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OEUVRES
FROISSÂRT
publiées
AVEC l.KS VAKIANTKS DES DIVERS MANXSCRITS,
PAR
li. le baron KKRVYIV DE L.BXXEIVHO VE ,
Membre de rAcadémie royale de Belgique,
Correspondant de l'Institut de France, de l'Académie de Munich, etc.
CHRONIQUES-
TOME DEUXIÈME.
1 322 - 1 33Q.
(Df^iift le Prel«gif jatqa*» («niifBceBeBt de la guerre de Ceal aB!i.)
BKUXKLLES,
COMPTOIR UI<ilVERSEL D*1MPR1MERIE ET DE LIBRAIRIE,
VlCTOB DBTAI7X BT r><^,
RUE SAINT-JEAN, 26.
I8H7
CHRONIQUES DE FRANCE,
FENGLETERRE, D'ESCOCE, DE BRJETAIGNE,
D'BSPAIGNE, DTTALIE, DE FLANDRES
ET D'ALEMAIGNE.
Affin que li grant fait d*armes qui par les guerres de
Franche et d^Engleterre sont avenu, soient notablement
registre et mis en mémore perpétuel, par quoy li bon y
puissent prendre exemple, je me voeil ensonnier de lea
mettre en prose. Voirs est que messires J^ans li Biaux,
jadis canonnes de Saint-Lambiert de Liège, ^ en cronisa ' à
son temps auqune cose. Or ay-je che livre et ceste histoire
augmentée par juste enqueste que j'en ay fait en travillant
par le monde et en demandant as vaillans hommes, cheva-
liers et escuyers, qui les ont aidiet à acroistre, la vérité des
**^ Varùmiet : eu grosBA.
I. — PIOIMAIT.
159682
Z PROLOGUE.
avenues, et ossi à aucuns rois d'armes et leurs mareschaus,
tant en FraiKhe comme en Engleterre où j'ay travillië
apriès yaux pour avoir la vérité de la matère; car par
droit tels gens sont juste inquisiteur et rapporteur des
besoingnes, et croy que pour leur honneur il n'en oseroient
mentir. Et sour ce je ay ce livre fait dicter et ordonner
parmy l'ayde de Dieu premièrement et le relation des dessus
dis, sans coulourer l'un plus que l'autre, mes 11 bien fais
dou bon, douquel costet qu'il soit, y est plainnement ramen-
teus et congneus, si comme vous trouvères en lisant. Et
pour ce que ou temps advenir on sace de vérité qui ce livre
mist sus, on m'apelle sire Jehan FRoissART,priestre, net de
la ville de Vallenchiennes, qui mouli de paine et de traveil
en euch en pluiseurs mannières, /ainchois que je Fouisse
compillé , ne acompli, tant que d^ le labeur de ma teste et
de l'essil de mon corps; mais toujttes choses se font etacom-
plissent par plaisance et le bonne dilligence que on y a,
enssi comme il apparra avant en cest livre ; car vous y trou-
vères otant de grans fais d'armes, de mervilleuses avenues,
de durs rencontres, de grandes batailles et de touttes autres
coses sur cel estât, qui se dépendent de membres d'armes
et de proèche, que de nulle histoire dont on puist lire, tant
soit vielle, ne nouvelle. Et ce doient désirer par droit à oyr
tout jone gentil homme qui 'se désirent à avanchier, car
par le recort des bons et le renoummée des preux se enflam-
ment et attissent li corraige en touttes proèches ; car, que
on le sache, tant y sont avenu de grans fais puis l'an
mil CGC XXVI que li roys d'Engleterre, messires Édou-
wars, fu couronnés très le vivant de son père à Wesmous-
tier, que ils et tout chil qui avoecques lui ont estet en ces
batailles euireuses et fortuneuses, en sont moult à recom-
mander, sicpmme li propres roys mesmes, li prinches de
PROLOOLE. 5
Oalles ses flis, li doi duch de Lancastre, messires Henris
et messires Jehans qui eut sa fille, li contes de Warvich,
messires Regnaus de Gobehen, messires Jehans Candos,
messires Wautiers de Mauni, messires James d'Audelée * et
plusieurs autres dont je ne puis mie de tous parler. Et
ossi li royaumraes de Franche ne fu oncques * si desconfl '
que li Englês n'i trouvaissent grant fuison de bonne cheva-
lerie. Et fu li roys Phelippes de Valois ungs vaillans homs
et hardis durement, et li roys Jehans ses fils, li dus deBoùr-
goingne, messires Caries de Bl^s, li dus de Bourbon, li
contes d'Allenchon * et pluiseurs hauts barons et bacelers
desquels je ne puis mie ossi de tous parler ^, car trop
poroient ma principaul matère ensonnyer. Si doit-on bien
tenir • pour preux, voire pour doubles preux ', tous chiaus
qui se sont trouvé si souvent en ces grans batailles et fors
et durs rencontres, qui les ont emprises et achievëes. Et se
aucuns y sont demourés morts en combatant, il en doient
bien estre loé et recommandé entre les bons, car li mors de
bons en parleront souvent, sicomme dist TEscripture :
resuscité les mors. Or voeil-je yssir de ce prologe et pour-
suiwir mon principaul proches et remonstrer par quelle
manniëre et condition les guerres premièrement s*esmurent
entre le roy de Franche et le roy d'Engleterre, dont tant
de grant mal sont avenu au monde par terre et par mer, si-
comme vous orés recorder en ceste histoire, • se il est qui
le vous lise et ossi qui le parface *.
* Ajontet : Messire Pierre d'Audelée , mesure Robert Canolle ,
raessire Hue de Caverlëe. — *' Si despourveus. — ^ Aj, Meaaire Loys
d*EtpaîgDe, messire Bertran de Claiequin, messire Emoult d'Audene-
hem et plenté d'autres bai^oiui ot chevaliers. — '^ Tant qu'à prëseut.
— •-' Pour vaillans et plus ijue preux. — * ' S'ascouter le volés.
4 PROLOGUE.
Seconde rédaction, — Aâin que hoimourablds emprises et
nobles ayentures et faits d'armes, lesquelles sont avenues par
les guerres de France et d'Angleterre, soient notablement regis-
trées et mises en mémoire perpétuel, par quoy les preux aient
exemple d'eulx encouragier en bien faisant, je vueil traittier et
recorder hystoire et matière de grand louenge. Mais ains que
je la commence, je requier au Sauveur de tout le monde, qui
de néant créa toutes choses, que il vueille créer et mettre en
moy sens et entendement si vertueux que ce livre que j'ai com-
mencié je le puisse continuer et persévérer en telle manière que
tous ceulx et celles qui le liront, verront et orront, y puissent
prendre esbatement et plaisance, et je encheoiren leur grâce.
On dit, et voirs est, que tout édifice est ouvré et maçonné l'une
pierre après l'autre, et toutes grosses rivières sont faites et
rassemblées ' de divers lieux et de plusieurs sourses * : aussi
les sciences sont extraites et compilées de pluseurs ders , et *
ce que l'un scet, l'autre ne scet mie *; non pour quant rien n'est
qui ne soit sceu ou loing ou près. Donc ainsy pour attaindre et
venir à la matière que j'ay emprise de commencier , première-
ment par la grâce de Dieu et de la Benoite Vierge Marie tient
tout confort et avancement viennent , je me vueil fonder et
ordonner sur les vraies Croniques jadis faites et rassemblées
par vénérable homme et discret seigneur monseigneur Jehan le
Bel chanoine de Saint-Lambert de Liège, qui grant cure et
• toute bonne diligence mist en ceste matière et la continua tout
son vivant, au plus justement qu'il pot, et moult lui cousta à
acquerre et à l'avoir. Mais quelques frais qu'il y eust, ne feist,
rien ne les plaigni, car il estoit riches et puissans ; si lèé
povoit bien porter, et de soy-meisme estoit larges, honnou-
rables et courtois et qui voulentiers veoit le sien despendre.
Aussi il fu * en son venir « moult amis et secret à très-noble et
doubté seigneur monseigneur Jehan de Haynaut qui bien est
ramenteu, et de raison, en ce livre; car de pluseurs et belles
*-' De plusieurs ruisseaux et fontaines. — *-* Ce que l'un ne scet,
r autre scet. — *-• En son vivant.
PROLOGI». 5
avenues il en fut chief et cause, et des roys moolt prochain :
par quoj le dessus dit messire Jehan le Bel pot delez lui veoir et
congnoistre pluseurs nobles besongnes, lesquelles sont conte-
nues ensuirant. Voirs est que je qui aj empris ce livre à
(donner, aj par plaisance qui tousdis à ce m'a encline, fré-
quenté pluseurs nobles et grans seigneurs, tant en France
comme en Angleterre, en Ëscoce et en autres pays, et aj eu la
congnoissance d'eulx : si ay tousjours à mon povoir enquis et
demandé du fait des guerres justement et des aventures qui en
sont avenues, et par espécial depuis la grosse bataille de Poi-
tiers, où le noble roj Jehan de France fu prins ; c&r devant
ce j'estoie encores moult jeune de sens et d'aage. Ce non obstant
si empris-je assez hardiment , moi issu de Tescole, à rimer et
à dicter les guerres dessus dites , et pour porter le livre en
Angleterre tout compilé , sicomme je fis, et le présentay adont
à très-haute et très-noble dame madeune Phelippe de Hajnaut,
royne d'Angleterre, qui liement et doulcement le receut de moj
et m'en fist grand prouflSt. Or puet estre que cil livre n'est mie
examiné, ne ordonné si justement que telle chose le requiert ;
car faits d'armes qui si chièrement sont comparés, doivent estre
donnés et loyaument départis à ceulx qui par proesce y tra-
vaiUent : donc pour moy acquitter envers tous, ainsy que droit
est, j'ay emprise ceste hystoire à poursuir sur l'ordenanco et
fondation devant dicte, à la prière et requeste d'un mien chier
seigneur et maistre monseigneur Robert de Namur, seigneur
de Beaufort, à qui je vueil devoir amour et obéissance ; et Dieux
me laist faire chose qui lui puisse plaire.
Pour tous nobles cuers encouragier et eux monstrer exemple
et matière d'onneur, je sire Jehan Froissart commence à parler
après la relation de monseigneur Jehan le Bel, jadis chanoine
de Saint-Lambert de Liège, et dis ainsi que pluseurs gens nobles
et innobles ont parlé par maintes fois des guerres de Franco et
d'Angleterre, qui pas justement n'en savoient ou sauroient à
dire, se requis et examinés en estoient, comment, ne pourquoy,
ne par quelle raison elles vindrent. Mais en vecy la droite
b PROLOGUE.
vraje fondation de la matière ; et pour ce que je n y vueil
mettre, ne ester, oublier, ne corrompre, ne abrégier hystoire en
riens par deffaute de langage, mais la vueil multiplier et
accroistre ce que je pourray, vous veuil de point en point parler
et monstrer toutes les aventures depuis la nativité du noble
roy Édouart d'Angleterre qui ' si vassaument * a régné. Et tant
y sont avenues d'aventures notables et périlleuses et tant de '
batailles adrecées ^ et d'autres fais d'armes et de grans proesces
puis l'an de grâce MCCCXXVI, que ce gentil roy fut couronné
en Angleterre, que il et tous ceulx qui ont esté avec lui en ces
batailles et eureuses aventures, ou avec ses gens là où il n'a
mie esté en propre personne , sicomme vous pourrés oir cy-
après, doivent bien estre tenus et réputés pour preux , comment
qu'il en y a graht foison d'yceulx qui doivent et peuvent bien
estre tenus pour souverains preux entre les autres devant
tous autres, sicomme le propre corps du gentil roy dessus dit,
le prince de (Mies son fils, le duc de Lancastre, monseigneur
Regnault de Gobeham , monseigneur Gautier de Mauny en
Haynaut, chevalier, monseigneur Jehan Chandos, monseigneur
Franque de Halle et pluseurs autres qui se ramenteront par
le bien et la prouece d'eulx dedens ce livre ; car par toutes les
batailles où ils ont esté, ils ont eu renommée des mieulx faisans
par terre et par mer, et s'y sont démonstrés si vaillamment que
on les doit bien tenir pour souverains preux. Mais pour ce ne
doivent mie les autres qui avec eulx ont esté, pis valoir.
Aussi en France a esté trouvée bonne chevalerie, roide, forte,
apporte et à grand foison ; car le royaume de France ne fu
' onques si desconfit que on n'y trouvast bien toujours à qui com-
batre. Et fut le noble roy Phelippc de Valoys ung très-hardis
et ■ bachelereux • chevalier, et le roy Jehan son fils, Charles
roy de Behaigne, le comte d'Alencon, le comte de Foix, mon-
seigneur Jehan de Saintré, monseigneur Arnoul d'Audrehen,
monseigneur Boucicaut, monseigneur Guichart d'Angle, mon-
*"Si puissamment,... si vaillamment. — * * De belles adresses. —
*■• Chevalereux.
PROLOGUE. 7
seigneur de Beatgeu, le père et le ûls, et pluseurs autres que je
ne puis mie maintenant tous nommer et qui bien seront en
temps et lieu ramenteus ; car pour vérité dire et soustenir, on
doit bien tenir pour assés preux tous jceulx qui en si crueuses
batailles et si périlleuses ont esté veus et sont demourés jusques
à la desconâture, souffisamment faisant leur devoir.
Trais, réd, — Afin que les grans merveilles et li biau fait
d armes qui sont avenu par les grans guerres de France et d'En-
gleterre et des royaumes voisins, dont li roj et leurs consaulz
sont cause, soient notablement registre et ou temps présent et
à venir veu et cogneu, je me voel ensonnier de Tordonner et
mettre en prose selonch le vraie information que j'ay eu des
vaillans hommes, chevaliers et escuiers, qui les ont àidiet à
accroistre, et ossi de aucuns rois d'armes et leurs mareschaus
qui par droit sont et doient estre juste inquisiteur et raporteur
de tels besongnes. Voirs est que messires Jehans li Biaus jadis
canoines de Saint-Lambert de Liège en fist et cronisa à son
tamps aucune cose à se plaisance, et j'ai ce livre hystoryet et
augmenté à le mienne à la relation et conseil des dessus dis sans
faire fait, ne porter partie, ne coulourer plus Tun que l'autre,
fors tant que li biens fais des bons, de quel pays qu'il soient, qui
par proèce l'ont acquis, y est plainnement veus et cogneus, car
de l'oublyer ou esconser ce seroit péchiés et cose mal apertenans,
car esploit d'armes sont si chièrement comparet ît achetet, che
scèvent chil qui y traveillent, que on n'en doit nullement mentir
pour complaire à autrui et tollir le glore et renommée des bien-
faisans et donner à chiaus qui n'en sont mies digne. Or ai-je
mis ou premier chief de mon proïsme que je voel parler et tret-
tier de grans mervelles.Voirementse poront et deveront bien tout
chil qui ce livre liront et veront, esmervillier des grans aven-
tures qu'il y trouveront, car je croi que depuis le création dou
monde et que on se commença premièrement à armer, on ne
trouveroit en nulle hystore tant de merveilles, ne de grans fais
d'armes selonch se quantité comme il sont avenu par les guerres
8 FROLOGUE.
âessHfl dittes tant par terre cooi par mer et éoid je Yem ferai
ensieTant mention. Mais «nçois que j'en 0(»xmieiic6 à parler, je
T0el img petit tenir et démener le pourpos de proèce, car c'est
nae si noble Tert« et de si .grant recommendation que on ne le
doit mies passer trop briefment, car elle est mère matéride et
lumière des gentils àommes, et sicom la tasoe ne poet ardoir
sans feu, ne poet li gentils hom" :^Ir à parfaite honneur, ne
à le glore dou monde sans proèce. Or doient dont tout jone
gentil home qui se voellent avancier, avoir ardant désir d'ac-
quérir le fait et [le renommée de proèce, par quoi il soient mis
et compté ou nombre des preus, et regarder et considérer com-
ment leur prédicesseur dont il tiennent les hyretages et portent
espoir les armes, sont honnouré et recommendé par leurs biens
fais. Je suis seurs que se il regardent et lisent en ce livre, que
il trouveront otant de grans fais et de belles apertises d*armes,
de durs rencontres, de fors assaus, de fières batailles et de tous
autres maniemens d*armes qui se descendent des membres de
proèce, que en nulle hjstore dont on puist parler, tant soit
anchjenne, ne nouvelle, et ce sera à yaus matère et exemples
de jaus encoragier en bien faisant, car la mémore des bons et
li recors des preus atisent et enûament par raison les coers des
Jones bacelers qui tirent et tendent à toute perfection d'onneur
de quoi proèce est li principaus chiés et li certains ressers. Si
ne voel-je mies que nuls bacelers soit excusés de non li armer
et sievir les armes par défaute de mise et de chavance se il a
corps et membres ables et propisses à ce faire ; mes voel qu'il
les aherde de bon corage et prende de grant volenté. Il trou-
vera tantost des haus signeurs et nobles qui Tensonnieront se il le
vaut et le aideront et avanceront se il le dessert et le pourve-
ront selonch son bien fait. Ossi en armes aviennent tant de
grans merveilles et de belles aventures, que on n'oseroit, ne
poroit penser, ne imaginer les fortunes qui s'i boutent , sicom
vous verés et trouvères en ce livre se vous le lisiés comment
pluiseur chevalier et escuier se sont fait et avanciet plus par
leur proèce que par leur linage. Li noms de preu est si haus et
PROLOGUE. 9
si itoUes et la yertu «i clère et si belle que elle resplendist en
ces sides et en ces places où il a assemblée et foison de grans
signeors et se remonstre dessus tous les autres, et Tensengn-on
au doi et dist-on : c Velà cesti qui mist ceste œvaucie ou ceste
c armée sus et qui ordonna ceste bataille si faiticement et le
c gouvenia si sagement et qui jousta de ûer de glave si radement
c et qui tresperca les conrois de ses ennemis par II ou par III
c fois et qui se combati si vassaument ou qui entreprist ceste
c besongne si hardiement et qui fu trouvés entre les mors et les
c bleciés navrés moult durement et ne daigna onques fuir en
€ place où il se trouvast. » De tels grainsL et de tels semences sont
servi et alosé li vaillant homme et 11 preu par leur vaillance.
Encores avant on voit le preu baceler seoir à haute honneur
à table de roj, de prince, de duch et de conte, là où plus nobles
de sanch et plus rices d'avoir n'est mies assis, car sicom li IIII
éwangeliste et li XII apostele sont plus procain de Nostre
Signeur que ne soient li autre, sont li preu plus priés d'onneur
et plus honnouré que li aultre, et c'est bien raisons ; car il
acquèrent et eonquèrent le nom de proèce en grant painne, en
sueur, en labeur, en seing, en villier, en travillier jour et nuit
sans séjour; et quant leurs biens fais est veus et cogneus, il est
ramenteus et renommés sicom dessus est dit, et escrips et
registres en livres et en cronikes. Car par les escriptures troeve-
on le mémore des bons et des vaiUans hommes de jadis sicom
les IX preus qui passèrent route par leur proèce, les XII che-
valiers compagnons qui gardèrent le pas contre Salehadin et
se poissance, les XII pers de France qui demorèrent en Rain-
cevaus et qui si vaillamment s'i vendirent et combatirent, et
ensi de tous les autres que je ne puis mies tous nommer, ne
déterminer leurs biens fais, ne ramentevoir, car trop poroie ma
principal matère empéechier. Ensi se diffère et dissimule li
mondes en pluisieurs manières. Li vaillant homme traveillent
leurs membres en armes pour avancier leurs corps et acroistre
leur honneur. Li peuples parolle, recorde et devise de leurs estas
et de leurs fortunes. Li aucun clerch escrisent et registrent leurs
iO PROLOGUE.
avenues et baceleries. Or ay-je eu plusieurs fois imagination sus
lestât de proèce et penset comment et où elle a régnet et tenu
signourie et domination et salli d'un pays en aultre. Sus ses
ordenances meismement en ay-je oy parler et deviser en ma
jonèce aucuns vaillans hommes et bons chevaliers qui otant
bien s'en esmervilloient adont comme je fai maintenant. Si vous
en voel déclarer aucune cose. Vérité est selonch les anciennes
escriptures que apriès le déluvre et que Noés et se génération
eurent repeuplé le monde et que on se commença à armer et
à courir et à pillier Tun sus Tautre, proèce régna premièrement
ou royaume de Caldée par le fait dou roy Ninus qui flst fonder,
et édefyer la grant cité de Ninivée qui contendit III journées
de lonc, et ossi par la royne Sémiramis sa femme qui fu dame
de grant valeur. Apriès proèce se remua et vint régner en Judée
et en Jhérusalem par le fait de Josué, de David et des Mâcha-
biens ; et quant elle eut là régné ung temps, elle vint demorer et
régner ou royaume de Perse et de Mède par le fait de Cyrus le
grant roy, par Assérus et par Xersès. Après revint proèce ré-
gner en Gresce par le fait de Hercules, de Téseus, de Jason et
de Acilles et des aultres preus chevaliers ; apriès en Troies par le
roi Priant, par Hector et par ses frères ; apriès en le cité de
Romme et entre les Rommg<ins par les sénateurs et concilies,
tribons et centurions, et furent cil et leurs générations en tel
puissance environ V ans et firent priesque tout le monde
rendre trébus à yaus jusques au tamps Julius César qui fu li
premiers emperères de Romme et de qui tout li aultre sont des-
cendu et venu. Apriès se tanèrent li Rommain de proèce, et
s'en vint demorer et régner en France par le fait premièrement
dou roy Pépin et dou roy Charle son fil qui fu rois de France
et d' Alemagne et emperères de Rome et par les autres nobles rois
ensievant. Apriès a régné proèce ung grant tamps en Engle-
terre par le fait dou roy Édouwart et dou prince de Galles son
fil, car de leur règne li chevalier englès et li aultre qui avoech
yaus se sont mis et acordé, ont fait otant de belles apertises
d'aimes et de grans bacheleries et de hardies emprises que nul
PROLOGUE. 11
chevalier pueent faire sicom il vous sera déclaré avant en
ce livre. Or ne sai-je mies se proèce voet encores cheminer
oultre Engleterre ou reculer le chemin que elle a fait, car si-
com chi dessus est dit, elle a cerchiet et environné ces royaumes
et ces pays dessus nommés et régné et conversé entre les habi-
tans une fois plus et Tautre mains, à se ordenance en soit, mais
j'en ay ung petit touchiet pour les mervilleusetés dou monde.
Si m'en tairai à tant et me retrairai à le matère dont j'ai fait
men commenchement et déclarrai assés tost par quel manière
et condition la guerre s'esmut premièrement entre les Englès
et les François, et pour che que où temps à venir on puist savoir
qui a mis ceste hystore sus et qui en a esté actères, je me voel
nommer : on m'appelle qui tant me voet honnerer : sire Jehan
Froissart, net de le conté de Haynau et de la bonne, belle et
friche ville de Valenchiennes.
Qitatr. réd. — Afin que les grans mcrvelles et li biau fait
d'armes, liquel sont avenu par les guerres de France et d'Engle-
terre, et des roiaulmes voisins conjoints et allés avoecques euls,
dont li roi sont cause, soient notablement registre, et ou temps
présent et à venir, veu et congneu, je Jehans Froissars, trésoriers
et channones de Chimay, me voel ensonnyer de les mettre en
prose et ordonner selonch la vraie information que je ay eu des
vaillans hommes , chevaliers et esquiers , qui les dittes armes
ont aidiet à acroistre, et ausi par auquns rois d'armes nommés
hiraus et lors marescaux qui par droit sont et doient estre juste
inquisiteur et raporteur de tels besongnes. Et devés savoir que
je ai ce livre cronisiet et historyet, ditté et ordonné apriès et sus
la relation faite des desus dis, à mon loial pooir, sans faire fait,
ne porter partie, ne coulourer non plus l'un que l'autre. Et
seront, dedens ce livre, li bien fait ramenteus de ceuls qui l'ont
déservi, de quel païs et nation que il soient, car esploit d'armes
sont si chièrement comparet et achatet, ce sèvent chil qui i
travellent, que nullement on n'en doit mentir. Or ai ce proposé,
en^si que je voel parler et tretier de grands mervelles. Voire-
12 PROLOGUE.
ment se poront et deyeront ceols et celles qui che livre liront,
oront et veront, esmervillier des grandes aventures que il i
trouveront, car je suppose que, depuis la création dou monde,
et que premièrement on se commença à armer, on ne trouveroit
en nulle histoire, tant de mervelles, ne de grans fais d'armes
comme il sont avenu ens ou temps et termes des guerres desus
dittes, tant par terre que par mer, et desquelles je vous ferai
recort et mention. Mais avant que j'en traicte, ne commence à
parler, je voel un petit tenir et démener le pourpos et estât de
proèce pour exempljer les bons et ceuls qui désirent à estre de
son aliance.
Premièrement, tout homme qui demande à estre preus, doit
considérer Testât et regarder à la vie des ancjens et de ceuls
qui ont vesqu, comment, ne par quel incidense il i sont venu,
desquels, espoir, il portent les armes et tiennent les hiretages.
Le nom de preu renlumine les coers precheus et resplendist en
les salles et en les palajs, on Tensengne au doi, on recorde «on
bien fait, on li donne glore en ce monde. Proèche ne voelt point
séjourner à Tostel, mais errer et travillier et querre partout et
ens es pais prochains et lontains les armes et les aventures. Or
sont auquns bacelers qui s'escusent et dient : • Je travilleroie
c volontiers et querroie les armes, mais que je euisse bien de
€ quoi. • Au voir dire, la cavance ayde assés, tant que pour
aler et venir par le monde, mais proèce ne voelt point que nuls
povres bacelers de bonne volonté s'escuse de non quérir les
armes par défaute de mise; car, se il le vault, il trouvera qui
Taidera, se il le désert, qui l'avancera et paiera selonch son
bien fait, car tousjours viennent li bon à meureté et congnis-
sance, et on Ta veu avenir en trop de lieus que moult de povres
bacelers se sont fait et honnouré par lor bien fait et traviel. Et
encores en celle histore présent, se vous le lissiés ou oés lire de
commencement jusque en conclusion, vous i verés et trouvères
les noms de pluisseurs vaillans hommes qui doient bien estre
escript ens ou nombre des preus. Je ne les ai que faire de
nommer présentement, car il se nommeront, ensi que il ont eu
PROLOGUE. 13
leurs cours et lors saisons, tant d'un roiaulme comme de Tautre.
Or se débrise et disfère li mondes en pluisseurs maniàres. Pre*
mièrement li vaillans hommes tra^ellent lors corps en armes
pour conquérir la glore et renommée de che monde. Li peuples
parole, recorde et devise de lors estas. Auquns clers escripsfflit
et registrent lors œuvres et baceleries, par quoi elles soient
misses et couchies en mémores perpétuelles, car par les esorip-
tures puet-on avoir la congnissance de toutes coses et sont
registre li bien et li mal, les prospérités et les fortunes des
anoyens.
Or ai eu pluisseurs fois grant imagination sus Testât et afaim
de proèce, et penset et imaginet comment et où elle a tenu ses
termes et venu d'un roiaulme en Faultre, et aussi en ma jonèche
j'en ai moult oj parler auquns vaillans hommes liquel s'en
esmervilloient ensi que je, et pour venir à la vérité et apaisier
ma imagination, je ai leu tant ens es livres anoyens que je en
cuide savoir auqune cose, et selonch mon avis, je en ferai
auqune détermination. Vérité est selonch les anchyennes escrip»
tures que apriès le déluge et que Noé et sa génération eurent
repeuplé le monde et que on se commença à armer et à prendre
par le fait de guerre l'un sus l'autre, proèche resgna première-
ment ou roiaulme de Caldée par le fait dou roi Ninus qui fist
fonder et édéfyer la grande chité de Ninive, qui contenoit trois
journées de lonch, et aussi par la roine Semeramis, sa femme,
qui fu dame de grant valeur. Après, proèce se remua et vint
resgner en Judée et «Thérusalem par le fait de Josué, de David
et des Macabyens. Apriès, elle vint resgner ens ou roiaulme de
Perse et de Mède, par le fait de Cirus, le grant roi, par Assérus
et Xersès. Apriès, vint proèce resgner en Gresce, par le fait de
Herqules, de Téseus, de Jasson et de Acilles et des aultres preus
chevaliers; apriès, en Troies le grant, par le roi Priant, par
Hector et par ses frères ; apriès, en la chité de Rome, par les
nobles signatours et centurions, et par le grant Julie Cessar.
Apriès, elle vint demorer en France par le fait du grant Carle-
manne qui fut rois de France et d'Alemagneet empereur de
14 FAIBLESSE d'ÉDOUARD II.
Rome. Apriès a régné proèce un temps en Engleterre par le
fait du roi Edouwart et de la bonne roine Phellppe de Hainnau,
sa femme, et par lors enfans et par les vaillans hommes de celi
roiaulme, ensi que vous verés et trouvères, se tout le llssiés en
ceste histore. Or ne sçai pas se elle voelt encores aler plus avant
ou retourner, mais elle est de si noble et poissant condition, que
là où elle trueve les hommes qui l'aiment et la servent, elle
s'encline et se tient et demoure avoecques euls, car proèce n'a
cure des couwars ^ des preceurs, mais les fuit et esquiève, et
elle a droit. Homs qui voelt venir à vaillance par proèce, consi-
dère comment on asciet à table dou roi, de duch et de conte, le
preu, et on met arrière le couwart preceus, jà soit-il de plus
hault linage. Et pour ce que ceste histore cronisie est toute
remplie de fais d'armes et des membres qui en descendent, je ai
un petit tenu le degré de proèce, à la fin que tous bacelers qui
aimment les armes, s'i puissent exemplyer. Or s'ensieut-il , et
raison le voelt, que je remonstre et esclaircisse la cause pour
quoi premièrement la guerre s'esmut entre France et Engle-
terre, selonch ce que j'en fus enfourmés, car casqune des
parties dist que sa querelle est bonne, otretant bien le défen-
dant comme le demandant.
* Certainne cose est que 11 oppinions communelment du
Englës est telle, et jàpar expériense Ta-on veu avenir en
Engleterre * puis le tamps le vaillant roy Edouwart qui fu
tayon à celui Edouwart dont je ferai enssuiwant mention et
sour qui ceste histoire est commenchie, ^ que apriës ung
vaillant roy on a veu régner ung mains vaillant *, Et encoires
'-* Premièrement pour mieuls entrer en la matière de Thonnou-
rable et plaisante histoire du noble roy Édouart d'Engleterre qui fut
couronné à Londres Tan de grâce mil CCÇXXVI le jour de Noël au
vivant du roy son père et de la roy ne sa mère. — ■■' Puis le temps du
gentil roy Artus. — •-* Que entre deux vaillans roys d'Engleteire a
tondis en ung moins souffîsant de sens et de prouèce.
FAIBLESSE d'ÉDOUARD U. 15
s'apparu bien * par chil bon roy Édouwart qui tant eult à
faire as Danois et as Escos et qui les desconfl par pluiseurs
fois en bataille*. Ses flis, li,seconds Édouwars^ne fut mie si
vaillans, ne si renommés, ne plains de si grant prudense,
que li roys ses pères avoit estet^, et gouverna son royaumme^
nichement et simplement® par mauvais consseil, dont depuis
il l'en mescey moult laidement ; car assés tost apriès ce
qu'il fu couronnés, li rois Robers de Brus, qui estoit rois
d'Escoce et ^ qui tant avoit guerryet au roy Édouwart le
père à celui dont je parle *, reconquit touttes les villes et les
castiaux en Escoche qui avoient estet conquis et la bonne
cité de Bervich, et gasi» et essrlla grant partie dou royaumme
d'Engleterre bien IIII journées ou V dedens le pays et des-
confit ce roy Édouwart * par bataille '° en Escoce devant ung
castel que on appelle Struvelin, et là fu morte et prise
toute le fleur de le chevalerie d'Engleterre " et dura la cace
et la desconflture par deux jours et moult avant ou
royaumme d'Engleterre ^*, et vint à Londres ; si fu moult
diffammés et *^ déparlés " de ses gens meismes de cette
aventure, et disoit-on que par se noncallieuseté et le mau-
vais consseil qu'il créoit, il avoit recheut ce donmaaige.
*'* Voira est que son tayon qa*on appela Irbon roy Edonart, fut
moult vaillant homme, sage et hardi , très-entreprenant et bien for-
tune en tout fait de guerre et ot moult à faire contre les Escos et
les conquist trois fois ou quatre, et ne porent oncques les Escos
avoir victoire, ne durée contre lui. — ^^ Point ne le ressembla de
sens, ne de prouèce. — ^* Moult sauvagement. — ''^ Qui avoit tant
et si souvent donné à faire au bon roy Edouart dessus dit que on
tenoit pour moult preux, chevauça tantost efforciement sur lui. —
•■«• Par bataille rengiée et ordonnée,... par bataille rengie et arres-
tée. — *^" Et s'en refuy en Engleterre atout ce qu'il avoit de gens...
à moult pou de ses gens. — "*** Dépubliés.
16 FÀIBLBSaE d'ÉDOUàRB II.
Q^atr. réd. — Premièrement, pour mieuls entrer en la matère
et pour recorder au lonch ensi que les ordenances se sont por-
tées, vous devés sçavoir que, apriès Tapaisement des guerres de
Flandres ' qui furent moult grandes et dont la bataille de Cour-
trai descendi, où tant de vaiUans hommes et de nobles dou
roiaulme de France, furent mors et ochis par Torguel d'un
conte d'Artois, qui s'appeloit Robers, et que li bians rois
Phelippes de France eut mariée sa fille Isabiel au roi Édou-
wart d'Engleterre, liquels rois desus dis ne fu pas de si grant
sens, ne de tel proèee comme avoit esté li bons rois Édouwars,
ses pères, qui tant ot à faire et de batailles as Danois et as
Escos, et toutes achieva à Tonnour de li et au proufit de son
roiaulme, et pour ce que ses fils nozomés Édouwairs n'eut
point celle grasce, ne bonne aventure d'armes, car tous ne sont
pas, ne ne puent estre aourné de bonnes vertus, escei-il en
haine et indignation de son peuple, mais on ne li remonstra
pas ses folies sicrètes , avant ot-il fait moult de grans mauls
et de crueuses justices des nobles de son roiaulme. Englès
sueffrent bien un temps, mais en la fin il paient si crueuse-
ment que on s'i puet bien exempljer, ne on ne puet juer à
euls, et se liève et couce uns sires en trop grant péril, qui
les gouverne, car- jà ne l'ameront, ne honoreront, se il n'est
victoriens et se il n'aime les armes et la guerre à ses voisins et
par espécial à plus fors et à plus riches que il ne soient, et
ont celle condition , et tiennent celle opinion et ont tous jours
tenu et tenront tant que Engleterre sera terre habitable, et
dient généraulment, et ce ont-il veu par expériense par trop
de fois, que, apriès un bon roi , il en ont un qui n'est de nulle
vaillance, et le tiennent à endormi et à pesant, quant il ne
voelt ensievir les oeuvres de son père ou de son prédécesseur,
bon roy qui a régné endevant de li. Et est lor terre plus
plainne de ricoisses et de tous biens, quant il ont la guerre
que en temps de paix , et en cela sont-il né et obstiné , ne note
ne les poroit faire entendant le contraire*
Englès sont de merveilleuses conditions, chaut et boullant,
FAIBLESSE D*Âl>OUA&D U. 47
to8 esmeu en ire, tart apaisié, ne amodé en dootour^ et se
délittent et se confortent en batailles et en ooisions. Convoiteus
et envieus sont trop grandement sus le bien d'autroi , et ne se
puent coqjoindre parfaitement, ne naturelment, en Tamour,
ne alliance de nation estrange, et sont couvert et orguilleus,
et par espécial desous le soleil ne i a-il plus périlleus peuple,
tant que de hommes mestis, comme il sont en Engleterre; et
trop fort se différent en Engleterre les natures et conditions
des nobles aux hommes mestis et vilains, car li gentilhomme
sont de noble et loial condition, et li communs peuples est de
fêle, périlleuse, orgueilleuse et desloiale condition, et là où li
peuples vodroit moustrer sa félonie et poissance, li noble n'au-
poient point de durée à euls. Or sont-il et ont esté un lonch
temps moult bien d'acort ensamble , car li nobles ne demande
au peuple que toute raison ; aussi on ne li souflerroit point que
il presist sans payer un œuf, ne une poulie. Li homme de mes-
tier et li laboureur, parmi Engleterre, vivent de ce que il sèvent
faire , et li gentilhomme , de lors i*entes et revenus , et , se li
rois les ensonnie, il sont payet, non que li rois puist taillier
son peuple : non, ne li peuples ne le vodroit, ne poroit souf-
frir. Il y a certainnes ordenances et pactions assisses sus le
staple des lainnes, et de ce est li rois aidiés au-dessus de ses
rentes et revenues, et quant il fait guerre, cette paction on li
double. Engleterre est la terre dou monde le mieuls gardée.
Aultrement il ne poroient , ne sauroient vivre , et convient bien
que uns rois qui est lors sires, se ordonne apriès euls et s'incline
à moult de lors volontés, et se il fait le contraire et mauls en
viengne, mal l'en prendera, ensi que il fist à ce roi Edouwart,
dont je parloie maintenant, liquels fu fils au bon roi Edouwart,
qui tant fu de proèce plains que il desconfi par pluisseurs fois
en bataille les Escocois et conquist sus euls la chité de Bervich
et la frontière d'Escoce jusques en la chité d'Abredane; et prist
et tint Haindebourch et le fort chastiel de Struvelin, et quant
chils bons rois Édouwars fu trespassés, ses fils nommés aussi
Edouwars fu rois, mais il n'ensievi pas, ne en riens, la vail-
I. — FROISSART. 2
18 MARIAGE
lance dou roi son père. Car assés tos apriès cq que U fjx cou-
ronnés, li rois d'Ëscoce qui se nomma Robert de Bru9, de^jJli
ce roi Ëdouwart, et cevauça tangos esforciement sur lui et
reconquist toute Escoce, celle que li bons rois Édouwars avoit
conquis, et reprist la chité de Bervich et passa la rivière de
Taie, et entra ens ou pais de Norhombrelande et ardi et essilla
moult dou roiaulme d'Engleterre jusques à la rivière dou
Thjne, et vinrent li dit Escoçois mettre le siège devant le
chastiel de Struvelin. Adont s'esmurent chils rois Édouwara,
fils au bon roi Édouwart, et toute la chevalerie d^Engleterre
pour lever ce siège, et là les atendirent li rois Robers de Brus
et ses gens, et j ot une bataille arrestée très-grande, et là
furent desconû les Englois et mis en cace, et en i ot biaucop
de mors et de pris, et dura ceste cace des Escoçois sur les Englès
jusques oultre la rivière dou Hombre, et se sauva à grant painne
li rois Édouwars, et ne fu onques à ségures en chité, ne en ville,
ne chastiel que il eust sus tout son cemin, si se trouva en la
chité de Londres, et quant il veit et congneut la vaillance de ce
roi Robert de Brus, il fist paction et acordance à lui, et demo-
rèrent li doi roiaulme d'Engleterre et d'Escoce en trieuves, ung
grant tempore.
Chils roys Édouwars qui fu pères à ce gentil roy Édou-
wart *, avoit II frères de remariaige desquels li ungs
estoit appelles li contes Marescaus et estoit de moult sau-
vaige et diverse maniiière. Li autres avoit nom messire
Ainmon et estoit conte de Kent. Chils messires Ainmons
estoit ^ moult ^ doulz et débonnaires, bien amés des bonnes
gens d'Engleterre. Chils roys Édouwars estoit mariés à le
fille dou biau roy Phelippe de Franche ^, et li avoit li rois
*-* ChlLei rois englès dont je parloie maintenant, qui reçut ce grand
dommage en Escosse.., qui rechut ce grand blâme et dommage devant
Struvelin. — '-^ Sages, preudons.., vaillans homs et preodons et cour-
tois. — ^ Qui estoit une des plus belles dames du monde.
d'ÉDOUARI) U KT d'iSABELLë de FRANCE. 49
de Franche dcHinë sa fille par en^ie, sicomme on disoit,
pour tant que li comtes Guis de Flandres qui rëgnoit pour le
temps, li ayoit volut donner sa fille sans le congiet et ordon-
nance dou roy de France, et il ne li plaisoit mies que il
s'aliast as Englès. Et quant chils biaus rois Phelippes sceut
que chils mariages se devoit faire, il manda au conte de
Flandres qu'il li envoyast veoir sa fille qui estoit sa fiUoeille.
Li jcontes qui nul mal n*y penssoit, li envoya tantos et sans
dëlay. Quant li roy Phelippes le vit, il le prist et le fist
emprisonner par tel mannière c'oncques depuis ne rentra en
Flandres, pour laquelle avenue moult de batailles furent en
Flandres et en France et la grosse bataille de Courtrai où
il eut tant de vaillans seigneurs mors et desconfls, et ailleurs
ossi. Or maria chils biaus roys Phelippes sa fille Ysabel au
roy d'Engleterre et li donna en mariage toutte la comté de
Pontieu et encoires d'autres revenus ailleurs. De ce roy
d'Engleterre et de celle dame yssirent IIII enfans : II fils
et II filles. Le fils li aisnés ^ eut nom « Édouwars, qui tant
fu vaillans homs et sour qui ceste histoire est commen-
chie »; li seconds eut nom Jehans de Eltem et morut jones;
des dames li une eut nom Ysabelle et fu royne d'Escoce et
eut à mari le roy David d'Escoce , fils du roy Robert de
Brus, et li fu donnée en mariage * par pais faisant, * par l'a-
sentement et acord des II royaummes d'Engleterre et d'Es-
coce ^, et li autre eut le duch de Guérie ' : si en ot deux fils
'-' Est le gentil et le preux roi... — ' Et fu rois d'Engleterre par
Tacoiide tous les barons, prëlas et communautés d'Engleterre, très le
vivant le roi Édouwart son père. — ♦ En jeunesse. -— ** Par Tacoi-t
des hauts barons de Tun royaume et de Taultre, pour venir à plus
grande aliance d'amour. — ^ L'autre fiUe fu mariée an conte Regnaut
de ûueli*es qui puis fu appelé duc de Quelres et eut de ceste dame deux
fils Regnault et Edouart qui puis régnèrent en moult grant puissance
contre leurs ennemis.
20 ORIGINE DES GUERRES
et deux filles, messire Ernaut et messire Édouwart qui tant
fu bons chevaliers. De ses deux filles, Tune eut li contes
de Mons et * l'autre eult depuis li comtes Jehans de Blois
comme vous orës avant en l'istoire *. Et que on l'entende,
' chils contes de Mons... fu mariés et puis par l'ordon-
nance l'empereur Loeys de Bavière, contes de Jullers et
des Mons fut enssuiwant par le decollance l'empe-
reur d'Allemaigne et de Rome monseigneur
de Jullers*.
Encoires pour mieux esclairchir ceste grande et noble
matère et ouvrir le déclaration des linaiges, je me voeil
ung petit ensonnyer de mettre avant dont li roys Édouwars
qui asséga Tournay, yssi, et com prochains il fu de la cou-
ronne de France. Il descendi de par la fumelle de la droite
ordonnance ; car li biaux roys Phelippes qui fu ses tayons,
eult trois fils ® et une fille '. Et furent tout chil troy fil moult
biel seigneur et grant et puissant chevalier de membres et
de façons. Li aimiés eut à nom Loeis et fu à son vivant roys
de Navarre et l'apella-on le roi Hustin. Li seconds nés eut
nom Phelippes li Biaux, et li tiers eult nom Caries, et
furent tout troy roy de France , apriès le mort dou roy
Phelippe leur père, par droite succession, sans avoir hoir
masle de leurs corps engendré par loyaul mariaige, si-
ques apriès le mort dou darrain roy Carie, li XII per
*'* Li aultre fu contesse de Blois, mais eUe morut sans hoits. —
*•* De son mariage avoech ceste belle fille madame Ysabel qui fut royne
d'Engleterre. — *^ Il faut, je pense, rétablir ainsi cette phrase :
Chils contes de Mons qui fu mariés, estoit li fils dou conte GuiUaume
qui fu conte de Jullers et des Mons; et puis par Tordonnance
l'empereur Loeys de Bavière, li contes de Jullers et des Mons fut créé
marchis et fut enssuirant par le decollance Fempereur d'AUemagne
et de Rome monseigneur Garlon de Luxembourg fait duc de Jullers.
DE FRAPiCE ET D*AI«iGLETERRE. !2i
et li baron de France donnèrent le couronne à leur avis *
et ne le donnèrent point à le sereur qui estoit roine
d'Engleterre, par tant qu'il voloient dire et maintenir, et
encoires voellent, que li royaumes de Franche est bien si
nobles que il ne doit mie * aller ^ à fumelle, ne par consé-
quence à fil de fumelle de par sa mère, venant là où sa
mère n'a, ne peut avoir point de droit, siques par ces rai-
sons li XII per et li baron de France donnèrent de leur
certain accord le royaume, Tiretaige et le couronnne dou
royaume de France absoluement en plain palais à Paris à
monsigneur Phelippe de Vallois , fils jadis à monsigneur
Carie de Vallois, frère germain à ce biau roy Phelippe, et
hostèrent la royne d'Engleterre et son fil qui estoit hoirs
raasles et estoit fils de la sereur le darrain royCarlon *.
Ensi alla li dis royaummes hors de la droite ligne, che
samble-il à moult de gens, '^de quoy grant guerres en sont
nëes et venues et grans destructions de gens et de pays*
ou royaume de France et ailleurs, sicomme vous pores oyr
chy apriès. Car c'est la vraie fondation de ceste histoire,
pour raconter les grandes entreprinses et les grans fès
d'armes qui avenu en sont, car puis le tamps le bon roy
Carlemainne qui fu emperères d'AUemaigne et roys de
Franche, n'avinrent si grans aventures de guerres ou
royaumme de France que elles sont avenues par ce fait-chy,
ensi comme vous ores en ce livre, mes que je aye temps et
loisir dou faire et vous dou lire. Or voeil retraire à le droite
matère commencie et taire de ceste, tant que temps et lieu
venront que j'en deveray parler.
' Par élection et rieule natnrel et droitiirier que il ont en France et
de laquelle ordonnance ancjennement on avoit Ten user. — *' Aler,
ne descendre à fumelle. — ^ Et 11 rois Pl^elipes n^estoit que cousins
germains. — *-* Cest li point par quoy les guerres, les pestilences
et les tribulations sont depuis encourûtes et eslevëes et li grant mes-
chief avenu par le cause dou calenge et de la deffense.
2!2 INFLUENCE
Op dist li contes que cbils roys d'Engleterre, pères à cel
gentil roy Édouwart sour qui nostre matère est fondée,
gouverna moult diversement son royaume et flst moult de
diverses merveilles en son pays par le conseil et l'enort
de monsigneur Huon le Espensier qui avoit estet nouris
avecq lui d'enfance, et avoit tant fait chils messiresHues
que il et messires Hues ses pères estoient li plus grand
baron d'Engleterre en tant de mise que de richesses, et
estoient toudis li plus mestre del conseil le roy et voUoient
maistryer et sourmonter tous les aultres hauts barons
d'Engleterre, par envie de quoy et pour qùoy adviurent
puissedy ou pays et à eulx-meysmes moult de maux et de
tourmens. Car après la grand desconfiture de Struvelin
là où Robiers de Breus, rois d'Escoce, desconfit ce roy d'En-
gleterre et tous ses barons, sicomme vous avez oy chy
devant, * grant envie * et grant murmure multeplia ou pays
d'Engleterre entre les nobles barons et le conseil le roy
meysmement encontre le dit monseigneur Huon le Espens-
sier et li metoient sus que par son conseil il avoient estet
desconfls et que par tant que il estoit favorable au roy
d'Escoce il avoit tant oonseilliet et tenu le roy d'Engletere
en négligence que li Escos avaient reconquis le bonne chité
de Bervich et ars IIII journées ou V par deux fois dedens
leur pays^ et au darrain yaux tous destruis et desconfls ^
Et sour ce li dit baron eurent pluiseurs fois parlement
wisamble pour adviser qu'il en poroient faire, ^ desquels li
cuens Thummas de Lancastre qui estoit oncles au roy,
estoit li plus grans et li princbipaulx ^. Or se perchust lidis
messires Hues le Espenssier de ceste œuvre et comment on
*-■ Grand haine. — *♦ Et yaus desconfis en bataille et mis en cace et
porté très^-grant damag«. — •• Desquels li contes Thumas de Lancasti^
estoit <;hië8 et souTorains, et li desplaisoit li usages que li roys axcit em-
pris «t en parla par deax ou trois fois ass^ouTertement audit Déspensier.
DE HUGUES SPENCER. 23
murmuroit sur lui et sur son affaire ; si se doubta trop fort
que maux ne l'en venissent : * si y pourvey tantost de remède
mônlt féllenèse *.
QiuUr. réd. — Vérité est que chils rois d'Engleterre , liquels
ot à femme la fille au biau roi Phelippe, se gouverna ce que il
dura et resgna> moult diversement, et crut trop légièrement
mauvais consel et avoit dalés lui un chevalier, grant baron en
Engleterre et riche homme et son cousin, lequel on nommoit
méssire Hue le Espensier. Chils messires Hues et messires Hues
ses pères avoient le roi si atrait à lor volenté que il ne fkisoit
riens fors par lor consel, et plusencores par Tenort et consel
dou fil que dou père, car li pères estoit jà très-ancyens, et li fils
se tenoit tous jours dalés le roi, ' et ne faisoit li rois nulle cose,
fors par son consel *, dont tout homme qui cpngnissoit Testât dou
roi et ce messire Hue le Espensier, murmuroit et parloit diver-
sement sus lui, car, ensi que je ai dit ichi desus, Englès ne se
puent longuement tenir, ne souffrir de un inconvénient, quant
on lor fait, et se il le portent et sueflTrent un temps oultre leur
volenté , si en prendent-il en la fin crueuls paiement. Et avint
que onques depuis la desconfiture qui fu devant Struvelin en
Escoce, li royaulmes d'Engleterre généraument n'eut à grâce
le roi, ne ce messire Hue le Espensier, et commenchièrent à
murmurer li prélat, li baron et li homme des chités et bonnes
villes d'Engleterre moult fort sus le roi et son consel, et à dire
et proposer que on Tavoit tant tenu en wisseuses et en délisces
que li roiaulmes d'Engleterre avoit recheu blâme et dammage
oultre mesure, et que ce ne se pooit recouvrer. Or se perchut li
dis messires Hues li Espensiers que on murmuroit sur lui ; si se
doubta trop fort que mauls ne Ten presist.
*-• Ce ne fu mies si trèstos, encores eut-il fait moult de coses damma-
geables au pays : si j pourvei soutillement. — '-^ Par espëcial messires
Hues li fiîs avoit si meuë le roj et si atrait à ses opinions que sans lui
rien n'^estoit fait et par lui estoit tout fait, et le creoit li roys plus que
tout le monde.
24 SUPPLICE
Ils qui estoit si bien dou i*oy et si prochains comme il
voUoit et plus creus tous seuls que tous li mondes, s'en vint
au roy et lui dist que chil seigneur avoient fait aliance en-
contre lui et qu'il le meteroient hors de son royaume , se il
ne s'en gardoit; et tant flst par son enort et* par son soutil
malisce d'enghin * que li roys flst à ung jour prendre tous
ces seigneurs à ung parlement là où il estoient assamblé,
et en fist déceler sans délai et ^ sans congnîssance de
cause * jusques à XXII des plus grands barons ^^ et tout
premier le comte Thuramas de Lancastre qui estoit ses ^
oncles , preudom ® et saint home ', et fist puis * assés • de
biaux miracles , pour lequel fet li dis messires Hues acquit
grant haynne de tout le pays et espécialement de la royne
d'Engleterre et del conte de Kent qui estoit frères au dit
roy d'Engleterre. Et encoires ne cessa point atant li dis
messires Hues de enorter le roy à mal faire ; car quant il
perchust que il estoit mal de la roynne et del comte de Kent,
il mist si grant discort entre le roy et la royne par son
malisce, que li rois ne volloit point veoir la royne, ne
venir ou lieu où elle fuist ; et dura chils discors assés lon-
gement, et fu qui dist à le royne et au comte de Kent, tout
secrètement pour les périls esloingnier où il estoient, *° il leur
en poroit bien mesvenir prochainnement ^\ car li dis mes-
sires Hues leurpourcachoit ** grant destourbier. Dont, quant
la royne et li contes de Kent oyrent ces nouvelles, si se
doubtèrent; ** car il sentoient le roy hastieu" et de diverses
•■• Par son malvais malice. — '-♦ Sans cognissance de raison. —
* Dont ce fu grans pitës. — » **"' De bonne vie et sainte. — •■* Moult. —
10.11 Li roi par hastieu conseil et maie information leur feroit souffrir
dou corps. — *• Durement. — *'*♦ Car il sentoient le roy hastieu et
de diverse manière et che messire Hue si bien de lui qu'il faisoit tout
ce qu*il voloit sans avis et sans regart de nulle raison.. Car il sen-
toient le roy hastif et de diverse manière et leur ennemy si bien de lui
comme il Touloit.
DU COMTE DE LANCASTRE. ^S
mannîères et leur ennemy si bien de li comme il voUoit.
Si s'avisa la dame que elle se partiroit tout coiement et
vuideroit le royaume d'Engleterre et s'^n venroit en Franche
veoir le roy Charlon sen frère \ qui encoires vivoit * et li
conteroit ' ces mescéanches * et enmenroit son josne fil
Édouwart avecques lui veoir le roy son oncle *.
QiuUr. réd. — Ils qui estoit si bien dou roi que nuls mieuls de *
li, dist et enorta que pluisseurs barons d'Engleterre faisoient
alignées ensamble et que^se il ne s'en prendoit garde, il le boute-
roient hors de son roiaulme. Li rois fu pour celle fois si acertes
enfourmés que il y pourvei trop grandement, car à un parlement
que il fist venir à Bristo, là où il se tenoit le plus souvent et
moult volentiers, il fist prendre jusques à vingt-deux de ces
nobles et hauls barons d'Engleterre et les fist tous déceler, et
tout premiers le conte Thomas de Lancastre, qui estoit ses
oncles, preudoms et vaillans hommes, et fist depuis moult de
biaus miracles ou lieu où il fu ensevelis, et se son frère li
contes Aymons de Kent euist esté à ce parlement, il estoit
ordonné dou faire morir, mais point n'i fu, car il estoit dehe-
tiés, si s'escusa. Geste décolation faite, quant la congnissance
en vint généraument ens ou roiaulme d'Engleterre, li rois et
messires Hues li Espensiers furent aquelliet en grant haine de
toutes gens, mais nuls n'en osoit parler, là où la congnissance
en fust venue au roi, ne au dit messire Hue le Espensier; car il
estoient si crueuls en lors fais que nuls, tant hauls, ne nobles
que il fust, n'estoit espargniés, et voloient resgner en celle
ordennance que nuls ne parlast sus lor estât.
^•* Que la rojne qui sa sereur germaine estoit, n'avoit veu depuis
que ellefu enToyée en Engleterre.— '** Toutes ces piteuses aventures.,
ses mésaiset. — 'Et lairoit convenir ce roj et le Despensier : au sour-
plus, espoir, hastement s'amenderoient leurs estas et j pourveroit Diez
de remède.
26 FUITE
Enssi la dame ^ se pourvei sagement et bellement et prist
voie de venir en pellerinaige à Saint-Thummas enCantorbie,
et elle s'en vint à Wirfecesée et là de nuit elle entra en une
nef appareillie pour elle et son fil et le conte Aynmon de
Kent et messire Rogier de Mortemer, et en une autre nef
mirent leurs pourvéances, et eurent vent à souhet et furent
l'endemain devant prime ou havène de Bouloigne. Quant la
royne Ysabel fut arivée à Bouloigne , ensi comme vous oës,
et ses fils et li contes de Kent ses serourges , li cappitaînne
de la ville et li bourgois et ossi li abbés vinrent contre li et
le requeillièrent moult * liement ^ et l'eumenèrent en le
ville et le logièrent en l'abbéie et toute se routte, et y fut
II jours : au tiers jours, elle s'en parti et se mist à voie et
tant chemina par ses journées que elle s'en vint à Paris. Li
roys Caries ses frères qui estoit enfourmés de sa venue,
envoia contre elle des plus grands de son royaume qui
adont estoient dalés li, monseigneur Robert d'Artois, mon-
seigneur de Couchy, monseigneur de Sully et le seigneur
de Roye et plusieurs autres qui honnerablement l'amenèrent
en la cité de Paris et deviers le roi de Franche*.
Trois, réd. — Ce pourpos tinrent la dame et li contes de Kent et
ordonnèrent leurs besongnes secrètement et envoyèrent devant le
plus grant partie de leur arroi par le rivière de Tamise en nefs en
Flandre, et prist la ditte dame excusance de venir en pèlerinage
à Nostre-Dame de Boulongne, et se parti sicom vous poés oir
d'Engleterre à petite mesnie, son jone fil avoech lui , le conte de
Kent son serourge et monsigneur Rogier de Mortemer, et mon-
tèrent à Douvres et arrivèrent à Boulongne. Quant la royne
d*Engleterre fu arrivée à Boulongne et toute se route, elle regratia
* Hastivement. — •* Humblement. — * Et là li fu fait grant hon-
neur et à toute sa compagnie.
DE LA REINE D* ANGLETERRE. 27
Noetre Signeur et s'en vint tout à piet jusques à Féglise Nostre
Dame en dévotion et fist sen offrande et sen orison devant l'image.
Li abbés de laiens et tout li monne le recuellièrent liement, et
fti laiens herbergie et toute se mesnie et s'i reposèrent et rafres-
cirent par v jours. Au vj*"®, il montèrent tout as chevaus et
sus hagenées qu'il avoient amené d'Engleterre et se partirent de
Boulongne o tout leur arroi. Si fu la datoe aconvojée et acom-
pagniée d'aucuns chevaliers de là environ qui Festoient venu veoir
et festyer pour la cause de ce que elle estoit soer au roy leur
signeur. Tant esploita la dame par ses journées que elle approça
Amiens. Chil de la cité vinrent contre lui moult révéramment,
et par tout où elle passoit as cités et as bonnes villes, on li
faisoit feste et honneur, car li rois Charles 1 avoit ensi ordonné,
qui estoit enfourmés de sa venue. Et tant chevauça la ditte dame
que elle vint à Paris. Si estoient là issut contre lui moult de
noble gent pour le recueillier et son jono fil, et les amenèrent
jusques au palais messires Robers d'Artois, li contes de Dammar-
tin, li sires de Couci, li sires de Montmorensi et plusieur aultre.
Si descendirent devant le perron, et montèrent les degrés dou
palais, chil signeur francois devant qui menoient la dame, son fil
et le conte de Kent, et vinrent jusques au roi qui se tenoit en une
cambre bien acompagniés de prélas et de chevaliers.
Quatr, réd, — Encores avecques tout ce, mist li dis messires
Hues si très-grant discort entre le roi et la roine que li rois ne
voloit point veoir sa femme, et pour tant que le conte Aymon de
Kent en parla et en blâma le roi son frère, présens auquns nobles
d'Engleterre. Pour ces paroles et pour aultres, avecques tout le
mal et discort que messire Hues li Espensiers pooit mettre entre
le roi et son frère et la roine, il li mist, et bien le savoient la
roine et li contes de Kent, et s'en vinrent demorer en la conté
de Kent et en un biau chastiau dou dit conte que on nomme
Ledes, et là se tinrent ung tempore, car li rois d'Engleterre ne
faisoit compté de sa femme, ne de ses enfans, et convenoit la
roine vivre de son demainne, car les roînes d'Engleterre ont
28 LA REINE D'ANGLETERRE
grans drois et biaus hîretages de lors doaires en Engleterre.
Chils rois ne faisoit compte de veoir la roine. Si estoit-elle très-
belle dame et féminine et doucement enlangagie. Dit fu à ce
conte de Kent et à la roine Issabiel d'Engleterre qui se tenoient
en ce chastiel de Ledes, que li rois les feroit prendre, déceler ou
noyer son frère, et la roine enmurer. Il doubtèrent ces paroles,
car il sentoient le roi hauster et crueUls et ce Hue le Espensier,
qui les avoient aquelliet en grand haine. Si ordonnèrent lors
besongnes dou plus tos que il le porent, et se départirent d'Engle-
terre, et fu lor intension que il venroient en France veoir le roi
Carie de France, car la roine d'Engleterre ne Tavoit point veu
depuis que premièrement elle estoit venue en Engleterre, et ven-
roit en Pontieu, car la conté de Pontieu li devoit estré venue
et li avoit esté donnée en mariage avecques le roi d'Engleterre.
La roine d'Engleterre et li contes de Kent, pour le doubte
dou roi et esquiever les périls, se départirent d'Engleterre dou
plus tos que il porent, apriès ce que on les ot avisés et enfour-
més comment li rois et messires Hues li Espensier les voloient
destruire, et n'emmenèrent point plenté de gens. En lor com-
pagnie estoit aussi un chevalier qui se nomma messire Rogier
de Mortemer, et s'emblèrent secréement d'Engleterre et vinrent
à Boulongne et fissent tant par lors journées que il vinrent à
Paris et au bois de Viçainnes où, pour ce temps, li rois de
France se tenoit.
Quant li roys vit sa serour que, grant temps a, n'avoit
veu, et elle dubt entrer en sa cambre, il vint contre li et le
prist par la main droite et le baisa et dist : « A bien vien-
« gne, ma belle soer et mes biaux niés. » Lors les prist
tous deux et les mena avant. La dame qui pas n'avoit trop
grant joie fors de ce que elle se trouvoit dallés le roy son
frère, s'estoit jà vollue engeniller par trois ou par quattre
fois as pies le roy son frère, mes li roys ne le layoit et le
EN FRANCE. Sf
tenoit toudis par le maiu droite et li demandoit > moult
douchement * de sen estât et de sen affaire, et la dame l'en
respondoit très-sagement et tant furent les parolles que elle
•11 dist : « Monseigneur, ce nous va moy et mon fils ' assés
« petitement *, car li roys d'Engleterre mes maris m'a pris
« en trop grant haynne et je ne scès pour quoy, et tout par
« l'enort d'un chevalier qui s'appelle Hue li Espensier.
a Chils chevaliers a tellement atret monsigneur à soy et à
« sa voUentë que tout che qu'il voelt dire et faire il est, et
« jà ont comparet pluisieur hault baron et seigneur d'En-
« gleterre se mauvaistié, car il en fist sur ung jour prendre,
« et par le commandement du roy ^ sans droit et sans
« cause * décoller jusqu'à XXII, et par spécial le bon comte
(c Thummas de Lancastre duquel seigneur ce fu trop grans
« dammaiges, car il estoit preudoms et loyaus'et plains de
« bon conseil, • et n'est nuls ® en Engleterre, tant soit
c< nobles, ne de grant affaire, qui l'ose courechier, ne des-
« dire de tout ce qu'il voelt faire. Avoecques tout ce il me fut
« dit '®en grand spécialité " d'un homme qui quide assés
« savoir des conseils et des tretiés le roy mon marit et ce
« dit Hue le Espenssier, que on avoit grand envie sur moy
« et que si je demouroie ou pays guaires de temps, li roys
« par mauvaises et fauses infourmations me feroit morir
« ou languir à honte ". Si ne l'ay-je pas desservi, ne ne
« vouroie faire nullement, '^ car oncques enviers li je ne
« pensay, ne ne fis cose qui fuist à reprendre ". Et quand
« j'eus oy ces dures nouvelles et si périlleuses pour moy
« et sans raison, je m'avisay pour le mieux que je parti-
el roie d'Engleterre et vous venroie veoir et remonstrer
'-' Moult doucement et sagement.—'-^ Maisement '-* Sans loyet
•ans cause — ' De sainte vie.— •• N'y a si bon — *®-" En grant prive..
en grand amistë.— ** Et en po\Tetë... à déshonneur *>-'^ Car oncques
envers luy ne pensay mal, ne û» chose dont on me deust reprendre.
5() LA REINE DANGLETERRE
« fyablement comme à mon seigneur et biau frère ^ l'aven-
< ture ^ et le péril où j'ay estet, ossi li contes de Kent
« que là veës» qui est frères du roy mon mari, qui est en
c otel parti de hayime comme je sui et tout par Tesmou-
< vement et faux enort de ce Huon le flspensier ^. Si
« m*en sui chy afuie comme femme ^esgarée ^ et de^con-
« seillie^ déviera vous pour avoir consseil et confort de ces
« besoignes ; car se Dieux premièrement et vous n'y remé-
« dyës, je ne me sais ® vers qui traire ''. »
Quant li nobles roys Cai*les de Franche eut oy sa serour
ensi lamenter ^ et qui de coer et en pleurant lui remonstroit
sa besoingne et pour quoi elle estoit venue en France, si
en eut grand pitet ^ et li dist : « Ma belle soer, apaisiés-
« vous et vous confortés, car, foy que doy à Dieu et à
« monseigneur saint Denis , g'i pourveray de remède. »
Adont la dame s*engenilla, volsist ou non li roys, tout bas
à terre et li dist : « Mon très-cher seigneur et biau frère,
« Dieu vous en voeille oyr *°. » Lors la prist li roys entre
ses bras et Tenmena en une autre cambre plus avant qui
estoit " toute " parée et ordonnée pour li et pour le josne
Édouwart son fils et là le laya. Enssi fut la noble royne
d'Engleterre conjoïe et bien venue à ce premier dou roy
Charlon de France son frère *', et li fist délivrer li roys par
le cambre as deniers tout ce qui à le royne besongnoit
pour li et pour son estât.
Depuis ne demoura guaires que sus cel afs^re que vous
avez oy, Caries li roys de Franche assembla plusieurs grans
*-* La grande et dure besogne. — '■' Si nous sommes parti en grant
doubtance et Tenu par deçà vous veoir que je dësiroie moult. Et li
rois dist : t Ma belle seur, grans merchis. i — ♦ * Desconfortëe. —
••' Vers qui retraire. — • Tendrement. — ' Et le reconforta moult
doucement. — *® Qui le vous veuille remérir. — ^*** Rirhement. —
" Et servie comme à telle royne appartenoit.
EIN FRANCE. 31
seigneurs et barons dou royaume de France pour avoir
conseil et bon avis comment il ordonneroit de le besoingne
la royne sa soer à qui il avoit proummis confort et ayde \
et tenir li voUoit. Dont fut ainssi conseillé au roy et pour le
mieux que il laissast madame sa sereur acquérir et pour-
chachier amis et confortans ou royaume * et se faindist de
ceste emprise^; car de esmouvoir guerre au royd'Engleterre
et de mettre son pays en haynne *, ce n'estoit pas cose qui
fuist appertenant ^, mais couvertement et secrètement l'ai-
dast et confortast dou sien tant que d'or et d'argent *, car
c'est li métaux par quoy on acquiert l'amour des gentils
hommes et des povres bacelers '. A ce conseil et ad vis
s'accorda li roys • et le fist dire ainssi tout quoiement à le
royne d'Engleterre sa serour par monseigneur Robert
d'Artois qui lors estoit li ungs des plus grands de Franche.
Sur ce la bonne dame toute resjoïe et confortée persévéra
et se pourvey d'acquérir amis parmi le royaumme de
Franche. Les aucuns prioit; les autres promettoit ou don-
noit, et tant que il y eult moult de grans seigneurs, de
jovènes chevaliers et escuyers qui tous li accordèrent con-
fort et alianche pour le remener en Engleterre et de force ®.
* Par sa foy et ailleurs. — '-' Et de sa personne se faindesist de ce
fait. — * De mettre en haine les deux royaumes qui estoient en
paix. — *-• Estoit grans périls • Or, argent ou joyaux. — ^ Et elle
trouveroit assës d'amis. — • Et li eut en couvent qu'il lui feroit ayde
de mise. — • Adont fu querquiës secrètement messires Robers d'Ar-
tois qui estoit l'un des plus grans barons qui là fust, qu'il luy aydast
à pourcachier amis aux gentils et nobles bacelers du pays et d'ail-
leurs. Et ainsi la royne d'Engleterre, parmi l'ayde de messire Robert,
les poarcacha et tant leur promist et donna qu'elle eut moult de noble
chevalerie et de bonne de son accort, qui tout lui promirent de luy
aidier à remettre de force ens ou royalme d'Engleterre, et grant désir
en avoient. — ^ Maugré tous ses ennemis pour l'honneur du roy leur
seigneur.
32 LA REIME D'ANGLETERRE
Trais, réd. — Quant li rois de France vei sa serour que en
grant tamps n'avoit veu et elle deut entrer en la cambre il vint
contre lui et le prist par la main droite et le baisa et dist : c A bien
c viègne ma belle sœur et mes biaus niés. • Si les tint tous II et
les mena avant. La dame qui pas n'avoit trop grant joie fors de
ce que elle se trouvoit dalés le roy son frère, s'estoitjà volue age-
nouillier par II ou par III fois. Mais li rois ne le laioit et le
tenoit toutdis par le main droite et li demandoit moult douce-
ment de son estât et de son afaire, et la dame Ten respondoit
très-sagement, et tant furent les parolles que elle dist : t Mon-
signeur, se nous va moi et mon fils assés petitement, car li
rois d'Engleterre mes maris m'a pris en trop grant hayne, et
se ne scès pourquoi, fors par Tenhort d'un chevalier englès
qui s'appelle Hues li Despensiers. Chils chevaliers a telement
attrait le roi à ses volontés que tout ce qu il voet dire et faire
il est. Et jà ont comparet pluiseur haut baron d'Engleterre sa
mauvesté, car il en ûst sus ung jour prendre au commande-
ment du roy et en fist déceler jusques à XXII sans loy
et sans cause, et par espécial le bon conte Thumas de Lan-
castre dont ce fu trop grans damage, car il estoit preudons et
loyaus et plains de bon conseil, et n'est nuls en Engleterre,
tant soit nobles, ne de grant afaire qui l'ose couroucier , ne
desdire de cose que il voelle faire. Et m'a telement troublet
devers le roy et le conte de Kent men frère que veci qu'il
nous fu dit en grant amisté par chiaus qui savoient aucunes
coses du conseil ce dit chevalier, que iy)us estions en grant
péril de nos vies. Si nous sommes parti en grant doubtance
et venu par deçà vous veoir, que je désiroie moult. » Et li
rois dist : c Ma belle suer, grant merchis. •
Quant li rois Charles eut oy et entendu les complaintes de sa
suer et comment elle estoit démenée par le fait dou Despensier,
si en eut grant pité et le reconforta moult doucement et li dist :
« Ma belle suer, vous demorrés dalés nous : si ne vous esbahissiés,
i ne desconfortés de riens. Nous avons assés pour nous et pour
c vous. Et si meterons remède et conseil à vos besongnes. » Et
EM FRANCK. 35
la dame s*agenouilla et dist : c Monsigneur, grans mercis. i
Depuis la Tenue de la dame de son fil et dou conte de Kent, et
que li rois Charles eut recueilliet moult liement les dessus dis, il
se tinrent à Paris dalés le roj, et leur faisoit li dis rois faire
leur délivrance de toutes coses, et estoit souvent la rojne
d'Engleterre avoech le roj son frère et la royne de France.
Quatr, réd. — Li rois Caries de France requelli assés douce-
ment sa serour et son jone fil Edouwart et le vei moult volon-
tiers et le conte de Kent et messire Rogier de Mortemer, et
ordonna tantos de lor estât, quant il ot entendu recorder sa
serour et le conte de Kent, la vie, Taffaire et Tordenance dou
roi d'Engleterre et de ce Hue le Espensier; mais il ne dist
pas : • Belle serour, pour Tamour de vous et pour ce que je
€ voi que il se mésuse , je li manderai notorement que il se
« mete à raison et eslonge de li son mauvais consel et vous
€ tiengne en paix et en estât, ensi que uns rois doit tenir sa
c femme, ou je li ferai guerre; • nennil, mais li dist : c Ma
• belle serour, je vous pourverai courtoisement de vostre estât
€ pour vous et pour vostre fil, et entrues s'avisera vostres
• maris, ou li amour et la compagnie de li et de ce Hue le
• Espensier se desrompera. » Il convint la roine d'Engleterre
prendre en bon gré ce que ses frères li rois de France li
offroit, et Ten remercia, et aussi fist li contes de Kent, et
se tinrent à Paris que là environ , trois ans tous complis et
estoient souvent aTiéflues le roi Carie, et les veoit li rois volon-
tiers et prendoit a ref fois grant plaisance ou jone Edouwart,
car il estoit biaus fils et rians, et s'esbatoit li rois qui estoit son
oncle, en ses jonèces. Pour ce temps que la roine d'Engleterre
et ses fils et li contes de Kent estoient en France, avoit deus
Jones filles en France, desquelles li rois Caries estoit oncles,
car avoient esté filles à ses deus frères, li roj Lois que on
nomma le roi Hustin, et li autre, fille au roi Phelippe le
Grant, qui en sa jonèce avoit esté nommé conte de Ne vers. De
ces deus filles, li une fu depuis ducoise d'Orljens, et li aultre,
I. — FROISSART. 3
54 LE RM 1« riUlICE
Mi^rj^ueHie, eoiitèfti86 ^e Fhmdrés et d'Arte^ , et fo MoMt
pSkToiè eus ou conseil dou roi de Frtmeé, et assés fl*i aoc^réalt li
rois, que ses biaus nevevs Édouwars d'Engleterre eoist roM
de ses nièces par maiiage, et que li roiaulûies de France, •i^riès
li, ior retoumast, car U venoient de la droite lignie.
Or vous parlerons de ce messîre Hue le Espéttsîéf ning
petit et assés tost revenrons à la royne. Quant îl vit que
il avoit fet grant partie de ses volentés, mis à destruction
les plus grands barons d'Engleterre, la roynne et son ainnet
fils décachiet hors del royaume et que il avoit le roy si à
sa vollentë atret que li rois ne lui contredisoit cose nulle
que il voulsist dire, ne faire, ils qui persêvéroit en se grand
mauvaistié, fist depuis tant de bonnes gens justicier et
mettre à mort sans loy et sans jugement par tant que il les
teuoit pour suspès encontre lui et fist tant de merveilles ^ar
son orgoeiljque li baron qui demouret estoient et li reina-
nans dou pays ne le porent plus porter , ains quisetft et
acquisent li aucuns entr'aux acôrd pasienodemeïit et fissent
secrètement savoir à la royne leur dame dessus dite qui
avoit jà demouret à Paris par Tespasse de trois ans comme
escachie et banie dou royaume d'Engleterre , sicomme
vous avés oy, se elle pooit trouver voie ou sens par quoy
elle peuuist avoir aucune compaignie de gens d*armes de
mil armures de fer ou là environ, et elle Tolsist ramener son
fil et toute se compaignie ens ou royaume d'Engleterre, eux
se trairoient tantost vers li et obeiroient a li comme à leur
dame et a sen fil comme a leur seigneur, car il ne |)ootent
plus porter les desrois et les fès que il faisott (m ptysyar
le conseil dudit monseigneur Huon et de cetrx qui 'Se ^tr(ni
accord estoient.
Ces lettres et ces nouvelles secrètes envoyées d*En-
FAVIMUSE SPKMCER. 35
f laterne, la royne les monstra et dist att roy Cark son
frère, liquele Ten reepondi adont tout joieusement : « Ma
€ belle soer, Dieux y ait part I de tant vallent vos besoignes
€ mieux. Or Temprendës hardiement et pryës de mes
c hommes jusques à le somme que vo aidans d'Engleterre
c vous ont segnefyet; je consentiray bien ce voiaige et
« leur feray faire délivranche d'or et d'argent tant qu'il
€ vous * suivront - voUentiers. » Pour ce la bonne dame
avait jà pryet moult de chevaliers bacheleureux et aventu-
reux qui li proumettoient que très-volentiers il yroient, et
ordonnait la dame tout secrètement sen affaire et ses
pourvéances, mais oncques si secrètement ne le peult faire,
ne rescripre as bai*ons d'Engleterre que meesires Hues li
Despenssiers ne le sceuist. Lors ^e douta que de force li
rois de France ne le renvoiast en Engleterre, et s'avisa qm
par dons il atrairoit si le roy de France et son conseil quiil
n'aroient nulle volenté de la dame aidier,'Bj8 lui porter
contraire. Dont envoya par messaiges secrès et afaitiés de
ce faire grand plentet d'or et d'argent et jeuiaiix rices et
espéciAUX deviers le roy et son plus privet conseil, et ûat
tant en brief termine que li roys et tous ses conssaulx
furent i^esi frmt d'aidier la ^ame oonwe il avoient es^t
en (grand dësir, et brisa li roys tout ce voiaige et deffendy
sus à perdre le royaume qu'il ne fuist nuls qui avoeoques la
roynne d^ngleterre se meist à voie pour elle aidier à
remettre en Engletarre à main armëe. Dont li pluiseur che-
valier et bachelier dudit royaume en furent moult courou-
chiet et s'esmervlllièrent entre yaux pourquoi si soudaine-
ment li rois avoit fait ceste deffensce, et en murmurèrent li
aucun et disent bien que ors et argens i estoit efforchéement
acourus d*Englejterre *.
1'* Serriront. — 'Et que François wnt trop oonToiteus.
36 LE ROI DE FRANCE
Vwr. prem. réd, — Or vous diray un petit du malyais mes-
sire Hue le Despensier. Quant il vit que la royne s'estoit par
devers le voy ainsi retraite, il s'apensa et doubta fort qu'elle ne
pourcachaat ce qu'elle faisoit, et que s'elle revenoit à force en
■^ Engleterre, que il n'en fust destruis. Si s'avisa que, s'il povoit,
que par dons d'or et d'argent et de joiaux, il déceveroit le roy
de France et son conseil, adfin qu'il ne confortaissent la dite
royne , ne qu'il ne lui fesissent aucun contraire. Et quist mes-
sagiers souffisans, soutils et bien afaitiés ; si leur querqua plui-
seurs lettres et joiaux, avec or et argent à grant plenté ; et tant
flst en brief terme que le roy et son conseil furent aussi froit
de la dame aidier, comme ils en avoient eu grant désir et
volenté. Et brisa le roy propre tout cel voyage, et deffendi, sur
à perdre le royalme, que nuls ne s'en mesist. Dont pluiseurs
chevaliers furent moult courouchiés, car il avoient grant désir
d'aidier à la dame; et moult s'esmervillèrent comment le roy
pooit estre en sy peu de temps retournés ; et murmurèrent fort
par le pays qu'il estoit décheus par or et par argent qui d'Engle-
terre lui estoit venu.
Trois, réd, — La royne ooit à le fois des nouvelles d*Engleterre
qui pas trop plaisans ne li estoient, car cils messires Hues li Des-
pcnsiers croissoit tous jours en puissance et en amour devers le
roy, et avoit telement attret et atournet le dit roy que tous li pays
8*en esmervilloit, et n'avoit nuls que faire en le court dou roy se
il n'estoit de son acord. Si ôst-il depuis moult de diversetés et de
cruaultés as plusieurs en Engleterre, dont il estoit moult hays,
mais nuls ne li osoit dire, ne monstrer, car se il se doubtast de
Aqui que fust, conte ou baron, tantost il le fesist, sus Tombre dou
roy, prendre et décoler sans nule remède. Si estoit si doubtés et
des plusieurs tant hays que merveille. Et regardèrent aucun
baron et sage homme du pays que ce ne faisoit mies à souffrir et
que ses outrages et mauvaistés il ne poroient plus porter. Si se
traisent tout secrètement ensamble à conseil et eurent avis et
volenté que il remanderoient leur dame la royne d'Engleterre
FAVORISE SPENCER. 37
qui jà avoit demoret en France bien pries par l'espace de III
ans et toutdis dedens le cité de Paris. Si li escrisirent et segne-
fjèrent se elle pooit trouver voie ou sens par quoi elle puist
avoir aucune compagnie de gens d'armes de mil armeures de
fier ou là environ et elle vosist ramener son fil et toute se com-
pagnie ou royaume d'Engleterre, il trairoient tantost vers lui et
obéiroient à lui et à son fil comme à leur seigneur, car il ne
pooient, ne voloient plus porter les desrois, ne les fais que li rois
faisoit ou pays par le conseil monsigneur Huon et de chiaus qui
de son accort estoient. Quant la rojne entendit ces nouvelles, elle
s'en consilla secrètement au roj Charle son frère qui bien volen-
tiers Fentendi et li respondi adont que elle Tentrepresist hardie-''
ment, car il li aideroit et li presteroit de ses gens tels que elle vor-
roit avoir, et avoech che il li presteroit de son or et de son argent
ce qu'il l'en besongneroit. Sour ce la rojne se parti de lui et
s'en revint à son hostel et se pourvoi sicom elle le peut. Et pria
secrètement des plus grans barons de France ceuls dont elle se
fioit le plus et qui le plus volentrieu estoient pour tel afaire et
en pensoit estre bien certainne. Puis le fist ensi à savoir secrè-
tement à ces barons d'Engleterre qui avoient vers lui envojet ;
mais on ne le peut si celer que li dis messires Hues li Despensiers
ne le sceuist. Si fist puis tout le terme pendant par ses messages
et par dons et promesses que li rois Charles de France fu si
enhortes par son conseil que il manda sa sereur la ditte royne
Ysabiel qui se tenoit en son hostel entre ses gens et li desconsilla
et deffendi si haut et si acertes qu'il peut que elle demorast quoie
et se relaiast de ce que elle avoit empris. Et quant la dame
entendi le roj son frère, elle fu toute esbahie et abaubie, ce ne
fil point de merveilles. Si perchut bien que ses frères estoit mal
infourmés, car riens que elle peuwist dire à l'encontre ne li
pooit valoir, ne aidier. Si se parti adont de lui moult triste et
esmarie et revint arrière à son hostel et ne se relaia point pour
ce à appareillier. Li rois ses frères le sceut : s'en fu courouciés
quant sus sa deffense elle voloit ouvrer. Si fist par le conseil qu'il
eut, commander sus corps et sus avoir que nuls de son royaume
•"TR LE ROI DE FRANCE
M 86 meoitt, ne allait avoech la ditte rojne sa suer. Qoant la
dame seit ce , elle fa assés pins triste que devant, ce fù bien
raisons ; si ne sceut qu^ faire, ne qne penser, car toutes ses
besongnes 11 veiioient au contraire et estoient venues de lonch
tamps, et se li falloit, ce li sambloit, par mauvais conseil
cils qui mieuls li devoit aidiér à son besoing, et si approçoit li
termes que elle avoit mandet à chiaus que eUe tenoit pour ses
amis en Bn^^eterre. Si demora moult esgarée sans nul o<mfort
c6mm6 celle qui ne savoit que eUe peuist faire, ne que devenir.
El reqd^it souvent Djeo estroitement en soi-meismes, ei li
prioit que il le vosist aidier et consillier.
QM(Ur, réd. — Grandes murmurations et escandales corn-
menchièrent à monter en Engleterre à rencontre dou roi et
de oe Hue le Espensier, tant des nobles comme des prélas et
marceans, et disoient ensi Tun à Tautre, quant il se ù*ouvoient :
c Nostres rois se mésuse trop mallement par Tenort et consel
€ de ce Hue le Espensier. A quoi es-çou bon que il ont mis
€ hors d'Engleterre, la roine qui est serour dou roi de France
< et une vaillans dame, sage, humble et dévote, et son jone
c ûl, nostre hiretier, et aussi le conte» de Kent, un vaillant
c honune et de bonne conscience , et ne sot se tenir en ce païs
• pour tant que il a parlé à son frère le roi et à messire Hue le
c Espensier et leur a blamct leurs folies? Telles coses ne font
• pas à souffHr, ne à consentir, et poroient lors œvres porter
• trop grant pr^udiscc à ce roiaulme, et seroit bon que on i
• pourveist. > Li Londrjen qui ont tousjours esté, sont et
seront tant que il seront, li plus poissant de toute Engleteterre,
considérèrent ces affaires que les coses aloient en Engleterre
trop mallement, et que justice n^i avoit point de lieu, ne de
audiense, ne li marceant n^osoient aler, ne ceminer, ne ne
pooient, fors en grant péril et aventure de perdre lors corps et
lors biens, parmi le roiaulme d^ Engleterre ; si en parlèrent
entre euls et dissent que il i convenoit obvjer et que de la vie
et gouvernance dou roi et de son consel, c^estoit une pure perte.
FAVORISE SPKMCER. 59
et 9dAUrent ()ue moult de nobles d'Englct^rre s'eaclineroieut
a3sés ios à ce qui^ on i pourveist» et couroit secrée renommée
(^ue U rois,, par ses mésusanccs et folies, n'estoit point dignes
de tenir terre et que à tort et à péchiet il avoit eslongiet en su^
de li 80, femme la roine d'Engleterre et son fll et. son frère le
conte de Kent, et se tenoit en la marce de Bristo en wiseusses
et en déduis, et ne faisoit compte comment li roiaulmes fust
menés, ne gouvernés, mais que il euist ses plaisances et or et
argent assés, et tout donnoit à ce Hue le Espensier et à ses
complisces. Si regardèrent que on i pourveroit, et eurent un
oertain ooAsel secret ensamble li auqun noble d^Ëngleterre et
prélas qui Be pooient plus soujffirir ce que il veoient, et li Lon-
dryen, que il Femai^deroienit la roine Issabiel k>r dame et son
fil et le conte dé Keat, et fesisseut t^t que il euiasent jusques
à troia ceiia armeures de fier, mais q^e il fuiss^t arrivé en
Engleterre , il trouYeroient confort et aide assés des nobles
d'Ëngleterre et des Londryens, et çertefioient Içs lettres que
tout ce que il venroit en Engleterre de gens d'armes, il seroient
tout payet, et en faisoient li Loridryen lor fait. En ce consel,
furent les lettres escriptes et séeléeSi^ et chil esleu, qui feroient
le message, et convenoit bien que tout ce fust tenu en secré. Il
le fu, et vinrent chil qui envoyet i ftirent à Paris et trouvèrent
la roine et son fil et le conte de Kent, si leur baillièrent à part
les lettres : il les lisièreut; si en furent tout re^oF, quant il
veirent que la plus saine partie dou pais et li Londrjen les
mandoient, mais le plus fort pour euls estoit à trouver gens
d'armes, et ne s'osa de ces lettres, ne des mandemens la roine
d'Engleterre descouvrir à son frère le roi de France, ne à baron
qui fust en Franoe» et ce li conseillèrent li oga[ites de Kent, ^t
messires Rogiers de Mortemer.
Bnooires vous diray-je, se j'ay loisir, de quoy chils mes-
sires Hues li Espenssiers s'avisa. Quant il vit quil n'avoit
garde dou roy de Franche, ne de oecosté, pour embelHr et
40 CHARLES LE BEL
florir se raauvaistié et ratraire la royne en Engleterre et
remettre en son dangîer et dou roy son marit, il fist le roy
d'Engleterre escripre au Saint Père en suppliant assës
affectueusement que il volsist escripre et mander au roy
Charle de Franche que il lui volsist renvoyer sa femme,
car il s*en voloit acquiter à Dieu et au monde et que ce
n'estoit mie sa coulpe que elle estoit partie de lui, car il ne
li vouUoit que toute amour et bonne loyaulté , telle que on
doit tenir en mariaige. Âvoecques lettres que li dis mes-
sires Hues fist le roy d'Engleterre escripre au pape et as
cardinaux en lui escusant comme vous avés oy, et encorres
par pluiseurs soubtieves voies qui cy ne puevent mie estre
toutes descriptes, il envoya grant or et grant argent à plui-
seurs cardinaux et prélas les plus secrès et prochains du
pape, et ossi messagiers sages et avisés et bien ydoines et
tailliés de faire ce messaige, et mena tellement le pape par
ses dons et par ses falasses que il contournèrent dou tout
la royne Ysabiel d'Engleterre et condempnèrent en son
tort, et mirent le roy d'Engleterre et son conseil à son
droit. Et escripsi li pape par le conseil d'aucuns cardinaulx
qui del accord le dessus dit Espenssier estoient, au roy Car-
Ion de Franche que sous painne et sentensce d'escumenie-
ment il renvoyast sa serour la royne Ysabiel en Engle-
terre deviers le roy son marit. Ces lettres veues et
apportées devers li roy de Franche et par spécial messagier
que par l'évesque de Saintes en Poitou que li papes y
envoyoit en légation, li roys fut durement esmeus sur sa
sereur et dist qu'il ne le vollpit plus soustenîr à rencontre
de l'Église , et fist dire à sa seur (car jà de grant temps ne
parloit-il plus à elle) que elle widast tost et hastivement
son royaume ou il l'en feroit wuidier à honte *.
* Et dommage d*elle et des siens.
ABANDONNE SA SCBUR. 41
Var. prem. réd. — Encore vous diray de quoy celui messire
Hue s'apensa. Quant il se perehut à plain qu'il n'avoit garde que
François venissent oultre, pour naieulx florir son fait, et adfin
que la royne euist aucune renommée de mcifait ou de tort, il con-
silla le roy d'Engleterre qu'il escripsist au Saint Père le pappe,
en suppliant bien acertes qu'il mandast au roj de France que il
lui volsist renvoier sa femme, car il s'en voloit aquiter à Dieu et
au monde. Et monstroit que ce n'estoit point sa coulpe qu'elle
s'estoit partie de luj, ne du pays, car il lui voloit faire toute
loyalté, telle c'on doit en mariage. Et avec toutes ces lettres, en
luy escusant, il envoia plenté d'or et d'argent par devers le
pappe et aux plus grans du secret du pappe. Et tellement mena
le pappe soubtilment, que la royne fu du tout condempnée en
tort avoir, et mirent le roy d'Engleterre et son conseil en
droit. Et par le conseil de pluiseurs cardinaulx qui à ce furent
d'accort, le pappe escripsy au roi de France que, sur painne
d'escumeniement, il renvoyast la royne sa sœur à son mary le
roy d'Engleterre. Tantost ces lettres veues, et par si espécial
messages portées que par l'évesque de Saintes en Poitou, avec
aultres que le pappe y envoya en légation, adont le roy de
France, qui jà par avant estoit desvoiés par les dons qui
d'Engleterre estoient venus, si se meut durement à parler à la
royne , et lui dist plainement : < Je ne veul plus soustenir
t vous, ne vostre fait en mon pays ; mais partés-vous hastive-
t ment. Se wuidiés mon royalme ou je vous en feray wuidier. >
QiiuUt. réd. — Ces nouvelles s'espandireut tant que elles furent
sceues en Engleterre. Quant messires Hues li Espensiers en fu
enfourmés, si se doubta. grandement que la poissance dou roi
de France ne le fesist tresbuchier jus de ses estas, car bien
imaginoit au fort que ses sires li rois d'Engleterre n'oseroit
corouchier le roi de France, et encore oultre, se ceste aliance
se faisoit, que li jones Edouwars d'Engleterre fust mariés en
France et presist sa cousine germainne, il ne poroit longue-
ment estre, ne demorer que dou costé de France il ne venist à
42 CHARLES LE BEL
faire, aveoques tout ce encores que il sentoit biea que oK^ult
estoit hai'8 en Engleterre pour les crueaaes justices et saua
raiflûn, que il avoit coiusenti et consilliet à faire, dont toua lea
jours il estoit en péril et en aventure des lina^es de ceuls qui
mort estoient. Si se avisa que à tout ce il pourveroit trop
grandement, ensi qu*il ûst. Ils qui bien savoit que, se cbiLs
mariiiges se faisoit, ce seroit par dispensation dou pape, tantos
et incontinent il fist le roi d*£ngleterre escnre au pape Jehan,
qui« pour ce temps, resgnoit et demoroit en Avignon. Chils
papes Jehans estoit gascons et de la nation de Bourdiaus» et
tous li linages de ce pape dcmoroient desous le roi d'Engleterre,
et aussi de condition et en toutes ses œvres il estoit englois, et
ne vosist pour riens courouchier le roi d'Engletarre. Ces lettres
escriptes et séelécs, messires Hues U Espensiors, qui avoit
escript ensi comme il voloit (espoir n ea savoit riens li rois),
pris! tantos des chevaliers de son linage et les envoia en Avi*
gBon deviers ce pape Jehan. Quant U papes vci les lettres dou
roy d^Engleterre, il les rechut et les chevaliers en grant chie-
reté, etlea ouvri et lissi tout au lono« et tint ces escriptures en
sacré, et en avint que pour ce jone Édouwart d'Engleterre
marier à la jone dame qui fille avoit esté dou roi Lois de
France et de Navarre, et on en volt avoir la dispensation, cbiU
papes qui tous enfourmés estoit, et qui complaire voloit au vçi
d*Engleterre et à messire Hue le Espensier, respondi à ceuls
qui envojet i furent de par le roi de France, que j4 ne dispen-
seroit ce mariage, car il estoient trop procain. Ensi fu chils
mariages brissiés et 'rompus, et aussi pluisseur hatilt baron de
France n en fissent point grant compte, car jà murmuroient-it
que de ce mariage poroient venir trop gt*aiit mauls et que «{uriès
la mort dou roi Carie, qui consentoit à mettre sus et avant ces
trsttiés, li hiretages de la couronne de France ne devoit, ne
pooit en riens descendre, no venir à ses filles, ne as enluna de
la roine d*Engleterre, par les previléges et estatua anejeni de
France, et en estoient hiretîer li fil au comte de Valois, Phe-
Uppee et Caries, jà fuissent-il de plus Iputan degré, mais li
ABANDONNE SA SCBJUR. 4ô
contes de Valois lors pères avoit esté frères au biau roi Phe-
lippe, roi de France. Ënsi sçavoit messires Hues li Espensiers
aler au devant de ses besongnes, et bien sçavoit que il faisoit
mal, mais tant estoit endurés en ses malisces que il n'en
sçavoit, ne voloit issir. Si en rechut-il très crueuse punition en
la fin, ensi que orrés encores assés proçainnement recorder en
ristore.
Quant la royne oy ces nouvelles , si fu plus desconfortëe
et esbahie que devant, car elle se veoit entrepiés et toute
arrière dou comfort etdelayde que elle quidoit avoir dou roy
Carie son frère. Si ne seut que dire, ne quel advis prendre,
car jà Teslongoient chil de Franche par le commandement
dou roy et n'avoit à nuUui conseil, ne. retour fors seulement
à son chier cousin monseigneur Robert d'Artois ; mes chils
secrètement le conseilloit et confortoit che que il pooit, non
à veue, car il ne Tosast faire pour le roy qui deflfensce y
avoit mis et en quel haynne et malivolensce la royne estoit
esceue, dont moult li anoioit, et savoit bien que par mal et
par envie elle estoit ainsi décachie. Si estoit chils messires
Robiers d'Artois si bien dou roy que il voUoit ; mes il ne
l'en osoit parler, car il avoit oy dire le roy et jurer que
chils qui l'en parleroit quel que fust, il lui * torroit * sa terre
et son royaume ; si entendi-il secrètement que li roys estoit
en vollenté de faire prendre sa soer, son fil, le conte de
Kent et messire Rogier de Mortemer et de remettre ens es
mains dou roy d'Engleterre et doudit Espenssîer, et enssi
le vint-il dire de nuit à le royne d'Engleterre et le avisa
dou péril où elle estoit. Dont fu la dame moult esbahie et
requist tout en plorant conseil à monseigneur Robert d'Ar-
tais quel cose elle por oit faire, ne ù traire à garant et à cou-
* » Oiteroit.
44 LA REINE D'ANGLETERRE
seil. « En non Dieu, dame, dist messires Robiers, lî
a royaumme de Franche vous loe-je bien à widier et
c< retraire deviers l'empire. Là a-il pluisieurs grans sei-
« gneurs qui bien aidier vous poroient et par espécial li
« contes Guillaummes de Haynnau et messires Jehans de
« Haynnau ses frères. Chil 4oy sont grant seigneur preu-
« domme et loyaul, creint et redoubté de leurs ennemis,
« aimés de leurs amis et pourvéu de grant sens et de par-
ce faite honneur, et croy bien que en yaux vous trouvères
« toutte adresce de bon conseil, car autrement il ne le
<i saroient, ne voroient faire. » La dame s'arresta sur
cest avis et se reconforta ung petit à le parolle et pryère
monseigneur Robert d'Artois et fîst appareillier toutes ses
besoingnes et payer et délivrer as hostels au plus coiement
et bellement que elle peult, et parti de Paris et ses jones fils
0 lui et li contes de Kent et leur route, et s'acheminièrent
deviers Haynnau et tant fist la royne d'Engleterre par ses
journées que elle vint en Cambrésis. Quant elle se trouva
en l'empire, si fu ung peu plus aseurée que devant et passa
parmy Cambrésis et entra en Ostrevant en Haynnau et vint
logier à Buignicourt en l'ostel d'un petit chevalier qui
s'apielloit li sires d'Aubrecicourt, et le rechust adont li che-
valier et sa femme moult liement et le tint tout aise selon
son esçavoir et tant que la roynne d'Engleterre et ses fils
en ama depuis le chevalier et la dame à tousjours et les
enfans qui deux naissièrent, et les avancha en pluiseurs
manniëres.
Vor. prem. réd. — Quant la royne oy ces nouvelles, si fu
moult desconfortée, car elle se vit du tout arrière de Payde et
confort que promis on lui avoit. Si ne savoit quel advis prendre ;
car jà s'eslongeoient de luy tous les barons et seigneurs qui
amour et service lui avoient promis. Si ne se savoit sur qui ne
QUITTE LA FRARCB. 45
à qui retourner, fors scullemcnt sur son cousin, messire Robert
d'Artois, qui lojalment lui avoit fait et monstre amour ; car il
avoit oj dire et jurer au roj que , se nuls se avançoit de lui
faire confort, qu'il lui osteroit sa terre et son rojalme. Adont
messire Robert d'Artois qui forment désiroit en son secret
l'ayde et confort de la dame , 07 et entendi que le roj estoit en
Yolenté de faire prendre sa seur, son ûl, le conte de Kent et
messire Rogier de Mortemer, et de les renvoier ens es mains
le roj d'Engleterre et du Despenssier; et ainsi le vint dire à la
rojne de nuyt, et tout le péril où elle estoit. Dont fu la dame
plus esmaje que devant. Se pria moult tenrement plourant à
monseigneur Robert, qu'il le conseillast qu'elle porroit faire, ne
où se porroit retraire pour confort avoir. Et il qui grant pitié
en avoit, lui dist : c En nom Dieu, dame, le rojalme de
« France vous loe-jou bien de wuidier et traire vers l'Empire, où
c il ja pluiseurs grans seigneurs qui bien aidier vous porroient,
c et par espécial le conte Guillaumme de Hajnnau et messire
« Jehan de Hajnnau son frère. Ces deux sont grans seigneurs,
« preudommes , lojal , cremus et redoubtés de leurs anemis , et
< bien amés de leurs amis, pourveu de grant sens. Se croj bien
« que en eulx, se vous les requérés, vous j trouvères toute adresce
• et bon conseil, car aultrement ne le volroient-il faire, t Et sur
cel advis la dame s'arresta , et se reconforta un petit sur la
parolle de monseigneur Robert. Si ûst secrètement et hastive-
ment appariUier toutes ses besongnes et partj de Paris, elle et
sa routte, en cheminant devers Hajnnau, tant qu'elle se trouva
en Cambrésis, en l'Empire, hors du rojalme son frère. Lors fu-
elle asseur. Si passa oultre tant qu'elle vint en Ostrevant, et
se loga à Bougnicourt, à l'ostel d'un chevalier qui s'appelloit le
seigneur d'Aubrecicourt. Et là le chevalier et sa femme moult
honnourablement et liemcnt rechurent la rojne d'Engleterre ,
pour quoj depuis, les fils du chevalier furent moult amé et
av&nchié de la rojne et du roj son enfant qu'elle avoit avec
luj.
46 LA weuiE p'anglbterre
lirais. rééL -^ Ne demora pas gaires de temps que on li dnt
âablement >et par grant bien que se elle ne se gardoit sagement,
li rois «es frères le feroit prendre et mener en Engleterre pour
reliTrer à son mari le roi d'Engleterre et détenroit son fil
aToecques lui, car il ne li plaisoit plus que elle eslongast ensi
sonnari. De ces nouvelles fu la dame plus esbahie que devant,
«ar elle amast mieus estre morte et desmembrée que venir •eu
pooir, ne ou dangior son mari, ne le I>espensier; si eut bien
mestier d'avoir bon conseil. Si s'avisa que elle wideroit France
•et s'^i avalerôit en Hajnau pour veoir le<;onte etmonsigneur
Jehan de Haynau son frère qui estoient signeur plain de toute
honneur et de grant recommendation : espoir Ux>uveroit^dle en
ymis tout confort et bonne adrèoe, et si estoit lor cousine moult
proçainne. Si ordonna la ditte ^ame ses besongnes et fist ses
<geos sages de son département et comptèrent et payerait par-
' tout. A^dont ce parti au plus tost et au plus quoiement que elle
peut de son hosrfcel, avoec^ li ses fils en Teage de XV ans ou
environ, li contes de Kent, li sires de Mortemer et tout li aultre
chevalier d'Engleterre qui estoient afuit «priés lui. Et fist
iant par ses journées que elle passa France, Yermandois et
Gamibrésis, et vint en Ostrevant en Hajnau en un «hastiel que
on appelle Buignicourt, dont messires Nicoles d'Aulx^ecicourt
«stoit sires, et liquels baohelers et sa femme feohurent 'liement
et bellement en leur hostel la ditte royne ^'Engletenre et son
fil «et leurs gens , et trouvèrent appareillet tous les biens de
kûens.
Quatr, réd. — Li contes de Kent veoit bi^n que en Tostel dou
roi et en sa cambre, .messires Hues Ji Ëspensiers avoit jà. acquis
tant d'amis par ses dons et présens, lesquels il avoit donnés et
là envoyés et envoioit oucores tous les jours, que toute dissimu-
lation estoit en place, et portoient trop fort>partie à Tencontpe
deia roine d'Engleterre : t Et quel cose porons-nous £aire? *
respondi adont la roine. — , • Dame , dist li contes de Kent,
I vous prenderés congiet au roi et le remercjerés des courtoi-
QUITTE LA FRAHGE. 47
€ sies que il vouts a fait, quoique il i soit assés tenxrs, car il ne
€ "puet avoir plus proçainne de vous qui estes sa serour. H ^vwib
• doBTacongiet assés légièrement, car vous ségoumés ichi à eee
< o&Êtstagea, et gens d'ostel qui «e tiennent acar^i^ devons,
« seront tout resjoy de vostre département, et se il vous
€ amande où tous vos vodnés retraire, vous vos fainderés ^t
c li dires <que vous avés 07 nouvelles dou vostre mari et que il
€ vous remande et que là vous vos retrairés au plus tos que
€ vous pores. Il vous respondera que ce sera bien fait. Ce
€ congiet pris, nous nos retrairons tout bellement deviers
c vostre cousine germainne, la contesse de Hainnau et deviers
c le conte et son frère : il vous feront bonne chière, et en ce
t pais de Hainnau, ce sont gens chevaliers et esquiers de grant
€ adrèce et qui demandent les armes. Nous là venus, je sup-
1 pose que nous serons adrechié, conforté et consiSié de tout
*• ce qu'il «nous besoogne. » La dame se ordonna apriès ie
consel de 'son eerourge le conte de -Kent et priôt oongiet à son
±rère le -roi de France. Li Tois li donna assés légièrement, mais
il voloit queses neveus Édouwars demorast aveoques lui, mais
la dame rescusa et dist rque, sans âon fil, point «Ue ne seroit
retournée en Engleterre. Li rois n'en parla plus avant, et li ûst
^livrer par ses chevaliers :d'ostelideus mille florins, pour p^yer
ses menus frès sus son cemin, et pour lors estoit servis li rois
d'un chevalier de Cambrésis qui se nommoit li sires d'Esne ; li
chevaliers s'offri à cevauchier avoecques la roine et en demanda
congiet au roi, et li rois li acorda.
Ensi se départi là roine d'Engleterre dou roi de France son
frère , et avoecques lui son fll le jone Édouwart , le conte de
Kent, messire Rogier de Mortemer et toute lor route qui
n'estoit pas trop grans, et les conduisoit li sires d'Esne, et les
aconduisi et amena en Cambrésis et furent ung jour et une nuit
en son dhastiel et de là Tinrent à Buignicourt. Pour ces jours i
-aroitTing chevalier et tme dame de trop grant gouyemement, et
86 nommoit li sires d*Aubrecicourt.
48 LE SIRE DE BEAUMONT
La venue de la royne d'Engleterre qui descendoit en
Haynnau, estoit bien sceue en Tostel dou bon comte Guil-
laume de Haynnau qui lors se tenoit à Valenchiennes et
messires Jehans de Haynnau ses frères. Et seult li dessus dis
messires Jehans de Haynnau l'eure que elle vint en l'ostel
le seigneur d'Aubrecicourt. Il qui moult estoit honnourables,
Jones et désirans d'açquerre honneur et pris, monta erran-
ment à cheval et se parti * à privée mesnie * de Valen-
chiennes et vint ce soir à Buignicourt ^ et fist à le royne
d'Engleterre toute honneur et révérence qu'il pot, * car
bien le savoit faire ^. La dame qui estoit moult triste et
moult esgarée li commencha à complaindre, en plourant •
moult piteusement ', et à remonstrer ses doulours et ses
mésavenues, comment elle estoit descachie d'Engleterre et
ses fils et venue en Franche sur l'espoir et fiance * de son
frère le roy et comment elle quidoit estre pourvéue de gens
d'armes de Franche • par le bonne vollenté et conseil de
son frère pour aller plus puissamment et enmener son fil
en son royaume, si comme si amit d'Engleterre li avoient
mandet, *® et comment ses frères fut depuis tellement con-
seilliés que vous avés oy " ; et li conta comment et à quel
meschief elle estoit là afuie atout son fil comme celle qui
ne savoit cui, ne en quel pays trouver comfort, " ne souste-
nanche ^^.
Trois, réd, — Ces nouvelles furent tost venues à Valenciennes
où li contes de Haynau et messires Jehans de Haynau ses frères
estoient, que la royne d'Engleterre estoit herbergie à Buigni-
court chiés le chevalier. Et quant li doi seigneur dessus dit
*-* A belle compagnie. — • Et là trouva la royne. — *• G>mme
à iuy appartenoit. — •' Ç'orment. — • De l'ayde. — • Et d'ailleurs. —
«0*4 « Et comment ses frères li roys estoit retournés et consilliés au
contraire. — *•■*• Ne ayde.
SE REND AU DEVANT DE LA REINE. 49
oïreDt ce, ai furent tantost consilliet quel cose il en apartenoit
à faire. Premièrement messires Jehans de Hajnau se parti
de Valenchienes moult bien acompagniés de chevaliers et
d^escuiers, et chevauça tant qu il vint à Buignicourt en Ostre-
vaut, et trouva la dessus ditte dame à qui il fist toute Tonneur
et révérence qu'il peut, car bien le savoit faire. La dame qui
estoit moult triste et esgarée et ensus de tous consauls fors de
Dieu et de lui, commença à complaindre au dit seigneur de
Bjaumont en plorant moult piteusement ses besongnes et
recorder ses dures avenues de cief en cor tout ensi que avenu
li estoit jusques à ores, premièrement comment elle estoit
deschacie d'Ëngleterre et ses fils et venue en France sus le
fiance de son frère le roy, et comment elle cuidoit estre pour-
veue de gens d'armes par le conseil de son frère pour alor
plus poissamment et enmener son fil en son royaume, si-com
si ami d'Engleterre li avoient mandet, et comment ses frères
puisdi fu telement conseilliés qu'il avoit brisiet tout ce voiagc
et défendu à tous gentils hommes que nuls ne se mesîst avoech
lui , sus à prendre leurs terres et le royaume, et li compta
comment et à quel mescief elle estoit là afuie atout son fil
comme qui ne savoit à cui, ne en quel pays trouver confort, ne
soustenance.
Quatr. réd. — Jà estoient les nouvelles venues en Hainnau
que la rôine d'Engleterre et ses fils venoient veoir le conte et la
contesse et lors enfans et les chevaliers et esquiers de Hainnau,
et vint li sires d'Esne, sitos que la roine fu descendue à Buigni-
court où elle fu dou chevalier et de la dame très-joieusement
requelloite, en la ville de Yalenchiennes, car il n'i a pas de là
longue voie à cevauchier. Pour ces jours s'i tenoient li contes
et la contesse et messires Jehans de Hainnau, sires de Biau-
mont, lors frères, et vint deviers euls en la Salle de Yalen-
chiennes et lor recorda ces nouvelles desquelles il furent tout
re^'oL A dont dist li contes à son frère : t Jehan, cevauciés
t jusques à Buignicourt , et nous amenés nostre cousine la
1. — FROISSABT. 4
S() Li: SIRE DK BEAUMOPIT
« roine d'Eiigletorre : nous la volons festoyer en nostre païs. »
Li sires de Biaumont rospondi : « Volentiers. » Tantes che-
vaus furent en selle, et montèrent messires Jehans de Hainnau
et sa route, car il estoit bien acompagniés de barons et cheva-
liers de son païs, et mist messagiers en œvre et manda le
signeur d'Antoing, le sénescal de Hainnau, le signeur de Ligne,
le signeur de Bailluel, le signeur de Barbançon, le signeur de
Haverech, le signeur de Gommegnies, le signeur de Vertain et
moult d'autres, que tantos et sans délai il venissent à Valen-
chiennes. Il vinrent tout en bon arroi et le plus vestis des draps
de la livrée que li contes donnoit, et aussi dames et damoiselles
vinrent dalés la contesse. Messires Jehans de Hainnau cevauça
et vint à Denaing oultre Valenchiennes et là s'aresta et renvoia
le signeur d'Esne à Buignicourt, et estoit moult tart, et li
dist : c Je serai, à quelle heure que ce soit, encores à nuit dalés
• madame la roine. Dites-11 ensi. • Et fist tout ce pour mains
cargier l'ostel, car il sentoit le chevalier et la dame de tout
oultre bonne volenté. Li sires d'Esne vint à Buignicourt et
compta à la roine tout ce qu'il avoit veu et trouvé, dont la dame
fut moult contente et se reconforta mieuls que devant. Messires
Jehans de Hainnau soupa à Denaing entre les damoiselles de
Fabéie, gentils femmes qui là estoient, et tantos apriès souper,
il prist Phelippe de Chastiaux, le plus proçain esquier que il
euist, et montèrent as chevaus et deus pages, et cevaucièrent
tous les plains et tantos furent à Buignicourt, et missent pied à
terre et entrèrent ens ou chastiel, car on les atendoit. Messires
Jehans de Hainnau se retraist en une cambre où la roine
d'Engleterre estoit, li contes de Kent, messires Rogiors de
Mortemer et toutes les gens d'honnour qui issu estoient d'En-
gleterre avoecques la ditte roine, laquelle estoit toute droite, et
messires Jehans de Hainnau s'enclina moult bas contre lui. La
dame le prist par la main et le leva et l'enmena arrière, et
quant la roine parloit au chevalier, il s'enclinoit tout bas, car
des honneurs de ce monde, messires Jehans de Hainnau estoit
tous fais et nouris. Là furent les aquointanoes douces et cour-
se KCK» Al DETAXT ^C LA AESCE. 51
tûààes; ^ nssùikstn li diae «iazae aui cheinilier mouh «kHK^e-
»e&t Kxites œs mescftnoes ei comment elle estûh issue 1mm%
«rEzkgkcerre en pûnne et en péril ei edongie de soo mari, qui
en trop grande hàiae Yatkài aqcelliet par lenoit et consel de
jxng cûeT^&Ikr dT^Tvgietenre et grant signeiir assés qui s^appelle
H:ae le £$pensier.
Qaant li geatils chera^iers messires Jehans de HaTnnan
euh OT la rcnme ^ complaindre si tenren^nt ' et que tonte
foedoît €3k larmes et en ploors, si en en!t grand pité et com-
mendia à larmyer et dist ainssi ' â la dame : « Certes,
« dame, reAj Totre dieTaU^* qui ne tous fanroit ^ ponr
« morir ^ se tous li mondes tous falloit ; ains ferav tout mon
€ pooir de tous et de voire fil conduire et de tous et de lui
« remettre en Tostre estât en Engleterre à Fayde de tos
« amis qui delà le mer sont enssi que tous dittes, et je et
« tout chfl que je poraj prrer, t ♦ metterons ' les Ties * et
€ arons gens d'armes assês,se il plaist à Dieu, sans le dan-
« gier doa roT de Franche *. » Et quant la dame li 07
parier une si hauîte et si noble paroUe et si reconfcHtans ses
besoingnes, elle qui sêc4t et messires Jdians de Hayunau
derant lui, se drecha en estant et se Tolt engenouillier, de
le grant joie qu*elle aToitpour Famour etgrantgrâce ^* qu'il ^^
li offroit ; mes li gentils sires de Biaumont ne l'euist jammès
souffert, ains se leva moult apertement et prist la dame
entre ses bras et dist : c Ne plaise jà à Dieu que la rojne
« d'Engleterre lace ce, ne ait en pensée à faire. Mes, dame,
*■* Ainsi pitfittsemesit c&mpUindre, si tesrement plommiit. — ' Mouh
doucement... pcor la r^tcooiortér moah doucement. — *-* Pour chose
qui ATeair li paiss, non poor morir. — *' EnT«ntni«rcms. — * .\nçois
que voos ne sojês aaaessos de vos l>t=soogn€s. — ' Et ce que je voiu
«j en coQTeat, je voa* temrsj. — ** *• Que le Taiil&nt ch*rTalier.
52 LE SIRE DE BEAUMONT
« reconfortés-vous etvostre gent ossi, car je vous teiiray
« vostre prommesse. Vous venrés veoir monseigneur mon
« frère et madame * la contesse de Haynnau * et leurs biaux
« enfans qui vous recheveront à grant joie ; ^ car jà leurs
« en ay-je oy parler *. » Et la dame li octroia et dist :
« Sire, je troeve en vous plus de confort et d'amour que en
« tout le monde, et de ce que vous me dites et offrez V*» mille
« merchîs. ^ Se vous me voilés faire ce que vous me
€ proummettés par vostre courtoisie, je devenroie vostre
K serve et mes fils vostres sers à tous jours, et mettrions
« tout le royaume d'Ëngleterre à vostre abandon ' et à bon
(( droit ^. » Lors respondy li gentils chevaliers messires
Jehans de Haynnau qui estoit en le fleur de son eage, et
dist : « Certes, ma trës-chiëre dame, se je ne le voUoie
a faire, je ne le vous proummeteroie mie. Mais je le vous
« ay proummis; si ne vous en fauray pour riens qui puist
« avenir : mieux ameroie à morir. » Apriès ce parlement,
quant ainssi furent acordé, messires Jehans de Haynnau
prist congiet pour ce soir à la royue et à son fils et as sei-
gneurs d*Engleterre qui là estoient et s'en revint à Denaing.
Là se herberga-il en Tabéie ceste nuit , et Fendemain
apriës messe et boire il monta à cheval et s'en revint
deviers la royne qui à grant joie le rechupt. Jà avoit-elle
disnë et estoit toute appareillie de monter quant messires
Jehans de Haynnau vint.
Quatr, réd. — A toutes ces paroles et remoiistrarices parla 11
chevaliers moult doucement et sagement, et tousjours en recon-
* Ma seur vostre cousine. — • Qui voua en prient. — •* Et en sui
cargiës de vous dire et de vous mener par devers yaus. — •• Jamais
ne Tarons desservi moj, ni mes fils, mes se li tamps vient que nous
soyons en nostre estât sicom jou espoire bien par le confort et gi'asce
de Dieu et de vous, il vous sera grandement remunéret. — 'Et volenté.
OFFRE SON ÉP££ A LA REINE. OO
fortant la dame. Et quant la roinc vint à la parole de dire corn-
ment 11 Londrjen, par le consentement de pluisseurs prelas et
barons d'Engleterre , 11 mandoient que elle retournast en Engle-
terre, et que elle fesist tant que elle euist trois cens ou quatre
cens armeures de fier, car li langages dou prononchier pour le
temps de lors estoit tels, et les amenast ou pais, et li Londrjen
les délivreroient de tous poins et se meteroient en lor compa-
gnie : « Car par ma foi, messire Jehan et biau cousin, je n'ai de
M quoi faire ce paiement. Je n'ai finance fors que pour mes
« menus frès. » Il respondi promptement et dist : « Madame,
« vechi vostre chevalier qui n'a pour le présent que faire, ne à
€ quoi entendre. Si voel estre en vostre service, et n'entenderai
€ jamais à autre cose, si vous aurai remis en Engletcrre. Mon-
« signeur mon frère et moi, avons finance assés, chevaliers et
« esquiers qui désirent les armes et qui ne sont pour le présent
« de riens cargiet, ne ensonnyet : si ne vous fault point doubter "
« que par faute de mise et de chevalerie, vostres volages soit
« requlés, car à l'aide de Dieu et de saint George, nous l'ache-
« verons. » A ceste parole plora moult tendrement la dame de
joie et de pi té et len remerchia de bon coer, et puis li dist mes-
sires Jehans de Hainnau : « Madame, monsigneur mon frère et
« madame ma soer la comtesse de Hainnau vous prient par moi
« que vous les venés veoir et lors enfans. » La roine respondi et
dist que de ce faire elle estoit toute preste et tenue dou faire et
que pour euls veoir principaument, elle estoit avalée et venue de
France jusquos à là. Ensi se portèrent les premières acquoin-
tances entre la roine d'Engleterre et messire Jehan de Hainnau,
et fu là environ deus heures, et parlèrent de pluisseurs coses
assés et prissent vins et espisces par deus fois. Tout ce fait, mes-
sires Jehans de Hainnau prist congiet à la roine et à son fil et
au conte de Kent et à toiis et à toutes, et issi hors dou chastiel
et monta à ceval et son esquier et leur page. Li sires d'Ësne, li
sires d'Aubrecicourt et trois des enfans de Mauni qui là estoient,
Gilles, Jehans et Tiéris, le reconvoyèront. Watiors et Willaumes
de Mauni domorèrent dalés la roine. Et sVn revinrent messires
54 LA REINE D*ANGLETEilRE
Jehans et li aultre à Denaiug et là demorèrent la nuit, mais chil
qui acompagniet avoient le signeur de Biaumont, retournèrent à
Buignicourt dalés la roine d'Engleterre.
Lors se parti la royne d'Engleterre dou castiel de Bui-
gnicourt et prîst congiet au chevalier et à la dame et leur
dist en yaux remerchiant que * de le bonne chière et lie *
que layens on li avoit fet, ungs tamps venroit que grande-
ment l'en souvenroit et son fil ossi. Enssi se parti la royne
en le compaignie dou gentil seigneur de Biaumont qui lie-
ment et ^ réveleusement * l'amena à Valenchiennes , et
contre lui widièrent moult de bourgeois de le ville bien
paret et ordonnet pour lui honorablement recepvoir.
Aînssi fu-elle amenée de monseigneur Jehan de Haynnau
deviers le bon comte Guillaume de Haynnau qui le rechupt
à grant joie, et ossi fist la contesse, et le festyèrent ce qu'il
porent, car bien le savoîent faire. Adont avoit li contes
Guillaumes IIII filles , Marguerite , Phelippe , Jehanne et
Ysabiel. De quoy li jones Edouwars qui fu puis roysd'Engle-
terre s'adonnoit le plus et s'enclinoit de regart et d'amour
sus Phelippe que sus les autres, et ossi la jone fille le con-
gnoissoit plus et lui tenoit plus grant compaignie que nuls
de ses sereurs : aînssi l'ay-je oy depuis recorder ^ la bonne
dame qui fut royne d'Engleterre et dallés qui je demou-
ray et servi ; mes ce fu trop tard pour my. Si me fist-elle
tant de biens que j'en sui tenus de pryer à tous jours mes
pour elle.
Var, prei^n. réd, — Lors se party la royne du chas tel de
Bougnicourt, et prist congié au chevalier et à la dame ; et
*-^ De In grant courtoisie. — '* Rëvérammcnt. — - * Pour vrai.
A VALEiSClLISlSLS .'>(>
leur dist, en oulx romerchiant la bonne ohieire que lait lui
avoient , que, au plaisir Dieu, ung temps venroit qu il lui sou-
vcnroit de le grant courtoisie que fait lui avoient. Ainsi se
party à la compaignie du seigneur de Bcaumont qui joieuse-
inont le mena à Valenchiennes. Et encore ly vinrent au devant
plenté de seigneurs et de bourgois de la ville, bien ricement
parés, qui grant honneur li firent. Et ainsi fu menée devers le
bon conte Guillamme, qui à grant joie b rechut, et ossi fist la
contesso. Adont avoit le bon conte IIII filles : Margueritte,
Phelippe, Jehanne et Ysabel, à laquelle Phelippc celui josno
Édouart s'adonnoit le plus et enclinoit du regart et d'amour, et
aussi la josne fille 11 compaignoit plus que nulle de ses seurs.
Ainsi Toy-je recorder pour vraj. Ainsi trouva la royne d'Englo-
terre conseil et confort à monseigneur Jehan de Haynnau, quant
tout le monde ly failly. Et croy que là demeura V III jours lez
le bon conte et la contesse Jehenne de Valois. Et entrues fist
apparillier son navire et ses besongnes. Et messire Jehan de
Haynnau fist escripre lettres moult affectueuses aux bons che-
valiei^s et escuiers en qui plus se fioit, tant en Haynnau, en
Brabant, en Hasebaing et en pluiseurs autres lieux, en culx
priant, sur toutes amistiés, qu'ils vosissent venir avec luy et
aler en ceste noble et honnourable emprinse. S'en y eut grant
plenté d'un pays et d'aultre qui pour l'amour de luy y alcrent,
et grant plenté qui n'y alèrent mie, combien que priet en
fussent. Et meismes messire Jehan de Haynau en fu durement
blasmés du conte son frère et d'aultres de son conseil, pour tant
lu'il leur sambloit que le roy son frère ly faloit, qui mieulx lui
devoit aidier que nuls, et ossi que l'emprise estoit trop grant
périlleuse, et durement doubtoient que de si grant emprinse
n ne revcnist point, ne sa compagnie. Mais quoy qu'on lui
blammast, le gentil chevalier ne s'en volt oncques délaier , ains
dist : « Je n'ay que une mort à morir, qui estoit en la volenté
€ de Nostre Seigneur; » et ceste aventuroit-il pour l'amour et
honneur de la royne, et que sa promesse il lui tenroit jusques
en fin. Et disoit qu'il ne plaindroit point sa mort à prendre avec
56 LA REINE D'ANGLETERRE
celle noble damme qui à tort estoit encachie et déboutée de son
pays. Car tous bons chevaliers doivent aidier à leur povoir toutes
dames et pucelles décachies et desconfortées , à leur besoing ,
et mesmement quant il en sont requis.
Trois, réd, — La royne dcmora à Buignicourt grandement
reconfortée, et bien y avoit raison, en le pourvéance de monsi-
gneur Nicole d'Aubrecicourt qui en faisoit ce qu'il pooit, et tant
en fist que la royne l'en sceut grant gré, et demora tous jours
depuis ses chevaliers et si enfant et leur génération ossi, sicom
vous orés recorder en avant en eeste hystore.
Quant ce vint au matin apriès messe et boire messires Jehan s
de Haynau se parti de Denaing et chevauça de rechief à Bui-
gnicourt, si trouva que la royne estoit jà toute apparillie et ses
gens ossi. Si se partirent tout ensamble et ses flls et leur route
ou conduit le signeur de. Byaumont qui les amena adont à
Yalencienes, et y furent liement et bellement rechut, et estoit
la Salle dou Conte toute appareillie pour la ditte dame et ses
gens ; car à ce dont li contes se logoit en Tostel de Hollandes
et tous les hosteuls. Si descendi la royne d'Engleterre à le
Salle, et y fu logie et herbergie bien et aisiement, et le vint là
veoir la contesse de Haynau qui li fist toute honneur et rêvé-
rense, car bien le savoit faire. Et ossi fist li contes Guillaumes
de Haynau, mais il estoit maladieus de gouttes, si ne chevauçoit
mies à sen aise. Toutes fois il Thonnoura et festia grandement
le terme que elle séjourna à Valencienes , environ trois sep-
mai unes.
Q,%atr. rid, — Quant messires Jehans de Hainnau eut dormi
et reposé tout à son aise en Tabéie de Denaing, il se leva et appa-
rilla, et puis monta à cheval et prist congiet à dames et à damoi-
selles qui pour ces jours i estoient, et s'en vint à Valenchieiines
et descendi à la Sale dou Conte et trouva jà des barons et des
chevaliers de Hainnau qui estoient venut : il se traist deviers
son frôre qui dcvoit alor à table, se li rooorda, avant que il
A VALENCIENNES. 57
s*aseist, tout ensi comme il avoit fait et Testât et rordcnanee do
la roine et des paroles et requestes que elle avoit misses avant et
aussi de celles que il avoit respondu. De tout se contenta li
contes et dist que il avoit moult bien fait, et li savoit très-bon
gré de ce que il s'estoit offers et mis ens ou service de la roine
d'Engleterre et de son fil et que point il ne li faudroit, fust de
gens, fust de finance. « En nom Dieu, biau frère, respondi li
a sires de Biaumont, sus la fiance de vous ai-je parlé si hardie-
« ment, et aussi certainnement je ai eu si grant pité de la bonne
« dame et ai encores que je ne li poroie fallir pour mettre toute
« ma cavance. » Adont lavèrent li signeur et se asissent à table.
Après disner, ordonné fu que messires Jehans de Hainnau, li
sires d'Enghien, li sires d'Antoing, li sires de Ligne et li sires
de Haverech chevauceroient ce soir et iroient à Bouchain souper
et à Tendemain il iroient quérir la roine d*Engleteri*e à Buigni-
court et son fil et le conte de Kent et toute lor compagnie, et les
amenroient disner à Bouchain, et puis apriès disner, il s'en
départiroient, et venroient par Haspre et tout le grant chemin
de Cambrai et entreroient à Valenchiennes par la porte c'on dist
Cambrissienne, et les amenroient à la Sale et là les recheveroient
li contes, la contesse, signeurs, dames et damoiselles qui lor
venroient à rencontre. Cette ordenance sembla bonne, et, se li
hostel dou conte estoit bien pourveus, encores fu-il renforciés,
et furent envoyés à chars et à chevaus grandes pourvéances à
Bouchain, et là vinrent messires Jehans de Hainnau et li signeur
desus nommés ce soir souper et jessir. Quant ce vint à Tende-
main, tout montèrent quant il orent oy messe, et puis cevau-
chièrent moult ordonnéement tout cel pais et plain d'Ostrevant et
vinrent au chastiel de Buignicourt, et jà estoit la roine d'Engle-
terre segnefjée de lor venue et toute ordenée pour partir, car
bien savoit que on la venoit querre de par le conte de Hainnau,
et li avoit madame Jehanne de Valois, contesse de Hainnau,
envoyet son char ordonné et apparilliet ensi que pour lui. Chil
baron de Hainnau vinrent à la roine d'Engleterre , et Tonnou-
rcrent grandement, ensi que bien le sccurcnt faire, ot elle euls.
c>S LA REINE d'aNGLETERRE
Dont prist la roiiie congiet à la dame de Buignicourt et à tous
ses enfans, dont elle avoit assés, fils et filles, et li dist et promist
que pour la bonne chière que elle avait trouvé en li et en son
mari, elle se sentoit grandement tenue à euls et que si enfant,
ou temps à venir, en vaudroient mieuls. La bonne dame de Bui-
gnicourt et d'Aubrccicourt, comme sage et discrète, se bumelia
et remerchia de tout. Adont entra la roine ou char la contesse de
Hainnau et mist son fil Édouwart au costé li et une dame d'En-
gleterre qui Tavoit acompagniet, que on nommoit la dame de
Briane, et avoient li rois et li Espensiers fait déceler son mari ;
et puis se départirent de Buignicourt et cevauchièrent tout souef
à belle compagnie, tousjours messire Jehan de Hainnau dalés la
roine au char, et vinrent à Bouchain et là disnèrent. Apriès dis-
ner, tous s'en départirent et se missent au cemin et passèrent
Haspre. Quant tous et toutes orent beu, il prissent le cemin do
Valenchiennes. Ensi que la roine et chil signeur desus nommé
descendoient ens es prairies de Fontenielles, jà estoiont venu
chevaliers et esquiers, qui bouté s'estoient et armé pour la jousto,
ens es bois de Fontenielles, et aultres officyers de par le conto,
qui présentèrent à la roine et à son fil et au conte de Kent et à
messire Rogier de Mortemer, chevaus et palefrois si bien
aournés de tout ce que à euls apartenoit, que riens n'i avoit esté
espargmet, laquelle cose la roine d'Engleterre vei moult volen-
ticrs. Aussi fist ses fils et toutes lors gens, et les avoit-on là
amenés et envoyés pour la roine et la dame de Briane et les
damoiselles monter sus et renouveler de monteure, mais la ditto
roiuo, ne la dame, qui ens ou char estoient, n'en issirent point,
si furent venu en la Sale à Valenchiennes; mais li joncs Edou-
wars monta sur un i)alefroi tout préparé et ordonné pour lui.
Toute la compagnie montèrent sus les camps, en aprochant lo
bois de Fontenielles, et dou bois issirent chevaliers et esquiers
armés pour la jousto, et là joustèront moult radement devant la
roine ot les signeurs, et tout en venant et en chevaurant vers
Valenchiennes, chevalier et esquier joustoiont sans euls es[>ar-
gnior, tels qur li sires de riommegnios, li sires de Vertain, li
A VALENCIENNES. 59
sires de Mastain, li sires do Biellain, li sires de Hordain, li sires
de Potelles, li sires de Vendegies, li Borgnes de Robertsart,
Gilles de Mauni, dit Grignars, Gilles de Soumaln et Ostes ses
frères, et plus de quarante chevaliers et esquiers, et tout ce veoit
la roino d'Engleterre moult volontiers, et aussi faisoitses fils, et
durèrent ces joustes jusques à moult priés de Valenchiennes. Si
issirent hors de la ville grant fuisson de bourgeois de Valen-
chiennes bien montés et aournés et en bonne ordonnance, et
vinrent contre la roine et son fil et les signeurs, et fu ensi la
roine d'Engleterre amenée honourablement jusque en la Salle de
Valenchiennes, et issi au piet des grés hors dou char et encon-
trèrent à Tentrée de la Salle amont le conte de Hainnau, tout à
nu chief, la contesse sa femme et lors enfans, Marguerite,
Jehanne, Phelippe, Isabiel et lor frère Guillaume, qui tout
estoient jone. Si honnourèrent la roine, et elle, euls, et la con-
joïrent et la requellièrent moult doucement li contes et la con-
tesse, ensi comme il apartenoit et que bien le sceurent faire. Et
vous di que toute la Salle fu adont laissie pour la roine d'Engle-
terre logier et ses gens, et li contes et la contesse estoient logiet
en Tostel de Hollandes, et lors enfans, à Malaunoit, et aussi
avoientil là par jour lor retret. La roine d'Engleterre veoit que
li contes de Hainnau et la contesse li faisoient tant d'onnour que
plus ne len pooient faire, si en looit Dieu et regràtioit grande-
ment en soi-meismes, car elle espéroit bien que par euls et les
Hainnuiers, elle seroit confortée et adrechiée, ensi que elle fu si
grandement, comme vous orés refcorder avant en Thistoire, et fu
la ditte roine et ses fils et li contes de Kent grandement tenu au
conte de Hainnau et à messire Jehan de Hainnau, son frère, et
as Hainnuiers , car elle ne trouvoit en Franco , ne aultre part ,
nul confort, ne qui se vosist ensonnyer de ses besongnes, quant
li gentils clievaliers messires Jehans de Hainnau emprist le faix
et le cargo, dont pluisseurs gens, en Hainnau meismement, Ten
t<înoient à fol et à mal consilliet, quant atout une poignie de
gens, il se mist en l'aventure dealer on Engleterre à rencontre
dou roi, dou signour Esponsior ci do rouis do lors sieste. Au voir
(K) LE SIRE DE BEAUMONT
dire, se li Londrjcn n'euissent este, et auquns nobles dou pais
qui furent dou confort et aliance la roine, jamais pies n'en fust
retournés.
Ainsi madame la royne d'Engleterre Ysabiel de France
trouva * recomfort * en monseigneur Jehan de Hayn-
nau, quant tous li mondes li failli , et demoura en Valen-
chîennes par Tespasse de VIII jours dallés le bon conte
et madame la contesse Jehanne de Vallois, et entrues
flst-elle appareillier son œuvre et ses besoingnes. Et li dis
messires Jehans de Hayimau fîst escripre lettres moût affec-
tueuses ^ as chevaliers et as compagnons ^ de qui il se fioit
le plus, en Haynnau, en Braibant et en Hasebain ^ et leur
prioit si acertes qu'il pooit à cascun sour touttes amistiés,
qu'il venissent avecques lui • en ceste entrepresure '. Si eu
y ot grant plentet de l'un paya et de l'autre, qui y allèrent
pour l'amour de lui, et grant plentet qui n'y allèrent mies
comment qu'il en fuissent pryet. Et meysmement li dis
messire Jehans de Haynnau en fu durement • repris • de
son frère et d'aucuns de son propre consseil pour tant qu'il
leur sambloit que *^ li emprise estoit si haulte et si péril-
leuse seloncq les descors et les grandes haynnes qui estoient
adont entre les haulx barons et les conmuns d'Engleterre
et seloncq ce que li Englès sont communément envieux sour
toutes estranges gens quant il sont à leur deseure et espé-
cialement en leur pays, que chacuns avoit paour et doutance
que li dis messires Jehans, ne nuls de ses compaignons
peuist jammais revenir. Mes quoy que on lui blasmaist, ne
* ' Conseil et reconfort. — * * Aux bons chevaliers et escuiers en
qui plus se fioit.— • Et en pluisenrs autres lieux. — «^ En ceste noble
pt honnourable emprise. — •• Rlasmés. — '® Que le roi son frère
li faloit, qui mieulx lui devoit aidier que nuls.
PERSISTE DANS SON PROJET. VA
desconseillaist, li gentils chevaliers ne s'en veult oncques
* relayer * ains dist que il n'avoit que une mort à souffrir
qui estoit en le vollenté de Nostre Seigneur ^, mes il avoit
promis à celle gentil dame de lui conduire jusques en son
royaumme, si ne l'en fauroit pour roorir. Et ossi chier
avoit-il à prendre le mort avœcques celle noble dame qui
escachîe estoit et déboutée hors de son pays , se mourir y
devoit, que autre part. Car tout * chevalier doient aidier à
leur loyaul pooir toutes dammes et puchelles descachies et
desconfortées à leur besoing ^ meismement ^ quant il en
sont requis.
Quatr, réd, — Ens ces séjours, joies et esbatemens où li
contes Guillaumes de Hainnau tint et rechut la roine d'Engle-
terre en la ville de Valenchiennes, fu ordonné de messire Jehan
de Hainnau comment il feroit, ne quel carge de gens d'armes il
aueroit. Pluisseur jone chevalier et esquier de Hainnau s'of-
froient à messire Jehan et li disoient : < Sire, menés-nous
« avoecques vous, nous vous volons servir sus ce voiage à nos-
a très costages. » Li gentils chevaliers respondoit et disoit :
« Grant merchis, biau signeur, j'en aurai avis ; je ne vous
« refuse pas, mais le carge que je aurai, monsigneur mon frère
a le me fera. » Ensi s'escusoit li chevaliers.
Enssi estoit meus et encoragiés messires Jehans de Hayn-
nau ' et faisoit se semonse et se pryère des Haynuyers à
estre à Hal et les Braibenchons à estre à Breda et les Has-
begnons au Mont Sainte-Gertrud et les HoUandoîs dont il
eut aucuns à estre à Dourdrecq. Lors prist congiet la
royne d'Engleterre, au conte de Haynnau et à la contesse
* * Délayer. — ' Et ceste aventuroit-il pour Tamour et honneur de la
royne. — * Bon. — *** Espécialement . — ' Pour la royne reconforter,
et moult se haata.
62 PRÉPARATIFS
et les remerchia grandement et doucement del honneur de
le feste et de le bonne chierre et belle recoeilloite que li
avoient fet, et le baisa au partir et la contesse et leurs
biaux enfans. Enssi se parti la dame et ses fils et toute
leur route acompagniet de monseigneur Jehan de Haynnau
qui à grant dur et moult envis avoit eut congiet de mon-
seigneur son frère, quoy qu'il se fuist de premiers accordés
et assentis ad ce voiaige ; mes finablement * il li dounna de
bonne vollenté * et li dîst enssi messires Jehans par trop
biau langaige : « Monseigneur, je suis jones et encorres à
« faire. Si croy que Dieu m'ait pourveu de ceste emprise pour
« mon avanchement, et se Dieu me vaille, li couraige m'en
« siet trop bien que nous en venrons ^ à nostre deseure * ;
« car je quide et croy de vérité que par péciet, à tort et par
<c envie, ou a ceste boniie royne descachie et son fil hors
« d'Engleterre. Si est aumousne et gloire à Dieu et au
« monde d'adresser et reconforter les desconfortés et des-
« confortées et espécialement si noble et haute dame comme
« cesti est, qui fu fille de roy et est descendue de royale
« lignie, et sommes de son sancq et elle dou nostre. Je aroie
« plus cher à renoncher à tout che que j'ay vaillant et aler
« servir Dieu oultre mer sans jammais retourner en ce
« pays, que la bonne damme fust partie de nous sans con-
« fort et ayde. Si me layés aller et donnés congiet de bonne
« volenté ; si ferés bien et vous en saray gré et s'en exploi-
te teront mieux mes besoingnes. »
, Quant li bons contes de Haynnau eut oy son frère et
perchut le grant désir qu'il ot de faire ce voiaige qui à très
hautte honneur li puelt tourner et à ses hoirs à tous jours
mes et congneust bien qu'il dist vérité, si en eult grant joie
*■* Quand il vit que autre chose il n'en povoit avoir, il lui donna
congiet moult débonnairement. — '* A nostre honneur.
DE l'expédition. G3
et li dist : « Biau frère, ne plaise jà à Dieu que vostre bon
c( pourpos, je vous brise, ne oste, et je vous donne congiet
« ou nom de Dieu. » Lors le baisa ^ et li estraindi le main
en signe de grant amour. Enssi se parti messires Jehans
de Haynnau et s'en vint ce jour jësir à Mons en Haynnau,
et ossi la royne] d'Engleterre. Que vous eslongeroie la
matère? Il firent tant par leurs journées qu'il vinrent à
Dourdrech en Hollande où li espéciaux mandemens estoit
fès. Là endroit se pourvoiront de naves,de grans vaissiaux
et de petits ainssi qu'il les porent trouver et misent dedens
lors chevaus, lors harnas et lors pourvéanches, puis se com-
mandèrent en le garde Nostre Seigneur et se misent en che-
min par mer. Là estoientde chevaliers haynnuiers avoecques
monseigneur Jehans de Haynnau, messires Henris d'An-
toing, messires Mekiel de Ligne, li sires de Havrech, caste-
lain de Mons, messires Robiers de Biaufort, li seigneurs
....*, li sires de Gommignies, messires Percevaux de
Semeries, messires li Estandars de Montegni, messires
Sansses de Boussoit, li sires de Potelles, li sires de Villers,
li sires de Henin, li sires de Sars, li sires de Bousies, li
sires de Vertaing, li sires d'Aubrecicourt, li sires d'Estur-
mel, messires Wouffars de Gistelles et plusieurs autres
chevaliers et escuyers ^ tout en grand désir de servir leur
mestre *.
Trois, réd, — Ensi se parti la royno d'Engleterre de le ville
de Valencieiines quant elle et ses gens furent apparilliet de che
qu il leur falloit, et prist congiet au gentil conte Guillaume do
Haynau et à madame Jehane la contesse sa femme et les remercia
grandement, humlement et doucement de le bonne lie cière et do
^ Moult tendrement plouiant. — * Aimiez : Messire Robert de
Bailleul, messire Féri de Hordaing, le sire de HeHaing. — ' * Qui
par grant désir alèrent en celle noble emprise.
G4 PRÉPARATIFS
la belle recueilloite que il li avoient fait. Si se mist à voie sus
le segureté et conduit del gentil chevalier le dit monsigneur de
Bjaumont : si fisent tant par leurs journées que il vinrent à
Dourdresk en Hollandes. Là endroit se pourveirent de naves et
vaissiaux grans et petis ensi qu'il les peurent trouver, et misent
dedens leurs chevaus, leurs harnas et leurs pourvéances, et
quant il eurent par avis vent bon pour euls, il se commandèrent
en le garde de Nostre Signeur, et entrèrent en leurs vaissiaus et
désancrèrent et se misent en mer, et n'estoient non plus de
CGC armeures de fier. Or considérés le hardie et haute emprise
que li sires de Bjaumont faisoit que de aler conquerre et entrer
en ung royaume par force où il ne cognissoient nullui, et ne
savoit qu'il y trouveroit, mais il le faisoit de si grant corage et
avoit tel espérance en Dieu qu'il li estoit avis que bien furniroit
et à sen honneur le voiage. Si estoit-il adont au commence-
ment de son venir et en le droite fleur de se jonèce : si l'entre-
prendoit plus volentiers et plus hardiement. Or vous nommerai
aucuns des chevaliers de Hajnau qui alèrent avoecques lui
et à se prière en ce voiage : premièrement messires Henris
d'Antoing, messires Robers de Bailluel qui puis fu sires de
Fontainnes, messires Fastres dou Rues, messires Mikieus do
Ligne, messires Sansses de Boussoit, messires Perchevaus de
Semeries, messires Sanses de Biauriu, li sires de Wargni, li
sires de Potelles, li sires de Montegni, li sires de Gommegnies,
li sires d'Aubrecirourt et aucun aultre baceler qui se voloient
enventurer avoech le dit chevalier et leurs corps avancier. Si
y eut aucuns Braibencons et Hesbegnons, mes ce ne fu pas
gramment.
Quatr. rid, — Li jours fu assignés le ivij* jour du mois de
septembre à estre à Dburdresc, et tout se ordonnèrent et appa-
riUièrent chil qui aler i dévoient, et vinrent devant le jour li
pluisseurs en la ville de Dourdresc et là atendirent tout l'un
l'autre. Là estoient gens d'office de par messire Jehan de Hain-
nau, qui faisoient les pourvéances de mer et apparilloient barges
DE L*ËXPÉDIT10N. 65
et balengliers pour passer oultre en Engleterre. Toutes ces coses
furent seeues deviers le roi d'Engloterre et le signeur Espensier
ot lors complîsces, comment la roine d'Engleterre et ses ÛLs et
li contes de Kent estoient descendu de France en Hainnau ot
avoient tant fait deviers le conte et son frère quemessires Jehans
de Hainnau, à poissance de gens d'armes, les devoit ramener et
remettre en Engleterre, maugré tous lors nuissans. Adont i
pourveirent-il pour obvjer à rencontre de euls et fissent garder
pors, havènes et passages à grant fuisson de gens d'armes et
d'archiers, et lor estoit estroitement commandé que tout ce que
il veroient, qui prendre terre vodroient en Engleterre, fuissent
mort, sans nului prendre à merchi.
Quant messires Jehans de Hainnau senti que toutes les pour-
véances estoient faites, et ses gens desquels ils se voloit aidier,
venu àDourdresc, et plus encores que il n'en euist pris et retenus,
il dist à la roine d'Engleterre : < Dame, il est temps que nous
a nos metons à voiage, car ceuls que je pense amener avecques
« nous en Engleterre, sont tout prest et nous attendent au pas-
€ sage. > La dame respondi : < Dieus i ait part ! » Adont prist-
elle congiet au conte de Hainnau et à la contesse, et les remer-
chia moult doucement de la bonne et honnourable requelloite que
fait li avoient. Là fu pris li congiés et baisa la roine à son dépar-
tir tous les enfans, Tun apriès Taultre, de Hainnau, et aussi fist
son fil Édouwars. Phelippe de Hainnau, qui puis fu roine d'En-
gleterre, commença trop fort à plorer, quant li jones Édouwars
prist congiet. On li demanda pourquoi elle plorpit : < Pour ce,
« dist-elle, que mon biau cousin Edouwars d'Engleterre se
« départ de moi, et je Favoie jà apris. » Dont commenchièrent li
chevalier qui là estoient, à rire, et depuis li fu ramentu, quant
li mariages fu tretiés de lui et de l'enfant d'Engleterre, et elle en
respondi adont sagement et dist que son coer s'i traioit trop gran-
dement et pensoit bien que elle seroit encores sa femme.
Ensi se départi la roine d'Engleterre du conte de Hainnau et
de la contesse, et estoient, pour ce jour que li congiés fu pris, à
Mons en Hainnau, et vinrent jessir à Binch et à l'endemain à
I. — FROISSART. 5
DD LA REIME
Nivelle et à rendemain à Villevort et esqii levèrent Brousselles
et passèrent à destre et fissent tant que il vinrent à Mont-Sainte-
Gertrut et de là à Dourdrese, et ne séjournèrent que demi jour
que il entrèrent ens es vassiaus, car il gissoient ou havène à
Tancre et estoient tous près, et quant li ceval furent tout guidé
ceuls que mener on en voloit, et la mer fu revenue, tout par
ordenance entrèrent ens es vassiaus, et estoit marescaus de Tost
messires Jehans de Hainnau et messires Fasterés dou Rues.
Quant tout furent entré, il desancrèrent et puis traïssent les
voilles amont ; si esquipèrent et se départirent, et avoient vent
et marée pour euls. Pour ce temps estoit messires Jehans de
Hainnau en la droite flour de sa jonèce, et de si grant volenté
que nuls chevaliers pooit estre, et pour ce entreprist-il le dit
volage si liement, et ne resongnoit painne, ne péril qui li peuist
avenir. Aussi il n'i pensoit point et estoit et fu tout dis ens ou
vassiel la roine d'Engleterre et de son fil. Or vous voel nommer
auquns des chevaliers qui li fissent compagnie^ premièrement
messire Henri d*Antoing, messire Robert de Bailluel, sire de
Fontainnes, messire Miquiel de Ligne, messire Sanse de Bousoit,
messire Perceval de Semeries, messire Sanse de Biaurieu, le
signeur de Vertain, le signeur de Wargni, le signeur de
Potelles, messire Gérart de Vendegies, le signeur de Gomme-
gnies, le signeur de Montegni en Ostrevant, le signeur de Bous-
sut, messire Colart d* Aubrecicourt , le signeur d'Espinoit, le
Borgne de Robertsart, messire Gille Grignart de Mauni, Wil-
laume dou Casteler, Oste et Gille de Soumain et pluisseurs aul-
tres, et estoit li sires de Fagnoelles, compains à bannière à mes-
sire Jehan de Hainnau, et marescaus de Tost, messire Fasterés
dou Rues.
* Quant il furent parti * dou havène de Dourdrec, moult
estoit la navie belle seloncq la quantité et bien ordonnée, et
li tamps biaux et souefs , et li airs assez moîstes et atem-
prés, et mirent à l'ancre ceste première marée devant les
*■* Quand cette noble compagnie fu départie.
ABORDE EN ANGLETERRE. 67
dicques de Hollande sus le département de le terre. L'en-
demain * il se désancrèrentet ' sachièrent ^ les singles amont
et se missent au chemin eu costiant Zellandes, et avoient
entente de prendre terre à ung port qu'il avoient aviset,
mes il ne peurent ; car ungs grans tourmens les prist en
mer, qui les mist si hors de leur chemin qu'il ne seurent
dedens* deux ^ jours là où il estoient. De quoy Dieux leur fist
grant grâce et leur envoya belle aventure, car il se fuissent
embattu en ycelui port qu'il avoient chuesi ou auques priés,
il estoient perdu davantaige et escheu ens es mains de leurs
ennemis qui bien savoient lor venue. Si les attendoient •
pour yaux tous mettre à mort, et le jone Edouwart et le
royne ; mes Dieux ne le vot mie consentir ^, si les fist ainssi
par droit miracle* destourner comme vous avés oy. Or avint
que au chief des ' II *° jours, chils tourmens cessa, et per-
churent li maronnier terre en Engleterre. Si se trairent
celle part " moult joyant ^* et prisent terre sour le sabelon et
sour le droit rivaige de la mer sans havène et sans droit
port. Si demourèrent sur ce sablon par III jours à petit de
pourvéanche de vivres en descarg^.nt leurs chevaux et leur
harnas, et si ne savoient en quel endroit d'Engleterre il
estoient arivet ou en pooir d'amis ou d'annemis. Au quart
jour, il se misent à voie à l'aventure de Dieu et de saint
Jorge, comme chil qui avoient eut toutes mésaisses de fain
et de froit par nuis avoecques les grandes paours qu'il
avoient euwes et avoient encoires. Si chevauchièrent tant
amont et aval, d'une part et d'autre, qu'il trouvèrent aucuns
petis hamelès, et puis apriès si trouvèrent une grande
abbéie de noirs moinnes que on clamme Saint-Aynmon. Si
* Qaant ils furent tous ensamble. — *•' Levèrent. — * ' Cinq. —
• A grant puissance. — 'Ce apparut clèrement. — • Malgré eux. —
•-*• Cinq. ^ ** " A grant joie.
(J8 LA. REINE
se herbergièrent et rafreskirent en celle abbëie par
111 jours*.
Quatr, réd. — Il orent ce premier jour et le second aesés bon
vent, et avoient jette lor avis signeurs et maronniers que parla
grasce de Dieu, il iroient prendre terre au port de Orvelle en la
marce de Ecsesses. Or lor vint un fors vens contraires qui les
rebouta moult arrière de ce port, et ce fu tout à lor prouflt et
droite grasce que Dieus lor fist, car il se fuissent arrivé à Orvelle,
il euisssent trouvé plus de vint mille hommes, qui là les aten-
doient , archiers et aultres , et pour euls tous ocire et des-
truire. Ënsi estoit-il commandé et ordonné dou roi et dou
signeur Espensier et dou conte d'Arondiel qui estoit de lor
aliance, et estoient les pors et les havènes d'Engleterre si
bien gardés à rencontre de Flandres et de Hollandes que on
n'i pooit venir, ne entrer, fors par la bataille. Chils vens con-
traires lor dura deux jours, et costjèrent Frise et ne savoient
bonnement à dire li maronnier où il estoient. Au tierch jour,
vens lor revint à droit souhet, et qui les mena et bouta droit
contre Engleterre, et tant que li maronnier en orent la con-
gnissance. Si demandèrent à la roine et as signeurs quel cose
il voloient faire, et se il prenderoient terre à Taventure en
Engleterre, car il disoient que il estoient trop en sus de Orvelle
et de Clocestre et des pors et des havènes de celle bende. Il
dissent : t Oïl t et que presissent terre où que fust, au plus
tost que il peuissent, car prendre lor convenoit pour euls
rafresquir et. lors chevaus, et vous di que tout chil maronnier
estoient de Hollandes et de Zellandes et ne connissoient pas
bien tout le païs et encores ce que la mer les avoit tourmentés.
Adont singlèrent-il à Tadrèce, ensî que li vens les menoit et
que Dieus proprement les conduisoit et voloit que il euissent ce
cemin et non aultre, et s'adrecièrent contre Engleterre que il
veoient devant euls, et s'en vinrent férir lors nefs tout de une
flote sus le sabplon en terre descongneue, où il n'avoit ne
* Car prrant besoing leur estoit et firent panser leurs chevaus bien et
fort, car il en pensoient temprement avoir à faire.
ABORDE EM A^GLE^ERREv 69
havène, ne port, mais le sabelon estoit assés ferme et bon pour
entrer et sans péril, et si veoient assés plain païs et ouni devant
euls, fors tant que il i avoit grant fuisson de genestres et d'épais
buissons, ensi comme en lieu où nuls, ne nulle ne demeure, ne
ne converse. Toutesfois il prissent la terre et furent trop resjoï
quant il se veirent à ferme terre et hors des dangiers de la mer,
et missent lors chevaus petit à petit hors des vassiaus et toutes
lors pourvéances, et traïssent tout hors en sus de la mer et là
où elle ne pooit monter, ne venir, et trouvèrent ung rieu d'aiguë
moult clère, qui venoit d'amont de fontènes, et ce fist grant
bien à euls et à lors chevaus, car il en furent rafresqui, et ne
savoient li contes de Kent, messires Rogiers de Mortemer, ne
nuls Englois qui là fuissent, où il estoient arivet, fors tant
que il disoient que il estoient en Engleterre. Toutesfois il se
logièrent entre ces broussis, car il faisoit biel, chaut et cler,
ensi comme il fait au mois d'aoust ; si portoient l'un par l'autre
lor paine et travel assés liement et légièrement, et ne savoient
à dire se il estoient en pooir d'amis ou d'ennemis, et orent, en
trois jours que il furent là, tamainte imagination pour sçavoir
se il rentreroient en lors vassiaus, et costieroient Engleterre
par mer, tant que il trouveroient havène ou port. Toutesfois
tout considéré, li plus des signeurs ne s'acordoient point de
rentrer en mer pour la cause de lors chevaus, mais se voloient
mettre au cemin parmi Engleterre, à l'aventure. Chils consauls
fu arestés et tenus, et furent les nerfs recargies de tout ce que
il veoient que point mener il ne pooient, et fu dit as maron-
niers : c Retournés ent arrière en Hollandes , et se on vous
« demande de nous, si dittes ce que vous en savé.s, et riens
« oultre, car il n'i a nul en nostre compagnie qui sace à dire
« où nous sommes , fors en Engleterre , et achevirons che
« pour quoi nous i sommes venu , ou nous i demorrons tout, i
Li maronnier respondirent : t Dieux i ait part, mais encores
« s^ons nous ichi à l'ancre jusques à demain que vous dittes
« que vous vos deslogcrés » et li signeur respondirent :
« Vous dittes bien. » Quant on vint au quatrième jour, et que
70 LA RONE
euls et lors chevaus furent tout rafresqui et en grant voleuté
de ceminer avant pour trouver quelque aventure, il se dépar-
tirent et se recommandèrent en la garde de Dieu et ceminèrent
parmi ces broussis, et les convint aler tout le pas , car le plus
de lors chevaus estoient cargiés de lors armeures et de pour-
véances. Quant li maronnier les veirent eslongiés et que la
mer fu revenue, il se départirent de là, tout de une flote, et
traïssent les voiles amont et entrèrent dedens la mer, et retour-
nèrent arrière sans péril et vinrent en Hollandes, et quant on
lor demanda que la roi ne d'Engleterre et messires Jehans de
Hainnau et li chevalier et lors gens estoient devenu, il en
respondirent tout ensi et du parti où il les avoient laissiet en
Engleterre. Et quant li contes de Hainnau entendi ces pre-
mières nouvelles, si ot pluisseurs dures imaginations, et fu en
grant esmoi de son frère et de toute la compagnie. Tant cemi-
nèrent à destre et à senestre la roine d'Engleterre et ses fils, et
messires Jehans de Hainnau et toute la route que il trouvèrent
ung petit hamelet, où il n'avoit que sis maissons, et un petit
oultre, il veirent un hault moustier, dont furent-il tout resjoï
et dissent : c Nous orons et auerons, se il plaist à Dieu, pro-
€ çainnement bonnes nouvelles, t Adont s'arestèrent-il tous
sus les camps, et envoia li contes de Kent, un varlet à cheval
au village pour savoir comment li moustier que il veoient, se
nommoit. Li variés englois cevauça jusques à là et raporta as
signeurs que chils hauls moustiers estoit une abbéie que on
nomme Saint- Aymon et de noirs monnes. Adont se départirent
euls de là et s'adrechièrent viers Tabéie. Quant il furent là
venu, et il entrèrent dedens la porte, li monne chantoient
vespres, mais il orent si grant paour que il laissièrent tout en
un plain, et s*en alèrent reponre, dont chà, dont là, et propre-
ment li abbés s'ala bouter dedens un celicr et là enclore, et
quidoient bien chil monne que ce fuissent Escorois ou Danois,
de ces gens d'armes, qui là fuissent venu par mer, pour euls
rober, et ne savoient li signeur à qui parler. Toutesfois tant
alèrent et vinrent quo il tit)uvèrent un convers qui iî^soit hors
ABORDE EN AiNGLETEElUE. 71
d'un gardin et vonoit en la court.. Quant il vei ces gens d'armes,
il se volt fuir, mais il ne pot; on le prist, mais on Taseura, et li
fu demandé où Tabbé et li monne estoient : il respondi que il ne
savoit et que il les quidoit ou moustier, dont li fu dist que il los
alast querre et aségurer, car il ne lor voloient que tout bien. Li
convers, sus ceste asségurance, fist tant que il trouva les
monnes , si les aségura de par les signeurs et les fist venir
avant. Quant il furent venu , li signeur parlèrent doucement à
euls, et se nommèrent li contes de Kent et messires Rogiers de
Mortemer , et leur dissent : c Aies querre vostre abbé et li
« dittes que il ne soit en nulle doubte, et que la roine d'Engle-
c terre et ses fils le demandent. > Sus ces paroles, il quissent
tant Tabet que il le trouvèrent, se li comptèrent ces paroles.
Quant il entendi ce, si fu tous resjoïs, et se traïst tantos avant
et s'en vint deviers la roine et son fil et s'umelia et s'escusa de
ce que ils et si monne estoient ensi demuchié et repus, car il
quidièrent bien, tel fois fu, à estre tout pris et perdu d'Esco-
çois ou de Danois ou d'aultres robeours qui venissent rober
l'abbéie : on les tint bien pour esqusés et à bonne cause. Adont
furent-il logiet là dedens selonch Tordenance de la maison, assés
aise, et eurent li signeur cambres et trouvèrent grant fuisson
de grains et de fourages pour lors chevaus, qui leur fist grant
bien, et bien en avoient li cheval mestier, car il avoient esté
travilUet de la mer, et aussi couchiet trois nuis sus les bruières.
Si prissent en grant gré cel aise et che repos, et aussi fissent
la roine d'Engleterre et li signeur et lors gens, et se rafres-
qnirent dedenc Tabéie de Saint- Ajmon de tous poins, et i furent
trois jours, et lor amenistra li abbés variés pour aler là où il
les envoyèrent. Premièrement il segnefyèrent lor venue au
conte Henri de Lancastre, au Tors Col, qui frères avoit esté au
conte Thomas de Lancastre, qui fu décolés, ensi que vous avés
oj ; secondement au maire et à la ville do Londres, au conte de
Warvich, au baron de Stanfort, au signeur de Briane, au
signeur de Manne, au signeur de Persi et à tous les barons sus
laquelle senroté il estoient venu en Engleterre.
72 ^ LA REINE MARCHE
Adont s'espandirent nouvelles par le pays tant que celles
parvinrent à cheux par qui seurté et mandement la ditte
dame estoit rapassée, et se appareillièrent del plus tost
qu'il peurent de venir vers lui et vers son fil qu'il voUoient
avoir à seigneur. Et li premiers qui vint encontre li et qui
le plus grant confort donna à chiaux qui venu estoient
avoecques li, che fu li cuens Henris de Lancastre au Tors Col
qui fu frères au conte Thummas de Lancastre qui fu déeolës,
si comme vous avés oy par dessus et fu pères au ducli
Henry de Lancastre, * qui fu à son tamps li ungs des bons
chevaliers dou monde *. Chils contes Henrys dessus dis
vint deviers la royne à grant compagnie de gens d'armes.
Apriès tant d'uns et d'autres vinrent contes, barons, cheva-
liers, escuyers et t^nt de gens d'armes qu'il sambloitbien à
tous qu'il fuissent hors de tous périls, et tous les jours leur
croissoient gens d'armes, enssi qu'il aloient avant. * Si
eurent consseil entre yaux madame la royne et li baron ,
chevalier et escuyer qui venu estoient encontre li, que il
yroient droit à Bristo atout leur pooir là où li roys d'En-
gleterre se tenoit adont, qui estoit bonne ville grosse et
riche et fortement fermée, séant sus ung bon port de mer, et
si y a ung castel trop durement fort, séans sus mer, sique la
mer flote tout autour. Là endroit se tenoient li rois d*Engle-
terre, messires Hues li Espenssiers, li pères qui estoit pries
en Teage ^ de llll" et X ans ^^ messires Hues ses fils, li
maistres conseilliers le roy qui tous les mauvais faits li enor-
toit et consseilloit, et ossy li cuens de Arondiel qui avoit à
femme le fille le dist monsigneur Huon le Jone et pluisîeurs
* * Qui fut si bons chevaliers et si recommandés sicomme vous
pourrés oïr en cesto histoire ainçois que vous venés à la conclusion* —
' Et quand il furent tous ensamble, ceulx dedans avec cmlx dehors.
— * * De près de IIII" et XII ans.
VERS BRISTOL. 75
chevaliers et escuyers * qui repairoient entour le roy et
entour le court enssi que gens d'estat repairent volontiers
dalles leur seigneur. Si se misent madame la royne et
toute sa * compaignie, chil conte et chil baron d'Engle-
terre et toute lor compaignie à droit chemin pour aller celle
part, et par toutes les villes là où il entroient, on leur fais-
soit festes et honneur ^, et tondis leur venoient gens à
destre et à senestre de tous costés, et tant flsent par leurs
journées qu'il vinrent devant la ville de Bristo; si Taségiè-
rent ** à droit siège fet.
Quair. réd. — Li contes Henris de Lancastre au Tors Col fu
tous li premiers qui vint à grant fuisson de gens d'armes et
d'archiers, puis vinrent de Northombrelande li sires de Persi, li
sires de Noefville , li sires de Moutbrai et li sires de Lussi, •
puis vint li sires de Stanfort, et ensi chevaliers et esquiers et
archiers venoient de tous lés. Sitos que les nouvelles furent
sceues sus le païs que la roine d'Engleterre et ses fils estoient
arivet et venu à belle compagnie de gens d'armes, li Londryen
furent trop grandement resjoï de la venue de la roine, et
s'ordonnèrent tantos à aler à rencontre de li, et se départirent
de Londres en bon arroi deus mille hommes d'armes et quatre
mille archiers, et H maires meismes en fu menères et condui-
sières. Tout ne purent pas venir à l'abéie de Saint- Aymon,
avant que la roine s'en départesist, mais sitos que li contes
Henris de Lancastre fu venus, qui grandement honnoura mes-
sire Jehan de Hainnau et les Hànnuiers dou grant et biau
service que il faisoient à la roine d'Engleterre et à son fil et au
païs, il curent avis et consel que il s'en iroicnt tout droit vers
Bristo, là où li rois d'Engleterre et chils Hues li Espensiers et
ses pères et li contes d'Arondiel se tenoient. Si se missent au
remin, et tous les jours venoient gens de tous costés ens ou
* Tons consentans à ces mauvais consaulx. -— * Noble. — * Et par-
tant nuls mauls no leur estoit fait, ne flommage. — * Sagement.
74 LA REINE MARCHE
service de la roine, et tant que il se trouvèrent bien, quant li
Londrjen furent venu, quatre mille hommes d'armes et vint
mille archiers. Ces nouvelles furent seeues à Bristo, qui est
une bonne ville et forte et bon port de mer et là se rentre la
rivière de la Saverne qui départ le roiaulme de Galles et Engle-
terre, en la mer, et est la ville de Bristo forte et bien fermée et
encores est li chastiaus plus fors, qui sciet sus la mer, car il est
environnés de la Saverne et de la mer. Quant li rois et li sires
Espensiers entendirent que la roine et ses fils venoient là à
poissance de gens d'armes, et estoit li contes Henris de Lan-
castre en la compagnie, et li maires de Londres et li Londrjen
en lor compagnie, si furent tout esbahi et trop esmervilliet par
où il estoient entré, ne arivé en Engleterre, quant les pors et
les havènes estoient partout si bien gardé : il lor fu dit et compté
toute la manière ensi que il lor en estoit avenu. Adont demanda
11 rois consel au conte d'Arondiel , liquels avoit la fille au
signeur Espensier, et au signeur Espensier le père et le fil,
comment il se poroit. cevir de ceste avenue et résister à
rencontre de euls, car fuir, ne eslongier ne lor estoit prou-
fitable, ne honnourable : on li dist : t Sires, envoyés messages
à tous lés et faites un commandement que toutes gens
viennent et sans délai et sus la painne que de perdre corps
et avoir, et espéciaument mandés en Galles. Li Galois ne
vous faudront point. Nous tenrons bien en ceste ville, car
elle est forte assés tant que secours vous sera venus de tous
costés, et les gens d'armes et les archiers que vous avés
establis sur les pors et sus les havènes, il ne puet estre que
il ne soient oreâ enfourmé de ces nouvelles, et créons bien
que il viennent efibrciemment et que proçainnement il seront
chi, ou il combateront la roine et ses gens sus son cemin. »
Li rois tint ce consel, autre ne pooit avoir, et envoya ses mes-
sages et ses varies partout là où il pensoit à avoir gens et par
espécial en Galles , car ce li estoit la terre la plus proçaine.
Vous devés savoir que chil qui furent escript et mandé dou roi,
quant il entendirent que la roine venoit à poissance de gens
VERS BRISTOL. i.>
d'armes et d'arcliiei*8 et estoient li Londrjen en sa compagnie,
ne se hastoient point de venir, mais se dissimuloient, car il
veoient bien que les besongnes se porteroient mal pour le roi et
ses complisses. Messires Henris de Biaumont, un grant baron
d'Engleterre , et messires Thomas Wage , son oncle , qui
venoient servir la roine d*Engleterre, trouvèrent d aventure
sus les camps des variés dou roi, liquel estoient parti de Bristo
et alolent au commandement du roi semondre chevaliers et
esquiers et à euls dire que tantos et sans délai il venissent à
Bristo deviers le roi, et commandoit que à ce besoing nuls ne
fausist sus la painne de estre pugnis de corps et d avoir. Furent
requis que il alaissent celle part, il respondirent , et deman-
dèrent : c Et de qui se doubte 11 rois ?» et ignorèrent que il
n'en savoient riens. Chil variés et messagiers dou roi leur
dissent que nouvelles estoient venues au roi et à messire Hue
TEspensier et au comte d'ArOadiel, que la roine, ses fils et li
contes de Kent avoient pris terre en Engleterre, et estoient en
sa compagnie grant fuisson de gens d*armes que li contes de
Hainnau lor avoit délivrés. Chil doi chevaliers fissent l'esmer-
viUiet et dissent ; c Aies, aies, nous alons celle part. » Il disoient
vérité , mais c estoit en confortant la roine. En ce meisme jour,
il trouvèrent la roine et toute sa route. Si recordèrent ces nou-
velles : on n en fist nul compte, car li seigneur savoient bien que
il ne seroient grevé, ne rencontré de nullui. Et sitos que chil doi
chevaliers furent Venu , messires Thomas Wage fu ordonnés à
estre marescaus de toute Toost et chevaucièrent tant, en tra-
versant le pais que il approcièrent Bristo, et par toutes les villes
là où il venoient et entroient, on lor faisoit feste et honneur, et
toutdis leur venoient gens à destre et à senestre de tous costés,
et tant fissent par lors journées que il vinrent devant la ville de
Bristo, qui est forte assés : si le asségierent à droit siège fait.
Li roys et messires Hues li Espensiers li fils se tonoient
volentiors ou castel; li vies messires Hue» li pères et li
76 ' PRISE
cuens d*Arondiel se tenoient en le ville de Bristo, et plui-
sieurs autres qui estoient de leur accord. Quant chil autre
et chil de le ville virent le pooir la dame si grant et si
efforciemeut venir et mouteplyer et que pries toute Engle-
terre estoit de leur accord, et veoient lor péril et lor dom-
maige si apparrant, il eurent consseil qu'il se renderoient
et le ville avoecques, sauve leurs vies, leurs membres et lor
avoir. Mais acordës ne fu mies ainssi de par madame et
son conseil qui là estoit, se elle ne pooit faire se voUentédou
dist monseigneur Huon le père et du conte de Arondiel, les-
quels elle hayoit souverainement et pour yaux elle estoit là
venue. Quant cil de le ville de Bristo virent que il ne poroient
autrement venir à pès, ne sauver leurs biens, ne leurs vies,
au fort il s'y accordèrent et ouvrirent les portes , sique
madame la royne et tout lî*t)aron, messires Jehans de
Haynnau * et si compaignon * prisent lors hostels en le ville
à leur plaisir, et li autre qui dedens le ville ne se peurent
herberger se logièrent dehors. Là fu pris li dis messires
Hues li pères et li contes d' Arondiel et amené par devant
la royne pour faire d'iaux se pure voUenté, et ossi li furent
amenet li sien autre jone enfant Jehans de Eltem ses fils et
ses II fillettes qui furent là trouvées en le garde del dit mon-
seigneur Huon, de quoy la dame eut moult grant joie'',
ossi eurent tout li autre qui point n*amoient les Espenssiers.
Dont se il avoient grant joie entre yaux, seloncq che pooient
avoir grant doeil li roys et messires Hues li Espenssiers li
fils qui estoient en ce fort castel de Bristo et qui veoient
lor niescief si grand et qui leur couroit sus si apparemment,
et veoient tout le pays tournet avoecques le royne et
avoecques son ainnet fil et drechiet et esmut contre yaux,
*■' Et tous les barons, chevaliers et escnyers. — * Quant elle vit ses
enfants que veus n'avoit de grant tamps.
DE BRISTOL. 77
dont s'il orent paour et doleur et assés à pensser, ce ne fait
point à demander.
Var. prem. réd. — Quant le roj et messire Hue le fil virent
leur ville ainsi assise, si se mirent ou chastel. Le viel messire
Hue et le conte d'Arondel et pluiseurs autres qui estoient de
leur accord, se tenoient en la ville. Et quant ils virent le povoir
de la royne si grant et si enforchié, et veoient leur grant péril
et dommage aparant, ils eurent conseil qu ils renderoient eulx
et leur ville, salve leurs vies et le leur ; mais onques la royne ne
s'i volt accorder, s'elle n'avoit à sa volonté le dit messire Hue
et le comte d'Arondel, lesquels elle héoit amèrement. Et quant
ceulx de la ville virent que, pour ces II chevaliers, il ne pooieut
venir à paix, né salver leurs biens, il eurent conseil et accord
ensamble. S'ouvrirent les portes. Si y entra la rojne et mes-
sire Jehan de Haynnau et toute leur belle routte, et se héber-
gèrent aval la ville à leur plaisir. Et là fut prins le dit messire
Hue, et le comte d'Arondel, et amenés devant la rojnne; et
ossj y furent amené li sien josne enfant Jehan de Elthem et
deux fillettes, de quoj la royne eut grant joie. Et encontre Ce
eurent grant deul et grant peur le roy et messire Hue le Des-
pensier le fil qui estoient ou chastel, qui veoient leur grant mes-
chéance apparente, et tout le pays tourner contre euls avec
la roy ne. S'ils estoient en grandes pensées , ce n'est mie à
doubter.
Quatr, réd, — Li rois d'Engleterre et messires Hues li Espen-
siers li fils se tenoient ens ou chastiel et point n'en issoient; mes-
sires Hues li Espensiers li pères et li contes d'Arondiel se tenoient
en la ville, et pluisseur aultre qui estoient de leur accord. Quant
chil de la ville de Bristo voiront le pooir de la roine si grant et
si effbrcyet, (car priés toute Engleterre estoit de lor accord, car
là où li Londryen s'acordent et allient, nuls n'ose résister,
il puevent plus que tous li demorans d'Engleterre, ne nuls ne
les oso au fort courechier, car il sont trop poissant de mise et
78 MORT
de gens), il considérèrent le péril et le damage où il estoient et
que confors ne lor apparoit de nuls costés et que tous chevaliers
et esquiers que li rois avoit mandés, tout se traioient viers la
roine, il furent consillé à ce que il se renderoient à lor dame la
roine, et la ville aussi, salve lors corps et lors biens. Si
envoyèrent tretyer et parlementer deviers la roine et messire
Jehan de Hainnau, car riens ne se faisoit, ne passoit fors par
le dit signeur de Biaumont. On ne voloit point ceuls de Bristo
prendre à nulle merchi, mais lor prommetoit-on que il seroient
tout mort, se on ne lor rendoit le conte d'Arondiel et messire
Hue TEspensier le père. Quîtnt il voiront que il ne pooient finer
aultrement, si s'acordèrent à ce et ouvrirent lors portos. Mes-
sires Thomas Wage, li mareschaus de Tost, et li Hainnuier
entrèrent dedens et trouvèrent à lors hostels messire Hue
TEspensier le viel et le conte d'Arondiel, et furent amené au
logeis de la roine, et aussi troi enfant, ung fils et deus filles
qui estoient en la garde du dit messire Hue et estoient enfans
dou roi et de la roine. Si furent remis avecques Édouwart lor
frère, et volentiers vei la roine ses enfans ensamble, et s'en
vinrent la roine et li signeur logier dedens la ville, qui logier
s'y pot, et lor fu avis que lors voiages estoit achievés puisque il
avoient enclos le roi en son chastiel de Bristo, et messire Hue
le Espensier, et que il tenoient le père et le conte d'Arondiel.
Quant madame la royne et tout li baron et tout li
aultre furent herbergiet et logiet tant dedens le ville de
Bristo comme dehors à leur aise, il asiëgèrent le castel au
plus pries qu'il peurent, et puis fist la royne ramener le dit
monseigneur Huon le vies et le conte d'Arondiel devant son
ainnet fil et devant tous les barons qui là estoient, et leur
dist que elle et ses fils leur feroient droit et bon jugement
seloncq leur fès et leurs œvres. Donc respondy li dis mes-
sires Hues : a Ha ! madame, Dieux nous voeîlle donner bon
DE HUGUES SPEMCER. 79
« juge et bon jugement, et se nous ne le poons avoir en
« ce siècle, si le nous doinst en l'autre ! » Adont se leva
messire Thumas Wage, bons chevaliers saiges et courtois
qui estoit marescaux de Tost, et leur racompta tous leurs
fais par escript et * tourna endroit * sour un viel chevalier
qui là estoit afin qu'il raportast sour se féaultë ^ ce que à
faire avoit par * jugement de tels persoimes et de tels fais.
Li chevaliers se conseilla as autres barons et chevaliers et
rapporta * par plainne sieute • que il avoient bien mort
desservie par pluisieurs horibles fes que il avoient là endroit
oy raconter et les tenoient pour vrais et tous clers; et
avoient desservit par le diversitet de leurs fès à estre jus-
tichiet en trois manières, c'est assavoir premiers traynés,
apriès décollés et puis pendus à ung gibet. Tout en tel mau-
nière qu'il furent jugiet , furent-il tantost justichiet par
devant le castel de Bristo, veant le roy et veant le dit mon-
seigneur Huon le fil et tous ceux de layens qui grant ^ des-
pit • en eurent •, che puet cascuns savoir *®. Che fu fait l'an
de grâce mille CCC.XXVI, " le XP jour de octembre ".
Quat. réd. — Messires Hues li Espensiers li viel et 11 contes
d^Arondiel, au prendre, dissent ensi à messire Thomas Wage et
requissent moult hault que on lor fesist droit et loy, et que il fuis-
sent menet devant la roine et son fil : il le furent et devant tous
les barons qui là estoient, et leur dist que elle et ses fils leur
feroient droit et loi et bon jugement, selonch lors fais et lors
œvres. Adont respondi messires Hues et dist : a Ha ! madame,
€ Dieus nous voelle dounner bon juge et bon jugement, et se
« nous ne le poons avoir en ce siècle, se le nous donne en
« Tautre. » Il furent tous doi mis en la garde de messire
• « Tourna sa parole sur. — ' Et hommage. — * Bon. — •-• Par
acort de tous et par jugement. — '"• Grant doel. — ••*® Ce doit-on
croire. — ** <* Le neuYième jour de novembre.
80 EDOUARD II TOMBE
Thomas Wage, qui bien ensongna dou garder puisque recom-
mandé il li estoient, tant que la roine auroit consel quel cosc
''en seroit bonne à faire. Et regardèrent là li signeur ensamble
que on renvoieroit les Londryens et que il estoient au desus de
lors besongnes, car otretant bien aueroit-on le roi et messire
Hue le Espensier le jeune que on avoit eu les aultres. Si fu
appelles li maires de Londres et remercyés de la roine et de
son fil, de ce que fait avoit, et que bien se pooient partir quant
il voloient et retraire vers Londres. A tout ce s'acordèrent li
Londryen et se ordonnèrent de départir et de retourner en lor
lieu. Le second jour, apriès ce que il se furent départi, on ot
consel en Tost de la roine que on délivreroit par jugement le
conte d'Arondiel et messire Hue le Espensier le viel. Si furent
amené en place devant les barons d'Engleterre, liquel furent
ordonné pour euls juger. Adont se leva messires Thomas
Wage, bons chevaliers, sages et courtois, et recorda tous les
fais des dessus dis et les bailla par escript, et tourna endroit
ce jugement sus un ancyen chevalier qui présens estoit, à fin
que il raportast sus sa féaulté que faire avoit de tels personnes
par jugement et de tels fais. Li dis chevaliers se consilla as
aultres barons et chevaliers et raporta par plainne sieute que il
avoient bien mort deservi selonch la prise et la teneur de
pluisseurs oribles fais que il avoient là oy recorder et les
tenoient pour tous vrais et tous clers. Et avoient deservi par la
diverseté de lors fais à estre justichiet en trois manières, c'est
assavoir premiers trainnés et puis décolés, apriès pendus à un
ghibet. Adont en la manière que il furent jugiet, furent-il
tantost justichiet par devant le castel de Bristo, veant le roi et
veant messire Hue le fil et tous cheuls de là dedens, qui grant
despit en orent, et puet et doit casquns sçavoir que il estoient à
grant mescief de coer. Geste justice fu faite Tan de grâce 1326,
un vendredi, et ce jour fu le jour Saint-Denis en octembre.
Apriès ce que ceste justice fii faicte, sicomme vous avës
AU POUVOIR DE LA R£U(E. 81
oy, li roys et messires Hues li Espenssiers qui se veoient"
asegiet, à tel angouisse et à tel meschief estoient et ne
savoient quel consseil prendre, ne avoir, et ne veoient
nul comfort qui leur peuist là endroit venir de nulle part.
Touttes voies pour eslongnier le péril où il se veoient et les
mains à leurs ennemis, il se misent une matinée en ung
batelet de pescheur en mer par derière le castel, li roys et
messires Hues ^ et yaux X*' seullement * à tel entente et
pourpos d'aler ens el royaumme de Galles comme chil qui
là se cuidoieut mettre à sauveté ; mes Dieux ne le vot mies
souffrir, car lors péchiés leur encombra. Si leur avint
grant merveille ^ et grand infortuneté; car il furent
* XP jourstous plains en ce batelet et s'efforcoient de nagier
tant qu'il pooient, mais il ne pooient si loîng nagier que
tous les jours li vens qui li estoit contraire, par le vollenté
de Dieu les ramenoit chacun jour une fois ou deux à mains
de le quart part d'une lieuwe pries del dit castiel sique tous
les jours les veoient chil de Tost le royne, et s'esmervil-
loient qui ce pooient estre. De premiers il cuidoient que ce
fuissent pescheur, mais quant il les virent tant varyer sur
mer et qui bien euissent pris terre ou havène de Bristo s'il
volsissent, mais il mettoient painne à yaux de fuir et eslon-
gier et si ne pooient, si souppechonnèrent li pluisieur que
ce estoit li roys ou messires Hues li Espenssiers. • Adont
par le consseil de monseigneur Jehan de Haynnau ^ aucun
maronnier et compaignon de Hollande * se missent en
batiaux et en bargettes qu'il trouvèrent là et nagîèrent
apriès yaux tant qu'il peurent ®. Mes oncques li maronnier
*■* A peu de mesnie. — * Et grant miracle. — *■ Neuf — •-• Au dar-
rain avint que messires Henris de Byaumont, fils du viconte de Bjau-
mont en Engleterre, entra en une barge et ossi avoec lui aucuns compa-
gnons et se fist nagier devers ceuls. — ''-' Avec maronniers de Hollande.
I. — raoïssART. 6
82 EDOUARD 11 PRISONNIER.
le roy ne peurent tant fuir devant yaux que au dairain il ne
fuissent raconsievi et pris atout le batiel et ramenet arrière
en le ville de Bristo et livret à madame la royne et à son
fil comme prisonniers, qui en eurent moût grantjoie, et aussi
eurent tout li autre et à bonne cause, car il avoient accom-
pli et achieyet leur désir à Tayde de Dieu tout à leur plaisir.
Quair, rM. — Apriès ce que ceste justice fu faite, ensi que vous
avés oy, li rois et messiresHues li Espensiers, qui se veoient assé-
giet à tel angoisse et tel mescief et ne sçavoient nul confort qui
lor peuist venir de nul costé, tant estoient destourbé et destraint
de coer que il ne sçavoient que faire, et veoient bien, se il estoient
pris il estoient mort, et espéciaulment messires Hues li Espen-
siers par lequel tout chil mescief estoient avenu, et regardèrent,
pour euls sauver et esquiever la mort, que il se meteroient en un
batiel de pesceour et entreroient en la mer, et s'en iroient à
l'aventure là où la marée et li vens les menroient , fust en
Galles ou en Irlande. Tout ensi comme il l'avisèrent, il le
fissent, et entrèrent une matinée en une petite barge qui estoit
dou chastiel de Bristo, sans cbe que chil de Tost en seuissent
riens, et tout che il pooient bien faire, car au derrière dou
chastiel, la mer bat assés priés et là a un courant qui entre
dedens le chastiel , et de ce courant on va en la mer , et
n'estoient que euls sept dedens celle barge et se boutèrent une
matinée dedens la mer, et se fuissent volentiers sauvé se il
peuissent, mais Dieus ne le volt pas consentir ensi que il fu
apparans , car lors péciés les encombroit, et furent onse jours
tous plains sus la mer à la veue de ceuls de Tost, que oncques
il ne peurent eslongier Bristo plus hault de deus lieues en mer,
et quant il quidoient aler avant, li vens les ramenoit maugré
euls et toute lor poissance joindant Bristo, et toutes fois il fai-
soient trop grandement lor pooir de Testriver, et tant que chil
de Fost s'en perchurent, et se coramenchièrcnt à esmervillier et
à parler F un à Taultre et à dire li auqun par imagination :
* Nous veons raervelles ; nous avons veu celle barge, passé a
1^R10VPIi£ DE LA R£1M£. 83
t sept jours, estriver contre le vent et se voelt bouter en la
t mer et se ne puet. 11 fault que ce soit cose à soupçon, car
t chil qui sont dedens, ne voellent point venir à Bristo, mais
t Tesquicvent et fuient ce que ilpuevent. » Messires Henris
de Biaumont qui estoit uns jones chevaliers et de grant
volenté, s'asaia et dit que il iroit veoir que c'estoit, et entra
dedens une barge grosse assés et environ trente archiers en sa
compagnie, et se fist à force de rimes mener à la barge dou
roi. Quant il furent là venu, il Tarestèrent et veirent que li
rois estoit dedens et son consillier messires Hues 11 Ëspensier^.
En euls, ne en lors gens ni ot point de deffense : la barge, par
ceuls meismes qui la menoient et par auquns des hommes à
messire Henri , fu ramenée ou havène de Bristo. Toutes joies
i furent de toutes gens qui là vinrent au devant, quand il
sceurent que ce estoit li rois et messires Hues li Espensiers , et
dissent : c Considérés comment Dieus est pour madame la
t roine et son fil, quant il ne voelt point, ne n a volu, ne con-
t senti que il soient eslongiet, ne escapet ; il appert que il sont
t mauvais et que il est temps que il soient pugni et corrigiet de
t lors mesfais lesquels ils ont fais, car il ont fait morir et décoler
t en ce païs-chi maint vaillant homme, sans conscience, sans
t raison. » Ces nouvelles vinrent à la roine et à messire Jehan
de Hainnau que li rois et li Espensiers estoient pris, et que ce
estoient chil qui waucroient par mer.
De ces nouvelles fut la roine grandement resjoïe, et en loa
Dieu, à jointes mains, de che que ses besongnes venoient à si
bon chief, et se la roine fu resjoïe, aussi furent tout li aultre,
tant Englois comme Hainnuiers.
Ainssi reconquist madame la royne tout le royaumme
d'Engleterre pour son ainnet fil sour le confort et conduit
del gentil chevalier monsseigneur Jehan de Haynnau et de
se compaignie, par quoy il et tout si compaignon furent tous
8{ ^DOtÀRD 11 EST CONDUIT
tenus pour preux par le raison de la * haulte emprise que fet
avoient, 'car il ne furent tout comptet, quant il entrèrent en
mer à Dourdresk , sicomme vous avez oy , que trois cents
armures de fier, 'qui fisent si hardie entrepresure pour
Tamour de la dite royne comme d'entrer en naves et passer
mer à si petit de gens pour conquerre tel royaumme comme
est Engleterre, maugré le propre roy et tous ses aidans *.
Enssi, comme vous avês oy, fu celle haulte et hardie
emprise achievêe, et reconquist celle noble damme la ditte
royne tout sen estât par le confort et conduit dou gentil
chevalier monseigneur Jehan de Haynnau et de ses com-
paignons et misent a destruction ses annemis, et fu pris li
roy s meysmes par telle meschêance et fortune que vous
pc^és entendre, dont tous li pays conmunalement ot très-
grant joie, horsmis les aucuns qui estoient de le faveur le dit
monseigneur Huon le Espenssier.
Quant li roys et li dis messires Hues furent amenet à
Bristo, li roys fu envoyet par le conseil de tous les barons
et chevaliers en ung chastel que on apelle Bercler, très-fort,
très-bel et très-puissant, séant sus le belle rivière de Saverue,
ou assês priés que je n'en mente, * et commandés ^ à servir
et à garder bien et hounestement à gens d'onneur et d'estat*
qui bien le dévoient savoir faire jusques à txint que li com-
muns pays aroient aviset comment on s'en maintenroit. Et li
* Orande et. — * Car la compaignie fut grande en bonté et petite
6D nombre. — ' Ce fut grande emprise et grans fais, car par eulx
refu la dame remise de force en son pajs avec l'ayde de Dieu. —
* • Et reiX)mmandë au signeur doudit cbastiel de Bertier que il eu
fesist bonne garde et il dist que ossi feroit-il. — * Entour lui qui
bien savoient qne on en devoit faire, mais point ne le deToient laissier
pêrUr du pourpris.
Ali CHAI EAU DE BERCLER. ^'i
dis messires Hues fu tantost livrés à messiro Thumas Wage
marescal de Tost. Apriès ce se partirent madame et tout
sen ost pour venir droit à Londres qui est le chiés d'Englo-
terre et se misent au chemin. Li dis messires Thumas Wage
fist bien et fort loyer monseigneur Huon leEspenssier * sour
le plus petit maigre et chétif cheval qu'il pot trouver *\ et li
tist faire à vestir par deseure ungtabar, semet de tels armes
qu'il solloit porter, et le faisoit ensi mener par despit apriès
le conroy de la royne par toutes les villes là où il dévoient
passer, à trompes et trompettes ' pour li faire ^ plus grand
despit * tant qu'il vinrent à Herfort, une bonne chitê. Là fu
la royne moult noblement rechupte et à grande solempnité
et toutte li compaignie ossi , et tint la dame la royne une
feste moult grande * pour le feste de Tous les Saints, qui
dont estoit à ce jour ^.
Quat. réd. — Assés tos apriès ce que li rois fu pris et que mes-
sires Thomas Wage, marescaus de. la roine. Tôt en sa garde,
on. ... • messire Hue le Espcnsier, et se missent li signeur
ensamble à savoir quel cose on en feroit, et à ce consel fu tous
premiers appelles messires Jehans de Hainnau, et li fu demandé
quoi cose il consilloit à faire dou roi, fust de mort ou de prison,
il rospondi et dist : t Puisque vous tournés ceste demande sur
mi, t je vous en rcsponderai. Li rois est rois d'Eugletori'c , et
< quoique il se soit mcsfais, ensi comme il est apparans, par
€ ses œvres, il a tout ce fait par mauvais enort et consel. Il
« n'est nuls, ne moi, ne aultres, qui le doicnt jugicr à mort,
« mais avisés une place et un chasticl et un chevalior, et le
• recargiés à celi, et li faites avoir son estât et vivre raison-
c nablement toute sa vie. Encores se pora-il amender en con-
*■• Sur un maigre et meschant clieTal. — 'Et ilahates. — * ' Plus
de honte. — •Et moult bien estofTée. — '' Pour Tamour de son fil et
des seigneurs estragniers qui estoient avoecques lui. — * I^ACune dans
le Ma. da Vatican.
86 EDOUARD n AU CHATEAU DE BERCLER.
I science, de quoi, tant qu'à Dieu, il en vaudra grandement
I mieuls : c'est le jugement que je li ordonne. » Tout respon-
dirent li bai-on, et de une sieute, qui là estoient : • Vous avés
• bien et loiàument parlé, et il sera fait ensi. » Adont fu
appelles li sires de Bercler, un grant baron en Engleterre, et
de la marce de Bristo, et a un chastiel biel et bon et fort séant
sus la rivière de Saverne, et li fu dit et commandé de par la
roine et son fil que il presist en garde le roi d'Engleterre, et
Teuist cil et ses gens que il en seuist à rendre compte, quant il
en seroit demandés, et que de sen estât on ordonneroit. Li sires
de Bercler, qui s'apelloit Thomas, respondi et dist que il en
feroit bien son acquit et tout che que madame la roine et ses
consauls avoient ordonné. Si se départi tantos et sans délai de
Bristo et enmena le roi, bien acompagniés de gens d'armes et
d'archiers, et vint chiés soi ens ou chastiel de Bercler, et mist
le roi en bonne garde et en fu tousjours si au-desus que, se on
li euist demandé, il Teuist rendu, mais on le mist en oubli, et
ne vesqui li rois, puis que il fu venus à Bercler, trop longue-
ment, et comment euist-il vesqu, par la manière que je vous
dirai ? car je Jehan Froissars, actères de ceste histore, fui ens
ou chastiel de Bercler, l'an de grasce de Nostre-Signeur
mille ccc.LXvi, ou mois de septembre, en la compagnie de
messire Édouwart le Espensier, liquels fu fils dou fil de ce
messire Hue le Espensier, dont je parlerai asséstos, et fûmes,
dedans le chastiel que ens es esbatemens là environ, trois jours.
Si demandai de che roi, pour justefier mon histoire, que il
estoit devenus. Unsancyens esquiersme dist que dedens la propre
année que il fu là amenés, il fu mors, car on li acourça sa vie.
Ensi fina chils rois d'Engleterre et ne parlerons plus de li, mais
de la roine et de son fil.
Quant la roine d'Engleterre fu au-dessus de ses besongnes,
elle donna à une grant partie de ses gens d'armes congiet, elle
n'en retint auquns , et -tousjours estoient li Hainnuier logiet
au plus priés de li, et li plus espécial de sa court et le mieuls
délivret. Or fu avisé et ordonné que la roine se départiroit de
SUPPLICE DE HUGUES SPENCER LE JEUNE. 87
là et se retrairoit viers Londres. Messires Thomas Wage, au
département de la roine, avoit ordonné un tabar armoiriet des
armes le signeur Espensier, et ce tabar semet de doquètes, on
le vesti et afubla le dit messire Hue, et fu montés sus un magre
cheval et chevauça en la compagnie et eusievant la roine ensi,
et par toutes les villes où il passoient, par-devant le dit messire
Hue on sonnoit grant fuisson de trompes et de trompâtes et de
taburs, et tout par manière et ordenance de dérision. Avecques
tout ce, en toutes les villes où il venoient, on lissoit publique-
ment par un rolet les fais dou dit messire Hue en la présense
de li, et tant ceminèrent que il vinrent en bonne chité, laquelle
on appelle Harfort, et là s'arestèrent et rafresquirent, et i
tinrent la roine et lors gens la solempnité de la feste de la
Toussains.
Quant la feste fu passée, li dis messires Hues qui point
n'estoit là amés ^ et à bonne cause *, fu amenés par devant
la roynne ^ et tous les barons et chevaliers qui là estoient
assemblet ^ Là li furent recordet tout si fetpar escript, qui
oncques n'y dist riens à rencontre, sique là endroit il fu
jugiés par plainne sieulte de tous les barons et chevaliers à
mort et à justicyer en tel manière que vous ores. Enssi
chei li dis messires Hues de si hault si bas et tous ses
Hnaiges ossi. Premièrement il fu traynés sus ung bahut à
trompes ^ et à trompettes * par toute la ville de Harfort de
rue en rue et puis fu amenés en une grant place en le ville
là où tous li peuples estoit assamblés. Là endroit fu-il loyés
haut sour une échielle sique chacuns petis et grans le pooit
veoir et avoit-on fet en le ditte place ung grant feu. Quant
il fu ainssi loyet, on li coppa tout premiers le vit et les
*-• Et on li monstra bien. — '•* Et son fils et messire Jean de Hai-
naut. — •*• Et à nacaires.
88 DÉPART
couilles pour tant qu'il estoit hérites et sodoraittes * enssi
que on disoit *, et meysmement dou roy meysme, et ^ pour
ce ^ avoit décachiet, sicomme on disoit, li roys, le royne
en sus de lui et par son enort. Quant li vit et les couilles lui
furent coppées, on les jetta ou feu et furent arsses. Apriès
on li fendi li ventre et li osta-on le coer et toute le coraille,
et le jetta-on ou feu pour ardoir, et pour tant qu'il estoit faux
de coer et traytres et que par son traytre consseil et enort
li rois avoit honni son royaurame et mis à meschief, ^ et
avoit fet décoller les plus hault barons d'Engleterre par les-
quels li royaummes devoit estre soustenus et deffendus ^, et
avoecques ce il avoit si ennortë le roy qu'il ne pooit ou ne
volloit veoir la royne, ne son ainnet fil qui devoit estre lors
sires, ains les avoit décachier par doubtance de leurs corps
hors dou royaumme. Apriès quant li dis messires Hues fu
ainssi atournet comme dist est, on li coppa le chief et fu
envoyé à Londres • et puis li corps fu décoppés en IIII quar-
tiers et furent tantost envoyet as IIII meilleures chités
d'Engleterre apriès Londres '.
Or avés-vous oy comment li dis messires Hues fina et
comment il fu exécutés en le cité de Herfort. Apriès ce,
madame la royne et tout li baron , li chevalier et tous li
communs pays se misent au chemin vers Londres, la bonne
cité qui est li chiés d'Engleterre, et fissent tant par belles
journées que il y parvinrent à grant compaignie, et yssirent
**• P^nsi que renommée pubUque couroit par toute Engleterre. —
* Pour ce vilain et ord pëchiet. — *■' Et mis à mort les vaillans
hommes dont toute Engleterree stoit affaiblie. — ^-'' Et mis sur une
glave au pont de Londres, et des quartiers li uns en demora à Harfort,
li aultres fu envoyés à lorch, U tiers à Cantorbie, et li quars à Sas-
leberi. Ensi furent-il espars ens ans quati*e parties d'Engleterre.
DES UÀlIfUYERS. O»
communalement tout chil de Londres, grans etpetis, encontre
li et son aisnet fil qui devoit estre lors drois sires, et leur
fisent grant feste et grant révérense et à toute le compai-
gnie ossi , et donnèrent grans dons à la ditte royne et à
chiaux là où il leur sembloit mieux employet. Quant il
furent ainssi rechupt et si grandement festyet ^ sique dit
est, et li compaignon qui passé estoient le mer avoecques le
dit monseigneur Jehan de Haynnau furent * reposet, il
eurent grant talent de retourner cascuns arrière en se con-
trée ; car il leur sembloit quMl avoient bien esploitiet et fet
le besoingne ^, et prisent congiet à madame la royne et
as seigneurs dou pays. Madame la royne et li baron leur
pryèrent assés de demorer encoires ung petit de tamps pour
veoir quel cose on voroit faire del roy qui en prison estoit
ens ou castel de Bercler enssi que vous avés oy ; mes il
avoient si grand désir de retourner chacuns en sa maison
que pryère n'y valu riens. Quant madame et ses consaux
virent ce, il pryèrent * au dit monseigneur Jehan de Hayn-
nau qu'il volsist encorres demourer jusques apriès Noël ^ et
qu'il détenist de ses compaignons avoecq lui chiaux qu'il
en pouroit et vourroit retenir. Li gentils chevalier ne volt
mie layer à parfaire son service, ains vot achiever sen
emprise et obéir à madame la royne : c'estoit raison. Si
otria courtoisement à demourer jusques à le vollenté de
madame la royne : si détint de ses compaignons che qu'il
en pot détenir, mais petis fu ; car li aultre ne vorent nul-
lement demourer dont il fut moult coiirouchiet. Touttes-
voies, quant madame et ses consaulx virent que chil com-
paignon ne vorent point jdemourer pour nulle pryère que on
* Et il eurent là séjourné environ quinze jours. — • Plusieurs
jours. — 'Et acquis grant honneur, sicomme il avoient. — * De
costé. — ' Et là dedans seroit acort pria que on feroit du roj.
90 DÉPART
leur fesist, il leur fissent toute honneur et révérence qu'il
peurent , et leur fist madame donner grant argent pour
leurs frès et pour leurs services et grans et biaux jeuiaux,
chacun seloncq son estât, et si grandement et si largement
que chacuns s'en devoit bien loer, et ossi fissent-il partout.
Et avoecques ce elle leur flst rendre l'estimation de leurs che-
vaux qu'il vorent laissier, si plainement que chacuns volloit
estimmer le sien, à se seulle parolle. Oncques n'y eut débat
des gens le roynç, ne dit : « C'est trop, ne peu, » et tout
furent payet en argent tout seck et tantost en purs estre-
lins d'Engleterre. Et li gentils chevaliers messires Jehans
de Haynnau demeura à le pryère de madame la royne * à
petite compaignie de ses gens * entre les Englès qui li fai-
soient ^ toutte l'amour ^ et compaignie qu'il pooient : ossi
faisoient les dames du pays * dont il y avoit là grant fuison,
contesses et autres grandes et gentils dammes et pucelles,
qui venues estoient compaignier madame la royne et
venoient de jour en jour; car il leur sambloit que li gentils
chevaliers messires Jehans de Haynnau l'euist bien des-
servi enssi qu'il avoit *.
Quatr. réd, — Apriès ceste justice faite, la roine et tout li
signcur et grant fuisson dou commun dou païs, se missent au
cemin pour venir à Londres, et fissent tant par lors journées que
il i parvinrent à grant compaignie. Quant la roine et si enfant et
li signeur deurent entrer dedens Londres, toutes ordenances de
gens issirent hors à Tencontre, casquns parés et vestu si ricement
**• A petite maisnie et peu de compagnie. — *** Toute Thonneur. —
*-• Là fisent plusieurs dames du pays grant honneur aux bons che-
valiers au congiet prendre : c'estoit grant joie du veir. Ainsi s'en
râlèrent tout chil vaillant homme, chascun vers son lieu, fors le
bon chevalier messire Jean de Haynnau et aucuns de ses plus prives
qui demourèrent avec luy.
DES HAimJTERS. 91
coïnme on pooit estre, et tous montés à chevaus. Et estoient les
rues parées et couvertes de draps et de jeuiauls moult éstofée-
ment, et s'esforçoient toutes gens de honnourer lor dame la
roine ce que il pooient, et messire Jehan de Hainnau et tous les
chevaliers de sa route, et fu, en ce jour, moult regardés de
toutes gens, et séoit sus un noir hault palefroi moult bien aourné
que la chité de Londres li avoit donné, et fu moult prissiés en
arroi, en persone et en contenance, et disoient toutes gens que il
avoit bien fourme et regard de vaillant homme, et portoit sus
son chief tout nu un capelet de pierres présieuses moult rices,
qui trop bien li estoit séans. Et par espécial la grant rue de Cep
estoit parée et aournée oultre mesure, et donna ce jour la fon-
tainne tout au lonc dou jour par les brocerons, vins blanc et
vermeil à tous ceuls qui en peurent ou vorrent avoir. Et fu ensi
la roine aconvoyée jusques au chastiel, et là descendi et si enfant
Édouwars et Jehans de Eltem, et ses deus filles, Isabiel et Kate-
line, et messires Jehans de Hainnau estoit et fu toutdis dalés
la roine, et ses corps logiés ens ou chastiel et toutes ses gens au
plus pries de li que on pooit, et estoient toutes coses ouvertes et
apparillies à lor commandement. Toutes gens les honnouroient
et conjoïssoient ; il estoit ensi ordonné et commandé de par les
officyers la roine et le maire de Londres, et n'estoient et ne
furent un grant temps que festes. solas et esbatemens avant
Londres, et parellement parmi tout le roiaulme d'Engleterre. Et
estoit avis au peuple que il estoient quitte d'un encombrier et
délivré d'un pesant faix, quant il se veoient délivré dou roi et de
son consel, et disoient à Londres et parmi Engleterre : « Il nous
« fault rcfourmer et prendre une nouvelle ordennance, car celle
« que nous avons eu, nous a trop hodé et travilliet, ne chils
« roiaulmes-chi ne vault riens sans un bon chief, et nous
« Ta vous eu si mauvais que nous le poions avoir. Il nous fault le
« jone Édouwart couronner et faire roi , et mettre dalés li
« hommes de sens et de vaillance, par quoi il soit espers et res-
« villiés, car nous n avons que faire d'un roi endormit, ne
a pesant, qui trop demande ses aises et see déduis. Nous en oci-
92 - DÉPART
« rions avant un demi-cent, tous l'un apriès Tautre, que nous
« n'euissions un roi à nostre séance et volenté. » Ensi disoient-il
généraument en Londres et parmi toute Engleterre.
Quant chil chevalier et esquier de Hainnau, qui en la com-
pagnie de la roine d'Engleterre estoient venu, veirent que lor
emprise estoit achievée et que il ne faisoient là que boire et men-
gier, dormir et reposer, danser et caroler, quoique on les veist
très-volentiers et que tout estoit pajet quanque il prendoient, si
se commenchièrent-il à hoder et à taner et à dire Tun à Tautre :
t Nous en volons retourner en Hainnau. Nous ne faisons riens
< chi; nous cargons trop madame la roine et le païs. Il est
« heure dou départir, car toutes nostres emprisses sont achie-
t vées. » Il s'en vinrent généraument à messire Jehan de Hain-
nau, lor chief, et li remonstrèrent lour pourpos sus la fourme
que je vous di. Quant messires Jehans de Hainnau les vei en
celle volonté, et senti que il remonstroient raison, si leur dist :
t Biau signeur, je parlerai à madame la roine, et prenderai con-
« giet et me départirai avecques vous. Attendes encores un
« petit. » Li dis messires Jehans, quant il vei que heure fu,
parla à la roine et au conte de Kent, et lor remonstra que ses
gens se voloient départir et retourner en Hainnau. Ces paroles
vinrent moult au contraire à la roine, et fist appeller les cheva-
liers de Hainnau devant li, et quant il furent venu, elle lor
demanda : « Biau signeur, pourquoi vous anoie-il en ce pais ?
« on vous i voit volentiers. Demorés dalés nous, tant que li
« iviers soit passés. » Li chevalier de Hainnau à la parole de
la roine respondirent courtoisement et dissent : t Madame, nous
« veons et savons bien que moult volentiers vous et li vostre
« nous voient en ce païs, mais, madame, nous regardons et con-
« sidérons que ce pour quoi nous partesîmes de Hainnau avec-
« ques vous, est tout achievé, car se nous sentions que vous, ne
« li vostre, euissiés nuls besoings de nostres services, li dépar-
« temens ne nous touche pas de si priés, ne tant, que nous ne
« demorisions tant que tout seroit acompli ; mais nous cargons
c vostre ostel et le païs de vous et à riens faire, et nous avons
Des uAir<t'YËRS. 95
« bien ailleurs mestier, et si verions volentiers nostres femmes
« et nostres enfants, et savons bien que il nous désirent à
« veoir. Si vous prions que vous nous donnés congiet, et nous
€ nos offrons à ^ous et disons de bonne volenté que, se besoings
« vous croist, ne touce, et nous en soions segnefyet, nous ven-
« rons tantos et sans délai en vostre service. » La roine res-
pondi : « Grant merchis ! » et puis se retourna deviers messire
Jehan de Hainnau et li dist : a Biaus cousins, vous ne voés pas
« partir encores de moi jusque apriès Noël, car contre les festes
« dou Noël, tous li consauls d'Engleterre, prélas, barons, cheva-
« liers et bonnes villes doient estre à Wesmoustier, et là
€ auront-il avis et consel quel cose on fera dou roi, qui esta
« Bercler, ensi que vous savés. Si retenés auquns de vostres che-
€ valiers dalés vous pour vostre estât, car je voel que vous
f sejés à ce parlement et que chil qui point ne vous ont encores
€ veu, vous voient, et li demorans de vostres gens se départi-
€ ront dedens quatre jours puisque partir voellent. » Li gentils
chevaliers respondi et dist : a Madame, volentiers. » Depuis
ceste parole, parla messires Jehans de Hainnau à ses gens et
ordonna ceuls que il voloit que il demorassent avecques lui, et
as aultres dist : « Vous vos partirés dedens tel jour ; madame le
« m'a dit, mais au départir, elle voult parler à vous et payer
€ vostre bien alée. »
La roiae d'Engleterro qui se sentoit tenue enviers ces cheva-
liers et esquiers de Hainnau pour le biel et grant servisce que
fait li avoient, quant elle vei que plus demorer il ne voloient,
elle s'en vint à Eltem à sept milles de Londres et sus le cemin
de la mer et de lor retour, et amena là ses enfants et le conte
de Kent et son estât un petit plus efforchiet que une aultre fois,
et là furent segnefyet tout li chevalier et esquier de Hainnau
à estre, qui partir voloient, et i furent, et messires Jehans de
Hainnau aussi. Quant il furent tout venu, la roine tint son estât
et sist à table solempnement en la sale. Là furent assis à table
tous chevaliers et esquiers de Hainnau qui partir voloient, et
servi de tous mes grandement et largement selonch Tusage
94 DÉPART
d'En^eterre, et sus la fin doif disner, entrues que on entendoit
à regarder la roine, entrèrent dedens la sale trompes et ménes-
trelç qui faisoient lor mestier, et tantos apriès euls. douse che-
valiers parés et vestis tous parellement et d'une livrée très-rice,
et les sievoient douse esquiers parés et vestis aussi de une livrée,
et portoient chil esquier, deus et deus, casquns, une grande cor-
bille à deus anniaus, toutes plainnes de vaselle d'argent, de pos,
de plas, de drageoirs, de coupes, de hanas, d'esquelles, de tem-
proirs et de toute vasselle , et alèrent li ménestrel et li cheva-
lier et li esquier qui ces corbilles portoient , autour des tables ,
çt quant il orent fait lor tour, il s'arestèrent devant la table des
plus grans signeurs, et n estoit nuls à table fors chil qui partir
se dévoient, réservé messires Jehans de Hainnau. Chil séoit à la
table de la roine. Là furent misses ces corbilles jus, et sus cas-
qune vinrent doi chevalier tout avisé de ce que il dévoient
faire et départirent tous ces jeuiauls as chevaliers et as esquiers,
et casquns selonch son estât. Tout en furent servi et mis devant
euls sur les tables, et depuis 11 mestre d ostel de la roine issirent
hors de la salle et vinrent en la court , et fissent venir avant
tous les variés et pages de ces chevaliers et esquiers de Hainnau
qui partir dévoient, et là avoient en un sach cent livres d estre-
lins, pionnpie d'Engleterre, car adont il n estoit encores nulles
nouvelles de nobles. Et quant chil variés furent venut, li mes-
tre d ostel dissent tout hault en prennant le sac qui estoit de
quir tanés : « Entre vous , variés des Hainnuiers qui partir
« devés, madame la roine vous donne cent livres d'estrelins :
« prjés pour lui. » Tout ou en partie respondirent et dissent :
« Dieu doinst à madame la roine bonne vie 1 » Se lor (Jemora
chils argens et le départirent entre euls à grant joie. Il en i ot
auqun qui bien le gardèrent ce que en lor pareçon en eschei et
en devinrent puis rice, pour mettre en bonne mputeplji^pce, et li
aultre le jouèrent as dés, qui ne s'en savoient comment délivrer.
Çhe disner fait, et ces signeurs, chevaliers et esquiers de Hain-
nau servis en la fourme et manière que je vous di, et tous ces
jeuiauls requelliés et mis en paniers et en bonne ordennance
DES UAINUYËRS. 95
pour le plus aise porter et sans froissier, il prissent congiet de
madame la roine, de son fil et dou conte de Kent, et les acon-
voia jusques enmi la court à Eltem li sires de Biaumont, mes-
sires Jehans de Hainnau, et tout un et un prissent congiet à lui,
et il lor donna. Adont montèrent-il, et messircs Thomas Wage
aussitos comme il fissent ; et se départirent de Eltem et jà estoit
tout tart et vinrent jessir à Bardeforde, et à Tendemain à
Rocestre et au tiers jour à Saint-Thomas de Cantorbic et fissent
là lor offrande au corps saint, et apriès disner, il cevauchièrent
et vinrent à Douvres, et tout partout estoient délivré de par les
gens la roine. Quant il furent venu à Douvres, on lor pourvei
vassiaus de par la roine, il esquipèrent lors chevaus et puis
entrèrent ens es vassiaus passagiers, et là prist messires Thomas
Wage congiet à euls et retourna deviers la roine et la trouva à
son retour à Eltem et messire Jehan de Hainnau. Et li Hainnuier
singlèrent par mer et furent tantos à Wissan : pour ce temps il
i a voit une très-bonne ville et sciet entre Boulongne et Calais.
Et devés savoir que avant que li Hainnuier issirent de Londres,
il furent payet en deniers apparilliés, ensi que convenance se
porta au départir de Hainnau entre la roine et euls, si largement
que tous s en contentèrent , et retournèrent en Hainnau tout
fouci d'argent et de jeuiauls, et vinrent à Valenchiennes deviers
le conte et la contesse qui les veirent volontiers, et lor recor-
dèrent des nouvelles d'Engleterre, et sus moins de quatre mois
orent-il fait tout ce voiage. Nous retournerons à parler de la
roine d'Engleterre et des ordenances dou pais.
Adont, quant li compaignon de par dechà la mer furent
départi de Londres et li dis monseigneur Jehans fu demou-
rés, sicomme vous avés oy, madame la royne donna con-
giet à ses gens de son pays que chacuns rallast à son hostel
et en ses besoingnes, horsmis aucuns barons et chevaliers
que elle retint pour li conseiller, et commanda à chiaux qui
96 LE PAELEMËIXT
se partoient, que tout revenissent à Londres au jour dou
Noël à une * grant * court que elle volloît adont tenir, ^ et
tout li accordèrent ^ Quant ce vint au Noël, elle tint une
grant court enssi comme elle Tavoit dist, et y vinrent tout li
conte, li baron, li chevalier, tout li noble, li conssaulx des
bonnes villes et des chités del pays. A celle fejste^ et à celle
grant assemblée fu ordonné par tant que li pays ne pooit
longuement demourer sans seigneur, que on metteroit en
escript tous les fes et les œuvres que li roys qui en prison
estoit, avoit fais par mauvais consseil, et tous ses usages et
ses maintiens et comment il avoit gouvernet son pays, par
quoy on les peuist lire en plain palais par devant tout le
pays, et que li saige dou pays peuissent sour ce prendre
bon avis et acord comment et par qui les pays seroient gou-
vernés de dont en avant. Enssi comme ordené fu-il, fu fet.
Et quant tous li cas et li fait que li roys avoit fais et con-
sentis à faire et tout se maintien et usaige furent lus et bien
entendu, li baron et li chevalier et tous li conssaulx dou
pays se trayrent ensamble à consseil et se accordèrent * le
plus grant partie ' d'iceulx et meysmement li plus grant
baron et li plus noble avoecq les conssaulx des bonnes villes
seloncq ce que il avoient là oy lire et qu'il en savoient le
plus grant partie de ses fès et de ses maintiens de certain
et par pure vérité, et dirent que tels homs n'estoit mies
dignes de jamais porter couronne, ne avoir nom de roy ;
mais bien s'accordoient à ce que ses ainnés fils qui là estoit
présens et estoit ses drois hoirs, fuist couronné et tantost
ou lieu dou père, mais que il presist bon conseil et saige en-
tour li et féable par quoi li royaummes et li pays fust de
*-* Très-grande. — ' * Et tout cil qui se partirent, li eurent en cou-
vent et encore pluiseurs autres à qui la feste fu mandée. — ^ Qui dura
huit jours. — •-' La plus saine.
s ASSEMBLE. 97
dcMit en avant mieux gouvernés que esté n'avoît, et ossi que
li pères fuist * bien gardés * et honnestement tenus, tant
que vivre poroit, seloncq son estât '.
Qtuitr, réd. — Environ sjs jours devant la feste dou Noël que
on apelle en France Calendes, fuirent venu en la chité de Londres
de toutes les parties d'Engleterre li signeur et li prélat et li con-
sauls des bonnes villes, et là ot ung grant parlement au palais de
Wesmoustier, présente la roine et son fil ; et estoient tout 11 fait
dou roi Édouwart, liquels estoit ens ou cbastiel de Bercler, ensi
que cbi-desus est dit, tous par articles mis en escript, et là ot un
clerc qui les lissi tout en public devant le peuple. Quant il furent
tout leu , li arcevesques de Cantorbie se leva et demanda de par
la roine d^Engleterrc quel cose en estoit bonne à faire, et prioît
par la bouce dou dit arcevesque que elle fust si consillie que elle
et li roiaulmes d'Engleterre i eussent bonnour et proufit, car de
ces cas elle en cargoit tous ses bommes et en descargoit sa con-
science. Quant on ot bien conceu et entendu les paroles de Tarce-
vesque et oï lire tous les mauvais usages dou roi et comment par
mauvais consel, sans loi et jugement, on avoit décelé tant de
nobles d'Engleterrc que li roiauhnes en estoit moult afoiblis, li
prélat, 11 baron, li cbevalier et tous les consauls des cbités et
bonnes villes d'Engleterre se trai'ssent ensamble, et là fu dit et
aresté et par bonne science Tun de l'autre, que tels hommes,
liquels estoit encourus en tel cas, n estoit point dignes de jamais
porter couronne, ne de gouverner roiaulme, ne de estre veus au
monde, et que il demorast pour tousjours mais, là où on Favait
ordonné à demorer, sus certainnes gardes qui fuissent songneus
de le garder que jamais de ce pourpris il ne issist, et euist son
vivre. Et pour ce que li roiaulmes ne puet estre sans chief et
sans gouverneur, et que il apartient que en Engleterre ait roi,
ordonné fu et aresté que Édouwars ses fils seroît rois couronnés
et solempnyés à roi, le jour de la Nativité Nostre-Signcur , et
** Wardës sagement. — • Et à ce furent tous d'accors.
I. — FROISSAMT. 7
98 COUROIWBlfEMT
presist consel bon, sage et meur dalés lai, par quoi li roiaulmes
et li païs fust en avant mieuls gouvernés que esté n'euist , par
quoi en nul trouble, ne disension li dis roiaulmes ne se peuist
esmouvoir. Adont fu chils consauls ouvers, et revinrent li vail-
lant homme et li sage et li prélat sus lesquels on avoit assis et
tourné ce consel, en la présence de la roine et de son fil et de
messire Jehan de Hainnau et dou conte de Kent et aussi dou
consel des bonnes villes, et fu tout ce publyet généraulment ;
et se départi li consauls sus celle entente et volonté que li jones
Édouwars seroit rois oins et sacrés le jour de la Nativité Nostre-
Signeur, et demorèrent tout signeur et tout prélat et toutes gens
qui là estoient venus, à la pryère et ordenance la roine, pour
estre à celle solempnité, et furent toutes ordenances adminis-
trées, qui appartenoient à estre et à avoir, tant d'abis que d'au-
tres coses, pour le dit jone roi et Téglise de Wesmoustier appa-
rillier très^véramment.
Enssi que accordes fu par les plus hauls barons et par
les conssaulx des bonnes villes, enssi fu fet. Et fu adont
courounnés au jour dou Noël à Londres li gentils, * li preux
et li nobles * roys Édouwars d'Engleterre, Tan de grâce
Notre-Seîgiieur mil CGC XXVI, par devant tout le pays à
grant joie et à grant noblèce en Teage de XVI ans à ren-
trée, car il les devoit avoir en janvier ensuivant le jour de
le Conversion Saint Pol TApostle. Là fu très-grandement
honnourés et servis li gentils chevaliers messires Jehans de
Haynnau de tous les prinches, de tous les nobles et non
nobles del pays, et là li furent donnet grans jeuiaux et très-
riches et à tous les compaignons qui demwés estoient avoec-
ques li. Et demeura puissedi il et si compaignon en grandes
festes et en grans solas des seigneurs et des dames qui là
*'* Si fu preux et vaillans.
i>*ÉDOUARn III. 99
estoîent, jusques au jour des Trois Rois que il oy dire que
li gentils et nobles Caries, rois de Behaingne, H contes de
Haynnau, ses frères, li ducs de Bourbon, messires Robiers
d'Artois, li contes Raouls d'Eu, li contes d'Auçoirre, li
contes de Sansoirre et grant plentet de grant seigneur de
Franche estoient celle saison assemblet à Condet sus
Escault pour tournoyer. * Ces nouvelles oyes, li sires de
Biaumont ne vot plus demourer pour pryère c*on lui peuist
faire, pour le grant désir qu'il avoit de venir à ce tournoy et
de veoir son gentil frère et seigneur et les autres seigneurs
qui là dévoient y estre et * meysmement ' le plus gentil
roy de largèche qui oncques fust ^ : che fu li nobles. Il
larghes et li courtois Caries, roys de Behaingne, qui dure-
ment Tamoit.
Sec. rii, — Ensi que acordé fu par les plus haus barons et
par les consauls des bonnes villes, fu-il fait ; et fu adont cou-
ronnés de couronne royal ens ou palais de Wesmoustier
dalés Londres li jones rois Edouwars qui tant fu depuis eureus
et fortunés en armes : ce fu Fan de grasce Nostre Signeur
MCCC.XXVI le jour dou Noël, et pooit avoir adont 'environ
XVI ans, il les eut à le Conversion Saint Pol. Et là fu très-
grandement servis et honnourés li gentils chevaliers messires
Jehans de Haynau de tous les princes et de tous les nobles et
non nobles dou pays ; et là furent donnet grans joiauls et très-
rices à tous les compagnons qui demoret estoient dalés lui ; et
demora depuis il et si compagnon en grandes festes et en
grans solas des signeurs et des dames qui là estoient jusques^
au jour des III Rois que il oy dire que li rois de Behagne, li
contes de Haynau ses frères et grant plenté de signeurs de
France se ordonnoient pour estre à Condet sour Escaut à ung
* Tantost. — * Espécialement. — *-* Le plus renommé de largesse
et d^onnenr qui oncques fut en son temps.
iOO COURONNEMENT
tournoi qui là estoit criés. Adont ne volt messires Jehans de
Haynau plus demorer, pour pryère que on li peuist faire, pour
le çrant désir qu'il avoit de venir à ce tournoi et de veir son
gentil frère le conte de Haynau et les aultres signeurs qui là
dévoient estre, et espécialment le plus noble et le plus gentil
roy en larghèce qui régnast à ce temps, le gentil roy Charlon
de Behagne.
Quatr, Téi. — Le jour de la Nativité Nostre-Signeur, que on
compta en Tan de grasce m.ccc et vint-sys, fu couronnés à roi
d'Engleterre Édouwars de Windesor, liquels en son temps a eu
tant de belles aventures d'armes et victorieuses , ensi que elles
vous seront remonstrées et recordées ensievant en Tistore, et fu
consacrés et oins solempnement selong l'ordenance d'Engleterre,
et furent à sa consacration deus archevesques et douze évesques
et quarante-wit abbés d'Engleterre, et rechut li rois toutes les
dignités et solempnités que rois doit et puet recevoir, et estoit
pour lors ou sessiéme an de son eage (il les ot complis à la Con-
version Saint-Pol apriès) et porta ce jour la couronne de saint
Édouwart, laquelle est moult digne et moult riche, et furent fais
à sa coronation nouviauls chevaliers quatre cens et quinze et
veillèrent le nuit de Noël toute la nuit en Téglise de Fabéie de
Wesmoutier, et quant li rois vint de Téglise au palais, montés
sus un blanc coursier, paré et vestis de sambuc jusques ens es
fallons des pies , armoyés des armes d'Engleterre d'une part,
et des armes de saint Édouwart de Tautre part, et chevauchièrent
tout chil nouviel chevalier devant lui , et fu ensi amenés de
réglise dedens le palais, liquels estoit aournés si ricement
comme on poeit, et sist à table deus arcevesques, de Cantorbie
et dlorch, au-desus de li, et puis li rois et puis la roine sa mère
et puis messires Jehans de Hainnau et puis li contes de Kent
et puis li contes Henris de Lancastre. Vous devés sçavoir que
messires Jehans de Hainnau fu ce jour moult regardés de
contes, de barons et de chevaliers d'Engleterre qui en devant
point veu ne Tavoient, coiyoïs et festoyés, et rechut moult
D*ÊDOtARD III. ICI
d'onnours, et là furent donné biaus jeuiauls et riches au dit
messire Jehan de Hainnau et à tous les chevaliers et esquiers
qui demoret estbient avecques lui, de par le roi d'Engleterret
Tous ces Noëls furent les festes et les esbatemens moult grans,
ens ou palais do Wesmoustier, des signeurs et des dames dou
pais, et se esforcoicnt tout signeur, toutes dames et damoiselles,
de honnourer messire Jehan de Hainnau et les Hainnuiers.
Ensi se continuèrent ces festes, et prissent congiet au roi et à
madame sa mère et à messire Jelian de Hainnau, prélat , baron
et chevalier , et puis s en retourna casquns en son lieu et chiés
soi, et madame la roine et li rois vinrent tenir lor mansion à
^Vindesoro, et en ama li rois grandement le lieu et la place
pour tant que il i f u nés, et tout partout où il aloient, messires
Jehans de Hainnau aloit. Tantos apriès TAparition des Rois ,
nouvelles vinrent à messire Jehan de Hainnau que li rois de
Behagne, son chier et amé cousin, avoit fait crjer un tournoi
et assis à estre sus le sabelon, a Condet en Hainnau. Quant les
nouvelles furent venues en Engleterre et messires Jehans de
Hainnau en ot la congnissance , nuls ne le euist retenu en
Engleterre, car 11 rois de Behagne li escripsoit que à ce tournoi
il dévoient estre compagnon ensemble. Et monstra li gentils
chevaliers les lettres à la roine et au roi aussi, et dist que il le
convenoit partir, et tousgours estoit-il près de faire service au
roi là où il seroit requis.
Quant li jovënes roys Édouwars, madame sa mëre le
royne et li baron qui là estoient, virent que c'estoit acertes
et qu'il ne volloit plus demorer et que pryère n'y pooit rien
valloir, il li donnèrent congiet et de dolent coer. Se li donna
li jovènes roys par le consseil de madame sa mère et des
autres barons quattre cens mars d'estrelins I estrelin pour
I denier de rente hiretablement à tenir de lui en fief et à
payer cascun an en le ville de Bruges. Et donna encoires
102 DiPART
à Phelippe de Casteaux son maistre escuyer et souverain
conseilleour C mars de rente à Testrelin et ensi à payer
que dit est. Et lui fist avoecq ce délivrer grant somme
d'estrelins pour les frës de lui et de tous ses compaignons
pour revenir en leur pays , et les flst conduire à grant com-
paignie de chevaliers jusques à Douvres et li flst délivrer et
appareiller tout son passaige. Et les dames, meysmes la
contesse de Garennes qui estoit soer au conte de Bar et
aucunes des autres dames, li donnèrent grant fuison de
biaux jeuyaux et riches au départir. Et quant messires
Jehans de Haynnau et se compaignie furent venu a Douvres,
il montèrent tantost as naves pour passer oultre ^ pour le
désir qu'il avoient de venir à tamps et à point à ce toumoy
qui devoit estre à Condet et enmena avoecq lui XV jones
et preux chevaliers d'Engleterre pour estre à ce toumoy
avoecq lui et pour yaux acointier as seigneurs et as com-
paignons qui là dévoient estre; si leur fist li gentils sires
de Biaumont toutte honneur et le compaignie quil pot, et
toumoièrent II fois celle saison à Condet puis qu*il furent
venut. Or me voeîl taire de ce gentil chevalier jusques à
tant que point en sera, et revenray au jone roy Édouwart
d'Engleterre.
Var. prem. réd. — Quant le josne roy Édouwart et la
royno sa mère virent que prière n y valoii riens , se luy
donnèrent doucement congiet de coer courchiet ; et au départir,
par bon conseil, luy donnèrent CCCC mars d estrelins de rente
hlrtablo à tenir en fief du dit roy, à payer- chascun an en la
viUe de Bruges; et de ce eut bonnes lettres. Encore lui fist
délivrer grans sommes d'estrclins pour les frais de luy et de
ses compaignons pour retourner en leur pays. Si les fist c*on-
* L^gièremeat po«r le grant désir.
DE JËAM DE UAINAUT. 103
duire à grande et noble compâignie de seigneurs jusques à
Douvres ; et lui fist-on délivrer et apparillier tout son passage.
Et quant messire Jehan de Haynnau fu venus à Douvres, ils
montèrent en nefs hastivement, car il avoit grant désir de
venir à tamps au tournoj. S'amenoit avec lui XV josnes et
apers chevaliers d'Engleterre pour estre au dit tournoy avec
luj, et pour eulx aprendre à congnoistre des seigneurs qui là
seroient. Si leur fist-on là grant honneur quant ils furent venus
ou pays , et pour l'amour d'eulx, refist-on en celui an encore
ung aultre tournoy à Condet. Or me tairay un petit de ceste
matère ; si parleray du josne roy d'Engleterre.
Quatr. rid, — Adont veirent bien li rois et madame sa mère
et les consauls que c'estoit tout certes ; se ne le verront plus
presser, et li donnèrent congiet moult envis. Se li donna li
Jones rois Édouwars, par le consel de madame sa mère, quatre
cens mars d'estrelins, un estrelin pour un denier, de revenue
par an, à tenir dou roi en ûef, et à payer cascun an as canges
à Bruges. Et fu donné encores, et là présentement , à Phelippe
de Chasteauls, son mestre esquier et souverain consillier, cent
livres à l'estrelin de revenue par an et à payer à Bruges et à
tenir en âef dou roi, et avoec les dons on bailla les lettres
toutes séelées dou séel dou roi, qui tesmongnoient et certe-
fioient ces dons. Encores fu-il délivré au mestre d'ostel de
messire Jehan de Hainnau, grant fuisson de blance monnoie
d'Engleterre pour payer lors menus frès sus le cemin. Adont
se départi messires Jehans de Hainnau dou roi et de sa mère,
dou conte de Kent et de messire Rogier de Mortemer ; si fu
acompagniés et aconvoyés de messire Thomas Wage et des
chevaliers dou roi, et li maires de Londres et plus de cens
hommes d'onneur de Londres l'acompagnièrent jusques à Dar-
deforde et prissent là congiet à lui et puis retournèrent, mais
li chevalier dou roi et de la roine l'acompagnièrent jusques à
Douvres et payoient partout les frès de li et de ses gens, et leur
pourveirent vassiaus passagiers qui les passèrent à Wissant.
104 LE ROI D*ÉGOSSE
Et passèrent adont oultre la mer, avoecques messire Jehan de
Hainnau quinse jones chevaliers englois pour estre à ce tournoi
à Condet-sus-l'Escaut et pour Tavancement de lors corps, et les
amena messires Jehans de Hainnau à Yalenchiennes deviers le
conte son frère et la contesse qui les conjoïrent et requellièrent
bellement pour Tonnour et amour dou roi d'Engleterre et de
madame sa mère. Si se tint li tournois à Condet-sus-Escaut,
ensi que nonchyet et crjet fu, et i ot deux cens et soissante
chevaliers tournoians. Si en i ot des bien batus. Des François
en ot le pris pour le mieuls tournoiant et prenant painne li
sires de Biausaut dalés Montdidier, et des Hainnuiers messires
Miquiels de Ligne. Ce tournoj fait, chil signeur s'espardirent,
et retourna casquns en son païs.
Apriès ce que messires Jehans de Haynnau se fu parti dou
jovène roy et de madame la royne sa mère, li dis roys et
madame la royne gouvernèrent le pays par le consseil le
comte de Kent, son oncle et le comte Henry de Lancastre
au Tors Col et de monseigneur Rogier de Mortemer ^ et de
monseigneur Thummas Wage et usèrent 'assés par le
consseil d'iceux et de autres grands seigneurs preudommes
et boins coustumiers que on tenoit pour. les plus saiges ens
el royaume, coumment que aucun autre euîssent envie
sour yaux, se monstrer le osaisent ; car on dist que oncques
envie ne fu morte en Engleterre : ossi règne-elle et voelt-
elle régner en pluisieurs autres pays. Enssi passa li yviers et
li quaremmes jusques à Pasques, et furent li roys, medame
sa mère, li pays et li nobles tout à pais ce terme durant.
Or avint que li roys Robers d'Escoce, qui avoit estet
moult preux et qui moult avoit souffert contre les Englès
* Qui tenoit grant terre en Engleterre, bien sept mille livrées de
revenue , I estrelin par I denier, et avoient este tout doi bani et escha-
ciet hors d*Engleterre sioom avës 07.
DÉPIE EDOUARD lU. 105
de grans batailles et moult de fois avoit esté desconfis et
descachiés au temps le bon roy Édouwart tayon à ce jovène
roy Édouwart de qui présentement nous parlons, estoit
devenus moult vies et maladieus * de gouttes *. Non-pour-
quant ses coers estoit encoires assés fors et en grant dési-
rier de guerrier, mes que il veyst son plus biel. Quant il
seult les avenues d'Engleterre comment li roys avoit estet
pris et desposés de se couronne, et ses consaux justiciés et
mis à destruction et li pays moult amenris de grans sei-
gneurs ', il se pourpensa qu'il deflSeroit ce jovène roy, car
par tant qu*il estoit jovënes et que li baron del royaumme
n*estoient mies bien d'acors ^ sicomme il cuidoit et que on
lui avoit fait entendant par aventure de par aucuns des
ennemis à cheux, qui leurs amis et prochains avoient eus
justiciés ^, il poroit bien exploitier sur ceste besoingne et
concquérir partie d'Engleterre. Enssi qu'il le penssa, enssi
le fist-il ; et fist environ Pasques • deffyer le jovène roy
Édouwart et tout le pays et leur manda qu'il entreroit ens
el pays et arderoit et gasteroit ossi avant qu'il avoit estet
quant li desconfiture avint à Struvelin ^.
Qiuitr. réd. — Apriès ce que messlres Jehans de Hainnau se fu
départis d'Engleterre, li jones rois et madame sa mère gouver-
nèrent le pais par le consel dou conte de Kent et de messire
Rogier de Mortemer et de messire Thomas do Wage et par le
cousel de pluisseurs aultres que on tenoit le plus sages d'Engle-
terre , et fu tous li roiaulmes réconcilyés et venus on bon estât,
et estoit justice gardée souverainnement. Celle première année
* * Do la grosse maladie, ce disoit-on... et disoît-on qu'il en mou-
roit, car nulle guariaon trouver il n'en ponvoit. — ' Et qu*U y avoit an
josne rov, et pour tant cuidoit-il venir à son dessus. — ^ Et que par
les envies il porroit bien exploitier sur ceste besongne. — 'Et du lignage
des Despensiers. — * L'an mccc.xxvii. — ^ Où li Englès rechnrent si
grant damage.
106 LE ROI DiCOSSB
dou resgne le jone Édouwart, avint que la femme à megsire
Hue TEspensier qui justichlés fu, ensi que vous avés oj, se traïst
deviers le roi et son cousel et amena un moult biau ûl que elle
avoit de Feage de neuf ans, et estoit nommés Édouwars , et
mist avant par un avocat une plainte, et dist ensi la dame par
la parole de l'avocat que, si son mari avoit fourfait le sien, il
ne pooit fourfaire Tiretage de la dame, et le convenoît vivre li
et son fil. Or estoit avenu que on avoit confisquet et atribuet à
la couronne d'Engleterre tous meubles et hiretages que li
Espensier avoient, li pères et lî fils, par tout le roiaulme
d'Engleterre, et tenoient bien soissante mille .... de reve-
nue. La roine d'Engleterre et li rois ses fils eurent pitié de la
dame, car elle estoit des plus nobles d'Engleterre, si s'encli-
nèrent à ce que la dame fuste aidiée et ses fils aussi, et li furent
rendu et restitué tout li hiretage qui venoient de son costé et
par espécial en la contrée de Galles, et retourna bien la dame à
quatre mille marcs de revenue par an. Et depuis avint que
quant le fils ot eage, li rois le maria, maîîs ce ne fu pas selonch
le linage dont il estoit issus, ce fu à la fille d*un sien chevalier
baceler que on nomma messire Raoul de Ferrières. Chils
Édouwars li Espensiers et sa femme ne furent que chinq ans
en mariage, (car il fu ocis ens es guerres de Bretagne, ensi que
orés recorder en histore , mais ce sera bien avant), et orent
quatre fils : li troi en furent chevaliers, Édouwars, Hues et
Thomas, et li quars ot nom Henris et fu évesques de Nordvich.
Je Froissars, actères de ces croniques, le di pour tant que, en
ma jonèce, je fui moult bien et tousdis amés de Tainnet frère
Espensier, que on nomma Édouwars ensi que son père, et ot
en mariage la fille à messire Bietremieu de Bruhes, un moult
vaillant chevalier. Et fu cils sires Espensiers, de son temps et
dou mien , li plus jolis chevaliers , li plus courtois , li plus
honnourables et amoreus et bacelereus assés qui fust en toute
Engleterre, et le plus larges de donner le sien là où il veoit
que il estoit bien emplojet, et qui mieuls soeut vivre et dou
plus biel estât et bien ordonné. Et oy dire en mon temps les
DÉriS EDOUARD Ul. 107
plus hautes et nobles dames dou pais que nulle feste n^estoit
parfaite, se li sires Ëspensiers n'i estoit, et pluisseura fois
avint que quant je cevauchoie sus le pais avoecques lui, car les
terres et revenues des barons d'Engleterre sont par places et
moult esparses, il m^apelloit et me dissoit : c Froissart, veés-
c TOUS celle grande ville à ce haut clochier? i — Je respon-
doie : c Monsigneur, oïl : pourquoi le ditte9-vous? i — c Je
c le di pour ce : elle deuist estre mienne, mais il i ot une maie
c roine en ce pais, qui tout nous toUi. i Et ensi par pluisseurs
fois m'en monstra-il semées en Engleterre plus de quarante, et
appelloit la roine Issabiel, mère au roi Édouwart, la maie
roine, et aussi faisoient si frère. £n ce temps dont je parole,
et que li roiaulmes d'Engleterro estoit tous en paix et ou gou-
vernement de la roine Issabiel et dou conte de Kent et dou
jone roi et de lor consel, avint que Robers de Brus, rois
d'Escoce, qui en son temps ot moult à faire contre les Englois
et qui tou&Jours les tint en guerre et reconquist sus euls ce
que si prédécesseur avoient perdu encontre le bon roi Édouwart
et les descouâ par bataille devant Struvelin, et dura la cace
jusques oultre la rivière du Thin, et reprist Bervich, Dombare
ot pluisseurs chastiaus que li Englois tenoient en Escoce, chils
rois Robers de Brus entendi comment li rois d'Engleterre avoit
esté pris et déposés de sa couronne, et ses consauls justichiés ;
si s'apensa que il desfieroît ce jone roi Édouwart, et supposa
que grandes hainnes estoient nouries et engendrées en Engle-
terre par les mors des signeurs Ëspensiers et dou conte d*Aron-
diel, et que, quant ses gens se meteroient sus les camps, li
liiiagcs des desusdis se bouteroient en lor compagnie pour
contrcvengier lors amis. Si envola deflfyer le roi Edouwart et
toute sa poissance, et aporta la desfiance uns hiraus d*Escoc«,
lequel on nommoit Glas, et estoit contenu en la lettre séelée
dou roi d'Escoce et des barons de celi pais, que jamais il
nVnteuderoit à aultre cose si auroit si avant courut en Engle-
terre que passet la rivière dou Thin et le Homre et controven-
giet tous »e8 torsfais, et se combatro on le voloit, il li assignoit
lOH Ifjm DE HAIMAUT
journée devant Ebruicb. Quant li jones rois d^Bngleterre ot
reeheu ces dcsûanccs ou premier an de sa création, li coers li
commença à engrossier, et ne monstra pas, ne ne dist au hiraut
toute sa pensée, mais li fist donner un mantiel qui bien valoit
cent florins, et aussi la rojne, li contes de Kent, messires
Rogiers de Mortemer et li signeur li donnèrent tant que il fu
tous rices, et li fu dit de Tun des cbevaliers dou roi : c Glas,
f vous vos poés bien partir, quant il vous plaist, car li rois et
f li païs se tient à tout desfjés sus les lettres que vous avés
fl aporté. • Adont se départi li biraut, et li rois et ses consauls
et toute Engleterre demorèrent en ces desfiances, et bien
sentirent toutes gens, asquels la congnissance en vint, que de
par les Escoçois il aueroient la guerre.
Quant li jovënes roys se senty enssi defiyës et ses con-
saux ossi, il le flsent savoir par tout le royaumme et coum-
mander que tout noble et non noble fuissent appareilliet
chacuns seloncq son estât et venist chascun à tout son pooir
au jour del Assenssion apriës ensuivant à Ewruich une
bonne chite qui sciet ou nort sus les marches de Norhom-
brelaut et envoya grant fuison de gens d*armes devant pour
garder les frontières par deviers Escoche. Et puis envoya
grans messages à che gentil chevalier monseigneur Jehan
de Haynnau en priant moult affectueusement qu*il le
volsist venir secourir et tenir compaignie à che besoing
et que il volsist estre dallés lui à Evruich au jour del
Assention atout tel compaignie qu'il poroit * avoir ' de gens
d'armes. Quant li gentils chevaliers oy ce mandement, il
envoya ses lettres et ses messaiges partout là où il cuidoit
recouvrer de bons compaignons, en Flandres, en Haynnau,
en Brabant, en Hasebaing, et leur prioit si acertes comme
«^ Finer.
RETOURNE EN ANGLETERRE. 109
il pooit que cbacuns le volsist sieuwir au mieux montet et
appareillet qu'il poroit, droit vers Wissant pour passer
oultre en Eugleterre. Chacuns le sieuwy vollentiers seloncq
son pooir, chil qui furent mandet et moult d'autres qui ne
furent point mandet, par tant que chacuns quidoit raporter
otant d'argent d'Engleterre que li autre avoient fet et
raportet, qui avoient estet en l'autre chevauchée en Englè-
terre, siques avant que li dis messîres Jehans vinst à Wis-
sant, il ot asses plus de gens qu'il ne quidast avoir et qu'il
ne vosist par aventure *. Quant il et se compaignie furent
venu à Wissant, il trouvèrent les naves et les vaissiaux
tous près ' et misent ens au plus tost qu'il peurent chevaux
et harnas et passèrent outre et vinrent à Douvres et ne
cessèrent de chevaucier, ne d'errer de jour en jour, tant
qu'il passèrent le bonne chité de Londres et chevauchièrent
à exploit le grand chemin d'Escoche parmy le conte de
Lincolle et vinrent à Dancastre et puis à Ewruich IIII jours
devant le Pentecouste, là où li jovènes roys d'Engleterre et
medame se mère estoient et grant plentet ' de grans
barons ^ pour le jovène roy compaignier et consseillier, et
attendoieut là endroit la venue dou dit monseigneur Jehan
de Haynnau et de se compaignie, et ossi atendoient-il que
touttes les gens d'armes, li archier et les communes gens
des bonnes villes et des villiaux fuissent passet oultre. Et
enssi qu'il venoient par grans routes , on les faisoit logier
en villiaux ou à II lieuwes ou à III priés de Ewruich ^ et
les faisoit-on l'endemain oultre passer par deviers les fron-
tières.
Var. prem. réd. — Quant le josne roy se senty ainsi deffiés, il
* Mais tous les rechut liement et leur fist grant chière. — ^ Que on
leur avoit amenet d'Engleterre. — >-^ Le gens d'armes et d'archien.
— * Et là environ sua le plat pajs.
110 IRAN DE HAIMAUT
et son oanseil le firent savoir par tout le royalme. Et fu comandé
que tous fussent appareilliet, noble et non noble. Se fussent tous
aujourdeTAssencion à £wruich,une bonne cité qui sietou noroq
pour garder sur les frontières d'Escoce. EJt tantost fist escripre et
envoier en Hajnnau après le noble clievalier messire Jehan de
Hajnnau, en priant si affectueusement quMl pooit, que à cel
besoing le venist secourir atout ce de bonnes gens 'd^armes
qu^il poroit avoir. Et aussi tost que celui gentil chevalier eut
les lettres , il manda partout, en Flandres , en Brabant, en
Hasbaing avec les Hajnuiers ; et leur prioit que chascun se
hastast et tous en venissent droit à Wissant pour passer
oultre en Engleterre. Et sachiés que , pour ce que les bons
compaignons d'armes qui avoient seu que à Tautre fois les
bons chevaliers et les compaignons qui y furent, y eurent grans
prouffis, pour ce lui vinrent gens d^armes de toutes pars
si largement que, ains qu^il venist à Woissant, il en eut plus
qu^il ne volsist. Et quant ils furent tous assamUés, ils trou-
vèrent les nefs toutes prestes ; ai montèrent et esploitèrent en
peu de temps qu'ils vinrent à Douvres. Si descendirent, et ne
Allèrent de chevaucier se vindrent à Londres; et là seurent que
le roj estoit atout son conroj à Ewruich. Donc se mirent à
sievir hastivement , et passèrent tout le grant chemin d'Escoce,
tant qu^ils vinrent à Dancastre. Et puis vinrent, environ IIII
jours devant le Pentecouste, à le cité de Ewruich ; et là trou-
vèrent le josne roj, madame sa mère, et plenté de grans
barons dalés luj, qui forment atendoient après le bon chevalier
de Beaumont et sa belle compaignie. Si n*est mie à demander,
quant il furent venu, à quele honneur ils furent rechus et
festoie. Quant toutes les gens d'armes furent venu, les archicrs,
les communes de loing et de près, ensy qu'il venoicnt par grans
routtes, on les faisoit passer oultre et logier par bonne ordon-
nance sur frontières et sur les marches de pajs.
Quatr. réi. — Or fu consillié en la camlM*e dou roi que tantos et
sans déiai li rois envoiast ses messages et ses lettres deviers mes-
RETOURNE EN ANGLETERRE. iH
sire Jehan de Hainnaa et li prîast que il le yenist reoir et servir,
et se pourreist de cinq cens armeures de fier, chevaliers et
esquiers, et tout seroient délivret et bien payet , et li escripsist
que e'estoit pour aler en Escoce, car li rois d'Escoce et li Esco-
çois Tavoient desûet. Et fu dit ensi en la cambre dou roi et en
consel que on ne pooit mieuls employer lettres, ne messages,
que d' envoyer en Hainnau. Tout ensi comme il fu ordonné, il
ta fait, et escripsi li rois d'Engleterre à messire Jehan de
Hainnau et envoia ses messages, qui passèrent la mer et
vinrent en Hainnau, et trouvèrent le gentil chevalier que il
demandoient, en la ville de Biaumont dont il portoit le nom, et
li baillièrent les lettres que il li aportoient tant de par le roi
que de par la roine d'Engleterre. Il les lissi. Quant il les ot
ouvertes, et considéra comment on le prioit et mandoit, si fu
tous resjoïs de ces nouvelles et dist que il estoit tenus de servir
le roi et le pais d'Engleterre puisque il s'estoit ahers et aloyés
à euls.de foi et d'ommage, et rescripsi au roi d'Engleterre et
à la roine par ceuls-meismes qui ces lettres avoient aporté, et
fu contenu ens es dittes lettres que il seroit en Engleterre, et à
ce n'aueroit nulle défaute, dedens le jour que on li avoit assis
et à otant de gens ou plus que on li avoit escript. Li messa-
gier d'Engleterre retournèrent. Messires Jehans de Hainnau
se pourvoi, et escripsi et manda as chevaliers et esquiers
autour de li, desquels il pensoit à estre acompagniés et servis,
tant en Hainnau, en Brebant, en Flandres et en Hasbaing.
Tout furent apparilliet à sa pryère et ordennance, et se pour-
veirent tantos et sans délai de tout ce que à lor estât apparte-
noit , et se départirent de lors lieus , et vinrent li auqun à
Wissant et li aultre à Calais. Toutesfois messires Jehans de
Hainnau vint à Wissan, et passèrent oultre, car il trouvèrent
les vasaiaus passagers que li rois d'Engleterre lor avoit envoyés,
et tant fissent que il furent oultre et en Engleterre, et aten-
dirent tous l'un l'autre à Cantorbie et entendirent que li rois et
la roine et li signeur s'en aloient à grant esfort viers Escoce.
Si se esploltièrent li Hainnuier ce qu'il peurent , ot passèrent
112 JEAN DE HAINAUT
Rocestre et Dardeforde et vinrent à Londres, et là se rafres-
quirent de tout ce que il lor besongnoit de chevaus, de sellerie,
d'armeures et de toutes aultres coses qui appartiennent à gens
d'armes. Et là trouvèrent le trésorier des guerres dou roi, qui
lor délivra monnoie et paiement bien et largement, et puis il se
départirent et missent ou cemin et passèrent le Ware et Lin-
cole, et partout où il venoient, il estoient requelliet liement,
eonjoï et festyet, et passèrent à Danfront et à Dancastre, et
vinrent à Ebruich, une grosse chité et bonne, qui Î5ciet en bon
païs et passé la rivière dou Hombre tout parmi qui va ceoir en
la mer. Jà savoient li rois d'Engleterre, madame sa mère et li
baron d'Engleterre que messires Jehans de Hainnau venoit à
compagnie de gens d'armes , encores plus assés que on ne li
euist escript et mandé. Si en estoient tout resjoy et atendoient
sa venue, et devés sçavoir que li Escocois avoient passet la
rivière dou Thin amont viers les montagnes qui départent
Galles et Engleterre, et moult priés de une chité que on nomme
Carlion, et estoient venu entre la chité de Durâmes et Ebruich,
et ardoient le plat païs, tant que on en pooit bien veoir les
fumières , et n^estoit point li rois Robers d'Escoce en celle
chevauciée, mais se tenoit à Haindebourch en Escoce sus la
litière, car il estoit si atains de la grosse maladie que il ne
pooit mais cevauchier, et là estoient pour lui li contes de Moret
et messires Guillaume dou Glas , doi vaillant chevalier qui
conduisoient les Escocois , où moult avoit de bons chevaliers et
esquiers et vaillans as armes.
Droit ad ce point vint à Ewruich messires Jehans de
Haynnau et se compaignie : si furent bien venu et grande-
ment festyet dou jone roy, de madame se mère et de tous
les barons, et leur fist-on délivrer * le plus biel fourbour de
toutte la cité pour herbergier le corps monseigneur Jehan
^ Pai* les marissaulx.
ARRIVE A YORK. 115
et ses gens sans nul entredeux, et fu délivrëe à monseigneur
Jehan de Haynnau une abbéie de blans moinnes pour son
corps et pour son tinel tenir.
En le compaignie monseigneur Jehan de Haynnau, sei-
gneur de Biaumont, et à se délivranche vinrent del pays de
Haynnau li sires d'Enghien qui adont estoit appelés messires
Gantiers, li sires de Faignouelle, messires Henris d'Antoing,
messires Fastres dou Roelx, messires Mikieux de Ligne, li
sires de Havrech, castelains de Mons, li sires de Goumi-
gnies, messires Alars de Briffoeil, messires Jehans de Mon-
tegni li jovènes et ses frères, messires Robiers de Bailloeil
qui puissedi fu sires de Fontainnes TÉvesque et de Moriau-
més\ messires Sansses de Boussoit, li sires de Potelles, li
sires de Waregny * et pluiseurs autres; et del pays de
Flandres y vinrent messires EctorsVillains, messires Jehans
de Rodes, messires Wafflars deGistelles, messires Wuil-
laummes de Strates, messires Gossiaux de le Meule, li sires
de Halluin, li sires de Brugdent et plusieurs autres. Del
pays de Braibant y vinrent li sires de DufHe, messires
Thieris de Wallecourt, messires Rasses de Grés, messires
Jehans de Gasebecque , messires Jehans Pilifre , messires
Gilles de ^ Cotterebbe^, litroy frère de*^ Harlebeque ^ mes-
sires Gantiers de Hotebergh et pluisieurs aultres ; des Has-
begnons y vinrent messires Jehans li Biaux, canonnes de
Liège, et en se compaignie messires Henris ses frères,
messire Godeffrois de le Capelle, messires Hues ' d'Ohay'et
messires Jehans de Libines, qui tous IIII devinrent là che-
valiers, messires Lambers dou Pels, messires Gillebiers de
* Et messires Guillaumes de Bailloel ses frères. — * Messires Perce-
vaus de Semeries, ii sires de Bianrieu, li sires de Floyon, messires
Uuon de Uainaut, bastart. — *-^ Quaderebe. — *• Harbecq. —
' • De Hay.
I. — PR0188ART. 8
i'ii JEAN DE HAINAUT
Hers, et y vinrent aucun chevalier de Cambrésis et
d'Artois de leurs vollentës, tant que li dis messires Jehans
de Haynnau eut bien en se compaignie Y*' armures de
fer ^ noblement montés '. Après, dedans le feste de le Pen-
tecouste y vinrent messires Guillaummes de Jullers qui puis
fu duc de Jullers apriès le dechiès de son père et messires
Thieris de Heinberghe qui puis fu comte de Los et tout ^
pour faire compaignie au gentil chevalier dessus dit *.
QiuUr, réd. — Je ne vous ai point nommé encores les cheva-
liers qui furent en ce voiage avecques messire Jehan de Hainnau,
mais je les vous nommerai et premièrement Hainnuiers : le
signeur d'Enghien qui se nomma Watier, le signeur d*Antoing
qui se nomma Henri, le signeur de Fagnoelles, messire Miquiel
de Ligne , messire Fastères de Rues, messire Robert de Bailluel,
sire de Fontainnes, et messire Guillaume de Bailluel, son
frère , le signeur de Havereoh , messire Alart de Brifuel ,
messire Jehan de Montegni li jeune et son frère , messire
Sanse de Baussoit, messire Peroeval de Semerjea, messire
Sanse de Biaurieu, le signeur de Floiou, le signeur de Wargni,
le signeur de Gommegnies, le signeur de Vertain, le signeur de
Potelles, le signeur de Blargnies, le signeur de Mastain, mes-
sire Nicole d'Aubrecicourt, le signeur de Flosies, le Borgne de
Robertsart ; et de P'iandres le vinrent servir messires Hectors
Yilains , messires Jehans de Rodes , messires Wauflars de
Ghistelle, messires Guillaumes de Strates, messires Goswins
de la Muelle; et de Braibant, li sires de Duffle, messires Tiéris
de Wallecourt, messires Rasses de Grés, messires Jehans de
Gassebeque, messires Jehans Pilifre, messires Gilles de Cote-
reble, li trois frères de Harlebeque, messires Gantiers de Hôte-
berghe; li Hasbegnons, messires Jehans li Biaus, messires
Henris li Biaus, ses frères, messires Godefrois de la Capelle,
*'^ Tous bien estoffés et richement montés. — •* Pour rameur de
ce gentil chevalier.
ARRIVE A TORK. 115
messires Hues Hay , messires Jehans de Libines , messires
Lambers dou Pel, messires Ghilebers de Hers, et si i vinrent
auquns chevaliers d'Artois et de Cambrésis, nonobstant qu'il ne
fuissent point escript, ne mandet, et tant qu'il furent plus de
cinq cens armeures de fier, chevaliers et esquiers, tous bien
montet et ricement estofet, sans riens espargnier.
Quant messires Jehans de Hainnau et toute sa compagnie
furent venu à Ebruich, li rois d'Engleterre, madame sa mère
et tout li signeur en furent grandement resjoy, et les requil-
lièrcnt liement et doucement, et fist-on restraindre toutes
manières de gens pour estre logiés les Hainnuiers mieuls à lor
aise, et leur fu délivré le plus biel et le plus grant fourbours de
la dicte chité de Ebruich. Et fu délivrée à messire Jehan de
Hainnau une abbéie de blans monnes pour tenir son estât. Ens
es festes de la Pentecouste, vinrent messires Guillaumes de
Jullers, fils au marquis de Jullers (et puis fu-il duc de JuUers),
et messires Tiéris de Hainsberghe, (qui puis fu conte de Los),
à belle route, et estoient chil doi signeur de la route et compar-
gnie et délivrance de messire Jehan de Hainnau.
Apriès li jones roys pour mîeus festier ces seigneurs
et toutte lor compaignie, tint une grant cour au jour de la
Trinité en le maison des Frères Mineurs là où il et madame
se mère estoient hébergiet et tenoient leur tinel chacuns
par li, c'est assavoir li roys de ses chevaliers et la royne
de ses dames dont elle avoit grant foison en se compaignie.
A celle court ot bien li roys VP chevaliers séans en salle
et en Tenclostre, et y ot en ce jour fès XV nouveaux che-
valiers, et madame li royne tint se court au dortoir et ot
bien séans à table LX dames que elle avoit pryet et man-
det pour mieux festyer le dit monseigneur Jehan de Hayn-
nau et ces autres seigneurs. Là pooit-on veoir grant
noblèche de bien servir de grant plentet de mes et d'entre-
V.
116 ÉMEUTE
mes si étranges et si desguisés que on ne les poroit deviser.
Là pooit-on veoir dames noblement parées et richement
achemées , qui euist loisir ; mes adont ne pooit-on avoir
loisir, ne lieu de dansser. Et ossi tantost après disner ungs
grans hustins et mortels commencha entre les gardions
des Haynnuiers et les archers d'Engleterre qui entre yaux
estoient hébergiet et tout en Toquisson dou jeu de dés, de
quoy grans maux avint sicomme vous orés. Car ainssi que
chil garchon se combatoient à aucuns de ces Englës, tout
li autre archer qui estoient eu le ville et chil qui s'estoient
herbergié en celi faubour entre les Haynnuyers, furent
tantost assamblet à tous leurs ars et appareilliet de traire,
et navrèrent à ce coummenchement tout plain des garchons
des Hayimuiers et misent par terre : si les convint retraire
en leurs hostels. Li plus des chevaliers et de lors ij^stres
estoient encoires à court, qui de ce ne savoient n^nt; et
tantost qu'il oirent nouvelles de ce hustin, il se retrairent
au plus tost qu'il porent chacuns vers son hostel , voirs qui
pot ens entrer, et qui ne pot ens entrer, il le convint demo-
rer dehors ; car chil archier dont il estoient bien II mille,
avoient le déable ou corps et trayrent espessement et sans
cesser, sans espargner seigneur, ne varlet, car tous les vol-
loient tuer et puis desrober à che qu'il monstroient, et bien
en fissent leur pooir, car encoires de leur mavaistié li
Englès et les Englesces de qui li hostel estoient où li Hayn-
nuyer estoient hébergiet, cloirent leurs huis et leurs fenes-
tres au devant d'eux, au cas qu'il fuissent mestre de leur
maison ^ Mais il en y avoit pluiseurs qui estoient rentret
ens et * qui y rentrèrent par derrière ^, et brisoient haies et
pauffis au plus tost qu'il pooient et s'armoient ^ et yaux
* En les enfermaient dehors. — *-' Plnisenrs y entrèrent par force
et aucuns pai' derrière, — * A grant exploit.
A \OKk. 117
arme S il vinrent sus le rue de grant corraige envayr ces
archers qui noyent ne les espargnoient, et en y eut grant
foison qui s*asamblërent en Tostel monseigneur d*Enghien
et là s'armèrent et puis vuidèrent et vinrent ens une place
assés priés et là s'atendirent en bon aroy li uns l'autre et
tant qu'il furent bien ÇC tous armes» et toudis leur crois-
soient gens. Quant cil arme furent enssi assamblé, il se
hauscèrent pour secourir leurs autres compaignons. Là fu
messires Jehans li Biaux , cannonnes de Liège , (sus lequel
cronicques et par quel relation de ce fet et d'autres j'ay
fondé et ordonne ce livre), en grant péril ; car tous désarmés
il fu enmy yaux ung grant terme. Si voUoient saiettes à
tous lés, et il meisme en fu consiewis et navré et pluiseurs
de ses compaignons priés jusques à mort. Et passèrent chil
armet qui atendu s'estoient, parmy l'ostel le seigneur
d'Enghien qui avoit grandes portes derrière et devant sur
le grande rue, et se férirent estoutement et fièrement en
ces archiers. Là furent messires Perchevaus de Semeries,
messires Sansses de Boussoit, messires Jehans de Montegny,
messires Fastres dou Roelx,li sires de Vertaing, li sires de
Potelles, li sires de Wargny, messires Hectors Villains,
messires Jehans de Rodes, messires Wafflars de Ghistelles,
messireThiéris de Wallecourt, messires RassesdeGrés, mes-
sires Jehans Pilifre, messires Gilles de Coterebe, messires
Lambers dou Pels, très-bon chevalier, et bien le convenoit ;
i*ar, se par leur vaselaige il ne se fuissent hardiement tenu
et defiendu, il euissent estet tout mort et sans remède ;
mes il envairent de si grant conraige ces archiers et de si
grant voUenté que il conquisent le rue et en furent sei-
gneur, et les boutèrent en cachant et en fuiant jusques as
camps et en tuèrent bien XVI" ou environ tout archier le
* Par bonne ordonnAnoe.
H 8 ÉMEUTE
plus qui estoient de Tévesquet de Lincoelle. Et encoires en
euissent plus ocis en Teur, qui les euist layet convenir ,
car c'estoit leur entente que d'yaux tous mettre à Tespée
et de prendre à otel mercby que les archers les euissent
pris se il en euissent estet maistre; mais li roys y envoya
monseigneur Thumas Wage, marescaul de Tost, monsei-
gneur Richart de Stanfort et le seigneur de Moutbray en
yaux priant que il se volsissent retraire et souffrir et que
lî roys leur feroit amender ces te fourfaicture.
Sec. réd. — Li jones rois d'Engleterre, pour mieux fiestyer ces
signeurs et toute leur compagnie, tint une grande court au jour
de le Trinité, à le maison des Frères Meneurs là où il et madame
sa mère estoient herbergiet, et tenoient leurtinel cascuns par li,
c'est à savoir li rois de ses chevaliers, et la royne de ses dames
dont elle avoit grant fuison en se compagnie.
A celle court eut bien li rois VI** chevaliers séans en salle et
(^ ^ en l'enclostre, et y eut à ce jour fais * XV * nouveaux chevaliers ;
et madame la royne tint sa court ou dortoir, et eut bien séans à
table ' LX ^ dames que elle avoit pryées et mandées pour mieulx
festyer ledit monsigneur Jehan de Haynau et ces aultres
signeurs. Là peut-on veoir grant noblèce de bien servir de
grant plenté de mes et d'entremès si estragnes et si desghisés
que on ne les poroit deviser. Là peut-on veoir dames noblement
parées et richement * achemées ^ , qui euist loisir ; mais adont ne
peut-on avoir loisir, ne lieu de danser, ne de plus festyer ', car tan-
tost apriès disner uns grans hustins commença entre les garçons
des Haynuiers et les arciers d'Engleterre, qui entre yaus estoient
herbergiet, en Tocquison dou gieu de dés, de quoi grans mauls
vînt, sicom vous orés ; car ensi que cil garçon se combatoient
à aucuns de ces Englès, tout li aultre arcier qui estoient en le
ville et cil qui estoient herbergiet en celi fom^bourch entre les
•"* Dix-hait. — •* Quatre-vingt... deux cens. — •'• Atournées. —
^ En nulle manière du monde.
A YORK. 119
Haynuiers, furent tantostensamble à tous leurs ars apparilliés et
se boutèreut ou hahai et navrèrent à ce commencement tout
plain des garçons des Hajnuiers ; si les convint retraire en leurs
hostels. Li plus des chevaliers et de leurs mestres estoient
encores à court, qui de ce ne savoient riens; et tantost qu'il
oïrent nouvelles de ce hustin, il se traisent au plus tost qu'il
peurent cascuns vers son hostel, qui peut ens entrer , et qui ni
peut entrer, il le convint demorer dehors en grant péril *;car cil
archier qui estoient bien doi mille *, avoient le djable ou corps et
traioient despersement pour tous tuer, signeurs et variés. Et
veult-on dire et supposer que c'estoit tous fais, avisés et pour-
parlés de aucuns des amis les Despensiers et le conte d'Arondiel
qui avoient esté' mis à fin par monsigneur Jehan de Hajnau,
sicom vous avés chi-dessus oj reconter : si s'en voloient contre-
vengier as Hajnuiers, et meismement à monsigneur Jehan de
HajnaU se il peuissent, et bien s'en misent en paine, sicom vous
orés; car encores li Englès et les Englesses de qui li hostel
estoient, clooient et baroient leurs huis et leurs fenestres aude-
vant des Hajnuiers, et ne les laissoient ens rentrer. Toutesfois
il en y eut aucuns qui y rentrèrent par derrière leurs hosteuls et
et s'armèrent moult vistement. Quant il furent armet, il n'osèrei^t
issir hors par devant pour les sajettes ; ains issirent hors par
derrière par les courtils,et rompirent les enclos et les ' paufis *,
et attendirent li uns l'autre en une place qui là estoit, tant qu'il
Airent bien C ou plus, tout armet, et bien )tant tout désarmet
qui ne pooient rentrer en leurs hostels. Quant cil armé furent
ensi assamblé , il se hastèrent pour secourre les aultres compa-
gnons qui defiendoient leur hostels en le grande rue au mieus
qu'il pooient, et passèrent cil armet parmi l'ostel au signeur
d'Enghien, qui avoit grandes portes derrière et devant sour le
grande rue, et se férirent ^estoutement'en ces archiers. Dou trait
y eut fuison des Hajnuiers navrés et blechiés; et là furent bon
chevalier messires Fastres dou Rues, messires Perchevaus de
Semeries et mesèires Sanses de Boussoit; car cil HI chevalier
• De son corps. — * Trois mille. — » * Postils. — '^ Appertement.
f à
120 ÉMEUTE
ne peurent onques rentrer en leurs hostels pour yaus armer,
mais il y fisent otant d'armes que tels qui estoient armet; et
tenoient grans Ions leviers et gros de kesne qu'il avoient pris en
le maison d*un * cartier * etdonnoientles horions si grans que nuls
ne les osoit approcier, et en abatirent plus de LX ce jour, sicom
on dist ; car il estoient grans et fors chevaliers durement. Fina-
blement, li arcier qui là estoient, furent desconfi, et en y eut
bien mors en le place que as camps, CGC ou environ, qui tout
estoient de l'éveskiet de Lincolle.
Quatr.réd, — Li jones rois d'Engleterre, pour mieuls festoyer
ces signeurs et toute lor compagnie, tint une grande court au
jour de la Trinité, en la maison des Frères Meneurs, là où ils et
madame sa mère estoient logiet, et tenoient lor tinel, cascuns par
lui , c'est-à-savoir li rois de ses chevaliers, et la roine de ses
dames, dont elle avoit grant fuisson en sa compagnie. A celle
court et feste de la Trinité, ot bien li rois sis cens chevaliers,
séans à table en la salle et en le clostre. Et y eut en ce jour fais
quinse nouviaus chevaliers. Et madame la roine tint sa court et
son asisse ens ou dortoir, et eut bien séans à table soissante
dames, lesquelles estoient pryées et mandées là environ et ou
pais de Northombrelant pour mieuls festoyer messire Jehan de
Hainnau et les Hainnuiers. Là pooit-on voir de Testât grant
noblèce de bien servir de grant fuisson de mes et d entremès si
estranges et si bien ordonnés que on ne les sauroit deviser,
fors cheuls qui sont mestres dou faire. Là pooit-on veoir dames
noblement parées et richement, qui eust eu loisir, mais on ne
put, car uns graus troubles monta en la ville, dont la cose fu
toute esquellie et sus le point de venii* uns si grans mauls que
de euls tous entre-ocire. Car sus le point que signeurs et dames
dévoient danser et esbatre, uns grans hustins cooimença entre
les garçons des Hainnuiers et archiers d'Engleterre en Toquison
d*un jeu de dés, de quoi grans mauls vint sus heure et moute-
plia. Car ensi que chil garçon se combatoient à auquns des ces
<-< Charron... charreton... charretier.
A YORK. 121
Eoglois , la noise se commença à monter en la ville , et
crjèrent ; i Lincole ! » Chil de la nation de Lincole estoient
là grant fuisson : si se missent tantos ensamble , et prissent
lors ars et se rengièrent et entrèrent en la rue où li Hainnuiers
estoient logiet, et convint ceuls qui là estoient des Hainnuiers
retraire dedens lors hostels. Encores estoient li signeur et li
plus des chevaliers à la court dou roi, et atendoient là pour
veoir Testât et les danses et esbatemens qui s'apparilloient à
faire. Si trèstos que il oïrent nouvelles de ce hustin, il se
départirent de la court et s*en vinrent le bon pas viers lors
hostels, les uns à piet, les aultrcs à cheval. Qui pot entrer
dedens son hostel, il i entra, et qui ne pot entrer, il dcmora
dehors en grant péril, car chil archier traioient moult estran-
gement pour ocire mestres et variés, et voollent li auqun dire
que ce fu uns fais tous avisés des proismes et amis dou signeur
Espensier et dou conte d'Arondiel, qui tout che faisoient faire
pour euls contrevenger sur les Hainnuiers et espéciaulment sus
messire Jehan de Hainnau, et s*en missent li Englès en painne.
Or considérés la grande mauvesté des Englois chiés qui li
signeur de Hainnau estoient logiet, car il lor fermoient et
barroient les huis et les portes au devant, ne point ne les
voloient laissier entrer dedens lors maisons. Car i avoit auquns
hostels en ces fourbours où li signeur estoient herbergiet, qui
avoient issue par derrière : si s'en avisèrent li signeur et
entrèrent par là dedens lors hostels, et qui ne pooit entrer ou
sien, il entroit en celi de son compagnon, et sitos que il
estoient dedens, il s'armoient. Quant il furent armé, il n'osèrent
issir hors par-devant pour le trait des archiers, mais issirent
par derrière et par les courtils, et rompirent en auquns lieus
les paufis, et atendirent li uns Taultre en une place qui là
estoit, tant que il furent bien cent ou plus, tout armet, et bien
otant tout désarmet, qui ne pooint entrer en lors hostels.
Quant chil armet furent ensi asemblé, il se hastèrent pour
secourir les aultres compagnons qui deffendoient lors hostels
en la grande rue au mieuls que il pooient, les quels on voloit
122 PÉRIL
SUS euls rompre et brisier. Bt passèrent chil armet parmi Tostel
le signeur d'Enghien, qui avoit grandes portes derrière et
devant, et se férirent estoutement entre ces archiers. Dou trait
i eut des Hainnuiers auquns blechiés, et là furent bons cheva-
liers messires Fastères dou Rues, messires Sanses de Bousoit,
messires Perce vaus de Semeries. Chil troi chevalier ne purent
onques rentrer en lors hostels pour euls armer, mais il i fissent
otant d'armes que chil qui estoient armet. Et tenoient grans,
Ions et gros levierâ de chesne, que il avoîent pris chiés un
archier qui demoroit en celle rue, et en donnolent les horions
si grans que nuls ne les osoit aprochier, et les abatoient et
faisoient ceoir Tun sus Taultre ; car ce furent chevaliers forts
et durs, et de gros membres et de grant corage. Finalement li
archier qui là estoient, furent desconfit et mis en cace, et en i
eut bien mors, que sus la place que as camps, trois cend, et
estoient tout de Tévesque de Lincole.
A le pryère et ordonnance dou roy se retrairent li Hayn-
nuyer et leur compaignon bellement et sagement, et s'en
vinrent parmy la grand rue et encontrèrent monseigneur
Jehan de Haynnau bien armet et ses bannières devant lui,
acompaignet de messire Guillaume de JuUers, de monsei-
gneur d'Enghien, de monseigneur Henry d'Antoing, de
monseigneur Robert de Bailloel, de monseigneur Alart de
Brifibel, de monseigneur Micquiel de Ligne, de monsei-
gneur de Goumignies , de monseigneur Guillaume de
Strates, de monseigneur Gossuin de le Meule, de monsei-
gneur Jehan de Gasebecq, de monseigneur Wautier de
Hoteberg, de monseigneur Jehan de Libines, de monsei-
gneur Gillebiert de Hers, de monseigneur Fastret dou Roelx
et de pluiseurs autres compaignons qui tous s*estoient mis
en se route, et encorres en y avoit as hostels qui s'armoient
toudis qui mieux mieux. Quant messires Jehans de Hayn-
DES HAinUYERS.
12o
nau eult encontre ses compaignons et chiaux de se sieute
ensanglentés et ensonnyés d'ocire et de méhaîgnier ces
félènes archers enssi comme vous avez oy, et avoecq
yaux les barons d'Engleterre à la quelle ordonnance et
pryère il retournoient, si leur demanda en arestant tous
quoîs sour le rue et toutte se routte comment il leur estoit,
et il li disent : « Monseigneur, bien seloncq l'aventure : si
« avons estet en grant péril de nos vies, mes cil qui les
« barguignoient, y ont plus mis et layet que pris. » — « En
« nom Dieu, sire, dist monseigneur Thumas Wage, se nous
« euissiens veu que vos gens en euissent eu dou pieur,
« nous les euissiens grandement aidiés et confortés, car il
« nous estoit commandés de par monseigneur le roy et
« madame se mère ; mes. Dieu merchy, li honneurs et li
« victoire leur en est demourée, car il les ont cachié jus-
« ques as camps et en ont grand plentet mort. » — « Che
« poise moy que de si peu, » ce respondi monseigneur
Jehan de Haynnau. Adont se retrairent en leurs hostels
paisiblement et se désarmèrent li pluiseurs et regardèrent
as navrés comment il leur estoit. Si pensèrent li Hayn-
nuyer pour les blechiés yaux médeciner et garir, et ceux qui
mort estoient ensepvelir. Che propre soir, on commanda par
le noble roy que nuls Englès ne se meuist contre les
estrangiers sus le teste à perdre. Mes nonobstant que chils
fors et espéciaux commandemens fust fès de par le roy, se
n'estoient mie li Haynnuyer trop aseur, car quoiqu'il euis-
sent fet ceste cose sur leurs corps deffendant, il encheyrent
en grant haynne de tout le pays horsmis des barons, et les
hayoient li Englès mortelement et trop plus que les Escos
qui tous les jours ardoient lor pays, et disoient bien li aucun
seigneur d'Engleterre as seigneurs de Haynnau, pour yaux
aviser et garder, que Englès s'estoient assamblés en ung
124 PÉRIL
village à XII lieuwes deEvruich et estoîent bien VI" ar-
chers et telle mannierre de gens tous d'une sorte qui
disoient que venroient de nuit assaillir les Haynnuyers et les
arderoient en lors hostels et mourdriroient, dont li com-
paignon de Haynnau estoient en grand doubtance de leurs
vies et n'avoient mies espéranche que jammès à retourner,
dont il estoient affermet et aloyet enssamble que de bien
deffendre leurs corps et vendre leurs vies tant qu'ils
poroient durer, et estoient par connestablies toutte jour et
toutte nuit en lors armeures, les cevaux tous en selles pour
monter s'il besongnoit et avoient mis gardes et escoutes par
tous les chemins de jour et de nuit et de gens créables afin
que se chil oissent, ne veissent nul aparoir, il en fesissent
les Haynnuyers sages K
Sec. réd. — Si croi que Diex ne envoia onques si grant fortune
à nulle gent qu'il fist à monsigneur Jehan de Haynau et à se com-
pagnie ; car ces gens ne tendoient fors toutdis qu'à yauls mour-
drir et desrober, comment qu'il fuissent là venu pour la besongne
le roy, ne onques gens ne furent, ne ne demorèrent en si grant
péril, ne en tel angousse, ne paour de mort qu'il fisent le terme
qu'il séjournèrent à Ebruich ; et encores ne furent-il onques bien
aseur jusques à tant qu'il se trouvèrent à Wissant ; car il eschei-
rent pour ce fait en si grant haine et * malivolence ' de tout le
I émanant des arciers qui les haioient plus assés que les Escos
qui tous les jours leur ardoient leur pays*! Et disoient bien li
aucun chevalier et baron d'Engleterre as signeurs de Haynau,
qui point ne les haioient, pour yaus aviser et mieuls garder, que
chil maleoit arcier et aultres communs d'Engleterre estoient
cueilliet et alloyet plus de VI" ensamble et maneçoient les
Haynuiers que d'yaus venir tous ardoir et * occire * en leurs hos-
' Car fort se doubtoient quMlfi ne boutaissent par nuit le feu en
leur logis en trajson. — •• Malin volence. — *"* Tuer.
DES HAINUYERS. 125
teuls, de nuit ou de jour, et ne trouveroient personne de par le
roj, ne des barons qui les osast aidier, ne * souscourre '. Dont, se
il estoient en grant mésaise de coer et en grant hideur, quant il
ooient ces nouvelles , ce ne fait point à demander : ne il ne
savoient que penser, ne que aviser que il peuissent faire selonc
ces nouvelles, ne il n avoient espérance nulle de retourner en leur
pays, ne de jamais veoir, ne parler à nuls de leurs amis, ne il
n'osoient eslongier le roj, ne les liauls barons, et si ne pooient
sentir nul confort pour jaus aidier, ne garantir : si n'avoient
aultre entente fors que d'yaus bien vendre et leurs corps def-
fendre et cascuns aidier li uns l'autre. ' Si fisent li chevalier de
Hajnau et leurs consauls pluiseurs bonnes ordenances, par grant
avis, pour yaus mieux garder et deffendre, par lesqueles il conve-
noit toutdis jésir par nuit armés, et par jour tenir en leurs hos-
tels et les harnois avoir appareilliés et les chevaux tous ensellés ;
et les convenoit tousjours par nuit et par jour gaitier par con-
nestablies les camps et les chemins d'entour le ville et les four-
bours, et envoyer aucunes escoutes demi lieuwe en sus de le ville
pour escouter se ces gens venroient ensi que enfourmet estoient
et que on leur raportoit (et leur disoient cascun jour gens créable,
chevalier et e8cuier,qui bien le cuidoient savoir), par quoi se ces
escoutes oissent gens esmouvoir pour * traire • par devers le ville,
il se dévoient retraire viers chiaus qui gardoient les camps pour
yaus ® manchevir ' et aviser, par quoi il feuissent plus tost montet
et apparilliet et venu ensamble cascuns à se banière en une place
qui pour ce faire estoit avisée et ordenée.
QfuUr, réd, — La cose ne se fust point passée ensi, mais quant
les nouvelles en vinrent à madame la roine, elle dist tantos au
roi ; € Biaus fils, montés à cheval et aies celle part, et vous trayés
f avoecques les Hainnuiers et faites un commandement très-fort
€ et très-cruel que nuls Englois, sus la painne à perdre la teste,
c ne se mueve et ne face fait, ne débat, et prendés la cose sus
*•• Secourir. — * Jusqu^à la mort. — *• Venir. — •' Maintenir.
136 PÉRIL
.< VOUS. > JU rois obéi à madame sa mère et monta à cheval, et
montèrent plus de soissante barons et chevaliers, et trouvèrent
sus les rues messire Jehan de Hainnau, qui venoit tous armés,
et plus de trente chevaliers avoecques lui, et crioient : t Hain-
, € nau ! » et estoient en volenté de ocire tous les archiers que il
trouveroient ens es fourbours où lors gens estoient logiet. Con-
sidérés le grant meschief que il fust tantos avenus, car ces
Englès, archiers et aultres communautés, se requelloient et
metoient ensamblp, et estoit lor intention d'entrer en ces four-
bours et tout ocire ou bouter le feu dedens et tout ardoir. Pre-
mièrement li rois s'aresta sus la rue, car on li dist : t Sire, vechl
• messire Jehan de Hainnau et grant fuisson de Hainnuiers
f avoecques lui, et viennent en ordennance de bataille, banières
c et pennons tous desveloppés. Arestés-les et apaisiés et prendés
t la cose sur vous et leur dittes que vous lor ferés amender ce
• mesfait si gi^ndement comme il vodront, et leur prjés que il
i ne facent pas cose par quoi vostres voiages soit rompus. » Li
rois entendi à ses hommes, et fist ensi que il li consellèrent.
Messires Jehans de Hainnau, qui avoit Taïr en la teste et qui
moult dur estoit enfourmés sus ces archiers, dist en hault :
c Sire, sire, nous sommes venu en ce païs pour vous servir et
fvostre païs contre vostres ennemis; et vostres communs,
c entrues que nous sommes en esbatemens dalés vous, esmue-
• vent débaa et voellent nos gens ocire et nous aussi. Nous ne
i le poons souffrir, et n'en savons prendre milleur amendement
c que sus ceuls qui ont esmeu la rihote. s Dont dist' 11 rois :
€ Messire Jehans, souffrcs-vous et faites tenir en paix vostres
• gens. Je ferai tenir en paix aussi tous ceuls de ceste nation, et
€ se ce venoit à la bataille, je demouroie dalés vous, car je con-
f gnois bien que par vous et par vos gens ai-je recouvré mon
« roiaulme. Si vous pri que vous me donnés ceste besongne, et
€ retournés et ne venés plus avant ; car je meterai partout celle
€ à tempérance et par si bonne ordennance que vous et li vostre
€ vous en contenterés. » Ces douces paroles que li rois dist,
apaisièrent grandement messire Jehan de Hainnau et les Hain-
DES UAINUYERS. 127
nuiers. Or voloit li rois que il ne veniat plus avaat, mais il res-
pondi à che et dist : c Sire, sire, et ne fust riens dou débat et
t dou hustin de ma gent, puisque vous estes hors de vostre hos-
t tel, il apertient que je voie et demeure dalés vous, car espoir
« vo^8 et vostres consauls ne savés pas bien le fons de ceste
€ matère : otretant bien puet estre contre vous que contre
c nous. 9 Dont respondi messires Thomas Wage, marescal dou
roi, et dist au roi en son langage : c Sire, il parole sagement, et
t puet estre tout ce qu'il dist. » Adont chevauohièrent li rois et
toute sa route et vinrent ens es fourbours, où li Jogeis des Hain-
nuiers estoit; si trouvèrent la rue moult esmeue, et des mors
couchiés sur les cauchies. Dont ala li rois tout oultre sus les
camps où li grans hustins avoit esté, et encontrèrent pluisseur
Snglois qui trop fort se plaindoient des Hainnuiers, et on lor
disoit : « C est à bon droit se vous avés esté batu. Pourquoi les
i aljés-vous asallir à lors hostels? » Encores avoecques tout ce,
leur disoit messires Thomas Wage : t Li rois s'enfourmera de
^ ce fait, et chièrement le compareront chil qui ont commen-
c chiet la meslée. ' Quant chil archier veirent que il n'ostoient
aultrement plaint et que on les maneçoit encores, et que inquisi-
tion et information se feroit sus euls, si se doubtërent dou roi et
de sa justice, et enaepvelirent les mors et entendirent as blessés.
Li rois retourna à son logeis, et messires Jehans de Hainnau
avoecques lui. Si fu, de par le roi, fais uns bans et uns cris d'un
aergant d'armes à cheval tout parmi la ville et chité de Ebruich,
que nuls i^ur la teste à perdre, ne fesist débat, ne ribote, ne rie
s^esmuist jamais de ce fait qui avenu estoit, ens, ne hors.
Encores avoecques tout che, li rois envoja deus de ses banières
ens es logeis des Hainnuiers et trois chevaliers, et furent
ordonné à euls tenir tous quois nuit et jour et garder les banières
le roi, par quoi archier englois, ne comunaulté ne se esmeuissent
de jour, ne de nuit ; car vous devés sçavoir que chil qui avoient
eu lors frères, lors pères, lors enfans, cousins ou proismes
mors , avoient grant félonnie ou coer , et disoient quant il
veoient les Hainnuiers alcr ensamble sus les rues : t Velà
128 PÉRIL DES HAITiUYERS.
c ceuls qui nous ont ocis nos amis, et si non poons aultre cose
• avoir, par Dieu si auerons avant que il retournent en lor
• pais. » Et disoient bien li auqun baron et chevalier d'Engle-
terre as chevaliers de Hainnau qui point n'entendoient le lan-
gage des Englois (liquel ne haioient point les Hainnuiers, mais le
disoient pour euls aviser, à la an que il fuissent le mieuls sus
lor garde) : t Chil archier de Lincole et moult d'aultres com-
• muns pour l'amour d'euls, vous ont quelliet en grant haine,
• et se il n'estoient brisiet de par le roi, il le vous monstre-
€ roient et de fait. > Li chevalier de Hainnau respondirent :
€ Il nous en fault atendre l'aventure, et s'il avenoit que nous
c fuissions asalli, desquels vous tourner jés-vous ? > — 'C II
t nous est commandé et ordonné, respondoient li chevalier
€ d'Engleterre, sus quanque que nous tenons dou roi, que, se
c rihote commenche par euls, que nous soions avecques vous,
c et bien nous lor disons et remonstrons que il se tiengnent
€ en paix, car se la rihote commence, nous serons pour vous
c avoecques euls et contre euls, et nous est commandé dou roi ;
t et pour ce que il voient que li rois et nous, vous voulons aidier
c et porter à rencontre de euls, il se refrènent de mpnstrer de
f fait lor mautalent, et à ce que nous entendons, il sont bien
t euls sjs mille de une aliance. s Sus cel estât et avis fissent
li chevalier de Hainnau pluisseurs bonnes ordennances pour
euls mieuls garder et deffendre, par lesquelles ordennances il
convenoit toutdis par nuit jésir en armes , et par jour euls
tenir en lors hostels, et lors harnas avoir apparilliet et les
chevaus tous près et en selles. Et les convenoit toutdis par
nuit et par jour guaittier par connestablies les camps et les
cemins de autour de la ville, et envoyer auqunes escoutes
demi-lieue en sus de la ville pour savoir se chil archier fai-
soient nul agait, ne asamblée. Et avoient ordonné une place 11
Hainnuier où il se dévoient tout retraire.
LKS HAINIYERS A YORK. 129
En celle paour et en celle angouisse demorèrent-il en cel
fourbour par le terme de IIII sepmaines et leurs raportoit-
on tous les jours pour certain tels nouvelles et pieurs assës
l'un jour que l'autre, etperchurent^t congnurent bien assés
de fois pluiseurs apparrans qui durement les esbahissoient,
et c'estoit, se Dieu m'ait, bien raison; car il n'estoient que
une puignie de gens enclos de tous lés en ung royaume si
grantque Engleterre, et si ne savoient à quel fin il en ven-
roient. Mes li grand seigneur de Haynnau qui estoienl sou-
vent dallés le roy, reconfortoient lors mesnies et lor disoient
que li roys les asseuroit, et qui mal leur voroit, il le feroit
à lui meysmes,et estcose assés créable que se li roys et ses
conssaux n'y euissent mis trop grant remède, il n'en fussent
jammais partis sans dammaige , car entre CGC , ne
XVI" hommes mors et encoires de gens estrangniers il ne
puet estre qu'il n'y ait grant plenté de lors proismes qui
dolent en sont et qui -vollentiers les contrevengeroient se il
veoient leur plus bel et il osoient. Et sachiés que li Hayn-
nuyer euissent là estet en trop grant revel se ceste doub-
tance ne fust, car il séjournèrent moult ayse et en une
bonne chité qui siet en trop bon pays et trop gras ; car,
quoyque li rois et tous ses os fuissent là et environ par l'es-
passe de VI sepmainnes, oncques vivres n'en renquiéry quant
on euist grant marchiet de toutes coses, I gras capon pour
III estrelins, XII frès hairens pour I estrelin, I gallon de
bon vin de Rin pour VIII estrelins et celi de Gascongne
pour VI estrelins, de quoy li gallons fait les II quartes
de pois, et leur amenoit-on tous les jours devant leurhostels
touttes autres pourvéanches.
Sec. réd* — En celle tribulation demorèrent-il en ces four-
bours par Tespasse de IIII sepmainnes que tous les jours on leur
I. — FBOIMAIIT. 9
130 LES HAINUYERS A YORK.
raportoit tels nouvelles ou pieurs assés, et tels fois pires un jpur
que Fautre ; et en veirent pluiseurs apparans qui durement les
esbahissoieijt. Car au voir dire, il festoient que une puingnie de
gens ens, ou regard de le communauté du royaume d'Engleterre
qui là estoit assamblée, ne il n'osoient eslongier leurs hosteuls,
ne leurs armeures, ne entrer en le cité, horsmis les signeurs qui
aloient veoir le roy et le royne et leur conseil, pour festyer et
pour aprendre des nouvelles, ne sçavoient ne com longement on
les tenroit en cerestat, ne en celle angoisse. Et se le meschief
de le mésaventure et li périls n^eust esté, il séjournoient assés
aisiemejjLt ; car La cités et 11 pays d entour yaus estoit si plen-
tjuireus que dedens plus de YI sepmainnes que li roys et tout li
signeur d'Engleterre et li estragiue;* et leur gens, dont jil y JîLVoit
plus de LX" hommes, séjournèrent là,, oaques ne ^enclwèrirent
11 vivre (j,ue orf n euist la denrée pour I denier ossi t>ien que on
avoit en avant qu'il y venissent , bons vins de Gascongne ,
d'Aussay et de Rin à très-bon marchiet, pouUalle et toutes
manières de aultres vivres aussi; et leur amenbit-on devant
leurs hostels le fain, Tavainne et le litière, dont il estoient bien
servi et à bon marchiet.
.Q/tuUr, rM, — En celle tribulation dejnorèrent li Hainnuier
ens è9 fourbours de Ëbruich ^'espace de quatre semainnes, et
n'osoient eslongier lors hostels , ne lors arn^eures^ ne à painnes
li chevaliers entrer en la chité se il n'estoient acompagniet des
chevaliers d'Engleterre. Et quant il aloient veoir le roi et la
roine et les dames et les damoiselles, il estoit ordonné de par
le roi, à quelle heure que ce fust, il fuissent raconvoyet et mis
dedens lors hostels. Et se li meschiés et li périls ne fust , il
séjournoient assés aisiwnent, car environ Ebruich il i a très-
bon pais et plentureus, car dedens sys sepmainnes et plus que
li rois et tout li signeur d'Engleterre et li estrangier et lors
gens, dont il i avoit plus de soissante mille hommes, séjour-
nèrent là, onques n en renchièrirent li vivre, que on n'euist la
denrée pour un denier aussi bien que on avoit en devant, \^r\s
INVASION Di:S ÉCOSSAIS. 151
vins de Gascongne, d'Ausai et de Rin le potel pour trois estep-
lins, et les milleures eervoisses dou monde, et les plus nouris-
sans chars et poissons et toutes volailles à grant marchiet,
foin, avainne, litière, à milleur marchiet que en Hainnau ou
en Vermendois.
Quant on eult séjourné en ceste cité ung mois, on coum-
manda que toutes mannières de gens fuissent appareilliet,
car li roys voUoit aller deviers les Escos. Adont se pourvey
chacuns au mieux qu'il pot seloncq son estât. Quant on fu
appareilliet, li roys et tout si baron se traisent hors de
Ewruic et s'en allèrent logier VI lieuwes enssus de le dite
cité. Messires Jehans de Haynnau et ses gens furent toudis
logiet ou plus pries dou roy que on pooit ^ pour le doubte et
le haynne des archiers *. Si séjourna là li rois II jours pour
attendre les dairains et pour aviser chacun se il li falloit
riens. En apriès au tiers jour il se partirent et chevau-
chièrent tant que il vinrent oultre le chité de Durem à
l'entrée d'un pays que on clamme Norhombrelant. Si court
parmy ce pays une grosse rivière que on apelle le Thin.
Sur ceste rivière est la ville de Cardoeil eu Galles, qui fu-
jadis au roy Artus, et aval le rivière tout bas siet une autre
bonne ville que on apelle le Noef-Castel sur le Tin. Li Escot
qui estoient adont entré en Engleterre, avoient avoecqaes
eux II très-bons cappitainnes et bons gueriers'que li roys
Robiers de Brus leurs sires leur avoit ordonnés et délivrés
pour yaux conduire et gouverner, car il ne pooit mies aller,
ne chevauchier, tant estoit-il fort astrains de gouttes et de
forte maladie ^, ains se teaoit à Donfremelin une ipouit bonna
*-• Car moult avoit fiance en eulxet ossi pour le doubte des archiers.
— ' Pour deux grandes maladies, Tune de goutte et Tautre d'escaupine.
13:2 i^iVASio.N
ville seloucq le pays en Escoche et où tous ses ancestres
gisent en une abbeye qui là est; et estoient ces cappitainnes
li contes de Mouret qui s'armoit d'argent à trois oreillies de
gueulles, et raessires Guillaumes Douglas que on tenoit ^ pour
le plus hardi * de toute Escoce. Encoires estoient là li contes
de Surlant, li contes Patris, li contes de Mare, li contes de
Fi, li contes d'Astredene et raoult de bons chevaliers et
escuiers, et estoient bien III mil hommes as armes et
X" d'autres gens et tous montés sour chevaux ou sour
haghenëes. Si poursuivirent li Englès les Escos si avant
oultre le chité de Durem que il veoient les fummières que
li Escot faisoient, qui ardoient en le contrée de Norhora-
berlande.
Sec. réd. — Quant il eurent là séjourné par Tespasse de
IIII sepmaines après le bataille, on leur fist assavoir de par le
roy et les mareschaux que cascuns se pourveist, dedens celle
aultre sepmainne, de charètes et de tentes, pour gésir as camps,
et de tous aultres hostils nécessaires pour aler oultre par devers
Escoce, car li rois ne voloit là plus séjourner.
Adont se pourvei cascuns au mieuls qu'il peut , selonch
son estât. Quant on fu apparilleit,'li rois et tous si baron se
traisent hors et alèrent logier VI lieues en sus de le ditte cité :
et messires Jehans de Haynau et se compagnie furent logiet
tousdis au plus près del roi, pour honneur, et pai* tant aussi
que on ne voloit mies que li archier qui tant les haioient,
euissent nul avantage sus yaus. Si séjournèrent H rois et ces
premières routes II jours pour attendre les darrains et pour
mieulx aviser cascun se il li falloit riens. Au tierch jours apriès,
toute li hos qui estoit là, se desloga et se traist avant de jour en
jour, tant que on vint oultre le cité de Durem une grande
journée à l'entrée d'un pays que on claimme Northombrelande,
*** Pour le plus preu.
DES ÉCOSSAIS. 153
qui est sauvages pays, plains de désiers et de grandes mon-
tagnes, et durement pouvres pays de toutes coses fors que de
bestes. Si keurt parmi une rivière plainne de cailliaus et de
grosses pierres que on nomme Thin. Sus celle rivière siet
d'amont la ville et li chastiaus que on claimme Carduel en
Galles , qui fu jadis au roj Artus et où il se tenoit moult
volentiers, et d'aval la dittc rivière siet là une bonne ville
que on claimme le Noef-Chastiel sur Tbin. Là estoit li mares-
chaus d'Engleterre atout grant gent d'armes, pour garder le
pajs contre les Escos qui gisoient as camps pour entrer en
Engleterre; Et à Carduel gisoient ossi grant fuison de Gallois,
dont li contes de Herfort et li sires de Moutbrai estoient con-
duîseur et gouverneur, pour deffendre le passage de le rivière ;
car li Escot ne pooient entrer en Engleterre sans passer le ditte
rivière. Et ne peurent savoir les Çnglès certaines nouvelles des
Escos jusques adont que il vinrent à Tentrée de ycelui pays :
mes adont peut-on veoir apparamment les fumières des hame-
lès et des villiaus qu'il ardoient en vallées de celui pajs. Et
avoient passet celle rivière si paisieulement que onques cil de
Carduel, ne cil dou Noef-Chastiel sur Thin n'en seurent nouvelles,
ce disoient ; car entre Carduel et le Nocf-Cbastiel poet avoir
environ XXIIII lieuwes cnglesces. Mes pour mieuls savoir le
manière des Escos, je me tairai un petit des Englès et dcviseray
aucune cose de le manière des Escos et comment il sèvent
guerroyer.
Li Escot sont dur et hardit durement et fort travillant en
armes et en guerre ; et à ce temps là dedont il amiroient et
prisoient assés petit les Englès, et encores font-il au temps
présent ; et quant il voelent entrer ou royaume d'Engleterre, il
mainnent bien leur host XX ou XXIIII lieuwes loing, que de
jour que de nuit , de quoi moult de gens se poroient esmer-
villier, qui ne saroient leur coustume.
Certain est que quant il voelent entrer en Engleterre, il sont
tout à cheval , forsmis la ribaudaille qui les sièvent à piet ;
assavoir, sont chevalier et escuier bien montés sour bons gros
154 INVASION
roncins, et les aidtres communeis gens del pays tout sour petite»
hagenées. Et si ne mainnent point de charoj pour les diverses
montagnes qu'il ont à passer parmi che pays dessusdit, que on
claimme Northombrelande : et si ne mainnent nulles pour-
véances de pain, ne de vin ; car leurs usages est tels en guerre^
et leurs sobHétés qu'il se passent bien assés longement de char
cuite à mcdtiet , sans pain, et de boire aiguë de rivière, sans
vin. Et si ft'ont que faire de chaudières, ne de chauderons, car
C-r^ puisent bien leurs chars ou cuir des bestes meismes, quant il
ks ont escpreies ; et si sèvent bien qu'il trouveront bestes a
grant fuison ou pays là où il veullent aler, par quoi il n'em-
portent aultre pourvéance, fors que cascuns emporte entre le
seDe et le peniel une grande plate pierre, et trousse derrièï^
lui une besace plainne de farine, en celle entente que quant
il ont tant mangiet de char mal quite que leur estomach leur
samble estre * wape • et afoiblis , il jettent celle plate pierre ou
feu et destemprent un petit de leur farine d'yauwe; quant
leur pierre est chauffée, il jettent de ceste clère paste sur ceste
chaude pierre, et en font un petit tourtîel, à manière de une
oublie de béghine, et le menguent pour conforter Festomach :
par quoy ce n'est point de merveilles se il font plus grandes
journées que aultres gens, quant tout sont à cheval horsmis le
ribaudaille, et si ne mainnent nul charoi, ne aultres pour-
véances, fors ce que vous avés oy.
En tel point estoient-il entré en celi pays dessusdit : si le
gastoient et ardoient, et trouvoient tant de bestes qu'il n'en
savodent que faire , et avoient bien ITI"* armeures de fler,
chevaliers et esquiers, montés sus bons roncins et bons cour-
siers, et XX"* hommes armés à leurs guises, appers et hardis,
montés sus ces petites hagenées qui ne sont ne loyées, ne
estrilliées; ains les envoie-on tantost paistre c'en en est des-
cendu, en prés, en terres et en bruières. Et si avoiont II
très-bons ehapitainnes, car li rois Robers d*Escoce qui estoit
* « Wit.
DES ÉCOSSAIS. 135
moult jïS0His,estoit ado«l* durement * viex et chargiés cfé le grosse
maladie : si leur aroit donnet à chapitaiitiïes un nioiflt gentil
prince et vaillant en armes, c'est assavoir te conte de Moret
qui portoit tfn escut d'argent a trois orilliers de geules, et môn-
gignew^ Guillaume de Douglas que on tenoit pour le plus hardi
et le plus entreprendant de tous les deus pays, et portoit un
escut d'asur à un cliief d'argent et trois estoilles de geules
dedens en Targent; et estoient cil doi sîgneur li plus hault
baron et li plus puissant de tout le royaume d'Escoce et li plus
renommé en biaus fais d'armes et en grans proèces.
Quatr. réd. — Quant il orent là séjourné par Tespascer de troiô
seproainnes apriés ce que la bataille eut esté^ on leur fbs^ a£fatoii^
de par le roi et les marescaux que casquns se pôurveifft dedéns
celle aultre sepmaine de charrettes et de tentes pour jésir ai^
camps, et de tous aultres hostils nécessaires pour àler oultré
par devrers Escoce , car li rois ne vouloit là plus séjourner. Stià
ceste ordenance, li signeur se pourveirent, et aussi fissetifl toutes
gens casquns selonch son estât. Quant tout fti poiirveu et li
jours vint du département, li rois prist congiet à madame sa
mère et se départi de Ebruich. Ordonné fu de par le roi que
messires Jehans de Hainnau et li Hainntner fuissent toutdi^
sus ce cemin logiet au plus près de lui quô nuls des aultreô,
tant pour honneur que pour les archiers de Lîncole qui ne
pooient, ne ne voloient oublyer le ocision et la perte de loi'à
amis, et volontiers se fuissent pris^ as Hainnuïers se il n^
euissent veu que point d'avantage il euissent eu sus eûls.
Si séjournèrent li rois et ces premières routes deus jours po^èif
atendre les daarains et pour mieuls aviser à cascun se il li
falloit riens. Au tiercb jour apriès, toute li hoos qui estoit là,
se deslogea et se traïst avant de jour en jour, ta^t que oii vint
outre la chité de Durâmes qui siet sus l'entrée de North<»ibre^-
lande, et trueve-on là moult de pauvre païs et despourveu dé
«-» MottH.
136 INVASION
toutes coses, fors que de bestes, et court là une rivière qui
vient d'amont des montagnes de deviers Carduel, que on apelle
le Thin , et est la ditte rivière toute plaine de pierres et de
cailliaus. Et oultre la chité de Duram, siet la bonne ville dou
Noef-Chastiel sus le Thin, belle ville forte et bien fermée, et
fait la frontière encontre les Escos, et là se tenoit li mares -
chaus d'Engleterre à grant gens d'armes pour garder le païs à
rencontre des Escocois. Et ne savoient encores li Englois là où
Escoçois estoient, et disoient li auqun : « Il sont retrait en
« lor païs : il ont usage que il guerrient en courant, et quant
« il ont fait cïélle chose et il sentent que gens viennent sus
c euls à pooir , il se retraient. » Mais pour ces jours , il
n'estoient pas retrait, avant ardoient en Northombrelant , et
avoient ars en Galles et jusques à Carduel et tout le pais de là
environ. Et tant alèrent chil de Tavant-garde que de dessus les
montagnes il veirent les fumières d*auquns petis hamelès que li
Escoçois ardoient, et li auqun Englès disoient que ce n estoient
pas fumières des feus des Escos, mais de ouvriers qui faisoient
carbon ens es bois.
Or vous voel un petit deviser la manière et la nature des
Escocois, et comment il scèvent guerrjer. Li Escot sont dur
et hardit et fort travillant en armes et en guerres. Et pour le
temps d'adont, il amiroient et prisoient moult petit les Englois,
et encores font-il au temps présent. Et quant il voellent guer-
rjer et entrer ou roiaulme d'Engleterre, il mainncnt bien lor
hoost vingt ou vingi^juatre lieues lonch, que de jour, que de
nuit, comment que moult de gens se poroient esmervillier de ce,
qui ne sauroient lor costume. Certain est que quand il voellent
entrer en Engleterre, il sont tous à chevaus li uns et li aultres,
fors que la ribaudaille qui les sievent à piet. Et sont chevalier
et esquier bien monté sus bons gros ronchins, et les aultres
hommes de guerre sus jumens ou sus hagenées, et ne mainnent
point de charroi pour les diverses montagnes que il ont à passer
ens ou païs de Northombrelande, et si ne mainnent nulles pour-
véances de pain, ne de vin , car lors usages est tels en guerre
DES ÉCOSSAIS. 137
et en traviUant que il sont moult sobre , et se passent bien deus
ou trois jours à mengier ehar à moitié quite sans pain, et à boire
aiguë de rieu courant, sans vin, ne cervoise. Et n'ont que faire
de chaudières, ne de chauderons , car il quisent leurs chars
généraument, quant il sont ensi sus un voiage, ens es quirs des
bestes quant il les ont escorchies. Et s'atendent sur ce que il
sèvent bien que il trouveront bestes à grant fuisson ens ou païs
où il voellent aler, par quoi il ne font aultre pourvéance que
casquns emporte entre la selle et le penniel dou cheval que il
cevauce, une plate pierre, et avoech ce il trousse derrière lui
ime besace plainne de farine, en celle entente quant il ont tant
mengié de char mal quite que lor estomac samble estre wape
et afoiblis, il jettent celle plate pierre ou feu et destrempent
un petit de leur farine, et quant leur pierre est escaufée, il
jettent de celle clère paste sus celle caude pierre, et en font un
petit tourtiel à manière de une oublie de béguine, et le mengent
pour conforter lor estomach, par quoi ce n'est pas mervelles se
il font plus grandes journées que aultres gens. En tel point
estoient-il entré ens ou païs desus dit et le gastoient et ardoient,
et trouvoient tant de bestes que il n'en sav oient que faire. Et"
pooient estre environ trois mille armeures de fier, chevaliers
et esquiers montés sus bons ronchins et bons coursiers, et vint
mille hommes d'aultres gens armés à lor guisse, appers et
hardis, montés sus petites hagenées , qui ne sont ne lojes , ne
estrillies, mais les envoje-on tantos paistre où on est descendu,
en prées ou en bruières. Telle est la nature et ordenance des
Escos. Et je Froissars, actèrcs de ces croniques, fui en Escoce
en Tan de grasce MCCCLXV, car la bonne roine, madame
Philippe de Hainnau, roine d'Engleterre, m'escripsi deviers le
roi David d'Escoce, liquels fu fils au roi Robert de Brus, qui
pour ce temps resgnoit, et au conte de Douglas et à messire
Robert de Versi, signeur de Struvelin, et au conte de la Mare,
liquel pour l'onnour et amour de la bonne roine desus ditte
qui tesmongnoit par ses lettres séelées que je estoie uns de ses
clers et familjers, me requellièrent tout doucement et liement,
f3K marcbë
et fu en la compagnie don roi, utt qtrartief fan an, et encfa
celle aventure que , ce que je fui en Escoee, il visita tout son
pais, par laquelle Visitation je apris et considérai moult de la
matêi*e et ordonnance des Escoçois, et sont de toute tele con-
dition que chi-dcsus vous est devisé. Pour le temps que chil
Escocois estoient entré ens ou pais do Northombrelande , il
n'avoient point le roi Robert do Bras en lor compagnie, mais
detfts aultres vaillians hommes à chapitainnes, c'est-à-savoir le
conte de Moret, et s'armoit pour lors d'argent à trois orilliers
de gruenles, vt messii-e Guillaume de Douglas , le plus hardit,
vaillant et entreprendant de tous les aultres, et 8*armoit d'azur
à un cbief d'argent à trois estoilles de gueuHes dedens Targent,
et estoient chil doi baron ii plus poissant et renommé de toute
Escooe.
Quant li jovënes rois d'Engleterre et ses hos eurent veu
les dittes fummières que li Escot faisoient, si se aroutèrent
pour aller à Tadrèce de ceste part et ordonnèrent trois
-grosses batailles bien pourveues de gens d'armes et d'ar-
chiers. En chacune avoit bien VIII ""hommes d'armes et
XVI" de piet. Quant ces batailles furent ordonnées, on che-
vaura * tout rengiet après les Escos à l'endroit là où on
veoit les fummières tout ce jour jusques à vespres. Adont
se loga li hos en ung bois sus une petite rivière pour yaux
mieux aîsîer et atendre le charoy et leurs pourvéanches, et
tout ce jour avoient ars li Escot à V lieuwes priés de leur
host, et si ne les pooient li dit Englès raconsuivir pour le
cause des * montaignes qui estoient entre deux et qu'il leur
convenoit toumyer. L'endemain au point dou jour cascuns
fu armés, et traisent les bannières sour les camps, et se
traist chacun à se bannière et à se bataille, enssi que
* HâttÎTênuml. — * Haatas.
DE l'aRHÉF. AIIGLAISE. 139
ordonnés estoit. Et cheVauchièrent les batailles enssd
rengies sans desrouter tont le jour par iftont et par vallëes à
Tadrèce seloncq lenr avis ponr venir droit as Eseos, mes
oncques pour haste, ne painne qu'il y eûissent, il ne les
peufentveoir, tant estoient-il en fort pays et chevauchoient
sagement. Si ardoient-îl tout autour d'iaux, et encoires ce
qui destoumoit as Englès à yaux nient trouver, c'estoient
lî mares et les crolières oh on ne pooit aller, ne chevau-
chier, (jni ne se voulloit perdre davantaige. Quatit il eurent
cejour cevauchietencel estât jusques * heure de nonne*, si
furent tout lassé et courouchié, et eut adont consseil H roys
que on se logeroît, car cheval et charoy estoit si travilliet
que plus ne pooient et espécialement gens de piet dont il en
y avoit bien encoires le moitié derrière. Or se loga li rois et
tout son host au desoubs d'une montaigne sus une petite
rivière, et quant chacuns eut pris pièce de terre, li seigneur
se traysent à consseil enssemble, et là fu messires Jehans
de Haynnau appelés, ce fu bien raison, et là avisèrent et
parlementèrent grand temps enssemble comment on se
pourroit combattre as Escos seloncq le pays où il estoient.
Tout considéret, entr'iaux il disoient maîement, car encorres
n'en avoient-il nuls veus, ne ils ne savoient où il gisoient,
ne sejà point les trouveroient pour le fort pays où il estoient
enbatn. Si sambla as aucuns seigneurs <)ui là estoient tel6
que le seigneur de Persi, le seigneur de Ros^ le seigneur de
Moutbray et le seigneur de Lussi, qui congnissoient auquel
le pays et disoieftt à l'avis des Escos pour certahi que il
s'en raloient en leur pays et que nullement il ne se poroienf
combattre à yaulx entre ces montaingnes fors que à leur
grant meschîef, et si ne les poroient raconsivir, et ainchois
que il les trouvaissent, il convenoit ces Escos rapasser le
*-• Au vdtpre.
140 MARCHE
rivière de Tin. Dont fii dit par consseil et pour le milleur
advis que se on se volloit lever devant raienuit et Tende-
main ung petit haster, on leur torroit bien le passaige de le
ditte rivière et convenroit que li Escot se corabatissent par
tel parti à leur grant meschief ou il demoiirroient tous quois
enclos en Engleterre et pris à la trape. A celle entente que
dit vous ay, fu adont ordonne et acordê que chacuns se trai-
sist à sa loge pour soupper et boire ce qu'il pooit avoir et fu
dit ainssi que sitost que on oroit le trompeté dou roy que on
mesist selles sur les chevaux, quant on Toroit la seconde fois
que on s*armaist, et à la tierce fois que chacuns montast
sans atargier et se traist chacuns à sa bannière et presist
encores chacuns ung pain et le trousaist derière lui à
guise de braconnier et que chacuns laiast là endroit son
harnas et sen caroy et toutes autres pourvéanches , car
pour certain on se combateroit à l'endemain à quel mes-
chief que ce fuist.
Sec. rid. — Quant li rois englès et ses gens veirent les
fumières des Escos, siques dist est pardevant, il sceurent bien
que c'estoient li Escot qui entré estoient en leur ps^s. Si usent
tantost cryer * as armes « et commander que cascuns se deslogast
et siewist les banières. Ensi fu fait, et se traist cascuns armés sus
les camps sique pour tantost combatre. Là endroit furent ordon-
nées III grosses batailles à piet, et cascune bataille avoit II èles
de V*. anneures de fier qui dévoient demorer à cheval. Et
saciés que on disoit que il y avoit bien VIII"* anneures de
fier, chevaliers et escuiers et ' XXX™ * hommes armés, li moitiet
montés sur petites hagenées, et Tautre moitiet sergans à piet,
envoyés par élection de par les bonnes villes, à leurs gages,
cascune bonne ville pour se rate ; et si y avoit bien XX.IIII"* ar-
ciers à piet, sans le ribaudaille. Tout ensi que les batailles
* « Alarme. - »-* XXIV".
DE l'armée anglaise. 141
furent ordonnées, on chevauoa tous rengiés apriès les Escos, à
* la sent' dos fumières Jusques à basses viesprcs. Adont se loga li
hos en un bois, sus une petite rivière, pour jaus aaisier et pour
attendre lo charoi et les pourvéances. Et tout le jour avoient ars
li Escot à ' V * liewes priés de leur host, et ne les pooient racon -
siewir. L'endemain au point de jour eascuns fu armés, et trairent
les banières as camps, eascuns à se bataille etdesous sa banière,
sicom ordonné estoit. Si chevaucièrent les batailles cnsi rcngies
tout le jour, sans desrouter, par montaignes et par vallées; ne
onques ne peurent approcier les Escos qui ardoient devant yaus,
tant j avoit de bois, de mares, de désiers sauvages et malais ies
montaignes et valées ; et si n^estoit nuls qui osast sus le teste à
coper, sourpasser, ne chevaucier devant les banières, forsmis les
mareschaux '. Quant ce vint apriès nonne sus le viespre, gens,
cheval et charoi, et meismement gens à piet, estoient si travilliet
que il ne pooient mes aler avant ; et li signeur se perçurent et
veirent clèrement qu'il se travilloient en tel manière pour nient ;
et fust encores ensi que li Escot les vousissent attendre, si se
metteroient-il bien sour tel avantage , sour telle montagne ou
sour tel pas, quil ne se poroient à jaus combatrc sans trop
grant meschief. Si fu commandé de par le roj et les mareschaus
que on se logast là endroit, eascuns * ensi qu'il estoit, jusques à
Tendemain, pour avoir conseil comment on se maintenroit. Ensi
fu toute li hos logié ceste nuit en un bois, sour une petite rivière ;
et li rois fu logiés ^ en une povre court d'abbcje qui là estoit*. Ses
gens d'armes uns et aultres, chevaus, charoi et li liostes sieu-
wans furent logiet moult en sus, travilliet oultrc mesure. Quant
eascuns eut pris pièce de terre pour logier, li signeur se traisent
ensamble pour avoir conseil comment il se pouroient combattre
as Escos, selonch le pays là où il estoient; et leur sambla, selonch
ce qu'il veoient, que li Escot s'en raloient leur voie en leur pays,
tout ardant, et que nullement il ne se poroient combatre à jaus
*'* La tenteiir. — '-^ II. — * Et leurs gens. — * En son ordonnance.
'*'* Ea ime petite oourt d*ane abbéie de moines noirs.
142 AIAKCIIE
entre ces moutaignc, fors que à graut moschief ; ot si ne les
poroient raconsievir, mais passer leur convenoit celle rivière
de Thiii. Kt fu là dit en prraut conseil que se on se voloit lever
devant mienuit, et Tendemain un petit baster, on lor torroit le
passage de le rivière, et convenroit que il se combatissent h leur
meschief ou il demorroient tous cois en Engleterre pris à le
trappe.
Quatr. réd. — Quant les nouvelles furent venues au roi d'En-
pleteriv que lors gens avoient vcu les fumières que li Escoçois
faisoient, il fu ordonné de par les marescauLs et commandé à des-
logier et que on sievist les baiiières dou roi. Ensi fu fait, cas-
cuns s'arma et apparilla et se tral'st sus les camps, ensi que pour
combatre. Là furent ordonnées trois grosses batailles à piet, et
en casquue avoit cinq cens armoures de fier, qui estoient en deus
èles, et dévoient demorer à cheval. Et pooient cstre en la com-
pagnie dou voï huit mille armeures de fier, chevaliers et esquiers,
et trente mille hommes p^rmi les archiers, la moitict monté sus
hageni*es et Taultre moitiet w^rgens à piet enyoyet de par les
bonnes villes d'Engleterre et à lors gages, et encores sans les
archiers à cheval, il y avoit bien vint-trois mille archiers à
piet. Adont, ensi que les batailles furent ordonnées, on cevauça
tout rengiet sievant les banières le roi, et en i avoit quatre et
les portoient li sires de S?es, li sires de Ferrères, li sii'cs de
Morlais et li sires de Hastinghes, et chevauçoient et alloient a
la sent des fumières, et cemiuèrent jusques à basses vespres.
Adont se logea li hoost en une grande prée priés d'un bois et
sus une petit*» rivière et tout au lonch pour euls aisier, et pour
atendre le chaix)i et les jioun'éAnces, et tout ce jour avoient ars
li Escocois à cinq Jieues englesres pi-iès d*euls, et n(» les po voient
trouver, ne raconsuir. Quant ce vint à Tendemain au point dou
jour, on sonna les trompètes, casquns fu armés et apparilliés, et
se iniïssent les banières sus les camps, <-asquns en sa batailb»
et desous la kinièrv «ni ordonné on estoit. Et cevauchièrent U^}>
banières tout ce jour sans euls desrouter [mr montagnes et par
DE i/aRHÉE anglaise. H^
vallées, et oncques ne purent veoir, no apixxîhior les Esco<;ois.
Bien veoient li Englois les fumières que li Escot faisoient,
mais entre euls et les Englois il i avoit grans mares, montagnes
et désers lesquels on ne pooit passer à Tadrèce, mais convenoit
eeminer autour, et n'osoit nuls fourpasser, no aler devant les
banières, fors les maresoauls. Quant ce vint apriès nonne, et
toutes gens et chevaus estoient si travilliet que plus ne pooient,
on le logea, et demora toute li hoost celle nuit sus une petite
rivière dont il furent rafresqui. Et li rois fu logiés on une povre
court d^abéie qui là estoit; gens d^armes et tous li demorans,
charoi et charetons, furent logiet moult en sus, travilliet oultre
mesure. Quant casquns ot pris pièche de terre pour logier, li
signeur se traïsaent ensamble pour avo^ir oonsel comment il se
pourroient maintenir, ne trouver la trace des Escos, lesquel il
désiroient à veoir et à combatre. Et fu avis à auquns que li
Escot s'en raloient en leur pais et que on ne les aueroit point,
et pooit estre que il savoient bien tout le convenant des Englois,
mais on ne savoit riens dou leur. Là fu dit à ce consel que se on
se voloit lever devant minuit et à Tendemain un petit haster,
OH lettr torroit le passage de la rivière, et seroient pris et enclos
en Eagleterre. Chils consauls fu arestés et acordés, ot se retraïst
caaouni de« signeurs en son logeis, et fissent asavoir tout
8«créeiBfint en pluisseurs lieus parmi Toost que quant les trom-
pettes sonneroient, on s'arnaast et appamllast, et au second son
de la trompette, on fust tous près, et au tierch son, on monte-
roit à cheval. Et fu ordonné que on laisseroit là tous liarnois et
tous charois, et que casquns né presiat qu'un pain et le trous-
sast derrière lui.
Tout en tel mamiière comme il fu brdomiet, fu fait et fu
chacuns armes et montés à le droite raienuit, petit y eult
de chiaux qui dormirent, comment que on euist durement
travilliet le jour. Dont ainschois que les batailles fuissent à
leur droit ordonnées et assamblôes, coummencha ii jours à
144 DIFFICULTÉS
appairoir. Lors commenchièrent les bannières chevauchier,
à grant haste * pour acomplir leur entente *, par bruières et
par montaîgnes et par vallées malaisies sans point de plain
pays et par dessus es montaiijgnes ; et es plains des vallées
estoient mares et crolières et si diviers et mauvais passages
que merveilles est à considérer, car chils pays de Norhom-
brelantse diffère assés de diversité à le marce d'Engleterre,
et ossi font les gens, il sont enviers les Englès enssi que
demy sauvaige. Si estoit merveilles que chacuns ne demou-
roit en ces crolières et mares là où il s'embatoîent, car on
chevauchoit radement et toudis avant sans atendre l'un
l'autre , et bien sachiés que qui se fuist encrolés en ces
crolières, ne en ces cras mares plains de bourbe, jammais
ne s'en fuist parti. Si y demorèrent assés d'hommes et de
povres cevaux qui ne pooient siewîr le grand route et ossi
des soummiers. Et moult souvent on cria à cel ajournement:
As armes ! et disoit-on, quant on ooit ce cri, que li premier se
combatoient as ennemis, siques chacuns qui quidoit que ce
fuist voirs, se hastoit dou plus qu'il pooit, et cevauchièrent
parmy mares, crolières et autres plassis, parmy kaillaux,
parmy vallées et parmy montaignes le hyaume et le bachinet
en le teste, l'escut au col, le targe sus le dos, le glaive ou
l'espée ou poing, sans atendre père, ne frère, ne compai-
gnon. Et quant on avoit enssi courut demy lieuwe ou plus
et on estoit venu au lieu dont chils hus ou chils cris venoit,
on se trou voit décheu, car che avoient estet chierfs ou bisses
ou aultres sauvaiges bestes, dont il y avoit grand fuisson
entre ces bos et ce sauvage pays, qui s'esmuioient et fuioient
devant ces bannières et ces gens à cheval qui enssi chevau-
choient despercement et oncques n'avoient veu tel cose. Adont
*-* En grant désir de venir à leur fait.
D£ l'expédition. 145
huioit chacuns qui devant estoit, apriès ces bestes sauvaiges,
et chil derière cuidoient que ce fuissent li anneray.
Sec. réd, — A celle entente que dit vous aj, fu adont
ordonnet et acordet que cascuns se traisist à se loge pour
souper et boire ce qu'il pooit avoir, et desist cascuns à ses
compagnons que sitost que on oroit le trompette sonner, cas-
cuns mesist ses selles et apparillast ses chevaus; et quant on
loroit le seconde fois, que cascuns s'armast ; et le tierce fois que
cascuns montast sans atargier et se traisist à se banière et que
cascuns presist sans plus un pain et le trousast derrière lui, à
guise de brakenier ; et ossi que cascuns laissast là endroit tous
harnas, tous charois et toutes autres pourvéances; car on se
combateroit Tendemain, à quel meschief que ce fust, si aroit-on
ou tout perd ut ou tout gaegniet. Ensi que ordonné fu, ensi fu
fait, et fu cascuns armés et montés à le droite mienuit : petit j
eut dechiaus qui dormirent, comment que on eust durement
travilliet le jour. Ançois que les batailles fuissent à leur droit
ordonnées et assamblées, commença li jour à apparoir : lors
commencièrent les banières à chevauchier en haste moult des-
parsement par bruières, par montagnes, par vallées et par
rokaiUes malaisies,sans point de * plain pays ', et pardessus des
montagnes ; et ou plain des vaUées estoient crolières et grans
mares et si divers passages que merveilles estoit que cascuns
n*i demoroit; car cascuns chevauçoit toutdis avant sans attendre
signeur, ne compagnon ; et sachiés que qui fust encrolés en ces
crolières, il trouvast à malaise qui li aidast. Et si demorèrent
grant fuison de banières atout les chevaus en pluiseurs lieus, et
grant fuison de sommiers et de chevaus qui onques puis n*en
issirent ; et moult souvent on cria celi jour as armes , et
disoit-on que li premier se combatoient as annemis, siques
cascuns qui cuidoit que ce fust voirs, se hastoit quanqu il pooit,
parmi mares, parmi pierres et cailliaus, et parmi valées et
*'• Plain chemin.
I. — raoïtSART. 10
146 DIFFlCULTÀft M l'BIPAMTION.
montagnes, le hjaume apparilliet et Tescut au col, la glave ou
Tespéc ou poing, sans attendre père, ne frère, ne compagnon.
Et quant on avoit ensi courut demi-lieuwe ou plus, et on venoit
an lieu dont chils hus ou cils cris naissoit , on se trouToit
déçeu ; car ce avoient esté chierfs ou bisses, ou ours, ou aultras
bestes sauvages, de quoi il j avoit grant fuison en ces bois et
en ces bruièros et en ce sauvage pays, qui s^esmouvoient et
fuioient devant ces banières et ces gens à cheval qui ensi
chevauçoient, et que onques n*avoient veu : adont huioit cas-
cuns apriès ces bestes, et on cuidoit que ce fust aultre cose.
Quatr, réd, — Ensi comme il fu ordonné, fu-il fait, et sou-
pèrent li pluisseur en grant haste et dormirent un petit , et li
auqun n'eurent nul loisir de dormir, car en esté ou mois de juille,
les nuits sont moult courtes. Devant mie-nuit, un petit, on
sonna les trompettes; au second son, on fu tous près ; au tierch
son, on monta à clieval et sievi-on les banières des mares-
chaus, et demorèrent chars, charrettes et sommiers et tous
vitailliers derrière, et ne prist casquns que un pain ensi que
ordonné estoit, et se hastèrent grandement celle journée de
venir à ce passage pour as Escocois tolir Tavantage de la
rivière. Et chevaucièrent en haste despersement par mon-
tagnes, par bruières et par vallées et par roquailles malaisies,
sans point de plain comin, et par desus ces montagnes ; et ou
fons de ces vallées estoiont croliôres et grans mares et si divers
passages que mervelles estoit comment nuls en pooit issir, cap
chasquns chevaueoit toutdis avant sans atendre signeur, ne
c-ompagnon, et sachiés que qui fust encrolés en ces crolières li
trouvast à grant malaise qui leu traïst hors. Et s'arançoieni
chil derrière pour raconsievir cheuls devant, et quidoient li
pluisseur que on cuist trouvé les Escos pour la noise qui estent
devant, et la noise venoit des cerfs, des bisses et des dains que
li premier trouvoient. Si huioicnt après à haute vois, et tout-
dis aloicnt li premier avant et sieuvoient les banières des
marescaus.
LIS àMGLÀlS SUR LA TYMU 147
A le œannière que je vous di, chevaucha li rois tout le
jour et touttes ses os parmy ces montaignes et ces désiers
sauvaiges sans chemin tenir» ne Yoie, ne sentier, et sans
ville trouver, ne maison, ne burron,et chevauçoient à l'avis
du soleil. Si cheminèrent tout le jour jusques à basses
vespres que il vinrent sus celle rivière de Thin que li Escot
avoîent passés et leur convenoit la rapasser, che disoient
chil dou pays, pour certain, car ailleurs n'y avoient point
de gué, ne de passage fors que droit là, et si estoient enssi
fourraené et travillié comme vous avés oy. Et quant il
furent là venu en cel estât si lasset et si travailliet, il
eurent consseil de passer ceste rivière à gué et le passèrent
à grant malaise pour les grandes pierres et cailliaus qui
dedens y sont. Et quant il furent passet oultro, chascuns
s'ala logier selonc celle rivière de Thin, ensi qu'il peult
prendre terre; mes ainchoîs qu'il euissent pris pièche de
terre pour logier, solaux fu esconsés, et si y avoit là peu de
gens qui euissent happes, cuignies, ne flerremens pour cop-
per bois et faire logeis, * et si y avoient de chiaux qui
avoient grandement perdu ie leurs compaignons et ne
savoient qu'il estoient devenu *. Dont, se il en estoient à
malaise, on ne s'en doit point esmervillier, et meysmement
les gens de piet estoient derrière demouret, et si ne les
savoit-on en quel lieu querre, ne demander, de quoy li plus
joli estoient tout à malaise, ne de leur harnas il n'ooient
nulles nouvelles, ne pooient oir, car il leur estoit trop
loing.
JSee. réd. — Ensi chevauça li jones rois englès ceh jour
et tous ses hos parmi ces montagnes et ces désers, sans chemin
*** Sachîét qti*il enreat perdo moult de leurs geos et de leurs
hamoSs et par eepécial gens de piet, dont il ftirent moult courrou-
chi^.
148 LES ASiGUJS SUR LA TTIIK.
tenir, sans sentier et sans villes trouver, fors que par avis,
selonch le soleil. Et quant ce vint à basses vespres que on fu
venu sus celle rivière de Thin que li Escot avoient passet, et
leur eonveuoit rapasser, ce cuidoicnt et disoient li Englès,
il s^arrestèreat un petit si travilliet et si fourmenet que cascuns
poet penser, et puis il passèrent le ditte rivière à gués, moult
à malaise, pour les grandes pierres qui dedens gisent. Et quant
il furent passet, cascuns s ala logier selonch celle rivière, ensi
qu'il pot prendixî terre. Mais ançois qu il euissent pris pièce de
terre pour euls logier, solaus commença à esconser; et si j
avoit petit de chiaus qui euissent happes, ne cuignies, ne
fièremens, ne estrumens pour logier, ne pour coper bois. Et
si en y avoit pluiseurs qui avoient perdus leurs compagnons et
ne sa voient qu'il estoient devenu : dont s'il estoient mesaisié,
ce n'est point de merveille. Et mesmement les gens de piet
estoient derrière demoret, et si ne savoient en quel lieu, ne à
cui demander leur chemin , dont il estoient tout fourmesaisiet.
Et disoient cil qui le miex cuidoient cognoistre le pays, qu'il
avoient cheminé celi jour XXVllI liewes englesses, ensi cou-
rant com vous avés oj, sans arrester, fors que pour pissier oa
son cheval recengler.
Quatr. réd. — Ensi chevauoa li joncs rois d'Engleterre celi
jour et toute li Loos parmi ces montagnes et vallées, praieries
et bruiéres, ne rien n'i avoit espargniet, et dura celle painne
et chevauchie jusques à basses vespres en ces Ions jours d'esté,
et toutcjifois il vinrent sus la rivière dou Thin et au passage
que li Escut, ce disoient, avoient passet, et par là les convenoit
repasser. Quaiit il furent là venu si travilliet et si fourmenet
que casquns puct penser, il passèrent oultre la rivière à gué
moult à malaise, et puis se logiêrent selonch la ditte rivière.
Et avant que tout euissent pris place et terre pour euls logier,
solaus esconsa, et si i avoit moult petit de ceuls qui euissent
hapes, quignies, ne fièremens pour coper bois à euls logier.
Et si en i avoit piuis«cn**s «lui avoient perdus lors oompaignons
SOUFFRANCES DES ANGLAIS. 149
I
et ne savoient que il estoient devenu, et les hommes de piet
estoient derrière demorés, et si ne savoient à dire où il estoient,
ne à qui demander le cemin. Et disoient chil qui le mieuls qui-
doient congnoistro le païs, que il avoient ce jour ceminet vingt-
huit lieues eriglesces , ensi courant sans arester, fors que pour
pissier ou pour recengler son cheVal.
Enssi travailliés hommes et chevaux les convint là gésir
toutte le nuit sus celle rivière tous armés, chacuns son
cheval en sa main tenans par le frain, car il ne les savoient
à quoy loyer par deffaute de jour et par deifaute de charoy
où 11 harnas estoient demouret, et ossi auToir dire, le caroy
il ne le peuissent nullement ravoir, ne on ne le peuist là
avoir amené parmy ces montaignes, ne ces vallées. Enssi ne
mengièrent li ceval toute le nuit, ne le jour devant, point
d'avaine, ne de nulle autre fouraige, dont il n'estoient pas
bien aise, ne yaux ossi, car il ne goustèrent de nulle autre
viande le jour devant et le nuit apriès que chacun son pain
qu'il avoient trousset ainsi que dit vous ay, liquels pains
estoit de sueurs de chevaux tous souilliés et ordes, ne ne
burent d'autre bruvaige que de Taigue qui là couroit, se ce
ne furent aucuns grans seigneurs qui avoient des bouteilles
de vin trousées derrière yaux. Si puet bien chacuns peusser
que il avoient grant soif, et si n'eurent toutte le nuit ne
feu, ne lumière, et ne le savoient de quoy faire.
Sec. réd» — Ensi travilliés hommes et chevaus leur convint
le nuit gésir sour celle rivière tous armés, cascuns sou cheval en
sa main par le frain ; car il ne les savoit à quoi loyer, par def-
faute de jour et pour deffaute de leur charoi qu il ne puissent
avoir menet parmi tel pays que deviset vous ay. Ensi ne men-
gièrent toute le nuit li cheval, ne le jour devant de avainne nulle,
ne de fourage, et euls-meismes ne goustèrent tout le jour, ne le
ISO LA PLUIE
nuit, que cascuns son pain qa*il avoit derrière lui trovseet, end
que dit vous aj, qui estoit de le sueur dou cheral tous soolliés
et ordes ; ne il ne burent d*autre bruvage que de le rivière qui
là couroit, formis aucuns signeurs qui avoient bouteilles pleines
de Tin, ce leur porta grant confort; et n*eurent toute le nuit ne
feu, ne lumière, et ne le saToient de quoi faire, horsmis aucuns
signeurs qui avoient tortis aport4^ sus leurs sommiers.
Quatr. réi. — Ensi travilliés, hommes et cevaus, les convint
là celle nuit jessir sus la rivière tous armés, casquns son cheval
en sa main tenant par la bride ou par la longue, car on ne avoit
de quoi les loyer, ne on ne sa voit à quoi, et tantos fu tout nuis. Et
ne mengièrent li ceval toute la nuit, ne le jour devant d avainne,
ne de fourage, fors de lerbe de le prée en pasturant, qui petit leur
dura. Et euls-meismes n eurent le jour, ne la nuit, aultre pitance
que le seul pain que il avoient troussé derrière euls ou bouté en
lor sain, liquels pains estoit tous souillés et mouilliés de la sueur
des chevaus ou de lor sueur mcismes, ne il ne burent d aultre
breuvage que de la rivière qui là couroit. Il i pooit bien avoir
auquns signeurs qui avoient troussé des boutelles plainnes de
vin , et ce lor fist grant confort. Et n'eurent toute la nuit, ne
feu, ne lumière, horsmis auquns signeurs qui avoient aporté
tortis sus leurs sommiers.
Enssi que vous oés et à tel meschief passèrent li Englès
et leurs routes celle nuit et sans hoster selles et sans désar-
mer. Et quant li désirés jours fu venus sour quoy il espé-
roient à avoir aucun confort pour yaux et leurs chevaux
aaisier pour mengier ou pour logier, ou pour combattre as
Escos * qu'il convoitoient moult * pour le grand désir qu'il
avoient de yssir de ceste raésaise et povretet là où il
estoient, adont coummencha à pleuvoir et pleut toute le
«-• QtM il déti noient moult à titmver.
GROSSIT LA RITIÈRE. i51
journée ^ si fort et si ouniement que ainschois nonue passée
la rivière sour laquelle il estoient logiet, devint si grande
que nuls ne le peuist passer à cheval, ne autrement, par
quoy nul del ost ne pooit aller, ne envoyer veoîr où il
estoient cheut, ne où il peuissent trouver fourraige, ne litière
pour leurs chevaux, ne pain, ne vin, ne autre cose pour
yaux * soustenir. Si les convint junner tout le jour enssi
que le nuit, et les chevaux mengièrent terre avoecques le
wason ou bruyères et feuilles d'arbres ', et copper plançons
de bois à leurs espées et baselaires tous ployans pour les
chevaux loger et verges pour faire * hutes ^ et maisoncelles
pour yaux muchier. Et commanda li roys très le matinée et
ordonna à chevauchier • à aucuns compaignons qui par rai-
son dévoient mieux congnoistre le pays. Si chevaucièrent
et trouvèrent environ nonne, ne say trois ou quatre povres
hommes del pays qui ouvroient ens el bois. Si leur fu
demandé où il estoient cheu, ne en quel marche, et il disent
que il estoient à XIIII lieuwes englesces pries dou Noef-
Castel sur Tin et à XI lieuwes pries de Cardoel en Galle,
et si n*avoit nulle ville plus pries là où on peuist rien trou-
ver de vitailles pour yaux aisier, et tout ce raportèrent li
coureur au roy et as seigneurs.
Q^atr. Hd, — Ensi que vous poés oïr et à tel mescîef pas-
sèrent-il la nuit, sans ester les selles de lors chevaus, ne euls
désarmer. Et quant li désirés jours fu venus, ou quel il espé-
roient à avoir auqun confort et auqune adrèce pour euls et pour
les cevaus, adont commença-il à pleuvoir et pleut tout le jour
si ouniement et si fort que, avant nonnes passées, la rivière
devint si grande que nuls ne le peuist passer. Si les convint
* Qui encore plus les desconfit. — * Aisier et. — ' Et les rachines
que avoir on pooit.— *■ Hutelettes... logettes. — • Pour trouver aucune
atêivtui'e.
153 LES ANGLAIS
jeûner tout le jour otant bien que la nuit, et les chevaus men-
gier terre avoecques le wason ou bruière toute dure ou fuelles
d'arbres ; encores non avoit unes qui valoit, et leur convenoit
coper plançons de bois à lors espées ou baselaires tous ploians,
pour lors chevaus lojer, et verges pour faire hucelettes pour
euls muchier. Considérés Testât d'armes et des poursieutes à
gens de bien et d'onnour se il cstoient aise, et ne savoient à
dire où il estoient. Environ heure de nonne, auqun povre
homme, ouvrier de carbon au bois, furent trouvé des variés
qui estoient aies as verghes au bois pour euls logier ; il furent
amené devant les signeurs liquel orent de lor venue trés-grant
joie. Il lor fu demandé où il estoient : il respondirent que il
estoient à quatorze lieues englesces pries dou Neufchastiel-sur-
Thin et à onse lieues de Carduel en Galles, et si n'avoit nulle
ville plus priés de là, où on peuist rien trouver pour euls
aisier.
Ces nouvelles oyes et entendues, li roys et 11 seigneur
envoyèrent tantost celle part chacuns son messaige sus
petits chevaux et ses sommiers pour aporter pourvéanches,
et fist-on savoir de par le roy en le ville dou Noef-CastieU
que qui voroit gaignier, si amenaist pain, vin, avaine et
autres denrées, on li paieroit tout secq et le feroit-on con-
duire au sauf-conduit allant et venant en Tost. Encoires leur
fist-on savoir que on ne se partiroit de là entour jusques
à tant que ou saroit de certain que li Escot estoient devenus
ou que on se seroit combatu à y aux. A l'endemain environ
heure de nonne, revinrent li message et li sommier que li
roys et li seigneur y avoient envoyet et raportèrent ce que
peurent de pourvéanches pour yaux et leurs mesnies :
grandement ne fu-ce mies. Et avoecques yaulx vinrent gens
pour gaigner, qui amenèrent sur petis cevaux et petis mules
pain mal quit en paniers, povre vin en grans baris et autres
REÇOIVENT QUELQUES VIVRES. lo3
denrées à vendre, dont moult de gens et grant partie de
Tost furent durement apaîsiés, et ensi de jour en jour tant
qu'il demourèrent là environ VIII jours sour celle rivière
entre ces montaignes, en attendant chacun jour le sourve-
nue des Escos qui ne savoient que li Englès estoient devenu,
ne ossi li Englès ne savoient riens d'iaux, dont trop leur
anoîoit. Ensi furent li Englès sus celle rivière entre ces
bruyères trois jours et trois nuis sans pain, sans vin, sans
chandelles, sans avainne et sans fourraige, ne aultres pour-
vëanches , et apriès par l'espasse de IIII jours qu'il les con-
venoit acater ung pain mal quit VI estrelins ou VII, qui ne
devoit valloir * que une obole estreline * et ung galon de vin
XXIIII ou XXVI estrelins, qui n'en deuist valloir ' que .
quattre*. Encorres y avoit-on si grant rage de fammine que
li uns le toUoit l'autre hors des mains des marchans dont
pluiseur hustin et débat vinrent des compaignons des ungs
as autres. Encoires avoecques tous ces meschief il ne cessa
point à plouvoir toute celle sepmainne, par quoy lors selles,
peniaux, caîngles et contrecaingles furent tous pouri, et
tous li cheval ou le plus grant partie quassés sur le dos, et
ne savoient de quoy fîerer chiaux qui defferés estoient,
ne de quoy couvrir fo.^s de leurs tourniquiaux d'armes. Et
ossi n'avoient-il là li plus grant partie que viestir, ne de
quoy yaux couvrir pour pleuve, ne pour froit, fors que de
leurs auquetons et de leurs armeures. Et n'avoient de quoy
faire feu fors que de verde laungne qui ne pooit durer
encontre le pleuve, ne de quoy alummier quant estains
estoit, fors d'une pierre et d'une pièce de fier.
Quatr. rid, — On prist ces hommes, on les monta sus
chevaus pour ensengnier le chemin, on envoia tantos et sans
*-• Qa'an parisis. — ** Que six.
i54 LES AKGLAIS
délai de par le roi nonchier au Neufchastiel-sus-Thin que qui
voloit gaigneri on Venist avitallier roost. Et i furent de Toost
envoyés plus de deux cens petis chevaus pour aporter vivres
pour les mestres, mais 11 cheval estoient si foullé et si lassé
que il ne pooient aler que le pas, et fut tout nuis avant que il
venissent au Neuf-Chastiel. Quant ces nouvelles furent sceues au
Neuf-Chastiel, que 11 rois, lors sires, et lors gens estoient en tel
lieu et en tel dangier, toutes manières de gens si prissent
priés que de trousser vins et viandes et cervoises, et foins et
avainnes pour les chevaus, et se missent tantos à voie, non
sus les chevaus que il avoient amenés, mais sus autres qu'il
prissent tout reposés. Environ mie-nuit vinrent li premier en
Foost, dont on ot grant joie , car hommes et chevaus estoient
si afamet que plus ne pooient.
A Tendemain dedens heure de tierce , fu li hôos assés
avitaillie , et quisirent toute celle nuit li four, et se hastèrent
à faire dou pain : à painnes estoit la paste escaufée quant il le
tiaioient hors dou four, et le metoient en sas et en paniers, et
puis sus petis chevaus il vinrent en Toost. Tout estoit requelliet
en bon gré et vendu, et furent chil de Toost grandement apai-
siet, et flst li rois donner as trois povres hommes que lors gens
avoient trouvé, dont il avoient eu celle adrèche, vint livres à
Testrèlin. Et séjournèrent là li rois et toute li hoos sus la
l'ivière de Thin huit jours tous entiers, attendans que li Esco-
<;ois retournassent, mais il n'en avoient, ne oïrent nulles nou-
velles. Aussi li Escoçois ne savoient riens des Englès et les
psquievoient par avis de pais che qu'il pooient, et se tenoient
en la marche de Carduel, entre roces et montagnes es païs
inhabitable. Ces huit jours que les Englois séjournèrent sus
la rivière de Thin, attendans la revenue des Escoçois, il tra-
villièrent tellement le païs de pourvéances et si les quissent
que un pain d'un estrelin , on lor vendoit sjs. Encores le
toloient-il l'un l'aultre. Vin tout bahuté, le galon qui no valoit
en devant que sys estrelins, il l'achatoient vingt-quatre estre-
lins. Chars avoient -il assés, mais toutes aultres cofies lor
REÇOIVeilT QUELQUES VITRES. 1ÎM5
astoient si chières et si court tenues quMl n*en pooient recou-
rrer. Et encores ayoecques tout ce meschief, il ne cessoit point
de pleuvoir, par quoi lors selles, panneaulx et contresenglei
furent tout pouris, et tout ii cheval ou la plus grant partie
quassé sus le dos, et ne savoient de quoi cheuls ferrer qui
estoient desferret, ne de quoi couvrir fors que de leurs tourna-
quiaus d*armes, ne euls-meismes encontre la plueve il ne se
savoient comment deffendre, et passoient bien souvent, quant
il aloient et venoient pour quérir pourvéances ou pour veoir
Tun Taultre, en la bourbe jusques as queuvilles. Et encores
avoient li Hainnuier trop plus dur parti que li Englois, car
depuis basses vespres il ne 8*osoisnt desfouchier, mais tenir
ensamble et faire doubles gais toute nuit pour la doubtance des
archiers de Lincole, qui volontiers les eussent couru sus et fait
grant damage, se il ne doubtassent le roi et les signeurs à cou-
rouchier. Et n*avoient de quoi faire feu fors que de verde lagne
qui ne voloit ardoir, et n avoient ne pot, ne chaudière, ne cau-
dron, car tous lors charois estoit demorés derrière, qui ne pooit
venir par nul cemin jusques à euls pour la diverseté dou païs,
et rotissoient toutes lors cars et avoient trop grant défaute de
sel et ne savoient à quoi boire de Taigue ou de Faultre breu-
vage quant il en pooient avoir, fors en vasselles que il avoient
fais des escorses des ormiaus et d^aultres arbres dou bois.
A tel meschief, mésaise et povreté demourèrent et furent
li Englës et leur routes entre ces montaingnes et le ditte
rivière toute celle sepraaine sans savoir nulles nouvelles
des Escos que cuidoient (jue il duuissent là ou assés pries
passer ou repasser pour retourner en leur pays. De quoy
grant murrauration coummencha entre les Englès, car aucun
volloient ammettre as autres qui avoient dounnet le conseil
de là venir, en tel point que il Tavoient fait pour trayr le
roy et toutes ses gens, siques pour ce fii ordonnet entre les
156 lft'Rlll>RES Dr.S ANGLAIS.
seigneurs que on se mouveroit de là et rapasseroit-on le
ditte rivière VII lieuwes par deseure, là où elle estoit plus
aisieule à passer. Et fist-on cryer que chacun s'apareillast
pour deslogier Tendemain et siewist les bannières, et
encores fu adont cryet de par le roy que qui se vourroit tant
travillier qu'il peuist raporter certaines nouvelles au roy là
où il peuist trouver les Escos, li premiers qui li raporteroit
aroit * X livres de terre à l'estrelin en hiretaige * et le feroit
li roys chevalier.
Quatr. réd, — A tel mescief, mésaise et povreté demorèrent
li Jones rois d'Engleterre et ses gens entre ces montagnes, sus
la rivière dou Thin, toute une sepmaine, sans oïr, ne savoir
nulles nouvelles des Escos, et les atendoient sus le pas où il
quidoient que il deussent repasser, mais li Escaçois qui sont
soutil de guerre, sceurent bien prendre un aultre cemin; car
il congnoissent otant bien toute le marce où il estoient, aloient
et venoient, que il font lor païs d'Escoce. Quant les Englois
veirent le dangier où il estoient (et ni avoit si fort, si jone, ne
si joli qui ne fust tous pesans de mérancolie), grande murmu-
ration se commença à eslever en Toost, et parloient moult
diversement li pluisseur Englois sus ceuls qui donné avoient
ce consel de là venir le roi, et que tout avoit esté fait pour le
trahir et ses gens aussi. Quant chil qui ce consel avoient
donné, entendirent que li peuples parloit estrangement sus
euls, si se doubtèrent que rébellion ne montast en Toost, et
aussi li rois dist, qui oy son peuple murmurer, (car les plaintes
en vinrent jusques à lui), que on euist aultre ordenance, car
reste ne valoit rien. Adont fu avisé et ordonné que on se
départiroit de là et cemineroit-on sept lieues plus hault viers
Carduel au-desus de la rivière, et là le repasseroient toutes
gens au large assés aisicment. Si se deslogièrent dou lieu où
il avoient esté huit jours, le bon matin, et sievirent les banières
*•• Cent livres de rente.
OR DÊCOtnrRK L£S ÉCOSSAIS. i57
le roi, ensi que 11 marescal de Toost les menoient. Et fu adont
nonchié et crjé de par le roi que qui se vodroit tant avanchier
et travillior que on peuist trouver les Escos, chils qui les pre-
mières nouvelles certainnes en raporteroit, li rois 11 feroit déli-
vrer en deniers apparilliés cent livres d^estrelins.
Quant ces nouvelles furent esparses et publiées parmy
l'ost, si eut on grant joie pour le cause du deslogement.
Adont se partirent del host aucun chevalier et escuyer
englès jusques à XV * pour le désir de gaingnier celle prou-
messe et passèrent le rivière en grant péril et montèrent
sour les montaiugnes et puis si se départirent en diviers
lieux, et se mit chacun à l'aventure par lui. L'endemain tous
li os se desloga, et cevaucièrent ce jourassés bellement, car
le ceval estoient foulet et mal livret et mal fieret et quoissiet
es caingles et sus le dos, et fisent tant qu*il rapassèrent le
rivière à grant malaise, car elle estoit grosse pour le plou-
vaige pour quoy il en y eut des baigniés et des noyés. Et
quant il furent rapasset, il se logièrent là endroit, car il trou-
vèrent fourraige es prés et as camps pour le nuit passer
dallés une petite vilette que li Escot avoient ars à leur pas-
ser. Si leur sambla qu'il fuissent cheu ' à Londres ou à
Paris *. L'endemain il se départirent de là et chevauchièrent
par montaingnes et par vallées toute jour jusques priés de
nonne que on trouva aucuns hamelés ars et aucunes petites
campagnes où il avoit bleds et prés, siques tous li os se loga
là endroit celle nuit, et le tierch jour chevauchîèrent-il en
tel mannière et ne savoient là où on les menoit, ne de cer-
tain où il estoient, ne il n'ooient nulles nouvelles des Escos,
et le quart jour ossi tout eu tel mannière jusque à heure de
' Ou seize... jusqu'à seize ou dix-huit. — *> En paradis.
458 O» DÂCOUYRE
tierche. Adont vint ungs escuyers fortement et roidement
achevauchant par deviers le roy et li dist : « Sire, je vous
« apporte nouvelles. Li Escot sont à trois lieuwes pries
« de chy logiés sus une belle montaigne et vous atendent là
« et y ont bien estet ^ VIII * jours et ne savoient nouvelles
« de vous non plus que vous ne saviés nouvelles d'iaux. Che
« vousfay-ge ferme et vrai. Car je me embati si pries d'iaux
« que je fus pris et mené en leur ost devant les seigneurs
« pour prison: si fui enquis et demandés que jequéroieouje
« aloie et ossi dont partis estoit. Adont leur dis-je nouvelles
« de vous et comment vous les quériés et le grant désir que
« vous avez d'iaux combattre. Et tantost li seigneur me
« quitèrent me prison quand je leur och dit que vous don-
« ries cent livres de terre à l'estrelin à celui qui premiers
« vous aporteroit certainnes nouvelles d'iaux, par tel con-
cc dition que je leur juray et créantay que je n'aroye repos
(c jusques adont que je vous aroye dit ces nouvelles. Et
c( dient li Escot, che sachiés, que ossi grant désir ont-il de
« combattre à vous que vous avez à yaux, et les trouvères
ce là endroit sans fautte. »
Quatr, réd, — Adont se missent en queste auqun esquier
dou pais, chil qui mieuls le congnissoient, pour la convoitise de
gaignier celle promesse et passèrent la rivière en grant péril et
montèrent les montagnes, et puis si se départirent li uns çà et
li aultres là, et se ordonnèrent à trouver les Escos. A Tende-
main toute li hoos se deslogea, et cevauchièrent ce jour assés
bellement, car lor chevaus estoient moult foullé, et vinrent là
à Tendroit où ordonné estoient de repasser la rivière et la
repassèrent en grant péril. Quant il furent tout passet, une
petite lieues en sus, il trouvèrent un village que li Escoçois
avoient ars à lor passer, et une belle prée qui respondoit au
«-« Six.
LES ÉCOMAIS. 159
dit Triage et à la nvière, et là se logièrent et prissent en grant
plaisance ce qu'il trouvèrent, car il lor fu avis, temprement il
auroient nouvelles des Escos, car il convenoit que il fuissent
passet par là et en trouvoient les traces, et se tinrent là celle
seule nuit. A Tendemain, il s en départirent et cevauchièrent
par montagnes et par vallées, et trouvèrent auquns petis hame-
lès que les Escoçois avoient ars, mais il ne veoient homme, ne
femme, tout s'en estoit fui et repus pour la doubtance d'euls, et
trouvèrent auqunes petites campagnes de bleds et de prées, et
là se logièrent toute li hoost. Et le tierch jour chevauchièrent
en tel manière, et ne savoient li plus où on les menoit, et
n'ooient nulles nouvelles des Escos. Considérés la grant painne
et diligence que il rendoient à trouver les maleois Escoçois, et
se contentoient mal li auqun de ce que on les proumenoit ensi,
et disoient : c Nennil, nous travillons en vain : les Escos sont
€ retrait, grans jours sont passé, car aultrement se il ne fuissent
c enclos en terre, nous en euissions oj nouvelles. > Au quart
jour sus Teure de tierce , evous revenu trois esquiers deviers
les marescaus, qui les Escoçois avoient trouvés et parlé à euls.
Tantos li deus marescaus, messires Thomas Wage et messires
Lois Haj, fissent cesser loost, dont dissent te utes gens : f Nous
c avons nouvelles : chil chevauceant ont trouvé les Escos. >
Messires Thomas Wage amena ces esquiers deviers le roi.
Quant il fujrent venu jusques au roi, il li dissent : c Sire, cer-
« tainement nous avons veu les Escos et la place là où il
c sont logi^t et aresté, et à ce que il monstrent, il vous
c atendent, et avons parlé à Tun de lors hiraus , et disoit que
c il vefioit de Durâmes et vous quidoit là troaver et vous
c portait la bataille, et nous mena si avant sus son conduit
c que nous avons veu une partie de lor convenant^ et là vous
c menrons, se vous volés. > — c Oïl, dist li rois , nous ne
,c désirons aultre cose. » — c Et sont-il lonch de chi? >
demanda li rois. — c Sire, oil : environ sjs Ëeues engiesces. »
-■»» „-if * ■-•
itiO LES ANGLAIS
Tantost que li roys entendi ces nouvelles, il flst tout Tost
là çndroit arester en ung bled pour les chevaux paistre et
ressengler, d'encoste une blanche abbaye qui estoit toutte
arse, que on claminoit au temps le roy Artus le Blanche
Lande. Là endroit se confessa ^ cascuns pour tantost morir
ou vivre -. Et si fist le rois là endroit dire grand fuisson de
messes pour acumenier chiaux ^ qui acumenier se vol-
loient *, et asséna tantost bien et soufBssamment à Tescuyer
les C livrées de terre que proummis avoit et le fist là endroit
chevalier devant tous. Apriès, quant on fu ung petit repo-
set et desjunnet, on sonna le trompette. Lors monta chacuns
à cheval, et fist-on les bannières chevaucher, enssi que chils
nouveaux chevaliers les conduisoit, et tousdis chacune
bataille par li, sans desroutèr par montaingne, ne par vallée,
mes toudis rengies enssi que on pooit et que ordonné estoit,
et tant cevaucièrent en cel arroy que environ miedi il
vinrent si priés des Escos que il les virent clèrement, et li
Escot yauxossi.
Var. prem. réd, — Le roy flst assigner le dit escuier de le
rente que lui avoit promise, et demanda à son conseil qu il avoit
à faire. Après le conseil, celui matin, fist le roy chanter plui-
seurs messes. Si se confessa et s'acumenia et ceulx qui il leur
pleut; et puis se disna chascun de ce qu'il peut avoir, puis
sonnan les trompettes et monta à cheval. Si fist-on les banières
chevaucier au conduit de celui gentilhomme qui savoit le che-
min, bien ordonnéement comme pour attendre la bataille. Si
chevaucèreut ensy jusques à midi, qu'ils furent si aprochiet
qu'ils virent les Escos, et les Escos eulx aussi.
Q,uatr. réd, — Adont se traïssent li signeur en consel, et fu
conseillé que ce jour on entenderoit à ses armeuies remettre
» • A son loyal pooir. — ** Qui dévotion en avoient.
8B POETESIT BN AVJkMT. 161
à pQi#t, qiM e^tpi^nt «ouUi^a, ot à rend^mwi tout Ia paa on irait
cell^ pa,r]U Si se )og9. touk U hoo^ celte puit e^ w^ beUe qMSi-
pague de bleds, et fu li rois logiés en um abbéie que oa cl^une ou
païs le clostre Saint-Pierre, et est de blans monnes, et ne T^voiei^t
point ays li Escocois pour tant que Tabbé estoit cousins à un
baron d'Escoce, le siçneur de Lindesée, et estoit chils en celle
cevauchie. Encores fu demandé à ces trois esquiers pourquoi
li hiraus n'estoit venus parler au roi , quant si mestre Tavoient
envoyet jusques à Durâmes pour lî trouver et les signeurs, et
faire son message. Il respondirent à ce et dissent : c Nous li
c remonstrâmes bien et le volions amener avoecques nous,
• mais il qous pria que nous vosisions faire son message, et se
f monstroit à estre dehetiés : c est la cause pour quoi il s'en
t retourna deviers se3 signeurs. « En celle abbéie se loga li
rois celle nuit, et toute li hoost là environ, et pooit avoir quatre
lieues eng^esces de là qù li Escoçoia estoient logiet. Qaf^i^t ce
vint au matin, on sonna le premier son des trompâtes, do^t
s'ordonnèrent et apparillièrent toutes gen^, et se traÏ3sent U
signeur deviers Tabéie, et trouva-on les monnes et biaucop de
prestres , tous revestis et apparilliés pour dire messe. Si se
confessèrent et aquommunièrent grant fuisson de ceuls de
Foost et missent en bon estât ensi que pour entrer en bataille
et atendre Taventure. Les messes dittes, on sonna secondement
les trompètes. Adont se desmuèrent toutes gens et prissent en
gré ce que il avoient. Au tierch son de la trompeté dou roi, on
fu tous près, on monta à cbeval, on se départi, et aloient M
trol esquier, qui les nouvelles avoient aporté des Escocois,
devant, et xo^poieut les banières, et tant chevauchièrent, e&
tournait deu3 monta^neo, que il vinrent si priés des Es<)0& V^
il 1^ veirefit tpat clèr^^ient» et |es E3CO8 eul3.
Si tr^stos qtie li Ëscot perchurent les Ëngtes Venir, it
yssirent de lors logeis tou3 à piet et ordounèrent trois
I. — raoïMAiT. 11
163 LBS ANGLAIS SB ftANGEHT
bonnes batailles ^ faiticement * sour le desyaler de le mon-
taigne là où il estoieut logiet. Par desoubs celle montaigne
couroit une rivière forte et rade, plaînne de caillaux et de
si grosses pierres que on ne le peuist bonnement oultre-
passer en haste maugret yaux, sans trop grant meschief, et
plus avant si li Englès euissent le rivière passet, se n'y
avoit point de place entre le rivière et le montaingne où li
Escot se tenoient, où il peuissent avoir rengiet, ne 'estendu *
leurs batailles. Et si avoient li Escot leurs II premières
batailles ordonnées et estaublies sour II crouppes de roches
là où on ne pooit bonnement monter, ni ramper, pour yaux
^ assaillir, et il pooient bien les Englès tous defroissier et
i lapider de pierres se il euissent passet la rivière et il les
f volsissent approchier ^.
t Quant li seigneur d'Engleterre veyrent le convenant et
l Fordonnanche as Escos , il fisent toutes leurs gens des-
cendre à piet et hoster les espérons et rengier les III batailles
enssi que ordonnées les avoient l'autre jour. Là endroit
furent fait grant fuisson de nouveaux chevaliers. Et quant
ces batailles furent rengies et ordonnées, messires Jehans
de Haynnau et V des plus grands seigneurs d'Engleterre
amenèrent le jovène roy à cheval pardevant touttes les
batailles pour les gens d'armes plus • resbaudir '', * et prioit
moult * très-gracieusement *^ que chacuns " se penast de
bien faire " et de garder se honneur, et faisoit commander
sour le teste que nus ne se mesist devant les bannières ^', ^^ ne
ne s'esmeust *^ jusques à tant que on le commanderoit. Ung
petit apriès, on commanda que les batailles alaissent avant
y *•• Franchement. — *-* Ordonnet. — • Et n'eussent peu les Englès
I nullement retourner. — *-^ Donner ceur. — * Et aloit li dis rois tout
le pas à cheval devant euls. — •*• Doucement. — **'" Fust preudons
, «t loyaux. — ^' Des mareschaus. — *^''* Ne se desrieolast.
EN ORDRE DE BATAILLE. 163
par deyîers les annemis tout bellement le petit pas. Enssi
fn fait. Si alla bien chacune bataille ainssi ung grand boun-
nier de terre avant jusques au dévaller de la montaigne, et
tout ce fu fait pour veoir se li Escochois ^ se desrouteroient
point * et pour veoir comment il se maintenroient; mes on
ne peult perchevoir que il se meuwissent de riens, et si
estoient si pries de l'un Tautre, que on congnissoit bien par-
tie de lors armes, et ossi feissent-il de celles des Englès.
Adont les fist-on arester tout quoy pour avoir aultre cons-
seil et fîst-on aucuns ^ compaignons monter sour courssiers
pour escarmuchier as Escos et pour aviser le passage del
. rivière et pour veoir leur convenant de plus pries. Et
encores leur fissent li Englès à savoir par les hiraux de
leurs pays que s'il voUoient passer la rivière et venir oultre
au plain pour combattre, il se retrairoient arrière et leur
livreroient assés bonne place pour leurs batailles rengier et
ordounner, et le feroient tantost ou l'endemain ou matin, et
se ce ne leur plaisoit, que il volsissent faire le cas pareil. Et
quant li Escot oyrent ce, il eurent consseil et * respondirent
as hiraux d'Engleterre qu'il ne feroient ne l'un ne l'autre,
mes li roys et tout si baron veoient bien qu'il estoient en
son royaumme et le avoient ars et gastet. S'il l'en anoioit,
si le venist amender, car là demourroient-il tant qu'il leur
plairoit *.
Quant lî conssaulx le roy d*Engleterre oyrent ce et
virent qu'il n'en aroient autre cose, il fisent cryer et com-
mander que chacuns se logast là endroit où il estoit sans
recuUer. Lors se logièrent, chacuns au mieux qu'il pot, et
*'* — Ne s'avaleroient point. -— ^ Appers. — * Yans conseilliet.
tantost. — * Et 86 il ne pooient venir par-là, il alaissent autour dea
montagnes querre la voie.
164 CRIS DES ÉCOSSAIS.
furent celle nuit moult à mësaise sonr dure terre et pierrte
sâuvaiges et tondis armés, et encoires à grant meschief
recouvroient li garchon de ^ pès * et de verghes pour loyer
et attacher les chevaux, et n'avaient ne fouraige, ne litière
pour yaux aaisier, ne ^ laigne * pour faire feu; et quant li
Escot perchurent que li Englès estoient logiés en tel roan-
niëre, il fisent demourer aucuns de lors gens sur les places
là où il avoient estaublies leurs batailles, puis se retraissent
à lors logeis et âsent tantost tant de feux que merveilles
estoit à regarder, et âsent entre mienuit et jour si grast
j bruit de corner de leurs grans cors* tous à une fie, de * jap-
per ^ apriès tous à une voie, que il pooit sambler as Englès
que ce fuissent tous li diaubles d'enfer • qui là fuissent venu
pour yaux estrangler^. Enssi et en celle mësaise furent li
Englès logiet celle nuit qui fu le nuit Saint-Pierre à l'entrée
d'aoust, l'an de grâce mil CCCC.XXVII.
Var. frem. réd. — Quant le conseil des Englès virent qu'ils
ne se pooient aultrement avanchier, si furent coorechié. Dont
flst-on crier et mander par les marissaulx, qup chascun se
logast au mieulx qu*il pooit. Si le firent, et furent celle nuit
moult à mésaise. Et quant les Escos virent qull se logoient si
près d culx, ils firent demourer partie de leur gent là où ils
avoient ordonné leurs batailles, puis se retrairent les aultres à
leur logis, et firent plenté de grans feus, tant que à merveilles.
Et firent devant mie nuit si grant bruit de corner de gros
cornés et de huer à plaine geulle tout à une fois, qu'il sambloit
que tous les déables d'enfer fussent là venu. En tel point
estoient les deus osts, qui fu droit le nuyt Saint-Pierre entrant
aoust, Tan MCCC.XXVII. Et quant vint à Tendemain que le jour
fu beaux et clers, pluiseurs seigneurs oyrent messe. Si sonnan
*-• Pela... peuls... pieux. — •-* Basce. — * l^t d« buissines. —
•-' Huer. — ••• Qui là fuissent entre eul«.
B8CÀEII0UGHKS ENTRE LES DEUX ARMÉES. i65
laf trompes, et fu chascnn armés et les batailles ordonnées
comme devant. Et quant les Escos les virent remis en tel estât,
il revinrent aussi remettre leurs batailles comme devant. Ainsi
demourèrent les deux osts jusques après midi, que oncques les
Esços ne firent samblant de venir vers les Englès ; ne aussi les
Englès ne les pooient aprochier, fors à trop grant dommage.
Adont pluiseurs compaignons bien montés passèrent le rivière,
et les aucuns A piet ; si couroient escarmuchier les uns aux
auhres. S*en j eut de prins et de mors et de navrés d'un costé
et d'autre. Après midi , le roj flst savoir à tous que on se
rstraist aux logis, car on ne Oedsoit là riens fors perdre. Dont
ploiteiirs forent lies, car ils estoient moult fort travilliés.
Quant ce vint à rendemain le jour Sain^Pierre^ li solaus
leva biaus et clers, et fu li airs assés atemprés et en boin
point. Si oïrent li seigneur messe, et quant la messe fu ditte,
on flst chacim armer et les batailles rengier enssi quo le
jour devant, et quant li Escot virent reugiet les' Englès, il
se vinrent de recief ossî bien rengier sus le pièce de terre
comme le jour devant, et demourèrent les II os tout le jour
enssi rengiés jusques apriès midi que li Escot ne fisent
oncques semblant de venir vers les Englës, et ossi li Englès
ne les pooient bonnement approcbier, sans trop grand mes-
chief, ne aller assaillir. Pluiseur apert compaignon del costet
d^Bogleterre, qui avoient cevaux dont il se pooient aidier,
passèrent le rivière, et aucun à piet pour escarmuchier à
yaux. Et ossi s'en desroutèrent de le partie as Escos aucuns
qui couroient et racouroient tout escarmuchant li ungs as
aultres tant qu*il j ot des mors, des navrés et des prisons
d'un les et d'aultre. Enssi comme apriès midi li seigneur
d'En^^eterre fissent assavoir à tous que chacuns se retrai-
sist i se loge, car on estoit l pour noyent, et li pluiseurs le
166 LES ANGLAIS
lisent vollentiers, car il estoient lasset et travilliet et
anoyeux de ce qu'il ne pooient riens faire.
Quatr. réd. — Quant ce vint à Fendemain, li signeur oi'rent
messe ; la messe ditte, on fist casqun armer, et les batailles
rengier, ensi que le jour devant. Quant li Escoçois perchurent
Tordenance des Englois, il s'en vinrent parellement tout rengiet
et en bataille Tun devant Tautre tout ce jour jusques apriès
nonne que onques les Escoçois ne fissent samblant de venir
sus les Englois, ne les Englois sus euls, car il ne les pooient
bonnement aprochier sans trop grant meschief. Et avint que
pluisseurs compagnons englois, liquel avoient chevaus, dont il
se pooient aidier, passèrent la rivière, et li auqun à piet pour
escarmuchier à euls, et aussi se desroutèrent auquns Escoçois
qui couroient et recouroient tout escarmuchant li un à Taultre,
tant que il i eut des mors, des blesciés et des pris, des uns et des
aultres. Sus celle heure, li signeur d'Engleterre fissent à savoir
que casquns se retraisist as logeis, car bien veoient que il
estoient là pour noient. Si se retraïst casquns à son logier.
Enssi demeurèrent li Englès là par trois jours et li Escot
d'autre part sour lor montaingiie sans départir. Toutesfois,
le jour y avoit grans escarmuches d'une part et d'autre et
souvent des mors et des pris, et toutes les viesprées à le
nuit li Escot faisoient par coustume si grans feux et tant et
si grant bruit de jupper et de corner tout à une voie qu'il
sambloit proprement as Englès que cefuist ungs drois enÊers
et que tout li diauble fussent là assamblé, par droit avis.
Li intention des seigneurs d'Engleterre estoit de tenir ces
Escos là endroit comme asségiés, puisqu'il ne se pooient
bonnement à yaux combattre, et les cuidoient bien affammer
en leur pais, car nul pourvéanche ne leur pooit venir; et si
ne se pooit de là partir enssi qu'il cuidoient pour raller en
BU raÉSERCB DES ÉCOSSAIS. 167
leur pays, et si savoient bien li Englës par les prisons qui
pris estoient, que li Escot n*avoit nulle pourvëanche de
pain, ne de vin, ne de sel. Desbestes avoient-il à grant fuis-
son qu'il avoîènt prises ou pays. Si en pooient mengier * en
seuwe * et en rost à lor plaisir sans pain et sans sel à quoy
il n*acontoient nient graroment mes qu*il euissent ung peu
de farine à le fois dont il usent ainssi que dit vous ay par
deseure, et ossi en usent bien aucun Englès, ^ quant il
besoingne ^.
QiuUr. réd. — En tel estât furent-il par trois jours, et li
Escos d aultre part sus leur montagne, sans départir, et tous
las jour i avoit hommes escarmuchans de une part et d'aultre,
et souvent des mors et des pris. Et toutes les viesprées , les
Escos faisoient par costume si grans feus et tant et si grant
bruit de juper et de corner que ce pooit estre une mervelle ;
mais li Englois qui congnoissent lor manière, n en font compte
et bien dient : c Olà! les diables qui se resvellent, qui nous
• quident esfréer et eshider par lor juperie. • Li intension
des signeurs d'Engleterre estoit que de tenir ces Escos là
endroit pour asségiés puisque il ne se pooient bonnement à
euls combatro et les quidoient bien affamer, car nulles pour-
viances ne lor pooient venir, et si ne se pooitnt de là partir,
ensi que il quidoient, pour râler en lor pals fors «iue par lor
dangier. Et si savoient bien li Englois, par les prisonniers qui
pris estoient, que les Escos n*avoient nulles pourvéances do vin,
de pain, ne de sel. Des bestes avoient-il assés, si en pooient
mengier en sève et en rost, sans pain et sans se!, à laquelle
cote, quant il lor touche, il n*acomptent point granment, mais
que il aient de la farine et une plate pierre à faire des oublios,
et aussi ne font auquns Englois, ne Gallois : il sont tout de
une painne et de une matère et condition.
*'* Ed pot. — *** Quant il sont «a laon eh«Tanehies et U leur
168 LES icOSSÀlS OCCUPENT UNE AUTRE POSITION.
Au quart jour au matin, li Euglès fesgardèrent viers te
montaîgne où li Escot se estoient tenu, mes adoût il n'y
virent nului \ car il s'en estoient parti à le mienuit. Si en
eurent li seigneur grant merveille et ne pooient apensser
qu'il estoient devenu. Si^ envoyèrent tantost gens à cheval
et à piet par les montaignes, liquel les trouvèrent enfour
l'eure de primme logiës sour une autre montaigne plus forte
que celle devant n'estoit, sus celle rivière meysme, et
estoient logiet en ung bois * pour estre plus repus * et pour
plus secrètement aller et venir quant il voroient. Et * sitost
que li roys oy ces nouvelles ^, on fist Tost deslogiér et Venir
• tout droit ' celle part vers îeâ Escos et se logièrent sus une
autre montaigne à l'encontre d'iaux *. Et si trèstos que li
Èscôt virent venir les Englès, il yssirent hors de lors logeîs
et s'en vinrent * rengîer faiticement^* assés priés de le rivière
contre les Englès, mes oncques ne vorrent " venir " vers
yaux, et li Englès ne pooient nullement aller à yaux qu'il
ne fuissent tous perdus ou mors ou pris à grant meschief.
" En tel manière comme vous oës, estoit de céste ave-
nue ". Li Englès estoient logîës de une part de le rivière et li
Escot d'aultré, et demorèrent en tel estât ^* XVIII "jours
* Dont il furent moult durôm^nt esbabi. — •-' Pour plus estre à
repos. — *-* Sitost qu'il furent trouvet. — *' Tout ordonnëement. —
* Et fist-on les batailles rengier et faire samblant que dealer vers yaus.
••*• Mettre en bel arroy. — "" Descendre, ne venir — " •* En tele
manière estoient li uns d'une part de la rivière et li aultre d'aultre,
en grant painne et en grant povretë et famine... Si vous di bien pour
Tëritë, li une host et li aultre en ces sëjours eurent moult de mësaises
de faim et de soif. On se puet et doit esmervillier seloncb le povre
pais où li Englès estoient , comment il purent ce dangier porter et
endurer, mais le grant plaisance que il avoient as armes , les faisoit
68^ Mnsi. ^ " «• VIII.
MOVYKLLBS ESCARMOUCHEI^. 169
et XVni tiùîs sus celle seconde môiiitaighe ôt torts ïès jours
rêftgrës Tub cotître l'autre. Si y eult pluiseurs escarftiôuchéà
èïi le rivière et sus le rivaîge d'aucuns archîers et lëgîers
cottipaigtions qui s'aventuroient, et par pluiseurs fois, ce
tîerme durant, li Englès envoyèrent leurs hîraux, et priés
tous les jours* parlementer as Escos que il volsissent livrer *
pièce de terre deviers yaux ou il le livreroient, tant que
eombatu se fuissent, mes oncques li Escot ne s'i Torrent
acorder, ne prendre parchon que li Englès leur offresissent,
de quoy lî roys et li seigneur d'Engletérre estoi^t tout
courchiet, et si ne le pooient amender que ce ne foist trop
i leur grant dammaige. Si n'eurent oncques li Escot, tout
ce temps que je vous compte, pain, ne vin, lie isel, ne qùlr
tanet, ne conrëe pour faire estiviaulx, ne solefs, aîns fàî-
soient solers de quir tout crus atout le poil ; et li Englès de
l'autre part n'estoient raie trop à aise, car il ne avoient de
quoy yaux logier, ne de quoy couvrir, ne où aller fourrager
fors en bruyères. Si puet chacuns savoir que il avoient
grant faute et grant mésaise de leurs tentes et de leur
caroy, de leurs coses et de leurs hostels qu'il avoient en
devant fès, ordonnés et achatés pour yaux servir et aaisier,
et si les avoient en ung bois laissiet sans garde etne savoient
où c'estoit, ne il n'y pooient venir, ne envoyer. Enssi en
celle cache et poursuitte des Escos furent li Englès ung
mois tout plain à tel meschief et à tel mésaise que vous avez
oy, que touttes leurs pourvéanches leur estoient faillies à
leur plus grand besoing, et comment que pourvéanche leur
venist à vendre tous les jours de plusieurs costés, si n'eu-
rent-il oncques si bon marchiet que uns pains mal quis et de
mauvais bled ne leur coutast trois estrelins englès, qui ne
« Tret^er «t. — • Place et.
170 ATTAQUE DE GUILLAUME DE DOUGLAS.
âeuistvalloirque ung denier parisis à le ville, etung gallon
de povre vin escauifet VII estrelins, qui ne valloit au tonnel
que III. Enssi vivoieut-il à dur et en grand meschief et
livroient leurs gardions par portion bien e«carsement, car
encoires avoient-il paour de plus grant fammine et que
argent ne leur fausist par trop longue demorée.
Var. prem. rii. — Si y demourèrent Fespasse de XVIII
jours. Et moult de fois les Englès envoleront par leurs héraulx
requerre aux Escos que paisiblement il passaissent la rivière
ou il le peuisscnt passer adân qu'ils eussent plache pour
combatre. Mais oncques les Escos ne s'i vaurent acorder, ne
prendre le parchon ; et si vivoient en tel povreté qu'il n'est
homme qui n^en deuist avoir pitié ; et pareillement les Englès,
nonobstant que un pau euissent-il mieulx que les Escos.
Or dist li comptes que le première nuit que li Englès
furent logiés sour celle seconde montaingne, messires Guil-
laumes de Douglas/ qui estoit moult preux, hardis et entre-
predans *, prist environ le mienuit ' CC * armures de fer et
passa celle rivière bien loing au dessus de Thost as Englès,
par quoy on ne s'en perchuist, et se féry en Tost des Englès
moult vassamment en criant : « Douglas ! Douglas ! » et
disant : « Vous y morez tous entre vous, '^ Engiès *, » et en
tua adont ^, il et se compaignie, plus de CGC et féri des
espérons jusques devant le propre tente du roy, tondis
criant et huant : c Douglas ! Douglas! • et coppa II ou III
des cordes de le tente del roy, puis s'en parti à tant. Bien
puet estre qu'il perdi aucuns de ses gens à se retraire,
mes che ne fu mies gramment •.
*■* Le Taillant guerroier. — •■* CGC— ■*• Signeur laron... seigneun
et barons. — "^ Ains qu'ils cessassent. » * Et là fist un fait d'armet,
grant et honnourable... et retourna arrière devers ses compagnons en
le montagne.
ALARMES DES ANGLAIS. t71
Quatr. réd. — La première nuit que li Englois furent logiet
BUS celle seconde montagne à rencontre des Escos, messires
Guillaumes de Douglas, comme preus et entreprendans cheva-
valiers quil fu, issi de lor hoost environ Teure de mienuit,
atout deus cens armeures de fier en sa compagnie, et passa
celle rivière bien lonch de lor hoost, par quoi on ne s'en
peuist apercevoir, et se féri moult vassaument en Toost des
Englois en criant : t Glas ! Glas ! » et commenchièrent ils et
si compagnon à faire une grande envai'e et à coper et meha-
gûîer gens et à abatre, (car ce fu sus le point dou premier
somme), et portèrent grant damage à Foost, avant que on
puist estre fors pour euls rebouter, et furent si priés de la
tente dou roi que il copèrent des cordes de sa tente, et puis se
retraïst sagement et à petit de damage.
En tel manière que je vous ay compté, demorèrent li
Englès XXII jours sus ces II montaingnes devant les Escos,
tondis escarmuchant qui escarmuchier voUoit et prièsque
tous les jours, rengiés les ungs contre les autres une fois
ou II ; et moult souvent quant on estoit retrais et désarmés,
recrioit-on : « As armes ! Li Escot sont passet. » Si les
convenoit armer de rekief et puis trouvoit-on que c'estoit
bourde. En apriès il convenoit guetter touttes les nuis par
connestablies sus les chans en III lieux et à III costés de
rhost, apriès ce que messires Guillaumes de Douglas eut fait
ceste envaye que vous avés oy ; et commandoit-on bien et à
cascun gart CC armeures de fier, car cascun jour don-
noit-on à entendre à ces seigneurs d'Engleterre que li Escot
estoient tout ordonnet de venir par nuit courre sour yaux,
caf il ne se pooient plus enssi tenir, ne endurer telle fam-
mine. Ces nouvelles faisaient plus ententievement guaitier
les Englès que nulle autre cose, et estoient de ces ghais
travilliés avoecques le mésaise et le povreté qu*il enduroient»
172 ALARXSS DBS AII6LAIS.
de qnoj li Haynnier et chil qui estoient là ayoeeqnat mmi-
seigneur Jehan de Hajnnaa, estaient là en ung dnr partie
car il lenr convenoit faire II gnais, Ton avoecq les -sel*
gneurs d*Engleterre par Tordonnanche des marescbanz» et
Tautre pour les arcbiers d*Engleterre qui plus les hëoient
que il ne fesissent les Escos, et bien leur disoient et leur
reprouvoient souvent le fiëre et dure bataille qu*il leur
avoient fet à Ewruich, enssi que vous avës oy^ et souvent
les appeloient mourdreours. Enssi estoient-il toudis par jour
et par nuit en trop grandes paours, en paour des Escos qui
si pries leur estoient, en paour des archiers englèa qvi
entre jaux se logoient, et en paour de plus grant ûmumne
et grant mésaise avoir par trop longe demourëe.
Var. prem. rii. — Après ce que messire Guillamme de
Douglas eut fait celle envaie, furent Englès plus en doubto
que devant. Si fu ordonné que on feroit trois gués de nuit sur
trois lés de Fost, et en chascun CC armures de fer; car, p«r
aucuns prisonniers des Escos, ou savoit assés qu'il ne pooieBl
longuement endurer celle paine ; et de tant estoit-il mieiilx
besoing de soj garder d*eulx. Sachiés que à ces guàs fiiiN
pstoient durement travillict les Hajnnulers ; car il leur ocmh
venoit faire le guet contre les Escos, et se les convenoit gaitier
pour les archiers, qui plus les hrjoient qu*il ne faisoient las
Escos, et bien pensoient d oulx vengier de ce qui leur fu ûdt à
Ewruich ; et ce tenoit les Hajnnuiers en doubte.
Sec. rid. — Depuis n'i eut riens fait; mais toutes les nuis
li Englès faisoient grans gués et fors, qui se doubtoient dou
resvillement des Escos ; et avoient mis gardes et escoutes en
certains licus, par quoj, se cil sentissent, ne oissent riens, il k
segneflassent en Tost ; et gisoient prièsqne tout li signenr «n
leurs armeurcs. En cel estât furent-il XXII Jours tos ose
U mentagnes li ans devant Tantre. Et tous les joun y aveit dss
RBTEAITB UM iCOfi&AIS. |75
Mcamraoet, «t ascanmioait qui MoarmucUeF voloit : «i «a y
aroit aoavent de« mon, des^pm, des navrés, des hléehiés et des
aésaisiés des ans et des aultres.
QiuUr. rii. — Celle envare âst li chevaliers, dont il acqaist
tant grant renomée des Englès meismement. Et pour la doub-
tance de lui et que tels escarmuces ne lor sourdesissent, li
Englès renforchièrent lors gais et missent grant gardes et
escoutes, autour de lor hoost, afin que de nuit il ne fuissent
•ouspris. En cel estât furent-il rint-deuz jours sus ces deus
montagnes, li un devant Taultre, et tous les jours i avpit des
eecarmuoes, et des mors, des pria et des hledés.
* Le XVIII"* jour "fti pris à Tescarmuchier uns chevaliers
escos qui moult euvis volloit dire as seigneurs d*EngIeterre
le convenant des leurs, et touttefois tant fu-il enquis et exa-
minés qu'il s'en descouvri ung petit, car on li eut en convent
i faire douche raenchon. Si dist ainssi que leur * souverain ^
avoient entre yaux acordé le matin que chacuns fliist armés
au viespre et que chacuns sieuwist le bannière monseigneur
Goillaume de Douglas quel part qu'il voroit aller, et que
oharuBs le tenist en secret; mes li chevalier ne savoit de
eartain qu'il avoit enpensset. Et quant li seigneur d*Engle-
tmre eurent che 07, si se conseilliirent entre jaux ung
gnmt temps et ne savoittit bonnement que ymaginer sus
ceste cose, et regardèrent que seloncq eee parollea li Escot
poroient bien venir de nuit brisier et assaillir leur est i
II costés pour yaux mettre en aventure de vivre ou de
morir, car plus ne pooient endurer leur famine. Si ordon-
nèrent li seigneur entre yaux que leurs III batailles fuis-
sent rengies * en III lieux * devant leurs logeis, et que on
*'* L« daarrain joor des XXII. — *-^ L«s capitaiiies dès Bscos —
•^ Ea III pièces de terre.
474
RETRAITE
fesist grans feux enmy chacune place , par quoy on veist
plus cler li ungs l'autre par nuit, et que toutte le nuit cha-
cuns gésîst armés en ces trois places pour atendre l'aven-
ture de Dieu et pour y estre trouvés plus enssamble, et que
tout garchon demouraissent as logis pour garder les che-
vaux. Tout enssi comme il fu ordonnet, enssi fu fet, et jurent
toute celle nuit chacuns tous sus armes en le place devant
le feu ^ et desoubs les bannières, le teste sour le cul ou
sour les jambes de son compaignon *. Quant che vint sour
le point de] jour, II trompeurs d'Escoce s'enbatiront sour
l'un des gais qui guettoient as chans ; si furent pris et
amenés deviers les seigneurs et le consseil del roy, et disent
li trompeur : « Seigneurs, que guettiés-vous chy? ^ Vous
a atendés chy endroit pour noyent ^, car ^ soyés tout cer-
« tain que li Escot en sont tous rallés très-devant le mie-
« nuit, et sont jà IIII ou V lieuwes loing et nos enmenè-
« rent avoecq yaus bien une lieue loing pour doubtanche
« que nous ne le vous nonchissiens *, et puis nous donnèrent
« congiet de le vous venir dire. »
Quatr. réd. — Le darrain jour des vint-deus, fu pris uns
chevaliers des Escos à Tescarmuce, qui moult envis voloit dire
as signeurs d'Engleterre le convenant des leurs. Se fu-il tant
enquis et examinés que il dist que lors chapitainnes avoient
entre euls acordé le matin que casquns fust armés au vespre,
et que casquns sievist la bannière messire Guillaume Douglas,
quel part que il vodroit aler, et que casquns le tenist en secré,
*-* Cascuns desoubs se banière ou sen penonciel, sicom il estoit
ordonnet pour attendre l'aventure, car il espéroient as&és bien, selonch
les parolles dou chevalier, que li Escot les resvilleroient , mes il n'en
avoient nul talent, acçois fisent par aultie ordenance bien et sage-
ment. — ''^ Vous perdes le temps. — ' Sur l'abandon de nos testes.
• Trop tost.
DES ÉCOSSAIS. 175
mais 11 cheyaliers ne pooit savoir quel part la banière Toloit
aler. Sus ceste parole, li signeur d'Engleterre se consilliërent
ensamble et ne pooient penser où ceste banière se vodroit
traire, et faisoient doubte que il ne les venissent escarmuchier
par nuit et brissier lor hoost sus deus costés, pour euls mieuls
mettre en aventure de vivre ou de morir, car il avoient entre
euls grant famine. Si ordonnèrent li Englès entre euls trois
batailles et se rengicrent sus*" trois lieus devant leur logeis et
fissent grant fuisson de feus pour veoir plus cler autour de
euls, et fissent demorer tous les garçons en lors logeis pour
garder les chevaus et se tinrent ensi celle nuit tout armet,
casquns desous sa banière ou son pennon, et proprement li rois
i estoit, et le convint veillier aussi bien comme les aultres, et
attendirent les Escoçois en cel estât, qui point ne vinrent, mais
se ordonnèrent autrement bien et sagement, car si tos que la
nuis fu venue, il furent tout prest et se départirent sans faire
noise, ne cri, et furent moult eslongié avant que il fust jours.
Quant ce vint sus le point dou jour, doi trompeur d^Escoce
qui trop avoient dormi, s^embatirent sus un guet qui guetoit
les camps et estoit là establis à manière d^escoute. Li trompeur
furent pris de ceuls et amenet devant les signeurs dou consel
dou roi, pour tant que il estoient Escot. On lor demanda où il
aloient et quel cose il quéroient. Il congneurent vérité et dissent
que lors gens estoient parti tantos sus la vesprée et s'en aloient
férant à Tesperon arrière en Escoce.
Quant li seigneur entendirent chou \ il eurent consseil et
Tirent qu*il estoient décheu en lor quidier, et disent que li
chachiers apriès les Escos ne leur pooit riens valloir, car on
ne les poroit raconsuiwir; mes encoires par doubtance de
décevement li seigneur tinrent les II trompeurs tous quoys
et fissent demourer tout Tost jusques apriës heure de
* S*en eurent grant merveille.
176 LKS iBOLAV
primme, lors s'en r^la cbacuns à se loge pour U aidsier, ut
li seigneur allèrent à consseil pour savoir quel cose oa
feroit. Endementreus aucuns des compaignons englèa «t
haynuyers montèrent sur leurs ronchins et passèrent 1%
rivière et montèrent contremout le montaingne où li Bsoot
avoient estet logiet, qui estoit roide et forte à monter et
malaisie, si allèrent vers les logeis des Escos, et trouvèrent
plus de V^ grosses bestes et crasses, tantost mortes, que U
Escot avoient tuet pour tant que elles ne les peuwissent
sieuwir, et si ne les volloient mies vives laissier, par quoy
li Englès en euissent leur aise. Et si trouvèrent plus de
CGC chaudières faittes de quir atout le poil pendus sur le
feu, plainnes de char et de yauwe pour faire boullir, et plus
de mil chartiers plains de pièches de char pour rostir, et
plus de X" vies solers usés, fes de quir tout crut atout le
poil, que li Escot avoient là laissiet, et trouvèrent V povres
prisons englès que li Escot avoient loyés tous nus as arbres
par despit, et II à qui il avoient les jambes brisies. Si des-
loyèrent les povres prisons et les laissièrent aller, et puis
s*en retournèrent à leurs loges et contèrent as autres tout
ce qu'il avoient trouvet.
SêC. réd. — Quant li signeur englès entendirent chou , il
eurent conseil et veircnt bien qu'il estoientdéoheu en leur cuidier,
et disent que li caciers apriès les Escos ne leur pooit riens valoir,
car on ne les poroit raconsiewir ; et encores pour doubtance de
décevement, li signeur détinrent les II trompeurs tous qnois,
et les âsent demorer dalés yaus , et ne rompirent point leur
ordenance, ne Testablissement de leurs batailles jusques apriès
prime. £t quant il veirent que c estoit vérités et que li Escot
estoient parti , il donnèrent congiet à tout homme de retraite
à se loge et de lui aisier * ; et li signeur alèrent à conseil pour
' De ce qa*il aToit.
AU CAMP DES ÉCOSSAIS. 177
regarder que on feroit. Entrues aucuns des compagnons englès
montèrent sus leurs chevaus et passèrent le dessus ditte rivière
en grant péril, et vinrent sus le montaigne dont li Escot estoient
parti le nuit, et trouvèrent plus de V grosses bestes grasses,
tantost mortes , que 11 Escot avoient tuet , pour tant que elles
estoient pesans et ne les euissent peu siewir ; et si ne les
voloient mies vives laissier as Englès. Et si trouvèrent plus de
' IV * chaudières faites de cuir atout le poil, pendues sus le feu,
plainnes de char et d'yawe pour faire boulir, et plus de M has*
tiers plains de pièces de char pour rostir, et plus de ' X^ ^ vies
solers usés, fais de cuir tout crut, atout le poil, que li Escot
avoient là laissiet. Et trouvèrent Y povres prisonniers englès
que 11 Escot avoient lojet tous nus as arbres, par despit, et
n qui avoient les gambes brisies : si les deslojèrent et lais-
sièrent aler, et puis revinrent en Tost si à point que cascuns se
deslogoit et ordonnoit pour râler vers Engleterre, par lacort '
dou roy et de tout son conseil.
Quatr. réd, — Tantos 11 signeur âssent monter trois ou quatre
hommes des leurs et aler veoir sus la montagne se il disoient
vérité ; il raportèrent (chil qui envoyet i furent) que oïl, et que
voirement en estoient li Escoçois aie. Dont se tinrent li signeur
à déceu et voiront bien que li poursievirs ne lor valoit riens.
Or montèrent pluisseurs Englois sus la montagne pour veoir
comment les Escos estoient là ordonné et quel cose il avoient
laissiet derrière. Chil qui montèrent à mont à grant painne,
trouvèrent grant fuisson de grosses bestes, vaces, buefs et
viauls tantos mors , que les Escoçois avant lor département
avoient ocis afin que les Englois n*en euissent aise. Et trou-
vèrent plus de trois cens caudrons pendans à havès de bois,
plains d'aiguë et de car, et ces caudrons fais de quirs atout le
poil, et trouvèrent plus de mille hastiers plains de chars pour
rostir au feu, et trouvèrent plus de djs mille viels solers fais
i-t iiK^i^v».
I. — riOtMAlT. \%
178 RETRAITE
de quirs tous orua atout k poil, qud ks Ëscos avoient £à lait-
siet, et trouvèrent cinq povros prisonniers englès que lee Ësoos
àvoient tous nus loyés as arbres ; si les desloyèrent et deos
aultres à qui li Escot avoient les jambes brisies, et puis retour-
nèrent en Toost si à point que casquns se deslogeoit et ordonnoit
pour retourner viers Engleterre.
Or dist li comptes que quant li rois vit que il h*avoit nuls
des Escos et que il s*en estoient ensi larchoneusement parti,
il fu moult courouciés. Si demanda consseil comment il en
pourroit user pour le mieux. Si eut consseil que on se des-
logeroit, car li plus sieuwirs, ne li chachiers ne leur estoit
mies proufi tables. Lors fu-il cryet et nonchiet au deslogier,
et sachiés que dou deslogement toutes manûières de gens
en furent moult aise, car il estoient forment travilliet et
chevauchièrent et sieuwirent les bannières tout ce jour, et
au soir il se logièrent en ung biel prêt et trouvèrent assés à
fourer, qui bien besongnoit à leurs chevaux, qui estoient si
foullet et afiammet, si ésfondut de froit et de pleuve, et si
desfroissiet de leurs povres selles que à grant meschief les
pooient-'il cachier avant, ne seoir sus pour le froissure, car
il n'avoient peniel, ne cengle, ne oontre-cengle, culière,
bride, ne poitrail, que tout ne fuissent desromput et pourri.
Ains en conveïioit le plus faire pennaux de vies wanbais ou
de vies pourpoins ou de vies flassars, qui avoir en pooit
pour mettre desoubs leurs selles et cengles de sourcengler,
et avoecques ce li plus de leurs cevaux estoient defferet par
deffautte de fier et de marescaux et y vendoit-on clous de
fier, chacun doux VI estrelins : encoires tous liet qui les
pooit avoir, par quoy on poroit bien dire, qui tous les mes-
chiefs, les mésaises, les travaux et les paours aroit
consideret de le première chevauchie et de ceste autre, que
DES ANGLAIS. 179
oncques si jovènes prinches comme li gentils roys estoit,
n'avoit empris, ne enduret deus si dures, si travillans, ne si
périlleuses chevauchies comme ces deus avoient estet, et
ambedeux dedens une année emprises et acbievées, et si
n'avoit li roys que XVI ans, ainssi le disoient tous li plus
preux del ost et cil qui plus avoient veut. Enssi furent-il
celle nuit logiet en cel biel prêt dallés ung biel park. Si se
aisièrent ainssi qu'il peurent et de ce qu'il eurent, car grant
besoing en avoient, ce puet bien chacuns savoir et dire, et
dormirent celle nuit ung petit mieux asseur que il n'euissent
fet fuison de nuit par devant.
Yar. prem, rid. — Quant le roy vy que la poursieute des
Escos plus avant ne leur pooit rien valoir, si se porta le conseil
d'eulx deslogier, qui fu grant joie à pluiseurs , car ils avoient
enduré moult de paine et de povreté. Si chevaucèrent toute
Jour si avant qu'il se trouvèrent au soir en ung bel pré où il y
avoit assez à paistré pour chevaulx.
Sec^ réd, — * Si siewirent tout ce jour les banières des mares-
chaus *, et vinrent logier de haute heure en ung biel prêt où il
trouvèrent assés à fourer pour les chevaus, qui leur vint bien
à point, car il estoient si f cibles, si fondut et si affamet que à
painnes povoient-il avant aler.
Q,uair. rid. — Si suyvirent tout ce jour les banières des
mareschaus et vinrent loger de haute heure en une moult belle
prée où il trouvèrent fourage assés pour lors chevaus, qui lor
fist grant bien ; car il estoient si foibles que à painne pooîent-il
aler avant.
L'endemain se deslogièrent et chevauchiërent tout celi
jour assés bellement pour les chevaux déporter jusques à
*** Si furent tont cellui jour les bannières des mareschaux toutes
detplofées.
180 EDOUARD m
Teure de vespres que il vinrent dallés une grant court
d'abbeie à deux lieuwes priés de le cite de Durem. Si se
loga li roys celle nuit en celle court , et tout li os se loga
contreval les prés, et trouvèrent assés à fourer, herbes, vèces
et bleds. L'endemain se reposa li os là endroit tous quois,
et li roys et li seigneur allèrent veoir le chité et le église
de Durem. Et adont fist li roys féautté à l'évesque et as
bourghois, car fait ne l'avoit encoires. En celle cité de
Durem trouvèrent li seigneur d*Englelerre et de Haynnau,
leurs charettes et leurs charetons et tout lor harnais que
il n'avoient veu XXXII jours avant, et les avoient layet à
heure de mienuit en ung bois, ainssi que vous avés oy comp-
ter par devant. Et les avoient îi bourghois de le chité, qui
trouvet les avoient ou bois, fet amener à leur coustages
en le chité, et les avoient fet mettre en wuides granges,
chacune charette atout son penonchel pour recongnoistre.
S'il furent lies et joiant quant il oirent ces nouvelles, che
ne fet point à demander, car tous leurs draps et leurs avoirs
estoient sus les charrettes. Si n'avoient que vestir fors leurs
pourpoins puans et flairans, tous pouris de pleuve et de
sueur, et pures bray^s pouries et mal lavées. Si se renou-
vellèrent celle nuit de touttes coses, qui bien leur besou-
gnoit.
Va/r, prem. réd. — L'endemain chevaucèrent tout bellement,
tant qu'ils vindrent à une court d'abéie, à II lieuwes près de la
chité de Duram. Se s'i loga le roy et ses gens au mieuls qu'ils
peurent. L'endemain ses gens passèrent emprès Duram, et le
roy et aucuns des seigneurs entrèrent dedens , là où ils
trouvèrent leur caroy et harnois qui y avoient esté par trente-
deux jours, dont il furent bien joieux.
Sec. réd, — L^endemain il se deslogièrent et chevauchièrent
encores plus avant et s'en vinrent logier de haute heure dalés
A DURHAM. 181
une grande cour d'abbeje, à II liewes priés de le cité de Du^
remmes. Si se loga li rois le nuit en celle court, et 11 hos contre
val les prés. Si trouvèrent assés à fourer, qui leur vint bien à
point, herbes, vèches et blés. L'endemain se reposa li hos là en-
droit tous quois, et li rois et li signeur alèrent vers 1 église de
Duremmes ; et adont âst li rois féaulté à Téglise et à Tévesque,
et ossi à le cité et as bourgois ; car faite ne Tavoit encores. En
celle cité trouvèrent-il leurs charetons et leurs charettes et tout
leur harnas que il avoient lajet XXXII jours en devant en ung
bois à mienuit, sicom il est contenu chi-dessus ; et les avoient
li bourgois de le cité de Duremmes, qui trouvet les avoient ens
ou bois, amenet dedens leur ville à leur coust, et fait mettre en
wides granges, cascune charette atout son penonciel pour reco-
gnoistre. Si furent moult liet tout li signeur, quant il eurent
trouvet leurs charettes et leur harnas, et reposèrent II jours
dedens le cité de Duremmes, et li host tout autour, car mies ne
se peuist toute logier en le ditte cité ; et fisent leurs chevaus
référer, et puis se misent à voie devers Ebruich.
Quatr. réd, — Il trouvèrent une grande court d^abéie où 11
rois fu logiés celle nuit, et estoient à deus lieues de Duram.
Encores se tint là li hoos à Tendemain, car il trouvèrent pour
lor chevaus, vèces, bleds et avoinnes et bons foins, qui lor vint
trop grandement bien à point, et li rois ala oultre à Durâmes
et tout premiers à Téglise catedral et i âst féaulté, car encores
il ne li avoit point fait et se 11 devoit faire, et aussi S& bourgeois
de laditte ville, et sus le point de nonne, toute li hoos s'avala à
Durâmes, et se logièrent là ou environ, et pansèrent les valès
lors chevauls, et bien avoient mestier de trouver foin, avoinne
et litière. En la chité de Durâmes trouvèrent les signeurs lors
charetons et lors carettes et tout lor harnas que il avoient
laissiet, trente-deus jours avoit, en un bois à mienuit, sicom il
est contenu ichi desus en nostre histore, que les bourgois de
Duram avoient là amenet et boutet en wides granges, et casqun
char et charette atout sa banière ou pennonciel, et les avoient les
ISS UBTOUR
dis bourgoisgourernésjusques à ce jour. Si îvireat moiiK veëyaS
ii signeur quant il les trouTèrent, lors variés et lors ceraus
tons rafresquis. Si se tinrent là trois jours et s'i rafresquirent,
et fissent ferrer lors ebevaus qui grant besongne en avoient, et
tant en obéi à referrer que li fiers failli, et se convint aidier de
ceminiaus , de bandes de cbars et de bastiers de fier et de
quievilles, et coustoit uns fiers pour un cbeval d*un seul piet
sept sols estrelins. Encores i eut si grant presse sus les trois
jours que il furent à Durâmes, que bien la tierce pars des cho-
yaus furent encloés.
L*endemain fisent-il leur petis chevaux râteler à leurs
charettes et se misent à le voie apriès le roy et les seigneurs
et leur conroj. Si vinrent dedens trois jours apriès à le
bonne chité de Ewruich, là où madame Ii royne estoit et
atendoit le revenue de sou fil et des autres seigneurs, de
quoy yaux revenus en le ditte chité, il se traisent chacuns
en son hostel enssi qu'il s*en estoit partis, mais jà s'estoient
11 plus des Englès départis et pris congiet au roy, et cha-
cuns rallés vers soq pays et vers se maison, forsmis aucuns
des barons et des chevaliers qui demorèrent dalés le roy
pour lui faire compaîgnie. Si demorèrent messires Jehans
de Haynnau et toutte se routte dalés le roy et madame se
mère, et furent li Haynnuyer grandement bien festyet et à
bon loisir et honnoret del roy, de medame le royne, des
seigneurs qui là estoient, des dames et des damoiselles, et
relivra chacuns ses chevaux, qui tous estoient fondus et
affolés, auconsseil le roy, et fist chacuns somme pour lui et
ses chevaux mors et vis et de ses frès : si en fist li rois se
debte enviers le dist monseigneur Jehan de Haynnau, et li
dis messires Jehans s'en obliga enviers tous les compai-
gnons, car liroys, ne ses conssaulx ne peuist sitost recouvrer
▲ YORK. 48S
ms haste de tant d^argent que li cheval montoient. Mais on
leur délivra assés d'argent par raison pour revenir en leurs
pays, et puisedi dedens Tannée furent-il tout secq payet, de
tout ce que li cheval montoient. Et quant il eurent refivret
leurs chevaux, il racatèrent haghennées pour yaux rapor-
ter, et renvoyèrent tous leurs garchons et leur gros harnas,
touttes sommes, malles et bahus dont il n'avoient là que
faire, par mer, et les misent en grosses naves qui les
ramenèrent à TEscluse, et il s'en revinrent parmy Engle-
terre, et les fist li roys accompaignier et aconvoyer de
bonnes gens d'armes, pour le doubtance des archiers qui
trop les hayoient et qui au départir de l'ost trop fprt mane-
chiet les avoient. Pour celle cause et que li roys ue volsist
nullement que messires Jehans de Haynnau, ne se route,
euissent rechupt nul danamaige, les âst-ii aconduire de
XII chevaliers et de bien CGC armures de fer, dont messires
Thumas Wage estoit chief, et les amenèrent tout sauve-
ment à Douvres. Là prissent-il congîet et s'en revinrent
arrière deviers le roy, et li Haynnuyer rappassèrent le
mer et vinrent à Wuissant, et là dounna congiet messires
Jehans de Haynnau à chiaux qui partir se vorent. Si se
départirent li aucun, et s'en y eult qui demourèrent dalés le
dit monseigneur Jehan et le acompaignièrent jusques à
Vallenchiennes, où il trouvèrent le bon conte Gruillaume,
qui liement rechupt son frère, et qui li dist touttes nou-
velles, lesquelles li bons contes oy vollentiers. En telle
mannière comme je vous recorde fu ceste dure grande che-
vauchie sus les Escos départie, et s'en ralla chacun en son
lieu, et remerchia grandement messires Jehans de Haynnau
les compaignons qui en ceste cevaucie avoient estet avoecq
lui et espécialement et premièrement les plus lontaings, les
Hasbegnons et les Braibenchons et ossi tous les Hayn-
^ .* * *■
18é RETOUR
nuyers, et li prommissent au départir toutte amour et bon
service se il lui besouguoit.
Var.prem. réd. — L^endemain atelèrent carton leur harnois,
et le roy et sa routte chevaucèront tant que dedens trois jours
se trouYèrent à Ewruich, là où madame la rojne attendoit la
revenue de son fil et de ses gens , et là se retraist chascun à
Tostel dont partis s'estoit; et Tun après Fautre prinrent congiet
au roj et en râlèrent en leurs marches, hormis aucuns des
barons et des estrangiers qui encores demeurèrent pour faire
au roj compaignie. Si demeura messire Jehan de Hajnnau et
toute sa routte daîés le roy et la royne. Si furent Haynuier
grandement festoyé et honnouré, et après ce relivrèrent tous
leurs chevaulx à monstre, qui estoient fondu et affollé, et
remonstre par parolles et preuves fu faite des mors. Si fu
chascun récompensés par argent , et aussi pour leurs frais du
retour : ce eurent-ils tout secq. Si quisent les seigneurs petis
cheyaulx et haghenées pour retourner sus ; et fisent par leurs
garchons tourser baghes et sommiers, et mettre sur mer et
venir à TEscluse, et les seigneurs vinrent parmy le royalme
d'Engleterre bien acompaigniés de gens d'armes , pour les
archiers qui trop les haioient comme dessus avcs oy. Et en
conduit que le roy y envoia , pour le grant seing qu'il avoit,
furent douze chevaliers et trois cens hommes d'armes. Premiers
y fu messire Regnault de Gobeham et messire Thomas Waghe
qui estoient meneur de le route. Si les conduirent jusques à
Douvres , et là prinrent congiet et s'en retournèrent devers le
roy ; et les Haynnuiers passèrent mer et s'en vinrent à Wis-
sant , et là se partirent les aucuns de messire Jehan de Hayn-
nau, qui n'avoient point leur chemin à passer parmi Haynuau.
En ceste manière se fina l'emprinse dessus les Escos, et s'en
râla chascun en son lieu ; et messire Jehan remercia moult
grandement les compaignons, et par espécial les plus longtains,
en leur prometant amour et service s'il leur besongnoit.
A YORK. 185
Sec. rii. — Si exploita tant li rois et toute son host que
dedens III jours il y vinrent ; et là trouva 11 rois madame sa
mère qui le reçut à grant joie, et ossi osent toutes les dames
et 11 bourgeois de le ville. Là donna li rois congiet à toutes
manières de gens de râler cascun en son lieu, et remercia
grandement les contes, les barons et les chevaliers, dou service
que li avoient fait ; et retint encores dalés lui monsigneur Jehan
de Hajnau et toute se route, qui furent grandement festjet de
madame la rojne et de toutes les dames, et relivrèrent li Haj-
nuier leurs chevaus, qui tout et par espécial des signeurs
estoient enfondut et afolet, au conseil dou roj, et fist cascuns
somme pour 11 de ses chevaus mors et vis et de ses frais. Si en
fist li rois sa debte envers le dit monsigneur Jehan de Hajnau,
et lidis messires Jehans s'en obliga envers tous les compa-
gnons ; car li rois et ses consauls ne peurent sitost recouvrer
de tant d^argent que li cheval montoient, mais on lor en délivra
cssés par raison pour pajer leur menus frès, et pour retourner
au pajs ; et puissedi dedens Tannée furent-il tout pajet de ce
que li cheval montoient. Quant li Hajnuier eurent relivré leurs
chevaus, il rachatèrent cascuns des petites hagenées pour che-
vaucier mieux à leur aise, et renvoyèrent leurs garçons , leur
harnas, sommes et maies et bahus par mer, et misent tout en nefs
que li rois leurs fist délivrer ; si arrivèrent ces besongnes droit
à TEscluse en Flandres. Et il prisent congiet au roy, à madame
là rojne se mère, au conte de Kent, au conte Henri de Lan-
castre et as barons, qui grandement les honnourèrent ; et les
fist li rois acompaignier de * XII * chevaliers et CC armeures de
fier, pour le doubtance des archiers dont il n'estoient mies
bien asseguret , car il les convenoit rapasser parmi le pays de
1 evesque de Lincolle. Si se partirent messires Jehans de Hay-
nau et toute se route, ou conduit des dessus dis, et chevau-
cièrent tant par leurs journées qu'il vinrent à Douvres. Là
montèrent-il en mer en nefs et en vaissiaus qu'il trouvèrent
II.
im
BETOUR
apparUlîés, et li Bnglès . se partirent d'jaus, qui aconyoiet les
avoient, et retournèrent cascuns en son lieu; et li Hajnuier
arrivèrent à Wissant. Là se reposèrent-il par II jours, en
mettant hors leurs chevai|s et le demorant de leur hamas.
Entrues vinrent messires Jehans de Hajnau et aucun cheva-
lier en pèlerinage à Nostre-Dame de Boulongne; depuis 8*en
retournèrent-il en Hajnau, et se départirent tout li un de
Tautre, et se retraist cascun chiés soj ; mes messires Jefaans
de Hajnau s'en vint deviers le conte son frère, qui se tenoît à
Valenchiennes , qui le reçut liement et volentiers ; car moult
Tamoit. Et adont li recorda li sires de Bjaûmont toutes nou-
velles si aVant * que il les savoit *. Ainsi fut celle grande et dure
chevaucie départie, que li rois Édowars, le premier an de se
création, fist contre les Escos, liquele fu si grande et si dure que
vous avés oj.
Quatr. réd. — Au quatrième jour, on se départi de Durâmes,
et donna li rois congiet à toutes gens de retourner en lor liens»
réservé les Hainnuiers, et se commenchièrent toutes manières
de gens d'armes et d'archiers à départir et à retraire sus lors
lieus, et li rois vint à Ebruich c'en dist loroh, et là trouva
madame sa mère et grant fuisson des dames dou pais qui li
fidsoient compagnie. Si se reposèrent là li auqun signeur
dalés le roi et les dames, et relivrèrent li Hainnuier lors che-
vaus qui tout estoient effondut et afollet, au eonsel dou roi. On
les requelli courtoisement, et orent dou nouviel argent pour
racater des aultres , et fu compté et sommé à tous barons ,
chevaliers et esquiers de Hainnau en combien, tant pour cevaus
que pour gages, li rois estoit tenus envers ouïs, et en fist li rois
sa dette enviers messire Jehan de Hainnau , et li chevaliers
enviers ceuls qui Favoient acompagniet en ce voiage, et se~
portèrent li compte et les sommes si courtoisement que tout
s'en contentèrent, et ne furent pas adont tout hors pajet en
^-* Comme il les pot sçaToir comme cellui qui Teu les avoit.
▲ y<HUL.
187
denieiti appartlliés, car li recereur et offîc/er dou roi aToient
trop mis hors d'argent pour ce voiage, et quant ânanee fa
revenue, on en âst paiement à Bruges. Si fu casquns pajés et
satisfais selonch sa porsion.
Environ sept jours se tinrent messires Jehans de Hainnau
et li Hainnuier à Ebruich c'en dist lorch , depuis la revenue
dont je vous ai parlé, dalés le roi et madame la roine et les
signeurs d'Engleterre, et puis prissent congiet et . . . toui^ours
près et apparilliés de faire service au roi et au païs d'Engle-
terre. On les en remerchia moult de fois. Ensi se départirent li
Hainnuier dou roi et des signeurs, mais il envoyèrent par la
rivière dou Hombre qui rechiet en la mer et par vassiaus, la
grignour partie de lors harnois et de lors variés, liquel vinrent
depuis à Taide de Dieu et dou vent à FEscluse en Flandres, et
il ceminèrent par terre et vinrent à Londres, et les ûst li rois
aconvojer et acompagnier de messire Thomas Wage, marescal
d'Engleterre, pour la doubtance des archiers de Lincole, car il
les convenoit repasser parmi lor païs, et ne trouvèrent. Dieu
merchi, nul encombrier. £t orent li Hainnuier moult à cevau-
chier de lorch jusques à Londres, et quant il furent là venu, il
s'i rafresquirent deus jours et puis s'en départirent, et se
missent au cemin, et ne les laissa messires Thomas Wage, si
furent à Douvres , et là montèrent-il en mer et arivèrent à
Wissan. Si issirent des vassiaus, et quant il orent lors che-
▼aus, li pluisseur alèrent en pèlerinage à Nostre-Dame de
Boulongne, et li aultre vinrent à Saint-Omer, et tous retour-
nèrent en Hainnau. Messires Jehans de Hainnau vint deviers
son frère le conte et madame la contesse qui les veirent vokn-
tîars, li, le signeur de Ligne et les barons et chevaliers qui en
•a compagnie avoientesté. Ensi se portèrent en celle saison les
besongnes en Engleterre.
Dequis ne demoura guaires que li jovënes rois d*Engle-
terre, madame li royne ^ mëre, li contes de Kenrt ses
t88 AMBASSADE
oncles, ii contes Henris de Lancastre, messires Rogiers de
Mortemer, qui demouret estoient dalles le roy et son cons-
seil, envoyèrent l'évesque de Nordvich et II chevaliers sages
et bien advisés et II * clers en droit deviers monseigneur
Jehan de Haynnau, en li priant amiablement que il vosist
mettre painne et consseil que li jovènes roys leurs sires
fuist maries et que il volsist pryer à monseigneur le conte
de Haynnau son frère que il li pleuist à envoyer madamoi-
selle Phelippe sa * fille pour prendre à femme. Chil messa-
gier de par le roy» ensi que je vous di, vinrent à Valen-
chiennes en grant arroy et trouvèrent monseigneur Jehau
de Haynnau à son hostel de Biaumont et se traisent pre-
mièrement deviers lui et li disent tout ce dont chargiet
estoient : « Chiers sires, nous sommes chy envoyet de par
€ nostre seigneur le jovène roy d'Engleterre et madame se
€ mère et tout son consseil de delà, et vous pryent que vous
c voeilliez adrechier à ceste besoingne et estre dallés nous
€ et pryer à monseigneur le conte votre frère que il voeille
c acorder en cause de mariaige madamoiselle Phelippe sa
€ fille, car il Taroit plus chier que nul autre, tant pour
c Tamour de vous que dou noble sancq dont elle est
€ extraite. » Et quant messires Jehans de Haynnau eut oy
les messagiers le roy d'Engleterre et il les eut grande-
ment festyés enssi que bien le savoit faire, il les enmena
deviers le conte son frère, qui moult ' honerablement * les
rechupt ossi, et madame la contesse sa femme. Dont fissent
chil leur messaige sagement et à point enssi que chargiet
leur estoit. Li gentils et nobles prinches li dis cuens leur
respondy tost et moult courtoisement par le conseil del dit
monseigneur Jehan son frère et de madame la contesse
mère à la damoiselle, et leur dist que moult grant merchis
*■ Grands. — • BeUe. — '-^ Grandement.
ENVOYÉE EM HAlNArT. 189
à monseigneur le roy, à madame le royne et * as seigneurs •
par qui consseil il estoient là venu, quant tant leur estoit
que de li faire tel honneur que pour telle cose il avoient si
souflSsant gens à lui envoyet et que moult vollentiers s'i
acorderoit à leur requeste se Nostre Saint Père li Pappes et
Sainte Église s'i acordoit. Celle reponsce leur souffi assés
grandement, puis envoyèrent tantost II de leurs chevaliers
et II clers de droit par deviers le Saint-Père à Avignon, pour
impiétrer dispensation de celi mariaige acorder, car sans le
congiet del Saint-Père ne se pooit pour le liniage de Fran-
che dont il estoient moult prochain, sicomme en tierche
degret, car leurs deux mères estoient cousinnes germainnes
issues de II frères. Assés tost apriès ce qu'il furent venu en
Avignon, il eurent fet leur besoingnes, car li Sains-Pères et
li collèges se consentirent assés bénignement pour le haulte
noblèche dont tout doi estoient yssut.
Sec. réd. — Ne demora mies gramment de temps après, que
cils rois, madame se mère, li contes de Kent son oncle, li contes
Henris de Lancastre, messires Rogier de Mortemer et li aultre
barob d'Engleterre qui estoient demoret dou conseil le roy pour
lui aidier à conseillier et gouverner, eurent avis et conseil de
le marier. Si envoyèrent ung évesque, deux chevaliers banerès
et deux bons clers à monsigneur Jehan de Haynau pour lui
pryer qu'il vosist aidier et mettre conseil à cLe qu(* li jones
rois leurs sires fust mariés et qu'il vosist boin moyen estre, par
quqy messires ses frères li contes de Haynau et de Hollandes
li vosist envoyer une de ses filles; car il l'aroit plus cliière que
nulle aultre, pour Tamour de lui. Li sires de Byaumont festia
et honnoura ces messagiers et commissaires de par le roy
englès quanques il pot; car bien le savoit faire. Quant bien
festyés les eut, il les amena à Yalenchienes pardevers son
^"^ Aux nobles Beigneura du' conseil.
190 AMBASSADE
frère qui moult honnoiirablement les recheut osai et ]m festia
si souverainement bien que longe cose seroit à raconter. Quant
assés festjet furent, il osent leur message sagement et à point»
ensi que chargiet leur estoit. Li contes leur respondi moult
courtoisement, par le conseil de monsigneur Jehan son frère
et de naadame la contesse mère à la damoiselle, et leur dist que
moult grans mercis à monsigneur le roj et à madame la rojne
et as signeurs par cui conseil il estoient là venu, quant tant
leur estoit que de li faire tele honneur que pour tel cose il
avoient si souffissans gens à lui envoies , et que moult volen-
tiers s'acorderoit à leur requeste, se Nostres Sains-Pères li
Papes et Sainte-Église s'i acordoit. Celle reisponse leur souffi
assés grandement , puis envoyèrent tantost deux de leurs che-
valiers et deux clers en droit pardevers le Saint-Père à Avignon,
pour impétrer dispensation de celi mariage à acorder ; car sans
le congiet dou Saint-Père faire ne se povoit, pour le linage de
France dont il estoient moult prochain, sicom en tierch degré ;
car leurs deux mères estoient cousines germaines issues de
deux frères. Assés tost apriés ce qu'il furent venu à Avignon,
il eurent faite leur hesongne ; car li Sains-Pères et li collèges
sU consentirent assés bènignement pour le haute noble ce dont
tout doj estoient issut.
Quatr. réd. — Depuis ne demora pas demi-an que madame
la roine d'Engleterre et tous li consauls de li et de son fil le
roi avisèrent Tun parmi Taultre que il convenoit le jone
Édouwart roi d'Engleterre marier, et ne pooient veoir lieu,
ne hostel , par Tavis et imagination de tous et de toutes, où il
euist femme mieuls  la plaisance de li, (car on li demanda),
que en lostel de Hainnau à Tune des filles le gentil conte
Guillaume de Hainnau, et quant il li fu demandé, il commença
à rire et dist : c Oïl, il me plaist mieuls là que d'aultre part
€ et à Phelippe , car elle est moi nous concordions trop bien
€ ensamble, et plora, je le sçai bien, quant je pris congiet à
€ lui et je me parti » Adont dist madame sa mère : c Biaus
ENVOYÉE ES HAINAUT. idi
c âls^ TOUS dittes voir, et nous sommes moi et vous gra&de-
c ment tenu à nostre cousin de Hainnau, et vous verrai là plus
c volentiers mariet que ailleurs, et i envolerons souôssans
€ messages, car la damoiselle le vault bien, et escriprons et
t prierons à messiré Jehan de Hainnau que il s'en voelle dou
€ tretyer , comme bons moyens , enson jer. • On ne recula
point de ce pourpos, mais furent ordonné li évesques de
Durâmes et doi baron d'Engleterre, li signeur de Biaucamp
et messire Renault de Gobehem, et leur furent délivret lettres
et dou sourplus quanque ou dit volage pooit apertenir, et pas-
sèrent la mer à Douvres et vinrent à Wissan et ne cessèrent,
si vinrent à Yalenchiennes. Si se traïssent à hostels sus le
marchiet, au Chine, à le Bourse et à la Clef. Pour ces jours
estoient li contes de Hainnau et la contesse et si enfant au
Quesnoi. Il demandèrent où messires Jehans de Hainnau estoit.
On leur dist que il en croient nouvelles à Biaamont en Hain-
nau. D'aventure ils trouvèrent Phelippe de Castiaus qui estoit
venus à Yalenchiennes. Tantos que il sceut lor venue, il se
trest viers euls. U le recongneurent , car il Tavoient veu en
Engleterre, et estoit 11 plus proçains de messire Jehan de Hain-
nau. Il en demandèrent à lui, et il Ten dist la vérité et cevauça
à Fendemain avoecques euls et les amena à Biaumont. Messires
Jehans de Hainnau fu très-grandement resjoi's de lor venue, et
le trouvèrent pourveu et aourné de chevaliers et d'esquiers, et
madame sa femme, contesse de Soissons et dame de Dargies,
aussi pourveue de dames et de damoiselles. Là estoient li sires
de Fpg^noelles, li sires de Haverés, li sires de Wargni, li sires
de Potelleset li sires de Montegni. Chil signeur d'Engleterre
recomandèrent grandement Testât de li et de sa femme. H
monstrèrent les lettres que il avoient de par madame d*Engle-
terre et le jone roi son fil et Iprs consauls. Messires Jehans de
Hainnau rechut les lettres et les ouvri et lissi tout au lonch, et
quant il ot veu et entendu la matère dont elles parloient et que
c'estoit pour Tavancement et mariage de sa cousine de Hain-
nau , ai en fa grandement resjoîs et dist à Tévesque et as
192 MARIAGE b^ÉDOUARD lU
chevaliers qui là cstoient, que il obéiroit Yolentiers à tout œ
que on 11 avoit escript, car il i estoit tenus de foi et d*hominage.
Li gentils chevaliers âst à ces signeurs d*Engleterre la milleart
chiêrc que faii'e lor pot, car bien le savoit faire, et tant que tout
s'en contentèrent, et les tint à Biaumont deus jounT tout aise.
et puis au tierch jour, il s'en dépailirent tout ensamble et
vini'ent à Maubuege et de là au Quesnoi et trouvèrent le conte
et la contcssc bien acompagniet de chevaliers et d'osquiers , de
dames et de damoiselles dou païs, qui requellièrent toute Im
compagnie moult doucement et liement, ensi que bien le
savoicnt faire. Messires Jehans de Hainnau fu promotères de
ce mai'iage et s*en aquita bien, ensi que escript on Ten avoit,
et tant que li contes de Hainnau acorda Phelippe sa fille en
cause de mariage au jone roi d'Engleterre, voires là où 11 papes
les vodroit dispenser pour le linage, car il estoient moult
pro(;ain, lors deus mères estant cousines germainnes. En
tant ([uc de la dispensation , li ambasadour d*£ngleterre 8*en
cargièi-ent et envoyèrent en Avignon deus chevaliers et deas
clers do droit. Pour ce temps resgnoit li papes Jehans, qui des-
cendi tantos à la dispensation faire dou mariage d'Engleterre
et de Hainnau, et li fu avis et à tout le colége que c*estoit une
cose bien pi*ise, et i^tournèrent arrière à toutes les bulles de
dispensation et vini-ent à Valenchiennes deviens les signeurs,
révesque de Durâmes et les aulti^es qui là les atendoient. Si en
orent toutes \o^ parties grant joie, et fu la damoiselle espousée
par la vertu de une pi'ocuration et puis retournèrent en Engle-
teriv noncliior ces nouvelles. Pour lors estoit Phelippe de
Hainnau ou uvssime an de son eage. Longe et droite estoit «
sage, lie, humbh*, décote, lai^e, courtoise, et fu en son temps
aournée et parée de toutes nobles vertus et amée de Dieu et doa
monde.
Quant chil messagier furent revenu d* Avignon » Vallen-
chiennes à tonttes lors bulles, cbils roariaiges fu tantos
ET DB PHIUFPB DB HÀUUUT. 195
ptro^ës et affermes d*une part et d*aaltre» et ^st-on U d^^oi-
selle appareiller et pourveir ^e tout ce qui U falloit, si hon-
nerablement que il afféroit à celle damoiselle qui devoit
estre royne d*Engleterre. Quant appareillie fu» sicomme
dit est, etle fu espousee par le virtude uae pr.ocuratiop lippa-
rant souffisant qui là fu i^rtëe de par le roy d*£ngleterre.
Et puis si fu mise à le voie pour emneoer en Engle^erre
par deviers son marit qui Fatendoit à Londree, là où il le
devoit couronner. Jusques à Londres la conduisit li gentils
chevaliers messires Jehans de Haynnau ses oncles, qui
très -grandement fu recheus et honnourës dtel roy, de
madame la royne sa mëre, des autres dames, .des barons et
de tous les chevaliers d*Engleterre. Âdont eut à Londres
grant feste, grant noblèçe des seign^rS; .des con^, ,^es
barons, des chevaliers, des haultes 4aaies, 4€)3 lutultds
pucelles, ^ et moult y eult de nces .at0i^r8, ^e .bijavx §t ^e
grans paremens, de joustes et de behours poju* j'amonr
d'elles, de dansses et de caroUes, de biaux et de ^ane
mengiers ' chacun jour dounnet. Durèrent ces grandes et
nobles festes plus de III sepmainnes ainohois que elle se
dëpartesissent, et fu là en Engleterre messires J^ans de
Haynnau ung grand tierme ains qu*il s^en peuist partir,
dalës le roy et dalés le jovène royne se nièche, puis s*en
parti au boin gret del roy et de tout son conseil, et s*eji
revint arrière en Haynnau et laissa s^ont en Engleterre
dallés medame se nièche pour lui servir uiig jovène escuyer
de Haynnau qui s'apelloit adont W^^teli^ ^^e^iaflwj^ gjt^i
fu puis messires Gantiers de Mauny, bons.çIieval|ei^s, r^deSt
preux, hardis, sages et bachelereux, et moult .awés'^dou
roy ^ et de tout le pays, ainssi comme von^ orës en avant
* ' Et y eut moult nobles joostat et behoiira, belles dansses et nobles
mengiers. — *** En le court.
I. — rSOISSART. iS
194 MARUGE d'Edouard m
en l'istoire, mais nous nos tairons ung petit des Englës et
parlerons des Escos \ et quant il appertenra à parler, nous
y retourons. •
Sec. réd. — Quant cil message furent revenu de Avignon à
Valenchienes , à toutes leurs bulles, chiU mariages fu tantos
otrojé et aferiné d'une part et d'aultre. Si âst-on le devise pour-
veir et appariUier de tout ce qu'il falloit, si honnourablement
que à tele damoiselle qui devoit estre royne d'Engleterre, affé-
roit. Quant apparillie fu, sicom dit est, elle fu espousée par le
virtu d'une procuration aparant souffisamment, qui là fu apor-
tée de par lé roy d'Engleterre ; et puis si fu mise à le voie pour
emmener en Engleterre pardevers son mari, qui Tattendoit à
Londres là où on le devoit couronner. Et monta en mer la ditte
damoiselle Phelippe de Hajnau à Wissant, et arriva et toute se
compagnie à Douvres; et la conduisi jusques à Londres chils
gentils chevaliers messires Jehans de Haynau ses oucles, qui
grandement fu recheus, honnourés et festjés dou roj et de
madame la rojne se mère, des aultres dames, des barons et des
chevaliers d'Engleterre. Si eut adonc à Londres grant feste
et grant noblèce des signeurs, contes, barons et chevaliers,
des hautes dames et des nobles pucelles, de riches atours
et de riches paremens, de jouster et de behourder pour
Tamour de elles, de danser et de caroler, de grans et
biaus mengiers cascun jour donnet ; et durèrent ces festes par
Tespasse de 111 sepmainnes. Au chief de ces jours, messires
Jehans de Haynau prist congiet et s'en parti o toute se com-
pagnie de Hajnau, bien fumis de biaus jeuiaus et riches que
on leur avoit donnés d'un costé et d'autre en pluiseurs lieus, et
demora li jone rojne Phelippe à petite compagnie de son pays,
formis ung jeune damoisiel que on clamoit Watelet de Mauni,
qui y demora pour servir et taillier devant li , liquels acquist
puissedi si grant grasce au roy et à tous les chevaliers et
' Qui retournèrent en leur pays.
ET DE PHILIPPE DE HAIMÂUT. i9S
signeurs dou pays qu*il fu del secret et du plus grant conseil le
roj, au gret de tous les nobles dou pays; et fist depuis si
grandes proèces de son corps» en tant de lieus, que on' n*en
poroit savoir le nombre, sicom vous orés avant en Tjstore, se
il est qui le vous die. Or nous tairons-nous de parler de lui tant
qu'à présent et des Ënglès» et retournerons as Escos.
QêuUt. réd. — Quant li contes et la contesse de Hainnau orent
ordonné et entendu à Testât de madamoiselle Phelippe lor jQUUie»
et aourné ensi comme à lui apertenoit, qui devoit estre roine
d'Engleterre, on pourvei chevaliers et esquiers qui avoecques li
dévoient partir. Adont prist-elle congiet à son signeur de père
et à madame sa mère, et à Guillaume de Hainnau son frère, et
à Jehane et à Issabiel ses serours, car Marguerite li ainnée
n'estoit point là : avant estoit en Alemagne et aconvenenchie
à Tempereur le roi Lois de Bavière, roi d' Alemagne et empereur
de Rome. Apriès tous ces congiés, la jone roine Phelippe d'En-
gleteri*e, en Teage entre trèse et quatorse ans, se départi de
Valenchiennes en la compagnie de messire Jehan de Hainnau,
son oncle, dou signeur de Fagnoelles, dou signeur de Ligne,
dou signeur de Brifuel, dou signeur de Haverech, dou signeur
de Wargni et plus de quarante chevaliers et esquiers de Hain-
nau, et servoit devant lui adont uns jones esquiers qui se nom-
moit Watelès de Mauni, qui puis fu messires Watiers, vaillans
homme et preus as armes, ensi que vous trouvères ses grans
proèces escriptes en cette histore, car ce fu uns homme qui fist
en son temps par sens et par proèce le corps et la cavance ; et
se départirent de Hainnau pluisseur jone esquier en entente
que pour demorer en Engleterre avoecques la roine. Si chemi-
nèrent tant que il vinrent à Wissan ; si furent esquipé lors che-
vaus et mis ens es vassiaus passagiers d'Engleterre, qui là les
atendoient. Si furent tantos oultre, et là estoient li sires de
fiiaucamp et messires Renault de Gobehem, liquel avoient
atendu la venue de la jone roine bien quatre jours. Si entra la
ditte roine Phelippe de Hainnau en Engleterre à si bonne heure,
1!Ni MARI AGE O'KDOUARD 111
que tous li roiaidineB en denbt estre reigoii et la ; «hr *
temps de la roine Genièvre, qui fu femme an roi Artue et )
d*Engleterre , que on sommoit adont la Orant-Bretagae, ai
bonne roine n^i entra, ne qui tant d*onnoiir reçniat, ne qui ai
belle génération euist, car elle eut don roi Édonwart aon mari,
en son temps, sept fils et oinq filles, et tant oomme eUe veatu,
le roiaulme d'Engleterre eut grasce» prospérité, honnour el
toutes b(mnes aventurée, ne onques ftonine, ne chiar temps, de
son resgne, n'i demorèrent, enad qae tous CMréa reoordar an
Tistore.
Tant esploita la jone roine d^Bngleterre et sa eompagme
que il vinrent en la chité de Cantorbie, et alèrent veoir le
corps saint Thomas et i fissent lor offrande, et pois passerait
ouHre, et par toutes les villes où il passoient, cm lor ftuaoit féale
et honnour, dons et présens, et passèrent à Roceatre et paie à
Dardeforde et vinrent à Eltem , et là s'arestèient, et là eatoit
li évesques de Durâmes, qui par procuration Tavoit espouaé à
Valenchiennes ou nom dou roi, et grant fuisson de aigneara et
de dames d'Engleterre , qui requellièrent doucement la roine et
toute sa compagnie, et m'est avis que messires Jehaiw de Hain-
nau pour celle fois, ne li chevalier et esquier qui la raine
avoient acompagniet, n'alèrent plus avant, fors chil et oeUes qui
avoecques lui dévoient demorer, car li rois, pour oee joura, et
madame sa mère et li contes de Kent estoient en la marea die
Northombrelande. Si regardèrent li sîgneur d^Engleterre que
li Hainnuier aueroient trop de painne à aler si lonch, et en
furent déporté, et là donnés et pris li congiés de toutes parties.
Et plora la jone roine Phelippe assés, quant son oncle et li die-
valier de Hainnau la laissièrent. Toutesfois ensi fu fait. Il a>a
retournèrent en Hainnau, et li signeur et les dames ffCngie-
terre, qui de ce faire estoient cargiet, ordonnèrent lor jone
dame et renmenèrcnt, et passaient parmi Londres, «ais adont
point n*i aresta ; car on voloit que li Londryen la recfausaent une
aultre fois , quant li rois Tauroit espousé et elle seroît roine
d^Engleterre, «le tous poins et à telle solempnité comme il
ET DE PHlLirPE BB HAINAUT. 197
ertoient et sont tonn don fidre quant uno rdne d^Engleterre (et
li foia r& espooeé) e&tre la preaiièpe fois en la chité de Londres.
Tant eQploitièrent chil qui la jone roine menoient, que il vinrent
à Ebvuich. Là lu-elb recfaeute tres-solempnement et grande-
ment % et iasirent en bonne ordenance tout 11 signeur d'Ëngle-
terraqui làestoieat, à rencontre de 11, et meismement lijones
rois qui la trouva sus les camps montée sus une haquenée très-
bien amblans et très-ricement aournée et parée, et la prist par
la main et puis Tacola et baisa, et cevauchièrent coste à coste,
et à grant fuisspn de ménestrandies et d'onnours il entrèrent
dedens la chité, et ensi fù amenée jusques au lieu où 11 rois et
madame sa mère estoient logiet. La roine mère dou roi rechut
ceUe Jone roine moult doucement, car elle 8aw>it d*onnours tout
qnanque on en pooh sçavMr. Je n*ai que fkire de plui démener
ce pourpos. Li Jones rois Édouwars espousa Phelippe de Hain-
nau en Féglise catédral que on dist de Saint-Guillaume, et le»
etfouaak li arcevesques dou lieu par la vertu de la dispensation
que on avoit empêtré en Avignon, et fu le jour de la Clonversion
Saint-Pol, et avoit li rois dis-aept ans d'eage et la jone roine sus
le point de quatorze ans, et fu en Tan de grâce Nostre>Signeur
mille trois cens xxvii. Si poés et devés sçavoir que toutes
solempnités et festes sans riens espargnier furent à ces jours, et
hiraut et ménestrel largement pajet. Et se tint depuis ces espou-
sailles li rois Ëdouwars, madame sa mère et la jone roine lor
fille à Ebruich ou là environ, jusques au temps Pasqour, que il
vinrent à Londres et à Windesore, et furent de rechief là toutes
festes faites ; et i ot ou mois de mai que la roine entra en
Londrefl, grandes jouste» faites, et i furent grant fuisson de
Hainnuiers et par espécial messires Jehans de Hainnau et mes-
sires QuillauBie» de Jullers i furent, et li sires d'Enghien qui
fourjousta les joustes. Je me tairai un petit à parto de œste
Biatèr^v et parlerai des Esoopois.
Âpriè8' ce que li Bseot se partirent par nuit de le mon-
196 DBRMIBR TCnj
taingne là où li roys et ii seigneur d'Engleterre les avoient
asségiës, sicomme vous avës 07, il allèrent XXII lieuwes
de celi savage pays sans arester, et passèrent celle rivière
de Thin assés priés de Cardueil en Galles , et Tendemain il
rentrèrent en leur pays, car il marchist là assés priés, et se
départirent et en ralla chacun en se maison. Assés tost
apriès celle revenue, aucun bon seigneur et preudomme
d'Engleterre et d'Esfeoche pourcacièrent tant entre le roy
d'Engleterre et le roy d'Escoche et leurs conssaux que unes
trieuwes fu acordée entre yaux à durer par l'espace de trois
ans. Dedens celle trieuwe avint que li roys Robi^s d'Escoce
qui moult preux avoit estet, estoit devenus vies et foibles,
et si cargiés de le grosse maladie ^ avoecque§ le foiblèche et
viellèche que morir le convint. Quant li rois d'Escoche
congnut et senti que morir le convenoit ', il manda tous les
barons de son royaumme ens èsquels il se âoit le plus, par
devant lui. Si leur dîst que morir le convenoit siqu'il
veoient. Dont leur pria moult affectueusement et leur carga
sus lor féaulté que il gardaissent féablement son royaumme
en ayde de David son fll, et quand seroit venu en eage, que
il obéissent à lui et le couronnaissent à roy et le mariaissent
en lieu si souffisant que à lui appertenoit. En apriès il appela
le gentil chevalier monseigneur Guillaumme de Douglas, et
li dist devant tous les autres : « Messire Guillaumme,.
<c chiers amis, vous savés que j'ai eu moult à faire et à souf-
« frir à mon temps que jou ay vescut, pour ' maintenir ^ les
« droits de cesti royaumme, et quant jou euch le plus à
« faire, je fis ung veu que je n'ay point acomplit, dont * il
« me poise. Je voay que se il estoit ainssi que je peuisse
« tant faire que je euisse ma gherre acievée, par quoy je
« peuisse cesti royaumme gouverner à pès, jou iroie aider à
* Ce disoit-on. — • Sans retour. — •** Garder... Boustenir. —
• Moult.
DE ROBERT BRUCE. 199
« guerrier les ennemis à Nostre-Seigneur et les contraires
<c de le foy crestienne, à mon loyal pooir. A che point a
« tondis mon coer tendu, mes Nostre-Seigneur ne Ta mies
a volut consentir, dont il soit loés, et m'a donnet tant à
ce faire en mon temps et au dairain si entrepris et ^ de si
a grief maladie * qu'il me convient morir, sicomme vous
« veés ; et puisqu'il est ainssi que ^ li corps de mi * n'y poelt
a aller, ni achiever ce que li coers autant désiret, jou y
<c voeil envoyer le coer el lieu del corps ^ pour mon veu
« achiever •.Et pour ce que je ne say en tout mon royaume .
a nul chevalier plus preu de vostre corps, ' ne mieulx tail-
a liet • pour • mon veu acomplir en lieu de my, je vous
oc prie, très-chiers et très-espëciaux amis, tant comme je
a puis, que vous cest voiaige voeilliës entreprendre pour
a l'amour de my et me àme acquiter enviers Nostre-Sei-
<f gneur, car je tieng tant de vostre noblèche et de vostre
a loyaultë que, se vous l'entreprendés, ^^ vous n'en faurés
a nullement": par quoy, se vous leentreprendés,j'en moray
a plus aise, mais que ce soit '* par telle manière " que je
« vous diray. Je voeil, sitost que seray trespassé, que vous
a prendés le coer de mon corps et le faittes bien enbausmer,
« et prendés tant de mon trésor qu'il vous samblera que
a assés en ayés pour " parfumir " tout le voiaige pour
a vous et pour tous chiaux que vous vorés mener avoecques
a vous, et enportés mon coer avoecques vous pour présen-
a ter au Saint-Sépulcre, là où Nostre-Seigneur fu ensep-
a velis, puisque li corps n'y puet aller. Et le faites ^^ si
a grandement ^^ et vous pourveés si souffissamment de telle
*"* Si griefment... de si grant maladie. — '-* Mon povre corps. —
*^ Pour son désir acomplir. — ''■• Ne se souffisant. — *• De. —
*••" Qne TOUS l'acheverës. — "*' Par tel couvent. — *^** Accomplir.
— *•-*' Si bonnourablement qu*il appartient en tel cas et que j'en ay
parfaite fiance en vous.
ado
DERNIER VOEU
« compaignie et de tout autres coses qu*à votre estât appar-
« tient, et que par tout là où vous venrés, que on sache
« que vous enportés oultre mer comme messages avoecques
« vous le coer le roy Robert d'Escoche et à son comman-
« dément puisqu'ensi est que li corps n'y puet aller. » Et
quant chil qui làestoient, eurent oy le bon roy leur seigneur
enssî parler, il * coummencièrent * à plourer moult tenre-
ment de pitë ', et quand li dis messires Guillaumes de Dou-
glas peult parler, il respondi et dist : « Gentils et nobles
« sires, cent mille merchis de le grant honneur que vous
« me faittes, que vous si noble et si grant cose et tel trésor
<c me cargiës et recommandes, et je feray voUentiers et de
c( liet coer votre commandement à mon loyal pooir : jamais
<c n*en doubtes, comment que je ne soie mies dignes, ne
« souflSsans pour tel cose ^ achiever *. » — t Ha! gentils
« chevaliers, dist adont li rois d*Escoce, grant merchis,
« mes que vous le me créantes. » — « Certes, sire, ûioult
(c vollentiers, » dist li chevaliers. Lors li créanta tantost
comme loyaux chevaliers. Adont dist li roys : a Or, en soit
a Dieux graciés, car je mouray plus à pès d'ores en avant,
<c quant je say que • li plus preux et li plus souflSsans '' che-
« valiers de mon royaurame achievera pour ray ce que je
« ne peuch oncques • achivier •. » Moult fu li roys d'Es-
coce en grant repos de couraige quant messires Guillaumes
de Douglas, chils bon et loyaux chevaliers, li eut créante que
il feroit pour lui ce voiaige du Saint-Sépulcre. Assés tost
apriès, li *® roys Robiers trèspassa de ce siècle. Lui très-
passet, on l'ouvri enssi que ordonnet Tavoit, et prist-on
son èôèr, et fti boulis et enbaumés, et li corps ensepeli
**• Prisent. — 'Si leur ratenrist leurs ceurs. ~ *• Entreprendre.
— • ^ Lj mieudres. — • • Accomplir, ne achever. — *® Li preua.
DE ROBERT BRUCE. 201
* très-honnerablement* en une abbéie en Escoce, c*on dist de
Donfermelin : là li nst-on son obsèque révéramment * enssî
comme à lui appertenoit, et y furent tout li noble de son
pays *. Apriès ceste ordonnanche fête, li gentils chevaliers
messires Guillaumes de Douglas se commencha à pourveyr
et àappareillier pour mouvoir quand temps et saison seroit,
pour achiever ce que proummis avoit. En ce temps, assés
tost apriès le trespas dou roy, trespassa de cest siècle li
nobles et li vaillans conte de Moret d'Escoche, qui estoit
*li plus grans ôt li plus puissans de tout ce royaume •jSi en
furent grandement afoibli tant dou roy que de ce conte, que
de monseigneur Guillaume Douglas qui wuidoit le royaume
d'Escoce.
Quair. réd. — Apriès ce que les Escos se départirent par nuit
de la montagne là où li jones rois d'Engleterre et li baron de
celi pais les avoient asségiés, ensi que vous avés oï recorder
ichi desus en nostre histore, celle nuit et à Fendemain avant
que il fust tierche, il chevauchièrent vint et deus lieues de celi
paîs pour eslongier les Englois, et passèrent celle rivière de
Thin assès pries de Carduel en Galles. Quant il se veirent si
eslongiet des Englois et il sentirent lor chevaus fouUés, il se
logièrent entre montagnes et bois, et furent là toute la nuit, et
ne mengièrent, ne mengiet n*avolent, quinse jour estoient
passet, les trois pars de Toost, ne pain, ne paste, fors que
chars, et beu de Taigue, et se li Englès avoient eu painne de
euls poursievir, li Escoçois, pour euls garder et sauver, avoient
eu painne et souffrèce de toutes coses au double. A Tendemain
*■■ A tele honneur que à tel roy appartient,., si honnourablement
que à lui afferi... que à lui appartenoit. — ' Selonch Tusage dou
pays. -» ^ Et trespassa de ce siècle Tan de grasce Nostre Signeur mil
CCC.XXVII le VII«de novembre.— »•• Li plus gentils et li plus pais-
sans princes d^Escoce, et s^armoit d'argent A III orilliert de geules.
/
202 PERNIER TCBU
il furent en lor pais : si prissent congiet li un à Fautre et
s'espardirent, et se retraïst casquns sus ion lieu, et se repo-
sèrent et rafresquirent, casquns chiés soi, car bien leur faisoit
mestier. Assés tos apriès ce que les nouvelles furent venues en .
Escoce que li jones rois Édouwars estoit mariés à la fille dou
conte de Hainnau (et encore se tenoit-il à Ebruich là où les
noces et festes avoient esté) , auqun baron d'Escoce et de
Northombrelande se missent ensamble sus aséqurances et
vinrent sus une place que on dist la Mourlane entre Escooe
et Engleterre, et là parlementèrent tant li un à Taultre que unes
trieuves furent prises à durer trois ans entre Engleterre et
Escoce, et pour ce se tint li jones rois d'Engleterre si longement
à Varvich que li trettié de ces trieuves estoient, et quant elles
furent données et acordées de toutes parties, li rois d'Engle-
terre, contre le mois de mai, retourna en la marce de Londres
et madame sa mère et la jone roine Phelippe, et furent les
festes adont à Londres à la venue de la roine, ensi comme il est
contenu ichi desus. Or voel parler dou roi Robert de Brus, le
roi d'Escoce, liquels en son temps avoit esté moult preux, et
moult avoit donné les Englois à faire et recouvré son roiaulme
contre les Englès et euls porté grant damage, et estoit devenus
vieuls et frailles et cargiés de la grose maladie et si menés que
jusques sus la fin de ses jours. Quant il vei et senti que morir
le convenoit, il manda tous les barons de son roiaulme, voire
ceuls où il avoit la grignour fiance. Quant il furent devant li, si
leur dist : a Biau signeur, je voi bien que il me convient aler
t la voie commune : à cela n'i a nul remède. Je vous recom-
« mande David, mon fil. Li enfès est jones et auera mestier
« d'avoir bon consel. Se li bailliés tel que li roiaulmes en vaille
« mieuls, et à vous, messire Guillaume Douglas, compains et
a très-grans amis (je vous ai toujours trouvé fiable, de bon
« consel et de haute emprise), je vous pri que vous me voelliés
« donner un don que je vous demanderai, et quant vous le
t m'auerés acordé, j'en morai plus aise. » Li gentils chevaliers,
tout en plorant, li acorda et li dist : c Monsigneur, dites et
DE ROBERT BRUCE. 203
c demandés . je le voas acorde, mais que ce soit cose licite
« et que je puisse faire. » — « Oïl, respondi li h)is. Chiers
€ compains et amis, voué ai une fois à Dieu, et ce veu, je l'ai
€ tousjours tenu en secré, que, se je pooie raveoir le temps et
€ les jours que le roiaulme d'Escoce je peuisse obtenir en paix
« à rencontre des Englois, en Tonnour de Jhésu-Cris, qui volt
€ mort recevoir ent crois pour nous et son sanch espandre, je
« voloie faire un voiage sus les ennemis de Dieu et là exposer
c mon corps et mes biens. Or aj-je toujours eu tant à faire
« encontre les Englois, ensi que voussavés, que je sui devenus
c vieuls et cheus en débilité de corps et de maladie, par quoi
c je ne peus mon veu acomplir, et puis, chiers compains et
t amis, que li corps ne 'puet faire le voiage d'oultre-mer, ne
< aler au Saint-Sépulcre, ne espanir mes péchiés sus les enne-
€ mis de Dieu, laquelle cose me touce de trop priés, je vous pri
€ que, quant je serai trèspassés de ce siècle, que vous faites
c ouvrir mon corps et prendre le coer et mettre en telle orde-
< nance comme il apertient^ et que vous le portés oultre la mer
c sus les mescréans et jusques au Saint-Sépulcre, et là le lais-
€ siés, se l'aventure poés avoir d'aler si avant. Or me respondés
« se vous m'acomplirés mon darrain désirjer. » Messires Guil-
laumes Douglas respondi tout en plorant et dist : t Monsigneur,
« puisque vous me volés cargier de si grant cose, jà soit que
c point ne le vaille, j'en ferai mon devoir et mon pooir. » Et
li rois respondi et dist : « G-rant merchis. » Depuis ceste
ordenance faite, li rois Robers de Brus ne vesqui que trois
jours; si fu ouvers et embasmés, et son coer pris et enbaupsmiés
et ccJuchiés en petit vasselet d'or si ricement ouvré que on ne
pooit mieuls, et mis en une chainne d'or, et tout cela encarga li
gentils chevalier de Douglas au jour que on âst Tobsèque dou
roi Robert en Fabaïe de Donfremelin' en Escoce. Là fu li rois
Robers ensepelis, et prcsens les barons, les prélas et les che-
valiers, messires Guillaumes de Douglas encarga la chaine et
le vasselet d*or, où li coer^ dou roi Robert estoit enclus, et le
mist en son hateriel , et dist que jamais de là ne partiroit de
30 i MOET
nuit, ne da joui», si TaueFoit porté oultre^iaei! et 8.ua ]»
cvéema et laissîet au Saint-Sépulcre en Hiérvaajkqp, ens^ qi^
proumis a^oit. Et tpèspaasa do oe sièclo U roi9: Bo^be^^ 4^J6^w
en Fan de grasoe Nostpe-Signear mil trois c^t yingt-huit, \e .
septième jour dou mois de juno, qui fa la^ Buit d0u $aiiitri$Eu»e-
ment, et le jour Saint-Jehai^Ba{>tiste ensieyant fu qoiiiK>wé4 à
roi David bûb ûls, et li fissent tout U ba^roB d'Eaeom £éfl|utUw f t
hommage les homme» des chités et des bonaas vil^^t ^^ ptN»
et des hayènes, et estoit ou onsime an de soi^ e^ge eft de^fM^r^
ou gouernement dou conte de Moret » 4« VD\mWN^ Rptmi. de
Versi et d'Aroebaut Douglas.
Quant li printemps vint et li bonne saison pour BBOu^roîr
qui yoelt passer oultre le hauKe mer, et li gentîis chevaliers
H dis messires Guillaumes de Douglas fu si pouryëut comme
à lui appertenoit, seloncq ce que commandé li estoit, il
monta sour mer droit en Escoce * ou hayène de Hainde-
bourch * et s'en yînt en Flandres droit à l'Escluse pour oyr
nouyelles et pour savoir se nuls de par decbà le iper s*appa-
reilloit pour aller vers le Sainte-Terre de Jhérusalem, affln
qu*il pQuist avoir meilleur compaingnie . Si séjourna à FEscIuse
bien par Tesp^se de XII jours ainchois qu'il s'en p^pti^t,
mes oncques ne volt là endroit mettre piet à terre pour le terme
des XII jours , ains demouroit toudis sour le pave et teQpit
toudis son tinel honnerablement à trompes et à nak^re^
comme se ce fuist li rois d'Escoce, et avoit en se compaignie '
II chevaliers bannerès * et * VII • autres chevaliers des plus
preux de son pays et ' bien XXV escuyers biaux et jovines,
les plus soufSsans qu'il pot eslire en tout son pays ^ ,
*-* Au port de Morois en Escosse. — * * Un chevalier banei^t. —
*^ Six. — ^ Et avant jusque* à XXVI eacui^rs, jopes et gentils
hommea de» plus spuffisans d'Escoce, dpnt il estoit bieu servis.
DE GUILLMUMB DE DOUGLAS. S05
sans l'aotre mesnie ; et ^ avoît tout vaisselment * d^opgent ',
po8, 4)acbm8, esouellas^ (han^&, bouteilles^ baris «t autres
^itoutiestels ^>co6es apperienantes pour servir uBg seigneui*
'tel oomme il estoit, qui représentoitle personne dou roy
d'EsGOohe, et estoient très-bien festyet de doi manières
de vmB eAàe doi manières d'espisses toutcil^uileToUoient
«aller Yèair, mais que ee fuissent gens d'estat.
Enssi par l'espace de XII jours tous pleniers, ^ouana
toôssiresGuîllaummes de Douglas à l'ancre devant l'Escluse.
Au pardairain il entendi que li roys • d'Espaingne '' gue-
ti'oit au roy de Grenade qui estoit incrëdulles et sarasins.
Si s'avisa • qu'il s'en yroit * celle part pour " mieux
employer son temps et son voiaîge ", et quant il aroit là
fkit se besoingne, il yroit outre pour parfaire " chou qu'il
avoit encorres à faire et que chargiës et commandés li estoit.
Si se parti ainssi de l'Escluse et s'en alla droit par deviers
Espaigne <t tout par mer et arriva premiers au port de Val-
lendie leGrant, et puis s'en alla droit vers le roy Alpbons
*fl*Espaigne qui esrtoit à ost contre le dit roy de Grenade, et
estoieirt assës priés li ungs de Tautre sour les frontières de
leurs pays. *^ VII jours " apriès ce que li dis messires
Guillaummes de Douglas fulà venus, avint que li rois d'Es-
paigne yssi hors as camps ^^ ,pour plus approchier ses enne-
4nis ^*. Li roys de Grenade issi hotîs ossi d'autre part sique
ili imgSToys ¥eoit l'autre à touttes ses bannières, et si eoum-
'*'** Et n'aToit nulle tsdftdlle de cuisine, ne aultre^ srnon tetfte d-ar-
g^nt ou d'or. — « D'or et. — '*'» Si faites. -. «'^ De CwrtiUe. —
•* Qu*îl s'en traÎTOÎt. — ^^* Pour commencer son '^oiage. -^ *• Et
achiôver. — ••-** An premier jour assés tost apriès. -- *• En ordon-
nance pour combattre. — *• Dalës lui estoit Tenus aussi en bon arroy
le sire d*Ëngien en Haynnau pour honneur acquerre, et jà aroit esté
gratit éspamie en Ef«paigne.
206 MORT
menchiërent à rengier leur bataille li ungs contre Tautre.
Adont se traist li dis messires Guillaummes à Tun des costés
à toute se route pour mieux faire se besoingue et pour
mieux monstrer son effort ^. Quant il vit touttes les
batailles rengies de l'un les et d'autre, et vit le bataille le
roy d'Espaingne ung petit esmouvoir, il quida que elle allast
assembler. * Li bons chevaliers ^ qui mieux voUoit y estre
des premiers que des darrains, féri des espérons, et toutte
se compaignie avoecques li, jusques à le bataille le roy de
Grenade et alla as ennemis assambler *, ^ etpenssoit • que
li roys d'Espaingne et touttes ses batailles le sieuwissent,
mes non fisent, dont il en fu "^ décheus ; car oncques * nuls
ne le sieuwy fors chil de son pays et se tinrent li Espaignol
tout quoy ® . Là fu li ^° bons ** chevaliers messires Guil-
laumes de Douglas enclos des ennemis et toutte se route
par tel manière que oncques nuls n'en escappa que tous ne
fuissent mort ^*, ^^ dont ce futrès-grans dammaiges et grans
deffaute pour les Espaignols, quant autrement ne les
" secourirent ^^ *^ mes trop bien s'i vendirent liEscoçois tant
qu'il peurent durer ". Ensi a estet de ceste aventure et dou
* Et aussi fist le dit seigneur d'Engien sur les costés où ils furent
ordonnés atout leur charge. — '"'Les deux bons chevaliers. — ^ Moult
asprement. — '^ En créant fermement. — ^ Laidement *• Celi jour
ne s'en esmui-ent. — **^** Gentils. — **Et aussy y demoura labanière
du signeur d'Engien, que portoit Gille de Hembisse, et plusieurs
aultres; mais le seigneur d'Engien se sauva. — *'-**Qui fu pités, car
lajoumée estoit pour eulx si le roy enist poursievy son fait. — **-"Con-
fortèrent. ~ *®-" Et y fisent merveilles d'armes, mes finablement ils ne
peurent durer, ne onques pies n'en escapa que tout ne fuissent oocii
à grant meschief, de quoi ce fu pités et damages et grant lasqueté pour
les Espagnols, et moult en furent blasmet de tous chiaus qui en oîrent
parler, car bien ewissent rescous le chevalier et une partie de siens
s'ils vosissent. — ^^ Et parmi le mort ils acquirent très-grant honneur
et le salvement de leurs amis.
DE GCILLAUHfi DE DOUGLAS. â07
voîaige dou dessus dist seigneur monseigneur Guillaume de
Douglas et de toute se route.
Quatr. réi. — Assés tos apriès le couronnement dou jone roi
David d'Escoce, ordonna ses besongnes chils gentils et vaillans
chevaliers messires Guillaumes Douglas pour faire son voiage,
ensi que proumis Tavoit, et monta à mer au port de Morois en
Escoce, et s'en vint à l'Escluse en Flandres et là s'aresta pour
oJT nouvelles et pour sçavoir se nuls de deçà la mer s'aparelloit
pour aler oultre par deviers la Sainte-Terre de Hiérusalem, à
la fin que il peuist avoir milleur compagnie. Et séjourna à
l'Escluse par l'espace de douze jours et ne volt onques issir de
son vassiel et tenoit son estât sus l'aiguë et en son vassiel
honnourablement à trompes et à naquaires, comme ce fust li
rois d'Escoce, et avoit en sa compagnie un baron et sjs cheva-
liers et trente esquiers et tous à sa délivrance sans l'autre
mesnie, et avoit toute vassielle d'or et d'argent, pos, bachins,
esquieulles, hanaps, boutelles, barils ; et tout chil qui le voloient
aler veoir, estoient lienàent requelliet et festjet de li et de ses
hommes et servis de deus ou trois manières de vins, et casquns
selonch son estât, et le vinrent veoir de Flandres pluisseurs
chevaliers et esquiers, et de Hainnau et d'Artois, et à tous il
fist bonne chière. En l'espace que il séjourna là, il entendi que
Alphons, li rois de Chastelle, avoit guerre contre le roi de
Grenade et au roi de Bougie et au roi de Thunes et au roi do
Bellemarie, et tout estoient Sarrasin. Si eut avis que il trairoit
celle part pour mieuls employer son voiage et fist repourveir
son vassiel et rafresquir de toutes coses qui nécessaires li
pooient estre et à ses gens, et puis se départi de l'Escluse, et
orent 11 maronnier vent à volenté, et singlèrent sans péril et
sans damage et vinrent à la Calongne en Galise, et là quant il
furent issu de lor vassiel qui estoit grans et biaus et l'avoit faire
faire et ouvrer li rois Robers de Brus, et il furent sus terre, il
86 pourveirent de chevaus et puis s'en alèrent deviers le roi
d^Espagne qui se tenoit à Buts en Espagne et s'aquointièrent de
208 MORT DE GUILLAUME DE DOUGLAS.
li. Li roiâ avoit bien oï parler de messire Guillaume Douglas et
de ses proèces : se li f u li très-biens venus, et le rechut à grant
joie et toute sa compagnie, et li fist avoir sa délivrance et son
estât bien et .grandement et le plus à ses coustages. Avint que
li rois Alphons d'Espagne entendi que li rois de Grenade, lui
quatrime de rois, estoit venus à poissance logier à Tentrée de
son pais. Jà avoit-il mandé ses hommes et se înist aussi à pois-
sance à rencontre de ses ennemis. Qiant ces deus hoos se
voiront Tun devant Tautre en biel plain païs, un jour par Tacord
de toutes parties, il s'armèrent et s'ordonnèrent et rengièrent
tous sus les camps, ensi que pour combatre. Li dis messires
Guillaimies de Douglas se traïst à l'un des costés à toute sa
route pour mieuls faire sa besongne et pour mieuls montrer son
acquit et sa vaillance. Quant il vei toutes les batailles rengies
de une part et d'aultre, et il vei la bataille le roi un petit
Gsmouvoir, il quida que elle s'en alast assambler ; ils qui voloit
estre des premiers assalans, broça ce val des espérons, et toute
sa compagnie apriès lui, et s'en vinrent férir et assembler à la
bataille le roi de Grenade , et pensoit en alant que li rois
d^Espagne et toutes les batailles le sievissent, mais non fls^nt,
dont il en fu déceus, mais se tinrent li crestjen tout quoi,
réservé li et ses gens. Ces mescréans , quant il les veirent
venir sus euls, s'ouvrirent et les encloïrent. Considérés la
grant mauvesté des crestjens qui laissièrent perdre ce vaillant
homme ensi et tous les siens ; car il furent là tout mort, ne
onques ce jour li rois d'Espagne, ne li sien ne se combatirent,
mais messires Guillaume3 Douglas et li Escoçois i fissent mer-
velles d'armes, et ocirent et abatirent moult grant fuisson de
Sarrasins. Finablement, il demorèrent là tout mort sus la place,
dont ce fu damages et grant mauvesté pour les Espagnols, mais
li auqun dient que il le fissent tout volentiers et par envie.
Ensi demora li coers dou roi Robert de Brus là, et li gentils
chevaliers qui le portoit et toute la route des Escos, réservé les
variés. Considérés entre vous qui entendes raison, la povre aven-
ture que chils gentils chevaliers messires Guillaume Douglas eut
MARIAGE DE DAVID BRUCE. 209
et rechut en roiaulme estrange et lontain pour bien faire.
Pluisseur voellent dire et supposer que li Espagnol orent envie
sur lui et sus ses compagnons pour tant que il s'avanchièrent
de estre li premier requérant les ennemis et assalant, et que il
vodrent avoir celle honneur devant euls. Quant les nouvelles
furent sceues en Escoce de la mort dou gentil chevalier, tout
chil dou roiaulme en furent courouchié, car il avoient perdu
un trop grant chapitainne et le regretèrent moult, et li fissent
faire si parent et li baron et chevalier d'Escoce, son obsèque
aussi solempnement que dont que li corps fust présens, et
chanta la messe, en Tabéie de Sainte-Crois, en Tabéie de Hain-
debourch, li évesques de Saint- Andrieu en Escoce, et i furent
tout li baron et li prélat d'Escoce.
En cel meisme an trèspassa aussi sus son lit li contes de
Moret d'Escoce. Ensi fu li roiaulmes d'Escoce afoiblis de deus
vaillans hommes et d'un vaillant roi, le roi Robert de Brus,
père au roi David.
Ung peu de tamps apriës che que messires Guillaumes de
Douglas se fu départis d'Escoche, traitièrent aucun vaillant
homme d'Escoce deviers le consseil le roy d'Engleterre pour
avoir sa sereur en mariage et à lui couronner royne d'Es-
coche, et tant fu la cose démenée et si bellement, que li
mariaiges se fist, et envoya li roy d'Engleterre madamoiselle
Ysabel sa soer moult honnerableraent deviers le jone roy
David d'Escoche, liquels le rechupt lieraent et Tespousa à
grant joie à Bervich en Escosse, et puis se tinrent-il là ung
grant temps et là environ. Or me tairay ung petit des
besoingnes d'Engleterre et d'Escoce, et revenray au noble
roy Charlon de Franche, car li matère le requiert.
Var. prem, réd. — Ung peu de temps après ce que messire
Guillame de Douglas fu partis d'Escoce , aucuns vaillans sei-
14
310 MARIAGE
gneurs et sages , pour mettre bone et seure paix entre le
rojaulme d'Engleterre et celui d'Escoce, traitèrent devers le
conseil du roi d'Engleterre pour avoir sa soer en mariage à
estre rojnne d'Escoce ; et tant y eut de traictiés que le mariage
se fist. Et envoia le roy d'Engleterre mademoiselle Ysabel, sa
seur, moult honnourablement devers le josne roy David d'Es-
coce, lequel le rechupt grandement et à grant honneur, et
Tespousa à grant joie à Bervich en Escoce.
Sec. rii, — Ne demora mies gramment de tamps apriès çou
que li dessus dis chevaliers se fut partis d'Escoce, pour aler en
«on pèlerinage, sicom vous avés oy, que aucun signeur et pren-
domme qui désiroient à nourir pais entre les Englès et les Escos,
trettièrent et pourcacièrent tant que mariages fut fais del jone
roi David d'Escoce et de la sereur le jone roy Édouart d'Engle-
terre : si fu cils mariages acordés, et espousa la dame li dessnsdis
rois à Bervich, en Escoce ; et là y eut grants festes de l'une partie
et de l'autre.
Q^atr, rià, — Quant li demorant des barons et chevaliers
d'Escoce veirent que il estoient ensi afoiblis de vaillans hommes
et avoient un jone roi, si orent consel ensamble, à savoir là où
il poroient lor roi marier et ascner en lieu dont il vausissent le
mieuls, mais bien sçavoient chil qui congnisoient le roiaulme
d'Engleterre que li jones rois Édouwars avoit une soer à
marier. Si regardèrent et jettèrent lor visée à ce que, se lors
sires li rois Davids pooit avoir à femme et espouse la serour le
roi d'Engleterre, par ceste alliance ou temps avenir, il en
deveroient mieuls valoir, et que paix raisonnable en poroit
bien venir, au pourfit de Tun roiaulme et de l'autre , car la
guerre avoit trop longuement duré. Si s'en ensonnyèrent
auquns vaillans hommes d'Escoce, prélas et autres, et tre-
tyèrent premièrement devicrs le conte Aymmon de Kent et
messire Rogier de Mortemer, qui pour lors avoient en gouver-
nement le roiaulme d'Engleierre. Chil doi signeur assés légiè-
DE DAVID BIILCE. 211
rement s'enclinèrent as requestes et tretiés des Escocois et
délivrèrent la serour dou jone roi d'Engleterre, madame Isabiel,
à ambassadeurs dou roi d'Escoce, et lor fu menée au Noef-
Chastiel-sur-Thin, sans ce que prélas, barons, ne li consauls des
chités et bonnes villes d'Engleterre en seuissent riens , ne
fuissent appelle, pour laquelle cose grant murmuration s'en
esleva en Engleterre contre le conte de Kent et messire Rogier
de Mortemer, et disoit la renommée dou païs que il ne deuissent
pas cela avoir fait, ne le mariage acordé si légièrement, de la
fille d'Engleterre à lor adversaire le roi d'Escoce, que il
n'euissent convoquiet Fespécial et général consel dou païs, et
convenoit que il euist entre ceuls qui de ce mariage s'estoient
enJsonnjet, auqune cautelle secrée qui se descouvreroit, quanque
que ce fust. Vous devés sçavoir que pour celi cause pluisseur
en Engleterre entrèrent en doubte et en soupeçon mauvaise, jà
n'i euist nulle cause, à rencontre des desus dis le conte de Kent
et messire Rogier de Mortemer, et les prissent à grant hainne ;
car Englès sont mervilleus et croient plus Légièrement le mal
que le bien. Toutesfoià, la jone dame d'Engleterre fu délivrée
as barons et prélas d'Escoce et le prissent au Noef-Chastiel-
gur-Tbin et Teumenèrent en la chité de Bervich c'en dist en
Escoce, et là Tespousa li rois Davids d'Escoce, et vint faire sa
feste depuis en Haindebourgh en Escoce, et i ot joustes noncies
et publiées tout parmi le roiaulme d'Engleterre, mais moult
petit de chevaliers d'Engleterre i furent, car il considérèrent
la vois commune dou pai's que chils mariages n'estoit pas fais
à la plaisance dou pais d'Engleterre, fors que de euls deus. Si
nous nos soufferons un petit à parler d'Escoce et d'Engleterre,
et parlerons dou roi Carie de France, frère à la roine Isabiel
â*EngIeterre.
Chils rois Charles de Franche fu trois fois mariés, et si
morut sans avoir hoir marie de nulle de ses femmes, dont
che fu dammaiges et pités pour le royaumme, sicomme
212 MORT
VOUS orés chy apriès en ces te histoire. Li première de ses
femmes fu li plus gente et li une des plus belles femmes del
monde et la fille le comtesse d'Artois. Celle damme garda
mal son mariage et se fourfist , pour quoy elle en demoura
longtemps ou Castiel-Gaillart en prison et en ^ grant mes-
chief ainchois que ses maris fust rois. Quant li royaummes
de France li fu esceus et il fu couronnés, li XII per et li
baron de Franche ne verront nient, s'il peuwissent, qu'il
demourast sans hoir marie. Si quisent sens et advis par
quoy li roys Caries fuist remariés, et le fu à le fille l'empe-
reour Henry de Lucenbourcq et soer au noble roy de
Boesme, et par quoi li premiers mariaiges fust deffais et
anuUés de celle damme qui en prison estoit, et tout par le
déclaration Nostre Saint-Père le Pape qui adont régnoit et
qui en dispenssa le roy de Franche. De celle seconde
damme de Luxembourg qui estoit moult humle et moult
preude femme eut li rois ung fil qui mourut moult jovènes et
assés tost la mère apriès à Ysodun en Berry, et morurent
tout doi * assés ^ souppechonneusement ^. De quoy aucunnes
gens furent encouppés en derrière couvertement. Apriès,
chils roys Caries fu remariés pour le tierch fois à le fille de
son oncle de reraariaige, le fille de monseigneur Loeis, comte
d'Évrues, et fu nommée la dame la bonne royne Jehanne,
sereur au roy de Navare qui adont estoit. Or avint que celle
dame fu enchainte, et li dis roys se accouça malades au lit
de le mort. Quant il perchut que mourir le convenoit, il
devisa et ordonna que se il avenoit que li royne sa femme se
acouchast d'un fil, il voUoit que messires Phelippes de Val-
lois, ses cousins germains, en fuist mainbours et régens et
de tout le royaumme, jusques adont que ses fils seroit en
eage d'estre roys, et s'il avenoit que ce fuist de une fille,
* Moult. — •-* Moolt. — * Sicomme renommëe courut.
DE CUAKLL8 LE BEL. 213
que li XII per et li hault baron de Franche euissent consseil
et advis entr*iaulx et dounaissent le royaumme à celui qui
avoir le devroit par droit. * Sus ces devises et ordonnan-
ches, li dis rois Caries ala morir le XVIP jour dou mois de
march, Tan de grâce mil CCC.XXVIII ».
Quatr. réd. — Li rois Caries de France, fils au biau roi
Phelippc de France, fu trois fois mariés et trèspassa de ce
siècle sans avoir hoir mâle de nulles de ses femmes, dont ce fu
damages pour le roiaulme de France, ensi que vous orés
recorder ensievant Tistore. La première des femmes ce roi
Carie fu li une des plus belles dames dou monde resgnans en
ce temps, et fu fille au conte d'Artois et à la contesse. Celle
dame ot nom Jehane, et garda mal son mariage et se fourfist,
pour quoi elle en demora lonch temps ens ou Chastiel-Gaillart
en prison avant ce que son mari fust rois. Quant li roiaulmes
de France li fu escheus par la succession de ses frères, le roi
Lois et le roi Phelippe, et que li douse per l'eurent couronné à
roi, il regardèrent que li roiaulmes de FMnce demorroit sans
hoir, se chils rois Caries ne se remarioit : si quissent voie et
avis par quoi li rois Caries fut remariés à le fille Pempereour
Henri de Lucembourch et serour au gentil roi de Behagne. De
la seconde dame de Lucembourg qui fu moult humble et moult
dévote, ot li rois un fil, dont tous li roiauhnes fu rcsjoVs, mais
il morut jones, et assés tos apriès morut la dame à Issodun en
Berrj, et morurent tout doi assés soupeçonneusement, de quoi
auqunos gens furent cncoulpés en derrière couvertement,
Apriès, chils rois Caries fu remariés tiercement à la fille de
son oncle de remariage, la fille de monsigneur Lois de France,
conte d'Evrues, et fu ceste dame roine de France, appellée
Jehane, et serour au roi Lois de Navarc, qui pour ce temps
*'* En ces deTises, le roy ala morir le XVll* jour de mars Tan mil
CCC.XXVII... environ Pukes, Tan mil CCC.XXVIII... environ la
Chandeleur, Tan mil CCC.XXVII.
^
214 avékemëkt
resgnoit. Avint que celle dame fu ençainte, et li rois Caries ses
maris s'acouça au lit de la mort. Quant il senti et congnat que
morir le convenoit, il manda les nobles de son roiaulme, ceuls
qye en haste on peut avoir, tant des douse pers de France
comme des aultres, et quant il furent en la présence de li, il
leur dist : « Biau signeur, vous estes tout mi obéissant et de
« mon linage. Je sens bien et congnois que aler me convient
« en la commune voie, ensi que li aultre vont. Je vous laisse
« ma femme la roine enchainte. Se il avient que Dieus li donne
« un hoir mâle, ce que la couronne de France désire à avoir,
« je vous prie que vous en faites bonne garde et le couronnés
< à roi, quant il vous samblera que il apertiengne à estre, et se
« elle est femme, si ordonnés de la couronne de France à juste
« élection, car bien sçai, se elle est âUe, par les estatus et
« ordenance de France, elle ne le poet avoir. » Tout li orent
convenant que loiament s'en aquiteroient. Sur ce, li rois
Caries ala morir la nuit de la Pentecouste, Tan de grasce mil
trois cens vint-huit.
Ne demoura mie gramment apriès que li royne se accou-
cha, mes ce fu d'une fille, de quoy * li^ plus * del royaumme
en furent durement troublet et courouchiet. Quant li
XII per et li grant ^ seigneur * de France seurent chou, il
se assemblèrent à Paris au plus tost qu'il peurent et don-
nèrent le royaumme de coummun acord à monseigneur Phe-
lippe de Vallois et en estèrent le royne d'Engleterre et le
roy son fll, qui estoit demeurée soer germainne au roy
Charlen darrainnement trespassé, par le raison de ce qu'il
dient que li royaurames de Franche est de si grant neblèce
qu'il ne doit mies par succession aller à femelle, ne par con-
sëqueiîse à fll de femelle, enssi que vous avés oy chà devant
* * Pluiseur. — ** Baron.
DE PHILIPPE DE VALOIS. 315
au coummenchement de ce livre. Li XII per de Franche et
11 vois des baux barons de celi royaumme s'asentirent et
accordèrent à couronner roy Phelippe de VaHois, fil au
oonte de Vallois, liquels contes de Vallois avoit estet frères
au biel roy Phelippe, pères à ce roy Charlon, par lequelle
succession il eut le royaumme. Apriès le élection fête,
gramment ne demeura mies que li nouviaux roy Phelippes
s'en vint deviers Rains pour lui faire consacrer et couron-
ner, et fist là son mandement à estre le merquedi de le
Pentecouste, et le jour de le Trinité enssuiwant, il devoit
recepvoir se consacration. Dont s'esmurent tout li grant
seigneur dou royaume et pluiseurs del empire, et là vinrent
pour lui bonnourer Caries, li roys de Boesme, et Phelippes,
li roys de Navarre, qui à ce jour Tadestrèrent, et là furent
li dus de Braibant, li contes de Haynnau, messires Jebans
de Haynnau, li dus de Bretaingne, li dus de Bourgoigne, li
contes de Blois, nepveux du roy Phelippe, li contes d'Alen-
chon, li contes de Flandres, messires Robers d'Artois, qui
mis avoit grant painne à che couronnement, li dus de
Lorainne, li contes de Bar, li contes de Namur, li contes
d'Auçoire, li ducs de Bourbon, li sires de Couchy, li contes
de Saint-Pol, li contes d'Aumale, li contes de Harcourt et
tant d'autres seigneurs * que li recorder seroit ung grans
dëtris *.
Quatr. réd. — Assés tos apriès son trèspas , la roine Jehane
qui sa femme avoit esté, acoucha do une fille, de quoi tous
li roiaulmes de France fu grandement troublés. Quant li douse
per de France et li hault baron de celi roiaulme sceurent
* Que c'e«t merveille, s'i acordèrent. — • Dont puissedi grant guerre
et grant désolation avhit au royaume de France et en pluiseurB paSs
•icom TOUS pores olir en ceate hjstore.
âl6 COURONNEMENT
ché que la reine estoit acouchie de une fille, il s'assemblèrent
tout à Paris pour avoir avis et eonsel à qui li roiaulmes de
France devoit parvenir, et qui il feroient roi. Là ot moult de
paroles retournées et misses en terme, et fu bien nouvelle de
Édouwart le jone roi d'Engleterre, fil de sa serour, mais la
querelle fut débatue et point longuement soustenue, car 11
douse per de France dissent et encores dient que la couronne
de France est de si noble condition qu'elle ne puet venir par
nulle succession à femelle, ne à fil de femelle. Si regardèrent
li douse per de France à messire Phelippe de Valois, fil au
conte de Valois, qui frères avoit esté au biau roi Phelippe, et
estoit cousins germains à ce roi Carie darrain mort. A celle
concordation de la couronne de France donner et Phelippe de
Valois couronner, rendirent grant painne li contes de Hainnau,
li contes Guis de Blois et messires Robers d'Artois, car chil
troi prince avoient ses trois serours espousées. Et fu cou-
ronnés en l'église catédral do Nostre-Dame de Rains li rois
Phelippes, et rechut toutes les solempnités que rois de France
doit recevoir.
Avînt que au jour de le Trinité, ensi que ordonnet estoit,
fu li roys Phelippes couronnés et consacrés en le grant
église de Nostre-Dame de Rains, présens tous ces seigneurs
devant nommés et moult d'autres, et là estoient li grant et
li hault seigneur qui dévoient servir le roy de leur oflSsce, li
ungs de çaindre Tespée, li autre de li chauchier ses espé-
rons et enssi de toutes coses, et bien estoient appareilliet
de faire chacuns son devoir, excepté le conte de Flandres,
mes il se traioit arrière. Dont fu-il appelles en hault et dist-
on par II fois : * Contes de Flandres, se vous estes céans ou
a personne de par vous, si venés faire vo devoir, » et li
contes qui bien oy ces parolles,se tint tous quoy. Lors fu-il
de rechief appelle le tierche fois et amonestés de par le roy
DE PHILIPPE DE VALOIS. 217
qu'il venist avant sour quant qu'il pooit * fourfaire *. Adont,
quant il s'oy ensi ^ conjurer \ il vint avant et inclina le roy
et dist : « Monseigneur, se on m'euist appelles Loeys de
€ Nevers et non conte de Flandres, je me fuisse trait
€ avant. » — a Coumment, dist li roys, non estes-vous
€ conte de Flandres? » — t Sire, dist-il. j'en porte le
€ nom * et non le prouflSt. * » Dont vot li roys savoir com-
ment che pooit estre. t Monseigneur, dist li contes, chil de
« Bruges, d'Ippre, de Popringue et de Berghes et de le
« castelerie de Cassel m'ont boutet hors et ne me tiennent
a point à conte, ne à seigneur. Encoîres assës escarssement
€ m'ose-jou veoir à Gand, tant trueve-jou le pays plain de
t rébellion. > Dont parla li roys Phelippes , et dist :
a Loeis, biaux cousins, nous vous tenons pour conte de
« Flandres, et par le digne unction et sacrement que nous
« recevons hui, jammais ne rentrerons en Paris se vous
€ avons mis en possession paisieulle de le contet de Flan-
« dres. > Lors s'engenouilla li contes et dist : t Monsei-
« gneur, grant merchis, » Depuis fist li contes son devoir
et fu tous resjoys de celle proummesse, et ce fu bien rai-
sons.
Quatr. réfl. — Là ot li rois Phelippes en convenant au conte
Lois de Flandres, son cousin et son compère, que jamais n'entre-
roit en la chité de Paris, si aueroit esté en Flandres et osté et
abatu Torguel des Flamens, liquel estoient rebelé à rencontre
dou conte, non que Gant, Bruges, Courtrai, Granmont et Ypre
en fesissent fait, mais s'en dissimuloient et consentoient bien que
une congrégation de fourbanis de Flandres fuissent à Pencontre
dou dit conte, et Tavoient bouté hors de son pais et fait un cha-
pitainne qui se nommoit Clais Dennequins.
* * Mesfaire. — •-* Ammonester. — •^ Mais le seigneurie et pronfit
y ay-je maisement.
318 EXPÉDITION DE »aiUI>PE AE VALOIS
Apriës le consacration et le soUempnité dou roy Phelippe
qui fu moult hautte et moult noble, et là où grant fuissofi
de nobles prinches et seigneurs furent, ne demeura guaires
que li rois fîst ^ son ' espëcial et grant mandement pour
venir sus Flandres, et s*en vint à Arras ^ et là se tint ung
tamps * ; apriès s'en vint-il à Aire, car on li dist que li Fla-
mencq estoient ensamble dessus le mont de Gassiel. Si se
vot li rois traire de celle part, et vinrent deviers le roy pour
lui servir et aidier le conte à che besoing, et se loga li
rois à tous ses os en le vallée de Cassiel contre les Flamens
qui estoient ou mont là assemblés bien XVI mille, tout four-
bani de Flandre, que les villes avoient mis hors pour guer-
ryer leur seigneur et le roy ossi qui esmeus estoient contre
yaulx, et avoient fait ung cs^pitaine qui s*appielloit Clais
^ Dennekin ^. Chils estoit ' mervilleusement * orguillews,
hardis et outrageux, et li proumettoient li aultre qui à lui
obéissoient, que se il pooient desconfire le roy de Franche,
qu'il le feroient ung très-grant seigneur, et bien s'en misent
en aventure, enssi que vous orés.
Sec. réd. — Assés tost apriès cou que cils rois Phelippes fu
couronnés à Rains, il semonst ses princes, ses barous et toutes
ses gens d'armes, et ala atout son pooir logier en le vallée de
Cassiel, pour guerroyer les Flamens qui estoient rebelle à leur
signeur, et meismement chiaus de Bruges, chiaus dlppre et
chiaus dou Franch ; et ne voloient obéir au conte de Flandres,
leur dit signeur, mais lavoient décaciet, et ne pooit adont nulle
part demorer en son pays, fors tant seulement à Gand, et
encores assés escarcement. Si desconfi adont li rois Phelippes
bien • XVI" ^^ hommes flamens qui avoient fait un chapitainne
qui se nommoit Colins Dennekins, hardi homme et outrageua
^-* Moult. — ^-^ Et là usambla grant plent^ de bonnes gens. —
» • Zandequin. - '» Moult. — • *» XVIII»... XII»... XI-.
EN PI.ÀMDHE. 219
doreHient» et avoient li deusvLS dit Flamench fait leur garnison
de le ville de Cassiel, au commandement et as gages des villes
de Flandres, pour garder ces frontières là endroit,
Quatr. rii. — Li rois Phelippes tint bien au conte de Flandres,
son cousin, tout che que il li eut en convenant, car li estans en
la marce de Kains, tantos apriès son couronnement, il mist clers
en œuvre pour escrire lettres et messagiers et envoia semonre
ses hommes et vint de Kains à Piéronne, et puis à Arras, et là
atendi tous ceuls que il avoit mandés. Li contes de Hainnau, ses
serouges, et messires Jehans de Hainnau , son frère, le vinrent
servir par pryère et par amours , et amenèrent belle route de
gens d'armes, chevaliers et esquiers. Aussi fissent li signeur de
France qui estoient tenu de ce faire. Quant le chapitainne de ces
Flamens, qui se nommoit Clais Dennequins, entend! que li rois
de France, en sa nouvelle régnation, avoit juré que jamais il
n*entreroit en Paris, ne entenderoit à aultre cose si aueroit remis
en Flandres le conte Lois et confondus tous ses ennemis et
nuisans, si s^en enfellona grandement, et dist que ehils rois
poroit bien fallir à ses pourpos, et toutes fois pour lui brisier, il
8*en meteroit en painne. Et assambla tous ceuls desquels il pen-
soit à estre aHiés^ car chil de Bruges, d'Ippre et de Çourtrai
Taidoient couvertement, et avoient banis et mis hors de lors
villes, des fors et jones compagnons , tisserans et aultres , qui
tous estoient de Taliance ce Clai Dennequin, et s'en vint logier
sus le dit mont de Cassiel , et pooient estre en sa compagnie
environ seize mil hommes, tous des plus crueuls et envenimés
de Flandres , et tous as gages des bonnes villes de Flandres,
réservet Gtot; car chil-là, tant que des rices hommes de Gant,
s'en dissimuloient et ne faisoient point partie à rencontre dou
conte ; or vous recorderai coment il en avint. Li rois Phelippes
i^poissanoe s en vint d'Arra^* à Lens en Artois, et de là à Bié-
tune et puis à Aire, et se logea entre Aire et le mont do Cassiel
et avoit la plus belle hoost et plus belle gent dou monde. Bt
avoient li signeur tendu tentes, très, auqubes et pavillons sur
220 BATAILLE
les camps, et sembloit que ce fuissent grandes villes de lor logeis»
et là estoit li bons rois de Boesme en grant awet, li contes de
Hainnau et messires Jehans de Hainnau ses frères , li contes
Guis de Blois, li dus de Lorraine, li dus de Bar, messires Robers
d'Artois, et tenoient li signeur le grant estât et noble.
Quant li Flamencq qui se tenoient sour le mont de Gassel,
dont il y avoit bien XVI™, veirent le roy de Franche et
touttes ses gens en le vallée de Cassel, si furent durement
espris de mal talent et peu les doubterent, et regardèrent
entr'iaux comment il lor poroient porter contraire et dam-
maige. Si se partirent sus l'heure de soupper dou mont de
Cassiel sans point faire de noise, et avoient entr'iaux ordon-
net III batailles, desquelles li une alla droit à le tente le
roy de Franche, et * eurent priés le roy souspris*,qui séoit
au soupper et touttes ses gens, et tuèrent en leur venant
messire Renault de Lore qu'il trouvèrent enmy leur voie,
autrement il ne l'euissent point pris. Et li seconde de leurs
batailles s'en alla droit as tentes le roy de Behayngne ' et
l'eurent priés trouvet en tel point *. Et li tiers de leurs
batailles s'en alla droit as tentes le noble comte de Haynnau
* et l'eurent ossi priés souspris ® et si le quoitièrent, car il et
ses gens estoient le plus priés logiés des Flamens. A grant
painne peurent-il estre armés, ne messires Jehans ses frères.
Enssi que je vous di, ces III batailles vinrent si paisivle-
ment jusque as tentes des seigneurs que je vous ai nommés,
que à grand meschief furent li seigneur armés, ne leurs
gens ossi assamblés. Et euissent tout li seigneui* et lor gens
estet "^ mors*, se Dieu ne les euist enssi que par droit miracle
*•• Et fu si souspris. — *^ Et l'eurent près décheu. — » • Qui fu
priés prins des Flamans. — '• Perdu et desconfit.
DE CASSEL. 221
secourut et aîdîet; mes, par le grasce et le vollenté de Dieu,
chacun de ces seigneurs desconfi se bataille si entirement et
tout à une heure et ung point que oncques de tout ces XVI"*
Flamens n'en escappa * nul *, et eurent li Haynnuyer, li
contes de Haynnau et messires Jehans ses frères, premiers
desconfis leurs batailles, car ossi ce furent li premier assailli,
et les encloirent li Haynnuyer par derrière tellement que
quant li Flamencq quidièrent retourner, il ne peurent. Là y
eultgrant bataille, grantlancheis et grans féris, et trop bien
s'i ^ vendirent, car il avoient haces et ^ espaffes '^ et * gros
bastons fiérés à picket "'j dont il donoient grans * horions ®,
et là rechurent li doy frères de Haynnau moult de painne
et y furent trop bien batus et y eult li contes de Haynnau
mors II coursiers desoubs lui et à touttes ces II fois fu-il
relevés de monseigneur Jehan de Haynnau son frère, et
flsent tant li Haynnuyer, avoecques lor seigneur, qu'il des-
confirent celle bataille des Flamens tout nettement et encloi-
rent les autres qui le roy de France avoient assailli, en
escriant : « Haynnau ! Haynnau ! > Là eut grant ocision et
grant mortalité de Flamens, car on n'en prencjoit nul à
merchy.Et là fu ocis Colins Dennekins,cappitainne d'iaux,
et ossi fu uns bons escuyers de Haynnau qui s'apielloit li
Borgnes de Robersart; mes ce fu par son outraige, car il
tous sens encachoit VI Flamens quiportoientlonghespickes,
et leur escrioit en chassant : « Retournés, laron, car je vous
« ocirai tous. » Enssi les poursuiwy une longhe espasse, et
quant il le virent aseuUet et arrière de touttes ayes pour
lui, il retournèrent tout à une fois sour li, et le féri li uns
de se picke dessous son bachinet et li enbara le fer en le
cervelle et le reversa à terre. Enssi fu mors li escuyers,
*'* Point mille. — * Employèrent et. — ** Pafos. — •-' Maques et
piquet. — •■• Coups.
BATAILLE
dont ce fu dammaiges, et moult fu plains Me chianx de son
pays *.
Cieste bataille fu moult felenesse et moult dure ', et bien
se Tendirent Flamencq tant qu'il peurent durer, mes fina-
blement il furent si assailli de tous costés et si courageuse-
ment combattus, qu*il furent desrouté et desconâ, ocis et
mis par mons ensi que bestesj et en y eut bien mors XV",
et furent li Haynnuyer premier qui portèrent les bannières
de Haynnau, de monseigneur le conte et de monseigneur
Jehan sen frère, sus le mont de Cassiel et les misent sus les
murs de le ville et haut sus le tour dou moustier. Depuis y
furent aportées les bannières dou roy de France ^, qui
envoya saisir le ville et y mist garde de par lui. Geste bataille
fil en Tan de grâce Nostre-Seigneur mil CGC. XXVIII, le
jour Saint-Bertremieu en aoust.
Sec. réd. — ^ Je vous dirai comment cil Flameach forent des-
confit, et fut par leur oultrage : il se partirent ong jour, sus
Teure dou souper, de Cassiel, en entente que pour desconfire le
roi et tout sen host, et s'en vinrent tout paisieulement, sans
point de noise, ordonné en III batailles , desqueles li une en
ala droit as tentes le roy, et eurent priés le roy souspris qui
séoit à souper et toutes ses gens ; li aultre bataille s'en ala droit
as tentes le roy de Behagne, et l'eurent priés trouvé en tel point;
et la tierce batalle s'en ala droitement as tentes le conte de Hay-
naut, et l'eurent ossi priés souspris et le hastèrent sique à grant
painne peurent ses gens estre armé, ne les gens monsigneur de
Byaumont son frère. Et vinrent ces III batailles si paisieulement
jusques as tentes que à grant meschief furent li signeur armés,
ne leurs gens assamblet ; et ewissent tout 11 signeur et leurs gens
** De ceulx qui le congnoissoient, car il estoit moult bons hommes
d'armes et hardis. — * Et aspre. — ^ Et fa sa banîère posée sur les
murailles et toutes les autres en sieuwant.
DE CASSEL.
60té mort, se Diex ne les ewist , ensi que par droit miracle,
secourut et aidiet; mais, par le grasce de Dieu, cascuns des
signeurs deseonfi se bataille si entièrement et tous à une heure
et à un point, que onques de tous ces XVI" Flamens n'en esca-
pa nul, et fu leur chapitainne mors. Et si ne seut onques nuls
de ces signeurs nouvelle li uns de l'autre, jusques adont qu'il
curent tout fait ; et onques des XV"» Flamens qui mors y demo-
rèrent, n'en recula uns seuls, que tout ne fuissent mort et tuet
en III monchiaus l'un sus Tautre, sans issir de le place là où
caseune bataille commença, qui fu l'an de grasce mil ÇCCXXVIII,
le jour Saint-Bietremieu,
Quatr. rid, — Li Flameneh estoient sus le mont de Cassiel
et logiet d'aultre part au lés deviers Ippre, et veoient tout con-
treval les logeis dou roi de France, et eurent espies qui lor vin-
rent raporter tout le convenant des François et comment il
estoient logiet espars. Si se avisèrent, ensi comme fol et outre-
quidié qu'il furent, que il descenderoient, sus Teure dou souper,
dou mont de Cassiel, et quant il seroient avalé, il s'esparderoient
en trois batailles , et iroit casqune bataille assallir et faire son
fidt en l'oost, Clais Dennequins iroit tout droit devant lui à la
tente dou roi de France et le trouveroient soupant, et li aultré
bataille s'adrèceroit droit à la tente dou roi de Boesme, et la
tierce bataille à la tente dou conte de Hainnau et de son frère,
et les dévoient hommes de lors costés qui les avoient espjés,
mener tout droit as logeis des signeurs desus nommés, ensi qu'il
fissent. Chil Flamenc furent tout pourveu de lor fait et s'ava-
Urent un jour sus Teure de basses vespres dou mont de Cassiel
et s'en vinrent tout droit sans culs tourner, ne boustourner. Et
vint la première bataille férir sus les logeis dou roi de France,
et devoit tantos aseoir au souper, et furent sus le point U Fran-
çois que de estre souspris, quant on cria : t 'A l'arme ! Moi\joie
t Saint-Denis! » Lors se commenchièrent toutes gens à estourmir
et à venir à pooir sus ces Flamens et euls enclore. Chil qui vin-
rent à la tente le roi de Boesme, fissent ensi et se taisoient tout
224 SOUMISSION
quoi, et furent priés souspris aussi li rois et ses gens; et 11 aultre
bataille qui venoit à la tente dou conte de Hainnau et de aon
frère, à grant painne peurent les gens de ces signeurs estre armé,
ne pourveu pour euls deffendre. Toutesfois Dieus ne volt pas
consentir que li signeur fuissent là desconû de tel merdaille.
Casquns sires entre ses gens desconfi la bataille des Flamens et
sans ce que nuls seuist riens Tun de Taultre jusques à tant que
ce fu tout fait ; et i fu mors lor chapitainnes Clais Dennequins,
et de sesse mille bommes que il estoient, il n'en escapa onques
mille, que tout ne fuissent mort et ocis et abatu l'un sus Taoltre,
car il ne daignèrent fuir, et là fu tués li Borgnes de Robersart
par son oultrage, car il s'avança trop follement en la cace. Si fa
férus d'un fier de pique qui lui coula et avala desous le bachinet
et li entra tout dedens, douquel cop il morut, et en furent li
signeur moult courouchiet. Geste bataille fu le jour Saint-Bietre-
mieu au soir, en l'an de grasce Nostre-Signeur mil trois cens
vint-huit.
Âpriès celle desconâture faite des Flameus ou val de Gas-
siel se tint II rois de France là toutte le nuit, et Tendemain
ossi. Ces nouvelles vinrent à Bruges, à Ypre, à Popringhe
et es villes voisines qui rebelles estoient au conte, (^ue Glays
Dennekins estoit mors et desconfis et toute se routte \ dont
baissièrent les testes chil de se partie, et n'osèrent mous-
trer nul samblant d'aler à rencontre dou roy et de leur sei-
gneur, et disent que Glays Dennekins estoit fols et outra-
geux, et que sans leur consseil il s'estoit * combattus ', car
il li avoient mandet qu'il ne se combatesist point encorres,
et pour ce qu'il l'a fet oultre leur deffensce, il l'en est mésa-
venu: si n'en fait nient à plaindre. Ensi fu-il plorés des Fla-
* Si ne BEToient que faire. — *' Hastës.
DE LA FLAmORE.
229
mens, qui, devant ce, * li avoient esqueilli à faire ceste
emprise *, et li roys de Franche chevaucha, ettoutte li os,
deviers Yppre. Dont vint le castelain de Berghes et apporta
les clefs dou castel avoecq grant fuison des gens de ceste
castelerie au roy de Franche, et li rois les prist et en rendi
la seigneurie au conte de Flandres. Puis chevaucha li roys
vers Yppre, et quant cil de Yppre oïrent nouvelles de se
venue, il vinrent contre lui à grant proucession et li offri-
rent les clefs de le ville. Li roys les prist et les rendist au
conte, et fist jurer chiaus de le ville dTppre foy et loyaulté
à leur seigneur, puis entra li rois dedans Yppre ^t y fu très-
honnerablement recheut, et tant s'i tint que cil de Bruges
et dou Francq de Bruges furent venu ^ faire féaulté et hom-
maige * au conte Loeys et li jurèrent et promissent qu'il le
tenroient à pès à seigneur, et li contes ossi en tel man-
nière leur jura. Ensi fu-il remis en le possession de se terre
par le puissanche et confort dou roy de Franche. Adont se
départirent les os, et s'en ralla chacuns en son lieu, et li
roys s'en vint vers Paris, qui encorres n'y avoit point estet
puis son couronnement.
See. réd. — Adont apriès ceste desconfiture vinrent li Fran-
çois à Cassiel et y misent les banières de France, et se rendi li
viDe au roy, et puis Poperinge, et puis Ippre et tout cil de»le
chastelerie de Berges, et chil de Bruges ensiewant ; et rechurent
le conte Loeis leur signeur adont amiablement et paisieulement,
et li jurèrent foy et loyauté à tenir tousjours mes. Quant li rois
Phelippes de France eut remis le conte de Flandres en «on pays,
et que tout li eurent juré feaulté et hommage, il départi ses
gens, et retourna cascuns en son lieu ; et il meismement s'en vint
en France et séjourner à Paris ou là environ. Si fu durement
*-• Lui avoient promis si grant honneur à faire. — ** A merchy.
I — FROISSAIT. 15
S36 PHILIPPE DE VALOIS RÉCLAME
prisiés et honnourés de celle emprise qu il avoit fait sus les Fla-
mens, et aussi du beau service qu'il avoit fait au conte Lioeifl,
son cousin.
Quatr. réd. — Quant ce vint à l'endemain, li rois de France
envola ses marescaus, le signeur de Montmorensi et le signeur
de Trie et ses banières sus le mont. Et vinrent se rendre au roj
ceulx des chastelleries ei des villes de Flandres et dou tieroir
dou Franc, et ne s'en parti li rois, si furent tout li homme de
Flandres, c'est à entendre li consauls des bonnes villes, venu à
obéisance au conte de Flandres, et 11 jurèrent à tenir foi et hom-
mage à tous jours mes ; mais depuis le relenquirent et boutèrent
hors de Flandres, ensi que vous orés recorder en Tistore, .et ne
le peurent onques parfaitement amer, et disoient que il estoit
trop françois et que il ne savoit estre en paix et en amour
avoecques ses gens.
Quant li roys Phelippes entra premièrement en Paris
comme roys, il y fu très-noblement et solempnelment
recheus et à grant joie, et furent touttes IIb rues par où il
passa tant qu'il vint au pallais, couvertes et parées de draps
d'or, et estoit li roys de France adestrés dou roy de Behain-
gne et dou roy de Navarre, et acompaigniés de tant de
gr^ns seigneurs que sans nombre. Che seroit unes * tanis-
sons • de recorder les festes et les honneurs et les grans
solempnités c'ou li fîst, tant à Paris comme ailleurs, où il
prist en ceste année le féaulté de ses bonnes villes et le
hommaige de tous ses hommes'. Tous obéyrent à lui comme
à roy et ce fu raison, car par le élection et acors des
XII pers de Franche et des hauls barons de celi royaurame,
**• Anoy. — * Et manda tous ses barons parmi le royalme qu'ils
▼enissent faire hommage et féalté à lui.
l'hommage d'Edouard m. 227
il en fu roys. En ceste meysme annëe qu'il eut estet cou-
ronnés, il manda et escripsi au jovène roy Édouwart d'En-
gleterre que il venist relever se terre de Pontieu de lui, et
tout ce qu'il tenoit en Gascoingne, dont li hommages apper-
tenoit à lui. Et quant li roys d'Engleterre oy ces nouvelles
et il vit les messagiers dou roy de Franche, il les festia et
requeilli moult honnourablement ensi que bien le seut faire,
et les flst séjourner à Londres par l'espasse de XV jours.
Entrées se conseilla-il pour savoir quel cose il en devoit
faire. Si trouva en consseil qu'il y estoit tenus dou faire, et
enssi respondist-il as messaiges dou roy qu'il se ordonne-
roit et temprement venroit en Franche. Ceste reponsce leur
plaisi moult bien, et se partirent dou roy bien content avoec-
ques biaux dons et rices jeuiaux qui leur furent donnet pour
l'amour dou roy leur seigneur.
Sec, réd. — Or avint que environ un an apriès que li rois
Phelippes de Valois eut esté couronnés à roy de France, et que
tout li baron et li tenant dou dit royaume li eurent fait féaulté
et hommage, excepté li jones rois Édowars d'Engleterre, qui
ençores n'estoit trais avant, et ossi il n'avoit point esté mandés ;
si fu li rois de France consiUiés et enfourmés que il mandast le
dit roy d'Ëngleterre et venist faire hommage et féaulté, ensi
comme il apertenoit. Adont en furent pryet d'aler en Ençle-
terre faire ce message et sommer le dit roy, li sires d'Aubegni
et li sires de Biausaut et doi clerch en droit, mestres en Parle-
ment à Paris, que on appelloit pour ce temps mestres Symons
d'Orliens et mestres Pierres de Maisières. Chil IIII, au com-
mandement et ordenance dou roy, se partirent de Paris bien
estofféement, et cheminèrent tant par leurs journées qu'il
vinrent à Wissant : là montèrent-il en mer et furent tantost
oultre, et arrivèrent à Douvres, et séjournèrent là ung jour,
pour attendre leurs chevaus et leur harnas que on mist hors
des vaissiaus. Quant il furent tout prest, il montèrent sus leurs
228 PHILIPPE DE VALOIS BÉCMUE
chevaux et exploitièrent tant par leurs journées qu'il viw^at
à Windesore où U rois d'£ngleterre et la jone rojne sa feiaiue
se tenoient. Li IIII dessusnommet osent à savoir au roj pour-
quoi il estoient là venus, et ossi de qui il se rendoient. Li rois
d'Engleterre, pour l'onneur dou roy de France son cousin, les
fist venir avant et les reçut moult honnourablement , et ossi
fist madame la rojne sa femme, ensi que bien le savoient faire.
En apriès il comptèrent leur message ; il furent volentiers oy,
et en respondi li rois adont que il n'avoit mies son conseil
dalcs lui, mais il le manderoit , si se retraisent en le cité de
Londres, et là il en seroient respondu telement que bien deve-
roit soufire. Sus ceste paroUe, quant il eurent disné en le
cambre doudit roy et de la royne, moult aise, il s'en partirent
et vinrent ce soir jésir à Colebruch, et Tendemain à Londres.
Ne demora mies gramment depuis, que li rois d'Engleterre vint
à Londres, en son palais de Wesmoustier ; et là eut-il, sus ung
jour qu'il y ordonna, son conseil assemblé, présent qui li mes-
sagier dou roy Phelippe de France furent appelle ; et là remon-
stèrent-il pourquoi il estoient là venu et les lettres qui leur
avoient esté baillies dou roy leur signeur. Quant il curent parlé
bien et à point, il vuidièrent hors de le cambre; et lors demanda
li dis roys à avoir conseil sus ceste requeste. Il me samble que
11 rois fu adont si consilliés de respondre que voirement par
Tordenance et séelé de ses prédicesseur rois d'Engleterre et dus
d'Acquitainne, il en devoit foy, hommage et loyauté faire au
roy de France, ne del contraire on ne Toseroit, ne vourroit
point consillier. Chils pourpos et oonsauls furent arresté et li
messagier de France appelle : si vinrent de rechief en le
cambre de conseil. Là parla li évesques de Londres pour le roy
et dist : « Signeur qui ci estes envoyés de par le roy de France,
€ vous estes li bien venu ; nous avons oy vos parolles et leues
€ vos lettres et bien examinées à no pooir et consillées ; .si
€ vous disons que nous consillons monsigneur qui ci est, qu il
€ voist en France veoir le dit roy son cousin, qui moult amia-
c blement le mande, et dou sourplus de foy et d'hommage il
l'hommage dédouard m.
« B'Béqpite et face son devoir, car voirement y est-il tenus : si
« vous retrairés en France et dires ensi au roy vôôtfe signeur
€ que nos sires lî rois d'Engleterre passera par delà tempre-
« ment et fera tout ce qu'il doit faire, sans nul estri. » Ceste
response plaisi grandement bien as dessus dis messagiers de
France, et prisent congiet au roy et à tout son conseil ; mais
ançois il leur convint disner ens ou palais de Wesmoustier, et
les festfa là li dis rois moult grandement et leur donna au
départir, pour Fonneur et amour dou roy de France son cousin,
grans dons et bîaus jeuiaus. Depuis ce fait il ne séjournèrent
gaires de temps à Londres et s'en partirent et esploitièrent tant
par leur journées qu'il revinrent en France et droitement à
Paris, où il trouvèrent le dit roy Phelippe, à qui il comptèrent
toutes leurs nouvelles et comment il avoient exploitié, et en
quel estât il estoient parti dou dît roy d'Engleterre, et ossi com
grandement et honourablement il les avoit receus , et à leur
département et congiet prendre, donné de ses biens. De toutes
ces coses et esplois se contenta grandement li rois Phelippes et
dist que moult volentiers il veroit le roy Édowart d'Engleterre
son cousin; car onques ne l'avoit veu. Ces nouvelles s'espar-
dirent parmi le royaume de France que li rois d'Engleterre
devoit venir en France et faire hommage audit roy : si se
ordonnèrent et apparillièrent moult richement et très-poissam-
ment duch et conte de son sanch qui le désiroient à veoir; et
proprement li rois de France en escrisî au roy Charle de
Behangne son cousin et au roy Loeis de Navare, et leur
segnefla le certain jour que li rois d'Engleterre devoit estre
devers hii, et leur pria que il y vosissent estre. Cil doi roy, ou
cas que pryet en estoient, ne Feuissent jamais lassiet, et se
ordonnèrent au plus tost qu'il peurent, et vinrent en France en
grant arroy devers le roy. Li rois de France fu adont consilliés
que il recueilleroit le dit roy d'Engleterre son cousin en le
bonne cité * de Amiens. Si flst là faire ses pourvéances grandes
et grosses, et aministrer salles, cambres, bostels et maisons
* • De Arras ou.
330 PHILIPPE DE VALOIS RÉCLAKE
pour recevoir lui et toutes ces gens, où il se comptoit, parmi le
roj de Behangne et le roy de Na.vare qui estoient de se déli-
vrance et le duch de Bretagne, le duch de Bourgoigne, le duch
de Bourbon, à plus de 111° chevaus. Il avoit adont à Amiens et
a encores bien cité pour rechevoir aisiement otant de princes
et leurs gens et plus assés.
QucUr. réd. — Quant li rois Phelippes de France eut remis
le conte de Flandres en son pais et desconfi les Flamens, il se
retourna à Aire et remercia les signeurs qui Festoient venu ser-
vir, le conte de Hainnau son serourge, et le signeur de Biau-
mont son frère, le duch de Bar, le duch de Lorrainne et les Ion-
tains, et donna à tout homme congiet de retourner en son lieu,
et ils-meismes prist le cemin de France et esploita tant par ses
journées que il vint à Compiengne , et là se tint, car il volt
ordonner une grande feste à estre à Paris à sa bien venue, car
encores il n'i avoit point entré comme rois, et quant il i entra,
ce fu à très-haute solempnité, et fut adestrés dou roi de Boesme
et dou roi de Navare, et cevauça tout premiers à l'église Nostre-
Dame de Paris, et de là il retourna au palais, et là tint son estât,
et aussi fist la roine sa femme, et i ot tant de noblèces ce jour
que mervelles seroit à penser, ne à recorder.
Or avint que environ ung an que li rois Phelippes eut esté
couronnés à roi de France, et que tout chil qui de li tenoient,
eurent fait foi et hommage, ensi que faire le dévoient et que
tenu i estoient, il fu regardé ou consel de France que li rois
escriproit et manderoit son cousin et son homme le jone roi
d'Engleterre que il venist faire son devoir et relever dou dit
roi tout ce dont tenus il estoit, tant de la ducée de Guienne
comme de la conté de Pontieu. Si furent lettres escriptes et
séelées et envoyées de par le roi de France en Engleterre, et
vinrent li messagier deviers le jone roi qui se tenoit pour lors
à Windesore, et la roine Phelippo sa femme, qui requellièrent
les messagiers dou roi de France moult liement. Li rois
Êdouwars, par un sien clerc, ôst lire les lettres tout au lonc
l'hommage D'ÉDOrARD III. 251
que on li envoioit, et quant il ot veu et entendu le contenu, il
respondi et dist que de tout ce il se consilleroit et en feroit
volentiers ce que bon sambleroit à son consel. Li messagier se
contentèrent assés de ceste response 'et atendirent à la plai-
sance dou roi d'Engleterre tant que consilliés fu de respondre.
Il ne fist aultre response ; il reseripsi au roi de France sus la
fourme des lettres que on li avoit envojet, et estoit contenu
dedens que volentiers et aparliement il feroit ce en quoi il
estoit tenus, et que on li asignast journée et a celle il seroit.
Li messagier dou roi de France retournèrent en France et
aportèrent ces lettres. Quant li rois Phelippes et ses consauls
les veirent, il s'en contentèrent assés. Depuis les coses s'apro-
chièrent, et fu avisé et regardé ou consel de France que on
asigneroit le roi d'Engleterre journée à estre en la chité
d'Amiens, et que là tenroit li rois son estât et i seroient à
ce jour li douse per de France ou chil qui i poroient estre.
Or vint li saisons que li jovènes roy d'Engleterre passa
le mer en instanche de ce que pour hommaige au roy de
France, et vint ou royaume de Franche très-bien acoompa-
gniés des plus nobles et plus saiges de son pays , et trouva
le roy Phelippe à Amiens, qui là l'atendoit à grant noblèce,
lui IIII* de roys, li roys de Boesme, li roys de Navarre et
li roys de Mayogres, et fu adont li roys d'Engleterre honno-
rablement et grandement festyës et rechups de joustes, de
behours, de biaux et de solempnels disners, tout par Tes-
passe de XV jours, et tous les jours li donnoit li roys de
Franche aucuns biaux et riches jeuyaux de nouvel et à ses
gens ossî. Et fist là li roys d'Engleterre hommage au roy de
Franche de le conté de Ponthieu qu'il tenoit, et de le terre
de Gascoingne de tout ce qu'il en appertenoit au roy. Apriès
ces ordonnanches faittes, il se parti et s'en revint arrière
232 HOMMAGE
atout son arroy en Engleterre et li roys de Franee à Paris
et là environ.
Seo. réd, — Li jones rois d'Engleterre ne mist mies en oubli
le Yoiage que il devoit faire ou royaume de France, et se appa^
appareilla bien et faiticement et si souffîssamment, ensi que à
lui appertenoit et à son estât : si se parti d'Ëngleterre quant
jours fu dou départir. En se compagnie avoit II évesques» cesti
de Londres et cesti de LincoUe, et IIII contes, monsigneur
Henri, conte Berbi, son cousin germain, fil monsigneur Thu-
mas de Lancastre au Tor Col, le conte de Sallebrin, le conta de
Warvich et le conte de Herfort ; VI barons , monsigneur
Renault de Gobehem, monsigneur Thumaa Wage, maresobal
d'Engleterre, monsigneur Richart de Stanfort,le signeur de
Persi, le signeur de Manne et le signeur de Moutbray, et plus
de * XL • aultres chevaliers. Si estoient en le route et à le déli-
vrance dou roy d*EngIeterre plus de M chevaus, et misent
II jours à passer entre Douvres et Wissan. Quant il furent tout
oultre et leurs chevaus trais hors des nos et des vaissiaus, li rois
monta * acompagniés, ensi que je vous ay dit, et chevauça tant
que il vint à Boulongne ; et là fu-il un jour. Tantos nouvelles
vinrent au roy Phelippe de France et as signeurs de France,
qui jà estoient à Amiens, que li rois d'Engleterro estcit arrivés
et venus à Boulongne. De ces nouvelles eut li rois Phelippes
grant joie et envoia tantos son connestable et grant fuison de
chevaliers devers le roy d' Engleterre , lequel il trouvèrent à
Monstreul sus Mer, et là eut grans recognissances et approce-
mens d'amour. Depuis chevauça li joncs rois d'Engleterre en le
compagnie del connestable de France, et fist tant o toute se
route que il vint en le cité d'Amiens, où il rois Phelippes estoit
tout appareilliés et pourveus de lui reehevoir, le roy de Behagne,
le roy de Navare et le roy de Mayogres dalés lui, et si grant
fuison de dus , de contes et de barons que merveilles seroit à
« « L. - » A ch«val.
d'Edouard ui. S53
recordo^r; car là estaient t^ut 11 XII per de Fra^oe yeûu j^up
le roj d'ËiigleteiTe festoyer et ossi pour estre peraouelmefitt et
faire tesmoing à sou hoBimage. Se 11 rois Pbellppes reçut hoa-
nouraUement et grandement le' joae roy d^Engleterre, son cou-
sin, ce ne fait mies à demander ; et ossi âsent tout li roj, 11 doc
et 11 oonte qui là estoieat, et furent tout cil signeur adont en le
cité d^Âmiens jttsques à * XY » jours. Là en dedans eut tamainte
paroUe ei ordenanee faite et deviâée ; et me samble que 11 rois
Edouwars d'Ëngleterre fist adont hommage de bouce et de
parolle tant seulement , sans les mains mettre entre les mains
don roy de France ou prince ou prélat député de par lui ; et
n'en volt adpnt 11 dis roifi d'Ëngleterre, par le conseil qu'il eut,
doudlt lïommage proeéder plus avant, si seroit retoomés en
Ëngleterre et aroit vous, leua et examinés les previléges de
jadis , qui dévoient esclarclr ledit hommage et monstrer com-
ment et de quoi 11 rois d'Ëngleterre devolt estre homs au roy
de France. Li rois de France, qui veoit le roy d*Engleterre, son
cousin jone, eatendi bien toutes ces peu'olles, et ne le volt adont
de riens presser ; car bien il savoit assés que bien y recouvreroit
quant il vorroit , et 11 dist : • Mon cousin, nous ne vous volons
i pas décevoir, et noua plaist bien ce que vous en avés fait à
t présent, jusques à tant que vous serés retournés en vostro
c pays et enfourmés par les séelés de vostres prédicesseurs quel
c cose vous en devés faire. > Li rois d'Engleterre respondi :
i Chlers sires, grans merchis. > Depuis se jeua, esbati, et
demora li rois d'Engleterre avoecques le roy de France en le
cité d'Amiens ; et quant y eut esté que bien deubt par raison
souffîre, il prist congiet et se départi dou roy moult amiable-
ment, et de tous les autres princes qui là estolent, etsemist au
retour pour revenir en Engleterre et rapassa le mer, et fist tant
par ses journées qu'il vint à Windesore là où il trouva la royne
Phelippe sa femme qui le rechut liement et qui li demanda
nouvelles dou roy Phelippe son oncle et de son graat linage de
« • XVIII.
234 HOMMAGE
France. Li rois ses maris Ten recorda assés, et dou grant estai
qu'il avoit trouvet, et comment on Tavoit recueiUiet et festyet
grandement, et des honneurs qui estoient en France, asqueles
dou faire, ne de Tentreprendre à faire, nuls aultres pajs ne
s*acomparage ^
Ne demora gaires de temps puissedi que li rois de France
enToia en Engleterre, de son plus espécial conseil, Tévesque
de Chartres et Févesque de Biauvais, et ossi monsigneur
Loeis de Clermont, duch de Bourbon, le conte de Harcourt
et le conte de Tankarville, et des aultres cheyaliers et clers
en droit, pour estre as consauls le roy d'Engleterre, qut se
tenoient à Londres sus Testât que vous avés 07, ensi que 11
rois d*Engleterre, lui revenut en son pajs, devoit regarder
comment anchiennement si prédicesseur, de ce qu'il tenoient en
Aquitainnes et dont il s'estoient appelle duch , en ayoient fait,
hommage ; car jà murmuroient li pluiseur en Engleterre que
leurs sires estoit plus procains de Tiretage de France que li rois
Phelippes. Nequedent li rois d'Engleterre et ses consauls igno-
roient de toutes ces coses ; mais grant parlement et assamblées
sus le dit hommage furent en celle saison en Engleterre ; et i
séjournèrent li dessus dit envoyet dou roy de France tout Fyver
et jusques à l'issue dou mois de « may * ensievant, qu'il ne pooient
avoir nulle diffinitive response. Toutesfois finablement li rois
d'Engleterre, par l'avis de ses privilèges, asquels il ajoustoit
grant foy, fu consilliés de escrire ensi lettres pattentes séelées
de son grant séel, en recognissant l'ommage tel qu'il le doit et
devoit adont faire au roi de France, laquele teneur de la lettre
s'ensieut ensi :
€ Édouwars, par la grasce de Dieu, roys d'Engleterre, signeur
c d'Irlande et dux d' Aquitainnes, à tous ceuls qui ces présentes
€ lettres verront et oront salut. Savoir faisons, comme nous
€ feissons à Amiens hommage à excellent prince nostre chier
€ signeur et cousin Phelippe, roy de France, lors nous fu dit et
* Et ne fait à comparer. — •-• Mars.
d'Edouard m. 235
requis de par lui que nous recognissions le dit hommage estre
lige, et que nous, en faisant ledit hommage , li promissions
expressément foj et loyauté porter; laquele cose nous ne
fesimes pas lors , * pour ce que nous estions infourmés que
point ne se devoit ensi faire * ; et fesimes lors au dit roy de
France hommage par parolles générales, en disant que nous
entrions en son hommage, par ensi comme nostre prédices-
seur dux de Giane estoient au temps de jadis entrés en Tom-
mage des rois de France, qui avoient esté pour le temps ; et
depuis enchà nous soions bien enfourmés et acertenés de la
vérité, recognissons, par ces présentes lettres, que ledit hom-
mage que nous fesimes à Amiens au roy de France, comment
que nous le fesimes par parolles générales, fu, est, et doit
estre entendu lige, et que nous li devons foy et loyauté por-
ter, comme dux de Aquitainne et pers de France, et contes
de Pontieu et de Menstruel, et li prommetons dès or en avant
foy et loyauté porter. Et pour ce que ou temps avenir de ce
ne soit jamais descors, ne question à faire le dit hommage,
nous prommetons en bonne foy pour nous et nos successeurs
dus de Giane, qui seront pour le temps , que toutes fois que
nous et nos successeurs dus de Giane entrerons et entreront
en rhommage dou roy de France et de ses successeurs qui
seront pour le temps, le dit hommage se fera en ceste ma-
nière : li rois d'Engleterre , dux de Gyane , tenra ses mains
entre les mains dou roy de France , et cils qui adrecera les
parolles au roy d'Engleterre, dux d' Aquitainne, et qui par-
lera pour le roy de France, dira ensi : vous devenés homme
lige au roy de France mon signeur qui ci est, comme dus de
Gyane et pers de France, et li prommetés foy et loyauté por-
ter ; dites : voire. Et li rois d'Engîeterre, duch de Gyane, et
si successeur diront : txnre. Et lors li rois de France rece-
vera le dit roy d'Engleterre et duch de Gyane audit hom-
'-' Pour ce que nous n'estions enfermés, ne certains que ensi le
daussons faire.
âSti
HOMMAtiE
mage lige, à la foj et à la bouoe, sauf son droit et râutroi.
De rechief, quant ledit roj d'Engleterre et duch de Ojane
entrera en Thommage don rojde France et de ses successeurs
roi& de France, pour la conté de Pontieu et de Monstmel, il
mettera ses mains entre les mains dou roj de France ; et dis
qui parl^a pour le roy de France, adrècera les paroUea audit
roj et duc, dira ensi : vous devenés homme lige au roy de
France mon signeur qui ci est, comme contes de Pontieu et
de Monstruel, et li prommetés foj et loyauté porter ; dittes i
voire. Et ledit roy et duch, conte de Pontieu et de MonstrueU
dira : voire. Et lors li dis rois de France recevera ledit roy et
conte audit hommage lige, à la foy et à la bouche, sauf son
droit et Fautrui. Et ossi sera fait et renouvelé toutes fois que
Thommage se fera, et de ce baillerons nous et nos succes-
seurs dux de Giane, fais les dis hommages, lettres paf^ntes
séelées de nostres grans séauls, se le rois de France le requiert;
et avoech ce nous prommetons en bonne foy tenir et garder
affectuelment les pais et acors faits entre les rois de France
et les dis roys d'Angleterre ducs de Giane, et leurs pré-
décesseurs roys de France et ducs de Giane. Et en cette
manière sera fait et seront renouvelées les dittes lettres par
les dis rois et ducs et leurs successeurs dux de Giane et
contes de Pontieu et de Monstruel, toutes les fois que li rois
d'Angleterre dus de Giane et ses successeurs dux de Giane et
contes de Pontieu et de Monstruel, qui seront pour le temps,
entreront en Tommage dou roy do France et de ses successeurs
rois de France. En tiesmoing desqueles coses à cestes noj?
lettres ouvertes avons fait mettre nostre graiit séel. Données
à Eltem le trentisme jour du moys de mars, Tan do
grâce M. CGC. et XXX. •
Ces lettres rapportèrent en France li dessus nommet signeur,
quant il se départirent d'Engleterre, et il eurent le eongiet dou
roy ; et les baillièrent au roy do France, qui tantost les fist
porter à se chancellerie, et mettre en garde avec ses plus espé-
ciauls coses à le cautelle dou temps à venir.
d'Edouard iii. S37
Quatr. réd. — De toutes ces coses fa li rois d'Engleteire
sifnifyés et se ordonna seionch ce, et furent nommé et mandé
tous cenls que on voloit que il passassent la mer avoecques le
roi pour Tenir en France, et furent les pourvéances faites
grandes et grosses, ensi que à lestai dou roi d'Engleterre apar-
tenoit, et envoia ses lettres en Hainnau deviers le signeur de
Biaumont et li manda que il fust à Amiens en ce jour, car il i
seroit. Messires Jehans de Hainnau ne Peuist jamais laissiet que
il n'i fust v^QUS. Li rois d^Ëngleterre passa la mf^r en grant
arroi,6t vint à Boulongne et de là à Amiens, et bien acompagniés
de contes, de barons et de prélas d'Engleterre. Che propre jour
que le roi Tint, entra en la chité d'Amiens messires Jehans de
Hainnau, de quoi li rois et tout li Englois forent moult resjoj.
Li rois de France, de sa personne, honnoura moult le roi d'En-
gieterre, et furent aussi tout chil qui en sa e<Mnpagnie estoient,
moult honnouré. Là furent en la compagnie dou roi de France
et à sa déliTrance li rois de Boesme, li rois de Navare et li rois
de Maiogres. Là furent donné grans disners et biaus et bien
Mtofés : tout estât i furent tout sus tenu en ces jours , et pour
quoi li rois d'Engleterre aToit esté là mandés et estoit Tenus, il
fu requis soufissamment dou consel le roi<îe France que il Tosist
ftdre son doToir. Il m'est aTis que sus ceste requeste li jones
rois Edouwars d'Engleterre fist adont hommage au roi de
France de bouce et de parde tant seullement, sans les mains
mettre entre les mains dou roi de France, et non Tolt adont H
rois d'Engleterre, par le consel quil ot, procéder plus aTant, si
seroit retournés en Engleterre, et aueroient ils et ses gens Tens,
leus et examinés les priTiléges de jadis, qui deToient esclaircir
le dit hommage et monstrer comment et de quoi li rois d'En-
gleterre dcToit estre homs au roi de France. Li rois de France
quiTeoit adont son cousin le roi d'Engleterre jone, entcndi bien
toutes ces paroles, et ne Tolt pour Teure que il fust en riens plus
pressés , car bien sçaToit que à tout ce il recouTreroit quant il
Todroit. La nature des Englès est telle que tousjours il se criè-
ment à estre décheu et répliquent tant apriès une cose que mer*
238 HOMMAGK
Telles, et ce que il aueront en convenant ung jour, il le dilue-
ront Faultre, et à tout ce les encline à faire ce que il n'entendent
point bien tous les termes dou langage de France, ne on ne lor
scet comment bouter en la teste, se ce n'est toutdis à lor prou-
# fit, et encore en avint adont ensi : dont li signeur et li per de
France, qui là estoient venu et asamblé pour celle matère» en
furent trop fort esmervilliet, et en parlèrent espéciaument à mes-
sire Jehan de Hainnau et li remonstrèrent tous les poins et les
articles dou dit hommage comment il se devoit faire. Messires
Jehans de Hainnau qui estoit ensi que moyens entre ces parties,
remonstra ce au consel le roi d'Englotcrre, et les paroles des
François et quel cose il disoient, comment il deuissent estre là
venu aultrement pourveu que il n'estoient : il respondirent à ce
et s'escusèrent que il apertient et convient que as parlemens
qui sont à la Saint-Michiel à Wesmoustier, où tous li consauls
générauls d'Engleterre est, soient remonstrées tels coses, car
bonnement il ne le poroit faire sans le sceu de tout le païs, et se
li rois fait Tavoit, il en seroit blâmés, et aussi seroient tout
chil qui conseilliet li aueroient, et n'en vodroient riens tenir en
Ëngleterre, et diroient que il aueroient este décheu, siques sus
cel estât messires Jehans de Hainnau en ôst response à ceuls
qui cargiet l'en avoient; et quant il veirent que soufrir leur
convenoit, il le portèrent et passèrent courtoisement, et li rois
de France très-plus doucement encores que son consel , car il
avoit en imagination que d'emprendre la crois et aler au Saint-
Sépulchre et délivrer des mescréans , ouquel voiage il enmen-
roit avoecques lui, ce disoit, son cousin le jone roi d'Engleterre,
si le voloit tenir en amour et faire pour li tout che que il poroit.
Quant chil roi et chil signeur orent esté en la chité d'Amiens
environ huit jours, et que on i ot tenu et fait des festes et
solempnités moult grandes, il prissent congiet l'un de l'autre,
et s'en retourna casquns en son lieu, li rois de France en
France, et li rois d'Engleterre en Engleterre. Ne demora gaires
de temps depuis que li rois de France envoia en Engleterre de
son plus espécial consel l'évesque de Chartres et l'évesque de
D*ÉDOUARD 111. 339
Biauvais, et aussi messire Lois de Clermont, duch de Bourbon,
le conte de Harcourt et le conte de Tanquaryille, et des aultres
chevaliers et clercs en droit, pour estre as consauls le roi d*En-
gleterre qui se dévoient tenir à Londres, au palais de Wesmous-
tier, sur Testât que vous avés oy, ensi que li rois d'Engleterre
avoit proumis, et lui retourné en son païs, on i de voit regarder
comment anchiennement de cel hommage si prédécesseur en
avoient usé et d'où il s'estoient appelle dus de Giane, car jà
murmuroient li pluisseur en Engleterre que li rois, lors sires,
estoit plus prochains de Tiretage de France que li rois Phe-
lippes n'estoit. Li rois d'Engleterre et ses consauls ignoroient
de toutes ces coses, mais grans parlemens et assamblées sus le
dit hommage furent en celle saison en Engleterre, et i séjour-
nèrent li desus nommé prélas et barons envoyés dou roi de
France tout Tivier et jusques à Tissue dou mois de may ensui-
vant, que il ne pooient avoir nulle response. Toutesfois, quoi-
que il fust détryet, ônablement li rois d'Engleterre, par Tavis
de ses préviléges asquels il sgoustoit grant foi, fu consilliés de
escrire ensi lettres patentes scellées de son grant séel, en recon-
gnoissant Tommage tel que il le doit et devoit adont faire au
roi de France, laquelle teneur de la lettre s'ensieut ensi :
• Édouwars, etc. •
Vous avés oy comment chils jovènes roys fist hommaige
au roy de Franche et comment il fu mariés à madame Phe-
lippe, flUe au conte de Haynnau, li milleur dame, li plus
large et plus courtoise qui oncques fust à son tamps, ainssi
comme vous orés en ce livre, mes que j'aie loisir dou parsé-
vërer. Et si avés bien oy comment il chevaucha sur les
Escos et les painnes qu'il en eut pour yaux combattre et
comment li Escot se partirent de nuit et s'enfuirent, et com-
ment une trieuwe fu entre les II pays à durer III ans, qui
moult bien se tint, et comment li roys d'Engleterre maria
240 MORT.
96 jovëne soer an joTène roy Darid d'Escoce, et en devant
comment li Espenssier et lor secte forent mort. Depuis ces
avenues, li jovènes roys d'Engleterre usa et ouvra grande-
ment par le consseil medame se mère, de monseigneur le
conte de Kent son oncle, de monseigneur Henry de Lan-
castre au Tors Col, et de messire Rogier de Mortemer, et
ne faisoit, ne passoit riens fors que par leur consseil. Ayint
que haynne qui oncques ne mourut, monta si grande entre
messire Rogier, seigneur de Mortemer, sus le conte de
Kent, qu'il li monstra ^ (car il enfourma et enorta le roy),
que li dis contes de Kent ses oncles le voUoit empuisonner
et faire morir hastivement pour le convoitise de avoir le
royaumme comme li plus prochains. A oel enort et infour-
mation faire parti medame li royne se mfere. De tant le crut
liroys plus lëgièrement, car encoires estoit Jehans de Eltem,
frëres au roy, nouvellement trespassës ; s*en crut mieux
messire Rogier de Mortemer. Si fist prendre son oncle le
conte de Kent, et li fist publiquement * copper le teste, ne
oncques il n'en peult venir à escusanche ^ : de quoy tous
cils dou pays, grans et petits, nobles et non nobles, furent
durement troublet et courouchiet et eurent puisedi dure-
ment * contre coer ^ le seigneur de Mortemer, et bien pens-
soient que par son conseil et pourcachier et par fausse
amise estoit ainssi menés et traitiës li gentils contes de
Kent qu'il tenoient tout pour preudomme et loyaul *, ne
oncques apriès celi sires de Mortemer ne fu tant aimmës
comme il avoit estet par devant.
Sec. réd. — Li jones rois d'Englès se gouverna un grant
temps, sicom vous avés oy dii dessus recorder, par le conseil
* Malement. — • Devant tout le peuple. — • Et se n'y avoit coulpe.
— ♦-• En grant hayne. — • Et fu dommage de sa mort.
DU COMTE DE KENT. 241
de madame se mère, dou conte Aymon de Kent, son oncle, et
de monsigneur Rogier de Mortemer. Au daarrain , envie * com-
mença à naistre entre le conte de Kent dessusdit et le signeur
de Mortemer, et monta puis li envie si haut que li sires de Mor-
temer enfourma et enhorta tant le jone roy, par le consentement
de madame se mère, le rojne, et li fisent entendant que^li dis
contes de Kent le voloit empuisonner et le fcroit morir tempre-
ment, s'il ne s'en gardoit, pour avoir son royaume, comme li
.plus proçains après lui par succession ; car li jones frères le roy
queonclamoit messire Jehan d'Eltem, estoit nouvellement tres-
passés. Li jones rois qui creoit légièrement che dont on Pen-
fourmoit (ensi que jones signeurs, tels a -on souvent veus,
croient légièrement cou dont cils qui les dolent consillier les
enfourment, et plus tost en mal qu en bien), fist assés tost après
chou son dit oncle le conte de Kent prendre et le fist décoler
publikement, que onques il n'en peut venir à escusance. De quoi
tout cil dou pays, grans et petis, nobles et non nobles, en furent
durement troublet et courouciet, et eurent puissedi durement
contre coer le signeur de Mortemer ; et bien pensoient que par
son conseil et pourcach. et par fausse amise, avoit ensi esté
menés et trettiés li gentils contes de Kent, que il tenoient tout
pour preudomme et pour loyal ; ne onques apriès ce li sires de
Mortemer ne fu tant amés, comme il avoit esté en devant.
Quatr, réd, — Je retournerai à cosses d'Engleterre,qui furent
moult piteuses. Vous avés souvent oï dire et recorder que envie
et discorde se boutent volentiers en maison où paix est, pour tout
touellier. Pour ces jours, toute paix, toute amour et toute concorde
estoient en Engleterre, et gouvernoient le roiaulme li contes
de Kent et messires Rogiers de Mortemer, et tout se passoit
par ces deus, liquel a voient esté si bien d'acort ensamble tous-
jours que nui différent on n'i avoit point veu. Or avint que
* Qui oncques ne mourut.
I. — FROISSART. 16
â42 MORT
messirefi Jôhan d*Eltem, frères maisaés dau roi et que li rois
tmoit otant que soi-meismes, ala morir assés soudainnement,
de laquelle mort on fu moult esmerveilliet et courouehiet, et
en parlèrent pluisseurs gens assés estrangement et murmu-
rèrent sus le conte Aymon de Kent pour tant que li enfès
estoit en sa garde, et meismement li rois en fu trop grande-
ment courouchiés sus son oncle. Avint assés tos apriès que
discorde et haine s'esmureut entre le conte de Kent et messsire
Rogier de Mortemer, et si grosses paroles que il desmentirent
Fun Taultre, et sentoit bien li dis messires Rogiers que li contes
de Kent n'estoit pas bien en la grâce dou roi, car se il euist
esté, les paroles fuissent aultrement tournées, et ne Teuist osé
courouchier li dis messires Rogiers. Avoecques tout ce , la
roine (la mère dou roi) portoit trop grandement messire
Rogier à rencontre dou conte de Kent, et se mouteplyèrent
tellement ces haines entre ces deus signeurs que la conclusion
en fu très-male; car li rois fu enfourmés de messire Rcgier
de Moriemer et d'autrui que li contes de Kent voloit empoi-
sonner le roi et faire morir ensi que il avoit fait messire Jehan
d*Eltem, et pour venir à la couronne d'Engleterre. Li rois crut
ces paroles légièrement et en parla à madame sa mère, la roifie
Issabiel, qui mieuls amoit messire Rogier que le conte de Kent,
ne Tescusa aultrement que elle dist : « Ce poroit bien estre,
€ biaus flls, on ne scet en qui avoir fiance aujourd'hui. On li
€ donne en ce païs povre renommée de vostre frère, et se vous
« estiés mors, il seroit rois d'Engleterre : c'est li plus pro-
« çains. p Ces paroles entrèrent tellement en coer le roi
d'Engleterre qui estoit jones, que onques despuis elles ne li
porent. issir, et ôst prendre son oncle et mener en la Tour à
Londres, et de là au palais de Wesmoustier. Li contes de Kent,
qui avoit esté tenus tousjours à preudomme et sage et vaillant
homme, ot cel inconvénient si grant contre li que morir le
convint, et fu décolés ens es gardins de Wesmoustier, là où li
rois Edouwars, ses frères, en avoit fait déceler des plus grans
barons d'Engleten^e jusques à vint-deux ; et ce greva et apesa
DU COMTE DE KENT. 343
trop grandement le conte Aimmon de Kent en la grâce et
renommée des Londryens, que il avoit sa cousine la soer au
roi d'Engleterre donné et acordé en mariage au roi David
d*Escoce, sans ce que li païs en sceust riens, et non fu point
tant plains que il euist esté et aidiés se il n euist fait ce
marcié. De ce conte de Kent mort et décolé, demora une jone
flUe. Pour lors, elle pooit avoir sept ans. Se la prist la jone
roine Phelîppe dalés lui, qui en ot pité, et euist volentiers aidié
à son père que il ne fust point mors, mais quant chil qui le
haïssoient, veirent que elle s'en voloit ensonnyer, il le hastèrent,
et le convint morir, ensi que vous avés oy. Celle jone damoi-
selle de Kent estoit cousine germainne dou roi Édouwart
d'Engleterre, et fu en son temps la plus belle dame de tout le
roiaulme d'Engletcrre, et la plus amoureuse, mais toute sa
génération vint à povre conclusion par les fortunes de ce
monde qui sont moult diverses, ensi que vous orée recorder
avant en Tistore. De la mort et décolation le conte Ajmmon de
Kent fu li roiaulmes d'Engleterre moult afoiblis, et li rois en
pluisseurs lie us grandement blâmés, quant il avoit fait morir
son oncle, et tout chil qui ce consel li avoient donnet et par
espécial messires Rogiers de Mortemer.
Ne demoura mies depuis gramraent de tamps que grant
farae yssi hors, ne sçay mies se voirs estoit, que medame le
royne estoit enchainte, et en encoupoit-on plus le seigneur
de Mortemer que nul autre. Si commencha durement chils
famés à mouteplyer tant que li jovènes roys en fu infourmés
souflflsamment, et avoecques ce il fu infourmés que * par le
fausse amise del seigneur de Mortemer * f^ite plus par traï-
son et envie que par vérité, il avoit fait mettre à mort son
cher oncle, le bon conte de Kent, que tout chil del pays
^-* Par havne et à maise cause.
244 SUPPLICE
tenoient pour preudomme et loyal. Dont s*il fu tristes et
courouchiës, ce ne fait point à demander \ ains lîst tantost
prendre le seigneur de Mortemer et le fîst amener à Lon-
dres, à Wesmoutier son palais, et par devant grant fuison
de barons de son royaumme et ossi des nobles et des pré-
las. Et compta li roys meysmes par devant tous chiaux qui
là estoient mandet et assamblet, les fès et les œuvres le
seigneur de Mortemer, enssi que infourmés en estoit et que
trouvet Tavoit souffisamment, siques grant partie en appa-
roit. Si en requist li dis rois à avoir jugement et demanda
de quelle mort tels homs devoit morir, qui ensi ouvret avoit.
Li jugemens fu assés tost rendus et accordés, car chacuns
estoit assés infourmés par famé et ainchois lonch terme que
li roys en sieuwist riens. Touttevoies li jugemens fu enssi
acordés par tous que il fuist justichiés tout en tel manière
que messire Hues li Espenssiers avoit estet justiciés. Enssi
fu fait. Si fu tantost traynés par le cité de Londres sour
ung bahut et puis loyés sour une eschielle enmy le place, et
puis li vis coppés et toutes les couilles, et puis apriès li
ventres fendus et toutte li coraille ostée et arse en ung feu.
Et apriès on li coppa le teste, et puis fu pendus par les
costes. Et puis tantost apriès li jovènes roys fîst medame se
mère enfermer en ung bel castiel et li livra * dames et cam-
berières assés pour elle garder, servir et faire compaignie,
et mesnies et escuyers pour servir si haulte dame comme
elle estoit, et li assena grant terre et grant revenue pour
elle souffisamment gouverner seloncq son estât tout le
cours de se vie, et séoient les revenues tout environ ce cas-
tel. Et ordonna li roys que nullement elle ne vuidast point
dou castiel plus avant que à le barrière, mais là dedens
presist ses esbattemens en vergier et en gardins qui moult
^ Et c'estoit bien raUon.— * Aucunes.
DE ROGER DE MORTIMER. 245
bel estoient, et par les édeflices dou castiel dont iiy avoit
grant fuison. Apriès ce que cliils jovènes roys Édouwars
d'Engleterre eut fait ces II hautes justiches sîcomme vous
avés oy, il prist nouvel consseil des plus sages * et des
plus creus * de toiit son royaumrae, et se gouverna moult
' bellement \ et maintint son royaumme tout en pès par le
bon consseil qu'il avoit pris et encargiet moult amiablement
dalés medame se femme, et faisoit souvent joustes, tournois
et esbatemens pour le temps passer en plus grant joie, et
acquist grant grâce par tout son royaumme et grant
ronoummée par tous pays ^.
Sec, réd. — Ne demora mies depuis gaires de temps que grant
famé issi hors sus la mère dou roy d'Engleterre, ne sai mies se
voirs estoit, que elle estoit enchainte; et en edeoupoit-on plus
de ce fait le signeur de Mortemer que nul aultre. Si commença
durement chils escandèlcs à mouteplyer, tant que li jones rois
en fu enfourmés souffissamment. Et avoech tout ce il fu enfour-
mcs que par fausse amise et par envie dou signeur de Mortemer,
faite plus par trahison que par raison, il avoit fait mettre à mort
son oncle, le conte de Kent, que tout cil dou pays tenoient et
avoient toutdis tenu pour preudomme et pour loyal ; dont, se 11
jones rois fu tristes et courouciés, ce ne fait mies à demander.
Si fist tantost prendre le dit signeur de Mortemer, et le fist
amener à Londres, pardevant grant fuison des barons et des
nobles de son royaume, et fist conter par un sien chevalier tous
les fais le signeur de Mortemer, ensi que escrire et registrer
les avoit fais ; et quant il furent tout dit et conté, li dis rois
d'Engleterre demanda à tous, par manière de conseil et de juge-
ment, quel cose en estoit bon à faire. Li jugemens en fu assés
tost rendus ; car cascuns en estoit jà par famé et par juste infor-
*' Et vaillans. ~ ^* Sagement. — * Demourant doolcement dalës
sa famme.
246 SUPPLICE
mation tous avisés et infourmés : si en respondirent au roy et
disent que il devoit morir en tel manière comme messires Hues
li Despensiers a voit fait et esté justiciés. A ce jugement n'eut
nulle dilation de souffrance, ne de merci : si fa tantos traînés
parmi la cité de Londres sur un bahut, et puis loyés sus une
eschielle en mi le place, et puis li vis copés à toutes les coulles
et jettées en un feu qui là estoit ; et puis li fu li ventres ouvers
et li coers trais hors, pour tant que il en avoit fait et pensé le
trahison, et jettes ou dit feu et ensi toute se coraille; et puis fu
esquartelés et envoyés par IIII mestres cités en Engleterre, et
la teste demora à Londres. Ensi fina li dis messires Rogiers de
Mortemer : Dieus li pardoinst tous ses fourfais. Tantos apriès
ceste justice faite , li rois d'Engleterre , par le conseil de ses
hommes, fist madame sa mère enfermer en un castiel, et li
bailla dames et damoiselles et camberières et toutes gens assés
pour lui garder et servir et faire compagnie, chevaliers et
escuiers d'onneur ensi comme à si haute dame que elle estoit
appertenoit ; et li assigna et délivra grant terre et belle reve-
nue, pour lui souffissamment gouverner, selonch son noble estât,
tout le cours de se vie, et la ditte revenue au plus pries de celi
castiel que il peut par raison ; mais il ne vot mies souffrir, né
consentir que elle alast hors, ne s'amonstrast nulle part, fors en
aucuns * esbas * qui estoient devant le porte dou castiel et qui
respondoient à le maison. Si usa la ditte dame là sa vie depuis
assés bellement ; et le venoit veoir II ou III fois Tan li jones
rois Édouwars , ses fils. Nous nos soufferons à parler de la
dame, et parlerons dou dit roy, son fil, et comment il persévéra
en sa signourie. Apriès 'ce que cils rois Édouwars qui estoit en
son jone eage, eut fait faire ces II grandes justices, sicom vous
avés oy chi dessus recorder, il prist nouvel conseil des plus sages
et des miex creu de tout son royaume, et se gouverna moult bel-
lement ; et maintint son royaume en pais, par le bon conseil
qu'il avoit dalés lui.
*-* Lieux esbataiJB et moult plaisans.
DE R06SR DE MORTllIKR. 247
Quatre red. — En celle propre année avint que famé issi
hors sus la roine Issabiel d'Engleterre , mère, dou jone roi
Édouwart, que elle estoit enchainte d'enfant, et n'estoit nuls
encoupés de ce fait, fors messires Rogiers de Mortemer. Et
commença chils escandèles tant à mouteplyer que li jones rois
en fu enfourmés soufisamment, et li fu dit pour son honneur,
il con\enoit que il i pourveist. Messires Rogiers fu pris et
amenés à Londres. Adont furent mandé grant fuisson des
barons et des nobles d'Engleterre. Quant il furent venu, on les
mist ensamble, et là fu li rois présens et feist compter par un
sien chevalier tous les fais à messire Rogier de Mortemer, qui
sus lui estaient prouvé soufisamment, et quant il furent tout
dit et compté et bailliet oultre par escript, li rois demanda à
tous quel cose en estoit bonne à faire, il respondirent que il s'en
conselleroient. Adont entrèrent tout chil signeur en une aultre
cambre et parlèrent ensamble : il furent tantos consilliet, car
la cose estoit toute clère et bien sceue, si retournèrent déviera
le roi : si en respondirent et dissent tout de une seute que il
devoit morir de la mort parelle à messire Hue FEspensier, car
il estoit fauls, mauvais et traîtres contre son signeur. A ce
jugement n*eut nulle merchi, mais fu tantos dou palais de
Wesmoustier trainés sus un bahut tout au lonch de la chité de
Londres et puis amenés en la grande rue de Cep, et là loyés
sus une escelle, et li furent copés li vis et les couUes et ruet en
ung feu que on avoit fait devant lui, et puis li ventres ouvers
et trait hors son coer et sa coraille, et jette ens ou feu, et puis
fu mis jus de Tescelle et estendus sus un estai de bouchier et
copés la teste et esquartelés et envoyés les quarts en quatre
souverainnes chités d'Engleterre, et la teste de lui fu misse
sus une glave au pont de Londres. Ensi âna messires Rogiers
de Mortemer. Tantos apriès celle justiche faite, li rois d'Engle-
terre, par le consel qu'il ot, fist madame sa mère envoyer en
un castiel et là tenir sans point issir de la pourprise, et 11
fist avoir son estât , chevaliers , dames et damoiselles et tous
offîcyers et rentes et revenues et bien payés de teçme en
348 iAOUARD m réclame
terme. Depuis vesqui la roine Issabiel là en cel estât, bien
trente-quatre ans. Apriès toutes ces avenues desus dittes, li
Jones rois d'Engleterre prist et mist dalés li bon consel et meur
de sages et de vaillans hommes de son roiaulme.
Or avint que les trieuwes qui estoient entre lui et le roy
d'Escoce faillirent. Si fu enfourmés que li roys David d'Es-
coce ses serourges estoit saisis de le bonne chité de Bervich,
qui devoit estre de son royaume, et que li bons roys Édou-
wars ses tayons le avoit tousjours tenue paisivlement et
francquement et ses pères .apriès, ung grant temps. Et fu
enfourmés que li royaumme d'Escoche mouvoit de lui en
flef, et que li jovènes rois David, ses serouges, ne Tavoit
encoires relevet, ne fet son houmage, dont se il aniciloit
ainsi ses drois, * il en seroit mains honnerës et doublés *.
De ces ' paroUes * li rois s'esmut et eut indignation, et
envoya tantost apriès grans messaiges et souffisans en
Escoce au jovène roy David et à son consseil, et li fîst dire
et requerre que il volsist oster se main de le bonne cité de
Bervich et lui resaisir, car c'estoit ses bons hiretaiges et
avoit tousjours estet du demaîne ses anchisseurs rois d'En-
gleterre, et qu'il venist à lui pour faire hommaige del
royaumme d'Escoche qu'il devoit tenir de lui en fief.
Quant li jovènes roys David d'Escoche eut oy les mes-
saiges le roy d'Engleterre son serourge et les requestes que
faittes li furent, si respondi qu'il s'en conseilleroit dedens
bref jour. Lors assambla tout son consseil les nobles et les
grans barons d'Escoce et ossi les prélas, et leur dist le
requeste le roy d'Engleterre, et puis leur demanda à avoir
•-* Il en vauroit raains et en serait mains prisiës et crémus. —
*"* Oppinions.
l'hommage du roi d'ècossb. 248
80ur ce consseil et bonne délibération. Et quant il fu assës
conseillé sur ces requestes, il respondi as messages et dist :
a Signeur, jou et tout my homme, nous mervillons dure-
ce ment de chou que vous nous requérez de par le roy nostre
« serourge tels coses à faire. Or nous ne trouvons mies* à*
« nos anchyens, ne ne tenons que li royaummes d*Escoche
a soit de riens soubgès, ne doit estre au roy d*Engleterre,
« ne pour hommaige ne autrement ; ne oncques messires li*
« rois Robers nos pères n*en vot faire hommage à vos
o anchisseurs roys d'Engleterre, pour guerre que on l'en
« fesist. Ossi n'avons-uous point conseil, ne voUenté del
ce faire. En apriès nos dis pères conquist le bonne chité
ce de Bervich par droite guerre sur le roy son père, et le
ce obtint tout le cours de se vie comme son bon hiretaige.
«c Ossi le pensons-nous à tenir par le grâce de Dieu et en
« ferons nostre loyaul pooir comme nostre bon hiretaige. Si
ce vous requérons que vous voeilliés dire de par nous au
ce roy et pryer qu il nous voeille laisser en telle franchise
« que nostre * devantrain • ont estet, et laissier joyr de ce
<c que li rois nos pères conquist et maintint toute se vie pai-
cc sivlement, et que encontre chou ne voeille croire nul man-
te vais, ne légier consseil. Car se ungs autres nous voul-
ce loit faire tort, si le nous deveroit-il aidier à deffendre
« pour l'amour de sa sereur que nous avons à femme, si
te comme nous ferions lui en cas sannable ' par amours,
ce non par hommaige *. » Li messagier respondirent :
te Sire, nous avons bien entendu vostre rosponco; si le
te reporterons ' vollentiers ^° à nostre seigneur le roy en
et telle maunière que dit Tavés. » Puis prissent congiet et
revinrent arrière à leur seigneur le roy d'Engleterre à sou
*■• Par. — ' Bons. — •• Anchisseur '• Se il le requéroil. —
•■•• Le mieux que aoa porroas.
KM) ÉDOUARl» III RÉCLAME
xtsnssei). Si recordèrent toutes les parolles qtie H j<^èM0
roys d*Escocbé avoit respondut à lot requesté, lîqttôld
rapors ne plaisi mies adont trop bien au roy Édouwart et
encoires moins à son consseil qui désiroient à avoir la^erre
as Escos et contrevengier * le mort de lor proïmes qui
forent ochis devant Struvelin et en le cache qui fu assez
dammagable et honteuse pour les Englës.
Quant li roys d'Engleterre eut oy les hommes de bien
qu'il avoit envoyet en Escoche devers le roy son serourge,
et les responsces telles que li rois li avoit fait, se li sam-
blërent d'un lés assés dures contre l'honneur de lui et de
soh royaumrae, et ossi assés raisonnables tant qu'à frater-
nité, car voirement estoit-il tenus à souffrir de lui pour le
cause de sa sereur que il avoit épousée, et assés legière-
ment s'en fust * souffers ' , sauve l'honneur de lui et de son
pays ; mais chil qui dallés lui estoient et par qui consseil en
partie il ouvroit de cette besoingne, ne le layèrent guaires
longement endormi, ains li disent pour lui esmouvoir et
escauffer : « Sire , vous avés juret, solempnelment par
« dignité de roy, à tenir, maintenir, soustenir, deffendre et
« acroistre les droîs de vostre royaumme. Dont, se vous
« laîssiés cette bonne chîté de Bervich etcebel castel de Rose-
« bourch qui sont sus marche et clefs de vostre pays à l'en-
i< contre del royaumme d'Escoche ens es mains des Eschos,
« vous ne vos acquittés * mies bien * contre vostre sierment
(c et en afoiblissiez vostre honneur et vostre hiretaige, et
« moins en serés doubtés et honnerés, qui estes jovène et
« en vo venir. Et poront dire tout chil qui parler en oront,
« que faute • de hardiement et faintise de coer (ce qui n'est
« pas bien séans en jovène seigneur) ^ le vous font faire '.
* S'il pooient. — ** Passes. — *'^ maisemeùt. — * Pour vostre
honneur et. — « De sens ou de. — ^"^ Vous feroît àinsy dëfalir de
Tostre droit garder.
l'hommage du roi d'Ecosse. S5f
éf Encopres pluâ avant tous les jours li Escochois ptleveiit
« par l'entrée de Bervich et par le castel de Rosebôurch
« entrer et courir en vostre royaumme bien avant, ce
« que pas ne feroient se chil hiretaige qui jadis fuirent à
« vos prëdicesseurs estoient racquis à vous, enssi que dé
« légier le pourés faire se vous voilés, car li forche des
(c Escos est moult amenrie et afoiblie puis III ans en enchà.
(c Si sont-il grant et orguilleux et qui petit amirent, ne pri-
« sent vostre pays. Encores tous les jours sus marche,
« ensi que nous sommes enfourmés souffisamment par no8
a voisins qui les marchissent, chiaux dou Noef-Castiel sur
« Tin, de Branspeth, de Persi, de Urcol et des autres cas-
ce tiaux voisins, * li Escochois les manachent * et dient qu'il
ce chevaucheront encorres plus avant en vostre pays que li
ce roys Robiers ne fist oncques, mais que li rois David leur
ce sire ait ung peu plus d'eage, ' et que pour ce que vous
ce volliés nourir pès à yaux et tenir vostre terre sans guerre,
ce acordastes-vouS le mariaige de çaedame votre soer à
ce yaux *. Dont tels coses et plus assés que touttes ne poons
ce mies recorder, mes tous les jours en oons nouvelles par
ce les marchissans *, qui ne font mies à souffrir, ne à con-
cc sentir. Si ayés sour ce bon advis et ® hastieu ^ consseil,
ce nous vous en prions. »
Sec. rid. — Vous avés bien oy recorder chi dessus de le
guerre du roy Robert d'Escoce et du roy d'Engleterre, et com-
ment unes triewes furent prises à durer III ans (là en dedens
cils rois Robers morut) en aprièsiïou mariage qui fut fais de
*-* Car encore est le orgôul des Escos si grans qu*il ne leur souffist
point à ce qu'ils tiennent de vostre héritage, mais menacent. — '-^ Et
pour paix acquerra et amour, vous donnastes Tostre seur en mariage
au roy d'Escoce; si oons qu'ils sont plus dur sur vostre pays qu'ils
n'ont oncques estet. — " Sur frontières. — ••^ Et britf.
952 EDOUARD 111 RÉCLAME
la serour \u roi englès et dou fil ce roy Robert , qui fu roi«
d'Escoce apriès le mort de son père, et le clamoit-on le roy
David. Le temps que ces trièwes durèrent et encores un an
depuis ou environ furent li Englès et li Escot bien en pais, che
que on n'avoit point veu en devant, passet avoit CC ans, qu'il
ne se fuissent guerryet et héryet. Or avint que li joncs rois
d'Engleterre fu infourmés que li rois d'Escoce ses serourges
estoit saisi de le bonne cité de Bervich qui devoit estre de son
royaume, et que li rois Édouwars ses taions Tavoit tousjours
tenue paiseulement et franchement, et ses pères apriès, un
grant temps, et fu infourmés que li royaulmes d'Escoce mou-
voit en fief de lui, et que li jones rois d'Escoce ses serourges
ne Tavoit encores relevet, ne fait hommage. Il en ot indigna-
tion et envoia assés tost apriès grans messages souffissans au
jone roy David son serourge et à son conseil, et li fist requerre
que il vosist oster se main de le bonne cité de Bervich et lui
ressaisir, car c'estoit ses bons hiretages et avoit tousjours esté
de ses ancisseurs rois d'Engleterre, et qu il venist à lui pour
faire hommage del royaume d'Escoce qu il devoit tenir de lui
en fief. Li jones rois David se consilla à ses barons et à chiaus
de son pays, par grant délibération de conseil , et quant il fu
assés consilliés sour ces requestes, il respondi as messages et
dist : « Signeur, jou et tout mi baron, nous mcrvillons dure-
« ment de ce que vous nous requêrés de par le roy nostre
« serourge, car nous ne trouvons raies * à nos ancyens *, ne ne
« tenons que li royaumes d'Escoco soit de riens tenus, ne
« subgès ne doit estre au roy d'Engleterre, ne. par hommage,
« ne autrement ; ne onques messires li rois nos pères, de bonne
« memore, n'en volt faire hommage à ses ancisseurs rois
« d'Engleterre , pour guerre que on l'en fesist : ossi n'ai-jou
« point conseil , ne volenté dou faire. En après nos pères li
« rois Robers conquist la cité de Bervich, par droite guerre,
t sur le roy d'Engleterre son père, et le obtint, comme son bon
•-• En nos anciens registres.
l'hommage du roi d'Ecosse. 253
« hyretage, tout le cours de sa vie : et ossi le pensé-jou et faire
« bien à tenir, et en ferai mon pooir. Si vous requier que vous
« voelliés prjer au roi, cui sereur nous avons, quil nous
« voelle laissier en celle franchise sicom no * devantrain * ont
« esté, et joïr de ce que li rois nos pères conquist et maintint
« toute se vie paisieulement , et que encontre ce ne voelle
« croire nul mauvais conseil, car se uns aultres nous voloit
« faire tort , si nous deveroit-il aidier et deffondre , pour
« lamour de sa sereur que nous avons à femme. » Li message
respondirent : a Sire, nous avons bien entendu vostre res-
« ponse, si le reporterons volentiers à nostre signeur le roy,
« en tel manière que dit Favés ; » puis prisent congiet et
revinrent arrière à leur signeur le roj d'Engleterre et à son
conseil. Si recordèrent toutes les paroUes que li jones rois
d'Escoce avoit respondu à leur requeste , liquels rapors ne
plaisi mies bien au roy Édouwart, ne à son consel ; ains fist
mander à Londres au jour de parlement tous les barons, che-
valiers et consauls des bonnes villes de son royaulme, pour avoir
sur ce conseil et meure délibération.
Quatr, réd, — Vous sçavés, sicom il est contenu ichi desus
en nostre histore, comment les trieuwes furent prisses et don-
nées entre Engleterre et Escoce, et aussi, comment li mariages
fu fais dou jone roi David d'Escoce à la serour le roi d'Engle-
terre, de quoi li Escoçois en quidièrent trop grandement mieuls
valoir, mais li Englès ne lentendoient pas ensi, euls qui ne
pueent amer les Escos, ne ne fissent onques, ne jà ne feront.
Quant les trieuwes furent fallies entre euls et les Escos, qui
avoient duret trois ans, il ne vodrent point souffrir par nulle
voie que les trieuM^es fuissent reprisses, car il voloient avoir la
guerre, car li séjourners lor desplaisoit trop grandement.
Englès sont de celle nature : il ne scèvent, ne puent, ne voellent
longuement séjourner sans euls ensonnyer en guerre et deman-
dent les armes, n'ont cure à quel title, et trop grandement s'i
'* Devanciers.
#
254 EDOUARD m RÉCLAME l'aOIIIIAGJî DU ROI D*ÉCOSSE.
délitent et abilitent. Ençores estoient Les Escoçois assés au-cfôssus
46 lors besongnes et tenoient la chité de Bervic, que li rois
Jtobers de Brus, quant il laia le siège de JBtruvelin, avoit con-
quis sus le roi Édouwart, père au jone roi Édouwart, dont il des-
plaisoit grandement as Englès, et pour ce avoient li auqun parlé
vilainnement en Engleterre sus le conte de Kent, quant il acorda
si tos sa cousine, Isabiel d^Ëngleterre, par mariage au roi
d'Escoce, lor adversaire. Quant les trieuwes furent faillies
d'Engleterre et d'Pscoce, li Escoçois qui quidièrent trouver
auquns amour et aliance deviers le roi d'Englet^rre et son con-
sel pour ?a cause de ce que lors sires avoit à femme la serour
le roi d'Engleterre, envoyèrent ambassadeurs d'Escocc, tels que
révesque de Saint-Andrieu , Févesque d'Abredane , messire
Robert de Versi, messire Arcebaut Douglas, messire Simon
Fresel et messire Alixandre de Ramesai deviers le roi d'Engle-
terre et son consel, et vinrent chil prélat et chil chevalier
d'Escoce sus bonnes aségurances en la chité de Londres. Pour
lors li rois d'Engleterre et la roine Phelippe tenoient leur hostal
une fois à Eltem et Tautre fois en Windesore. Pour ces jours
que li Escoçois vinrent, estoient li rois et la roine à Eltem. Si
«e traïssent deviers euls tout premièrement, ensi que pour
mieuls valloir, car au voir dire, il avoient plus chier à entendre
à unes longues trieuwes ou avoir paix que la guerre, car lor
poissance en Escoce estoit trop afoiblie tant dou roi Robert qui
mors estoit, que de messire Guillaume Douglas et dou conte de
Moret. Li rois d'Engleterre et la roine et li clievalier d'ostel
requellièrent assés courtoisement ces signeurs d'Eseoce pour la
cause de ce que li rois Davis, lors sires, avoit à femme lor
serour, et remonstrèreut au roi moult doucement ce pour quoi
il estoient là venu et envojet de par tout le païs. Li rois res-
pondi à ce et dist que il fuissent li bien venu, et que volentiers
il meteroit son consel ensamble et là seroit, et toute l'adrèce
que il poroit faire, fust de trieuwes ou de paix, salve Tonnour
de 11 et de son roiaulme, il meteroit. Ceste response souffi assés
as Escoçois, et retournèrent en la chité de Londres.
DÉLIBÉRATION DU PARLEMENT, 2S5
Tant fu li rois Édouwars d'Engleterre conseillés et
enfourmés contre les Escos, que il fist cryer une moult belle
feste à Londres et fut de XXX chevaliers de dedens et
ossi de XXX escuyers, et manda que tous nobles et prëlas
fuissent à Londres ou environ à le Purification Nostre-
Dame qui fu l'an mil fyCC.XXXL Tout y furent ensi que
ordonnet estoit, et fu la feste moult noble, bien festiée et
bien joustée, et ^ à celle feste fu * messires Jehans de Hayn-
nau, lui XIP de chevaliers; et eut adont de chiaux de
dehors le pris des joustes li sires de Fagnoelles qui estoit
de le compaignie monseigneur de Biaumont, et des escuyers
de dehors Francq de Halle qui encoires n' estoit mies che-
valiers, mes il le fu celle année ens es armes d'Escoce, en le
compaignie dou roy.Tout ces VIII jours on jousta et festia
grandement à Londres, et grant fuison de seigneurs, de
dames et de damoiselles il y eut. Au chief des VIII jours
sus le département de le feste, ^ li roys assambla tout son
consseil, prélas, coûtes, barons, chevaliers et bourgeois
sages et honnestes des bonnes villes ^, et là leur fist li roys
remonstrer par ce vaillant prélat le évesque de Lincolle,
comment il avoit fait requerre au roy d'Escoce son serourge
que il volsist ester se main del chité de Bervich et dou cas-
tel de Rosebourch que il détenoit à tort, et qu'il volsist faire
hommaige à lui de son rayaumme d'Escoce, ensi qu'il devoit,
et ossi comment li roys d'Escoce avoit respondu à ses
messaiges, si pria à tous li rois par le bouche dou dessus
dit évesque que chacuns le volsist sur chou si consiller que
se honneur y fuist gardée.
Adont tout li baron, li chevalier, li conssaulxdes chîtés
et des bonnes villes et tous li communs pays se conseillièrent
>*> A ceste feste vinrent moult de grans seigneurs; et par espécial
y fu. — ^'^ Le roy appella tout soa conseil de trois estas.
2S6 DÉLIBÉRATIOK
sur chou, et raportèrent leur consseil tout d'un acord.
Liquels consseils et rappors fu tels que il leur sambloit que
li roys ne pooit plus porter par honneur les tors que li rois
d'Escoche li faisoit : « car il est bien sceu et est tout cler
« que anchiennement li roys d'Escoche faisoit hommage au
« roy d'Engleterre, car jà n*ont-il en leur pays nulle pro-
« vince, mes sont enexe et conclave en le province de
« Evruich qui est archevesquiet et dou royaumme d*Engle-
« terre. Encoires avant il prendent le fourme de leur mon-
« noie sus les quuins et ordonnanches d'Engleterre, et ont
c< toutes tels lois et tels coustumes que li Englès ont, et ung
« meysme langage. Dont il appert que li royaumraes d'Es-
« coce se descent dou royaumme d'Engleterre, et tiennent
« bien li Englès que ychil doi pays furent jadis * tout
« à ung seigneur roy d'Engleterre, liquels rois eut II fils.
« Si départi ens ou lit de le mort, présens tous les nobles
« des II pays qui à ce dévoient estre appelés , les
« II royaummes et donna à Taisnet Engleterre et au mais-
« net Escoce, parmy tant qu'il le devoit tenir en fief ethom-
« maige de son frère le roy d'Engleterre. Or ont li Escot
« qui sont dur à entendre, tenu depuis une aultre opinion,
« liquelle ne fet mie à souffrir. Si conseillions et voulions,
c< chiers sires, que ces coses soient encorres remonstrées au
tt roy d'Escoce et à son consseil, et y metons cel loisir et
« grâce pour Tonneur et amour de medame votre sereur
« qu'il a espousée, et s'il ne vient à voie de congnissance
« des requestes que on li a faittos et fera, il soit ^ deffyés
« et vous pourveés si efforchiement que pour entrer ou
a royaumme d'Escoce apriès les doffianches faites, si poi-
« samment que pour ravoir et raquerre le bonne cité de
« Bervich qui est de vostre hiretaige, et ayés celle par forche,
* * Tout ung et. — ^ Prësentement.
DU PARLEMENT. 257
<c et par constrainte le roy d'Escoce qu'il soit tous joyaux
« * s'il puet venir à vous à hommaige et faire satisfaction des
« tors et des outraiges qu'il vous a fet oU li rois ses pères *,
« ^et enssi nous sommes tous désirans d'aller avoecques vous
« à vostre commandement * . » Quant li rois d'Engleterre
eut oy le xesponce de son consseil et il eut veu le bonne
volentë de ses hommes, si fu moult lies et les en remerchia
grandement. Dont fu là regardé et avise qui yroit en Escoce.
La besoiugne etli voiaiges fu assis sur l'évesque de Durem
et sus le seigneur de Persy et le seigneur de Moutbray et le
seigneur de Felleton. Chil prélas et chil troy hault baron
qui là estoient présens, acordèrent à le pryère et requeste
dou roy ce voiaige. Encorres pria li rois à tous que il se
volsissent pourveir et appareillier à ung jour qui adont fu
nommés, chascuns seloncq son estât, à estre au Noef-Castel
sur Tin, et il li disent qu'il y seroient bien et voUentiers, et
n'y aroit point de deffaulte. Ensi se départi li conssaulx del
roy et s'en ralla chacuns en son lieu. Et ossi messires
Jehans de Haynnau prist cougiet au roy et se présenta à
lui de bon coer et de grant voUenté, de quoy li roys l'en
seut grant gret et li dist : « Biaux oncles, très-grant mer-
ce chis à vous et à vostre aye ne renonche-jou pas, et se be-
« soingne me croist, ne touche,^ je vous manderay*. » Sur
che se parti li dis messires Jehans del roy et de le royne se
nièche qui moult doucement l'acolla au partir , et li pria
qu'il le volsist recommander à monseigneur son père et à
madame se mère et saluer ses belles soers, et il li dist qu'il
le feroit volentiers. Sour ce se parti li dis messires Jehans
et toutte se compaignie et s'en revint en Haynnau.
*-* Quand il venra à merchy. — *-* Et à tout ce faire volons et
désirons d'estre avec vous. — •^ J^envoieraj vers vous.
I. — FROISSABT. 17
258 DÉLIBÉRATION
Sec> réd, — Quant li jours de parlement aproça, que li rois
englès avoit establi, et tous li pays fu assamblés au mandement le
roj à Londres, li rois leur fist demonstrer comment il avoit fait
requerre au roj d'Escoce son serourge que il vosist oster se
main de le cité de Bervich qu'il détenoit à tort, et qu'il vosist
venir faire hommage à lui de son rojaulme d'Escoce, ensi qu'il
devoit, et comment li rois d'Escoce avoit respondu à ses mes-
sages : si pria à tous que cascuns le volsist sour ce si conseillier
que sen honneur y fust gardée. Tout li baron , li chevalier et li
consaols des cités et des bonnes villes et tout li communs pays
se consillièrent sur cou et raportèrent leur conseil tout d'un
commun acort, liquels consauls fu tels que il leur sembloit que
li rois no pooit plus porter par honneur les tors que li rois
d'Escoce lui faisoit ; ains conseillièrent que li rois se pourça-
chast et se pourveist si efforciement qu'il peuist entrer ou
rojaulme d'Escoce si poissamment que il peuist ravoir la bonne
cité de Bervich et qu'il peuist si constraindre le roj d'Escoce
qu'il fust tous joians quant il porroit venir à son hommage et à
satifaction ; et disent qu'il cstoient tout désirant de aler avoech
lui à son commandement. Li rois Édowars fu moult joians de
celle response, car il veoit le bonne volenté de ses gens : si les
en regratia moult grandement et leur pria que cascuns fust
apparilliés seloneh son estât, et fuissent, à un jour qui adont
fut nommés, droit à Noef-Chastiel sur Tbin, pour aler recon-
querre les droitures apertenans à son rojaulme d'Engleterre.
Cascuns se habandonna à celle rcqueste et en râla en son lieu
pour lui pourvoir, seloneh son estât ; et li rois se fist pourveir et
apparillier si soufilssamment que à tcle besongne aperticnt. Si
envoia encores aultres messages à son dit serourge pour lui
souffissammcnt sommer, et apriès pour deffjer, se il n'estoit
aultrement consilliés.
Quatr. réd. — Depuis ne demorèrent point Ions jours que
li rois d'Engleterre avoja tous les barons et prélas d'Engleterre
qui ordonné estoient à lui consillier, et les hommes des bonnes
\
DU PARLEMENT.
chités et villes qui par droit estatut y dévoient estre convoquiet,
car il estoit ensi acordé que riens ne se devoit, ne pooit passer
sans euls. Quant tout furent venu à Londres, li parlement et 11
consel commenchièrent à Wesmoustier et furent li ambassadour
d'Escooe apellé. Il vinrent et entrèrent tout en la cambre don
consel, et là estoit li rois d'Engleterre présens. Là lor fa
demandé quel besongne les amenoit pour ces jours en Engle-
terre. Li évesques de Saint- Andrieu d'Escoce, qui fu uns moult
sages et discrès hommes, remonstra la parole pour tous et bien
le sceut faire. Quant il ot parlé, on les fist issir de la cambre
pour euls consillier et faire response. Il alèrent pétjer le
parvis et le clostre tant qu'il fuissent rapellé. Or comment
chièrent chil dou consel à parler et à proposer pluisseurs coses
et ne peurent estre d'acort, et furent 11 Escoçois appelle. Il
vinrent : quant il furent venu, li archevesques de Cantorbie
lor dist que il ne pooient estre si tos définitivement respondu,
mais il le seroient au plus tos que on poroit, et que lor demande
ne requéroit pas si brief consel. Il n'en porent aultre cose avoir,
et se départirent de là et retournèrent à lors hostels, et li con*
sans demora, et parlèrent d'aultres besongnes qui lor touçoient,
car il n'estoient pas asamblé tout pour une cose, et 11 rois B*en
vint à Cènes, assés près de Wesmoustier, un hosterroial qui
sciet sus la Tamise. Chil Escoçois demorèrent plus d^un mois à
Londres et ne pooient estre respondu, car li consauls ne voloit,
et tant que il furent si hodé et si tané que il requissent et
pryèrent que, fust pour euls ou contre euls, il fuissent res-
pondu. La cause qui metoit détriance ou consel dou roi, je le
vous dirai. Il considéroient généraulment entre euls deus
coses : li une si estoit que lors sires 11 rois estoit jones et à
faire, et ne le voloient pas tenir, ne nourir en wiseuses, mais
en painne et en travel d'armes, car par les wiseuses que ses
pères avoit eu, estoit d'onneur li roiaulmes d'Engleterre requlés,
à laquelle cose il voloient retourner ou tout parperdre. Li secons
articles estoit que 11 Escoçois tenoient la chité de Bervich et
Strnrelin, Dombare, Dalqaest, Haindeboorch et tout le pidfs
260 DÉLIBÉRATION DU PARLEMENT.
jusques à un pas que on dist Quinnesferi, où la mer d^Escoce
doit, départir les deus roiaulmes, et que li Escoçois aueroient
trop bon parti, se uns si grans hiretages lor demoroit pasieu-
lement, et que ce ne faisoit pas à requerre , ne à souffrir :
€ Voire, disoient li auqun vaillant homme ou eonsel dou roi,
c li Escoçois sont bien fol et ignorant, qui quident por une
€ femme qui est serour de nostre roi, que nous doions ôest que
€ est hiretages à la couronne d'Engleterre , quiter. Il nous
c toumeroit à grant blâme et reproce, et aussi nous ne le
€ poons faire. Nous avons cause raisonnable de respondre as
c Escoçois et dire ensi : il nous rendent Bervich et tout le païs
c ensi que 11 bons rois Édouwars le tint en son temps, et puis
c dou sourplus, nous entenderons à lors tretiés. » Ensi fu
conclu ens ou eonsel d'Engleterre, et li Escoçois respondu,
quant il orent séjourné à Londres bien un mois. Quant li
Escoçois oïrent ceste response, il furent tout abus et veirent
bien que li Englès voloient la guerre. Toutesfois, il respon-
dirent et dissent que il n'estoient pas cargié de procéder sus
tels trettiés et que les paroles que il avoient oy et entendu,
seroient reportées au païs. Si issirent hors dou eonsel et mon-
tèrent sus lors cevaus et se départirent dou palais de Wes-
moustier, et cevauchièrent au lonch de Londres et vinrent à
Saint-Jehan Lane en Grescorche, là où il estoient descendu, et
fissent partout lors hostels compter et payer, et puis issirent
de Londres et cevauchièrent tant par lors journées que il
retournèrent en Escoce. On estoit trop esmervillié pourquoi
il demoroient tant. Quant il furent revenu, li baron et li signeur
d'Escoce vodrent savoir des nouvelles. Il ne les publjèrent pas
silos que il furent revenu, mais fissent venir à Haindebourg
tous ceuls qui tailliet estoient d'en savoir. Quant tout furent
venu en la présence dou roi meismes, li évesques de Saint-
Andrieu parla et remonstra toute l'ordeurnce de lor voiage et
quel et comment il avoient trové le roi d'Engleterre et son
eonsel et que plus d'un mois il avoient atendu à avoir response.
En la fin il leurent tele. Adont lor remonstra li dis évesques
PRISE DE BERWICK. 261
toute Tordenance des paroles que li consauls d'Engleterre
avoient respondu. Quant chil qui là estoient, entendirent que
les besongnes se portoient ensi, si furent tout abus et dissent
li plus sage : « Nous auerons la guerre à manque dou pourroir.
« A celle fois ichi, li Englès nous rueront jus ou nous les mete-
« rons en ce pas. Nostres rois est jones et aussi est le leur. Il
« fault que il s'asaient. Desous le solel n'a plus orguilleus, ne
€ présomptuôus peuple que le peuple d'Engleterre est. » Li
jone chevalier et esquier d'Escoce, qui amoient les armes et qui
se désiroient à avanchier, furent tout resjoy de ces nouvelles,
car il avoient assés plus chier la guerre que la paix.
Or revenrons à le matère des Englès et des Escos. Li
jours qui dénommés estoit, aprocha, et vint li nobles rois
Édouwars atout son ost au Noef-Castiel sur Tin, et encoires
toudis li croissoient gens, et là se tint par Tespasse de
VIII jours, attendans ^ chiaux qu'il avoit envoyet en Bsco-
che deviers le jovène roy David et son consseil, liquel
revinrent deviers lui au IX* jour, comme chil qui ne rapor-
tèrent aultre responsce que le première, et disent bien au
roy d'Engleterre que li Escot estoient tout appareilliés de
lui recepvoir, puisque guerryer les voUoit : « Dont, sire ,
« quant nous veysmes l'ordonnanche d'iaux et les affections
« qu'il ont de tenir leur opinion, nous deffiames le roy et
« les siens de * vous et des vostres. Si pores d'ores en avant
« et sans fourfet entrer sur y aux. Or regardés de quel
« costet.» Dist li roys : «^ J'en aray avis *. » Adont s'en con-
seilla, et on li dist que premiers on alaist deviers Bervich
et le assiégast-on de tous lés, car c'est ungscastiaus qui siet
sus marche et que li Escot tiennent pour concquet *. Geste
* Ses gens et ossy. — • Par. — *•* Noua en aroni advis. — ■ Et ••
le tiennent hors raison.
DE BERWICK. 265
grant meschief. Celle nuit faisoieut le guait doi seigneur
d'Engleterre, li sires de Felleton et li sires de Moutbray à
V° hommes d'armes. et V° archiers ^ A le vois et à le huée
et à l'abatis des loges et au meschiës de chiaux qui crioient,
où li Escot estoient embatu, s'estourmy li os *, et s'armèrent
par tout communaument qui mieux mieux. Meysmes li roys
s'arma moult vistement et se mist devant se tente et fîst
lever bannières et pignons et fu moult courchiës des Escos
que ensi souspris l'avoient. Là se rassamblèrent dallés le
roy et en son logeis li seigneur et li baron d'Engleterre, et
li gais s'efforcha et avancha che qu'il peult de venir celle
part' où li noise estoit *, mais ainchois qu'il y peuissent par-
venir, li Escochois qui avoient en partie achievet leur
emprise, se retournèrent tout sagement et enmenèrent bien
^ XL • prisonniers, dont il y eut ' VII * chevaliers et
XII escuiers, et entrèrent ens es bois sans dammaige,
comme chil qui n' avoient garde puisque là estoient, ® car
il savoient tous les chemins et adrèches, che que li Englès
ne savoient point *^. Quant che vint au matin, on regarda en
l'ost quel dammaige li Escot y avoient fait. Si fu trouvet
qu'il avoient bien que mors que navrés " XIII"^** hommes
et s'en menoient plus de ^' XL ". Moult en fu li roys cou-
rouchiés, mes amender ne le peut tant que à celle fois. -Si
ordonna que d'ores en avant il feroient II ghais ossi grant
chacun que il avoient acoustummet de faire et aroient
guettes et escouttes pour guettier et garder les chemins afin
que il ne fuissent plus ainssi souspris. Tout ce fu ordonné
et accordé de par le roy et les ipiareschaux. Or vous parle-
* Mais il estoient d'aultre part. — * A force. — '-* Et moult d'aul-
tres, là où la noise estoit. — »« LX. — '■» VIII. — »" Car ils
savoient bien la voie ou bois, et les Englès non. — **•*• CC. —
"•** LX.
PRISE
rai des Escos * qui liet et joîant revinrent l'endemain envi-
ron heure de primme devers le roy et leurs gens, à qui il
recordèrent leur aventure *. Moult acquisent chil IIII jo-
vène seigneur d'Escoche, de ceste première chevauchie,
grant grâce de leurs amis, et ossi fisent-il grant renommée
de leurs ennemis ; car depuis toudis il en furent ^ le plus
doubtet *. Or eult li rois Davids consseil de deslogier et
d'aprochier les ennemis, et chevauchièrent li Escot le second
soir que li Englès avoient estet resvilliet et se partirent de
leurs logeis apriès soleil esconssant, et chevauchièrent tout
secrètement devers Bervich et avoit trèsdont qu'il se par-
tirent del abbéie, ordounné coumment il se maintenroient
comme chil qui congnissoient le pays. Il pooient estre
tout comptet environ XVI" hommes et tout à cheval seloncq
leur usaige, chevaliers et escuyers montés sus bon cours-
siers et gros ronchins, le demeurant sus haghenées bien
apertes et bien travillans, et yaux venus en ung bois, à
II lieuwes englesces pries de Bervich, chil dévoient partir
leurs gens en II moitiés, le mendre part envoyer resvillier
l'ost et escarmuchier, et leur plus grosse bataille retenir et
mettre sus elle, et venir, apriès ce que li os seroit esmeute,
sur costet et férir ens ; et chevauchoient en cef estât que je
vous di. Or fu leur venue sceue en l'ost par les escoutes et
guettes que li Englès tenoient sus les chemins de toutes
pars ; et vinrent en l'ost moult ^ hastéement ^ en disant :
« '' Armés-vous! Armés-vous! car li Escot chevauchent
« atout leur effort et seront, s'il voellent, tantost chy ^. »
Adont s'estourny li os de tous costés et li doi guet se mis-
sent enssamble et se tinrent tout quoiement sur les chans
*-* Qui gentilment avoient le roy et tout son ost resvillié et dure-
ment endommagié. — '^ Plus cremus, et ce fu droit. — •-® HastiTe-
ment. — '-* A Tai-me ! A l'arme ! vechy vos anemis!
DE BERWICK. 967
tant que touttes lors gens fuissent armes et pour requeillieir
les Escos s*il fuissent venu, enssi que dit leur estoit.
Si tost que li roys d'Engleterre fu armés et toutte li os
ossi, se partirent de leur logeis tout bellement sans cryer
et sans noîsier, et vinrent enssus environ le tretie de trois
ars et avoient ordonné qu'il lairoient les Escos entrer en
leur logeis et yaux ensonnier de prendre et ^ détrousser '
che que laissiet y avoient, et puis tout à ung fès venroient
acourant sur yaulx. Et enssi comme il l'ordonnèrent, il le
fissent, et li Escot d'autre part prisent li avantaige du bois
et d'une petite montaigne dallés le bois, et afin, qu'il ne
fuissent décheu, il envoyèrent III escuiers montés sur
III hongres chevaux trop appers pour savoir se li gais
estoit de ce lés là où il volloient entrer en l'ost. Chîl vinrent
achevauchant jusques as loges des Englès et si pries que
droit à l'entrée, et ne virent, ne oïrent personne , dont il
furent tout esmervilliet, car encoires dedens l'ost n'y avoit
point de lumière. Si disent entr'yaux : « Ou il s'en sont fui
« et parti, ou il sont tous endormy. » Ensi le rapportèrent-il
à leurs gens en le montaingne où il estoient, dont li plu-
sieurs eurent assés grant merveille.
Quant li rois d'Escoche et ses conssaulx qui dalés lui
estoient, eurent oy le rapport que li escuier eurent fet, si
se conseillèrent l'un par l'autre comment il se mainten-
roient. Si disent * li plus anchien et chil qui le plus avoient
uset les armes * au roy : t Sires, ne penssés jà que si vail-
« lant chevalier que li roys d'Engleterre a avoecques lui,
t s'en soient fui, ne parti en tel manière; mes puet estre
« qu'il ont sceu nostre affaire et venue. Si se tiennent tout
« armé couvertement dedens leurs logeis pour nous atraire
f où il sont, à bataille rengie,.mîs sur les cbans et ont pris
*-* Fourragier. — *-^ Aucuns des plus sages hommes.
268 PRISE
« leur avantaîge. Si ayës advis sur che. » Adont demanda
li roys à ses mareschaux qu'il en estoit bon à faire. Il con-
seillièrent qu'il se tenissent là tout quoy tant que clers jours
fuist venus et qu'il veroient entour yaux et mesissent tous
lors chevaux dedens le bois paistre. Enssi fisent-il. Tout se
misent à piet et chachièrent lors chevaux et haghenées ens
el bois et les fisent garder de leurs variés et se renflèrent et
misent tout en une bataille sus le montaigne qui n' estoit
pas trop grande. Et estoit celle montaigne d'un lés si roite
que nuls ne peuist de che costé venir à yaux; de l'autre
part elle estoit plus plainne, et toutesvoies y avoit grant
terre à monter. Au plus plain par où on les pooit aprochier,
il cbouchièrent grant foison d'arbres et de bois, dont trop
bien se fortifièrent, et ne les pooit-on que par une entrée
approchier, ne venir à yaux; et ceste entrée estoit bien
gardée des marescaux de leur ost. Ensi se tinrent-il tout
quoy, tant que li jours fu venus biaux et clers et qu'il
veirent environ yaux les Englès tous rengiés et ordonnés
sus ung^ tertre, ensi que dist est chy devant. Ossi li Englès
les pooient bien perchevoir et aviser, sicomme il fissent.
Lors eurent consseil entre yaux comment il se mainten-
roient, et envoyèrent ung hérault des leurs de par le roy
d'Engleterre deviers le roy d'Escoche, liquels y vint et li
dist ensi comme vous orés enssiuwant : « Sire, li nobles
« roys d'Engleterre m'envoie deviers vous et vous mande
« se li journée d'ui se part sans bataille et que par forche
« vous ne levés le siège à le bonne chité de Bervich,
« n'atendés jammais rien, car elle sera sienne toutte liège
« pour tousjours mes. Et pour tant que vous y estes venus
ce si avant que vous monstres que vous voeilliés nostre roy
« combatre, afin que vostre désir et emprise soient acompli,
* Bel.
DE BERWICK. ' 269
voeilliés desceudre de celle montaigne là où vous estes et
li vostre : il vous laira tout paisieuvlement en ces biaux
plains ordonner, et vous combatera sans avantaige, et se
che vous ne voullës faire, eslisiés des vostres ^ XX ou
XXX ou XL ou C ou ce *, li roys d'Engleterre otant, et
chil se combateront pour son droit et pour le vostre, et à
qui li place demeura il en ait l'onneur, et li chité li
demeure. » A ces paroUes réspondi bien briefraent li
consseil le roy d'Escoche et dist enssi : « Hiraux, vous
soyés le bien venus, qui si biaux fais d'armes nous
apportés ; mes vous dires à vostre roy de par le nostre,
qu'il n'a nul droit de séjourner en che pays, mais s'il
nous voelt combattre, il nous voit à yeux. Si viègne à
nous, et nous le requeillerons, car au descendre de celle
montaingne, nous n'en sommes point maintenant bien
conseilliet, ne des XX, ne des XXX, ne des C,ne des CC
combattre ossi corps à corps, ne de mettre le droit que
li roys nos sires a à le chité de Bervich en tel pareçon, et
serons chy tant qu'il nous plaira, et quant bon nous sem-
blera, nous savons bien voie pour descendre et pour com-
batre, ' non à l'entente de nos anemis, mes de nos
amis ^. » Che fu toutte la responce que li hiraux eult
adont et laquelle il raporta au roy d'Engleterre et à son
consseil.
Quant li roys englès vit et oy dire par son hirault que
li Escot ne descenderoient point 'de le montaingne se bon
ne leur sambloit, si eut vollenté et commanda que on les
alast voir de plus priés et escarmucher, car il sont chault
et bouillant, si les poroit-ou bien par ceste mannière ^ jus •
atraire. Li advis et commandement dou roy ne fu point
*•* LX ou C. — '* A la volenté de Dieu et de nos amis et non point
de nos anemis. — *• Aval.
S70 PRISE
brisés, et furent ordené mil archiers, V° d'un les et V« d'un
autre, et V** hommes d'armes enmy yanx, qui les vinrent
escarmucher; et fist là li roys pluiseurs noureaux cheva-
liers : le seigneur de Willebi, le seigneur de Brasetonne, le
fil le seigneur de le Ware, messire Édouwart le Espens-
sier, fil au seigneur Espenssier, darrain mort, le seigneur
de Gresop qui là leva bannière, et pluisieurs autres d'En-
gleterre. Encoires furent là fet chevalier raessires Gautiers
de Mauny et messires Guillaumes de Montagut, qui estoient
compaignon enssamble et très-appert bacheler. Dont se
partirent chil seigneurs englès et chil archier et appro-
chièrent les Escos moult visteraent, et li roys et ses
batailles demourërent là où il estoient ordonné, sans yaux
en riens dèsvoyer, et fu commandé de par le roy et sour le
teste que nuls ne se partesist de le montaingne , ne se
mesist devant les bannières des marescaux.
Quant li Escot virent aproohier les Englès et venir de
celle part là où il estoient le plus ouviers, sachiés que il ne
furent pas trop effréet, mais se misent apertement li plus
hardit et li plus bachelereux à cel lés et ce qu*il eurent
d'arciers devant yaux et fisent leur roy tenir tout quoy à
ses bannières. Evous venus les Englès qui coummenchiè-
rent à traire as Escos et li Escos à yaux. Là y eult grant
escarmuche ^ et tamainte belle apertise d'armes , mainte
aventureuse prise et mainte belle rescousce, et avint ensi
que sus le plus fort del assaut, li marescal d'Engleterre
fisent tout à ung fès retourner leurs pignons pour yaux
faire chachier et les Escos jus atraire; mais li Escot, et
par spécial leurs cappittainnes qui sont assés sages de
guerre et de tels fès, ne se desvoièrent pour ce noyent, ains
se tinrent * en leur parti enssi qu'il dévoient, et quant li
* Durement. — * Tous cois.
27â PRISE
tel qu'il Tavoient au roy. Li coiivens estoit que îl deyoient
rendre le chitê et le castiel au roy, et il s'en dévoient partir
tout chil et celles qui partir s'en volloient, salve leur corps
et le leur, enssi qu'il fisent, et apportèrent les clefs au roy
d'Engleterre, et entra en le ville et puis au castiel, à grant
joie, et tout chil qui entrer y peurent; et qui n'y peult entrer,
si se loga dehors. Enssi couquist li roys d'Engleterre le
chité et le castel de Bervich, et y entra en l'an de grasce
mil CCC.XXXIII le VIP jour de juillet.
Sec. réd, — Li jours qui dénommés estoit, approça, et vint li
rois Édouwars atout son host au Noef-Chastiel sour Thin. Si
attendi par III jours ses gens qui venoient ensiewant Tost. Au
quart jour il s'en parti et s'en ala à toute son host pardevers
Escoce, et passa la terre le signeur de Persi et cesti de Nocf-
ville, qui sont doi grant haron de Northombrelande et mar-
cissent as Escos ; ci ossi font li sires de Ros, li sires de Lusi et
li sires de Moutbrai. Si se traist li rois englès et toute son host
pardevers le cité de Bervich ; car li rois d'Escoce n'avoit volut
respondre aultremcnt as socons messages qu'il avoit fait as pre-
miers, siqu'il estoit souffissamment sommés et deffyês. Tant
esploita li rois englès à toute son grant host qu il entra en Escoce
et passa le rivièi-e qui départ Escoce et Engleterre ; et n*eut mies
adont conseil de lui ai^ester devant Bervich, mais de chcvaucier
avant et ardoir et essillier le pays, sicom ses taions avoit fait
jadis. Si esploita tant en cestc cevaurie qu'il foula grandement
toute le plainne Escoc»e, et ardi et essilla moult de villes fermées
de fossés et de palis, et prist le fort chastiel de Haindebourch,
et y mist gens et pirdyens de par lui, et passa le seconde rivière
d'E&coee desous Struvelin, et coururent ses gens tout le pays de
là environ, jusques à Saint-Jehan Ston et jusquesen Abredane,
et ardirent et essilliêrent le bonne ville de Donfremelin ; mais il
ne fisent nul * damage villain •à Tabbéye, car li rois le deffendi ;
et conquisent tout le pays jusques à Dondieu et jusques à Don-
«^ Mal.
D£ B£KWlCk 273
bretan, un très-fort chastiel sus le marce de le Sauvage Escoce,
où li rois estoit retrès et la roine d'Eseoce sa femme. Ne nuls
n aloit audevant des Englès ; mais s'estoient mis et retret tout
dedens les forés de Gedours, qui sont inhabitables pour chiaus
qui ne cognoissent le pays , et avoient là attrait tout le leur et
mis à sauvetc, et ne faisoient compte dou demorant. Che n estoit
mies merveilles s*il estoient esbahi et s'il fuioient devant les
Englès ; car il n'avoient nul bon chapitainne, ne sage guerrieur,
sicom il avoient eu dou temps passé. Premièrement li rois David,
leurs sires, estoit joncs, en Teage de XV ou de XYI ans, li
contes de Moret encores plus jones, et uns damoisiaus qui s'ap-
pelloit Guillaumes de Douglas, neveus à celui qui estoit demorés
en Espagne, de cel eage : siques li pays et li royaulmes d'Escoce
estoit tout despourveus de bon conseil pour aler, ne résister
contre les Englès , qui adont estoient si poissamment entré en
Escoce, pour quoi toute li plainne Escoce fu courue , arse et
gastée, et pluiseurs bons chastiaus pris et conquis et que 11 rois
englès retint pour lui , et s'avisa que par chiaus il guerrieroit
le remanant et constrainderoit ses ennemis dou leur meismes.
Quant li rois englès eut esté et séjourné, couru et chevaucié
le plainne Escoce, et arresté ou pays le terme de * VI " mois et
de plus, et il vit que nuls ne venoit contre lui pour véir sen
emprise , il se retraist tout bellement pardevers Bervich ; mes à
son retour il conquist et gaegna le chastiel de Dalquest, qui est
del hiretage le conte de Douglas, et siet à V liewes de Hainde-
bourch , et y ordonna chastellain et bonnes gardes pour le gar-
der ; et puis chevauça à petites journées, et fist tant qu'il s'en
revint devant le bonne et le forte cité de Bervich, qui est à
l'entrée d'Escoce et à l'issue dou royaulme de Northombre-
lande : si le asséga et environna li rois de tous poins , et dist
que jamais n'en partiroit si l'aroit à se volonté ', non se li rois
d'Escoce ne le venoit * combatre et lever par force. Si se tint là
*-« IX. — '** Si li roia d'Escosse ne le venoit.. ou que li rois d'Es-
cosse le venist.
I. — PftOISaAKT. i8
S74
PHISA
li rois ung grant tamp« devant fienrioh, ançoîs qu*il te
avoir ; car la cité est durement forte et bien fermée et environ
née d*un lés d'un brach de mer ; et si j avoit dedens bonnet
gens en garnison de par le roj d'Ëscoce, pour le garder et def*
fendre et consillier * les bourgois de le cité. Si vous di qu'il jent
pardevant Bervich, le terme pendant que li rois j sist, maint •
assaut, maint hustin et mainte dure escarmuce etpriesque toiM
les jours, et mainte apertise d armes faite ; car cil de dedens na
se voloient mies rendre simplement, et cuidoient toutdis eatre
aidié et confoilé ; mais nuls apparans n en fu. Bien est vérités
que aucun preu chevalier et liachcler d'Escoce chevauçoient à le
fois et venoient par vesprées et par igoumemens resvillier Tott
as Englès , mais petit y faisoient ;.car li bos le roj englès estoit
si souiBssammeut bien gardée et escargetie, et par si bonne nui*
nière et si grant avis que li Eseot u'i pooient entrer, fon i
leur damage, et y perdoient souvent de leurs gens. Quant dl de
Bervich veiront que il ne seroient secouru, ne conforté de nul
costé, et ossi que li rois englès ne partiroit point de là s en aroit
eu se volenté, et que vivre leur amenrissoient, et leur estoient
clos li pas de mer et de terre, par quoi nuls ne leur en pooit
venir, si se commencièrent à aviser, et envoyèrent trettier par*
devers le roy englès que il leur volsist donner et aoorder un«
trièwc à durer un mojs ; et se dedens ce mois li rois David,
leurs sires, ou aultres pour lui, ne venoit là si fors que il levait
le siège, il renderoient le cité, salVè leurs corps et leurs biens,
et que li soudojer qui dedens estoient, s'en peuissent aler« s*il
voloient, en leur pays d'Escoce, sans recevoir point de damage.
Li rois ongles et ses consauls entendirent à ces trettiés , et na
furent mies sitost acordé, car li rois englès les voloit avoir sim-
plement pour faire des aucuns se volenté pour tant qui!
s'estoient tant tenu contre lui ; mais f.nablement il s'accorda à oa
par le bon avis et conseil qu'il eut de ses homihes... Et furent les
trièwes acordt^es de chiaus de dehors à chiaus de dedens, le moia
* Et conforter.
DK BBRW1CK. tlH
tout accompli ; et le segnofjèrent cil de Benrich à chiaos de leur
costé bien et à point, au roi d'Escoce leur signeur et à son con-
seil, qui ne peurent veoir, ne imaginer voie, ne tour qu'il fuissent
fort assés pour combatre le roj englès, ne lever le siège. Si demora
la cose en cel estât, et fu la cité de Bervich rendue, au chief dou
mois, au roj englès et ossi li chastiaus qui est moult biaus et
moult fors au dehors de le cité ; et en prisent li mareschal de!
host le saisine et le possession de par le roy englès ; et vinrent
li bourgois de h cité en Fost faire hommage et feaulté audit roy,
et jurèrent et recogneurent à tenir le cité de Bervich de lui.
Apriès y entra li rois à grant solennité de trompes et de nakairet *
et y séjourna depuis XII jours, et y ordonna un bon chevalier
à gardien et à souverain, qui s*appelloit messires Édowars de
Bailluel. Et quant il se parti de Bervich, il laissa avoecques
ledit chevalier pluiseurs jones chevaliers et escuiers, pour
aidier à garder le terre conquise sus les Escos et les ih)ntières
de celui pays.
QiuUr. r^ii. — Environ la Saint- Jehan-Baptiste que on compta
Tan de grasce mil trois cens tronte-un, li jones rois Edouwars
d'Engleterre et la roine s'en vinrent à Ebruich euls tenir et lor
estât, et cachier as cerfs, as dains et as chevruels, et entrues sa
ordonnèrent les pourvéances, et se faisoient très-grandes et très-
grosses pour aler ens ou roiaume d'Escoce, et fist li rois faire
un mandement que toutes gens tenans de 11, portans armes,
fuissent le premier jour d'aoust à Ebruich. Li mandemens dou
roi s estendi par toutes les parties d'Engleterre jusques ens au
fons de Cornuaille, et tout vinrent à Ebruich. Adont ^e desloga
li rois et vint à Duram, et ensi que il ceminoit, la roine sa
femme le sievoit, et vint li rois au Noef-Chastiel et là s'aresti^
pour tant que tous ceuls des lointainnes marces d'Engleterre
n'estoient point encores venu.
Ces nouvelles estoient bien sceues en Escoce, comment li rois
d'Engleterre, à poissance de gêna d'armes et d'archiers, les
*•* De eomemusas, elaronooanx et taboarins.
DE BBRWICK. 875
tout accompli ; et le segnefjèrent cil de Benrich à chiaus de lear
costé bien et à point, au roi d'Escoce leur signeur et à son con-
seil, qui ne peurent veoir, ne imaginer voie, ne tour qu'il fuissent
foi^t assés pour combatre le roy englès, ne lever le siège. Si demora
la cose en cel estât, et fu la cité de Bervich rendue, au chief dou
mois, au roj englès et ossi li cbastiaus qui est moult biaus et
moult fors au dehors de le cité ; et en prisent li marèschal de!
host le saisine et le possession de par le roj englès ; et vinrent
li bourgois de h cité en Tost faire hommage et feaulté audit roy,
et jurèrent et recogneurent à tenir le cité de Bervich de lui.
Apriès y entra li rois à grant solennité de trompes et de nakaires *
et y séjourna depuis XII jours, et y ordonna un bon chevalier
à gardien et à souverain, qui s'appelloit messires Édowars de
Bailluel. Et quant il se parti de Bervich, il laissa avoecques
ledit chevalier pluiseurs jones chevaliers et escuiers, pour
aidier à garder le terre conquise sus les Escos et les ih)ntières
de celui pays.
Quatr, réd. — Environ la Saint- Jehan-Baptiste que on compta
Tan de grasce mil trois cens trente-un, li jones rois Édouwars
d'Engleterre et la roine s'en vinrent à Ebruich euls tenir et lor
estât, et cachier as cerfs, as dains et as chevruels, et entrues 96
ordonnèrent les pourvéances, et se faisoient très-grandes et très-
grosses pour aler ens ou roiaume d'Escoce, et fist li rois faire
un mandement que toutes gens tenans de li, portans armes,
fuissent le premier jour d'aoust à Ebruich. Li mandemens dou
roi s estendi par toutes les parties d'Engleterre jusques ens au
fons de Cornuaille, et tout vinrent à Ebruich. Adont ^e desloga
li rois et vint à Duram, et ensi que il ceminoit, la roine sa
femme le sievoit, et vint li rois au Noef-Chastiel et là s'arestc^
pour tant que tous ceuls des lointainnes marces d'Engleterre
n estoient point encores venu.
Ces nouvelles estoient bien sceues en Escoce, comment li rois
d'Engleterre, à poissance de gens d'armes et d'archiers, l^s
*•* De comemiisas, claronceanx et taboarins.
DE BERWlCk. 277
^U8 auquns barons et prélas qui là estolent. Adont ôst-on traire
le hiraut arrière, tant que li rois fu consilliés. Acordé fu que li
hiraus les nommast là par noms liquel c estoicnt, qui venir
voloient : on lor acordoit volentiers la venue et le retour. Li
hiraus les nomma : il en i avoit S3pt, deus prélas, et chevaliers
jusques à chine. Tantos, une lettre de sauf-conduit fu escripto
et séelée et délivrée au hiraut qui se départi de là et retourna à
ses mestres, et leur bailla le sauf-conduit. Quant il Forent, il i
ajoustèrent foi et se départirent de la Mourlane et cevaudèrent
tant que il vinrent à Anwuich. Li rois d'Engleterre, à Teure que
li Escos vinrent, estoit aies logier ou chastiel et là tenoit son
estât. Quant li Escoçois furent venu et descendu de lors chevaus,
il furent logiet de par lesofficyers dou roi. Adont vinrent auqun
chevalier d'Engleterre qui les requellièrent et qui à ce faire
estoient commis, et les enmenèrent deviers le roi et les signeurs
qui atendoient lor venue. Tout li signeur d'Engleterre qui là
estoient en la présence dou roi, s'ouvrirent et laissièrent les
Escoçois passer. Il enclinèrent le roi, et non plus avant, li rois
les requelli de une parole tant seullement, ce fu que il dist en
son langage : c Bien venant, i De trop petit se disfèrc li uns
langage de Tautre.
Or vous nommerai les deus prélas et les chine chevaliers,
révesque do Saint-Andrieu et Tévesque d'Abredane, messire
Jame Douglas, frère à messire Guillaume qui porta le coer dou
roi Robert de Brus en Grenade et là morut, messire Arcebaus
Douglas, son fil, le conte de Quarrich, messire Robert de Versi
et messire Simon Fresiel. Li évesques de Saint-Andrieu fu chils
qui remonstra la parole et dist : t Sire rois, et vous baron et
c prélat d'Engleterre, qui chi estes, nous sommes ichi envoyés
t de par toute la généralité dou roiaulme d'Escoce, et sommes
€ esmervillié, euls avoecques nous et nous avoecques euls, à
c quel title si soudai nnement apriès les trieuwes fallies entre
• Escoce et Engleterro, vous estes e8m(*u à nous faire guerre,
c quant nostres sires li rois d'Escoce a, sire rois d'Engle-
< terre, espousé vostre soer. Nous a^joustions au dit mariage
378 PRISE
c grans aliances» et fuimes généraulment en toute Escoce moult
c resjoï quant la dame nous demora roine, et nous torne à grant
f menrelle celle dureté que vous avés empris à faire à vostre
c frère nostre roi et vostre serour nostre roine, quant ce tant
c de petit hiretage que Dieus lor a donné, vous volés destruire.
c Si vous prient par nous nostres sires li rois et madame la
c roine que vous ne voelliés pas faire celle cruaulté que d'ardoir
f et essillier lor hiretage, et retrajés-vous et faites retraire vos
c hommes et leur donnés congiet casqun de retourner en son
c lieu et prenés trois ou quatre prélas des vostres et otant des
c vostres barons d'Engleterre, et nostres sires li rois en metera
c otretant à Tencontre, et ce que chil trouveront ou decré de
ff lor disposition, il déposeront sus Tordenance des deus roiaul-
c mes, et sera tenu à ferme et à estable, pour tous jours mes,
c ce que disposé en sera, et demorrés, vous et vostre frère, en
f paix, et ensi vostre hiretage. C'est la parole que nous vous
c remonstrons et pour quoj nous sommes venu, et sur ce nous
f demandons à avoir response. »
Quant li évesques de Saint- Andrieu d*Escoce ot ensi parlé,
il fu moult bien oïs et entendus , dont fu dit as Escoçoiy que
se il traissent arrière, on conselleroit lor parole et puis aue-
roient response. Il le âssent et s'en alërent li Escoçois tout
ensamble en une aultre cambre qui estoit ordonnée pour euls.
Encores fu commandé que tout widassent de la cambre dou roi,
réservé ceuls dou consel. Il widièrent chil qui là n*avoient que
faire. Là répliquièrent li signeur en la présence dou roi toutes
les paroles et requestes des Escoçois et demandèrent : c Or sus,
c qui fera la response et qui parlera à point sus che que il ont
c dit et proposé ? » Dont parla messires Renauls de Gk)behem,
uns moult sages et vaillans chevaliers, pères à messire Renault
qui fu depuis aussi uns moult preus et vaillans chevaliers, et
dist : c A tout ce que chil Escoçois requièrent et demandent,
c ne fault pas trop grant consel. Il seront respondu ensi pour
c ce qu'il ont demandé à quel title li rois nostres sires et nous
c lor faissons guerre : c est por le mauvesté et rudèce de euls,
DE BERWICK. 379
€ cap jà 8èvent-il et ont sceu leur père, passé sont li terme de
« cinq ans, que li rois d'Escoce doit tenir et relever et faire
« hommage au roi d'Engleterre de tout le roiaulme d'Escoce,
« réservé auquns isles qui marcissent à rencontre d'Irlande et
« de Norvègue, lesquels isles sont nommé les Sauvages Escos
a et ont ung signeur pour euls, qui se nomme Jehans des
« Adultilles. Chils obéist au roi d'Escoce, et non à nous ; et
€ ceste raison, on lor metera en iertnes tout premiers, car
€ elle est toute clère, et bien le scèvent, quoique il en ignorent :
« secondement, pour reconquerre ce qui est nostre, la chité de
« Bervich et tout le pais jusques à la mer c'on dist d'Escoce,
t et se ce il nous voellent rendre débonnairement, et que li rois
c viengne à hommage au roi nostre sire et recongnoissent
« lommage à estre lige , présens les barons d'Engleterre et
€ ceuls d'Escoce, et que de ce soient lettres escriptes et séelées
€ dou roi d'Escoce et des barons d'Escoce, il demorront en
« paix. » Adont fu dit à messire Renault de Gobehem : a Sire,
c il plaist au roi que vous fachiés la response, car avés la
a matère toute pourveue. » Dont respondi messires Renauls
et dist ; « Je le ferai volontiers. » Adont furent appelle li
Escos. Il vinrent avant et entrèrent dedens la cambre et nuls
fors euls. Li consauls dou roi se mist sus deus èles, et les
Esoôçois enmi euls. Quant il furent tout aquoisié, messires
Renauls de Grobehem parla et dist : « Entre vous, signeur
a d'Escoce, vous demandés à avoir response et non aultre
« cose, et vous Tauerés et bien briefment. Vous avés demandé
« à quel title nous vous volons présentement faire guerre. Vous
« le savés bien quoique vous ignorés ; mais puisque il fault que
« nous renouvelions la parole, je parole pour nostre sire le roi
€ et pour tout le païs généraument d'Engleterre, et dissons que
« vos très rois est tenus, et ont esté tout si prédicesseur, roi
a d'Escoce, et seront li successeur, à faire hommage au roi
« d'Engleterre, à ceuls qui furent et seront, et cela avoech le
c calenge nous volons tenir en droit, et le demandons et
c requérons oomm^ le bott hlretage à la couronne d*Engleterre.
380 PRISK
« Avoecques tout ce, nous disons, et pour ce sommes-nous
« logiet sus les camps, que vous qui estes d'Escoce des plus
< grans et li consauls dou roi, tenés contre Tonnour et mtgesté
c roial du roi d'Engleterre et de ses hoirs, la chité de Bervich
c et grant païs qui s*estent jusques as bonnes de la mer
« d'Escoce , et volés demorer en celle tenure par manière
c de convens. Sachiés que nôtres sires li rois ne le puet souf-
c frir, ne voelt, et se il 1^ voloit par auqune dissumulacion,
a pour tant que avés mis en termes que il deveroit tenir en
a pais ce tant de petit hiretage que son frère le roi d^Escoce
« et sa serour ont et tiennent à présent, se ne le souffreroient
« pas si homme et sont tout conforté que toutes ces coses vous
« remeterés arrière et fera vostres sires li rois foi et hommage
c lige à nostre sire le roi d'Engleterre, se il voelt demorer en
« paix, et le feront aussi tout chil qui sont en cyte et conclave
j( ens es terres qui sont et doient estre tenues et relevées de foi
'( et d'ommage de nostre signeur le roi d'Engleterre, et se vous
« estes fort de par vostre roi et les vostres de acorder toutes
K ces coses recordées, si dites oil; et nous entenderons à la
« paix. » Dont respondirent li Escoçois et dissent : « Nennil,
« ne nous n'en sommes ne cargié, ne introduit. » Dont res-
pondi li chevaliers englois et dist : « Vous perdes aultrement
« vostre langage, et puisque vous volés procéder dou contraire,
« retrajés-vous viers les vostres et lor dites ce que vous avés
« trouvé en nous, car vous n'enporterés aultre cose. »
Quant li Escoçois orent entendu messire Renault de Gobehem
ensi parler et soustenir la querelle des Englois par celle voie,
si furent tout abus et ne sceurent que dire, ne que répliquier,
mais il prissent congiet dou retraire : on lor donna, et issirent
dou chastiel et retournèrent là où lor cheval estoient, et burent
ung cop et mengièrent, car des biens de Fostol dou roi on lor
onvoia assés, et puis montèrent sus lors chevaus et partirent
de Anwuich et chevauchièrent tant que il trouvèrent le roi et
auquns des signeurs d'Escoce, par lequel consel il estoient venu
deviers le roi d^Engleterre et son consel. Si lor recordèrent tout
DE BERW1CK.
»l
au loneh quel cose il avoîent trouvé, et la response grande et
orguilleuse que il avoient eu des Englois, et monstroient bien
en lor parole que li rois d'Engleterre n'avoit en toutes ces coses
nulle poissance et que li païs et roiaulmes d'Engleterre faisoit
fait et partie dou calenge et dou procéder avant, et avoient
bien entendu que se li rois d'Engleterre se voloit dissimuler,
taire tous quois et quiter Fommage et le calenge, se ne le qui-
teroient pas ses gens. Adont dissent entre euls : c Confortons-
< nous et faisons dou mieuls que nous poons. Nous auerons la
€ guerre et ne Teusmes oncques si dure, ne si folle que nous
€ auerons pour le présent. » En si demorèrent les coses en cel
estât, ne depuis n'i ot trettié nul quelconques pour celle saison
entre Engleterre et Escoce, mais se départi li rois d'Engleterre
et toute sa poissance de Anwuich et de là environ, où ses gens
estoient logiés. Avoient encores cent mille chevaus et ensi que
il ceminoient, pourvéances les sievoient à eflEbrt as sommiers
et à charroi, et prissent li Englois pour celle fois le cemin de
Hosebourch et de Miauros. Kncores est-cou toute Engleterre
jusques à là. Miauros est une abbéie de Saint-Benoît, et là se
départ à une petite rivière qui i court, li roiaulmes d'Escoce
d'un lés et li roiaulmes d'Engleterre d'aultre. La première ville
que on trueve en alant en Escoce, c'est la Mourlane : là vinrent
logier li connestables d'Engleterre, li contes de Norhanton et
li marescal, li sires de Felleton et messires Thomas Wagc.
Quant ce vint à l'endemain, toute li hoos fu logie en Escoce,
et laièrent Bervich à la bonne main. Bien savoient que il i
retoumeroient quant il aueroient fait lor emprise , mais il
voloient veoir se il trouveroiont à qui parler, car il ne deman-
doient que la bataille. Si espl'oitièrent tant li rois d'Engleterre
et ses hoos que il foullèrent grandement la plainne Escoce et
ardirent et essilièrent moult de villes et de hamiaus. Moult
petit de villes fermées sont en Escoce : il i a grant fuisson de
chastiaus et non pas tant de dys fois que il y a en Engleterre,
et ont li Escoçois celle manière et condition, quant il sentent
les Englois venir à poissanche telle que pour lors il avoient, il
28S raisB
tiennent les camps et ne s'encloent point 11 signeur en lors
chastiaos, et dient que uns chevaliers qui là est enclos, ne puet
non plus faire que un aultre homme. Li Englois quidièrent
trouver le roi en Haindebourc, car c'est Paris en Escoce, mais
nennil : car il en estoit aies oultre et mené sa femme sus la
Sauvage Escoce ; et li chevalier et esquier dou païs s'estoient
requelliet et mis ensamble, et avoient fait mener tous lors
meubles et cachier lor bestail, dont il ont grant fuisson, ens
es forés de Gedours qui sont inhabitables, et bien scèvent que
les Englès ne les iroient jamais là querre, car point ne con-
gnissoient les entrées et les issues, et sont fortes à cevauchier.
Si vinrent li rois d'Engleterre et ses gens en la ville de Hain-
debourc qui est grande et plentureuse, et point nVst fermée.
Si se loga li rois en Fabéie de Sainte-Crois, et tout li signeur
là oà le mieuls il peurent, et i furent quinse jours pour tant
que on entendi à prendre le chastiel, liquels se rendi, salve lors
vies de ceuls qui dedens estoient. Donc le fist li rois d'Ëngle-
terre remparer grandement et ravitaillier et rafresquir de
nouvelles pourvéances, et i mist un chevalier à chapitainne,
dou païs de Northombrelande, et fu li entension dou roi et de
son consel que il le tenroient et en feroient frontière contre
les Escoçois. Aussi prissent li Englois un aultre chastiel fort
assés à cinq petites lieues englesces de Haindebourc, lequel
on clamme Dalquest, et est hiretages à ceuls de Douglas, et en
fissent garnison et de pluisseurs aultres, et ardirent li Engloii»
toute TEscoce jusques à la ville de Saint-7ehan en Escosce, n(^
nuls ne lor ala au devant, et ne savoient chil dou païs à dire
où li rois et la roine estoient.
Quant li rois d'Engleterre et ses gens orent chevauchié
et couru toute la plainne Escose, et ars et essillié tout le
plat païs, et n' estoit nulle nouvelles des Escos qui lor contre-
desissent lor cemin et il voiront que li iviers aproçoit et il
orent pourveu et rafresqui tous les chastiaus que il pensoient
à tenir pour guerryer et héryer le demorant dou païs, il se
missent tout souef au re^ur, et f u ii rois logiés en une moult
DE BERWICR. 383
belle petite ville que on appelle Donft^eïnelin, et là a une
abbéie de noirs monnes, qui est assés grande et belle ^ et là
dedens celle abbéie sont les sépultures communelment des rois
d'Ëscoce. La ville fu arse, mais li rois deifendi à non ardoir
Tabéie pour tant que il i a voit esté logiés, puis se missent li
rois et se hoos au retour, et ne prissent pas le cemin que il
estoient venu, mais celi desus la marine, car ce fu lor inten-
sion que de ce voiage il meteroient le siège devant Bervich ; et
esploitièrent tant les Ënglois que il vinrent devant Dombar
qui sciet sus la mer, et furent là environ cbinq jours et se
missent en grant painne de le prendre et de Tavoir, et i fissent
li archier plusseurs assaus, et ne lo peurent .avoir. Si passèrent
oultre et ceminèrent tant que il vinrent devant la chité de
Bervich. Si Tasiégèrent et se logièrent au plus priés que il
porent. Pour ces jours en estoit chapitainne uns vaillans ohe-
valiers d'Escoce qui se nommoit Alixnndres Ramesai, et avoit
avoecques lui des aultres chevaliers d'Escoce et esquiers qui
tous estoient vaillant homme. Si se logièrent les Englois au
lonc de la rivière de Taie qui rentre en la mer desous Berxich,
et est uns havènes de mer, et par la mer venoient moult de
pourvéances au roi d'Engleterre et à ses gens, dont il estoient
tous les jours rafresqui, et sciet Bervich en bon pais et pourveu
de bleds, d'avainnes et de bons foins, et i truevèrent grand
fuisson de venissons et du volailles, et avoit là li rois d'Ëngle-
terre ses chiens et ses oisiaus. Il i prendoit ses déduis, ne nuls
ne li aloit au-devant, ne brisoit ses esbatemens, car tous les
jours, quant il voloit faire ce mestier, li connestables d'Engle-
terre, li contes de Norhanton, avoit bien chinq cens lances et
mille archiers, qui costioient les bois et les rivières toute jour
tant que li rois retournoit arrière. Considérés comment les
saisons s'i portent et différent de Tune à l'autre. Vous trouvés
chi desus en ceste histoire, le roi Robert de Brus d*Escoce,
resgnant (père à ce roi David), que il donna moult à faire as
Englois, et se il euist vesqu, et messires Guillaumes de Douglas
qui fu ocis par sa vaillance en Grenade et li oontes Jehans de
3R4 PRisK
Moret, 11 rois d'Engleterre n*eu8t ose avoir ensi pris ses déduis
de chiens, ne d'oisiaus en Escoce, ne chevanchiet sans avoir eu
des grans rencontres, mais les Escoçois commençoient à doub-
ler ce roi Édowart, et disoient li ancjen et li sage en Escoce
que il feroit un vaillant homme et en avoit bien la chiëre et la
manière, et en celle vaillance si homme d'Engleterre Tintro-
duisoient et nourissoient. Si faissoient bien, car uns rois,
puisqu'il voelt tenir terre et signeurir peuple, doit estre de
hardies et grandes empris'^s. Encores disoient les Escoçois
liquel congnissoient assés parfettement la nature des Englois,
l'un à l'autre par manière de colation. • Pensés-vous pour ce,
• se nos rois a à femme la serour dou roi d'Engleterre, que
c nous en doions mieuls valoir et estre déporté à non estre
t guerryet, mais Dieus, nennil ; il fault que li rois d'Engleterre
c obéisse à son peuple et face tout ce qu'il voellent, et si fait
• le contraire et qu'il fme et bée les armes et soit precheus et
ff endormis et quière et demande ses déduis, il ne le poront
c amer, mais le disfameront et querront sus lui voies et
c adrèces obliques, jà soit-il preudoms en conscience, par
€ quoi il le destruiront. Et trop grans périls est en Engleterre
c d'un roi qui vient en la possession dou roiaulme, quant il
• auera eu un .vaillent prédicesseur devant lui , car se il
• n'ensieut ses œuvres, il est tous les jours en péril et en
€ aventure d'estre mors de son peuple meismes, cnsi comme
€ il en est csceu et pris au roi Édouwart, père de cesti qui
< resgne en présent, que si homme on fait morir de maie mort
• ens ou chastiel de Beroler, et ont son fil couronné à roi. Ce
< sont grant exemple por lui et pour tous les rois qui par suc-
f cession puevent avenir et venir à la couronne d'Engleterre. »
Ensi disoient li Escoçois et non pas culs tant seullement, mais
toutes aultres nations qui congnoissent la nature et condition
des Englois, car desous le solel ne sont gens plus périlleus, no
mervilleus à tenir, ne plus divers que sont Englois. Il sont do
belles acquointises et de biau samblant, mais nuls qui sages est,
n'i doit avoir trop grant fiance.
DE BERWiCHL. 285
•
Tant fist 11 rois Édouwars en cello saison devant, la chlté de
Bervich que par poissance il les contraindi et mena* si avant que
messires Alixandres de Ramesai qui chapitainne en estoit, entra
en trettiés deviers euls, c'est-à-entendre deviers le roi et son
consel ; car il vei que secours, ne confors ne 11 apparoit de nulle
part et estoient fort amenries lors poui'véances et lor artellerie,
pour les grans assaus que on lor avoit bailliet et livret, car pries-
que tous les jours i estoient avenu fait d'aimes et escarmuces,
et en avoit parlé à ses compagnons, car sans Tacort et con-
sentement de euls , il n'en euist jamès riens fait. Si se porta
tretiés que il aroient trieuwes quinse jours, et dedens ce terme,
il dévoient envoyer deus de lors cevaliers deviers le roj d'Escoce
et son consel pour compter lor estât, et se li rois d'Escoce
voloit là venir, si poissans que pour lever le siège, la cliité de
Bervich li demoroit, et se dedens les quinse jours il ne venoit,
il se dévoient rendre au roi d'Engleterre et de ce jour en avant
demorer bon Englois ; et se pooient chevaliers et esquiers qui
dedens estoient, partir ségurement sans riens perdre dou lour,
et dévoient li manant de Bervich demorer en bonne paix sans
estre fouUé, ne pressé, ne avoir auqune violense de lors corps et
de lors biens. Les trieuwes furent bien tenues, ne onques tous
les quinse jours il n'i eut assaut , ne escarmuce , et envoya
messires Alixandres de Ramesai deviers le roi d'Escoce et son
coni^l qui se tenoit en Abredane, et là environ sus la Sauvage
Escoce, deus chevaliers. Je les vous nommerai : messire Guil-
laume de Glandignin et messire Robert Vourme.
Chil chevalier se départirent de la chité de Bervich et cevau-
chièrent parmi FEscoce, et trouvoient en cevauçant tout le païs
ars et destruit, et ne savoient à qui parler. Tant esploitièrent
que il vinrent en la chité d'Abredane, et là trouvèrent le roi et la
reine et auquns chevaliers d'Escoce qui lor faisoient compagnie.
Quant li rois vei les chevaliers venus, il senti tantos que il apor-
toient nouvelles ; si leur dist : t Bien venant ! Comment vous
€ portés-vous dedens Bervich ? > Adont li recordèrent li cheva-
lier toute Tordenance dou trettié ainsi que il se portoit; et quant
mnsE
li ro» Tôt entendu, si pensa un petit et vei bien que il n*i pooit
poorveir, si dist : c U me faut Bervich perdre, la souverainne
c chité de mon roiaulme. A ce ne puis-je aidier. » Et puis il dist
encores ensi : c Se nous le perdons pour ce temps, uns aultres
€ retournera que nous le recouverons, i Et dist ensi as cheva-
liers : c Messire Guillaume et vous messire Robert , je vous
c remerchie grandement de ce que si vaillamment vous vous
€ estes tenus en Bervich. Vous veés bien que il n*est pas en ma
« poissance que je puisse amender à ce tretié. Il n'i a nului en
« Esooce depuis la mort de messire Guillaume de Douglas et
c dou conte Jehan de Moret ; il n'i a gaires de cevaliers qui se
f doient, ne puissent relever contre la poissance d'Engleterre.
f Englois sont maie gent. Li baron de ce pais tretyèrent jadis,
« et n'i a pas encores chinq ans, dou mariage de ma femme et
€ de moi, au conte de Kent qui fu uns vaillans preudoms et à
t la roine Isabiel d'Engleterre, pour tant que il quidoient que
c je et toute Escoce en deuissions mieuls valoir, mais nennil :
c nous avons plus forte guerre assés que devant, et chil qui
€ s'acordèrent au mariage, la roine, la mère ma femme, li
€ contes de Kent et messires Rogier de Mortemer en sont venu
c à povre conclusion et tout par envie et le mauvesté des
f Englois. Robert et vous, Guillaume, vous retournerés et ferés
€ dou mieuls que vous pores : je voi bien que il fault que je
€ perde Bervich. »
Depuis ceste response que li rois David d'Escoce fist à ses
chevaliers, il ne demorèrent que deus jours que il se missent
au retour, et ceminèrent tant par lors journées que il vinrent
à Bervich et passèrent tout parmi Toost as Englois paisi-
vel^nent et rentrèrent en la ville. Euls revenus, il parlèrent
au eapitainne et as tous ceuls de la ville , bourgois et autres,
et lor recordèrent en général tout ce que il avoient trouvé au
roi d'Escoce et en son consel, et la response telle que faite on
lor avoit; et sur ce orent consel et avis. Dont dissent-il Fun
par l'autre : < D nM a aultre cose : il nous fault tenir le trettié
c tel que nous Pavons déviera les Englès. Aultrement ne poons
DE BERWICK. IKl
« nous faire, et à tout considérer, voiremeni ne le puet li rois
f amender, car il n'a pas à présent gens, ne poissance pour
c oombatre les Englès. »
Les chevaliers d'Escoce retournés sus la fourme et estât que
je vous di, li rois d'Engleterre et ses consauls verront sçavoir
quel cose il avoient raporté. Il leur dissent que Bervich estoit
leur parmi les convenances acomplies. Li rois d*Engleterre
lor tint et acompli de point en point, et s'en départirent tput
chevalier et esquier qui en garnison i avoient esté, et empor-
tèrent tout che qui leur estoit, sans rihote, et li bourgois de la
ville demorèrent en paix parmi tant que il jurèrent solempne-
ment à estre bons et loiaus Englois, à tous jours mes, et eussent
li Englois la posession, et i entra li rois d'Engleterre à grant
fuisson de trompes et de trompètes et de menestrandies et i
tint son tinel et son estât, et la roine Phelippe sa femme
avoecques lui, laquelle estoit enchainte, et ce fu de Edouwart
son ainné ûl qui puis fu princes de GaUes et si vaillans hommes,
comme vous trouvères dedens cette histore, quant temps et
lieus seront à parler de lui. Avoecques la chité de Bervich ot
li rois d'Engleterre le castiel qui est biaus et fors et ouvre sus
les camps et en la ville, et tout fu mis ens ou trettié dou ren-
dage. Et furent la chité de Bervich et li chastiaus ravitaiUiet
et rafresqui de pourvéances et de gens d'armes et d'archiers et
de bon chapitainne ; et fu toute la marce et la terre de là
environ recargie et mise en garde de la bouce dou roi au signeur
de Persi qui resgnoit pour ce temps.
Apriès le concquet de Bervich, li roys eult consseil et
advis qu'il yroit devant le castel de Rosebourch qui estoit à
XII lieuwes de là et qui est de ce costet li entrée d'Es-
coche et li département dou royaume d'Engleterre et de
Norhombrelande, car en ce castiel pooient 11 Escot mettre
une grant garnison et trop fort grever Bervich et yaux
SUITE
aidier à defiendre et garder le marce s*il estpit de leur
acord. Dont fu cryet et commwidet de par le roy que on s'en
allast de celle part, ainssi que on fist. Si sieuwirent touttes
pourvéanches Tost et s'en vinrent devant Rosebourch et
l'assëgièrent de tous costes, car c'est ung castiau sus une
roce en plain pays, et y a fossés assës profons, mes peu
d'aighe y descent, ne se tient. Dedens ce castel y avoit ung
très-bon escuier d'Escoce que on clammoit Alixandre de
Ramesay qui dou garder fist bien son devoir, et avoit tous
les jours l'assaultjusques as murs de traire et de lanchier,
et il se defiendoit si bien qu'il en avoit le grâce de chiaux
de dedens et de dehors ossi. Or vous dirons ung peu dou
convenant et del ordonnance le roy David d'Escoce et de son
consseil, et comment il se maintinrent depuis le départe-
ment, sicomme vous avés oy.
Quant li Escot se furent parti de le montagne, sicomme
il est dit chy devant, il chevauchièrent ce jour tout à leur
aise; car bien sentirent que li Englès n'avoient nul talent
d'iaux poursuiwir et se logièrent de haulte nonne sus une
petite rivière que on clamme ou pays ' la Boée *, et là se
traissent tout li seigneur d'Escoche à consseil quel cose il
feroient, et comment le plus honnerablement de ceste guerre
as Englès il se maintenroient. Là y eult pluiseurs parolles
dittes, devisées et remonstrées, et ne sambloit pas ^ bonne *
as aucuns ceste ordonnance d'ensi fuir devant les Englès,
et qu'il se metoient en parti de tout perdre leur honneur et
leur pays. Dont disoient li plus sages que nullement il ne se
veoient fort de combattre le roy englès qui avoit avoecques
lui bien LX" hommes d'eslite et que il leur valloit mieuxensi
*yaux maintenir * que tout aventurer et perdre. Dont eurent
consseil et pour le mieux que li jovènes roys leurs sires s'en
alast à Dunbretan, ung très -fort castel sus leSauvaige Esco-
* » La Bethe. — *-* Honnourable. — »-• Partir.
DE l'expédition d'écosse. 289
che, et là se tenist(ily seroit tout aseur), et laroyne avoecq
lui, et li jovënes messires Guillaumes de Douglas et li
contes de Moret et li contes de Surlant et messires
Robiers de Verssi et messires Simons Fresel et tel route
de gens qu'il voroient prendre, se tinssent ens ces forests
de Gédours et costiaissent les Englès et les hériassent *,
* par celle voie il les guerroient sagement et leur porteroient
à le fois grant dammaige , et li autre se maintinssent au
plus bel que il peuissent ^. Chils conssaulx fu creus et tenus,
et se départirent leurs os et s'en ralla chacuns en son lieu,
sans faire, ne monstrer aultre deffensce au pays, fors par
le mannière que j'ay dit chy devant, fors tant qu'il envoyè-
rent grant ga^rnison en Haindebourch, en SaintJehan-Ston,
en Abredane, en Dondieu, en Dalquest, en le ville de Saint-
Andrieu et ensi par les forteresses, et gastërent yaux
mesmes tout le plain pays et se retraissent hommes et
femmes et enfans ens es montaingnes et ens es bois et ens
es forests, et là menèrent tout le leur et se amasèrent ; et li
chevalier et seigneur dessus dist, qui estoient estaubli et
ordonné pour * guerryer ^ les Englès, messires Guillaumes
de Douglas, li contes de Moret, li contes de Surlant, mes-
sires Simons Fresel et pluiseurs autres * se retraissent
devers le forest de Gédours qui est forte, sauvaige et grande
sans nombre, où nulle gens estrange ne se oseroient, ne
poroient embattre s'il ne voulloit estre perdu davantaîge ';
et li rois et li royne d'Escoce s'en allèrent à Dunbretan, ensi
qu'il est dit chy devant, et layèrent leur pays guerryer en
le mannière comme vous orés.
* En eulz adommageant. — *' Et par ceste manière il porroient
faire retraire leurs anemis , sans trop grande aventure de perte. ^
*■• Grever. — «-' Les costièrent tousjours par les montaignes et pas-
sages où il savoient bien les chemins, et leur faisoient grant dommage.
I. — FROISSART. 19
^ \mtn
Eûâi ëéûit li royd d*Engletérre devant le fort castel de
Roseb<^^éIi <en EsKîoohe et y Ai ung grant temps. Il le fist
par plnisetos fbis assaillir ; mes li bons escoiers Alixandres
de Raiâésày s*àquitta très-bien et loyaument dou garder ël
don defféndi'e, et vint avec ses iiîompàignons par pluiseurs
lois & le bafrière et escarmuchief et combattre as Englès, et
y fissent li Escol pluiseurs belles appertisses d'armes, dé
tant ijue li rois y sist* qui disoit qu'il ne s'en partiroit mies
jus(j[u'à tant qu'il aroit le castel par deviers lui et en seroit
sires. Et là eut devant le castel ung fet d'armes d'un che-
valief d'Engletetre qui s'apelloit messire Guillaume de Mon-
tagut et de cel Alixandre de Ramesay, liquels ne fait mie à
oublie**, et pour ce ai-je che livre commeiichiet que jou
doie et voeil recorder les belles avenues, et à ce je me suis
acohvèftenchiés. Si n'est pas chite fès d'armés escrips, ne con-
tenue enà Ieg( cfonicques messire Jehan le Bel, mes j'en fui
enfourtnés des seigneurs dou pays, quand je fui en Escoohe.
Chils mefesires Guillaumes de Montagut qui puis fu contes
de Sallebrin, par le vassèlage et proëce de lui, et qui estoit
fës nouveaux chevaliers, quéroit les armes et les aventures
che qu'il pboit. Dont, le siège durant devant Rosebourch, à
une escarmuche qui estoit une fois à le barrière dou castel,
il estoit tout devant, une glaive en son poing, et faisoit là
moult de belles appertises d'armes, et li cappitainnes de
layens Alixandres de Ramesay yssi contre li. Avint que li
dis messires Guillaumes li dist : « Alixandre, Alixandre,
« nous nos hévions chy tout le jour au lanchier et au traire
a et nous mettons en aventure d'estre ocis et sans grant
c< proèce. Si voeilliés faire une cose que je vous diray,
« armés-vous demain dû mieux que vous poés et jou ossi,
« et montés sus ung cheval le milleur que vous ayês ; si, se
<c vous n'en avés nul qui bon ne vous samble, je vous en
DE l'expéditiom d'écosse. 291
a feray ung prester, et prendés vostre targe etvostre glave.
« Si vous venés esprouver à moy en ces biaux plains
« devant le roy men seigneur et les barons d'Engleterre
« par convent que se vous me conquérés par vostre proèche,
« ensi que bien faire poirés, vous enporterés devant vous
« mil nobles, et se je vous conquiers, je vous feray bonne
« compaignie. » — « Parme foy, rcspondi li escuiers, il ne
« seroit mies drois hommes d'armes, qui refuseroit che
« parti et je le vous acorde liement. » Ensi fu li bataille
fianchie à Tendemain et li escarmuche laissie. Chacuns se
pourvey en droit de lui dou mieux qu'il peult, et pour l'amour
de le bataille li rois d'Engleterre donna trieuWes à tous
chiaux dou castel de Rosebourch le jour entier et l'endemain
jusques à soleil levant. Quant ce vint au matin, messires
Guillaumes de Montagut s'arma très-bien, fort et ablemait,
pour estre plus légier, et tous armés il monta sus son che-
val, le glave ou poing, l'espée au costet et le targe au col,
et s'en vint ensi qu'il devoit, desus les camps assés priés
dou castel, et là estoit li roys et li plus des barons d'Engle-
terre. Assés tost apriès vint Alixandres de Ramesay, armés
fricement et gentiment de touttes pièches seloncq son
usaige, montés sus ung bon coursier, le bachinet en teste, le
glave ou poing, et accompaigniés de chiaux dou castel.
Quant il se virent sur les camps, oncques ne parlementèrent
de riens enssamble , ains abaissièrent les glaives et con-
dirent les targes à leur poitrine et férirent chevaux des
espérons et s'en vinrent au plus droit l'un contre l'autre
qu'il peurent, sans yaux nient espargner et s'asenèrent de
premier encontre de leurs glaives si roidement que chacun
rompi le sienne en plus de trois pièces et s'encontrèrent de
leurs épaulles si dur que leurs targes en passant se desbou-
clèrent et leur pendoient contre val assés à malaise; mais
292 SUITE
chacuDS à ce parti mist remède et aywe. Et' quant on leur
eult rebouclé et remis à leur droit, il sachièrent les espées
et férirent chevaux des espérons et vinrent l'un sus l'autre
très-fièrement et se requisent sans yaux espargner de grant
couraige, et là ^ moult vassamment et longhement ' se comba-
tirent et donnèrent li ung à l'autre sur leur bachinet à visière
tamaint pesant horion. Et quant des espëes il se furent ung
grant temps combatu, il les jettèrent à terre avoecq les fou-
riaux et puis se prisent as bras et luittèrent sur leurs chevaux
et fourmenèrent en luitant tant jaux et leurs chevaux que
moult estoient afoibli de leur force. Dont dist li roys : « Chil
« dôy bacheler se sont bien esprouvet efibrcëment et vas-
« saument se sont gouverné en leurs armures. Pour riens
« je ne vouroie qu'il meschéist à mon chevalier et que li
« Escot euist ossi trop grant dammaige de son corps. Dittes-
« leur de par moy que je voeil qu'il cessent, car leur esbat-
« lemens nous doit bien souffire. » Dont vinrent celle part li
sires de Gresop, li contes de Sufforch, li sires de Ferrières,
et disent as champions che que li rois leur mandoit et qu'il
volloit qu'il finesissent. Ensi se départi li bataille des doy
bachelers qui vollentiers fu regardée, car vassaument et
hardiement il s'estoient requis et combatu *. Li Escochois
enremenèrent leur cappittainne qui durement estoit tra-
villiés et lassés, et li Englès monseigneur Guillaumme de
Montagut qui n'en avoit mies plentet mains. Chils jours
passa et fu la trieuwe à chiaux de Rosebourch espirée. Si
recommenchièrent li assault fort et fier au castiel, et chil
de dedens à yaux bien defiendre. Chils sièges dura de l'en-
trée d'aoust jusques à le Toussaint. Adont fu li castiaux
rendus, car plus ne le peurent chil qui s'en partirent, tenir,
et se sauvèrent yaux et le leur seullement, et en peurent
'* Si honnourablement que tous deux y aquirent honneur.
DE l'expédition d'écosse. 293
aller quel part qu'il veurent : che fu deviers Dunbretan li
aucun et li autre deviers le for.est de Gédours, là où li bon
chevalier et escuier d'Escoche se tenoient, qui souvent res-
veilloient les Englès, messires Guillaumes de Douglas, li
contes de Moret et li autres.
Quant li roys d'Engleterre fu entrés ou castel de Rose-
bourch, il s'i reposa à grant joie et y tint se feste le jour de
Tous les Sains et y donna grans dons as chevaliers
estranges, as hiraux et as ménestrels. Au VHP jour il s'en
parti et laissa bonne cappittainne et soufflsamment ou cas-
tel C hommes d'armes et IP archiers, puis chevaucha
deviers Haindebourch ung très-bel castel et fort, séant sus
une haulte roche pour veoir le pays tout environ et priés
de le mer; mes, ains qu'il y parvenissent, il eurent mainte
envaye des Escos et maint assault, et ossi furent li Escot
par pluiseurs fois cachiés et reboutés de messire Guil-
laumme de Montagut et de messire Gautier de Mauni, qui
estoient compaignon enssamble et qui grant painne et grant
soing mettoient et rendoient à yaux avanchier et aloser et
à adammagier les Escos qui grant contraire leur portoient.
Ainchois que li roys englès et ses os parvinssent devant
le fort castel de Haindebourch, li marescal et son ost cou-
rurent toutte le conté de Marce et contreval le marinne
jusques à Donbare et à Ramesée et tout contreval le
marinne jusques à le ville de Saint- Andrieu et puis repris-
sent ung bras de mer contremont et s'en vinrent à une ville
sus cel bras de mer que on apelle Kinnesferry, et robèrent
et ardirent le ville, puis s'en partirent et montèrent contre-
mont et vinrent jusques à Donfremeliu, et là eut ung grant
assault, car grant fuisson des gens del pays d'Escoche s'i
estoient retret qui si bien gardèrent celle ville parmy l'ayde
le seigneur de Lindesée et ses gens que elle n'eut garde, et
204 SUIT!
y furent là durement navrés li contes de Sufforch et messires
Édouwars li Despenssiers et messire Thummas Bises et
messire Ostes de Pontchardon, et s'en partirent ^ li Englès
quand il virent qu'il n'y feroient riens, et s'en revinrent
tout autour par dessoubs Haindebourch, et y trouvèrent le
roy à siège devant Dalquest, ung castiel * au seigneur de
Douglas ^, qui siet à V lieuwes de Haindebourch.
Chils castiaux de Dalquest n'est pas trop grans, mes il
est * bien herbergiés de cambres et de édeffices * qui sont
édeflyet • en une grosse tour quarëe, votée deseures, qui ne
crient nul assault d'enghiens, ne d'espringalles ', et siet
sus une petite roche bien taillie environnée d'une rivière qui
n'est pas trop graus se ce n'est par habundanche de pleuves.
Et est li basse court ung peu en sus, laquelle chil de layens
avoient toute arse et mise par terre afin que elle ne leur
portast point de dommage, et avoit dedens le fort de Dal-
quest mis messires Guillaumes de Douglas bons compai-
gnons et appers, et estoient environ XXXVI bien pourveu
d'artillerie et de vivres pour yaux tenir ung grant temps,
et avoient ung • capittainne qui s'apielloit Patris de
Hocleve, qui estoit bons hommes d'armes et seurs, et
s'armoit d'argent et à trois clés de sables, car par pluîs-
seurs fois il fu à le barrière dou castel armés de touttes piè-
ches, escarmuchant as Englès bien et vassaument, et tant
y vint escarmuchier qu'il l'en mésavint sicomme vous orés.
Li roys d'Engleterre qui séoit devant Dalquest, ne s'en
volloit nullement partir si euist pris le fortrèche, et y fu
tout river enssuivant. Dont il avint sur le printamps que
les aighes se commenchent à retraire, et plus une saison
* A grant perte. — *^ A messire Guillaume de Douglas. — * ' Fors
et bien édifiés. — ^-^ Sy j avoit une grosse tour vossée qui ne doubtoit
nul assault d*engien, ne d*aultre chose. — • Très- bon.
DE l'expéditiou d'écossb. 285
que une autre, et que li coraige des preux bacelers, par
nature, se raverdissent et refraissent, adont se fist ungs
assaus des Eoglès à chiaux de dedans, grans et fiers et bien
ordonnés, et ^ avisèrent li seigneur d*EngIeterre comment
il poroient dëchevoir che ehastelain '. Bien savoient que
à tous les assaus que on faisoit il s'abandonnolt moult avant
et entendoit tondis que il peuissent prendre et retenir des
plus grans del ost par son advis que il veoit devant lui al
assault. Si âsent yaux VIII des plus grans de Tost armer
VIII de leurs varies en leurs propres toumiquiaux et
parures d*armes pour mieux veoir, et les fisent assës foible-
ment accompaignet de gens venir devant le pont leveis du
castiel',et^ ung hiraut d*Engleterre en une rice cote d*armes
don roy vesti, proprement devant yaux *, qui crioit à chiaux
dedens : c 0 Patris I Patris ! regarde le belle aventure
c d*armes qui vous vient. Vechi ces seigneurs barons d*En-
c gleterre qui voërent hier soir après vin boire qu*il vol-
c loient hui escarmuchier à vous sans autre ayde que de
t yaux meysmes. Se vous les poyës par biau fait d*armes
t prendre, ne retenir, vous y ariés bien de prouffit * mil
t florins ^.» Et quand li eastelains oy ces paroUes et il reoon-
gnist les armes au conte de Lancastre, au conte de Penne-
brucq, au conte de Herfort, au conte de Suflbrch. au conte
de Warvich, au seigneur de Persi, au seigneur de Gresop,
au seigneur de Neufville et au seigneur de Felleton, et il
les vit tant seulement yaux VIII à rentrée don pont, si
quida bien que li biraux li dist vérité et qu'il fuissent li venu
par voie de ven. Si dist à ses compaignons : « Seigneur,
« qui troeve saint Pierre i l'uis, il ne Fa que faire d*aller
^ * Si s'aTÎsèrent d*un soutil tour. — ' Et avoient fait une embase.
— ' * Vng rallet vestu de riches parures en abii de hértnlt, *- *^ Cent
mille nobles.
296 SUITE
« querre à Romme. Vechy nostre recouvi'anche, se eur et
(£ fortune est venue, pour tousjours, mes plus vassâument
(£ ne nous poons nous combattre, ne aventurer que à ces
c( nobles seigneurs â*Engleterre qui nous en requièrent. Il
<c en y a tel IIII qui paieroient CC mille florins sans yaux
« grever. Avalions le pont et nous liastons d'yaux com-
« battre et de mettre céens par force d'armes. Si ferons
a une des belles aventures qui avenist oncques mes en
a Escoche. » Et chacuns dist : a Che soit fait. » Dont aval-
lèrent le pont vistement tous jus rés à rës de terre et
ouvrirent leurs portes et vinrent de plain cours sur ces
variés qu'il cuidoient grans seigneurs, liquel se commen-
chiërent à deffendre faintement et à reculer jusques à le
jointure dou pont et yaux laissier tirer et abattre et dire :
« Rendés-vous » et respondre : « Non ferons. » Entroes
qu'il s'ensonnioient ainssi, Englès qui estoient tous pourveu
et avisé quel cose il dévoient faire, vinrent à cours de che-
val celle part et montèrent sour le pont si efforciement que
oncques puis ne s'en partirent, et en furent maistre et
prisent Patris le cappittainne ^ et XVIII de ses compai-
gnons *, et tuèrent tous les autres et entrèrent en le porte
qui estoit toutte ouverte et se saisirent dou castiel et en
rendirent les clés au roy englès qui en eult grant joie.
Tout ainssi comme vous m'avés oy compter, fu li cas-
tiaux de Dalquest pris ', et y mist li roys englès garnison
pour le tenir et deffendre contre tous hommes et le rafres-
qui de pourvéanches, puis s'en parti li roys et tout sen ost,
et s'en vinrent en Haindebouroh, et se loga li rois en une
abbéie de noirs moinnes assés priés de le ville que li Escot
avoient toutte arse pour ce qu'il ne voUoient point que li
*■■ Et tous 868 hommes. — 'Si entra le roi dedens luy rafrescir
à grant joie.
DE l'expédition d*écossb. 297
Englès s'i herbergaissent. Si environnèrent le castel qui
siet haut sus une roche de tous costés, et y fist li roys
pluiseurs assaulx grans et fiers et mervilleux, mes peu y
conquist, car il y avoit dedans bonne bachelerie qui bien le
defiendoient à tous venans ^ Lors eultconsseil liroys qu'il
le feroit assaillir d*enghiens, enssi qu'il fist, et fist II grans
enghiens haus et bien ordonnés drechier devant le castel
qui ouniement nuit et jour y jettoient, et rompirent et débri-
sièrent chil enghien toute le basse-cour. Enssi estoientchil
de Haindebourch assailli et travillié des Englès, et li cou-
reur et foureur d'Engleterre dont messires Guillaumes de
Montagut et messires Gantiers de Mauny, qui nouvelement
estoit devenu chevalier, estoient cappitainne, coururent le
plainne Escoche bien souvent jusques à Struvelin et jusques
à Donfermelin, mes noient ne trouvèrent à fourer, car li
Escot avoient yaux mesmes destruit et ars tout leur plain
pays et retret le leur et leurs bestes ens es foriests, et euissent
eu li Englès moult de malaise et de povreté de faminne, se il
ne leur fuissent venu vivre par mer, mes il leur en venoit
d'Engleterre assés et par raison qui grandement recomfor-
toient leur ost. Or lairons ung peu à parler des gherres del
royaumme d'Escoche et parlerons des avenues de Franche.
Vous avés bien oy chy devant dire et recorder le trespas
dou roy Charlon de Franche, et comment li pers et li hault
baron del royaumme de Franche eslisirent et couronnèrent
à roy Phelippe, fil jadis au conte de Vallois, et sachiés que
à celle élection faire messires Robiers d'Artois ses serourges
qui adont estoit li ungs des plus grans et mieux oy en par-
lement del royaumme de Franche *, y mist et rendi grant
* Et aussy le chaatel estoit durement fors. — * Car il estoit moult
ojs et creus ou rojalme et de grant linage.
S98 ROBERT o'aRTCMS
painne. Et apriës che que li roys Phelippes fu couronna,
chils messires Robiers fu toudis, par Tespasse de trois ans
et plus, K plus espëciaux et grans mestres de son consseil,
car par lui estoit tout fait et sans lui n*estoit riens fait. Or
aTint apriës que ^ li rois Phelippes emprist et aqueilla che
messire Robieft en si grant hainne en Toquisson d*un plait
qui esmeu estoit devant le roj, dont la conte d'Artois estoit
cause, laquelle conté messire Robiers callengoit et deman-
doit contre le duc de Bourgoigne et le devoit avoir gaignié
par le vertu d*ttne lettre qui n*estoit mie bien vraie sicomme
on disoit. A tout le mains il en fu amis et li rois contre lui si
dur enfourmés que s*il Teuist tenu, en son ajr, soudaine-
ment ' il Teuist dëshonncré dou corps '. Et comment que li
dis messires Robers d* Artois fust ^ li plus prochains del
linaige a tous les bauls barons de Franche ^ et serourges
au dist roy, se li convint il wuidier Franche et en fu banis
publicquement et se terre saisie, et si doi fil pris et empri-
sonnet, qui nepveult estoient au roy, et jura que jammès il
n'isteroient de prison, lequel siermcnt il tint moult bien tant
qu'il vesqui.
Quant messires Robiers d'Artois se vit* en ce parti ^, s'i!
fu courouchiés et esbahis, il ne fet mies à demander. I!
wuida le royaumme au plus tost qu'il peult et s'en vint en
Haynnau deviers le conte Guillaume qui adont rëgnoit et s»>
tenoit en l'ostel de Hollandes à Valenchiennes, ' maladieu»
et travilliés par heures de gouttes *. Si recoida au conte
sen avenue ** et comment li rois de France Tavoit aqueillet
en grant hainne ". Si l'en demanda à avoir consseil. Li
* Par eoTie et hajnne d*auctiDS et faalx rapora ~ * > Il TeuUt fait
morir. — *-• De grant lignage. — '^ Ainsi décachiés. — •• Qui giêoit
«u %ou Ut. maUulea de gouttes. — *^** Et le graat iiajrnne où le roj
TaToit prinaà tort.
SE RETIRE EU AlfOLITEERI. S89
contes de Haynnau qui ses serourges estoit (car il avoient
doi serours espousées), fu durement esmervilliés de ces nou-
velles et li dist que vollentiers pour Tamour de lui il envoie-
roit deviers le roy de Franche et H aideroit i faire sa pais.
Si enipria monseigneur Jehan de Hajmiau son frère et
révesque de Cambrai qui estoit pour le temps, que il y toI-
sisseiit aller. Cil li accordèrent vollentiers et Tinrent en
Franche deviers le roy, pourveu et avisé de lettres de par
le conte de Haynnau et de biel langaige pour excuser le dist
monseigneur Robert, en lui priant que il lui volsi^t par-
donner son mautalent et li rendre ses enfans et sa terre ^
Mes li roys ni volt oncques de rien entendre, ains manda
au conte de Haynnau par monseigneur Jehan de Haynnau
son frère, que se il soustenoit, ne tenoit, ne confortoit en
riens le dist messire Robert, il n*aroit pieur ennemit, ne
plus grant de lui ', ^ de quoy li contes de Haynnau fu moult
courouchié, quant il oy ces nouvelles * et si fort mandement
dou roy, et s*en conseilla as plusieurs grans barons de son
pays ce qu*il en estoit bon à faire ; car il amoit durement le
dist monseigneur Robert et bien disoit que se il fuist hetiës
et que il peuist chevauchier, * il lui cuideroit bien faire se
pès avoecq Tayde dou duc de Braibant *. Dont dissent li
baron de Haynnau que il n*avoit que faire d*entrer en
haynne, ne mettre son pays en guerre contre le roy de.
Franche pour messire Robert d'Artois ; mais se il le volloit
aidier et conforter de mise secrètement, faire le pooit, et
le laissast pourcàcher et querre amis là où bon li sambleroit,
car il avoit bien des plus prochains qu*il ne li fust. Li contes
* Que sans cause il empeschoit. — ' Ne aultre reiponsae oe peurent
avoir. — ''^ Dont revinrent et rapportèrent la response qne ojre av^,
devers le comte qui moult en fa ooiirouchi^s. — *-* Qu'il l*en peiaat
moult acertes.
SOO ROBERT d'aRTOIS
crnt ce consseil et fist délivrer à messire Robert secrète-
ment VI** vies escas pour payer ses frës et H donna draps,
chevaux et jeuiaux au départir ^ et le recommanda à Dieu ';
et 8*en vint adont li dis messires Robiers d* Artois à Namur
voir sa soer la contesse de Namur et le jovëne conte Jehan
de Namur, son nepveult et les autres, Guillaume, Robert et
Loeis, qui estoient adont moult jone damoisel. Sa serour le
rechupt â joie et li fist feste ce qu'elle peult ; che ne fu nient
longement, car li roys de Franche y mist remède.
Quant li rois Phelippes oy dire que messires Robiers
d'Artois se tenoit à Namur dalés le jovëne conte son nep-
veult, si en fu courouchiés et manda et commanda outrée-
meut et trës-spécialement au conte que, se il ne li faisoit
wuidier sa terre, il le courouceroit hastéement et li torroit
tout ce que il tenoit de lui en Franche et li feroit ardoir et
courir son pays de ses voysins meysraes. * Quant li jovënes
contes de Namur et ses conssaulx oirent che, si ne vorent
pas courouchier le roy et obéirent à ses mandemens *. Lors
se parti messires Robers et s'en vint en Braibant deviers lo
duc Jehan son cousin, qui lors se tenoit * à le Lewoire * et
qui le rechupt à joie, à qui messires Robiers d'Artois dist
toutte sen aventure et comment li roys le décachoit et
faisoit décachier de pays en pays, et ne savoit mes où aMer,
s'il li falloit. Dont li dist li ducs de Braibant : t Biaux cou-
t sins, ne vous ' esbahissiés de riens •, car j'ai terre et rai?^
€ assés pour vous conforter, ne je ne sui de riens tenu de
• • Et lui diftt qu'il cjuist amis, et tousjoura il le confoi-teroit secrèt*»-
ment. Dont le commftndft à Dieu, et mesftirc Rubei-t bo party atout le
wi^ et d*aatres riches jojaux qui donné lui furent par le contesse f t
par anltres. — ** Ainsi n'eult le conte point de conseil , ne harleroent
de luy aoosteniryCar il n*OK)it conrronchier le roy de qui il tenoit grant
terre en France — • • Le Vure. — ^ • Ne voua eamaiés point.
SE RETIRE EM ANGLETERRE. 301
t obéir au roy de Franche. Si vous tenés dallés moy, * et
t je regarderay et pensseray à vos besoingnes *. »
Ces paroUes et autres, avoeeq le fet que ii dus de Brai-
bant ii offri, pleurent moult à monseigneur Robiert d'Artois,
et se tint dallés le duc ung grant temps. Quant ii roy s de
France le seut, si fu moult courouchiet et manda au duc de
Braibant que, se bien lost il ne le mettoit hors de se terre, il
le couroucheroit. Li dus de Braibant ne fist compte de ces
menaces et remanda au roy par ses messagiers meysmes
que messires Robiers d'Artois estoit ses cousins bien pro-
chains et ung des plus nobles de sancq du monde : si le
devoit aidier et conforter par linage, et encoires li man-
doit-il que il ne créoit mies que messires Robiers d'Artois
euist coupe nulle à ce dont il l'amettoit et que il faisoit mal
et péchiet ^ quant ainssi pour amise il le déshonneroit et
tolloit son hiretaige ^. Li rois de Franche ces parolles et
autres tint en grant despit et ^ regarda * comment il polroit
constraindre le duc de Braibant, et acquist et pourcacha en
l'empire grans amis,_tels que le roy de Behaigne, l'^vesque
de Liège, messire Ayoul de le Marce qui estoit évesque
pour le temps, li arcevesque de Couloingne, li arcevesque
' de Maience *, li duc de Guéries, li marchis de Jullers, le
conte de le Marche, le conte des Mons, le seigneur de
Fauquemont, messire Ernoul de Bakehen ' et pluiseurs
autres ^®, " et leur donna " grant or et grant argent afin
que il volsissent deffyer le duc de Braibant et le guerryer,
et ^' il s'i asen tirent " parmy les grans dons qu'il en eurent.
Encoires y vot mettre et bouter li roys le jovène conte de
*-• Et par moy vous serés réconfortés. — *'* Que ainsi le décachoit
et ostoit son héritage. — » • Et advisa. — ^ • De Trêves. — •*• Et
moult d autres grans seigneurs en l'empire. — **'* Si donna à plu-
sieurs. — " ** Il lui accordèrent.
SOI mOMRT D'utTOtt
Namor, mais il s'en excusa bellement et dist qu'il senrîroit
le roy de France en toutes autres ^ manières *, fors en ceste.
Quant li ducs de Braibant 07 recorder les aliances que li
rois de France ponrcachoit et acquécoit contre lui, * si se
doubta que trop grans maux ne l'enpresist ^, et envoya cou-
tertement monseigneur Robiert d'Artois ens ou castiel
d*Argentoel lui tenir tant que li rois l'euist oublyet et pour
savoir comment li roys se voroit maintenir. Si se tint là
messires Robiers d'Artois ens ou castel d'Argentoel, et li
faisoit li ducs de Braibant faire ses despens et le pounëoit
de tout ce qu'il li besougnoit. Nientmains li roys de Fran-
che ne le vot point souffrir et le fist par les dessus dis
nommés défiler, et entrèrent tantost en son pa}'s parmy
Hasbaing et en allèrent droit à Hannut * et ardirent * par
tl fois, demorant ou pays de Braibant à leur voilentê tant
que bon leur sambla. Et envoya eucoires li dist roys Raoul,
le conte d'Eu, son connestable, a grant fuison de gens
d'armes pour mieux remonstrer ^ que li besoingne estoit
sienne * et faite à son pourcachier et tout ardant son pays.
* Li dus de Braibant accorda une trieuwe au pourcachier et
pryère le gentil conte de Haynnau **, qui prist '' ceste
besoigne " sour lui, parmy tant que li dus devoit mettre
hors de son pays le dict monseigneur Robert, ensi qu'il fist;
mes che fu moult envis, car trop l'amoit pour l'amour de
ses enfaas qui lui estoient moult prochains.
Enssi ue se peult messires Robiers d'Artois tenir, ne en
France, ne en Fempire. Si eult avis et consseil *' qu'il s'en
*' Betoognes. — '^ Si se doubU durement, et ce fu point merveiUe.
— ^^ Ardant et etsillant en pluiseurt lieux. — ^' Que la beaongne
•ttoit à lui. — * '* A cet beiongnea pourcacha tant le bon comte de
Rainnau , que unea trieuwea furent accorda. — **-** La chose. ~
SE RETIRE EN ANGLETERRE. 305
yroit en Engleterre veoir le jovène roy Édouwart* et li mrt-
teroit avant tel cose dont gaires ne se donnoit garde^ qui
moUlt cousterént au royaumme de Franche *. Si prist con-
giet au duc dé Braibant qui li fiât au partir délivrer VI*" viée
escus pour payer ses frès, et se parti convertem&at de
Braibant et vint en Ânwiers. Là entra-il en ung gros vais-
siel et toute se mesnie, et fîst tant et nagea par mer qu'il
ariva à ^ Zandvich ^ en Engleterre en ce temps que li roys
englès estoit en Escoce, enssi que vous avés oy chy devant.
Quant messires Robiers d'Artois oy ces nouvelles que li
rois d'Engleterre estoit en Escoce, qui gherrioit là les Escos,
si n'en fu mies plus lies. Nonpourquant il prist ghidespour
lui mener celle part, et se parti de Zandvich o toutte se
routte et prist Tadrèce pour venir vers Stanfort et vers Lin-
colle et tout le droit chemin d'Escoche, et passa ces villes
que je vous nomme et pluiseurs autres, et vint à Dancastre
et de là à Yorch c'en dist Ebrevich, où la royne Phelippe
d'Engleterre sa cousine et sa nièche estoit toutte enchainte
du biaus fil qui depuis fu nommés Édouwars «t prinches de
Galles. Quant la royne sent la venue de monseigneur Robert
d'Artois son oncle, si en eult grant joie, et le requeilll et
festia grandement ensi que bien le seut faire et le retint
dallés lui environ VI jours. En ce termine vinrent cer-
tainnes nouvelles à le royne que li roys ses maris avoit pris
le castel de Haindeboarch et s'estoient chil dedens rendu au
roy, sauve leurs vies, par les enghiens qui nuit et jour jet-
toient à le fortrèche. Ensi eult la royne double joie. Lors se
parti messires Robiers d'Artois et dist que il voUoit aller
deviers Escoce et veoir le roy comment il s'i maintenoit.
Dont fist la royne appareillier grans gens d'armes et bien
*■* Et lui remonstrast toutes ses grietés. — ' * Si le fist . dont il meut
celles choses qui moult côusièreat âU HDjalme de France.
304 ROBERT d' ARTOIS
CGC archiers dont messires Henris de Biaumont fu chiés,
p^ur aconduire le plus sauvement jusques au roy monsei-
gneur Robiert son biel oncle, liquels chemina et esploita
tant avoecq se route qu*il vint à Bervich en Escoche qui se
tenoit du parti le roy d'Engleterre, et rechurent chil qui
dedens estoient par le congnissance qu'il eurent de monsei-
gneur Henry, le dict monseigneur Robert et touttes ses
gens à grant joie, et se rafreschirent en Bervich III jours.
Là eurent-il nouvelles que li roys estoit partis de Hainde-
bourch et avoit mis grant garnison ou castel et en estoit
•allés devant Struvelin et Tavoit asségiet. Lors se parti li
dis messires Robiers d'Artois de Bervich et chevaucha à
esploit celle part.
Tant esploita messires Robiers que il approcha l'ost le
roy; et quant il fu ensi que environ III lieuwes englesces
pries, messires Henris de Biaumont qui le conduisoit, che-
vaucha devant et vint deviers le roy et li dist les nouvelles
de monseigneur Robiert qui venoit, liquels roys. fu moult
lies et fist monter aucuns de ses barons et venir contre lui
et ramenèrent tout parlant et devisant en l'ost et eu le tente
dou roy qui vint contre li bien avant et le festia grandement
et li demanda : a Biaux cousins et oncles, quels besoingnes
a vous amainnent maintenant en ce pays ?» — « El non
a Dieu, sire, dist messires Robers, vous le sarés, car c'est
« raison. » Adont li compta-il * toutte se fôrtunne * et sen
aventure et comment li roys Phelippes, cui il avoit fait tant
de biens, li avoit tollut sa terre et emprisonnet ses II fieus
Jehan et Carie et banni publicquement du royaumme de
Franche ; plus avant il ne le laioit en nulle place delà le
mer demeurer, * ne il n'estoit ^ contes de Haynnau, ne dus de
• • Toute aon infortune. — •** Ne il n'aToit si bon amy.
SB RETIRE EN ANGLETERRE. SUS
Braibant, ue contes de Namur, ne autres sires qui pour le
doubtance dou roy de France le peuist, ne osast conforter,
ne tenir dalés li. De ces parolles et de pluiseurs autres
que messires Robiers li recorda, fu II rois moult esmer-
villiés. SI reconforta le dict monseigneur Robert et li
dist : c( Biaux oncles, nous avons assés pour nous et pour
(c vous. ^ Ne vous sousyés, ne esbahissiés de riens *, car
(c se li royamme de France vous est petis, li royaumme
(c d*Engleterre vous sera grans assés. » — a Monsei-
« gneur, che dist messires Robiers, toutte men espérance
c( gist en Dieu et en vous, et ^ me confiesse chi que à
c( tort et à péchiet je consenti jadis vostre déshiretance
ce et * fis en partie celui roy dou noble royaumme de Fran-
ce che * qui nul gret ne m'en set et qui pas n'y a si grant
« droit comme vous avés. Car par droit et par proïsmetet
<c de le succession monseigneur Carlon, roy de Franche,
« vostre oncle, vous deveriés tenir Thiretage et en estes sans
« cause eslongiés ; car cils qui Test, estoit pins lointains de
« vous ung point, il n'estoit que cousins germains et vous
(C nepveux. » De ces parolles fu li rois tous pensieux et
touttesfois il les oy voUentiers ; mes, tant qu*adont, il n*en flst
*mies trop grant compte ', 'car bien savoitqu*ilyretouroit
quant il vouroit '. Si âst le dict messire Robert pourveyr
de logeis et de toutte ordonnanche qu'il li appertenoit.
Sec. réd. *°— Li homs del monde qui plus aida le roy Phelippe
à parvenir à le couronne de France et à Féritage, ce fu messires
Robcrs d'Artois, qui estoit 11 uns des plus haus barons de
* • Ne V0U8 esmaiës en riens. — • A vous. — ♦*• Et fia poor celui
roy plus que nuls. — *-^ Nul samblant. — *** Car à ce convenoit grant
conseil, et ot advis de le laissier pour Teure ensy. — *^ Dans la seconde
rédaction, TarriTée de Robert d'Artois en Angleterre, précède le départ
d'Edouard III pour TÉcoase.
I. ^ nOISSAIT. io
506 ROBERT d'aRTOIS
France le niieo» linagiéav et estraîs de» rojaus, et avoit à
fem^ie la fereur germainne doudit roj Pbelippe, et avoit
toutdid e«t^ s^a plusi espéciaulsi compains et amis en tous
estas ; et în bien Tespasse de III ans que en France estoit
tout fait par lui et sans lui ^'estoit rien» fait. Apriès avint
que li rois Phelippes emprist et acueilla ce monsigneur Robert
d'Artois en si grant bajne, (en Tocquison d'un plait qui esmeus
estoit devant lui, dont la conté d'Artois estoit cause, que li
dis messires Robers voloit avoir gaagnié , par le vertu d'une
lettre que messires Robers mist avant , qui n'estoit mies bien
vraie, sicom on dîsoit), que se li dis rois Feuist tenu en son
* aïr • il Feuist fait morir sans nul remède. Et comment que li
dis messires Robers fust 11 plus proçains de linage et d'amour
à tous les hauls barons de France et serourges audit roj , si
li convint-U vuidier France et venir à Namur dalés le joue
conte Jeban son neveu et ses frères, qui estoient enfant de sa
sereur. Quant il fu partis de France et li rois vei que il no
le poroit tenir, pour miex monstrer que la besongne li tou-
cboit, il âst prendre sa suer, qui estoit femme audit monsi-
gneur Robert, et ses II fils ses neveus Jehan et Charle, et les
fist mettre en prison bien estroitement, et jura que jamais n'en
isteroient tant qu'il viveroit; et bien tint ce sierement, car
onques depuis, pour personne qui lui en parlast, il n'en vui-
dièrent, dont il en fu depuis moult blasmés en derrière.
Quant li dis rois de France sceut de certain et fu enfourmés
que li dis messires Rober» d'Artois estoit arrestés à Namur
dalés sa sereur et ses neveus, il en fu moult courouciés , et
en^voia oaudement devers Févesque Aoul de Liège , en prmnt
qu'il deffiast et guerriast le conte de Namur, se il no mettait
» huers de son pays * monsigneur Robert d'Artois. Cils cvcsqacs
qui moult amoit le roy de France et qui petit amiroit ses voi-
sins, manda au jone conte de Namur que il mesist * en sus
de lui ^ son oncle monsigneur Robert d'Artois, aultrement
^ • Ire. — '* En sus «le lui... hors de sa compaignîo. — ^^ Hors de
son païs et de sa terre.
SE RETIHE EN ANeLETERRE. SOT
il li feroit guerre. Li contes de Namiir fn si eonmlliég que il
mist hors de sa terre son oncle, œ fa mo«ilt aénri», mais
. faire h convenoit ou pis attendre. Quant messires Robei'S
d'Artois se vei en ce parti , si fa moult angousseas de çoer
et se arlsa que il iroit en Braibant, pour tant que U dosi ses
cousins estoit si poissans que bien le soustenroit : si vint
devers le duch son cousin, qui le reçut moult liemeAt et le
reconforta * de ses destourbiers. Li rois le sceui , si enroia
tantost messages audit duch, et li manda que ee il le senste-
noit ou soufiroit à demorer, ne à, repairier en sa terre monsi-
gnour Robert d'Artois , il n'aroit pieur ennemit de Iti et le
gréveroit et porteroit damage en toutes les guises qa'il poroit.
Li dus ne le volt ou n osa plus soustenir ouTert^nent en son
* pooir *, pour doubtance que de avoir et acquerre 1» hayne
doudit roj de France; ains Tenvoia couvertement tenir en
Argentoel jusques atant que on verroit comme&t 11 rois s'en
maintenroit. Li rois le sceut, qui partout avoit ses espies, s'en
eut grant despit, si pourçaça tant, en moult brief temps ^, que
li rois de Behagne qui estoit cousins germains audit dac, li
évosques de Liège, li arcevesques de Coalcmgne, li das de
Guéries, li marchis de Jullers, li contes de Bar, li contes de
Los, li sires de Faukemont et pluiseur aultre signeur furent
tout allojet contre ledit duch et le deffjèrent tout au pour-
cach et requeste del dessusdit roj. Et entrèrent tantost en
son pays parmi Hesbaing et en alèrent droit à Hanut, et
ardirent tout à leur volenté par II fois, eols demorant ens ou
pays tant que bon leur sambla , et envoia avoech yaus li dis
rois le conte d'Eu son connestable, atout grant compagnie de
gens d'armes , pour miex monstrer que la besogue estoit
sienne et faite à son pourcach ; et tout ardoient son pays.
Si en convint le conte Guillaume de Haynau ensonnyer, et
envoia madame sa femme, sereur au roy Phelippe, et le lôgneur
de Byaumont son frère en France pardevers ledit roy poar
* Assës. — *' Païs. — * Par son or et par son argent.
308 ROBERT D*ART018
impétror une souffrance et une trièwe de lui d'une part, et
dou duch de Braibant d*autre part. Trop aenvis et à dur j
descendi li rois de France, tant avoit-il pria la cose en grant
despit : toutesfois , à le pryère dou conte de Hajnan aon
serourge, li rois s'umelia et donna et acorda triewes au dndi
de Braibant, parmi tant que li dus se mist dou tout ou dit et
en Fordenance dou propre roy de France et de son conseil^
de tout ce qu'il avoit à faire au roj et à cascun de ces signeors
qui deffjet Tavoient, et devoit mettre, dedens un certain jour
qui nommés y estoit, monsigneur Robert d* Artois hors de sa
terre et de son pooir, sicom il fist moult aenuis, mais faire li
convint, ou autrement il euist eu trop forte guerre de tous
costés, sicom il estoit apparans.
Ce terme pendant <, vint messires Robers d'Artois en Engle-
terre, à guise de marchcant, qui estoit decaciés dou roj Phe-
lippo de France, sicom vous avés oy, et li avoit li dus de
Braibant ses cousins consilliet qu'il se traisist celle part, ou
cas qu'il ne pooit nulle part demorer paisieulcment en France,
ne en Tempire. Si le rechut li jones rois englès liement et le
retint volentiers dalés lui et de son conseil, \3t li assegna le
conté de Ricemont qui avoit esté ses ' ancisseurs *.
Li rois asséga Ber>ich... Cil de Bervich envoyèrent trettier
par devers le roy.., et ossi messires Robers d^ Artois y rendî
grant painne , qui avoit esté en ces chevaucies toutdis avoech
lui, et qui li avoit jà dit et démonstréf par pluiseurs clères voies,
com procains il estoit de le couronne de France, dont il se devoit
tenir hiretiers, par le succession de monsigneur Charlon le roy,
son oncle, daarrainnement trespasset. Si eust veu volentiers
li dis messires Robers, que li roi englès esmeuist guerre as
' Dans la seconde rédaction, qui place à une date antérieure à c«lle
àan autres manutcrits la présence de Robert d^Artoia en Angletem*,
ces mots : ce terme pendant a*apptiquent à Tépoque où Edouard III
réunit Ih ParK'Oient pour dêlitiéntr «ur la puerre contre loa Koossais.
— 15 Devanciers.
SE RETIRE EN ANGLETERRE. 309
François, pour lui contrevengier des despis que on li avoit fais,
et que li rois englès se fust partis d'Escoce, à quel m'eschief
que ce fust, et retrais vers Londres, siques ces parolles et plui-
seurs aultres enclinèrent grandement le roy à cou que cils tret-
tiés de Bervich se passa. *
Quatr. réd. — Li hommes del monde qui plus aida le roi
Phelippe à parvenir à la couronne de France et à Tiretage, ce
fu messires Robers d'Artois, qui estoit li uns des plus hauts
barons de France, et le mieuls enlinagiés et estrais et descen-
dus des roiauls, et avoit à femme la serour germaine dou dit
roi Phelippe et avoit toutdis esté ses plus espéciauls compains
et amis en tous estas, et fu bien par Tëspace de trois ans que
en France n'estoit rien fait sans 11 et par li estoit tout fait.
Avint que li rois Phelippes emprist et aquellia ce messire
Robert d'Artois en si grant haine en Toquison d'un plait qui
esmeus estoit en parlement à Paris, dont la conté d'Artois
estoit cause, laquelle conté messires Robers d'Artois proposoit et
calcngeoit comme sienne, car il en venoit d'estraction, mais la
maie roine de France, femme au roi Phelippe, aidoit trop fort
son averse partie et tant que elle li monstra et prouva mervil-
leusement à fausse une lettre, laquelle li dis messires Robers
d'Artois mist avant et s'en voloit aidier, et fu celle lettre con-
dampnée en parlement à Paris, et une damoiselle d'Artois,
arse, que on clamoit la damoiselle Divyon, et messires Robers
d'Artois jugiés à morir honteusement se on l'euist tenu, ne
onques li rois Phelippes ne le volt sousporter, tant fu-il dur
enfourmés contre li, et tout par la roine de France ; et convint
ledit messire Robert soudalnnément laissier femme et enfans
desquels li rois de France estoit oncles, et partir dou rôiaulme
et venir en l'empire, et se tint à Namur un petit de temps, car
la contesse estoit sa serour, et do là il vint en Braibant, et le
* Ces douze dernières lignes se trouvent placées dans la seconde
rédaction à Tendroit du texte qui correspond à l'avant-demière ligne
de la page 274 ci-dessus.
310 ROBERT D* ARTOIS
qnida li dus de Braibant s^sier au roi de Franoe, mais il ne
fenU Adont vint-il en Hainnau, car 11 contes et li avoient deus
^rours espousees. Li contes se mist en painne de remettre à paix
messire Robert d'Artois au roi de France, et i envoia sa femme,
qui serour estoit dou roi Phelippe, et messire Jehan de Hainnau,
son frère ; mais il retournèrent sans riens faire. Et fit mettre li
rois Phelippes en prison sa serour la femme à messire Robert
et ses enfans , Jeban et Carie, et jura que jamais de là il ne
partiroient tant que il viverdt. H tient bien son sainement, si
en fu-il blâmés en derrière de pluisseurs barons de Franoe.
Nequedent tousjours persévéra li rois en sa durté.
Quant messires Robiers d'Artois se vei ensi aquelliés dou roi
Pheli^^e et de ia roine et que À la prjère dou duch de Braibant,
dou conte de Hainnau et dou conte de Blois, il ne pooit venir à
paix, et estoient sa femme et si enfant emprisonné, il le deubt
tenir et tourner à ^rant desplaisance , car encores n'avoit-il
àe quoi ^ivre se li signeur ne li aidoient. Si s avisa, puisque ensi
estoit, il honniroit tout et meteroit tel trouble et descort en
France que les traces 1 demorroient deus cens ans à venir. Il
prist congiet au conte de Hainnau et à la contesse. Ce fu li dar-
rains hostels adont, dont il se parti. Li contes qui li fut moult
amis et honnourablee, et qui avoit grant pité de li, et aussi
avoient tout signeur et toutes dames de bien, li fist délivrer et
baillier or et argent pour payer ses menus frès, car il s'en voloit
aler en Engleterre, mais il s^avisa que il iroit prendre congiet
aussi au duch de Braibant qui moult Tamoit, et li contes de
Hainnau li condella. Si se départi de Valenchiennes et vint à
Mons, et puis à Halle et à Brouselles, et là trouva le duch de
Braibant. Se li remonstra, quoique li dus en sceuist assés, toutes
ses tribulations. Li dus en ot pité et li dist : t Biaus cousins,
I on TOUS fait tort, et li rois de France est mal consilliés. Bien
I veons et entendons qu'il est aournés et parés de mauvais con-
t sel : se l'en pora bien mescéir. Nous avons terre et païs assés
• pour vous tenir à rencontre de tous vos nuisans. • De ces
4)roumesses se resjoï messires Robers d'Artois et se tint dalés
SE RETIRE EN ANGLETERRE. 311
le duch de Braibant, son oottsin, pour tant que il en jpensoit
miettls à valoir, et que li disduâ (pli riœa et poisaans estoit, ie
deuist mettre à coron de tous ses incDnyéniens» mais non âst;
car la poissanoe dou roi de FraiHtô est trop grande et avoit en
trop grande haine encai^ié ledit messire Robert d'Artois, ensi
que il fu apparans, car si trètos que les nouTelles furent venues
jusques à lui, il envoia tantos lettres et messages deviers le duch
de Braibant, et 11 manda et commanda que il mesist hors de son
païs messire Eobert d'Artois, ou il n'aueroit piour ennemi de
lui. Quant li dus de Braibant oï ces menaces, si se commença à
doubter, et rescripsi au roi que volentiers il feroit ce que il li
mandoit, et retournèrent li message à Paris deviers le roi, et li
>)aiilièrent les lettres dou duch de Braibant. Li rois les ouvri et
lissi, et se apaisa sur ce que il trouva dedens. Li dus de Brai-
bant se dissimula de ces premières lettres et quida le roi mener
par aultre voie, et presta à messiro Robert d'Artois le chastiel
d'Argentuel jusques à tant que on veroit comm^it li rois se
vodroit maintenir de celle haine. Finablement li rois le sceut,
qui partout avoit ses espies ; si se courouça si acertes à lui que
il li monstra, et acquist par son or et p|ir son argent des grans
amis en Alemagne, tels que le conte de Guerlles, le marchis de
Jullers, Tarcevesque de Coulongne, Farcevesque de Trêves,
révesque dou Liège, le comte de Los et le signeur de Fauque-
mont. Tout chil signeur 'desfyèrent le duo de Braibant sus un
jour et à une fois, et entrèrent en son paiGs au coste deviers le
iJesbain et Tardirent, et vinrent jusques^ Hanut et demorèrent
deus jours. Cell^ desplaisance et ce contraire fist faire li rois de
France au duch de Braibant en Toquison de messire Robert
d'Artois. Quant li dus vei qu'il estoit ensi guerryés et de tant
de signours, (et n'i savoit comment pourvoir, fors que par eslon-
gier messire Robert d'Artois de li et de son païs), si fu oonsîl-
liés à ce que il diroit à messire Robert que il le convenoit partir
de li et aler ailleurs en Engleterre, et que là séroit-il doustenus.
Messires Robert, qui considéroit bien toutes ces choses et que
point ne venroit à paix, prist congiet au duch de Braibant, et li
312 FIN
dus le flst convoyer jusques en la ville d'Anwiers qui pour lors
estoit duoée de Braibant, et li fist à ses despens avoir passage,
et entra li dis messires Robers en mer pour venir en Engleterre.
Et quoique li dus de Braibant li euist ensi donné congiet et que
li rois de France le sceuist bien, se ne peut-il, fors à grant
painne, venir à paix au roi de France, et en convint le conte de
Hainnau ensonnjer, et envoia à Paris son frère et la contesse
sa femme, serour au roi de France, pour apaisier le roi et le
duch de Braibant réconciljer à lui à la prjère dou conte de
Hainnau et de la contesse et de messire Jehan de Hainnau. Li
rois de France adouci son mautalent, et se mist de toutes ces
coses pour amender à sa pure volenté li dus de Braibant ou
plaisir dou roi de France, et en dévoient estre disour et ordo-
nour li èontes de Hainnau et messires Jehans ses frères...
Entrues que li rois d^Engleterre estoit sus ce voiage *, vint
deviers lui messires Robers d'Artois, ensi comme uns chevaliers
tous desconfortés, et il le savoit bien où prendre. Li rois d'En-
gleterre et la roine le requeillièrent moult doucement, car il lor
estoit moult procains de linage , et li dist li rois : < Messires
< Robers, biaus cousins, nous avons assés pour nous et pour
< vous. Puisque vostres amis de delà la mer vous défaillent,
« nous ne vous faudrons point à vostre besoing. i Et messires
Robers li avoit respondu et dit : « Monsigneur, grant mcrchis. •
Li intention dou roi et de son consel estoit tel que, le roi retourné
do ce voiage et venu en la marcc de Londres, il li asigneroit en
Engleterre terre, rentes et revenues pour vivre honnourable-
ment et tenir son estât.
Or revenrons au roy d*Engleterre qui estoit devant Struve-
lingen Escoche. Struvelin est ungs castiaux biaux et * fors,
séans sus une roche et haulte assés de tous costés, horsmis
de l'un, et est à XX lieuwes de Haindebourg, à XII de Don-
* Le voyage d'Edouard III à Newcastle pour envahir l'Ecosse. —
* Durement.
DE l'expédition D*éCOSSB. 313
fermeliu et à XXX lieuwes de le ville Saint-Jehan, et fu
chils castianx anchiennement, dou temps le roy Artus nom-
més * Smandon *, et là revenoient à le fois li chevalier de le
Ronde Table, sîcomme il me fu dit quant g'i fui, car eus ou
castiel je reposay par III jours avoecq le roy David d'Es-
coche, sicomme je poray bien dire sour le fin de ce livre.
Et estoit li dis castiaux, pour le temps que j'i fui, à messire
Robert de Verssi, ung grant baron d'Escoce, qui Tavoit
aidiet à reconequerre sus les Englès. Et vous di que li roys
d'Engleterre, de tant qu'il y fust, y fist faire pluiseurs
assauts grans et fors, ^ et chil de dedens se deffendoient bien
et loyaument *, dont il anoioit au roy que tant se tenoient ;
car messires Robiers d'Artois li dîsoit souvent : « Sire,
« laissiés che povre pays. Que mau feu Tarde et entendes à
« vostre plus grant prouffit, le noble couronne de Franche
<f dont vous estes drois hoirs et de quoy on vous fait tort.
« Il n'est si grans périls que de guerryer povres gens. Chi
« poés vous bien perdre et nient gaignier. » Li rois enten-
dist voUentiers à ses paroUes quoyqu'il poursuîwist la
guerre d'Escoche, car il l'avoit empris à touttô destruire
jusques à le Sauvage Escoche et euist fait se chils seings ne
li fuist creus. Endementiers que il séoit devant Struvelin,
nouvelles li vinrent que la royne sa femme estoit acouchée
d'un biau fil, en le chité de Ewruich, et que il y volsist
envoyer certains messages et le nom qu'il porteroit à fons.
Moult fu li rois joyaux de ces nouvelles et * donna au che-
valier qui apportées li avoit, C livres d'estrelins et ung
biau courssier *, et envoya celle part messire Édouwart de
Hailloel, ung bon chevalier qui le tint à fons et contre qui
i! eult à nom Édouwars le nom dou roy sen père, etfu puis
*•* Smadon. — ' * Qui pau lui valu, car elle estoit très-bien et de
bonne gent deffendue. — *'* Si fist riches les messagiers.
314 FIM
ehils enfens prinches de Galles et très-bons, hardis et
enb^eprendans clievaliens, ^ et qui durement et fièrement
guerria tant qu*il vesqui *, mes il mourut dès le vivant le
roy son père, ensi comme tous orés en ceste histoire.
Tant fu H roys d'Bngleterre devant Struvelin que li eas-
tiaux fu ^ si apressés ^, grevés et démenés d*assaus de grans
enghiens qui nuit et jour j jettoient, que chil de dedens qui
loyaument s'estoient deffendu et tenu, ne se peurent plus
tenir ; car il ne veoient apparant point de confort de nuls
oostés, ne nulle aissamblée des Escos qui se fesist pour com-
battre le roy, ne lever le siège. Si tretièrent ^ une trieuwe
deviers le roy à durer XV jours, et se dedens ces XV jours
autres confors ne leur apparoit, il dévoient rendre le forte-
rèce au roy, sauve leurs corps et le leur. Li rois s*i accorda
et tint le trieuwe bien et paisivlement, mes oncques n'ap-
paru ^ homs vivans pour combattre les Englès ^. Quant li
XV"* jours fu passés, li roys fist requerre à chiaux dou
castiel que il tenissent leur convent, et ossi fissent-il. Dont
se partirent ^ dou castiel enssi qu'il dévoient, et euportèrent
tout le leur, horsmis les vitailles et le artillerie dou castiel.
Tout ce estoit réservet en le devise et s'en allèrent li Escot
là où bon leur sambla, et li roys prist le possession dou
castel de Struvelin et y raist bonne garnison de gens d'armes
pour le garder et deffendre.
Quant li roys d'Engleterre eut pris le castel de Struvelin^
*® et toute le plainne Escoche courut ", et pris et ars p!ui-
seurs villes fermées de fossés et de palis, si demanda cons-
seil à ses hommes comment il se mainteuroit, car l'infour-
mationque il avoit de monseigneur Robert d'Artois li tou-
* * Et fist en France et ailleurs moult de beaux fais d'armes. —
' * Si contrains. — * Adfin qu'ils euésent \ivres. — •' Confort, ne ayde.
— • Paisiblement. — • A merchy. — *°-** Et moult du pays d'Escoce
essiliet et gastet.
DE L*EXPÉDIT10N d'ÉCOSSE. 315
choit moult, et souvent y penssoit et en avoit jà parle as
plus secrës de son consseil et à ses plus prochains de linage,
à tels comme au conte de Lancastre, au conte de le Marce,
au conte de Suffbrch, au conte de Herfort, au conte de
Waryich, au seigneur de Perssi et as pluisseurs autres. Là
endroit eut consseil li roys que il pourveist les fortràces que
il avoit prises en Escoce, bien et souffisamment» ^ de bonne
bachelerie apperte et légière * pour les tenir et garder contre
les Escos, et s'en revinst arrière vers * le cite de Londres *
et fesist là assembler son parlement des nobles, des prëlas
et de ses bonnes villes, et leur reraonstrast ou fesist remons-
trer sen intention et ce dont messires Robiers Tavoit
enfourmet. Li roys s'acorda à ce consseil et âst de rechief
pourvoir et rafrescir Bervich, Dalquest, Rossebourch, Don-
dieu, Astrebourch, le bastide de le Mare, le fort Saint-
Pierre, Haindebourch et Struvelin, et mist en chacun de
ces castiaux grant fuisson de bonnes gens d'armes et de
archiers, et fist souverain de tous ces pays conçquis et de
touttes gens d'armes ^ messire Guillaume de Montagut et
messire Gautier de Mauny ; puis se desloga et parti, et s'en
revint arrière vers Rossebourch et* donna ses genscongiet,
et ^ ordonna ung certain jour de parlement qui seroit à
Londres, et pria et enjoindi à tous barons, prélas et cheva-
liers qu'il y fuissent *, et chacun li eut en couvent.
Tant s'esploita li rois englès, aprièsche que ses os furent
départi, qu'il rapassa le royaumme de Norhombrelant,
Urcol, Persi, le Noef-Chastiel-sur^in, Durem, ei s'en vint
à Ewruich. Si trouva la royne sa femme qui se devoit
dedens V jours relever de sagésine. Là séjourna li rois tant
*-* De bonne chevalerie et de bons archiers. — •-* Londres sa bonne
cité. — * Pour garder to:ite la marche. — • Là. — '•• Et là dîst à tons
ceulx qui estoient de son conseil qnMLi fuissent & certain Jour à Londres.
516 FIN
que elle fu relevée, et y eut au jour de se purification grand
feste, puis se parti li roys assës briefment, et la royne et
messires Robiers d'Artois et tout leur arroy, et s'en revint
arrière deviers le chîté de Londres, et se tint à Wesraous-
tier et à Cènes et à Eltem et là environ Londres, et toudis
messires Robiers d'Artois dallés lui, à qui il faisoit grant
amour, et fist li rois faire as Augustins à Londres les obsè-
ques et l'offisce de monseigneur Jehan de Eltem, son frère,
qui nouvellement estoit trespassés. Or vous paurons ung
peu des Escos et de (5hiaux que li roys englès avoit laissiet
en Escoche.
Vous avés bien oy recorder chy devant comment à une
assamblée des Escochois qui se fist devant Bervich, là où
li roys David d'Escoce fu présens et que venus y estoient
pour lever le siège, que point ne fissent, car il n'estoient
mies fort pour le faire. Si ordonnèrent messire Guil-
laumme de Douglas et le jovène conte de Moret à gher*
ryer sus les frontières les Englès et à héryer de ce qu'il
poroîent. De quoy, tantost qu'il seurent le retour dou roy
d'Engleterre, il s'asamblèrent et commenchièrent à courre
sus chiaux que li roys d'Engleterre avoit laissiet ou pays et
leur portèrent souvent pluisseurs dommaîges. car il con-
gnissoient leurs marches et leur pays. Si en avoient de tant
plus grant avantaîge et mieux lieu de gheryer, et souvent
resvilloient les Englès et leur portoient dommaige. Ossi à
à le fois il estoient cachiet et racachiet moult avant ; mes li
Escos se tenoient et mettoient en si fort pays de mares et de
crolières et de drus bois, que quant il estoient là retret, il
estoient assés bien asseur. Et vous di que de ces chevau-
chies et puigneis qui adont estoient et se faisoient en Esco-
che, en avoient toutte le huée et le plus grant renommée
des Escos IIII chevaliers d'Escoce, messires Guillaummes
DE l'expédition d'écosse. 317
de Douglas, messires Robers de Versi, li contes de Moret,
messires Simons Fresel, et de le partie as Englës, messires
Gautiers de Mauny et messires Gaillaammes de Montagut
qui depuis fu contes de Salebrin et eut madame Âélis à
femme, qui en estoit hoirs et de se jonëce del ostel le royne
d*Engleterre, et li donna li roys pour le bien et le proècbe
de lui, car en ces gherres il se porta trës-vassamment. Or
lairons à parler des besoingnes d'Escoche et parlerons dou
roy d'Engleterre et comment il persévéra sus le infourma-
tion qu'il avoit de monseigneur Robert d'Artois.
Sec. réd, — Si s'en retourna li rois vers Londres et
donna à toutes manières de gens congiet, et s'en râla cascuns
en son lieu ; et il meismes s'en revint à Windesore, où le plus
volentiers se tenoit , et messires Robers d'Artois dalés lui, qui
ne cessoit nuit, ne jour, de lui remonstrer quel droit il avoit
à le couronne de France , et li rois y entendoit volentiers.
Ensi ala en ce temps de le chevaucie le roy englès sus les
Escos : il gasta et essiUa le plus grant partie de leur pays, et y
prist pluiseurs fors chastiaus que ses gens obtinrent sus les
Escos depuis un grant temps, et principaument la bonne cité de
Bervich. Et estoient demoret de par le roy englès pour tenir les
frontières pluiseur apert bacheler, chevalier et escuier, entre
lesquels messires Ouillaumes de Montagut et messires Gautiers
de Mauni en font bien à ramentevoir ; car de le partie des
Englès cil doi en avoient toute le huée, et faisoient souvent
sus les Escos des hardies emprises, des belles chevaucies, des
meslées et des hustins, et par usage le plus il gaengnoient sus
yaus, dont il acquissent grant grasce devers le roy et les
barons d'Engleterre. Et pour mieus avoir leurs entrées et leurs
issues en Escoce et mestryer le pays, messires Guillaumes de
Montagut, qui fu apers, hardis et entreprendans chevaliers
durement, fortefia le bastide de Rosebourch sus le marce
d'Ksoooe , et en f.st un bon chastiel pour tenir et deffendre
S18 Ffif
contre tout hommo , de quoi 11 rois englès li en soeai gnui*
gré^ et aoqnist ri grant renommée et si grant grasce, «i cet
entrepresures, doo roj É2douwart, que li rois le fist conte de
Salbrin et le maria moult hautement et très-noblement. Otsi
fist messires Chuitiers de Maunj, qui devint en ces chevaucies
chevaliers, et fu retenus dou plus secret conseil le roi et moult
avancés en se court; et fist depuis li dis messires Gantiers tant
de belles appertises et de grans fais d*armes, sicom vous orée
avant en Fjstore, que li livres est moult renluminés de ses
proèces. £ien est voirs que aucun preu chevalier d*Escoce fai-
soient souvent anoi as Englès, et se tendent toutdis pardevers
le Sauvage Escoce, entre grans mares et hautes forests ; là nuls
ne les pooit siewir^ et siovoient à le fois les Englès de si pries
que tous les jours 7 avoit puingneis ou hustin. Et toutdis
messires Gnillaumes de Montagut et messires Gantiers de
Mauni, adont nouviel chevalier, 7 estoient renommé pour les
mîex faisans et les plus enventureus, et 7 pierdi à ces hustins
et puingneis li dis messires Guillaumes de Montagut, qui estoit
hardis et dors chevaliers mervilleusement» un oel, par ses
hardies emprises. En ces grans mares et en ces grans forests là
où cil signeur d'Escoce se tonoient, s'estoit jadis li preus rois
Robers d'Escoce tonus par pluiseurs fois, quant li rois Ëdou-
wars, taions à celui dont nous parlons présentomcnt, Tavoit
desconfit et conquis tout le ro7aume d^Escoee; et pluiseurs
fois fu-il si menés et si décaciés qu il ne trouvoit nuUui en son
ro7aume qui Tosast hcrbergier, ne soustonir on chastiel, ne en
fortorècc, pour le doubtaneo de ce ro7 Édouwart qui avoit si
nettement conquis touto Escoce qu il n'i avoit viUc, ne rhasticl,
ne fortorèce qui n'obéist à lui. Et quant cils rois Édouwars
estoit arrière revenus en Engletorre, chils preus rois Robers
rassambloit gens darmes, quel part que il les^pooit trouver,
et reconquéroit tous ses chastiaus, ses fortorèces et ses bonnes
villes, jusques à Bervich, les unes par force et par bataille et
les aultres par biau parler et par amours. Et quant li rois
Édouwars le savoit, il en avoit grant despit et faisoit semonre
DE L'UPÉMnOM ]>*tCOSSE. 319
868 08, et ne cessoil jvequee à tant qu'il Tavoit ck rechief des-
confit et reconquis le rojanlme d^Escooe comme devant. Em
avint entre ces II rois, sicom jou aj oj reoorder, que cils rois
Rober» reoonquist son rojaumo par Y fois ; et eftsi se matm-
tinrent cil doi roy que on tenoit k leur temps pour les II phia
preus del monde, tant que )i bons rois Edouwars fut trespass^
Et trespassa en le bonne cité de Bervich, et avant qu'il morut,
il fist appeller son ainnet fil qui fu rois apriès lui, pardevant
tous ses hommes, et li fist jurer sus sains que sitost qu'il seroit
trespassés il le feroit bouUir en une caudière» tant que 11 char
se partiront des os, et feroit le char mettre en terre et garderoit
les os ; et toutes fois que li Escot rebeleroient contre lui, il
semouroit ses gens et assambleroit et porterolt avoech lui les
03 de son pèi*e ; car il tènoit fermement que tant qull aroit ses
os avoech lui, li Escot n'aroient point vîctore contre luî. Liquels
ne acompli mios cho qu'il avoit jur<5; ains fist son père raporter
à Londres, et là ensepvelir contre son sierement, pour quoi Q li
meschéî depuis en pluiseurs manières, sîcom vous avég oy, et
premièrement à le bataille de Struvelin là o& li Escot eurent
victore contre lui.
QiuUr, réd. — Toutes ces cosea faites et erdonnées, li rois
d'Engleterre commença à donner à sa gent congiet, et se dépar-
tirent li plus lointain premièrement, et ils meismes s^en retourna
au Noef-Chastiel sur Thin et i institua à chapitaione le signeur
de Noefville, et puis s'en parti et vint ung jour disner en ung
chastiel priés de là séant , et la roine aussi , et le castel on
Tapclle Branspes et est dou signeur de Persi, et furent là li rois
et la roine deus jours; et entrues passoient ses gêna et se
retraioient casquns en son lieu , et où que H rois et la roino
aloicnt, messires Robers d'Artois estolt tous^jours en lop eompa-
gnie. Quant ]i dis rois et la roine et ses gens, voires cculs liquel
cstoient ordonné pour son corps, eurent esté en Branspes deus
jours, et li sires de Pcrsi et la dame les orent bien festojés, il
prissent congiet et se départirent et vinrent à Durem et là se
^0 DftLlBteATIOm
tinrent trois jours, et puis s en départirent et vinrent à Ebroich,
et là furent li rois et la roine et tous li hostels un temps jusque*
à la Pasque ensievant que on compte Tan de grasce mille trois
cens trente-deus, et là âst la roine sa jésine de Edouwart, son
premier fil, qui depuis fu nommés prinches de Galles et dus
d'Acquitainnes, et qui tant fu preus et vaillans homs, ensl que
vous orés dire en Tistore.
Vous avës bien oy recorder chy devant comment H rois
englès estoit înfounnés de monseigneur Robert d'Artois
qu'il estoit droîs hoirs del royaumme de Franche et que on
l'en faisoit tort, et sur ce et pour avoir consseil , li roys
avoit ordonne ung grant parlement à estre a Londres * des
barons» prélas et bonnes villes d^Engleterre *, au quel par-
lement tout chil qui pryet et semons en furent, y vinrent ; et
là fu remonstre et parlementé ' quel droit et quel prochain-
netet li roys Édouwars av()it al hiretaige de France ^, et
leur remonstra messires Robiers d'Artois de point en point
et de degret en degret comment et par quelle ordonnanche
ce pooit estre. Là eut pluiseurs parolles dittes, devisëes et
retournées, car de entreprendre ung si grant fait que de vol-
loîr bouter le possessant de le couronne de Franche hors del
possession du royaumme, c'estoit fort à faire, et y conve-
noit grans sens, * pourcach et advis *. Si fudlt et conseilliet
adont au roy que ^ toutte se bonne entente " il le volsist
faire fourmer et escripre et envoyer delà le mer par cheval-
liers sages et avisés as seigneurs tels comme estoit li contes
de Haynnau, messires Jehans de Haynnau ses frères, li
^ * Là où furent les troi» estas. — ^'* Comment il avoit droit au
rojalme de France. ~ ■-* Et grant pourchas et grant puifwance. —
*-* Toata son intention.
SUR LES PRÉTENTIOKS d'ÉDOUARD III. oSl
ducs (le Braibant ses coutiins germains, li ducs de Guéries
ses serourges, et que chil Ten volsissent conseiller et advi-
ser quel cose en seroit bon à faire, et les messages revenus
et rintention des dessus dits sceue, * il fesist de rechief
ordonner et assambler ung parlement en ce mejsme lieu, et .
on li donroit tel consseil qui li soufBroit *. Ensi et sus cel
estât se départi chils parlement, et fist li roys d'Engleterre
sicomme conssillé estoit, escripre et fourmer toutte sen
intention et demande ' par le infourmation et advis de mon-
seigneur Robert d'Artois *, et ordonna et eslisi IIII che-
valiers sages et preudommes * pour venir • en Haynnau,
en Braibant et en Guéries, tels que le seigneur de Biaucamp,
le seigneur de Persi, le seigneur deStanfort et monseigneur
de Gobam. Encorres ordonna et assigna li roys à monsei-
gneur Robiert d'Artois le contiet de Richement, sëant eu
Engleterre, qui est moult belle terre et moult bonne',
pour son estât, et le retint de son * plus espécial * consseil
etdalés lui.
Sec. réi. — En ce tempore que cesto crois estoit en si grant
fleur de renommée et que on ne parloit, ne devisoit-on d'aultre
cose '®, se tenoit messircs Robers d^ Artois en Engleterre, esca-
cics de France, dalés le jone roy Edowart, et avoit esté avoech
lui au conquost de Bervich et en pluiseurs chevaucies d'Escoce.
Si estoient nouvellement retourné en Engleterre, et enhortoit
et consilloit li dis messires Robers tempre et tart le roy qu'il
vosist deffyer le roy de France qui tenoit son hyretage à grant
tort. Dont li rois englès eut pluiseurs fois conseil par grant
*•• On aroit accort tel qu'il appartenroit au fait.— *^ Par bon advia.
— " Pour faire les ambassades. — ' Et ricbe. — • • Plut privé. —
*® Dans le seconde rëilaction, Froissart place le projet de croisade de
Philippe de Valois avant les conseils qui se tinrent à Londres au sujet
des prétentions d'Edouard III.
I. — raoïMART. SI
3t22 DÉLIBÉRATIONS
délibération & ceulx qui estoieut si plus secret et espécial con-
sillieur comment il s'en poroit maintenir dou * destort ' que on
li avoit fait dou rojaulme de France , en sa jonèce, qui par
droite succession de proïsmeté devoit estre siens par raison, ensi
que messires Robers d'Artois Ten avoit infourmet, et Favoient
li XII per et li baron de France donnet à monsigneur Phelippe
de Valois, d'acort et ensi que par jugement, sans appeller, ne
adjourner partie adverse. Si n'en savoit li dis rois que penser ;
car aenvis ainsi le lairoit, se amender le pooit , et se il le
calengoit et le débat en esmouvoit, et on li * devéoit *, sicom bien
faire on poroit, et il s'en tenist tous quois et point ne l'amen-
doit ou son pooir n'en faisoit, plus que devant blasmés en
seroit. Et d'autre part il veoit bien que par lui, ne par le pois-
sanoe de son rojaulme i> poroit à mésaise mettre au dessous le
grant rojaulme de France, se il n^acquéroit des signeurs pois-
sans en l'empire et d'autre part^ par son or et par son argent.
Si requéroit souvent à ses espéciauls consillours qu'il li voi-
sissent sur ce donner bon conseil et bon avis, car sans grant
conseil il n'en voloit plus avant entreprendre. A le parûn , si
consilleur li respondirent d'acord et li disent : « Ciertes, sire,
c la besongne nous samble estre si grosse et de si haute entre-
c présure que noas ne nos en oserions oargier, ne finalement
c consillier ; mais, chiers sires, nous vous consillerions, se il
c vous plaisoit, que vous envojssiés souffissans messages, bien
• infourmés de vostre intention, à ce gentil conte de Hajnau
« cui fille vous avés, et à monsigneur Jehan son frère qui si
• vassaument vous a servi, en priant en amisté que sur che il
« vous voellent consillier ; car mieuls sèvent que à tel afaire
« affiert que nous ne faisons, et si sont bien tenu de vostre
« honneur et de vostre raison garder, pour l'amour de la
c dame que vous avés, et s'il est ensi qu'il s'acordent à vostre
c entente, il vous sauront bien consillier desquels signeurs
t vous vos pores le mieus aidier, et lesquels , et comment vous
* • Tort. — ' * Dénoyoit.
SUR LES PRÉTENTIONS D*ÉDOUARD III. 33|3
< les pores le miex acquerre. • — r < A ce conseil, dist 11 rois,
« me acorde-jou bien', car il me samble estre biaus et bops, et
c ensi que consilliet le m'avéç, sera fait, i Adont pria U rois
à ce prélat Févesque de Lincolle qu'il volsist entreprqndiw ce
message à faire pour Tamour de lui, et à II chevaliers baoeros
qui là estoient et à II clers de droit ossi, qu'il volsissent faire
compagnie à Févesque en ce volage.
Qvalr. Tià. — Quant 11 rois d'Engleterre et la roipe Phelippe
sa femme et messires Robers d'Artois qui toutdls se tenoit ei\
la compagnie dou roi , furent retourné d'Escoce ensi que chi
desus est dit et prononciet, et revenu en la n^arce de Londres^
une fois tenoit son hostel à Eltem et Faultre à Windei^rei^ et
vivoient 11 rois et la roine en grans esbatemens et faisoient
faire festes, joustes et behours e^ Engletepre, et pa^soient ensi
le temps. Messires Jlobers d'Artois ^ui se tenoit dalés le roi et
avoit jà apris à cognoistre tous les barons d'Englerterre ou en
partie, et estoit tous aquointés de euls, ne pooit oi^Myer, ne
mettre arrière de son coer les despis et les vitupères qi|Q 11 rois
Phelippes li faisoit et avoit fais, mis et bouté tout hors de ses
hiretages et emprisonné sa femme et ses ^nfans, 4q^^ U coers
moult li doloit, et ne le pooit de U, ne de proçain quQ il e^ist,
amender ; car la poissai^ce dou roi de France est trop grande,
et jà avoit dit et remonstré au roi d'Engleterre que on li faisoit
tort de Firetage et couronne de France et quec au jour que li
rois Caries, ses oncles, trespassa, il n'i avoit pu monde nul plus
proçain hoir masle de li, car il estoit fil de la serour dou roi, et
Phelippes de Valois n'estoit que cousins germons , quoique lî
douse per de France Feuissent aviset et jugiet à tenir la cou-
ronne et Firetage de France, et Feu avoient eslongiet s^s nul
title de raison ; et disoit ensi et répétoit souvent li dis pie^re^
Robers d'Artois au roi d'Engleterre : ^ I^onsigneur et bJu^us
a cousins, vous estes joues et à venir : si ne vous devés pa^
« refroidier de demander vostre droit et de calengier. Vous
« avés dcus ou trois coscs qui grandement vous i pueei^t aidier
324 DÉLIBÉRATIONS
« et valoir avoeoques le droit. Vous avés mise et cavance assés
« et peuple de bonne volenté q«i désirent les armes et qui
« point ne voellent estre wiseus. Si avés très-grant commen-
< cernent de requérir et calengier ce qui est vostre ; et si vous
« di encores que vous trouvères des bons amis par delà la mer,
« qui vous aideront, conselleront et conforteront en vostre
a calenge, si trètos que vous auerés commenchié la guc^rre se
« guerryer vous fault, car il n'est riens en ce monde que li
< Alemant désirent si que d'avoir auqune cause et title de guer-
«* ryer le roiaume de France pour le grant orguel qui est la
a abatre et pour partir à la ricoise. Très-chiers sires et biaus
a cousins, sojés tous ségurs : quoique Phelippes de Valois fust
« couronnés à roy de France et que li douse per de France
« rélirent et eslevèrent, si fustes-vous bien mis en doubte, et
« se vous l'euissiés débatu ou, envoyet débatre, jà on n'euist
« procédé ens ou couronnement. Vous en ferés ce que bon vous
< en semblera ; mais se vous perdes vostre hiretage par estre
a trop mois, vous qui estes à venir, vous en serés moins prisés
« et doubtés, et se sera à vostre grande confusion et condamp-
« nation de corps et d'âme. A tout le moins, faites asambler
« vos hommes et vostre consel, et euls venu, soit chi, à Eltem
« ou ailleurs, je, en la présence de vous, leur remonstrerai et
t esclarchirai de point en point le droit que vous avés à la cou-
« ronne de France. Se orés quel cose il en diront et respondo-
« ront, quant vous demanderés à avoir consel sur ce, par quoi
c il ne puissent dire ou temps à venir que vous ne vous soyés
« aquités de euls remonstrer le droit que vous avés au calenge
« de France ; car se vous estyés de vostre peuple reprociés que,
« par défaute de corage et par paour, vous aueriés laissiet aler
t le vostre et vous sériés endurchis en ce pécbiet, il le vous
a tourneroierit en grant préjudisce et lasyté de coer et diroient
« que vous ne sériés pas dignes de porter couronne, et demor-
« ries tousjours , le demorant de vostre vie , soupeçonnables
« dévier^ euls et en grant péril encores, se pourtant vous poyés
a issir de ce danger. »
SUR LES PRÉTENTIONS D*ÀDOUARD 111. 325
Tant dist, tant promeit et tant esploita messires Robers
d'Artois que li jones rois d'Engleterre ouvri les orelles et se
resvilla et entendi à ce que il li disoit et remonstroit, et voellent
bien li auqun dire que il ne Tosa laissier, car jà grande murmu-
ration se montoit en Engleterre des nobles et dou menu peuple
et disoient : c Nostres sires, li rois, a trop grant droit à Tiretage
< et couronne de France, et messires Robers d'Artois 11 a bien
c sceu dire, remonstrer et esclarcir de point en point, comment
c par droite succession et membres d'iretage, il deveroit estre
c rois de France, dont on Ta arriéré à fraude et par cautèle,
« car il est fils de la serour le roi Carie de France, et celi que
c il ont coftronné à roi, Phelippe de Valois, n^est que cousins
c germains. Nous verons que il en vodra dire. Se la demande
c et calenge demeure en sa preèce et que il s'aherde à wis-
c seuses, ensi que flst ses pères, il vivera en péril et en haine
• deviers nous, et se il ahert de bon corage son droit à pour-
c sieuvir, nous Taiderons de nostre corps et dou nostre. > Si
fu dit fiablement au roi : c Sire, ensi dient li noble de ce païs
c et li peuples, il fault que tous ajés avis. Commune renommée
c queurt par toutes vos signouries d*Engleterre que vous devés
< estre rois de France, se en vous préesse ne demeure, et sont
c toutes gens asquels les paroles viennent, esmervilliet pour-
c quoi vous détrjés tant que vous en estes souffissamment
t enfourmés. i Adont li jones rois d^Engleterre, qui veoit le
bonne volentè de ses hommes, par le bon consel qu'il ot, âst une
grande assemblée à Londres pour avoir un parlement, au palais
de Wesmoustier, des prélas, des nobles et des consauls des
lK>nnes villes d'Engleterre, et pour avoir consel sur ce à «avoir
que il en poroit et deveroit faire. Quant tout furent venu,
Londres fu moult fort garnie de peuple, car encores avoecques
tous ceuls qui estoient escript et mandé, vinrent moult d'aultre
peuple pour aprendro des nouvelles, car la matère lor sambloit
moult grande.
Or se fist chils consauls au palais de Wesmoustier, et fu toute
la plus grande sale remplie des prélas, des nobles et dos cou*
526 DÉLIBÉRATIONS
àÀuk des ehités <et cks bonnes Villes d'Engleterre, et là fist-on
tout homme seoir sus escameaus por casqun veoir le roi plus
aise, liqu^s estoit assis en ponlificalité, en drapig royaus et la
couronne en chief, tenant un sceptre roial en sa main, et plus
bas deus degrés séoient prélat, baron et conte, et encores en
desous avoit plus de sjs cens chevaliers, et de ce rieule séoient
les hommes des chinq pors d'Engleterre et les consauls des
ehités et bonnes rilles dou païs. Quant tout furent arrivé et
a^sis par ordenanoe, ènsi que il dévoient estre, on fist silense.
Adont se leva uns clers d'Engleterre licensjés en drois et en
lois et moult bien po^rveus de trois langages, de latin, de fran-
cois et doa langage englès, et commença à parler Inoult sage-
ment, et estoit mesidires Robers d* Artois dalés lui, liquels Favoit
enfburmé tr(»s ou quatre jours devant de tout ce que il devoit
dire. Si parla atempréement et remonstra, tout en hault et en
e^l6is à la fin que il fùst mieuls entendus de toutes gens (car
tousjeurs sènion mieuls ce que on voelt dire et proposer ens
ou langage où on est d'enfance introduit qu'en un aultre), tous
les peins et les articles desquels messires Robers d'Artois les
avoit, le roi, le clerc et auquns signeurs, enfourmés, et com
procains li rois, lors sires, en quelle istance il estoient là venu
et àsamblé, estoit de Tiretage et de la couronne de France. Et
quftfit il ot PMnonstré la parole tout au lonch par grant avis
et par bon loisir tant que tout l'avoient volentiors oï, il demanda
ens ou nom dou roi à avoir consel de toutes ces coses. Li signeur
et li prélat regardèrent l'un l'autre, et fissent silense une espasse
que nuls ne parloit, mais grande murmuration avoit entre euls.
Il m*est avis, selonch ce que je fui enfourmés, que la responsc
à faire fut cargie et tournée sus le conte Henrj de Lancastre
pour le plus procain que li rois euist là. Il qui fu bien avisés de
respondre et tantos consilliés, dist ensi en honnourant le roi et
tous les signeurs (oe fu raison) : t Je conselle de ma partie que
t ceste besongne soit mise en souffrance, tant que li rois nostres
1 sires ait souffisans hommes de son roiaulme envoyet par
€ delà la mer pour parler au conte de Hainnau cui fille il a, qui
SUR LES PRÊTEnTIONS D'ÉDOUARD IU. 3:27
< pour le présent est nostre chière dame i^ine d^Engleterre, et
c à messire Jehan de Hainnau, son frère, qui sont doi prince
c sage, vaillant et de bon consel, et tout ce que chil doi en con-
< selleront, les ambassadeurs retournés en ce pais et nous
< remis ensamble et la response et parole des dessus dis oie,
c nous procéderons sus sans nulle faute, i Quant li contes
Henris de Lancastre au Tort Col ot parlé, il respondirent tout
d'une vois : c II dist bien, i Ensi demora la cose en cel estât.
Derechief, pour tant que tous li consauls d'Engleterre estoient
là asamblés, 11 clers meismes liquels avoit parlé et remonstré
les besongnes qui touçoient au roi et au roiaulme par le com-
mandement et ordenance dou roi, parla là pour le assignation
de messire Robert d'Artois avoir, qui estoit li uns des plus
gentils homs de ce monde, et remonstra li dis clers tout au
lonc comment Phelippes de Valois Favoit défait et de poissance
bannit et escachiet hors dou roiaulme de France, se avoit-il sa
scrour espousée, laquelle il tenoit en prison et ses enfans. Or
voloit li rois d*Engleterre qui l'avoit retenu et de son sonsel,
puisque on li avoit osté et pris le sien en France, que en Engle-
tcrre il euist terre et revenue pour lui déduire et tenir son estât.
A ceste requeste et ordenance descendirent et s'inclinèrent tout
li signeur légiè rement. Regardé fu que il i avoit une conté en
Engleterre, qui estoit en la main dou roi et pooit par an valoir
la revenue trois mille mars, et la conté est nommée Beteforde.
Si fu dit et acordé que il seroit contes de Beteforde et en lève-
roit tous les proufls. Messires Robers d'Artois remercia le roi
fie ce don et tous les signeurs, et devint là homs au roi d'En-
gletorre de la conté de Beteforde. Encores fu là avisé et regardé,
avant que li consauls s'espardesist, liquel. passeroient la mer et
venroient en Hainnau devers le conte et son frère pour euls
demander consel des propositions desus dites. Il m'est avis que
li évesques de Lincole i fu nommés et li esleus d'Asquesufort,
clei*s en drois et en lois , messires Robers Weston , avoecques
euls, messires Renauls de Gobehem et messires Richars de
Stanfort. Chil quatre emprissent le voiage à faire, et se des-*
328 VOYAGE DU ROI d'ÉGOSSE
rompi pour ces jours li consaus, et s'en ala casquns en son lieu,
et se ordonnèrent chil qui dévoient passer par la mer tout à
loisir et à lor plaisance.
* Or vous parlerons dou roy David d'Escoche et de son
consseil comment il se maintinrent en celle mesme saison.
Vous avës bien oy chy devant comment li rois d'Engle-
terre avoit tellement menet et gheryet Escoche et les Escos
que ars et perdut toutte le plainne Escoche et pris et saisi
touttes les fortrèces, et encoires les faisoit-il de jour en
jour gheryer et leur portoit messires Guillaumes de Mon-
tagut, contes de Salebrin, trop de contraires et de daramaige
et se tenoit en Haindebourch, et quand il sentoit les Escos
chevauchier, il assambloit chîaux des garnisons environs,
dont li Englès estoient signeur, et reboutoient trop dure-
ment les Escos. Si se tenoient li roys d'Escoce, li contes
de Moret, messire Guillaumes de Douglas, messires Robers
de Verssi, messires Simons Fresiel, messires Alixandres de
Ramessay et plusieurs autres ens es forests de Gédours, et
estoit leur souverainne garnison et resors li fors castiaux
de Dumbretan. Là estoit li roys d*Escoce ouniement et le
royne d'Escoce sa femme avoecques lui. Or seurent chil
seigneur que li roys englès avoit défyet le roy de Franche
et le volloit guerryer. Si eurent avis et consseil Tun par
l'autre que messires Guillaumes de Douglas, li contes de
Surlant et messire Robiers de Versi amenroient le roy leur
seigneur en France deviers le roy et remonstreroient le
guerre que li Englès leur faisoient, et s'aloieroient à lui et li
roys de Franche à yaux* parmi tant qu'il en seroient aidiet et
confortet^. Chils conssaux fu tenus, nefs furent appareillies
' Nous restituons au rëcit de la retraite de David Bruce en France
la place qu'il occupe dans le manuscrit du Vatican. — •-' Pour mieulx
guerrier les Englès.
EN FRANCE. 339
et vinrent li roys d'Escoce et la royne et li seigneur dessus
dist à Abredaine et là pourveîrent-il et cargièrent leurs
vaisseaux et entrèrent en mer et singlèrent tant par l'ayde
de Dieu et dou vent que il vinrent à TEscluse ; mes point ne
se nommèrent, ains disent que il estoient pellerin qui s'en
alloient à Saint-Jacqueme de Galisce et marchans de Nor-
vèghe avoecq yaux. Sur ce il ne furent nient plentet exa-
minet. Ossi il ne descendirent point à terre, ains se par-
tirent quant il se furent rafresqui et la marëe leur revint,
et singlèrent et prisent le parfont pour aller deviers Bou-
loingne.
Ensi comme li Escochois nageoient par mer, uns vens
d^amont si fors et si ounis les prist et les bouta, volsissent
ou non,' à l'entrée de la Tamise, encontre Mergate en
Engleterre, et ad ce dont estoient li Normant et li Genevois
waucrant par mer à savoir se il trouveroi^nt nul Englès, et
quant il virent les nefs escoçoisses , si furent tout joiant et
quidièrent que ce fuissent nefs efiglesses. Si misent hors
leurs bannières et leurs pignons et commenchièrent à
cachier forment vers yaux ; et quand li Escot les virent, si
furent tout esbahi, car il quidièrent que ce fuissent Englès.
Si ne seurent que dire, et n'y avoit si hardi qui ne volsist
cstre en Jhérusalem, et demandèrent consseil li ungs à
l'autre qu'il feroient ; car il n'estoient que IIII vaissiaux et
il en ,veoient bien DK et XV. Si n'y avoit nulle parchon fors
que d'iaux bien vendre. Lors s'armèrent-il vistement et
disent que il n'y avoit nuls d'iaux qui jà se rendesist pri-
sonniers, mais dureroient tant que durer poroient, et ensi
l'eut là li roys en couvent. Lors se misent à l'ancre, car fuir
ne leur valloit noyent, et bouttèrent hors comme bonnes gens
les bannières d'Escoce et leurs pignons. Evous les Nor-
mans venus qui demandent quels gens. Che respondi mes-
390 VOYAGE DU liOl d'ÉCOSSE
siros Guillaumes de Douglas : « Nous soitimes Escochois et
<c au roy d'Escoche, et vous qui estes, qui le demandés? »
Adcmt vint avant messires Hues Kiérës et dist : a Et quels
« gens estes- vous d'Escoche ? Nommës-vous : autrement
« vous estes tous mort, car nous mescréons que vous ne
a soyés Englès* »Et quant li seigneur d'Escoce oïrent cesté
parolle, si furent auques aseuret, caf il congnurent bien
par le langage et à leurs bannières qu*il n*estoient mies
Englès. Si disent : « Nous sommes tels et tels et li roys
« meysmes, et en allons en France veoir le roy de Franche.
« Si nous avës fait grant esmay, car nous quidions ores
« que vous fuissiës li Englës nostre enneroy. »
Et quand messire Hues Kiérës et si compaignon enten-
dirent et congnurent qu'il disoient voir, si furent moult
joyant et les fissent désancrer et disent que il les condui-
roient jusques à Calais ou à Bouloingne, car il estoientleur
amy et saudoyer au rôy de Franche. Lors se désancrërent,
singlërent tout enssambl# et vinrent ce soir ou havëne de
Calais. Là ancreront li Escos, et li Normans non, et entra
li roys d*Escoche en le ville de Callais et toute se route et y
fu rechupt à joie et s'i rafresci par doi jour, et au tierch il
s'en parti et prist le chemin pour venir à Tiéruanne. Si passa
à Tiéruanne, Arras, Bapaumes, Péronne et Vermendois, et
fist tant par ses journées qu'il vint à Paris où il trouva le
roy de Franche et grant fuison de dus, de contes et de
barons avoecq lui, car il y avoit ung grant parlement. Pour
ce y avoit estet faite cette assemblée.
Moult fil li rois de le venue le roy David d'Escoce resjoys
et envoya contre lui des barons et des chevaliers qui l'ame-
nèrent au palais, là où li roys se tenoit adont^ et li dit :
« A bien viègne li rois. d'Escoce et toutte sa compagnie pour
« l'amour de lui. » Li roys d'Escoce li respondi : « Chiers
< Et lai fist moult ^ant feste.
EN FRANCE. 331
'< sires, vostre bonne inerchy. » Lors parlementèrent ens-
samble de pluiseurs coses et Tarent moult tost acquointië et
prîvet i'ung de l'autre, car li roys de France désiroit bien à
avoir l'amour et l'aquointance de lui pour ce qu'il se veoit
deffyés dou roy d'Engleterre et le sentoit dechà le mer en
l'empire, procurans et acquérans seigneurs et amis à tous
lés, et entendoit bien que il entreroit temprement en son
royaumme ^ Se li sambloit grans confors se li roys d'Escoce
et li seigneur d'Escosse qui marcissent à Engleterre, le
volloient tellement aidier que ensonnyer les Englès et
ardoir leur pays, et se gherre en seroit plus belle *. Si offri
et délivra ^ li roys de France au roy d'Escoce * chas-
tiaux et argent ^ pour son estât parmainlenir à celle fin
que il n'euist nulle pès, ne trieuwes, ne» respit au roy
englës, fors que par lui par sa vollenté. Ensi le jura li
roys d'Escoche, présens ducs, contes, prélas, barons et che-
valiera. Se le retint li roys de Franche de ses draps et son
compaignon et ses chevaliers de son hostel, et la royne de
France ensi la royne d'Escoche qui estoit soer germaine au
roy englès, et leur fist li roys délivrer tout quant qu'il leur
besongnoit; et fu renvoyés assés briefment apriès ce de par
ces deux rois messires Robiers de Versi en Escoche. Chils
y reporta les alianches confermées et séellées des roys
dessus dist, de quoy li seigneur d'Escoce et tout li pays fu
tout joiaul, et commencièrent à guerryer plus fort et plus
asprement que devant. El quant li roys d'Engleterre le seut,
si renvoya l'évesque de Durem, le seigneur de Lussi et le
seigneur de Moutbray,et leur pria* que il desissent au conte
(le Salsebrin, au seigneur de Persi, au seigneur de Noef-
1 Dans le texte d'Amiens, le rëcit du voyage de David Bruce est
placé après le débarquement d'Edouard III à Anvers. — *** Et là,
présent ducs et contes, furent si d'acort les deux rojs, que le roy de
France délivra. — **'' Or et argent et forteresses sur marches.
3-S2 VOYAGE DU nOl D*ÉCOSSK
ville, au seigneur de Grisop, à messire Édouwart de Bail-
loel, cappittainne de Bervich, que il entendesissent bien à
garder les frontières cx>ntre les Escos et le pays concquis.
Chil seigneur dessus dist revinrent en Engleterre et chevau-
cièrent deviers lorch pour faire ce que li roys leur avoit
enjoint.
Sec. réd. — En ce temps, li jones rois David d*Escooe,
qui avoit perdu grant partie de son royaulme et ne le pooit
recouvrer pour Teffbrt dou roy d^Engieterrc son serourgo , se
parti d'Escoce privéement à petite mesnie avoech le royne te
femme, et se misent en mer. Si arrivèrent à Boulongne, et
puis fiscnt tant qu'il vinrent en France et droitement à Paris
où li rois Phelippes se tenoit pour le temps, attendans tous les
jours que deffiances li venissent dou roy englès et des signeurs
del empire, selonch chou qu il estoit infourmés. De la venue
dou roy d'Escoce fu li rois de France moult rcsjoys, et le
coigoy grandt;ment pour tant qu il en entendoit à avoir bon con-
fort ; car bien veoit li rois de France et ooit dire tous les jours
que li rois d^Engleterre se apparilloit. quanqu'il pooit, pour im
guerroyer et pour lui ester de son royaulme se il pooit, siques
quant li rois d'Escoce li eut remonstré sa besongne et sa né-
cessité et en quel istance il estoit là venus, il fu tan test tous
aquintés de lui, car moult bien se sa voit acointicr de chiaus
dont il espéroit à avoir prouât, cnsi que pluiscur grant signeur
sèvent faire. Se li présenta ses ch&stiaus pour séjourner à se
volonté et de son avoir pour despendre, mais qu'il ne volsist
faire nul acord , ne pais ou roi d'Engloterre, fors par son
conseil. Li jones rois d'Escoce reçut en grant gré ce que li
rois de France li ofTri, et li créanta ce qu*il lui requist, tout
plainnement. Si sambla adont au roi de France que c*estoit
grans confors pour lui et grans contraires pour le roi d*Engle-
terre, se il pooit tant faire que li signeur et baron, qui estoient
dcmoret en Escoce, vosissent et peuissent si ensonnyer les
Englès qu'il n'en peuist venir par deçà le mer, se petit non.
EN FRANCE. 333
pour lui grever, ou qu'il convenist le roi d'Engleterre re];)ass6r
pour garder son royaulme. Pour ce et en celle intention il
retint ce jone roy d'Escoce et la rojne sa femme dalés lui, et
les soustint par lonch temps et leur fist délivrer quanqu'il
leur besongnoit, car d'Escoce leur venoit-il assés petit pour
leur estât parmaintenir. Et envoia li dis rois de France grans
messages en Escoce à ces signeurs et barons qui là guerrioient
contre les garnisons dou roy d'Engleterre, et leur fist offrir
grant ayde et grant confort, mais qu'il ne volsissent faire pais,
ne donner nulles trièwes as Englès, se ce n'estoit par se volonté
et par son conseil, et par le volonté et conseil de leur signeur
le roy d'Escoce qui tout ce li avoit juret et prommis à tenir.
Sus les lettres et requestes dou roy de France, chil signeur
d'Escoce se consillièrent. Quant il furent bien consilliet et il
eurent considéret parfaitement, toutes leurs besongnes et le
dure guerre qu'il avoient as Englès, il s'i acordèrent liement et
le jurèrent et séellèrent avoech le roy leur signeur. Ensi furent
les alliances de ce temps faites entre lé roy Phelippe de France
et le roi David d'Escoce, qui se tinrent fermes et estables un
lonch temps, et envoia li dis rois .de France gens d'armes en
Escoce pour guerryer les Englès ; et par espécial messires
Ernouls d'Audrehen qui puis fu mareschaus de France , et li
sires de Garensières, avoech pluiseurs chevaliers et escuiers, y
furent envoyet, et y fisent tamainte belle apertise d'armes,
sicom vous orés avant en l'hystore.
Quatr, rii, — Apriès ce que li rois d'Engleterre eust couru
tout ou en partie le roiaulme d'Escoce et pris et saisis dedens
le pais pluisseurs chastiaus et mis en garnisons pour guerryer
le demorant, et que il se fu partis de la chité de Bervich,
laquelle il avoit conquis par lonch siège et que il l'ot rafresquie
et ravitaille de gens d'armes et de pourvéances, et que il fu
retrais en Engleterre, li rois David d'Escoce qui se tenoit en
la chité d^Abredane et là sus la Sauvage Escoce, demora tous
esbahis et considéra que de sa poissance singulière il ne poroit
854 YOTAGB DU ROI D^iCOSSE
amender les damages que li Englois 11 avoient fait. Et jk
avoii-il entendu, ensi que renommée court et rôle moolt tos
de paFs en aultre, que messires Robera d'Artois enortoit le roi
d*Ençleterre à calengier la couronne de Franco et li metoit en
Torelle (Mir ses informations que li roiaulmes de France li estoit
dévolus (Mir la mort dou son chier oncle le roi Carie darrain
trespasset, et que Phelippes de Valois qui en tenoit la poasoa-
sion, n'avoit pas juste cause à Firetage de France, selone oe
que messires Robers d*Artois disoit. Si n'estoit pas cose pour
le roi d'Engleterre et les Englois légière à esdarcir, car
jamais li rois Phelippes, pour lors paroles, demandes, ne
menaces, ne s'en délairoit dou non tenir et remetre arrière,
ne li per et baron de France qui couronné Tavoient et qui
estoient si homme devenu, ne le souffreroient point. Li rois
d'Escoce imaginans ces coses pensoit bien que ou temps à
venir, se li rois d'Engleterre voloit procéder en ces demandes»
guerre s*esmouveroit entre France et Engleterre, pour quoi de li
et de son roiaulme, se bonnes aliances estoient faites entre les
Escos et les I<Yançois, ils et ses pais en seroient grandement
reconfortes, et aussi ceste ordenance venroit bien à point au
roi de France et as François, car par le roiaulme d'Escoce
poroient li François aisiement entrer en Engleterre et faice
lor guerre. Sus ceste imagination, li rois d'Escoce, com jones
que il fust, fist asambler auquns prélas et barons d*Escoce et
venir en Abredane, là où il se tenoit et sa femme, et lor
remonstra, quant chil furent venu lesquels il avoit mandés,
moult sagement de point en point les articles de ses imagina-
tions. Quant il l'eurent oî et entendu, euls qui sont de nature
et ont esté tousjours plus enclins à estre François que Englois,
respondirent et dissent au roi : « Sire, à toutes vos paroles
c nous ne veons que tout bien, car ou cas que les Englois
c nous voellent suspéditer par la manière et fourme qu'il
ff monstrent, il nous fault pourveir à rencontre de euls, et.
c créons proprement que Dieu vous a envojet ceste inspira*
c tion pour nous ester dou dangierdes Englois, car jA n'avenra.
CN FRANGE. S35
c pour retourner toute Escoce ce que desus est au dosons,
c que nous aions roi qui soit hommes au roi d*Engleterre, ne
t le tiengne à sigueur souverain, ne reliève de li ; car la cou-
« ronne d'Ëscoce et 11 roiaulmes est de si noble condition que
c il est tenus de Dieu et de rÉglise saint Pierre. Si ne vous
c volons pas brisier vostre imagination et pourpos de aler
« en France veoir le roi et les estas. Vous estes jones et à
a venir. Si vous aquointerés des barons et chevaliers de
< France, et euls de vous ; et tousjours ferons-nous à nostro
< pooir guerre as Englois. Il ne tenront jà journée paisiouvle-
« ment en ce pals ce qu il î tiennent. Se nous Tavons perdu
« onquôs, nous le recouverrons , uns temps venra. Onques
c nous ne pusmes amer les Englois, ne euls, nous, et ont
« tousjours esté lee terres en différent, et les hommes , l'un
« contre l'autre, très le premier temps que elles furent
« abitées. » Moult fu pour ces jours li rois d'Escoce resjoïs,
quant il vei ses hommes concordans à son pourpos, et ordonna
ses besongnes au plus bellement et quoiement qu'il peut, et fist
au port de Morois en Escoce cargier et apparillier ung vassiel de
ce que besongnier lor pooit à lui et à sa femme et à lor estât,
et quant il furent tous près, il vinrent là et entrèrent dedens, -
ils et la roine et messires Guillaumes Douglas, neveu au bon
messire Guillaume, et enmena avoecques lui vingt-sjs cheva-
liers et esquiors, tout de son eage, et la roine aussi des jones
dames et damoiselles d*Escoce. Et demorèrent ou païs pour
le garder, messires Arcebaus Douglas, messires Robers de
Vers!, messires Alixandres de Ramesai et messires Simons
Fressiel, et nagièrent li rois et la roine et lor compagnie et
orent vent à volenté et costyèrent Frise et Hollandes et eslon-
gièrent toutdis de Engleterre dou plus qu'il porent , et s*en
vinrent férir ou havène de TEscluse et là issiront de lor vassiel
et ne dissent pas que ce fust 11 rois d'Escoce, ne la roine, mais
pèlerins et pèlerines qui aloient à Saint-Mor-des-Fossés et ne
séjournèrent pas longuement à TEscluse, mais vinrent à Bruges
et tout par aiguë, et furent là tant que lors chevaus furent
336 VOYAGE DU ROI d'ÉGOSSE
amené, car il les avoient esquipés avoecques euls en lor vassiel,
tous ou en partie ; et ce que il lor besongna tant de monteures
que d'abis, il s'en pourveirent à Bruges, et puis si s'en dépar-
tirent et vinrent à Lille et de là à Arras et puis à Esclusiers
et à Lihons-en-Santhers et à Hoie et à Qauni et à Heson et puis
à Crai et à Luserches et ]à s'arestèrent, et envoia 11 i^ols
d'Escoce deus de ses chevaliers pour segnefyer sa venue au
roi de France et pour sçavoir et veoir quel samblant li rois en
feroit. Li chevalier furent messires Guillaumes Douglas et
messires David de Lindesee, et s'en vinrent à Paris et pas-
sèrent oultre jusques au bois de Vicènes, car pour ces jours s'i
tenoient li rois et la roine et li dus de Normendie leur fils, et
trouvèrent des chevaliers dou roi qui les requillièrent moult
doucement pour tant que il les veirent estrangiers, et les
menèrent deviers le roi, auquel il comptèrent tout Tafaire et
comment li rois d'Escoce et la roine le venoient veoir, et
avoient pris ombre et escusance de venir à Saint-Mor. De ces
nouvelles fu li rois de France trop grandement resjoïs et dist
as chevaliers d'Escoce que il fuissent 11 bien venu et que
moult volentiers les veroit et tenroit avoecques li. Li cheva-
lier d'Escoce disnèrent à Tostel dou bois , et tantos apriès
disner, il flst monter le signeur de Montmorensi et le signeur
de Garensières et dist : « Chevauchiés avoecques ces chevaliers
a d'Escoce et aies à Luserces querre le roi et la roine d'Escoce
t qui nous viennent veoir, et les amenés ichi sans entrer en
a Paris. > Li chevalier respondirent : « Volentiers. » Si se
départirent tout quatre dou bois et cevauchièrent ensamble et
vinrent à Luserces et trouvèrent là le roi d'Escoce et toute lor
compagnie, laquelle n'estoit pas trop grande, et leur dissent
ce que li rois de France avoit ordonné. Sus les paroles des
chevaliers de France, li ix)is et la roine d'Escoce se partirent
de Luserces et cevauchièrent et vinrent ce jour jésir à Saint-
Denis, et à Tendemain devant la messe dou roi, il furent venu
au bois , et mené deviers le roi et puis deviers la roine, qui
grandement furent resjoï de lor venue. Là furent les aquoin-
ACLÀT DE LA COUR DE FRAHCB. SS7
tances do ces dcus rois et de ces deus roines moult grandes,
et depuis demorèrent en France sus le point de neuf ans, et
leur âst li rois délivrer la Tille et le chastiel de Nemouses pour
tenir lor estât, et estoit ordonné de par le roi de France que de
mois en mois il auroient mille esqus et bien pajés pour pajer
lors menus frès, et yenoit à le fois U rois d'Escoce veoir le roi
Phelippe, fust à Paris ou ailleurs, et se tenoit dalés li trois ou
quatre jours, et se dcvisoient de lors besongnes, et s énamoura
li rois de France dou roi d*Escoce et 11 rois d*Escoce de luk
Encores n^estoit-il nulles nouvelles en France que li rois
d'Engleterre vosist renvoyer son hommage au roi de France,
ne le desfjer, pour faire calenge de la couronne de France.
Quant li rois de Franche ent en partie acompli ' ses vol-
lentés de monseigneur Robert d*Artois *, ensi comme vous
avés oy, et que il se vit en pës et ' en repos ^ en ce noble
royaumme de France, ^ il encarga grant estât * et bien le
pooit faire, et tenoit III roys ^ de son hostel * : le roy
Carlon de Behaigne, le roy Phelippe de Navarre et le roy
de Mayogres, et dus et contes et barons sans nombre, et n'y
avoit oncques mes eut roy en Franche dont il souvenist, qui
euist tenu Testât pareil audit roy Phelippe. Et faisoit faire
festes, joustcs, tournois et esbatemens, et il meismement
les devisoit et ordonnoit et estoit ungs rois plains de toutte
honneur, et congnissoit bien que c*estoit de bachelerie ; car
il avoit estet bachelers et saudoyers en son venir en Lom-
bardie dou vivant le conte de Vallois son përe. Si en amoit
oncorres mieux les petis compaignons. Parespécial il amoit
ot tenoit le plus dou tamps dalles loi le gentil roy de
*•• Son (h'sir de monseigneur Robert avoir encachié. — * * Et en
grant honneur. — *'* Il tenoit plus noble estât que oncqnes n^euist
fait roi que on sccuist. — ' * I),» sa <v)!irt.
I. — FROISSAIIT. tt
àCLAT DB LA COUR DB FRANCB.
Behaingne et le roy de Navarre, le conte d'ÂIençon,
frère, monseigneur Jehan de France, duc de Normendie^
aisnet fil, le duc Oedon de Boargoingne, le conte Loeys de
Flandre, le conte Loys de Blois et messire Gharle de Blois,
car il estoient si nepveux, le conte de Bar, le duc de
Bourbon et le duc de Lorainne ; et n'estoit oncquesli roys si
privéement, fust à Paris ou ou bois de Vicesnes, que chil
seigneur ne fuissent dalles lui et tout de son hostel à déli-
vrance et encoires grant fuisson d*autre baronnie et cheva*
lerie. Moult estoit li estas dou roy Phelippe de Franche
grans et renommés en tous pays, et tousdis croissoit sans
amenrir.
SêC. réd. — Si demora 11 rois Phelippes en grant prospérité et
en grant honneur, et accrut grandement Testât royal; et n*i
avoit onques mes eu en France, sicom on disoit, roy qui ewist
tenu lestât parcl au roy Phelippe; et faisoit faire tournois,
joustes, festes et esbatement moult souvent et à grant planté.
Q^atr. réd. — Chils rois Phelippes augmenta grandement
Testât roial de finance et ama à faire joustes et tournois et tous
osbatemens, et avoit un jono ûl, lequel on appelloit Jehan, et le
fiât duch de Normcndie et le maria à la fille dou bon roi do
Boosme. Chils rois Phelippes, en son jone temps, avoit esté uns
rustcs et poursievoit joustes et tournois, et cncores amoit-il
moult les armes, quoique son estât fust moult autementé; mais
il creoit legièrement fol consel, et en son aîr, il fn cmeuls et
hausters, ci aussi fu la mine sa tomme et |MTiIlouso, la mère
dou roi Jehan, qui fillo fu nu du^h Ode do Bour^iigno *... Chils
rois fist en son temps famainto hastievo justiiv ilont il 9c fust
hien déportc's, se il vo^ist. Il fist pendre à Moiit'aui-on m«*ssire
• Il y a ici ^▼i<ieininfat une lacune. Ajoutez : * e* s i\.nr à Marpie-
rite qui ot espouse le roy Lojs. > C'est à Louia X que se rappoi teat
les mot* suir.ints « Chil- roia, ■ et*.
PROJET DE CâôttADB DC f8ILir»E DE VALOIS. 330
Rngherant de Marigni ...\ tin très-vaillant et sage chevalier, et
qui tamaint bon consel li avoit donné, et tout ce fist faire la
roine de Franoe sa femme. Quant elle avoit aquelliet en haino
un baron, un chevalier, quels qu'il fust, se il estoit tenus, ne
trouvés, il en estoit ordonné et il convenoit qu il fust mors.
Trop maie et périlleuse fu celle roine de France, la mère dou
roi Jehan, et aussi elle morut de maie mort.
Or eult chils rojs' désir et dévotion d'emprendre le crois,
ensi qull fist et que de aller outre mer sus les ennemis de
Dieu, et fist ploiseurs seigneurs dou royaumme de Franche
croisier et jurer le voiaîge ayoecq lui, et envoya li dis roys
devers le roy de Hongrie ponr taster et ouvrir le passaige
au lés deviers lui, ossi deviers le roy d*AlIemaigne Loeys de
Bavière, qui resgnoit pour le tamps emperères de Romme,
qooyque li Roununain li ocotrestedesisseat, et liquelx avoit
sa nièdie espousee madame Margfaerite, fille au conte de
Haynnau, liquels rois d*AIemaignd li accorda le voiaige et
se terre à ouvrir jusqoes en Hongrie, se par là volioit pas-
ser, et li aroenistreroit vivres et pour tous ciaux qui le
croix porteroîent et qui les IncreduUes voroient destruire et
le foy crestienne essauchîer. Encorres envoya H roys de
Franche dévotement devers le pappe Bénédic en Avignon,
en lui priant comme ses fils que le voiaige d'outre mer et
le croix il li volsist ' conformer * et le fesist préchîer parmy
sainte crestienneté. Li papes li acorda doucement et fu cesto
croix préchie parmy le monde où li foy de Dieu est creue,
et prisent ^ pluiseur* vaillant homme preudomme le croix,
* Autre lactine. Ajoutez : c ChilB rois Phclippes fist morir le oonto
(1 ! Ohiiies, un très-vailiaut et sage cheTalier, • etc. — * Quant se vit
hi puissans et eu ^ais. — ^-^ Accorder. — * * Moolt de.
340 PROJET DE CROISADE
qui " dévotion avoient d'aller en ce saint voiaige*. Encorres
envoya li roys de Franche deviers le roy de Cipre que il
fuist pourveus et ses pays appareilliés pour recevoir les pel-
lerins. Et prist li rois de Franche l'acord des Vénissiens et
des Genevois et fist-on garnir et pourveir toutes les cos-
tières de mer de le rivière de Genève, mouvant * jusques en
Napples et revenant en Venise et en Tille de Crète, et fist li
roys de Franche pourveir Tille de Rodes ' et y envoya le
grand prieur dé Franche à qui li Templier obéissent. Et fist
li roys sus le port de Marselle et de Aiguesmortes appareil-
lier ses vaissiaux et ses gallées et pourveir de touttes pour-
véanches, qui appertenoit à lui et pour XXX" combatans,
parmy les grans seigneurs qu'il en volloit mener de son
hostel, et estoient de toutte ceste navie souverains li contes
de Nerbonne et messires Caries Grumaus, * ungs genevois ^.
Sec. rid. — Si eut li dis rois Phelippes grasce et dévotion
de venir veoir le Saint-Père pape Bénédiet, qui pour le temps
régnoit et se tenoit en Avignon, et de viseter une partie de
son royaulme, pour lui déduire et esbatre, et pour aprendre à
coDgnoistre ses cités, ses villes et ses chastiaus, et les nobles
de son royaulme. Si fist faire en celle istance ses pourvéances
grandes et grosses, et se parti de Paris, en très-grant arroi,
le roi de Behagne et le roi de Navare en se compagnie, et ossi
grant fuison de dus, de contes et de signeurs, car il tenoit
grant estât et estoffet, et faisoit grans livrées et grars dcspens.
Si chevauça li rois ensi parmi Bourgongne, et fist tant par ses
petites journées qu'il vint erf Avignon où il fu moult solennel-
ment receus dou Saint -Père et de tout le collège, et Ton no u-
rèrent dou plus qu'il peurent, et fu depuis grant terme là
* Grant. — * Mais pau greva aux Sarrasins, car le roy n'en fist
riens - ' Jusques à Pâlies en Tille de Tiicce et ù Kodes. — ^^ Unir
vaillant Ciencvoissur nier.
DE PHILIPPE Di: VALOIS. 541
environ avoech le ()ap6 et les cardinauk, et se logoit à ViUe-
novo dehors Avignon. Si vint ii rois d'Arragon en ce meisme
temps ossi en court de Romme, pour lui veoir et festjer ; si y
eut grans festes et grans solennités à leurs approcemens et à
leurs assambiées, et furent là tout le quaresme ensievant, dont
il avint que certainnes nouvelles vinrent en court de Romme
que 11 ennemi do Dieu estoient trop fort rebelé contre le Sainte-
Terre, et avoient reconquis priesque tout le rojaulme de Rasse,
et pris le roy * qui s'estoit de son temps crestiennés *, et fait
morir à grant * martire *, et manecoient encores li Incrédule
grandement Sainte Crestienté. De ces nouvelles fu li papes
moult courouciés , ce fu bien raisons ; car il estoit chiés de
l'Église, à cui tout bon crestien se doivent ralloyer : si préeca
le jour dou Saint Venredi, présent les rois dessus nommés, le
digne souffrance de Nostré Signeur, et enhorta et remonstra
grandement le crois à prendre et encargier pour aler sus les
ennemis de Dieu, et si humblement et si doucement fourma
se prédication, que li rois de France meus de grant pité prist
le crois et requist au Saint-Père qu'il li volsist acorder. Adont
li papes Bénédict, qui vit le bonne volonté dou roy de France,
li acorda bénignement et le confirma, par condition que il abso-
loit de painne et de coupe vrais confès et vrais repentans, le
roi de France premièrement et tous chiaus qui avoech lui
iroient en ce saint voiage. Adont par grant dévotion et pour
Tamour dou roy et lui tenir compagnie en ce pèlerinage, li rois
» Charles • de Behagne, li rois de Navare et li rois Pierres d'Arra-
gon le prisent, et grant fuison de dus, de contes, de barons et
de chevaliers qui là estoient, et ossi IIII cardinal, li cardinaifls
Elans , li cardinauls de Naples , li cardinauls de Pieregorch
et li cardinauls d'Ostie. Si fu tantost celle crois publyée
et préecie par le monde; et venoit à tous signeurs à grant
plaisance, et espécialment à chiaus qui voloient le temps dis-
* * Qui pour le temps s^estoit baptisiés et crestiennés. ~ '^ Meschief.
— » • Jehans.
343 PROJET DE CROISADE
penser en armes, et qui adont ne le savoient bien raisonnable-»
ment où employer.
Quant 11 rois de France et 11 rois dessus nommet eurent esté
un grant temps dalés le pape , et il eurent jette et avisé et
oonfermé le plus grant partie de leurs besongnes, il se partirent
de court et prisent congiet au Saint-Père : si s'en râla 11 rois
d'Arragon en son pajs, et li rois de France et sa compagnie
8*en vinrent à Montpellier, et là furent-il ung grant temps ; et
âst adont 11 rois Phelippes une pais de grant hajne qui se
mouvoit entre le roy d'Arragon et le roy de Maiogres. Aprièa
celle pais faite» il s'en retourna en France à petites journées
et as grans despens, visetant ses cités, ses villes, ses chastiaus
et ses forterèoes, dont il avoit sans nombre , et rapassa parmi
Auvergne, parmi Berry, parmi Biausse et parmi le Gastinoys,
et revint à Paris, où il fut receus à grant feste. Adont estoit
li royaulmes de France gras, plains et drus, et les gens ricbea
et possessans de grant avoir, ne on n'i savoit parl^de nulle
guerre.
Sus Fordenanoe de le crois, pour aler oultre mer, que li rois
de France avoit empris et encargiet , et dont il se faisoit chiés,
se avisèrent pluiseur signeur par le monde, et Temprisent ossi
li aucun par grant dévotion ; car li papes absoloit tous chiaus,
de painne et de coupe, qui en ce saint volage iroient. Si fu la
ditte crois manifestée et préeciée par le monde, et venoit à plui-
seurs chevaliers bien à point, qui se désiroient à avancier. Si âst
11 rois Phelippes, comme chiés de ceste emprise, le plus grant
et le plus biel apparel qui onques euist estet fais pour aler
oultre mer, ne dou temps Qodefroi de Buillon, ne d^aultre, et
avoit retenu et mis en certains pors, cest assavoir de Mar-
selle, de Aiguemortes, de Lattes, de Nerbonne et d'environ
Montpellier, tel quantité de vaissiaus, de naves, de carrakes,
de gallées et de barges, comme pour passer et porter LX"»
hommes d'armes et leurs pourvéances, et les fist tout le temps
pourveir de bescuit, do vins, de douce aiguë, de char sallées,
et de toutes aultres coscs nécessaires pour gens d'armes et
D£ MUUPTE DE VALOIS 345
pour Tivro, et si grant plenté que pour durer III ans, s*il
besoDgnoit. Et envola encores li dis rois de France, grans
messages pardevers le roj de Hongorie qui estoit moult vail-
lans lioms, en lui priant que il fust apparilliés et ses pays ouvers
pour recevoir les pèlerins de Dieu. Cils rois de Hongerie y
entendi volentiers, et dist que il estoit tous pourvous et ses
pays ossi, de recevoir le roj de France et tous chiaus qui
avoech lui iroient. Tout en tel manière le segneâa li rois de
Franoe au roj de Cippre, monsigneur Hv^e de Luzegnan, un
vaillant roj durement, et oesi au roj de SecUle, qui volontiers
j entendirent, et se pourveirent selonch ee bien et souffissam-
ment, à le prjère et requeste dou roj de France. Encores
envoia 11 dis rois devers les Vénissiens, en priant et requérant
que leurs metes fussent ouvertes, gardées et pourveues. Cil
obéirent volontiers au roj de France et acomplirent son com-
mandement. Ossi flsent li Genevois et tout cil de le rivière de
Oenneves. Et flst li rois de France passer oultre en Tille de
Rodes le grant prieur de France, pour aministrer vivres et
pourvéanoee sus leurs metes, et usent cil de Saint-Jehan, par
acord avoech les Vénissiens , pourvoir moult soufflssamment
rislo de Crète, qui est de leur signourie. Briefment cascuns
estoit apparilliés et rebraciés de faire tout ce que bon estoit et
sambloit pour recueillir les pèlerins de Dieu , et prisent plus
de CCO" personnes le crois pour aler oultre mer en ce saint
vojage.
Qiuiir. réd. ~ En ce temps vint-il en dévotion au roi Phe-
lippe d'aler en Avignon veoir le pape Bénédic qui resgnoit
pour ce temps, et de parler à lui et par son consel entreprendre
le voiage d*outre mer et conquerre la Sainte-Terre, car pour
lors il n'avoientque faire et ne savoient à quoi entendre, fors
as joustes et as tournois et à tous aultres esbatemens, et pour
ce 11 rois Phelippes avoit celle dévotion de convertir ces armes
et esbatcmens À aler sus les Incrédules et conquerre la sainte
chité de Jhérusalem et le roiaulme de Surie, et tant fidre par
544 PROIET PE CROISADE
poissance que de oster hors des mains dou Soudan et des Incré-
dules, et jà en avoit li rois de France escript au roi Robert de
Cécille, son cousin, et prjet que il se vosist avaler en Prou-
vence dont il estoit sires, et que sans faute en tel temps (se li
nomma) il seroit en Avignon, lesquelles nouvelles et segne-
fiances furent à ce roi Robert moult plaisans, car il s'escripsoit
rois de Cécille et de Naples et de Jhérusalem , dus de Poille
et de Calabre et contes de Prouvence. Si pensoit à recouvrer
son hiretage de la Sainte-Terre par la poissance dou roi de
France et des crestjens puis que li volages de la vermelle crois
seroit empris, et se départi de Sésille et de Poille, et esploita
tant par ses journées que il vint en Prouvence.
Pour, ces jours estoit li rois Phelippes jà avalés et venus
à Lion sus le Rosne. Quant on li dist que li rois Robers estoit
en Prouvence, si se départi tantos et vint tout contre val la
rivière dou Rosne en une nef en Avignon pour ceminer plus
aise, et li aultre, c'est à entendre ses gens, vinrent par terre
une partie et se logièrent tout à Villenove dehors Avignon,
et li rois de France ausi. Li papes, li cardinal et toute li cours
furent grandement resjoï de la venue dou roi de France et dou
roi Robert de Cécille, quant il estoient là venu, et furent grâces
ouvertes à tous clers qui empêtrer voloient. Et donna 11 papes
par pluisseurs fois à diner en son palais, liquels, pour le temps
dont je parole, n^estoit pas si biaus, ne si remplis de cambres
et d'édefisces comme il est pour le présent. Les deus rois , le
roi de France et le roi de Cécille..., et là furent faites grandes
prédications et bulles devant les rois et toutes touchans à la
crois vermelle emprendre, et Temprissént ou nom de Dieu et
Taourèrent et voèrent à porter ôultre mer en la Sainte Terre,
en la capelle dou pape, li doi roi desus nommé, li contes
d'Alençon, frères au roi de France , li contes de Savoie , li
contes d'Armignac, li daufins de Vienne, li daufins d'Auvergne,
li dus de Bourbon, li contes de Forois, li cardinauls de Naples,
li cardinauls d'Ostie, li cardinauls de Melans et li cardinauls
d'Urgel, et tant que à ce jour, en issant dou palais, il furent
DE PHILIPPE DE VALOIS. 345
plus de deus cens grans signeurs qui tous emprissent le ver-
melle crois à porter, et voèrent que, au plus tart dedens deus
ans, il seroient en Tille de Rodes. Adont fu avisé dou Saint-
Père et dou colége à préechier celle crois parmi la crestienneté
et de absoudre de painne et de coupe tous vrais crestyens qui
la vermelle crois encargeroient et le porteroient en dévotion
oultre mer pour aidier le roi de France à conquérir la terre de
Surie et la Sainte Chité de Jhérusalem. Quant li doi roi desus
nommé orent assés séjourné en Avignon, tant que bon lor fu,
il prissent congiet au pape et as cardinauls, et aussi Fun à
lautre, et se départirent, et s'en retourna li rois Robers en
Cécille et li rois Phelippes en France. Et fu ceDe crois à porter
oultre mer préechie partout, et furent moult de peuple esmeu
en cause de dévotion dealer oultre, se li voiages se faisoit.
En ce temps estoit avenu que messires Lois de Bavière
avoit tenu son siège devant la ville de Aix en Alemagne
quarante jours, et Pavoient li eslisseur esleu à estre emperères
de Rome, mais li rois Phelippe et li signeur de France i
metoient un grant empécement et voloient que Caries deBoesme,
ôls au roi de Boesme et dus de Lucembourc, fust emperères.
Li Alemant se traioient au Baivier et ne s'acordoient point a
Carie de Boesme, et très dont se commenchièrent à engendrer
et nourir haines entre les Alemans et les François, car li uns
voloit d'un et li aultres d'aultre, et faisoient partie avoecques
le roi de France et les François, li Sains-Pères Bénédic et tout
li cardinal, et ne pooit Lois de Baivière, rois d' Alemagne, flner
que li papes envoiast à Rome un cardinal en légation et li don-
nast poissance pour le consacrer, et s'escusoit par voies obliques.
Quant Loys de Baivière vei ce que il n'en aueroit aultre cose et
que il estoit lies cardinauls et dou pape menés d'escuses et de
frivoles et veoit tout clèrement que li François s'enclinoient À
Carie de Lucembourc et non à lui, il i pourvei, je vous dirai
comment. Il cevauça à poissance et à grant fuisson de gens
d'armes parmi la Lombardie et vint à Melans et fist son devoir
de tout cbe que à roi d' Alemagne apartenoit à faire, et institua
346 PROJET DE CROIftADE BE rRiLIFIȣ BE, VALOIS.
Tarcevesque de Milan qui pour le temps resgndt à Melan, en la
visoonté, parmi une somme de ûonns que il en devoit rendre
tout les ans, et puis passa oultre, et partout où il-venoit, il estoit
courtoisement requelliés et tenoit grant estât et estofé et pois-
sauce de gens d^armes par quoi ii estoit le plus doubt^, et vint
à R<»Be et là fu recheus comme rois d'Alemagne, et avoit
eBTOjet en Avignon, son cemin faisant, soufissans messages
pour sommer le pape et les cardinauls, et leur segneûoit par ses
lettres et par ses commissaires que il vosissent envoyer à Rome
un cardinal pour le consacrer à empereur, et de ce il supplioit
affectueusement le pape et les cardinauls. Chil qui i furent
envojet, fissent bien lor devoir de faire lor message, mais il no
pooient avoir nulle response. Avant estoient menet de paroles,
et tout lor estât et convenant il escripsoient songneusement à
lor signeur le roi Loys de Baivière. Quant il vei che que il n'en
aueroit aultre cose et que on li empéçoit sa consacration, il i
pourvoi, car il flst un pape et douse cardinauls par Facort des
Romains et se fist consacrer et couronner de ce pape et de ces
cardinauls et prononchier à estre emperères. Quant il ot recheu
celle dignité par la voie que je vous di, assés tos apriès il so
départi de Rome. Li Alemant qui servi Favoient sus tout son
voiage et asquels i) devoit grant ûnance, li demandèrent à estro
pajet : il s'escusa et dist que il n'avoit point d'argent là aporté,
fors que pour ses menus frès payer. Il li dissent derechief tout
généraument, que, se il n estoient payet, il se paieroient : il lor
acorda et n'avoit cure comment, mais que il demorast en paix
et en lor grâce. Si tos que Loys li Baiviers fu issus de Rome,
li Alemant demorèrent derrière. Il avoient ordonné à courir
Rome, ensi que il fissent, et pillièrent et prissent li Alemcint
sus les Romains tant et oultre ce que on lor devoit, et nVu
porent avoir aultre cose, et retournèrent, tout fouci d'or et
d'argent et de jeuiauls, devers Femperour Loys de Baivière qui
les atcndoit à Viterbe. Si aquellièrent li Romain ce Baivier en
grant haine, et dissent que il lor avoit fait faire *, neonques
^ Quelques mots paraissent manquer ici dans le texte du Vatican.
AMBASSAim ANGLAISE BM HAINAUT. 347
depuis il ne rentra à Rome, et li papes et li cardinauli qui le
consacrèrent, n'orent point de durée et se vinrent rendre au
pape d'Avignon, mais ce ne fu pas si tos. Lojs de Baivière qui
s^escripsi, tant que il vesqui, rois d*Alemagne et empereour do
Rome, maugré tous ses malvoellans, s*en retourna en Alemagne
et là se tint, et avoit k femme madame Marguerite, fille au conte
CfuiUaume de Hainnau, et ot de li un grant mont de biaus enfans,
fils et filles.
Or vous parlerons des IIII chevaliers ordonnet pour venir
en Haynnau et quel cose îl trouvèrent en chiaux deviers qui
il estoient envoyet. Quant H baron dessus nommet et' doy
clercq de droit * avoecq yaux envoyet de par le roy d'Engle-
terre furent arivet à TEscluse en Flandres, il eurent consseil
lequel chemin premiers des III il tenroieut. Si s*acordërent
et pour le milieur que de venir'en Haynnau ; si enquissent
où li contes se tenoit, et on leur dist à Valenchiennes. Lors
esploîtièrent-il tant par leurs journées qu*il vinrent à Valen-
chiennes et descendirent sur le marchiet, et eut chacuns des
barons son hostel par lui. Et quant il se furent appareillés et
de draps renouvelles, il s'en vinrent très-ordonnéement
deviers le conte de Haynnau, qui adont se tenoit en le Salle
à Valenchiennes \ et leur chéi si bien que messires Jefaans
ses frères estoit dallés lui, desquels seigneurs il furent
* convignablement • recheu, car bien le savoîent faire. Quant
li baron d'Engleterre eurent le conte salué et encline, et
monseigneur Jehan son frère ^,* li ungs commencha à parler*
en lui tournant sus le conte et dist : « Monseigneur, vostre
* * Deux graos clers. — • Premiers. — * Dont ils furent moult
lies. — *'* Moult honnourablement. — ^ Et fait les rëvërencea. —
* * U nngt d*«iibc priai les paroles.
348 AMBASSADE ANGLAISE
« biaux fils li roys d'Engleterre nous envoie par et devîers
« vous en grant spécialité avoecq ces lettres que baillies
« vous avons pour avoir consseil et advis de ceste besoingne
« qui à son honneur grandement li touche, sicomme les
« lettres font mention, car ilest enfourmés et de certain
« et par pluiseurs clercs voies et raisons on li monstre et
a a-on remonstré que li royaurames de Franche deveroit de
« droite hoirie et par le succession dou roy Charlon son
« oncle estre siens. Or considère li rois les périls, les
« adventures, les haynnes et les fortunnes qui en puevent
« naistre et descendre, car il ne vouroit pas cose esmou-
« voir qui à sen déshonneur li peuist venir. Ossi il ne voroit
« mies que par faute de couraige, d'emprise et de voUenté
« ses droits li fust tollus, ne ostés ; car il trueve en bonne
« vollenté et en grand désir tout son royaumme d'Engle-
« terre de lui aidier, et bien li ont dit que il ne se délaie
« mies de son droit à poursuiwir pour doubte d'avoir peu de
« gens et de ohevanche, car il l'en feront assés avoir. Or est
« li emprise si grande et si haulte que dou tout seuUement
« il ne se voelt mies fonder, ne arester sur lui, ne sur l'es-
« mayssement de ses hommes. Si sommes envoyet par
« deviers vous comme à son père que de ces besoingnes
« vous en voeilliés dire * vostre entente *. »
Quant li contes de Haynnau eut oy parler et remonstrer ^
à l'un des seigneurs d'Engleterre che pour quoy il estoient là
venut et les doutes ossi que li roys d'Engleterre y mettoit
et avoit mis présent son consseil sicomme il disoient, si ne
les oy mies aeuvis , ains dist que li roys n'estoit mies sans
grant sens ^ quant tels coses avoit considérées, car voire-
ment quant on voelt enprendre une grosse besoingne et
touchant à honneur, on ne le poelt trop bien examiner, ne
* * Vostre bonne intencion.—* Bien et sagement. — * Et bon conseil.
EN HAINAUT. 349
considérer à quel chief elle pora traire. Si respondi li contes
à ces parolles et dist aînssi : « Certes, seigneur, vous devés
« ^ savoir * et est tout cler que jou auroie plus chier tout
« honneur et prouflSt au roy d'Engleterre mon fil qui a ma
a fille, que je ne ferroie au roy de Franche, et se il troeve
« en son conseil que il entreprende le gherre de Franche,
« je sui tout appareilliés, et Jehans mes frères qui autrefois
a Ta servit, d'aidier et conforter en touttes mannières. Mes
« avoecq le nostre ayde y fault bien autre, * car li pays de
a Haynnau est ungs petis pays ou regard del royaurame de
a Franche *, et se li siet Engleterre trop loing pour secou-
« rir ; mes, se vos sires pooit avoir l'accord et l'amisté dou
a duc de Braibant et dou conte de Guéries et dou pays de
« Flandres, de tant seroit mes pays plus fors et se guerre
« en vauroit le mieux. Si voeilliés aller ^ deviers ces deux
« seigneurs et traitier à yaux seloucq ce que vous estes
« chargiés, et se il aident mon fil le roy d'Engleterre, je ne
« deraourray pas derrière, ne mon pays ossi. Et quant vous
« revenrés en Engleterre, * si dittes enssi au roy de par
« my que par prière ou par constrainte il fâche tant qu'il
« ait à acord et pour confort le pays de Flandres : se li sera
a ung très-grand avantage *. Ossi il ne s'espargne mies
« d'aller ou d' envoyer ® deviers le roy d'Alleraaingne
« Loeys de Bavière, ^° qui en ceste besoingne le poelt
« moult aidier et par pluiseurs cas ". » De tout ce consseil
avisa adont li contes Guillaumraes de Haynnau les mcssa-
giers le roy d'Engleterre. Et escéi si bien à point adont
*-* Croire. — ' * Car nous et le pays de lïaynnau summes petis pour
tel cas; si ne poons point grans fais. — *• Se vous conseille que vous
aies. — ' * Et dittes ainsi au roy, de par moy, que du pays de Flan-
dres par espëcial il songne tant, par prière ou par constrainte, qu'il
en ait Taynwe. — ® Souffisamment. — *®-** Qui en cest affaire lui
^ieut moult valoir en pluiseurs cas.
3S0 AMlUBfiâM AMGLAISE
pour le roy d'En^eterre que li dis eimtds eetoit en grtnt
hainne contre le roy Pheiippe de Franche, et je toos dirai
ponrquoy, car je ne voeil riens onblyer qui i recorder
face. Li contes de Haynnau avoit traitiet nng mariaige de
madame Ysabiel sa fiile à Tainnet fil le dac de Braibant, et
qnant li roys de Franche le seolt, il esploita tant que li
mariaiges fu deffès et le ' flancha * ailleurs, che tu i ta
fille, pour quoy li contes Guillaummes Ai durement oonrroQ-
chi^ sus le roy Pheiippe. Encoires en ee meysme temps
eschëi en vendaige li castiaux de Alues et li terre de Crie-
vecœr, et Tacata H contes de Haynnau et en presta as ven-
deurs grans deniers et le quidoit tenir et ajooster i le conte
de Haynnau comme sen bon hiretaige et en ayoit grant joie,
car ceste terre li eetoit trop bien sëans pour estre ensi
comme clés sur les frontières de Cambresis et le départe-
ment de Haynnau. Et quand ii roys Phelippes sent che, il
en fu moult courouchiés et manda le Tendeur ' et li amenda
son marchiet ^ et li fist renonchier le veiidaige et le priât
pour lui et le donna le duc de Nonnendie son fil, liqœls
s'en mist en possession, et fu depuis atribuës au royaomme
de Franche comme de Thiretaige, et ensi par celle man-
nière li fors castiaux de Alues en Pailloel sus le marce de
Ostrevant et de Douay fu ostës au conte de Haynnau qui le
cuidoit avoir acatet pour acroistre son pays et clore sus le»
frontières dt» France. Ces tn»is cosefi est oient assês nouvel-
lement advenues entre le roy de Franche et le eonte do
Haynnau, liquels en avoit graiit indignation et ' n*en amoît
mies mieux le roy ^, ne son consseii, et disoit bien ^ que il
li remonstreroit quant il vennût à p«>iut ". Or revenrons à
!t» niîitère dont nous parlions iniiinte;i;»nt.
•-• Traitm. — ' * Fût tant, par deniers et par parolles, qtie le marchié
fu nul. S'en fut €x>aroochiët le conte de Hajnnaa. — ** Si o en aimoit
point le roj. — ^ * Qn*il lui renderoK, quant il rjoerroit k \iOÏùi.
KM HADUCT. 351
^lant li baron d'Engleterre eurent 07 les responsoes dou
conte de Hajnnaa et le oonsseil qu'il leur donnoit S si
roïpent volentiers * et dirent que gr&nt merchis et que par
par son advis il useroîent *. Depuis furent-il avoecques le
conte et monseigneur Jehan son frère, V jours, qui trop
bien les festyèrent. Au VI** il se partirent et s'en vinrent
en Braibant et .trouvèrent à le Lewure le ducq Jehan de
Braibant qui courtoisement les rechupt pour Taraour dou
roy leur seigneur, à qui il estoit cousins germains, et à qui
il contèrent tout leur messaige. * Li ducs en respondj que
par linaige il ne devoit mies faillir au roy d'Engleterre, et
que il le conforteroit, aideroit et conseiileroit en tous cas,
si avant que il vorroit son droit repoursuiwir, car il y
estoit tenus et avoit bonne vollenté de le faire : de ce furent
U messagier tout joyant ^. Et vinrent depuis en Guéries et
esploitèrent si bien que li contes de Guéries ^ s'abandonna
don tout son corps, ses hommes et son pays ou service \e
roy englès. Lors retournèrent K baron d*Engleterre arrière
et rapportèrent au roy et à son consseil ' tout che que trou-
vet avoîent •.
Sic. Hd. — Li ëassusdis évesques, li doi chevalier baniMmch,
li doi clerch de droit ne veorent mies refuser le requeste dou
roy, ains li ottryèrent volentiers : si se appariilièrant au plus
tost qu'il peurent, et se partirent dou roy et montèrent en mer.
Et arrivèrent adont à Dunkerke : si reposèrent là tant que leur
cheval furent mis hors des vaissiaus, et puis se missent au che-
*•• Si Be tinrent bien content. — * Delà en avant. — *» Et sur ce
leur respondy le duc qu'il estoit si tenus au roj par linage que falir
ne loi devoit par raison. Si leur promist ayde de luy et de tout son
pays, de quanques il porroit. De oe forent les messages mouU joieux.
•» * Leur promit et. — ^ ^ Comment ils avoient esploité en l'un pays et
en Taotre.
352 AMBASSADE ANGLAISE
min et chevaucièrent parmi Flandres, et esploitièrent tant qu'il
vinrent à Yalenciennes. Là trouvèrent-il le conte Guillaume de
Hajnnau qui gisoit si malades de gouttes artétikes et de gra-
vielle qu'il ne se pooit mouvoir, et trouvèrent ossi monsigueur
Jehan de Haynnau son frère. S'il furent grandement festyet et
honnouret, ce ne fait point à demander. Quant il furent si bien
festyet comme à jauls apertenoit, il comptèrent au dit conte de
Hajnnau et à son frère leur entente et pour quoi il estoient là
envoyet par devers yauls ; et leur exprimèrent toutes les rai-
sons et les doubtances que li rois meismes avoit mises avant
pardevant son conseil, sicom vous avés ci-dessus oj recorder.
Quant li contes de Haynnau eut oy ce pour quoi il estoient
là envojet , et il eut oy les raisons et les doubtances que U
rois englès avoit mises avant à son conseil, il ne les oj mies
aenvis , ains dist que li rois n'estoit mies sans sens , quant
il avoit ces raisons et ces doubtances si bien considérées ; car
quant on voet entreprendre une grosse besongne, on doit aviser
et considérer comment on le poroit achiever, et au plus priés de
le fin peser à quel chief on poroit venir. Et dist ensi . li gentils
contes : • Se li rois y poet parvenir, se m'ayt Dieus, jou en aroie
c grant joie ; et poet-on bien penser que je Taroie plus chier
c pour lui qui a ma fille, que je n'aroie pour le roy Phelippe,
c qui ne m'a nient fait tout à point, comment que jou aie sa
f sereur espousée ; car il m'a destournet couvertement le ma-
• riage del jone duch de Braibant qui devoit avoir espouset
€ Ysabiel ma fille, et Ta rctenut pour une sienne aultre fille : pnr
€ quoi je ne faurrai mies à mon chier et amet fil le roi d'Englc-
€ terre, s'il trocvc en son conseil qu'il le voelle entreprendre ;
« ains 11 aiderai de conseil et d'ajde à mon loyal pooir. Ossi
« fera Jchans mes frères qui là siet, qui aultrefois la siervit ;
t mais sachiés qu'il li faurroit bien avoir aultre ayde plus foi*te
a que n'est la nostic ; car Ilaynnau est uns petis pays, ce savés,
f ou pegard dou royaulme de France , et Engleterre gist trop
« loing pour nous souscourre. • — t Certes, sires, vous nous
• donnés très-bon conseil et nous monstres grant amour et
EN HAINAIT. S13
€ grant volenté, de quoi nous nous vous regrations, de par
€ nostre signeur le roy, • ce respondi li éyesques do Lincolle
pour tous les aultres. Et dist cncores : c Oiiers sires, or nous
c consilliés desquels signeurs nos sires se poroit mieuls aidier
c et es quels il se poroit miex fier, par quoi nous li puissions
« reporter vostro consol. » — • Sour 1 ame de mi, respondi li
« ('ontes, je ne saroie aviser signeur si poissant pour lui aidier
€ on ces besongnes comme seroit li dux de Braibant, qui est
< SOS cousins germains, ossi li ôvesques de Liège, li dus de
« Guéries qui a sa sereur à femme , li arcevesques de Cou-
< longue, li markis de Jullers, messires Emouls de Bakehen
c et li sires de Faukemont. Ce sont cil qui plus aroient grant
« fuison de gens d'armes en briof temps, que signeur que je
« sace en nul pays del monde ; et si sont très-bon guerriour,
« et fineront bien, se il voellent, de VIII "» ou de X" armeures
c âo fier, mais que on leur doinst del argent à avenant ; et si
c sont signeur et gens qui gaagnent volontiers. S*il estoit ensi
c que li rois mes Ûls vos sires euist acquis ces signeurs que je
c dis, et il fust pardeçà le mer, il poroit bien aler requerre le
€ roy Pholippe oultro le rivière d*Oise et combatreà lui. »
Cils consauls pleut grandement à ces signeurs d'Engleterre ;
puis prissent congiot au conte de Hajrnau et à monaigneur
Jehan son frère. Si son râlèrent viors Engletcrre porter au
roy le consol qu'il avoiont trouvet ou dessusdit conte et à
son fivro. Quant il furent venu à Londres, li rois leur fist
grant foste, et il li racontèrent tout ce qu'il avoiont trûuvet au
f^nsoil et à Tavis dou gentil conte et de monsigneur Jehan de
Haynau sou frère, dont li rois eut grant joie, et en fut grande-
ment ro<»onfortés, quant il eut entendu ce que ses siros li eut
mandet et consilliet.
Quiotr. réd. — Vo us dovés sçavoir que li évesques de Lincole
et li osleus d'Asquesuffort et messires Ronauls de Gobehen et
mossiros Richai's de ^'tanfort se départirent d'Engleterrt^ dou
miouls pourvou que il porent pour tant que il avoiont à faire
I. — FKOIRSAKT. ^ 15
354 AMBA8SABB ANGLAISE
un grant message, car se estoit lor intension que com longue-
ment que il i mesissent , il retourneroient pourveu de bon oon-
sel, à savoir comment li rois lors sires se poroit cevir de ce dont
messires Robers d'Artois Favoit enfourmé. Et montèrent en mer
à Douvres et vinrent à Wissan et là issirent des vassiaus et
cevauchièrent toute TAlequine et vinrent à Tiéruane et puis a
Aire et puis à Biétunc, à Lens et à Douai, et puis à Valen*
chiennes. 11 pooient bien faire tout ce cemin sans péril, ne
reprise, car encores n avoit entre France et Engleterre nul
mautalent et joïssoit casquns de ce que il devoit tenir, c'est à
entendre li rois d'Engleterre tenoit la conté de Pontieu et en
levoit les proufis, et ensi en Guienne.
Quant chil ambassadeur furent venu à Yalenchiennes, il se
logièrent sus le marchié à leur aise en trois bostels, au Chine,
à le Bourse et à Tostel à la Clef. Pour ces jours estoit li contes
de Hainnau en Tostel de Hollandes et gissans au lit de la mala-
die des goûtes. Tantos il fu segnifjés que chil signeur d'Engle-
terre estoient venus, il envoia deviers son frère qui estoit à
Tostel de Biaumont, et là se tenoit aussi. Pour Tamour doa
conte, messires Jehans de Hainnau vint tantos deviers son
frère, qui li dist la cause pour quoi il Tavoit mandé et que il
aueroieut nouvelles, car là estoient venu ambassadeurs d'Engie-
terre do par le roi son fil. Ensi que li contes le dist,en avint; car
li éves(|ues de Lincollo et li esleus d'Asquesufort*h et li doi
))at*on, quant il se furent rafresqui et apparilliet, ensi comme à
euls aperteuoit, il s*cu vinrent en lostel de Hollandes. Si trou-
vèrent le conte de Hainnau et son frère et madame la contesse
et des chevaliers dou pais qui les requellièrent doucement ensi
quo bien 1<* s^ouront faire. Et entrèrent chil signeur d*Engle-
torre on hi <*aml»ro dou conte, liquels estoit pour celle heure
lovés, vostis <t paivs moult n^'omont ot P«M>it sus une ohaière
moult bien aournôo; car il no se pooit soustonir sus ses pies.
Si roohut ces sipnours d*Enplotorre l'un apriès Taultre moult
humilomoiit, ot ausi^i tout l'onclinorent et li fissent larévêrense,
ot a la rH>iitf><(so aussi ot à mossire Jehan do Hainnau, et pois
EN HAUIAL'T. ZS&
monstrèrent les lettres de créance que il avoient aporté. Li
contes les fist lire devant li par un sien clerc, et quant il ot oy
la créance, il fist toutes gens wuidier hors de la cambre, réservé
son frère et les Englès, et quant il furt»nt à lor requoi, il lor
dist : « Or sus dites ce dont vous estes cargiés et vous serés
€ ov. » Li évesques de Lincolle commença à parler pour tous et
dist : € Três-chiers si l'es, nous sommes chi envoyet de par vostre
« fil le roi d'Engleterre et sou consel, à savoir que yous dires
€ de une nouvelleté qui est provenuo en lostel d'EngletcTi-e et
€ que vous en consellerés à faire. Li rois, nostres sires, est
« enfourmés moult avant et tout acertes do messirc Robert
c d'Artois, qui pour le pi^ésent se tient et demeure dalés le roi
« en Engleterre, que de la couronne dp France et de Tiretage,
« il deveroit estre escaucié, qui droit et raison li feroit, et les
c poins de la proïmeté, il sont tout cler, ensi que bien les
« savés, car li rois, yostres fils, est fils de la serour au roi Carie
t de France, darrainnement mort, ensi par ce point est-il son
€ neveu et plus procain d*un degré de la couronne do France
c que ne soit li rois Phelippes, fils au conte de Valois, car il
t n'estoit que cousins germains au roi Carie, ensi que bien le
€ savés : et pour ceH cause nous sommes envoyet doviers vous
t pour veoir et scavoir que vous en responderés , car vostres
c fils nostres sires li rois est consilliés et esmeus à mettre avant
€ le calenge de France. Tout si homme li ofTrent corps et ,
€ cevance, mais ils ne voelt pas emprendre si très-grant cose
« que de deflSer le roi de France et de renvoyer son hommage
t de terres que il a relevc»es à Phelippe de Valois comme à roi
« de France, se vous ne le consilliés, car do ce et de toutes
€ coses il voelt ouvrer par vostre consel. »
Quant li conteô de Hainnau ot oy Tévesque de Lincole
ensi parler, si féri sa main sus la poye de la chayère sus
laquelle il séoit, et pensa un petit, et puis respondi et dist :
« Vous tout ensi que chi estes, vous nous soyés li bien venu.
« Vous demorrés dalés nous trois ou quatre jours et vous rafres-
« chiivs, et nous penserons sus ces ))esongno8 et regarderons.
/fô(i AMBASSADE ANGLAISE
€ en considérant toutes coses, lequel en est bon à faire et adont
€ vous en serés respondu. » Il respondirent tout de une sieute :
c Monsigneur, nous ferons voslre plaisir. » Apriès, il entrèrent
en aultres paroles, et lor demanda li contes da Testât de son fil
le roi et de sa fille et des ordenances d'Engleterre et comment
on s*i ordonnoit. A toutes ses demandes et paroles, li évesques
de Lincole et li baron respondirent bien et sagement, et tant
que li dis contes sen contenta. Adont vint là la contesse qui
estoit retraite en ses cambres quant li signeur se missent
ensamble pour parler do consel, et honnoura moult grandement
ces signours d'Engleterre et leur demanda de son fil et de sa
fiUe, et à tout il respondirent bien et à point, et demorèrent ce
jour au disner dalés la contesse et messire Jehan de Hainnau
(jui leur fist là et ailleurs la milleur compagnie que il peut et
lor donna deus disners et deus soupers moult solempnes sus
chincq jours que il furent là, et tous les jours il estaient de dis-
ner et de souper avoech le conte ou la contesse sa femme ou
messire Jehan de Hainnau. Au chinquième jour il furent res-
pondu de la bouce dou conte qui leilr dist apriès les requestos
que fait avoiont : t Biau signeur, vous dires ensi à nostre fil
€ d*Engleterre que nous li savons bon grc de ce que il a envojet
« deviers nous fiabkment pour remonstrer lentrce de son infor-
€ mation et que il poise la matère et fait doubto dos avenues,
€ car 00 n ost petite cose voiremont à desfier le roiaulme de
« Franco ; mais on venant au fait , il est tout cler que mon fils
€ li it>is d'Enfrlotorro ost plus procains voirement un degré de
t la couronne do France et do Tirotago que ne soit Phelippes
€ de Valois , ot plus chior auerions ce proufit pour nostre fil
« qui a nostre fillo ot {lour ses enfans, que nous ne ferions pour
« Pholippo do Valois, ot qui onques rions nomprist, riens
€ n'aohiéva. Vous dires onsi à nostiv fil d'Engieterre do par
€ nous et à son <'<»nsol quo tout le bon droit que il sent à avoir
€. ou rin»tago ot «ouroniio do France, il le demande et calenge.
• Nous h' aiderons ot conforterons en toutes coses ; noua i
• sommes tenu et le volons faire si avant que nostre poissamv
KM UAIMAtT. cT57
c so pora cstendre, mais c'est petite eose de nous et de nostre
€ païs encontre la poissance dou roiaulmo de France. Pour ce
€ fault-il que vostres sires nostres fils, avant que il cntreprende
c si grant cosc que de renvoyer son hommage au roi de France
€ ot H desfior, que il viengne par deçà la mer, acompagniés de
c son consel, et il auera avoecques li Jehan mon frère qui le
€ adrècera de ce que il pora, et iront deviers le duch de Brai-
c bant, cousin germain à mon fil d*£ngleterre, et à son frère
f de par sa serour le conte de Guéries, et aussi au marquis de
t Jullers, et aquerront amour et aliance à euls, et se il puet
< avoir le confort et Taide des Alemans avoecques la sienne,
c il pora bien adont desûer le roi de France et demander son
c droit, mais toutesfois nous disons et mettons avant que riens
c n en face, si sace la volonté de ceuls que je vous ai nommés,
c et velà le consel et la response sus vostre demande, que je
c vous donne. •
Chil signeur d'Engleterre généraument répondirent et
(lissent : c Grant merchis, et nous ouvrerons apriès vostro
« consel. » Si prissent depuis congiet au conte et à la con-
tesse et à messire Jehan de Hainnau, et se départirent de
Valcnchiennes et retournèrent arrière à la mer par le cemin
que il estoient venu, car on quidoit partout que li rois
d'Engleterre les euist envojet en Hainnau pour veoir le
conte liquels n'estoit pas bien hetiés. Si vinrent à'Wissan et
entrèrent là ens es vassiaus d*Engleterre qui les atendoient,
ot puis se désancrèrent et singlèrent viers Engleterre et furent
tantos à Douvres et esploitièrent tant que il vinrent deviers le
roi et son consel, et leur recordèrent tout ce que il avoient ojr,
veu et trouvé ens ou conté de Hainnau.
Quant li roys d'Engleterre vit entamet si grandement les
coers de tels troix grans seigneurs comme chil estoient, en
reconfortant ses besoingnes, si en fu plus lies et tous ses
conssaux, et se fondèrent en partie sur les parolles et advis
538 NÉGOCIATIONS
dou conte de Haynnau, et conseillièrent au roy que s'il vol-
sist envoyer hastément deviens le roy d'Alemaîgne ung pré-
lat et II ou III grans barons et sages pour aidier à tretler
ceste besoingne et pour savoir quel samblant li dessus dist
en feroit, il le fist ; eten fu cargiés espëcialement li évesques
de Lincolle, (jui vollentiers et liement entreprist le voiaige
pour Tamour dou roy, et avoecques lui allèrent messiros
Richars de Stamfort, li sires de le Ware et li sires de Mul-
tonne, et montèrent en mer ou bavene de Tamise à Lon-
dres et singlèrent tant qu'il arivèrent en Hollandes à Dour-
drech, et fissent mettre lors chevaux et leurs harnas*hors
des nefs eT se rafrescbirent là par II jours. Au tierch s'en
partirent et cbevaucièrent tant par leurs journées qu*îl
vinrent à Convalence là où li empereur et li empereis aa
tenoient, qui les messagiers le roy d'Engleterre rechurent à
grantjoie.
Loeis de Bavière, rois d'Allemaingne et empereurs des
Roummains pour le tamps, n'avoit mies adont en trop grant
chiereté le roy de France, ensi que li coer sont de diverses
oppinions, et se acorda as^^és tos à conforter et conseillier le
roy d'Engleterre et respondi as messagiers englès, si tost
comme il eurent dit et comptet che pour quoy il estoient li
venut, que seloncq rordonnanche (rAlleinaigne li roys d'En-
gleterre avoit grant droit à le couronne de France, et puis-
que li rois englès se retraioit deviers lui par fiableté et pour
sen droit aidier à soustenir et à garder, il ne Ten devoît
mies faillir : « Si dires, ce dist li emperères, au roy d'Engle-
c< terre que fiablernent il me vièpne veoir et jouer et s'es-
te battre dallés moy ; si s'afjuointera des AUemans qui bien
« en ceste besoingne le polront aidier et je l'en aideray a
« aquintier. » Li évesques de LincoUe et li chevalier d'En-
gleterre furent de ces responsces tout joyant et se partirent
EN ALLËVAt^E. 359
amiablement del empereur et del empereis madame Marghe-
rite de Hayilnau, qui au partir en eurent biaux dons et
grans jeuiaux, et s'en revinrent arrière en Engleterre et
recordèrerit au roy comment il avoient esploitié, et don-
nèrent au roy lettres de par l'empereur et aucuns seigneurs
del empire, tels que le marchis de Misse et d'Eurient, le
marchis de Brandebourch et l'archevesque de Mayenche et
celi de Couloigne. Si trouva li roys en leurs escripsions salus
et amistés et touttes proummesses de confort, de quoy il fu
moult resjoys, et bien y eut cause.
Var, prem. réd. — Quant le roy d'Engleterre oy cô que ses
messages lui raportèrent , et le bonnç volenté, que ces trois
princes avoient de lui conforter à son fait, il en fu moult lies.
Et sur le conseil du conte de Haynnau s'arrestèrent que haati-
vement il envoièrent devers le roy d'Alemaigne. Si y envoya
ung prélat et trois grans barons pour traitier ceste besongne.
Si enprirent ceste besongne Févesque de Nicolle, le sire de
Stanfort, le sign'eur de le Ware et le sire de Mitonne. Si
montèrent en mer en le Tamise à Londres, et singlèrent tant
qu'ils vinrent en Holandes à Dourdrech. Si furent là deux
jours. Au tierch montèrent à cheval. Si chevaucèrent tant
qu'ils vinrent en Alemaigne à Convelence, là où l'empereur et
Temperesse estoient , qui grandement les rechurent et fes-
tièrent. Loys de Baivière ,•. roy d' Alemaigne et empereur des
Romains pour temps, n'avoit point en grant chierté le roy
de France, par aucunes raisons, par quoy il s'acorda légiè-
rement à conforter le roy d'Engleterre, et respondy aux mes-
sagiers, sitost qu'ils eurent dit : « Selon les drois de l'em-
t pire, il nous samble que le roy d'Engleterre a droit à
€ l'éritage de France. • Et là où le roy lui requéroit ayde
pour son droit poursievir, il ne lui devoit, ne voloit falir ; t Si
« dires au roy d'Engleterre que fiablement il me viengne veoir
c et esbatre dalés moi, si s'acointera des Alemans, et je l'en
5()0 PHILIPPE D£ VALOIS
c aideraj aussj. » De cestc respoirsse furent les seigneurs
messagiors moult lies, et prinrcut congiet et se partirent de
rem|)oreur et de Icmpcresse, madame Marguerite de Hajrnnau,
qui au départir leur donna beaux dons pour Tamour de sa soer
la i*oyne d'Engloterrc, et eulx revenus oultre, recordèrent leur
message et baillèrent les lotti-es au roj, venans de Tempereur
et d'aultres seigneurs, tels que le marquis ,de Misse et d*Ea-
riimt, le manjuis de Brandebourch, Farcevesque de Maîenoe et
celuy do Coulongne. Si trouva le roy en leurs escripcions salus
et amistés et toutes promesses de confort et d'ayde, dont il ta
moult lies. Sacbiés que sur ces pourchas que le roy d'Engle-
terre faisoit, en vint aucune congnoissance au roy Phelippe,
comment il se proposoit à guerroier et (|uUl aquéroit amis à
tous lés. Si se doybta, et nonpourquant il n'en ûdsoit point
grant conte, car il cstoit gi'ans et puissans, et pau doubtoit la
puissance des Englès.
Ainsi se pourvéoit li rois d'Engleterre quoiement et secrè-
tement, et aquéroit amis en l'empire cheux que avoir en povoît,
et souvent parloit à monseigneur Robert d*Ârtois, au conte
de Lancastre, au conte de le Marce, au conte de Pennebrucq,
au conte de Northantone et à ses plus privés et espécials
amis, comment de ceste.haulte et grande entrepresure qu'il
désiroit et espéroit à faire, il se niaintenroit. Si l'en conseil-
loient loyaumraent chacun seloncq advis, et entendi li roys
Phelippes de Franche une partie des affaires et pourcas le
roy d'Engleterre et comment il le proposoit à gherryer, et
que il acquéroit amis de tous lés en l'empire : si se doubta
ung peu li roys de Franche. Nonpourquant il n'en fist mie»
trop grant compte, car ghaires n'amiroit à che dont le»
Englès, ne leur puissanche. Or avés-vous oy recorder chy-
dessus comment il avoit et par grant dévotion empris le
croix pour aller oultre-mer - en le Sainte-Terre sus les
RBMOMCfi A SA CROISADE. 3t>l
ennemis de Dieu, et estoit jà préchie par le crestiennetë
et moult de bonnes gens Tavoieut pris, qui cuidoient que le
Yoiaigés se deuist faire; mais il fu dit ainssi au roy de
Franche que s'il wuidoit son royaumme il feroit folie sur
Yostdt et parolles qu'il ooit tous les jours dire et recorder
dou roy englès. Ossi li Sains-Pères li defiendit et dispenssa
et tous chiaux qui le croix avoient pris, et furent les pour-
véanches qui à Marselle, à Aiguesmortes, àNerbonne et au
port de Lates estoient, ailleurs employées.
Sec. réd. — Or vinrent ces nouvelles en France et moute-
plyêront petit à petit, que li rois englès supposoit et entendoit
à avoir grant droit à le couronne de France; et fu li rois Phe-
lippes enfourmés et avisés de ses plus espéciauls et grans amis,
que, s*il aloit ou voiage d*oultre mer qu'il avoit empris, il mette-
roi t son royaulme en très-grant aventure, et qu'il ne pooit faire,
ne esploitier ' milleure painne* que de garder ses gens et ce qui
sien estoit, dont il tenoit le possession et qui devoit retourner
à ses enfans. Si se refroida grandement de celle crois emprise
et préecie, et contremanda ses officyers qui ses pourvéances
. faisoient si grandes et si grosses que merveilles seroit à penser,
jusques atant qu'il aroit veu de quel piet li rois englès vorroit
alcr avant, qui mies ne se refroidoit de lui pourveir et appareil-
lier, seloncli le conseil que si homme li avoient raporté dou
conte de Haynau.
En ce temps se tenoit li contes Loys de Flandres à Gand
et tenoit à amour les Flammens ce qu'il pooit, car li roys
de Franche l'en prioit et li enjoindoit et qu'il gardast bien
les frontières de le mer à che costet par quoy li Englès n'y
euissent nul avantaige. Chils contes de Flandres estoit bons
Franchois et loyaux et moult amoit le roy Phelippe et bien
*•• Meilleur point.
562 INTERRtjPTION I^ CÛÉttEKCE ^
y avoit raison, carliroys avoitle conte remis en Flandres
^ par puissance *, quant il desconfi les Flammens à Cassiel,
sicomme vous ayés oy chy devant en Vistoire del couronne-
ment le roy Phelippe.
Li roys d'Engleterre qui aquéroit amis à tous lés pour
ses besoingnes embellir,' entendy que 11 contes de Flandres
tenoit couvertement saudoyers et escumeurs sur mer qui
costioient à le fois Engleterre, et quant il veoient leur plus
biel,si s'abandonnoiént à gaignier ung vassiel ou deux, se il.
le trouvoient. Dont mist li roys d'Engleterre gens sur mer
pour son pays et les marcheans deffendiie et garder des
périls des escumeurs de mer. Encoires flst li roys englès,
piar i'ordonnanche de son consseil et pour constraindre les
Flammens et mettre en son dangier, clore tous les pas
d^Engleterre et deffendre que nuls n'envoiast, ne vendesist,
ne amenast nulles lainnes englesces en Flandres, ne as
Flammens, afin que il n'euissent de quoy drapper, et les
flst li roys touttes en son nom achater -et amener en cer-
tains lieux pour lui et sur lui et ses gens payer. Mais
nulles n'en venoient en Flandres, dont li drapperie et li
gaagne dou mestier commencha moult à afoiblif et à amen-
rir et moult de mesnus gens à apovrir, car on n'avoit en
Flandres de quoy drapper, et sans le draperie c'est ungs pays
qui petitement se puei déduire; et wuidoient li honneste
homme del contet de Flandres et venoient en Haynnau, en
Artois et en Cambrésis, mendiant par deffaute dou gai-
gnage, et mandoit bien li roys d'Engleterre tous les jours
as Flammens que il leur toroit leur proufïit et le marchan-
dise s'il n'estoient de son accord : de quoy les bonnes villes
de Flandres eurent par pluiseurs fois moult de parlemens
enssanble, assavoir comment il s'en maintenroient, et vol-
*** Par force.
ENTRE L' ANGLETERRE ET LA FLANDRE. 363
sissent bien li aucun que il tenissent à amour le roy d'En-
gîeterre, car plus de prouffit leur pooit venir de ce costet
que de, Franche, mes li contes de Flandres leurs sires estoit
le plus à leurs conssaux et parlemens, et brisoit tous les
proupos qui bons estoient au commun pourflt don pays en
tant que d*estre contraire à le couronne de Franche.
Var, p'em. réd. — Adont fist le conte de Flandres couver-
, tement aler sodoiers sur mer , qui costioient les marches
d'Engleterre, et quant ils veoient leur plus bel, il s'adonnoient
à gaignier ung vaissel ou deux, se il le trouvoient. En ce temps
mist le roy d'Engleterre gens sus mer, pour son pays et les
marches à garder des péris des escumeurs de mer. Encore par
Tordomiance de son conseil, et pour constraindre les Flamens
et mettre en son dangier, il fist clore tous les pas d'Engleterre
et deffendre que nuls n'y envoiast, ne vendist laines, ne aultres
denrées, affin que le commun qui n'avoient de quoy ouvrer, se
courouçaissent. Et quant ce eut un terme duret, marchandise
et drapperie empira durement, et les gens de mestier commen-
cèrent fort à apovrir, car ils n'avoient de quoy ouvrer, et pai'
espécial de drapperie, et sans ce ne se pooient longuement bien
maintenir. Si widoient assés d'honnestes gens et s'en aloient
mendier et demeurer en Hfiynnau, en Brabant, eu Artois et
en aultres pluiseurs lieux. Si mandoit le roy d'Engleterre
souvent aux bonnes villes que, s'il n'estoient de son accort,
il les tenroit encores en plus grant dangier, pour quoy les
bonnes villes furent ensamble pluiseurs fois à parlement, pour
savoir comment ils se poroient maintenir. Et voulsissent bien
les pluiseurs que on tenist le roy d'Engleterre à amour ainchois
que celui de France, car plus grant prouffit leur en pooit
venir; mais le conte de Flandres se metoit songneusement
en leurs consaulx et leur brisoit leurs propos qui estoient à leur
commun proufit.
Encorres n'y avoit entre les II roys nulles deffianches
364 MÉDIATION POUR LA PAIX.
fors que murmurations et suspicions de guerre, et posessoit
encoires li rois d'Engleterre le conté de Pontieu qu'il tenoit^
de par medame se mère et pluiseurs terres ailleurs en Gas-
i coingne et enNormendie, et vous di bien pour certain que il
; avoit pluiseurs ymaginasions sur ceste emprise, quoique
messires Robiers d'Artois li conseillast et fust sus le col
j qu'il renvoiast * son hommaige au roy Phelippe et le def-
I flast apperteraent, car li roys d'Engleterre sentoit son
{ royaumme petit ou regard del royaumme de Franche : si
I voloit ceste cose faire par grant délibération et bon advis de
\ consseil, ^ ainchois que il esmeuist cose où il peuist recep-
j voir point de dommage V
j Or avint ensi que li papes Bénédic et li collèges de
"î^ Romme qui lors se tenoient en Avignon, par le promotion
I et pourcach d'aucuns bonnes gens, seigneurs et dames,
: de quoy je oy nommer le roy de Behaingne, le duc de
Lorainne, le conte de Bar et le conte de Namur, et medame
Jehanne de Vallois, contesse de Haynnau, et madame la
contesse de Soissons, femme à monseigneur Jehan de
Haynnau, et medame de Garenne, soer au conte de Bar, qui
estoit mariée en Engleterre au conte de Pennebroucq, qui
les périls et les gherres redoubtoient entre leurs prochains
de France et d'Engleterre et ^ les mésavenues qui venir en
pooient ®, envoyèrent II cardinaux à Paris pour tretier
deviers le roy Phelippe que il se volsist acorder à che que
uns parlement des deux rois se fesist et mesist ensamble
de leurs plus grans barons et plus sages, et oyssent les Fraur
chois les demandes dou roy d'Engleterre ; et se aucun droit
avoit en Tiretaige de Franche, par le bon avis de chiaux qui
* En foy et«n hommage du roy. -^ ' Hastivement. — *•* Ainchois
qu'il entreprist chose leur il presist blasme, ne damage. — '"* Le
grant domaige et meschief qui en pooit advenir.
LES ENVOYÉS ANGLAIS A TALENC1£NNES. 365
cargiet en seroient, satisfaction et apaisemens l'en fuissent '
fais. Tant traitièrent li cardinal au roy de 'Franche avoecq
leurs moyens que il s'àsenti ad ce que parlemens s'en fesist,
et fu ceste cose tant démenée que li roys d'Engleterre s'i
acorda et devoit envoyer à' Valenchiennes gens souflSsans
pour lui à oyr et respondre ^ as ententes * des Franchois,
et li rois de France devoit ossi là envoyer gens de par lui
bien fondés et advisés de respondre as oppinions et demandes
des Englès, et dévoient chil estre puissans d'acorder les
II rois par l'avis et consseil dou conte Guillaumme de
Haynnau, ^ devant qui toutes les besoingnes seroient pro-
posées *.
Adont envoya li roys d'Engleterre par dechà le mer
X chevaliers banerès de sen pays et X autres et l'évesque
Se LincoUe et cesti de Durem, et vinrent à Valen-
chiennes et se représentèrent au conte qui les rechupt à
joie, et faisoient chil seigneur d'Engleterre grans frès et
grans despens, et tenoient bon estât et tant de larghèches
qu'il en acquisent grant grasce. En ce meysme temps fist li
contes de Haynnau, Guillaumme son fil, chevalier, à le Salle
à Valenchiennes, et y eut grant festes et grant joustes des
EngLès et des Haynnuyers et des Braibenchons et fu à une •
Pentecouste l'an mil CCC.XXXVI. Assés tost apriès fu fès
li mariaiges de ce jovène seigneur, le fil dou conte, à
medame Jehanne, aiunée fille au duc Jehan de Braibant.
Enssi se tenoient chil seigneur d'Engleterre en Vallen-
chiennes et aloicnt de l'un à l'autre et souvent visitant le
conte Guillaume de Haynnau qui par heures estoit moult
agrevés de le maladie des gouttes et se logeoit en l'ostel de
Hollandes, et atendoient chil seigneurs les barons et sei-
* * Aux raisons. — '* Sur qui toute ceste chose fu tournée.
366 LES ENYOYÉS ANGLAIS
gneurs de Franche que li roys Phelippes y devoit envoyer
et point ne venoient, dont il estoient durement esmenrilUet
à quoy ce tenoit qu'il ne venoient, si en parlementèrent par
pluiseurs fois ensamble et devant le conte auquel il pryèrent
que il volsist medame la contesse sa femme et monseigneur
Jehan de Haynnau son frère enviers le roy de Franche
envoyer, pour savoir à quoy il tendoit, ne que il espéroit,
ne volloit faire. Si empria li dis contes madame sa' femme
et le seigneur de Biaumont son frère que il volsissent aller
en che voiaîge, et il li acordèrent vollentiers.
Lors se partirent de Haynnau medame Jehanne de Val-
lois et messires Jehan de Biaumont et chevauchièrent en
bon arroy (leviers Franche, et tant esploitièrent par leurs
journées qu'il vinrent à Paris, et là trouvèrent-il le roy qui
les rechupt à joie ; et festia et honnoura moult madame sa
soer et monseigneur Jehan de Haynnau. Âdont disent-il as
roy le matère pour quoy il estoient là venu, et que en partie
pour sen honneur escuser et le consseil d*Engleterre
apaisier qui à grans frès séjoumoient en Vallenchiennes et
là environ, li conte de Haynnau les avoit envoyet. Dont
respondy li roys de France et dist : « Ma belle soer et vous,
« sire de Biaumont, voirs est que , par aucuns moyens et
« espécialement des gens del église qui de ce se sont enson-
« niet, je m'acorday ad ce que d'envoyer à Valeûchiennes
« aucuns nobles de mon royaumme pour parlementer as
« Englès. Or me sont depuis autres nouvelles revenues et ay
« eu pluiseurs parlemens de mes plus espéciaulx amis sur
« ces besoingnes. De quoy, tout considéré et ymaginé les
« affaires, j'ay trouvet en mon consseil que de là envoyer
« je ne sui en riens tenus et que se je le faisoie ou euisse
« fet, che euist est^ît ou seroit à mon blamme et grande-
« ment au préjudisce de mon royaumme ; car li roys d'En-
A YALENCl&miS. 367
« gleterre n*a nul droit de caleuge, ne de partir à mon hire-
« taige, j*en sui en possession et y fui mis par Tassent et
« acord et le élection des XII pers de Franche et des barons
« et le consseil et acord des prëlas et bonnes villes . Sit enraj
(c pour my et le deffenderay à mon pooir contre tout homme,
a et ces raisons j*ay envoyé proposer devant le Saint-
« Père et le collège de Romme, qui assés bien maintcmant
tt s*en contentent, et ne troeve par nul clerc de droit que
« j*en doie autre cose faire. » A ces paroUes respondi
madame Jehanne de Vallois qui les périls doubtoit entre
son frère le roy et son fil le roy d'Engleterre , et dist :
a Monseigneur, je ne tieng mies que li roys d*Engleterre
« tire, ne voeil tendre, ne entendre dou tout entirement à
« le couronne de Franche, mes se par proïsmeté de medame
« se mère il y a aucuns drois et quMl n*ait point estet bien
« parti des hiretaiges, sans vostre honneur amenrir, vous
a fériés bien se vous y volliés regarder, par quoy vous de-
ce morissiés bien amis enssamble ; car, se Dieux me vaille,
(c la gherre et la haynue entre vous qui estes li doi plus
c< grant roy de tout le monde, y seroit trop mal séant. Si
« vous prie chièremeut que vous voeilliés descendre ad ce
« que je soie oïe et que vous envoyés vostre consseil à Valen-
ce chiennes pour aprochier toutte bonne amour entre vous
ce et le roy d'Engleterre. » Lôrs respondi li roys de Franche
(|u'il en aroit ad vis. .
Sus ceste darrainne responsce se départirent del roy la
contcsse de Haynnau et messires Jehans de Biaumont, et re-
vinrent à leurs hostels et laissièrent depuis le roydeFranche
par Tespasse de III jours adviser et conseillier, liquels tina-
blement ne trouva point en son consseil que il y envoiast, car
se il le feist, il donroit à entendre au roy d'Ëngleterre que il
n*avoit aucun droit en ceste querelle, et tout ensi en respou-
368 LES EMTOYÉS ANGLAIS
dit à sa soer et au seigneur de Biaumont. Et quant il virent
qu'il n'en aroient autre cose, si prissent congiet au roy et se
partirent de lui et s'en repairièrent arrière en Haynnau et
tout droit à Valenchiennes, et trouvèrent le conte en l'ostel
de Hollandes, à qui il disent et recordèrent leurs nouvelles,
et quant li contes les oy, il manda les Englès et fist, présent
yaux, à madame se fen^me et à monseigneur Jehan son
frère dire et compter tout che qu'il avoient trouvet en
Franche. Si en furent li Englès bien esmervilliet et mal-,
content sus le roy de France et son consseil, mais il ne le
peurent amender. Lors demandèrent consseil au conte de
Haynnau qu'il en estoit bon à faire, et li contes leur res-
pondi qu'il savoient bien sur quel estât il estoient parti
dou roy leur seigneur et que seloncq ce il s'avisassent, ou
il desissent toutes leurs enteritions ou au plus priés que dire
le poroient, il les en aideroit voUentiers à conseiller. Adont
respondi li évesque de Lincolle et dist ensi : « Sire, c'est li
« eutention del roy nostre seigneur et de son plus espécial
« consseil de par delà que, se li roy de Franche euist chy
. « envoyet barons, prélas et son consseil de par lui, et nous
a n'euissiens estetd'acord, que nous seuissiens, présent vous,
« quel affection li seigneur de l'empire qui confort et ayde
« li ont proummis, ont de lui aidier, par quoi il se pourveist
« seloncq che ; car, nous revenu en Engleterre, il ne vora
« point plentet séjourner qu'il ne guérie. Or en i a chy
a aucuns del empire, et tout n'y sont mies chil que nous
« voulions avoir et veoir. Si verions volentiers qu'il fuissent
a mandet au title de vous et de nous ossi, et euissiens par-
a lement enssamble, par quoy nostre voie fuist employée
« en aucune mannière. j> Lors respondi li contes de Hayn-
nau et dist : « Vous parlés bien et c'est une bonne voie, si
« le ferons enssi et sans séjour. »
A YALEMCIENlfBS. 509
Dont escripsirent et d'un acord li contes de Haynnau et
!i baron d'Engleterre comme messagiers de par le roy
ongles à aucuns seigneurs del empire et à tels comme au
conte de Guéries, au marchis de Jullers, à Tarcevesque de
Couloigne, à monseigneur Gallerant son frère, au marchis
de Blancquebourch que il volsissent venir en Haynnau et
jusques à Valenchiennes devant le conte à ung parlement
qui estré y devoit. Chil qui pryet en furent, ne se vorent
point escuser et rescripsirent qu'il y seroient bien et vol-
len tiers au jour qui ordonnet y estoit.
Var. prem. réd. — Dont envoia le roy d*£ngleterre deçà la
mer dix chevaliers banerès de son pays et dix autres : Tévesque
de LincoUe, Tévesque de Durem et d'aultres gentils hommes.
Si vinrent en moult grant estât à Valenchiennes et si présen-
tèrent devers le conte qui les rechupt à joie. Ceulx faisoient
grans frais et grans despens et tenoient grant estât. Ce temps
durant fist le conte Willamme son fil chevalier. Si y eut moult
grant feste. Tantost après le maria à madamme Jehanne, aisnée
fille du duc de Brabant. Ainsi furent là pluisieurs jours ces sei-
gneurs d'Engleterre, atendant les seigneurs et conseil de France
que le roy y devoit envoier ; mais point ne vendent, dont ils
cstoient moult esmervillié. Si en parloient et murmuroient
grandement, tant qu ils vinrent devant le conte, en luy priant
qu'il volsist envoier en France devers le roy pour savoir à quoj
il tenoit, ne qu'il voloit faire. Adont pria le conte madame sa
femme et monseigneur Jehan son frère pour y aler, lesquels y
alèrent volontiers. Lors se partiront de Valenchiennes dame
Jehanne de Valois et messire Jehan de Beaumont son frère, et
entrèrent en Paris en bon aroy, leur il trouvèrent le roy qui les
rechupt à grant joie, et moult festia madame sa seur et mon-
seigneur Jehan de Beaumont. Après ce, contèrent au roy tout
leur message, et par espécial pour son honneur garder et les
Knglois apaisier, auxquels sembloit que on fesist villonie, et
I. — niOlStABT. 14
370 LES EKTOYÉS ANGLAIS
en disant : « Pour ce cas summes-nous cy venus, i Et quant ils
eurent toute leur intencion ditte, le roy respondy en disant : '
« Ma belle seur, et vous, sire de Beaumont, vray est que par
« aucuns moyens, en espécial des parsonnes d*église, je m'acor-
€ day en ce que d envoier à Valenciennes. Or me sont aultres
« nouvelles et consaulx venus de mes plus espécials amis sur ces
• besongnes, de quoy, tout considéré, j'ay trouvé que de là en-
€ voier je n'y sui riens tenus ; et se je le faisoie, ce seroit gran-
€ dément à mon blasme et au préjudice de mon royalme, car le
1 roy d'Engleterre n'a nul droit en mon pays ; j en suy en la
€ possession, et y suy mis par Fassens de tous les pers de
« France. Si tenray ce droit pour moy et deffenderay, s'il
€ m'estoit calengiés, contre tout homme. Et ces raisons j'ay
< envoie devant nostre Saint Père et collège, qui bien s'i
c assentjnt, et ne treuvent par nuls clers de droit que je doie'
< autre chose faire. » A ces parolles respondy madame sa seur,
qui les périls doubtoit entre son frère le roy et son fils le roy
Édouwart, et dist : t Monseigneur, je ne tieng point que le roy
« d'Engleterre tende, ne tire plàinement à le couronne de
c France ; mais par la proïsmeté de madame sa mère, s'aucuns
€ drois devoit avoir aux héritages, salve vostre honneur, vous
1 fériés bien se vous consenties que aucunement il y fust war-
€ dés, et par quoy vous demourissiés bon amy, qui estes si grans
« et si prochain amy. Si vous prie chièrement à ce que je soie
c oye de vous , et que vous veulliés vostre conseil envoier à
c Valenciennes comme en convent l'avés. » Lors respondy le
roy qu'il en aroit ad vis. A ceste response se partirent du roy et
revinrent à leurs hostclx, et le laissèrent ensy, pour luy con-
seillier, l'espasse de trois jours. Et quant revinrent vers luy, il
dist finablement qu'il ne trouvoit point qu il le deuist faire ; car
s'il le faisoit, il donroit à entendre au roy d'Engleterre qu'il
euist aucu|,i droit à ceste querelle. Et quant il virent que aultre
response n'en pooicnt avoir, il prirent congiet et retournèrent
à Valencliiennes devers le conte et les Englès. Si contèrent tout
ce que le roy leur avoit dit et respondu. Et quant les Englès
A yALENClKVNES. 371
oyreiit le responce, 8 en eurent grant merveille, et s'en tinrent
moult mal content du roy de France. Lors demandèrent conseil
au conte, et le conte leur respondi : • Vous savez bien sur quel
« estât vous estes partj du roy vo seigneur, et vous veés que
t vous avez trouvé. Si len dittes la vérité, et sur ce il ait
« advis. » Dont dist le vasque de NicoUe : • Sire, nous savons
« biou que , quant nous revenrons par delà , messire le roy ne
• l'equerra aultre conseil que de faire guerre au plus tost qu il
• porra, considéré ce que nous avons trouvé. Si nous sembleroit
c bon que, à vo titre, fuissent mandé, de par le roy et de par
c vous, aucuns des seigneurs de TEmpire, affin qu^ils venissent
c en lieu où vous et nous poussons parler à eulx, pour eulx
c prier qu*il soient prest de faire le confort qu^il ont promis au
c roy no seigneur. > Adont dist le conte : c Vous conseilliés
< bien ; si le ferons ainsi, t Dont escriprent d'un accort le conte
de Haynnau et les seigneurs d'Engleterre, comme messagiers
de par le roy d'Engleterre, à aucuns des seigneurs de FEmpire,
tels que au duc de Guéries, au niarquis de Jullers, à Tarcevesque
de Coulongne, à monseigneur Galleran son frère et au marquis
de Brandebourch , que ils volsissent venir en Haynnau jusques
à Valenchiennes devant le conte , à ung parlement qui estre y
devoit. Ceulx qui priet furent , ne s'escusèrent point , mais
escriprent qu'il y seroient volontiers au jour.
Sec.réd. — Li rois englès fist, assés tost apriès ce que Tévesques
de Lineole fu revenu en Engleterre, ordonner et apparillier X
chovaliers banerès et XL aultres chevaliers jones bachelers et les
onvoia à grans frès, par deçà le mer, droit à Valencienes, et
révesque de Lineole, qui fu moult vaiUans homs, avoec euls, en
rause que pour trettier à œs signeurs de TEmpire que li contes
do Haynau leur avoit dénommés , et pour faire tout ce qu^il et
messires Jehans ses frères en consilleroient. Quant il furent
venu à Valencienes, cascuns les regardoit à grans merveilles,
pour le biel et grant estât qu'il maintenoient, sans riens espar-
gnier, nient plus que se li corps dou roy d'Engleterre y fust en
37â LES ENVOYÉS ANGLAIS
propre personne, dont il acquéroient grant grasce et grant
renommée. Et si y avoit entre jaus pluisieurs bachelers qui
avoient cascuns un oel couvert de drap, par quoi il n'en peuist
veoir ; et disoit-on que cil avoient voet entre dames de leur pays,
que jamais ne verroient que d'un œil jusques adont qu'il aroient
fait aucunes proèces de leurs corps ens ou royaulme de France ,
lesquels il pe voloient mies cognoistre à chiaus qui leur en
demandoient : si en avoit cascuns très-grans merveilles.
Quant il furent assés festyet et honnouret à Valehcienes, dou
conte de Haynau, de monsigneur Jehan de Haynau son frère et
des signeurs et chevaliers dou pays, et ossi des bourgois et des
dames de Valencienes, li dis évesques de Lincolle et li plus grant
partie d'yaus se traisent par devers le duch de Braibant, par le
conseil dou conte dessusdit. Si les festia li dus assés souffissam-
ment, car bien le savoit faire ; et puis se accordèrent si belle-
ment au duch que il eut en convenant de soustenir le roy son
cousin et toutes ses gens en son pays , car faire le devoit, c'estoit
ôes cousins germains ; si pooit venir et aler et demorer, armés
et désarmés, toutes fois qu'il li plairoit ; et avoec ce il leur eut
en convent, par tout son conseil et parmi une certaine somme
de florins, que, se li rois englès ses cousins voloit le roy de
France deffyer soufllssamment et entrer à force en son royalme
et se il pooit avoir Tacord et l'ayde de ces signeurs d'Alemagne
deseure nommés, il le deflîcroit ossi et iroit avoech lui atout
M armeures de fier. Ensi leur eut-il en convent par sa créante,
de quoy il cancela et détria puis assés, sicom vous orés avant
en Thystore.
Quant li dus de Braibant ot fait ses convenances à ces
signeurs d'Engleterre, sicom vous avés oy, il s avisa que li
rois de France aultrefois li avoit fait contraire : si se doubta
qu'il ne fust durement in fourmes contre lui, à Tocquison des
Englès, et que se il avenoit que li ôntrepresure que li rois d'En-
gleterre avoit emprise, ne venist avant ou ne venist à bon chief,
que li rois de France ne le volsist guerryer et li fesist compa-
rer che que li aultre aroient acordet. Si envoia de son conseil
A TALKNCIBieiES.
375
au roy de tYance monsigneur Loeis de Cranehen, sage chevalier
durement, et pluiseurs aultres avoeeh lui, pour lui excuser et
pour prjer au roy qu il ne volsist croire nulle mauvaise infor-
mation contre lui , car moult aenvis il feroit nnlle alliance, ne
convenance encontre lui; mais li rois d*Engleterre estoit ses
cousins germains, se ne li pooit bonnement escondire sa venue
dedens son pays, de lui, ne de ses gens, leurs frais paians, mais
plus avant il n*en feroit riens qui deuist estre au desplaisir dou
roy. Li rois le crey à celle fois ; si s^en apaisa atant. Et toutes-
voies li ducs ne laissa mies pour ce, qu*il ne retenist des gens
d'armes en BraiUant et ailleurs là où il les p<x>it, ne pensoit à
avoir, jusques à le somme que oonvenaneiet avoit au roi d^En-
gleterre.
Quatr, réd. — Quant 11 rois d^Engleterre et son consel orent
entendu Tévesque de Lincolle et>ceu]s que il avoient envoyet
en Hainnau deviers le conte et la response que faite lor avoit,
si on furent tout resjoy et pensèrent sus comment il poroient
procéder en ces besongnes et regardèrent, tout considéret, que
li contes lor donnoit bon consel. Avisé fu telle fois ou commen-
cement de lor consel que li rois d'Engleterre passeroit la mer à
une quantité des nobles de son païs et venroit en Hainnau et
en Braibant, en Guéries et en JuUers, et feroit ils-meismes
tous ces pourcas par le consel que il aueroit de son grant
signeur le conte de Hainnau, et puis fu chils consauls brissiés,
et regardèrent chil qui le consilloient, que il nM avoit encores
que faire jusques à tant que on aueroit tretié deviers euls et que
on saueroit la volenté des Aiemans. Si furent ordonné 11 évesques
de Lincolle et li évesques de Durem, li contes de Warvich, mes-
sires Renauls de Gobehen, messires Richars de Stanfort, li sires
de Felleton et li sires de Sulli à passer la mer et venir à Valen-
chiennes et parler au conte et faire apriès son consel et tretyer
au duch de Braibant et à tous ceuls desquels il poroient estre aidié
et conforté. Si ordonnèrent tout chil signeur lors besongnes et
oargièrent lors vassiaus sus la rivière de la Tamise de tout ce
374 LES ENVOYÉS ANGLAIS
que il lor besongnoit, et estoit lor intension que de prendre
terre en Anwiers, car point ne voloient passer par France. Et
emportoient chil signeur en deniers tous apparilliés cent mille
florins pour tenir lor estât et pour donner des dons là où il
apertenroit à faire, car bien savoient que Alemans sont dure-
ment convoiteus et ne font riens, se ce n'est pour les deniers.
Quant toutes lors besongnes furent aparillies et U vassiel
cargiet, il entrèrent dedens et esquipèrent en mer et ancrèrent
de ceste marée devant Gravesandes, et quant la mer fu revC'»
nue, il dèsancrèrent et se partirent, et orent vent à volenté et
entrèrent en la mer et singlèrent et ne furent depuis que deus
jours sus mer que il vinrent à Dourdrèst en Hollandes et là
issirent-il des vassiaus et furent li bien venu en la ville. On
' mist hors li chevaus petit à petit, et se rafresquirent en la ville
de Dourdrèst quatre jours et se pourveirent de chevaus chil
qui nuls n'en avoient; et quant toutes lors besongnes furent
prestes, il se départirent en grant arroi et monstroient bien
à Testât que il tenoient, que.il avoient or et argent assés, et
cevauciérent à petites journées et à grans despens et ne s'ares-
tèrent chil signeur nulle part, si furent venu à Valençhiennes ;
car de tout ce que il avoient à faire, il se voloient ordonûar
de par le conte de Hainnau. Quant il furent venu à Valen-
çhiennes, il se logièrent à leur aise et furent recheu à joie,
et les regardoient toutes gens à mervelles pour le grant estât
que il tenoient, car il n'espargnoient nulles riens non plus que
argent lor apleuist des nues, et acatoient toutes coses le pris
que on lor faisoit : dont il avint que quant li signeur qui la
ville de Valençhiennes gouvernoient pour ce temps, en veirent
la manière, il missent par ban et sus painne à toutes coses
fuer et pris raisonnable, et tant que Ji Énglois s en conten-
tèrent grandement, et estoit li évesques de Lincole logiés es
Jacobins, et li évesques de Durem as Frères Meneurs.
Pour ces jours estoit de tous poins alités li contes Guil-
laumes de Hainnau de la maladie des goûtes, mais il avoit
tous ses sens avoecques lui, et aussi naturelment donnoit bon
A YALENCIËNPŒS. 575
consel que onqnes fait il avoit endevant sa maladie , et furent
cbil signeur d'Engleterre requelliet moult doucement de IL et
de la contesse sa femme et de Guillaume lor fil et de messire
Jehan de Hdnnau , et aloient li dit signeur, tant des prélas
comme des barons, veoir le conte et parler à lui des besongnes
pour lesquelles il estoient là enTojet, et li contes les en con-
silloit loiament à son pooir, et à tous lors consauls estoit
apellés messires Jehans de Hiainnau, (c'estoit raison), comme
homme de fief et d^ommage et de foi et serment au roi d*En*
gîeterre.
Pour ce temps avoit li contes de Hainnau une haine cou-
verte moult grande deviers son serourge le roi Phelippe de
France ; je vous dirai quelle et pourquoi. La terre et signourie
de Crièvecoer en Cambrésis avoit oouru à ven^age, et quant
elle i fu mise, les premières offres en furent données au conte
de Hainnau, et ensi de la terre et signourie dou chastiel c'en
dist Alues en Pailluel , séant sus la rivière de la Sensée sus
les frontières d* Artois et de Douai, et quidoit bien li contes de
Hainnau ces deus terres avoir acatées. et estoient li denier
tout prest pour les payer, quant li rois Phelippes fu enfourmés
de ceste marceandise. Jehans ses fils, qui estoit dus de Nor-
mandie et daufins de Vienne, se t^aist avant et reféri sus ce
marchié par le commandement dou roi son père et acata en
lempire ces terres desus dittes, dont li contes de Hainnau fu
trop grandement courouchiés et dist et jura que de la vilennie
que ses serourges li avoit fait, il len souvenroit et li remonste-
rôit durement quant il chéiroit à point, et eschéi que les nou-
velles de ces promotions dou roi d'Ëngleterre à la calenge de
France se boutèrent avant et desquelles coses on li demandoit
le consel, en Tannée proprement quant 11 vendage et li achat
des hiretages desus dis furent fait. Si en estoit 11 contes plus
tenres et plus enclins à estre tos courouciés, et lors secrètement
il remonstra son mautalent, car se il euist ausâi bien, en son
commencement de ces nouvelles, abatu les paroles et les oppi-
nioBS das Englois que il les esleva, phuaseurs gens dient que
37ti LES BNVOYÉS ANGLAIS
de la guerre de France et d'Engleterre qui tant a duret et
coustet, riens n'en euist esté; mais, ensi que on peut dire
et supposer, ce qui doit avenir, nul ne puet brissier, ne
oster.
Çhil signeur d*Engleterre qui estoient venu à Yalenchiennes
veoir le conte de Hainnau et qui tout s'ordonnoient apriès son
consel, tenoient aussi grant estât que dont que se li rois d*En-
gleterre i fust en propre personne, et acquéroient grant grâce
et grant renommée, et là avoit entre euls pluiseurs bacelers,
liquel avoient casquns un oel couvert d'un petit de blance
toille à manière d'un plastriel par quoi il n'en peuist veoir; et
disoient pluisseurs gens qui les regardoient, que chil chevalier
et esquier avoient voet entre dames de lors païs que jamais ne
veroient que d^un oel jusques à tant que il aueroient fait
auqunes proèces d'armes de lors corps ens ou roiaulme de
France, lesquelles coses il ne voloient pas congnoistre à ceuls
qui lor en demandoient. Quant il furent assés festojet et hon-
nouret à Yalenchiennes dou conte de Hainnau et de la contesse
et de son âl et de messire Jehan de Hainnau et des chevaliers
et esquiers dou païs , et il eurent apris et retenu le consel '
doudit conte de leur ordenance et quelle cose il dévoient faire
et comment il se maintenroient, li évesques de Lincole et li
contes d'Arondiel et 11 contes de Norhantonne et messires
Renauls de Gobehem et messires Richars de Stanfort et les
aultres signeurs d'Engleterre se départirent de Yalenchiennes
en grant arroi et estât, et s'en vinrent à Louvaing deviers le
duch Jehan de Braibant, liquels reehut tous ces signeurs moult
grandement et les honnoura et festoia à son pooir, car bien le
sçavoit faire. Il li remonstrèrent moult sagement toute la
matère pourquoi il estoient là venu et issu hors d'Engleterre.
Li dus qui volentiers les oï parler (car il amoit bien son cousin
germain le roi d'Engleterre, et avoit adont entre li et le roi
Phelippe de France un grant différent), s'acorda assés légière-
ment à che que chil signeur d'Engleterre requéroient, et eut
en convenant de soustenir le roi son cousin et toutes ses gens
A VALENGIENNES. 377
en son païs, et lor ottri et acorda que il pooiént aler, venir et
demorer partout sus le sien, armés et désarmés, toutes fois
que il lor plaisoit, et en oultre de servir le roi d'Engleterre,
se en propre personne il passoit la mer, à mille hiaumes cou-
ronnés, et de desfier le roi de France, aussi avant comme
feroient nuls des aultres, se il en pooient avoir Taliance, parmi
uiie certainne somme de florins que il devoit avoir pour li et
pour ses gens. Chil signeur d^Engleterre qui poissance avoient
de tout ce faire (car li rois lors sires lor avoit donnet), escrip-
sirent et séelèrent toutes ces convenances et ce que li dus de
Braibant volt, et retournèrent en la ville de Valenchiennes et
recordk*ent au conte de Hainnau comment il avoient esploitié,
desquels esplois li contes fu tous resjoïs, et lor dist : « Biau
« signeur, puisque vous avés d'acord le duch de Braibant, c*est
« uns grans sires et sages et bien amés de tous ses voisins, je
< espoire que vous auerés assés legièrement le conte de Guéries,
« le marchis de Jullers, Tarcevesque de Coulongne, messire
« Ernoul de Baquehen, le signeur de Fauquemont et tous les
« Alemans : il convient tretyer deviers euls. »
Or devés-vous savoir que entrues que chil pourchas et li
aler se faisoient de pays en autre, aucuns des barons et sei-
gneurs d'Engleterre qui à Valenchiennes estoient venut
comme messagier de par leur roy, chevaucoient à le fois en
Flandres de bonne ville en bonne ville pour yaux aquintier
des bourghois et des Flamens, et tenoient grant estât et fai-
soient grans frès et donnoient biaux disners ens es bonnes
villes où il venoient, afin qu'il en fuissent plus aloset et li
rois d'Engleterre mieux recommandés, et faisoient semer
parolles parmy le pays et les bonnes villes que s'il estoient
amit et accordant au roy d'Engleterre, il seroient très-
riches et paisieules et aroient lanages et drapperies à grant
fuison. Et adont avoit ung chevalier grant c'on apelloit
3T8 LES SNWYÉS ANGLAIS
monseigneur Simon le Courtissien, anchien homme et riche
et qui vollentiers faisoit feste, honneur et compaignie a
touttes gens estrangiers, espêcialement as barons et cheva-
liers d'honneur et de nom. Si compaignoit li dessus dis
Courtissiens ces seigneurs et chevaliers d'Engleterre, quant
il venoient en Gand, et leur faisoit toutte le meilleur com-'
paignie qu'il pooit , dont mal l'en prist , car li roys de
Franche et li contes de Flandres doubtèrent que il ne
volsist atraire les coers des bonnes gens del pays à l'opinion
dou roy englès. Dont pour yaux mieux asseurer, le contes de
Flandres le manda en ung certain lieu. Lui venut au mande-
ment dou conte, il fu pris et saisis et délivrés au conestable
de Flandres et depuis à celui de Fraenche et fu assés tost
apriës décollés, dont grant murmuration en furent ou pays
de Flandres et grans haynes sus Je conte et son consseil,
car il estoit de grans amis, puissans et riches durement.
Depuis le mort dou seigneur Courtissien, li chevalier d'En-
gleterre n'osèrent mies si plaînement aller, ne venir par le
pays de Flandres qu'il faisoient, car il se doubtèrent que
soudainement il ne fuissent pris ou de nuit à lors hostels et
mort par le puîssauche du roy de Franche et dou conte qui
très-loyaux Franchois estoit. Si se tinrent en avant en Hayn-
nau dallés le conte Guillaumme qui bonne chière leur faisoit.
Var, prem. réd. — Or poés croire que dedans ce jour du par-
lement, qui n'estoit mie si tost, ces seigneurs d'Engleterre pour-
cachoient en pluiseurs lieux à le fois en Flandres et es bonnes
villes, pour eulx acointier des plus vaillans bourgois et des com-
muns. Si tenoient grant estât et despandoient largement, et
donnoient grans disners pour toudis aquérir grâce ; et prome-
toient que, se les Flamens estoient amis aux Englès> ils aroient
marchandise et autre amour au roy et au pays. Adont avoit à
Gand ung chevalier que on appelloit messire Simon le Courti-
sien, ancien homme et riche, et qui volontiers festioit et recep-
£N FLANDRE. 379
voit les estrangiers, et espéoia}meQt chevaliers et l)aroA9 d'on*
neur. Si compaignoit ces seigneurs d^Engleterre quant il
venoient à Gand , et leur faisoit toute le bonne c<Hnpaignie qu'il
pooit. Si Ten vint mal ; car le roy de France et le conte de
Flandres en furent infourmés. Si doubtèrent qu'il ne volsiesest
attraire les coers des bonnes gens du pays à le oppinion du roy
d'Engleterre. Dont, pour eulx mieulx asseurer, le conte le
manda à ung certain lieu, Luy venu au mandement , il fu pris
et livrés au conestable de Flandres, et puis à celui de France.
Si fu assez tost après décolés , dont grant murmuracion fu ens
ou pays ; et s en esmurent grant haynne sur le conte et son con-
seil. Car ce fu fait moult hastivement, selon ce qu'il estoit de
grans amis, et puissamment riches homs. Depuis le mort de ce
seigneur, les chevaliers d'Engleterre n'osèrent si à piain hanter
ens ou pays de Flandres. Si se tinrent en Haynaau, dalés le
conte qui bonne chière leur faisoit.
Sec. réd, — Chil signeur d'Engleterre qui estoient envoyet
pardeçà le mer et estoient si honnourablement à Yalencienne^,
com vous avés oy, se apensèrent entre yaus que ce seroit grans
confors pour leur signeur le roy, aelonch ce qu'il voloient entre-
prendre, se il pooient aVoir l'acort des Flamens, qui adont
estoient mal dou roi de France et dou conte leur droit signeur.
Si s'en consillièrent au conte de Haynau qui leur dist que voire-
ment seroit-ce lî plus grans confors qu'il peuissent avoir, mais
il ne pooit veir que il y peuissent proufiter se petit non, se il
n'a voient premièrement acquis le grasce et le faveur de celui
Jakemart d'Àrtevelle *. Il disent qu'il en feroient lourpooir tem-
prement. Assés tost apriès çou il se partirent de Valencienes,
et s'en alèrent vers Flandres , et se départirent, ne sai, en III
ou en IIII routes et s'en alèrent, partie à Bruges, partie à Ippre
et li plus grant partie à Gand , et tout despendant si largement
* Dans* la seconde rédaction , Froissart place avant ce passage celui
où il raconte lorigine de la piÛMance d'Artevelde, Voyez p. 416.
380 LES ENVOYÉS ANGLAIS
qu'il sambloit que argens leur pleuist des nues ; et quéroient
acord partout , et prometoient as uns et as aultres là où on les
consilloit et où il creoient miex employer pour parvenir à leur
entente. Toutesvoies 11 évesques de Lincolle et sa compagnie
qui alèrent à Gand, firent tant, par biel parler et aultrement,
qu'il eurent Tacord, l'acointance et l'amitié de Jakemart d' Arte-
velle, et grant grasce en le ville, et meismement d'un vaillant
chevalier ancyen qui volentiers demoroit à Gand et y estoit
durement amés, si le appelioit-on monsigneur le Courtrisien, et
estoit chevaliers banerès, et le tenoit-on pour le plus preu che-
valier de Flandres et pour le plus vaillant homme et qui le
plus hardiement avoit toutdis servi ses signeurs. Cils sires
Courtrissiens compagnoit et honnouroit durement ces signeurs
d'Engleterre, ensi que vaillant homme doient toutdis honnou-
rer estragnes chevaliers à leur pooir ; mais il en eut au dar-
rain mauvais loyer, car il en fu si accusés de celle honneur
qu'il faisoit as Englès contre l'onneur le roy de France , siques
li rois commanda très-estroitement au dit conte de Flandres
qu'il fesist tant, comment que ce fust, qu'il ewist le dessus dit
chevalier, * se tant l'amoit *, et qu'il li fesist coper le tieste.
Li contes qui n'osa trespasser le commandement le roy, ains
fist tant, je ne sai comment ce fu, que li sires Courtrisiens vint
là où li contes le manda. Si fut tantost pris et tantost décolés,
de quoi moult de gens furent' durement * dolant de pitié, car il
estoit moult amés et honnourés ou pays, et en seurent moult
mal gret.au conte. Tant esploitièrent cil signeur d'Engleterre
en Flandres, que cils Jaquemars d'Artevelle mist pluiseurs fois
les consauls des bonnes villes ensamble, pour parler de le
besongne que cil signeur d'Engleterre quéroient, et des fran-
chises et amistés qu'il leur offroient de par le roy d'Engleterre
leur signeur, sans cui terre et acort il ne se pooieftt bonne-
ment longement chevir. Et tant parlementèrent ensamble qu'il
furent d'acort en tel manière qu'il plaisoit bien à tous les eon-
* * Si chier qu'il aimoit. — '* Grandement.
EN FLANDRE. 381
sauls de Flandreâ que li rois englès et toutes ses gens pooient
bien venir et aler, à gens d'armes et aultrement, par toute
Flandres, ensi qu'il li piairoit ; mais il estoient si fortement
obligiet envers le roy de France qu'il ne le poroient grever, ne
entrer en son royaulme, qu'il ne fuissent attaint dé une si
grande somme de florins que à grant malaise en poroient-il
finer , et leur pryèrent que ce leur volsist souffire jusques à une
aultre fois. Ces responses et cil esploit souflirent adont assés à
ces signeurs d'Engleterre , puis s'en revinrent arrière à Valen-
cienes à grant joie et souvent envoioient leurs messages devers
le roj leur signeur et li signefioient ce qu'il avoient besongniet ;
et li rois leur renvoioit grant or et grant argent pour payer
leurs frais et pour départir à ces signeurs d'Alemagne qui ne
convoitoient aultre chose.
De toutes ces devises et ces ordenances, ensi com elles
se portoient et estendoient, et des confors et des alliances que
li rois englès acquéroit pardeçà le mer, tant en l'Empire comme
ailleurs, estoit li rois Phelippes tous infourmés ; et euist volon-
tiers veu que li contes de Flandres se fust tenus en son pays,
et euist attrais ses gens à son acord, mes cils Jaquemars d'Arte-
velle avoit jà si sourmonté toutes manières de gens en Flandres,
que nuls n'osoit contredire à ses oppinions. Meismement li
contes leurs sires ne s'i osoit clèrement tenir, et avoit envoyet
madame sa femme et Loeis son jone fil en France, pour le
doubte des Flamens. Avoec tout ce se tenoient en l'ille de
Gagant aucun chevalier et escuier de Flandres, en garnison,
dont messires Ducres de Halluin et messires Jehans de Rodes
et li enfant de le Trief estoient chapitain et souverain ; et là gar-
doient le passage contre les Englès, etfaisoient guerre cou ver-
tement , dont li chevalier d'Engleterre qui se tenoient en Hay-
nau, estoient tout infourmet que, se ils s'en raloient par là en
leur pays, il seroient rencontré, pour quoi il n'estoient mies
bien aseur. Nonobstant ce, chevauçoient-il et aloient à leur
volenté parmi le pays de Flandres et par les bonnes villes , mais
c'estoit sus le confort Jakemart d'Artevelle qui les portoit et
honnouroit en toutes manières ce qu'il pooit.
383 LES Entourés anglais
Quatr. réd. — En ce temps dont je parole, avoit grande
diseéntion entre le conte de Flandres et les Flamens, car chils
contes Lùïê qui ent à femme Marguerite d'Artois, ne se sceut
onques avoir, ne dissimuler, ne estre en paix entre ses gens
en son pais, ne ses gens aussi ne le peurent onques amer, et le
convint de rechief widier et partir de Flandres et venir en
France, et là amena sa femme, et se tenoient à Paris dalés le
roi, liquels les soustenoit de une partie de son estât. Chils contes
fu assés chevalerous, mais ses gens disoient que il estoit trop
françois et que jà nul bien ne lor feroit.
Chil de Gand commencièrent premièrement à faire le mauvais
et à voloir suspéditer tout le demorant dou pais de Flandres, et
, av oient de lor aliance Tenremonde, Alos et Granmont pour ces
jours dont je parole, et entrues que chil signeur d'Engleterre
se tenoient à Valenchiennes et ftdsoient lors pourcas, ensi que
chi desus est dit , avoit à Gand un bourgois qui se nommoit
Jaquemon Dartevelle, hauster homme, sage et soutil durement,
et fist tant par sa poissance que toute la ville de Gand fu
encline à lui et à ses volentés. Chil signeur d'Engleterre qui
se tenoient à Valenchiennes, jettèrent lor visée, par le consel
et introduction que il orent dou conte de Hainnau et de son
frère , que il envoieroient deviers che Jaquemart Dartevelle
et les bourgois de Gand, afin que il vosissent estre de Taliance
et acord dou roi d'Engleterre, par quoi, se il li besongnoit, il
peuistayolr, ils et ses gens, entrée en Flandres. Si i envoyèrent
révesque de Durem et le conte de Norhanton et messire Renault
de Gobehem. Euls venu à Gand, il furent recheu très-grande-
ment, honnouré et festoyé, et se portèrent si bien li trettié par
le moyen Jaquemon Dartevelle qui i rendi grant pain ne et qui
haioit le conte> que chil de Gand généraument 8*acordèrent à
ce que, se li rois d'Engleterre passoit la mer et voloit prendre
son chemin parmi le pais de Flandres, fust à gens d'armes ou
sans gens d'armes, lors deniers paians de toutes coses des-
quelles on lor feroit aministration , il trouveroient le pais
ouvert. Nequedent que chil de Bruges, d'Ippre et de Courtrai
EU FLAHDRE.
lor fuissent contraire et rebelle, il pensoient bien tant à esploi-
tier et dedens briefs jours que li païs seroit tous en une unit^.
Ces aliances et concordances de Jaquemon Dartevdle et de
ceuls de Gand plaisirent grandement bien à ces signeurs
d'Engleterre qui là avoient esté envojet, et prisent de toutes
ces convenances lettres séelées dou séel à causes de la ville de
Gand, et puis retournèrent à Valenchiennes deviers le conte
de Hainnau et lors compagnons, et monstrèrent de parole et
par les lettres que il avoient, en quoi et comment cLil de Gand
estoient de bonne volenté obligiet. Dont dist li contes de Hain-
nau à ces signeurs d'Engleterre : « Biaus signeurs, vostres
€ besongnes s'avancent grandement, se vous avés les païs de
« Flandres et de Braibant d'acord. Dites à mon fll d'Engleterre
€ que ce li sera uns grans confors et que sa guerre en sera plus
« belle, mais il convient que il passe la mer à la saison qui
c retourne, pour aprendre à congnoistre les signeurs et les
a pai's qui le vodront aidier et servir, siques, vous revenu en
€ Engleterre, esmouvés-le à ce que à une quantité de gens
« d^armes et d'archiers, il viengne deçà la mer et face- venir de
c la finance, car Alemant sont convoitons et ne font rieAs, se
« li denier ne vont premièrement devant, car ce sont gens
« moult convoitons. »
Or vinrent li seigneur d' Alleraaigne as parlemens à Val-
lenchiennes ensi que mandé y estoient, et y furent li contes
de Guéries, li marchis de Jullers, li marchis de Blancque-
bourch, li afcevesques de Coulloingne, li sires de. Fauque*
mont, li sires de Duvort, messires Ernoux de Bakehen, li
contes de Mons et li sires de Kuk ou lieu du duc de Brai-
bant, et là parlementèrent * par Tespasse de III sepmaines *,
présens le conte de Haynnau et monseigneur Jehan de
Haynnau son frère, et là remonstrèrent li prélat et li baron
*-* Plusieurs jours.
384 ALLIANCES
d'Engleterre as Alemans quel prouffit chil aroient qui le
roy d'Engleterre aidier voroient. Lors se porta fins de par-
lemens et certains arrest, et disent li ÂUemans que ou nom
de Dieu li consseii d'Engleterre esmeuissent leur roy à che
que il passast le mer et venist en Anwers tant qua il le
peuissent veoir et oyr, car il en avoient grant désir, et ses
besoingnes en vauroient mieux. Sur. ce se départirent li
seigneur et s'en rallèrent chacuns en leurs lieux ; et meys-
mement li Englès se partirent et s'en revinrent à Dpurdrech
et ne veurent point rapasser par Flandres, car il leur fu
segnefiet que li contes de Flandres avoit mis grant garnison
en l'ile de Gaiant. ^ Si se doubterent que ce ne fuist pour
yaux rencontrer à leur retour *, et montèrent en mer à
Dourdrech en Hollandes, sicomme vous oés,.et revinrent
arrière en Engleterre par autre voie que le chemin de
Flandres.
Sec. réd, r- Adont furent cil signeur d'Engleterre moult aise,
car il leur sambla qu'il avoient moult bien besongnié, tant
comme au duch. Si s'en retournèrent à Valencienes, et fisent, par
messages et par For et Targent le roy d'Engleterre leur signeur,
tant que 11 dus de Guéries serourges audit roy d'Engleterre,
le marquis de JuUers , pour lui et pour rareevesque de Cou-
longne Walerant son frère, et 11 sires de Faukemont vinrent
à Valencienes parler à yaus , pardevant le conte de Haynau,
qui ne pooit mes chevaucier, ne aler, et pardevant monsigneur
Jehan son frère, et esploitièrent si bien devers yaus, que
parmi grandes sommes de florins que cascuns devoit avoir
pour lui et pour ses gens, il eurent en convent de deflyer
le roi de France , avoech le roy englès , quant il 11 plairolt,
et que cascuns d'yaus le servirolt à un certain nombre de
*-• Pour doubte d^estre rués jus des escumturs, qui estoient là de
par le conte de Flandres.
AVEC LES SEIGNEURS D'ALLEMAGlfE. 385
gens d*annes à hjaumes couronnés. En ce temps parloit-on
de hjaumes couronnés , et ne faisoient li signeur nul compte
d'aultres gens d'armes s'il n estoient à hjaumes et à timbres
couronnés : or est cils estas mués maintenant , on paroUe de
lances ou de glaves ou de jakes. Et vous di que cil signeur
dessus nommet eurent en couvent as gens le roj d'Engleterre
que il les aideroient à aultres signeurs d'oultre le Rin, qui bien
avoient pooir de amener grant fuison de gens d'armes, mais que
il ewissent souffissamment le pour quoi ; puis prisent congiet li
dessusdit signeur alemant et on râlèrent en leur pajs, et li
signeur d'Engleterre demorèrent encore à Yalencienes et en
Hajnau, dalés le conte par quel conseil il ouvroient le plus.
Si prjèrent et envojèrent encores souffissans messages devers
levesque de Liège monsigneur Aoul, et Teuissent volentiers
attrait de leur partie, mais li dis évcsques n'i volt onques
entendre , ne riens faire encontre le roi de France , à cui il
estoit devenu homs entré en se féaulté. Li rois de Behagne
ne fu point prjés, ne mandés ; car on savoit bien qu il estoit si
coiyoint au roi de France, par le mariage de leur II enfans,
(dou duch Jehan de Normendie qui avoit à femme madame
Bonne fille au dessusdit roj), que pour celle cause il ne feroit
riens contre le roj de France.
Qitairl réd. — A lordenance, consel et parole dou conte
Guillaume de Hainuau s'arestèrent chil signeur d'Engleterre
qui pour ce temps en Yalencbiennes se tenoient, et fissent tant
par lors pourcas, voires moienant les deniers (car ce sont coses
qui moult i vallent et pueent), que li contes Renauls de Guéries,
serourges au roi d'Engleterre, li marchis de Jullers pour li et
pour Farcevesque Wallerant de Coulongne, son frère, messires
Emouls de Baquehen, li contes de Meurs, li sires de Fauque-
mont et pluisseur aulti'e chevalier de desus le Rin et fort ruste
vinrent à Valenchiennes parler à euls pardevant le conte de
Hainnau et monsigneur Jehan de Hainnau son frère, et là ot
pluissëurs consauls et trettiés, et t^nt fu proumis et donné à
I. — nioissART. 35
386 RBTOUR DES ENVOYÉS ANGLAIS
euls que tout s'obligièrent à deffyer le roi de France, sitos que
il saueroient que li rois d^Engleterre Taueroit deffyet ou au plus
tart UDg mois apriès, et le serviroient casquns à une quantité
' de hiaumes couronnés, car pour lors on ne parloit point de
lances, ne de bachinës, fors de hiaumes : or sont les coses trans-
muées aultrement, et encores se transmueront.
Quant chil signeur d'Engleterre furent tout aséguret d'avoir
en lor aliance les desus nommés, il envoyèrent deviers Tévesque
Aoul dou Liège à savoir se il le poroient avoir ; mais chil qui
furent envoyet, retournèrent sans riens faire, etrespondi que
jà ne s'armeroit à rencontre de la couronne de- France. Quant
on vei ce, onUe laissa ester. Aussi ôst-on le roi de Boesme, car
il estoit tant fort lojés en France par mariages de li et de ses
en fans que on vei bien que on perderoit ses painnes. Si prissent
congiet chil signeur d'Alemagne as prélas et barons d'Engle-
terre et retournèrent casquns en lors païs. Vous devés sçavoir
(et c'est cose légière à croire) que de toutes ces besongnes, de
ces aliances des Alemans et des séjours que chil signeur d*En-
gleterre faisoient en Valenchiennes et de Testât que il i tenoient,
li rois Phelippes estoit enfourmés, mais il n'en faisoit compte,
réservé ce que il li desplaisoit trop grandement de ce que li
voiages d'outre mer en seroit retardés, et se contentoit moult
mal dou conte de Hainnau, son serouge, de ce que il soustenoit
en son pais ceuls qui li voloient porter damage, et disoit bien :
« Mon frère de Hainnau marceande de avoir son païs de Hainr
t nau ars et courut. >
Quant li prélat et li baron d'Engleterre furent retournet
en leur pays, il trouvèrent le roy leur seigneur qui les
rechupt à joie, monseigneur Robert d'Artois, le conte de
Lancastre et les autres barons et seigneurs d'Engleterre, à
qui il recordèrent toutes les avenues qui avenu leur estoient
et comment il avoient séjournet à Valenchiennes, attendant
le consseil le roy de Franche, qui point n'estoit venu, et
A LONDRES. , 387
comment et par pryère il envoyèrent monseigneur Jehan de
Hàynnau et madame de Valois parler au roy Phelippe et
les responsceâ telles qu'il eurent del roy et sicomme il leur
raportèrent : « Apriès, quant nous veimes que li roy s de
a Franche se escusoit et que il n'envoieroit point son cons-
« seil, ne ses hommes deviers nous, nous eummes advis de
« mander les seigneurs d'Allemaigne, chiaux qui par bonne
« allianche se sont mis et acordé à vous , et vinrent bien
« et liement, et nous ont juret qu'il vous aideront et
« conforteront en tous cas, si avant ossi que vous leur
€ tenrës leur convent, et vous prient que vous voeilliés
« ordonner vos besoingnes et passer le mer, par quoi il vous
t puissent veoir et oïr. Si en esploiterés, che dient, le mieus
« en touttes vos besoingnes. Encoires, sires, vous disons-
« nous et segnefiôns que li contes de Flandres tient couver-
« tement garnison en Tille de Gagant, chevaliers et escuiers
« et gens d'armes qui gardent le pays de ce ôostet, et ont jà
« fait pluiseurs despis et contraires à vos gens, dont bien
« il vous doit desplaire. »
Quant li.roys d'Engleterre oy ces nouvelles, si fu moult
penssieux,et n'eny eult nullement qui le peuissent resjoyr,
fors celles des AUemans qui li prioient que il volsist passer
le mer. Si demanda consseil sur ces besoingnes, dont res-
pondirent si plus espécial amy que, seloncq ce que il pooient
entendre et oïr, li roys de France ne quidoit mies que jà il
l'osast gheryer : « Si vous conseillions et mettons avant
« pour votre butineur que vous voeilliés faire ung parle-
« ment,, et que nuls parmy vostre royaumme ne s'escuse
« qu'il ne soit à ceste Saint-Michiel à Londres, prëlas, che-
« valiers et li conssaux des bonnes villes, et adont, seloncq
« ce qu'il vous conseilleront, vous vous ordonnerës. » Li
roys s'acorda à che tet manda et commanda à tous contes.
588 RETOUR DES ENVOYÉS ANGLAIS
barons et chevaliers, prélas et conssaux^ des bonnes villes,
qu'il fuissent 4 ceste Saint-Michiel à Londres c'on comptera
l'an mil CGC.XXXVII. Tout obéirent au commandement
dou roy, car ce fu raison , et pour ce que riens je n'oublie,
car j'ay dit et mis en terme ou commenchement dou livre
que je feray mention de tous les avenues petites et grandes
qui sont avenues où que soit, si vous en parleray d'unes qui
advinrent en Gascoingne auques en ce tamps que je vous
compte.
Var, prem. réd, — Quant les prélas et les seigneurs furent
revenus de le grant besongne dont ils avoient esté chargiés ,
le roy les rechupt à grant joie, et tous les autres seigneurs.
Adont, présent le roy et tous les seigneurs > ûrent leur rela-
cion comment il avoient esté à Valenchieunes grandement
rechus, comment le roy de France n*y avoit envoie personne
de par luy, et comment, par prière, madame la contesse et
messire Jehan .de Haynnau furent à Paris et raportèrent les
l'esponses du roy, et comment après ce se conseillèrent au
conte de Haynnau de mander les Alemans qui avoient proçiis
confort et alliances frances, comment il vinrent volentiers
et comment il ont dit devant le conte : * Qu'il vous reconfor-
• teront le plus qu'il porront , mais que on leur tiengne
i convent, et comment ils prient que vous passés le mer au
* plus tost que vous poés, adfin qu'ils vous puissent veir et
€ comment vos besongnes en vauldront mieulx. Au surplus
i vous disons que le conte de Flandres tient garnisons, en
« l'ille de Gagant, de gens d'armes qui gardent le pas sur les
« frontières, et ont jà fais pluiseurs despis à vous et à vos
i gens, dont il vous doit desplaire et à tout vostre royalme. »
Quant le roy d'Engleterre oy ces nouvelles, si en fu moult
pensieux ; mais nientmains celles que les Alemans lui man-
doient, li plaisoient moult bien. Si demanda consel sur ce. Dont
respondirent les plus de ses espécials amis, qu'ils ne tenoient
point : i Que le roy de France ne tenist que vous ne Toseriés
A LOKDRES. 389
€ guerrier. Si vous conseillons pour vostre honneur que vous
c faciès ung parlement à estre à ceste Saint-Michiel à Londres,
c où tous ceulx du grant conseil soient mandé, et que nuls ne
f s'en excuse. Et adont, selon ce que vostre conseil se portera,
f si ouvrés. » Le roy s'i accorda. Adont manda et commanda
à tous que tous y venissent, et fu à le Saint-Michiel Tan trente
sept. Et tous y furent, ce fu raisons.
Sec. réd, — Quant li dessusdit signeur d'Engleterre eurent fait
en partie ce pour quoi il avoient passet la mer, il se partirent
de Valencienes où il tenoîent leur souverain séjour, première-
ment li évesques de Lincolle, messires Regnauls de Oobehen et
li aultre , et vuidièrent Haynau et vinrent à Dourdresch en
Hollande, et montèrent là en mer pour eschiewer le passage
de Gagant où li dessusdit chevalier de Flandres se tenoient en
garnison de par le roy de France et le conte de Flandres, sicom
on disoit; et s'en revinrent, au mieuls qu'il peurent et au plus
cou vertement, arrière en leur pays, devers le roy englès leur
signeur, qui les rechut à grant joie. Se li recordèrent tout l*estat
des signeurs de par dechà, premièrement dou duch de Brai-
bant, dou marquis de Jullers, dou duch de Guerlês, dou conte
de Jullers, de Farcevesque de Coulongne, de monsigneur Jehan
de Haynau, dou signeur de Fauquemont et des alloyés, comment
et sus quel point il s'estoient accordet à lui, et à quelle quantité
de gens d'armes cascuns le devoit servir, et ossi quel cose cas-
cuns devoit avoir. A ces paroUes entendi li rois englès volen-
tiers, et dist que ses gens avoient bien esploitiet; mais trop
durement plaindi le mort le conte de Haynau de qui il avoit la
fille, et disoit qu'il avoit perdu en lui un très-grant confort : se
li convenoit-il porter et faire al avenant. Encores recordèrent
li dit signeur au roy le convenant de chiaus qui se tenoient en
le garnison de Gagant et qui hérioient ses gens tons les jours,
et comment pour doubte d'yaus il estoient revenu. par Hol-
landes et avoient eslongiet grandement leur chemin : dont dist
li rois que il y pourveroit temprement de remède.
SSW RETOUR DES ENVOYÉS ANGLAIS
Q/HCtr. réd. — Chil signeur d'Engleterre séjournoient en
Valenchiennes si honnourablement que vous avés oj, et quant
il veirent que il avoient en partie achièvé ce pour quoi il
estoient venu à Valenchiennes (car il ne faisoient riens que ce
ne fust par le consel dou conte et de son frère), quant il orent
esté à Valenchiennes plus do demi-an et despendut biaucop
d argent , tant en dons pour avoir Tamour des signeurs de
Tempire que en lors menus frès, il prissent congiet au conte
et à son frère, et se missent au retour et Vinrent à Ix)uvain
et là trouvèrent le duch de Braibant qui lor fist très-bonne
chière et les tint ung jour tout aises dalés li , et parlèrent
ensamble de biaucop de coses, et puis s en départirent et
vinrent en Anviers et trouvèrent vassiaus d*Engleterre tous
près pour euls, qui là les atendoient. Li plus de ces signeurs
laiasièrent lors cevaus au séjour en Anviers, car bien savoient
que il en aueroient encores à faire, et li auqun passèrent les
lours et li aultre les vendirent. Si entrèrent tout ens es vas-
siaus qui estoient ordonné pour euls, et retournèrent sans péril
et sans damage en Engleterre, et trouvèrent le roi à Windesore
et la roine. Si lor recordèrent comment il avoient eaploitié, et
les bons amis que il avoient delà la mer. A toutes ces paroles
et remonstrances estoit et fu toutdis messires Robers d*Artois
qui trop grandement fu resjôïs de ces nouvelles, et dist ensi
au roi : « Monsigneur, je le vous ai bien tousjours dit : Vous
« trouvères plus d*amis et de bon confort delà la mer que vous
« ne quidiés, car onqucs Alf*mant ne peurent amer les Fran-
« pois; il vous feront roi de France, car chils qui Test, ni a
< nulle juste cause, et les poins et les articles com prochains
c vous estes de la couronne, je vous ai pluisscurs fois remon-
€ stré : se la calengiôs et mettes oultre. Puisque on vous voelt
« aidier à esclarcir vostre droit, ne sojés pas négligcns, mais
c diligens à demander ce qui est vostre ; si en serés prisiés et
f amés de vostre peuple, car il demandent la guerre. A ce que
f je puis veoir et percevoir, en Engleterre il ne désirent que
€ la guerre, et vous nvés biau et grant conunenceioent pour
A LONDRES. 391
« VOUS , car jà avés-vous si sousmis les Escoçois que il ne se
« poront aidier, ne relever en grant temps. Ce sont segne-
c ûances de tous biens et que les bonnes fortunes seront pour
« vous. »*
Ensi amonestoit messires Robers d'Artois le roi d'Engleterre
et le resvilloit en ces besongnes et calenges de France, et 11 rois
i avoit très-bonne affection et disoit que il ordonneroit ses
besongnes et passeroit la mer et amenroit la roine sa femme
avoecques lui et venroit veoir ses amis, le conte de Hainnau,
son biau-p^re, le duc de Braibant, le coiite de Guerlles et le
marquis de Jullers, ses cousins, et conquerroit encores avant
des amis. Sus ceste imagination, s'aresta li dis rois, et aussi
fissent tout chil qui Tavoient à consillier, et fist faire ses pour-
véances belles et grandes, petit à petit, tant pour lui que pour
la roine sa femme. Tous li roiaulmes d'Engleterre estoit appa-
rilliés et en tant grant volenté de li aidier des corps et de la
cevance, li noble de le servir, et li marceant de tailler euls et
lors biens, si avant que il deveroit bien souflSre.
*En ce temps futt^retiés li mariages de messire Guillaume de
Hainnau, fil au conte Guillaume, lequel li pères avoit fait che-
valier en sa cambre meismement le nuit de la-!ffativité Nostre-
Signeur Tan mille CCC.XXXVI en Tostelde HoUa^des à Valén-
chiennea, et joustèrent le signeur d'Augimont, avoecques li le si-
gneur de Lens, messire Gérart de Werchin, sénescal de Hainnau, '
et plus de trente jones chevaliers tous Hainnuiers, et tantos apriès
ces chevaleries faites, fu fais li mariages dou dit messire Guil-
laume de Hainnau à la fille dou duch de Braibant, madamoi-
selle Jehane, qui lors estoit la plus belle, la pins gente, la plus
frice et mieuls aians toutes nobles manières que nulle jone dame
dont on euist la congnissance, et estoit en Tâge de quatorse ans,
et furent les noces faites en la grande salle à Yalenchiennes,
et i ot as cspousailles grandes festes et solempnèles, et grant
fuisson de signeurs, et i fu li contes Looïs de Blois, sires
d'Avesnes et de Trélon et dou Louvion en Tierasse, car aussi
moult iiouvellement il avoit espousé madamoiselle Jehane de
392 RBTOUE DBS ENVOYÉS ANGLAIS
Biauiuont, fille à monsigneur Jehan de Hainnau, et durèrent
les joustes et les festes qui furent à Valenehiennes plus de huit
jours. Encores i euist eu biaueop plus de signeurs de France
que il n*i ot, mais auqunes haines et ranqunes se commencoient
à esmouvoir entre les François et les Hainnuiers pour la cause
de ce que 11 contes de Hainnau soustenoit et avoit soustenu,
alant et venant, les Engiois en son pais, quoique encores n'i
euist nulles deffiances, et disoient li François par manière de
reproee : t Li rois d'Engleterre a songiet que il doit estre rois
« de France ; or le viengno calengier et il vera bien quel proufit
c il i prendcia. Mieuls li vaudroit à demorer en paix que penser
c à telles wiseusses, et aussi li contes de Hainnau est trop mal
« ccnsilliés, qui sueffre à aler et venir les Engiois en son paiV.
« et a souffers les parlemens et les trettiés de ces wiseuses à
c estre des Alemans à Valenehiennes devant lui. Uns jours
« vendra que li Hainnuier s'en repentiront grandement, car
i lors païs tout premièrement en sera tous rifles, et ne les en
« porront aidier li Engiois. »
Vous devés scavoir que tout ce qui avenoit et estoit avenu de
ces aliances dou duch de Braibant, dou conte de Guerlles, dou
marquis de Jullers, de Tarcevesque de Coulongne, dou signeur
de Fauquemont, de messirc Ernoul de Baquehera et des Ale-
mans, comment il sestoient aconvenenrhiet as Engiois, tout
estoit sceu en France, et le savoit li rois Plielippes; mais il n'en
faisoit ensi que nul compte et monstroit par ses oevres et
paroles que il avoit aussi (h\or la guerre que la paix, et disoit
à le fois au bon roi de Boesme et au conte d'Alenço|i et as ceuls
qui dalés lui estoient : t Nosti^es cousins d'Engltterre, à ce qur
• nous sommes enfourmé, qniert grandes alianees en Ah*-
• magne, et nous vodra faire guerre ot calengier nostrt» hin*-
• tage. Se nous avons la guerre, û bien viêgne-elle î Aussi no
« savions à quoi entendn», mais nous sommes courouchié de ce
« que li Toiages de la Sainte-Terre de oultre la mer en sera
« retardés et occupés, et moult de bonnes dévotions de plui?-
c seurs valllans hommes brisies, et tout nous fault atendre et
« soufrir. •
A LONDRES. «395
Li contes de Flandres, pour ce temps, se tenoit à Compiengne,
et la contesse sa femme. Si entend! que li Englois, li évesques
de Durem et grant baron d'Engleterre avoient esté à Gand et
moult bellement recheu, et par la promotion et enort d*un bour -
gois de Gant qui s'apelloit Jaquemart Dartevclle, toutes gens
en Gant et en pluisseurs villes de Flandres s'enclinoient assés
à l'opinion des Englois et tant que ses rentes et revenues^ en
estoient esconsces et canceloient tous les jours. Et encores en
oultre li contes de Flandres fu enfourmés que uns chevaliers
de Flandres, vaillans homs durement et lequel li contes avoit
tousjours tenu à loial homme et prudent, qui se uommoit le
Courtrissien, avoit tousjours compagnietet fait feste et honnour,
en la ville de Gant où sa résidence estoit, ces signeurs d'Engle-
terre. Desquelles coses li contes de Flandres fu durement cou-
l'ouchiés sus le chevalier, tant que il li remonstra, et le manda
couvertement en France où il se tenoit. Li sires Courtrissien;^
ala deviers li, qui nul mal ni pensoit. Sitos que li contes le tint,
il ïi flst remonstrer en la présence de li pourquoi il Favoit
mandet. Onques li chevaliers ne se peut esquser, mais le fist
décoler, de quoi tout chil de bant furent trop grandement
courouchiet sus le conte et son consel, mais amender ne le
porent.
Enderaentroes que li rois d'Engleterre séjournoit à We.^-
moutier dalés Londres^ datés lui sen cousin le conte de
Lancastre , messire Robert d'Artois , le conte de Penne-
brucq, le conte de Kent et pluiseurs autres, et * sour uns
paskères que on compte Tan mil CGC. XXXVII le XIII* jour
d'avril (et avoit adont tenut court plenière efti son palais :\
Wesmoutier), le mardi de ceste Pasques assés matin*, vint
ungs hiraux bien congneu dou roy et des barons, et estoit
* * Co fa le treizième jour d'avril , en un Pasqnes l'an trente-sept ,
au matin.
594 GUBABE
englès et Tapelloit-oii Cardoeil, car li roys meysmes Tavoit
jadis fait hiraux en ses voiaiges d'Escoce et li avoit.donnet
ce nom. Chils hiraux avoit demeuré hors d'Engleterrejà par
l'espasse de V ans, travillans par le monde et avoit estet
en Prusse, en Ifflant, au Saint-Sëpulcre et retourne par
ces biaux voiaiges en Barbarie et revenu en Espaingne, et
avoit demouret dallés le roy d'Espaingne ung grant temps
* sus les voiaiges * de Grenade, et raportoit lettres dou roy
d'Espaingne au roy d'Engleterre. Si estoit revenus le droit
chemin par Navarre et par Gascoingne et li terre .que li
roys englès tient de senhiretaige en ce pays de Gascoingne;
si avoit illoec trouvet grans gherres et grans esmouvemens
^ de castiaux des ungs as autres ^, et jà y estoient de par
le roy de Franche grant fuisson de seigneurs, tels que li
contes de Ermignaoh, li contes de Fois, li contes de Com-
rainges, li contes de Nerbonne, li sénescans de Toulouse, mes-
sires Floton de Reviel, li sires de Biaugeu, li sires de Tour-
non, li sires de * Bays ^, li sires de • Calenton ^ et pluîseurs
autres, et avoient II sièges, dont li ungs estoit devant une
forterèce c'en clamoit Penne et li autres devant Blaves ; et
constraindoient ^ moult * chiaux de Bourdiaux par le rivière
deGéronde, et disoient enssi li seigneur de France que chils
pays estoit fourfès et raquis au roy de Franche par sentense
ajugie et rendue ou palais à Pariç, ensi comme vous orés*
chy apriès ; et n'y avoit adoiit en Gascoingne nul homme
qui se meuist, ne fesist fet encontre les Franchois, car il
n'estoient mies fort assés pour résister contre yaux, mes se
tenoient les fortresses touttes closes et se deffendoient *° à
leur pooif ", et avoient le dessus dict hirault cargiet et
pryet que il volsist faire bien hastéement ce messaige deviers
*'* Es guerre. — '■* Des forteresses des Franchois aux Englès. —
*^ LaBaie.— '^■'CoHenches.— *"• Durement.— *^"** Deleurs puissances.
DE GCJTBIWE. 395
le roy son seigneur, et li avoient li seigneur de Gascoingne
qui pour Englës se tenoient et li villade Bourdiaux cargiet
lettres de créances et enfourmet de tout ce fet énssi qu'il
estoit avenus et sicomme je vous diraj. Liquels hiraux avoit
si bien jesploitiet que il estoit montés en iper en le ville de
Baionne qui se tient englèce et estoit venu en V jours et en
IIII nuis ou havène de Hantonne, et puis tant chevauchiet
par haghenées que en jour et demj venut à Londres
où li roys estoit et lui remonstret touttes ses lettres, et
8*engenilla devant le roy ^ sicomme vous avés oy. Liquels
roy et tout li baron orent au premier grant joie, car bien il
savoient qu'il aroientde lui pluiseurs nouvelles.
' * Quant li roys englès vit le hiraut devant lui que, grant
temps a, n'avoit veu, se dist : « A bien viengne, Cardoeil.
« Or nous dittes de delà le mer et de^ lontains pays où vous
« avés estet depuis que nous ne vous veymes, car moult
« en désirons à savoir^. » — « Monseigneup, dist li hiraux,
« vous lires ou ferés Iire,.s*il vous plest, ces lettres, et
« puis Je vous en diray de pluiseurs, car il en y a de telles
« qui moult vous touchent. » Lors ouvri li roys aucunes
des lettres et regarda ens et vit bien qu'il y avoit autres
CQses qui toutes ne pooient pas estre escriptes et desquelles
li hiraux portoit créance, et vit bien li roys que les besoin-
gnes par delà en Gascoingne n*estoient mies trop belles
pour lui. Si en fin de tant plus se hasta dou demander et li
hiraux li dist ensi". < Obiers sires, il est ungs chevaliers
c par delà le mer qui s*apelle li sires de Noielles et est chils
c poitevins, et dist et maintient que pour pluiseurs ser-
* Et fist la révérence en présentant ses lettres de par les seigneurs
et gardes du pays de Gascogne. — * ' Quant le roi eut bienvingniet son
héranlt et ses lettres luttes, si lui dit : « Nostre amj Cardoel, dittet
« de$ nouvelles et vos crédences. »
59H GUERRE
vices que chils fist à vostre seigueur de përe, on H
doit le somme de XXX" " escus •; et li en fu bailliet
en crand et en piège le ville et castellerie de Condon«
dont, sicomme il dist, il ne pooit avoir nul paiement. Si
8*eu plaindist au roy de Franche et monstra ses lettres,
et fu remis et envoyés par le cambre de parlement, et la
fu jugiës que vous estiés tenus en celle debte et à rendre
tous frès et tous despens et fu ensi dist par sentence en
plain Paris. Dont, pour exécuter ces esploits et lui faire
payer, il eut une comission généraule à lever, prendre et
arester partout en vostre terre de Gascoingne, tant qu'il
serpit satisfet de le somme dessus dicte et des frës que fet
y avoit, et y establi li roys à le pryëre dou chevalier ung
procureur, liquels 8*appielloit maistres Raimons Fon-
chaus, et esploitièrent tant qu'il vinrent à Condon et se
veurent mettre en le possession et saisinne dou dist cas-
tiel par le Vertu de le commission dessus dicte. * Et en
parla li procureur dou chevalier au castiellain si orgùil-
leusement que mautalens y monta ^, car d'un baston gros
il donna à ce mestre Ray mon ung tel horion, présent le
seigneur de Noyelle, que il li pourfendi le teste, et prist
le chevalier et le mist eu prison et dist qu'il estoit moult
outrageus quant en vostre hiretaige il osoit faire tels
explois. De quoy li roys de France a eut grant indigna-
tion et despit, et dist * que vostre terre par delà est par
ceste advenue toutte foiirfaite *, et y (ont si grant gherre
chil qui y sont envoyet de par le- roy et si mortelle, qu'il
ont pris Prudaire, Saint^-Basille et Saint-Malquaire, et
quant je me parti dou pays il gêoient devant Penne et
< * Florins. — *^ Et eurent tant de paroUes au cbastelain, qu*iU se
couroucérent Tun à Tautre. — ** Que vottre teire par delÀ, pour
cefte cause, est confiquie, avec «rautres ibeafais que vous avét (aia.
DE GUYENNE. ' 397
« devant Blaves. Si vous prient * li chevalier * et les bonnes
€ villes^ de Gascoingne * que vous les confortés et secoures
« *hastéeraent *, ' autrement vous pores moult perdre *. •
• Quant li roys d'Engleterre eutoy les parolles de Thirault
et les nouvelles qu'il li apportoil de Gascoingne et com-
. ment li Franchois et à petite raison li faisoient gherre
et y estoient si efibrchiement que nuls ne pooit résister
à rencontre , si fut moult penssieux une longhe espasse,
et quand il leva le chief, si se retourna deviers ses
barops et demanda que ce estoit bon à faire. « En nom
<( Dieu, sire, che respondirent li plus espécial, à cel lés-là
« vous faut envoyer, car seloncq que vous avés affaire et
« entendes à parfurnir, li Gascon qui sont bonnes gens
« d*armes vous poroient grandement valloir ou nuire en
« vostre gherre. Si advisés qui vous en voulés cargier de
« faire che voiaige. » Dont respondi li roys : « Or regar-
« dons l'un par l'autre. J'en prieroie vollentiers monsei-
« gneur Robert d'Artois et le feroie chief de ceste armée,
« car en cel estet qui vient, je n'ai nul affection, ne enten-
te tion de deffyer le roy de Franche, mes voray touttes
« pourvéauches adviser et ordonner par bon loisir et
« acquerre encoires tous les amis que je pouray delà le
« mer, car bien me besongneront à gherryer si grant cose
•-* Li seigneur. — '-^ Du p^ya. — ■ • Hastivement. — '• Ou vous
les pores perdre. — '-^ Quant le roy d'Engleterre eut oy toutes les
paroles du hërault, si fu moult pensieux, et puis se tourna vers les
barons de grant coer et leur dist : Vechy bien à conseillier. > — # El
i nom Dieu, dirent les pluisieurs, le conseil doit estre brief , car à ce
• couTient entendre brief. » — t Vous dittes voir, dist le roy, advisons
I qui yra pour furnir ceste besongne. i Dont dist messire Robert d*Ar-
i tuis : c Sire, je m*en chargeray, s'il vous plaist. » — Certes, dist
< le roy, je vous en pensoie prior, or vous pourveës hastievement. i
396 GUERRE
« comme le royaumme de Franche. » Lors respondi mes-
sires Robiers d'Artois liement au roy et dist que es voiaige
il feroit très-volentiers, et li roys li dist : « Grans mer-
« chis. yi '
Depuis ne demeura mies long temps que messires Robiers
d'Artois se parti d'Engleterre à y° armures de fier et-
III" archiers, et montèrent ou havène de Hantonne, bien
ordonné et garny de touttes pourvéanches, et estoient adont
avoecq le dict monseigneur Robert d'Artois li contes de
Hostidonne, li contes de Sufforch, li contes de Cornuaiile,
messires Thummas d'Aghourde, messires Thummas de
Hollande, messires Richars de Pennebrug, li sires Des-
penssiers, li sires de Ferrières ses serourges, li sires de
Multonne, li sires de Brassetonne et li sires de Willebî. Si
singlèrent tant par mer chil seigneur à l'ayde de Dieu et
dou vent qu'il privèrent parmi le Géronde ou havène de
Bourdiaux, dont cil de le chité eurent grant joie et en furent
grandement réconforte, et là estoient li doi frère de
Pommiers, messires Hélyes et messires Jehans, qui vinrent
sur le sabelon contre les nefs englesses, et ossi fisent * li
plus grant partie de chiaux de le ville, car ce secours il
désiroient *.
Dont yssirent messires Robiers d'Artois et chil de se
route hors des vaissiaux et s'en vinrent tout à^piet jusques
à leurs hostels où il fuirent convj^yet à joie; et sus le soir,
quant li mers fu retraite, ont li variés mis hors leurs che-
vaux et leur harnois et touttes autres pourvéanches. Si se
rafreschirent par III jours en le chité de Bourdiaux, et
puis se conseillièrent quel part il se trairoient. Si eurent
consseil et advis que il yroient droit à Penne pour lever le
siège qui là estoit des Franchois^. Si se ordonnèrent et abil-
*■■ Tous les nobles de la ville, qui moult, désiroient le secours. —
' S'ils pooient.
DE GUYBMNE. 399
lièrent une matinée et sonnèrent les trompettes et arou-
tèrent le charoy et leurs pourvéanches, et fist là messires
Robiers d'Artois, marescal de tout son ost le conte de Suf-
forch. Dont chevauchièrent deviers le castiel de Penne à
VHP hommes d'armes et III" archiers tout à cheval et
IIII" hommes de piet. Che fu environ l'Assention l'an
milCCC.XXXVII.
Quant li contes de Fois, li contes de Charmaing, li contes
de Pierregorch, li mareschaulx de Mirepoix, li contes de
Quersi, messires Floton de Reviel et li autre seigneur qui là
estoient et qui le castiel de Penne asségiet avoient, oïr'ent
ces nouvelles que Englès et Gascons ' assës efforchie-
ment * venoient là pour lever le siège, ^ si eurent consseil
comment il se maintenroient ^. Tout considéré eutr'iaux, il
ne Be sentirent mies assés fort ^ que des Englès atendre *,
car il estoient trop enssus de leur grosse ost qui se tenoit
devant Blaves, car li rivière de Bourdonne estoit entre
y aux et leur ost : si ne pooient mies légièrement passer. Si
eurent consseil que de yaux deslogier, ensi qu'il fissent, et
se partirent dou siège de Penne et s'en revinrent au plus
droit qu'il peurent vers Blaves ; et les trouvèrent tous partis
li Englès et jà esloingniés plus de une grande journée. Et
quant messires Robiers d'Artois fu là venus, il et li baron
d'Engleterre entrèrent ou castiel où il furent rechupt à joie
et se rafrescirent là par deux jours, et au tierch s'en par-
tirent et chevauchièrent ordenéement deviers Saint-Mal-
quaire que li Franchois tenoient et y avoient mis une bonne
et grosse garnison et le castiel bien pourveu de tout ce qu'il
besongnoit en vollenté que de tenir contre tout homme. Là
vint messires Robiers d'Artois et toutte se route, et i basti
*•* A pooir.— *•* Ils dirent tout eimai^.— * • Pour attendre le fais.
400 MORT
le siège fort et fier, et dist qu'il ne s'en partiroit jamais, se
Taroità se voUenté.
En ce meysme tamps et en ceste propre année, ou mois
(le juîng, l'an mil CGC. XXXVII trfespassa de ce siècle le
bons contes Guillaummes de Haynnau en l'ostel de Hol-
landes à Vallenchienne et fu ensepelis en l'église des Cor-
deliers en ceste meysme ville. De le mort dou conte furent
pluiseur coer courouchié, car il fu larges, nobles, preux,
hardis, courtiaus, humbles, piteux et débonnaires à tduttes
gens. Si le plaindirent moult si enfant, messires Guil-
laummes ses fils, li royne d'Allemaigne, li royné d'Engle-
terre, li contesse de Jullers, medame Ysabiel, se maisnée
fille, qui depuis eut monseigneur Robert de Namur espou-
set, et trop le plaindi et regretta messires Jehans de Hayn-
nau ses biàux frères, car il y perdit grant confort et grant
amour, car moult amoient l'un l'autre. Apriès le trespas
dou conte dessus dist, prist messires Guillaummes ses fils
le possession del contet de Haynnau, de Hollandes et de
Zélandes \ et li fissent li nobles des trois pays, li prélat et les
bonnes villes foy et sièrement et hommaige, et il leur jura à
tenir as us et as coustummes anchieunes. Medame se *
mère Jehanne de Valois eult dévotion de li traire à Fonte-
nelles, sicomme elle fist, une abbéie de dames dallés Valen-
chiennes, et là usa se vie.
Sec. réd. — En ce temps trespassa de ce siècle li gentils
contes Guillaumes de Haynau VII jours ou mois de juing, Tau
de grasce M. CGC. XXXVII. Si fu ensepvelis as Cordeliers à
Valencienes , et li fist-on là son obsèque et chanta le messe li
évesques Guillaumes de Cambrai. Si y eut grant fulson de dus,
' Si le rechurent les nobles du pays en amour. — * Bonne. .
DU COMTE DE HAIIfÂUT. 401
de contes, de barons et de chevaliers ; ce fu bien raisons, car
il estoit grandement amés et renommés de tous. Apriès son
trespas, se traist à le conté de Hajnau , de Hollandes et de
Zélandes messires Guillaumes ses ûls, qui eut à femme la fille
au duch Jehan de Braibant , et fut ceste dame qui s'appelloit
Jehane, doée de le terre de Binch, qui est uns moult biaus hire-
tages et proufitables ; et madame Jehane de Yallois sa mère
8*en vint demorer à Fontenielles sus Escaut, et là usa le
demeurant de sa vie , comme bonne dame et dévote , en le
ditte abbeje, et j fist moult de biens en Fonneur de l)ieu.
Quatr. réd. — En ce temps trespassa de ce siècle 11 gentils
contes Guillaumes de Hainnau XX jours ou mois de juin le
jour de la Pentecoste en l'an de grasce Nostre-Signeur mille
CGC. XXX Vn et fu et est ensepvelis en Féglise des Cordeliers
en la ville de Valenchiennes, et là fu fais son obsèque tant
revéraument, et chanta la messe li évesques Guillaumes de
Cambrai, et ot grant fuisson de dus, de contes et de barons.
Apriès le trespas dou gentil conte se traïst à Tiretage de
Hainnau, de Hollandes et de Zellandes messires Guillaumes
de Hainnau son fil. Quant li rois d^Engleterre et la roine
furent segnefjet de 1^ mort dou conte lor signeur de père,
si en furent grandement courouchié, mais passer lor convint
et s'en vestirent de noir et li fissent faire son obsèque en
Engleterre, ens ou chastiel de Windesore là où il 'se tenoient.
Madame Jehane de Valois qui femme avoit esté au conte de
Hainnau, assés tos apriès le trespas de sondit signeur, se
ordonna à demorer en Tabéie de Fontanelles dalés Valen-
chiennes, en cause de dévotion, et là persévéra et usa le démo-
rant de sa vie.
Or dist li comptes quô quant messires Robiers d'Artois
enlt assiéget le castiel de Saint-Malquaire et juret qu'il ne
s*en partiroit se Taroit à se voilante, il le fist assaillir
1. — FR0I8SART. 36
40S SGITl BE Là GOSftRB
.' yigfaeureQsement * d'enghiens et ossi de compaignoBS
arehiere qui tampre et tart y lirroient mervilleueemeut
grans assaux, et chils dedens se deffendoient * ablement et
ristement ^, car bien leur besongnoit. Ung jour entre les
autres, il y eult ung si grand assaux et de si pries Tappro-
chiërent li archier qui si durement ensonnioient chiaox
dou fort, quMl ne s'osoient apparoir as deffenses et fisent li
assalant ^ ou mur * ung tel trau qu'il y pooient bien entrer
de front yaux VIII « et fisent les murs renversser ens es
fosses et tantost jetter sus tant de bois, de terre et d'autres
coses, que il penrent bien entrer et sans dammaige dedens
le ville, sicomme il fisent, et rompirent une porte par oà U
seigneur y entrèrent. Enssi fu prise li fortresse, et y tinrent
grant foison de gens et y prissent II chevaliers et VI es-
cuyers gentils hommes, le seigneur de Poupeestain et li
seigneur de Zedulach, et tout le demeurant misent à Tespêe
excepté femmes et enfans et vieils hommes non tailliet
d'iaux defiendre, ne combattre.
Apriës le prinse de Saint-Malquaire, il eurent consseil et
avis qu'il yroient devant Sebilach, ung castel que bidau et
Genevois tenoieut, et y avoient mis en garnison ung escuyer
qui s'apelloit Begos de Villars. Bien estoit la fortrèce pour-
veue et rafreschie de touttes coses, et chil de dedens en
voUenté dou defiiendre, maugret que li manant de le ville en
euissent de le tenir. Là vinrent messires Robiers d'Artois
et li seigneur d'Engleterre et de Gascoingne et touttes leur
routtes et assiégèrent le ville à l'environ et virent bien que
elle estoit forte et "^ mauvaise à prendre •. Nonpourquant
• il disent qu'il ne s'en partiroient nullement se l'aroient ",
• * Trit^ui^menl. — * ^ Vaillamment. — • • A ong lé^ leur il avoit
ett^ trèe-fort battu d*engieii«. — ' • Mal akieuwe à avoir. — • '• Mea-
aireRolwrt jormqa*iJ iies*eii partiroit,<Mi il Paroit on morott ea la paiae.
itt GOTEftltE. 405
et y ordonnèrekit I6g«s et bastides et toutes codés iappèrtè-
nanB à ost^ et leur Tenoîent souTetit pourvëànches de Boùr-
diaux par terre et par aiguë assés plentiveùsement, et
tovdis se tenoit li sièges devant Blaves des seigneurs dé
Franche dessus nommés^ douquel siëge je roeil uttg petit
parler, puisque g'i sui, pour une aventure qui atint à chiaul
de le ville assës contraire pour yaux et de quoy la ville fù
gaignie, ensi comlne vous orës.
' Bien * avoient mandes et certaiilement segnefyet ehilé de
Blaves à chiaux de Bourdiaux que ' il estoient en gràht
dêstroit de fammine ^ et que vivre leur aloient dureinétlt
defallant et que il fuissent conforte ou longuetti^t il ne se
pôoient tenir. Dont chil de Bourdiaux en avoi^t jà ëscript
par pluisieurs fois à monseigneur d* Artois qui esioit éH te^ie
chévauchie Sicomme vous avës oy; mes li dis tnedsires
Robiers et ses conssaux tiroient à che que il peuissent
ravoir les fors concquis ^ et acquis en leur detuin, et màn-
doient et prioient à chiaux de Bourdiaux que il confort
laissent et aidaissent chiaux de Blaves, car bien briéfment
il venroient de celle part apriës le siëge de Sebilach, et éhil
de Bourdiaux le segnefioient ensi à chiaux de Blaves. Or
avint que li seigneur de Franche qui sëoient devant BlaveS
et qui bien savoient le dêstroit de fatnmine et le nëcessitë
qui dedens le ville estoit, avisèrent • comment il poroient
leur siëge aoourchier ^i Si ordonnèrent une grant quantitë
de soummiers cargiës dé vitaille et les fisent une matinëe
monter * sus ung tertre assés pries dé Blaves *, affin que chil
de le ville les veissent et que il ysissent hors aprièë pour
yaux avitailler, et fissent eucoires li Franchois armet* jus-
*-* Souvent.— *^ Famine les cônetraindoit. — * Comme ils avoient
eommenchië.^ *'^ Par grande soutilitë, comment ils les porroient déce-
voir pour leur siège abrégier. — •-• Par une montaigne devant U ville.
404 SUITE DE LA GUERRE
qu*à 11*° hommes de leur ost et les fissent enboscier dedans
ung val entre vignes et haies, pour sousprendre les yssans ;
et de ceste embusche estoient souverain doy seigneur de
Franche, li contes daufins d*Âuviergne et li mareschaiix
de Mirepoix avoecq leurs routtes, et fisent ^ don soir ' tout
enssi comme ordonnet fu, et s*annëreQt li seigneur et li
compaigQon et se misent en leur embusce couvertement et
droit au point du jour li soummier furent tout arouttë, dont
il en y avoit plus de ' G ^ cargiet de touttes pourvëanches
pour mengier, et vinrent trois hommes villain devant, enssi
comme marchant, à le porte de Blaves, et disent : c Sei-
c gneur, faittes bonne chiëre, et vous mettes en aroy et
c venés requeillier le belle provision qui vous vient de
c Miremont, de Bourdiaux, de Coignach et des autres for-
c trèches de vostre acord. i Quant chil de Blaves enten-
dirent ces paroUes, si en eurent grant joie, car voirement
les veoient-il approchier et ne se doutoieut de le dëchoite.
^i s*armërent vistement et yssirent de leur ville environ
II" hommes, et se misent entre le porte et les cans, et li
soummier commenchiërent à aprochier et jà en y avoit
entré en le ville, ne say X ou XII, et s*ensonnioient moult
et par couverture à rentrée de le porte. Evous Tenbusche
grande et grosse qui vient en criant leur cry, li contes Dau-
fins et li sires de Merquel criant : « Fois et Auvergne ! »
bannières et pignons ventellans par devant yaux. Et quant
chil de Blaves les perchurent, si furent tout esbahit et se
retraissent vers leur ville, et Franchois apriës abattant
gens, navrant et mehaignant ^; et chil qui les soummiers
raenoient,*affin que li porte fuist tenue et empeschie^, effon-
drèrent et reversèrent trois de leurs mules tous chargies
• • De nujt.— * * Deux tenu, — • D*aû oott^ ou d^autre. — •"* De
peur que le porte ne le cloUt.
DE GUYENNE. 40S
desoubs le porte. Là y eult grant pestelît et ' grant encom-
brement * ; car chil qui dedens estoient, ne pooient yssîr,
ossi il n'en avoient mies grant vollenté, mes rentroient
en leurs maisons et prendoient tout le milleur de leur cose
et le portoient sus le havène en le Géronde, et là entroient
femmes et enfans en nefs, en barges et en barques et s'en
sauvèrent par celle mannière pluiseurs, entrées que li autres
se combatoient deyant le porte de le ville.
Adont s'estourmy li os as Franchois, et s'armèrent cha-
cun qui mieux mieux et vinrent là moult ordonnëement et
par connestablies et se férirent en chiaux de Blaves qui
assës bien se deffendirent et vendirent seloncq leur pooir;
mais quant H grosse route des Franchois fu venue, il ne
durèrent point longuement et furent finaulement tous mort
et tous pris, et le ville de Blaves prise adont et gaignie. Si
s'en partirent et sauvèrent pluiseurs hommes, femmes et
enfans, par le Géronde, qui vinrent à Bourdiauxavoecq le
marée comme gens desconfis et desbaretés, et recordèrent
leur mésavenue dont Bourdolois furent moult courouchiés,
et segnefyèrent ces nouvelles à monseigneur Robert d'Ar-
tois et estoit devant Sebilach, liquels en fu moult courou-
chiés, mais amender ne le peult tant que à celle fois.
Quant li Franchois eurent pris et concquis le ville de
Blaves et li pillart l'eurent toute robée dou demeurant de ce
que trouvet y avoient, si eurent consseil li seigneur, tel
fois fu, qu'il l'arderoient, et puis fu brisié chîls conssaulx, et
disent qu'il le tenroient, dont puis se repentirent, enssi
comme vous orés, et prissent consseil de merttre le siège
devant Miremont qui siet sur le rivière de Dourdonne. Lors
se partirent et deslogièrent de devant Blaves et vinrent à
Miremont et misent le siège et recommandèrent le ville
* Orant encombrier.
406 SUITE W LA GyjBRRE
de Blayes, 4 H chdvaliers, à mesisire J^hw Fouquëre ^
à messire Guillai^ne de ^ Tyria*. ^ Or vous dirons dou siège
de Sebilach, et comment elle fu prise et par quelle niaa-i
mère.
En le villa de Çebilao}]. ayoit a^o^t une cappittainne que
on appeUpÂt * Çegot 4ô Yilla,]f s. ^ et estoit ungç fetîs escuyers
et de linage, ablea et l^t^rdis. et très-bons ço^ipains^ mais
trop vollen tiers jeuoit as ^és et par usaige^ moult f^lënea
estpit, q^Mt.il J perdoit. Lji cpmpaignoAs sa^ldoyere et chil
de le ville jeuoient 4 lui et avoient souvent de son argent.
Avint qrx^ i^g aoir e^tra les autres il jei^oit à ung jone
homme de le vielle qfxi s'apielloit Simone Justin», et avoit
chils ung frèra maisnet d^e lui que on clami^oil; Climent»
et estpien,t cbil doy li plus riche de le villa et 4es pluâ grana^
amis.. DJbaa s*çsmut entre çhe Simion et ce Çegot pa?< leur
j^eu de dés et tant qu*il se desme^tire^t et se levèrent tout
doy en pies et. sachièrent leura espees et escarmuchièrent -
li uns as autres et ta^Oit^ qi^e BegoA consievi cha Sim^on tel-
lenieiit que il li fendi toute la testa et la jeta là mort ^. ^ Li
haços montai ®; saudoyer açoururent; gens, y vùia'eat d».
tous lés. Climens. Justin^ i vint açompaigniéa d* aucuns de
ses amis, qui son frère volloit con,trevengiar, mais adont il
nç peult, car li saudoyer estoien.t tout ayoecques Begot, et
leur convint encorres le place wuidier ou^ il euissent plu3
grant dojmmaige, Toudis depuis, Begos n'aloit poiab *® si
seuls acompaigniet que il n'euist LX ou XII" compaignona
avoecq lui, dont chils Climens et ses linaiges avoient grant
despit, et regardèrent çt parlementèrent enssamble qu'il
*'■ Thirifi.— ' Si y mirent tel garnison qu'ij appartenoit. — ** Begot
de Yillains. — •*' Que le dit Beghot fëry ce Simon sur le teste, si
grant cop qu'il le tua. — *• Adont monta le cry en la ville.— *® Aval
les rues.
»K GVTËNKE. 407
B^en poîent estra point oontrerengiet à leur aise fors par
les Englès. Si traitjèrent secrëtem^t deviers monsdgnenr
Eofaiert d*Artois et les Euglès ' que il les metteroit en le
TÎlle * affin que ' tons les estraigniers ^ il volsissent mettre
i l'espëe '. On leur acorda ^ liement ^ che marchiet» et souf-
ffirent de nuit li amit don mort le yille à escieller, et entre-
re&t eus bien CC archiers englës et furent maistre de le
porte et le ouvrirent de forche avoecq Tayde de Climent
Justin et des siens» et entrèrent ens li Ekiglis et furent tout
U saudoyer mort et Begos de YiUars et li autre. Chih
neediiés ayint enssi et tout par le jeu de dés : ce n'est point
lî premiers qui en. est advenus, ne li darraina qnû encorres
en avenra. Maudis soit-il,. car don jeu de des, c'est toutte
ennemie oose.
Apriès le prise de Sebillach^ messires RoUers d'Artois le
*ra(fireschy de nouvelles gens et de pourvëaachas ', puis s^œ
parti et s'en revint vers Bourdiaux, car H prise de Blaves
1& aimoieit trop fort, et quant il Ai revenu i Boardîanx il fist
sus le havëne assambler touttes les nefs et les vaismaux qei là
donuoient a l'ancre et les fist hastéement ordonner et pour-
veir de to«tte artillerie ^^y et puis sm* ung soir il fist entrer
CM toittles mannîëres de gens ^^ qui combattre as pooioit ^ et
parti ^ dott bavènede Bourdiaux et singla celle nuit avoecq
la marée et vint ^^ ung petit i^riës ^mienuit devant Bkvea, et
estoit adottt li flos de le mer si bault et si grans qv'ii batoit
as WÊÊses ^. Adont fisi-il vistement " mettre avant ^ esdiieUas
fll^ ordonner ^ archiers, et aprochier les murs et sonner ses
•^ Que a soofk'eroient que la ▼iUe fast prke. — *^ Le» sôdoieni.
— ■ Et cenhc de la ville frasent sauf. — «-^ Volentiers. — •••Rafresquy
hiy et ses gens. — ^^ Et tonte proyision qu'il appartient sur mer. —
rf-MQui estoieut taillié de combattre.— " Du Tespre. — *^*'** Devant.
— *• Et ne savoient rien de leur venue. — *'*• Apointier. —
* Approchier.
408 SUITE DE LA GUERRE
trompettes et assaillir ^ le ville où il n'eult mies grant ^^f-
fensce, * car elle estoit wuide de gens d'armes et de compai-
gnons pour le defiendre et garder contre tel ost '. Nonpor-
quant li doy chevalier qui dedens estoient et leur route ^, * en
fisent bien leur devoir et le dépendirent tant qu'il peurent
durer *. ' Che ne fu gaires, car archiers traioient si songneu-
sement et si espessement que chil de dedens n'osoient apro-
chier as garites, ne à deffensces, et en y eut là du tret
pluiseurs navrés. Que vous feray-je lonch compte? Es-
chielles furent drechies et apoyes as murs à grans graues
de fier, et compaignon able et légier et pour yaux esprou-
ver et honnourer, rampèrent et montèrent sus et entrèrent
ens, volsissent ou non li deffendant *: Enssi fu la ville gai-
gnie et avoit une église moult forte à l'un des lés de le ville.
La se retraissent li doy chevalier et leurs gens et contreba-
rèrent les huis et les fenestres et se tinrent ung jour et une
nuit depuis le ville prise et l'endemain il se rendirent sauve
lors vies *, et furent prisonnier as compaignons à qui il flan-
chièrent leurs fois.
Enssi par le vasselaige de monseigneur Robiert d'Artois
et de ses aidaus, fu le ville de Blaves reprise, dont li Fran-
chois qui devant Miremont séoient, furent moult courouchié,
et trop se repentoient de ce qu'il ne l'avoient ars. Quant
messires Robiers d'Artois se vit en possession de Blaves,
si en fu moult lies et alla au tour et regarda si elle estoit à
tenir, et vit bien que oïl, mais que elle fîiist bien pourveue et
avitaillie. Si le fist de rechief pourvoir et avitaillier de tout
* Viftement. — *-* Mais à Teare ii*y avoit sur les mura que ang
paa de g«Da. — * Qui ojrent la noiie. _ ^* Y accoururent et s*a-
quitêrent le plus lëalment qu*ils peurent ^-^ Deffense ne leur ralj,
car elle estoit jà eschiellëe en tant de lieux qu'elle fu prinse malgré
les deffendans. Et crioient les Englès : c Ville gaignie ! i Et tuèrent
et naTrèrent moalt du peuple. — * Et le leur.
DE GDYENNE. 409
ce qu'il y besongnoit, * et refourbir les fossés et drechîer les
murs et remaconner et de tous points rapareillîer, et^ fist
revenir hommes, femmes et enfans, qui parti s'en estoient,
pour repeupler et mettre le ville en bon estât *. Entrùes
que il se tenoit en Blaves et que li contes d'Ermignach et li
contes de Fois et li autres seigneurs séoient devant Mîre-
mont, doy évesque, c'est assavoir chils de Saintes et chils *
d'Anghouloime * aloient de l'un lés à l'autre, traitant ung
respit, et tant le parlementèrent que il se fist entre les pays
et leur aidans à durer jusques au premier jour d'avril que
on atendoit et de ce jour en ung an. Parmy tant se deffist li
sièges de Miremont, et chacuilffse devoit tenir à ce qu'il
tenroit et que concquis ou reconcquis arroit. Et se dépar-
tirent les doi os et s'en ralla chacuns en son lieu, li Fran-
chois en Franche et li Gascons en Gascoingne, et retourna
messires Robiers d'Artois avoecq les Englès arrière en
Engleterre deviers le roy, à qui il recorda comment il avoit
esploitiet. Li roys en eult grant joie et fu moult lies quant il
le vit dallés lui, * parce que il y trouvoit et avoit trouvet
pluiseurs fois grant consseil de ses besoingnes *.
Or revenrons à le matère des Flamens. Vous avés bien
oy compter chy devant comment li roys d'Engleterre avoit
clos tous les pas de mer et ne laissoit riens venir, ne arîver
en Flandres, et espécialement lainnes, ne agnelins, de quoy
tout li pays de Flandres estoit tous esbahis, car la draperie
est li plus principaux membres de quoy il vivent, et en
estoient jà trop de bonnes gens et rices marchans apovris,
et convenoit widier hors dou pays de Flandres pluiseurs
*-* Et le fist bien raparillier de mars et de fossés, et y fist revenir
plenté de peuple qui partis s'en estoient. — *-^ De Poitiers. — •• Et
le tint le roy à léal chevalier et de bon conseil.
4ia
1NFLVBMCE
honnestes bomoles et femmes, qui par le labeur de te dra**
perie estoieut devant ce bien aisiet, et venoient quérir leur
c]b<evanche en Haynnau et ailleurs là où il le pooient avoir :
dont grant murmuration estoit espars, et semés par le
pays de Flandres et espécialement ens es bonnes villes, et
disoient bien qu*U comparoient amèrement et dolereuse-
ment l'amour que K coiites leurs sires avdt as Francbois ;
car par lui et par ses: œuvres estoientril en ce dangier escéut
et en le haine don roy d'Engleterre, et que ce seroit mieux
li communs prouffis de tout le pays de Flandres de estre en
l'aeord et amour dou roy englès que dou roy de France. Voirs
est que de Franche leur viennent bien pluiseurs blés^ mes
quant il ne font de quoy acàter » ne de quoy payer et tout par
faute de gaignier, tout viratà mal pour eux, car muy de bled
a denier sî est dolent celui qui ne l'a. Mes d'Engleterre leur
viennent laânnes et grans proufiis qui tenir leur fait bons estas
et vivre en joie. Si ont-il de bleds assés dou costé deHaynnau
puisque 11 pays est de leur acord. Ensi esmeut et de plui-
seurs autres paroles pour le commun prouffit murmuroient
souvent les gens et le pays de Flandres^ et espécialement en
le ville de Gand ; car c'est li ville de tout le pays de Flan-
dres où on drappe le plus et qui le mains puet vivre sans
drapperie et ôssi adont à qui li contraire estoit plus grans.
Si s'asambloient par places, par mons et par fouquiaux, et là
en parloient et devisoient en tamainte diverse mannière et
en parloient villaiunement, ensi que commune gens ont
usage de plédier et parler, sus le partie le conte Loeys leur
seigneur, et disoient entr'iaux que ce ne faisoit mies à souf-
frir et que, se ceste povreté duroit longuement, tous li plus
grans et plus rices s'en doleroient et en yroit li pays de
Flandres à destruction.
Bien savoit li contes de Flandres que ses gens commune-
DE JAGQUJS& 9'aRTÇVELDE. 411
ment murmuroient sur lui et contre se partie. Si les appai--
soit-il et faisoit appaisier ee qtfil pooit et leur disoit et fan
soit dire : « Mes bonnes jgens, sachîés que ceste oose ne
« poet durer lougueroent, car j'ay oy iK>uYelles certainnes
« de par aucuns de mes amis que j'ay en Engleterre, et
a dient ensi que li Englës sont en plus grant estrif oonire
« le roy, affin que il puissent faire leur prouffif de leurs
« lainnes, que vous ne soyës en désir de FaYoir. II ne les
(c peuent vendre, ne ak>uer ailleurs que à vous, se ce n*est
(( à trop grandement leur daasimaige. Si vous i^paisiés,
« car g'i voy et sens pluiseura biaux remèdes pour vous et
(c dont vous serés temprement resjoys ; et ne penssës, ne
(c ne dites nul contraire, ne nulle mauvaisetië de ce noble
c( pays de Franche, d*où tant de biens vous ^abondent, a
Easi, pour yaux reconforter et apaisièr, leur disoit ou M--
soit dire li contes. Mais ni^titmains tout li plus estoient si
batu de celle disettejet povreté^ (et tous le» jour» leur recfois*
soit), qu*il ne se pooient apaisièr; car, qiioy que on leur
desist, U ne yeoi^it iml apparance de réconfort^ w de pro->
chain waignage, pour quoy il s^'esmouvoientet s'en méretteo-^
lioient de jour en jour et de plus esi plus. Et si n*estoit entre
yaux si hardis qui osast empreodre le fet fow le cremeur
dou conte.
Si demoura ce ung grant temps et tant comune ensi que
s'asembloient par fouquiaux en places et evk quaiTefour»» et
venoîent enssamble parlementer de divers lieux et de plm^
seurs rues parmy le ville de Gand aucui^ compaigaon qui
oy avoient trop sagement parler à leur agrée ung boar'*
geois qui s*apelloit Jaquèmes d*Artevelle et e^toit braasèrea
de miés. Si reprisent chil compaignon dessus dist ses
parolLes entre les autres et dirent qw c'eatoit ungs très-
sages hpms^ et que, il li avoient oy dii!e que., sdiit eatoii oya
412
INFLUENCE
et creus, il quideroit dedens brief temps tellement remettre
Flandres en bon état que il raroient tout leur wàignsuge et
seroient bien dou roy de France et dou roy d'Engleterre.
Ces paroUes commenchièrent à mouteplier, et tant allèrent
des ungs as autres que bien li quars de le ville en fut
enfourmet, espëcialement petites gens et communs asquels
li meschiés touchoit li plus. Lors se commenchièrent à ras-
sambler des rues et des quarefours et leurs assamblées à
remettre enssamble. Et avint que ung jour apriès diner, il
s'en partirent plus de V« sieuwans l'un l'autre, et appelloient
leur compaignon de maison en maison et disoient : ce Allons,
<c allons oïr le consseil dou saige homme. » Et vinrent enssi
jusques à le maison Jakème d'Artevelle et le trouvèrent
apoyant à son huis. De si loncq qu'il le perchurent, il estè-
rent leurs capperons et l'enclinèrent et li disent : « Ha!
<c chiers sires, pour Dieux merchi, voeillés nous oyr. Nous
« venons deviers vous à consseil, car on nous dist que li
« grans biens de vous remetera le pays de Flandres en bon
« point. Or nous voeilliës dire comment : si ferés aumonne,
<c car il est bien mestîers que vous avés considère nostre
« povrete. » Lors s'avancha Jaquèmes d'Artevelle et dist :
« Seigneurs compaignons, bien est voirs que j'ay dit que, se
« j'estoie de tous oys et creus, que je meteroie Flandres en
« boîn point, et se n'en seroit nos sires de riens grevég. »
Dont l'acollèrent qui mieux mieux et l'emportèrent entre
yaux. Et disent : « Oïl, vous serés creus, oïs, cremus et
« servis. » — « Seigneur, seigneur, ce dist d'Artevelle, il
«* besoingne bien que au remonstrer toute li plus sainne
« partie de le ville de Ghand soit et que vous me jurés,
« vous qui chy estes et tout chil qui de vostre acord sont ou
« seront, que vous me conforterés et aiderés en tous kas
« jusques à morir. » Et il disent tout d'unne voix : « Oïl. »
DE JACQUES D'aRTEYELDE. 413
Dont leur dist que rendemain à primme, il fuissent en ung
lieu que ou apelle le Biloke, et le fesissent à savoir à tous
parmy le ville de Ghand et que là présens tous il leur
remonstreroit publiquement che dont toutte la ville seroit
resjoïe. Et il respondirent tout d'unne voix : « C'est bien
« dist ; c'est bien dist. » Enssi ces nouvelles s'espardirent
parmy le ville de Gand et en furent les trois pars de le ville
tout sage. L'endemain à heure de prime, toute ii place de le
Biloke fu plainne de gens, et le rue où il demouroit toute
plainne ossi, et l'aportèrent mouvant de se maison entre
leurs bras et fendant touttes manniëres de gens jusques en
le place de le Biloke, et li avoient ordonnet ung biel escau-
faut sus lequel il le misent. Et là commencba-il à preschier
si bellement et si sagement qu'il converti tous coers en son
oppinion, et estoit sen entente que li pays de Flandres seroit
ouvers et appareilliés pour requeillir le roy d'Engleterre et
tous les siens, se venir y voUoient, par payer tout ce qu'il
y prenderoient, car li gherre, ne li haymie des Flamens as
Englès ne leur pooit prouâter, mais trop couster. Et leur
remonstra voies et conditions, lesquelles ne puevent mies
estre touttes escriptes, car trop y fauroit de parolles ; mes
la an fu telle que il li eurent en couvent et li jurèrent que
de ce jour en avant il le tenroient pour souverain , et se
ordonnèrent tout par lui et par son consseil, et fu ramenés
à son hostel si amiablement que à merveilles, et de jour en
jour mouteplioit en grant honneur. Che fu environ le Saint-
Michiel, l'an mil CCC. XXXVII que li grant parlement
devoit estre à Londres en Ëngleterre, et dou quel nous vous
compterons maintenant et comment il se porta.
Var, prem. réd. — Or revenons à la matière des Flamens.
Vous avés bien oy ci dessus comment le roy leur avoit dos les
pas de mer, ne qu^ils ne pooient avoir marchandises , de quoy
414 IJKF4»EMGB
tout le pays ecrioit esmeus et esbahisw Et murmul^oient loing et
prè8,.et espécialment les bonnes villes dîsoient qu'ils compa-
roient amèrement Tamour que le conte leur seigneur avoit si
grande au roj de France, car par lui estoient-ils en ce dangier
à rencontre du roj d'Ëngleterre. Si seroit mieulx le commun
prouffit d'estre bien des Englès que des François. « Vray est
« que des François nous viennent bleds, mais il convient avoir
« de quoy à acbater et paier; et muy de blé à denier dolent
« celui qui ne fa. Mais d'Engleterre nous viennent laines et
a grans prouffls pour avoir les vivres et tenir gratis estas et
« vivre en joie , et du pays de IJayhnaU nous Vênroit assés
« blés, nôud à eux d'accord. » Ainsi de plus en plus s'esmurent
fort, et èspéolalment à Gand. Si s'assetobloieht par places et
ôàrfbUrs, et deVifiôient • en moult de diverses manières; et
plainement disoient que ce ne se pooit longuement soustenir ,
car s'un poy longuement ceste chose duroit, le peuple de
Flandres iroit â perdicioh.
Or sceut le conte de Flandres que ses gens murmuroient
sur luy. Si les appaisoit ce qu'il pooit, et leur disoit : « Mes
c bonnes gens, sacbiés que ceste chose ne peut durer longhe-
« ment; car j'ay nouvelles souvent» et par mes amis, que les
« Englès sont en plus grant discort que vous n'estes , car il
« ne pevent vendre leurs laines fors à vous, se ce n*est à leur
« trop grant dommage. Si vous appaisîés de ce noble pays de
« France, dont tant de biens habondent. » Ainsi les appaisoit
et faisoit appaisier par aucuns de ses amis, mais nientmains
le peuple estoit si batus de celle disette, qu'il ne s'en pooit
appaisier, pour quoy ils s'esmoutoient de jour en jour plus que
devant, et si n'avoit si hardy d'eulx qui osast emprendre le
fais, pour le cremeur dou conte. Si demoura ainsi grant temps.
Enfin s'asamblèrent par grant fous, et dirent que plus n'aten-
deroient. En ce temps avoit ung bourgois à Gand, brasseur
de miel, lequel par pluiseurs fois parloit bien sagement au
gré de pluiseurs. Si l'appelloit-on Jacquemon d'Artevelle. Si
reprinrent aucuns hommes ses parolles aux aultres , et dirent
DE JACQC£8 d'aRTEVELDE. 445
qu'il estoit un très-sages homs, et dirent qu'il avoit dit que, s'il
estoit ojs et creus , il cuideroit en brief temps avoir remis
Flandres en bon estât, et r'aroient tout leur gaîgnage, sans
estre mal du roj de France, ne du roy d'Engleterre. Ces
paroUes multeplièrent tant que li quars ou la moitié de le
ville en fu infourmés. Lors se commencèrent à s'assambler,
et tant que une feste, après disner, il se mirent ensamble plus
de mille, et appeloient l'un l'autre à leurs maisons, en disant :
c Alons, alons ojr le bon consel du saige homme. » £t vinrent
à le maison du dit Jacquemon, qu'il trouvèrent apoiant à son
huis. De si long qu'ils le perchurent, il lui firent grant révé-
rence et honneurs, et dirent : c Chier seigneur, veuilles nous
c ojr. Nous venons à vous à conseil, car on nous dist que
c les grans biens et sens de vous remettra le pays de
« Flandres en bon point. Si nous dittes comment, et vous
c ferés aumosne. > Lors s'avancha Jacques d'Artevelle, et
dist : c Seigneurs compaignons , je suis natif et bourgois de
c ceste ville, si y ai le mien. Sachiés que de tout mon pooir
c je vous vorroie aidier et tout le pays ; et s'il estoit homme
c qui vosist emprendre le fais, je vorroie exposer mon corps
< et biens à estre dalés lui ; ou se vous aultres me voilés estre
« frère, amy et compaignon en toutes choses, pour demourer
« dalés my, nonobstant que je n^en suy mie dignes, je
c l'enprenderoie volentiers. » Alors dirent^ils, tout d'un assens
et d'une voix : « Nous vous prometons léalment à demourer
« dalés vous en toutes choses, et d'y aventurer corps et biens,
€ car nous savons bien qu'en toute le conté de Flandres n'y a
c homme, senon vous, qui soit digne de ce faire. » Âdont,
quant Jacques se vit ainsy acuellis en l'amour du peuple, par
pluiseurs jours il fist grans consaulx et grandes assamblées de
gens, en remonstrant qu'il tenissent le partie des Englès à
rencontre de oeulx de France, et que il savoit bien que le roy
de France estoit si occupés en moult de manières qu'il n'avoit
pooir, ne loisir d'eulx faire mal, et avec ce le roy d'Engleterre
seroit joieux d'avoir leur amour, et aussi aeroit pnfin celui
416 niFLUENCB
de France. Et leur remonstroit qu'ils aroient Hajnnau, Bra-
bant. Hollandes et Zellandes avec eulx. Et tant les mena de
parolles que toute la communalté et grant plenté de la bour-
goisie se tirèrent avec et abandonnèrent de tous poins leur
seigneur, sans riens plus convertir, ne aler devers lui ; mais
le compaignoient à si grant puissance que tous les jours dor-
moient en sa maison, buvoient et mangoient mille ou douze
cens personnes, et le compaignoient à aler par la ville ou
ailleurs leur bon lui sambloit.
Sêc, réd. — En ce temps dont jou aj parlet, avoit grant
dissention entre le conte Loeis de Flandres et les Flamens, car
il ne voloient point obéir à lui, ne à painnes ne s*osoit-il tenir
en Flandres, fors en grant péril. Et avoit à ce dont ung homme
à Gand qui avoit estet brassères de miels. Chils estoit entrés
en si grant fortune et en si grant grasce à tous les Flamens,
que c^estoit tout fait et bien fait quanqu il voloit deviser et
commander par toute Flandres, de Tun des corons jusques à
Taoltre, et n'i avoit nullui, com grans qu'il fust, qui de riens
osast trespasser son commandement, ne contredire. Il avoit
toutdis apriès lui, alans aval le ville de Gand, LX ou IIII.*^
variée armés, entre lesquels il en y avoit II ou III qui savoient
aucuns de ses secrès, et quant il encontroit un homme qu'il
avoit en souspeçon ou qu*il haioit, cils estoit tantos tués ; car
il avoit commandé à ses secrès variés et dit : c Sitost que jou
c encontre un homme et je vous fai un tel signe, si le tués
• sans déport , com grans , ne com hauls qu il soit , sans
• attendre plus aultre parolle. • Ensi avenoit souvent, et fist
en celle manière pluiseurs grans mestres tuer, par quoi il
estoit si doublés que nuls n osoit parler contre cose qu'il vol-
sist faire, ne à painnes penser de lui contredire. Et tantost que
cil LX varlet le a voient raconduit à son hostel, cascuns aloit
disner en se maison, et tantost apriès disner il revenoient
devant son hostel et beoient en le rue, jusques adont quil
voloit aler aval le rue jouer et esbatre parmi le ville, et ensi
DE JACQUES d'aRTEVELDE. 417
le conduisoient jusques au souper. Et saciés que cascuns de
ces saudojers avoit cascun jour IIII compagnons ou gros de
Flandres pour ses frès et pour ses gages, et lés faisoit bien
payer de sepmainne en sepmainne. Et ossi ayoit-il par toutes
les villes et les chasteleries de Flandres, sergans et saudojers
à ses gages, pour faire tous ses commandemens et espjer et
savoir s'il avoit nulle part personne qui fust rebelle à lui, ne
qui desist, ne enfourmast nullui contre ses volontés. Et sitost
qu'il en savoit aucuns en une ville, il ne cessast jamais si Teuist
fait bannir ou fait tuer sans déport : jà cils ne s*en peuist
garder. Et meismement tous les plus poissans de Flandres,
chevaliers, escuiers et bourgois des bonnes villes qu'il pensoit
que fuissent favourable au conte de Flandres en aucune ma-
nière, il les bannissoit de Flandres et levoit le moitiet de leurs
revenues et laissoit lautre moitiet pour le doaire et le gouver-
nement de leurs femmes et enfans ; et cil qui ensi estoient banit,
desquels il estoit grant fuison, se tenoient à Saint -Omer le
plus, et les appelloit-on les wooUis ou les ùuttre avoïUs. Brief-
ment à parler, il n'eut onques en Flandres, ne en aultre pays,
conte, duch, prince, ne aultre, qui peuist avoir un pays si à se
volenté, com cils Tavoit et eut longement; et estoit appelles
Jakemars d'Artevelle. Il faisoit lever les rentes , les tonnieus,
les winages, les droitures et toutes les revenues que li contes
devoit avoir et qui à lui apertenoient, quel part que ce fust
parmi Flandres, et toutes les maletoltes. Si les despendoit à se
volenté et en donnoit sans rendre nul compte ; et quant il voloit
dire que argens li falloit, on l'en creoit par sen dit, et croire l'en
convenoit, car nuls n'osoit dire encontre*, et quant il en voloit
emprunter à aucuns bourgois sour son paiement, il n'estoit nuls
qui li osast escondire à prester.
A le Saint-Michiel, comme dist est, furent li grant par-
lement à Wesmoutier dehors Londres, et durèrent trois
* Pour doubfe de perdre la vie.
I. — FBOIMART. Î7
418 ÉDOUARB m
sepmaines, et là farent tout li plus gfant et plus sage
d^Engleterre, prélat, conte, baron, chevalier et li cens-
saulx des bonnes villes. Là remonstrèrent li doi évesque,
c'est assavoir de Lincolle et de Durem, et li baron et chil
qui à Vallenchiennes avoit estet, comment il s'estoîent
maintenus atendans le consseil de Franche qui oncques ne vot
venir, et to]it ^nssi de point en point comme vous avés chy
dessus oy. Et quant li prélat eurent proposet touttes Içurs
parolles, li roys se leva e^ estapt et requist que oa le vol-
sist çpnseillier si à ppint que ce fust à ^o^^e^r da lui pt de
SOA royaumme. Adont respondireiit li plus saige p^ ^vis et
disent que tout considérât e% imagiuet lei^ request^ft, les
voies, les oSras, les pourkasi, les tretié3 et las parle^ens
que li roys avoit fais et représentés, dont 11 Franchois ne
faisoient nul compte, il ne pooit nullement estre, ne demeu-
rer que il ne rendesist son hommage au poy de Franche et
le deffiast de lui et de tous ses aidans. Ghils conssaux fu
tenus et arestés, et li évesques de Lincolle pryés que de pas-
ser le mer et porter les defflanches, liquels à le pryère et
ordonnanche dou roy et des seigneurs dist que il feroit ce
voUentiers. Encoires fu-il dist et arestet que pour aidier le
roy à avoir finance et ses gherres à parmaintenir chàcuns
sas (Je lainne paieroit double imposition, et à durer tant que
les gherres dureroient. Et fu là regardé (Je quel somme on
li renforcheroit se mise. Si en respondirent VI bourgois, li
(Joi de Londres, li doi de Évruich et li autre doi de Con-
ventre que on li renforcheroit ceste coustumme de CGC mille
nobles par an et que V^ mille nobles en renderoient-il cha-
cun an à trois paiemens. Encoirres fu-il conseilliet et arestet
que on deffendesist,' et sus le teste, parmy le royaumme
d*Engleterre, que nuls ne jeuast, ne s'esbania3t fors que de
Tarc-à-main et des saiettes et que tout ouvrier ouvrant ars
SB PRÉPÀRB À LA GUERRE. 419
et saiettes fuissent francq et quittes de touttes débites.
Encoirres fu-il ordonnet et arestet que tout chevalier et
escuyer et compaignon servant le roy en se gherre aroient
les saudées dou roy et chacun presist son paiement seloncq
se quantité de demi-an, et que tout prisonnier et concquest
qu'il poroient faire, ne prendre, ce leur demourast a leur
prouffit. Encoirres fu ordonné que sus les ylles tels que de
Cournuaille, de Guemesie, de Wisk, de Hantonne et de
Cepée, nulle gens d'armes, ne de deffensce, ne se meuissent
pour semonsce, ne mandement que li roys fesit, mais gar-
daissent leurs marches et leurs frontières et presissent et
abilitassent leurs enfans à manier armes et à traire de
Tarch parmy chacun doi estrelins le jour qu'il aroient de
pension sus les coustummes des lainnes, demorans en leurs
marches. Encorres fu-il ordonné et aresté que tout seigneur,
baron, chevalier et honnestes hommes de bonnes villes
mesissent cure et dilligence de estruire et aprendre leurs
enfans le langhe françoise par quoy il en fuissent plus able
et plus coustummier ens leurs gherres. Encoirres fu-il
ordonné et deffendu que on ne laissât passer nul cheval
outre-mer à nuls des lés d'Engleterre, sans le congiet dou
cancelier, sus à estre en le indignation dou roy. Encorres
fu-il ordonnet que de envoyer gens d'armes et archiers en
Tille de Gasant à l'encontre des Flamens qui là se tenoient
en garnison de par le cont« de Flandres, de quoy messire
Guis, bastars de Flandres, frères au conte, messire Ducres
de Halluîn, messires Jehans de Rodes, messires Gilles de le
Trief , messires Jehans et messires Simons de Bruquedent
estoient chief avoecq pluiseurs autres. Si en fu pryés mes-
sires Henris de Lancastre li jones, qui fu là fet contes Derbi,
cousins germains dou roy, et li contes de Sufforch, li sires
de Bercler , messires Guillaumes Fils-Warine , messires
420 LE COMTE DE FLANDRE CHERCHE
Loeîs de Biaucamp, messires Richars de Stanfort, messires
Gautiers de Mauni qui nouvellement estoit revenus d'Es-
coce, où pluisseurs belles baceleries et appertisses d*armes
avoit fait tant qu'il en avoit le grâce et l'amour dou roy et
de tous les seigneurs d'Engleterre. Et le retint là li contes
Henris Derbi pour son chevalier et le plus prochain de lui,
et fu mis et escrips à estre dou conseil dou roy . Encoirres
fu là ordonnet et confermet li mariaiges de Guillaume de
Montagut, qui loyaument avoit servi le roy ens es gherres
d'Escoche et tellement reboutet les Escos avoecq l'ayde de
monseigneur Gautier de Mauni, que il ne s'osoient mes
apparoir clërement fors en fuiant et en cachant. Et pour lui
rémunérer ses bons services, li rois li donna le jone con-
tesse de Salebrîn, madame Aélis, dont il tenoit la terre en
se main et en garde, et estoit li une des plus belles jones
dames del monde. Encoires y eut pluiseurs ordo^nances
faittes, devisées et acordées, le parlement séant, qui touttes
ne puevent pas estre registrées, ne escriptes, et qui furent
bien tenues, avoec celles dessusdites. Fins département fu
que tout seigneur, conte , prélat, baron et bonnes villes se
départirent sur Testât que de yaux pourvoir et appareillier,
quant requis et semons de par le roy en seroient. Si se
parti li évesques de Lincolle pour porter les deffianches par
lettres scellées au roy de Franche et fu enfourmés quel cose
il devoit dire.
Or revenrons as Flamens pour mieux entendre le éléva-
tion Jaquemon d*Artevelle qui gouverna le conté de Flandres
par le tierme de IX ans et fîst en partie ses vollentés ensi
que vous orés chy apriès. Vous avés bien oy chy dessus
comment il préecha en le ville de Gand et eult Tacort de
toutte le ville, espécialement de toutte le communalté, à
A FAIRE PÉRIR ARTËVELDE. 421
faire ce qu'il voroit. Quant 11 roys de France entendi les
nouvelles de lui, se li despleurent durement ; car il suposa
assës que se li Flamencq estoient contraire et ennemit à
lui, ne à son royaumme, que trop lui poroient grever et
mettre le roy d'Engleterre en son royaumme par leur païs.
Si manda au conte de Flandres qui se tenoit à Bapesmes,
que nullement il ne laiast resgner, ne vivre ce Jacquçmon
d'Artevelle, car il estoit trop à» son prëjudisce et que par
lui, se il duroit longuement, il perderoit se terre. De quoy
li contes qui bien sentoit tous ces mesciés, acquist amis des
plus grans de linage de le ville de Gand, et les jurés avoit-il
pour lui, car il li dévoient foy par sièrement. Si fisent
pluiseurs aghës et embusces sus d'Artevelle; mes oncques
ne le peurent avoir à leur aise, car toutte li communaulte
de Gand estoit si appareillie pour lui que qui li volsist mal
faire, il convenist estre plus fort que de XXX" ou LX°
hommes, et estoient toutes mannières de gens wiseux pour
lui mieux servir à gré et le deffendre, se mestiers fuist. Et
avoît toudis chils Jacquèmes d'Artevelle allans apriès lui
VI" ou VII" variés armés, entre lesquels il en y avoit V ou
VI espécialement outrageux et dont il faisoit se bourle et
qui savoient ses secrès et quel cose il voUoit faire, et quant
il encontroit ung homme qu'il hayoit ou qu'il avoit en sou-
pechon, il leur faisoit ung signe, et tantost chils estoit tués
sans déport, com grans qu'il fuist, ne de quel linaige ; et si
avenoit ce souvent, et en fist en celle saison pluisseurs grans
maistres tuer, pour quoy il estoit si doubtés que nuls n'osoit
parler contre cose qu'il volsist faire, ne à painnes pensser
de lui contredire. Et tantost que chil VI" ou VII" variés
l'avoient conduit en son hostel, chacuns alloit disner en se
maison, et tantost apriës disner, il revenoient devant sou
hostel et là l'atendoient jusques à tant qu'il yssoit hors pour
4â2 LE COMTE DE FLANDRE CHERCHE
aller aval le ville, qui le ramenoient au soupper et faisoient
de nuit bon guet devant son hostel; car bien savoit qu'il
n'estoitmies bien amés de tous et espécialement dou conte,
car jà en avoit-il veu pluiseurs appairans, dont il s'estoit
bien sceu oster.
Var. prem. réd. — Or avint que le conte de Flandres en sot
à parler. Si le manda qu'il alast parler à luy en son hostel;
mais il y ala à si grant compaignie que le conte n'avoit pooir
de résister encontre lui là présentement. Le conte luj remonstra
par pluiseurs poins, qu'il volsist tenir la main à tenir le peuple
en l'amour et pour le roy de France, comme celuy qui en avoit
plus d'auctorité que nul aultre, et lui offry pluiseurs biens à
faire, et entre deulx lui disoit paroUes de soupeeon de manaces,
lequel Jaquemon n'avoit nulles doubtes de sa manace leur il
estoit, etaù surplus en son corage il amoit les Englès. Si res-
pondy qu'il feroit ce qu'il avoit promis au commun , comme
celui qui n'avoit point de peur, et au plaisir de Dieu il en
venist bien à chief. Et ainsi se party dou conte. Nientmaîns le
conte se conseilla à ses plus privés comment il feroit de ceste
besongne, lequel avoit avec luy aucuns des bourçois de la ville
qui avoient des grans amis et lingnages dedens la ville. Si lui
conseillièrent de les laissier convenir, et ils le tueroient secrè-
tement ou aultrement. Et sur ce s'en misrent en paine par
pluiseurs fois, et firent pluiseurs agais sur le dit Jacquemon.
Mais riens n'y valoit, car toute le communalté estoit pour luy,
tant que on ne lui pooit mal faire, qu'il ne convenist estre
puissant de conbatre contre toute la ville et le Franc. Et le
siévoient toute manière de gens huiseux, de banis et de toute
malvaise vie qu'il requelloit, et par espccial avoit toutdis dalés
luy cens ou deux cens armés, èsquels en y avoit vingt ou trente
des plus outrageux de qui il faisoit se bourle et qui sa voient tous
ses secrès. Dont, quant il veoit aucun homme qu'il héoit ou de
qui il se doubtoit, il faisoit ung signe, et tantost il estoit tués,
que grant qu'il flist. Et pour ce il estoit si cremus, que nuls
A FAIRE PÉRIR ARTBVELDE. 423
n'osoit parler contre sa rôlenté. Et aroit tousjours bon gait,
de jour eft de nuit, devant sa maison ; car il savoit bien qu'il
estoit hajs, et en avoit yut les apparans, dont il s'estoit bien
gardes.
En ce temps pendant, fu le roy de France advertis que
les Englès faisoiéni ung mandeiiient, et aToient mis sus gens
pour tenir dechà Teauwe, et par espéeial devers Flandres. Si
éicripsit au conte de Flandres qu'il y volsist pourvéir sur les
frontières de la mer. Et sur ce le conte de Flandres envoia le •
sien frère bastar, qu on appeloit messire Guy de Flandres, avec
grant chevalerie et gens, tels que messire le Duore de Halluin,
messire Jehan de Roddes, les deux frères de Bruquedem, mes-
sire GiBe de le Triest et pluisetfrs aultres jusques au nombre
de denix oena ohevalierâ et escuiérs et bien quatre^ mille com-
batans, lesquels se misrent en Tille de Gag^int, où la ville et
toute Tille leur obéissoit. Et sachiez qu'ils firent mains maulx
et mainte destrousse svtr lés Englès. Et biei^ tenoient en cre-
meur toute le coste d'Engleterre, en monstrant qu^il estoient
bonne gent de guerre, et tinrent grant temps le pays en grant
subjection. Mais fortune est moult muable, comme il apparu ,
car les Englès de oè seurent à parler, d6nt il leur desj^ut
moult. Si y pourvoiront bien ateâtureusemeM, cottme vous
orés chi-a^rèé.
Sêe. réi. — Quant la oongnissance de la mort dou signeur Cour-
trissien vint à Jaquemon Dartevelle, si se doubta que li contes ne
le fesist secrètement ocire , et pour obvyer à toutes doubtes et
faire tant que il fust tous sires de Gand et que il peuist tenir
ses convenances aux Englès sus la fourme et manière que il
lor avoit proumi», il âst le mestre et le signeur et volt
monstrer poissanee entre ceuls de Gand. Et avoit tous les
jours entre cent et sys-vins variés tous armés qui le sieu-
voient, entre lesquels il en i oroit auquns qui connissodent sa
manière, et quant il enconkoit ung homme que il avoit en
haine, eom grans %ue il fust, il faisoit un ug&e« Chils homs
424 LE COMTE DE FLANDRE CHERCHE
estoit tantos... et oois; et par telles oevres haustères, chils
Darteyelle fu si cremeus que nuls ne Tosoit courouchier, ne
contredire de cose que il yosist dire et faire, et esleva une
sexste de compagnons en Gand, que on nommoit les Blancs
Caperons, et en fist à tous livrée, et estoient bien sjs mille et
tous les jours mouteplioient-il et portoient yolentiers les blancs
caperons, car il avoient mieuls title de mal faire que li aultre
qui nul n'en avoient, et n*en portoit nuls se il n'estoit tout fin
hors mauvais.
Li contes de Flandres se tenoit le plus dou temps dalés le
roi de France et ne savoit comment pourvoir à ces coses qui
tous les jours moulteplioient en mal, et aussi li rois ne Ten
savoit comment consiUier. Si se avisèrent Tun parmi Taultre
li rois et li contes de Flandres que il meteroient en Tillé de
Gagant devant FEscluse une garnison de gens d'armes qui là
garderoient la mer à la fin que nuls ne venist d'Engleterre en
Anwierç, en Hollandes, ne en Zellandes, menans marceandise,
alans, ne venans, qui ne fust rués jus. Et i furent envojet de
par le conte de Flandres eu garnison pluisseurs chevaliers et
esquiers de Flandres, toutes bonnes gens d*armes et aultres
appers hommes des tenances de Flandres, et estoient bien
cinq mille et fissent moult de mauls et de destourbiers sus la
mer avant que on i pourveist, et n'osoient li Englois envoyer
lors marceandises, ne lors lainnes en Anwiers, ne passer par
là; ne aussi li Austrelin pour la doubte de ce pas n'osoient
venir en Flandres, mais faisoient lor estaple de lors marcean-
dises à Dourdresc, de quoi la marceandise de la draperie fu
toute refroidie et perdue en Flandres un grant temps, et ne
trouvoient les bonnes gens à quoi gaegnier, car nulles lainnes
ne lor venoient d'Engleterre. De ces avenues estoit Jaquemars
Dartevelle tous resjoïs, car bien sçavoit que nuls ne les leve-
roit de là, ne délivreroit le passage, fors la poissance dou roi
d'Engleterre , et dura chils affaires bien ung an, dont grans
murmurations estoient parmi les bonnes villes de Flandres, et
disoient toutes gens : c Chil de Gagant nous estent le pain de
A FAIRE PÉRIR ARTBYKLDB. 425
« la main. > Jaques Dartevelle faisoit semer paroles aval le
païs et dire que quant il vodroit bien, acertes li pas seroit
délivrés et Teuist juret li contes de Flandres et tout chil qui Fen
vodroient aidier.
Or parlerons de Tévesque de LincoUe, comment il vint
defiyer le roy de Franche de par le roy d*Bngleterre, et
puis retourons encore à le matëre des Flamens, pour mieux
ataindre notre histoire. Tant esploita li ëvesques de Lincolle
par ses journées parmy le royaunune de Franche que il vint
à Paris et trouva le roy Phelippe bien accompaignië dou
roy de Behaigne, dou roy de Navarre, de ducs, de contes
et de barons grant foison, car che fo à une solempnité de le
Toussains, l'an mil GGC.XXXVII, et n'atendoit li roys de
France de jour en jour autre cose que de oyr tels nouvelles
seloncq le relation que il avoit oy d'aucuns de ses amis del
empire. Et entra li dis ëvesques de Lincolle en le cambre
dou roy, car on li flst voie. Si salua le roy et Tenclina, et
tous les autres ^ rois ' enssuiwant, et bailla ses lettres au
roy de France, liquels les rechupt et brisa ung petit signet
qui estoit deseure en avant. Elles estoient à ung grant séel
pendant et en parchemin touttes ouvertes, ^les regarda li
roys ung petit et puis les bailla à ung sien ciStcq secrétaire,
et les fist là lire, lesquelles faisoient mention enssi ou asses
priés, sicomme j'ay oy recorder depuis chiaux qui aucune
cose en dévoient savoir et espécialment le seigneur de
Saint- Venant qui y fo préseus :
« Édouwars, par le grâce de Dieu roy d'Engleterre et
(c d'Irlande, i Phelippe de Yallois escripsons. Gomme ensi
(K soit que par le succession de nostre cher oncle monsei-
cc gneur Charlon, roy de France, nous soyons héritiers del
i.t
Seigneurs.
426 l'évéque de limcoln défik prilippb de yalois.
<jc hiretai^e et couramie de Fi^nche par trop plus procbain
« degré que vous ne soyés, qui eu le possession de nostre
c( hiretaigd vous estes mis et le tenés et tenir vouUés de
« force \ si le vous avons-nous par pluiseurs fois mofistret
<c et fet remonstrer par si digne et si espécial avis comme
i< celui del église et le saint collège de Romme et ^ al
<f entente' del noble empereour, ehief de touttes juriditions,
CE asqueles ^ coses et demandes ^ vous n'avés mies voUut
ce eirte^dre, mais vous estes tenu et tenés en vostre oppi-
a nion fondée sus tort, pour quoj nous vous certefions que
« le nostre hiretaige de Fraûche nous requérons par le
« puissance de nous et des nostres, et de ce jour en avant
« defflons vous et les vostres de nous et des nostres, et vous
If rendons foy ethommaige que sans raison vous avons fait,
« et remetons le terre de Pontieu avoecq nostf e autre hire-
«c taige en le garde de Dieu, non en le voàtre, qui ennemy
« et adverssaire vous tenons. Donné en nostre palais à Wes-
« moutier, présent nostre général consseil, le XIX' jour
0c dou mois de octembre. »
Quant li reys Pbelippe eut oy lire ces tettfes, si se
retourna viers Févesque de LincoUe et n'en flst par sam-
blant mies trM grant compte, et commença à sourire et
dist : « Évest^ues, * vous avés bien fet che pour quoy vous
a estiés chy venu '. A ces lettres ne convient point d'es-
« cripre. Vous vous povés partir quant vous vouHés. » —
« Sire, dist Tévesque, grans merchisl » Dont prist congiet
et retourna à son hostel et se tint là totrt le jour. Sus le
soir li roys li envoya ung bon sauf-conduit pour lui et pour
tous les siens *, sus lequel sauf-conduit il rapassa parmy le
* Oultre nostre volenté. — *' Et par le conseil. — * ' Raisons. —
*-' Vous avez bien dit et fait votre message. — • Pour retourner seu-
rement parmy le royalme de France.
ARMEIIEMTS DU ROI DB FRANCE. 427
le royaumme de Franche sans péril, et revint en Engle-
terre deviers le roy et les barons, à qui il recorda * com-
ment il avoit eE^loitiet *. Si en eurent K jfoglës grmt
joie.
Or vous dirons dou roy de Franche. Quant il eut vent
les deffianches dou roy d'Ëngleterre, il les fist coppyer et
les envoya en pluiseurs lieux par son royaumme et hors de
son royaumme aân que ^ li seigneur ^ euissent advis et con-
sidération sus et espécialement au conte de Haynnau son
nepveult et au duch de Braibant, et leur manda estroitement
que il n'euissent nulle allianche au roy d'Engleterre, et se il
Tavoient ou faisoient, il leur arderoit leur pays» ensi au
conte de Bar et au duch de Lorainne, mes de eheux n'es-
toit-il en nulle doubte, car il estoient bon Franchois et loyal.
Et envoya tantost li roys pourveir et regarder en ses garni-
sons sus les frontières de l'empire, car des Allemans
n'estoit-il mies trop asseur et manda a chiaux de Toornay,
de Lille, de Biétune, d'Arras et de Douay qu il fuissent sur
leur garde et pourveissent et fortifiassent les villes powr
atendre siège ou assaut* se mestier faisoit, et ossi %tte il
presissent garde as eastiaox et eas el caateleries d*entour
yaux et renouvelassient officyer et le» rafresquisseat de
touttes coses nécessaires pour le gberre» Et envoya li rois
à Saint-Omer, à Ayre, à Calais, à Boulongne et là envhrcm
gens d*armes pour garder les frontières, ossi à Abeville, au
Crotoi, à Saint-Valéri, à Eu, à Dieppe, à Harflues, à Hon-
nefiues et en toute le Normendie, jusques en Bretsngne ^ et
Pont-Orson ^ et mocrvant de le BréUingne jusques ea le
Rocelle et de le Roeelle en Saintonge et tout le P^tou en
^■* Comment il avoit furny son messaige ** Se» amis. — ^* En
revenant jusques à Harfleur.
428 ARMEMEMS
revenant en Limozin, en Roherge, en Aginois et en Toulou-
sain et tout le NerbonnaiSy le Charcasonnois, Bedariez,
Aiguemortes, Biaucaire, Montpellier et Nismes, et jusques
as portes d'Avignon et toutte Rosne, le Pont-Saint-Esperit,
Viviers, Tournon, Jalieu, le bourch d'Argental, Vienne,
Lions et toute le conté de Foriest, le teire le seigneur de
Biaugeu, le conte de Mascon, Tournus et tout jusqu'à
Ghallon sus le Sone, et toute le conté et le duchié de Bour-
goingne, costiant TAIemaigue, TAusay et le terre de Mont-
béliart jusques en Tévesquet de Lengres et toutte le Cam-
paigne costiant le Lorraine, l'évesquiet de Thoul et Tévesquiet
de Miez, revenant jusques à Rains et à Chaalons et toutte
le conté de Rethers, Doncheri et Maisières et ces fors cas-
tiaux sour le rivière de Meuse, costiant l'Ardenne, l'éves-
quiet de Liège et Fumain et le Haynnau et le terre monsei-
gneur Jehan de Haynnau et toutte le conté de Roussi, de
Porsyen, de Brainne et l'évesquiet de Laon. Et escripsi
amiablement et fiablement à ciaux de Cambray que il li
fuissent amis et bon voisin en tous cas, et il leur seroit, se
mestiers en avoîent ; et envoya messire Godemar dou Fai à
Tournay demeurer et séjourner pour regarder à le chité et
ou pays d'environ. Et mit le seigneur de Biaugeu en Mor-
taigne sus estant pour garder che passaige ; et mist
encoires sour mer grant quantitet de Normans et de Gene-
vois, de quoy messires Hues Kiérès, messires Pierres
Bahucès et Barbevaire estoient cappitainne, et leur com-
manda et enjoindi que il ardissent en Engleterre au plus
tost qu'il poroient et donna à son chier cousin monseigneur
Jacquemon de Bourbon, le conté de Ponthieu et touttes les
appendances, en foi et en hommaige et à tenir de lui, liquels
en prist le possession et y amena medame se femme K
* Demourer.
DU ROI DE FRANCE. 429
Quant li rois de France eut ensi ordonnet et fet pour-
veir, rapareillier et rafrescir touttes les frontières de son
royaumme tant sur mer comme par terre, si escripsi-il et
manda fiablement au conte de Flandre sen cousin * que il
ratresist et tenist à amour ses gens par quoy li Englès
n'euissent nulle aliance à yaux, et y envoya de par lui le
conte de Vendosme et le seigneur de Montmorensi, pour tre-
tier à yaux qu'il fuissent amis et bon voisin au royaumme
de Franche, et il leur tenroit toudis les pas ouviers de
Tournay, de Biëtune, d'Aire, de Saint-Omer et de Wames-
ton-sus-le-Lis * et aroient à leur vollenté bleds et tous grains
pour conforter leur pays. Et allèrent chil seigneur de
bonne ville en bonne ville remonstrer touttes ces coses de
par le roy de Franche. Li aucun s'i assentoient, mes li plus
non ; ' car li waignages de le drapperie leur touchoit plus au
ravoir avoecq lainnes d'Engleterre que il ne fesissent adont
bled, ne avaines, car de tout ce avoient-il assés et à grant
marchiet ^. ^ Touttesfois flsent tant chil seigneur de Franche,
que quand il se partirent de Flandres il layèrent le conte
Loeys à Gand assés amiablement dalés Jakemon d'Artevelle
et chiaux de Gand, mais depuis n*y demoura-il mies longue-
ment, ensi comme vous orés •.
' Or vous parlerons des Englès *, le conte Derbi et leur
route, qui partirent d'Engleterre et se missent ou havène
de Tamise et vinrent celle première marëe jësir devant
* Comme aultre fois lui avoit escript. — 'Et par toute le rivière
de TEscault. — ''^ Ils aimoient mieulx la marchandise d^Eugleterre.
— '-' Si ne les pooit-on rapaisier; et ossy Jacquemon d^Artevelle ne
s'i acordoit point. — '• Or vous diray comment le conte Derby et se
route estoient sur mer pour venir vers Gagant.
430 COMBAT
Gfra¥6sande bien pourveus et abilliés de iiaves, de vaissiaux,
de bu96es» de scutes, de hokebos, armées et frétées, et
estoient IP archiers iet * V° * armures de fer. ^ De le seconde
marée il viurent devant Mergate et furent là un soir, et le
nuit et environ mienuit il se désancrèrent et tendirent leurs
voilles au plein, car il a voient vent à souhet et se boutèrent
en mer et singlërent tout jour ^ et vinrent assés pries de
Gaiaut à heure de nonne. Che fu le nuit Saint-Martin en
yvier, ranmilCCC.XXXVII.
Quant li Englès virent le ville de Gaiant où il tendoient à
venir et combattre chiaux qui par dedens se tenoient, si
s^avisèrent et regardèrent que il avoient le vent et le marée
pour yaux, et que ou nom de Dieu et de saint Jorge il
approcberoient. Dont fl^sent-il sonner leurs trompettes, et
s'armèrent et * aprestèrent ^ visteraent et ordonnèrent leurs
vaissiaux et missent les archiers devant et singlèrent fort
vers le ville, Monlt bien avoient les gettes et les gardes
qui en Gaiant se tenoient et sur lé mer estoient, veu apro-
*-* Huit cent8.««* *'* Si ordonna li rois englès assés tostapriès le conte
de Derbi son cousin et monsigneur Gautier de Mauni qui jà avoit tant
fait de belles bacheleries en Escoce qu'il en estoit durement aloses, et
ossi aucuns aultres chevaliers et escuiers englès, qu'il se vosissent traire
devers Gagant et combatre chiaus qui là se tenoient. Li dessus dit
obéirent au commandement le roi leur signeur et fisent leurs pour-
véances et lor amas de gens d'armes et d'arciers à Londres et char-
gièrent leurs vaissiaus en la Tamise. Quant il furent tout venu et
apparilliet , il estoient environ V" armeures de fier et II™ arciers ; si
entrèrent en leur navie qui estoit toute preste, et puis se désancrèrent
et vinrent de celle marée le première nuit gésir devant Gravesaindes.
A l'endemain il désancrèrent et vinrent devant Mergate ; à le tierce
marée il tirèrent les voiles à mont et prisent le parfont et nagièrent
tant par mer qu'il veirent Flandres. Si arroutèrent leurs vaissiaus et
les misent en bon convenant. — ** Apparillièrent.
DE CADZAND. 451
chier ceste grosse armëe. Si supposoient assës que c'ee-
toientEnglès. Dont il s'estoient jà tout armé et rengiet sus
les dicques et sus le saveion et mis les pignons par ordon-
nanches devant yaux et fet entr'iaux des nouviaux cheva-
liers jusque à * XVI * etpooient y estre environ ' V" '^ tout
comptet * bien appert baceler et bon corapaignon •, ensi
qu*il le monstrërent. Et là estoit messires Guis de Flandres,
frères au contes et bastars, et uns bons seurs chevaliers,
qui amonestoit et prioit tous les compaignons de bien faire.
Et là estoient messires Ducres de Haluin, messires Jehans
de Rodes, messires Gilles de le Trief qui fu là fet chevaliers,
messires Simons et messires Jehans de Brucquedent, qui
y furent fet ossi chevalier, et ' Pierres • d'Englemoustier et
maint compaignon bacheler et eseuier et appert hommes
d'armes ensi qu'il le montrèrent et qui moult désiroient le
bataille as Englès et estoient tout chil ordonnet et rengiet
à rencontre des Englès, et^ n'i eut rien parlementet, ne
deviset *®; car li Englès qui estoient engrant d'iaux assaillir
et chil de deffendre, cryèrent leur cri et fissent traire leurs
archiers moult fort et moult roit et tant que chil qui " le ha-
vène^*defi<endoient en furent si ensonnyet que, volsissent ou
non, il les convint reculler, et en y eut dou tret à ce premiers
moult de mehaigniës ; et prissent terre li baron et li cheva-
lier d'Engleterre et s'en vinrent combattre as haces, as
espées, as glaves, l'ung à l'autre, et là y eult pluisseurs belles
bacheleries et appertisses d'armes fêtes. Et moult ** vas-
saument ** se combattirent li Flamencq, ossi mouH ** cheva-
leureusement ^* les requisent li Englès, et fu là moult bons
*-• Dix-huit. — ^ Quatre. — ^ Hardi» et légiei-s... bons et appers.
'^ Jehans. — • Si tost qu'ils vinrent l'un devant l'autre. — *® Mais
noblement s'ordonnèrent Tun contre l'autre en criant leurs cris. —
***** Les dicques. — *'-*^ Oultrageuaemeat. — *•-*• Sacheleureuse-
ment... souffisamment.
433 COMBAT
chevaliers li contes Derbi, et s'avancha de premiers si avant
que il fu en lanchant de glaves mis par terre, et làli fu mes-
sires Gantiers de Mauni, bons confors, car par appertisses
d*armes il le releva et osta de tous périls en escriant :
a Lancastre au conte Derbi I » Et adont aprocièrent-il de
tous lés et en y eut pluiseurs mehaigniés et par espécial
plus des Flammens que des Englès, car li archier d*Engle-
terre qui continuement trayoient» leur portoient trop grant
damaige.
A prendre terre ou havëne de Gaiant fu li bataille dure et
flère, car li Flammencq qui là estoient et qui le ville et le
havène gardoient et deffendoient, estoient très-bonne gent
et plains de grans appertisses, car par élection li contes de
Flandres les y avoit mis et establis pour garder cel pas-
saige contre les Englës. Si s'en voUoient acquitter bacele-
reusement et faire leur devoir en tous estas , enssi qu'il
fissent. Là estoient li baron et li chevalier d'Engleterre,
premièrement li contes Derbi, fils au conte Henri de Lan-
castre au Tors Col, li contes de Sufibrch, ' messires Loeys
de Biaucamp, messires Guillaummes *Fils-Warine ^, li sires
de Biercler, messires Gantiers de Mauny et pluiseurs autres
chevaliers et bachelers qui très-vassaument se portoient
et assailloient les Flammens. Là eut dure bataille et fort
combatue, car il estoient main à main, et là fissent li plui-
seurs moult de belles appertisses d'armes et de l'un lés et
de l'autre, mais finablement li Englès obtinrent le place, et
furent li Flammencq desconfis et mis en cace, et y eut plus
de ^ III"' ^ mors, que sus le havène, que sus les rues, que ens
es maisons. Et là fu pris messire Guis, bastars de Flan-
dres, et mors messires Ducres de Halluin et messires Jehans
* Messires Renauls de Gobehen. — «-» Fil-Watier. — ♦» IIII».
DK CàDZAMD. 455
de Rodes et li doy frère de Bruquedent et messires * Gilles *
de le Trief et pluiseurs autres, environ XXVI chevaliers et
escuyers, et furent mort en bon ^ convenant. Et fu li ville
prise, pillie et robée et tous li avoirs aportés et mis ens es
vaissiaux avoecq les prisonniers, et puis fu la ville toutte
arse et sans déport, et retournèrent li Englès arrière et sans
damage en Engleterre * et rècordèrent au roy leur aventure,
liquels fu moult joyant quant il les vit et sceut comment il
avoient esploitiet. Si fist messire Gui de Flandres créanter
se foy et obligier prison, liquels ^ se tourna Englès en celle
meisme année et devint • homs au roy d'Engleterre de foy et
d'hommage, de quoy li contes de Flandres ses frères fu
moult courouchiés.
Quat. réd. — Vous savés comment li contes de Flandres
.avoit mis et establi garnison de gens d'armes en Fille de Gagant,
Hquel fissent pluisseurs destourbiers et grans anois à ceuls
qui voloient par mer prendre port à TEscluse et tant que tous
li pais de Flandres s'en contentoit malement, car li proufis
de la marceandise en estoit ensi que tous perdus et espéciaul-
ment la draperie, car nulles lainnes ne venoient, ne issoient
hors d'Engleterre. Jaquèmes Dartevelle, liquels voloit aidier
le roi d'Engleterre et à che faire estoit obligiés et avoit fait
obligier généraument la ville dé Gand , n'estoit pas courou-
chiés de ce que chil qui hérioient la ville de Bruges et le pals
de Flandres se tenoient à Gagant, et fist semer paroles à
Brughes, à Ippre et à Courtrai et ou Franch de Bruges que
se on voloit entendre à ce que il conselleroit, tout acertes on
en délivreroit le paîs. La ville de Bruges et la ville dou Dan et
la ville de TEscluse qui trop grandement perdoient (car sans la
* * Guillaume... Jehan, — 'Et vaillant. — * Atout leur gaingnage,
nonobstant que ce ne fo point sans perdre de leurs gens. — * Par les
promesses que les Englès lui firent. — * Par convoitise.
I.— FtOIMABT. «ift
454 COHBAT
aitat)MLndise àe la mer il ne pueeni avoir oevance, ne sèreAt
Tivre), fl*enclinèrent à entendre à ses parolea ei, envoyèrent
oasqone des dites villes de lors hommes par deviers 11 à Qant,
en 11 priant que il i vosist pourvoir et donner consel comment
li wagnages peuist retourner en Flandres. Il lor respondi que
aussi feroit-il bien et volontiers , et celle response raportèrent
à lors gens, chil qui i furent envojet. On s'apaisa pour veoir
comment se j^asseroit ce que Dartevelle offroit. Jaquèmes Dar-
tevelle, liquels fu moult soubtieus en son temps, envoya
messages et lettres deviers le roi d*EngIeterre et son consel,
et lor segnefla que se il voloient avoir Tamour dou pais de
Flandres et rentrée généraulment, il envolassent délivrer le
pas et l'ille de (higant , que les gens don oonte tenoient à
rencontre de euls et des Alemans, et qui là voloient la mer,
et n*osoit nuls aler, ne venir, ne ariver à TEscluse. Li rois
d*Engletérre et ses consalils regardèrent à ce et sentirent
assés que tout ce estoit raisonnable et que voirement i pour-
veroient-Q. Si fu ordonné II contes Derbi à estre chief de
oeste armée atout six cents lances, chevaliers et esquiers, et
deus mille archiers, et li fu dit que il sVn venist par la
Tamise à toute sa cargo à Gagant, et délivrast Tille et le pas
de ceuls qui le tenoient. Li gentils contes Henris Dcrbi obéi
à Tordenance dou roi et se pourvoi de chevaliers et d'esquiers
et d'archiers, et ordonnèrent toutes lors pourvéances sus la
rivière de la Tamise à Londres , et quant li vassiel furent
cargiet de tout ce que il lor besongnoit, il entrèrent dedens,
et quant tout i furent entré, il desancrèrent, et vinrent de
celle marée jésir devant Oravesaindes. A Fendemain, il s'en
départirent quant la mer tu revenue, et vinrent devant Mer-
gate et là ancrèrent et Airent deus jours, car il avoient vent
trop contraire pour entrer en la mer. Au tierch jour, li vens
lor revint : si désancrèrent et se boutèrent en la mer et
prissent le chemin de Flandres. En la compagnie dou conte
Derbi estoient li contes de SufTorch , mesures Renauls de
Qobehem, messires Rogiers de Biaucamp, messires Quillaumes
DE CAD2AND. 435
Filfl'Warin, li siret de Bercler, messires Gautdès de Maoni,
liqaeU estoit jà moult alos^ et avoit fait des ^rana apertisses
d'annes oa roiaulme d*£seoce et le tenoit li contes à compa^
gnon, et estoient environ six cens armeares de fier et deus
mille archiers ; et 8*en vinrent toat nageant par mer à Taide
de Dieu et dou vent, et vinrent devant Gagant et s'ordonnèrent
pour prendre terre, et abaissièrent les veilles et se missent en
ordenancë de bataille. Ce fu la nuit Saint-Martin en ivier, en
l'an de grâce Nostre-Signeur mille CCC.XXXVII. Quant les
Englois veirent la ville de Gagant, où il tendoient à venir et
à combatre ceuls qui dedens estoient, si considérèrent que il
avaient le vent et la marée pour euls , pour lesquelles coses
il estoient tout rea^oï. Adont ordonnôrent-il lors vassiaus
et missent les archiers tous devant et singlèrent fors viers
la ville. Chil qui là dedans se tenoient en garnison, avoient
veu Tordenance sus la mer comment la navie tiroit à venir
sus euls et pensèrent bien que c^estoient gens qui les venoient
combatre. Si sonnèrent lors trompètes, et s'armèrent et appa-
ri)lièrent toutes gens et se missent en ordenance de bataille,
et là estoient des chevaliers de la conté de Flandres auquns
et tels que messire Guis de Flandres, frères bastars au dit
conte, et dalés li messires Simons et messires Jebans de
Bruquedent, messires Jehans nommés Dncres de Halluin, mes-
sires Jehans de Rodes, messires Gilles de le Trief , messires
Pierres dlppre, messires Lois ViUains, messires Pierres d'En*
glemoustier, messires Baudoins Bamage, messires Robers
Marescal, messires Ërnouls de Vers, et tant que il estoient
culs sesse chevaliers tous jones , hardis et appers et en grant
volenâ de euls deffendre et de garder le passage. Evous
venus les Englois en ordenance de bataille, les archiers tous
devant. Quant li vassiel aprochièrent , li chevalier qui dedens
Gagant se tenoient, conneurent que chil qui les venoient com-
batre , c'estoient Englois , car il veirent les banières, les pen-
nons et les estrannières des lupars d'Engleterre qui voloient
amont sus ces nefs et baulioienrt au vent. Quant li Eng^ès
4Ô0 COMBAT
aprochièrent, il i ot grant noise de trompâtes et de cI&tod-
chiaus. Dont commenchièrent archier à traire de grand raii-
don et ensonnjer gens et gens, d'armes entre euls apro-
chier pour prendre terre. Là ot fort hustin et dur, et traioient
arbalestrier à pooir, mais Englès n'en faisoient compte, car
archier sont trop plus isniel au traire que 'ne sont arbales-
trier ; et furent en cel estât un grant temps , et tant que la
mer fu toute retraite et que les yassiaus d'Engletefre démo-
rèrent tout aresté sus le sabelon. Adont i ot grant bataille de
toutes pars , et là furent 11 contes Derbi et messires Gautier^
de Mauni très-bon cheyalier et y fissent pluisseurs graLs
apertisses d^armes. A. voloir prendre terre en Tille de Gagaînt fu
la bataille dure et fièro, car 11 Flamens qui là estoient et qui
la ditte ville avoient en garde, s'aquittoient loiaument don
deffendre, et li Englois de Tasallir. Au voir dire, li archier
ensonnioient trop grandement les asallans et deffendans Fis-
mens, et furent en cel estât bien quatre heures tousjours def-
fendans et asallans. Finablement 11 Flament ne peufent porter,
ne soustenir le faix, ne la force des Englois, et requièrent, et
entrèrent li dit Englois en la ville et le conquissent et tous
oeuls qui dedens estoient, et en i ot biaucop de pris et de mors,
et furent pris messires Guis de Flandres et jusques à douse
chevaliers et bien trente esquiers tous gentils hommes, que âo
Flandres, que d'Artois, et i ot grande occision des aultres
hommes, et les caçoîent les Englois jusques à la mer et les
faisoient sallir dedens, et jilus chier il s'avoient à no^er que à
morir de glave. Ensi vont les aventures d'armes et les for-
tunes : petit recouvrier i a en gens desconfis.
Quant les Englois furent signeur de l'iUe et de la ville d<'
Gagant, il la fustèrent et coururent toute et puis boutèrent U-
feu dedens, quant il s'en deurent partir, et rentrèrent en loi s
vassiaus, et dormirent là à lautretant et si longuement qur
vens lor revint, et bien le sa voient chil de Bruges, dou Dan < t
de l'Esduse, mais il estoient tout resjoj de che que on lor avoii
délivré le passage de oeuls qui trop longuement Tavoient tenu.
DE cadzaud. 4Tr
Quant li Eu^lois orent vent pour ceminer, il se désaucrèrent
de là et retournèrent Tiers En^leterre et enmenèrent lor butin
et lors prisonniers, et fissent tant par Tesploit dou yent que il
entrèrent en la rivière de la Tamise et prissent terre au quai à
Londres, et acquist li jones contes Henris Derbi en sa nouvelle
chevalerie, grant grasce et grant renommée de celle besongne,
ot aussi fissent tout chil qui avoecques li avoient esté et par
espécial messires Gautelès de Mauni.
Apriës le desconfiture de Gaiant, ces nouvelles s'espan-
dirent en pluisseurs lieux. Si en furent chil de le partie le
conte eourouchiet et chil de le partie le roy d'Engleterre
tout joiant, et disoieut bien cil de Flandres que sans raison,
ne leur volonté, li contes les avoit là mis, et eurent advis en
Flandres li conssaulx des bonnes villes par le pourkach et
enort de Jaquemon Dartevelle que il envoieroient XII bour-
gois des YI meilleures villes de Fland)res deviers le roy
d*Engleterre, escuser le pays de cette besoingne de Gaiant
et que nullement il ne se consentirent oncques que là il se
tenissent de leur accord, et plus avant se plest au roy d'En-
gleterre ariver en Flandres, où que soit, il en seront tout
joiant et li presteront et ouvreront le pays pour passer,
séjourner, demourer, partir et retourner par payer touttes
coses dont il en seront servi et aisiet. Chil XII uourgois
partirent enformet et adviset sus le maliniëre que j'ay dit,
et vinrent en Engleterre et trouvèrent le roy adont à Eltem,
liquels les rechupt assés ^ liement ', car il en quidoit grande-
ment mieux valloir * ensl qu'il fist, et li dissent comment
Jacquèmes Dartevelle et tous li espëcial conssaulx de Flan-
dres se recommandoient à lui et s'escusoient de le ville de
'* Honnourablement. — ' De leur veoue.
438 AKBÀWADS FLAMAIIDE
Gaiant et des gens d*arines qui trouvât y avoient estet, que
ce n*avoit point estet li fais, ne li acors dou pays de Flan-
dreSf mes dou conte seulement et dou roy de Franche. Que
vous feroie-je long compte ? Tant parlèrent et si bellement
et si sagement remonstrërent ' leur messaige ' que li roys
s'en contenta et leur respondi que dedens le jour dou Noël
prochain venant, il seroit en Anwers, (car là faisoit-on ses
pourvéanches), si y amenaissent le conte le seigneur deviers
lui pour savoir quel cose il voUoit faire, ou que li pays de
Flandres fust tellement advisés et conseilliés, se li contes
n*y voUoit estre, que jà pour ça ne demorast que il ne fuis-
sent leurs boins amis ' et il dounoit parmy tant ^ respit ^ à
tous aHans et à tous venans jusques au premier jour de
jenvier *. Ensi le raportërent li XII bourgois à Jacquemon
Dartevelle et au consseil des bonnes villes de Flandres en le
ville de Gand. Si en furent tout liet ^ quant il seurent que
K roys d'Engleterre passeroit et supposèrent asses que il le
trouveroient tretable et aimable * ; mes, qui en fuist lies, li
contes de Flandres n*en eult point de joie.
Sie. réd. — Apriès le desconfiture de Gagant, ces nouvelles
8*espandirent en pluiseur licus : si en furent cil de le partie le
roy dT^ngJeterre tout joiant, et cil de le partie dou conte de
Flandres tout courouciet, et disoient bien cil de Flandres que sans
raison hors de leur conseil et volenté, li contes les avoit là mis.
Si se passa ensi ceste cose. Qui plus y eut mis, plus i eut perdut,
fors tant que Dartevelle, qui avoit sounnonté tous ohiauls de
Flandres et en avoit pris le gouvernement, ne vosist nullement
que la besongne se fust aultrement portée. Si envoia tantost ses
messages en Engleterre devers le roy Édowart, en lui recom-
*-• Leara betoagnes. — • Et il seroit à eolx. — ^-* Trieuwes. —
* Enii furent d'accord et s'en partirent. ~ ''-* En espérant de Tenir
à leor intention des marcktadÎMa.
EN ANGI^ETERRB.' 430
mandant de ooer et de foj . eft li segnefla que en avant ii li
oonsiUoit qu*il passast le mer et Teniet en Anwiers, par qaoi
il a aqointaet dea Flamens qui moult le déairoient à yeoir, et
gupposoit assés que, s*il estoit par deçà le mer» ses beeongnes
en seroient plus dères et en prenderoit grant prouflt.
Quatr, réd. — Or s^espardirent ces noaveUes en Flandres,
en France et ailleurs, que chil qui en garnison 8*estoient tenu
un grant temps en Tille de Qagant» estaient tout desconû et la
ville tellement arse que on ne se savoit où retraire : U contes
de Flandres en fu durement courouchiés et Jaquèmes DarteveUe
et tout chil de sa soeste, resjoj.
Pour ce, se Tille de Oagant fu délivrée des flamens cheva-
liers et esquiers qui gardé Tavoient un loncb temps au coi^t-
m^dement dou conte de Fandres, ne se retourna pas si tos li
wagnages, ne la marceandise ou pals de Flandres, car Jaquèmes -
Dartevelle i mist empecement, je vous dirai comment. Voira est
que li englois marceant, liquel avoient sus le quai à Londres et
ailleurs pluisseurs nombres de sas de lainnee, em désiroient à
avoir lor délivrancbe pour atraire à euls les deniers. Aussi li
maroeant de Flandres et de Braibant et U drapier les déairoient
à avoir et à acater pour faire ouvrer et mettre en la draperie,
enai que usages est que tout païs vivent et s^estofent et gouver-
nent Tun de Tautre; et tout ce sentoit (et savoit bien de la néces-
sité) Jaquèmes Dartevelle, et tantos apriès la bataille de Oagant,
il escripsi au roi d'Engleterre et son conael que point ne ae
hastassent de envoyer en Flandres, ne à TEaoluse les maroean-
dises d*Engleterre, et les tenissent encorea closes jusquea A tant
que on aueroit aultrea nouvelles de li. Li rois d*Engleterre et
ses consauls qui se voloient rieuler de tous poina par sen <Nrde-
nanoe, entendirent à ces lettres et segn^anœs dou dit Darte-
velle pour veoir quel cose il vodroit dire et iaire. Quant chil de
Bruges, dou Dan, de TEscluse, dlpre et de Courtrai et dou
tierroir dou Franc voiront que la mer n*estoit noa plus ouverte
après la bataille de Oagant comme en devant, si commenohièrent
.i40 AMBASSADE PLAMARDE
à murmurer généraulment et à dire li uns à Tautre ens es villes :
€ Jaques Dartevelle nous donnoit à entendre que il avoit le
€ wagnage de la draperie en la main, et le nous feroit avoir
€ toutes fois quantes fois que il vodroit. Nous quidions que la
1 maladie jessist dou lés deviers Gagant et par ceuls qui là se
1 tenoient en garnison. Or en est li pas délivrés, et se ne retourne
t point la marceandise en Flandres. Ce seroit bon que on alaat
c à Gant parler à lui et savoir à quoi il périst. > Sus cel estât,
tout s*acordèrent, et se quellièrent des bonnes villes de Flandres
auquns notables hommes et vinrent à Gant et parlèrent à Dar-
tevelle et proposèrent toutes les paroles desus dittes. Il respondi
à celles et dist : t II est vérité que je di ensi et encores le di-je.
f Se vous volés que li proufls et li wagnages vous retourne, il
c fault que vous ajés aliances grandes et fortes au roi d'Engle-
« terre, dont li proufis vous puet venir, et qui vous a, des enne-
€ mis de la mer qui se tenoient à Gagant, délivré le paVs : par
€ celle voie Fai-je toutdis ensi entendu et non aultrement, et
« se vous qui chi estes envojet de par la grignour partie des
« bonnes villes de Flandres, volés venir avoecques moi en
« Engleterre parler au roi et à son conseJ, nous esploiterons
c tellement que nous remeterons le wagnage et le proufit ou
c pai's de Flandres. > Dont respondirent 11 plus sage de la com-
pagnie et dissent : t Sire, nous ne sommes pas cargiet si avant
€ que nous vous acordons le voiage. Nous retournerons casquns
c en sa ville et meterons les bonnes gens ensamble et leur recor-
€ derons ce que nous avons oj de vous ; et co que il en vodront
< faire , on le vous segnefiera et bien briefment. » — t A la
< bonne heure, » respondi Dartevelle. Il prissent congiet ; il se
«lépartirent de Gand et retournèrent casquns en lors lieu» et
missent les consauls des bonnes villes ensamble et repaons-
trèrent tout ce que vous avés oy, Euls consilliés bien et par
.rrande délibération et pour le commun proufit de Flandres,
:ivc»eoque* ce» que li contes estoit trop grandement haïs ou païs
tant pour Tamour dou signeur CouHrissien lequel il avoit fait
déeoler que pour auj^res souflissans hommes, ens es bonnes villes
EN ANGLETERRE. 441
accordé et ordonné fu que avoecques Jaquemon Dartevelle, de
toutes les bonnes villes de Flandres iroient en Engleterre deus
hommes, et chil qui là seroient envojet prieroient au roi d'En-
gleterre que les marceandises des lainnes lesquelles lor sont
moult nécessaires, il vossist consentir que elles retournassent
en Flandres, tant que il en fuissent aisiet et servi, ensi que dou
temps passé avoient esté; et il tenroient généraument par toute
Flandres Fordenance et le trettié que chil de Oand avoient juret
à tenir et proumis par lettres et séelés à Tévesque de Durem et
à ses commis, quant darrainement il furent à Gand. Sus cel
estât, s'ordonnèrent chil qui esleu furent, dealer en Engleterre
avoecques Jaquemon Dartevelle, et li dis Dartevelle estoit jà
tout pourveus de son estât grant et estofé aussi bien comme
uns contes, et s'en vint à Bruges et fu là requelliés ensi comme
uns sires dou païs. Tout li aultre bourgois des bonnes villes de
Flandres vinrent à Bruges et là s'asamblèrent, et quant tout
furent venu, il vinrent à l'Escluse et trouvèrent deus vassiaus
tout près pour euls porter et deus hoquebos pour lors pour-
véances. Si entrèrent ens es dis vassiaus et se désancrèrent et
se départirent de TEscluse et esploitièrent tant à Taide de Dieu
et dou vent que il entrèrent en la Tamise et vinrent à Londres
et issirent sus ïe quai hol's de lors vassiaus et se logièrent tout
à lor aise en la rue de la Réole. Pour ces jours se tenoient li
rois et la roine à Eltem, à sept lieues englesces de Londres,
liquel furent tantos enfourmé de la venue des Flamens. Li rois
qui désiroit à savoir lor entente et pourquoi il estoient venu,
lor segneâa que il venissent parler 'à lui et si escripsi et en voia
ses lettres et ses messages deviers son consel et lor manda que
tantos et sans délai il venissent à Londres. Jaquèmes Dartevelle
<;t li Flamench vinrent à Eltem tout premièrement veoir le roi
(ît la roine, liquel les requillièrent moult courtoisement, et là
lor remonstra 11 dis Jaques en la présence de tous ses compa-
^^nons ce pour quoi il estoient venu et là estoient envojet, et
prioient les communautés des bonnes villes de Flandres que ce
l'ust la plaisance et facort dou roi que Testaple et la marcean-
44S A1IBA8SAIMB WhàMUO» BN AHGUBTERftE.
dise ded laûmM peiiMyeiûr aa FUndres, «ui que «nltr# Ibii
«Toit fait. lÀ roia respondi & oe et.dist (^ il en aaeroit. avît et
Qonael et en seroient de br demande et requeste respondn
dedens un jour que il lor nosuna et seroit la responae faite ens
ou palaia de Wesmoostier, De œs pardes il ae contentèrent
8396(9. Si disnèrent ce joor tout dul Flamenc en la cambre doa
rvH et de la roine» et lor fu monetrée larplus gnuat amour comme
on pot et par espédal A^Jaquemon Darterelle» car luen lentoient
U roia et la roine que il eetoit toue souyerains des aultree et
auesi que de bonne amour il les. amoit» et parla aussi li rois à ti
ài pari de pluisseurs coses, et DarteTcUe qui yoloit l'augmenta-
tion dou roi d'Bngleterre^ li remonstra tout bellement la voie et
la manière comment il poroit entrer en la grasce dou pais de
Flandres aToeoh ce que il i rendoit et renderoit grant painne.
Quant il orent assés parlé ensemble, U Flament prissent congiet
pour celle heure et retournèrent à Londres, et étendirent que li
rois vint à Wesmoustier, et que tous ses consauls fu venus à
Londres. Adont furent li Flamens mandé au palais : il vinrent.
Là furent oj de toiit ce que il vodrent dire ; il furent respondu
si courtoisement que il s*en contentèrent, car il- empêtrèrent
tout ce que il vodrent avoir, et aussi il proumissent au roi là
ou cas que il vodroit passer la mer à une quantité de gens
d'armes et d'archiers, il seroit requeUiés en Flandres bellement
et doucement, et se li dus de Braibant, son cousin, et 11 contes
de Guerlles son serourge et li marquis de JuUers et les Alemans
qui avœcques lui s'edtoient aljet, voloient desfjer le roi de
France, il trouveroit les communautés de Flandrea tout appa-
riUlet pour aler, fust devant Tournai ou Cambrai, là où il les
vodroit mener. Li rois d'Engleterre, qui très-grant désir avoit
de faire son emprise, les oy volontiers parler, et les remercia et
lor dist que sans faute dedens la Saint-Jehan-Baptiste il seroit
oultre la mer. Ënsi se portèrent ces ordenances : li Flamens
eurent dou roi tout ce que il désiroient à avoir, et retournèrent
arrière en Flandres et i reportèrent le wagnage, car la mer fu
ouverte^ et vinrent les lainnes en Flandres, à rSsduse, au Dam
iDOUARD m À ANTIIS. 443
et à firuges, et là las venaient querre et aoater U maroeant drm-
pier de Braibant et tout ehil qui les Toloieat ayoir.
^ Sus Testât et ordonnança que li rois d*EnglBterre avoit
respondut as bourgois de Flandres s*apresta-il '» et jà
estoient ses pourrëances faites en Anwiers, car il dësiroit
là venir pour savoir bien parfaitement. Vintention don doeh
de Braibant, son cousin, dou duch de Guéries et de celi de
Jullers et des Alemans. Si se ponrvei et se parti d^ngle-
terre en bon aroy, le royne avoecq lui, qui toutte enchainte
estoît, messires Robiers d'Artois, li contes Derbi, li contes
de Warvich, li contes de Pennebrucq, li contes de Sufforch,
li contes d*Arondiel, li contes de Kent, li ëvesques de Lin-
colle, li évesques de Durem, messires Regnaus de Gobehen,
messires Ricbars de Stanfort, li sires de le Ware, messires
Guillaummes Fils-Warine, li sires de Biaucamp, messires
Gantiers de Mauni, li sires de Ferriëres, messires Phe-
lippe de Hastingues, li sires de Basset, li sires de Willebi,
li sires de Brasseton et ' pluiseurs autres ^, et eurent vent
à souhet et arivërent ou havène de Anwiers environ le
Saint-Obert et Sainte-Luce. Et quant on sent que il estoit
arivet, si le vinrent veoir * gens de tous les • pour concevoir
son estât et lui apprendre à congnoistre. ^ Si le festyèrent
et requeillièrent grandement baron, chevalier et toute man-
nières de gens qui avoient faveur à lui ou penssoient à
avoir '.
Sec. réd, — Li rois englès entendi volentiers as paroUes
*-* Le roj d*EDgleterre ordonna de ses affaires, car moolt dësiroit
d*aler oultre. — *-* Et plenté d^aultre cheTalerie. — •■• Gens et sei- ,
gneors de moult de lieux. ^ ^-^ Et fu reehns moult grandement, et
par espMal de oeolx qui tendoieiit à mieulz iwkir de sa ▼eniie.
444 éDOVARD m a anvbrs.,
de Jakemart d'Artevelle, et fist faire ses pourvéances grandes
et grosses, et tantost que cil yviers fu passés, à Festé ensiewant
il monta eh mer, bien acompagniés de contes et de barons, et
d*aultpe chevalerie, et passa le mer et arriva en le ville de
Anwiers qui adont se tenoit pour le duc de Braibant. Sitost
c'on sceut qu'il estoit descendus en Anwiers, gens vinrent
de tous costés pour lui veoir et considérer le grant estât qu'il
maintenoit.
Q^r. réd. — Tout cel ivier, ordonna li rois d'Engleterre ses
pourvéances grandes et grosses, et quant ce vint à Testé que on
compta en Tan de grâce Nostre-Signeur mil CCC.XXXVIII,
environ la Saint-Jehan-Baptiste, il prist congiet à la roine
Phelippe sa femme, et li ot en convenant par sa foi que se il
veoit que séjourner le convenist longuement par deçà la mer,
que il la remanderoit. La bonne dame s'apaissa sur ce et
demora à Windesore et là tint son hostel et jà avoit son fil
qui, portoit le nom dou père Edouwart, et fu puis princes de
Galles, et demora la roine ençainte et presque sus ses jours :
ce fu de une fille qui ot nom Issabiel et puis fu dame de Couci,
ensi que vous orés recorder avant en Tistore. Quant tout chil
que li rois voloit mener avoecques lui furent venu à Londres,
et la navie toute preste et chil ordonné qui garderoient le païs
et la frontière d'Escoce, Ir rois entra en son vassiel et tout li
aultre entrèrent ens es vassiaus qui estoient ordonné pour
euls, sus la rivière de la Tamise. Si levèrent li maronnier les
voilles et sachièrent les ancres à mont et se départirent dou
havène de Londres et entrèrent dedens la mer et avoient le
vent et la marée pour euls. En la compagnie dou roi avoit
grant foison de barons et de chevaliers d'Engleterre, et i estoit
messires Robers d'Artois qui toutes ces coses avoit atisies et
eslevées, et esploita tant ceste navie que sans péril et damage
il arivèrent en Anwiers la nuit Saint-Jaque et Saint-Cristofle.
Sitos que les nouvelles furent sceues, vinrent signcurs de toutes
pars deviers le roi, et chils qui premièrement i vint, ce fu
TRAITÉS dJÉDOUARI) III AVEC LA FLANDRK. 445
messires Jehans de Hainnau, dont 11 rois 11 sceut grant gré,
car par li et par son consel en partie il se voloit ordonner.
Apriès vint 11 dus de Braibant, son cousin germain, et puis
li contes de Guéries et 11 marchis de Jullers, et tout chil
signeur vinrent pour veoir le roi et considérer le grant estât
qu'il tenoit.
Assés tost apriès che que li roys englès fù arivës en
Anwiers, la royne sa femme ajut d'un fil qui fu appelés
Lions, et y eut grant feste à le relevée et y fut 11 contes de
Haynnau, frères à le royne, messires Jehans de Haynnau,
oncles de la dame et ^ue li roys en ce tamps amoit moult,
et grant plenté de chevalerie de Haynnau * qui estoient aies
veoir le roy et le royne qu'il n'avoient veut, trop grant
temps avoit *. Endementiers tretoit Jacquèmes Dartevello
enviers le conte de Flandres que il volsist aviser et aler
avoecques ' son plus espëcial consseil deviers le roy d'En-
gleterre, et fesist tant que il demouraist ses amis. ^ Mes li
contes n'y avoit nulle plaisanche, ne affection de venir, ne
d'aller ^, et disoit bien que pour aperdre toute le revenue
de Flandres , il ne s'aconvenencheroit jà, ne aloieroit au
roy d'Engleterre pour gheryer le roy de Franche son cou-
sin *, ne le royaumme, et se doubta li contes que de forcho
on ne l'i menast et li fesist-on faire cose dont il fuist courou-
ciés apriès. Si se parti de Flandres et enmena le contesse
madame Margherite sa femme et Loeis leur fil, et s'en vînt
' en France * dallés le roy Phelippe, * qui très-voUentier.s
le rechupt, et le assigna d'une somme de florins tous les mois
H recepvoir pour son estât tenir et aidier à parmaintenir **'.
<•* Qui moult dësiroient de veoir la royne. — ' Son pays et. -
^'^ Mais onques le conte ne 8*i volt accorder. — *• Qui Tavoit remis
en son pays. — ^ • A Paris. — •**• Qui leur fist moult graat fe8t<s
et leur il prenderoient finances poor lenr estât maintenir. ,
446 TRAITÉS d'Edouard m
Quant cbil de Flandres virent que li contes leurs sires
estoit secrètement partis et widié le contet et tret deviers
le roy de Franche, et que(îl n'avoit nulle volenté de estre
de Talianche des Englès, si se conseillièrent ensemble
* comment il poroient persévérer *, et eurent acord par le
consseil de Dartevelle, qui au voir dire estoit plus favou-
rables au roy englès que il ne fuist au roy de Franche, que
il s'en yroient bien acompaigniet des plus riches et honne-
rables bourgois de Flandres deviers le roy d'Engleterre
qui estoit en Anwiers, ^ et savoient une partie de son
entente *. Et s'en vint adont Dartevelle, lui acompaigniés
> de LX bourgeois des plus grands de Flandres en Anwiers
deviers le roy qui ^ liement rechupt Dartevelle et tous les
autres pour l'amour de lui, car on li avoit bien dit qu'il
estoit souverains en Flandres et que deseure lui n'y avoit
nul plus grant. Pour ce le festia et requelli li roys amia-
blement et li dist que pour l'amour de lui toute Flandres
en vauroit mieux. • Et rendi "^ là adont li roys d'Engleterre
as Flammens l'estaple et le marchandise des lainnes que jà
leur avoit tolut plus de trois ans, parmy tant que il pooit
et tout li sien aller armet et désarmet parmy le conté de
de Flandre et ariver où qu'il li plairoit. Et de ce furent
faittes lettres séellées dou roy et des bonnes villes de Flan-
dres. Encorres requis t li roys as Flammens que il volsissent
avoecq lui gheryer le royaumme et entrer en Tournésis et
en le castellerie de Lille et de Douay et ardoir; mais li
Flammens s'escusèrent à ce dont au roy d'Engleterre et
dissent que il estoient si fortement obligé enviers le roy de
Franche que il ne le pooient grever, ne entrer de fet en son
*•* Comment ils se maintenroient. — *~* A saroir Tintencion du roy.
— • Moult. ^ •-' Et tant eurent de traitië et de parolles ensemble que
le roj leur reodj.
AVEC LA PLAlOmE. 447
rojaomme, que il ne faissent attaint (Tone si graiit somme
de florins ' que à malaise en poroîent-il flner *, et le priè-
rent que ce li yolsist souffire jusques à une autre fois qu'il
y aroient mieux cause. Et li roys ' s*en appaisa ^, et leur
donna au partir grans dons et biaux jeuiaux; et ossi flst li
royne. Si se partirent li Flammencq et s*en rallërent cha-
cun en leurs lieux et Jaquèmes Dartevelle revint à Gand,
qui souvent alloit et yenoit jusques en Anwiers viseter le
roy Édouward et li proummettoit qu'il le feroit seigneur de
Flandres, et quoyque li Flammencq ^ desîssent mainte-
nant *, se li feroit-il avoir C tous armés, ^ quant il
voroit *, pour ardoir sus le royaumme auquel lés que U
plairoit, de quoy li rois d'Engleterre avoit grant joie et atai-
doit de lui grant confort et ossi de tout le pays de Flandres.
Moult * estoit chils Jaquëmee Dartevelle prochains et
* amis ^^ douroy d'Engleterre, cremus et doubtés par toutte
Flandres ; car depuis que li contes en fu partis, ensi comme
vous avés oyt, il y resgna comme sires, et n'y avoit avant
lui nul plus grans seigneurs, et tenoit grant estât et puis-
sant entre le ville de Gand, et tfvoit '^ pluiseurs variés et
saudoyers " pour son corps garder et à ses gaiges, dont
chacun avoit le jour IIII gros compaignons de Flandres, et
estoient payés de sepmaine en sepmaine, et ossi avoit-il par
touttes les villes et les castelleries de Flandres sergians et
saudoyers à ses gaiges *' pour faire ^^ tous ses commande-
mens et espyer et savoir s'il y avoit nulle part nullui qui
fuist rebelles, ne contraires à lui, ^' ne qui desist, ne
enfourmast nullui contre ses fës ", ne ses vollentés. Et si
«-* Qu« à paines en poroit tout le paja £iier — ^-^ S^en tint content.
— • • S^eacuMÛMeat. — ^-^ Quant beeoini: lui teroit. — •-*• Bien amés.
— ti.ii pi^^ d^ «odoier». — «» «* Qui faîmeat. — «»-" Ne qui mur-
muraiatent contre eet fiûa.
448 TRAITÉS n'ÉDQUABD Ht AVEC LA FLANDRE.
tost ^ qu*il en savoit * aucuus en une ville , il ne cessoit
jamës si l'euist banit ou fait tuer sans déport, jà chils ne
s*en peuist, ne seuist si bien garder; et ^ meysmement *
tous les plus puissans de Flandres, chevaliers et escuyers
^ et bourgeois des bonnes villes ^'^ que penssoit qu'il fuissent
favourable au conte en aucune piannière \ ^ il les banissoit
de Flandres *® et levoit le moitiet de leur revenu et laissoit
l'autre moitiet pour le douaire et gouvernement de leurs
femmes et enfans, et cbil qui en^i estoient banit, desquels
il estoit grant fuison, se tenoient à Saint-Omer li plus, et les
apelloit-on les avoullés ou les outre-avoullés. " Briefment
à parler il n*eut oncques en Flandres , ne en autre pays,
conte, duc, prinche, ne autre qui peuist avoir ung pays si
à se vollenté comme chils avoit et eult le tierme de IX ans
ou environ le pays de Flandres ". Il faisoit lever les rentes,
les tonlieux et les winages, les droitures et touttes les
revenues que li contes devoit avoir et qui à lui dévoient
appertenir, quelle part que ce fuist, et touttes les maletotes.
Si les despendoit à se vollenté et en donnoit où il lui plai-
soit, sans rendre nul compte, et quand il volloit dire que
argens li falloit, on l'en créoit et croire convenoit, car nuls
n'osoit dire à l'encontre. Et quant il en volloit emprunter à
aucuns *^ bourgois sus le paiement, il n'estoit nuls qui li
osast escondire à prester. " Ensi estoit-il fortunés de ses
besoingnes ".
Vous avés bien oy chy dessus recorder comment li roys
de Franche avoit mandet et escript au conte de Haynnau et
*•* Qu'il en y avoit. — ' * Espécialment. — ** Et toutte puissant
gens. — '-' Puis qu'ils avoient point, ne pau d'amour au conte et non
à luy. — • **^ Et en y eut moult de banis — ***• On ne trouve que nuls
prinches ait pays si à sa voulenté que celui Teut, le terme de neuf
ans. — ^'Puissant. — ^*-** Si fort estoit-il fortunés pour ce temps.
P0URPARLBR8 D'ÉDOUàRD HI BT DE SES ALLIÉS. 449
au duch de Braibant que nulles alianches il n'euissent au
roy d'Engleterre, et se il les y avoient, il leur arderoit leur
pays. ^ Nonobstant ce que cil seigneur s'escusaissent
daviers le roy de Franche, si estoient-il as parlemens ' le
roy d*Engleterre, et par espëcial li ducs de Braibant, car il
s*estoit jà aconvenenchiës au roy d*EngIeterre, mais li jones
contes de Haynnau non, et ' disoit bien que il ne ghëriroit jà
le roy de Franche son cher oncle, ^ se il ne li faisoit des-
plaisir devant ^. Or envoya li ducs de Braibant ung sien
chevalier, monsigneur Loys de Cranhem, sage homme dure-
ment et bien enlangagiet pour lui escuser de l'information
que li roys de France pooit avoir sour lui, et disoit ensi li
dus de Braibant, par le bouche de son chevalier, que nulle-
ment il ne voroit faire, ne pensser contre le roy de Franche
^ riens qui à dammaige, ne à préjudisce lui peuist tourner,
ne à son royaumme ''; mes li roys d*Engleterre estoit ses
cousins germains, si ne li pooit mies refuser son pays
• pour aller et pourveir et pour y reposer, puisque il payoit
tout bien à ses bonnes gens ". Ensi se dëtria ceste cose ung
grant temps et tant que li roys d*Engleterre assambla ung
grant parlement à estre à Anwiei^, et y furent li dus de
Braibant, li contes de Guéries ses serourges, li marchis de
Jullers, li contes de Clèves, li contes de Saumes, li marchis
de Blancquebourg, li sires de Fauquemont, messires Jehans
de Haynnau ; mes li contes de Haynnau n*y fu point, car il
dist que il n'y avoit que faire, de quoy li roys de Franche
li seult grant gret de ceste excusanche.
*'* Nonobstant ce, se estoient-il si enclins devers les Englès qu*ils
estoient souvent aux parlemens. — ' Où il en estoit requis. — ^* S*il
ne lui avoit avant méfait devers luy. — *-^ Au desplaisir du roj de
France. — *>** Pour aler, venir, passer et repasser parmy enpaiant
les deniers.
I. — FaoïssAar. 39
450 M>llEPàEUttS ^^ÈMKnàJKb M
Moalt honnerablement les rechupt li ro}s d^Engleterre et
festia liemant en dianers «et «n touttes airtres maunières,
seloDcq Tuaage d'Engleterre. <)aaiit il enreirt estet recbupit
etfeatyet tràs-grandement. B rois se traïst à consseil. Si
leur remonsti» moult ' humblement ' set besoingnes et
vot savoir d*iaux leur certaine «ntension et' leur pria que
il s'en Tolsissent délivrer temprement ^, car ^ pour ce
estoit-il là venut et avoit ses gens tons appareilliet * : se
li tournèrent à grant dammaige m il ne Ten délivrercÂent
appertemeirt. Là eurent chil seigneur del empire grand
consseil et lonch enssamble, ^car li cose les estraindoit *,et
sin^eeioieiit point d*acord et tondis avoient regard sour le
duc de Bridbant qui n*en faisoit point trop bonne diière *.
Si estoit cheli ungs de ciaux pour quoy U roys d*Bngieterre
avoit adont le plus assamblé sen parlenent.
Quant il furent longuement conseilliet, et tout par yaux,
il respondirent au roj Édouwart et disent: « Chiers sires,
« quant nous venismes chy, nous y venismes plus pour
« vous veoir que pour autre coee. Si n'estions mies pour^
« veu, ne adviset de vous respondre sour ce que requis nous
« advés. Si nous retrairons arrière vers nos gens, chacun
a viers les siens, et revenrons à vous à ung certain jour
a quant il vous plaira, et vous responderons si plainne-
« meut que li couppe ne demourra point sur nous. » ^^ Li
roys pèrchupt assés qu'il n'en aroit autre cose à celle fuis;
si s'en appaisa à tant ^^ Et accordèrent et assignèrent une
*'* Doa<5èment. — *^ Leur pria qu^ils faiisent oonBeilliës de lay
faire retpoDte. — *•* Ectoit là yentii pour parler à ealx , et sur lear
fiaoc« tout prett qoe (Taler aTaot en ion fait. — ^'* Car la besoDgne
estoit grande et fort leur pesoit. — * Et il leur sembloit que c*estoit
cehri qui mienlx le deroit faire. — '*** Quant le roy oy ce , il diat que
bien loi plaiioit ; et tontes voies lear pria qoe ils s^esploitassent d'eatre
oonseiU^ poor reTenir tost vert loy.
^ M SES ALIift. %1
journée à estre enssamble, pour respondre lenr inHIèTir
advis, à trois sepmaiimes apriës le SaintJehaû ; mëd t^en
leur monstra li rois les grans frës et les grans dammafgès
qnll soustenoit cascim jour pour leur atente, car ÎI ](>étis-
soit et tenoit de vërité qiie il fuissent tout ponrveu, quant
il vinrent là , ensi comme il estoit. Et leur dist que il ne
s*en riroit jammaîs en Engleterre jnsques à tant que \l
saroit leur entention plainnement ; ^ et chfl seigneur dë\
empire Tacordërent •. Li roys d*Engleterre démolira feus
quoys en Ânwers, en Tabbëie ' Saint-Bemart ^, et la
royne sa femme avoecq lui, qui no\ivelIement estoit releva
d*enfant d'un biau fil que on clamoit Lion et fû puisedi ducs
de Clarence et maries en Lombardie, ensi comme vous orés
avant en Tistoire. Li contes Guillauïnmes de Haynnau et
messires Jehans de Haynnau venoient ^ à le fois * veoir le
roy et le royne et se tenoient dallés lui deux jours ou trois,
et puis s*en retoumoient. Li baron et li chevalier d*EngIe-
terre venoient ' jéuer * en Braibant et 'en Flandres • ens
es bonnes villes où il estoient bien f echupt et bien festyet, i
Brouxelles, à Malinnes, à Gand, à Bruges et partout où il
leur plaisoit à aler. Li dus de Braibant se tenoit à le Leveure
et renvoioit souvent par deviers le roy de France pour lui
escuser et pour pryer que il ne crust nulle infonrmation
senestre contre lui.
Vous avés bien oy aucunes fois dire et compter que on
saute bien si avant dont on ne poelt recnller. Ossi on se
oblige bien et aaonvenendie tellement que par honneur kk
ne s*en poet partir. A ce pourpos, li dus Jehans de Braibant
s'estoit aconvenenchiés, jurés et ôbligiés éi àvàiit et si
** Adont lai eorenl en oonTent , à trois tepinaiiiM après la Saint
Jehan , du revenir aana fiEtoIte. — '-^ Saint-Michel en Ampim. —
" Souvent. — ' • Souvent esbatire. — •Et parùilement en Haynnaii.
452 POURPARLERS d'ÉDOUARD IU
expresséement au roy d'Engleterre que il ne pooît reculler,
neenfraindre ce que proummis li avoit, et, au voir dire, c'es-
toit ses cousins germains : * si le devoit par linaige aidier *.
Or avoit à ce dont 11 dus de Braibant en son pays aucuns
barons et chevaliers qui estoient plus enclin li ung as Englès
et li autre as Franchois, enssi que li coers sont de diverses
conditions. Et touttefois li plus estoient favourable au roy
d'Engleterre et espécialment les bonnes villes de Braibant,
et volsissent bien li plus que sans arrest li rois d'Engleterre
fust ^ autrement confortés qu'il n'estoit^; mes li dus qui
estoit sages et avisés, ne se voUoit mies mettre en gherre
contre le roy de Franche ^ sans délibération de plus grant
consseil *, car il resongnoit les périls à quoy il en pooit
venir et disoit bien en son secret que il ne seroit jà Englès
se Haynnuyers et Flamens ne Festoient ossi avant comme
il. ''De légier Flammencq s'i accordoient, car au voir dire,
Dartevelle qui estoit adont tout en Flandres, estoit plus
enclins et favourables au roy englès sans comparaison que
il ne fust as Franchois. Si préechoit tous les jours chiaux de
Gand, de Bruges, de Ippre, de Courtray et de Audenarde
et des bonnes villes de Flandres, et leur remonstroit tant de
si belles raisons que il estoient enssi que tout appareilliet
au commandement Dartevelle que de servir le roy d'Engle-
terre en ceste besoingne *. Ossi ens es bonnes villes de
Haynnau estoit li rois d'Engleterre trop plus recommandés,
loés, aimés et honnourés que ne fust li roys de France, et
volsissent bien les communaultés que li contes de Haynnau
*-• Et ossi il y estoit moult tenus. — *'* Plus brief confortés. —
■-• Se n'estoit par grant délibération de conseil. — ' * Tant que de
Flandres avoit beau commencement le roy d'avoir Taccord, car tous
li communs estoit pour luy ;et aussi Artevelle les preschoit souvent, et
remoustroit tant de belles raisons que il estoit auques tout prest.
ET DE SES iauÉs. 4K3
leurs sires euist alianche et faveur au roy d'Engleterre ;
mes il n'en avoit nul désir et disoit * que li roys de France
ses bîaux oncles li estoit plus prochains et li royaummes de
Franche * plus amis ' que li roys d'Engleterre, ne ses
pays. Et à che premiers li roys de Franche l'en savoit très-
bon gret et disoit que il s'en portoit bêlement et sagement.
Or vint li jours que chils roys d'Engleterre atendoit le
responsce des seigneurs dessus nommés, liquel et à heure
compétente, se fissent soufBssamment excuser et mandèrent
bien au roy euglès que il estoient tout appareilliet yaux et
leurs gens ensi que convens portoit, mes que il fesist le duc
Jehan de Braibant qui trop froidement par leur samblant
s'appareilloit, esmouvoir; car il estoit li plus grans et li
plus prochains de linaige et de conseil dou roy et à qui tout
!i autre se atendoient et regardoient *. Et quant li roys
englès oy ces nouvelles, si fu plus penssieux que devant.
Si s'en conseilla à monseigneur Robert d'Artois son cousin
et au conte Derbi quel cose il estoit bon à faire de ceste
besoingne. Il li disent que il mandast le duc de Braibant et
li remonstrast touttes ces * escusances •. Adont le manda
li rois : il vint en Anwiers parler à lui.
Quant li ducs de Braibant fu venus, li roys li remonstra
les mandemens et les escusances que chil seigneur de l'em-
pire li avoient raandet ^. * Si le pria en amistet et requist par
linaige qu'il se volsist sour ce adviser, par quoy nulle def-
faulte ne fuist trouvée en lui *, car il endroit de lui se
appercevoit bien que il se appareilloit trop froidement; et se
' Bien et sagement. — *' Plus voisins et amis. — ^ Ou aultrement
ne se mouveroient. — ^^ Besognes. — 'Et que tout estoit en lui
d'avoir son ayuwe ou non. — '^ Par'qnoj il lui prioit que par lui ses
fais ne fiist ariérés, considère ce que en convent lui avoit, et qu*il y
estoit tenus par lingnage.
4!^ POURPAlUUUi l)*fiDOVAip Ul
il n\^ faiBoif ratre, cose il doubtoit qae il ne pardesîst
Tajde et le confort de ces seignenrs pour le deffaulte de
luL Quant li dus 07 ce, il en fu tous confus et dit qu'il
s*en conseilleroiL Et quan$ il fu conseilliet, ^ il respondi
au roy que il seroit assës tost i^ppareilliet quant besoings
seroit, mais il aroit ainchois parlet à tous ces autres
seigneurs à une certainne journée que il en repondesist
plus avant '. Quand li rois yit ce» il perchupt bien qu*il
n*en aroit aultre cose et que li courouchiers ne li pooit
aidier, ne valloir. Si accorda au duch que il envoieroit
encorres à ces seigneurs et leur prieroit que il volsissent
estre à Halle ou à Diestre encontre lui au jour de Nostre-
Dame my-aourt, s*il ne voloient venir plus priés de lui,
ppiu* acorder avant de leur emprise, et pria au duch que il
y volsist estre et que il se pourveist et appareillast dedens
ce jour si souffisamment que chil seigneur ne se peuissent
excuser panny lui. Ensi fu acordë. Messagier allèrent, li
jours i^pprocha; li seigneur vinrent, et fu chils parlemens
assis à Diestre le jour Nostre-Dame my-aoust. Tan mil
CCC.XXXVIIL
Quant tout chil seigneur furent assamblé, il eurent
grant parlement et long consseil, car la besoingne leur
estraindoit durement. Â envis poursieuvoient leur conve-
nent et à envis deffalloient pour leur honneur. Quant il
furent tr&s-longuement consseilliet, si respondirent d*un
aoord an roy d'Engleterre et disent ensi : « Chiers sires,
« nous nos sommes longuement consseilliet, car vostre
<c besoingne nous est ' assés * pesans, car nous ue véons
*'* Il dkt au roy : t Sire, Je n'aj mi« conseil que, anchois que je
c fom en aya plna aTant en oonVeni, je feray ainchois reparler à ces
• salgneora d*Aleiiiaigne ; et adont je vous feray response finable. » —
BT DB SES ALLiiS. 4K5
« mies qu8 noas ayons point de caoee de deffyer le roy de
ce Franche en vostre ocquison , se vons ne poorcaohiës
« que vous ayés Tacord del empereur et qu*il nous oom-
« mande que nous deffyons le roy de France de par lui \
a car il ara bien juste cause et raison del faire, sicomme
c nous vous dirons^ et de dont en avant ne demourra nulle
(( deffaulte en nous que nous ne soyons apareilliet de faire
« che que proumis vous avons, sans nulle escusanche. Li
« cause que nos sires li emperëres puet avoir de défiler le
« roy de France, est telle : il est certain que convenenchiet
<c a estet de longuement et sëellet et juret que li roys de
« Franche, quiconqnes le soit, ne poet, ne ne doit tenir,
ce ne acquerre riens sus Tempire, etchils roys Phelippes qui
ce ores règne, a fait le contraire contre son sièrement, car
c( il acquis le castiel de Criëvecoer et toute le terre et le
a castiel de Alues en Pailluel et plusieurs autres hiretaiges
ce en Cambrésis, qui est terre de l'empire, par quoy li
ce emperëres ' a bien cause de lui deffyer et de faire deffyer
ce par nous qui sommes si soubget, sique nous vous prions
ce et conseillons que vous y voeilliés painne mettre ou pour-
ce cachier son acord ' pour nostre pais rt nostre honneur \
ce et nous y meterons painne avoecq vous à nostre loyal
ce pooir. » Bt quant li roysenglès oy celle responce, il fu
tous confus ^ et bien se perchupt que c'estoit ungs dëtrie-
mens *. Si 8*en porta-il assës bellement, car il vit bien
qu'il n*en aroit autre cose, et leur dist : « Cartes, seigneur,
ce je n*estoie mie avises de ce point, et se plus tost en fuisse
ce avisés, jou en euisse vollentiers ouvret par vostre cons-
• Pour TOAtre caose. — • Mais qu'il en loit infoarm^. — *** ïVmut
vostre honneor et le nostre. — *** Car adont il enidoit avoir rea-
ponsoe fmable, et U vit que c'estoit graaa aloogeinMM, dont noult
lui aannjoit s'il Teiiist peu aiBendar.
4S6 POURPARLERS d'ÉDOUARD Ul
« seil et encoires voeil faire. Si m'en aidiës à conseillier
« seloncq ce que je sui dechà le mer en estraingne pays
« apassës, et si y ay longuement sëjoumet et as grans frais
« et nient fait. Si m'en voeilliës donner bon consseil pour
« vostre honneur et pour le mienne, car se jou avoie
« blasme, tous n'y ariës point d'onneur. » Longue cose
seroit à raconter tous leurs consseils et touttes leurs paroUes.
Accordet fu entre yaux en le parfin que * li marchis de Jul-
1ers yroit parler à l'empereur et y menroit des clers et des
chevaliers le roy d'Engleterre avoecq lui et dou consseil le
duc de Guéries ossi, et feroient le besoingne à le milleur
foy qu'il poroient *. Mais li ducs de Braibant n'y devoit
point envoyer, car il souflSsoit assës des dessus dits ; mais
il prësenta et presta au roy d'Engleterre le castiel de Lou-
vaing pour y demeurer l'iver ensuiwant, se il li plaisoit.
Car li roys englès leur disoit bien que jamès il ne s'en
retourneroit en Engleterre si aroit fait aucune chevauchie
en Franche. Et s'acorda li roys ad ce que il venroît demeu-
rer ou castiel de Louvaing et y ameneroit la royne sa femme,
puisque li dus ses cousins li avoit otroyet. Encoires crëan-
tèrent tout chil seigneur au roys englès en le prësence li
ungs de l'autre, que jammais il ne querroient nulle escu-
sance, ne détriement que de le feste Saint Jehan-Baptiste
qui seroit l'an mil CGC. XXXIX en avant, il seroient ennemi
au roy Phelippe de Franche et seroient chacuns appareil -
lies, ensi que proumis avoit; et parmy tant chacun s'en
ralla en son lieu.
Sec» réd. — Quant li rois englès eut esté assés honnourés et
festyés , ' il eut ad vis qu il parleroit volen tiers * au duch de
Braibant son cousin, au duch de Guéries son serourge, au
* Pour esploiter ceste besoingne. — • Si se mirent au chemin le
plus hastivement qu'ils peurent. — '-^ Il ot grant volonté de parler.
ET DE SES ALLIÉS. 457
markis de Jullers, à monsigneur Jehan de Hajnau, au signeur
de Faukemont et à chiaus dont il espéroit à estre confortés
et qui estoient à lui enconvenanciet , pour avoir leur conseil
comment et quant il poroient commencier à faire çou qu'il
avoient empris. Ensi le fist, et vinrent tout à son mandement
à Anwiers, entre le Pentecouste et le Saint-Jehan. Là furent
cil signeur festyet grandement, à le manière d'Engleterre.
Apriès les traist à conseil li rois, et leur démonstra moult
humlement se besongne et volt savoir d'yaus le certainne
intention, et leur pria qu'il s'en volsissent délivrer tempre-
ment, car pour çou estoit-il là venus et avoit ses gens tous
apparilliés: se 11 tourneroit à grant damage, se il ne Fen
délivroient apertement. Cil signeur eurent grant conseil
ensamble et lonch, car la cose les estraindoit , et si n'estoient
point d'acord, et toutdis avoient regart sour le duch de Brai-
bant qui n'en faisoit nient bien boine cière, par samblant.
Quant il furent bien consilliet et longuement, il respondirent
au roy Édouwart et disent : t Chiers sires , quant nous
t venismes ci, nous venismes plus pour vous veoir que pour
t aultre chose, et n'estions mies pourveu, ne avisé de vous
c respondre sur ce que requis nous avés; si nous retrairons
c arrière vers nos gens, cascuns vers les siens, et revenrons
H à vous à un certain jour quant il vous plaira, et vous res-
« pondérons adont si plainement que li coulpe n'en demorra
f point sour nous. » Li rois vei bien qu'il n'en aroit aultre
cose à celle fois : si s'en apaissa atant, et se acordèrent d'une
journée estre ensamble pour respondre, par milleur avis, apriès
le Saint -Jehan III sepmainnes. Bien leur monstra li rois
ongles les grans frès et les grans damages qu'il soustenoit
oascun jour pour leur attente, car il pensoit qu'il fuissent tout
[lourveu de lui respondre quant il vint là, sicom il estoit, et
l(îur dist qu'il ne s'en retourroit jamais en Engleterre jusques
adont qu'il saroit leur intention tout plainnement. Sur ce cil
signeur se départirent. Li rois demora tout quois en l'abbéye
Saint-Bernard jusques apriès le journée. Li aucun des signeurs
46& pouRPAHU*!^ d£;douâiu> m
et.d^etiQyalieiîs^ 4-Bngleterpe: de^^Q^6re^t^ à'. Anwiws poup lui
fEii^,ooiQpaigiûe ; U t^tre. £doie^t esbaniant et esbatant parmi
le p«^j9 à grans fixais, li una i Brouxjslles, lir aultrea en
H^jnau,^ li pluiseurs aval lea bonnea villes de Flandres, là où
il eatpient durement bien venut et bien festyet. Li dus de
Braibant 8>u.ala à le Leuvre et se tint là un grant temps,, et
renvx)ioit souvent pardevers le roi de France, pour lui escuser
et ppur pryeir qu-il ne creuist nulle infonnation * seneatre. "
encontre lui.
Li jours approça et vint que li rois englès attendoit le
response de ces signeurs , mais il se osent souffissamment
escuser et mandèrent au roi qu'il estoient tout apareilliet
yaus et leurs gens, ensi que convens estoit, mais qu'il
fesist tant au ducb qu'il se apparillast, qui estoit li plus pro-
çains et qui le pjius froidement , ce leur sambloit , se appa-
riIloit,,et ossitost qu'il saroient de certain que li dus seroit
appariUiés de mouvoir, il se mouveroient et seroient ossitost
au commencement de la besongne que li dus de Braibant seroit.
Sua Qes responses lidis rpis englès fist tant qu'il parla au duch
de Braibant son cousin, et li démonstra le mandement que cil
signeur li avoient envoiet : s^ li pria en amisté et requist par
lini^e, qt^'il se volsist sour ce aviser, par coi nulle defifaute no
fust trouvée en lui, car il ' endroit de lui * se apercevoit bien que
il se apparilloit froidement, et se il n'en faisoit aultre cose, il
doubtoit qu'il ne perdist l'ajde et confort de ces signeurs
d'Alemagne, * par le deffaute de lui ®. Quant li dus oy cou, il on
fu tous confus et dist qu'il s'en consîReroit. Quant il fu longe-
ment consilliés, il respondi au roy qu'il seroit assés tost appa-
riUiés quant besoins en seroit, mais il aroit ançois parlé à tous
ces aultres signeurs et leur prieroit qu'il volsissent estre à
Halle ou à Destre encontre lui. ^ Quant li rois englès vei cou, il
perchut bien qu'il n'en aroit aultre cose * et que li courouciers
*"' MauYaise. — '* Endroit soy. — '^ Par faulte de luy. — ^-^ Quant
le voj vit ces délaiemens, il s'aperceut bien de sa malice et vit bien
qu'il n'en auroit autre chose.
ET DE SES ALLIÉS. 459
ne li pooit riens valoir ; si accorda au duch son pourpos et dist
qu'il envoieroit encores à ces signeurs certains messages de
par lui * qu'il fuissent à une certainne journée contre lui, là où
il leur plairoit le mieus '. Ensi se départirent li rois et li dus
densamble, message furent envojet devers les signeurs de
lempire et li certains jours assignés qu'il venroient. Ce fu à
le Nostre-Dame mi-aoust, et fu mis et assis cils parlemens,
par tous communs acors, à Halle, pour le cause dou jone cont^
de Hajnau, monsigneur Guillaume, qui y devoit estre avec
monsigneur Jehan.de Hajnau son oncle.
Quant cil signeur de Fempire furent assamblé, sicom dessus
est dit, en le viUe de Halle, il eurent grant parlement et lonch
conseil, car li besongne leur estraindoit durement : aenuis
poursievoient leurs convenances, et aenuis en deffalloient pour
leur honneur. Quant il furent très-longement consilliet, il
respondirent d'un commun acord au roi englès et disent ensi :
c Ciers sires , nous nos sommes longement consilliet , car
c vostre besongne nous est assés pesant; car nous ne veons
c mies tout considéré que nous aions point de cause de dëfijer
c le roi de France à vostre occoison, se vous ne pourchaciés
c que vous ajés Facord de Fempereur et qu'il nous commande
c que nous deffyons le roi de France de par lui , car il aura
t bien droite ocquison et vraie, par raison, sicom nous vous
c dirons, et dedont en avant ne demorra nulle défiante en nous
c que nous soions apparilliet de faire ce que prommis vous
c avons, sans nulle excusance. La cause que li emperères
c poet avoir de deffyer le roi de France est tele : il est certain
c que convenenciet a esté de lonch temps et séelet et juret que
c li rois de France, quiconques le soit, ne puet, ne ne doit tenir,
c ne acquerre riens sus Fempire; et cils rois Phelippes qui à
< présent r^ne, a fait le contraire, contre son sairement, car
• il a acquis le chastiel de Crièvecuer en Cambresis et le
*' Pour eslire certain jour auquel il fuissent encontre lui, en
quelque lieu que mieulx leur plairoit.
460 POURPARLERS D*ÉDOUARD 111
t chastiel de Alues en Pailluel, et pluiseurs aultres hjretages
c en leditte conté de Cambresis, qui est en terre de Fempiro
c et haolt fiés et relevé de Tempereur V et Ta attribuet audit
c royaume de France, par quoi li dit emperères a bien cause
€ de lui deffyer et de faire deffjrer par nous qui sommes
« si soubgès, siqucs nous tous prions et consillons que vous
€ y voelliés painne mettre au pourcacier son acord, pour
€ nostre pais et honneur, et nous y metterons painne volen-
€ tiers au pourcacier ossi à nostre loyal pooir. ■ Li rois
englès fu tous confus quant il oy ce raport, et bien li sam-
bla que ce fust uns détriement •, et bien pensa que ce venoit
del avis le duch de Braibant son cousin , plus que des aul-
tres. Toutesvoies il considéra assés qu'il n'en aroit aultre
chose et que li courechiers ne li pooit rien valoir : si en fist
milleur samblant qu'il peut, par emprunt, et leur dist :
€ Certes, signeur, • je n'estoie mies avisés de ce point, et se
€ plus tost en fuisse avisés , je en ewisse volentiers fait par
• vostre conseil, et encores voel faire : si m'en aidiés à con-
€ sillier, selonch ce que suis deçà le mer en estragnc pays
c apassés , et si y ay longemcnt séjourné et à grant fret ;
• si m'en voelliés donner bon consel pour vostre honneur et
c pour le mienne, car saciés se jou ay en ce cas nul blasmiN
€ vous n'i poés avoir nulle honneur. »
Longe co5ie seroit à raconter tous leurs consauls et toutes
leurs parolles. Acordé fu entre yaus à le parfin, que li mar-
chis de Jullers iroit parler à l'empereur, et iroient des che-
valiers et des clers le roy avoech lui, et dou conseil du dur
de Guéries ossi, et feroient le besoiigne, à le milleur fov qu'il
pooient. Mais li dus de Braibant n'i volt point envoyer, mais
presta le chastiel do J^uvaing au roy, pour deraourer, s'il li
plaisoit, jusques à l'estet ; car li rois leur avoit bien dit que
' Et l'empereur ne Ta mie attribuée au rovaume île France. —
* Pottrpensé et Tenu du dac de Braibant son cousin plus que He nul
antre. — * Quant je Tins icy.
ET DE SES ALLIÉS. 461
nullement il ne s'en retourneroit en Engleterre, car hontes et
vergongne li seroit s'il s'en retournoit sans avoir fait partie de
sen emprise, de quoi si grant famé estoit, se 11 deffaute n^en
demoroit en jaus, et leur dist qu'il manderoit le jone royne
se famé et tenroient leur hostel ens ou dit chastiel de Lou-
vaing, puisque li dus ses cousins 11 avoit offert. Ensi se
départi cils parlemens, et créantèrent tout cil signeur, li un
en le présence de l'autre, que jamais il ne querroient nullç
excusance, ne détriement, que de le feste Saint-Jehan Baptiste
qui seroit l'an M.CCC. XXXIX en avant, il seroient ennemi
au roj Phelippe de France, et seroit cascuns apparilliés, ensi
que promis avoit. Cascuns en râla en son lieu.
Quatr. réd. — Quand li rois d'Engleterre ot esté assés
festjés et honnourés de ces signeurs, par le information de
messire Robert d'Artois et de messire Jehan de Hainnau, il
parla à euls et lor demanda quant il seroit heure de commen-
chier ce que il avoient empris et dont il estoient tout obligiet
et aloyet à lui, et mist ces paroles avant pour sçavoir lor
intention. Quant chil signeur se veirent requis de parler, il
demandèrent consel de respondre, li rois lor donna. Il parlèrent
ensamble et respondirent et dissent ensi : c Chiers sires, quant
« nous vcnimes ichi, ce fu plus pour vous veoir que pour aultre
• cose, et ne sommes pas pourveu selonc ce que vous nous
t requerés. Si nous retrairons sus nos lieus et nous pourverons
c et ferons tant que vous nous en sauerés gré. > Dont pria li
rois que il se vosissent délivrer et lor remonstra les grans frès
que il soustenoit et soustenroit tous les jours. Si passèrent chil
signeur journée dou retourner deviers le roi, et se départirent
tout bellement, li uns apriès l'aultre, et retournèrent en lors
lieus, et li rois demora en Anwiers. Quant 11 jours vint que chil
signeur deubrent estre venu, li contes de Guerlles, li marquis
de Jullers, li sires de Fauquemont, li arcevesques de Coulongne,
messires Ernouls de Baquehem et li Alemant envoyèrent cas-
quns endroit de soi à la journée euls escuser souffissanment et
462 POURPARLERS d'ÉDOUARD III ET DE SES ALLIÉS.
tnandèTent au roi que eols et Idrs geiiÈ esteront tout prest, iaais
3 fesîst traire avant le duch de Bràîbaitt, son cousin g^nnam,
qui se apl»riUoit assés froideàient, ce loi* d^s^bloit. Quant li rois
oy celle response, se néli plàisi pas, mais il n^en pot aùhre cose
avoir et flsttant q[ue il){»arla au doch de Braibant ot li pria par
amistié et Hùa^e que il se vosist avanchier et tant faire que il
n'euist cause nulle à j^Mùâûé de li, car totift li kuUs^ Efigneâr
«^esqusoiéùt par lui.
li dus de Brafbànt rei^ndi^t diët : c ^ires et biaus cousins,
c il ne sont que •hàre d'esquâer par mi, car je sui tout pràa, et
c faites que une journée de parlement soit à Halle et que ton^
€ i viengnent, ^t je seWd Ht, et quant nous serons tout l'un
c devant l'autre et vous nous requerés que nous façons ce en
c quoi nous sommés obîigiet deviens vous , vous veréè âdont
c ceulà qtii ont la plus grande affection à la besongne. > Li rois
d'Engleterre s'apaisa sus cefirt» parole et envoia ses lettres et
ses messages déviers ces sigrieurs, et leur pï'ia bien acertes que
il vosîssent estre à Halle à tm parlement qui 1& se tenroit. Tout
obéirent et i vinrent et se logîèrent dedeâs la Ville ou ehs es
fourbours. Quant tout furent vetou , ' li rois d'Engleterre les
reinerchia de lor diligense, et estait li dis rois d'Engleterre
logiés ou chastiel de Halle que li jones conteis de Hainnau, son
serouge, li avoit preste.
Or commenchièrent 11 parlement et li consauls de ces
signeurs, et monstroient tout en lor parole que il avoient tout
grant volenté à desfyer le roi de France. Or fu là avisé et
regardé etitre euls que bonnement il ne pooient ce faire sans le
commandement de lor souverain, c est à entendre dou roi d'Ale-
magne auquel il dévoient toute obéisance. Quant li rois d'Engle-
gleterre oy proposer ces paroles, si vei bien que c'estoit une
détriance, et toutes fois il li convint souffï»ir , car n'en pooit
aultre cose avoir. Dont furent là esleu et ordonné li contes de
Guerlles et li marquis de Jullers de par ceuls de l'empire, et li
évesques de ïiincolle et messireô Renauls de Gobehem et mes-
sires Richars de Stanfort de par le roi d'Engleterre, et furent
EDOUARD m VICAIRE DE L'eMPIRE. '4fô
oargiet ohil signeur esleu de tant esploîtier et ftdre déviera le
empereur, par pryère et par tretiés, que li emperères ordotfne-
roit le roi Édowart d'Engleterre >à estre son vicaire, et ohils
vicaires à Ten^roar reqnerroit ces signours de Tempire sus la
foi et hommage que il ont à T^nporoiir,, que tout li fesissetit ser-
vice. Ensi se fui à chils pariemena, et retourna casquns en son
lieu. ^^^^^^^
Li marchis de Jullers s'esmeut à toute se compaignie
pour aller vers Fempereur de Romme. Si le trouvèrent
à Norenbergli et li comptèrent tout ce pour quoy il
estoient là venu. Li emperères qui moult estoit amis au
roy d*Engleterre, les rechupt liement et les feidiia et leur
accorda touttes lors requestes; et les fist demourer et
séjourner li emperères avoecq lui ung grant temps. Ende-
mentroes manda-il les eslisseurs del empire et plus haulx
barons, tels que li duch de Sassoiugne, le marchis de Blan-
quebourch, le marchis de Misse et d'Euriant, l'arcevesque
de Couloingne, l'arcevesque de Trêves et Tarcevesque de
Mayence. Encorres manda-il le contes de Guéries et le duc
de Braibant, mais il s'escusa et y envoya le seigneur de
Kuk en son lieu.
Quant chil seigneur fureht venut et assamblë à Norêh-
bergh au mandement del empereur, il fist une feste moult
solempnelle et tint court ouverte par trois jours, et sist en
siège impérial, vestis de draps impérials, et là renouvella-il
les estatus de Tempire et lesquels on doit tenir, et là
ordonna-il et fist le roy d*EngIeterre son vicaire et li donna
puissance impérial et congiet de forgier parmy l'empire
touttes mannières des florins et des autres monnoies, et
commanda à tous ses subgès que il obëyssoit à lui comme
à son propre corps meysmes^ et que tout fiiisBmt appareil-
liet à se semonsoe sans délai et pour defyef le roy de
464 EDOUARD m
France. Et fist de ce dict procureurs et commissaires pour
renouveller le roy d*Engleterre ces estatus et lui assir en
siège impérial. De quoy li dus de Guéries qui devant ce
jour estoit noummës contes, fu li uns, et li contes de Jullers
qui devant ce estoit nommes marchis, fu li seconds, et li
contes de Warvich et raessires Richars de Stanfort et doy
clercq de droit, et avoient chil VI couramission par îns-
trumment publique de faire et aemplir tout ce qui dessus
est dit. Et ensi se départirent-il de l'empereur et revinrent
au roy d'Engleterre qui les rechupt à joie. Or vous conte-
rons d'aucunes coses qui avinrent sus mer en Franche et
ailleurs, entroes que cil parlement et pourkas se faisoient,
qui durèrent plus d'un an, aflSn que rien je n'y oublie.
Var, prem. réd. — Or s'en alèrent le marquis de Jullers et
les autres seigneurs devers l'empereur qu'il trouvèrent àNoren-
bereh. Là lui contèrent tout ce pour quoy il estoient là venus ,
et l'empereur qui moult estoit amy au roy englès, les rechupt à
grant joie et leur accorda toutes leurs requestes, et les retint
dalés lui grant terme. Et entreux manda-il ses esliseurs de
r Empire et ses plus haulx barons, tel que le duc de Sasongne,
le marquis de Brandebourch, le marquis de Misse et d'Eurient,
Farcevesque de Coulongne, Tarccvesque de Trièves, Tarcevesque
de Mai'ence. Encore manda-il le duc de Guéries et le duc de Bra-
Imnt, lesquelx s escusèrent par le sire de Cuk qui y alla.
En Tan dessus dit, le samedi devant le Nostre-Dame en
septembre, comme empereur de Romme, Loys dn Baivière,
en cel jour assis en Convelence en siège impérial, sur ung esca-
faut de douze pies de bault, vestis de drap de soie cangant, par
dessus ses draps d'un daumatique, en ses bras phanons, et estoUe
devant croisie, à manière de prestre, tout estoffé des armes de
l'Empire ; et avoit ses pies d otel drap comme le corps , et avoit
son chief atourné de mitre reonde ; et sur celle mitre il avoit
couronne d'or moult riche ; en ses mains avoit deux blancs wans
viCAiiiB DE l'emfirb. 465
de soie, et en ses dois aneaux moult riches. Si tenoit en sa main
destre une pomme d'or, une crois vermeille dessus. En Tautre
main tenoit-il le septre. Dalés Fempereur, à destre , séoit le
marquis de Misse, auquel Fempereur bailla à tenir la pomme
dor; et assez près séoit le roj d'Engleterre vestis d*un drap
vermeil d'esquerlatte, à ung chastel de broudure en le poitrine ;
et au senestre de Fempereur séoit le marquis de JuUers, à qui
Fempereur bailla à tenir le septre ; et environ deux degrés plus
bas de Fempereur séoient li esliseur, et deseur de Fempereur
séoit le sire de Cuk, ou lieu du duc de Brabant^ en préséance de
tous, en se main une espée toute nue. Dont parla Fempereur
ensi : c Je demande à vous se ung roj d'Alemaingne, esleus et
c promeus à empereur, peut amenistrer aucuns des biens de
c FEmpire sans le conflrmacion du pappe. i Ce jugement fu
tournés sur Farcevesque de Coulongne. Lui conseillié de ses pers
dist par jugement que ojl. Le seconde demande fu : se ung
fievé d*Alemaingne fourfaisoit en FEmpire en amenrissant
FEmpire, à quelle amende il doit estre. Ce jugement fu tournés
sur le duc de Sasongne. Lui conseillié respondi que c lui estoit
en le volonté de Fempereur, de corps et d*avoir. Le tierce
demande si fu que : se robeurs estoient sur chemins d^Ale-
maingne, à quelle amende et à quelle penance il doivent estre.
Ce jugement fu tournés sur Farcevesque de Trièves. Lui con-
seillé dist qu'ils estoient à le volonté de Fempereur, de corps et
d'avoir, et tous ceulx qui les soustenoient. Le quarte demande fu :
comment tous ceulx qui tenoient de FEmpire, le dévoient servir.
Ce jugement fu tournés sur Farcevesque de Maïence. Lui con-
seillet de ses pers, dist que tous les hommes de FEmpire doivent
servir Fempereur de leurs corps et de leurs biens, et doivent
aler partout où Fempereur les verra mener, ou ses lieux-tenans,
pour les drois de FEmpire garder. Et le quinte demande fu :
comment le tenable de FEmpire doivent deffier Fun Fautre en
cas de guerre. Ce jugement fu tournée sur le marquis de Bran-
debourc. Lui conseiUet dist que celui qui deffie, ne peut, ne doit
porter dommage au deffié dedens trois jours, et où il feroit du
1. — rioiMâaT. 30
4Sê iiatJAiii> m
eimlradfe, il ééH dstre deshonnotiréa et mis hors d« tdtitai loiSr
ApiPè» €68 oho668 aiiifli fkitéNi, taniost rettipdi^èiir dist, oyant
tons : c «Tay eeté eonroimte roj d'Alemaingne gisant tonp^, et
t à empereur, oemme yoiur Mirés ; et etoj que je n'ay «ar
« ftullen de mes gens mesprts, ne e&yei^ saints Église^ ne ses
€ menistres ; et se nais pooit faire apparoir que fait Fenisse,
< je le yolroie rendre jnsqnet raison. 8i Tot» 4j que je me sni
• alolég areo pluisenrs prélas et barons^ d'Alemaingne ati roy
c d*E]i9leteFre qui cy est, et Fay Mi pour le mieojbt &ire que
€ laissier. Et cy, en rostre présence, je fay et estaMi le roy
c d^Engleterre mon vicaire et lieutenant, partent et en tontes
c causes. Si renl que tous tenans yoisent, aydent et confortent
c ce roy comme yicaire, partout où mener les rolra. % Après
ees jngemens ainsi fais, Temperear app^a tabulions publiques,
et leur ccMmnanda à faire instmmens, et que toutes ces choses
fassent mises es drois des empereurs, tenues fermes et estables
«A temp» adTenir. Et aussi lui donna puissance imperéal de
forgier parmi l'Empire toutes manièrm de florins et aoltres
m<mnoies; et commanda à tous subgès qu*ils li obeysent
comme à son propre corps, et que tous fuissent appanlliés, à sa
semonse sans délay, de deffler le rey de Frairce. Et fist de os
certains' procureurs et commissaires, pour renouveller le roy
d^Engleten^ tous estas, et lui tmif en siège impérial. De quoy
le duc de Guéries, que pararant on appellolt conte, fu nommés
et fais duc, et le conte de Jullers, qui parafant estoit, nommés
marquis. Ainsi ces choses faictes, prinrent congiet , et en rata
chaseun en son lieif, et le roy d'Engleterre rerint en Brabant.
Siô. réd. — Li marcis de Jullers se mut à toute se compagnie
pour aler vers Tempereur ; si le trouTèrent à Fl(»reberg. Pour-
quoi feroie-je long comi;>te de leurs paroUes, ne de leurs reques-
tes? je ne les saroie raconter toutes entièrement, car je n'i fui
mies. Mais 11 dis marcis de Jullers parla si gracieusement à
monsigneur Loeis de Baivière, empereur de Romme pour le
temps, qu'il flsent toutes leurs besongnes et ce pour quoi il
VIGAlilÊ DÉ L'Éltt»IRE. 467
estoient là alet, et y fendi tnadame Margërite cle Hàyiiati ^
femme moult grant painne. Et fn adont 11 inarcié de Julletifi
fais marcis de Jullers, qui en deVant estôlt coûtiôg de Jtil-
1ers, et li dus dé Guéries qui estoit appelés côtitfeà, fids dn^
dô GueHes, et impétrèrent ceste augmentation de nômÉi, serf
gens qui là estoient. Et ossi 11 elnperères donHà comnlidéiôii
à IlII chevaliers et à II clers de droit qui estoient de soii
conseil, et pooir de faire le roy englès, son vicaire par tout
Tempire, et li donna grasce par quoi il peuist faire triôhnoié
d'or et d'argent, el nom de lui, et commandement que cas-
cuns de ses soubgës obéidist à lui comme à son vicairiè et
comme à lui-meismes. Et de cô priiâent li deësuâ dit, inMru-
mens publikes confermés et saillés souffissafnmeiit de Tetti-
pereur. Quant 11 dis marchis de Jullers eut* fait toutes ëéé
besongnes, il et se compagnie se misent au retofoi^.
QuiMt. réi, — Li rois d'Engleterre s'en revint à Anwiers dalds
ses gens et làatendi tant que chil qui furent envojet deviers FesD-
perour retournèrent, liquel trouvèrent en Alemagne en une ville
que on appelle Florenberghe, lesquels signeurs il requella moult
liement et ûst à tons feste et honneur, tant pour l'amour don
roi d'Engleterre que pour ce que ohil de l'empdre estoient si
homme. Il esploitièrent dus oi voyage si bien que messires Lofs
de Baivière, rois d' Alemagne et emperadoùr de ftome^ ordonna
et institua à estre son vicaire le roi Ëdonrart d'Engleterre par
tout Tempire, et commanda à tous signeurs, soubjès à lui» que
tout obéisissent à lui comme à son vicaii*e, et de ceste èrdenaiice
et institution furent ordonnées et levées lettres autentiqueÉ
séelées des seauli) dou rd d' Alemagne et des esliseurs de Fem-
pire qui là furent présent, et avoebh tout ce instrument putoUqué
tabellionnet Si fort et si bieh coifime faire se peoient ; et retour-
nèrent, et avoech toutes ^ coses, chil signeur qui en légation
avoîent esté envojet, deviers le roi d'Engleterre qui se tenoit
pour ces jours à Malignes, et monstrèrent oomilnent il avoient
esploitié. Li rois d'Engleterre, messires Robers d'Artois, mes-
468 toouARB m
sires Jehans de Haiimau et tous li consauls en furent grande-
ment reegoj et dissent que il avoient bien esploitié.
Or s*espardirent ces nouvelles partout que li rois d*Alemagne
instituoit et ordonnoit le roi d*£ngleterre> estre son vicaire.
Quant chil de la chité de Cambrai entendirent ce, pour tant que
Cambrai est incambré à Temperour et est terre de Tempire» il
furent tout abus et envoyèrent de lors hommes deviers le roi
de France pour recorder ces nouvelles. Pour ces jours estoit li
évesques de Cambrai à Paris, liquels s*appelloit Guillaumes
d' Ausonne et estoit de nation de Berri et de la Salongne et bon
françois. Si se représenta et ces hommes de Cambrai au roi, et
recordèrent les besognes ensi que par renommée elles se por-
toient en Fempireet dou roi d*£ngleterre que li rois d'Alemagne
avoit ordonné à estre son vicaire, et faisoient doubte que par
ceste institution, il ne vosist venir à Cambrai et saisir la chité
pour faire ent frontière et garnison sus le rojaulme de France.
Dontlor fu demandé, en la présence dou roi, se il avoient bonne
volonté de requeUier en lor ville le roi d^Engleterre comme
vicaire à Tempereur. Il respondirent que nennil et que se il
vosissent ou se il voloient faire ce tretié, il ne fuissent point là
venus, mais il remonstroient ce au roi comme loial et bon Fran-
çois que i] sont et voellent estre, et aussi se li cas chéoit que il
fuissent oppresset des Englois ot Alemans, que il fuissent
secouru et conforté des François. Li rois de France lor ot en
convenant et bien lor tint, ensi que vous orés recorder avant en
Fistore.
Quant li signeur de Tempire furent retourné deviers le roi
d^Engleterrc qui pour ces jours se tenoit en la viUe de Malignes,
uns parlemens fu convoquiés à estre là en la dite ville, de tous
les signeurs qui convenance et aliance avoient au roi d'Engle-
terre, et tout i vinrent, et aussi Jaquèmes Dartevelle ne s'i
oublia point à estre, tant pour veoir le roi d*Engleterre que
point il n'avoit encores veu par deçà la mer, que pour sçavoir
de Fordenance des signeurs, ne quelle la conclusion dou parle-
ment seroit; car renommée couroit en Flandres et ailleurs,
VICAIRE DE l'empire. 469
quoique li dus Jehans de Braibant fust cousins germains au roi
d'Ëngleterre, si se faindoit-il de li aidier, ensi que faire deuist,
et estoit moult pesans à esmouvoir, et disoient auqunes gens
que les secrès de ces parlemens estoient par lui sceu en France,
car il avoit un sien chevalier le plus secré de tous les aultres et
que le plus il amoit, lequel on nommoit messire Lois de Crâne-
hem, envoyet à Paris, et là se tenoit tous quois dalés le roi et
les signeurs, et estoit 11 dis messires Lois cargiés de par le duc
que de li esquser au roi de toutes informations senestres qui
poroient venir, et grandement bien s'en aquita li chevaliers, et
tous les jours venoient lettres et nouvelles dou duch de Braibant
au chevalier, par quoy il sçavoit tous les secrès qui se faisoient
en Braibant.
Vous avés bien oy compter comment li roys de Franche
avoit sus le mer mis et establi Genevois, Normans et -«scu-
raeurs pour guerryer les Englès qui le mer volloient passer
ou rapasser, desquels messires Hues Kiérès, Bahucès et
Barbevaire estoient souverain. Si se tenoient chil sus mer
et estoient souvent devant Douvres ou Winnescesée ou en le
Tamise ou devant Mergate, et faisoient moult de contraires
à touttes gens, espécialment as Englès et as Flammens.
Avint que chil escumeur qui bien estoient * XXX" * Gene-
vois bidaus et Normans et Pickars vinrent par ung dimen-
che devant Hantonne, à heure de messe que les gens estoient
au moustier, et prisent le marée si à point que il entrèrent
ou havène de Hantonne et furent mestre et seigneur de
toutte le ville et des gens et le prisent et robèrent et moult
de bonnes gens y tuèrent, de femmes et d'enfans, dont che
fu pités, et se tinrent là tout le jour et chargièrent leurs
vaissiaux de tout ce qu'il trouvèrent et envoyèrent ardoir
par aucuns de leurs courreurs aucuns hammiaux dalles
«■« XX».
470 SAC
Haatoimet 4^ quoy tout li pays fu moult effpaas et e9laf^9if
^ w vinrent les nouvelles à Wincester et a Saslebii et à
GiUeforde et juaques à Londres. Lors s*esmarent touttes
mannlères de gens et vinrent à cheval ^ au plus hastive*
ment qu^il peurent en le conte de Hanthonne et en le ville ;
mes il trouvèrent que li Franchois estoient retret, qui le
ville avoient toute arse et reubée : dont il furent courouchiet
et li roys de France tout joians, et dist que Barbevaires et
li sien avoient fet ung biel exploit à che commenchement
sour les Englès. Che fu environ le Nostre-Damme en sep-
tembre, l'an de grâce mil CCC.XXXVIIL
See. réd. — Si trètost que messires Hues Kierès et si compa-
gnon qui se tenoient sus mer entendirent que les deffiances
estoient et la guerre ouverte entre France et Engleterre ', il en
furent tout Joiant ; si se départirent avoecques leur armée où il
avoit bien XX" combatans de toutes manières de gens, et sin-
glèrent vers Engleterre et vindrent un dimence au matin ou
haTène de Hantonne, entrues que les gens estoient à messe ;
et entrèrent li dit Normant et Genevois en le ville et le prisent
•t )e pillèrent et robèrent tout entièrement, et y tuèrent moult
de gens et violèrent pluiscurs dames et pucclles, dont ce fu
damages, et ohargièrent leurs naves et leurs vaissiaus dou grant
pillage qu'il trouvèrent en le ville, qui estoit plainne et drue et
bien garnie, et puis rentrèrent en leurs nefs. Et quant li flos
de le mer fu revenus, il se désancrèrent et singlèrent al esploit
dou vent devers Normendie, et s'en vinrent rafrescir à Diepe,
et là départirent-il leur butin et leur pillage.
QtMlr. r4d. — Tout en telle manière que les Engloia oommon-
chièrent à soutiller quant les deffianoes furent faites dou roi d'En<
gkterre au roi de France, comment il poroient nuire et porter
* Et à pié. — * Dans cette rédaction . Froiasart place le aac de
SoathamptOD après la priae de Thun-rÉvéque.
DE SOUTHAMPTON. 47i
damage les FraoçoLs, li rois de Franœ et son consel» toute la
saison aussi, n'avoient entendu à aultre cose fors à euls pourveir
par mer et par terre, car par les apparans que il veoient et desquels
il avoient oï parler, il supposoient assés que il aueroient la guerre,
^t avoient establi sus la mer une quantité de nefs normandes et
grant fuisson de Oenevois et de gens marins que on appelle
esqumeurs de mer, et en estoient meneur et gouverneur de par
messire Carie Grimant, amiral de France, messire Hues Quiérès,
fiahucès et Barbevaire, et se tenoient en la marée de Dieppe et
de Harflues. Si trëtos que les deffîances furent venues à Paris
de par le roi d'Engleterre, il en furent segnefjet. Si se dépar-
tirent chil dit esqumeur des bendes de France et ceminèrent au
travers de la mer et vinrent avoecques le vent et la marée ou
havène de Hantonne, un dimence que toutes gens estoient à
messe, et fu la ville si sourprise que il n'eurent nul loisir d'en-
tendre à garder lor ville et lor havène, et estoient bien ces dis
esqumeurs vint mille, uns que aultres, et furent pour ce jour
Rigueur de Hantonne, et s'enfuirent hommes, femmes et enfans
qui fuir peurent, pour euls sauver, et en ocirent et prissent biau-
cop et fiistèrent toute la ville de ce que il i trouvèrent de lainnes
et de draps ; et quant la marée fu revenue, il entrèrent en lors
nefs, mais avant il boutèrent le feu en la ville en plu^de soixante
liens, et puis il issirent dou havène et entrèrent en mer, et s'en
retournèrent arrière viers Normendie, où menèrent biaucop de
prisonniers que depuis il rançonnèrent. Ces nouvelles s'espar-
dirent parmi Ëngleterre comment li Normant avoient esté à
Hantonne et Favoient prise de fait et toute reubée et pillie,
dont sentirent bien li Englois que la guerre estoit toute ouverte
entre France et Ëngleterre.
Or revenrons au roy englès et as parlemens de Brai-
bant. Quant li roys d'Engleterre et U autre seigneur à lui
aloyet se furent parti del parlement \ sicomme vous avés
* L'empereur.
478 ASSEMBLÉE
oy , li roys se retraist à Loavaing et flst appareillier le castiel
pour demourer, et y flst venir la poyne et tout son hostel.
Or venîrent, sicomme vous avës oy, li ducs de Guéries, li
contes de Jullers et chil que li roys avoit envoyés deviers
l'empereur. Si fu ordonnes * et accordés • ung parlemens
* à estre * le jour Saint-Martin en yvier en Braibant. Mes II
ducs de Braibant ne le vot mies conssentir adont que chils
parlemens fust en son pays, ne à Tret-sur-Meuse, où li
AUemans Tavoient adviset ; mes fu chils parlemens assignés
à estre à Herkes qui siet pries de son pays en le conté de
Los. Li roys d*Engleterre avoit si grant désir ^ de se besoin-
gne avanchier, qu'il li convenoit poursuiwir tous les dan-
giers et les vollentés del duch son cousin, puisqu'il s'y estoit
erabatu *, et s'acorda à chou que la journée fu assignée i
Herkes. Si le flst assavoir à tous ses aloyés qui tout y vin-
rent à son mandement au jour de le Saint-Martin. Et quant
tous furent là venut li seigneur qui mandet avoit estet,
' sachiés que le ville fu durement plainne de grans sei-
gneurs, de chevaliers ou d'escuiers et de touttes autres
manniëres de gens, et fu li halle de le ville là où on vendoit
pain et char, qui gaires ne valoit, encourtinée de biaux draps
comme la cambre le roy ; et fu li roys assis le couronne sus
son chief plus haulx ung piet que nul des autres, sur un
bancq d'un bouchier là où il taille sa char. Oncques telle
halle ne fu à si grand honneur comme celle fu *. Et là
•'* Par Tacort de tous ces seigneurs. — ** A estre le roy d'Engle-
terre et tous les autres seigneurs dessus nommes à Herbes. — *^ De
aTanchier son fait, et endura moult de paino et de dangier du duc et
d*aatres. — "* • Et y eut ce jour 14 tant de seigneurs, chevaliers et
eacuiert, que ce fu merveilles. Et d une grande vielle halle de la ville
flst-on chambre do roy, tendue de draps ; et y fut le roy, le couronne
sur le teate, plus hault ung piet que ceolx des aultres, sur Testai d*un
boochier. Monlt estoit la place mal honnette.
DE HERGK. 473
endroit, par devant tout le peuple qui là estoit et les sei-
gneurs, furent luttes les lettres del empereur par lesquelles
il constituoit le roy Édouwart d'Engleterre son vicaire et
son lieutenant pour lui, et il donnoit pooir de faire droit et
loy à chacun el nom de lui et de faire monnaie d'or et d'ar-
gent el nom de lui, et commandoit à tous les princes et à tous
autres subgës qu'il obéissent à son vicaire comme à lui
meysmes et li feissent féaulté et hoummaige comme au
vicaire del empire. Quant ces lettres furent luttes, chacuns
des seigneurs fîst ^ féaQche ' et sièrement. Et tantost là
endroit fu clammet et respondut entre parties comme devant
l'empereur et jugiet droit à le semonsce de lui, et fu là
endroit renouvelles et afermës uns jugemens et estatus qui
avoit estet fais en le court de l'empereur dou tamps passet
qui tels estoit : que qui voUoit au tout grever ou porter
dammaige, il le devoit deffyer souffisamment III jours
devant sen fait, et qui aultrement le feroit, il devroit estre
atains comme de mauvais et villain fait. Ghils estatus sam-
bla bien raisonnable à cascun.
Ensi se départi chils parlemens, mes li seigneur eurent
avis et consseil l'un par l'autre là où il se trairoient pour
gueryer à l'estet qui revenoit. Si fu dist et acordét qu'il
yroient devant Cambrayqui estoit cités del empereur, rebelle
à lui et favorable au roy de Franche '. Adont s'en revint
li roy 8 englès à Louvaing dalés le royne se femme et se tint
là tout rivier et à grans frès, et se faisoit partout appeler
vicaire de l'empereur ; et manda au conte de Haynnau que
ses pays li fuist ouvers et appareilliés pour recepvoir lui et
ses gens et passer parmy comme vicaires del empire. Li
contes qui bien volloit obéir à l'empereur si avant que tenus
y estoit et garder ossi sen honneur au roy de Franche, res-
** Fëaltë. — ' Or prinrent oong^iet l'un à l'autre.
474 ASSEMBLÉE
pondi qa*il en aroit avis. Si migt en Mons en Haynnau ung
^ant parlement ensamble des barons et des oheyaliers et
des hommes de se terre S et fti trouvet que il ne pooit con-
tredire à l'empereur, ne à son vicaire, que il ne le serve-
sist et ouvresist se pays pour lui et ses gens recepvoir,
et ensi le rapportèrent au roy d'Engleterre chil qui par lui
chargiet en estoient ', liquels roys en fu tous joians et se
tint à Louvaing, ensi que je vous ay dit, toudis aoquérans
amis «& Tempire.
ijSfeç. rid. — Quant li rois Édouwars et li ^.ultre signeur à lui
alloyet se furent parti del parlement, sicom vous avés oy, li
rois se retraist à Louvaing et fist apparillier le chastiel pour
demorer, et manda à le royne Phelippe sa femiçie, se elle voloit
venir pardeçà le mer, ce li plairoit bien, car il ne pooit delà
rapasser toute celle année, et renvoia grant fuison de ses cheva-
liers oultre, pour garder son pays, meismement sus le maroe
d'Escoce. La royne dessus dite prist en grant plaisance les
nouveUes dou roy son signeur et se apparilla, au mieus et au
plus tost que elle peut, pour rapasser le mer. Entrues que ces
besongnes se détrioient, li aulti^ chevalier englois, qui estoient
en Braibant dalé^ le roy, s'espardirent aval le pays de Flandres
et de Haynau^ en tenant grant estât et en faisant grans frais,
et n'espargnoient ne or, ne argent, non plus qu'il leur pleuist
des nues, et donnoient grans jeuiaus as signeurs, as dames et
as damoiselles, ppur acquerre le grasce et le louenge de ceuls
et de celles entre qui il conversoient, et tant faisoient qu'il
Tavoient, et estoient, prisiés de tous et de toutes, et meisme-
ment dou commun peuple à qui il ne donnoient riens , pour
le bîel estât qu'il menoient. Or revinrent del empereur monsi-
gneur Loeis de Baivière, environ le Toussains, li marcis de
*-* Si fu trouvé qu'il ne pooit contredire à Tempereur, ne à son
vicaire, quMl ne mesfesist; et d'accord fu rapporté devers le roy qu'il
trouveroit monseign^Qr le cojdte et le paya appareilliéB.
DE HERGK. 475
Jullara et Q6 compagnie : se segnefia et e^e^isi, par q^r^aû^s
chevaliers, au rpj Édouwart, de sa venue» ^t U manda ossi
que, Dieu merci, il ayoit très-bien esploitié. De oes no^yeUeff lu
li rois englès tous joians, et resorisi au dis marchis que à |a
feste Saint-Martin il fust devers lui et que à ce jour tout li
aultre signeur y seroient. Avoech tout çou U rois -englès 99
consiUa au duc de Braibant son cousin et li demanda ^ijL il
voloit que cils parlemens se tenist. Li dus fu ayiséa de rç«h
pondre et ne volt mies adont qu'il se tenist en son ps^fe» et si
ne volt mies aler jusques à Tret où la jourAée euist esté bien
séans, pour le cause des signeurs del empire ; ains ordonna et
volt que elle fust assise è^ Herkes qui siet priés de fK)n pays,
en le conté de Los. Li rois englès, saciés, avoit si grant désir
de se besongne avancier, qu'il li conyeuoit poursiewir ^t
attendre tous les dangiers et les volentés le ducb son cousin,
puisqu'il s'i estoit embatus, et se acprda à çou que U journép
fu assignée à Herkes : si le 0st savoir à tous ses allojés, qui
tout y vinrent, à son mandement, au jour de le Saint-Martin.
Quant tout furent là venu, saciés que li ville fu durement
plainne de signeurs, de chevalier^ et d'escuiers et de touteis
aultres manières de gens, et fu U balle de le ville, là où on
vendoit pain et char, qui gaires ne valoit, encourdinée de
biaus draps comme la cambre le roj, et f u li rois englèa
assis, le couronne d'or moult rice et moult noble sus son
chief, plus hault Y pies que nuls des aultres, sur un banc d'un
boucler, là où il vendoit et tailloit se char. Onques tele balle
ne fu à si haute honneur. Là endroit pardevant tout le peuple
qui là estoit, et pardevant tous les signeurs, furent leutes les
lettres de l'empereur, par lesqueles il constituoit le roi d'Engle-
terre Édouwart son vicaire et son lieutenant pour lui, et li
(lonnoit pooir de faire droit et loj à cascun el nom de lui, et
do faire monnoie d'or et d'argent ossi el nom de lui, et com-
mandoit par ses dittes lettres à tous les princes de son empire
et à tous aultres à lui soubgès qu'il obéisissent à son vioaire
comme à lui-meisme», et U fesissent féaulté el hommage comme
476 ASSEMBLÉE
au vicaire del empire. Quant ces lettres furent leutes, cascuns
des signeurs fist hommage, féaulté et sairemènt au roi englès,
comme au vicaire del empereur, et tantost là endroit fu clamet
et respondu entre parties, comme devant l'empereur, et jugiet
droit, à la semonse de lui, et fu là endroit renouvelés et
affermés uns jugemens et estatus qui avoit estet fais en le
court del empereur dou temps passet, qui tels estoit : que
qui voloit aultrui grever ou porter damage, il le devoit segne-
fjer souffissamment trois jours devant son fait , et qui aul-
trement le feroit, il devoit estre attains com de mauvais et
villain fait. Chils estatus sambla estre bien raisonnables à
cascun , mais je ne croi mies que depuis il ait estet partout
biens gardés. Quant tout cou fu fait, li signeur se départirent
et créantèrent li uns à Taultre de estre apparilliet sans délay à
toutes leurs gens , ensi que convenenciet estoient , III sep-
mainnes apriès le Saint-Jehan, pour aler devant Cambray,
qui doit estre del empire, et estoit tournée pardevers le roy
de France.
Ensi se départirent cil signeur : cascuns en râla en son
lieu, et li rois Édouwars 'vicaires del empire s'en revint à
Louvaing, dalés madame la royne sa femme, qui nouvelle-
ment estoit là venue à grant noblèce et bien acompagnie de
dames et de damoiselles d'Engleterre. Si tinrent à Louvaing
leur tinel moult honnourablement tout cel yvier, et fist faire
monnoie d'or et d'argent en Anwiers, à grant fuison. Mais
pour ce ne cessa mies li dus de Braibant de renvoyer soigneu-
sement devers le roy de France monsigneur Loeis de Cra-
nehen son plus espécial chevalier et consilleur, en lui excu-
sant. En le fin il le fist demorer tout quoi dalés le roy, et li
carga et enjoindi expressément que toutdis il Tescusast devers
le roy et contredesist toutes les informations qui pooient venir
au dit roi à l'encontre de lui. Li dis monsigneur Loeis n'osa
escondire le commandement del duch son signeur, ains en fist
toutdis bien son devoir, à son pooir; mais au darrain il en
eut povre guerredon, car il en morut en France de duel,
DE mcRCK. 477
qaant on vei apparemment le contraire de ce dont il escusoit
le duch si certainnement, et en devint si confus qu*il ne volt
onques puis retourner en Braibant. Si demora tous cois en
France, pour lui ester de souspeçon, tant qu'il vesqui : ce ne
fu pas longement, sicom tous orés en avant recorder en
Thystore.
QiuU. réd. — En la ville de Malignes vinrent biaucop de
signeurs pour tant que li rois d'Engleterre i estoit. Or s'avisa
li dus de Braibant qui se voloit dissimuler de ces besongnes, et
ordonna et i trouva une cautelle nouvelle, et dist que li parle-
mens ne se pooit tenir pour celle fois à Malignes, ne à Trec (se
euist-il esté là moult bien et pour Taise des signeurs de lem-
pire) : il li f u demandé dou roi et dou conte de Guéries où il
voloit dont que il se tenist. Il respondi à Herbes en Hasbain
qui sciet priés de son pais. Pour acomplir les plaisances et
volontés dou duc, car on ne le savoit comment avoir, ne mener»
on acorda à estre le parlement à Herbes, et vinrent là tout li
signeur tant de Tempire comme d'autre pais, qui alliance avoient
au roi d'Ëngleterre, et pluisseur de la conté de Hainnau qui n'i
avoient que faire fors que pour veoir Testât. Quant tout furent
venu, la ville fut durement plainne, et se logièrent moult de
signeurs à nu chiel ou desous fuellies et contre les haies et les
buissons et ens es jardins au dehors de la ville. Et fu la halle
de la ville où on vendoit et vend encores pain et char , encour-
tinée de biaus draps et de tapisserie comme la cambre le roi.
Et là fu li rois d'Engleterre assis, la couronne d'or moult rice
et moult noble sus le chief, plus hault cinq pies que nuls des
aultres , sus le banc d'un bouchier où il tailloit et vendoit sa
char. Onques povre halle ne rechut si haute honneur. Et là
pardevant tout le peuple, en la présence des signeurs, furent
leutes les lettres de Tempereour par lesquelles il constituoit le
roi Edowart d'Engleterre son vicaire et son lieutenant pour
li, et li donnoit poissance de faire droit et loj à casqun ou
nom de li et de faire monnoie d'or et d'argent aussi au nom
478 ABftIliBLéK
dé 11. Et cëiô&atidoit 11 dis emperères par ses dlttes lettres
k tous les princes de son eitipire et à tous aultres à lui soub-
jès que il obéiesdlit au roi d'Engleterre, son vicaire, comme
à lui meismes et li fesissent féaulté et hl^mmage comme au
ticaire de l'empiré;
Quant ces lettres furent leutes, li rois d^Engleterre fist faire
requeste à tous les signeurs qui là estoient, que tout fesissent
féaulté et hommage. Tout Chil qui requis en furent, le fisdént
de tant que téiiu estoient dou faire. Et tantos là endroit fu clamet
et i^spôndut entre parties comme devant Tettipereour, et jugiet
droit à la semonse de 11. Et fu là endroit renouvelles et aflTer-
més uns esiatus et jugemens qui aultre fois avoit esté dis et
fais en la cour de Tempereotir, liquels estoit tels: qtie qui
Voloît autrui grever, ne porter damage, il le devoit defSer
soufflssanment trois jouri^ devant son fait, et qui autrement
lé feroit, il devoit éstre atainà et pugnis comme de malvais
fait. Chils estatus sambla bots et raisonnables à tout homme,
mais je ne sçai se depuis il a esté partout bien ténus et
Quant chils estas fu tenus, le^juel vôùé oéer récorder^ et que
li vicaires de Tempereour ot fait droit et loi et rendut juge-
mens, et que li signeur qui là estoient, li orent fait féaulté
et hommage, car il en furent requis soufissanment , et que
toutes coses furent misses à lor devoir, en augmentation de
titlé et de nom li contes de Guéries fu transmués en duc, et li
marquis de Jullers en conte, et puis grant temps apriès fu-il
nommés dus de Jullers. Dont descendi li dis rois d'Engleterre
nommés vicaires à Tempereour, et aussi fissent tout li signeur,
et issirent de la halle et vinretit en une aultre place moult
grande, laquelle on avoit apparillie pour euls, et là disnèrent
ensamble, et fu ordonné que de là on se départiroit casquns
en son lieu, et cel ivier passet, sus Testet, quant li vicaires
de Fempereour seniiondroit ses hommes , tout se remeteroient
ensamble et le venroient servir et iroient partout où il les
menroit, et fu adont avisé et ordonné que on se trairoit devant
DB HERCK. 479
Cambrai, car li signeur avoient entendu que il le trouveroient
rebelle à rencontre de euls et close.
Si se départirent chil signeur el prissent congiet au roi
d^Bngleterre et li rois à euls sus Testât et ordenance que de
retourner à Testet, et vint li rois d'Engleterre à Louvaing et
se logea ou chastiel, oar li dus son cousin li presta, et manda
li dis rois d^Engleterre la roine Phelippe sa femme en Engle*
terre, laquelle fu moult resjoïe de ces nouvelles et se apparilla
dou plus tos comme elle pot, et se mist en la mer et monta ens
son vassiel au palais de Wesmoustier, et tout chil et toutes
celles qui de sa route furent, et estoit la roine bien acompa-
gnie de dames et de damoiselles d'Engleterre, de chevaliers et
d^esquiers, et nagièrent tant li maronnier à Taide de Dieu et
dou vent que il vinrent en Anviers, et là issirent des vassiaus
et se missent en la ville. Si fu la roine requelleite moult honou-
rablement de ceuls de la ville.
Ces nouvelles s'espardirent tantos sus le pais que la roine
d'Engieterre estoit venue. Si vinrent oontre li et pour acom-
pagnier et amener à Louvaing deviers le roi, pluisseurs barons
et chevaliers d'Engleterre qui estoient espars sus le pais de
Braibant, et entra la roine en Louvaing à plus de deus mille
chevaus. Se vint li rois contre li et le rechut liement. Si furent
moult belles et moult amoureuses les aquointances dou roi et
de la roine, et se logièrent ou chastiel de Louvaing tout cel
ivier et tinrent lor estât. Assés tos apriès ce que la roine fu
venue à Louvaing, le vinrent veoir li jones contes Guillaumes
de Hainnau son frère, et la jone contesse sa femme , et aussi
fist madame de Valois sa mère , car elle Tamoit de tout son
coer plus tenrement que nulles de ses filles. Si fu la roine
visitée des chevaliers et des dames de Hainnau et de Braibant,
et elle qui estoit pourveue toute sus, les requelloit liement et
doucement et les remercioit de lor bonne Visitation. Vous devés
scavoir et croire légièrement que li rois d'Engleterre gissoit à
grans frès et à grans coustages deçà la mer ; car il tenoit plus
de deus mille chevaliers et esquiers et environ huit mille
480 HÉSITATION
archiers, et tous les mois estoient payet de lors gages, sans
les grans coustagess et frès qui li venoient de costé à tenir ces
signeurs d^Alemagne à amour, car il ne fesissent riens, ne
pour linage , ne aultrement , se li denier n'alaissent tousdis
devant.
Encores se dissimuloit ce qu'il pooit li dus de Braibant,
quel amour, ne compagnie que il fesist, ne monstrast au roi
d'Engleterre, son cousin^ et faisoit tout quoi tenir son cheva-
lier messire Lois de Cranehem à Paris dalés le roi, qui tous-
jours esqusoit le duch de toutes informations senestres qui
venoient en la présence dou roi, et disoit au roi : c Sire, n'en
« créés riens, car monsîgneur de Braibant, quel samblant que
€ il monstre, ne face à son cousin le roi d'Engleterre, ne vous
« fera jà guerre pour lui. » Et li rois de France créoit et créi
tant que on en vei tout le contraire, de quoi li dis chevaliers
prist si très-grande mérancolie , quant li rois Phelippes li dist
que il estoit mençonables et li dus de Braibant ses mestres
aussi, que il en morut d'anoi, ne onque depuis ne retourna en
Braibant.
Or revenrons au roy d'Engleterre qui très-grant dësîr
avoît que li saison venist que il peuist ' faire se emprise *, et
se tenoit à Louvaing et parloit souvent de son voiaige au
duc de Braibant son cousin, au duc de Guéries son serourge,
au conte de Jullers et à monseigneur Jehan de Haynnau,
qui le visetoient, et quant li estes fu venus ^, li Pasques et li
Pentecouste passés et li Saint-Jehan-Baptiste ossi et li
aoust approcha, il s'en vint à Vilvort et se loga en le ville
et là s'asambloient li Englès qui le mer avoient rapasset et
se logeoient en le ville qui logier s'i pooient ou ens es mares
sour le rivière, et y avoit bien XVP armures de fier et
*-* Chevauchier. — * Que temps fu de mettre ses gens sus et faire
son mandement.
DU DUC DE BRADANT.
481
VIII™ archiers. Lors manda-il estroitement à tous ces sei-
gneurs d' Allemaigne que il veinssent et avalaissent ensi que
juret et proummis li avoient, et il li remandèrent que il
estoient tout appareilliet, mes que li dus de Braibant s'es-
meuist. Encorres détria li dus de Braibant de le Madelainne
à li mouvoir * jusques en septembre * et avoit renvoyet
en France monseigneur Loeys de Cranehen, le plus secret
chevalier qu'il euist, liquels chevaliers escusoit toudis le
duc de Braibant envers le roy contre touttes infourmations
qui pooient venir. Nonobstant ce, si faisoit li dus de Brai-
bant son mandement et retenoit chevaliers et escuiers là où
il les pooit avoir, et le détriance qu'il y metoit, elle estoît
assés raisonnable, car il veist vollentiers que entre ces deux
roys aucuns bons tretiés d'acort se fust fais ainchois que
gherre ^, ne arssins ^ s'en fust esmeus, ne commenchié. Et
bien disoit que se li contes Guillaummes de Haynnau qui
nouvellement estoit trespassës vesquesist, il les euist appai-
siet et mis à acord. Et se li estoient chil doy roy si pro-
chain que aenvis s'en mesloit et aenvîs ^ s'en demoroit * ;
mes il s'estoit jà si avant ' aconvenenchiés • que par hon-
neur il ne pooit reculler. Ossi li plus grant partie de tous
ses chevaliers estoient en coer englès, qjii bien avanchoient
et aidoient le roy englës en ses besoingnes.
Sec, réd, — » Or passa cils yviers, li estes revint; li feste
Saint-Jehan Baptiste approça, chil signeur d'Alomagne se com-
mencièrent à appariUier pour achever leur emprise *®. Li rois de
^ * Jusques à rentrée de septembre ''^ Ne mortalité. -« *'* Le lais-
soit. — ^-« Obligiés.— •**" Or passa cellui yver et pui« retint Testé et que
la feste de Monseigneur Saint Jehan approucha. Adonques oes grans sei-
gneurs d*AUemagne s'appareillèrent moult estofféement, chacun selon
son estât, ainsi que enconvenancé l'avoient au roy d^Angleterre comme
au vicaire de TEmpire, pour parfaire et accomplir leur entreprise.
I. — FROISSABT. 31
483 L'ARllêR ANGLAISE
Finance se pourvei à rencontre, car il savoit partie de leur
entente, comment il n*en ftist point encore» deffyés. Li rois
englès âst toutes ses pourvéancefl faire en Engleterre, et ae«
gens dVmefl apparillier et apasser par deçà le mer, sitost que li
Saint-Jehan fut passée , et se ala tenir il-meismes à VilYort,
et faisait ses gens, ensi qu'il apassoient oultre et qu il venoient,
prendre hostels en le ville de Vilvort, et quant li ville fu
plainne, il les fist logiw contreval ces biaus prés selonch le
rivière, en tentes et en très, et là se logièrent-il et demorèrent
de le Magdelainne jusques apriès le Nostre-Dame en septembre,
en attendant de sepmainne en sepmainne le venue des aultros
signeurs, et par espécial celle dou duch de Braibant, apriès qui
tout li aultre s'attendoient. Quant li rois englès vei que cil
signeur ne venoient point, ne apparOliet estoient, il envoia
certains messages viers cascun , et les fist semonre sur leur
créant, qu'il venissent sans nul délai, ensi que créante avoicnt,
ou il vonissent au jour Saint-Gille pour parler à lui en le ville
de Malignes et lui dire pourquoi il targoient tant. Li rois
Édouwars séjournoit à Vilvort à grant frès, ce puet cascuns
savoir, et perdoit son temps, se li anoioit moult, et ne le pooit
amender. Il soustenoit tous les jours sous ses frès bien * XVP •
armeures de fier, ' fieur de gens *, tous venus de oultre le mer,
et bien X" arciers, sans les aultres poursiewans à cou aper-
tenans. Se li pooit bien ce peser, avoech le grant trésor qu'il
avoit donnet à ces signeurs qui ensi le détrioient par parolles,
ce li pooit bien sambler, et avoecques ce les grandes armées
qu'il avoit establies sour mer contre Genevois, Normans, Bre-
tons, Pikars et Espagnols que li rois Phelippes faisoit gésir et
nagier sour mer à ses gages pour les Englès grever, dont
messires Hues Kiérès , messires Pieres Bahucès et Barbe-
vaires estoient amiraut et conduiseur, pour garder les destrois
et les 'passages » entre Engleterre et France. Et n'attendoient
*-• XVIII« — '-* Toute fleur de bonnes gens d'armes. — * Contre les
Englès qu^il ne passassent d'Engleterre par deçà la mer pour venir en
France.
A TILVORDB. 483
cil dessusdit escumeur de mer aultre oose for* que Iw nouvaDes
leur yenissent que la ^erre feu^t oon^rte ei que li Tom «nglè»,
aicom on supposoit, em^t deffjet k Toy d» France <, qtt^it entre*
roient en Ëngleterre, ' où que os fmt : il avolent ja aiiaîei oh
et comment, pour porter au pajB grant damage *»
Quant cil signeur d'Alemaigne, à le semonce dou roi engtèe,
li dus de Braibant et messîres Jehans de Hajnau yinfent à
Malignes, il n'amenèrent pas leurs gens avoech yaus, se leur»
pourveanoes pour hostojer, mais se traîeent pair éerere )e rerf
pour parlementer encores ung petit ensemble, et là U i^Vteer»
dirent communément, apriès tout plain de parolles, que 11 fole
englès pooit bien mouvoir à le quiasainoe après ou environ,
et sero|ent adont tout apparillie^. Et pour tant que leur gverrei
fust plus belle, et que bî^ i^rtenoîià faire, puisqu'il TKMenI
guerroyer le roi d^ Fraace , il se aoordèrent de envoier le»
deôiances au roi Pàettppe ; premièrement li rois d'Engleterre
Édouwars qui se âst chiés de to«s et de ofaiaM de son ro^Mteie,
ce fu raisons; ossi li dus de Querlet, limarois de Juflers, ne»-
sires Robers d'Artois^ messiree Jehan» de Hi^nau, U mareis da
Misse et d'Ëurient;, li aiarcis de Blankelboœra, li sires de Pau-
kembnt, messires Ernouk de 9akehen, ii aroheresque de Omi^
bngne, messires Gai»fans ses frères, et tout li signeur do
Tempire, qui diief se faisoient de le«i» besongne avoech le rei
englès. 8i furent ee» deffiaiœs eseripte» et séellées de casemn j
excepté dou ducb Jehan de BraihanÉ, qui enooree s'esousa et
ne se Tolt mies adont ooi^îndre en ces éefiance» et ^Kst qu*!!
feroit son fait aparldi à t^nps et à point. De oe» deffianoes ^
aporter en France fut prjés et eargiés li ^Fveeqoee de linco^,
qui bien s*en acquitta, car il le» aporta à Paris et fl»t »»» me»»
sage bien et à point, tant qu'il n» fb de auëui repris^ ne
blâmés, et 11 fVi délivré un sauf^^endott pour retourner mière
devers le roj son signeur, qui se tenoit à MaUgne».
^ Avoocquçs ees alliés d'Allamaigpe, — *' Quelque part où ih
avoieut jà adviaet pour porter au roj et à son pais monlt grant dommage
en» qu'ils firent.
484 l'armée anglaise
Quai. réd. — Or passa 11 Ivlers ; 11 estes vint. Li rois d*Engle-
terre, tout celle saison, petit à petit ûst par deçà la mer et par
delà epparillier ses pourvéances, et quant la Pentecouste Ai
passée, il se départi de Louvaing et laissa là la roine sa femme
et 8*en vint logier à Villevort à une lieue pries de Brousselles et
remanda toutes ses gens qui estoient* espars en Hainnau et en
Braibant, et là furent tendu es ces biaus prées qui sont grant
et large, au lonc de là rivière, tentes, auqubes et pavillons et
toutes ordenances de logeis, et escripsi deviers ces signeurs
d'Alemagne et leur manda comme vicaires de Tempire et les
semonst sus lors fois que tout venissent. Chil signeur s^ordon-
nèrent tout par grant loisir et ne se délivroient point ensi que
11 rois d^Engleterre vosist, et prendroient piet sus le duch de
Braibant, et de ces détriances li rois d^Engleterre estoit tous
merancolieus , et convenoit que il portast ce dan^ier. Bien
sentoient et congnissoient li signeur d'Alemagne que li dus de
Braibant se dissimuloit et se portoit de ces besongnes assés
froidement, et se savoient bien li pluisseur que il avoit envojet
son chevalier messire Lois de Cranehem à Paris deviers le roi
de France et 11 falsoit là tenir tout quoi pour le escuser de
toutes informations senestres qui pooient venir. Nequedent,
toutes ces coses misses avant, il se départirent de lors liens
quant il orent pourveu lors gens, et s'en vinrent à Villevort
deviers le roi d'Erigleterre et vicaire à Femperour, et ensi que
il venoient il se logeoient sus celles belles praieries qui sont
entre Villevort et Brousselles, et vinrent tout premièrement li
dus de Guerlles, serourges dou dit roi, li contes de Jullers, li
contes de Mons, li contes de Saumes-en-Saumois, li arcevesques
de Coulongne et messires Gallerans ses frères, li sires de
Fauquemont, messires Ernouls de Baquehem et pluisseur che-
valier... et tout ruste d'Alemagne. Messires Jehans de Hainnau
• estoit tousjours dalés le roi et de son consel. Quant il furent
venu, li rois d'Engleterre lor requist que il vosissent escrire
et séeler avoecques lui lettres de deffiances à Philippe de Valois
qui se nommoit rois de France. Chil signeur d'Alemagne res-
A VILVORDE. 485
pondirent généraument que U estoient tout prest, mais que H
dos de Braibant vosist oe faire, et bien apertenoit que il le
fesist, car il estoit li plus proçains de sano et de linage qui fust
là au roi d'Engleterre. Adont requist li rois d^Engleterre au
duch de Braibant par hommage et par linage que il vosist
séeler. Li dus de Braibant fu consUliés de respondre : si res-
pondi et dist que point pour Theure il ne escriroit, ne séeleroit
nulles défiances avoecques euls, et pas ne s^escusoit que il ne
le deuist faire, mais ce que fait en seroit, il le feroit de soi-
meismes sans nullui mettre en sa lettre. Dont regarda li rois
d*Engleterre sus les signeurs d'Alemagne et leur dist : • Biau
• signeur, je me tieng assés contens de ce que mon cousin de
t Braibant en fera. Nous sommes en son pais, et quant nous
c serons dehors il auera mieuls cause de escrire et séeler les
t defiiances que il n*a présentement. Si vous pri chièrement
c que vous ne vos voelliés pas arester sus ce et séelés avoecques
c moi. • Il regardèrent tout Fun Tautre. Dont dist li dus de
Guerlles : • Contes de Jullers, et vous, contes de Mons, biaus
c cousins, nous i metons trop de détris sans raison : il le nous
c fault faire, et à ce nous sommes alojet et obligiet de trop
c grant temps. • Dont respondirent li Alemant tout de une
vois : c Dus de GuerUes, vous dittes vérité. > Là fu conclu et
aoordé que tout séeleroient avoecques le roi d'Engleterre les
défiances à Phelippe de Valois, ensi que il fissent. Li rois
d'Engleterre en chief escripsi et séela pour lui et pour tous ses
consauls d'Engleterre et puis séelèrent tout li aultre, réservé
le duch de Braibant. Chils volt faire son fait à par lui. Les
défiances escriptes et séelées, li évesques de Lincole fîi cargiés
de 1^ porter et faire le message. Il Temprist avoecques ung
hirant d'Engleterre, liquels cevauça tout devant pour impétrer
ung sauf-conduit pour le dit évesque alant et retournant, et
Tatendi à Valenchiennes. Li hiraus qui chevauça devant ,
esploita si bien que il ot le sauf-conduit pour Tévesque de Lin-
cole et toute sa famille alans et retoumans et le porta à Valen-
chiennes là où li évesques Tatendoit. '
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(
s
4S6 l'armée AIfOIiAl|S£ A YILVORDE.
Quant li dis évesques Tôt» il 66 départi de V«tlenchiètUM«
et vint au Chastiel-en-Cambrésis et puis à Saint-Quentin et
à Hem et puio à Noion^ et ûêt taat par ten journées que il
vint à Paris et se logea au Chastiel^Festu en la riie dou Tiroi*
derrière les Innocens. Pour ces jours estoit li rois Phelippefi
à Tostel c'<m dist de Nelle oultre la rivière de Sainne, et là ala
li evesques de Lincole faire son message et paiia au roi^ car on
li âst voie, et 11 rois le volt veoir et oïr^ Si mist les deffianoes
avant : adont regarda li rois la lettre et les séaula qui i pen-
dolent. Si ôst dirq à Tévesque que il pooit bien partir quand il
vololt, car il se tenoit pour tous deffjès ; et aussi li evesques de
Lincole, pour plus deuement faire les deffiances, avoit rendu au
roi de France, avant ce que 11 monstrast ses lettres, Tommage
tout entier et tel que il le tenoit de li, et 11 rois Tavoit repris.
C'estoit la conté de Pontieu et en Guienne auqunes terres qui
s'estendent entre la rivière de la Dourdoniie et la Gironde,
car ce qui est par delà, les rois d'Ëngleterre ont tousjours tenu
quitement et liegement et ensl comme Tiretage d'Engleterre.
Quant li evesques de Linoole ot fait ce pour quoi il estoit
venus, il se d^arti et retourna arrière, et tantos li rois Phe-
lippes envola saisir la conté de Pontieu et le conté de Menstruel
et toutes les terres que 11 rois d*Engleterre avoit relevé de la
couronne de France et qu'il tenoit au jour que les deffiances
vinrent, et transmuèrent 11 officyer qui commis i furent de par
le roi, tous officyers et 1 remissent aultres seloneh les ordon-
nances des lieus, mais il ne tint pas longuement la conté de
Pontieu» quant il la donna à messire Jaquème de Bourbon, ung
sien cousin moult proçain, et liquels estoit issus, et li dus Pierres
de Bourbon, ses frères, de la droite coste dou roi Lois de France,
et ne tenoit pas li dis messires Jaquèmes de Bourbon, au jour
que 11 rois 11 donna la conté de Pontieu, trop grant terre, et pour
ce 11 augmenta-il son hiretage, et bien Temploia, car li gentils
chevaliers fu ausi pourveus de nobles conditions que nuls cheva-
liers peut estre. Or se tint li rois Phelippes pour deffiés dou roi
d'Engleterre et des conjoins et ahers avoecques li en celle guerre.
CHEVAUCilÉE DE GAUTIER DE MAUNY. 487
Ëncorres avint que messires Gantiers de Mauni qui
avoecq le roy d'Engleterre estoit apassé le mer par dechà et
qui en Anwiers se tenoit, * mist sus une chevauchie * et
quella des compagnons environ LX, et chevaucha secrète-
ment paripy Braibant et Haynnau, etfisttant que ung soir il
â*enbuscha ens es bos de Blaton dallés Gondet-sus-Escaut,
et ëncorres ne savoit nuls de se route quel part il voUoit
traire, mes là il s^en de^couvri et leur dist que il tenissent
ses parolles en secret, et que il avoit entente de venir à
Mortaingne et faire là aucun fait d*armes. Ghil à qui il en
parla, s'i accordèrent. Adont rechenglèrent*il leurs che-
vaux et restraindirent leurs armures etdievauchièrcnt tout
souef et vinrent droit à l'ajournée si à point devant le fort
castiel de Mortaingne que il trouvèrent le guichet d'une des
portes ouvert. Si etitrèrent ens et se saisirent de le porte et
rompirent le flayel et en furent maistre, et chevauchièrent
deviers le castiel et le grosse tour, mais il le trouvèrent
fermet et n'y peurent entrer. Li gaite dou castiel qui oy le
friente, sonna en se buisinne : « Traï I traï ! » dont s'estour-
mirent chil de layens et ' coururent as armes ^; et quand li
sires de Mauni vit que il avoit failli d'entrer ou fort et que li
saudoier se commenchoient à abillier, ^ afin que il souvenist
chiaux de le ville que il y avoit estet * et que une autre fois
il fuissent plus songneux de garder leur ville, il fist bouter
le feu en ' le plus belle rue qui y fut*, liquels feux s'esprit tan-
tost et porta à chiaux de Mortaingne grant contraire ^. Dont
se parti messires Gantiers et toutte se route et vint passer
TEscault et le Haynne à Condet, et cevaucha ëncorres plus
*•• Vint messii'e Gantier devant le roy; et priât congié de luy, et
aucuns compaignons, d'aler faire aucune appertise. Il eut congiet.
— ••* Crièi-ent : t Alarme. — •• Adfln qu'il parust qu'il j avoit esté.
— "* En la grande rue. — • Et dommage.
488 CHBYAUCHÉE ,
avant deviers Cambrésis enssi comme vous orés. Encorres
ne se doubtoit-on de riens ens ou pays de Cambrésis. Bien
supposoit li évesques de Cambray que li roys d'Engleterre
feroit en France se premier voiaige par là ; * mais il leur
estoit si lontains que ses pays n'en estoit de riens effrayés,
ne pourvus *. Or chevaucha li sires de Mauni en celle
entente ^ que li pays de Cambrésis estoit et seroit ennemis à
yaux. Touttefois en ceste chevauchie il s'avisa que il envoie-
roit deffyer souflBssamment Tévesque de Cambray affin que
il ne fuist repris "^ de villain fet *. Li évesque n'en flst nul
compte, car il ne le cuidoit mie si pries de lui qu'il estoit.
Ossi chils qui porta les deflBanches, ne li dist mies. Si che-
vaucha li sires de Mauni à le couverte deseure Valen-
chiennes et vint à Denaing, où il disna, car l'abesse estoit sa
cousinne, ' et vint à Bouchain * et passa là l'Escaut ® et ne
dist mies à chiaux de Bouchain quel cose il volloit faire, et
vint une matinée si à point à Thun-l'Évesque, ung castiel
séant sour l'Escaut, qui se tient de Cambrésis, que de venue
parmy l'ayde de ses gens *° il prist le pont, le porte " et le
castiel et le castelain dedens et se saisi de la fortrèce et i
mist et laissa compagnons pour le garder et en fist souverain
messire Gille de Mauni c'on dist Grignart, qui puis porta
contraire à chiaux de Cambray, car il est à une lieuwe
priés. Apriès ces chevauchies, il s'en retourna en Braibant
deviers le roy d'Engleterre qui encorres estoit en Anwiers **.
Or furent chil de Cambray courouchiet et espccialment li
évesques, et manda au roy de Franche ^^ le fet et comment
* * Si n'estoit de riens efFraés. — ' * A l'entente que pour faire
aucune envaye, car il savoit bien que le pays de Cambrésis seix>it
annemy à eulx. — *«De villonie. — ' * Passa d'encoste Boucain, sans
mot dire. — ^ Bien matin. — *<* ** Il vint sur le pontetwaigna le i>orte.
— ** Si lui conta ses aventures de Mortaigne et du chastel de Thun.
— *' Pour y remédier.
DE GAI7TIER DE HAUNY. 489
ses castiaux li estoit tolus et embles. Si en fa li roys cou-
rouchiés S et bien y eut cause.
Sec, réd. — Or vous roel-je parler de II grans entrepresures
d'armes que m'essires Gautiers de Mauni âst en le propre
sepmainne que li rois de France fut deffyés. Si tretost comme
il peut sentir et percevoir que li rois de France devoit oq
pooit estre deffyés, il pria et oueilla environ XL Janœs de
bons compagnons seurs et hardis, et se parti de Braibant, et
chevauça tant de nuit que de jour , qu'il vint en Haynau et Se
bouta ens es bois de Blaton, et encores ne savoit nuls quel
cose il voloit faire ; mes il s^en descouvri là à aucuns de ses
plus secrès, et leur dist qu'il avoit prommis et voé en Engle-
terre, présent dames et signeurs, que il seroit 11 premiers qui
entreroit en France et y feroit guerre et prenderoit chastiel ou
fgrie ville, et y feroit aucune apertise d'armes : si estoit sen
entente que de chevaucier jusques à Mortagne et de sousprendre
le ville qui se tient dôu royaulme. Chil à qui il s'en descouvri,
li acordèrent liement. Adont recenglèrent-il leurs chevaus et
restrajndirent leurs armeures, et chevaucièrent tout secret, et
passèrent les bois de Blaton et de Brifuel et vinrent -à ung
ajournement, ung petit devant soleil, à Mortagne. Si trou-
vèrent d'aventure le guicet ouvert : adont descendirent-il ,
messires Gautiers de Mauni tout premiers et ajiicuns des
compagnons, et entrèrent en le porte tout quoiement, et esta-
blirent aucuns des leurs pour garder le porte, par quoi il ne
fuissent souspris, et puis s'en vinrent tout contreval la rue,
messires Gautiers de Mauni et son pennon tout devant, devers
le grosse tour et les chaingles. Si le cuidièrent ossi trouver
mal gardée; mais il faillirent à leur entente, car les portes et
li guicet estoient fermet bien et estroitement. Ossi la gette
dou chastiel oy la freinte et les perçut de sa garde : si fu tous
esbahis, et commença à sonner et à corner en sa buisine:
* De cette maie aventure.
490 aHfiVÂtx}«BB
« Trabi» irikhi. » 8i esvilUèrent toui^ft feùB et U soudc^^ dou
chastiel, mais point ne yuidèreat de l^ur fort« Quant m6$9iv^
Gantiers de Mann! senti les gens de Mortagne esmouvoir) il
86 retraist tout bellement devej^s le porte ; mais il û&i boater
la feu en le rue contre la chastiel « qui tantost s'eit^prlst
et aluma» et furent bien à ceste matimée hX maisons a^:*8es.
eties gens de Mortagne moult effrajet* car il cuidièrent estre
Umt pris. Mais U ûres de Mauni et ses gens se partirent de
le ville et oheraucièrent arrière devers Gondet et passèrent là
TËscaut et le rivière de le Haine; et puis chevaucièrent le
ohemin de Valencienes et le costyèrent à le droite main, et
vinrent à Denaing, et se rafreschirent là en Tabbeje ; et puis
passèrent oultre devers Bouchain, et âsent tant au chastellain
de Bouchain que les portes leur furent ouvertes, et passèrent
là une rivière qui j keurt, qui se reâert en TEscaut, et vient
d'amont devers Alues en Pailluel. Apriès ce, quant il furent tout
oultre Bouchain et le rivière, il s'en vinrent à ung fort chas-
tiel qui se tenoit de Févesque de Gambrai et de Gambresis, et
Tappelloit-on Thun TËvesque, et siet sus le rivière d'Escaut.
£n ce chastiel n'avoit adont nulle garde souffîssans, car li pays
ne cuidoit nient estre en guerre ; si furent cil de Thun soub-
dainement souspris, et li chastiaus pris et conquis et li chas-
telains et sa femme dedans, et en fist li sires de Mauni une
bonne garnison et y ordonna à demorer un sien frère chevalier
qui s'appelloit messires Gilles de Mauni c'en dist Grignars,
liquels fist depuis ce jour pluiseurs destourbiers * à chiauls de
Cambresis et de la cité de Cambrai, car li chastiaus siet à une
liewe de Cambrai. Quant messires Gautiers de Mauni eut fait
ses emprises, il s'en retourna francement en Braibant devers
le roy englès son signeur, et le trouva à Malignes. Si li recorda
une partie de ses chevaucies : li rois les oy volentiers et les
retint à grant vasselage *.
*•• Et faisoit ses courses trois ou quatre fois la sepmaine jusquos
devant la bonne cité de Cambray, et venoit escarmoucher jusqu'aux
DE GAUTWR DE lAUNY. *\n
Quatr. téd. «^ Or vous Vôél l'eoorder une grandd np^riise
d'armes et laprttnièï© qui fti faite étt France que m«sdir6B Gftu*
tiers de Mauiii, Uûs bacelers et eheralièrs de la CôûtA de Halii-
nau, et tousjours vrais et loiaus englois, Hat snr le roiatdme At
France, lé roi d'Engleterre et «es bôos estant à Villevort.
Si trèstos quô lûessires Chantiers de Mauni peut Bça^roir ei
percevoir que 11 rois de France fu defllés et que 11 ^év^ttes
de Lincole se metoit au retour, il ôst tant que 11 ôt quarante
lances de bons compaignons haînnuiers et englois, e* se départi
de Braibant et chevauça tant de nuit avoecques Tâide dou jour
que il vint en Hainnau, et obevauçoient ils et ses gens à la 45ôu*
verte, et ne savoient ceuls de la compagnie fors ils et uï^ g^ida
qui les menoit, où il voloient aler, et se boutèrent ens es bois
de Blaton. Li gentils chevaliers avoit toé en Engleterre
devant dames et signeurs et dit ensi : « Se la guerre t'esineut
€ entre le roi d'Engleterre ,* mon signeur , et Phelippe ds
« Valois qui se dist rois de Franche, je serai li premiers qui
a s'en armera et qui prendera chai^el Ott ville stts le roiaume
« de France. » Et de ce veu point il n'en déâdli, car il s'en
vint de nuit bouter ens es bois de Wières Moult priés de Mor^
tagne, et quant il fu là venus, il dist à ses compagnons tout œ
que il voloit faire, et se emprise il li aoordèrent.
barrières, où il faisoit moult grandes et belles appertises d^armes, car
le dit chasteau de Thun siet à une lieue près de la dite cité de Cam-
bray. Quant monseigneur Gautier de Maunj et faites ses entreprînses,
ainsy comme je vous ay compté cy devant, il s'en retourna, atout
grant prouffit, avec une partie de ses compaignons, car SI en avoit
laissië une partie avec monseigneur Grignart son frère, pôUr loi
aydier à garder Thun TEveeque ; et flst tant qu'il vint en Braibant
par devers le roy Edouart d'Angleterre son seigneur qu'il trouva à
Malignes, qui le receupt et conjouit moult grandemetit. Et puis lui
rocorda une grande partie de ses chevaulchées, et comment il avoit
prins Thun TEvesque, et illeuc mis et laissië son frère en garnison
contre ceulx de Cambray : dont le roy Anglois fut moult durement res-
joui quant il l'ot ainsi oui parler, et le tint à moult grant vasselage et
grant prouesce, comme vray.estoit.
492 CHEVAUCaɣ
La ville de Mortagne sus la rivière d'Escaut], quoique elle
soit moult priés gardée, pour ce jour fu en très-grande aven-
ture de estre prise, car messires Gautiers de Mauni et sa route
vint sus la journée si priés que il se boutèrent en enbusque ens
es haies et buissons dalés Mortagne et orent pourveu coces et
abis de femmes, lesquelles il prissent en ung village sus lor
cemin» et grans crétins plas, là où ces femmes qui vont au mar-
chiet mettent bures, oefs et frommages, et abituérent quatre de
lors hommes de Tabit de ces femmes et lojrèrent entour lors
testes belles blances loiures de toille et prissent ces crétins cou-
vers de blances napes et monstroient que elles venissent au
marchiet vendre lors bures et frommages, et vinrent sus Teure
de solel levant à la porte et la trouvèrent close et le guichet
entre-ouvert, et ung homme qui le gardoit, et quida véritable-
ment que ce fuissent femmes d'un village là priés, qui venissent
au marchiet, et ouvri le guichet tout arrière pour elles entrer et
lors crétins. Quant chil homme en abit de femmes furent dedens,
il se saisirent dou portier et traïssent Ions coutiaus que il por-
toient desous lors gonnes et li dissent : c Se tu sonnes mot, tu
c seras mors. » L'homme fu moult effraie et doubta la mort et
se tint tous quois dalés euls. Evous messire Gautier de Mauni
venu et ses compagnons qui les poursievoient de lonch et avoient
laissiet lors chevaus en haies et en buissons assés priés de Mor-
tagne en la garde de lors variés et veirent que lors compagnons
estoient signeur de la porte. Si se hastèrent dou plus qu il porent
et entrèrent dedens le guichet tout à lor. aise, et s'en vinrent
deviers la tour et le dongeon, et la quidièrent trouver mal gar-
dée, mais non fissent, car elle estoit fermée. Adont se tinrent
euls tout quoi et veirent bien que il avoient falli à leur entente
et que la ville, sans le chastiel, ne lor valloit noient à tenir. Si
se retraïssent tout le pas là par où il estoient venu et ne por-
tèrent aultre damage à la ville de Mortagne que il boutèrent le
feu en deus ou trois maisons, et puis issirent et montèrent sus
leurs chevaus et se départirent sans aultre cose faire. Moult do
gens de la ville de Mortagne estoient encores en lors lits et ne
DE GAUTIER DE !rr\r!>IT. 493
seeurent riens de celle aventure. Messires Grutiers de Mauni,
pour acomplir son emprise, ils et si compagnon, cheyauchièrent
et rentrèrent en Hainnau et passèrent TEscaut à un ponton au
desous de Condet, et vinrent ce jour disner en Tabéie de
Vicongne et là rafresquirent lors chevaus et s'i tinrent jusques
à la nuit. Ëncores n^estoit 11 pals de riens effraés, et montèrent
sus lors eevaus à la vesprée et cevauchièrent amont et passèrent
les bois de Walers, et entrèrent en Ostrevant, et avoient guides
qui les menoient, et vinrent entre Denain et Cambrai passer la
rivière de la Sensée qui rentre en TEscaut à Bouchain, et cevau-
chièrent tant que sus Peure de solel levant il vinrent à un chas-
tiel que on dist Thun-FÉvesque , séant sur la rivière d'Escaut,
et si à point que les mesnies doudit chastiel mettoient hors le
bestâil pour pasturer ens es prées qui sont priés de là, et encores
estoit li chastellains en son lit. Si entrèrent dedens la porte,
car il le trouvèrent ouverte et furent signeur et mestre dou
chastiel et boutèrent hors tous ceuls et celles que dedens il trou-
vèrent , et retint li dis messires Gantiers de Mauni le chastiel
pour li et i establi et le donna à un sien frère chevalier, lequel
on nommoit messire Gille de Mauni , et âst chils depuis en
Tannée pluisseurs destourbiers à ceulx de Cambrai, et quant li
dis messires Gantiers de Mauni ot fait ces emprises , il s'en
retourna deviers le roi d'Engleterre, son signeur, et âst tant
que il se trouva à Malignes, et là estoit li rois d'Engleterre
venus, et i avoit un parlement.
Li roys Phelippes savoit bien en partie le couraige et
Tentention dou roy d'Engleterre que il voUoit venir en Cam-
brësis et mettre le siège devant Cambray. Si y envoya
grans pourvéanches de gens d'armes pour le garder et def-
fendre contre tous venans, premiers monseigneur Loeys de
Savoie, monseigneur le Galois de le Baume, le seigneur de
Groulée, le seigneur de Biaugen, messire Gille de Noyers, le
484 OAM4180MS PRANÇAISES
sâignenr de Saintr Venant, le seigneur d*Aubigûy, le seî*
gneur de Baseutun ei le seigneur de Roye, et ayoeoq eheux
horme beK^lielerie et grèdit fuison de Genevois et d'autres
saudoyers. Chîl y fissent tous vivres d'environ amener et
akaryer et emplir les greniers de bled et d'avainnes. Et
fisent cliil seigneur entlerrer trois des portes de Cambray
qui point n'estoîent nécessaires à l'ouvrir. Encorres envoya
li roys de France au Castel-en-Cambrésis messîre Thieubaut
de Moreil, le marescal de Mirepoix et le seigneur de Rain-
neval et fist li roys bien garnir Bohaing, le Maie-Maison,
Crièvecoer, AJoes et Oizi-en-Carpbrésis, et fist son njande-
ment par tout l^ rc^aumme de Franche à estre à Péronna
en VeriBendois, ^ à Bapa\immes ' et à Arraâ. Or parierons
dou roy d'Bagletenre qui se parti de Vilvort pour raonstrer
le chemin à tous chiaux * qui servir le dévoient ^.
JSec^ réd. — Vous avés bien ci-dessus oy recorder sus quel
estât li sigueur del Bmpire se partirent dou roy enflés ^t dou
parlemejat qui fu à Malignes, et comment il envoyèrent deffyer
le roy Phelippe de France de par le roy Édouwart d'Engleterre.
Sitos que li rois Pbelippes se senti deffyés dou roy englès et de
tous ses alloyés, il vei bien que c'estoit à certes et qu il aroit le
guerre. Si se pourvei selonch ce bien et grossement, et retint
gens d'armes et saudoyers à tous les costés, et envoia grans gar-
nisons en Cambresis ; car il pensoit bien que de ce costé il aroit
premièrement l'assaut. Et envoia monsigneur le Galois de le
Baume, un bon chevalier de Savoie, dedens Cambrai, et Ten fist
chapitainne, avoecques monsigneur Thiebaut de Moruel et le
signeur de Roie ; et estoient bien Savoyens que François,
ce lances. Et envoia encores li dis rois Pheîippes saisir le conté
de Ponthieu que li rois d'Engleterre avoit tenu en devant de
par madame se mère, et manda et pria à aucuns signeurs de
*•• A Compiègne. — ■* A tons renlx qui siévir le voloient.
AUX PR0NTfi^.RR8. 4îfô
TEmpire, tels que le conte de Hajnau son neveu, le duch de
Lorrainne, le conte de Bar, Tévesque de Mes, Tévesque de Liège
monsigneur Aoul de le Marce, que il ne fesissent nul mauvais
pourcach contre lui, ne à son rojaulme. Li plus de ces signeurs
lui mandèrent que ossi ne feroient-ils ; et adont li contes de
Hajnau li rescrisi moult courtoisement et li segneâa qu'il seroit
appareilliés à li et à son rojaulme à aidier à deffendre et à
garder contre tout homme ; mais se li rois englès voloit guer-
ryer en TEmpire, comme vicaires et lieutenans del empereur,
il ne li pooit refuser son pays, ne son confort, car il tient en
partie sa terre del empereur : se li doit, ou à son vicaire, toute
obéissance. De ces rescripsions se contenta li rois de France
assés bien, et les laissa passer legiërement, et n*en fist nul
grant compte, car il se sentoit fors assés pour résister contre
tous ses ennemis... Or retourrons-nous au roj englès qui se
tenoit à Malignes et se apparUloit fort pour venir devant * Cam-
bra j.
* La cité de.
FIN DU TOME PREMIER.
NOTES.
Un commentaire historique, quelque peu développé, sur les
chroniques de Froissart, n'aurait pas moins d'étendue que le
texte même qui en serait Tobjet. J'ai cru qu'il était surtout
utile de axer les dates les plus importantes, car Froissart, si
bien instruit des détails les plus minutieux, a tenu peu de
compte de la chronologie et de Tordre dans lequel les faits
se sont accomplis. J'indiquerai brièvement les points de com-
paraison entre son récit et celui de Jean le Bel, et en recourant
fort rarement aux sources historiques déjà connues, je m'ap-
puierai plus volontiers sur deux chroniqueurs anonymes dont
les œuvres inédites, conservées à la bibliothèque de Berne et à
la bibliothèque de PArsenal à Paris, offrent d'autant plus
d'intérêt que, sans rien emprunter à Froissart, elles présentent
l'histoire de la même époque. Quelques extraits puisés à des
dépôts d'archives, seront joints à ces citations.
Lorsque la publication que j'entreprends aigourd'hui, sera
achevée, il y aura lieu de la compléter par un glossaire, par
une table des noms de lieux et par une seconde table des
noms de famille accrue de renseignements biographiques et
généalogiques. On ne saurait faire moins pour les héros dont
Froissart a illustré la mémoire.
I. — PlOISSART. 33
498 NOTES.
En ce qui touche la date et la succession des diverses rédac-
tions placées les unes à la suite des autres, je renvoie à la par-
tie bibliographique de l'introduction. Le lecteur voudra bien se
souvenir que tout en coUationnant divers manuscrits offrant les
mêmes leçons, j'ai choisi co^lme bases : pour la première rédac-
tion le ms. d'Amiens, pour les variantes de la première rédac-
tion le ms. de Yalenciennes, pour la seconde rédaction les ms.
adoptés par Dacier , pour la troisième, qui se confond souvent
avec la seconde, le ms. Soubise (aujourd'hui Bibl. imp. de Paris, '
6477-6479), pour la quatrième le ms. de Rome.
J'ai également expliqué , dans l'introduction , les différences
grammaticales que ces rédactions présentent entre elles.
Je suivrai, dans les notes, l'ordre des matières, tel qu'il est
indiqué au haut des pages du texte.
Prologue (pp. 1*14). -^ Cfr. le prologue de la première et de la
seconde rédaction de Froissart avec le texte de Jean le Bel, pp. 2-3
(éd. de M. Polain, 1863). Ici eomme partout ailleurs, la quatrième
rédaction, dégagée des emprunts faits couvent littéralement à Jean le
Bel, offre le caractère d'un travail original. — Froissart Joint aux noms
des souverains preuw anglais, cités par Jean le Bel, ceux du comte de
Warwick, de Jean Chandos et de Jacques d'Aadeley. Il est à remarquer
que Jean le Bel ne mentionne que des chevaliers anglais ou attachée au
parti du roi d'Angleterre. Les noms des chevaliers français ont été
ajoutés par Froissart.
Faiblesse d* Edouard II (pp. 14-18). — Cfr. la première rédaction
de Froissart et Jean le Bel, pp. 5-6. — La bataille de Bannock-burn,
près de Stirling fut livrée le 25 juin 1314. Edouard II regagna à grand
peine son royaume.
Mariage d'Edouard II et d'Isabelle de France (pp. 18-20). — Cfr.
Jean le Bel, p. (). — Edouard V^ eut de son second mariage avec Mar-
guerite de France, Thomas, comte de Norfolk, dit le comte Maréchal,
parce qu'il était grand-maréchal d'Angleterre, et Edmond, comte de
Kent.
Origine des guerres de France et d'Angleterre (pp. 20-21). — Cfr.
Jean le Bel, pp. 6-7.
Influence de Hugues Spencer (pp. 22-2.S).— Cfr. JeanleBel,p.8. —
NOTES. 44)9
Hugues Spencer descendait d'un gentilhomme d'Artois, nomme Guer-
lain de Gommieoourt, qui s'était fixé en Angleterre où Henri III lui
avait donné la charge de despensier, qui consistait à chercher le vin
enfermé dans des peanx de cerf au fond des celliers et à en remplir
la coupe du roi. De là le surnom de spencer ou despensier.
Supplice du comte de Lancastre (pp. 24-25). — Cfr. Jean le Bel, p. 9.
— Le comte de Lancastre s'était mis à la tété de l'armée des barons
qui voulaient renverser les Spencer. 11 fut fait prisonnier à Pontefract
et mis à mort aussitôt après (mars 1322). Personne n'intercéda en sa
faveur, et comme on réclamait du roi la grâce d'un de ses complices, il
ne put s empêcher de répondre : t Vils flatteurs ! personne d'entre .vous
« n'a trouvé une parole pour mon cousin Thomas de Lancastre que
« j'ai tant aimé et qui m'a donné de si bons conseils! » (Capgrave).
Ranulf Hygden loue aussi les vertus du comte de Lancastre, en flétris-
sant les vices de ses ennemis. André de Herkley qui avait pris le comte
de Lancastre, fut créé comte de Carlisle, mais peu après la déroute de
Stirling, il fut écartelé comme traître : premier exemple du sort qui
était réservé, à ce que croyait le peuple, à tous ceux qui avaient pris
part à la mort du.comte de Lancastre.— Le 28 juin 1323, Edouard II
écrivit à Tévôque de Londres pour se plaindre de ce qu'on avait exposé
dans l'église de Saint-Paul un tableau où était représentée Tefligie du
comte de Lancastre, et de ce qu'on lui rendait le même culte qu'aux
saints, en répandant le bruit qu'il s'y opérait des miracles ; ce qui était,
ajootait-il, à la honte du roi et d'un pernicieux exemple (tft nostri
dedecus et perniciosum exemplum). D'après une rumeur populaire,
d'autres miracles avaient suivi le supplice de deux chevaliers qui
avaient été écartelés à Bristol.
Fuite d€ la reine d* Angleterre en France (pp. 26-43). — Cfr. Jean
le Bel, pp. 9-11. — Tout le récit de l'absence de la reine Isabelle est
fort inexact. La reine d'Angleterre partit pour la France au mois de
mars 13*25 (n. st.), chargée par Edouard II de traiter de la paix avec
Charles le Bel, paix qui fut conclue à Paris le 31 mai. Vers cette époque,
le comte de Kent se trouvait en Guyenne avec l'archevêque de Dublin
qui accusait publiquement, à la Réole, Hugues Spencer le jeune de par.
jure et de trahison. Il avait été entendu, par la médiation de la reine
Isabelle, que le comté de Ponthieu serait transmis à son fils aîné
Edouard : peut-être n'était-ce qu'un prétexte pour le faire sortir d'An-
oOO NOTES.
gieterre. Le jeuue Eùuui^ru & embarcjutt a. buuvres pour faire acte
d'hommage, le 12 septembre. Le 1«' décembre, Edouard II avait reçu
une lettre de Charles le Bel qui lui annonçait que la reine n'osait rentrer
en Angleterre c pur përil de sa vie et doute qu'ele ad de Hugh le Des-
< pensier. » Le lendemain, il écrivit à la reine et à son fils les lettres
les plus pressantes pour hâter leur retour. Au mois de février 1326, le
bruit se répandit que la reine se préparait à rentrer en Angleterre, les
armes à la main. Aux fêtes de la Pentecôte, le jeune Edouard assista
avec Roger de Mortimer au couronnement de la reine de France.
Le 6 juillet, Edouard II, voyant la stérilité de ses démarches auprès
de Charles le Bel, ordonna d'arrêter les navires français, et il se prépa-
rait à partir lui-même pour la Gascogne. Les négociations avaient été
renouées le 10 juillet, et ce fut probablement alors que la reine Isabelle
quitta la France. Le 18 juillet, les négociations étaient rompues.
Le 4 août, Edoqard menaça d'un châtiment sévère les marchands qui
portaient les lettres de ses ennemis. Le 10 septembre, il ordonna d'ar-
rêter tous les Français en Angleterre. Le 27 septembre, on connais-
sait le débarquement de la reine dans le comté de Suffolk , et dès le
lendemain le roi mit à prix la tête de Roger de Mortiçier.
Froissart (quatr. réd., p. 33, 1. 24) se trompe en parlant t de trois
< ans accomplis. » La reine passa moins de deux années en France et
en Hainaut. Le 8 mars 1325, Edouard II écrivit au pape que la reine
d'Angleterre se rendait en France pour négocier elle-même un traité.
Mais, dès le 1^** décembre, il se plaignait au roi de France de ce que la
reine alléguait, pour prolonger son séjour, la crainte qu'elle éprouvait
de tomber au pouvoir de Hugues Spencer. « Certes, disait-il, très-amé
« frère, il ne convient pas qu'elle se doute de lui, ne de nul autre
« homme vivant en nostre roialme ; quar, par Dieu, il n'y ad Hugh.
<( n'autre vivant en nostre pooir, qui mal li vousist, et nous le puissions
« sentir, que nous le chastiriens en menère que autres prenderoieut
« essample. » Le même jour, il écrivit à la reine elle-même pour hii
exprimer le grand désir qu'il avait de la revoir et les souffrances de
cœur que lui causait nne si longue absence. Il s'étonnait de ses griefs
contre Hugues Spencer, qui s'était toujours conduit « si amiablement
« envers elle, » et qui, à son départ, lui avait donné de grandes assu-
rances d'amitié. Il rappelait à la reine que si parfois il avait été réduit
à lui adresser certaines paroles de correction, il l'avait fait assez secrè-
NOTES. 501
tement et sans dureté, et que son intention était, en ce qui touchait ses
dépenses, de les régler de telle sorte qu*à Tavenir elle ne manquerait
de rien. Une troisième lettre était adressée au jeune Edouard. Il lui
i-appelait tout ce qu'il lui avait dit à son départ de Douvres et le pres-
sait de revenir le plus tôt possible avec ou sans sa mère.
Le 18 mars 1326, Edouard II s'adressa de nouveau au roi de France
pour se plaindre de Tabsénce prolongée de la reine Isabelle. 11 lui repro-
chait surtout de manquer à ses devoirs en se conduisant par les conseils
de Roger de Mortimer, traître et ennemi mortel, condamné selon les lois
du royaume. Le 19 juin 1326, il réitérait les mêmes plaintes dans une
lettre adressée à l'évêque de Beaavais.
Roger de Mortimer, seigneur de Wigmore, qui avait embrassé,
puis abandonné le parti des barons, avait été enfermé à la Tour de
Londres. Il donna une potion somnifère (potionem somniferam) à ses
gai'diens et parvint à descendre dans une barque qui s'était placée
au-dessous de son cachot (l®*" août 1324). Voici comqient son évasion
est rapportée dans une naiTation anonyme de la bibliothèque de Berne,
dont nous ferons fréquemment usage. D'après cette chronique, Roger
de Mortimer fut arrêté par les ordres de Hugues Spencer et conduit
à la Tour de Londres. La reine apprit qu'on avait donné Tordre de lui
trancher la tête ; elle envoya pendant la nuit une barque qui vint se
placer devant la prison où il se trouvait, et il put ainsi se sauver et
gagner le port de Dunkerque. A cette nouvelle, Hugues Spencer ordonna
aussitôt de s'emparer de la personne de la reine elle-même, qui s'enfuit
à Boulogne avec son fils et le comte de Kent. Elle se rendit de là à
Fontainebleau ou se trouvait le i*oi de France, qui lui assigna comme
résidence le château de Vincennes. Cette version présente des erreurs
communes à Froissart. Il est certain toutefois qu'avant le départ de
la reine, le roi avait fait renvoyer en France tous les serviteurs qui
l'avaient suivie.
Dans la quatrième rédaction (p. 33, 1. 34), Froissart a confondu
Jeanne, fille de Louis le Hutin, reine de Navarre, et Blanche, fille
de Charles le Bel, qui épousa Philippe duc d'Orléans, fils de Philippe
de Valois ; elle ne naquit qu'en 1328.
Walsingham donne des explications plus précises sur les dangers
que courut la reine en France. Spencer avait gagné par ses présents
les plus puissants seigneurs qui entouraient Charles le Bel. On disait
502
NOTES.
même que le comte de Richemont, Jean de Bretagne, s'était chargé de
faire périr la reine et son fils. — La reine , pendant son séjour en
France, se vit réduite à faire des emprunts aux Bardi de Florence.
Froissart (quatr. réd., p. 42) dit que le pape Jean XXII était t de
«( la nation de Bourdiaus. » Il était né à Cahors.
La reine i Angleterre en Eainaut (pp. 43-61). Cfr. Jean le Bel
pp. 13-15. — Froissart emprunte peu ici à Jean le Bel. Les détails
qu'il reproduit, ont problablement été recueillis à Valenciennes.
Froissart paraît avoir ignoré que le mariage d'Edouard III avec
Philippe de Hainaut avait été résolu pendant son séjour à Monjs, au
mois d'août 1326. La promesse du jeune prince était conçue en ces
termes :
« Nous Edwars, dux de Guyane, aisnels fils de très-excellent prince
monseigneur Edwars, par la grasce de Dieu, roy d'Engleterre, faisons
savoir à tous ke nous avons promis et prometons soUempnelmént par
nostre foy, loyaltei etsairement fait etprestei souries saintes Éwangilles,
que nous prenderons à femme et à espeuse demisèle Phelippe , fille
monsigneur Guillaume, conte de Haynau, de Hollande, de Zéelande,
et signeur de Frise , dedens deux ans de le date de ces présentes
lettres. Et tout avant le dit maiiage, nous le doerons et li assignerons
douayre u donation par mariage bien et soffîsamment, sicomme il
affîert à royne d'Engletere et qu'elles ont estei douées, et ke dedens
cel dit terme, nous pourkacherons par nous et par autrui que il sera
dispenseit et dispensation impétrée dou linage qui est entre nous et
le dite demisèle Phelippe, et que tout altre empéecheraent seront osté,
par quoi nous perrons parfaire le dit mariage entirement dedens le
terme devant nomraeit , ne jamais n'aurons , ne prendrons autre
femme, ne espeuse que le demisèle devant dite, se il n'estoit ensi que
li dis mariages que nous ferons avoekes li et orons fait, fust dissolus
et desevrés par le mort de le demisèle devant dite, et nonporquant
s'il avenoit cose que nous peuissiens le dite dispensation impétrer et
le mariage parfaire devant le terme devant nommei, si prometons-
nous et avons couvent sour les saircmens et obligations devant dites
que nous impétrerons le dite dispensation et parferons le dit mariage
devant le dit terme au plus tost que nous porons. En tiesmoing des-
queles coses , nous avons ces présentes lettres séelées de no propre
séel Ce fu fait et acordeit à Mous on Haynau le merquedi apriès le
NOTES. S03
fieete Saint-Bertelmieu, apottW, Tan de graece mil trois cens-vint et
sys. » (Archives de TÉtat, à Mods.)
Le comte de Kent, en confirmant cet engagement, y igoutait la
clause suivante qui mérite d^être reproduite ;
« Nous Âymes, fils de roy d*Engleterre, cuens de Kent, faisons savoir
à tous qne nos avons en couvent et promis et promettons par nostre foi,
loyaltei et eairement fait et presteit sollempnelment sour les saintes
Éwangiles, que nos pourcacherons et procurrons par nous et par autruy
que excellons princes nos chiers et amës messires Edwars dux de
Guyane, fils à nostre très-cher signeur et frère, monseigneur Edward,
d*Engletere, prendera à femme et à espeuse, dedens deus ans prochai-
nement venans de le date de ches pi*ésentes lettres, demisielle Phe-
lippe, fille de haut homme et poissant monseigneur Ghiillaume, conte de
Haynnau, de Hollande, de Zéelande, et signeur de Frise, et que avant
le dit mariage il le doera et assennera à li doaire u donation par
manage \Àen et souffissanment, sioomme il affiert à royne d*Engleterre
et qu'elles ont esteit doëes, et que li dispensations sera faite et impë-
trée dou linage qui est entre no dit neveu et le dite demisielle, et
tout autre empëechement osteit, pour quoi li dis mariage et toutes les
auti*es ooses dessus dites seront et poront iestre faites entirement
dedens le terme devant dit et encore devant che, se faire se pueent,
sans oudengien. Et s'il avenoit oose (que Jà n*avieiigne) que toutes les
coses dessus dittes ne fuissent parfaites dedens ledit terme, nous
serions tenut par nos loyaltës et nos sairemens dessus dis d'envoyer
dedens le ville de Valenchiennes , en Haynnau , quatre chevaliers,
frans hommes de linage, dedens le mois apriès le dit terme, sans
autre semonse faire, liquel chevalier demorront et devront demorer en
le ditte ville, et tous les jours aus représenter une fois par devant le
prëvost le conte de Haynnau u sen lieutenant, et là iestre sans départir,
il, leur maisnie et leur cheval, en le manière qu'il affiert à frans
chevaliers de linage, dusques à tant que toutes les coses dessus dites
et cascune d'elles seroient parfaites entirement, et s*il avenoit que
des chevaliers dessus dis uns a pluiseur trespassaissent de cest siècle,
nous serions tenut, toutes fois et tantes fois que il trespasseroient, es
lieus des trespassés renvoyer aussi soufflssans dedans deus mois
apriès leur treapas, liquel deveroient demorer an dit lien en le
manière que dist est. i
S04 MOTBS.
L^engagement d'Edouard III fut confirme dans les mêmes termes
par Roger de Mortimer. Quant à la ratification de la reine Isabelle,
elle n'existe plus aux archives de Mons.
Froissart, parlant de la récompense que reçut le sire d'Aubrecicourt,
fait allusion à une charte du 8 octobre 1331 où Edouard III lui assigne
une rente de quarante marcs, comme prix de ses bons services. La
comtesse de Hainaut alors en Angleterre avait peut-être intercédé en
sa faveur.
Retour de la reine en Angleterre (pp. 61-71).— Cfr. Jean le Bel,p. 15.
Le récit de Froissart est beaucoup plus étendu. —D'après Walsingham,
Jean de Beaumont amenait avec lui 2,757 hommes d'armes hainuyera
et allemands. La chronique de Berne qui mentionne le projet de mariage
d'Edouard et de Philippe de Hainaut , ne parle que de 700 hommes
d'armes.— On lut publiquement sur les places de Londres la proclama-
tion par laquelle le roi déclarait atteints du crime de haute trahison sa
femme et son fils. (Ran. Hygden.) Selon Ranulf Hygden, la reine aborda
dans le comté d'Essex vers la fête de Saint-Michel. A la nouvelle de
son débarquement, les bourgeois de Londres s'insurgèrent et s'empa-
rèrent de la Tour. — La chronique de Berne rappoi*te que le cinquième
jour que les chevaliers de Hainaut étaient en mer, une tempête
s'éleva et les jeta sur le rivage, près de Norwell. Le froid le plus vif
régnait, et à peine purent-ils^trouver un abri pour la reine et son fils.
Le lendemain, ils atteignirent un village dont les habitants s'étaient
enfuis, mais ils y trouvèrent du moins de quoi nourrir leurs chevaux.
— D'après Robert d' Avesbury , la reine Isabelle aborda le 26 sep-
tembre 1326, à Harwich. Ce témoignage ne peut s'accorder avec celui
de Froissart, qui place son débarquement dans un lieu désert, situé
probablement un peu plus au nord, dans le Sufiblk, d'où la reine se
dirigea vers Sint-Edmund's-bury. Dès le 27 septembre, une procla-
mation royale, donnée à la Tour de Londres, mettait hors la loi « les
€ traîtres et ennemis, bannys et fuitifs, entrés es parties de Sufiblc. »
Quelques marins de Bayonne faisaient aussi partie de cette expé-
dition. Ils reçurent à ce titre un don d'Edouard III, alors encore gar-
dien du royaume. (Rymer, t. II, p. 2, p. 170.) — L'abbaye de Saint-
Edmond (Sint-Edmund's-bury), dont Froissai't parle p. 67, était
l'une des plus célèbres de l'Angleterre. De nombreux pèlerins
venaient y prier sur la tombe de saint Edmond. L'abbé de Sint-
NOTES. oOo
Edmund's-bury, se nommait Thomas de Draughton. Edouard II avait
passé Tannée précédente les fêtes de Noël à Tabbaye de Saint-Edmond.
En 1327, des dissensions fort graves éclatèrent entre les moines et les
bourgeois de Sint-Edmund's-bury, et ceux-ci saccagèrent Tabbaye.
Le havre d'Orwell où Jean de Hainaut voulait aborder, est au nord
du comté d'Essex. Là aussi était le lieu de débarqnement choisi par
les Français lors du grand armement de 1386.
La reine marche vers Bristol (pp. 72-75), — Cfr. Jean le Bel,
pp. 16-17:— Le 15 octobre 1326, la reine publia à Wallingford un*
manifeste où elle annonça qu'elle était arrivée pour délivrer la Sainte
Eglise et le peuple d'Angleterre de Toppression de Hugues Spencer.
Tel était son unique but, igoutait-elle, et elle se plaignait seulement
d'avoir été si longtemps éloignée de la bienveiUance du roi D'après
la chronique de Berne, les chevaliers de Hainaut se dirigèrent vers
Oxford, célèbre par ses écoles de théologie et de grammaire, où la reine
fut reçue avec de grandes démonstrations de joie. La reine continuait
sa marche, lorsqu'on annonça qu'on apercevait une nombreuse armée
qui vint se ranger sous les drapeaux de la reine. Cet exemple fut bientôt
suivi par le comte de Lancastre, par le comte Maréchal, par le comte
de Glocester, par le comte- d'Hereford et par messire Thomas Wage.
L'armée de la reine s'élevait, grâce à ces renforts, à 2,000 hommes
d'armes. On se dirigea du côté de Bristol. La reine, pour maintenir
Tordre, fit publier une ordonnance qui portait que quiconque enlèverait
sans paiement une valeur de douze, six ou trois deniers, perdrait ou la
tête ou la main ou le doigt.
Prise de Bristol{i^p.lMS),— Cfr, Jean le Bel, pp. 19-20 D'après
Ranulf Hygden de Chester, la reine entra à Bristol le 27 octobre 1326.
Cette date est inexacte, car le 26 octobre, le jeune Edouard fut pro-
clamé à Bristol, gardien du royaume. Edouard II, jugeant la résistance
impossible, s'embarqua, avec Hugues Spencer le jeune, sur deux
navires qui ne s'éloignèrent pas assez du port pour qu'on perdit la
terre de vue. Hugues Spencer le vieux n'avait pas voulu quitter Bristol.
Pendant que la reine s'apprêtait à former le siège, on lui amena le
comte d'Arondel qui avait été arrêté au moment où il cherchait un
refuge dans le pays de Galles. Huit jours après, Bristol ouvrit ses
portes, et la reine y retrouva ses deux filles dans un état voisin de la
misèie (pauperrime ordinatas). Elles se jetèrent aux pieds de leur
S06 NOTBS.
mère en répandant des larmes, et œlle-oi les fit conduire dane aa
chambre, afin qa*on leur donnât des vêtements confotmes à leur rang.
Le jeoBe Edouard ne les roccmnat pas d'abord, mais plus tard il leur
fit grandfête. {Chton, de Bemé)
Mort de Hugues Spencer (pp. 78-80). — Gfr. Jean le Bel, pp. 20-21 .
Hugues Spencer le vieux fut supplicia, le lendemain de la prise de
Bristol, au gibet ordinaire des voleurs. Xbomas Wake, seigneur de
Lidell, est cité le premier après le comte de Lanoastre dans Tacte de
déposition d* Edouard II;
Captivité d'Edouard //(pp. 80-87). — Gfr. Jean le Bel, pp. 21-25.
Dans la première rédaction, Froissart a suivi le récit de Jean le Bel; il
s'en écarte dans les rédactions où il rapporte qu^Ëdouard II tomba au
pouvoir de Henri de Beaumont. — Henri de Beanmont est dté parmi
les grands qui firent triompher la cause de la reine Isabelle. Il avait
épousé Alice, fille de Jean Comjn , et de ce chef il prit le titre de
comte de Buchan.
Edouard II réussit à gagner le pays de Galles. Il était le 29 octo-
bre 1326 à Kersilly ou Sully, près de Gardiff, le 10 novembre à
Neath, dans le Grlamorgan-shire. — Il voulait se réfugier dans
rîle de Gonday, à Tembouchure de la Saveme, quand la tempête le
rejeta sur les cotes de Glamorgan. Il tomba au pouvoir des insur-
gés près du château de Laturssan, le 16 novembre 1326. — Le trésor
d'Edouard II avait été caché dans le Glamorgan-shire ; on ne le retrouva
que dix ans après (Thomas de la Moor). — Une tempête poussa le
navire qui portait Edouard II dans Tun des domaines du comte de Lan-
eastre. Edouard II, réduit à descendre sur le rivage, s'était réfugié dans
une église, qnand le comte de Lancastre s'empara de lui et le conduisit
dans un de ses châteaux. Hugues Spencer le jeune partagea le même
sort. La reine entra dans la chambre où se trouvait le mouarque pri-
sonnier, et fléchissant le genou, elle le pria, par Tamour de Dieu, de
réprimer sa colère. Le roi ne répondit point et ne voulut pas même la
regarder. (Chronique de Berne.)
Les détails que donne Froissart dans la quatrième rédaction sur la
captivité d'Edouard II, sont d'autant plus intéressants qu'ils sont le
fruit de ses enquêtes personnelles. Il y a lieu toutefois de les compléter.
Le 20 novembre 1326, la reine alors à Hereford (peut-être le jour du
supplice de Spencer le jeuue) , déclara que, le roi étant remis eu
KOTES. 507
liberté, son fila cessait d^âtre gardien du royanxnB. On envoya rëréque
d'Hereford vers Edouard II qui avait étÀ conduit à Monmouth, et
celui-ci fit porter à sa femme et à son fils le grand sceau comme sym-
bole de Tautorité qu'il leur abandonnait. Il fut remis à la reine à
Martleye ie 26 novembre.
Edouard II périt le 21 septembre 1327; on Thonora comme an
martyr. — Un jour qu'Edouard II était monté dans un grenier, ses
gardiens Ten précipitèrent la tête en avant, et il expira aussitôt. On
ignore, ajoute le chroniqueur, à quel ordre ils obéissaient en agissant
ainsi. {Chronique de Berne,)
Thomas de Berkeley avait vu mourir son père dans les prisons des
Spencer et avait été dépouillé par eux de son héritage. Il traita avec
égards Edouard II. Le bourreau du roi fut Jean de Mautravers,
qu'assista Thomas de Goumay. Celui-ci fut arrêté à Marseille, mais
on le mit à mort pendant qu'on le conduisait en Angleterre : on crai-
gnait qu'il ne désignât comme complices des personnes d'un rang plus
élevé (persons of hier degré, dit Capgrave). — Thomas de Berkeley et
Jean de Mautravers avait été chargés de la garde d'Edouard II. lis rece-
vaient à ce titre cent sous par jour. Au mois d'août 1327, Guillaume
d'A^lesmere forma le projet de délivrer le monarque prisonnier. Un
mois plus tard, Edouard II périssait assassiné, et une rente de quel-
ques sous était accordée aux religieux du monastère de Croskesden,
pour que, chaque année, le jour de la fête de saint Mathieu, ils celé -
brassent un service anniversaire pour le repos de Tâme d'Edouard, de
célèbre mémoire, récemment roi d'Angleterre. Un autre don fut
fait au monastère de Saint-Pierre de Glocester, où les obsèques
d'Edouard II avaient été célébrées avec magnificence, si l'on peut ad-
mettre-l'assertion d une charte démentie par le récit des historiens. Ce
qui est mieux établi, c'est qu'aucune recherche au siget de ce meurtre
n'eut lieu tant que vécut Roger de Mortimer. Ce ne fut qu'en 1331
que Thomas de Gournay, à qui on reprochait ce crime, fut arrêté en
Castille et livré au roi d'Angleterre qui le fit décapiter. En 1329, Jean
de Mautravers avait assisté à l'hommage d'Amiens, comme sénéchal
du roi d'Angleterre. Quelques années plus tard, Thomas de Berkeley,
cité devant le parlement qui se réunit à Westminster au mois de
septembre 1336, établit qu'il était resté complètement étranger à la
mort d'Edouard II. Cf. le récit de Thomas de la Moor, qui assure
avoir tout appris de Tun des coupables.
508 NOTES.
Supplice de Hugues Spencer le jeune (pp. 87-88). — Il eat à regret-
ter que Froissart ait cru devoir reproduire les détails du supplice de
Hugues Spencer, tels que les donne Jean le Bel, pp. 25-27. — La
reine fit trancher la tête du comte d'Arundel et donna un grand
trésor au chevalier qui lui livra Hugues Spencer le jeune. On attacha
celui-ci à la queue de deux chevaux, on le revêtit d'une tunique qui
portait ses armes et on le conduisit ainsi au gibet. Son corps fut divisé
en quatre parts, qu'on envoya aux principales villes d* Angleterre.
(Chronique de Berne,) --Le tabar dont parle Froissart, orné des armes
de Spencer, portait aussi ces versets du Psalmiste : Quid gloriaris in
malitia, qui potens es in iniquiiatel La potence à laquelle il fut
attaché , était haute de cinquante pieds ; on le fit périr un lundi,
parce que c'était un lundi qu'avait eu lieu le supplice du comte Thomas
de Lancastre. Ce ne fut que le 15 décembre 1330 qu'Edouard III
permit de donner la sépulture aux restes de Hugues Spencer le jeune.
Départ des Hainuyers (pp. 88-95). — Cfr. Jean le Bel, pp. 26-28.—
On comprend avec quel soin Froissart enregistre tout ce qui retrace la
pai*t prise par les chevaliers du Hainaut à cette expédition. Un chroni-
niqueur appelle l'année 1327 : Annus jucundus Hannoniœ.
Les généalogistes ne sont pas d'accord avec Froissart sur les noms
des filles d'Edouard II.
Le château d'Eltham, à trois milles de Oreenwich, était fort
lenommé au xv« siècle. Dans quelques lignes inédites que donne le
manuscrit du iv« livre, conservé à Mous, Froissart rappelle les entre-
tiens qu'il eut avec Richard Stury, « en gambiant les galleries à
« l'ostel de Elthem où il faisoit moult bel et moult plaisant etombru,
« car les alées pour lors estoient toutes couvertes de vignes. »
Le Parlement s'assemble (pp. 95-98). — Cfr. Jean le Bel, pp. 29-30.
— Bien que l'on présentât au peuple la déchéance d'Edouard II
comme le résultat d'une abdication volontaire, Ranulf Hygden de
Chester rapporte que Guillaume Trussell, procureur du parlement, lui
déclara en ces termes que le peuple d'Angleterre était délié de ses ser-
ments : « Ego Wilhelmud Trussel, vice omnium de terra Anglise et
« totius parliamenti procurator, tibi, Edwarde, reddo homagium prius
« tibi factum et ex nunc diffido te et privo omni potestate regia et
« dignitate, nequaquam tibi de cetero tanquam régi pariturus. » Guil-
laume Trussell était accompagné de doux comtes, de deux barons
et de deux abbés. Ceci se passait à Kenilworth.
NOTES. r)09
Ce fat seulement après la réunion Ju Parlement que Tabdication du
roi fut pi*oclamëe le 24 janvier 1327. On publia en même temps la
paix du nouveau roi afin de mettre un terme aux actes de force et de
violence. Le Parlement élut Edouard III, et le peuple ratifia ce choix
après un discours de Tarchevêque de Cantorbéry qui avait pris pour
texte : Vox populi, tox Dei. Isabelle s'en montra, dit-on, fort affligée;
elle eût voulu maintenir sur le trône le roi afifranchi de Tinfluence des
Spencer.— Edouard III écrivit à toutes les villes d*AngleteiTe qu'il avait
été élu roi par la communauté du royaume, et Edouard II remercia,
assure-t-on, les délégués du Parlement qui lui notifièrent sa déposi-
tion, d avoir choisi son fils — D'après les historiens anglais, Isabelle
refusa de voir Edouard II dans sa captivité, disant que les communes
d'Angleterre ne le lui permettaient pas.
Couronnement d'Edouard III (pp. 98-101). — Cfr. Jean le Bel,
pp. 31-32.— Le couronnement d'Edouard III eut lieu le dimanche après
la Conversion de saint Paul, \^ février 1327, à Westminster. Jean
de Hainaut est cité parmi les grands du royaume qui y assistèrent. Le
it>i promit de maintenir les franchises octroyées au clergé et au peuple
par le glorieux roi saint Edouard, de n'écouter en toutes choses que la
justice, la raison, la miséricorde et la vérité, de défendre et de fortifier,
en l'honneur de Dieu, les bonnes coutumes de la communauté de son
royaume. Edouard 111 avait quatorze ans depuis la Saint-Brice
(13 novembre 1326). Ranulf Hygden remarque que son avènement eut
lieu sous les plus heureux auspices : c Nam et tune terra recepit uber-
€ tatem, aer tempe riem, mare tranquillitatem et ecclesia libertatem. »
Thomas Walsingham nous a laissé ce brillant portrait d'Edouard III :
« Il était, entre tous les rois et princes du monde, glorieux, bénigne,
« clément et magnifique. On l'avait surnommé le Gracieux, à cause
« de la grâce singulière par laquelle il surpassa tous ses prédéces-
< seurs. Il était doué d*un cœur magnanime et triompha dans tous les
I combats auxquels il prit part ; il se montrait doux pour tous, pour les
€ étrangers comibe pour ses sujets, afiable dans ses discours, géné-
• reux plus que personne dans ses bienfaits et dans ses présents. Sa
« figure était belle comme celle d'un ange, et l'on croyait qu'il suffisait
• de la voir ou même d*en rêver pour que cela portât bonheur. Jusque
I chez les nations barbares, on disait que jamais aucun pays n'avait
c possédé un roi si noble et si fortuné, et qu'après lui on ne le retrou-
« verait jamais. •
510 NOTBS.
D^^t de Jean de Hainaut (pp. 10M04).— Cfr. Jean le Bel, p. 32.
— Par une charte du 16 février 1327, le roi reconnut les bons ser-
vices de Jean de Hainaut, en lui accordant une rente annuelle de mille
marcs, à prendre sur le produit des droits d'issue que Ton payait à
Londres sur les laines, les peaux et les cuirs. -- Le 5 mars 1327, on
rencontre la mention d'un paiement <c pro custubus equorum hominum
« de Hannonia. »
11 s'agit ici de Jean, roi de Bohême, si fameux par sa mort à Crécj.
Un grand nombre de chartes rappellent sa présence à la cour de Hai*
naut; la plupart concernent à des emprunts. Sa royauté de Bohème
ne lui donnait pas plus de revenus que celle de Pologne à laquelle il
prétendait également. C'est au tournoi de Condé, mentionné par Froia-
sart, que se rapporte le document dont je reproduis l'analyse :
€ Promesse en françois et en parchemin, scellée du petit sceau en
cire verte dudit roi de Bohême, par laquelle il reconnoit devoir au
comte de Hainaut la somme de mille florins d'or de Florence que ce
comte lui avoit prêtée à son grand besoin, pour subvenir aux frais qu'il
avoit faits au tournoi à Condé. — Le jour des Cendres, 1334. » (Archives
de Mons).
le roi d'Ecosse dép Edouard III (pp. 104-108). — Cfr. Jean le
Bel, pp. 33-34. — C'est d'après Jean le Bel que Froissart rapporte que
Robert Bruce fit défier Edouard III vers les fêtes de Pâques 1327. On
voit par les actes du recueil de Rymer que le roi d'Angleterre, qui traitait
encore avec les Ecossais au commencement du mois de mars, adressa
le 5 avril 1327 un mandement à tous ses barons pour qu'ils se réu-
nissent à Newcastle le lundi avant TAscension. Dans ce mandement,
il est fait allusion non pas à des lettres de défi, mais à des préparatifs
qui révèlent la perfidie des Ecossais. Il est à remarquer que Froissart,
ici et ailleurs, supprime complètement, comme le fait aussi Jean le
Bel, tout ce qui touche aux prétentions et à Tintervention pi considé-
rable dans les guerres d'Ecosse, de la maison de Baillol.
Un sauf-conduit avait été accordé, le 26 février 1328, à Éléonore,
veuve de Hugues Spencer. Dans ses poésies, Froissart rappelle tout ce
qu'il dut à la générosité d'Edouard Spencer :
Le grant seigneur Espensier,
Qui de larghèce est despensier,
NOTES. XI 1
Que t'a-t-il fait? — Quoi, dis-je? asgés,
Car il ne fa oncqnes laas^
De moi donner, quel part qu'il fùst.
Ce n'estoîent cailliel, ne fust,
Mes ohetaus et florins sans compte :
Entre mes mestres je le compte
Poar seigneur, et c*en est li uns.
« Il fut, dit-il ailleurs, moult plaint et moult regretté de ses amis,
« car ce fut un gentil cœur et vaillant chevalier , fresque et gentil,
c large et courtois, et grand capitaine de gens d*armes. »
Jean de Hainaut retourne en Angleterre (pp. 108-115). — Cfr. Jean
le Bel, pp. 34-37. — L'énumération des chevaliers du Hainaut est plus
complète dans Froissart. Il mentionne de plus dans la première rédac-
tion les sires de Ligne, de Gommignies, de Boussoit, de Potelles, de
Wprgny, d'Halewyn, de Brugdam; dans la quatrième rédaction, les
sires de Bailleul, de Semeries, de Beaurieu, de Floyon, de Robertsart,
de Vertaing, de Blargnies, de Mastaing, d'Aubrecicourt et de Flosy.
Nous voyons par une charte donnée à York, le 29 mai 1327, qu'on
y attendait Jean de Hainaut pour combattre les Ecossais. En effet, ee
jour là le roi attacha à Jean de Hainaut (qui ad rogatum nostrum ad
nos est venturus) un panetier, un boutillier, etc. Il avait mandé dès
le 18 mai qu'on lui remît 500 marcs sur sa pension. Le 18 juin, le roi
donna Tordre de payer la moitié des 14,000 livres qui lui étaient dues.
Le 4 juillet, Guillaume d'Irlande fut chargé par le roi de veiller au
charroi des hommes d'armes de Jean de Hainaut. Celui-ci était arrivé
à York avant le 28 juin.
Les détails donnés par la quatrième rédaction (p. 102) sur le don
fait à Philippe du Chastel, sont parfaitement exacts. Dans une charte
du mercredi après la Saint-Jean 1329, Edouard III, en donnant Tordre
de payer la rente de mille marcs esterlins que Jean de Hainaut avait
reçue, rappelle la rente annuelle c de cent marchies de terre à l'es-
« trellin » donnée à Philippe du Chastel, qui à cette époque ne vivait
plus.
Edouard avait envoyé dps ambassadeurs en Ecosse et des confé-
rences devaient s'ouvrir le dimanche avant l'Ascension 1327. Mais le
roi d'Ecosse assembla son armée, et on renonça à toutes les négocia-
tions.
512 NOTES.
Émeute à York (pp. 115-131). — Cfr. Jean le Bel, pp. 39-44. —
Le 14 juin 1327, le roi donna Tordre d'informer eur les causes des
disputes qui avaient éclaté entre les.Hainuyers et les hommes d'armes
(pedites) de Lincoln et de Northampton, d'où était résultée Teffusion du
sang € in pacis nostrse lesionem et populi nostri terrorem et commotio-
€ nem. » — D'après une relation citée par M. Buchon, les Hainujers,
s'étant rendus coupables de certains désordres, furent attaqués avant
le lever du soleil dans une rue nommée Watelingate; 527 Hainuyers
périrent par le fer, 136 furent noyés. Les bourgeois du faubourg
d'Ousegate, qui les avaient assaillis, perdirent 242 des leurs, et leur
quartier fut presqu'entièrement livré aux flammes. On ne comprend
pas du reste que Fauteur de cette relation anonyme ait placé cet évé-
nement au mois de septembre 1328.
Guerre contre les Écossais (pp. 131-182). — - Cfr. Jean le Bel,
pp. 45-72. — Déterminons d'abord la chronologie de cette expédi-
tion. Le 6 juillet 1327, Edouard était à York; le 12 à Topcliffe, sur
le Swale (the chief seat of the Perdes, dit Cambden); le 15, à Dur-
ham (les Écossais' s'étaient portés vers Carlisle), du 2 au 8 août dans
la foret de Stanhope. Le 16 août il rentra à York, et dès le 18 il est
fait mention du départ prochain de Jean de Hainaut. Le récit de
Froissart est beaucoup plus étendu que celui de Jean le Bel. Il ajoute
plusieurs noms de chevaliers écossais, qu'il a probablement recueillis
dans son voyage d'Ecosse.
Jacques de Douglas pénétra jusqu'à la tente du roi et tua son cha-
pelain .
Par une charte du 28 septembre 1327, Edouard III rappelle sa pro-
messe de donner cent livres de rentes à celui qui l'aurait conduit eo
présence des Ecossais « super terra sicca » et donne cette somme à Tho-
mas de Rokesby qui l'a mené devant l'ennemi uin loco duro et sicco. »
Les événements racontés pp. 171-170 se passèrent près de Stanhope-
Park (in Werdalle). On accusa quelques seigneurs anglais jaloux des
Hainuyers d'avoir favorisé la l'etraite des Ecossais. Plus tard ce fut im
grief invoqué contre Mortimer, gagné, disait-on, parles Ecossais.
Retour à York (pp. 182-187). — Cfr. Jean le Bel, pp. 72-73. — Le
récit de Froissart est plus étendu.
Le roi reconnaît qu'il doit quatre mille livres à Jean de Hainaut et
ordonne de les lui payer dès «on arrivée à Londres. Si cette somme ne
NOTES. 515
se trouve pas dans le trésor, on l'empruntera sur les joyaux déposés
à la Tour de Londres (20 août 1327). Le même jour, il charge Jean de
risle de reconduire Jean de Hainaut.
Mariage d*Édouard III (pp. 187-197). — Cfr. Jean le Bel,
pp. 75-77. — Le 8 octobre 1327, Edouard III chargea Tévêque de
Coventrj de fiancer en son nom Philippe de Hainaut. Les dispenses
pontificales accordées à ce sujet portent la date du 30 août 1327. Le
sauf-conduit donné au comte de Hainaut et à sa fille est du
28 novembre 1327. Il ne paraît pas toutefois que le comte de Hainaut
se soit rendu à cette époque en Angleterre.
Edouard III épousa Philippe de Hainaut la veille de la fête de la
Conversion de saint Paul (24 janvier 1328), mais le couronnement de
la reine n'eut lieu qu'assez longtemps après, le dimanche avant la fête
de la Chaire de saint Pierre 1330. Lorsque la reine Philippe fut cou-
ronnée, Robert de Veer, comte d'Oxford, représenta que comme cham-
bellan héréditaire de la reine d'^Ang^eterre, il avait droit à son Ut et
à ses chaussures, et de plus à trois bassins d'argent. Edouard III lui fit
remettre les chaussures et les bassins d'argent et racheta le lit au prix
de cent marcs.
Nous voyons Edouard III, dès le commencement de son règne, com-
bler de ses faveurs les barons du Hainaut, en même temps que la
reine Philippe s'entoure de gentes damoiselles venues avec elle de ce
bon et doux pays.
Les chevaliers entrés au service du roi d'Angleterre sont Michel
de Ligne, Robert dé Fiennes, Nicolas d'Aubrecicourt, Guillaume de
Saint-Omer, Wulfard de Ohistelles, Thierri de la Croix, Simon de
Haie, plus connu sous le nom de Simon de Mirabel, et Paonnet de Roet,
dont la fille fut plus tard duchesse de Lancastre et l'aïeule des Tudor.
Parmi les écuyers, on cite Watelet de Mauny, Robert de Oages,
Robert de Maule, et avec eux deux jeunes Bretons, nommés Olivier et
Thibaut du Guesclin. Watelet de Hainaut (serait-ce Watelet de Mauny?)
est le page chargé de la garde des garennes de la reine, fogius cusios
leporariorum dominae reçinae.
Lorsqu'Édouard, comte de Chester, naît en 1330, Guillaume de
Saint-Omer reçoit le titre de sénéchal de son hôtel. Etrange rappro-
chement : c'est un chevalier de cette même maison de Saint-Omer qui
I. ~~ nioissAKT. 33
— y-
M4 EfOTBS.
remettra à Édonard de Chestar, deveMi le Priaoe Noir, Vép4e d\k v»i
de France sur le champ de bataille de PoHîera.
Elisabeth de Saint-Omer était, en 1332, Tuie des de«x 4ames atta-
chéea au service de la reine ; elle était aussi chargée des soins k donner
au jeune con»te de Chester et à sa sœur IsaboUe. Parmi les damoiselles
venues du Hainaut, on cite Isabelle de la Helde, Blanche de Goloma,
Marguerite du Fresne et Catherine de la Croix. Dans un rôle un peu
postérieur, on ajoute les noms d'Elisabeth du Mesnil, d'EUéonora de
Ghistellee, d'Isabelle de la Motte.
Les fêtes se succèdent dans les prés de Sheen ou sous les épais
ombrages d'Eltham et de Berkhamstead. Windsor, dont Guillaume
Wickham crée les merveilles, retentit du bruit des tournois. Il faut au
roi f des cotes, des mantels de brun escarlat, arbusché d'or, les fujles
t hachés de soie, parole d or partut, des oyaeux sur les branches et
t pejtrine» de costé deux anges de toile de brouderye, les liserés de
t perles avec srblftis d'orfèvrerie d'argent à un reulon de perles « »
La reine achète à grands frais des rubans, du taffetas (ces désignations
sont employées daiia les comptes). Elle demande à Raoul Voet, à
Hanekin d'Ypres, à Louis de Heusden, des draps rayés de Gand, de
Bruxelles, de Malines, de Louvain.
Des bourgeois, des marchanda» accourus de nos villes à la suite des
chevaliers, obtiennent aussi leur part de faveur et de crédit. Pierre de
Bruges est armurier du roi, Gérard de Tournay, son heaumier, Lau-
rent de Mons, son sellier.
Dernier vœu de Robert Bruce (pp. 197-209). — Cfr. Jean le Bel,
pp. 79-84. — Robert Bruce mourut le 7 juin 1329, d'autres disent
le 9 juillet. Froissart entend par la grosse maladie la lèpre. Cette
horrible maladie n'épargnait pas les princes. Un petit fils d'Edouard III,
le roi Henri IV, en mourut, assure-t-on. La lèpre lui avait été transmise
par sa mère, Blanche de Lancastre. C'est d'après Jean le Bel que Frois-
sart donne le prénom de Guillaume au sire de Douglas. Ce chevalier
était le fils de Guillaume de Douglas. On comprend aisément que Jean
le Bel et Froissart aient confondu les prénoms du père et du fils.
Le 1 2 mai 1329, Edouard III avait rendu à Jacques de Douglas, les biens
qui avaient appartenu à son père Guillaume. Le 1«' septembre 1329,
il lui donna des lettres de sauf-conduit « versus terram sanctam, in
« auxilium christianorum contra Saracenos cum corde domini R. régis
tfOTES. SIS
Scoti» naper defancti. » D'après les historiens écossais, Douglas
périt en portant secours à l'un de ses compagnons d'armes, Guillaume
Sinclair.
Les exploits du sire de Douglas excitèrent une si vive admi-
ration parmi les chevaliers, que le comte de Hainaut résolut quelques
années plus tard de laissera son oncle Jean de Beaumont le gouverne-
ment de ses États, tandis qu'il irait lui-même combattre les Sarrasins
de Grenade :
« Guillaume, cuens de Haynnau, de Hollande, de Zélande et sires
c< de Frise, faisons savoir à tous, que comme nous ayèmes emprîset
« en pourpos, s'il plaist Dieu, d'aleir en Grenate, par coy il nous con-
« vient absenter uue pièche et hors de nos pays demoreir, nous, pour
c( gouverneil* nos contés, terres et pays de Haynnau, de Hollande, de
u Zélande et de Frise, en nostre absence, avons mis et estavlit, met-
c< tons et estavlissons nos chier et ameit oncle le signeur de Biaulmont,
« pour nous et en no liu, haut et souverain de par nous et en no nom
« de tous nos pays dessus dis, et li avons donneit et donnons plain
(c pooir et mandement espéciaul, d'osteir et de mettre baillieus, reche-
« veurs, sergeans et tous offîcyers quels qu'il soient, par tous nos dis
« pays en tous nos offices et lieus ù il appartenra ; et ossy d'otant faire
« et dire en toutes coses généraulment et espéciaulment comme nous
i< meismes dirions et ferions se nous y estiens présent. Si mandons et
« prions à tous nos foyavles, nobles et non nobles de nos pays et
« terres dessus dittes et à casdun par lui, que à no dit oncle obéissent
« en tout chose qu'il leur dira et requerra de par nous ; et mandons
t< ossy et commandons à tous nos offîcyers et subgès quel qu'il soient,
« que sans nul délay il et cascuns d'yaus fâchent tout chou qu'il leur
« vorra de par nous dire, mandeir u commander, ossy comme pour
« nous meismes ; car tout chose que par no dit oncle représentant no
« lieu et no persoine, sera dit, fait et ordeneit en quelconque manière
<c que soit et en tout cas, nous l'avons et arons en boine foit loyaul-
« ment à tous jours pour ferme et pour estavle. Par le tesmoing de ces
« lettres sayellées de no séel, données à Valenchîennes, xx jours en
« march, Tan mil trois cens quarante et deus. » (Archives du Hainaut).
Thomas Randolph, comte de Moray, élu régent après la mort de
Robert Bruce, finit sa carrière en 1331 à Musselburgh, près d'Edim-
bourg. Il paraît qu'il mourut de la pierre. Quelques chroniqueurs
SI 6 NOTES.
écossais accusent toutefois Edouard III de Tavoir fait empoisonner par
un moine. C'était un seigneur aussi distingué par ses talents que par
son courage. Le comte de Mar lui succéda comme régent le 2 août 1331 .
Mariage de David Bruce (pp. 209-211). — Cfr. Jean le Bel, p. 85.
— La charte relative à la dot de Jeanne d* Angleterre, qui devait
épouser David, fils du roi d'Ecosse, est du 21 mai 1328.
Mort de Charles le Bel (pp. 21 1-216). — Cfr. Jean le Bel, pp. 87-89.
— Charles le Bel mourut à Vincennes le 1*' février 1328. — La reine
Jeanne mit au monde une fille le 1«' avril 1328. Dès le lendemain,
Philippe de Valois prit possession du trône, mais il ne fut couronné
que le dimanche de la Trinité, 29 mai 1328, Froissart fonde sur
l'élection la royauté de Philippe de Valois aussi bien que celle
d'Edouard III.
Guerre de Flandre (pp. 216-226). — Cfr. Jean le Bel, pp. 91-92.
— Ce récit n'est pas emprunté à Jean le Bel. Froissart a pu s'instruire
près des chevaliers du Hainaut qui accompagnaient Jean de Beaumont.
La bibliothèque de l'Arsenal possède (Histoire, n® 148) une chro-
nique manuscrite du xiv« siècle qui m'a été signalée avec une extrême
obligeance par M. Paul Lacroix. L'auteur était de Valenciennes, mais
j'ignore le nom de ce concitoyen et contemporain de Froissart. Le
lecteur comparera utilement le texte de Froissart et celui de ce
chroniqueur anonyme qui a peut-être devancé Froissart de quelques
années :
a Après la grande et murdrière bataille des Englès et des Esco-
chois dont nous venons de faire mention, et tost après ce que le roy
Phelippe de France eult esté couronné et qu'il eult assemblé son ost,
luy et le conte de Flandres, comme dessus avés oy, le roy passa le Lis
au lez devers Aire, pour aller en Flandres, et quant ils entrèrent en la
conté, ils commenchèrent à brusler et gaster le pays : et alla le roy
logier au pied du mont de Cassel à l'un des lés, et le conte Guillaume
de Haynault et le conte de Bar à l'autre lés, et tous les aultres princes
au plus près qu'ils peurent. Sy y sist un grande espasse de tamps. Et
quant ce vint le mardy qui fut la nuit Saint Bertelemieu en aoust mil
et iiic et xxviii , les Flamens qui estoient assemblés sur le mont de
Cassel, de Bergues et des villes voisines, descendirent de celuy mont,
sans nul capitaine, en trois batailles pour eux adreschier droit aux
tentes du roy. Ainsy estoit leur propos. Et tout quoit taisant commen-
NOTES. 517
chèrent à passer et à entrer en Tost, sans parler, ne faire noise, ne
sans rien fourfaire, hardiement et soubtillement, Jusque là où on ven-
doit le vin et les viandes. Et adont se perchurent les dis vendeurs de
denrées, que estoient Flamens qui ainsy venoient espès et drus, ces
goudendas et ces picques à leurs cols. Et adont se commencha Tost à
esmouvoir de toutes pars et à cryer : A l'arme : dont se commenchèrent
les Flamens à tenir quois, et commenchèrent la bataille bien et
asprement, et à férir et à tuer et à décopper de haches et gondendas,
et Hainnuiers et • Barois à eulx deffendre, et François à soubvenir, et
chevaliers et gens d^armes à yssir de leur tentes et courir sus aux
Flamens hardiement. Adont leur coururent sus toutes manières de
gens, François et aultres. Sy y eult sy grande bataille et sy grande
abatison en plusieurs lieux et sy grande noise que ce fut une mer-
veille ; et Flamens qui estoient sans capitaine, commenchèrent à perdre
conroy, et eulx raesambler au mieulx qulls peurent, mais peu leur
valu, car ainsy qu'ils s*en voloient râler vers le mont, la bataille du
comte Guillaume de Haynault leur vint au-devant, qui leur tolirent
le pas, et là eult grande bataille et grande ochision, et là eult le conte
de Haynaut et son frère et leurs gens moult à faire, et d'aultre part le
conte de Bar et ses gens. Et y fut le conte de Haynault moult froissés
en ses jambes et en ses pieds, de coups de goudendas et d'aultres
bastons, et moult y eult grant caplison entour luy, car il avoit bien les
deus pars des Flamens sur sa bataille. Sy y eult grande ochision, et fut
son cheval tué dessoubs luy de picques et goudendas, et durement y
fut blechiés, mais ses gens le rescourent et remontèrent bien et vigou-
reusement. Adont reçommencha la bataille plus forte que devant en
pluisieurs lieux , et longuement dura. Et en celle bataille y fut le
Borgne de Robersart féru d*une picque, deseure son senestre œil
dessoubs son bachinet, dont jamais puis ne parla, dont ce fut grant
domage, car il estoit bon escuier et avoit esté en maintes bonnes
besongnes. Et là fisrent bien les royaulx, les Barois et les Hainnuiers.
En la fin Flamens furent desconfia et tous tués, ne nul n'en eschappa
se petit non, de bien xv mille Flamens, sans les Franchois, Hainnuiers
et Barois qui y furent tués. Et dura la bataille depuis nonnes jusques
au vespre que les banières du roy et les banières du comte de Haynault
entrèrent et furent mises en Cassel, et bouta-on le feu dedens la ville
qui fut toute arsse, et le joeudy après, le roy se deslogea et alla devant
518 NOTKS.
Yppre et se logea en la ville de Founnisèle et laissa monsieur Ferry
de Picqueny gardien de Bergues et des frontières enviroB, laquele ville
de Bergues s'estoit rendue au roy et venue à mercy. Sy les chargea
et bailla à monseigneur Ferry et le mena-on à Bergues. Et quant le
roy eult une espasse tenu son siëge devant Yppre, elle se rendy, et
lendemain on bany hors de la ville dTppre et de la conté de Flandres
environ xi<^ de ceuU qui estoient contraires à la ville et anemis, et leur
fist-on laisser toutes leurs armures et leurs parements. Et ossy se rendy
la ville de Bruges : sy en bannit-on ossi grant plenté des mauvais : et
ossy fit-on de Gand. Et le conte leur eult en couvent à tenir paisibles
aux us et aux coustumes de ses ancesseurs, mais non fist, dont il fist
folye, car il fist puis copper les testes à maints preudhommés qui couppe
n*y avoient, et enroer et martirissier et mettre sur quars tout nuds et
faire copper les coroyes de leurs chars, et puis s'aller à mauvaise cause,
dont il ne soyt oncques puissedy de Flandres tant comme sire ; et fut
puis tués en la bataille à Cressy à le Blanche-Tache avoec les aultres,
sy comme vous orés chy-avant. »
Quatre cents sergents de Tournay, vâtus de tuniques rouges ornées
de châtelets d'argent, avaient pris les premiers les armes à la voix de
leur chef, Gauthier de Galonné, et leurs cris annoncèrent l'approche
des Flamands. Â cette époque remonte le privilège des bourgeois de
Tournay d'être chargés de la garde de la tente des rois de France, et
c'est là peut-être qu'il faut trouver l'origine du proverbe ;
Ghevaliers de Champagne,
Ëcuyers de Bourgogne,
Sergents de Hainaut.
La bataille de Cassai fut livrée le 23 août 1328. D'après la chro-
ique d'Egraond, les Flamands périrent jusqu'au dernier. Pugnan-
tium unicusqui nuncia déférât, non evasit. Will. mon. Egm., 1328.
Le récit de la chronique de Berne est conforme à celui des chro-
niques de Saint-Denis. Il nous permet de rétablir les véritables noms
de quelques-uns des chevaliers de Hainaut à qui le roi de France dut
son salut. Au lieu de Flastres de Ligny et de Sauces de Boussay, lisez :
Fastré de Ligne et Sanche de Boussoit.
Hommage d'Edouard III (pp. 226-239). — Tout ce récit appartient •
exclusivement à Froissart.
Lee historiens du xiv<" siècle ont passé sous silence le dessein
NOTES. 519
d*édoaÂrd II! de réelamel-, dès 13%, la coaronne de France. C^est
probablement dans oe but qu*il avait traite le !«' mars avec les Eooe-
sais, en renonçant à toute suprématie sur leur royaume. Le 16 mai, il
avait charge Tëvéque de Winchester de sommer Philippe de Valois de
lui restituer la couronne de France, et depuis le mois de juin jusqu^au
mois d*août de cette année, Roger de Cobham avait traité en son nom
arec le duo de Brabant et les communes de Flandre d*une étroite
confédération dirigée contre la France. Philippe de Valois en fut sans
doute instruit, et rien ne contribua davantage à hâter son expédition en
Flandre. La bataille de Cassel livrée le 23 août 1328 anéantit les
espérances qu'Edouard III avait fondées sur la Flandre, et quelques
mois après, le 14 avril 1329» il écrivit à Philippe de Valois pour lui
annoncer qu'il était prêt à faire acte d'hommage. En 1330, Edouard III
avait repris ses négociations avec ie duc de Brabant et le comte de
Oueldre, pour former une confédération contre Philippe de Valois. 11
se proposait de revendiquer la couronne de France, et il existe même
aux archives d'Angleterre une charte du 17 septembre 1330 par
laquelle Edouard III s'oblige à payer une rente de mille marcs sterling
au comte de Flandre qui a promis de lui faire acte d'hommage et de
le servir (faciendo nohis hmagiwm €t tervitia tua). Les hostilités qui
éclatèrent entre la Flandre et le Brabant, mirent un terme à ces pour-
parlers, et le comte de Flandre chercha un appui dans le roi de France
auquel il resta désormais fidèle. — Edouard III s'était embarqué à
Douvres le 26 mai 1329. Il y revint le 11 juin.— D'après la chronique
de Berne, le roi d'Angleterre arriva & Amiens la veille de la Pente-
cote et fut logé dans une maison de la ville nommée la Malmaison
(Mala Domus); le roi Philippe logea chez l'évêque. Avec le roi d'An-
gleterre se trouvait le prince de Galles {aniiqwM ]^rvneepi Walliœ). La
cérémonie de l'hommage eut lieu dans la cathédrale, c la belle église
d'Amiens, » comme l'appelle ailleurs Froissart. Le procès-verbal de
l'hommage rendu au roi de France porte que les mains du roi d'Angle-
terre furent mises entre les mains du roi de France ; mais cette phrase
est placée entre des crochets dans l'édition de Rymer, et peut-être ne
figurait-elle que dans une rédaction préparée d'avance. Il en est de
même d'une autre phrase relative à la présence de l'évêque de Lincoln,
qui n'est pas cité parmi les témoins. — Il résulte d'une charte
du 30 mars 1331 qu'à Amiens Edouard ne fit pas hommage lige
en mettant ses mains entre celles du roi de France.
520 NOTES.
Mort du comte de Kent (pp. 239-243). — Cfr. Jean le Bel, pp. 97^88.
L^ëloge de madame Philippe de Hainaut appartient à Froissart, et
on sait qu'il lui a été dict^ par la reconnaissance.
Edouard III reprochait au comte de Kent d*ayoir assista aux funé-
railles d*Edouard II et de persister à affirmer qu'il n'était pas mort. Le
comte de Kent, arrêté le 13 mars 1330, fut mis à mort le 19. Le
24 mars 1330, Edouard 111 écrivit au pape pour justifier sa conduite
vis-à-vis du comte de Kent. Il prétendit que celui-ci s'était adressé à
un religieux qui avait évoqué le démon, et qu'il racontait que le démon
lui avait annoncé que le roi Edouard II vivait encore. Cette rumeur
s'était répandue dans toute l'Angleterre, et déjà les Gallois étaient
prêts à prendre les armes. Selon Walsingham, plusieurs heures se
passèrent au milieu des apprêts du supplice, avant que l'on trouvât
quelqu'un qui consentît à frapper le comte de Kent.
La jeune fille qui c< demora » du comte de Kent, s'appelait Jeanne.
Elle épousa le prince Noir et fut mère da Richard II.
Supplice de Mortmer(pp, 243-248).— Cfr. Jean le Bel, pp. 98-101 .
— Mortimer fut arrêté le 19 octobre 1330 et décapité le 29 novembre.
Un chemin souterrain conduisait à l'intérieur du château de Nottin-
gham. Mortimer surpris dans la chambre de la reine eut à peine le
temps de se cacher derrière un rideau. Il ne fut arrêté qu'après que
deux chevaliers eurent été tués en cherchant à le défendre. RobeK
d'Avesbury qui raconte d'une autre manière le supplice de Mortimer,
en fixe aussi la date au 29 novembre 1330.
Jean de Bridlington, cité par M. Wright, fait allusion en ces termes
au supplice de Mortimer :
Occultis portis lustris capiet mare mortis,
lliicitis scortis solitum cameris et in hortis ;
Qui fuerat fortis, morietur turbine sortis.
Guerre d'Ecosse (pp. 248-297 et pp. 312-320). — Cfr. Jean le Bel,
pp. 101-103. — Une assez grande obscurité règne dans la chrono-
logie de Froissart, relativement aux guerres d'Ecosse de 1333 à 1335.
11 convient d'en préciser les dates. Le 30 mars 1333, Edouard III avait
fixé à Newcastle la réunion de l'armée destinée à envahir l'Ecosse. 11
se trouvait à Dnrham le 8 avril 1333 et à la fin du même mois devant
Berwick. Le siège commença le 24 mai, mais il fut suspendu par une
NOTES. 521
ti'ève du 15jail]etju6qu*aa20, jour delà fâte de Sainte-Marguerite, au
lever du soleil, afin que Guillaume deKeith eût le temps d'aller réclamer
le secours des Ecossais. A défaut de secours, la ville et le château de-
vaient capituler le même jour. Les Écossais essayèrent de faire lever
le siège, mais ils furent vaincus le 19 juillet à Boothull, près de Hali-
don. Ranulf Hygden assure quMls perdirent huit comtes et treize cents
chevaliers, tandis que les Anglais ne laissèrent qu*un seul chevalier sur
le champ de bataille. Cette défaite amena la capitulation deBerwick. —
Edouard III se trouvait au mois d*août à Newcastle, d'où il rentra en
Angleterre. Au mois de mai 1334, il réunit une nouvelle armée contre
les Écossais : le 12 juin, il était à Newcastle où Edouard de Bailliol
lui céda une grande partie de TÉcosse, notamment les villes de Ber-
wick, de Roxburg et d'Edimbourg. Il est étonnant que Froissart ne
raconte pas que pendant le siège de Berwick, la reine Philippe fut elle-
même assiégée par les Écossais dans le château de Bambou rough.
Vers les premiers jours de novembre 1 334, Edouard III se rendit à
Berwick pour concourir aux efforts d'Edouard de Baillol. Il envahit le
Galloway pendant l'hiver (sub ffelida hieme, dit Ranulf Hygden) et
ravagea tout le pays jusqu'à la mer, puis il se retira au château de
Roxburgh qu'il avait fait réparer. En 1335, Edouard III quitte York
au mois de mai et est à Newcastle au mois de juin ; à Carlisle, au
mois de juillet*; à Perth, au mois d'août, et ce fut à cette époque que
Philippe de Namur vint le rejoindre. Pendant Tété, il s'avança
jusqu'à Invemess et Aberdeen et eut à Perth une entrevue avec
Edouard de Baillol.
A l'automne de Tannée 1336 appartient une autre expédition en
Ecosse. A la fin du mois d'octobre, Jean d'Eltham, frère du roi, meurt
à Perth, et quelques chroniques écossaises qui ne cessent d'accuser
Edouard III de cruauté, n'hésitent pas à lui reprocher un fi^atricide.
On lit notamment dans la chronique rimée d'Ecosse {the huik ofthe
chronicité of Scoiland), que Jean d'Eltham ayant reproché à son frère
les barbares dévastations exécutées par son ordre, celui-ci le tua dans
l'église même de Perth au pied de l'autel où il s'était réfugié. Nous
n'avons pas à discuter la valeur de ce récit. — Edouard III passa à
Stirling et à Bothwell les mois de novembre et de décembre 1336.
En 1337, il fit une nouvelle excursion en Ecosse pour secourir le châ-
teau de Stirling assiégé par les Écossais.
522 NOTES.
Le prince dont la reine Philippe devint mère pefadaat la guerre
d'Ecosse, n'est pas le Prinoe Noir qui naquit le 15 juin 1390, mais Ooil-
laume qui vit le jour à Hatfeld| vëcut lort peu de temps et fut enaeveli
à York.
Froissart paraît avoir recueilli dansées voyages la plupart des détails
qu'il donne sur la guerre d'Ecosse ; mais il ne les a pas classes daas
Tordre régulier et sévère de la chronologie.
En 1335, Gauthier de Maunj sert en Eoosse^ avec «ept éouyers,
du 28 juin au 30 septembre ; Wulfart de Ghistelles, avec quatre
écuyers, pendai\t quatre-vingt-dix jours. Sous la désignation de che-
valiers allemands figurent, à côté d'eux, Nicolas d'Aubrecicourt, Cor-
neille d'Hofistade, Gauthier de Maupoint, Thierry de Mauny, Gérard
de Haies, Pierre de Brakel, Gérard de Woeden, Thierry de Sening-
feld. En 1337, quatre chevaliers brabançons combattent aux frontières
d'Ecosse.
Robert d*Ârtois se retire en Angleterre (pp. 297-312)* — Cfr. Jean
le Bel, pp. 93-96, et 103. — Les divers récits de Froissart méritent
d'être comparés avec soin. Il est à remarquer que l'erreur si souvent
reprochée à Froissart d'avoir donné à Robert d'Artois le titre de
comte de Richement, appartient à Jean le Bel.
On attribuait à Robert d'Artois, retiré à Namur, les paroles sui-
vantes : f Je Bçay comment il est du commun de France. J'ay bien des
« amis à Paris, quar il me pleurent li grant et li petit. Il y a tels cent
< bourgeois qui me aideroient chascun de mille livres, se je voloye. •
D'après la chronique manuscrite n^ 148 de la bibliothèque de
l'Arsenal à Paris, le gouvernement de Philippe de Valois excitait de
nombreux murmures. — Le 10 octobre 1336, le maréchal de Trie
soumit au conseil du roi un mémoire où il exposait les griefs qui
s'élevaient de divers côtés. H demandait qu'on punît les officiers
royaux, ce qui serait chose agréable à Dieu et au peuple, et que l'on
réprimât l'oppression des consuls dans les villes du midi. A Paris,
l'administration était faible et corrompue, et Ton en accusait le prévôt.
Il n'était pas de journée, où ne se commît quelque meurtre. Tout le
monde s'armait d'épées et de couteaux, et on donnait à boire aux ser-
gents pour qu'ils fermassent les yeux sur ces désordres. On se plai-
gnait aussi de ce que le roi se montrait si rude enveins les Génois. Ce
document qui nous est connu par l'analyse du Ti'ésor des chartes, ne
se retrouve plus aux archives impériales.
NOTES. 525
L6 20 ayril 1337, Edouard III permit à Robert d'Artois de résider
dans le domaine de Somerton, qui devait vingt ans plus tard servir de
prison au roi Jean. Le 5 mai, il lui accorda une pension annuelle de
1,200 marcs. J*ai recueilli au Public Record office les mentions sui-
vantes : 1337. Domino Boberto de Artoys, conecmgnineo domini régis,
ad robot décentes staium suum contra /estum NataUs Domini, XIII
ulnas pannorum et unum capucium; 1338. Boberto de Artoys
de praestiio super espensis suis in partibus transmarinis. RoUs,
ann. xi-xii. Un compagnon de Robert d'Artois, compris dans les
mêmes libëralitës, se nommait François Gâche.
Délibérations sur les prétentions d'Edouard III (pp. 320-328). —
Le récit de Froissart s'éloigne beaucoup de celui de Jean le Bel. Rien
n'est plus intéressant que les détails, conservés dans le manuscrit du
Vatican, sur l'assemblée du Parlement où Ton délibéra sur la reven-
dication de la couronne de France. Ce n'était pas du reste la première
fois que l'avis du Parlement avait été demandé sur cette grave
question.
Edouard III consulta le Parlement convoqué à Westminster, le
30 septembre 1331. L'évêque de Winchester y exposa que trois voies
étaient ouvertes : qu'on pouvait, ou recourir, comme Philippe de Valois
y consentait, à l'arbitrage de six, sept ou huit pairs que choisirait le roi
d'Angleterre, ou négoiier le mariage du fils du roi, né depuis quelques
mois, avec une fille de Philippe de Valois, ou bien faire la guerre.
Après une discussion secrète où transpira l'espoir d'obtenir la cession
de l'Agenois, on décida qu'il valait mieux continuer les négociations.
Lorsque le Parlement s'assembla au mois de mai*s 1332, on ne parlait
que d'une croisade, qui devait être la plus vaste, la plus redoutable
que l'on eût vue depuis Godefroi de Bouillon. Marine Sanuto en tra-
çait la route dans les Sécréta fidelium crucis qu'il avait adressés à
Philippe de Valois. Frère Roger de Stavegni composait un livre : Du
conquest de la Terre-Sainte^ pour l'offrir à Edouard III , et ce prince,
à qui Mandeville dédia le récit de ses voyages, embrassait avec l'ar-
deur d'un esprit aventureux le rêve périlleux des expéditions loin-
taines. L'évoque de Winchester fit donc connaître cette fois au
Parlement le grand désir du roi de prendre une part active à la croi-
sade et son dessein de s'éloigner de ses États au mois de mars 1334.
Les ambassadeurs anglais , qui revenaient de France, affirmaient que
524 NOTES.
Philippe de Valois avait déclaré « que ail plaiaoit au roy d'Engleterre
« de venir od \uj personalment, il feroit ploi de grâce à Iny qu*à nul
« autre. • Le Parlement ne s^opposa pas aux intentions du roi, quoi-
qu'il jugeât le terme de deux années trop rapproché. Cependant,
quelques mois plus tard, il exprima ravis qu'il fallait renoncer à toute
guerre d*outre-mer aussi longtemps que Ton aurait à craindre en
Angleterre Tinvasion des Écossais.
Une regrettable lacune dans les rôles du Parlement ne nous permet
pas de contrôler le récit où Froissart nous montre Robert d'Artois
renouvelant devant le Parlement ses griefs contre Philippe de Valois
et obtenant l'envoi de députés chargés d'aller dans le Hainaut jeter
les premières bases d'une vaste confédération contre lui. Ce Parlement
se tint le 12 mars 1337 (n. st.). Ce fut alors que le roi créa son fila
Edouard duc de Comouailles et fit aussi cinq nouveaux comtes dont
Tun fut Guillaume de Montaigu, qui reçut le titre de comte de Salis-
bury. Un g^and banquet eut lieu à Westminster.
La baronnie de Bedfopd, qui appartenait à la maison de Beauchamp,
avait fait retour vers cette époque au roi Edouard III. Il la donna
quelques années plus tard à Enguerrand de Coucy, et ce serait alors,
selon Cambden, qu'elle aurait été érigée en comté.
L'évéque de Lincoln, cité quatrième rédaction, p. 327, 1. 32, était
de la maison de Burghersh, dont les relations avec Froissart nous sont
connues. Henri de Burghersh, évêque de Lincoln, mourut à Oand au
mois de décembre 1340.
Voyage du roi d'Ecosse en France (pp. 328-337). — Les diverses
rédactions de Froissart ne s'accordent pas entre elles sur la date du
voyage du roi d'Ecosse en France. — Cfr. Jean le Bel, pp. 144-145.
— I^es historiens écossais placent le départ de David Bruce pour la
France après le couronnement d'Edouard de Baillol. qui eut lieu le
25 août 1332. Selon la chronique de Berne, ce fut en 1333, après la
bataille d'Halidon-Hill, que David Bruce s'embarqua et prit terre en
Normandie. Le roi de France mit à sa disposition le château Gaillard
sur la Seine. Le continuateur de Guillaume de Nangis adopte la date
de 1334.
Éclat de la cour d€ France (pp. 337-339). — Ce passage appar-
tient tout entier à Froissart. Dans les rédactions du Vatican, il porte
un jugement sévère sur Jeanne de Bourgogne, femme de Philippe de
NOTES. 525
Valois et mère du roi Jean. Il lui attribue les actes de cruauté et de
vengeance accomplis par le roi de France. Une chronique normande
publiée récemment par M. Siméon Luce, Tappelle : « La maie rojne
« boiteuse de Bourgogne. »
Projet de croisade de Philippe de Valois (pp. 349-347). — Ici encore
Froissart nous t>ffre des détails qu'on ne rencontre pas dans Jean le
Bel. Philippe de Valois prit la croix au Pré-aux-Clercs, le 1«' octo-
bre 1333.
Marguerite de Hainaut avait épousé en 1324 Louis de Bavière. Les
pages relatives à l'histoire de ce prince, ne se trouvent que dans le
manuscrit de Rome.
Ambassade anglaise en Hainaut et en Allemagne {ipp. 347-350). —
Ce passage appartient à Froissart ; mais les diverses rédactions de ses
chroniques diffèrent notablement.
Le 16 décembre 1336, Edouard III autorisa le comte de Hainaut à
conclure en son nom toutes les alliances qu*il jugerait utiles.
Int&ruption du commerce entre V Angleterre et la Flandre
(pp. 361-363). — Le roi d'Angleterre envoya des ambassadeurs pro-
poser un traité d'alliance au comte de Flandre ; mais celui-ci lui fit
répondre qu'il était bien résolu à le combattre ainsi que tous les enne-
mis de la France. Edouard irrité défendit toute relation commerciale
avec la Flandre, et les Flamands se virent réduits aune profonde misère.
(Chronique de Berne). On disait en Angleterre : VeUere Flandrenses
tune fient ^ngligénenses.
Médiation pour la paix (pp. 363-365).— Les détails que donne Frois-
sart, sont dus probablement à la comtesse de Soissons et à la comtesse
de Pembroke. Le Pape avait envoyé comme médiateurs les cardinaux
de Saint-Nérée et de Notre-Dame in aquiro. Ils furent bien accueillis
à Paris et se rendirent ensuite en Angleterre où ils obtinrent
qu'Edouard III envoyât en France pour traiter de la paix, l'archevêque
de Cantorbéry et l'évêque de Durham. Des conférences s'ouvrirent à
Arras. Le roi de France y fut représenté par l'archevêque de Rouen
et les évêques de Beauvais et de Tournay ; le roi d'Angleterre par les
évéques de Durham et de Lincoln, le comte de Hainaut et Guillaume
de Montaigu. Elles n'eurent d'autre résultat qu'une trêve qui devait
durer depuis le 1«' octobre 1337 jusqu'au premier jour de l'année
suivante 1338.
N0TK9.
La envoyez anglais à Valencimnes (pp. 365-377).' — Cfr. Jean le
Bel, pp. 119-1^; les deux récits diffèrent notablement. — La chro-
nique de Berne donne quelque» détails de plus sur les oonfërencâs- de
Valenciennes. Le roi d'Angleterre y fut représenté par Tévôque de
Lincoln, Guillaume de Montaigo, Guillaume de Clinton, Guillaume
Trussell, Guillaume Cobham et Gauthier de Mauny ; le duc de Bra-
bant par le comte des Monts; Tempereur par le comte de Juli^v.
L'archevêque de Cologne avait envoyé deux chevaliers; le comte de
Namur y avait aussi ses ambassadeurs. Là se trouvaient également le
comte de Clèves, le comte de Looz et le seigneur de Fauquemont. Ils
prêtèrent serment sur F Evangile de soutenir le roi d'Angleterre et
s'engagèrent à ne point traiter séparément avec le roi de France. La
comtesse de Hainaut, apprenant ce qui se passait, voulut faire une
dernière démarche afin de maintenir la paix. Elle se rendit à Paria
avec le seigneur de Beaumont ; mais eUe n'y trouva personne qui eût
égard à ses représentations (neminem in/9ener%nt qni cwrarei de eu,
imo omnes domni fyaltus divertehant ab eie). Ce fut à grand peine
qu'elle obtint une audience du roi; elle le supplia humblement
d'envoyer à Valenciennes quelqu'un àeB siens qui pût traiter avec les
ambassadeurs anglais. Le roi lui répondit : « Vous, Jean de Hainaut
« et votre frère le comte de Hainaut, vous croyez me chasser de mon
« royaume, mais vous n'êtes point assez puissants pour le faire. • 11
termina en repoussant toute négociation. Il fit toutefois remettre un
beau faucon à Jean de Hainaut. Ce fut au retour de ce voyage de
Jean de Hainaut à Paris que fut conclue l'alliance du roi d'Angleterre
avec les seigneurs qui s'étaient rendus à Valenciennes. Le comte de
Hainaut, qui était fort soufi'rant, chargea son fils Guillaume de prêter
serment en son nom.
Les actes insérés dans le recueil de Rymer, permettent de suivre
les ambassadeurs anglais dans leur voyage. Ils eurent de nombreuses
conférences avec les seigneurs allemands, à Valenciennes, àMons et à
Binche, aux mois de mai et de juin 1337. — Ce fut au mois de mai 1337
que l'évêque de Lincoln, le comte de Salisbury et le comte de
Huntingdon conclurent à Valenciennes divers traités qui assuraient à
Edouard III l'appui du marquis de Juliers, du comte de Gueldre et de
plusieurs barons du Limbourg.
Le 12 juillet 1337, \o comte Guillaume de Hainaut s'engagea,
Morm. 537
moyennant nn subside de 200,000 florins de Florence, à fournir au
roi d'Angleterre un secours de mille hommes d'armes.
Je me boi*n6 à faire remarquer le titre de dauphin de Vienne donné
iei au duc de Normandie (qnatr. réd. p. 375, 1. 24). Plûlippe de
Valois avait-il conisqué le delphînat? En 1338, Edouard III, qui oomp.
tait le dauphin de Vienne parmi ses alliés , négociait auprès de
Tempereur pour qu'on lui donnât le titre de roi de Provence.
Z#» emrmyés anglais en Fkmdre (pp. 377-385). — Cfr. Jean le Bel,
pp. 131-133. — Ce fut à la suite de ce vojage des ambassadeurs
anglais en Flandre que Sohier de Courtraj fut arrêté, mais il ne fut
mis à mort que le 21 mars 1338 (n. st.) (in leeto q%o infirmus decnba-
bat, dit Muevin). La plupai't des hirào riens placent son supplice à
Rupelmonde. Edouard III adressa à ce sujet an fils de Sohier de Cour-
traj la lettre suivante :
a Le roi, à noble et sage homme le seigneur de Courtray» salut et
« sincère affection. Nous connaissons tout Tintérêt que vous portez à
« notre personne et à la conservation de notre honneur et tous les
« dommages qui en ont résulté pour vous, nous savons, et nous ne le
« rappelons qu'avec douleur, comment votre père, de bonne mémoire,
u a été traîtreusement mis à mort à cause de son dévouement pour
a nous, et nous aurons soin de vous en récompenser. Veuillez donc, en
« persistant dans vos sentiments et en continuant à vous opposer à nos
« ennemis autant que vous le pourrez, être assuré que notre royale
a reconnaissance saura égaler vos services. Donné le 8 mai, à la Tour
« de Londres. » {Rymer, t. II, p. 4, p. 17).
A cette époque, un chevalier qui habitait Qand et qu'on nommait
Sohier de Courtrai, fut accusé de haute trahison, parce qu'ail avait sou-
tenn près des bourgeois de Qand le parti du roi d'Angleterre, eu
disant que si l'on ne recourait pas à lui, toute la ville deGand serait
ruinée, que c'était le roi d'Angleterre qui était le légitime roi de
France et que s'il acquérait ce royaume, il rendrait de grands ser-
vices à la Flandre. On racontait qu'il avait annoncé lui-même au roi
d'Angleterre qu'il parviendrait à lui assurer Tallianee des Flamands.
Le comte de Flandre qui se trouvait alors au château de Maie, fit venir
près de lui Sohier de Courti'ay, aprèa uji parlement qui avait en lieu à
Bruges, et il le fit aussitôt arrêter en lui reprochant d'avoir soutenu le
roi d'Angleterre contre le roi de France. Les Gantois le réelamèrent
538 NOTES.
comme jouissant dans leur ville du droit de bourgfeoisie, invoquaient le
droit de connaître seuls des délits qu'il avait pu commettre et déclaraient
que tant qu'il ne leur aurait pas été rendu, ils n'assisteraient à aucun
parlement. Le comte envoya un de ses chevaliers à Paris pour faire
connaître au roi ce qui se passait, et le roi lui fit répondre de garder
en prison Sohier de Courtraj qui avait été conduit au château de
Reninghe. Peu après le connétable de France vint à Ypres, et il se
rendit avec le comte de Flandre à Reninghe où ils firent trancher la
tête au chevalier. Les Gantois s'en montrèrent vivement affligés et
disaient que le comte avait violé leurs privilèges. Depuis ce jour, ils
tinrent le comte en grande haine et proposèrent aux habitants de
Bruges de s*allier avec eux contre lui. Un combat eut lieu dans les
rues de Bruges (samedi 25 avril 1338 d'après les comptes de Bruges)
et le comte fut réduit à se retirer à Maie. (Chronique de Berne.)
On fit à Sohier de Courtray cette épitaphe :
Hîc Curtracencis dominus jacet ecce Sigivus :
Villae Gandensis tutor fuit undique vivus.
Invida mors, omen virtutum non rapis isti
Vél meriti nopien, corpus quamvis rapuisti.
Armis famosus miles fuit et generosus,
Largus, formosus, numquam formidine rosus.
M C ter deciter septem dat lux Benedicti,
Martis quando, pater, transisti iumina dicti.
Alliances avec les seigneurs d'Allemagne (pp. 383-386). — Frois-
sart paraît mieux informé que personne de tout ce qui s'est passé
à Valenciennes.
L'évêque de Lincoln et le comte de Salisbury étaient à
Francfoi-t le 30 juin 1337; ils revinrent à Bruxelles le 7 juillet,
et retournèrent précipitamment à Cologne, où ils se trouvaient
le ] 1 juillet.
Retour des envoyés anglais à Londres (pp. 386-393). — Jean le Bel
ne donne rien de ce que Froissart rapporte à ce sujet.
Dès le 20 juin 1337, des vaisseaux avaient été envoyés à Anvers pour
ramener les ambassadeurs anglais.
Guerre de Guyenne d^^. 393-400 et pp. 401-409). — Ce récit de la
guerre de Gascogne ne se trouve que dans le ms. d'Amiens. Je ne sais
NOTES. 529
s'il existe d'autres autorités pour placer à cette époque un voyage de
Robert d'Artois à Bordeaux.
Il paraît toutefois que Robert d'Artois fit en 1337 ou en 1338 un
voyage outre mer; j'ai déjà reproduit, d'après un rôle de cette époque,
la mention suivante : Roberto de Artois... super expensis in partibus
transmarinis. Le 7 janvier 1339, Robert d* Artois était au moment de
s'embarquer de nouveau pour une destination non indiquée (Rymer,
t. II, p. 4, p. 41).
Il faut lire, je pense, à la p. 393 : 1338 (n. st.). La fête de Pâques
fut célébrée en 1338, le 12 avril. En 1337, les Français avaient assiégé
Siourac et Saint-Mal quaire. Au mois d'avril 1338, ils menaçaient Penne
en Agénois, dont le siège se prolongea jusqu'au mois de janvier sui-
vant. Philippe de Valois avait nommé les comtes de Foix et d'Armagnac
ses lieutenants en Bordelais et Gascogne. Au mois de juin 1337,
Edouard III écrivit aux nobles et aux bonnes villes de Gascogne pour
les remercier de leur fidélité. Cfr. la continuation de Guillaume de
NangiSj éd. de M. Géraud, t. II, p. 158.
Mort du comte de Hainaui (pp. 400-401). ~ Le comte Guillaume
de Hainaut mourut le 7 juin 1337. Jean de Condé a célébré ses vertus
dans le Dis dou bon conte Willaume :
Morir c'est usaiges communs.
Pour chou doivent pluiseur sans faindre
Le boin conte Willaume plaindre,
Qui tenoit Haynnau et Hollande.
Nul prins plus preu, ne plus noble
N'avoit jusqu'en Constantinoble.
Fieus fu au boin conte Jehan
Qui mainte paine et maint ahan
Eut pour sen pays à deffendre.
Il fu plains de grant gentillèce,
De valour et de grant prouèce,
De largèce et de grant frankise.
On ne poroit en nul guise
Plus large donnéour trouver.
. ^ noisiAiT. 54
SaO NOTES.
C'est li pères de ménestrès :
Cil doivent bien iestre espierdu
Quant il ont leur père pierdn.
En armes fu preiis et isniaus.
Et débonnaires comme ai^iaus,
Et selonc sa nobilité
Fu plains de grant humilité.
Et as povres boins aumosniers.
Se doit-on bien proier pour l'âme.
Puis, après avoir loué les vertus de sa veuve, Jeanne de Valois, le
poète ajoute :
Trois filles saiges et senées
Eurent noblement assenées.
L'aisnée estoit empereys,
Femme à l'empereur Loejs :
L'autre ot le conte de Juler,
Vaillant conte et biau baceler ;
La tierce, n'estoet ti*op long quierre,
Elle est roine d'Engleterre.
(Dits et contes de Jean de Condé, publiés par M. Scheler, t. I,
p. 290.)
Jeanne de Valois, comtesse de Hainaut, ne mourut pas en 1342,
comme ledit le P. Anselme, mais pendant la semaine sainte 1352 (v.st.).
Le duc de Bourbon et le connétable de France se rendirent à ses
funérailles; les échevins de Mens et de Valencieùnes y assistèrent
également. (Note communiquée par M. Caffiaux, archiviste de Valen-
ciennes, d'après les comptes de cette ville.)
C'est après la mort du comte de Hainaut que la Chronique de Berne
place le Vœu du Héron, sur lequel elle contient de précieux détails.
Le seigneur de Beaumont s'était rendu à Londres pour voir la reine
d'Angleterre, et des fêtes brillantes furent données à cette occasion.
Robert d'Artois ne manqua point de l'interroger sur ce qu'il avait
appris du sort de sa femme et de ses enfants, retenus prisonniers par
le roi de France. Robert fut profondément affligé quand il sut qu'ils
étaient enfermés au château de Bar-sur-Seine, et ses projets de ven-
NOT^. 531
geanoe s^enracinèrent de plus en plus dans son cœur. Le roi avait
résolu d*offrir à Londres un grand banquet aux princes, aux prélats
et aux chevaliers en Thonneur du sire de Beaumont. Le même jour,
Robert d'Artois, étant allé chasser dès le matin avec ses faucons ^
s'empara d'un héron et le porta an roi Edouard, assis à table, en
disant qu'il offrait le plus timide des oiseaux au moins courageux
des rois (Timidiorem avem.,. minui audaci regi)^ puisqu*il n'avait
pas osé réclamer le rojaume de France qui lui appartenait légitime-
ment. Ces paroles furent entendues de tous ceux qui étaient présents,
et le roi, après avoir réfléchi un instant, répondit en souriant et en
faisant allusion à la présence de Robert d'Artois lors de l'acte d'hom-
mage fait à Philippe de Valois : c II n'est pas vrai que je manque de
f courage; j'ai été trompé (malitiose deceptus), quand à Amiens, j'ai
f rendu hommage à Philippe de Valois. Mais je voue à Dieu , au héron
c et à la reine, qu'avant qu'un an soit écoulé, je placerai sur son front la
« couronne de France; et bien que je n'ai pas un Anglais à opposer à
c six Français, je combattrai résolument Philippe de Valois, i A ces
mots, Robert d'Artois rit tout haut et engagea les seigneurs à s'asso-
cier au vœu du roi. Il appela une demoiselle assise au banquet, et lui
remettant le héron, la pria de l'aider à le porter, en rappelant que
jadis le roi Porus avait juré sur un paon que portait une demoiselle. Il
la conduisit tour à tour devant la reine d'Angleterre, devant les comtes
de Salisbury, d'Herford, de Suffolk, devant les évéques de Durham
et de Lincoln, devant le sire de Fauquemont et Gautier de Mauny : tous
vouèrent en termes différents de porter la guerre dans le royaume de
France. Jean de Hainaut fut contraint (coactui est) à prononcer le
même vœu , et ce ne fut <]u 'après avoir cherché à s'en excuser, qu'il
déclara qu'il servirait celui qui le payerait le mieux. (Post plures
excusationes vovit quod fieret soldarius illius a quo msgus lucrum
haberet, dicens quod gallo rostrum vertenti contra ventum assimila-
retur eo quod cum illo se teneret a quo pecunias largius acciperet.
Quibus dictis, Anglici astantes ridere cœperunt, de hoc voto invicem
confabulantes.) La reine elle-même igonta qu'avec l'autorisation de
son mari elle vouait à Dieu et au héron, que si le roi traversait la
mer, elle le suivrait daas son voyage. Il est intéressant de comparer
ce récit au poème du Vœu d% Héron.
Influence de Jacques d'Arievelde (pp. 409-417). — La seconde
532 NOTES.
rédaction est empruntée à Jean le Bel, pp. 127-129. — D'après le
ma. d'Amiens, l'assemblée de la Biloke est du 26 décembre 1337; mais
ce n'est qu'au mois d'avril. 1338 que Ton voit Artevelde, dont l'in-
fluence triomphe à Gand, se placer à la tête de la commune et déjouer
les projets formés par Philippe de Valois, dont les hommes d'armes
étaient déjà arrivés près de Deynze. Le 8 mai, Edouard III adresse aux
Gantois une lettre fort importante où il les félicite et les encourage
(non cedentes periculis, vos et vestra pro nobis exponitis tam gra-
tanter) :
a Le roi, à très-sages personnes, les conseillers, échevins, bourg-
« mestre et membres de la commune de Gand, ses très-chers amis,
< salut et sincère affection. Nous avons appris avec bonheur, et toute
« notre âme en est pénétrée de joie, que vous avez conclu un traité
« avec nous, et que malgré les périls qui vous menacent, vous exposez
< si généreusement pour nous vos vies et vos biens : nous espérons
< qu'avec l'aide de Dieu, nous pourrons vous en témoigner notre
« reconnaissance, i Le même jour, il adressait aux magistrats de
Bruges et d'Ypres des lettres conçues en ces termes : « Le souvenir
< de l'amitié qui a existé autrefois entre votre commune et notre
« maison royale, nous fait désirer vivement qu'une alliance stable ait
« lieu entre vous, et nous, pour notre avantage mutuel. » Il finissait
en leur annonçant le départ de ses ambassadeurs, l'évêque de Lincoln
et les comtes de Northampton et de Suffolk, pour le Brabant.
Les communes de Flandre ne tardèrent point à répondre à ces
lettres, en envoyant leurs députés à Anvers pour y déterminer les
conditions d'un traité commercial, quoique Edouard III désirât surtout
la conclusion d'une alliance politique. Toutes les communes de Flan-
dre délibérèrent au sujet des négociations dont leurs députés leur
rendaient compte. Lorsqu'elles les eurent unanimement approuvées,
Jacques Masch et leurs autres députés retournèrent à Anvers, où se
trouvaient le comte de Gueldre et les ambassadeurs anglais, et on y
conclut, le 10 juin 1338, un traité dans lequel la neutralité de la
Flandre était proclamée. L'Angleterre restait ouverte au commerce
des bourgeois flamands, tandis qu'il leur était permis de repousser
de leurs villes et de leurs ports les hommes d'armes anglais et
français, sauf le service dû à Philippe de Valois par le comte à raison
de son fief.
NOTES. OÙÛ
Edouard III ordonna aussitôt après que toutes les étoffes marquées
du sceau des villes de Flandre pourraient circuler librement en
Angleterre.
11 convient de donner ici sur Jacques d'Artevelde et sa famille quel-
ques éclaircissements qui rectifieront les erreurs de Froissart et surtout
celles de Jean le Bel.
Tout porte à croire que les Artevelde sont issus des anciens châte-
lains de Gand, dont les vastes domaines s'étendaient dans le pays
couvert de bois et de marais situé au nord de la ville. Là se trouvaient
les fiefs de Triest, de Mendonck, d' Artevelde, qui furent partagés
entre diverses branches de cette maison. Assez près de Triest, dont le
nom rappelle TEinhard's Triest, la vieille forêt aÉginhard à qui les
forestiers de Flandre payaient la dîme des cerfs, se trouvait le châ-
teau d' Artevelde (domus mea apud Arteveld€, disait le châtelain Sohier
de Gand, à la fin du xu® siècle) avec une église et un hospice fondés
par une pensée conmiune de foi et de charité. Ce fut au pied de ce
château d* Artevelde, que l'invasion de Charles VI s'arrêta après le
désastre de Roosebeke, comme s'il appartenait au berceau du plus
célèbre défenseur de la nationalité fiamande, d'en être aussi le
rempart.
Les châtelains de Gand portaient un écu de sable. Les aînés adop-
tèrent une face comme la pièce la plus noble d'un blason ; les Triest
y ajoutèrent un chien et des cors de chasse par allusion à leur forêt
et aux cerfs qu'on y poursuivait. Les Artevelde portaient aussi l'écus-
son de sable, mais ils le modifièrent à leur tour.
Les maisnés ne se souciant mie
Porter les armes de leurs antécesseurs.
Seules s'amusoient conserver les couleurs
Et tout le reste forgeoient à fantaisie.
Par quelle fantaisie trois chaperons figurent-ils sur l'écusson
d'Artevelde? à quelle époque remontent-ils? Je laisse la solution de
cette question aux généalogistes, mais il est permis de croire que ces
chaperons ne sont pas plus anciens que 1338 ou 1340, c'est-à-dire
qu'ils sont de l'époque de Jacques d'Artevelde. J'ai pour le penser deux
autorités : TEspinoy, si exact dans ses recherches héraldiques, et le
grave auteur des Annales Flandria, Jacques Meyer. i Ce fut, dit
• l'Espinoy, à la façon des vieux Romains, lesquels donnoient sem-
554 NOT£S.
f blables coaronnes aux plus preux et valeureux de leurs soldats oo
o bourgeois, i Et Meyer ajoute : « Insignîa gessit scutum nigmm in
• quo tria pilea aurea : pileum antiquitus libertatis symbolum erat. •
Enumërons rapidement les mentions du nom d^Arterelde qui sovit
antérieures au xiv« siècle.
En 1167, dans une charte de Tabbaye de Saint-Pierre, le premier
témoin est Steppon d'Artevelde.
En 1290, dans une charte qui concerne des biens situés à Oosi-
Eecloo, c'est-à-dire près d'Artevelde (Ertvelde), on trouve parmi les
ténioins Gilles, Gautier et Henri d'Artevelde, fils de sire Henri.
Tandis que les chevaliers se faisaient appeler dans leurs donjons :
monseigneur, on disait : messire, aux nobles bourgeois des villes, et
ce titre de sir ou ser se joignit même par Fusage aux noms de cer-
taines familles, par exemple à celui des Sanders ou Sersanders.
En 1297, Eustache d'Artevelde intervient dans un contrat relatif
à un achat de draps. Eustache d'Artevelde s'est séparé probablement
d^sa famille pour s'unir aux Leliaerts, car de même qu'une branche
des Utenhove qui embrassa le parti de Philippe le Bel, il place une
fleur de lys dans son écusson.
La même année, Robert de Béthune reconnaît devoir 8oixante>quinze
livres à Gauthier d'Artevelde, dizenier à son service. Cest probable-
ment le même Gauthier qui figure dans la charte de 1290.
Citons rapidement quelques autres membres de cette famille.
Dans le liber obitualis de Saint-Jean de Gand (la paroisse dont
Jacques fut capitaine), on trouve Rasse d'Artevelde, Marie d'Arte-
velde, Guillaume d'Artevelde et sa femme Catherine, Jean d'Aitevelde
et sa femme nommée aussi Catherine à laquelle en donne le titre de
domicella, Jean d'Artevelde et sa femme Heyla, un autre Jean d'Arte-
velde, puis Arnulf et sa femme Avezoete (ceux-ci paraissent avoir
vécu à une époque plus reculée). Guillaume d'Artevelde et sa femme
Catherine ont fait des dons assez considérables à l'église de Saint-
Jean pour (]\ie leur obit soit célébré par le curé, assisté d'un diacre et
d'un sous-diacre.
Le liber obitualis Sancti-Joannis Oandavensis semble avoir été
formé par des annotations successives de 1275 à 1350. Il place les
Artevelde parmi les habitants les plus riches de la cité.
Vers 1320, parait Jean d'Artevelde : c'est le père de Jacques, li
NOTES. 535
eut probablement pour frères Guillaume et Henri, dont nous venons de
parler, et Liévin, bourgmestre de Bruges en 1324.
Pour savoir quelle était, à Gand, la position occupée par Jean
d*Artevelde» dont le nom a été effacé dans Thistoire par celui de son
fils, il suffit d*ouvrir les comptes de la ville en 1325. Pendant cette
seule année, nous voyons Jean d'Artevelde envoyé en ambassade vers
le duo de Brabant, puis à Bruges, pour y présider à la délivrance de
Louis de Nevers, retenu captif depuis huit mois. Il ne quitte Bruges
que pour négocier la paix d'Arqués avec les envoyés du roi de France,
et c*est encore ^ean d'Artevelde qui sera chargé de se rendre près de
Charles le Bel pour jurer de l'observer.
En 1324, époque où le comte de Flandre multipliait les exactions
dans toutes les villes, on dressa une liste des riches bourgeois que le
oomte pourrait forcer à lui prêter de l'argent. Dans la paroisse de
Saint-Jean, qui était la première de la ville, Jean d'Artevelde fut
inscrit pour un prêt de quarante livres. Henri de Vaernewyck ne vient
qu'après lui, comme ayant prdté trente livres.
Jean d'Artevelde avait épousé Livine de Groote, dont le père était
Sohier de Groote, échevin de Gand, et dont la mère était de la maison
des De Béer, de laquelle descendirent les bai*ons de Meulebeke. Le
frère de Livine de Groote avait épousé une fille du sire d'Axel; sa
sœur était femme de Josse d'Halewyn.
Jean d'Arievelde et Livine de Groote eurent plusieurs enfants, entre
autres : Jacques, Jean, François, Marie et Catherine. François, châte-
lain de Beveren, en 1326, épousa Elisabeth Vander Coutere dont la
sœur était femme d'un sire de Baronaige, et leur fille épousa Gilbert
Vande Briele. Catherine fut la femme de Baudouin Goethals, neveu de
Henri Goethals, célèbre docteur de l'Université de Paris, plus connu
sous le nom de Henri de Gand ; Marie s'allia à Gilles Damman et leur
fils épousa Jeanne Bette. Quant à Jean et à Jacques, il y a lieu de
croire qu'ils épousèrent deux sœurs, deux filles de Sohier de Courtray,
le plus illustre chevalier de Flandre et le premier bourgeois de Gand.
Une charte du 4 Juin 1353 nous offre le nom et le scel de Christine
de Courtray, qui avait épousé Jean d'Artevelde. Elle y prend le nom
de Christine de Steelant, dame de Tronchiennes, probablement parce
qu^elIe était remariée à nn sire de Steelant, mais le scel est parti
Courtray et Artevelde. MM. de Potter et Broeckaert, auteurs d'un
/
556 NOTES.
excellent travail sur les communes de la Flandre orientale, ont
retrouvé récemment à Ertvelde la dalle funéraire de Louis de Stee-
lant, mort en 1346; on lui donne le titre de seigneur d*Artevelde, qui
lui avait sans doute été transmis par sa femme, veuve de Jean d^Arte-
velde. Cette importante découverte met hors de doute que Jean d*Arte-
velde, qui portait les mêmes armes que Jacques, était issu des
seigneurs d'Artevelde ou Ertvelde, c'est-à-dire des châtelains de
Gand.
Catherine , fille de Jean d* Artevelde et de Christine de Courtray,
eut pour tuteur le sire de Moerkerke, et épousa, vers 1360, Daniel
d'Halewyn, et c'est ainsi qu'il faut expliquer cette phrase de Mejer,
que Daniel d'Halewyn était le cousin de Philippe d'Artevelde. Daniel
d'Halewyn épousa en secondes noces une fille de Jean de Luxembourg
et de Marguerite d'Enghien, duchesse d'Athènes.
Des deux filles de Jacques d'Artevelde, dont le mariage nous est
connu. Tune épousa Jean de Schotelaere, dont un petit-fils fut bailli
de Gand, et Tautre, le sire d'Erpe, dont les domaines, selon l'expres-
sion féodale, ne relevaient qne de Dieu et du soleil. Un petit-fils
de Jacques d'Arte velde, François d'Erpe , épousa en 1566 Anne de
Montmorency.
Il faut bien se résoudre à reconnaîre dans les Artevelde, comme le
disait Philippe de l'Espinoy, il y a deux siècles : t une famille noble
c et alliée noblement entre les meilleures de la ville de Gand, comme
« avec ceux Vander Briele, avec ceux Vander Coutere, avec ceux de
« Haele, dits de Mirabelle, avec ceux de Bernaige, avec ceux de Hale-
« wyn et autres très-nobles maisons. t>
Telle est Tune des faces de la position des Artevelde , voici Tautre :
Liévin d' Artevelde se plaint de ce qu'on arrête à Copenhague un
de ses navires chargé de draps.
Jean d 'Artevelde vend à la ville de Gand les draps qui sont offerts
aux cardinaux et à la comtesse de Namur.
Jean d' Artevelde mourut en 1328, Tannée même de la bataille
de Cassel. Les illusions qu'il avait nourries s'éteignirent à sa der-
nière heure , et il put croire que la liberté flamande, dont il avait
espéré le réveil, avait péri avec Zannequin.
Quel âge avait alors Jacques , celui de ses fils qui devait le plus
illustrer son nom?
NOTES. 537
Jacques d'Artelde était ne yi'aisemblablement vers 1^5.
Plasieurs anciens chroniqueurs affirment que dans sa jeunesse, il
vit Paris et la cour des rois de France, et qu'il accompagna Charles
de Valois en Italie, en Sicile et même à Tîle de Rhodes.
Tout ceci, au premier abord, paraît un roman ajouté comme pro-
logue au récit de Thistoire, mais il est certaines circonstances qui
rendent cette tradition vraisemblable.
Un parent de Jacques, Gauthier d'Artevelde, était dizenier au
service de Robert de Béthune, et lorsque Charles de Valois, protes-
tant contre Tinique captivité de Gui de Dampierre, résolut d'aller en
Orient poursuivre la revendication des droits qu'avait recueillis sa
femme, Catherine de Courtenay, il réclama Tappui de Robert de
Béthune. Faudrait-il s'étonner qu'un serviteur de ce prince eût répondu
à cet appel et eût amené avec lui un de ses neveux, alors âgé de quinze
ou seize ans?
Quoiqu'il en soit, Jacques d'Artevelde paraît avoir passé un grand
nombre d'années dans une retraite presque absolue près de son père
qui put lui donner d'utiles conseils, près de sa mère qui vivait encore
en 1332. Non-seulement il s'occupait d'industrie, mais il faisait
aussi endiguer ses polders de Basserode. Son hôtel, situé sur la place
de la Calandre à coté de l'hôtel de Masmines, offrait une tour sem-
blable à celles qui protégeaient alors les demeures des , principaux
bourgeois : par derrière s'étendaient des salles qui servaient d'ate-
liers et de magasins , et dont l'une fut plus tard transformée en
chancellerie. Tout semble annoncer, du reste, un foyer domestique
heureux et paisible. On y découvre peu de bruit, peu d'agitation,
mais des vertus simples et surtout une piété fervente. Jacques avait
une sœur béguine, une autre religieuse à Termonde, une autre encore
religieuse à la Biloke. Plus tard, un de ses fils, nommé Jean comme
son aïeul, entrera dans le clergé; un autre de ses fils, Philippe,
beau et de haute stature, et de plus éloquent comme son père, mènera
la vie mystique d'un loUart. Autour de ce foyer rayonnait un grand
respect, et l'on attribuait unanimement à Jacques d'Artevelde une
haute sagesse fortifiée par une longue expérience.
Jacques d'Artevelde, inscrit également dans le métier des tisse-
rands, imita l'exemple que lui avait donné son père : il se livra comme
lui au commerce des draps, et, en 1344, c'est-à-dire à cette brillante
538 NOTES.
époque où le plus noble prince de FEurope le nommait son compare,
il continuait, au milieu des plus grands projets qui aient Jamais ëtë
conçus, à prendre une part active au mouvement de Tindustrie natio-
nale : les salles où se trouvaient déposes les précieux ouvrages des
tisserands de Flandre, touchaient à la chancellerie, où il scellait les
chartes qui protégeaient leur travail et leur liberté, tant était respectée
à Oand cette loi de la comtesse Mathilde : i Si Ton découvre quelque
f bourgeois inutile à la ville et à la oonmiune, qu*il soit banni par les
c échevins. •
Il paraît établi toutefois qu'Artevelde, pour se concilier la faveur
des petits métiers, quitta le métier des tisserands et se fit inscrire
dans celui des brasseurs, dont il fut le premier doyen ; de là la quali-
fication de brasseur si fréquemment répétée dans les chroniques con-
temporaines et postérieures. Artevelde, en cherchant sa force dans
les petits métiers, abdiqua-t-il sa puissance morale ? Se vit-il réduit à
recourir parfois à la violence et à s'entourer d'honunes dociles à ses
volontés, afin de se faire craindre? Quelle part faut-il faire, dans les
récits qui s'occupent de lui, à Tingratitude et à la haine? Il est difficile
de résoudre aujourd'hui toutes ces questions; mais si Artevelde eût
recours parfois aux mauvaises passions , il expia cette faute par sa
mort, car ce furent ceux qu'il avait pu fiatter par ambition, qui l'im-
molèrent malgré ses services et son génie.
Le chroniqueur anonyme de Berne, après avoir reproduit sur Félé-
vation de Jacques d* Artevelde le récit qu'on trouve dans les chroniques
de Saint-Denis, en ajoute un autre, sans en indiquer l'origine. Arte-
velde avait annoncé à la commune de Gand que si on l'écontait , il
rétablirait les relations commerciales de la Flandre, de telle sorte
que ceux qui étaient réduits à aller mendier à l'étranger, pourraient
rentrer dans leur pays. Les Gantois promirent à Artevelde de lui
venir en aide, et Ton proclama à haute voix dans toute la ville que
tous les chefs de ménage (omnia hospitioruM capita) se réuniraient
à la Byloke. Artevelde s'y trouva et parvint à apaiser les miir-
mures du peuple; mais le bailli du comte déclara de la fenêtre de
la tour (du Châtelet?) que les Gantois étaient les sujets du comte de
Flandre, qui relevait lui-même du roi de France. « Si le roi d'Angle-
c terre, disait-il, ne permet j)oint que Ton nous poHe les marchandises
« de son pays, afin de nous forcer à nous allier à lui, cet état de choses
NOTES. 559
€ ne péûi point durer longiemt>8. Retitoits doue fermes et stables dans
• notre fidélité (qua delemiM ineederê)^ de peur que plus tard nous
c n*flyoins à en souffrir, i A ces paroles, les Gantois s'écrièrent qu'ils
ne poutaieïit plus rien gagner, et ils s'adressèrent à Artevelde pour qu'il
les secourût. Le bailli , voyant qu'on ne Técoutait pas, descendit de la
tour et chercha à s'emparer de Jacques d'Artevelde ; les Gantois le
défendirent et forcèrent le bailli et les échevins à se retirer dans leurs
maisons. Artevelde exhorta les Gantois à s'armer afin 'que le bailli
ne pût point le prendre. Sur ces entrefaites, le bailli, accompagné
d'un grand nombre de bourgois, s'était rendu à la maison d'Artevelde
et en avait enfoncé les portes ; mais Artevelde ne s'y trouvait point et
il se dirigea lui-même atec tous -ses amis vers la place du Marché où
venait d'arriver le bidlli. Un combat s'engagea. Artevelde frappa l'un
de ses adversaires d'un coup de hache qui lui fendit la tête jusqu'aux
dents, et le bailli fut réduit à fuir hors de la ville. Artevelde confis-
qua les biens des fugitifs, rappela les exilés et s'entoura d'une garde
de 700 chaperons blancs, qui ne le quittait Jamais.
Edouard III se prépare à la guerre (pp. 417-45^). — Jean le Bel
rapporte à peu près de la même manière le mariage de Guillaume de
Montaigu et d'AKx de Salisbury. Nous insérerons dans les notes du
troisième volume le résultat de quelques recherches faites en Angle-
terre sur la célèbre comtesse de Salisbury, que Froissart appelait < une
< des plus belles dames du monde, i
Le comte de Flandre cherche à faire périr Jacques d'Artevelde (pp.
420-^fô6). — Cfr. Jean le Bel, pp. 127-129. — Le comte de Flandre,qui
résidait alors à Bruges, accourut à Gand avec Morel de Fiennes et d'autres
chevaliers, et il descendit au château. Artevelde, suivit des 700 cha-
perons blancs, voulut interroger le comte sur ses desseins et le trouva
assis à table avec ses chevaliers : i Ne craignez rien, lui dit Arte-
< velde, mais les Flamands s*étoonent de ce que vous les réduisez à
€ mourir de faim. • Et comme le comte répliquait qu'il en était aifii|;é :
f II vous sera facile, continua Artevelde, d'y porter remède; car si les
f rois d'Angleterre et de France obtenaient l'un et l'autre un libre pas-
€ sage à travers la Flandre, nous aurions la paix avec les Anglais, et la
f marchandise sans laquelle les Flamands ne peuvent vivre, nous revien-
c drait. Si vous ne le faites, vous perdrez votre pays.i — t Quoi! s'écria
le comte indigné, à entendre vos discours on croirait que vous êtes an
540 NOTES.
f dâssos de moi, au doBsus du seignear de Flandre ! • — . < ReUitirnez Caire
c votre bière, ajouta le s^uëchal de Flandre, et n'ayez pas Farroganoe
c de vous mêler de ce qui ne tous regarde pas. > En ce moment, les
Chaperons blancs entrèrent dans la salle et portèrent la main sur les
coupes du banquet. Le comte quitta aussitôt Gand avec ses chevaliers
et se rendit à Paiis. Le roi de France, craignant de voir les Flamands
s'allier au roi d*Angleterre, chargea Tëvéque de «Thërouanne, Ray-
mond Sachet j de se rendre à Oand, à Bruges et à Ypres, pour récla-
mer l'alliance des bourgeois de Flandre , en leur promettant de les
dégager de toutes les obligations dont ils étaient tenus vis-à-vis de
lui, sauf le droit d'excommunication. Une assemblée générale eut
lieu à ce sujet à Messines. Artevelde s'était rendu à Bruges avec les
Chaperons blancs, et ayant fait convoquer les bourgeois au son de la
cloche de la Halle, il les engagea à le soutenir dans ses efforts, et
ceux-ci jurèrent de lui obéir en tout, afin que la marchandise fût
rétablie en Flandre. De là Artevelde retourna à Gand, puis il se
dirigea vers la ville de Biervliet, qui avait été fortifiée avec soin.
Mais les habitants de Biervliet le repoussèrent et Artevelde réunit
pour les combattre 15,000 hommes de Gand et de Bruges. Après un
combat livré aux portes de Biervliet, Artevelde victorieux entra dans
la ville où il trouva 200 soudoyers du comte, à qui il permit de se
retirer tautummodo e%m eamisiii suis. Ensuite Artevelde envoya à
Berghes son frère et beaucoup de Gantois pour occuper cette ville,
qui appartenait à Edouard , comte de Bar, et à sa femme, fille de
Robert de Cassel. Le comte de Bar vint à Berghes avec des forces si
considérables, qu'il tua tous les Gantois et fit trancher la tête au frère
d' Artevelde. A cette nouvelle, Artevelde jura qu'il vengerait son frère
et somma les habitants d'Ypres de lui obéir aussi bien que les Bru-
geois et les Gantois. Sur leur refus, il vint assiéger Ypres, et les
Ypix)iii, après avoir obtenu un jour de trêve afin d'attendre le secours
du comte, furent réduits à ouvrir leurs portes. C'est ainsi qu' Artevelde
fut le maître des trois grandes villes de Flandre. La mission de
l'évéque do Thérouanne resta sans résultat, les habitants du Franc
et des autres châtellenies suivirent l'exemple des villes, et Artevelde,
rentré à Gand, choisit dans chacune des trois villes quatre bourgeois
qui 90 rendirent à l^ndres, pour annoncer à Edouard III que les Fla-
man<l8 étaient prêts à lui obéir et demandaient le rétablissement des
NOTES. 541
anciennes relations commerciales. Edouard 111, qui ne désirait autre
chose, y consentit volontiers. En même temps, Artevelde envoyait
d'autres ambassadeurs à Paris, afin d'obtenir du roi de France que les
marchandises de ses États vinssent librement en Flandre, car s'il s'y
opposait, ils s'allieraient contre lui au roi d'Angleterre. Le roi
accueillit cette demande : dès ce moment, les marchandises affluèrent
en Flandre, et les Flamands, qui avaient longtemps mendié hors de
leur pays, purent y rentrer. On disait an ce moment en Flandre
qu'Artevelde était un dieu qui était descendu du ciel pour les sauver
(dicebatur pro tune in Flandria ,de Jacobo de Arthevella quod ipse
esset deus qui descenderat ad sahandum eos). Artevelde / obéi dans
toute la Flandre, choisissait les échevins et les jurés. Les nobles des
environs de Berghes se réunirent dans cette ville et se portèrent de
là vers Fumes et Dixmude, et firent appel à ceux qui se trouvaient à
Courtray. Le comte lui-même se rendit à Dixmude où il fut reçu avec
joie; il y eut cependant quelques habitants de cette ville qui man-
dèrent aux Gantois qu'ils étaient prêts à leur livrer le comte et tous
ses chevaliers. Ils avaient résolu, en efiet, de mettre la main sur le
comte pendant son sommeil, et les Brugeois étaient arrivés à Beerst,
lorsque le comte en fut averti le soir, au moment où il allait se
coucher. Il fit aussitôt prévenir tous les chevaliers, mais déjà les
portes étaient fermées : il fallut les briser de vive force, sous une
grêle de pierres que lançaient les bourgeois qui en occupaient les
créneaux. Les Brugeois immolèrent un g^rand nombre de partisans du
comte : là furent faits prisonniers Mathieu de Bours et Engelran
Hauweel (12 février 1339). Le comte se retira à Saint-Omer et ne tarda
pas à' se rendre près du roi de France. Il avait perdu à Dixmude son
sceau et tout ce qu'il possédait. Artevelde fit brûler les châteaux de
tous les nobles qui avaient pris part à cette expédition. (Chr, de Berne.)
revécue de Lincoln défie Philippe de Valois (pp. 420-425).
L'évêque de Lincoln, chargé de défier le roi de France, s'embarqua
à Douvres, aborda à l'Ecluse et se rendit directement à Paris. Dès qu'il
y fut arrivé, il se revêtit de ses ornements épiscopaux et se i*endit au
palais où le roi, qui venait de dîner, se promenait avec le roi de
Navarre, le duc de Bourbon et quelques chevaliers. L'évêque de Lincoln,
l'ayant salué, lui présenta les lettres de défi, en l'exhortant à renoncer au
royaume de Fran ce et à se contenter de son comté de Valois. Philippe de
fUi N0TB8.
YalùÎA iiivoquait !«• couiuiiMs el U dâciftioa dot pairs, mais Féféqna d«
LiBeoln lui demanda li cela wtéUài fait a?eo Taf^iNrobatîon d« Dies, mar
il était à riiiiar<)tier qoe tout ceux qui j aTaieat pria part* étaiaBt d^
morts, ai la roi Edouard a j aiait Jamais donné son assantimsnt. Ls
roi répliqua qu'en Allemagne Temperenr n*é4aii élu que pour sa vie et
que, lors même qu'il avait des fils, aucun d'eux as lui soooédait, à moîas
qu'il ne le dût à son courage et à la puissaaos de ses armes; que toi était
l'ussge qui avait été suivi de toute antiquité ; que c*étaît aiaai qu'on avait
statué sur la couronne de France ; quil n'appartenait point an roi d'An-
gisterrs de chercher à s'y opposer. A ces mots, le roi ordonna que l'on
versât à boire à Tévéque de Lincoln, disant qu'il a*avait Jamaia vu un
meiUeur ambassadeur. Cependant celui-ci s'écria à haute voix : c A Dieu
• ne plaies que je devienne un traître et que Je boive le via d'un
i ennemi à qui, du fond du cmur. Je suis résolu à faire tout le mal
c qoe Je pourrai ! • L'évéque, quittant anssitéit Paris, se rendit à Bnigss
et de là à l'Éduse, pour retourner en Angleterre. (Cknm. â$ Berm.)
Arwummtt durtnde France (pp. 427-429). — Ce passage n'existe
qoe dans le manuscrit d'Amiens. Ls manuscrit porte non pas : Pvoiaia,
mais Plimain (p. 428). Cest le nom que l'on donnait à la ville de
Pomay, dont la seigneurie était alors si importante.
Le roi de France avait convoqué à Amiens tous les nobles de son
royaume le l*' août 1337. Ils y passèrent six sessainss, auds le roi ds
France mtouma bientôt à Paris, sans avoir riea fait. On envoya une
partie des hommes 'd'srm es sur les frontières de la Flandre et du Hai-
nan. A Toomay se trouvait le comte d'Eu et son fils le comte de
Quinee, le seigneur de Beaujeu , Jeaa de Chélons et beaucoup de che-
valière de Normandie et de Picardie. A Mortagne commandait Oode-
mar du Fay ; à Cambray, le conte d'Armagnac. Le bruit s'était répandu
que le roi d'Angleterre devait débarquer à Boulogne. Philippe de
Valois y envoya des hommes d'snaes sous lee ordree du roi de Nsvarre
et du comte d'Alençon. (Ckroniqne deBime.)
Cmbat de Cadtand (pp. 429-437).
Au combat de Csdzand, Gui de Flandre avait réuni autour de lui le
Ducre de Hallewin, Jean de Meetkerke, Amoold de Brugdam, Jeaa
de Rodes, Jean de .Mesoreda (Hemsrode?). Oui de Flandre fut Cslt
prisonnier avec 700 hommes d'armes. Toute TOe de Cadtand fut
livrée à llneendie. Les Bmgeois, apercevant les fismmss, prtrsat Isa
NOTES. ^4S
annes et accourureut vers l'Écluâ^ , maia !«« AuglaU si étaient déjà
retires sur leors navires (9 novembre 1337).
Gui de Flandre et d'autres prisonniers s'étaient rendus à Gantier de
Mauny. Au mois de nui 1340, il les céda an roi d'Angleterre, qui lui
fit payer 8.000 livres.
J'emprunte au manuscrit de la bibliothèque de l'Arsenal, 148,
p. 187, la relation suivante du combat de Cadzand :
f Et ne demeura gaires que le roj Édouart envoia l'éveaque de
Nicole, le comte de Norantone et monseigneur Gaultier de Mausaj à
tout grant quantentë d'archiers et de gens d'armes et grant plenté de
nefs, où il y avoit plenté de laynes, pour mener en Flandres et pour
parler aux Flamens de par le roy. Et s'aparilla l'évesque et ses gens
et montèrent en mer, et singlèrent tant et sy radement qu'ils vindrent
contre Gagant. Et quant le bastard de Flandre et ses gens les apper-
chnrent, ils cryèrent aux armes. Et quant l'ëvesque lentendy, qui
bien sçavoit la voie, luy et ses gens descendirent à terre, et les
archiers à l'un des 1^ ung peu devant eulx, et commenchèrent fbil à
traire moult druement «, et les gens d'armes à fërir ensemble et à
combatre bien et hardiment, et là eult grande ochision et longue-
ment dura. Et en la fin , les Flamens furent desoonfis et i fust Loys
(lisez Gui), le bastard de Flandre , navrés et prins et menés en ne&,
et y eult bien de mors xi mil hommes, et le remanant s'enfuy. Ce fut
la nuit Saint-Martin en yver l'an mil ccc et xxxvii. Dont rentra
l'évesque de Nicole et ses gens en leur ne&, et tournèrent leur
chemin vers Anvers, et là fist l'évesque deschargier les laynes et les
sacqs, et puis retournèrent en Engleterre et contèrent au roy com-
ment ils avoient ouvré. Adont n'attendy gaires le roy qu'il ne feist
defiÎBndre à tous les pors d'Engleterre que riens ne venist en Flandres,
dont cens de Flandres furent moult esbahis et moult desconfortés, et ^
moult eurent grant disette, grande espasse de tamps, car les gens
de commune n avoient que gaignier, et leur en convenoit vridier le
pays. •
Cet auteur anonyme est le seul qui mentionne la présence de
révêque de Lincoln au combat de Cadzand : cette assertion est fort
douteuse.
Le 11 août 1337, Gauthier de Mauny reçut le commandement de
toute la flotte au nord de la Tamise. Il en était encore investi an moia
de juin 1338.
544 NOTES.
Ambassade flamande en Angleterre (pp. 437-443). — Ce n'est que
dans le texte dn Vatican qne Froissart mentionne ce voyage de Jacques
d'Artevelde en Angleterre.
A cette époque remontent des dons importants faits par le roi
d'Angleterre aux chevaliers et aux bourgeois dç Flandre. Je n*ai
trouve dans les rôles les plus anciens conservés à Londres au Record
office que la mention de trois chevaliers flamands. Les deux pre-
miers sont Jean de Baronaige et Eustache Passcharis. Le troisième
est Sohier de Courtray, qui avait fui en Angleterre au moment où son
père était frappé du dernier supplice à Rupelmonde. Des pensions, des
fiefs pécuniaires (c'est la même chose) sont aussi accordés à Jean de
Moy (?), de Gand, et à Gilles Peyesone, de Middelbourg. Un compte
de 1337-1338 cite Jean de Baronaige, Eustache Passcharis et Wulfard
de Ghistelles comme se trouvant au service du roi. Le compte qui fait
suite à celui-ci mentionne Sohier de Courtray. Un compte de Guil-
laume de Northwell, de la même époque (il s'étend du 31 août 1337
au 1 1 juillet 1338), porte, à côté des payements faits à Richard Talbot,
à Gauthier et à Henri de Mauny, les sommes que reçurent Jean de
Baronaige et Eustache Passcharis, milites de Flandria nvper moranUs
in servitio régis in partibus transmarinis.
On voit par un autre rôle que le roi devait, par lettre scellée, per
hillam, 141 livres à Eustache Passcharis et 29 livres à Henri de
Flandre, petit-fils de Gui de Dampierre. Des pensions sont payées éga-
lament à des bourgeois de Mali nés, de Mons et de Valenciennes. Un
autre compte mentionne Wulfard, Jean et Hanekin de Ghistelles,
Jean Fleming, Boland, Basset et Thieni de Soumain, ces trois der-
niers milites de Hannonia.
Edouard III à Anvers (443-445). — Cfi-. Jean le Bel, p. 135.
Edouard III, avant de se rendre à Anvers , chargea Edouard de
Baillol et Henri de Percy de garder la frontière d'Ecosse. Il donna
à Robert d'Artois Tun des meilleurs châteaux d'Angleterre nommé
Nectinghen (Nottingham ?) , et laissa son fils en garde à Henri de
Beaumont. Puis il s'embarqua avec la reine, ses deux filles, le duc de
Lancastre, les comtes de Salisbury, d'Arundel et de Sufiblk, l'évêque
de Lincoln et un grand nombre d'autres seigneurs. Lorsqu'il arriva à
Anvers, le duc de Brabant vint lui offrir son pays et tout ce qu'il
possédait. Là l'attendaient aussi le marquis de Juliers et le sire de
NOTES. 5^fô
Pauquemont. Edouard III fit décharger ses navires qu'il renvoya en
Angleterre et logea à Anvers ses archers, qui étaient en grand
nombre. (Chronique de Berne,)
Edouard III s'embarqua à Orwell le 16 juillet 1338. Sa première
charte donnée à Anvers porte la date du 22 juillet.
Un compte du heaumier Gérard de Tournaj mentionne • une peye
« de plates délivrées en la garde-robe le roy à And vers. » Quelques
jours après, il y tint une joute, et le même compte constate la remise
d'autres objets d'armement • en la garde le roy à Andvers, ou temps
< que les joustes illoecques estoient. i
Froissart, en rapportant dans la première rédaction que la reine
d'Angleterre traversa la mer en même temps qu*Édouard III, a
commis une erreur qu'il a corrigée dans les autres textes. La date
du passage de la reine n'est pas connue, mais elle se trouvait encore
en Angleterre le 8 septembre 1338.
Traités d'Edouard III avec la Flandre (pp. 445-448.) Les échevins
des villes de Flandre s'étaient rendus à Anvers pour saluer Edouard III.
Le 12 décembre J338, Edouard III, donna cent livres à Jean de
Bures, qui lui annonça que son fils Lionel était né à Anvers subfelidi
autpicii sidère. La reine Philippe passa près d'une année dans Tab-
baye de Saint-Michel. Le roi d'Angleterre y fonda une chapelle en
l'honneur de saint Georges, et donna aux religieux le droit de patro-
nage sur l'église de Thingden, dans l'évéché de Lincoln. Lionel d'An-
vers, depuis duc de Clarence, mourut en 1368, avant son père.
Pourparlers d: Edouard III et de ses alliés (pp. 448-463). — Cfr., en
ce qui touche Louis de Crainhem, Jean le Bel, pp. 135-148.
On conserve aux Archives générales du royaume les comptes des
receveurs du duc de Brabant, où figurent les subsides payés par le
roi d'Angleterre, depuis l'Ascension 1338 jusqu'à la Saint- Jean 1339.
La plupart de ces sommes étaient empruntées aux Bardes et aux
Parruches (societatibus de Barda et de Parruche). On rencontre dans
ces comptes de nombreuses mentions de paiements faits aux comtes de
Looz et de Salm, aux sires de Cuick, de Diepenbeke, de Dufifel, de
Levedale, de Craynhem, de Glymes, de Rotselaer, d'Herlaer et d' Agi-
mont.
Edouard III, vicaire de Vempire (pp. 463-469).— Cfr. Jean le Bel,
p. 144.
I. ~ raoïsaAftT. 35
540 NOTES.
Edouard III m trouYtàt le 2S août à Anvers. Il eet prolMbU qull ee
rendit d*abord à Rhens, où il y avait une assamUde dea dlectoiiri de
Tempire (le roi de Bohême seul y manqua) , et de lA à CoUenta.
Quelques historiens placent le 3 aeptembre la eMmonie de llnveati-
ture. Une charte d'Edouard III preuve qu*il ae trouvait le ô à
Coblentz. Ce fut à son retour que, par des lettrée donndea à Malinea le
18 septembre, il invita le duc de Brabant à ae rendre à Herok le 12
ooU>bre, afin que la décision de Tempereur pût lui être notifiée. (Dt!«-
TBRUS, t. II, p. 626.)
On lit : Noremberch, dans Jean le Bel et dana la première rédaction
de Froiasart (p. 463). A-t-il eu raison de modifier cette indication ? Nous le
pensons. Le 28 juin 1338, Edouard III écrivait à Pempereur qu*il avait
appria que celui-ci se rendait à Sinach (Hirzenaeh), dans la vallée du
Rhin, et qu'il lui envoyait le comte de Northampton. Cet ambaasadeur,
que rejoignit probablement Guillaume de Juliers, ne put arriver en
Allemagne que vers la mi-juillet. Nous savons d'autre part que I/>ui8
de Bavière se trouvait le 14 juillet à Bacharach, à quelques lieues
d'Hinenach. Nous croyons que les ambassadeurs d'Bdonard III le
suivirent à Francfort où il passa la fia de juillet et le commencement
d'août. Reste à savoir quel est oe bourg ou château de Plorenaberg,
dont parle Froissart. L'empereur ne ae rendit à Nuremberg que dans
les derniers jours du mois de décembre.
Edouard III oherehait à s'aasurer de nombreux alliéa : lea villea de
Flandre furent lea premières à loi promettre leur appui. Les ambas-
sadeurs anglais s'adressèrent aussi à l'empereur, qui était alors à
Francfort. Le roi d'Angleterre iui-méme se rendit près de lui et le
trouva entouré d'un grand nombre de barons. Louis de Bavière
déclara Edouard III soo vicaire et accorda aux comtes de Oueidre et de
Juliers le titre de marquis. L'empereur était assis sur un trône élevé,
d'une admirable magnificence: il était couvert d'uoe robe de pourpre,
était chaussé de souliers (sotalaribus) d'or et portait une couronne
sur le front. A ses côtés siégeaient le duc de Brabant une épée nue
à la main et le duc de Gueldre. L'archevêque de Cologne et d'autres
évéques revêtus de leurs ornements sacrés, amenèrent le roi d'Angle-
terre vêtu de drsp d'or et entouré de trois cents chevaliers, devant
l'empereur qui lui remit une verge d'or. La cérémonie ayant eu lien,
le roi d'Angleterre se rendit à Cologne et de là il retourna en Bra-
bant. {Càraniquê dé Bimi.)
NOTES. 547
Oe» érënements sont racontés ainsi dans la chronique anonyme de
Valendenies (mannscrit de TArsenal), f> 188 :
c Tandis qne la royne d^Engleterre gisoit d^enfant en la ville
d'AnTers, comme nous avons cy tout près dit, le roy Edouard, son
mary, s'en alla en Flandre et en Allemagne, et ens es pays d'environ
ponr parbr à ses allyës et au roy d'Allemaigne qui estoit empereur,
pour eulx secouri'e d'ayde, ainsi qu'ils lui eurent en couvent, parmy
ses deniers donnons, dont il y avoit aucuns qui estoient allyës au roy
PHilippe de France, et s'ils voloient garder et tenir leur serment, il
convenoit qu'ils allaissent à l'empereur leur seigneur, et le fesissent
sceoir en siège magestal et renouveler son empire, et là feroit-il du
roy d'Engleterre son vicaire pour obëyr à luy, et ainsy furent-ils
d'accord qu'ils yroient. Sy y allèrent et trouvèrent l'empereur à Con-
venlence, en Allemaigne, et eurent conseil des barons du pays et de
l'empereur mesmes» qu'il seroit l'enouvelés à empereur comment qu'il
en fût; sy en fist-on, ainsy comme vous orës chy après. •
On lit un peu plus loin :
c Après le triumphe et renouvellement de l'empereur assis en siège
superior et magestal et que lés haulx et honnourables convives eurent
estes fais et tenus des princes et barons de l'empire, où maintes haultes
et bonnes ordonnances furent jurées et conformées à l'onneur et exau-
chement du siège impérial, adont prinrent congiet les princes l'un de
l'autre jusques à ung jour qui mis y fut. Si s'en revint le roi d'Engle-
terre en Anvers , et avoec luy le sire de Bruhers , et trouvèrent
Jacques d'Artevelle qui estoit vennt pour parler au roy d'Engleterre
pour le pays de Flandres. Sy parla tant le dit Jacques au roy et par sy
raisonnables parolles, et que ceulx de Flandres ne voloient au roy que
tout bien et qu'il volsist souffrir que les passages furent envers par
quoy marchandise courust, et Jaques feroit tant que Flamens le servi-
roient à son besoing et obéiroient à son commandement en ses guerres.
Et adont y eult pluseurs parolles dites et respondues et longuement
furent ensamble à parlement. En la fin fut l'accord que Flamens se
debvoient tenir tout quois en leur lieu et garder leur pays que nul n'y
entrast, tant que le roy d'Engleterre et son conseil yroient en Flandres
parler aux bonnes villes. Et là en dedens le dit Jaques parleroit à eulx,
et sur ce point ledit Jaques print congiet jusques à une aultre fois. Et
la roy demeura en Anvers une espasse avoec le duc de Brabant, le
548 NOTES.
conte de H^ynault et Jehan de Beaomont, lesquels prièrent tant et la
rojne ossj audit conte de Haynault que les osts du roy d^Engleterre
peussent passer parmy le pays de Haynault, sans nul tort faire à luy
et par bien payer, et tant luy prièrent qu'il Tottroia par le conseil du
duc et de monseigneur Jehan de Beaumont. •
La déclaration suivante du comte de Gueldre offre des détails inté-
ressants :
i CR SONT LES POINTS ET LES MESSAGES DONT NOUS, RENAUD, COMTE DR
OUBLDKB ET DE ZUTPHEN, AVONS àTÛ CHAROéS PRES DU COMTE ET DU
COMMUN PAYS DE FLANDRE.
< D'abord nous requérons, au nom de l'empereur , le comte de
Flandre de se rendre près de lui ou près de son vicaire, afin de relever
certains fiefs comme il y est tenu de droit.
i Nous requérons le commun pays de Flandre d'y engager le comte
et de Taider à faire ce qu'il est tenu de faire vis-à-vis de l'empereur,
de son vicaire et de l'empire.
« Nous faisons savoir, au nom de Tempereur, au comte et au commua
pays de Flandre, que l'empereur a tenu à Coblentz une cour de justice,
dans tout l'éclat de sa dignité impériale, entouré des électeurs qui s'y
étaient rendus, tels que l'archevêque de Mayence, l'archevêque de
Trêves, le comte Palatin du Rhin et le duc de Saxe, et des députés qu'y
avaient envoyés les deux autres électeurs, l'archevêque de Cologne et
le marquis de Brandebourg, ainsi que de beaucoup d'autres ducs, mar-
quis, barons, seigneurs, chevaliers et commun peuple là présents, et
qu'il y a été décidé en droit que si l'empereur ou son vicaire jugeait
convenable de défendre et de recouvrer le droit de l'empire et de répa-
rer les torts faits à l'empire, chacun serait tenu de le suivre aussi loin
que l'empereur ou son vicaire le jugerait convenable. Il y fut aussi
jugé que si quelque feudataire de l'empereur ou de l'empire refusait
de suivre l'empereur ou son vicaire dans le cas susmentionné, tous les
biens qu'il tiendrait de l'empire rentreraient dans la main et au pou-
voir de l'empereur.
< Il y fut aussi jugé qu'un véritable vicaire de l'empire possède pour
agir et pour faire droit, tous les pouvoirs qui appartiennent à un
véritable empereur. Ce jugement fut prononcé par l'archevêque de
Trêves, au nom des électeurs et des pairs de l'empire; et là furent
aussi prononcés d'autres jugements, dont nous ue faisons point men-
tion ici.
NOTES. 549
« A la coar de justice tenue par Tempereur à Coblentz était présent
le roi d'Angleterre qui, à la prière de l'empereur et de Tassentiment
général des électeurs, fut créé et établi vicaire-général de Tempire
dans toutes les Germanies et dans toutes les Allemagnes, et dans
toutes les provinces et dans tous les pays qui en dépendent.
€ Aussitôt après, le roi d'Angleterre, vicaire de Tempire, envoya
ses lettres au duc de Brabant, au comte de Flandre, au comte de
Haînaut et anx prélats et seigneurs feudataires de Tempire, dont les
domaines se trouvent par delà la Marche de Cologne, afin qu'ils se
rendissent à Malines, à un certain jour fixé, pour l'entendre; car il se
proposait d'y prononcer, an nom de l'empereur, tels jugements qu'il
appartenait à l'empereur de prononcer, et il voulait s'entretenir avec
eux des grandes affaires qui concernaient Tempire, auquel jour le
comte de Flandre envoya ses députés qui recommandèrent le comte au
vicaire de l'empire, en lui annonçant que le comte était prêt à faire
vis-à-vis de l'empereur, de son vicaire et de Tempire, ce qu'il éfait
tenu de faire. Après cette déclaration, nous requîmes, au nom de
l'empire, le roi d'Angleterre, vicaire de Tempereur, qu'il permît au
comte de venir relever son fief comme il y est tenu, et qu'il l'exhortât
à aider l'empereur ou son vicaire à reconquérir les cités qui avaient
été enlevées à l'empire et à réparer les torts faits depuis longtemps
au droit de l'empire, ce sous peine de forfaire les fiefs qu'il tient de
l'empire.
< Nous faisons savoir, au nom de l'empereur, que depuis lors nous
avons été envoyé par l'empereur vers le dit comte et le commun pays
de Flandre, et attendu que l'empereur n'a reçu aucune réponse, il
nous a chargé de déclarer ce qui suit au dit comte et au commun pays
de Flandre : le comte et ses sujets ont été dépouillés par la couronne
de France de grands biens qui autrefois leur ont appartenu. Or, le
le comte de Flandre est le feudataire de l'empereur, et si le comte et le
pays de Flandre déploraient le dommage qui leur a été causé, il serait
prêt à les protéger dans leurs corps et dans leurs biens, et à les aider
avec toute sa puissance à reconquérir les châtellenies de Lille, de Douay
et de Béthune, dont ils ont été dépouillés, et pour qu'ils en soient plus
certains, l'empereur est prêt à s'y engager.
« Nous requérons aussi le comte de Flandre, au nom du roi d'Angle-
terre comme roi de France et d'Angleterre, de reconnaître ce qui est
550 NOTES.
de droit et de raison, et de se rendre près du roi pour relever le« fiefs
qu'il tient de la couronne de France, car il est Fun des pairs de France,
et le roi d'Angleterre est roi légitime de France.
i Nous requérons aussi, au nom du roi de France et d'Angleterre,
les trois bonnes villes de Gand, de Bruges et d^Ypres et le commun
pays de Flandre, d'examiner, conmie personnes sages et pleines de
conscience, le droit et la justice , et de conseiller le comte leur sei-
gneur, en l'aidant à faire ce qu'il est tenu de faire, de teUe sorte qu^il
relève son fief du roi de France et d'Angleterre, et Taide à recoun^er
son royaume qui lui a été injustement enlevé, car il est le légitime
héritier de la couronne de France.
c S'il arrivait que le puissant seigneur, cousin du roi de France et
d'Angleterre, qui occupe le trône de France, voulût prétendre que la
couronne de France ne peut pas se transmettre légitimement par les
femmes, mais seulement aux hommes, il faudrait entendre cette cou-
tume en ce sens que l'héritage passe à l'héritier mâle le plus proche» et
il est assez connu que le roi d'Angleterre est fils d'une soeur du roi de
France, tandis que son cousin qui occupe le trône, n'est que le fils de
l'oncle de sa mère. On a vu un comte de Flandre épouser une sœur du
roi de France; à la mort du roi, la reine son épouse lui survécut avec
postérité, et le comte de Flandre fut régent de France; parce qu'il
avait épousé la sœur du roi défunt, mais le fils de la reine devint roi.
Par ce motif et par beaucoup d'autre, le roi d'Angleterre soutient que
la couronne de France lui appartient légitimement, et tel est aussi
l'avis de doctes clercs et de laïcs de bonne conscience qui, étrangers
aux deux partis, maintiennent que la couronne de France lui revient
de droit.
« Puisque le droit ne peut se passer d'appui, le roi de France et
d'Angleterre requiert comme prince souverain le commun pays de
Flandre de se montrer (lors même que le comte n'exécuterait pas les
conseils qui lui seraient donnés) fidèle à Dieu et au bon droit, et de
l'aider à recouvrer son droit. Le roi est prêt à réparer le tort que la
couronue de France a fait éprouver au pays de Flandre en le dépouil-
lant d'une grande partie de son territoire, à assurer à ses habitants de
telles libertés et à les combler de tels bienfaits, qu'eux et leurs succes-
seurs en conserveraient à toujours la mémoire.
« Si Tavis du comte et commun pays de Flandre est d'aider le roi.
NOTES. 551
noM Renaiid, comte de Queldre, sommes aatorisé & assurer au comte
et an pays de Flandre les avantages suivants, savdr :
i Que, si Diea loi accorde la couronne de France, il fera battre
perpétuellement une bonne monnaie, semblable à celle du roi saint
Louis;
i Qu'il fera revivre, pour le profit et Futilité des métiers du pays
de Flandre, toutes les coutumes et tous les bons usages que les rois
de France aient jamais établis ;
c Qu'il établira en Flandre l'étape des laines, selon Favis des bonnes
gens de Flandre ;
• Qu'il les aidera à reconquérir les obâtellenies de Lille, de Douay
et de Béthune, pour les réunir perpétuellement au comté et pays
de Flandre;
c Qu'il révoquera à toigours toutes sentences, amendes, obligations
et antres servitudes qui leur auraient été illégitimement imposées par
la couronne de France ;
c Qu'il préservera le pays de Flandre de tout brigandage ;
c Qu'il ne conclura à l'avenir aucun traité, si oe n'est d'un commun
aeoord avec le comte et le pays de Flandre , et qu'il accordera au pays
de Flandre toutes les libertés qu'il serait en son pouvoir de lui donner
(Archives d'Ypres). »
L'empereur annonça aux échevins d'Ypres l'élévation d'Edouard III
au vicariat impérial par les lettres suivantes :
c Ludovicus, Dei gratia, Romanorum imperator, semper augustus^
prudentibus viris, seabinis, consulibus, totique communitati oppidi
Ypr», suis et imperii fidelibus dilectis, gratiam suam et omne bonum.
Quum est cœteris nostris subditis et fidelibus manifeetum , a vestra
sdmus non esse notitia peregrinum, videlicet qualiter nos contra Phi-
lippum de Vafosio pra rege Francise se gerentem et alios nostix» ac
sacri roniaai imperii adversarios et rebelles, nostrorum ac dicti imperii
bonorum, jurium et honorum violentes occupatores et illicitos deten-
torts, pro recuperadone dictorum bonorum, jurium et honorum, nos-
tros lalices progressus brachio potenti in proximo dirigere proponi-
mus. Domino disponente. Quare vobis, sub fide qua nobis et sacro
romano imperio firmiter estis astricti, praocipendo mandamus quate-
nus reoeptis prœsentibus statim decentiori modo quo poteritis, pro
hi^usmodi progressibus nostris, vos prsBparetis ao vestros prseparari
5o2 NOTES.
fadatis. Et quia nos illustrem Edwardum, regem Anglise, fratrem nos-
trum karissimum, nostrum et imperii constituimus vicarium gênera-
lem, prout in noatris litteris patentibus sibi inde confectia seriosiua
continetur, Tolumns et districte prœcipiendo mandamus quatenus
eodem régi Anglise nostro et imperii Ticario, tam pro noatris et dicti
imperii quam eois bonis, jnribns et honoribus recuperandis, favorabi-
liter sitis intendentes, quantumcunque per ipsum tanquam nostrum et
imperii vicarium fueritis requisiti. Vestram etiam laudabilem animo-
sitatem et animosam constantiam, quibus viriliter et potenter insistitis
ut terra vestra virîs sceleratis et transgressoribus ac prœcipue nostris
et imperii inimicis et rebellibus vacuetur, specialiter commendamus,
rogantes ut féliciter inceptis usque ad ezterminium dictorum rebel-
lium felicius insistatis, nosque brachii nostri virtutem in auxilium
vestrum eztendere proponimus, Deo dan te. Datum Franchenfurt ,
XII la die menais martii, regni nostro anno vicesimo quinto, imperii
vero duodecimo. t
Sac de Southampton (pp. 469-471). — C'est en 1337 que la ville
de Southampton fut brûlée par les Français, et ce fut Tun des événe-
ments qui contribuèrent le plus à Texpédition d'Edouard III à Anvers.
Le 24 mars 1338, les Normands pillèrent et brûlèrent Portsmouth.
La terreur était si grande, qu'au mois d'octobre 1338 on enfonça des
pieux dans la Tamise pour fermer le passage à toute flotte ennemie.
Assemblée de Serck (pp. 471-480), — Cfr. la seconde rédaction
et le texte de Jean le Bel, p. 147-150. — Ce fut à Louvain , à la fête
de l'Exaltation de la Sainte-Croix, qu'Edouard III léunit ses alliés,
savoir : le marquis de Brandebourg, flls de l'empereur Louis de
Bavière, le duc de Brabant, le comte de Gueldre, le marquis de
Juliers, les comtes des Mons et de Namur, le seigneur de Fauquemont
et Jean de Hainaut, qu'il avait créé maréchal de son armée.
L* armée anglaise à Vilvorde(]^p. 480-486). — Cfr. la seconde rédac-
tion et le texte de Jean le Bel, pp. 150-152.
Chevatichée de Gauthier de Mauny (pp. 487-493). — Froissart dut
peut-être ces détails à Gautier de Mauny lui-même. L'abbesse de
Denain se nommait Agnès de Lywerde.
Armements du roi de France (pp. 493-494). — Philippe de Valois,
pour s attacher les bourgeois de Cambray, letir avait accordé dans tons
son royaume des privilèges irrévocables ; il avait fait augmenter à ses
NOTES.
â53
frais les fortifications de la ville, et Ton avait élevé de nouvelles tours,
garnies de barbacanes et deponts-levis. De nombreux hommes d'armes
avaient été envoyés à Boulogne, au Crotoy, à Saint- Valéry, à Abbe-
ville, à Saint-Riquier et dans tout le Ponthieu. Un pirate, nommé
Marraut, était chargé de garder le rivage avec 4,000 soldats venus de
Toulouse et de Bayonne ; mais on avait négligé de placer une garnison
à Caen, ce qui fut plut tard la cause de grands malheurs. (Chronique
de Berne.)
TABLE.
Prologue 1
Faiblesse d'Edouard II 14
Mariage d'Edouard II et d'Isabelle de France .... 18
Origine des guerres de France et d'Angleterre. ... 20
Influence de Hugues Spencer 22
Supplice du comte de Lancastre 24
Fuite de la reine d'Angleterre 26
La reine d'Angleterre en France . 28
Le roi de France favorise Spencer 34
Charles le Bel abandonne sa sœur 3P
I^ reine d'Angleterre quitte la France 43
Le sire de Beaumont se rend au devant de la reine . . 48
Le sire de Beaumont offre son épée à la reine .... 51
La reine d'Angleterre à Valenciennes 54
Le sire de Beaumont persiste dans son projet .... 60
Préparatifs de l'expédition 61
La reine aborde en Angleterre 66
La reine marche vers Bristol 72
Prise de Bristol 75
556 TABLE.
Mort de Hugues Spencer 78
Edouard II tombe au pouYoir de la reine 80
Triomphe de la reine 83
Edouard II est conduit au château de Bercler .... 84
Supplice de Hugues Spencer le jeune. . » 87
Départ des Hainujers 88
Le Parlement s'assemble 95
Couronnement d'Edouard III 98
Départ de Jean de Hainaut 101
Le roi d'Ecosse défie Edouard III 104
Jean de Hainaut retourne en Angleterre 108
Jean de Hainaut arrive à York 112
Émeute à York 115
Péril des Hainujers 122
Les Hainu jers à York 129
Invasion des Écossais 131
Marche de Tannée anglaise 138
Difficultés de l'expédition .143
Les Anglais sur la Tyne 147
Souflfrances des Anglais 149
La pluie grossit la rivière 150
Les Anglais reçoivent quelques vivres 152
Murmures des Anglais 155
On découvre les Écossais 157
Les Anglais se portent en avant 160
Les Anglais se rangent en ordre de bataille 161
Cris des Écossais 163
Escarmouches entre les deux armées 165
Les Anglais en présence des Écossais 166
Les Écossais occupent une autre position 168
Nouvelles escarmouches 168
Attaque de Guillaume de Douglas 170
Alarmes des Anglais 171
Retraite des Écossais 173
Les Anglais au camp des Écossais 175
Retraite des Anglais 178
Edouard III à Durham 179
Retour à York 182