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Full text of "Oeuvres complètes de l'empereur Julien"

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■^ ■ ' 



OEUVRES 

COMPLÈTES 

DE L'EMPEREUR JULIEN. 



:1^ 



y^ 



£D 



OEUVRES 

COMPLETES 

DE L'EMPEREUR JULIEN, 

THABUITESt VOV*. LA PKEMlàU FOISj 

P« GREC EN FRANÇAIS; 

y ^ ACCOKPAGKéES 

D'ARGUJVIENS ET DE NOTES, 

ET PRicÉDisS 

d'un abrégé historique et critique de sa vie J 
Par R. TOURLET, 

Membre de plusieurs Académies et Socî^t^s savante» i inducteur 
de Pindarc ^ de Quintus de Smyrnc , l'un des Collaborateurs du 
Momicur, etc. 



TOME PREMIERT-r 



PARiS , 




Î l'Auteur, Archives du Royaume, hôtel Soubise, 
rue du Chaume, n**. la; 
MM. TiLLiARD, frères, libraires de S. M. le roi de 
Prusse, rue Hautefeuille , n®, 22; 
£t chez les principaux libraires. 



UOREAU , IMPRIMEUR DE S. A: R. MADAME / 

RUE COQUILLÏÈRE , .IÇO, a;., 
182I. 



Les^cmq^xffinplaîres youks par Ut-loi <mt ^té déposes 
à la Direction de la Libfaine.povr,éviter tonte contrefaçon. 
Cliaque exemplaire j>qrte le timbre et la signature de 
t'auteur« 



>iioqcs Ae- la -mise en ^nte da troisième ^volnme, le prix 
de l'ouyrage sera porté 'k 21 francs^ aaiieu, de 189 prix 
•de 4a souscription, 

\- ' ••■'•- ■ 



* . ' • 



"J^^^Ê- 



l W>«!MI(t<W<|l|MW|MWy ft WW^ W MfW < WMMWW>IW^^ 



I ; ( . 



A SON ALTE3SE ROYALE. • . 

MONSEmNECR IB mmC% E^G^NE, 



> > 



DUC DE UVparENBÈRê, ]^B|NC£ jrEKHSTASDT, 



MONSEIGNEUR i 



-» ^ / • 



L'insigne faveur de la souscrip- 
tion dont Votre Altesse Royale a 
bien voulu honorer les deux vo- 
lumes de mon Pindare grec et fran- 
çais, m'a encourage à lui offrir 
l'hommage de ma traduction com- 
plète des OEuvres de l'empereur 
Julien. Grâce à la haute protec- 
tion de Votre Altesse Royale , je 
reçois aujourd'hui la plus douce 
récompense de mon travail, puis- 
que la vie et les ouvrages d'un rw 



philosophe paraissent sous Tes rio- 
Bles auspices d'un Prince dont 
l'Europe tiJJprécie les luiniêres , la 
sagesse et la magnanimité. 
' Jë^'ést(âïéfëii plu^kâHfetucBH-' 
^core , si, dans ce J&ible tribut d'ad- 
miBatifi»r€[i»fr^ j»je à fer^loire ef 
aux ëminentes qualités de Votre 
Altesse Royale, elle daigne voir 
l'expression de ma vive reconnais- 
sance et les sentiqpens de. la véné- 
ration la plus profonde , avec la- 
quelle j'ai l'honneur d'être , 

' • Mùnséignèur, 

De Votre Àltes&eRjoyale , , 



to ^rèf^hiimWfe et ttès-»oWwsànl se^flÈur, 
, TOURLET, 

nOSIiME DE LETTRES , 
HÀtel Soubîse , Archives dn Royaume. 



PRÉFAGE. 



ti XfBiëncûàn ëpiijfi^âés dÊuVré^dè j^ùliéh , ^ ! 
cônaderêés cônïmë 'Thohùmeris' feî$tenqués et 
liftéfàîfés, manquait en noire langue : éÛe y 
iïéàï éëpèni^aht d^a|iiànt plus nécessaire , qu^bxi ^ 
trouve , dan^ cçs mêmes tÊnvires , dés traits V> 
dliîstoîf è éf ^é littérature qu^on ch^rblieràîl 
vâinénïeïik àuléurs , eï qui yônt devenir àùiànlt 
de moyens précieux, pour àëtérmîhér quëlqiiéSi 
époques contestées, pour rectifier. quelques 
Êîts ma| côhnus,/et pour-eclâîrcîr dès passages 
d'aûtéùrs anciènV; dont Té sens avait ^t'é mal 
saisi. Ifël séra^ j^éspièré ^ le îÉruît d'une traduc- 
tion i&xacté et complète. Ç*ëst abisi ïèf séuf où , 
lé plus ^tîissàlil moti^qùi iif ait engagé à enVre^ 
prendre et à ^ufefer la* ihiéhnel 

Ûiiè àùtré dorisidferatîoù niV é^kretoëût îfê- 
cidé ài cfe travail , quéiqhe long et p'^hiblfe 4'u'îl 
dût èti*. ïé^opinioh , sur le caractère , suf là 
moralité, en un inôl àur lé rafeirité de r'eifi^e- 

rèur qualîiié ai Apostat (t) par les ennemis de 

• '. ' 

(i) Ce mat signifie déserteur (de ^ religion): d'au- 
tres écrivains le qiianBent dé iittfup^^inf , trànsgresseur. 



0a religion; a été d^abord ^i eiTonée , ensuite si 
flottante, et aù|ou]^d^u| encpçe si mal décidée, 
que ^ pour la former , ^1 ne faut rien moins 
qu'une lecture entière de tous ses écrits, et 
natammen^ de se^^ lettres, On a débité çn outre 
^ |:ant de fables, sur les ss^crifiçes humains <^u'on 
Vaccusait d'avx)ir offerts à, ses divinités, sur le^ 
circonstances de §a ^çrt , sur les pi*odiges.qpi:ii 
rempecjièrent de ^ebatir le temple de Jéru- 
j^eni, etc. , qu'une s^e. critique doit enfin 
jniieux éclairer de tels faits et prpypquer .un 
jugement plus réfléchi*^ et par çpnsécjuent» plus 
équitable, 

Je dois. d'abord parler, à mes lecj;eurs . dç 
ce qui ^. été fait avant ipoij je leur rendrai 
compte ensuite de mon propre travail- et dç 
l'ordre que j'y ai puivi., Jj'abbé de la Bleterie 9 
membre de j'Acs^démie des Inscriptions et' 
Belles-Lettres, a publié , en Ï746 , .un yoliimç 
cpnfen^t 1^ vie de l'jempereiir Julien ;; et en 
11748, deux; volumes, dsais l'un desquels il 
donnée l'histoire de l'empereur. Jovien, succes- 
seur de Julien, et l?i traduction des césars^ 
espèce 4e, récit allégorique ,» compojsé par ce 
dernier, et écrit dans le goût des JUahgues 
ffe^ Mofp^ de Lucien. Le troisième volume 
CCHatient, X*, la traduction du Mmpo^on^ 



autre ounage satirique du même empereur, 
qui Tadrcs^ aux habitons d!Antioche ; i^. la 
traductic^ d'un certain nombre de lettres 
choisies, écrites par Julien en différens tems , 
et parmi. lesquelles figure çeUe à ThémistiuSt 
une des plus longues , sur laquelle je reyien? 
drjai bientôt. Voilà ce que.le.pubUc doit à ce 
savant abbd, que j'aurai souvent. occasion de 
citer honorablement , en profitant de son tra^ 
vail , mais que je me permettrai aussi librement 
de critiquer, lorsqu'il sera nécessaire de le 
faire, pour }^ recherche de Ja vérité, 

P'un autre côté , le marquijs d'Argens a fait 
paraître ,.en. 1769 , la Défense du Paganisme 
par Julien^ en grec et en français ^ ax^ec de$ 
dissertations et des notes poi^r setçir d éclair^ 
cissementiw iea^te et pour en réfuter fo? erreurs. 
C'est donc à ces quatre productions de l'élo-r- 
quente plupie de Julien que se borne , jusqu'à 
ce jour, tout ce que iious avons de lui en notre 
langue ; et c'est bien peu sur l'ensemble de st& 
CEuvres. A cet égard , les étrangers sont encore 
moins riches que nous, 

Mainfeiiant , j'offre au public la collection 
complète de tous les écrits de Julien qui sont 
pjiryepus jusqu'à ïious, et qui doivent i^v% 



regretter ceux que nées atotoé^ fiëi^ùs. DA 
nombre de ces derniers est Thi^wè àé ë» 
|[lôrieuses câ^pajglleâ dans le^ (ïaÉÉèèy ^*il 
avait écrite sur ié moê^U des ddtMnêH^irèjl 
de Gëisar, et dont toaHiiéureasé^illi^t il ne i^i^st» 
rien. 

Avant de publier i»oh tl^vaS, ^ lal'à^Mlu 
confronter avec roiiginal et revonr^ en y fe»^ 
sant le moktô de changement qu^il ih^â ^të pé&^ 
èible , les quatre opuscules traduis par ceui 
qui m^ ont précédé , c'ést-à-dfere , le Mis^ùgo^, 
les Césars 9 la DéfeHse du PàgîBSriismé^ ^ llA 
lettre à ThénUstius. Qùaht aux aMfe^ lettres , 
j'ai du compter pour rien leur traduction par 
la BJeterie ; premièremeht , parce que eét al!i4>4 
n'avait pas jugé à propos d^en traduire k por^ 
tie la plus intéressante \ secondeMiènt , parce 
quHl lés a rangées dan^ un ô^dré ^ 4âtes qti'ii 
%\ pu suivre lui-même , et que je-me ^^igai'dé 
d'adopter, puisque cet ordre rten^tîmpôs^ 
sible toute confrontation ave^ rbrîgiiS^, et 
que j*y ai souvent cherefeé moi-ttiènïe , aveè 
beaucoup de peine, quîélqu^ lettres q(^ dé 
savant avait cru ranger selon Tordre des tems* 
En troisième .lieu , la traduction de <ïes letti'eà 
Qi'a paru infid^^ et les lecteurs qui seront 



MÉFACK. ïj 

caHciix de la rapprochei* de la mienne , auront 
plus d^one occasion dé s'en apercevoir. 

J'ai d'ailleurs pris sur moi la tâche la pltA 
tongae et la plus pénible, celle de traduire , 
d'après l'édîtîori de Spanheim , en 1696 *, 
grand in-folio, et dans le même ordre où 
chaqne ourragé y est placé, i**. et 2*. les deux 
longues Harangues p atttrement les Panégy- 
riques de l'empereur Constance, par Julien; 
3^ VEioge det impératrice EusSie, protectrice 
de Julien ; 4^. son Discours sur le SôleU roi; 
5^. un autre discours du même, en T honneur 
de la Mère des Dieuct; S^, sa Déclamation 
contre les cyniques ignorons; 7*^. une Exposi^ 
twn de la i^rùie doctrine' des Cyniquies ^ 
adressée à HémcKus ; 8^. les Adi^uœ de tem^ 
pereur Julien à son ami SaUuste , préfet des 
Gaules ; 9*^. la Lettre, ou plutôt le Manifesta 
de fert^per&ir ^Hen , au séimt et au peuple 
d* Athènes; Iô^ un très-long fragment d'une 
lettre du même empereur à un pontife païen ; 
n*. enfin toutes les autres lettres de Julien ^ 
en y comprenant même celle que lui a écrite 
son frère Galhis , alors césar , et lejs fragment 
d'autres lettres de Julien , épârses dans Liba^ 
nias, Snidai^, Facundus, etc. 



Xij PREFACE. 

Les quatre autres ouvrages de Julien*, que 
j^ai seulement pris soin de rectifier, sont inter- 
calés aux précédens , aelpn la place qu'ils oc- 
cupent dans la belle édition déjà citée. J'en 
excepte pourtant la JDéfense du Paganisme^ 
que j'ai mise avant Içs Lettres, quoiqu'elle 
figure après celles-ci , dans la susdite édition : 
la raison évidente de l'exception que j'en ai 
faite , est que le texte grec de cette défensç ^ 
par Julien , y èjrt mêlé avec celtii de saint Cy- 
rille , archevêque d'Alexandrie ; et que , pour 
lire le premier séparément , il faut recourir à 
l'édition que le marquis d^Argens a .donnée de 
ce texte , en le traduisant. 

Comme les lettres à Thémistius et aux Athé-» 
niens , ainsi que le firagment d'une autre à un 
pontife païen , surpassent de beaucoup , par 
leur longueur, les bornes du gçiire épisto- 
laire , et qu'elles ont d'ailleurs toute la forme 
des discours composés dans le cabinet, j'ai du, 
pour ces mêmes raisons , les classer parmi les 
discours , à l'exemple du père Petau et du docte 
Spanheim, C'est pourquoi je ne les ai point 
rangées , dans ma traduction , au nombre des 
épîtres familières de Julien. En cela, j'ai resr 
pecté l'ordre établi par les deux savans éd^ 



PtlÊFACÈ; ' 301] 

teurs ; eu rîntervertissant , j^âurais J)rivé ïe lec- 
teur de la facilité quHl aura , dans la traduction 
complète que je lui ofifre , de consulter à vo- 
lonté j soit lé tejtte grec , soit la version latine 
du père Petau , corrigée , en plus d'un endroit , 
par Spanheim. 

Je dois prévenir, enfin, mes lecteurs, que 
le texte grec de Julien est défectueux, et même 
mutilé dans beaucoup de passage.^; en sorte 
que ceux qui ont traduit les quatre ouvrages 
ou opuscules dont j'ai parlé , ont dû être fort 
embarrassés pour corriger ce texte , ou pour 
en remplir les lacunes. Ces difficultés ont été 
encore , pour moi , plus grandes et plus mul- 
tipliées dans la traduction dés autres ouvrage* 
plus nombreux et de plus longue haleinie.. J'en 
ai dévoré les eonuis , sans prétendre , cepen- 
dant , avoir toujours rencontré juste. Je me 
borne lé plus souvent à indiquer , dans les 
notes, les corrections que je propose. 

Lés ouvrages de Julien, quoiqu'en assez bon 
style , se ressentent de la précipitation avec la- 
quelle ils ont été écrits. L'ordre grammatical 
y est souvent interrompu. On rencontre beau- 
coup de phrases louches et susceptibles de 
sens opposés. Ses harangues sont pompeuses 



J 

( 

xiv PRÉFACIU 

et quelquefois étudiées. Ses autres discours 
sont moins maniérés ; ses lettres sont siipples 
et assez ordins^en^ent d'un bon ton- J'ai taché 
de conserver à chacun de ces écrits les nuances 
du style et la couleiir que j'ai cru y remar- 
(l'ier. 

. Je placerai,, à la fin de la vie de Juliein , 
quelques autres observations sur le matériel de 
mon ouvrage» Je préviens seulement ici mes 
lecteurs que» dfins mes citations du texte 
gî«c de Julien 9 j'ai dû me permettre peu de 
cbaiigemens , puisque tous- les manuscrits » 
ceux de Rome , de Londres , et enfin ceux dq 
la bibliothèque royale à Paris, avaient été con- 
sultés tant par le père Petau que par Span-^ 
heim. Toutes les ressources de ce genre étaient 
donc épuisées avant moi. 

Mais plusieurs firagmeps de différens ouvrages 
de cet empereur , et piéme des lettres entières , 
n'avaient point fait partie de la belle éditioi? 
de Spanheim, puisque ces lettres n'ont été re- 
trouvées qu'au commencement du siècle der- 
fiier, et ne se trouvent pas même dqjis la bi- 
bliothèque grecque de Jean- Albert Fabricius. 
Ce dernier savant, ne lésa fait imprimer qu'cn^ 
1731 , à Hambourg, dans un volume in-4*., 



PEÉFACS. Xf 

doftt 3 rçate p9u d^exeppkfflak^s » aîqsi qu^on U 
TQfrai ^. la fin 4^ ni4 tra4uçtion« 

iL çf s lî^aginms e^ lettres , quç Ton ne caph 
9^i«i^ p^ , y^ 9i ;))wM d*a^r€9 que j'a^ tirés 

grmçff <le Mliiir^ori et de pk|i$f^i|rs entres au^ 
teiiir» iFm«4%^l?0 ; ea sor^e que la préawte 
i^tî^ 4^ JuUçn ^era I9 première qui réuïiira» 
enfia, le texte français cpmpli^t de tous les 
ottvi^es d€ cet eqipçr^ur philpsoph^ , qui ont 
échappé aux ravagçs du tems^ et tn toutre les 
textes grecs et latins qui manquent aux éditions 
précédentes. 

Plus d^un lecteur s^étonnera , sans doute ; 
qu^au Uea de donner une traduction entière- 
ment neuve des quatre opuscules de Julien , 
je me sois borné à en rectifier les textes donnés 
par la Bleterie et le marquis d* Argens , et à en 
remplir les lacunes parfois considérables. J'en 
alléguerai , dens le courant de l'ouvrage , des 
raisons plausibles. Il me suffit de dire ici que 
j^ai été entraîné à cette dernière mesure par 
Tautorité de mes amis , et d'autres personnages 
du plus grand poids. Tous ont prononcé qu'un 
texte > entièrement refondu par moi, de ces 
quatre traités de l'empereur Julien , nç dispen- 



3EVj î^rèfacé; 

serait pas les amateurs de se procurer ces piieî* 
mières traductions , dont l'acquisition leur coû- 
terait âssuréméitt plus cher cjuê mon présent 
ouvrage ^ où elle se ti^outent plus complètes. 
Qu'il était , ainsi , dans mon intériêt , comme 
dans l'intérêt du public , de conserver toute la 
partie de ce texte , qui ne dénature point l'ori- 
ginal , et d'y ajouter tout ce qu'on avait re- 
tranché de ce dèitiier. 

Si cet avis n'est point partagé pat les savan^^^ 
je réclame leur indulgence. 



i 

ABREGE 

OU 
SOMMAIRE HISTORIQUE ET CRITIQUE 

DE LA VIE 

DE L'EMPEREUR JULIEN. 



XoUT ce qu'ont rapporté de cet empereur ce* 
lèbre les historiens conteioporains, tout ce qu'ont 
dît de lui ses panégyristes ou ses détracteurs , tant 
anciens que modernes , fournirait matière à plu- 
sieurs volumes. Vers la fin du siècle dernier, Tabbé 
de la Bleterie , membre de l'académie des inscrip- 
tions et belles-lettres de Paris, en a publié un^de 
cinq cents pages, encore y a-t-il omis, à dessein, 
beaucoup de faits et banni de sa critique plusieurs 
particularités dont l'examen me paraît important. 
Du reste, son jugement, sur la conduite et sur le 
caractère de ce grand personnage , est, à quelques 
exceptions près , aussi impartial qu'ont pu le lui 
I. t 



( ^ ) 

pennettre sa profession et le tems où il écrivait. Je 
suivrai une marche bien plus abrégée que la sienne , 
mais en m^ attachant de plus près aux faits bien 
avérés , principalement à ceux qui peuvent avoir 
été mal racontés , qui peignent mieux le moral de 
cet emperem-, ou qui sont de nafture à jeter plus 
de jour sur &ts ouvrages. Ce sera le sujet de trois 
chapitres ou paragraphes. "^ 

PARAGRAPHE PREMIER. 

Généalogie de V empereur Julien ^ en remontant jusqu h 
Qaude II ; et fm>ig -des événemens historiques 
depuis ce même Claude , jusqua la fin du règne 
de Constantin /*'. , surnommé le Grand. 

Julien , empereur romain , né à Constantînople , 
le 6 novembre 33 1 (ère chrétienne), de Jule Cons- 
tance , frère du grand Constantin , et de Basiline , 
fille du préfet Julien (i) , seconde fenune de Jule 



(i) Ce préfet Julien, Anicius JtfliaBiu, était issu d'une 
des plus anciennes et des plus illustres maisons de 
Rome. Un de ses ancêtres, fils du jurisconsulte Salvius 
Julianus, et commandant les deux Belgiques, en 162, 
sous Marc-Aiirèlç , avait été assez riche pour acheter, 
des soldats romains, la couronne îropërtale mise par 
eux à un honteux encan.. il est ocmnu, dans Tliistoirei 



(3) 

SoDstancc, porte dans les médailles les noms de 
Flaviiu-Ganiilas-JulîaDiis. Il reçut le dernier de 
lullen, père de Basiline, sa mère; et les deux 
premiers, de Claude II, empereur de ce nom, 
dont le prémm, Flavi«s (i) , fut transmis à G)ns- 
tance Chlore, père de Constantia, aux descen- 
dant de ce Constance^ 

Ctande, second empereur de ce nom, Dace ou 
Dalmate dWig^ine, et qualifié de Dai*danien par les 
^néalog:istes de son tems , fut la souche de toute 
la race constantinienne. Il est connu, dans This- 
toli*e,par le surnom de Crotkique, que lui valurent 
ses victoires signalées sur les Gètes ou Goths (2), 



sous le nom de Didius Severus JuUanus. Il fut proclamé 
par les troupes , et même reconnu par le sénat , l'an 
193 èl rère cbtétîenne ; mais peu de tems après, ce 
même sénat, apprenant quUl avait des concurrens plus 
formidaMes et mieux famés , lui fit trancher la tête. 

(i) Flavius, Ce nom avait appartenu à Tune des 
plus anciennes et des plus illustres familles de la ré- 
publique romaine : il avait été porté aussi parVespasien 
€t parTite, son 41s, puis par tes empereurs de la fa- 
Qiille de Claude II. Jovien , successeur immédiat de 
Julien, l'avait également adopté. On ne le retrouve 
plus après cette époque. 

(2) Goths. Claude vainquit les Goths , Tan 269 , à 
la fameuse journée de Naisse, où il mit en déroute 
complète leur armée, forte de trois cent \îngt mille 
I. I. 



' (4) 

alors formicWes ennemis de Tempire romain.^ Paï 
suite de ses blessures ou fatigues d^ cette guerre , et 
des maladies pestilentielles qu'il y contracta , il 
mourut, l'an 27b de notre ère, à Sirmium , en 
Pannonie , aujourd'hui Sionisch , sans laisser de 
postérité , ipsi Claudio nulU Uberi fuerunt ^ dit Tre- 
helllus PoUion (i/î Claud.)\ mais il avait deux 
frères, l'un Quinlillus (i) , mort volontairement 
peu de mois après son élection légale à l'empire , et 
digne de succéder à son aîné, mais trop faible 
. contre Aurélien , que soutenait la majorité des 
troupes ; l'autre , Claudius Crispus, dont l'empereur 
Claude avait adopté la fille , Claudia , selon le té- 
moignage de Voplscus^ (//î Proho, cap. 3), et qui 

hommes, et submergea deux mille de leurs vais- 
seaux. Deles^imus trecenta viginti millia Gothor^ , duo 
niillia nanum mersimus. ( Treb. Pollio. cap. viii. ) 
Zosime adjoint aux Goths, les Scythes, les Hérules, les 
Peuces et autres barbares; et il leur donne six mille 
vaisseaux. Mais il mentiorine^ aussi plusieurs batailles, 
dont une des |)lus sanglantes fut celle de Naisse. Enfin' 
il ajoute que Claude II mourut de ia peste , qui , des 
camps de Tennemi, avait passé à celui des Romains. 
(Zosim, 1. I.) 

( I ) Mort volontairement. Le même Zosime nous ap- 
prend que Quintillus se fit ouvrir la veine par son; 
médecin , et qu'il en laissa couler le sang jusqu'à ex-l 
tinçtion de vie. 



(5.) 
était mort avant cet empereur , puisqu'il n'est plus 
faif çiention de lui depuis rélévation de son frère à 
Fempirë. 

L'empereur Constance Chlore , aïeul de Julien ^ 
étant né d'Eutrope, noble dardanien, et de Claudia, 
se trouvait peti^-neveu de Claude II , selon les loi*, 
de la nature, ^t petit-fils du même, selon les lois 
de l'adoption. Le mat nepos, des Latins, signifie à 
la fois> et indistinctement chez nous, neçeu , petit" 
neçeii et petit-Jils. C'est pourquoi l'historien Eutrope 
a dît , de ce Coifistance Chlore, Constantius perjiliam 
(sed adoptîvam) nepos Oaudii traditur{^Bre9. Hist. 
Tom. 1. IX ). . 

La généalogie de Basiline, mère de l'empereur 
Julien, n'est pas^ à beaucoup près, aussi facile à 
établir que celle de Jule Constance, père de cet 
empel'enr; car on ignore absolument le nom de 
l'épouse du préfet Julien, mère de Basiline et aïeule 
maternelle de ce même empereur. Celui-ci en parle 
dans plusieurs de ses lettres , ainsi que d'un bien 
qu'elle lui avait laissé ; mais il ne la qualifie d'aucun 
nom. Cependant, tout porte k croire que cette aïeule 
de l'empereur Julien, çpousie du préfet Julien, des- 
cendait directement, ou par alliance, de la famille 
de Tempereur Claude II; et qu'ainsi, ^e^lpe^em^ 
Julien appartenait, par son père et par sa mère , à 
une race impériale , encore régi^ante dans les fils de 



(6) 
Constantin ; ce qui tante fois ne lui donnait pas des 
droits assutcs à Tempire. Car les possessem-s èe la 
couronne impériale n'avaient jusqu^alors traiismis 
leurs droits à leurs héritiers légitimes , qu'eiï les 
créant césars, c'est-à-dire en leur donnant un titre 
qui les investissent de Fautorité souveraine après la 
la mort de ceux de qui ils avaient teçu ce même 
titre. Les Romains tte connuffent pas d'autres lois 
pour la succession à Pempire ; encore farent-clles 
Souvent enfreintes par la vénalité et par la violence 
des légions. La généalogie maternelle de Julien ne 
présente donc pas une question de droit ; c'est un 
simple point de critique , tendant à déterminer à 
quelle famille appartenait Basiline , mère d'un em- 
pereur aussi célèbre que le fut Julien. Le nom seul 
de Basiline , porte par la fille, semble attester que 
la mèfe tirait son origine de quelques familles sou- 
veraines de l'empire romain. C'est donc dans une 
de ces familles qu'il convient de chercher soû nom ; 
jc'est parmi les femmes dont les époux portèrent la 
couronne impériale , ou dont les parens approchè- 
rent le plus dû prcmiei' trône du monde, depuis 
l'année 270, époque de la mort de Claude II, 
jusqu'à celle dé la naissance de l'empef ertr Julien , 
en 33i. 

Bans cet intervalle , qui comprend tout au plus 
soixante-six ans, si l'on suppose que la mère de 



(7) 
Basilîiie vivait encore lorsque sa fille mit au monda 
Julien, il est facile, non de déterminer rigoureu- 
sement ; mais dHndîquer avec vraisemblance le nom 
de la xnère de Basiline , aïeule maternelle de Julien. 
Remarquons d^abord que Fempereur Claude , sur- 
nomme le Gothique, eut plusieurs sœurs ; dont 
une, Constanime, vécut peu d^années après son 
mariage avec un tribun d^Asspie. k Fuerunt eiiam 
(Claudio) sorores, quorum una C&nsiantina nomine 
nupta tiibuno A&syrmian mprimis annis d^edt. » (Tre- 
bellius Pollio, c. i3.)SieetteConstantinenedonna 
pas le jour à la mère de Ba^line, elle a pu avoir, 
dans les premières années de son mariage avec le 
tribun, une fille à laquelle elle aura donné son nom^ 
devenu dans la suite commun aux princes consan- 
guins de Claude et à leurs descendans ; et cette 
fille , si n'est sa mère , aurait été mère de Basi- 
line , seconde épouse de Jules Constance , père de 
Julien. 

Nous trouvons en outre , au nombre des familles 
illustres de cette époque , Entropie , femme syrienne 
qui eut, de son second mariage avec l'empereur 
Maximien Hercule, Maxence et Fausta , (dont, nous 
parlerons dans la suite) , et qui fut l'aïeule mater- 
nelle de Constantin le Grand. Cette même Entropie 
avait eu , d'un premier époux , une fille Théodora , 
connue dans l'histoire, et d'autres filles, à l'une 



(8) 
desquelles elle aura donné son nom d'Eutropî^ , ou 
celui de Constantine , pris dans la descendance de la 
sceur de Claude le Gothkjue, Voila donc une Eutro- 
pie , ou une Constantine, qu'on peut raisonnable- 
ment supposer la mère de Basiline. Joignons à cette 
conjecture, le tëfnoîgnage des historiens qui nous 
apprennent que la mère de Basiline, était née en 
lilyrie, de parens illustres; or, Entropie, femme 
syrienne, ou selon d'autres illyrienne, épouse de 
Maximien Hercule , a dû mettre au monde en lUyrie , 
où son mari habita long-tems^ une fille mère de 
Basiline. 

Il se peut enfin qu'une autre Entropie , sœur puî^ 
née du grand Constantin, et née comme lui de Cons- 
tance Chlore, (avec cette différence, qu'Eutro- 
pie , sœur puînée de Constantin , naquit du second 
mariage de Constance Chlore, avec Théodora , fille 
de la première Entropie , c'est-à-dire de la femme de 
Maximien Hercule , au lieu que Constantin était né 
d'Hélène, femme répudiée de Constance Chlore), 
il serpent , dis-je , que cette seconde Eutropie ait été 
la mère de Basiline , et que Jules-Constance ait en 
second mariage, épousé Basiline sa nièce , fille de la 
sœur de son frère Constantin le Grand , comme il 
avait épousé en première noces , Galla , depuis mère 
du César Gallus. - 

Cette dernière supposition me paraît avoir le 



(9) 
plus de fondement : car Basiline serait alors fille 
d'£utropie , c'est-à-dire de l'ïiutropie née dn second 
mariage de. Constance Chlore , avec Théodora/ Ainsi 
Basiline aurait été la petite fille de Constance GhlcNre ; 
pour cette > raison Tempereur Constance Chlore 
se serait, changé de Téducation de Basiline. Et en 
effet , Jtdién nous apprend , dans son Misopogoay 
que Constance Chlore, son aïeul ^ avait donné à| 
Basiline, pour précepteur , Teunuque Mardonius,! 
qui expliquait à cette jeune princesse les poésies ^ 
d'Hésiode et d'Homère. îïous apprenons encore 
par le même ouvrage de cet empereur , que 
Julien y fait par lui gouverneur d'Antioche, et le 
même en faveur duqdbl il pardonna aux Alexandrins , 
le meurtre de leur évêque George , était oncle ma- 
ternel de Pempereur Julien , et par conséquent le 
propre frère de Basiline , mère de cet empereur , et 
le fils du préfet JuUanus, 

Il suit de tout ce qui précède , que l'aïéulç ma- 
ternelle de Julien , aura porté le nom d'Eutropie , 
ou celui de Constantine. Mais quelqu'ait été sou 
nom, du moins le lieu de son origine , autrement sa 
véritable patrie, ne peut être révoqué en doute. Ju- 
lien nous apprend lui même , dans sa lettre à 
Thémistius , qu'il avait hérité du patrimoine de 
son areule en Bithynie; il nomme, dans le Miso-r 
pogon , les Mf siens , comme étant ses aïeux ; et 



pour qn^bn sache bien de qn^elie nation il entend: 
parler , il dit que cette nation est située sur les bords dif 
Damiàe, entre la Paeame (JPannmie), etlajthraee.y 
(Voyez la note sur^e passage du Misopogon, et 
délie de la page 78 ci-après de noire vie de JulioA ), 
Op, Strabon et I4ine attestent^ que les Bithynien» 
00 Thyniens, occupant une partie de la Thrace, j 
I avaient très-anciennement porte le nom de Moesiem 
I ou Mysiens. Le poète Ctaudien dit formellement , 1 
* que les Thymens ou Bithymens , étaient des Thraces. 
^Thym Thraces erant quœ nunc Bithynia fertur. » 
Xënophon , au chap. 2 , du 3*. livre de ses kelleni-' 
fues, appelle du nom de Biikynie, la Thrace bitl^ 
nknne. Enfin presque tous les auteui^s anciens com- 
prennent, sous le nom de Mësie, ou Mysîc, laBi- 
thynie, la Thrace, le Pont, la Cappadoce, TIl- 
lyrie, la Dacîe^ la Dardanie, etc. ,(i); on a déjà 
vu plus haut, qu'Eutrope , père de Constance Chlo^ 
re, était d^ origine dace, ou dardanienne, ainsi 
que son grand oncle l'empereur Claude , second du 



(i) L'ancienne Dardanie était, dît-on, la Samo- 
thrace, répondant à la portion dlllyrie, connue plus 
tard sous les noms de Bosnie, Servie. Nessus , autre- 
ment Naîssum^ Nissa (Nice), était une des principales 
villes de cette Dardanie et la ville natale du grand 
Constantin. ( Baudran y Dict. ) 



( II ) 

Dom y dont il ëtarît petit neveti par Qaudia , sœur 
adôptire de ce demiei:. 

Suidas et Ptotémée citeM Une ville de Mjrsie , con- 
nue sous le nom de Biiltjrnia ou BUhymwn , et qui , 
de leur tems , s^appelait ClaudiopoUs, C'est la même, 
dit Baudran , qu'on nomme aujourd'hui Casiamena, 
et qui avait été ville métropolitaine , ayant sous sa 
jurisdiction , Héraclée, Prusia^ Hadrianop^^lis^ etc. 
Alors elle ne diflère poiût de 1% ClaïuUopoIis , que 
Claude P' avait fondée , et à laquelle il avait donné ^ 
son nom. Elle doit être aussi la QaudiopoUs qu^Am- 
mien Marcellin met au même rang ({ue SéUucie ^ et , 
qu'il en suppose très-peu élbigkiée : OûudiopoUi \ 
ifuatn dedaxii oAomam ClaUdiui Cesat. (1. i4» r 
cfaap. 8 et a5.)dl la place en Isaurie; d'autres la 
mettent en Cilicie. Mais ces variations tiennent à b 
différence des noms ^ ou plutôt de la délimitation 
des provinees ^ à diverses époques. On en verra d'au- 
tres exemples ^ dans les ouvrages de Julien , qui né- 
cessileront des remarques géographiques à placer en 
notes. Nous dirons seulement ici , que la ClaudiopoUs 
dont il s'agit, n'a aucun rapport avec une autre 
ClaudiopoUs de Transilvanie , que les Hongrois pom- 
ment Closwar, et les Allemands Clausbourg, 

Voila tout ce que nous avons pu recueillir de la 
généalogie des ancêtres de Julien, en remontant 
jusqu'à Claude second. Maintenant, pour ne plus 



( 12 y 

revenir sur ces mêmes ancêtres , dont Thistoire se 
trouve liée avec celle des empereurs Romains , de- 
puis ce Claude jusqu'à Julien , dernier souverain de 
la race Claudîenne , nous allons tracçr un précis des 
événemens de cette époque intermédiaire. 

L'empereur Claude second , avait outre le prénom 

Flavius , celui dtAurélius , auquel , si nous en croyons 

le docte Spanheim , on a mal à propos substitué dans 

quelques monumens, celui de f^alérius, ou V^alé^ 

^rianus qu'il ne porta jamais , et que ne prirent point 

ses descendans, à l'exception de Constantin le 

f Grand. Julien aimait qu'on l'appelât Aurele ^ nom 

/ de Claude II e t de Marc=^urèle <Ju'il ^ejlattait 

/ 1 d'imiter , dans sa conduite pu|)lique et privée. 

Claude II mourut après deux ans et quelques 
mois d'un règne glorieux ; et les troupes lui donnèrent 
pour successeur , Aurélien , au préjudice de Quin- 
tillus, frère de Claude. Cet Aurélien recueillit le 
finit des victoires de son prédécesseur , et il triom- 
pha de Zénobîe , reine de Palmyre. La durée de son 
règne fut de cinq ans ; et après sa mort , la couronne 
impériale fut déférée à Tacite , descendant de l'his- 
torien de ce nom , qui mourut six mois après dans 
la soixante-quinzième année de son âge. En sa plaee^ 
le sénat avait désigné Florien, neveu du dé- 
funt ; mais les soldats le massacrèrent , et por- 
tèrent sur le trône impérial Probus , qui six ans^ 



(j3) 

VLptès fut assassine par ses propres troupes révoltées, 
et qui fut remplacé par Carus^ son capitaine des 
gardes. Ce dernier s^ associa à Tempire ses deux fils 
Carîn et Numérien , qui ve'curent peu de temps , 
ainsi que leur père^. 

Après leur mort , Diocletien , fils d'un esclave 
dalmate, et lui-même esclave d'un sénateur romaîa, 
parvenu par ses talens militaires au grade de capi- 
taine des gardes delSumérien, fut salué et proclamé 
empereur par l'armée , en 284 ou 285. Environ 
deux ans après, il s'aggrégea son ancien ami et 
compagnon d'armes, Maximien Hercule (Her- 
culius) , né de parens obscurs à Sériniura , bourg 
de Pannonîc. - 

Dioctétien n'eut qu'une fille nommée Valérîa; 
Maximien Hercule eut d'Eutropie, son épouse, 
femme syrienne et aïeule du grand Constantin, un 
fils nommé Maxence , et une fille Fausta , l'un et 
l'autre connus dans l'histoire. Cette même Entropie 
avait eu d'un premier époux , Théodora , dont nous 
allons parler , et peut être , ainsi que nous l'avons 
conjecturé plus haut , une autre fille qu'elle aura 
nommée , soit Eutropie comme elle , soit Constan- 
tîne , du nom de la sœur de l'empereur Claude. 

Les deux empereurs gouvenaèrent d'intelligence ; 
le premier, l'Orient, le second, l'Occident. Dars 
la suite , chacun d'eux s'adjoignit un césar, Dioclé- 



14) 

tien choisit Galérien, hmatm ^« tique (flrmfntarmi^^ 
e^de basse extration , qui ne s^était faû connaître que 
par quelques faits niilitaii*es. Md^iinien Hercule 
prit aivec lui Constance Chlore, tenant parlesClau- 
diens , aux meilleures maisons de Rome , fils d^Ëu- 
trope, noble lUyriien, et de Claudia, fille de Crispus, 
firère de l'i^Bpei>e«r. 

Ces noiiveauK césars répudièrent leurs premières 
femmes. Galérien épousa Valérie, fiile de Bioclétien, 
et Constance Chlore quitta sa {i) femmt Hékne^ 



(i) Rtliciâ emm Helenâ priore uxore, filiam Maxi- 
miani Theodoram duxit uxorem , ex quâ posteà sex //- 
beros Constantini fratres habuit. Sei de priore uxore He- 
lenâ filium jam habebat Constantinum ^ qui posfeà prin^ 
ceps potentissimus fuit. Hic igitur ComtanHrms mtus ffe- 
ienq maire vilissimd, iu oppido Naisso , natm atqm educ- 
tus y ^uod oppidum posteà magnifiée ornapit , etc. On 
voit par ces expressions de l'auteur des Excerptai, qu'Hé- 
lène, femme légitime de Constance Chlore , mais de 
basse extraction , mit au monde Constantin dans la ville 
de Diaissus, de laquelle ij sera question, da^s la suite. 
On voit , en outre , par le même te^te , qui est aussi 
cel^i d'Eutrope, que Constance Chlore, après avoir eu 
Constantin de sa première femme Hélène , eut , de 
Théodora six autres enfans, ddnt trois mâles, frères de 
Constantin : fait qujon avait jusqu'ici cru douteux. On 
voit enfin , par le témoignage du même auteur latin 
des Excerpta, imprimés à la suite du texte d'ilmunien 



( i5) 

mère an ^;raad don^antm , pour s^uaâr à Tbéodora, 
fille d'Eutropie, seconde fîsDame de Maximien, de 
laquelle Théodora il eut, seloa le tëmoigiiage posidf 
crEatrope ( L IXhi&t. rom. )>, six eolaiis, frères ou 
s(Biu*sda g^aod doostaotin, nés d'an premier lit 
Theod4n'mtt aceepU €x çuâ posiea sex Uberos Cmstafh- 
û$df foires habuiL On nomme parmi les enCans mâles 
( art de vérifier les dates , tom. I". ) , i°. Dalmace on 
Delmace, père du césar Dalmatius et du jeoM 
Hansibalien ; 2°. Jules Constance, père; du césar 
Gallus et de Fempereur Julien; '^^. GonsyLanlim 
Hannibalien I"^'. 

Les trois filles de Constance Qilore furent Cons- 
tantia, femme de Licinius, Anastasie, mariée au 
César Bassîen (i) , et Entropie , mèi^ du tyran Né- 
poticai^ soeur de Constantin-le-Grand. 



Marcellin, que Constance Chlore, neveu de Claude II 
par le frère 4e eelui-cî , fut d'abord protecteur , puis 
trSiiHi , et enfin gauvemeor des Dalntatles , lors de son 
élévation à la dignité de césar. Constantius dm Claudii 
optinU principis nepos exjratre , protecior primùm^ exin 
tribuBUs , posteâe prœces Dalmatiarum fuit 

{i) D'autres historiens veulent que ce Bassien n'ait 
jamais été décora de la dignité de césar, mais qu'il ait 
seulement été un grand capitaine, dont Constantin 
aura vouhi récompenser la bravoure ^ en lui 4<>pii^nt 
Ânastasie, sa fille. Cependant on lit^ dans Tauteuf 



(.16) 

Il importe pour l'intelligence de ce qui va Suivre, 
de bien distinguer deux Anaballit^ii , ou Hannî- 
balien , et deux Delmace , que l'histoire ne permet 
pas de confondre , ,à «avoir , Constantin Hanni- 
balien, premier .du noip , troisième frère àe Cons- | 
tantin-le-Grand, et le jeune Hannibalienj second du 
nom, neveu de Constantin-le-Grand, autrement, 
fils de Delmace ,. premier frçre du grand Constantin, 
et par conséquent, frère du césar Delmace; ce qui 
suppose également deux Delmace, le père et le fils ; ; 
car on vient de voii- que Delmace, le frère de Cons- 
tantin , avait eu pour fils , le césar Dfelmace et le 
jeune Hâjinibalien, L'une et l'autre généalogie ré- 
sultent évidemment "des textes suivans d'Aiirélîus I 
yictoTjfia^s^um cui ex paire Dehnatio homenfuitj 
cesarem jussït, « L'empereur Constantin' ti^'a- césar, 
le fils de son frère qui . portait le nom jde Del- 
mace.» {AureL f^ictor 4e Ce&aribus.) Et ailleurs, 
Anniballianus Dlematii . cesaris consangiûneus , Ar- 
meniam. (Aurel. Victor, epiiome,) « Et par le tes- 



latin des Excerpta de Constantin, etc., que Constantin 
avait effectivement désigné , à Licinius , Bassien , pour 
césar; que Licinius, non-seulement le refusa, mais qu'il 
arma contre son beau -père : et que celui-ci le con- 
vainquît de rébellion et le punit de mort. Constantino 
■/ubenfe cowictus et stratus esi. 



tament de remp€reur Constantin, Hannibalien 
frère germain du César Dalmace, devait avoir en par- 
tage r Arménie, etc. » (i) Si Ton prétend que ce jeune 
Anaballien n'ait pas été le frère du César Delmace, 
rien n'empêche de le prendre pour le fils de Cons- 
tantin Hannibalien P'., frère du grand Constantin; 
il n'en serait pas moins le neveu de celui-ci , et le 
procb^ parent du César Delmace , De/matii Cesaris 
(jmsangumeus. Dans les deux hypothèses, on est forcé 
de reconnaître deux Anabalien et deux Delmace. Je 
dois observer en dernier lieu , qu'on lit constamment 
dans les auteurs et monumens anciens , Delmatius et 
non Dalmatius. Les médailles grecques portent 
également Delmatie et jamais Dalmatic, comme pro- 
vince romaine : cette remarque est de Cellarius. J'y 
ajouterai seulement que Zosime écrit constamment 
Dalmatius, et qu'il fait Consiance^ frère de Dal-- 
matius. Mais peut-être , faut-il lire, dans Son texte, 
Constantin j frère de Dalmace, premiei* du nom. 

Nous reviendrons aux deux Dalmace, et aux deux 
Annibalien^ lorsqu'il sera question du massacre de 
la famille impériale, après 4a mort du grand Cons* 
tantin. Celui-ci avait particulièrement affectionné le 
jeune Annibalien , auquel il avait m arié sa fille ainée 

(i) Muratori, dans ses Anecdota greca , cite un^ 
médaille de cet Annibalien , roi d'Arménie, 

I. 2. 



( i8 ) 
CônstanUHe, et à qui il destinait rArmënie mineure, 
Mais achevons d^abord Thistoire abrégée des <leux 
empereurs Dioclétiea et j^aximien. 

Peu d^aniiées après avoir désigné leurs successeurs, 
et déjà dégoûtés du pouvoir^ ou pressés par le besoin 
de repos, de rentrer dans la vie privée, ils résolurent 
d^abdiquèr ensemble. Cependant , pour prévenir des 
troubles ultérieurs, avant de confier les rênes de 
Tempire aux deux Césars de leur création, ils vou- 
lurent nommer les futurs successeurs que ceux-ci 
devaient s'adjoindre dans l'a suite , pour assurer la 
oaix publique. 

Dioclétien avait jeté les yeux sûr Maxence^ fils de 
Qllaximien , et sur Constantin, fils de Constance 
Chlore. Mais le .fougueux Galérien exerça une 
telle influence sur Tesprit des deux vieillards , qu'à 
leur préjudice , il fit nommer pour nouveaux Césars , 
Maximin , le fils de sa sœur , et Sévère, l'un de ses 
protégés , homme étranger aux familles impériales 
régnantes» 

Ce choix étant enfin terminé , les deux empereurs 
signèrent leur abdication volontaire ou forcée, l'un h 
Nicomédie, l'autre à Milan ( i®'.mai3o5). Dioclétien 
alla finir paisiblement sa carrière en Dalmatie son 
pays natal (i), et fixa sa résidence àSalone , ou dans 

(i) Zosime, liv. ii, assure qu'il ne vécut que trois i 



f 19 ) 
tine campagne voisine de cette viQe , qo^il orna i^un 

supeAe palais et d^un jardin , dont la culture disait 
«es plus chers délices. Là , ainsi quHl se plaisait à le 
répéter «ouvenl, il jouit d^un bonheur quHl n^avail 
connu, ni sous le diadème, ni dans le tumulte de^ 
camps. Ce fiit aussi dand cette même ville de Salone^ 
que âe râTugièrent dans la suite les faibles empereurs 
(^ycérius et Népos , tous deux détrônés sous Léon , 
empereur d^Orient. 

Dès'lors, Galérien, autrement Galère, et Cons- 
tance Chlore demeurèrent seuls les maîtres de 
Tempire, Tun ep Orient, Fautre en Occident. Le 
premier, sans doute en vertu d'un accord forcé fait 
avec son collègue , retint auprès de lui comme otag^ 
le jeune Constantin, fils de Constance Chlore, et 
confia au César Mâximin le gouvernement de la 
Syrie et de TÉgypte. Constance donna TÂfiricpit 
et ritalie au second César, Sévère. 

Les historiens ont rendu justice aux excellentes 
qualités de Constance Chlore, quHls représentent 
comme un prince juste , sage , éclairé , économe , 
plein de douceur et de modération. Il (ut, dit-on,plus 



ans après son abdication , et qu'il refusa de rcpreudre 
la pourpre , lorsque Maximien Hercule vint le trouver 
à Chartres, en Gaule, pour l'inviter à défendre les 
droits de Maxence. 



I 



<20) 

jaloux du bonheur des citoyens, que du soin de grossir 
le trésor public. L'empereur Dioclétien taxant cette 
conduite d'imprévoyance , avait envoyé , du fond de 
sa retraite , des députés pour lui en faire quelque re- 
proche. SurJe-charap , Constance fit écrire aux plus 
riches habitans de ses provinces , qu'il avait besoin 
d argent. Le trésor fut rempli en peu de jours ^ et 
le prince en rendit témoins les députés eux-mêmes , 
tout étonnés de l'immense quantité d'or et d'argent 
accumulés pour ainsi dire, en un clin d'œil. «c Tout 
ce que vous voyez là, dit le riionarqufc, m'apparte- 
nait depuis long*tems , mais je le laissais en dépôt , 
entre les mains de mon peuple, l'amour de mes 
sujets est le plus sur et le plus riche tréscur que 
je puisse posséder. » 

Son désintéressement l'avait fait surnommer le 
pauvre^ titre plus glorieux, ajoute la Bleterie, que 
celui de conquérant. Aussi se trouvait -il parfois 
tellement au dépourvu , « que lorsqu'il voulait don- 
ner quelque fête à ses amis, il empruntait, au be- 
soin, l'argenterie et les meubles de luxe. » \fif cum 
amicis numerosionbus esset epulanium , privatorum eis 
argento ostiaûin peiito^ iricUnia stemerentur {^Eutrop. 
Ix.). 

Sur tous ces points , Julien , son petit-fils, semble 
l'avoir pris pour modèle ; mais il fut loin de partager 
%^% sentimens religieux. £n effet Constance Chlore, 



( 21 ) 

sans professer ouvertement le christianisme, pro- 
tégea les chrétiens et leur donna des emplois près de 
sa personne. Hélène, sa première femme (i), était 
chrétienne ; et sans doute elle fit germer les prin- 
cipes de sa religion dans le ccrar du jeune Cons- 
tantin, son fils. Celui-ci, après avoir échaj^é, par 
une fiiite hardie , au fer assassin de l'empereur Ga- 
lérien et du César Valère, alla retrouver son père 
dans les Graules, où ils se furent Tun à Fautre , se- 
lon quelques auteurs , très -utiles dans pimieurs 
expéditions. Mais les deux Aurélius Victor et £u- 
trope assurent positivement^ que Constance Chlore 
était d^à mourant a York, en Angleterre (JE^^rari), 
lorsque son fils vint l'y joindre ; et que ce dernier, 
privé de l'appui de son père, ne fut aidé, pour par- 
venir a l'empire , que par un roi allemand nommé 



(i) Zosime, historien quelquefois partial, est le seul 
qui dise que Constance Chlore n'avait point épousé Hé^ 
Une selon les lois. Quelques auteurs en concluent qu'Hé- 
lène ne fut que la concubine de Constance : ils s'ap- 
puient, en outre, de l'autorité d'Eutrope^ liv. x, ex 
obscuriore matrimonio natus. Maii> ces expressions signi- 
fient seulement que Constantin, né d'Hélène et de 
Constance, était d'un sang moins noble que les enfans^ 
nés du même Constance et de Théodora, fille d'Eu- 
tropie , seconde femme de Maximien Hercule. ( Yoyea. 
ci-dessus la note , p, i^*] 



( 2* ) 

ËroGus. GependaXit Fauteur des Exeerpta^àëÇ^i cke ^ 
assure que le jeupe prmce rejoiguit son père à Bou- 
logne , et passa avec lui la i^er , pour soumettre le& 
Pietés; qu'il revint ensuite à Yorck, où il reçut les 
derniers soupirs de son père. 

Cette dernière version est plus* que probable et 
même tout-'à-fait garantie par le témoignage d'Eu- 
mène, auteur contemporain et vivant, pour ainsi 
dire , sur les lieux. Cet orateur rappelait à Cons- 
tantin lui-même présent et auquel il adressait son 
panégyrique, « que le pieux Constance Chlore, so» 
père , venait d'anéantir à Boulogne sur mer les mî^ 
lices et les flottes de la Grande-Bretagne, et qu'il 
était sur le point d'appareiller pour aller subjuguer 
cette île , lorsque son fils arriva inopinément à son 
secours. CUm ad lempus ipsum^ qub pater in J^riian- 
niam Iransfretabat ^ classi jàm velafacientirepentinus 
tuus advenius illuzii. Il ajoutait enfin que presqu'aus-^ 
sitôt après son entrée dans la même île, Constance 
Chlore, indubitablement accompagné de son fils,^ 
soumit les Bretons aux armes romaines, qu'il fit re- 
connaître Constantin par son année; et que celui-ci , 
après avoir repassé dans les Gaules , alla jusqu'au- 
delà du Rhin, où il défit les Francs et punit, dti 
dernier supplice , deux de leurs rois, Asc2a*ic et Re- 
^aise, qui avaient violé la paix {Eumenii panegyr.)^ 

Quoi qu'il en soit , apr^s la mprt de son pè^^e ^ 



( 23 ) 

Constantm P^, dit le Grand, pour lé distinguer de- 
ses successeurs du même nom, reconnu empereur par 
ses troupes (3o6) ( i ) , épousa solennellement Fausta , 
fille de Maximien , mais d'un autre lit que ce 
Maxence auquel Galère avait fait refuser par Dlo^ 
clétien la dignité de César , pour en revêtir Sévère^ 
et Maximin. Ce même Maxence, comme fils de 
Maxîmîen et gendre de l'empereur Galérien, ap- 
prenant à Rome l'élévation de Constantin-le-Grand, 
s'y revêtît de la pourpre. Le vieux Maximien , son 
père, eimuyé de la solitude, et en cela moins sage 
que Dîoclétien, ne tarda pas à venir partager le 
trône de son fils. Tous deux marchent contre Sévère 
envoyé par Galérien, mettent ses troupes en pleine 
déroute , et le forcent à mourir en s'ouvrant les 
veines (2). Mais dans la suite le père s'étaht brouillé 
avec le fils , se retira , tantôt près de Galérien , tantôt 
près de Constantin ; et enfin , après avoir tenté d'as-^ 
sassiner ce dernier, H fut justement étranglé pai* ses 

(i) Il porte, dans les médaillres, les noms de Fia- 
vius.y Vakrmsy AureUus j Claudius Consiantinus, II était 
né à Naisse, en liamanie^ autrement Illyrie. 

(2) Zosime dit au contraire que Maximien Her- 
cule le fit étrangler aux Trois Tat^emes^ lien près de- 
Rome ; il ajoute que ce même Maximien , après avoiç 
îou,tiIçaieiiJt essayé d'assassiner Constantin,, moui^it 4fti 
chagrin et de maladie à Tajcse.. 



^^ ( 4 ) 

ordres^ et par le genre de supplice qa'on lai permit 
de choisir. • 

Galérien s^associa pour lors à Pempii^e Licinius 
homme de guerre, mais illétré, cupide, etd^un ca- 
ractère féroce. D'un autre côté , le César Maximin 
qui gouvernait la Syrie et l'Egypte , s'y fit proclamer 
empereur. Un certain Alexandre, phrygien de na- 
tion, prit aussi la pourpre à Garthage. L'empereur 
Galérien étant mort sur ces entrefaites , Licinius et 
Maximîn se partagèrent ses dépouilles. Maxence , 
demeuré seul possesseur de l'Italie , porta ses armes 
en Afrique , fit étrangler Alexandre , et mina Gar- 
thage , qui était redevenue l'une des plus belles villes 
du monde. Fier de son triomphe et ne mettant plus 
4e bornes à son ambition, il traitait avec mépris ses 
collègues , et faisait à Rome de grands préparatifs 
contre Constantin qu'il regardait comme le plus actif 
de ses rivaux. Gelui-ci, après avoir inutilement tenté 
les voies de conciliation, se décida à marcher contre 
lui , à la tète de ses troupes réunies sous l'étendard 
appelé Labarum, auquel il avait, dit-on, ajouté un 
signe en forme de croix, signe qu'une vision lui 
avait représenté comme gage assuré de sa victoire (i ), 

On ignore la forme primitive de ce Labarum. 



(i) Cette victoire date de la fin de 3ii ou du 
commencement de 3 12. 



(25) 

J)iicange le croît d'origine étrangère aux armes ro- 
maines , et il le considère comme \m trophée rem- 
porté par les premiers emperem^ contre les barbares , 
et dont la forme am^a été imitée sur les enseignes 
impériales. Cependant les historiens du tems pa- 
raissent signaler , sous ce nom étranger aux langues 
alors connues , Fétendart impérial , où étaient tra- 
cées^ disent-ils y TeflSgie de, l'empereur et souvent 
aussi celle de quelque divinité payenne, qu'on força 
dans la suite les soldats chrétiens d'adorer. Sozo- 
mène, 1. i c. 4^ nomme Laborum cet ancien éten- 
dard qp'il prétend avoir été transformé par Cons- 
tantin en signe de croix, ou du moins avoir été par 
lui orné de ce signe. Le poète Prudence semble 
aussi faire entendre que le même prince changea le 
Labafum en une sorte d'oriflamme , où était figuré 
le Christ. 

Christus purpureum gemmanti textus in aura 
Signabat labarum. 

Ces expressions prouvent toutefois que , dans le 
nouvel étendard de Constantin , un Christ tissu en 
fils d'or décorait et faisait ressortir l'ancien Labarum 
teint en pourpre. 

Malgré ces autorités , nous sommes forcés de 
convenir que l'ancien Labarum , ou étendart des 
Romains , avant Constantin , et probablement dès 



(26) 

son origine , avait une ressemblance frappante avec 
la forme d'une croix , et même d'un homme crucifié - 
Je tire cette conclusion du passage ci-après de Mî- 
nutius Félix, auteur qiii vivait uu siècle enviroi» 
avant la victoire de Constantin contre Maxence , et 
dont par cela même le témoignage est décisif. Je 
transcris ici le passage en son entier, ne Payant 
trouvé cité nulle part : cruces eiiam nec colimus ^ 
nec optamus. Vas plane qui Ugneos deos consecratis , 
cruces Ugneas , ut deorum vestrorum partes forsiian \ 
adoratis ; nam et signa ipsa , et cantabra {i), et vexilla 
castrorum, çuid aliud quàm inauratœ cruces sunt ei 
omatœ? trophœa vesira vicfricia, non tantùm si/n^ 
plicis crucisfaciem , vermn et ajfixi hominis imitantur^ 
( Min, Félix, in Octav. , p, 364 ; édition de Paris , 
MDGV, ) « Certes nous n'honorons, ni ne recher- 
chons les croix. Mais vous qui consacrez des dieux 
faits de bois , peut-être adorez-voas aussi des croix 
de bois , comme faisant partie de vos dieux; car vos 
étendarts mêmes, vos cantabres et vos enseignes 
dans les camps, sont-ils autre chose que des croix 
dorées et accompagnées d'ornemens. Enfin vos tro- 
phées victorieux imitent non-seulement la forme^ 



(i) Le cantahrum paraît être aussi le voile que Ter- 
tullîen (Apoleg., cap. xvi) nororae le sipapim vexil^ 
lorum. 



\ 



(27) 

Sl'uiie simple croix; mais encore celle d'un homme 
crucifié. » 

Mes lecteurs me pardonneront cette légère di- 
gression sur une matière encore très-obscure, et sur 
laquelle on n^a produit, jusqu^à ce jour, que des 
données trop vagues. Mais quel que fût Fétendart 
sous lequel Constantin voulut combattre son fier 
ennemi , on sait du moins que le farouche Maiencc 
fut vaincu dans cette sanglante bataille livrée presque 
sous les murs de Rome ; et que , dans sa retraite préci- 
pitée , il fut englouti dans les eaux du Tibre , par la 
chute du pontMilvius trop chargé de fuyards. Sur un 
théâtre plus éloigné de Rome, Licinius et Maximin 
poussaient Tun contre Tautre la guerre à outrance « 
Ce dernier succomba et finit ses jours par le poison. 
Constantin avait donné sa sœur Constantia, en 
mariage à Licinius. Mais la création du César Va- 
lens par ce dernier , brouilla sérieusement ensemble 
les deuxbeaux-firères, qui après s'être battus en di- 
verses rencontres , sans résultat décisif, stipulèrent 
enfin un traité de paix , dans lequel , d^un commun 
accord, ils destituèrent Valens, et nommèrent trois 
césars à sa place , Constantin le jeune et Crispus , 
tous deux fils de Constantin-le- Grand , et Licinien, 
fils de Licinius. Cependant la haine des deux rivaux 
était mal éteinte. Plus tard Constantin fut , pom^ 
diffierçnce de religion, provoqué à un grand combat 



/ 



(28) 

par Lîcînîus son beau-frère, maïs il le vainquît par 
terre et par mer , épargna d'abord ses jours en le ré- 
duisant à la condition privée , et le fit mourir dans 
la suite , contre la foi du traité cp'il avait fait avec 
lui; contra religionem sacramenti , thessalonicœ ^ pii- 
vatus occisus est. (Eutrop. hist. 1. X). 

Resté seul maître du monde ,et professant ouverte- 
ment depuis long-tems la religion chrétienne , Cons- 
tantin-le-Grand , vers Tan 33o, choisit, dsms le 
canal du Bosphore , le bel emplacement de l'ancienne 
Bysance , pour y construire la nouvelle ville qu'il 
appela de son propre nom , Constantinople , et qui 
devint la capitale de l'empire d'Orient. Par un de 
ces caprices singulier de la fortune, qui se joue des 
choses humaines, il se trouve qu'un .premier Cons- 
tantin fils d'Hélène, première femme de Constance 
Chlore , fonda cette grande métropole ; et qu'en l'an 
1 453 de la même ère chrétienne , et sous un dernier 
Constantin , fils d'une autre Hélène , finit l'empire 
d'Orient, dans la même ville de Constantinople, 
après .une durée de 1 1 23 ans. Ce rapprochement 
n'avait point échappé à notre Michel de Montai- 
gnes. On lit , dans le premier tome de ses essais, 
pages 3o8 et Sog de Sédition de Paris,- 1793; 
« Constantin fils d'Hélène , fonda Tcmpire de Cons- 
tantinople , et tant de siècles après , Constantin fils 
d'une autre Hélène, le finit >v 



(29) 
De cruels tnalheurs domestiques, pour ne pas 
dire d^ crimes atroces, souillèrent le palais et 
le règne du grand Constantin. Par ses ordres , le 
césar Crispus , né de Minervine , première femme 
ou plutôt concubine de ce même Constantin; 
{ex cancubina Minerva. Aurel. Vict. p. 388), Ca- 
lomnié par Timpératrice Fausta, est sacrifié sans 
instruction de procès, et meurt par le poison, à 
Fàge de vingt-cinq ans , che'ri et regretté du peuple, 
des courtisans et des ti*oupes. Sa marâtre , dont la 
perfidie avait été mise à découvert , fut étouffée par 
la vapeur des bains chauffés à Fexcès. Constantin 
fit tuer encore , sans.quW en sache la cause , son ne- 
veu Licinien à peine âgé de douze ans (i), disent la 
plupart des historiens. Lui-même enfin , sentant ap- 
procher la fin de sa carrière , désigna pour lui succé- 
à Tempire , ses ti*ois fils , Constantin II, son aîné , 
Constance et Constant ; et après avoir confié son tes- 
tament à un préti*e ou évéque arien, dont il reçut, 
dit-on , le baptême , il mourut dans Achyrone, mai- 
son de plaisance voi^ne de Nicomédie , âgé de soi- 
xante deux ans, et en ayant régné près de trente^deux , 
si nous en croyons le premier Aurélius Victor, (i& 
Cesaribus^ p. 352 , édit. de Vogel ). Le second Auré* 

^i) Zosime, cependant, le fait âgé de vingt ans, 
(liv. n.) \ 



( 3o) 

lîus y'icioTj^epîlomey p. 889), le fait mourir à Tâg 
de soixante trois ans, après en avoir régne treîz 
seul ; Eutrope auteur plus exact , et Cassibdore , 
Tâge de soixante-six ans , et dans la trente et unîèmi 
année de son règne. 

On assure que sa mort avait été présagée par un< 
comète (cum idteirum sidus regnis, çued crinitum ço- 
canty poriendisset ; (Aurel. Vict. de Cesaribus) ; cir- 
constance qui pourrait servir à mieux préciser la 
date de cet événement qu'on-rapporte d'ordinaire 
au jour delà Pentecôte, 22 mai de l'an 33 7. Le^ 
doctes auteurs de VArt de vérifier les Dates , le font 
mourir âgé de 63 ans, deux mois et vingt-cinq jours, 
après un règne de trente ans, neuf mois , vingt-sept 
jours. 

Constantin ayant le premier des anciens maîtres 
du monde , embrassé le christianisme , il n'est pas 
étonnant que les chrétiens en aient presque fait un 
saint. Par une raison contraire , l'empereur Julien* 
qui ne voyait en lui qu'un transfuge de la religion | 
de ses pères , ne l'aura probablement pas jugé sans 
quelque partialité ; et il le maltraite en effet , ou le 
tourne en ridicule dans sa lettre aux Athéniens , dans 
sa satyre des césars , dans son Misopogùn , et ailleurs. 
Mais pour ne pas induire en eiTcur ceux qui liront 
mon précis histotique , je ne rapporterai que les té- 
moignages d'auteurs moins suspects. Eutrope , com- 



( 3ï ) 
^ temporaîn de Constantin, partageant le règne de ce 
prince en deux époques , « le dit comparable aux 
meilleurs princes, dans la première, et aux plus mé- 
diocres dans la seconde (qu'on serait tenté de croire 
la plus heureuse et la plus brillante) » ; çir primo 
imperiiiempore^ optums priiuipibuSy ultimo^ rnediiseom- 
parandus. Ce jugement est assurément très-modéré. 
Mais voici un portrait moins flatteur, tracé de la 
main d'un autre historien son comtemporain ; ( sex- 
lus Aurel. Vict. epiiom, ), undè proberbio vulgari, 
TT^chathi decem anms prasianlissimus , duodecim se- 
ijuentibus annis lairo , decem nomsinùs pupillus ob pro- 
fnsiones îmmodicas nominatus. Ce qui veut dire en bon 
français :« il fut un parfait comédien, pendant les dix 
premières années de son règne ; un brigand durant 
les douze années suivantes, et un pupille dans les 
dix dernières, à cause de son luxe et de ses profu- 
sions immodérées » : le seul mot qui puisse embar- 
rasser le commun des lecteurs , dans ce texte de Vic- 
tor, est celui de Tradiala qui ne se trouve dans au- 
cun autre Lexique , que dans le Glossaire de Du- 
cange , où Ton voit que Cédrenus , historiographe 
grec , donne l'étymologie du sobriquet Trachala , 
donné à Constantin, du mot grec Irachehs , col ; parce , 
que ce prince avait le col très-long, les épaules 
larges , et qu'en un mot il était de prestance et de 
taille I à jouer un rôle. 



( 32 ) 

Pour moins s'écarter de la vérité , on peut présu- 
mer que Constantin eut de g^randes qualités , mais 
qu'il donna aussi dans les plus grands travers. Si 
Ton oppose à la critique d'Aurélius Victor , de Zo- 
sime , et en général des historiens payens , les suffra- 
ges flatteurs despèresde l'église et des écrWains chré- 
tiens, il est juste de tenir compte aussi de Topinion de 
quelques poètes et orateurs chrétiens de cette iqaême 
époque , ou très-peu éloignés , qui n'ont pas eu une 
idée fort avantageuse de la moralité de ce prince, Par 
exemple, Sidoine ApoUinaii^e de famille impériale, 
et évêque de Clermont en Auvergne, louant dans 
Sécundinus son ami , la justesse et l'utilité de ses sa- 
tyres y les compare à celles que le consul Ablavîus , 
(i) composa contre l'empereur G)nstantîn vivant, 

(i) On cite encore parmi les victimes de la cruauté 
de Constantin, cet Ablavius, préfet du prétoire, et collè- 
gue du consul Bassus, en 33 1. Le P. Petau, dans ses 
notes sur les ouvrages de Julien, semble partager cette 
opinion. Cependant , il dit plus clairement ailleurs 
(pag. 212 , I part. liv. 6. Rationar. temp,) qu'avec la 
famille impériale , c'est-à-dire avec Jules Constance , 
Dalmaçe , Anabalieh , etc. , furent aussi massacrés , à 
l'instigation , ou par connivence du jeune empereur 
Constance, le patricien Optât, sous un prétexte antérieu- 
rement allégué par Constantin , et Ablave , préfet du 
prétoire; cum his etiam Optatus patricius nos^o etabCons- 
tantino excogitato titulo , et Ablaçius prafectus prœtorio 



(33) 

fci qu'il fit placarder secrètement k la porte du palais 
blême. Ut miki non Jiguratius Constanim domutn 
^iianujuê videatur vel pupugisse versu gemello consul 
Ablaçius, vel momordtsse disiicho taU, clàm palatinis 
Joribus appenso. 

« Satùrni aureà secla quis requiras ? 
» Saot haec gemmea, sed Meroniana. » 

Quia scilicet prœdidus Augustus usdemferè lempo^ 
fibus ezûnzerai con/ugem Fausiam calor&balnei ,fiUum 
ùispum frigore veneni (C sidon.Apoll. epistol. Ub. \, 
tf. VIII. ) ; et dans la lettre suivante, le même pieux 
évéqae taxe, par une sorte d^antoiiomàse, Constanim 
d'inconstance , Constantino ineonstantiam. Ce jeu, de 

; mots rentre naturellement dans le sens du proverbe 
rapporté par Thistorien romain que nous avons cite 

I plus haut. 



Irùciiati. Cette dernière version cadre mieux avec le 
récit d'Eiinape , portant que Sopâter , disciple de Jam- 
j Uiqtte , eut la tête tranchée à Goiistantinople , pàif 
, tordre de Constantin, et d'après les insinuations d'A-- 
blavius, préfet du prétoire. Ëunape est ici d'accord 
avec Zosime , qui attribue à Tempereur Constantin le 
' meurtre du préfet Ablâvius et du patricien Optât. Zo- 
sime ajoute que la dignité de patricien était de la créa- 
tion de Constantin , et qu'elle donnait au titulaire la 
Iffiséance sur les préfets. 

I. 3 



(34.) 

PARAGRAPHE SECOND. 

Précis des évènernens depuis la mort du grand Cons- 
tantin. — Education physigue et morale de V empe- 
reur Julien, et ses exploits^ jus<]u à son élévation au 
trône impérial. 

Par testament écrit, dît-on, de sa main, le grand 
C Constantin avait partagé l'empire entre cinq princes 
de sa famille. Constantin second, rainé de ses fils, 
ànrait , par les dispositions de cet acte de der- 
nière volonté , gouverné les Gaules , rAngleterre et 
l'Espagne. Constance , son second fils , aurait régné 
en Orient et compté dans ses domaines l'Asie, la 
Syrie et l'Egypte. Constant , le plus jeune des trois , 
aurait possédé llHyrle, l'Italie et l'Afi-ique. Au 
césar Dalmatius , ou Delmace son neveu , il avait 
destiné la Thrace , la Macédoine et l'Achaïe ; et enfin , 
son autre neveu, Anaballien ou Hannibalien, se- j 
cond du nom, que nous avons signalé comme fi^ère ^ 
du César Dalmace, et que d'autres prétendent fils. 
de Constantin Annibalien, fi-ère du grand Cons-i 
tantin, devait avoir, à titre de royauté, la petite, 
Arménie, le pont et la Cappadoce, dont Césarée,: 
ville capitale de celte dernière province , eût été le 
lieu de sa résidence. Rien n'indique qu'il ait été fait 
mention, dans ce testament, de Delmace père, dd 



(35) 

Constantin Ânaballien , ni de Jules Constance , toud 
trois frères dé Constantin-le^Grand, mais issus de 
Théodora, conlrae le remarque Zosime, en ajoutant 
que, dans ce partage, Constantin n^avait eu égard 
qu aux enfans qu'il avait eus de Timpàratrice Fausta. 
Après la mort de ce premier prince chrétien , les 
soldats, excités sans doute par quelqu^agent secret 
de l'un des plus proches héritiers du trône , massa-. 
crèrent impitoyablement tous les membres plus éloi-' 
gDcsde la famille, dont le sexe et l'âge pouvaient 
porter ombrage aux trois fds de Tempereur défunt. 
Parmi ces malheureuses victimes,» Julien désigne, 
dans son manifeste aux Athéniens , ses six cousins , 
qoi Tétaient également de Constance; à savoir, son 
frère aîné ( i) , dont le nom et ùiéme l'existence n'est 
pas autrement connue dans l'Histoire ; son père Jules 
Constance , et son oncle paternel" , qui l'était aussi 
deTempereur CiOnstance. Ces neuf princes soccom- 
lièrent ainsi sous le fer des assassins ; et en nous Te* 
portant à la généalogie de la famille Constantinienne , 
A que nous l'avons établie , pages 4 et; 5 , du pa- 
lagraphe premier, d'auprès les historiens du tems et 



(i) Ce frère était né non de Basiline (car Julien dit^ 
te son Mîsopogon , que sa mère n'eut pas d'autres 
ils qae lui ) , mais de Galla , première femme de Jules 
Constance, père de Julien. 

3. 



C36) 

âttsâî diaprés les auteurs de lart de vérifier les dates 
aous sommes forces de comprendre , au nombre de 
princes assassinés alors, ceux dont il nVst pla 
parlé depuis cette fatale époque, à savoir : Cpns 
tantin Hannibalien, premier du nom, Delmac 
père, et Jules Constance, tous trois frères de Cens 
tantin-le-Grand : en outre , le César Delmace fils 
surnommé Flavius Claudius, et le jeune Annibalien. 
ou Hanabalianus , frère du César Dalmace^ selorj 
Aurélius Victor, ou si Ton veut , fils d^Anniballlen 
premier; et enfin le frère aîné de Teippereur Julien. 
. Jules Constance avait épousé en premières noces 
Galla (i) ^ dont il eut Gallus depuis césar, un autre 
fils , duquel Julien atteste Texistence et la fin tra* 
gîque;. et aussi, une fille nommée Const2^tia^ qui 
fut Tépouse de Tempereur Constance avant Eusébie. 
Après la mort de Galla, il épousa Basîline, mère 
de Julien. Rien ne prouve qu^l ait eu de celle-ci un 
autre fils, frère aîné de Julien : quoique Julien l'ap- 
pelle son frère aîné et qu'il déplore son funeste sort, 
il ne dit point que ce frère fut du second lit. Toutj 
doit faire présumer, qu'il était du premier : car les' 
autres enfans de Jules Constance, c'est-à-dire, 
Gallus et Julien , n'ont été épargnés , que parce que 11 



(i) Cette Galla était la sœur de Céréalis et de Rufiaj 
annoblis par le consulat. 



( 37 ) 
premier était presque mourant , et le second^ d'un 
âge trop tendre , pour être un dangereux compé- 
titeur; il n'avait que cinq ans. 

Il est pénible pour rhlstorien , d*être forcé à re- 
monter à la cause motrice de cette horrible muti- 
lation de l'auguste famille impériale (i). Mais le 
flambeau d'une critique juste, doit éclairer ici le }u* 
geraentde la postérité! 

Constance, depuis empereur, qui se trouva sur 
les lieux de cette scène sanglante, et qui présida aux 
funérailles de son illustre père, fut justement soup- 
çonné de l'avoir permise, ou même provoquée. Mal- 
heureusement pour ce prince, vanté à l'excès par 
quelques pères de l'église , Tempereur Julien, danff 
son manifeste au sénat et au peuple d'Athènes , le 
charge nommément de ce crime; et son témoignage, 
ne se trouvant démenti par aucun auteur contem- 
porain mieux instruit,' est ici du plus gi-and poids. 
Eutrope, il est vrai, se contente de dire , que Cons- 
tance toléra, plutôt qu'il n'ordonna de tels njassacres; 

**■■■! H I II II I ■ 

(i) J'ignore par qu'elle fatalité ces sortes de massa- 
cres figurent si- souvent depuis, dans l'histoire du Bas- 
Empire, et semblent être devenus familiers aux nou- 
veaux maîtres ou sultans de Constantinople , maigre 
la différence que le tems , les mœurs et la religion ont 
pu et dû mettre entre les Grecs d'alors et les Musul- 
mans de nos jours. 



(38) 

Constantio pàttuèk ^uô sinehte poiuts (juam jubenfe] 
Mais, Ammien Marcellin et Zosîme les Itti imputent! 
de la manière k plus formeHe.- Saint-Grégaire de 
Nazianze, argent pane'gyrîst'e âé ce prince, loin de 
chercher à le disculper de ces meurtres , assure 
seulement , qu'il s'en repentit au lit de la mort. Et 
enfiii, Saint- AtKanase , homme véridique et coura- 
geux , cite par les savans auteurs de \ Art de vérifier 
tes dates, accuse ouvertement Constance; son 
crime doit ;doriè passer pour un fait historique suf- 
fisamtnent démontré. On en verra encore d'autres 
preuves dans lé texte des ouvrages de Julien. 

Quoiqu'il en soit, on parvint à soustraire à la fu- 
reur des soldats ou à la faiblesse et à la timidité 
ombrageuse et sanguinaire de Constance, les deux 
orphelins, neveux du grand Constantin, Gallus et 
Jqlien , qu'oii cacha dans nne église de Nico- 
médie, dontEusèbë était évéque. Peu de tems après, 
les trois fils du défunt empereur se mirent d'^tin 
commun accord , en possession des provmces res- j 
pectives que leur avait assignées Irtestamentxle leur 
père;. et ils se partagèrent en outre, les tristes dé- 
pouilles des eésai'S Delmace et Anaballien. 

Cependant, peu d'années après, Constantin l'aîné 
des trois fils , mécontent de son lot, voulut empiéter 
sur celui de Constant son frère, et prit les ai'mes 
çmtre lui , mais il fut tué dans une battaille déci- 



(39) 

sîvc , et son Qovçs fut jelé dans les eaux de YAlsus. 
On elle dans lePëloponèse, un fleuve nommé Alsus • 
ou Alsa. Mais Eutrope (L. X.) et Aurel. Victor 
[epitomé) désignent un autre Alsa ou Anza , dans !e 
voisinage d' Aquîlée ; obtruncalus qui est projecius que 
injlunwn cm namem Alsa est, non longe ab Aquileia. 
Après sa mort, Constant s'empara des étals du 
vaincu , sans que son antre fi^e en revendiquât au- 
cune portion. 

Dès que Constance , devenu empereur d'Orient , 
en vertu du testament de son père , et par arrange- 
ment avec les deux autres princes, cfût découvert Ta- 
syle où avaient été cachés Gallus et Julien, îl relégua 
en lonîc, le premier, âgé de treize ans et d'une santé "%* 
misérable : îl confia le second , beaucoup plus jeune, 
à Eusèbe , évêque de Nicomédie , pour que celui-ci — ^ 
lui fît embrasser l'état ecclésiastique . et dans cette 
vue , îl le priva provisoirement de tous ses biens , h 
Texception peut-être , de ceux de sa mère ou de son 
aïeule , dont îl lui rendit plus tard quelque portion. 
Cependant, il biî nomma pour précepteur, Mardo- 
nîns , Scythe de nation et eunuque , dont Julien , le 
père de Basilîne avait, dit-on , asseî bien soigné lés 
études pour le mettre en état d'expliquer à sa fille, 
Hésiode et Homère. Cet eunuque fit mieux encore, 
il conduisit pendant quelques années son jeune 
élève à l'école des meilleurs maîtres , où son goût 



( 4o ) 

et son application lui obtinrent des progrès rst-» 
pides. 

Julien avait atteint sa quatorzième année , lorsque 
Tombrageux empereur le relégua lui et Gallus son 
frère aîné, dans le château fert de Macelle, au pied 
du mont Argée^ en Çappadoce, assez près de Cesarée* 
Il les y retint pendant six ans , comme en prison , 
ainsi que le raconte asse?; ^u long JFulien lui-même, 
dans son manifeste au sénat et au peuple d^ Athènes. 
Toutefois, Saint-Grégoire ^e Nazianze assure 
qu'on leur y laissa des ^laîtres , qu'on les forma sup^ | 
tout , 2^ tous les devoirs du chiistianisme ; que même, 
ils furent ordonpés lecteurs, et qu'ils en exercèrent 
depuis les fpnçtions, dans l'église de Nicomédie. 

Vers cette époque^ Constant, le dernier des 
frères de Constance, fiit attaqué daqs son palais 
d'^utuu, et tomba en fuyant sous le poignard 
d'un des satellites du tyran Magnence. Celui-ci, 
Iiommç férçce , avait ourdi cette trame dans les | 
Gaules, pour s'y faire reconnaître empereur par les 
troupes ; il en ag:it , dit-on , de la sorte , à l'instigation 
de Constantine, fille du grand Constantin. Cette 
circonstance , quoique rapportée par un auteur peu 
ancien , n'est pas dénuée de vraisemblance. L'em- 
pereur Constance, frère de cette princesse, l'avait 
rendue veuve du César Annibalien ; et il la retenait 
auprès de sa personne pour mieux la surveillei*. On 



(4x) 

peot donc la supposer ennemie jurée de Gmstance et 
disposée à lui susciter des embarras : et plus proba- 
blement encore, Constantia son épouse, la propre 
sœur de Gallus , eut part à cette instigation. En 
même tems, Népotien , dernier nevea de Constantin^ 
par Ëutropie , fille de Théodora épouse de Cons- 
tance Chlore y prit la pourprr en Italie , où il fiit tué 
avec sa loère, en voulant surprendre Rome qui 
s^était déclarée pour le nouveau tyran Magncnce. 
Enfin , dans cette conspiration générale, Yétranion, 
ancien commandant des troupes romaines en Pan- 
nonie , poussé secrètement par Constantine , venait 
de s'y faire proclamer enqpereur, et fut devenu un 
dangereux rival , sUl ne se fut bientôt raccommodé 
avec Constance , qui lui donna de riches propriétés 
en Bitfaynie , où il mourut paisiblement. 

Dans ces circonstances alarmantes, Constance, 
seul héritier légitime et possesseur de Fempire, 
sentant le besoin d'un nouvel appui , jeta les yeux 
sur Gallus dont il avait épdusé la sœur , et il le créa 
fcsar , le 1 5 mars 35 1 , lui donna pour femme Cons* 
tantine , veuve d'Hannibalien , et l'envoya prcs- 
qu'aussitôt après résider à Antioche , en qualité de 
gouverneur d'Orient. 

Cette nouvelle dignité de Gallus, et la fortune 
dont elle était sans doute accompagnée, durent jeter 
quelque lustre sur son jeune firère Julien , avec qui 



(42> 

il avait toujours vécu dans la plus franche cordialité. 
Julien eut donc la liberté de retourner à Constan- 
tinople, pour y continuer ses études: mais il n'eut 
pas celle de fréquenter Técole du fameux Libani us , 
sophiste rhéteur qui était revenu de Nicomédîe , 
dans la nouvelle capîîtale de Tempiré. Constance 
voulut même que le jeune prince y écoutât de préfé- 
rence les leçons d'Eccbole , chrétien de bonne foi , 
selon quelques auteurs, ou singeant, selon d^ antres, 
le christianisme (i), et n'ayant au fond d'autre re- 
ligion que celle du souverain. Chaque jour, Feu- 
nuque Mardonius conduisait son docile élève à 
Técole de ce sophiste, et à celle d'un autre, nommé 
Proarésius , aussi chrétien , avec lesquels Julien 
entretint constamment des relations amicales , ainsi 
qu'on le voit par les lettres qui nous restent de 
lui (2) , et qui déposent en faveur de sa tolérance 



(1) Socrate historien, par fois suspect , peut avoir 
raison quand il dit ( liv. 3 ) : « Le sophiste Écëbole était 
toujours de la religion des empereurs. Sous l'empire de 
Constance , il fit semblant d'avoir un zèle merveilleux 
pour révangile ; sous Julien , il parut excessivement 
attaché aux superstitions païennes; enfin, après la mort 
de ce dernier , le christianisme étant remonté sur le 
trône , le sophiste ne manqua pas de reprendre la pro- 
fession de chrétien. 

(2^ Voyez la seconde lettre k. iProaerésius dans le 



J 



(43) 
religieuse, puisque ses maîtres, devenus ses amis, 
avaient une autre croyance que la sienne. Ses pro- 
grès résultant d^une capacité naturelle et d'un tra- 
vail assidu, sa modestie et son affabilité, et les es-' 
péf ances que faisait concevoir au peuple de Cons- 
tantinople son mérite naissent, réveillèrent la jalousie 
de Tempereur , qui lui intima les ordres, ou de se 
retirer à Nicomédie ( pourvu qu'il n'allât point y 
entendre Libanius alors de retour en cette ville) , 
ou d'établir sa résidence en quelqu'autre lieu de 
l'Asie. 

Ecébole, son principal itislituteur , reçut donc 
de lui le serment d'obéir à la défense impériale , de 
ne pas. voir Libanius, Julien, ne la viola point en 
effet, même pendant ses excursions en Asie ; mais il 
se prociflra., et souvent à grands frais, tous les ou- 
vrages de ce rhéteur dont il fit sa lecture favorite. 
Les lettres qu'il lui écrivit , avant et depuis son 
avènement à l'empire , respirent un enthousiasme , 
ce me semble, assez peu fondé; car je suis tente de 
croire que Julien , malgré ses lumières, fut dupe de 
sa prévention, et qu'il se déguisa, en faveur du 



dernier volume; voyez aussi la longue lettre à The- 
inistius, où Julien se donne pour disciple de' Proœré- 
sios. On sait qu'il* eut , en outre , pour maître Ni- 
coclèsle grammairien w originaire de Lacédémoncl 



(44) 

paganisme que professait Fauteur, les défauts asse2& 
saillans de son stylé, et la médiocrité de &es concept 
lions. On en pourrait dire autant de l'estime exa- 

y* gérée que cet empereur eut pour Jarnbliçue (i), 

La lecture d'Homèie que Julien savait par cœur , 
et qu'il cite à tout propos dans les discours et dans 
les lettres qui nous restent dje lui , avait enflammé 
son imagination. L'avidité de tout savoir le porta à 

^ fréquenter les philosophes payens qui avaient le 
plus de célébrité, ceux surtout de la secte plato- 
nique. Les platoniciens d'alors mêlaient à leurs 
dogmes beaucoup de pratiques superstitieuses , 
d'initiations , de mystères, et de cérémonies occultes ; 



(i) Eunape qui sans doute avait bien lu les écrits 
de ces deux philosophes , met Jamblique de Chalcis 
beaucoup au-dessous de Porphyre, pour le talent ora- 
toire. Quant à Libanius ,n il assure que le style de ses 
déclamations est tout-à-f ait faible ^ qu plutôt mort et sans 
âme. Il le trouve plus éloquent dans sesépitres et autres 
ouvrages. Je dois prévenir, en outre, que le Jamblique 
de Chalcis , dont Eunape vante principalement les mi- 
racles et les opérations magiques , ne peut avoir vécu 
au tems de Julien , qui vit à peine ^Ëdésius, disciple 
de Jamblique et propagateur de sa doctrine. Ce Jam- 
blique était mort avant le règne ou dans les premières 
années de Constance. Le Jamblique de Julien n'est donc 
pas le plus fameux de ce nom. Je parlerai de lui dau.^ 
la J(XXIF\ lettre de Julien, 



( 45 ) 

ils avaient une théologie à part , un culte secret et 
magique, où se faisaient des sacrifices, des évoca- 
tions, en un un mot, des prodiges que les chrétiens 
attribuaient aux démons , et qu41s avaient en abo- 
mination. Cependant il ne faut pas croire , sur la foi 
plu^ que suspecte de l'historien Théodoret et de 
Saint- Grégoire de ^azianze^ que jamais Julien , ni 
les l^latoniciens qui l'endoctrinèrent , quoiqu' adon- 
nés à la science de la divination et des augm*es, aient 
alors cherché, dans les entrailles des victimes hu- 
maines , la connaissance de l'avenir. Aucune suppo- 
sition ne serait plus gratuite , ni plus étrangère aux 
mœoVs et k la philosophie de Julien. L'abbé de la 
Blélerie (p. 35 1 ) se borne à douter de la réalité de 
ces faits horribles , et rapporte , sans les réfuter , 
les bruits vagues qui se répandirent après la mort 
de cet empereur, « qu'ion trouva, dans la ville de 
Carres ( ou en effet ce prince avait passé et sacrifié , 
selon sa coutume ( comme le dit Ammien Marcel- 
lin ), avaot d'entrer en campagne jrontre les Perses , 
des GoflGces remplis de têtes , des puits et des égoâts 
pleins de cadavres , et dans tm temple de la lune de 
cette même ville , une femme dont le» ventre avait été 
ouvert. ». 
Bmami(i), confrère de l'abbé de la Bléterie, à 

(i) Avant Bonamiy Soldas avait bien défini lesdif- 



(46) 

r Académie des Ixiâcriptlons et Belles-Lettres , parle 
plus judicieusement de ces prétendus sacrifices san- 
guinaires j dans un de ses deux mémoires dont les 
extraits sont iiûprimés au septième tome de la col- 
lection desdits mémoires ; il réfute les calomnies 
par lesquelles Jes auteurs mal instruits , ou préve- 
nus, ont cherché à flétrir la mémoire dé Julien, en 
l'accusant S! avoir égorgé des mûmes humaines , pour 
yUre dans laçenir. Il prouve que cet empereur phi- 
losophe, que Jamblique et tous les autres Platoni- 
ciens , dont nous aurons occasion de parler , se li- 
vrèrent effectivement k la magie théurgitfue : mais que 
cette magie n'avait dans ses procédés comme daûs 
son but , rien d'opposé à la philanti^opie et à la saine 
morale , rien qui ne tendît au conti'airie à rapprocher 
l'homme de la divinité; qu'enfin on a confondu 
mal-h-propos cette première magie, ave<5 certaine 
magie goétique, c'est-à-dire par-enchantemens et ma- 
lifices , si bien décrite par les poètes anciens , et dans 
les opérations de laquelle les sorciers ou magiciens , 
n'invoquaient que des génies malfaisans , pour nuire 

férentes espèces de magie et de goëtie ; et Louis Vives , 
qui le cite dans son commentaire du X«. livre , chap. 9 
de la cité de Dieu , par S. Augustin ( édit. de i552) 
distingae parfaitement la magie innocente des autres es r 
pèces de magies malfaisantes. 



(47) 
à d^aatres hommes, et commettaient des craautes 
analogues à celles qu^on vient de rappeler, mais 
qn^on ne peut raisonnablement mettre sur le compte 
de Julien qui les détestait franchement. 

Ce prince se peint au naturel dans ses écrits. C'est 
la qu'il faut étudier son caractère et sa physiono- 
mie ; il y rend compte lui même de son initiation , 
de ses visions nocturnes ,des prétendus miracles dont 
il se dit témoin , des sacrifices et cérémonies par les* 
quels il prétendait découvrir ce qui lui arriverait , 
un jour. Tout y décèle sa crédulité , sa curiosité , sa 
superstition extrême, son attachement invincible au 
paganisme , comme étant la religion de ses pères : 
mais on n'y trouvera rien qui puisse le faire soup* 
çonner des sacrifices barbares dont il s'agit. 

Julien avait vingt ans , lorsqu'il parcourut pour 
s'instruire , les principales villes de l'Asie mineure. 
L'élévation de son frère lui donnait un crédit , que 
sa fortune et ses espérances devaient augmenter. Il 
nous apprend dans sa lettre à Thémistius, qu'on 
lui avait restitué à cette époque, le patrimoine 
de son aaèule (i). Les philosophes de ce pays 



(i) Julien ne la nomme point , et à défaut de do-, 
cumens positifs, on ne peut former que des conjectures 
SUT la famille à laquelle elle appartient. ( Foyen: p. 5 
et suiv. , m de JuUat, ) 



(48) 

durent doilc^ non seulement Paccueillir^ maU le 
flatter. 

Lui même témoigna le plus grand empressement 
à les visiter , à les consulter, et à re(îevoir leurs le- 
çons, U ôe lia d'amitié avec Porphyre^ et avec le se- 
* cond Jamblique. Il alla trouver à Pergame, le phi- 
losophe Edésius chefs des Platoniciens, et successeur 
du fameux Jamblique de Chalcis. Ce philosc^he 
rimbut de sa doctrine abstraite , renforcée de théur- 
gie. U lui conseilla de se faire disciple d'Ëusèbe et 
de Chrj'santhe, qui enseignaient alors dans cette 
même ville , et d'aller ensuite se perfectionner auprès 
de Maxime d'Ëphèse qu'il lui vanta , comme l'homme 
le plus paifait dans les sciences occultes. Tous ces 
personnages s'étaient distribué leurs rôles, pour 
mieux circonvenir l'esprit du jeune Julien. Eusèbe 
fit semblant de vouloir dégoûter celui-ci de la magie 
de Maxime; c'était pour lui inspirer le désir d'en 
savoif davantage. £n effet le jeune prince prit la 
route d'Ëphèse , et se jeta dans les bras de ce Ma- 
, xime , qui lui pronostiqua^ dit-on , l'empire , lui fit 
voir des prodiges , et l'initia dans les mystères, lui 
et un certain Théodore, que Julien, devenu empereur, 
nomma à un pontificat , et auquel il écrivit la soi- 
xante troisième lettre. 

Dans ses courses en Asie, ce prince ne se borna 
p^s à y chercher de l'instruction, il y répandit aussi 



(49) 
des libéralités, et des bienfaits de plus d^un ^ntè, 
H disait an philosophe Thémistius, dans lalon^d 
et sage letti*e qu'il lui écrivit , n'étant encore que 
césar. 

» \ons n'ignorez pas ce que j'ai fait en lonie , 
)' pour un étranger que je connaissais fort peu : je 
» parle de ce sophiste dont je pris là défense, contre 
» un homme auquel je tenais par les liens du sang, 
» et plus encore par ceux de Famitié. N'ai-je pas 
» voyagé, pour rendre service à mes amis? Vous 
» savez avec quel empressement je volai au secours 
« de Carterius. J'allai solliciter en sa faveur Ara- 
» xius notre condisciple , sans en avoir été prié. 
» Deux mois ne s'étaient pas encore écoulés, de- 
î^ puis mon retour, lorsque je fus rappelé en Phiy- 
» gie, par les intérêts de la vertueuse Arété, que 
» des voisins injustes voulaient dépouiller de ses 
» terres ; et je fis ce second voyage , n'étant pas en- 
» core rétabli d'une indisposition que m'avait eau* 
» see la fatigue du premier. » Enfin nous voyons , 
par un long fi^agment de sa lettre à un pontife payen , 
avec quelle effusion de cœur il prodiguait les au- 
mônes , non seulement dans le tems dont nous par- 
lons , mais lors même qu'il était réduit à un très-^ 
mince revenu. 

Quoiqu'il en soit, la popularité de Julien, le cas 
qu'on faisak de son mérite , et par-dessus tout sa 

I. 4 



( 5o ) 

prédilection pour le paganisme , qui était encore l\ 
religion des hommes de lettres et des philosophes! 
celle du sénat et du peuple romain , celle enfin donl 
l'ancienne capitale ornée de temples fameux et ou*^ 
verts au public , faisait encore profession • tout eoj 
un mot semblait annoncer la possibilité de renverser! 
le gouvernement établi, et la facilité que trouverait' 
Julien y d'abolir le christianisme long-tems persécuté, 
protégé sous le seul règne de Constantin, et divisé 
du tems même de ce prince , par Tarianisme que 
soutenait à force ouverte, Constance son successeur, j 
La cour de ce dernier en fut justement allarmée. j 
Julien y avait sans doute des correspondances se- 
crètes, ou bien il en fut directement informé par 
l'impératrice Eusébie, sa protectrice. Dès-lors 11 
changea de tactique, et pour faire taire les bruits 
auxquels sa conduite avait donné lieu , il revint à 
Nlcomédie , se fit tondre les chevjeux à la manière des 
moines , disent Socrate et Sozomène , reprit les fonc- 
tions de lecteur dans l'église , et pria sur les tom- 
beaux des saints mailyrs. Cette métamorphose su- 
bite en imposa à la cour de Constance , ou du moins 
suspendit les effets de la malveillance des courtisans. 
Elle trompa même son propre frère le césar Gallus, 
qui , plus feniie dans la religion chrétienne , qu'il 
croyait que son aîné avait abandonnée, députa vers 
lui son théologien Aétius , arie» pa$$icime\ depuis 



(5, ) 

eque titulaire , mais sans aucun siège. Cet Aétîus , 
duvant Julien livré en apparence à tous les exer- 
ces de la piétë , en fit son rapport à Gallus , qui 
ot devmr féliciter son frère par une lettre qui se 
ouve dans la collection de celles de Julien. 
Les courtisans de Constance étaient également in- 
ressés à perdre les deux frères , pour jouir de tout 
'édit auprès du faible empereur, qui en effet se lais* 
iit gouverner par ses eunuques. Mais l'orage 
data d'abord sur le césar Gallus; on profita de 
pelques a\'antages que ce jeune prince venait de 
emporter , ou sur un parti de Juifs et de Syriens ré- 
follés , ou sur quelques bVigands et autres barbares 
soudoyés par la Perse , pour exciter la jalousie de 
l'empereur. On empoisonna aussi quelques réponses 
Jures de Gallus , aux représentations contre les or- 
jies de sa cour, et l'on exagéra des traits cruels dont 
1 est difficile de l'absoudre , mais qui appartenaient 
plutôt à sa femme Constantine, qu'Ammîen Mar- 

iîllin traite en effet de Mégère , et qu'il accuse d'a- 
olr porté son mari à prétendre à l'empire. Enfin 
empereur, décidé aie sacrifier, envoya des agens 
porteurs iî* ordres secrets (i), dans lesquels on lui 



(i) Le comte Domîtien, au nom de Constance, 
tait sommé le césar de se rendre en Italie; il fut 
lassacré quelques jonrs après avec le questenr Montius, 

4: 



( 52 ) 

supposa , polir l'attirer en Occident , le dessein d*ai 
1er visiter la cour de Milan , et d^y revoir son bien 
faiteur. Parmi les courtisans qui tramaient près di 
Constance la ruine du césar , Zosime nomme D}naa| 
mius et Piçentius de basse extraction, et Lampadiui 
préfet du prétoire. i 

Si quelque chose peut excuser le nouveau crim^ 
politique commis par Constance, c'est qu'en effej 
Gallus avait, par sa dignité et par le nombre dei 
troupes dont il disposait, assez de puissance pouj 
opérer un soulèvement ; et que , «'étant une fois ré- 
volté , il eût pu être assez bien secondé par le génî^ 
habile et entreprenant de Julien, car les deux frèrei 
s'aimaient très cordialement ; mais le premier étaîi 
incapable de monter un coup et de le soutenir. Ce- 
pendant l'arrivée du message de l'empereur, son beau 
frère, l'avait beaucoup inquiété; il ne partit mêm( 
qu'avec répugnance, et d'après les promesses flatteusei 
d'un certain Scudilon, au nom de l'empereur. A pein^ 
fut-il éloigné d' Antioche , lieu de sa résidence, qu'oi 
cessa de le traiter avec les égards dus à son rang 
On empêcha que les troupes , qui se trouvaient sui 
sa route , eussent avec lui la moindre communica^ 



par le peuple. Gallus , qui n'était point étranger à ce 
événement, devait mieux en prévoir les suites. 



(53) 

tlon. On diminua peu à peu , sous divers prétextes , 
sa garde et Son cortège. 

Mais lorscpHl fut arrivé dans G^nstantinople, on 
affecta, pour le rassurer, de lui donner une ombre 
de liberté , dont il profita en effet pour assister aux 
spectacles et pour se livrer à ses plaiôrs, jusqu^à ce 
que les derniers ordres de Constance fussent enfin 
parvenus. Aussitôt d'autres agens secrets, au nombre 
desquels étaient Léonce , Lucillien , Feunuque £u- 
sèbck chambellan de Tempereur, Apodème (i), 
PeiRade (2) , d'autres hommes plus obscurs encore 
dont parle Ammien Marcellin, et enfin Barbation 
(lesquels périrent plus tard et presque tous d'une 
manière désastreuse ) , pressèrent son départ en 
toute hâte ; et sur la route même , on accéléra sa 
marche forcée, sous prétexte que son beau-fi:^re 
était impatient de le revoir, et l'attendait d'heure 
en heure. 

« Gq>endant on le fit descendre de sa voiture , à 

(i) Cet Apodème eut, au dire d^Amm. Marcell. 1. XV, 
c. I , la lâcheté de rapporter en trophée la chaussure 
da malheureux prince victime , à Constance , et de le 
féliciter de ce meurtre comme d'un triomphe égala celui 
remporté par son maître sur Yétranion. 

(2) Ce Pentade est sans doute différent d'un autre 
Peniade que Julien députa depuis vers Constance , pour 
toi donner avis de son élévation à Tempire. 



( 54 ) 

Pettau, sur le Drave, dit Ammien Mai-cellîn (j 
Petobionem Noricorwn, liv, XIV, (xi)i; delà, api! 
qu'on Teut dégradé et dépouillé de la pourpre, j 
le transporta sur une simple charette, en Istrj 
près de la ville de Pola, où nous apprenons qu'avj 
auparavant été mis à mort le césar Grispus , fils i 
Constantin. £q ce même lieu fut décapité Tini^ 
tuné Gallus, né en Toscane de Jule Constance] 
de Galla , sœur de Céréalis et de Ruffin , honorés ^ 
dignités de préfet et de consul. » Sa femme Coii 
tantine avait expiré en Bithynie peu de tems av^ 
la sanglante catastrophe de son mari ^ et sur la roi{ 
même de Milan, où elle se rendait en toute \à\ 
dans l'espoir de fléchir l'empereur Constance. 

Julien écrivit depuis aux Athéniens , dans le n| 
nifeste déjà cité^ que le malheureux prince, s| 
frère, fut exécuté, sans avoir été entendu, et si 
qu'il lui fut permis de se disculper des crimes ^ 
lesquels on motivait son arrêt de mort. Plusiei] 
historiens modernes, tels que Tillemont , laBleterJ 
les auteurs de l'histoire universelle, etc^nommè 
Flanone, Flammone, Fianone ou Fione, comme 
lieu de la Dalmatie, où, selon eux , fut décapité! 
césar Gallus. Socrate dit en effet ( 1. 2 , c. 35 ) qu 
* subit son arrêt dans l'île de Flanone ; mais Cellari 
soupçonne que l'écrivain grec a fait ici , par erreu 
de cette Flanone une île , qu que la Flanone conni 



(55) 

i par Pline , estja même ville qu'Etienne le géographe 
appelle Phlaiume, 'ou Phlaone ^ et qu'il place près 
ide l'ile d'Absyrt€, sur la mer Adrialique, Elle fai- 
sait autrefois partie de l'Ulyrie , autrement Libumie 
l(Flof. , 1. 2, e. 5 ). D'ailleurs la ville de Pola , en 
llstrie, était, sous les empereurs Auguste et Tibère, 
la dernière de l'Italie. Or la ville de Pettau , sur le 
iDrave, me paraissant plus dans la direction de 
I Pola , qpe celle de Flanone^ je préfère , comme plus 
fidèle, le récit détaillé d'Ammicn, mieux à portée , 
i par son service militaire , de connakre ces lieux. Au 
I reste la distance de cette Flanone, à Pola, ne pou- 
vait être longue ,' si nous en croyons Cellarius déjà 
j cité , et Charles Etienne , lequel dit à l'article Phla- 
\ nones (jjopuli) sic dicH ab oppido Phlnno^ interPo- 
\Iam coloniam et Laderam. Pour ne rien laisser à 
désirer sur cette circonstance , voici le passage de 
Florus qui prouve que , de son tems , on confondait 
k Libumie -avec l'Ulyrie : IHyrii seu Libumi^ sub ex- 
tremis Alpium radicibus agttni inter Arsiam Tiiiurrujue 
flumen, longissimè per totum Adriani maris liiius 
^fusi. Ainsi la Libumie de Florus doit être l'Istrie 
d'Ammîen Marcellin. En effet Cellarius nomme 
Flanone comme étant la seconde ville de la Liburnîe , 
et il place le pays des Noriques entre le Danube et 
les Alpes Noriques. Toutefois ces divisions ou dé- 
nominations teiritoriales ont varié sous des règnes 



( 56 ) 

dlfferens. C'est pourquoi Pline (L 3 , c. i8 ) fait de 
Trieste une coloaie vénitienne distante de 23 ,000 
pas, d'Aquilée, tandis que Ptolëmée (1. 3, c. i ) en 
fait une colonie de llstrie; mais ces observations 
sont peu essentielles dans Tevénement que je viens 
d'expose^^ 

Le meurtre du cësar Gallus semblait devoir en- 
traîner celui de Julien. La même jalousie du prince 
régnant, le même système de calomnie de la part des 
hommes vils, qui abi^saient de son pouvoir ^ le dan- 
ger de laisser vivre un jeune prince, intéressé à faire 
valoir sçs droits, et k venger les mânes d^un frère 
tendrement chérî^ tout en un mot paraissait présager 
la ruine prochaine du dernier rejeton de Jules Cons- 
tance^ Aussi fut-il d'abord arrêté par les satel- 
lites du tyrai^, promené' de villes en villes et livré à 
leur discrétion , pendant sept mois , en attendant des 
ordres définitif. Conduit enfin à Milan, où résidait 
le mouarqUe indécis, le captifj passa plusieurs autres 
mois çntre la vie et la mort, ne sachant qui Tem- 
iporterait, ou de l'impératrice Ëusébie, qui voulait le 
sauver , qu des. courtisans qui avaient juré sa perle. 

Pendant ces tristes épreuves, Julien eut assez 
d'adresse et de constance pqur nç laisser échapper 
de v^t ses lâches espions, aucun mot, dont la calomnie 
put profiter, aucune plainte sur le sort de son mal- 
heureux i^e. Mais en même tems , il se garda d'im- 



(57) 
puter à ce dei*nier aucon tort, qaoiqu^on essayât 
tous les moyens de Tamener à cette TÎIe délation.^ 
par laquelle sans doute ^ on cherchait à Timjdiqner 
dans les prétendus griefs imputés au piûnce défunt, 
si inhumainement sacrifié. Julien peint lui-même ses 
cruelles angoisses , dans sa lettre à Thémistius , dans 
son manifeste aux Athéniens , et dans son panégyri- 
que de rimpératrice Ëuséhie {Flavia Aurélia), 
seconde femme de Constance , issue d^une famille 
consulaire. 

Ëuséhie obtint enfin, pour le jeune prince, une 
première audience , où il se disculpa de vive voix , 
devant Fempereur qui lui en promit une seconde, 
IVll^is Teunuque Eusèbe , qui avait tout pouvoir sur 
Tesprit de son faihle maître , craignant Tascendant 
de Julien , fit différer cette audience , et Técarta en- 
suite indéfiniment , jusqu^à ce que l'impératrice , ne 
voulant plus compromettre son crédit ,. demanda et 
obtint pour son protégé , la permission de retourner 
en Asie. 

Pendant qu'on faisait les préparatifs de ce voyage, 
Julien se retira prudemment de la cour, et séjourna 
dans la petite ville de Côme en Italie. Au hout de 
(pielques jours, Fomhrageux Constance , plein de la 
pensée que Julien comptait beaucoup de partisans 
en Asie, et se souvenant d'ailleurs, que cette contrée 
avait été le théâtre de la puissance de Gallus , ré-< 



,( 58 ) 
voqua la permission qu'il venait d'accorder ; et ce- 
pendant , par les conseils d'Eusébie, le jeune prince 
reçut l'ordre de passer dans la Grèce. C'était pré- 
cisément cette terre classique des sciences, qu'il 
aurait choisie lui-même pour le lieu de son exil ^ 
s'il en avait été le maître ; et sans doute l'impéra— 
trice avait bien' deviné sa pensée . ; 

Avec quel plaisir il vola vers la célèbre ville 
d'Athènes! Avec quel empressement il visita les 
hommes de lettres, les savans et les philosophes 
payens ! Il y fit la connaissance particulière du pon- 
tife d'Eleusine^ qu'on disait être plus profondé- 
ment versé que Maxime , dans la Théurgie , et doitt 
la science prétendue flatta singulièrement la curio- 
sité superstitieuse du néophyte. De ce côté , saint 
Grégoire de Nazianze, qui se trouvait pour lors 
dans Athènes , dut observer son faible et ses travers ; 
mais il ne lui rend aucune justice (i) dans ses ha- 
rangues , où tout prouve que la prévention ne lui 
fit voir , en Julien , que l'apostat , et non le prince 



(i) Ce qui ôte* toute croyance au témoignage du 
saint prélat, c^est quHl pousse Finjustice de son achar- 
nement contre la personne de Julien , jusqu'à lui re- 
procher ses défauts naturels , et à le peindre comme un 
monstre prêt à raoager la terre , parce que , dit-il , ses épaules 
étaient hautes , sa tête branlante , et ses yeux hagards , etc. 



( 59 ) 
juste , éclairé , doué des rares qualités que ses con- 
temporains , même chrétiens, et la postérité , n'ont 
pu lui refuser. Du reste , la théologie abstraite de 
Julien sur le dieu soleil, sur la mère des dieux , etc. , 
théologie dont nos lecteurs pourront se faire une 
idée par noti^ traduction, ne permettent pas de 
douter qu'il n'ait que trop mis à profit les leçons 
de Maxime et du pontife d'Ëuleusine, 

A peine Julien avait-il passé un an dans cette 
retraite chérie , que des ordres de Constance le rap- 
pelèrent à la cour de Milan, Cet empereur, regret- 
tant de n'avoir point d'enfans mâles, tourmenté 
enfin par les remords de ses crimes (i), et d'ail- 
leurs influencé par les conseils de l'impératrice Eu- 
sébie , son épouse, avait résolu de conférer au jeune 
prince la dignité de césar , et de l' opposer aux bar- 
bares qui ravageaient impunément la Gaule. Julien 
était trop bien servi , par son illustre protectrice , 
pour ignorer l'intention de l'empereur; mais l'exem- 
ple trop récent de la chute de son fi:ère Gallus lui 
fit envisager sa future promotion comme un arrêt 
de mort. Il se résigna cependant à la volonté du 
ciel, et après s'être prosterné 'devant la statue, 
de Minerve , pour se rendre favorable cette déesse , 



(i) Crimes. Voyez la lettre ou manifeste de Tempe- 
reur Julien aux Athéniens. 



(6o) 
îl s'éloigna , quoiqo'à regret y de la ville d'Athènes , 
et il prit la route de Milan. 

Sa lettre aux Athéniens nous apprend qu'il se 
logea provisoirement dans les faubourgs , et peut- 
être même hors de l'enceinte de cette résidence impé- 
riale ; et que de là , il con-espondaît avec Eusébîe ; 
îl la conjurait , surtout , d'obtenir de l'empereur , 
son époux, la permission de retourner simple par- 
ticulier en Asie , où il avait été élevé et qu'il re- 
gardait comme sa patrie. Mais enfin l'impératrice 
triompha de la cabale des courtisans ennemis de 
Julien, à la tête desquels était toujours l'ennuque 
--Eusèbe , chambellan de l'empereur. La nomination 
du nouveau césar fut résolue : elle eut lieu , avec 
la plus grande pompe , au grand contentement des 
soldats et du peuple , le 6 novembre de l'an 355 , 
sous le consulat d'Arbétion et de LoUien. Constance 
lui fit épouser Hélène , la plus jeune de ses sœurs ; 
et l'impératrice Eusébie lui fit présent d'une riche 
bibliothèque qu'il emporta avec lui dans son expé- 
dition des Gaules, et dont il se montra depuis si 
reconnaissant dans le panégyrique qu'il fit de cette 
princesse : ici son éloge est dicté par le cœur. Maïs 
on n'en pourrait dire autant de ses deux autres ha- 
rangues en l'honneur de Constance , commandées 
par la politique ou par des ordres supérieurs : il est 
forcé d'y déguiser le meurtre de sa famille , au lieu 

\ 



(60 

qa'îl le lui reproche ouYertement dans son mani- 
feste aux Athéniens , par lui écrit , lorsqu^il avait 
^ défendre y contre ce beau-frère,, sa vie et sa di- 
gnité. 

C(Histance, en décorant Julien de la pourpre, 
ne se départit jamais des soupçons injustes, ni de la 
prévention qu'il avtiit contre ce jeune prince ; et de 
leur coté les comtisans ne renoncèrent point à Tes* 
pérance de le perdre dans Tesprit de leur maître , 
comme ils avaient perdu le césar Gallus. L'empe- 
reur, sous prétexte de composer la maison du nou- 
veau césar, ne laissa auprès de lui que quatre de 
ses ofiBciers domestiques, dont deux étaient encore 
en bas âge ; le troisième était Evémérus , son biblio- 
thécaire , et le quatrième Oribase de Pergame , son 
médecin. En l'envoyant combattre les barbares qui 
ravageaient la Gaule et qu'il y avait appelés lui- 
même^ pour embarrasser le tyran Magnence, il ne 
lui conféra point le commandement en chef de 
l'armée ; il en revêtit des généraux qui lui servaient 
d'espions, et qui , sous main, travaillaient à faire 
échouer toutes les entreprises du césar. 

Julien, âgé pour lors de vingt-trois ans, partit 
de Milan le i*'. décembre 355, traversa les Alpes 
avec une escorte de trois cent soixante soldats, 
reçut , sur sa route , les honneurs et surtout les ap- 
plaudissemens unanimes des peuples , et arriva au 



( 62 ) 

Qàinp de Vienne (t) ^ en Daupbîné , vers la fin du 
même mois. Il y passa l'hiver, occupé k étudier 
l'art de la guerre, bien nouveau pour lui ; mais il 
avait de bons livres , et consultait un petit nombre 
d'hommes expérimente's , bons militaires et sages 



(i) Il serait difficile d'assigner aujourdhui , outre 
Vienne et Paris , les autres lieux où campa l'armée du 
césar, pendant le long séjour qu'il fit dans les Gaules; 
je citerai pour exemple , un de ces lieux , désigné par 
Sidoine Appollinaire , écrivain assez rapproche du tems 
dont il s'agit pour e% avoir conservé la tradition. Ce 
pieux évêque de Clermont en Auvergne , écrivait donc 
à son ami Mauruse ( Ep. XIV, 1. 2 ) ; « Je présume que 
tu séjourneras au bourg de Viol , bourg connu sous le 
nom dé Martial^ an siècle dernier , à cause du campe- 
pient àes liions de Julien , dans l'hiver. » Inpagù Fio- 
luacmsi jgui martialis œsMe citeriore çoa'tafus est propter 
hy berna legionum julianarum ) suspicor dinturnihs remo- 
ratururn; qub loci cum tihiferax vineaest^ etc. Ce Vio- 
luacensis pagus , ou selon Etienne Vioîuascensis , doit 
être Viol en Forez , Éas Languedoc , ou Vîoley-Mo- 
ripon,, ou Violey-Vijlette , diocèse de Lyon. Eii effet, 
puisque Julien eut plus d'une fois un camp à Vienne , 
il peiit avoir aussi campé à Viol , ou à Violey , aycc 
une partie de ses légions. On voit encore les restes 
d'un autre camp romain à Nérac, l'ancienne Niris ^ 
près B^OKtluçon , en Bourbonnais. Ce dernier camp était 
connu a^ant Julien; mais il peut aussi avoir été occupé 
par quelques légions de cet empereur. 



( 63 ) 

administrateurs. Il n^écoutait point les flatteurs ; il 
aimait la justice et se |)laisait à la rendre à tous; il 
réglait ses dépenses et faisait tous ses efforts pour 
(It^'grëver le peuple d^impôts (i) ; il vivait avec une 
extrême sobriété, et même durement; il dormait 
peu , et partageait tout son tems entre la lecture , 
la correspondance avec ses amis , et les affaires ad- 
ministratives ; brave dans les combats, sage dans 
les conseils , voilà des qualités que ne lui disputè- 
rent pas ses ennemis, tout en condamnant son aver- 
sion pour le christianisme , son affectation de phi- 
losophie cynique , et son attrait pour toutes les 
superstitions payennes. 

Les Gaules étaient alors dans Tétat le plus déplo- 
rable. Des barbares, que les historiens du tems 
nonmient Alamarmi^tl que Constance avait appelles 
d^au-delà du Rhin, pour les opposer à Magnence , 
avaient ruiné quarante-cinq villes, beaucoup de 
bourgs et de forteresses , étendaient , aidés des 
Francs et de quelques autres peuples , leurs dévasta^ 
tions sur diverses contrées , où paraissant à Timpro- 



(i) Âmmien Marcellin raconte au long la défense que 
Julien prit du peuple des Gaules , contre les vexations 
de Florentins , préfet du prétoire , protégé par Cons- 
tance. Foyez les passages 1, XVI, c. 5; 1. XVII, 1. 5, 
t. 3 ; 1. XVIII, c. I ; voyez aussi Julien, ep. XVII. 



( 64 ) 

vistê. Us enlevaient les hommes, les bestiaux , les 
grains et tout ce qui tombait en leur pouvoir. 
Julien partit de Vienne , comme il le dit lui-même , 
à l'époque où les épis étaient déjà avancés, pour aller! 
porter la guerre dans le propre pays de ces barbares. 
Il anûva dans Autun, le il\ juin 356, passa par 
Auxerre , Troies , Reims , et traversa la Loraîne , 
continuellement harcelé par les barbares qu'il at- 
teignit enfin, et battit complètement à Brumat (Bro- 
comagum) (i). Sa victoire lui ouvrit le chemin de 
Cologne , ville qu'il releva de ses ruines; les Franc», 
étonnés de ses exploits , conclurent avec lui une trêve 
qui lui donna la facilité de venir passer l'hiver à 
Sens, où il fut investi et assiégé pendant un mois , 
par les barbares, très-supérieurs en nombre, sans 
qu'il reçût aucun secours de Marcellus, généralissime 
de la cavalerie , c[ui avait son quartier daps le voisi- 
nage de cette ville. 

Pour cette fois, le crédit de l'impératrice Eusébie, 
bien informée sans doute , pai- le césar , ou par ses 
amis , fit déférer à Julien le commandement en chef 
• ■ ■ ■ " ■*■ ■ 

(i) On ne voit pas que dans cette première campa- 
gne , le nouveau césar ait passé le Rhin. Il se peut ^ 
cependant , que ses soldats aient fait des incursions au- 
delà de ce fleuve. Mais il parait , par lés témoignages 
de rhistorien Amra. Marcell. , qu'il passa ce fleuve à 
différentes fois, ainsi que nous le verrons. 



(65) 

àts armées ; et Marcellus fut remplacé par Sévère, 
guerrier capable et plein d'honneur. La campagne 
suivante de 35 7 , devait s'ouvrir sous de meilleurs 
auspices. L'empereur en avait tracé le plan d^assez 
bonne foi; par ses ordres, Barbation à la tête de 
vingt-cinq mille hommes , devait se porter sur le 
Haut-Rhin , tandis que Julien , avec son corps d'ar- ' 
mée , s'avancerait à sa rencontre pour mettre l'en- 
nemi entre deux pièges ; mais ce Barbation connaissait 
trop bien Constance pour coopérer à la gloire de 
Julien; i\ crût mieux servir son maître, en tra- 
versant toutes les opérations du nouveau césar; 
11 se fit battre, brâla les vaisseaux et les vivres 
destinés à la subsistance de l'armée, puis retourna 
chargé d'opprobres, calomnier' le jeune' prince à 
la cour. 

11 fallut à Julien , tout le courage et toute l'habi- 
leté , dont il fit preuve , pour se tirer du mauvais pas 
où l'avait engagé la trahison de Barbation , et sur- 
tout pour reprendre l'offensive et remporter des vic- 
toires signalées, dont l'histoire a consacré le sou- 
venir, et que nous sommes encore forcés d'admirer 
aujourd'hui. Avec de faibles moyens , et en dépit de 
mille obfitacks, le jeune héros fit des prodiges de va-' 
ItmTj et exécuta des manœuvres comparables à celles 
des plus grands capitaines de l'antiquité. Il en avait 
écrit lui-même lès détails y et Y on ne peut trop rc- 
I. 5 



(66) 

gretter la perte de ses mémoires, qui ii^am:aient pas 
été sans doute moins curieux pour nous , que les 
commentaires de César. 

Les Alamans, fiers de la défaite du corps à'sr- 
mée commandé par Barbation , crurent se débarras- 
ser plus facilement encore de celui qui était sous les 
ordres du jeune césar. Us avaient rassemblé une 
armée de 35,ooo combattans,. sous sept de leurs 
"rois , * dont Chnodomaire était le chef principal. 
Celui-ci envoya des députés sommer Julien et ses 
troupes de sortir du pays qui leur avait été donné , 
disaient-ils, par Temperenr Cpnstanee, pour les 
engager k faire la guerre à Magnence, et pour les 
dédommager des (irais de leur facile expédition contre 
ce tyran. 

Julien, qui n^avait pas plus de i3,ooo soldats, 
retint les députés , de p«ur quHls ne donnassent avis 
de sa faiblesse , et marcha contre Tennemi. Il Tattei- 
gnit à quelques lieues de Strasbourg, lui tua 6,000 
hommes sur le champ de bataille , et massacra un 
plus grand nombre de fuyards qui se précipitaient 
dans 1; Rhin. Parmi les prisonniers se trouva le roi 
Chnodomaire, que le césar ti*aita avec beaucoup 
d'égards, et qu'il envoya, sous escorte, à Tempe- 
renr Constance, Celui-ci le fit transférer à Rome , 
où il mourut. 

Cette victoire signalée fiit annoncée officiellement. 



C67) 

par Constance 5 à tout Fcmpire; mais sans que; 
dans le rapport, il fût dit un seul mot de Julien, 
tant le monarque et sa cour se plaisaient à mortifier 
le jeune cësar, et h refuser toute espèce d^homiliage 
à ses taleifô militaires. Julien , après avoir conclu une 
trêve de dix mois avec les barbares , repartit pour 
son quartier d^hiver , au commencement de décembre, 
rencontra vm parti de six- cents Français , ou Francs 
(Francones)^ qui ravageaient les bords de la Meuse. 
Ils se réfugièrent dans deux forteresses voisines de 
re fleuve ; et au bout de deux mois , ils furent con- 
traints à se rendre à discrétion. C'était la première 
fois qu'on avait pu faire prisonniers des hommes de 
celte nation : ils avaient coutume de se défendre jus- 
qu'à la mort qu'ils préféraîeait à l'esclavage. Le 
césar renvoya ces braves à Constance , qui les in- 
corpora dans les troupes de l'empire ; lui-même 
revînt achever l'hiver de 358, a Paris , qu'il appe- , 
lait sa chère Lutèce , et où il laissa, dît-on, entre 
autres monumens de sa magnificence , un palais , et 
un amphithéâtre , sur la rive gauche méridionale de 
la Seine. Selon d'autres auteurs , ces monumens 
existaient avant lui et avaient été construits par 
par Constance Chlore, comme il est facile de le 
prouver, et comme le prouve en effet M. Dulaure , 
dans son volume de son histoire de Paris, 1821. 

Il se remit en campagne vers le prîntems ; et en 

5. 



(68). 

attendant l'expiration de la trêve avec lès Alaiûans, 
il tourna les armes contre les Salïens (SSg) ( i ) , qui , 
chassés de leur pays par les Saxons , voulaient se 
fixer dans celui des Bataves et dans le Brabànt. 
Après les avoir soumis aux Romains , il défit les 
Chamades , autres peuples francs qui ravageaient 
les pays situés vers l'embouchure du Rhin ; il reçut 
d'eux, entr'autres otages, le fils de leur foi Né- 
biogaste , et il en exigea le libre transport , par leur 
pays, des grains tirés de la Grande-Bretagne pour 
le transport que Constance , d'après les conseils de 



(i) Les Saliens^ autres peuples francs, avaient an- 
ciennement habité les bords du Zaal on Saal , et d'où , 
chassés soit par les Saxons , soît par d'autres barbares , 
ils s'établirent danslaFranconie.Amm. Mar cellin (1. 1 1.), 
parlant des Francs de son tems, les confond avec les Sa- 
liens; petit primos omnium Francos , eos videlicet ^quos 
consuetudo Salios apptllavit. Ils ont donné leur nom à la 
loi salique. On peut supposer que les peuples saliens , 
qui habitèrent la Ligurie et les pays voisins de Marseille, 
avaient la même origine , Celto-Gerraanique. Mais il 
est au moins douteux que les prêtres saliens, dévoués au 
culte de Mars par Numa Pompilius , aient appartenu 
à cette nation. Il est à remarquer , en outre , que 
Julien dit, dans son manifeste aux Athéniens , avoir 
passé le Rhin pour combattre les Saliens. 11 paraît que 
dans le cours de sts expéditions Julien passa le Rhin 
sept fois. 



(69) 
Florentius , ofFrall de payer deux mille livres pesant 
d^argent ( Yoyez la page ciraprès et lés notes de 
la lettre XV* à Oribase). 

U passa ensQÎle le Rhin, soumît les deux rois 
{Ahmans) , Hortaire et Suomaire, auxquels il fit 
rendre tous les prisonniers qu'ils avaient faits , et 
dont il porte lui-même le nombre à 20,000 , dans 
sa lettre aux Athéniens ; après cette campagne , qui 
ne dura que six mois , il repassa le Rhin , s'occupa 
de reconstruire en deçà de ce fleuve , plusieurs villes 
et places fortes, en quoi il fut merveilleusement 
secondé par les barbares eux mêmes. Le reste de 
rannée fut consacré à ces travaux , et à la construc- 
tion de greniers .publics , pour y resserer les btcs 
qu'on tirait de la grande Bretagne. 

Julien apprit l'année suivante (36o) , que six roLs 
[Alamans) s'étaient ligués entr 'eux , et qu'ils se pré- 
paraient à lui disputer le passajgc du Rhin. Suo- 
maire et Hortaire étant demeurés ses alliés, il ne 
voulut point passer par leur territoire ; mais il passa 
le fleuve ailleurs, par une ruse de guerre ; il surprit 
les six rois ligués , défit toutes leurs troupes , et leur 
accorda la paix , lorsqu'ils eurent rendu leurs pri- 
sonniers. 

De retour à Paris , l'an 36o, le jeune césar , sur 
la nouvelle de la révolte des Pietés et des Ecossais, 
envoya avec quelques troupes, Lupîcîn, généralisr 



y- 



(70) 

sîme de la cavalerie , qui avait remplacé Sévère ^ mort 
depuis 18 mois. Sur ces entrefaites, Tempereur 
Constance ayant souffert quelques échecs dans sa 
guerre contre les Perses, voulut renforcer son ar- 
mée de toute l'élite des troupes de Julien ; il députa 
vers celui-ci, Décentius secrétaire d'état, porteur 
d'une lettre conçue en termes injurieux pour le 
jeune césar , auquel il était commandé, de ne mettre 
aucun retard ni aucune opposition aux volontés de 
l'empereur; on chargeait Lupicin et le grand écuyer 
du césar , d'exécuter cet ordre , et de conduire en 
Orient les corps les plus aguéris de l'armée de Ju- 
lien. Le premier (Lupicin) était occupé, dans la 
grande Bretagne ; Julien eut désiré conférer avec 
lui, poiu* faire des représentations à l'empereur , sur 
Tordre qu'il venait de recevoir; il avait aussi écrit à 
ïlorentius , préfet du prétoire , pour le nïême objet. 
Ce préfet dont j'ai parlé en la note de la page 63 et 
ailleurs , était resté à Vienne , et ayant sans doute 
contribué par ses conseils à l'ordi'e donné par Cons- 
tance , il se garda bien de revenir s'exposer aux res- 
sentimens de l'armée. 

Le césar regretta dans ce moment , de ne pouvoir 
prendre les avis de son excellent ami Salluste , que 
l'empereur lui avait retiré depuis plus d'un an, et 
auquel il fait de touchans adieux , dans la longue 
lettre que nous avons de lui. Cependant Décentius 



et le grand ëcujer , le pressaient de faire partir les 
troupes ; il se résolut enfin à signifier à celles-ci Tor- 
dre fatal ; Décentius voulut que ces troupes vinssent 
à Paris , prendre congé du prince , qui les harangua 
et les invita à obéir aux ordres de leur empereur. 
Les officiers et les soldats ne répondirent que par le 
plus morne silence. Mais durant la nuit , ils éclatent 
en murmures, se soulèvent en masse, assiègent le 
palais du césar , en brisent les portes , le procla- 
ment Auguste , et le forcent à accepter Tempire , 
malgré les observations qu^il leur fait ^ et Textréme 
répugnance quHl lem* témoigne. Cet événement eut 
lieu au primtems de Tannée 36o. Julien lui-même 
en a fait le récit exact dans son manifeste ci-après , 
au peuple et au sénat d'Athènes. 

Paragraphe III. 

&ttie de la vie de V empereur JvUen,jusquà sa mûri 
, arrivée le 27 jmn an 363. 

Le nouvel empereur, peu de jours après sa pro- 
motion, envoya une ambassade solennelle à Cons- 
tance son beau-frère , pour l'informer de ce qui s'é- 
tait passé à Paris contre son gré. Tout en protestant 
de sa fidélité , il l'invitait à sanctionner , afin d'évi- 
ter une gueiTC civile , le vœu irrésistible de l'armée ; 
la lettre ostensible qu'il avait remise au chef de l'aut- 



, ( 70 
bassade, et dans laquelle î^ 12e prenait, en attenctâol 
la confirmation du chef de rempire, que le titre de 
ce'sar, e'tait accompagnée^ dit-on, d'une autre, où Ju- 
lien levait le. ma^qoe , et accablait son rival d^injures 
trop méritées* Tout eisprit Juste demandera ici,^el 
pouvait îêtre le but plausible de cette seconde lettre 
. écrite en sens opposé ,à la première ; et comment 
supposer que Julien ait ouvert une négotiation , 
pour la rompre avant d'avoir pris d'autres mesures ; 
on ne peutdonc raisonnablement-croire à l'existence 
> d'une lettre aussi absurde, ou, si le bruit de sa réa- 
lité' parvint aux oreilles d'Ammien Marcellin , qui 
en aparlé , il est. plus que probable, que cette lettre 
apocryphe aura été l'ouvrage des ennemis de Julien , 
intéressés à le perdre, ou des raécontens de l'armée 
qui, ne partageant point la modération du césar, et 
craignant d'ailleurs le ressentiment de Constance , 
auront voulu mettre un obstacle invincible à tout 
accommodement , eptre le césar et l'empereur. 

Cette dernière opinion est d'autant plus plausi- 
ble , que Julien cite lui-même , dans .son manifeste 
au peuple d'Athènes , la lettre écrite par son armée , 
dans cette circonstance critique. Quand on suppo- 
serait que cette lettre eut été soumise à Julien, qui 
nous garantirait qu'on n'y eut pas substitué un autre 
"modèle , et pourquoi ne verrait-on , dans ce trait his- 
torique , que le côté défavorable ? 



(73) 

La dépuUltion ti*oiiva dans Césarée, Constance 
qai refusa de Featendre, et qui se contenta de dé- 
pêcher le quêteur Léonas , chai-gé d^une lettre meBa*- 
rante , dans laquelle Tempe reur ordonnait à Julien de 
-déposer le diadème, révoquait les principaux officiers 
sons ses ordres, et les remplaçait par d^autres. 

Ce questeur fut reçu à Paris , avec les honneurs 
dus à sa qualité , et admis à Taudience de Julien, au 
champ de mars , en présence du peuple et de Tar- 
mée. Il y lut à hante voix la lettre de son maître : 
mais arrivé au passage de cette lettre, où celui-ci se 
vantait d'avoir tenu lieu de père à Julien , alors or- 
phelin , et le taxait d'ingratitude , il fat vivement in^ 
terrompu par ces mots du jeune empereur. « ' Si 
» j'étais orphelin , comment Fétais-je^devenu ? Est- 
I » ce au bourreau de mon père et de toute ma- mai- 
' » son à m'en faire le reproche? La plaie est toute 
» saignante : veut-il encore l'aigrir » ? 
I Julien entendant, vers la fin de cette même lettre , 
[que Constance lui commandait de renoncer à l'em- 
' pire , s'il voulait mettre en sûreté sa vie et celle de 
ses amis , dit : « je suis prêt à quitter l'empire , si 
ceux de qui jeie tiens , veulent y consentir ». Mais 
le peuple et les soldats lui confirmèrent à grands cris 
le titre d* Auguste. Ainsi se termina l'audience , après 
laquelle il congédia Léonas , et envoya de nouveaux 
députés àl'emperem* dK)rIent. 



(74) 

En attendant Tissoe de cette seconde ainbassadf ^ 
il fit marcher ses troupes contre les barbares qui loi 
donnaient quelqu^inqaiétude. Il passa le Rhin pour 
la cinquième ou sixième fois , près d'Utrecht , ville 
qu^ Ammien Marcellin nomme Tricesimum et Utrl- 
cium, d'où il alla dompter les Attuaires , autrement 
Oiattuaires , peuples Francs , qui faisaient des in- 
cursions dans les Gaules; {^regionem francorum çuos 
jétiuarios vo€ant,VAi. 20, cap. 25 ). 

Revenu sur ses pas , il répara et founiît de vivres 
toutes les places frontières ; il se rendit ensuite à Be- 
sançon , ville qu'il décrit dans une de ses lettres , et 
de là à Vienne , où il avait établi ses quartiers d'hi- 
ver : il y solemnisapar des jeux publics ^la cinquième 
année de son règne , depviis son élévation à la di- 
gnité de césar , et il ceignit sa tête d'un diadème orné 
de perles et de pierreries , selon le costume des em- 
pereurs, depuis le grand Constantin, où plutôt de- 
puis l'empereur Aurélien ; car le second Victor , c'est- 
à-dire l'auteur de Vepitome, dit formellement d' Au- 
rélien : isi£ prunus apudRomanos diadema capitilnfie- 
xmi;gemms çueet auratâ omm veste , <juod adhucfert 
incognitum Romanis moribus videbatur, usus est. 1] 
ajoute que Constaiitin aimait aussi à se décorer 
habitum regium gemnds et caput examans perpetm 
diademate. 

Constance profita de ces délais pour susciter \ 



(75) 
Julien de noaveanx ennemis; et comme il avait au- 
trefois mis aux barbares les armes à la main contre 
ie tjran Magnence , il pressa une seconde fois les 
Alamans d'inquiéter les Gaules , pour y retenir 
son rival et pom* l'écraser ensuite de toutes les 
forces de l'empire. U entretenait avec Yadomàire j 
leur roi , des intelligences secrètes , où le nouvel 
empereur n'était pas épargné : t/oire césar s * émancipe, 
disait ce Vadomaire, il ne garde plus de mesures. 
Jalien saisit les pièces de cette vile correspondance; 
îl y joignit celles écrites contre Magnence; et les 
Gaulois connurent par là qu'ils n'avaient point de 
plus mortel ennemi que Constance , ni de meilleur 
appui que Julien. 

Celui-ci, après s'être saisi par ruse de la personne 
de Vadomaire , qu'il relégua en Espagne , passa de 
nuit le Rbîn pour la sîxème ou septième et dernière 
fois , soumit les bai*bares et leur fit jurer une paix 
qu'ils ne furent plus tentés de rompre. Ce fut vers 
ce tems qu'il perdit, à Vienne, Hélène son épouse, 
dont il fit transporter les cendres au faubourg de 
Momentana (i), près de Rome, où déjà reposaient 

- — " ■ ■ ■ ■ - r r 

(i) On a trouvé tout récemment (en 1819), dans 
les fouilles de ce faubourg de Rome , appelé encore 
aujourd'hui Momentana, autrement Nomentana et Nu- 
loentanai deux squelettes, Tun d'homme, Tautre à% 



(76) 
celles de Constantîa, sœur de Constance et première 
femme du défunt cësar Gallas. Il avait eu d'Hè 
lène un prince, que la sage-femme, gagnée pai 
Timpératrice Eusébîe , fit périr au -moment de sî 
naissance. Cette même- impératrice, pendant la se- 
, conde campagne de Julien contre les barbares, ven 
Tan 357, avait attiré dans Rome Hélène, et lui 
avait servi un breuvage qui Fempêcha , <lit-on , d< 
mettre d'autres enfans à terme, et qui probablemeni 
abrégea ses jours. Cette contradiction , dans xmi 



femme. Celui de femme doit apprtenir à Constantia 
sœur de Constance, ou à Constantine, épouse de Gallus 
ou à Hélène , femme de Julien. Constantine aura pro- 
bablement été inhumée ou transportée à côté de Gallus, 
son mari, mort après elle; car Julien nous apprend | 
dans sa lettre au peuple d'Athènes, que le corps à\ 
Gailus n'avait pas été placé parmi ceux des princes d^ 
sa famille (à Constantinople ). Il dut donc être placé i 
côté de celui de son épouse ; et puisque les deux corpi 
ont été découverts ensemble, tout doit faire présumai 
que ces corps sont ceux de Gallus et de Constantine. Ui 
texte d'Isidore, liv. xvi, c. 24 9 nous autorise à supposai 
que dans le faubourg de Momentana était un change 
pu une fabrique de monnaies romaines. Momentana 
prQ parvd modicâçue pecuniâ. Hœc et moneta vocata 
Ceci nous prouve, en même tems, que le Nomisma 01 
Nounûsma des Grecs et le Nummus des Latins , son 
des mots de la même famille. 



(77) 
femme qai aimait tendrement Julien, s^expiique 
aisément lorsqu'on observe qu'Ëusébie e'tait stérile 
et qu'elle craignait que la fécondité d'Hélène n'as- 
surât, à ceHe--ci, le plus grand crédit sur Julien, 
qu'elle présumait devoir régner un jour et même 
à une époque peu éloignée. Ensébie mourut en 
i 35g. 

Julien ne se remaria jamais , et jamais il ne par- 
tagea sa couche avec aucune autre femme. L^abbé de 
la Bleterie réfute victorieusement, dans ses notes sur 
le Misopogon , tous les argumens contraires et toutes 
les inductions que M. de Tillemont tirait d'un faux 
monument cité par Codin, et du passage d'une lettre 
de Julien , où ce prince parle à Jamblique du père 
nourricier de ses enfans. J'explique comme la Ble- 
: tarie ce passage, dans ma traduction de cette lettre, 
^ et je conclus que l'autorité de l'historien Ammien 
Marcellin, et le silence même des ennemis du prince, 
' ne permettent pas de lui donner un autre sens. 
I Ce fut aussi vers la même époque , c'est-à-dire 
I après la soumission des barbares et à la fin de 
l'hiver de l'an 36 1, que Constance voulut, ou ten- 
ter un dernier effort sur l'esprit du nouvel empe- 
reur, ou pousser à bout sa patience : il dépijta vers 
lui un é^êque nommé Epictète , chargé de lui pro- 
j mettre seulement la vie sauve dans le cas où il abdi- 

r.erait. Alors Julieù, outré de dépit, harangue ses 



- ( 78 ) 

guerriers au nombre de vingt mille hommes : tons 
lui prêtent serment de fidélité j à Texception de 
î^ébridius, préfet du prétoire et créature de Cons- 
tance y qu'il eut la générosité de soustraire à la fo- 
reur du soldat. 

Décidé à se rendre d'abord maître de l'Illyrie, 
il partage son armée en trois corps, assigne pour 
rendez-vous général Sîrmium, capitale de cette 
province , aujourd'hui Sinnisch^ en Basse-Hongrie, 
y arrive lui-même, après douze jours de marche, 
avec le corps le moins nombreux, y surprend le 
comte Lucillien , qui en était gouverneur , solennise 
son entrée triomphante dans cette grande ville par 
des courses de ^chevaux, et en repart le troisième 
jour pour aller se saisir du Pas de Sucques (i), 
entre les monts Haemus et Khodope , qui séparent 
la Thrace de l'Illyrie. Il y mit garnison , et revint 
de suite dans la petite ville de Nisse ou Naisse (2) 



( I ) Ammién Marcellin désigne ce lieu au nominatif 
pluriel 52/ré:/ y ^km\î\iSuccoTum et accusatif 50^^05 (belle 
édition zn-folio ). C'était une forteresse de rancienne 
Bulgarie. On la nomme aujourd'hui TurkzuesL 

(2) Le Nœssum et Naîssum d'Ammien Marcellin , est 
le Nesms de Ptolémée et d'Etienne , ville dardanienne 
dans la Mœsie supérieure, et la Nisse, ou iV/r^ actuelle 
du royaume de Servie . Elle me parait être la Nùsa que 
d'Anville (pag. 38 , description de V empire turc , édition 



( n ) 

Ipour 7 réunir ses troupes et pour en lever de nou- 
velles dans cette province frontière et aguerrie. De 
ce séjour , il envoya des manifestes dans la Grèce et 
dans plusieurs provinces de Tempire ; il reçut la 

de f imprimerie royale de 1773) place aux confins de la 
Servie. Elle fat^ selon lui, prise par les Impériaux, en 
1787, et reprise, trois mois après, par les Turcs. 
Voyez , en outre, le page l^o de la présente vie de 
Julien. Busbèque , ambassadeur de Vienne à la Porte- 
Ottomane, en i5549 décrivant sa route de Belgrade à 
Constantinople , arrive sur les bords du Nissus , d'o& 
il se rend àNisse, puis à Sopbie, babitée ancienne- 
ment par les Bnigares-Scytbes sortis des bords du Vol- 
ga, et devenue plus tard le siège des despotes de la Ser- 
vie. Il parle aussi du mont Hémus , entre les villes de 
Sophie et de Philippopolis , oii croît le riz , et où la lan- 
gue illyrienne était en usage. Il signale le mont Rbodope 
sur la route de Philippoplis à Andrinople , dernière ville 
de son trajet jusqu'à Constantinople. 

Je copie une partie de son texte : « Fluçiolus (juem 
Nissum çocant,,,. est autem Nissa non ignobili neque in- 
frequens il^ gentibus oppidum..., Nissd venimus Sophiam 
ùUm regnum Bulgarorum y post{ nifallor) despotarum 
Semœ.... Gentem Bulgarorum iflumine Scytharum Folgo 
commigrasse existimaht Montes Hœmi.... inter Sophiam 
et Philppopolim., Linguâ utunturillyricâ.. Hadnanopoïin^ 
Endren Turcis dictam , etc. ) A. Gisleni Busbeqnii. epist. 
i.Elzeçir, 1660. 

Au reste, les géographes et les historiens s'accordent 
4 reconnaître cette même Nessum, Naissa ou Nissa ^ 



( 8o ) 
soomissîoTi du sénat romaîii ^ ceUe âe la- Macédoine^ 
de Lacédémone, d'Athènes, etc. Il ne nous reste, 
de ses manifestés , que celui au peuple et au sénat 
d'Athènes, monument d'éloquence et en même tems 
pièce hî(»torique ttès curieuse, dont jat dorme la 
traduction. 

Mais un nouvel orage devait mettre à Tépreure 
l'héroïque constance de Julien : là ville d'Aquilée, 
au pied des Alpes, s' étant soulevée , menaçait de 
lui intercepter toute communication avec l'Italie ; 
Marcien , général de Constance , s'avançait avec un 
puissant corps d'armée pour forcer le Pas de Suc- 
ques et pour envelopper le jeune prince dans l'Il- 
lyrie. Julien redoubla de courage et d'activité ; Il 
fit former le siège d'Aquilée par une partie de ses 
vieilles troupes , en recruta de nouvelles , et se pré- 
para à marcher contre Marcien , ou à lui disputer 
le passage. En même temsil administrait la justice, 



comme la patrie du grand Constantin. Cette ancienne 
ville , ainsi que toute la contrée , dont il est ici ques- 
tion , faisait partie de Tancienne Mœsie ou Mysie, dans 
laquelle on a depuis compris la Servie et la Bulgarie. 
Julien dit , dans son Misopogon et ailleurs , que ses 
aïeux étaient Mœsîens ou Mysiens. ( Voyez à cet égard 
le texte précis et les notes de la satire du Misopogon^ 
au IP, Yolume du présent ouvrage. ) 



il recevait les ambassadeurs, et, se ttegardaut déjà 
comme miâtre dé rémpîre,41 désignait pour cour- 
sais de l'anâéé sutvaiite M amertin , préfet da pré- 
toire d^J%rie, et Nevitta, Tun de ses généraux. 

Gepeiid(»it ii ne pouvait se dîssimiiler les embar^ 
ras de sa position et Fincertitûde de Tissuè de la 
gaerre qu'il commençait. Mais tandis qa^il tnetiait 
à contribution les angut'es, pour intéresser le ciel 
en sa faveur , là fin inopinée de Constance changea 
tout-à-€onp lâ face des affaires et applanit toute 
difiiciiké. Cet empereur mourut d^une fièvi*e ardente, 
ifâ TsMtéta dans M<^sui::rène, petit bourg à Tes- 
trénâléMde Ja Cillcie , près le mont Taurus , le 3*. 
des nones de mvembre de Pan 36 1 , à Tâge de 
quarante à quarante-quatre ans , après quHl en eut 
régné environ tr^ite-neuf. Sa troisième femme , 
rimpëradril^ FaUstine , qu^il avait épousée après 
£usâ»ié morte Tannée précédente , était eneeinte 
d'une princesse , qui fut mariée dans la suite à 
Tempei^eur Gratien. £lle est nomnrée dans les i^é-* 
dâttts Ftàvh MàxiAm Gmsfùntia. 

Socràte (i. U, c. 4^) assure que ce prince re- 
çQt , avant sa înorl, te baptême des mains d'Èuioïus , 
évê^[tatt arién, quoique Lucifer, évéque de CagM^ , 
lui eât conseitté de le recevoir de saint Athanase , 
ou d^un évoque de la communion AB ce d«rni^. 
Aonnien Marcellià (1; XX ) nous apprend que l'an- 
I. 6 



( 82 ) 
n€p ^'avpnl la leort de GonstMice, .cdui-cl étant 
-consul pour h dixième fois y et Julieu pour la Iroir , 
sième, op signala en Orient, vers la |roi»ième heure, 
du jour /une édip&e .presque totale du; soleil. Cette 
éclipse est égaiemeat mentionnée piâr.^nt, Jérôme 
et. par Théophane, que cite. le. P. Pétau (l.iv, 
Ration. Tempàruim ) Elle çst fixée, au ;^8 août 36o^, 
<kns la Çhrofiqlûgie des Eclipses ^^vVix^L 

Lorsque Cou.stanc.e mourut., l'empire avait pouf 
consuls ^ par lui . nomimés , Tauius et Florenlioai 
Autrement Florentinus , d^'u^e part ,> et Matoerlinvn 
avec Névita, nommés par Julien, d'aiutre part. Cq 
circonstances réunies doivent j^tér. pius ^e joaç 
tiait sur la longuieur de là v;e et à^ rrègne de CoïMl 
tance j que sur Tannée de sa mort. Cette -mort ef 
^ixée , par tous les chronologist^ , à )a 36 1*^. ann( 
de Hère, chrélicinpe. Cependant où- sVccQrde çf 
spr les deuK) premiers points. Âmmfièn Marcell} 
( 1. XXI, c. .1 5) dît qnè Constance moijrut le trolsièfi 
jour., des noi^s d'oc^tobre ; |a q4î^i*:a|i)Lièiiii^ anii$ 
de sa vie comme dè^scm epipire; ']^frli^nomirum a 
'' iQbrijumj imp^iivitœiiue anno qua^rqgesima ; il ajou 
que Julien fut .reçu à Constanjinople le troisièc 
des ides de, décembre même anné6.: Çonstauiinopol 
Ji^Umus èxicépius tertio iduim*-deçembrimn . (A, X.X1 
^., 2 ). Till«mont présume , . avec fondement , . q 
dans 1(^ prenjier p^^ig^ d'Ap^ïWîçÈa-»: il faut Jk 



( 83 ) 

krlio nonarum noveminmn , ce qui est d'autant plus 
frobable , que Vu rempressement du nouvel empe- 
mrhse faire reconnaître dans sa capitale, trop 
Jetems se serait écoulé, du mois d'octobre à Celui 
lie décembre. 

Etitrope (1. x) place la mort de Constance h h 
Irenle-huîtième de son empire , la qùarante-cin- 
pième de son âge : Obiit anno imperii odavo et 
^sko, œfalis ^uinto et (juadragesimo. On Ht, dans 
Wius Victor (^Epitome)^ interiit anno œvi quarto 
ifdiragesimo , imperii nono algue Irigesimo ; veritm 
i^lus (piartù vicesimogue ; oct'o soîus, cumfrainhus 
'^t Magnentio sedecim , (juindecim ccesar. Enfin les 
îi^ns auteurs de XArt de vérifier les Dates rappor- 
Nlla mort du même prince 'au 3 novembre 36 1 , 
H«rante-cinquième année de son âge. 
l'année de Constance, Rome, Constantînople 
Hottt l'empire reconnut Julien avec la plus par- 
ute unanimité , et même avec des transports de joie 

'i depuis long-tems on avait pas vu d'exemple. 

nouvel empereur n'avait pas encore franchi le- 

deSucqnes, lorsque Icis députés vinrent le féli- 
wdeson avènement. Il paya en ce moment, à la 
Kire du défunt , un facile tribut de larmes ; et 
tatle chemin de Constantinople, il y entra un 
i après la mort de Constance, auquel il fit faire 
'obsèques magnifiques : lui-même aeçompaigna le 



(84) 

cercpeîl , à pîed , jusqa^à la basilique des Saînli 
Apôtres, lieu de sépulture de Constaotia et dti 
princes de sa faihille. 

Paisible possesseur du trône impérial , son pre- 
mier soin (ut de s'occuper dc*la réforme des abuf 
et de la punition des délateurs qui avaient fait tous 
les maux du règne précédent. Il organisa une 
chambre de justice à Ghalccdoine. Son intention 
fut , sans doute , que ce tribunal jugeât avec impar- 
tialité lés coupables qu'on devait y faire comparaître. 
Mais lorsqu'il s'agit d'infliger des peines aux en- 
nemis présumés d'un prince régnant, çelni-^ci est 
toujours mieux servi qu'il ne voudrait l'être. On 
tni la maladresse de citer et de condamner à l'exil 
le consul Taurus (i) peu de jom's avant Tei^pîratioii 
ëoL terme de ses fonctions, florentins, son collègue, 
coupable de concussion pendant sa pi^'fecture de^ 
Gaules et pei*fide adulateur da Constance, lut plus 
justement condamné à mort par cotitumace : il fm\ 
cependant ici dire à la louange du nouvel empe- 
l*eur , que des agens secrets de son devancier s'ëlanj 
offejfts à lui découvrir le lieu oà s'f'tait cacbé \i 
condamné , il refusa leurs ignominieux semces. Ui{ 

\\) Julien , dans son manifeste aux Âtbënica 
assure que ce Ta^urus était d'intelligence avec les. bar 
bares oui ravageaient la Gaule. 



i 



(85) 

autre ïlottBce , fils de Nigrîtîn et maître des offibes , 
fut confiné dans une île die Dalmatîe. 

Tout le monde applaadît au suppfice de Finfàme ^ 
ennuque Êûsèbe qui, dVsclaTc du de'fmtt cmpcreui?^ ^ 
s'était rendu son maître, et Inî avait fait commettre ^ 
d'horrîMcs exc^Sb On plaignit moins encore Apt^- 
dème, et le notan-e espagnol PaQl,4itrnommé Càienâ, 
insignes délateurs et bonrreaux sons le règne*pré'- 
cédent. Bfeîà Ammien Mai^cellin reproche aînère- 
ment à Julien la condamnation en grand trésorier 
Ursule à la peine capitale, et il ne croit point que 
le prince ; maigre ses protestatfons contraires , ait 
ignoré Pfn^tice commise en son nom par !e tri- 
bunal de Châlcédotne. 

Les phis sages vîréîH'âvëoJoîé réformer les nom- 
breux officiers du palais , et réduire de beaucoup 
leurs émxrmes appointemens. Mats la parcimonie 
presqiie cynique ^.prîàce rendît «p cour ridicule. 
11 réserva tout le luxe pour lesr sacrifices et les céré- 
monies du culte payen^ qn^tl rourait rétablir sur 
les ruines du cEtristianismé. €^était là sa grande; 
ambition. B porta die ce côté toutes ses Vues et tpus 
ses efforts ; il fit rouTrir partout avec éclat les an- 
ciens temples des dieux , et réorganisa leur cnhe ; 
lui-même it exerça les fonctions de pontife suprênie , 
qui avaient tniijdmrs été attachées à la dignité im- 
périale : \\ né manquait jamais^ sacrifier deux fois 



(86) 

par jour , et le nombre des victimes immolées dai] 
tout Tempire , lors tle la célébration cfes fètf 
pay^unes , surtout lor^qixe le piince y assistait , étd 
plus efFrayant pour les troupeaux, que les.éplzooli* 
les plus cruelles* Son exemple et celui des pbilo 
spphes payens., ses courtisans, les plus affidés, enfl 
$çs exhortations. pathétiques et ses ëdifs, rcmirci 
en faveur l'antique religion dont IVxercice avai 
été' proscrit ^ ou du moins très-gêné , pendant ciu 
.quaqte ans, soi^ le3 règnes dii gfand Constanti 
et de Constance» ; ■ ^ .......: ; 

; Il ne persécuta .jamais ouvertcinTe^Ert le christia- 
nisme, mais il us^ d'adresse pour mettre;, aux prises 
les unes avec les autres, les différentes' sectes chré- 
. tiennes, les Ariens, "par exemple, avec lés Catho- 
liques. Il protégea particulièrement, les Juifs , en- 
nemis déclarés. de& Galiliens (c'est ainsi qu'il nom- 
mait le$ Chi'étiens) :.il leur pmmit de rebâtir le 
tiejmple'd^ Jérusalem,, et il assigna des fonds pour 
cette; entreprise, commencée en effet par ses ordres^ 
/mais interrompue par un tremblement de teiTe, ac- 
I compagne d'éruptions volçani(pies , et jçemise, pour 
j être achevéïç, à squ. retour de J'expédition contre 
\ les Perses. 

Dans cette conjuration dés élémens, qui fit avorter 
so;î :projet, Julien^ tout crédule qu'il était, nt 
moiqs un prodige ^c la sottise et la superstition 



( 87 y 

des Juifs, épouvantes d'un phénomène doril ils exa- 
gérèrent singulièrement les détails. C'est ainsi qu'il 
en parle dans un long fragment , par nou^ traduit , 
d'une lettre à un pontife payeh. Mais Warburton 
et, avant lui, la plupart des pères de Péglise et des*' 
historiens ont vu, dans le désastre qui interrompit* 
les travaux du temple / un miracle du premier ordre. 
Nous n'opposerons rien à cette pieuse croyance. 
Assurânent le souverain maître de la nature peut , 
à son gré, porter le feu des. volcans et les éclats de • 
la foudre partout où s'étend sa pjuissànce. Mais une 
logique ri^ureilse veut alors que les feux souterrains 
et les hmribles secousses qui ^ durant le court règne 
da prince,bouleversèrentNicomédie et d'autres villes • 
dî l'Orient , aient été des fléaux aussi miratujeux 
que celui qui se fit sentir à Jérusalem , si toutefois , - 
comme nous Talions :démontrér , ces événemens fu- 
rent communs atox mêmes lieux, et s'ils se passèrent 
à la même époque. 11 ne s'agit donc' ici que d'un* 
point de feit , qu'il appartient exclusivement à la 
criti^e et à' l'histoire de bien déterminer ; et c'est 
uniquement ce fait raconté par Ammien Marcellin 
( 1. XXII , c. I , ) qne nous allons résumer avec toutes 
ses circonstances^ • 

Observons d'abord que, selon le témoignage de 
cet auteur paye», antérieurement au i"*. janvier 
363 , et pendant le séjour de l'empereur à Antio- 



(88) 

che, un même trem|>j[eQ^i|t ^ t#rre se Ci seatu: à 
CoDstaptûiople , à Nicée , et 4^tfuî^H ce ^^ i^fiitaî^ 
de rancienne Nicomédie, à'çn le fléau pu^s'étendre 
jiisqQ^à Jérusakin. Or , Julijen ét^ât a^ivé ^s An- 
'^oche au mois de juiU§t 362. C^tdoni:, ou dans 
le reste de Taûnée qu'il ^ pa$^ , ou d^r^l la ^i^ëe 
qu'il fit avant d'y ai^rîver > çi'îl ^ssj^ya de relevfeç de 
ses ruines le fameux temple dei^ f ujf$. P^up ^tre 
côte , l'on ne saurait placer ce fiu^estç ev^nepl^ au 
1*^ janvieir de l'an 36^; car c§ jpj^4^ xoéme , le 
prince reçut tranquilleifient, àam $PP pabi/» de 
CoBistaniinople « les Qouyeai:^ con$tt;^rpoiiir lea coii^ 
duire ait sénat. Certes u^ ti:entt^lç9»eut de ^m^ eût 
troublé la céréi^qnie, et les b^stwieni» ea auraieiptA 
fait iuent.i;on , Aiunu^n MarceUui U^t le pr^ier , 
homniie sopers^t^ei^^ à l'excè&. 

Maintenant ^xaniinpns de pr^^fi^ sqi^ récit» dpot 
le sens, mal saisie paraît avoir d^c^anelîeaàl'eirettr 
<pLt je vais réfuter. « Yoità, dit-il, en QOliup^çwt Iq 
premier chapitre du vingtrt^oi^ème livre « ^ ea se 
reportant à ce qu'il vjena^H de dire: ^& k pré- 
cédent y voilà ce qui, cette aaané^ 36:^, s'étai|i.paâsé 
de plus important pqur ne poioit relater d^^utres 
événemens trop minutieux » Htec ea Ofim ut pCfifle^ 
namus mgociojvià minvtias j; et de suit^ , ^peès avoir 
précisé l'époqjue du quatrième contât d^ Jiulieii 
(an 363 ) , il tire, des faits antérieurs , les présages^ 



(%) 

|s!aistres def Jua^Difiii^ ^e cçtie Aûuvclle ^Eonée smn^ 
lUait annmcer » et 3 juiiit 1«$ présages de c^dle^ 
^vec ceux de ^apcécedeate. Ce^ powcfaoi il gp^upe 
dans ce snâne chapUre , «t le UrMoMeai^ilt de lene 
arrivé à C<M»slwlino{)lc ^ et eé,u\ ^i $apa les (obt 
^mens da temple de Jerq^kin^ qtfte^n'ila ei^(#$eilt 
pi lieu ^i^asayaiit- L^auteor revient donc sur se^ paa 
eDracoDlaot ce dernier fait, et tû»l {eetew attentif 
Ae pe^t s^j méfûrendre. Car 9 s'il est de t<¥Ate évf^ 
lience qae le tr^cé do aoi^ve^a teraple » FeiEà^cAÎeQa 
du pian et de^ travaox entreprît ^^ les ordres 
4'AIypi^ , q«ie Jttliai araît c<»9amis à cet efStt , ont 
exigé BU fa^erralle de plifiaierars moîs^ il lï^eat pas 
inoifl^ énidtent que notre h^torie^i superstitieux em 
accmaole içî.le pii^QJet , rexéci:^at et le &tal réstdtat 
imiquement; pooiç réï^ir, en «i^ ee»]^ cadre , to«5.1s$ 
pesages qni.annonigaljevt les* B»4heiirs de Jildiett 
Mais il lève lui-n^me toqa le$ dettes , en fixant k 
date de cette noAUneorense ^ntlitiire : <« Cétait ,> dUk 
B, loraqa'on a<rmt coipomeni^é h^ pr^rati&dè Pexf* 
pé£tioi|(. conijM le» P^pses »^ ihl^r ^S0 emnemordia 
^rockek$âp0rMdihpwt9(M « et dès TamTée même 
je l'ûDpereaur \ Ànùocli^^ à» «noia-dje paillet, pré-^ 
^dente année (3&a)« ^^ \t \n\f^ est fonnel ( f^^* 
\aaa. ^ ^xl. \Wi.y e. 12 ) ; .elMr dan^ aoa récit dfl b 
fcconstroction dn tesaj^le, aoi cliapilre pr^wiei? du 
»Dgt-t^i^ièn»e lim » TUstorieii $e veporte visite* 



(90) 
ment à Tépoqne des prëparatHs de ce pirincc coirtrl 
les Perses, puisqu'il fait marcher *de front les deui 
entreprises. Citons Te passage en son entier. 

Et Ucet accidentium varietaiern sollicita mente pm 
cipiens multipUcaios expeàitionis apparntits flagrant 
studio perurgeret , éiligentiam tamen ubifue diçiden 
impèriiçue std mêtnoriam magnitudine opentm gestien 
propàgare, ambiliosian ^noddam apudHtersosdpnm 
temphm ^uod post multa et intêmeeim certamina obsi 
dente f^espasiano posteàque Tito œgrèfueratexpvgnd 
tum instaurûfe sumptibns cogitabat immodids. 

Dans ces rapprochemens aussi nécessaires qui 
naturels, on est forcé de voir, i^. que les travau 
du temple et Péruption volcanique , qui les intei 
rompit, concoururent, pour là date; avec les pré 
paratifs de la guerre contre les Perses ; 2^. que 1 
tremblement de terre à Jérusalem dut être le mém 
que celui qai, selon notre historien , avait ache\^ 
tàe détraire Mcomédie ^t presque renversé la vill 
de Nicée, le même, en un mot, dont - il avait pari 
au chapitre. xil^ dtf livre précédent daôs les tenue 
suivans: Etijuarto nbnas deeentbris rehçua Nicomedi 
cottapsa est terrœ ràhkt itidennjue Niciœ portio m 
medhcris. Je place ici là ti^duction littérale et fidèl 
de tout le premier thaj^itre du vingt-troisième livn 
Donnons d'abord le^ texte latin. 

Hœceoanno, étprœtereamus, negotiorum minuti'i 



( 91 ) 
agebmtur. Jnliamfs verb jam ter consul adsciio in cot- 
iegium ù-téeœ SaUmtio prœfttto pet Gattias, quaien 
ipse ampUssimum inerat magisiratum et vfdebatur 
noçitm , adjuM^um esse Augusio pmatmn , quodposi 
Diacleiianum et Aristohilmn niillus meminerat gestwm 
Et Ucet eetUentimn vanetatem sotticitâ mente prœci- 
piens tmiU^eatos espeditionis adparatus flagranti 
studio perurgeret : diUgentiam iamen. ubit/ue dividens im - 
periiqve sut - iHêinoriam maguitudine opentm gestiens 
propttgmre, amhkiosutn quoddam apud Hierosolymam 
iemplum , ftwdpasi multa et iniemêciva eertamina oh- 
sidente f^espasiano posteiujue Tito cegre est expugiia^ 
iuitt instaurare sumpUius cogiiakat immodieis: negotimn" 
(jue maturandum Aiypio dederai Antiocltensi qui olim 
Britawùas euraperatf^oprerfectis. Càmitaque rei idem 
forcer instant Aiypius^ jmaretque provinciœ rector, 
metuendi glM flammarwn prope fundamenta crebris 
adsulùbus erumpentes fecere loatm exustis aliquoties 
operantibui inaeeessum : hoeque modo etemento destina- 
\ tins repellente cessant inceptim. 

lisdem diebus legatos ad se misses ab ^rbe œtemâ 
elarè notas mentis que probabilis vitœ comperto^, impe- 
rator lêononbus diçersis adfecit : et Apronianum Româ 
decrevit esse pràfectam , Octovianum proconsukm 
Africœ, Vemisto ^icariam commisit Hispanite, Ru- 
finum Aradium comiiem OnentisJnhcum amncuU sui 
Juliani récent defuncti proK'exit. Quibus ut convenerat 



(9») 

âtdinaiis , ierreiaUêr mmae ^uedam ( ut êetimtemius ) 
prœsentisskno. Filke enim larpiionma comik frcfiuçio 
saoffdnis rgpenie extineio^ amçue cmÊike Jidkmo se- 
^wU9 , vu^us paUicos €onkiens iikJ^^ , f^tUcem Jtt- 
lianum Augusiumqaê prouUBiiakaL 

Ppocessêrai oHud UBfum, Namfm Me»^ ipsis 
januams adscmknte io gradilê gem ie^fiitm, è sa- 
eerdoùmi cmèsodh çuidem catms diaturam n«i09 /w/- 
sanie concis , animamfm mspêmiei^ eBHf* ^^^^s^- 
Quod iidstmaes inkrikm per impeiàèfm; a^mhkatdi 
aipidilaiê memetésèémfêwsubm semmipmUiêdfimÊmtiH 
SaUû^ : sêd ^ adpami mn mtaÈi sedptieiiaii nm^ 
/ari înierki/m pn^m^^mi^ mons^^i^ . 

Si^sr hu akapie mmara ngna sjuèindê ^^oid acd- 
deret o^kndeAanf. laier ipsa mm eMordia pnuùitius 
parihkidUpmendinm^aium est Cûmtawtimpélimienà 
pylm viirst^m; ^uad harum pmiè mùats Ic^unt €sss 
pranmiiabûHt, aiien^ pensuadene moUefUi restûri idkfh- 
4jue inteîupestha cônata desistere sMuhàémt : itâidemutn 
hœt et simiUa cmienmi ^f^ré^lTBMtss^ sum krum- 
tibus armis ^xiends Ux ihm su et perpétua ^ sabiem 
onmi nUime defendere niM remtimtù vi amis* Ikdéai 
diekas nuntiaiism est ei pet UtterBê , Romêe sêfe^koe 
Ubros ^b^œ consultas y^ fussef»t, in^femMffn eo 
anno dU^ederê à Undtibus suis prohiimssâ re^tmsù. 

(c î^ous venons , dU Ânunîea, de titifffottes ^ h 
peu de chose près, tout ce i{Ui s'était pau^ Tannée 



(93) 
précédente (36a); exposons, maintenant, ce qui se 
passa durant tjelle où Julien , finissant son troisième 
consulat , s'adjoignit , pour le quatrième, Sallnste^ 
préfirt des ^Gaules : cVtait chose nouvelle , d'ad- 
joindre ainsi un simple particulier à un auguste , et 
Ton ne se rappelait rien de semblable depuis Bio- 
clétien et Arisfobûle. » 

« Je dini donc que Julien , pourropnt à tout 
par sa coatmudie sotticitude , et sachant* vaquer à 
plosiràrs entreprises à la fois , en même tems qu^il 
poussait wec vigueiir les j^paratifs de son expé- 
dition xoaire ks Failbes , il se proposait , pour 
laisser à la postérité un raonumenft de sa gloire , de 
Kconalmire à gnsids fi^ le iameui temple de Jé- 
rusalem ^ qu'après plasiears^.eombats sanglans Yes- 
pasien et eannle Tite , qui avaient fait le siège de 
cette ville/avaient emporté de vive force et totale- 
mentimnié^Qa^ Julien ftvait confié le soin du nouvel 
édifice à im c«:taiii Alypius d'Antioche, ancien 
prâk dans* les Bretagne^; que pendant que cet 
agents asaîrté du gouverneur de la province , en 
pressait la construction > d'épootantaUes globes de 
feu ébcanUnt ^ par des secousses répétées , les fon«- 
deneas , brâlèrent quelques ouvriers , empêchèrent 
les autres d'approcher, et forcèrent ainsi à suspendre 
Tentreprise commence. » 

» £n outre *il arriva que l'empereur y qui dèa las^ 



(94) 
premiers joui's de janvier de la présente année (363) ^ 
avait accueilli avec distinction le» députés du sénat' 
dé Rome, nomma pour la mèroe année, Apronien, 
en qualité de préfet de cette ville, Octavien, à la 
charge de proconsul d'Afrique , VenustuS , à l'emploi 
de lieutenant d'Espagne, et Rufin Aradius, jcomte 
de r Orient , à la place de Julien Tonck de Tenape- 
reur , qui venait de mourir , et dont jia mort avait été ^ 
précédée de celle de Félix, surintendant des finances, 
frappé subitement d'un fhix de soi^g trè$--extraordi- 
naire. Or le peuple d'Antioche, en inscrivant en 
grec les noms des deux défunts , y avait malignement 
ajouté celui di Auguste {empereur^, en sorte que 
Finscription portait Félix JuUams Augustus, ana- 
gramme offrant Paugure sinistre àt la prochaine 
mort de l'empereur dont le nom se treavait accolé 
aux deux défunts , Félix et Julien (i). » 

» Un troisième signe avait eu lieu , le jour même 
des calendes de janvier (363). £n effet, comme l'em- 
pereur montait au temple du génie, un vieux prêtre 



^ï) Pour le sens de rinscrîptîon grecque qu'Ammîen 
Marcellin traduit en latin, comme pour TinteHigence 
de cette singulière ançcdote , j'observe que la coutume 
de ce tems donnait, à tout grand personnage mort, Tépi- 
thcte de Makaros , bienheureux. On lisait donc en grec le 
bienlteureux Julien empereur , c'est-à-dire le défunt em- 
pereur, autrement, Jul^n empereur^ d'IteureUse mémoire. 



(95) 
qui rdccooai^giiait , étant tombé du haut des degrc'a ; 
avait expiré dans sa chute; ce qui certes^ annonçait 
la mort d'un des consuls de cette année : T ignorance 
ou la flatterie fit dire que le plus vieux des deux» 
qai était Salluste.^ mourrait le premier. Mais 
l'augure s'appliquant à Julien, comme étant d'un 
rang plus élevé, ne fut que trop justifié par Févé- 
nement, » 

i> D^autTfes signes plu3> ou moins évidens présa^- 
geaient de pareils malheurs. On venait d'apprendre 
que dupant qu'où préparait la. guerre contre les Par- 
thés, G)nst£^inople avait été assaillie par un trem- 
blement, de terre* Enfin des lettres parvenues.de 
Rome , ces mêmes jours , annonçaient à l'empereur 
que les livres déjà Sibylle, consultés comme il l'avait 
ordonné , lui défendaient pour cette année , de passer 
les frontières de l'empire, ». 

De ce qui vient d'être dit, et , si je ne me trompe , 
clairement exposé , tout critique impartial conclura ; 
i^, que le tremblement de terre à Jérus^em, eut 
lieu pendant 1§ troisième consulat de Julien, 362 , 
et non au commencement du quatrième, an 363, 
ainsi ^'on avait jusqu'ici cru le voir, dans le texte 
précité d'Â^^nien Marce^lin; 2*., que ce phéno- 
mène assurément lemêmp, est du genre de celai 
qui menaça Co'nstantinople, dévasta Nicée, Nîco- 
mcdle, et ne fut un prodige, que dans^le sens où 



ïi«ttftpt%i»kis^ fiièri«ëd'étéôetDeB5 j^é«r dés Ûèssî 
àb éieil , «oiâiiie Hé te éont éâ efFei ; et qu îl fat sm-- 
tout «m signe e&tràôrâinaii*e et sn!iii9tre,âaii$ l^ima- 
gkiâtioB âe Tatiteur pà^^n <|ui éù accuiikleii*i quatre 
mtres^ àT«c la lâème cr^uHté^ 3^., ^qu'cn tonte 
h^pôthèi^^ h rélïpoû dfapétieme «l'avait alors, ni 
n^a pluft im}èHrd^kiii héatAû de semblables prodiges, 
pour attester son ori^ne céleste : « parce qtrc , dit 
>i ââinf-Ângtisfiii, aoii établissem^t itiâaie, par 
>f le sflttg dé sfki éhnsi £ntidàteiir^ par la prëdi- 
>i catfëhelletQarlyni de ses apâlrea, kdtmiies gros- 
>> siers et ighorans selon la chair, mii» pleiùs d'un 
>* esprit subilme et pur , offire la plus étômuËtte des 
>i lâerveilles, la contersiondtitiiottde en^er au chnV 
» tiaûisme; c'est-à-dii'é , à utie doctrine dont les mp- 
>» tèréssQrpassentl^nmaiueconceptioàyétàimenicH 
» raie dont les principes aérères , henrtetit à la fois 
» lionslesintëréti^, et toutes les passions terrestres. » 
Si rious en cro^s les écrrvistins ectiésiastiqcies , ce 
mii^cle do trembfemetit de terre, et de l'éruption 
▼oleânîque à JéiHi$a)Jétn , fcit aecôtnpagné de bean- 
eôop d^autres prodîjgés non œoitïs ètti'aehhdiôtaîres 
par exemple de Taipparftîdii dws les airs, à lérusa- 
lem; k x^ntioche et aîBeurs, d'une mnlfîtude de 
croix brillantes comme Fârgent, créîx qui s^impre- 
gnaient métne sur les habits , et que ni l'eau , ni le 
fcr, ni les caustiques n'en pouvaient enlever ou dé- 



(97) 
tacher, q«i y restèrent même plu^iem^s années : ce^j 
faits sont rapportés au long par M. de TilTélnont , 
sur la foi de saint Ghr jsostôme » de saint Grégoire 
de Naj&ianze , de Thëodorel, de Socrate, de Sozo- 
mène^delliéophane, etc. Quanta Pëpoquede tant 
de phénomènes, M. de TîUemont croit, d'après les 
mêmes auteurs , devoir la fixer au commencement de 
l'an ^3. «• Ammien, dit-il, l'assure, et nous ne 
voyons rien qui nous empêche de le suivre » ; 
(p. 4iS, du tome 7 de son histoire, édition de 
1700 ). Mais le texte d* Ammien , examiné de près , 
comme nous l'avons £ait, est bien loin de donner ce 
résultat : ajoutons qu'aucun monument , aucun his- 
torien ne place en l'année 363 , d'autre événement 
extraoï'dînaire que celui d'une éclipse de soleil. 
Raison plausible pour donner au texte d' Ammien , 
le sens qui m'a paru le plus naturel. 

J'ignore d'ailleurs qu'elle importance religieuse 
on a pu attacher au tremblement de terre qui se fit 
sentir à Jérusalem, accompagné ou non d'éniptions 
vcdcaniques , ou à l'époque précise à laquelle il faut 
rapporter ce phénomène. On s'obstine à voir un mi- 
racle dans l'accomplissement de la prophétie de Jé- 
sus-Christ, sur la ruine future de Jérusalem et de 
son temple, dotrt il ne devait pas rester pierre sur 
pierre. Mais cette destruction n'avait-elle pas eu lieu 
sous Tite et Vespasien. Et quand bien même l'empe- 

I. 1 , 



( 98 ) 
reur Julien aurait rétabli le temple des Juifs, cette re- 
construction n'aurait pas plus nui à la véracité de 
Foracle , que la reconstruction de la ville même , la 
1 2^^ année de notre ère , par l'empereur Adrien , et 
depuis encore par Constantin-le-Grand. L'évangile 
ne dit point que Jérusalem et son temple ne seront 
jamais rebâtis , mais qu'ils étaient menacés d'une 
destruction prochaine. La ville a été repeuplée telle 
qu'elle existe aujourd'hui , et le temple peut être re- 
levé , sans que la vérité de l'évangile soit en rien com- 
promise. 

Après cette digression , dont mes lecteurs me par- 
donneront la longueur , à raison du sujet , je reprends 
volontiers k cours de mon récit, dans lequel j'ai pro- 
mis de consigner les faits authentiques de la vie de 
Julien, et les traits ressemblans de son caractère, 
d'en tenir un compte exact , en examinant de près ses 
actions privées , sa conduite publique , et ses me- 
sures économiques et législatives, à cette époque 
surtout, où, étant absolument maître de ses vo- 
lontés, il dut se montrer tel qu'il était réellement. 

Convenons d'abord que l'aveugle prédilection de 
ce prince en faveur du paganisme , lui fit rendre un 
édit (i), pour exclure des principales charges de 

(i) Si Ton veut faire à Julien un crime de cet édit, 
comment absoudra- 1~ on la révocation de Tédit de 



I (99) 

l'état, tous les chrétiens , et poièr leur interdire l'en- 
seignement public. D'autres menées sourdes , et des 
caresses ménagées à propos , pour leur faire embras- 
ser sa religion , sont les plus justes reproches qu'on 
puisse opposer à la philosophie du monarque. Ajou- 
tons que son minutieux respect pour les idoles, sa 
délirante manie pour les initiations secrètes , sa ridi- 
cule confiance dans l'art de deviner, sont les tristes 
preuves du tribut de faiblesse qu'il paya à l'humaine 
nature , et de l'étrange manière dont il fut dupe de 
son imagination. Car personne ne l'a soupçonné de 
mauvaise foi dans son absurde croyance , et l'abbé 
de la Bleterie lui-même lève à cet égard tous les 
doutes qu'on poun^ait former. Ce prince crut donc 
en sa conscience , devoir renoncer à la religion qu'on 
Tavait forcé d'embrasser dans son jeune âge ; il vît 
par les yeux des meilleurs philosophes de son siè- 
cle , et conduit en même tems par ses propres études , 
il abjiKa le christianisme, pour revenir au culte de 
ses ancêtres. 11 agit en un mot par convidîon. Ses 
lettres, ses discours, et tout ce qui nous reste de 
lui , en offi'ent la preuve non équivoque : ses argu- 

Kantes , par Louis XIV et les lois actuellement exis- 
tantes en Angleterre contre la religion romaine. Il faut, 
pour être juste, blâmer l'intolérance partout où elle se 
trouve. 

7- 



( ÎOO ) 

âiens, dîra-t-on, manquent de solidité, à en juger 
par ceux que réfuta Saint Cyrille, et dont nous don- 
nerons là traduction , par le marquis d'Argens. Maïs 
ils eurent du poids dans son esprit , et fixèrent irré- 
vocablement son opinion. 

Julien eut des prétentions plus louables du moins, 
aux belles-lettres, à la philosophie et à Téloquence, 
qui semblèrent monter avec lui sur le trône. Il ai- 
mait beaucoup à haranguer en plein sénat ; et sans 
doute on lirait avec plaisir les discours qu'il y pro- 
nonça , s'il nous avaient été conservés. Loin d'imi- 
ter le dernier empereur, qui se contentait de man- 
der les sénateurs , pour leur intimer ses ordres , il 
se rendait lui-même à leurs assemblées, écoulait 
leurs avis , et motivait le sien , souvent , avec tout 
le talent de l'art ératoîre , dans lequel on ne peut 
douter qu'il ne fui très-versé. Il installa au nouvel 
an 362 , et àèsf le troisième mois de son règne , les 
consuls Mamerlinet Névîtta , qu'il accompagna jus- 
qu'au s^at. Ge fut dans cette séance que le premier 
des deux consiils prononça le panégyrique , qui est 
parvenu jusqu'à nous, et que j'aurai occasinndt citer. 

Libanius et Ammien Marcellin racontent, ^'un 
jour que l'empereur discourait dans le sénat, sur «ne 
affaire importante , il s'inteiTompît brusquement , 
pour aller à la rencontre de Maxime le philosophe, 
qui venait d'arriver; il l'embrassa tendrement et 



( lOI ) 

rintroduislt dans l'assemblée. Ce mcine Maxime et 
Chrysantbe,tous deux disciples d'Edésius, avaient 
été mandés de Sardes , capitale de la Lydie , a la 
cour de Julien. Le second n'y voulut point paraître , 
et fut remplacé par un îiutre platguicien nommé 
Priscus, que la cour ne rendit point courtisan : 
Maxime seul paya de sa tête^. sous le règne de Va- 
lens, le crédit dont il jouit sou$ l'empereur Julien, 
et les richesseç qu'il avait amassées. 

Je ne parlerai point ici des autres rhéteurs et 
philosophes qui fréquentèrent la cour de Julien , ou 
avec qui il entretint des correspondances amicales*/ 
il en sera souvent question dans ses lettres ; et c'est 
là surtout où se peint éminemment le caractère du 
prince. 

A peine l'empereur avait passé six mois dans sa 
capitale de l'empire d'Orient, que, résolu à porter 
la guerre en Perse , il partit pour Antioche , le 1 1 
mai 362 ; revit Nicomédie , capitale de la Bithynie, 
qai quatre ans auparavant avait été détruite par un 
tremblement de terre, accompagné d'une éruption 
de feu pendant cinquante jours (i), et qui, dans le 
mois de décembre qui précéda Tannée Sgo, en 
éprouva un autre, ainsi que je l'ai dit page 90 et 



(i) Cette catastrophe fut déplorée par saint Eplirem, 
en vers élégiaqucs. 



( I02 ) 

suivantes. De là changeant de route, il passa en 
Phrygie , pour y voir à Pessinonte , un temple de 
Cybèle , déesse dont la statue avait été autrefois en- 
levée et transportée à Rome par Scîpion Nasica. Ce 
fut dans cette ville qu'il composa son discours à la 
louange de la mère des dieux , et peut-être ses deux 
écrits contre de faux 0nîques détracteurs de Dîo- 
gène. En traversant la Cilicie , il fut harangué par 
Celse, gouverneur de cette province, son ancien 
condisciple à Athènes. 
^..^ Arrivé à Antioche dans le courant de juillet , îl 
signala son entrée par des actes de clémence. On lui 
dénonçait Thalassius comme coupable de rapines et 
de violences ; on l'accusait surtout, d'avoir desservi 
le césar Gallus , pour irriter contre lui la cruauté de 
Constance. « Je suis le premier offensé , répondit 
l'empereur, laissez moi l'initiative delà vengeance » : 
et il lui pardonna. Le mois suivant , tandis qu'il sa- 
crifiait, voyant prosterné à ses pieds Théodote, qui 
s'était flatté de porter à Constance la tête du rébelli 
Julien , il le renvoya dans ses foyers : Romain el 
Vincent, capitaines des çcuyers de sa garde, et 1^ 
fils de Marcellus, ayant été convaincus d'avoir asi 
pire à l'empire, il se contenta de bannir les deui 
premiers , et ne punit que le troisième , sans fali'i 
tomber sa faute sur le pèi^e, qui comme on l'a \m 
avait si lâchement trahi Julien dans les Gaules. Di] 



( io3 ) 
it ses gardes, qui avaient conspiré contre lui, sV% 
taient décéle's dans un moment d'ivresse; il se borna 
à leur reprocher leur perfidie. 

Mais il traita avec la dernière rigueur , Gaudence , 
ancien secrétaire d'état , un autre officier de la mai- 
son du défimt empereur, et Artémius, ex-préfet 
d'Alexandiîe , dont le tort principal était , disait- 
on, de s'être montrés dans le tems , plus chauds par- 
tisans de Constance , que du césar , proclamé auguste 
par l'armée. Cependant Ammien observe que cet 
Artemîus ét^t chargé par les Alexandrins , de crimes 
atroces , parmi lesquels ils comptaient sans dqute 
celui d'atoir, sous Constance, et de goncert avec 
George, dépouillé le temple de Sérapîs. Socratelui 
impute aussi pour griefs aux yeux de Julien , ceux 
d'avoir exhumé et exposé à la dérision de ses admi- 
nistrés, des ossemens humains, et enfin d'avoir ré- 
vélé les fourberies employées par les prêtres payens 
d'Alexandrie , pour entretenir la terreur et la crédu- 
lité des habitans. Selon cette version , Artémius se- 
rait plutôt martyr du christianisme (i ) , qu'adminîs- 



(i) Le Nain de Tillemont, en examinant les faits, 
observe que cet Artêmc ne peut figurer au martyrologe, 
attendu qu'il était arien passionné , et qu il avait se- 
condé toutes les fureurs de l'évcque Georges , l'antago- 
niste de saint Athanase , et son concurrent au siège 



( io4 ) 

trateur coçrompu. Quoîqu^îl soîlr aujourd'hui difE- 
cUe de savoii- le vrai , il ne serait pas juste pourtant 
de mettre, sur le compte de Julien, des sentences 
iniques, rendues par des juges prévenus. Artémius 
et d'autres peuvent avoir été mis en jugement par 
cet empereur, sans que celui-ci soit responsable de 
leur mort. Pentade chargé de crimes et d'ignominie , 
fut absous par le tribunal de Chalcédoine. Gela 
prouve seulement la partialité des juges commis, 
mais non la malveillance du prince , qui avait nommé 
la commission. ^ 

La pompe des cérémonies païennes, encouragées 
par le prince , la translation en la ville d'Antioche^ 
du corps de saint Babylas , honoré à Daphné , bourg 
qui en était voisin , et où Apollon rendait ses ora- 
cles , l'aversion décidée de Julien pour les spectacles 
et les jeux du cirque, pour lesquels les habitans 
d' Antioche se passionnaient à Texcès , le zèle outré 
qu'il montrait pour le paganisme , comparé à son 

d^ Alexandrie. Aussi les habitans païens de cette ville 
massacrèrent-ils ce George , persécuteur de leurs dreux, 
et profanateur de leurs temples, dès qu'ils furent in for- 
més du supplice du préfet Artémius , sur l'autorité du- 
quel l'évêque Arien s'était appuyé- On verra dans notre 
traduction de la lettre aux Alexandrins , que l'empereur 
leur pardonna ce meurtre , par égard à l'intervention 
de son oncle Julien. 



( to5 ) 
mépris affecté pour ioùtts les sectes chrétiennes , lui 
attirèrent des sarcasmes, souvent même des mortifi- 
cations réelles. S'il ne s'en fut vengé que par son 
écni intitulé le tnisopagm , ouvrage plein de finesse 
et de nàodération , dans lequel il représente si bien 
les mœurs corrompues , et l'esprit firivole du peuple 
d'Antîoche, les historiens ecclésiastiques tels que 
Socrate , Sozomène , et Théodoret auraient eu tort 
de^Iui reprocher d'avoir tourmenté le jeune Théo- 
dore , et d'avoir fait trancher la tête à deux écuyer» 
de sa garde : le premier, pour avoir lors de la céré- 
monie de l'exhumation de saint Babylas , chanté ce 
verset du psaume 96 , « que tous ceux qui adorent les 
» ouvrages de sculpture , et se glorifient dans leurs 
» idoles, soient couverts de confusion (^i) »; les 



(i) Je donne ici la version de la Bleterie , en remar- 
quant qu'elle approche de celle de la bible deVatable, 
mais non de celle de notre vulgatc, dont voici le texte: 
Tradidisti nos in manibus inimicorum nostrorum iniçua- 
mm et pessimorum prœvaricatorumque , et régi injusto et 
pessimo ultra omnem terrant ; paroles qui s^appliquent au 
roi Nabucliodonosor. Je préviens , au reste , mes lec- 
teurs que la partie à laquelle appartient ce chapitre du 
prophète Daniel , ne se trouve point dans les bibles 
hébraïques , ni dans leur traduction littérale , comme 
Test celle de Théodore de Bèze , que nous aurons occa- 
sion de citer ailleurs. ( Foy. la nùk i.'^ de la défense du 
paganisme par Julien.) 



( io6 ) 

deux autres , pour avoir prononce dans un festin, ce^ 
paroles tîre'es du prophète Daniel, 1. 3 , v.82. « Vom 
» nous avez livrés à un prince apostat , plus ennentf 
» de votre loi , que toutes les nations de la terre, * 
11 est vrai que Julien était d'humeur à regarda 
comme lui étant personnel, Toutrage qu'on faisait à 
ses dieux. Mais il ne faut pas croire légèrement lea 
écrivains que je viens de citer, et dont le témoi- 
gnage a été souvent trouvé en défaut ; je suis loin de 
penser qu'ils aient inventé les faits qu'ils racontent:! 
mais il est infiniment probable , qu'ils en auront al- 
téré les circonstances. On est encore en droit de ït-\ 
pousser les imputations plus graves de sacrifices hu- 
mains offerts par Julien pour lire l'avenir, dans les 
entrailles des victimes ; à peine serait-il croyable que 
de misérables goétiens ou enchanteurs, espèces 
d'hommes qu'il détestait, ainsi que nous l'avons ob- 
servé déjà, se fussent traînés à sa suite, et eussent 
profité du moment où Julien vaquait aux cérémo- 
nies du paganisme et à ses opérations , soit ihéur- 
giques . soit divinatoires , pour pratiquer dans le se- 
cret, leurs horribles sacrifices. En général, on doil 
regarder comme apocryphes , les anecdotes contra- 
dictoires avec le récit d'Ammien Marcellin, This 
torien le mieux instruit et le plus impartial du tem: 
de cet empereur, et souvent le témoin oculaire di 
ses actions. 



( I07 ) 

II est à remarquer aussi que les mêmes auteurs 
ckétîens qui , aux actes arbitraires dont je viens 
de parler, ajoutent celui de Texécution à mort du 
jeune Théodore, et surtout de Théodorct, prêtre 
d'Antioche , uniquement pour cause de christia- 
nisme , ne mettent cependant point ces assassinats 
sur le compte de l'empereur, mais sur celui de 
Julien , son oncle ; lequel exerçait , avec le préfet 
Salluste, homme de bien, Fautorité dans Antioche. 
Ils ont même consigné , dans leur récit , une preuve 
de l'indignation qu'en ressentit Tempereur; lorsqu'il 
apprit , le lendemain , la mort de ce prêtre , il 
écrivit au comte Julien Une lettre foudroyante dont 
les effets furent si prompts, qu'ils lui causèrent, dès 
le soir même , la maladie dont il moumt , après avoir 
langui deux mois. Cette lettre portait : « Est-ce 
i> ainsi que vous entrez dans mes vues ; tandis que 
w je travaille à ramener les Galiléens par la douceur 
» et par la raison , vous faites des martyrs , sous 

» mon règne et sous mes yeux Je vous 

» défends d'ôter la vie à personne, pour cause de 
» religion, et je vous charge de faire savoir aux 
» autres ma volonté ». Ces paroles , avouées par 
les écrivains précités , justifient les intentions de 
Julien, et doivent jeter quelques lumières sur les 
faits analogues. 

Am^lien Marcellin nous apprend encore , que 



( io8 ) 
dans un soulèvement du peuple d' Antioche , pour 
cause de disette , Tèmpereur, croyant apercevoir la 
négligence du sénat, avait commandé d'en empri- 
sonner tous les membres ; mais que Lîbanius , par 
de vives remontrances , l'avait forcé à rétracter ces 
ordres. libanius, natif d'Antloche et ami de Julien, 
Salluste, homme doux et estimé de son souverain, 
avaient l'un et l'autre beaucoup de crédit suir son 
esprit, et durent par leur influence l'empêcher de 
sévir inhumainement contre des chrétiens de celte 
ville , accusés d'avoir mis le feu au temple de 
Daphné , quand bien même sa haine et sa prévention 
auraient pu le porter à des actes sanguinaires , ce que 
cependant les historiens les plus accrédités ne nous 
permettent pas de supposer. Eutrope dit même que, 
quoique ennemi outré du christianisme , il ne versa 
jamais le sang des partisans de cette secte : nmus 
religionis chrîsiianœ repressor^ perindè tamen ut a cruore 
abstinuerit. (Eutrop^ 1. X. c. 9. ) Je me suis exprès 
étendu sur son séjour à Antioche, parce que, depuis 
son avènement à l'empire , ce fut la ville où il résida 
le plus long-tems , et que c'est là aussi qu'on l'ac- 
cuse de s'être montré persécuteur des chrétiens. 

Je n'ignore point que les légendaires ont forge 
une grosse liste de chrétiens martyrisés à Antioche 
et ailleurs , sous le règne de cet empereur philo- 
sophe. Mais des contes de légendes ne sont pas des 



( I09 ) 
faits; on sHl se trouve quelqttes-uns de ces derniers , 
Us sont dénaturés de manière à ne mériter aucune 
confiance. Certes, on verra dans le recueil des lettres 
de Jalien , plusieurs exemples d^émeutes populaires 
dont tantôt les païens , tantôt les chrétiens furent 
victimes. De quel droit ôserait-on les attribuer à la 
religion ou à la philosophie du monarque? les mêmes 
chroniqueurs ont aussi voulu chargel* du même 
crime la philosophie de Marc-Aurèle , le plus ver- 
tueux des princes , et ils ont placé à dessein , sous 
son seul iiègne , plus de martyrs que sous ceux des 
plus cruels persécuteurs de l'église chrétienne. Mais 
le savant distingué , auteur de \ histoire philoso- 
pfmjfte (i) de Marc-Aurèle , vient de venger la mé- 
moire de cet empereur, le modèle des rois et Tidolc 
de l'univers , et de réfuter victorieusement les pi- 
toyables . anachronismes et les pieux mensonges 
accumfulés dans les martyrologes de cette époque 
(voyea son appendice de la page 3oo à 333 du 
4^ volume ). Nous n'en citerons qu'un passage éga- 
lement applicable aux deux empereurs philosophes. 
« ' Quelle honte ! et <pie la haine pour son titre 
de pfdhsop'ke. ... percé bien en cette injustice î 
Mais, supposons que l'on ait condamné au supplice 



(i) Voyez mon compte rendu de cet ouvrage , an 
Moniteur du i3 septembre 1820. 



C "o ) 
plusieurs des chrétiens, et alors comparons le mal 
qu'ont versé sur ceux-ci les empereurs payens , avec 
le mal qu'ont versé sur ces mêmes chrétiens les 
empereurs chrétiens eux-mêmes. . . . C'était à 
Baronius , à Bollandus , à Tillemont , si savans 
dans l'histoire ecclésiastique, à, se souvenir qu'il 
n'est pas un empereur chrétien d'Orient qui n'ait 
fait endurer plus de tourmens à la religion, dans 
les troubles intestins , causés par les hérésies , que le 
plus cruel empereur de Rome dans la guerre du 
polythéisme et de notre religion , ne lui en a jamais 
fait subir. Oui, l'Histoire bysantlne révélera à qui 
la fouillera, que le règne de six empereurs grecs offre 
plus d'arrêts de condamnation , de bannissemens , ; 
d'exils , de mutilations , de meurtres des chrétiens , i 
que n'en présente la somme entière des règnes de I 
tous les empereurs payens , depuis Tibère jusqu'à ! 
Constantin. Reconnaîtra-t-on là cette justice dont | 
les historiens se doivent rendre les arbitres împar- i 
tiaux ? que l'arrêt de ces prétendus juges soit cassé, | 
puisqu'il tourne en persécuteur un bienfaiteur, puis- ' 
qu'il tend à déshonorer un prince digne de toute 
vénération , et cela par la raison qu'il est vertueux 
sans être chrétien ». 

Je reprends maintenant le récit abrégé de la vie ; 
de Julien ; il partit d'Antioche le troisième jour des! 
nones de mars 363 , époque où la terre commençait 



( Itï ) 

ï s'échauffer par les feux du ciel , janujue apricanté 
c«h ( Am. Marc. ). Maïs , en quittant les habitans 
de cetle ville , il les menaça de leur retirer Libanius , 
leur concitoyen , à qui il fit les plus tendres adieux ; 
et il leur laissa pour gouverneur, ou plutôt pour 
épouvantail , un certain Alexandre d' Héliopolis , 
homme à la fois léger et cruel. Ce trait de vengeance 
est à mon avis, peu digne d'un aussi grand prince , 
et dépare , à mes yeux du moins , Finnocente satire 
du Misopogon. Quelque tort que se donnent les 
peuples envers leur souverain , celui-ci ne doit jamais , 
pour les en punir, leur donner sciemment des ma- 
gistrats pervers , inhumains ou incapables. 

D'Antioche , l'empereur , alla coucher à Litarbes , 
îille distante de quinze lieues. De là il se rendit à 
Bérée, puis à Batné, et enfin à Hieraple, d'où il 
écrivit à Libanius les détails de son voyage que nous 
rapporterons dans sa lettre 5*, sans doute la dernière 
qu'il ait pu écrire. C'est en général dans ses lettres 
qu il faut chercher à le bien connaître, et pour cette 
raison j''ai consigné dans mes notes , sur ces lettres , 
beaucoifp de particularités de sa vie ; car ce qui me 
reste à en dire , n'intéresse plus que l'histoire géné- 
rale de ce tems , et celle de l'art militaire ; il reçut 
àCircesse, petite ville où était le tombeau de l'em- 
pereur Gordien le jeune , une dernière lettre de 
Sallusle, son ancien ami, préfet des Gaules, qui le 



( "O 

priait, au &0m d^. dieux, de ne point entrer ei^ 
Perse , et qui lui annonçait : v Que la campa^e luij 
3> serait funeste. Tous les oracles et les amspice^ 
» consultés défendaient, écrivait-ii, cette entrepris^ 
» hasardeuse, » 

Mais Julieù avait décidément pris son parti. 
Il fondit sur les terres de son ennemi , à Timpro- 
viste, à la tête de soixante-cinq mille hommes, qu'il 
partagea en deux corps à peu près égaux , en laissant 
un sur ses den'ières^ sous la conduite de Procope, 
qui devait le rejoindre en tems opportun. Ces forces 
étaient plus que suffisantes ; il comptait 4'ailleurs 
sur la valeur de ses troupes , sur sa propre expc- 
riaice, et sur Ts^ppui de ses dieux. Il entra donc 
par l'Assyrie et la Mésc^otamie, passa le canal de 
FËûphrate , qui communiquait au Tigre , assiégea , 
et emporta d'assaut Pirisabore , la plus gi*ande ville 
d'Assyrie , après Ctésipfaon , qui en était la capitale; 
enleva plusieurs autres villes et forts , et se distingua 
par mille exploits de bravoure racontés au long par 
Ammien, qui servait alors dans son armée. Cet 
historien guerrier mérite à cet égard toute croyance ; 
mais les traits qu'il rapporte, quelqu'honnew qu'ils 
fessent à la tempéi^aiice , au courage , au génie et à 
l'excellente moralité de Julien , appartiennent plus 
à l'art de la gueiTe, qu'à la vie publique et privée 
de l'empweur Julien , dont nous nous sommes occu- 



( "3) 
pés ; Àmmien lui-même semble perdre, de vue son 
héros, pour ne plus envisager qne Panne'e et les 
intérêts des Romains ; « nou» airivâmes, dît-il , nous 
campâmes , notre armée attaqua , etc. » Je remar- 
querai seulement en faveur des hommes du mctîer, 
qui voudront prendre lecture de l'ouvrage de ce 
même historien , qu'il semble reprocher à Julien des 
dûtes et des imprudences, que ce prince n'avait ja- 
mais commises , lorsqu'il fit la guerre dans les 
Gaules ou en Allemagne, et auxquelles on doit 
attribuer les revers de tonte l'année. 

Quoiqu'il en soit , cet empereur, après avoir passé 
le Tigre , parvint sous les murs de Ctésiphon, qu'il 
jugea ne pouvoir emporter d'assaut avant l'arrivée 
des renforts qu'il attendait , et qu'il croyait moins 
éloignés- U marcha d'abord à leur rencontre , en 
côtoyant le fleuve ; puis , par des routes qu'il con- 
naissait peu , il s'enfonça dans les terres , après avoir 
brûlé sa flotte. Inquiété par l'armée ennemie , et 
manquant enfin de vivres , il prft le parti de se re- 
plier vers la Cordouenne (i) , province alors dé- 



(i) La Blelerie, à la p. 1 56 de sa dissertation, prouve 
contre M. de Tillemont, que Julien n'avait pas besoin 
de passer le Tigre , pour se rendre dans la Cordouenne, 
etcpie Julien dit lui-même qu'il avait pris celte route, 
parce qu'il n'avait point de bateaux ; par conséquent 
I. 8 



( 



pendante de Tempire , au midi de TArménle. Dam 
cette retraite forcée , U-gagna, le 22 juiû , une ba- 
taille contre les Perses , qui le poursuivaient avec 
opiniâtreté. Mais cinq jours après , de nouveau har- 
celé par l'ennemi, et plus pressé encore par la fa- 
mine, il se mêla dans une échauffourée qui, d'une 
affaire d'avant-poste , devint une action presque gé- 
nérale , où tout l'avantage serait demeuré aux armes ! 
romaines , si le malheureux prince n'y eût été mor- 
tellement blessé d'un trait qui pénétra , par les vis- 
cères , jusqu'aux aîncis. Conto periUa ictus inguinwn 
tenus vulneratus est. (C'est l'expression de l'historien 
Rufus Festus, ) (i) 



la Cordouenne n^ était point séparée de TÂssyrie par 
le Tigre. — Il faut se rappeler aussi que Julien avait 
laissé dans la Mésopotamie, environ 3o,ooo hommes , 
sous la conduite de Procope , son parent , de Sébastien, 
autre général , et d'Arsace , roi d'Arménie ; et qnjîl ne 
pouvait manquer de^. les rejoindre^ pour livrer ensuite 
aux Perses une bataille décisive. 

(i) On voit dans ce passage que Festus, qui vivait^ 
à ce qu'on croît, sous l'empereur Valens, a employé l'ad- 
verbe /^«à5, avec le génitif pluriel, à Texemple de Vir^ 
gîle : 

Cuiplurima cemx 
Et €rumm tenus , à mento palearia pendent, 

(Géorgie. 1. 3, v. 53. ) 



Tandis <}ueses soldats ^ furieux, massacraient ou 
mettaient en dérouie les Perses , on Temporta lui-- 
même, siurun bouclier V dans sa tente , où il reçut 
les secours d^Oribase, son médecin et son ami. 
Tout fondait en larmes autour de son lit de douleur ; 
étendu , selon sa coutume , sur une naUe couverte 
d une peau de lion ( Esc fapets^ff^êavfa çuam tmlgans 
simpUctlas usuminn adpeUat Ai^m. , 1. XVI , c. 5 ) , 
lui seol montca*uûe fermeté d^âme et une tranquillité 
que la conscience de la vertu seule peut donner. 

« Chers compagnons , djt-il (i) , la nature me re^ 
>^ démode ce qu'elle m'a prêté; je le, lui rends avec 
» la joie d'un débiteur qui ^'acquitte , et non point 
V avec la douleur .ni les i*egrets que la plupart des 
y* hommes croient inséparables de l'état où je suis^ 
)> La philosophie m'a convaincu que l'âme n'est 
» vraiment heureuse que lorsqu'elle est affranchie 
» des liens du4;orps, çt qu'on doit plutôt se réjouir 
» que s'affliger , lorsque la pltis noble psuiie de 
» nous^même se dégage de ceUe qui la dégrade et 
» l'avilit. Je fais aussi réflexion que les dieux ont 
» souvent envoyé la moit aux ge^ de bien , comme 
» la plus grande récompense dont ils pussent cou- 



( I j Tadople ici la traduction de la Bleterie , parce 
qu'ici Uni changement dans les termes d^Ammien ne 
peut.tirer à conséquence. 

8 



, (1,6 ) 

7i ronner la vertu. Je la reçois à titre de grâre: Ils 
w ieuleïit m'^paargner des difficultés qui'm'aoraîent, 
v>.. fait succomber ^sans^douta, ou commettre quel- 
» qu'action imdignède moi. Je meurs sans remords , 
.*> parce que f ai vécu «ans trime, seit dans le tems 
» de ma diisgrâc e , Iwsqu'ôn m'éfoignait de la cour, 
)> et que l'on me confinait dans dts retraites obs- 
» cures et «écartées, soît depuis que j'^aî été élevé au 
>» jpouvoir suprême. J'ai respecté la puissance dont 
» j'étais revêtu comme «ne éirianâtion de la puis- 
» sance 4i^ïné. Je crois l'atoir èonservée pure et 
>» sans tache, en gouvernant avec douceur les 
» peuples coïtfiés à mes soins , eii ne déclarant ni 
» ne ôoutetiant la* guerre q«e pour Se bonnes rai- 
» sons. Si je n'ai pas réussi , 'c'est que le succès ne 
À ^pend, eti' dernier ressort, qûfe du bon plaisir 
» des dieui. Persuadé que letènbeur de mes su- 
» jets est la fin unique de tout gouvietliement équJ- 
» table, j'm détesté le pouvoir arbitraire , sburce 
» fkdle de la eoirtfptiôô dès moeurs et de la ruiné 
» des états. J*ai"tôujottrs feu des vues "pacifiques , 
» vous le savez ; w&is aussitôt que la patrie m^a fait 
» entendît sa voix et m'a commandé de courir aux 
»> dangers, j'ai obéi, a.vec la soumission d'un fils^ 
' aux ordres absolus d'une mère. J'ai ^onsi^éré le 
» péril d'un œil fixe ; j&l'ai afïi*onté avecplaisîr Je ne 
»> vous dissimulerai point qu'on m'avait prédft ,'il v 



( "7) 

» a long-tems ;*gue je mourrais d'unte mort violente. 
» Ainsi , je remei-cîe le dïèti^ic^ilil àe n'a\oir pas 
» permis qœ je périsse nî'ffar iiiié conspiration , ni 
» par lès douleurs d'une longue inarîadîe , ni par la 
« cruauté d'un tyran.* ï'adoi^e ^ bonté sur moi , de 
» ce qu'il m'éïhève du monde 'par* un honorable 
» trépas, au miReu d'une eourse glorieuse; puis- 
» qu'à juger Saittemeni les choses , c^est une lâcheté 
» égale de souhaiter la mort , lôlrsqu^ii serait à 
» propos de^VTvre, et de regretter la vîé, lorsqu'il 
» est tems de mourir. Mes forces tii' abandonnent : 
» Je ne puis plus vous parler. Quand à l'élection 
» dun empereur,* je n'ai ^ardé de prévenir votre 
» choix. Le rnîen pcrtirtait mal tomber, et perdrait 
» peut-être, si on ne le suivait pas, celui que j'au- 
» rais désigné. Mais en bon citoyen , Je souhaite 
» d'être remplacé par un digne successeur. » 

Ce discours, où règne une majestueuse simpli- 
» cité, montrait à découvert et tel qu'il était en 
«ffet, BOn-seûlement l'empereur , mais l'homme et 
le citoyen. On peut juger de l'impression profonde 
qu'il fit sur les assîstans. Il leur ordonna de trans- 
porter son corps à Tarse , en Cilicic ,' qu'il choisit 
pour U lieu de sa sépulture. Us distribua ses meu- 
Ues et effets d'usage à ses amis présens , paripi les- 
^els n'apercevant pas Anatolius , maître d'offices , 
il eut la douleur d'apprendre de la bouche du préfet 



( ii8 ) 

Salluste^ que ce brave était mort âans^ le combat. 
Enfin, sentant approcher se^sdeni^ers momens, il 
s'entretint lon^epient,,aveç les pHlosQphes;Prî$cus 
et Maxime » de la nature.d^ Fânae et de riaunorl^ité. 
La chaleur qu^il pit dans ce dialogue .rouvrit sa 

plaie et embaiT9^^a§% respiration Xi)*,!^^^^^^^^ 
de Peau fraîche , la but , et.^xpijra iQwédiatement 
après, vei's. le «ailieu de la nuit du 20 juip 363» 
dans la trente deuxièine année de.§Qn âge; et avec 
lui s'éteignit l^^naisop de Constance. Çtdor^ ; au- 
guste depuis trois ans , il n'avait été sçul maître de 
l'empire qu'environ vingt-un mois. 

Je ne puis achever le récit dçs circonstances de la 
mort de ce monarque philosophe , ^saoïs réfuter une 
calomnie absurde, inventée par- ses ennemis, et à 
laquelle un homme sen^é ne peut croire aujourd'hui ; 
l'abbé de la Bléterie n'y ajoute aucune foi. Sozo- 

^ mène, historien ^clésiastique , la débita le premier 
dans les termes qui suivent. « Quelques personnes 
» assurent que Julien , atteint du coup mortel, s'i- 

^» magina voir le Christ, et lança dans les airs, le 

^» sang qui sortait de sa blessure. D'autres préten- 

» dent , ajoute-t-11 , qu'il se répandit en invectivas 



(i) Inier effusionem sanguinis cum suorum oriines mo- 
tos imtauTossei cunctantem animam multa suos allocutus y 
efflavit ( Rufi Festî hrev. in fin. ) 



» contre le sofeil qui Pavait mal dêknàu des Per- 
» se*. » ^os. l. 3, c. 21 ). Ce second trait est rap- 
port» aussi par.Philostorge , historien ecclésiastique 
du même tems. De telles napratioiis ressemblent trop 
à ceQe de la reine des Scythes , Thamiris , présentant 
à la tête encore sanglante de Cyrus, du sang ren-* 
fermé dans une ontre, avec cette apostrophe: saiia 
le sanguine quem sUisU. ( Justin , 1. i , c. 8 ) , ou à 
lautre non moins fabuleuse de Tarrogance de Sapor, 
contre Tempereur Yalentinien son captif. Socratc , 
autre écrivain ecclésiastique comtemporain , en ra-r 
tontant la mort de Julien, ne mentionne aucun des 
faits exft-aordînaires relatés ci-dessus. Mais Théo- 
doret évêque de Cyr en Syrie, qui écrivit après les 
trois auteurs cités, et soixante ans au moins de- 
puis la mort de Julien, s^exprime ainsi : << on 
^, que Julien , se sentant blessé, crut- voir Jésus- 
Christ; qu^il remplit ses mains de son sang, et 1 
(p^il le jetta contre le ciel en criant ; « tu as vaincu l 
Gtalilm; rassasie-toi de- mon saag. » (Théod. 1. 3 ,^ 
^' 2^). £nfm Tahbé Fleuri, en consignant dans 
sou histoire le récit de Théodoret , commence par, 
le même mot : on dit, etc. ( Hist. eccl. 1. XV , c. 47 1 
P> 109. ) Mais du moins ce savant aibbé avait pré- 
venu d'avance ses lecteurs, à la page 18 de sa pré^ 
fcice, ou on lit : « J'ai mis on dit^ à ce qui m'a paru, 
douteux j quand j ai cru devoir le rapporter. » 



( 120 ) 

Au reste , un auteur très énidît ,' Chrisloplie Au- 
guste Heumann a réfuté plus complèteifient avant 
tnoi cette anecdote, dans une dissertation kline, 
imprimée în-4**, à Gœttkigue en 1740. Je me con- 
tente d'observer , que les deux historiens Eûtropc 
et Ammien Marcelliti , tous deux présens à la ba- 
taille, et dont par conséquent Tàtitorité est irrécu- 
sable , assurent seulement que Julien , en essayant 
d'arracher le dard qui lui avait percé le foie, (parce 
qu'il n'avait point de cuirasse ) , se coupa les doigts 
et tomba évanoui de dessus son cbcval*. Toute autre 
circonstance, dont ils n'ont point parlé, est donc 
côiltrouvée , et dénuée de toute vraisemblance. 

L'esquisse rapide des faits que je vienà d'ébaucher 
de la vie de l'empereur Julien ; semble représenter 
ce prince , comme ayant approché de la sagesse de 
Socrate, et des vertus publiques de Marc-Aurèle, 
: persotmages , qu'il disait en effet, af\oir pris tous 
} deux, pour ses modèles, le dernier surtout, parce 
que Claude II, d'où il descendait, avait, dommc 
nous l'avons observé adopté le surnom ^Auré- 
lius. - 

J'ai relaté les faits avec la plus stricte impartia- 
lité, et sans ynjouter même le$ omefîiens da style. 
Il ne m'appartient point de prononcer en dernier 
ressort, du mérite d'un personnage dont les inten- 
tions, le caractère et les actions sont assez difficiles 



k saisir. Cèjpendant , je me permettrai démettre sous 
les yeux de ' nies lecteurs , le jugement de Michel 
Montaigne, comme celui d^un philosophe Telîg:îeux, 
homme lettre et le moins siispeét du moude : je le 
laisserai parler, dans son naïf langage, au cha- 
pitre XIX du second livre de ses essais, pages 5^2 
à 5^9 de l'édition de Paris , tygS. Ce chapitre à 
pour titre '. De la Uberié de conscience. Là , après 
avoir déploré les' tristes effets de l'intolérance plus 
funeste aux lettres , que ne le furent jamais le fer et 
le feu des barbares , il cite à l'appui de son asser- 
tion , la perte d'une partie précieuse des ou>frages 
de Tacite , quœqiie l'empereur , son parent , et du 
même nom que lui en eût meublé toutes les biblio- 
thèques de plusieurs exemplaires complets. « Tou- 
» tesfois, ajoute-t-il, un seul exemplaire entier n'a 
>' pu échapper à la curieuse recherche dé ceulx qui. 
^ desiAyent Fabofir, pour cinq ou six vaines clau- 
« ses contraires à notre créance. Ils onl aussy eiï 
« cecy, de prester aisément des louanges faulses, à 
^' tous les empereurs qui faîsoyent pour nous , el 
^' condamner universellement toutes les actions dé 
» ceulx qui nous estaietit adversaires, comme il est 
» aysé à veoîr en l'empereur Julian , surnommé VA- 
» postât. » ^ ' 

De la notre estimable écrivain prend occasion dt 
parler de cet empereur , qu'il représente comme « un 



( 122) 

» très-grand hotame et rare , qui avait son amc vlf- 

» ▼ement teincte des discours de la philosophie, aax- 

y> quels il faisait profession de reigler toutes ses 

» actions : et devrai il n^estaulcune sorte de vertu, 

» de quoi il n'ait laissé de très Notables exemples , 

» en chasteté de laquelle le irours de sa vie donne 

» bien clair tesmoigpage; On lyt de luy un pareil 

» traict, à celui d'Alexandre et de Scipion, que 

» de plusieurs très belles captifves , il n'en voulut 

» pas seulement veoir une, estant en la fleur de son 

» âge. Quant a la justice , il prenoit luy-mesme la 

» peine d'ouyr les parties , et encore que par curio- 

» site il s'informast à ceulx qui se présentoyeot à 

» lui , de quelle religionr ils estoyent , toutesfois l'i- 

» nimitié qu'il portait à la nostre ne donnoit aul- 

3> cun contrepoids à la balance , il feit lui-même plu- 

» sieurs bonnes loys , et retrancha une grande partie 

» des subsides et impositions que levoyent ses pre- 

» décesseurs. . « 

» Nous avons deux bons historiens tesnioings 

» oculaires de ses actions , Tun desquels Marcelll- 

3 nus,reprend aigrement, en divers lieux de son his- 

» toire, cette sienne ordonnance, par laquelle n 

» deffendit l'eschole^ et interdict d'enseigner à tous 

» rhétoriciens et grammairiens chrestiens, et dict, 

» qu'il souhaiterait grandement cette sienne action 

» estre enscpvelie soûls Iç silence. Il est vray-sem- 



( 123 ) 

)» Usè&, Vil €iit fiiîet quelque chose àt plus aigre 
D contre mms^ qq^il ne Teust pas oublié, estant 
» bleo affei^onnë à no^e party.. Il nous estait 
» a^e à k véritét, mais non pourtant cruel en- 
» nemj*: c^^os ^ens mesmçs récitent de lui cette 
') histoire, que, se promenant un jour autour de la 
» ville de ÇhakédQine, Maris,. evésque du lieu, 
» osa bien rappellermeschant, traitre à Christ, quH} 
» n en feitaaltre chose sauf lui respondre : f^a^ mi-r 
» sirûbk, pleure la perte de tes yeulx : à quoy 
» rcvesquft encpre répliqua : Je rends grâce à Jé^ 
» sus-CIin.si,.éfi in avoir osiéja veue; pour ne veoir 
» tm visage ùf^udeni;... Tant il y a que ce faiet là 
» ne se. peut pas bien rapporter aux cruautés qu^on 
« le dit avoir exercées contre nous. Il est oit , dict 
» Eutropios , mon aultre tesmoing, ennc^my de la 
» chrestieoneté , ipiiais sans toucher au ssoig; et pour 
» meHir à sa justice^ il n^est rien qu^o|i y puisse 
» accuser, que les rigueurs de quoy il usa au com-rr 
» mencement de son empire, contre ceulx qui 
'■ » avoyent pris le party de Constantius, son prédé-: 
» cesseur. Quant à sa sobriété , il vivoit tousiours 
» un vivre soldatesque, et se noui*rissait en pleine 
^' paix,commeceluy.qui se préparoitet accoutumoit 
» à Paus^érité de ta guerre. » 

» La vigilance était telle en luy qu'il départait 
» la ûuict à trois pu quatre parties, dont la moin* 



( 124 ) 

» dre estoit celle qu^îl donnoit ait sommeil : le 
» reste il Temployoït à visiter loy-meslne , en per- 
» sonne , Pestât de son armée et ses gardes, on à i 
» estudier : car, enti^e aukres siennes rares quali- 
» tés, il estoit très excellent en toute sorte de lit- 

3f> tératm'e 

^ » Quant à la salfisance miKtaire , il feut ^dmi- i 
A rable en toutes les paities d'un grand capitaine. 
» Aussy , feut-il quasi toute sa vie en continuel , 
i) exercice de guerre ; et la plupart avec nous , en 
» France contre les Allemands et Franeons. Nous 
'-) n'avons guères mémoire d'homme , qui ayt vea 
>» plus de hazards , ny qui ayt faicSt plus souvent 
» -preuve de sa personne. Sa mort a quelque chose 
» tïe pareil à cefle d -Epaminondas : Car il fut frappé 
» d'untraict H èssiaya de t'arrachcr , et l'eust faict, 
» n'eust esté que le traict estant tranchant , il se 
» couppa et affoiblit la maim II demarïdoit qu'on , 
» le reportast, en ce mesme estât, eu la mesle'e, 
3f> pour y encourager ses soldats, Jesquels conteste- 
» rent cette bataille sans luy très courageusement , 
i> jusqu'à ce que la nuict sépara les armées. Il deb- 
» 'Voit à la philosophie un singulier mespris, en 
»' qûoy il 'avait sa vie et les choses humaines; il 
» avoît ferme créance de l'étemîté des âmes. 

» En matière de religion, il était vicieux par- 
» tout; on l'a surnommé Y ^postai, pour" avoir 



( 125 ) 

» abandonné la nbstre : toutes fois cette opinion me 
» semble plus vray-semblable, qu'il ne Tavoît ja- 
yf mais eue à cœur, mais que pour Tobéissance des 
j' loys, iJ s^étoit feint, jusqucs à ce quMl tînst Tem- 
» pire en sa main. 11 feut si superstitieux en la 
» sienne, qUe ceulx mesmes qui en estoyent de son 

» tems, s'en mocquoyent Il estoit aussi emba- 

» bouîné de la science devinatrice et donnoit auc- 

» torite' h toute façon de prognostics Ce 

>» language qu'on luy faîct tenir , quand il se sen- 
» lit frappé : Tu as vaincu , Nazaréen , ou comme 
« d'autres : Contente toy Nazaréen; à peine eusl il 
» esté oublié , s'il eust esté creu par mes tesmoings , 
« qui estants présens à l'armée , ont remarqué jus- 
» ques aux moindres mouvemens et paroles de sa 
» fin, non plus que certains aultres miracles qu'on 
» y attache. >> 

Certes , Toîlà un portrait tracé de main de maître 
et dWant moins suspect de partialité que l'auteur 
occupé d*untout autre sujet, qui était l'intolérance, 
napu énoncer par occasion, sur lapersonne de Julien, 
que l'idée qu'il s'en était formée d'après les historiens 
qu'il avait lus. Montaigne avait une érudition im- 
"îense ; il cite beaucoup, et cependant il se plaint 
souvent de sa mémoire; mais son goût et son juge- 
«îent étaient exquis. II avait remarcfué que les pères 
^^ l'église et les historiens ecclé.^itastiques, avaient 



(126) 

élevé an nues les ^empereurs chrétiens, surtout 
grand Constantin qui fiit parfois eruel et injuste > et! 
Constance, son successeur^ couvert du sang desa fe- 
milie et monstre de cruautés sous la tutelle de ses ia* 
famés ministres; tandis qu'ils traitaient de tyran, Ju- 
lien, qui n'avait d'autre tort envers. eux que la diffé- 
rence de sa religion,et qu'ils débitaient^ur son compte»! 
les calomnies les plus gratuites et les plus odieuses.] 
Montaigne avait donc bien lu ces orateurs et hls-i 
toriens ecclésiastiques. Ouï peut en douter? puis-, 
qu'il les cite fréquemment ailleurs, et qu'en l'en- 
droit que j'ai copié , il en tire les anecdotes qu'il ré- 
fute, ou du moins auxquelles il refuse toule| 
croyance, 

Je conclus de là que le pi'ononcé de Montaigne 
doit avoir le plus grand poids , comme étant motivé 
sur des faits palpables et authenticpies dont il cite 
les garants, comme étant hien dig^érés par lui, pour 
me servir de son expression familière , cconoxe étant 
enfin solidement établi dans l'esprit d'un homme 
inaccessible , comme il l'était à toute prévention et 
à toute impulsion étrangère. Mais pour rassurer 
ceux qui croiraient leur religion intéressée, s'ils se 
formaient une idée avantageuse de la personne et de 
la moralité d'un prince réputé apostat , je produirai le 
jugement d'un poète chrétien , qu'on met au rang 
des pères de l'égîise latine, et qui représente Julien, 



( 1^7 ) 
« tmoit un grand guerrier ^^Qmme un horos^ qui, 
raalg^é son apo&tasié et ses mille et une superstitions; 
avait servi sa patrie , et bien mérité de Tunivers. ^ 

Ductorfortissimus armh, 

Comultor patriœ y sed non coasulior habenda 
Rdigioms; amans ter centum millia dhum^ 
Perfidus ille deo, sed non et perfidus orbi. 

Pridentius, 

Je finis par citer comme un autre modèle d'exacti- 
tude et de ressemblance le portrait que fait Hiomas 
l'académicien , du caractère de l'empereur Julien. 
Assurément ce portrait n'est rien moins que flatteur,^ 
si toutefois il n'est pas sévère. On lit, au chapitre 
vingtième de son Essai sur les éloges : « Que pen- 
« ser donc de Julien ? qu'il fut beaucoup plus pbi- 
» losophe dans son gouvernement et sa conduite , 
J) que dans ses idées; que son imagination extrême 
^» égara souvent ses lumières ; que, fixé sm* la morale 
>' par ses principes, il avait surtout le reste, l'in- 
^> quiétude d'un homme qui manque d'un point 
^ d'appuy : qu'il porta, sans y penser, dans le pa- 
^> ganlsme même , une teinte de l'austérité chré- 
» tienne où il avait été élevé , qu'il fut chrétien par 
» les m(]eurs, platmiicien par les idées, superstitieux 
>> par l'imagination, payen par le culte, grand sur 
» le trwie et à la tête des armées, foible et petit, 
* dans «es temple* et stts mystères , qu'il eut en u» 



( ia8 ) ' 
» mot le courage d'^r , de penser , de goayemer et 
» de combattre ; mai» qu^il lui manqua le courage 
» d'ignorer : que, malgré ses défauts, car il en eut 
» plusieurs, les payens durent Tadmir^r , et que les 
*» chrétiens durent le plaindre ». 

Mon récit prouve assez que je n'ai point écrit la 
vie de Julien , pour avoir occasion de faire son éloge. 
Cependant, je crois qu'il serait injuste de ne pas 
écouter par fois ses panégyristes. De ce nombre est, 
ce me semble, Libanius, qui, comme nous F avons 
vu , n'était rien moins que le flatteur de Julien , qu» 
affectait de ne le point visiter , de n'aller pas man- 
ger à sa table , et qui même le reprenait a\?ec beau- 
coup de hardiesse, lorsqu'il le croyait dans son tort. 
Le témoignage de ce rhéteur est d'ailleurs d'autant 
moins suspect, qu'il écrivait après la tnart dusomê- 
rain. Ce fut encore après cette mort, que Libanins 
écrivit à,Thémîstîus, son ami, dans le commencement 
d'une des lettrés qui nous restent ; « Je te félw^i^^ 
» de l'éloge que tu vien^ de faire , dé notre illus^^^ 
î> défunt , et j'espère que l'accent de la vérité, que ^" 
:» y fais entendre , triomphera un jour de la vm^^ 
>' de ses injustes calomniateurs. » Il est a regretter 
dît le savant Wôîf , dans sa noie sur le texte , qu« 
celte harangue dé Thémîstius ne soit point par^^' 
nue jusqu'à nous. Je transcrirai d'abord ici un p^ 
sage du discours de Libanius , tel que l'a traduit a 



( 1^9 ) 
Bléterie, dans une âe ses ûotes ( i ), sur le misopogon . 
Aussi bien cette note a ëtë retranchée par inoi , 'dans 
la révision que j^aî faite du texte de sa traduction ; 
il n'y est question , il est. vrai, que de la grande 
activité de Julien dans le travail , de son application 
aux affaires , de son amour pour le bien public et 
pour la prospéf ité de ses sujets. Mais de si belles qua- 
lilés en supposent beaucoup d'autres , et donnent du 
poids aut autres détails bien plus împortans et plus 
avantageux , que nous transmettent ses panégyristes ^ 
«t qui doivent plus que balancer la calomnie de ses 
; détracteurs. Voici ce passage : 

» Toujours sobre et jamais appesanti -par les ali^ 
I » mens, il se portait aux affaires avec la légèreté 
» d un oiseau , et les expédiait avec une aisance in- 
^ finie; dans un même jour, il donnait plusieurs 
* audiences ; il écrivait aux villes , aux magistrats , 
' aux généraux des armées , à ses amis absens , à 
» ses amis , qui se trouvaient sur les lieux , écoutant 



ri ■ — 

fi) J'avertis à cette occasion ^tlpi'ayaat traduit tous 
les ouvrages de Julien , j'ai ùû. supprimer beaucoup de 
Ilotes dans les quatre opuscules dont je n'ai fait que 
toscrire, à quelques corrections près, la traduction 
faife par la Bletterie et le marquis d'Argens , vu que 
l'objet de ces notes devient inutile , parce que Julien 
t'explique ailleurs lui-même, 

I I. 9 



( i3o) 
» la lecture des lettre» quDn lui adressait, exami-* 
»> nant leS requêtes , et dictant les réponses avec 
1^ une telle rapidité , que les écrivains en note ne 
» pouvaient le suivre. Il eut seul le secret d^enten- 
» drc , de parler et d'écrire tout à la fois; et dans 
» cette multitude d'opérations compliquées , il ne se 
I» méprit jamais : ayant expédié les adirés et diné, 
^ seulement pom- l'étroite nécessité, il s'enfonçait 
» dans sa bibliothèque , lisait, composait, jusqu'au 
M moment où le besoin de l'état l'appellait à d'au- 
j» très travaux. Un souper plus frugal encore que le 
» dinev , était suivi d'un sommeil aussi léger que 
y» ses repas. Il s'éveillait pour travailler avec de 
» nouveaux secrétaires, qu'il avait laissé dormir le 
» jour précédent. Ses ministres étaient obligés de 
» se relayer : mais lui ne connaissait d'autre repos 
» que le changement d'occupation : seul il travail- 
» lait à tout; il se multipliait, et prenait autant de 
» formes que Protée. Julien était pontife, auteur, 
» devin , juge, général ^rmées, et dans tout cela 
» père de la patrie. » ^ 

Qu'il me soit pennis de remarquer que ce que 
Libanius nous raconte ici, de l'extraordinaire faci-j 
lité de Julien , est suffisamment justifié , par les vol 
mineux ouvrages que cet empereur a laissés, et do 
plusieurs ne sont point arrivés jusqu'à nous. On 
demandera toujours , comment un homme qui p^{ 
pas vécu un an sans être persécuté^ ou sans corn* 



C ï3i ) 

battre, au point de courir chaque jour les risques 
de perdre la vie ,' et qui n'a paru que vingt et un 
mois en ihaître , sor la scène du monde , a pu trou- 
ver le tems d'écrire tant de choses , et de s'immorta- 
lîser par des exploits qui honoreraient la plus lon- 
gue vie des he'ros de l'antiquité'. 

Il me paraît juste encore d'emprunter au panégy- 
riste Mammertin, des faits que cet orateur n'aurait pu 
citer dans sa harangue, s'ils n'avaient ëtë de la der- 
nière évidence aux yeux du public. Julien , voyant les 
peuples de la Gaule , foulés par d'avides concussion- 
naires , au nombre desquels était Florence ^u'il des- 
titua, avait confié l'administration des finances à 
Mammertin, en le nommant préfet cïu prétoire, ainsi 
que ce dernier nous l'apprend lui-même : me œra- 
film publicwn curare voluisii, me prœtorus prœfuisii. 
Cet orateur mérite donc toute croyance, lorsqu'il 
dit en plein sénat, et en comparant la pénurie du tré- 
sor, fious le règne précédent , avec l'état florissant 
dans lequel le nouvel empereur l'avait mis , « qu'en 
» peu de tems, non seulement les provinces gau- 
» loîses, mais celles de l'Illyrie , de la Dalmatie , de 
» la Macédoine et du Péloponèsc , avaient recouvré 
» leur ancienne splendeur, que les ressources de 
» tout genre , et tous les élémens de la prospérité 
» publique, naguères épuisés, refluaient de toute 
» part , sans qu'il fallût imposer de nouveaux tri- 

9. 



( î3? ) 

» buU ' yéfioAooki^ 4u prince ^uiGsait à toot, et 
^ ce qu^oup^cHlîgM^U (auparavant auk passions, était 
» mis ca réserve , pour les bçsioiiis publics ».;,... 
Mazimufii iiii pruehei paràmmia tua , Auguste, m- 
ûgal, fuid^uii enim aiu in prûdigoA cupidiiaks prodi- 
gebani, id omne nunc in usas publicos r£setvali(F, 

Si réellement la sagesse de IV^tnin^slrs^iou de 
Julien n'avait p^s contrasté d'une manière frap- 
pante^ avec les vices du régime d^ l'ancienne cour, 
jamais Torate^ n'eut osé dire en pleine assemblée ; 
ce l'éclat des actions du césar excîlta contre lui ,' I Vu- 
vie et la h^ine de Constance, son, heau-frère. Mais 
quoi^^ Fallait-il dcàic , poui* ne pas choquer ce frère , 
livcer les villes i-omaines à des barbares , ou les lais- 1 
ser piller par dés préfets non. moins avides que 
cruels? etc. » ' I 

Le panégyriste est encore en harmonie avec les j 
bistoi'iens du tems , lorsqu'api*ès avoir censm*é Iti li- 
cence effrénée , la cruauté , l'infamie , Tesprit d'adu- 
lation et de délation, des agens du gouyeraemeoL 
qui venait de finir, il vante l'e^it d'ordre, la pio- 
bité, la noblesse et le désintéressement des hommes 
que le nouvel empereur plaçait^ la tête 'âes affaires. 
« ,Les charges ne sont plus vénales, dit-il, accor- 
» dées à l'intrigue , à la bassesse , ou occupées pai' 
» des hommes Ineptes; Julien choisit les sujets les 
» plus capables^ çt n'a égiud qu'à leurs talens et à 
» leurs mœurs ; c'est le mérite et non la comptai- 



( ,33 ) 

» ssûfïct qu'il recherche. Il veut 'h justice, il ac- 
» cueiik la vertu^ et tie-déclare la gaeiTe, qu'aux 
» vices et aux barbares. » (V çy^r ce panégyrique^ 
édition des Dtttx-Prtrts 1789):* ? '• 

L'esquisse que je tieûs de tracer, de la vie deJit- 
Keu, ne suffi* pas li beaucoup près-, pour achever le 
portrait de cet -empereur célèbreVnî pour qu^on sai- 
sisse bien toutes iéë^uaiifcés de sa' physîononHe mo- 
rale, lia lectu!*ê de sé^fkîttYes oueptlne^ familières^ 
offrira pflut-M'e 1S16' tableau plus pessètiiblànl; et je 
regrette que cé^ lékrCs ne figurent '^as imme'dîate- 
ment après la* vîè q^'oin vient de lire. Maïs j'ai donné 
dans ma préface ;leS raisons quini*brit empêché d'in- 
tervertir ForAre «ûivi par k savant éditeur du texte 
grec et Itffin ,;de la colfcctîon des oôtivres de Julien. 

Aax observations que j'ai déjà faites sur le nwteVîel 
démon travail, je crois devoir ajouter qu'un argu- 
ment , placé eu tête de chaque discours , et même de 
diaqiie kttre de Julien m'a paru indispensable , tant 
pour en faire connaître la date , qae pk)ur donner un 
juste aperçu du sujet que l'auteur y traite. Cette der- 
nière précaution est commandée par les difficultés 
que présente le texte, surtout 'lorsqu'il s'agit de 
questions obscures et métaphysiques , où il est pres- 
qii'împossîble de saisir la pensée de l'écrivain , sou- 
vent si entortillée , ou si équivoque , que pour en fa- 
ciliter rintelUgencc , f ai été forcé de citer en marge 
les expressions qu'il répète souvent dans plusieurs 



( i34 ) 
passages du même discours y ou d'tin autre sur la 
même matière , afiu que ces passiages puissent 
être éclairés les uns par les auU'esi^el devenir plus 
intelligibles. Celte comparaisaa est çibsolument né- 
cessa^ire, quoiqu^insuffisante peut-être, pour déter- 
miner le sens de la doctrine do Julien, d^n^ ses d^ux 
panégyriques en Thonneur ^\k soleil roi^ et de la 
mre des dieux. Quoique mes listes sur ces de^x 
pièces m*2|ient coûté beaucoup de i^c|ierches , je suis 
loin de me flatter d'avoir tout expliqué ^ principa- 
lement ce qui concerne Fprdve des causes producr:* 
trices de Fuuivers, et les nombres mystiques repré- 
sentant les dieux et leur« attributs. Sur ces matières , 
Julien s'appuie de l'autorité de Platon , de Pytha- 
^y gore, etc. Mais je suis tenté, de croire que ni les uns 

ni les autres, n'ont bien cpnçu eux-mêmes ce qu'ils 
nous débitent en termes si pompeux et si énîgmati- 
ques. Mes lecteurs en pouiTo^t juger par les éclair- 
cissemens que î'ai essayé de donner sur les deux dis- 
cours déjà cités , et sur la théorie des nombres dans 
^ I31 vingt-quatrième lettre de Julien. 

lut& argumens placés en tête de chaque discours 
doivent être lus avec d auta^ait plus d'attention , qu^ 
' je les ai rédigés de manière à ce qu'ils continssent, 
outre l'indication du sujet, un aperçu du but, et 
souvent même la clef des idées de l'auteur , pour l'ex- 
position desquels des notes seraient insuffisantes, 
Q^u fastidieusement répe'tées. 



(i35) 



mMiu¥ M Ê mw 9^ ^^ M n imMiymvmmmt M m¥i/wi^ m ^ M M¥k¥mMimÊm/¥ W vwii w ^ 



HARANGUES DE JULIEN, 



\ 



ARGUMENT DE lA PREMIÈRE HARANGUE. 



On devine assez ,, par le préambule de ce discours, 
qu'au jour même de Tanniversaire de la naissance de 
Tempereur , ou à quelqu'autre époque fixe , Fusage de 
ce temps était de haranguer le prince devant un au- 
ditoire nombreux et choisi ; Torateur avait , par con- 
séquent , à prononcer un discours d'appareil ; et Julien, 
qui > sans doute , fit semblant de se charger volontaire-^ 
ment d un tel rôle, ne pouvant faire autrement , dut 
être plus embarrassé que tout autre. If n'était ni louan- 
geur^ ni courtisan. Il lui fallait faire Téloge de Cons- 
tance, le meurtrier de son père , de son frère , en un 
mot , comme il le dit ailleurs , le bourreau de sa famille, 
et SDH ennemi personnel. C'était là un tour de force , 
digne du génie souple et fécond de Julien , récemment 
décoré de la dignité de césar , par ce même Constance 
^ui ayait cherché d'aiUeors des prétextes pour lui 6ter 



( i36 ) 

la vie. La dissimulation des djéfauts du prince et Texa- 
géiAti^Mi de se&boaae^.. qualités 9 d^ Jia^tel fanég^- 1 
rique , n'auraient donc rien d'étonnant. Cependant , à 
quelques exceptions priis, l'orateur forcé se trouve d'ac- 
cord avec la plupart des bistoriens du tems , pour le | 
fond des faits et des caractères qu'il trace, 
• Le lecteur trouvera , cntmlre^-plttstettrs traits hislo- 
riques , qu'on chercherait vainement ailleurs. Cette ha- j 
rangne et les s^iyaates ont, sous ce rapport , un degré 
d'utilité réelle. Je laisse à d'autres^ à juger quelmérilc 
elles peuvent avoir sous le rapport de Téloquence. J'ose | 
me flatter seulement d'avoir rendu fidèlement le mou- 
vement , le tour oratoire , et jusqu'aux expressions du 
texte original. Quant h l'époque précise où ce discours 
fut prononcé, elle ne peut être bien éloignée de cellft' 
de l'élévation de Julien à la dignité de césar. Car, vers 
la fin de sa harangue, il se cite lui-même pour exemple | 
de la générosité , dont le prince avait usé à son égard. 
Quoique rintervalle qui sç passa entre sa nomination 
et son départ pour la Gaule , soit très-court, il faut bien 
qu'il y ait eu un tems suffisant. Julien d'ailleurs tra- 
vaillait avec une extrême facilité. Autrement il se 
pourrait encore que le nouveau césar eût envoyé de 
ses quartiers d'hiver à Vienne, son discours tout fait, 
pour être prononcé, en son nom, devant la cour ùe 
Milan , et en présence de l'empereijr. 



( 137) 

PREMIÈRE HARANGUE DE JtJLlEN 
I A ^'empereur constance. » 



Quoique je nie fasse proposé depBÎs long-l?em5i, 
grand fkmCe ! de célébrer ta vertu, tes exploits, 
les combats que tu dus soutenir contre les enaeufiîs 
^Tempiiie, la chute de deux tyrans domestiques 
par toî rcHfvçrses , en subjuguant les satellites de Fun , 
par les voies d«- la persuasion , et ceux de Pautre , par 
la force de tes Attùes , toutefois la grandeur fle tua 
tâche m'a jusqu'ici retenu ; non que j'aie redoute 
ie voir rpon éfoge de beaucoup inférieur à tes ac- 
tions, mais paixe que j'ai craiût de paraître avoir 
tout à fait manqué le but. 

Sans doute, il sera toujours facile aux poètes 
<^oïnme ato orateurs du barreau, d'entreprendre le 
récit de tes louanges, lin loiig exercice dans, l'art 
de la p^ok , et l'habitude de manier un sfujet quel- 
conque, leur itispireM la plus juste confiance en 
leurs moyens» Mais si des hommes , qui ont négligé 
^ tels avantages , pour suivre uôe toute "autre car- 



( i38 ) 

rière, adoptent un genre d'éloquence moins 
du vulgaire; s^ils ne sent point d^ailleurs accoutu>- 
mes , à se donner en spectacle au public , ils n'ose- 
ront js'y risquer , qu'avec la plus grande réserve (i),i 

Les poètes inspirés par les muses ont le privi- 
lège d'introduire la ifiction dans leurs vers; tandis^ 
qu'un orateur n'a d'autres ressources que son art, 
et ne peut rien inventer. Seulement on lui peiinei 
de flatter ses portraits , sans même lui faire un trop 
grand crime de prodiguer des éloges peu mérités (2)« 
Encore une fois nous admirons un poète, quand,! 
par une fable de son invention , et tout à fait w 
connue avant lui, il sait charmer ses auditeurs et 
captiver leur attention. Mais nous disons de rora'. 
teur, qu'il a bien tiré parti des ressources de sob^ 
art , lorsqu'il a su doimer de l'importance aux plus 
petits objets , en ôter paifois aux plus gi^ands, <i 
opposer en quelque sorte , à U nature des choses , \k 
force entraînante de son éloquence^ 

Pour moi , si je sentais avoîi: besoin des secours^ 
d'un tel art^ je garderais le silonce convenable à 
ceux qui en sont dépourvus; et j'abandonnerais ma 
tâchç, aux orateurs dont je viens de parler. Maisj 
puisqu^au contraire l'éloge que j'entreprends ne de* 
mande qu'un simple récit des faits, sans aucun ornei- 
ment étranger, je n'hésite point à m'en chaiger, 
bien que les orateurs qui m'ont pipécédé aient re-* 



( i39 ) 

onnu rimpossibilitë d'atteindre , dans leurs dis-* 
imrs, à la hauteur de tes actions. 

Paimi tes panégyristes , qui ont écrit soit en vers, 
à en prose , les uns ont voulu réunir dans un seul 
lèe tous les faits; les autres n'en ont embrassa 
Ji'ane partie, qu'ils croyaient pouvoir traiter con- 
snablement. Il est juste de savoir un égal gré à ces. 
rtems, de leur zèle; car ceux-là se sont donné une 
nne infinie, pour qu'aucune de tes actions ne. fut ^ 
isevelie dsms Foubli des temps. Ceux-ci, au con- 
pire , craignant d'en manquer le but et l'ensemble , 
I* préféré la gloire de t'offrir les simples prémices 
^eur travail à Tinconvéntent de passer, quoi- 
|i impunément, sous silence un nombre plus ou 
ioias considérable dtt tes hauts faits. 

Si j'étais homme à composer de fastueuses ha- 
i*g«es, je débuterais, dans celle-ci, par te de- 
nder one bienveillance égale à mon dévouement 
ta personne; je te prierais, en méme^tems 

8, de m'écoutèr avec indulgence , et non avec la 
Nrité d'un juge inflexible. Mais, ayant reçu un 
Nre d'éducation tout différent , et m'étant plus 
^ialement attaché a l'étude de la science et des 
lâ) j'aoratti mauvaise grâce à me lancer dans une 
fre c^ère, pour chercher un exorde que je trouve 
lorellement dans mes méditations habituelles. 
le remonte donc à la loi dictée au genre hu- 



E 



( i4o) 

mam, "par ic premier philosophe qui donna di 
leçons de morale (3) : elle porte que quiconque aj 
pire à la Terlu et à l'honn^elé , doit faire Ions se 
efforts, pour que dans le Cours des divers évènfl 
mens àt la vie , ses dwcours , sa conduite , ses cori 
municdtions , tout , en un mot , tende uniqnemeTif^ 
la vertu. Certes, si tout homme sage regarde la v€i< 
comme étant au monde ce qu'il y a de plus honoraW 
-et de plus beau, il sait aussi que, lorsqu'on H 
commande de la pratiquer ce n'est pas pour qn h s a 
roge le vain titre de philosophe , sans en avoir I 
réalité. . - 

Cependant cette loi qui nous feît un précep 
d'être vertueux , ne trace point à l'orateur one lonl 
déterminée de discours , par lesquels il puisse, com* 
par une mécanique de théâtre, poiter ceiff q^^ '* 
coûtent i s'acheminer vers la vertu , et à fc»f 
vice; mais elle lui abandonne le choix des routes 
prendre pour arriver à ne but, soit qu'il emploîe' 
persuasion et les exhortations pathétiques ; soit cp 
reprenne avec douceur et bienveillance , soît q^ 
fin il donne des élogresaux bonnes actions, ou? 
blâme à propos les mauvaises; et sahsfei mtero 
aucun des moyens que son éloquence ap» 1^* ^ 
nir, elle le rend responsable de ses discours co 
de ses démarches , et lui défend de rien dire, f 
ne rapporte à la vertu et à la philosophie. 1^ 



^Ire autres choses , Tobjct de Ijl loi en qeeslion. 
\ A quoi doBc nous résoudre ? d'un côlé Ton nous 
pterdiluB. éloge de pure complaisance; de l'autre, 
}«stà craindre que, par l'abus qu'on a souvent feît 
fi panégyrique , le nôtre ne paraisse suspect , et 
[Intôt une adulation basse, qu'un sincère hommage 
idu aux ht\lt& actions* Mais, puisque la eonvic- 
>n que nous -avtHis de tes vertus , va seule dicter 
fos louanges , par où commencerons-nous ? et quel 
Nre suivre en ce discours? Ne convient-il pas de 
|éle'brer d'abord les brillantes qualités de tes ayeux , 
^xquelles tu doisTéelat dont tu jouis mainteùant? ' 
N placerai ensuite les soins, et surtout le genre 
fedueatioo qu'ils te donnèrent, pour former ton 
^ur à la vertu. A ces détails succédera le récit de 
h exploits, que j'envisagerai comme autant d'in-. 
fîces de la grandeur de ton »âme ; et pour terminer 
^discours, je développemi les inclinations louables, 

fi fureat le mobile de tes desseins et de tes belles 
ions. 
I En suivant ce plan, j'assiare, ce me semble, à mon 
bison, un mérite que n'auront point toutes les au- 
fces.Lenrs auteurs , en effet, ontprincipalement égard 
tex faits écktans , persuadés qu'ils sont, que leur 
feuméralion constitue seule un éloge parfait. Pour 
™, je préfère de consacrer la majeure partie de 
^on diseours, à ceé vertus mêmes qui te firent en- 



f 142) 

trepreadre et eiécutar de si grandes choses; ca 
dans la plupart des exploits de bi^avoure , pour n 
pas dire dans tous , la fortune , la surveillance de 
postes, le nombre des troupes, la discipline et i'ordi 
de bataille , soit des fantassins , soit des cavaliers 
décident du succès. Au contraire , les actes de vert 
sont uniquement Tou^rage de Thomme qui les pro 
duit; et la véritable gloire qui en résulte, est « 
propriété personnelle. Cette distinction pne fois éU 
blie , je commence mon discours. 

Les lois du panégyrique veulent donc, que Foi^ 

teur fasse mention , et de la patrie , et des ancétrft 

de celui qu'il loue ; mais d'abord je me vois embai, 

rassé pour désigner cpelle ville je te donnerais ei 

clusivement pour patrie , lorsque , depuis long-te», 

déjà , tant de nations se disputent le même honneoi 

Comment, la ville capitale et maîtresse du moncle {:>\ 

elle qui fut ta mère et ta nourrice ; elle qui te dé 

fera la couronne , sous les plus heureux auspiceS; 

n'ambitionnerait -elle pas la gloire d'être ta patn! 

privilégiée , non-seulement au même titre qu elle 1^ 

été des autres empereurs, q^ui, sans être nés dan 

ses murs., furent inscrits parmi ses citoyens, et jooi 

rent comme ceux-ci des droits civils , et du commûi 

bienfait de sa coutume, et de ses lois ; mais^ en outre 

parce qu'elle a enfanté ta mère, parce qu^'elle l« 

même nourrie avec une magnificence royale, et vrai 



( t43) 

ttent (ligne de la race illustre qui devait un jou^ 
sortir de ses flancs ? 

Maintenant si la ville située sur le Bosphorev 
celte ville qui doit son nom à la famille des Cons- 
tance (5), ne peut se vanter d'être ta patrie, du 
tnoins elle se glorifiera de tenir son existence de ton 
père; et, par conséquent elle souffirirait avec peine , 
^'nn orateur lui enlevât la prérogative d'un tel 
Jegré de parenté. D'un autre côté , les lUyriens , 
chez qiii tu vis le jour * , ne permettraient point 
^^OQ les privât de leur plus insigne bonheur , ea 
plaçant ta patrie ailleurs que chez eux. Je crois en- 
todre aussi quelquespeuples d'Orient me taxer d'in- 
justice , si j'ose leur contester la portion de gloire 
joi leur revient , d'avoir engendré ton ayeule , di- 
jne épouse de ton grand-père maternel (6). 
Cest ainsi que tant d'autres nations , sur des mo- 
t& plus ou moins plausibles , te réclament comme 
Infant leur appartenir; mais j'en laisse l'honneur à 
avilie que tu préfères, à celle que tu as si souvent 
iréconisée comme la mère et l'institutrice des veitus. 

S je n'empêche pas que de toutes les autres cités, 
acune fasse valoir ici ses nobles prétention!^ : je 
U 

* Julien est le seul écrivain qui ait assigné la patrie 
«i Constance. Sirmium, en Ulyrie, fut aussi le lieu où 
ut Constance Chlore. 



^ ( i44 ) 

désli^erais m^me , à titre de justice , leur déférer à 
toutes un honneur égal. Mais je rrains que c€s long&j 
détails, quoique de nature à entrer dans mou oraison, 
ne paraissent trop éloignés des circonstances actuelles, j 

Sans m'arrêter donc aux louanges que peuvent I 
mériter ks autres villes, je pense , ô empereur, quci 
sur un tel. sujet , tout disœurs serait désormais su- 
perflu : dès que tu as mis le comble à la gloire dej 
J^om^ , en la proclamant la maîtresse des vertus, 
qu^aurais-je à dire de plus? et quel autre après moi, 
pourrait ajouter îi cet éloge ? Pénétré comme je le 
suis, de vénération poiff cette ville saerh *, je 
crois lui rendre plua d^honneur, en la félicitant de 
ton suffrage. 

Peut-être est-ce ici le lieu de parler de la noblesse 
de ta naissance , quoique je sache à peine par quelle 
branche de ta famille je dois commencer. Car tes an- 
cêtres, tes ayeux, tes parens, tes frères, tes oncles 
et tes proches alliés, furent tous empereurs, les uns 
étant montés sur le trône, par leurs droits légitimas, 
et les autres y ayant été associés par ceux qui Toccu- 
paient. S'il m'était permis de remonter à une épo- 
que plus éloignée, je rappellerais la mémoire de 
Claude ( 8 ) , dont les valeureux exploits sont géne- 

* Julien insiste sur Télogc de Rome, parce que cette 
capitale était encore pavenne. 



( i45 ) 

ralement conims; je citerais sids combats fameux 
contre les barbares babitans des bords du Danube, 
Je dirais comment , par le plus juste et le plus saint 
ies droits , il parvint à Tempii^e ; comment , au faîte 
de la grandeur, il conserva une extrême affabilité, 
et jusques dans ses vétemens, cette simplicité dont les 
efEgies, qui nous restent de lui, portent l'empreinte. 

Si je passe à des tems plus récens, je trouve que 
tes ayeux (8) ne se sont pas acquis moins de gloire* 
Tous deux en effet forent jugés dignes de Tempire 
par leurs vertus, tous deux placés à la tête des af- 
faires , agirent d W tel concert entr'eux , et avec tant 
de respect envers celui de qui ils tenaient leur auto- 
rité, que ce dernier mettait au nombre des plus 
grands services qu'il eut rendus à l'état , celui de 
leur avoir confii^ ses pouvoirs , et qu'eux s'estimaient 
plus heureux de gouverner ensemble , que si l'un 
ou l'autre eut tenu seul les rênes du gouvernement. 
De nobles exploits furent les firuits de ces belles di^ 
positions de leur âme, j'entends de leur enthou- 
siasme religieux , pour le prince qui les avait asso^ 
ciés à l'empire , et de l'humanité avec laquelle ils 
traitaient leurs sujets. 

Kon seulement ils chassèrent les barbares , établis 

depuis long-tems et impunément sur notre territoire; 

mais ils nous garantirent de leurs incursions, en 

construisant des fort^esaes sur leç frontières, et Ils 

I. 10 



( i46 ) 
nous firent jouir d^une tranquîHitë qu'on pomait à 
peine attendre. Au reste, de telles actions n étant 
point de nature à éti*e sticcintement exposées, je 
m'^arrête de préférence aUr signes de la bonne har- 
monie qui régna entre eux , et dont là preuve con- 
vient davantage au genre de mon diâcours. Je dis 
donc que l'un et Tautrc , jaloux d'assurer à leurs en- 
fans le meilleur sort possible , résolurent (9) , d^un 
commun accord, d^unir ton père et ta mère, pailes 
liens de Thymen, Si j'entre à cet égard en quelques 
détails, c*est pour montrer que tu héritas des 
vertus de tes parens; aussi bien que de leur empire. 
Cependant qu'est4l besoin que je rappelle , comment 
apràs la mort de son père qui l'avait déjà désigné, et 1 
comment ensuite , par le suffrage unanime des ar- 
mées, ton père prit possession de l'empire? sa force 
dans les combats , n'est-elle pas mieux connue aussi 
par ses propres exploits , qu'elle ne le serait par le 
langage d*on orateur? 

On sait d'ailleurs que ce même prince , ton père , 
fit disparaître dé l'univers entier, toute domination 
usurpée par les tyrans ; on sait encore qu'il inspira un 
tel attachement à ses peuples, que même de nos 
jours les soldats reconnaissans de ses faveurs et de 
ses largesses, le vénèrent comme une divinité, et 
que les habitans des villes et des campagnes , lui sou- 
haitèrent la victoire sur ses rivaux, moins pour être 



( i47 ) 

âcliyres du joug de leur tyrannie , que pour jouii* du 
bonheur de vivre sous ses lois. 

Dès quHl fut reconnu seul souverain , voyant lei 
sources de la fortune publique , taries par Tinsatiable 
cupidité, et par les exactions de celui qui avait abuse 
du pouvoir avant lui, il fit ouvrir et distribuer les 
trésors que le tyran ( lo] avait enfouis dans Ten- 
ceinte Uplùs décrète de son palais. £n moins de dix 
ans (i i) , il bâtit la ville qui porte son nom , et qui 
surpasse toutes les auti^es en grandeur , autant qu^elle 
est elle même surpassée par Rome. Or il est à mon 
avis, plus honorable pour elle d'être la seconde ville 
4 monde après Rome , que d^étre la première de 
toutes les autres cités. 

Pourquoi ne mentionneraî-je pas ici la célèbre ville 
d^Âthènes , que ton père honora toute sa vie , de ses 
louaqgeset de ses bietifaitsPQuoiqu^empereur et maî- 
tre da monde , il daigna accepter la dignité de prêteur 
que cette ville lui avait offerte , il en porta le titre et 
la décoration avec autant de plaisir que si on lui eût 
déféré les plus grands honneurs ; et , pour en témoi- 
gner sa reconnaissance à la ville , il lui assura chaque 
année, plusieurs myriades de MidimnéSy eb fi*o- 
ment (12); ainsi Athènes se vit dans Tabondance, 
et le prince recueillit les louanges et Tadmiration des 
plus illustres habitans de cette contrée. 

Mais au nombre des grandes actions de ton au- 

10. 



( i48 ) 
{piste père , outre celles que je viens de rapporter^ 
et celles non moins brillantes , que leur trop grand 
pombre me force à passer sous silence, j'en d^tin- 
gue de plus importantes enc^ii'e ; j'ose le dire , et tout 
le monde en cela sera d'accord avec moi : je parle de 
la naissance, de ta croissance physique, et de ton 
éducation, qui furent en effet son ouvrage, et qui 
présageaient à ses sujets le bonheur de vivre, non 
pour quelques années , mais pour le plus long-tems 
possible , sous un excellent gouvernement. En sorte 
que ce prince semble commander encore. 

Cyrus ne put jouir d'un pareil avantage , parce 
qu'après sa mort, il laissî^ un très-mauvais fils. On 
nommait celui-ci le maître , tandis que le premier 
passa pour être le père de ses sujets. Je n'ignore 
point que tu possèdes à un plus haut degré que ton 
père , la douceur et plusieurs autres bonnes qualités. 
(J'en fournirai même la preuve dans la suite de ce 
discours. ) Mais je me complais à lui attribuer le mé- 
rite de ton excellente éducation , et je reviendrai sur 
ce point , dès que j'aurai dit quelques mots , de la 
mère et de tes frères. 

On trouverait difficilement une femme qui réunît 
comme elle (l'impératrice Fausta), la noblesse du 
sang , à la beauté du corps , et aux vertus de, son sexe^ 
On a vanté chez les Pei'ses , la fameuse Parysatis ( 1 3) ^ 
comme à la fois sœur ,^ mère , épouse et fille d'un roi. 



( i49 ) 

(^pendant elle était naturellement sœur du roî son 
époux; car la loi peimettait au monai*que persan, 
d'épouser sa propre -sœur. Chez nous la ,nière seule 
pat, sans porter aucune atteinte à la pureté de nos 
lois, être la fille d'un premier empereur, la femme 
d'un second , la sœur d'un troisième (i4) , et enfin 
la mère , non d'un seul , mais de plusieurs empe- 
reurs (i5)/Un de ceux-ci (16)^ seconda puissam- 
tnent ton père, en combattant contre les tyrans. Un 
autre (ly), soumit avec lui par la force des armes, 
les Gétes, et procura une paix solide, à l'empire. 
Un dernier augusft (18), à la tête des armées ro- 
malnei, préserva lios frontières des incursions en- 
nemies , jusqa'à ce que lui-même succomba sous le 
fer des factieux , qui subirent peu de tems après la 
peine due à leurs forfaits. £nfin , aux titres honorifi- 
<pes que méritèrent à ces illustres princes tant do 
telles actions , à la considération que leur attira l'é* 
clalde leurs richesses, pourquoi n' ajouterions-nous 
pas une gloire plus imposante encore, celle de pou- 
voir se nommer, les uns les petits-fils, les autres les 
propres fils , ou les fi^ères de tant de grands hommes? 
Mais, pour ne pas consumer, dans ces longs détails, 
le tems que je dois consacrer a ta louange , je vais 
essayer de prouver de mon mieux , ou plutôt , à te 
parler sans détour, je ferai sentir, que tu surpasses 
de beaucoup en grandeur tous tes aïeux^ Je répugna 



( i5o 5 

à puiser mes ar^mens datas les oracles^ dans 
les pronostics^ dans les soldes ou visions noc- 
turnes, et dans tant d'autres prodiges débités sur le 
compte des g;rands honunes, de Cyn^s, par exem^ 
pie, du fondateur de notre ville, Romains , d^Â- 
lexandre fils de Philippe , et de (ânt d^autres per-i 
sonnagesnon moins marqaans. Des faits de ce genr^ 
me paraissent trop se ressentir de la licence poéii^ 
que. J'aurais aussi mauvaise grâce , à vanter Taugustâ 
appareil des féte^ , qui suivirent immédiatement t;^ 
naissance; mais puisque c'est ici le lieu de parler d< 
ton éducation première, je dois observer que cette édn-j 
tion, convenable au rang qui t'était destiné,devait avoi^ 
un double but, d'abord celui de donner au corps I^ 
force , la vigueur jointes aux formes agréables , et en] 
suite celui d'imprimer dans l'âme, L'habitudj 
du courage , de la justice , de la tempérance et de l; 
sagesse ; vertus qui ne sauraient être les fruits d^ui 
régime propre % énerver les facultés intellectuelles 
et à priver le corps de l'énergie dont il a besoin 
pour braver les fatigues et les dangers, 

On jugea donc h propos d'accroître tes force 
physiques par de fréquens exercices, et d^onier ei 
même tems ton esprit de la connaissance des lettres 
j^insistesur ces deux avantages, parce qu'ils foret 
la source de toutes tes grandes actions. Je ne dir< 
pai^ toutefois que, dans ce premier âge^^ tu te soi 



(i5i) 

livré mx exercices gymnastîqtiies , comme pour te 
donner un jour en spectacle. 

Certes, tu savais dès lors, que le genre de vie des 
athlètes de profession ne convenait point à un empe- 
reur, qui devait se préparer h livrer des combats réelsi 
dont la nourriture devait être frugale et réglée uni^ 
formément, tant pour la quantité et la qualité des 
alimeus, que pour Theure des repas, et surtout 
d'après les circonstances et selon le tems qu^il faut 
donner aux affaires. Dans cette vne , tu joignis , aux 
travaux de la gymnastique, différens exercices mili^ 
taires ; ceux , par exemple, de danser, de courir et de 
chevaucher sous les armes, à quoi, tVtant accoutumé 
de bonne heure, ta parvins à excdler, dans ehaqut 
exercice, autant qn^aucun autre homme de gserre. 
Cartel militaire est excellent piéton , qui ne sait point 
monter à cheval, et tel autre, qui n^oserait dii^nter lè 
prix de la course, excelle dans réqoitatioD. Toi seuï 
eus le privilège de passer parmi les cavaliers , pour 
le mieux exercé de tous, et parmi le$ fantassins, 
pour le plus fort , le plus habile et. te plus léger à la 
course : enfin , pour qu'aucun de tés délaasemens ne , 
lut étranger à la carrière de&itfines,,tu a^pri^-àlanr 
£er des flèches , et à porter droit au bnt^ 

Cest ainsi que , par des travaux yolontaires ,. tu 
préparais ton corps à sup^porterplnstardldes fatiguas 
forcées, eA même tems que In ^ppliipats ton aspril 



( i52 ) 
!i réttidc des bcHes lettres et des sciences praportion- 
nëes à ton jeune âge. Mais , pour te Êimîllariser en 
même temps à la pratique , et de pènr que demeurant 
trop long-téms sans preuves , sans expérience per- 
sonnelle /tu ne fussses tente de traiter de febles et de 
cliansons , le récit des exploits héroïques ^ ton père, 
suivant le conseil dîi sage Platon ^ , qui veut que , 
pour donner en quelque sorte des ailes aux enfans , 
on les conduise à (Jieval, sur le champ de bataille, 
où ils sont eux*- mêmes destinés à figurer un jour , 
ton père, dis-je, nliésita pas à te confier, avec la 
dignité de césar, la surveillance des peuples gau- 
lois **; quoique tu'fusses très-jeune alors, et à peine 
l^orti de l'enfance. Il ne dontaitpoint que pour la 
force et rititelligènce, tu ne pusses bientôt mar- 
cher de firont avec lès plus grands guerriers. Son 
but était dé te faire acquérir, sSans aucun danger 
pour ta personne, beaucoup d'expérience dans Tart 
militaire. 

En effet , il avait tellement disposé Tesprit des 
nations barbares , qu'en se déchirant mutuellement, 
elles laissassent ses propres sujets dans la paix la plus 
profonde ; et , par ce trait de politique , les sanglantes 



♦ L. V. de la Rep. ^ 

** On ne connaît ce fait que par ce passage de 
Julien, 



< i53 ) 

i calamités de nos ehnenns ik servirent d'instraction , 
dans Tari de commander les armées. En cela ton 
illustre pèxt se montra memis plus prévoyant que 
Platon; car, en suivant le plan de celui-ci, dans le 
cas où le sort d^une bataille àtir^t dépendu de Fin- 

.fanterie, le fils ne pouvait que jouer le rôle de 
spectateur, ou prêter, au be^om,. un faible secours à 
son père; si, au contraire rerineriii se trouvait su- 
périeur en cavalerie, il fallait sWcuper du salut 
du jeune prince', précaution que la mêlée rend 
sonvent impraticable , tandis qu'on ne court aucun 
risque d'habituer les jeunes guerriers , à feii'e face 
àrennemi, en les rendant témoins des dangers, qui 
menacent d'autres têtes que la. leur. 

Telles forent les circonstances où tu fis les pne- 
niiers essais de ton courage; inais, outre lu pm- 
dence, dont la nature t'avait doué, tu reçus encore 
d utiles leçons de nos concitoyens les plus Itabiles 
en politiqne en même tems ique la fréquentation dâs 

[ principaux chefs des barbaresjt'iïistruisit des mcËurs, 
des lois et des habitudes de: leurs pays. Homère 
voulant nous donner une idée de la sagacité d'U- 
lysse , raconte que ce héros, pour acquérir uncipar- 

^ faite éonnaissance du ccbur humi^in , avait, .jparcotiru 
différentes contrées et recueilli les traits càraetéri^- 

• tiques de leurs habitans. Sans doute Ulysse> a^i 
régna sur un petit nomlu^e ^e sujets , n'avaii.p^s 



( «54 ) 

besoin d^une si gi*ande expérience dés hommes; 
mais le prince, destiné à régir un vaste empire, ne 
pouvait être élevé dans une chaumière, ni jouer la 
royauté , en rendant la justice à ses compagnons 
d'âge, ainsi que le fit Cyrus...; il était nécessaire 
qull inspectât les nations, les peuples, les soldats, 
pour commander, au besoin, et pour ne rien négli- 
ger de ce qail devait faire ^ dans un âge plus avancé, 

C'est pourquoi, du premier théâtre de ton édu- 
cation militaire, il te fiit donné de passer dans une 
autre partie du monde, avec Tordre de t opposer 
seul aux entreprises hostiles des peuples de la Perse' 
et de la Médie; et , comme la guerre grondant déjà, 
menaçait d'éclater d'un moment à Pautréftapris 
d'avance les moyens de la faire avec succès, et ta 
ajoutas une nouvelle force à tes armes, en accoato- 
piant ton ccnrps aux ardeurs brûlantes de l'été. 

Je lis dans l'histoire , qu'Âlcibîade , seul entre 
tous les Grecs,, eut un tempérament si flexible , que, 
s'étant donné aux Spartiates, il s'accommoda bien- 
tôt du régime de Lacédémone; que plus tard il 
adopta successivement les mœurs des Tbébains, des 
Thraces, et enfin le luxe des Perses. Mais ce capi- 
taine, changeant d'habitudes comme de pays, tom- 
bait en de graves inconvéniens ; et il risquait de per- 
di*e entièrement sou caractère national. Toi au con- 
traire , qui, de longue main , t'étais habitué à une vie 



( i55 ) 
frugale , et dont le corps, par de firéqaens exercices y 
était disposé aux mutations les plus brusques, tu 
passas, des Gaulois aux Parthes *, plus impuné- 
ment que ne le feraient de riches particuliers, qui, 
crai|;nant rmclémence du ciel, transportent selon 
la saison , leur domicile, dans un climat différent du 
premier. 

U me semble donc que le dieu propice , qui dès 
ta naissance forma ta vertu pour gouverner l'univers , 
ait voulu te conduiire sur tous les points du globe , 
ponr te montrer les extrémités et les limites de tout 
Tempire , la nature des lieux , Tétendue des contrées , 
la puissance des nations , la multitude des villes, le 
caractère des peuples, et ce qui est surtout essentiel, 
leurs mstîtutions politiques ** , tous objets que ne 
peut ignorer le prince , élevéppiu: administrer d'aussi 
vastes domaines. 

J'allais presque passer sous silence un grand trait 
de vertu : c'est qu'ayant été formé dès ton enfance , 
pour commander à tant de peuples divers , tu appris 
mieux encore à obéir au plus juste , comme au plus 
parfait des gouvememens, j'entends celui de la na- 
ture et des lois. Tu te montras soumis aux volontés 
du monarque , qui fut à la fois ton père et ton empe- 

* 'E» ytiXt^êU ilf Tïtifflff. 



( *56 ) 
rcur, et qui, n'cut-îl en qa^xin de ces titres, avait 
droit de te commander. Maïs qa^on me montre dans 
Tantiquité, une éducation plus royale , et une ins- 
truction mieux soignée que celle qu'il, te donna? Ce 
n'est pas ainsi qu'élevèrent leurs HéracUdes , ces La- 
cédcmoniens qui, seuls entre les Grecs avaient adopta 
la monarchie , comme la meilleure forme de gouver- 
nement. £t |iaitni les barbares , ces Carthaginois, 
qui, ayant prescrit d'autres lois à la royauté, ne 
pourvurent pas mieux à Téducation de celui à qui ib 
confiaient le pouvoir suprême. Chez ces deux peu- 
ples , en effet ,.(où les exercices et l'étude de la vertu 
étaient réglés par de communes lois , où tous les ci- 
toyens étaient frères, soit qu'ils fussent destinés à 
commander, soit qu'ils dussent obéir) , les chefs ne 
recevaient aucune instruction différente de celle des 
sujets. 

Cependant n'y aurait-îl pas de l'absurdité à exi- 
ger des princes le plus haut degré de vertu , sans avi- 
ser aux moyens de leâ rendre meilleurs que leurs 
coiîipatriotes ? Une telle erreur est pardonnable aux 
barbares, qui, regardant le commandement comme 
une dignité à laquelle chaque citoyen peut à son tour 
erre promu , crurent que Vinstructron riiorâle devait 
être la même pour tous. Mais quels reproches ne 
mérite pas Lycurgue , qui , Voulant assurer la domi- 
natiçn des descendons d'Hercule (19), n'établit au- 



( i57 ) 

eane * formt dlstinclîve , pour réducation des 
jeunes princes; car, quoiqu'il eût la prétention de 
faut, de tous les Spartiates autant d'élèves, et en 
quelque sorte d^athlètes de la vertu, ce n'était point 
un motif pour assujettir à la même noun^iture , et au 
même genre d'instruction , les magistrats comme les 
particuliers. Un tel nivellement devait à la longue, 
inspirer ïnoins d'égards, pour les hommes d'une 
fiasse distinguée. On ne peut d'ailleurs admettre au 
rang des personnages distingués , ceux qui ne pri- 
ment point par la vertu , et c'est , je pense, la raison 
pour laquelle les Spartiates montrèrent souvent de 
la répugnance à se soumettre à leurs rois. Si l'on en 
désire la preuve évidente , on la trouvera sans peine , 
ians le différent qu'eut Agésil-as avec Lysandre , et 
ians la conduite de ces deux rivaux. 

Au reste , chez les Spartiates , quoique la forme 
lu gouvernement dût écarter l'ambition des particu- 
Kers, du moins elle leur assurait à tous, par l'insti- 
ttttionlibérale d'une éducation commune , les moyens 
i'être bons et vertueux. Les enfans des Garthagî- 
Rois, au contraire, étaient loin de jouir du méme^ 
ivantage (20), car leurs parens les renvoyaient de la 
taaison paternelle , en leur commandant de vivre de 
leur travail, à condition de ne commettre jamais au- 

♦ }A.ni%f*if^r •Vip«^i{j', aucune prérogative ou préémi- 
lence. 



( i58 ) 

cune action honteuse. Cen^étalt point faire aux jeunet 
gens, un précepte de bannir la cupidité de leur 
cœur, mais seulement de la déguiser par tons les 
moyens possibles. En effet, si Fabondance des ri- 
chesses contribue par fois à corrompre les mœurs , 
plus souvent encore le même, effet doit résulter du 
dénuement des objets nécessaires à la vie , surtout 
lorsque le choix de ces objets, ne pouvant être éclairé 
par une raison et par un jugement encore novices, 
est nécessairement dicté pai- la cupidité. Comment 
cette dernière passion serait-elle maitrisée , chez des 
sujets accoutumés dès Tenfance à faire leur profit de 
tout, à échanger des marchandises, et à en interpoler 
d'autres , par des procédés de leur invention, ou qui 
leur ont été communiqués. De telles actions^ dont 
tout enfant bien né ne doit ni parler ni entendrCj 
parler , ne pourraient que souiller Pâme ; et si u: 
honnête citoyen doit s'en défendre , à plus forte rai 
son le roi , ou le chef d'un état. 

Sans m'occuper autrement des défauts de la légis<l 
lation de ces peuples, je dirai que, par un genre 
d'éducation bien différent du leur, tu excellas en 
beauté, en force , en justice et en tempérance; qui 
les travaux ayant fortifié ton corps , en même terni 
que la morale te faisait une loi de la tempérance , ti 
accrus tes forces physiques, par la méditation d4 
l'esprit ; et ton esprit lui-même devint plus modén 



( 1^9 ) 

par l'exerclrede làpatîencedans les fatigues du corps. 
D'une part , tu perfectionnais les dons que l'avait 
faits la nature : de Tautre , tu ajoutais à ces dons , les 
fruits de ton application à la vertu. N^ayant besoin 
k personne , tu prodiguais ta fortuùe aux autres; et 
ceux qui recevaient tes largesses , n'avaient presque 
rien à envier au prince des Lydiens. Cependant ja- 
mais Spartiate n'usa plus sobrement que toi , des 
freWs que tu possédais. Car , tandis que tu four- 
nissais aux autres de quoi satisfaire leur goût pour le 
bîe, tu servais toi-même de modèle à ceux qui 
kvaient le goût de la tempérance. En un mot , durant 
toute Tépoque que je viens de parcourir, tu sus 
fommander aux autres avec douceur et philanthropie, 
te soumettant d'ailleurs à l'empire de ton père , avec 
iQtantde modestie, que tous ses autres sujets. Telles 
lurent les particularités qui signalèrent ta première 
jeunesse; je suis forcé d'en taîre un grand nombre 
i'antres, pour ne pas dépasser les bornes d^uh sim«- 
fie discours. 

Déjà tu étais danslavigueur de l'âge, lorsqu'il plut 
Ua divinité de terminer glorieusement la carrière 
Dortelle de ton illustre père. Je ne vanterai pas seu- 
bment le nombre et la richesse des omemens dont tu 
iécoras s<m tombeau, par le sentiment de ta juste 
^^connaissance envers celui à qui tu devais ta nais- 
ta&ce et ion éducation. Je rappelle plus volontiers , 



C »6o, ) 
que seul de ses eo&Jis , tu accouruâ vers hii , au mo- 
ment 9 où, épuise par la maladie , il inspirait encore, 
etqu^après son trépas , tu lui rendis les honneurs fu- 
nèbres avec la plus grande pompe ; il me fiu£&t de re- 
later ces circonstances. Tant d'autres de tes hauts 
faits, appellent mon attention, et me retracent Té- 
nergie et la générosité de ton ame, ainsi qu'une rare 
prudence unie à la justice ) vertus dans lesquelles 
personne ne se flattera de t'avoir surpassé. 

Certes , pour ce qui concerne tes frères et les amis 
de ton père, les simples citoyens et les tioupes, tu 
agis envers tous , avec autant d'équité que de modé- 
ration , si ce n'est que , violenté par les calamités du 
tems (2 1 ), tu ne pus empêcher les excès conunis contre 
quelques-ujis.Quant aux ennemis de l'empire, tu dis- 
posas toutes chases pour leur faire la guerre généreuse- 
ment, et d^une manièœ digne de l'honneur de ta famil4 
le ; pendant que tu fus en paix avec eux» tu maintins M 
tranquillité de l'état , en honoi*ant tes frères , qui pari 
tageaient avec toi le commandement , et en doonaol 
à tes amis ainsi qu'à tous les hommes probes, l 
même liberté et les mêmes démonstrations d'égards 
en les faisant jouii- tous également de tes faveurs, e 
en distribuant à chacun d'eux , ce dont il paraissail 
manquer. J'ai pour témoins de ce que j'avance, toi« 
les heureux que tu fis ; mais , h l'égard des hommel 
qui n'eurent rien de çonunun avec cel^ derniers , 1^ 



(i6i) 
aits expliquent assez clairement la justice de la con* 
lulte que tu t'étais tracée. 

Il s'agit donc maintenant des belles actions. Je 
parlerai ailleurs des louables habitudes. Les Per^ 
^es ^, qui autrefois soumirent à leur puissance 
toute TÂsie , bouleversèrent la plus grande partie de 
lËurope^ et menacèrent de réduire le monde entier 
sous leur domination, sVtaient tus, dansla suite ar- 
racher Tempire y par les Macédoniens , ou plutôt par 
les nctolres d'Alexandi^e, qui ne furent, à la vérité, 
qa an jeu de la fortune ; car, après la mort de ce 
Iconquérant, ils se révoltèrent contre ses successeurs^ 
dont ils supportaient impatiemment le joug; et ils 
luttèrent à ai*mes égales non*seuIement ccmtre les 
Macédoniens ^ mais cqntre nous-mêmes , qui possér 
clions ie reste de la Macédoine , et qui trouvâmes dé- 
lais, dans ces peuples , de puissans et étemels enne- 
mis. Mais à quoi bon rapporterais-je ici les sanglan* 
tes défaites des anciens généraux romains Antoine 
<t Crassus, réparées depuis, par les exploits de nos 
^es et valeureux empereurs, qui en effacèrent la 

nie après de longs périls? Pourquoi rappellerais-je 
des désastres plus récens, qui furent couverts 

ir Theureuse expédition de Carus (22)? dirai-je 



* Voyez, sur ces Perses ou Parlhes, la note vingt- 
Qitième et l'argument de la seconde haran^e ci-après. 
I, II 



( l62) 

encore c[ue, pârtai les princes quîgoutemèrenircra- 
plre avant ton père, et qui amenèretit enfin nos en- 
nentià à une paii honorable et long-tént$ désirée» 
k (23) césar Galêre-Maximîen avait essuyé un 
échet honteux? mais celui i|ui tetiâit alors en main 
le premier sceptre du inonde , s'ëtant porté de sa 
personne V sur les lieux, avec toutes les forces dé 
Fcmpire , et âyaût fait occupet* ttfûS fcs pa^àa^esdc, 
k Perse par les vieillfes et par les rioilvellês légions,, 
quH) avait raàseinblc'es et munies dt tout râttiralldé| 
la guen-e , alors seulement les tntlfcmis acceptèrent^ 
les cdnditiohs dé la paix. Cependant ils lès enfre^ 
gùirent^ je lie sais par quel prétexte, du vivant. 
ihéméde lott pirfe qui iie put s'en venger, parce 
qu'il moturut au milieu des vastes préparatifs qu 3, 
faisait pour les aller côtùbattre. Ttt ne tardas pasiL 
lès faire tiepentît de leur témérité. 

Mais comnle j'aurai souveift occasioii de pailef 
des combats que tu livras contre eux , j'invite mes 
auditeui^s à observer que , lorsque cette troisième 
portion de Tempire *'t'échut en partagé, elle était dé- 
pourvue dé toutes ressources militaire^ ; elle n'avait 
ûi ks airmes, iii lé ntiihbi'e dés troupes nécessaires, 
ni les autres moyens étendus , qu'exigeait une guei 
aussi importante ; qu'en outre tes frères , 

*L:Orieï^. 



(i63) 

fat leur motif, ne voulurent te prêter aucun secours; 
et cepeûdant je défie Tenvîenx ou le calomniateur le 
pins insigne, d^oser soutenir que tu ne mis pas tout 
m œuvre, pour te les attacher par une étroite union. 

DVn autre côté, tandis que la guerre devenait 
difficile par elle-même, les' soldats, murmurant du 
nouvel ordre des choses, faisaient entendre qu^ils 
regrettaient leur ancien chef et prétendaient vous * 
dicter des lois. Mille autres circonstances fâcheuses 
«^opposaient ausuccès derentreprise. Les Ârméi)iens, 
nos anciens alliés , étaient divisés entre eux ; et un 
parti considérable de leur nation, qui s'^était joint 
aux Perses , infestait nos frontières par ses brigan- 
dages. Dans cette situation désespérée, tu n^avais pu 
employer jusques là le seul moyen de salut qu^il te 
wslàt, celui de prendre le timon des afFaîrçs, ayant 
fté occupé en Pannonîe , de régler avec tes frères 
ie partage de Tcmpire, ce que tu fis alors, en t*abou- 
ftant avec eux, et de si bonne grâce, et avec 
bt d^équîté , qu^îls n^eurent jamais aucun sujet de 
«'en plaindre. 

£n comïnençant le récH de tes actions , j^aurais 
dû débuter par cette dernière, que j*avaîs presqu'ou- 
wiée, quoiqa^elle soit, à mon avis, la plus belle et la 
fins admirable de toutes : car ta modération et la 

I * Le vous $'at)plrqtte aux trois frères. 

II. 



(,»64> 

grandeur de ton âme se montrent dans tcml leur jour^ 
lorsque ^ par ce pacte solennel avec tes frères , tu n^ 
te crus pas le'sé , en leur accordant plus qu'à loî. EiJ 
effet , sî dans le partage d'une succession paternel!^ 
entre des frères, évaluée , je suppose, à cent ou deu5 
cents talens, un d'entre eux se contentait de recevoii 
une * mine de moins que les autres ^ et faisait vo- 
lontiers le sacrifice de ce peu d'argent, à la concorde 
etàTunion commune, il n'en serait que plus estimé ei 
honoré ; et il passerait , à juste titre , pour un homme 
désin'téressé,pensantbien,en un mot , pour unhomiDe 
probe et vertueux* Quels éloges n'a donc pas méritéa 
un prince qui, dans le partage du monde entier, 
eut la prudence et la générosité de consentir, par 
amour pour la paix et l'union de tous les Romains, à 
se charger du fardeau le plus pénible de l'empire , et 
à en abandonner à ses frères^ la meilleure portion 
des revenus (24). •' 

Qu'on ne me dise pas ici que sa résolution fut 
louable, mais sans aucun but d'utilité; comme si, 
quelque chose d'honnête pouvait ne pas être utile. 
Au surplus , pour bien juger sa conduite , il importe 
de voir qu'Une spécula point sur les richesses; qu'il 
ne calcula point sur le i'evenu de chaque contrée^ 
à-»pçu-près comme ces vieux avares , qu'on donmî 

* Poids et monnaie attique de cent dragme$. 



( i65 ) 

en spectacle sur notre scène, maisqu^il eut unique- 
ment égard à la grandeur et à la dignité de rem- 
pire. En efFet, s'il avait maintenu ses prctentious 
sur les limites respeolives de son territoire, et de 
celui qui devait appartenir à ses frères, peut-être 
fat-il devenu leur ennemi; et quand même de leur 
consentement, il aurait augmenté son domaine, 
il n'aurait eu die pouvoir à exercer, que sur les su- 
jets placés sous sa dépendance dans ce nouveau par- 
tage : au lieu qu'en renonçant' à l'étendue d*un ter- 
rain, dont il faisait peu de cas, d'une pail, il 
commandait conjointement avec ses frères à Tuni- 
vers entier ; dé l'auti e , il administrait exclusive- 
vement la poition qui lui était échue. Par là , il ob- 
tint un double avantage , celui de jouir de l'intégrité 
du pouvoir suprême , et celui d'en diminuer les 
charges. Nous reviendrons ailleurs sur ces détails. 

Maintenant notre discours va te suivre dans la 
gestion des affaires, au milieu des troubles et des 
périls qui t'environnèrent , après la mort de ton 
père ; engagé dans une guerre sérieuse , molesté par 
les excm-sions fréquentes des ennemis , par la dé- 
fection de tes alliés , par le soulèvement de tes trou- 
pes, enfin, par mille autres embarras, plus ou moins 
fâcheux , k peine avais-tu réglé la convention d'ac- 
cord avec tes frères , que tu éprouvas l'urgente né- 
.cessité de remédier, par de prompi s secours, aux dan- 



(i66) 

gei S les plus immipens ; el ^ort ta pa^a$ de la Vm- 
nonie en Syrie, avec iine i:apidsté qu'on ne saurait 
exprimer 9 et que révénemeiH «eida pi| ^prendre à 
iceuif: qui m fiiieut témoins : v^i^ qui poivra dij:e^ 
coinnpt^nt , à ta seule présence ^ h$ chfms chaagèrent 
tellement de%e qu'^ mêpie-temsnô^^noiisraâfiu- 
irâmes contjre les^ayeurs qui iicmsas^iéjgeaieiilTet nou$ 
ÇDu^mes de xpe}l|e9mf espérançi^pp^ Tavenir? 

ïji efiçjt, ^ tpn approche, la sédition s^appais^ 
danjs les camps, et tout renti^ 4«w l'prdi'e ; ceui 
des Arméniens , qqi avaient passé à Tennemi , re*; 
tinrent incontinent auprè;? de toi , dès qu'ils te vire^i 
rappeler les soldats^ qpe leur chef a|.vait ét^ forcé ck] 
saivi'e dans leur faite ^ et assurer un prompt retoi|i| 
dans leurs foyers , ^ çepx qui s'étaient réfugiés parada 
nous : alors, comme tu traitais av^c humanité ctvâ 
qui venaient de se rendre pp»i nous, en mêm^ 
tems'que tu usais de la plus g^màç dpurenr enven, 
les fuyards , qui étaient rentrés avec leur chef, l| 
arriva que les uns regrettaient amèrement d'avoi, 
abandonné leurs drapeaux, les autres préféraient 
leur nouveau «ort à celui qu'ils avaient éprouvé som 
la précédente douiinatiop, Ceux donc qui avaient 
pris la fuite, étaienit devenus plus sages par l'expe^ 
rience du passé; H ceux qui étaient restés fidèles 
au service, s'applaudissaient d'en recevoir la ré- 
compense ; en un mot , tu prodiguas tant d'hon- 



(•67) 

l^earft et dfs iuenfmts, ^ tous les Aitoémens que tu 
kccaeiUis, qu'ils i^ pouyaiept pprtereuvie k leur^ 
[rivaux, que leur mérjie )ren4aU Iiepreux ei dij^oes 
jdecoipaK^^er; 

i Jwt fut ^nsî TjétabU 4^$ U pl^s court délai; 
et lorsque, par de prouiptes uégoçiatiop^^ tu eiiç 
I iovamé, jcootre tou enueI^i, le^ brigands ars^e^ (aS), 
ta t^ocpi^i^i^ des prépar^ti^ de la ^^Ujsrre : mais re- 
prenons ici IfiS c))0|$es de fi^ bdpt. 
I Vit^i de pai^Y quifinissait, ^Yai): dimipoé les tra- 
vaux Biilîtaires et allégé le fardefiu |^s administra- 
tcui's publics. Pour reconuneucer U guerre , ou avait 
besoin de fonds , de provisions de bouche, 4'amples 
et dispe^dieqsi^s ipuraiturestiet.plu^ encore 4e yi- 
gneor» 4^ force et d'expiénence,4?n(sle œ^nieineut 
I des âmes. Tont cela manquait, et c'est ^ quoi tq 
pourvus bientôt par toi-même. Tu formas donc les 
nouve^iix enrôlés par des manœuvres assidues ; tu 
créas une cav^erie sexpbl^ble si ceUp de Tennemi : 
tu donnas à T infanterie Tbab^tude du trayail et des 
Cadigues ; tu enaoï^age^s jies soldats, ijiQn-s^uIepiept 
par tes paroles 0t ton conunai^demeot , mais par tes 
exemples, pt en t'pt^t^'eigpant iaiix ^l|êmes piiefcices , 
qu'eux, lenaorte^ qii'à te voir j^gir. Us devinrent, 
en pen de ta»s , d^excellens guerriers.* 

Tu réglas ensuite jies i^t^anc^es ^ non en augmen- 
tant les contributions, en eii doublant^ et au-delà, les 



( ,68 ) 

taxes, ûîn&î que ravalent pratiqué les Athéniens (2&\ 
maïs en te bomîinl à tirer un meilleur parti dei 
anciennes, (si ce nVst dans les cas opportuns, on 
Turgence commandait des dépe^ises extraordinaires 
et momentanées), et en distribuant tes ressources 
de manière que tes troupes ne fussent ni insolentes | 
par trop d'abondance , ni tentées de commettre queU 
ques désordres par le besoin : il te fallut aussi 
comprendre dans ces préparatifs un nombre suffi- 
sant d'annes, de chevaux, de barques, pour 1( 
transport, enfin, tout Tattirail des équipages ai 
guen'e , dont je me dispense de faire rénumératlon 
Tous ces objets , étant donc disposés , pour le 
moment où Ton devait s'en servir, on établit plu- 
sieurs ponts debateaux sur le Tigre; on éleva des forte- 
resses sur la rive opposée de ce fleuve, à rabri desquelles 
nous ravagions les terres de nos ennemis, sans quMls 
pussent y mettre obstacle , et nous avions la facilité dt 
tirer de chez eux nos subsistances. D'après cette me- 
sure , ils n'osaient en venir aux mains aVec nous : ou, 
s'ils risquaient d'engager le combat, ils étaient sur-le- 
champ punis de leur témérité. Tel fut le résultat de 
ces premières attaques : car comment recueillir dans 
un seul dsscours , et les désastres de nos ennemis , 
et les traits de bravoure de nos guenlei-s ? 11 nous est 
plus facile de rappeller sommairement , qu'après 
^ivoir traversé plusieurs fols le fleuve avec ton ar- 



mée, et avoir sejouroé Iong'tem3 dans le pays eiv^ 
nemi, tu en revins charge de brillants trophées, 
parcourant les villes» devenues libres par ta valeur; 
rapportante an milieu dVnx , la paix et les richesses 
qui raccompagnent, et les faisant jouir, enfin, de 
deai avantages si loûg-tems désirés , de la victoire 
sur les barbai'es, et des trophées^ remportés sur la 
perfidie, la faiblesse et la timidité des Pérthes, per- 
fidie dont ces peuples offrirent le scandale , en rom- 
pant ralliance , et en violant le traité de paix , fai- 
blesse qu^ils montrèrent^ en n^ osant défendre leur 
territoire, et ce qu'ils avaient de plus cher. 

Mais pour qu'on ne me soupçonne point d'in- 
sister de préférence sur ces actions d'éclat, parce 
que je n'oserais mentionner celles ou la fortune , 
disons-mieux, le terrain * , joint à l'inclémence de la 
saison, servit notre ennemi, comme si de tels évc- 
nemens pouvaient tourner à notre honte , plus qu'à 
\ notre louange et à notre gloire , j'aborderai le fait 
avec iiranchiae , non pour en ajuster le récit aux in- 
térêts que je défends, mais bien par amour pour la 
mérité, dont je ne pourrais m'écarter, sans encou- 
rir, et le reproche d'une basse adulation, et le ris- 
que de n'être pas cru sur d'autres points , dans les 

éloges les mieux mérités. J'éviterai donc avec soin 

* ' ■ '■'■'■ ' ■■'■ Il» ■ ■ . Il ■ i pi. ■» * i — ' j «» 

* x,'»f* ♦ le local. 



( lyo ) I 

cet ëcueii; et mon âiscours fera voir, si, flans la 
moindre chose , )*ai préfère le mensonge à la vérité. I 

Je n'ignore point que les barbai^s s^attribueronl 
tout le succès. de la bataille, Hvrée près de la ville] 
de Singave (27). Je n^en persiste pas moins à soute- 
nir , que cette journée (ai égjilement fatale aux deux 
armées , et que ta valenr y parut d^autant supérieure 
à la fortune de tes ennemis, que tes troie^es se lais- 
sèrent emporter par un excès d'audace , et ([u'elles 
n'étaient point d^ailleurs , accoutumées comme nos 
ennemis , aux chaleurs accablantes du pays , dans 
cette saison. Je passe aux détails de chaque circons- 
tance. 

L'été régnait encore dans toute sa force, et les 
deux armées étaient en présence , dès avant le ffli"! 
lieu du jour. L^eanemi semblait frappé de la con-, 
ienance, du cafane , et du bon ordi^e qu^il remarquait 
à^fkd Bo^ rangs; de leur ^Mé , les légions romaines 
paraissaient extasiées de la multitude des barbares. 
Cependant aucun fM\ n'engageak le combat ^ ceux- 
ci, craignant d'eii venir aux mains avec des troupes 
si bien ordonnées, les nôtres se tenant sur la défen- 
sive, pour n'avoir pas l'air d'attaquer les premiers, 
depuis la condasion de la paix. I^Çn , le chef son- 
verain de cette armée de barbares , s'étant fait élever 
sur des boucliers par ses soldats , et comtemplant 
notre ordre ^de bataille . perdit tout-à-fait courage, 



( «70 
et it mit il crier de tcratesBes forctes, quVn \e Xn- 
bissait ; il -accusa cens epi Y^^ieni entrainé dans 
cette f;MTre , ordoaiià «ine retraile précipitée , et 
jogea que le seul mejen de salut qui lui restât, était 
de repasser le fleuve, qui sépai^ait anciennement ses 
états de BQtre frontière. Dès-lors il donna le signal 
de la fuite , et il la commença lui-même; puis, sVtant 
arrêta un moment , pour remettre le commandement 
de Tarmée à seii fils , et à un de ses plus fidèles amis , 
il précipita de nouveau sa mai'che , escorté seulement 
de quelques cavaliers. 

A cette vue , nos soldats , craignant de manquer 
Toccasion de se venger de leurs plerfides ennemis y 
demandèrent à grands cris h les charger; et quoique 
le chef leur ordonnât de rester à leur poste, ils s'é- 
branlèrent et coururent, en armes sur les fuyards, 
avec toute la force et la vitesse dont chacun se sen- 
tait capaUe. N'ayant encore que peu d'exipénencè 
de ton commandement ; et considérant ta jeunesse , 
ils ne crurent pas que tu jugeasses mieux qu'eux de 
ce qu'il convenait de faire ; et parcequHls avaient tant 
-de fois t^ombattu avec succès sous- ton père,' ils se 
tinrent pour invincibles. La firayeur actuelle des 
Parlhes, redoubla l'emportement de nos guerriers, 
et leur fit oublier qu'il ne s'agissait pas seulement 
de combattre des hommes, mais de lutter contre la 
nature du terrain , ou contre u^ obstacle plus pwi 



( 11^ ) 

peut-être, et qui pouvait inopiuéjiient. survenir. 
~ ' Après une course de cent stades , ils atteignirent 
enfin lesParthes ; ceux-ci se réfugièrent dans un lieu 
retranché qu'ils avaient construit d'avance, pour 
leur servir de camp. Là^jvérs la tombée de la nuit , 
on se mêla de part et d'autre avec un acharnement 
égal. Nos soldats forcèrent enfin le retranchement, 
firent main basse sur ceux qu'ils y trouvèrent , et 
s'y maintinrent quelque tems par leur bravouve. 
Mais comme , durant leur marche forcée , ils avaient 
souffert une soif excessive , trouvant contre leur at- 
tente de quoi se désaltérer , dans une citerne de l'en- 
ceinte qu'ils venaient d'occuper, ils perdirent faute 
de précaution, tout le fruit de leur victoire, et four- 
nirent à l'ennemi , l'occasion de p^'endre sa revanche. 
Le résultat de cette action fut pour nous , la perte 
de trois ou qîxatre cohortes * , et du côté des Parthes, 
celle de l'unique héritier delà couronne, qui était 
tombé en notre pouvoir avec ceux qui l'accompa- 
gnaient. 

A tant de scènes sanglantes , le monarque ,. chef 

* Le texte porte trois ou quatre , sans aucune dési- 
gnation du nom de chefs ^ légions ou cohortes. Mais Lî- 
banius et Anmi.-Marcell. nous apprennent, Tun que les 
Romains perdirent beaucoup de monde, l'autre qu'ils 
firent souffrir une mort cruelle au fils .de Sapor, qu'ils 
«vaicnt fait prisonnier. 



( 173 ) 
(les barbares , n^assista pas même en songe ; il n V 
\aît contremandé la retraite qu^après avoir laissé le 
fleuve deirière lui. On te vit au contraire passer le 
jour et la nuit sous les armes , partager les succès de 
tes soldats victorieux , et porter de prompts secours , 
à ceut qui étaient accablés par le nombre. En un 
mot ^ tu te conduisis dans cette bataille avec tant de 
bravoure etde courage, que^ le lendemain, nos légions 
purent sous tes ordres , se retirer ti-anquillemënt du 
combat , emmenant avec elles leurs blessés , et n^ajant 
aucune crainte d'être poursuivies. En effet , y eut-il 
un seul fort de pris? Une seule ville assiégée? De 
quels chariots ou bagages, Fennemi peut-il se vaur 
ter de s'être emparé après cette expédition ? 

Or , si Ton s'est îme heureux de quitter le champ de 
bataille, sans avoir éprouvé aucun échec , on montre 
plus de force et de courage encore , à résister à la 
mauvaise fortune. Qui dirait en effet, qu'un pilote 
est habile parce qu'il gouverne bien son navire , sous 
un ciel serein , et lorsque la mer est tranquille ? Le 
cocher vantera-t-îl son adresse , à conduire sur un 
terrain uni , des coursiers lestes et dociles ? Au con- 
traire , quelle supériorité ne déployé pas un nocher, 
qui sait pressentir la tempête , et prévoir les moyens 
de s'y soustraire , qui , lorsqu'on n'a pu enfin l'éviter 
parvient cependant à sauver son vaisseau avec la car- 
gaison. ? Et quelle habileté ne suppose-t-on pas au 



( tH) 

coiiducteiir de chars qnl, msdgrë rescarpement du 
lieù^ {K>uâ3e ses chevaiiK à la course , et hs^ conlraint 
à franchir tous ks obstacles ? 

£b un mot , il faut appn^cier Fart et les talens 
ce qu'ils valent en eux-mêmes, et non ee que leur 
prête le faasmtl des ëvënemem. S^ons ce point dé 
viie , Gléon * ne s^ait point un meilleur général 
que Nicias, parce qu'il fut seul heureut à Ja bataille i 
de Pylos. Et ce que nous disons de Glëétt , s'appli- 
que à toUs cen:£ qui durent leurs succès k la fortune 
plutôt qu'à la sagesse dé leurs plans. Cependant 
j'aurais tort de ne pas £iire entendre ici, que la for- 
tune se montra plus favorable, et suttiarcrt pltts juste 
envers toi , qu^envtft^ tes enneirais ; que même aucnn 
mortel n'en fut jamais mieux servi que toi , puis- 
qu'elle voulut dérober aux Perses la connaissante 
de la supériorité qu'ils venaient d'obtenir. Ainsi 
dbnc , pour jugeif sainettiettt des faîts dont il s'agit, 
il convient d'attribuer notre reirers à la violence in- 
smrihGïatable de la chaleur^, i^ , en dépit d'un tel 
obstacle^ les pertes detdn ennemi égalèrent au inoins 
les notées, œ &t uniquement l'oirvràge de ta valeur. 
lAais ta bonne fbitune voulut aussi , que les ï^tbes 

* Ce général athénien était ranta^oétstie de Nîdas. 
Celui-ci fit fermer les portes de la ville d'Athènes au 
vainqueur ; et pour cela , il fat traduit, par Cléon, au 
tribuiial de Fàréppage. 



(175) 
igaorafiseEl Uurs avantages et ne s^aperçi2$8ent que 
de leuis de&asbres. 

Cependant, afin de ne point Gonsnmer en ces me- 
nus dé^ik, un tems que je réserve pour des objets 
plus essentiels , }e commence le récit des événemens , 
qae leur nombre et les dangers anqaels ils tVntraî- 
Dèrcnt, rendent imposans; je dil*ai comment, faisant 
face de tonte part ta repoussas les tyrans, et tu mis 
eQ déroute les troupes des barbares. 

Environ six ans s^étaient écoulés depuis la guerre, 
qae je viens de mentionner, et Tbiver approchait^ 
de sa fin, lorsqn^on vijAt t^apprendre que la Gaule 
msnrgée par un tyran , ( Magnrace ) avait dressé des 
embûches à, ton firre, (Constant j et Tavait massa-' 
cré; que TltaUe et la Sicile étaient envahies; que 
les lég;ions cantonnées en Illyrîe, ayant levé Téien-. 
dard de la révolte, avaient pi^amé empei-enr leur 
propre chef (Yetranion). Celui-ci feignait dé von-; 
loir résister à la formidable coalition des antres ty^ 
r^, mai^, tremblant en effet d^étre écrasé par 
elle, te demai^ait des s^courài dlilammes et d^ar^ 
gent, s^engageait à rentrer dans le devoir, et pro-. 
mtiiak d'abdiqiier Tempire, dont il n^était^ disait-il, 
que le dépositaire et le gardien fidèle. Sa perfidie* 
fut bientôt à découvert; et Ton vert^a que tu mis, à 
la punir, autant de clémence que de sévérité. 

Ces nouvelles t^étant parvenues k la fols^ tu seu- 



( 176 ) 

lis que tu n^avaîs pas un moment à perdre ; et Ctinimé 
tu jugeas peu nécessaire ta présence sur les lieux ou 
tu venais de combattre , après avoir pourvu les villes 
de la Syrie , de machines de guen^e, de garaisons^ 
de vivres et de munitions de tout genre , tu te crus 
assez en forces^ sur ce point menacé , et tu accélé- 
ras ta marche contre les tyrans. 

Sur cesjçntrefaitçs , les Perses estimaât r<lccasioQ 
favorable pour envahir la Syrie * y portèrent en 
masse les individus de tout âge , de tout sexe et de 
toute condition, c'est-à-dire, les hommes faits, les 
jeunes-gens , les vieillards, le$ femmes et les escla- 
ves, comprenant ainsi dans leur armée, non-seule- 
ment ceux qui pouvaient servir à cette expédition, 
mais ceux-là méhies qui n'étaient que de surcroît. 
Leur intention était, après avoir xïccupé les villes, 
et s'être rendus maîtres absolus du pays, dfj fonder 
des colonies nouvelles; mais Timmensité de tes pré- 
paratifs trompa leurs espérances. 

£n effet , Tennemi entreprit le siège de Sisibe, 
et entoura la ville d'une ligne de circonvallation, 
flanquée de tours. Le fleuve Mygdonius inondait la 
plaine, à peu près de la même manière que le M 
épanche ses eaux sur les terres de l'Egypte. Les as- 
siégeans en profitèrent pour approchcy- des rem- 

' ' ■ ■' V ^^ " ' ■!■ ' !■ I II ■ I I II g.. ■>■ ■* 

* Autrement la Mésopotamie. 



( ^77) 
Iparts leurs vaisseaux, arpiës de macliînes de guerre , 
et pour attaquer de plus près les muraittes , tandis 
que leurs soldats, du haut de leurs tours , lançaient 
des traits sur les assiégés. Ceûx-ci , placés sur \éê 
murs <le la ville , repoussaient avec courage les as-^ 
saillaufi. Dans peu , tout fut plein de corps morts , 
de délM-is de navires, d^armes et de traits de toute 
espèce; les uns, étaient déjà engloutis, et les autres, 
après avoir été d'abord submergés , voguaient en-* 
mit à la merci des flots. De toute part surnageaient 
les nombreux bouclier^ des barbares, mêlés aux 
planches brisées des vaisseaux, et des machines qui 
les recouvraient , et à un amas confus de flèches 
(jui hérissaient, pour ainsi dire, tout Pespace com^ 
pris entre la ville , et le camp retranché des assié- 
geans; Les eaux mêmes du lac voisin, ress^blaient 
aune mer de sang; et autour des murs, retentis-^ 
saient les cris lugubres des barbares impuissans , 
criblés de mille blessures, et périssant de divers 
gemres de mort. 

Qui pourrait décrire cette scène de carnage ? Les 
assiégés continuant de lancer, sur les boucliers des 
illans, des torches enflammées, ceux-ci tom-^* 

lent pour la plupart à demi^brûlés ; les autres ; 
b^efforçant d'échaj^er au feu , mouraient percés de 
lèches : ceux-là, sVnfuyant à la nage , recevaient 
le dos le trait mortel , et disparaissaient dans 

L 12 



(178) 

Tabîme ; d'autres , se précipitant hors des maclmies 
qu'ils défendaient, étaient atteints par des dards 
aigus, avant de pouvoir gagner l'eau, et trouvaient 
ainsi j non leur salut , mais une mort plus suppor- 
Llc. Comment, enfin, compterals-jé , ou ferals-je 
présumer le nombre , plus grand peut-être , de ceux 
qui , ne s'étant point aperçus de Tincendie, périrent 
obscurément et sans défense ? Certes , le tems me 
manquerait avant que je pusse recueillir tant de 
fdits particuliers : qu'il rae suffise d'en avoir pré- 
senté Tensemble. 

Ainsi donc, le soleil éclaira cette catastrophe^ 
sans exemple dans les annales du genre humain ; et 
de tels monumens attestent que Tancienne arrogance 
des Médes, n'aboutit jamais qu'à une ridicule os-s 
tentation : voilà ,* dis-je , ce qui rend plus croyablei 
qu'aucun autre fait connu , la fameuse expédition^ 
de Xercès et la grandeur gigantesque de ses pwpai 
ratifs; quoiqu'on se persuade avec peine , que tant 
de moyens aient été anéantis par une fin ignomi-j 
nieuse et déplprable. On sait que , se flattant i^ 
maîtriser la mer et le continent, Xercès essaya, en 
dépit de la nature , d'ouvrir une route à la fois na^ 
vîgable et viable pour les gens de. pied. CependanI 
il fut vaincu par la sage conduite d'un général gret 
et par le courage de ses guerriers, non façonnéi 
au luxe et à la servitude , mais bien accoutumés 



r 



"^W^ 



' ( »79 ) 

I ï Iravailler en hommes libres , et à obéîr avec di- 

' Notre nouvel ennemi , quoique très-inférieur à 
Xercès dans ses préparatifs , n'en avait pas moins 

d'ambition; «t surpassant en fureur les géants en- 

feasd'Aloûs , il menaçait de lancer, sur Nisibe , la 

Dontagne qui en était voisine , ayant résolu de 

Wiier de fond en comble celte ville qu'il avait déjà 

lôndée par la rupture des digues du fleuve. Maigre 

jactance égale à celle de Xeixès, qui avait incendié 

ithènes , il n'eut pas même la gloire de s'emparer 

î Dotre ville (28), que ses murailles ne défendaient 

Qs. £nfiii, après avoir consumé quatre mois , il 

Souneua ses troupes diminuées de plusieurs milliers 

soldats; et lui-même, dont on avait tant craint 

attaqués , prit le parti de demeurer en repos , 

btimiftt keureux de devoir son salut à l'embarras 

R tes affaires et aux troubles de l'état. 

p Après ces victoires et ces triomphes en Asie ,4u 
^sportas en Europe tes troupes encore entières, 
«nme p«c/| remplir l'univers de tes trophées>Ce que 
'viens de èiter, quand je n'aurais point à y ajouter 
3iutres aérions plus éclatantes , suffirait déjà pour 
^montrer qpe tu as surpassé , en force et en génie , 
«s ceux* tpn , avant toi, gouvernèrent les rênes dé 

«npirc. Car à quel exploit de l'antiquité compa- 

ferab-je celui de repousser, comme tu le fis alors , 

12. 



(iSo) 

toute la pmssance des Perses, et de les contramjr^ 
à lever avec îgpominîe im siège que tu soutins avec 
tant de gloire , et sans que ces diverses opérations 
te coûtassent ( chose înouie ) une seule ville , une 
seule forteresse , je dirais presqn^un seul de tes li" 
gionnaires ! On a beaucoup vanté la hardiesse des 
Carthagmoid dans la plus grande adversité ; mais 
cette hardiesse leur devint funeste. On admire en* 
core rhéroïsme des Hatéens dans la défense de leof 
ville assiégée; mais cette intrépidité ne senritqQ^ 
illustrer leurs malheurs. Qu^aî-je besoin de parler 
des cités de Messène et de Pylos , qui ; sans avoir 
été emportées de vive force , n'en furent pas molnî 
la -proie du vainqueur (29)? Que gagnèrent enfin 
les Syracusains , en opposant le génie d'un sage ad 
machines des Romains et à Thabileté du généra^ 
qui assiégeait leur ville? Ne fut-elle pas prise dW 
manière plus déplorable que les autres cités? et si 
conservation n'est-elle pas un monument de la cW 
mence de l'ennemi ? Un volume entier suffirait i 
peine au recensement des villes qui ne purent re^ 
sister à des forces de beaucoup inférieures à cellei 
dont triompha Nisibe. 

Pourquoi ne dîràis-je pas ici quelques mots à 
Rome , dont le sort , en pareille circonstance , ni 
fut pas plus heureux^ lorsque les Gaulois, dWor^ 
avec les Celtes , fondirent sur elle avec l'impétuo' 



( i8i ) 

I ilté cl'aii torrent ; car les Rçmams $e virent con-- 
traiots à se réfugier sur U colline où est placée U 
statue de Jupiter, et d où s'étant fait , à la hâte j un 
retranchement avec des claies ^ (3q) et d'autres ins- 
trumeiis de d^ense , il leur fut plus facile de vaincre 
Qn ennemi mal sur ses gardes et peu tente de les 
réduire par la force. Ce siège mémorable est donc le 
ttul qu'on puisse comparer à celui de Nisil>e,^ du 
nolos cpant à son heureuse issue. Autrement aucun 
liège ne ressemble à ce dernier. {In effet, où trou- 
ver ailleurs l'exemple d'une ville de toute part inon- 
de par les eaux , enlacée par des collines , comme 
|ar autant ck filets , et sur laquelle se déchaînait un 
{euve, dont les eaux, continuellement lancées çonune 
^r une machine , renversaient ks murailles? Qui 
|it jamais un semblable combat , au milieu des tenix 
ttau pied des murs abattus ? 
I J^ai prmnis de ne pas m'étendre davantage, parcç 
|Qe ce qui me reste à dire est d'une plus haute im- 
fortance ; et qu'ayant entrepris de louer tes grandes 
jetions , il me siérait mal de terminer mon récit au 
ipoment où l'intérêt qu'elles inspirent semble être 
ians toute sa force. Or, quel moyen de raconter en 
|eu de mots comment , embarrassé par les affaires 
^rieuses dont je viens de tracer l'esquisse , tu pus 
I _ ,. 



( l82 ) 

donner tes soins à l'Europe , entielenîr partout des 
agens , suffire à toutes les dépenses , et faire marelier 
des troupes vers les légions cantonnées en Pan- 
nonie , près des Scythes , pour empêcher le rusé 
vieiliard (Vétranion) d'être écrasa par le Bouveau 
tyran ? Mais à peine t'avançais-tu toi-même à la tête 
d'une autre armée, qu'égaré par je ne sais quel 
démon , ce même homme , qui t'avait promis d'être 
le fidèle dépositaire de la dignité impériale , celui 
que tu avais assisté de troupes , d'argent et d'autre* 
ressources , eut l'infamie de conclure un traité avee 
le plus exécrable des mortels, * avec renneml com- 
mun de tous les amis d.e la paix et de ta concorde^ 
avec ton ennemi personnel et le phis acharné. 

Cependant, loin de t'en laisser imposer par cf 
formidable appareil de forces, tu prévis qu'une 
réunion de traîtres ne triompherait pas de la puis- 
sance de ton génie. Ainsi donc , en reprochant à l'un 
sa désertion , à l'autre , outre sa perfidie , les fo^ 
faits énormes dont il s^était souillé , tu citas le pre- 
mier à comparaître devant l'armée pour y faire valoir 
sa cause, et tu promis de risquer contre le seconi 
le sort d'une bataille. Alors feignît d'aller à ta ren- 
contre ce bon vieillard , qui , changeant d'avis comme 
yn enfant , oubliait , dès qu'il n'en avait plus besoin 

^ Magnence, 



( i83 ) , 

les bienfaits qu'il avait implorés d'abord. Il pamt 
escorté de ses nombreuses phalanges dé fantassins 
et de cavaliers , espérant que s il ne pai^enait pas à 
le fléchir, il te forcerait à te retirer sans avoir rien 
osé tenter contre lui : dans ce moment critique , tu 
I ne parus point déconcerté de voir Thomme qui s'était 
! annoncé conmie ton allié , devenir tout-h-coup ton 
I ennemi et prétendre partager avec toi le comman- 
dement. Quoique ton armée fut de beaucoup moins 
! nombreuse que la sienne (tes soldats ne t'ayant pas 
I tous rejoint ) , il te fallut prendre un parti ; celui 
\ d'en venir aux mains contre des forces si supérieures 
te paraissait téméraire sans doute : et d'ailleurs la 
, victoire même ne t'eût pas gai*anti des embûches 
S d'un tyran féroce , qui n'attendait que d'un extrême 
désordre l'occasion d'agir à toute outrance. 

Tu résolus donc de ne t'appuyer que sur toi seul , 
et de siéger à la tribune, à côté de celui qui s'arro- 
geait le droit d'être ton collègue : tout autour de 
cette tribune , brillaient les épées nues et les piques 
levées des soldats ; spectacle effrayant pour un homme 
timide , cortège honorable pour un guerrier tel que 
toi. Â peine eus-tu coounencé de haranguer, qu'un 
profond silence régna dans l'assemblée ; chacun te 
prêtait une oreille attentive ; les larmes coulaient des 
yeux de plusieurs soldats encore indécis, et cpii éle- 
vaient les mains vers le ciel, sans que toutefois leur 



( i84) 
«lOQTement fut ouTertèineiit prondncé. MaU un lir 
de satisfaction et cfe bienveiUanGe se Êôsait remar^ 
quer sur leurs visages; bientôt ils se précipitèrent 
en foule pour t^csitendre de plus près. Au milieu de 
ton discours, ils t^applanditent avec enthousiasme, 
et se turent pour t^ëcooter de noateail. 

Entraînés enfin par ton éloquence, ib te saluent 
seul empereur, te reconnaissent seid di^ie du com- 
mandement , demandent à grands cris cpe (u les con- 
duises au combat 9 promettent de t^y soiTre, et te 
pressent de te déccnrer desoroem^ns impérîsHX* C^^ 
pendant tn ne voulus ni port^ les mains sur ton ri- 
val , ni lui arracher par la violence les marques de sa 
dignité. Mais celui*ci , quoiqu avec peine et contre 
son gré , cédant à k dure nécessité qui , selon le pro- 
verbe thessalien, lui tenait lien de persuasicm, vint 
dépose^ à tes pieds la pourpre* Or , quelle fut ta con- 
duite , dès ce jour , où , deyenu seul maître de tant de 
nations , de tat]^ de troupes et de rieheases , tu avais 
dépouillé de sa puissance*, i:elui qui s^était montré 
ton ennemi , sinon de fait , an moins par sa volonté, 
et dont la vie étail désormais en tim pouvoir. Certes « 
tu fus envers Ini plus généreux et phis juste que ne 
Tavait été autrefois Cyrus (3i), envers son aïeni : 
tu conservas leur dignité, à tous ceux qui avaient 
épousé la querelle de ton rival , et loin de rien dter 
Il aucmi dVux, tu en comblas plusieurs de [nrésens; 



( «83 ) 
et ce qai ëtonsa plus epcore, c^est quW ne le vil ni 
plus soucieux , arant cet ëveDement décisif, ni phnê 
exakë après tim triomphe. 

Mai» eomment nos éloges seraient-ib dignes du 
personnage ^ qne nons proelainons à la fois comme 
orateur, comme général, comme etcelknt prince, 
et comme gaerrieF généreux. Car, en effaçant Vd/tt- 
ciense ligne de ^Mn^caiion entre la iribime (82) j 
aux harangues , «t le prétoire , siège de la justice mi-« 
litaire, tu as Touhi figurer avec un égal avantage, 
dans Tmie et dans Tautre carrière , où tu te montras 
rémole d'Ulysse ^ de Nestor , et surtout de ces géné^ 
raux romains, destructeurs de Carthage, qui, du 
but de la Uvbune , étaient plus formidables à ceux 
dont ils avaient éfirùavé Tinjustice, qu'à renneroi 
en bataille rangée» Vovr moi , en rendant hommage 
à Péloquence de Démosthène , et à celle de son rival , 
je n'oserais comparer le mérite de ta harangue , avee 
le talent qu'ils déployèrent sur un théâtre bien dif- 
férent. 

£n effets cenx-ci n'avaient point à parler i une 
multitude année, ni sur désintérêts aussi graves. Il 
s'agissait le plus «ordinairement de quelques causes 
pécuniaires , de dignités ou d'honneurs , pour les* 
quels Us plaidaient en faveur de leurs amis; et ce- 
pendant il me semble les voir plus, d'une fois des- 
cendre de la tribune, pâles et tremblant à la vue 



( ,86 ) 

â^ane populace soulevée, ainsi que des che& timides 
s'effrayent en présence de Tennemi. Je ne crois pas 
qu'on puisse citer jamais l'exemple que ta donnas 
alors, de conquérir tant de nations par la seule in- 
fluence de la parole dans un tribunal de justice ml- 
litaii^e , et devant un rival , qui , au dire de plusieurs , 
loin d'être méprisable , s'était signalé dans un gr^nd 
nombre de combats, dont la vieille^^e semblait avoir 
mûri l'expiérience , et qui depuis loûg-tems comman- 
dait ses troupes aguerries. Quelle fut donc la véhé- 
mence de ton discours , et comment la persuasion as- 
sise sur tes lèvres, fut-elle assez puissante pour at- 
teindre , de ses traits , le cœur de tant d'hommes di- 
vers , et pour t'assurer une victoire pure et sans ta- 
che, bien préférable à celles qu'on remporte parla 
force des armes. On eut dit que c'était l'œuvre mish 
ble*jde quelque pontife envoyé de dieu, plutôt cpe 
d'un empereur au milieu des camps. 

Les Perses- nous retracent avec orgueil , une bien 
faible image de faits , à comparer à ceux que je viens 
de citer , lorsqu'ils nous disent que les enfans de 
Darius , après la mort de leur père (33) , se disputant 
le trône» jugèrent leur différend par arbitrage en- 
tr'eux , et non par la voie des armes : mais sur ce 
point, il n'exista jamais , entre tes frères et toi, au- 

* 27/y^iï , point mathématique sans étendue. 



( iSy ) 

tun démi^lé , et tu préféras francliemeilt de pailager 
avec eux les soins de l'empire , h la gloire d'en être 
le seallnaître. Qaant au yieillard, à qui Ton ne pou* 
vait rien reprocher d'impie ni de criminel, sinon 
d'avoir trahi la fidélité qu'il te devait , tu n'employas 
contre lui que les preuves accablantes, qui le convain- 
quirent de sa perfidie. "" 

A cette séance mémorable succéda ta bnllante ex* 
pédition, c'est-à-dire la guerre que j'appelle sa- 
crée , non à cause de la sainteté du lieu, comme le 
fut jadis celle de la Phocide, mais parce que tu l'en- 
trepris pour la défense des lois, de l'ordre public, 
pour venger la mort de plusieurs milliers de citoyens , 
que le tyran (Magnence) avait égorgés, et pour sauver 
enfin ceux, qu'il menaçait d'immoler, oii de réduire 
en sa puissance , comme s'il eut appréhendé de ne pas- 
ser dans l'esprit de ses concitoyens , que pour un sujet 
dangereux, et non pour un homme naturellement bar- 
bare. Tu t'occupas moins des attentats qu'il avait com- 
rajsenvers ta famille , quoiqu'ilsfussent aussi énormes 
que ceux dont il s'était rendu coupable envers Ic'pu- 
blic ; tant les intérêts communs de l'état te furent 
toujours plus cbers que ceux des particuliers, 

Fant-il que je rappelle tous ses crimes , contre la 
chose publique , et contre les individus de condition 
privée. Il fut l'assassin du monarque son maître. 
Qu'ctait-il dans son origine, le vil esclave des aïeux 



( i88.) 
de celuî-cî, et le misérable reste d^an sang; germmn 
réduit en servitude? Gep^adanl il voulut nous com* 
mander, lui qui n'eut pas même été Ulwe, sll n eiit 
obtenu de nous cette faveur; lui qui priva de la vie 
ou de la liberté, les principaux officiers de sa propre 
année ; lui qm , pour captiver honteusement les suf- 
frages et Tadulation de la multitude , corrompit le 
bon ordre et la discipline. £h ! quelles sages lois pro- 
clama-t-il? Celle à chaque citoyen de payer ©a con- 
tributions la moitié de son revenu , sons peioe de 
mort contre tout réfractûre , cdle de permettre aui 
esclaves de se porter pour délateurs de leurs maîtres; 
celle enfin , intimée à des sujets qui y répistgnaient le 
plus , et qui en avaient moins de besoin ^ d'acheter à 
Tenchère les domines des princes of^riméa. Le itm 
et la parole me manqueraient à la fois , s'il me fal^ 
lait «lumérer tous les excès de sa tyraxmie : eh! qui 
suffirait en outre à dresser un tableau fidèle des im* 
menses prépai*atifs qu'il avait simulés de faire coq* 
tre les barbares, mais qu'il dirigea contre ^oos? 

Les Celtes et les Gaulois , nations réputées ia"* 
domptables par nos ancêtres, et autrefois répandues, 
comme un torrent, en Italie, en lUyrie, et jusqu'en 
Asie , où tout ploya sous leurs armes victorieuses, 
avaient enfin subi le joug des Romains , étaient en* 
très dans leur inilioe , payaient au trésor public dea 
empereuni qui t'ont précédé , des impôts conaidé*' 



( «89 ) 
rables ; mais enfio , après avoir )otti cle$ avantages 
d^une longue paix , qui avait-accm lear popolatton et 
leurs richesses, après avoir fourni à les frères dVx- 
cellens soldats, elles avaient été entraînées, malgré 
elles , dans te parti da tyran. A leur snite, et à titre 
de commnne origine, marchèrent spontanément , en 
qaaKté d'aliiés, les Francs et les Salons, nations 
belliqueases , qui vivaient au-delà du Rhin , et pi^s 
des bords de TOcéan occidental. 

Tontes l€S cités et les fortei*esses en deçà du 
Rhin, dépourvues de gai*nisons, étaient ouvertes 
aux barbares ; et cependant on dirigeait contre nous 
des forces formidables. Chaque ville de la Gaule 
iTssemblait à un camp formé pour soutenir une 
longue guerre; partout on s^occupait du rassemble- 
ment des armes , de Téqnipenwnt des cavaliers , des 
fantassins , des archers , et des lanciers. Les alliés du 
tyran, accourant de toutes parts en Italie, pour se 
joindre aui solcbis, qu41 y avait levés d^ancienne 
date, chacun pressentit Torage qui allait éclater, et 
dont rapproche glaçait de terreur les plus hardis* 
On crût qae la trombe allait partir du haut des 
Alpes, avec une rapidité inexprimable , dont rien ne 
pourrait arrêter les funestes eflfets : elle fit trembler 
leslllyrtens, les Pannoniens, les Thracès et les Scy- 
thes. Les peuples de T Asie s'attendirent à la voir 
fondre sur eux ; et les Perses, eux*mémes, se pré- 



. ( I90 ) 

parèrent à défendre les limites de leur territoire, 
contre Finvasion du tyran. 

Celui-ci, comptant pour rien sa fortune actuelle, 
et se flattant de triompher aisément de ta puissance, 
et de ton habileté, n'aspirait à rien moins, qu'a la 
possession des richesses de l'Inde et des objets pré- 
cieux de la Perse. Son extravagante audace s'accrut 
encore par un léger succès dû au hasard, qui fit 
tomber et périr dans une ambuscadede ses troupes^ 
quelques-uns de nos avants-postes; tant la prospé- 
rité non méritée est ordinairement, pour les insen^ 
ses, le prélude des plus grands malheurs. Enflé de 
ce modique avantage, l'imprudent abandonna les 
places fortes qui couvraient l'Italie, et s'avança 
sans précaution dans la Pannonie et la borique, 
s'imaginant avoir plus besoin de célérité . que d'ar- 
mes et de talent militaire. 

A cette nouvelle, tu fis retirer ton armée des 
défilés qu'elle occupait. L'ennemi prenant ce mou- 
vement pour une fuite , et ne se doutant point de ton 
stratagème, se mit à te pom'suivre jusqu'à ce que 
vous vous fussiez tous deux arrêtés dans une vaste i 
plaine ; c'était dans les champs voisins de Murse (34)' | 
De chaque côté fut rangée convenablement la cavale- i 
rie; l'infanterie occupait le centre. Tu avais, ô empe- 
reur, le fleuve (leDrave) à ta droite.Par ton aile 
gauche , tu enfonças les bataillons ennemis , formés 



( »90 
irrégulièrement par un homme sans capacité, soit, 
dans la tactique des combats, soit dans le comman- 
dement d'une armée. Alors ce chef, qui, avant d'en 
venir aux mains, croyait te poursuivre, se mit en 
pleine retraite, effrayé du bruit des armes et dé- 
concerté par les cris de guerre de nos soldats victo- 
rieux. 

Cependant ses troupes , après quelques momens 
de desordre , s'étant réunies par pelotons , commen- 
cèrent de nouveau le combat, rougissant de fuir, et 
craignant qu'on ne dît d'eux , ce que , à leur sens , 
aucun mortel ne croirait qu'un Celte, ou quW soldat 
de la Gaule eût jamais tourné le dos à son ennemi. 
Ces barbares , en effet , désespérant de leur retour 
s'ils étaient vaincus, ne virent d'antre parti que ce- 
lui de vaincre ou de mourir , en faisant à leurs ri- 
vaux le plus de mal possible. Telle fut l'audace des 
satellites du tyran et leur obstination à surmonter 
tous les obstacles. 

De notre côté, les défenseurs de l'empire, en- 
couragés par l'amour de leur propre gloire , par la 
présence de l'empereur, par le souvenir de leurs 
anciens exploits, à peine croyables, et qu'ils am- 
bitionnaient de couronner dignement, ne con- 
nurent plus de danger, et ne mirent aucune borne 
à leurs efforts; mais les ennemis combattaient 
encore avec le même courage, et la même ar- 



( «9^ ) 
âeur , i]ae si Tactioa n'eut Tait que àe commeiicei't 
I^s UD8 se précipîlaient sur nous, Tëpée nue à la 
main. Les autres se saisissaient des boucliers de nos 
soldats; d'autres, sautant de leurs chevaux blesses, 
prenaient place dans les rangs des légionnaires à 
pied. P^ toutes ces tnanœuvres^ les barbares auxi- 
laires du tyran , accablaient notre infanterie ; et le 
succès demeura douteux , jusqu'au moment où nos 
cuirassiers, et les plus intrépides de notre cavalerie, 
ceux-là en décochaiït des traits, ceux-ci, en pou^ 
sant leurs chevaux, étendirent sur la place un grand 
nombre de leurs adversaires , et forcèrent les autres 
à une déroute complète. Une faible partie des fuyards 
se sauva dans les plaines, à la faveur de la nuit, et 
ia plupart, pourchassés comme des troupeaux de 
bœufe, furent jetés dans les eaux du ileuve. Tel fut 
le sort que la lâcheté du tyran , fit subir à ^on ar- 
mée, sans que la valeur de celle-^ci , servît en riea 
à;sacause. 

Après cette victoire^ tu érigeas, sur les mêmes 
lieux , xm trophée plus illustre que ne l'^avait été 
celui de ton père (35). £n effets ce dernier, à la tête . 
des légions regardées comme invincibles , triompha 
aisément d'un vieillard malheureux. Tandis qu'à 
l^aide des troupes que tu avais formées et instruites 
toi-^méme, tu as titrasse un tyran, non moins re- i 
^ontable par b vigueur de l'âge, qute pai' les maux 



( 193 ) 
qu'il causait : car, quel empereur, avant toi , inventa 
ou imita le genre de cavalerie, etTespèce d^ armure 
que tu sus organiser* Certes, tu es le premier (36j , 
qui , par Fexercice et Tapplication , ait appris aux 
autres Tusage de nouvelles armes inattaquables , tu 
creâs et tu mis à ta disposition une multitude infi- 
nie de cavaliers immobiles sur leurs chevaux , 
comme autant de statues, les membres couverts d^un 
ajustement bien proportionné aux formes humaines > 
depuis le poignet , jusqu^aux coudes , et du coude 
aux épaules, la poitrine et le dos garantis par une 
cuirasse de mailles serrées ensemble, la tête et le 
îisâge défendus par un masque de fer, qui leur 
donnait la figure et le poli des simulacres , enfin les 
jambes , les cuisses, et les pieds garnis du même mé- 
tal; le tout artistement joint avec la cuirasse: un 
lissu de très-petites agraffes ou d^anneaux , ne lais- 
sait à nud aucune partie du corps; en sorte, pourtant, 
^ue ce tissu, qui embrassait aussi les mains, per- 
mettait la libre inflexion des doigts. 

Quelque soin que j'aie apporté dans la descrip- 
tion de semblables objets, je ne doute point que 
l'inspection et la vue de ces armes n'en aprennent 
davantage que mon récit. Maintenant, ajtrès Fex- 
^sé que je viens de faire de cette première expédi- 
tion , qui eut lieu vers la fin de l'automne , serait- 
1 à propos de termineîr mon discours ? et mes au- 
I. i3 



dlteui^sii'èii sont-ils pas plusavidésd' entendis quelle 
fut rissae de ces grands ëve'n^mens ? 

L'hiver étant stittenn, laissa danc au tyran la 
facilité d'échapper pour le moînént à son siqipllce, 
A cette même époque, des prôcUmations dignes de 
ta générosité impéfiale , assurèrent l'iamnis^îe à tous 
ceux qui Tavaient suivi , à l'elcceptiôû des complices 
de ses meurtres odieux. Ainsi, tous les autres recou- , 
Yrèrent leurs maisons , leurs richesses et leur patrie, 
eux qui avaient perdu Tespéiance de revoir jamais 
ce qu'ils avaient de plus cher au monde* Sur ces en- , 
trefailes, tu accueillis une flotte, venant dltalie, et 
transportant une foule de citoyens, que la cruauté des 
tyrans en avait fait émîgrer. 

Des que la saison permit de recommencer lesopéra- 
tîons militaires, tu t'attachasdenouveâuàlapoursuîlc 
du tyran, qui avait mis entre lui et toi les barrières es- 
carpées de l'Italie , et ses hautes montagnes; où, 
semblable à mie bête fauve, il tint d'abord ses 
troupes cachées, sans oser se montrtr dans la plaine : 
s'étant ensuite emparé d'une ville voisine *, opulente 
et agréable, il y passait son lems au sein des Volup- 
tés et des réunions délicieuses , se croyant suffisam*^ 
ment défendu par les défilés montueux. Porté na- 
turellement à la débauche , il oubliait le danger au 

•• • • 

* Aquilée. 



( «95) 
milieu des plaisirs de tout |^nre. Pour le moment , 
sartottt, il lui semblait avoir bien poui*vu à sa sâ-^ 
rêté; en ce que Tltalie entière lenvironnait de la 
chaîne de ses montagnes, excepte vers le milieu, 
occupe par une mer limoneuse, oti par des lagunes, 
assez sétnblables aux marais égyptiens , et par 
conséquctot inaccessibles aux troupes et aux vais- 
seaux de guerre; mais la nature elle -^ même n'es|^ 
d'aucun secours Aux efféminés et aiix lâches, contre 
le courage et la tempérinacé : tWe diit céder à la 
force et à la sagesse d'un homme , cpiî avait trouvé 
! Tart de faire, en tant d'occasions, ce qu'on avait 
jugé impraticable jusqu'alors, et ce qui n'était pos- 
sible, en effet, qu'à un prince sage et tempérant 
comme ttl l'es. Or, puisque tes actions, ô grand 
empereur, sont autant d'exemples de ces vertus, il est 
juste que tu en reçoives ici l'éloge. 

Tu vins donc camper en plein air, quoiqu'asse^ 

; près d'une ville beaucoup plus commode : pour y 

; arriver, tu avais ouvert une route inconnue, non 

I seulement en faisant travailla tes soldats, mais en 

paitageant, avec eux, le danger et les fatigues d'un 

el travail. De là , tu envoyas à la rencontre de l'en- 

lemi , l'élite de tes troupes; et dès qu'elles l'eurent 

ejoîut , lu fondis sur lui avec toute ton armée. Ta 

Hctoire fut complette ; le combat s'était livré avant 

aurore ; la nouvelle n'en parvint que vers le milieu 

i3 



(^96) 
du jour ) ati tyran , occupé pour lors de fêtes et de 
jeux équestres, dausle cirque, et s^atlendant peu à 
ses désastres. De dire quelle révolution se fit en lui, 
ce qu^îl pensa de Tétat de ses affaires ; comment il 
abandonna , dans sa fuite , et là ville et toute ritalie, 
désormais purgée des massacres et des mjustices 
qu^il y avait commis, c^t&t ce que, pour Tinstanl, 
^ me dispenserai de raconter. On présume assez 
que , durant le court relâche dont il jouit, il ne de- 
vint pas meilleur, quoi qu il simulât le contraire; 
tant il est vrai que cet homme ne put trouver le 
moyen dVxpier la méchanceté de son âme scélérate, 
qu^en prêtant » à la vengeance divine, ^t ministère 
de son propre corps. 

En effet, ce nouveau prince, aussi débonnaire que 
légitime *, s'étant retiré chez les Gaulois, devint , 
en peu de tems , plus féroce qu^il ne Pavait jamais 
été, au point de chercher à adoucir, par le specta- 
cle des nouvelles victimes qu'il immolait , le regret 
de n'avoir pas épuisé , sur les premières, tous les 
genres de cruautés ; car on le vit lier et faire traî^ 
ner à des chars dont il pressait lui-même la course] 
des hommes vivans, repaître ses yeux de la sot 
france de ces malheureux, et assister à d'autr 
supplices de son invention , jusqu'à ce qu'enfin iî 



* Expressions ironiques. 



( ^97 ) 
Ytiàs terrasse^ pour la tioisième fob, selon la règle 
des combats olympiques , et forcé à expier tous 
ses crimes, en se perçant lui-même la. poitrine du 
glaive, quMl avait rougi du ^ang de tuit de ci- 
toyens. 

Non , je ne crains pas de dire que jamais victoire 
ne fut plus belle ni plus juste que la tienne ; qu^au*^ 
cune surtout ne fut plus applaudie de Tunivers en» 
lier, qui respira enfin de ses longues et dures cala- 
mités , qui recouvra bientôt, sous le règne des lois, 
le bonheur dont nous jouissons maintenant. Hé ! 
fasse la céleste providence , que nous en jouissions 
pendant longues années ! 

Mais puisque mes efforts pour faire ressortir tous 
tes exploits , sont loin de répondre à mes désirs ; 
pardonne-moi, grand empei-eur, si je ne m'étends 
point sur les flottes nombreuses que tu avais prépa- 
rées en Egypte , et que tu envoyas à Caiihage , ni 
sur celles que tu avais tirées d'Italie , et que tu y 
dirigeas de nouveau pour assurer sa défense, «le ne 
dirai pomt comment tu fis occuJ)er les Monts-Pyré- 
nées, par des troupes , que tu avais transportées sur 
des vaisseaux , ni quels nouveaux avantages tu viens 
d'obtenir sur les barbares, ni quels faits plus an- 
ciens peut-être ]e pourrais rappeler, et que beau- 
coup de personnes ignorent ^encore. Car j'entends 
répéter souvent que la ville d'Antiochu& s'honore 
de ton nom (Sy): elle tenait il est yi*'4Î, le sien, 



( 19» ) 

an monarque qui Tavait fondéf ; mais elle est an 
jourd'hui riche de tes bienfaits; elle est devenue 
commerçante , dcpnîs que tu lui as donne des porU 
surs et commodes , tandis qu'auparavant les naTÎres 
n'en pouvaient pas même approcher sans péril , lani 
les rivages de cette mer étaient remplis d'écuells el' 
de rochers. 'Maintenant on compterait à peine lej 
portiques , les fontaines et les autres monumens qni 
les préfets de pette ville y ont construits par tes or- 
dres. Qui pourrait dire en outre , tout ce que 
munificence a pu ajouter d^omemens îi la ville * à 
ton père ? Tu as fait régner autour d'elle un mui 
qui était à peine commencé, tu as assm^ poortoui 
les siècles , la stabilité de ses édifices, cpiî menaçalei 
de leurs ruines. Le tcra3 ne me suffirait plus, s' 
me fallait embrasser chacune de tes actions. 

J'aborde enfin le point principalement énoncée 
commencement de ma harangue , et je vais prouv 
que chez loi la vertu seule et l'intention la plus droite, 
présidèrent aux grandes actions dont je t'ai loué. Je 
prie donc ici mes auditeurs d'avoir présent à TespHl 
ce que j'ai dît plus haut, du respect et de Taniour 
filial que tu portas à l'auteur de tes jours , et de 1 b- 
nioH que tu sus conserver avec tes frères ; en sorle 
que tu demeuras constamment soumis aux volontés 
de l'un , et que tu partageas modestement l'empire 

^ Constantînople. 



( ^99 ) 
avec les autres. Si qoelqvi^un juge que de telles ac- 
tions ne partent point d'un fond de vertu, je lui per- 
mets , avant de t^accorder son suffrage , d'examiner 
quelle fut la conduite d'Alexandre , fils de Philippe, 
et de Cyrus , fils de Cainbyse. Car le premier , tout 
jeune qu'il était encore , fit assez voir qu'il support 
tait avec impatience , le commandement de son père. 
Le second dépouilla du rojamaie son propre aïeul. 
*0r, qu€l homme sensé ne verra pas que toi , l'égal 
<le ces deux monarques, en grandeur d'âme et en 
noble ambition , tu Femportes sur eut par ta sou* 
mission envers ton père , et par ta modération en- 
vers tes frères. 

Mais lorsque le tems fut arrivé , de reunir l'em- 
pire sous un seul et même rfief ^ , tu ^us le pre- 
mier à entreprendre cette mesure , contre l'avis de 
plusieurs qui voulaient t'en dissuader ; et, après avoir 
affermi ta domination et la sûreté de l'état, par im 
coup imposant , tu réàolus d'écarter le joug qui pe- 
sait encore sur plusieurs provinces romaines. Jamais 
gaén*e n^eut un motif plus légitime que le tien, ce- 
lui de défendre l'empire, contre ses plus cruels cn- 
uemis. Car 09 ne peutcpialifier de guerre civile , celle 
allamée par un barbare , qui s'était aiTogé Le titre 
d'empereur , et qui en avaitusurpé le commandement . 
* / ■ • , ' • — ^ 

* Après la mort de Constantin et de Constant, Cons-? 
tance refusa de partager l'autorité avec aucun tyran. 



( 200 ) 

. Il me serait pénible de reproduire ici les «rimes de 
ce tyran, et ses attentats contreton angoste famille. 
Mais puis-je dissimuler le courage dont tu t'aimas, 
et dont on chercherait envain ailleurs le modèle! Car, 
en prenant sur toi la chance des ëvénemens , tu ne 
pouvais t'en promettre, ni aucun avantage pécu- 
niaire, ni Tespérance d'immortaliser .ton nom, 
(genre de gloire auquel les grands hommes n^hési- i 
tent point à sacrifier les richesses et la vie mème),'i 
ni enfin Tambition d^accroître , ou d^illusti*er ton i 
empire; rien «de tout cela, dis-je , ne pouvait entrer 
dans tes vues, encore moins cadrer avec le caractère 
que tu avais déployé dans ta jeunesse. 

li^am'Qur du bien publie fut donc Tunique mo- 
bile de tes actions; il dut te porter à tout souf&ii*, 
plutôt que de voir un barbare oommandei* aux Ro* i 
mains ^ leur dicter des lois, administrer leurs af- i 
faires publiques, former des vœux pour leur sahit , 
commun (38) , et dans ce barbare , un homme souillé , 
de crimes et de meurtres abominables. Mats qui ne , 
s'étonnera de la célérité que tu mis dans tes prépa- 
ratifs, et de rimmensité des frais que te coûta cette : 
expédition. Nous lisons dans l'histoire que ce Xercès, , 
qui souleva toute l'Asie contre les Grecs , n'employa , 
pas moins de dix années à préparer l'invasion qu'il | 
méditait ; nous savons qu'il tira à peine douze cents 
navires des mêmes contpées, je pense, qui l'ont 
ourni , en moins de dix mois , une flotte beaucoup 



( 201 ) 

plus nombreuse que la sienne. Du reste, ni sa for- 
tune , ni ses exploits , ne sont à comparer aux tiens. 

Je ne réussirais pas mieux à tracer une esquissé 
des dépenses auxquelles ta libéralité t^entraîna dans 
mille occasions d^un autre genre ; et peut être même 
le recensement de toutes les villes , dont tu réparas 
les pertes, deviendrait-il ici fastidieux? toutes, en 
effet , sont devenues riches de tes bienfaits , elles , 
qui auparavant manquaient des choses les plus né- 
cessaires à la vie; et chaque famille fête aujourd'hui 
Fabondance qu'elle partage avec les villes. 

Il serait également juste d'appi;écier ce^tte bien- 
faisance, envers les particuliers, qui te mérita le 
nonj de prince libéral et magnifique ; et qui s'éten- 
dit sur la plu|>art des familles spoliées de leurs 
biens, soit par autorité de justice, soit arbiti'aire- 
ment, et au mépris de toutes les lois. £h effet , dès 
que tu fiis devenu seul maître de l'empire, les u^s, 
trouvèrent en toi un juge indulgent, qui, après 
avoir revu leur procès , les renvoya en possession de 
leur fortune; les autres, un arbitre équitable, qui 
les croyant assez punis par de longs malheurs, leur 
rendit leurs anciennes propriétés. Si , enfin , je 
porte mes regards sur tant d'autres de tes sujets, 
enrichis de tes libéralités , et du produit de tes pro- 
pres épargnes ; ne m'accusera-t-on pas de chercher 
à épuiser jusqu'aux moindres détails? 

Tout lé monde sait , que jamais monarque ne fut 



( 202 ) 

plus prodigue envers ses amîs, qu'Alexandre, le fils 
de Philippe. Maïs , combien d'autres , à qui les ri- 
chesses de leurs amis portèrent plus d'ombrage que 
la puissance de leurs ennemis? combien d'autres, 
redoutant l'influence des grands de l'e'tat , s'atta- 
chèrent à couvrir d'opprobre les nobles, et à en 
exterminer des familles entières, mesure odieuse, 
qui couvrait les villes de deuil , et qui les précipi- 
tait, eux-mêmes, dans les plus horribles excès. On 
en vit quelques uns assez peu délicats pour <*nvîer 
les bonnes qualités du corps; la santé, ta beauté, 
la force et l'embonpoint, ou, pour ne pouvoir souf- 
frir qu'on leur parlât de la vertu d'un de leurs su- 
jets ; comme si le crime de paraître vertueux , eut 
été, à leurs yeux, un crime égal h ceux d'homicide, 
de vol et de trahison. De tels travers , sans doute , 
purent s^ rencontrer, moins dans un prince légi- 
time, que dans quelques farouches et vils tyrans. 
Rarement des rois sensés ou quelques princes , d'ail- 
leurs bons et démens , ont eu la faiblesse d*esprll 
de voir, d'un mauvais oeil, la prospérité de leurs 
amîs , de chercher à diminuer leur crédit , ou à les 
priver de la récompense due à leurs mérites; mais 
qui pourrait jamais te reprocher de semblables écarts? 
On raconte , par exemple, qu'un Persan , nomme 
Ochus*, fut fort maltraité par le roi, son beau- 

* Cet Ochus était le gendre, ou du moins le proche 



( 2o3 ) 

pèit, jaloux des honneurs que le public fai- 
sait au gendre ; et que le roi AgesiWfil payer cher 
ï Ljsaudre, Thonorable faveur que celui-ci avait 
reçue des lonie^. Combien de tels princes furent 
loin de t^égaler en vertu , toi qui assuras aux riches , 
leur fortune, aussi solidement qu^un père Teut fait 
à ses propres fiLs ! toi qui pourvus à Texistence^des 
familles nobles , avec tous les soins qu'y ont appor- 
tés le législateur ou le fondateur d'une vaste cité^ 
loi qui ajoutas, à leurs richesses premières, des lar- 
gesses au-dessus de la munificence des rois ; toi , 
enfin, qui sus imprimer à tes dons, un caractère 
de stabilité, que n'ont point les présens faits par le. 
peuple : précaution sage, à» mon avis. Car, des 
hommes qui se sentent dépourvus de biens, portent 
soavent envie à ceux (^ui en possèdent beaucoup; 
tandis que celui qui joint, à une fortune , à laquelle 
peu de personnes peuvent prétendre , le rang que 
leur donne la vertu, préférable à tout l'or du monde, 
n'a plus rien à envier à qui que ce soit. 

C'est donc*, par la conscience , que tu as dettes 
propres vertus, que tu te réjouis de la prospérité, 
de la bonne conduite et de la gloire de tes sujets. 

. parent du roi Oclms, Car le mot grec se rend égale- 
ment, par les mots latins gîP/z^r, cognafus ^ propingus^ etc., 
selon la remarque de Spanheim. 



( 204 ) 

CVsl pour cela que tu as déjà comblé dliouBeurs 
plusieurs d'entre eux , que tu a^ résolu J*en confé- 
rer à beaucoup d'autres , ou que tu te réiserves Toc- 
casion de le faire. Ce n'était pas même assez pour 
toi , d'avoir donné à tes amis la préfecture d'une 
ville , d'une ou de plusieurs provinces ; tu crus ne 
pouvoir couronner dignement tes grandes actions , 
qu'en appelant quelques-uns d'eux , à partager un 
empire , qui t'avait coûté tant de peines , employées 
à éteindre la race des tyrans ; tant il est notoire , en 
effet , qu'une telle mesure te fut moins dictée par la 
nécessité , que par le plaisir que tu éprouvas à éten- 
dre tes bienfaits ; car tu ne cboisis pas un collègue 
pour combattre les tyrans ; tu voulus , au contraire » ^ 
associer à ta dignité, celui qui n'avait point par- i 
tagé tes périls; puisque tout danger avait alors 
cessé. Tu n'accompagnas enfin , son titre d'aucune 
charge , autre que celle de te suivre , peut-être , dans 
une courte expédition. Faudrait-il ici des témoins 
ou des preuves de ce que j'avance, l'assftnblée les 
trouve en ma personne * ; et puisque c'est nioi- 
mèmè qui prononce cette harangue^ toute autre ' 
explication devient superflue. 

Je me hâte maintenant de rassembler quelques 



* Julien évite ici, pour cause, de parler du césar 
Galîus, son frère. 



( 2o5 ) 
traits de la prudence, de la tempërance et des autres 
vertus, qui te méritèrent Tattachèment de tes sujets. 
Qui peut ignorer, en effet, que, dès ton enfance , tu 
poussas Texercice de ces rares vertus plus loin, 
qu'aucun ne le fit avant toi? Ton auguste père ne 
t'en rendit-il pas le plus éclatant témoignage , en 
te confiant les rênes de l'empire (Sg) quoique tu ne 
fusses alors ni le seul , ni le plus âgé de sts fils, et en 
l'associant, en out^e , avec tes autres frères, dans le 
gouvernement des affaires? Parvenu à l'âge viril, tu 
continuas de marcher dans la même ligne de devoirs, 
et nous te voyons encore te comporter envers le 
peuple et les magistrats, comme le citoyen le plus 
soumis aux lois , et non comme un prince , qui se 
croirait au-dessus de laioi. Te vît-on , enfin, t'énor- 
gueiîlîr de ta bonne fortuue, ou tirer vanité de tes 
nombreux et rapides exploits ? 

Nous lisons qu'Alexandre, fils de Philippe, après 
avoir renversé l'empire des Perses, non-seulement 
devint insupportable par son luxe et par son an'o-»», 
gance, mais qu'au mépris de celui qui lui donna le 
jour , et même de toute la nature humaine , il voulut 
se faire passer pour le fils, non de Philippe, mais 
de Jupiter Âmmon ; et qu'il traita plus ignominieu- 
sement que ses captifs, ceux de ses compagnons 
d'armes qui répugnèrent à se prêter à une aussi basse 
adulation. A ce portrait , pourquoi n'opposerions- 



( !206 ) 

nous pas le i*çspect que tu montras pour ton père ) 
et la véne'ration que tu lui portes encore, non-seu- i 
lement en particulier, maïs dans toutes les assem- 
blées publiques , où tu aimes à le proclamer comme 
un héros vertueux, et s'il faut parler des amis, les ! 
tiens joignent à ces titres , la réalité de tes bienfaits. ! 
Car , en est-il un seul qui ait à se plaindre de quel- ^ 
que traitement ignominieux, de quelqu'amende pé- 1 
caniaire , de quelqu'insulte , ou même de quel- ■' 
qu'acte de mépris de ta part ? Certes , ils ne pour- 1 
raient citer rien de semblable : que dis-je , les uns « 
dans une extrême vieillesse , et n'attendant que \ 
l'heure fatale, ne cessèrent d'exercer leurs fonctions 
publiques, qu'en cessant de vivre , et transmirent à 
leurs enfàns , à leurs alliés , ou à leurs amis une im- j 
mense fortune. Les autres , après avoir blanchi dam *i 
les travaux de la guerre ♦ ont obtenu une mission ho- ' 
norable , où ils vivent désormais heureux et tran- 
jquilles. D'autres enfin, morts aujourd'hui , passaient ■ 
dans Tesprit des peuples , pour des hommes dont '. 
chacun eut envié le sort. Non , jamais celui que tu 
avais une fois qualifié d'ami, (fiit-il dans la suite ', 
convaincu de quelque forfaiture ) , n'en subit la peine j 
la plus légère; ta justice se borna strictement à lui 
retirer ta confiance, et à l'oublier pour toujours. 

Au nombre des excellentes qualités, qui firent de 
tout tems l'ornement de tes mœurs, je place cette 



( 207 ) 

mqdeslie par laquelle tu sus préserver ton âme âe& 
maludres souillures de ta voluptë , et te distinguer 
(le tous les empereurs qui te précédèrent , je dirais 
presque de tous les autres mortels, à peu d^excep^ 
ilons près; en sorte que ta continence doive, non- 
seulement servir de modèle aux hommes, mais ap 
prendre aux femmes , les devoirs de leur sexe envers 
le nôtre. Car l'empire que la loi exerce sur celles-ci, 
pom- empêcher la procréation d'enfans illégitimes, 
ta raison Texerce sur tes passions. Le tems me force 
d'omettre beaucoup d'autres faits de ce genre , qui 
seuls suffiraient à ton éloge. 

Je préfère de dire quelques mots de ta haute pru- 
dence ; et si mon discours peut difficilement donner 
une idée de la perfection que tu atteignis dans la pra- 
tique de cette vertu , je me persuade que les faits par- 
leront pour moi. Car on ne concevra jamais , qu'un 
empire aussi vaste que le tien , soit parvenu au degré 
de splendeur et de puissance où il est maintenant , 
si tu ûe l'avais gouverne avec une »prudenC€ égale à 
sa grandeur. Le bonheur sans pradence est une sorte 
de prodige. Cependant il arrive par fois que la for- 
tune nous procure une prospérité passagère. Maij} 
conserver sans prudence des biens une fois acquis , 
c'est la chose là moins possible de toutes. La raison 
en est évidente ; et si l'on en veut des preuves, noii^ 
en fournirons d'aussi nombreuses q[ue palpables. 



( 2o8 ) 

Car enfin le génie dans le conseil, ést^ selon mo!^ 
cette sagacité qai ifôos fait déconvrir le parti le plus 
sage à prendre , en consultant la nature des événe- 
mens. Un tel génie présida-t-il à tes actions dans les 
momens critiques de ta vie ? La question est simple 
et facile à résoudre. Ou^on se rappelle seulement, 
que , dès qu'il s'agit de cimenter l'union avec tes 
H'ères, tu fis volontiers le sacrifice de tes droits. 
Fallut-il ensuite pourvoir à la sûreté publique? Tu 
ne fus pas moins prompt à préparer la guerre ^ et tu 
rendis inutiles toutes les forces de la Perse, sans 
avoir eu à regretter la mort d^unseul de tes soldats. 
De-là , pour triompher des tyrans , tu commenças 
par les diviser; tu vins à bout de l'un , pat* la sape- 
riorîté de ton l'éloquence ; et son armée encore en- 
tière , te servit pour anéantir , plutôt par ta prudence 
que par la fp^ ce des armes , la puissance de l'autie , 
qui était devenu le fléau de l'empire. 

Mais ce que je voudrais principalement faire 
sentir à pies auditeurs , c'est la juste confiance dont 
tu fus constamment entouré , et qui dut garantir le 
succès de tes nobles entreprises. Tu savais en efiet I 
que la bienveillance des sujets est la meilleure sauve- 
garde des rois ; que de vouloir l'obtenir , en la com" 
mandant comme un tribut, serait ime prétention 
chimérique. Tu la conquis donc , en t'efforçant de 
bien mériter de tous , et d'imiter la bonté divine en- 



. ( 209 ) 

m$ les hommes ; tu sus modérct ta colère , ôter aa 
chàtîffltetil ce iJh'îI a d^odiemc , traiter atec îndtitgeYkce 
et modération tes ennemis , dans lems malheurs, où 
leurs défaites. Gesi pat de tcHes actions , é'est eh 
y attachant le plus haut prix, cW en faisant aui 
autres un devoir de lés imiter , que tu transportas , 
ponr ainsi dire , Rome dans la Pannonie , en assi- 
gnant cette province pour asyle aux sénateurs ro- 
mains, durspit Foccupation de TltaTie par le tyran ; 
et cette heureuse habitude te vaîut? ausSÎ Tempresse- 
menl tfes villes à te payer leur tribut. 

Eh ! <Juelle autre cause pourrions-nous assigner 
au dévodement des armées pour ta' personne ? Car 
la caralerie de tort rival s'était l'endue à toi , dès 
avant la bataille de Murse( contre Magtience). Les 
fantassins.de toute arme et les phis belles légions \în^ 
ftat également te rejoindre , dès que tu eus recouvré 
l'Italie. Mais ce qui se passa dans la Gaule , après 
la fin déplorable du tyran , prouve encore mieux jus- 
([u'à quel point les troupes te furent attachées. On 
les vit, en effet, ^'élancer, comme des loups furieux , 
pour mettre en pièces le téméraire (4o)' qui , dans 
un lieu écarté , s'était saisi d'un habillement de fem- 
me , pour se décorer de la pourpre. , 

Après un triomphe si complet, ce que je regarde 
en toi comme l'héroïsme de la vertu , c'est la clé- 
mence et la douceur avec laquelle tu traitas ceux qui 

I. H 



( 2IO ) 

n^étaieot pas convaincus d^avoir prîs part a la rébel- 
lion du tyran y quoique les délateurs, qui s^élevaient 
contre eux , t'invitassent à te défier de leur sou- 
mission apparente. Ta conduite , à cet égard , fut 
plus équitable , plus modérée, et , je pense aussi, 
beaucoup plus prudente. Quiconque en juge autre- 
ment , te connaît mal , et ses sentimens sontloin de 
ressembler aux tiens. Il te parut beaucoup plus juste 
d'épai-gnçr des hommes dont la défection n^étaitpas 
assez prouvée , et de ne point te refuser à toute 
transaction avec eux, toi qui attribuais à la bienveil- 
lance de tes sujets , ta grandeur actuelle , et le suc- 
.cès de toutes tes entreprises. Tu fis plus encore ; car 
tu ne permis pas qu'un fils en bas âge souf&ît ea. 
rien des crimes et du supplice de son misérable 
père. Ce dernier trait d'humanité fit taire tout res- 
sentiment , et mit en évidence la supériorité de te^ 
vertus. 



FIN Dï LA PREMIÈRE HARAIfGUE.^ 



' (2II) 

NOTES 

SUR LA PREMIÈRE HARANGUE DE JULIEN. 



(i) Tyrans domestiques, Julien entend parler ici des 
leux tyrans^ Yétranlon, connu sous la dénomination de 
Vieillard , et Maxence , odienx par ses cruautés. Il sera 
souvent question d'eux dans cette harangue et daus celle 
(|ui suit. 

(2) Réserve.Ced suppose que Julien prononça, ou qu'il 
levait prononcer sa harangue en présence de Tempèrent 
et d an auditoire aussi nombreux que distingué. Aussi , 
toit-on, dans la suite de ce discours , qu'il adresse cons- 
tamment la parole , tantôt à Constance , tantôt aux au- 
beurs. ( F. l'argument. ) 

; (3) Peu mérités. L'auteur fait ici allusion aux sophistes, 
^ez qui on tolérait l'abus de charger leurs portraits, et 
l'outrer leurs éloges. Mais une telle licence ne fut ja- 
luis permise aux orateurs de profession. Elle est réprou- 
lée par Aristote^ par Cicéron et par Quintilien, qui ont 
Dnné les plus beaux préceptes d'éloquence. Peut-être 
Issi Julien fait-il entendre ici , qu'il a dit, de Cons- 
ice , plus de bien qu'il n'aurait voulu en dire. 

4. 



C2I2) 

(4) Des leçons de morale. Ceci ne peut convenir qu'à 
Secrate, qui, le premier, tint éeele ée philosopUe 
morale. Julien se plait à citer , dans tous ses écrits , 
Socrate , PJaton et Arislote, dont il avait fait une étude 
particulière. 

(5) Du monde. On ne peut douter, que Julien n'ait 
voulu désigner Rome, quoiqu'il lui donne ici et ailleurs, 
des épithètes qu'on trouve également appliquées à Cons- 
tantinople, connue aussi sous le nom de Nout^elle Rome, 
Du reste , il appelle Rome , la mère de Constance , non 
que celui-ci y fut né, mais parce qu'il y fat élevé, et que 
sa propre mère Fausia^ fille de Maxîraien Hercule, était 
réellement née dans cette capitale du mûnde. 

(6) Sur le Bosphore. Constantinople était censée la 
patrie adoptive de Constance, parce que le père de 
celui-ci ( Constantin ) s'honorait du titre de fondateur 
de cette viiie, qui devint bientôt la seconde de Tempirârf 

(y) Digue épouse de ion grand-père maternel. Il s'ag 
de Théodora, seconde épouse de Constance Chlore 
fille d'Entropie. Cette Entropie fut aïeule de Constan 
tin, épouse de Maximilien Hercule, et la mère 
Maxence et de l'impératrice Fausta. Cette dernier 
épousa Constan^tin , et eut de lui Constance, depui 
empereur. Cependant Julien ne conteste point anx 111} 
riens le privilège d'avoir produit Constantin et Cons 
tance ; car raïeul de celui-ci (Constance Chlore ) 
Dioctétien et les deux empereurs (Maximien Hercule i 
Galère ) étaient d'origine illyrienne. 

Jules Constance , frère de Cooisfantin , et fils d 



(2i3) 

Constance Chlore , avait épousé en premières noces , 
Galla 9 de laquelle il ^ut le césar Gallus ; et en se- 
condes noces, Basiline ^ fille du préfet Julien ^ de )«i~ 
quelle il eut ,*Ie 6 novembre 33 1 , Flavius Claudiui 
Julianus, depuis empereur. On voit que la famille im- 
périale des (instance , issus de Claude II , avait été très- 
nombrense jusqu^au massacre , dont nous avons parlé 
dans notre vie de Julien ; et qu^ Constance ne voulut 
point empêcher , s'il ne l'ordonna pas. Le P. Petau ^ 
pag. 96 de ses notes , édition de Spanheim , compte 
sealemeiift parmi les oncles de Constance, par lui assas- 
sinés, Jides Constance et Delraace , que d'autres ap-- 
pelient Anniballien , tous deux frères de Constantin ; 
parmi les cousins germains ou issus , patnuks consobri- 
nos u , il en nomme deux , savoir : Delmace et Anni- 
kltien, tous deux fils du premier Delmace; ce qui 
porterait le nombre des yiclimes de la cruauté de Cons- 
tance, à quatre seulement ; car Népotien^ fils d'Eu« 
tropie ^ sœur de Constantin , ne fut tué que long-tems 
après, par Maxence. Cependant Julien dit formellement 
im sa lettre aux Athéniens > que Constance fit massa- 
crer six de ses parens , tant oncles que cousins. J'ai fait 
voir dans la vie de Julien , que , selon les historiens 2Ln- 
ciens, il y avait eu deux Anniballien «t deux Delmace; 
ce qui lève toute difficulté. On veVra en outre, par la 
I<^ttre au sénat et au peuple d'Athènes , que Constance 
fct l'assassin d'un frère aîné de Julien , autre que Gal- 
lus «<^A^i/]8 ift«f. Ce dernier fait n'est connu que par 
h lettre susdite. Nous y apprenons d'autres faits , à sa- 
voir que Gallus avait épousé en premières noces, Cons- 
lanlia, fille de Conâtaatin, et sœur de Constance , et en 
secondes noces , Constantine, veuye d' Anniballien. Ju-* 



( 2l4 ) 

lien nous apprend dans sa lettre aux Athéniens, i^que 
Galitts eut de ce mariage une fille ( Petau , pag. 97 ); 
2^. que la sœur de ce Gallus avait d'abord été mariée à ' 
Constance , deux faits , ajoute ce critique , qu'on ne 
trouve nulle part ailleurs. 

Galla,mère du césar Gallus, eut une fille que Cons- 
tance épousa avant Eusébie. ( Voyez notre cinquième 
note sur la lettre de reniperçur Julien au peuple d'A- 
thènes. ) 

(8) Claude^ II* empereur de ce nom ^ et surnoramélc 
Gothique , parce qu'il triompha des Celtes , autrement j 
Goths ou Scythes , dans une bataille célèbre , dans la- 1 
quelle il périt, si nous en croyons les deux historiens 
Victor ; quoique d'autres le supposent mort de maladie 
à Si^ium. Il avait été reconnu empereur dans les der- 
nières années du règne de Gallien. Il fut très-regretté, 
et mérita de l'être. De cet empereur Claude ^ ou plulit j 
de sa fille adoptive , naquit Constance Chlore, père de; 
Constantin (voy. Eutrope , lib. 9); car nous apprenons i 
de Trébellius Pollion , que Claude mourut sansenfdns;i 
mais que Constance Chlore dut le jour à Claudia , filial 
de Crispus, et épouse d'£utropius> noble dardanien.Orfi 
ce même Crispus était le propre frère de l'empeieo^ 
Claude. 

Julien a dit plus haut, que les oncles et lesprocte 
alliés de Constance furent tous empereurs , Btf«Ai7f. Ce 
mot s'entend de la dignité de cisaf^^ comme dé celle 
à' empereur ; il s'applique ici à Constance Chlore , » 
^axence , à Népotien , à Delmace , etc. 

(g) Ces aieuy. furent Maxîmien Hercule et Constanw 



(2l5) 

Chlore : le premier fat associé à Tempire par Diode- 
tien ; le second fat fait césar par le niéine , ainsi que 
Maximien Galère. 

(lo) Résolurent. Sp^nheim remarque, avec raison , 
une ce mariage n'eut lieu qu'après la mort du père; 
mais il n'en était pas moins résolu d'avance, et cela sufBb 
pour jttslifier le récit du panégyriste. 

(il) Bu tyran. Il ne peut être question que de Tçm- 
pereur Licinus; et si Julien lui donne ici Tépithète de 
tyran, c'est seulement parce qu'il fut cruel et abusa 
étrangement du pouvoir et de la dignité impériale. Au- 
trement, il avait été associé à l'empire, aussi légitime- 
ment que ses successeur». 

( 1 2) Dix ans. 11 conuneuça Tes constructions Fan 328,, 
et finit le gros des ouvrages en deux ans ; mais il cou- 
tinaa de rembellii: jusqu'à sa mort, arrivée dix ans après 
la fondation de cette nouvelle capitale. C'est ici le cas 
de remonter k l'origine de l'ancienne By tance. On lit 
dans l'anthologie grecque (1. VI)[, un distique en Thon- 
nevii àt Byiantâ et de sa femme 7%/ZaJ^,. fondateurs 
de l'antique Byzance , et dont les deux statues^ sorties 
du ciseau de Calliade , avaient été placées dans la basi- 
lique de la nbuvelle Bpance, bâtie par Constantin 
( Constantinople ). Ce monument atteste du moins To- 
rigine de la ville et le nom de son premier fondateur. 
Cependant je dois prévenir mes lecteurs , qu'Eustathe ,. 
évêque de Thessalonique , et auteur de commentaii:es 
estimés sur l'Iliade ^.prétend que Byzance fut jadis fondée 
par des Mégariens.' Si son opinion est vraie, ou si By- 



( 2'6 ) 

zanle et son épouse étaient de Mégare , il faudrait béas- 
coup rabattre dej'opîmq» désavantageuse,, que des 
auteurs anciens nous donnent de cette ville , où. la f hi- 
losopbie fut long-tems en honneur. 

( 1 2 ùk,) Boisseaux. Cf^tte éaorme distribution de grains 
prouve rinfécondité de VAttiq^e en plantes céréales; 
mais elle atteste en mênie teins, ipoin/s rcKtr^qi^ prodi- 
galité du prince, que l'importance qu'il attachait à rem- 
plir les devoirs que lui imposait sa charge de préleur 
d'Athènes, le soin surtout d'apprpvisionner la ville. Le 
medimne attique contenait six boisseaux romains. Ainsi, 
l'envoi de plusieurs myriades de medimnes en froment 
(n'eût-il été que de deux myriades àe medimm) aurait 
été de cent vingt mille boisseaux ou environ. Nous par- 
lerons souvent ailleurs et surtout dans les lettres de 
Julien , des mesures attiqiies et romaines, tant pour les 
solides, que pour les liquides^ 

(i 3) Parysatis^OvL voit par le texte de Julien, que cette 
Parysatîs dut être à la fois soeur, mère, épouse et fille i'ua 
roi des Perses, Xénophon dit à ce sujet : «< De Darius et 
de Parysatîs naquirent deux fils, Artaxerce Taîné et Cy- 
rus le cadet ». Plutarque nous apprend d'ailleurs que 
Darius et Parysatis eurent quatre fils , dont Artarxerccs 
fut l'aîné. Mais on sait en outre , par l'historien Ctésias, 
auteur contemporain, médecin d'Arlaxerce Mnénaonet 
de Parysatis , mère de ce prince , i.**. qu'Ochus ^ connu 
aussi sous le nom de Darius Nothus , était un des bâ- 
tards d'Artaxerce à la longue main ; 2**. que Parysatis. 
était ou soeur , ou fille de ce même Arlaxçrce ( mais 
d'une autre femme qu'Ochus ) , et que la même Parv- 



( 217 ) 
salis est aussi nommée mère d'Artaxerce Mnémon et 
k Cyrns ; 3**. > qa'Artaxerce à la longue maiit donna 
pour épouse à son fils bâtard Oehus, une femme nom- 
mée Parysatis. Voici le texte de cet afitenr grec : « Ochns 
jouit seul du royaume. Parmi les autres énfans d'Ar- 
taxerce à la longve main étaient Bagapëe et Parysatis , 
nées d'Andia, babylonienne. Cette Parysatis fut la mère 
d'Artaxercc Mnémon et de Cyrus. Le père de Cyrus 
rayait, de son virant, fait satrape dès Hircaniens, et 
lui avait donné pour femme sa soeur propre , tlle de 
Xcrcès ». 

La dernière phrase de ce texte souffre seule quelques 
difficultés. Car ces mots, sa propre sœur, peuvent s'en- 
tendre, ou de la propre sœur d'Ocbus , comme née d'un 
même père, et alors le nom de Xercèsest pris ici pour 
celui d'Artaxercès ( ce qui , en effet, aïrive souvent aux 
listoriens et à Ctésias même, parcp que les deux nbms 
étaient portés indifféremment) , ou bien cette Parysatis 
était fille de Xercès, père d'Artaxercès , et , par consé- 
quent , sœur de ce dernier. Dans ces deux suppositions , 
les expressions de Julien peuvent être justifiées. Au pre- 
mier cas, Parysatis était fille d'Artaxerce à la longue 
main , quoique d'une autre mère qu'Ochus , autrement 
Darius Notbus , sœur de père, et aussi épouse du même 
Ochus, empereur des Perses , et mère d'Artaxerce Mné- 
mon. Au second cas , Parysatis aurait été fille de Xercès , 
sœur d'Artaxerce à la longue main et mère d'Artaxerce 
Mnémon. Ce Mnémon eut pour successeur Ocbus second» 
l'un de ses fils légitimes , auquel succéda Darius Codo- 
nan, détrôné par Alexandre-Ie-Grand , ainsi que le 
rapporte Justin. Si nous en croyons ce dernier histo- 
rien, Ochus, fils d'Artaxerce , et prédécesseur immédiat 



( 2i8 y 

de Darius Codoinan, n'ëtait point bâtard. Ariaxercingi 
Persarum ex pelticibus , CXF filii fuert, sei très iantum \ 
JMsto mairimonio suscepti Darius^ Astaries etOchus, ( Jas- 
tino^B, lib. X.) « Artaxercès, m des Perses, eut de 
ses concubines cent quinze enfans ; mais il n'en eut 
que trois nés de mariage légitime ^ ^ savoir ^ Darius, i 
Astarte etOehus, » 

(.i4) ^'<^^ troisième. Julien parle ici de Maxence, 
dont la tyrannie éclata violemment dan^ la suite ^ mais 
dont Fusurpation avait d'abord été légitimée par le coa- 
seulement de Maximien Galère. Fausta était fille de Vem- 
pereur Maximien, femme du grand Constantin, et soeur 
de Maxence, 

(i5) Plusieurs empereurs. Constantin le jeune, Coos- 
tanœ et Constant. 

( 1 6) Un de ceux- ci. Cela ne peut s'appliquer à Cons- 
tantin le jeune , à peine enfaqj à cette époque. H s'agit 
donc de Crîspus, né de Minen^iiie^ autre épouse ou con- 
cubine de Constantin. Par conséquent, Fausta n'était 
que la belle-mère de Crispus. Celui-ci aida en effet son i 
père Constantin dans la guerre contre Licinias. 

(17) Un autre. Constantin le jeune sounut les Géies 
ou Gotjis , la même nation que d'autres auteurs, et Julien 
lui-même, d'accord avec les monumens^ appellent Suites 
et Celto-Scytbes. Le docte Spanheim prouve aussi parles 
témoignages de Spartien , de Procope , de Philostorge^ 
que les Golhs ou Gétes sont presque toujours les noms 
synonymes des Scytbes ou Celto-Scythes. IiCs Celtes on 



( 219 ) 

Gaulois du nord de l'Europe se mêlèrent souvent anx 
peuples des bords du Danube et à ceux des bords de la 
Vistule ; on peut donc connaître le nom des peuples par 
les pays qu'ils habitaient. Pour cette rabdn , ' nous 
croyons devoir invoquer Tantorité de Qnint-Gurce, his- 
torien, qui décrit soigneusement les lieux dont il a oc- 
casion de parler. 

II distingue, outre F Alexandrie d'Egypte et une autre 
dans rinde y deux autres villes du même nom , également 
bâties par Alexandre ; « l'une aux pieds du Caucase, 
» fameux par le supplii^e de Frométhée, et dont la 
» longue cliaine aboutit au mont Taurus ; l'autre sur 
» les rives du Tanaïs , fleuve qui sépare les Scythes- 
» Baclriens des Scythes de l'^rope , autrement , TEu- 
>> rope de TAsie! » — « Les Scythes et les Sarmates , 
» ajoute- t-il , s'ils n'étaient pas un même peuple , occu- 
» paient une assez vaste contrée de Test au nord de la 
M Thrace, et en suivant cette mênie ligne , ils s'éten- 
» daient au-delà du Danube i> ultra Danubium. 

Il répète ailleurs les mêmes notions, et il semble 
même vouloir expliquer les émigrations des Scythes et 
leur attribuer la fondation de la monarchie des PartlyQs^ 
Voici un passage remarquable : 

« Scyihœ sedes habènt , et in Europe et inÂsid. Qui 
super Bosphorum coluht , adscribuntur Asiœ. At (jm in 
Europe sunt , a lœço Thraciœ latere ad Borysfhenem , 
d(jue indè ad Tanaïm alium amnem recta plagâ pertinent. 
Tmaïs Europam et Asiam interfiuit : rue àubitatur quin 
Scytkœ^ gui Parthos condidere , non à Bosphoro , sed ex 
Tegione Europœ penetraverint. » { Quintf-Curt. , I. VI , 
cap. 2 , sect. I . ) Trogue Pompée , ou plutôt Justin , son 
«ibréviatcur, nous fournit à peu près les mêmes documans. 



( 220 ) I 

{i8) Un dernier auguste. L'orateur désigne ici Tempe- 
reur Constant , vainqueur des Francs et autres barbares, 
mais, dans la suite, victime de la cruauté de Magnence. 
Ce dernier tyran fut défait, en 35 1, par Tempereur 
Constance, et mourut deux ans après. — Dans X alinéa 
suivant, Julien finit Téloge des frères de Constance , en 
rappelant qu'ils étaient petits-fiis de Constance Chlore 
et de Maximien Hercule, et fils du grand Constantin et 
de rimpératrice Fausta. 

(19) Aucune forme distinctke. Les HéracUdcs se divi- 
saient en plusieurs familles. (F. Plutarque , sur Lycur- 
gue. Agis, Climène, Lysandre.) Ceux qui étaient issus 
d'Eurysthène , s'appelaient Lagîdes. Cet Eurysthène 
avec Proclès étaient les sixièmes rois , depuis Hercule. 
Les Eurytionides descendaient d'Eurytion, autre ebef 
des Héraclides. Il y avait encore d'autres branches 
d'Héraclides, à l'une desquelles appartenait Lysandre, 
rival d'Agésilas. Cependant Spanheîm essaye de prouver 
à la page i33 de ses notes, sur le premier discours, 
par le témoignage de Wutarque, qu'à Lacédemone, les 
rois recevaient un genre d'éducation différent de celui 
des autres citoyens. 

(10) Du même avanUtge. On a vu plus baut^ que les 
Cartbaginois avaient aussi une éducation commune, 
mais bornée (à ce qu'il parait) aux exercices athlé- 
tiques et aux arts mécaniques ; qu'en outre , après 
leur tems d'épreuve^ les cnfans pouvaient être chassés 
du logis par leurs parens, et réduits à vivre de leur 
industrie propre. Julien est, dit Spanbeira ( p. i36 
de ses notes ) , le seul ^ auteur qui nous rapporte ce 
fait. Il se peut toutefois, ajoute le critique, que quelque 



( 221 ) 

chose de semblable ait existe chez les Carthaginois ; 
en effet , Guevarra dit ( in Horologio principum , 
1. 2, c. Sg, de Carthagtnje j^2i§. i33), « que les 
« enfafis des notables étaient élevés dans des temples , 
» de rage de trois à douze ans ; que de douze à vingt 
» ans, ils devaient apprendre un métier ». 

On remarque une coutume analogue à celle-ci dans 
ce qne Xénophon a écrit sur l'éducation des Perses ; et 
qu'on lit encore en sa Cyropédie, Enfin, Anquetil (p. SgS 
da 4*- volume de son Précis de l'Histoire unii^enelle) , 
observe, en parlant des Carthaginois : « que leurs suf- 
»• fttes ou consuls n'étaient point à vie , mais choisis 
» parmi les riches^ et nommés par les sénateurs ». 

(2ï) Calamités du tems. Julien dissimule et rejette 
sur d'autres les crimes de Constance. Il tint un autre 
langage, après la mort de cet empereur, qu'il appelle, 
avec raison , le bourreau de sa famille. Au lieu que , 
dans ce panégyrique , il ose à peine blâmer indirecte- 
ment la faiblesse du prince. ( Voyez ci-dessus la note 
septième et son supplément; voyez en outre mon 
Abrégé historique de la vie de Julien. ) 

(i2)Canis^ 36*. empereur romain,. vainquît, en effet,; 
les Perses. Son expédition se lie avec ce qui suit. Il par- 
tit avec le jeune césar Numérien , son fils , pénétra jus- 
qu'à la ville de Ctésiphonte ; îl mourut là , ou ailleurs , 
sans qu'on sache trop de quel genre de mort , après 
avoir régné deux ans. 

(28) César. JuKen se montre ici peu équitable, en at- 
tribuant tout rhonneur de cette paix à IMoclétien : car 



( Z211 ) 

Maximien Galère fit payer cher aux Perses ,. Tannée 
suivante , sa première défaite ^ et il eut la plus ^nde 
part à Texpédition de Dioclëtien. Il sera question de 
nouveau des Perses ou Parthes, dans la harangue qui 
va suivre. 

(2^) R^enus. On ne voit pas que Constance se soit 
désintéresse, autant que semble le faire croire Julien; il 
eut dans son lot, l'Orient, la Thrace, la Mésîe, TEgypte, 
et, par conséquent, Alexandrie, en outre, Constantin 
nople et toute Tlllyrie , jusqu'à Nisibe. 

(25) Ces Arabes furent, depuis, connus sous le nom 
de Sarrasins, C'était , vers le tems fie Constance , un 
peuple nomade , et qui n'avait jamais été entièrement 
soumis. D'autres Arabes occupaient alors l'Arabie pé- 
trée. Les uns et les autres firent de fréquentes incur- 
sions sur les frontières de l'empire* 

(26) Les Athéniens doublèrent et triplèrent les jm- 
pôls pour soutenir la guerre contre les Perses. ( Voyez 
Thucydide, L i. ) 

(27) Singare, Cette ville était en Mésopotamie sur le 
Tigre , au pied d'une montagne. Dans ce même district 
étaient Nisibe, Carres, Edesse, et autres cités. L'Eu- 
phrate et le Tigre arrosent cette contrée , connue aussi 
sous les noms de Syrie , d'Assyrie , d'Arménie , etc. Le 
fleuve Mygdonius se décharge dans le Tigre. On place 
le nouveau siège de Misibe, dont il sera question aussi 
dans le discours suivant^ après Tan 35o, vers la vingt- 
huitième année du règne de l'empereur Cons^ince. Cette 



(223) 

tille avait essayé beaucoup d'autres sièges : elle tomba 
enfin, sotts Jovieu , au pouvoir des Perses. 

(28) Notre cille. Les mêmes détails se trouyent dans 
la deuxième, barangue, où Ton voit qu'une partie des 
remparts, minée par Teau, s'était écroulée. Julien, rap- 
pelant plus baut la désastreuse expédition de Xercès, 
signale l'entreprise doublement gigantesque de percer 
ledioot Atbos, pour unir, par le Bosphore, la mer Moire 
à celle de Marmara , et de construire un pont de bateaux 
m le Bosphore même ou l'Hellespont, qui séparait l'Eu- 
rope de l'Asie, détroit long de vingt lieues sur une tout 
an pins de large, et célèbre par les amours d'Héro et 
de Léandre. Xercès ouvrit aussi aux pieds du mont Athos^ 
où Jupiter Athoiis avait un tetnple, une tranchée d'un 
nulle et deitii pour y faire passer sa flotte. « Afin d'éviter 
les tempêtes du promontoire, formé parle mont Athos, 
il en fit percer l'Isthme ; pendant qu'avec beaucoup moins 
de frais , il aurait pu faire trainer ses vaisseaux par- 
dessus , comme on le faisait alors.... Au lieu de transpor- 
ter sSn armée d'Asie en Europe sur ses vaisseaux^ il pré- 
féra d'établir un pont de bateaux sur l'Hellespont. Une 
tempête le rompît. » ( Précis de l'Histoire universelle, 
tomel"., p. 27S.) 

Pour l'intelligence des autres faits , racontés dans les, ^ 
deux premières harangues^ je place ici une courte no- 
tice des anciens monarques persai\s qiii figurèrent aux 
époques où se reporte Julien. 

Cambyse , fils aîné de Cyrus , avait réuni , comme son 
père , les couronnes de Perse et de Médie. Ce prince cruel 
fit égorger son propre frère Smerdis. Après sa mort, les 
ioiâges supposèrent un faux Smerdis r sous le nom du-; 



:( 224 ) 

quel ils préteBdaienlt régner. Mais la rase fiit découverte; 
et Darius Hystaspe fut salué roi. €e prince sounu'l 
les Babyloniens révoltés; il fut moins lieureux contn 
les Scytîies ; et il perdit à Marathon une sanglante ba 
farlle contre les Athénfens , commande par Miltiade 
M mourut en faisant de nouveaux préparatifs contre h 
Grèce, et nomma pour lui succéder Xercès, son fil 
cadet , né de la reine Atosse, son épouse , de la race A 
Cyrus , an préjudice de son aîné Artabaze , né avani 
qu'il fut roi. L'armée de ce Xercès périt en partie am 
Thermopyles, défendues par Léonidas et ses trois cent 
Spartiates. Sa flotte fut détruite à Salamine et à My- 
cale. Son antre armée fut mise en déroute complétai 
Platée, en Béotie. Lui-même périt de la msun d'Arta 
bane , son capitaine des gardes. Il laii^ trois fils, Dl 
riusFalné, Artarxerce, le troisième de ses fik, ditàlj 
longue main , lesquels étaient tous deux à la cour , el 
Hystaspe , le second de ses fils , qui gouvernait alors b 
Bactriane. 

Le même Artabane , imputant à Darius l'assassinai 
de Xercès, pour se frayer la route à Tempire, fit tuera 
fils aîné par Artaxerce , son frère ; mais celui-ci, ayan! 
découvert la vérité , fit justice du meurtrier , et prit le 
rênes de l'empire. Il régna avec gloire et modération , el 
laissa en mourant , dans un âge peu avancé , dix-se^ 
eàfansr, dont un seul légitime , Xercès 11"^., assassine 
après quelques jours de règne, par Sogdien, son frèw 
naturel. Mais Ochus , autre frère de celui-ci , le sacrifia 
aux mânes du légitime héritier. Cet Oclms est conni 
dans rbîstoire , sous le nom -de Darius Nothus. Il fa( 
gouverné pendant son règne , par sa sœur et épouse 
Parysatîs. (Voyez la note i3 ci-dessus, ) IL eut de c( 



( i^iiS ) 

(aariagi^, Àtsace, sm ainé> aatreHEie»t ArtaxérteJtfW^ 
moA, son sçceessèar , et Cyru$ , k jfiUBe. Le premier ent 
pour épouse Statita , empoisonnée depuis par Parysatîs ^ 
jaloase de Tascendailt qae cf tte Sta.^iFa ayàtsur le roi ^ 
fiOD époax; Ce même Axtaxeice, sumoniHié Mnèiam^ à 
cause de sa pcp^gif Use méineife » parv.eiui à l'âge de 
^natre-vÎBgtr^Mtor^e ans, îiV4it'çent4ilf-lMiit fib, dont 
trois légitimement nës d'Atossa , son épouse , à savoir ^ 
Darius, Atiai^e f^.Ocluis. Il ceigfiit du diadème Darius ^ 
sdn aine. Mais c^lui^içi. co^^^a iço&tre sopi pire , et fut 
miâ à mort. Ochus empoisQuna spn frèrei Ariaspe, et tua 
un autre de ses fripes , né d'une concubine de son père^ 
iCe qui fit mourir de çliagirii; le vieux Mnëmonv 

Cet Ocbiis fie mawtiot sir le tréoe par ses ctuantési 
H soumit eï |Miia TEg^ypte , eft dépotiUa ks temples , et 
it manger à'9^9^Uàlsie taureau, dieu Apis. Il moumt 
Infin empoisonné par Bagoas , son eunuque , Egyptien 
it naissaftce , qui , pour venger la religion de son pays^ 
tt repaîiJTe les ichats et les chiens ( dieux d'Egyj^ ) ^ 
ées chairs i^ sacrilège einpereur ^ son maître. Cet eu- 
Iftqne lui donna pour successeur, Arsès, le plus jeune 
k|b4u défunt. Mais il Tempoisonna et massacra en même 
lems les autres princes de la £»nîUe. 

Alors motita sur le trAne', CMoiMsk^ dernier rejeton 
le la raee de Darius Nothtts , ébhappé au poignard du 
met Oçhàs, Cet Ochus avait éjgorgé, dans un sent jour > 
^atre^vmgfe fières de Sisigâmbis , mke de Darius. Ot^ 
kgaOïÊ fvàtHÈ sut/s eQânn aie ab Ocho sœvis5im& regum 
kuci'daios, ( Quint-iCurt. , 1. X,c. V', sect 2. ) Darius 
CodoflMA négina qiiinatè ans henreux avec sa mère Sisi^ 
^mbis et sa femiM Stativa. I%ie d^un meilleur sort ^ 
1. i5 



( 2Î26 ) 

il perdit la couronue et la vie , sous la doniiiiatiôB à'k-^ 
lexandre^ fils de Philippe, roi de Macédoine. 

' (29) Dw vathqueur. Les Lacëdémonieiis prirent Mes- 
sène. (Y. Sli^bM , I. B. ) Ctéon^ -gëiiéral athénien , s'em- 
para de PylûsV ^'01^ 1) emmena trois cents haintans. 
{ Voyez attssi plus haut Julien , sut Cléon et Nicias. ) 

' (3o) Chies , ou nattes de jowc et d'osier , qu'on op- 
posait à l'effet des machines de guerre, soit ponratU-i 
quer , soit pùur défendre les' places. 

(3 1 ) Cyrus , dit notre auteur , ainsi qulsocrate en s(t 
éloge du roi Evagoras/détrâna son aïeul Astyage.Jo»*: 
tin ., 1. 1 9 c. 6 , et Hérodote , ie disent aussi. Mais Xé* 
nophon, au premier livre de sa Gyropédie, assure (or* 

mellement le contraire. ^ 

• f 

. (32) La tribune. On appelait strategion^ ou prétoire,! 
tente de Tempereur on général. A la gaudie de ceti 
tente, était le siège du tribunal, où montait celui qi 
haranguait les troupes : Tatiguratoire des Théores étJi 
à- droite de cette tente. Hors de ce siège ou tribunal , i 
construisait à la hâte, et dans des occasions imprévue^ 
jun siège de gazon. Cette dernière coutume , à laqoett 
Julien fait allusion , ne fut point suivie par Constance 
qui réunit la tribune^ aux harangues, au prétoire, ci 
décorant seulement ou en agrandissant cette tribune. 

- (33) De leur père. Julien est ici d'accord avec Fia 
taeqne (de T Amour fraternel , p« 88, et Justin, l-^j 
ç. X. ) Mais Hérodote, liy. 7, chap. 2, dit que ce» 



querelle, eut lieu du vivant même du père, et qu'elle 
fut décidée contre Ariamème ou Artamène , en faveur 
de Xercès , son frère. 

(34) Mma. Cts!t la.K*K« d'EUeniie, et jiirpir/* de 
Ptolemëe, vilte de Pannonie, àûr le Drave, aujour- 
d'hui Essek. 

(35) fùtt pite. Constantin avait triotnptié de Lici- 
nius à Cibalis, près de cette même ville de Mursa. 

(36) Le pretnkr. Spanbeim reproche ici à Julien , 
ifavoir attribué à Constance Tinvention d'une armure, 
connue long-tems tliez les Parthes et lesMèdes. Quint- 
Curce représente les chevaux et les cavaliers de Darius 
couverts de lamés de fet serrées entre elles : Equitibus 
t^juisque regum^ta etani ex ferreis laminù série infer se 
confextis. (L. 4i c. g. ) Constance ne put donc que mo- 
jBfier plus ou moins llnstitution primitive^ de ses cuiras- 
fiers, ou les disposer de manière à en tirer un plus 
|rand parti, qu'on ne Tavait fait avant lui. Julien en 
bit une description assez ressemblante, et que 'je me 
l^âis à rapprocher de celle du poète Claudien, lib. 2, 
k Buffînum, Vers aSy et suivans : 

FkxiUs iniuctis animatur l(unina membris, . 
Horribilis risu , crédas simulacra moçeri 
Fetrea , cognatoque viros spirare métallo , 
Per vestitus equis , f errata fmnte minantur 
Ferratùsifue mos^ent securi vulneris armos. 

Le même poëte , parlant du sixième consulat d'Ho- 
^orius,dit, yen S69 : 



( 228 ) 

Ut' Chalybem inâutos equiUs et ia an laUntet » 
Fidit coraipedaSf etc. 

(87) De ton nom. Ântioche était surnommée Cons- 
tantiana. ]Ëlle avait été fondée, son par Antiochus,' 
mais par son fiU Seleucus , qui lui avait donné le nom 
de son père. 

Les ports , dont parle ici Julien , avaient été cons- 
truits par Constance, à Seleucia ^ ville maritiipe , voi- 
sine d' Antioche. Cette dernière était située m 10- 
ronte , fleuve dont les eanx aboutissaient au port maritime 
de Séievcie; malles avantages du port étaient communs 
aux deux villes , parce qut lc$ eaux de TOronte por- 
taient les marcbamdi^es de Séleucie à Antioche. 

(38) Leur salut. En effet , la dignité de souverai» 
pontife fut, même sous les empereurs chrétiens, an- 
nexée à la dignité impériale ; et Julien se montra dam 
la suite très-jaloux d^en exercer les fonctions. 

(Sg) Les rines dé f empire. Le testament de Cons-:: 
tantin, confié à tin évéque, portait que Constance ao-i 
raît seul Tempire d'Orient', et qu'il partagerait en outre, 1 
avec ses frères, ^administration des autres provinces di| 
Tenpiptre. • i 

(4o) Le téméraire. Sylvanu$ , égorgé par ses propr» 
soldats. (Voy. le second discours et les notes quicon^ 
cernent cet infortuné général. ) 



riN BES HQTW 0S IX PmMri»]Ç.'«UMWf«- 



(^29) 



l<IM » |<l»W«I M <W ¥ WI<IM<IM<IMWIfl<IM<l<IM(WWI^<WW^^ 



HARANGUES DE JULIEN. 



ARGUMENT DE LA DEUXIÈME HARANGUE. 



Quoiqu'on ne puisse préciser Tépoque où Julien pro- 
nonça cette barangue , la manière dont il s'ënonce fe- 
rait prë^amer que ce fût ap^s quelques années 4e son 
séjour dans les Gaules, et lorsqu'il déguisait mal son 
penchant et mérae sa conviction, en faveur du paga- 
nisme. L'éloge qu'il fait de Constance est moins outré 
et moins détaillé. Il y professe ouvertement la doctrine 
de Platon et des philosophes païens, sans trop se dis- 
simuler que ses opinions déplaisaient à la cour de Tem- 
pereur^et sans ménager surtout la censure qu'il en fait. Il 
critique même assez directement l'empereur, lorsqu''il 
met au rang de ses devoirs , les sacrifices expiatoires et la 
piété em^en les dieux; car il affecte constamment de subs- 
tituer le mot dieux à celui de dieu. II affecte de nomimer 
on d'invoquer Jupiter , Neptune, etc. ; il se vante même 
détre initié aux mystères du paganisme. Enfin le thème 
entier de Sa harangue suppose une sorte d'antipathie ou 
de méfiance entre Julien et son protecteur. Du reste , 
les maximes de JuHen ne diffèrent en rien de celles 



( a3o ) j 

qiril a répandues dans ses autres ouvrages, composésj 
depuis son apostasie çt son ayènement k Tenipire. Qa 
pourrait cependant supposer que Julien eût retouché 
dans la suite ce discours , en y ajoutant les dogmes et 
les opinions qu'il n^avait pu professer ouvertement, à| 
rëpoque où il prononça sa harangue, ou plut6ti celle 
à laquelle il Tenvoya pour être prononcée devant Vem- 
pereur Constance. Du reste , le jeune césar y fait preove 
d'esprit et d'érudition ; on voit quHl est déjà versé dans 
la science et la tactique militaires. Il parle beaucoup de 
la guerre contre les Par thés, alors connus sous le non 
de Perses, et qui partageaient , pour ainsi dire, avec 
les Romains, Tempire de TOrient. Nous plaçons ici 
rhistoire de ces penples^, d'après Justin pour ne 
pas interrompre le fil du discours. Cet abréviateur, 
dit au quarante-unième livre de son Epitomé. « Leur 
» nom de Parthes y signifie bannis ou imigris ; il est d V 
» rigine scythique comme eux ; ils vécurent d'abord 
» obscurément sous la domination des Assyriens et des 
» Mèdes. L'empire de l'Orient ayant été transféré dans 
» dans la suite , des Mèdes aux Perses , les Parthes pas- 
» sèrent sans distinction sous le joug de ceux-ci , puis 
M sous celui des Macédoniens. Plus tard , ils luttèrent, 
» et parfois avec avantage, contre les Romains; ce qui 
» parait aussi étonnant que la conservation de leur ait- 
» cienne existence, parmi les royaumes d'Assyrie, de Me- 
»> die , de Perse, et au milieu dé mille villes de l'empire 
» bactrien et des fréquentes guerres quUls eurent contre 
» leurs voisins , et contrôles Scythes, qui les avaient 
» chassés vers les déserts , entre THircanie , les D^nccs 
» ( Dahas ou Dancas ) , parmi les Aréens ou Ariens, les 
V Spartains, les Margiens, etc., lieux vastes et mon- 



(23l ) 

» ttteux, dgailemeiit infestés par les neiges de Thiver ei 
» par les ardeurs de Tété. Les Parthes , après s'être 
» soustraits à la domination des Macédoniens , se don- 
» nèrent des rois et des magistrats. Lair langue était 
» mêlée de celle des Scythes et des Mèdes ; ils prirent 
» rhabit de ces derniers, et retinrent Tarmuredes pre- 
» miers. Leurs soldats étaient presque tous esclaves. Sur 
» cinquante mille , qui combattirent contre Antoine , 
» quatre cents seulement étaient libres. Le tambour 
» leur tenait lieu de trompette daiis les combats. On 
» les voit figurer dans toutes les guerres que se firent 
» les successeurs d'Alexandre ; Aorsacès , devenu leur 
> roi , refit leur puissance en Asie |^ où il bâtit la forte- 
» resse de Dara sur le mont Zapaortenon ; il fut pour 
» les Parthes , ce qu'avait été Cyrus , pour les Perses , 
» Alexandre pour les Macédoniens. Un de ses succès- 
» seurs soumit les Bactriens , et étendit l'empire des 
» Parthes , depuis le mont Caucase , jusqu% l'Eu- 
» phrate , etc. » 

Quint - Curce assigne également aux Parthes une ori- 
gine scythique ou sarmate qu'il croit une même nation. 
Il assure qu'Alexandre, dans son expédition contre les 
Perses , bâtit deux villes de son nom ; » l'une aux pieds 
» du Caucase, fameux par le supplice de Prométhée ; 
» l'autre sur les rives du Tanaïs*, fleuve qui séparait 
» les Scythes bactriens , des Scythes de l'Europe, an- 
» trement l'Europe de l'Asie.... Les Scythes et les Sar- 
» mates , si ce n'étaient un même peuple, ocrnpaient 
» une assez vaste contrée de Test au nord de la Thrace ; 
» et, dans celte même ligne, ils occupaient aussi une 
» région au-delà du Danube.... Les Scythes sont éta- 
« blis, tant en Europe qu'en Asie. Oux qui le sont sut 



( s3^ ) 

V le Dosphore apj^arltennent à FAsie. Ceux ^'Eni^I^ 

V s'éténjçftt du côté gauche ide la Thrace , jusqu'au 
» fleùTe Borysthene ; et de là , en dreite ligne , jusqu'au 
» Tanaïs, tietfve qui coule entr^ l'Europe et l*Asîe.On 
» né douta point que les Scyikes ifuifândèrmt Fmpin 
» des Parthes ne soient venus , non dn Bosphore , nais 

» de quelque eontrëe de TEurope * 

Scythœ seâes kàbent^ et in AsM, dmEvnpd. Qaisitpa 
Bospkùrian cstlunt, tfdscfibUntar Asiœ, et gui in Evropi 
tant, à Im^o Thraciœ latere ai Éorysfhtmm, i^que inà 
ad TannM alinm amnem reetâ phtfd pertinent, Tmà 
Europam et Asiam médius^ mterfitât •: nèc duMatur (jait 
Scyihœ qm Parthp$ctméUdere , -lum è BDsphorô , sei et 
regiqne Europw penetraperint. ^Quînt.-Cnrt. ^ 1. 6, c. 2 
$ect. 2. ) 

L^empire des Parthes ëtaît encore tràs-puîssant , ï 
rëpoque où Constance leur fit la guerre. Le sîége de 
Nisibe lut" un des événemens les plus mémorables di 
cette guerre. Cette ville avaitV déjà soutenu un lonj 
siëge sous l'enipareuf Constantin. Le docte Spini 
beim et le P. Petau jont peu d'accord sur le nombre. 
çt sur rëpoque dos sîéges dont Nisibe eut à souffrir. 
On assure généralement qu'elle fut une fois délivrée 
par l'intercession de Saint- Jacques , spu évéque , ou 
par son courage et ses conseils. Mus fm ignore à qo^^ 
siège , il se fit particulièrement distinguer. Quoi qu il 
en soit , Julien lui>méme fixe la date du siège qu'il 
çjécrit, à l'époque oà Constance allait combattre le 
tyraja Magnance. 



(a53) 



iM<ipwM^w«w<w<iwi<i<wiWM)iMafc M M»i(>)»tww^ 



DEUXIÈME HAGANGUE DE JULIEN, 



AU& 



lES BELLES ACTIONS DE l'eMPEREUR CONSTANCE. 



Nous voyons , dans llliade , qu'Achille , outré 
de dépît contre le roi des Grecs , quitta son glaive 
et son bouclier , pour chanter, aux accords de sa lyre, 
les exploits des héros , afin de channer prudemment , 
par ce nouvel exercice , les ennuis d'un repos qu'il 
se décidait à garder. Certes , ce fils de Thétis mon- 
tra de l'audace et de Taigreur , en rompant avec le 
roi ; mais peut-être faut-il aussi le blâmer d'avoir 
employé à des chants harmonieux un tems où il de*- 
vait agir. Car au lieu de rester oisif , il pouvait se 
servir de ses armes , et se délasser ensuit-e de ses fa- 
ligues, en célébrât et les rois , et les actions hé- 
roïques. 

Cependant le père du poëme , déjà cité, reproche 
également au roi Âgtimemnon d'avoir traité sans 
ménagement un chef guerrier , en usant envers lui 
de menaces , et en le privant des fniits de sa bra-» 



(234) 
voure. II les représente touchés de repentir, et réunis 
au lieu de I^assemblée , où le fils de Thétîs s^écne : 

«-Faut-il, 6 fils d'Atrëc, 

» Qu'un commun intérêt ne nous art pas unis ! » * 

Le même poëte, maudissant le sujet qui occasionna 
leur querelle, en déplore les fimestes suites, dont il 
rejette la cause sur le roi des immortels , Jupiter , sur 
' les Parques et sur Erinnys. Mais Homère en intro- 
duisant , dans son drame , ces deux personnages allc- 
goriques , ne sémble-t-il pas vouloir nous appren- 
dre d'une part , que les princes ne doivent rien ten- 
ter par des voies odieuses , ni se prévaloir toujours 
de leur puissance , ni donner à leur colère le libre 
essor, qu'on permettrait à un coursier fougueux, sans 
firein et sans conducteur; d'autre part^ que les chefs 
militaires , au lieu de lutter contre l'orgueil da 
prince , feront plus sagement de souffrir se3 répri- 
mandes , pour s'épargner à eux-mêmes une vie en- 
tière pleine d'amertumes et de regrets ? 

Pénétré , comme je le suis , de cette pensée , ô em- 
pereur chéri, persuadé d'ailleurs que tu goûtes cette 
belle doctrine d'Homère ; et qu'il entre ainsi dans 
tes vues , non-seulement de vouloir du bien à tous , 

mais d'accumuler sur moi tes faveurs , et de te mon- 

t 

* Iliade, T. vers. 56. 



( a35 ) 
trer snperieor au monarque des Grec*, en ce que; 
loin d^abaîsser les grands , tu uses d'indulgence en- 
vers les plus petits de tes sujets ; qu'enfin , tu mets 
en pratique la maxime du sage Pittacus qii il faui 
préférer le pardon à la vengeance : je rougirais de pa- 
raître aussi peu reconnaissant que le fils de Pelée , 
et de ne pas faire valoir de mon mieux dans cette 
hak-angue , tant d^ avantages réunis en ta personne. 
Ce n'est pas que je veuille ici vanter Tor et la pour- 
pre qui te couvrent , ces élégans tissus , ouvrages 
des fenmies de la Sidonie , la beauté de tes chevaux 
niseéens , la splendeur éblouissante de tes chars do- 
rés y et les reflets variés des pierreries de l'Inde. Si je 
m'arrêtais à de telles descriptions , j'aurais , avant 
de les finir , épuisé toute la poésie d'Homère ; et ton 
éloge deviendrait plus étendu que celui de tous les 
héros ensemble. 

Je commencerai donc , si tu le permets, par rap- 
peler l'origine de ton sceptre et de ton empire. Notre 
poëte, en effet , n'a-t-il pps voulu nous faire admirer 
l'antiquité de la race des Pélopides et la dignité de 
leur commandement , lorsqu'il a dit : 

« Alors Agamemnon 

» Debout, tenant son sceptre, ouvrage de Vulcaîn. » * 

Car ce dieu , ajoute le poëte , en avait fait présent 
* Iliade B. , vers loi. 



(236) 

h Jupiter ; cdiui-ci Tsivait doimë au fils qu^il avait « 
de Maïa ; et ce fils, Mercure , en avait enrichi Pelopi 
Citons seB vers : 

•f Atrée, roi puissant, !e reçut de Pelops, 

» £n mourant lerenit au fortuné Thyeste; 

» Et ce dernier Toffrît au roi Âgafliemiion, 

» Le souverain d'Argos, le maître de tant d1Ies. 

Ta vois ici la généalogie des Pélopides ^i fini 
rent à. leur troisième (i) géuération. Mais la soudi 
de notre famille remonte àTemporeur Gaude, 
ijael y sqprès de courts interrègnes , succédèreDtli 
plus nobles aïeux . Car le père de ta mère *** gouveni 
Rome , ritalie , VAfnqut ***, la Sardaigoe et laS| 
cile , contrées non moins florbsantes v^ cdles 4 
Mycènes et d'Argos. Ton aïeul pakmel **** wgn 
«nr les peuples bellicpieux de la Gaule , sur ceux 
ITbérie occidentale , et de toutes les îles situées s 
rOcéan , îles dont la grandeur Femporte sur cel 
de notre mer, dans la même proportion que la 
qui s^étend au-delà des colonnes d^ Hercule, snrpasi 
la Midiiermnée *****; tous deux garantirent ki 

* Iliad. , vers io5 et suivans. 

♦♦ Maximien Hercule, père de Fausta, épouse ic 
Constantin , et mère de Constance. 

*** Le texte porte la Libye. 

**** Constance Chlore. 

***** Tîff iurm êuxuçrtiç , littéralement, la mer mti" 
rieure. 



( 23? ) 

t^itairt contre Tennemi , tantôt en réunissaiit leurs 
anpes , lorsque le besoin l'exigea ; tantôt en com- 
battant séparément ^ et chacun à la tête de son ar- 
mée : tous deux repoussèrent ks attaques et Pinso- 
leace des barbares. Tels furent leurs titres à la 
gloire. 

Ton père acquit paisiblement, et par le plus ^crë 
des droits , la portion de Tempire , qui lui ëchut 
2^èsla mcMTt de Tauteur de ses jours ; il y rattadia 
efisoîtttout le reste des domaines, que divers tyrans * 
CB ataient .décembres ,pour les asservir à leur joug 
odieux ; et , devenu enfin svai maître du monde , il 
paitagea avec toi. et avec ses deux autres fiis , lau- 
torité siquréme. Quel sceptre aorions^noufi donc k 
comparer au tien ^ povr Fétendue delà domination, 
pour Tantiquité et la ^ée de ladyna^ , et pour 
la nraltitude de ses rois ?.Ën conqitant pour rien son, 
antiquité , prSèrerons-nous d^énomerer tes vastes 
propriétés , et jusqu^à la beavté de ton manteau , 
omé d^mfie agraffe , ditaiU dont il plût à Homère de 
charmer les knsirs de sa mase^ Nous favufa^l-U en 
outre &n*e riv^iser tes riebesses , avec la possession 
d un troupeau dé trcMs mile cavatles , qui , sdlon 
ce poète : 

«f ...... . {hissaient auprès de Troie. » * 

* Iliade Y, vers 22î. 



( 23Ô ) 

avec les nombreux poulains qu'on en lîi-a depuis U 
sac de cette vîlle : avec ces chevaux de Thrace,plu5 
blancs que la neige , plus rapides que les autans ; 
avec la délicieuse habitation d'Alçinous et ces ma- 
gnifiques palais de Ménëlas qui frappèrent d'éton- 
nement le fils du sage Ulysse ? Quoi ! nous descen- 
drions à de telles futilités , pour montrer que tu ne 
le cèdes en rien aux princes les plus renommés ! 

Certes , on nous accuserait avec raison d'ignorer 
ce qui est réellement beau , et ce qui peut fournir 
la juste matière d'un éloge. Laissons donc les miAces 
objets aux curieux lecteurs d'Homère , et ne crai- 
gnons pas de chercher en toi , ce qui tient de plus 
près à la vertu , ce dont le poète fit plus de cas lui- 
même , je veux ^Jre , la force du corps et l'expérience 
dans le maniement des armes. Qu'on me dise , en 
effet , quels avantages eurent sur toi tous les héros 
célébrés par ce poë^ enchanUur * ; un Pandarus (2), 
par exemple , habile archer , mais homme traître , 
avide de biens , faible de complexion et mauvais sol- 
dat. Après lui , Tencer et Mà^ione ; le premier sut, 
dit-on , atteindre facilement de son arc une colombe ; 
le second fut , il est viai , plus vaillant dans les com- 
bats; cependant il eut besoin d'une sorte de rempart; 
et il se sei-vit , non de son propre bouclier , mais de 



A la lettre Syréne homérique. 



(^39) 
telaî de son frère ; en cela, guemer d^auiaiit pluâ 
ridicule , qu'il avait besoin d'un secours étranger , 
pour défendre sa vie. 

Je te vis , au contraire , ô empereur chéri , percer 
de tes traits acérés un grand nombre d'ours , de pan<* 
ihères et de lions , et n'employer l'arc qu'à la chasse , 
et aux exercices de simple amusement. Dans les com- 
bats, tes armes sont le bouclier, la cuirasse et le 
casque. Envain nous opposerait-on un Achille , ai- 
mant à se décorer des armes de Vulcaîn , et à les es- 
sayer, afin de : 

« Voir comment cette armure^ à ses membres s'ajuste » * 

puisque tes glorieux succès ont mis au grand jour ton 
expérience consommée. 

Quant à l'art de l'équitation, et à la vitesse de la 
course , je demande si , parmi les anciens qui se sont 
fait un nom , dans l'un ou l'autre genre , on en citera 
beaucoup qui puissent t'^tre comparés ; le premier 
art n'était pas alors inventé. On connaissait l'usage 
des chars, el non celui des chevaux de main : pour la 
célérité des pieds , tu pourrais en disputer avec les 
plus célèbres de ces héros. 

S'agit-îl déranger une armée en bataille? Ménestheé 
passa pour le plus habile; et le vieux roi de Pylos 

* Ilîade T. , vers 385. 



( à4o ) 
tte Im céda point en expénence; Cependa^tit rennemi 
dérangea souvent leur tactique ; et ils ne purent eux- 
mêmes défendre contre lui leurs retranchemens: 
tandis qu^en mille combats que tu livras contre unei 
multitude de barbares » et contre un pareil nombre 
d^enœmis domestiques, qui sVntendaient avec eux, 
pour partager l'empire, jamais test. phalange» ne în- 
rent rompues , ni un seul moment ébranlées. Ce que 
j ^avance ici, ne passera point de ma part pour uoe 
exagération oratoire , mais pour une vérité que je 
vais rendre palpable à mes auditeurs, en suivant le 
fil des événemens. Certes , je ne me donnerai pas le 
ridicule de tracer sous tes yeux , le tableau de tes pro- 
pres actions; je ressemblerais trop à ce maladroit 
spectateur des chefs-d^ œuvres de Phidias, qui s^avîsa 
de discourir devant cet artiste lui-^méme , du ma-ite 
de sastatue de Minérale, placée dass la citadelle d'A- 
thènes; et de celle de Jupiter, quonr voit parmi tes 
Pi&eeils. Mais quel blâme pui^j^e encourir^ Ipjrsque 
je cherche à montrer à ceux qui m'écouteut , tout ce 
que tes exploits ojtUL de plus remar(piable ? Je prends 
doue sur moi cette tâche , et je me sens le courage 
de la remplir. 

Qu'onr ne m'obj/ecte pas non plus, ipie la gran- 
deuff dfls £dt& jdevxa lentraîner uion distonrs au-delà 
des justes bornes. J'aumi soin de le restreindre, de 
manière à ce que mon récit ne devienne , ni pesant, 



( 24l ) 

ï\l confus, surtout par le nombre ou la cçmplîcalion 
des objets. Certes, j'ai à coeur d'éviter la critique 
justement appiliquée à la statue de Cupldon , qu'on 
Volt parmi les Thesplens * , et dont l'or surcharge 
les ailes, au point de cacher tout le mérite de l'art.. 
Mais 11 me semble que tes hauts faits , plus que 
ceux du grand roi de Macédoine , demanderaient la 
trompette d'Homère. J'en aurais besoin enfin, pour 
continuer mon discours sur le même ton que je l'ai 
commencé. 

Déjà, en effet , j'ai établi plusieurs rapprochemens 
des exploits de notre empereur , avec ceux des an- 
ciens héros ; et j'ai fait voir qu'il leur était supérieur , 
même dans les choses où chacun d'eux paraît avoir 
excellé, et qu'il surpassait, en vertus royales, leur 
roi Agamemnon. Cette vérité deviendra plus frap- 
pante dans la suite de cette harangue, pour peu 
qu'on se souvienne de ce que j'ai dit dès mon 
exorde. Parlons maintenant si la chose plaît, de la 
guerre et de ses combats. 

Quels sont donc les personnages qu'Homère 
distingue le plus parmi les Grecs et les Barbares ? 
Je vous réciterai ses propres vers ; 

« Dis-moi , Muse chérie , entre tous les guerriers , 
» Cavaliers, fantassins, compagncms des Atrides, 

I ? Voyez Pausanias. 

! l. i6 



( 242 ) 

• Le fils de Télamoa» Ajax, ne fut-îl pas 
» Le plus digne de tous, de remplacer Achille, 
« Dont la colère venait d'enchaîner la bravoure? » * 

Le poète dit encore de ce même fila de Télamon: 

w Après le brave Achille^ Ajax était des Grecs, 
» Et le plus redoutable, et le plus beau guerrier. » ** 

Tels furent donc , selon lui , les plus vaillans des 
Grecs ; et parmi les Troyens , 9 nomme ensuite Hec- 
tor et Sarpedon. Recueillons, si vous le permettez, 
les illustres actions de ces héros ; apprécions-en l'îm- 
pwtance , et mettons-les en regard de celles de notre 
empereur , cpii peuvent y avoir un rapport réel. Par 
exemple , le combat du fils de Pelée près du flçuve, 
celui des Grecs près des murailles de Troie , celui 
d'Ajax pi*ès de la flotte et jusques sur le tillac , et 
à bord des navires, nous offrent des rapprochemens 
remarquables. Je vous entretiendrai, surtout, de ce 
combat que l'empereur* vient de livrer sm* les rives 
d'un autre fleuve.. Vous connaiissez Torigine de celte 
guerre ; vous savez qu'il l'entreprit avec justice, et 
non par aucun motif d'étendre sa domination. Je 
vous rappellerai le précis des événemens. 

Un homme perfide ( Magnence ) , audacieux, usui- 
j . .. * ^ . . . . ■ , 

* II. B., 761 768. 
** Ibid., p. 275. 



(243) 

pnt le commandement , pour lequel II n Vtalt pas 
né , met à moit le frère et allié de notre empereur. 
Enivré de folles espérances ^ il prétend réaliser , en 
sa personne, Tallégorie qu^ Homère prête à la mar-^ 
che de Neptune : 

« Il fit trois pas, 
» Et dans le qnafrième il atteignit iEgé. » * 

El dans les suivans , où il dépeint ce dieu , partant 
couvert de son armnre , attelant les chevaux à son 
char , et traversant ainsi les mers : 

« La mer ayec transport 
» Ouvrant son onde aux rapides coursiers , 
» . . . . Mouille à peine le char du dieu. » *♦ 

Aucun obi$tacle , en effet , n'arrêtait Neptune ; tout 
lui cédait , tout se prêtait avec joie à ses volontés. Le 
tyran aussi crut que rien ne $' opposerait à son ani- 
bition , qu'aucun ennemi n entraverait sa marche jus- 
qu'aux bouches du Tigre. Il avait à sa suite de nom- 
breuses légions de fantassins , et un pareil nombre 
de cavalerie , les meilleures troupes des Celtes , des 
Ibères, des Germains, des peuples voisins du Rhin , 
et de cette mer occidentale qu'on peut désigner sous 

■I I III II " ■ ll'l II I II W — ^—^i^^^— I I II ■ I ■■ Il I IM I 

* II. N. , Y. 20. 

* II. , ibid. , Y. 29. 



(244) 

les noms d'Océan , de mer Atlantique , ou sous toute 
autre dénomination, sans que j'y trouve à redire: 
je sais seulement, non par la voix de la renommée, 
qui pourrait me tromper, mais par ma propre expé- 
rience , que les nations voisines de cette mer,, soi^ 
de tous ies bai*bares les plus redoutables et les plus 
belliqueux. A cette incroyable multitude, il avait réuni 
un nombre à peu près égal de soldats du pays, et 
dont l'origine se rapprochait de celle des barbares. 
Les nôtres, c'est-^à-dire , les Romains , les suivaient 
par contrainte, en qualité d'auxiliaires et de stipen- 
diés , avec le traitement et le rang qu'on donnerait à 
un Carien (3). Ils ne voyaient qu'avec indignation un 
étranger, ^un barbare parvenu à l'empire par Tivro- j 
gnerie et la débauche, gouvernant et dictant des lois ' 
en harmonie avec le genre de vie par lequel il avait | 
débuté. I 

Lui-même conduisait son armée , non pi-écisémenl 
à la manière de Typhon , que la mythologie nous i 
apprend avoir été enfanté par la terre irritée contre 
Jupiter, ni avec l'arrogance du plus puissant des! 
géans , mais plutôt tel qu'on- nous raconte , que 11 
sage Prodicus (4) dépeignit le vice aux prises avec 
la vertu , et s' efforçant de déterminer Hercule , fih 
de Jupiter , à se croire supérieur à tout ce qui existe. 
11 marchait au combat avec la démence et la fureu^ 
de Capanée , se confiant , non conuue celui-ci > su] 



(245) 
la vigueur et la Force de son corps , mais sur la hiuI- 
litude des barbares qui 1^ entouraient , et à qui il 
promettait le pillage de toutes les richesses , au 
tribun celles d'un tribun , au centurion * celles 
d'un centurion , au simple soldat celles d'un soldat 
du parti opposé , sans en excepter le bagage et les 
trésors, et même sans laisser aucun homme libre , 
dans les pays qu'il occuperait. 

Sa témérité s'accrut encore par la sage circons- 
pection de l'empereur , qui feignit adroitement de 
s'enfuir devant son ennemi , et l'engagea ainsi à sor- 
tir des lieux escarpés où il s'était cantonné , pour 
aller imprudemment camper en rase campagne , sans 
se douter qu'il fik la dupe d'un stratagème , et qu'il 
pût être pris dans des filets , comme il arrive aux 
oiseaux et aux poissons. En effet, il était a peine 
descendu dans les plaines de la Pannonie , où il 
pouvait être attaqué avec plus d'avantage , lorsque 
l'empereur , s' arrêtant , forme , de chaque côté , 
contre lui deux rangs de cavalerie; le premier de 
lanciers **, couverts de leurs casques et de leurs 
cuirasses en lames de fer, les jambes , les genoux 
et les cuisses garnis du même métal. On les 
eût pris pour des statues à cheval ; le bouclier leur 






( ^46 ) 

était inutile. Le second rang était composé d^un 
grand nombre dé cavaliers, les uns avec leurs bou- 
cliers, les autres avec leurs arcs. Au centre , étaient 
placés les légionnaires à pied , ayatit à leurs côtes 
la cavalerie; en arrière , se trouvaient les frondeurs, 
les archers et les troupes légères y sans boucliers, 
ni cuirasses. 

L^armée, ainsi rangée en bataille, notre aile 
gauche fit un mouvement en avant. Dès lors, les 
troupes réuiàics , perdent toute contenance , et ne 
connaissent plus d'ordre. Nos cavaliers les pressent 
plus vivement ; cependant elles résistent encore ; mais 
leur chef, qui s'était élevé par des moyens si hon- 
teux, s'enfuit plus hdnteusement encore, laissant 
aux prises avec nos soldats, son maître de cavalerie, 
ses tribuns *, et ses centurions ** ^ et jusqu'au misé- 
rable artisan (5) de son funeste drame ; je parle de 
cet homme ( Marcellinus), qui l'avait porté à usur- 
per l'empire , pour nous en dépouiller nous-mêmes, 
et qui , fier d'un premier succès de son entreprise , 
en a sans doute expié l'odieuse infamie par un sup- 
plice encore ignoré. 

De tous ceux qui avaient conspiré avec le tyran, 
les uns subirent la peine capitale, les autres l'exil; 






(=47) 
le repenùr sauva le reste. Car , plusieurs demande- 
rent et obtlarent leur pardon de notre enipèrem\ 
[dus généi^ux en cette ciiTcmstance , que ne Favait 
été le fils de Thétis , puisque celui-ci , pour venger 
la mort de son ami Patrocle , ne voulut vendre au- 
cun des capti& qo^il avait faits, et préféra de les 
égorger sans pitié, quoiqu'ils embrassassent ses ge- 
noax , en lui demandant la vie. L'empereur, au con- 
traire , non-seulement assurait aux conjurés qui ren- 
treraient dans leur devoir, la remise de la peine de 
mort , d'exil ou de tout autre châtiment, il les rétablis- 
sait, en outre, dan^l'intégrité de leurs droits et biens, 
comme pour les indemniser des maux qu'ils avaient 
soufferts en suivant le tyran. Je reviendrai bientôt 
sur ce point. 

Je voudrais maintenant expliquer comment le 
perfide instituteur du tyran n'a pu être trouvé ni 
parmi les morts , ni parmi les fiigitifs. A quoi de- 
vait s'attendre , en effet , l'auteur de projets et de 
conseils aussi violens , de tant d'atrocités , de meur- 
tres commis , non-seulement sur les hommes et le& 
femmes de condition privée , et sur ce qu'ils avaient 
de plus cher , mais sur presque tous les membres de 
la famille impériale, du sang desquels il avait osé se 
souiller , sans qu'il eut rien à craindre d'eux , sans 
aucunes représailles à exercer, aucune victime à im- 
moler à sa vengeance , comme il n'arrive que trop 



( 248 ) 
dans les discordes civiles , en un mot , sans aucun 
prétexte , hors celai de vouloir, en quelque sorte la- 
ver l par de nouvelles et sanglantes expiations , ses 
anciens forfaits et ses fureurs premières* Un tel 
homme , sans doute , dëse^éra de trouver grâce ; du 
moins a-t-onlieu de le croire, quoiquHl ait pu aussi 
penser tout autrement. La vérité est qu'il a subite- 
ment disparu ^ sans que nous sachions y ni ce qu'il 
a fait, ni ce qui lui est arrivé depuis. Quelque génie 
vengeur Taura-t-il emporté , comme Homère l'a dit 
des filles de Tyadare , aux extrémités de la terre , 
pour lui faire subir la peine due à ses cruels con- 
seils ? Ou le fleuve Taura-t-il englouti , pour qu'il 
servît de pâture aux poissons ? Nul renseignement 
n'a été donné jusqu'ici. On sait seulement que le 
jour de la bataille, et lorsque ses troupes se rallièrent 
de nouveau pour revenir à la charge , il s'élança avec 
furie au milieu des rangs : le combat une fois ter- 
miné de la manière qu'il devait l'être, on ne le revit 
plus ; soit que Dieu même ^ soit que quelques dé- 
mons l'aient tenu caché , non , c^tes ^ pour lui ré- 
server un meilleur sort. Car s'il devait jamais repa- 
raître , ce ne serait point pour jouir tranquillement^ i 
ainsi qu'il se l'était promis , du fruit de ses crimes , 
ni pour en commettre de nouveaux , mais bien pour 
être anéanti , par un genre de supplice aussi sévère ^ 
contre sa personne , qu'utile au public. 

I 



(249) 

Après cette digression sur Texécrable auteur de 
toute la trame ;, je reprends le fil de mon discours ; 
un moment interrompu ; et je vais rapporter quelle 
fat Tissue de cet affreux combat. Car la lâcheté des 
chefs n^avaît pas fait perdre courage à leurs soldats ; 
et le désordre dans les rangs de ceux-ci étant moins 
leur ouvrage que l'effet de Timpéritie de celui qui 
les commandait , ils se rassemblèrent par pelotons » 
ou cohortes , et soutinrent le choc avec bravoure. La 
chaleur de Taction surpassa tout ce qu^on avait pu 
en augurer , les uns ne voulant rien céder aux vain- 
queurs, les autres résolus à suivre jusqu'au bout leur 
victoire. Alors les mouvemens se croisent en tout 
sens , et s'exécutent aux cris confus des soldats , au 
bruit des armes , des glaives qui se brisent contre les 
casques et des lances qui heurtent contre les bou- 
cliers. On lutte corps à corps : les plus acharnés 
d'entre les ennemis jettent loin d'eux leurs bou- 
cliers , et fondent sur nos soldats Tépée en main , ne 
connaissant plus le danger , et s'occupant unique- 
ment de faire à leurs rivaux le plus de mal possible , 
contens de mourir eux-mêmes , pourvu qu'ils leur 
rendent leur victoire cruelle et sanglante. 

Tel fat le désespoir des fantassins qui se pré- 
cipitèrent sur nous ; ils étaient secondés par ceux 
de leurs cavaliers , à qui la chute ou les blessures 
de leurs chevaux rendaient l'usage des piques înu- 



( 25o ) 

iJles. Ces piçues ^ ou lances , étaient d'une longueur 
démesurée ; ils les brisaient alors , et sautant à terre , 
ils s'allaient ranger parmi les légionnaires à pied. 
Tous firent donc une trop longue et opiniâtre résis- 
tance. Mais comme nos cavaliers voltigeurs ** lan- 
çaient sur eux une grêle de traits , comme nos cui- 
rassiers faisaient de fréquentes irruptions dans leurs 
rangs , vu que le terrain élait égal et ouvert de tout 
côté ; comme enfin la nuit approchait , Tennemi se 
mit en pleine déroute , et les nôtres le poursuiviidii 
de toute leur force, jusqu'aux retranchemens, qu'ils 
emportèrent ainsi que le bagage , les valets d'armée 
et toutes les bétes de somme. 

Par suite du mouvement rétrograde de renneim,' 
et de la vigueur avec laquelle ks nôtres les poursui- 
virent , les fuyards , totalement enfopcés , désertè^î 
rent (6) la ligne gauche de leur ordre de bataille , d 
se replièrent vers la rive du fleuve, occupée par l'aib 
droite des vainqueurs. Là , régna le plus aflBreux car* 
nage , qui bientôt remplit ce fleuve des cadavrd 
d'hommes et de chevaux pele-mele entassés. 

En effet , le Drave , moins docile que le Scaman- 
dre , et moins propice aux fuyards , comme ce der- 
nier , ne vomissait pas de son sein les morts avec 
leurs armes ; il ne recelait pas comme lui , dans ses 






( 25l ) 

flots , ceux qui étaient encore vivans. Sans doute , 
c'était anciennement un effet de la bienveillance 
de ce petit fleuve troyen ; ou plutôt son lit était si 
étroit et ses eaux si peu profondes y qu^on pouvait 
le passer , soit à gué , soit à la nage ^ puisqu^'un 
onne , tenant lieu de pont , suffisait pour le maîtri- 
ser j puisque son onde , gonflée d'écume et de sang, 
fie dépassa point les épaules d'Achille ( si toutefois 
le fait est croyable , et qu'aucune cause violente n'y 
iit présidé). Cependant une légère chaleur étant sur- 
venue , le fleuve se modéra, dit-on , cessa de prendre 
part au combat , et de prêter aucun secours. 

Mais tout ceci me paraît un jeu de la muse d'Ho- 
Bière , qui a inventé ce trait aussi nouveau que bi- 
carré d'un combat singulier. Partout il s'étudie à 
favoriser Achille : à côté de ce héros , tous les guer- 
lîers rassemblés ne ^ont qu'autant de spectateurs* Il 
ie montre seul invincible , s'élançant contre une 
fcule d'ennemis , tuant ceux qui s'offi^nt à sa ren- 
contre , intimidant tous les autres de sa voix , de son 
geste , du feu de ses regards , et les contraignant k 
feiir. A peine les Troyens se sont rangés en bataille , 
sur les bords de Scamandre , que je les vois en toute 
fcàte regagner leurs muraiUes. Voilà ce que le poète 
délaye en beaucoup de vers , où il entre-méle les 
combats des dieux , et sait si bien embellir son ré- 
cit par des fictions , qu'il désarme la critique de ses 



( 252 ) 

joges , et ne leur permet pas de prononcer selon 
vérité. Cependant qu'on me nomme quelqu'un q^ 
ne se laisse pas séduire par Téclat de la diction, ni pa 
des omemens étrangers ; qu'un tel homme , dls-je 
juge sans prévention, comme on le fait des odemi 
et des couleurs , voilà mon aréopagiste ; et je m'fl 
réfère à son jugement. Du reste , je ne conteste pohi 
la qualité de héros a ce fils de Pelée , que Vaut 
du poëme nous représente assez fort , pour se 
de vingt hommes, à son choix , et pour les tuer 
sa main : 4 

I 

« Il retire des eaux douze jeunes guerriers * 

» Paipitans de frayeur, comme des faons timide^ 
» Il va les immoler aux mânes de Patrocle. » ■ 

i 
Cependant sa victoire n'améliora pas de bea^ 

«Jup les affaires des Grecs ; elle n'imprima pcMÉ 

une terreur plus grande à leurs ennemis ; elle ne 1^ 

fit point désespérer de leur propre salut ; et poiir|, 

prouver, avons-nous besoin d'invoquer d'autres tj 

moignages que celui d'Homère lui-même ? Ne no4 

suffit-il pas de citer les vers où il raconte commedi 

« le roi Priam se rendit près de la flotté des GreOi 

apportant avec lui le prix de h rançon du corps 4 

son fils »? En effet , après la conclusion de la \m^ 

* II. (p. , v. 27. 



( 253 ) 

|onr laquelle il était venu , ne répondît-il pas au 
CIs de Thétis : 

« Pendant neuf jours entiers nous pleurerons Hector : 
}Tfois jours après s'il Faut, nous reprendrons les armes.»* 

^ On voit donc que ce prince n'hésita point à dé- 
noncer Tattaque , après l'expiration de la trêve. Au 
^ntralre , le faible et lâche tyran , dont j'ai signalé 
h fuite , prit pour asile les montagnes les plus escar- 
féts , et construisit six forts , d'où , se croyant en- 
core mal en sûreté , il implora le pardon qu'il au- 
rait obtenu , s'il en eût été digne , s'il ne s'était pas 
montre' tant de fois insolent et perfide ; si , par de 
nouveaux attentats, il n'avait mis le comble à tous ses 
crimes. Enfin , qu'un homme impartial examine 
%ates les circonstances de cette bataille mémorable ^ 
^Hl voie les faits , indépendammenf des charme» 
Mu style de l'historien , )e suis loin de récuser son 
nugement. 

Si vous le permettez, je vais opposer îci^ aux 

kombats d'Ajax pour la défense des navires , et du 

'retranchement des Grecs , les combats livrés près de 

) la ville à laquelle le Mygdonius , le plus beau des 

fleuves, avait donné son nom, et qui avait porté ce- 



* Le premier vers manque aujourd'hui, dit le P. Petau, 
Biais le sei;ond est le 667 du dernier chant de llliade. 



(254) 

laî du roi Antiothus , son fondateur, mais (jui , dans 
la suite , en reçut un autre tiré de la langue des bar- 
bares, mêlés avec les habitans du lieu. Cette vilk 
donc *, fut assiégée par une foule innombrable de 
Parthes et d'Indiens, au moment où tout était dis- 
posé pour marcher contre le tyran. Ainsi s'avança, 
(tel qu'autrefois (7) le crabe des mers y pour secou- 
rir le monstre de Leme , contre Hercule ) , ce roi des 1 
Parthes , qui, sorti du continent , passa le Tigre , et *: 
ceignit Nisibe de hautes circonvallati^ns, en avant I 
desquelles il introduisit les eaux du Mygdonius , fit i 
des envh'ons de la ville un marais , et de cette ville ' 
même une île , dont les remparts s'élevaient à peine *! 
au-dessus du niveau du fleuve. Il pressait le siège I 
par ses navires , sur lesquels il avait assis des ma- i\ 
chines de gueiTC. Ses efforts ne se bornèrent pas à 1 
une seule journée; il les continua près de quatre 4 
mois. i 

De leur côté, les assiégés , placés sur les remparts, ^! 
en écartaient les barbares , incendiaient leurs ma- i 
chines par des brûlots **, attiraient à eux, et soûle- ' 
vaient du haut des murs plusieurs navires , brisaient * 
les autres à l'aide d'instrumens préparée? à dessein, ' 

\ 

^ j 

* Nisibe. ^ 



( 255 ) 

m par le poids des traits , et même des masses qu^ils 
ançaîentf et des pieiTes dont la pesanteur montait 
Ii2squ'à sept iakns atlitjues (8) : Tattaque et la dé- 
pense avaient déjà doré un grand nombre de jours , 
orsqu'une partie du rempart , miné par les eaux , s^é- 
Toula tout à coup , et entraîna dans sa chuté , un 
lan de muraille d^à peu près cent coudées. 

Alors nos ennemis rangèrent leur armée à la ma- 
lière des Perses. Car ils s'étudient à conserver et 
.imiter en tout Tusage des Perses, dédaignant, ce 
emble, leur nom de PartheSy ti voulant à toute 
bree passer pour Perses. Aussi les voit-on adopter 
olontiers le costume des Mèdes, et comme eux. 
oarcher au combat, décorés des mêmes armes, et 
A habits couverts d'or et de pomjpre.Ils ont, dans 
ette conduite , un intérêt secret , celui de paraître 
iioins s'être détachés des Macédoniens , que d'avoir 
Q de toute antiquité, l'empire qui leur appartient 
iijourd'hui. 

Ainsi donc leur roi, à l'exemple de Xercès, se 
tlaca sur un tertre élevé à force de bras ; il fit appro- 
:ber son armée , dans laquelle figuraient ces animaux 
ires de l'Inde , et portant sur leurs dos des tours 
^'amies de fers , et remplies de soldats armés de traits. 
fin avant étaient les cuirassiers à cheval , accompa- 
jnes d'autres cavaliers habiles à tirer de l'arc , et 
lont le nombre surpassait toute croyance. Ces peu- 



( 256 ) 

pies en effet» comptant pour rien rinfanterie , ne la 
font point entrer dans leur ordre de bataille; ils sont 
accoutumés à s'en passer dans les pays plats qu'ils 
occupent ; et ils se rësei^eut la faculté d'en tirer un 
parti plus ou moins avantageux, selon que peuvent 
l'exiger les opérations de la guerre ; en sorte que 
cette portion précaire de* leur armée n'a de sa na- 
ture aucune destination fixe dans les lois militaires 
de l'état. A cet égard, la tactique des Cretois, des Ca- 
riens et d'une infinité d'autres nations , n'offire au- 
cune différence. Pour la même cause , les plaines de 
Thessalie devinrent le théâtre des révolutions et des 
jeux équestres. Notre capitale * au contraire, ayant 
à lutter contre toute sorte d'ennemis, eut assez de 
prudence et de bonheur, pour composer sa puis- 
sance militaire de guerriers de toute arme. Peut-être 
m'objectera-t-on ici , que les lois du panégyrique me 
défendent d'embrasser aucune opinion sur de sem- 
blables matières. J'examinerai plus loih , en quoi \i 
question peut te concerner, ô empereur! pour le 
moment, rien ne m'est plus facile que de me laver 
de tout reproche : car n'ayant nulle envie de pro- 
noncer là-dessus par moi-même , on m'accuserait à 
tort de faire le pix)cès à un art auquel je me confesse 



* Rome. 



( 25? ) 

îtranger *. Et quant même il me faudrait en parler ^ 
e ne manquerais pas d'autres excuses également 
}lausibles. Mais qu'ai-je besoin d'étendre ce dis- 
cours , au risque de m'écarter du sujet principal. Je 
reprends donc mon récit. 

J'ai dit que les Parthes , couverts de leurs armes, 
;t amenant avec leur cavalerie, des animaux de 
llûde, s'étaient approchés des murs de la ville, 
:royant bien l'emporter d'assaut. Le si^al de l'at- 
iaqae une foU donné, tous se précipitent sur les 
remparts , chacun se flattant de l'honneur de monter 
!e premier h l'escalade , n'y soupçonnant aucun dan»- 
ger , et n'imaginant pas que les assiégés pussent sou»- 
tenir leur choc impétueux : tant était aveugle la 
confiance de ces peuples! Dans cet intervalle, les ha- 
bilans avaient étaWi une forte phalange sur la brè- 
che , et rangé autour des murs , qui étaient encore 
îebout , toute la population inutile , en l'entremêlant 
f un nombre égal de troupes réglées. 

Les ennemis s'étant donc avancés, sans que du 
haut des murailles on leur eut décoché aucun trait , 
se confirmèrent dans l'espoir de se rendre à l'instant 
maîtres de la ville. Ik pressent à coups redoublés la 
marche de leurs chevaux, dont l'éperon ensanglante 



» Julien craint de^ passer pour guerrier dans l'esprit 
ombrageux du prince. / 

L 17 



( 258 ) 
les flancs , jûsqu^à ce qcCih eussent laisse derrière eu 
les dignes de circonvallatioi;! qu^ils avaient opposée 
à la rapidité des eawt du Mygdonius: Le terrein^ oi 
ils se trouTaienl en^gés, était rempli d^un limoi 
très-épais , TU la nature grasse du sol, et lapropriéti 
cpi^il a de retenir long-tems Thumidité. Il y aTait ei 
outre im ancien et large fossé » qui servait autrefoû 
de défense à la ville, et où ta vase était encore ploj 
profonde. Les Parthes ayant entrepris de le fran- 
ehir, aussitôt les hs^itans, tant de Tintérieur de la 
iâlle, que du haut des murs, lancèrent des pierres 
«ur leurs ennemis, et en firent ut)i horrible carnage. 
Pènr mettre en fuite les chevaux , ils n'cm*ent be- 
soin que de le vouloir, et de leur montrer une atti- 
tude menaçante; ces animaux, en se caln^ant, tom- 
baient et renversaient les cavaliers, que leurs armes 
pesantes enfonçaient dans la boue. Dès-W la perte 
des ennemis fiit beaucoup plus grande, qu^elle ot 
Tavait été durant tout le siège. 

Le combat de la cavalerie sV'tant terminé de 
sorte, nos ennemis essayèrent de faire approci 
leurs éléphants , croyant au moins nous effirayer p 
ce nouveau gem*e d^attaque. Sans ^oute, ils nef 
rent point assez aveugles ^ pour se dissimuler qi 
ces bétes colossales, de beaucoup plus pesantes (f 
les chevaux, avaient à supporter des fardeaux q 
font d^ordinaire la charge^ non-seulement de del 



I 



< 259 ) 
tlievâQX ou plus y mais celle même de plusieurs dharâ 
et en outre celles des archers, des lanciers *, enfin de 
la tour de fer : et qu'elles trouveraient des obstacles 
inséparables de la nature d'un terrein , rapporté ** et 
devenu nlarécageux, te que rëvënement ne tarda pas 
à ve'rifier. Je conjecture donc, que, par cet imposant 
appareil^ les assiégeans eurent en vue , moins d'atta- 
quer sérieusement, que de répandre la terreur. 

Quoiqu'il «n soit , les Parthes en ordre de bataille 
cl mettant peu de distance entre chacun de leurs 
rangs , s^avanCenl: ; leur phalange présente l'aspect 
d'un mur* Des deux cotés sont les éléphans qui por- 
tent les tours : des soldats de toutes arme^ occupent 
le centre. Cette tactique ne pouvait être d'un grand 
secours aux bâi&ures: ; mais elle fut un spectacle amu- 
sant pour les assiégés, qui, placés sur leurs rem- 
parts , après avoir repu leurs yeux de toute la pompe, 
dont brillait une telle armée , mirent en mouvement 
les machines *** propres à lancer des pierres , et pro- 
voquèrent ainsiles barbares à l'attaque des murailles. 
Ceux-ci naturellennent fougueux , piqu& d'ailleurs 
de paraître servir de risée , s'ils retirent leur immense 
appareil sans avoîir rien tenté, excités enfin par 



* 'Attù/itflus^ armé^^ .ie javelats. 

*^ XufoiFùtffiù^ y factice, OU faitàlamaiiî. 



I 



?• 



C 260 ) 

Tordre de leur roî , se poitient soils les murs, où \\i 
sont assaillis par une grèle de pierres et de flèchei 
Plusieurs de leurs éléphans sont blessés, et meurent 
engloutis dans la fange. Les chefs, craignant d'en 
perdre un plus grand nombre, ramenèrent leurs 
troupes au camp. 

Après cet échec, le roi des Parthes distribue ses 
archers par échellons, leur ordonne de se remplacer 
sans relâche , et de lancer continuellement dès traits 
sur la brèche , piour ne pas donner aux assiégés le tenu j 
de la réparer, et de pourvoir à la sûreté de leur I 
ville , qu'il se flattait d'emporter ou par ruse, ou de' 
vive force , et par le grand nombre de ses soldats, j 
Mais la prévoyance de notre empereur fit échouer I 
le^ projets du barbare. Celui-ci s^était imaginé quW 
qe pouvait construire que sur les fondemens de Tan- 
cien mur écroulé; mais derrière les soldats qui sou- 
tenaient l'attaque, des travailleurs poussèrent telle- 
ment l'ouvrage , pendant toute la journée et toute 
la nuit , que, le lendemain dès Taurore , on vit un 
nouveau mue de quatre coudées de hauteur, quoique 
les assaillans, at succédant lés uns aÛK autres, nW 
sent pas discontinué un $eul instant de laneer leurs 
javelots contre ceux qui défendaient la brèche. 

Une telle résistance parut étonner le roi barbare: 
cependant , il différa la retraite de son armée; plu- 
sieui'sfois il revint à la charge , et employa la même 



( 26i ) 

manœuvre. Voyant enfin que Tissue de toutes ses 
tentatives lui était constamment défavorable , il se 
décida à ramener ses troupes , après en avoir perdu 
beaucoup par la Risette , et autant par les opérations 
meurtrières du siège. 

Dans sa fureur, il fit ihettre à mort un grand 
nombre de satrapes ^ accusant l'un du défaut de so- 
lidité dans la construction des circonvallatlons, qui 
avaient été renversées par . le torrent des eaux du 
fleuve; Fautre d'avoir manqué de bravoure 4ans l'at- 
taque des murs , imputant enfin à un ou à plusieurs 
autres des griefs différens ; car , c'est assez la èoutume 
aux barbares despotes de l'Asie de faire supporter 
a leurs sujets le poids des revers dont eux-mêmes 
sont la cause ; et le monarque sut bien s'en préva- 
loir, avant son départ. Ajoutons cependant que de- 
puis cette époque , sans être lié ni par aucun traité , 
ni par la foi des sermens, il préféra de demeurer en 
paix avec nous , jusqu'à ce que l'empereur armât de 
nouveau contre lui , pour le punir de sa téméraire 
audace. 

Je demanderai donc ici en quoi le combat^ dont 
je viens d'esquisser l'histoire ^ ressemble à ceux 
Çie nous savons avoir été livrés par les Grecs ^ 
pour la défense de leurs navires, ou de kurs 
retranchemens. Et vous, qui m' écoutez , si vous vou- 
1^ en faire la comparaison, daignez y remarquer 



( 262 ) 

une éiionne différence. Du côté des Grecs, les dent 
Âjax, les Lapithes et Menesthée abandonnèrent le 
camp l'etranché , sans pouvoir ^mpécher Hector 
d'en briser les. portes , ni Sarpedon d'en franchir 
les vedettes. * Les défenseurs de î^isibe , au con- 
traire, loin de quitter la brèche > y soutinrent avec 
courage l'assaut des Parthes et des Indiens réu- 
nis. Celui des deux Ajax , qui s'était posté sur les 
navires , en descendit , pour combattre à pied, et & 
l'abri des. palissades , au lieu (^e nos assiégés, sans 
déserter leurs remparts , se mesurèrent d'abord avec 
l'ennemi dans, un combat naval.* Les Grecs enfin sor^i 
tirent de leurs vaisseaux et des palissades; les no tres| 
triomphèrent che« eux de la flotte et des légiond 
ennemies. 

Il est heureux pour moi que mon sujet m'ait cor 
duit naturellement à parler d'Hector et de Sarpe- 
don ; et ce qui est le point capital , de la destriM 
t ion par eux d'un retranchement que le roi dePyfci 
haranguant les troupes , vantait , la veUle , conrt 
un rempart ** inexpugnable pour la défense d» 
flotte et de l'armée. C'est , à moa avis , im despl 
beaux explmts d'Hector. Mais il ne faut ni 11 
4e Glaucus (9) , ni un ei4>rit bien sulrtil , pû> 



*^ II. I , vers 56. 



( 263 ) 

Tolr qtie sa bravoure se soutînt mal. Homère nous 
rapprend, lorsqu'il dit , qu'àrapparilload'AGbilfé : 

« Le valeureux Hector se cacha dans les rangs. » * / 

et qa'au moment , où Agamemnon pressait les 
Trojens , et les poursuivait jusque sous les murs de 
leur ville, Jupiter déroba Hector, de peur qu'il-ne 
pérît dans cette a(;tion. Le poëte lui-même semble 
se jouer de la timidtté de ce héros , lorsqu^il feint 
qalrîs, envoyée par le fils de Saturne , le trouva 
près des portes , assis sous un hêtre , et lui adressa 
ces paroles : 

« Pendant que tu verras le roi de tous les Grecs , . 
» A la tête des siens , immoler tes soldats ^ 
« Abstiens- toi de combattre. » ** 

£st-il vraisemblable que Jupiter ait donné cet 
indigne conseil à un guerrier surtout, qui avait 
qaltté lé combat, pour se livra* au repos le plus 
*rf)soln ? Que fit encore ce héros , lorsque le fiis de 
Tjfdée**^^ dont Minerve rendaitle casque étincelant 
de ijanmies , égorgea tant de Troyens , et mit m 
faite tous ceux qui lui résistaient .^^ Il se tint à l'écart , 



* H. Y, vers 3 79. 
Idem , L , 202. 
**» Diomède. 



( 264 ) 

et HKilgré les reproches quVn lui adressa, Il nosa 
point s'opposer aux Achéens victorieux., et colora 
sa rentrée dans la ville , du prétexte d'aller avertir sa 
mère , qu'elle eût à réunir les femmes troyennes, 
pour invoquer avec elles la protection de Minerve. 
le le louerai , sanfj doute , de s'être prosterné lui- 
même avec son sénat dans le vestibule du temple. 
Il convient , en effet , qu'un chef d'année , qu'un 
monarque suilout^ en sa qualité de pontife et de 
prophète* , 'Ai ai cœur d'exercer solennellement ses 
fonctions en l'honneur de la divinité , et qu'il n en 
néglige aucune, comme s'il pouvait s'imaginer qu elle 
convînt mieux à d'autres , ou qu'elle fut au dessous 
de sa dignité (lo). 

Je saisis l'occasion qui se présente, pour interpré- 
ter , a ma manière , la doctrine de Platon (i i) ; et je 
crois y voir que toiii ce que ce sdge pliilosopbe nous 
dit de la «divinité ^'applique en m^eme tem$ à chaqui 
hoinm^, et surtout ai| prince ; j'ait,eQd§ , par exeni- 
p]le> que son bonheur île dépend pas des autres 
Uommes; mais, de la divinité, eon;une de lui-même; 
qi4e l'adversité ou la prospérité, dan$ les choses ha- 
mainès, pe l'oblige point, à changer 4'état, et ne le 
rend pas plus sujet que Dieu même aux vicissitudes 
de la vie : voilà le pur dogme de Platon. En vair., 

Devin , préposé aux augures. 



le 



( 265 ) 

Ton m'accnserait d'en changer quelques mots. Je dis 
aussi que sa doctrine est un monument , un temple ,*• 
où tout doit rester à sa place. Je soutiens cependant 
qu'on ne pourrait donner aux préceptes de notre 
philosophe aucun autre sens que celui que je veux 
suivre. 

En effet , << ce qid, selon lui, constitue V homme , à 
» proprement parler y ce n'est pas le corps; ce ne sont 
» ni la noblesse, ni la gloire des ayeux. Tout ceci est , 
j) sans doute , une propriété individuelle de notre 
> être; mais ce n'est pas nous ». Il ajoute ensuite : 
« Ce qui est à nous , c'est l'intelligence , c'est la 
» sagesse ; c'est en un mot le dieu qui est en nous, et 
» qui constitue , comme il le répète ailleurs , la pro- 
» pre forme de notre âme. Car Dieu nous a donné, 
» à chacun, un génie, que nous supposons résider 
» dans la partie supérieure de notre corps, et qui 
» nous attire vers le ciel , où nous avons une com- 
» mune origine , et où l'on veut que nous tendions 
» nous-mêmes , sans nous mettre dans la dépen- 
» dance des autres hommes , dont les uns n'ont pu 
» nous enlever les biens terrestres , quoiqu'ils en 
» aient eu la volonté ; les autres nous en ont privés 
» d une partie , souvent sans le vouloir. Mai$ la fé- 
^) licite, dont il s'agit , ne connaît ni obstacle , ni 
» altération; car, ce qu'il y a de plus sublime , ne 
» peut être atteint par ce qu'il y a de plus abject. » 



( 266 ) 

Peut-être trouverez-vous que j^accumule^sans ass« 
de cjioîx , les sentences du divin Platon. Je les sème , 
îl est vrai , à dessein , et comme on le fait du sel ou 
des paillettes d*or; de Fun , pour assaisonner les 
alimens ; des autres , pour récréer la vue , ^t pour 
donner plus d'apparence aux objets. Ces deux genres 
d'utilité se réunissent effectivement dans les dia- 
logues de Platon , qui l'emportent sur tous les dis- 
cours des autres orateurs , par le charme qu'ils foBl 
goûter à l'esprit et à Toreille , et par la vertu qui 
leur est propre , de nourrir l'âme délicieusement ^ 
et de la purifier. Pourquoi voudrait-on nous empê- 
cher , ou nous faire un reproche d'être trop prodigues 
de telles citations , à nous principalement qui som- 
mes avides de pareilles richesses , et qui , à l'exemple 
de certains convives sensuels , ne pourrions laisser 
aucun mets, sans le déguster ? Si c'est un inconvé- 
nient , j'y suis entraîné , lorsqu'il me faut célébrer , 
h-la-foîs, et des louanges , et des dogmes utiles ; et , 
avant d'approfondir, ou de poursuivre le sujet que 
j'ai commencé de traiter , je m'interromps, pour ex- 
|>liquer les sentences des philosophes. J'en suis fâché 
pour mes critiques, je les ai prévenus d'avance : et 
peut-être y reviendrai- je encore dans la suite (12). 

Après avoir ainsi motîvé notre digression , repre- 
nons la dans son principe ; et revenons sur nos pas > 
comme ceux qui auraient poussé trop loin leur 



( 267 ) 

course. Nom disions donc tout -à-rheurc avec Ha* 
ten , que ce qui constitue Thomme , c'est Vâme et 
ï intelligence ; le corps et les richesses ne sont que sa 
propriété individuelle. Voilà ce qu'il développe dans 
son admirable ouvrage sur les lois. La conséquence 
naturelle de ce dogme est que chaque homme est 
pourvu de tout ce dont il a besoin pour vivre heu- 
reux , puisque son bonheur dépend uniquement de 
Vâme et de la sagesse , et non des choses extérieures , 
dont le bon ou mauvais état rendrait son existence 
trop précaire. Platon Ta dit expressément ; et ce 
n'est point altérer sa doctrine, mais l'expliquer con- 
venablement , que de substituer ici le nom de dieu 
à celui à* âme. Gar enfin , si le génie qui réside en 
nous , impassible de sa nature , puisqu'il participe 
de celle de dieu , quoiqu'il soit par son union au 
corps tellement sujet aux souffrances , qu'il paraisse 
à quelques-uns souffrir et s'anéantir avec lui ; si , 
dis-je, dans la pensée de notre philosophe , ce génie 
est destiné a régir les actions de quiconque désire 
vivre heureux ; à plus forte raison , convient-il d'In- 
vestir de ce droit l'intelligence pure qui n'a rien de 
commun avec le corps , et que nous nommons dieu. 
Or . c'est cette intelligence , c'est Dieu même que 
nous disons gouverner dans l'âme de chaque homme 
en particulier , comme dans celle du prince ; c'est à 
cette intelligence qu'appartient légitimement et sans 



( 268 ) 

restriction, la divinité, à laquelle notre âme s'Iden- 
tifie par son origine , et sur laquelle elle doit se re- 
poser du commandement de tout ce cpi nous con- 
cerne dans la vie. Ce serait donc le comble de rim- 
pudence et de la folie, que de ne pas obéir à Dieu, 
si nous désirons pratiquer la vertu que nous saTom 
lui être agréable. Le culte de la vertu est inséparable 
de celui de la Divinité ; et la religion qui est une 
branche de la justice , est , comme elle , la forme la 
plus divine de notre âme : vérité qui nV échappé à 
aucun jde ceux qui ont traité cette matière^ 

C'est pourquoi nous avons loué Hector de s'être 
abstenu d'offrir des libations aux dieux , tandis que 
ses mains dégouttaient encotre de sang ; mais nous le 
blâmerons d'être rentré dans la ville et d'avoir quitté 
le champ de bataille , pour aller exercer des fonctions 
qui , appartenant moins à un roi et à un chef d'ar- 
mée, qu'à un ministre subalterne du rang des Dac- 
tyles ou de celui d'un Talthybins (i3), semblent ne 
lui avoir servi que de prétexte , pour fuir sans dés- 
honneur. On voit en outre , que , Ixirsqu'il s'avança 
contre Ajax, le fils deTelamon, il écouta facilement 
le devin qui lui conseillait de céder ; et qu'il s'es- 
tima heureux de racheter sa vie par des présens. On 
voit enfin que , lorsqu''il s'enhardit à poursuivre les 
ennemis , il ne contribua de sa personne à leur fuite , 
qu'au moment où avecSarpedon : 



C 269 ) 

w II franchit des premiers le fort rempart des Grecs. » * 

Les exploits de notre empereur soDt-ils moins 
krillans ? et craindrions-nous , en les comparant à'* 
ceux des anciens héros , de n^opposer que de minces 
actions à de plus grandes , ou des faits insignifians 
à d'autres d'une plus haute importance ? N'hésitons 
donc pas à proclamer la i^périorité de Constance j 
même dans le seul point qui puisse honorer un Hec- 
tor. Ce mur en efifet , dont il s'agit , ou , si l'on veut, 
ce rempart, sur le rivage de la mer , avait été cons- 
truit en moins d'une matinée , ainsi que nous for- 
mons nos retranchemens : mais le mur , élevé sur les 
Alpes , était une antique forteresse , que le tyran 
choisit pour asile après sa fuite , qu'il augmenta de 
fortifications nouvelles , et dans laquelle il plaça une 
garnison nombreuse de soldais bien aguen^is. Lui- 
même s'en écartait peu et résidait dans une ville 
voisine , riche , florissante par son commerce mari- 
lime , et qui servait d'entrepôt de marchandises aux 
Mysiens , s^x Paeoniens et à ceux des Italiens, qui 
peuplaient les bords de la Méditerranée* 

Ses habitans portèrent autrefois le nom de Hé- 
netes ; et aujourd'hui même que nous , Romains , 
âommes en possession de leur territoire , ils conser- 

» Iliad. M. Y- 438. 



vent leur ancien nom patronymique, en y ajoutanl 
seulement une lettre initiale ( représentée par notre 
signe xmesprit^ quUls prononcent o», t\ dont ils se 
servent souvent aussi pour rendre notre B. par sup- 
plément d^aèpiration, je pense, ou parua idiotisme 
de leur langue. Quant à leur ville y ils lui ont donné 
le nom de l'Aigle * i4) > q«î i «^a «ux , prit 
son vol de là partie droite du ciel , lorsiju'ils s'oc- 
cupaient à construire leurs murailles. 

Elle était située au pied des Alpes , Biontagnes 
qui varient par Tesearpement des rochers , et qu'oo 
franchit a peine avec un charaiieU toutesprès^* Elles 
conusienfient à la mèr, que nous appelons Ionienne ; 
d'oà> sçp^pnt ritalie de la Oaule et d^ Tlllyrie, elles 
se terminent à la tner Tyrrhenienne ; car lesRo- 
fttïàas, après avoir subjugué tout ce pays , dans le 
^uei $e trouvent les Hénètes , les Liguriens et une 
portion considérable <les peuples de la Gaule , ne 
les c«q[)êdièrent point de i^enir leurs anciens noms: 
seulement ils les furent entrer dans le dénombrement 
des {peuples A'^IfaUe^ «t aujourd'hui tons les penples 
en deçà des Alpes , jusqu'à k mtt ^'lôaie et de 
T^hénie^ portent en "Commun^** le4H»lii d'IkJuns. 
Jjesnijtiims ao-delà des Alpes sont , a l'Oftcident) 



* Aquilée. 

** Le texte porte char de montagne. 



( ^71 ) 
les Gaidois ; les Rhètes * occupent avec d^autres 
barbares la partie du Nord , où sont près Tune de 
Tautre, les sources du Rhin et du Danube. Le reste 
est habité par des barbares. jLa pailie orientale est 
naturellement défendue par les Alpes , du côté où nous 
avons TU que le tyran avait placé une forte garnison. 
£t ainsi lltalie entière est environnée , tant par un^ 
chaîne de montagnes inaccessibles , que par une mer 
limonease, où se déchargent une infinité de fleuves, 
qui font y des rivages de cette mer , un marais assez 
ressemblant aux marais de TEgjpte. Cependant le 
génie de notre empereur Fa rendu maître de cette 
plage, et lui a fait forcer toutes les autres bar- 
rières. 

Sans me prévaloir ici de rescarpement du lieu', 
on Ton ne pouvait ni asseoir un camp , ni construire 



* Pour ne pas placer les Gaulois avec les Rhétes , 
je corrige h texte grec évidemment altéré , en mettant 
vn point aptes ifift*^»ty verbe qui se rapporte aux Gau- 
las; pais aa lieu de kk) fSjct , je lis f^«t H 7« ; nais 
les Rhétes, etc. ; correction lûeii simple, et qui ne sup- 
pose pas, comme l'a fait le P. Petau , que Tempereur Ju- 
lien ait pu se trolnper sur le nom des peuples qu'il avait 
vus par hii-même. J'observe, en outre , que Julien dé- 
signe ici le nom du Danube^ par i«^^v ; c'est l'ister des 
Latins. (Voy. àlafin de l'ouvrage, la prétendue lettre 
tfe cet empereur, à Saint-Basile^) 



( ^7^ ) 
des retranehemens , ni transporter des machinés et 
équipages de sle'ge dans un pays absolument aride 
et dépourvu d'eau , je ne parlerai que de la prise 
même de la forteresse ; et si vous voulez , en m'é- 
coutant , vous former une idée succincte de cette 
opération militaire , reportez vous à l'expëdilion des 
Macédoniens contre les peuples de Tlnde ; fig:urez- 
vous Pattaque et la prise de ce rocher, dont Yélén- 
tion défiait le vol des oiseaux les plus légers ; alors 
je n'aurai plus rien à vous apprendre , sinon qu% 
lexandre perdît , dans l'occupation de ce rocher , uii 
assez grand nombre de Macédoniens ; tandis que no- 
tre auguste chef remporta une victoire complète, 
sans avoir eu à regretter, je ne dirai pas un tribun 
ou un centurion , mais un seul de ses soldats. 

Quant à Hector et à Sarpedon , je les vois sur les 
retranchemeflls donner la mort à plusîem^s Grecs. 
Cependant, après qu'ils eurent tous deux rencontré 
Patrocle dans la mêlée , l'un fut tué près des na- 
vires , l'autre s'enfuit honteusement , sans emporter 
le corps de son ami ; tant il est vrai qu'ils n avaient 
tenté cette irruption contre les retranehemens , qu'en 
présumant de leurs propres forces , et non par un 
conseil prémidité. Notre empereur prouva bien, au 
contraire , qu'il savait employer les armes et le con- 
seil à la fois , là où il fallait de la force et du cou- 
rage ; et que dans les occasions , où le conseil suf- 



( 273 ) 
^mty $011 génie lui valait des vicloirespki&graûdeâf 
q[U il ne les eut obtenues par le glaiire. 

Mais puisque la nature de mon récit me conduit 
à 1ou«r son génie et sa prudence , je continuerai de 
les faire remarquer Tun et Tantre dans les faits que 
j'ai déjà tpucbés» £t d'abord je suivrai Ucompia^i- 
son , précédenuaMiaJ; établie, entre les exploits de ces 
ancieiifi héros > et les hauts faits que j'ai àcââ>reF^ 
si toutefois les pi^eime» pewrent approcher des se* 
CQQids. L'évidence , en ma faveur , résultera de Texa^ 
meu des forces respertives , et de la grandeur des 
pi*éparatifs. D'une part donc , on voit toute la Grèce 
tu manvement ,une partie de ht Thrace et de laPéo- 
tae coDtre ks sujets de Priam , qui comptait parmi 
ses étads ; 

ce Le pays de Lesbos , séjour plein de délices , 
» Et la grande Pbrygie avec tout THellespont. » « 

D'autre part, le nombre des nations qui combat- 
tirent, soit dans les rangs de l'empereur, soit contre 
lui , est si prodigieux , qu'il serait inutile , fasti- 
dieux , et même ridii:ttle » d'en entreprendre Ténu** 
mération. 

Quant au nombre des troupes rangées en bataille , 
Comme de notre côté , 4es intérêts et les résultats 



♦II., -^^v. 5:^4* 

L i8 



(274) 

(^talent infiniment plus grandie ^ il n^j ^ aactine ^ 
rite à établir des Grecs avec nous ; à plus forte rai^ 
son, n^oserait-on comparer la multitude de leurs 
combattans avec Içs nôtres. Les premieï^ , en effet , 
se fireîit une guerre opiniâtre , il est vrai ; maispoui' 
attaquer , ou pour défendre une seule ville , sans que 
les Troyens fussent venus à bout de repousser h 
Achéens victorieux ; et sans que ceux-ci , malgré leur 
supériorité , eussent pu renverser le trône et la fa- 
mille de Priam * , et dix années entières se passèrent 
daas ces alternatives. MaisFempereur eut à diriger de 
grandes expéditions, tantôt contre les Germains; qui 
habitaient les rives du Rhiii , tantôt contre les Par- 
thés quMl brava , en construisant un pont sur le ti- 
gre , en passant ce fleuve avec son armée , en rava* 
géant les champs , en pillant et incendiant tout k 
pays compris entre le Tigre et le fycus (i 5), sans 
que les troupes ennemies osassent lui livrer bataille. 
Si nous parlons ensuite de ce qull fit dans la guerre 
contre le tyran , iious mettrons en avant ces superbes 
flottes , expédiées en Sicile et à Carthage ; cette oc- 
cupation des bouches de TËridan , après qu'il est 
retiré toutes ses troupes de lltalie , et en troisième 



* Il me semble que Julien ne croit point à la destruc 
tion de Troie par les Grecs. ( Voyez ma dissertation le 
la deuxième édition de Quintus de Smyme. ) | 



î\ dernier lieu , le combat qu'il livra prèâ des Alpe* 
eotticnnes, ou il recouvra pour prix de sa victoire , 
la sûreté et la tranquillité de son empire , en forçant 
son ennemi vaincu à se punir lui-même, et à se don* 
»er la mort , que tuéritaient ses crimes. 

Voilà un précis fidèle des opérations militaireâ 
de notre empereur ; rien n'y a été ajouté , ni exagéré 
par adulation. Nous ti'avôns ni tiré de loin , ni 
forcé.le rapprochement des faits , comme ont cou- 
tume d'en agir les sophistes, txxt qui expliquent 
fes fables de nos poëtes, qui les arrangent de ma-* 
aière à y trouver un sens plausible et raisonnable ^ 
et qui partent d'un point obscur, ou d'une con- 
jecture ha^dée^, pour nous persuader que ces 
poêles ont réellement dit tout ce qu'ils leur font 
iire. Cependant , si aux noms des héros d'Homère 5 
•n substituait celui de notre empereur^ l'Iliade ne 
semblerait pas avoir été composée plus à leuf 
louange qu'à la sienne^ 

Mais afin qu'en m'écoutant vanter uniquement 
sa bravoure et ses succès à la guerre, vous ne le 
^yiez pas moins riche en talen's d'un genre bien 
pins noble ^ dans l'art de parler^ par exemple, dans 
^ conseil, et dans tout ce qui est du ressort de la 
prudence et des opérations de l'esprit , arrêtez-vous , 
je vous prie, à Ulysse et à Nestor, dont les poésies 
d'Homère rehaussent tant le mérite ; alors , si la m-* 

18, 



(276) 

périoritë sur eux B^est pas accpiise à rempereur^ 
ti^en accusez que son panégyriste; si ^ au contraire, 
elle lui appartient à juste titre, j^ai droit de faire 
entendre mes éloges. 

' Â quoi aboutit la harangue de Nestor , lorsque 
le roi et le fils de Thétis se furent brouillés ouver- 
tement, pour la possession d^ime )eune captive? 
Les deux prétendans furent si peu per&uadés, qne 
Tun dissout brusquement rassemblée ; l'autre , na- 
chevant pas même les sacrifices d'expiation, et ayant 
encore les yeux fixés sur le vaisseau des Tkiores. 
envoya des hérauts vers la tente d'Achille , comme 
s'il eût appréhendé que ce héros, oubliant sa co- 
lère , ne changeât d^avis et ne couvrît sa faute. Et 
cet autre orateur d'Itaque , si habile daos l'art de 
persuader, et député tout exprès pour rameser et 
fléchir le cœur d'Achille, en lui offirant de riches 
présens, y réussit si p^u, que ce jeune héros, pins 
irrité que jamais , fut sur le point de s^éloigner avec 
* ses navires , ce dont il n'avait pas eu la pensée jus- 
qu'alors. Au reste , ces adnwabks traite d^éloqofi^ce 
se bornent à encourager au copbat» à aH>im*qii( 
Ton n'en excepte le conseil donné par Nestor, de 
construire un mur de retranchement , m^sre insi- 
gnifiante et digne d*un vieillard. Aussi nefiit-elle 
d'aucune utilité aux Grecs, qui, après Férectionde 
ce rempart , n'en fièrent qim plus î^iféamt vaiorus 



( 277 ) 
par leur o^nemi : jusqu'alors ^ en effet , ils s^ëtaient 
crus âsse2 forts poar servir eux-mêmes de rempart à 
leurs navires. Mais , se croyant désonaais à Tabri , 
par ce mnr quHls avaient életé , par le fossé pro-- 
fond et par les palissades dont ils Tavaient entouré^ 
Us se tinrent moins sur iemrs gardes , et comptèrent 
plus sur ce faible retranchement que sur leur propre 
valeur. 

Sans doute ce ne serait point assez louer notre 
empereur^ que de r^ever les &utes commises par 
les Grecs; il impcHrte surtout , au panégyriste^ qui 
doit faire valoir ses grandes actions, de montrer 
qu'elles ne furent point Teffet du hazard , de la té- 
mérité , ou d'une impulsion aveugle , mais le fruit 
de ses hautes concepticms, de sa prudence et de son 
habileté consommée. Mon dessein n'est pas de faire 
une longue énumératicm des harangues quHl pro- 
nonça , au milieu des camps, aux assemblées pu- 
bliques et en plein sénat. Permettez-moi seulenient 
de vous en citer une; et rapprochez-là, pour un 
moment , du discours par lequel le fils de Laerte 
ramerâ les Grec^ au combat , et les détourna de la 
résolufeicm qu'ils avaient prise, de regagner leurs 
foyers. Quel spectacle vous oflfrira l'empereur , au 
milieu d'une assemblée , en Ulyrie , ou se trouvait 
ce vieillard, dont le caractère mobile fut toujours 
celui de l'enfance ^ qui oublia si facilement la foi 



( 278 ) 
des traités , et qui poussa Tingi^atitude envers sm 
sauveur et bienfaiteur, au point de rompre ralliance 
qu'il lui avait jurée, pour en coQtracter une autre 
avec le plus implacable ennemi de son empereur. 

Celui-ci , après avoir rassemblé ses troupes, & é- 
tait donc avancé jusqu^aux frontières de laproviace, 
dans le dessein de fermer le passage a rennemi. Là, 
les deux armées s'étant réunies pour délibérer avec 
leurs chefs , et la séance devant s'ouvrir au milieu 
des soldats, on érigea un tribunal élevé , autour 
duquel furent rangés les légionnaires , les archers, 
les lanciers , les cavaliers tenant leurs chevaux ea 
arrêt, et les enseignes de chaque légion. L'empereur 
y monta, accompagné de celui qui, jusqu'alors , s'é- 
tait flatté d'être son coHégue ; il parut sans aucune 
escorte, sans épée, sans bouclier, ni casque, inais 
vêtu de ses habits ordinaires, en un mpt absolument 
seul , et ne pouvant s'appuya que sur la force de 
son éloquence, art dans lequel il excelle en effet, 
non qu'il se pique de minuter et de polir ses phra- 
ses, ou d'arrondir ses périodes, à la manière des 
orateurs à prétention , mais parce que sa diction est 
grave et pure , et qu'il sajtsit, au besoin, les expres- 
sions propres à entraîner les suffrages, tant des sa- 
vans qui raisonnejtt , que de la multitude qui ne senl 
bien que quand elle écoute. Le fait est que , par le 
seul ascendant de la pai*ole , il gagna un nombre 



( 279 ) 
prodigieux de fantassins^ vingt mille cavaliers , des 
nations entières et bien aguei^ries, des can^agnes 
fertiles : et tant de conquêtes ne furent point arra- 
chées par la violence ; il n'eut point de prisonniers 
à traîner à sa suite. Tous se montrèrent soumis a 
son empire , et dévoués à sa volonté. 

Yoilà une victoire que je place bien au-dessus de 
celle ie$ Spartiates ; car cette dernière ne fut sans 
deuil que pour les vainqueurs : Tautre ne coûta pas 
une seule larme , même aux vaincus. Car le per- 
sonnage y qui avait pris le masque de k royauté , des- 
cendit aussitôt du tribunal, comme ayant perdu sa 
cause , et remit la pourpre à Pempereur , comme une 
restitution de famille qu'il lui faisait. De son côté « 
Temp^reur lui fit un sort plus heureux que Cyrus 
ne Pavait fait à son aïeuL En effet, il lui accorda la 
nt et Taisance qu'Homère juge convenable aux 
hoounes qui ont passé Tâge de la jeunesse. 

« II faut, à nos vieillards, 
» Des bains , des alimens , un Kt doux et commode. » ^ 

Pour ce qui me concerne, j'aimerais à vous rap- 
peler cette mémorable harangue de l'empereur ; et 
je ne me lasserais point de reproduire un si beau 
discours. Mais le respect me défend d'en changer les 

■ I ■!■ ■ I I ■ ■ !!■ i m I I t ■ I ■ ■ ■ « 

* Odyssée «. , vers zSJ. 



( 280 ) 

paroles , ce qui in^ailrîverait en vonfaiit to»» les tt 
poser ; et j^aurais ^dors à rougir de les avoir alté* 
rëes , si quelqnW dWtre 'vous , qui les a lues , ou 
eateadues et gravées daoïs sa ménmre , exigeait qoe 
f en rendisse, «oR-aeuleiBent le se&s , mais la force 
et la beauté qu'elles ont dans la langue nniterBelle. 
Homère n^ejii rien de sembls^le à redouter : les 
faits qu'il célébrait s'étaient passe'ë plosiettr» géDé- 
rations avant lui ; et il ne restait plus aucune trace 
des discours prononcés dans les assenddees dont lesj 
époques étaient si anciennes. Il s)e sentait d^aiiieurs 
capable de mieux faire pairler ses héros s qn'ils n eus- 
sent parlé eux-mêmes. Les imiter mal , ou les copier 
servilement, lui eut para indigne d'une àtne fière et 
Kbre comme la sienne. Cependant toutes ces mer- 
veilles antiques , qui eurent sanst doute un nombre 
infini de spectateurs , et dont la mémoire s^est pro- 
pagée d'âge en âge , parmi un peuple porté à les 
louer sans choix, parce qu'il n'e^ discernait point 
assez le but et l'objet, vous les avez apprises, voos 
qui m'écoutez, des orateurs et des poètes inspirés 
par les Muses ; et peut-être souffrea-voas avec quel- 
qu^mpatience , que je vous entretienne de ces ré- 
cits , dont vos oreilles sont remplies et auxquels vous 
ont familiarisés tant de poètes, qui , à l'exemple des 
hérauts d'Ûlympie , ont chanté , à l'envi , les com- 
bats et les victoires des concurrens. Mais, d'un aulrc 



(28i ) 

côte f je ne saurais m^ëtonner que T0as aioiîez ton- 
jours à entende ces grands hommes y précisëmeut 
parce qu^ils s^acoordent avec vous sur les maux et 
les biens véritables, parce qu'ils vous représentent 
vos propres peasëes , en les faabillaiit de figures al- 
légoriques, et de tous les oratoiens du langage, 
pour leur donner, à vos yeux, l'apparence de la 
nouveauté. Vous écoutez donc volontiers leurs dog^ 
mes , et vous vous faites un devoir d'y applaudir. 
Avee-vous atteint la vérité ? Je Tignore. 

J'ai lu toutefois, que Socrate T Athénien, dont 
la sagesse fut, comme vous le savez tous, proclamée 
par roracle dé la Pythie , ne plaçait point son propre 
bonheur, ni celui des autres, dans les richesses; 
qu'il il^appelait pas heureux et fortunés, les posses^ 
scurs de vastes héritages, ni ceux qui commandè- 
rent à tous les Grecs et à un nombre encore plus 
grand de barbares, ni ceux qui eurent assez de puis^ 
sance , pour percer le mont Athos , pour joindre les. 
mers au continent par une chaîne de v?isseaux 4 
pour subjuguer des nations entières, et pour prendre 
des îles à l'aide des fikis (17), enfin pour brûler 
mille talens d'encens dans des sacrifices. Ce philo^ 
sophe était donc peu disposé à faire l'éloge de 
Xercès , ou celui des rois de Perse , de Lydie et 
de Macédoine. J'en dis autant des généraux grecs, 
à l'exception d'un petit nombre d'entr'eux, en qui il 



( 282 ) 

reconnaissait de Pamour jpour la vertn, un courage 
accompagné de modération , et une pnidence alliée 
avec la justice. Je vois même qu'il ne loua qu'avec 
réserve , et en proportion de leurs vertus réelles^ les 
capitaines les plus habiles y soit dans le métier des 
armes ^ soit dans Téloquence , ou dans Part de plaire 
à la multitude. En quoi son jugement se trouve con- 
'firme par Tassentiment de tous les hommes sages et 
vertueux , qui ont compté pour rien , on pom* très- 
peu de choses , les faveurs de la fortune les [Jus 
éclatantes et les plus enviées. Si cette opinion est 
aussi la vôtre, je crains bien de m'^étre trompé dans 
tout ce que J'ai dit plus haut , et de vous avoir 
traités comme des élèves , en jouant moi-même le 
ridicule personnage d'un sophiste , et en professani: 
un art auquel je me confesse étranger. 

Cependant j'ai pour excuse , auprès de vous , h 
nécessité de vous soumettre des louanges véridiques, 
^t telles que vous êtes dignes de les entendre , fus- 
sent-elles mal ébauchées, et de beaucoup inférieures 
à celles que d'autres ont fait entendre avant moi. Si, 
comme je l'ai déjà insinué , vous trouvez que les 
poètes ont loué les mêmes choses que moi , je suis 
dès-lors débarrassé de toute crainte. Du moins je 
vous paraîti*ai moins étrange , quand même vous 
me metteriez bien au-dessous des autres. Quoi qu'il 
en soit, si je me rends quelque justice , je n'aurai 



( 283 ) 

rien dit qui puisse me faire repousser , ou m*atlirer 
le reproche d'une entreprise te'me'raire. Pour vous , 
je doute qu'il vous soit facile de vous refuser au té- 
moignage de ces hommes sages et divins , qui , entre 
antres dogmes , que chacun d'eux en partic^ulier se 
plaît à nous enseigner, s'accordent sur le point ca* 
pital , de louer la vertu comme le souverain bien. 
Ils nous disent que la vertu réside dans notre âme , 
qu'elle la rend heureuse , reine souveraine , habile 
^ux opérations civiles et militaires , magnanime et 
véritablement riche, non qu'elle possède l'or de Oh 



'« Ou les marbres qu'on vit au temple d'Apollon , » 



»» 



dans les beaux jours de la paix et de la prospérité 
des Grecs; non qu'elle ait en son pouvoir des na- 
tions florissantes , les pierres précieuses de l'Inde , 
ou un nombre infini d'acres de terre , mais parce 
.qu'elle jouit d'un trésor plus précieux et plus divin , 
qu'on ne craint point de perdre* dans un naufrage , 
qu'on porte avec soi dans les assemblées , dans les 
placés publiques , dans sa maison , dans les déserts , 
et que ni les voleurs , ni les tyrans ne peuvent en- 
lever. En effet , il n'y a point de puissance capable 



♦ Ville dlonie, où était un oracle d'Apollon. 

»♦ II. 1, 4o4. 



• ( 284 ) 

de retenir ce trésor/ou d'oeil dépouiller celui qui le 
possède. Or, ces biens sont à l'âme ce que la lu- 
mière est au soleil. Souvent des hommes sacrilèges 
opt pu piller le temple du soleil et en emporter k& 
riches offrandes. Les uns en ont été sévèrement 
punis , d'autres ont échappé au châUmeal y parce 
qu'on les a crus incorrigibles. Mais aucune force 
n'a pu ni ne pourrait enlever à Tastre du jour sa 
lumière ; la lune , elle-même , ne l'en prive poÎDl 
lorsque dans ses conjonctions elle passe sous le 
même cercle que lui , ou lorsque y nous interceptant 
ses rayons , elle nous amène , comme on dit, la nuit 
en plein jour; enfin le soleil ne se dépouille point 
de ^a lumière , ni quand il éclaire la lune en oppo- 
sition avec lui y et qu'il la fait participer en quelque 
sorte à sa propre nature y ni lorsqu'il porte le joor 
et la clarté dans ce vaste univers. C'est ainsi que 
l'homme vertueux , en communiquant à d'autres sa 
vertu, ne perd rien de la sienne , tant ce trésor est 
beau et divin! tant est juste la sentence de cet hôte 
étranger aux Athéniens, quelqu'ait été ce grand 
homme ! « Tout l'or enfoui sous la teire , ou qae 
xevet sa surface y n'est pas comparable à la vertu. » 
Appelons donc désormais riche celui qui la pos- 
sède ; je dirai même, appelons-le seul noble et seul 
roi , entre tous les hommes ; car , si la noblesse est 
préférable à une naissance obscure , la vertu est de 



(a85) 

beaucoup supérieure à toute autre habitude de Fàme ^ 
qui ne s'y rapporterait pas scrupuleusement. Et qu W 
De m'accuse p^s ici de chicaner sur les mots , et de* 
leur donner une signification forcée. Car, le vul- 
gaire, 2ifipe\\enoHes ks familles enrichies depuis long- 
îems (i8). Voudrait-on tirer de cette définition la 
conséquence absurde , qu'un cuisinier , un cordon- 
nier , un potier , qui aurait acquis une fortune con- 
sidérable , psHT son industrie , ou par toute autre voie , 
ne passera point pour noble aux yeux de la multi- 
tude ; mais que , si son fib^ et après lui, ses héri- 
tiers transmettent à leur postérité ce riche patri* 
moine , ceux-ci pourront s'enorgueillir de leurs titres , ' 
et rivaliser de noblesse avec les deseendans d'Her- 
cule , ou de Pélops ? Tandis qu'on effacerait du i*ang 
des nobles celui qui , né de parens illustres , em- 
brasserait un genre de vie tout opposé à celui de sa 
première origine. Quoi ! on refusait d'inscrire parmi 
les membi^es de la famiUe des Pélopides ceux qui ne 
portaient pas sur leurs épaules la marque distinc^ 
tive de leur naissance ! et nous savons aussi qu'en 
Béotie , pays natal des Spartiates , on s'était fait une 
loi de graver sur chaque nouveau né une lance , pour 
caractère indélébile que la race entière conserva pen- 
dant .une longue suite de générations. Et nous croi-' 
rions que notre âme n'a pas besoin de l'empreinte 
d'un signe évident qui nous fasse connaître nos pa- 



( 286 ) 

ïtos y et qui nous réponde de la légîtimîté de Hotfé 
naissance. On dit enfin qae les Celtes prennent pour 
^ii>itre de cette légitimité leur fleuve (19) f et qae 
celui-ci ne se laisse fléchir m pal* le cri des inères , 
intéressées h ca/chet leur déshonneur, ni par les pères, 
qui attendent . en tremblant ^ pour le sort dé leurs 
épouseâ et de leur progéniture, la sentence d^un juge 
intègre et irréfragable. 

Parmi nous , au contraii*e , ce sont les richesse» 
qui prononcent sur notre origine. C^ est la force , c'est 
la beauté du corps, c'est la puissance de nos ancêtres, 
qui nous aveugle et qui nous empêche de voir et de 
considérer, avant tout , notre âme< Cependant , comme 
c'est par Pâme que nous différons des autres ani^ 
maux , n'est-ce point par elle aussi qu'il faudrait ju- 
ger de notre noblesse ? Voilà, du moins , ce qu'ont 
parfaitement compris, par leur pénétration natU' 
relie, et par une philosophie non étudiée, ni factice^ 
comme la nôtre, mais droite et innée, chez eux , tous 
les anciens, lorsqu'ils nous donnent Hercule pour 
fils de Jupiter ; lorsque , faisant le même honneur aux 
deux enfans de Léda , ainsi qu'à Minos , leiégisk* 
leur, et à Radamanthe , le gnossien , ils louent en" 
çore plusieurs autres qui , nés de pères différens, se 
sont placésbien au-dessus d'eux. Ils eurent donc égard 
à la trempe d'âme et aux actions de ces héros , plutôt 
qu'à leurs richesses immenses , et en quelque sorte 



(à87) 
hlanchies par le tems , ôa à une domination tran3mise 
par leurs aïeux ou bisaïeux. Enfin, ils mirent égale- 
ment , au nombre d^enfans des dieux , d^autres hom- 
mes, qu^ils jugeaient dignes de leurs hommages, moins 
pai* une naissance illusti*e ., que par Théroïsme de la 
vertu. Et ce qui prouve assez leur opinion, c'est que, 
dans Pignorance où ils étaient de la parenté de plu«- 
sieurs autres , par égard pour leurs vertus , ils n'hé- 
sitèrent pas à leur assigner une origine céleste. 

N'en croyons donc paslégèrement ceux qui préten- 
dentquenos anciens^ séduitspar l'ignorance, ont gra- 
tuitement inventé de telles fictions sur lesimmorteb 
habitans du ciel; Car, s'ils s'étaient trompés delà 
«orte sur la nature des dieux ou des génies , en leur 
prêtant des formes humaines / ou autres semblables , 
(quoique cette nature ne tombe point sous les sens, et 
que l'esprit seul , par son affinité avec elle , puisse à 
peine l'apercevoir), ils n' animaient pas commis la même 
erreur , lorsqu'ils parlent des dieux visibles. Cepen- 
dant , ils nous vantent Aétas comme le fils du soleil , 
un autre , comme fils de Luàfer * , ou d'autres dieux 
du même ordre. D'oà j'ai eu raison de conclure 
qu'ils ne voulaient que fixer notre attention sur le 
degré de noblesse de leurs héros , et nous apprendre. 



* 'Eitrf9fU. 



( 2Ô8 ) 

pairexemple ^ à proclaaaer le plus màie de toBs , celm 
ifoàt^mé à^ pareBs veilue^x, et qui $uit leurs tra* 
ces; à regarder Jupiter coauae étant le père d'un 
homme rkhe des vertus que ne posséderez point 
les auteurs de ses jours , et à lui dcmner le même 
raoç qu'à ceux qui ont eu Le double boi^eur de nan 
tre de paréos probes y et de les imiter ; eafia , à 
classer paimi les eufaoïs bâtards cenii qui ôàt dégé 
nérë des vertus de leurs pèi*e et mère. 

Quant à ceux qui seraient nés de parens dépra- 
vés , auxquels ils ressend)teraienl ^ on ne peut sou- 
tenir quHls soient nobles , possédassent-îlsdix mille 
tal^K , compitassatit-ils parmi leut*$ aïeux plusieurs 
princes et jusqu'à viqgt tyrans , fusseat-^ils en état 
de nous montrer des victoires renoportiées psr leurs 
ancêtres dans les carrières olympique et pytique , 
ou, ce qui est plus glorieux encore ^ sur le champ de 
bataille » en plus graiid n^nnbre que n'en gagna le 
premier des céss»^ ; ou leurs aïeux enfin eussent-ils 
construit ces fessés de TAssyrie , ces murs de fia- 
kylwie, et» pyrsimidesd^^Ef^e, et tant d'autres 
monnmens du luxj^ edt de la riçbeisse y ^ ne prou- 
vent > danfi leurs aiiteurs , qu'une ardbur mqmète à 
dépenser , en asums gigs^esqms ^ d'iwtyks tré- 
sors. 

Vous n'ignorez pas , en effet, que ce n^est ni To- 
pulence , plus ou moins ancienne , qui fait unempe- 



( 289 ) 
reur, ni le manteau de pourpre , ni la ihiare , ni le 
sceptre , ni le diadème , ni enfin le noùibre prodigieux 
des légionnaires eu des cavaliers, lors même que 
tous les peuples lui déferaient uaanimement Tempire ; 
parce qo^ils ne peuvent lui donner la vertu , mais 
seulement une puissance moins utile à celui qui la 
reçoit, qu^àceux qui la confèrent. Car , quiconque 
se voit décoré de cette haute dignité , est dans de 
continuelles angoisses , et se croit d^eui^ en heure 
menacé dusort de Phaéton. Faadrait-îl de nouveaux 
exemples qui vous le prouvent? La vie des hommes 
est remplie de pareils accidens ; et Ton s^épuise en 
discours f pour les déplorer. 

Si vous trouvez surprenant , que nous ;iyons re- 
fusé le superbe et auguste nom de nobles , aux pos-^ 
sesseurs dW vaste territoire , aux maîtres de tant 
dépeuples , parce que leur caprice .est devenu la 
seule règle de leur conduite , et non Tintelligence 
ou cette sagesse , compagne de toutes les vertus, ap- 
prenez de nous , que de tels personnages ne sont 
pas même des hommes libres, quand une prospérité 
sans bornes « leur permettrait de goûter jusqu^à la 
satiété, les charmes du pouvoir ; quand ils auraient 
repoussé Taggression de leurs ennemis , ou quand , en 
les attaquant eux-mêmes , ils seraient constamment 
restés invincibles. Nous demanderez-vous des preuves 
de cette vérité ? Nous produirons pour témoins, tous 



( 290) 

ceux dVntre les Grecs et lés barbares , qui , victo* 
rîenx dans une infinité de combats , et conquérant 
de tant de natiotis, auxquelles ils imposèrent des tri- 
buts y furent , plus honteusement qn^elles, les vils es* 
claves de leurs propres passions , de leurs plaisirs , 
de leur intempérance et de kur ii^uste cupidité. 

Non , jamais ils né passeront pour des hommes 
forts , aux yeux du sage , quelque célèbres et quelque 
brillans qu^aient été leurs exploits ; on n^est fort et 
magnanime , que par la vertu. Et quiconque se laisse 
maîtriser par se^ passions , emporter par la colère , 
entraîner par les plus faibles penchans , n^a ni la 
force, ni la vigueur d'un homme. Âccordons-lui, si 
Ton veut , celte des taureaux , des lions et des léo- 
pards : à moins que renonçant à cet avantage , il ne 
préfère , à Texemple des bourdons paresseux , de 
profiter des fatigues d'autrui, quoiqu'il ne soit de 
sa personne qu'un soldat ^lou , lâche et efFéminé. 
Assurément un tel homme manque , non-seulement 
de la véiitable richesse , mais en outre de cette sorte 
de biens qu^bn acquiert avec tant de peines , dont on 
convoite trop là puissance , et que la phipart des 
mortels croient devoir acheter par mflle chagrins , 
et parle sacrifice de leur repos ^lorsque pour fappas 
d'un gain journalier , ils affrontent le péril des mers, 
ils brocantent * des marchandises , ils exercent des 

'■ ■ I I ■ i ■! Il II II I II ■iiM^»«MAMMaH*«*M^HMai_>*MWi^^^^^^ 



1 291 ) 

brigandages , et envslûsseiit des domaînes etran-^ 



Car ils ne vîvqit que pour ajouter k leurs pôsses«^ 
slons ; et cependant ils sont dénués de toutes choses » 
£1 l^on en excite les objets nécessaires à la vie , le 
manger, le boire, le vêtement que la nature a voulu 
répartir aux oiseaux , aux poissons , aux bétes sau-^ 
vages , à plus forte raison « à tout homme frugaL 
Mais ceux qui sont avides de richesses, ou ^rb de 
ia miaerable passion de Tamour , ne peuvent se ras- 
sasier à aucune époque de leui* vie , et sont plui 
toormentés de besoins , que des malheureux pressée» 
par une £ûm journalière. Ces derniers en effet , aprè^ 
avoir contenté leur appétit , cessent de soufïrir , et 
jooissimt de quelque tranquillité : les premiers , au 
contraire, ne connaissent point de jour , où ils puis- 
sent se réjouir d^avoir assez gagné , ni de nuit propre 
à délasser leurs menantes , et à dissiper leurs noirs 
soucis : tant leur âme est dévorée de Tinquiétud^ 
d'entasser et de calculer desrichesses ! De tels hommes 
enfin ne pourraient ê;:re délivrés 4e la cilpidité dont 
ils sont esclaves , et de Topprobre qui en est la suite ^ 
ni parrimmemîté des trésors de Tantale ou de Mi« 
das , I» par la plus absolue et la plus cruelle tyrannie 
des dénons. IgnaiX2;-vous que Darius ^ 1^ monarque 
des Perses , n^ayanl aucun besoin d^ailleurs , mais 
poussé «nliiaement par la soif de Tor^ fit , pour s'en 

^9- 



( 292 ) 

procurer , fouiller les cendres des morts , et greva 
ses peuples d^împôts ? Il mérita ainsi la renommée 
qu^il eût parmi le genre humain , et qui lui fit don- 
ner j par les grands de son royaume , le nom de Sa- 
rambe (20) , que les Athéniens firent porter à plu- 
sieurs de leurs compatriotes. 

Je m^ aperçois que mon dircours , entraîné comme 
par la pente du terrain, est descendu à critiquer sans 
ménagement les hommes, et qu'il a outré peut-être la 
censure de leurs mœurs. Je ne le pousserai pas plos 
loin. J'ai voulu seulement qu'il offrît le portrait d un 
homme prohe , magnanime et vraiment royal , dont 
le premier devoir serait celui de la piété ; car nn ami 
de la vertu ne peut être le détracteur des dieux et de ^ 
leur culte. On le ven'a porter un amour religieux à I 
ses père et mère , vivans ou défunts, montrer de la 
bienveillance envers ses fi-ères , et respecter les dieux i 
consanguins (21) , il aura de la doucem* et de l'affa- 
bilité pour les siens , et pour ceux qui lui sont étran- \ 
gers : s'il s'étudie à plaire de préférence aux citoyens | 
vertueux , il n'en soignera pas, avec moins d^équité,i 
les intéi*éts de la multitude. Enfin , s'il aime la ri- 
chesse , ce n'est point celle qu'on estime au poidsi 
de l'or et de l'surgent ; mais celle qui est pleine de 11 
plus pure bonté pour ses amis , et d'une obiigeanci 
sans adulation. 

Quoique naturellement ferme et courageux , i 



( ^93 ) 
n^aîme point la guerre ; et îl abhorre les discordes 
civiles. Cependant , si de tels malheurs surviennent , 
soit par hasard, soit par la méchanceté des hommes^ 
il les supporte bravement et les repousse avec force. 
Il poursuit ses opérationsjusqu^à la fin , et il ne cesse 
de combattre , qu'après avoir renversé la puissance 
de ses ennemis et les avoir entièrement subjugués. 
Aussitôt après la victoire , il Repose son glaive meur- 
trier, regardant comme un crime, d^égorger celui 
qui ne se défend plus. Son amour inné pour les 
grands travaux, Fassocie généreusement aux fatigues 
des autres , lui en fait supporter seul presque tout 
le fardeau , et partager volontiers avec eux les ré- 
compenses ; non quUl ait à cœur de posséder plus 
d^or ou d'argent , et d'avoir de riches maisons de 
plaisance , mais parce qu'il aime à être utile à tous , 
et à prodiguer ses bienfaits k ceux qui les réclament. 
Voilà les qualités d'un prince véritablement digne 
de ce nom. 

Je poursuis; et je dis, qu'un tel prince, aimant 
également , et les citoyens, et les soldats , soigne les 
premiers, avec la tendre sollicitude d'un berger, qui 
conduit jses troupeaux dans de gras pâtm^ages , où 
lis paissent à l'abri de tout danger , et qu'il inspecte 
fréquemment les seconds , pour les habituer à la 
force , au courage et à la douceur, qui leur sont aussi 
oécessaii-es^qu'à ces animaux fidèles et de bonne race, 



(294) 
auxquels on confie la garde des brebis. Il leur ap- 
prend qu'ils doivent être les compag;non& de ses en- 
treprises militaires et les défenseurs du peuple ; non 
des loups ravisseurs ou des chiens féroces et mal 
élevés, qui , au lieu de défendre les brebis , portent » 
parmi elles , la terreur et le carnage. Cependant 3 dc 
les souffre , nî enclins au sommeil, ni oisifs , ni in- 1 
dolens et mal aguerris ; car de tels gardiens auraient 
eux-mêmes besoin de surveillans ; il tolère encore 
moins Finsubordination envers les chefs ; persuadé, 
comme il Test , que la discipline est la principale et 
$ouvent Tunique ressource en tems de guerre et dans 
les actions décisives. Il n'attachera pas moins d'im- 
portance à former ses soldats à Thabitude du travail, 
sachant bien qu'on est mal gardé par des satellites, 
qui ne sont pas à l'épreuve des plus i*udes fatigues; 
et pom* parvenir à ce but , il ne se bornera pas à 
exhorter ses soldats , à encourager ks bons par ses 
louanges , et à distribuer à tous , avec fermeté , les ré- 
compenses ou les châtimens ; il se montrera le plus 
actif et le plus laborieux; il renoncera à ses plaisirs : 
il sera indifférent aux richesses , et il n'en dépouil- 
lera point ses sujets ; il fuira l'oisiveté , la paresse , 
et il donnera peu de tems au sommeil. Car à quoi 
est propre un homme qui dort , ou qui veille à moi- 
tié endormi? Ses magistrats lui seront constamment 
ÇAumis , dès qu'ils verront qu'il leur donne d'ex- 



( 295 ) 
eeilatites lois , qu^U s y conforme lui-même , et qu'il 
accorde en tout la prééminence , non apx penchans 
de la colère et de la volupté , mais à cette portion 
noble et pure de notre âme, qui a naturellement le 
droit de commander en souveraine. 

Quant à la persévérance dans les fatigues de la 
guerre ^ dans celles du mouvement des armées , même 
des exercices qu*on pratique en tems de paix , pour 
diriger au besoin des expéditions ccMitre Tétranger, 
quel chef peut mieux Tinspirer que celui qu^on vit 
toujours infatigable et endurci comme le diamant ? 
Est-il en effet , pour le soldat fatigué , un spectacle 
plus encourageant que celui d'un empereur frugal , 
qui accélère le travail, en le commandant et en mettant 
lai-mêmela mainàrœuvre , qui se montre intr^ide 
au fort du danger, et qui paraît grave et circonspect, 
lorsque tout porte & la sécurité P Car les sujets pren- 
nent aisément Tattitude de hardiesse ou de timidité , 
qui se peint sur la physionomie de leur empereur. 

Il ne lui impolie pas moins de pourvoir à Ta* 
bondance des vivres ; de telle sorte, que les troupes 
ne manquent jamais du nécessaire. Il arrive souvent 
en effet , que les Gdèles gardiens d'un troupeau , pres- 
sés par la faim , s'irritent contre les pâtres, et qu'ils 
aboient d^un air menaçant , en les voyant approcher, 
ou même qu'ils n'épargnent plus les brebis. Il faut 
donc que l'homme , destiné à commander aux ar- 



(296) 
mëes , à conseiTer et à régir les cités , sache non- 
seulement écarter les dangers extérieurs , combattre 
et repousser des fi-ontières les barbares ; mais , en 
outre y remédier aux plus grands maux , en répri- 
mant la sédition , la corruption des mœurs , le luxe 
et la débauche. Et s'il veut empêcher les vexations , 
les injustices, les excès de la cupidité , les alterca- 
tions et les émeutes qui en sont la suite , et dont les 
résultats sont toujours funestes, il les étouffera dans 
le principe; où si elles ont déjà éclaté, il lesanéantlia 
et les fera disparaîti*e des lieux de son empire. 

Il ne permettra pas plus , à un citoyen , d'en- 
freindre les lois , qu'à un soldat ennemi de francliir 
ou de forcer les retranchemens. Zélé pour le main- 
tien des anciennes lois de Tétat , il n'en sera que plus 
apte à en dicte? à propos et au besoin de nouvelles, 
d'où il écartera tout élément hétérogène , adultérin , 
faux , ou contraire aux premières , avec le même 
soin qu'il prendrait,, pour ne pas. introduire , parmi 
ses enfans , ceux d'une race bâtarde ou ser^ile. H 
respectera les droits dç Thémis ; et ses proches, ou 
ses amis , n'obtiendront de lui aucune faveur , aux 
dépens de la justice. Car il a pom^ principe , que la 
maison commune et la mère de tous , cVst la patrie, 
plus ancienne et plus sainte que le seraient des pères 
ou des amis , et plus chère que des frères , des hôtes 
ou des affidés ; et que quiconque viole , ou renversa 



(^97). 
les lois ie la patrie , est pîus impie , que celui qui 
porterait une main sacrilège , sur les trésors d^un 
temple des dieux. 

£n effet , la loi est une émanation de la justice ; 
c*cst l'offrande sacrée et vraiment divine du souve- 
rain des dieux. Tout homme , doué de raison , et le 
prince plus que tout autre , loin de la compter pour 
rien , ou de la négliger, s'efforcera de la faire res- 
pecter, en récompensant les bons et en guérissant^ 
comme un médecin habile , Tâme des méchans par 
des punitions graduées. 

Distinguons deux sortes de délits , comme de dé- 
linquans , dont les uns ofirent quelqu'espoir de gué- 
rîson , parce qu'ils sont encore susceptibles de mé- 
dicamens ; les autres sont absolument sans remède. 
Contre ceux-ci s'applique la peine de mort , par la- 
quelle on se débarrassé dès méchans , moins pour 
eux ,' que pour l'utilité commune. Il a donc été né- 
cessaire d'instituer deux sortes de jugement. Le 
prince pourra s'attribuer la connaissance des délits 
auxquels il est possible de remédier. Mais il s'abs- 
tiendra de prononcer sur les autres, et surtout d'in- 
fluencer en rien la sentence contre les coupables , 
auxquels la loi décerne lapeine de mort. S'il s'oc- 
cupe de la rédaction d'un codé criminel , il* retran- 
chera , aux peines , ce qu'elles ont d'atroce ou de 
cruel , et il appellera , sur cette matière , à son con- 



(^98) 

6eil , des hommes sages , et d^une vertu loogTtems 
«prouvée : des hommes incapables de porter un ja- 
gement hasardeux et précipité , de prononcer sur-Ie 
champ , et sans presque délibérer , la condamnation , 
par la boule noire *^ d^un citoyen quel quHl soit. 

Mais le prince en personne ne firappera de son 
glaive aucun citoyen ^ quelqu^énorme que soit son 
crime ; et son âme même ne doit être armée d^aucun 
aiguillon, et ressembler au roi des abeilles, à qui 
la nature semble Pavoir refusé ; ou si nous cherchons 
ailleurs un modèle de clémence , voy(ms*le dans ie 
roi des dieux, dont un véritable empereur est Tor- 
gane et le ministre^ En effet , pour le bonheur gêne- 
rai des hommes et du monde entier, ce roi des im- 
mortels fut toujours, et est encore, Tauteur des biens 
purs et sans mélange d^élémens contraires, U ne pro 
duisit point les maux , et ne présida point à leur 
existence ; mais il les bannit tous du ciel ; et lorsqu'il 
les vit se répandre sur la terre, et s^attacher à une 
colonie drames quHl y avait fond^ » il préposa ses 
£ls et leurs descendauj^, pour les signaler et les dé- 
truire. Or, parmi ses fils , les uns sont les conserva- 
teurs et protecteurs <lu genre humain; les autres, 
juges inexorables des crimes , en ordonnent une 
prompte et sévère vengeance sur les auteui^ vivans> 

■ ■■■■iiw^^— ■ i . i . i I i ii i^i^p^wiii I. Il B^— — ^ I m — ^^^"^ 

* 'srityfin y point mathématique sans étendue. 



( 299 ) 
oa morts;. d^autres etiBn, et c6 sotkl les msnraîs gé^ 
!»es, se rendent les exëcutenrs du supplice , auquel 
les coupables sont condamnés. 

Voilà ce que doit imiter tout prince pieuit et fait 
pour régner ; et si , avec ses faveurs , il veut com- 
muniquer ses vertus, il saura distribuer les dignités 
à un chacun , suivant son aptitude naturelle ou ac* ^ 
quise;à Thmnme courageux et entreprenant avec 
intelligence , il confiera les emplois militaires , afin 
de mettre à profit ses talenset son activité ; à Tbomine 
juste, doux, philanthrope, et touché du malheur de 
ses semblables, il rem^tra les intérêts civils et com- 
merciaux, dans lesquels il s*aglt de défendre les 
faibles , les pauvres et les gens bornés contre des 
personnages puissans , adroits , trompeurs , ou qui 
se servent de leur fortune pour corrompre ou pour 
violer la justice. Enfin, s'il rencontre un sujet qui 
réunisse en sa personne les deux caractères que nons 
venons de désignerai fera sagement de l'investir de 
b plus haute dignité , et du pouvoir de juger en 
dernier ressort les concussionnaires, à qui la loi in- . 
flige une peine capitale , pour venger les opprimés. 
Car , un tel juge , après avoir prononcé la sentence 
àt Tavis de ses assesseurs, abandonnera Texécution 
au bourreau, sans que ni la compassion, ni la pu- 
^Jlaflimité le fasse s'écarter des principes de justice* 

Tel me paraît devoir être le principal fonction- 



i 



( 3oo ) 

naire de la république, pour qu^il fouisse, aubesoin, 
ou seconder les bonnes qualités des deux autres, dont 
nous avons parlé, ou les suppléer^ en corrigeant leras 
défauts ; tt qui toutefois ne dispense pas le prince de 
tout voir et tout diriger par lui-même. 

Car il faut encore qu'un prince , en appelant des 
magisti*ats à gérer une grande administration , à gou- 
verner une province, ou à délibérer avec lui dans 
son conseil, les choisisse probes , et, s^i^ se peut , aussi 
vertueux que lui-même ; il ne les nommera point 
sans discernement et comme an hasard ; car , pour- 
quoi serait-il un juge moins habile que les bijoutiers 
qui ont plus d'un secret pour éprouver For ou le 
pourpre (21 A/s) , et qui opposent toutes, les ressou^ 
ces de leur art à la mauvaise foi et aux divers pro-^ 
cédés frauduleux des fripons ? Pourquoi ne se me- 
fierait-ilpas de la méchanceté des hommes , qui n est 
ni moins trompeuse , ni moins féconde en artifices, 
et dont le plus fâcheux des moyens est celui de pren- 
dre le masque de la vertu , pour séduire les gens peu 
clairvoyans , ou que tebute un trop long examen. 
Qu'il se garde donc de s'en laisser imposer. Mais 
une fois qu'il aura fixé son choix, et qu'il sera en- 
touré des personnages les plus probes , il pourra 
s'en rapporter à eux pour la nomination à des ofiBces 
subalternes. C'est ainsi qu'il établira des lois et des 
magistrats. 



( 3oi ) 

Pour ce qui concerne le peuple , un monarque ne 
souffîrira ni que les habitans des villes soient inso- 
lens, ni qu ils manquent des choses nécessaires. Il 
donnera ses soins à ce que ^es cultivateurs des champs 
et les laboureurs fournissent , en recevant un hon- 
nête salaire,lanourriture et les vétemens convenables, 
à ceux qui sont chargés de garder et de défendre leurs 
foyers et leurs récoltes. Alors , tous ses sujets , dé- 
daignant les superbes et dispendieux monumens de 
r Assyrie , se trouveront heureux de vivre en paix , 
à Tabri des attaques de leurs ennemis domestiques , 
ou étrangers. Alors , ils chériront leur maître , l'au- 
teur de leur prospérité, comme un bon génie ; ils bé- 
niront le ciel de le leur avoir donné ; et ils formeront , 
non de bouche ou par feinte , mais de toute leur âme j 
des voeux pour son bonheur ; et les dieux , répondant 
a leurs désirs , le combleront des dons divins , sans lui 
épargner les biens temporels; enfin , lorsqu'il aura 
succoioabé aux maux Incurables de la vie, ils le rece- 
vront dans leurs chœurs, dans leurs festins^ et ils 
rendront son nom à jamais célèbre dans la mémoire 
des hommes. 

Ces vérités furent dans la bouche de tous les sages ; 
et la raison me les persuade fortement. Si j'ai pris, 
pour vous les exposer , plus de tems qu'il ne m'en 
était accordé , j'en ai donné moins que ne le com- 
portait la dignité d'un tel sujet. Du moins, celui 



( ^o± ) 
qmm^aiira écouté avec attention, conviendra que je 
n^ai rien avancé de faux. Mais ma prolixité trouvera 
son excuse dans une cause qui , sans être liée à ce 
que j'ai dit jusqu'ici , convient mieux encore à la na- 
ture de mon discours. Trouvez bon que Je vous en 
fisse part. 

Je me reporte donc au point où j'âî înterrompa 
tna narration. Je disais que ceux de mes Âoditears , qui 
goûtent les véritableséloges, n'ont pas égardaux avan- 
tages que la fortune répartit souvent aux i&échaiis , 
mais aux heureuses habitudes de l'àme , et à la verln, 
qui ne peuvent appartenir qu'à des hommes essentiel- 
lement probes et bons ; et comme c'est en ce sens 
que j'ai commencé ma harangue , je dois la poursui- 
vre sur le même principe , sans m'éearter en rieu dï 
modèle ou de la règle que j'ai tracée , pour appré* 
cier les louanges des hommes vertueux et des bons 
princes , ensorte que le monarque , qui se trouve en 
harmonie parfaite avec ce prototype ou modèle, est 
véritablement heureux , et qu'heureux sont les pen- 
ples qui vivent sous son empire ! Quiconque en ap- 
proche de plus près , sera plus fortuné qu'un autre, 
qui s'en éloignerait davantage. Mais ceux qui con- 
trastent entièrement avec un tel modèle, scroBt mi- 
sérables, insensés, méchans, et devîendi'ont , pour 
eux-mêmes, comme pour leurs peuples, la source 
des plus affreuses calamités. Si vous êtes en cela 



( 3o3 ) 

d'accord avec moî , il est lems que je revienne ènv 
les actions éclatantes que nous avions commencé 
fadmirer. 

Cependant^ pour qu^on ne s^imagine pas que mon 
discours marche sans obstacles , et s^élance dans la 
carrière, comme un coursier sûi* d'y remporter le 
prix, à défaut d'autres concurrens , j'essaierai de 
montrer en quoi monpanégyrique diffère de celui des 
autres habiles orateurs qui m'ont précédé. Ceux-ci , 
en effet , ont célébré , dans le prince , l'honneur d'être 
issu d aïeux rois, ou souverains; comme si de riches 
et heureux ancêtres pouvaient faire le bonheur de 
leurs descendans. Certes, ils n'ont pas aperçu de 
quel avantage ils voulaient par là se prévaloir. Car, 
selon eux, cet honneur serait pour l'homme la base 
de la félicité et de presque tous les biens extérieurs. 
Mais il s'agit de savoir si c'est un bien réel , ou plu- 
tôt si l'individu qui le possède n'est bon ou mau- 
vais que par l'usage-qu'il en fait. Alors la grandeur 
ne consistera point à être né d'un empereur riche 
et opulent, mais à surpasser ses ancêtres en vertus, 
et ï ne rien faire d'indigne d'eux. 

De'sirez-vous savoir, maintenant, jusqu'à quel 
point ce dernier avantage appartient à notre empe- 
reur? Je vous en offre la preuve convaincante; et 
pour cpie vous ne m'accusiez pas de produire de 
faux témoignages , je tie vous rappellerai que ce que 



( 3o4 ) 
VOUS savez déjà vous-même. Peut-èire prévojez-von» 
ce dont je veux parler, ou le sentîrez-vous d'aborâ, 
si vous êtes frappe's , comme moi , de cette seule 
pensée ; qu'il a été singulièrement chéri d'un père, 
dont le caractère ne fut poiiit celui de rindulgence 
pour ses er^ans (22) , et qui n'accorda pas plus à 
la nature qu'aux mœurs et à l'usage. Un tel père 
ne put donc être captivé que par les soigneuses at- 
tentions de son fils ; il ne put lui témoigner de la 
' bienveillance , que parce qu'il n'avait aucun repro- 
che à lui faire ; entre autres marques de faveur, je 
vois qu'il réserva , pour Constance , la portion de 
l'empire qu'il avait honorée de sa prédilection et 
qu'il gouvernait par lui-même. Se voyant ensuite 
au moment de terminer sa carrière mortelle , il pa- 
rut oublier, et l'aîné, et le plus jeune de ses fils, qui 
étaient alors sslïïs fonctions ; tandis qu'il appela Cens-' 
tance , déjà occupé des affaires , et remit entre ses 
mains le gouvernement suprême : mais ce dernier, 
investi de tout pouvoir , traita ses deux frères avec 
tant d'égards et d'équité , qu'éloignés l'un et Fantre 
de leur père , qui ne les avait pas appelés à lui, et 
d'ailleurs très-divisés entre eux , ils ne témoignèrent 
aucun mécontentement à leur troisième frère, et ne 
lui adressèrent aucun reproche. Aussi , loin de pro- 
fiter de leurs querelles , il leur abandonna des con- 
trées qui en faisaient le sujet , et auxquelles il avait 



( 3aS > 

droit de prétendre^ sachant bien que, s'il fani au- 
tant de vertu pour gouverner un petit nombre de 
Hâtions que pour en gouverner un plus grand ^ du 
moim il ne faut pas autant de peine et de sollici- 
tude. 

e II ne s'iàlagiila point que la rôyàutë dât être un 
achemifiement an faste et aux délices^ ou à la dé- 
bauche, qui ctit de nouvelles ressources pour rem- 
placer des trésors absorbée dans les plaisirs de la 
table, ou dans les etcès de là Volupté» Il ne Se crut 
pas permis d'entreprendre une guerre non comman- 
dée par l'intérêt de ses sujets. C'est pourquoi, en 
traitant avec ses frères, il ne voulut devoir sa préé- 
minence qu'à la vertu, et marqua pour eux * plus de 
déférences qu'il n'en eut depuis pour lin rival ( Vé- 
tranion ) ; car on ne peut supposer que la crainte 
des années l'ait fait transiger aVec ce dernier. La 
preuve du contraire résulte, de ce qu'après l'accom- 
modement il se servit de ces mêmes troupes , pour 
aller combattre son plus cruel ennemi (Magnence). 
Les orateurs dont j'ai parlé plus baut vous ont 



* Dans ce texte évidemment altéré, je lis Utif^tç 
(illis) au lieu du singulier {huic et hujus ) qui figure et 
qui doit rester dans le même passage où Fauteur a voulu 
dérâm {qamquHl ne les »t pas nommés ) Yétramo* 
«t Magnence. 

I. 20 



à 



( 5o6 ) 

fàh adûiii^er ^ victoîite; mais je le lotienî partout 
d^avolr eatreprb cettejfuerre avec justiee , de l'avoir 
poursuivie avec autant de vig;Qear que d'habileté; et 
lorsque la fort«Bè a voulu q^'il la terÉÉlaât glorieu- 
sement, d'avoir usé avec modération de ses succès » 
çomracf doit le faire un prince , et de s*^tre montré, 
par-là, digne dç Vaincre. ËxigereK-vou», qa'ainsi 
qu'au barreau, je vous cite des témoins? Mais il 
est évideid, aux yeux Btiàne d'un enfâsit, cpe de 
toutes les guerres des Grecs contre leaTrojena^oo 
des Macédoniens contre les Perses, cjuelque légi^ 
times qu'on les suppose , aucune , cepetidant , n'a eu 
un caractè)re aussi grave et aussi jus^e que celle-ci , 
où, en effet, il ne s^agissait point dé venger d'an- 
ciennes injures y sur .lés enfans ou les petits-fils de 
ceux qui les avaient faites , mais de combattre ceki 
qui voulait s!iemparer de l'empire et ep dépoailler 
les héritiers légitimes. Agamemn^n partit , dit le 
poëte : 

« Pmir venger ïes sonifits , l^eriSveiiierit d*ftéfeiie. »♦ 

Il fit ainsi la guerre aux Trojens, dans l'espoir 
de revendiquer une femme. Mais les injures faites à 
fiotre enipei-eiûr étaient tout-à-faît réceptes. Le tyran, 
qui voulait ïui ravir sa couronne , n'ay^t point la 

•I1.B.356. 



(3P7) 
noblesse d'un Darius ou d^on Prîam, qui étaient par- 
venos au trône, soit par leurs vertus, soit par lé 
droit de leur naissance^ C'était un barbare sauvage 
et impudent , du nombre des captifs que les Ro- 
mains avaient faits depuis peu d'années : je répugne 
à vous rétracer, et il est d'ailleurs hors de pr(^os 
de vous rappeler la manière dont il usurpa le com- 
mandement ; car vous savez déjà pom' quelles justes 
causes remper^ui- lui fit la guerre; et ce que nous 
avons ra|>porté précédemment , prouve aussi qu'il 
la conduisît- arrec alitant de bravoure que d^expé* 
rieoce. A cet égard , ses actions sont plus éloquentes 
qne tous nos discours. 

Mais f aime surtout à le cokisîdérer après son 
triomphe, et lorsqu'il n^eut plus besoin de son épée*, 
«aminez avec moi, je vous supplie, par Jupiter, 
protecteur de Vamkié , si jamais il s'occupa de tiref- 
vengeance de ceux qu'on soupçonnait d'avoir pris 
part à la rébellion ( ^ moim qu'ils ne fussefift iott^ 
pables d'aftttrcs driiûes) ou de ceûï qui avaient eti 
des liaisons intimes avec le tyran ; on même de celnî 
qui; au nom de ce dernier, vint porter des paroles 
de paix, mais accompègaées n'outrages sanglans 
êontre l'empereur (iî3). Or ,^irpus sentez ce que c'est 
qne Poutrage! Coiftbien il brise lé cœur et perce 
t'^e ,p lns cruellem e nt que lefet ne blesse le corps l 
Wenez-vous qu'un afiBront esSasmia la eolère 

3o 



(3o8) 
d^Ulysse y qui ne fut plus maître m de sa Ungae ; 1 
ni de ses actions, et qui, oubliant qull était errant 
et étranger, s^emporta contre son hôte avec violence, | 
quoiqull sut pourtant mieux que tout autre : 

« Qu'il est d'un insensé , d^an bomnie de néant, 
9 D'oser vexer un hôte, en sa. propre mauson. »* 1 

Vous savez, enfin, jusqu*o^ poussèrent, à cet, 
égard, la sensibilité , Alexandre , le fib4ie Philippe, 
et Achille , le fils de Thétis» persoimages qui ne i 
passeront ni pour obscurs , ni pour ig;nobles. £a 
vain m^opposera-t-on Socrate seul et le petit nombre | 
de ses sectateurs, qui se dépopillèrent , pomr ainsi 
dire, des derniers vêtemens de Tamom-propre et 1 
de Tambition. Jfi dis que le point d^honneur estnne 
passion noble et naturelle aux grandes âmes; qaVa| 
.effet, les hommes généreux repoussent Tinsnlte, 
comme contraire à leur^existeore^, et ^^îls hyssent 
plus cordialeiçettt ceqx dont ils otxt reçu quelques 
oi^ra^s, qu'ils ne haïraient leors ennemis anné» 
d^un poignard, pour leur percer le/sein,efl at- 
tentant à leur vîje par de seci^ètes enpbuches.; qa en 
un mot , ils regardent leur^ calomniateurs cooiiBe 
leurs ennemis personnels ,.sinQ'n d'apr^ ^es. lois,âit 
moins d'après la nature ;^ car ils aiment passionné- 
^ ; . : ....r.^^ ^ - 

♦ Odyssée (K'>!¥. aog. 



( 3o9 ) 
ment la louange et les honneurs ; et ce sont précité- 
Inent les biens que cherchent à leur enlever d'îndîgnes 
adversaires , en les injuriant , et en vomissant con- 
tre eux des blasphémés odieux et mensongers. Aussi » 
lîsons-nous que^ sur ce même point d^honneur, Her- 
cule et bien d^autres se montrèrent intraitables. Pour 
moi, sans trop me fier k tout ce qu^on met sur leur 
compte, je me fiatte au moins d^ avoir bien vu que 
notre empereur a su maîtriser rindignation qu4l 
ressentit d^une offense ; etje'maiûtiens que ce triom* 
phc vaut plus que la gloire d'avoir renversé Troie ^ 
oud^avoirmis en fuite les armées les plus formidables. 
Si je rencontre quelques incrédules, ou des critiques, 
qui me contestent le droit de classer un aussi beau 
trait parmi les plus brillans exploits^ je les prierai 
de se placer , par la pensée , dans les mêmes circons* 
tances où se trouva notre empereur , et de me juger 
ensuite , pour peu qu'ils croient ma raison en défaut. 
Je n'hésite donc pas à prononcer, qu*après k 
guerre, rempcreur est et fat toujours non-seule- 
ment agréable et cher à ses amis , qu'il honora de sa 
confiance, qu'il combla d'honneurs , de dignités et 
d^immenses richesses , dont il leur permit d'user à 
leur gré ; mais qu'il obtint même les suffrages de ses 
ennemis. Je vous en citerai des exemples frappans , 
relui des sénateurs romains , hommes distingués par 
leurs dignités, leurs richesses et leurs talens , qui 



(3iô) 

pour se jeier entre «es bras, coiHvie. daoa uA port 
assure , ahandoimèrent leurs fojera^ lenrd en&Ds et 
leur^ (amtUeSy .^ p^éférèreoi akijfi.l? Ps^oàieBle à 
Rome , et la sociiété du priftce à ceMe dk leurs clleas 
et afBdés ; celui d!tme troupe .de .ça»aiiers d'élite, 
qui se rendirent ii lui avec leur chef et leufô ensei- 
gnes^ aimant mieux- partager §ed p^iUquelabonne 
fortune dutjrw. Cet événement .eut iieu même avant 
la hatailk qu'il lirra^ur les bords du Drave , et dont 
nous avons ùài déjà le récit. Car « à ^cettie époque , les 
rebelles avaient ac^pûs de Tàûdacè ; et leur parti sem^ 
blaÂt tricmipbei? par le «uecès qu il venait dW'enir 
sur les éclaireurs dé Tannée de Tenipereur. Cet io- 
cidenf enivra de joie le t jfàn , et répandit la coIISte^ 
nation parmi peux qui ne ^oupçonneîeittpasle pro- 
jet du prince ; lui^ul demeura intrépide et ferme: tel 
on voit le pilete habile^ «fi inoment ou ^ du sein des 
nues déchirées, s'él^ce latâôipétei et w lediea 
soulève à-la-foîsde son trident les rivages et les abî- 
mes de la mer. Alors , en effet » une terreur extrême 
et irréfléchie is'etnpare.deAmatelotiSfiQftexpérimentés, 
tandis que le pilote joyeux se félicite des approcbcs 
du calme et de la sérénité. Gar^ on nms assure que 
Neptuïie, eii ébranlant la teirè^ eompriflae aussi la 
fureur des fldts. 

Vout rordinaîre, la fortune se joue dés hommes 
téméraires; et iq^rès les avoir amorcée ^ar de \éfen 



( 3ii ) 
succès, elle les abwâoime au fpit da danger^ tandis 
qu'elle seconde, daas. uoe ^tre^^e déoisÎTe, les 
hommes pmdeiisv après^les avoir éprouvés par .qBel<i- 
ques revers: Àifisi, les Lacédémottièii&, vaincus ant 
Thermopyles , ne perdirent pas tout espoir ; jls âtlen^ 
&%iitdepied fetfifiei' irruption desMèdes, ipioi^Uls 
eussent perdu troiseents Spartiatesavee leur roi dans 
les étroits défilés^ t[ui servaient de reâipart à k€fl^<e*. 
Les Romabs ^ après de semblables désastres , n'-ffi 
marchèrent pas ââoins au plus liaui degré de pros- 
pmté. L'enipereur avaU tous eês SMts.préseBsàres-^ 
prit ; et il -nV pointa trompé dans son attente. - * 
Mais , puisque le & de mon discours m'a conduit 
à vous entréténir du dévouenient du peuple envers 
le prkifee , de tetûi des magistrats , ^et des défenseurs 
de sonempireeontt^ les ennemis ^écputeis-en im trait 
èes plàs mat^fieMIés ,^et qui né date; poér .aiiisi dire , 
que ^ ^èu de jours- Un êh^ it Ugim (24) dans* k 
Ga«^ , dont aucnd: de vous n'ignore^ -le nom et |<;s 
muHMTS , ^vak rerais 4 l'empetétu^, qui>ne red(;ea)t 
pas^e lui , son ^pK| fils p^our ^ge ée ^ fidélité et 
de soa amiitte. |(ais d^ns la suite /il gard^ plus- mal 
sa &i:^né ItsJiions^ eatfe lesqndi et les hommes il 
ne pont, dit Homère ^ eacister de pacts^ c il pilla le^ 
villes^ pour en distnlMier les ridfesses^ aux iMMrbacesif 
qui : fondaient sn^-sft province,- la rlieiietant ^infâ 
d'eux, à pris d^arlfeat, tandis qù'Ul^éllâit. de son de- 



C 3ï» ) 
toir 4e h dé&ddrf pmr le$ armes; enfin > quand U 
crat'Jesayoir gagnés par ses largesses, Use fit de 
qndqiie» vetemena de femitie^un çiantean de pour- 
pre , et [oua Fidiculepient , pommj^ sur uu^théàtre * le 
rôle de tyran, AlQf9> les soldats, ontrésds sa dëfec* 
tioiit et reyoltéis de voir à leur tête ça loisérable at 
fublédes qn^^xoi^is d^^^^e , ne fw^pj^ «^hever une 
luQiaison entière $ods 9es>prdres« et.U;s le mirejat tn 
pièees, , - . _ 

. Ainsi notre digne lempereurrecueiUU avec jus* 
tice.ce témoignage di» dé^ouèmei^ de ses ^lapes, 
et cethpnocaUe aven de leor parti d.^i^ goureme^ 
m&à% sans, reproebe. .Youdric^-vous ealendre com- 
ment il se conduisit après cette; scène ë; Vous n\^iez 
pas sans doute publié qu'il ne^t aucun mat au filsdu 
tyran, qu'il n^inquiéta ni ne maltraita cewqui avaient 
^vi mfk p^re; qu^en un moti il témoigna à ckacoo 
d'eux la même indulgence et la piême bo^o^ quoi- 
^'il se> présentit des accusat^Hirs contre ceux mêmes 
qui poHvaient étre.jinnocw»* ^.(démence fiit égale 
envers beaucwp d'autres, qui peut^eétaiént séelle* 
ment coupables de r^ïeUion , mais ^ n'étaient paa 
Cpnvaincusde S'étre associésau pbis vH et «u plnsiu* 
fâme des projets. Je ne me lasserai fàmaia de vole- 
ter, que la grâce quHÎ accorda an fila d'un tr»tre, 
qui avait fbidé aux pieds sa foi'et.4es.aermeiis, {ol 
nu acte béroïque et véritablement dltia» 



( 3i3 ) 

Ck>mtt!eiit pourrions^nous voir, du même 'Ceîl ,' 
VB Âgamemoon se déchaîner .en furieux^ non-scuk-^ 
ment contre ceux desTroyens qui avaient accompa^' 
^é Paris , et qui avaient porte le déshonneur dans la>^ 
maison de Ménëlas^ mais contre des enfans qui xk^é-f 
taient pas n^s encore , ou dont les mères n^avaient 
point encot^ vu le jour lorsque le prince troyen' 
s'occupa des moyens de ravir Hélène { Or, si quel- 
qu'un trouve que de telles actions sont cnieltes,' 
odieuses, indignes d^un roi humain; s'il croit que 
le monarque doit être doux, clément, philanthrope, 
n'aimant point à punir, et toujours sensible aux maux 
de ses sujets, soit qu'ils souifirent par leur faute, 
par lem* égarement , ou par l'effet du hazard ; dès- 
lors il accordera la palme à notre auguiste souve- 
rain. ^ , . ' 

Mais remarquez , surtout , qu'envers ce fils il fut 
meilleur et plus juste que ne l'avait été lé père, et 
plus esclave de sa parole envers les amis du tymn , 
que celuirci ne l'avait été envers ses àffidés^ qu'il 
eut la lâcheté d'abandonner, tandis que Praipereur 
voalui les sauver fous. Car enfin, si ce malheureux, 
ayant connu toute la grandemr d'âme de son prince, 
puisqu'il en avait long-tems éprouvé lès effets, se 
persuada qu'il ne pouvait confier en des maim plus: 
sores le sort de son fils et celui de ses propres 
9sm (certes il devina juste ) , pourquoi se déclara* 



( 34 ) 

t-il donc r^nnemi le plaa entrepueiiaiit , le plusfi»^ 
cheui: et le plus achdrné de 'celui en qui il recoa 
)ii^i^it une âme si douée et si bienfaisante? ponn 
quoi pous$a-t41 la haine jusqu^àhii tendre despiéges| 
et à êhercher à le dépcmiller de $i^ di:oîts les plot 
sacrés? 3i> au contraire, désespérant du saktdl 
son £1$, et ne se orojant pas en niesure de sauveç 
ses amis et ses proches , il ji^hésita pas à lever l eUaw 
dart de la rébellion , assurément U fut le plus mé^ 
chant et:le plus insensé des hommes , .et sa férocitj 
surpassa celle des bétès les plus sauvages. Mais 
un glorieux contraste , notre empereiu* aura fai 
preuve d^une modération, d^une d(niceur et dW 
générosité admirable \ en épargnant rinuocence 
dW enfant en bas âge ^ en traitant avec beaucoup 
de ménagement ceux qui n'étaient pas pleinement 
convaincus de conspiration , et en vouant au mépris 
4«s hommes couverts de crimes. 

A? quel mortel, en effet, donneronsr-nousleprii 
de l{i vertu, si ce nW à celui qui accorde plo^ à 
soit ennemi que la conscience de sts t&cts ne lui 
permettait d'espérer; qui n'use dt son droit que 
pour le bien et pour le parti le plus doux ; qui sur- 
passe en modéraiionies magistrats les moins enciios 
a ptinir; qui est d'autacrt plus fort, qu'il ne voit 
poiœitd'eanemi digne de son ressentiment; d-autast 
plus sage qu'il a fait dl^^akre lés inimitié, <Q 



( 3i5 ) 
iieu de les U*ansmettre aux en£w;& :€t k leiur^stê^ 
rite, aou3 prétexie d'exercer une justice Sjéy^re él 
de vouloir s^iëaotirla race^estméchans tomméiQn 
détruirait les germes à^ïfxk pîju ; car I9 Jbaiue eal 
Touvrage des miéch^uâ; et l'auiique pro¥erbe l\n 
a donoé la fécoadité 4e ce^ arl^p?^ (2S)» ' ,1 

Mais ioutjbo)^ prince; imitant 4^ sojamieuxladî-^ 
wké, hait très-bieo, (}«ie 4u éfia 4es fcoçhei^s piéu'^ 
vent sortir des essaims d'abeîtles; qiiie du bois la 
plos amer^ peut naître. ^ugi ffuii succulent eovime 
l'est la figi^e 5 qu'entre les épines se forme la gre- 
nade; <}a'il ea est ainsi de mille autres pr^dttcti^iusv 
qal.n€ re$a»9l>la[it en rien à Tarfayre qui les piNrtc« 1% 
se. gardera donc de frapper d'oà coup i9!NuitrieJ5> 
£t8 tendras rejettons encore ^ laileur de Tâge : iL 
préféreni de leur lais^^r le tems d'abj^rw la folie et 
les erreurs de leurs pères , et de de:^iiir enËmasagesi 
et vertueux. Mais s'ils a'ohstkiient à marclier sur l«s 
traces de Isatis mauvais pa^ç^i U&eo sûbWDntJa; 
peioe lorsque l'heure en ;$éra.'^eawf ; Àa Movifs ife 
sauront pas péri victimes des malheurs , ou des 
forfaits d'aulrui. 

Jugerez vous maintenant qu'il ne manque rien h 
Dïon ^loge de l'empereur ? Ou désirez-vous en ou- 
*re , m'entendre vanter sa longanimité et la gravité 
^cses mœurs? Car, non-seulement il ne fut vaincu 
par aucun de ses ennemis, mais il ne céda>méme |i 



( 3i6 ) 

^aac^he passion honteuse , et jamais il n^eut TamU^] 
lion d^avoir de riches palais, ou de magnifique^ 
maisons de plaisance , ou des colliers brillans d'é- 
mëraudes , enlevés , de gré ou de force à leurs pro- 
priétaires. Il ne fut épris de la beauté d^aucune 
feomie libre ou esclave ^ et son cosur repoussa touf 
amour illicite. Pourquoi n* ajouterons-nous pas aossi 
qu^il s^interdît jusqu^à la recherche des plaisirs plut 
innocens qu^offi^nt les saisons ? Il dédaigne Tosage 
de la glace dans les ardeurs de Tété , ou la commo- 
dité de changer sa résidence selon les difiTérentes 
températures de Tannée; et quelque soit le point 
de Pempire où il habite , il sait y supporter leseï* 
ces alternatifs de froid ou de chaleur. Si vous me 
demandiez des preuves de tout ce que j^avance Ici, 
comme elles sont palpables , il me serait facile de 
les mettre sous vos yeux. Mais mon discours déjà 
long s^accroîtrait outi^ mesure. Je ne pourrais tou- 
jours m^adonner au culte des muses; il est tems qae 
je repranae mes occupations accoutumées. 






«ut UB LA SBGpNnS HARANGUE. 



( 3i7 ) 

NOTES 

SUR LA DEUXIÈME HARANGUE D]E JULIEN, 



(i) £^ Pélopides. O^ lit, en effet, dans Pausanias 
(CorintMac) , qu'Oreste, fils d'Agamemnon, posséda^ 
presque le dernier, le royaume d'Argos, envahi par le 
retour des H^raclidés, sons Tisamène, son fils, le der-; 
oier des descendans de Pelops. 

(2) Ce Pandarusy dont parle Homère, au quatrième 
cbnt de son Iliade , est aussi désigné par Virgile , 
comme ayant rompu , par nn de ses traits, la trêve entre 
les Troyens et les Grecs , avant que le terme en fut 

iàu: 

« Pandore ! ^uiquoniamfussm confiÊnâerefœâus y 
» In meJ^ostelum cofdorsisti primus Achiços.-^ ^ 

Énfîd. , 1. V. 

(3) Un Canen. Les Cariens d^alors se vendaient; 
comme aujourd'hui les Suisses, à qui les payait le mieux. 
Ils occupaient les emplois subalternes à la suite des ar- 
lû^es. Julien en parle encore an commencement dn sep- 
ti^mev discours. 



( 3i8 ) 

(4) Prodicus , sophiste de l'île de Chîo , contempo- 
f'aîtf 3e D^mocrîfé , cdndamni^ a Boi're la cîgue , comme 
corrupteur de la jeunesse. (V. Suidas. ) 

(4) Rase campagne. 'B^UïMe de Murse. Cette ville est 
VEssec de la Turquie moderne. (V. le premier discours.) 



(5) Misérablearthan. Julien désigne Marcellînus, pré- 
fet du fisc y et qui porta Magnence à usurper Tempire. Le 
fait est rapporté au long^ par Victor. Epitom» et Zosim. ^ 
lib. 2 , c. 42* 

(6) La ligne gauche. On a yu^ dans le discoun précé- 
dent y qu'à la bataille de Murse ^ Constance avait appayi 
son aile droite sur le Dr2fve , et que , de son aile gauche, 
H enfoBça Tennemi. 

(7) Cette ville donc ^ etc. Nisibe avait porté le nom 
d'Antioche Mygdonienne, AntiaçMa Mygdoniana, Le 
texte du Julien ne permet pas d'en douter. L'autre ville 
d'Aiïtioche, surl'Oronte , avait pris le surnom de Com- 
ioatiana , pour les raisons mentionnées au discours pré^ 
cèdent. (Voyez la trente-septième note de la première 
harangue. ) 

(8) Le OjsM . desk mt^^ m^mi^^ VMimçWa 1 <i^* 
pliquaut pette allé|;orie , dit que Karkinus ou CarcinuSj 
l'un des chefs ou rois des marais de Leme , marcha 
conAvf JË^rcule ^ pour si^cpuj^r Jie roi Lenius 9 ^^^^ 
dao3 la ville d'Hydra, défendue par cii|<|u9Bi:ç arcben 
babilff. (y,Pakephata,Ub. 2, cap. de Hydrâ.Le.m0t 
car0m5^û§gàîi&a:d!b^.) 

(8 Ins.) Le talent attique était de 12$ liyres (poi^ 



omaiii) , ce qui porterait le poids d^nne de ces pierres, 
8y5 livres romaines de doaze onces. On ignore quelle 
spèce de balistes pouvait lancer de telles niasses. (Yoy. 
1 notre m*- vol. la lettre 86* et dernière, mais supposée, 
le Julien à Saint-Basile. ) 

(9) Vart de Gtaucus, Proverbe fabairt allusion à Tin^ 
rention de la soudure ou coulure du fer, dont on fait 
donneur à ce Glaucus. On dit dans le même sens^ parmi 
lous, d'un hoimue peu fécond en expëdiens : qu*il iCa 
ws mtnU la poudre. 

(10) Sa dignité. On voit, dans ce passage , que Ju-* 
lien regrettait l'abolition du paganisme , dont il faisait 
lecrètement profession. J'ai remarqué, dans le premier 
iiscoars , que les empereurs païens se faisaient honneur 
l'exercer , par eux-mêmes', la dignité de pontife : les 
empereurs chrétiens n'avaient retenu que le titre et les 
lumneurs du pontificat, dont ils n'exerçaient d^ailleurs 
lacune fonction. 

(11) Plakm. Cette doctrine de Platon doit être rec- 
tifiée, par le texte même de ce philosophe. Il n'est pas 
i^ de l'entendre dans le commentaire de Julien, dont 
^ texte est d'ailleurs évidemment altéré , ainsi que l'a 
^marqué le pète Petau. J'ai traduit ici , en partant du 
^ncipe de Platon , que l'homme , pour être sage et 
^enreni, doit imiter la I)ivinité, et suivre la dire«iioii 
is l'ime on raison humaine ,• qui t^ une portion de la 
ÛWnité. 

(i2)i)4to là $vité. Il { Julien) parait, en effet» f 



( 320 ) 

revenir ci-après^ tosqu'il met en psffallèie k doétri&e 
de Platon , avec celle des poëte$« 

(i3) Talthybius. Les Dactyles^ ou Idéens^ sont con- 
nus dans la Mythologie* Pour Talth^bius , on le voit, 
dans Homère , chargé de plusieurs missions , soit par 
Tannée des Grecs, soit par Aganiemnott* 

( 1 4) ^ nom ( latin ) de r Aigle. U s'agit ici de la Tille 
d'Aquilée , faisant alors partie du territoire des Hénetes 
ouVenetes, desquels sortirent jadis, selon le texte d'Ho- 
mère, fi^ iurm^j les Paphiagoniens. Ce texte est cité, 
par Constantin Pbrphyrogénète ( thème VIL ) U se 
trouve au chant de llliade, qui contient l'énumératioa 
des vaisseauiTdes Grecs. Quint-Curce donne aussi au 
Hénétes une origine paphlagonienne. Hmc ( papUago- 
mdi)junctierani Eneti ; un^ quidam Venetos trahere on- 
ginem ducunt ( Quint-Curce , lib. 3 , cap. 2. ) 

Le P. Petau fait une longue digression sur la trans- 
formation des Hénèiâs en Fénètesj dans la languedes La- 
tins. Julien possédait les langues grecque et latine, et 
les parlait familièrement. U semble croire que les Latins 
rendaient, par * , v,/et/>A, lettres analogues dans la 
prononciation, Tesprit rude des Grecs .-ainsi de '£'f?<^ 
ils faisaient Feneti , comme de '£Afi>«, ils faisaient /:- 
/enûj qu'on trouve en effet pour Hélène j à rimitation 
des Aéoliens ^ desquels , au dire de Denis d^Halicai- 
nasse ( lib. L ) , les Latins dérivèrent leur langue. Le 
même auteur remarque même que les anciens Grecs 
ajoutaient fréquemment le digamma/, aux mots coBh 
mençant par une voyelle aspirée on avec esprit rude. 
Cependant ^ je vois que les' Latins ajoutaient aussi lié* 



(Ut ) 

^emmeât des lettres initiales, à d'aitres mots mes 
non affectes de cet espit rude. Ils ont écrit long-iems 
Iieremii^, ^sert, heremita, hermik. On trouve encore 
WBBiB, pour Î<r«f9 ct Une infinité d'antres mots, aui'- 
quels ih ajoutaient les lettres initiales jff , F, sans 
qu'on en yçie d'autre raison que le génie, ou l'idiotisme 
de leur langue ( Petau,p. 77 et 78. ) Les anciens Grecs 
eux-mêmes écrivaient /an/iir et faner ^ pour ^f«{ et W»,* 
quoiqpe Ttf , dans ces mots , fût avec l'esprit doux. ^ 

( 1 5) Lyeus. Le Latcus de Pt»loraée , qui sort du mont 
Niphate, et qui se jette dans le Tigre, est le même 
que ce Lycus, Aoui parle Julien. Qttint-Curce men- 
tionne également le Lycus , parmi les fleuves de ce pays 
(Q.iitl?,c. 9.) - 

- * 

(16) Le$ Thiom des Grecs étaient chargés des sa- 
crifices, de l'inspection des vkUmes, etc. :- il y en avait 
sur les vaisseaux et dans les armées ; à leur exemple ^ 
nos troupes de terre et de mer eurent des aumèmers. 

(17) Desfikh. Datîs, l'un des préfets de Darius; 
cliargé , par ce prince , de se saisir de tous les Erétriens^ 
et de tous les Athéniens, fit faire, à %t& soldats nom- 
breux, se tenant tous par la main > une sorte de chaîné 
ou filet, qui prit tous les Erétriens (Voy. Platon, dans 
Ménexène.) Hérodote raconte le même fait, et met aussi ^ 
sur le compte de Datis ^ la dépense de trois cents talens 
d^encens , brûlé dans les sacrifices. On voit que Julien 
en sappose mille , d'apris d'autres renseignemens que 
nous n^avons plus. Le talent attique était , comme nous 
Tayons £t ( note huitième ) de cent vingt-cinq livres 
pesant. 



(i8) Depjiis iMg-'tems. Cette définition est contenae 
^ans la réponse de SinidBÎde, à qui Toa demandait, 
ce qu'il fallait enteadre par hommes moMes, Des familles 
ancHnnemint riches^ dit^il. Le P. Fetaa cite ce pas- 
i^age^ comme étant tiré d'an fra^imeat des Œuvres 
d'Aristote. 

(19) Leur fUuve ( le Rbin. ) Le poète Nomms parle 
aussi de cet usage , L 23 ; et Themistius , dans son Pa- 
négyrique de Julien, raconte le même fait, qui«st,en 
outre , relaté dans «ne des lettres de Julien à Maxime 
le nhilosoplw. ( C'est la seiâène Je ia eollectioa^ ) 

.(20) Sammhe. On lit , dans le Gou-gias de Platon , ^'an 
certain Sarambt d'Athènes s^était enrichi par des escro- 
queries , dans le commerce et dans l'échange des mar- 
cliandises. AcesmacGhands/nH/tfii&iijr, en grec tc^ieihêt^ 
on donnait . le surnom de Sarmmbes , comme on dirail 
çbe« nous , c'est un Mandrin , pou» désigner un voleur. 

{21) Dieux consanguins^ i^êyf Ut, Peut-être, comme 
le traduit ici le P. Petau , sigiM&e-t'-il ici pmtecteurs ds 
ia consattguùuté. Cependant on ^erra dams Ia>siiite , qne 
Julien appelle aitleuf^ , dieux cansatignins , if^ytlisç. 
fes £ettx , comme . ayant une oommune origine a^ec 
nouis y et étant y pour ainsi dire ^ homogènes i Piadare 
pous indique aussi ia même croysoicfe daùs la sbdème 
Keméeime. Voyez ma. tiaNhiotion y totne U, 3^ |iartie. 

(21 bis) LepdUTffjt, Sans doigte /il s'agit^ ici de Tes- 
pèce qui fournissait la pourpre tyrieniiç d'Asie , la plus 
^tipftée, sous le nom de dibçipke^s^ se veadait^ âi 
Rome^ mille deniers, c'est-à-dire. Soi), francs la livre. 



( 323 ) 

On (^B^distiitgiaaH de deux espèces > le hssimf» et k 
mifrex , provenant 4galen;»ent d'an poisson^ do^t }e c^ 
quillage ne différait que par la grQSiseiu: ^t par la ni%" 
nière dont w le prépajtait* 

(22) De ses enfans. Allu^on au meurtre de Crispas > 
par Constantin» Voyez ma vie de Julien, paragraphe I*'* 

(23) De ce dernier. Allusion au message du sénateur 
Titian , iàfvAi par lOagiB^ce» Voyez Zosime^ L 2. 

(24) Vn eluf âê légion. Il est question ici de Silvain^ 
dont Julien a parlé ^ vers la fin de son premier discours* 
C'était un officier estimable , qui , victime d^une intrigue 
de coujr» avait été envoyi dans les Gaules avec un com-» 
mandement. Ses ennemis lui supposèrent des lettres , à 
Taide desquelles ils persuadèrent au crédule Constance^ 
que cet officier corrompait ses soldats^ pour se faire 
proclamer par eux. L'empereur le manda à la cour ; 
Tagent , porteur du npiandat^ fit ^ en arrivant , saisir ses 
)>îen$ 9 quoiqu'il n'^ eût pas d'ordres. Cette raesuiie 
força' Sylvain à la révolte contre' un souverain , dont il 
connaissait la facilite à croire aux délateurs. Cependant 
son îjggdocence fut reconnue à la cour , avant qu'on y 
eût appris sa révolte. Maïs Ursidn , quoique chargé àt 
lettres obligeantes pour lui remettre , apprenant en route 
que la coar est informée de la défection de Sylvain > 
chai^ de in^suces ^t sot propre ehef , feint de passer 

dans ^en partie et gagne des soldats qu^ rassassinent.* 

• - « 

(25) De cjti arbre, tf^Ivoç ^tici,,; J^e pin paratt avok 
été;) dies les^ anciens ^ le symbole de la fécondités C'est 
pourquoi Âttès on Aittis' , dieu de lar génération ,Jvkt , 

21; 



(324) 

par la mère des dieux , métamorpliosë en phi. (Voyez la 
première note sur le discours de Julien , en TJionnear 
de la mère des dieux. ) Le pin ëtait également consacré 
au dieu Pan. Or , ce dieu, comme Ta dit Orphée , figu- 
rait la nature entière ou l'univers. (Voyez Noël Comte ^ 
1. y de sa Mythologie, c. 6.) 



FIN DES »OTSS DE LA DEUXIÈME HAHANGUE. 



Observation de l auUur traducteur. 



Comme ma présente traduction des Œuvres de Tem- 
pereur Julien. était composée depuis plusieurs années, 
sauf quelques additions , il m'est arnvé d'y citer plus 
d'une fois , tantôt des passages ou potes de ma traduc- 
tion de Pindare, imprimée en i8i8, tantôt d'autres 
passages de ma secohde édition de Quintuâ de Smyme, 

3ue je croyais être eh mesure d'imprimer, mais qui, 
epuis long-tems terminée , est encore à paraître. Cette 
seconde émtion serait déjà entre les mains du public, 
si mes facultés avaient répondu à mon désir, vu surtout 
que la première en i8oo a été épuisée très-m'ompte- 
ment et ne se trouK^e plus dans le commerce de la li- 
brairie. Je me "propose d'accommoder de cette nouvelle 
édition , à un prix très-modéré , ceux de MM. les H- 
'braires qui- aimeront' mieux s'occuper de littérature que 
de brochures politiques , ou d'éditions compactes d'ou- 
vrages réimprimés sous toutes les formes. 



( 3a5 ) 
HARANGUES DE JULIEN. 

ARGUMENT DE LA TROISIÈME HARANGUE. 



Cette barangue fait plus d'honneur au coeur de Ju- 
lien , qu'à son talent oratoire. On peut, en effet, y re-* 
prendre quelques longueurs ^ une ëmdition qui semble 
déplacée , des comparaisons , quoique justes , trop multi- 
pliées ; cependant, on y trouve de beaux sentimens, et 
beaucoup de sagesse. Peut-être aussi serait-il juste d'at- 
tribuer une partie des défauts du style au goût particu-^ 
lier d'Eusébie , à qui Julien avait le plus grand intérêt 
de plaire, et qui aimait, sans doute, le genre de détails 
minutieux où il est entré ; il lui était redevable de la vie, 
et de la dignité de césar , ainsi qu'il le raconte lui-même 
dans ce discours. 

Comme il y parle ensuite des livres, dont cette im- 
pératrice lui avait fait présent , et qu'il portait , dit-il , 
aveclui , dans ses opérations militaires , on ne peut douter 
qu'il n'ait composé son éloge dans les Gaules , d'où il 
l'envoya probablement à sa bienfaitrice. Il fytc lui-même 



( 3a6 ) 

la date de ce panégyrique^ lorsquHl y donne ^ pour tout- 
à-fait técéîit€f, r^ttéé^ôlèldtiénè de nâpâ'àtncé dans 
la ville de Rome7 au moment où Constance^ son époux, 
passait le Rhin sut un tK>tt de bitleatx , ^gr tenir en 
respect les barbares. ( Ce fut vers Tan 357. ) Si Julien 
parlait çncore alQrs de Constance avec beaucoup de 
ménagement ^ c^est qu'il savait très-bien que sa harangue 
passerait sous les yeux de cet empereur. Cependant il n'y 
dissimule pas la disgrâce qu'il avait éprouvée de sa part, 
et même les dangers qu'il avait courus par suite de cette 
disgrâce , ouplutôt par l'acharnement de ses vils calom- 
niateurs. 



I (327) 

TROISIÈME HARANGUE DE JULIEN, 

ÉLOGE DE i'iMPÉRATRIGE EUSÉBIB. 



Quelle idée se former de ces hommes , qu^on a 
obligés essentiellement , et en de grandes choses 
( parmi lesquelles je compte moins lor on l'argent , 
que tout service important quHls pouiraient avoir 
reçu ) , lorsqu'on s'aperçoit que non-rseulement ils 
ne font aucun effort pour se montrer reconnaissans, 
ou même qu'ils en sont incapables , mais qu'ils af- 
fectent en outre la plus parfaite indifférence à tenter 
du moins quelques sacrifices, pom* acquitter une 
dette honorable ? Ne les regarde-t-on pas comme 
des. hommes décidément pervers et ccHTompus ? Je 
ne crois pas qu'il existe , en effet , de crime plus gé- 
néralement détesté , et qu'on reproche davantage aux 
hommes qui s'en rendent coupables , que celui de 
ringratitude envers leurs bienfaiteurs. Or , on ap- 
pelle ingrats , et ceux qui maltraitent , de paroles ou 
d'aclioni?, les personnes qui les ont obllgos, et ceui; 



( âaS ) 

qui taisœty^iasiioiileiit ou paraissent onbUer jas- 
qu^à lâ trace d W bienfait. 

On rencontre ^ il est Trai , peu d^exemples de la 

Tent deFespècede ceux quisemblent vouloir cacher^ 
je ne sais sous ijuel prétexte, toute idée d'obligalion, 
si ee nW , à les entendre , pour éviter le soupçon 
d'une basse flatterie. 

Quoique je sache qu^ils n'en peuvent allég;ner de 
raison plausibk , j^admets , pour un moment , celle 
de la crainte de passer ppur adulateui-s , eux qui ne 
savent point roug^ des passions les plus viles et les 
plus himleuses. Mais alors , ou ils ne sentent pas 
le prix d'un bienfait , et leur insensibilité n^admet 
aucune excuse , ou s41s le sentent et qu'ils en gardent 
le souvenir , dès qu'ils ne font rien pour en.marqoer 
leur reconnaissance , quelque soit le motif de leur 
coiidojl.e 9 ce sont des lâche%, des envieux , en un 
mot y des ennemis du g»re humain. En effet , ces 
mêmes hommes, qui dédaignent toute bonté^et quel- 
quefois toute humanité envers leurs bienfaiteurs ,. de- 
viennent des animaux féroces , lorsqu'ils trouvent 
l'occasion d'ipjùrier et de mordre. 

On dirait qu'ils regardent l'éloge le plus mérite » 
comme un luxe trop dispendieux.^ tant ils craignent de 
célébrer de belles actions.Et cependant, ccluiqai loue. 



nié, plutôt quHl ne cherche à plaire à qaelqa^uh , aux 
dépens àt la wéiiié* Car, en ne paît supposer, que la * 
ittunge saktm^iie, ou à ceux qui ensont Tobjet^ou à 
cenx qai,parcourantIaniéme carrièreque ces derniers, 
nWtpu ybriller par les mémesexploits. Les premiers 
se trouyent flattés d^un éloge qui les encourage à de 
plus heureux e£forU ; les autres se piquent d^émula- 
tion , et sont d'autant plus portés à mériter la même 
faveur , qu'ils vojènt qu'on l'accorde , comme le seul 
bien qui puisse se donner et être reçu en public. £n 
effet , s'il n'appartient qu'à l'homme peu dél jcat , de 
faire l'aumône publiquement, et de manière, que ceu^ 
qui l'entdurent , sachent très-bien ce qu'il donne, 
il n'est pas moins choquant, de tendre Ja main à tout 
passant ; et celui qui s'y résout , a perdu toute 
honte et toute retenue. Lorsqu'Arcésilas ( le P/ûlo- 
sophe ) , faisait quelques largesses , c'était à Tinsu 
. de celui qui les recevait , et qui ne pouvait deviner 
son bienfaiteur , que par la nature du bienfait. Pour 
nous , au contraire, nous tirerons vanité du grand 
nombre de ceux qui écouteront nos louanges , et 
nous nous réjouirions encore ; quand même ce nom- 
bre serait plus petit. Avant nous, Socrate , Platon , 
et Aristote, louèrent plusieurs grands hommes (i). 
Xénophon loua le roi Agésilas (2) et Cyrus, le mo- 
narque des Perses ; et quoique c^lui - ci appartint 



( 33o ) 
aux itmè déjà anciens , et qne Faotre eut été son com- 
pagnon d^annes en Grèce , il n^hésita point à écrire 
et à publier leur éloge historique. 

Je trouverais bien étrange , qu'il fut permis de 
louer des hommes célèbres , et qu'on craigmt et 
rendre un honneur égal à une femme , qui , par ses 
éminentes qualités , ne lé céderait point aux hommes. 
Est-îl croyable, en effet ^u on exige qu'une femme, 
pour être digne d'éloge , doive être sage , pradcBte, 
habile à distinguer le mérite d'un chacun , coura- 
geuse dans les périls , magnanime , libérale, en un 
mot , douée de toutes les vertus ; et que cependant 
on lui' en refuse le plus honorable tribut, de peur 
d'encourir le reproche de la flatterie ? Mais Homère ue 
rougit point de louer Pénélope , ni la femme d'Al- 
cindiis ; disons mieux , 11 ne garde le silence sur au- 
V cune de celles èih qui il remarqpe quelques traits de 
vertu. Quoi ! nous aimerions à recevoir un bienfait 
plus ou moins signalé , d'une femme , comme dW 
homme ; et nousbalancenons à les payer tous deux,j 
d'un même retour ! Comme si , à entendre nos cri- 
tiques , il était ridicule et indigne d'un homme bien 
né , d'implorer l'assistance d'un autre sexe : comme 
si le sage Ulysse eût dû passer pour lâche , ou pour 
illibéral , parce qu'il adressa ses demandes à la fille 
du roi , occupée , avec ses jeunes compagnes , de jeut 
înnocens , près des bord$ du fleuve ! A ce point» 



( 33t ) 
lous dédaîgtieriotts la fill« mètnt de Jupiter , Mî- 
aerve , qu'Homère nous dît avoir apparu à tflysse , 
îous la forme d'une noble tîerge , 5'offrant à le 
conduire dans le palais ^ et rinstruisant de tout ce 
juHl devait y dire ou faire. D'abord, elle employa 
tous les moywis oratoires , pour lui faire un polirait 
Batteur de la reine , en commençant par son origine , 
qu'elle trace dans les vers suivans : 

« A toî| dans son palais, s'offrira cette reine ; 
3> Son nom est Arété ; ses parens sont les mêmes 
» Que ceux que reconnaît Alcinoils , le roi 
» Des Phéactens , etc. » * 

Remontant ensuite à ses premiers aïeux , issus de 
Neptune, elle fait le rëcit de leurs actions et de leurs 
fatigues ; elle le continue jusqu'à Fëpoque où l'on* 
cle de la princesse >^rès la mort inopinée du jeûna 
père de celle-ci , la prit pour épouse , et l'honora ; 

« Comme femme jamais fut sur terre honorée. *» ** 
car elle fut Tidole . et 

« De ses enfans chéris , et d'Alcinoiis même , » *** 
et du sénat et du peuple , qui Taccueillirent comme 



* Odyss. n. V. 53. 
*♦ Ibid.,y. 67. 
*** Ibid., v. 70, 



( 332 ) 

une âivÎBitë , à son entrée dans la yîUe. Ir èéiw 
termine par nn éloge ^ qoe Tua et TmIK «on M^ 
r»(*nt également jaIo« «kmériter : 

tf Son esprit fat facile , autant que péniitrairt, » * 

Ainsi y Minerve vantait à Ulyssse le rare &r 
cemement de la reine , son habileté à prévenir eU 
calmer les querelles entre les citoyens. « Si ta lui 
demandes sa bienveillance , ajoute la déesse , tn Tob- 
tiendras , et désormais , 

« Sois sûr de te revoir^ au sein de tes amis, 
» Dans tes propres foyers, etc. » ** 

Le héros suivit ce conseil ; aurîons-noos besoin 
d^exémples plus solennels , pour nous mettre à Fabn 
de tout soupçon d^adulation ? Et pourquoi, encoa- 
ragés par ce sage et divin poëtc^ n'entreprendrlom- 
nous pas le panégyiîque de excellente Eusébie ? 
Si npus ne pouvons la célébrer d'une manière digne 
d'elle , au moins nous estimerons-nous heureux d'at 
teindre , dans notre éloge , quelques-unes de ses 
éminentes qualités , sa sagesse , sa justice , sa dou- 
ceur , sa modération , son amour conjugal , son dé- 
sintéressement , son respect pour les parens et alliés 
de sa famille. £n nous conformant à ce plan , nous 

* Odyss.,v. 73. 
** Ibid. ,v. 76. 



( 333 ) 

jêrons marbh^ de front , et avec le Biéme ordre ; 04 
ipe nous avons k dire de sa patrie , de ses aïeax , de 
son mariage, et du tems où elle choisit un ëpoux 1 
enuamot^de tout ce qai doit entrer dans notre récit, 
Sa patrie m^ofiEre des traits bien remarquables ; 
mus les uns mit rieilli ; les autres me paraissent peu 
âoign^s de la £d)le ; comme , lorsqu'on assure , par 
nemple , que les'Muses , appelées par leur père à peu- 
pler Poljoipe , vim'ent de la Piérie*, non de FHéli- 
€on. De semblables détails sont du ressort de la my- 
thologie , et tout-à-fait étrangers k mon sujet. Je re- 
cneillerai cependant quelques faits anciens , plus gé- 
néralement connus , et qui intéressent le pays dont 
f ai à parler. On assure que la Macédoine fut autre- 
fois habitée par les HéracUdes, enfans de Temenus, 
qui , après s'être partagé T Argolide , dont ils avaient 
iérilé,se brouillèrenj: entre eux , et mirent fin à leurs 
£ssentions, en abandonnant cette colonie. S'étant 
(Qsaite emparés de la Macédoine, ils se détachèrent 
i«s princes de l'heureuse famille d'Hercule , et les 
i^mplacèrent par une suite de rois ^ dont le trône 
fut en quelque sorte héréditaire. Il ne serait ni juste , 
i^ifacile, je pense /de les louer tous indistinctement. 
^ais, entre les plus illustres , qui ont laissé de su- 

* Pour entendre ceci, il faut savoir que la Maci- 
ioiiu^ patrie d'Eusébie, s'appelait ancieimement PUrit. 



(334) 

PtuUpipe et soi» fil» Mqpasàrent, par Vtéai de le 
eitploits , tous les roîs de la Macédoîiie oo de k 
Thrace ; tt méioe tojos lespnoces qui réglèrent s» 
les LydÂeas, les Mid£&, lesP^r^es^tlies As&ynens 
à rexc^tiao dii £)s df. Cambyse ^, <fji transfisa 
reoipû^ des Mèdes auxPeniefi. 

PhUij^pe, enefiet , ÎDoins^sca kpivoMer d*aecrm- 
Ira la puissance, maeéd^iiufiiui^ ; a^fè» a^oir «tèjngiK 
la plus ^ande partie de TEurûpe , il ^t^eodit sa do- 
luinalion à TOrleat et au Midi , ju^ijpi^àla i&er;» 
Septentrion^ ju^u'au Danolxç; e^.au C/oncb^t^jus^ 
qu'aux peuples Priçues (3). Mais.<$ap fiU,éIevià 
Tecole du pliilosophede St^girie^ Teinpo^ e&grafi^ 
deur sur tous ceux qui Tav^ieiit précédé , M $ê pi 
tellement au-dessus de son père i par ses tsi%ns isic 
Jitsôres^ par sa bravoure^ et .par Us autres verJjus et 
qualîte'srnyaies , qu'il ne se crut pas digue de vlm, 
à xnoius qu'il ne commandât: , en conquérant, à totf 
les hommes et à toutes Jes xiaJE^ns: atus;», parcovr 
Xttt-il rA&ie entière;, en i/ainqueur*, et.fct-il le p» 
mier adorateur du. sobeil levant. U ajyUi^ psser e» 
Europe, powr souxaettrei le reste du uwide;, <i^ 
rendre $wl maître de la ter^e ^t d^$ ^era^» lorsqo'îl 
jpaya le tribut de rhumaine nature, dajis Babylone. 



* Cyros, pr^sM^r du nom. 



Après lui , les Macédoniens régnèrent sur toutes 
les crtës et les nations qu^îl avait conquises. Seraît- 
il besoin de témoignages plus évidens , pour raohtrer 
qne ces peuples furent autrefois illustres et puissans? 
On voit que , pour perpétuer la mémoire de la 
chtite des lliessaUens , qu'ils avaient subjugués, ils 
bâtirent , sous le nom de ces derniers, la villp 
capitale de leur empire * (4)* Se n'ajouterai rien ^ 
de tels faits. 

Et , s'il me feut parler de la noblesse d'Eusétie , 
tpellc autre peut faire valoir des titres plus impo- 
sans et plus solennels? Elle est la fille d'un citoyen , 
jugé digne d'être préposé à cette magistrature an- 
nuelle , qui, jouissant, dans les premiers tems, de 
la force des prérogatives de l'autorité royale , fut plus 
Ucrd restreinte , parle mauvais usage qu'en firent ceux 
qui s'en trouvèrent revêtus. Maintenant , et depuis 
le passage du gouveniement républicain à l'état mo- 
tïarchique , cette dignité '. quoique dépoJPPue d'une 
partie de sonîustre,*eprésente encore la plénitude du 
pouvoir. Elle est, à-lâ-fois, l'honorable récompense 
de la vertu des hommes privés, le gage de leur fidé^ 
lîté et de leur dévouement envers le chef de l'em- 
pire, le prix de leurs brîHantes actions , et l'orne- 

* Tessalonique^ ou ville de la victoire sur les Thes- 
saliens. - 



( 336 ) 

ment , ainsi que k plus bel apanage de nos 'princes. 
Ces derniers , en effet , (mt témoigné faire peu de cas 
des autres dignités et fonctions , qui ne sont plus 
que l'ombre de ce qu'elles étaient sous le gouverne- 
ment primitif; soit qu'ils les crussent trop au'^essooi 
de leur puissance actuelle; soit qu'ils n'aient para 
s^en revêtir y -que pour en conserver les honneurs, 
pendant leur vie. La dignité consulaire est la seule 
quHls n'aient dédaignée en aucun tems, et la seule, 
dont ils aiment à s'honorer, chaque année ; et l'on oe 
citera nul particulier, nul prince , qui ne se soit 
montré jaloux d'être nommé consul. 

Certes, ce serait unp erreur grossière, que de 
penser que le père d'Eusébie dût tirer moins de 
gloire d'avoir été, le prepiier de sa famille , rcvêlii 
de cette auguste fonction , que s'il l'eût kéiitée de 
ses aïeux. Car, le fondateur d'une ville doit jouir de 
plus d^honneùrs que l'homme qui n'en est que le 
citojenllll celui qui donne , est toujours au-dessni 
de celui qui reçoit. Ainsi , les^ enfans reçoivent d'or- 
dinaire de leurs père et mère , coi&me les citoyens 
reçoivent de leurs villes natales , les premiers gomes 
de leur gloire. Mais celui qui , par son propre mé- 
rite , ajoute un nouveau lustre à celui de ses aïeax; 
qui accroît la splendeur de sa patrie et la célébrité 
de ses parens , ne le cède à personne en noblesse 
et ne connaît point dé rival qui lui soit supérieur. Si 



(337) 
rbooime yertueux doit produire son égû^ commeat 
le fils d'un honorable père^ k^rsqu'il devient plus 
illustre qae ce dernier , et lorsqu^il réiiiiit à la vertn 
les faveur$ de la fostune , n'aurai^il pas les droits 
les plus incontestables à la noblesse ? 

Or , Eusébie fut non-seulement la fille d^nn tel * 
consid , mais Tëpouse d^un empereur y aussi valeo^ 
reux qat sage , prudent^ jus)£ ,l|aauin , affable et gé- 
néreux , qui était devenu seul maître de Tempire pw 
la mort de son père,. ainsi que par sa victoire (5) 
contre le tyran ^ usurpatei^ de ses droits ^ et qui^ 
voulant se donner, par mi nouveau mariage , des 
enfaos , héritiers de sa couronne et de Sa puissance, 
jetta les yeux sur Eusébie, comme sur- la persoime 
la plus dign^ de partager avec lui la domination de 
luoivers entier. Quels titres de noblesse plus hono^ 
raUes, et quelle dot plus riche pouvait-elle ofBrirà 
un si grand monarquf^.^qtfe celle.de ses éminentes 
vertus, une éducation. soignée , une prudence égale 
à son génie , une santé fleurie , .^t une beauté capa^ 
ble d^effacer celle de toutes Jes autres vierges de soti 
âgej comme le disque arrondi *de la lune , dans son 
plein, éclipse la daifé des autres astres de la nuit. 
Un seul de ces ay^pit^ges ne lui aurait pas mérité la 
main de notre empereur ; il a fallu qu^une divinité 
tutélaire les réunît tous en la personne d^Eusébie-, 
qui , par ce bel ensemble , maîtrisa non les yeu« seuls; 



( 338 ■) 

.li^poiirvtte dé la ndblesâe, jiû rââg et dés autres fa- 
metirs àe la fortutievdcètderail rarement !« particu- 
lier le pkft passiontié à âUtnMi* pour elle ie flambeau 
de Thymen, Maiè ces den* ë[tmités rtôttîes formè- 
'rént pbis d'uRe aMinnce ; «( ei^êhdatit , t^lesiie sont 
digûe^ d'^fevâô , qu^ lorsqu*eltes Sfc troiiTfeîit en har- 
iCQome avec les botities mœuris et tés grâces person- 
nejiles; 

C'est d'après ees hautes eensidécattôbs , qw notre 
.^ge iHoriar^ûe tééckfst de st choisir , pour épouse » 
cdle dont te teii€»&mée aVait fi^>pé ses oreilles^et dont 
HpoiitmtjAieu eftc^3re ^pi*éfeîer le mérite # pr les 
▼erttts de sa mère. Maïs pom^oî me rcp<Merai-je 
aux «xc«ilë!ites quî^ités delà mère, forscpc celles de 
lapriiK^esse, tfstt je célèbre ,!fd«rttîssentsetles une 
anple mabèl*ë ti méB éUgé^ F ^é âie^ffirà-t-il pas 
de dîne , et à mes andyteurè d'etttettdre que celte 
mère fât «wit-à^falt grecqtfe^d'tMrîgme , et qoc sa 
tfîUe na^le (ai 4a métropole def k Macédome? S'il 
iaHaît parier d^ ^ conimedcè' ; je ti^ésiteràispasà 
dire y qu'eâ iei»k, èfte semWrtW îs«q[)éîrieoreàEvaBC, 
fcmiiie île Ca^ée y «t 4la ^kalSeMe Xaodâsie. 
Car , toiftes deux , prH«éei^^^^< leurs jieùnes «t sn- 
^pwbei épotii: ., par le cîseau des PSaitqoes , on par la 
cwHWtëde qaeÂqûïs dàftoaS jilem* , dédaignèrent 
.de scindvre à r^^bjet^e Uw am«M»r <rot^iigaI ; Faatrf » 
au contraire , après avoir perdu son uniqtie époux, 



( % ) 

encore à la fleur et Vitgt , donna tons ses sotos à ses 
entans , et s^acquît une telle irépotation de chasteté, 
que , loin d'être accessible^ comme le fut Pénëlope , 
aux jeunes amans d'ilaque, de Samos, qû de Duli-- 
chiuBi , qui firëquentèrent sa maison, pendant Vsi^ 
sence de son mari errant , elle fat assez estimée , pour 
qu'aucun homme puissant , même le plus recommanda^ 
blepir labeaute\la taiHe;la force ou larîchesse, n'ait 
jamais osé lui adresser aucune proposition. Et c'est 
avec la fille d'une telle mère que l'empereur voulut 
partager sa couche nuptiale; et c'est après sesnom^ 
breux triomphes , qu'il célébra cet hymen , dans un 
festin où il a|)pda, avec les muses, des nations et 
des villes entières. 

Est-on curieux de savoir avec quelle pompe "la 
nouvelle épouse, accompagnée de sa mère, fut ame- 
née de la Macédoine ? quel fut le cortège , et quel 
fut le nombre des chevaux , des chars et des équi- 
pages , enrichis d'or, d'argent et de bronze , tra- 
vaillés avec art? Que ceux, dîs-]e, qui, comme les 
enfans , seraient touchés d'un tel spectacle , ou qui, 
flattés des sons que tire de sa harpe un musicien 
habOe, voudraient trouver ici quelque chose de 
semblable , s'imaginent avec moi entendre un second 
Terpandre (6), ou ce Mélhymnéen(Arion)(7),qui, 
protégé du ciel , rencontra dans la mer un dauphin 
plus sensible à rharmpnie de son luth , que ne l'ar 

22. 



t( 340 ) 

valent été les matelots du navire qui le portait; car 
ce dauphin le remit sur la côte du cap de Lacouie 
( le cap Ténare ), tandis que ces matelots impitoya- 
bles préférèrent, les richesses que son art lai avait 
acquises aux charjaies de.sesravtssans accords. Qu on 
se figure Tun ou Tautre de ces personnages revêta 
des habits de sa profession, paraître sur la scène, 
entouré d'hommes, de femnijes, d^enfaos de toitfâge 
et de toute condition : aussitôt les enfans et ceux 
des hommes ou des femmes qui ont le caractère de 
l'enfance , frappés d'étonnement, jettent d'abord les 
yeux sur ses habits et sur sa lyre ; et les plus igno- 
rans, qui forment ordipairement le plus grand nom- 
bre, jugeront des sons qu'il tire de son instrument, 
par la peine ou le plaisir qu'ils enressentent. Alors, 
tout musicien , qui sait que les grâces et les règles 
de son art n'admettent point de mélange dans les 
chants lyriques , sVmportera contre quiconque ea 
altérerait les modulations, en troublerait -la mesure, 
et voudrait y substituer desdmemens désavoués par 
les préceptes d'une harmonie véritable et divine. S'il 
s'aperçoit , au contraire , jque l'artiste suit religieu- 
sement ces règles , et qu'il procure aux spectateurs 
non un plaisir factice , mais une volupté pure et dé- 
licieuse , il se retirera plein d'admiration , et satis- 
fait de voir que, le chantre se soit dpnné en spectacle, 
sans déshonorer les muses; s'il en est d'autres qui 



( 34i ) 
ne trouvent de beau que la pourpre et la lyre , il les 
abandonnera à leur sotte illusion ; mais il me sem- 
ble ou 'Un orateur , qui s^occuperait de pareilles mi- 
nuties , et qui voudrait embellir par son éloquence 
des objets si minces et si frivol^es , se donnerait la 
tâche ridicule de poKr , au tour , des grains de millet , 
et' viserait à îressembler à Myrmicide (8) , qui oppo- 
sait ses frêles esquisses aux chefs-d'œuvres de Phi- 
dias. 

J'encourerais le même blâme, en m'engageaA à 
décrire lès habits somptueux , les présens de toutes 
espèces , et ces longs tissus de colliers et de cou- 
ronnes envoyés de la psat de l'empereur , la joie et 
et les acclamations des peuples, qui se portèrent en 
fonle à la rencontre d'Eusébie , et les fêtes brillan- 
tes qui eurent Keu sur toute sa route. Mais , lors- 
qu'elle fut introduite dans le palais , et saluée dû 
nom d'impératrice , quelle première action rappor- 
teralrje d'elle ? Quelle seconde ou troisième ? Cai* , 
malgré tous mes efforts ,. et quand j'écrirais de longs 
volunores , je ne suffirais pas à retracer toutes ses œu- 
vres ; sa sagesse , sa douceur , sa prudence , son hu- 
manité , sa chasteté , sa justice et sa libéralité ressor- 
tiraieut mieux par les nombreux exemples qu'elle a 
donnés de ces vertus , que par les omemens d'une 
harangue , où je n'apprendrais rien à. ceux qui con- 
naissent depuis long-tems les beaux traits de sa vie. 



(342) 

Cependant, ({udqoe difficile qu^U KÛI d'eii parier, 
on ne me pardonnerait point d^avoir gardé le Â- 
lence ^nr toiï4« 

J'essayerai donc de 1^ ébanclier de mon mieux, 
et j'y puiserai la preuve de la haute sagesse et des 
^rtospar lesquelles elle mérita f attachement qa'eut 
pour elle son époux , comme à la £emme la plus ac- 
complie et la plus intègre En eifet » ce que j'adDaire 
davantage dans Pénélope , c'est qu'elle ait sa telle- 
ment captiver le cœmr de $(m mari , qu'on assure 
qu'il dédaigna la main des nymphéa àivine», et Tal- 
liance avec le roi dc^ Phéaciens ; quoique Galjpso, 
Ciroé et Nausicaé^ paiement passionnées pour lui, 
possédassent des pallia magnifiques , au imlieu its- 
quds étaient de superbes jardins , plantés d'arbi^s à 
épais feuillages , et coupés par dea pirairies et i^ 
gazons émaillé$ de fleurs ^ : 

<c Li ^ de quatre bassins , jaillit une eaù li vpîde. » 
» AhIout on voit régner le pampre ie la vigne, 
» D'où pendait des grappes fournies de beauï raisins. »* 

J^omets les autres richesses vantées paimi les PWa- 
ciens , et surtout celles de l'art , qui pouvaient être 
moins séduisantes que celles de la simple nature. A 
ces délices du luxe ^ au séjour paisible de ces îles 



I. 70. 



(343) 

enchanteresses , croirons-nous que put résister un 
homme, qui venait d'essuyé tant de périls et.de 
malheurs, et qu^attenda^ent d^autres accidens, ^ur 
mer , et jusque dans sa propre maispn , où il aurait à 
lutter seul contre cent rivaux , tous dans la Qeur de 
leur âge : ce qui ne lui ëtaît Jamais airivë , devant 
les murs de Troie. Supposons donc que quelquW 
eut tenu à Ulysse le langage suivant : ' 

« Quoi ! sage orateur , ou chef d^arniée , ( sous 
» quelque dénomination qu^il te plaise d^étre con- 
» nUj) tu te résoudrais a tant de pénibles voyages, 
» tandis que tu peux vivre heureux , riche et même 
» immortel , sous la foi des promesses de Calypso ï 
y> Quoi , tu préfères le parti qui va multiplier^ tes 
» maux , à celui de fixer ta demeure dans la paisi* 
» ble Scierie j où tu trouverais le terme de tes erre- 
» mens et de tes dangers ! tu veux enfin entreprendre 
» de nouveaux combats domestiques, voler à de 
j> nouveaux naufrages , et courir des chances pro- 
» boblement aussi pénibles et aussi hasardeuses que 
» les premières». 

A ce discours , qu'aurait répondu notre héros ? 
Sans doute : « Qu'il voulait aller trouver Pénélope , 
» et la flatter du récit de ses fatigues et de ses com^ 
^> bats ». Et en effet, il dit avoir été invité , par sa 
mère , à n'oublier aucune des choses admirables qu'il 
aurait vues ou entendues : 



(344) 

« Tiens-en le souvenir, redis à ton ëponse, 
« ' Tout sans exception. » 

Âussî^ dès son arrivée chez lui , et lorsqu'il eut 
fait justice des jeunçs téméraires qui vivaient dans, 
son palais , il raconta de point en point ce qn^il 
avait fait ou enduré , et ce quHl se proposait d'a- 
chever , pour obéir aux oracles. Il n'eut pour cette 
épousé aucun secret ; et il lui demanda ses avis sur 
tout ce qu'il projettait de faire encore. Mais si cet 
élo°;e suffit à Pénélope, serait-il assez digne de la 
vertu de l'épouse d'un empereur courageux, magna- 
nime et tempérant , de l'épousç qui sût tellement 
s'attirer la bienveillance de sou mari, qu'à l'aflfection 
qui^aît de l'amour, elle joignit les charmes de la 
vertu, qui, comme une émanation divine, pénètre 
aisément les âmes fortes et généreuses; car, ces 
deux qualités sont les grands mobiles de l'amitié ; et 
c'est dans leur réunion qu'elle puisa les moyens 
d'être de moitié dans tous les conseils de son époux , 
et de profiter du naturel bon et humain de cet em- 
pereur , pour le disposer à mettre souvent le pardon 
à la place de la justice ; en sorte qu'on ne trouve- 
rait pas un seul exemple d'une punition juste ou 
injuste, douce ou sévère, qui sort imputable à celte 
bonne impératrice. 

* Odyss, K v. 22X 



(345) . 
Nous lisons que dans Athènes, lorsque les ci- 
toyens suivaient Tancienne coutume de leurs ancê- 
tres^ et vivaient sous le régime des lois de leur ville, 
alors grande et populeuse , s^il arrivait que le nom- 
bre des suffrages fût ëgal^ taitt pour les accusateurs 
que pom* les accuses, on comptait le suffrage de 
Minerve en faveur de celui qui était menacé de la 
condamnation; et Ton renvoyait les deux parties 
hors de cause ; on écartait ainsi de l'accusateur , 
tout soupçon de calomnie, et de Faccusé, Podieuse 
apparence du crime. Mais l'impératrice rend en quel- 
que sorte plus douce cette loi de bienfaisance , encore 
en vigueur, dans les jtigemens dont connaît l'empe- 
reur son époux. Car, dès que l'accusé a cessé d'avoir 
pour lui un nombre égal de voix , elle y supplée, et 
obtient par ses prières, l'absolution du coupable ; 
et l'empereur accorde volontiers lagjjdice , non avec 
répugnance , malgré lui , ou comme croaîné par l'in- 
fluence de sa femme , ainsi qu'Homère le fait croire 
de Jupiter même *. Sans doute il est à propos de ne 
pardonner que difficilement et avec réserve , à des 
hommes violens et audacieu?&. Mais s'il en est qui 
méritent d'être punis et châtiés , convient-il toujours 
de les perdre entièrement ? 

I I I I. ■ __ ! I I I I I I I I I " ■ ■ I ■ I ^^■^■^ilP' 

•UM. 43. 



(346) 

Cette seule réflexion détonrna constamment Tim- 
pératrice d^înfltger ancune amende ni ancnne peine, 
je ne dirai pas aux sujets de quelque roi , à une TiHe, 
ou même à une seule famille de citoyens; mais ]ost 
avancer , sans crainte d'être démenti , qu'elle ne con- 
tribua jamais en rien aux malheurs d^un seul iadl- 
vidu , de l'un ou de l'autre sexe. Il me serait au con- 
traire non moins facile qu'agréable , de compter les 
faveurs qu'elle répandit et qu'elle continue de ré- 
pandre sur ses sujets, dont l'un recouvra par elle 
l'héritage de ses pères ; l'autre échappa à la ven- 
geance des lois , ou à ia calomnie dont il eut péri 
victime; d'autres enfin furent, par ses bienfaits, 
comblés d'honneurs et de dignités. Je défierais qui 
que ce soit de m'accuser de faux, quand je mepe^ 
mettrais de nommer les personnes. Mais je crains 
de paraître ndÉber à quelques uns leurs calamités^ 
et m'occuper moins des louanges de l'împe'ratriee, 
que de l'histoire des malheurs d'autruî. Cependant 
il serait étrange que je gardasse entièrement le si- 
lence, et si je n'articulais aucun fait, je compro- 
mettrais, ce semble , la véracité de mon éloge. Je me 
bornerai donc à ce que je puis raconter, sans exci- 
ter l'envie, et à ce qu'elle peut entendre , sans que sa 
modestie en soit blessée. 

Eusébie ayant construit , pour me servir d une 



(34?) 

Rpi«fisi(m 4e Piadare * (g) , là tàésÀë ik VéàHàéê 
et ses bonnes onitres , sur la bienveillance de aou 
époux , pborvnt ses proebes et sa famille dlionora-* 
blés emplois. Elle promut à des grades sope'rieors, 
ceux qui s^ëtaient déjà distingués, et dottt la car- 
rière était atancée.'Elle tesfi connaître à Temperenr ^ 
et jeta ainsi les fondem^s de la prospérité dont ils 
jouissent aujourd'hui ; et quoiqu'ils soient recom- 
mai^ables par eux-mêmes, elle n^en mérite pas 
moins d'éloges , parce qu'elle a en , en les faTorisant , 
plutôt égard à leurs vertus , qu'aux liaisons du sang. 
Quant à -ceux de ses parens encore trop jeunes pour 
être connus , mais atssez instruits pour travailler k 
leur avancement , elle leur confia des postes subal'* 
ternes , en sorte qu'elle n'oublia dans ses bienfaits , 
aucun membre de sa famille. Et non-seulement elle 
se comporta ainsi envers les siens , mais elle voulut 
faire partager les mêmes faveurs à tous ceux qui 
avaient eu leur asyle dans sa maison paternelle ; car 
c'était à ses yeux un titre à peu près égal à celui 
de la parenté. Enfin tous les amis de son père trou- 
vèrent en elle la plus honorable récompense de leur 
amitié. 

Ici je suis forcé dé m'apercevoîr , qu'ainsi qu'an 
barreau, mon discours doit s'appuyer de preuves, 



( 348 ) 
et je m^offre moi-même coimsie témoin , et comme 
panégyriste; mais pour que vous ne me réeusies 
pas comme suspect, et sans Qi^avoir entendu, je 
jure , entre vos mains , de ne rien avancer de fanx 
ou de captieux : et indépendamment du serment 
que je fais , vous savez à Pavancé que mon aveu ne 
peut être le langage de Tadulation. Car je possède 
en ce moment , grâces à Dieu , et par la munificence 
de l'empereur , provoquée par son auguste épouse, 
tous les biens qu'on pourrait me soupçonner dW 
bitîonner , si je n'en jouissais au moment où je vous 
parle. Mais parvenu au comble de la prospérité, si 
je ressens les bienfaits d'Eusébie , j'ai droit d'en 
manifester ce qui m'est personnel^ et ce qui ne 
peut être taxé de faux. 

Je lis que Darius , n'étant encore que capitaine 
des gardes * du monarque persan , avait été reçu en 
qualité d'hôte , par un Samien , alors relégué en 
Egypte , qui lui avait fait présent d'un manteau k 
pourpre , auquel il paraissait attacher beaucoup de 
prix ** ; et que , dans la suite , devenu maître sou- 
verain de l'Asie , il avait conféré ,.par reconnais- 
sance , à cet ancien hôte , la principauté de Samos. 
Si donc , après avoir été comblé , par Euséble et 

?* Yoy. la ig^ lettre, au III« vol. du présent ouvrage. 



( 349 ^ 
par son généreux époux , de qui elle tient tout ce 
que j'ai reçu des dons de la fortune , qui m'ont as- 
suré une existence aisée y j'ai à cœur , quoique ne 
pouvant la payer de retour , de lui consacrer du 
moins un immortel monument die ma gratitude., en 
proclamant devant vous ses bienfaits , on ne m'ac- 
cusera point d'avoir été moins reconnaissant , que 
ne le fut le roi des Perses ; pourvu toutefois qu'on 
ait moins égard à la modicité des ressources , qu'à 
la bonne volonté de celui qui voudrait les multi- 
plier , pour acquitter toute l'étendue de ses obli- 
gations. Déjà je vous vois impatiens de savoir quelles 
sont ces obligations, et de quels bienfaits je me con- 
fesse redevable pour toute ma vie. Je suis loin de 
vouloir vous en faire un mystère. 

Il est vrai , en effet , que cet empereur m'affec- 
tionna dès ma plus tendre enfance , et me prodi- 
gua ses soins les plus empressés. Il m'arracha à des 
dangers auxquels un homme, dans la force de l'âge , 
o'aurait pu échapper que par le secours d'une pro- 
ridence toute divine : depuis, il retira , par un acte 
de justice , ma maison abandonnée , comme dans un 
désert, d'entre les mains des hommes pvissans (lo),' 
et la rétablit dans son ancienne splendeur. Je pour- 
rais TOUS citer encore d'autres traits de sa bienfai-. 
sance , dont je conserve le souvenir , et pour le&- 
ijuels je lui ai voué un attachement et une fidélité 



i 3So> 

iovK^blfa. Ce u\sX que toat rëconment , ({u^il m^| 
montré qudqu^aî^w , âoat je t^\i pu deylner li 
motif. Maia alors rknpératrîce , son épouse, ayant 
eu vent de quelques vaîiis soupçoas formés cootre 
moi et dénués de tout fondement dVcosalion, 
pria Tempereur d'examiner la chose , avant 4e prê- 
ter Toreille à une insigne et odiense calomnie. £0e 
continua ses instances en ma faveur', jusqn^à ce 
qu'elle m'eût conduit auprès du prince , et mis 2 
portée de m'e^pliquer devant lui. 

I^rsqne je me fus lavé de cette feusse iacnlpâ- 
tion , elle s'en r^ouit cordialement ; et , comioe je 
lui témoignai le désir de retourner dansoaamai^Q* 
eHe prépara tout pour m'y faire i^onduire en sû- 
reté, après en avoir obtenu l'agrément de sonépoui. 
Mais presqu'aussitôt ^le génie malfaisant , qui avait 
onrdi les premières trames, ou peutnetre quelqu'e- 
trange incident, interrompit ce voyage. £Ue mW 
yoya donc visitef la Grèce , en ayant demandé pour 
moi la permission à son époux, depuis nrn H- 
parl{i i).EUe eo^nnaissah mon goût pour la sciemce; 
^t ^le comprit que ce pays m'offrirait les mf^ 
d'adiever oftoa instruction. 
. X^ueks vQBuî jie formais alors «u ciel , pjW la pros- 
pérîti d'£usébie , et , comme il coQvejaait , de so» 
épotix, auxquels' j'allais être redevi3i)ile du plaisir de 
^Toîr ma véritable et cbère patr|^ i C^ ^us ^vix^ 



( 35i ) 
liabil^n^ de la Thrtce et de Vlomt , «Noames U^sÊrir 
fait Greca d Wgitfe ; et ceux d^entre nous qui ne 
sont pas «atièremsnt dénaturés , désirent tdujoans 
de Yiâîter leur patrie el d'embrasser leurs parens. 
Depuis l9D£<4einps , |e soupirais après ce moBsent 
delicieui^, et î'eusse douoé, pour en jouir ^ tout Tor et 
IVgent du monde. C'e^ ainsi , je pense » que la 
vertu des honwaaes probes ne sera jaams balancée 
par le poids de Tor , et qu'un juge intègre ne flé- 
chira jfovûjL y quelques richesses qu'on oppose à sofor 
suffjraige. 

•On peut appliquer avec vérité , à rinstraction et 
à la philosophie qui régnent dans la Grèce, les fa- 
bles que les Egyptiens nous d&itent , sur leur fleuve. 
Us racontent (pie le îîil, entr'autres biens qu'il pro- 
cure à leur pays , les défend des ardeurs dévorantes 
du ciel , aux époques où le soleil , dass Bts plus lon- 
gues révolutions périodiques , parcourt les grandes 
coBstellatioas , remplit l'air de ses feux et consume*- 
rait iaot , a'il pouvait tarir les sources du Nil. A 
rexensple de ce fleuve, la philosophie nabandtNna 
jamais ]à Grèce ; jam^s cUt ne s'éloigna d'Athènes, 
dt.SpêxU^ on de Corinthe, pas mène du teiri^ 
toûre d'Argos ^ ville qu'on qualifie îS!AMféi (12) , 
phitôt parce qu'elle est avide de science , qu'à raison 
de 4s!ba éloignement de toute eau de s ource s* Car il 
existe , tant dans cette tillie:, que dau9 ses £D«biiurgs, 



( 352 ) 

et dans le voisinage de Tancien Maséias * , ploâieur^ 
fontaines. Quant à celle conniie%ous le nom de Pi- 
rêne , G)rinthe n^a pas plus à s^en glorifier que 
Sicyone ; Athènes aussi en offre , dans son enceinte, 
de nombreuses et de limpides , et même dans son 
contour, plusieurs autres dont les eaux sont eslimées 
a Pëgal de celles de rintérieur de la cité. En géné- 
ral , les Athéniens attachent beaucoup de prix à la 
jouissance de ces belles sources , et paraissent en 
foire le principal objet de leurs richesses , comme 
étant Tembléme -de Tabondance et de la pureté de 
leur doctrine. 

Mais à quoi pensé-)e> et où finira mon discours, 
si je ne puis commencer Téloge de la Grèce , sans 
y admirer tout ce qu'elle a de grand ? Quelqu^un , 
en effet , me rappellera mon exorde , et me dira que 
je n^ai rien annoncé de semblable aox détails où je 
viens d'entrer , et qu'à l'exemple de ces corybantes, 
qui 9 animés par le son des flûtes ^ danseal; et très- 
saiUent sans aucune raison , je me laisse entraîner 
parle souvenir de mes amours , à chanter les louanges 
de ma patrie et de ceux qui l'habitent. Je réponds , 
à qui me. tient ce langage : « O heureux mortd ! o 
grand maître d'éliMpieoce , ton esprit .s'ocëupe de 
sages pensées , lorsque tu nous défends de perdre 

. * Ma^tas, bourgade de YÀrgôlide, 



( 353 ) 
Je vue , uû seul instant , ceux que nous devons louer; 
et sans doute, tu le fais à dessein. Car,enaccu8ant U 
douce passion , qui a troublé 1 Wdre de ma harangue , 
tu m'aveilis , ce semble , de ne m'effrayer pas trop 
(la procès que tu m'intentes. Je ne me suis donc 
point écarté de mon sujet , lorsque )'aî voulu mon- 
trer quelle sourire de bonheur a été pour mol Thon^ 
mage que rimpérs^rice rendit en cette occasion , an 
nom de philosophe ; j'ignore comment il me fut 
alors donné , quoique j'en ambitionnasse la science , 
et que j'en fisse l'objet de mes plus ardens désirs ; 
je voisri^ulement qu^elle voulut honorer en moi jus- 
qu'au àom de la philosophie , et je ne pouiTais lui 
supposer d'autre dessein , lorsqu'elle devini ma li- 
béi^atrice , mon défenseur et m<m soutien , en me 
conservant , par. de continuels efforts , la bienveil- 
lance sincère du prince son époux.. Je ne connais en 
effet , pour l'honneur , aucun bien comparable à ce- 
lui de la philosophie ; je la préfère à tout l'or enfoui 
sous la terre ou déposé sur sa surface , à tout l'ar- 
gent qui briOe sous le soleil , ou qu'on, pourrait 
réuïâr , en transifprmant , en cette substance, les. ro- 
chers et lei^ forêts jdes plus hautes montagnes ,jere- 
noncerab enfin , pour ^ elle , au plus bel empire du 
Biondé; et j'avoue que je dois , à cette philosophie , 
plus de biens, que je n'en aurais jamais attendu , 
moi surtout , qui ne sonhîôtais pas beaucoup de 
ï. 23 



( 354 ) 
choses ) et qui ne m^aimsais {xniit par de finirol«i| 
espérances. i 

Ce n^est pas non plus au prit de l^or qu^on achèU , 
la véritable bienveillance : .elle naît de rheoteuse et 
divine destinée , qui rapproche tous les honuoes ver- , 
tueux; celle de. reo^iereur me fut acquise dès moa ^ 
berceau , par une sorte de mirack^ et ne a^édipsa 
qu^un moment, pour ni^étre rendue j dès que son 
épouse, se chargeant de ma défense , eût écarté ks] 
calomnies auiqueUesj^étais en butte, et lem* eût op- < 
posé , pour pi«uve de mon iimocence , tous les dé- 
tails de ma vie privée ^ auxquels*dle put ajouter la 
résignation avec laquelle j^obéis aux ordzcu qui ma 
rappelaient de la Grèce. Ce prince alors m^abandooh 
na-t-il à mes propres moyens ; comme si je n'eusse 
eu désormais besoin d'aucun appui , n^ayànt ni àiS-^ 
ficultés k vaincre, ni soupçons à coticevt)ir?£tpuif« 
qu'il en agit autrement , qui me forcerait ài dissinitt* 
1er Tinsigne et puMique favem* dent il daigna m'W 



norer? 



Déjà paraissait Tédit , en vertu duquel rempermr 
m'associait à sa dignité : son auguste épotM ya^ 
pkud|issait de toute son âme , en m'exhortant au 
courage , et en me pressmt d^^cepter, de i^nne 
grâce , au lieu de refuser grossièrement, le fittdean 
dont on mêlait charger. Maigtémon extrême ié« 
pugnance , je me soumis àt de tels ordres, ia rési^ 



( 3SS ) 

i&ce me pânu ; ta tfifet , â^ânUnt pl«â âangeràise , 
ue rien ne se refiuie imptniéiiient à ceux qui peu^ 
ent tout obtenir et tive forde. 

La chose étant donc convenue , îl me fallut chan- 
erde têtemens ,d'ent(Kirage , dTiabîtudes , de loge- 
ement mente , et de manière de rivre , pour substi-^ 
oer â la simplicité , qai me convenait auparavant , 
oui Tattirail du hxe et de k grandeur. Cette meta- 
oorphose ^ je Inavoué , troubld singulièrement mon 
sprit, non que je fusse ébloui de Téclat de tant de 
ichesses , ott que j^ensse la faiblesse dVn faire un 
piùd cas ; lèiais parce que je les regardais comme 
les inslmmens qui , puissans entre les mains de 
eux qui en font un bon usage , deviennent destruc- 
eurs des familles et des cités , lorsque Temploi en 
st mal dirigé, réprouvai alors tout Tembarras d^un 
omme étranger à l'art de Téquitation , et qui n'a 
wnaîs étëtentf de Tapprendre. Supposons que l'on 
3rce un tel novice à conduire le char d^un noble et vi- 
oureux écuyer , qui entretient plusieurs atelages de 
eux ou de quatre chevaux, et qui monte ces derniers 
^ sa force et son habileté accoutumées , tenant , 
'tmagine , leâ rênes de tous , quoiqu'il soit assis 
nr un seul char, non à demeure, mais de manière 

pouvoir sauter de l'un à l'autre , dès qu'il s'aper- 
(rit que les chevaux regimbent ou se fatiguent : îl 
eut arriver à ce novice qu'un des quadriges se dé- 

23. 



( 356 ) 

range , par défafit d^^xercice « ou de d/K:ilité , et que 
ranimai , vivement corrigé , devienne, par T^iguilloD 
même , plus farouche et plus récalcitrant. Car , m 
animaux ont assez Thabitude de ne vouloir avancer, 
que sous les yeux du cocher qui les gouitnande et les 
moleste, et de se. mutiner, tant qu^ilsnele voient pas, 
ou du moins à sa place, un personnage \êbk do même 
costume : tel est leur instinct naturel; et Fàrtiste, qui 
le connaît , ne manque pas , au besoin , de mettre à 
leur téteun Vomme portant les habits , et ayant toutes 
les apparences d^un conducteur expérimenté. Si ce 
suppôt est dépourvu de bon sens , il s^admirera sous 
ses nouveaux vêtemens ; il sautera de joié, et se croira 
avoir des ailes. Mais , pour peu quHl aii.de prudence 
et de modestie ,^1 tremblera: 

' « Bisquant de se blesser ou de briser son char , » * 

accident qui tomnerait à sa propre honte, ti au dé- 
triment de son maître. Telle était alors ma situation. 
Je la sentais pariaitaîient , et je m^en affligeais nuit 
et jour. Cependant, notice généreux empereur, par 
un accueil gracieux , et par d^*h<morables paroks , 
dissipâmes inquiétudes; il m^ordonna de saluer Fini' 
pératrice, comme pour m^encourager , et me donner 
une nouvelle preuve de sa confiance. Dès que je pa- 

* Honaère, II. 5. v. 



( 357 ) 
nis deTant elle , )e cras voir assise , ainsi que daus 
un temple , la statue de la sagesse. Je rougis , jus- 
qa^âu fond de l^âme, et je demeurai, les yeux abattus 
vers la terre y jusqu'à ce qu'elle m'eut rassuré , en me 
disant : « Tu tiens de nous une partie de ta gran- 
» defur ; tu recevras l'autre dans la suite , avec l'aide 
» de Dieu , pourvu que tu nous soisfidèl'e et loyal * » . 
Je recueillis ses paroles ; elle n'ajouta rien de plus , 
quoiqu'elle ne le cédât point , en éloquence , aux 
meilleurs orateurs. Je pris congé .d'elle , saisi d'ad- 
miration, et croyant que Minerve elle-même m'a- 
vait parlé par sa bouche, tant sa voix douce et miel- 
leuse avait charmé , captivé mes oreilles. 

Youlez-vous savoir ce qui se passa depuis , et ap- 
prendre de moi , trait poui\ trait , tout le bien qu'elle 
m^a fait? Â son exemple, accumulerai- je, en vous 
les récitant sans ordre , les faveurs qu'elle m'a pro- 
diguées ? vous dirai-je de quels bienfaits elle combla , 
mes amis?comment elle m'allia, par l'hymen **y à la 
famille de l'empereur? (i3) Mais peut-être seriez- 
vous curieux d'entendre l'énumération des présens 
que j'ai reçus : cpmpterais-je donc, 

« Et sept trépieds tout neufs , et dix talens en or , 
u Et vingt chaudières , etc. « *** 

*♦ Hélène, femme de Julien, et sœur de Constance. 

*** II. L , V, 122. 



( 358 ) 

Je n'aî pas le Imsir de m'occuper àé téH» omn- 
ties. Cepeadsoit^ au nombre de s^ ppésem , U n'est 
pas. indiffërent qiie je tous fasse remânyiiér cekî qm 
m^a causé le pltâ sensible plmir. Ct furent k» livres 
des meilleurs {>U)o8i^bes et bisfldfieiis ^ et de plo- 
^urs poètes fit onÂeurs. Car je n^â^lÂè apporté avec 
moi que fort peâ de titres , tant f élèis plein àt la 
pensée , oomme du d^ir , de reft^urper promptement 
dans mes foyers ! Eusëbk m'en pourvut d'une qusn- 
titc telle, que quelqu'avide que je fusse dé lerltjre, 
ma passion dut êtl'e pieinéôient satisfaite, et que b 
Gaule et la Oennauie devinrent pour moi , par ses 
libéralitës,.un nnisëe de livres gïiecs. Je ne quitte 
jamais ces trésors; ils occupent "âite loisirs et ne me 
permettent pas d'oublier ta main qui îEue les a don- 
nés. Si je pars pour une expédition, un de ces livres 
me suit comme iaisant partie de mes bagages ; et 
je choisis celui qui a ^é émt antrefefis , sur qtiel- 
qu'expédition analogue à la mienne. £n ttkt, les 
nombreux monumens de Pexpérienee des anciens, 
décrits avec art , rendent , pont afei^ dire y fvéstns 
et manifestes tous les faits de Tantîquité, Ji ceux 
dont Tàge n*a pas permis d'en être témoins. Aussi 
voit-on des jeunes gens avoir toute la maturité du 
génie que n'ont pas beaucoup de vieillards; parce 
que l'histoire donné aux jeunes studieux le seul avan- 
tage ^'une longue vîe ptdsse procurer aux hommes, 
les leçons de l'expérience du pa$sé. . 



( 359 ) 
Les liTtts sant aussi la meilleure école des mœurs. 
|lls nous daignent les hoosmes illustres , leurs ac-» 
.lions, leorsparoléi; et chacun (le nous y trouvera ue^ 
^odèle h imiUr y d 'après lequel il formera son es^ 
I prit et son caractère ; et pom* peu qu^il en approche , 
I il n'aura qu'à s^applaudir de ses efforts. C'est 4ans 
, les livres qot je yuise mon mstmctipu ; et quand 
j'entre en campagne , ce sont eux qui m'escortent : 
iU ne sont aussi nécessaires que les vivres t j'en règlii 
le nombre , sur la durée de mes opérations- Mais 
àquoi bon , dira qoelqu^un , vwter ici , avec tant de 
pompe , les livres et le fruit qn'on en piml retirei* ? 
C'est pour vons apprendre cpie , sidhaht apprécia 
les dons de cette nature, je me pique d'en marquer 
ma reconnaîssanee à celle de qui )e Les tiens, de 
manière à lui prouver ipie j'eu ai profité. Serait-il 
juste , en efiet , qu'après avoir reçu des trésors va- 
riés , tels qu'on en trouve dttis les discours riches 
et oraés, répandus daias 1^ Uvues, je composasse mon 
éloge cTun pelit nombre d'expressions maigres etmal 
polies , ^de tournures sans éléguuôe ? 

Certes , on regaiîderait ciMBiqe peu reconnaissant 
le cultivateur, qm n'aurait pu planter un verger qu'à 
I aide de ses voiÂns , et en leur empruntaut non- 
seulenient les plimts de la vigne , m»is le hoyau , la 
serp^te, et jusqu'aux échalas , pour en soutenir les: 
rameaux .croissans , et pour j su^endre les gi*appes. 



( 36o ) 

afin qu'elles ne louchent pa& le sdl , si , après avoir 
tiré parti de tontes ces ressources , et)omssaiit en&i 
des dons de Bacchus ^ il dédaignait de gritiier . ou 
de quelques raisins, on du jus mêaie de la treille 
ceux qui lui ont fourni les preiÉiièresav^mces. Nelaxe- 
rait*K>n pas aussi d^ingratitude lé berger , lej^onvier, 
ou le chevrïer ^ qui , pendant Tfaii^ ,.<>« ï^s bestiaux 
ont lé plus besojtnd^abri et d^alimens , aurait trouvé 
abondamment chez ses amis Tunet Tautre secours, 
si , dè&que lepifintcms et Télé commencent id'exer 
cer leur bénigne influence , il oubiiak ses bienfai- 
teurs , au point de ne pas leur offrir k faible tribut 
do lait, du fromage et ^s autres produits dW trou- 
peau, qui n^auraît pu' subsistei* sans leurs soins ? 

Pensez-vous^dobc qtjhxu jeune horanie qui , même 
en cultivant le9^^Giciice$, nianquak de bons guides^ 
surtout delà lecture des écritSrdes imciens , pour en 
nourrir son esprit , n^att pas eu besoin de grands str 
cours , ou qu^ii n^âit pas apprécié les sévices de la 
personne ep qui illesa trouvés , fùt4l daps Fimpos- 
sibilitéd^en témoigner ioute^aT^connaî^sance? Pour^ 
quoi n^âurait-ril pas présentes a Tesprit Jes célèbres 
maximes du sag^ Thaïes ? Un;dés élè¥e^:de ce grand 
philosophe lui ayant demandé quel salaire il exige- 
rait pour tout ce qu il lui avait edsoîgiiéyrreçut cette 
réponse : Puisque tu^ avoues avoirraftpris 4e moi, 
t» dette çst toute acquittée. De mèoie, si j'ai reçu 



( 36r ) 
dequelipi'uQ , non précisément des leçons de maître^ 
maïs font ce qui était d'ailleurs nécessaire à mon 
instruction , pourquoi ne lui paierais-pas Pespèce 
de tribut de gratitude que Thaïes semblait réclamer ? 
J'ai donc eu raison de vanter ce don d'£usébie ; 
comme aussi agréable que magnifique; car, )e ne 
convoitais ni Tor, ni Targent; et je répugnerais à 
vous entretenir de pareilles richesses. 

Je passe maintenant à d'autres observations que 
vous serez plus flattés d'entendre , à moins que mon 
discours ne vous ait déjà fatigués , par sa longueur , 
ou que vous ne m'ayez écouté jusqu'ici de mauvaise 
grâce , comme un orateur grossier et maladroit, qui., 
ne sachant ni en imposer , ni feindre avec art , se borne 
à dire des choses vraies , et telles qu'elles se présen- 
teat à son esprit. Ce que je vais ajouter , ne m'écar- 
tera point de mon sujet. Quelques auditeurs ins- 
truits par àt beaux sophistes, me reprocheront , peut- 
être, d'avoir proposé à votre admiration les choses 
les plus communes et lès plus triviales; non qu'ils 
soient jaloux de mon éloquence , ou qu'ils prétendent 
m'en contester le mérite , quel qu'il soit. Ils saveftt 
que je n'ai nul dessein de rivaliser de talent avec 
eux, ,ni de les aigrir contre moi. Mais je demande 
de quel droit , parce qu'ils affectent d'avoir toujours 
de grandes choses h raconter , ils se fâcheraient sé- 
rieusement contre ceux qui n'adoptent paà leur 



( 362 ) 

genre , et pourquoi ils les accuseraient d^énener 
toute la force du discours ? Ces orateurs, en efiGrt, 
ne voient d'actions importantes et dignes de leurs 
éloges, que celles dont la grandeur semble sur* 
passer toute crcr^ance ; celles , par exemple , dW 
reine d'Assyrie *, laquelle changeant le cours da 
fleuve qui traversait la ville de Babylonc, comme si 
ce fleuve n'eût été qu'un faible ruisseau , bâtit sur 
son lit de magnifiques palais, et fit passer les eaux 
dans les retrancbemens. On a souvent répété aussi 
qu'elle équipa une flotte de trois mille vaisseaux, 
qu'elle mît sur pied une armée de trois millions de 
combattans, qu'elle ceignit Babjlone d^'unmur d'co- 
viron cinq cents stades , et de fossés d'une énoiine 
profondeur , sans parler des autres monumens riches 
et dispendieux qu'on lui attribue. 

On cite également de Nilocris (i4)» pks jeune 
qu'elle , de Rkodogune , de Tomyris , et d'un grand 
nombre d'autres femmes , des traits militaires qui 
feraient plus d^honneur à notre sexe qu'au leur. On 
vante enfin parmi elles, et l'on veut que nous admi- 
rions , quelques beautés , malheureusement trop cé- 
lèbres , qui causèrent des désordres et des guerres 
funestes a beaucoup de nations , et à autant de sol- 



Sémiramis. 



( 363 ) 

data iifie purent M fonrmr les v^tfites cbntrëes ijcti 
en furent lé tlufâtre. 

A ce compte 9 vous trouterei: ridicale unûrafeur, 
^i ne cherdiera pas à étonner par le récit de tant 
de beHes merveilles. Mais , demandeE-lenr s^îls n*ai- 
meraientpas mieux avoir pour 61te ou pour épouse 
œie Pénélope cpWcune des femmes illustres dont 
je viens de parler. Car, Homère ne loue dans Péné- 
lope que la chasteté , Tamour de son époux ^ la tendre 
sollicitude pour son beau-père et pour son fils. Elle 
ne s Wcupa, ni des champs , ni des troupeaux ; elle 
ne pensa pas même en songe à la tactique guerrière, 
ni k Tart de discourir ; et quand il hii fallait adres- 
ser la parole à de jeunes prétendans : 

. tt Une gaze voilait les traits de son visage ; ' 
» Son langage était doux , etc. j» *. 

Cependant lorsqu'Homère se phit à célébrer dans 
ses chants cette Pénélope , il ne manquait pas de 
modèles d'autres femmes à grands exploits *, il pou- 
vait décrire les combats de quelque illustre amazone, 
et orner son poëme de récits plus ou moins enchan- 
teurs. Comment en effet s'est-il flatté d'intéresser 
par les détails de l'attaque et de la prise des retran- 
chemens, d'une sorte de combat naval, qui s'enga- 

Odvss. A. 334. 



( 364 ) 
gea sur Iqs navires , de la lutte d'Achille contre fe 
fleuve , et d'autres faits de ce genre , dont il a chargé 
son Iliade, tandis qu'il passe rapidement, sur tout 
ce ^ue nos amateurs croyent si admirable ! et pour 
quelle raison aurait-il consacré tant de vers à la 
louange de Pénélope , et si peu a celle d«s préten- 
dues héromes , si ce n'est parce que la chasteté ci 
les vertus de l'une , sont généralement utiles au pu- 
blic et aux hommes, en particulier , et que l'ambition 
des autres, loin d'être profitable à qui que ce soit, 
entraîne souvent dans des désastres irréparables? 
Yoilà pourquoi notre sage et divin poète a destiné 
à la première , l'éloge qui lui paraissait le plus beau 
et le plus juste. Comment donc ceux qui le pren- 
draient en cela pour modèle, craindraient-ils de pas- 
ser pour des panégyristes médiocres ou mal-adroits? 
Mais je vous citerai en outre pour un excellent 
juge , en ftiatière d'éloges , le grand orateur Périclès, 
surnommé l'Olj^mpien. On rapporte qu'un jour , où 
il se vit entouré d'une foule de flatteurs, qui. le 
louaient pour ainsi dire à tour de rôle, Tun, de ce 
qu'il avait pris Samos, ou envahi TEubée ; l'autre, 
de ce qu'il avait protégé par sa flotte toutes les côtes 
du Péloponèse ; ceux-ci , pour les décrets qu'il avait 
rendus; ceux-là , pour avoir été le rival de gloire de 
Cimon , aussi bon citoyen que général expérimenté : 
il n'eut l'air , ni de repousser, ni d'agréer aucun de^ 



( 365 ) 

ces éloges; mais qa'il parut slngpalièrement flatté 
de la distinction qu^on accordait à sa conduite dans 
les affaires publiques , où , tant qu^il demeura chargé 
du gouTemement d^un peuple aussi nombreux , que 
Tétait celui d^ Athènes, aucun individu ne fut par lui 
condamné à la peine capitale , aucun citoyen portant 
Vhaiii noir (i5)^ en signe de deuil, ne put lui iîn- 
puter la cause de son malheur ! 

Par Jupiter protecteur de Tamitié , dites-moi quel 
aatre témoin j'invoquerais pour vous prouver que le 
signe le plus évident de la vertu , comme le plus beau 
titre à nos éloges , est celui de n^ avoir jamais mis à 
mort aucun citoyen , de ne l'avoir ni dépouillé de 
ses biens, ni banni injustement? Pourquoi le ma- 
gistrat , demeuré intègre dans l'exercice de fonctions 
aussi redoutal»les , ne recevrait-il pas les mêmes hon- 
neurs , que le médecin qui , non content de ne faire 
aucun mal à personne , se croirait peu digne de sa 
profession , s'il n'opposait aux maladies les remèdes 
qui les guérissent? Mais ne mettrons nous pas au- 
dessus de toutes ces vertus celles d'une impératrice , 
qui , pouvant tout ce qu'elle veut , ne veut faire que 
le bien ? et c'est le point principal sur lequel je fonde 
ses louanges , quoique méritées d'ailleurs par tant 
d'autres admirables qualités qui brillent dans ses ac- 
tions. Si mon silence sur ces dernières , pouvait pas- 
ser dans l'esprit de quelqu'un pour une feinte vide 



( 3i66 > 

de rcalité , au paur une bravade impertinente , (fit 
se retrace Farrivëe toute réç^pte de Timpératrice a 
Rome , pendant que son au^ste époux était occapé 
dVpérations militaires ^ vers le$ frontières de la 
Gaule, et traversait le Rhin sur des poats et des 
vaisseaux : et qu il voye si je lïie plais à feindre oq à 
intenter. Car il m'eut été facile et même convena- 
ble , d'exprimer dans un récit éloidu , la joie du 
peuple et du sénat, qui vinrent à sa rencontre^ et 
qui Faccueillirent avec toute la pompe qu'exige»! sa 
dignité ; j'aurais pu vous peindre la ricbesse et IW 
mensité des préparatifs , qui eurent lien dans cette 
circonstance solennelle , vous dire quelles Bomms& 
la bienfaisante princesse fit distribuer auxche&de 
tribus{i&)^ et aux centm^ions du peuple. 

Au reste , si je fais peu de cas des ai^tages de la 
fortune, je suis encore plus éloigné de la priser au- 
tant que la vertu, quoique je sacbe fort bioa, ^^ 
généreuses libéralités font partie â^fk iic(es de vertu. 
Mais j'estime avant tout la modération , la chasleté^ 
la prudence , et toutes les excellentes qualités qoc 
j'ai vantées dans Ëusébie, sur la foi de be^PO^p^^ 
témoins , et d'après la conscience du bien qa eil^ 
m'a fait à moi^^néme. Si l'exemple que je àofso'k ^ 
ma gratitude , trouve des imitateurs , elle ne ib3D' 
quera point de panégyristes, 

PIN DB LA TROÎSifeMË HARANGUE. 



( 367 ) 

NOTES 

SUR LA TROISIÈME HARANGUE DE JUUEN. 



(1) Agésilas. Il me semble que Julien veuille ici jus- 
tifier son éloge d'Eusëbie , quelqu'intéréâsaut qu'il pût 
être j par l'exemple de Xénophon, qui n'hésita point à 
écrire celui d'Agésilas , roi de Lacédémone. Agésilas 
avait effectivement fait avec lui plusieurs campagnes ^ et 
l'avait accompagné jusqu'en Béotie. 

(2) Les Héraclides. ( Voyez la note deuxième de la 
trente-cinquième lettre , et la note première de la pré- . 
cédente harangue. 

(3) Oriqucs. Apparemment ceux que Polybe ( 1. VII ) 
place , sur les bords de la mer Adriatique. La Grèce , 
selon Denis Periégète , était alors tmniée à l'Ouest, par 
rOricie , ville principale , Oricon , selon l'observation 
du P. Petan , d'après Eustathe. -*- Julien dit plus bas , 
qu'Alexandre fat le ^rvin/^r luAnlne , adorateur du soleiL 
Veut-il dire le premier des Grecs ? Car , il passe pour 
certain , qu'avant lui , les Perses adoraient le soleil. 

(4) Thessahmqui. On yoit par Ui , i^. qu'Eusébie 



( 36S ) 

était native de Thessalonique ; 2^. que le nom de Thes^ 
stthm^ue^ signifie, ville fondée par les vainqueurs des 
, Thessaliens. 

(5) Sa victoire. L'autorité de Jalien y sur Tépoque de 
ce mariage d'Ëusébie avec Constance , semble balancée 
par le récit des autres historiens , qui placent la célébra- 
tion de ce mariage, du vivant de Constantin-le-Grand, 
ou immédiatement après la mort de ce prince. ( Voyez 
Petau, p. 82 et 97 de ses remarques. ) Il parait qu'on 
a confondu Eusébie , avec plusieurs autres femmes de 
Constance. La première fut la fille de Galla , que Cons- 
tantin fit épouser à son fils Constance, et dont parle Eu- 
sèbe , 1. lY , en sa vie de Constantin. La seconde fut 
Eusébie ,- et Ton ne peut mieux faire , je pense ^ que de 
s'en rapporter au témoignage de Julien , sur Tëpoque 
de ce second mariage' de Constance , alors seul nuitre 
de tout Tempire. La troisième dut être rimpëratrice 
Faustine , dont la fille Constantia épousa , dans la suite, 
l'empereur Gratien , selon Âmmien Marcellîn ( livre 2 1 ). 
J'ai ajouté 9 dans ma traduction ,.répithète de moupeau, 
au mariage de Constance avec Eusébie , parce que les 
raonumens historiques ne permettent point de supposer, 
que Constance n'eût jamais été marié , avant l'époqae 
doÈt il est fait mention. 

(6) Terpandre^ poëte musicien de Lesbos , qui ajouta, 
dit-on , trois cordes à la lyre , et qui appaisa , par ses 
savans accords, une sédition cbez les Macédoniens. 

(7) Ce Mithymnéen est Arion» originaire de Mé- 
thymné , en la même île de Lesbos. C'est sur la foi d'Hé- 
rodote , que Julien rapporte le fait du dauphin , qui 



( 369 ^ 

porh ) sûr son dos, le magicien jeté à la mer , par des 
maielùts , et qui le déposa au c^p Tënare, e& Lacoaie^ 

(8) Mymeciâe. Voici ce que Pline ( I. VU , cv 2 1 ) ^ 
nous apprend de ce personnage : Mymuciits tfmdaaiin 
todem gaun inclaruit ; a guo quadrigam ex eâdem ma- 
ierid ( ebon ) i/mam muscû înieffnt alk, fdbricaiam et m- 
vem ^uam apicula phmis absconderet. Le i|om de cet ar- 
tiste ( Mynnecide ) est , sans doute , un sobriquet , tiré 
de la l:ingue grecque , en laqaelle il «gnifierait , un in* 
ihiiu au genre des fourmis. Cicéron faisait allusion au 
même trait , lorsqu'il dit : Cur deus , omnia nosfn causa 
cum faceret ( sie enim vultis ) taniam mm natricum * 
viperantm^ue fecmt ? Cur mortifera tam multa pemi^ 
cîosa imâ marique disperserit F Negatis bwc tam politl 
tamquesubtiliter effici potuisse ,sine atiquà solertidj cujus 
ifuidem vos majestaiem deduciiis^ usquéad apium/ormi- 
carumtfue petfettionem ; ut etiam infet deos myrmecides 
aliquis minutorunt opuscubrumfabricator fuisse videatur. 
( Acadamic. quSBst , I. IV , parag. 1 10. ) Varron parle 
aussi de ce fait, au I. VI, c. 7 ife Lingud laiind^ et en-* 
fin Galien ^ dans son Protrepticon ^ sur les arts. 

(9) Façade. Pindare use assez familièrement de ces 
sortes d'allégories , comme lorsqu'il compare son ode à 
un paUris. Le mot irp<r#9r«y, qui signifie faee , façeâe ^ 
visage, et qui s<^ souvent pour désigner le côté saillant de 
la chose dmit on parte. £t c'est à cç mot , que Julien pa^ 
rait faire allusion. (Voyez ma traduction de la 6« Olim- 
piqae , tome I». ) 



♦ Conleuyres , serpens d'eau« 

L %k 



(370) 

( ! oyDâsIiûmtnèspuîssans: Julien en filit mention , dans 
le fragrae«t de sa léttie, à un poftlîfe..( Voyez au ^i". vol. 
cette lettre et la note y relative. ) Il paraît que c'est 
cette même maison dont il fit, dans la suite, présenta 
un anci«B amî. (Voyez la lettre 46'. ) 

(i 1) Mou départ. Le contexte de ce (iassage de Ju- 
lien, suppose assez évidemment , que son voyage fut 
réellement interrompu , c'est-à-dire ^ que k futur césar 
était déjà parti pour retourner dans ses foyers , lorsqne 
l'empereur Constance fut tenté de le rappeler auprès de 
lui^ pour cause de suspicion. Easébie parlait donc avoir 
obtenu de nouveau, de son époux, la liberté d«. Julien, 
modifiée par une nouvelle destination de son domicile. 
(Voyez notre vie de Julien. ) 

(12) D'altérée. Argos est toujours qualifiée, par Ho- 
mère , à' aride , de siétile^ on^'aUérée. Car le mot grec 
îr«Atf<^<•iJ/«F *, tient lieu de toutes ces .épilbètes. JLe texte 
de Jjttlien est ici Irès-incorrccjt , soit; par la négligence 
de l'auteur, soit par celle de ses' copistesl L'allusion 
qu'il veut faire , ou plutôt la comparaison qu'il fait de 
la philosophie , aux sources d'eau vive , est énoncée obs- 
curément , si, comme le dit le P. Petau^ etccmime le 
contexte le suppiose , l'allégorie s^appUqae au ri^e des 
sciences ^ns les principales villes de'la Grèce. Le lec- 
^i&iT a déjà vu, ^et il verrai encore , dansia suite j iieau- 
coup de passages de Julien, doot.le sens est très-louche. 

(i3) De Venipereur, Julien. n'eut pas d^^ulre épouse 



* S/ticuIosa, 



(370 ' 

qu'Hélène, dont il parle dans sa lettre aux Athéniens: 
Elle élî^t fille dç CpQ$tA9JtiA-l&TCfdnd ^ et^ paccons^ 
quent, sœur de Constance. ( yoye2; notre vie de Julien.) 

(i4) Be Nîtocris, La reiHe d'^si^rie , dont il est 
parlé plus haut , est Sémiramis. Nilocris fut, dit-on, 
la femme de Nabuchodonosor^ et la mère du dernier roi 
de Babylone. • — Il y eut aussi une autre Nifocris , reine 
d'Egypte. — Rhodogune était fille de Phraatès, roi des 
Perseà. — Tamyris ou Thomyris, reine d.es Massagètes,^ 
en Scytbie , vainquit, en bataille rangée ,1e grand Cy- 
rus , roi des Mèdes, et le mit à mort , pour venger les 
mânes de son fils, qui avait péri dans cette guerre; ce 
dernier fait est rapporté par l'abbréviateur de Trogne 
Pompée. (Justin , 1. 1 , c. 8. ) 

(iS) L'kabit noir, en signe de deuil. Ce passage est 
remarquable, pour les mœurs et coutumes du pays,. à 
cette épojue. 

(i6) Tribus, Ceci prouve , qu'au tems de Julien , le 
peuple romain était encore divisé par tribus. 



rlN DES KOTES DE I^A TROISIÈME HARANGUE. 



24. 



( 3î=» ) 

QUATRIÈME DISCOURS DE JULIEN. 
EN l'honnbitr tnr ^leil boi. 

ARGUMENT. 



Ce discours fut adressé , par Julien , àsoftimii Sal- 
liiste^ peu de Jours après celui qu^il lui avait aussi en- 
voyë sur les Saturnales , et que peut-être nous nVons 
plus. Il est douteux que ces Saturnales soient le même 
ouvrage que la Satice des Césars. {\oy. au volume sui- 
vant cette Satire et les notes i et 12 qui raccompa- 
gnent : Yoy., eu outre , à la fin du III*. volume , la liste 
des ouvrages de Julien qui ne sont pas venus jusqu'à nous. 
Les fêtes ^ dites Satumaks^ étaient immédiatement suivies^ 
chez les Romains, des fêtes du soleil. Ainsi , Julien dut 
composer Tun et l'autre, en bien peu de tems; iHit 
avoir écrit, en trob nuits, son kymne, ou éloge da so- 
leil : et quoiqu'il convienne lui-même , d'avoir puisé 
beaucoup de détails dans les écrits de Jamblique, il lui 
fallait cependant une grande facilité, et une beure^^ 



(M) 

mëmoire , pour dasser tant d'idées , et pour les lier k un 
seul sajtî. On ne peut douter non plus, qu'il ne fftt de 
très-bonne foi^ dans la croyance religieuse qu'il y ex- 
pose, et dont il parait, en effet, bien pénétré : mais ses 
dogmes^, appuyés sur une mauvaise physique , sont au- 
jourd'hui peu intelligibles. La trai^uction de son texte 
m'a coûté beaucoup de soins; et [dusieurs passages en 
sonf tellement aïambiqués , qu'il est difficile d'en bien 
déterminer le sens. C'est pourquoi j'ai placé, en marge 
du texte français , les expressions et phrases , répétées 
dans d'autres passages du -même discours , et j'ai cité 
aussi y en nûrge, les mots grecs correspondans aux mots 
français. 

Quoi qu'il en soit, on voit, dans son système, qu'il 
croyait le monde produit de toute éternité : mais qu'il 
admettait un ordre successif de causes , dont la première 
et la plus ancienne', non par rapport au tems ( puisqne 
le monde est , selon lui , étemel ) , mab par rapport à 
la série et au rang des causes est l'être subsistant, par 
lui-même, l'être souverainement bon, c'est le premier 
soleil. Les autres causes, ou principes, c'est-à-dire, le 
monde intelligent , second soleil, et le soleil visible, fu- 
rent aussi produits > mais nécessairement, et de tout»^ 
éternité. 

L'auteur s'étend bisaucoup sur la substance ou na- 
ture^ tant visible qu'invisible du soleil , sur sa domina- 
tion universelle et sa prééminence , sur le lieu qu'il oc- 
cupe au centre du monde , ppur communiquer s^ bi^n-^^ 



{ 374 ) 
faits, tant aux êtres intelligeBs, qui habiteBlle del^qn'à 
la terre et à ses babitans. La doctriae de Jnlieir^ sur le 
soleil , est d'autant plus obscure, qa^i\ la fonde ^ non- 
seulement siur la tbéologie de Platon, maïs sur celle des 
Chaldëens et des Phéniciens, 

Comme il dit 4 là fin de son discosrs, qu'il écrivait au 
solstice d'biyer , et qu'il parle comme étant élevé à rem- 
pire, on ne peut placer Tépoque de cette longue lettre, 
jén forme de di^u^ours, que dans Tannée 362 , où il fai- 
sait , en voyageant en Pbrygie, les préparatifs de son 
expédition contre les Perses. 



r 375 ) 

0ISCOURS 
EN L'HONNEUR DU SOLEIL ROI, 

ADRESSÉ A SALLUSTE. 



Si dans le sujet dont je vais m'occuper, tout éti-c 

« Qui respire, ou se meut, sur le terrestre globe, » ♦ 

a droit de prendi*e la parole , je la réclame un des 
premiers, et je me dis le serviteur zélé du soleil roi. 
J'en trouve en moi-même les preuves péremptoiies^ 
et personne, je pai^, ne pourra le& contredire , ni 
me faite oublier que, dès ma tendre enfance , je dési- 
rai passionnément les rayons de Fastre divin. Com- 
bien de fois, jeune encore, ravi de Téplat dé sa lu- 
mière , non-iseulement je ne pouvais en détacher mes 
yeux pendant le jom*; mais la nuit même, par un 
ciel serein, je quittais tout, pour aller comtempler 

* Odyss. ï. v. i3o. ^' 



(M) 

au dehors, la beauté des autres astres, au point iê 
ne plus entemlre ce <pi!oa me di^t , et d -ignorer ce 
que je faisais moi-même? Mo& attention était si 
forte , et si soutenue y quW m^eut pris pour im as- 
trologue profond^ quoique ma barbe fot encore pm 
fournie (i) ; et cependant , par tops ks dieux! aucim 
livre sur cette science » ne m'était tonriM entre les 
mains : je ne connaissais même rien qui put y avoir 
le moindre rapport. ' 

A quoi bon ces détails , me dira quelqu^un, tan- 
dis qu'on serait plus curieux d'apprendre de moi, 
ce que je pensais alors des dieux? Mais je voue à 
Tôubli ces tems de tjjnèbres (2). Il me suffit (l*ob- 
server , que je n'avais reçu lesi leçons d'aucun philo- 
sophe , lorsque le spectacle de la lumière céleste, qni 
m'environnait; absorba toute autre ^ude, et me fit 
découvrir le mouvement de la tune , eid;ièrement op- 
posé à celui du soleil. Certes je trouve digne d'envie 
le sort d'un homme, que la divinité , en formant son 
corps, a doué d'un esprit prophétique, qui loi ouvre 
les trésors de la sagesse. Je suis loin de de'daigner 
aussi l'avantage dont elle me fait jouir, d'être ne 
dans ce siècle , et d'une famille régnante qui me 
donne le droit de commander à toute là terre, ù- 
pendant je pense, avec les sages, que la dignité h 
plus relevée, comme la plus étendue , est celle à'èitt 
ISSU du père commun de tous les honunes (3). On a 



(377) 
4ii aT«c jraisaa, fin Fkommeeik sokU engen^mam 
homme * : le soleil toutefois produit seul les âmes de 
sa propre si^tance; mais il recueille ëgalemenl 
celles qui ëmanaat des autres dieux, et qiiHl répand 
sur la terre , pour y remplk* diverses fonctions de 
leur dioix. Cest un bonheur sans doute pour 
rhomme au<|nel il échoit, de tenir dépuis trois gé- 
nérations^ ou par une plus longue suite d^ancéti^s, 
an culte de ce dieu. Mais il est glorieux encore, en 
s^avouant né pour le servir , de s^étre seul , ou avec 
un petit nombre d'autres , consacré spécialement au 
6ei*vice d*un tel souverain. 

Célébrons donc aujourd'hui , par tous nos moyens, 
sa fête <|Qe la reine des eues (4), solennise par des 
sacrifices annuels. Je n'ignore pas combien il est 
difficile , en parlant du soleil roi, de faire concevoir, 
par celui que nous voyons , h grandeur de celui qui 
est invisible ; peut-être même nous est-il impossible ' 
d'acquitter cette tâche avec assez de dignité ; car 
qai atteindra jamais un si haut degré de perfection ! 
ou si l'éloge ne demeure pas trop au-dessous de la 
médiocrité , n^'est*ce pas tout ce qu'on peut exiger 
des forces de l'humaine nature ? Mais ici j'appelle à 
mou secours. Mercure, le dieu de la science, et les 



♦ Ce passage est tiré d'Aristote ,1. 2 , c. 2 de la 
Nature. Voyez ci^après la page. 



(37») 
immesj avec ApoUoQ kur chef : car c'est kl qui 
préside à Téloquepce ; je les copjttf e tou^ , de m^ins- 
pÎFer et de me faire diire , des dieux iiamertek, ce 
qH'il lettr plaît €fjCon dise et qu'oo croye d'eux. 
Mamtenant (quelle marche suivra mon ékge? £t 
m^éearterai-^je beaucoup dalbot, si je traite de la 
ifature dudku, de son origine ^ de sa puissance , 
de ses admirables vertus ou efifets, tant manifestes 
qu Wcultes ? Je commence donc. 

€e monde magmfi<|ae et divin ^ qui s'ëtead delà 
voûte du ciel aux dernières extrémités 3e la terre; 
selon les lois d'une impénétrable prowdence de 
dieu^ elcista de toute ^emité sai^s avoir été crée, 
et continuera d^exister toujours^ prcmièrcflftnt,sous 
la direction etf consei^vatioa immédiate du mfdi^^ 
c&rps (5) , ou principe solaire , d'oà il éfiiîffle eomme 
un rayon ; puis , en remontant d'un degré, soas l'm- 
flucnce médiate dn monde intellectuel, et enfin sons 
celle d'ime troisième cause plus ancienne ou ps 
ébigHee, qui est le roi de tous les êtres , autour 
duquel se rattache le vaste ensemble. Cette cause 
ultérieure , ou ce principe , qu'il serait permis d ap- 
peller l'être au-dessus de notre inteHîgence, on si 
l'on veut, le prototype de tout ce qui est, oumieo^ 
encore , l'être unique ou le un , (car cet m doit pré- 
céder tous les autres comme étant le plus ancien], 
ou enfin ce que Platon a coutume de nommer I elr^ 



(379) 
sôttveraiiîemënl bon * , ou le souverain bleu , cette 
cause, dis'}e, étant le modèle simple et unique de 
ce que tou^ les êtres peuvent f enfermer deJ^eatitéf 
de perfection, d'accord et de puissaluce, produisit 
d'elle même , par son énergie permanei^ et pri- 
mordiale, l'être seidlblable en tout à elle même., le 
dieu ^leil **, tenant le milieu entre les causes in- 
tellectuelles > et les principes actifs intermédiaires. 

Telle est du moins la doctrine que notre divin 
Platon *** a expriij|ée en ces termes, «Je définis doue 
la raison intelligente****, une production de l'être ou 
principe bon par excellence , engendrée souveraine- 
ment bonne et semblable à ce principe , puisqu'elle 
provient immédiatement de lui. Cette raison intelli- 
gente plaça ?iinsi le soleil, potU' présider dans le 
monde visible, à tout ce qui se voit et qui tombe 
sous les sens, comme elle préside elle même dans 
l'espace intellectuel, à tout ce qui e;St du domsâne 
de r esprit et de la pensée ». 

Certes , la lumière du soleil doit avoir , avec tout 
ce qili est visible , la même analogie , qu'a la vérité 
avec tout ce qui est Intellectuel. Or ce premierjwro* 



* Ta' uyuÙcv ^ 

** Voyez ci-après. 
*** L. 6. de republicâ. 



( 38o ) 
duU universel * ^ que je dis ëmaiié de la forme da 
jpremier et souverain bien^ parce qu^S était, de 
toute éternité , dans la propre substance de cehû-eî, 
en a reçu la domination sur tous les dieux intelli- 
gens ** , auxquels il distribue les mêmes dons qu'il a 
reçus et quUl tient du souverain bieû, ou principe 
bcrti par excellence , source de tout bienfait pour 
les dieux inleUeciuels ***. Car j'imagine qu'à ces der- 
niers, le principe bon a voulu répartir la supériorité 
de la substance, de la beauté , ^^fh. perfection , de 
Fharmonie ou accord des parties , biens qu'il pos- 
sède éminemment , et par la puissance de sa forme 
idéale^ représentative de tout bien.Ce second et grand 
soleil , communique donc et distribue aux êtres 
immatériels ou intelligens , les mêmes bien&its qn^il 
a reçus du premier, c'est-à-dirè , du bon par excel- 
lence , par lequel il a été préposé pour régner sar 
eux , quoiquHls aient été produits comme lui > et 
simultanément avec lui; dans la vue sans doute, 
qu^un seul principe l'eprésentatif du bon, présidât 
aux dieux intelligens **** , et gouvernât toc^tes choses 
avec sagesse. 

* Aoyûç 

♦**» Je rends par intelligens^ le mot F«p*if de Ju- 
lien, parce que Léonce de Bizance, en parlant de Tin- 



C 38i ) 
Mais un trowème (6) soleil eêi apparent; je parle 
de ce <Ësque lumineux, qui est , pour tous les êtres 
sensibles, le principe de sdhit ou de conservation; 
et qui communique aux êtres visibles , tout ce que 
nous airons dit que le grand soleil distribuait aux 
dieux intelligens et immatériels. On acquÀ*era la 
preuve évidente de ces ventés , si Ton veut étudier ; 
dans les objets apparens, ceux qui ne le sont pas *: 
Et d ^bord la lumière dé notre soleil , n^est-elle pas 
la forme inG<»rporelle et divine de ce qui est active-* 
ment transparent ? Gur ce qui est diapbàne on trans- 
parent **, quoiqu^aymit en soi tous les ëlémenâ; 
dont il est la forme inttuëdiate, n^est cependant ni 
corporel., ni mixte , et n^a aucune des propriétés du 
corps; en sorte qu'on ne peut lui attribuer, ni la 
chaleur, ni le froid, ni la dureté, ni la molesse, ni 
aucune des difïerences susceptibles d'être appréiiiâi 

camatitm du fils de Dieu, ou plutôt de l'âme humaine 
que ce fils prit dans les flancs de la vierge Marie , joint 
à répithète de y«fp> , c^We ie x^ytMif^ raisonaabk ^ 
qvCi\ regarde comme synonyme de y»fp«y. Quant à 
répithète de fifj07ç , que je rends par dieux inkllec-^ 
tuels^ j'observe qu'elle s'applique constamment aux êtres 
impalpables qui ne tombent pas sous les sens^ pai^ op- 
position aux objets visibles et matériels. 

« Deuxième solieil invisible. 

** jDans le soleil. 



( m ) 

par k tact , lç.gaàt pu l^oilgr^t. Sa nflim, * m frappe 
que i^org;ane de la vue , mî^e çp açiiou par la li^ 
faière : et la lufiiièir^ elle-^iuéine n'est (pie la propre 
foi^uie de cette aature , répandue pour pimétrer les 
coqps, eoouue les rayous sont en qitelqu^ sorte i.i 
ileur , ou le complémient de la p^iiiectipu de la lu- 

Les sages de la Phenicie , v^rsé^ daus la connak' 
sànce des choses divines , pous eipt^eignept que la 
clarté de ia lumière, répandue daps Tupivers, est un 
aqte réel de la pureté de Vàme luteUigeute du so- 
leil ** , et leur opinion n'a rien d'improbable. Car la 
lumière étant incorporelle^ et '.|iar £Qaséi|ueDt ne 
pouvant tirer sa scHurce d^aucun coi^ , on pj^trai- 
sonnablement supposer que la pui^ éner^^i^ cfe rin- 
telUgence solaire '*'** part du ;»i.ége luqûoeiUL qu'oc- 
cupe notre soleil , au milieu du iCÎel ; d'où elle rem- 
plit de sa vive clarté tous les globes célestes, et d'où 
~ elle fait briller partout une lumiène divipe et sans 
mélange. Quant aux bienfaits qu^elle coniaiiioiqii^ 
aux autres êtres, bienfaits quelle communique éga- 



* La nature du soleîl. 

** Du deuxîèïiie solerl. 

*** L'auteur désigne ici l'âme intelligenfe du soleil, 
c'est à-dire le iogos qu'il ne distinguera plus du soleil 
visible , parce que ce dernier est dirigé par le premier. 



( i83 ) 

lement aux dieux, nous en avons dëjk juge p&i^ ^ana- 
logie, et nous y revenons en ce moment. 

En effet, tout objet que nous voyons, par la lu- 
mière , aivant qu^elie agisse, n^a èe perceptible que 
le nom, et ne devient réellement perceptible que par 
le secours de la lumière. Quelle chose au monde se- 
rait visible, si elle ne recevait, auparavant, sa forme 
de la lumière, ainsi que la mfttîère reçoit sa perfec- 
tion de rartiste ? L'or, par exemple , cpoique fondu 
au creuset, est toujours de l'or; mais il ne devient 
un simulacre , ou une stâtae , qu'après avoir reçu 
sa forme des mains de l'artiste : de même les corps 
visibles de leur nature ne deviennent tels que lorsque 
la lumière s'interpose entr'eux et ceux qui peuvent 
les v-ott'. Puis donc qu'elle donne , à ceux qui vôîeht; 
la faculté de voir, et aux êtres visibles la faculté 
d'être vus, elle perfectionne et' complète, par un 
seul acte , deux facultés k la fois , la vision et la vi- 
sibilité; et les perfectioifô qui en résultent sont au- 
tant de forjEues, ou de modifications de sa substance. 

Mais si ces distinctions vous paraissent trop sub- 
tilûi, ou tr/op minutieuses, j'y joindrai le suffrage 
de tous tant que nous «G^nmes^aujourd'huî de phi- 
losophes, d'hojbmes lettrés > ou non lettrés; car 
nous plansons tous, sans aucune exception, qull 
existe en ce monde, un dieu, qui, eiî se levant et 
en se couchant, fait le jour et la nuit, et dont la 



(384) ' 

pttuaanee cbânge et métamorphose toiit sous no» 
yeux. . ^ 

' A quel autre astre qu'à ce dteu , appartient un 
tel poutoir ? £t pourquoi 3on heureuse influence ne 
s^ëtendrait-elle pas sur des objets plus divins , pour 
combler de ses dons c^e famille invisible et sainte 
de dieux intelligens qui peuplent le ciel, puisqae 
c^est à lui qu^obëit le cortège des autres astres placés 
sous les lois de sa souveraine providence? En effet, 
les planètes forment des chœurs autour de lui, 
comme autour de leur roi : placées à des distances 
fixes de son orbite , on les voit parcourir un cercle 
régulier , garder certaines stations , avancer et rétro- 
grader, ( termes dont se servent pour exprimer ces 
divers phénomènes, les savans versés dans la ccmnais' 
sance de la sphère ). On voit également la lamlhe 
de la luné augmenter ou diminuer^, eh raison de sa 
distance plus ou moins grande du soleil, tî^mmoent 
ne soupçonnerions nous pas que l'organisation des 
dieux intelligens , plus ancienne que celle des corps, 
doive être assujétie à un ordre analogue ? 

Reconnaissons donc sa vertu perfectible * , parce 
quHl nôuis fait voir tous les objets visibles, sa puis- 
sance fécondante et organisatrice , par les métamor- 
phoses quMl opère dans Tunivers, sa tendmice à 
'■■ ' • \. • 

* Du soleil. < 



( 385 ) 

produire runîté , par l'accord des mouvemens com- 
binés qu'il produit, sa force intermédiaire par le 
milieu qu'il occupe, enfin sa royale domination sur 
les êtres intellîgens, par sa situation au milieu des 
astres ^rrans qui l'entourent; car, si quelqu' autre 
dieu visible réunissait les mêmes qualités que le 
soleil, nous n'attribuerions pas exclusivement h 
celui-ci , la primauté sur les dieux. Mais comme il 
n'a de commun avec les dieux visibles que la bien- 
faisance qu'il exerce sur tous, nous réglerons notre 
opinion, tant sur la foi des prêtres Cjprîens*\ qui 
consacrent des autels communs au Soleil et à Jupiter, 
que sur le témoignage d'Apollon, dieu qui a son 
trône à côté de Jupiter: en effet Apollon avait dit: 

« il n'est qu'un Jupîter, tm Pluton, an Soleil , 
n C'est le dieu Sarapis. » 

Nous pensons donc, que la principauté stir les 
dieux intelligens ^'^ est commune , entre le soleil et 
Jupiter, ou plutôt qu elle n'en fait qu'une seule. 

Platon*** me paraît avoir fait , avec beaucoup de 
justesse ,àePluion une divinité sage; c'est celle que 

* Voyez ci-après , page 3.99. 
** Julien désigne les astres que les anciens regar- 
daient comme autant de divinités. 
**^ Dans son Cratyle. 

I. 25 



( 386 ) 

nous connaissons sous le nom de Sdrapîs , et le même 
dieu que les Grecs appellent, dans leur lan^pie, 
Adès, c'est-à-dire, dépourvu de formes sensibles, 
et par conséquent au nombre des êtres infelligeos. 
C'est vers lui, àjoute-t-il, que s'élèvent léâ âmes de 
ceux qui ont vécu selon la raison et la justice. £d 
effet , il n'est point question ici de cet autre Plntoa 
que la fable nous représente si terrible. Ce premier 
dieu, au contraire, est doux et bienveillant; il prend 
soin de déIi\Ter les âmes dû corps qu'elles ont ha- 
bité; et au lieu de les attacher à d'autres corps pour 
leur faire expier les fautes d'une première vie, il les 
attire à lui, et les emmène dans le monde des intel- 
ligences. Cette opinion est loin d'être nouvelle; elle 
est le domain€ des plus anciens poètes , c'est-à-dire, 
d'Homère et d'Hésiode , soit qu'ils y aient été con- 
duits par leur propre génie , soit qu'un enthousiasme 
divin et prophétique leur ait découvert celte vérité. 
En voici la preuve : 

L''un de ces poètes*, en effet, racontant la gé- 
néalogie du soleil , lui donne pour père , Uypirm , et 
pour mère Thiià : c^'est assez nous faire éfitendre 
qu'il le regardait comme enfant légitime de celui qui 
est supérieur à tous les êtres; car ce nom d'H/pinm 
n'exprime que cette supériorité ; et celui dé Théiû 
n'a d'autre signification que ceÛe du {Jus divin des 

- '■ ^ -■-. ■ I L_-.i r — " 

* Hésiode , dans sa Théogonie. 



( 387 ) 
êtres. N^est-ce pas là deux nidûières différentes 
rie dire une même chose ? N'imaginons là ni mariage^ 
ni commerce charnel ; ce serait autant de paradoxes, 
ou plutdl des jeux d^une muse poétique. Yojons 
seulement dans le père qui Tengepdra, Tétre su- 
prême et divin par excellence. Homère, en ce sens, 
rappelle Hypérion^ du wom de son père, comme 
pour nous montrer qu^il le croit maître de toutes ses 
actions et libre de foute espèce de nécessité ; car ce 
poète , qui suppose que Jupiter, maître de tous les 
dieux; peut user envers ceux-ci de contrainte *, 
racontant ailleurs que le dieu soleil avait résolu de 
quitter Tolympe , par Thorreur que lui avait causée 
l'impiété des compagnons d'Ulysse, ne met plus 
dans la houche du fils de Saturne ces paroles me- 
naçantes : 

« Ma force entraînerait et la terre et les mers. » ♦♦ 

Ati contraire, dans le récit du poète, Jupiter, pour 
détourner le dieu oleil d'un tel dessein, ne le 
menace ni de chaînes, ni de violences; ifiais il Idi 
promet de châtier les antenrs du crime , et il l'invite 
ensuite à continuer de faire jouir les dieux de sa 
clartés Homère n'insinue*t-il point par là , que le 



* Odyss. M. v. 38i. 
II. 0. V. 24. 



( 388 ) 

soleil non-seulement est maître de ses volontés; 
mais qu^il dispose aussi du don de perfectionner les 
autce^ intelligences.?, Car comment les dieux auraient- 
ils besoin de son secours, si en pénétrant letor subs- 
tance et tout leur être d'une flamme secrète , il ne 
leur communiquait les bienfaits que j'ai déjà signalés. 
Ces autres pai^oies du même poète : 

« Junon précipita la course infatiguable 

» Du soleil , descendu ^ malgré lui , dans les eaux 

» De rOcéan. « * . 

Indiquent seulement, qu'une brume épaisse fit pa- 
raître la nuit ou la devança un moment. C'est ainsi 
qu'il dît ailleurs de la même déesse ; 

à Lors, la belle Junon, ' 

j> Par un épais nuage , éclipse la lumière » *♦ I 

" i 
Mais laissons les poètes accoutumés à mêler au ] 

dîvin,beaucoup d'humain dans leurs récits, et voyons 
mamtenant ce que par son influence intermédiaire , 
le dieu nous apprend de lui-même et des autres dî 
vinités* 

Tout ce qui ayoisine et enloure la surface de la 
terre doit son existence à un ordre de générations ; 
autrement de qui ce tout recevrait-il le don de l'im- 
mortalité , sinon de celui qui embrasse et contient 



* II. V. 289, etc. 
** H. 0. v! 6-7. 



(389) 
Tensemble , dans des mesures déterminées ? Car la 
nature dW corps ne peut être infinie , puisqu'elle 
n^est , ni sans origine , ni sans avoifLesoin d W 
soutien ou support étranger ; si donc elle tirait , de 
son propre fond, quelque produit qui. ne fût jamais 
remplacé ^ sa substance y comme celle de tous les êtres 
procréés, finirait par être entièrement consumiée. 
Mais le dieu, en s'approchant de cette nature par 
ses mouvemens réguliers , la redresse, et la recrée , 
tandis que son éloignement Tait ère et la corrompt. 
Disons mieux, si sa présence la vivifie, et conserve 
en elle le principe vital, son absence , ou sa transla- 
tion ailleurs, est suivie de la dissolution ou altéra- 
tion des êtres .corruptibles. 

Cependant ses bienfaits sont également répartis 
sur la terre ; chaque contrée en reçoit une portion , 
de manière que les générations ne puissent s'étemdre, 
et que l'action constante du dieu maintienne l'équi- 
libre nécessaire à la conservation de ce monde pas- 
sible. Car l'identité de la substance emporte néces- 
sairement l'identité de l'action qu'exercent les dieux, 
et à plus forte raison, le soleil roi de tous , dont le 
mouvement, par son extrême simplicité, est incom- 
parablement supérieur à celui des autres astres qui 
se meuvent dans un sens opposé à l'ensemble. Et 
ceci même paraît, au célèbre Aristote, un indice 
de la prééralnence^iJp c-e dieu sur tous l€$ autres. Il 



C 390 ) 

est vrai, en eflet, que les autres i&m% iiéÀ)^u 
versent aussi leurs àfms ftétitnji $ar notre monde 
TÎsible. Mais"^oil léureoiitestcmiHiouseet hoimoir, 
parce que nous aecordonisi au soleil le droit de la 
prééminence sur ^nx ? Senlement ibus jïigeeiis des 
choses cachées par les pfaénomèiies appareas. £t 
puisqu'on le voit recueutUir de tons les antres g^lobes 
célestes, les parties qui «n refioent sm la teite, les 
perfectionner, s'en i^proprier une poriioli fW la 
reverser sur Pmiîvers, il est naturel de SË^p03er, 
dans ces distributions secrètes el rëciproques^na 
concours unanime d'agents, parmi lesquels le soleil 
cT^erce la principale influenee, «t dont hi aulm 
combinent leur action avec la siemue^» pour k biea 
de l'ensemble. 

Mais comme déjà nous avons anyaoncé* que 1« 
dieu servait d'être mitojen ans dîesi< intelligil)l^> 
intermédiaires , nous expliquerons, si h ftpleil m 
nous inspire , quel est ce milieu qui le constitue Fin- 
termédiaire dés autres, Noos appellerons dpqç '^^^'^ 
non celai qu'on continue^ de distinguer eptie deux 
^ choses opposées , et qui s'éloigne égalei^çnt des deux 
eiEtrêmes, comme le tiède serait entre le froid elle 
chaud , le châtain entre les couleurs foncées, el ainsi 
des autres qualités semblables ; m^îs le mixte qui 

♦ Voyez pages 3So et 385. ijn 



(39t) 
rapproche et unît les élémens séparés, à peu près 
compté Empedocle représmte Tharmonie, laquelle 
n^adm^t aucune discordance. Or, quelles sont les 
qualijtfés bienfaisantes que le soleil réunit et aux- 
quelles il sert de milieu , ou 4e moyen de rapproche- 
ment ? Celles des dieux visibles qui planentsur notre 
monde , des dieux immatériels et intelligibles qai 
entourent le bon par excellence. £n effet, il leur 
sert à tous de moyen d^union , eo multipliant au^ ' 
tour d'eux sa substance divine et intelligente, sans 
en recevoir aucune altération, ni mélange. Ainsi 
donc la vertu mitoyenne n'est point un résultat de 
rinfiuence des extrêmes; elle est parfaite, et ne sup- 
pose , dans la subst^ce pure et intellectuelle du so- 
leil roi, aucun amalgame provenant des dieux visi- 
bles ou invisibles, sensibles ou intelligens; et c'est 
en cela que nous faisons consister sa médiation , ou 
son action inteitnédiaire. Maintenant, si l'on nous 
presse de spécifier , selon cet aperçu, comment 
s'opère la médiation de sa divine substance', et sur 
quels premiers ou derniers objets ses actes s'appli- 
quent , quoique les détails en soient difficiles , nous 
les ébaucherons de notre mieux. 

L'être qui préexiste à tousi les êtres, et qui com- 
prend tout en lui seul , est nécessairement un. Pour- 
quoi s'en étoûner? le monde dans son ensemble , 
est-il autre chose qu^un seul être animé , formé tout 



( 39^ ) 
entier d*âme et d intelligence , et pmrfaîi dé la per- 
fection de ses parties? Mais de-cette double perfec- 
tion dans Tunité ; je ven-x dire de eette anion par 
laquelle Têtre intelligent comprend tout dans l'unité, 
et de cette autre union qui assemble le monde en une 
seule et même nature parfait^c, la perfection , unique 
du soleil roi , est le seul moyen conciliateur, opérast 
dans les dieux intelligibles. Il existe en outre , dans 
ce mondé intelligible des dieux , une commune ten- 
dance a produire Tunite dans l'univers. Car 1» subs- 
tance du cinquième corps *^ ne se répand-elle pas 
évidemment autour du ciel , pour en contenir toutes 
les parties, et pour empêcher, en se les attachant, 
celles qui sont d'une nature moins tenace, de se sé- 
parer des autres? Or, ces deux causes de liaison ou 
de consistance, c'est-à-dire. Tune qui réside dans 
les êtres întelUgens , et l'autre qui se manifeste dans 
les êtres visibles, le soleil roi les réunît se«l, de 
manière que, d'une part, il exerce cette force coer- 
cîtîve des êtres intetligens, de laquelle il tire lui- 
même son éternelle origine > et que d'autre part, il 
préside à la seconde force , que nous voyons déployée 
par le monde apparent. 

Qui nous dira maintenant ^ue la même substance 
que nous \'enons de signaler ^ et qui figure comme 

* Voyez page 378. 



(393) 
la première dans le inonde intelligible , et comme la" 
dernière dans Tordre du monde apparent , n^a4mette 
point, pour cause mitoyenne, ^ou intermédiaire, la 
substance du soleil, également cobérente par sa pro- 
pre force , et de laquelle découle , sur le monde vi- 
sible , la clarté resplandissante de la première sub- 
stance, motrice ou opératrice. Nous arriverons à la 
même conclusion , par une autre voie. Puisqu'il 
n'existe, en effet , qu'un seul principe , capse effi- 
ciente et universelle de tout , et que cependant nous 
voyons plusieurs autres dieux agissans et organisa- 
teurs dans le ,.ciel , il est naturel de penser que la 
vertu du soleil leur sert de milieu , pour exercer sur 
ce monde leur activité bienfaisante. Remarquons. ^ 
en outre , que non-seulement la force féconde de la 
vie réside , en toute sa plénitude , dans l'être intel- 
ligent , mais, que ce monde visible est également 
rempir de ce principe vital et, fécond. II s'ensuit 
donc que la puissance vitale fécondante du soleil roi 
tient le milieu entre les deux forces ou principes; et 
c'est ce que nous montrent des phénomènes cons- 
tans. 

• Car nous voyons le soleil perfectionner plusieurs 
formes , en produire' d'^autres , ou ajouter quelques 
ornemens , et donner une vigueur nouvelle à celles 
qui existent , en sorte qu'aucune ne paraisse au jour ^ 
ni ne naisse, sans la force opéi*atrice du soIeiK D'ail- 



c 394 ) 

*leurs^ si nous coQsidéraoiS^ d'un côté ^ dans les.etrtô 
intelligeofi celte substance eQUèrement pure « im- 
' matérielle , à laquelle rien d'étrange ne s^ mêle , et 
qui est ccmip^ète par sa propre pûrfeclion, et de 
Tantre , cette nature également smple et pwe du 
corps ^vin et sans méknge * ^ laquelle » qnoiqu*in- 
kérente à tout corps tnu rircal«ûrenient dans le 
monde , est elle-même dégagée de tout élément hé* 
térogène ; nous tronyerons encore que la substance 
lumineuse et incorru{^ible du soleil comble Tînter- 
Talle entre cette pureté immatérielle des êtres tntel* 
ligens, et cette pureté sans mélange , libre de toute 
génération ou corruption , et qui est manifeste dans 
tous les êtres visibles. 

La preuve la plus évidente de cette pm^eté au so- 
leil 9 est que sa lumière , en se rendant sur la terre , 
ne s'y mêle à aucune ^bstance , et n^y contracte ni 
tache, ni souillure ; partout elle demeure întaete, 
pure et sans aucune altération. Enfin, pour peu que 
nous fassions attention aux formes immatérielles et 
intelligentes , et même aux formes sensibles qui ont 
besoin de matière ou de sujet , nous reconnaîtrons 
ausssi ce milieu intellectuel des formes qui environ- 
nent le soleil , et qui prêtent leur secours aux for- 
mes environnées de matière; de telle sorte que ces 

*" . ■ ' I ■ . 'Il I W ■ II " ! > ■ ■■ I > I 



( 395 j 

jermèrts Be peavenl exister, ni se conserver^ autres 
tremeat^'à l'aide des premières v ti: par conséquent ^ 
à Taide de la fcnreie que cdOies-cî tirest da soleil. 
Bien plas , n W-ce pas le soleil qui est le principe 
de la distinction des finmies , et de la dMicrétion de 
la matière ? N^est*-ce pas loi qui nous donne et la 
facuhé de le connaître , et cdile même de le voir de 
nos yeux ? Certes « la distribution de ses rayons snr 
tout rumvers , et leur rassemblement en faieeaux lu- 
mineiix y attestent le pouvoir k la fois étendu et in*- 
teUigmt de se» action organisatrice. 

Cependant ^ comme beaucoup d^autres biens apr 
parens sont dus k la subslsffice du soleil intermé- 
diaire, enti^lesdieuxiatellige^set ceux qui peuplent 
notre ^moude, descendons, s^il le iknt, au dernier 
écbelon,ou effet apparent de cette cause: son pre- 
mier terme ou degré est la génération des aages so*- 
lamf, qui habitent Textrémité du monde , et dont 
la substance a son prototype d;uis Pénergie de cette 
même cause. Son second degré est la (ostce procréa^ 
trice des êtres sensibles ; la partie la plus noble de cette 
force contient le germe du ciel et des astres ; Tautre , 
inférieure . pi^side à la génération , parce qu'elle con- 
serve la substance génératrice qu'elle tient de son 

* Voyez Proclus , în 2«. lih. Hésiod. et Jamblic, 
in vitâ Pythagorse, 



( 396 ) 
pitAcipe étand. Cependant, il nous serait impossi- 
ble d^ënumérer les autr^ qualités inhérentes à la 
substance du soleil , lors même qus ce dieu nous en 
instruirait lui-même, parce que la compréhension de 
tcmtes choses passe les bornes de notre intelligence. 
Mais il est tems, sans doute ^ de mettre le sceau 
à cette première partie de notre discours , pourpas- 
ser à d^autres dévéloppemeiis non moins dî^es de 
toute notre attention^ Or, quel est ce sceau, ou pin- 
tôt, quelle notion sommaire allons-nous donner sur 
la substance de ce dieu ? Car , c^est en implorant ses 
lumières secourables, que nousYouloiis faire com- 
prendre , en peu de mots , de quel principe il est 
émané , ce qu^il est lui-même , et de quelles richesses 
il remplit le monde visible ? 

, Je dirai donc , qued^un seul dieu, qui est le monde 
intelligent , provient seul le soleil roi , destiné à être 
le milieu des êtres intellectuels intermédiaires , et h 
les présider, en vertu de sa (qualité mitoyenne *, con- 
ciliante , amie, et propre à réunir, dans un seul en- 
semble , les deux extrémités de la vaste chaîne , parce 
.qu'en effet , il offre , dans sa substance , un moyen 
de perfection, de liaison et de force génératrice, et 
que lui-même est l'auteur non-seulemént des biens 
dont jouit le monde visible ,^qu'il orne et embelKt 

* Voyez page ci-dessus 385. 



(397) 
de sa clarté y mais encore des biens quHl a produits; 
en engendrant de lui-même la substance des anges 
solaires , et des biens qu'il peut produire , comme 
renfermant la cause étemelle d'autres encore à naître , 
et enfin , la cause antérieure, immuable et toujours 
jeune de la vie des corps éternels. 

Quoique je me sois suffisamment étendu, sur la 
substance du ^dieu , j'aurais encore à en dire be^u* 
coup d'autres choses que je supprime pour abrsger. 
Mais le nombre de ses vertus efficaces, et la beauté 
de ses mouvemens actifs étant tels, qu'ils surpassent 
tout ce qu'on peut admirer dans sa substance ( car 
il est de la nature des choses divines , qu'en se ma- 
nifestant au^dehors, elles multiplient partout les 
sources fécondes de la vie ). Comment, je. vous prie, 
rae risquerais:^J€. sur. un nouvel Océan, moi qui res- 
pire à peine de la longue carrière que je viens de 
parcourir ? Je continuerai toutefois mon discours , 
comptant sur l'appui de ce même dieii. 

D'abprd, tout ce que bous avons dit précédem- 
ment de sa substance, s'applique aussi à ses vertus 
ou facultés. Car on qc supposera point que la subs- 
tance du dieu soit une chose , sa force ou vertu une 
seconde chose, et son mouvement ou son énergie 
une troisième. Par sa substance , il est, il peut, il 
opère ce qu'il veut ; ne pouvant ni vouloir ce qu^ 
n'est pas , ni manquer de forces pour effectuer ce 



- (4oo) 
le soleil, communique a^c lui, jouit de la même 
simplicité d'intelligence, de la même immuabilité de 
substance ^ et de la même énergie. 

Ainsi , lorsqu^ Apollon ne sépare point du soleil 
la puissance ou énergie divisible * , autrement sépa- 
ratrice de Bacchus,.lors même qu'il la place sous 
l'empire du soleil et sur le même trône ^ il semble 
nous . ipîtier à la connaissance du dieu. C'est pour 
cela encore que ce dernier , comme renfennant en 
soi les principes organisateurs et harmoniques ** de 
la pm'e essence des êtres intellîgens , s'appelle Apol- 
lon Musageie ,, c'est-à-dire, chef ou guide des. Muses : 
et parce qu'il met en harmonie toutes les lois de la 
vitalité, il est censé mettre au monde Esculape, 
qu'il avait en soi , avant le monde Tio). 

Mais puisqu'il nous serait impossible d'exposer 
toutes les vertus et facultés de ce dieu , il doit nous I 
suffire d'avoir bien vu , que le soleil partage avec i 
Jupiter une même domination, tant sur la causev 
éminemment séparatrice ***, que sur les causes dont | 
l'existence séparée est antérieure à la manifestation j 
de tout effet visible. Nous avons vu aussi qu'il jouit 
avec Apollon de la simplicité , de l'intelligence et | 



* Mipi«Jï» et fei^^rç»'. 

*♦ Zuyxprt^Arf de composition ou d!ensemble. 



( 4oi ) 

d'^ne ëtemeUe unmutabilité. Nous avons, en outre ^ 
admire la puissance divisible * ou séparatrice, la 
mQme que celle de Bacchus , dieu qui préside à cette 
force ou puissance. Nous ayons également contem- 
plé y dans la puissance du dieu Musagite , la beauté 
de Ténergie harmonique, qui organise et modifie la 
nature intelligente* Enfin nous avons signalé , dans 
Ësculape , la force qui complète et régularise les 
principes de la vie. Voilà ce que nous avons pu 
dire des vertus du soleil , plus anciennes que le 
monde^ et auxquelles correspondent, dans le même 
rang y des effets qui se passent hors du monde y'w 
sible , mais qui sont le complément des biens éma- 
nés du s^il roi. 

Car ce dieu étant une production immédiate et 
légitime du bon par excellence , et rc|f evant de lui 
la portion perfective de la bonté , il la communique 
aux dieux intelligens , et il perfectionne ainsi leur 
substance. A ce premier bienfait dû dieu, succède 
un second^, j^entends la distribution parfaite de la 
beau^ intelligente , dans les formes inunatérielles et 
mcorporelles. En effet j dès que la substance appa- 
rente et naturellement, procréatrise, s^èfforce de pro- 
duire quelque chosç , dans l'ordi*e de la beauté , il 
devient nécessaire qu^elle. soit devancée Qt mise en 



I. 26 



(4oa) 

oeuvré , par Dtttc qui rempHt h, witèem fonelion dt 
toute éltnidé t dans Tof^ de la bmntë intelligible, 
U6m traaskoîrevumt , pour cesser qtte^pe tms aprèi 
d'eogendiier^ et pour demeurer sténle «moîle ; car 
tout ce qu'il y a de beau ^àis les élves tdtdBgtus, 
coatiaue toujours d'être beaH. i 

II faut donc convenir que TexialeMas die k cause 
jM^créafartce apparente est staluordonnée à un pro- 1 
dmt antérieur et incréé dans la beaidé id^fe ef 
élenidlle; produit résidant près de ce dieu qui le | 
possède , dont il est eBttmré, et aoqife) il répnrtîl 
rinteltig^ce parÊûte , en hai communiquant , par te 
bi^i&ît de la Imnière , la faculté de la ^mt èùûi 
jouissent les yeux : c'est par ce modèle intelligent , 
plus encore que par Téclal apparent de la lumière 
étbérëe , dont il est pourvu , ipi'îl procure aux: êties 
inlelHgeiis lafiHculté d'apercevoir et d?llnî«q^erç«s. 

^ A ces vettiis du soieîl roi de ('univers j ajoutons 
«elle qui est son pbu belattiâNit, (k don^^er Pexîs- 
tence auK aaf es , aox bans fémes^, ai»L béros et aui. 
âmes isolées, qui siègent dans bLStêhUf^ee MiionêSt* 
dft prototype ou de la farflie générale , et- qnt ne se 
sont jamais amatgooiées Mi% corps ; et nous afinrans 
foué. rapideBsent , salmi l^^iendm de nos iiw>yetts, 
le saleîl Poi de T^imers , sa «KÉNStance antérieure au 



* E' >oVf. 



( M ) 

HiQii^^ seg vtrtoi cft se» œa^niie». Oepmd^t , comme 
bs jtpM sont , dU*Qii , pios- crdycAflês que i'oreille ; 
(pioiqa'jlg soient plus kifiMes et plus hîhlts que 
Fînldli^ewe, ii0tt«essaiercHis, si ce dieu nous le 
pt^meC, de parier de sa puîssàme, ou de ses vertus 
apparentes. 

Le naumde tisikle a été fité de toute éternité au- 
tour dn^ solaîl , dont ]e tréne étemel est la lumière 
répandue" autour de ce monde , trône que le dieu ne 
cpûtte jamais y et qui reste constamment le même. 
Or , quand bien mime on pourrait , par une abstrac- 
tion de la pensée, plaeer dans le tems Fénergie de 
FétemeHe nature du soleil roi de tous les êtres, on 
n^en sorait pas moins forcé de convenir que ce dieu , 
éeiairant spontanément le numde , est pour ce der- 
nier, et même de toute éternité, la cause de tous 
hs biens. Je n^ignore pas cependant que le grand 
Haton , et après lui , pour Tordre des tems , non 
pour le génie, Jamblique le Chalcidéen (12), dont 
Jes raisanoemens et les écrits nous ont initiés à la 
connaissanoe de ces maires , et à d'autres su- 
jets pbiloBopliiqpes ; je n'ignore pas , dis-je , que ces 
deux graasds hommes se sont servis, en parlant du 
monde, de l'expression X engendré^ par une hypo- 
thèse purement gratuite, et pour faire mieux ressor- 
tir , d'mie génération instantanée par le soleil , lé 
nombre et le prix des biens qui émanent de ce dieu. 

26. 



( 4q4 ) 

Pour moi qui so^m \q^, d'avoir, b Ait^ de leur |;é- 
nie, je u'oae a^^^pcer siea.de semblablç; il oie parait 
même danffereai; d'admettre , relaSivemeiit aamonde, 
ne fut-ce que p^r porefKjpothèsf , uoe i^auéraiion 
temporaire, ainsi que Ta pensé le fameux Jambli- 
que. J'estime au contraire que ce dieu sc^eil, pro- 
venant de la cause étemelle, a produit toutes choses 
de toute éternité., en^ rendant appaiçep^ , d'occultes 
qu'ils étaient , et en prpçr^t simultanément dans 
le tems présent , tou^ les êtres par sa, volonté divbe, 
par son ineffable célérité , et par sa puissance insur- 
montable ; qu'il s'est réservé le milieu , comme la d^ 
meure la plus convenable, tant pour distribuer éga- 
lement sesi biens aux dieux provenus de lui, et eu 
même tems que lui , que pour présider aux mouve- 
mens circulaires * des sept orbites (i3) du ciel; du 
huitième , et enfin du neuvième , lequel semble com- 
prendre , dans une espèce de cercle éternel, la puis- 
sance alternative de la génération et de la corruption. 
Car, pour ce qui concerne les planètes, elles pa- 
raissent évidemment se mouvw de concert autour 
du dieu, et régler leqrs évolutions pour correspon- 
dre à sa marche; le ciel entier, en harmonie avec 
lui dans toutes ses parties, est i*empU de dieux qu'a 
produits le soleil. En effet, ce dieu préside à cinq 



* KM*?i9f«ftti9» 



( 4o5 ) 

cercles *; en parcourant les Iroiis premiers, il en- 
gendre les trois grâces; d^une les deux autres ; il éta- 
blit les deux bassins de là balance Aa destin. Peut^ 
être ceci paraîtra peu intetligiUe aux (ri-ecs; conmie 
s^il ne fallait leur dire que des choses vulgaires et 
connues ? Cependant le fait h^est pas si étrangequ^on 
le soupçonnerait d^abord. Car que sont les diescu- 
res **\ je vous le demande en leur nom même, à 
TOUS, hommes qui vous.dites sages , et qui toutefois 
adoptez tant de dogmes sans les approfondir? Ne 
les appelle-t-on pas hétérifuères^ ***, on attentant de 
jours, parce qu'il ne leur est pas permis de vivre en- 
semble, ou d'être vus le même jour! Vous enten^ 
dez, me rëpondez-rvous, le jour présent, et celui 
d'hier. Maintenant imaginez avec moi^ si ce que Ton 
raconte de ces dioscures^ ne s'appliquerait point 
allégoriquement à quelqu'autre éause Batiurelle , aUn 
que ncius n'ayons pas l'air d'inventer rien de nou- 
veau , ou d'avancer rien d's^surde : mais c'est assu- 
rément ce qu'on ne trouvera pas de prime abord. • 
En effet la supposition, admise par quelques théo- 
logiens , qu'il s'agit ici des deux héniisphères du 
inonde, est d'autant plus dénuée de fondement, 

■ ■■ ■ I . . I Il il ■ Il ■■ III I II • ■■ ' ■ !»■ I IIm ' i ^ 

* KvkXûç. { Voyez la note trebième. ) 
**'Gastor et Pollux, 
*♦* Odyssée K 



(4o6) 

qd^on ne conçoit |ifts pourcpuii diacvB ie Cfs ju- 
meaux porterait le nom Sméàértmère, oa akemast 
de jours ^ puia^e chaque jour les bénusphèreft ^u'Us 
représentent, neçoFvfetit Ton etTaiitre un accr^isse- 
nient progressif et insensible ^ choté. Il fibi» faot 
donc recourir à une explication nouvdHe^'etia ymd : 
on peut dlne avee raison., cjtie eeuK-ik Emis jouisseat 
d^unméme jour, pour lesquels k naorcfae du so\éi 
an-desstis de la terre dure le même tems ^ et s^opèrc 
dans »& seul et même mais. Qq W exaxtiinè dooc si 
raltemalnre ides jours ne s^adaple pas mieiit à ia iît 
fiérence qa^ollnmt les cercles trc^iques , av«c les as- 1 
awtkvs cerclés; car ceox-ct sont conAammeQtvisHrfes 
fH>ur les peuples qat habitent les «otftrëes rà Foiih 
ln*e peut se projeter des deux «étés «ppdsës ; tai^is 
iqàe les habitais, places sous IHin des deux antres 
cercles ^ voè peuvent apfercevfir Taiitre. 

Mais poiir œ pas trop m^appesantir sur et tdics 
données, il me suflGt de savoir qoe le dîeu^ par ses 
conversions 'solsticiales, est le père des saisims; et 
que sans abandonner jamais iespôks ** il a^ideolifie 
avec rOcéaii, et devient le chef d^une double «dbs- 



♦ Polaires. 

** Le soleil tournant autour de la terre ^ selon le 
système astronomique de Julien, ne qiûtie an pôle 
qu'en passant à Tautrc;. 



( 4o7 ) 
lance ; «e dogme «érait-U m€<Min« ? lorsqa'Uomère 
a dît avant moi, e^ec beaucoup de vérké : (i4) 

« El ce vaste Océan, père de tou$ les êtres. » * 

Il entend , Sê^ mertek ei des êteux , qa'il quaKfie de 
iUniâunmx. Rien n^existe , en effet, qtti ne sak un 
Iproduk de la sobslance de rOeëafii. Qu'împbrte an 
commun des lM«mié» la révéUtkm de ce mjst^ ? 
VeidezHT^Mft le saveîr ? la-deemiâ «{ooitpaepent-ftre, 
jt ferais mieux de me taire, je parlerai, dussë-}e 
jkêite pas g<énéraleflieiit aceueitti. 
. Le disque solaire, en psffcowantla région dëpot»*- 
rae d^étoiles , s'âère beaucoup au-dessus de la région 
des étoiles fixes; en série «ju^il ne se trouve pins au 
mSien des pkiiètes,mais seulement a«i miiteu des Anoiii 
m^)M^i'(i S),d'afprès les hypothèses mysticpes, si ton- 
tefeis le nom de dogmes ne convient pas mieux ici , 
et s'il ne faut pas réserverxielui d'hypothèses, pour la 
diéorie des eoips sphériques ; car les dogmes sont at- 
testés par ceux à qui les dieux oà les génies paissans 
les ont révélés, tandis que les hypothèses sont établies 
par des savans, qui déduisent , de Taccord des |Aéno- 
mènes,nne opinion plausîble.Que chacun, s'îHe juge 
à propos, Itnie quelques savans , ou qu'il ajoute foi à 
d'autres, j'embrasserai, j*admîrem même, plus ou 

* II. l 246. 



(4o8) 

moins sérieiiaeiiieiit son opinion^ lattsant, cdknmeon 
dît, les choses poor ce qu^elIes sont. 

Outre les dieux que nous avons déjà nommés, iin 
grand nombre d^autres dieux célestes nous ont été 
signalés par les hommes qui ne se cc^teatenl pas 
de regarder le ciel machinalement et à la masière its 
brutes.; or, le soleil après airoir paotagé les trois 
mondes en quatre parties, à raisM des rapports 
communs qu'a le zodiaque avec chacun d'eux, divise 
ensuite ce cercle par puissance de douze dieux, et 
enfin , en établissant trois puissances de ce genre, 
il en porte le nombre à trenle-'sixj ( 1 6) de là, je pense; 
le triple don des Grâces nous est venu du ciel, 
c'est-à-dire des cercles que le dieu a divisés en quatre 
parties, pour nous faire goûter Taccord des 4{uatre 
saisons qui régnent successivement dans le cours de 
Tannée, Aussi les Grâces, sur la terre, imitent-elles le 
cercle dans leurs statues ( 1 7). Bacchùs est aussile dis- 
tributeur de la Joie ; puisqu'on le dit régner avec le so 
leil.Qu'est-il besoin que je te rappelle (ô Salluste!)les 
noms à!Horus et des autres dieux, qui conviennent 
tous également au soleil. Car les hommes ont appris a 
connaître ce dieu, par ses propres œuwes, enf^ 
qu'il a d'aboid orné le ciel de la perfection des biens 
immatériels^ , et l'a fait participer à la beauté de 



( 4o9 ) 
Téife ûitefligmt; en ce quHl IV ensuite penple en 
entier , et dans toutes ses parties , de dieux bons et 
puissans *y par lui préposés à tous les mouyemens 
qui s^xëcntent d^une extrémité du monde à Fautre, 
à la nature et à Tâme , afin que tout ce qui existe 
reçût sa perfection. 

Enfin il a réuni cette inombrable armée de dieux 
sous le seul commandement de Minerve Pronoée^ ( 1 8 ) 
que la fable nous dit être sortie du cerveau' de Ju- 
piter , mais que nous croyons née entière du soleil roi 
tout entier , qui la renfermait en lui-même ; et en ce 
point seulement nous nous écartons de la fable, qui 
suppose cette déesse née d'une des extrémités, et non 
de toute la substance diviq^ ; autrement nous suivotis 
Topinion commune , selon laquelle le soleil ne dif- 
fère en rien de Jupiter. Quant à Minerve Prmoée , 
n«us n'^enseignons rien de nouveau : car un oracle a 
dit avant nous : 

« Phëblis vint dans Python, vers MinernePronoée n^f 

Et les anciens crurent devoir placer Minerve Pronoée 
sur le même trône qu^ Apollon, dieii qu'ils confon- 
daient avec le soleil. Homère enfin, inspiré sans doute 

■ . w 

* Lacune dans lé texte grec. 

♦* Eustathe, surTIliade A., fol. 83, cîte en entier 
ce passage de Julien, sur Minerve Pronoée à laquelle 
(suivant Pausanias, dans les Phociques), Croesus avait 
consacré , dans le temple de Delphes , un bouclier d'or. 



(4to) 

par la dmnitë, prel« , dus hon mth^fmumëm^ 
tts paroles à Jmûim : 

« Puisse- je être honorée , à Tëgal de Mînene 
«c Et d'Apollon ,... « * 

Elle entend honorée par Jupiter ^ qpi ne difiere 
pas du dieu soleil. 

De même donc que le roi Apollon, par la simpli- 
cité de la pensée, coHmiunique avec le soleil, ainsi 
• devons-notts croire que Minerve tenant de ce dernier 
sa propre substance et son intelligence parfaite, rap- 
proche sans confusion , et réunit tous les dieux au- 
tour du soleil roi de tous les éti*es; et que partant de 
l'extrémité de la voûte du ciel, et parcourant les sept 
ctixles ou orbitesyjusquà ialune, elle y répand et 
fomente partout le principe vit al pm* € t sans mélange. 
La même déesse encore remplit » de son intelligence, 
la lune qui est le dernier des corps sphéri(jues (pi 
surveille les intelligences préposées au ciel, et qui, 
donnnant des formes à la matière dont elle dispose, 
en éKtmne foutre qui est sanvage **, tcrrbJcrf «^ 
désordonné. Mmerie , par elle *** distribue M 
hommes , entre autres biens , îa sagesse , ilrteflî- 
gence et le génie des arts mécaniques. Dans les villes, 



* IL N. Î27. 
**♦ Par h bue. 



( 4ii ) 

sous de .sÂgès lois^ la société pcJîttipié. 

IHsoBs i^lqiie clrase et TéoNU, cpe les sff^ans 
^€ la Pliëdiêie préteDdmt associer aux sobBinea 
ibndiot» de Jm déesse, sentimeiit que î'akneraîs i 
jpai^teger à*rec «ut. VéMs est dSfeolifvement Tamal* 
C^ame des i^ba oélesUsJe Iftn<^i les unit d^auntié, 
et iqm cmiserTe esftre eux ia pius grande 1iafftii««iie. 
Gar , étant voîsme du saiefl , le suivait Àsm sa 
teurs« , et cemm«mquaot avec lui , ette ten^ène ieft 
tufliiences du ciel , elle assure à la terre sa fêc^ndké^ 
et elle perpétue la génération des Bmmxox^ df^l k 
soleil roi est la cause premièiie , secoudée par Yéucis* 
CVst oette déesse qui Ëiit goâter à nos lÉftes les 
attraôts èe layâlupté; cW'clle qm lauce de Tétiief 
sur k terre , ces feux délicieuse et pors diMt Péckft 
surpasse cdui de iW. 

I^iise%*di euùore ici , mais seinremesit , et la Ûié^ 
logie pfaéniciesBe , et la suite de ce di^ours fera 
voir, si je la cite tak vaio. Les kabitatis d^Edest^*, 
pai^s de tout tems consacré au soleil , dôiment À t^ 
dieu pour assesseurs Motiime ^ Azisiis , psâ^ce q«e , 
selon jaiâblicfiie, à qui ïious aimons à emprctiiler 
beaucoup de faits, entre une infinité d'autres, ce 
Monime est noti-e Mercure ; et cet Âzizus notre Mars, 

* Une variante porte Emèse. 



( 4i^ ) 

tous deax, en effets assesseurs da soleil, et rëpa^darit 
autour de la tejrre les plus grands biei^ts. 

Nous avons exposé jusqu^ici les influences actives 
du dieu dans le ciel , et nous avons fait connaître 
par quels agens intermédiaires elles sont perfection- 
nées , et se propagent jusqu^aux dernières extré- 
mités de la terre. On compterait à peine ses effets 
surlarégion sublunaire *; cependant je ne puis medis- 
penser d^en indiquer quelques-uns ; et quoi(]pie j'en 
aye déjà fait mention , lorsque j^ai essayé d^apprecier 
les qualités occultes de la substance du dieu par ses 
pbénoinènes sensibles , Tordre de mon discours exige 
que je m^y reporte de nouveau* 

Comme nous avons montré que le sokîl com- 
mande à tous les êtres intelligens, et qu^il rassemble 
en un seul faisceau , autour de sa substance indi?i- 
sible, une multitude de dieux; que son empire et sa 
domination s^étendent aussi sur les globes visibles, 
dont les révolutions , éternellement circulaires, con- 
servent une heureuse et admirable régularité ; qu'il 
est en outre également la source de cette clarté 
éblouissante qui remplit tout le ciel, et de mille 
autres bienfaits apparens; que c^est lui encore qui 



** La lune est, seTon Julien, le septième orbite 
supérieur : il doit donc s'agir ici des huîlièmc et 
neuyiènie orbites. 



( 4t3 ) 
perfectionne, par sa substance, les biens produits 
par les antres dieux visibles, lesquels tiennent eux- 
mêmes leur perfection de sa puissance divine e^ 
inef&ble; ainsi devons-nous penser par analogie que 
quelques di«nx, ccnsimis par le soleil roi, résident 
frès du lien propre à la génération , qu'ils y gouver- 
nent la quadruple nature des élémens , et qu^iis ha^ 
bitentavec/p^ irois genres* (19) les plus distingués, 
dans les âmes , à qui ces élémens sont appliqués. 

Quds biens le dieu Soleil ne procure-t-il pas aux 
âmes individuelles ! £n les purifiant par sa clarté, il 
leur tient lieu de discernement , et leur montre les voies 
de la justice. N'est-ce pas lui encore qui vivifie toute la 
nature et bii donne lafëcondité, puisqu'il est pour cba- 
que nature individuelle la véritable cause des moyens 
qu'elle emploie pour remplir sa destination finale ; 
puisqu'enfin, comme l'a dit Aristote ^^, l'homme est 
engendré pai> l'homme etpar le soleil : on peut donc 
raisonnablement attribuer au soleil roi , tous les autres 
produits des natures ou substances individuelles. Ne 
Toyons-^ous pas en effet , que ce dieu met en œuvre 
une double exhalation***, pour former les pluies^ les 
venits, et les divers phénomènes qui naissent dans la 



*♦ Voy. page Syy. 

*♦* EihalatioB. Voyea la note neuvième. 



< 44 ) 

«Qr mm h» rvifmm «t h fomae , doot U «e sert pour 
9|pé«ei? hs diwgenausni ou acôcbiii^ ^ sunieaQent 

pku loin, loFBqu'elIea im snCfiaefit ol qii£ ja puia 
amvar à la fia, en célébrant hi btea&âts que ie 
soleU rq^and 9ur les. homma»? N^ts sommes toss 
en ^et nés de lui , «I c'est de lui mam que liâQ» 
r«ce¥Qns la noureiture ; je ne pisirkfai paâ 4^» anfires 
^àlite'a pla9 dÎTinefi , ni de revcdAenre hs înwm 
qu'il accoirde a»x âmes , soit lossqn'U les déga^ ^ 
Mens eorporals, pear les rapprochée dies snbstaoces 
ipû ont de l^lrffimté avec la sifisne, sek qi:il ^^ 
applixpie la partie la plus subtile et M plas active de sa 
divine ekrté/ponr qu'elles passent san& dbHStacbà 
nue nocmsUe génération. Je laisse h d'autres qQ<! 
moi, la gloire de eéUbrer dîgBement de si granéBS 
clioses ; ma lèche est moins de les dlimonlrer fiede 
lescaraire.Maisjedécrii^i mlonliersdssAiIttailsplBS 
coimiis, et de-natuBe àétre plus çeneialeiiieflt saisis. 
Platon nous dit^, ipaie le eiel fat netie premier 
mdktit daos Jaiscience^ comme ncKusayant donné cob* 
naissance de la nature des nombres* Kous ne l'avom 
acquise en effet, que parce que le cours périodiçpe du 

I l 1 1 II t I I I ■! 

^ Dans Epiméri de. 



solml masque la di£féreiie6 ,qu^îiU ont e^tr'ef». U 
fait U mèsQt réfieiioa, tsNHjL sw^Ie jonr et 1^ nuk, que . 
sar U luBiièi^e de la lape, âéease qiKi emprunift son 
À:lal; du soIqU. Ced d»miéed nom oBt €<mdi:ttfes à 
des ré6ttUal& plus éteHid«s , paÂses dans Taceord wa^* 
niiBe die toutefi les pnîfisanjuas a^^c ee dieu. Aussi le 
même Haton ajoute ailleurs , que les dieux, toudiés 
des peioes et des maux attachés à notre «^èce ,.i^us 
doimèreot Bacchus et les Muses, pour focmsr eur- 
seai)le des dnœuirs dont le Soleil pacaU être le ^h^f; 
paisqu ou chante BacclMis comwo le pèpe et le cbef 
des Muses. Ck, Apollon., qui i^J^gueiavec lui, nVî^il 
pâs étabUses oracks sar tofatesrcoùtrées de la tc^e ? 
NVi U pas inspiré aux hoiumes la divine sa^ss^ ? 
Oui, c'est lui qui., par des colonies ^^cquo^s, a 
civilisé la majeure pairtie de Tuniveis^ et a préparé 
sa souanssionaux: B.omsûna; car cew^ci , non-^sen-^ 
leiaent .^siint Grecs dWigine;, msûs ils ont adopté, et 
rêU^uksement gardé, depuis le commencement fui^»- 
qu'à la^ifia des tems, les <jts sacrés de la Qièc^ et 
la cFOrjance envers lesdimx. Bîeii plus^ ils ont étajbli » 
daos lanr empûne » ^we fojTiùf^ politique cpii ne le cède 
efii.yiw k cdlles du §ou¥d7nemeiM^ des autres, villes t 
et qui suifA^ wéine en peiie^U^m tontes cidksipie 
iammà aucnH* autre penpte se soit données. A ces 
tUre^4.)i^refQnnâîs. noire, capitale cojusul esse n t ie l- 
Icment grec^, tant par aw oâg^ne, fi^i^P» la 



(4i6) 
natare de ses instîtotlons politiques ,et civiles, 
Que le* dlrai-je encore da soleil roi? NVt-il 
pas pourvu à h santé et k la conservation de ses 
sujets, en enfantant Ëscdlape , le sauveur de tous les 
êtres ? Ne nous a-t-il pas gratifiés des vertus les plus 
énergiques , en nous envoyant Vénus avec Minerve, 
et en mettant sous leur sauve-garde la loi, qui 
veut que Tunion des deux sexes n'ait d'autre bol 
que la procréation d'un être ressemblant à Fun ou 
à l'autre? loi qui s'exécute rigoareusement dam 
les végétaux et dans les animaux , desquels nais- 
sent toujoui*s des êtres semblables à eux. Pour- 
quoi vanter si souvent les doux bienfaits de ses 
rayons et de sa lumière, lorsque chacun de nous 
peut les apprécier, par l'espèce d'horreur que loi 
inspire une nuit que n'éclairent ni la lune, ni les 
autres astres; nuit cependant^ qui nous ménage ici 
bas le repos de nos fatigues du jour, tandis que la 
lumière n'abandonne jamais les régions arf-dessns 
de la lune, où son influence est nécessaire? Noos ne 
finirions point, s'il nous fallait épuiser un pareil 
sujet. Car il n'est aucun biÀi dans la vie, que nous 
no tenions en entier du dieu seul, ou qu'il ne per- 
fectionne , s'il nous vient des autres dieux. 
Pour moi, je regarde le soleil comme le chef et 

* Julien parle à Salluste. y. page^S. 



(4i7 ) 
e premier fondateur de notre ville, avec d^autant plus 
le raison que Jupiter, nomme le père des dieux, habite 
ivec Minerve et Venus , dans la citadelle , et qu'Apol- 
on occupe le mont Palatin (car le soleil est compris 
>ous les dénominations communes à ces mêmes dî- 
»inités). Mais, pour prouver que nous lui apparte- 
ions tous , et comme enfans de Romulus , et comme 
eofans d^Enée, ayant à ma disposition beaucoup de 
faits, je ne citerai que les plus connus. Enée, dit-on, 
naquit de Vénus , parente du soleil et le secondant 
dans ses œuvres. I^a tradition nous apprend aussi 
qu'un fils de Mars, fut le fondateur de notre Ville; 
et elle nous donne pour garantie de ce fait extraor- 
dinaire, les prodiges qui l'accompagnèrent et le 
smirent (20)- Romulus, ajoute-t-on, fut allaité par 
«ne Ipuve. Pour moi, je ne répéterai pas ici ce que 
j'ai observé plus haut , sur Macs, le même dieu que 
yjzizi^s des Syriens de la viHe d'Edesse, et qui 
ouvre U cortège * du soleil. Mais je demanderai pour- 
quoi le loup est consacré à Mars plutôt qu'au soleil, 
qui porte, du loup , le snmom.de hf cabas , dans sa 
révolution annuelle , surnom que lui donnent , non- 
seulement Homère et les Grecs les plus célèbres, mais 
dieu lui-même, dans cet oracle : 

♦ UfOTTofCTFiutt , marche devant, ou en tête du cor- 
tège. 

I. 27 



(4t8) 

« Y<»s LyeabasffaBcbir, en èatts^ mobiles routes 
« Du ctel f ^c. » 

Veut-t-on enfin un argument décisif, pour prou- 
ver que le fondateur de notre vîlte ne provient pas 
de Mars seul ? Et que si ce gém * martial et vigou- 
reux disposa rorganisatîon du corps de Romulus, 
en s'approchant de Silvîe , (lorsqu'elle offrait à laver 
à la de'esse), Tâme et par conséquent tout Tétre ou 
dieu Quirinus , n'en est pas moins descendu du so- 
leil! Ecoutons là- dessus la tradition , et nous sau- 
rons que la reiicontrM&acte sur un poîut correspon- 
dant **, et du soleil , et delà lune^ qui se partageol 
Tempire visible , fit descendre sur la terre râmedece 
dieu, et que cette même rencontre ou conjonction, 
la fit remonter au ciel , dégagée de sa dépomlle mor- 
telle, que la foudre avait consumée ; ainsi doacl ac- 
tive déesse , qui , sous les ordres du soleiî, gouverne 
les choses terrestres, reçut Quirinus envoyé sur la 
terre par Minerve Pronoée , et le reprît à son de- 
part de la terre ^ pour le ramener au soleif roi de 
tous les êtres. 

I>onnerai-je une auire preuve non moins évidtate 
de ces faits ? Je la trouve dans les institutions du roi 
Numa. Par ^t^ ordres , des vierges sont préposées 

♦* Voyez la 20*. note ci-aprèi. 



( 4i9 ) 
)Ottr cbaque saison, à la garde de rétemelif 
lamme du soleil, et remplissent parmi nous, la 
aéme fonction qu'exerce la lune , celle de conserver 
e feu sacre du dieu. Une auti*e institution de ce saf ^ 
!t divin roi me paraît encore plus significative de 
;es vérités ; en effet , d'après ses loiâ , tandis que 
(m les autres peuple» comptent leuis mois, et les 
ègleut sik la eowse de la lune , nous seuls avec les 
S^yptien», mesurons les jours de chaque année , sut 
eâ mouvemens du soleil. J'ajouterais à ceci que nous 
tendons à Miira un culte particulier,» et .que nous 
élebronSf tous les quatre ans, des jeux en Phonneur 
lu soleil , si ces fêtes n'étaient paé trop récentes (21), 
ttais je préfère de m'appujer sur quelupi'usage des 
Jus anciens. 

£b effet, lorsque chaque peuple file à sa ma- 
tière , le commencement du cercle annuel des jours ; 
'est-à*dire lorsque les uns commencent l'année à 
'équittoxe du j^ntems, les auti^es au milieu de l'été, 
i la plupart des autres ^ vers la fin de l'automne , 
ous sans doute s'accordent dans k même dessein 
le célébrer les bienlaks évîdens de l'asire du jour ; 
Q sorte que Tuu veut lui témoigner sa refconûais- 
suce , de ce qu'il ramèae la saison propre aux tra- 
aux de la terre , où tout germe , fleurit et prospère , 
ù les mers s'ouvrent à la navigation , £t où , à un 
iver triste et rigoureux , succède un tems doux et 

^7 



serein; les autres choisissent pour s'ôiîqmtter h 
même devoir, le tems dé l\'te, parce qu'ils sont 
alors plus rassure's sur le sort de leurs récolta; parce 
que leurs grains sont déjà rassemblés, et que les 
fruits pendent des arbres , ou déjà mûrs , ou ache- 
vant de mûrir ; quelques autres enfin , plus scrupu- 
leux * que ces derniers, voyent la fin de l'année 
dans la maturité parfaite , et même déjà altérée des 
fruits ; et lorsque l'automne expire, ils célèbrent les 
Néoménies qui ouvrent le commencement de chaque 
année. 

Mais nos ancêtres depuis le divin roi Niinia , dans 
le culte qu'ils rendirent au dieu soleil , n'eurent au- 
cun égard à des raisons d'utilité, mais uniquement, 
et comme ou pouvait l'attendre d'hommes doués 
d'une intelligence divine , à la seule cause de tant 
de biens ; et , d'après cette base , ils statuèrent que le 
premier niois de l'année commencerait en la pré- 
sente ** saison , lorsque le soleil roî quitte les extré- 
mités méridionales , pour revenir vers nous , et que, 
bornant sa course au capricorne, il s'avance du midi 
au septentrion , pour noiis ramener ses bienfaits an- 
nuels. Or, que telle ait été l'intention de nos aïeux, 
en fixant l'époque du renouvellement de l'année. 



M!?* Voyez Targument. 



( 42? ) 

cVst ce âoi»è i\€$l&cilt de s^e convaincre. £o effet , 
ils n^ordqqnèren|>p^s ta célébration des Néoménîeé 
en ThQimeaF du soleil , au jpur pvécis, où ce dieu 
comiQieiice son retour^ I^ais au jour où sa conver- 
sion dil.midi vers. les pôles *, est déjà. sensible à 
tous les yeux. Ils n<^.CQtmiaissaieint poixit encore ces 
règles^m^iutieiuses,. inventées par les Chaildéens et 
les I^yptions, et per&ctionp^ées depuis par Hippar- 
que et Ptirfémée ; et ils ne s'attachèrent qu'aux phé- 
nomènes sensibles ; des observations plus récentes 
ont, comme je l'aî.dit , établi la vérité du fait. 

Aiosi donc, ayant de commencer Tannée, dès l'ex- 
pii^ation du dernieF joiuc des spectacles et fêtes dé Sa- 
turne, nous solenînîsons la fête consacrée au soleil in^ 
mciiflâ (22) , par des jeux magnifiques en Thonneuï 
de ce âie«. Ces jeux excluent les spectacles tristes, 
mais nécessaires , qu'offre le dernier mois de Tannée , 
jusqu'au dernier jour des saturnales, auxquelles 
succèdent immédiatement les fêtes anniversaires di 
solcilr Veuillent les immortels , rois du ciel , m'ac- 
corder l'insigne fayeur de les. célébrer plusieurs fois! 
Je le deihande surtout au soleil roi de tous, qui , 
engendré de toute éternité autour de la substances 
féconde du bon par exeellence , et tenant le milieu 
entre te$ dieux intermédiaires intelligens , les unit 

* 'A^xTjt/.ç^ ourses ou pôles arctique et anïartique. 



( 4*» ) 

à lui ) et lei» remplit t<ms égâlcmtiit il'Uiii beauté in- 
fiiiie, d^une vertu géoératrice^ .tfune intelligttMîe 
paifaiie ; en un mot àt tous les biens ensonfck, dont 
il les a fait jouir a^ant tous les ïtms^ et dont il i 
continue de les faire jouir , en établissant sontrAw 
éternellement luminevx , au milieu des vastes ré- 
gions visibles du ciel ; eti même tem» qu'il rép<l 
sa beàutë sur tout Punivers, et qu'il peuple k ciel 
entier ^ d^aqtMtt de dieux que sa substaftce , éminein- 
ment intelligente , lui permet d^en concevoir, ponr 
les tenir étroitement et individuellement tmisaotoor 
de lui. Il n'est pas moins libéral envers la Wgion 
sublunaire, qu'il eoricbit d'une Aeroelk fécondité, 
et de tous les biens qui peuvent jaillir des mouve- 
mens d'un corps spbérique. 

C'est lui en un mot qui gouverne toBi le fp^ 
humain , et qui prmd un soin particaKer à notre 
ville ; c'est lui , j'aime à le croire , q« » cféé»ot« 
âme dé toute éternité, et qui nous a destinés i l« 
servir. Puisse-t-il m'accoi^er les feveors fW f 
viens de lui demander! Puisse sa bienveillaice as- 
surer à notre cité commune , toute la perpAaite m 
elle est susceptible! Puissions-nous, soossasafl^ 
garde , prospérer dans les choses divines tto^^^ 
nés , tant qu'il nous sera donné de vivre! Puïssion 
nous enfin vivre et gouverner aussi longtcm^ r 
plaira au dieu, qu'il me sera plus avautagen» 



mémt^ti plus Htile aux mtërets communs de Tem* 
pire romain. 

' Yoîlà, mon di^ Salluste , ce que j'ai pu ebauclier 
en trois nuits , sut* la triple énergie du dieu , en met- 
tant à contribution ma mémoire : et j'ai hazardé de 
te récrire . vu que tu n'as point dédaigné ce que je 
t'avais adr^asé d'abord sur les satwnales. Si tu dé- 
sires q^que diose de plus par&it et de plus mys-* 
térieux suré^tie matière, consulte les écrits du di- 
vin Jamblique, et tu y trouveras le comble de la sa- 
gesse humaine. Fasse le gi*and soleil , que je puisse 
comprendre toute sa dignité , la faire connaître à 
tous en gaiéral^ ei à ceux particulièrement qui 
sont difoes d une si haute instruction! £n attendant 
que ce dieu exhausse mes prière, honorons tous 
deux Jaœblique , son protégé, cfaeE qui j'ai puisé en- 
tr'autres richess^ts , les détails qui se sont préf entés à 
mon esprit, et que je viens de t'exposer. Je sabque 
tout autre ne t'apprendrait rien de mieux sar un tel 
sujet, et que se tourmeiita-t-il pour invejpter quel- 
que chose de nouveau , il ne poiin ait que s'écarte* 
davantage des véritables notions qu'il faut avoir de 
ce dieu. Pour moi^ si je n'avais voulu écrire qua 
pour donner aux autres des leçons , mon travail , 
après celui de Jamblique , eut peut-être été super- 
flu. Mais, dans l'intention où j'étais d'acquitter ua 
devoir de reconnaissance , en payant au dieu le tri- 



( 4^4 ) 

but de pion éloge , j'ai crû devoir traiter, selon mes 
forces, de sa divine substance; et mes efforts, je 
pense, ne seront pas perdu$; j'ai suivi ce précepte, 

« Fais , sçlon tes moyens , ton sacrifice aux dieux. » * 

et je l'applique , non-seulement aux sacrifices des 
victimes , mais aux hommages et aux louanges que 
méritent les dieux. Ainsi je supplie pour la troisième 
fois , le soleil roi de tous les êtres , de répondre par 
sa bienveillance, à mon sincère dévouement; de 
m'accorder une vie vertueuse , une prudence con- 
sommée , une intelligence divine , une mort douce, 
dans le tems fixé par le destin , et après cette vie, le 
bonheur de revoler dans son sein , d'y demeurer éter- 
nellement^ s'il est possible; ousiuue aussi grande fa- 
veur surpasse les mérites de ma vie, de rester du 
moins prèi^ dé lui , pendant une longue suite de 
siècles. . 



* Hésiode , |. i , v. 334.. 



FIN nu 'quatrième discours. 



^--1 



(425) 

NOTES 

SUR LE QUATRIÈME DISCOURS DE JULIEN 



(i) Peu fournie. Le texte porte «>/ ytvunnv j Nu^ 
perrimè barbafum ^ ce qui peut indiquer l'époque de la 
dîx-hùitième aniïée de sa vie. On voit en même tems, 
qu'il n'avait encore fait aucunes études philosophiques , 
du moins en histoire naturelle ; quoique ses connais- 
sances , en beaucoup d'autres genres , dussent être déjà 
très-étendues. 

(2) Tems de funèbres. Julien se reporte évidemment à 
sa première jeunesse , oii il était imbu des dogmes de là 
religion chrétienne, qu'il abjura depuis, se croyant plus 
éclairé , pour professer le paganisme ; à l'exemple du 
nouvel empereur , plusieurs chrétiens savans , qui fré- 
quentaient sa cour , embrassèrent également son culte , 
et revinrent au christianisme , sous les empereurs sui- 
vans. 

(3) D'être issu du père, etc. On peut traduire aussi fidè- 
lement : <* Est celle d'être le père commun de tous hommes, » 
Alors, la dignité se rapportera au soleil et non à l'homme. 
Le texte permet l'une et l'autre version ; et nous it'aipons 



( 426 ) 

pTiiéré la première , que parce qu^ëgalement appropriée 
ara sens , elle rend plus naturelle la tournure de Vidée 
de l'auteur et Tensemble de la période. 

(4) La reine des cités. Le texte porte i B««Ai»ir« »•><?, 
la ville régnante. C'est incontestablement la ville de Rome. 
On lui donnait aussi le titre d'étemeik ; et du ïem de 
Constantin et de Julien , Constantinople n'était que la 
seconde ville de l'empire : elle en devint ensuite la ca- 
pitale et le siège , lorsque les empereurs^ y établissant 
définitivement leur résidence , cessèrent même de régner 
en Occident. 

(5) Cinquième corps. C'est ce que Cicéron appelle » 
quinta natura ; les pa3sageSf que nous allons citer de lui) 
prouvent que les anciens admettaient , outre les quatre 
ëlémens , c'est-à-dire , l'air , le feu , la terre et l'eau, 
une cinquième substance qu'ils nommaient ammuSi es- 
prit , âme du monde , ^ieu , éther , ou priicipe anima- 
teur. Sé^nèque a dit , dans 4e méneie seqs ^ quidestdais 
^fff um^ersi. { Sen^. Qusest. natuiral ) Gcéron rap- 
porte d'abord l'opinion commune , qu'il semble partager 
avec Aristote , le génie le plu* droit et le plus sukbine, 
selon lui j à l'exception de Platop. « Aristote , dit-» , 
après avoir rappelé les quatre genres d'élémens ou pnn- 
çipês, d où doivent provemr tous les êtres, crwt devoir 
admettre une cinquième nature de laquelle sorte lame. 
Car, puisque la pensée et les facultés analogues ne peu- 
vent réaider en aocsndes quatre genres d'élémw sus- 
dits , il admet nn cinquième genre , qui n avait ^ ^^ 
imcore reçu de nom, mais qu'il nomme eniéléi^htii * ' 
tremeii^ , mouVement ou moti w é*«:nclJc et coHtmttC' » 



(4*7) 

AmioUles^ €vm qnatuariUa gênera principiônmêf^ €0^-- 
plexus è quibus omniaorirentur, çulntum qumiam m^^- 
ram, esse ex quâ sît mens. Cogitare enim.,. et simiia inho- 
rum quatuor gemrum nuUa inesse potest ; quintum gims 
ûihibel'êacans nomine ; et sic ipsam aminai» en telediiam 
appellai^ noço nomine^ quasi quandam continuam mQti^ 
nem et perennem. Gc. Tuscul. Quaest., L I , par. %%. 

Le niêrae orateur suppose la même ppinion , énoncÀs 
ci-dessus, enptant ailleurs celle particulière à Zenon. 
rc Quant aux natures , dit-il , Zenon n'était point d^àvis 
d'ajouter, aux principes ou ëlëmens des choses , cette 
cinquième nature , de laquelle étaient composés les sens 
supérieurs et Tâme , au dire des autres philosophes. Car 
il assurait que le feu était cette même nature qu'on 
cherchait , et qu'il suffisait pour engendrer aussi les 
sens et Vâme même. Zenon différait encore des mêmes 
philosophes , en ce qu'il pensait , que rien ne pourrait 
être produit par cette nature , dépourvue de corps , et 
telle que Xénocrate , et ceux qui l'avaient précédé, di- 
saient être l'âme. « De naturis sic senHebat, primitia iâ 
in quatuor initiis rerum illis quintam hanc naturam ex que 
superiores sensus et mentent effici rebantur non adbiberet, 
Statueb^ enim igner^ esse ipsam naturam quœ quidque 
gigneret et mentem / :que sensus ; discrepabat etiam abiisdem^ 
quod nullo modo arbitrabatur quidquam effici posse ab eâ 
quœ experta esset corporis , cujus generis Xenocrates et su-^ 
periores etiam, (aùmum esse dixerunt. ( CicAcad. Qu«et. , 
1. 1 , par. 39 ; voye? aussi la note neuvième qui suit , et 
la note septième du discours suivanit. ) 

Lucrèce , ensesliyresàeianaturedesehùsês , a princi- 
palement en vue, cette £i^r^ du monde, par laquelle il ex- 
plique tous les phénomènes physiques , sans tenir compte 



'('428) 

désaùtlres^usesou divinités qui lui étaient subordonnées; 
d'où l'on a conclu sans raison , qu'il niait une souveraine 
providence , tandisqu'il la place formellement dans cette 
âme universelle , source de la vie , du mouvement et des 
lois de la nature. Telle est la clef des poésies de Lucrèce , 
monument précieux de l'antiquité savante , que n'a point 
fait oublier Tanti-Lucrèce du cardinal de Polîgnac. Ce 
•dernier écrivain , ayant méconnu Tensemble du système, 
qu'il prétendait réfuter, a pu, sans le vouloir, porter 
qnelqu'atteinte au bon goût , etàTadmirationdupiiblic 
lettré , pour un Ses chefs-d'œuvre de la poésie latine. 
Maïs la sorte d'écIipse qu'a subie depuis quelque tems,^ 
parmi nous , ce beau poërae de Lucrèce , est due plus 
réellement à Tabsence d'une bonne traduction en vers 
français, accompagnée de notes savantes. Déjà M. de 
Poiigerville en a publié le cinquième chant, qui lui a 
valff d'honorables suffrages , et rencoùrâgement à con- 
tinuer sa belle entreprise. Puisse Tachèvement prochain 
de son ouvrage , attester à l'Europe savante, qull n'est 
aucun genre de beautés , étranger à netre langue , digne 
rivale de celles des Grecs et des Romains ! 

Cette courte digression sur Lucrèce , me fait souvenir 
que le chantre d'Enée a professé le même dogâe,sans 
qu'on ait jamais pensé à l'accuser dimpiété , ni de ma- 
térialisme ; voici ses vers : 

*t Principio cϔum ac terras camposque liguantes, 
LucenteïïKjue globum Lunœ Titaniaque astra 
Spiritus alUy ioiumque infusa per artus 
Mens agitai molem , et magno se corpore miscet. 
Inde bominum pecuium que gemis vitaque vùi(Oi"^^ 
Et quœ marmoreofert rnanstra sub œquore poatu^ i 



( 4^^ > 

IgiUiJÙ est ollis vigor€t cœkstis oriff> 
Seminibus, 

( Lib. Y1 1 Enéïd. , vers 724, etc. ) 

J'ajoute , à ces différcns textes, un passage du dia- 
logue ^traduit par Apulée, entre Tat, Asclëpius^ le roi 
Ammon et Trimégiste. Spiritus <juo plena sunt omniaper- 
mixtus cunctis cuncta vmficat^ sensu aiiito ai hominis 
intelligentiam , ijuœ (juinta pan sola homini concessa est 
ex œthere. 

L'auteur grec p des Thiologumèjtis ( ouvrage rare , im- 
primé en i543,chez Chrétien Wechel),et commenté par 
Meursius, dit, en parlant du nombre cinq : « Que les 
anciens l'appelaient DMn et Minerve^ pour désigner em- 
phatiquement la cinquième nature. >> "AftfifTùv ^i k<ù 

^«AAtfJîac, xt^ iu^tùo'tp'jiç yrt/tc^vf ôuo-Uç xtiX^ci* Tcl CSt 

le texte grec de Sosîde , auquel j'attribue les Théo- 
lognmènes , dans ma première note du discours suivant , 
sur la mère des dieux ; faut-il donc s'étonner que Julien 
fasse jouer un si grand rôle à Minerve , dans ce présent 
discours, en l'honneur du soleil. 

Macrobe, au 1". livre, chapitre 6, du songe de Scî- 
pion , s'explique plus au long , jsur ce même nombre mys- 
tique. Voici ses expressions : « Hic ergo numerus simul 
omnia et supera etsubjecta désignât. Aut enim deus sum- 
mus est : aut mens ex eo nata in quâ species rerum conti- 
nentur; aut mundi anima, quœ animarum omnium fons 
est. » Le même Macrobe, appelle souvent ailleurs le so- 
leil, mens mundi; — cor cœli^ — tèmperatio mundi. 

Il faut cependant observer, que, par aiiya/^/w^ corps, 
Julien semble entendre ici plus spécialement l'âme du 
soleil, âme qui est, en un sens, plus direct, Tâmc de 



(43o) 

Tanivers. Cette âme est, seloû fui , le grand solcîl in- 
visible y compris dans le monde des intelligences, et qui 
a été produit de tonte étermté , par le premier soleil 
Archétype, ou cause première, ayant tout en elle-même, 
et seule reconnue pour principe primordial et universel. 
Maïs la subordination de ces diverses causes entr'elles, 
est établie ailleurs par Julien, lorsqu'il dit que kmonà 
intelligent a produit le soleil inmible, 

. (6) Troisième soleil Puisque Julien parle ici (k ittA- 
sième Soleil y cùîSit[it le seul apparent, il en suppose deux 
autres iftvisibles^ dont il a parlé précédemment , sans 
les bien distinguer l^un de l'autre^ I^e premier est in- 
contestablement le premier principe , pu la cause ulté- 
rieure et préexistante à toutes les autres. Le second , 
engendré de toute éternité par le premier, est la raison, 
le monde intelligent, «u k verbe ^ le Xà^oç de Platon, 
que Julien a déjà dit être semblable en tout au premier, 
et destiné à produire aussi de toute étemi fé , le monde 
visible et inteliectael. Enfin, le troisième ésf l'image du 
second : il en partage Tintelligence , et en reçoit te 
bienraits qu'il communique à tous les êtres. Telle nous 
pa^it être la clef de tonte la théologie de Julien, dans 
ce discours. Yoy. les pages d-dessu» de not^ traduction. 

(7) Avant ces prêtres.l^ yers grec, tiré d'Orpbéc, est 
cité aussi par Macrobe, 1. î , c. i% et 20, snrSarapis, 
dieu d'Egypte, que Maerobe assnre être le même ^ 
Baccinis et le SoleiL Voyez , sur Saroffk, notre note 
sur la lettre de Julien, aux Alexandrins. 

(8) Aristote. Le passage, cité par Julien, est tiré du 
i4% chapitre du 7«. livre des Éthiques, à Nicomàque, 



( 43i ) 

oà Ârist^te dît 9 en substance , « que le plaisk oe peut 
être consent dans rhomme^ parce que sa nature n'est 
point simple, mais composée de deux natures, teHement 
que ce qui se passe dans Tune , contrarie ce qui se passe 
dans Fautre. Au lieu que , si la nature de rbomme était 
simple , la même action ou sensation > qui lui serait agréa- 
ble dans un tems, le lui serait toujours : c'est pourquoi , 
ajoute-t-il, Dieu jouît toujours d*un plaisir sinif^e et 
constamment le même : <^/o »«/ h ê$«f mu fùUt «^ mtXn^ 

(9). Energie dmsible de Bacckus, Â la page du 
discours suivant , Julien parle de la puissance multiple 
de Baechus^ roi et dominateur de la répartition uni- 
verselle. Les épithètes ^'pixi» , f^^fti^n y x^^t^i 1 qiri sfi 
traduisent ici par dmsible y et ailleurs par séparé, signi- 
fient, dans d'autres endroits du même discours, sépa- 
ratrice; mais partout elles ont la signification expresse 
ou indirecte de multiple ou de commun. C'est dans ce 
dernier sens que Cicéron donne fréquemment à Mars 
l'épithHe de dieu commun ( de la guerre ) , parce qu'il 
peut être favorable à Tun comme à l'autre parti. De- 
là lui vient aussi, chez les poètes, l'épithète de anceps^ 
duplex y etc. Mais celle de multiple convient surtout à 
Bacchus, 'comme auteur de la génération (natal, corn.)» 

Il faut se rappeler en^ outre , à cette occasion, quel- 
ques autres traits mythologiques à savoir; que Junon^ 
falûuse de Sémélé, concubine de Jupiter, seïi épouit, 
la fit dévorer par les flammes; que Jupiter cacba^ dans 
sa cuisse, le fruit adultérin de Sémélé; que BaccbuSj 
dn^enu grand, prit la fofme du lion, du bouc, etc., 
pour se dérober à la vengeance de Junon; et que, d« 



/ (.43.0 

iorphoses, il reçut le nom de Multiple. Les 

/ de julien ont encore un autre fondement, 

;s la combinaison des nombres, auxquels en 

^te sa théologie, qui était aussi celle de Porphyre, 

iblique , etc. , se rapporte. ( Voyez la lettre sur 

les cent figues, 24®, à Sarapis). 

Nos lecteurs ont pu s'en apercevoir, par le texte qui 
a donné lieu à la note cinquième : ils le verront dans la 
suite plus clairement, lorsque Julien fait plus évi- 
demment allusion aux nombres, dont la connaissance, 
dit-il, est due au ciel. Pour ne pas nous écarter de 
Tobjet de la présente note, nous citerons ici Photius, 
qui, en parlant du cjuatemaire^ dans ses extiraits de 
Nicomaque, assure que selon la théologie de Platon, 
de Pythagore et de leurs disciples, le nombre (\uân 
était figuré par Hercule et par Bacchus; qu'on lui 
donnait non-seulement le nom de ces divinités, mais 
aussi celui du monde , composé de trente-six parties, 
et celui de porte-clefs de la nature entière. (Voyez le 
chapitre 6«. de l'ouvrage de Méursius, cité dans la 
5«. note, ouvrage imprimé à Leyde, en i63i, et 
ci-après la note l6^). Les lecteurs, qui regretteront que 
nous n'ayons pas accompagné d'assez de notes le texte 
très-métaphysique de Julien, sur la nature ou l'essence 
du soleil , et sur les idées accessoires que l'auteur y dé- 
veloppe, pourront consulter à loisir le grec Soside, ^ûiî 
nous avons cité dans la 5*^. note , et Méursius, son 
docte commentateur; mais la crainte de ttaccr aw 
autres de fausses routes nous a fait préférer le par^^ 
de présenter le texte littéral, et de laisser un chacun libre 
de l'expliquera sa manière. Cependant il importe de re- 
marquer que, dans le passage dont ilâ'agit, Julîcï^^^P' 



( 433 ) 

pose que Bacchns et le soleil sonf une néme divinité. 
En effet > nous voyons par JuliusSirmkus Mateitonsf 
que tous deux étaient qualifiés de biformisy et par 
Macroèe , qu'on les représentait également sous la forme 
d'un taureau. Macrobe et Cicéron enseignent aussi 
qu'Apollon est la même divinité que le soleil. Le pre- 
mier croit qu'Apollon, ou le soleil, a reçu le nom de 
Musagèk, parce qu'il est le guide et le principe recteur 
de tous les autres globes, au dire de Cicéron; nom 
ApolUnem ideb Musagetum vocant quasi ducem et prin- 
cipem orbium cœteromm, ut Gcero refert. {Macrob. in 
sommum Scipionb. L. 2. C. 3 ). En efiPet, dans le 3^» livre 
de la nature des dieux, par Torateur latin, Cotta, l'un 
des interrocnteutSi argumentant contre Balbus^ par- 
tisan du théisme, on et l'opinion commune^ que semblait 
partager Cicéron , répond à ses adversaires : « Vous 
» prétendez qu'Apollon est le soleil, et Diane la lune; 
» que te sont ainsi deux divinités, etc. etc. ». Le 
même interlocuteur va plus loin; il prouve par l'au- 
torité dtt philosophe Cléanthe, et d'autres écrivains 
païens, que, puisque selon ces auteurs, les dieux se 
repaissent dé la fumée des victimes qu'on leur ollre 
en sacrifice , et puisque le soleil et la lune , et les autres 
astres ont aussi liesoin d'être alimentés par les eaux 
de la mer et des fleuves, dont ils reçoivent les éva- 
porations analogues à leur mode d'exister; on en doit 
conclure qu'ils sont tous périssables et mortels, par la 
privation des subsistances dont on leur fait un besoin. 

Qui enim non eisdem vobis placet omnem ignem pastu 

indigere, nec permanere uUo modo posu nisi alatur? AU 

autem solm, lunam\ reliqua astra aguis, alia dalcibus, 

alia marinis? Eamquê ^ausam Qeaâtka affert^ cur se 

\. 28 



( 434 ) 

sêl w^fêmty nec batgiia pfogrtiiatut sobStiàB càt iim 
^ue intmûU^ m lonff^ iisnéat àcibo. Bk iotm (jmk 
ai mox; MMir cùneb^datOry iiiui fjuoi mtmepomtii 
œkrmm U0ftê$n nature; ignemmOtm iaÈmtumisst^ 
msi alàtur; non esse igitur nabtrâ igHem sar^Hemn. 
( Cicem de mturdieormn. Lib 3, parag. Sy ). 

Du reste, il pai'aît également juste de iremarquer, 
que Macrobe s'entend parfaitement avec Julien, i". sur 
la vertu que celui-ci prête aux deux nombres, dans les 
discours de cet empereur, que nous avolis tryaits, et 
dans la lettre XHVs, à S^àpion, sûr les cent figues; 
2''. sur les ëpithèfes que Julien dbftHe âù slileil. Pour 
la première thèse , nous renvoyons lios lecleun aux 
six pi*emiers chapitres de Macrobé, en son preminr 
livre sur le 5onge de Scîpioh; et pour la seconde, 
nous citerons le chapitre ,XX*. du livre i*'. dû roémc 
ouvrage, oh cet auteur, d'accord avec Cîcéron, essaie 
de prouver que ces noms emphatiques de ^'^i ^ 
f rince dès globes célestes, d'à/ne du monde, etc., con- 
tiennent en toute réalité au soleil , et que ce ne sont 
point des fictions d^un orateur oîsif; je traflscnsa 
dessein uQe partie de ce texte. 

In Ms aukm quœ de sale dkimtur, jionfra^ ^ ^ 
taudis pompûm lascMt oratio^ sed res i^eri wcM^ 
tsprmuiUur : dus et princeps ^ ef moderatar lumiiam tt- 
liquorum , mens mundi, et tempendio. . . . i>iur er^ ^^ 
fuià omnes taminis majestate prcecedit; pmc^s (p^ 
ità eminet, tjuod talis soins apparent^ sol çocetur.*" 
Moderator reîiquomm dicitur^ quia ispse cursus id^ 

recursus^ue çèrtâ definiiione spàtil moderetur. "^^^ 

mundi ita appellatur^ ut phpici eum cor cœli vocûni- 
runt, . . . Cujus ista natura est ne umquam cesset à woIï> 



(435) 

Qut si krevU s^ ejus^ quocurujue casu , ab of^tqtipm 
cessatio, mox animal interimaî. Car veto temperatio 
diciùs sit, ratio in aperto est : ita iem'm non solum 
terrum, sed ipsum quoque cœlum, çuod çerè mundus 
vocatur, temperari sole certissimum est, ut extremitates 
ejus quœ . longissimè a çi4 solis recessemnt omni carent 
beneficio calons, et unâ frifpm perpetuitate iorpescant. 
( Macrob.L, i. Ch. XX /« somn. Scipionis. Voyez aussi, 
notre sc^conde note de la traduction de la ^l^^. lettre de 
Julien à Sarapion ). 

Je finis cette longue note, par résumer toutes les 
données, qui peuvent jetter du jour sur le système pré- 
sumé de Julien, d^aprèssa conformité avec les principes 
avmés ps^ ll^. aaiti:«s philosophes et mythologues païens. 
Ces pri^pes spnt dqnc, i«. que le cinquième corps est 
rime du ^^lopide., et que cette âme du monde est dieu : 
Quid est dm^? mens^Mniçersi. (Voyez la note 5^ ci- 
dessus). 2°. que le soleil est l'âme du n^onde; 3», qjie 
le monde est appelé le ciel et Jupiter; 4**- que, selon 
Orphjje, et Julien, Jupiter est le mâme dieu qu'Apollon, 
que Bacçhus^ que Pluton, que le sokil, que Sarapîs, 
que Mercure, etc.; voilà quatre jEuts que Macrobe 
gamfffi ensemble dans les chapitres i8, 19 et 20 du 
premier livre des Satumi^ks. Il ajoute que Mars et 
Mercure jspnt les mêmes divinités que le soleil; enfin, 
qu'Esçijikpe, la Santé, Hçrcule, Isis avec Sérapis, et 
par con^^ent Iç soleil , «ont autant de noms syno- 
liymes; il 5e fonde aussi sur l'ajutorité de Virgile, pour 
dire que JBacchus est le même dieu que le soleil. 
Virfflius scUns libemm patrem solem esse. Il argumente 
enfin > de T^jt^rité des physiciens et de celle d'Orphée , 
pour établir : « Que JBacûhus eft l\âme de Jupiter, 

28. 



s 



( 436 ) 

eomnu le soleil est fâme du monde; que le monde est 
te ciel y sous le nom de Jupiter; çue le soleil est le mime 
dieu (fue Bacchus; Seàadius, dit aussi Sempis, le même 
que Pluton, etc, ». 

Physici A#«jfi>«T»f à.U$ w»», quia solem mundi mentem 
dixsrunt. Mundus autem vocatur cœlum quod appellant 

Jùçem Solem liberum esse mmûfete prominciat Or- 

phœus. — Idem Orphœus liberum atque sàlem ûmtm esse 
deum^ eujhdemque démons trant . . . Èumdem haben solem 
atqae liberum accepimus quem Sebadium nuncupantes 
mag0cd religione célébrant. 

Il ne faut pas oublier ce qae Julien a dit plus liaut, 
que le cinquième corps , ou élément qualifié par. lui , 
tantAt de principe solaire y tantôt d'âme du monde , 
ou de principe intellectuel, est de toute néeessité 
le monde intellectuel même, où une propriété in- 
hérente à celui-ci ; en sorte qu'il reconnaît un monde 
pjiysique composé des, quatre élémens> et un monde 
immatériel qui est le cinqui^fate cpcpc^ ou élément, 
Tëther, ou tout autre cinquième 3ab$tance,. âme du 
Inonde physique. Martianus Capella, en parlaat du 
nosibre cinq'(dit'/'^/i/£7ife)^ tire la même conséquence. 
<cSi le nonibr^ quatre, dit -il, représente le monde 
formé des quatre élémeiis , le lK>mbre cinq doit le re- 
présenter sous une autre forme ;-iMMr^' ex quatuor 
elemeniis, ipse sub alid forma est quintus, pentadè est 
rationab/liter insignîfus, (M. Capetla 1. VII de atithn^d). 
Cet auteur reconnaît donc au monde deux formes. Tune 
matérielle, Tautre immatérielle; c'est cette demièrè.qu'il 
nomme ailleurs Téther :et nunç.Hjuinto quodam coïporèœ 
substantiœ temperamento oAereos circumvolare ftUgores, 
{ Id, cap, de mundo L. VIB. de astrouonûâ). Isidore de 



( 437 ) 
Sevifle^ gai copie toujours les ^ anciens, a dit encore 
plus expressément, que Téther est ub cinquième élément, 
et que Y placé dans la région des astres , il forme un 
monde entièrement séparé du premier : iether hcus 
est in quo idem sunt et significat eum ignem qui toto 
mundo in altemm separatus est; sane œther est ipsum 
elementum ( Isidor. de origin. L. XIII. cap. 5. ). Ces 
derniers mots sont d'autant moins équivoques, que, 
dans le chapitre qui précède, il a bien distingué les 
quatre antres élémens , la terre , Tean , Tair et le 
feu. Le cinquième corps, ou Tâme du monde , et le 
monde immatériel, le principe solaire, ou le principe 
solaire âme du monde, est donc aussi Téther; et le 
monde est le ciel, sous le nom de Jupiter; Bacchus 
est rame de Jupiter; et le soleil est le même dieu 
que Bacchus, que Pluton, etc. 

On.peut maintenant rapprocher de toutes ces données, 
de Cicéron, d^Isidore, de Martianus Capella, de Ma- 
crobe , etc., le langage de Julien qui , en termes non 
équivoques , identifie le soleil avec VAdès des grecs , 
le Pluton des Latins, et le Sarqpis ou Sérapis des 
Egyptiens, avec le Bacchus ou Dionysos^ père de la 
vigne, fils de Sémélé et de Jupiter. Nous ne pré- 
tendons point faire accorder ensemble toutes les partie.^ 
de cette nomenclature , pour en tirer une synonymie 
plausible de plusieurs dieux du paganisme , et encore 
moins pour en déduire un système allégorique, qui 
nous éclaire sur la mythologie ancienne ; nos citations 
n'ont pas d'autre but que celui de répandre quelque 
jour sur le- discours qu'on vient ne lire. ( Voyez en 
outre le livre de Julius Firmicus Matemus ( de errore 
profanarum religîonnm ^ cap. 3 ). ' ^ 



( 438 ) . 

(lo) Ai^ané le monde. Le motide étant éternel , selon 
notre auteur , cette expression apant k monde , et d'an- 
tres semblables, répandues dans. tout le jisco&rs, ne 
peuvent signifier , qu'une antériorité dans Tordre ou 
série des causes , ou plùtAt dans Tordlré ou série de h 
pensée , mais non dans Tordre des iems. 

(il) Dans la substance rationnelle. Il n'est pas indlf- 
.férent de remarquer, quç le texte de Julien porte .i» 

vetfeti\lyfict]«ç «g li'iuç A«yf . JDo^f /^ t)^ffc ( OU daOS U 

raison du modèle et de la forme. Le mot A#y«f est évi- 
demment placé à dessein , et rie peut signifier, coiDni« 
dans Platon, que la substance étemelle, inle! 
produite nécessairement par la première cause 

(12) Jamhlique U Chalcidàn. Julien indique Ici le 
traité de Jamblique , sur les mystères des Egyptiens. Ce 
Jamblique est bien celui de Chalcîs, mort sous Constan- 
tin. On ne sait trop quel ouvragé attribuer au Jambli- 
que , qui vivait du teins de Julien , ni, par conséquent, 
par quel titre oii pourrait justifier l'éloge que cet em- 
pereur lui donne si souvent dans ses lettres. Car, fc 
tous les ouvrages imprimés, qui nous restent du Jam- 
blique de Chalcis , aucun ne peut être exclusivemeDt 
attribué au Jamblique d'Apâmée , qui vivait sous Ju- 
lien. (Voyez ce que nous avons dit de Jatablique, dans 
la vie et dans les lettres de Julie». ) 

(i3) Des sept orbites du ciel. Le texte grec, «'^f*' 

71 , ôiftcct ^fifcHfyUf 7if F c'y y%iti(ru , ^ :^UfU nHp'i ^^^' 

vtvs ufetKvx?iOfAtfti9 yinrtv , est traduit par le P. ^^^^^ 



( 439 ) 
de la manière qui soit : Ut septenos et ofknfum aéUp cœ- 
'cii aràem de einu^bm g^bemet Tum HOfiém insuper effûc- 
-iiomcm tfuœ in gam^one ât înimiu sâmpiten^tm habet 
twis^iuiiMm, MatradnctiDitofire à peu près le même 
^ens et n'en e&t pas phi$ satisfiîîsante. Je voudrais offrir 
ht mes lecteurs , queh^e chose de plus clair et de p!itt 
positif, sur*eette partie mystique de Tast^ofiomie de Ju- 
lien et des auteurs anciens. Mais pour ne rien dotmer au 
basardyjesuisforeé de me ce^farmer dans le teite, qui 
n'apoint eu de coanneiitateacs^ quoique Jérôme Alcan- 
der ait donné une explication de la table hiliaqm * « citée 
par Petau , pag. 86 , de ses notes , et que quelques au- 
tres anciens que j'ai cités déjà , on que je citerai , sem*- 
blent fournir quelques rapprochemens. Je me bornerai 
donc aax réflexions suivantes. Premièrement, le mot 
xMK?^ç^ dont Julien se sert dans ce passage et dans les 
snbséqnens qn&^ious allons mentionner, signifie égale- 
ment , chez œt auteur et cbes d'autires anciens, un 
cercle proprement dit , une révolution circulaire, Yarbits 
d'un globe céleste , ou ce globe même , on tn^sk un as- 
tre y OU un des signes du aodiaque *.* ; 2*. le nombre de 
sept, huit et lieuf , dont il est fnesliQlii dans le passage , 
qui nous occupe^ m p^ut se xap|iort^ qu'aulx signes du 
zodiaque. Car, dans ïqliwia suivant.,, Julleu pa^Ie de 

* Voyez aussi , Juïius Fimficus Maternus de errore 
prof. relig.:,c^p.3. . , . 

** Ex solidis ghbus sic eniin «•^^»p«>' inîerprelari 
Iicet,ex planis autem circulas aui orbis dicitur qni 
xwxA^f grœcè digiliir (Cicero, de Nat (Iconim., l. 2, 
paragr..47. 



(44o) 

ciiM| cenlesy àmit les trois premiers donnent naissaBcc 
aux trois Grâces ; et plus loin , en rappelant Torigine de 
ces Grâces , il dît foraellement y que le soleil divise le 
.zodiaque par puissances do dowte dieux; et que le tri- 
ple don des Grâces est tenu du del , c'est-à-dire^ des 
cercles que le $raa diyisës en qita^e parties, /wur/iOBr 
faire goûter k /oyeus accord des çuatn saisons. 

3«. Les cinq cercles, dont nous venons de parler, et 
dont le soleil gonreme les mouveaMos, sont évidem- 
ment les cinq astres , ^ui sont préposés y comme anjaat 
de divinités , à la conservation du monde : et c'est, d'à- 
près Jttlien, dans le Zodiaque, qu^tl faut les reconnai- 
tre. Or, cette dernière réflexion jette quelque ioar sur 
Tememble de la doctrine de Julien , dans ce passage et 
dans les suivans. Ctcéron dit aussi, que cinq astres gou- 
vernent le monde ; et il les nomme , ainsi qu'on va le 
voir« Parmi les andtns, qui parlent de lapiéémineacede 
ces cinq astres, Homs-ÂpoUon^ dit expÛcitement, que 
les Egyptiens , pour désigner le nombu cinq , pei^oi&d 
un astre , votriani nous, faire entendre ^ fUCf ifutriipie le cid 
fét peupU d^ Astres , // n'/ en avait cependant tjue tiiuj, 
qui y raflassent t économie du monde entier. SufimnA^^i'^ 
iti/jiMfiêfêêVy iirtf Ç«y^«f«tf#<y tVfi^ wXnéus ê¥\«ii^ ^^^^ 
Wifji f^ûMt «{ mfrSittfêéféUêi 7?» 7* «♦«?•» întêùfttM t/jt^^* 

4?. Cicéron place ces cinq astres ou étoiles dans le 
Zodiaque. Tàm in eodem orbe in XII partes distributo, 
fuinçue stellas ferri eosdemque cursus constantissimè ser- 
vantes, etc. Tùscul. quaest. , 1. 1 , parag. 68. Il c^H^ 
avec plus d'étendue , dans les paragraphes 5i , 52 cl j 
dn second livre , de Naturd deorum. H fiit , que ces an 
étoiles sont k tort nommées errantes , ou phàiètes , vu (p 
leurs révolutions périodiques sont régulières , et cons - 



--1 



( 44i ) 

tttent la grande aimée ^ autrement la période astr<moiiii- 
que ou mathématique. Maxime vero admirabiks sunt mo- 
tus earum quinque stillarum quwfalsb vocantur errantes..,, 
Quarum ex disparibus maiiomàus magnum annUm maHie" 
matici nominav^runt , qm tum effUHwr^ cum solis etJuwf 
et quinque errantium od eamdem inter se comparationeip^ 
confectis omnium spaliis est facta conçersio, Quœ quam 
longa sit magna quœstio est : esse vero certam et definifam 
necesse est, Nam ea.quw Saturni stella dicitur ç*/»*», 
à Grœcis nominatur , quœ à terra abest plurimum, XXX 
ferè amis cursum suum conficit , etc. 

Voici Tordre dans lequel il range ces planètes. I^a 
plus éloignée de la terre, ajoute~t-il, est Salume, dont 
la courise périodique est de trente années. Au-dessous 
d'elle , et plus près de la terre ^ est Jupiter, qui met 
douze année:» à faire sa révolution dans les douze signes 
du Zodiaque : Eaque eumdem XII signorum orbem an- 
m XII conficit , easdemque quas Saûimi sfeila e/fi^it in 
carsur2>aijetutes. Un peu plus bas , est Mars , qui par- 
court le même cercle , en deux ans et six jours. Eaque 
IF etXX mensibus , Flutopinor diebus^ eumdem lustrât 
orbem quem 4uâ superiores. Au-dessous de }aprécédepte, 
est Mercure, qui parcourt lé Zodiaque à peu pr^ dans 
Tannée , sans s'écarter du soleil , de plus d'un signe. 
Quœ annofere vertente signiferum, lustrât ôrbem , vèque à 
sole lonfflàs unquam unius signi intervalto discedit tum an- 
iemiens , iumjujbsequem. f nfin , la dernière des cinq er- 
rantes et la plus voisine de la terre , est Vénus. Infima 
est quinque erranlium terrœqùè proxima stella Feneris quœ 
ÇtÊTçi^vç ff-œcè , Lucifer latine dicitur ^ cum antegredi- 
tursûlem ; cii^m sukequitur autem , Hesperos. Ea cursum 
annç conficit et ifititudinem lustrans signiferi orbis et hngi- 



. (440 

tuiinem. : quod idtmfaciimt steUœ superiom,napu wujnûm 
ttb soit duorum signontm inUfvaUo lon^us dhadit, /ou 
anteceiem , tum subsequem, Cicérom finit par placer ces 
cinq astres, au nombre des divinités, quœ cm ksià- 
ribus inesse viieamus , nonpossumus ea if sa nonia àeotm 
numéro reponere. Itiiy parag. 54^ 

Je conclus de ceci, que les sept cercles, astres oo or- 
bites j le huitième et le neuvième i ixsfA parle Julien, 
sont autant de signes du Zodiaque. Ainsi, les cinq pre- 
miers , donnent lieu , comme on Ta vu , aux trois Grices 
et aux bassins de h balance du Destin. J'ignore , com- 
ment le neuvième doit être le signe de h balance; et 
j'ignore encore, comment ce signe peut présider ott ba- 
lancer les générations. 

(i4) Et ce '•aste océan, Homère et d'autres anciens 
dojment à Focéan le nom d'horison ; ce qoi semble, 
en Aet , comme dît Julien, le rapprocher du sofeiM^' 
se couche diamS ses eaux. Voyez Strahon , ï 1 1 ** ^"^ 
tjthe , sur llliade. 

(i5) Au milieu des trois mondes Lés trois mowl^' 
dont le soleil partage chacun en quatre- parties, comme 
il çst dît plus bas, étaient, selon ks anciens, le »^""^ 
aérien ou intelligible , peuplé d'êtres înteBigens ; >« 
monde céleste, orné de globes, d'astres ou d'étoiles; et 
le monde terrestre. Il est à remarquer, dans les fign^^ 
suivantes, que Julien distingue', atec Cîcéron, laip*^ 
( globus j du cercle ou orbis wxXùf. Voyez la ^^^ 
treizième. 

» • 

\i6) Il en porte le nombre à trente-six, CcaiwAr'^ 



. (443) . 

«alf€ , en effet, des liois puissance! ûft iùlÈx€&tm*. 
Le maiiide est aussi difisi ea guaire ptities , à raisim des 
<|uatre faisons deTaniiée. «j^e nombre çuatte^aale qua^ 
ternaire , iisÀï sacré et tenait lieu d'un grand serment , 
dit F)tttarque,'en son livré sur Isiset Osiriâ, parce qu'il 
représentait le monde, composé de trente-six parties, et 
qu'on Taippelait luiTméme ie moûie, 4 h ««Atf»|&jr« 7f>- 

9^ xoçfttç S^ôfMçett Les Latins ont dit :,ter quaterque bea- 
tus. Voyiez à ce sujet la note 9'. , p. Sg. 

( 1 7) Dani leurs statues; il est à présumer , qu'on re- 
présentait alors , en un seul groupe , les trois Grâces , 
qui formaient' la chaîne , ou le cercle , ea se tenant par 
la main, 

* . • ■ 

(i8) MinerH Pr»nae. Pausanias, mi ses Pfaociques, 
parle de cette dé«sse , comme ayant un temple à Del- 
pbtti, Julieii fait ici, de la même déesse^ Tàme du ciur 
ipiîèmercotpSy en sorte qoe toutes les fonctions du mande 
intelligent, sont censées dues, à Tinfluence de Minerve,. 
■ ( Voyez la cinquième note sur le cinquième corp$. ) 

(19) Les trois genres. Cts genres , races ou espèces , ou 
familles ( car le mot y^'^y , signifie tout cela ) , sont pro-^ 
bablement le genre humain , le genre divin et Tespèce 
animale. 

{20) Des prodiges. Julien se reporte ici à la double 
conjonction du soleil et de la lune , dont il va parler 
plus bas; beaucoup d^historiens romains, entr'autres 

»*»■ " ■' " > " . I ■■ - ■. I ■ .1— 

* Trois fois douze valent trente-six. 



( 444 ) 

Denis > Plvlarqite ', etc. , ont fut mention Ae ces deox 
éclipses arrivées , Tane à la naissance , Fautre â la mort 
deRomnlns. 

(2 1 ) Sr ces féUs n'étaient pas trop récentes. Ces fêtes fo- 
rent institoées pour la première fois , dit le P. Petan , 
par Fempereur Ânrélien; et il shippuye d'iin passage de 
la clnroniqne d'Eosebe , an. MMCCKC. 

(22) Au soleil iminciJUe. Ces fêtes portaient le nom 
de Néonénies , c'est-à-dire , du renonrellement des 
mois de Tannée , on du nouveau mois^lïes s*oirâraient 
le 25 décembre , le huitième jour avant les calendes de 
janvier , par des jeux du cirque , en Thonneur du.solâI« 
Le mois de décembre , jusqu'à ce jour, était affecté à 
d^auttes fêtes , et surtout à celle des Saturnales y qui du- 
rait sept jours ( Macrob. Satumalium ^1. 1 ^ cb. 10), pen- 
dant lesquels on donnait gratuitement au peuple , les 
combats des gladiateurs , munera g^adiatoriorum spêtta- 
culorum. Ces tristes combats cessaient pat l'ouverture 
des fêtes héliaques ou solakes. 



FIN DES NOTES DU QUATAIÈM.^DISCOURS. 



■ ■ ■■ 1 1 <l 



(445) 



OBSERVATION PARTICULIÈRE. 



Je place^ à la fin de mes notes , sur le discours qu'on 
vient de lire., un texte du dialogue, traduit par Apu* 
l^e^^et que j'ai déjà cité dans ma cinquième note. C'est 
celui qui m'a paru avoir plus de rapport avec tout ce 
qu'a dit Julien , sur la^sûbstance du soleil , et sur les 
signes où il place la balance du destin ; je dois lé trans- 
crire. 

Solis irttù est lumen ; iêHum enim luminis per orbem 
salis noMs ii^nditur XXX FI ( quorum vocabùlum est 
horoscopi) in eodem Iqco semper tkfixorum siderum ope^ 
Honar iwapXtf y vel prineeps est, quem omniformem va- 
cant , çui diçersis speciebus diçersas formas facit. Septem 
steliœ qMûsnacantur erraticœ, habent eparchas y id est suos 
principes quam farhamm dicurdet iifMt^f*t9n9 fatum quibus 
îmmutantur amma-, lege nafurœ , stabiKtate, firmissimâ H 
sempitemâ afftatione variatâ : aer çerà organam vel ma- 
china omnium per quam omnia fiant : est autem eparchis 
hujus secondas utmortalibus mortaliaet hissimiliay sensi- 
bilibus sensibilia annexa sint, etc. (Pag. 87 , édit. Âpu« 
lëe , Francofurti , 162 1. ) 

« La nature du soleil est la lumière; et le bienfait 4e 
la lumière nous est transmis par le disque du toleil^à 



l'aide des trehte-six astres fixes, qu^on appelle horos- 
copes, et dont le chef est nommé' Omniforme , parce 
qu^il est Tauteur des former remarquables dam chaque 
espèce. Les sept étoiles errantes ont aussi leurs princes 
ou che£s , qu'on e$t couyenu d'appeler la/o/te^etle 
Justin f sur lesquels , en elTet ; tout roule dans un cercle 
étemel de cliangemens; par une conséquence nécessaire 
des lois immuables de la nature , Pair est l'organe on 
le mécanisme, par lequel toutes choses s'opiient. Il est 
cependant secondé f)ar un autre chef, afin qne les 
choses mortelles et sensiblesi cadicent arec celles da 
même genre. ». \ 



(447 ) 



^t^fv^MVnnAÊ ivww iM M ^MV^^M mM ivmi mM iÊu vi ^ 



RÉFLEXION DU TRADUCTEUR. 



Le dis<îoiirs qa^oa yitnl 4Îe lire , à la lemiige du 
soleil roi, et cekti en rhonneur de la mme àe& 
dieux , qui va commencer le second volume de eette 
traduclîon, semblent o(&ir peu d^attraits au ccmuhun 
des lecteurs , coâtparatnement aux autres produc- 
tions de la plume de Julien, qu^ils ont déjà vu y ou 
qui vont passer sous knri y«ux. En effet, les idées 
àb^^kes ou mythologiques , qui règneîit dans 
ces deux discours, sont bien passées de mode au- 
jourd'hui, en France surtout; mais elles y firent 
fortune pendant une loligue suite de siècles, où nos 
scokstîques, se partageant en plusieurs sectes ,^ôtts 
les hannièpes de diiéfs difiiérens, prireikt k^ nwns 
de Scotistes, Thomistes, etc. ,/et ressussâtèseiijt les 
anciennes quereltes ^nti% les âèves du lycée et cnui: 
du poHîque; chacun d^eux voulant rompis uue 
lance pour son patron , la dialectique et la théo- 
logie furent le terrein sur lequel les 4:hampiûns lul*- 
tèrent avec le ^lus d^aeharnemei^yt. 



(448) 

A Tépoque de la reconiiaissance des lettres , la 
gloire des penpatécieos pdrat.$^éclipâer par Tappa- 
rition des ceuvres du divin Platon; et la magie du 
style de cet orateur philosophe, prévalut sur les 
formes sèches et arides du grand Aristote. La phi- 
losophie de I^àton avait d^ailleurs été adoptée par 
la première école chrétienne ; je veux dire par ceUc 
d^Ales^andrie. On la regardait comme la plus con- 
forme au génie du christianisme;- et lorsqutelle. re- 
prit faveur, à Faide de Timpression du texte grec^ 
de la traduction et des doctes commentataires du mé- 
decin platonicien Morcilius Ficinus^ toutes les écoles 
en Europe Tadoptèrent avec une sorte d^engouement. 
Les théologiens surtout s^en saisirent avec avidité, 
comme d^un nouvel arsenal, qui leur of&aitdes armes 
contre les incrédules. Ils s^en firent un rempart 
inexpugnable. Platon (ut leur héros, et ses argumens 
passèrent pour des oracles ; on prétendit même que 
ce philosophe sublime avait, par les seules forces 
de son génie, deviné, et presqu^expliqué tous les 
mystères du christianisme. Sa morale parut évsm-* 
gélique , et ses maximes marchèrent de îcùot avec 
celles des pères de Véglise; les prédicatemrs, en- 
fin , citaient en chaire les textes de Platon , avec 
autant de confiance que ceux de la Bible et de saint 
Aîigttstin. 

Je suis loin de blâmer leur zèle, quelqu^outrc 



(449) - . 

^u OÙ le aise ikU^ouM^hui ; nmis f « trouté ihottii 
étontiant: <{4ie P^i)pq^erew Julien,/ qui âtàit âah:^ 
ça pï^à^re l%Dgite.le» ooyrages àt ce gtsbââjioinme^ 
ça' ai^ êié Vàèpimi^n)e endralisîaste , tt 1e^ ak pro^ 
dtiits SI fieuveûtd^m $€i propitâ ëcrrts , rion-^u^ 
kipe^t stur lé èkâaiié y mut Tâflie , m^ les génies ; 
sttf l«jg héroid, mais sur 'la politique des iiations, îèê 
&ar les d^viik^ 4e^ Vtkoœnie. Cest ici le ca$ de faire 
w râparoehemeot £bsses naturel ^ entré Platon A 
refli|HirrarJnlien son ardent pirnégyrii^e. 

CettQ(»le$ eeutfès {K>lktqties de Platon tie peuvent 
être coi^fo^fiefr avee celles où il traite de sujets re-* 
Ufieux / ou de métaj^sique abstraite. Elles but 
une to^te antre importance j et, en^ lei^ dégageant 
de sa .thpdrie des nombres, dits mëriteM incoii- 
test^Jblement d'être lues eC ntéiitées par les boâunei^ 
d'ëfM de tbûs les'pays. Ses discours, otf dialogues, 
sont aussi, sous le rapport da style, comme sonsf 
celui de l'exeeftenté niorale qu^ils renferment, des 
moaiHEoens prëcieuic de la hante sagesse , de la é»^ 
blimei^lo^oiBii^e el du goât épuré des Grecs/ 
nos loodèlé» en tout geni^. 

Malgfé .k pre^tSge de k diction, qi^i distiikgué 
les écrits dé Piston &ur lés lois et h diplomatie, 
ceoi^ de Julien, sur 1» politique, né laiiâsent pafs^ 
de se f rés^tor soti& itt a^et imposait. iSo» phH 
%mJi»m ei^t ^ eflbt nâe.justrel eoMbuelle applî<^ 
L 29 



(46o) 
cation 4c la doélrme du grande maitre « Si là siâence 
du gouvernement , età la morale des peuples. Mais 
chez lui, les plans régénérateurs é^nne répobKqnei 
ou d^une inonar^ie tempérée, ne sont plus des 
rêves ou de simples projets, eniantés par Timagi- 
nation d'un homme étra^r à l'art de régner. Ce 
sont des données ou des ^incipes réalisés , et mis 
en pratique par lûoiroî philosophe , par un empereur 
qui porta le premier sceptre de TUinvers, qui tint 
pour maxime de ne publier que des lois jostes, 
qui connut parfaitement ses droite et ceun de ses 
sujets, qui, enfin, prescrivit au monarque régnant 
avant loi, tt à ses principaux agens, la verta 
comme le plus sacré des devoirs. Il ne faut , pour 
s'en convaincre, qu'une lecture attentive de ses 
harangues à Tempereur Constance, et de sa lettre, 
en forme de discours, au sénateur Thénnslius, 
sur les devoirs de la royauté* 

Au fond^ ces deux philosophes fameux , chacun 
dans un genre difFéi*ent, partent cependant des 
mêmes principes, et font usage des mêmes moyens 
pour combattre le vice et l'ignorance, comme étant 
les plus formidables ennemis du genre humain. 
Tous deux.prpolament les mêmes divinités, ven- 
geresses du Crime , et rémunératrices de la vertu; 
tous deux enfin nous ont donné la même cosmo- 
gonie d'un monde étemel > dont le t^ était avant 



( 45r ) 
tons les tems , dans Vilre ou la rtiis&n par etcellence ; 
même système, ou, si Ton veut, mêmes hypothèses 
sur le soleil et les astres, sm* la natm*e des dieux, 
des âmes, et des bons où mauvais génies. 

Hais, quelque ressemblante «jue soit, en apparence, 
la doctrine de ces deux personnages célèbres , Vxm 
sur le trône, et Tautre dans son école, j'y vois 
pourtant une difierence aussi tranchante que sin- 
gulière ; elle mérite , je pense, d'être signalée dans 
un travail destiné, comme le mien, à présenter, 
sous leur véritable point de vue, la personne et 
les écrits de Tempereur Julien. 

Platon, tout imbu qu'il fôt de la doctrine de 
l'unité de dieu, qu'il avait puisée, à ce qu'on 
assure^ en Egypte, où il prit communication des 
livres de Moïse , ne l'enseigna toutefois qu'avec ré- 
serve, et d'une manière tout-à-fait énigmatique; 
tandis qu'il comprend avec franchise , dans' son 
cadre théologique , toutes les divinités de son pays , 
en les subordonnant à un principe générateur et 
moteur, de toutes choses. Julien, au contraire, 
tout en préconisant la doctrine de ce grand maître ,' 
et cherchant à l'expliquer, fait naître , dans l'esprit 
de ses lecteurs, des réflexions auxquelks le cannevaar 
de Haton semble ne servir que de pifétextë. 

^ En eflfct; il avait de plus que ce" dernier, une 
parfaite connaissancç du christianisme , récemment 



^ 452 ) 

immédiats, et que , |pr copIfaiBte». Il avait professé 
lilirioéipié ét^^ ]f^' djff/ip^t ppaBièita amiéBs de sa 
▼le. Ce ne fut qu^apyp^s Favoir pcAsIi^^uemeat aban- 
* 4^upé , eX à^(n& rintiiue çonviclipn de sa fausseté , 
^iQBiiiie il a pris soia de uouji rappreadi*e, qu'il 
jurglimenta ^essra^onneiqet^s de Pi|i|ou, pour substi- 
tuer de QQi|n^\i» à runité de dien, Tangien po- 
jijrtlnsïsuie y qx\i\ appek Ifi religicm de ses pères, 
celle des Qrecs , des - Roumains et la sienne. Delà 
ses fréquentes diatribes contre lesr chrétiens, et sa 
vigoureuse défense df s divinités de l'Olympe et du 
papitole, g\ii inqiriipe à|ilu$içurs d^ içes ouvrages le 
pche^4^ gcn^e polémique, 
. An siède où nous sommes, une jpareille contro^ 
yefsç, et les fait^t q^i s'y rattac^eiit ^ sopl loin ^d'of- 
frir tout Pintépêt qu'ils av;aient aloçi^. Mais les ar- 
^mens; 4^ Platon , maniés par Julien, et appuyés 
4e toute Tautor^é de son maître, sQntdeo^teurésdâns 
^ur entier : et nous m pQuvoos d^autapt mieux ap- 
précier 1^ valeur^ q\iç nous somjOAçspli^ éloignés 
des tems et d^ tj^é^tre où ^'s^itèrent cea longs 
éâbatts rç^igieut. Vélat actuçl de 1^ civilisation en 
^qrope^ nou^ permet de m^ter (4us k loisir , 
par conséquepit avec plus de fruit et de mata- 
nte qu'on t|e. put le faire' de prince «sibord» uo 
l^roblême , dont U solution CQut9^ j%dis. tai^ti de âan^ 



( 453 ) 
tt de larmes iautiles à presque toutes les Qatiom 
du globe, 

* Sous ce rapport ëmiuemmeiit politique , et ptus 
encore dans Tintérêt de la science et de la littëraturcy 
les honnnes studieux désirent depuis Wg-tems de 
voir mettre au jour de bonnes traidbotioiis des «u--' 
vres complètes y tant de Temperew Julien, que du 
philosophe, disciple de Socrate. J^ai «reinpli, de mon 
mieux , et non sans peine , la première tâche , peut- 
être la plus ingrate à bien des. égards, et celle qui 
offi*ait le moios de compensiAions. La seconde va 
Tétre , dit*on , par un des principaux libraii-es de 
cette capitale» qi^i sWcupe activement > et depuis 
plusieurs mois , à ce qu^on assure encore , d^une 
çdition volumineuse, sans doute , de iQu&> les ouvrages 
de Platon, avec le texte grec en regard dû français^ 
Une telle entreprise honorerait à la fois notre siècle 
^ et notre patrie : elle donnerait un nwvel essor à k. 
'' philosophie, à la morale , à Téloquepce età la saine 
^1^ critique ; Thistoire enfin, la bio^i^ie et la législa- 
'^' tion même , y puiseraient de nouvelles richesses. 

Je me serais livre , avec autant de zèle que de 
^ plaisir , à cet important et uUle travail ,.si mon tems 
'^^^ eut été moins coupé, et ma vie moins labpfietise> 
^ " Nous n^avons en effet jusquJici du beau texte df 
^^ Platon, que des traductions pailielles, dont quiek 
^ ques unes même opit besoin d'éti-e revues. ^ où Ton 



(454) 

regrette de ne pas voir figurer le texte grec , peu 
facile à se procurer, à ceux principalement dont la 
fortune est plus que'mëdiocre. L^ absence de ce texte 
m'a souvent embarrassé dans ma présente traduc- 
tion des œuvres de Julien ; car cet empereur elle i 
tout propos le divin Platon , comme son maître et 
son oracle. ît'àyant point eu sous les yeuxToriginal, 
presque toujom^ défiguré dans les passages assez 
nombreux que Julien fait entrer dans &es discours, 
il m'a fallu recourir au peu de traductions qui exis- 
tent; et j'ai eu rarement à choisir. Par exemple, la 
lettre à Thémistius- contient de longs fragmess des 
livres de Platon, où le texte grec de l'édition de 
Spanheim , traduit par l'abbé de ia Bleterie , est con- 
sidérablement altéré, ou peut être mutilé : en pareil 
cas , j'ai du préftrer la traduction de ce même texte, 
publiée par monsieur l'abbé Grou , savant qui a 
travaillé sur les meilleures éditions de l'origiDal. 
J'en ai usé de même pour d'autres passages, et 
j'ai ordinairement pris le soin d'en avertir mes lec- 
teurs. 

Quant aux autres citations de Platon, trèsfié- 
quentes dans les œuvres de l'empereur Julien, j'en 
ai indiqué les sources toutes les fois que je les ai 
trouvées , soit dans les recueils de l'édition de Span- 
heim , soit dans les notes du père Petau, et de ses 
prédécesseurs , soit enfin dans d'autres auteurs, dont 



( 455 ) 
je présume rexactîtude, sans cepehïlant pouvoir eu 
être le seul garant. •"-. ' 

J'ai été plus heureux pour les anecdotes lîtté-' 
raJres , et pour des détails purement philologiques , 
qui se rencontrent en foule, surtout dans les épîtres 
familières de Julien. Ces objets étaient de pure éru- 
dition : et il m'a été facile de les reproduire , ou de 
leur donner des éclaircissemens ; c'est ce que j'^ai fait 
dans mes notes y relatives. Peut-être me blâmera- 
t-on de n'avoir pas traité , avec trne égale étendue , 
plusieurs points historiques et géographiques , que 
le texte de Julien me donnait lieu d'approfondir. 
Assurément les matériaux ne m'ont point manqué 
dans ^ j deux dernières parties; j'ai constamment 
eu sous les yeux tous les litres qui nous restent 
d'Ammien Marcellin : et cet auteur ne nous laisse 
rien ignorer de tout ce qui concerne la personne et 
la cour habituelle , ou l'entourage de l'empereur Ju- 
lien. Il fait en même tems, dans son histoire de Tex- 
pédition contre les Perses, une ample description 
des villes et des fleuves qu'il a été bien à portée de 
reconnaître , puisqu'il servait lui-même dans cette 
guerre. Son récit embrasse, non-seulement la topo- 
graphie de ces contrées de l'Assyrie , de l'Arménie , 
de la Mésopotamie et de la Perse ; maïs il nommé 
aussi les fondateurs des différentes villes , et il y 
çraiipe plusieurs particularités qtii les cont*rncnt'. 



( 458 ) 

ORDRE 

SELON LEQUEL SONT DISPOSES LES MÂTÉRUUI 
DE CE PREMIER VOLUME. 



Dédicace £x Pbefâce ; de la page i à nvi. 
YlE DE JuuEN ; page i. 

§. P^ Sa généalogie ; de la page a à 33 inclu- 
sivement. 

§. IL Son éducation physique et morale , de- 
puis la mort de Constantin , et ses exploits 
jusqu'à son élévation à Tempire ; de la page 
34- à 71. 

§. m. Ses exploits jusqu'à sa mort; de la page 
71 à i34 

Œuvres complètes de Juliek. Première, harangue. A 
l'empereur Constance; de la page liS à a 10. 

Notes de la première harangue ; de la page a 1 1 à 228. 

Deuxième harangue. Sur les belles actions de Tempe- 
pereur Constance ; de la page 229 à 3i6. 

Notes de la deuxième harangue ; de la page 317 
à 324. 



AUG 1 9 1965