préfet de Verres. Nous adoptons une expli-
cation plus simple. Il y avait autour du préteur un g^and
nombre d'officiers qui portaient le titre de pne/'ecti.
Peut-être même le fermier des dîmes avait-il sous lui
des' intendants ou inspecteurs, stp^lés prœ/ecti decuma-
rum. On peut croire aussi, d'après d'autres passages de
Cicéron , que le préteur donnait quelquefois ce titre mi-
litaire àtprœfectus à des receveurs publics , qui se fai-
saient accompagner d'hommes armés , pour faciliter et
protéger leurs exactions. Il y avait bien d'autres abus :
nous voyons. Epis t. ad Att. , Y, ai , Appius , proconsul
de Cilicie , donner quelques escadrons de cavalerie à
Scaptius , et le nommer préfet , pour» qu'il aille se faire
payer ses dettes. J. V. L.
36. — Ibid. L'abbé Auger pense qu'il eût mieux valu
mettre 26,000 boisseaux av lieu de 26,000 médimoes ,
parce que , «i lepot-de-^in eût mente plus haut que les
dimes mêmes , Cicéron en eût averti , comme il l'a déjà
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NOTES. 273
fait et comme il le fera dans la suite. Les deax miUe
sesterces ( a5o liv. ) en sas étaient, sans doute, pour
Texamen du blé. Mais la somme est bien forte, même
en lisant boisseaux au lieu de médimnes. Dans 36,ooo
boisseaux, il y a environ .4i3^3 médimnes. Or, en exi-
geant trois sesterces par médimne , comme ou a vu plus
haut, on aurait 21,999 sesterces. •*'
37. — XXXIII. Quelques uns pensent qu'il y a faute
dans le texte pour les nombres. Les dtmes , Tannée pré-
cédente, avaient été affermées 25,ooo médimnes. Or,
c'est bien plus que la lûoitié de 35,ooo. Il est vrai que
Fauteur dit , fere dimidio.
38. — Ibïd. C'est-à-dire que, par une convention
secrète , le bail fut réellement adjugé à 3 1 ,400 mé-
dimnes.
39. — XXXV. Cicéron lui-même les défendit pendant
son consulat : les enfants des proscrits , à qui le dicta-
•teur avait ôté le droit de solliciter les charges , deman-
daient à être rétablis dans tous leurs privilèges , sons le
consulat de l'orateur romain ; il s'y opopsa , et il main-
tint l'ancien règlement.' Desmeuniers.
40. — XXXVI. Ségeste était une ville franche , im-
* munis s comment donc Verres a-t-il exigé des dîmes de
cette ville ? ou comment , s'il l'a fait , Cicéron ne le lui
reproche-t-il'pas ? Cette ville apparemment cultivait des
fonds hors de ion territoire , et c'était pour ces fonds
qu'elle devait des dîmes ; ou bien des étrangers , faisant
valoir sur son fonds, devaient des dîmes au peuple
romiin.
4i. — Ibid. Verres avait donc déclaré n'avoir affermé
les dîmes de Ségeste que 2000 boisseaux de blé.
4a. — — Ibid, Cicéron menace ici Verres de le citer
devant le tribunal qui connaissait det crimes de péculat.
43. — XXXVII. Ainsi l'île de Lipare et la ville du
même nom , quoique non comprises dans la Sicile ,
étaient renfermées dans le ressort du préteur de Sicile.
44- —XXXVIII. On appelait ^^cu/« l'argent qu'amas-
sait un esclave danades moments où on lui permettait de
travailler pour lui. Avec cet argent il achel;ait quelque*
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274 NOXfe.
fois un escUve qw lui appartenait et obéissait à ses
ordres : cet esclave s'appelait 'vicarius.
45. — XXXIX. Il parait que ce Yennouios eut la
ferme d'Ame&tra la seconde année. Ce passage et plu-
sieurs autres des Ferrines , montreat que les baux se
renouvelaient tous les ans. Desmeuniers.
46. — XLI. Les chevaliers romains, eit vertu de la
loi Sempron^» avaient eu d'abord le département des
tribunaux, que Sylla leur 6ta ensuite pourrie donner aux
sénateurs. -- Cicéron, qui était d'une famille de che-
valiers romains , semble partager, dans tons les Discours
de |;ette époque , Topinion d'Aurélius Cotta , qui tra-
vaillait alors à faire rendre aux chevaliers leur ancien
droit. Montesquieu a blâmé leur politique : « Les che-
valiers, dit-il, étaient les traitants de la république; ils
étaient avides , ils semaient les malheurs dans les mal-
heurs , et faisaient oaitre les besoins publics des besoins
publics. Bien loin de donner à de telles gens la puissance
de juger, il aurait fallu qu'ils eussent été sans cesse sous
les yeux des JM[es.... Une profession qui n'a ni ne peut
avoir d'objet que le gain ; une profession qui demandait
toujours et à qui on ne demandait rien ; une profession
sourde et inexorable , qui appauvrissait les richesses et *
la misère même , ne devait point avoir à Rome les juge-
ments. » Esprit des Lois , XI , 18. Cicéron pensait à son
ordre et À ses amis ; Montesquieu , anx financiers de sofii
temps, aux fermiers-généraux. J. V. L.
47. — Ibid. Nous voyons, dans les plaidoyers potfr
Cluentius et pour Rabirius Postumus , que les sénateurs
étaient assujettis à des lois auxquelles ne l'étaient pas les
autres citoyens.
48. — XLIIÎ. C'est-à-dire presque toute la récolte,
puisque , suivant Cicéron , le plus fort prodmt des terres
en Sicile, et produit rare", était au décuple.
49. — Ibid. Engjma civitas , Engyum ou Enguimb,
dont il est souvent parlé dans les Ferrines ; les habi-
tants, Engpà. Capitium, dans Btoléinée Kei^'t/'riov^ les
habitants, Capiiini. J. Y. L. t
50. — XLIV. Latin , des Uts ; c'est-à-dire des tentés ,
sous lesquelles il y avait des lits pour le repas.
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0
NOTES., 275
5t. — XLY. Le latin porte 5o,ooo médimnes , ce qui
est la même chose que 3oo,ooo boisseaux, puisqu'il
fallait six boisseaux pour faire un médimne. 5o,ooo
sesterces , 6,a5o livres.
Si. — XLYI. Est-ce que les L^ntins ne faisaient
TalcAr ni dans leur pays , ni ailleurs f Alors je vois bien
comment Apronius n*a pu leur nuire } mais je ne vois
pas comment ses rapines ont pu leur être utiles. Cicérox^
Iirobablement ne croyait pas nécessaire de s'expliquer
davantage pour ceux à qui il parlait.
53.^-'-XLIX. Sans doute, dans les années où l'assu-
rance d'une récolte abondante permettait de porter la
dîme aussi haut, en suivant la loi juste d'Hiéron , qu'elle
était portée d'après la loi injuste de Verres.
54. — L. Corollarium , suivant Varron , ce qu'on
ajoutait à ce qui était dû. Ce mot est formé des petites
couronnes ( a corollis ) que l'on donnait aux acteurs sur
le théâtre , lorsqu'on en était content.
55. — Ibid. L'orateur parle d'une nouvelle malver-
sation de Terres. En affermant les dîmes Ae chaque
people , il exigeait par dîme deux ou trois mille sesterces,
iSo'oli 225 livres. Pline compte soixante et douze peu-
ples en Sicile; cela faisait donc en im an i44>ooo ses-
terces , en ne prenant que deux miUg sesterces par dlme ,
et en trois ans 432,ooo. Mais on exigeait de quelques
peuples trois miUe sesterces : Cicéron fait donc monter
la somme à environ 5oo,ooo sesterces , 6*»5oo livres.
56. — Ibid. Chez les ÇLomains, un esclave, appelé ^U-
Ucus , était chargé de la manutention des biens <le cam-
pagne. ( Ployez Varron , de Re rustica ,1,2; Coluihelle ,
Pré/, du Livre Xll ,*€tc.)
57. — LIV. Les esclaves se révoltèrent deux fois en
Sicile* ayant pour chefs d'abord Ëunus, et ensuite Athé-
nion. Eunus fut défait par Publius Rupilius, l'an de
Kome 62 T , et Athenion par M' Aq^llius, en Q53.
{^Foyez Florus, III, 19.)
58. -^ L VII. La déesse Salu$^ à qui les Romains avaient
élevé un temple dans la guerre des Samuites. Térence a
dit dans sa comédie des Adelphes, ^a si cupiat Salus,
Setvare prorsus non potest kancj'amiliam , Adelph., act. 4 >
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2^6 .NOTES.
5p. — LTIII. Animus en latin, l'esprit, le cofiur ,
rame; anima, le souffle, l'haleine.
^. — LX. Cognitor en latin , celui qui agissait pour
un homme présent et en son nom ; procurator, celui qui
agissait pour un homme absent.
6i. — Ibid. Lucins Cassius était célèbre par sa sévé-^
rite dans les jugements.
6a. — Ihid. Sur trois commerçants pris parmi les ci-
toyens romains que Scandilius demandait pour juges ,
et qu£ redoutait Yerrès , croyant qu'ils prononceraient
sans crainte de son pouvoir.
63. — Ilfid. L'abbé Auger avait traduit d'après la
conjecture d'un habile critique qui voudrait qu'on lût ,
sponsionem acceptam missamJacere.QuelqaefoiSy dit-il,
dans les contestations judiciaires , les deux contendants
déposaient une somme, qu'ils consentaient à perdre s'ils
perdaient leur procès. Sponsionem accipere , déposer cette
«omme; missam J'acere , la reprendre, renoncer au pro-
cès, abandonner toute poursuite. Malgré cette note, le
texte de Cicéron nous a paru mériter plus de confiance
que le texte imaginé par V habile critique, et nous avons
suivi le commentaire de Desjardins, qui pourrait aussi
corriger son auteur , mais qui se contente de l'expliquer.
J. V. L. ^
64. — LXIl. Je ne crois pas , comme Paul Manuce ,
que cet Émilius Alba fût un sénateur; je pense que c'était
un huissier et crieur public , prœco. L^s huissiers et les
crieurs publics se tenaient ordinairement à l'entrée du
marché-, in/aucibus macelli, Cicéron ne parlerait jamais
d'un sénateur , quel qu'il fût , comme on verra qu'U parle
d'Émilius.
65. — LXIV. La particule non, qui se trouve après
commotus, est supprimée par l'abbé Auger, qui adopte
en cela l'opinion de Ferratius : ils trouvent tons deux
que ce non' embarrasse le raisonnement. J'ai cru encore
que , sans rien retrancher » il valait mieux suivre l'expli-
cation de Desjardins. J. Y. L.
66. — LXV. Octavius , un des juges , avait été préteur.
On sait que les préteurs , dans toutes les causes , don-
naient aux juges une formule suivant laquelle ils devaient
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NOTES. 277
juger et prononcer. Octavins , dans sa préture, s'était
servi d'une formule que Métellus avait employée après
lui à Rome, et qu.*'û employait encore dans sa province.
67. — LXVI. Il n'y avait que les magistrats distingués ,
consuls , préteurs , édiles , censeurs , qui ajoutassent à
leur nom, en écrivant, le t^e de leur place. Cicéron se
moque de Timarcbide, qui ajoute au sien celui d'huis-
sier, et de quelqnes greffiers qui prenaient aussi ce tou.
68. — lôid. Vultéius , s&us doute , était un officier de
la «uite du préteur Métellus., qui avait sa coufiance.
C'était, à ce qu'il semble, un homme de quelque consi-
dération.*
69. — LXVIT. Cet éloge d'homme de-sens , Timarcbide
le donnait sans doute à Métellus comme à un hommo
qui n'avait pas un grand génie , à un honune d'un esprit
ordinaire.
70. — LXVIII. Timarchide écrit.... On voit par là
que Cicéron n'avait pas fait lire toute la lettre de Timar-
chide, qu'il en avait omis plusieurs articles, celui-ci
entre autres. Mais des critiques pensent, d'après cet
endroit , que fe texte des chapitres 66 et 67 n'est pas
complet.
71 . — LXX. On avait fixé , sur ces huit cent mille bois-
seaux de blé que les villes de Sicile étaient obligées de
vendre au peuple romain , la quantité que chacune ven-
drait. — A trois sesterces t h quatre , soit que les années
fussent bonnes, soit qu'elles fussent mauvaises; on avait
adopté sans doute un prix moyen.
72. -^-Ibid. 400,000 livres, ^euf millions de sesterce*,
i,iaâ>,ooo livres.
73. — Ihid. Le texte porte centies et tricies; c'est
une faute évidente , et il est clair qu'il faut lire trecenties
et sepiuagies , trente-sept millions de sesterces. Trois
fois douze millions deux cent mill^ font trente-six mil-
lions six cent mille , trente-sept millions moins quatre cent
mille , c'est - à - dire près de trente-sept millions de ses-
terces, 4,625,000 livres. — Nous avons "conservé cette
note de l'abbé Auger , et même sa traduction , parce que
les lettres numérales sont très souvent fautives et incer-
taines; mais -il est probable que per triennium signifie,
viir. 24
dby Google
278 NOTES.
comme Desjardios Vex^\iqae,persù^iulos annos triennii,
J. V. L.
74. — LXX. Les compagnies de fermiers en Sicile
avaient 'de l'argent à verser au trésor public; il était
naturel qu'elles remissent à Terres l'argent qui . deyait
lui être payé par le trésor. Que faisait Verres ? Il leur
laissait cet argent , en tirant un intérêt de deux centiè-
mes par mois, quoique l'intérêt ordinaire ne fdt que
d'un centième. Mais pourquoi ces compagnies souf-
fraient-elles cette usure exorbitante? Cicéron n'en dit
pas la raison , et je ne saurais la deviner.
75. — LXXI. 11 y a dans le texte un tu qui n'a pas
de suite ; cette irrégularité de construction n'est point
rare dans les anciens écrivains. Emesti regardait ce mot
comme douteux; M. Schùtz l'a supprimé. J. Y. h,
76. — LXXII. Usura , c'est-à-dire usu pecuniœ. Les
fermiers des domaines publics devaient remettre des
sommes au trésor; le sénat quelquefois, pour les soula-
ger , leur laissait ces sommes entre les mains , et ils ne
les rendaient qu'après un certain terme. L'intérêt de
l'argeut à cette époque était de douze pour cent.
77. — LXXVL Cet anneau dont vous l'avez décoré
en pleine assemblée , et avec lequel il a scellé vos re-
gistres.
78. — Ibid. Voyez, pour tous ces faits, le Discours
où il s*agit de la questure , de la lieutenance et de la
préture de Verres , premier Discours de la seconde ac-
tion.
79. — LXXVIIT. Il y avait des hommes chargés
d'examiner si les monnaies étaient de bon aloi ; c'est ce
qu'on appelait spectatio. Colljrbus était l'examen du rap-
port d'une monnaie d'un pays à celle d'un autre. On ne
sait pas au juste ce qu'il faut entendre par cerarium. —-
Desmeuniers observ^ avec raison que ce mot parait si-
gnifier ici V enregistrement , les frais de registres.
80. — LXXtX. Mot % mot, pour le courrier pan l'arri-
vée duquel on est averti de la somme qu*on a a réclamer.
— Grévins , Ernesti et M. Schiitz regardent petiverunt
comme une glose qu'il faut ,effacer.
81. ~> Ibïd. L'abbé Auger s'était trompé en tradui-
dby Google
NOTES. 279
sant , et Vhoimeur des magistrats; mais il s*était trompé
avec le célèbre jurisconsulte Hotman , et plusieurs autres
interprètes. JI serait trop long d'expliquer ici le raolpe-
riculum , épreuve, protocole, formulaire d*acte public.
( Voyez la note de Grévius sur cet endroit , et surtout
celle de Bosius sur Cornélius Népos, chapitre 8 à!Épa-
minondas.) J. V. L.
82. — LXXIX. Cicéron, sans doute, parle ici de cer-
tains hommes qui , après avoir été acteurs , et s'être en-
richis dans cette profession , avaient acheté une charge
de greffier. Nous avons déjà remarqué que corollarium
est ce qu*on ajoutait à ce qui était dû , et que ce mot
était formé des petites couronnes ( a corollis) que l'on
donnait aux acteurs lorsqu'on en était content. Ainsi,
comme il est question d'acteurs , le mot ici a une force
et une propriété singulières. Scenicorum, SQOS-entendez
ludorum. — Une charge de grenier, mot à mot , une dé-
curie. Les greffiers apparemment étaient partagés en plu-
sieurs décuries. — Dans le second ordre des citoyens. Il
semble que ce devait être l'ordre des greffiers; mais on
sait que le second ordre était l'ordre équestre. Peut-être
est-il question de citoyens qui, de l'ordre des greffiers,
étaient passés dans l'ordre équestre. S'il y a ic^ quelque
difficulté , elle est aisément levée par ces mots , se gé-
nisse dicunt. C'était une illusion de leur ^vanité. — Dans
le premier ordre de Vétat , dans l'ordre des sénateurs.
83. — Ibid. Je ne m'amuse pas, dit l'abbé Auger , à
commenter la réflexion de l'orateur; j'avertis seulement
d'y faire attention.
84. — LXXX. Kous avons vu plus haut que la somme
totale remise à Yerrès pour les trois années de sa pré-
ture montait à près de sept millions de sesterces. Or ,
deux cinquantièmes de trente-sept millions font un mil-
lion cinq cent mille moins quelque chose. Mais on faisait
encore des déductions pour certains articles , ainsi qu'on
le voit. Elles emportaient peut-être plus de 200,000 ses-
terces , et par là la somme se trouvait réduite à un mil-
lion trois cent mille sesterces « 8i,25o livres'^
85. — Ibid, Caïus Caton , petit-fils de Caton le Censeur,
avait gouverné la Macédoine : il fut accusé de concus-
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28o NOTES.
hiou, et condamné au retour de 5» province. Dix-huit
milfe sesterces , ^yi5o livres.
86. — LXXX. L*anneaud'or était Ordinairjçnientla mar-
que des chevaliers romains; il fallait un certain revenu
pour être dans l'ordre équestre : or Verres en avait ruiné
beaucoup de cet ordre , qui se trouvaient dans rassem-
blée où il décorait son greffier d'un anneau d'or; à moins
qu'il ne parle de citoyens romains riches, ruinés par
Verres , et qui avant cela ne portaient l'anneau d'or que
comme une marque de richesse. On voit plus bas la
preuve que l'anneau d'or «l'était pas toujours la marque
(l'un chevalier romain.
87. — LXXXI. Verres n'était pas coupable précisé-
ment pour avoir estimé le blé douze sesterces, mais
pour l'avoir estimé ce prix lorsqu'il valait beaucoup
moins > et ^ur en avoir exigé une plus, grande quantité
qu'on ne lui en devait.
88. — LXXXIII. Philomélmm , ville de la Grande-
Phrygie. La distance de Philomélium à Éphèse était,
dit-on , de deux cent trente mille pas , environ soixante-
seize de nos lieues , et les cliemins n'étaient pas faciles.
8i). — LXXXVI. L'orateur parle ici de cette quantité
de blé qu'on rép;)rtissait sur les villes de la Sicile , et
qu'elles étaient obligées de vendre à la république , /ru-
mentam emtum.
90. — XCf. Marcellus n'avait pas été consul, il n'avait
été que préteur; mais souvent on envoyait dans les pro-
vinces, avec l'autorité proconsulaire, des citoyens qui
n'avaient été que préteurs.
91. — Ibid. Par les concussions et les vexations de
Lépidus, prédécesseur de Marcellus.
\)i. — Ibid. Nous avons déjà parlé plusieurs fois de cet
Antonins , qui avait eu la commission de défendre les cô-
tes maritimes avec un pouvoir illimité : il périt en faisant
la guerre aux Cretois. — Plus bas, le mot jtuiices, si on
le conserve dans le texte , se rapporte au sénat et au peu-
ple romain, peut-être faudrait -il hxejudiào suo.
93. — XCVI. Marcus Aurélius Cotta. Qui monte...,
lemplum tenet. On appelait templum l'emplacement de la
tribune aux harangues, parce qu'il avait été consacré
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NOTES. agi
par les augures. — - Un peu plus bas, sistere doit se
•prendre ici dans le sens de subsistere , consistere. (Yoy. la
note de Desjardins , page 680. )
94. — XCVIIl. Fotis le savez, dans toute la Sicile....
TeUe était donc Fadministration de ces vainqueurs du
monde ? partout la tyrannie et Toppression dans les pro-
vinces conquises , ées préteurs pÛlant les villes , les pu-
blicains forçant les laboureurs de fuir les campagnes.
Ubi soUtudinem /ecere , pacem appellant. Nous en pre-
nons à témoin Cicéron lui-même , et surtout le chap. 89
de ce Discours, où il atteste les gémissements et les
murmures de tous les peuples. « La liberté était dans le
centre, dit Montesquieu, et la tyrannie aux extrémités. »
J. V. L.
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SECONDE ACTION
CONTRE VERRES.
IF. DES STATUES,
»
TRADUCTION NOUVELIJE,
PAR P. C. B. GUEaOTJLT,
AirCIETf COirSEUitER TITULAIRE DE l'DMIVERSITB.
dby Google
%.%<%^%»%^%^,^%.%^%/^^%/»<W%.'%^ «^»« «/«l^«<^l/«l%««^ «,«/»%«^«<ih/«.«/»
INTRODUCTION/
Gaïus Yerrès avait été envoyé proconsul en
3icill , après l'expiration de sa préture. On sait
qlie les proconsuls étaient rois dans leurs pro-
vinces. La guerre, le détail des troupes de
terre et de mer, l'administration de la justice
et des finances , tout était h leur disposition.
Verres n'usa de ce pouvoir illimité que pour le
malheur des Siciliens. Aux concussions les
plus errantes , aux débauches les plus honteu-
ses, il^oignit une cruauté qui faisait presque
regretter à ces peuples leurs Denys et leurs
Phalaris.
Suivant l'usage et la loi , son administration
ne devait durer qu'un an j mais ses amis , ses
intrigues et ^on argent lui obtinrent une pro-
rogation de deux autres années. Après ce temps
enfin , on lui nomma un successeur, et il re-
vint à Rome chargé des dépouilles et de la haine
des Siciliens. Toutes les villes, excepté Syra-
* Comme le traducteur rappelle ici dWe manière
très succincte l'histoire et le sujet des cinq Discours
précédents , nqiis avons cm devoir , même dans une édi-
tion complète , ne pas supprimer cette analyse, en faveur
de ceux qui voudront lire à part les deux dernières Ver-
rines. Note de Véditeur.
dby Google
INTRODUCTION. a85
dise et Messine , envoyèrent des députés pour
Faccuser.
Ils s*adressèrent à Gicéron , qu'ils avaient eu
pour questeur quelques années auparavant. Nul
autre ne pouvait mieux les servir. Il était dans
la force de Tâge, et dans la route des honneurs;
Il avait trente-sept ans , «t il sollicitait Tédilité
curule, qu'il obtint à cette même époque ( l'an
de Rome 685), comme le prix d'une longue
suite de services et de succès au barreau. Il
nous dit lui-même , dans son plaidoyer contre
Cécilius, c. ]5, que déjà il avait défendu plus
de causes qu'aucun Romain de son âge : Ego ,
guif sicut omnes sciant , inforo judiciis^e ita
verser, ut ejusdem œtatis aat mémo , aut pauci ,
plures causas, defonderint. Le peuple, charmé
de son éloquence , et persuadé de sa vertu , lui
prodiguait dans ^toutes les occasions la faveur
la plus signalée.
Maiâ s'il apportait dans cett^ cause de grands
avantages, il eut aussi de grands obstacles à
vaincre. Les familles les plus puissantes , les
Métellus, les Sctpions, et en -général tous les
Dobles, se déclarèrent en faveur de Yerrès.
Hortensîus, qu'on surnommait le roi du bar>
reau , était.son défenseur. Ils employèrent touis
les moyens pour le soustraire à la sévérité des
lois. Et d'abocd un certain Cécilius Niger vint
disputer à Cicéron et revendiquer pour lui-
même le droit d'accuser Verres. Il disait qu'il
avait personnellement à se plaindre de ses in-
dby Google
a86 INTRODUCTION,
justices ; qu*ayant été son questeur, il connais-
sait mieux tous ses crimes; qu'enfin, étant Si-
cilien , il lui convenait plus qu'à tout autre de
venger ses compatriotes. Cet homme n'était en
effet qu'un agent de Verres, soudoyé pour atti-
rer la cause h lui , et la trahir ensuite par la plus
lâche perfidie. Cicéron triompha aisément d'un
tel adversaire. C'est dans cette occasion qu'il
prononça le Discours intitulé In Cçecilium di-
vinatio.
Le tribunal lui fixa , conformément à la loi ,
cent dix jours pour recueillir les témoignages
et vérifier les mémoires et les accusations. Il
partit aussitôt pour la Sicile ; mais son infati*
'gable activité n'eut pas besoin de la moitié du
temps qui lui avait été accordé. Il revint au
bout de cinquante jours , et la promptitude de
son retonr jeta la consternation parmi les amis
de Verres. Celui-ci cherchait à faire remettre le
jugement h l'anaée suivante, certain d'être ab-
sous alors par le crédit des magistrats qui lui
seraient dévoués. Hortensius et Q. Métellus ve-
Baient d'être nommés consuls , et M. Métellus,
préteur et président du tribunal devant lequel
la cause aurait été portée.
Cicéron sentit qu'une longue plaidoirie con-
sumerait ua temps précieux. Le Discours qu'il
prononça dans cette circonstance est connu
sous le nom de In Ferrem Actio prima. L'ora-
teur ne chercha point à donner à\sa cause tous
les développements nécessaires. Il exposa suc-
dby Google
INTRODUCTION. %%j
cînctement et avec beaucoup d'énergie les prin-
cipaux crimes de Verres , et annonça aux juges
qu'il allait , k chaque fait qu'il dénoncerait, pro-
duire les pièces et faire entendre les témoins.
Neuf jours furent employés à ces débats. Hor-
tensius essaya d'abord de réfuter et de com-
battre. Mais les preuves furent si claires , les
dépositions si accablantes, les murmures de
tout le peuple romain qui assistait k ce procès
se firent entendre avec tant de violence, qu'il
n'osa plaider la cause. Verres prévint l'arrêt
par un exil volontaire;
Ainsi , des sept Discours que Cicéron nous a
laissés relativement à ce procès , les deux pre-
miers seulement ont été prononcés; les cinq
autres , connue sous le nom de 'jàctio secunda
in Verrem , ne l'ont pas été. Il les composa
pour convaincre le public que Verres n'aurait
rien gagné à attendre le jugement. D'ailleurs , il
s.'honorait lui-même en faisant éclater son indi-
gnation contre les prévarications d'un bomme
puissant et soutenu par les premières familles
de Rome. Enfin , un sentiment d'amour-propre
put y entrer pour quelque chose. Le défen-
seur de Verres était Hortensius , l'orateur le
plus célèbre de ce temps. Cicéron fut bien
aise dis lui montrer un rival déjii redoutsrble ,
et qui en effet ne tarda pas à le laisser loin de
lui dans la carrière.
Ces cinq Discours ne sont que les cinq divi-
sions d'un seul et même plaidoyer. L'orateur les
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288 INTRODUCTION,
a publiés tels qu'il les aurait prononcés en pré-
sence des juges et de Verres. Il y fait passer en
revue toute la vie , c'est-à-dire tous les crimes de
Taccusé.
Dans le premier ( Actidnis secundœ liber pri-
mus) , il expose la conduite de Yerrès avant sa
préture en Sicile. Verres avait été questeur de
Carbon en Italie, lieutenant de Dolabella en
Cilicie, enfin préteur, à Rome. Gicérou le suit
à la tr^ce de sts injustices dans cbacune de s^s
fonctions.
Le second a pour objet la manière dont il a
administré la justice en Sicile.
Le troisième , les vexations qu'il a exercées à -
l'occasion des blés que les Siciliens étaient te-
nus de foifrnir en nature ou de vendre au peuple
romain.
Le quatrième , les vols qu^ a faits en Sicile ^
et comme la plupart des objets volés étaient des
statues , ce Discours a reçu le titre de Oratio
de Signis.
C'est ainsi que le cinquième est intitulé De
Suppliciis y parce que l'orateur y traife sur-
tout des supplices que Verres a fait ^arbitraire-
ment subir à des Siciliens , et même à des ci-
toyens romains.
Les deux defniers de ces Discours sont rer
gardés comme des chefs-d'œuvre. C'est à eux ,
spécialement qu'il faut appliquer ce que.Cicé-
mil lui-même ( Orat. ^ c. 29) a dit de ses Ver-
rines f qu'il y avait fait entrer tous les gewes^
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INTRODUCTION. aSg
d^éloquenoe : Quod igitur in accusationif quin-
que libris non reperitur g^nus ?
La première phrase du Discours intitulé In
Verremcde Signis , n'est qu^une simple transi-
tion ^ Cicéron passe , de la troisième division
de son plaidoyer contre Verres , a la quatrième ,
où il va s'occuper des vols et des pillages que
•le préteur a commis en Sicile.
L'orateur annonce son sujet par une propo-
sition générale, qui l'embrasse tout entier, et,
comme sjil craignait de n'être pas assez clair ni
assez précis , il la développe encore en d'autres
termes , protestant aux juges qu'il ué parle point
en accusateur, et qu'il ne se permet aucune exa-
gération. Il présente donc Verres comme un
brigand qui a ravi aux habitants de la Sicile ce
qu'ils pouvaient avoir d'effets précieux , sans
en laisser un seul à qui que ce soit. Ensuite,
il entre dans lès détails. 11 retrace successive-
ment chacun des vols dont* le préteur s'est
rendu coupable. Ce Discours ne contient donc
qu'une suite de narrations indépendantes les
unes des autres, ayant toutes leurexorde,
leur confirmation et leur péroraison.
Rien de si simple qu'une telle méthode , rien
de si uniforme qu'un tel plan. Mais ce qu'on
ne saurait trop admirer dans cette longue suite
de récits , qui sembleraient devoir dégénérer
en une monotonie fatigante , par le retour saus
cesse répété des mêmes' genre$ de crifties , c'est
l'incroyable variété que le génie de l'orateur a
viiï. 25
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.^^o INTRODUCTION,
eu Tai* de répandre dans chacune de ces nar-
rations. Jamais on n'« su décrire et peindre une
foule d'objets de la même nature , avec des traits
plus vrais , plus variés , plus énergiques ; et ces
traits expriment* non seulement les choses , mais
les caractères.
Il ne présente point les faits au hasard et
sans un dessein réfléchi 4 sa marche est'habile-
ment calculée, et il les a cjassés dans l'ordre
le plus propre à augmenter l'intérêt. Il parle
d'abord des vols ^ont les individus ont été vic-
times, et de là il passe ^l'enlèvement des pro-
priétés publiques , au pillage des temples , à la
dévastation des monuments consacrés , soit k
la gloire du peuple romain, soit à la religion
des habitants de la Sicile.
L'orateur excite l'attention , il pique la cu-
riosité , et toujours il intéresse. Veut41 ensuite
faire sentir l'énormité d'un crime, avec quel
art il l'analyse ef le décompose! Il ne l'aban-
donne qu'après en avoir exprimé, pour ainsi
dire, tout l'odieux qu'il renferme. S'il réfute
les excuses et les réponses de Verres , la jus-
tesse des raisonnements est toujours fortifiée
par l'énergie du langage et l'éloquence des pen-
sées } et en même temps qu'il excite l'indigna-
tion contre la cupidité du préteur, il livre au
mépris sa grossièreté et son ignorance. Tour a
tour il le frappe des traits perçants du ridicule,
et l'accable sous le poids des preuves les plus
imposantes. •
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INTRODUCTION. 291
On distingue dans ce Discours onze articles
ou griefs qui forment autant de narratioas par-
ticulières. Toutes ont le degré de perfection et
de beauté dont elles sont susceptibles. Cha-
cune a son caractère propre et le ton de cou-
leur qui lui convient. Cest une galerie où tout
est heureusement diversifié. Mais il est des ta-
bleaux qui prêtent plus au génie de l'artiste et
k la hardiesse de son pinceau. Les sujets en
sont grands et riches ; ils offrent un plus beau
spectacle. Tels sont It trait de ce (candélabre
d'or , enrichi de pierreries , que Verres vola au
roi Antiochus, Tenlèvement de la statue de
Diane à Ségeste , du Mercure de Tyndare , de
la Gérés d'Enna , et la comparaison établie en-
tre Marcellus et Verres. J'ai tâché de dévelop-
per, dans les Notes, les beautés de ces diffé-
rents morceaux.
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IN C. VERREM
ACTIO SECUNDA.
LIBER QUARTUS.
DB SIGNIS.
ORATIO NONA.
I. Yeitio nunc ad istius, quemadmodum ipse
appellat , studium ; ut amici ejus , morbum et in-
saniam; ut Siculi, latrocinium : ego^ quo nomine
appellem, nescio. Rem yobis proponam : vos eam
siTo, non nominis pondère penditote. Genus ip-
sum prius cognoscite, judices ; deinde fortasse
non raagnopere quasret^, quo nomine appellan-
dum putetis.
Nego in Sicilia tota, tam locupleti , tam vetere
proyincia, tôt oppidis, tôt familiis tam copiosis,
ullum argenteum vas", uUum Corinthium, aut
Deliacum fuisse ; uliam g^mmam , aUt margarîtam ;
quidquam ex auro, aut ebore factum; signum
uUum œneum , marmoreum , ebumeum ; nego
uUam picturam , .^ neque i^ tabula , neque textili
fuisse , quin conquisierit y inspexerit ; quod placi-
tum sit, abstulerit.
' jilii, neque in tabulis, neqoe teztilem. Schûtz, in
textili. •
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SECONDE ACTION
CONTRE VERRES.
LIVRE QUATRIÈME.
DES STATUES.
DISCOURS NEUVIÈME.
I. J B vais parler de ce que Verres appelle son goàt ;
ses amis disent sa maladie, sa manie; les Sicilens, son
brigandage ; moi', je ne sais de quelle expression me
s<^Tir *. Je vons exposerai la chose ; c'est k vous d*en
juger par ce quelle est , sans vous arrêter au nom qu'on
lui donne. Prenez-en d'abord une idée générale, et
peut-être n'anrez-vous pas beaucoup de peine à trou-
ver le mot propre.
• Je nie que dans la Sicile entière , cette province si
riche , si andeune , peuplée de tant de cités et de fa-
milles si opulentes, il ait existé un seul, vase, soit d'ar-
gent , soit de métal de Corinthe » ou de Délos , une
seule pierrerie, une seule perle, un seul ouvrage en or
ou en ivoire, un seul marbre , un seul bronze , enfin
un seul tableau , un seul tapis , qu'il n'ait recherdbé ,
qu'il n'ait examiné, et si l'objet lui a plu, -qu'il n'ait
enlevé.
* L'orateur emploie une forme presque semblable,
tfro Qumtib, c. iS; in Ferr., V, 66.
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294 IN VERREM ACT. Il, LIB. IV.
Magnum videor dicere : attendite etiam qiiem-
admodum dicam. Non enim verbi, neqae criminis
augendi causa complector omnia ■ Quum dico , nihil
istum ejusmodi rerum in tota proymciareliqaisse^
latine me sritote, non accusatorîe loqui. Etiatn
planius : nihil in aedibus cujusquam, ne in oppidis
quidem; nihil in locis communibus, ne in fanis
quidem ; nihil apud Siculum , nihil apud civem
romanum; denique nihil istum, quod ad oculos,
animumque accident , neque privati , neque pu-
blici, neque profani, neque sacri, tota in Sicilia
reliquisse.
Unde igituf potius încipîam, quam ab ea ciyi*
tate, quœ tibi una in amore, atque in deliciis fuit?
aut ex quo potius numéro ^ quam ex ipstg lauda-
toribus tuis? Facilius enim perspicietur , quahs
apud eos fueris, qui te oderunt, qui accusant, qui
persequuntur ; quum apud tuos Mamertino| inve-
niare improbissima ratione esse prsdatus.
IL G. Heius est Mamertinus ( omnes hoc mihi
facile concèdent, qui Messanam accesserunt) om-
nibus rébus in illa civitate ornatissimus. Hujus
domus est vel optiraa MessansB,.notissima quidem
certe, et nostris hominibus apertissima, maxime-
que hospitalis. Ea* domus ante adventum istius sic
omata fuit, ut urbi quoque esset omamento : nam
ipsa Messana, qu^e situ, mcenibus, portuque or-
nata sit, ab his rébus, quibus iste delectatur, sane
vacua , atque nuda est Elrat apud Heium sacra-
rium magna cum dignitate in aedibus , a majoribus
traditum , perantiqmim : in quo signa pulcharima
quatuor, summo artificio, summa nobilitate; qnsB
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SEC. ACTION CONTRJK YERRÈS, IV. 295
Jqges, cette proposition vonp étonne. Cependant je
vous sappKe^encore de peser tons les termes. H n'y a
point ici d'hyperbole; je ne cherche point à exagérer
les torts de Verres. Quand je dis que dans toute la
province il n'a rien laissé de tous ces objets précieux,
je ne parle pas en accusateur , j'énonce simplement un
fait. Je vais pfcs loin ; j'affirme qu'il n'a rien laissé dans
les maisons , ni même dans les villes ; dans les édifices
publics, ni même dans les temples; rien chez les Sici-
liens, rien chez les citoyens romains; en un mot, qne
dans la Sicile entière, tout ce qui a frappé ses regards
ou excité ses désirs , décorations privées et publiques
ornement^ profanes et sacrés, tout est devenu sa proie.
Pnis-je mieux commencer , Verres, que par la ville
qui fat toujours l'objet de vos plus chères afièëtions ,
que par vos prc^res panégyristes.^ En voyant à quel
point les Mamertins , vos amis , ont été victimes de
ros déprédations, on concevra {dus facilement ce qne
.durent éprouver ceux qui vous haïssent, qui vous «c-
cooent, qui vous poursuivent.
II. De tons les habitants de Messine, C. Héiu9 est
celui qui possède le mobilier le plus riche et le pluii
nciagnifique : quiconque a vu Messine sera de mon avis.
Sa n^aison y tient le premier rang; c'est sans coa>
tredit la plus connue , et celle où nos citoyens sont le
plus généreusement accueillis *. Avant l'arrivée de Ver-
res, elle était si bien décorée, qu'elle-même étftit la
décoration de la ville ; car Messine , dont on vante le
site, les murailles et le port, est absolument dépour-
vue de toutes ces curiosités pour lesquelles notre pré-
teur a tant de gont Héios avait chez lui un très bel
oratoire, monument antique de la piété de ses ancê-
tres 3. On y voyait quatre statues très célèbres, toutes
d'un travail exquis et faites pour charmer , je,ne dis
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396 IN TERREM ACT. H, LIB. IT.
non modo istum hominem , ingeniosum atque in-
telligentem , yenim etiam quemvis nostrum, quos
îste idiotas appellat , delectare possent : unum
Gupidinis marmoreum, Praxîtelis : nimirum didîci
etiam, dum in istum inquiro , artîficum nomina;
idem, opinor, artifex ejusdem modi Copidinem
fecit illum , qui est Thespiis , propter quem The»-
piœ visuntur : nam alia yisendi causa nnlla est.
Itaque ille L. Muramius, quum Thespiadas, qu»
ad aedem Felicitatis sunt, ceteraque profana ex
illo oppido signa tolleret , hune marmoreum Cu-
pidinem , quod erat consecratus , non attigit.
III. Verum, ut ad illud sacrarium redeam,
signum erat boc, quod dico, Gupidinis e mar-
more : ex altéra parte Hercules egregie ' factus ex
aère ; is dicebalur esse Myronis , ut opinor : et
certe. Item ante hosce deos erant arulae, quœ cuivis
sacrarii religionem significare possent. Erant «nea
prsterea duo signa , non maxima , verum eximia
venustate , virginali habitu atque vestitu , quae
manibus sublatîs sacra quœdam , more Atbeniene
sium yirginum , reposita in capitibus sustinebann
Canepbors ipsas vocabantnr : sed earum artificem
• quem ? quemnam ? Recte admones : Polycletum
esse dicebant. Messauam ut quisque nostrum ye-
nerat , bac yisere solebat ; omnibus hase ad yisen-
dum patebant quotidie : domus erat non domino
magis ornamento, quam ciyîtati.
G. Glaudius, cujus aedililatem magnificentissi-
' Sic Grœv. recte; olim, factas est. — * Alii maie omit-
tuât qaem ?
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, IV. 297
pas seulement nn amatear et an connaisseur, tel que
Terres , mais (les hommes i^orantset grossiers , comme
vons et moi, citoyens; car c*est ainsi qu'il nous traite.
Unne des quatre était un Cupidon de marbre, ouvrage
de Praxitèle. En faisant mon enquête , j'ai appris jus-
qu'aux noms des artistes ^. Si je ne me trompe, c'est le
même Praxitèle qui a fait le Cupidon de marbre qu'on
voit à Thespies, où sa beauté seule attire les étrangers;
car cette ville n'a rien d'ailleurs qui puisse les appeler.
Loi'sque Mummius enleva de Thespies les statues des
M'uses, aujourd'hui placées devant le temple de la Fé-
licité „ et les autres ornements profançs , il ne toucha
pas à ce Cupidon, parce qu'il était consacré.
m. Je reyiens à l'oratoire dlléias. En face de ce
Cupidon de marbre dont je riens de parler , était un
Hercule de bronze ; on le disait, je crois, de Myron :
je dis bien , de Myron. De petits autels dressés devant
ces deux divinités annonçaient la sainteté da lieu. Les
deux autres statues étaient aussi de bronze , et d'une
grandeur moyenne , mais d'une beauté parfaite. A leurs
traits , k leurs vêtements , on reconnaissait de jeunes
vierges; les bras élevés, elles portaient sur leurs têtes,
comme les jeunes Athéniennes dans les fêtes de Cérès,
des corbeilles sacrées qu'elles soutenaient de leurs
mains ^. On les appelait Canéphores. L'artiste qui les
avait faites était.... son nom m'échappe.... Tous avez
raison : c'était Polyclète. Nos Romains , en arrivant à
Messine , s'empressaient de vinter l'oratoire d'Héius :
il était ouvert à tout le monde ; on le voyait tons les
jours. (Sette maûon ne fiiisait pas moins d'honneur à
la ville qn'au propriétaire lui-même.
C. Claudius , qui signala son édilité par la magnifi-
cence de ses fêtes *, emprunta ce Cupidon pour tout le
* En 654.
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298 IN TERREM ACT. H, LIB. TV.
mam scimus fuisse , usus est hoc Cupidine tamdiu ,
dum forum diis immortaiibus , populoqiie romano
habuit ornatum ; et , quum esset hospes Heiorum ,
Mamertini autem populi patronus, ut illis benig-
nis usus est ad commodandum , sic ipse diligens
fuit ad reportandum. Nuper homines nobiles
ejnsraodi , judices , et quid dico nuper ? imo vero
modo, ac plane paullo ante vidimus, qui forumi
ac basilicas , non spoliis provinciarum , sed orna-
mentis amicorum, commodis hospitum, non furtis
hoceutium, ornarent : qui tamen signa, atque or-
namcQta sua cuique reddebant; non ablata ex
urbibus sociorum , -quatridui causa , j>er simula-
tionem œdilitatis, domum deinde atque ad suas
villas auferebant. Hsec omnia , quse dixi , signa, ju-
dices, ab Heio de sacrariq Verres abstulit : nul-
lum , inquam , horum reliquit , neque aliud ullpm
tamen, prœtcr unum pervetus ligneum, Bonam
Fortunam , ut opinor : eam iste habere domi suae
noluit.
IV. Pro deum hominumque fidem ! quid hoc
est ? qux haec causa ? quae h%c impudentia est ?
' quaî dico signa , antequam abs te sublata sunt ,
Messanam cum iraperio nemo venit, quin aident;
tôt prsBtores, tôt consules in âicilia, tura in pace,
tum etiam in bello fiierunt ; tôt homines cujusque
modi : non loquor de integris, innocentibus, reli-
giosis : tôt cupidi , tôt improbi , tôt audaces ; quo-
rum nemo sibi tam yehemens , tam poten», tam
nobilis yisns est , qui ex illo sacrario quidquam
poscere , aut tollere , aut attingere auderet. Ver-
' Ijacunam hic Ernest, andet. Schfitz addit ista.
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SEC. ACTION CONTRE YERRÈS, IV. 2<)c,
temps qu'il fit décorer le forum en llionneur des dieux
et du peuple romain «; et ce magistrat, lié avec les
Héins par les nœuds de l'hospitalité , protecteur de la
ville de Messine, ne fut pas moins exact à le rendre
qu'ils n'avaient été empressés à le prêter. Dans ces der-
niers tenl|)s, que dis-je? ces jours mêmes, nous avons
vu d'autres nobles encore décorer le forum et les por-
tiques qui l'entourent ' , non pas avec les dépouilles des
provinces et les trophée^ du brigandage, mais avec des
ornements prêtés par des amis, ou confiés par des
hôtes : et ces effets ]^récieux, ils les ont rendus avec
fidélité; ils ne les ont point transportés dans leurs pa-
lais et dans leurs campagnes, après les avoir emprun-
tés à nos alliés pour les fêtes de leur édilité. Mais les
statues dont j'ai parlé , Verras les a enlevées tontes les
quatre de l'oratoire d'Héius, et même il a fait main
basse sur les autres, sans en laisser une seule, à la
réserve pourtant d'une vieille figure en bois qui repré-
sentait, je crois, la Bonne Fortune, dbat il ne voulut
pas chez, lui.
rv. O justice des dieux «t des hommes! quelle cause
monstrueuse! quel excès d'impudence ! Avant qu'il eût
enlevé ces statues, tous les magistrats qui étaient en-
trés dans Messine les avaient vues comme lui. De tant
de préteurs et de consuls envoyées en Sicile, et dans
la paix et même dans la guerre, de tant de gouver-
neurs de tousses caractères; je ne parle pas des ma-
gistrats vertueux, intègres, scrupuleux, mais enfin de
tant d'hommes cupides, prévaricateurs, audacieux,
nul n^a jamais assez présumé de sa hardiesse, de son
pouvoir, de sa noblesse, pour oser demander, enlever,
toucher rien de ce qui décorait cet oratoire : et "Verres
saisira ce qu'il y a de pltis beau, eu quelque lieu qu'il
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3oo m TERREM ACT. n, UB. IV.
res, quod ubique erit pulcherrimum , auferet?
nihil habere prseterea cuiquam licebit ? tôt domus
locupletîssimas domus istius una capiet ? idcirco
nemo superiorum attigit, ut iste lolleret? ideo
C. Claudius Pulcber retulit, ut C. Verres posset
auferre ? At non requirebat ille Cupido leponis
domum, ac meretriciam disciplinam : facile illo
sacra rio patrio continebatur : Heio se a majoribus
relictum esse sciebat ' in hereditate sacrorum :
non quaerebat meretricis heredem.
Sed quid ego tam vehementer inv^ehor ? Verbo
jam uno repellar; Emi , ihquit. O dii immortales !
prœclaraia defensionem ! mercatorem cum impe-
rio ac secnribus in provinciam mia^aus ; qui
omnia signa, tabulas pictas, omné^ argentuin ,
aurum, ebur, gemmas coemeret; nihil cuiquam
relinqueret. Hœc enim mihi ad omnia defensio
patefieri videtur, émisse. Primum , si id, quod vis,
tibi ego concedam, ut emeris, quoniam in toto
hoc génère bac una defensione usurus es; qu«ro,
cujusmodi tu judicia Rom» putaris esse , si .tibi
hoc quemquam concessurum putasti , te in praetura
atque iinperio , tôt res tam pretiosas , omnes de-
nique res, qu8e alicujus pretii fuerint, Cota ex
provincia coemisse ?
Y. Videte majorum diligentiam , qui nihildwn
etiara istiusmodi suspicabantur ; -verumtamen ea ,
quae parvis in rébus accidere poterant, provide-
bant. Neminem , qui cum potestate , aut legatione
in provinciam esset profectus , tam amentem fore
' Ernest, maluit Uctionem aliam, ad heredilatem.
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SEC. ACTION CONTRE, VEkRÈS, FV. 3oi
le trouve ! Nul aatre n'aura droit de rien posséder !
Les ridiesses de tant de maisons opulentes iront se
oonfo'ndre dans la maison da senl 'Verres ! Quand ses
prédéc^senrs oUt respecté ces chefs-d*œavre, c'était
donc ponr qu'il les ravit? Lorsque Qandios Pnlcher
les a 6dèlement restituées , c'était.donc pour que Terres
en fît sa proie? Mais ce CufMdon ne cherdiait pas une
maison de débauche , une école de prostitution : il se
plaisait dans cette chapelle héréditaire. Transmis à
Héius avec les autres dieux de cette vertueuse famille ,
il ne demandait pas à passer chez l'héritier d'une cour-
tisane. •
J'ai tort dé m'emporter. Un seul mot va me réduire
au silence. J'ai acheté, dit 'Verres^. O dieux! quelle
excuse ! Ainsi -nous avons envoyé en Sicile un mar-
chand avec tout l'appareil de l'autorité , pour acheter
indistinctement les statues, les tableaux, l'argenterie,
l'or, i'ivoire, les pierreries qui se trouveraient dans la
province. Ofeir je vois qu'à tons mes griefs on n'oppo-
sera que ce seul mot , H a acheté. Je le suppose ponr
un moment, pnisqn'enfin telle doit être votre unique
réponse à toute cette partie été mon accusation. Quelle
étrange idée avies-vons donc conçue des tribunaux de
Rome , si vous pensiez qu'on pardonnerait à un pré-
teur, à un homme revêtu du pouvoir suprême, d'avoir
acheté tant d'effets d'une si haute valeur, en un mot
tout ce qu'il y avait de précieux dans toute la pro-
vince ?
y. Admirez, citoyen^ l'attention scrupuleuse de
nos ancêtres : assurément l'idée de pareils excès était
bien loin de leor esprit; toutefois leur prévoyance
s'étendait sur les détails les plus minntieux. Ils n'ima-
ginèrent pas qu'un préteur, qu'un lieutenant, envoyés
dans une province, fussent jamais tentés d'y acheter
viir. ' a6
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3o2 IN VERKEM AÇT. II, UB. lY.
putanmt , ut emeret argentum ; dabatur enim de
publico : ut vestera; prsebebatur enim legibus :
mancipium putayerunt ; quo et omnes utimur, et
non pnebetur a populo : sanxertint, « Ne quis
emeret mancipium, nisi in demortui locum. » Si
qui RomiB esset demortuus ? imo , si quis ibidem :
non enim te instruere domum tuam yoluerunt in
proyincia, sed illum usum proyinci» supplere.
Quae fuit causa, cur tam dîligenter nos in pro-
yinciis ab emtioLÎbus removerent ? haec , judices,
quod putabant ereptionem esse, non emtionem,
quum yenditori suo arbitratu vexidere jion liceret :
in provinciis intelligebant , si is, qui esset cum
imperio ac potestate , quod apud quemque esset ,
emere yellet, idque ei liceret, fore uti, quod quis-
que yellet , sive esset vénale , sive no» esset , quanti
vellet , aufexret. Dicit aliquis : Noli isto modo agere
cum Verre ; noli ejus facta ad antiquae religionis
rationem exquirere; concède, ut impune emerit,
modo ut bona ratione «merit , nibil pro potestate,
nihil ab inyito, nibil ^er injuriam. Sic agam : si
quid yenale habuit Heius , si id , quanti «stimabait,
tanti yendidit, desino quaerere, cur emeris.
yi. Quid igitur nobis faciendum est? num ar-
gumentis' utendum in re ejusmodi ? quserendum
est, credo, Heius iste num ses alienum habuerit,
nqm auctionem fecerit ; sf fecit , num tanta diffî-
cultas eum rei nummari«e tenuerit, tanta egestas^
tanta yis ' oppressent, ut sacrarium suum spolia-
' Melius quant presserit , quod haùent quidam mss. et
edd.
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SEC. ACTÎON CONTRE VERRÈ5f, IT. 3o5
de Targeiiterie; la répabliqne leur en donnait '° : des
amenblements ,- les lois y avaient pourvu. Mais ils pen-
sèrent qu'ils pourraient acheter des esclaves; il en faut
a tout le monde , et l'état n'en fournit pas. Ils lenr
interdirent, par une loi, l'achat d aucun esclave, si
ce n'itait afin d'en remplacer un qui serait mort, non
pas à Rome, mais dans le lieu même de leur itési-
dence ' ' ; car ils n'ont pas voulu qu'un préteur allât
monf.er sa maison dans sa province , mais que seule-
ment il pût réparer la perte d'un de ces objets qui
sont d'un usage journalier. Et pourquoi nous inter-
dire avec tant de précaution tout achat dans nos pro-
vinces? C'est qu^ils pensaient qn'nn achat n'est qu'une
extorsion, toutes les fois que le vendear n'est pas
libre; c'est qu'ils sentaient que si un homme, armé
de l'anferité «âviXe et militaire , avait la volonté et le
droit de tout adieter, il enlèverait tout ce qui serait à
sa bienséance, au prix qu'il le voudrait, la chose fut-
elle à vendre ou non. Mais, me dit-on, c'est agîr^vec
trop de rigueur; ne jugez pas la conduite de Verres
sur les principes austères de nos ancêtres; pardonnez-
lui d'avoir acheté, pourvu qu'il l'ait fait de bonne foi,
sans abus d'autorité, sans contrainte, sans lécioa. Je
le veux bien : si Héins « voulu vendre, et «11 à reçu
le prix qu'il désirait, je ne demande plus pourquoi
vous avez acheté.
TI. Ici les raisonnements deviennent superflus. Tout
se réduit, je pense , ^ces questions : Héins a-t-il eu des
dettes? Héius a-t-il%is ses effets en vente? Et s'il l'a
fait, s'est-il trouvé dans une détresse assez grande,
dans une situation assez fâcheuse pour être contraint
defdéponiÛer son oratoire et de vendre les dieux de ses
- pères ? Or , je vois qu'Héius n'a fait aucune vente de
ses biensi, qu'il n'a jamais vendu que les fruits de ses
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3o4 IN TERKEM ACT. H, LIB. IV.
ret , ut deos patries yenderet. At hominem video
auctionem fecisse nullam ; yendidissse , prseter
fructus suos , nihil onquam ; Don modo in sere
alieuo nuUo , sed in suis nummis multis esse , ac
semper fuisse ; si hœc contra , ac dico , essent om-
nia, tameu ilium haec, quae tôt annos in familia
sacrarioque majomm fuissent, yeuditurum non
fuisse. Quid , si magnitudine pecuni» persuasum
est'ei? Verisiniile non est, ut ille bomo tam locu-
pies, tam honestus, religioni su» monumentisque
majorum pecuniam anteponeret. Sunt ista : ^e-
rumtamen abducuntur homines nonnunquam etiam
ab institutis suis magnitudine pecuniœ. Videamus,
quanta ista pecunia fuerit , quae potuerit Heium,
hominem maxime Idcupletem , minime af arum ,
ab humanitate, a pietate, ab religione deducere.
Ita jussisti, opinor, ipsum in tabulas referre :
« Hœc omnia signa Praxitelis , Myronis , Polycleti ^
« H*S yi mill. et d Yerri yendita sunt. » Recita ex
tabulis. Tabulje Heii. Juyat me, hajc prseclara
nomina artificum, quae isti ad cœlum ferunt, Verris
«stimatione sic concidisse. Cupidinem Praxitelis
H-S M DC î Profecto bine natum est : « Malo emere,
« quam rogare. »
YII. Dicet aliquis : Quid? tu ista permagno
aestimas? Ego vero ad meam rationem usumque
non sestimo : yerumtamen ^ y obis ita arbitror
spectari oportere, quanti hœc eorum judicio, qui
studiosi sunt haruni rerum, sestimentur; quanti
yenire soleant; quanti haec ipsa, si palam lib^-
que yenirent; yenire possent, denique ipse Verres
' M. multi, fuit. •
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, TV, 3o5
terres ; qae loin qu'il ait des dettes , se» coffres sont
an^oord^hni, comme ils l'ont toujours été , remplis d'ar-
gent; je vois qu'en supposant ]e contraire de tout ce
que je dis, il était incapable de vendre des monaments
sacrés qui , depuis tant d'années, étaient dans la famille
et dans l'oratoire de ses ancêtres Mais on l'a séduit
peut-être par une forte, somme Non, citoyens, il
n'est pas Traisemblable que cet homme si riche ,-si hon-
nête , eut sacrifié à une somme quelconque ses dieux
et les monuments de ses pères...... Oui, mais l'argent,
l'argent quelquefois nous entraine bien loin de nos
principes..... Toyons-la donc cette somme prodigieuse
qiû a pu éblouir Héius , un des hommes les plus riches -
et les moins intéressés , an point de lui faire oublier
les sentiments de l'honneur , de la piété filiale, et de la
religion. "Voici ce qu'il a écrit lui-même sur ses regis-
ties , sacs doute par votre ordre : Toutes ces statues de
fraxieèle, de Mjrron, de Poljclète , ont été 'vendues à
Ferrés six mille cinq cents sesterces *. Lisez : Registres
dHéius. J'aime à voir ces noms fameux d'artistes , ces
noms que les amateurs portent au ciel , rabaissés ainsi
par l'estimation de Verres. Un Cupidon de Praxitèle ,
seke cents sesterces**. Ah! sans doute c'est de là
qi/est né le proverbe : J'aime mieux acheter que de-
muider.
VII. On dira que c'est attacher un grand prix à ces
frÎTolités. Citoyens , je ne les apprécie ni d'après mes
principes , ni pour mon usage ; mais je pense que vous
devez vous mettre à la place de ceux qui ont cette
manie , examiner ce qu'elles valent dans leur opiniou ,
combien elles se vendent communément, quel prix
on pourrait donner de celles dont je parle , dans une
• 1,46a fr. — ** 36o fr. G.
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3o6 IN TERREM ACT. H, LIB. IV.
quanti «stimet. Nunquam étiim , si deuariîs qaa-
dringentis Cupidinem illum putasset, commisis^
set, ut propter eum in sermonem hominum atque
in tantam vituperationem yeniret. Quis vestrum
igitur nescit, quanti hsec aestimentur ? In auctione
signnm aeneum, non magnum, H-S ' cxx milllbus
Tenire non yidimus ? Quid , si yelim nominare
homines , qui aut non minoris , aut etiam pluris
emerint , nonne possum ? etenim qui modus est in
his rébus cupiditatis, idem est «stimationis : dlC-
ficile est enim finem facere pretio, ni si libidini
feceris. Video igitur Heium, nefque voluntate,
neque diffîcultate aliqua temporis , neque magnî-
tudiue pecuni» adductum esse , ut haec signa veu-
deret; teque ista simulatione emtidnis, vi, metu,
imperio, fascibus, ab homine eo, qnem una cun
ceteris sociis non solum potestati tuse, sed eùnT$
fidei'populus romanus commiserat, erlpuisse atqu^
abstulisse.
Quid mibi'tam optandum, judices, potest esie
în hoc crimine, quam ut bsec eadem dicat îp^
Heius? nihil profecto; sed ne diffîcilia optemus.
Heius est Mamertinus ; Mamertina ciyitas istum
publiée communi consilio sola laudat : omnibus
ipse ceteris Sicub's odio est; ab4iis solis amattr.
Ejns autem legationis, quas ad istum laudandum
missa est, princeps est Heius; etenîm est primas
civitatîs ; 'ne forte, dum publicis mandatis ser-
' Codd. LamèùU, xl millibus. — * f^erba hcec, ne
forte, Emestio suspecta, optime interpretatur rytten-
hach , Biblioth. crû., I, a, /?. i^, per ellipsin grecam
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, IV. 3o7
vtiate ybre «t publique , en an mot ce qu'elles valefit
aax yenx de Yerrès iai-méine. Il a payé ce Çiqiidon
quatre cents deniers. Mais , s'il ne Teât pas esCÎnié da>
vantage , aarait-ilTooln, pour nn objet anasi modique ,
braver les propos de la malignité et s'exposer aux
reprodies les plus honteux? D'ailleurs, qui de vous
ignore le prix de ces cboses? N'avons-nous pas vu
dans une vente publique un. bronze ,, d'une grandeur
moyenne , payé cent 'vingt nulle sesterces* ? Ne pourraîs-
je pas citer des personnes qui en ont payé de sembla-
bles aussi cher , et même plus cher ? Ce sont là des ob-
jets de fantaisie : on ne peut assigner de terj;ae à leur
valeur ; elle dépend toute du caprice des acheteurs. Je
vois donc qulléius n'a point voulu vendre ses statues,
qu'il n'a point été contraint pat le besoin , qu'il n'a
pas été séduit pat l'importance de la somme , mais que
c'est vous qui , par la force , par la crainte, par l'abus
dxÈ pouvoir , p v^ une violence colorée du nom d'achat ,
les avez enlevées et arrachées des mains d'un homme
que la république avait mis , avec les autres alliés , sous
la sauve'gsp^de de TOtre piûssance et de votre loyauté.
Que me resterait-il à désirer si Héius attestait lui-
même ce que je viens de dire ? Certes , mon triomphe
serait complet ; mais ne souhaitons pas l'impossible.
Héius est de Messine , et Messine est la seule viUe qui
ait décerné un éloge à Verres. Détesté du reste des
Sidliens , Verres n'a d'amis qu?à Messine. Or , Héius ,
le premier citoyen de la ville , est chef de la députa-
tion envoyée pour louer Verres. Organe de la re-
connaissance publique , vondrait-3 faire entendre ses
plaintes personnelles ? J'avais fait ces réflexions. Tou-
tefois j'ai osé me confier à sa probité, je l'ai fait en-
tendre dans la première action ; et je n'avais rien à
* 27»ooo. fr, G.
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3o8 m TERREM ACT. H, LIB. IT.
TÎaty de priTatis injuriic reticeat. Haec qucun scî-
rem et cogitarem, comnisî tamen me, judices,
Heio : produxi eum prima actione ; Deque id tamen
uUo periculo feci. Quîd euim poterat Heius res-
pondere , si esset improbus, si soi dissimilis ? Signa
illa domi suœ esse , non apud Verrem ? Qui pote-
rat quidquam ejusmodi dicere? ut homo turpissi-
mus esset, impudentissimeque mentifetur, hoc di-
ceret, illa se habuisse veualia, eaque sese, quanti
voluerit, yendidisse. Homo domi su» nobib'ssi-
mus, qui vos de religionè sua ac dignitate yere
existimare maxime "vellet, primo dixit, se istum
publiée laudare , quod sibi ita mandatum esset :
deinde neque se illa habuisse venalia; neque uUa
conditione, si, utnim vellet, liceret, adduci un-
quam potuisse, ut venderet, illa, qnas in sacrario
fuissent a majoçibus suis relicta et tradita.
VIII., Quid sedes , Verres? quid exspectas? quid
te a Centuripina civitate, a Cstinensi, ab Halesina,
abTyndaritana, Ennensi, Agyrinensi, ceterisque
Sicilis civitatibus cîrcumveniri atque opprimi di-
cis ? tua te altéra patria , quemadmodum dicere
solebas, Messana circumvenit : tua, inquam, Mes-
sana , tuorum adjutrix scelerum , libidinum testis,
prsedarum ac furtorum receptrix. Adest enim vir
amplissimus ejiis civîtatis , legati:^ hujusce judicii
causa domo missus , princeps laudationis tuae ; qui
te publiée laudat ( ita enim mandatum , atque im-
peratum est : tametsi rogatus de ' Cybea , tenetis
memoria, quid responderit : cdificatam publicis
' Conjiciunt Tumeb. et Salmasius , Cypaea, a Kvr»;
Grttvms, Cymbia, a Jiuf*Cti.
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SEC. ACTION CONTRE TERRÉS, IV. 309
craindre. Quand Héin^ aarait été on homme wins prin-
cipes , qnand il anrait démenti son caractère honnête,
que ponvait-U répondre ? Qne les statues étaient chez
loi et non chez Terres ? LMmpostore était trop gros-
sière. Qu'on le suppose le plus vil des mortels , le plus
audacieux des imposteurs , voici tout au plus ce qu'il
pouvait dire : J'ai voulu les vendre , et j'en ai reçu le
prix que je demandais. Mais ce citoyen respecté dans
sa patrie , et jaloux de vous donner une juste idée de
sa religion et de sa probité , a déclaré d'abord qu'il
louait Terrés an nom de ses concitoyens , parce que
telle était sa mission ; ensuite qi^e ses statues n'avaient
pas été à vendre , et que , s'il avait été maître de les
garder, les offres les plus séduisantes n'auraient pu
l'engager à vendre les monuments religieux qui lui ont
été transmis par ses ancêtres.
TIII. Fuyez , Terres , fuyez , et ne dites plus que
Centorbe, Catane, Enna, Halèse, Tyndare , Agyre ,
et les autres villes de Sicile se sont liguées, contre vous.
Messine, votre seconde patrie, comme vous l'appeliez
vous-même ; oui , votre chère Messine , la complice de
vos crimes , la confidente de vos débauches , l'entrepôt
de vos larcins et de vos brigandages , vous attaque et
vous pouEBuit. Nous voyons à cette audience le pre-
mier de ses citoyens , envoyé à cause de votre procès ,
chef de la députation chargée de vous louer. Il vous
loue au nom de sa ville , parce qu'il en a reçu l'exprès
commandement. Au surplus, vous vous rappelez,
citoyens , ce qu'il répondit lorsqu'il fut interrogé sur
le Cybée * *. Il vous dit que ce vaisseau a été construit
par des ouvriers publics, aux frais de la cité , sous les
yeux d'un sénateur chargé de présider à la conitruo^
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3io IN TERREM ACT. II, tIB. FV.
operis, pablice coactîs, eique sedificandse publice
Mamertinum senatorem prsefaisse ) : idem ad vos
privatim, judices, confugit; utitur. hac l*ge, qua
jndicium est communis et privatœ rei sociorum :
tametsi lex est de pecuniis repetundîs, ille se negat
pecuniam repetere , qnam ereptam non tantopere
desiderat ; sacra se majorum suorum repetere abs
te dicît; deos pénates a te, * et patries reposcit.
Ecqui pudor est? ecquft reljgio, Verres? ecqui
metus ? Habitasti apud Heium Messanse : res illum
divinas apud eos deos in suo sacrario prope quo-
tidie facere Tïdisti. Non movetu^ pecunia; déni-
que, qu« ornamenti causa fuerunt, non re^irit:
habe Canephoros ; deomm simulacra restitue. Qu8b
quia dixit ; quia , tempore dato , moc|^ste aptid vos
socius amicusqne populi romani questus est; quia
religioni su» non modo in diis patriis repetundîs,
sed etiam in ipso jurejurando ac testimonio , proxi-
mus fuit : hominem missnm ab isto scitote' esse
Messanam de legatis unum, illum ipsum, qui navi
istius sedificandae publice prsefuit; qui a senatu
peteret , ut Heius ignominîa affîceretur.
IX. Homo amentissime, quid putasti? te impe-
traturum? Quanti is a civibus suis fieret, quanti
auctoritas ejus baberetur, ignorabas? Verum fac
te impetravisse ; fac aliquid gravi us in Heiom sta-
tuisse Mamertinos : quantam putas auctoritatem
laudationis eorum futuram, si in eum, quemcon-
stet verum pro testimonio dixisse , poenam consti-
' Deest copula in mss.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, IV. 3n
tion. Aujoardlini , ce même Héîns implore votre jus-
tice comme simple particulier ; il «invoque la loi qui ,
chez nos alliés , protège également les propriétés des
villes et les fortunes des citoyens ; et quoique cette loi
Tautorise à réclamer les biens qu^on )ui a ravis , il en
fait Tabandon ; cette perte n'est pas ce qui le touche le
plus , il redemande les dieux de ses ancêtres , il réclame
\es dieax protecteurs de sa famille.
Ah , Verres ! où est donc la pudeur, le respect de la
religion , la crainte des lois ? Vous avez été reçu dan^
h. maison ^'Héins; vous Tavez vu presque tous les
jours ofX^ àps sacrifices sur les autels de ces mêmes
dieux ! Il est insensible à la perte de son argent ; il
dbsmdonne ce qui n'était que pour la décoration.
Gardez mes Canéphores, vous dit-il; rendez-moi les
images de mes dieux. Et parce qu'il s*est permis une
juste réclamation , parce qu'un allié , un ami du peu-
ple romain , a profité des circonstances pour faire en-
toidre une plainte modéfée, parce qu'il a obéi à, sa
ccmscience en redemandant les dieux de ses pères , en
respectant la foi du serment , apprenez , citoyens ,
que Verres a renvoyé à Messine un des memibres de la
dépniation, celui méine qui a présidé à la construction
du vaisseau , pour demander au sénat que la conduite
d'Héîns fut censurée et blâmée.
IX. Homi^e insensé ! vous êtes-vous flatté d'obtenir
un tel décret ? Ignoriez-vons le crédit et la considéra-
tion dont jouit Héins parmi ses compatriotes ? Sup-
posons que vouft l'eussiez obtenu ; supposons que les
MamertLofl eussent décerné quelqae peine contre lui,
de qn«l poids serait leur témoignage , si l'on était puni
chez eu* pour avoir dit' la vérité? Au surplus, que
penser d'un éloge , quand les panégyristes deviennent
accusateurs aussitôt qu'on les interroge ? Or, Verres,
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3ia IN VERAEM ACT. H, UB. ï\. - ^
tuerint? Tametsi qus est îsta laudatio, quum lau-
dator interrogatus laedat necesse est ? Quid ? isti
laudatores tui nonne testes mei sunt ? Heius est
laudator : Isesit grayissime. Prodacam ceteros :
reticebuot, que poterunt, libenter; dicent, quae
necesse erit, ' ingratis. Negent isti onerariam na-
vem maximam sedificatam esse Messanœ? negent,
si possint» Negent ei navi faciunds senatorem Ma-
mertinum publiée prsefuisse ? utinam negent ! Sttnt
etiam cetera , quae malo intégra reservare , ut quam
minimum sit illi^ temporis ad meditandum confîr-
mandumque perjurium.
Hsec tibi laudatio procédât in nnmerum : hi te
homines auctoritate sua sublevent; qui te neque
debent adjuyare , si possint , neque possunt , si
velint; quibus tu privatim injurias plurimas, con-
tumeliasque imposuisti; quo in oppido multas fa-
milias in perpetuum infâmes tais s^upris flagi-
tiisque fecisti. At publice commodasti. Non sine
magno quidem reipublipae , j^oyineiaeque Sicilia:
detriipento. Tritici modium tx millia emta po-
pulo romano dare debebant, et solebaut : abs te
solo remissum est. Respubliça detrimentum fecit,
' quod per te imperii jus una in ciyitate imminutum
est; Siculi, quod * hoc non de summa frumenti
detractum est , sed transktum in Centuriptnos , et
Halesinos , hnmunes populos ; et hoc plus imposi-
tum, quam ferre possent. Navem imperare ex fœ-
dere debuisti ; remisisti in triennium : militem
' Muiti codd. mendose, gczXïs,. I^mbinus , iogratiis.
— " LambinuA-, hoc ipsusi.
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tac. ACTION CONTRE VERRES, FV. 3i3
vos panégyristes ne sont -ils pas mes témoins? Héîns
vous loue , et c'est Ini qui vons a fait le pins de mal.
J'interrogerai anssi les autres : ils seront discrett; je
dois m'y attendre. Us ne révéleront rien de ce qa'ils
pourront taire ; mais il faudra bien qu'ils avouent ce
qu'il est impossible de nier. Nieront-ils qu'un vaisseau
ait été construit à Messine pour "Verres? qu'ils le
nient , s'ils l'osent. Nieront-ils qu'un sénateur de BCes^
sine ait présidé à la construction? puissent-il) avoir
cette impudence ! J'ai d'autres questions encore que je
réserve pour le moment même.* Je ne veux pas leur
donner le temps àe méditer et de concerter leni-
parjure.
Que cet éloge unique, Verres , vous tienne lien de
ceux qu'on vons refuse. Faites valoir le suffrage d'une
ville qui ne devrait pas vous secourir, si elle le pou-
vait, et qui ne le pourra pas quoiqu'elle le veuille^
d'une ville où tant de citoyens ont essuyé de vous des
injustices et des outrages sans nombre , on tant de
familles ont été déshonorées à jamais par vos infâmes
dissolutions. Mais vous avez rendu des services im-
portants à la cité. Oui, Verres, et c^s 'importants
services ont conté che^ la république et à la Sicile.
Les Mamertins devaient nous vendre soixante mille
boisseaux de blé ' ^ ; ils l'ont fait dans tons les temps.
Vons seul les en avez dispensés ; et cela aux dépe'ns de
la république , privée par vous de l'exercice d'un dvoit
de souveraineté ; aux dépens des SicilieuA mêmes ,
puisque les soixante mille boisseaux n'ont pas été
retranchés de la totalité du blé qu'ils doivent, mais
répartis sur Halèse et Centorbe , villes franches , que
vons avez ainsi taxées au-dessus de leurs moyens. Votre
devoir était d'exiger un vaisseau des Mamertins : vous
les en a\>ez exemptés pendant trois ans, et pendant
viir. 37
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3i4 IN TERREM ACT. U, UB. rv. •
nuUum uncpam poposcisti per tôt annos. Fecisti
item, uti prsedones soient; qui quum communes
hostes sint omnium , tamen aliquos sibi institnunt
amtoos y quibus non modo perçant , yenim etiam
prsdft quos angeant, et eos maxime, qui habent
oppidum opportuno loco, quo ssepe adeundum sit
nayibus , nonnunquam etiam necessario.
X. Pbaselis illa, quam cepit P. Seryilius, non
fuerat urbs ante Cilicum atque praedonum : Lycii
îUara , Grxci homines , incolebant. Sed quod erat
ejusmodi loco, atque. ita projecta in altum, ut et
exeuntes e Cilicia prsedones saepe ad eam necessa-
rio devenirent, et, quum ex hisce se locis recipe-
rent, eodem deferrentur, adsciverunt illud sibi
oppidum pirats , primo coipmercio, deinde etiam
societate. Mamertina civitas improba antea non
erat; etiam erat inimica improborum rquae C. Ca-
tonis, illius, qui consul fuit, impedimenta retinuit:
at cujus hominis? clarissimi, potentissimique ; qui
tamen <faum consul' fuisset, condemnatus est : ita
C. Cato, duorum hominuiMElarissimorum nepos,
L. Paulli , et M. CatUtais ,^t P. Africani sororis
filius : qiio damnato, tum, quum seVera judicia
fiebant, H-S xviii millibus lis œstimata est : buic
Mamertini irati 'fuerunt; qui majorem sumtum,
quam quanti Catonis lis sstimata est, in Timar-
cfaidis prandium saepe fecemnt. Verum bœc civi-
tas isti prsedoni ac pîratae Siciliensi Pbaselis fuit :
bue omnia undique deportabautur, apud istos re-
' Maie Ernest., non fuerant , quasi fuec ad yerrtm re-
J'erantur.
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SEC. ACnON CONTRE VERRES, lY. 3i5
ces trois ans, Yons ne leur avez pas demandé on seul
homme de guerre. Yons avez fait ce que font les
pirates : ennemis communs de tons les peuples, ils
se ménagent cependant quelles amis qu*ils épar-
gnent , qu^ils enrichissent même d'une partie de leur '
butin ; ils ont soin de choisir ceux qui leur of&ent un
port sûr, et chez lesquels ils sont quelquefois obligés
de chercher un asile.
X. Cette Phasélis, qui fut prise par Servilius, n'avait
pas toujours été un repaire de Ciliciens et de pirates ;
c'était une colonie de Lydens, peuple sorti delà Grèce.
Comme cette ville s'avance beaucoup dans la mer, les
pirates étaient souvent obligés d'y aborder, soit en
sortant de leurs ports, soit en revenant de leurs cour-
ses. Ils se l'associèrent d'abord par le commerce, en-
suite par un traité d'alliance. De même, avant la pré-
ture de Verres , Messine n'était pas corrompue ; elle
était même ennemie des méchants. Ce fut elle qui
arrêta les équipages de C. Caton, d'un consulaire,
d'un citoyen dont le nom et la puissance étaient si
imposants. Sa dignité de proconsul ne put le soustraire
aux lois '* : oui, Caton, petit-fils de Paul Emile et de
Marcus Caton , neveu de Scipion l'Africain, fut con-
damné à restituer dix-huit mille serterces*; et les tri-
bunaux étaient sévères alors. Ce fut an sujet d'une
somme aussi modique que les Mamertins montrèrent
cette animosité contre lui, eux qui depuis ont souvent
dépensé beaucoup plus pour un souper de Timarchide.
Messine a été la Phasélis de ce bi^and , de ce pirat»
sicilien. Cétait là que s'entassaimt les dépouilles de
la province entière ; on les déposaît'chez eux. Ils met-
taient à part, ils cac|i9ient ce qu'il fallait dérober aux
regards. C'étaient eux qui se Chargeaient d'embarquer
* 4,o5o fr. G.
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3i6 m VEÏtREM ACTî II, LIB. IT.
linquebantur; quod celari opus erat , habebant
sepositum, ac reconditum ; per istos, cju» yolebat,
in nayem clam imponenda, occulte exportanda
curabat; naTem denique maximam, quam onus-
tam furtis in Italiain mitteret, apad istos facien-
dam aedificandamque curavit. Pro hisce rébus va-
catio data est ab isto sumtus, laboris, militise ,
rerum denique omnium. Per triennium soli non
modo in Sicilia, verum, ut opinio mea fert, bis
quidem temporibus, in onmi orbe terrarum, va-
cni, expertes, soluti, ac liberi fuerunt ab omni
sumtu, molestia, munere. Hinc illa Verrea nata
sunt: bine in convirium Sext. Gominium protrahi
jussit^ in quem scypbum de manu jacere conatus
est; quem obtorta gula de couvivio in yincula,
atqu£ in tenebras abripi jussit : hinc illa crux, in
quam civemromanum iste, multis inspectantibus,
sustulit; quam non ausus est usquam defigere, nisi
apud eos, quibuscum omnia seelera sua, ac latro-
cinia communicasset.
XI. Laudatum etiam vos quemquam venire au-
detis? qua auctoritate? utrum, quam apud sena-
torium ordinem, an, quam apud populum roma-
num babere debetis ? * Ecquse civitas est , non
' modo in provinciis nostris , verum etiam in ulti-
mis nationibus, aut tam potens, aut tam libéra,
aut etiam tam immanis, ac barbara; rex denique
ecquis est , qui scftatorem populi romani tecto ac
domo non invitet? qui honos non homini solum
babetur, sêd primum populo romano, cujusbene-
* Beck e mss. et edd. nSnnullis, Ecqna. — ' M. omit-
tant modo.
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SEC. ACTION CONTRE YERRÈS, IV. 817
en secret, de transporter sans bmit ce qull vonlait.
C'est chez eux., enfin, qa^il a fait construire nn très
grand vaisseau, pour envoyer en Italie le fruit de ses
déprédations. Pour prix de tant de soins , ils ont été
pendant trois ans exemptés de contributions, de cor-
vées, de service militaire, en un mot de toute chargé
publique. Eux seuls, dans toute la Sicile, je pourrais
dire dans le monde entier, ont été, pendant ces trois
années, libres, tranquilles, affranchis, déchargés de
toute dépense, de tout embarras, de toute redevance.
Aussi est-ce à Messine que furent instituées les fa-
meuses Verréennes ' ^. C'est dans un repas donné à
Messine qu'il lit traîner à ses pieds Sextus Con^nius ,
qn^il lui jeta sa coupe au visage, et qu'il le fit saisir à
la gorge pour être jeté dans un cachot ténébreux.
Cest là que fut dressée cette croix sur laquelle expira
nn citoyen romain , à la vue d'une foule de spectateurs^
lB!h I dans quel autre lieu l'aurait-il osé placer que chez
ceux qu'il avait associés à tous ses forfaits et à tous ses
brigandages ?
XI. Mamertins, vous osez venir ici décerner des
éloges! de quel droit.' quels titres vous recommandent
au sénat et au peuple romain 7 Est-il , je ne dis pas
dans nos provinces , mais Hux extrémités du monde ,
une seule nation si fière de sa puissance , si orgueilleuse
de sa liberté , si féroce même et si barbare qu'on la
suppose, est-il un senl roi qui ne s'einpresse d'accueil-
lir et d'inviter un sénateur romain? Cet hommage
s'adresse, non à la personne^ mais d'abord au peuple
romain, puisque ce titre est un de ses bienfaits '^, en-
suite à la dignité de l'ordre sénatorial. Qae devien-
draient en effet la gloire et la majesté de notre empirç ,
si cet ordre auguste n'était pas respecté chez les alliés et
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Si8 m VEKREM ACT. II, LIB. IT.
ficio nos in hune ordinem venîmus; deînde ordi-*
nis auctoritati , qus nui grayis erit apud socios ,
' atqae exteras nationes, ubi erit imperii nomen et
dignitas ? Mamertiui me publiée non m^itarunt :
me quum dieo , levé est. Senatorém populi romani
si non inyitaYenint, honorem debitum detraxe-
runt, non homini, sed ordini. Nam ipsi Tullio
patebat domuîs locupletîssima et amplissima Cn.
Pompeil Basilisei; quo, etiam si esset inyi.tatus a
Yobis, tamen devertisset. Erat etiam Parcennio-
rum, qui nune item Pompeii sunt, domushones-
tissima ; quo L. frater mens summa illorum -volun-
tate devertit. Senator populi romani, quod in vobîs
fuit, in Testro oppido jaemt> et pernoctavit in
publico : nulla hoc eiyitas unquam alia commisit.
Amieum enim nostrum in judicium Tocabas.
Tu, quid ego privatim negotii geram, interpreta-
bere imminuendo honore senatorio? Verum haec
tum queremur , si quid de yobis per eum ordinem
agetur, qui'ordo a yobis adhue solis eontemtus
est. In populi romani quidem conspectum quo ore
yos commisistis ? nec prius illam erueem , qu»
etiam nune civis romalli sanguine redundat , qu«
fixa est ad portnm , urbemque yestram , reyellis-
tis, neque in profundum abjeeistis, locumque
illum omnem expiastis,' quam Rbmam, atque in
. horum eonyentâm adiretis ? In Mamertinorum
solo fœderato atque paeato , monumentum istius
crudelitatis constitutum est. Vestrane urbs electa
est, ad quam * qui adirent ëx Italia, crucem civis
' Grut. et Em. e codd. Pal., in exteras. — * Sic Lam-
Jjmiis. Fulg. quuxn.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, IV. 3«)
les nations étrangères? Eh bien! les Mameitins ne
m^ont fiiit k moi ancnne invitation pnblîqne. Qnand
je dis à moi , c^est pen de diose ; mais j'étais sénatenr :
en ne m'invitant pas , ils ont offensé, non nn seul in«
dividn, mais Tordre entier dn sénat. Qoant à moi per-
sonnellement , la riche maison de Pompéius Basiliscos
m'était ouverte : j'aarais logé chez loi , qnand même
Tons m'anriez invité. J'avais encore la maison des Par-
cennias , qni portent anasi le nom de Pompéîns. Ln-
cias, mon frère '^, fut reçn c^ez eux avec le pins
vif empressement. Mais il n'a pas dépendu de vous
qu'un sénatenr romain n€ trouvât point d'asile dans
votre ville , et qu'il y passât la nuit entière exposé aux
injures de Faîr : nuDe autre cité ne donna jamais
l'exemple d'une telle insolence.
Cest, dites-vous, que j'accusais vôtre ami. Et quoi!
mes torts personnels vous donneront le droit de man-
quer à un sénatenr? Je réserve mes plaintes pour quel-
que moment où l'on s'occupera de vous dans le sénat,
dans cet ordre auguste qui n'a jamais été méprisé que
par vous. De quel front cependant osez-vous paraître
devant le peuple romain ? Et cette cràat , qui fume en-
core dn sang d'un de nos citoyens, cette croix dressée
à l'entrée de votre portât de votre ville , vous ne l'avez
pas arrachée , avant que de vous montrer dans Rome
et devant cette assemblée ? vqj^ ne l'avez pas préci-
pitée au fond de la^j^ss^'^ons n'avez pas purifié cette
terre soiyJJ«9^^tffTe plus horrible des attentats? Hélas !
aux portes de Messine , de Messine notre alliée , notre
amie , nn monument atteste à jamais la cruauté de
Terres. A-t-on fait choix de votre ville, afin que ceux
qui arrivent d'Italie aperçoivent Finstrument du sup-
plice d'un citoyen romain, avant qu'ils puissent ren-
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320 m TERREM ACT. II, LIB. IT,
romani prius, quam quemquam amicam populi
romani yiderent? quam -vos Rheginis, quorum
ciTÎtati înyidetis, item incolis yestris, civibus ro-
manis , ostendere soletis : quo minus sibi arrogent ,
minosque tos cfespiciant, quum yideant jus ciyi-
lads illo supplicio esse mactatum.
XII. Verùm haec émisse te dicis. Quid ? illa At-
talica, tota Sicilia nominata, ab eodem Heio pe-
ripetasmata emere oblitus es? Licuit eodem mpdo,
ut signa. Quid enim actum est ? an litteris peper-
cistiPYerum hominem amentem hoc fugit : minus
clarum putayit fore, quod de armario , quam quod
de sacrario esset ablatum. At quomodo abstuilit,
Non possum dicere planius, quam ipse apud yos
dixit Heius. Quum quassissem, numquid aliud de
bonis ejus peryenisset ad Yerrem, respondit istum
ad se misisse, ut sibi mitteret Agrigeiitum peripe-
tasmata. Qpaesiyi, an misisset. Respondit id , quod
necesse erat , se dicto audientem fuisse prstori :
misisse. Rogayi, peryenissentne Agrigentum. Dixit
peryenisse. Quœsiyi , an domum reyertissent. Ne-
gayit adhuc reyertisse. Risus populi, atque ad-
murmnratio omnium yestrum facta est.
Hic tibî in mentem non yenit jubere , ut h«c
quoque referret, HéS yi millibus i3 se tibi yendi-
disse? Metuisti, ne ses alienum tibi cresceret, si
H-S yi millibus id sç tibi constarent ea, quœ ta
facile posses yendere H-S ce millibus? Fuit tanti»
mihi crede : haberes, quod defenderes : nemo quac-
reret, quanti illa res esset; si modo te posses do-
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, IV. 3ai
contrer un ami de la république? Vous affectez de
montrer cette croix aux habitants de Rhége , à qaî
vous enviez le droit de citoyen; vous la montrez aux
Romains étai>lis parmi vous, afin de les humUier et
de* vous venger de leurs dédains , en leur faisant voir
les privilèges des citoyens anéantis par ce supplice
infâme.
XII. (Test trop long -temps oublier les statues
d'Héius ; vous prétendez , Verres , les avoir achetées.
Et ces tapis attaliques '^, renommés dans toute la Si-
cile, avez-vons oublié de lA acheter du même Héins."*
Vous pouviez faire comme pour les statues: Pourquoi
ce défaut de forme ? était-ce peur épargner les écri-
tures ? Sa prévoyance ne s'est pas étendue jusque là :
il a cru qu'on s'apercevrait moins d'un garde-meuble
volé que d'un oratoire dépouillé. Mais de quelle ma-
nière les a-t-n enlevés.^ Je ne puis mieux vous l'expli-
quer qu'en vous répétant la déposition d'Héius. Je lui
demandais si quelque autre de ses effets n'était point
passé dans les maips de Verres. Il m'a fait. dire, a-t-il
répondu, d'envoyer mes- tapis à Agrigente. — Les
avez- vous envoyés.^ — Il fallait bien obéir an préteur :
je les ai envoyés. — Lui sont-ils parvenus ? — Oui. —
Sont-ils revenus * ? — Pas encore. A cette réponse , le
peuple se mît à rire. Et vous, juges, 'vous frémîtes
d'indignation. .^
Quoi ! Verres , il ne vous est pas venu dans l'esprit
de lui faire écrire qu'il vous les avait vendus six mille
cinq cents sesterces ! Craigniez - vous de vous ririner ,
en payant six mille cinq cents sesterces ce que vous
pouviez aisément vendre deux cent mille sesterces.^
Ah ! la précaution n'était pas inutile : vous pourriez
* Lambin , Grévius et Lallemand ont préféré la leçon
de Victorius, quemadmodum revertissent.
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3tx2 IN yERREM ACT. II, LIB. rv.
cere émisse , facile , cui velles , tuam causam et
factum probares : hudc de peripetasmatis qiiemad-
modum te expédias , non habes.
Quid ? a Philarcho Centuripino , hdmine locu-
plete ac nobili, phaleras pulcherrîme factas, quœ
fegis Hieronis fuisse dicuntur, utrum tandem abs-
tulisti , an emisti ? In Sicilia quidem quum essem,
sic a Centaripinis , sic a ceteris audiebam ; non
enim parum res erat clara : tam te bas phaleras a
Philarcho Centuripino aibstulisse dicebant, quam
alias item nobiles ab Aristo Panormitano ; quam
tertîas a Cratippo Tyndaritano. Etenim si Pfailar»
chus vendidisset , non ei , posteaqnam reus factus
es y redditurum te promisisses. Quod quia TÎdisti
plures scire , cogitasti , si ei reddidisses , te minus
bàbiturum , rem niMominus testatam futuram ;
non reddidisti. Dixit Philarchus pro testimonio,
se, quod nosset tnum istum morbum, ut amici tul
appellant, cupisse te celare de pbaleris; quum abs
te appellatus esset , negasse habere sese ; apud
alium quoque eas habuisse depositas, ne qua inve-
nirentur ; tuam tantam fuisse sagacitatem , ut eas
per illum ipsum inspiceres, ubi erant depositœ;
tum se deprehensum negare non potuisse : ita ab
se invito ablatas phaleras gratis.
XIII. Jam, ut haec omnia reperire , ac perscru-
tari solitus sit, judices, est operae pretium cogno-
scere. Cibyratae sunt fratres quidam, Tlepolemus
et Hiero : quorum alterum fin gère opinor e cera
solitum esse , alterum esse pictorem. Hosce opinor
Cibyr», quum in suspicionem venissent suis civi-
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, IV. Sa,^
i«pondre atgourd'liiiû On ne demanderait pas le prix;
et ce titre serait votre justification. A présent, vous
voilà dans an en^rras inextricable.
Et ces coUiers '9, vrais che6-d'œnvre dtf Tart, qui
. viennent , à ce qu'on dit , du roi Hiéron , l^s avez-
vous pris , les avez-vous achetés à Philarque de Cën-
torbe? Pendant mon séjour en SicOe, j'ai oui dire aux
habitants de Centorbe et à tous les Siciliens ( car la
chose n'était rien moins qu'un mystère ) , que vous les
avez enlevés à Philarque , comme vous en avez pris
d'antres non moins précieux à Ariste de Palerme , et
d'autres encore à Cratippe de Tyndare. Et dans 'Ife
fait, si vous les aviez achetés , pourquoi, lorsque vous
avez été cité devant les tribunaux , avez-vous promif
à Philarque de leslui rendre? Il est vrai que, voyant
tant de personnes daiû le secret, vous avez calculé
que, si vous les rendiez, vous ne les auriez plus ^ et
que le voi n'en serait pas moins constaté : en oonséc-
quence vous les avez gardés. Philarqii^ a déposé que ,
connaissant ce que vos amis appellent votre maladie^
il avait voulu vous cacher ces colUers;- que, mandé
par vous, il avait nié qu'il les eût; qn'^n effet i} les
avait déposés chez un tiers , afin qu'ils ne fassent pas
trouvés chez loi ; mais que rien ne pouvait échapper
à votre sagacité ; que vot«B aviez ^u vous les faire mon-
trer par le dépositaire lui-même; qu'alors il n'a plus
été possible de nier, et qu'il a fslllu céder les colliers
malgré lui et sans indemnité.
XIII. Il est bon ^e vous sachiez par quel moyen il
parvenait à faire tontes ces découvertes. U existe deux
frères nés à Obyre. On les nomne Tlépolème et
Hiéron. Si je ne me trompe , l'un tnyaille en.cire ;
l'autre est peintre '°. Si je ne me trompe «noo^re , ces
deux hommes, soupçonnés d'avoir volé le temple
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3H IN VERREM ACÏ. II, LIB. IV.
bas, fanum expila^se Âpollinis, veritos poenamju-
dicii ac legis , domo profugisse. jQuod Verrem
artificn svli cupjdum coguo-verant tum , quuin iste ,
id qu*od ex testibus didicistis , Cibyram cum ina-
nibus syngraphis yenerat, domo profugientes ad
eum se exsuies , quum iste esset in Asia, contule-
runt. Habuit secum eo^ ab illo tempore ; et in lega-
tionis prœdis atque furtis, multum illorum opéra,
cousilioque usus est.
Hi sunt iUi , quibus in tabulis retulit sese Q. Ta-
<jttus dédisse jussu istius , Grxci» pictoribus. Eos
jam bene cognitos, et re probatos secum in Sici-
liam duxit. Quo posteaquam venerunt , mirandum
in modam (canes -venaticos diçeres) ita odorar-
bantur omnia, et pervestigabant, ut, ubi quidque
esset y aliqua ratione inyenirent. Aliud minitando ,
atiud poUicendo, aliud per seryos, aliud per libe-
ros, per amicnm aliud, aliud .per iuimicum inve-
niebant. Quiuquid illis placuerat , perdendum
erat : nihil aliud optabant, quorum poscebatur
argentum , nisi ut Hieronî et Tlèpolemo displi-
ceret. »
XIV. Vere meheucbles hoc , judices, dicam : me-
mini, Pamphilutn'Lilybœtanum , hospitem meum,
et amicum , nobilem hominem , mihi narrare :
quum iste^ ab sese hydriam Boethi manu factam ,
prsclaro opère, et grandi pondère, per potesta-
tem abstulisset, se sane tristem et conturbatuni
domum revertisse, quod vas ejusmodi, quod sibi
a pâtre et a ms^oribus esset relictuip, quo ^ol^tus
e^set uti ad festos dies, ad bospitum adyentum, a
se esset ablatum. Quum sederem, inquit, domî
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, lY. 325
d'ApoUon, s'enfairent de leur pays pour échapper à
la rigaepr des lois. lù avaient connu Terres lorsqu'il
élait venu à Cibyrc avec des obligations qui n'avaient
plus de valeur '' (je ne parl« ici que d'après les
témoins). Ils savaient sa passion pour les ouvrages de
leur art. Ils se réfugièrent auprès de lui, en Asie, où
il était alors. Depuis ce temps , il les a toujours eus à
sa suite : leur adresse et leurs conseils Tout merveil-
leusement servi dans les vols qui signalèrent sa lieu-
tenance en Asie.
Cest d'eux que parle Tadius dans ses registres , lors-
qu'il dit avoir, par l'ordre de "Verres, payé une
4»omme d'argent à dès peintres grecs. Sûr de leur talent,
dont ils lui avaient donné des preuves non équivoqi^es,
il les mena avec lui en Sicile. Là ces excellents limiers
se mirent en quête : ils éventaient le gibier et le
suivaient à la piste, sans qu'il fût posâble de les
mettre en défaut. Menaces , promesses, esclaves , hom-
, mes lâires, amis, ennemis, tout devenait poor^eux
un instrument utile. Il fallait se résoudre à perdre
tout ce qui leur semblait beau. Ceux dont l'argenterie
était demandée ne formaient qu'un seul vœu , c'était
qu'elle ne fut pas du goût des ieux frères.
XIV. Voici une anecdote dont je peux vous garan-
tir la vérité : je la tiens de Pampliile , mon hôte et
mon ami, et l'un des premiers citoyens de Lilybée.
Verrèl lui avait pris d'autorité un dief-d'œuvre de
Boëthus , une aiguière d'un grand po'idg et d'un travail
achevé. Il était rentré chez lui fort triste et de très
mauvaise humeur : ce vase avait appartenu à son père
et à ses aïeux ; il s'en servait les jours de fêtes , et lors-
qu'il recevait des hôtes. J'étais assis <^ez moi, me
disait-il, fort mécontem. Je vois paraître un des es-
claves attachés an temple de Véuns ; il m'enjoint d'ap-
VIIT. 28
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326 IN VERREM ACT. II, LIB. IV.
tristis, accurrit Venerius : jubet me iscyphos sigil-
latoft ad prsetorem stalim afferre. Permotus som ,
inquit : binos habebam : jubeo promî utrosque , ne
quid plus mali nasceretur, et mecum ad prâBtoris
domum ferri. £o quum venio , prsetor quiescebat :
fratres illi Cibyratœ înambulabaut. Qui me ubi
videruut , Ubi sunt, Pamphile , inquîunt , scypbi ?
Ostendo tristis : laudant. Incipio queri , me nihîl
habiturum, quod alîcujus esset pretii , si etiam
scyphi essent ablati. Tum illi, ubi me conturbatum
-vident : Quid -vis nobis dare , ut isti abs te ne au-
ferantur? Ne multa , ' sestertios ce me, inquit,
poposcerunt : dixi me daturum c Vocat interea
prstor : scyphos poscit. Tum illos cœpisse prstori
dicere , putasse se id , <quod audissent , alicujus
pretii scyphos es&e Pamphili : luteum negotiura
esse, non dignum, quod in suc argento Verres
haberet. Ait ille idem sibi viderî : iu Pamphiins
scyphos optimos aufert. Et raehercules ego antea ,
tametsi hbc nescio quid nugatorium sciebam esse,
ista intelligere, tamen mirari solebam, istum iuhis
ipsis rébus aliquem seiisum habere, queiii scirem
nulla in re quidquam sîraile hominîs habere.
XV. Tum primum intellexi, ad eam rem istos
fratres Cibyratas fuisse , ut iste in furando manibus
suis , oculis illorum nferetur. At ita stndiosus est
hujus prœclarsB existimationis , ut puletur in hisce
rébus intelligens esse, ut niiper (\idete hominis
amentiani), posteaquam est comperendinatus, qiiuin
' Beckemss. etccdd., sest. ci:^dixiineclatariim;omùfêjr
céleris.
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SEC. ACriON C03NTR£ VERRES, IV. 827
porter sur-le-champ aa prétenr mes coapes ornées de
reliefs. Cet ordre fut an conp de fondre : j'en avais
denx ; de peor d'nn plus grand mal, f ordonne qu'on
le^ tire toute» deux du buffet , et qu'on les apporte avec
moi chez le préteur. J'arrive : il reposait ; les deux
frères se promenaient. Dès qu'ils me voient : Vos
coupes, Pamphîle, où sont-elles? Je les montre en
soupirant. Ils les trouvent admirables : Hélas ! disais-je,
s'il faut qu'on m'enlève anssî mes coupes , je n'aurai
^lus rien qui soit de quelque valeur. Attendris par
mes plaintes : Eh bien ! md dirent-ils , que voulez- vous
donner pour qu'elles ne vous soient pas enlevées ?
Bref, ils veulent denx cents sesterces. J'en promets
cent ". Sur ces entrefaites, le prétenr appelle; i!
demande les coapes : ils lai disent qu'ils avaient cm
sur la foi d'autrui qu'elles é(aienl de quelque valeur,
mais qu'elles sont indignes de figurer parmi l'argen-
terie de Terres. Le préteur fut de leur avis , et Pam-
phile remporta ses coupes , qui dans la réalité étaient
des chefe-d'œuvre. Franchement , j'ai toujours pensé
qu'il y a bien peu de mérite à se connaître en pareilles
bagatelles. Cependant je ne comprenais pas que Ver-
res pût même avoir cette espèce de mérite , lui qui ,
dans tont le reste, n'a rien de ce qui ressemble à
l'homme.
X.V. L'aventure de Pamphile m'a fait voir pourquoi
il tenait ces deux frères auprès de lui : c'est qu'il pre-
nait par ses maibs ce qu'il voyait par leurs yeux. Mais
vous ne coia^evez pas à guel point il est jaloux de ce
glorieux renom de connaisseur. Un de ces matins,
admirez son extravagance , le sursis de trois jours ve-
nait d'être prononcé, et déjà on le regardait comme
un homme condamné et rayé du nombre des ci-
toyens*', n entra chez Sisenna, pendant la célébra-
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3a8 IN TERREM ACT. H, LIB. ït.
jam pro damnato mortaoque esset , ludis Circen-»
sîbas f mane apud L. Sisennam , virum primarium ,
quum essent triclinîa strata, argeatumque exposi-
tum in sedibus, quum pro dignitate L. Sisennam
donius esset plena hominum honestissimorum ,
accesseiit ad argentujn ; contemplari unumquod-
que otiose, et considerare cœperit. Mirari stultî-
tiam alii, quod in ipso judicio, ejus ipsius cupi-
ditatis, cujus insimularetur, suspicionem augeret;
alii amçntiam, cui comperendinato , quum tam
multi testes dixissent , quidqnam illorum veniret
in mentem. Pueri autem Si sennse,' credo, qui au-
divissent , quae ifl istum testimopia essent dicta ,
oculos de isto nusquam dejicere , neque ab argeuto
dl^itum discedere. *
Est boni judicis, parvis ex rébus conjecturam
facere uniuscujusque et cupiditatis et incontinen-
tise. Qui reus lege, et reus comperendinatus, re
et opinione bominum paene dapinatus, ' temperare
non potuerit maxirao conventu, quîn L. Sisennse
£^gentum tractaret et consideraret; hune in pro-
vincia praetorem' quisquam putabit a Siculorum
argento cupiditatem, aut manus abstinere po-
tuisse ?
XVI, Verum uti Lilybseum , unde ' degressa est ,
oratio reyertatur ; Diodes est, Pamphili gêner,
illius, aquo hydriaablafa eat,Popilliusfognomine.
Ab hoc abaci vasa omnia, ut exposita fuérant, abs*
tulit. Dicat se émisse ; etenim hic propter magni-
tudinem furti, sunt, ut opinor, litterae factae. Jussit
' Lambinus edidit, sibi temperare n. p. — * Alii, ut
passim , digressa.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, IW. 329
tlon des jeax; les lits étaient parés, Fargenterie ex-
posée sûr les buffets, la maison remplie d^onefoole
de citoyens distingués, tels qu'on doit les trouver chez
un homme de ce ranf^. Terres s'approche de l'argen-
terie. Il' ^arrête à considérer , à examiner chaque pièce
Tune après l'antre. Les uns admiraient cette mal-
adresse imbécîile , de venir , dans le cours d'un procès
on il était accusé d'une passion extrême pour ces sor-
tes d'objets, aggraver encore et fortifier les soupçons
contre lui-même. Les autres ne concevaient pas cette
étrange apathie qui, à la veille du jugement, après y
t^t de dépositions accablantes, lui permettait de s'oc-
cuper de ces bagatelles. Quant aux esclaves de Si*
- senna , instruits sans doute des dépositions faites con^
tre lui, ils suivirent des yeux tous ses mouvements,'
et ne s'ccartèrent pas un ins^nt du buffets
Un bon joge tire des inductions des ^s petites
choses. Un homme est accusé ; son arrêt sen^>rononcé
dans trois jours; s'il n'est pas encore condamné par le
tribunal, il l'est déjà par l'opinion publique : et cet
homme , devant une nombreuse assemblée , ne peut
s'empêcher de toucher et d'examiner pièce à pièce
l'argenterie de ^isenna; est-il croyable que, dans son
gouvernement, il ait pu êt^ assez maître de lui, pour
ne pas convoiter et ne pas prendre l'argenterie des
Siciliens.'^ , •
XTI. Mais terminons cette digression et revenons à
Ulybée. Dans cette vlUe habite Diodes, surnommé
Popillius,et gendre dePamphile, deceltii k qui "Verres
enleva ce beau vase de Boëthns. Le préteur dégarnit
chez lui le buffet tout entier , tel qu'il se trouvait. Il
Sha qu'il a acheté : car ici, vu l'importance de l'objet,
il en a sans doute fait mention dans ses registres.
Timarchlde eut ordre d'en faire l'estimation. Mais on
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33o IN TERREM ACT. H, LIE. lY.
Timarcfaidem «stimare argenlum. Qiio modo ? que
qui nnquam tennissime in doiiatione histrionum
«stimavit. Tametsi jamdudam erro^ qai tam malta
de istius emtionibus verba faciam , et quseram ,
utrnm emeris, 'necne, et quomodo, et qustfitî
emeris : quod yerbo tran$igere possum. Ede mihî
scriptum, quid argent! în provincia Sicilia para-
ris, unde quidque, aut quanti emeris. Quid fît?
quanquam non debebam ego abs te bas litteras
poscere : me enim tabulas tuas babere, et proferre
oportebat. Verum negas te borum annorum ali-
quot confecisse. Compone boc, quod postulo, de
argento : de reiiquo ^Idero. Nec scriptum babeo ,
nec possum edere. Qnid futurum igitur est? quid
existîmas bosce judices facere posse ? Domus plena
Mgnorumpulcberrimorum , jam etiamante praetu-
ram; onKa ad TÎllas tuas posita, apud amicos
multa deposita, multa aliis data atque dônata : ta»
, bulai uuUum indicant emtnm. Omne argentum
ablatom ex Sicilia est; nihil cuiquam, quod suum
dicî vellet, relictum : fingitur imprdba defensio,
praetorem omne id argentum coemisse ; tamen id
ipsnm tabulis demonstrari non potest. Si quas
tabulas profers, in bis, quid babeas, qUomodo
babefis, scriptum non est. Horum autem tempo-
rum, qvnm te plurimas res émisse dicas, tabulas
omnino nullas proferas ; nonne te et prolatis , et
non prolatis tabulis , condenmari necesse est ?
XVIL Tu a M. Cœlio, équité romano, lectis-
simo adolescente , quae voluisti , vasa argeutea
' Olirn omissum oecne. Addidit Grœv. e mss. reg.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES j IV. 33 1
xi'c^'ahia jamais à si bas prix les bagatelles qu'on donne
aux histrions à la £n des repas '^. An reste, j'ai tort
de m'éteddre aussi long-temps sur vos achats préten-
du», çt de demander si vous avez acheté , comment et
combien vous avez payé. Un mot suffit. Produisez un
état de l'argenterie que vous avez acquise en Sicile ,
avec le ùom des vendeurs et la somme qu'ils ont reçue.
Avez-vous cet état? Je ne devrais pas être obligé de
vous le demander; il #nviendrait qvCJl fut entre mes
mains et produit par moi. Mais vous dites que pendant
tout ce temps vous n'avez tenu aucun registre. Donnez
dn moins quelques éclaircissements sur l'acticle de
l'argenterie. Pour le reste, nous verrons. Je 'n'ai rien
écrit; je ne puis rien produire. Que voulez-vous donc
que fassent les juges? Dès avant votre préture, votre
maison était remplie des plus beUes statues ; vous en
avez placé an grand nombre dans vos qampagnes, dé-
' posé un grand nombre chez vos amis; vous en avez
donné beaucoup à d'atttres ; et vos registres n'indiquent
aucun achat. Tonte l'argenterie a disparu de la Sidle ;
il n'y reste rien, absolument rien, qui soit de qn^ne
prix; et potir toute réponse, on me dit que le préteur
a tout acheté ; et cette réponse qui n'en est pas une ,
est démentie par les regbtres dn préteur. Car, si vous
en produisez quelques uns , on n'y trouve ni le détail
de ce que vous possédez, ni la manière dont vous Favez
acquis. Et pour tout le temps où vous placez laMlate de
vos achats multipliés, vous dites que vous n'avez pas
tenu de registres. Vofis yoilà' donc nécessairement con-
damné et par les regbtres qui sont produits, et par
«enx qui ne le sont pas.
XVH. Dans cette même ville de Lilybée , vous avez
pris à M. Célius, jeune chevalier romain du plnst grand
mérite, tout ce qui vous a pin dans son argenterie;
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332 m TERREM ACT. H, LÎB. ÎV.
Lilybaei abstulisti : tu C. Cacurii , promtî^siml
hominis, et experîentis, et in primis gratiosi, su-
pellectîlem oninem auferre non dubitasti : tu maxi-
mam et pulcberrimam mensam citream a Q. Lu-
tatio Diodoro, qui Q. Catuli bénéficie a L. Sulla
civis romanus factus est, omnibus scientibus, Lily-
bsi abstulisti. Non tibi objicio, quod hominem
dignissimum tuis moribus^pollonium, Niconis
filium, Drepanitanum , qui nunc A. Clodius vo-
catur, omni ^rgento optime facto spoliasti ac de-
peculatus es : taceo : non enim putatille sibiinju-
riam factam ; propterea qtiod homini jam perdito,
et coUum in laqueum inserenti subvenisti , quum
pupillis Drepanitanis bona patria erepta cum illo
partitus es. Gaudeo etiam , si quid ab illo abstu-
listi; et abs te nibil rectius factum esse dico. A
Lysone vero Lilybaetano, primo bomine, apud
quem deyersatus es , ApoUinis signum ablatum
certe esse non oportuit. At dices te émisse : scio ;
H-S M. Ita opinor : scio , inquam. Proferam litte-
ras * et tamen id factum non oportuit. A pupillo
Heio, cui Marcellus tutor est, a quo pecuniam
grandem erîpueras , scaphia cum emblematis Li-
lybsei utrum emta esse dicis, an confiteris erepta?
Sed quid ego istius in. ejusmodi rébus médio-
cres injurias coUigo, quœ tantummodo in furtis
istius , et damnis eorum, a guibus auferebat, ver-
sât» esse videantur? Accipite, si vultis, judices,
rem ejusmodi , ut amentîam singularem , ut furo-
rem jam, non cupiditatem ejus perspicere pos-
sitis. .
XV' III. Mclitensis Diodoms est, qui apud vos
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SEC. ACTION CONTRE VEKRÈS, lY. 333
vons avez fait lAaîn- basse sur tout le mobilier de
C. Cacarins , ôtoyen- plein de talent , de connais-
sances, et généralement estimé; aux yenx de tons Jes
habitants, vons avez enlevé ane grande et «aperbe
table de citre ^' à I^utatids Diodorns, que Sylla avait
fait citoyen romain sur la recommandation de Catnlus.
Je ne vous reproche pas d'avoir dépouillé Apotionias
de Drépane, fils de Nicon, et connu aujourd'hui sons
le nom d'Aulas Clodius. Tous vons êtes approprié
toute sa magnifique argenterie. Cet homme était digne
de vous « je n'ai rien à dire ; lui-même ne songe pas
à se plaindre. Il était perdu sans ressource , et prêt à
se donner la mort, lorsque vons partageâtes avec lui
les dépouilles des pupilles de Drépane. y oui avez bien
fait de ne pas le ménager : c'est la%ieilleure action de
votre vie. Mais Lyson, un des premiers de sa ville et
qui vons avait logé chez lui, il lie fallait pas loi pren-
dre sa statue d'Apollon. Tous prétendez l'avoir ache-
tée; oui, mille sesterces; je sais cela. Je produirai
même les registres. Mais je dirai toujours qu'il ne le
fallait pas faire. Et les gondoles ornées de reliefs'^,
qui appartenaient au jeune Héins, ce pupille de Mar-
cellus, à qui vous aviez déjà extorqué une grande
somme d'argent , direz-vous les avoir achetées , on
convenez-vous de bonne foi les avoir volées?
Mais pourquoi recueOlir ces anecdotes communes,
qui présentent partout une suite uniforme d'effets vo-
lés d'une part, et perdus de l'antre ."* Toici un trait
d'une espèce différente. Jusqu'ici vous n'avez vu que
de la cupidité : vous allez voir de l'extravagance et
même de la frénésie.
XTIII. Diodore de Malte, nn des témoins que vous
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334 IN VERREM ACT. II, MB. I\.
antea testimonium dixit ': is Lilybœi multos jara
annos habitat, homo et domioiobiUs, et apud eos ,
quo se contulit, propter virtntem splendidus et
gratiosus. De hoc Vçrri dicitur , habere eum per-
bona toreumata; in his pocula duo quacdam, quse
Thericlea nominantur , Mentons manu, summo
artifi<âo, facta. Quod iste ubi audivît, sic cupidi-
tate inflammatus est non solum inspiciendî , -verura
etiam auferendi, ut Diodorum ad se vocaret, ac
posceret. lUe, qui il]^ non inyitus haberet, res-
pondet se Lilybaei non babere; Melitae apud quem-
dam propinquum suum reliquisse. Tupi iste con-
tinuo mittit homiues certos Melitam; scribit ad
quosdam Melitenies, ut ea yasa perquirant ; rogat
Diodorum, ut ad illum suum propinquum det
litteras : nihil ei longius yidebatur, quam dum
illud TÎderet argentum. Diodorus , homo frugi ac
diligens, qui sua servare vellet, prqpinquo suo
scribit, ut iis, qui a Verre venisscnt, responde-
ret , illud argentum se paucis illis diebus hiisisse
Lilybseum. Ipse interca recedit : abesse ab domo
pauUisper malnit, quam prapsens illud optime fac-
tum argentum amittere. Quod ubi audi-vit iste,
usque eo est commotus, ut sine uUa dubitatione
insanire omnibus, ac furere videretur. Quia non
potuerat argentum erîpere , ipse a Diodoro erepta
sibi vasa optime facta dicebat; minitari absenti
Diodoro ; vociferari palam ; lacrymas interdum vix
tenere. Eripbylam accepimus in fabulis ea cupi-
ditate, nt, quum yidisset monile, ut opinor, ex
auro et gemmis, pulchritudine ejus incensa, sa-
lutem yiri proderet. Similis istius cupiditas : hoc
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SEC. ACTION CONTRE YERRÈS, IV. 3J5
avez enteodws, s'est fixé à lilybée depnis plnsienrs
années. Distingué dans sa patrie, il a mérité par ses
vertus l'estime et Tamitié de ses nouveaux oondtoyeQs.
Verres apprît qu'il avait de très beaux vases travaillés
au tour* , entre autres, deux coupes, de celles ({u'on
appelle Théridées"' , ouvrages admirables de Mentor.
A peine en fut-il instruit , impatient de les voir et de
s'en emparer , il fait venir Diodore , et les lui demande.
Celui-ci, qui n'était pas fâché de les avoir ^ répond
qu'elles ne sont pas à LUybée, qu'il les a laissées 4
Malte chez un parent. Sans perdre un moment, Ter-
rés' envoie à Malte des commissaires affidés* il écrit à
quelques habitants de lui chercher les vases; il prie
Diodore d'en écrire à ce parent : les moments lui sem-
blent des siècles. Diodore, homme économe et attentif,
était bien aise de conserver ce qui était à lui. Il mande
à son parent de répondre aux agents 'de Terres qu'il
vient de faire partir ces coupes pour Lilybée. Cepen-
dant il s'éloigne, aimant mieux s'absenter pour quel-
que temps que de perdre , en «estant chez lui , ce qn il
avait de plu^ précieux. A la nouvelle de sa retraite .
le préteur devient furieux. Tout le monde le croyait
dans un accès de folie et de démence. .Parce qu'il n a-
vait pu saisir les vases de Diodore , il disait que Dio-
dore lui volait des vases admii^ablei; il menaçait DIi>-
dore absent ; il poussait des cris de rage ) des larmes
même coulaient de ses yeux. Nous lisons dans la fable
qu'Érîphyle , à la vue d'un collier d'or enrichi de pier-
reries, fut éprise d'une passion si violente que, pour
l'obtenir, eUe trahit et sacrifia son: époux. Telle et
plus violente et plus furieuse encore était la passion
de Terrés. Ériphyle du moins avait vu ce qu'elle dé-
* f^ojr. le Mémoire tk Heyue sur la toreutique, t. TH
de V/Iist. de l'Art, par Winkelmann , trad. fr. , p. ifj >.
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536 IN VERREM ACT. Il, LIB. IV. ^
etiamacrioT atque insanior, quod illa cupiebat id ,
quod Tiderat; hujus libidînes non solumoculis,
sed etiam auribus excitabantur. «^
XIX. Conquiri Diodorum tota provîncia jubet.
lUe ex Sicilia jam castra moverat, et vasa coUe-
gerat. Homo \ lit aliquo modo illum in provinciam
reyocaret , banc excogitavit ratîonem , si h»c ratio
potius, quam amentia nominanda est : apponit de
suis cauibus quemdam , qui dicat , se Diodorum
Melitensem rei capitalis.reum velle facere. Primo
mirum omnibus TÎderi, Diodorum reum, bomi-
nem quietissimum, abomni non modo 'facinoris,
-verum etiam minîmi errati suspicione remotissi-
mum ; deinde esse perspicuum , fieri omnia illa
propter argentum. Iste non dubitat jubere nomen
deferri : et tum primum opinor istum absentis no-
men récépissé. Res clara Sicilia tota, propter cadati
argent! cupiditatem reos fîeri rerum capitalium;
neque solum prœsentes reos fieri , sed etiam ab-
^ sentes. Diodorus Romse sordidatus circum patro-
nos atque bospites cursare : rem omnibus narrare.
Litterae mittuntur isti a pâtre véhémentes; ab ami-
cis item :, videret, quid ageret; de Diodoro quo
progrederelur : rem claram esse, et invidiosam;
insanire hominem; periturum boc uno crimine ,
nisi cavisset. Iste etiam tum patrem, si non in
parentis, at in bominum numéro putabat; ad ju-
dicium nondum se satis instruxerat : primus annus
erat provinciœ : non , ut in Sthenio , jam refertus
pecunia. Itaquefuror ejus pauUulum, non pudore,
sed metu ac timoré repressus est : condemnare
' OUm, facinore.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, IV. 337
sîraît; mais Verres se passionnait sur nn ouï- dire, et
les désirs entraient dans son âme par les oreilles comme
par les yeux.
XIX. Il ordonne qu'on cherche Diodore par tonte
la province. Diodore avait déjà £ùt retraite , il n'était
plos en Sicile. Afin de la forcer à reparaître, Verres
imagine cet expédient , on plutôt ce chef- d'oeavre
d'extravagance : il aposte an de ses limiers ponr in-
tenter an procès criminel à Diodore. D'ahord la sur-
prise est extrême. Diodore accusé! lui, le plus paisible
des hommes et le moins fait ponr être soupçonné , je
ne dis pas d'une action criminelle , mais même de la
faute la plus légère. On reconnut bientôt que ses
beaux vases faisaient tout son crime. Le préteur, sans
balancer, reçut la dénonciatiofa, et je crois que c'est
la première qu'il ait admise contre un absent ''. Voilà
.donc toute la Sicile informée qu'on traduit devant les
tribunaux ceux qui possèdent de beaux vases, et que
l'absence même ne met pas à l'abri des poursuites ju-.
diciaires. Cependant Diodore était à Rome. Il se pré-
sente en habit de deuil chez ses patrons, chez ses
hôtes : il leur raconte l'affaire. Le père de Verres écrit
à son fils dans les termes les plus énergiques. Ses amis
lui mandent de prendre garde à ce qu'i). fait; qu'il se
compromet étrangement vis-à-vis de Diodore ; que la
vérité est connue; que chacun est révolté; qu'il a
perdu la raison; que s'il n'y fait attention, cette affaire
su£Bt pour le perdre. Quoique Verres n'eût pas un
profond respect ponr son père , il daignait encore
l'écouter ; il ne se voyait pas alors en état d'acheter le
silence des lois. C'était la première année de sa pré-
tare : il n'avait pas encore accumulé autant de richesses
que dans le temps de l'affaire de Sthénius. Il met donc
nn frein à sa fîirenr : contenu par la crainte plus que
VTII, «9
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338 IN YERREM ACT. n, LIB. IT.
Diodorum non audet ; absentem de reis eximlt.
Diodoms interea , prsetore isto , prope triennium
proyincia domoque caruit. Ceteri non solum Si-
culi , sed etiam cives romani hoc statuerant : quo>
niam iste tantum cupiditate progrederetur , nihil
esse, quod qùisquam putaret se; quod isti paullo
magis placeret , conservare , aut domi retineW'
posse.
XX. Postea -vero quam intellexerunt , isti vi-
rum fortera , quem summe proyincia exspectabat ,
Q. Arrium non succedere; statuerunt se nihil tam
clausum, neque tam reconditutd posse habere ,
quod non istius cupfditati apertissimum prom-
tissimumque esset. Tum iste ah équité romano
splendido et gratioso, Cn. Calidio, cujus fîliuni
sciebat senatorem populi romani et jiidicem esse ,
equuleos argenteos nobiles, quique maximi fue-
ratit, aufert. Imprudens hue incidi, judices,; émit
enim , non abstuUt : nollem dixisse : jactabit se ,
et in bis equitabit ecpiuleis. Emi ; pecuniam solyi .
Credo , etiam tabula; proferentur : est tanti. Cedo
tabulas; dilue sane crimen hoc Calidianum, duni
ego tabulas adspicere possim. Verumtamen quid
erat, quod Calidius Romae quereretur, se, quum
tôt annos in Sicili» negotiaretur , abs te solo it»
esse contemtum , ita desp^ctom , ut etiam una cuui
ceteris Siculis despoliaretur, 4^<n^i^s^ Quid erat,
quod confirmabat, se abs te argentum esse repeti-
turum , si tibi sua yoluntate yendiderat? Tu porro
possel facere, ut Cn. Calidio non redderes? prse-
sertim quum is L. Sisenna, defensore tuo, tam
familiariter ttteretur; et quum ceteris familiaribus
Siscnnse reddidisses?
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, IV. 33ij
par la honte, il n'ose condamner Diodore; il refface,
comme absent, de la liste des accusés. Celui-cî cepen-
dant se garda bien de rentrer en Sicile , tant qne dura
la prétnre de Verres , c'est-à-dire pendant près de trois
ans. Siciliens, Romains, tons les antres s^étaient rési-
gnés : îU sentaient que sa cupidité se portant à de tels
excès , il leur était impossible de conserver et de gar-
der chez eux rien de ce qui aurait le malheur de lui
plaire. *
XX. Ils espéraient que Q. Arrins viendrait le rempla-
cer : la province l'attendait avec impatience *. Quand
ib virent leur attente déçue , ils comprirent qu'ils ne
pourraient avoir de porte ii bien fermée qne sa cupi-
dité ne sût l'ouvrir , de dépôt si bien caché qne ses
mains ne pussent l'atteindre. Ce fut alors qu^il etdeva
de petits dievanx d'argent très renommés et d'un très
grand prix à un chevalier romain de la première dis-
tinction, à Cn. Calidius, dont il savait que le fila était
à Rome sénateur et jugcl Mais j'ai tort; il ne les a pas
^enlevés : il les a achetés. Je me suis trop hasardé.
Comme il va se pavaner sur ces petits chevaux 1 /e les
ai achetés; Je les ai payés. Je le croîs, Verres. Les re-
gistres même seront produits : la chose en vaut la
peine. Voyons-les, et je n^nsîste plus. Cependant, si
vous aviez acheté , pourquoi Calidius se phdgnait-îl à
Rome que , depuis tant d'années qu'il fait le commerce
en Sicile , vous seul l'avez assez dédaigné , assez mé-
prisé pour le dépouiller, ainsi que l«<i«rnier des Sici-
liens ? S'il vous les avait vendns librement , pourquoi
;tssnratt-il qu'il les réclamerait devant les tribunaux?
Kt comment vons dispenser 4e les rendre ? Calidius est
l'intime ami de L. Sisenna , votre défenseur ; et vous
avez renc^ aux autres amis de Sisenna.
* Il fut envoyé contre Spartacui.
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340 IN VERREM ACT. II, LIB. IV.
Deinde non opinor negaturum esse te, hominî
honesto , sed non gratiosîori , quam Calidius est ,
L. Cordio argentum per Potamonem, amicum
tunm , reddidisse : qni quidem ceterorum causam
apud te (liffîciliorem fecit. Nam quum te complu-
ribus confirmasses redditurum , posteaquam Cor-
dius pro testimonio dixit , te sibi leddidisse , finem
recidendi fecisti; quod intellexisti , te, praeda de
manibus amîssa, testimonium tamen efîugere non
posse. Cn. Calidio , equiti romano , per omnes
prxtores licuit argentum habere bene factura ;
licuît posse domesticis copiis, quum magistratum ,
aut jdiquem superiorem invitasset, omare et ap-
parare conyiyinm ; 'multi domi Cn. Calidii cum
imperio ac potestate fuerunt : nemo inyentus est
tam amens, qui illud argentum tam prœclamm ac
tam nobile erîperet; nemo tam audax, qui posce-
ret ; nemo tam impudéns, qui postularet, ut yen-
derct. Superbum est enim, judices, et non feren-
dum, dicere prœtorem in proyincia homini ho-
nesto , locûpleti , splendido : « Vende mihi vasa
caelata. » Hoc est enim dicere : Non es dignus tu,
qui habeas, quse tam bene facta sint; meae digni-
tatis ista sunt. Tu dignior. Verres, quam Cali-
dius ? qui ( ut non conferam yitam , atque existi-
mationem tuam cum illius; neque enim est confe-
renda : hoc ipsum conferam , quo tu te superiorem
fingis) quod H-S lxxx millia diyisoribus, ut prse-
tor renuntiarere , dedisti; trecenta accusa tori , ne
tibi odiosus esset; ea re contemnis equestrem or-
dinera , ac despicis ? ea re indignum ti]pi yi^um
est, quidquam, quod tibi placeret, Calidium po-
tins habere, quam te ?
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SEC. ACnON COïmiE TERRES, FV. 341
Nierez-voQS que votre fidèle Poumon ait nestitaé
de votre part rargenterie de L. Cordias, citoyen hon-
nête sans doute, mais qni n'a pas pins de droits qne
Caliciins à la considéi;ation pnbliqne ? C'est même ce
Cordins qai a fait tort aux antres. Plusieurs avaient
votre narole; mais depuis gn*îl a déposé que vous lui
aviez Fait restitution,, vous avez pris le parti de ne plus
rendre , poisqn'en lâchant la proie , vous ne fermiez
pas la bouche aux témoins. Avant vous , tous les pré-
teurs avaient permis à Calidius de posséder une belle
argenterie. Lorsqu'il incitait un magistrat, on quelque
citoyen d'un rang supérieur , il avait le droit d'orner
et de parer sa table de ses ridlesses domestiques. Des
hommes revêtus de Tautorité ont souvent été reçus
dans sa maison. Nul d'eux n'a jamais été assez extra-
vagant pour enlever cette argenterie si b^e et si jus-
tement admirée , assez audacieux pour la demander,
assez impudent pour lui proposer de la vendre. ïTeat-
ce pas en effet, dans un préteur ,^le comble de l'orgmeil
et l'excès du despotisme que de dire à un de ses admi^
nistrés, homme honnête, opulent, qui tient un grand
état : Vendez-moi vos vases ciselés. Cest lui dire : Yoas
n'êtes pas digne de posséder de si beaux ouvrages; ils
sont faits pour un homme comme moi. Un homme
comme vous , Terres ! Je ne ferai pas à Calidius l'in-
jure de comparer \otife vie avec la sienne , sa réputa-
tion aveu la vôtre. Mais dans les choses mêmes sur
lesquelles* vous fondez votre prétendue supériorité,
qn'avez-vous plua que lui? Quatre-vingt mille sesterces
remis aux distributeurs, pour vous faire nommer pré-
teur ^^ , trois cent mille donn^ pour acheter le silence
d'un accusateur ^^ , vous assurent-ils le droit de mé-
priser, de dédaigner l'ordre des chevaliers, et de trou-
ver mauvais que Calidius possède plutôt que vous de»
choses qui vous plaisent?
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342 IN \ERRKM AX}T, II, U». IV.
XXI. Jactat se jamdudam de Calidio : narrât
omnibus se émisse. Nnm etiafm de L. ' Papirio ,
▼iro primarioy locuplet», konestocpie équité ro-
mano, thuribuluBiemisti ? qui^pro testimonio dixit,
te , quum inspiciendum ^Soposcisses, * avulso em-
blemate remisisse : utintellîgatis, in hominei&ntel-
ligentiam esse, non al^aritîara; artificil cupidum,
non argent! fuisse. Nec solum in Papirio fuit hac
abstinentia : tenuit hoc înstitutum in tburibulis
omnibus , quœcumque in Sicilia fuerunt. Incredi-
bile est autem , quam multa , et quam praeclara
fuerint. Credo tum , guum SiciUt florebat opibus
et copiisy magna artificia fuiss^in ea insula : nam
domus erat ante istum praetorem nalla panllo locu-
pletior, qua in dcuno base non essent, etiamsi
praârrea nihîl esset argenti : patella grandis cum
sigilHs , ac nmulacris deorum ; patera , qua mnlie-
ref 4d res divinas utere^tur ; tburibulum : hsec au-
tem omnia antiquo opère , et summo artificîo facta :
ut hoc liceret suspicari, fuisde aliquando apud Si-
culos ' persBqua proportion© cetera ; sed qui bus
multa fortuna ademisset, tamen apud eos reman-
sisse ea, quae religio retinuisset.
Dixi, judices, 'multa fuisse fere apud Siculos
onmes : ego idem confirmo, nusc ne unum qui-
' £dd. pr., Papiuio, t^ mss. GrœvU; ted libéra repw
blica nulli diim Papinu reperiimtur. — * Ernest, ex edd.
'vett., vulso; alii, evulso. — ^Ernest., Turnebttm secu-
tus, Adversar., VITI , ro , edidit , per.Tque pro por-
tioDP.
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SEC ACTION CONTRE "VERRES, IV. $4^
X^t. Il y a tong-temp&qa'il triomphe sur cet article :
îl va disant paaoat qu'il a payé. £h bien ! Yeérès ,
aves-vona payé anâsi là cassolette de L« Papirias.^ ' ? Ce
chevalier romain , également distingué par son rang «t
sa fortune , a déposé que Payant demajtkdée ponr la voir,
vous la renvoyâtes après en avoir détaché les relief;
car il faut que vous sachiez , citoyens , que ^ la part
de Yerrès c'est affaire de goût, et non cupidité : ce
n'est point h\ matière , c'est l'art qu'il recherche. Pa-
pîrins n'est pas le seul qui se soit aperçu de ce noble
désintéressement ; "Verres s'est conduit suivant les mê-
mes principes dans l'examen de touteç les cassolettes
qui existaient en Sicile. Or vous ne ponn^^ con^cevoir
quel en était le nombre , qnette en était la beauté. Il
est probable que celie prOvintoe, dans les temps de sa
gloire et de sa splendeur, possédait une infinité de
che£i~d'œavre en ce genre* ;,car avant la prétare de
Verres , il n'était pas nne maUon ^n peu aisée, dans
laquelle on «ne trouvât au moins un grand plat pour
les sacrifices , orné, de reliefs et des images de quel-
ques dieux f une patère dont les femmes se servaient
pcmr les libations , une ca^olette , et tout cela d'un
goût antique et d'un travail achevé. D'où l'on peut
conjecturer qu'autrefois les autres ornements étaient
.. aussi communs en proportion, et que les Siciliens, à
qui la fortune en a ravi la plus grande partie , avaient
conservé du moim^^ceux que la religion avait retenus.
Jetons ai dit qu'il 'exist&It' beaucoup de ces objets
précieux chez presque tous les Siciliéhs; j'affirme qu'au-
jourd'hui il n'en reste pas un seul. .Grands dieux , quel
*Winkelmann observe, Liv. VI, chap. 4, que les
malheurs de la Sicile n*y étouffèrent jamais le goût des
arts ; on en peut juger par les belks médailles qai nous
restent de cette î-le.
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344 IN VEB.REM ACT. II, LIB. IT.
dem esse. Quid hoc est? quod monstrum, quod
prodfgium in provmciam misimus? Nonne vobis
id egisse videtur , ut non unius libidinem , non
snos oculos , sed omnium cupidissimorum insanias ,
quuni Roraam revertisset, expleret? qui simul at-
que in oppidum quopiam yenerat, îmmittebantur
illi conlÉiuo Cibyratici canes, qui investigabant
et persçrutabàntur omnîa. Si quod erat grande vas ,
et majus opus inventum , lœti adferebant : si minus
ejusmodi quippiam yeuari potuerant , illa quidem
certe pro lepusculis capiebantur , patellae , paterae ,
thuribula. Hic quos putatis fletus mulierum? quas
lamentationes fîeri solitas esse iuhisce rébus? quae
forsitan yobis paryœ esse yideantur : sed magnum
et aierbum dolorem commoyent , mulierculis prae-
sertim , quum eripiuntur e manibus ea , quibus ad
res diyinas uti cousuerunt, quae a suis acceperunt^
quse in famiiia semper fuerunt.
XXII. Hic nolite exspectare, dum ego hoc cri-
men agam ostiatim; ab ^schylo Tyndaritano is-
tum pjiteram abstulisse^a Thrasone item Tynda-
ritano patellam; a ^ymphodoro Agrigentino thu-
ribulûm. Quum testes ex Sicilia dabo , quem yolet,
ille eligat, quem ego interrogem de patellis, pa-
terisy thuribulis : non modo oppidum nullum ,
' sed ne domus quidem paullo locupletior expers
hujus injurîœ reperietur. Qui quum in convivium
yeuisset, si quidquam caelati adspexerat, manum
abstînere, judices, non poterat. Cn. Pompeius est
Philo , qui fuit Tyndaritanus : is cœnam isti dabat
' Ernest, ex edd. ^eu. et quihusdam codd. , domiu
niella p. 1.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES , lY. 345^
âéaa ! qad ravageur nous avons envoyé dans cette mal-
henrtfHse province ! Ne semble-t-il pas qn'il se soit pro-
posé , non de r«paitre sa propre cnriosité et sa seule
avarice, mais de satisfaire, à son retour, les fantaisies
de tons les hommes les pins avides? S'il entrait dans une
ville , aussitôt il lâchait ses deux limiers ; ils se mettaient
en quête, ils furetaient partout. S'ils découvraient quel-
que grand vase , une pièce importante , ils l'apportaient
. en triomphe. Quelquefois la chasse était moins heu-
reuse ; ils se contentaient de menu gibier, de plats, de
coupes, de cassolettes. Combien de femmes durent alors
verser de larmes ! quels cris lamentables elles firent en-
tendre ! Peut-être leurs douleurs Vous sembleront-eUes
frivoles et peu dignes d'attention ; mais c'étaient des
femmes. Songez combien il est dur et cruel, surtout
pour ce sexe , de se voir arracher des vases dont on
s'est toujours servi pour les sacrifices , qu'on a reçus
de ses ancêtres , et que de tout temps on a vus dans sa
famille.
XXII. N'attendez pas que je parcoure toutes les mai-
sons de la proviâce, et que je vous dise : Il a pris une
coupe à Eschyle de Tyndare , un plat à Thrason de la
même ville , une cassolette à Nymphodore d'Agrigente.
Quand je produirai les tén#îns siciliens, qu'il choisisse
celui qn'U voudra : je l'interrogerai sur ces détails trop
uniformes, et vous verrez qu'il n'est pas une ville, pas
même une maison un peu fortunée, qui n'ait à réclamer
quelques effets de cette nature. Il venait à un repas :
il voyait une pièce de vaisselle ciselée. Entraîné par une
force irrésistible , il fallait qn'il y portât la main. Cn.
PompéiusPhilon*, autrefois citoyen de Tyndare, l'avait
invité à sa campagne. Il fit ce que nul Sicilien n'osait
♦ Sicilien , qui devait sans douté à Pompée le titre de
citoyen romain. ^
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346 IN YERREM ACT. II, LIB. lY.
apud viilaiti in Tyndaritano. Fecit, quod Siculi
non aadebant; îlle, ci vis romanus quod erat, im-
punius id se facturum putavit : apposiùt pateUa^^
in qua sigilla erant egregia. Iste ccmtinuo ut TÎdit ,
non dnbitavit illud insigne penatium* hospitalium-
que deorum exhospitali mensa tôlière : sed tamen,
quod antea dé istius abstineôtia dixeram , sigillis
avulsis reliquum argentum sine ulla ayaritia red-
didit.
Quid? Eupolemo Calactino, homini nobili, Lu-
cuUorum bospiti ac perfamiHari ^ qui nunc apud
eXiBrcitum cum L.' Lucullo est , non idem fecit ?
Cœnabat apud eum : argentum ille ceterum purum
apposuerat, ne purus ipse relinqueretur ; duo po-
ciila non magna , verumtamen cum emblematis.
Hic y quasi festivum acroama, ne sine corollarto
de convivio discederet , ibidem , conTivis inspec-
tantibus, emblemata ayellenda cura vit.
Neque ego nunc istius facta omnîa enumerare
conor ; neque opus est , nec fîeri ullo modo potest.
Tantummodo uniuscujusque de varia improbitate
generis indicia apud vos , et exempla profero : ne- •
que enim ita se gessit in bis rébus, tan'qaam ratio-
ném aliquando esset redditurus ; sed prorsus ita ,
quasi aut reus nunquam esset futurus , aut quo
plura abstulisset , eo minore peripulo in judicium
esset venturas : qui hsec, qu«a dioo,* jam non oc-
culte , non per amicos atque interprètes, sed pa-
lam, de loco superiore, ageret pro imperio et
potestate.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, IV. 347
faire ; mais il pensait qu^un Romain avait des droits
qae les Siciliens n^avaient pas. Il fit placer snr sa table
nn plat enrichi c|e trèsl>elles figures. Verres le voit, et
Verres à Vinstantsaisit sur la table d'un hôte cette pièce
consacrée aux dieux domestiques, aux dieux protec-
teurs de rhospitalité. Cependant , par une suite de ce
désintéressement dont je vous parlais tout à Theure , U
se contenta de détacher les figures, et rendit généreu-
sement ce qui restait de cette pièce d'argenterie.
' N'en a-t-îl pas usé de même à Végard d'Eupolème de
Calacte , d'une famille noble , l'hôte et Tami des Lu-
cûUus, qui, dans ce moment, est à l'armée auprès de
Lucius Lucullus ^' ? Il sonpait chez lui. Eupolèrae avait
^t servir son argenterie dépouillée de ses' reliefs , afin
que le préteur ne fut pas tenté de la dépouiller lui-
même. Deux coupes seulement, ^et toutes deux assez
petites , os^nt paraître avec leurs ortfemeiîts. L^pré-
teur , comme s'il eût été l'igi de ces boufibns ^^ qu'on
mande pour Tamusement de la société , ne voulut pas
se retirer du festin sans emporter sa petite couronne,
et à la vue des convives il fit détacher les figures.
Je n'entreprends pas de dénombrer tous ses vols :
cette énuméradon est inutile , elle est même impossi-
ble. Seulement je présente en chaque genre des essais
et des exemples de ses déprédations variées sous toutes
les formes ; car il n'agissait pas comme un homme
qui doit un jour rendre compte de ses action^ il sem-
blait s'être persuadé c[ae jamais il ne serait accusé, on
que la multiplicité même de ses vols en assurerait
l'impunité. Ce n'était pluâ dans l'ombre, ni parles
mains de ses amis et de ses agents qu'il commettait
ses crimes, mais" ouvertement, du haut de son tribu-
nal , en déployant tout l'appareil de l'autorité.
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348 m TERREM ACT. H, LIE. FV.
XXIII. Catinam quum yenisset, oppidum locu-
pies , honestum , copiosum , Dionysiarcbum ad se
proagOTum, hoc est, summum magistratum, vo-
cari jubet : ei palam imperat , ut omne argentum ,
quod apud quemque esset Catinœ, conquirendum
curaret, et ad se transferendum. Philarchum Cen-
turipinum , primum hominem génère , Tirtute ,
pecunia , non hoc idem juratum dicere audistis ,
sibi istum negotium dédisse , atque imperayisse ,
ut Centuripinis , in civitate totius Siciliae multo
maxima et locupletissima , omne argentum con-
quireret, et ad se comportari juberet? Agyrîo si-
militer istius imperio yasa Corinthia per ApoUo-
dorum, quem testem audistis, Syracusas deportata
sunt.
Illa yero optima , quod , quum ad Haluntium
yenisset prator laboriosus et diligens, ipse in
oppidum accedere noluit , quod erat di£Qcili ad-
scensu atque arduo ; Archagathum Haluntinum ,
hominem non solum domi su», sed tota Sicilia
in primis nobilem , yocari jussit ; ei negotium
dedif, ut, quidquid Haluntii esset argenti caslati,
aut si quid etiam Corinthiorum , ici omne statim
ad mare ex oppido deportaretur. ' Escendit în
oppidum Archagathus. Homo nobilis, qui a suis
et amari et diligi yellet, fereTjat grayiter illam sibi
ab isto proyinciam datam; nec, quid faceret, ha-
bebat. Proi^tmtiat , quid sibi imperatum esset :
. jubet omnes proferre , quae haberentl Metus eràt
summus : ipse eaim tyrannus non discedebat lon-
giu$4 Archagathum, et argentum, in lectica cu>
bans , ad mare infra oppidum exspectabat.
' Sic Grtey. e ms. reg. Al., Adscendit.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, IV. 349
XXIII. Il aiTÎTe à Catane, ville riche et célèbre ;
il mande Dionysîarqae qui en était proagore *, c'est-
à-dire le premier magistrat , et loi ordonne pabli^ne-
ment de rechercher tonte Fargenterie qui se trouvera
dans la ville, et de la Ini apporter. Philarqne, un des
premiers citoyens de Centorbe par son mérite per-
sonnel , par sa naissance et sa fortnne, a déclaré sons
serment qn'ime pareillelnjonction lui a été faîte pour
cette ville , une des plus opulentes et des plus consi-
dérables de la Sicile. Par un ordre semblable , ApoUo-
dore , dont vous avez entendu la déposition , fit de
même transporter à Syracuse les vases corinthiens
qui étaient dans la ville d'Agyre.
Mais voici le trait le plus admirable. Notre actif et
infatigable préteur s'était approché d'Halnntium. La
ville est sqr une hauteur et d'un accès difficile. Il ne
voulut pas se donner; la peine de monter jusque là. Il
mande Archagathe , citoyen qui jouit de la plus grande
considération dans sa patrie et dans toutes la Sicile.
H le charge de faire apporter aussitôt , sur le bord de
la mer, l'argenterie ciselée , et même tout ce qu'il y a
de vases corinthiens dans Haluntîum. Archagathe
-remonte. Cet homme honnête , et jaloux de mériter
l'estime et l'amitié de ses compatriotes , était désespéré
d'une commission si odieuse; mais il fallait obéir. Il
signifie l'ordre du préteur : il enjoint à chacun de
produire ce qu'il possède. La crainte était extrême : le
tyran ne s'éloignait pas; couché dans sa litière, il
attendait sur le rivage, au pied delà montagne, Ar-
chagathe et l'argenterie d^ Haltin tiens.
* Inscriptions de Grater , pag. 401 : Aio*X8oç Tfoat-
viir. 3o
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s/o IN VERREM ACT. II, LIB. IV.
Quem concursum in oppido factum putatis ?
quem clamorem ? quem porro fletum muliemm ?
qui vidèrent , equum Trojaijum introductum , -
urbem captam esse dicerent. Efferri sine thecis
vasa-, extorqueri alia de manibus mulierum,
offringi multorum fores, revelli claustra. Quid
enim putatis ? scuta si quando conquiruntur a pri-
vatis in beilo ac tumultu, tamen bomines inviti
dant, etsi ad salutem communem dari sentlunt :
ne quem putetis sine maximo dolore argentum
crœlatum domo, quod alter eriperet, protulisse.
Omnia deferuntur : Cibyratae fratres Tocantur :
pauqa improbant ; quse probarant , iis crustae aut
emblemata detrahuntur. Sic Haluntini, excussis
deliciis , cum argento puro domum reyerterunt.
XXIV. Quod unquam , judices , hujusmodi
eyerriculum in illa provincia fuit? Ayertere ali-
quid de publico quam obscurissime per magistra-
tum solebant, etiam aliquid de priTato nonnun-
.quam Qcculte auferebant ; et illi tamen condenma-
bantut*. £t)^si quxritis, ut ipse de me detraham,
îllos ego accusatores puto fuisse, qui bujusmodi
homiiium furta odore , aut aliquo leviter presso
vestigio persequebantur. Nam nos quidem quid
facimus in Verre , quem in luto -volutatum totius
corpoi is vestigiis invenimus ? Permagnuni est in
eum dicerc aliquid » qui prseteriens , lectica paul-
lisper deposita, non perprœstigias, sed palam,
per potestatem, uno imperio, ostiatim totum op-
pidum compilant? At tamen, ut possit se dicere
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, IT. 35i
Comment vohs peindre le tomnlte et Ta^tation qui
régnent dans la ville, les cris, les plaintes et les plenrs
des femmes? On eût dit qne le cheval de Troie était
entré dans les mnrs, et qa'Halnntinm était pris d'as-
saut. Ici des vases sont emportés sans leurs étuis ; là
d'antres vases sont arrachés aux femmes ; on enfonce
les portes , on brise les verronx. ^i quelquefois dans
une guerre ou dans une alarme soudaine , on oblige
les particuliers de fournir leurs armes , ils les cèdent
à regi*et, quoique ce soit pour la défense commluie.
Quelle devait donc être la douleur des Haluntiens, en
se voyant enlever leur argenterie pour qu'elle devînt
la proie d'un Brigand? Enfin tout est apporté. Les
deux frères sont appelés. Ils rejettent un très petit
nombre de pièces ; et à mesure qu'as approuvent , on
détache les reliefs et les figures ^^. Alors les Halun-
tiens retournèrent chez eux avec leur argenterie
débarrassée de toutes ces superfluités d'un luxe frivole.
XXIY. Quel fléau pour la province , et quel excès
de déprédation ! Qn a vu des magistrats détourner en
secret quelque somme du trésor {fublic, quelquefois
porter une main furtive sur les propriétés des citoyens ;
et , malgré leurs précautions , ils étaient condamnés.
S'il faut le dire, aux dépens de mon amour-propre,
ceux qui les accusaient avaient besoin de talent pour
suivre à la piste ces larcins ténébreux , et s'attacher, à
des traces légères. Mais lui , je trouve toutes les parties
de son corps empreintes dans la fange où il s'est roulé.
Quel talent faut -il poar convainctre un homme qui,
passant près d'une ville, fait aiTéter un instant sa
litière , et sans autre prestige que l'abus du pouvoir
et la force d'un ordre tyrannique, dépouille ouverte-
ment toutes les maisqns de toute une cité ? Cependant
il &ut qu'il puisse dire : J'ai acheté. Il charge Archa-
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352 IN TERREM ACT. II, LIB. IV.
. émisse, Archagatho imperat, ut aliquid illis, quo-
rum argentum fnerat, nummulorum, dicis causa,
daret. Invenit Archagathus paucos, qui y client
accîpere : his dédit. Eos nummos tamen iste Ar-
cfaagatho non reddidit. Voluit Romas petere Ar-
chagathus : Cn. Lentulus Marcellinus dissuasit,
sicut ipsum dicere audistis. Recita Arcuagathi et
hlLSTVJJ. TE8TIMONIUM.
Et , ne forte homineqi existimetis hanc tantam
vim emblematum sine causa coacervare yoluisse ,
yidete, quanti yos, quanti existimationem popuU
romani , quanti leges et judicia , quanti testes Si-
culos, negotiatoresque fecerit. Posteaquam tantam
multitudinentcoUegerat emblematum, ut ne unum
quidem cuiquam reliquisset, instituit officinam
Syracusis in regia maximam , palam ; artifices
omnes, cœlatores , ac yascularios conyocari jubet;
et ipse suos complures habebat. £o conduoit mag-
nam hominum multitudinem : menses octo conti«>
nuos opus his non defuit, quum yas nullum fieret,
nisi aureum. Tum illa , ex patellis et thuribuiis
quae yellerat, ita scite in aureis pocuUs iiiigabat,
ita apte in scyphis aureis includebat, ut ea ad
illam rem nata esse diceres. Ipse tamen praetor,
qui sua yigilantia pacem in Sicilia dicit fuisse, in
bac officina majorera partem diei cum tunica pulla
sedere solebat, et pallio.
XXV. Use ego, jttdices, non auderem pro-
ferre , ni yererer, ne forte plura de isto ab aliis in
sermone , quam a me in judicio audisse yos dice-
retis. Quis enim est, qui de bac officina, qui de
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SEC, ACTION CONTRE TERRES, ÏV. 353
fatlie de compter, pour la forme, quelques pièces de
monnaie à ceux qu'il a dépouillés. Il en trouva fort
peu qui Yonlnssent accepter*. Il les paya. Mais cet
argent ne lui a pas encore été remis par Yerrès. Il a
voulu le lui demandera Rome; etLentulasMarcelUnus
lui a conseillé de n'ei^rien faire. Vous ^e voyee par sa
déposition. Lisez les depositioits d'Ajichagatbe et
DE LEirrui.ns.
Ne^ croyez pas que S homme ait accumulé sans
motif ce nombre incroyable d'objets si précieux. Vous
allez voir une preuve de son respect pour vçus, pour
Topinion publique , pour les lois et les tribunaux , pour
les Siciliens et nos Romains témoins de son impu-
dence. Après qu'il eut rassemblé tous ces reliefs, et
qu'U n'en re&ta plus un seul à personne, il établit un
atelier immense à Syracuse, dans le palais des anciens
rois , sous le^ yeux de tous les habit^nts. Il y rassem-
bla tous les orfèvres , les graveurs , les ciseleurs de la
province, sans compter ceux qui étaient à lui; et le
nombre en était grand. Cette multitude d'ouvriers
travailla buit mois entiers, quoiqu'on les occupât
seulement à des ouvrages en or. C'est alors que les
ornements arrachés des plats et des cassolettes, furent
appliqués à des coupes d'or avec tant d'adresse , in-
crustés avec tant de goût , qu'ils semblaient avoir été
faits pour occuper cette place. Cependant ce préteur,
qui veut qu'on fasse honneur à sa vigilance de la paix
dont a joui la Sici|ie , passait la plus grande partie du
jour assis dans son atelier, vêtu d'une tunique brune
et d'un manteau grec. ^^
XXV. Je n'oserais vous entretenir de tous ces dé-
tails, si je ne craignais pas qu'on ne me reprochât d'en
avoir moins dit devant ce tribunal que chacun de vous
n'en apprend dans les conversations particulières. Fn
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^54 IN TERIŒM ACT. n, UB. Vf.
Tasis Bureis, qui de isbas pallio , timica pulla , non
andierit?QueinToles decoDTentn ' Syracasanoram
▼irum boDum nominaio : producam i néroo erit ,
qoin hoc se ant yidisse , aut audisse dicat. O tem-
pora ! o tnores ! nihil nimiam vetas proferam.
Sunt yestrom , judices , quam multi , qui L. Pîso-
nem 'cognoyerunt , nujus L. Pisonis , qui prxtor
fiiit , patrem. Is qnum es^ in Hispanîa praetor ,
qua in proyincia occisus est , nescio quo picto ,
dnm armis exercetur , annulus anreus, quem ha*
bebat, fractus est et comminutus. Qtium yellet
sibl annulum facere, aorificem jussit yocari in
Cortim, ad sellant, Cordub», et ei palam appendit
aurum. Hominem în foro aeUam jnbet ponere , et
(acere annulum, omnibus prsBsentibas. Nimium
fortasse dîcet aliqais hune diligentem. Hactenus '
reprehendat , si quis volet ; nihîl amplius : verum
fuit ei concedendum : filius enîm L. Pisoms erat,
ejus , qui primus de pecuniis repetundis legem tu-
lit. Biaiculum est nunc de Verre me dicere, quum
de Pisone Frugî dixerim. Verumtamen, quantum
intersit , yidete ; iste quum aliquot abacorum face-
ret yasa aurea, non laboravit, quid non modo in
Sicilia , yerum etiam Rom» in judicio audiret; ille
în auri semuncia totam Hispaniam scircyoluit,
unde prœtori annulus fieret. Nîmirum, ut hic
nomen suum comprobayit, sic ille cognomen. •
XXVI. Nullo modo possum omnia istius Sftcta
aut memoria consequi , .aut oratione complecti :
gênera ipsa cupio breyiter attingere; ut hic modo
me commonuit Pisonis annulus , qnod totum
• [.nmhinHsX , Syracusano.
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SJEC. ACTION CONTRE TlffllHÈS, IV. 355
eâbt, qui n'a pas ouï parlisr de cet atelier, des vases
d'or, du manteaa ^rec et de la taniqae brotte? Nom-
mez qui votis vofidrez dé nos Romains établis à Syra-
cuse, poarva que ce soit un bonnéte bomme; je Tin-
terrogerai : il ne s'en trouvera pas un qui n'atteste
avoir vu lui-même tout ce que je dis, on l'avoir appris
de témoins oculaires. O que les temps sont cbangés ^^ !
Sans remonter à des époques éloignées, plusieurs de
vous ont connu L. Pison , père de celui qui dernière-
ment a été préteur ^7. Pendant qu'il commandait en
Espagne, où il a été tué, il arriva qu'en s'exerçant aux
armes, il brisa son anneau. H voulait en avoir un au-
tre ; il fit venir un orfèvre dans le forum , au pied de
son tribunal , à Cordoue. lia , publiquement , il pesa
For nécessaire , et commanda à l'ouvrier de s'établir
sur la place et de faire l'anneau en présence di| peuple.
Cest, dit-on , porter le scrupule à l'excès. Le blâme
qui voudra. Mais c'était Piaon; c'é^t le fils de celai
qui, le premier, porta une loi contre les concussion-
naires. Il est ridicule de nommer Terres, après avoir
<âté le vertueux Pison. Cependant voyez le.vontraste :
l'un se fait fabriquer des vases d'or en assez grand
nombre pour couvrir plusieurs buffets, sans s'inquié-
ter de ce qu'on dira non seidement en Sicile, mais
même dans les tribunaux de Rome; l'autre, pour une
demi-once d'or , veut que toute l'Espagne sacbe d'où
provient l'anneau du préteur. Le premier a justifié son
nom; le second s'est montré digne du stimom qui bo-
nore sa famiUe.
XXYI. Dans l'impossiblité où je suis de rappeler à
ma mémoire, et de rassembler, dans un seul discours , •
tons les crimes de Terres, je tâcbe de vous donner en
peu de mot^ une idée sommaire de cbaque espèce de
vol. En voici une, par exemple, que Fanneau de'
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356 m TEBKEM ACT. H, LIB. TV.
effluxerat. Quam multis istum putatis honiinibus
honestis de digitis annulos aureos abstulisse ? nun-
quam dnbîtairit , quotiesccnftque alicujas aut gem-
ma , aut anntdo délectatus est. Incredibilem rem
dîcam , sed tam claram , ut îpsum negaturmn non
arbitrer. Quum Valentio ejus întrerpreti epistola
Agrigento allata esset , casu signum Iste animad-
▼ertit in cretula : placuît : exquisivît, unde esset
epistola. Respondity Agrigento. Iste litteras, ad
quos solebaty misit, ut is annulus ad se primo
quoque tempore afferretur. Ita litteris istius , patrl-
familias, L. Titio cuidam, cm romano, annulus
de digito detractus est. Illa vero ejus cupiditas
incrèdibilis est : nam ut in singula conclavia, qusD
iste non modo Roms, sed in omnibus yillis babet,
tricenos lectos optime stratos cum ceteris orna-
mentis convivii quaereret, nimium multa compa-
rare ' yideretur. NuUa doinus in Sicilia locuples
fuit , ubi iste non textrinnm instituent.
Mulier est Segestana , perdiyes et nobilis, Lamia
non^ine : * per triennium isti, plena domo tela-
rum y stragulam yestem confecit : nibil nisi cou-
cbylio tinctum. Attabis, homo pecuniosus, Neti ;
Lyso , Lilybsei ; Critolaus , Ennœ ; Syracusîs , ^»-
chrio , Cleonienes , Tbeomnastus; * Elori , Archo-
nides, Megistas : yox me citius defecerit, quam
nomina. Ipse dabat purpuram tantum, amici ope-
ras ; credo : jam enim non libet omnia criminari ;
' Gœr^nz. ad Cic. Acad.y W, ao, entend. vide)>atur.
Frustra. — ' Ernest, conjiàt legendum esse , ea per
triennium. — ^ Sic Grœvius , LalUm. , Ernest., quan-
qtiam contra scriptam lectionem, Pelôri.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, IV. S57
Plson me rappelle et qui m'était entièrement échappée
de Tesprit. Combien d'hommes honnêtes se sont yu
arracher da doigt leurs anneaux d'or ! Il Ta fait sans
scrupule toutes les ibis qu'un ann^o lui plaisait par
sa forme ou par la beauté de la pierre. Je vais citer un
fait incroyable , mais si notoire qu'il n'osera pas hii>
même le démentir. Talentius* son secrétaire, avait
reçu une lettre d'Agrigente; par hasard il aperçoit sur
la craie l'empreinte du cachet '*. Elle lui plaît : il de-
mande d'où vient la lettre. Qn lui répond , d'Agrigente.
n écrit à ses agents qu'on lui apporte tout de suite ce
cachet. Sur cet ordre, un père de famille, un citoyen
romain , L. Titii^ , se voit enlever son anneau. Mais
ce qui est vraiment inconcevable, <;'est sa fureur pour
les étofies. Quand même il aurait eu dessein de placer
dans chacune de ses salles à manger, soit à Rome, soit
dans ses différentes campagnes, trente lits magnifique-
ment ornés ^^ , et tontes les antres, décorations des
festins , il n'aurait jamais pu employer ce qu'il amas-
sait en ce genre. Il n'est pas de maison opulente , dans
la Sicile , où il n'ait établi une fabrique.
A Ségeste est une femme distinguée par sa naissance
et sa fortune. Durant trois ans, dans sa maison rem-
plie de métiers, on fabriqua des tapis pour Verres, et
tous étaient en pourpre conchy Henné *. II avait des
^ commis dans toutes les villes : à Nétum , Attale , homme
fort riche ; Lyson , k Lilybée ; CritoTaiis , à Enna ; à
Syracuse, Eschrion, Cléqmène, Théomnaste; à ÉIoi;e,
Archonidé , Mégiste. La voix me manquerait plus tôt
que les noms. Mais^ dira-t-on, il fournissait seulement
la pourpre , et ses amis la main d'oeuvre. Je veux bien
le croire : car enfin, il ne faat pas chercher des crimes
partout. Eh! ne suffit-il pas, pour que je l'accuse,
* rox. PUne, XXI, 22. • •
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358 IN TERREM ACT. Il, LIB. IV.
quasi hoc mihi non satis sit ad crimen , habuisse
tam multum» quod daret; voluisse deportare tam
multa; hoc denique, quod concedit, amicorum
operis esse in hufhscemodi rébus nsum. Jam vero
lectos «ratos et candelabra aenea num cui, prieter
istum, Syracusis per triennium facta esse existi-
matis ? Emebat ; credo. Sed tantum vos certiores ,
judice^, facio, quid iste in provincia praetor egerit,
ne cui forte nimium negligens fuisse yideatur,
neque se satis, quum potestatem habuerit, in-
struxisse et ornasse.
XXVIL Venio nunc , non jam ad furtum y non
ad ayaritiam, non ad cupiditatem , sed ad ejus-
modi faciuus, in quo omnia nefaria contineri mihi
atque inesse yideantur : in quo dii immortales
yiolati, existimatio atque auctoritas nominis po-
puli romani imminuta , hospitium spoliatum ac
proditum , abalienati scelere istius a nobis omnes
reges .amicissimi , nationesque , quas in eorum
regno flc ditîone sunt.
Nam rege^ Syriae, régis Antîochi filios pueros,
scitis Romae nuper fuisse : qui vénérant non prop-
ter Syriae regnum ; nam id sine contrbversia obtî-
nebant , ut a pâtre et a majoribus acceperant : sed
regnum uEgypti ad se, et ad Selenen, matrem
snam , pertinere arbitrabantur. Hi ipsi posteaquam
temporibus rëipublicse exclusi , per senatum agere ,
qusB voluerant , non potuerunt , in Syriam , in
regnum patrium |Àrof(?cti sunt. Eorum aiter, aui
Antiochus vocatur, iter per Siciliam facere voluit :
itaque, isto preotore, venit Syracusas.
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SEC. ACTION CONTRE -VERRES, IV. SSg
qu'il ait été en état de foamir cette quantité de pour-
pre , qu'il ait projeté d'emporter tant de choses de la
province , quil ait enfin , comme il en convient , em-
ployé les esclaves de ses amis à de tels ouvrages ? Et
les l^ts de bronze et les candélabres d'airain , pour q«el
antre en a-t-on fabriqué' dans Syracuse, pendant trois
années entières ? Il achetait , je le crois. Mais je veux
seulement vous instruire de ce qu'il a fait dans sa pro-
vince , afin qu'on ne le soupçonne pas de s'être oublié
loi-méme , et d'avoir négligé le soin de son ameuble-
ment, pendant qu'il était revéta de l'antorité.
XXVn. Maintenant , jnges , ce n'est pins un larcin ,
ce n est plus vu trait d'avarice et de cnpidité que je dé-
nonce , mais un délit où je vois rassemblé tout ce qui
porte atteinte aux lois de la morale publique. Les dieux
iramortek outragés , la majesté du peuple romain avi-
he, rhospitalité trahie et dépouillée, tous les rois les
plus dévoués à la république et les nations qai vivent
sous leur empire, aHénés de nous par le crime d'un
préteur : tels sont les attentats dont ^e demande ven-
geance. <o .
Tons savez que , dans ces derniers temps , les jeunes
rois de Syrie, fils du roi Antiochus, ont fait quelque
séjour à Rome ^'. Ils y étaient venus pour une contes-
tation relative , non au royaume de Syrie qu'on ne leur
disputait pas (Us le tiennent de leur père et de. leurs
aïeux), mais à celui d'Egypte , sbr lequel ils croyaient
avoir des droits par Séiéno^lenr mère. I^es drcoostaHoes
ne permettant )>as an sénat d'accueillir leur demande ,
ils repartirent pour la Syrie , leur reyaume héréditaire:
L'un d'eux, Antiotbns., voulut passer par la Sicile. Il
vînt donc à Syracqse dorant la préture de Verres.
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Jtio IN VERREM ACT. II, LIB. IV.
Hic Verres hereditatem sibi yenisse arbitratus
est , quod in ejus regnum ac manus yenerat is ,
quem iste et audierat multa secum prseclara ha-
bere , et suspicabatur. Mrttit bomini munera satis
latge : haec ad asum domesticum ; vini,-olei quod
yisum erat; etiam tritici. quod satis esset, de ^uis
decumis. Deinde ipsum regem ad cœnam vocayit.
Exornat ample magnifîceque triclinium; exponit
ea, quibus abundabat, plurima ac pulcherrima
vasa argentea : namque haec aurea nondum fecerat.
Omnibus curât rébus instructum et paratum ut sit
conyivium. Quid multa? rex ita discessit, ut et
istum copiose ornatum , et se honorifipe acceptant
arbitraretur. Voc4it ad \;œnam deinde ipse praeto-
rem; exponit suas confias omnes, multum argen-
tum, non pauca etian^pocula ex aaro; quse, ut
mos est regius^ et maxime in Syria, gemtnis erant
distincta clarîssimis. Erat etiam vas vinarium ex
una* gemma pergrandi, truUa excavata, manubrio
aureo : de qua , credo , satis idoneura , satis^ gra-
vemtestem, Q. Minucium dicere audistis.
Iste unumquodque vas in manus sumere, lau-
dare, mirari. Rex gaudere, praetori populi romani
satis jucundum et gratum illud esse conviyium.
Posteaquam Inde discessum est, cogitare iste nihil
aliud, quod ipsa res declarayit, nisi, quemadmo-
dum regem ex proyincia spoliatum expilatumquc
dimitteret. Mittit rogatum yasa ea , qu» puldier-
rima apud ilhim yiderat : ait se suis caelatoribus
velle ostendere. Rex, qui isturanon nosset, sine
ulla suspicione libeutissime dédit. Mittit etiam
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, IV. 36 r
Dès qoe ce tyran le vit entrer dans ses états , il le
regarda comme une proie tombée entre ses ^ains. Il
avait ouï dire que le jeune prince apportait avec lui
beaucoup d'objets précienic ;. son ayidité l'aurait seule
deviné. Il lui envoie des présents assez considérables ^*,
et spécialement, pour l'entretien de sa maison, de
l'buile , du vin, et même une quantité suffisante de blé:
c'était le fi'uit des décimes extorquées. Il l'invite lui-
même à souper. Il fait parer la salle avec la plus grande
magnificence, expose sur ses buffets cette argenterie
admirable dont il était si bien pourvu rsa vaisselle d'or
n'existait pas encore. Il a soin que rien ne manque à
la délicatesse et à la somptuosité du festin. Enfin le roi
se retira frappé de l'opulence de Yvrrès, et charmé de
la récept'^on honorable qu'on kii avait fiiite. A son tour,
il invite le préteur. Il étale tontes ses richesses, beau^
coup d'argenterie , et même une grande quantité de
coupes d'pr ornées de pierreries, telles qu'en ont les
rois , et^^tout les rois de Syrie. On remarquait, entre
autres pièces , un vase à mettre du vin , d'une seule
pierre, avec une anse d'or. Tous avez enfendu la
déposition de Q. Minucius, témoin éclairé et digne
de foi. *
Terres prend chaque pièce dans ses mains ; il loue, il
admire. Le roi est enchanté que la f$te soit agréable à
un préteur du peuple romain. On se sépare. Dès ce mo-
ment Terres ne s'occupe plus ,' comme la suite Ta fait
voir, qu'à trouver le secret de faire sortir de' la pro- ,
vince le roi entièrement pillé et dépouillé. Il lut envoie
demander les plus beaux des vases qu'il- a vus chez lui.
C'était pour les montrer à ses ciseleurs. Le roi , qui ne
connaissait pas l'homme , les donûe avec plaisir et sans
aucun soupçon. Terres fait demander aussi le vased^une
vitr. 3r
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362 IN VERREM ACT. II, LIB. 1\.
trullam gemmeam rogatum : T^e se eam diiigen-
tius considerare. Ea quoqae ei mîttitnr.
XXVIII. Nunc reliquum , judices, attendite , de
quo et y os audistis, et populus romanu^non nùnc
primum audiet; et in exteris dationibus usque ad
ultimas terras pervagatum est. Candelabrum e
gemmis clarissîmîs, opère mirahili perfectum, re-
ges fai , quos dico , Romam quum attulissent , ut
in Gspitolio ponerent ; quod nondum etiam per-
fectum templum ofTenderant , neque ponere po-
tueruDt , neque yulgo ostendere ac proferre vo-
luerunt , ut et magnificentius yideretur, quum suc
tempore in cella Joyis optimi maximi poneretur ,
et clarius, quum pulchritudo ejus recens ad ocu-
los hominum atque intégra perveniret i statuerunt
id secum in Syriam repoitare , ut, quum audissent
simulacrum Joyis optimi maximi dedicatum , le-
gatôs mitterent , qui cum ceteris rébus illud quo-
que eximium atque pulcherrimum donum in'Cà*
pitolium afferrent. Peryenit res ad istius aures,
uescio quomodo : nam rex id celatum voluerat ;
non quo quidquam metueret, aut suspicaretur ,
sed ut ne multi illud ante prœciperent oculis,
quam populus romanus. Iste petit a rege, et eum
pluribus yerbis rogat , ut id ad se mittat : cupere
se dicit inspicere , neque se aliis yidendi potesta-
tem esse facturum.
Antiochus, qui animo et puerili esset, et regio ^
nihil de istius improbitate suspicatus est ; imperat
suis , ut id in prastoriura involutum quam occul'
tîssime déferrent. Quo posteaquam attalerunt ,
inyolucrisque rejectis constitueruut , iste clamare
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SEC. Ai^TION CONTRE TERRES, IT, 363
seule^. pierre. H veut le considérer avec attention. Ce
vase aussi lai est envoyé.
XXYIII. Juges, redoablex votre attention : ce qae
je vais dire n'est point nouveau pour vous ; le peuple
romain nerenten4ra point ici pour la première fois; le
brait en est parvenu chez les nations étrangères, jus-
qu'aux extrémités du monde^ Les princes dont je parle
avaient apporté un candélabre enrichi des pierres les
plus brillantes et d'un travail admirable. Leur dessein
était de le placer dans le Capitole ; mais l'édifice n'étant
pas achevé , ils ne purent y déposer leur offrande. D'un
autre côté , ils ne voulaient pas livrer ce chef-d'œuvre
à l'avidité des regards publics : ils étaient bien aises de
lui aménager le mérite de la nouveauté , pour le mo-
ment où il serait placé dans le sanctuaire du maître „
des» dieux ^^, afin que le plaisir de la surprise ajoutât
encore au sentiment de l'admiration. Ils prirent le parti
de le remporter avec eux en Syrie , et d'attendre la dé-
dicace du temple pour envoyer cette rare et magni-
fique offrande pair les sunbassadeurs chargés des autres
présents. Terrés eut connaissance de ce candélabre, je
ne sais par quelle voie , car le roi en faisait un secret;
non pas qa'il eût des craintes et des soupçons, mais
il ne voulait pas que beaucoup de personnes fas-
sent admises à le voir avant le peuple romain. Le pré-
teur demande an roi et le prie avec instance de le lui
envoyer ; il a le plus grand désir de le voir ; cette faveur
sera pour lui seul.
Autiochus était jeune, il était roi; il ne soupçonna
rien de sa perversité. Il ordonne à ses officiers d'enve-
lopper le candélabre et de le porter au palais du pré-
teur le plus secrètement possible. On l'apporte , on le
découvre, on le place devant Verrè^ Il s'écrie que c'est
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364 IN VERREM ACT. II, LIB. IV.
cœpit, dignam rem esse regno Syris, digoam
legio manere , dignam Capitolio. Etenim erat ea
splendôre, qui ex clarîssimis et 'plurimis gemmis
esse debebat ; ea yarietate operum , ut ars certare
yideretur cum copia ; ea magnitudine , ut intel-'
lij^i posset , non ad hominum apparatum , sed ad
amplissimi templi ornamentùm esse factum. Quod
quum satis jam perspexisse yideretur , toUere in-
cipîunt, ut referrent. Iste ait, se yelle illud etiam
atque etiam considerare; nequaquam se esse.sa-
tiatum : jubet illos discedere , et candelabruni
relinquere. Sic illi tum inanes ad Antiochum re-
vertuntur.
XXIX. Rex primo nihil metuere , nîbil suspi-
cari : dies unus, alter, plures : non referri. Tum
mittit rex ad ïstum, si sibi yideatur, ut reddat.
Jubet iste posterius ad se reyerti. Mirum illi yi-
deri : mittit iterum^: non redditur. Ipse hominem
appellat; rogat, ut reddat. Os hominis, insignem-
que impudentiam cognoscite. Quod sciret, quod*
que ex ipso rege audisset in Capitolio esse ponen-
dum ; quod Joyi optimo maxirao , quod populo
romano servari videret , id sibi ut donaret , ro-
gare , et yehementer pètere ccppit. Quum ille se ,
et religione Joyis Capitolini , et bominum existi-
matione impediri diceret, quod multse nationes
testes essent illius operis , ac muneris : iste homini
rainari acerrime cœpit. Ubi yidet eum nibilo ma-
gis minis, quam precibus permoyeri , repente ho-
minem de proyincia jubet ante noctem decedere :
ait se comperisse ex ejus regno piratas in Siciliam
' jil. pulcberrimii.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, IV, 365
tm présent digne daToyaome de Syrie , digne dn roi,
digne da Capitole. En efifet, ce candélabre étincelaitdn
feu des pierres les pins éclatantes. La variété et la déli-
catesse dn travail semblaient le disputer à la richesse
de li matière ; et sa grandeur annonçait qu'on Tavait
destiné, non à pamr ïe palais d*nn mortel, mais à dé-
corer le temple le plus auguste de Funivers. Quand les
officiers crurent que Yerrès avait «n tout le temps de
l'examiner, ils se mirent en devoir de le remporter,
ïl leur dît qu'il ne l'a pas assez vu, qu'il veut le voir
encore; il leur ordonne de se retirer et de laisser le
candélabre ; ils retournent vers Antiocbus , sans rien
rapporter.
XXIX. D'ajbord le roi est sans inquiétude et sans dé'
fiance. Un'jour , deux jours , plusieurs jours m passent ,
et le candélabre ne revient pas. Il envoie le redeman-
der. Yerrès remet au lendemain. Àntiochus est étonné.
Il envoie une seconde fois; le candélabre n'est pas
rendu. Il va lui-même trouver le préteur, et le prie
de vouloir bien le rendre. Ici connaissez l'effronterie
et l'impudence insigne du, personnage. Il savait que ce
chef-d'œuvre devait être placé dans le Gftpitole, qu'il
était réservé pour Jnpittr et pour le peuple- romain,
n le savait, il l'avait appris du roi lui-même; et il de-
mande qu'il lui en £ass<e un don, et il insiste de la ma-
nière la plus pressante.. Le prince s'en défend : le vœu
qu'il a fait à Jupiter, le so^n de son hoiïneur, ne lui
laissent pas la liberté d'en disposer. Plusieurs nations
ont vu travailler à ce magnifique ouvrage 5 elles en
connaissent la destination. Le préteur ne répond que
par des menaces ; mais, voyant qu'elles ne réussissent
pas mieux que les prières , il lui enjoint brusquement
de sortir de la province avant la nuit. On l'a informé,
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366 m TERREM ACT. Il, LIB. rV.
esse venturos. Rex raaximo conventu, Syracusis,
în foTO , ne quis forte me in crimine obscnro ver-
sari , atque affîngere alîquid suspîcione homînum
arbitretur , in foro , inquam , Syracusis , flens ac
deos hominesque contestans, clamare cœpit, can-
delabrum factum e gemmis , quod in Capitoliuni
missurtis èsset , quod in templo clarissimo , po-
pulo romano monumentum su» societatis, amici-
tiaeque esse yoluisset , id sibi C. Verrem abstulisse;
de ceteris operibus ex auro et gemmis, quae sua pê-
nes illum esseut , se non laborar^; hoc sibi eripi ^
miserum esse, et indignum : id etsi antea jam
mente et cogitatione sua, fTatrjsqne sui, conse-
cratum esset, tamen tum se in illo .conventu ci-
vium romanorum dare , donare , dicare , conse-
crare Jovi optimo maximo , testemque ipsum Jo-
vem suae voluntatis ac religionis adbibere.
XXX. Qu» vox ? qus latera ? quœ Vires bujus
uuius criminis querimoniam possint sustinere ?
Rex Antiocbus, qui Rom» ante oculos omnium
nostrum , bienninm fere , comitatu regio atque
omatu fuisset , is quum amicus et socius popuH
romani esset , amicissimo pâtre , avo , majoribus ,
antiquisshnis et clarissimîs regibus, opulentissimo
et maximo regno , prseceps ' e provincia populî
romani exturbattts est. Quemadmodum hoc accep-
turas nationes exteras ; quemadmodum bujus tui
facti famam in régna aliorum atque in ultimas
terras perventuram putasti , quum audierint a
' Prœpositionem e ofett. edd. et mss. restituerunt, Olim
legebant, prseceps provincia. ,
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son TofShme
SEC. ACTION CONTRE ^flH|, IV. 367
dit-il, que des pirates sortis de son ro^rame doivent
faire une descente en Sicile. Le toi, en présence d'un^
fonle de Romains ^^, dans le fomm de Syracuse (car
ne croyez pas que je parle ici d*on crime commis dans
l'ombre , *et que je Faccuse sur de simples soupçons ) ;
oui, le roi, les larmes aux yeux, attestant et les dieux
et les hommes, déclare à haute voix que 'Verres lui
enlève un candélabre to.ut en pierrerios , qu^il destinait
au Capitole , et qu'il voulait y placer comme un mo-
nument de son amitié et de son alliance avec le peuple
romain ; qu'il fait le sacrifice des autres ouvrages en
or et en pierreries que Verres lui retient; mais qu'il
est cruel, qn*il est odieux que le candélabre aussi lui
soit enlevé; qu'il renouvelle la consécration que son
frère et lui ont déjà prononcée dans leur cœnr, et
qu'en présence des Romains qui l'entendent, il le
donne, il le dédie, il le consacre à Jupiter capitolin,
et qu'il atteste, sur la sincérité de son hommage, le
dieu même qui reçoit sos^ serment.
XXX. Quelle voix, qufls poumons, quelles forces
peuvent suffire à l'indignation qu'excite ce seul atten-
tat*'? Un roi qui, pendant près de deux années en-
tières, s'est montré dans Rome avec le cortège et l'ap-
pareil imposant de la royauté; un roi, l'ami, l'allié du
peuple romain, dont le père, l'aïeul et le» ancêtres,
tous illustres et par l'ancienneté de letir origine , et par
leur grandeur personnelle, ont été constamment atta-
chés à notre république,* le souverain d'un empire
aussi vaste que florissant , Antiochns est chassé hon-
teusement d'une province romaine! Répondez, Ver-
res, quelle sensation cette nonvelle devait-elle produire
chez les nations étrangères? qu'auront pensé les au-
tres rois et les peuples placés aux extrémités de la
terre, lorsqu'ils auront appris qu'un préteur romain
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368 ^^IHP^^ A.CT. II, LIB. IV.
prœtore^j^jjpoli romani in provincia yiolatum re-
gem , spolîatum hospitem , ejectum socium populi
romani , atque amicum ? Nomen vestpum popoli-
que romani , odio , atque acerbitati scitote natio-
nibus exteris, judices, futurum , si istius haec tanta
injuria impunita discesserit : sic omnes arbitra-
buntur, presertim quum haec omnino fama de,
nostrorum hominum ayaritia et cupiditate per-
crebruerit, non istius solius boc esse facinus, sed
eorum etiam , qui ' approbarint. Muiti reges ,
muh» libersB civitates , multi privati opulenti ac
potentes , habent profecto in animo Capitolium
sic omare , ut templi dignitas , imperiiqiie nostri
nom^ desiderat : qui si intellexerint, interyerso -
regali boc dono, grayiter yos tulisse, grata fore
yobis popirloque romano sua studia ac dona arbi-
trabuntur ; sin hoc yos in rege tam nobili , in re
tam eximia, in injuria tam acerba , neglexisse
audierint, non erunt tau ameutes, ut operam ,
curam, pecuniam impiendant in eas res, quas
yobis gratas fore non arbitrentur.
XXXI. Hoc loco , Q. Catule , te appello : loquor
enim de tuo ' clarîssimo pulcberrimoque monu*
mento. Non judicis solum severitatem in hoc cri-
mine, sed prope inimici atque accusatoris yim
suscipere debes : tuus est enim honos in illo tem-
}5lo,.senatus populique romani benefîcio; tui no-
minis œterna memoria simul cum templo illo con-
secratur ; tibi hœc cura suscipienda , tibi haec opéra
sumenda est, ut Capitolium, ^quomodo magnifî-
* Sic Ernest, e cod. Guèlferb. Fulgo approbaront. —
' Beck rescripsit qnemadmodam e mss. Lamb. et Ursini , .
hvi de causa.
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SEC. ACTION CONTRE TERRÉS, lY. 369
a oatragé on roi, dépooâlé nn hôte, cbassé de sa pro-
vince an ami et an441ié da penplç romain? Jnges,
n'en doutez pas, si un tel attentat demeure impuni,
votre nom, le nom de Rome sera voué désormais à
rhorreur et à Texécration des nations; aujourd'hui
surtout qu'elles ne s'entretiennent que de l'avarice et
de la cupidité de nos magistrats, elles croiront que ce
crime doit être imputé, non pas au seul Vecrèa, mais
à tous ceux qui l'auront approuvé. Beaucoup de rois,
beaucoup de républiques, beaucoup de particuKers ri-
ches et puissants se proposent, sans doute, d'envoyer
au Capitole des offrandes dignes de la majesté et de la
grandeur de notre empire. S'ils apprennent que vous
avez puni sévèrement le sacrilège qui a détourné l'of-
frande d'un roi, ils aimeront à penser que leurs dons
et leur zèle seront agréables au sénat et au peuple ;
mais s'ils entendent dire que l'insulte faite à un roi^si
respectable, que le vol d'ux» objet aussi précieux^
qu'un outrage aussi atroce ,. vous ont trouvés froids et
indifférents, n'espérez pas qu'ils soient assez insensés
pour employer leurs peines , leurs soins, leurs ri-
chesses, à vous ofirir des dons qu'ils croiront de nul
prix à voï yeux.
.XXXI. Je m'adresse à voujb, Catulus : car je parle
d'un temple dont la magnificence est votre ouvrage *®.
J'attends ici de vous, non pas seulement la sévérité
d'un juge, mais j'ose dire , la passion d'un ennemi , et
l'animosité d'un accusateur. Par une faveur ' spéciale
du sénat et du peuple romain, votre gloire est insépa-
rable de celle de ce temple. "Votre nom , consacré avec
ce superbe édifice, arrivera comme lui à l'immortalité.
Cest pour vous un devoir, une obligation sacrée , de
tout faire pour que le nouveau Capitole, déjà plus
magnifique par la majesté de l'architectaTe , devienne
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3^o IN VEBREM ACT. II, LIB. IV.
centius est restitutum , sic copiosius ornatum sit,
quam fuit; ut illa flamma divinitus exstitisse vi-
deatur, non qu» deleret Jovis optimi maximi
templum , sed quse prœclarius magnificentiusqae
depdsceret.
Audisti Q. Minucîum Rufum dicere, domi suae
deversatum esse Antiochum regem Syracusis ; se
illud scîre ad îstum esse delatum ; ^e scire non red-
ditum : audisti , et audies omni e conventu Syra-
cusano, qui ita dicant, iese audientibus, illud Jovi
optimo maximo dicatum esse ab rege Antiocho et
consecratum. Si judex non esses, et haec ad te de-
lata resesset, te potissimum hoc persequi, te pe-
tere, te agere oporteret. Qnare non dubito, quo
animo judex hujus criminis esse debeas , qui apud
alium judicem midto acrior, quam ego sum, actor
accusatorque esse deberes.
XXXII. Vobis autem , judices , quid hoc indig-
nius , aut quid minus ferendum videri potest? Ver-
resne habebit domi suœ candelabrum Joyis optimi
maximi, e gemmis auroque perfectum? cujus ful-
gore coUucere atque illustrarî Jovis optimi maximi
templum oportebat, id apud istum in ejusmodi
conyiviis constituetur , quse domesticis stupris fla-
gitiisque flagrabunt? in istius lenonis turpissimi
domo y «imul cum ceteris Chelidonis hereditariis
ornamentis, CapitoUi ornamenta ponentur? Quid
huic sacri unquam fore, aut quid fuisse religiosî
putatis , qui nunc tanto scelere se obstrictum esse
non sentiat? qui in judicium yeniat, ubi ne pre-
cari quidem Joyem optimum maximum , atque ab
eo auxilium petere more omnium posait ? a quo
dbyGoOgl^
SEC. ACTION CONTRE VERRES, IV. 371
aaasi phis éclatant par la richesse des décoratioiis ; il
faut qn^on dise que la flamme qui Favait consamé
était descendue da ciel, non pour détruire le temple
de Jupiter, mais pour nous avertir d^en élever un
autre plus brillant encore et plus magnifique.
Minucins Rniin a déposé que le roi Antiochus a logé
cliez lui à Syracuse, qu'il sait que le candélabre fut
porté chez Verres, qu'il Sait aussi qu'il n'a pas été
rendu ; il a déposé , et tous les Romains établis à Syra- ,
cuse répéteront qu'ils ont entendu le- rgi Antiochus
dédier et consacrer ce même candélabre au grand
Jupiter. Si vous n'étiez pas juge dans cette cause , et
que ce crime vous fut dénoncé , ce serait à vous de le
déférer aux tribunaux , de le poursuivre et de vous
porter accusateur. Je n'ai donc pas de doute sur l'ar-
rêt que vous âUez prononcer, puisque, devant d'au-
tres juges , vous devriez accuser aYec encore plus de
chaleur que je ne le fais moi-même.
XXXII. Et vous , juges , concevez-vous rien de plus
indigne et de plus intolérable P Verres aura dans sa
maison le riche , le magnifique candélabre du grand
Jupiter! cet inappréciable chef-d'œuvre, qui- devait
remplir de sa splendeur le temple du maître des dieux,
prêtera sa lumière à ces festins honteux et souillés par
les débauches les plus scandaleuses ! les ornements du
Capitule, placés dans la maison d'un infâme, seront
confondus avecJes meubles d'une Chélidon * ! Pensez -
vous que rien puisse jamais être sacré pour Verres, ou
qu'il ait jamais rien respecté, lui, qui ne sent pas
encore toute l'énormité de son crime ; lui , qui ose se
présenter dans une cause où il ne peut pas , comme
les autres accusés, lever les mains vers Jupiter et im-
plorer son aijpui; lui, enfin, qui voit les dieux re-
* Foy. la note 8.
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37» IN VERREM ACT. II, LIB. IT.
etiam diî immortales sua répétant in eo pdicîo ,
quod hominibus ad suas res repetundas est consti-
tutum? Miramur Athenis Mineryam, Dell ApoUi-
nem, Junonem Sanii, Pergae Dianam, multos prœ-
terea ab îsto deos tota Asia Grsecîaqué violatos ,
qui a Capitolio manus abstinere non potuerit?
Quod priyati homines de suis pecuniis ornant,
omaturique sunt, id G. Verres ab regibus ornari
non est passus. Itaque hoc nefario scelere con-
cepto, nibil postea tota in Sicilia neque sacri,
neque religiosi esse duxit ; ita sese in ea provin-
cia per triennium gessit , ut ab isto non solum ho-
minibus, yerum etiam diis immortalibus bellum
indictum putaretur.
XXXIII. Segesta est oppidum perveius in Si-
cilia , judices ,- quod ab ^nea fugiente a Troja ,
atque in hœc loca yeniente , conditum esse demon-
strant. Itaque Segestani , non solum perpétua* so-
cietate atque amicitia , verum etiam cognatione se
cum populo romano conjunctos esse arbitrantur.
Hoc quondam oppidum, quum illa ciyitas cum
Pœnis suo nomine ac sua sponte bellaret, a Car-
tbaginiensibus yi captum atque deletum est; om-
niaque, quœ ornamento urbi esse possent, Car-
tbaginem sunt ex illo loco deportata. Fuit apud
Segestanos ex œre simulacrum Diante , quum sum-
ma atque autiquissima praeditum religione , tum
singulari opère artificioque perfectum. Hoc trans-
latum Carthaginem , . locum tantum bominesque
mutarat, religionem quidem pristinam conserya*
bat : nam propter eximiam pulchritudinem , etiam
bostibus digna , quam sancttssime colerent, yide-
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\
SEC. ACTION CONTRE \ERKÈS, TV. 373
' courir à un tribunal qui jusqu'ici n'avait entendu que
les réclamations des hommes!^ S'il n'a pas épargné le
Capitole même , faut-il s'étonner qu'il ait pillé dans
Athènes le temple de Minerve, le temple d'Apollon à
Bélos, à Samos celui de Junon, celui de Diane s(
Perga , enfin ceux de tant de dieux dans la Grèce et
dans toute l'Asie? Ce temple que des particuliers s'em^
pressent, et s'empresseront toi^ours de décorer de
leurs richesses, Verres n'a pas souffert qu'il fut décoré
par un roi ! Aussi , depuis cette époque funeste , rien
n'a pu réprimer son audace saorilége; et sa conduite
dans la province a été con^mment celle d'un bri-
gand , qui a déclaré li^guerre non seulement aux hom-
mes, mais encore aux dieux immortek.
XXXUI. Ségeste est une villç de la plus haute
antiquité ^^ : on assure qu'elle fut bâtie par Énée ,
lorsque ce prince , échappé des ruines de Troie ,
aborda sur les cotes de la Sicile. Aussi les ségestaiiis
se croient-ils unis avec le peuple romain , autant par
les liens du sang que par ceux d'une alliance et d'une
amitié qui ne souffrirent jamais d'iitterruption. Dans
une guerre qu'ils soutinrent en leur nom contre les
Carthaginois , leur ville fut prise et détnrite. Tout ce
qui pouvait servir à l'embellissement de Carthage fut
emporté par les vainqueurs. Parmi les dépouilles était
une Diane en bron» , objet du culte le plus antique
et vrai chef-d'œuvre de l'art. Transportée en Xj&ique ,
cette Diane n'avait fai^ que changer d'autels et d'ado-
rateurs. Ses honneurs la suivirent dans ce nouveac| sé-
jour, et son incomparable beauté lui fit retrouver éhez'
un peuple ennemi tous les hommages qu'elle recevait à
Ségeste. Quelques siècles après, dans la troisième guerre
punique , P. Scipion se rendit maître de Carthage ; le
virt. 3a
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374 IN TERREM ACT. H, UB. IV.
betar. Aliquot seculis post , P. Scipîo bello Punico
tertio Cartfaaginem cepit : qua in yictorîa (videte
hominis Tirtutem et diligentiam , ut et domesticis
prœclarissim» yirtutis exemplis gaudeatis , et eo
majore odio dignam istius incredibilem audaciam
judicetis), conyocatis Sîculis dmnibus, quoddiu-
tissiine sœpissimeque Siciliam yexatam a Cartha-
giniensibus cognorat , jubet omnia cd'nquiri : pol-
lioetur, sibi magns cur» fore « ut civitatibus , quae
cuj^sque fuissent, restituerentur. Tum illa, quœ
quondam fuerant Himera sublata , de quibus antea
dixi, Tbermitanis sunt reddita ; tum alia Gelensi-
bus , alia Agrigentinis : in quibus etiam ille nobilis
taurus , quem chidelissimus omnium tyrannorum
Pbalaris habuisse dicitur, quo yivos, supplicii
causa , diemittere homines , et subjicere flammam
solebat ; quem taurum Scipio quum redderet Agri-
gentinis y dixisse dicitur , œquum esse iUos cogi-
tare, utrum esset Siculis utilius, £uisne servire ,
an populo romano obtempefare , quum idem mo-
numentum, et domesticae crudelitatis , et nostrse
mansuetudinis baberent.
XXXIV. Illo tempore Segestanis maxima cum
cura hsBC ipsa Diana , de qua dicimus , redditur ;
reportatur Segestam ; in suis antiquis sedibus
summa cum gratulatîone ciyium et laetltia reponi-
tur. H«c erat posita Segestae , sane excelsa in basi ;
in qua grandibus litteris P. Africahi nomen erat
' incisum, eumque Garïuagthe capta abstituisse,
perscriptum. Colebatar a ciyibus ; ab omnibuB ad-
venis yisebatur ; quum qusstor essem , nibil mihi
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, IV. 375
vainqaear ( observez l'active probité de ce héros : ce
grand exemple de vertu dans aa de vos citoyens sera
pour vo« coeurs une jouissance délicieuse, /et vous en
concevrez encore plus de haine contre Taudace in-
croyable de Verres ) ; Scipion , dîs-je , rassembla tous
les Siciliens. U savait qae , pendant long-temps et à
diverses reprises , leur pays avait été dévasté par les
Cartliaginois : il ordonna les perquisitions les plas
exactes , et promit de donner tous ses soins pour faire
restituer à chaque ville ce qui lui avait appartenu.
Alors les statues d'Himère, dont j'ai parlé ailleurs, fu-
rent reportées chez les Thermîlains ^^. Gela , Agri*
gente , recouvrèrent ce qu'elles avaient perdti , entre
autres chefs-d'œuvre , ce taureau , instrument trop fa-
meux des vengeances de Phalaris. On «ait que le plus
atroce de tou^ les tyrans allamait des feux sous les
flancs de ce taureau, après* y avoir enfermé les hom-
mes que sa haine avait proscrftl En le i*endant aux
Agrigentins, Scipion leur dit qu'ils devaient sentir
lequel était le plus avantageux pour les Siciliens , de
vivre sous le joug de leurs compatriotes, ou d'obéir au
peuple romain , puisque la présence de ce monument
attestait à la fois et la cruauté de leure -tyrans et la
douceur de notre république.
XXXrV. A cette même époque ♦s, la Diane dont je
parle fut rendue aux Ségestadns. .£lle fut reportée à
Ségeste et rétablie dans son premier séjour, au milieu
des tfansports et des acclamations. Elle était posée sur
un piédestal fort exhaussé , sur lequel on lisait ces mots
en gros caractères :'SriPXOif l'Africaiit i'a rendue
APRàs LA PRISE DE Carthage. Lcs citoycus l'hono^
raient d'un culte religieux ; les étrangers la visitaient ;
c'est la première chose qu'on m'ait montrée à Ségeste *-,
* En 678.
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376 m TERREM ACT. II, LIB. IV.
ab illis est densonstratum prius. Erat admodtiiR
amplum et excelsam s^gnam cum stola; yeruni-
tamen inerat in illa magnitudine stas atque ba-
bitus Tirginalis : sagîtts pendebant ab humero :
sînistra manu retinebat arcum , dextra ardentem
facem prieferebat.
Hanc quum iste sacrortfm omnium hostis , relî-
gîonnmque prsdo vidisset, quasi illa ipsa face
percussus esset , ita flagrare cupiditate atque amen-
tia cœpit. Imperat magistratibus iste , ut eam de-
moliantur, et sibi dent : nibii sibi gratius ostendit
fuCurum. Illi yero dicere, id sibi nefas esse; seque
quum summa religione , tum summo metu legum
et jndiciorum'teneii. Iste tum petere ab ilHs , tum
minari , tum spem , tum metum ostendcre. Oppo-
nebant illi interdum nomen Africani ; donum po-
puli romani illud esse dicebant; nibil se in eo
potestatis babere , quod imperator clarissimus ,'
urbe bostium capta , monumentum victorias po-
puli romani esse yolnisset.
Quum is^e nibilo remissius, atque etiam inulto
yebemîentius instaret quotidiie , res àgitur in se-
natu : yebementer ab omnibus reclamatur. Itaque
illo tempore, ac primo istius adventu, pemega-
tur. Postea , quidquid erat oneris in nantis remi-
gibusque et:i^endis , in frumento imperando , Se-
gestanis , prseter ceteros , imponebat aliquanto
amplius , quam ferre possent ; prseterea niagistra-
tus eorum evocabat ; optimum quemque et nobi-
lissimum ad se arcessebat ; circum omnia provin-
çiad fora rapiebat ; singillatim unicuique calamitati
fore se denuntiabat; universam se funditus illam
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, IV. 377^
pendant ma qnestnre. Malgré sa grandear presque
«olossale , on distinguait les traits et le maintien d^one
vierge ; vêtne d'une robe longuQ ^°, un carquois sur
Vépaulc^, elle tenait son arc de la main gauche, et de
la droite elle présentait pne torche allumée. *
Dès que cet ennemi de tous les dieux , ce spoliateur
de tous les autels , Tent aperçue , aussitôt , comme si
la déesse Feût frappé de son flambeau , il s'enflamma
pour elle et brûla du désir de la posséder ^'. Il com-
mande aux magbtrats de Fenlever du piédestal , et de
lui en faire don : rien au monde ne peut lui être plus
agréable. Cenx-<â lui représentent qu'ils ne le peuvent
sans crime ; que la i«Ugîon et les lois le leur défendent.
Verres insiste ; il prie, menace, promet, s'emporte.
On lui opposait le nom de Scipion ; on cherchait à lui
faire entendre que ce qu'A demandait était un don du
peuple romain; que les Ségestains ne pouvaient rien
sur. une statve que le célèbre général qui l'avait con-
quise avait placée chez eux comme un monument de
la victoire du peuple romain.
Le préteur n'en était que plus pressant et plus opi-
niâtre. Sa demande est portée au sénat ; elle est unani-
mement rejetée. Ainsi , pour cette fois et à son premier
voyage , il éprouva un refus positif. De ce moment ,
lorsqu'il imposait quelque contribution en matelots f
en rameurs ou en grains , Ségeste , à chaque fois , était ,
plus que toute autre ville , taxée au-delà de ses moyens.
Ce n'est pas tout : il mandait leurs magistrats à sa
suite ; il appelait auprès de lui les citoyens les plus
considérés. 11 affectait de les traîner dans toutes les
villes où il tenait ses assises, déclarant à chacun en
particulier qu'il le perdrait , et que leur cité serait ren-
* yof. Winkelmann , VI, 2, 77.
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%S m VERREM ACT. H, LIB. IV.
eTersorum esse civitatem minabatur. Itaque ali-
quando, mnltis malis, magnoque metu yicti Se-
gestani , prsetoris imperîo parendum esse decre-
verunt : magno cum luctu, et gemitu totius clyi-
tatis, multis cum lacrymis,' et lamentatione viro-
mm xnulîerumque omnium, simulacrum Dianaè
tollendum locatur.
XXXV. Videte quanta rejîgîone fnerit : apud
Segestanos repertum esse, judices, scitote nemi-
nem, neque liberum, neque servum, neqne ci-
vem , neque peregrinum , qui illud sîgnum aude-
ret attingere. Barbaros quosdam Lilybaeo scitote
adirocatos esse operarios : hi denique iUud , ignari
totius negotîi ac religionis , mercede accepta , sus-
tulerunt. Qnod quum ex oppido exportaretur ,
quem eonventum mulierum fiaictum esse arbitra-
mini ? quem fletum raajorum natu ? quorum non-
nulH etfam illum diem memoria tenebant, quum
iUa eadem Diana , Segestam Cartbagîne revecfa ,
yictoriam populi romani redîtu suo nuntîasset.
Quam dissiroilis hic dies illi tempori videbatur?
tum imperator populi romani , vir clarîssimus ,
deos patrios reportabat Segestanis, ex urbe hos-
tium recuperatos : nunc ex urbe sociorum prsetor
ejusdem populi turpissimus, atque impurissimus ,
eosdem illos deos nefario scelere auferebat. Quid
hoc tota Sicilia est clarius , quam omnes Segesta-
nas matronas et vir gin es conyenîsse , quum Diana
exportaretur ex oppido ; unxisse unguentis ; com-
plesse coronis et florîbus; thure, bdoribusque in-
censis, usque ad agrî fines prosecutas esse?
Hanc tu tantam religionem si tum iu imperio
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, IV. 379
versée de foi^d en comble. Vaincns par tant de persé-
cutions et de menaces, lés Ségestaîns enfin décidèrent
qu'il fallait obéir à Texprès commandement du pré-
teur **. An regret de tous les habitants, au milieu des
larmes , des gémissements , des lamentations des hom-
mes et des fen^mes', on convient d'un prix pour le
transport.
XXXV. Voyez quelle était leur vénération pour la
déesse. Apprenez que , dans toute la yille ,'on ne trouva
pas un seul homme, libre, esclave , citoyen , étranger,
qui osât porter la main sur la statue. Apprenez qu'on
fit venir de Lilybée quelques ouvriers barbares , qui
n'étant informés, ni des faits , ni dfs sentiments reli-
gieux des Ségcstains , firent leur lùarché , et se char-
gèrent de l'opération. Vous auriez peine à concevoir
quel fut , au moment du départ;, le concours des fem-
mes, et quels furent les gémissements des vieillards;
plusieurs se rappelaient encore le jour où cette même
Diane , ramenée de Carthage à Ségeste , avait annoncé,
par son retour, la victoire du peuple romain *'. Que
les temps étaient changés ! Alors , un général romain ,
modèle de toutes les vertus , rapportait aux Ségestains
leurs dieux paternels, arrachés des mains de leurs en-
nemis; et maintenant ces mêmes di3u^ étaient indigne-
ment enlevés du sein d'une ville alliée par un préteur
romain , le plus vil et le plus infâme des mortels. La
Sicile entière attestera que tontes les femmes de Ségeste
accompagnèrent la, déesse jnsqu'apx bornes de leur ter-
ritoire , et que, pendant toute la marche, elles ne ces-
sèrent de répandre des essences sur sou image sacrée ,
de brûler de l'encens et des parfums autour d'elle , et
de la couvrir de fleurs et de guirlandes.
Ah, Verres! si l'ivresse du pouvoh', si l'excès de
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38o m VERREM ACT. H, LIE. IT.
propter cûpiditatem atqtte avidaciam non perti*
mêscebas ; ne nunc quidem , in tanto tuo liBero-
rumque tnorum periculo , ' perhorrescis ? Quem
tibi aut bomûiem , invitis dus immortalibus , aut
Tero deum, tantîs eorum reb'gionibus violatlsy
auxilio futupum putas? Tibi illa Dkna in pace
atque in otio religionem nuUam attulit, quse,
quum duas urbes, in quibns locata fiierat, captas
incensasque vidisset, bis ex duonim bdlorum
fiarama ferroque servata est ; quae CartbaginieQ-
sium yictoria, loco mutato , religionem tamen nom
amisit; B. Africani virtute religionem simul cum
loco recuperavit ? Quo quidem se^lere suscepto ,
quum inanis esset basis, et in ea P. Africani no-
men iucisum ; res indigna atque intoleranda -vide-*
baturi>mnibus, non jsolum religiones esse violatas,
verum etiam P, Africani, yiri fortissimi, rerum
gestamm gloriaifa, memoriam Tirtutis, monu-
menta victoriae, C. Verrem sustulisse. Quod quum
isti renuntiarctur de basi ac litterîs, existimavit
bomines in oblivionem totius negotii esse ventu-
ros, si etiam basim , tanquam indicem sui sceleris,
sustulîsset. Itaque toUendam istius imperio loca>
verunt; quae vobis locatio ex publicis Segestano-
rum litteris priore actione revcitata est.
XXX VI. Te nunc , P. Scipio , te , îpquam, lec-
tissimum ornatissimumque adolescentem appello :
abs te officium tuum , debitum generî et nomiui ,
requiro et flagito* Cur pro isto, qui laudeni bono-
remque familiae vestrae depeculatus est , pugnas ?
cur' eum defensum esse -vis ? cur ego tuas partes
susçipio ? cur tuum ' onus sustineo ? M. Tullius
' Lamb., munus.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, IV. 38i
Tandace et la capidité fermèrent alors votre âme à
tous les sentimens religieux , aujonrd^hm qa'an si grand
danger menace votre tête et celle de vos enfants , ne
frissonnez-yons pas à ce terrible son venir ? Quel homme
ponrra von» défendre de la colère des dieux? et quel
dieu voudra sauver le spoliateur de tous les autels ?
Dans un temps de paix , chez une nation amie , vous
n'avez pas respecté cette Diane qui , deux fois témoin
de la ruine et de Tembrasement des villes ou elle était
placée , a deux fois échappé aux flammes et au fer de
l'ennemi ; qui , transférée loin de son temple par la vic-
toire dtis Carthaginois , devint l'objet d'un culte» chez
nne nation étrangère , et ramenée à Ségeste par la va-
leur de Scipion , y retrouva ses premiers adorateurs !
Cependant le piédestal subsistait encore : on y lisait le
nom de Scipion. A cette vue, chacun s'indignait 'que
. Verres , en profanant la religion dans ce qu'elle a de
pins saint , eût encore outragé la gloire d'un héros tel
que Scipion ; qu'il eût détruit les titres de sa valeur ,
et anéanti les monuments de sa victoire. Instruit des
réflexions que faisaient naître le piédestal et l'inscrip-
tion , il imagina que tout serait bientôt oublié s'il fai-
sait disparaître aussi ce' piédestal accusateur. Il envoie
l'ordre de le démolir. On vous a Iti les registres de Sé-
geste, et vous avez vu ce qu'on a payé pour cette
seconde opération.
XXXVI. Cest à yons, P. Scipion **, onî , c'est à vous-
même que j'adresse la parole ; et je somme aujourd'hui
le jeune héritier d'un héros , d'acquitter ce qu'il doit à
son nom et à sa naissance. Pourquoi combattre pour
cet homme qui a porté la plus cruelle atteinte à la gloire
de votre famille ? pourquoi vouloir qu'il soit défendu ?,
pourquoi faut-il que, moi, je remplisse votre fonction, et
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382 m VERREM ACT. U, UB. ÏV^
P. Âfiicanî^monumenta requirit : P. Scipio eom ,
qui iUa snstufit , défendit. Quum mos a majoribus
traditus sit, ut monumeuta majorum ita suorum
quisque defendat, ufea ne omari quidem nomine
alieno sinat; tu isti aderis, qui non obtrusit aliqua
ex parte monumenta P. Scipionis, sedfunditus sus-
tulitac deleyitPQuisnam igitur, per deos immorta-
les ! tuebitur P. Scipionis memoriam niortui ? quis
monumenta, atqueindicia virtutis, si tu ea relin-
ques ac deseres, neque soium spoliata illa patiere,
sedetiam eorum spoliatorem, yexatoremque dé-
fendes ?
Âdsunt Segestani , clientes tui , socii populi ro-
mani , atque amici : certiorem te faciunt , P. Afri-
canum , Garthagine deleta , simulacrum Dianae
majoribus suis restituisse ; idqûe apud Segestanos
ejus imperatoris nomine positum, ac dedicatum
fuisse ; hoc Verrem demoliendum et asportandum,
nomenque omnino P. Scipionis delendum tollen-
dumque curasse : orant te, atque obsecrant, ut
sibi religionem, generi tuo laudem gloriamque
restituas , ut , quod ex urbe hostium per P. Afri-
canum recuperarint , id per te ex prsedonis domo
conservare possint.
XXX VU. Quîd aut bis respondere honeste
potes ? aut illi facere , i^ai iiî- te ac fidem tuam
implorent? Adsunt, et implorant : pote§ dômes-
ticae laudis amplitudinem , Scipio, tueri; potes :
omnia in te sunt, qus aut fortuna hbminibus,
aut natura largitur. Non poecerpo fructum offîcii
tui; non alienam mihi laudem appeto : non est
pudoris mei, P. Sciptone, florentissimo adoles-
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, IV. 383
que f exerce un ministère qui vous appartient? Cicérou
réclame les gi^onaments de Scipion TAfincain , et Sci-
pion défend celai qni les a enlevés ! Un nsage antiqne
prescrit à chacun de nons de maintenir les monuments
de ses ancêtres , de ne pas souffrir même qn^ils soient
décorés d'un nom étranger : et quand un pervers a osé,
je ne dis pas dénaturer ^^, mais ravir et détruire les
monuments de Scipion , vous serez son appui ! Et qni
donc , grands dieux ! vengera la mémoire de Scipion ?
qui donc maintiendra les trophées de sa valeur, si vous-
même les ahandonnez , si vous les laissez à la merci de
Taudace , que dis-je ? si vous couvrez dé votre protec-
tion Texécrahle auteur d'un tel forfait ?
Vous voyez. ici les Ségestalns, vos clients , les alliés ,
les amis du peuple romain. Ils certifient qu'après la
mine de Carthage, Scipion TAfricain rendit la statue
de Diane à leurs ancêtres ; que cette statue fut posée
et consacrée chez eux , sons les auspices de ce grand
homme ; que Verres Ta fait déplacer et enlever; qu'il
a fait disparaître le nom de Scipion. Ik vous prient,
il» vous conjurent de rendre à leur piété l'ohjet d'un
culte sacré, à votre £imille les plus heanx titres de sa
gloire, et de leur faire reconnaître, en arrachant leur
déesse de la maison d'un brigand, la vertu du héros
qui , pour eux autrefois , l'enleva des murs d'une ville
ennemie.
X.XXVII. Que pouvez-vous décemment leur répon-
dre? eux-mêmes que peuvent-ils faire que d'invoquer
votre nom et d'implorer votre appui ? Les voici; ils
l'implorent. Vous pouvez, Scipion, soutenir le lustre
et rhonneur de votfte maison. Oui, vous le pouvez*:
la fortune et la na\tire vous oi\t comblé de tous leurs
dons. Je ne viens pqint disputer vos droits , usurper
une gloire qui vous appartient; je n'ai pas la folle pl'é-
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384 IN VERREM ACT. II, LIB. IT,
cente» tivo et inçoliuni , me propugnatorem mo-
numentorum P. Scipionis y defensoremque pro-
fiter!.
Quamobrem si suscipift domestic» landis patro-
cinium, me non solam silere de yestris raonu-
mentis oportebit, sed etiam laetari, P. Âfricani
ejiismodi esse fortunas mortui , ut ejus h on os ab
ils, qui ex eadem iamilia sunt, defendatur, neque
allum adventitium requiratur auxilium. Sin'istius
amicitia te impediet ; si hoc , quod ahs te postulo ,
minus ad offîcium tuum pertinere arbitrabere ,
succedam ego yicarîus tuo muneri ; suscipiam
partes , quas aliénas esse arbitrabar : ne ista pr%-
clara nobilitas desinat queri, populum romanum
hominibus no vis atque industriis libenter honores
mandare , semperqu^ mandasse. Non est queren-
dum, in ea civitate, quœ propter virtutem omni-
bus nationibus imperat , Tirtutem plurimum posse.
Sit apud alios imago P. iiricaui; ornentur alii
mortuî yirtute ac nomine : talis ilie vir fuit, ita de
populo romano meritus est, ut non uni familis ,
sed univers* civitati commendatus e^se debeat.
Est aliqua mea pars virilis, quod ëjus civitatis
sura , quam ille amplam , illtistrem , claramque
reddidit ; prsecipue quod in his artibus pro mea
parte versor, quarum ille princeps fuit , aequitate ,
industria , temperantia , defensione miserorum 9
odio improborum : quœ cogoatio studiorum et
artium propemodum non minus est coryuncta,
quam ista, qua vos delectamini, generis et no-
minis.
XX XVI II. Repeto abs te, Verres, monumen-
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SKC. ACTION CONTRE VERRES, IV. 385
rention de m'établir le vengeur des monoments de
Scipion TAfricaîa, quand f aperçois ici l'héritier de sa
gloire.
Péfendez l^onnenr de votre famille : mon devoir
sera de me taire et d'applaodir même à Theureose
destinée de Scipion, en voyant que sa gloire trouve un
appui dans sa propre maison, et n'a pas besoin d'un
secours étranger. Mais si votre amitié pour Verres se
fait seule entendre; si ce que je réclame de vous ne
vous semble pas un devoir indispensable , alors je pren-
drai votre plaoe , alors je me chargerai d'une fonction
que je croyais la vôtre : je veux que notre brillante
noblesse ne cesse pas de se plaindre que depuis long-
temps le peuple romain prend^ plaisir à conférer les
honneurs aux généreux efforts des hommes nouveaux.
Au surplus, elle a tort de trouver mauvais que la vertu
{lit des droits dans une cité que la vertu a faite la reine
des nations. Que d'antres gardent chez eux l'image de
Scipion; qu'ils se parent du n#m et des titres d'un
homme qui n'est plus : mais Scipion fiit un héros; il
fut le bienfaiteur du peuple romain ; sa gloire n'est pas
l» propriété d'une seule famille ; elle est le patrimoine
de la république entière. Je prétends pour ma part à
ce noble héritage, parce que je suis citoyen d'une
patrie qu'il a honorée , agrandie, illustrée, et plus en-
core parce que je pratique , autant qu'U est en mon
pouvoir, les hautes vertus dont sa vie nous offre le
plus parfait modèle , l'équité, l'amour du travail, la
tempérance, la défense des malheureux, la haine des
méchants. Cette conformité de goûts et de principe^
établit aussi des rapports non moins sacrés peut-être,
ni moins intimes que ces liens àvi sang dont vous faites
vanité.
XXXVIII. Verres, je réclame de vous le monument
vitt. 3i
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386 IN VERIŒM ACT. H, LIB. IT.
tum P. Africani; causam Siculornm, quam suscepî,
relinquo ; judicium de pecuniis repetundis ne sit
hoe tempore ; Segestanorum injuriae neglîgantur :
basis P. Africani restituatur ; nomen inyictissimi
imperatoris incidatur; signirm pulcherrimum Car-
thagine captum reponatur. Haec abs te non Siculo-
rum defensor,non tuus accusator, non Segestanî
postulant ; sed is , qui laudem gloriamque P. Afri-
cani tuendam conseryandamque suscepit. Non
vereoT, ne hoc officium P- Servilio judici non
probem ; qui quum res maximas gesserit , monu-
raentaque suanun rerum quum maxime constituât *
atque in his elaboret, profecto volet h«c non so-
lam suis posteris , yerum etiam omnibus viris for-
tibus et bonis civibus defendenda , non spolianda
improbis tradere. Non vereor, ne tibi , Q. Catule,
displiceat , cujus amplissimum in orbe terrarum ,
clarissimumque moAumentum est, quara plurimos
esse custodes monumentorum , et putare omnes
bonos aliénas gloriae defensionem ad officium suum
pertinere.
Etquidem ceteris istius furtis atque flagitiis ita
moveor, ut ea reprebendenda tantum putem : hic
vero tanto dolore afjQcior, ut nihil mihi indignius,
nihil minus ferendum videatur. Verres Africani
monumentis domum suam, plenam stupri, ple-
nam flagitii, plenam dedecoris, ornabit? Verres
temperatissimi sanctissimique viri monumentum,
Dianœ simulacrum virginis, in ea domo coUocabit,
in qua semper meretricum lenonuraque flagitia
yersantur ?
XXXIX. At hoc solum Africani monumentum
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, IV, 387
de Scipion F Africain, ^abandonne ponr an moment
la cause des Siciliens ; je ne parle plas de vos concas-
sions ; f oablie les maux dont se pljugnent les Séges-
tajns. Qae le piédestal soit rétabli; que le nom d'an
invincible général y soit gravé ; qae cette admirable
statne , reconquise à Cartbage , reprenne sa place : ce
n'est pas le défenseur des Siciliens , ce n'est pas votre
accnsatear, ce ne sont pas les Ségestains qui le deman-
dent, mais un citoyen qui s'est cbargé de venger et de
maintenir l'honneur et la gloire de Scipion. P. Servi-
Hus , qui siège parmi nos juges , ne peut improuver mon
zèle. Célèbre par tant de hauts faits , occupé dans ce
moment même du soin de ses monuments , il ne vent
pas sans doute les laisser à la merci des pervers ; il dé-
sire les placer sons la garde non seulement de sa fa-
mille, mab de tous les bons citoyens. Et vous, Q. Ca-
tnlus, dont le monument est le plus beau et le plus
magnifique qui existe dans tout TuniveFs , les élans de
cette généreuse émulation ne peuvent vous déplaire,
et vous verrez avec intérêt tous les honnêtes gens se
faire un devoir c^ maintenir les trophées des grands
hommes.
Pour moi , quelque criminels que soient à mes yeux
les autres vols et les autres bassesses de "Verres , je n'y
vois que la matière d'une juste accusation. Mais ce
dernier forfait me révolte ; il m'indigne ; il me remplit
d'horreur. Les trophées de Scipion dans la maison de
Yerrès ! dans une maison vouée an vice , au crime , à
Topprobre ! le monument du pluâ sage et du plus ver-
tueux des mortels, la statue de la chaste Diane, au
miUeu d'un ramas de femmes corrompues et d'homfnes
corrupteurs \
XXXIX. Ce monument de Scipion est- il le seul
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388 IN TERREM ACT. H, LIB. IT.
YÎolMtî? quid? a Tyndaritanis non ejusdem Sci-
pionis beneficio positum fîmulacrum Mercurii ,
pnlcherrime factura , sustulisti ? Ât quemadmo-
dum, dii immortales! quam audacter! quam Hbî-
dinose ! quam impudenter î Âudistis nuper dicere
legatoA Tyndaritanos , homines honestissimos ac
principes ciyitatis, Mercurium, qui sacris anni-
versariis apud eos ac summa religione coleretur y.
quem P. Africanus, Carthagine capta, Tyndarita-
nis non solum sus victoris, sed etiam illorum
fidei societatisque monumentum atque indicium
dedissety hujus vi, scdere, imperioque esse sub-
latum : qui ut primum in iliud oppidum yenit ,
statim , tanquam ita fieri non solum oporteret ,
sed etiam necesse esset; tanquam boc senatus man-
dasset, populusque romanus jassisset; ita conti-r
nuo, signum ut demolirentur, et Messanam de-
portarent , imperayit.
Quod quum illis , qui aderant , îndignum , qui
audiebant , incredibile yideretur;^on est ab isto,
primo illo adyentu , perseveratum : discedens man-
dat proagoro Sopatro, cujus verba âudistis^ ut
demoliatur : quum recusaret, yebementer mina-
4ur : ita tum ex illo oppido proficiscitur. Proago-
rus refert rem ad senatum : yebementer uudique
reclamatur. Ne multa : iterum iste aliquanto post
ad illos yenit, quaerit continuo de signo. Respon-
detur ei , senatum non permittere ; pcénam capitis
constitutam, si injussu senatus quisquam attigisaet :
simul religio commemoratur. Tum iste : Quam
mibi religionem narras ? quam pœnam ? quem se-
natum? yiyum te non relinquam; moriere yirgis.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, IT. ^g
qne vous ayez violé ? n'avez- vons pas enlevé aussi aux
habitants de Tyndare un superbe Mercure qi^'iis
tenaient dn même Scipion? Et de qu^fîe manière s'en
est-il emparé? Grands dieux! quelle audace! quelle
tyrannie ! et quelle impudence ! Les déposés de Tyn-
dare, citoyens resfKCtables et les premiers de leur
ville , vous ont dit que ce Mercure était Tobjet de leur
vénération; qu'ils l'honoraient chaque année par des
fêtes solennelles ; que Scipion , après la prise de Car-
thagé, l'avait placé chez eux, pour é|re à la fois le
monument de sa victoire et le. prix de leur fi^^lité ;
qu'il leur a été ravi par la violé|Lce, par la acélératesse
et le despotisme de Terres. Au moment de sa première
entrée dans la ville , comme si Vent été pour lui un
devoir, que dîs-je ? une nécessité pressante , indispen-
sable ; comme s'il n'eût fait qu'exécuter un décret di(
sénat, une loi du peuple romain, il ordonne sur-le-
champ qu'on descende la statue et qu'on la transporte
à Messine.
Comme cet ordre révolte ceux qui l'entendent, et
que ceux à qui on le répète refusent d'y croire , il n'in-
siste pas pour ce premier moment; mais , en quittant
la ville , il charge de l'exécution Sopater, proagore ,
dont vous avez entendu la déposition. Celui-ci résiste.
Terres menace , et part. Le proagore fait son rapport
au sénat. La proposition est rejetée à rnnanimfté.
Bref, à quelques Jours de là , le préteur rcvâent , et
aussitôt il s'informe de la statue. On lui répond que le-
isénat refuse, et qu'il est défendu, squs p^ne de mort,^
de toucher à la statue sans un ordie da sénat. On
joint à cela des motifs dç reUgion. La religion ! s'écrie
Terras : le sénat ! des peines que m'importe à moi?
Sopater, il y va de la vie. La statue , ou la mort. L'inr
fortuné retourne au sénat , les larmes aux, yeux ; il
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ÎQO IN TERREM ACT. n, UB. IV.
nisi signum traditur. Sopater iterum flens ad sena*
tun refert istius cupiditatem , minasqne démon-
strat. Senatus Sopatro re$ponsum nuUum dat, sed
commotus perturbatasque discedit lUe prstoris
arcessitus nuntio, rem demonstrat : negat ullo
modo fîeri posse.
XL. Âtque hsc ( nihîl enim prœtermittendum
de istias impudentia videtur) agebantur in con-
yentu palam, de sella , ac de loco superiore. Erat
hiems sumuM ; tempestas , ut ipsum Sopatrum di-
cere audistis , perfiigida ; imber maximus : qnam
iste imperat lictoiribus, ut Sopatmm de portica ,
in qua ipse sedebat , praecîpitem in forum deji- ,
ciant, nndumque constituant. Vix erat boc plane
rmperatum , quum illnm spoliatum , stipatumcpie
lictorihus videres. Omues ideojputabant, ut miser
atque innocens virgîs caederetur : fefellit h«c bo-
mines opinio : virais iste c»deret sine causa so-
cium popuU romani, atque amicum ? Non est usque
eo improbus ; non omnia sunt in eo uno vitia ;
nunquam fuît crudelis : leniter hominem clemen-
terque accepit. Equestres sunt medio in foro Mar-
cellorum statu se , si cuti fere ceteris in oppidis Si-
ciUae : ex quibus iste C. Marcelli statuam delegit,
cujus officia in illa civitate totaque provincia re-
centissiroa erant et maxima : in ea Sopatrum, bo-
. minem tum domi uobilem , tum suromo magistrat*
prseditum , diyaricari ac deligari jubet.
Quo cruciafu sit afFectusf venire in mentem ne-
cesse est omnibus, quumesset vinctus nudus in are,
in imbri , in frigore. Neque tamen finis buic in-
juriae crudelitatique fîebat, donec populus atque
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, IV. 391
«zpose les menaces de Verres et la. yiolence de ses
désîi^. Les sénateurs, sans donner ancane réponse,
se retirent pâles et tremblants. Sopat«r,*taiandé par le
préteur, lui rend compte de tout, et déclare que la
chose est impossible.
XL. Observes, car il ne Êint rien perdre de l'impu-
dence du personnage, observez que cette scène. se
passait en public devant une foule de Romains , le
préteur siégeant sur son tribunal. On était au fort
de l'biver, et , comme vous Ta dit Sopater, le froid était
très vif; la pluie tombait avec violence, il ordonne
aux licteurs de le saisir, de le jeter à bas du portique
ou était le ' tribunal , et, de le dépouiller. A peine
l'ordre est prononcé , et déjà il est nu , au milien des
licteurs. Tout le monde s'attendait à le voir battre de
verges. Tout le monde se trompait. Verres battre de
verges , sans aucune raison , un allié, un ami du peu-
ple romain ! Sa perversité ne va pas jusque là ; il ne
réunit pas en Ini'senl tous les vices à la fois; jamais
il ne fut oruel. H traita Sopater avec douceur et dé-
mence. Il y a dans le forum de Tyndarc, ainsi que
dans presque toutes les villes de la province, des
statues équestres des Maroellus. Il choisit celle de
Caïus MarceUas , dont les bienfaits envers Tyndare et
lu Sicile entière sont les plus récents et les plus si-
gnalés. Il ordonne que Sopater, un des principaux
dtoyens, et alors le premier magistrat de Tyndare,
soit lié derrière la statue , les jambe» pendantes de
l'un et de l'antre côté. N
Tâchez de concevoir ce qu'il dut éprouver de dou-
leurs, lié nu sur ce bronze, par une pluie aussi vio-
lente, par un froid aussi rigoureux ^®. Ce supplice
injurieux et barbare ne cessa pourtant que lorsque la
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Sga IN TERREM ACT. II, LIB. IT.
universa multitudo , atrocitate rei misericordiaqar
commota, senatam clamore coegit, ut ei simula-
crum illud Afercuiii polUceretur. Clamabant fore ,
ut ipsi sese dii immortales ulciscereutur : hominem
interea perire innocentem non oportere. Tum fre*
quens senatus ad îstum venit ; pollicetur sig^num.
Ita Sopatér de statua C. Marcelli , quum jam paene
obriguisset , vix yivus aiifertur.
XLI. Non possum disposite istum accusare, si
cupiam : opus est non solum ingenio, verum etîam
artîficio quodam singulari. Unum hoc crimen vi-
detur esse , et a me pro uno ponîtur , de Mercurio
Tyndaritano : plura sunt ; sed ea quo pacto distin-
guère, ac separare possim, nescio. Est pecuniarum
captarum , quod sîgoum a sociis pecuniae magn«
sustutit ; est peculatus, quod publiée populi romani
signum, de fftxda hostium captum, positum im?
peratoris nostri nomine , non dubitavit auferre; est
majestatis, quod imperii nostri glovis rerumque
gestarom monumenta erertere atque asportare
ausus est; est sceleris, quod religiones roaximas
violavit ; est crudelitatis 9 quod in bominem inno-
centem, in socium nostrum atque amicum, noyum
ac singulare supplicii genus excogitavit.
Illud vero quid sit, jam non queo dicere ; quo
nomine appellem , nescio , quod in C. Marcelli
statua. Quid est hoc? patronusne quod erat? Quid
tum ? quo id spectat ? utrum ea res ad opem , an.
ad calamitatem clientium atque hospitum valere
debebat? an ut hoc ostenderes, contra vim tuam.
in patfouis praesidii nihil esse ? Qui« hoc non in-
telligeret, in improbi pr8eseutis imperio majorem.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, IV. 398
maltitade , transportée à la fois dlndignation et de
pitié, ettt, par ses damenrs, contraint le sénat de
promettre la statue à Verres. Les dienx sat^ront se
venger eax-mémes, criait-on de-.. tontes parts; mais
cependant il ne fant pas qu'on innocent périsse. Le
sénat en corps va donc trouver le préteur, et loi pro-
met la sMtae. Alors Sopater est délié. On l'emporte
chez lui roide de froid, et presque mort.
XLI. J'essaierais en vain de disposer par ordre les
divers chefs d'accusation : l'esprit seul ne sufBrait pas ;
il faudrait y joindre un art et une adresse infinis. Ce
vol du Mercure de Tyndare semhle n'offrir qu'un seul
délit , et je le présente comme un seul crime. Il en
renferme plusieurs ; mais je ne sais comment les diviser
et les distinguer. Il y a tout à la fois : — Concussion :
une statue d'un grand prix a été enlevée k nos alliés.
— Péculat : cette statue, enlevée par autorité, était
une propriété publique; c'était le prix de notre vic-
toire ; elle avait été consacrée par notre général. — Lèse-
majesté : Verres a osé renverser et s'approprier .les
monuments de la gloire de notre empire. --* Sacrilège :
la religion a été violée dans ce qu'elle a de plas saint.
— Barbarie : un supplice nouveau, inconnu, a été
inventé contre un homme innocent, Tami, l'allié de
notre république.
Mais comment caractériser l'emploi qu'il a fait de
la statue de Marcellus ? je n'ai pas d'expressions pour
définir ce dernier attei^tat. Quel en était'l'objet? pour-
quoi cette insulte inconcevable ? Était - ce parce que
Marcellus est le patron des Siciliens.»^ Mais ce titre de-
vait-il opérer le malheur de ses clients et de ses hôtes .^
Voulicz-vous montrer que lespatrons ne peuvent rien
contre votre violence? Eh! ne savait -on pas qu'un
magistrat pervers peut faire plus de mal on il. est , que
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194 IN VERRFM ACT. II, LIB. IV.
esse yim , quam in bonorum absentium patrocinio ?
An vero ex hoc ilia tua sin^nlaris significatur in-
solentia, superbia , «coatumacia ? Detrahere ride-
licet aliquid te de «mptîtudine Marcellorum pu-
tasti. Itaqae nunc Sicçloruni Marcelli non sunt
patroni : Verres in eorum locum substitntus est.
Qnam in te tantam virtutem esse, aut dlpiitatem
arbitratus es, ut conarere clientelam tam illustrem,
tam splendidsB proyincix, transducere ad te, au-
ferre a certissimis antiquissimisque patronis ? Tu
ista stultîtia , nequitîa , inertia , non modo totius
SicilisB , sed unius tenuissimi Siculi clientelam
tueri potes ? tibi Marcelli statua pro patibulo in
clientes Marcellorum fuit ? tu ex illîus honore in
• eos ipsos , qui honorem illi habuerant , supplicia
quaerebas? quid postea? quid tandem tuis statuts
fore arbitrabare? An rero id, quod accidit? Nara
TyndaritanI statnamistius, quam sibi propter Mar-
cellos, altiore etiam basi poni jusserat, detnrba-
runt , simul ac successum isti audierunt.
XLII. Dédit igitur tibî fortuna Siculorum C.
Marcellum judicem , ut , cujûs ad statuam Siculi ,
te prstore , alligabantur, ejus religioni te eumdem
yinctum adstrictumque dedamus. Ac primo, judi-
ces, hoc ^gnUm Mercurii 4icebat iste Tyndarita-
nos C. Marcello huic ^sernîno vendidisse; atque
hoc sua causa etiam Marcellum ipsum sperabat e^sse
dicturum : quod mihi nunquam verisimile visum
est , adolescentem illo loco natum , patronum Sici-
liœ , nomen suum isti ad translationem criminis
commodaturum. Verumtamen ita res mibi tota
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SEC. ACTION CONTRE WRRÈS; IV. ScjS
ton» les protcctenra honnêtes n'en peuvent empêcher
où ils ne sont pasP On bien était-ce an dernier efifbrt
de votre insolence, de votre tyrannie, de votre-incn-
rable perversité? Oni, vons pensiez avilir et dégrader
les Marcellas. Aussi ne sont-ils plas.les patrons des
Siciliens : Terres leur a été substitué.
Quelle vertu , quel mérite si grand vous donnait le
droit d'usuiper cette honorable fonction , aux dépens
d^une famille qui Ta ren^plie depuis si long-temps avec
tant de fîdéUté.^ Hommie dépourvu de sens, de talents,
de moyens, vous, le protecteur, je ne dis pas delà Si-
cile entière , mais du plus chétif des Siciliens ? "Vons
avez fait de la statue de Marcellus un instrument de
supplice pour les clients de cette illustre famille ! "Vous
cherchiez dans le monument de sa gloire un moyen
de torture contre ceux qui l'avaient érigé ! Et vos sta-
tues, qu'cspérîez-vous pour elles? avez-vous prévu ce
qui letir est arrivé? En effet, citoyens, à la première
nouvelle qu'un successeur lui avait été donné, les ha-
bitants de Tyndare s'eippressèrent-d'abattre la statue
de Yerrès, placée près de celle des Mafcellus, et même
sur un piédestal plus élevé.
XLU. Ainsi donc, Yerrès, la fortune des Siciliens
vons a donné C* Marcellas pour juge,.. a£n que ceux
que vous attachiez à sa statue vous traînent à leur tour
pieds et mains liés à son tiibunal. Il disait d'abord que
les Tyndaritains avaient vendu cette statue à Marcel-
las Éseminus : il pensait que Marcellus aurait la com-
plaisance de ne pas le démentir. Pour moi, je n'ai ja-
mais pu concevoir qu'un jeune homme, protecteur né
des Siciliens, voulût prêter son nom pour une telle
infamie. Toutefois f ai tout prévu ; j'ai si bien pris mes
mesures , que si un homme se rencontrait capable de
se charger du crime de Yerrès, il ne pourrait lui être
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396 IN \ERF..EM ACT. II, LIB. I\.
prsvisa atque prœcaula est, uti, si maxime esset
inventus ; qui in se suscipere istius culpam cri-
menque cuperet, tamen is proficere liihil posset :
cos enim testes deduxi, et eas litteras deportavi,
ut de istius facto dubium nemini esse posset.
Publicae litterœ sunt, deportatum esse Mercu-
rium Méssauam sumtu publico : dicuiit, quanti;
praeruisse* huic negotio publiée legatum Poleam :
quid? is ubi est? Praesto est; testis est. Proagori
Sopatri jussu : quis est hic ? Qui ad statuam ad-
strictus est : quid ? is ubi est ? Testis est ; vidîstis
hominem , et verba ejus audistis. Demoliendum
curavit Democritus gymnasiarchus , quod is eo
loco prîEerat : quid? hoc nos dicimus? imo vero
ipse praesens; Rpmœ nuper ipsum esse poUici-
tum , sese id signum legatis^ esse redditurum , si
ejus rei testificatio tolleretur, cautumque esscA, eos
testimonium non esse ^icturos. Dixit hoc apud vos
Zosippus , et Hismenias , hpmines nobilissimi , et
principes Tyndaritan» civitatis.
XLIII. Quid ? Agrigento nonne ejusdem P. Sci-
pionia monumentum , signum Apollinis pulcheiri-
mum , cujus in femine , littemlis minutîs argeuteis ,
nomen Myronis erat inscriptum, ex ^sculapii re-
ligiosissimo fano sustuUsti ? quod quidem , judi-
ces, quum iste clam fecisset; ^uùra ad suum scelus
ilhid^ furtumquè nefarium, quotdam homines im->
probos duces atque adjutores adbibuisset, vebe-
ménter commota civitas est. Uno eodem tempore
Agrigentini beneficium Africaui , religionem do-
mesticam, ornamentum urbis, iudicium yictorise,
testimonium societatis , requirebant. Itaque ab illis.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, lY. 397
d'aucune utilité. J'ai amené des témoins, j'ai apporté
des pièces écrites qui ne laisseront aucun doute sur ce
vol sacrilège.
Les registres publics font foî que ce Mercure a été
transporté à Messine aux frais de Tyndare : la somme
est spécifiée ; que Poléa fut délégué pour surveiller
cette opération : où est-il ce Poléa ? le voici , c'est un
de mes témoins; que Tordre fut donné par le proagore
Sopater : ce Sopater est le même qui fut lié sur la sta-
tue; il est aassi un de mes témoins ; vous l'avez vu et
entendu. Démocrite , intendant du gymnase où la sta-
tue était placée , fut chargé de la descendre; et ce n'est
pas moi, c'est lui-même ici présent qui déclare que
tout récemment, à Rome, Verres a offert de la rendre
aux députés, s'ils voulaient se taire, et s'engager à ne
pas déposer. Ce fait est attesté par Zosippe et Hismé-
nias , qoî tiennent le premier rang parmi leurs con-
citoyens,
XT.TTT. N'avez-vous pas enlevé aussi du temple d'Eii-
culape , dans Agrigente , un autre monument du vain-
queur de Carthage, un très bel Apollon, sûr la cuisse
duquel le nom de Myron avait été gravé en petits ca-
ractères d'argent* ? Ce vol, commis en secret par quel-
ques scélérats auxquels le préteur avait confié l'exécu-
tion de cette entreprise sacrilège , souleva toute la ville.
Les Agrigentins perdaient à la fois le bienfait de Sci-
pîon, l'objet de leur culte , l'ornement de leur ville , le
monument d'une victoire , et le gage de leur alliance.
* Voyez le Mémoire de Fraguier sut la Galerie d^
Verres ,''tom. YI du recae4 de l'Académie des Inscrip-
tions.
VIII. 34
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3^8 IN TÏIRREM ACT. U, UB. Vf,
qui principes in ea cixitate erant, prae^pitur, et
negotiam datnr qucstoribns et «dilibos , ut Itoctn
-vigilias agerent ad sdes sacras : etenim iste Agri-
genti (credo propter mulûtudinem illonim homi-
nom atqae Tirtateai , et qnod cives romani , yiri
fortes, ac strenoi, et honesti permalti in illo op-
pido, conjunctissimo anîmo, cam ipsis Agrigen-
tinis iriyunt ac negotiantnr.) non audebat palam
toUere, aut poscere, qu« plaeebant
Herculîs templum est âpud Agrigentinos, non
longe a foro , sane sanctnm apad illos et religio-
snm : ibi est ex aère simulacrom îpsius Hercolis ,
qno non facile q[uidqaam dixerim me vjdisse
pnlcbrius (tametsi non tam multum in isds rébus
intelligo , quam multa yidi ) , nsque eo , judices ,
nt rictom ejns ac mentum paullo sit attritiijis,
^aod in precibus et gratnlationibas non solom id
yenerari, yemm etiam osculari soient. Ad hoc
templum , quum esset iste Agrigenti , duce Ti-
marchide , repente , nocte intempesta , seryorum
armatomm fit concursus atque impetns. Qamor a
yigilibns , faniqne custodibus tollitur ; qui pbmo
quum <^sistere ac defendere conarentur, mkle
' mulcati , clayis ac fustibus repellantnr. Postea
conynlsis repagulis , eflfractisque yalyis , <|emoliri
signum , ac yectibus labefactare conantur. Interea
ex clamore fama tota urbe percrebruit , èxpugnari
■deos patrios , non bostium adventû n&c opina to,
neque repentino praedonum imp^tu , sed ex domo ,
atque coborte praetoria ^ manum fugitiyomm in-
structam armatamque yenisse.
' Sic omnino iegenâum, Lamlnno duce, non mulctati.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, IV. 899
Anptf^l les premien magistrats enjoignirent anx ques-
teurs et aux édiles de yeiU^ % nuit autour des tem-
ples. Comme Agrigente es^ remplie d*hommes fermes
et intrépides, et qu'une* foule dé nos citoyens, tou9
brav^ et pleins d'honneur, que le commerce a fixés
dans ses murs, y vivent dans la meilleure intelligence
arec les habitants , Yerrès n'osait ni demander ni
prendre ouvertement ce qui avait «xcité ses désirs.
Non loin du forum, s'élève un temple d'Hercule
très révéré dans ce pays ; la statue du dieu est en ai-
rain. Quoique j'aie vu beaucoup de cîiefs-d'œuvre en
ce genre, Je ne sub psis un grand connaisseur; cepen-
dant j'ose dire- que jamais rien de plus beau né s'offrit
â mes yeux. Les habitants ne se contentent pas de lui
adresser leurs hommages; mais dans lenrs'prières'et
leurs actions» de grâces , ils lui donnent un si grand
nombre de baisers , que la boache et le ro^ton sont
usés". Pendant le séjour de Terres dans Agrigent^
Timarchide , à la tête d'une troupe d'esclaves armés ,
vient attaquer le temple au milieu de la nuit. Les gar-
diens poussent un cri. Us veulent résister; ils sont mal-
traités et chassés à coo^ de massues et de bâtons. Les
esclaves arra<9ient les barrières ; ils brisent les portes ;
ils. essaient de soulever la statue et de l'ébranler avec
des leviers. Cependant le cri des gardiens a jeté l'efFroj
dans la ville. Partout on répète que les cUeux de la pa-
trie sont attaqués, non par des ennemis on des pirates
descendus à l'improviste , mais par une horde de bri-
gands de la suite du préteur, sortis' armés du palais du
magistrat romain.
* Lucrèce, I, 817 :
Tom , portas -pTùpiéf , aliéna
Signa nuniu dntra< ottenduntattemiari
Sxpc sslutantom tactu , pneterqne meantum.
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/#oo IN TERREM ACT. U, LIB. IV.
Nemo Agrigenti neque «tate tam affecta, «le^*
qae iriribus tam infirmfs fuit, quji non , illa nocte,
eo nuntio excitatus surrexerit, telumque, quod
cuique fors offerebat , anî puent. Itaque brevi
tempore ad fannm ex urbe tota concurritur.ffora
amplius jam in demoliendo signo permulti bomi-
nes moliebantur : illud interea nulla lababat ex
parte; quum alii yectibus subjectis conarentur
commoyere, alii deligatum omnibus membris ra-
pere ad se funibus. Repente Agrigentini concur-
runt : fit magna lapidatio : dant sese in fuganv is-
tius prJBc]ari imperatoris nocturni milites : duo
tamen sigilla perparvula tollunt, ne omnino ina-
nés ad istum prsedonem religionum reverterentur.
Nunquam tam maie est Siculis, quinaliquid facete
et commode dicant , Telut in bac re : aiebant in
labores Herculis non minus hune immanissimum
"^eiTem, quam illum aprunr Erymanthium, refeiri
oportere.
XLIV. Hanc yiftutem Agrigentinomm imita ti
sunt Assorini postea , yiri fortes et fidèles , sed ne-
quaquam ex tam ampla , neque tam ex noblli ci-
yitate. Cbrysas est amuis, qui per Assorino<*um
agros finit; is apud illos habetur deu<;, et religîone
maxima colitilr. Fanum ejus est in agro propter
ipsam yiam , qua Assoro itur Ennam : in eo Chryss
est simulacrum , prseclare factum e marmore. Id
iste poscere Assoripos propter singularem ejus
fani religionem non ausus est. Tlepolemo dat
Hieronique negotium : illi noctu, facta manu ar-
mataque , yeniunt ; fores aedis effringunt : ' seditui
' Lambinus, (Bditimi, e G^llio, XII, lo.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, IV. 401
• Tons les habitants, sans excepter même les vieil-
lards, même les în^rmes, se réveillent, se lèvent, s'ar-
ment de ce qu'ils "Rencontrent. En un instant , on ac-
court au temple de tous les quartiers de la ville. Déjà,
depuis plus d une heure, un grand nombre d'hommes
travaillaient à détache^ la statue; mais quelques efforts
qu'ils fissent , les uns pour la soulever avec des levers,
les antres pour rentrainer avec dès câbles attachés à
chacun des membres, elle demeurait constamment
immobile. Tout à coup surviennent les Agrigentîi^ :
les pierres pleuvent de toutes parts ; l'armée nocturne
de cet illustre général fuit et se disperse. Cependant ,
pour ne pas retoum^ les mains vides vers ce dépré-
dateur des lieux sacrés, ils emportent deux p^etites
statues. Dans les plus grands malheurs, les Siciliens
trouvent toujours l'occasion de placer un hop mot : ils
dirent alors que ce terrible poctrceau '^ méritait d'être
compté parmi les travaux d'Hercule , aus.si-bien que le
sanglier d'Erymanthe.
XLIV. Les habitants d'Assore , braves et fidèles, mais
dont la ville est bien moins riche et moii^s peuplée ,
imitèrent cet acte de vigueur. Le fleure Chrysas , q«i
traverse leur tei+îtoire , csit le' dieu du pays; ils lui ren-
dent le culte le plus solennel. Son temple * est dans une
campagne qui borde le chemin d'Assore à Enna : sa
statue est de marbre et d'un travail achevé. "Verres
n'osa pas leur demander l'objet d'une si gfrande véné-
ration. Il chargea Tlépolèmc et Hiéron de l'enlever.
Ceux-ci , à la tête d'unë^ troupe armée., viennent de
nuit fondre .sur le temple | ils brisent les portes : les
* FazeUi {de Reh. Sieul, Decad. I , Lib. 10) prétend
qu'il restait encore , vei*8 i55o, trois grands arcs et neuf
portes du temple de Chrysas.
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k
402 m TERREM ACT. Il, LIA TV,
custodesque inattire sentiunt ; signum , quod erat
notum TÎcinitati , buccina datnr ; Jt^omines ex agris
concuiTUnt; ejicitur, fagaturque Tlepolemus; ne-
que quidquam ex fano Chrysse , prseter unum
perparyulum sîgnum ex sere, desideratum est.
M%^ris magn» fanum apud Enguinos est : jam
enim mihi non mçdo breyiter de unoquoque ; di-
cendum, sed etiam praetereunda iridentur esse
periDulta , ut ad majora istius et illustriora in hoc
génère farta et scelera Teniamus. In hoc fano lo-
ricaâ galeasque seiieas , c»latas opère Gorinthio ,
hydrrasque grandes , simili ii^ génère , atque ea-
dem arte perfectas , idem ille^P. Scipio , vir om-
nibus rébus prsecellentissimas , posnerat, et suum
nomen inscripserat. Qnid jam de isto plura dicam,
aut querarP'orania illa, judices, abstulit; nihil in
i*eligiosissimo fano, praetervestigia violât» reli-
gionis, nomenque P. Scipionis, reliquit : hostium
spolia, monumenta imperatorum, décora atque
ornamenta faribrum posthac , bis prœclaris noini-
n^us amissis, in instrumento ac supellectili G.
Verris numerabuntur.
Tu yidelicet solus yasîs Corinthiis delectaris ? tu
illicis aeris temperationem , tu operum lineamenta
solertissimeperspicis? haec Soipio ille noh intelli-
gebat, bomo doctissimus atque bumanissimus? tu
sine uUa bona arte, sine humanitate, sine inge-
nio, sine litteri», intelligis et judicas? Vide, ne
ille non solum tfemperantia , sed etiam inteliigen-
tia te , atque istos^ qui se élégantes dici yolunt, yi-
cerif. Nam quia , quam pulchra essent, intellige- *
' Alu, dicendum est.
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SEC. ACTION CONTRE VEKRÈS, IV. 4o3
gan^ens et les officiers du temple s'en aperçoivent à
temps ; ils sonnent de la trompeUe, signal connu de tont
le voisinage : on accourt des campagnes; Tlépolème est
cbassé , mis en fiiite ; il n'en cpûta qu'une très petite
statue d'airain. ^
Je ne puis dire qu'un mot de chaque délit. Je suis
mén^e obligé d'en omettre un grand nombre , afin d'ar-
river aux vols et aux crimes de ce g9iirt qui ont plus
d'éclat et d'importance. Chez les Enguiniens, est un .
temple de la mère des dieux. Ce même Scipion , cet
homme supérieur dans tous les genres de mérite , y
avait placé àfis cuirasses , des casques dont les orne-
ments étafent en airain de Corinthê , de grandes urnes
du même métal , et d'un travail aussi parfait. Le ^qm
du héros était inscrit au ba% de ces che&-d'œuvre.
Qu'est -il besoin de plus de paroles? "Verrèâ a tont
enlevé. Il n'a laissé dans ce temple auguste que les
traces du sacrilège, et le nom de Scipion. Les dépouilles
des ennemis , les trophée^e nos géaéftux , les décoo
rations et les ornements des temples, dépouillés de
•leors titres honorables , feront désormais partie du mo-
bilier de Verres.
Totls seul apparemttent êtes sensible À la beauté de»
vases corinthiens ^ et vous seul savez apprécier la com*
position de ce métal et la délicatesse du dessin ! Scipion
n'en connaissait pas le mérite, Scipion, l'homme le
plus instruit, le plus éclairé de son siècle! et vous,
honune grossier , sauf instruction , sans talent , san»
étude , vous possédez ce sentiment exquis ! Ah ! ce
n'est pas seulement par son dé^ntéressement, mais
pat- son goût et son inteDigence qu'il l'emportait sur
vous , et sur tant de prétendus oonnaissenrs. Cest parce
qu'il savait apprécier «es ouvrages , qu'il les jugeait
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404 IN YEJtREM ACT. II, LIB. IV.
bat, îdcîrco existimabat , éa non ad homînum
luxuriem , sed ad ornatum fanorum atque oppi-
dorum esse facta , ut posteris nostris mouumenta
religiosa esse -videantur.
XLV. Audite etiam sîngularem ejus, judices,
cupiditateniy audacîam, amentîam, in bis praeser-
tim sacris polluendis , qiise non modo manibus
attingi , sed ne bogitatione quidem violari fas fuit.
Sacrarium Cereris est apud Catinenses , eadem
religione , qua Kcmae, qua in ceteris locis , qua
prope in .toto oJ-be terrarum. In eo sacrario în-
tirao fuit signum Cereris perantiquum ; quod viri,
non<raodo cuju&modi esset, sed ne esse qoidem
scieba^t : aditus eniip in id sacrarium non est
Tiris; sacra per mulieres ac virgines confici so-
ient. Hoc signum noctu clam istius servi ex illa
religiosissimr)^îque antiquissimo fano sustulerunt.
Postridie sacerdotes Cereiis, atque illius fani an-
tistitae , majores iiatu , .probatae ac nobiles mulie-
res, rem ad magistratu* suos déférant. Omnibus '
acerbum, indiguum, luctuosum denique videba-
tur. Tum iste permotus illa atrocitate negotii, ut
ab se sceleris isiius suspicio removeretur, dat
bospiti suo cuidam negohum , ut aliqnem reperi-
ret , quem ea ferisse însimularet ; daretque ope-
ram,,ut îs eo crimiue damnaretur, ne ipse esset
in crîmine. Res non procrastiaatur : nam- quum
iste Catina profnctus esset, servi cujusdam nomen
defertur. Is accusatur; firti testes in eum dantur;
rem cunctHs sénat iis Catlnonsium legibus judicat.
Sacerdotes vocantur; ex bis qua'ritur secreto in
curia, quid esset factum, quemadmodum arbitra-
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, Vf, 4o5
dignes de servir, non au luxe des particuliers , mais à
la décoration des temples et des villes , afin que la po^
térité les reçût comme des monuments consacrés par
la religion.
XLV. Juges, voulez-vous un trait unique de la cupi-
dité de Terres, de son audace , de son extravagance, et
surtout de son mépris pour les objets sur lesqueb nous
ne pouvons ni porter les mains, ni même arrêter nos
pensées , sans commettre un sacrilège ? Cérès est adorée
k Catane " avec le même respect qo^elle Test à Rome et
dans beaucoup d'antres lieux , pour ne pas dire, dans
tout l'univers. Au fond du sanctuaire était une statue
très antique. Les bommes ne savaient pas quelle en
était I9 forme ; ils n'en connaissaieiit pas même l'exi-
steipe. L'entrée est interdite à tous les bommes ; les
femmes sont les ministres de ce culte. Eb bien ! de ce
temple saint et antique, la statue fut enlevée secrète-
ment , pendant la nuit , par les esclaves de Terres. Le
lendemain les prêtresses et les intendantes du temple ,
femmes respectables par leur âge , par leurs vertus et
par leur naissance , portent leurs plaintes aux magis-
trats. Cet i]|riKne attentat révolte tous les babitants.
Effrayé deXRnséqnences , et voulant détourner les
soupçons, Terres cbarge s^ bote de cbercber un
bomme qu'il puisse accuser et faite condamner, pour
se mettre lui-même à l'abri des poursuites. L'bôte ne
perd pas un moment. A peine Terres est-il sorti de
Catane, un esclave est dénoncé. L'accusation est ad-
mise ; de faux témoins sont produits. Le sénat en corps
instiTiit le procès , suivant les lois du pays. Ou appelle
les prêtresses; on les interroge secrètement sur le fait,
sur les circonstances du voL Elles répondent que des
, * ror. Lactance, Dw, Instit., II, 4.
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4o6 IN "VERREM ACT. H, LIB. IT.
#entur signiim esse ablatum. Respondent iHae ,
pnetoris in eo loco serros esse yisos : res , quae
esset jam antea non obscura, sacerdotum testimo-
nio perspicua esse cœpit. Itur in connlium; ser-
Tus ille innocens omnibus sentendis absolTitur,
quo facilius tos hune omnibus sententiis condem-
nare possetis. Quid enim postulas , Verres ? quid
speras? quid spectas? quem tibi aut deorum^ aut
hominum auxilio putas fîiturum ? £one tu serves
ad spoiiandum fanum îmmittere apsns es, quo li-
beros adiré, ne orandi quidem causa, fas erat?
bisne rébus manus afferre non dubitasti, a quibus
etiam oculos cohibere te r^'gionum jura coge-
baut? tametsi ne oculis quidem captus in banc
fraudem tam sceleratan^ac tam nefariam decidisti :
nam id concupîsti , quod nunquam yideras ; id ^
inquam , adamasti , quod antea non adspexeras ;
auribus tu tantam cupiditatem concepisti , ut eam
non metus, non religio, non deorum vis, non
hominum existimatio contineret. At ex yiro bono
audieras , credo , et bono aoctore. QÂ id potes ,
qui ne ex yiro quidem audîre potuffis ? Audistt
igitur ex muliere, quoasam id yiri neque yidisse,
neque nosse poterânt. Qualem porro illam femi-
nam fuisse putatis , judices ? quam pudicam , quae
cum Verre loqueretur? quam religiosam, quae sa-
crarii spoliandi ostenderet rationem ? At minime
mirum, quae sacra per summam castimoniam yir-
ginum ac mulierum fiant, eadem per istius stu-
prum ac flagitium esse yiolata.
XLVI. Quid ergo? hoc solum auditione expe-
tere cœpit , quum id ipse non yidisset ? imo yero
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SEC. ACTION CONTRE YERRÈS, IV. 407
esclaves dn prétear ont été vus ^ai^s le temple : oAte
déposition éclaircit une affaire qui d'aillears n'était pas
très obscure. On va aux opinions. L'esclave innocent
est absous d'une voix unanime : et d'une voix unanime,
vous condamnerez sans doute le coapable que je pour-
suis. Car enfin, que demandez- vous , Yerrès? quel est
votre espoir ? quelle est votre attente ? qui des dieux ou
des hommes voudra vous secourir? Vous envoyez des
esclaves pour dépouiller un temple, où les hommes
libres n'ont pas le droit d'entrer , même pour prier ?
vous portez les mains sur des objets que vos regards
ne peuvent atteindre sans crime ? Et vous n'avez pas
même été entraîné à cet horrible sacrilège par la sé>
duction de vos yeux : vous avez convoité ce que vous
n'aviez jamais vu ; vous vous êtes passionné pour une
chose que vous n'aviez pas encore aperçue. C'est par
les oreilles qu'est entrée dans votre âme cette cupidité
que ni la crainte , ni la religion , ni la colère des dieux ,
ni l'indignation des hommes, n'ont pu réprimer. Sans
doute un homme bien instruit vous en avait parlé ?
Cela n'est pas possible : les hommes ne pouvaient ni
l'avoir vue ni la connaître. Cétaît donc une femme ?
Or , que penser de cette femme , citoyens ? quelle idée
vous former de ses mœurs , puisqu'elle avait des entre-
tiens avec Verres ? de sa religion , puisqu'elle lui indi-
quait les moyens de dépouiller un temple ? Au reste ,
faut-îl s'étonner qu'il se soit servi de l'adultère et de la
débaudie pour profaner un culte qui exige, danâ les
mères de iamiUe et dans les vierges , une innocence et
une pureté de mœurs irréprochable ?
XLVI. Est'Ce donc la seule fois que, sur un simple
onî-dire , il se soit enflammé pour ce qu'il n'avait pas
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4oS IN VERREM ACT. n, LIE. IV.
alîa complura : ex ^Ibos eligam spoliatîônem no-
biliftsinii afque antiquissimi fani; de qna priore
actione testes dicere aadistis. Nunc eadem illa ,
quxso, audite, et diligenter, sicut adhuc fecîstis,
attendite.
Insula est Melîta , judices , satîs lato ab Sicilia
mari periculosoque disjuncta; in qua est eodem
Domine oppidum, quo iste nanquam accessit :
quod tamen isti textrinum per triennium ad ma-
liebrem vestem coniîciendam fuit. Ab eo oppido
non longe , in promontorip , fanum est Junonis
antîqunm ; quod tanta religione semper fiiit , ut
non modo illTs Punicis bellis , qu« in bis fere lo«
cis navali copia gesta atque yersata sunt, sed etiam
in bac prsdonum multitudine semper inviolatum
sanctumque fnerit. Quin etiam boc memoriae pro-
ditum est, (4asse quondam Masinisss régis ad
eum locnm appulsa, prsfectum regium dentés
ebumeos, incredibili magnitudine, e fano sustu-
lisse, et eos in Africam portasse, Masinisssque
douasse. Regem quidem primo delectatum esse
munere : post, ubi audisset, unde essent, statlm
certos bomines in quinqueremi misisse, qui eos
dentés reportarent. Itaque in bis inscriptum lit-
teris Punicis fuit : « Regem Masinissam impruden-
« tem accepisse ; re côgnita , reponendos restituen-
« dosque curasse..» Erat praeterea magna vis ebo-
ris , multa ornamenta ; in quibus eburnese Vieto-
nse , antiquo opère , ac summa arte perfectae. Hsec
iste omnia, ne multis morer, uno impetu atque
uno nuntio, per servos Venerios, qnos ejus rei
eausa mis^at , toUenda atque asportanda curayit.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, IV. 409
vu? non, certes; msàs parmi une foule de traits, je
choisirai la spoliation d^un temple non moins révéré
que celui de Catane. Les témoins voasen ont déjà parlé
dans la première action. Je vais vous rappeler ce fait.
L^ile de Ma|te est séparée de la Sicile par un détroit
assez large et d'un trajet périlleux. Dans cette île est
une ville du même nom, on Verres n'alla jamais, quoi-
que pendant trois ans il en ait fait une fabrique d'étoffes
à Fasage des femmes. Non loin de la ville ^sur un pro-
montoire , s'élève un ancien temple de Junon tellemeiît
révéré, que daus les guerres Puniques, durant les-
quelles tant de flottes occupèrent ces parages , que de
nos jours on ces côtes sont infestées par un si grand
nombre de pirates, il est resté toujours inviolable. On
rapporte même que la flotte de Masinîssa ayant abordé
daus ces lieux, l'amiral emporta du temple des dents
d'ivoire d'une grandeur extraordinaire, et qu'à son
«etour en Afrique, il les ofTrit au roi. Celui-ci les reçat
avec plaisir'^; mais dès qu'il sut â^on elles venaient, il
fit partir une galère à cinq rangs de rames, pour les
reporter à Malte. On y grava cette inscription en ca-
ractères phéniciens : Le roi Masinissa les avait reçues
imprudemment; mieux ir^ormé , U les renvoya, et les
fit replacer dans le temple. On y voyait encore tme
grande quantité d'ivoire, beaucoup d'ornements, entre
autres deux Victoire» *, d'un goût antique et d'un tra-
vail prédeux. Abrégeons ce récit. Verres envoya des
esclaves publics, et d'un seul coup de main, et par un
seul ordre , tout fut enlevé à la fois.
* yoy. , sur les statues d'ivoire de^ anciens , une dis-
. sertation de Heyne à la suite du premier volume de
V Histoire de l'Art, p«r l/Vinkelmanu , pag. 578 de la
traduction françawe.
vni* 35
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410 IN TERREM ACT. II, LIB. IV.
XL VIT. Pro dii immortales ! quem ego homî-
nem accuso ? cpient legibus ac judiciali jure per-
sequor ? de quo vos sententiam per tabellam fe-
retis ? Dicunfe legati Melitenses publiée , spoliatam
lemplum esse Junonis ; nihil istum in religiosis-
simo fano reliquisse : quem in locum classes hos-
tium sœpe accesserint; ubi piratae fere quotannis
bie^are soleant; quod neqne praedo violarit antea ,
neque unquam bostis attigerit, id ab isto sic spo-
liatum esse , ut nibil omnino sit relictum. Hic uunc
aut iste reus, aut ego accusator, aut boc judicium
appellabitur ? criminibus enim coarguitur, aut
suspicionibus in judicium vocatur? Dii ablati,
fana yexata, nudatas urbes reperiuntur; earum
autem rerum nullam sibi iste neque inficiandi ra-
tionem, neque defendendi facultatem reliquit;
omnibus in rébus coarguitur a me, convincitur a
testibus, urgetur confessione sua, manifestis in
maleficiis tenetur : et manet etiaâ», ac tacitus iacta
mecum sua recognoscit.
Nimium mibi diu videor in uno génère versari
criminum. Sentio , judices , occurrendum esse sa-
tietati aurium animorumque vestrorum. Quam-
obrem multa prœtermittam : ad ea autem , quaâ
dièturus sum , reficite vos , quseso , judices , per
deos immortales ! per eos ipsos , de quorum reli-
. gione jamdiu diciraus; dum id ejus facinus com-
memoro et profero , quo provincia tota commota
est. De quo si pauUo altius ordiri, ac repetere
memoriam religionis videbor, îgnoscîte. Rei mag-
nitudo me breviter perstringere atrocitatem cri-
miuis non sinit.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, IV. 41*
XLYII. Qael est donc Thoiiune que j'accase , que je
poursuis deyant ce trîbimal, et sur qui voas allez pro-
noncer? Les délégués de Malte déclarent, au nom de
leur viUe, que le temple de Jnnon a été pillé , que Ver-
res n*a rien laissé dans cette demeure sacrée ; que ce
lieu, où les flottes ennemies ont abordé tant de fois,
où les pirates hivernent presque tons les ans , que nul
brigand, avant lui, n'a violé, que nul ennemi ne pro-
fana jamaû, le seul Verres Ta teUement dépouillé qu^il
n'y reste absolument rien. Que faisons-nous ici? ac-
cusé, accusateur, juges, quel rôle avons-nous à rem-
plir ? Tous les faits portent avec eux leur évidence :
on ne me laisse rien à prouver. On voit les dieux en-
levés, les temples dévastés, les villes dépouillées; et
sur aucun de ces griefs, cet homme ne s'est laissé à
lui-même ni le moyen de nier, ni la faculté de rien
excuser; je le démontre coupable sur tout; il est con-
vaincu par les témoins, condamné par ses propres
aveux; ses crimes sont publics et notoires : et cepen-
dant il reste ici , et cependant il écoute sans répondre
la longue énnmération de ses forfaits.
Cest m'arréter trop long-temps sur un seuj genre do
délit; je sens qu'Q faut prévenir le dégoût et lennuî^
J'omettrai donc une infinité de faits. Mais renouvelez
votre attention pour ce qui me re^e à dire : je le de-
mande, au nom des dieux immortels, de ces dieux
dont je venge la majesté outragée^''. Je vais vous dé-
noncer un crime qui a soulevé la province entière. Si
je reprends les choses d'un peu haut, si |# remonte à
l'origine d'un culte, excosez-moi : l'importance du fait
ne me permet pas de passer légèrement sur un sacii-
lége aussi atroce.
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4i2 IN VERREM ACT. H, LIB. lY.
XLVIII. Vêtus est hacc npinio, judices , qûse
constat ex antiquissimis Graecorum litteris atcpie
moDumentis, iusulam Siciliam totam esse Cereri
et Liherae consecratam. Hoc quum cererae gentes
sic arbitrantur, tuni ipsis Siculis tam persuasum
est, ut animis eorum insitnm atque innatum esse
videatur. Nain et natas esse bas in bis locis deas ,
et fruges in ea terra primum repertas arbitnuitur,
et raptam esse Liberam , quam eamdem Proserpi-
nam votant , ex Ennensium nemore ; qui locos ,
quod in média est iosula situ s, umbiUcos Siciliae.
nominatnr : quam quum investigare et conqnirere
Céres vellet , dicitur inflammasse tsedas iis ignibus y
qui ex JEtnaî vertice erumpunt ; quas sibi quum
ipsa prsBferrety orbem omnium paragrasae ter-
rarum.
• Enna autem , ubi ea , quae dico , gesta esse me-
morantur, est loco praecelso atque edito; quo in
sumrao est sequat^ agri planities, et aquse perennes.
Tota vero ab omni aditu circumcisa, atque di-
renita e&t : quam circa lacuslucique sunt plurimi,
et laetissimi flores onrni tempore anni ; locus ut
ipse raptum illum virginis, quem jam a pueris
accepimus, declarare videatur. Ëtenim propter est
spelunca qusdam , conversa ad aquilonem , infi-
nita altitudine , qua Ditem patrem ferunt repente
cum curru exstitisse, abreptamque ex eo loco vir-
ginem secflki asportasse, et subito non longe a
Syracusis pénétrasse sub terras , Jiacumque in eo
loco repente exstitisse ; ubi usque ad hoc tempus
Syracusani festos dies anniversarios agunt , cele-
berrimo virorum mulierumque conventu.
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SEa ACTION CONTRE VERRES, TV, 4i3
XLTIII. Uneyieille tradition, appayée sar les livres' ,
' «t les monaments les plos antiques de la Grèce, nous
apprend qae la Sicile entière est consacrée à Cérès et à
Proserpine. Cette opinion des antres nations est pour
lés Siciliens nn sentiment intime, une persuasion in-
née. Ils croient que ces déesses prirent naissance chez
enx, que Tasage du blé fut inventé dans leur pays, et
que Libéra, quUls appellent aussi Proserpine, ifnt en-
levée dans le bois d'Ehna. Ce lieu est le point central
de la Sicile. Ils disent que Cérès , voulant chercher sa
fille, alluma des flambeaux aux feux de l'Etna , et que
les portant elle-même à ses n»ains, elle parcourut tons
les pa^s de l'univers.
£nna, qu'on prétend avoir été le théâtre de ces évé-
nements, est sur une hauteur qui domine totts les en-
virans. Au sommet se ti'onve une plaine arrosée par
des eaax qui ne tarissent jamais. La viUe s'élève comme
une pointe détachée : elle est partout environnée de
lacs, de bois sacrés, où les fleurs les plus agréables se
renouvellent dans toutes les saisons de Tannée. Le seul
aspect des lieux semble attester ce que nous avons ap'-
pris dès notre enfance sur l'enlèvement de la jeune
déesse. En effet, on aperçoit à peu de distance une
caverne, ouverte an nord, et d'nne profondeur in-
croyable. C'est de là, dit-on, que le dieu des enfers
sorti! tout à coup sur un char et vînt enle\er Proser-
pine. On ajoute qne bientôt il s'enfonça dan«» la terre
aux environs de Syracuse, et qu'à l'instant nn lac se
forma dans ce lien. Chaque année les Syracusains y
célèbrent des fêtes, qui attirent un concours imiâense
d'hommes et àt femmes.
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4i4 IN TERREM ACT. U, LIB, IV.
XLIX. Propter hujus opînioni8v»tustatem,qiiod
eorum in his locis vestigia ac prope incunabnla
reperiuntur deorum, mira quaedam tota Sicilia
privatim ac publiée religio est Cereris Ennei*is.
£tenim multa sœpe prodigia vim ejus numeuque
déclarant ; multis ssepe in diffîcillimis rébus prœ-
senâ auxilium ejus oblatum est : ut hsec insula ab
ea non solum diligi, sed etianvincoli custodirique
videatur.
Nec solum Siculi, vçrum etiam ceterae gentes
nationesque Ennensem Cererem maxime c«luiit.
Etenim , si Atheniensium sacra summa cupiditate
expetuntur , ad quos Ceres in illo errore venisse
dicitur, firugesque attulisse; quantam esse^religio-
nem convenit.eoruiA, apud quos eam natam esse,
et fruges invemsse constat? Itaque apud patres
nostros, atroci ac difficili reipublics tempore,
qujum , Tib. Graccho occiso , magnorum pericolo-
rum metus ex osteutis portenderetur, P. Mucio,
L. Calpurpio cousulîbus, aditum est ad libros Si-
byllînos; in quibus inirentum est, « Cererem anti-
« quissimam placarî oportere. » Tum ex amplissimo
collegio decemvirali sacerdotes populi romani ,
quum esset in urbe nostra Cereris pulcherrimnm
et ^ Qtiagnifîcentissimum templum , tamen usque
Ennam profecti sunt : tanta enim erat auctoritas
et Tetustas, illius religionis , ut , quum illuc ir«Bt ,
non ad sedem Cereris , sed ad ipsam Cererem pro-
ficisci yide.rentur.
Non obtundam dîutius : etenim jamdudum ve*
reor, ne oratio raea, aliéna ab judiciorum r»-
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, XV. 41 5
XUX. L'ancienneté de cette opinion , ces lienx où
l'on retrouve les traces et comme le berceaiji de ces
déesses, inspirent à tons les habitants, à tontes les
villes de 1» Sicile, nne vénération singulière pour 1a
Cérès d'Enna. Des prodiges sans nombre attestent son
pouvoir et sa présence. Souvent, dans les circon-
stances les plus fâcheuses, 'elle leur a donné des se-
cours éclatants ; en sorte qu'elle semble non seule-
ment chérir cette ile , mais y rési<|er et l'honorer d'une
protection spéciale.
Ce culte n'est point concentré dans la Sicile : Des
autres peuples et les autres nations rendent les hom-
mages les plus signalés à la Cérès d'Enna. Si on s'em-
presse de se faire initier dans les mystères des Athé-
niens *9, parce que, dit-on , Cérès vint chez enx , . et
leur apporta le blé , lorsqu'elle cherchait éa fille dans
toutes les parties du monde, quelle doit être la véné-
ration des peuples chez qui cette déessie a reçu la nais-
sance , et inventé l'usage de ce précieux alimeiA ! Dans
des temps' orageux et difficiles , lorsqu'après la mort
de Tibérius Gracchus bs prodige» annonçaient les plqs
grands dangers, nos ancêtres, sous le consulat de
Mucins et de Calpnrnius, ouvrirent les livres sibyllins;
ils y trouvèrent qu'il fallait apaiser la plus andenne
Cérès. Quoique cette déesse eût, à Rome, un temple
d'une beauté et d'une magnificence admirable, des
prêtres du peuple romain , choisis dans le collège dé-
eem viral, furent envoyés jusqu'à Enna. Telle était la
majesté et l'ancienneté de son culte, qu^en partant
pour cette ville , ils semblaient se transporter, non pas
au temple de Cérès, mais auprès de Cérès elle-même.
Je m'arrête , car peut-être mon discours vou* paraît
étranger au barreau, et déplacé devant un tribunal.
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M6 in TERREM ACT. II, LIB. IT.
tione, et quotidiana dicendi consueta^ne esse
videatur. Hoc dicQ , han'c ipsam'Cerenpm, anti-
quis»imam, religiosissimam , prîncipem omnium
sacrorum , qwae apud omnes gentes nafîonesque
fiunt, a C. Vçr;re ex suis templis ac sedibus esse
sublaftam. Qui accessistis Ennam , vidistis simula-
crum Cereris e marmore, et in altero templo ,
Libers : sunt ea perampla atqne prseclara , sed non
ita antiqua. Ex aère fuit quoddam modica ampli-
tudine, ac singulari opère, cum faribus, peranti-
quum , omnium illorum , quœ sunt in eo fano ,
multo antiquissimum : id sustulit ; ac tamen eo^
contentus non fuît. Ante aedem Cereris, in aperto
ac propatnlo loco , signa duo sunt, Cereris unum^
alterum Trîptolemi, et pulcberrima^ et perampla :
his pulchritudo periculo , amplitudo saluti hiit ,
quod eorum demofitio atque asportatio perdiffî"
cilis vid^batur. Insistebat in manu Cereris dexfra
simulacrum pulcherrime factum Victoria : hoc
iste e signo Cereris avellendufti , asportandumque
curavit.
L. Quf tandem istius animus est nunc in * re-
cognitione scelerum suorum, quum ego ipse in
conimemoratione eornm non solum animo com>
moveaF, -verum etiam corpore perhorrescam ?
"Venit enim mîhi fani, loci , religionis illius in
mentem ; versantur ante oculos omnia : dies ille ,
quo ego Ennam quum yenissem , prœsto mihi
sacerdotes Cereris cum infulis ac yerbenis fuerunt ;
concio, conventusque civiumj in quo ego quum
' Codd. Cujac, Guelferhyt., Memm,, recordatieae.
yidetur e glossa.
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SEC. ACTIOH CONTRE VERRES, IV. 417
Apprenez qae cette Cérès même, la plas ancienne et
la plas révérée de tontes les divinités, celle à qui tons
les peuples et tontes les nations offrirent leurs premiers
hommages , a été enlevée de son temple et de sa de-
meure par "Verres. Ceux de vous qui sont entrés dans
Enna , ont vu nne statue de Cérès en marbre , et dans
un antre temple une statue de Proserpine. Elles sont
toutes deux très belles et très grandes, mais plus
modernes. Il y en avait une autre en bronze, d^une
grandeur moyenne, d'une beauté parfaite, portant
des flambeaux, très ancienne, la plus ancienne même
de toutes celles qui sont dans ce temple : c'est celle-là
qae Verres a enf^vée ; et ce ne fut pas assez de ce seol
sacrilège. Devant le temple , dans un lieu découvert et
spacieux, sont deux statues, Tune de Cérès, l'autre de
Triptolème, tontes deux très belles et d'une très
grande proportion. Leur beauté les a mises en péril ,
mais leur grandeur les a sauvées. Le déplacement sem-
blait offrir trop de diffîcnltés. Dans la main droite de
Cérès était une très jolie figure de la Victoire ^® : Verres
la fît arracher de la statue, et la transporta dans son
palais.
L. Opels remords doivent Aehirer son âme , lors-
qu'il parcourt la liste de ses forfaits , puisque moi-même
je ne puia^les raconter sans frémir d'horreur, sans
frissonner de tout mon corps!... Ce temple, ce lieu,
la majesté de ce culte , toutes les circonstances enfin
sont présentes à mon esprit. Je me rappelle ce jour
où , lorsque j'entrai dans Enna , je rencontrai sur mon
passage les prêtres de Cérès , ceints de bandelettes et
de verveines ; je me rappelle ce concours et cette foule
de citoyens qui s'empressaient autour de moi ; pendant
que je leur parL^Îp, ils fondaient en pleurs, ils pous-
saient des gémissements ; il semblait que la ville en-
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Ai8 m VÈRREaj ACT. n, UB. XV.
loquerer, tai^ti fletus gemitusque fiebant, ut acer-
bissimus tota urbe luctus versari videretur. Non
illi decumarum imperia , non bonorum direptio-
nesy non iniqua judîcia , non impoTtunissimas
istius libidines, non vim, non contumelias , quibus
' operti oppressîque er^nt , conquerebantur : Ce-
reris numen, saçrorum vetustatem , fanî reli^io-
nem , istius ficeieratissimi atque audncissimi sup-
plicio expiari volebant; omnia se cetera pati ac
negligere dicebant. Hic dolorerat tantus, ut Ver-
res , alter Oi eus , venisse £nnam , et non Proser-
pinam apportasse , sed ipsam abripuisse Cererem
videretur. Etenim urbs îlia non urbs videtur, sed
fanum Cereris esse : habitare apud sese Cererem
Ennenses arbitrantur; ut mihi non cives illius
civitatis , sed orones sacerdoces , umnes accolée
atque antistites Cereris esse videantur. * Knnae tu
sinmlacruih Cereris tollere audebas ? Ennae tu de
manu Cereris Victoriam. deripere, et deam deae
detrahere conatus esPquoium nihil violare, nibil
attîngere ausi sunt^n qiiibus eiant omnia, quae
sceleri propiora suntyquam religioni. Tenuerunt
enim P. Popillio , P. Rupilio consulibus , illum
locum servi, fugitivi, barbari, bostes : J»ed neqne
tam servi ilii dominorum , quam tu libidinum ;
neque tam fugitivi illi a dominis , quam tu a jure
et a legibus; neque tam barbari lingua et natione
illi, quam tu natura et moribus; neque illi tam
bostes bominibus, quam tu diis immortalibus. Quae
deprecatio est igitur ei reliqua , qui ind^guitate
' Grœv. e codd. recepit texati , quod^rte giossema est,
— * Ernest. , Enna.
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. SEC. ACTION CONTRE VERRES, IV. 419
tlère fat plongée dans le deail le pins crael. Ils ne se
plaignaient pas de ses exactions dans les décimes,
de la spoliation de leurs biens, de Finiqnité de ses
jugements , de Finfamie de ses débauches , de sa vio-
lence, des outrages sans nomj^re dont il les avait
accablés : ils voulaient que la majesté de Cérès, que
Tancienneté de son culte , que la sainteté de son tem-
ple , fussent vengées par le supplice dn plus scélérat et
du plus audacieux des hommes. A qp prix, ili oubliaient
tous leurs autres maux. Cette douleur était si vive
qu'on eût dît que Verres était entré dans Enna,
comme nn autre Plu ton, et qu'il avait, non pas enlevé
Proserpine, mais arraché de leurs bras Cérès elle-
même. En effet, Enna est moins une ville qu'un tem-
ple de Cérès: ils croient qu'elle réside an mflieu d'eux,
et les habitants semblent tons être les prêtres, les
concitoyens, les ministres de cette déesse. Et dans
Enna vous osiez ravir la statue de Cérès ! vous osiez
dans Enna enlever la Victoire d£ la main' de Cérès ,
arracher nne déesse de la main d'une déesse! Des
hommes habitués an crime, étrangers à tout senti-
ment de religion, n'ont osé cependant profaner et
toucher aucun de ces objets sacrés. Sous le -consulat de
P. PopiUius et de P. Rupilins, Enna fut occupée par
des esclaves , par des fugitifs , par des barbares , par des
ennemis ^'. Mais ces hommes étaient moins eMlaves
de leurs maîtres que vous ne l'êtes de vos passions; ils
avaient moins d'horreur ponr lenrs> fers que vous
pour la justice et les lois ; ils étaient moins barbares
par leur langage et leur patrie qne vous par votre
caractère et vos mœurs; moms ennemis des hommes
qne vous ne l'êtes des dieux immortels. Quel moyen
d'excase peut rester à celui qni, plus vil qne les escla-
ves , phis Inrienx que les révoltés ^ plus féroce que les
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420 IN VERREM ACT. II, LIB. IT.
seryos, temeritate fugitivos , scelere barbaros, cru-
delitate bostes vicerit ?
LI. Audistis Theodorum, et Numînium, et Ni-
casîonem , legatos Ennenses , publice dicere , sese a
suis cWibus haec h^ere mandata , ut ad Vèrrem
adirent, et eum simulacrum Cereris et Vîctori»
reposcerent; id.si impetrassent, tum ut morem ve-
terem Enpensium conservarent , publiée in eum ,
tametsi yexasset ^ciliam, tamen, quoniam haec a
majoribus constituta accepLssent , testimonium ne
quod dicerent : sin autem ea non reddidisset , tum
ut judicio adessent, tum uti de ejusinjuriis judices
docerent, sed multo maxime de religione quere-
rentur. Quas illorum querimonias nolite ^ per deos
immortales, aspernari; nolite contemnere ac né-
gligerez judices. Aguntur injuriœ socioriim ; agi-
tur vis legum ; agitur existimatio , veritasque judi-
ciorum. Quse sunt omnia permagna; yerum illud
maximum : tanta religione obstricta tota provinda
est, tanta superstitioex istius facto mentes omnium
Siculorum occupayit , ut , qttSBcnmque accidant pu-
blice vel privatim incommoda , propter eam cau-
sam scelere istius evenire videantur. Audistis
Centuripinos , Agyrinenses, Gatînensés , Herbi-
tenSiSy Ennenses, complunes alios, publice di-
cere, quae solitudo esset in agrîs, quœ yastitas^
quae fuga aratorum, quam déserta, quam inculta ,
quam relicta omnia. Ea tametsi istius multis et va-
riis injuriis acciderunlr; tamen bsc una causa in
opinione Siculorum plurimum valet, quod, Ce-
rere violata, omnes cultus, fractusque Cereris in
bis locîs interiisse arbitrantur. Medemini religioni
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, rv. 421
barbares, plus impitoyable que les ennemis, les a
surpassés tous dans lepirs excès?
LI. Vous ayez entendn Théodore, Numinius et Nica-
slon , députés d'Enna , tous dire , au nom de leur Tille,
qu'ils ont été chargés de voir Verres , de lui redeman-
der les statues de Cérès et de la Victoire : s'il les ren-
dait , ils deyaient se conformer à Tusage antique des
Ehnéens , et malgré ses déprédations, s'abstenir de dé-
poser contre lui , parce que leurs ancêtres n'ont jamais
accusé aucun de leurs préteurs ; si au contraire il refu-
sait , ils ayaient ordre de se joindre aux autres accusa-
teurs, d'instruire les juges de tous ses forfaits, et sur-
tout d'insister sur ce qui concerne la religion. Au nom
des dieux, accueillez leurs justes réclamations ! Gardez-
yous de les mépriser et de les repousser. Il s'agit des
injustices qu'ont épi'ouvées vos alliés ; il s'agit du
maintien des lois et de l'honneur des tribunaux. A ces
motifs si forts par eux-mêmes se joint un intérêt plus
puissant encore : ce sentiment de religion répandu
dans tonte la province s'est changé en superstition de-
puis cet attentat de Verres ; les Siciliens , dont les es-
prits sont A'appés et prévenus, croient que toutes
leurs calamités pubh'qnes et privées sont la punition
de son impiété. Les députés de Ccntorbe", d'Agyre , de
Catane, d'Herbîte, d'Enna, et plusieurs autres voo»
ont exposé le tableau affligeant de la solitude qui règne
dans leurs campagnes ; ils vous ont peint les charrues
délaissées , les» laboureurs dispersés , toutes les tertes
désertes, incultes, abandonnées. Je sais qu'il faur en
accuser les vexations de Verres ; mais dans l'opinion
des Siciliens , une seule cause a produit tous ces maux :
ils croient qu.e Cérès ayant été outragée, tons les fruits
et toutes les productions de Cérès ont été frappées de
mort. Vengez et protégez la religion de vos alliés ;
vur* 36
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4ia IN VERREM ACT. Il, UB. IV.
sociorum , judices ; conservate vestram. Neqae
enim hsc externa vobis est relîgîo, neqne aliéna :
quod §i esset, si suscipere eam noUetis, tamen in
eo , qui TÎolasset, sancire vos velle oporteret. Nnnc
veroin coinmunî*'omniuui gentium religîone, in-
^e hift sacris , qus majores nôstri ab exteris na-
tionibus adscita atqiie arcessita colnerunt, quas
sacra, ut erant rêvera, sic appellari Graeca yolue-
runt; négligentes ^c dissoluti si cupiamvs esse^
qui possumus?
LU. Unius etiam urbis, omnium pulcberrîmae
atque ornatissimse, Syracusarum direptionem com-
meraorabo , et in médium proferam , judices ; ut
aliquando tqtam bujus generis orationem conclu-
dam ac definiam. Nemo fere vestrum est , quin ,
quemadmodum captas sint a M. Marcello Syra»
. eusse, saepe audierit, nonnunquam etiam in anna-
libus legerit. Conferte banc pacem cum illo bello;
hujus pr^etoris adventum , cum illius imperatorts
Victoria ; bujus cohortem impuram , cum illius
exercitu invicto; bujus libidines, cuAi illius con«
tinentia : ab illo, qui cepit, conditas ; ab hoc, qui
constitutas accepit, captas dicetis Syracusas. Ac
jam illa omitto , quse disperse a me multis locis
dicentur, ac dicta sunt : forum Syracusanorum ,
' quod introitu Marcelli purum a cœde servatum
est , id adventu Verris Siculorum innocentium
sanguine redundasse; portum Syraousanorum ,
qui tum et nostris dassibus et Cartbaginiensium
clausiis fuisset , eum, isto prstore, Gilicumrayo-
paroni prœdonibusque patuisse. Mitto adhibitam
vim ingennis, matresfamilias violstas; quœtum»
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, IT. 4^3
maintenez la vôtre. En effet , cette religion ne vous est
pas étrangère; et, qnand elle le serait, (juand même
TOUS ne voudriez pas l'adopter , votre devoir serait de
la sanctionner , en pnnissant celai qui Ta violée. Mais
il s'agit ici d'une religion commune à tous les peuples,
d'un culte que nos ancêtres ont emprunté et reçu des
nations étrangères , et dont ils ont consacré l'origine,
en le nommant culte grec : pourrions-nous, quand
nous le voudrions , demeurer froids et indifférents ?
LII. Bour terminer enfin cette partie de l'accusation,
je vous exposerai la manière dont il a pillé Syracuse ^*,
la plus belle et la plus riche de toutes les cités de la
province. Il n'est personne de vous qui n'ait souvent
entendu dire , on qui même n'ait lu quelquefois dans
nos annales, comment cette ville fut prise par Marcel-
lus. Eh bien! comparez les temps de la paix sous Ver-
res, aux temps de la guerre sous Marcellns ^^ ; compa-
rez l'arrivée du préteur à la victoire du général ;k cour
impure du magistrat ^^ à l'armée invincible du guerrier ;
les violences de Tun à la modération de l'autre : et vous
direz que le vainqueur de Syracuse à sembl^ en être
le fondateur, et que l'admimstrateur Ta traitée. comme
s'il l'avait prise d'assaut. Et je ne rappelle pas ce que
j'ai déjà dit, ce qu'il me faudra dire encore, que le
forum de Syracuse , que Uni carnage n'avait souillé
quand MarceUus entra dans la ville , fut , à l'arrivée de
Verres , inondé du sang des Siciliens innocents ; qu'une
barque de pirates ciliciens est entrée san§ ré^stance
dans le port de Syracuse, jusqu'alors impénétrable
aux flottes de Reme et de Carthage. Je ne dis pas que,
sous sa préture , les hommes et les femmes ont essuyé
des outrages que les soldats ennemis et fupenx n'a-
vaient pas commis , malgré les nsages de la guerre et
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ki(, IN VERREM ACT. H, LIB. IV.
urbe capta, commissa non sunt, neque odio hos-.
tili , neque lîcentia militari , neque more belli ,
neque jure yictoriœ. Mitto , inquam , hœc omnia ^
quae ab isto per triennium perfecta sunt : ea, quae
conjuncts^ cum îllis rébus sunt, de quibus antea
dixi , cognoscite.
Urbem SyracuSas maximamjesse GrsBcarum ur-
bium y pulcherrimamque omnium , saepe audistis.
Est , judices , ita , ut dicitur ; nam et situ est quum
munito, tum ex omni aditu, vel terra, vel mari ,
praeclaro ad adspectum : et portus babet prope in
œdificatione adspectuque urbis inclusos ; qui quum
diversos inter se aditus babeant , in exitu conjun-
guntur et confluunt. Ëorum conjunctione pars op-
pidi, quse appellatur Insuta, mari disjuncta an-
g-usto , ponte rursum adjungitur et continetur.
LUI. Ea tanta est urbs , ut ex quatuor urbibus
maxin^s constare dicatur; quarum una est ea,
quam dixi , Insula : quae duobus portubus cincta ,
in utriusque portus ostium aditumque projecta
est ; in qua domus est , quae régis Hieronis fuit ,
qua prsetores uti soient. In ea sunt aedes sacr»
compiures; sed du», quae longe ceteris antecel-
lunt : Dianae una ; et altéra , quae fuit ante istius
adventum ornatissima , Minervae. In bac insula
extrema est fons aquae dufçis, cui nomen Are-
tbusa est, incredibili magnitudine, plenissimus
piftcium ; qui fluctu totus operiretur , nisi muni-
tione ac mole lapidum a mari disjunctus esset.
Altéra autem est urbs Syracusis , cui nomen
Acbradina est ; in qua forum maximum , pulcher-
rimae porticus , ornatissimum prytaneum, amplis-
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, lY. 4a5
les droits de la victoire. Non , toas ces forfaits aoca-
malés pendant les trois années de son administration,
je lés passe sons silence : je ne parlerai qae des crimes
qni se rapportent à ceax dont je m'occupe en ce mo-.
ment.
On vous a dît souvent que Syracnse est la plas^rande
des villeç grecques, et la plus belle de tontes les villes * ;
elle Test en effet. Cette cité, forte par sa position» offre
une perspective admirable, tant du côté de la terre que
du coté de la mer. Ses deux ports pénètrent dans Fen-
ceinte de ses murs , et sont entourés d'édifices. Ils ont
chacun une entrée particulière , et vont aboutir an
même bassin ; c'est ce qui forme la partie qu'on nomme
l'île , et qui, séparée par un petit bras de mer, com^
munique par un pont au reste de la ville.
LUI. Syracuse est si vaste qu'elle semble c<ynposée
de quatre grandfle villes ^* : la première est l'île dont
je viens de parler ; baignée par les deux ports , elle se
prolonge jusqu'à leur embouchure. C'est là que se
trouve l'ancien palais d'Hiéron , aujourd'hui le palais
du préteur. On y voit aussi un grand nombre de tem-
ples. Deux l'emportent sur tous» les autres; celui ^e
Diane,' et celui de Minerve, richement décoré avant
la préture de "Verres. A l'extrémité de l'île est une
fontaine d'eau douce, qu'on nomme Aréthuse : son
bassin , d'une grandeur immense , rempli de poissonsV
seffait inoadé par la mer, s'il n'était défendu par une
forte digue.
La seconde ville , l'Achradine , rénf^me un forum
* C'est ainsi qu'il fant traduire cette phrase ; nous etè
jivons la preuve, de Rep., III, 23.
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4^6 m VERREZ ACT. II, LIB. IT.
sima est curia, templumque egregium Jovis OIyi^»->
pii , ceteraeque urbis partes hna lata via perpétua ,
miiltisque transversis divîsœ, privati» sedificiiscon-
tînentur. Tertia est urRs, quae, quod in ei parte
Fortuns faaum antiquum fuit^Tycha nominata
est; în qua et gymnasium araplissimum est, et
complnrés aedes sacrae : coliturqiie ea pars , et ha-
bitatur frequentissirae. Quarta autem est urbs,
qUae/quia postrema œdificata est, Neapolis nomî-
natiir; quam ad summam theatrura est maximum:
prsBterea duo templa sunt egregia , Cereris unum ,
alterum Liberae; signumque Apollinis, quiTeme-
nites vocatur , pulcherrimum et maximum': quod
i«te si portare potuisset , no» dubitasset auferre.
LIV. Nunc ad Marcellum revertar, ne ha;c a
me sine causa commemorata esse yideantur : qui
quum ûim prseclaram urbem vi copiisque cepisset,
non putavit ad laudem populi romani hoc perti-
nere , hanr pulchritudinem , ex qua prseserlim ni-
hil periculi ostenderetur , delere et exstinguere.
Itaque aedificiis omnibus, ' publicis et privatis,
sacris et profanis , sic pepercit , quasi ad ea defen-
denda cum exercitu , non expugnanda veuisset. In
ornatu urbis hnbuit yictoriae rationem, liabaithu-
manitatis : yictorise putahat esse, mnlta Romam
def ortare , quae ôrnaraento urbi esse possent ; hu-
msnitatis, non plaûe * spoliare.iïrbem, (k'sesertibi
quam conservare voluisset. In bac partitibne orna*
tus, lion plus Victoria Marcelli populo romano
* Gneviut e codd. reg. et ed, Fenet., publicis , priva-
fis, sacris, profanis. — ' Gnev., Beck, alii , exspoJiare,
aitctoritate miUtùrum codd.
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\
}
N^ SEC. ACTtON CONTRE VERKÈS, IT. 427
^li^ienx, de très beaax portîqnes, un sqperbe pry-
tane^ ®® , an vaste palais pour le sén^t , un temple
maiestueu de Jupiter olympien ; ane rue large , coa-
pée'd*nne infinité d'autres rues , la traverse dans toute
sa tpngueur. La troîsièiiie a été nommée Tycha, pa^ce
qu'il y avait autrefois un temple de la Fortune» On y
remarque un' très grand gymnase ^^^ et plusieurs édi-
fices sacrés. C'est la partie la plus populeuse. La qua-
trième est la Yîlle-Neuve , ainsi nommée parce qu'elle
a été bâtre la dernière. Dans sa partie la plus haute,
est un théâtre immense ; on y voit de plus deux temples
très fcien bâtis, l'un de Cérès , l'autre de Prosèrpîne ,
une statue d'Apollon surnommé Téménitès , très belle
et d'uilfe grandeur colossale *• ; Verres l'aurait enlevée,
- «î le transport avait été possible.
LIT. Je reviens à Maroellas , et vous verrez que cette
digression n'est pas tout-à-fait sans objet. Après qu'il
se ftrt rendu maître de cette ville , si forte et sî riche ,
il jugea 9ue la destruction d'une aussi belle cité, sur-
tout lorsquîelle n'était plus àciaindre , louiUerait la
gloire du peuple romain. Il éparg^ia tous les édifices
publics et privés , sacrés et profanes , comme s'il fut
venu avec une armée , non pour les conquérir , mais
pour les défendre. Qtiant aux ornements de la viUe^
il sut concilier les droits de la victoire avec les lois dé
l'humanité. Il pensa qu'il devait à la victoire de trans-
porter à Rome beaucoup d'objets qui pouvaient déco-
rer la capitale du nibnde , mais qu'en même temps il
devait à l'humanité de ne pas entièrement dépouiller
une ville qu'il avait résolu de conserver. L'égalité pré-
sida au partage , et la portion que la victoire assignait
au peuple romain , ne fut pas plu» grande que celle
que l'humanité réservait po.or les Syracusaîns! Ce qui
fut transporté à Rome , nous le voyons «ooore auprès
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4a8 IN VERREM ACT. II, LIB. lY.
appetivit, quam humanitas Syracusanis réserva;-'
vit. Romam qdse asportata sunt , ad œdem Honoris
atque Yirtutis, itemque aliis in locis vidons. Ni-
hil in aedibus, nihîl in hortis posuit,nihil in sub-
urbano : putavit , si urbis omamenta domum
suam non contulisset, 'domum suam omamento
nrbi futuram. Syracusis autem permulta, atque
egregia reliquitf deum vero nullum violuvit , nul-
lun attigit. Confeite Verrem; non ut hominem
cum homine comparetis , ne qua tab* viro mortuo
fiât injuria; sed ut pacem cum bello , leges cum
-vi, forum et jurisdictionem cum .ferro et armis,
adventum et comitatum cum exercitu et yictoria
conferatis.
LV. jEdes Mineryse est in Insula , de qua ante
dixi ; quam Marcellus non attigit , quam plenam
atque ornatam reliquit : quse ab isto sic spoliata
atque direpta est, non ut ab hoste aliquo, qui
tamen in bello religionum. et consuetudinis jura
retineret, sed ut a barbaris prsdonibus vexata esse
Wdeatur. Pugna erat equestris Agathocli régis in
ubulis picta praiclare : his autem tabulis interipres
templi parietes vestiebantur. Nihîl erat ea pictura
nobilius; nibil Syracusis, quod magis visendnm
putaretur. Has tabulas M. Marcellus, quum omnia
illa Victoria sua profana fecisset , tamen religione
impeditus non attigit: iste, quum illajam, prop-
ter diuturnam pacem fidelitatemque populi Sysa-
' Lambin, sine nifs.j dooitti suœ ornaineiito urben»
futuram. Malo judicio.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, IV. 429
da temple de rHonnear et de la Vertu ^9, et dans
plusieurs autres lieux. Marcellus ne plaça rien dans
ses maisons , dans ses jardins , dM^ses campagnes : il
pensa que, s'il n'emportait P«|^|ps sa demeure les
ornements destinés ppur Rom^'ra simplicité même
de sa maison serait le plus bel ornement de cette ville,
n laissa dans Syracuse une infinité de chefs-d^œuvre :
surtout il ne toucha point aux dieux ; nul des dieux
ne fut violé. Rapprocliez maintenant la cof^duite dt
Verres ; je ne vous dis pas de comparer ensemble Ver-
res et Marcellus ; ce serait outrager les mânes de ce
grand homme. Mais enfin, Verres a gouverné pendant
la paix ; il était le chef de la justice , le ministre des
lois. Marcellus fit la guerre ; chargé de la vengeance
nationale , ses moyens étaient le fer et les armes. Com-
pareztrarrivée et le cortège de Verres à l'armée et à la
victoire de Marcellus. - *►
LV. Dana File ^^nn temple de Minerve , dont j*ai
parlé plus haut. Marcellus le respecta ; il y laissa tous
les ornements. Verres Ta dévasté , non en ennemi qui
dans la guerre respecte encore les dieux et le droit des
gens , mais en barbare , mais en pirate. Une suite de
tableaux qui représentaient Agathocle * livrant des.
combats de cavalerie , décorait les parois intérieures
du temple. L*art n'a rien produit de plus beau; Syra-
cuse n'offrait rien de plus parfait à la curiosité des
étrangers. Quoiqu'ils fussent devenus profanes par la
victoire de Marcellas ^°, ce guerrier ne vit'en eux que
des objets consacrés par la religion : il n'y toucha
point. Une longue paix et la,, fidélité constante des
Syracusains les rendaient saints et sacrés pour Verres :
Veffès les a tous enlevés. Ces murailles dont les orne-
* On a def médailles de ce prince, ^ojr. Spanbeim ,
fie Prœst. numism., pag. 252.
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43o IN VERREM ACT. U, LIE. Vf,
cu«anî, sacra religiosaque accepisset, omnes eas
tabulas abstulit; parietés, quorum ornatus tôt se«
cula mans^rat, ^o^^Hj^ efFugerat, nwfos ac defor-'
matos reliquit. ^HT^
KtMarcellus, qui, si Syracnsas cepîsset, duo
templa se Roms dedicaturum voverat, id, quod
erat aedificaturus, hîs rébus omare, quas ceperar,
noluit ; Verres , qui non Honori , neque Virtuti , ut
îlle, sedVeneri et Cupidini vota deberet, is Mi-
nervaè templum spoliare conatus est. Ille deosdeo-
Vum spoliis ornare^nuluit; hic ornamenta Mineryaef
Tirginis in meretriciam domi/m transtulit. Viginti
et septem prstefea tabulas pulcherrime pictas ex
eadem sùde sustnlit : in quibiis erant imagines Si^
cilisreguni ac tjrannorum, quœ non solun^piç"
torura artifîcio delectaftnt , sed etiara commemo-
ratione hominura , et cogmt\<^mB formarura. Ac
yidete, quanto tetrior hic tyranuos Syracusanns
fuerit, qnam quîsquam superiorum : quum illi ta-
men ornarint templa deonim iromortalium ; hic
etiam deorum raonumenta atque ornamenta sus-
tulerit.
*T^VI. Jam vero qu'd ego de yalvis'illius templi
commeraorem ? Vereor, ne , haec'qui non viderunt,
omiiia roe nimis an gère atque ornare arbitrentur :
quod ta men nemo suspicari débet, tam esse me
cupidum , ut tôt viros primarios vellm , praesertim
ex judiciim numéro, qui Syracusis fuerint , qui
haec viderint, esse fe'merii'ati et mendacio meo
couscios. Coniîrmare hoc iiquido, judices, pos-
sum, valvas magnificentioVes, ex auro atque ebore
perfectiores nullas unquam uUo templo fuisse. lu*
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, IV. 43i
anénts avaient snrvéca à tant de siècles , avaient
échappé à tant de guerres , n^ofTrent p]as anjourd'hni
qn^ane triste et honteuse nudité.
Marcellns; qni avait fait vœu d'élever deux temples
dans Rom«! s*il prenait Syracnse , ne voulut point les
décorer avec les dépouilles dès ennemis. "Verres , qui
'^ adressait ses voeux non à THonùeur et à la Vertu ,
mais à Vénus et à Cçipidon , n'a pas craint de dépouiller
le temple de Minerve. Le premier ne voulut point
pafer ses dieux aux dépens des dieux étrangers; le
second a transporté les ornements de la chaste Minerve
dans la maison d^ttne courtisane. Il a enlevé du même
temple vingt-sept tableaux d'une grande betuté,
p^rmi lesquels étaient les portraits des rois et des tyrans
de la Sicile , précieux aux habitants non senlement.:par
la périeétion da trayaii , mais par les traits et les sou-
venirs quMls leur rappelaient. Et voyez combien ce
-tyran d^s Syracusains était plus détestable que les
tyransr sea^rédécesseurs : ceux-ci du moins décorèrent
les tehiples des inftnartels; Verres a enlevé les dieux
et dépouillé les templ^.
LVI; Que dirai-Jé dèà poHeç à depx battants de ce
méîne temple, de Minerve * ? ceux qui ne les ont pas
vues , m'accuseront de tout exagérer. Cependant une
foul€ de ciiqyens dn pren^ier rang, et même plusieurs
de nos juges, oi^t voyagé à Syracnse ; ils les ont vues :
. il leur serait très facile de me honvaincre d'impudence
et de mensonge. Je ''parle sans passion, et j'affirme
que jaJhais, dans aucun temple, il n'y eut de portes
plus magnifiquement déoorées en or et en ivoire. Vous
* Fojrez Wiakelmann, Histoire de VArî, Livé VI,
«hap. 4 , S- 37-
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432 IN VERREM ACT. II, LIE. IV.
credibîle dictn est , quam multi Graeci de valyamm
haruTii pulchritudine scriptnm reliquerint. Nimiam
forsîtan hac illi mîrentur ^qae efferant : esto ; ve-
rumtamen honestius est reipublicae nostrs, judi-
ces , ea , qus illis pulchra esse videantar , impera-
torem nostrum in bello reliquisse, quam praetorem
in pace abstulisse. Çx efaore diligentissime perfecta
argumenta erant in y al vis : ea detrahenda cnrayit
omnia. Gorgonis os ^uicherrimum , ciinitum an>
gnibus , revellit atque abstulit : et tamen indicayit ,
se non solum artiiicio , sed etiam pretlo quœstuque
duci. Nam buUas aurea& omnes ex bis yalyis , quae
era»t et multœ^ et grayes, non dubitavit auferre;
quarum istenon opère delectabatur, sed pondère.
Itaque ejusmodi yalyas reliquit, ut, quae olim ad
omandum templum erant maxime , nunc taiitum
ad claudendnm factse esse yideantur.
Etiamne gramineas hastas ? yidi enim yos in hoc
non minime , quum teste» dicerent , comnioyeri ,
quod erant bujusmodi, ut semel yidissesatîs esset :
in quibus neque manu factum qnidquam , neque
pulcbritudo erat uUa , sed tantum magnitudo in-
credibilis, de qua yel audîre satis esset; nimium,
yidere plus quam semel : etiamne id concupisti ?
LVII. Nam Sappho , quae sublata de prytan;^o
est , dat tibi justam excusationem , prope ut con-
cedendum atque igUoscendum ésse yideatur. Sila-
nionis opus tam perfectum , tam elegans , tam ela-
boratum , quisquam non modo priyatus , sed po-
pulus potins baberet , quam bomo elegantissimus
atque eruditissimus Verres ? nimirum contra dici
nihi] potest. Nostrum enim unusquisque, qui tam
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SEC. ACTION CONTRE YERRÈS, IV. 433
ne croiriez jamais combien de Grecs en ont décrit la
beaaté. Peat-étre leur enthousiasme et leurs éloges
sont-ils outres. Je le yeux croire. Mais enfin le général
qui dans la guerre a laissé aux peuples ces objets de
leur admiration , a fait plus dlionneur à la république
que le préteur qui les a tous enlevés pendant la paix.
Ces portes étaient ornées de reliefs historiques , tra-
vaillés en ivoire avec un art infini. "Verres a détaché
. tons les reliefs , entre autres une superbe tête de
Méduse, avec sa chevelure de serpents. Toutefois il
s'est trahi lui-même ; il a montré qu'il n'était pas seule-
ment séduit par la perfection de l'art , mais aussi par
la richesse de la matière : car il fit arracher tous les
dons d'or^ (]pii étaient en grand nombre et fort pesants.
Certes ils ne pouvaient lui plaire que par leur poids.
Ainsi ces portes, autrefois superbe décoration d'un si
bel édifice , ne servent plus aujourd'hui que pour la
clôture du temple.
Des piques même, oui, des piques de frêne 7' ont été
enlevées. J'ai remarqué votre étonnement, citoyens,
lorsque les témoins déposaient. En effet elles étaient
biOnnes à voir une fois. Dénuées de tout ornement,
elles n'avaient d'autre mérite que leur longueur. C'était
assez d'en entendre parler : c'était trop de les voir deux
fois. Cette cbétive proie a-t-elle aussi excité vos désirs?
LVII. Quant à cette Sapho que vous enlevâtes du
prytanée,'sa beanté est votre excuse; et ce fait est
bîçn pardonnable. Quel homme et même quel peuple
devait plutôt que Yerrès, le plus habile, le plus in-
struit des connaisseurs, posséder le chef-d'œuvre de"
Silanion, un ouvrage aussi délicat,' et d'un travail
aussi parfait ? Assurément , on ne peut rien objecter à
cela. Nous qui ne sommes pas aussi fortunés que lui ,
et qui ne pouvons pas nous prôcarer les mêmes jouis-
viir. . 3;
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434 IN TERREM ACT. II, LIB. IW.
beat] , quam iste est , non sumus , tam delicati esse
non poflsumus, si quando «liquid istiusmodi videre
Tolet, eat ad asdem Felicitatis, ad monumentum
Catuli, in porticum Metelli; det operam, ut ad-
mittatur in alicujus istoram Tusculanum ; spectet
forum omatum , si qnid iste saorum «edilibus ac-
commodayit. Verres h«c habeat domi ? Verres
omamentis fanomm atque oppidorum habeat ple-
nam domum , yillas refertas ? Etiamne hujus ope-
raiii studia ac*delicias, judices, perferetisP qui
ita natus est , ita educatus , ita factus et animo et
corpore , ut multo appositior ad deferenda , quan^
ad auferenda signa esse videatur.
Atque h»c Sappho sublata quantum desiderium
sui reliquerit , dici yix potest. Nam quum ipsa fiiit
egregie facta , tum epigramma Grsecum pemobiie
incisum babuit in basi , quod iste eruditus homo ,
et Grœculus, qui hsc snbtiliter jtudîcat, qui solus
intelligit, si nnam litteraro Grscam scisset, certe
non sustulisset : nunc enim quod inscriptum est
inani in basi , déclarât , quid fuerit , et id ablatum
indicat.
Quid ? signum Psanis ex aede iSsculapii , prae-
clare factum , sacrum et religiosum , non sqstulisti ?
quod omnes propter pulchritudinem visere, prop-
ter religionem colère solebant. Quid i' ex aede; Li-
beri simulacrum Anstaei ncm tuo imperio palam
. ablatum- est ? Quid ? ex »de Joyis religiosissimum
simulacrum Joyis Imperatoris , quem Graeci Urion
nominant » pulcherrime factum , nonne abstulisti ?
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SEC. ACTION CONTRE \^RRÈS, TV. 435
sauces^ si nous voulons voir quelqu'un de ces beaux
ouvrages, allons an temple de la Félicité, an monu-
ment de Catnlns, an portique de Métellns; tâchans
d'être admis dans les jardins de nos heureux privilé-
giés; contemplons les décorations du forum, quand
yerrès vaudra bien prêter aux édiles quelques-uns de
ees morceaux précieux. Parlons sérieusement : Terrés
possédera- t-il lai seul toutes ces richesses ? La maison,
les campagnes de Terres seront-elles encombrées des
ornements des temples et des villes? Et vous, ju^es,
souffrirez-vons plus long-temps les fantaisies et les
g^onts d*un tel homme? Quand il s'agira de porter des
statues, qu'on le préfère, j'y consens : par la nature
et par Féducation , par l'âme et par le corps, il sem-
ble bien plus propre à ce métier qu'aux jouissances du
connaisseur.
Je ne puis vous dire combien cette Sapho lussa de
regrets. Outre qu'elle était d'une beattté admirable, une
inscription grecque qu'on. lit sur le piédestal ajoute
encore à la douleur des peuples. Cet homme instruit ,
ce Grec habile , qui juge si bien des productions des
arts, et qui seul en sent le prix, l'aurait fait dispa-
raître, s'il avait su un seul mot de la langue grecque;
car cette inscription solitaire annonce quelle statue
avait été placée sur le piédestal, et atteste qu'on l'a
enlevée.
Verres n'a-t-il pas ravi de même du temple d'Escn-
lape une statue d'Apollon , qui excitait par sa beauté
l'admiration des peuples, et recevait depuis long-temps
leurs hommages religieux? Celle d'Aristée n'a-t-elle pas
été, pai^on ordre, aux yeux de tout le monde, em-
portée du temple de Bacchus? N'a-t-il pas enlevé du
temple de Jupiter , la statue , non moins belle ni moins
révérée, de Jupiter Imperçeor, que les Grecs nom-
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OQ IN VERREM ACT. II, LIE. IV.
Quid? ex sede Liberœ * Parium illud capat piocher-
rimum, quod visere solebamus-, Qum dubitastî
tollere? Àtque illePœan sacrificiis anniversariis si-
mili cam ^sculapio apud illos colebatur. Âristaeus,
qui , ut Gracci ferunt [Liberi fiiius], inyentor olei
esse dicitur , una cum Libero pâtre apud illos eo-
dem erat in templo consecratus.
LVIII. Jovem autem Imperatorem quanto ho-
nore îu suo templo fuisse arbitramîni? hinc colli-
gere potestis , si recordari voluerîtis , quanta reli -
gione fuerit eadem specie atque forma signumillud,
qùod ex Macedonia captum in Gapitolio posuerat
Flamininus. Etenim tria ferebantur in orbe terra-
ru'm signa Jovis Imperatoris uno in génère pul-
cherrime facta : unum illud Macedonicum , quod
in Gapitolio videmus; alterum, in Ponti ore et
angustiis ; tertium , quod Syracusis ante Verrem
prsBtorem fuit. Illud Flamininus ita ex aede sua
sustulit , ut in Gapitolio y hoc est , in terrestri do-
micilio Jovis poneret. Quod autem est ad introi-
tum Ponti , id , quum tam multa ex illo mari bella
emerseriot, tam multa porro in Pontum invecta
sint , usque ad banc diem integrum inviolatumque
servatum est. Hoc tertium , quod erat Syracusis ,
quod M. Marcellus , armalus et victor, viderai ;
quod religioni concesserat; quod cives atque in-
colae Syracusani colère, adveuss non solum visere,
verum etiam venerarî solebant , id Verres ex tem-
plo Jovis sustulit. Ut sspius ad M. Marcellum re-
vertar, judices , sic habetote : plures esse^ Syra-
' f^ulg. , parrum. LalUm., e Cujacu libro et quatuor-
mss. regiis, Pariaum. Grœvium seçuimur.
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SEC. ACTION CONTRE VEKRÈS, rv. 4^7
ment Ounos"^^ , et de celui de Proserpine on superbe
buste de marbi;^ de Paros, qui attirait tant de cu-
rieux? Or cet Apollon était honoré, conjointement
avec Escnlape, par des sacrifices annuels. Aristée, que
les Grecs regardent comme Tinventeur de Thuile, était
adoré chez les Sypacusains dans le même temple que
Baccbns son père. * V
LVin. Et quels honneurs Jupiter ïmperator n*a-t-îl
pas dû recevoir dans son temple? Pour vous en former
une juste idée , rappelez-vous combien était respectée
cette statue de la même forme et delà même beauté,
que Flamininns apporta de la Macédoine et plaça*dan8
le Capitole. On comptait dans Funivers trois statues
de Jupiter ïmperator, toutes trois parfaites dans le
même genre : la première était celle de Macédoine que
nous voyons an Capitole; la* seconde est à l'entrée et
dans le détroit du ?ont-Enxin; la troisième se voyait
à Syracuse, avant la prétnre de Verres. Flamîhinus
emporta la première, mais pour la poser dans le Ca-
pitole, c'est-à-dire dans la demeure j^ue Japiter s'est
choisie sur la terre. Celle du Pont -Euxin, Quoique
des flottes armées aient tant de fois traversé le dé-
troit, ou pou? sortir de cette mer, ou pour y péné-
trer , est restée jusqu'ici sans recevoir^ aucune at-
teinte. La troisième, qui était à Syracuse, que ÎWar-
cellus a* respectée, à la tête d'une arfnée Tictorieuse,
qu'il a cédée à la religion des peuples, .que les habi*
tants de Syracuse adoraient, que les étrangers visi-
taient et révéraient , "^rrès l'a enlevée du temple de
Jupiter. Je ne me Imac point de citer Marcellus : sa-
chez donc que l'arrivée de Yerrès a conté plus de dieux
* f^, les observations de M. Le Clerc sur cette phrase,
dans ses notes sur le Tr^téde la Nature des dieux, 111, 1 9.
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438 IN TERREM ACT.* H, LIB. IV.
cusanis isims adventu deos , quam victoria Marcelli
homines desideratos. EteDÎm ille requiéUse dicitur
etiam Archimedém illuip'^ sammo ingenio homi-
nem ac disciplina , eomqu^ quum audisset inter-
fectum , p«rmoleste tulisse : iste omnki ^ qax re-
quisiyit , jion ot servafet , • yeram ut asportaret ,
reqttisivît. , "^
UJL. Jam illa , qaia leyiora videbuntUTy si hoc
loco dicerentur , ideo prœteribo ; quod iste mensas
Delphicas e marmore, crateras ex œre pulcherri-
mas f vim maxiraam Yasorum Corintliiorum , ex
omnibus asdibus sacris Syracusis abstulit Itaque»
judices y hi, qui hospites ad ea , qu» yisenda sunt,
ducere soient, et unumquidqiie ostendere, quos
illi mystagogos yocant , conyersam jam babent de-
monstrationem suam : nam, ut ante demonstra-
banty quid ubique esset, ita nunc, quid nndique
ablatnm sit , ostendunt. Quid tum ? mediocrine
tandem doiore eos affectos esse arbitramini ? Non
ita est , judices : primum, quod omnes relfgione
moventur y et deos patrios, quos a majoribus acce-
perunt, colendos sibi diligenter et retinendos esse
arbitrantur; déinde hic ortiatus , haec opéra atque
artificia, signa, tabulœ picts, Graecos homines
nimio opère délectant. Itaque ex illorum querimo-
niis intelligere possumus, haec illis acerbissima
yideri , quse forsitan nobis leyia et contemnenda
esse yideantur. Mihi crédite , judices (tametsi yos-
met ipsos haec eadem audire certo scio ) , quum
multas acceperiut per kosce annos socii atqne ex-
terse nationes calamitates et injurias ; nuUas Grsci
homines grayius tulerunt, nec ferunt, quam hu->
juscemodi spoliationes fanorum atque oppidorum.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, IV. 43g
•QX Syracosams que la victoire de Marcellos ne lent
a coûté de citoyens. On dit même qne oe grand gêné*
rai fit chercher Archimède qui joignait le plnf heau
génie aux connaissances les plfis étendues, et qu'il
ressentit la plus vire douleur en apprenant qu'il avait
été tué. Terres n'a jamais fait faire de recherches que
pour emporter ce qu'il pourrait découvrir.
LIX. Je ne rappellerai point des larcins qui paraî-
traient ici d'une trop faihle importance. Je ne dirai
point qu'il a enlevé de tous les teittples de Syracuse ,
des tables delphiques * en marl>Te , de très belles coupes
en airain, une immense quantité de vases corinthiens.
Aussi les mystagognes , qui servent de guides aux
étrangers et leur font voir tout ce qu'il y a de curieux,
ont-ils changé de méthode : ils montraient autrefois
les belles productions 'des arts ; ils indiquent aujour-
d'hui la place qu'elles occupaient. Si vous ci^oyex que
ces peuples n'en ont ressenti qu'une douleur médiocre ,
détrompez -vous. D'abord tous les hommes sont atta-
chés aux objets de leur culte; ils se font un devoir
d'honorer et de conserver les dieux de leurs pères :
mais de plus, les Grecs se passionnent à l'excès pour
leurs statues , leurs tableaux et les autres monuments
de ce genre. La vivacité de leurs plaintes fait connaître
à quel point ces pertes , qui peut-être vous semblent
frivoles, sont cruelles pour eux. On vous l'a dit, et je
le répète : de toutes les vexations que nos alliés et les
nations étrangères ont essuyées dans ces derniers
temps , rien n'a jamais plus diagriné les Grecs , que
ces spoliations de leurs temples et de leurs villes.
* De la même forme que le trépied de Delphes.
Pline, XXXÏV, 3; Martial, XII, 67; Inscriptions âe
Gniter, pag. iii5.
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44o m TERREM ACT. n, LIB. IV.
Licet iste dicat émisse se , sicuti solet diceri? r
crédite hoc mihi /judices : nulla luiquam ciyitas
tota Asia et Grsecîa, signum ulium, tabulam pic-
tam , ullum denique or namentam urbis , sua vo-
luntate cuiquam -v«ndidit. Nisi forte existimatis ,
posteaquam judicîa severa Romse fieri desieriot »
GrsBCOs homines haec venditare cœpisse , qus tum
non modo non yenditabant , quum judicia fiebant,
yerum etiam coemebant ; aut nisi arbitramini ,
L. Grasso, Q. Sc^yola, G. Glaudio, potentissimîs
hominibus , quorum^ sedilitates orn^tissimas yidi-
mus y commerciùm istarum rerum cum'Grsecis ho-
mikiibus non fuisse ; iis , qui post judiciorum dis-
soiutiones sediles facti sunt , fuisse.
LX. Acerbiorem etiam scitote èsse ciyitatibus
falsam istam et simulatam emtionem , quam si
quis 'clam surripiat, aut eripiat palam atque aufe-
rat : nam turpitudinem ftimmam esse arbitrantur,
referri in litteras publicas , pretio adductam civi-
tatem, et pretio paryo , ea, qusB accepîsset a toa-
joribus, yendidisse atque aliénasse. Etenim mi-
raudum in modum Grsci rébus istis, quas nos
contemnimus , delectantur. Itaque majores nostri
facile patiebantur, hsBC esse qnam plurima apud
socios, ut imperio nostro quam ornatissimi floren-
tissimique essent : apud eos autem , quos yecti ga-
les aut stipendiarios feceraut, tamen hsecrelinque-
bant , ut illi , quibus ea jucunda sunt , quœ nobis
leyia yidebantur> haberent haec oblectamenta et
solatia servitutis.
Quid arbitramini Rbçginos, qui jam ciyes ro-
mani sunt , merere y elle , ut ab eis marmorea Ve-
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SEC. Acnorî contre terres, iv. 441
Vainement Terres continuera de dire qn'il a acbelé :
daignez mVn croire : nul penple , dans FAsie entière ,
ni dans toute la Grèce , ne vendit volontairement une
seule statue, un seul tableau, en un mot, un seul or*
nement de sa ville. Quand les lois étaient en vigneur,
les Grecs, loin de vendre ces objets précieux, les ache-
taient «partout où ils pouvaient. Pensez -vous qu'ils
aient cherché à les vendre , lorsque les tribunaux ont
cessé d'être sévères.** Crassus, Scévola, Claudius, ces
hommes si puissants , et dont Tédilité fut signalée par
tant de magnificence, ne purent se procurer ces
chefs-d'œuvre par la voie du commerce : le trafic ne
s*en est-il établi que pour les édiles nommés depuis la
corruption de nos tinbnnaux?'
LX. Sachez que ces achats simulés leur causent en-
core plus de douleur qu'un larcin secret, on qu'un
enlèvement à force ouverte : car ils regardent comme
une infamie qu'on lise dans leurs regis^tres qnfk ont
été capables de vendre et d'aliéner pour une somme,
et pour une somme modique, ce qu'ils avaient reçu de
leurs ancêtres. Je le répète, leur passion est extrême
pour tous ces objets , qui sont de nul prix à nos yeux.
Aussi nos ancêtres voyaient -ils sîids peine qu'ils en
possédassent un grand nombre. Ils voulaient que,
sous notre empire , les villes fussent magnifiques et
florissantes; et lors même qu'ils les soumettaient à des
tributs et à des impôts?', ils leur abandonnaient ces
frivoles jouissances, comme^;^ amusement et une
consolation de la servitude.
Eh! quelle somme pourrait déterminer les Rhé-
%îens , aujourd'hui citoyens romains , à céder leur
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Ua m TERREM ACT. II, UB. IV.
nus iUa aoferatur? quid Tarentinos, ut Ëaropani
in tauro amittant? ut Satyrum, qui apud illos in
acde \estm est? ut cetera? quîd Thespieiises , nt
Cupidinift sigoum, propter quod unum yisuntiir
Thespiœ ? quid Cnidios , ut Venerem marmoream ?
quid, ut pictam , Coos? quîd Ephe$ios, ut Alexan-
drum ? quid Cyzicenos , ut Ajacem , aut Medeam ?
quid Rhodios, ut lalysum? quid Athenienses, ut
ex marmore lacchum, aut Paralum pictuin, aut
ex œre My rouis buculam? Lougum est, et non
necessarium, commemorare, quse apud quosque
yisenda sunt tota Asia et Grascia : yerum illud est,
quamobrem hsBc ' commemorarim,quodexLstiniare
Tos hoc volo , mirum quemdam dolorem accipere
eos, ex quorum urbibus haec auferantur..
LXI. Atque, ut ceWos omittamus, de ipsis Sy-
racusanis cognoscite : ad quos ego quum veuissem,
sic primo existimabam , ut Romx ex istius amicis
acceperam , civitatem Syracusanam , propter He-
rnclii bereditatem, non minus esse isti amicam ,
quam Mamertinaih , propter praedanïm ac furto-
rum omnium societatem; simul et vcrebar, ne
mulierum nobilium et formosarum gratia , quarum
iste arbitrio praeturam per triennium gesserat , vi-
rorumque, quibuscum illœ nuptae erant, nimia in
istum non modo lentifudine , sed etiam liberalitate
oppugnarer, si quid «x litteris Syracusanorum
conquirerem.
Itaque Syracusis- cum civibus romanis eram;
eorum tabulas exquirebam ; injurias cognoscebam.
Quum dintius in negotio curaque fueram, ut re-
' Emesl.f conuBemorem. . <P
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, IV. 443
Vénns de riiarbre; et les Tarentins, lear sutae d*Ea-
rope enlevée par an taoreaa, le Satyre qu'ils ont dans
lear temple de Testa , et lears antrek chefi»-d'oeaTre? A
qael prix les Thèspiens mettraient-ils le Capidon* qai
seul attire les curieux dans lear ville ? les Cnidiens ,
leur Vénus de marbre ? ceux de Cos , le tableau de
cette même déesse ? Épbèse , son Alexandre ? Cyzique ,
son Ajax ou sa Médée? Rhodes, son I^y sus? Athènes,
son Bacchus de marbre, son tableau de Paralus, ou la
fameuse génisse de Myron ? Il serait long , autant qu'in-
utile , de dénombrer ici tontes les choses qui sont à
voir dans chacune des villes de rAsi%et de la Grèce.
Ce que j'en ai cité n'est que pour faire concevoir com-
bien sont douloureusement affectés ceux à qui on en-
lève de si précieux ornements.
LXI. Juges^n par les Syracnsains. Lorsque j'arrivai
chez eux , je crus d'abord, comme les amis de Verres
le disaient à Rome, que l'héritage d'Uéraclins avait
mis Syracuse dans ses intérêts ^^ , de même qu'il s'était
concilié Messine , en l'associant à ses vols et à ses pil-
lages. D'ailleors, je craignais, si je demandab la com-
munication de leurs registres , d'être traversé par les
intrigues des femmes les plus nobles et les plus belles
de la ville , dont il avait été l'esclave pendant les trois
années de sa prétare, et par les maris de ces femmes,
qui s'étaient montrés si faciles et si complaisants pour
leur préteur. 7<> '
Je ne voyais donc que les citoyens romains ; je fenil-
* Ouvrage de Praxitèle. Voyez plus haut, chap. i\
Pausanias, I, 20; IX, 27, etc. Cette statue fut trans-
portée à Rome, où elle périt dans ou incendie.
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444 IN \ERREM ACT. II, LEB. IV.
quiescerem , curamqiie animi remitterem , ad Car*
pinadi praeclaras tabulas reyertebar; ubi cum equi*
tibus romanis ex îUo conyentu honestissimis, illos
Vernitios, dequibus ante dix! , explicabam : a Sy-
racusanîs prorsas fiihil adjumenti neque publice ,
neque privatim exspectabam ; neque erat in animo
postulare. Quum haec agerem, repente ad me ve-
nit Heraclius is, qui tum magistratum Syracusis
habebat , bomo nobilis, qui sacerdos Jovis fuisset;
qui honos apud^Syracusanos'est amplissimus. Agit
mecum, et cum L. fratre meo, ut, si nobis vide-
retur)*' adiremus* ad eorum senatum; fréquentes
esse in curia ; se jussu senatus a nobis petere , ut
veniremus. Primo nobis fuit dubium , quid âge-
remus : deinde cito yenit in mentem , non esse yi-
tandum nobis illum conyentum et locum.
LXII. Itaqine in curiam yenimus. Honorificesane
consurgitur' : nos rogatu magistratus assedimus.
Incipit is loqui , qui et auctdritate , et setate, et, ut
mîKi yi^m est, usu rerum antecedebat, Diodorus
Timarcbides; cujusomnis oratio banc babuit pri-
mo sententiam ; Senatum, populumque Syracusa-
num moleste graviterqué ferre, quod ego, quum
in ceteris Siciliae ciyitatibus senatum populuiiique
docuissem, quid eis utilitatis, quid salutis afïer-
rem, et quum ab omnibus mandata , legatos , litte-
ras, testimoniaque sumsissem, in illa ciyitate nihil
ejusmodi facerem. Respondi , neque Romae in con-
yentu Siculorum , quum^ a me auxilium communi
omnium legationum consilio petebatur, causaque
totius ad me Siciliae deferebatnr, legatos Syracuaa-
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, IV. 445
letaîs lears joamaax ; j'y recneillaù) l^s traces de ses,
iajastices. Pour me délasser de ces travaux pénibles ,
je revenais aax fameux registres de Carpinatîas ^^. Avec
les plus respectables des chevaliers qoi sont établis dans
cette ville, je parvenais à éclaircir cette multitude d'ar-
ticles dont je vons ai parlé ailleurs, et que je vojrais tous
insccîts sous le nom dfe Verrntins. Je n'attendais lien
ni des magistrats ,' ni des habitants de Syracuse : il
n'était pas dans mon intention d'avoir recours à eux.
iTn jour , je vois paraître chez moi Héraftlius , le
premier magistrat de Syracuse , citoyen distingué par
sa naissance et qui avait été prêtre de Japiter : c'est
chez eux la dignité la plus honorable. Il me propose
de, venir au sénat avec mon frère ; il nous dit que tout
le corps s'est réuni , et qu'il vient , de sa part , nous
faire cette invitation. Nous hésitons d'abord; mais bien-
tôt nous jugeâQies qu^ nous ne devions pas refuser de
nous rendre à cfette assemblée. ..
LXII. Nous allons donc an sénat : on se lève pour
nous &ire honneur ; et sur la prière du magistrat , nous
prenons place. Diodore Timard&id^ le premier, des
sénateurs par son autorité personnelle , par sa sagesse ,
et , autant que j'en pus juger , par son expérience , prit .
la parole. Voiici quelle fat à |»eu près la substance de
soi^discotirs. Le sénat et le peuple de Syracuse ressen- "
talent une peine extrême de ce qu'après avoir informé
les autres villes de l'objet de mon voyage et des secours
que je leur. apportais , et. avoir pris partout des rensei-
gnements , fait nommer des dépuCations , recueilli des
pièces et des témoignages , je n'agissais pas de même
avec eux. -Te répondis que , lorsque les .députations
réunies étaient venues à.Roïné-Tédamer mes bons oiïi-
cea, et me confier la défense de toute la Sicile , les dé-
putés de Syracuse ne s'étaient pas pnésentés , et que
vii{. 38
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446 IN TERREM ACT. II, liB. IV.
nommaffuisse; neque me postulare , nt quidquam
contra C. Verrem decemeretur in ea curia » in qua
inaoratam C. Veiris statuam Tiderem.
Quodposteâqnam dixi , tantus est gemitus factus
adspectu status et commemoratione, ut illud in
curia po^itum monumentum scelerum , non bene-
ficiorum yideretur. Tum pro se quisque, quantum
dicendo assequi poterat, docere me cœpit ea , que
paullo ante commemoravi : spoliatam urbem , fana
direpta; ex Heradii hereditate, quam paliestritis
concessisçet , multo maximam.partei^ ipsum abstu-
lisse ; neque postulandum fuisse , ut ille palœstritas
diligeret, qui etiam inyentorem olei denm austu-
lisset; neque illam statuam esse ex pecunia pu-
blica, neque publiée datam; sed eos, qui here-
diutis diripiends participes fuissent,, faciendam
statuendamque curasse; eosdem Rom» fdisse le-
gatos , illius adjutores improbitatis , socios furto-
rum , conscios flagitiorum; «eô minus miran me
oportere, si illi communi legatorum yoluntati et
saluti Sicilise^defuissent.
LXIII. Ubi eorum dolorem ex îllius injuriis ,
non modo non minorem, sed prope majorem,
quam ceterorum Siculorum esse cognoyi : tjim
ego' meum animttm in illos , tum mei consilii ne-
gotiique totius suscepti causam rationemque pro-
posui ; tum eos bortatus sum , ut causse communi
salutique ne deessent; ut illam laudationem ^ quam
se yî ac metu coactos, paucis illis diebus, decresse
dicebanty toUerent. Itaque, judices, Syracusani
bœc faciunt , istius clientes atque amici : primom
mihi litteras publicas, quas in «rorio sanctiore
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, IV. 447
tirailleurs je ne ponvais solUciter un arrêt contre Ver-
res , dans une salle où je voyais une statue de Verres
tonte brillante d*or. ^^
A ces mots , tons les yeux se portèrent vers la 'stallie
dont je rappelais le souvenir. Un gémissement général
me fit voir qu'elle était un monument de ses forfaits ,
et non un hommage de leur reconnaissance. Chacun
s'empresse 4« m'instruire des vols que j'ai cités plus
haut, ils me disent que Verres a pillé h^ ville et dé-
pouillé les temples ; qu'il a gardé pour lui la plus grande
partie de l'héritage d'Héradius *, adjugé au gymnase ;
qu'en effet, après avoir enlevé le dieu inventeur de
l'huile , il ne pouvait pas prendre beaucoup d'intérêt
aux exercices des lutteurs. Ils m'apprennent que sa
statue -n'a point été érigée' par un décret public ^ mais
par ceux qtd ont partagé avec lai l'héritage d'Héra-
dius ; que la députation a été composée de ces mêmes
hommes, ministres de ses forfaits, complices de ses
vola, compagnons de ses débauches ; que je ne dois pas
être étonné qu'ils ne se soient pas unis aux autres dé*
pûtes pour le salut de la Sicile.
LXni. Dès que j'eus connu que leur ressentiment
égalait , s'il ne surpassait même celui des autres Sid-
liens, je leur ouvris mon âme tout entière; je leur
développai" le plan que je m'étais trfkcé. Je les exhor-
tai à ne pas trahir la cause commune; à rétracter cet
éloge qu'ils disaient leur avoir été arraché quelques
jours' auparavant par la violence et la crainte. Que
font alors les Syracusains j les clients , les amis de Ver-
res ? lU m'apportent leurs registres , qu'ils tenaient
cachés dans le lieu le plus secret de leurs archives; ils
me inonUrent l'état des objets qne je vous ai dit avoir
. * Fojr. la note 74-
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448 IN TERREM ACT. H, LIB. IV.
conditas habebant,profenmt ; in qttibus osten-
' dunt oitinia, quse dixi ablata esse, perscripta, et
plura etlam, quam ego potui dico'e; perscripta
acTtein hoc modo , « Quod ex œde Minervae hoc et
illud abesset, qnod ex œde Joyis, quod ex asde
Liberi » : nt quisque eis rébus tuendis qôâsenran-
disque prsefuerat, itfa perscriptum erat, quùm ra-
tionem ex lege redderet, et qu^ acceperat, debe-
ret tradere , petisse , ut sibi , quod hse res abessent ^
ignosceretur ; itaque omnes b'beratos discessisse ^
et esse ignotum Omnibus. Quas ego litteras ob-
signandas publico signo, deportandasque curavî.
De laudatione autem. ratio sic reddita est : prî-
muniv quum a Verre litterœ aliquanto ante adven-
tum meum de laudatione venissent,nihil esse de-
cretum ; deînde , qi^um quidam ex lUius amicis
commonerent oportère deceroi ^ maximo esse cla-
more et convicio repudiatos; posteaquam meus
advefitus appropinquarit , imperasse eum , que
summam potestatem haberét, ut décernèrent; de-
cretnm ita esse , ut multo plus illa laudatio mali ,
quani^boni possit afferre. Id adeo , judices , ut
mihi ab illîs demonstratum est, sit vos ex. me
cognoscite. ^
LXIV. Mos est Syracusis, ut, si qua de Te ad
senatum referatur , ' ditat sententiam , qui velit.
Nominatim nemo rogatur : et tahiBn , ttt quisque
honore et œtate antecedit, ifa primus sojet sua
sponte dicere; idque a ceteris ëî conceditiir. Si
quahdo taceant omnes , tune sortito cogjuntur di-
cere. Quum nîc mos esset, refertur ad senatum de
laudatione Verris. In quo primum, ut aliquid esset
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SEa ACTIOjr CONTRE VERRES, IV. 449
«té enlevés par Yerrès, et de bien d'antres dont je n'ai
pil Tons pflrler. \ie procès-verbal portait qae tel on tel
, objet^ manquait dans le temple de Minerve, tel antre
dans le temple de Jnpiter, tel antre dans celni de
Bacchns ; et qu'en rendant lenip comptes , anx termes
de la loi , chacnn des hommes préposés à la garde de
ces dépôts qu'ils devaient représenter, avait demandé
à n'être pas inquiété pour les objets qui ne se ft-ouT-
vaient plus; qae tous avaient été décharges et acquittés.
J'eus soin de fiaiire apposer le sceau de la ville sur ces
registres, et je les fis emporter.
. » ' ■
Quant à l'éloge décerné à "Verres, voici l'explication
qui me fdt donnée. Quelque tfemps avant que j'arri-
vasse , Terrés leur avait écrit à ce sujet. On ne prit
aucun arrêté. Dans la suite ,. plusieurs de ses amis
avaient* e^jé de renouer la négociation : ils furent
repoussé^l^ar des cris et des huées. Au mqi)[ient où
j'allais arriver , celui qid était revêtu du pouvoir su-
pi*ême lettr avait enjoint de prendre un arrêté en fa-
veur de Verres. Bs avaient obéi, mais de manière qne
leur éloge devait lui faire plus de mal qne de bien.
Cest ce que je vais vous expliquer d'après ce qu'ils
m'ont dit eux-mêmes.
■ LXrV. Lorsqu'on rapporte une affaire dans le sénat
de Syracuse, celui qui veut parler prend la parole. On
ne fait point l'appel : cependant les sénateurs, qui
l'emportent par l'âge ou la dignité , parlent oiâi-
nairemeut les. premiers ; o^est un» déférence qu'on a
pour eux. Quelquefois tous gardent le silence : alors
ceux que le sort désigne sont obligés d'ouvrir un avis.
On fit donc un rapport sur Verres. XJuelques membres
cherchèrent d'abord à gagner du temps par une mo-
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45o m TERREM ACT. n,^LIB. IV.
morae , multi interpellant : de Sext. Peduc«o , qui
de illa civitate totaque proyincia optime méritas
esset, sese antea , quum audissent ei negotîum fa-
cessitnm , quumque eum publiée pro plnrîmis ejus
et maximis meritis laudare cuperent, a C. Verre
prohibitos esse ; iniquum esse , tametsî Peducxus
eorum laudation%jain non uteretur, tamen non id
prins decemere, quod aliqnando voluissent, quam
quod tmn cogerentur.
Conclamant omnes, et approbafit ita fieri opor-
tere. Refertur de Peducœo. Ut quisque aetate et
honore antecedebat, ita sententiam dixit ex ordine.
Id adeo ex ipso senatnsconsnlto cognosçite : nam
principam sententise perseribi soient. Récita. Quoo
TEBBA PACTA SCITT DE S EXT. ÎPedÛcJEo! DeCCmi-
tur. Refertnr deinde de Verre : die, qu^so, quomo-
do? Quod yerb^ pacta suht db C. VeEre. Quid
postea scriptum est? Quum surgeret iKmOf wb-
QUE SENTEKTIAM DICERET. Quid hoC est ? SoHS
DuciTUR. Quamobrem ? nemo erat voluntarius.
laudator prseturx tuae, defensor periculonim tuo«
mm, prœsertim quum inire a prsetore gratiam^
posset ? nemo : ipsi illi tuî convivae , consiliarii ,
conseil , socii, verbum facerenon audebant. In qua
curia statua tua stabat, et nuda filii, in ea nema
fuit , quem ne nudus quidem fîlius in nuda pro*
vincia commoVeret.
Atque etiam hoc me docent, ejusmodi senatus^-
consulto sese fecisse laudationem, ut omnes intel-
ligere possent, non laudationem, sed potius irri-
Vionem esse illam , quœ commonefaceret istius
turpçm calaraitosamque prasturam. Etenîm srrip-
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SEC ACTIO]>r CONTRE TJRRÈS, IV. 45 f
tîon incid^pte. Ih obseryèi:ent qne Pédiicéiis , qui avait
très bien mérité de Syracuse , ainsi qoe de tonte la
province, se trouvant inquiété à Rome, le sénat avait
voulu décerner Thommage qu'ils dcTaient à leur bien-
faiteur, et que Verres l'en avait empêché; qu'à la vé-
rité Péducéus n'avait plus besoin de leur suffrage;
mais qu'il serait injuste de i^e pas prendre cet arrêté,
si conforme à leuF ancien désir, avant de s'occuper de
celui qu'on leur arrachait par violencte.
Tons s'écrient et denuindent la priorité pour Pédu-
céus. On fait le rapport. Ghacnn opine suivant son âge
et sa dignité. C'est ce qne vous allez connaître par le
sénatusHïonsulte ; les noms des premiers opinants y
sont inscrits. Lisez : Sur. une proposition faite en faveur
de Péducétis*.LepTO}ete&t adopté. Ensuite on fait le
rapport an scget de Yerrès. Voyons comment la ehose
s'est passée. Sur une proposition faite en faveur de
Verres. La suite : Comdie personne ne se levait et ne
donnait son avis. Eh bien ! On tire au sort. Comment !
il s'agit de louer votre préture , il s'agit de vous secou-
rir , et personne ne se présente , quoique par ce moyen
on soit usAiré de plaire à votre shccesseur. Vos con-
vives eux-mêmes, vos conseillers, vos tîomplices,' vos
associés n'osent dire un seul mot. Us ont devant eux
votre statue, la statue de votre fils tont<nn, et pas un
seul cœur ne s'ouvre à la pitié! '*
Les Syracnsalns me font connaître encore , par les
termes mêmes du décret, qne cet éloge n'est qu'une
dérision qui rappelle la honte et les malheurs de sa
préture. Voici comme il était rédigé : Le sénat consî-
*Des manuscrits ajoutent, Bicit, quiprimi sûaserint.
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45a m TERÏUEM ACT. Il, LIB. IV.
tum esse ita, « Quod iste virgis nenûn^ ceci-
disset»; a quo cognoscitis iK^iUssimos^homine»
atqueixmocentissimos securi e5sc percussos : «Qnod
vigilanter provinciam administra^set»; cujus om-
nés vigilias in stupris constat adulteriisque esse
consumtas. Hoc autem scriptum etiam , quod pro-
ferre non auderet reu% , accusator recîtare non
desmeret, « Quod prsedones procul ab insula Si-
cilia prohibuisset Verfes » ; qttos etiam intra Syra-
Qusanam insulam recepisSet. Qus posteaquam ex
illis cognovi , discessi cum fratre e curia, ut^ no-
bis absentibus , si quid vellent , décernèrent
LXV. Decernnnt statim : pnVnum , « Ut cum
L. fratre hospitium publice fiêfflt , » quod is eam-
dem voluntatem ei*ga Syracasanos suscepisse^,
quam ego semper habuissem. Id non modo tum
scripserunt , verum etiam in œre incisum nobis
tradiderunt. Valde bercle te Syracusa'ni tui , quos
crebro commemorare soles , diligunt ; qui cum
accusatore tuo salis justam causam conjongendae
necessitudinis putant, quod te accusataru$ sit, Kt
quod ad inquirendum in te venent. Postea àecer-
nitur, ac ndn varie « sed prope conjunctis sen-
teiitiis , « Ut laudatio , quae C. Verri décréta esaet ,
tolleretyr. »
At vero quum jam non solum discessip facta
. esset , sed etiam perscri^tum , atque in tabulas
relatum , praetor appellatur. At quis appellat ?
magistratus aliquis? nemo. Seuator? ne i4 qoidem.
Syracusanorum aliquis ? minime. Quis igitur prx-^
torem appellat ? qui qusBstor istius iiierat, Cssetius.
O rem ridiculam ! o desertum bominem ! o despe-
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SEC. ACTION CONTRJE VERRES, TV. 453
déraDirqne Verres n'a/aie battre personne de 'verges ;
^ vous savez qae des hommes distingués et innocents
ont été frappés de la hache : qu'il a administré la pro-
vince 0fec 'vigilance ; il e&t notoire qn'il n'a jamais
veillé qae pour la débauche et l'adultère. Ils avaient
ajouté un troîsièpie considérant, tel qne^.Vaccusé
n/oserait jamais le produire , et que Taccusateur ne
cesserait jamais de le répéter. Cétait qu'il avait ga-
ranti la, Sicile deS' incursions des pirates ; et , grâce à
lui , les pirates étaient entrés jusque dans File de Syra-
cuse. Après avoir^èBtenu ces renseignements, nous
sortîmes , afin que les sénateurs pussent délibérer.
LXV. Ils arrêtent ausAôt que les holftieurs de l'hos-
pitalité publique seront oâerts à mon frère * , parce
qu'il a montré aux Syracusaiùs la même bienveillance
dout j'ai toujours été animé pour eux. Non setilement
eet arrêté fut transcrit dans leurs registres, mais on
nous en remit une copie gravée sur l'airain. Il faut
ravonerj-yerrès, ils vous aiment tendrement , cev Sy-
raçusains dont vous nous parlez sans cesse. Un homme
se dispose à Vous accuser ; U vient recueillir des infor-
matiotis contre vous, et c'est un titre suffisant pour
qu'ils s'unissent à lui par les nœuds ^e la plus intime
amitié. On propose ensuite de rapporter l'arrêté pris
en faveur de Verres : il est rapporté sans aucun débiSit
et presque à l'ananimitç. « ^
La délibération , ét»it finie. Déjà la rédaction était
transcrite dans le pBocès-verbal. On en appelle au pré-
teur 79. Mais qui fotma cet appel? Un magistrat?
non. Un sénateur ? pas même un sénateur. Un Syra-
cusain? point du tout. Qui donc? 'un ancien questeur
de Verres , Gésétius *". O comble du ridicule ! et com-
* Cum L.fratre (^scil. patrueli). L. Cicéron, coa&in
de M. Tullius. Fof, la note i6.
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454 IN VERREM ACT. II, LIE. IV.
ratum ac relictum a magistratn Siculo ! Ne sena-
tusconftaltuum Siculi homines facere possent , wêb
suum jus sois moribus, suis legîbus obtinere pos-
sent , non arnicas istius, non hospes, non denîque
aliquis Sicnlus, sed qùsestor prsetorem appellat.
Quîs hoc Tidit ? aut quîs audivit ? Prœtor aequus
et sapiens dimitti jubet senatum. Concurrit ad
me maxima muUîtudo : primum senatores cla-
mare , eiîpi- sibi jus , eripi libertatem ; popuJus
senatum laudare, grati s agere; cives romani a me
nusquam discedere. Quo quidem die nihiL sgrius
factum est, multo labore n^o, quam ut manus ab
illo appellatore abstinerentur. Quum ad praetorem
in jus adis.«emus , excogîtat sane diligenter et
caute, quid décernât. Nam ante, quam yerbum
facerem , de sella surrexit , atque abiit. Itaque tum
de foro, quum jam advesperasceret, di&cessimus.
LXVI. Postridie mane ab eo postulo, ut Syra-
cusanis Hceret senatusconsultum , ijuod pndie
fecissent , mihi reddere. lUe enimvero negat ; et
ait indignum facinus esse, quod -ego in senatu
Graeco verba fecissem 5 quod qnidem apud Graecos
grsBce locutus essem , id ferri null» modo posse.
Bespondi homini,'ut potui, ut volui,ut debui.
Tum multa , tum etiam hoc me memini dicere ,
facile esse perspicuum , quantum inter hune , et
illum Numidicum, verum et germapum Metellum ,
interesset : illum . noluisse sua laudatione juvare
L. Lucullum, sororis vjrum, quicum optime con-
venisset; hune homini alienissimo a ciyitatibus
laudationes per vim et metum comparare.
Quod ubi intellexi , multura apud illum récentes
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, IV. 455
bien cet homme est délaissé, désespéré, abandonné
parles magistrats de la Sicile ! Qaoi ! pour empêcher
les Siciliens de prendre nn arrêté, d'nser de leurs
droits, conformément aux lois et anx usages du pays,
ce n'est ni nn hôte , ni un ami de Verres , ni même
un Sicilien; c'est son questeur qui forme nn appel au
préteur ! Qui jamais a rien vu, rien entendu de pareil?
Le sage, l'équitable préteur lève la séance. On se
réunit en foule autour de moi ; les sénateurs s'écrient
qu'on attente à leurs droits, qu'on viole leur liberté;
le peuple loue et remercie le sénat. Les citoyens ro-
mains ne me quittent pas. Il m'en coûta 1* plus grands
efforts pour sauver ce malheureux appelant, de la
fureur de la multitude. Nous nous présentons an
préteur *'. n ne vonlat pas prononcer légèrement;
car avant que j'epsse dit nn mot, il se leva et dispa-
rut. La Était approchait. Nous quittâmes le fomm.
LXVI. Le lendemain matin , je le somme d'autoriaer
les Syracusains à me remettre le aénatna-consnlte de
la veille. Il refose, et dit que je me suis étrangement
compromis en prenant la parole dans ni» sénat grec,
qu'avoir parlé grec à des GrecaiP^ ^^^ action impar-
donnable "'. Ma réponse fut telle que je pouvais, que
je voulais, que je devais la faire. J'observai entre
autres choses qu'il existait nnç grande différence
entre lui et le vainqueur de la Nnmidie. Ce vrai , ce
digne Métellus , lui dis-je , ne voulut pas appuyer par
nn éloge Lucullus , son beau-frère et son ami ; et vous,
par la violence et la menace , vous arrachez aux peu-
ples des certificats en faveur d'un homme qui vous
est entièrement étranger.
»
Dès que je vii l'impression qu'avaient faite sur lui,
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456 IN 'VERREM ACT. II, LIE. IV.
nuntioB , multum tabulas non commendatitias, sed
tribataria8*valuisse : admonitu ipsorum Syracusa-
norum impetum in eas tabulas facio , in quibus
singula persciipta erant. Ecce autem nota turba
atque rixa. Ne tamen istum omninp Syracusis sine
amicis, sine hospitibus, plane nudum esse ac de-
serttun putetis ; retinere cœpit tabulas Tkeomnas-
tus quidam, bomo ridicule insanus,quem Sjra-
cusani Theoractum vocant : qui' iUic 'ejusmodi
est, ut eum pueri sectentur; ut omneÉ, quum
loqui cœp#it , irrideant. Hujus tamen insania ,
quK ridicula est aliis, mihi tum molesta sane/uit :
liam quum spumas ageret în ore , ardèrent oculi ,
yoce maxima iflm me sibi.afferre clamaret, copu-
lati in jus peryenimus. •
Hic ego postulare cœpi, ut mibi tabulas oh^g-
nare ac deportare liceret lile contra dicere ; ne-
gare esse illud senatusconsultum , in quo praetor
appellatus esset ; negare id mihi tradi oportere.
Ego legem recitare , ^omnium mihi' tabularum et
litterarum fieri p^^tatem bportere. Contra ille
furiosus urgere, IBîl ad se nostras leges p^ti>
nere. Practor intelligens negare sijbi placer.|« qu'ôd
senatusconsultum ratum esse non deberet, id me
RonAim deportare. Quid nuiUa ?*nisi yehemeDtius
.homini minatus essém, nisi legum sanctiqnem
pœnamque recitassem , tabularum mihi potestas
£aicta non esset. Ille autem ifiisanus, qui pro isto
contra me Tebeméntissime declamasset , postquam
non impetrayit, credo, ut in gratiam mécum re-
dîret, lïbellum mihi det,in quo istius furta Syra-
cusana perscripta erant ; quœ ego auteà jam ab
illis cogttoram et acceperam.
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SEC. ACTION CONTRE TERRES, IT, 467
non pas les lettres de recommandation, maè les let-
tres de crédit qui Tenaient de lui être apportées ®', je-
suivis le conseil des SyiAcusains^ et je saisîâ| les regis-
tres oà tous les faits étaient consi^és. Mais voici ua
antre incident , et nne nouvelle (yierelle. Yous allez
sentir que Yerrès n'est pas sans amis et sans hôtes, qu'ily
n'est pas délaissé ni abandonné par tout le monde «à
Syracuse. Un certain Théomnaste essaie de retenir les
registres *^. C'est une espèce de fou ridicule , que les
Syracusains ont nommé Théoracfe. Les enfants cou-
rent après lui dans les rues : dès qu'il dit un mot, cha-
cun se met à rire. Sa folie, qui est amusante pour les
autres, fut ce jour-là très incommode pour moi. Il
écumait, ses yeux étinoelaient , il criait de toutes ses
forces que je lui faisais violence. Nous npns traînons
Fmn Tautre devant le préteur.
Là je demanda qu'il me soit permis de sceller et d'em-
porter les registres. Théomnaste soutient qne le séna-
tus-consnlte est nul , puisqu'on à formé un appel aa
préteur, et que par conséquent on ne doit pas me le
remettre. Je fais lecture de la loi qui met à ma dispo-
sition tons les registres et tontes les pièces. Il insiste
avec fureur , et dit que nos lois ne sont pas faites pour
lui. L'habile préteur déclare qu il ne consent pas que
j'emporte à Rome un sénatus-consulte qui n'a pas été
ratifié. Si je n'avais menacé dans les termes les plus
énergiques , si je n'avais donné lecture des peines pro-
noncées contre la désobéissance aux lois , les registres
ne m'auraient pas été livrés **. Notre fou, qui avait
crié avec tant de violence , voyant qu'il n'%vait rien
. gagné, me remit, sans doute pour se réconSi^ilier avec
moi , un état circonstancié ée tons les vols de Yerrès
à Syracuse , dont les sénateurs m'avaient déjà donné
une entière connaissance.
viir. 39
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419 m VEIUŒM ACT. H, UB. rv.
LXVII. Laiident te sane jam Mamertini , qai ex
tanta provincia «oli snnt, qui te salmm Telint : ita
tamen laudent, ut Heius, ^i ejus princeps lega*
ttonis est, adsit; itt laudent, ut ad ea, qu» rogati
ernnt, mihi parati sint respondere. Ac ne subito
a me opprimantur , haec sum rogaturus : Navem
populo romano ' debeantne ? fatebuntur^ Praebue-
rîntne , prœtore C. Verre ? negabunt. ^dificaye-
rintne nayem onerariam maximam publiée, qnam
Yerri dederunt? negare non poterunt. Frumen-
tumne ab bis sumserit Verres, quod popplo ro-
mano mitteret, sicuti superiores? negabunt. Quid
militum, aut nautarum per triennium dederint?
nullum datum dicent. Fuisse Messanam omnium
istius furtorum ac prsedarum receptricem, negaite
non poterunt. Permulta multis navibus illinc ex-
portata; banc nayem deniqne maximam a Mamer-
tinis datam, onustam cum isto prsitore profectam
fatebuntur.
Quamobrem tibi babe sane istam laudationem
Mamertinam ; Syracusanam quidem cWilalemL, ut
abs te affecta est, ita in te esse animatam yidemus ;
apud quos etiam Verrea illa flagitiosa sublata sunt.
Ëtenim minime couyeniebat, ei deorum bonores
baberi, qui simulacra deorum sustulisset. Etiam
meb#rcule illud in Syracusaniâ merito repreben-
deretuT, si, quum diem festum ludorum de fastis
suis sustnlisftent celeberrimum et sanctis»mum,
quod eo ipso die Syracusae a Marcello capt» esse
' Gœrenz. ad Cic. Academ,, II, $9, co/iy. debeanl,
uecue? Frustra.
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SEC. ACTION CONTRE VERRES, IV. 459
LXVIÏ. Que maintenant les Mamertins vous louent ,
|>nisqaè senU, dans une si grande proTÎnoe, ils s'inté-
ressent à votre sort; mais que Héius , chef de leur dé-
pntatioh , soit ici * : qu'ils vous louent , mais qu'ils se
tiennent prêts à répondre aux questions que je leur
adresserai : je ne veux pas les surprendre ; je les pré-
viens que je leur demanderai s'ils doivent un vaisseau
de guerre an peuple romain ^'^ : ils en conviendront.
— S'ils l'ont fourni durant la préture de Verres : la
réponse sera négative. — S'ils ont construit un grand
vaisseau de transport qu'ils ont donné à Verres : ils ne
pourront le nier. — Si Verres a tiré de chez eux le hlé
qu'il devait envoyer à Rome , à Texemple de ses pré-
décesseurs : ils dirent que non. Je leur demanderai
combien ils ont fourni de soldats et de matelots : ils
répondront qu'ils n'en ont pas fourni un seul. Os ne
pourront disconvenir que Messine n'ait été le dépôt de
ses vols et de ses brigandages. Ils avoueront que beau-
coup d'effets précieux sont sortis de lears ports ; qu'en-
fin ce grand vaisseau donné par les Mamertins , est
parti avec Ifi préteur , chargé de richesses.
Ainsi je vous laisse cet éloge des Mamertins. Quant
aux Syracusains , nous voyons que leurs sentiments
répondent aux traitements qu'ils ont reçus de vous. Ils
ont même aboli ces fêtes impies instituées sous votre
nom. Convenait-il en e£fet que les honneurs des dieux
fussent rendus au ravisseur de tous les dieux ? Certes
les Syracusains mériteraient les plus sévères reproches
si, après avoir effacé de leurs fastes une fête et des
jeux solennels , parce que ce jour-là Syracuse avait été
prise par Marcellus, ils célébraient une fête en l'hon-
* Fe^» plus haut, chap. a. — ** /« rerr., V, 19; snr
le vaissean de transport , nommé Cybée , V, 1 7 ; sur les
Ferréennes, ou fêtes de Verres à Syracnse, II , ai.
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46o IN VERREM ACT. II, LIB. FV.
dicunfUr, iidem diem festum Yerris nomîne âge-
rent, quum iste Syracusanis , quae iUe calamitosus
dies reliquerit , ademisset. At videte hominis im-
pudentiam atque arrogantiaiii , judices , qui non
solum Verrea hsc turpia ac ridicula ex Heraclii
pecimia constituent , verum etiam Marcellea tolli
imperarit, ut ei sacra facerent quotaunts, cujus
opéra omnium annorum sacra deosque patrios
amiserant; ejus autem £amilis dies^festos tolle-
rent , per quam ceteros quoque festos dies reçu-
perarant.
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. ' SEC. ACTION CONTRE "VERRES, IV. 461
nenr de Ter i es , qui a déponillé Syracuse de tout ce que
ce jour fatal ne lai a pas rayi. Et remarquez , citoyens ,
Timpadence et Tixisolente présomption du personnage :
non content d'avoir fondé avec Fargent d'Héraclias ces
Verréennes honteuses et ridicules, il commande que
les fêtes de Marcellfis soient abolies. Il voulait que ces
peuples honorassent, par un culte sacré , un homme
qui leur avait ravi leurs fêtes antiques et leurs dieux
paternels, et qu'ils supprimassent les solennités con-
«acré^ à la gloire d'une famille à laquelle ils devaient
le rétablissement de tontes les autres fêtes.
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NOTES ■■■
SUR
LA SECONDE ACTION
CONT&E VERKÈS.
LIVRE QUATRIÈICS.
r. *— I. Jjis Grecs et les Romains recherchaient arec
passion ces sortes d'ouvrages. Ils pensaient que cet ai-
rain était on mélange de tous les métaux précieux , mis
eu fusion dans l'iacendie de Corinthe. Mais l'expérience
a démontré Tabsurdité de cette opinion. Quelle que soit
la yiolence d*un incendie , les statues d'or et d'airain ne
se fondront pas ; et les petites parties qui se trouveraient
mises, en fuûon , ne se mélaraWyt pas au point de former
un nouveau métal. Pline, XXlnV, a , se moque de l'igno-
rance des prétendus connaisseurs de son temps. Pour les
confondre, d'it41, il suffira de rappeler que Corinthe
fut prise la troisième année de la cent cinquante-huitième
olympiade, l'an 608 de Rome. Or ces fameux artistes,
aux ouvrages desquels ils donnent le nom de Corinthiens ^
avaient cessé de vivre plus d'un siècle avant cette épo-
que. Corinthus capta est olympiadis CL FI II amno tertio,
nostrœ Urbis DCFÏII : quum ante sœcula fietores nobiles
esse desissent, quorum ista omnia signa hodie Corinthia
appellant.
a. — II. L'orateur s'arrête à ces détails, pour don-
ner une idée avantageuse de Héius , et intéresser les ju-
ges en sa faveur , quand il leur montrera avec quelle
indignité le préteur l'a dépouillé.
3. — Ibid. Chaque famille et même chaque individu
avait ses dieux auxquels on élevait des autels dans l'in-
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NOTES. 463
térteqr des maUoiis. Ce culte et ces dieux se trani^et-
taient et faisaient partie de rhiritage.
4. — II. Cic^rôa ne vent point paraiitto connai«s^.
Les Grecs avaieiù cultivé et perfectiooné les beaux-arts :
les BomaîAs les ignorèrent toifs' jusque TCrsle temps de
Scipion rAlTricain. Qnoi^e le luxe et le goAt des %rts
eusseiit ^à fait de grands prûgrèk à Borne du têjjiips die
Cicéron , le^ citoyens qui youliuent se éoncilier les suf-
frages du peuple, alTectaient encore le lâéprjs du luxe ,
le goût de la simplicité , et un grand respect pbur les
monirs anciennes. — Sur le Cufidon de Praxitèle, les
Canépkores de Polyclète , et les antres objets d'art en-
levés aux Siciliens , voyex la Galerie de Ferrés y disser-
tation de Vabbé Fraguier, tome YI des Mémoires de
rAcadémie des Inscriptions.
5. — III. Aux fêtes d'Eleusis, de jeunes Athéniennes
portaient sur leur tête des corbeilles mystérieuses qui
étaient l'objet de la vénération publique ; on y renfer-
mait les symboles sacrés dont l'inspection ^tait interdite
an public.
6. — Ibid. Les édiles cnrules , institués l'an de Rome
388 , avaient spécialement rintcndance des jeux de Ce-
rhê , des jeux flc>ranx et des grands jeux ou jeux ro-
mains. La célébration s'en faisait à leurs frais. Gomme
les jeux étaient toujours précédés d'une procession so-
lennelle oà l'on portait en pompe les images et les sta-
tues des dieux, les édiles étaient chargés de tenir' les
rues et les places , par ou le cortège devait. passer , ri-
chement ornées de tapis , d'étoffes précieuses , de ta<-
bleaux, de statues. Dans ces occasions , ils avaient re-
cours à leurs amis , et même aux provinces où ils avaient
quelque crédit. Ils devaient aussi fournir les chars et les
chevaux pour les courses, les gladiateurs, et les prix
décernés aux vainqueurs. C'était par la pompe de ces
jeux, et par l'éclat de leur édilité, qu'ils espéraient se
frayer un chemin à la prétnre et an consulat. Le peuple
donnait volontiers ses sufl^ges à ceux qui l'avaient
amusé par de magnifiques spectacles ; et plusieurs pro-
diguèrent un immense patrimoine pour acquérir le droit
d'ép^^r les provinces. Cicéron, Ferrine Y, cbap. 14»
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464 NOT3KS.
décrit les fonctions des édiles et les distinctions hono*
râbles qui leur étaient accordées.
7. — m. Par le niot basilicas, Cicéron désigne les
magnifiques édifices qni entouraient le forum; et les por-
tiques sous lesquels les centumyirs rendaient la justice.
Gé n*est que dans la basse latiftité qu'on a donné le nom
de basiliques aux édifices religieux.
8. — IV. L'orateur reproche ici à Verres son com-
merce honteux a-vec Chélidon. Cette courtisane , dont il
9êt souvent question dans les terrines , avait reçu da
préteur le Cupidon enlevé à Héins. En mourant, elle le
lui laissa par son testament.
9. — Ihid. Le préteur a-t-il pu acheter ? Héins a-t-il
voulu prendre ? c'est à quoi se réduit toute la question.
Il faut remarquer ici une sorte d'argumentation très
adroite et très pressante que Cicéron a souvent enudojée.
Il démontre que Verres n'a pour lui ni le droit ni le fait.
Quand même il aurait acheté , il serait très coupable ,
puisque la loi lui défendait expressément de rien acqué-
rir dans sa province. D'un autre côté, Héius n'était pa»
dans le besoin ; ses affaires étaient dans l'état le plus
florissant , et la modicité de la somme que lui a payée
Verres , ne pouvait déterminer un homAe tel que lui
à céder de si beaux .ouvrages, d^^ statues qui étaient
l'objet de son culte , et qu'il avait reçues de la piété de
ses ancêtres : c'est donc la violence et l'abus du pouvoir
qui en ont dépouillé le propriétaire.
10. •*- V. Auguste assigna le premier des appointe-
ments aux proconsuls. Dans l'ancimine république , on
ne leur en donnait point ; mais l'état fournissait abon-
damment aux dépenses et à l'entretien de leur maison.
A défaut de traitement , le pcMivoir sans bornes dont ils
jouissaient, la perception et la répartition des impôts ^
les emplois multipliés dont ils avaient la disposition,
étaient pour eux la source de fortunes immenses. Noua
voyons dans Cicéron (m Pisonem, c. 35) que Pison,
envoyé proconsul en Macédoine , avait reçu pour son
équipage dix-huit millions.de sesterces ( 4,5oo,000 fr. ).
XI. — Ibid. On lit dans Athénée, Liv. II, que Sci-
pion Émilien ne voulut pas user du bénéfice de ce||p loi.
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NOTES. 4«5
Xorsqu'il se rendit en Afrique pour y régler la siicces"
sioQ de Masinissa , un des cinq esclaves qQ*il menait avec
lui vint à mourir : il écrivit à Rome pour qu'on en ache-
tât, et qu'on lui en fit passer un autre.
la. — ' y III. Ce mot vient du grec xt/Coc, qui vent
dire cube. On avait probablement donné ce nom au
vaisseau dont il s'agit ici , parce qu'il était extrêmement
large.
i3. '— IX. Outre la dimad prélevée an profit du peuple
romain sur la plus grande partie des terres, la republi-.
que achetait 800,000 boisseaux de blé , qui étaient ré-
partis sur toutes les villes sans exception. Messine devait
en fournir 60,000. Le boisseau ( modius) contenait vingt
livres romaines ( treize livres quatre onces quatre gros) ,
un peu plus de six kilogrammes.
14. — X. C'est un grand exemple' de sévérité qu'un
jbomme de cette, importance ait été condamné pour un
objet aussi modique; mais il avait été vaincu honteuse-
ment par les Scordisques , sur les bords du Banube. Il
se peut que sa mauvaise conduite dans la guerre , et sa
défaite , aient été le véritable motif du jugement pro-
noncé contre lui. Voici la réflexion de Velléius Patér-
«ulus ( II ,.8 ) au sujet de cette condamnation : Aefeo illi
'viri magis njolwUatem peccandi mtuebantur , quant mo"
dutn , factaque ad corisiliutn dirigebant , et qmd, non in
quantum admissum foret , aestimabant,
i5. — Ibid, M arcellus avait été le vainqueur et le père
des Siciliens. Des fêtes et des jeux publics furent insti-
tués en son honneur par la reconnaissance des peuples.
Verres les abolit pour y substituer des fêtes en son nom.
On voit dans la seconde Ferrine, c. 21 , qu'il avait pris
jBoin d'assurer les fonds nécessaires pour en perpétuer la
durée. Mais elles furent abolies aussitôt que Verres eut
quitté la province.
16. — XI. Cicéron n'avait quW frère, Quintus Ci-
céron. Lncius était fils 4® Lncius Cicéron , oncle pater-
nel de l'orateur. Mais chez les Romains on appelait
frères les enfants des frères. Frater nos ter, cognatione
patruelis, amore germanusT (De finibus, V, i.) Lucius
fîtait homm^de lettres et fort attaché à son cousin. On
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4<>6 NOTES.
peut Toir daus les Lettres a Atticus, I» 5, comEien Cî-
céron l'estimait, et quels regrets lai causa la perte de
ce parent.
17. — XI. Le peuple ne nommait pas les sénateurs,
mais il accordait les magistratnres , et ces magistratures
donnaient entrée au s^aat.
z8. — XH. C'étaient des tapis à grands personnages
en laine et en or. Les premiers avaient été faits pour
Attale, roi de Pergame, <{ni en fnt l'inTenteor. (Plin. ,
VIII, 48.)
19. — Ibid. On ne sait pas positivement ce que le»
iLomains entendaient par le mot pkalerœ. Il est certain
que ce n'était pas seulement un ornement pour les che>
vaux. Tite Live, IX, 46 « dit : Tantum FUvU conùtU
indignitatis hahuerunt, ut plerique nobiUum an/udos au-
reos et phalems deponereiit^ Il est probable que c'étaient
des plaques d'or ou d'argent qui pendaient sur la poi-
trine ; c'est ce que semblent mdiqaer ces vers de SiHm
ftalicus, XV > a55 ;
Phaîeris hic pectorafulget ;
H>e torque aurato circumdat beilica colla.
20. — XI II. Cicéron n'affirme point le fait. Il en étak
pourtant instruit; mais il ne voulait point paraître s'être
trop iaformé de la conduite de deux misérables, tels que
ces deux frères.
2c. — Ibid. Souvent des hommes qui étaient appelés
dans une province par des affaires personnelles, obte-
naient une légation qui les attachait an proconsul. Il
parait que Verres voidant en oMenir une, pour suivre
DolabeUa en Asie, avait allégué le recouvrement d'obli-
gations qui étaient sans valeur, parce que déjà elles avaient
été acquittées. '
22. — XIV. Le signe numéral parait altéré. Deux
cents sesterces ( 45 fr. ) demandés par les agents de Ver-
res , cent sestercci» ( !ia fr. 5o c.) promis par Pamphile,
sont nne somme trop modique , quand il s'agit de coupes
dont on nous donne une si grande idée. Quelques criti-
ques ont proposé sestertùmi dueenta millia deux cent
mille sesterces ( 45,000 fir. ) ; mais alors la somme de-
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NOTES, 46,
viendrait exorbitante. Quelle aurait donc été la valeur
.de ces coupes ? On lit dans plnûeurs éditions anciennes :
H-S CI3 me, inquU, dixi daturum. Mille sesterces font
jdeux cent vingt-cinq francs. Ce qui donne un sens très
raisonnable; mais la correction est bien hardie, il fau-
drait effacer plusieurs mots et changer la forme de la
phrase.
23. — XV. Il y a dans le texte : Quumjam pro mortuo
esset. Verres ne pouvait être condamné qu'au bannisse-
ment ; mais cette peine emportait la mort civile. On lit
au même endroit, comperendinatus , remis au surlende-
main. Lorsque les deux parties avaient plaidé , les juges
les renvoyaient à trois jours. L'accusateur et Taccusc
parlaient une seconde fois. L'arr^ne pouvait se rendre,
si la cause n'avait pas été remise^lette loi avait été por-
tée { afin que les accusés ne fussent pas les victimes de
la précipitation des juges.
24. — XVI. Les riches faisaient venir des bouffons
pour les amuser pendant leurs repas ; ils leur donnaient
en paiement quelques pièces de vaisselle. Mais , afin de
ne point paraître dissipateur et prodigue , on avait soin ,
en écrivant cet article sur le livre des dépenses, de l'es-
timer au-dessous de sa valeur.
25. — XVII. Les anciens entendaient par le mot citre,.
un arbre de l'espèce du cèdre ou du cyprès , qui croissait
dans la Mauritanie vers le mont Atlas. Le bois était
veiné, très dur, et presque indestructible. Pline, XIII ,
i5, explique assez en détail quelles sont les beautés et
les défauts des veines de ce bois. Théophraste, qui écri-
vait vers l'an 44o de Rome, avait fait une mention ho-
norable du citre. H avsuit parlé de temples anciens , dont
la charpeute et les toits , formés de ce bois , s'étaient
maintenus depuis des siècles sans aucune altération. Mais
il n'avait pas dit un mot des tables de citre. On n'en cite
aucune avant le temps de Cicéron. Ces tables étaient
rondes , et portées par un seul pied d'ivoire , qui repré-
sentait quelque animal., une panthère, un lion, etc. Ju-
vénal, XI, 120. C'était un des objets de luxe les plus
coûteux. Martial , XIV, 89 , nous le fait couxiaître par
#es deux vers :
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468 NOTES.
Accipe felicjss , Atlantic a munera, s il vas s
Aurea qui dederit dona , minora dabil.
Ciceron en possédait une q«'il arait paye© un million
de sesterces (2a5,oob fr.). Pline cite entre autres une table*
héréditaire dans la famille des Céthégus, qui avait coûté
quatorze cent mille sesterces (35o,ooo fr.). Il parait que
cet objet de luxe prit faveur , parce que les llomains
furent long-temps sans connaître l'usage des nappes.
26. XVII. On appelait emblemata les ornements
qu'où ajoutait aux vases, aux lambris, aux colonnes, et
qui pouvaient s*en détacher. Celaient des figures , des
festons , des guirlandes , des- bas - reliefs en or et en ar-
gent.
27. XV [II. TiUriclès, Corinthien, acquît une
grande renommée par ses ouvrages travaillés au tour.
Pline , XVI , 40 , dit qu'il employait surtout le bois de
térébinthe. Il trouva le secret d'appliquer sur les vases
un vernis admirable. On imita sa mauière j ses vases et
tous ceux qui étaient faits dans le- même goût, de quel-
que matière qu'ils fussent , et quel qu'^a fût l'auteur ,
étaient nommés ThéricUes.
a8. XIX. Quand on voulait accuser, il fallait
d'abord se présenter au préteur , et obtenir son autori-
sation pour citer tel ou tel citoyen dont on lui doooait
le nom. Les lois ne permettaient pas à un accusateur de
profiter de Tabsence d'un homme pour le poursuivre
devant les tribunaux. Dans la troisième année de sa pré-
ture Verres jugea et condamna Sthénius absent, et sans
qu'il eût pu répondre à ses accusateurs. C'est qu'alors il
était assez riche , et qu'il croyait p'avoir plus rien à mé-
nager et pouvoir tout faire avec impunité. On voit tout
le détail de cette affaire , in Verr., Il , 34.
20. — XX. Souvent les candidats , pour 'se rendre la
multitude favorable , répandaient quelque argent parmi
le peuple. Mais il ne fallait pas que cet argent fût donné
par eux-mêmes , ni dans leur maison. S'ils étaient con-
vaincus de l'avoir fait , leur nomination était annulée.
Des hommes connus dans les diverses tribus se char-
geaient du détail des distributions. On les nommait rfi-
visores, distributeurs.
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NOTES. 46t>
3o. -^ XX. Lorsqu'un magistrat avait été nommé»
«hacun de ses compétiteurs pouvait attaquer l'élection,
et s'il parvenait à prouver que le citoyen élu était cou-
pable de brigue, l'élection était annulée, et l'accusateur
«tait suHstltué à celui qu'il avait fait condamner. Voilà
pourquoi Verres , qui n'avsnt fait dilstribuer au peuple
que 80,000 sesterces , en donne 3oo,ooo à celui qui se
disposait à l'accuser.
3i. — XXI. Le mot thuribulum dont se sert Cièéron
signifie cassolette à brûler di l'encens. On ignore quelle
était la forme de ces cassolettes , mais il paraît certain
que les anciens n'ont point connu nos encensoirs.
32. «— XXII. Le texte porte : Qui nunc apud exerci-
tum cum Lucullo est. Il faut distinguer en latin esse in
exercitu, et esse apud exercitum. Le premier se disait
d'un bomme qui servait dans l'armée comme militaire ,
e/ l'autre de celui qui s'y trouvait sans fonction militaire.
33. — Ibid. Acroama, employé dans le texte, signifie
également un récit plaisant et l'homme qui le fait. 11
désigne ici un ^de ces bouffons qu'on appelait dans les
repas pour l'amusement. des convives.
34. — XXllI. Il y a dans le texte : Crustûs aut emble-
mata detrahuntur. Il faut entendre par crustas de petites
figures en or et en argent, qu'on incrustait dans les
vases « et par emblemata celles qu'on y adaptait exté-
rieurement, de maâière qu'on les détachait à volonté.
35. — XXIV. La tunique était une espèce d'habille-
ment plus court et moins ample que la toge. Elle des-
cendait aux genoux. Il n'y avait que les femmes et les
hommes efféminés qui portassent une tunique pendante
jusqu'aux talons. Ceux qui n'avaient pas le moyen d'a-
voir une toge, ne porUient que la tunique. Horace,
Epist., I, 7, 64 :
Vuîteium mane, Philippus,
f^ilia vendentem tunicato scruta popello.
Occupât.
Mais un homme de quelque distinction n'aurait osé pa-
raître sans toge. Aussi l'oratenr reproche avec raison au
magistrat l'indécence de son vêtement.
La co|ileur bruàe était affectée au petit peuple , parce
VIII. 40
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;no NOTES.
qu'elle entraiuait moins de dépense. Tous les autres ci-
toyens portaient la tunique et la toge blanches.
On nommait palUum un aanteau assez semi>labl« vkx.
nôtres , mais un peu plus long. C'était un habiUcment
propre aux Grecs. Les "Romains se seraient crdi désho-
norés en portant l'habit des autres nations. On avait fait
un crime à Scipion l'Africain de s'être montré en Sicile
vêtu à la manière des Grecs. Cependant il ne l'avait fait
que pour plaire aux Siciliens , et les attacher encore
plus à la république. •
35. XXV. O tempora ! o mores / Cette exclamation
se trouve aussi dans la première Catilinaire. Elle est de-
venue banale. Tout le monde a voulu l'employer.
3 .y. — Jbid. L. Calpurnius Pison , tribun Van de
Rome 604 , porta une loi contre les concussionnaires.
C'est la première sur cet objet qu'on trouve da'ns la juris-
prudence de la république. Elle donna aux habitants ^es
provinces le droit d'accuser à Rome tous les nmgistrats
qui s'étaient permis des concussions. Pison «vait été tué
en Espagne l'an de Rome 642, c'est-à-dire 41 ans avant
le procès de Verres. Ainsi quelques uns des juges avaient
pu le connaître. Il fut surnommé Frugi, l'honnête hoomie.
Ce mot vient àefrux^f rugis :\\ est au datif parce que le
mot natïis est sous-entendu. Les Romains ne connais-
saient que deux occupations, la guerre et T agriculture.
Un père de famille économe , et qui fait valoir lui-même
son bien , est rarement un homme lifté au désordre et
aux passion». C'est ainsi que , par analogie , le moi frugi
a été employé pour signifier un honnête homme.
38. — XXVI. On roulait les lettres de manière qu'elles
étaient liées par im fil , sur lequel on appliquait de la
cire , ou de la craie délayée , x>our imprimer un cachet
comme nous le faisons pour les nôtres.
39. — Ibid. C'était surtout dans cette partie de l'ameu-
blement que le luxe étalait 6a magnificence. Les'tapis qui
couvraient les lit» étaient teints en pourpre , brochés en
or, avec des fleurs et des feuillages de toutes couleurs.
Les pieds et le bois, souvent précieux par lui-même,
étaient ornés d*écaille, d'ivoire, de lames d'or et d'ar-
gent , quelquefois même de perle* et de pierreries.
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' NOTES. 471
40. — XXVII. Le crime dont Verres s'est rendu cou-
pable, en dépouillant le roi Àatiochus , surpasse tous
ses autres délits , soit que Ton considère le prix de l'ob-
jet , ou sa destination , ou le rang de la personne offen-
sée. Aussi l'orateur a-t-il soin de préparer les esprits
par une espèce d'exorde : 'cette vexation du préteur a
tout à la fois attaqué le peuple romain et ses alliés, les
hommes et les dieux. Ce n'est plus un crime seulement ,
ce sont tous les crimes réunis en un seul.
41 • — Ibid. L'orateur commence sa narration par le
Toyage d'Antiochus. Ce début est naturel : il fallait bien
rappeler aux juges à quelle occasion ce roi de Syrie
s'était rencontré à Syracuse; mais il ne touche de ce
Toyage que les circonstances que la clarté du récit exige ,
et qui peuvent intéresser en faveur de ce jeune prince.
Séléné, sœur de Ptolémée Physcon, avait épousé An-
tiochus , roi de Syrie. Ptolémée étant mort sans enfants ,
Ptolémée Lathyre hii succéda , et ne laissa qu'une fille
qui fut reconnue pour reine. Mais le dictateur Sylla
nomma roi d'Egypte Alexandre > neveu de Lathyre. Sa
conduite le rendit odieux aux Égyptiens. Les troubles
survenus dans le pays donnèrent à Séléné l'idée de pré-
tendre à la couronne. Ses deux fils , Antiochus et Sé-
leucus , vinrent à Rome pour solliciter le sénat et en ob-
tenir quelques secours; mais les circonstances n'étaient
pas heureuses. Rome avait alors deux ennemis redou-
tables à combattre, Sertorius en Espsigne , et Mitliridate
en Asie. Les jeunes princes n'obtinrent que des pro-
messes qu*Qn ne put exécuter. Ils repartirent pour leurs
étals , après deux aus de séjour à Rome.
42. — Jbid. Rien de mieux peint que le manège
de l'avare préteur pour surprendre la confiance d'An-
tiochus. D'un côté on voit la manœuvre d'un fourbe rusé
et consommé dans l'art de tromper; de l'autre, les pro-
cédés hoBnétes et simples d'un jeune prince , qui joint
à là candeur de son âge la noble franchise d'un roi , et
cette hauteur d'âme qui ne connaît pas la défiance. Peut-
on conter d'une manière plus agréable les messages réi-
térés de la part d'A&tiochus , qui veut ravoir son bien ,
et les défaites étemelles de Verres , qui n'avait jamais
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/,72 NOTES.
assex vu le candélabre ? Cette narration plaît snrtotif
par une certaine légèreté de style , par ce ton facUe et
naïf qui semble l'expression de la vérité : c'est le triomphe*
de l'art qui se cache lui-même.
43. — XXVHI. Ce temple était. consacré particuliè-
rement à Jupiter. Mais il y avait trois chapelles ou sanc-
tuaires , dont le premier était dédié à Jupiter , le second
à Junon , et le troisième à Minerve. Dans le système re-
ligieux des Romains , Jupiter était le dieu suprême ;
c'était le seul qu'on regardât comme le maître du ton-
nerre , le seul qu'on nommât deus optimus maximusj le
dieu très bon, très grand. Quem propter bénéficia popu-
lus romanus optimum , propter ^im, maximum nominaidt.
(Pro dom., c. 47.) Ils avaient mis avec raison la bonté
avant la pubsance. Il est Naturel que ce qui rapproche
le plus Dieu de nos pensées , ce soit sa bonté , parce que
c'est elle qui le rapproche le plus de nos b^oins. Il était
défendu à tout citoyen de prendre ce titre. Ce ne fut
que dans la suite des temps que la flatterie , pour qui
rien n'est sacré , osa le prodiguer aux empereurs.
44* — XXIX. Ici le style devient plus grave , pour
mieux faire sentir Vimpndence de Verres; et la dernière
partie de la narration est pleine de force et df énergie ,.
lorsqu'elle présente Antiochus au milieu du forum , dé-
nonçant l'attentat du préteur, prononçant à haute voix
la consécration du candélabre , et prenant à témoin de
ses serments le die« auquel il l'avait destiné.
On lit dans le texte, dare , donare , dicare, eonsecrare:
les trois premiers mots étaient les termes dont on se ser-
vait pour offrir une chose aux dieux. On trouve sur d'an-
ciennes médailles trois D. Ils signifient, dédit, donavit,
dicavit. Antiochus ajoute eonsecrare. S'il y avait eu d'au-
tres mots , il ne les aurait pas oubliés , afin de rendre la
consécration plus formelle.
45. — XXX. Après une exposition vive et pathétique,
qui déjà excite une juste indignation contre Verres, Ci-
céron achève de soulever les esprits en développant les
principales circonstances du fait , et en les présentant de
manière à montrer tout ce qu'il renferme de plus odieux
et de plus atroce. C'est ce qu'on appelle amplification.
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^ NOTES. 473
D'abord l'orateur , pénétré lui-même des seotiments qu'il
Teut faire passer dans l'âme de ses auditeurs, désespère
d'avoir assez de force pour égaler la plainte à l'outrage.
La dignité de la personne, celle deft rois ses aïeux, leur
alliance ancienne et constante avec le peuple, romain ,
sont autant de circonstances qui aggravent l'outrage fait
à Antiochus. La réputation du peuple romain lui-même
s'y trouve compromise : ce crime seul suffit pour le dés-
honorer aux yeux des nations étrangères. Il fait sentir
aux juges les suites funestes d'un tel sacrilège, s'il restait
impuni.
46. — XXXI. Ce beau candélabre dont Verres s'est em-
paré,.était destiné à Jupiter; il devait être placé dans le
Capitole. Catulus avait été chargé de présider à la recon-
struction de ce temple. Il en avait fait la dédicace ; et
précisément ce Catulus était un des juges de Terres.
Cicéron .profite de cette heureuse occasion. Il l'apostro-
phe du ton le plus noble et le plus énergique : Le temple
dont je parle , dit-il , est votre monument ; sa gloire est
la vôtre, etc. De quel œil Catulus doit-il voir Verres
frustrer oe temple d'un de ses plus riches ornements ?
Sin^>le citoyen , il aurait un intérêt personnel à l'accuser
et à le poursuivre; mais aujourd'hui qu'il est juge, avec
quelle sévérité doit -il en faire justice à lui-même, au
peuple romain , et à Jupiter?
47. — XXXIII. L'orateur annonce Ségeste comme
une ville qu'une origine commune avec celle de Rome
même aurait rendue chère et respectable à tout antre
Romain que Verres. De l'éloge de la ville , il passe à
celui de la statue. La beauté du travail , la vénération
des -peuples , l'admiration et les hommages des ennemi»
mêmes, tout la rendait recommandable. Aussi le vain-
queur de Cartbage regarda-t-il comme un des plus doux
fruits de sa victoire, l'honneur de la restituer aux Séges-
tains. La piété et la générosité de Scipion n'en font que
mieux sentir l'audace et le crime de Verres.
4S. ^ Ibid. Nous voyons, in Ferr., II, 35, pour-
quoi ces statues furent portées chez les Thermilains :
Himera deleta, quos cwes belli calamitas reliquôs fecerat,
ii sese Themùs coUocarant^ in ejuêdem agrifiiibus, nec
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4:4 NOTES.
longe ab opfido anùquo. Ainsi les Thermitains étaient
les descendants et les héritiers des anciens habitanfs
d'Himère.
49. — XXXIV. deéron revient à son sujet après nne
courte digression , qu'il ne s'est permise que pour mon-'
trer , par le fait qu'il a raconté , combien ces monuments
rendus aux alliés contribuaient à ta gloire du nom ro-
main , et lé rendaient cher et respectable aux nations.
50. -^ Tbid. Le mot stola , qui est dans le latin , dé-
signe rhabillement des femmes. II différait de celui des
hommes en ce qu'il était plus ample et plus long : il des-
cendait jusqu'aux talons ; de plus , il avait des manches
qui tombaient au-dessous du coude. Les hommes n'en
^rtaient pas.
5i. — Jbiâ. La fureur avec laquelle Verres se pas-
sionna pour cette statue est peinte d'un seul trait et par
une allusion très lieureuse. Diane était représentée tenant
im flambeau à la main, et l'on sait qae l'opinion popu-
laire lui attribuait , sous le nom de lune , le pouvoir de
rendre fous ceux qu'elle touchait dans sa colère.
5a. — Ibid. 11 y a dans cet endroit une adresse d'ex-
pression à remarquer. Cicéron né dit pas directement
que les Ségestains livrèrent leur déesse, il prend un dé-
tour et leur sauve l'odieux de la chose : Itaque alèfuando,
mulùs malis, magnoque metu ^icti Segeslani, preetoris
imperio parendum esse decreverunt.
53. — XXXV. Plusieurs se rappelaient encore ce jour.
Carthage avait été prise l'an 609 de Rome. Verres avait
été préteur l'an 678. Il pouvait se trouver quelques vieil-
lards qui dans leur enfance avaient vu ce jour si heu-
reux pour Ségeste. Un pareil événement se grave dans
la mémoire et ne s'efface pas.
54. — XXXVI. Scipion, dont il s'agit ici, est Mé-
tellus Scipion , qui dans la suite devint consul et cen-
seur. La célèbre Comélie, sa fille, épousa Pompée.
Après la bataille de Pharsale , il alla joindre Varus et
Juba en Afrique , et se tua pour ne pas survivre à la dé-
faite de sou armée à Thapsus.
55. — Ibid. Il y a dans le texte t qui non obtrusit aliqua
ex parte monumenta P. Sdpionis ,sed/unditus sustuUt ae
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NOTES. 475
iielevit. Ce verbe obtrusit a beaaconp occupé les com- '
mentateurs. Ils se sont tourmentés pour y, substituer un
autre mot; mais ils n'out rien offert de satisfaisant. Il
n'y a cependant auéline espèce de difficulté dans la
phrase , si l'on veut y reconnaître une hypallage , c'est-
à-dire une transposition , un renversement de construc-
tion. On traduira alors comme s'il y avait : qui non ob-
trusit nomen alienum monumentis Scipionis. Alors obtru-
dere sera dans sa signification propre. Il veut dire, pousser
avec violence, faire entrer de force. L'emploi de ce trope
ou de cet idiotisnie n'est pas rare chez les auteurs latins.
Cicéron a dit : Gladium ,ajagina njacuum in urbe non a^i-
dimus. Pro Marc, c. 6. — Virgile, ^n., viii, 542;
Hercideis sopitas ignilfus aras Excitât.
56. — XL. L'orateur s'arrête ; il appuie sur les cir-
constanceA ^u'il a déjà présentées. Il prolonge en quelque
sorte la durée de ce Supplice, pour donner aux audi-
teurs le temps de connaître et de sentir toute la cruauté .
de Verres.
57., — ^ XLIII. Cicéron s'est permis sur le nom Verres
beaucoup trop de mauvaises plaisanteries. Celle-ci est
lieureuse , et ne peut que plaire à l'esprit par la justesse
de l'application.
58. — XLVII. L'orateur va rapporter un fait très im*
portant ; il veut préparer d'avance l'esprit des auditeurs ;
il excite leur attention par ce court préambule. Il com-
mence par nous faire connaître le respect que de tout
temps on eut en Sicile pour Cérès et Proserpine. C'était
en Sicile que ces déesses avaient pris naissance , et Pro-
serpine était dans les bois d'Enna lorsqu'elle fut enlevée
par Pluton. Rien de plus riant et de plus gracieux que la
description qu'il fait d'Enna et de la prairie qui eu est
voisine. Le seul aspect des lieux rendait vraisemblable
ce que la fable pablie de l'enlèvement de la jeune déesse.
Cette description semble placée ici pour faire diversion
et délasser les^ juges dont l'imagination est fatiguée par
le récit de tant d'hori[>eurs.
5g. — XLÏX. Les fêtes Éleusines étaient les plus
fameuses de la Grèce. On les célébrait régulièrement tous
les cinq ans. Cérès elle-même en avait réglé les cérémo-
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4;6 NOTES.
nies , lorsque parcourant la terre sur les traces de Pro^
serpine enlevée par Pluton , elle fut arrivée à Eleusis ,
petite ville de l'Attique , à trois lieues d'Athènes. Flattée
de l'accueil (px'elle reçut des habitaots, elle leur accorda
deux bienfaits signalés, l'art de l'agriculture et la con-
naissance de la doctrine sacrée. Les Grecs , et surtont
les Athéniens , s'empressaient de s'initier aux mystères.
Ils y étaient admis dès l'Age le plus tendre. Ils se seraient
regardés comme criminels , s'ils avaient laissé mourir
leurs enfants sans leur avoir procuré cet avantage. Une
loi ancienne en avait exclu tous les autres peuples.
60. — XLIX. La Victoire dans la main de Cérès me
semble un emblème ingénieux , qui signifie que l'abon-
daoce des vivres contribue beaucoup à la victoire.
61. — L. Des esclaves fugitifs et révoltés avaient été
autrefois maîtres de ce pays , et leur fureur avait respecté
ce qoe Verres a osé profaner. L'orateur saisit cette cir-
constance ; il établit un parallèle odieux entre ces es-
claves et Verres. Il faut avouer qu'on croirait lire ici un
morceau de Sénèque. Cicéron joue sur les i^ots ensemble
s'étudier à rapprocher de petites antithèses. Il est bel-
esprit dans toute la fin de ce chapitre.
62. — LII. Cicéron termine cette partie de son accu-
sation par le récit des brigandages commis 4 Syracuse.
Il nous fait la description de cette cité que sa vaste éten-
due , l'avantage de sa situation , la commodité de son
double port , ses fortifications , le nombre et la richesse
de ses habitants , avaient placée au premier rang parmi
les villes grecques. Ce morceau est vraiment précieux par
son exactitude et par ses détails. En décrivant les quatre
quartiers dont la ville se compose , l'orateur cite tout ce
qu'il y a de remarquable dans chacun. Il n'a garde d'ou-
blier les temples dont il aura souvent occasion de parler
dans la suite.
63. •— Ibid. L'antithèse , qui est souvent une figure un
peu froide , donne ici une vivacité singulière à la pensée
et en fait ressortir toute la justesse ; eUe ne roi^e pas sur
des mots, elle porte sur un fond vrai et solide ; elle est
l'image naturelle de la conduite de deux hommes mis en
opposition. Cicéron cite cette phrase tout entière pour
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NOTES. 477
exemple, Orator, c. 49» dans l'endroit où il parle des
figures qui produisent par eilea-mémes , et sans le se-
cours de l'art , le nombre et la cadence : Semper hύ ,
quœ Grceci À/li^ttu. nominant , quu>n contrarus opponun-
tur contraria , numerum oratorium necessitate ipsa effi-
ciunt , et ewn sine industria.
64- — LU. On entendait par cohors prœtoria , ce
nombre d'officiers et d'employés qui étaient attachés à
la personne du préteur, nommés par lui , et salariés par
la république. Ils étaient ou militaires ou civils. Les pre-
miers étaient les lieutenants , ordinairement au nombre
de trois, les tribuns des soldats, les centurions et dé-
curions. Les employés civils étaient les assesseurs et
quelques jurisconsultes qui secondaient le préteur dans
l'administration de la justice, les greffiers , les secré-
taires , huissiers , appariteurs et autres subalternes.
65. — LUI . La circonférence de cette ville était de i8o
stades , qui font a2,5oo pas romains , ou six lieues
2^010 toises, en prenant des lieues de 2,5oo toises.
66. — Tbid. C'était un édifice public, où s'assemblaient
les magistrats ; les citoyens qui avaient rendu de grands
services à la patrie y étaient entretenus aux frais de
l'état. Chaque ville grecque avait son prytanée.
67. — Jbid. Les gymnases étaient de vastes édifices
entourés de jardins. C'était là que se rendait la jeunesse ,
pour s'appliquer aux différents exercices, tels que la
course , la lutte , etc^ , qui peuvent rendre l'homme agile ,
robuste et capable de supporter les fatigues et les tra-
vaux de la guerre. Toute la Grèce les regardait comme
une partie essentielle de l'éducation. Ces exercices or-
donnés par les lois étaient soumis à des règles certaines.
Un magistrat spécial présidait au gymnase. Il avait sous
lui divers officiers chargés , les uns d'entretenir le bon
ordre , et les autres de donner les leçons.
68. — Ibid. Il était surnommé Téménitès , parce que
ce nom était celui d'un terrain isolé , hors des murs de
Syracuse , sur lequel son temple avait été bâti. Ce mot
Téménitès vient de o-c/uey oc > qui signifie lieu isolé, séparé,
consacré à quelque dieu.
Suétone ( Tiher. , c. 74 ) nous apprend que Tibère ,
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4:8 NOTES.
dans les derniers temps de sa vie, fit transporter cet
Apollon à Rome : il voulait en faire un des ornements
de la bibliothèque d'un temple nouvellement construit.
69. — LI V. Marcellus avait fait vœu de bâtir un temple
à l'Honneur et à la Vertu. Les augures consultés répon-
dirent qu'on ne pouvait pas élever un seul temple à deux
divinités. Il prit le parti de faire construire deux temples ,
qui n'avaient qu'une entrée commune à tous les deux.
On n'entrait dans le temple de l'Honneur qu'après avoir
passé par celui de la Vertu. Emblème admirable !
70. — LV. Lorsqu'on s'était emparé d'une- ville , les
temples , les statues , en un mot toutes les choses ssicréeê
devenaient profanes ; elles étaient censées tomber en es-
clavage.
71. — LVI. Toutes les éditions portent gramineas has-
tas. Les commentateurs se sont donné bien des peines
pour déterminer le sens de ces mots. Il me semble qu'une
phrase de Justin doit faire cesser toutes les incertitudes
pour le mot hastas. Cet auteur dit , XLIII, 3 : Perea tem-
pora, reges pro did4emate hastas habebant , quas Gneci
sceptra dixere. Nam et ab origine rerum , pro diis immor-
talibus , fveteres hastas coluere : ob cujus religionis memo-
riam adhuc deorum simulacris hastœ adduntur. Les scep-
tres des dieux n'étaient autre chose que des piq«es. Jupi-
ter , Junon et Minerve sont représentés , dans beaucoup
de médailles , portant à la main gauche une pique sans
fer. Chez les Romains aussi , la pique était le symbole de
la puissance. Lorsque les préteurs rendaient la justice
et présidaient les tribunaux , deux piques étaient dressées
au bord de l'estrade sur laquelle était placé le siège de
ces magistrats. Une pique indiquait toujours les ventes
publiques qui se faisaient par l'ordre d'un magistrat
supérieur.
Quant à gramineas , quelques commentateurs l'inter-
prètent comme b'il y avait , gramine ^vestitas , ornées
d'herbe* et de gazon , ainsi que les tliyrses des bac-
chantes étaieut ornés de lierre et de pampre. Tel est
l'avis de Grévius. Mais ce sens n'est guère admissible,
('icéron nous dit : In quibus neque manu factwn quid-
quam, neque pulchritudo «rat uila. Servius et Verburge
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NOTES. 47f
•ut entendu des herbes ou des tiges de je ne sais quel
gramen, aussi hautes que des piques. Coiùme ils n*indi<^
quent ni ces herbes ni ce gramen, cette interprétation
me semble forcée et ridicule. Presque tous les autres ont
reconnu qu'il y avait quelque altération dans le texte , et
plusieurs ont essayé de le rectifier. On a proposé de
mettre gravissimas (très pesantes). Mais il faudrait ajou-
ter deux lettres. Et d'ailleurs qu'importe ici la pesanteur
de ces piques ? Le changement le plus vraisemblable est
celui qui a été présenté par deux critiques savants et ju-
dicieux, Hotman et lixaibXnyfraxineas. On n'a que deux
lettres à changer, sans rien ajouter ni retrancher. Ce
mot exprimant seulement la matière de ces piques , me
semble entrer tout-à-fait dans le sens de l'auteur , qui
nous dit de la manière la plus précise que l'art n'avait
rien fait pour les embellir, et qu'elles n'avaient rien
d'extraordinaire que leur longueur. J'ai cru devoir le
préférer , et traduire des piques defrêfie.
72. — LVn. Les Grecs l'avaient nommé ovftoç, pro-
tecteur des limites. On ne sait trop pourquoi les Romains
lui avaient donné le nom. d^ Irnperator , qui n'a auciwe
analogie avec le mot grec. On a soupçonné quelque al-
tération dans ce mot; à moins que les Grecs ne lui aient
donné ce nom comme exprimant sa puissance, puisque
la protection qu'il accordait aux limites des terres est un
acte du«ouveraiu pouvoir. Il y a des médailles de Nérou -
qui ont au revers l'image de Jupiter avec cette légende ,
Jupiter ctjstos.
73. — LX. On lit dans le texte njectigales aut stipen-
diarios. Par le premier mot , il faut entendre ceux des
alliés à qui les Romains avaient laissé la jouissance de
leurs terres , à condition qu'ils paieraient seulement le
dixième des productions. Cette dîme était variable et
proportionnée au produit de la récolte. SUpendiarii dé-
signe les alliés dont les impositions étaient fixées et dé-
terminées , et qui étaient obligés de plus à fournir des
soldats, des vaisseaux, etc., quand les Romains avaient
une guerre à soutenir.
74- — LXL Une 'riche succession avait été laissée au
Syracusain Héraclius , à condition qu'il placerait des
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48o NOl^S.
statues dan» le gymnase. Verres lui fit intent uu procès
par les maîtres du gymnase, comme n*ayant as rempli
les intendons du testateur. Il ordonna aux juges de le
condamner et d'adjuger la succession à la ville de Syra-
cuse. C'était une injustice criante. Mab Verres, qui ne
commettait pas une injustice gratuitement, se fit donner
à plusieurs reprises , par les Syracnsains, différents ob-
jets précieux , des tableaux , des vases , de l'argenterie ,
des tapis , etc. Bnfin il eut l'impudence d'exiger en une
seule fois denx cent mille sesterces. Ainsi» loin de gagner
l'affection des Syracnsains, il les arait encore aigris
contre lui. fojrez , pour les détails de cette *^fsiire , la
seconde Ferrine, c. 14 et suiv.
75. — LXI. Quelques commentateur nt proposé le-
nitiuUne. Mais Cicéron nous fait comic^^^re Ini-ménae la
signification de ce mot, 7Wck/.,IV, 19 : Firum videri
negant, quiirasci nesciat ; eamque, quam lenitatem nos di-
cimus , 'vitioso Untitudinis i\o 'pie appellant. Ce mot ex-
prime la faiblesse d'un marij ^^ ferme les yeux sur les
désordres de sa femme. Ovide, Amor., II, 19, 5i :
Lentus es j et pateris nul H patienda marito.
76. — Jbid. Cet homme était chargé de percevoir les
droits qu^ payaient les Siciliens pour mettre leurs trou-
peaux daiis les pâturages de la république. Il arait aussi
la recette des droits d'importation et d'exportation. 0ni
d'intérêt avec le préteur, il lui recommandait ceux qui
voulaient obtenir des places ou des jugements favo-
rables , et leur prétait à usure l'argent nécessaire pour
payer Verres. Comme ils ne voulaient ni l'on ni l'autre
paraître avoir eu de si grandes affaires ensemble, Car-
pinatius avait imaginé de falsifier ses registres , en sub-
stituant aux deux dernières lettres de Verres, utius : ce
qui formait Ferrutius. Or ce Verrutius était un person-
'uage imaginaire. Malgré toutes ses recherches , Cicéron
ne put jamais parvenir à savoir quel était son pays , son
état, sa fortune. Carpinatius garda un silence obstiné.
On avait reconnu d'ailleurs qu'en beaucoup d'endroits
les lettres substituées avaient été brouillées et raturées ;
ce qui a fait dire à l'orateur , in Verr., U , 78 : VidelU
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ILOTES. 481-
Femm^ ,É.P ^videtis primas luteras intégras P ^iietis ex-
tremarm^artem nominis» cauctam Hlam Fenis, tanquam
ô» luto , demersam esse in litura?
*J1. — LXII. Cette statue avait été érigée à Verres,
comme bienfaiteur de Syracuse, lorsqu'il eat adjugé à
cette ville l'héritage dcmt il dépouillait Héraclins.
78. — LXIV. Nemofuity quem ne nudus quidemJiUus
in nuda provincia conimoveret. Jeu de mots, tout au moius
déplacé dans un tel sujet , et <pi'il n'est guère possible
de traduire en français d'une manière supportable.
79. — LX V. A Rome , on formait appel au peuple ,
et dans los provinces au préteur.
80. — ibid. Dans la plupart deiP anciennes éditions , on
lit Cœcilius. ^îffis si cet homme avait été Cécilius, l'ora- .
teur n'aurait ^Çim manqué de lui reprocher cette conduite
dans son premier Discours intitulé Divinatio.
8t. — Ibid. Cicéron nous a fait connaître (seconde
Ferrine, c. 26) quelle f ^a conduite de Métellus, suc-
cesseur de Verres. Il it >la, dit- il, n'être venu que
pour guérir les maux de la province. Les premiers mois
de son administration méritèrent les plus grands éloges.
Il ordonna des restitutions, et réforma une multitude
d'arrêtés iniques. Mais il changea tout à coup de prin-
cipes, deux jours avant l'arrivée de Cicéron. Une lettre
de Verres produisit cette révolution. De ce moment,
Métellus se déclara -ouvertement pour lui. Il sollicita
auprès des villes des éloges en faveur de son prédéces-
seur. Il usa de menaces envers les témoins qui se pré-
paraient à déposer ; et même sans la fermeté de Cicéron ,
aucun d'eux n'aurait obtenu la liberté de sortir de la pro-
vince et de venir à Rome.
8a. — LXVI. La fierté des Romains ne permettait pas
à leurs magistrats de faire usage d'une langue étrangère
dans l'exercice de leurs fonctions. Les préteurs se ser-
vaient d'interprètes , quoiqu'ils connussent la langue des
peuples qu'ils gouvernaient. Les jugements étaient ren-
dus et les actes publics étaient écrits en latin. Dans la
circonstance présente, Cicéron n'était pas magistrat;
c'était un «impie citoyen chargé de la cause des Siciliens.
83. — Ibid. 11 y a dans le texte, tabulas tributarias.
VIII. 41
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48a NOTES.
C'est encore im jea de mots. Trihuianuf rent dire , qui
concerne le tribut. Le sénat envoyait quelquefois des
ordres aux préteurs pour qu'ils imposassent des tributs.
C'était ce qu'on appelait tabvJtœ trihutarûe. L'orateur dé-
tourne le sens du mot , et entend des lettres qui appor-
^tent un tribut , comme nous dirions des lettres de change
et des billets à ordre.
84. — LXYI. Tnéomnaste signifie, qui se sonyient des
dieux. Des Siciliens s'égayant sur le nom , l'ayaient appelé
Théoracte , de 0ioc , Dieu , et de fti^o'w , frapper , frappé
Mes dieux , fou. Cet homme avait été prêtre de Jupiter.
Il est bon de savoir par quelle ruse et par quel arfiiice
Verres l'avait fait parvenir à ce sacerdoce. L'usage était
que les Syracusains présentassent trois candidats qni
devaient tirer au sort. "Verres mit trois billets dans l'urne ,
mais les trois billets portaient le nom de Théomnasle. Ci-
céron raconte avec beaucoup de détails et de gatté cette
opération dont toute la ville avait été témoin. {In
fVrr., II, 5i.)
85. — - IBid. La loi Comélia permettait à quiconque
accusait un concussiounaire « d'emporter de son gouver-
nement toutes les pièces probantes et tous les registres ,
excepté ceux des receveurs publics. Cette loi punissait
avec sévérité ceux qui gênaient un accusateur dans ses
recherches.
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TABLE DES MATIERES.
r
•A*
SkCOITDE action COITTRE TBHRàs. III. SuF IcS blés.
Tradaction d^Ath. Anger, reVue par Téditear.
t Page I
Argument 3
^^ Notes 266
fj Seconde action contre VEURi». IV. Des statues.
Tradaction nonvelie, par P. C. B. Gneronlt^
ancien conseiUer titulaire de FUniversité 28'i
Introduction 284
Notes 46»
riN DU TOME HUITIEME.
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MAY 10 1915
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-6 oS 'anvvioavA sa ffnv '
*SIHVd V
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