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Full text of "Oeuvres de Froissart; publiées avec les variantes des divers manuscrits"

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lu 


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I    '        * 


K 


OEUVRES 


FROISSÂRT 

publiées 
AVEC    l.KS    VAKIANTKS    DES   DIVERS    MANXSCRITS, 

PAR 
li.    le   baron    KKRVYIV  DE   L.BXXEIVHO VE , 

Membre  de  rAcadémie  royale  de  Belgique, 
Correspondant  de  l'Institut  de  France,  de  l'Académie  de  Munich,  etc. 


CHRONIQUES- 

TOME  DEUXIÈME. 

1  322  -  1  33Q. 

(Df^iift  le  Prel«gif  jatqa*»  («niifBceBeBt  de  la  guerre  de  Ceal  aB!i.) 


BKUXKLLES, 

COMPTOIR    UI<ilVERSEL   D*1MPR1MERIE   ET    DE    LIBRAIRIE, 

VlCTOB    DBTAI7X    BT   r><^, 

RUE  SAINT-JEAN,  26. 

I8H7 


CHRONIQUES  DE  FRANCE, 

FENGLETERRE,  D'ESCOCE,  DE  BRJETAIGNE, 

D'BSPAIGNE,  DTTALIE,  DE  FLANDRES 

ET  D'ALEMAIGNE. 


Affin  que  li  grant  fait  d*armes  qui  par  les  guerres  de 
Franche  et  d^Engleterre  sont  avenu,  soient  notablement 
registre  et  mis  en  mémore  perpétuel,  par  quoy  li  bon  y 
puissent  prendre  exemple,  je  me  voeil  ensonnier  de  lea 
mettre  en  prose.  Voirs  est  que  messires  J^ans  li  Biaux, 
jadis  canonnes  de  Saint-Lambiert  de  Liège,  ^  en  cronisa  '  à 
son  temps  auqune  cose.  Or  ay-je  che  livre  et  ceste  histoire 
augmentée  par  juste  enqueste  que  j'en  ay  fait  en  travillant 
par  le  monde  et  en  demandant  as  vaillans  hommes,  cheva- 
liers et  escuyers,  qui  les  ont  aidiet  à  acroistre,  la  vérité  des 


**^  Varùmiet  :  eu  grosBA. 

I.  —  PIOIMAIT. 


159682 


Z  PROLOGUE. 

avenues,  et  ossi  à  aucuns  rois  d'armes  et  leurs  mareschaus, 
tant  en  FraiKhe  comme  en  Engleterre  où  j'ay  travillië 
apriès  yaux  pour  avoir  la  vérité  de  la  matère;  car  par 
droit  tels  gens  sont  juste  inquisiteur  et  rapporteur  des 
besoingnes,  et  croy  que  pour  leur  honneur  il  n'en  oseroient 
mentir.  Et  sour  ce  je  ay  ce  livre  fait  dicter  et  ordonner 
parmy  l'ayde  de  Dieu  premièrement  et  le  relation  des  dessus 
dis,  sans  coulourer  l'un  plus  que  l'autre,  mes  11  bien  fais 
dou  bon,  douquel  costet  qu'il  soit,  y  est  plainnement  ramen- 
teus  et  congneus,  si  comme  vous  trouvères  en  lisant.  Et 
pour  ce  que  ou  temps  advenir  on  sace  de  vérité  qui  ce  livre 
mist  sus,  on  m'apelle  sire  Jehan  FRoissART,priestre,  net  de 
la  ville  de  Vallenchiennes,  qui  mouli  de  paine  et  de  traveil 
en  euch  en  pluiseurs  mannières,  /ainchois  que  je  Fouisse 
compillé ,  ne  acompli,  tant  que  d^  le  labeur  de  ma  teste  et 
de  l'essil  de  mon  corps;  mais  toujttes  choses  se  font  etacom- 
plissent  par  plaisance  et  le  bonne  dilligence  que  on  y  a, 
enssi  comme  il  apparra  avant  en  cest  livre  ;  car  vous  y  trou- 
vères otant  de  grans  fais  d'armes,  de  mervilleuses  avenues, 
de  durs  rencontres,  de  grandes  batailles  et  de  touttes  autres 
coses  sur  cel  estât,  qui  se  dépendent  de  membres  d'armes 
et  de  proèche,  que  de  nulle  histoire  dont  on  puist  lire,  tant 
soit  vielle,  ne  nouvelle.  Et  ce  doient  désirer  par  droit  à  oyr 
tout  jone  gentil  homme  qui 'se  désirent  à  avanchier,  car 
par  le  recort  des  bons  et  le  renoummée  des  preux  se  enflam- 
ment et  attissent  li  corraige  en  touttes  proèches  ;  car,  que 
on  le  sache,  tant  y  sont  avenu  de  grans  fais  puis  l'an 
mil  CGC  XXVI  que  li  roys  d'Engleterre,  messires  Édou- 
wars,  fu  couronnés  très  le  vivant  de  son  père  à  Wesmous- 
tier,  que  ils  et  tout  chil  qui  avoecques  lui  ont  estet  en  ces 
batailles  euireuses  et  fortuneuses,  en  sont  moult  à  recom- 
mander, sicpmme  li  propres  roys  mesmes,  li  prinches  de 


PROLOOLE.  5 

Oalles  ses  flis,  li  doi  duch  de  Lancastre,  messires  Henris 
et  messires  Jehans  qui  eut  sa  fille,  li  contes  de  Warvich, 
messires  Regnaus  de  Gobehen,  messires  Jehans  Candos, 
messires  Wautiers  de  Mauni,  messires  James  d'Audelée  *  et 
plusieurs  autres  dont  je  ne  puis  mie  de  tous  parler.   Et 
ossi  li  royaumraes  de  Franche  ne  fu  oncques  *  si  desconfl  ' 
que  li  Englês  n'i  trouvaissent  grant  fuison  de  bonne  cheva- 
lerie. Et  fu  li  roys  Phelippes  de  Valois  ungs  vaillans  homs 
et  hardis  durement,  et  li  roys  Jehans  ses  fils,  li  dus  deBoùr- 
goingne,  messires  Caries  de  Bl^s,  li  dus  de  Bourbon,  li 
contes  d'Allenchon  *  et  pluiseurs  hauts  barons  et  bacelers 
desquels  je  ne  puis  mie  ossi  de  tous  parler  ^,  car  trop 
poroient  ma  principaul  matère  ensonnyer.  Si  doit-on  bien 
tenir  •  pour  preux,  voire  pour  doubles  preux  ',  tous  chiaus 
qui  se  sont  trouvé  si  souvent  en  ces  grans  batailles  et  fors 
et  durs  rencontres,  qui  les  ont  emprises  et  achievëes.  Et  se 
aucuns  y  sont  demourés  morts  en  combatant,  il  en  doient 
bien  estre  loé  et  recommandé  entre  les  bons,  car  li  mors  de 
bons   en  parleront  souvent,   sicomme  dist  TEscripture  : 
resuscité  les  mors.  Or  voeil-je  yssir  de  ce  prologe  et  pour- 
suiwir  mon  principaul  proches  et  remonstrer  par  quelle 
manniëre  et  condition  les  guerres  premièrement  s*esmurent 
entre  le  roy  de  Franche  et  le  roy  d'Engleterre,  dont  tant 
de  grant  mal  sont  avenu  au  monde  par  terre  et  par  mer,  si- 
comme  vous  orés  recorder  en  ceste  histoire,  •  se  il  est  qui 
le  vous  lise  et  ossi  qui  le  parface  *. 

*  Ajontet  :  Messire  Pierre  d'Audelée ,  mesure  Robert  Canolle , 
raessire  Hue  de  Caverlëe.  —  *'  Si  despourveus.  —  ^  Aj,  Meaaire  Loys 
d*EtpaîgDe,  messire  Bertran  de  Claiequin,  messire  Emoult  d'Audene- 
hem  et  plenté  d'autres  bai^oiui  ot  chevaliers.  —  '^  Tant  qu'à  prëseut. 
—  •-'  Pour  vaillans  et  plus  ijue  preux.  —  *  '  S'ascouter  le  volés. 


4  PROLOGUE. 

Seconde  rédaction,  —  Aâin  que  hoimourablds  emprises  et 
nobles  ayentures  et  faits  d'armes,  lesquelles  sont  avenues  par 
les  guerres  de  France  et  d'Angleterre,  soient  notablement  regis- 
trées  et  mises  en  mémoire  perpétuel,  par  quoy  les  preux  aient 
exemple  d'eulx  encouragier  en  bien  faisant,  je  vueil  traittier  et 
recorder  hystoire  et  matière  de  grand  louenge.  Mais  ains  que 
je  la  commence,  je  requier  au  Sauveur  de  tout  le  monde,  qui 
de  néant  créa  toutes  choses,  que  il  vueille  créer  et  mettre  en 
moy  sens  et  entendement  si  vertueux  que  ce  livre  que  j'ai  com- 
mencié  je  le  puisse  continuer  et  persévérer  en  telle  manière  que 
tous  ceulx  et  celles  qui  le  liront,  verront  et  orront,  y  puissent 
prendre  esbatement  et  plaisance,  et  je  encheoiren  leur  grâce. 

On  dit,  et  voirs  est,  que  tout  édifice  est  ouvré  et  maçonné  l'une 
pierre  après  l'autre,  et  toutes  grosses  rivières  sont  faites  et 
rassemblées  '  de  divers  lieux  et  de  plusieurs  sourses  *  :  aussi 
les  sciences  sont  extraites  et  compilées  de  pluseurs  ders ,  et  * 
ce  que  l'un  scet,  l'autre  ne  scet  mie  *;  non  pour  quant  rien  n'est 
qui  ne  soit  sceu  ou  loing  ou  près.  Donc  ainsy  pour  attaindre  et 
venir  à  la  matière  que  j'ay  emprise  de  commencier ,  première- 
ment par  la  grâce  de  Dieu  et  de  la  Benoite  Vierge  Marie  tient 
tout  confort  et  avancement  viennent ,  je  me  vueil  fonder  et 
ordonner  sur  les  vraies  Croniques  jadis  faites  et  rassemblées 
par  vénérable  homme  et  discret  seigneur  monseigneur  Jehan  le 
Bel  chanoine  de  Saint-Lambert  de  Liège,  qui  grant  cure  et 
•  toute  bonne  diligence  mist  en  ceste  matière  et  la  continua  tout 
son  vivant,  au  plus  justement  qu'il  pot,  et  moult  lui  cousta  à 
acquerre  et  à  l'avoir.  Mais  quelques  frais  qu'il  y  eust,  ne  feist, 
rien  ne  les  plaigni,  car  il  estoit  riches  et  puissans  ;  si  lèé 
povoit  bien  porter,  et  de  soy-meisme  estoit  larges,  honnou- 
rables  et  courtois  et  qui  voulentiers  veoit  le  sien  despendre. 
Aussi  il  fu  *  en  son  venir  «  moult  amis  et  secret  à  très-noble  et 
doubté  seigneur  monseigneur  Jehan  de  Haynaut  qui  bien  est 
ramenteu,  et  de  raison,  en  ce  livre;  car  de  pluseurs  et  belles 

*-'  De  plusieurs  ruisseaux  et  fontaines.  —  *-*  Ce  que  l'un  ne  scet, 
r autre  scet.  —  *-•  En  son  vivant. 


PROLOGI».  5 

avenues  il  en  fut  chief  et  cause,  et  des  roys  moolt  prochain  : 
par  quoj  le  dessus  dit  messire  Jehan  le  Bel  pot  delez  lui  veoir  et 
congnoistre  pluseurs  nobles  besongnes,  lesquelles  sont  conte- 
nues ensuirant.  Voirs  est  que  je  qui  aj  empris  ce  livre  à 
(donner,  aj  par  plaisance  qui  tousdis  à  ce  m'a  encline,  fré- 
quenté pluseurs  nobles  et  grans  seigneurs,  tant  en  France 
comme  en  Angleterre,  en  Ëscoce  et  en  autres  pays,  et  aj  eu  la 
congnoissance  d'eulx  :  si  ay  tousjours  à  mon  povoir  enquis  et 
demandé  du  fait  des  guerres  justement  et  des  aventures  qui  en 
sont  avenues,  et  par  espécial  depuis  la  grosse  bataille  de  Poi- 
tiers, où  le  noble  roj  Jehan  de  France  fu  prins  ;  c&r  devant 
ce  j'estoie  encores  moult  jeune  de  sens  et  d'aage.  Ce  non  obstant 
si  empris-je  assez  hardiment ,  moi  issu  de  Tescole,  à  rimer  et 
à  dicter  les  guerres  dessus  dites ,  et  pour  porter  le  livre  en 
Angleterre  tout  compilé  ,  sicomme  je  fis,  et  le  présentay  adont 
à  très-haute  et  très-noble  dame  madeune  Phelippe  de  Hajnaut, 
royne  d'Angleterre,  qui  liement  et  doulcement  le  receut  de  moj 
et  m'en  fist  grand  prouflSt.  Or  puet  estre  que  cil  livre  n'est  mie 
examiné,  ne  ordonné  si  justement  que  telle  chose  le  requiert  ; 
car  faits  d'armes  qui  si  chièrement  sont  comparés,  doivent  estre 
donnés  et  loyaument  départis  à  ceulx  qui  par  proesce  y  tra- 
vaiUent  :  donc  pour  moy  acquitter  envers  tous,  ainsy  que  droit 
est,  j'ay  emprise  ceste  hystoire  à  poursuir  sur  l'ordenanco  et 
fondation  devant  dicte,  à  la  prière  et  requeste  d'un  mien  chier 
seigneur  et  maistre  monseigneur  Robert  de  Namur,  seigneur 
de  Beaufort,  à  qui  je  vueil  devoir  amour  et  obéissance  ;  et  Dieux 
me  laist  faire  chose  qui  lui  puisse  plaire. 

Pour  tous  nobles  cuers  encouragier  et  eux  monstrer  exemple 
et  matière  d'onneur,  je  sire  Jehan  Froissart  commence  à  parler 
après  la  relation  de  monseigneur  Jehan  le  Bel,  jadis  chanoine 
de  Saint-Lambert  de  Liège,  et  dis  ainsi  que  pluseurs  gens  nobles 
et  innobles  ont  parlé  par  maintes  fois  des  guerres  de  Franco  et 
d'Angleterre,  qui  pas  justement  n'en  savoient  ou  sauroient  à 
dire,  se  requis  et  examinés  en  estoient,  comment,  ne  pourquoy, 
ne  par  quelle  raison  elles  vindrent.   Mais  en  vecy  la  droite 


b  PROLOGUE. 

vraje  fondation  de  la  matière  ;  et  pour  ce  que  je  n  y  vueil 
mettre,  ne  ester,  oublier,  ne  corrompre,  ne  abrégier  hystoire  en 
riens  par  deffaute  de  langage,  mais  la  vueil  multiplier  et 
accroistre  ce  que  je  pourray,  vous  veuil  de  point  en  point  parler 
et  monstrer  toutes  les  aventures  depuis  la  nativité  du  noble 
roy  Édouart  d'Angleterre  qui  '  si  vassaument  *  a  régné.  Et  tant 
y  sont  avenues  d'aventures  notables  et  périlleuses  et  tant  de  ' 
batailles  adrecées  ^  et  d'autres  fais  d'armes  et  de  grans  proesces 
puis  l'an  de  grâce  MCCCXXVI,  que  ce  gentil  roy  fut  couronné 
en  Angleterre,  que  il  et  tous  ceulx  qui  ont  esté  avec  lui  en  ces 
batailles  et  eureuses  aventures,  ou  avec  ses  gens  là  où  il  n'a 
mie  esté  en  propre  personne ,  sicomme  vous  pourrés  oir  cy- 
après,  doivent  bien  estre  tenus  et  réputés  pour  preux ,  comment 
qu'il  en  y  a  graht  foison  d'yceulx  qui  doivent  et  peuvent  bien 
estre  tenus  pour  souverains  preux  entre  les  autres  devant 
tous  autres,  sicomme  le  propre  corps  du  gentil  roy  dessus  dit, 
le  prince  de  (Mies  son  fils,  le  duc  de  Lancastre,  monseigneur 
Regnault  de  Gobeham ,  monseigneur  Gautier  de  Mauny  en 
Haynaut,  chevalier,  monseigneur  Jehan  Chandos,  monseigneur 
Franque  de  Halle  et  pluseurs  autres  qui  se  ramenteront  par 
le  bien  et  la  prouece  d'eulx  dedens  ce  livre  ;  car  par  toutes  les 
batailles  où  ils  ont  esté,  ils  ont  eu  renommée  des  mieulx  faisans 
par  terre  et  par  mer,  et  s'y  sont  démonstrés  si  vaillamment  que 
on  les  doit  bien  tenir  pour  souverains  preux.  Mais  pour  ce  ne 
doivent  mie  les  autres  qui  avec  eulx  ont  esté,  pis  valoir. 

Aussi  en  France  a  esté  trouvée  bonne  chevalerie,  roide,  forte, 
apporte  et  à  grand  foison  ;  car  le  royaume  de  France  ne  fu 
'  onques  si  desconfit  que  on  n'y  trouvast  bien  toujours  à  qui  com- 
batre.  Et  fut  le  noble  roy  Phelippc  de  Valoys  ung  très-hardis 
et  ■  bachelereux  •  chevalier,  et  le  roy  Jehan  son  fils,  Charles 
roy  de  Behaigne,  le  comte  d'Alencon,  le  comte  de  Foix,  mon- 
seigneur Jehan  de  Saintré,  monseigneur  Arnoul  d'Audrehen, 
monseigneur  Boucicaut,  monseigneur  Guichart  d'Angle,  mon- 

*"Si  puissamment,...  si  vaillamment.  —  *  *  De  belles  adresses.  — 
*■•  Chevalereux. 


PROLOGUE.  7 

seigneur  de  Beatgeu,  le  père  et  le  ûls,  et  pluseurs  autres  que  je 
ne  puis  mie  maintenant  tous  nommer  et  qui  bien  seront  en 
temps  et  lieu  ramenteus  ;  car  pour  vérité  dire  et  soustenir,  on 
doit  bien  tenir  pour  assés  preux  tous  jceulx  qui  en  si  crueuses 
batailles  et  si  périlleuses  ont  esté  veus  et  sont  demourés  jusques 
à  la  desconâture,  souffisamment  faisant  leur  devoir. 

Trais,  réd,  —  Afin  que  les  grans  merveilles  et  li  biau  fait 
d  armes  qui  sont  avenu  par  les  grans  guerres  de  France  et  d'En- 
gleterre  et  des  royaumes  voisins,  dont  li  roj  et  leurs  consaulz 
sont  cause,  soient  notablement  registre  et  ou  temps  présent  et 
à  venir  veu  et  cogneu,  je  me  voel  ensonnier  de  Tordonner  et 
mettre  en  prose  selonch  le  vraie  information  que  j'ay  eu  des 
vaillans  hommes,  chevaliers  et  escuiers,  qui  les  ont  àidiet  à 
accroistre,  et  ossi  de  aucuns  rois  d'armes  et  leurs  mareschaus 
qui  par  droit  sont  et  doient  estre  juste  inquisiteur  et  raporteur 
de  tels  besongnes.  Voirs  est  que  messires  Jehans  li  Biaus  jadis 
canoines  de  Saint-Lambert  de  Liège  en  fist  et  cronisa  à  son 
tamps  aucune  cose  à  se  plaisance,  et  j'ai  ce  livre  hystoryet  et 
augmenté  à  le  mienne  à  la  relation  et  conseil  des  dessus  dis  sans 
faire  fait,  ne  porter  partie,  ne  coulourer  plus  Tun  que  l'autre, 
fors  tant  que  li  biens  fais  des  bons,  de  quel  pays  qu'il  soient,  qui 
par  proèce  l'ont  acquis,  y  est  plainnement  veus  et  cogneus,  car 
de  l'oublyer  ou  esconser  ce  seroit  péchiés  et  cose  mal  apertenans, 
car  esploit  d'armes  sont  si  chièrement  comparet  ît  achetet,  che 
scèvent  chil  qui  y  traveillent,  que  on  n'en  doit  nullement  mentir 
pour  complaire  à  autrui  et  tollir  le  glore  et  renommée  des  bien- 
faisans  et  donner  à  chiaus  qui  n'en  sont  mies  digne.  Or  ai-je 
mis  ou  premier  chief  de  mon  proïsme  que  je  voel  parler  et  tret- 
tier  de  grans  mervelles.Voirementse  poront  et  deveront  bien  tout 
chil  qui  ce  livre  liront  et  veront,  esmervillier  des  grans  aven- 
tures qu'il  y  trouveront,  car  je  croi  que  depuis  le  création  dou 
monde  et  que  on  se  commença  premièrement  à  armer,  on  ne 
trouveroit  en  nulle  hystore  tant  de  merveilles,  ne  de  grans  fais 
d'armes  selonch  se  quantité  comme  il  sont  avenu  par  les  guerres 


8  FROLOGUE. 

âessHfl  dittes  tant  par  terre  cooi  par  mer  et  éoid  je  Yem  ferai 
ensieTant  mention.  Mais  «nçois  que  j'en  0(»xmieiic6  à  parler,  je 
T0el  img  petit  tenir  et  démener  le  pourpos  de  proèce,  car  c'est 
nae  si  noble  Tert«  et  de  si  .grant  recommendation  que  on  ne  le 
doit  mies  passer  trop  briefment,  car  elle  est  mère  matéride  et 
lumière  des  gentils  àommes,  et  sicom  la  tasoe  ne  poet  ardoir 
sans  feu,  ne  poet  li  gentils  hom"  :^Ir  à  parfaite  honneur,  ne 
à  le  glore  dou  monde  sans  proèce.  Or  doient  dont  tout  jone 
gentil  home  qui  se  voellent  avancier,  avoir  ardant  désir  d'ac- 
quérir le  fait  et  [le  renommée  de  proèce,  par  quoi  il  soient  mis 
et  compté  ou  nombre  des  preus,  et  regarder  et  considérer  com- 
ment leur  prédicesseur  dont  il  tiennent  les  hyretages  et  portent 
espoir  les  armes,  sont  honnouré  et  recommendé  par  leurs  biens 
fais.  Je  suis  seurs  que  se  il  regardent  et  lisent  en  ce  livre,  que 
il  trouveront  otant  de  grans  fais  et  de  belles  apertises  d*armes, 
de  durs  rencontres,  de  fors  assaus,  de  fières  batailles  et  de  tous 
autres  maniemens  d*armes  qui  se  descendent  des  membres  de 
proèce,  que  en  nulle  hjstore  dont  on  puist  parler,  tant  soit 
anchjenne,  ne  nouvelle,  et  ce  sera  à  yaus  matère  et  exemples 
de  jaus  encoragier  en  bien  faisant,  car  la  mémore  des  bons  et 
li  recors  des  preus  atisent  et  enûament  par  raison  les  coers  des 
Jones  bacelers  qui  tirent  et  tendent  à  toute  perfection  d'onneur 
de  quoi  proèce  est  li  principaus  chiés  et  li  certains  ressers.  Si 
ne  voel-je  mies  que  nuls  bacelers  soit  excusés  de  non  li  armer 
et  sievir  les  armes  par  défaute  de  mise  et  de  chavance  se  il  a 
corps  et  membres  ables  et  propisses  à  ce  faire  ;  mes  voel  qu'il 
les  aherde  de  bon  corage  et  prende  de  grant  volenté.  Il  trou- 
vera tantost  des  haus  signeurs  et  nobles  qui  Tensonnieront  se  il  le 
vaut  et  le  aideront  et  avanceront  se  il  le  dessert  et  le  pourve- 
ront  selonch  son  bien  fait.  Ossi  en  armes  aviennent  tant  de 
grans  merveilles  et  de  belles  aventures,  que  on  n'oseroit,  ne 
poroit  penser,  ne  imaginer  les  fortunes  qui  s'i  boutent ,  sicom 
vous  verés  et  trouvères  en  ce  livre  se  vous  le  lisiés  comment 
pluiseur  chevalier  et  escuier  se  sont  fait  et  avanciet  plus  par 
leur  proèce  que  par  leur  linage.  Li  noms  de  preu  est  si  haus  et 


PROLOGUE.  9 

si  itoUes  et  la  yertu  «i  clère  et  si  belle  que  elle  resplendist  en 
ces  sides  et  en  ces  places  où  il  a  assemblée  et  foison  de  grans 
signeors  et  se  remonstre  dessus  tous  les  autres,  et  Tensengn-on 
au  doi  et  dist-on  :  c  Velà  cesti  qui  mist  ceste  œvaucie  ou  ceste 
c  armée  sus  et  qui  ordonna  ceste  bataille  si  faiticement  et  le 
c  gouvenia  si  sagement  et  qui  jousta  de  ûer  de  glave  si  radement 
c  et  qui  tresperca  les  conrois  de  ses  ennemis  par  II  ou  par  III 
c  fois  et  qui  se  combati  si  vassaument  ou  qui  entreprist  ceste 
c  besongne  si  hardiement  et  qui  fu  trouvés  entre  les  mors  et  les 
c  bleciés  navrés  moult  durement  et  ne  daigna  onques  fuir  en 
€  place  où  il  se  trouvast.  »  De  tels  grainsL  et  de  tels  semences  sont 
servi  et  alosé  li  vaillant  homme  et  11  preu  par  leur  vaillance. 
Encores  avant  on  voit  le  preu  baceler  seoir  à  haute  honneur 
à  table  de  roj,  de  prince,  de  duch  et  de  conte,  là  où  plus  nobles 
de  sanch  et  plus  rices  d'avoir  n'est  mies  assis,  car  sicom  li  IIII 
éwangeliste  et  li  XII  apostele  sont  plus  procain  de  Nostre 
Signeur  que  ne  soient  li  autre,  sont  li  preu  plus  priés  d'onneur 
et  plus  honnouré  que  li  aultre,  et  c'est  bien  raisons  ;  car  il 
acquèrent  et  eonquèrent  le  nom  de  proèce  en  grant  painne,  en 
sueur,  en  labeur,  en  seing,  en  villier,  en  travillier  jour  et  nuit 
sans  séjour;  et  quant  leurs  biens  fais  est  veus  et  cogneus,  il  est 
ramenteus  et  renommés  sicom  dessus  est  dit,  et  escrips  et 
registres  en  livres  et  en  cronikes.  Car  par  les  escriptures  troeve- 
on  le  mémore  des  bons  et  des  vaiUans  hommes  de  jadis  sicom 
les  IX  preus  qui  passèrent  route  par  leur  proèce,  les  XII  che- 
valiers compagnons  qui  gardèrent  le  pas  contre  Salehadin  et 
se  poissance,  les  XII  pers  de  France  qui  demorèrent  en  Rain- 
cevaus  et  qui  si  vaillamment  s'i  vendirent  et  combatirent,  et 
ensi  de  tous  les  autres  que  je  ne  puis  mies  tous  nommer,  ne 
déterminer  leurs  biens  fais,  ne  ramentevoir,  car  trop  poroie  ma 
principal  matère  empéechier.  Ensi  se  diffère  et  dissimule  li 
mondes  en  pluisieurs  manières.  Li  vaillant  homme  traveillent 
leurs  membres  en  armes  pour  avancier  leurs  corps  et  acroistre 
leur  honneur.  Li  peuples  parolle,  recorde  et  devise  de  leurs  estas 
et  de  leurs  fortunes.  Li  aucun  clerch  escrisent  et  registrent  leurs 


iO  PROLOGUE. 

avenues  et  baceleries.  Or  ay-je  eu  plusieurs  fois  imagination  sus 
lestât  de  proèce  et  penset  comment  et  où  elle  a  régnet  et  tenu 
signourie  et  domination  et  salli  d'un  pays  en  aultre.  Sus  ses 
ordenances  meismement  en  ay-je  oy  parler  et  deviser  en  ma 
jonèce  aucuns  vaillans  hommes  et  bons  chevaliers  qui  otant 
bien  s'en  esmervilloient  adont  comme  je  fai  maintenant.  Si  vous 
en  voel  déclarer  aucune  cose.  Vérité  est  selonch  les  anciennes 
escriptures  que  apriès  le  déluvre  et  que  Noés  et  se  génération 
eurent  repeuplé  le  monde  et  que  on  se  commença  à  armer  et 
à  courir  et  à  pillier  Tun  sus  Tautre,  proèce  régna  premièrement 
ou  royaume  de  Caldée  par  le  fait  dou  roy  Ninus  qui  flst  fonder, 
et  édefyer  la  grant  cité  de  Ninivée  qui  contendit  III  journées 
de  lonc,  et  ossi  par  la  royne  Sémiramis  sa  femme  qui  fu  dame 
de  grant  valeur.  Apriès  proèce  se  remua  et  vint  régner  en  Judée 
et  en  Jhérusalem  par  le  fait  de  Josué,  de  David  et  des  Mâcha- 
biens  ;  et  quant  elle  eut  là  régné  ung  temps,  elle  vint  demorer  et 
régner  ou  royaume  de  Perse  et  de  Mède  par  le  fait  de  Cyrus  le 
grant  roy,  par  Assérus  et  par  Xersès.  Après  revint  proèce  ré- 
gner en  Gresce  par  le  fait  de  Hercules,  de  Téseus,  de  Jason  et 
de  Acilles  et  des  aultres  preus  chevaliers  ;  apriès  en  Troies  par  le 
roi  Priant,  par  Hector  et  par  ses  frères  ;  apriès  en  le  cité  de 
Romme  et  entre  les  Rommg<ins  par  les  sénateurs  et  concilies, 
tribons  et  centurions,  et  furent  cil  et  leurs  générations  en  tel 
puissance  environ  V  ans  et  firent  priesque  tout  le  monde 
rendre  trébus  à  yaus  jusques  au  tamps  Julius  César  qui  fu  li 
premiers  emperères  de  Romme  et  de  qui  tout  li  aultre  sont  des- 
cendu et  venu.  Apriès  se  tanèrent  li  Rommain  de  proèce,  et 
s'en  vint  demorer  et  régner  en  France  par  le  fait  premièrement 
dou  roy  Pépin  et  dou  roy  Charle  son  fil  qui  fu  rois  de  France 
et  d' Alemagne  et  emperères  de  Rome  et  par  les  autres  nobles  rois 
ensievant.  Apriès  a  régné  proèce  ung  grant  tamps  en  Engle- 
terre  par  le  fait  dou  roy  Édouwart  et  dou  prince  de  Galles  son 
fil,  car  de  leur  règne  li  chevalier  englès  et  li  aultre  qui  avoech 
yaus  se  sont  mis  et  acordé,  ont  fait  otant  de  belles  apertises 
d'aimes  et  de  grans  bacheleries  et  de  hardies  emprises  que  nul 


PROLOGUE.  11 

chevalier  pueent  faire  sicom  il  vous  sera  déclaré  avant  en 
ce  livre.  Or  ne  sai-je  mies  se  proèce  voet  encores  cheminer 
oultre  Engleterre  ou  reculer  le  chemin  que  elle  a  fait,  car  si- 
com chi  dessus  est  dit,  elle  a  cerchiet  et  environné  ces  royaumes 
et  ces  pays  dessus  nommés  et  régné  et  conversé  entre  les  habi- 
tans  une  fois  plus  et  Tautre  mains,  à  se  ordenance  en  soit,  mais 
j'en  ay  ung  petit  touchiet  pour  les  mervilleusetés  dou  monde. 
Si  m'en  tairai  à  tant  et  me  retrairai  à  le  matère  dont  j'ai  fait 
men  commenchement  et  déclarrai  assés  tost  par  quel  manière 
et  condition  la  guerre  s'esmut  premièrement  entre  les  Englès 
et  les  François,  et  pour  che  que  où  temps  à  venir  on  puist  savoir 
qui  a  mis  ceste  hystore  sus  et  qui  en  a  esté  actères,  je  me  voel 
nommer  :  on  m'appelle  qui  tant  me  voet  honnerer  :  sire  Jehan 
Froissart,  net  de  le  conté  de  Haynau  et  de  la  bonne,  belle  et 
friche  ville  de  Valenchiennes. 

Qitatr.  réd.  —  Afin  que  les  grans  mcrvelles  et  li  biau  fait 
d'armes,  liquel  sont  avenu  par  les  guerres  de  France  et  d'Engle- 
terre,  et  des  roiaulmes  voisins  conjoints  et  allés  avoecques  euls, 
dont  li  roi  sont  cause,  soient  notablement  registre,  et  ou  temps 
présent  et  à  venir,  veu  et  congneu,  je  Jehans  Froissars,  trésoriers 
et  channones  de  Chimay,  me  voel  ensonnyer  de  les  mettre  en 
prose  et  ordonner  selonch  la  vraie  information  que  je  ay  eu  des 
vaillans  hommes ,  chevaliers  et  esquiers ,  qui  les  dittes  armes 
ont  aidiet  à  acroistre,  et  ausi  par  auquns  rois  d'armes  nommés 
hiraus  et  lors  marescaux  qui  par  droit  sont  et  doient  estre  juste 
inquisiteur  et  raporteur  de  tels  besongnes.  Et  devés  savoir  que 
je  ai  ce  livre  cronisiet  et  historyet,  ditté  et  ordonné  apriès  et  sus 
la  relation  faite  des  desus  dis,  à  mon  loial  pooir,  sans  faire  fait, 
ne  porter  partie,  ne  coulourer  non  plus  l'un  que  l'autre.  Et 
seront,  dedens  ce  livre,  li  bien  fait  ramenteus  de  ceuls  qui  l'ont 
déservi,  de  quel  païs  et  nation  que  il  soient,  car  esploit  d'armes 
sont  si  chièrement  comparet  et  achatet,  ce  sèvent  chil  qui  i 
travellent,  que  nullement  on  n'en  doit  mentir.  Or  ai  ce  proposé, 
en^si  que  je  voel  parler  et  tretier  de  grands  mervelles.  Voire- 


12  PROLOGUE. 

ment  se  poront  et  deyeront  ceols  et  celles  qui  che  livre  liront, 
oront  et  veront,  esmervillier  des  grandes  aventures  que  il  i 
trouveront,  car  je  suppose  que,  depuis  la  création  dou  monde, 
et  que  premièrement  on  se  commença  à  armer,  on  ne  trouveroit 
en  nulle  histoire,  tant  de  mervelles,  ne  de  grans  fais  d'armes 
comme  il  sont  avenu  ens  ou  temps  et  termes  des  guerres  desus 
dittes,  tant  par  terre  que  par  mer,  et  desquelles  je  vous  ferai 
recort  et  mention.  Mais  avant  que  j'en  traicte,  ne  commence  à 
parler,  je  voel  un  petit  tenir  et  démener  le  pourpos  et  estât  de 
proèce  pour  exempljer  les  bons  et  ceuls  qui  désirent  à  estre  de 
son  aliance. 

Premièrement,  tout  homme  qui  demande  à  estre  preus,  doit 
considérer  Testât  et  regarder  à  la  vie  des  ancjens  et  de  ceuls 
qui  ont  vesqu,  comment,  ne  par  quel  incidense  il  i  sont  venu, 
desquels,  espoir,  il  portent  les  armes  et  tiennent  les  hiretages. 
Le  nom  de  preu  renlumine  les  coers  precheus  et  resplendist  en 
les  salles  et  en  les  palajs,  on  Tensengne  au  doi,  on  recorde  «on 
bien  fait,  on  li  donne  glore  en  ce  monde.  Proèche  ne  voelt  point 
séjourner  à  Tostel,  mais  errer  et  travillier  et  querre  partout  et 
ens  es  pais  prochains  et  lontains  les  armes  et  les  aventures.  Or 
sont  auquns  bacelers  qui  s'escusent  et  dient  :  •  Je  travilleroie 
c  volontiers  et  querroie  les  armes,  mais  que  je  euisse  bien  de 
€  quoi.  •  Au  voir  dire,  la  cavance  ayde  assés,  tant  que  pour 
aler  et  venir  par  le  monde,  mais  proèce  ne  voelt  point  que  nuls 
povres  bacelers  de  bonne  volonté  s'escuse  de  non  quérir  les 
armes  par  défaute  de  mise;  car,  se  il  le  vault,  il  trouvera  qui 
Taidera,  se  il  le  désert,  qui  l'avancera  et  paiera  selonch  son 
bien  fait,  car  tousjours  viennent  li  bon  à  meureté  et  congnis- 
sance,  et  on  Ta  veu  avenir  en  trop  de  lieus  que  moult  de  povres 
bacelers  se  sont  fait  et  honnouré  par  lor  bien  fait  et  traviel.  Et 
encores  en  celle  histore  présent,  se  vous  le  lissiés  ou  oés  lire  de 
commencement  jusque  en  conclusion,  vous  i  verés  et  trouvères 
les  noms  de  pluisseurs  vaillans  hommes  qui  doient  bien  estre 
escript  ens  ou  nombre  des  preus.  Je  ne  les  ai  que  faire  de 
nommer  présentement,  car  il  se  nommeront,  ensi  que  il  ont  eu 


PROLOGUE.  13 

leurs  cours  et  lors  saisons,  tant  d'un  roiaulme  comme  de  Tautre. 
Or  se  débrise  et  disfère  li  mondes  en  pluisseurs  maniàres.  Pre* 
mièrement  li  vaillans  hommes  tra^ellent  lors  corps  en  armes 
pour  conquérir  la  glore  et  renommée  de  che  monde.  Li  peuples 
parole,  recorde  et  devise  de  lors  estas.  Auquns  clers  escripsfflit 
et  registrent  lors  œuvres  et  baceleries,  par  quoi  elles  soient 
misses  et  couchies  en  mémores  perpétuelles,  car  par  les  esorip- 
tures  puet-on  avoir  la  congnissance  de  toutes  coses  et  sont 
registre  li  bien  et  li  mal,  les  prospérités  et  les  fortunes  des 
anoyens. 

Or  ai  eu  pluisseurs  fois  grant  imagination  sus  Testât  et  afaim 
de  proèce,  et  penset  et  imaginet  comment  et  où  elle  a  tenu  ses 
termes  et  venu  d'un  roiaulme  en  Faultre,  et  aussi  en  ma  jonèche 
j'en  ai  moult  oj  parler  auquns  vaillans  hommes  liquel  s'en 
esmervilloient  ensi  que  je,  et  pour  venir  à  la  vérité  et  apaisier 
ma  imagination,  je  ai  leu  tant  ens  es  livres  anoyens  que  je  en 
cuide  savoir  auqune  cose,  et  selonch  mon  avis,  je  en  ferai 
auqune  détermination.  Vérité  est  selonch  les  anchyennes  escrip» 
tures  que  apriès  le  déluge  et  que  Noé  et  sa  génération  eurent 
repeuplé  le  monde  et  que  on  se  commença  à  armer  et  à  prendre 
par  le  fait  de  guerre  l'un  sus  l'autre,  proèche  resgna  première- 
ment ou  roiaulme  de  Caldée  par  le  fait  dou  roi  Ninus  qui  fist 
fonder  et  édéfyer  la  grande  chité  de  Ninive,  qui  contenoit  trois 
journées  de  lonch,  et  aussi  par  la  roine  Semeramis,  sa  femme, 
qui  fu  dame  de  grant  valeur.  Après,  proèce  se  remua  et  vint 
resgner  en  Judée  et  «Thérusalem  par  le  fait  de  Josué,  de  David 
et  des  Macabyens.  Apriès,  elle  vint  resgner  ens  ou  roiaulme  de 
Perse  et  de  Mède,  par  le  fait  de  Cirus,  le  grant  roi,  par  Assérus 
et  Xersès.  Apriès,  vint  proèce  resgner  en  Gresce,  par  le  fait  de 
Herqules,  de  Téseus,  de  Jasson  et  de  Acilles  et  des  aultres  preus 
chevaliers;  apriès,  en  Troies  le  grant,  par  le  roi  Priant,  par 
Hector  et  par  ses  frères  ;  apriès,  en  la  chité  de  Rome,  par  les 
nobles  signatours  et  centurions,  et  par  le  grant  Julie  Cessar. 
Apriès,  elle  vint  demorer  en  France  par  le  fait  du  grant  Carle- 
manne  qui  fut  rois  de  France  et  d'Alemagneet  empereur  de 


14  FAIBLESSE   d'ÉDOUARD   II. 

Rome.  Apriès  a  régné  proèce  un  temps  en  Engleterre  par  le 
fait  du  roi  Edouwart  et  de  la  bonne  roine  Phellppe  de  Hainnau, 
sa  femme,  et  par  lors  enfans  et  par  les  vaillans  hommes  de  celi 
roiaulme,  ensi  que  vous  verés  et  trouvères,  se  tout  le  llssiés  en 
ceste  histore.  Or  ne  sçai  pas  se  elle  voelt  encores  aler  plus  avant 
ou  retourner,  mais  elle  est  de  si  noble  et  poissant  condition,  que 
là  où  elle  trueve  les  hommes  qui  l'aiment  et  la  servent,  elle 
s'encline  et  se  tient  et  demoure  avoecques  euls,  car  proèce  n'a 
cure  des  couwars  ^  des  preceurs,  mais  les  fuit  et  esquiève,  et 
elle  a  droit.  Homs  qui  voelt  venir  à  vaillance  par  proèce,  consi- 
dère comment  on  asciet  à  table  dou  roi,  de  duch  et  de  conte,  le 
preu,  et  on  met  arrière  le  couwart  preceus,  jà  soit-il  de  plus 
hault  linage.  Et  pour  ce  que  ceste  histore  cronisie  est  toute 
remplie  de  fais  d'armes  et  des  membres  qui  en  descendent,  je  ai 
un  petit  tenu  le  degré  de  proèce,  à  la  fin  que  tous  bacelers  qui 
aimment  les  armes,  s'i  puissent  exemplyer.  Or  s'ensieut-il ,  et 
raison  le  voelt,  que  je  remonstre  et  esclaircisse  la  cause  pour 
quoi  premièrement  la  guerre  s'esmut  entre  France  et  Engle- 
terre, selonch  ce  que  j'en  fus  enfourmés,  car  casqune  des 
parties  dist  que  sa  querelle  est  bonne,  otretant  bien  le  défen- 
dant comme  le  demandant. 


*  Certainne  cose  est  que  11  oppinions  communelment  du 
Englës  est  telle,  et  jàpar  expériense  Ta-on  veu  avenir  en 
Engleterre  *  puis  le  tamps  le  vaillant  roy  Edouwart  qui  fu 
tayon  à  celui  Edouwart  dont  je  ferai  enssuiwant  mention  et 
sour  qui  ceste  histoire  est  commenchie,  ^  que  apriës  ung 
vaillant  roy  on  a  veu  régner  ung  mains  vaillant  *,  Et  encoires 

'-*  Premièrement  pour  mieuls  entrer  en  la  matière  de  Thonnou- 
rable  et  plaisante  histoire  du  noble  roy  Édouart  d'Engleterre  qui  fut 
couronné  à  Londres  Tan  de  grâce  mil  CCÇXXVI  le  jour  de  Noël  au 
vivant  du  roy  son  père  et  de  la  roy  ne  sa  mère.  —  ■■'  Puis  le  temps  du 
gentil  roy  Artus.  —  •-*  Que  entre  deux  vaillans  roys  d'Engleteire  a 
tondis  en  ung  moins  souffîsant  de  sens  et  de  prouèce. 


FAIBLESSE   d'ÉDOUARD    U.  15 

s'apparu  bien  *  par  chil  bon  roy  Édouwart  qui  tant  eult  à 
faire  as  Danois  et  as  Escos  et  qui  les  desconfl  par  pluiseurs 
fois  en  bataille*. Ses flis,  li,seconds  Édouwars^ne  fut  mie  si 
vaillans,  ne  si  renommés,  ne  plains  de  si  grant  prudense, 
que  li  roys  ses  pères  avoit  estet^,  et  gouverna  son  royaumme^ 
nichement  et  simplement®  par  mauvais  consseil,  dont  depuis 
il  l'en  mescey  moult  laidement  ;  car  assés  tost  apriès  ce 
qu'il  fu  couronnés,  li  rois  Robers  de  Brus,  qui  estoit  rois 
d'Escoce  et  ^  qui  tant  avoit  guerryet  au  roy  Édouwart  le 
père  à  celui  dont  je  parle  *,  reconquit  touttes  les  villes  et  les 
castiaux  en  Escoche  qui  avoient  estet  conquis  et  la  bonne 
cité  de  Bervich,  et  gasi»  et  essrlla  grant  partie  dou  royaumme 
d'Engleterre  bien  IIII  journées  ou  V  dedens  le  pays  et  des- 
confit ce  roy  Édouwart  *  par  bataille  '°  en  Escoce  devant  ung 
castel  que  on  appelle  Struvelin,  et  là  fu  morte  et  prise 
toute  le  fleur  de  le  chevalerie  d'Engleterre  "  et  dura  la  cace 
et  la  desconflture  par  deux  jours  et  moult  avant  ou 
royaumme  d'Engleterre  ^*,  et  vint  à  Londres  ;  si  fu  moult 
diffammés  et  *^  déparlés  "  de  ses  gens  meismes  de  cette 
aventure,  et  disoit-on  que  par  se  noncallieuseté  et  le  mau- 
vais consseil  qu'il  créoit,  il  avoit  recheut  ce  donmaaige. 


*'*  Voira  est  que  son  tayon  qa*on  appela  Irbon  roy  Edonart,  fut 
moult  vaillant  homme,  sage  et  hardi ,  très-entreprenant  et  bien  for- 
tune en  tout  fait  de  guerre  et  ot  moult  à  faire  contre  les  Escos  et 
les  conquist  trois  fois  ou  quatre,  et  ne  porent  oncques  les  Escos 
avoir  victoire,  ne  durée  contre  lui.  —  ^^  Point  ne  le  ressembla  de 
sens,  ne  de  prouèce.  —  ^*  Moult  sauvagement.  —  ''^  Qui  avoit  tant 
et  si  souvent  donné  à  faire  au  bon  roy  Edouart  dessus  dit  que  on 
tenoit  pour  moult  preux,  chevauça  tantost  efforciement  sur  lui.  — 
•■«•  Par  bataille  rengiée  et  ordonnée,...  par  bataille  rengie  et  arres- 
tée.  —  *^"  Et  s'en  refuy  en  Engleterre  atout  ce  qu'il  avoit  de  gens... 
à  moult  pou  de  ses  gens.  —  "***  Dépubliés. 


16  FÀIBLBSaE  d'ÉDOUàRB  II. 

Q^atr.  réd.  —  Premièrement,  pour  mieuls  entrer  en  la  matère 
et  pour  recorder  au  lonch  ensi  que  les  ordenances  se  sont  por- 
tées, vous  devés  sçavoir  que,  apriès  Tapaisement  des  guerres  de 
Flandres  '  qui  furent  moult  grandes  et  dont  la  bataille  de  Cour- 
trai  descendi,  où  tant  de  vaiUans  hommes  et  de  nobles  dou 
roiaulme  de  France,  furent  mors  et  ochis  par  Torguel  d'un 
conte  d'Artois,  qui  s'appeloit  Robers,  et  que  li  bians  rois 
Phelippes  de  France  eut  mariée  sa  fille  Isabiel  au  roi  Édou- 
wart  d'Engleterre,  liquels  rois  desus  dis  ne  fu  pas  de  si  grant 
sens,  ne  de  tel  proèee  comme  avoit  esté  li  bons  rois  Édouwars, 
ses  pères,  qui  tant  ot  à  faire  et  de  batailles  as  Danois  et  as 
Escos,  et  toutes  achieva  à  Tonnour  de  li  et  au  proufit  de  son 
roiaulme,  et  pour  ce  que  ses  fils  nozomés  Édouwairs  n'eut 
point  celle  grasce,  ne  bonne  aventure  d'armes,  car  tous  ne  sont 
pas,  ne  ne  puent  estre  aourné  de  bonnes  vertus,  escei-il  en 
haine  et  indignation  de  son  peuple,  mais  on  ne  li  remonstra 
pas  ses  folies  sicrètes ,  avant  ot-il  fait  moult  de  grans  mauls 
et  de  crueuses  justices  des  nobles  de  son  roiaulme.  Englès 
sueffrent  bien  un  temps,  mais  en  la  fin  il  paient  si  crueuse- 
ment  que  on  s'i  puet  bien  exempljer,  ne  on  ne  puet  juer  à 
euls,  et  se  liève  et  couce  uns  sires  en  trop  grant  péril,  qui 
les  gouverne,  car- jà  ne  l'ameront,  ne  honoreront,  se  il  n'est 
victoriens  et  se  il  n'aime  les  armes  et  la  guerre  à  ses  voisins  et 
par  espécial  à  plus  fors  et  à  plus  riches  que  il  ne  soient,  et 
ont  celle  condition ,  et  tiennent  celle  opinion  et  ont  tous  jours 
tenu  et  tenront  tant  que  Engleterre  sera  terre  habitable,  et 
dient  généraulment,  et  ce  ont-il  veu  par  expériense  par  trop 
de  fois,  que,  apriès  un  bon  roi ,  il  en  ont  un  qui  n'est  de  nulle 
vaillance,  et  le  tiennent  à  endormi  et  à  pesant,  quant  il  ne 
voelt  ensievir  les  oeuvres  de  son  père  ou  de  son  prédécesseur, 
bon  roy  qui  a  régné  endevant  de  li.  Et  est  lor  terre  plus 
plainne  de  ricoisses  et  de  tous  biens,  quant  il  ont  la  guerre 
que  en  temps  de  paix ,  et  en  cela  sont-il  né  et  obstiné ,  ne  note 
ne  les  poroit  faire  entendant  le  contraire* 

Englès  sont  de  merveilleuses  conditions,  chaut  et  boullant, 


FAIBLESSE   D*Âl>OUA&D   U.  47 

to8  esmeu  en  ire,  tart  apaisié,  ne  amodé  en  dootour^  et  se 
délittent  et  se  confortent  en  batailles  et  en  ooisions.  Convoiteus 
et  envieus  sont  trop  grandement  sus  le  bien  d'autroi ,  et  ne  se 
puent  coqjoindre  parfaitement,  ne  naturelment,  en  Tamour, 
ne  alliance  de  nation  estrange,  et  sont  couvert  et  orguilleus, 
et  par  espécial  desous  le  soleil  ne  i  a-il  plus  périlleus  peuple, 
tant  que  de  hommes  mestis,  comme  il  sont  en  Engleterre;  et 
trop  fort  se  différent  en  Engleterre  les  natures  et  conditions 
des  nobles  aux  hommes  mestis  et  vilains,  car  li  gentilhomme 
sont  de  noble  et  loial  condition,  et  li  communs  peuples  est  de 
fêle,  périlleuse,  orgueilleuse  et  desloiale  condition,  et  là  où  li 
peuples  vodroit  moustrer  sa  félonie  et  poissance,  li  noble  n'au- 
poient  point  de  durée  à  euls.  Or  sont-il  et  ont  esté  un  lonch 
temps  moult  bien  d'acort  ensamble ,  car  li  nobles  ne  demande 
au  peuple  que  toute  raison  ;  aussi  on  ne  li  souflerroit  point  que 
il  presist  sans  payer  un  œuf,  ne  une  poulie.  Li  homme  de  mes- 
tier  et  li  laboureur,  parmi  Engleterre,  vivent  de  ce  que  il  sèvent 
faire ,  et  li  gentilhomme ,  de  lors  i*entes  et  revenus ,  et ,  se  li 
rois  les  ensonnie,  il  sont  payet,  non  que  li  rois  puist  taillier 
son  peuple  :  non,  ne  li  peuples  ne  le  vodroit,  ne  poroit  souf- 
frir. Il  y  a  certainnes  ordenances  et  pactions  assisses  sus  le 
staple  des  lainnes,  et  de  ce  est  li  rois  aidiés  au-dessus  de  ses 
rentes  et  revenues,  et  quant  il  fait  guerre,  cette  paction  on  li 
double.  Engleterre  est  la  terre  dou  monde  le  mieuls  gardée. 
Aultrement  il  ne  poroient ,  ne  sauroient  vivre ,  et  convient  bien 
que  uns  rois  qui  est  lors  sires,  se  ordonne  apriès  euls  et  s'incline 
à  moult  de  lors  volontés,  et  se  il  fait  le  contraire  et  mauls  en 
viengne,  mal  l'en  prendera,  ensi  que  il  fist  à  ce  roi  Edouwart, 
dont  je  parloie  maintenant,  liquels  fu  fils  au  bon  roi  Edouwart, 
qui  tant  fu  de  proèce  plains  que  il  desconfi  par  pluisseurs  fois 
en  bataille  les  Escocois  et  conquist  sus  euls  la  chité  de  Bervich 
et  la  frontière  d'Escoce  jusques  en  la  chité  d'Abredane;  et  prist 
et  tint  Haindebourch  et  le  fort  chastiel  de  Struvelin,  et  quant 
chils  bons  rois  Édouwars  fu  trespassés,  ses  fils  nommés  aussi 
Edouwars  fu  rois,  mais  il  n'ensievi  pas,  ne  en  riens,  la  vail- 

I.  —  FROISSART.  2 


18  MARIAGE 

lance  dou  roi  son  père.  Car  assés  tos  apriès  cq  que  U  fjx  cou- 
ronnés, li  rois  d'Ëscoce  qui  se  nomma  Robert  de  Bru9,  de^jJli 
ce  roi  Ëdouwart,  et  cevauça  tangos  esforciement  sur  lui  et 
reconquist  toute  Escoce,  celle  que  li  bons  rois  Édouwars  avoit 
conquis,  et  reprist  la  chité  de  Bervich  et  passa  la  rivière  de 
Taie,  et  entra  ens  ou  pais  de  Norhombrelande  et  ardi  et  essilla 
moult  dou  roiaulme  d'Engleterre  jusques  à  la  rivière  dou 
Thjne,  et  vinrent  li  dit  Escoçois  mettre  le  siège  devant  le 
chastiel  de  Struvelin.  Adont  s'esmurent  chils  rois  Édouwara, 
fils  au  bon  roi  Édouwart,  et  toute  la  chevalerie  d^Engleterre 
pour  lever  ce  siège,  et  là  les  atendirent  li  rois  Robers  de  Brus 
et  ses  gens,  et  j  ot  une  bataille  arrestée  très-grande,  et  là 
furent  desconû  les  Englois  et  mis  en  cace,  et  en  i  ot  biaucop 
de  mors  et  de  pris,  et  dura  ceste  cace  des  Escoçois  sur  les  Englès 
jusques  oultre  la  rivière  dou  Hombre,  et  se  sauva  à  grant  painne 
li  rois  Édouwars,  et  ne  fu  onques  à  ségures  en  chité,  ne  en  ville, 
ne  chastiel  que  il  eust  sus  tout  son  cemin,  si  se  trouva  en  la 
chité  de  Londres,  et  quant  il  veit  et  congneut  la  vaillance  de  ce 
roi  Robert  de  Brus,  il  fist  paction  et  acordance  à  lui,  et  demo- 
rèrent  li  doi  roiaulme  d'Engleterre  et  d'Escoce  en  trieuves,  ung 
grant  tempore.  

Chils  roys  Édouwars  qui  fu  pères  à  ce  gentil  roy  Édou- 
wart *,  avoit  II  frères  de  remariaige  desquels  li  ungs 
estoit  appelles  li  contes  Marescaus  et  estoit  de  moult  sau- 
vaige  et  diverse  maniiière.  Li  autres  avoit  nom  messire 
Ainmon  et  estoit  conte  de  Kent.  Chils  messires  Ainmons 
estoit  ^  moult  ^  doulz  et  débonnaires,  bien  amés  des  bonnes 
gens  d'Engleterre.  Chils  roys  Édouwars  estoit  mariés  à  le 
fille  dou  biau  roy  Phelippe  de  Franche  ^,  et  li  avoit  li  rois 

*-*  ChlLei  rois  englès  dont  je  parloie  maintenant,  qui  reçut  ce  grand 
dommage  en  Escosse..,  qui  rechut  ce  grand  blâme  et  dommage  devant 
Struvelin.  —  '-^  Sages,  preudons..,  vaillans  homs  et  preodons  et  cour- 
tois. —  ^  Qui  estoit  une  des  plus  belles  dames  du  monde. 


d'ÉDOUARI)   U    KT    d'iSABELLë   de   FRANCE.  49 

de  Franche  dcHinë  sa  fille  par  en^ie,  sicomme  on  disoit, 
pour  tant  que  li  comtes  Guis  de  Flandres  qui  rëgnoit  pour  le 
temps,  li  ayoit  volut  donner  sa  fille  sans  le  congiet  et  ordon- 
nance dou  roy  de  France,  et  il  ne  li  plaisoit  mies  que  il 
s'aliast  as  Englès.  Et  quant  chils  biaus  rois  Phelippes  sceut 
que  chils  mariages  se  devoit  faire,  il  manda  au  conte  de 
Flandres  qu'il  li  envoyast  veoir  sa  fille  qui  estoit  sa  fiUoeille. 
Li  jcontes  qui  nul  mal  n*y  penssoit,  li  envoya  tantos  et  sans 
dëlay.  Quant  li  roy  Phelippes  le  vit,  il  le  prist  et  le  fist 
emprisonner  par  tel  mannière  c'oncques  depuis  ne  rentra  en 
Flandres,  pour  laquelle  avenue  moult  de  batailles  furent  en 
Flandres  et  en  France  et  la  grosse  bataille  de  Courtrai  où 
il  eut  tant  de  vaillans  seigneurs  mors  et  desconfls,  et  ailleurs 
ossi.  Or  maria  chils  biaus  roys  Phelippes  sa  fille  Ysabel  au 
roy  d'Engleterre  et  li  donna  en  mariage  toutte  la  comté  de 
Pontieu  et  encoires  d'autres  revenus  ailleurs.  De  ce  roy 
d'Engleterre  et  de  celle  dame  yssirent  IIII  enfans  :  II  fils 
et  II  filles.  Le  fils  li  aisnés  ^  eut  nom  «  Édouwars,  qui  tant 
fu  vaillans  homs  et  sour  qui  ceste  histoire  est  commen- 
chie  »;  li  seconds  eut  nom  Jehans  de  Eltem  et  morut  jones; 
des  dames  li  une  eut  nom  Ysabelle  et  fu  royne  d'Escoce  et 
eut  à  mari  le  roy  David  d'Escoce ,  fils  du  roy  Robert  de 
Brus,  et  li  fu  donnée  en  mariage  *  par  pais  faisant,  *  par  l'a- 
sentement  et  acord  des  II  royaummes  d'Engleterre  et  d'Es- 
coce ^,  et  li  autre  eut  le  duch  de  Guérie  '  :  si  en  ot  deux  fils 

'-'  Est  le  gentil  et  le  preux  roi...  —  '  Et  fu  rois  d'Engleterre  par 
Tacoiide  tous  les  barons,  prëlas  et  communautés  d'Engleterre,  très  le 
vivant  le  roi  Édouwart  son  père.  —  ♦  En  jeunesse.  -—  **  Par  Tacoi-t 
des  hauts  barons  de  Tun  royaume  et  de  Taultre,  pour  venir  à  plus 
grande  aliance  d'amour. —  ^  L'autre  fiUe  fu  mariée  an  conte  Regnaut 
de  ûueli*es  qui  puis  fu  appelé  duc  de  Quelres  et  eut  de  ceste  dame  deux 
fils  Regnault  et  Edouart  qui  puis  régnèrent  en  moult  grant  puissance 
contre  leurs  ennemis. 


20  ORIGINE   DES   GUERRES 

et  deux  filles,  messire  Ernaut  et  messire  Édouwart  qui  tant 
fu  bons  chevaliers.  De  ses  deux  filles,  Tune  eut  li  contes 
de  Mons  et  *  l'autre  eult  depuis  li  comtes  Jehans  de  Blois 
comme  vous  orës  avant  en  l'istoire  *.  Et  que  on  l'entende, 
'  chils  contes  de  Mons...  fu  mariés et  puis  par  l'ordon- 
nance l'empereur  Loeys  de  Bavière,  contes  de  Jullers  et 
des  Mons  fut  enssuiwant  par  le  decollance  l'empe- 
reur d'Allemaigne  et  de  Rome  monseigneur  

de  Jullers*.  

Encoires  pour  mieux  esclairchir  ceste  grande  et  noble 
matère  et  ouvrir  le  déclaration  des  linaiges,  je  me  voeil 
ung  petit  ensonnyer  de  mettre  avant  dont  li  roys  Édouwars 
qui  asséga  Tournay,  yssi,  et  com  prochains  il  fu  de  la  cou- 
ronne de  France.  Il  descendi  de  par  la  fumelle  de  la  droite 
ordonnance  ;  car  li  biaux  roys  Phelippes  qui  fu  ses  tayons, 
eult  trois  fils  ®  et  une  fille  '.  Et  furent  tout  chil  troy  fil  moult 
biel  seigneur  et  grant  et  puissant  chevalier  de  membres  et 
de  façons.  Li  aimiés  eut  à  nom  Loeis  et  fu  à  son  vivant  roys 
de  Navarre  et  l'apella-on  le  roi  Hustin.  Li  seconds  nés  eut 
nom  Phelippes  li  Biaux,  et  li  tiers  eult  nom  Caries,  et 
furent  tout  troy  roy  de  France ,  apriès  le  mort  dou  roy 
Phelippe  leur  père,  par  droite  succession,  sans  avoir  hoir 
masle  de  leurs  corps  engendré  par  loyaul  mariaige,  si- 
ques  apriès  le  mort  dou  darrain  roy  Carie,  li  XII   per 

*'*  Li  aultre  fu  contesse  de  Blois,  mais  eUe  morut  sans  hoits.  — 
*•*  De  son  mariage  avoech  ceste  belle  fille  madame  Ysabel  qui  fut  royne 
d'Engleterre.  —  *^  Il  faut,  je  pense,  rétablir  ainsi  cette  phrase  : 
Chils  contes  de  Mons  qui  fu  mariés,  estoit  li  fils  dou  conte  GuiUaume 
qui  fu  conte  de  Jullers  et  des  Mons;  et  puis  par  Tordonnance 
l'empereur  Loeys  de  Bavière,  li  contes  de  Jullers  et  des  Mons  fut  créé 
marchis  et  fut  enssuirant  par  le  decollance  Fempereur  d'AUemagne 
et  de  Rome  monseigneur  Garlon  de  Luxembourg  fait  duc  de  Jullers. 


DE   FRAPiCE   ET    D*AI«iGLETERRE.  !2i 

et  li  baron  de  France  donnèrent  le  couronne  à  leur  avis  * 
et  ne  le  donnèrent  point  à  le  sereur  qui  estoit  roine 
d'Engleterre,  par  tant  qu'il  voloient  dire  et  maintenir,  et 
encoires  voellent,  que  li  royaumes  de  Franche  est  bien  si 
nobles  que  il  ne  doit  mie  *  aller  ^  à  fumelle,  ne  par  consé- 
quence à  fil  de  fumelle  de  par  sa  mère,  venant  là  où  sa 
mère  n'a,  ne  peut  avoir  point  de  droit,  siques  par  ces  rai- 
sons li  XII  per  et  li  baron  de  France  donnèrent  de  leur 
certain  accord  le  royaume,  Tiretaige  et  le  couronnne  dou 
royaume  de  France  absoluement  en  plain  palais  à  Paris  à 
monsigneur  Phelippe  de  Vallois ,  fils  jadis  à  monsigneur 
Carie  de  Vallois,  frère  germain  à  ce  biau  roy  Phelippe,  et 
hostèrent  la  royne  d'Engleterre  et  son  fil  qui  estoit  hoirs 
raasles  et  estoit  fils  de  la  sereur  le  darrain  royCarlon  *. 
Ensi  alla  li  dis  royaummes  hors  de  la  droite  ligne,  che 
samble-il  à  moult  de  gens,  '^de  quoy  grant  guerres  en  sont 
nëes  et  venues  et  grans  destructions  de  gens  et  de  pays* 
ou  royaume  de  France  et  ailleurs,  sicomme  vous  pores  oyr 
chy  apriès.  Car  c'est  la  vraie  fondation  de  ceste  histoire, 
pour  raconter  les  grandes  entreprinses  et  les  grans  fès 
d'armes  qui  avenu  en  sont,  car  puis  le  tamps  le  bon  roy 
Carlemainne  qui  fu  emperères  d'AUemaigne  et  roys  de 
Franche,  n'avinrent  si  grans  aventures  de  guerres  ou 
royaumme  de  France  que  elles  sont  avenues  par  ce  fait-chy, 
ensi  comme  vous  ores  en  ce  livre,  mes  que  je  aye  temps  et 
loisir  dou  faire  et  vous  dou  lire.  Or  voeil  retraire  à  le  droite 
matère  commencie  et  taire  de  ceste,  tant  que  temps  et  lieu 
venront  que  j'en  deveray  parler. 


'  Par  élection  et  rieule  natnrel  et  droitiirier  que  il  ont  en  France  et 
de  laquelle  ordonnance  ancjennement  on  avoit  Ten  user.  —  *'  Aler, 
ne  descendre  à  fumelle.  —  ^  Et  11  rois  Pl^elipes  n^estoit  que  cousins 
germains.  —  *-*  Cest  li  point  par  quoy  les  guerres,  les  pestilences 
et  les  tribulations  sont  depuis  encourûtes  et  eslevëes  et  li  grant  mes- 
chief  avenu  par  le  cause  dou  calenge  et  de  la  deffense. 


2!2  INFLUENCE 

Op  dist  li  contes  que  cbils  roys  d'Engleterre,  pères  à  cel 
gentil  roy  Édouwart  sour  qui  nostre   matère  est  fondée, 
gouverna  moult  diversement  son  royaume  et  flst  moult  de 
diverses  merveilles  en  son  pays  par  le  conseil  et  l'enort 
de  monsigneur  Huon  le  Espensier  qui  avoit  estet  nouris 
avecq  lui  d'enfance,  et  avoit  tant  fait  chils  messiresHues 
que  il  et  messires  Hues  ses  pères  estoient  li  plus  grand 
baron  d'Engleterre  en  tant  de  mise  que  de  richesses,   et 
estoient  toudis  li  plus  mestre  del  conseil  le  roy  et  voUoient 
maistryer  et  sourmonter  tous  les  aultres  hauts  barons 
d'Engleterre,  par  envie  de  quoy  et  pour  qùoy  adviurent 
puissedy  ou  pays  et  à  eulx-meysmes  moult  de  maux  et  de 
tourmens.  Car  après  la  grand  desconfiture  de  Struvelin 
là  où  Robiers  de  Breus,  rois  d'Escoce,  desconfit  ce  roy  d'En- 
gleterre et  tous  ses  barons,  sicomme  vous    avez  oy  chy 
devant,  *  grant  envie  *  et  grant  murmure  multeplia  ou  pays 
d'Engleterre  entre  les  nobles  barons  et  le  conseil  le  roy 
meysmement  encontre  le  dit  monseigneur  Huon  le  Espens- 
sier  et  li  metoient  sus  que  par  son  conseil  il  avoient  estet 
desconfls  et  que  par  tant  que  il  estoit  favorable  au  roy 
d'Escoce  il  avoit  tant  oonseilliet  et  tenu  le  roy  d'Engletere 
en  négligence  que  li  Escos  avaient  reconquis  le  bonne  chité 
de  Bervich  et  ars  IIII  journées  ou  V  par  deux  fois  dedens 
leur  pays^  et  au  darrain  yaux  tous  destruis  et  desconfls  ^ 
Et  sour  ce  li  dit  baron  eurent  pluiseurs  fois   parlement 
wisamble  pour  adviser  qu'il  en  poroient  faire,  ^  desquels  li 
cuens  Thummas  de  Lancastre  qui  estoit  oncles  au  roy, 
estoit  li  plus  grans  et  li  princbipaulx  ^.  Or  se  perchust  lidis 
messires  Hues  le  Espenssier  de  ceste  œuvre  et  comment  on 

*-■  Grand  haine. — *♦  Et  yaus  desconfis  en  bataille  et  mis  en  cace  et 
porté  très^-grant  damag«.  — ••  Desquels  li  contes Thumas  de  Lancasti^ 
estoit  <;hië8  et  souTorains,  et  li  desplaisoit  li  usages  que  li  roys  axcit  em- 
pris  «t  en  parla  par  deax  ou  trois  fois  ass^ouTertement  audit  Déspensier. 


DE   HUGUES  SPENCER.  23 

murmuroit  sur  lui  et  sur  son  affaire  ;  si  se  doubta  trop  fort 
que  maux  ne  l'en  venissent  :  *  si  y  pourvey  tantost  de  remède 
mônlt  féllenèse  *. 

QiuUr.  réd.  —  Vérité  est  que  chils  rois  d'Engleterre ,  liquels 
ot  à  femme  la  fille  au  biau  roi  Phelippe,  se  gouverna  ce  que  il 
dura  et  resgna>  moult  diversement,  et  crut  trop  légièrement 
mauvais  consel  et  avoit  dalés  lui  un  chevalier,  grant  baron  en 
Engleterre  et  riche  homme  et  son  cousin,  lequel  on  nommoit 
méssire  Hue  le  Espensier.  Chils  messires  Hues  et  messires  Hues 
ses  pères  avoient  le  roi  si  atrait  à  lor  volenté  que  il  ne  fkisoit 
riens  fors  par  lor  consel,  et  plusencores  par  Tenort  et  consel 
dou  fil  que  dou  père,  car  li  pères  estoit  jà  très-ancyens,  et  li  fils 
se  tenoit  tous  jours  dalés  le  roi,  '  et  ne  faisoit  li  rois  nulle  cose, 
fors  par  son  consel  *,  dont  tout  homme  qui  cpngnissoit  Testât  dou 
roi  et  ce  messire  Hue  le  Espensier,  murmuroit  et  parloit  diver- 
sement sus  lui,  car,  ensi  que  je  ai  dit  ichi  desus,  Englès  ne  se 
puent  longuement  tenir,  ne  souffrir  de  un  inconvénient,  quant 
on  lor  fait,  et  se  il  le  portent  et  sueflTrent  un  temps  oultre  leur 
volenté ,  si  en  prendent-il  en  la  fin  crueuls  paiement.  Et  avint 
que  onques  depuis  la  desconfiture  qui  fu  devant  Struvelin  en 
Escoce,  li  royaulmes  d'Engleterre  généraument  n'eut  à  grâce 
le  roi,  ne  ce  messire  Hue  le  Espensier,  et  commenchièrent  à 
murmurer  li  prélat,  li  baron  et  li  homme  des  chités  et  bonnes 
villes  d'Engleterre  moult  fort  sus  le  roi  et  son  consel,  et  à  dire 
et  proposer  que  on  Tavoit  tant  tenu  en  wisseuses  et  en  délisces 
que  li  roiaulmes  d'Engleterre  avoit  recheu  blâme  et  dammage 
oultre  mesure,  et  que  ce  ne  se  pooit  recouvrer.  Or  se  perchut  li 
dis  messires  Hues  li  Espensiers  que  on  murmuroit  sur  lui  ;  si  se 
doubta  trop  fort  que  mauls  ne  Ten  presist. 

*-•  Ce  ne  fu  mies  si  trèstos,  encores  eut-il  fait  moult  de  coses  damma- 
geables  au  pays  :  si  j  pourvei  soutillement.  —  '-^  Par  espëcial  messires 
Hues  li  fiîs  avoit  si  meuë  le  roj  et  si  atrait  à  ses  opinions  que  sans  lui 
rien  n'^estoit  fait  et  par  lui  estoit  tout  fait,  et  le  creoit  li  roys  plus  que 
tout  le  monde. 


24  SUPPLICE 

Ils  qui  estoit  si  bien  dou  i*oy  et  si  prochains  comme  il 
voUoit  et  plus  creus  tous  seuls  que  tous  li  mondes,  s'en  vint 
au  roy  et  lui  dist  que  chil  seigneur  avoient  fait  aliance  en- 
contre lui  et  qu'il  le  meteroient  hors  de  son  royaume ,  se  il 
ne  s'en  gardoit;  et  tant  flst  par  son  enort  et*  par  son  soutil 
malisce  d'enghin  *  que  li  roys  flst  à  ung  jour  prendre  tous 
ces  seigneurs  à  ung  parlement  là  où  il  estoient  assamblé, 
et  en  fist  déceler  sans  délai  et  ^  sans  congnîssance  de 
cause  *  jusques  à  XXII  des  plus  grands  barons  ^^  et  tout 
premier  le  comte  Thuramas  de  Lancastre  qui  estoit  ses  ^ 
oncles ,  preudom  ®  et  saint  home  ',  et  fist  puis  *  assés  •  de 
biaux  miracles ,  pour  lequel  fet  li  dis  messires  Hues  acquit 
grant  haynne  de  tout  le  pays  et  espécialement  de  la  royne 
d'Engleterre  et  del  conte  de  Kent  qui  estoit  frères  au  dit 
roy  d'Engleterre.  Et  encoires  ne  cessa  point  atant  li  dis 
messires  Hues  de  enorter  le  roy  à  mal  faire  ;  car  quant  il 
perchust  que  il  estoit  mal  de  la  roynne  et  del  comte  de  Kent, 
il  mist  si  grant  discort  entre  le  roy  et  la  royne  par  son 
malisce,  que  li  rois  ne  volloit  point  veoir  la  royne,  ne 
venir  ou  lieu  où  elle  fuist  ;  et  dura  chils  discors  assés  lon- 
gement,  et  fu  qui  dist  à  le  royne  et  au  comte  de  Kent,  tout 
secrètement  pour  les  périls  esloingnier  où  il  estoient,  *°  il  leur 
en  poroit  bien  mesvenir  prochainnement  ^\  car  li  dis  mes- 
sires Hues  leurpourcachoit  **  grant  destourbier.  Dont,  quant 
la  royne  et  li  contes  de  Kent  oyrent  ces  nouvelles,  si  se 
doubtèrent;  **  car  il  sentoient  le  roy  hastieu"  et  de  diverses 

•■•  Par  son  malvais  malice.  —  '-♦  Sans  cognissance  de  raison.  — 
*  Dont  ce  fu  grans  pitës.  — »  **"'  De  bonne  vie  et  sainte.  —  •■*  Moult. — 
10.11  Li  roi  par  hastieu  conseil  et  maie  information  leur  feroit  souffrir 
dou  corps.  —  *•  Durement.  —  *'*♦  Car  il  sentoient  le  roy  hastieu  et 
de  diverse  manière  et  che  messire  Hue  si  bien  de  lui  qu'il  faisoit  tout 
ce  qu*il  voloit  sans  avis  et  sans  regart  de  nulle  raison..  Car  il  sen- 
toient le  roy  hastif  et  de  diverse  manière  et  leur  ennemy  si  bien  de  lui 
comme  il  Touloit. 


DU    COMTE   DE   LANCASTRE.  ^S 

mannîères  et  leur  ennemy  si  bien  de  li  comme  il  voUoit. 
Si  s'avisa  la  dame  que  elle  se  partiroit  tout  coiement  et 
vuideroit  le  royaume  d'Engleterre  et  s'^n  venroit  en  Franche 
veoir  le  roy  Charlon  sen  frère  \  qui  encoires  vivoit  *  et  li 
conteroit  '  ces  mescéanches  *  et  enmenroit  son  josne  fil 
Édouwart  avecques  lui  veoir  le  roy  son  oncle  *. 

QiuUr.  réd.  —  Ils  qui  estoit  si  bien  dou  roi  que  nuls  mieuls  de  * 
li,  dist  et  enorta  que  pluisseurs  barons  d'Engleterre  faisoient 
alignées  ensamble  et  que^se  il  ne  s'en  prendoit  garde,  il  le  boute- 
roient  hors  de  son  roiaulme.  Li  rois  fu  pour  celle  fois  si  acertes 
enfourmés  que  il  y  pourvei  trop  grandement,  car  à  un  parlement 
que  il  fist  venir  à  Bristo,  là  où  il  se  tenoit  le  plus  souvent  et 
moult  volentiers,  il  fist  prendre  jusques  à  vingt-deux  de  ces 
nobles  et  hauls  barons  d'Engleterre  et  les  fist  tous  déceler,  et 
tout  premiers  le  conte  Thomas  de  Lancastre,  qui  estoit  ses 
oncles,  preudoms  et  vaillans  hommes,  et  fist  depuis  moult  de 
biaus  miracles  ou  lieu  où  il  fu  ensevelis,  et  se  son  frère  li 
contes  Aymons  de  Kent  euist  esté  à  ce  parlement,  il  estoit 
ordonné  dou  faire  morir,  mais  point  n'i  fu,  car  il  estoit  dehe- 
tiés,  si  s'escusa.  Geste  décolation  faite,  quant  la  congnissance 
en  vint  généraument  ens  ou  roiaulme  d'Engleterre,  li  rois  et 
messires  Hues  li  Espensiers  furent  aquelliet  en  grant  haine  de 
toutes  gens,  mais  nuls  n'en  osoit  parler,  là  où  la  congnissance 
en  fust  venue  au  roi,  ne  au  dit  messire  Hue  le  Espensier;  car  il 
estoient  si  crueuls  en  lors  fais  que  nuls,  tant  hauls,  ne  nobles 
que  il  fust,  n'estoit  espargniés,  et  voloient  resgner  en  celle 
ordennance  que  nuls  ne  parlast  sus  lor  estât. 


^•*  Que  la  rojne  qui  sa  sereur  germaine  estoit,  n'avoit  veu  depuis 
que  ellefu  enToyée  en  Engleterre.—  '**  Toutes  ces  piteuses  aventures., 
ses  mésaiset.  —  'Et  lairoit  convenir  ce  roj  et  le  Despensier  :  au  sour- 
plus,  espoir,  hastement  s'amenderoient  leurs  estas  et  j  pourveroit  Diez 
de  remède. 


26  FUITE 

Enssi  la  dame  ^  se  pourvei  sagement  et  bellement  et  prist 
voie  de  venir  en  pellerinaige  à  Saint-Thummas  enCantorbie, 
et  elle  s'en  vint  à  Wirfecesée  et  là  de  nuit  elle  entra  en  une 
nef  appareillie  pour  elle  et  son  fil  et  le  conte  Aynmon  de 
Kent  et  messire  Rogier  de  Mortemer,  et  en  une  autre  nef 
mirent  leurs  pourvéances,  et  eurent  vent  à  souhet  et  furent 
l'endemain  devant  prime  ou  havène  de  Bouloigne.  Quant  la 
royne  Ysabel  fut  arivée  à  Bouloigne ,  ensi  comme  vous  oës, 
et  ses  fils  et  li  contes  de  Kent  ses  serourges ,  li  cappitaînne 
de  la  ville  et  li  bourgois  et  ossi  li  abbés  vinrent  contre  li  et 
le  requeillièrent  moult  *  liement  ^  et  l'eumenèrent  en  le 
ville  et  le  logièrent  en  l'abbéie  et  toute  se  routte,  et  y  fut 
II  jours  :  au  tiers  jours,  elle  s'en  parti  et  se  mist  à  voie  et 
tant  chemina  par  ses  journées  que  elle  s'en  vint  à  Paris.  Li 
roys  Caries  ses  frères  qui  estoit  enfourmés  de  sa  venue, 
envoia  contre  elle  des  plus  grands  de  son  royaume  qui 
adont  estoient  dalés  li,  monseigneur  Robert  d'Artois,  mon- 
seigneur de  Couchy,  monseigneur  de  Sully  et  le  seigneur 
de  Roye  et  plusieurs  autres  qui  honnerablement  l'amenèrent 
en  la  cité  de  Paris  et  deviers  le  roi  de  Franche*. 

Trois,  réd. — Ce  pourpos  tinrent  la  dame  et  li  contes  de  Kent  et 
ordonnèrent  leurs  besongnes  secrètement  et  envoyèrent  devant  le 
plus  grant  partie  de  leur  arroi  par  le  rivière  de  Tamise  en  nefs  en 
Flandre,  et  prist  la  ditte  dame  excusance  de  venir  en  pèlerinage 
à  Nostre-Dame  de  Boulongne,  et  se  parti  sicom  vous  poés  oir 
d'Engleterre  à  petite  mesnie,  son  jone  fil  avoech  lui ,  le  conte  de 
Kent  son  serourge  et  monsigneur  Rogier  de  Mortemer,  et  mon- 
tèrent à  Douvres  et  arrivèrent  à  Boulongne.  Quant  la  royne 
d*Engleterre  fu  arrivée  à  Boulongne  et  toute  se  route,  elle  regratia 

*  Hastivement.  —  •*  Humblement.  —  *  Et  là  li  fu  fait  grant  hon- 
neur et  à  toute  sa  compagnie. 


DE   LA   REINE  D* ANGLETERRE.  27 

Noetre  Signeur  et  s'en  vint  tout  à  piet  jusques  à  Féglise  Nostre 
Dame  en  dévotion  et  fist  sen  offrande  et  sen  orison  devant  l'image. 
Li  abbés  de  laiens  et  tout  li  monne  le  recuellièrent  liement,  et 
fti  laiens  herbergie  et  toute  se  mesnie  et  s'i  reposèrent  et  rafres- 
cirent  par  v  jours.  Au  vj*"®,  il  montèrent  tout  as  chevaus  et 
sus  hagenées  qu'il  avoient  amené  d'Engleterre  et  se  partirent  de 
Boulongne  o  tout  leur  arroi.  Si  fu  la  datoe  aconvojée  et  acom- 
pagniée  d'aucuns  chevaliers  de  là  environ  qui  Festoient  venu  veoir 
et  festyer  pour  la  cause  de  ce  que  elle  estoit  soer  au  roy  leur 
signeur.  Tant  esploita  la  dame  par  ses  journées  que  elle  approça 
Amiens.  Chil  de  la  cité  vinrent  contre  lui  moult  révéramment, 
et  par  tout  où  elle  passoit  as  cités  et  as  bonnes  villes,  on  li 
faisoit  feste  et  honneur,  car  li  rois  Charles  1  avoit  ensi  ordonné, 
qui  estoit  enfourmés  de  sa  venue.  Et  tant  chevauça  la  ditte  dame 
que  elle  vint  à  Paris.  Si  estoient  là  issut  contre  lui  moult  de 
noble  gent  pour  le  recueillier  et  son  jono  fil,  et  les  amenèrent 
jusques  au  palais  messires  Robers  d'Artois,  li  contes  de  Dammar- 
tin,  li  sires  de  Couci,  li  sires  de  Montmorensi  et  plusieur  aultre. 
Si  descendirent  devant  le  perron,  et  montèrent  les  degrés  dou 
palais,  chil  signeur  francois  devant  qui  menoient  la  dame,  son  fil 
et  le  conte  de  Kent,  et  vinrent  jusques  au  roi  qui  se  tenoit  en  une 
cambre  bien  acompagniés  de  prélas  et  de  chevaliers. 

Quatr,  réd,  —  Encores  avecques  tout  ce,  mist  li  dis  messires 
Hues  si  très-grant  discort  entre  le  roi  et  la  roine  que  li  rois  ne 
voloit  point  veoir  sa  femme,  et  pour  tant  que  le  conte  Aymon  de 
Kent  en  parla  et  en  blâma  le  roi  son  frère,  présens  auquns  nobles 
d'Engleterre.  Pour  ces  paroles  et  pour  aultres,  avecques  tout  le 
mal  et  discort  que  messire  Hues  li  Espensiers  pooit  mettre  entre 
le  roi  et  son  frère  et  la  roine,  il  li  mist,  et  bien  le  savoient  la 
roine  et  li  contes  de  Kent,  et  s'en  vinrent  demorer  en  la  conté 
de  Kent  et  en  un  biau  chastiau  dou  dit  conte  que  on  nomme 
Ledes,  et  là  se  tinrent  ung  tempore,  car  li  rois  d'Engleterre  ne 
faisoit  compté  de  sa  femme,  ne  de  ses  enfans,  et  convenoit  la 
roine  vivre  de  son  demainne,  car  les  roînes  d'Engleterre  ont 


28  LA    REINE   D'ANGLETERRE 

grans  drois  et  biaus  hîretages  de  lors  doaires  en  Engleterre. 
Chils  rois  ne  faisoit  compte  de  veoir  la  roine.  Si  estoit-elle  très- 
belle  dame  et  féminine  et  doucement  enlangagie.  Dit  fu  à  ce 
conte  de  Kent  et  à  la  roine  Issabiel  d'Engleterre  qui  se  tenoient 
en  ce  chastiel  de  Ledes,  que  li  rois  les  feroit  prendre,  déceler  ou 
noyer  son  frère,  et  la  roine  enmurer.  Il  doubtèrent  ces  paroles, 
car  il  sentoient  le  roi  hauster  et  crueUls  et  ce  Hue  le  Espensier, 
qui  les  avoient  aquelliet  en  grand  haine.  Si  ordonnèrent  lors 
besongnes  dou  plus  tos  que  il  le  porent,  et  se  départirent  d'Engle- 
terre,  et  fu  lor  intension  que  il  venroient  en  France  veoir  le  roi 
Carie  de  France,  car  la  roine  d'Engleterre  ne  Tavoit  point  veu 
depuis  que  premièrement  elle  estoit  venue  en  Engleterre,  et  ven- 
roit  en  Pontieu,  car  la  conté  de  Pontieu  li  devoit  estré  venue 
et  li  avoit  esté  donnée  en  mariage  avecques  le  roi  d'Engleterre. 
La  roine  d'Engleterre  et  li  contes  de  Kent,  pour  le  doubte 
dou  roi  et  esquiever  les  périls,  se  départirent  d'Engleterre  dou 
plus  tos  que  il  porent,  apriès  ce  que  on  les  ot  avisés  et  enfour- 
més  comment  li  rois  et  messires  Hues  li  Espensier  les  voloient 
destruire,  et  n'emmenèrent  point  plenté  de  gens.  En  lor  com- 
pagnie estoit  aussi  un  chevalier  qui  se  nomma  messire  Rogier 
de  Mortemer,  et  s'emblèrent  secréement  d'Engleterre  et  vinrent 
à  Boulongne  et  fissent  tant  par  lors  journées  que  il  vinrent  à 
Paris  et  au  bois  de  Viçainnes  où,  pour  ce  temps,  li  rois  de 
France  se  tenoit. 


Quant  li  roys  vit  sa  serour  que,  grant  temps  a,  n'avoit 
veu,  et  elle  dubt  entrer  en  sa  cambre,  il  vint  contre  li  et  le 
prist  par  la  main  droite  et  le  baisa  et  dist  :  «  A  bien  vien- 
«  gne,  ma  belle  soer  et  mes  biaux  niés.  »  Lors  les  prist 
tous  deux  et  les  mena  avant.  La  dame  qui  pas  n'avoit  trop 
grant  joie  fors  de  ce  que  elle  se  trouvoit  dallés  le  roy  son 
frère,  s'estoit  jà  vollue  engeniller  par  trois  ou  par  quattre 
fois  as  pies  le  roy  son  frère,  mes  li  roys  ne  le  layoit  et  le 


EN   FRANCE.  Sf 

tenoit  toudis  par  le  maiu  droite  et  li  demandoit  >  moult 
douchement  *  de  sen  estât  et  de  sen  affaire,  et  la  dame  l'en 
respondoit  très-sagement  et  tant  furent  les  parolles  que  elle 
•11  dist  :  «  Monseigneur,  ce  nous  va  moy  et  mon  fils  '  assés 
«  petitement  *,  car  li  roys  d'Engleterre  mes  maris  m'a  pris 
«  en  trop  grant  haynne  et  je  ne  scès  pour  quoy,  et  tout  par 
«  l'enort  d'un  chevalier  qui  s'appelle  Hue  li  Espensier. 
a  Chils  chevaliers  a  tellement  atret  monsigneur  à  soy  et  à 
«  sa  voUentë  que  tout  che  qu'il  voelt  dire  et  faire  il  est,  et 
«  jà  ont  comparet  pluisieur  hault  baron  et  seigneur  d'En- 
«  gleterre  se  mauvaistié,  car  il  en  fist  sur  ung  jour  prendre, 
«  et  par  le  commandement  du  roy  ^  sans  droit  et  sans 
«  cause  *  décoller  jusqu'à  XXII,  et  par  spécial  le  bon  comte 
(c  Thummas  de  Lancastre  duquel  seigneur  ce  fu  trop  grans 
«  dammaiges,  car  il  estoit  preudoms  et  loyaus'et  plains  de 
«  bon  conseil,  •  et  n'est  nuls  ®  en  Engleterre,  tant  soit 
c<  nobles,  ne  de  grant  affaire,  qui  l'ose  courechier,  ne  des- 
«  dire  de  tout  ce  qu'il  voelt  faire.  Avoecques  tout  ce  il  me  fut 
«  dit  '®en  grand  spécialité  "  d'un  homme  qui  quide  assés 
«  savoir  des  conseils  et  des  tretiés  le  roy  mon  marit  et  ce 
«  dit  Hue  le  Espenssier,  que  on  avoit  grand  envie  sur  moy 
«  et  que  si  je  demouroie  ou  pays  guaires  de  temps, li  roys 
«  par  mauvaises  et  fauses  infourmations  me  feroit  morir 
«  ou  languir  à  honte  ".  Si  ne  l'ay-je  pas  desservi,  ne  ne 
«  vouroie  faire  nullement,  '^  car  oncques  enviers  li  je  ne 
«  pensay,  ne  ne  fis  cose  qui  fuist  à  reprendre  ".  Et  quand 
«  j'eus  oy  ces  dures  nouvelles  et  si  périlleuses  pour  moy 
«  et  sans  raison,  je  m'avisay  pour  le  mieux  que  je  parti- 
el roie  d'Engleterre  et  vous  venroie  veoir  et  remonstrer 

'-'  Moult  doucement  et  sagement.—'-^  Maisement '-*  Sans  loyet 

•ans  cause — '  De  sainte  vie.— ••  N'y  a  si  bon — *®-"  En  grant  prive.. 

en  grand  amistë.— **  Et  en  po\Tetë...  à  déshonneur *>-'^  Car  oncques 

envers  luy  ne  pensay  mal,  ne  û»  chose  dont  on  me  deust  reprendre. 


5()  LA   REINE  DANGLETERRE 

«  fyablement  comme  à  mon  seigneur  et  biau  frère  ^  l'aven- 

<  ture  ^  et  le  péril  où  j'ay  estet,  ossi  li  contes  de  Kent 
«  que  là  veës»  qui  est  frères  du  roy  mon  mari,  qui  est  en 
c  otel  parti  de  hayime  comme  je  sui  et  tout  par  Tesmou- 

<  vement  et  faux  enort  de  ce  Huon  le  flspensier  ^.  Si 
«  m*en  sui  chy  afuie  comme  femme  ^esgarée  ^  et  de^con- 
«  seillie^  déviera  vous  pour  avoir  consseil  et  confort  de  ces 
«  besoignes  ;  car  se  Dieux  premièrement  et  vous  n'y  remé- 
«  dyës,  je  ne  me  sais  ®  vers  qui  traire  ''.  » 

Quant  li  nobles  roys  Cai*les  de  Franche  eut  oy  sa  serour 
ensi  lamenter  ^  et  qui  de  coer  et  en  pleurant  lui  remonstroit 
sa  besoingne  et  pour  quoi  elle  estoit  venue  en  France,  si 
en  eut  grand  pitet  ^  et  li  dist  :  «  Ma  belle  soer,  apaisiés- 
«  vous  et  vous  confortés,  car,  foy  que  doy  à  Dieu  et  à 
«  monseigneur  saint  Denis ,  g'i  pourveray  de  remède.  » 
Adont  la  dame  s*engenilla,  volsist  ou  non  li  roys,  tout  bas 
à  terre  et  li  dist  :  «  Mon  très-cher  seigneur  et  biau  frère, 
«  Dieu  vous  en  voeille  oyr  *°.  »  Lors  la  prist  li  roys  entre 
ses  bras  et  Tenmena  en  une  autre  cambre  plus  avant  qui 
estoit  "  toute  "  parée  et  ordonnée  pour  li  et  pour  le  josne 
Édouwart  son  fils  et  là  le  laya.  Enssi  fut  la  noble  royne 
d'Engleterre  conjoïe  et  bien  venue  à  ce  premier  dou  roy 
Charlon  de  France  son  frère  *',  et  li  fist  délivrer  li  roys  par 
le  cambre  as  deniers  tout  ce  qui  à  le  royne  besongnoit 
pour  li  et  pour  son  estât. 

Depuis  ne  demoura  guaires  que  sus  cel  afs^re  que  vous 
avez  oy,  Caries  li  roys  de  Franche  assembla  plusieurs  grans 

*-*  La  grande  et  dure  besogne.  — '■'  Si  nous  sommes  parti  en  grant 
doubtance  et  Tenu  par  deçà  vous  veoir  que  je  dësiroie  moult.  Et  li 
rois  dist  :  t  Ma  belle  seur,  grans  merchis.  i  —  ♦  *  Desconfortëe.  — 
••'  Vers  qui  retraire.  —  •  Tendrement.  —  '  Et  le  reconforta  moult 
doucement.  —  *®  Qui  le  vous  veuille  remérir.  —  ^***  Rirhement.  — 
"  Et  servie  comme  à  telle  royne  appartenoit. 


EIN    FRANCE.  31 

seigneurs  et  barons  dou  royaume  de  France  pour  avoir 
conseil  et  bon  avis  comment  il  ordonneroit  de  le  besoingne 
la  royne  sa  soer  à  qui  il  avoit  proummis  confort  et  ayde  \ 
et  tenir  li  voUoit.  Dont  fut  ainssi  conseillé  au  roy  et  pour  le 
mieux  que  il  laissast  madame  sa  sereur  acquérir  et  pour- 
chachier  amis  et  confortans  ou  royaume  *  et  se  faindist  de 
ceste  emprise^; car  de  esmouvoir guerre  au  royd'Engleterre 
et  de  mettre  son  pays  en  haynne  *,  ce  n'estoit  pas  cose  qui 
fuist  appertenant  ^,  mais  couvertement  et  secrètement  l'ai- 
dast  et  confortast  dou  sien  tant  que  d'or  et  d'argent  *,  car 
c'est  li  métaux  par  quoy  on  acquiert  l'amour  des  gentils 
hommes  et  des  povres  bacelers  '.  A  ce  conseil  et  ad  vis 
s'accorda  li  roys  •  et  le  fist  dire  ainssi  tout  quoiement  à  le 
royne  d'Engleterre  sa  serour  par  monseigneur  Robert 
d'Artois  qui  lors  estoit  li  ungs  des  plus  grands  de  Franche. 
Sur  ce  la  bonne  dame  toute  resjoïe  et  confortée  persévéra 
et  se  pourvey  d'acquérir  amis  parmi  le  royaumme  de 
Franche.  Les  aucuns  prioit;  les  autres  promettoit  ou  don- 
noit,  et  tant  que  il  y  eult  moult  de  grans  seigneurs,  de 
jovènes  chevaliers  et  escuyers  qui  tous  li  accordèrent  con- 
fort et  alianche  pour  le  remener  en  Engleterre  et  de  force  ®. 

*  Par  sa  foy  et  ailleurs.  —  '-'  Et  de  sa  personne  se  faindesist  de  ce 
fait.  —  *  De  mettre  en  haine  les  deux  royaumes  qui  estoient  en 

paix.  —  *-•  Estoit  grans  périls •  Or,  argent  ou  joyaux.  —  ^  Et  elle 

trouveroit  assës  d'amis.  —  •  Et  li  eut  en  couvent  qu'il  lui  feroit  ayde 
de  mise.  —  •  Adont  fu  querquiës  secrètement  messires  Robers  d'Ar- 
tois qui  estoit  l'un  des  plus  grans  barons  qui  là  fust,  qu'il  luy  aydast 
à  pourcachier  amis  aux  gentils  et  nobles  bacelers  du  pays  et  d'ail- 
leurs. Et  ainsi  la  royne  d'Engleterre,  parmi  l'ayde  de  messire  Robert, 
les  poarcacha  et  tant  leur  promist  et  donna  qu'elle  eut  moult  de  noble 
chevalerie  et  de  bonne  de  son  accort,  qui  tout  lui  promirent  de  luy 
aidier  à  remettre  de  force  ens  ou  royalme  d'Engleterre,  et  grant  désir 
en  avoient.  —  ^  Maugré  tous  ses  ennemis  pour  l'honneur  du  roy  leur 
seigneur. 


32  LA    REIME   D'ANGLETERRE 

Trais,  réd.  —  Quant  li  rois  de  France  vei  sa  serour  que  en 
grant  tamps  n'avoit  veu  et  elle  deut  entrer  en  la  cambre  il  vint 
contre  lui  et  le  prist  par  la  main  droite  et  le  baisa  et  dist  :  c  A  bien 
c  viègne  ma  belle  sœur  et  mes  biaus  niés.  •  Si  les  tint  tous  II  et 
les  mena  avant.  La  dame  qui  pas  n'avoit  trop  grant  joie  fors  de 
ce  que  elle  se  trouvoit  dalés  le  roy  son  frère,  s'estoitjà  volue  age- 
nouillier  par  II  ou  par  III  fois.  Mais  li  rois  ne  le  laioit  et  le 
tenoit  toutdis  par  le  main  droite  et  li  demandoit  moult  douce- 
ment de  son  estât  et  de  son  afaire,  et  la  dame  Ten  respondoit 
très-sagement,  et  tant  furent  les  parolles  que  elle  dist  :  t  Mon- 
signeur,  se  nous  va  moi  et  mon  fils  assés  petitement,  car  li 
rois  d'Engleterre  mes  maris  m'a  pris  en  trop  grant  hayne,  et 
se  ne  scès  pourquoi,  fors  par  Tenhort  d'un  chevalier  englès 
qui  s'appelle  Hues  li  Despensiers.  Chils  chevaliers  a  telement 
attrait  le  roi  à  ses  volontés  que  tout  ce  qu  il  voet  dire  et  faire 
il  est.  Et  jà  ont  comparet  pluiseur  haut  baron  d'Engleterre  sa 
mauvesté,  car  il  en  ûst  sus  ung  jour  prendre  au  commande- 
ment du  roy  et  en  fist  déceler  jusques  à  XXII  sans  loy 
et  sans  cause,  et  par  espécial  le  bon  conte  Thumas  de  Lan- 
castre  dont  ce  fu  trop  grans  damage,  car  il  estoit  preudons  et 
loyaus  et  plains  de  bon  conseil,  et  n'est  nuls  en  Engleterre, 
tant  soit  nobles,  ne  de  grant  afaire  qui  l'ose  couroucier ,  ne 
desdire  de  cose  que  il  voelle  faire.  Et  m'a  telement  troublet 
devers  le  roy  et  le  conte  de  Kent  men  frère  que  veci  qu'il 
nous  fu  dit  en  grant  amisté  par  chiaus  qui  savoient  aucunes 
coses  du  conseil  ce  dit  chevalier,  que  iy)us  estions  en  grant 
péril  de  nos  vies.  Si  nous  sommes  parti  en  grant  doubtance 
et  venu  par  deçà  vous  veoir,  que  je  désiroie  moult.  »  Et  li 
rois  dist  :  c  Ma  belle  suer,  grant  merchis.  • 

Quant  li  rois  Charles  eut  oy  et  entendu  les  complaintes  de  sa 
suer  et  comment  elle  estoit  démenée  par  le  fait  dou  Despensier, 
si  en  eut  grant  pité  et  le  reconforta  moult  doucement  et  li  dist  : 
«  Ma  belle  suer,  vous  demorrés  dalés  nous  :  si  ne  vous  esbahissiés, 
i  ne  desconfortés  de  riens.  Nous  avons  assés  pour  nous  et  pour 
c  vous.  Et  si  meterons  remède  et  conseil  à  vos  besongnes.  »  Et 


EM   FRANCK.  35 

la  dame  s*agenouilla  et  dist  :  c  Monsigneur,  grans  mercis.  i 
Depuis  la  Tenue  de  la  dame  de  son  fil  et  dou  conte  de  Kent,  et 
que  li  rois  Charles  eut  recueilliet  moult  liement  les  dessus  dis,  il 
se  tinrent  à  Paris  dalés  le  roj,  et  leur  faisoit  li  dis  rois  faire 
leur  délivrance  de  toutes  coses,  et  estoit  souvent  la  rojne 
d'Engleterre  avoech  le  roj  son  frère  et  la  royne  de  France. 

Quatr,  réd.  —  Li  rois  Caries  de  France  requelli  assés  douce- 
ment sa  serour  et  son  jone  fil  Edouwart  et  le  vei  moult  volon- 
tiers et  le  conte  de  Kent  et  messire  Rogier  de  Mortemer,  et 
ordonna  tantos  de  lor  estât,  quant  il  ot  entendu  recorder  sa 
serour  et  le  conte  de  Kent,  la  vie,  Taffaire  et  Tordenance  dou 
roi  d'Engleterre  et  de  ce  Hue  le  Espensier;  mais  il  ne  dist 
pas  :  •  Belle  serour,  pour  Tamour  de  vous  et  pour  ce  que  je 
€  voi  que  il  se  mésuse ,  je  li  manderai  notorement  que  il  se 
«  mete  à  raison  et  eslonge  de  li  son  mauvais  consel  et  vous 
€  tiengne  en  paix  et  en  estât,  ensi  que  uns  rois  doit  tenir  sa 
c  femme,  ou  je  li  ferai  guerre;  •  nennil,  mais  li  dist  :  c  Ma 

•  belle  serour,  je  vous  pourverai  courtoisement  de  vostre  estât 
€  pour  vous  et  pour  vostre  fil,  et  entrues  s'avisera  vostres 

•  maris,  ou  li  amour  et  la  compagnie  de  li  et  de  ce  Hue  le 

•  Espensier  se  desrompera.  »  Il  convint  la  roine  d'Engleterre 
prendre  en  bon  gré  ce  que  ses  frères  li  rois  de  France  li 
offroit,  et  Ten  remercia,  et  aussi  fist  li  contes  de  Kent,  et 
se  tinrent  à  Paris  que  là  environ ,  trois  ans  tous  complis  et 
estoient  souvent  aTiéflues  le  roi  Carie,  et  les  veoit  li  rois  volon- 
tiers et  prendoit  a  ref  fois  grant  plaisance  ou  jone  Edouwart, 
car  il  estoit  biaus  fils  et  rians,  et  s'esbatoit  li  rois  qui  estoit  son 
oncle,  en  ses  jonèces.  Pour  ce  temps  que  la  roine  d'Engleterre 
et  ses  fils  et  li  contes  de  Kent  estoient  en  France,  avoit  deus 
Jones  filles  en  France,  desquelles  li  rois  Caries  estoit  oncles, 
car  avoient  esté  filles  à  ses  deus  frères,  li  roj  Lois  que  on 
nomma  le  roi  Hustin,  et  li  autre,  fille  au  roi  Phelippe  le 
Grant,  qui  en  sa  jonèce  avoit  esté  nommé  conte  de  Ne  vers.  De 
ces  deus  filles,  li  une  fu  depuis  ducoise  d'Orljens,  et  li  aultre, 

I.  —  FROISSART.  3 


54  LE  RM  1«  riUlICE 

Mi^rj^ueHie,  eoiitèfti86  ^e  Fhmdrés  et  d'Arte^ ,  et  fo  MoMt 
pSkToiè  eus  ou  conseil  dou  roi  de  Frtmeé,  et  assés  fl*i  aoc^réalt  li 
rois,  que  ses  biaus  nevevs  Édouwars  d'Engleterre  eoist  roM 
de  ses  nièces  par  maiiage,  et  que  li  roiaulûies  de  France,  •i^riès 
li,  ior  retoumast,  car  U  venoient  de  la  droite  lignie. 


Or  vous  parlerons  de  ce  messîre  Hue  le  Espéttsîéf  ning 
petit  et  assés  tost  revenrons  à  la  royne.  Quant  îl  vit  que 
il  avoit  fet  grant  partie  de  ses  volentés,  mis  à  destruction 
les  plus  grands  barons  d'Engleterre,  la  roynne  et  son  ainnet 
fils  décachiet  hors  del  royaume  et  que  il  avoit  le  roy  si  à 
sa  vollentë  atret  que  li  rois  ne  lui  contredisoit  cose  nulle 
que  il  voulsist  dire,  ne  faire,  ils  qui  persêvéroit  en  se  grand 
mauvaistié,  fist  depuis  tant  de  bonnes  gens  justicier  et 
mettre  à  mort  sans  loy  et  sans  jugement  par  tant  que  il  les 
teuoit  pour  suspès  encontre  lui  et  fist  tant  de  merveilles  ^ar 
son  orgoeiljque  li  baron  qui  demouret  estoient  et  li  reina- 
nans  dou  pays  ne  le  porent  plus  porter ,  ains  quisetft  et 
acquisent  li  aucuns  entr'aux  acôrd  pasienodemeïit  et  fissent 
secrètement  savoir  à  la  royne  leur  dame  dessus  dite  qui 
avoit  jà  demouret  à  Paris  par  Tespasse  de  trois  ans  comme 
escachie  et  banie  dou  royaume  d'Engleterre ,  sicomme 
vous  avés  oy,  se  elle  pooit  trouver  voie  ou  sens  par  quoy 
elle  peuuist  avoir  aucune  compaignie  de  gens  d*armes  de 
mil  armures  de  fer  ou  là  environ,  et  elle  Tolsist  ramener  son 
fil  et  toute  se  compaignie  ens  ou  royaume  d'Engleterre,  eux 
se  trairoient  tantost  vers  li  et  obeiroient  a  li  comme  à  leur 
dame  et  a  sen  fil  comme  a  leur  seigneur,  car  il  ne  |)ootent 
plus  porter  les  desrois  et  les  fès  que  il  faisott  (m  ptysyar 
le  conseil  dudit  monseigneur  Huon  et  de  cetrx  qui  'Se  ^tr(ni 
accord  estoient. 

Ces  lettres  et  ces  nouvelles   secrètes   envoyées  d*En- 


FAVIMUSE  SPKMCER.  35 

f  laterne,  la  royne  les  monstra  et  dist  att  roy  Cark  son 
frère,  liquele  Ten  reepondi  adont  tout  joieusement  :  «  Ma 
€  belle  soer,  Dieux  y  ait  part  I  de  tant  vallent  vos  besoignes 
€  mieux.  Or  Temprendës  hardiement  et  pryës  de  mes 
c  hommes  jusques  à  le  somme  que  vo  aidans  d'Engleterre 
c  vous  ont  segnefyet;  je  consentiray  bien  ce  voiaige  et 
«  leur  feray  faire  délivranche  d'or  et  d'argent  tant  qu'il 
€  vous  *  suivront  -  voUentiers.  »  Pour  ce  la  bonne  dame 
avait  jà  pryet  moult  de  chevaliers  bacheleureux  et  aventu- 
reux qui  li  proumettoient  que  très-volentiers  il  yroient,  et 
ordonnait  la  dame  tout  secrètement  sen  affaire  et  ses 
pourvéances,  mais  oncques  si  secrètement  ne  le  peult  faire, 
ne  rescripre  as  bai*ons  d'Engleterre  que  meesires  Hues  li 
Despenssiers  ne  le  sceuist.  Lors  ^e  douta  que  de  force  li 
rois  de  France  ne  le  renvoiast  en  Engleterre,  et  s'avisa  qm 
par  dons  il  atrairoit  si  le  roy  de  France  et  son  conseil  quiil 
n'aroient  nulle  volenté  de  la  dame  aidier,'Bj8  lui  porter 
contraire.  Dont  envoya  par  messaiges  secrès  et  afaitiés  de 
ce  faire  grand  plentet  d'or  et  d'argent  et  jeuiaiix  rices  et 
espéciAUX  deviers  le  roy  et  son  plus  privet  conseil,  et  ûat 
tant  en  brief  termine  que  li  roys  et  tous  ses  conssaulx 
furent  i^esi  frmt  d'aidier  la  ^ame  oonwe  il  avoient  es^t 
en  (grand  dësir,  et  brisa  li  roys  tout  ce  voiaige  et  deffendy 
sus  à  perdre  le  royaume  qu'il  ne  fuist  nuls  qui  avoeoques  la 
roynne  d^ngleterre  se  meist  à  voie  pour  elle  aidier  à 
remettre  en  Engletarre  à  main  armëe.  Dont  li  pluiseur  che- 
valier et  bachelier  dudit  royaume  en  furent  moult  courou- 
chiet  et  s'esmervlllièrent  entre  yaux  pourquoi  si  soudaine- 
ment li  rois  avoit  fait  ceste  deffensce,  et  en  murmurèrent  li 
aucun  et  disent  bien  que  ors  et  argens  i  estoit  efforchéement 
acourus  d*Englejterre  *. 

1'*  Serriront.  —  'Et  que  François  wnt  trop  oonToiteus. 


36  LE  ROI   DE  FRANCE 

Vwr.  prem.  réd,  —  Or  vous  diray  un  petit  du  malyais  mes- 
sire  Hue  le  Despensier.  Quant  il  vit  que  la  royne  s'estoit  par 
devers  le  voy  ainsi  retraite,  il  s'apensa  et  doubta  fort  qu'elle  ne 
pourcachaat  ce  qu'elle  faisoit,  et  que  s'elle  revenoit  à  force  en 
■^  Engleterre,  que  il  n'en  fust  destruis.  Si  s'avisa  que,  s'il  povoit, 
que  par  dons  d'or  et  d'argent  et  de  joiaux,  il  déceveroit  le  roy 
de  France  et  son  conseil,  adfin  qu'il  ne  confortaissent  la  dite 
royne ,  ne  qu'il  ne  lui  fesissent  aucun  contraire.  Et  quist  mes- 
sagiers  souffisans,  soutils  et  bien  afaitiés  ;  si  leur  querqua  plui- 
seurs  lettres  et  joiaux,  avec  or  et  argent  à  grant  plenté  ;  et  tant 
flst  en  brief  terme  que  le  roy  et  son  conseil  furent  aussi  froit 
de  la  dame  aidier,  comme  ils  en  avoient  eu  grant  désir  et 
volenté.  Et  brisa  le  roy  propre  tout  cel  voyage,  et  deffendi,  sur 
à  perdre  le  royalme,  que  nuls  ne  s'en  mesist.  Dont  pluiseurs 
chevaliers  furent  moult  courouchiés,  car  il  avoient  grant  désir 
d'aidier  à  la  dame;  et  moult  s'esmervillèrent  comment  le  roy 
pooit  estre  en  sy  peu  de  temps  retournés  ;  et  murmurèrent  fort 
par  le  pays  qu'il  estoit  décheus  par  or  et  par  argent  qui  d'Engle- 
terre  lui  estoit  venu. 

Trois,  réd,  — La  royne  ooit  à  le  fois  des  nouvelles  d*Engleterre 
qui  pas  trop  plaisans  ne  li  estoient,  car  cils  messires  Hues  li  Des- 
pcnsiers  croissoit  tous  jours  en  puissance  et  en  amour  devers  le 
roy,  et  avoit  telement  attret  et  atournet  le  dit  roy  que  tous  li  pays 
8*en  esmervilloit,  et  n'avoit  nuls  que  faire  en  le  court  dou  roy  se 
il  n'estoit  de  son  acord.  Si  ôst-il  depuis  moult  de  diversetés  et  de 
cruaultés  as  plusieurs  en  Engleterre,  dont  il  estoit  moult  hays, 
mais  nuls  ne  li  osoit  dire,  ne  monstrer,  car  se  il  se  doubtast  de 
Aqui  que  fust,  conte  ou  baron,  tantost  il  le  fesist,  sus  Tombre  dou 
roy,  prendre  et  décoler  sans  nule  remède.  Si  estoit  si  doubtés  et 
des  plusieurs  tant  hays  que  merveille.  Et  regardèrent  aucun 
baron  et  sage  homme  du  pays  que  ce  ne  faisoit  mies  à  souffrir  et 
que  ses  outrages  et  mauvaistés  il  ne  poroient  plus  porter.  Si  se 
traisent  tout  secrètement  ensamble  à  conseil  et  eurent  avis  et 
volenté  que  il  remanderoient  leur  dame  la  royne  d'Engleterre 


FAVORISE  SPENCER.  37 

qui  jà  avoit  demoret  en  France  bien  pries  par  l'espace  de  III 
ans  et  toutdis  dedens  le  cité  de  Paris.  Si  li  escrisirent  et  segne- 
fjèrent  se  elle  pooit  trouver  voie  ou  sens  par  quoi  elle  puist 
avoir  aucune  compagnie  de  gens  d'armes  de  mil  armeures  de 
fier  ou  là  environ  et  elle  vosist  ramener  son  fil  et  toute  se  com- 
pagnie ou  royaume  d'Engleterre,  il  trairoient  tantost  vers  lui  et 
obéiroient  à  lui  et  à  son  fil  comme  à  leur  seigneur,  car  il  ne 
pooient,  ne  voloient  plus  porter  les  desrois,  ne  les  fais  que  li  rois 
faisoit  ou  pays  par  le  conseil  monsigneur  Huon  et  de  chiaus  qui 
de  son  accort  estoient.  Quant  la  rojne  entendit  ces  nouvelles,  elle 
s'en  consilla  secrètement  au  roj  Charle  son  frère  qui  bien  volen- 
tiers  Fentendi  et  li  respondi  adont  que  elle  Tentrepresist  hardie-'' 
ment,  car  il  li  aideroit  et  li  presteroit  de  ses  gens  tels  que  elle  vor- 
roit  avoir,  et  avoech  che  il  li  presteroit  de  son  or  et  de  son  argent 
ce  qu'il  l'en  besongneroit.  Sour  ce  la  rojne  se  parti  de  lui  et 
s'en  revint  à  son  hostel  et  se  pourvoi  sicom  elle  le  peut.  Et  pria 
secrètement  des  plus  grans  barons  de  France  ceuls  dont  elle  se 
fioit  le  plus  et  qui  le  plus  volentrieu  estoient  pour  tel  afaire  et 
en  pensoit  estre  bien  certainne.  Puis  le  fist  ensi  à  savoir  secrè- 
tement à  ces  barons  d'Engleterre  qui  avoient  vers  lui  envojet  ; 
mais  on  ne  le  peut  si  celer  que  li  dis  messires  Hues  li  Despensiers 
ne  le  sceuist.  Si  fist  puis  tout  le  terme  pendant  par  ses  messages 
et  par  dons  et  promesses  que  li  rois  Charles  de  France  fu  si 
enhortes  par  son  conseil  que  il  manda  sa  sereur  la  ditte  royne 
Ysabiel  qui  se  tenoit  en  son  hostel  entre  ses  gens  et  li  desconsilla 
et  deffendi  si  haut  et  si  acertes  qu'il  peut  que  elle  demorast  quoie 
et  se  relaiast  de  ce  que  elle  avoit  empris.  Et  quant  la  dame 
entendi  le  roj  son  frère,  elle  fu  toute  esbahie  et  abaubie,  ce  ne 
fil  point  de  merveilles.  Si  perchut  bien  que  ses  frères  estoit  mal 
infourmés,  car  riens  que  elle  peuwist  dire  à  l'encontre  ne  li 
pooit  valoir,  ne  aidier.  Si  se  parti  adont  de  lui  moult  triste  et 
esmarie  et  revint  arrière  à  son  hostel  et  ne  se  relaia  point  pour 
ce  à  appareillier.  Li  rois  ses  frères  le  sceut  :  s'en  fu  courouciés 
quant  sus  sa  deffense  elle  voloit  ouvrer.  Si  fist  par  le  conseil  qu'il 
eut,  commander  sus  corps  et  sus  avoir  que  nuls  de  son  royaume 


•"TR  LE  ROI  DE   FRANCE 

M  86  meoitt,  ne  allait  avoech  la  ditte  rojne  sa  suer.  Qoant  la 
dame  seit  ce ,  elle  fa  assés  pins  triste  que  devant,  ce  fù  bien 
raisons  ;  si  ne  sceut  qu^  faire,  ne  qne  penser,  car  toutes  ses 
besongnes  11  veiioient  au  contraire  et  estoient  venues  de  lonch 
tamps,  et  se  li  falloit,  ce  li  sambloit,  par  mauvais  conseil 
cils  qui  mieuls  li  devoit  aidiér  à  son  besoing,  et  si  approçoit  li 
termes  que  elle  avoit  mandet  à  chiaus  que  eUe  tenoit  pour  ses 
amis  en  Bn^^eterre.  Si  demora  moult  esgarée  sans  nul  o<mfort 
c6mm6  celle  qui  ne  savoit  que  eUe  peuist  faire,  ne  que  devenir. 
El  reqd^it  souvent  Djeo  estroitement  en  soi-meismes,  ei  li 
prioit  que  il  le  vosist  aidier  et  consillier. 

QM(Ur,  réd.  —  Grandes  murmurations  et  escandales  corn- 
menchièrent  à  monter  en  Engleterre  à  rencontre  dou  roi  et 
de  oe  Hue  le  Espensier,  tant  des  nobles  comme  des  prélas  et 
marceans,  et  disoient  ensi  Tun  à  Tautre,  quant  il  se  ù*ouvoient  : 
c  Nostres  rois  se  mésuse  trop  mallement  par  Tenort  et  consel 
€  de  ce  Hue  le  Espensier.  A  quoi  es-çou  bon  que  il  ont  mis 
€  hors  d'Engleterre,  la  roine  qui  est  serour  dou  roi  de  France 
<  et  une  vaillans  dame,  sage,  humble  et  dévote,  et  son  jone 
c  ûl,  nostre  hiretier,  et  aussi  le  conte»  de  Kent,  un  vaillant 
c  honune  et  de  bonne  conscience ,  et  ne  sot  se  tenir  en  ce  païs 

•  pour  tant  que  il  a  parlé  à  son  frère  le  roi  et  à  messire  Hue  le 
c  Espensier  et  leur  a  blamct  leurs  folies?  Telles  coses  ne  font 

•  pas  à  souffHr,  ne  à  consentir,  et  poroient  lors  œvres  porter 

•  trop  grant  pr^udiscc  à  ce  roiaulme,  et  seroit  bon  que  on  i 

•  pourveist.  >  Li  Londrjen  qui  ont  tousjours  esté,  sont  et 
seront  tant  que  il  seront,  li  plus  poissant  de  toute  Engleteterre, 
considérèrent  ces  affaires  que  les  coses  aloient  en  Engleterre 
trop  mallement,  et  que  justice  n^i  avoit  point  de  lieu,  ne  de 
audiense,  ne  li  marceant  n^osoient  aler,  ne  ceminer,  ne  ne 
pooient,  fors  en  grant  péril  et  aventure  de  perdre  lors  corps  et 
lors  biens,  parmi  le  roiaulme  d^ Engleterre  ;  si  en  parlèrent 
entre  euls  et  dissent  que  il  i  convenoit  obvjer  et  que  de  la  vie 
et  gouvernance  dou  roi  et  de  son  consel,  c^estoit  une  pure  perte. 


FAVORISE  SPKMCER.  59 

et  9dAUrent  ()ue  moult  de  nobles  d'Englct^rre  s'eaclineroieut 
a3sés  ios  à  ce  qui^  on  i  pourveist»  et  couroit  secrée  renommée 
(^ue  U  rois,,  par  ses  mésusanccs  et  folies,  n'estoit  point  dignes 
de  tenir  terre  et  que  à  tort  et  à  péchiet  il  avoit  eslongiet  en  su^ 
de  li  80,  femme  la  roine  d'Engleterre  et  son  fll  et.  son  frère  le 
conte  de  Kent,  et  se  tenoit  en  la  marce  de  Bristo  en  wiseusses 
et  en  déduis,  et  ne  faisoit  compte  comment  li  roiaulmes  fust 
menés,  ne  gouvernés,  mais  que  il  euist  ses  plaisances  et  or  et 
argent  assés,  et  tout  donnoit  à  ce  Hue  le  Espensier  et  à  ses 
complisces.  Si  regardèrent  que  on  i  pourveroit,  et  eurent  un 
oertain  ooAsel  secret  ensamble  li  auqun  noble  d^Ëngleterre  et 
prélas  qui  Be  pooient  plus  soujffirir  ce  que  il  veoient,  et  li  Lon- 
dryen,  que  il  Femai^deroienit  la  roine  Issabiel  k>r  dame  et  son 
fil  et  le  conte  dé  Keat,  et  fesisseut  t^t  que  il  euiasent  jusques 
à  troia  ceiia  armeures  de  fier,  mais  q^e  il  fuiss^t  arrivé  en 
Engleterre ,  il  trouYeroient  confort  et  aide  assés  des  nobles 
d'Ëngleterre  et  des  Londryens,  et  çertefioient  Içs  lettres  que 
tout  ce  que  il  venroit  en  Engleterre  de  gens  d'armes,  il  seroient 
tout  payet,  et  en  faisoient  li  Loridryen  lor  fait.  En  ce  consel, 
furent  les  lettres  escriptes  et  séeléeSi^  et  chil  esleu,  qui  feroient 
le  message,  et  convenoit  bien  que  tout  ce  fust  tenu  en  secré.  Il 
le  fu,  et  vinrent  chil  qui  envoyet  i  ftirent  à  Paris  et  trouvèrent 
la  roine  et  son  fil  et  le  conte  de  Kent,  si  leur  baillièrent  à  part 
les  lettres  :  il  les  lisièreut;  si  en  furent  tout  re^oF,  quant  il 
veirent  que  la  plus  saine  partie  dou  pais  et  li  Londrjen  les 
mandoient,  mais  le  plus  fort  pour  euls  estoit  à  trouver  gens 
d'armes,  et  ne  s'osa  de  ces  lettres,  ne  des  mandemens  la  roine 
d'Engleterre  descouvrir  à  son  frère  le  roi  de  France,  ne  à  baron 
qui  fust  en  Franoe»  et  ce  li  conseillèrent  li  oga[ites  de  Kent,  ^t 
messires  Rogiers  de  Mortemer. 

Bnooires  vous  diray-je,  se  j'ay  loisir,  de  quoy  chils  mes- 
sires Hues  li  Espenssiers  s'avisa.  Quant  il  vit  quil  n'avoit 
garde  dou  roy  de  Franche,  ne  de  oecosté,  pour  embelHr  et 


40  CHARLES   LE   BEL 

florir  se  raauvaistié  et  ratraire  la  royne  en  Engleterre  et 
remettre  en  son  dangîer  et  dou  roy  son  marit,  il  fist  le  roy 
d'Engleterre  escripre  au  Saint  Père  en  suppliant  assës 
affectueusement  que  il  volsist  escripre  et  mander  au  roy 
Charle  de  Franche  que  il  lui  volsist  renvoyer  sa  femme, 
car  il  s*en  voloit  acquiter  à  Dieu  et  au  monde  et  que  ce 
n'estoit  mie  sa  coulpe  que  elle  estoit  partie  de  lui,  car  il  ne 
li  vouUoit  que  toute  amour  et  bonne  loyaulté ,  telle  que  on 
doit  tenir  en  mariaige.  Âvoecques  lettres  que  li  dis  mes- 
sires  Hues  fist  le  roy  d'Engleterre  escripre  au  pape  et  as 
cardinaux  en  lui  escusant  comme  vous  avés  oy,  et  encorres 
par  pluiseurs  soubtieves  voies  qui  cy  ne  puevent  mie  estre 
toutes  descriptes,  il  envoya  grant  or  et  grant  argent  à  plui- 
seurs cardinaux  et  prélas  les  plus  secrès  et  prochains  du 
pape,  et  ossi  messagiers  sages  et  avisés  et  bien  ydoines  et 
tailliés  de  faire  ce  messaige,  et  mena  tellement  le  pape  par 
ses  dons  et  par  ses  falasses  que  il  contournèrent  dou  tout 
la  royne  Ysabiel  d'Engleterre   et  condempnèrent  en  son 
tort,  et  mirent  le  roy  d'Engleterre  et  son  conseil  à  son 
droit.  Et  escripsi  li  pape  par  le  conseil  d'aucuns  cardinaulx 
qui  del  accord  le  dessus  dit  Espenssier  estoient,  au  roy  Car- 
Ion  de  Franche  que  sous  painne  et  sentensce  d'escumenie- 
ment  il  renvoyast  sa  serour  la  royne  Ysabiel  en  Engle- 
terre  deviers   le   roy   son   marit.    Ces    lettres    veues    et 
apportées  devers  li  roy  de  Franche  et  par  spécial  messagier 
que  par  l'évesque  de  Saintes  en  Poitou   que  li  papes  y 
envoyoit  en  légation,  li  roys  fut  durement  esmeus  sur  sa 
sereur  et  dist  qu'il  ne  le  vollpit  plus  soustenîr  à  rencontre 
de  l'Église ,  et  fist  dire  à  sa  seur  (car  jà  de  grant  temps  ne 
parloit-il  plus  à  elle)  que  elle  widast  tost  et  hastivement 
son  royaume  ou  il  l'en  feroit  wuidier  à  honte  *. 

*  Et  dommage  d*elle  et  des  siens. 


ABANDONNE   SA   SCBUR.  41 

Var.  prem.  réd.  —  Encore  vous  diray  de  quoy  celui  messire 
Hue  s'apensa.  Quant  il  se  perehut  à  plain  qu'il  n'avoit  garde  que 
François  venissent  oultre,  pour  naieulx  florir  son  fait,  et  adfin 
que  la  royne  euist  aucune  renommée  de  mcifait  ou  de  tort,  il  con- 
silla  le  roy  d'Engleterre  qu'il  escripsist  au  Saint  Père  le  pappe, 
en  suppliant  bien  acertes  qu'il  mandast  au  roj  de  France  que  il 
lui  volsist  renvoier  sa  femme,  car  il  s'en  voloit  aquiter  à  Dieu  et 
au  monde.  Et  monstroit  que  ce  n'estoit  point  sa  coulpe  qu'elle 
s'estoit  partie  de  luj,  ne  du  pays,  car  il  lui  voloit  faire  toute 
loyalté,  telle  c'on  doit  en  mariage.  Et  avec  toutes  ces  lettres,  en 
luy  escusant,  il  envoia  plenté  d'or  et  d'argent  par  devers  le 
pappe  et  aux  plus  grans  du  secret  du  pappe.  Et  tellement  mena 
le  pappe  soubtilment,  que  la  royne  fu  du  tout  condempnée  en 
tort  avoir,  et  mirent  le  roy  d'Engleterre  et  son  conseil  en 
droit.  Et  par  le  conseil  de  pluiseurs  cardinaulx  qui  à  ce  furent 
d'accort,  le  pappe  escripsy  au  roi  de  France  que,  sur  painne 
d'escumeniement,  il  renvoyast  la  royne  sa  sœur  à  son  mary  le 
roy  d'Engleterre.  Tantost  ces  lettres  veues,  et  par  si  espécial 
messages  portées  que  par  l'évesque  de  Saintes  en  Poitou,  avec 
aultres  que  le  pappe  y  envoya  en  légation,  adont  le  roy  de 
France,  qui  jà  par  avant  estoit  desvoiés  par  les  dons  qui 
d'Engleterre  estoient  venus,  si  se  meut  durement  à  parler  à  la 
royne ,  et  lui  dist  plainement  :  <  Je  ne  veul  plus  soustenir 
t  vous,  ne  vostre  fait  en  mon  pays  ;  mais  partés-vous  hastive- 
t  ment.  Se  wuidiés  mon  royalme  ou  je  vous  en  feray  wuidier.  > 

QiiuUt.  réd. —  Ces  nouvelles  s'espandireut  tant  que  elles  furent 
sceues  en  Engleterre.  Quant  messires  Hues  li  Espensiers  en  fu 
enfourmés,  si  se  doubta.  grandement  que  la  poissance  dou  roi 
de  France  ne  le  fesist  tresbuchier  jus  de  ses  estas,  car  bien 
imaginoit  au  fort  que  ses  sires  li  rois  d'Engleterre  n'oseroit 
corouchier  le  roi  de  France,  et  encore  oultre,  se  ceste  aliance 
se  faisoit,  que  li  jones  Edouwars  d'Engleterre  fust  mariés  en 
France  et  presist  sa  cousine  germainne,  il  ne  poroit  longue- 
ment estre,  ne  demorer  que  dou  costé  de  France  il  ne  venist  à 


42  CHARLES   LE   BEL 

faire,  aveoques  tout  ce  encores  que  il  sentoit  biea  que  oK^ult 
estoit  hai'8  en  Engleterre  pour  les  crueaaes  justices  et  saua 
raiflûn,  que  il  avoit  coiusenti  et  consilliet  à  faire,  dont  toua  lea 
jours  il  estoit  en  péril  et  en  aventure  des  lina^es  de  ceuls  qui 
mort  estoient.  Si  se  avisa  que  à  tout  ce  il  pourveroit  trop 
grandement,  ensi  qu*il  ûst.  Ils  qui  bien  savoit  que,  se  cbiLs 
mariiiges  se  faisoit,  ce  seroit  par  dispensation  dou  pape,  tantos 
et  incontinent  il  fist  le  roi  d*£ngleterre  escnre  au  pape  Jehan, 
qui«  pour  ce  temps,  resgnoit  et  demoroit  en  Avignon.  Chils 
papes  Jehans  estoit  gascons  et  de  la  nation  de  Bourdiaus»  et 
tous  li  linages  de  ce  pape  dcmoroient  desous  le  roi  d'Engleterre, 
et  aussi  de  condition  et  en  toutes  ses  œvres  il  estoit  englois,  et 
ne  vosist  pour  riens  courouchier  le  roi  d'Engletarre.  Ces  lettres 
escriptes  et  séelécs,  messires  Hues  U  Espensiors,  qui  avoit 
escript  ensi  comme  il  voloit  (espoir  n  ea  savoit  riens  li  rois), 
pris!  tantos  des  chevaliers  de  son  linage  et  les  envoia  en  Avi* 
gBon  deviers  ce  pape  Jehan.  Quant  U  papes  vci  les  lettres  dou 
roy  d^Engleterre,  il  les  rechut  et  les  chevaliers  en  grant  chie- 
reté,  etlea  ouvri  et  lissi  tout  au  lono«  et  tint  ces  escriptures  en 
sacré,  et  en  avint  que  pour  ce  jone  Édouwart  d'Engleterre 
marier  à  la  jone  dame  qui  fille  avoit  esté  dou  roi  Lois  de 
France  et  de  Navarre,  et  on  en  volt  avoir  la  dispensation,  cbiU 
papes  qui  tous  enfourmés  estoit,  et  qui  complaire  voloit  au  vçi 
d*Engleterre  et  à  messire  Hue  le  Espensier,  respondi  à  ceuls 
qui  envojet  i  furent  de  par  le  roi  de  France,  que  j4  ne  dispen- 
seroit  ce  mariage,  car  il  estoient  trop  procain.  Ensi  fu  chils 
mariages  brissiés  et  'rompus,  et  aussi  pluisseur  hatilt  baron  de 
France  n  en  fissent  point  grant  compte,  car  jà  murmuroient-it 
que  de  ce  mariage  poroient  venir  trop  gt*aiit  mauls  et  que  «{uriès 
la  mort  dou  roi  Carie,  qui  consentoit  à  mettre  sus  et  avant  ces 
trsttiés,  li  hiretages  de  la  couronne  de  France  ne  devoit,  ne 
pooit  en  riens  descendre,  no  venir  à  ses  filles,  ne  as  enluna  de 
la  roine  d*Engleterre,  par  les  previléges  et  estatua  anejeni  de 
France,  et  en  estoient  hiretîer  li  fil  au  comte  de  Valois,  Phe- 
Uppee  et  Caries,  jà  fuissent-il  de  plus  Iputan  degré,  mais  li 


ABANDONNE   SA    SCBJUR.  4ô 

contes  de  Valois  lors  pères  avoit  esté  frères  au  biau  roi  Phe- 
lippe,  roi  de  France.  Ënsi  sçavoit  messires  Hues  li  Espensiers 
aler  au  devant  de  ses  besongnes,  et  bien  sçavoit  que  il  faisoit 
mal,  mais  tant  estoit  endurés  en  ses  malisces  que  il  n'en 
sçavoit,  ne  voloit  issir.  Si  en  rechut-il  très  crueuse  punition  en 
la  fin,  ensi  que  orrés  encores  assés  proçainnement  recorder  en 
ristore. 

Quant  la  royne  oy  ces  nouvelles ,  si  fu  plus  desconfortëe 
et  esbahie  que  devant,  car  elle  se  veoit  entrepiés  et  toute 
arrière  dou  comfort  etdelayde  que  elle  quidoit  avoir  dou  roy 
Carie  son  frère.  Si  ne  seut  que  dire,  ne  quel  advis  prendre, 
car  jà  Teslongoient  chil  de  Franche  par  le  commandement 
dou  roy  et  n'avoit  à  nuUui  conseil,  ne. retour  fors  seulement 
à  son  chier  cousin  monseigneur  Robert  d'Artois  ;  mes  chils 
secrètement  le  conseilloit  et  confortoit  che  que  il  pooit,  non 
à  veue,  car  il  ne  Tosast  faire  pour  le  roy  qui  deflfensce  y 
avoit  mis  et  en  quel  haynne  et  malivolensce  la  royne  estoit 
esceue,  dont  moult  li  anoioit,  et  savoit  bien  que  par  mal  et 
par  envie  elle  estoit  ainsi  décachie.  Si  estoit  chils  messires 
Robiers  d'Artois  si  bien  dou  roy  que  il  voUoit  ;  mes  il  ne 
l'en  osoit  parler,  car  il  avoit  oy  dire  le  roy  et  jurer  que 
chils  qui  l'en  parleroit  quel  que  fust,  il  lui  *  torroit  *  sa  terre 
et  son  royaume  ;  si  entendi-il  secrètement  que  li  roys  estoit 
en  vollenté  de  faire  prendre  sa  soer,  son  fil,  le  conte  de 
Kent  et  messire  Rogier  de  Mortemer  et  de  remettre  ens  es 
mains  dou  roy  d'Engleterre  et  doudit  Espenssîer,  et  enssi 
le  vint-il  dire  de  nuit  à  le  royne  d'Engleterre  et  le  avisa 
dou  péril  où  elle  estoit.  Dont  fu  la  dame  moult  esbahie  et 
requist  tout  en  plorant  conseil  à  monseigneur  Robert  d'Ar- 
tais  quel  cose  elle  por oit  faire,  ne  ù  traire  à  garant  et  à  cou- 

*  »  Oiteroit. 


44  LA   REINE   D'ANGLETERRE 

seil.  «  En  non  Dieu,  dame,  dist  messires  Robiers,  lî 
a  royaumme  de  Franche  vous  loe-je  bien  à  widier  et 
c<  retraire  deviers  l'empire.  Là  a-il  pluisieurs  grans  sei- 
«  gneurs  qui  bien  aidier  vous  poroient  et  par  espécial  li 
«  contes  Guillaummes  de  Haynnau  et  messires  Jehans  de 
«  Haynnau  ses  frères.  Chil  4oy  sont  grant  seigneur  preu- 
«  domme  et  loyaul,  creint  et  redoubté  de  leurs  ennemis, 
«  aimés  de  leurs  amis  et  pourvéu  de  grant  sens  et  de  par- 
ce faite  honneur,  et  croy  bien  que  en  yaux  vous  trouvères 
«  toutte  adresce  de  bon  conseil,  car  autrement  il  ne  le 
<i  saroient,  ne  voroient  faire.  »  La  dame  s'arresta  sur 
cest  avis  et  se  reconforta  ung  petit  à  le  parolle  et  pryère 
monseigneur  Robert  d'Artois  et  fîst  appareillier  toutes  ses 
besoingnes  et  payer  et  délivrer  as  hostels  au  plus  coiement 
et  bellement  que  elle  peult,  et  parti  de  Paris  et  ses  jones  fils 
0  lui  et  li  contes  de  Kent  et  leur  route,  et  s'acheminièrent 
deviers  Haynnau  et  tant  fist  la  royne  d'Engleterre  par  ses 
journées  que  elle  vint  en  Cambrésis.  Quant  elle  se  trouva 
en  l'empire,  si  fu  ung  peu  plus  aseurée  que  devant  et  passa 
parmy  Cambrésis  et  entra  en  Ostrevant  en  Haynnau  et  vint 
logier  à  Buignicourt  en  l'ostel  d'un  petit  chevalier  qui 
s'apielloit  li  sires  d'Aubrecicourt,  et  le  rechust  adont  li  che- 
valier et  sa  femme  moult  liement  et  le  tint  tout  aise  selon 
son  esçavoir  et  tant  que  la  roynne  d'Engleterre  et  ses  fils 
en  ama  depuis  le  chevalier  et  la  dame  à  tousjours  et  les 
enfans  qui  deux  naissièrent,  et  les  avancha  en  pluiseurs 
manniëres. 

Vor.  prem.  réd.  —  Quant  la  royne  oy  ces  nouvelles,  si  fu 
moult  desconfortée,  car  elle  se  vit  du  tout  arrière  de  Payde  et 
confort  que  promis  on  lui  avoit.  Si  ne  savoit  quel  advis  prendre  ; 
car  jà  s'eslongeoient  de  luy  tous  les  barons  et  seigneurs  qui 
amour  et  service  lui  avoient  promis.  Si  ne  se  savoit  sur  qui  ne 


QUITTE   LA   FRARCB.  45 

à  qui  retourner,  fors  scullemcnt  sur  son  cousin,  messire  Robert 
d'Artois,  qui  lojalment  lui  avoit  fait  et  monstre  amour  ;  car  il 
avoit  oj  dire  et  jurer  au  roj  que ,  se  nuls  se  avançoit  de  lui 
faire  confort,  qu'il  lui  osteroit  sa  terre  et  son  rojalme.  Adont 
messire  Robert  d'Artois  qui  forment  désiroit  en  son  secret 
l'ayde  et  confort  de  la  dame ,  07  et  entendi  que  le  roj  estoit  en 
Yolenté  de  faire  prendre  sa  seur,  son  ûl,  le  conte  de  Kent  et 
messire  Rogier  de  Mortemer,  et  de  les  renvoier  ens  es  mains 
le  roj  d'Engleterre  et  du  Despenssier;  et  ainsi  le  vint  dire  à  la 
rojne  de  nuyt,  et  tout  le  péril  où  elle  estoit.  Dont  fu  la  dame 
plus  esmaje  que  devant.  Se  pria  moult  tenrement  plourant  à 
monseigneur  Robert,  qu'il  le  conseillast  qu'elle  porroit  faire,  ne 
où  se  porroit  retraire  pour  confort  avoir.  Et  il  qui  grant  pitié 
en  avoit,  lui  dist  :  c  En  nom  Dieu,  dame,  le  rojalme  de 
«  France  vous  loe-jou  bien  de  wuidier  et  traire  vers  l'Empire,  où 
c  il  ja  pluiseurs  grans  seigneurs  qui  bien  aidier  vous  porroient, 
c  et  par  espécial  le  conte  Guillaumme  de  Hajnnau  et  messire 
«  Jehan  de  Hajnnau  son  frère.  Ces  deux  sont  grans  seigneurs, 
«  preudommes ,  lojal ,  cremus  et  redoubtés  de  leurs  anemis ,  et 
<  bien  amés  de  leurs  amis,  pourveu  de  grant  sens.  Se  croj  bien 
«  que  en  eulx,  se  vous  les  requérés,  vous  j  trouvères  toute  adresce 
•  et  bon  conseil,  car  aultrement  ne  le  volroient-il  faire,  t  Et  sur 
cel  advis  la  dame  s'arresta ,  et  se  reconforta  un  petit  sur  la 
parolle  de  monseigneur  Robert.  Si  ûst  secrètement  et  hastive- 
ment  appariUier  toutes  ses  besongnes  et  partj  de  Paris,  elle  et 
sa  routte,  en  cheminant  devers  Hajnnau,  tant  qu'elle  se  trouva 
en  Cambrésis,  en  l'Empire,  hors  du  rojalme  son  frère.  Lors  fu- 
elle  asseur.  Si  passa  oultre  tant  qu'elle  vint  en  Ostrevant,  et 
se  loga  à  Bougnicourt,  à  l'ostel  d'un  chevalier  qui  s'appelloit  le 
seigneur  d'Aubrecicourt.  Et  là  le  chevalier  et  sa  femme  moult 
honnourablement  et  liemcnt  rechurent  la  rojne  d'Engleterre , 
pour  quoj  depuis,  les  fils  du  chevalier  furent  moult  amé  et 
av&nchié  de  la  rojne  et  du  roj  son  enfant  qu'elle  avoit  avec 
luj. 


46  LA  weuiE  p'anglbterre 

lirais.  rééL  -^  Ne  demora  pas  gaires  de  temps  que  on  li  dnt 
âablement  >et  par  grant  bien  que  se  elle  ne  se  gardoit  sagement, 
li  rois  «es  frères  le  feroit  prendre  et  mener  en  Engleterre  pour 
reliTrer  à  son  mari  le  roi  d'Engleterre  et  détenroit  son  fil 
aToecques  lui,  car  il  ne  li  plaisoit  plus  que  elle  eslongast  ensi 
sonnari.  De  ces  nouvelles  fu  la  dame  plus  esbahie  que  devant, 
«ar  elle  amast  mieus  estre  morte  et  desmembrée  que  venir  •eu 
pooir,  ne  ou  dangior  son  mari,  ne  le  I>espensier;  si  eut  bien 
mestier  d'avoir  bon  conseil.  Si  s'avisa  que  elle  wideroit  France 
•et  s'^i  avalerôit  en  Hajnau  pour  veoir  le<;onte  etmonsigneur 
Jehan  de  Haynau  son  frère  qui  estoient  signeur  plain  de  toute 
honneur  et  de  grant  recommendation  :  espoir  Ux>uveroit^dle  en 
ymis  tout  confort  et  bonne  adrèoe,  et  si  estoit  lor  cousine  moult 
proçainne.  Si  ordonna  la  ditte  ^ame  ses  besongnes  et  fist  ses 
<geos  sages  de  son  département  et  comptèrent  et  payerait  par- 
'  tout.  A^dont  ce  parti  au  plus  tost  et  au  plus  quoiement  que  elle 
peut  de  son  hosrfcel,  avoec^  li  ses  fils  en  Teage  de  XV  ans  ou 
environ,  li  contes  de  Kent,  li  sires  de  Mortemer  et  tout  li  aultre 
chevalier  d'Engleterre  qui  estoient  afuit  «priés  lui.  Et  fist 
iant  par  ses  journées  que  elle  passa  France,  Yermandois  et 
Gamibrésis,  et  vint  en  Ostrevant  en  Hajnau  en  un  «hastiel  que 
on  appelle  Buignicourt,  dont  messires  Nicoles  d'Aulx^ecicourt 
«stoit  sires,  et  liquels  baohelers  et  sa  femme  feohurent  'liement 
et  bellement  en  leur  hostel  la  ditte  royne  ^'Engletenre  et  son 
fil  «et  leurs  gens ,  et  trouvèrent  appareillet  tous  les  biens  de 
kûens. 

Quatr,  réd.  —  Li  contes  de  Kent  veoit  bi^n  que  en  Tostel  dou 
roi  et  en  sa  cambre,  .messires  Hues  Ji  Ëspensiers  avoit  jà. acquis 
tant  d'amis  par  ses  dons  et  présens,  lesquels  il  avoit  donnés  et 
là  envoyés  et  envoioit  oucores  tous  les  jours,  que  toute  dissimu- 
lation estoit  en  place,  et  portoient  trop  fort>partie  à  Tencontpe 
deia  roine  d'Engleterre  :  t  Et  quel  cose  porons-nous  £aire?  * 
respondi  adont  la  roine.  —  ,  •  Dame ,  dist  li  contes  de  Kent, 
I  vous  prenderés  congiet  au  roi  et  le  remercjerés  des  courtoi- 


QUITTE   LA   FRAHGE.  47 

€  sies  que  il  vouts  a  fait,  quoique  il  i  soit  assés  tenxrs,  car  il  ne 
€  "puet  avoir  plus  proçainne  de  vous  qui  estes  sa  serour.  H  ^vwib 
•  doBTacongiet  assés  légièrement,  car  vous  ségoumés  ichi  à  eee 
<  o&Êtstagea,  et  gens  d'ostel  qui  «e  tiennent  acar^i^  devons, 
«  seront  tout  resjoy  de  vostre  département,  et  se  il  vous 
€  amande  où  tous  vos  vodnés  retraire,  vous  vos  fainderés  ^t 
c  li  dires  <que  vous  avés  07  nouvelles  dou  vostre  mari  et  que  il 
€  vous  remande  et  que  là  vous  vos  retrairés  au  plus  tos  que 
€  vous  pores.  Il  vous  respondera  que  ce  sera  bien  fait.  Ce 
€  congiet  pris,  nous  nos  retrairons  tout  bellement  deviers 
c  vostre  cousine  germainne,  la  contesse  de  Hainnau  et  deviers 
c  le  conte  et  son  frère  :  il  vous  feront  bonne  chière,  et  en  ce 
t  pais  de  Hainnau,  ce  sont  gens  chevaliers  et  esquiers  de  grant 
€  adrèce  et  qui  demandent  les  armes.  Nous  là  venus,  je  sup- 
1  pose  que  nous  serons  adrechié,  conforté  et  consiSié  de  tout 
*•  ce  qu'il  «nous  besoogne.  »  La  dame  se  ordonna  apriès  ie 
consel  de  'son  eerourge  le  conte  de  -Kent  et  priôt  oongiet  à  son 
±rère  le -roi  de  France.  Li  Tois  li  donna  assés  légièrement,  mais 
il  voloit  queses  neveus  Édouwars  demorast  aveoques  lui,  mais 
la  dame  rescusa  et  dist  rque,  sans  âon  fil,  point  «Ue  ne  seroit 
retournée  en  Engleterre.  Li  rois  n'en  parla  plus  avant,  et  li  ûst 
^livrer  par  ses  chevaliers :d'ostelideus  mille  florins,  pour  p^yer 
ses  menus  frès  sus  son  cemin,  et  pour  lors  estoit  servis  li  rois 
d'un  chevalier  de  Cambrésis  qui  se  nommoit  li  sires  d'Esne  ;  li 
chevaliers  s'offri  à  cevauchier  avoecques  la  roine  et  en  demanda 
congiet  au  roi,  et  li  rois  li  acorda. 

Ensi  se  départi  là  roine  d'Engleterre  dou  roi  de  France  son 
frère ,  et  avoecques  lui  son  fll  le  jone  Édouwart ,  le  conte  de 
Kent,  messire  Rogier  de  Mortemer  et  toute  lor  route  qui 
n'estoit  pas  trop  grans,  et  les  conduisoit  li  sires  d'Esne,  et  les 
aconduisi  et  amena  en  Cambrésis  et  furent  ung  jour  et  une  nuit 
en  son  dhastiel  et  de  là  Tinrent  à  Buignicourt.  Pour  ces  jours  i 
-aroitTing  chevalier  et  tme  dame  de  trop  grant  gouyemement,  et 
86  nommoit  li  sires  d*Aubrecicourt. 


48  LE   SIRE   DE   BEAUMONT 

La  venue  de  la  royne  d'Engleterre  qui  descendoit  en 
Haynnau,  estoit  bien  sceue  en  Tostel  dou  bon  comte  Guil- 
laume de  Haynnau  qui  lors  se  tenoit  à  Valenchiennes  et 
messires  Jehans  de  Haynnau  ses  frères.  Et  seult  li  dessus  dis 
messires  Jehans  de  Haynnau  l'eure  que  elle  vint  en  l'ostel 
le  seigneur  d'Aubrecicourt.  Il  qui  moult  estoit  honnourables, 
Jones  et  désirans  d'açquerre  honneur  et  pris,  monta  erran- 
ment  à  cheval  et  se  parti  *  à  privée  mesnie  *  de  Valen- 
chiennes et  vint  ce  soir  à  Buignicourt  ^  et  fist  à  le  royne 
d'Engleterre  toute  honneur  et  révérence  qu'il  pot,  *  car 
bien  le  savoit  faire  ^.  La  dame  qui  estoit  moult  triste  et 
moult  esgarée  li  commencha  à  complaindre,  en  plourant  • 
moult  piteusement  ',  et  à  remonstrer  ses  doulours  et  ses 
mésavenues,  comment  elle  estoit  descachie  d'Engleterre  et 
ses  fils  et  venue  en  Franche  sur  l'espoir  et  fiance  *  de  son 
frère  le  roy  et  comment  elle  quidoit  estre  pourvéue  de  gens 
d'armes  de  Franche  •  par  le  bonne  vollenté  et  conseil  de 
son  frère  pour  aller  plus  puissamment  et  enmener  son  fil 
en  son  royaume,  si  comme  si  amit  d'Engleterre  li  avoient 
mandet,  *®  et  comment  ses  frères  fut  depuis  tellement  con- 
seilliés  que  vous  avés  oy  "  ;  et  li  conta  comment  et  à  quel 
meschief  elle  estoit  là  afuie  atout  son  fil  comme  celle  qui 
ne  savoit  cui,  ne  en  quel  pays  trouver  comfort,  "  ne  souste- 
nanche  ^^. 

Trois,  réd,  —  Ces  nouvelles  furent  tost  venues  à  Valenciennes 
où  li  contes  de  Haynau  et  messires  Jehans  de  Haynau  ses  frères 
estoient,  que  la  royne  d'Engleterre  estoit  herbergie  à  Buigni- 
court chiés  le  chevalier.  Et  quant  li  doi  seigneur  dessus  dit 

*-*  A  belle  compagnie.  —  •  Et  là  trouva  la  royne.  —  *•  G>mme 
à  iuy  appartenoit.  —  •'  Ç'orment.  —  •  De  l'ayde.  —  •  Et  d'ailleurs.  — 
«0*4 «  Et  comment  ses  frères  li  roys  estoit  retournés  et  consilliés  au 
contraire.  —  *•■*•  Ne  ayde. 


SE  REND  AU  DEVANT  DE  LA  REINE.  49 

oïreDt  ce,  ai  furent  tantost  consilliet  quel  cose  il  en  apartenoit 
à  faire.  Premièrement  messires  Jehans  de  Hajnau  se  parti 
de  Valenchienes  moult  bien  acompagniés  de  chevaliers  et 
d^escuiers,  et  chevauça  tant  qu  il  vint  à  Buignicourt  en  Ostre- 
vaut,  et  trouva  la  dessus  ditte  dame  à  qui  il  fist  toute  Tonneur 
et  révérence  qu'il  peut,  car  bien  le  savoit  faire.  La  dame  qui 
estoit  moult  triste  et  esgarée  et  ensus  de  tous  consauls  fors  de 
Dieu  et  de  lui,  commença  à  complaindre  au  dit  seigneur  de 
Bjaumont  en  plorant  moult  piteusement  ses  besongnes  et 
recorder  ses  dures  avenues  de  cief  en  cor  tout  ensi  que  avenu 
li  estoit  jusques  à  ores,  premièrement  comment  elle  estoit 
deschacie  d'Ëngleterre  et  ses  fils  et  venue  en  France  sus  le 
fiance  de  son  frère  le  roy,  et  comment  elle  cuidoit  estre  pour- 
veue  de  gens  d'armes  par  le  conseil  de  son  frère  pour  alor 
plus  poissamment  et  enmener  son  fil  en  son  royaume,  si-com 
si  ami  d'Engleterre  li  avoient  mandet,  et  comment  ses  frères 
puisdi  fu  telement  conseilliés  qu'il  avoit  brisiet  tout  ce  voiagc 
et  défendu  à  tous  gentils  hommes  que  nuls  ne  se  mesîst  avoech 
lui ,  sus  à  prendre  leurs  terres  et  le  royaume,  et  li  compta 
comment  et  à  quel  mescief  elle  estoit  là  afuie  atout  son  fil 
comme  qui  ne  savoit  à  cui,  ne  en  quel  pays  trouver  confort,  ne 
soustenance. 

Quatr.  réd.  —  Jà  estoient  les  nouvelles  venues  en  Hainnau 
que  la  rôine  d'Engleterre  et  ses  fils  venoient  veoir  le  conte  et  la 
contesse  et  lors  enfans  et  les  chevaliers  et  esquiers  de  Hainnau, 
et  vint  li  sires  d'Esne,  sitos  que  la  roine  fu  descendue  à  Buigni- 
court où  elle  fu  dou  chevalier  et  de  la  dame  très-joieusement 
requelloite,  en  la  ville  de  Yalenchiennes,  car  il  n'i  a  pas  de  là 
longue  voie  à  cevauchier.  Pour  ces  jours  s'i  tenoient  li  contes 
et  la  contesse  et  messires  Jehans  de  Hainnau,  sires  de  Biau- 
mont,  lors  frères,  et  vint  deviers  euls  en  la  Salle  de  Yalen- 
chiennes et  lor  recorda  ces  nouvelles  desquelles  il  furent  tout 
re^'oL  A  dont  dist  li  contes  à  son  frère  :  t  Jehan,  cevauciés 
t  jusques  à  Buignicourt ,  et  nous  amenés  nostre  cousine  la 

1.  —  FROISSABT.  4 


S()  Li:   SIRE   DK   BEAUMOPIT 

«  roine  d'Eiigletorre  :  nous  la  volons  festoyer  en  nostre  païs.  » 
Li  sires  de  Biaumont  rospondi  :  «  Volentiers.  »    Tantes  che- 
vaus  furent  en  selle,  et  montèrent  messires  Jehans  de  Hainnau 
et  sa  route,  car  il  estoit  bien  acompagniés  de  barons  et  cheva- 
liers de  son  païs,  et  mist  messagiers  en  œvre  et  manda  le 
signeur  d'Antoing,  le  sénescal  de  Hainnau,  le  signeur  de  Ligne, 
le  signeur  de  Bailluel,  le  signeur  de  Barbançon,  le  signeur  de 
Haverech,  le  signeur  de  Gommegnies,  le  signeur  de  Vertain  et 
moult  d'autres,  que  tantos  et  sans  délai  il  venissent  à  Valen- 
chiennes.  Il  vinrent  tout  en  bon  arroi  et  le  plus  vestis  des  draps 
de  la  livrée  que  li  contes  donnoit,  et  aussi  dames  et  damoiselles 
vinrent  dalés  la  contesse.  Messires  Jehans  de  Hainnau  cevauça 
et  vint  à  Denaing  oultre  Valenchiennes  et  là  s'aresta  et  renvoia 
le  signeur  d'Esne  à  Buignicourt,  et  estoit  moult  tart,  et  li 
dist  :  c  Je  serai,  à  quelle  heure  que  ce  soit,  encores  à  nuit  dalés 
•  madame  la  roine.  Dites-11  ensi.  •  Et  fist  tout  ce  pour  mains 
cargier  l'ostel,  car  il  sentoit  le  chevalier  et  la  dame  de  tout 
oultre  bonne  volenté.  Li  sires  d'Esne  vint  à  Buignicourt  et 
compta  à  la  roine  tout  ce  qu'il  avoit  veu  et  trouvé,  dont  la  dame 
fut  moult  contente  et  se  reconforta  mieuls  que  devant.  Messires 
Jehans  de  Hainnau  soupa  à  Denaing  entre  les  damoiselles  de 
Fabéie,  gentils  femmes  qui  là  estoient,  et  tantos  apriès  souper, 
il  prist  Phelippe  de  Chastiaux,  le  plus  proçain  esquier  que  il 
euist,  et  montèrent  as  chevaus  et  deus  pages,  et  cevaucièrent 
tous  les  plains  et  tantos  furent  à  Buignicourt,  et  missent  pied  à 
terre  et  entrèrent  ens  ou  chastiel,  car  on  les  atendoit.  Messires 
Jehans  de   Hainnau   se    retraist  en   une  cambre  où  la  roine 
d'Engleterre  estoit,   li  contes  de  Kent,   messires  Rogiors  de 
Mortemer  et  toutes  les  gens  d'honnour  qui  issu  estoient  d'En- 
gleterre  avoecques  la  ditte  roine,  laquelle  estoit  toute  droite,  et 
messires  Jehans  de  Hainnau  s'enclina  moult  bas  contre  lui.  La 
dame  le  prist  par  la  main  et  le  leva  et  l'enmena  arrière,  et 
quant  la  roine  parloit  au  chevalier,  il  s'enclinoit  tout  bas,  car 
des  honneurs  de  ce  monde,  messires  Jehans  de  Hainnau  estoit 
tous  fais  et  nouris.  Là  furent  les  aquointanoes  douces  et  cour- 


se  KCK»   Al    DETAXT    ^C  LA   AESCE.  51 

tûààes;  ^  nssùikstn  li  diae  «iazae  aui  cheinilier  mouh  «kHK^e- 
»e&t  Kxites  œs  mescftnoes  ei  comment  elle  estûh  issue  1mm% 
«rEzkgkcerre  en  pûnne  et  en  péril  ei  edongie  de  soo  mari,  qui 
en  trop  grande  hàiae  Yatkài  aqcelliet  par  lenoit  et  consel  de 
jxng  cûeT^&Ikr  dT^Tvgietenre  et  grant  signeiir  assés  qui  s^appelle 
H:ae  le  £$pensier. 


Qaant  li  geatils  chera^iers  messires  Jehans  de  HaTnnan 
euh  OT  la  rcnme  ^  complaindre  si  tenren^nt  '  et  que  tonte 
foedoît  €3k  larmes  et  en  ploors,  si  en  en!t  grand  pité  et  com- 
mendia  à  larmyer  et  dist  ainssi  '  â  la  dame  :  «  Certes, 
«  dame,  reAj  Totre  dieTaU^*  qui  ne  tous  fanroit  ^  ponr 
«  morir  ^  se  tous  li  mondes  tous  falloit  ;  ains  ferav  tout  mon 
€  pooir  de  tous  et  de  voire  fil  conduire  et  de  tous  et  de  lui 
«  remettre  en  Tostre  estât  en  Engleterre  à  Fayde  de  tos 
«  amis  qui  delà  le  mer  sont  enssi  que  tous  dittes,  et  je  et 
«  tout  chfl  que  je  poraj  prrer,  t  ♦  metterons  '  les  Ties  *  et 
€  arons  gens  d'armes  assês,se  il  plaist  à  Dieu,  sans  le  dan- 
«  gier  doa  roT  de  Franche  *.  »  Et  quant  la  dame  li  07 
parier  une  si  hauîte  et  si  noble  paroUe  et  si  reconfcHtans  ses 
besoingnes,  elle  qui  sêc4t  et  messires  Jdians  de  Hayunau 
derant  lui,  se  drecha  en  estant  et  se  Tolt  engenouillier,  de 
le  grant  joie  qu*elle  aToitpour  Famour  etgrantgrâce  ^*  qu'il  ^^ 
li  offroit  ;  mes  li  gentils  sires  de  Biaumont  ne  l'euist  jammès 
souffert,  ains  se  leva  moult  apertement  et  prist  la  dame 
entre  ses  bras  et  dist  :  c  Ne  plaise  jà  à  Dieu  que  la  rojne 
«  d'Engleterre  lace  ce,  ne  ait  en  pensée  à  faire.  Mes,  dame, 

*■*  Ainsi  pitfittsemesit  c&mpUindre,  si  tesrement  plommiit. — '  Mouh 
doucement...  pcor  la  r^tcooiortér  moah  doucement.  —  *-*  Pour  chose 
qui  ATeair  li  paiss,  non  poor  morir.  —  *'  EnT«ntni«rcms.  —  *  .\nçois 
que  voos  ne  sojês  aaaessos  de  vos  l>t=soogn€s.  —  '  Et  ce  que  je  voiu 
«j  en  coQTeat,  je  voa*  temrsj. —  **  *•  Que  le  Taiil&nt  ch*rTalier. 


52  LE   SIRE    DE   BEAUMONT 

«  reconfortés-vous  etvostre  gent  ossi,  car  je  vous  teiiray 
«  vostre  prommesse.  Vous  venrés  veoir  monseigneur  mon 
«  frère  et  madame  *  la  contesse  de  Haynnau  *  et  leurs  biaux 
«  enfans  qui  vous  recheveront  à  grant  joie  ;  ^  car  jà  leurs 
«  en  ay-je  oy  parler  *.  »  Et  la  dame  li  octroia  et  dist  : 
«  Sire,  je  troeve  en  vous  plus  de  confort  et  d'amour  que  en 
«  tout  le  monde,  et  de  ce  que  vous  me  dites  et  offrez  V*»  mille 
«  merchîs.  ^  Se  vous  me  voilés  faire  ce  que  vous  me 
€  proummettés  par  vostre  courtoisie,  je  devenroie  vostre 
K  serve  et  mes  fils  vostres  sers  à  tous  jours,  et  mettrions 
«  tout  le  royaume  d'Ëngleterre  à  vostre  abandon  '  et  à  bon 
((  droit  ^.  »  Lors  respondy  li  gentils  chevaliers  messires 
Jehans  de  Haynnau  qui  estoit  en  le  fleur  de  son  eage,  et 
dist  :  «  Certes,  ma  trës-chiëre  dame,  se  je  ne  le  voUoie 
a  faire,  je  ne  le  vous  proummeteroie  mie.  Mais  je  le  vous 
«  ay  proummis;  si  ne  vous  en  fauray  pour  riens  qui  puist 
«  avenir  :  mieux  ameroie  à  morir.  »  Apriès  ce  parlement, 
quant  ainssi  furent  acordé,  messires  Jehans  de  Haynnau 
prist  congiet  pour  ce  soir  à  la  royue  et  à  son  fils  et  as  sei- 
gneurs d*Engleterre  qui  là  estoient  et  s'en  revint  à  Denaing. 
Là  se  herberga-il  en  Tabéie  ceste  nuit ,  et  Fendemain 
apriës  messe  et  boire  il  monta  à  cheval  et  s'en  revint 
deviers  la  royne  qui  à  grant  joie  le  rechupt.  Jà  avoit-elle 
disnë  et  estoit  toute  appareillie  de  monter  quant  messires 
Jehans  de  Haynnau  vint. 

Quatr,  réd.  —  A  toutes  ces  paroles  et  remoiistrarices  parla  11 
chevaliers  moult  doucement  et  sagement,  et  tousjours  en  recon- 

*  Ma  seur  vostre  cousine.  —  •  Qui  voua  en  prient.  —  •*  Et  en  sui 
cargiës  de  vous  dire  et  de  vous  mener  par  devers  yaus.  —  ••  Jamais 
ne  Tarons  desservi  moj,  ni  mes  fils,  mes  se  li  tamps  vient  que  nous 
soyons  en  nostre  estât  sicom  jou  espoire  bien  par  le  confort  et  gi'asce 
de  Dieu  et  de  vous,  il  vous  sera  grandement  remunéret.  — 'Et  volenté. 


OFFRE  SON  ÉP££  A  LA  REINE.  OO 

fortant  la  dame.  Et  quant  la  roinc  vint  à  la  parole  de  dire  corn- 
ment  11  Londrjen,  par  le  consentement  de  pluisseurs  prelas  et 
barons  d'Engleterre ,  11  mandoient  que  elle  retournast  en  Engle- 
terre,  et  que  elle  fesist  tant  que  elle  euist  trois  cens  ou  quatre 
cens  armeures  de  fier,  car  li  langages  dou  prononchier  pour  le 
temps  de  lors  estoit  tels,  et  les  amenast  ou  pais,  et  li  Londrjen 
les  délivreroient  de  tous  poins  et  se  meteroient  en  lor  compa- 
gnie :  «  Car  par  ma  foi,  messire  Jehan  et  biau  cousin,  je  n'ai  de 
M  quoi  faire  ce  paiement.  Je  n'ai  finance  fors  que  pour  mes 
«  menus  frès.  »  Il  respondi  promptement  et  dist  :  «  Madame, 
«  vechi  vostre  chevalier  qui  n'a  pour  le  présent  que  faire,  ne  à 
€  quoi  entendre.  Si  voel  estre  en  vostre  service,  et  n'entenderai 
€  jamais  à  autre  cose,  si  vous  aurai  remis  en  Engletcrre.  Mon- 
«  signeur  mon  frère  et  moi,  avons  finance  assés,  chevaliers  et 
«  esquiers  qui  désirent  les  armes  et  qui  ne  sont  pour  le  présent 
«  de  riens  cargiet,  ne  ensonnyet  :  si  ne  vous  fault  point  doubter  " 
«  que  par  faute  de  mise  et  de  chevalerie,  vostres  volages  soit 
«  requlés,  car  à  l'aide  de  Dieu  et  de  saint  George,  nous  l'ache- 
«  verons.  »  A  ceste  parole  plora  moult  tendrement  la  dame  de 
joie  et  de  pi  té  et  len  remerchia  de  bon  coer,  et  puis  li  dist  mes- 
sires  Jehans  de  Hainnau  :  «  Madame,  monsigneur  mon  frère  et 
«  madame  ma  soer  la  comtesse  de  Hainnau  vous  prient  par  moi 
«  que  vous  les  venés  veoir  et  lors  enfans.  »  La  roine  respondi  et 
dist  que  de  ce  faire  elle  estoit  toute  preste  et  tenue  dou  faire  et 
que  pour  euls  veoir  principaument,  elle  estoit  avalée  et  venue  de 
France  jusquos  à  là.  Ensi  se  portèrent  les  premières  acquoin- 
tances  entre  la  roine  d'Engleterre  et  messire  Jehan  de  Hainnau, 
et  fu  là  environ  deus  heures,  et  parlèrent  de  pluisseurs  coses 
assés  et  prissent  vins  et  espisces  par  deus  fois.  Tout  ce  fait,  mes- 
sires  Jehans  de  Hainnau  prist  congiet  à  la  roine  et  à  son  fil  et 
au  conte  de  Kent  et  à  toiis  et  à  toutes,  et  issi  hors  dou  chastiel 
et  monta  à  ceval  et  son  esquier  et  leur  page.  Li  sires  d'Ësne,  li 
sires  d'Aubrecicourt  et  trois  des  enfans  de  Mauni  qui  là  estoient, 
Gilles,  Jehans  et  Tiéris,  le  reconvoyèront.  Watiors  et  Willaumes 
de  Mauni  domorèrent  dalés  la  roine.  Et  sVn  revinrent  messires 


54  LA   REINE   D*ANGLETEilRE 

Jehans  et  li  aultre  à  Denaiug  et  là  demorèrent  la  nuit,  mais  chil 
qui  acompagniet  avoient  le  signeur  de  Biaumont,  retournèrent  à 
Buignicourt  dalés  la  roine  d'Engleterre. 


Lors  se  parti  la  royne  d'Engleterre  dou  castiel  de  Bui- 
gnicourt et  prîst  congiet  au  chevalier  et  à  la  dame  et  leur 
dist  en  yaux  remerchiant  que  *  de  le  bonne  chière  et  lie  * 
que  layens  on  li  avoit  fet,  ungs  tamps  venroit  que  grande- 
ment l'en  souvenroit  et  son  fil  ossi.  Enssi  se  parti  la  royne 
en  le  compaignie  dou  gentil  seigneur  de  Biaumont  qui  lie- 
ment  et  ^  réveleusement  *  l'amena  à  Valenchiennes ,  et 
contre  lui  widièrent  moult  de  bourgeois  de  le  ville  bien 
paret  et  ordonnet  pour  lui  honorablement  recepvoir. 
Aînssi  fu-elle  amenée  de  monseigneur  Jehan  de  Haynnau 
deviers  le  bon  comte  Guillaume  de  Haynnau  qui  le  rechupt 
à  grant  joie,  et  ossi  fist  la  contesse,  et  le  festyèrent  ce  qu'il 
porent,  car  bien  le  savoîent  faire.  Adont  avoit  li  contes 
Guillaumes  IIII  filles ,  Marguerite ,  Phelippe ,  Jehanne  et 
Ysabiel.  De  quoy  li  jones  Edouwars  qui  fu  puis  roysd'Engle- 
terre  s'adonnoit  le  plus  et  s'enclinoit  de  regart  et  d'amour 
sus  Phelippe  que  sus  les  autres,  et  ossi  la  jone  fille  le  con- 
gnoissoit  plus  et  lui  tenoit  plus  grant  compaignie  que  nuls 
de  ses  sereurs  :  aînssi  l'ay-je  oy  depuis  recorder  ^  la  bonne 
dame  qui  fut  royne  d'Engleterre  et  dallés  qui  je  demou- 
ray  et  servi  ;  mes  ce  fu  trop  tard  pour  my.  Si  me  fist-elle 
tant  de  biens  que  j'en  sui  tenus  de  pryer  à  tous  jours  mes 
pour  elle. 

Var,  prei^n.  réd,  —  Lors  se  party  la  royne  du  chas  tel  de 
Bougnicourt,   et  prist  congié  au  chevalier  et  à  la  dame  ;  et 

*-^  De  In  grant  courtoisie.  —  '*  Rëvérammcnt.  — -  *  Pour  vrai. 


A    VALEiSClLISlSLS  .'>(> 

leur  dist,  en  oulx  romerchiant  la  bonne  ohieire  que  lait  lui 
avoient ,  que,  au  plaisir  Dieu,  ung  temps  venroit  qu  il  lui  sou- 
vcnroit  de  le  grant  courtoisie  que  fait  lui  avoient.  Ainsi  se 
party  à  la  compaignie  du  seigneur  de  Bcaumont  qui  joieuse- 
inont  le  mena  à  Valenchiennes.  Et  encore  ly  vinrent  au  devant 
plenté  de  seigneurs  et  de  bourgois  de  la  ville,  bien  ricement 
parés,  qui  grant  honneur  li  firent.  Et  ainsi  fu  menée  devers  le 
bon  conte  Guillamme,  qui  à  grant  joie  b  rechut,  et  ossi  fist  la 
contesso.  Adont  avoit  le  bon  conte  IIII  filles  :  Margueritte, 
Phelippe,  Jehanne  et  Ysabel,  à  laquelle  Phelippc  celui  josno 
Édouart  s'adonnoit  le  plus  et  enclinoit  du  regart  et  d'amour,  et 
aussi  la  josne  fille  11  compaignoit  plus  que  nulle  de  ses  seurs. 
Ainsi  Toy-je  recorder  pour  vraj.  Ainsi  trouva  la  royne  d'Englo- 
terre  conseil  et  confort  à  monseigneur  Jehan  de  Haynnau,  quant 
tout  le  monde  ly  failly.  Et  croy  que  là  demeura  V III  jours  lez 
le  bon  conte  et  la  contesse  Jehenne  de  Valois.  Et  entrues  fist 
apparillier  son  navire  et  ses  besongnes.  Et  messire  Jehan  de 
Haynnau  fist  escripre  lettres  moult  affectueuses  aux  bons  che- 
valiei^s  et  escuiers  en  qui  plus  se  fioit,  tant  en  Haynnau,  en 
Brabant,  en  Hasebaing  et  en  pluiseurs  autres  lieux,  en  culx 
priant,  sur  toutes  amistiés,  qu'ils  vosissent  venir  avec  luy  et 
aler  en  ceste  noble  et  honnourable  emprinse.  S'en  y  eut  grant 
plenté  d'un  pays  et  d'aultre  qui  pour  l'amour  de  luy  y  alcrent, 
et  grant  plenté  qui  n'y  alèrent  mie,  combien  que  priet  en 
fussent.  Et  meismes  messire  Jehan  de  Haynau  en  fu  durement 
blasmés  du  conte  son  frère  et  d'aultres  de  son  conseil,  pour  tant 
lu'il  leur  sambloit  que  le  roy  son  frère  ly  faloit,  qui  mieulx  lui 
devoit  aidier  que  nuls,  et  ossi  que  l'emprise  estoit  trop  grant 
périlleuse,  et  durement  doubtoient  que  de  si  grant  emprinse 
n  ne  revcnist  point,  ne  sa  compagnie.  Mais  quoy  qu'on  lui 
blammast,  le  gentil  chevalier  ne  s'en  volt  oncques  délaier ,  ains 
dist  :  «  Je  n'ay  que  une  mort  à  morir,  qui  estoit  en  la  volenté 
€  de  Nostre  Seigneur;  »  et  ceste  aventuroit-il  pour  l'amour  et 
honneur  de  la  royne,  et  que  sa  promesse  il  lui  tenroit  jusques 
en  fin.  Et  disoit  qu'il  ne  plaindroit  point  sa  mort  à  prendre  avec 


56  LA   REINE   D'ANGLETERRE 

celle  noble  damme  qui  à  tort  estoit  encachie  et  déboutée  de  son 
pays.  Car  tous  bons  chevaliers  doivent  aidier  à  leur  povoir  toutes 
dames  et  pucelles  décachies  et  desconfortées ,  à  leur  besoing , 
et  mesmement  quant  il  en  sont  requis. 

Trois,  réd,  —  La  royne  dcmora  à  Buignicourt  grandement 
reconfortée,  et  bien  y  avoit  raison,  en  le  pourvéance  de  monsi- 
gneur  Nicole  d'Aubrecicourt  qui  en  faisoit  ce  qu'il  pooit,  et  tant 
en  fist  que  la  royne  l'en  sceut  grant  gré,  et  demora  tous  jours 
depuis  ses  chevaliers  et  si  enfant  et  leur  génération  ossi,  sicom 
vous  orés  recorder  en  avant  en  eeste  hystore. 

Quant  ce  vint  au  matin  apriès  messe  et  boire  messires  Jehan  s 
de  Haynau  se  parti  de  Denaing  et  chevauça  de  rechief  à  Bui- 
gnicourt, si  trouva  que  la  royne  estoit  jà  toute  apparillie  et  ses 
gens  ossi.  Si  se  partirent  tout  ensamble  et  ses  flls  et  leur  route 
ou  conduit  le  signeur  de.  Byaumont  qui  les  amena  adont  à 
Yalencienes,  et  y  furent  liement  et  bellement  rechut,  et  estoit 
la  Salle  dou  Conte  toute  appareillie  pour  la  ditte  dame  et  ses 
gens  ;  car  à  ce  dont  li  contes  se  logoit  en  Tostel  de  Hollandes 
et  tous  les  hosteuls.  Si  descendi  la  royne  d'Engleterre  à  le 
Salle,  et  y  fu  logie  et  herbergie  bien  et  aisiement,  et  le  vint  là 
veoir  la  contesse  de  Haynau  qui  li  fist  toute  honneur  et  rêvé- 
rense,  car  bien  le  savoit  faire.  Et  ossi  fist  li  contes  Guillaumes 
de  Haynau,  mais  il  estoit  maladieus  de  gouttes,  si  ne  chevauçoit 
mies  à  sen  aise.  Toutes  fois  il  Thonnoura  et  festia  grandement 
le  terme  que  elle  séjourna  à  Valencienes ,  environ  trois  sep- 
mai  unes. 

Q,%atr.  rid,  —  Quant  messires  Jehans  de  Hainnau  eut  dormi 
et  reposé  tout  à  son  aise  en  Tabéie  de  Denaing,  il  se  leva  et  appa- 
rilla,  et  puis  monta  à  cheval  et  prist  congiet  à  dames  et  à  damoi- 
selles  qui  pour  ces  jours  i  estoient,  et  s'en  vint  à  Valenchieiines 
et  descendi  à  la  Sale  dou  Conte  et  trouva  jà  des  barons  et  des 
chevaliers  de  Hainnau  qui  estoient  venut  :  il  se  traist  deviers 
son  frôre  qui  dcvoit  alor  à  table,  se  li  rooorda,  avant  que  il 


A   VALENCIENNES.  57 

s*aseist,  tout  ensi  comme  il  avoit  fait  et  Testât  et  rordcnanee  do 
la  roine  et  des  paroles  et  requestes  que  elle  avoit  misses  avant  et 
aussi  de  celles  que  il  avoit  respondu.  De  tout  se  contenta  li 
contes  et  dist  que  il  avoit  moult  bien  fait,  et  li  savoit  très-bon 
gré  de  ce  que  il  s'estoit  offers  et  mis  ens  ou  service  de  la  roine 
d'Engleterre  et  de  son  fil  et  que  point  il  ne  li  faudroit,  fust  de 
gens,  fust  de  finance.  «  En  nom  Dieu,  biau  frère,  respondi  li 
a  sires  de  Biaumont,  sus  la  fiance  de  vous  ai-je  parlé  si  hardie- 
«  ment,  et  aussi  certainnement  je  ai  eu  si  grant  pité  de  la  bonne 
«  dame  et  ai  encores  que  je  ne  li  poroie  fallir  pour  mettre  toute 
«  ma  cavance.  »  Adont  lavèrent  li  signeur  et  se  asissent  à  table. 
Après  disner,  ordonné  fu  que  messires  Jehans  de  Hainnau,  li 
sires  d'Enghien,  li  sires  d'Antoing,  li  sires  de  Ligne  et  li  sires 
de  Haverech  chevauceroient  ce  soir  et  iroient  à  Bouchain  souper 
et  à  Tendemain  il  iroient  quérir  la  roine  d*Engleteri*e  à  Buigni- 
court  et  son  fil  et  le  conte  de  Kent  et  toute  lor  compagnie,  et  les 
amenroient  disner  à  Bouchain,  et  puis  apriès  disner,  il  s'en 
départiroient,  et  venroient  par  Haspre  et  tout  le  grant  chemin 
de  Cambrai  et  entreroient  à  Valenchiennes  par  la  porte  c'on  dist 
Cambrissienne,  et  les  amenroient  à  la  Sale  et  là  les  recheveroient 
li  contes,  la  contesse,  signeurs,  dames  et  damoiselles  qui  lor 
venroient  à  rencontre.  Cette  ordenance  sembla  bonne,  et,  se  li 
hostel  dou  conte  estoit  bien  pourveus,  encores  fu-il  renforciés, 
et  furent  envoyés  à  chars  et  à  chevaus  grandes  pourvéances  à 
Bouchain,  et  là  vinrent  messires  Jehans  de  Hainnau  et  li  signeur 
desus  nommés  ce  soir  souper  et  jessir.  Quant  ce  vint  à  Tende- 
main,  tout  montèrent  quant  il  orent  oy  messe,  et  puis  cevau- 
chièrent  moult  ordonnéement  tout  cel  pais  et  plain  d'Ostrevant  et 
vinrent  au  chastiel  de  Buignicourt,  et  jà  estoit  la  roine  d'Engle- 
terre  segnefjée  de  lor  venue  et  toute  ordenée  pour  partir,  car 
bien  savoit  que  on  la  venoit  querre  de  par  le  conte  de  Hainnau, 
et  li  avoit  madame  Jehanne  de  Valois,  contesse  de  Hainnau, 
envoyet  son  char  ordonné  et  apparilliet  ensi  que  pour  lui.  Chil 
baron  de  Hainnau  vinrent  à  la  roine  d'Engleterre ,  et  Tonnou- 
rcrent  grandement,  ensi  que  bien  le  sccurcnt  faire,  ot  elle  euls. 


c>S  LA    REINE   d'aNGLETERRE 

Dont  prist  la  roiiie  congiet  à  la  dame  de  Buignicourt  et  à  tous 
ses  enfans,  dont  elle  avoit  assés,  fils  et  filles,  et  li  dist  et  promist 
que  pour  la  bonne  chière  que  elle  avait  trouvé  en  li  et  en  son 
mari,  elle  se  sentoit  grandement  tenue  à  euls  et  que  si  enfant, 
ou  temps  à  venir,  en  vaudroient  mieuls.  La  bonne  dame  de  Bui- 
gnicourt et  d'Aubrccicourt,  comme  sage  et  discrète,  se  bumelia 
et  remerchia  de  tout.  Adont  entra  la  roine  ou  char  la  contesse  de 
Hainnau  et  mist  son  fil  Édouwart  au  costé  li  et  une  dame  d'En- 
gleterre  qui  Tavoit  acompagniet,  que  on  nommoit  la  dame  de 
Briane,  et  avoient  li  rois  et  li  Espensiers  fait  déceler  son  mari  ; 
et  puis  se  départirent  de  Buignicourt  et  cevauchièrent  tout  souef 
à  belle  compagnie,  tousjours  messire  Jehan  de  Hainnau  dalés  la 
roine  au  char,  et  vinrent  à  Bouchain  et  là  disnèrent.  Apriès  dis- 
ner,  tous  s'en  départirent  et  se  missent  au  cemin  et  passèrent 
Haspre.  Quant  tous  et  toutes  orent  beu,  il  prissent  le  cemin  do 
Valenchiennes.  Ensi  que  la  roine  et  chil  signeur  desus  nommé 
descendoient  ens  es  prairies  de  Fontenielles,  jà  estoiont  venu 
chevaliers  et  esquiers,  qui  bouté  s'estoient  et  armé  pour  la  jousto, 
ens  es  bois  de  Fontenielles,  et  aultres  officyers  de  par  le  conto, 
qui  présentèrent  à  la  roine  et  à  son  fil  et  au  conte  de  Kent  et  à 
messire  Rogier  de   Mortemer,   chevaus   et   palefrois   si  bien 
aournés  de  tout  ce  que  à  euls  apartenoit,  que  riens  n'i  avoit  esté 
espargmet,  laquelle  cose  la  roine  d'Engleterre  vei  moult  volen- 
ticrs.  Aussi  fist  ses  fils  et  toutes  lors  gens,  et  les  avoit-on  là 
amenés  et  envoyés  pour  la  roine  et  la  dame  de  Briane  et  les 
damoiselles  monter  sus  et  renouveler  de  monteure,  mais  la  ditto 
roiuo,  ne  la  dame,  qui  ens  ou  char  estoient,  n'en  issirent  point, 
si  furent  venu  en  la  Sale  à  Valenchiennes;  mais  li  joncs  Edou- 
wars  monta  sur  un  i)alefroi  tout  préparé  et  ordonné  pour  lui. 
Toute  la  compagnie  montèrent  sus  les  camps,  en  aprochant  lo 
bois  de  Fontenielles,  et  dou  bois  issirent  chevaliers  et  esquiers 
armés  pour  la  jousto,  et  là  joustèront  moult  radement  devant  la 
roine  ot  les  signeurs,  et  tout  en  venant  et  en  chevaurant  vers 
Valenchiennes,  chevalier  et  esquier  joustoiont  sans  euls  es[>ar- 
gnior,  tels  qur  li  sires  de  riommegnios,  li  sires  de  Vertain,  li 


A   VALENCIENNES.  59 

sires  de  Mastain,  li  sires  do  Biellain,  li  sires  de  Hordain,  li  sires 
de  Potelles,  li  sires  de  Vendegies,  li  Borgnes  de  Robertsart, 
Gilles  de  Mauni,  dit  Grignars,  Gilles  de  Soumaln  et  Ostes  ses 
frères,  et  plus  de  quarante  chevaliers  et  esquiers,  et  tout  ce  veoit 
la  roino  d'Engleterre  moult  volontiers,  et  aussi  faisoitses  fils,  et 
durèrent  ces  joustes  jusques  à  moult  priés  de  Valenchiennes.  Si 
issirent  hors  de  la  ville  grant  fuisson  de  bourgeois  de  Valen- 
chiennes bien  montés  et  aournés  et  en  bonne  ordonnance,  et 
vinrent  contre  la  roine  et  son  fil  et  les  signeurs,  et  fu  ensi  la 
roine  d'Engleterre  amenée  honourablement  jusque  en  la  Salle  de 
Valenchiennes,  et  issi  au  piet  des  grés  hors  dou  char  et  encon- 
trèrent  à  Tentrée  de  la  Salle  amont  le  conte  de  Hainnau,  tout  à 
nu  chief,  la  contesse  sa  femme  et  lors  enfans,  Marguerite, 
Jehanne,  Phelippe,  Isabiel  et  lor  frère  Guillaume,  qui  tout 
estoient  jone.  Si  honnourèrent  la  roine,  et  elle,  euls,  et  la  con- 
joïrent  et  la  requellièrent  moult  doucement  li  contes  et  la  con- 
tesse, ensi  comme  il  apartenoit  et  que  bien  le  sceurent  faire.  Et 
vous  di  que  toute  la  Salle  fu  adont  laissie  pour  la  roine  d'Engle- 
terre  logier  et  ses  gens,  et  li  contes  et  la  contesse  estoient  logiet 
en  Tostel  de  Hollandes,  et  lors  enfans,  à  Malaunoit,  et  aussi 
avoientil  là  par  jour  lor  retret.  La  roine  d'Engleterre  veoit  que 
li  contes  de  Hainnau  et  la  contesse  li  faisoient  tant  d'onnour  que 
plus  ne  len  pooient  faire,  si  en  looit  Dieu  et  regràtioit  grande- 
ment en  soi-meismes,  car  elle  espéroit  bien  que  par  euls  et  les 
Hainnuiers,  elle  seroit  confortée  et  adrechiée,  ensi  que  elle  fu  si 
grandement,  comme  vous  orés  refcorder  avant  en  Thistoire,  et  fu 
la  ditte  roine  et  ses  fils  et  li  contes  de  Kent  grandement  tenu  au 
conte  de  Hainnau  et  à  messire  Jehan  de  Hainnau,  son  frère,  et 
as  Hainnuiers ,  car  elle  ne  trouvoit  en  Franco ,  ne  aultre  part , 
nul  confort,  ne  qui  se  vosist  ensonnyer  de  ses  besongnes,  quant 
li  gentils  clievaliers  messires  Jehans  de  Hainnau  emprist  le  faix 
et  le  cargo,  dont  pluisseurs  gens,  en  Hainnau  meismement,  Ten 
t<înoient  à  fol  et  à  mal  consilliet,  quant  atout  une  poignie  de 
gens,  il  se  mist  en  l'aventure  dealer  on  Engleterre  à  rencontre 
dou  roi,  dou  signour  Esponsior  ci  do  rouis  do  lors  sieste.  Au  voir 


(K)  LE  SIRE   DE  BEAUMONT 

dire,  se  li  Londrjcn  n'euissent  este,  et  auquns  nobles  dou  pais 
qui  furent  dou  confort  et  aliance  la  roine,  jamais  pies  n'en  fust 
retournés. 

Ainsi  madame  la  royne  d'Engleterre  Ysabiel  de  France 
trouva  *  recomfort  *  en  monseigneur  Jehan  de  Hayn- 
nau,  quant  tous  li  mondes  li  failli ,  et  demoura  en  Valen- 
chîennes  par  Tespasse  de  VIII  jours  dallés  le  bon  conte 
et  madame  la  contesse  Jehanne  de  Vallois,  et  entrues 
flst-elle  appareillier  son  œuvre  et  ses  besoingnes.  Et  li  dis 
messires  Jehans  de  Hayimau  fîst  escripre  lettres  moût  affec- 
tueuses ^  as  chevaliers  et  as  compagnons  ^  de  qui  il  se  fioit 
le  plus,  en  Haynnau,  en  Braibant  et  en  Hasebain  ^  et  leur 
prioit  si  acertes  qu'il  pooit  à  cascun  sour  touttes  amistiés, 
qu'il  venissent  avecques  lui  •  en  ceste  entrepresure  '.  Si  eu 
y  ot  grant  plentet  de  l'un  paya  et  de  l'autre,  qui  y  allèrent 
pour  l'amour  de  lui,  et  grant  plentet  qui  n'y  allèrent  mies 
comment  qu'il  en  fuissent  pryet.  Et  meysmement  li  dis 
messire  Jehans  de  Haynnau  en  fu  durement  •  repris  •  de 
son  frère  et  d'aucuns  de  son  propre  consseil  pour  tant  qu'il 
leur  sambloit  que  *^  li  emprise  estoit  si  haulte  et  si  péril- 
leuse seloncq  les  descors  et  les  grandes  haynnes  qui  estoient 
adont  entre  les  haulx  barons  et  les  conmuns  d'Engleterre 
et  seloncq  ce  que  li  Englès  sont  communément  envieux  sour 
toutes  estranges  gens  quant  il  sont  à  leur  deseure  et  espé- 
cialement  en  leur  pays,  que  chacuns  avoit  paour  et  doutance 
que  li  dis  messires  Jehans,  ne  nuls  de  ses  compaignons 
peuist  jammais  revenir.  Mes  quoy  que  on  lui  blasmaist,  ne 

*  '  Conseil  et  reconfort.  —  *  *  Aux  bons  chevaliers  et  escuiers  en 
qui  plus  se  fioit.—  •  Et  en  pluisenrs  autres  lieux.  —  «^  En  ceste  noble 
pt  honnourable  emprise.  —  ••  Rlasmés.  —  '®  Que  le  roi  son  frère 
li  faloit,  qui  mieulx  lui  devoit  aidier  que  nuls. 


PERSISTE  DANS  SON  PROJET.  VA 

desconseillaist,  li  gentils  chevaliers  ne  s'en  veult  oncques 
*  relayer  *  ains  dist  que  il  n'avoit  que  une  mort  à  souffrir 
qui  estoit  en  le  vollenté  de  Nostre  Seigneur  ^,  mes  il  avoit 
promis  à  celle  gentil  dame  de  lui  conduire  jusques  en  son 
royaumme,  si  ne  l'en  fauroit  pour  roorir.  Et  ossi  chier 
avoit-il  à  prendre  le  mort  avœcques  celle  noble  dame  qui 
escachîe  estoit  et  déboutée  hors  de  son  pays ,  se  mourir  y 
devoit,  que  autre  part.  Car  tout  *  chevalier  doient  aidier  à 
leur  loyaul  pooir  toutes  dammes  et  puchelles  descachies  et 
desconfortées  à  leur  besoing  ^  meismement  ^  quant  il  en 
sont  requis. 

Quatr,  réd,  —  Ens  ces  séjours,  joies  et  esbatemens  où  li 
contes  Guillaumes  de  Hainnau  tint  et  rechut  la  roine  d'Engle- 
terre  en  la  ville  de  Valenchiennes,  fu  ordonné  de  messire  Jehan 
de  Hainnau  comment  il  feroit,  ne  quel  carge  de  gens  d'armes  il 
aueroit.  Pluisseur  jone  chevalier  et  esquier  de  Hainnau  s'of- 
froient  à  messire  Jehan  et  li  disoient  :  <  Sire,  menés-nous 
«  avoecques  vous,  nous  vous  volons  servir  sus  ce  voiage  à  nos- 
a  très  costages.  »  Li  gentils  chevaliers  respondoit  et  disoit  : 
«  Grant  merchis,  biau  signeur,  j'en  aurai  avis  ;  je  ne  vous 
«  refuse  pas,  mais  le  carge  que  je  aurai,  monsigneur  mon  frère 
a  le  me  fera.  »  Ensi  s'escusoit  li  chevaliers. 


Enssi  estoit  meus  et  encoragiés  messires  Jehans  de  Hayn- 
nau  '  et  faisoit  se  semonse  et  se  pryère  des  Haynuyers  à 
estre  à  Hal  et  les  Braibenchons  à  estre  à  Breda  et  les  Has- 
begnons  au  Mont  Sainte-Gertrud  et  les  HoUandoîs  dont  il 
eut  aucuns  à  estre  à  Dourdrecq.  Lors  prist  congiet  la 
royne  d'Engleterre,  au  conte  de  Haynnau  et  à  la  contesse 

*  *  Délayer.  —  '  Et  ceste  aventuroit-il  pour  Tamour  et  honneur  de  la 
royne.  —  *  Bon.  —  ***  Espécialement . —  '  Pour  la  royne  reconforter, 
et  moult  se  haata. 


62  PRÉPARATIFS 

et  les  remerchia  grandement  et  doucement  del  honneur  de 
le  feste  et  de  le  bonne  chierre  et  belle  recoeilloite  que  li 
avoient  fet,  et  le  baisa  au  partir  et  la  contesse  et  leurs 
biaux  enfans.  Enssi  se  parti  la  dame  et  ses  fils  et  toute 
leur  route  acompagniet  de  monseigneur  Jehan  de  Haynnau 
qui  à  grant  dur  et  moult  envis  avoit  eut  congiet  de  mon- 
seigneur son  frère,  quoy  qu'il  se  fuist  de  premiers  accordés 
et  assentis  ad  ce  voiaige  ;  mes  finablement  *  il  li  dounna  de 
bonne  vollenté  *  et  li  dîst  enssi  messires  Jehans  par  trop 
biau  langaige  :  «  Monseigneur,  je  suis  jones  et  encorres  à 
«  faire.  Si  croy  que  Dieu  m'ait  pourveu  de  ceste  emprise  pour 
«  mon  avanchement,  et  se  Dieu  me  vaille,  li  couraige  m'en 
«  siet  trop  bien  que  nous  en  venrons  ^  à  nostre  deseure  *  ; 
«  car  je  quide  et  croy  de  vérité  que  par  péciet,  à  tort  et  par 
<c  envie,  ou  a  ceste  boniie  royne  descachie  et  son  fil  hors 
«  d'Engleterre.  Si  est  aumousne  et  gloire  à  Dieu  et  au 
«  monde  d'adresser  et  reconforter  les  desconfortés  et  des- 
«  confortées  et  espécialement  si  noble  et  haute  dame  comme 
«  cesti  est,  qui  fu  fille  de  roy  et  est  descendue  de  royale 
«  lignie,  et  sommes  de  son  sancq  et  elle  dou  nostre.  Je  aroie 
«  plus  cher  à  renoncher  à  tout  che  que  j'ay  vaillant  et  aler 
«  servir  Dieu  oultre  mer  sans  jammais  retourner  en  ce 
«  pays,  que  la  bonne  damme  fust  partie  de  nous  sans  con- 
«  fort  et  ayde.  Si  me  layés  aller  et  donnés  congiet  de  bonne 
«  volenté  ;  si  ferés  bien  et  vous  en  saray  gré  et  s'en  exploi- 
te teront  mieux  mes  besoingnes.  » 

,  Quant  li  bons  contes  de  Haynnau  eut  oy  son  frère  et 
perchut  le  grant  désir  qu'il  ot  de  faire  ce  voiaige  qui  à  très 
hautte  honneur  li  puelt  tourner  et  à  ses  hoirs  à  tous  jours 
mes  et  congneust  bien  qu'il  dist  vérité,  si  en  eult  grant  joie 

*■*  Quand  il  vit  que  autre  chose  il  n'en  povoit  avoir,  il  lui  donna 
congiet  moult  débonnairement.  —   '*  A  nostre  honneur. 


DE  l'expédition.  G3 

et  li  dist  :  «  Biau  frère,  ne  plaise  jà  à  Dieu  que  vostre  bon 
c(  pourpos,  je  vous  brise,  ne  oste,  et  je  vous  donne  congiet 
«  ou  nom  de  Dieu.  »  Lors  le  baisa  ^  et  li  estraindi  le  main 
en  signe  de  grant  amour.  Enssi  se  parti  messires  Jehans 
de  Haynnau  et  s'en  vint  ce  jour  jësir  à  Mons  en  Haynnau, 
et  ossi  la  royne]  d'Engleterre.  Que  vous  eslongeroie  la 
matère?  Il  firent  tant  par  leurs  journées  qu'il  vinrent  à 
Dourdrech  en  Hollande  où  li  espéciaux  mandemens  estoit 
fès.  Là  endroit  se  pourvoiront  de  naves,de  grans  vaissiaux 
et  de  petits  ainssi  qu'il  les  porent  trouver  et  misent  dedens 
lors  chevaus,  lors  harnas  et  lors  pourvéanches,  puis  se  com- 
mandèrent en  le  garde  Nostre  Seigneur  et  se  misent  en  che- 
min par  mer.  Là  estoientde  chevaliers  haynnuiers  avoecques 
monseigneur  Jehans  de  Haynnau,  messires  Henris  d'An- 
toing,  messires  Mekiel  de  Ligne,  li  sires  de  Havrech,  caste- 
lain  de  Mons,  messires  Robiers  de  Biaufort,  li  seigneurs 
....*,  li  sires  de  Gommignies,  messires  Percevaux  de 
Semeries,  messires  li  Estandars  de  Montegni,  messires 
Sansses  de  Boussoit,  li  sires  de  Potelles,  li  sires  de  Villers, 
li  sires  de  Henin,  li  sires  de  Sars,  li  sires  de  Bousies,  li 
sires  de  Vertaing,  li  sires  d'Aubrecicourt,  li  sires  d'Estur- 
mel,  messires  Wouffars  de  Gistelles  et  plusieurs  autres 
chevaliers  et  escuyers  ^  tout  en  grand  désir  de  servir  leur 
mestre  *. 

Trois,  réd,  —  Ensi  se  parti  la  royno  d'Engleterre  de  le  ville 
de  Valencieiines  quant  elle  et  ses  gens  furent  apparilliet  de  che 
qu  il  leur  falloit,  et  prist  congiet  au  gentil  conte  Guillaume  do 
Haynau  et  à  madame  Jehane  la  contesse  sa  femme  et  les  remercia 
grandement,  humlement  et  doucement  de  le  bonne  lie  cière  et  do 

^  Moult  tendrement  plouiant.  —  *  Aimiez  :  Messire  Robert  de 
Bailleul,  messire  Féri  de  Hordaing,  le  sire  de  HeHaing.  —  '  *  Qui 
par  grant  désir  alèrent  en  celle  noble  emprise. 


G4  PRÉPARATIFS 

la  belle  recueilloite  que  il  li  avoient  fait.  Si  se  mist  à  voie  sus 
le  segureté  et  conduit  del  gentil  chevalier  le  dit  monsigneur  de 
Bjaumont  :  si  fisent  tant  par  leurs  journées  que  il  vinrent  à 
Dourdresk  en  Hollandes.  Là  endroit  se  pourveirent  de  naves  et 
vaissiaux  grans  et  petis  ensi  qu'il  les  peurent  trouver,  et  misent 
dedens  leurs  chevaus,  leurs  harnas   et  leurs  pourvéances,  et 
quant  il  eurent  par  avis  vent  bon  pour  euls,  il  se  commandèrent 
en  le  garde  de  Nostre  Signeur,  et  entrèrent  en  leurs  vaissiaus  et 
désancrèrent  et  se  misent  en  mer,  et  n'estoient  non  plus  de 
CGC  armeures  de  fier.  Or  considérés  le  hardie  et  haute  emprise 
que  li  sires  de  Bjaumont  faisoit  que  de  aler  conquerre  et  entrer 
en  ung  royaume  par  force  où  il  ne  cognissoient  nullui,  et  ne 
savoit  qu'il  y  trouveroit,  mais  il  le  faisoit  de  si  grant  corage  et 
avoit  tel  espérance  en  Dieu  qu'il  li  estoit  avis  que  bien  furniroit 
et  à  sen  honneur  le  voiage.  Si  estoit-il  adont  au  commence- 
ment de  son  venir  et  en  le  droite  fleur  de  se  jonèce  :  si  l'entre- 
prendoit  plus  volentiers  et  plus  hardiement.  Or  vous  nommerai 
aucuns   des  chevaliers   de  Hajnau  qui   alèrent  avoecques  lui 
et  à  se  prière  en  ce  voiage  :  premièrement  messires  Henris 
d'Antoing,  messires  Robers  de  Bailluel  qui  puis  fu  sires  de 
Fontainnes,  messires  Fastres  dou  Rues,  messires  Mikieus  do 
Ligne,  messires  Sansses  de  Boussoit,  messires  Perchevaus  de 
Semeries,  messires  Sanses  de  Biauriu,  li  sires  de  Wargni,  li 
sires  de  Potelles,  li  sires  de  Montegni,  li  sires  de  Gommegnies, 
li  sires  d'Aubrecirourt  et  aucun  aultre  baceler  qui  se  voloient 
enventurer  avoech  le  dit  chevalier  et  leurs  corps  avancier.  Si 
y  eut  aucuns  Braibencons  et  Hesbegnons,  mes  ce  ne  fu  pas 
gramment. 

Quatr.  rid,  —  Li  jours  fu  assignés  le  ivij*  jour  du  mois  de 
septembre  à  estre  à  Dburdresc,  et  tout  se  ordonnèrent  et  appa- 
riUièrent  chil  qui  aler  i  dévoient,  et  vinrent  devant  le  jour  li 
pluisseurs  en  la  ville  de  Dourdresc  et  là  atendirent  tout  l'un 
l'autre.  Là  estoient  gens  d'office  de  par  messire  Jehan  de  Hain- 
nau,  qui  faisoient  les  pourvéances  de  mer  et  apparilloient  barges 


DE   L*ËXPÉDIT10N.  65 

et  balengliers  pour  passer  oultre  en  Engleterre.  Toutes  ces  coses 
furent  seeues  deviers  le  roi  d'Engloterre  et  le  signeur  Espensier 
ot  lors  complîsces,  comment  la  roine  d'Engleterre  et  ses  ÛLs  et 
li  contes  de  Kent  estoient  descendu  de  France  en  Hainnau  ot 
avoient  tant  fait  deviers  le  conte  et  son  frère  quemessires  Jehans 
de  Hainnau,  à  poissance  de  gens  d'armes,  les  devoit  ramener  et 
remettre  en  Engleterre,  maugré  tous  lors  nuissans.  Adont  i 
pourveirent-il  pour  obvjer  à  rencontre  de  euls  et  fissent  garder 
pors,  havènes  et  passages  à  grant  fuisson  de  gens  d'armes  et 
d'archiers,  et  lor  estoit  estroitement  commandé  que  tout  ce  que 
il  veroient,  qui  prendre  terre  vodroient  en  Engleterre,  fuissent 
mort,  sans  nului  prendre  à  merchi. 

Quant  messires  Jehans  de  Hainnau  senti  que  toutes  les  pour- 
véances  estoient  faites,  et  ses  gens  desquels  ils  se  voloit  aidier, 
venu  àDourdresc,  et  plus  encores  que  il  n'en  euist  pris  et  retenus, 
il  dist  à  la  roine  d'Engleterre  :  <  Dame,  il  est  temps  que  nous 
a  nos  metons  à  voiage,  car  ceuls  que  je  pense  amener  avecques 
«  nous  en  Engleterre,  sont  tout  prest  et  nous  attendent  au  pas- 
€  sage.  >  La  dame  respondi  :  <  Dieus  i  ait  part  !  »  Adont  prist- 
elle  congiet  au  conte  de  Hainnau  et  à  la  contesse,  et  les  remer- 
chia  moult  doucement  de  la  bonne  et  honnourable  requelloite  que 
fait  li  avoient.  Là  fu  pris  li  congiés  et  baisa  la  roine  à  son  dépar- 
tir tous  les  enfans,  Tun  apriès  Taultre,  de  Hainnau,  et  aussi  fist 
son  fil  Édouwars.  Phelippe  de  Hainnau,  qui  puis  fu  roine  d'En- 
gleterre,  commença  trop  fort  à  plorer,  quant  li  jones  Édouwars 
prist  congiet.  On  li  demanda  pourquoi  elle  plorpit  :  <  Pour  ce, 
«  dist-elle,  que  mon  biau  cousin  Edouwars  d'Engleterre  se 
«  départ  de  moi,  et  je  Favoie  jà  apris.  »  Dont  commenchièrent  li 
chevalier  qui  là  estoient,  à  rire,  et  depuis  li  fu  ramentu,  quant 
li  mariages  fu  tretiés  de  lui  et  de  l'enfant  d'Engleterre,  et  elle  en 
respondi  adont  sagement  et  dist  que  son  coer  s'i  traioit  trop  gran- 
dement et  pensoit  bien  que  elle  seroit  encores  sa  femme. 

Ensi  se  départi  la  roine  d'Engleterre  du  conte  de  Hainnau  et 
de  la  contesse,  et  estoient,  pour  ce  jour  que  li  congiés  fu  pris,  à 
Mons  en  Hainnau,  et  vinrent  jessir  à  Binch  et  à  l'endemain  à 

I.  —  FROISSART.  5 


DD  LA   REIME 

Nivelle  et  à  rendemain  à  Villevort  et  esqii levèrent  Brousselles 
et  passèrent  à  destre  et  fissent  tant  que  il  vinrent  à  Mont-Sainte- 
Gertrut  et  de  là  à  Dourdrese,  et  ne  séjournèrent  que  demi  jour 
que  il  entrèrent  ens  es  vassiaus,  car  il  gissoient  ou  havène  à 
Tancre  et  estoient  tous  près,  et  quant  li  ceval  furent  tout  guidé 
ceuls  que  mener  on  en  voloit,  et  la  mer  fu  revenue,  tout  par 
ordenance  entrèrent  ens  es  vassiaus,  et  estoit  marescaus  de  Tost 
messires  Jehans  de  Hainnau  et  messires  Fasterés  dou  Rues. 
Quant  tout  furent  entré,  il  desancrèrent  et  puis  traïssent  les 
voilles  amont  ;  si  esquipèrent  et  se  départirent,  et  avoient  vent 
et  marée  pour  euls.  Pour  ce  temps  estoit  messires  Jehans  de 
Hainnau  en  la  droite  flour  de  sa  jonèce,  et  de  si  grant  volenté 
que  nuls  chevaliers  pooit  estre,  et  pour  ce  entreprist-il  le  dit 
volage  si  liement,  et  ne  resongnoit  painne,  ne  péril  qui  li  peuist 
avenir.  Aussi  il  n'i  pensoit  point  et  estoit  et  fu  tout  dis  ens  ou 
vassiel  la  roine  d'Engleterre  et  de  son  fil.  Or  vous  voel  nommer 
auquns  des  chevaliers  qui  li  fissent  compagnie^  premièrement 
messire  Henri  d*Antoing,  messire  Robert  de  Bailluel,  sire  de 
Fontainnes,  messire  Miquiel  de  Ligne,  messire  Sanse  de  Bousoit, 
messire  Perceval  de  Semeries,  messire  Sanse  de  Biaurieu,  le 
signeur  de  Vertain,  le  signeur  de  Wargni,  le  signeur  de 
Potelles,  messire  Gérart  de  Vendegies,  le  signeur  de  Gomme- 
gnies,  le  signeur  de  Montegni  en  Ostrevant,  le  signeur  de  Bous- 
sut,  messire  Colart  d* Aubrecicourt ,  le  signeur  d'Espinoit,  le 
Borgne  de  Robertsart,  messire  Gille  Grignart  de  Mauni,  Wil- 
laume  dou  Casteler,  Oste  et  Gille  de  Soumain  et  pluisseurs  aul- 
tres,  et  estoit  li  sires  de  Fagnoelles,  compains  à  bannière  à  mes- 
sire Jehan  de  Hainnau,  et  marescaus  de  Tost,  messire  Fasterés 
dou  Rues. 

*  Quant  il  furent  parti  *  dou  havène  de  Dourdrec,  moult 
estoit  la  navie  belle  seloncq  la  quantité  et  bien  ordonnée,  et 
li  tamps  biaux  et  souefs ,  et  li  airs  assez  moîstes  et  atem- 
prés,  et  mirent  à  l'ancre  ceste  première  marée  devant  les 

*■*  Quand  cette  noble  compagnie  fu  départie. 


ABORDE   EN    ANGLETERRE.  67 

dicques  de  Hollande  sus  le  département  de  le  terre.  L'en- 
demain  *  il  se  désancrèrentet  '  sachièrent  ^  les  singles  amont 
et  se  missent  au  chemin  eu  costiant  Zellandes,  et  avoient 
entente  de  prendre  terre  à  ung  port  qu'il  avoient  aviset, 
mes  il  ne  peurent  ;  car  ungs  grans  tourmens  les  prist  en 
mer,  qui  les  mist  si  hors  de  leur  chemin  qu'il  ne  seurent 
dedens*  deux  ^  jours  là  où  il  estoient.  De  quoy  Dieux  leur  fist 
grant  grâce  et  leur  envoya  belle  aventure,  car  il  se  fuissent 
embattu  en  ycelui  port  qu'il  avoient  chuesi  ou  auques  priés, 
il  estoient  perdu  davantaige  et  escheu  ens  es  mains  de  leurs 
ennemis  qui  bien  savoient  lor  venue.  Si  les  attendoient  • 
pour  yaux  tous  mettre  à  mort,  et  le  jone  Edouwart  et  le 
royne  ;  mes  Dieux  ne  le  vot  mie  consentir  ^,  si  les  fist  ainssi 
par  droit  miracle* destourner  comme  vous  avés  oy.  Or  avint 
que  au  chief  des  '  II  *°  jours,  chils  tourmens  cessa,  et  per- 
churent  li  maronnier  terre  en  Engleterre.  Si  se  trairent 
celle  part  "  moult  joyant  ^*  et  prisent  terre  sour  le  sabelon  et 
sour  le  droit  rivaige  de  la  mer  sans  havène  et  sans  droit 
port.  Si  demourèrent  sur  ce  sablon  par  III  jours  à  petit  de 
pourvéanche  de  vivres  en  descarg^.nt  leurs  chevaux  et  leur 
harnas,  et  si  ne  savoient  en  quel  endroit  d'Engleterre  il 
estoient  arivet  ou  en  pooir  d'amis  ou  d'annemis.  Au  quart 
jour,  il  se  misent  à  voie  à  l'aventure  de  Dieu  et  de  saint 
Jorge,  comme  chil  qui  avoient  eut  toutes  mésaisses  de  fain 
et  de  froit  par  nuis  avoecques  les  grandes  paours  qu'il 
avoient  euwes  et  avoient  encoires.  Si  chevauchièrent  tant 
amont  et  aval,  d'une  part  et  d'autre,  qu'il  trouvèrent  aucuns 
petis  hamelès,  et  puis  apriès  si  trouvèrent  une  grande 
abbéie  de  noirs  moinnes  que  on  clamme  Saint-Aynmon.  Si 

*  Qaant  ils  furent  tous  ensamble.  —  *•'  Levèrent.  —  *  '  Cinq.  — 
•  A  grant  puissance.  —  'Ce  apparut  clèrement.  —  •  Malgré  eux.  — 
•-*•  Cinq.  ^  **  "  A  grant  joie. 


(J8  LA.  REINE 

se   herbergièrent    et    rafreskirent    en    celle    abbëie    par 
111  jours*. 

Quatr,  réd.  —  Il  orent  ce  premier  jour  et  le  second  aesés  bon 
vent,  et avoient jette  lor  avis  signeurs  et  maronniers  que  parla 
grasce  de  Dieu,  il  iroient  prendre  terre  au  port  de  Orvelle  en  la 
marce  de  Ecsesses.  Or  lor  vint  un  fors  vens  contraires  qui  les 
rebouta  moult  arrière  de  ce  port,  et  ce  fu  tout  à  lor  prouflt  et 
droite  grasce  que  Dieus  lor  fist,  car  il  se  fuissent  arrivé  à  Orvelle, 
il  euisssent  trouvé  plus  de  vint  mille  hommes,  qui  là  les  aten- 
doient ,  archiers  et  aultres ,  et  pour  euls  tous  ocire  et  des- 
truire.  Ënsi  estoit-il  commandé  et  ordonné  dou  roi  et  dou 
signeur  Espensier  et  dou  conte  d'Arondiel  qui  estoit  de  lor 
aliance,  et  estoient  les  pors  et  les  havènes  d'Engleterre  si 
bien  gardés  à  rencontre  de  Flandres  et  de  Hollandes  que  on 
n'i  pooit  venir,  ne  entrer,  fors  par  la  bataille.  Chils  vens  con- 
traires lor  dura  deux  jours,  et  costjèrent  Frise  et  ne  savoient 
bonnement  à  dire  li  maronnier  où  il  estoient.  Au  tierch  jour, 
vens  lor  revint  à  droit  souhet,  et  qui  les  mena  et  bouta  droit 
contre  Engleterre,  et  tant  que  li  maronnier  en  orent  la  con- 
gnissance.  Si  demandèrent  à  la  roine  et  as  signeurs  quel  cose 
il  voloient  faire,  et  se  il  prenderoient  terre  à  Taventure  en 
Engleterre,  car  il  disoient  que  il  estoient  trop  en  sus  de  Orvelle 
et  de  Clocestre  et  des  pors  et  des  havènes  de  celle  bende.  Il 
dissent  :  t  Oïl  t  et  que  presissent  terre  où  que  fust,  au  plus 
tost  que  il  peuissent,  car  prendre  lor  convenoit  pour  euls 
rafresquir  et.  lors  chevaus,  et  vous  di  que  tout  chil  maronnier 
estoient  de  Hollandes  et  de  Zellandes  et  ne  connissoient  pas 
bien  tout  le  païs  et  encores  ce  que  la  mer  les  avoit  tourmentés. 
Adont  singlèrent-il  à  Tadrèce,  ensî  que  li  vens  les  menoit  et 
que  Dieus  proprement  les  conduisoit  et  voloit  que  il  euissent  ce 
cemin  et  non  aultre,  et  s'adrecièrent  contre  Engleterre  que  il 
veoient  devant  euls,  et  s'en  vinrent  férir  lors  nefs  tout  de  une 
flote  sus  le  sabplon  en  terre  descongneue,  où  il  n'avoit  ne 

*  Car  prrant  besoing  leur  estoit  et  firent  panser  leurs  chevaus  bien  et 
fort,  car  il  en  pensoient  temprement  avoir  à  faire. 


ABORDE  EM   A^GLE^ERREv  69 

havène,  ne  port,  mais  le  sabelon  estoit  assés  ferme  et  bon  pour 
entrer  et  sans  péril,  et  si  veoient  assés  plain  païs  et  ouni  devant 
euls,  fors  tant  que  il  i  avoit  grant  fuisson  de  genestres  et  d'épais 
buissons,  ensi  comme  en  lieu  où  nuls,  ne  nulle  ne  demeure,  ne 
ne  converse.  Toutesfois  il  prissent  la  terre  et  furent  trop  resjoï 
quant  il  se  veirent  à  ferme  terre  et  hors  des  dangiers  de  la  mer, 
et  missent  lors  chevaus  petit  à  petit  hors  des  vassiaus  et  toutes 
lors  pourvéances,  et  traïssent  tout  hors  en  sus  de  la  mer  et  là 
où  elle  ne  pooit  monter,  ne  venir,  et  trouvèrent  ung  rieu  d'aiguë 
moult  clère,  qui  venoit  d'amont  de  fontènes,  et  ce  fist  grant 
bien  à  euls  et  à  lors  chevaus,  car  il  en  furent  rafresqui,  et  ne 
savoient  li  contes  de  Kent,  messires  Rogiers  de  Mortemer,  ne 
nuls  Englois  qui  là  fuissent,  où  il  estoient  arivet,  fors  tant 
que  il  disoient  que  il  estoient  en  Engleterre.  Toutesfois  il  se 
logièrent  entre  ces  broussis,  car  il  faisoit  biel,  chaut  et  cler, 
ensi  comme  il  fait  au  mois  d'aoust  ;  si  portoient  l'un  par  l'autre 
lor  paine  et  travel  assés  liement  et  légièrement,  et  ne  savoient 
à  dire  se  il  estoient  en  pooir  d'amis  ou  d'ennemis,  et  orent,  en 
trois  jours  que  il  furent  là,  tamainte  imagination  pour  sçavoir 
se  il  rentreroient  en  lors  vassiaus,  et  costieroient  Engleterre 
par  mer,  tant  que  il  trouveroient  havène  ou  port.  Toutesfois 
tout  considéré,  li  plus  des  signeurs  ne  s'acordoient  point  de 
rentrer  en  mer  pour  la  cause  de  lors  chevaus,  mais  se  voloient 
mettre  au  cemin  parmi  Engleterre,  à  l'aventure.  Chils  consauls 
fu  arestés  et  tenus,  et  furent  les  nerfs  recargies  de  tout  ce  que 
il  veoient  que  point  mener  il  ne  pooient,  et  fu  dit  as  maron- 
niers  :  c  Retournés  ent  arrière  en  Hollandes ,  et  se  on  vous 
«  demande  de  nous,  si  dittes  ce  que  vous  en  savé.s,  et  riens 
«  oultre,  car  il  n'i  a  nul  en  nostre  compagnie  qui  sace  à  dire 
«  où  nous  sommes ,  fors  en  Engleterre ,  et  achevirons  che 
«  pour  quoi  nous  i  sommes  venu ,  ou  nous  i  demorrons  tout,  i 
Li  maronnier  respondirent  :  t  Dieux  i  ait  part,  mais  encores 
«  s^ons  nous  ichi  à  l'ancre  jusques  à  demain  que  vous  dittes 
«  que  vous  vos  deslogcrés  »  et  li  signeur  respondirent  : 
«  Vous  dittes  bien.  »  Quant  on  vint  au  quatrième  jour,  et  que 


70  LA    RONE 

euls  et  lors  chevaus  furent  tout  rafresqui  et  en  grant  voleuté 
de  ceminer  avant  pour  trouver  quelque  aventure,  il  se  dépar- 
tirent et  se  recommandèrent  en  la  garde  de  Dieu  et  ceminèrent 
parmi  ces  broussis,  et  les  convint  aler  tout  le  pas ,  car  le  plus 
de  lors  chevaus  estoient  cargiés  de  lors  armeures  et  de  pour- 
véances.  Quant  li  maronnier  les  veirent  eslongiés  et  que  la 
mer  fu  revenue,  il  se  départirent  de  là,  tout  de  une  flote,  et 
traïssent  les  voiles  amont  et  entrèrent  dedens  la  mer,  et  retour- 
nèrent arrière  sans  péril  et  vinrent  en  Hollandes,  et  quant  on 
lor  demanda  que  la  roi  ne  d'Engleterre  et  messires  Jehans  de 
Hainnau  et  li  chevalier  et  lors  gens  estoient  devenu,  il  en 
respondirent  tout  ensi  et  du  parti  où  il  les  avoient  laissiet  en 
Engleterre.  Et  quant  li  contes  de  Hainnau  entendi  ces  pre- 
mières nouvelles,  si  ot  pluisseurs  dures  imaginations,  et  fu  en 
grant  esmoi  de  son  frère  et  de  toute  la  compagnie.  Tant  cemi- 
nèrent à  destre  et  à  senestre  la  roine  d'Engleterre  et  ses  fils,  et 
messires  Jehans  de  Hainnau  et  toute  la  route  que  il  trouvèrent 
ung  petit  hamelet,  où  il  n'avoit  que  sis  maissons,  et  un  petit 
oultre,  il  veirent  un  hault  moustier,  dont  furent-il  tout  resjoï 
et  dissent  :  c  Nous  orons  et  auerons,  se  il  plaist  à  Dieu,  pro- 
€  çainnement  bonnes  nouvelles,  t  Adont  s'arestèrent-il  tous 
sus  les  camps,  et  envoia  li  contes  de  Kent,  un  varlet  à  cheval 
au  village  pour  savoir  comment  li  moustier  que  il  veoient,  se 
nommoit.  Li  variés  englois  cevauça  jusques  à  là  et  raporta  as 
signeurs  que  chils  hauls  moustiers  estoit  une  abbéie  que  on 
nomme  Saint- Aymon  et  de  noirs  monnes.  Adont  se  départirent 
euls  de  là  et  s'adrechièrent  viers  Tabéie.  Quant  il  furent  là 
venu,  et  il  entrèrent  dedens  la  porte,  li  monne  chantoient 
vespres,  mais  il  orent  si  grant  paour  que  il  laissièrent  tout  en 
un  plain,  et  s*en  alèrent  reponre,  dont  chà,  dont  là,  et  propre- 
ment li  abbés  s'ala  bouter  dedens  un  celicr  et  là  enclore,  et 
quidoient  bien  chil  monne  que  ce  fuissent  Escorois  ou  Danois, 
de  ces  gens  d'armes,  qui  là  fuissent  venu  par  mer,  pour  euls 
rober,  et  ne  savoient  li  signeur  à  qui  parler.  Toutesfois  tant 
alèrent  et  vinrent  quo  il  tit)uvèrent  un  convers  qui  iî^soit  hors 


ABORDE    EN    AiNGLETEElUE.  71 

d'un  gardin  et  vonoit  en  la  court.. Quant  il  vei  ces  gens  d'armes, 
il  se  volt  fuir,  mais  il  ne  pot;  on  le  prist,  mais  on  Taseura,  et  li 
fu  demandé  où  Tabbé  et  li  monne  estoient  :  il  respondi  que  il  ne 
savoit  et  que  il  les  quidoit  ou  moustier,  dont  li  fu  dist  que  il  los 
alast  querre  et  aségurer,  car  il  ne  lor  voloient  que  tout  bien.  Li 
convers,  sus  ceste  asségurance,  fist  tant  que  il  trouva  les 
monnes ,  si  les  aségura  de  par  les  signeurs  et  les  fist  venir 
avant.  Quant  il  furent  venu ,  li  signeur  parlèrent  doucement  à 
euls,  et  se  nommèrent  li  contes  de  Kent  et  messires  Rogiers  de 
Mortemer ,  et  leur  dissent  :  c  Aies  querre  vostre  abbé  et  li 
«  dittes  que  il  ne  soit  en  nulle  doubte,  et  que  la  roine  d'Engle- 
c  terre  et  ses  fils  le  demandent.  >  Sus  ces  paroles,  il  quissent 
tant  Tabet  que  il  le  trouvèrent,  se  li  comptèrent  ces  paroles. 
Quant  il  entendi  ce,  si  fu  tous  resjoïs,  et  se  traïst  tantos  avant 
et  s'en  vint  deviers  la  roine  et  son  fil  et  s'umelia  et  s'escusa  de 
ce  que  ils  et  si  monne  estoient  ensi  demuchié  et  repus,  car  il 
quidièrent  bien,  tel  fois  fu,  à  estre  tout  pris  et  perdu  d'Esco- 
çois  ou  de  Danois  ou  d'aultres  robeours  qui  venissent  rober 
l'abbéie  :  on  les  tint  bien  pour  esqusés  et  à  bonne  cause.  Adont 
furent-il  logiet  là  dedens  selonch  Tordenance  de  la  maison,  assés 
aise,  et  eurent  li  signeur  cambres  et  trouvèrent  grant  fuisson 
de  grains  et  de  fourages  pour  lors  chevaus,  qui  leur  fist  grant 
bien,  et  bien  en  avoient  li  cheval  mestier,  car  il  avoient  esté 
travilUet  de  la  mer,  et  aussi  couchiet  trois  nuis  sus  les  bruières. 
Si  prissent  en  grant  gré  cel  aise  et  che  repos,  et  aussi  fissent 
la  roine  d'Engleterre  et  li  signeur  et  lors  gens,  et  se  rafres- 
qnirent  dedenc  Tabéie  de  Saint- Ajmon  de  tous  poins,  et  i  furent 
trois  jours,  et  lor  amenistra  li  abbés  variés  pour  aler  là  où  il 
les  envoyèrent.  Premièrement  il  segnefyèrent  lor  venue  au 
conte  Henri  de  Lancastre,  au  Tors  Col,  qui  frères  avoit  esté  au 
conte  Thomas  de  Lancastre,  qui  fu  décolés,  ensi  que  vous  avés 
oj  ;  secondement  au  maire  et  à  la  ville  do  Londres,  au  conte  de 
Warvich,  au  baron  de  Stanfort,  au  signeur  de  Briane,  au 
signeur  de  Manne,  au  signeur  de  Persi  et  à  tous  les  barons  sus 
laquelle  senroté  il  estoient  venu  en  Engleterre. 


72  ^  LA   REINE   MARCHE 

Adont  s'espandirent  nouvelles  par  le  pays  tant  que  celles 
parvinrent  à  cheux  par  qui  seurté  et  mandement  la  ditte 
dame  estoit  rapassée,  et  se  appareillièrent  del  plus  tost 
qu'il  peurent  de  venir  vers  lui  et  vers  son  fil  qu'il  voUoient 
avoir  à  seigneur.  Et  li  premiers  qui  vint  encontre  li  et  qui 
le  plus  grant  confort  donna  à  chiaux  qui  venu  estoient 
avoecques  li,  che  fu  li  cuens  Henris  de  Lancastre  au  Tors  Col 
qui  fu  frères  au  conte  Thummas  de  Lancastre  qui  fu  déeolës, 
si  comme  vous  avés  oy  par  dessus  et  fu  pères  au  ducli 
Henry  de  Lancastre,  *  qui  fu  à  son  tamps  li  ungs  des  bons 
chevaliers  dou  monde  *.  Chils  contes  Henrys  dessus  dis 
vint  deviers  la  royne  à  grant  compagnie  de  gens  d'armes. 
Apriès  tant  d'uns  et  d'autres  vinrent  contes,  barons,  cheva- 
liers, escuyers  et  t^nt  de  gens  d'armes  qu'il  sambloitbien  à 
tous  qu'il  fuissent  hors  de  tous  périls,  et  tous  les  jours  leur 
croissoient  gens  d'armes,  enssi  qu'il  aloient  avant.  *  Si 
eurent  consseil  entre  yaux  madame  la  royne  et  li  baron , 
chevalier  et  escuyer  qui  venu  estoient  encontre  li,  que  il 
yroient  droit  à  Bristo  atout  leur  pooir  là  où  li  roys  d'En- 
gleterre  se  tenoit  adont,  qui  estoit  bonne  ville  grosse  et 
riche  et  fortement  fermée,  séant  sus  ung  bon  port  de  mer,  et 
si  y  a  ung  castel  trop  durement  fort,  séans  sus  mer,  sique  la 
mer  flote  tout  autour.  Là  endroit  se  tenoient  li  rois  d*Engle- 
terre,  messires  Hues  li  Espenssiers,  li  pères  qui  estoit  pries 
en  Teage  ^  de  llll"  et  X  ans  ^^  messires  Hues  ses  fils,  li 
maistres  conseilliers  le  roy  qui  tous  les  mauvais  faits  li  enor- 
toit  et  consseilloit,  et  ossy  li  cuens  de  Arondiel  qui  avoit  à 
femme  le  fille  le  dist  monsigneur  Huon  le  Jone  et  pluisîeurs 

*  *  Qui  fut  si  bons  chevaliers  et  si  recommandés  sicomme  vous 
pourrés  oïr  en  cesto  histoire  ainçois  que  vous  venés  à  la  conclusion* — 
'  Et  quand  il  furent  tous  ensamble,  ceulx  dedans  avec  cmlx  dehors. 
—  *  *  De  près  de  IIII"  et  XII  ans. 


VERS  BRISTOL.  75 

chevaliers  et  escuyers  *  qui  repairoient  entour  le  roy  et 
entour  le  court  enssi  que  gens  d'estat  repairent  volontiers 
dalles  leur  seigneur.  Si  se  misent  madame  la  royne  et 
toute  sa  *  compaignie,  chil  conte  et  chil  baron  d'Engle- 
terre  et  toute  lor  compaignie  à  droit  chemin  pour  aller  celle 
part,  et  par  toutes  les  villes  là  où  il  entroient,  on  leur  fais- 
soit  festes  et  honneur  ^,  et  tondis  leur  venoient  gens  à 
destre  et  à  senestre  de  tous  costés,  et  tant  flsent  par  leurs 
journées  qu'il  vinrent  devant  la  ville  de  Bristo;  si  Taségiè- 
rent  **  à  droit  siège  fet. 

Quair.  réd.  —  Li  contes  Henris  de  Lancastre  au  Tors  Col  fu 
tous  li  premiers  qui  vint  à  grant  fuisson  de  gens  d'armes  et 
d'archiers,  puis  vinrent  de  Northombrelande  li  sires  de  Persi,  li 
sires  de  Noefville ,  li  sires  de  Moutbrai  et  li  sires  de  Lussi,  • 
puis  vint  li  sires  de  Stanfort,  et  ensi  chevaliers  et  esquiers  et 
archiers  venoient  de  tous  lés.  Sitos  que  les  nouvelles  furent 
sceues  sus  le  païs  que  la  roine  d'Engleterre  et  ses  fils  estoient 
arivet  et  venu  à  belle  compagnie  de  gens  d'armes,  li  Londryen 
furent  trop  grandement  resjoï  de  la  venue  de  la  roine,  et 
s'ordonnèrent  tantos  à  aler  à  rencontre  de  li,  et  se  départirent 
de  Londres  en  bon  arroi  deus  mille  hommes  d'armes  et  quatre 
mille  archiers,  et  H  maires  meismes  en  fu  menères  et  condui- 
sières.  Tout  ne  purent  pas  venir  à  l'abéie  de  Saint- Aymon, 
avant  que  la  roine  s'en  départesist,  mais  sitos  que  li  contes 
Henris  de  Lancastre  fu  venus,  qui  grandement  honnoura  mes- 
sire  Jehan  de  Hainnau  et  les  Hànnuiers  dou  grant  et  biau 
service  que  il  faisoient  à  la  roine  d'Engleterre  et  à  son  fil  et  au 
païs,  il  curent  avis  et  consel  que  il  s'en  iroicnt  tout  droit  vers 
Bristo,  là  où  li  rois  d'Engleterre  et  chils  Hues  li  Espensiers  et 
ses  pères  et  li  contes  d'Arondiel  se  tenoient.  Si  se  missent  au 
remin,  et  tous  les  jours  venoient  gens  de  tous  costés  ens  ou 

*  Tons  consentans  à  ces  mauvais  consaulx.  -—  *  Noble.  —  *  Et  par- 
tant nuls  mauls  no  leur  estoit  fait,  ne  flommage.  —  *  Sagement. 


74  LA   REINE   MARCHE 

service  de  la  roine,  et  tant  que  il  se  trouvèrent  bien,  quant  li 
Londrjen  furent  venu,  quatre  mille  hommes  d'armes  et  vint 
mille  archiers.  Ces  nouvelles  furent  seeues  à  Bristo,  qui  est 
une  bonne  ville  et  forte  et  bon  port  de  mer  et  là  se  rentre  la 
rivière  de  la  Saverne  qui  départ  le  roiaulme  de  Galles  et  Engle- 
terre,  en  la  mer,  et  est  la  ville  de  Bristo  forte  et  bien  fermée  et 
encores  est  li  chastiaus  plus  fors,  qui  sciet  sus  la  mer,  car  il  est 
environnés  de  la  Saverne  et  de  la  mer.  Quant  li  rois  et  li  sires 
Espensiers  entendirent  que  la  roine  et  ses  fils  venoient  là  à 
poissance  de  gens  d'armes,  et  estoit  li  contes  Henris  de  Lan- 
castre  en  la  compagnie,  et  li  maires  de  Londres  et  li  Londrjen 
en  lor  compagnie,  si  furent  tout  esbahi  et  trop  esmervilliet  par 
où  il  estoient  entré,  ne  arivé  en  Engleterre,  quant  les  pors  et 
les  havènes  estoient  partout  si  bien  gardé  :  il  lor  fu  dit  et  compté 
toute  la  manière  ensi  que  il  lor  en  estoit  avenu.  Adont  demanda 
11  rois  consel  au  conte  d'Arondiel ,  liquels  avoit  la  fille  au 
signeur  Espensier,  et  au  signeur  Espensier  le  père  et  le  fil, 
comment  il  se  poroit.  cevir  de  ceste  avenue  et  résister  à 
rencontre  de  euls,  car  fuir,  ne  eslongier  ne  lor  estoit  prou- 
fitable,  ne  honnourable  :  on  li  dist  :  t  Sires,  envoyés  messages 
à  tous  lés  et  faites  un  commandement  que  toutes  gens 
viennent  et  sans  délai  et  sus  la  painne  que  de  perdre  corps 
et  avoir,  et  espéciaument  mandés  en  Galles.  Li  Galois  ne 
vous  faudront  point.  Nous  tenrons  bien  en  ceste  ville,  car 
elle  est  forte  assés  tant  que  secours  vous  sera  venus  de  tous 
costés,  et  les  gens  d'armes  et  les  archiers  que  vous  avés 
establis  sur  les  pors  et  sus  les  havènes,  il  ne  puet  estre  que 
il  ne  soient  oreâ  enfourmé  de  ces  nouvelles,  et  créons  bien 
que  il  viennent  efibrciemment  et  que  proçainnement  il  seront 
chi,  ou  il  combateront  la  roine  et  ses  gens  sus  son  cemin.  » 
Li  rois  tint  ce  consel,  autre  ne  pooit  avoir,  et  envoya  ses  mes- 
sages et  ses  varies  partout  là  où  il  pensoit  à  avoir  gens  et  par 
espécial  en  Galles ,  car  ce  li  estoit  la  terre  la  plus  proçaine. 
Vous  devés  savoir  que  chil  qui  furent  escript  et  mandé  dou  roi, 
quant  il  entendirent  que  la  roine  venoit  à  poissance  de  gens 


VERS   BRISTOL.  i.> 

d'armes  et  d'arcliiei*8  et  estoient  li  Londrjen  en  sa  compagnie, 
ne  se  hastoient  point  de  venir,  mais  se  dissimuloient,  car  il 
veoient  bien  que  les  besongnes  se  porteroient  mal  pour  le  roi  et 
ses  complisses.  Messires  Henris  de  Biaumont,  un  grant  baron 
d'Engleterre ,  et  messires  Thomas  Wage ,  son  oncle ,  qui 
venoient  servir  la  roine  d*Engleterre,  trouvèrent  d  aventure 
sus  les  camps  des  variés  dou  roi,  liquel  estoient  parti  de  Bristo 
et  alolent  au  commandement  du  roi  semondre  chevaliers  et 
esquiers  et  à  euls  dire  que  tantos  et  sans  délai  il  venissent  à 
Bristo  deviers  le  roi,  et  commandoit  que  à  ce  besoing  nuls  ne 
fausist  sus  la  painne  de  estre  pugnis  de  corps  et  d  avoir.  Furent 
requis  que  il  alaissent  celle  part,  il  respondirent ,  et  deman- 
dèrent :  c  Et  de  qui  se  doubte  11  rois  ?»  et  ignorèrent  que  il 
n'en  savoient  riens.  Chil  variés  et  messagiers  dou  roi  leur 
dissent  que  nouvelles  estoient  venues  au  roi  et  à  messire  Hue 
TEspensier  et  au  comte  d'ArOadiel,  que  la  roine,  ses  fils  et  li 
contes  de  Kent  avoient  pris  terre  en  Engleterre,  et  estoient  en 
sa  compagnie  grant  fuisson  de  gens  d*armes  que  li  contes  de 
Hainnau  lor  avoit  délivrés.  Chil  doi  chevaliers  fissent  l'esmer- 
viUiet  et  dissent  ;  c  Aies,  aies,  nous  alons  celle  part.  »  Il  disoient 
vérité ,  mais  c  estoit  en  confortant  la  roine.  En  ce  meisme  jour, 
il  trouvèrent  la  roine  et  toute  sa  route.  Si  recordèrent  ces  nou- 
velles :  on  n  en  fist  nul  compte,  car  li  seigneur  savoient  bien  que 
il  ne  seroient  grevé,  ne  rencontré  de  nullui.  Et  sitos  que  chil  doi 
chevaliers  furent  Venu ,  messires  Thomas  Wage  fu  ordonnés  à 
estre  marescaus  de  toute  Toost  et  chevaucièrent  tant,  en  tra- 
versant le  pais  que  il  approcièrent  Bristo,  et  par  toutes  les  villes 
là  où  il  venoient  et  entroient,  on  lor  faisoit  feste  et  honneur,  et 
toutdis  leur  venoient  gens  à  destre  et  à  senestre  de  tous  costés, 
et  tant  fissent  par  lors  journées  que  il  vinrent  devant  la  ville  de 
Bristo,  qui  est  forte  assés  :  si  le  asségierent  à  droit  siège  fait. 


Li  roys  et  messires  Hues  li  Espensiers  li  fils  se  tonoient 
volentiors  ou  castel;  li  vies  messires  Hue»  li  pères  et  li 


76  '        PRISE 

cuens  d*Arondiel  se  tenoient  en  le  ville  de  Bristo,  et  plui- 
sieurs  autres  qui  estoient  de  leur  accord.  Quant  chil  autre 
et  chil  de  le  ville  virent  le  pooir  la  dame  si  grant  et  si 
efforciemeut  venir  et  mouteplyer  et  que  pries  toute  Engle- 
terre  estoit  de  leur  accord,  et  veoient  lor  péril  et  lor  dom- 
maige  si  apparrant,  il  eurent  consseil  qu'il  se  renderoient 
et  le  ville  avoecques,  sauve  leurs  vies,  leurs  membres  et  lor 
avoir.  Mais  acordës  ne  fu  mies  ainssi  de  par  madame  et 
son  conseil  qui  là  estoit,  se  elle  ne  pooit  faire  se  voUentédou 
dist  monseigneur  Huon  le  père  et  du  conte  de  Arondiel,  les- 
quels elle  hayoit  souverainement  et  pour  yaux  elle  estoit  là 
venue.  Quant  cil  de  le  ville  de  Bristo  virent  que  il  ne  poroient 
autrement  venir  à  pès,  ne  sauver  leurs  biens,  ne  leurs  vies, 
au  fort  il  s'y  accordèrent  et  ouvrirent  les  portes ,  sique 
madame  la  royne  et  tout  lî*t)aron,  messires  Jehans  de 
Haynnau  *  et  si  compaignon  *  prisent  lors  hostels  en  le  ville 
à  leur  plaisir,  et  li  autre  qui  dedens  le  ville  ne  se  peurent 
herberger  se  logièrent  dehors.  Là  fu  pris  li  dis  messires 
Hues  li  pères  et  li  contes  d' Arondiel  et  amené  par  devant 
la  royne  pour  faire  d'iaux  se  pure  voUenté,  et  ossi  li  furent 
amenet  li  sien  autre  jone  enfant  Jehans  de  Eltem  ses  fils  et 
ses  II  fillettes  qui  furent  là  trouvées  en  le  garde  del  dit  mon- 
seigneur Huon,  de  quoy  la  dame  eut  moult  grant  joie'', 
ossi  eurent  tout  li  autre  qui  point  n*amoient  les  Espenssiers. 
Dont  se  il  avoient  grant  joie  entre  yaux,  seloncq  che  pooient 
avoir  grant  doeil  li  roys  et  messires  Hues  li  Espenssiers  li 
fils  qui  estoient  en  ce  fort  castel  de  Bristo  et  qui  veoient 
lor  niescief  si  grand  et  qui  leur  couroit  sus  si  apparemment, 
et  veoient  tout  le  pays  tournet  avoecques  le  royne  et 
avoecques  son  ainnet  fil  et  drechiet  et  esmut  contre  yaux, 

*■'  Et  tous  les  barons,  chevaliers  et  escnyers. —  *  Quant  elle  vit  ses 
enfants  que  veus  n'avoit  de  grant  tamps. 


DE   BRISTOL.  77 

dont  s'il  orent  paour  et  doleur  et  assés  à  pensser,  ce  ne  fait 
point  à  demander. 

Var.  prem.  réd.  —  Quant  le  roj  et  messire  Hue  le  fil  virent 
leur  ville  ainsi  assise,  si  se  mirent  ou  chastel.  Le  viel  messire 
Hue  et  le  conte  d'Arondel  et  pluiseurs  autres  qui  estoient  de 
leur  accord,  se  tenoient  en  la  ville.  Et  quant  ils  virent  le  povoir 
de  la  royne  si  grant  et  si  enforchié,  et  veoient  leur  grant  péril 
et  dommage  aparant,  ils  eurent  conseil  qu  ils  renderoient  eulx 
et  leur  ville,  salve  leurs  vies  et  le  leur  ;  mais  onques  la  royne  ne 
s'i  volt  accorder,  s'elle  n'avoit  à  sa  volonté  le  dit  messire  Hue 
et  le  comte  d'Arondel,  lesquels  elle  héoit  amèrement.  Et  quant 
ceulx  de  la  ville  virent  que,  pour  ces  II  chevaliers,  il  ne  pooieut 
venir  à  paix,  né  salver  leurs  biens,  il  eurent  conseil  et  accord 
ensamble.  S'ouvrirent  les  portes.  Si  y  entra  la  rojne  et  mes- 
sire Jehan  de  Haynnau  et  toute  leur  belle  routte,  et  se  héber- 
gèrent aval  la  ville  à  leur  plaisir.  Et  là  fut  prins  le  dit  messire 
Hue,  et  le  comte  d'Arondel,  et  amenés  devant  la  rojnne;  et 
ossj  y  furent  amené  li  sien  josne  enfant  Jehan  de  Elthem  et 
deux  fillettes,  de  quoj  la  royne  eut  grant  joie.  Et  encontre  Ce 
eurent  grant  deul  et  grant  peur  le  roy  et  messire  Hue  le  Des- 
pensier  le  fil  qui  estoient  ou  chastel,  qui  veoient  leur  grant  mes- 
chéance  apparente,  et  tout  le  pays  tourner  contre  euls  avec 
la  roy  ne.  S'ils  estoient  en  grandes  pensées ,  ce  n'est  mie  à 
doubter. 

Quatr,  réd,  —  Li  rois  d'Engleterre  et  messires  Hues  li  Espen- 
siers  li  fils  se  tenoient  ens  ou  chastiel  et  point  n'en  issoient;  mes- 
sires Hues  li  Espensiers  li  pères  et  li  contes  d'Arondiel  se  tenoient 
en  la  ville,  et  pluisseur  aultre  qui  estoient  de  leur  accord.  Quant 
chil  de  la  ville  de  Bristo  voiront  le  pooir  de  la  roine  si  grant  et 
si  effbrcyet,  (car  priés  toute  Engleterre  estoit  de  lor  accord,  car 
là  où  li  Londryen  s'acordent  et  allient,  nuls  n'ose  résister, 
il  puevent  plus  que  tous  li  demorans  d'Engleterre,  ne  nuls  ne 
les  oso  au  fort  courechier,  car  il  sont  trop  poissant  de  mise  et 


78  MORT 

de  gens),  il  considérèrent  le  péril  et  le  damage  où  il  estoient  et 
que  confors  ne  lor  apparoit  de  nuls  costés  et  que  tous  chevaliers 
et  esquiers  que  li  rois  avoit  mandés,  tout  se  traioient  viers  la 
roine,  il  furent  consillé  à  ce  que  il  se  renderoient  à  lor  dame  la 
roine,  et  la  ville  aussi,  salve  lors  corps  et  lors  biens.  Si 
envoyèrent  tretyer  et  parlementer  deviers  la  roine  et  messire 
Jehan  de  Hainnau,  car  riens  ne  se  faisoit,  ne  passoit  fors  par 
le  dit  signeur  de  Biaumont.  On  ne  voloit  point  ceuls  de  Bristo 
prendre  à  nulle  merchi,  mais  lor  prommetoit-on  que  il  seroient 
tout  mort,  se  on  ne  lor  rendoit  le  conte  d'Arondiel  et  messire 
Hue  TEspensier  le  père.  Quîtnt  il  voiront  que  il  ne  pooient  finer 
aultrement,  si  s'acordèrent  à  ce  et  ouvrirent  lors  portos.  Mes- 
sires  Thomas  Wage,  li  mareschaus  de  Tost,  et  li  Hainnuier 
entrèrent  dedens  et  trouvèrent  à  lors  hostels  messire  Hue 
TEspensier  le  viel  et  le  conte  d'Arondiel,  et  furent  amené  au 
logeis  de  la  roine,  et  aussi  troi  enfant,  ung  fils  et  deus  filles 
qui  estoient  en  la  garde  du  dit  messire  Hue  et  estoient  enfans 
dou  roi  et  de  la  roine.  Si  furent  remis  avecques  Édouwart  lor 
frère,  et  volentiers  vei  la  roine  ses  enfans  ensamble,  et  s'en 
vinrent  la  roine  et  li  signeur  logier  dedens  la  ville,  qui  logier 
s'y  pot,  et  lor  fu  avis  que  lors  voiages  estoit  achievés  puisque  il 
avoient  enclos  le  roi  en  son  chastiel  de  Bristo,  et  messire  Hue 
le  Espensier,  et  que  il  tenoient  le  père  et  le  conte  d'Arondiel. 


Quant  madame  la  royne  et  tout  li  baron  et  tout  li 
aultre  furent  herbergiet  et  logiet  tant  dedens  le  ville  de 
Bristo  comme  dehors  à  leur  aise,  il  asiëgèrent  le  castel  au 
plus  pries  qu'il  peurent,  et  puis  fist  la  royne  ramener  le  dit 
monseigneur  Huon  le  vies  et  le  conte  d'Arondiel  devant  son 
ainnet  fil  et  devant  tous  les  barons  qui  là  estoient,  et  leur 
dist  que  elle  et  ses  fils  leur  feroient  droit  et  bon  jugement 
seloncq  leur  fès  et  leurs  œvres.  Donc  respondy  li  dis  mes- 
sires  Hues  :  a  Ha  !  madame,  Dieux  nous  voeîlle  donner  bon 


DE   HUGUES   SPEMCER.  79 

«  juge  et  bon  jugement,  et  se  nous  ne  le  poons  avoir  en 
«  ce  siècle,  si  le  nous  doinst  en  l'autre  !  »  Adont  se  leva 
messire  Thumas  Wage,  bons  chevaliers  saiges  et  courtois 
qui  estoit  marescaux  de  Tost,  et  leur  racompta  tous  leurs 
fais  par  escript  et  *  tourna  endroit  *  sour  un  viel  chevalier 
qui  là  estoit  afin  qu'il  raportast  sour  se  féaultë  ^  ce  que  à 
faire  avoit  par  *  jugement  de  tels  persoimes  et  de  tels  fais. 
Li  chevaliers  se  conseilla  as  autres  barons  et  chevaliers  et 
rapporta  *  par  plainne  sieute  •  que  il  avoient  bien  mort 
desservie  par  pluisieurs  horibles  fes  que  il  avoient  là  endroit 
oy  raconter  et  les  tenoient  pour  vrais  et  tous  clers;  et 
avoient  desservit  par  le  diversitet  de  leurs  fès  à  estre  jus- 
tichiet  en  trois  manières,  c'est  assavoir  premiers  traynés, 
apriès  décollés  et  puis  pendus  à  ung  gibet.  Tout  en  tel  mau- 
nière  qu'il  furent  jugiet ,  furent-il  tantost  justichiet  par 
devant  le  castel  de  Bristo,  veant  le  roy  et  veant  le  dit  mon- 
seigneur Huon  le  fil  et  tous  ceux  de  layens  qui  grant  ^  des- 
pit  •  en  eurent  •,  che  puet  cascuns  savoir  *®.  Che  fu  fait  l'an 
de  grâce  mille  CCC.XXVI,  "  le  XP  jour  de  octembre  ". 

Quat.  réd.  —  Messires  Hues  li  Espensiers  li  viel  et  11  contes 
d^Arondiel,  au  prendre,  dissent  ensi  à  messire  Thomas  Wage  et 
requissent  moult  hault  que  on  lor  fesist  droit  et  loy,  et  que  il  fuis- 
sent menet  devant  la  roine  et  son  fil  :  il  le  furent  et  devant  tous 
les  barons  qui  là  estoient,  et  leur  dist  que  elle  et  ses  fils  leur 
feroient  droit  et  loi  et  bon  jugement,  selonch  lors  fais  et  lors 
œvres.  Adont  respondi  messires  Hues  et  dist  :  a  Ha  !  madame, 
€  Dieus  nous  voelle  dounner  bon  juge  et  bon  jugement,  et  se 
«  nous  ne  le  poons  avoir  en  ce  siècle,  se  le  nous  donne  en 
«  Tautre.  »   Il  furent  tous  doi  mis  en  la  garde  de  messire 

•  «  Tourna  sa  parole  sur.  —  '  Et  hommage.  —  *  Bon.  —  •-•  Par 
acort  de  tous  et  par  jugement.  —  '"•  Grant  doel.  —  ••*®  Ce  doit-on 
croire.  —  **  <*  Le  neuYième  jour  de  novembre. 


80  EDOUARD   II   TOMBE 

Thomas  Wage,  qui  bien  ensongna  dou  garder  puisque  recom- 
mandé il  li  estoient,  tant  que  la  roine  auroit  consel  quel  cosc 
''en  seroit  bonne  à  faire.  Et  regardèrent  là  li  signeur  ensamble 
que  on  renvoieroit  les  Londryens  et  que  il  estoient  au  desus  de 
lors  besongnes,  car  otretant  bien  aueroit-on  le  roi  et  messire 
Hue  le  Espensier  le  jeune  que  on  avoit  eu  les  aultres.  Si  fu 
appelles  li  maires  de  Londres  et  remercyés  de  la  roine  et  de 
son  fil,  de  ce  que  fait  avoit,  et  que  bien  se  pooient  partir  quant 
il  voloient  et  retraire  vers  Londres.  A  tout  ce  s'acordèrent  li 
Londryen  et  se  ordonnèrent  de  départir  et  de  retourner  en  lor 
lieu.  Le  second  jour,  apriès  ce  que  il  se  furent  départi,  on  ot 
consel  en  Tost  de  la  roine  que  on  délivreroit  par  jugement  le 
conte  d'Arondiel  et  messire  Hue  le  Espensier  le  viel.  Si  furent 
amené  en  place  devant  les  barons  d'Engleterre,  liquel  furent 
ordonné  pour  euls  juger.  Adont  se  leva  messires  Thomas 
Wage,  bons  chevaliers,  sages  et  courtois,  et  recorda  tous  les 
fais  des  dessus  dis  et  les  bailla  par  escript,  et  tourna  endroit 
ce  jugement  sus  un  ancyen  chevalier  qui  présens  estoit,  à  fin 
que  il  raportast  sus  sa  féaulté  que  faire  avoit  de  tels  personnes 
par  jugement  et  de  tels  fais.  Li  dis  chevaliers  se  consilla  as 
aultres  barons  et  chevaliers  et  raporta  par  plainne  sieute  que  il 
avoient  bien  mort  deservi  selonch  la  prise  et  la  teneur  de 
pluisseurs  oribles  fais  que  il  avoient  là  oy  recorder  et  les 
tenoient  pour  tous  vrais  et  tous  clers.  Et  avoient  deservi  par  la 
diverseté  de  lors  fais  à  estre  justichiet  en  trois  manières,  c'est 
assavoir  premiers  trainnés  et  puis  décolés,  apriès  pendus  à  un 
ghibet.  Adont  en  la  manière  que  il  furent  jugiet,  furent-il 
tantost  justichiet  par  devant  le  castel  de  Bristo,  veant  le  roi  et 
veant  messire  Hue  le  fil  et  tous  cheuls  de  là  dedens,  qui  grant 
despit  en  orent,  et  puet  et  doit  casquns  sçavoir  que  il  estoient  à 
grant  mescief  de  coer.  Geste  justice  fu  faite  Tan  de  grâce  1326, 
un  vendredi,  et  ce  jour  fu  le  jour  Saint-Denis  en  octembre. 


Apriès  ce  que  ceste  justice  fii  faicte,  sicomme  vous  avës 


AU   POUVOIR  DE  LA   R£U(E.  81 

oy,  li  roys  et  messires  Hues  li  Espenssiers  qui  se  veoient" 
asegiet,  à  tel  angouisse  et  à  tel  meschief  estoient  et  ne 
savoient  quel  consseil  prendre,  ne  avoir,  et  ne  veoient 
nul  comfort  qui  leur  peuist  là  endroit  venir  de  nulle  part. 
Touttes  voies  pour  eslongnier  le  péril  où  il  se  veoient  et  les 
mains  à  leurs  ennemis,  il  se  misent  une  matinée  en  ung 
batelet  de  pescheur  en  mer  par  derière  le  castel,  li  roys  et 
messires  Hues  ^  et  yaux  X*'  seullement  *  à  tel  entente  et 
pourpos  d'aler  ens  el  royaumme  de  Galles  comme  chil  qui 
là  se  cuidoieut  mettre  à  sauveté  ;  mes  Dieux  ne  le  vot  mies 
souffrir,  car  lors  péchiés  leur  encombra.  Si  leur  avint 
grant  merveille  ^  et  grand  infortuneté;  car  il  furent 
*  XP  jourstous  plains  en  ce  batelet  et  s'efforcoient  de  nagier 
tant  qu'il  pooient,  mais  il  ne  pooient  si  loîng  nagier  que 
tous  les  jours  li  vens  qui  li  estoit  contraire,  par  le  vollenté 
de  Dieu  les  ramenoit  chacun  jour  une  fois  ou  deux  à  mains 
de  le  quart  part  d'une  lieuwe  pries  del  dit  castiel  sique  tous 
les  jours  les  veoient  chil  de  Tost  le  royne,  et  s'esmervil- 
loient  qui  ce  pooient  estre.  De  premiers  il  cuidoient  que  ce 
fuissent  pescheur,  mais  quant  il  les  virent  tant  varyer  sur 
mer  et  qui  bien  euissent  pris  terre  ou  havène  de  Bristo  s'il 
volsissent,  mais  il  mettoient  painne  à  yaux  de  fuir  et  eslon- 
gier  et  si  ne  pooient,  si  souppechonnèrent  li  pluisieur  que 
ce  estoit  li  roys  ou  messires  Hues  li  Espenssiers.  •  Adont 
par  le  consseil  de  monseigneur  Jehan  de  Haynnau  ^  aucun 
maronnier  et  compaignon  de  Hollande  *  se  missent  en 
batiaux  et  en  bargettes  qu'il  trouvèrent  là  et  nagîèrent 
apriès  yaux  tant  qu'il  peurent  ®.  Mes  oncques  li  maronnier 

*■*  A  peu  de  mesnie.  —  *  Et  grant  miracle.  —  *■  Neuf —  •-•  Au  dar- 
rain  avint  que  messires  Henris  de  Byaumont,  fils  du  viconte  de  Bjau- 
mont  en  Engleterre,  entra  en  une  barge  et  ossi  avoec  lui  aucuns  compa- 
gnons et  se  fist  nagier  devers  ceuls.  —  ''-'  Avec  maronniers  de  Hollande. 
I.  —  raoïssART.  6 


82  EDOUARD  11   PRISONNIER. 

le  roy  ne  peurent  tant  fuir  devant  yaux  que  au  dairain  il  ne 
fuissent  raconsievi  et  pris  atout  le  batiel  et  ramenet  arrière 
en  le  ville  de  Bristo  et  livret  à  madame  la  royne  et  à  son 
fil  comme  prisonniers,  qui  en  eurent  moût  grantjoie,  et  aussi 
eurent  tout  li  autre  et  à  bonne  cause,  car  il  avoient  accom- 
pli et  achieyet  leur  désir  à  Tayde  de  Dieu  tout  à  leur  plaisir. 

Quair,  rM.  —  Apriès  ce  que  ceste  justice  fu  faite,  ensi  que  vous 
avés  oy,  li  rois  et  messiresHues  li  Espensiers,  qui  se  veoient  assé- 
giet  à  tel  angoisse  et  tel  mescief  et  ne  sçavoient  nul  confort  qui 
lor  peuist  venir  de  nul  costé,  tant  estoient  destourbé  et  destraint 
de  coer  que  il  ne  sçavoient  que  faire,  et  veoient  bien,  se  il  estoient 
pris  il  estoient  mort,  et  espéciaulment  messires  Hues  li  Espen- 
siers par  lequel  tout  chil  mescief  estoient  avenu,  et  regardèrent, 
pour  euls  sauver  et  esquiever  la  mort,  que  il  se  meteroient  en  un 
batiel  de  pesceour  et  entreroient  en  la  mer,  et  s'en  iroient  à 
l'aventure  là  où  la  marée  et  li  vens  les  menroient ,  fust  en 
Galles  ou  en  Irlande.  Tout  ensi  comme  il  l'avisèrent,  il  le 
fissent,  et  entrèrent  une  matinée  en  une  petite  barge  qui  estoit 
dou  chastiel  de  Bristo,  sans  cbe  que  chil  de  Tost  en  seuissent 
riens,  et  tout  che  il  pooient  bien  faire,  car  au  derrière  dou 
chastiel,  la  mer  bat  assés  priés  et  là  a  un  courant  qui  entre 
dedens  le  chastiel ,  et  de  ce  courant  on  va  en  la  mer ,  et 
n'estoient  que  euls  sept  dedens  celle  barge  et  se  boutèrent  une 
matinée  dedens  la  mer,  et  se  fuissent  volentiers  sauvé  se  il 
peuissent,  mais  Dieus  ne  le  volt  pas  consentir  ensi  que  il  fu 
apparans ,  car  lors  péciés  les  encombroit,  et  furent  onse  jours 
tous  plains  sus  la  mer  à  la  veue  de  ceuls  de  Tost,  que  oncques 
il  ne  peurent  eslongier  Bristo  plus  hault  de  deus  lieues  en  mer, 
et  quant  il  quidoient  aler  avant,  li  vens  les  ramenoit  maugré 
euls  et  toute  lor  poissance  joindant  Bristo,  et  toutes  fois  il  fai- 
soient  trop  grandement  lor  pooir  de  Testriver,  et  tant  que  chil 
de  Fost  s'en  perchurent,  et  se  coramenchièrcnt  à  esmervillier  et 
à  parler  F  un  à  Taultre  et  à  dire  li  auqun  par  imagination  : 
*  Nous  veons  raervelles  ;  nous  avons  veu  celle  barge,  passé  a 


1^R10VPIi£  DE  LA   R£1M£.  83 

t  sept  jours,  estriver  contre  le  vent  et  se  voelt  bouter  en  la 
t  mer  et  se  ne  puet.  11  fault  que  ce  soit  cose  à  soupçon,  car 
t  chil  qui  sont  dedens,  ne  voellent  point  venir  à  Bristo,  mais 
t  Tesquicvent  et  fuient  ce  que  ilpuevent.  »  Messires  Henris 
de  Biaumont  qui  estoit  uns  jones  chevaliers  et  de  grant 
volenté,  s'asaia  et  dit  que  il  iroit  veoir  que  c'estoit,  et  entra 
dedens  une  barge  grosse  assés  et  environ  trente  archiers  en  sa 
compagnie,  et  se  fist  à  force  de  rimes  mener  à  la  barge  dou 
roi.  Quant  il  furent  là  venu,  il  Tarestèrent  et  veirent  que  li 
rois  estoit  dedens  et  son  consillier  messires  Hues  11  Ëspensier^. 
En  euls,  ne  en  lors  gens  ni  ot  point  de  deffense  :  la  barge,  par 
ceuls  meismes  qui  la  menoient  et  par  auquns  des  hommes  à 
messire  Henri ,  fu  ramenée  ou  havène  de  Bristo.  Toutes  joies 
i  furent  de  toutes  gens  qui  là  vinrent  au  devant,  quand  il 
sceurent  que  ce  estoit  li  rois  et  messires  Hues  li  Espensiers ,  et 
dissent  :  c  Considérés  comment  Dieus  est  pour  madame  la 
t  roine  et  son  fil,  quant  il  ne  voelt  point,  ne  n  a  volu,  ne  con- 
t  senti  que  il  soient  eslongiet,  ne  escapet  ;  il  appert  que  il  sont 
t  mauvais  et  que  il  est  temps  que  il  soient  pugni  et  corrigiet  de 
t  lors  mesfais  lesquels  ils  ont  fais,  car  il  ont  fait  morir  et  décoler 
t  en  ce  païs-chi  maint  vaillant  homme,  sans  conscience,  sans 
t  raison.  »  Ces  nouvelles  vinrent  à  la  roine  et  à  messire  Jehan 
de  Hainnau  que  li  rois  et  li  Espensiers  estoient  pris,  et  que  ce 
estoient  chil  qui  waucroient  par  mer. 

De  ces  nouvelles  fut  la  roine  grandement  resjoïe,  et  en  loa 
Dieu,  à  jointes  mains,  de  che  que  ses  besongnes  venoient  à  si 
bon  chief,  et  se  la  roine  fu  resjoïe,  aussi  furent  tout  li  aultre, 
tant  Englois  comme  Hainnuiers. 


Ainssi  reconquist  madame  la  royne  tout  le  royaumme 
d'Engleterre  pour  son  ainnet  fil  sour  le  confort  et  conduit 
del  gentil  chevalier  monsseigneur  Jehan  de  Haynnau  et  de 
se  compaignie,  par  quoy  il  et  tout  si  compaignon  furent  tous 


8{  ^DOtÀRD   11   EST  CONDUIT 

tenus  pour  preux  par  le  raison  de  la  *  haulte  emprise  que  fet 
avoient,  'car  il  ne  furent  tout  comptet,  quant  il  entrèrent  en 
mer  à  Dourdresk ,  sicomme  vous  avez  oy ,  que  trois  cents 
armures  de  fier,  'qui  fisent  si  hardie  entrepresure  pour 
Tamour  de  la  dite  royne  comme  d'entrer  en  naves  et  passer 
mer  à  si  petit  de  gens  pour  conquerre  tel  royaumme  comme 
est  Engleterre,  maugré  le  propre  roy  et  tous  ses  aidans  *. 

Enssi,  comme  vous  avês  oy,  fu  celle  haulte  et  hardie 
emprise  achievêe,  et  reconquist  celle  noble  damme  la  ditte 
royne  tout  sen  estât  par  le  confort  et  conduit  dou  gentil 
chevalier  monseigneur  Jehan  de  Haynnau  et  de  ses  com- 
paignons  et  misent  a  destruction  ses  annemis,  et  fu  pris  li 
roy  s  meysmes  par  telle  meschêance  et  fortune  que  vous 
pc^és  entendre,  dont  tous  li  pays  conmunalement  ot  très- 
grant  joie,  horsmis  les  aucuns  qui  estoient  de  le  faveur  le  dit 
monseigneur  Huon  le  Espenssier. 

Quant  li  roys  et  li  dis  messires  Hues  furent  amenet  à 
Bristo,  li  roys  fu  envoyet  par  le  conseil  de  tous  les  barons 
et  chevaliers  en  ung  chastel  que  on  apelle  Bercler,  très-fort, 
très-bel  et  très-puissant,  séant  sus  le  belle  rivière  de  Saverue, 
ou  assês  priés  que  je  n'en  mente,  *  et  commandés  ^  à  servir 
et  à  garder  bien  et  hounestement  à  gens  d'onneur  et  d'estat* 
qui  bien  le  dévoient  savoir  faire  jusques  à  txint  que  li  com- 
muns pays  aroient  aviset  comment  on  s'en  maintenroit.  Et  li 

*  Orande  et.  —  *  Car  la  compaignie  fut  grande  en  bonté  et  petite 
6D  nombre.  —  '  Ce  fut  grande  emprise  et  grans  fais,  car  par  eulx 
refu  la  dame  remise  de  force  en  son  pajs  avec  l'ayde  de  Dieu.  — 
*  •  Et  reiX)mmandë  au  signeur  doudit  cbastiel  de  Bertier  que  il  eu 
fesist  bonne  garde  et  il  dist  que  ossi  feroit-il.  —  *  Entour  lui  qui 
bien  savoient  qne  on  en  devoit  faire,  mais  point  ne  le  deToient  laissier 
pêrUr  du  pourpris. 


Ali   CHAI  EAU    DE   BERCLER.  ^'i 

dis  messires  Hues  fu  tantost  livrés  à  messiro  Thumas  Wage 
marescal  de  Tost.  Apriès  ce  se  partirent  madame  et  tout 
sen  ost  pour  venir  droit  à  Londres  qui  est  le  chiés  d'Englo- 
terre  et  se  misent  au  chemin.  Li  dis  messires  Thumas  Wage 
fist  bien  et  fort  loyer  monseigneur  Huon  leEspenssier  *  sour 
le  plus  petit  maigre  et  chétif  cheval  qu'il  pot  trouver  *\  et  li 
tist  faire  à  vestir  par  deseure  ungtabar,  semet  de  tels  armes 
qu'il  solloit  porter,  et  le  faisoit  ensi  mener  par  despit  apriès 
le  conroy  de  la  royne  par  toutes  les  villes  là  où  il  dévoient 
passer,  à  trompes  et  trompettes  '  pour  li  faire  ^  plus  grand 
despit  *  tant  qu'il  vinrent  à  Herfort,  une  bonne  chitê.  Là  fu 
la  royne  moult  noblement  rechupte  et  à  grande  solempnité 
et  toutte  li  compaignie  ossi ,  et  tint  la  dame  la  royne  une 
feste  moult  grande  *  pour  le  feste  de  Tous  les  Saints,  qui 
dont  estoit  à  ce  jour  ^. 

Quat.  réd.  —  Assés  tos  apriès  ce  que  li  rois  fu  pris  et  que  mes- 
sires Thomas  Wage,  marescaus  de.  la  roine.  Tôt  en  sa  garde, 
on.  ...  •  messire  Hue  le  Espcnsier,  et  se  missent  li  signeur 
ensamble  à  savoir  quel  cose  on  en  feroit,  et  à  ce  consel  fu  tous 
premiers  appelles  messires  Jehans  de  Hainnau,  et  li  fu  demandé 
quoi  cose  il  consilloit  à  faire  dou  roi,  fust  de  mort  ou  de  prison, 
il  rospondi  et  dist  :  t  Puisque  vous  tournés  ceste  demande  sur 
mi,  t  je  vous  en  rcsponderai.  Li  rois  est  rois  d'Eugletori'c ,  et 
<  quoique  il  se  soit  mcsfais,  ensi  comme  il  est  apparans,  par 
€  ses  œvres,  il  a  tout  ce  fait  par  mauvais  enort  et  consel.  Il 
«  n'est  nuls,  ne  moi,  ne  aultres,  qui  le  doicnt  jugicr  à  mort, 
«  mais  avisés  une  place  et  un  chasticl  et  un  chevalior,  et  le 
•  recargiés  à  celi,  et  li  faites  avoir  son  estât  et  vivre  raison- 
c  nablement  toute  sa  vie.  Encores  se  pora-il  amender  en  con- 

*■•  Sur  un  maigre  et  meschant  clieTal.  —  'Et  ilahates.  —  *  '  Plus 
de  honte.  —  •Et  moult  bien  estofTée.  —  ''  Pour  Tamour  de  son  fil  et 
des  seigneurs  estragniers  qui  estoient  avoecques  lui.  —  *  I^ACune  dans 
le  Ma.  da  Vatican. 


86  EDOUARD  n  AU  CHATEAU  DE  BERCLER. 

I  science,  de  quoi,  tant  qu'à  Dieu,  il  en  vaudra  grandement 
I  mieuls  :  c'est  le  jugement  que  je  li  ordonne.  »  Tout  respon- 
dirent  li  bai-on,  et  de  une  sieute,  qui  là  estoient  :   •  Vous  avés 
•  bien   et  loiàument  parlé,  et  il  sera  fait  ensi.  »   Adont  fu 
appelles  li  sires  de  Bercler,  un  grant  baron  en  Engleterre,  et 
de  la  marce  de  Bristo,  et  a  un  chastiel  biel  et  bon  et  fort  séant 
sus  la  rivière  de  Saverne,  et  li  fu  dit  et  commandé  de  par  la 
roine  et  son  fil  que  il  presist  en  garde  le  roi  d'Engleterre,  et 
Teuist  cil  et  ses  gens  que  il  en  seuist  à  rendre  compte,  quant  il 
en  seroit  demandés,  et  que  de  sen  estât  on  ordonneroit.  Li  sires 
de  Bercler,  qui  s'apelloit  Thomas,  respondi  et  dist  que  il  en 
feroit  bien  son  acquit  et  tout  che  que  madame  la  roine  et  ses 
consauls  avoient  ordonné.  Si  se  départi  tantos  et  sans  délai  de 
Bristo  et  enmena  le  roi,  bien  acompagniés  de  gens  d'armes  et 
d'archiers,  et  vint  chiés  soi  ens  ou  chastiel  de  Bercler,  et  mist 
le  roi  en  bonne  garde  et  en  fu  tousjours  si  au-desus  que,  se  on 
li  euist  demandé,  il  Teuist  rendu,  mais  on  le  mist  en  oubli,  et 
ne  vesqui  li  rois,  puis  que  il  fu  venus  à  Bercler,  trop  longue- 
ment, et  comment  euist-il  vesqu,  par  la  manière  que  je  vous 
dirai  ?  car  je  Jehan  Froissars,  actères  de  ceste  histore,  fui  ens 
ou  chastiel  de  Bercler,  l'an   de  grasce   de    Nostre-Signeur 
mille  ccc.LXvi,  ou  mois  de  septembre,  en  la  compagnie  de 
messire  Édouwart  le  Espensier,  liquels  fu  fils  dou  fil  de  ce 
messire  Hue  le  Espensier,  dont  je  parlerai  asséstos,  et  fûmes, 
dedans  le  chastiel  que  ens  es  esbatemens  là  environ,  trois  jours. 
Si  demandai  de  che  roi,  pour  justefier  mon  histoire,  que  il 
estoit  devenus.  Unsancyens  esquiersme  dist  que  dedens  la  propre 
année  que  il  fu  là  amenés,  il  fu  mors,  car  on  li  acourça  sa  vie. 
Ensi  fina  chils  rois  d'Engleterre  et  ne  parlerons  plus  de  li,  mais 
de  la  roine  et  de  son  fil. 

Quant  la  roine  d'Engleterre  fu  au-dessus  de  ses  besongnes, 
elle  donna  à  une  grant  partie  de  ses  gens  d'armes  congiet,  elle 
n'en  retint  auquns ,  et  -tousjours  estoient  li  Hainnuier  logiet 
au  plus  priés  de  li,  et  li  plus  espécial  de  sa  court  et  le  mieuls 
délivret.  Or  fu  avisé  et  ordonné  que  la  roine  se  départiroit  de 


SUPPLICE   DE   HUGUES   SPENCER   LE  JEUNE.  87 

là  et  se  retrairoit  viers  Londres.  Messires  Thomas  Wage,  au 
département  de  la  roine,  avoit  ordonné  un  tabar  armoiriet  des 
armes  le  signeur  Espensier,  et  ce  tabar  semet  de  doquètes,  on 
le  vesti  et  afubla  le  dit  messire  Hue,  et  fu  montés  sus  un  magre 
cheval  et  chevauça  en  la  compagnie  et  eusievant  la  roine  ensi, 
et  par  toutes  les  villes  où  il  passoient,  par-devant  le  dit  messire 
Hue  on  sonnoit  grant  fuisson  de  trompes  et  de  trompâtes  et  de 
taburs,  et  tout  par  manière  et  ordenance  de  dérision.  Avecques 
tout  ce,  en  toutes  les  villes  où  il  venoient,  on  lissoit  publique- 
ment par  un  rolet  les  fais  dou  dit  messire  Hue  en  la  présense 
de  li,  et  tant  ceminèrent  que  il  vinrent  en  bonne  chité,  laquelle 
on  appelle  Harfort,  et  là  s'arestèrent  et  rafresquirent,  et  i 
tinrent  la  roine  et  lors  gens  la  solempnité  de  la  feste  de  la 
Toussains. 


Quant  la  feste  fu  passée,  li  dis  messires  Hues  qui  point 
n'estoit  là  amés  ^  et  à  bonne  cause  *,  fu  amenés  par  devant 
la  roynne  ^  et  tous  les  barons  et  chevaliers  qui  là  estoient 
assemblet  ^  Là  li  furent  recordet  tout  si  fetpar  escript,  qui 
oncques  n'y  dist  riens  à  rencontre,  sique  là  endroit  il  fu 
jugiés  par  plainne  sieulte  de  tous  les  barons  et  chevaliers  à 
mort  et  à  justicyer  en  tel  manière  que  vous  ores.  Enssi 
chei  li  dis  messires  Hues  de  si  hault  si  bas  et  tous  ses 
Hnaiges  ossi.  Premièrement  il  fu  traynés  sus  ung  bahut  à 
trompes  ^  et  à  trompettes  *  par  toute  la  ville  de  Harfort  de 
rue  en  rue  et  puis  fu  amenés  en  une  grant  place  en  le  ville 
là  où  tous  li  peuples  estoit  assamblés.  Là  endroit  fu-il  loyés 
haut  sour  une  échielle  sique  chacuns  petis  et  grans  le  pooit 
veoir  et  avoit-on  fet  en  le  ditte  place  ung  grant  feu.  Quant 
il  fu  ainssi  loyet,  on  li  coppa  tout  premiers  le  vit  et  les 

*-•  Et  on  li  monstra  bien.  —  '•*  Et  son  fils  et  messire  Jean  de  Hai- 
naut.  —  •*•  Et  à  nacaires. 


88  DÉPART 

couilles  pour  tant  qu'il  estoit  hérites  et  sodoraittes  *  enssi 
que  on  disoit  *,  et  meysmement  dou  roy  meysme,  et  ^  pour 
ce  ^  avoit  décachiet,  sicomme  on  disoit,  li  roys,  le  royne 
en  sus  de  lui  et  par  son  enort.  Quant  li  vit  et  les  couilles  lui 
furent  coppées,  on  les  jetta  ou  feu  et  furent  arsses.  Apriès 
on  li  fendi  li  ventre  et  li  osta-on  le  coer  et  toute  le  coraille, 
et  le  jetta-on  ou  feu  pour  ardoir,  et  pour  tant  qu'il  estoit  faux 
de  coer  et  traytres  et  que  par  son  traytre  consseil  et  enort 
li  rois  avoit  honni  son  royaurame  et  mis  à  meschief,  ^  et 
avoit  fet  décoller  les  plus  hault  barons  d'Engleterre  par  les- 
quels li  royaummes  devoit  estre  soustenus  et  deffendus  ^,  et 
avoecques  ce  il  avoit  si  ennortë  le  roy  qu'il  ne  pooit  ou  ne 
volloit  veoir  la  royne,  ne  son  ainnet  fil  qui  devoit  estre  lors 
sires,  ains  les  avoit  décachier  par  doubtance  de  leurs  corps 
hors  dou  royaumme.  Apriès  quant  li  dis  messires  Hues  fu 
ainssi  atournet  comme  dist  est,  on  li  coppa  le  chief  et  fu 
envoyé  à  Londres  •  et  puis  li  corps  fu  décoppés  en  IIII  quar- 
tiers et  furent  tantost  envoyet  as  IIII  meilleures  chités 
d'Engleterre  apriès  Londres  '. 

Or  avés-vous  oy  comment  li  dis  messires  Hues  fina  et 
comment  il  fu  exécutés  en  le  cité  de  Herfort.  Apriès  ce, 
madame  la  royne  et  tout  li  baron ,  li  chevalier  et  tous  li 
communs  pays  se  misent  au  chemin  vers  Londres,  la  bonne 
cité  qui  est  li  chiés  d'Engleterre,  et  fissent  tant  par  belles 
journées  que  il  y  parvinrent  à  grant  compaignie,  et  yssirent 

**•  P^nsi  que  renommée  pubUque  couroit  par  toute  Engleterre.  — 
*  Pour  ce  vilain  et  ord  pëchiet.  —  *■'  Et  mis  à  mort  les  vaillans 
hommes  dont  toute  Engleterree  stoit  affaiblie.  —  ^-''  Et  mis  sur  une 
glave  au  pont  de  Londres,  et  des  quartiers  li  uns  en  demora  à  Harfort, 
li  aultres  fu  envoyés  à  lorch,  U  tiers  à  Cantorbie,  et  li  quars  à  Sas- 
leberi.  Ensi  furent-il  espars  ens  ans  quati*e  parties  d'Engleterre. 


DES   UÀlIfUYERS.  O» 

communalement  tout  chil  de  Londres,  grans  etpetis,  encontre 
li  et  son  aisnet  fil  qui  devoit  estre  lors  drois  sires,  et  leur 
fisent  grant  feste  et  grant  révérense  et  à  toute  le  compai- 
gnie  ossi ,  et  donnèrent  grans  dons  à  la  ditte  royne  et  à 
chiaux  là  où  il  leur  sembloit  mieux  employet.  Quant  il 
furent  ainssi  rechupt  et  si  grandement  festyet  ^  sique  dit 
est,  et  li  compaignon  qui  passé  estoient  le  mer  avoecques  le 
dit  monseigneur  Jehan  de  Haynnau  furent  *  reposet,  il 
eurent  grant  talent  de  retourner  cascuns  arrière  en  se  con- 
trée ;  car  il  leur  sembloit  quMl  avoient  bien  esploitiet  et  fet 
le  besoingne  ^,  et  prisent  congiet  à  madame  la  royne  et 
as  seigneurs  dou  pays.  Madame  la  royne  et  li  baron  leur 
pryèrent  assés  de  demorer  encoires  ung  petit  de  tamps  pour 
veoir  quel  cose  on  voroit  faire  del  roy  qui  en  prison  estoit 
ens  ou  castel  de  Bercler  enssi  que  vous  avés  oy  ;  mes  il 
avoient  si  grand  désir  de  retourner  chacuns  en  sa  maison 
que  pryère  n'y  valu  riens.  Quant  madame  et  ses  consaux 
virent  ce,  il  pryèrent  *  au  dit  monseigneur  Jehan  de  Hayn- 
nau qu'il  volsist  encorres  demourer  jusques  apriès  Noël  ^  et 
qu'il  détenist  de  ses  compaignons  avoecq  lui  chiaux  qu'il 
en  pouroit  et  vourroit  retenir.  Li  gentils  chevalier  ne  volt 
mie  layer  à  parfaire  son  service,  ains  vot  achiever  sen 
emprise  et  obéir  à  madame  la  royne  :  c'estoit  raison.  Si 
otria  courtoisement  à  demourer  jusques  à  le  vollenté  de 
madame  la  royne  :  si  détint  de  ses  compaignons  che  qu'il 
en  pot  détenir,  mais  petis  fu  ;  car  li  aultre  ne  vorent  nul- 
lement demourer  dont  il  fut  moult  coiirouchiet.  Touttes- 
voies,  quant  madame  et  ses  consaulx  virent  que  chil  com- 
paignon ne  vorent  point  jdemourer  pour  nulle  pryère  que  on 

*  Et  il  eurent  là  séjourné  environ  quinze  jours.  —  •  Plusieurs 
jours.  —  'Et  acquis  grant  honneur,  sicomme  il  avoient.  —  *  De 
costé.  —  '  Et  là  dedans  seroit  acort  pria  que  on   feroit  du  roj. 


90  DÉPART 

leur  fesist,  il  leur  fissent  toute  honneur  et  révérence  qu'il 
peurent ,  et  leur  fist  madame  donner  grant  argent  pour 
leurs  frès  et  pour  leurs  services  et  grans  et  biaux  jeuiaux, 
chacun  seloncq  son  estât,  et  si  grandement  et  si  largement 
que  chacuns  s'en  devoit  bien  loer,  et  ossi  fissent-il  partout. 
Et  avoecques  ce  elle  leur  flst  rendre  l'estimation  de  leurs  che- 
vaux qu'il  vorent  laissier,  si  plainement  que  chacuns  volloit 
estimmer  le  sien,  à  se  seulle  parolle.  Oncques  n'y  eut  débat 
des  gens  le  roynç,  ne  dit  :  «  C'est  trop,  ne  peu,  »  et  tout 
furent  payet  en  argent  tout  seck  et  tantost  en  purs  estre- 
lins  d'Engleterre.  Et  li  gentils  chevaliers  messires  Jehans 
de  Haynnau  demeura  à  le  pryère  de  madame  la  royne  *  à 
petite  compaignie  de  ses  gens  *  entre  les  Englès  qui  li  fai- 
soient  ^  toutte  l'amour  ^  et  compaignie  qu'il  pooient  :  ossi 
faisoient  les  dames  du  pays  *  dont  il  y  avoit  là  grant  fuison, 
contesses  et  autres  grandes  et  gentils  dammes  et  pucelles, 
qui  venues  estoient  compaignier  madame  la  royne  et 
venoient  de  jour  en  jour;  car  il  leur  sambloit  que  li  gentils 
chevaliers  messires  Jehans  de  Haynnau  l'euist  bien  des- 
servi enssi  qu'il  avoit  *. 

Quatr.  réd,  —  Apriès  ceste  justice  faite,  la  roine  et  tout  li 
signcur  et  grant  fuisson  dou  commun  dou  païs,  se  missent  au 
cemin  pour  venir  à  Londres,  et  fissent  tant  par  lors  journées  que 
il  i  parvinrent  à  grant  compaignie.  Quant  la  roine  et  si  enfant  et 
li  signeur  deurent  entrer  dedens  Londres,  toutes  ordenances  de 
gens  issirent  hors  à  Tencontre,  casquns  parés  et  vestu  si  ricement 

**•  A  petite  maisnie  et  peu  de  compagnie.  —  ***  Toute  Thonneur.  — 
*-•  Là  fisent  plusieurs  dames  du  pays  grant  honneur  aux  bons  che- 
valiers au  congiet  prendre  :  c'estoit  grant  joie  du  veir.  Ainsi  s'en 
râlèrent  tout  chil  vaillant  homme,  chascun  vers  son  lieu,  fors  le 
bon  chevalier  messire  Jean  de  Haynnau  et  aucuns  de  ses  plus  prives 
qui  demourèrent  avec  luy. 


DES   HAimJTERS.  91 

coïnme  on  pooit  estre,  et  tous  montés  à  chevaus.  Et  estoient  les 
rues  parées  et  couvertes  de  draps  et  de  jeuiauls  moult  éstofée- 
ment,  et  s'esforçoient  toutes  gens  de  honnourer  lor  dame  la 
roine  ce  que  il  pooient,  et  messire  Jehan  de  Hainnau  et  tous  les 
chevaliers  de  sa  route,  et  fu,  en  ce  jour,  moult  regardés  de 
toutes  gens,  et  séoit  sus  un  noir  hault  palefroi  moult  bien  aourné 
que  la  chité  de  Londres  li  avoit  donné,  et  fu  moult  prissiés  en 
arroi,  en  persone  et  en  contenance,  et  disoient  toutes  gens  que  il 
avoit  bien  fourme  et  regard  de  vaillant  homme,  et  portoit  sus 
son  chief  tout  nu  un  capelet  de  pierres  présieuses  moult  rices, 
qui  trop  bien  li  estoit  séans.  Et  par  espécial  la  grant  rue  de  Cep 
estoit  parée  et  aournée  oultre  mesure,  et  donna  ce  jour  la  fon- 
tainne  tout  au  lonc  dou  jour  par  les  brocerons,  vins  blanc  et 
vermeil  à  tous  ceuls  qui  en  peurent  ou  vorrent  avoir.  Et  fu  ensi 
la  roine  aconvoyée  jusques  au  chastiel,  et  là  descendi  et  si  enfant 
Édouwars  et  Jehans  de  Eltem,  et  ses  deus  filles,  Isabiel  et  Kate- 
line,  et  messires  Jehans  de  Hainnau  estoit  et  fu  toutdis  dalés 
la  roine,  et  ses  corps  logiés  ens  ou  chastiel  et  toutes  ses  gens  au 
plus  pries  de  li  que  on  pooit,  et  estoient  toutes  coses  ouvertes  et 
apparillies  à  lor  commandement.  Toutes  gens  les  honnouroient 
et  conjoïssoient  ;  il  estoit  ensi  ordonné  et  commandé  de  par  les 
officyers  la  roine  et  le  maire  de  Londres,  et  n'estoient  et  ne 
furent  un  grant  temps  que  festes.  solas  et  esbatemens  avant 
Londres,  et  parellement  parmi  tout  le  roiaulme  d'Engleterre.  Et 
estoit  avis  au  peuple  que  il  estoient  quitte  d'un  encombrier  et 
délivré  d'un  pesant  faix,  quant  il  se  veoient  délivré  dou  roi  et  de 
son  consel,  et  disoient  à  Londres  et  parmi  Engleterre  :  «  Il  nous 
«  fault  rcfourmer  et  prendre  une  nouvelle  ordennance,  car  celle 
«  que  nous  avons  eu,  nous  a  trop  hodé  et  travilliet,  ne  chils 
«  roiaulmes-chi  ne  vault  riens  sans  un  bon  chief,  et  nous 
«  Ta  vous  eu  si  mauvais  que  nous  le  poions  avoir.  Il  nous  fault  le 
«  jone  Édouwart  couronner  et  faire  roi ,  et  mettre  dalés  li 
«  hommes  de  sens  et  de  vaillance,  par  quoi  il  soit  espers  et  res- 
«  villiés,  car  nous  n  avons  que  faire  d'un  roi  endormit,  ne 
a  pesant,  qui  trop  demande  ses  aises  et  see  déduis.  Nous  en  oci- 


92  -  DÉPART 

«  rions  avant  un  demi-cent,  tous  l'un  apriès  Tautre,  que  nous 
«  n'euissions  un  roi  à  nostre  séance  et  volenté.  »  Ensi  disoient-il 
généraument  en  Londres  et  parmi  toute  Engleterre. 

Quant  chil  chevalier  et  esquier  de  Hainnau,  qui  en  la  com- 
pagnie de  la  roine  d'Engleterre  estoient  venu,  veirent  que  lor 
emprise  estoit  achievée  et  que  il  ne  faisoient  là  que  boire  et  men- 
gier,  dormir  et  reposer,  danser  et  caroler,  quoique  on  les  veist 
très-volentiers  et  que  tout  estoit  pajet  quanque  il  prendoient,  si 
se  commenchièrent-il  à  hoder  et  à  taner  et  à  dire  Tun  à  Tautre  : 
t  Nous  en  volons  retourner  en  Hainnau.  Nous  ne  faisons  riens 
<  chi;  nous  cargons  trop  madame  la  roine  et  le  païs.  Il  est 
«  heure  dou  départir,  car  toutes  nostres  emprisses  sont  achie- 
t  vées.  »  Il  s'en  vinrent  généraument  à  messire  Jehan  de  Hain- 
nau, lor  chief,  et  li  remonstrèrent  lour  pourpos  sus  la  fourme 
que  je  vous  di.  Quant  messires  Jehans  de  Hainnau  les  vei  en 
celle  volonté,  et  senti  que  il  remonstroient  raison,  si  leur  dist  : 
t  Biau  signeur,  je  parlerai  à  madame  la  roine,  et  prenderai  con- 
«  giet  et  me  départirai  avecques  vous.  Attendes  encores  un 
«  petit.  »  Li  dis  messires  Jehans,  quant  il  vei  que  heure  fu, 
parla  à  la  roine  et  au  conte  de  Kent,  et  lor  remonstra  que  ses 
gens  se  voloient  départir  et  retourner  en  Hainnau.  Ces  paroles 
vinrent  moult  au  contraire  à  la  roine,  et  fist  appeller  les  cheva- 
liers de  Hainnau  devant  li,  et  quant  il  furent  venu,  elle  lor 
demanda  :  «  Biau  signeur,  pourquoi  vous  anoie-il  en  ce  pais  ? 
«  on  vous  i  voit  volentiers.  Demorés  dalés  nous,  tant  que  li 
«  iviers  soit  passés.  »  Li  chevalier  de  Hainnau  à  la  parole  de 
la  roine  respondirent  courtoisement  et  dissent  :  t  Madame,  nous 
«  veons  et  savons  bien  que  moult  volentiers  vous  et  li  vostre 
«  nous  voient  en  ce  païs,  mais,  madame,  nous  regardons  et  con- 
«  sidérons  que  ce  pour  quoi  nous  partesîmes  de  Hainnau  avec- 
«  ques  vous,  est  tout  achievé,  car  se  nous  sentions  que  vous,  ne 
«  li  vostre,  euissiés  nuls  besoings  de  nostres  services,  li  dépar- 
«  temens  ne  nous  touche  pas  de  si  priés,  ne  tant,  que  nous  ne 
«  demorisions  tant  que  tout  seroit  acompli  ;  mais  nous  cargons 
c  vostre  ostel  et  le  païs  de  vous  et  à  riens  faire,  et  nous  avons 


Des  uAir<t'YËRS.  95 

«  bien  ailleurs  mestier,  et  si  verions  volentiers  nostres  femmes 
«  et  nostres  enfants,  et  savons  bien  que  il  nous  désirent  à 
«  veoir.  Si  vous  prions  que  vous  nous  donnés  congiet,  et  nous 
€  nos  offrons  à  ^ous  et  disons  de  bonne  volenté  que,  se  besoings 
«  vous  croist,  ne  touce,  et  nous  en  soions  segnefyet,  nous  ven- 
«  rons  tantos  et  sans  délai  en  vostre  service.  »  La  roine  res- 
pondi  :  «  Grant  merchis  !  »  et  puis  se  retourna  deviers  messire 
Jehan  de  Hainnau  et  li  dist  :  a  Biaus  cousins,  vous  ne  voés  pas 
«  partir  encores  de  moi  jusque  apriès  Noël,  car  contre  les  festes 
«  dou  Noël,  tous  li  consauls  d'Engleterre,  prélas,  barons,  cheva- 
«  liers  et  bonnes  villes  doient  estre  à  Wesmoustier,  et  là 
€  auront-il  avis  et  consel  quel  cose  on  fera  dou  roi,  qui  esta 
«  Bercler,  ensi  que  vous  savés.  Si  retenés  auquns  de  vostres  che- 
€  valiers  dalés  vous  pour  vostre  estât,  car  je  voel  que  vous 
f  sejés  à  ce  parlement  et  que  chil  qui  point  ne  vous  ont  encores 
€  veu,  vous  voient,  et  li  demorans  de  vostres  gens  se  départi- 
€  ront  dedens  quatre  jours  puisque  partir  voellent.  »  Li  gentils 
chevaliers  respondi  et  dist  :  a  Madame,  volentiers.  »  Depuis 
ceste  parole,  parla  messires  Jehans  de  Hainnau  à  ses  gens  et 
ordonna  ceuls  que  il  voloit  que  il  demorassent  avecques  lui,  et 
as  aultres  dist  :  «  Vous  vos  partirés  dedens  tel  jour  ;  madame  le 
«  m'a  dit,  mais  au  départir,  elle  voult  parler  à  vous  et  payer 
€  vostre  bien  alée.  » 

La  roiae  d'Engleterro  qui  se  sentoit  tenue  enviers  ces  cheva- 
liers et  esquiers  de  Hainnau  pour  le  biel  et  grant  servisce  que 
fait  li  avoient,  quant  elle  vei  que  plus  demorer  il  ne  voloient, 
elle  s'en  vint  à  Eltem  à  sept  milles  de  Londres  et  sus  le  cemin 
de  la  mer  et  de  lor  retour,  et  amena  là  ses  enfants  et  le  conte 
de  Kent  et  son  estât  un  petit  plus  efforchiet  que  une  aultre  fois, 
et  là  furent  segnefyet  tout  li  chevalier  et  esquier  de  Hainnau 
à  estre,  qui  partir  voloient,  et  i  furent,  et  messires  Jehans  de 
Hainnau  aussi.  Quant  il  furent  tout  venu,  la  roine  tint  son  estât 
et  sist  à  table  solempnement  en  la  sale.  Là  furent  assis  à  table 
tous  chevaliers  et  esquiers  de  Hainnau  qui  partir  voloient,  et 
servi  de  tous  mes  grandement  et  largement  selonch  Tusage 


94  DÉPART 

d'En^eterre,  et  sus  la  fin  doif  disner,  entrues  que  on  entendoit 
à  regarder  la  roine,  entrèrent  dedens  la  sale  trompes  et  ménes- 
trelç  qui  faisoient  lor  mestier,  et  tantos  apriès  euls.  douse  che- 
valiers parés  et  vestis  tous  parellement  et  d'une  livrée  très-rice, 
et  les  sievoient  douse  esquiers  parés  et  vestis  aussi  de  une  livrée, 
et  portoient  chil  esquier,  deus  et  deus,  casquns,  une  grande  cor- 
bille  à  deus  anniaus,  toutes  plainnes  de  vaselle  d'argent,  de  pos, 
de  plas,  de  drageoirs,  de  coupes,  de  hanas,  d'esquelles,  de  tem- 
proirs  et  de  toute  vasselle  ,  et  alèrent  li  ménestrel  et  li  cheva- 
lier et  li  esquier  qui  ces  corbilles  portoient ,  autour  des  tables , 
çt  quant  il  orent  fait  lor  tour,  il  s'arestèrent  devant  la  table  des 
plus  grans  signeurs,  et  n  estoit  nuls  à  table  fors  chil  qui  partir 
se  dévoient,  réservé  messires  Jehans  de  Hainnau.  Chil  séoit  à  la 
table  de  la  roine.  Là  furent  misses  ces  corbilles  jus,  et  sus  cas- 
qune  vinrent  doi  chevalier  tout  avisé  de  ce  que  il  dévoient 
faire  et  départirent  tous  ces  jeuiauls  as  chevaliers  et  as  esquiers, 
et  casquns  selonch  son  estât.  Tout  en  furent  servi  et  mis  devant 
euls  sur  les  tables,  et  depuis  11  mestre  d  ostel  de  la  roine  issirent 
hors  de  la  salle  et  vinrent  en  la  court ,  et  fissent  venir  avant 
tous  les  variés  et  pages  de  ces  chevaliers  et  esquiers  de  Hainnau 
qui  partir  dévoient,  et  là  avoient  en  un  sach  cent  livres  d  estre- 
lins,  pionnpie  d'Engleterre,  car  adont  il  n  estoit  encores  nulles 
nouvelles  de  nobles.  Et  quant  chil  variés  furent  venut,  li  mes- 
tre d  ostel  dissent  tout  hault  en  prennant  le  sac  qui  estoit  de 
quir  tanés  :  «  Entre  vous ,  variés  des  Hainnuiers  qui  partir 
«  devés,  madame  la  roine  vous  donne  cent  livres  d'estrelins  : 
«  prjés  pour  lui.  »  Tout  ou  en  partie  respondirent  et  dissent  : 
«  Dieu  doinst  à  madame  la  roine  bonne  vie  1  »  Se  lor  (Jemora 
chils  argens  et  le  départirent  entre  euls  à  grant  joie.  Il  en  i  ot 
auqun  qui  bien  le  gardèrent  ce  que  en  lor  pareçon  en  eschei  et 
en  devinrent  puis  rice,  pour  mettre  en  bonne  mputeplji^pce,  et  li 
aultre  le  jouèrent  as  dés,  qui  ne  s'en  savoient  comment  délivrer. 
Çhe  disner  fait,  et  ces  signeurs,  chevaliers  et  esquiers  de  Hain- 
nau servis  en  la  fourme  et  manière  que  je  vous  di,  et  tous  ces 
jeuiauls  requelliés  et  mis  en  paniers  et  en  bonne  ordennance 


DES   UAINUYËRS.  95 

pour  le  plus  aise  porter  et  sans  froissier,  il  prissent  congiet  de 
madame  la  roine,  de  son  fil  et  dou  conte  de  Kent,  et  les  acon- 
voia  jusques  enmi  la  court  à  Eltem  li  sires  de  Biaumont,  mes- 
sires  Jehans  de  Hainnau,  et  tout  un  et  un  prissent  congiet  à  lui, 
et  il  lor  donna.  Adont  montèrent-il,  et  messircs  Thomas  Wage 
aussitos  comme  il  fissent  ;  et  se  départirent  de  Eltem  et  jà  estoit 
tout  tart  et  vinrent  jessir  à  Bardeforde,  et  à  Tendemain  à 
Rocestre  et  au  tiers  jour  à  Saint-Thomas  de  Cantorbic  et  fissent 
là  lor  offrande  au  corps  saint,  et  apriès  disner,  il  cevauchièrent 
et  vinrent  à  Douvres,  et  tout  partout  estoient  délivré  de  par  les 
gens  la  roine.  Quant  il  furent  venu  à  Douvres,  on  lor  pourvei 
vassiaus  de  par  la  roine,  il  esquipèrent  lors  chevaus  et  puis 
entrèrent  ens  es  vassiaus  passagiers,  et  là  prist  messires  Thomas 
Wage  congiet  à  euls  et  retourna  deviers  la  roine  et  la  trouva  à 
son  retour  à  Eltem  et  messire  Jehan  de  Hainnau.  Et  li  Hainnuier 
singlèrent  par  mer  et  furent  tantos  à  Wissan  :  pour  ce  temps  il 
i  a  voit  une  très-bonne  ville  et  sciet  entre  Boulongne  et  Calais. 
Et  devés  savoir  que  avant  que  li  Hainnuier  issirent  de  Londres, 
il  furent  payet  en  deniers  apparilliés,  ensi  que  convenance  se 
porta  au  départir  de  Hainnau  entre  la  roine  et  euls,  si  largement 
que  tous  s  en  contentèrent ,  et  retournèrent  en  Hainnau  tout 
fouci  d'argent  et  de  jeuiauls,  et  vinrent  à  Valenchiennes  deviers 
le  conte  et  la  contesse  qui  les  veirent  volontiers,  et  lor  recor- 
dèrent des  nouvelles  d'Engleterre,  et  sus  moins  de  quatre  mois 
orent-il  fait  tout  ce  voiage.  Nous  retournerons  à  parler  de  la 
roine  d'Engleterre  et  des  ordenances  dou  pais. 


Adont,  quant  li  compaignon  de  par  dechà  la  mer  furent 
départi  de  Londres  et  li  dis  monseigneur  Jehans  fu  demou- 
rés,  sicomme  vous  avés  oy,  madame  la  royne  donna  con- 
giet à  ses  gens  de  son  pays  que  chacuns  rallast  à  son  hostel 
et  en  ses  besoingnes,  horsmis  aucuns  barons  et  chevaliers 
que  elle  retint  pour  li  conseiller,  et  commanda  à  chiaux  qui 


96  LE  PAELEMËIXT 

se  partoient,  que  tout  revenissent  à  Londres  au  jour  dou 
Noël  à  une  *  grant  *  court  que  elle  volloît  adont  tenir,  ^  et 
tout  li  accordèrent  ^  Quant  ce  vint  au  Noël,  elle  tint  une 
grant  court  enssi  comme  elle  Tavoit  dist,  et  y  vinrent  tout  li 
conte,  li  baron,  li  chevalier,  tout  li  noble,  li  conssaulx  des 
bonnes  villes  et  des  chités  del  pays.  A  celle  fejste^  et  à  celle 
grant  assemblée  fu  ordonné  par  tant  que  li  pays  ne  pooit 
longuement  demourer  sans  seigneur,  que  on  metteroit  en 
escript  tous  les  fes  et  les  œuvres  que  li  roys  qui  en  prison 
estoit,  avoit  fais  par  mauvais  consseil,  et  tous  ses  usages  et 
ses  maintiens  et  comment  il  avoit  gouvernet  son  pays,  par 
quoy  on  les  peuist  lire  en  plain  palais  par  devant  tout  le 
pays,  et  que  li  saige  dou  pays  peuissent  sour  ce  prendre 
bon  avis  et  acord  comment  et  par  qui  les  pays  seroient  gou- 
vernés de  dont  en  avant.  Enssi  comme  ordené  fu-il,  fu  fet. 
Et  quant  tous  li  cas  et  li  fait  que  li  roys  avoit  fais  et  con- 
sentis à  faire  et  tout  se  maintien  et  usaige  furent  lus  et  bien 
entendu,  li  baron  et  li  chevalier  et  tous  li  conssaulx  dou 
pays  se  trayrent  ensamble  à  consseil  et  se  accordèrent  *  le 
plus  grant  partie  '  d'iceulx  et  meysmement  li  plus  grant 
baron  et  li  plus  noble  avoecq  les  conssaulx  des  bonnes  villes 
seloncq  ce  que  il  avoient  là  oy  lire  et  qu'il  en  savoient  le 
plus  grant  partie  de  ses  fès  et  de  ses  maintiens  de  certain 
et  par  pure  vérité,  et  dirent  que  tels  homs  n'estoit  mies 
dignes  de  jamais  porter  couronne,  ne  avoir  nom  de  roy  ; 
mais  bien  s'accordoient  à  ce  que  ses  ainnés  fils  qui  là  estoit 
présens  et  estoit  ses  drois  hoirs,  fuist  couronné  et  tantost 
ou  lieu  dou  père,  mais  que  il  presist  bon  conseil  et  saige  en- 
tour  li  et  féable  par  quoi  li  royaummes  et  li  pays  fust  de 

*-*  Très-grande.  —  '  *  Et  tout  cil  qui  se  partirent,  li  eurent  en  cou- 
vent et  encore  pluiseurs  autres  à  qui  la  feste  fu  mandée.  —  ^  Qui  dura 
huit  jours.  —  •-'  La  plus  saine. 


s  ASSEMBLE.  97 

dcMit  en  avant  mieux  gouvernés  que  esté  n'avoît,  et  ossi  que 
li  pères  fuist  *  bien  gardés  *  et  honnestement  tenus,  tant 
que  vivre  poroit,  seloncq  son  estât  '. 

Qtuitr,  réd.  —  Environ  sjs  jours  devant  la  feste  dou  Noël  que 
on  apelle  en  France  Calendes,  fuirent  venu  en  la  chité  de  Londres 
de  toutes  les  parties  d'Engleterre  li  signeur  et  li  prélat  et  li  con- 
sauls  des  bonnes  villes,  et  là  ot  ung  grant  parlement  au  palais  de 
Wesmoustier,  présente  la  roine  et  son  fil  ;  et  estoient  tout  11  fait 
dou  roi  Édouwart,  liquels  estoit  ens  ou  cbastiel  de  Bercler,  ensi 
que  cbi-desus  est  dit,  tous  par  articles  mis  en  escript,  et  là  ot  un 
clerc  qui  les  lissi  tout  en  public  devant  le  peuple.  Quant  il  furent 
tout  leu ,  li  arcevesques  de  Cantorbie  se  leva  et  demanda  de  par 
la  roine  d^Engleterrc  quel  cose  en  estoit  bonne  à  faire,  et  prioît 
par  la  bouce  dou  dit  arcevesque  que  elle  fust  si  consillie  que  elle 
et  li  roiaulmes  d'Engleterre  i  eussent  bonnour  et  proufit,  car  de 
ces  cas  elle  en  cargoit  tous  ses  bommes  et  en  descargoit  sa  con- 
science. Quant  on  ot  bien  conceu  et  entendu  les  paroles  de  Tarce- 
vesque  et  oï  lire  tous  les  mauvais  usages  dou  roi  et  comment  par 
mauvais  consel,  sans  loi  et  jugement,  on  avoit  décelé  tant  de 
nobles  d'Engleterrc  que  li  roiauhnes  en  estoit  moult  afoiblis,  li 
prélat,  11  baron,  li  cbevalier  et  tous  les  consauls  des  cbités  et 
bonnes  villes  d'Engleterre  se  trai'ssent  ensamble,  et  là  fu  dit  et 
aresté  et  par  bonne  science  Tun  de  l'autre,  que  tels  hommes, 
liquels  estoit  encourus  en  tel  cas,  n  estoit  point  dignes  de  jamais 
porter  couronne,  ne  de  gouverner  roiaulme,  ne  de  estre  veus  au 
monde,  et  que  il  demorast  pour  tousjours  mais,  là  où  on  Favait 
ordonné  à  demorer,  sus  certainnes  gardes  qui  fuissent  songneus 
de  le  garder  que  jamais  de  ce  pourpris  il  ne  issist,  et  euist  son 
vivre.  Et  pour  ce  que  li  roiaulmes  ne  puet  estre  sans  chief  et 
sans  gouverneur,  et  que  il  apartient  que  en  Engleterre  ait  roi, 
ordonné  fu  et  aresté  que  Édouwars  ses  fils  seroît  rois  couronnés 
et  solempnyés  à  roi,  le  jour  de  la  Nativité  Nostre-Signcur ,  et 

**  Wardës  sagement.  —  •  Et  à  ce  furent  tous  d'accors. 

I.  —  FROISSAMT.  7 


98  COUROIWBlfEMT 

presist  consel  bon,  sage  et  meur  dalés  lai,  par  quoi  li  roiaulmes 
et  li  païs  fust  en  avant  mieuls  gouvernés  que  esté  n'euist ,  par 
quoi  en  nul  trouble,  ne  disension  li  dis  roiaulmes  ne  se  peuist 
esmouvoir.  Adont  fu  chils  consauls  ouvers,  et  revinrent  li  vail- 
lant homme  et  li  sage  et  li  prélat  sus  lesquels  on  avoit  assis  et 
tourné  ce  consel,  en  la  présence  de  la  roine  et  de  son  fil  et  de 
messire  Jehan  de  Hainnau  et  dou  conte  de  Kent  et  aussi  dou 
consel  des  bonnes  villes,  et  fu  tout  ce  publyet  généraulment  ; 
et  se  départi  li  consauls  sus  celle  entente  et  volonté  que  li  jones 
Édouwars  seroit  rois  oins  et  sacrés  le  jour  de  la  Nativité  Nostre- 
Signeur,  et  demorèrent  tout  signeur  et  tout  prélat  et  toutes  gens 
qui  là  estoient  venus,  à  la  pryère  et  ordenance  la  roine,  pour 
estre  à  celle  solempnité,  et  furent  toutes  ordenances  adminis- 
trées, qui  appartenoient  à  estre  et  à  avoir,  tant  d'abis  que  d'au- 
tres coses,  pour  le  dit  jone  roi  et  Téglise  de  Wesmoustier  appa- 
rillier  très^véramment. 


Enssi  que  accordes  fu  par  les  plus  hauls  barons  et  par 
les  conssaulx  des  bonnes  villes,  enssi  fu  fet.  Et  fu  adont 
courounnés  au  jour  dou  Noël  à  Londres  li  gentils,  *  li  preux 
et  li  nobles  *  roys  Édouwars  d'Engleterre,  Tan  de  grâce 
Notre-Seîgiieur  mil  CGC  XXVI,  par  devant  tout  le  pays  à 
grant  joie  et  à  grant  noblèce  en  Teage  de  XVI  ans  à  ren- 
trée, car  il  les  devoit  avoir  en  janvier  ensuivant  le  jour  de 
le  Conversion  Saint  Pol  TApostle.  Là  fu  très-grandement 
honnourés  et  servis  li  gentils  chevaliers  messires  Jehans  de 
Haynnau  de  tous  les  prinches,  de  tous  les  nobles  et  non 
nobles  del  pays,  et  là  li  furent  donnet  grans  jeuiaux  et  très- 
riches  et  à  tous  les  compaignons  qui  demwés  estoient  avoec- 
ques  li.  Et  demeura  puissedi  il  et  si  compaignon  en  grandes 
festes  et  en  grans  solas  des  seigneurs  et  des  dames  qui  là 

*'*  Si  fu  preux  et  vaillans. 


i>*ÉDOUARn  III.  99 

estoîent,  jusques  au  jour  des  Trois  Rois  que  il  oy  dire  que 
li  gentils  et  nobles  Caries,  rois  de  Behaingne,  H  contes  de 
Haynnau,  ses  frères,  li  ducs  de  Bourbon,  messires  Robiers 
d'Artois,  li  contes  Raouls  d'Eu,  li  contes  d'Auçoirre,  li 
contes  de  Sansoirre  et  grant  plentet  de  grant  seigneur  de 
Franche  estoient  celle  saison  assemblet  à  Condet  sus 
Escault  pour  tournoyer.  *  Ces  nouvelles  oyes,  li  sires  de 
Biaumont  ne  vot  plus  demourer  pour  pryère  c*on  lui  peuist 
faire,  pour  le  grant  désir  qu'il  avoit  de  venir  à  ce  tournoy  et 
de  veoir  son  gentil  frère  et  seigneur  et  les  autres  seigneurs 
qui  là  dévoient  y  estre  et  *  meysmement  '  le  plus  gentil 
roy  de  largèche  qui  oncques  fust  ^  :  che  fu  li  nobles.  Il 
larghes  et  li  courtois  Caries,  roys  de  Behaingne,  qui  dure- 
ment Tamoit. 

Sec.  rii,  —  Ensi  que  acordé  fu  par  les  plus  haus  barons  et 
par  les  consauls  des  bonnes  villes,  fu-il  fait  ;  et  fu  adont  cou- 
ronnés de  couronne  royal  ens  ou  palais  de  Wesmoustier 
dalés  Londres  li  jones  rois  Edouwars  qui  tant  fu  depuis  eureus 
et  fortunés  en  armes  :  ce  fu  Fan  de  grasce  Nostre  Signeur 
MCCC.XXVI  le  jour  dou  Noël,  et  pooit  avoir  adont  'environ 
XVI  ans,  il  les  eut  à  le  Conversion  Saint  Pol.  Et  là  fu  très- 
grandement  servis  et  honnourés  li  gentils  chevaliers  messires 
Jehans  de  Haynau  de  tous  les  princes  et  de  tous  les  nobles  et 
non  nobles  dou  pays  ;  et  là  furent  donnet  grans  joiauls  et  très- 
rices  à  tous  les  compagnons  qui  demoret  estoient  dalés  lui  ;  et 
demora  depuis  il  et  si  compagnon  en  grandes  festes  et  en 
grans  solas  des  signeurs  et  des  dames  qui  là  estoient  jusques^ 
au  jour  des  III  Rois  que  il  oy  dire  que  li  rois  de  Behagne,  li 
contes  de  Haynau  ses  frères  et  grant  plenté  de  signeurs  de 
France  se  ordonnoient  pour  estre  à  Condet  sour  Escaut  à  ung 

*  Tantost.  —  *  Espécialement.  —  *-*  Le  plus  renommé  de  largesse 
et  d^onnenr  qui  oncques  fut  en  son  temps. 


iOO  COURONNEMENT 

tournoi  qui  là  estoit  criés.  Adont  ne  volt  messires  Jehans  de 
Haynau  plus  demorer,  pour  pryère  que  on  li  peuist  faire,  pour 
le  çrant  désir  qu'il  avoit  de  venir  à  ce  tournoi  et  de  veir  son 
gentil  frère  le  conte  de  Haynau  et  les  aultres  signeurs  qui  là 
dévoient  estre,  et  espécialment  le  plus  noble  et  le  plus  gentil 
roy  en  larghèce  qui  régnast  à  ce  temps,  le  gentil  roy  Charlon 
de  Behagne. 

Quatr,  Téi.  —  Le  jour  de  la  Nativité  Nostre-Signeur,  que  on 
compta  en  Tan  de  grasce  m.ccc  et  vint-sys,  fu  couronnés  à  roi 
d'Engleterre  Édouwars  de  Windesor,  liquels  en  son  temps  a  eu 
tant  de  belles  aventures  d'armes  et  victorieuses ,  ensi  que  elles 
vous  seront  remonstrées  et  recordées  ensievant  en  Tistore,  et  fu 
consacrés  et  oins  solempnement  selong  l'ordenance  d'Engleterre, 
et  furent  à  sa  consacration  deus  archevesques  et  douze  évesques 
et  quarante-wit  abbés  d'Engleterre,  et  rechut  li  rois  toutes  les 
dignités  et  solempnités  que  rois  doit  et  puet  recevoir,  et  estoit 
pour  lors  ou  sessiéme  an  de  son  eage  (il  les  ot  complis  à  la  Con- 
version Saint-Pol  apriès)  et  porta  ce  jour  la  couronne  de  saint 
Édouwart,  laquelle  est  moult  digne  et  moult  riche,  et  furent  fais 
à  sa  coronation  nouviauls  chevaliers  quatre  cens  et  quinze  et 
veillèrent  le  nuit  de  Noël  toute  la  nuit  en  Téglise  de  Fabéie  de 
Wesmoutier,  et  quant  li  rois  vint  de  Téglise  au  palais,  montés 
sus  un  blanc  coursier,  paré  et  vestis  de  sambuc  jusques  ens  es 
fallons  des  pies ,  armoyés  des  armes  d'Engleterre  d'une  part, 
et  des  armes  de  saint  Édouwart  de  Tautre  part,  et  chevauchièrent 
tout  chil  nouviel  chevalier  devant  lui ,  et  fu  ensi  amenés  de 
réglise  dedens  le  palais,  liquels  estoit  aournés  si  ricement 
comme  on  poeit,  et  sist  à  table  deus  arcevesques,  de  Cantorbie 
et  dlorch,  au-desus  de  li,  et  puis  li  rois  et  puis  la  roine  sa  mère 
et  puis  messires  Jehans  de  Hainnau  et  puis  li  contes  de  Kent 
et  puis  li  contes  Henris  de  Lancastre.  Vous  devés  sçavoir  que 
messires  Jehans  de  Hainnau  fu  ce  jour  moult  regardés  de 
contes,  de  barons  et  de  chevaliers  d'Engleterre  qui  en  devant 
point  veu  ne  Tavoient,  coiyoïs  et  festoyés,  et  rechut  moult 


D*ÊDOtARD    III.  ICI 

d'onnours,  et  là  furent  donné  biaus  jeuiauls  et  riches  au  dit 
messire  Jehan  de  Hainnau  et  à  tous  les  chevaliers  et  esquiers 
qui  demoret  estbient  avecques  lui,  de  par  le  roi  d'Engleterret 
Tous  ces  Noëls  furent  les  festes  et  les  esbatemens  moult  grans, 
ens  ou  palais  do  Wesmoustier,  des  signeurs  et  des  dames  dou 
pais,  et  se  esforcoicnt  tout  signeur,  toutes  dames  et  damoiselles, 
de  honnourer  messire  Jehan  de  Hainnau  et  les  Hainnuiers. 
Ensi  se  continuèrent  ces  festes,  et  prissent  congiet  au  roi  et  à 
madame  sa  mère  et  à  messire  Jelian  de  Hainnau,  prélat ,  baron 
et  chevalier ,  et  puis  s  en  retourna  casquns  en  son  lieu  et  chiés 
soi,  et  madame  la  roine  et  li  rois  vinrent  tenir  lor  mansion  à 
^Vindesoro,  et  en  ama  li  rois  grandement  le  lieu  et  la  place 
pour  tant  que  il  i  f u  nés,  et  tout  partout  où  il  aloient,  messires 
Jehans  de  Hainnau  aloit.  Tantos  apriès  TAparition  des  Rois , 
nouvelles  vinrent  à  messire  Jehan  de  Hainnau  que  li  rois  de 
Behagne,  son  chier  et  amé  cousin,  avoit  fait  crjer  un  tournoi 
et  assis  à  estre  sus  le  sabelon,  a  Condet  en  Hainnau.  Quant  les 
nouvelles  furent  venues  en  Engleterre  et  messires  Jehans  de 
Hainnau  en  ot  la  congnissance ,  nuls  ne  le  euist  retenu  en 
Engleterre,  car  11  rois  de  Behagne  li  escripsoit  que  à  ce  tournoi 
il  dévoient  estre  compagnon  ensemble.  Et  monstra  li  gentils 
chevaliers  les  lettres  à  la  roine  et  au  roi  aussi,  et  dist  que  il  le 
convenoit  partir,  et  tousgours  estoit-il  près  de  faire  service  au 
roi  là  où  il  seroit  requis. 


Quant  li  jovënes  roys  Édouwars,  madame  sa  mëre  le 
royne  et  li  baron  qui  là  estoient,  virent  que  c'estoit  acertes 
et  qu'il  ne  volloit  plus  demorer  et  que  pryère  n'y  pooit  rien 
valloir,  il  li  donnèrent  congiet  et  de  dolent  coer.  Se  li  donna 
li  jovènes  roys  par  le  consseil  de  madame  sa  mère  et  des 
autres  barons  quattre  cens  mars  d'estrelins  I  estrelin  pour 
I  denier  de  rente  hiretablement  à  tenir  de  lui  en  fief  et  à 
payer  cascun  an  en  le  ville  de  Bruges.  Et  donna  encoires 


102  DiPART 

à  Phelippe  de  Casteaux  son  maistre  escuyer  et  souverain 
conseilleour  C  mars  de  rente  à  Testrelin  et  ensi  à  payer 
que  dit  est.  Et  lui  fist  avoecq  ce  délivrer  grant  somme 
d'estrelins  pour  les  frës  de  lui  et  de  tous  ses  compaignons 
pour  revenir  en  leur  pays ,  et  les  flst  conduire  à  grant  com- 
paignie  de  chevaliers  jusques  à  Douvres  et  li  flst  délivrer  et 
appareiller  tout  son  passaige.  Et  les  dames,  meysmes  la 
contesse  de  Garennes  qui  estoit  soer  au  conte  de  Bar  et 
aucunes  des  autres  dames,  li  donnèrent  grant  fuison  de 
biaux  jeuyaux  et  riches  au  départir.  Et  quant  messires 
Jehans  de  Haynnau  et  se  compaignie  furent  venu  a  Douvres, 
il  montèrent  tantost  as  naves  pour  passer  oultre  ^  pour  le 
désir  qu'il  avoient  de  venir  à  tamps  et  à  point  à  ce  toumoy 
qui  devoit  estre  à  Condet  et  enmena  avoecq  lui  XV  jones 
et  preux  chevaliers  d'Engleterre  pour  estre  à  ce  toumoy 
avoecq  lui  et  pour  yaux  acointier  as  seigneurs  et  as  com- 
paignons qui  là  dévoient  estre;  si  leur  fist  li  gentils  sires 
de  Biaumont  toutte  honneur  et  le  compaignie  quil  pot,  et 
toumoièrent  II  fois  celle  saison  à  Condet  puis  qu*il  furent 
venut.  Or  me  voeîl  taire  de  ce  gentil  chevalier  jusques  à 
tant  que  point  en  sera,  et  revenray  au  jone  roy  Édouwart 
d'Engleterre. 

Var.  prem.  réd.  —  Quant  le  josne  roy  Édouwart  et  la 
royno  sa  mère  virent  que  prière  n  y  valoii  riens ,  se  luy 
donnèrent  doucement  congiet  de  coer  courchiet  ;  et  au  départir, 
par  bon  conseil,  luy  donnèrent  CCCC  mars  d  estrelins  de  rente 
hlrtablo  à  tenir  en  fief  du  dit  roy,  à  payer-  chascun  an  en  la 
viUe  de  Bruges;  et  de  ce  eut  bonnes  lettres.  Encore  lui  fist 
délivrer  grans  sommes  d'estrclins  pour  les  frais  de  luy  et  de 
ses  compaignons  pour  retourner  en  leur  pays.  Si  les  fist  c*on- 

*  L^gièremeat  po«r  le  grant  désir. 


DE   JËAM    DE   UAINAUT.  103 

duire  à  grande  et  noble  compâignie  de  seigneurs  jusques  à 
Douvres  ;  et  lui  fist-on  délivrer  et  apparillier  tout  son  passage. 
Et  quant  messire  Jehan  de  Haynnau  fu  venus  à  Douvres,  ils 
montèrent  en  nefs  hastivement,  car  il  avoit  grant  désir  de 
venir  à  tamps  au  tournoj.  S'amenoit  avec  lui  XV  josnes  et 
apers  chevaliers  d'Engleterre  pour  estre  au  dit  tournoy  avec 
luj,  et  pour  eulx  aprendre  à  congnoistre  des  seigneurs  qui  là 
seroient.  Si  leur  fist-on  là  grant  honneur  quant  ils  furent  venus 
ou  pays ,  et  pour  l'amour  d'eulx,  refist-on  en  celui  an  encore 
ung  aultre  tournoy  à  Condet.  Or  me  tairay  un  petit  de  ceste 
matère  ;  si  parleray  du  josne  roy  d'Engleterre. 

Quatr.  rid,  —  Adont  veirent  bien  li  rois  et  madame  sa  mère 
et  les  consauls  que  c'estoit  tout  certes  ;  se  ne  le  verront  plus 
presser,  et  li  donnèrent  congiet  moult  envis.  Se  li  donna  li 
Jones  rois  Édouwars,  par  le  consel  de  madame  sa  mère,  quatre 
cens  mars  d'estrelins,  un  estrelin  pour  un  denier,  de  revenue 
par  an,  à  tenir  dou  roi  en  ûef,  et  à  payer  cascun  an  as  canges 
à  Bruges.  Et  fu  donné  encores,  et  là  présentement ,  à  Phelippe 
de  Chasteauls,  son  mestre  esquier  et  souverain  consillier,  cent 
livres  à  l'estrelin  de  revenue  par  an  et  à  payer  à  Bruges  et  à 
tenir  en  âef  dou  roi,  et  avoec  les  dons  on  bailla  les  lettres 
toutes  séelées  dou  séel  dou  roi,  qui  tesmongnoient  et  certe- 
fioient  ces  dons.  Encores  fu-il  délivré  au  mestre  d'ostel  de 
messire  Jehan  de  Hainnau,  grant  fuisson  de  blance  monnoie 
d'Engleterre  pour  payer  lors  menus  frès  sus  le  cemin.  Adont 
se  départi  messires  Jehans  de  Hainnau  dou  roi  et  de  sa  mère, 
dou  conte  de  Kent  et  de  messire  Rogier  de  Mortemer  ;  si  fu 
acompagniés  et  aconvoyés  de  messire  Thomas  Wage  et  des 
chevaliers  dou  roi,  et  li  maires  de  Londres  et  plus  de  cens 
hommes  d'onneur  de  Londres  l'acompagnièrent  jusques  à  Dar- 
deforde  et  prissent  là  congiet  à  lui  et  puis  retournèrent,  mais 
li  chevalier  dou  roi  et  de  la  roine  l'acompagnièrent  jusques  à 
Douvres  et  payoient  partout  les  frès  de  li  et  de  ses  gens,  et  leur 
pourveirent  vassiaus  passagiers  qui  les  passèrent  à  Wissant. 


104  LE  ROI  D*ÉGOSSE 

Et  passèrent  adont  oultre  la  mer,  avoecques  messire  Jehan  de 
Hainnau  quinse  jones  chevaliers  englois  pour  estre  à  ce  tournoi 
à  Condet-sus-l'Escaut  et  pour  Tavancement  de  lors  corps,  et  les 
amena  messires  Jehans  de  Hainnau  à  Yalenchiennes  deviers  le 
conte  son  frère  et  la  contesse  qui  les  conjoïrent  et  requellièrent 
bellement  pour  Tonnour  et  amour  dou  roi  d'Engleterre  et  de 
madame  sa  mère.  Si  se  tint  li  tournois  à  Condet-sus-Escaut, 
ensi  que  nonchyet  et  crjet  fu,  et  i  ot  deux  cens  et  soissante 
chevaliers  tournoians.  Si  en  i  ot  des  bien  batus.  Des  François 
en  ot  le  pris  pour  le  mieuls  tournoiant  et  prenant  painne  li 
sires  de  Biausaut  dalés  Montdidier,  et  des  Hainnuiers  messires 
Miquiels  de  Ligne.  Ce  tournoj  fait,  chil  signeur  s'espardirent, 
et  retourna  casquns  en  son  païs. 

Apriès  ce  que  messires  Jehans  de  Haynnau  se  fu  parti  dou 
jovène  roy  et  de  madame  la  royne  sa  mère,  li  dis  roys  et 
madame  la  royne  gouvernèrent  le  pays  par  le  consseil  le 
comte  de  Kent,  son  oncle  et  le  comte  Henry  de  Lancastre 
au  Tors  Col  et  de  monseigneur  Rogier  de  Mortemer  ^  et  de 
monseigneur  Thummas  Wage  et  usèrent  'assés  par  le 
consseil  d'iceux  et  de  autres  grands  seigneurs  preudommes 
et  boins  coustumiers  que  on  tenoit  pour. les  plus  saiges  ens 
el  royaume,  coumment  que  aucun  autre  euîssent  envie 
sour  yaux,  se  monstrer  le  osaisent  ;  car  on  dist  que  oncques 
envie  ne  fu  morte  en  Engleterre  :  ossi  règne-elle  et  voelt- 
elle  régner  en  pluisieurs  autres  pays.  Enssi  passa  li  yviers  et 
li  quaremmes  jusques  à  Pasques,  et  furent  li  roys,  medame 
sa  mère,  li  pays  et  li  nobles  tout  à  pais  ce  terme  durant. 
Or  avint  que  li  roys  Robers  d'Escoce,  qui  avoit  estet 
moult  preux  et  qui  moult  avoit  souffert  contre  les  Englès 

*  Qui  tenoit  grant  terre  en  Engleterre,  bien  sept  mille  livrées  de 
revenue ,  I  estrelin  par  I  denier,  et  avoient  este  tout  doi  bani  et  escha- 
ciet  hors  d*Engleterre  sioom  avës  07. 


DÉPIE  EDOUARD  lU.  105 

de  grans  batailles  et  moult  de  fois  avoit  esté  desconfis  et 
descachiés  au  temps  le  bon  roy  Édouwart  tayon  à  ce  jovène 
roy  Édouwart  de  qui  présentement  nous  parlons,  estoit 
devenus  moult  vies  et  maladieus  *  de  gouttes  *.  Non-pour- 
quant  ses  coers  estoit  encoires  assés  fors  et  en  grant  dési- 
rier  de  guerrier,  mes  que  il  veyst  son  plus  biel.  Quant  il 
seult  les  avenues  d'Engleterre  comment  li  roys  avoit  estet 
pris  et  desposés  de  se  couronne,  et  ses  consaux  justiciés  et 
mis  à  destruction  et  li  pays  moult  amenris  de  grans  sei- 
gneurs ',  il  se  pourpensa  qu'il  deflSeroit  ce  jovène  roy,  car 
par  tant  qu*il  estoit  jovënes  et  que  li  baron  del  royaumme 
n*estoient  mies  bien  d'acors  ^  sicomme  il  cuidoit  et  que  on 
lui  avoit  fait  entendant  par  aventure  de  par  aucuns  des 
ennemis  à  cheux,  qui  leurs  amis  et  prochains  avoient  eus 
justiciés  ^,  il  poroit  bien  exploitier  sur  ceste  besoingne  et 
concquérir  partie  d'Engleterre.  Enssi  qu'il  le  penssa,  enssi 
le  fist-il  ;  et  fist  environ  Pasques  •  deffyer  le  jovène  roy 
Édouwart  et  tout  le  pays  et  leur  manda  qu'il  entreroit  ens 
el  pays  et  arderoit  et  gasteroit  ossi  avant  qu'il  avoit  estet 
quant  li  desconfiture  avint  à  Struvelin  ^. 

Qiuitr.  réd. —  Apriès  ce  que  messlres  Jehans  de  Hainnau  se  fu 
départis  d'Engleterre,  li  jones  rois  et  madame  sa  mère  gouver- 
nèrent le  pais  par  le  consel  dou  conte  de  Kent  et  de  messire 
Rogier  de  Mortemer  et  de  messire  Thomas  do  Wage  et  par  le 
cousel  de  pluisseurs  aultres  que  on  tenoit  le  plus  sages  d'Engle- 
terre ,  et  fu  tous  li  roiaulmes  réconcilyés  et  venus  on  bon  estât, 
et  estoit  justice  gardée  souverainnement.  Celle  première  année 

*  *  Do  la  grosse  maladie,  ce  disoit-on...  et  disoît-on  qu'il  en  mou- 
roit,  car  nulle  guariaon  trouver  il  n'en  ponvoit. —  '  Et  qu*U  y  avoit  an 
josne  rov,  et  pour  tant  cuidoit-il  venir  à  son  dessus.  —  ^  Et  que  par 
les  envies  il  porroit  bien  exploitier  sur  ceste  besongne. —  'Et  du  lignage 
des  Despensiers.  —  *  L'an  mccc.xxvii.  —  ^  Où  li  Englès  rechnrent  si 
grant  damage. 


106  LE  ROI   DiCOSSB 

dou  resgne  le  jone  Édouwart,  avint  que  la  femme  à  megsire 
Hue  TEspensier  qui  justichlés  fu,  ensi  que  vous  avés  oj,  se  traïst 
deviers  le  roi  et  son  cousel  et  amena  un  moult  biau  ûl  que  elle 
avoit  de  Feage  de  neuf  ans,  et  estoit  nommés  Édouwars ,  et 
mist  avant  par  un  avocat  une  plainte,  et  dist  ensi  la  dame  par 
la  parole  de  l'avocat  que,  si  son  mari  avoit  fourfait  le  sien,  il 
ne  pooit  fourfaire  Tiretage  de  la  dame,  et  le  convenoît  vivre  li 
et  son  fil.  Or  estoit  avenu  que  on  avoit  confisquet  et  atribuet  à 
la  couronne  d'Engleterre  tous  meubles  et  hiretages  que  li 
Espensier  avoient,  li  pères  et  lî  fils,  par  tout  le  roiaulme 
d'Engleterre,  et  tenoient  bien  soissante  mille  ....  de  reve- 
nue. La  roine  d'Engleterre  et  li  rois  ses  fils  eurent  pitié  de  la 
dame,  car  elle  estoit  des  plus  nobles  d'Engleterre,  si  s'encli- 
nèrent  à  ce  que  la  dame  fuste  aidiée  et  ses  fils  aussi,  et  li  furent 
rendu  et  restitué  tout  li  hiretage  qui  venoient  de  son  costé  et 
par  espécial  en  la  contrée  de  Galles,  et  retourna  bien  la  dame  à 
quatre  mille  marcs  de  revenue  par  an.  Et  depuis  avint  que 
quant  le  fils  ot  eage,  li  rois  le  maria,  maîîs  ce  ne  fu  pas  selonch 
le  linage  dont  il  estoit  issus,  ce  fu  à  la  fille  d*un  sien  chevalier 
baceler  que  on  nomma  messire  Raoul  de  Ferrières.  Chils 
Édouwars  li  Espensiers  et  sa  femme  ne  furent  que  chinq  ans 
en  mariage,  (car  il  fu  ocis  ens  es  guerres  de  Bretagne,  ensi  que 
orés  recorder  en  histore ,  mais  ce  sera  bien  avant),  et  orent 
quatre  fils  :  li  troi  en  furent  chevaliers,  Édouwars,  Hues  et 
Thomas,  et  li  quars  ot  nom  Henris  et  fu  évesques  de  Nordvich. 
Je  Froissars,  actères  de  ces  croniques,  le  di  pour  tant  que,  en 
ma  jonèce,  je  fui  moult  bien  et  tousdis  amés  de  Tainnet  frère 
Espensier,  que  on  nomma  Édouwars  ensi  que  son  père,  et  ot 
en  mariage  la  fille  à  messire  Bietremieu  de  Bruhes,  un  moult 
vaillant  chevalier.  Et  fu  cils  sires  Espensiers,  de  son  temps  et 
dou  mien ,  li  plus  jolis  chevaliers ,  li  plus  courtois ,  li  plus 
honnourables  et  amoreus  et  bacelereus  assés  qui  fust  en  toute 
Engleterre,  et  le  plus  larges  de  donner  le  sien  là  où  il  veoit 
que  il  estoit  bien  emplojet,  et  qui  mieuls  soeut  vivre  et  dou 
plus  biel  estât  et  bien  ordonné.  Et  oy  dire  en  mon  temps  les 


DÉriS  EDOUARD  Ul.  107 

plus  hautes  et  nobles  dames  dou  pais  que  nulle  feste  n^estoit 
parfaite,  se  li  sires  Ëspensiers  n'i  estoit,  et  pluisseura  fois 
avint  que  quant  je  cevauchoie  sus  le  pais  avoecques  lui,  car  les 
terres  et  revenues  des  barons  d'Engleterre  sont  par  places  et 
moult  esparses,  il  m^apelloit  et  me  dissoit  :  c  Froissart,  veés- 
c  TOUS  celle  grande  ville  à  ce  haut  clochier?  i  —  Je  respon- 
doie  :  c  Monsigneur,  oïl  :  pourquoi  le  ditte9-vous?  i  —  c  Je 
c  le  di  pour  ce  :  elle  deuist  estre  mienne,  mais  il  i  ot  une  maie 
c  roine  en  ce  pais,  qui  tout  nous  toUi.  i  Et  ensi  par  pluisseurs 
fois  m'en  monstra-il  semées  en  Engleterre  plus  de  quarante,  et 
appelloit  la  roine  Issabiel,  mère  au  roi  Édouwart,  la  maie 
roine,  et  aussi  faisoient  si  frère.  £n  ce  temps  dont  je  parole, 
et  que  li  roiaulmes  d'Engleterro  estoit  tous  en  paix  et  ou  gou- 
vernement de  la  roine  Issabiel  et  dou  conte  de  Kent  et  dou 
jone  roi  et  de  lor  consel,  avint  que  Robers  de  Brus,  rois 
d'Escoce,  qui  en  son  temps  ot  moult  à  faire  contre  les  Englois 
et  qui  tou&Jours  les  tint  en  guerre  et  reconquist  sus  euls  ce 
que  si  prédécesseur  avoient  perdu  encontre  le  bon  roi  Édouwart 
et  les  descouâ  par  bataille  devant  Struvelin,  et  dura  la  cace 
jusques  oultre  la  rivière  du  Thin,  et  reprist  Bervich,  Dombare 
ot  pluisseurs  chastiaus  que  li  Englois  tenoient  en  Escoce,  chils 
rois  Robers  de  Brus  entendi  comment  li  rois  d'Engleterre  avoit 
esté  pris  et  déposés  de  sa  couronne,  et  ses  consauls  justichiés  ; 
si  s'apensa  que  il  desfieroît  ce  jone  roi  Édouwart,  et  supposa 
que  grandes  hainnes  estoient  nouries  et  engendrées  en  Engle- 
terre par  les  mors  des  signeurs  Ëspensiers  et  dou  conte  d*Aron- 
diel,  et  que,  quant  ses  gens  se  meteroient  sus  les  camps,  li 
liiiagcs  des  desusdis  se  bouteroient  en  lor  compagnie  pour 
contrcvengier  lors  amis.  Si  envola  deflfyer  le  roi  Edouwart  et 
toute  sa  poissance,  et  aporta  la  desfiance  uns  hiraus  d*Escoc«, 
lequel  on  nommoit  Glas,  et  estoit  contenu  en  la  lettre  séelée 
dou  roi  d'Escoce  et  des  barons  de  celi  pais,  que  jamais  il 
nVnteuderoit  à  aultre  cose  si  auroit  si  avant  courut  en  Engle- 
terre que  passet  la  rivière  dou  Thin  et  le  Homre  et  controven- 
giet  tous  »e8  torsfais,  et  se  combatro  on  le  voloit,  il  li  assignoit 


lOH  Ifjm   DE  HAIMAUT 

journée  devant  Ebruicb.  Quant  li  jones  rois  d^Bngleterre  ot 
reeheu  ces  dcsûanccs  ou  premier  an  de  sa  création,  li  coers  li 
commença  à  engrossier,  et  ne  monstra  pas,  ne  ne  dist  au  hiraut 
toute  sa  pensée,  mais  li  fist  donner  un  mantiel  qui  bien  valoit 
cent  florins,  et  aussi  la  rojne,  li  contes  de  Kent,  messires 
Rogiers  de  Mortemer  et  li  signeur  li  donnèrent  tant  que  il  fu 
tous  rices,  et  li  fu  dit  de  Tun  des  cbevaliers  dou  roi  :  c  Glas, 
f  vous  vos  poés  bien  partir,  quant  il  vous  plaist,  car  li  rois  et 
f  li  païs  se  tient  à  tout  desfjés  sus  les  lettres  que  vous  avés 
fl  aporté.  •  Adont  se  départi  li  biraut,  et  li  rois  et  ses  consauls 
et  toute  Engleterre  demorèrent  en  ces  desfiances,  et  bien 
sentirent  toutes  gens,  asquels  la  congnissance  en  vint,  que  de 
par  les  Escoçois  il  aueroient  la  guerre. 


Quant  li  jovënes  roys  se  senty  enssi  defiyës  et  ses  con- 
saux  ossi,  il  le  flsent  savoir  par  tout  le  royaumme  et  coum- 
mander  que  tout  noble  et  non  noble  fuissent  appareilliet 
chacuns  seloncq  son  estât  et  venist  chascun  à  tout  son  pooir 
au  jour  del  Assenssion  apriës  ensuivant  à  Ewruich  une 
bonne  chite  qui  sciet  ou  nort  sus  les  marches  de  Norhom- 
brelaut  et  envoya  grant  fuison  de  gens  d*armes  devant  pour 
garder  les  frontières  par  deviers  Escoche.  Et  puis  envoya 
grans  messages  à  che  gentil  chevalier  monseigneur  Jehan 
de  Haynnau  en  priant  moult  affectueusement  qu*il  le 
volsist  venir  secourir  et  tenir  compaignie  à  che  besoing 
et  que  il  volsist  estre  dallés  lui  à  Evruich  au  jour  del 
Assention  atout  tel  compaignie  qu'il  poroit  *  avoir  '  de  gens 
d'armes.  Quant  li  gentils  chevaliers  oy  ce  mandement,  il 
envoya  ses  lettres  et  ses  messaiges  partout  là  où  il  cuidoit 
recouvrer  de  bons  compaignons,  en  Flandres,  en  Haynnau, 
en  Brabant,  en  Hasebaing,  et  leur  prioit  si  acertes  comme 

«^  Finer. 


RETOURNE  EN   ANGLETERRE.  109 

il  pooit  que  cbacuns  le  volsist  sieuwir  au  mieux  montet  et 
appareillet  qu'il  poroit,  droit  vers  Wissant  pour  passer 
oultre  en  Eugleterre.  Chacuns  le  sieuwy  vollentiers  seloncq 
son  pooir,  chil  qui  furent  mandet  et  moult  d'autres  qui  ne 
furent  point  mandet,  par  tant  que  chacuns  quidoit  raporter 
otant  d'argent  d'Engleterre  que  li  autre  avoient  fet  et 
raportet,  qui  avoient  estet  en  l'autre  chevauchée  en  Englè- 
terre,  siques  avant  que  li  dis  messîres  Jehans  vinst  à  Wis- 
sant, il  ot  asses  plus  de  gens  qu'il  ne  quidast  avoir  et  qu'il 
ne  vosist  par  aventure  *.  Quant  il  et  se  compaignie  furent 
venu  à  Wissant,  il  trouvèrent  les  naves  et  les  vaissiaux 
tous  près  '  et  misent  ens  au  plus  tost  qu'il  peurent  chevaux 
et  harnas  et  passèrent  outre  et  vinrent  à  Douvres  et  ne 
cessèrent  de  chevaucier,  ne  d'errer  de  jour  en  jour,  tant 
qu'il  passèrent  le  bonne  chité  de  Londres  et  chevauchièrent 
à  exploit  le  grand  chemin  d'Escoche  parmy  le  conte  de 
Lincolle  et  vinrent  à  Dancastre  et  puis  à  Ewruich  IIII  jours 
devant  le  Pentecouste,  là  où  li  jovènes  roys  d'Engleterre  et 
medame  se  mère  estoient  et  grant  plentet  '  de  grans 
barons  ^  pour  le  jovène  roy  compaignier  et  consseillier,  et 
attendoieut  là  endroit  la  venue  dou  dit  monseigneur  Jehan 
de  Haynnau  et  de  se  compaignie,  et  ossi  atendoient-il  que 
touttes  les  gens  d'armes,  li  archier  et  les  communes  gens 
des  bonnes  villes  et  des  villiaux  fuissent  passet  oultre.  Et 
enssi  qu'il  venoient  par  grans  routes ,  on  les  faisoit  logier 
en  villiaux  ou  à  II  lieuwes  ou  à  III  priés  de  Ewruich  ^  et 
les  faisoit-on  l'endemain  oultre  passer  par  deviers  les  fron- 
tières. 

Var.  prem.  réd.  —  Quant  le  josne  roy  se  senty  ainsi  deffiés,  il 

*  Mais  tous  les  rechut  liement  et  leur  fist  grant  chière.  —  ^  Que  on 
leur  avoit  amenet  d'Engleterre.  —  >-^  Le  gens  d'armes  et  d'archien. 
—  *  Et  là  environ  sua  le  plat  pajs. 


110  IRAN   DE   HAIMAUT 

et  son  oanseil  le  firent  savoir  par  tout  le  royalme.  Et  fu  comandé 
que  tous  fussent  appareilliet,  noble  et  non  noble.  Se  fussent  tous 
aujourdeTAssencion  à  £wruich,une  bonne  cité  qui  sietou  noroq 
pour  garder  sur  les  frontières  d'Escoce.  EJt  tantost  fist  escripre  et 
envoier  en  Hajnnau  après  le  noble  clievalier  messire  Jehan  de 
Hajnnau,  en  priant  si  affectueusement  quMl  pooit,  que  à  cel 
besoing  le  venist  secourir  atout  ce  de  bonnes  gens  'd^armes 
qu^il  poroit  avoir.  Et  aussi  tost  que  celui  gentil  chevalier  eut 
les  lettres ,  il  manda  partout,  en  Flandres ,  en  Brabant,  en 
Hasbaing  avec  les  Hajnuiers  ;  et  leur  prioit  que  chascun  se 
hastast  et  tous  en  venissent  droit  à  Wissant  pour  passer 
oultre  en  Engleterre.  Et  sachiés  que ,  pour  ce  que  les  bons 
compaignons  d'armes  qui  avoient  seu  que  à  Tautre  fois  les 
bons  chevaliers  et  les  compaignons  qui  y  furent,  y  eurent  grans 
prouffis,  pour  ce  lui  vinrent  gens  d^armes  de  toutes  pars 
si  largement  que,  ains  qu^il  venist  à  Woissant,  il  en  eut  plus 
qu^il  ne  volsist.  Et  quant  ils  furent  tous  assamUés,  ils  trou- 
vèrent les  nefs  toutes  prestes  ;  ai  montèrent  et  esploitèrent  en 
peu  de  temps  qu'ils  vinrent  à  Douvres.  Si  descendirent,  et  ne 
Allèrent  de  chevaucier  se  vindrent  à  Londres;  et  là  seurent  que 
le  roj  estoit  atout  son  conroj  à  Ewruich.  Donc  se  mirent  à 
sievir  hastivement ,  et  passèrent  tout  le  grant  chemin  d'Escoce, 
tant  qu^ils  vinrent  à  Dancastre.  Et  puis  vinrent,  environ  IIII 
jours  devant  le  Pentecouste,  à  le  cité  de  Ewruich  ;  et  là  trou- 
vèrent le  josne  roj,  madame  sa  mère,  et  plenté  de  grans 
barons  dalés  luj,  qui  forment  atendoient  après  le  bon  chevalier 
de  Beaumont  et  sa  belle  compaignie.  Si  n*est  mie  à  demander, 
quant  il  furent  venu,  à  quele  honneur  ils  furent  rechus  et 
festoie.  Quant  toutes  les  gens  d'armes  furent  venu,  les  archicrs, 
les  communes  de  loing  et  de  près,  ensy  qu'il  venoicnt  par  grans 
routtes,  on  les  faisoit  passer  oultre  et  logier  par  bonne  ordon- 
nance sur  frontières  et  sur  les  marches  de  pajs. 

Quatr.  réi.  — Or  fu  consillié  en  la  camlM*e  dou  roi  que  tantos  et 
sans  déiai  li  rois  envoiast  ses  messages  et  ses  lettres  deviers  mes- 


RETOURNE  EN   ANGLETERRE.  iH 

sire  Jehan  de  Hainnaa  et  li  prîast  que  il  le  yenist  reoir  et  servir, 
et  se  pourreist  de  cinq  cens  armeures  de  fier,  chevaliers  et 
esquiers,  et  tout  seroient  délivret  et  bien  payet ,  et  li  escripsist 
que  e'estoit  pour  aler  en  Escoce,  car  li  rois  d'Escoce  et  li  Esco- 
çois  Tavoient  desûet.  Et  fu  dit  ensi  en  la  cambre  dou  roi  et  en 
consel  que  on  ne  pooit  mieuls  employer  lettres,  ne  messages, 
que  d' envoyer  en  Hainnau.  Tout  ensi  comme  il  fu  ordonné,  il 
ta  fait,  et  escripsi  li   rois  d'Engleterre  à  messire  Jehan  de 
Hainnau  et  envoia  ses  messages,   qui  passèrent  la  mer  et 
vinrent  en  Hainnau,  et  trouvèrent  le  gentil  chevalier  que  il 
demandoient,  en  la  ville  de  Biaumont  dont  il  portoit  le  nom,  et 
li  baillièrent  les  lettres  que  il  li  aportoient  tant  de  par  le  roi 
que  de  par  la  roine  d'Engleterre.  Il  les  lissi.  Quant  il  les  ot 
ouvertes,  et  considéra  comment  on  le  prioit  et  mandoit,  si  fu 
tous  resjoïs  de  ces  nouvelles  et  dist  que  il  estoit  tenus  de  servir 
le  roi  et  le  pais  d'Engleterre  puisque  il  s'estoit  ahers  et  aloyés 
à euls.de  foi  et  d'ommage,  et  rescripsi  au  roi  d'Engleterre  et 
à  la  roine  par  ceuls-meismes  qui  ces  lettres  avoient  aporté,  et 
fu  contenu  ens  es  dittes  lettres  que  il  seroit  en  Engleterre,  et  à 
ce  n'aueroit  nulle  défaute,  dedens  le  jour  que  on  li  avoit  assis 
et  à  otant  de  gens  ou  plus  que  on  li  avoit  escript.  Li  messa- 
gier   d'Engleterre  retournèrent.  Messires  Jehans  de  Hainnau 
se  pourvoi,  et  escripsi  et   manda  as  chevaliers  et  esquiers 
autour  de  li,  desquels  il  pensoit  à  estre  acompagniés  et  servis, 
tant  en  Hainnau,  en  Brebant,  en  Flandres  et  en  Hasbaing. 
Tout  furent  apparilliet  à  sa  pryère  et  ordennance,  et  se  pour- 
veirent  tantos  et  sans  délai  de  tout  ce  que  à  lor  estât  apparte- 
noit ,  et  se  départirent  de  lors  lieus  ,  et  vinrent  li  auqun  à 
Wissant  et  li  aultre  à  Calais.  Toutesfois  messires  Jehans  de 
Hainnau  vint  à  Wissan,  et  passèrent  oultre,  car  il  trouvèrent 
les  vasaiaus  passagers  que  li  rois  d'Engleterre  lor  avoit  envoyés, 
et  tant  fissent  que  il  furent  oultre  et  en  Engleterre,  et  aten- 
dirent  tous  l'un  l'autre  à  Cantorbie  et  entendirent  que  li  rois  et 
la  roine  et  li  signeur  s'en  aloient  à  grant  esfort  viers  Escoce. 
Si  se  esploltièrent  li  Hainnuier  ce  qu'il  peurent ,  ot  passèrent 


112  JEAN   DE  HAINAUT 

Rocestre  et  Dardeforde  et  vinrent  à  Londres,  et  là  se  rafres- 
quirent  de  tout  ce  que  il  lor  besongnoit  de  chevaus,  de  sellerie, 
d'armeures  et  de  toutes  aultres  coses  qui  appartiennent  à  gens 
d'armes.  Et  là  trouvèrent  le  trésorier  des  guerres  dou  roi,  qui 
lor  délivra  monnoie  et  paiement  bien  et  largement,  et  puis  il  se 
départirent  et  missent  ou  cemin  et  passèrent  le  Ware  et  Lin- 
cole,  et  partout  où  il  venoient,  il  estoient  requelliet  liement, 
eonjoï  et  festyet,  et  passèrent  à  Danfront  et  à  Dancastre,  et 
vinrent  à  Ebruich,  une  grosse  chité  et  bonne,  qui  Î5ciet  en  bon 
païs  et  passé  la  rivière  dou  Hombre  tout  parmi  qui  va  ceoir  en 
la  mer.  Jà  savoient  li  rois  d'Engleterre,  madame  sa  mère  et  li 
baron  d'Engleterre  que  messires  Jehans  de  Hainnau  venoit  à 
compagnie  de  gens  d'armes ,  encores  plus  assés  que  on  ne  li 
euist  escript  et  mandé.  Si  en  estoient  tout  resjoy  et  atendoient 
sa  venue,  et  devés  sçavoir  que  li  Escocois  avoient  passet  la 
rivière  dou  Thin  amont  viers  les  montagnes  qui  départent 
Galles  et  Engleterre,  et  moult  priés  de  une  chité  que  on  nomme 
Carlion,  et  estoient  venu  entre  la  chité  de  Durâmes  et  Ebruich, 
et  ardoient  le  plat  païs,  tant  que  on  en  pooit  bien  veoir  les 
fumières ,  et  n^estoit  point  li  rois  Robers  d'Escoce  en  celle 
chevauciée,  mais  se  tenoit  à  Haindebourch  en  Escoce  sus  la 
litière,  car  il  estoit  si  atains  de  la  grosse  maladie  que  il  ne 
pooit  mais  cevauchier,  et  là  estoient  pour  lui  li  contes  de  Moret 
et  messires  Guillaume  dou  Glas  ,  doi  vaillant  chevalier  qui 
conduisoient  les  Escocois ,  où  moult  avoit  de  bons  chevaliers  et 
esquiers  et  vaillans  as  armes. 


Droit  ad  ce  point  vint  à  Ewruich  messires  Jehans  de 
Haynnau  et  se  compaignie  :  si  furent  bien  venu  et  grande- 
ment festyet  dou  jone  roy,  de  madame  se  mère  et  de  tous 
les  barons,  et  leur  fist-on  délivrer  *  le  plus  biel  fourbour  de 
toutte  la  cité  pour  herbergier  le  corps  monseigneur  Jehan 

^  Pai*  les  marissaulx. 


ARRIVE   A   YORK.  115 

et  ses  gens  sans  nul  entredeux,  et  fu  délivrëe  à  monseigneur 
Jehan  de  Haynnau  une  abbéie  de  blans  moinnes  pour  son 
corps  et  pour  son  tinel  tenir. 

En  le  compaignie  monseigneur  Jehan  de  Haynnau,  sei- 
gneur de  Biaumont,  et  à  se  délivranche  vinrent  del  pays  de 
Haynnau  li  sires  d'Enghien  qui  adont  estoit  appelés  messires 
Gantiers,  li  sires  de  Faignouelle,  messires  Henris  d'Antoing, 
messires  Fastres  dou  Roelx,  messires  Mikieux  de  Ligne,  li 
sires  de  Havrech,  castelains  de  Mons,  li  sires  de  Goumi- 
gnies,  messires  Alars  de  Briffoeil,  messires  Jehans  de  Mon- 
tegni  li  jovènes  et  ses  frères,  messires  Robiers  de  Bailloeil 
qui  puissedi  fu  sires  de  Fontainnes  TÉvesque  et  de  Moriau- 
més\  messires  Sansses  de  Boussoit,  li  sires  de  Potelles,  li 
sires  de  Waregny  *  et  pluiseurs  autres;  et  del  pays  de 
Flandres  y  vinrent  messires  EctorsVillains,  messires  Jehans 
de  Rodes,  messires  Wafflars  deGistelles,  messires  Wuil- 
laummes  de  Strates,  messires  Gossiaux  de  le  Meule,  li  sires 
de  Halluin,  li  sires  de  Brugdent  et  plusieurs  autres.  Del 
pays  de  Braibant  y  vinrent  li  sires  de  DufHe,  messires 
Thieris  de  Wallecourt,  messires  Rasses  de  Grés,  messires 
Jehans  de  Gasebecque ,  messires  Jehans  Pilifre ,  messires 
Gilles  de  ^  Cotterebbe^,  litroy  frère  de*^  Harlebeque  ^  mes- 
sires Gantiers  de  Hotebergh  et  pluisieurs  aultres  ;  des  Has- 
begnons  y  vinrent  messires  Jehans  li  Biaux,  canonnes  de 
Liège,  et  en  se  compaignie  messires  Henris  ses  frères, 
messire  Godeffrois  de  le  Capelle,  messires  Hues  '  d'Ohay'et 
messires  Jehans  de  Libines,  qui  tous  IIII  devinrent  là  che- 
valiers, messires  Lambers  dou  Pels,  messires  Gillebiers  de 

*  Et  messires  Guillaumes  de  Bailloel  ses  frères. —  *  Messires  Perce- 
vaus  de  Semeries,  ii  sires  de  Bianrieu,  li  sires  de  Floyon,  messires 
Uuon  de  Uainaut,  bastart.  —  *-^  Quaderebe.  —  *•  Harbecq.  — 
'  •  De  Hay. 

I.  —  PR0188ART.  8 


i'ii  JEAN  DE  HAINAUT 

Hers,  et  y  vinrent  aucun  chevalier  de  Cambrésis  et 
d'Artois  de  leurs  vollentës,  tant  que  li  dis  messires  Jehans 
de  Haynnau  eut  bien  en  se  compaignie  Y*'  armures  de 
fer  ^  noblement  montés  '.  Après,  dedans  le  feste  de  le  Pen- 
tecouste  y  vinrent  messires  Guillaummes  de  Jullers  qui  puis 
fu  duc  de  Jullers  apriès  le  dechiès  de  son  père  et  messires 
Thieris  de  Heinberghe  qui  puis  fu  comte  de  Los  et  tout  ^ 
pour  faire  compaignie  au  gentil  chevalier  dessus  dit  *. 

QiuUr,  réd.  —  Je  ne  vous  ai  point  nommé  encores  les  cheva- 
liers qui  furent  en  ce  voiage  avecques  messire  Jehan  de  Hainnau, 
mais  je  les  vous  nommerai  et  premièrement  Hainnuiers  :  le 
signeur  d'Enghien  qui  se  nomma  Watier,  le  signeur  d*Antoing 
qui  se  nomma  Henri,  le  signeur  de  Fagnoelles,  messire  Miquiel 
de  Ligne ,  messire  Fastères  de  Rues,  messire  Robert  de  Bailluel, 
sire  de  Fontainnes,  et  messire  Guillaume  de  Bailluel,  son 
frère ,  le  signeur  de  Havereoh ,  messire  Alart  de  Brifuel , 
messire  Jehan  de  Montegni  li  jeune  et  son  frère  ,  messire 
Sanse  de  Baussoit,  messire  Peroeval  de  Semerjea,  messire 
Sanse  de  Biaurieu,  le  signeur  de  Floiou,  le  signeur  de  Wargni, 
le  signeur  de  Gommegnies,  le  signeur  de  Vertain,  le  signeur  de 
Potelles,  le  signeur  de  Blargnies,  le  signeur  de  Mastain,  mes- 
sire Nicole  d'Aubrecicourt,  le  signeur  de  Flosies,  le  Borgne  de 
Robertsart  ;  et  de  P'iandres  le  vinrent  servir  messires  Hectors 
Yilains ,  messires  Jehans  de  Rodes ,  messires  Wauflars  de 
Ghistelle,  messires  Guillaumes  de  Strates,  messires  Goswins 
de  la  Muelle;  et  de  Braibant,  li  sires  de  Duffle,  messires  Tiéris 
de  Wallecourt,  messires  Rasses  de  Grés,  messires  Jehans  de 
Gassebeque,  messires  Jehans  Pilifre,  messires  Gilles  de  Cote- 
reble,  li  trois  frères  de  Harlebeque,  messires  Gantiers  de  Hôte- 
berghe;  li  Hasbegnons,  messires  Jehans  li  Biaus,  messires 
Henris  li  Biaus,  ses  frères,  messires  Godefrois  de  la  Capelle, 

*'^  Tous  bien  estoffés  et  richement  montés.  —  •*  Pour  rameur  de 
ce  gentil  chevalier. 


ARRIVE    A    TORK.  115 

messires  Hues  Hay ,  messires  Jehans  de  Libines ,  messires 
Lambers  dou  Pel,  messires  Ghilebers  de  Hers,  et  si  i  vinrent 
auquns  chevaliers  d'Artois  et  de  Cambrésis,  nonobstant  qu'il  ne 
fuissent  point  escript,  ne  mandet,  et  tant  qu'il  furent  plus  de 
cinq  cens  armeures  de  fier,  chevaliers  et  esquiers,  tous  bien 
montet  et  ricement  estofet,  sans  riens  espargnier. 

Quant  messires  Jehans  de  Hainnau  et  toute  sa  compagnie 
furent  venu  à  Ebruich,  li  rois  d'Engleterre,  madame  sa  mère 
et  tout  li  signeur  en  furent  grandement  resjoy,  et  les  requil- 
lièrcnt  liement  et  doucement,  et  fist-on  restraindre  toutes 
manières  de  gens  pour  estre  logiés  les  Hainnuiers  mieuls  à  lor 
aise,  et  leur  fu  délivré  le  plus  biel  et  le  plus  grant  fourbours  de 
la  dicte  chité  de  Ebruich.  Et  fu  délivrée  à  messire  Jehan  de 
Hainnau  une  abbéie  de  blans  monnes  pour  tenir  son  estât.  Ens 
es  festes  de  la  Pentecouste,  vinrent  messires  Guillaumes  de 
Jullers,  fils  au  marquis  de  Jullers  (et  puis  fu-il  duc  de  JuUers), 
et  messires  Tiéris  de  Hainsberghe,  (qui  puis  fu  conte  de  Los), 
à  belle  route,  et  estoient  chil  doi  signeur  de  la  route  et  compar- 
gnie  et  délivrance  de  messire  Jehan  de  Hainnau. 


Apriès  li  jones  roys  pour  mîeus  festier  ces  seigneurs 
et  toutte  lor  compaignie,  tint  une  grant  cour  au  jour  de  la 
Trinité  en  le  maison  des  Frères  Mineurs  là  où  il  et  madame 
se  mère  estoient  hébergiet  et  tenoient  leur  tinel  chacuns 
par  li,  c'est  assavoir  li  roys  de  ses  chevaliers  et  la  royne 
de  ses  dames  dont  elle  avoit  grant  foison  en  se  compaignie. 
A  celle  court  ot  bien  li  roys  VP  chevaliers  séans  en  salle 
et  en  Tenclostre,  et  y  ot  en  ce  jour  fès  XV  nouveaux  che- 
valiers, et  madame  li  royne  tint  se  court  au  dortoir  et  ot 
bien  séans  à  table  LX  dames  que  elle  avoit  pryet  et  man- 
det pour  mieux  festyer  le  dit  monseigneur  Jehan  de  Hayn- 
nau  et  ces  autres  seigneurs.  Là  pooit-on  veoir  grant 
noblèche  de  bien  servir  de  grant  plentet  de  mes  et  d'entre- 


V. 


116  ÉMEUTE 

mes  si  étranges  et  si  desguisés  que  on  ne  les  poroit  deviser. 
Là  pooit-on  veoir  dames  noblement  parées  et  richement 
achemées ,  qui  euist  loisir  ;  mes  adont  ne  pooit-on  avoir 
loisir,  ne  lieu  de  dansser.  Et  ossi  tantost  après  disner  ungs 
grans  hustins  et  mortels  commencha  entre  les  gardions 
des  Haynnuiers  et  les  archers  d'Engleterre  qui  entre  yaux 
estoient  hébergiet  et  tout  en  Toquisson  dou  jeu  de  dés,  de 
quoy  grans  maux  avint  sicomme  vous  orés.  Car  ainssi  que 
chil  garchon  se  combatoient  à  aucuns  de  ces  Englës,  tout 
li  autre  archer  qui  estoient  eu  le  ville  et  chil  qui  s'estoient 
herbergié  en  celi  faubour  entre  les  Haynnuyers,  furent 
tantost  assamblet  à  tous  leurs  ars  et  appareilliet  de  traire, 
et  navrèrent  à  ce  coummenchement  tout  plain  des  garchons 
des  Hayimuiers  et  misent  par  terre  :  si  les  convint  retraire 
en  leurs  hostels.  Li  plus  des  chevaliers  et  de  lors  ij^stres 
estoient  encoires  à  court,  qui  de  ce  ne  savoient  n^nt;  et 
tantost  qu'il  oirent  nouvelles  de  ce  hustin,  il  se  retrairent 
au  plus  tost  qu'il  porent  chacuns  vers  son  hostel ,  voirs  qui 
pot  ens  entrer,  et  qui  ne  pot  ens  entrer,  il  le  convint  demo- 
rer  dehors  ;  car  chil  archier  dont  il  estoient  bien  II  mille, 
avoient  le  déable  ou  corps  et  trayrent  espessement  et  sans 
cesser,  sans  espargner  seigneur,  ne  varlet,  car  tous  les  vol- 
loient  tuer  et  puis  desrober  à  che  qu'il  monstroient,  et  bien 
en  fissent  leur  pooir,  car  encoires  de  leur  mavaistié  li 
Englès  et  les  Englesces  de  qui  li  hostel  estoient  où  li  Hayn- 
nuyer  estoient  hébergiet,  cloirent  leurs  huis  et  leurs  fenes- 
tres  au  devant  d'eux,  au  cas  qu'il  fuissent  mestre  de  leur 
maison  ^  Mais  il  en  y  avoit  pluiseurs  qui  estoient  rentret 
ens  et  *  qui  y  rentrèrent  par  derrière  ^,  et  brisoient  haies  et 
pauffis  au  plus  tost  qu'il  pooient  et  s'armoient  ^  et  yaux 

*  En  les  enfermaient  dehors.  —  *-'  Plnisenrs  y  entrèrent  par  force 
et  aucuns  pai'  derrière,  —  *  A  grant  exploit. 


A   \OKk.  117 

arme  S  il  vinrent  sus  le  rue  de  grant  corraige  envayr  ces 
archers  qui  noyent  ne  les  espargnoient,  et  en  y  eut  grant 
foison  qui  s*asamblërent  en  Tostel  monseigneur  d*Enghien 
et  là  s'armèrent  et  puis  vuidèrent  et  vinrent  ens  une  place 
assés  priés  et  là  s'atendirent  en  bon  aroy  li  uns  l'autre  et 
tant  qu'il  furent  bien  ÇC  tous  armes»  et  toudis  leur  crois- 
soient  gens.  Quant  cil  arme  furent  enssi  assamblé,  il  se 
hauscèrent  pour  secourir  leurs  autres  compaignons.  Là  fu 
messires  Jehans  li  Biaux ,  cannonnes  de  Liège ,  (sus  lequel 
cronicques  et  par  quel  relation  de  ce  fet  et  d'autres  j'ay 
fondé  et  ordonne  ce  livre),  en  grant  péril  ;  car  tous  désarmés 
il  fu  enmy  yaux  ung  grant  terme.  Si  voUoient  saiettes  à 
tous  lés,  et  il  meisme  en  fu  consiewis  et  navré  et  pluiseurs 
de  ses  compaignons  priés  jusques  à  mort.  Et  passèrent  chil 
armet  qui  atendu  s'estoient,  parmy  l'ostel  le  seigneur 
d'Enghien  qui  avoit  grandes  portes  derrière  et  devant  sur 
le  grande  rue,  et  se  férirent  estoutement  et  fièrement  en 
ces  archiers.  Là  furent  messires  Perchevaus  de  Semeries, 
messires  Sansses  de  Boussoit,  messires  Jehans  de  Montegny, 
messires  Fastres  dou  Roelx,li  sires  de  Vertaing,  li  sires  de 
Potelles,  li  sires  de  Wargny,  messires  Hectors  Villains, 
messires  Jehans  de  Rodes,  messires  Wafflars  de  Ghistelles, 
messireThiéris  de  Wallecourt,  messires  RassesdeGrés,  mes- 
sires Jehans  Pilifre,  messires  Gilles  de  Coterebe,  messires 
Lambers  dou  Pels,  très-bon  chevalier,  et  bien  le  convenoit  ; 
i*ar,  se  par  leur  vaselaige  il  ne  se  fuissent  hardiement  tenu 
et  defiendu,  il  euissent  estet  tout  mort  et  sans  remède  ; 
mes  il  envairent  de  si  grant  conraige  ces  archiers  et  de  si 
grant  voUenté  que  il  conquisent  le  rue  et  en  furent  sei- 
gneur, et  les  boutèrent  en  cachant  et  en  fuiant  jusques  as 
camps  et  en  tuèrent  bien  XVI"  ou  environ  tout  archier  le 

*  Par  bonne  ordonnAnoe. 


H 8  ÉMEUTE 

plus  qui  estoient  de  Tévesquet  de  Lincoelle.  Et  encoires  en 
euissent  plus  ocis  en  Teur,  qui  les  euist  layet  convenir , 
car  c'estoit  leur  entente  que  d'yaux  tous  mettre  à  Tespée 
et  de  prendre  à  otel  mercby  que  les  archers  les  euissent 
pris  se  il  en  euissent  estet  maistre;  mais  li  roys  y  envoya 
monseigneur  Thumas  Wage,  marescaul  de  Tost,  monsei- 
gneur Richart  de  Stanfort  et  le  seigneur  de  Moutbray  en 
yaux  priant  que  il  se  volsissent  retraire  et  souffrir  et  que 
lî  roys  leur  feroit  amender  ces  te  fourfaicture. 

Sec.  réd. — Li  jones  rois  d'Engleterre,  pour  mieux  fiestyer  ces 
signeurs  et  toute  leur  compagnie,  tint  une  grande  court  au  jour 
de  le  Trinité,  à  le  maison  des  Frères  Meneurs  là  où  il  et  madame 
sa  mère  estoient  herbergiet,  et  tenoient  leurtinel  cascuns  par  li, 
c'est  à  savoir  li  rois  de  ses  chevaliers,  et  la  royne  de  ses  dames 
dont  elle  avoit  grant  fuison  en  se  compagnie. 

A  celle  court  eut  bien  li  rois  VI**  chevaliers  séans  en  salle  et 
(^  ^  en  l'enclostre,  et  y  eut  à  ce  jour  fais  *  XV  *  nouveaux  chevaliers  ; 

et  madame  la  royne  tint  sa  court  ou  dortoir,  et  eut  bien  séans  à 
table  '  LX  ^  dames  que  elle  avoit  pryées  et  mandées  pour  mieulx 
festyer  ledit  monsigneur  Jehan  de  Haynau  et  ces  aultres 
signeurs.  Là  peut-on  veoir  grant  noblèce  de  bien  servir  de 
grant  plenté  de  mes  et  d'entremès  si  estragnes  et  si  desghisés 
que  on  ne  les  poroit  deviser.  Là  peut-on  veoir  dames  noblement 
parées  et  richement  *  achemées  ^ ,  qui  euist  loisir  ;  mais  adont  ne 
peut-on  avoir  loisir,  ne  lieu  de  danser,  ne  de  plus  festyer  ',  car  tan- 
tost  apriès  disner  uns  grans  hustins  commença  entre  les  garçons 
des  Haynuiers  et  les  arciers  d'Engleterre,  qui  entre  yaus  estoient 
herbergiet,  en  Tocquison  dou  gieu  de  dés,  de  quoi  grans  mauls 
vînt,  sicom  vous  orés  ;  car  ensi  que  cil  garçon  se  combatoient 
à  aucuns  de  ces  Englès,  tout  li  aultre  arcier  qui  estoient  en  le 
ville  et  cil  qui  estoient  herbergiet  en  celi  fom^bourch  entre  les 

•"*  Dix-hait.  —  •*  Quatre-vingt...  deux  cens.  —  •'•  Atournées.  — 
^  En  nulle  manière  du  monde. 


A    YORK.  119 

Haynuiers,  furent  tantostensamble  à  tous  leurs  ars  apparilliés  et 
se  boutèreut  ou  hahai  et  navrèrent  à  ce  commencement  tout 
plain  des  garçons  des  Hajnuiers  ;  si  les  convint  retraire  en  leurs 
hostels.  Li  plus  des  chevaliers  et  de  leurs  mestres  estoient 
encores  à  court,  qui  de  ce  ne  savoient  riens;  et  tantost  qu'il 
oïrent  nouvelles  de  ce  hustin,  il  se  traisent  au  plus  tost  qu'il 
peurent  cascuns  vers  son  hostel,  qui  peut  ens  entrer ,  et  qui  ni 
peut  entrer,  il  le  convint  demorer  dehors  en  grant  péril  *;car  cil 
archier  qui  estoient  bien  doi  mille  *,  avoient  le  djable  ou  corps  et 
traioient  despersement  pour  tous  tuer,  signeurs  et  variés.  Et 
veult-on  dire  et  supposer  que  c'estoit  tous  fais,  avisés  et  pour- 
parlés  de  aucuns  des  amis  les  Despensiers  et  le  conte  d'Arondiel 
qui  avoient  esté'  mis  à  fin  par  monsigneur  Jehan  de  Hajnau, 
sicom  vous  avés  chi-dessus  oj  reconter  :  si  s'en  voloient  contre- 
vengier  as  Hajnuiers,  et  meismement  à  monsigneur  Jehan  de 
HajnaU  se  il  peuissent,  et  bien  s'en  misent  en  paine,  sicom  vous 
orés;  car  encores  li  Englès  et  les  Englesses  de  qui  li  hostel 
estoient,  clooient  et  baroient  leurs  huis  et  leurs  fenestres  aude- 
vant  des  Hajnuiers,  et  ne  les  laissoient  ens  rentrer.  Toutesfois 
il  en  y  eut  aucuns  qui  y  rentrèrent  par  derrière  leurs  hosteuls  et 
et  s'armèrent  moult  vistement.  Quant  il  furent  armet,  il  n'osèrei^t 
issir  hors  par  devant  pour  les  sajettes  ;  ains  issirent  hors  par 
derrière  par  les  courtils,et  rompirent  les  enclos  et  les  '  paufis  *, 
et  attendirent  li  uns  l'autre  en  une  place  qui  là  estoit,  tant  qu'il 
Airent  bien  C  ou  plus,  tout  armet,  et  bien  )tant  tout  désarmet 
qui  ne  pooient  rentrer  en  leurs  hostels.  Quant  cil  armé  furent 
ensi  assamblé ,  il  se  hastèrent  pour  secourre  les  aultres  compa- 
gnons qui  defiendoient  leur  hostels  en  le  grande  rue  au  mieus 
qu'il  pooient,  et  passèrent  cil  armet  parmi  l'ostel  au  signeur 
d'Enghien,  qui  avoit  grandes  portes  derrière  et  devant  sour  le 
grande  rue,  et  se  férirent  ^estoutement'en  ces  archiers.  Dou  trait 
y  eut  fuison  des  Hajnuiers  navrés  et  blechiés;  et  là  furent  bon 
chevalier  messires  Fastres  dou  Rues,  messires  Perchevaus  de 
Semeries  et  mesèires  Sanses  de  Boussoit;  car  cil  HI  chevalier 

•  De  son  corps.  —  *  Trois  mille.  —  »  *  Postils.  —  '^  Appertement. 


f  à 


120  ÉMEUTE 

ne  peurent  onques  rentrer  en  leurs  hostels  pour  yaus  armer, 
mais  il  y  fisent  otant  d'armes  que  tels  qui  estoient  armet;  et 
tenoient  grans  Ions  leviers  et  gros  de  kesne  qu'il  avoient  pris  en 
le  maison  d*un  *  cartier  *  etdonnoientles  horions  si  grans  que  nuls 
ne  les  osoit  approcier,  et  en  abatirent  plus  de  LX  ce  jour,  sicom 
on  dist  ;  car  il  estoient  grans  et  fors  chevaliers  durement.  Fina- 
blement,  li  arcier  qui  là  estoient,  furent  desconfi,  et  en  y  eut 
bien  mors  en  le  place  que  as  camps,  CGC  ou  environ,  qui  tout 
estoient  de  l'éveskiet  de  Lincolle. 

Quatr.réd, — Li  jones  rois  d'Engleterre,  pour  mieuls  festoyer 
ces  signeurs  et  toute  lor  compagnie,  tint  une  grande  court  au 
jour  de  la  Trinité,  en  la  maison  des  Frères  Meneurs,  là  où  ils  et 
madame  sa  mère  estoient  logiet,  et  tenoient  lor  tinel,  cascuns  par 
lui ,  c'est-à-savoir  li  rois  de  ses  chevaliers,  et  la  roine  de  ses 
dames,  dont  elle  avoit  grant  fuisson  en  sa  compagnie.  A  celle 
court  et  feste  de  la  Trinité,  ot  bien  li  rois  sis  cens  chevaliers, 
séans  à  table  en  la  salle  et  en  le  clostre.  Et  y  eut  en  ce  jour  fais 
quinse  nouviaus  chevaliers.  Et  madame  la  roine  tint  sa  court  et 
son  asisse  ens  ou  dortoir,  et  eut  bien  séans  à  table  soissante 
dames,  lesquelles  estoient  pryées  et  mandées  là  environ  et  ou 
pais  de  Northombrelant  pour  mieuls  festoyer  messire  Jehan  de 
Hainnau  et  les  Hainnuiers.  Là  pooit-on  voir  de  Testât  grant 
noblèce  de  bien  servir  de  grant  fuisson  de  mes  et  d  entremès  si 
estranges  et  si  bien  ordonnés  que  on  ne  les  sauroit  deviser, 
fors  cheuls  qui  sont  mestres  dou  faire.  Là  pooit-on  veoir  dames 
noblement  parées  et  richement,  qui  eust  eu  loisir,  mais  on  ne 
put,  car  uns  graus  troubles  monta  en  la  ville,  dont  la  cose  fu 
toute  esquellie  et  sus  le  point  de  venii*  uns  si  grans  mauls  que 
de  euls  tous  entre-ocire.  Car  sus  le  point  que  signeurs  et  dames 
dévoient  danser  et  esbatre,  uns  grans  hustins  cooimença  entre 
les  garçons  des  Hainnuiers  et  archiers  d'Engleterre  en  Toquison 
d*un  jeu  de  dés,  de  quoi  grans  mauls  vint  sus  heure  et  moute- 
plia.  Car  ensi  que  chil  garçon  se  combatoient  à  auquns  des  ces 

<-<  Charron...  charreton...  charretier. 


A   YORK.  121 

Eoglois ,  la  noise  se  commença  à  monter  en  la  ville ,  et 
crjèrent  ;  i  Lincole  !  »  Chil  de  la  nation  de  Lincole  estoient 
là  grant  fuisson  :  si  se  missent  tantos  ensamble ,  et  prissent 
lors  ars  et  se  rengièrent  et  entrèrent  en  la  rue  où  li  Hainnuiers 
estoient  logiet,  et  convint  ceuls  qui  là  estoient  des  Hainnuiers 
retraire  dedens  lors  hostels.  Encores  estoient  li  signeur  et  li 
plus  des  chevaliers  à  la  court  dou  roi,  et  atendoient  là  pour 
veoir  Testât  et  les  danses  et  esbatemens  qui  s'apparilloient  à 
faire.  Si  trèstos  que  il  oïrent  nouvelles  de  ce  hustin,  il  se 
départirent  de  la  court  et  s*en  vinrent  le  bon  pas  viers  lors 
hostels,  les  uns  à  piet,  les  aultrcs  à  cheval.  Qui  pot  entrer 
dedens  son  hostel,  il  i  entra,  et  qui  ne  pot  entrer,  il  dcmora 
dehors  en  grant  péril,  car  chil  archier  traioient  moult  estran- 
gement  pour  ocire  mestres  et  variés,  et  voollent  li  auqun  dire 
que  ce  fu  uns  fais  tous  avisés  des  proismes  et  amis  dou  signeur 
Espensier  et  dou  conte  d'Arondiel,  qui  tout  che  faisoient  faire 
pour  euls  contrevenger  sur  les  Hainnuiers  et  espéciaulment  sus 
messire  Jehan  de  Hainnau,  et  s*en  missent  li  Englès  en  painne. 
Or  considérés  la  grande  mauvesté  des  Englois  chiés  qui  li 
signeur  de  Hainnau  estoient  logiet,  car  il  lor  fermoient  et 
barroient  les  huis  et  les  portes  au  devant,  ne  point  ne  les 
voloient  laissier  entrer  dedens  lors  maisons.  Car  i  avoit  auquns 
hostels  en  ces  fourbours  où  li  signeur  estoient  herbergiet,  qui 
avoient  issue  par  derrière  :  si  s'en  avisèrent  li  signeur  et 
entrèrent  par  là  dedens  lors  hostels,  et  qui  ne  pooit  entrer  ou 
sien,  il  entroit  en  celi  de  son  compagnon,  et  sitos  que  il 
estoient  dedens,  il  s'armoient.  Quant  il  furent  armé,  il  n'osèrent 
issir  hors  par-devant  pour  le  trait  des  archiers,  mais  issirent 
par  derrière  et  par  les  courtils,  et  rompirent  en  auquns  lieus 
les  paufis,  et  atendirent  li  uns  Taultre  en  une  place  qui  là 
estoit,  tant  que  il  furent  bien  cent  ou  plus,  tout  armet,  et  bien 
otant  tout  désarmet,  qui  ne  pooint  entrer  en  lors  hostels. 
Quant  chil  armet  furent  ensi  asemblé,  il  se  hastèrent  pour 
secourir  les  aultres  compagnons  qui  deffendoient  lors  hostels 
en  la  grande  rue  au  mieuls  que  il  pooient,  les  quels  on  voloit 


122  PÉRIL 

SUS  euls  rompre  et  brisier.  Bt  passèrent  chil  armet  parmi  Tostel 
le  signeur  d'Enghien,  qui  avoit  grandes  portes  derrière  et 
devant,  et  se  férirent  estoutement  entre  ces  archiers.  Dou  trait 
i  eut  des  Hainnuiers  auquns  blechiés,  et  là  furent  bons  cheva- 
liers messires  Fastères  dou  Rues,  messires  Sanses  de  Bousoit, 
messires  Perce vaus  de  Semeries.  Chil  troi  chevalier  ne  purent 
onques  rentrer  en  lors  hostels  pour  euls  armer,  mais  il  i  fissent 
otant  d'armes  que  chil  qui  estoient  armet.  Et  tenoient  grans, 
Ions  et  gros  levierâ  de  chesne,  que  il  avoîent  pris  chiés  un 
archier  qui  demoroit  en  celle  rue,  et  en  donnolent  les  horions 
si  grans  que  nuls  ne  les  osoit  aprochier,  et  les  abatoient  et 
faisoient  ceoir  Tun  sus  Taultre  ;  car  ce  furent  chevaliers  forts 
et  durs,  et  de  gros  membres  et  de  grant  corage.  Finalement  li 
archier  qui  là  estoient,  furent  desconfit  et  mis  en  cace,  et  en  i 
eut  bien  mors,  que  sus  la  place  que  as  camps,  trois  cend,  et 
estoient  tout  de  Tévesque  de  Lincole. 


A  le  pryère  et  ordonnance  dou  roy  se  retrairent  li  Hayn- 
nuyer  et  leur  compaignon  bellement  et  sagement,  et  s'en 
vinrent  parmy  la  grand  rue  et  encontrèrent  monseigneur 
Jehan  de  Haynnau  bien  armet  et  ses  bannières  devant  lui, 
acompaignet  de  messire  Guillaume  de  JuUers,  de  monsei- 
gneur d'Enghien,  de  monseigneur  Henry  d'Antoing,  de 
monseigneur  Robert  de  Bailloel,  de  monseigneur  Alart  de 
Brifibel,  de  monseigneur  Micquiel  de  Ligne,  de  monsei- 
gneur de  Goumignies ,  de  monseigneur  Guillaume  de 
Strates,  de  monseigneur  Gossuin  de  le  Meule,  de  monsei- 
gneur Jehan  de  Gasebecq,  de  monseigneur  Wautier  de 
Hoteberg,  de  monseigneur  Jehan  de  Libines,  de  monsei- 
gneur Gillebiert  de  Hers,  de  monseigneur  Fastret  dou  Roelx 
et  de  pluiseurs  autres  compaignons  qui  tous  s*estoient  mis 
en  se  route,  et  encorres  en  y  avoit  as  hostels  qui  s'armoient 
toudis  qui  mieux  mieux.  Quant  messires  Jehans  de  Hayn- 


DES   HAinUYERS. 


12o 


nau  eult  encontre  ses  compaignons  et  chiaux  de  se  sieute 
ensanglentés  et  ensonnyés  d'ocire  et  de  méhaîgnier  ces 
félènes  archers  enssi  comme  vous  avez  oy,  et  avoecq 
yaux  les  barons  d'Engleterre  à  la  quelle  ordonnance  et 
pryère  il  retournoient,  si  leur  demanda  en  arestant  tous 
quoîs  sour  le  rue  et  toutte  se  routte  comment  il  leur  estoit, 
et  il  li  disent  :  «  Monseigneur,  bien  seloncq  l'aventure  :  si 
«  avons  estet  en  grant  péril  de  nos  vies,  mes  cil  qui  les 
«  barguignoient,  y  ont  plus  mis  et  layet  que  pris.  » — «  En 
«  nom  Dieu,  sire,  dist  monseigneur  Thumas  Wage,  se  nous 
«  euissiens  veu  que  vos  gens  en  euissent  eu  dou  pieur, 
«  nous  les  euissiens  grandement  aidiés  et  confortés,  car  il 
«  nous  estoit  commandés  de  par  monseigneur  le  roy  et 
«  madame  se  mère  ;  mes.  Dieu  merchy,  li  honneurs  et  li 
«  victoire  leur  en  est  demourée,  car  il  les  ont  cachié  jus- 
«  ques  as  camps  et  en  ont  grand  plentet  mort.  »  —  «  Che 
«  poise  moy  que  de  si  peu,  »  ce  respondi  monseigneur 
Jehan  de  Haynnau.  Adont  se  retrairent  en  leurs  hostels 
paisiblement  et  se  désarmèrent  li  pluiseurs  et  regardèrent 
as  navrés  comment  il  leur  estoit.  Si  pensèrent  li  Hayn- 
nuyer  pour  les  blechiés  yaux  médeciner  et  garir,  et  ceux  qui 
mort  estoient  ensepvelir.  Che  propre  soir,  on  commanda  par 
le  noble  roy  que  nuls  Englès  ne  se  meuist  contre  les 
estrangiers  sus  le  teste  à  perdre.  Mes  nonobstant  que  chils 
fors  et  espéciaux  commandemens  fust  fès  de  par  le  roy,  se 
n'estoient  mie  li  Haynnuyer  trop  aseur,  car  quoiqu'il  euis- 
sent fet  ceste  cose  sur  leurs  corps  deffendant,  il  encheyrent 
en  grant  haynne  de  tout  le  pays  horsmis  des  barons,  et  les 
hayoient  li  Englès  mortelement  et  trop  plus  que  les  Escos 
qui  tous  les  jours  ardoient  lor  pays,  et  disoient  bien  li  aucun 
seigneur  d'Engleterre  as  seigneurs  de  Haynnau,  pour  yaux 
aviser  et  garder,  que  Englès  s'estoient  assamblés  en  ung 


124  PÉRIL 

village  à  XII  lieuwes  deEvruich  et  estoîent  bien  VI"  ar- 
chers et  telle  mannierre  de  gens  tous  d'une  sorte  qui 
disoient  que  venroient  de  nuit  assaillir  les  Haynnuyers  et  les 
arderoient  en  lors  hostels  et  mourdriroient,  dont  li  com- 
paignon  de  Haynnau  estoient  en  grand  doubtance  de  leurs 
vies  et  n'avoient  mies  espéranche  que  jammès  à  retourner, 
dont  il  estoient  affermet  et  aloyet  enssamble  que  de  bien 
deffendre  leurs  corps  et  vendre  leurs  vies  tant  qu'ils 
poroient  durer,  et  estoient  par  connestablies  toutte  jour  et 
toutte  nuit  en  lors  armeures,  les  cevaux  tous  en  selles  pour 
monter  s'il  besongnoit  et  avoient  mis  gardes  et  escoutes  par 
tous  les  chemins  de  jour  et  de  nuit  et  de  gens  créables  afin 
que  se  chil  oissent,  ne  veissent  nul  aparoir,  il  en  fesissent 
les  Haynnuyers  sages  K 

Sec.  réd.  —  Si  croi  que  Diex  ne  envoia  onques  si  grant  fortune 
à  nulle  gent  qu'il  fist  à  monsigneur  Jehan  de  Haynau  et  à  se  com- 
pagnie ;  car  ces  gens  ne  tendoient  fors  toutdis  qu'à  yauls  mour- 
drir  et  desrober,  comment  qu'il  fuissent  là  venu  pour  la  besongne 
le  roy,  ne  onques  gens  ne  furent,  ne  ne  demorèrent  en  si  grant 
péril,  ne  en  tel  angousse,  ne  paour  de  mort  qu'il  fisent  le  terme 
qu'il  séjournèrent  à  Ebruich  ;  et  encores  ne  furent-il  onques  bien 
aseur  jusques  à  tant  qu'il  se  trouvèrent  à  Wissant  ;  car  il  eschei- 
rent  pour  ce  fait  en  si  grant  haine  et  *  malivolence  '  de  tout  le 
I  émanant  des  arciers  qui  les  haioient  plus  assés  que  les  Escos 
qui  tous  les  jours  leur  ardoient  leur  pays*!  Et  disoient  bien  li 
aucun  chevalier  et  baron  d'Engleterre  as  signeurs  de  Haynau, 
qui  point  ne  les  haioient,  pour  yaus  aviser  et  mieuls  garder,  que 
chil  maleoit  arcier  et  aultres  communs  d'Engleterre  estoient 
cueilliet  et  alloyet  plus  de  VI"  ensamble  et  maneçoient  les 
Haynuiers  que  d'yaus  venir  tous  ardoir  et  *  occire  *  en  leurs  hos- 

'  Car  fort  se  doubtoient  quMlfi  ne  boutaissent  par  nuit  le  feu  en 
leur  logis  en  trajson.  —  ••  Malin volence.  —  *"*  Tuer. 


DES   HAINUYERS.  125 

teuls,  de  nuit  ou  de  jour,  et  ne  trouveroient  personne  de  par  le 
roj,  ne  des  barons  qui  les  osast  aidier,  ne  *  souscourre  '.  Dont,  se 
il  estoient  en  grant  mésaise  de  coer  et  en  grant  hideur,  quant  il 
ooient  ces  nouvelles ,  ce  ne  fait  point  à  demander  :  ne  il  ne 
savoient  que  penser,  ne  que  aviser  que  il  peuissent  faire  selonc 
ces  nouvelles,  ne  il  n  avoient  espérance  nulle  de  retourner  en  leur 
pays,  ne  de  jamais  veoir,  ne  parler  à  nuls  de  leurs  amis,  ne  il 
n'osoient  eslongier  le  roj,  ne  les  liauls  barons,  et  si  ne  pooient 
sentir  nul  confort  pour  jaus  aidier,  ne  garantir  :  si  n'avoient 
aultre  entente  fors  que  d'yaus  bien  vendre  et  leurs  corps  def- 
fendre  et  cascuns  aidier  li  uns  l'autre.  '  Si  fisent  li  chevalier  de 
Hajnau  et  leurs  consauls  pluiseurs  bonnes  ordenances,  par  grant 
avis,  pour  yaus  mieux  garder  et  deffendre,  par  lesqueles  il  conve- 
noit  toutdis  jésir  par  nuit  armés,  et  par  jour  tenir  en  leurs  hos- 
tels  et  les  harnois  avoir  appareilliés  et  les  chevaux  tous  ensellés  ; 
et  les  convenoit  tousjours  par  nuit  et  par  jour  gaitier  par  con- 
nestablies  les  camps  et  les  chemins  d'entour  le  ville  et  les  four- 
bours,  et  envoyer  aucunes  escoutes  demi  lieuwe  en  sus  de  le  ville 
pour  escouter  se  ces  gens  venroient  ensi  que  enfourmet  estoient 
et  que  on  leur  raportoit  (et  leur  disoient  cascun  jour  gens  créable, 
chevalier  et  e8cuier,qui  bien  le  cuidoient  savoir),  par  quoi  se  ces 
escoutes  oissent  gens  esmouvoir  pour  *  traire  •  par  devers  le  ville, 
il  se  dévoient  retraire  viers  chiaus  qui  gardoient  les  camps  pour 
yaus  ®  manchevir  '  et  aviser,  par  quoi  il  feuissent  plus  tost  montet 
et  apparilliet  et  venu  ensamble  cascuns  à  se  banière  en  une  place 
qui  pour  ce  faire  estoit  avisée  et  ordenée. 

QfuUr,  réd,  — La  cose  ne  se  fust  point  passée  ensi,  mais  quant 
les  nouvelles  en  vinrent  à  madame  la  roine,  elle  dist  tantos  au 
roi  ;  €  Biaus  fils,  montés  à  cheval  et  aies  celle  part,  et  vous  trayés 
f  avoecques  les  Hainnuiers  et  faites  un  commandement  très-fort 
€  et  très-cruel  que  nuls  Englois,  sus  la  painne  à  perdre  la  teste, 
c  ne  se  mueve  et  ne  face  fait,  ne  débat,  et  prendés  la  cose  sus 

*••  Secourir.  —  *  Jusqu^à  la  mort.  —  *•  Venir.  —  •'  Maintenir. 


136  PÉRIL 

.<  VOUS.  >  JU  rois  obéi  à  madame  sa  mère  et  monta  à  cheval,  et 
montèrent  plus  de  soissante  barons  et  chevaliers,  et  trouvèrent 
sus  les  rues  messire  Jehan  de  Hainnau,  qui  venoit  tous  armés, 
et  plus  de  trente  chevaliers  avoecques  lui,  et  crioient  :  t  Hain- 
,  €  nau  !  »  et  estoient  en  volenté  de  ocire  tous  les  archiers  que  il 
trouveroient  ens  es  fourbours  où  lors  gens  estoient  logiet.  Con- 
sidérés le  grant  meschief  que  il  fust  tantos  avenus,  car  ces 
Englès,  archiers  et  aultres  communautés,  se  requelloient  et 
metoient  ensamblp,  et  estoit  lor  intention  d'entrer  en  ces  four- 
bours et  tout  ocire  ou  bouter  le  feu  dedens  et  tout  ardoir.  Pre- 
mièrement li  rois  s'aresta  sus  la  rue,  car  on  li  dist  :  t  Sire,  vechl 

•  messire  Jehan  de  Hainnau  et  grant  fuisson  de  Hainnuiers 
f  avoecques  lui,  et  viennent  en  ordennance  de  bataille,  banières 
c  et  pennons  tous  desveloppés.  Arestés-les  et  apaisiés  et  prendés 
t  la  cose  sur  vous  et  leur  dittes  que  vous  lor  ferés  amender  ce 

•  mesfait  si  gi^ndement  comme  il  vodront,  et  leur  prjés  que  il 
i  ne  facent  pas  cose  par  quoi  vostres  voiages  soit  rompus.  »  Li 
rois  entendi  à  ses  hommes,  et  fist  ensi  que  il  li  consellèrent. 
Messires  Jehans  de  Hainnau,  qui  avoit  Taïr  en  la  teste  et  qui 
moult  dur  estoit  enfourmés  sus  ces  archiers,  dist  en  hault  : 
c  Sire,  sire,  nous  sommes  venu  en  ce  païs  pour  vous  servir  et 
fvostre  païs  contre  vostres  ennemis;  et  vostres  communs, 
c  entrues  que  nous  sommes  en  esbatemens  dalés  vous,  esmue- 

•  vent  débaa  et  voellent  nos  gens  ocire  et  nous  aussi.  Nous  ne 
i  le  poons  souffrir,  et  n'en  savons  prendre  milleur  amendement 
c  que  sus  ceuls  qui  ont  esmeu  la  rihote.  s  Dont  dist'  11  rois  : 
€  Messire  Jehans,  souffrcs-vous  et  faites  tenir  en  paix  vostres 

•  gens.  Je  ferai  tenir  en  paix  aussi  tous  ceuls  de  ceste  nation,  et 
€  se  ce  venoit  à  la  bataille,  je  demouroie  dalés  vous,  car  je  con- 
f  gnois  bien  que  par  vous  et  par  vos  gens  ai-je  recouvré  mon 
«  roiaulme.  Si  vous  pri  que  vous  me  donnés  ceste  besongne,  et 
€  retournés  et  ne  venés  plus  avant  ;  car  je  meterai  partout  celle 
€  à  tempérance  et  par  si  bonne  ordennance  que  vous  et  li  vostre 
€  vous  en  contenterés.  »  Ces  douces  paroles  que  li  rois  dist, 
apaisièrent  grandement  messire  Jehan  de  Hainnau  et  les  Hain- 


DES   UAINUYERS.  127 

nuiers.  Or  voloit  li  rois  que  il  ne  veniat  plus  avaat,  mais  il  res- 
pondi  à  che  et  dist  :  c  Sire,  sire,  et  ne  fust  riens  dou  débat  et 
t  dou  hustin  de  ma  gent,  puisque  vous  estes  hors  de  vostre  hos- 
t  tel,  il  apertient  que  je  voie  et  demeure  dalés  vous,  car  espoir 
«  vo^8  et  vostres  consauls  ne  savés  pas  bien  le  fons  de  ceste 
€  matère  :  otretant  bien  puet  estre  contre  vous  que  contre 
c  nous.  9  Dont  respondi  messires  Thomas  Wage,  marescal  dou 
roi,  et  dist  au  roi  en  son  langage  :  c  Sire,  il  parole  sagement,  et 
t  puet  estre  tout  ce  qu'il  dist.  »  Adont  chevauohièrent  li  rois  et 
toute  sa  route  et  vinrent  ens  es  fourbours,  où  li  Jogeis  des  Hain- 
nuiers  estoit;  si  trouvèrent  la  rue  moult  esmeue,  et  des  mors 
couchiés  sur  les  cauchies.  Dont  ala  li  rois  tout  oultre  sus  les 
camps  où  li  grans  hustins  avoit  esté,  et  encontrèrent  pluisseur 
Snglois  qui  trop  fort  se  plaindoient  des  Hainnuiers,  et  on  lor 
disoit  :  «  C  est  à  bon  droit  se  vous  avés  esté  batu.  Pourquoi  les 
i  aljés-vous  asallir  à  lors  hostels?  »  Encores  avoecques  tout  ce, 
leur  disoit  messires  Thomas  Wage  :  t  Li  rois  s'enfourmera  de 
^  ce  fait,  et  chièrement  le  compareront  chil  qui  ont  commen- 
c  chiet  la  meslée.  '  Quant  chil  archier  veirent  que  il  n'ostoient 
aultrement  plaint  et  que  on  les  maneçoit  encores,  et  que  inquisi- 
tion et  information  se  feroit  sus  euls,  si  se  doubtërent  dou  roi  et 
de  sa  justice,  et  enaepvelirent  les  mors  et  entendirent  as  blessés. 
Li  rois  retourna  à  son  logeis,  et  messires  Jehans  de  Hainnau 
avoecques  lui.  Si  fu,  de  par  le  roi,  fais  uns  bans  et  uns  cris  d'un 
aergant  d'armes  à  cheval  tout  parmi  la  ville  et  chité  de  Ebruich, 
que  nuls  i^ur  la  teste  à  perdre,  ne  fesist  débat,  ne  ribote,  ne  rie 
s^esmuist  jamais  de  ce  fait  qui  avenu  estoit,  ens,  ne  hors. 
Encores  avoecques  tout  che,  li  rois  envoja  deus  de  ses  banières 
ens  es  logeis  des  Hainnuiers  et  trois  chevaliers,  et  furent 
ordonné  à  euls  tenir  tous  quois  nuit  et  jour  et  garder  les  banières 
le  roi,  par  quoi  archier  englois,  ne  comunaulté  ne  se  esmeuissent 
de  jour,  ne  de  nuit  ;  car  vous  devés  sçavoir  que  chil  qui  avoient 
eu  lors  frères,  lors  pères,  lors  enfans,  cousins  ou  proismes 
mors ,  avoient  grant  félonnie  ou  coer ,  et  disoient  quant  il 
veoient  les  Hainnuiers  alcr  ensamble  sus  les  rues  :    t  Velà 


128  PÉRIL  DES  HAITiUYERS. 

c  ceuls  qui  nous  ont  ocis  nos  amis,  et  si  non  poons  aultre  cose 

•  avoir,  par  Dieu  si  auerons  avant  que  il  retournent  en  lor 

•  pais.  »  Et  disoient  bien  li  auqun  baron  et  chevalier  d'Engle- 
terre  as  chevaliers  de  Hainnau  qui  point  n'entendoient  le  lan- 
gage des  Englois  (liquel  ne  haioient  point  les  Hainnuiers,  mais  le 
disoient  pour  euls  aviser,  à  la  an  que  il  fuissent  le  mieuls  sus 
lor  garde)  :  t  Chil  archier  de  Lincole  et  moult  d'aultres  com- 

•  muns  pour  l'amour  d'euls,  vous  ont  quelliet  en  grant  haine, 

•  et  se  il  n'estoient  brisiet  de  par  le  roi,  il  le  vous  monstre- 
€  roient  et  de  fait.  >  Li  chevalier  de  Hainnau  respondirent  : 
€  Il  nous  en  fault  atendre  l'aventure,  et  s'il  avenoit  que  nous 
c  fuissions  asalli,  desquels  vous  tourner jés-vous  ?  >  —  'C  II 
t  nous  est  commandé  et  ordonné,  respondoient  li  chevalier 
€  d'Engleterre,  sus  quanque  que  nous  tenons  dou  roi,  que,  se 
c  rihote  commenche  par  euls,  que  nous  soions  avecques  vous, 
c  et  bien  nous  lor  disons  et  remonstrons  que  il  se  tiengnent 
€  en  paix,  car  se  la  rihote  commence,  nous  serons  pour  vous 
c  avoecques  euls  et  contre  euls,  et  nous  est  commandé  dou  roi  ; 
t  et  pour  ce  que  il  voient  que  li  rois  et  nous,  vous  voulons  aidier 
c  et  porter  à  rencontre  de  euls,  il  se  refrènent  de  mpnstrer  de 
f  fait  lor  mautalent,  et  à  ce  que  nous  entendons,  il  sont  bien 
t  euls  sjs  mille  de  une  aliance.  s  Sus  cel  estât  et  avis  fissent 
li  chevalier  de  Hainnau  pluisseurs  bonnes  ordennances  pour 
euls  mieuls  garder  et  deffendre,  par  lesquelles  ordennances  il 
convenoit  toutdis  par  nuit  jésir  en  armes ,  et  par  jour  euls 
tenir  en  lors  hostels,  et  lors  harnas  avoir  apparilliet  et  les 
chevaus  tous  près  et  en  selles.  Et  les  convenoit  toutdis  par 
nuit  et  par  jour  guaittier  par  connestablies  les  camps  et  les 
cemins  de  autour  de  la  ville,  et  envoyer  auqunes  escoutes 
demi-lieue  en  sus  de  la  ville  pour  savoir  se  chil  archier  fai- 
soient  nul  agait,  ne  asamblée.  Et  avoient  ordonné  une  place  11 
Hainnuier  où  il  se  dévoient  tout  retraire. 


LKS   HAINIYERS   A   YORK.  129 

En  celle  paour  et  en  celle  angouisse  demorèrent-il  en  cel 
fourbour  par  le  terme  de  IIII  sepmaines  et  leurs  raportoit- 
on  tous  les  jours  pour  certain  tels  nouvelles  et  pieurs  assës 
l'un  jour  que  l'autre,  etperchurent^t  congnurent  bien  assés 
de  fois  pluiseurs  apparrans  qui  durement  les  esbahissoient, 
et  c'estoit,  se  Dieu  m'ait,  bien  raison;  car  il  n'estoient  que 
une  puignie  de  gens  enclos  de  tous  lés  en  ung  royaume  si 
grantque  Engleterre,  et  si  ne  savoient  à  quel  fin  il  en  ven- 
roient.  Mes  li  grand  seigneur  de  Haynnau  qui  estoienl  sou- 
vent dallés  le  roy,  reconfortoient  lors  mesnies  et  lor  disoient 
que  li  roys  les  asseuroit,  et  qui  mal  leur  voroit,  il  le  feroit 
à  lui  meysmes,et  estcose  assés  créable  que  se  li  roys  et  ses 
conssaux  n'y  euissent  mis  trop  grant  remède,  il  n'en  fussent 
jammais  partis  sans  dammaige ,  car  entre  CGC ,  ne 
XVI"  hommes  mors  et  encoires  de  gens  estrangniers  il  ne 
puet  estre  qu'il  n'y  ait  grant  plenté  de  lors  proismes  qui 
dolent  en  sont  et  qui  -vollentiers  les  contrevengeroient  se  il 
veoient  leur  plus  bel  et  il  osoient.  Et  sachiés  que  li  Hayn- 
nuyer  euissent  là  estet  en  trop  grant  revel  se  ceste  doub- 
tance  ne  fust,  car  il  séjournèrent  moult  ayse  et  en  une 
bonne  chité  qui  siet  en  trop  bon  pays  et  trop  gras  ;  car, 
quoyque  li  rois  et  tous  ses  os  fuissent  là  et  environ  par  l'es- 
passe  de  VI  sepmainnes,  oncques  vivres  n'en  renquiéry  quant 
on  euist  grant  marchiet  de  toutes  coses,  I  gras  capon  pour 
III  estrelins,  XII  frès  hairens  pour  I  estrelin,  I  gallon  de 
bon  vin  de  Rin  pour  VIII  estrelins  et  celi  de  Gascongne 
pour  VI  estrelins,  de  quoy  li  gallons  fait  les  II  quartes 
de  pois,  et  leur  amenoit-on  tous  les  jours  devant  leurhostels 
touttes  autres  pourvéanches. 

Sec.  réd*  —  En  celle  tribulation  demorèrent-il  en  ces  four- 
bours  par  Tespasse  de  IIII  sepmainnes  que  tous  les  jours  on  leur 

I.  —  FBOIMAIIT.  9 


130  LES   HAINUYERS   A    YORK. 

raportoit  tels  nouvelles  ou  pieurs  assés,  et  tels  fois  pires  un  jpur 
que  Fautre  ;  et  en  veirent  pluiseurs  apparans  qui  durement  les 
esbahissoieijt.  Car  au  voir  dire,  il  festoient  que  une puingnie  de 
gens  ens,  ou  regard  de  le  communauté  du  royaume  d'Engleterre 
qui  là  estoit  assamblée,  ne  il  n'osoient  eslongier  leurs  hosteuls, 
ne  leurs  armeures,  ne  entrer  en  le  cité,  horsmis  les  signeurs  qui 
aloient  veoir  le  roy  et  le  royne  et  leur  conseil,  pour  festyer  et 
pour  aprendre  des  nouvelles,  ne  sçavoient  ne  com  longement  on 
les  tenroit  en  cerestat,  ne  en  celle  angoisse.  Et  se  le  meschief 
de  le  mésaventure  et  li  périls  n^eust  esté,  il  séjournoient  assés 
aisiemejjLt  ;  car  La  cités  et  11  pays  d  entour  yaus  estoit  si  plen- 
tjuireus  que  dedens  plus  de  YI  sepmainnes  que  li  roys  et  tout  li 
signeur  d'Engleterre  et  li  estragiue;*  et  leur  gens,  dont  jil  y  JîLVoit 
plus  de  LX"  hommes,  séjournèrent  là,,  oaques  ne  ^enclwèrirent 
11  vivre  (j,ue  orf  n  euist  la  denrée  pour  I  denier  ossi  t>ien  que  on 
avoit  en  avant  qu'il  y  venissent ,  bons  vins  de  Gascongne , 
d'Aussay  et  de  Rin  à  très-bon  marchiet,  pouUalle  et  toutes 
manières  de  aultres  vivres  aussi;  et  leur  amenbit-on  devant 
leurs  hostels  le  fain,  Tavainne  et  le  litière,  dont  il  estoient  bien 
servi  et  à  bon  marchiet. 

.Q/tuUr,  rM,  —  En  celle  tribulation  dejnorèrent  li  Hainnuier 
ens  è9  fourbours  de  Ëbruich  ^'espace  de  quatre  semainnes,  et 
n'osoient  eslongier  lors  hostels ,  ne  lors  arn^eures^  ne  à  painnes 
li  chevaliers  entrer  en  la  chité  se  il  n'estoient  acompagniet  des 
chevaliers  d'Engleterre.  Et  quant  il  aloient  veoir  le  roi  et  la 
roine  et  les  dames  et  les  damoiselles,  il  estoit  ordonné  de  par 
le  roi,  à  quelle  heure  que  ce  fust,  il  fuissent  raconvoyet  et  mis 
dedens  lors  hostels.  Et  se  li  meschiés  et  li  périls  ne  fust ,  il 
séjournoient  assés  aisiwnent,  car  environ  Ebruich  il  i  a  très- 
bon  pais  et  plentureus,  car  dedens  sys  sepmainnes  et  plus  que 
li  rois  et  tout  li  signeur  d'Engleterre  et  li  estrangier  et  lors 
gens,  dont  il  i  avoit  plus  de  soissante  mille  hommes,  séjour- 
nèrent là,  onques  n  en  renchièrirent  li  vivre,  que  on  n'euist  la 
denrée  pour  un  denier  aussi  bien  que  on  avoit  en  devant,  \^r\s 


INVASION   Di:S   ÉCOSSAIS.  151 

vins  de  Gascongne,  d'Ausai  et  de  Rin  le  potel  pour  trois  estep- 
lins,  et  les  milleures  eervoisses  dou  monde,  et  les  plus  nouris- 
sans  chars  et  poissons  et  toutes  volailles  à  grant  marchiet, 
foin,  avainne,  litière,  à  milleur  marchiet  que  en  Hainnau  ou 
en  Vermendois. 


Quant  on  eult  séjourné  en  ceste  cité  ung  mois,  on  coum- 
manda  que  toutes  mannières  de  gens  fuissent  appareilliet, 
car  li  roys  voUoit  aller  deviers  les  Escos.  Adont  se  pourvey 
chacuns  au  mieux  qu'il  pot  seloncq  son  estât.  Quant  on  fu 
appareilliet,  li  roys  et  tout  si  baron  se  traisent  hors  de 
Ewruic  et  s'en  allèrent  logier  VI  lieuwes  enssus  de  le  dite 
cité.  Messires  Jehans  de  Haynnau  et  ses  gens  furent  toudis 
logiet  ou  plus  pries  dou  roy  que  on  pooit  ^  pour  le  doubte  et 
le  haynne  des  archiers  *.  Si  séjourna  là  li  rois  II  jours  pour 
attendre  les  dairains  et  pour  aviser  chacun  se  il  li  falloit 
riens.  En  apriès  au  tiers  jour  il  se  partirent  et  chevau- 
chièrent  tant  que  il  vinrent  oultre  le  chité  de  Durem  à 
l'entrée  d'un  pays  que  on  clamme  Norhombrelant.  Si  court 
parmy  ce  pays  une  grosse  rivière  que  on  apelle  le  Thin. 
Sur  ceste  rivière  est  la  ville  de  Cardoeil  eu  Galles,  qui  fu- 
jadis  au  roy  Artus,  et  aval  le  rivière  tout  bas  siet  une  autre 
bonne  ville  que  on  apelle  le  Noef-Castel  sur  le  Tin.  Li  Escot 
qui  estoient  adont  entré  en  Engleterre,  avoient  avoecqaes 
eux  II  très-bons  cappitainnes  et  bons  gueriers'que  li  roys 
Robiers  de  Brus  leurs  sires  leur  avoit  ordonnés  et  délivrés 
pour  yaux  conduire  et  gouverner,  car  il  ne  pooit  mies  aller, 
ne  chevauchier,  tant  estoit-il  fort  astrains  de  gouttes  et  de 
forte  maladie  ^,  ains  se  teaoit  à  Donfremelin  une  ipouit  bonna 

*-•  Car  moult  avoit  fiance  en  eulxet  ossi  pour  le  doubte  des  archiers. 
—  '  Pour  deux  grandes  maladies,  Tune  de  goutte  et  Tautre  d'escaupine. 


13:2  i^iVASio.N 

ville  seloucq  le  pays  en  Escoche  et  où  tous  ses  ancestres 
gisent  en  une  abbeye  qui  là  est;  et  estoient  ces  cappitainnes 
li  contes  de  Mouret  qui  s'armoit  d'argent  à  trois  oreillies  de 
gueulles,  et  raessires  Guillaumes  Douglas  que  on  tenoit  ^  pour 
le  plus  hardi  *  de  toute  Escoce.  Encoires  estoient  là  li  contes 
de  Surlant,  li  contes  Patris,  li  contes  de  Mare,  li  contes  de 
Fi,  li  contes  d'Astredene  et  raoult  de  bons  chevaliers  et 
escuiers,  et  estoient  bien  III  mil  hommes  as  armes  et 
X"  d'autres  gens  et  tous  montés  sour  chevaux  ou  sour 
haghenëes.  Si  poursuivirent  li  Englès  les  Escos  si  avant 
oultre  le  chité  de  Durem  que  il  veoient  les  fummières  que 
li  Escot  faisoient,  qui  ardoient  en  le  contrée  de  Norhora- 
berlande. 

Sec.  réd.  —  Quant  il  eurent  là  séjourné  par  Tespasse  de 
IIII  sepmaines  après  le  bataille,  on  leur  fist  assavoir  de  par  le 
roy  et  les  mareschaux  que  cascuns  se  pourveist,  dedens  celle 
aultre  sepmainne,  de  charètes  et  de  tentes,  pour  gésir  as  camps, 
et  de  tous  aultres  hostils  nécessaires  pour  aler  oultre  par  devers 
Escoce,  car  li  rois  ne  voloit  là  plus  séjourner. 

Adont  se  pourvei  cascuns  au  mieuls  qu'il  peut ,  selonch 
son  estât.  Quant  on  fu  apparilleit,'li  rois  et  tous  si  baron  se 
traisent  hors  et  alèrent  logier  VI  lieues  en  sus  de  le  ditte  cité  : 
et  messires  Jehans  de  Haynau  et  se  compagnie  furent  logiet 
tousdis  au  plus  près  del  roi,  pour  honneur,  et  pai*  tant  aussi 
que  on  ne  voloit  mies  que  li  archier  qui  tant  les  haioient, 
euissent  nul  avantage  sus  yaus.  Si  séjournèrent  H  rois  et  ces 
premières  routes  II  jours  pour  attendre  les  darrains  et  pour 
mieulx  aviser  cascun  se  il  li  falloit  riens.  Au  tierch  jours  apriès, 
toute  li  hos  qui  estoit  là,  se  desloga  et  se  traist  avant  de  jour  en 
jour,  tant  que  on  vint  oultre  le  cité  de  Durem  une  grande 
journée  à  l'entrée  d'un  pays  que  on  claimme  Northombrelande, 

***  Pour  le  plus  preu. 


DES    ÉCOSSAIS.  153 

qui  est  sauvages  pays,  plains  de  désiers  et  de  grandes  mon- 
tagnes, et  durement  pouvres  pays  de  toutes  coses  fors  que  de 
bestes.  Si  keurt  parmi  une  rivière  plainne  de  cailliaus  et  de 
grosses  pierres  que  on  nomme  Thin.  Sus  celle  rivière  siet 
d'amont  la  ville  et  li  chastiaus  que  on  claimme  Carduel  en 
Galles ,  qui  fu  jadis  au  roj  Artus  et  où  il  se  tenoit  moult 
volentiers,  et  d'aval  la  dittc  rivière  siet  là  une  bonne  ville 
que  on  claimme  le  Noef-Chastiel  sur  Tbin.  Là  estoit  li  mares- 
chaus  d'Engleterre  atout  grant  gent  d'armes,  pour  garder  le 
pajs  contre  les  Escos  qui  gisoient  as  camps  pour  entrer  en 
Engleterre;  Et  à  Carduel  gisoient  ossi  grant  fuison  de  Gallois, 
dont  li  contes  de  Herfort  et  li  sires  de  Moutbrai  estoient  con- 
duîseur  et  gouverneur,  pour  deffendre  le  passage  de  le  rivière  ; 
car  li  Escot  ne  pooient  entrer  en  Engleterre  sans  passer  le  ditte 
rivière.  Et  ne  peurent  savoir  les  Çnglès  certaines  nouvelles  des 
Escos  jusques  adont  que  il  vinrent  à  Tentrée  de  ycelui  pays  : 
mes  adont  peut-on  veoir  apparamment  les  fumières  des  hame- 
lès  et  des  villiaus  qu'il  ardoient  en  vallées  de  celui  pajs.  Et 
avoient  passet  celle  rivière  si  paisieulement  que  onques  cil  de 
Carduel,  ne  cil  dou  Noef-Chastiel  sur  Thin  n'en  seurent  nouvelles, 
ce  disoient  ;  car  entre  Carduel  et  le  Nocf-Cbastiel  poet  avoir 
environ  XXIIII  lieuwes  cnglesces.  Mes  pour  mieuls  savoir  le 
manière  des  Escos,  je  me  tairai  un  petit  des  Englès  et  dcviseray 
aucune  cose  de  le  manière  des  Escos  et  comment  il  sèvent 
guerroyer. 

Li  Escot  sont  dur  et  hardit  durement  et  fort  travillant  en 
armes  et  en  guerre  ;  et  à  ce  temps  là  dedont  il  amiroient  et 
prisoient  assés  petit  les  Englès,  et  encores  font-il  au  temps 
présent  ;  et  quant  il  voelent  entrer  ou  royaume  d'Engleterre,  il 
mainnent  bien  leur  host  XX  ou  XXIIII  lieuwes  loing,  que  de 
jour  que  de  nuit ,  de  quoi  moult  de  gens  se  poroient  esmer- 
villier,  qui  ne  saroient  leur  coustume. 

Certain  est  que  quant  il  voelent  entrer  en  Engleterre,  il  sont 
tout  à  cheval ,  forsmis  la  ribaudaille  qui  les  sièvent  à  piet  ; 
assavoir,  sont  chevalier  et  escuier  bien  montés  sour  bons  gros 


154  INVASION 

roncins,  et  les  aidtres  communeis  gens  del  pays  tout  sour  petite» 
hagenées.  Et  si  ne  mainnent  point  de  charoj  pour  les  diverses 
montagnes  qu'il  ont  à  passer  parmi  che  pays  dessusdit,  que  on 
claimme  Northombrelande  :  et  si  ne  mainnent  nulles  pour- 
véances  de  pain,  ne  de  vin  ;  car  leurs  usages  est  tels  en  guerre^ 
et  leurs  sobHétés  qu'il  se  passent  bien  assés  longement  de  char 
cuite  à  mcdtiet ,  sans  pain,  et  de  boire  aiguë  de  rivière,  sans 
vin.  Et  si  ft'ont  que  faire  de  chaudières,  ne  de  chauderons,  car 
C-r^  puisent  bien  leurs  chars  ou  cuir  des  bestes  meismes,  quant  il 
ks  ont  escpreies  ;  et  si  sèvent  bien  qu'il  trouveront  bestes  a 
grant  fuison  ou  pays  là  où  il  veullent  aler,  par  quoi  il  n'em- 
portent aultre  pourvéance,  fors  que  cascuns  emporte  entre  le 
seDe  et  le  peniel  une  grande  plate  pierre,  et  trousse  derrièï^ 
lui  une  besace  plainne  de  farine,  en  celle  entente  que  quant 
il  ont  tant  mangiet  de  char  mal  quite  que  leur  estomach  leur 
samble  estre  *  wape  •  et  afoiblis ,  il  jettent  celle  plate  pierre  ou 
feu  et  destemprent  un  petit  de  leur  farine  d'yauwe;  quant 
leur  pierre  est  chauffée,  il  jettent  de  ceste  clère  paste  sur  ceste 
chaude  pierre,  et  en  font  un  petit  tourtîel,  à  manière  de  une 
oublie  de  béghine,  et  le  menguent  pour  conforter  Festomach  : 
par  quoy  ce  n'est  point  de  merveilles  se  il  font  plus  grandes 
journées  que  aultres  gens,  quant  tout  sont  à  cheval  horsmis  le 
ribaudaille,  et  si  ne  mainnent  nul  charoi,  ne  aultres  pour- 
véances,  fors  ce  que  vous  avés  oy. 

En  tel  point  estoient-il  entré  en  celi  pays  dessusdit  :  si  le 
gastoient  et  ardoient,  et  trouvoient  tant  de  bestes  qu'il  n'en 
savodent  que  faire  ,  et  avoient  bien  ITI"*  armeures  de  fler, 
chevaliers  et  esquiers,  montés  sus  bons  roncins  et  bons  cour- 
siers, et  XX"*  hommes  armés  à  leurs  guises,  appers  et  hardis, 
montés  sus  ces  petites  hagenées  qui  ne  sont  ne  loyées,  ne 
estrilliées;  ains  les  envoie-on  tantost  paistre  c'en  en  est  des- 
cendu, en  prés,  en  terres  et  en  bruières.  Et  si  avoiont  II 
très-bons  ehapitainnes,  car  li  rois  Robers  d*Escoce  qui  estoit 

*  «  Wit. 


DES  ÉCOSSAIS.  135 

moult  jïS0His,estoit  ado«l*  durement  *  viex  et  chargiés  cfé  le  grosse 
maladie  :  si  leur  aroit  donnet  à  chapitaiitiïes  un  nioiflt  gentil 
prince  et  vaillant  en  armes,  c'est  assavoir  te  conte  de  Moret 
qui  portoit  tfn  escut  d'argent  a  trois  orilliers  de  geules,  et  môn- 
gignew^  Guillaume  de  Douglas  que  on  tenoit  pour  le  plus  hardi 
et  le  plus  entreprendant  de  tous  les  deus  pays,  et  portoit  un 
escut  d'asur  à  un  cliief  d'argent  et  trois  estoilles  de  geules 
dedens  en  Targent;  et  estoient  cil  doi  sîgneur  li  plus  hault 
baron  et  li  plus  puissant  de  tout  le  royaume  d'Escoce  et  li  plus 
renommé  en  biaus  fais  d'armes  et  en  grans  proèces. 

Quatr.  réd.  —  Quant  il  orent  là  séjourné  par  Tespascer  de  troiô 
seproainnes  apriés  ce  que  la  bataille  eut  esté^  on  leur  fbs^  a£fatoii^ 
de  par  le  roi  et  les  marescaux  que  casquns  se  pôurveifft  dedéns 
celle  aultre  sepmaine  de  charrettes  et  de  tentes  pour  jésir  ai^ 
camps,  et  de  tous  aultres  hostils  nécessaires  pour  àler  oultré 
par  devrers  Escoce ,  car  li  rois  ne  vouloit  là  plus  séjourner.  Stià 
ceste  ordenance,  li  signeur  se  pourveirent,  et  aussi  fissetifl  toutes 
gens  casquns  selonch  son  estât.  Quant  tout  fti  poiirveu  et  li 
jours  vint  du  département,  li  rois  prist  congiet  à  madame  sa 
mère  et  se  départi  de  Ebruich.  Ordonné  fu  de  par  le  roi  que 
messires  Jehans  de  Hainnau  et  li  Hainntner  fuissent  toutdi^ 
sus  ce  cemin  logiet  au  plus  près  de  lui  quô  nuls  des  aultreô, 
tant  pour  honneur  que  pour  les  archiers  de  Lîncole  qui  ne 
pooient,  ne  ne  voloient  oublyer  le  ocision  et  la  perte  de  loi'à 
amis,  et  volontiers  se  fuissent  pris^  as  Hainnuïers  se  il  n^ 
euissent  veu  que  point  d'avantage  il  euissent  eu  sus  eûls. 
Si  séjournèrent  li  rois  et  ces  premières  routes  deus  jours  po^èif 
atendre  les  daarains  et  pour  mieuls  aviser  à  cascun  se  il  li 
falloit  riens.  Au  tiercb  jour  apriès,  toute  li  hoos  qui  estoit  là, 
se  deslogea  et  se  traïst  avant  de  jour  en  jour,  ta^t  que  oii  vint 
outre  la  chité  de  Durâmes  qui  siet  sus  l'entrée  de  North<»ibre^- 
lande,  et  trueve-on  là  moult  de  pauvre  païs  et  despourveu  dé 

«-»  MottH. 


136  INVASION 

toutes  coses,  fors  que  de  bestes,  et  court  là  une  rivière  qui 
vient  d'amont  des  montagnes  de  deviers  Carduel,  que  on  apelle 
le  Thin ,  et  est  la  ditte  rivière  toute  plaine  de  pierres  et  de 
cailliaus.  Et  oultre  la  chité  de  Duram,  siet  la  bonne  ville  dou 
Noef-Chastiel  sus  le  Thin,  belle  ville  forte  et  bien  fermée,  et 
fait  la  frontière  encontre  les  Escos,  et  là  se  tenoit  li  mares - 
chaus  d'Engleterre  à  grant  gens  d'armes  pour  garder  le  païs  à 
rencontre  des  Escocois.  Et  ne  savoient  encores  li  Englois  là  où 
Escoçois  estoient,  et  disoient  li  auqun  :  «  Il  sont  retrait  en 
«  lor  païs  :  il  ont  usage  que  il  guerrient  en  courant,  et  quant 
«  il  ont  fait  cïélle  chose  et  il  sentent  que  gens  viennent  sus 
c  euls  à  pooir ,  il  se  retraient.  »  Mais  pour  ces  jours ,  il 
n'estoient  pas  retrait,  avant  ardoient  en  Northombrelant ,  et 
avoient  ars  en  Galles  et  jusques  à  Carduel  et  tout  le  pais  de  là 
environ.  Et  tant  alèrent  chil  de  Tavant-garde  que  de  dessus  les 
montagnes  il  veirent  les  fumières  d*auquns  petis  hamelès  que  li 
Escoçois  ardoient,  et  li  auqun  Englès  disoient  que  ce  n  estoient 
pas  fumières  des  feus  des  Escos,  mais  de  ouvriers  qui  faisoient 
carbon  ens  es  bois. 

Or  vous  voel  un  petit  deviser  la  manière  et  la  nature  des 
Escocois,  et  comment  il  scèvent  guerrjer.  Li  Escot  sont  dur 
et  hardit  et  fort  travillant  en  armes  et  en  guerres.  Et  pour  le 
temps  d'adont,  il  amiroient  et  prisoient  moult  petit  les  Englois, 
et  encores  font-il  au  temps  présent.  Et  quant  il  voellent  guer- 
rjer et  entrer  ou  roiaulme  d'Engleterre,  il  mainncnt  bien  lor 
hoost  vingt  ou  vingi^juatre  lieues  lonch,  que  de  jour,  que  de 
nuit,  comment  que  moult  de  gens  se  poroient  esmervillier  de  ce, 
qui  ne  sauroient  lor  costume.  Certain  est  que  quand  il  voellent 
entrer  en  Engleterre,  il  sont  tous  à  chevaus  li  uns  et  li  aultres, 
fors  que  la  ribaudaille  qui  les  sievent  à  piet.  Et  sont  chevalier 
et  esquier  bien  monté  sus  bons  gros  ronchins,  et  les  aultres 
hommes  de  guerre  sus  jumens  ou  sus  hagenées,  et  ne  mainnent 
point  de  charroi  pour  les  diverses  montagnes  que  il  ont  à  passer 
ens  ou  païs  de  Northombrelande,  et  si  ne  mainnent  nulles  pour- 
véances  de  pain,  ne  de  vin ,  car  lors  usages  est  tels  en  guerre 


DES   ÉCOSSAIS.  137 

et  en  traviUant  que  il  sont  moult  sobre ,  et  se  passent  bien  deus 
ou  trois  jours  à  mengier  ehar  à  moitié  quite  sans  pain,  et  à  boire 
aiguë  de  rieu  courant,  sans  vin,  ne  cervoise.  Et  n'ont  que  faire 
de  chaudières,  ne  de  chauderons ,  car  il  quisent  leurs  chars 
généraument,  quant  il  sont  ensi  sus  un  voiage,  ens  es  quirs  des 
bestes  quant  il  les  ont  escorchies.  Et  s'atendent  sur  ce  que  il 
sèvent  bien  que  il  trouveront  bestes  à  grant  fuisson  ens  ou  païs 
où  il  voellent  aler,  par  quoi  il  ne  font  aultre  pourvéance  que 
casquns  emporte  entre  la  selle  et  le  penniel  dou  cheval  que  il 
cevauce,  une  plate  pierre,  et  avoech  ce  il  trousse  derrière  lui 
ime  besace  plainne  de  farine,  en  celle  entente  quant  il  ont  tant 
mengié  de  char  mal  quite  que  lor  estomac  samble  estre  wape 
et  afoiblis,  il  jettent  celle  plate  pierre  ou  feu  et  destrempent 
un  petit  de  leur  farine,  et  quant  leur  pierre  est  escaufée,  il 
jettent  de  celle  clère  paste  sus  celle  caude  pierre,  et  en  font  un 
petit  tourtiel  à  manière  de  une  oublie  de  béguine,  et  le  mengent 
pour  conforter  lor  estomach,  par  quoi  ce  n'est  pas  mervelles  se 
il  font  plus  grandes  journées  que  aultres  gens.  En  tel  point 
estoient-il  entré  ens  ou  païs  desus  dit  et  le  gastoient  et  ardoient, 
et  trouvoient  tant  de  bestes  que  il  n'en  sav oient  que  faire.  Et" 
pooient  estre  environ  trois  mille  armeures  de  fier,  chevaliers 
et  esquiers  montés  sus  bons  ronchins  et  bons  coursiers,  et  vint 
mille  hommes  d'aultres  gens  armés  à  lor  guisse,  appers  et 
hardis,  montés  sus  petites  hagenées ,  qui  ne  sont  ne  lojes ,  ne 
estrillies,  mais  les  envoje-on  tantos  paistre  où  on  est  descendu, 
en  prées  ou  en  bruières.  Telle  est  la  nature  et  ordenance  des 
Escos.  Et  je  Froissars,  actèrcs  de  ces  croniques,  fui  en  Escoce 
en  Tan  de  grasce  MCCCLXV,  car  la  bonne  roine,  madame 
Philippe  de  Hainnau,  roine  d'Engleterre,  m'escripsi  deviers  le 
roi  David  d'Escoce,  liquels  fu  fils  au  roi  Robert  de  Brus,  qui 
pour  ce  temps  resgnoit,  et  au  conte  de  Douglas  et  à  messire 
Robert  de  Versi,  signeur  de  Struvelin,  et  au  conte  de  la  Mare, 
liquel  pour  l'onnour  et  amour  de  la  bonne  roine  desus  ditte 
qui  tesmongnoit  par  ses  lettres  séelées  que  je  estoie  uns  de  ses 
clers  et  familjers,  me  requellièrent  tout  doucement  et  liement, 


f3K  marcbë 

et  fu  en  la  compagnie  don  roi,  utt  qtrartief  fan  an,  et  encfa 
celle  aventure  que ,  ce  que  je  fui  en  Escoee,  il  visita  tout  son 
pais,  par  laquelle  Visitation  je  apris  et  considérai  moult  de  la 
matêi*e  et  ordonnance  des  Escoçois,  et  sont  de  toute  tele  con- 
dition que  chi-dcsus  vous  est  devisé.  Pour  le  temps  que  chil 
Escocois  estoient  entré  ens  ou  pais  do  Northombrelande ,  il 
n'avoient  point  le  roi  Robert  do  Bras  en  lor  compagnie,  mais 
detfts  aultres  vaillians  hommes  à  chapitainnes,  c'est-à-savoir  le 
conte  de  Moret,  et  s'armoit  pour  lors  d'argent  à  trois  orilliers 
de  gruenles,  vt  messii-e  Guillaume  de  Douglas ,  le  plus  hardit, 
vaillant  et  entreprendant  de  tous  les  aultres,  et  8*armoit  d'azur 
à  un  cbief  d'argent  à  trois  estoilles  de  gueuHes  dedens  Targent, 
et  estoient  chil  doi  baron  ii  plus  poissant  et  renommé  de  toute 
Escooe. 


Quant  li  jovënes  rois  d'Engleterre  et  ses  hos  eurent  veu 
les  dittes  fummières  que  li  Escot  faisoient,  si  se  aroutèrent 
pour  aller  à  Tadrèce  de  ceste  part  et  ordonnèrent  trois 
-grosses  batailles  bien  pourveues  de  gens  d'armes  et  d'ar- 
chiers.  En  chacune  avoit  bien  VIII  ""hommes  d'armes  et 
XVI"  de  piet.  Quant  ces  batailles  furent  ordonnées,  on  che- 
vaura  *  tout  rengiet  après  les  Escos  à  l'endroit  là  où  on 
veoit  les  fummières  tout  ce  jour  jusques  à  vespres.  Adont 
se  loga  li  hos  en  ung  bois  sus  une  petite  rivière  pour  yaux 
mieux  aîsîer  et  atendre  le  charoy  et  leurs  pourvéanches,  et 
tout  ce  jour  avoient  ars  li  Escot  à  V  lieuwes  priés  de  leur 
host,  et  si  ne  les  pooient  li  dit  Englès  raconsuivir  pour  le 
cause  des  *  montaignes  qui  estoient  entre  deux  et  qu'il  leur 
convenoit  toumyer.  L'endemain  au  point  dou  jour  cascuns 
fu  armés,  et  traisent  les  bannières  sour  les  camps,  et  se 
traist  chacun  à  se  bannière  et  à  se  bataille,  enssi  que 

*  HâttÎTênuml.  —  *  Haatas. 


DE   l'aRHÉF.    AIIGLAISE.  139 

ordonnés  estoit.  Et  cheVauchièrent  les  batailles  enssd 
rengies  sans  desrouter  tont  le  jour  par  iftont  et  par  vallëes  à 
Tadrèce  seloncq  lenr  avis  ponr  venir  droit  as  Eseos,  mes 
oncques  pour  haste,  ne  painne  qu'il  y  eûissent,  il  ne  les 
peufentveoir,  tant  estoient-il  en  fort  pays  et  chevauchoient 
sagement.  Si  ardoient-îl  tout  autour  d'iaux,  et  encoires  ce 
qui  destoumoit  as  Englès  à  yaux  nient  trouver,  c'estoient 
lî  mares  et  les  crolières  oh  on  ne  pooit  aller,  ne  chevau- 
chier,  (jni  ne  se  voulloit  perdre  davantaige.  Quatit  il  eurent 
cejour  cevauchietencel  estât  jusques  *  heure  de  nonne*,  si 
furent  tout  lassé  et  courouchié,  et  eut  adont  consseil  H  roys 
que  on  se  logeroît,  car  cheval  et  charoy  estoit  si  travilliet 
que  plus  ne  pooient  et  espécialement  gens  de  piet  dont  il  en 
y  avoit  bien  encoires  le  moitié  derrière.  Or  se  loga  li  rois  et 
tout  son  host  au  desoubs  d'une  montaigne  sus  une  petite 
rivière,  et  quant  chacuns  eut  pris  pièce  de  terre,  li  seigneur 
se  traysent  à  consseil  enssemble,  et  là  fu  messires  Jehans 
de  Haynnau  appelés,  ce  fu  bien  raison,  et  là  avisèrent  et 
parlementèrent  grand  temps  enssemble  comment  on  se 
pourroit  combattre  as  Escos  seloncq  le  pays  où  il  estoient. 
Tout  considéret,  entr'iaux  il  disoient  maîement,  car  encorres 
n'en  avoient-il  nuls  veus,  ne  ils  ne  savoient  où  il  gisoient, 
ne  sejà  point  les  trouveroient  pour  le  fort  pays  où  il  estoient 
enbatn.  Si  sambla  as  aucuns  seigneurs  <)ui  là  estoient  tel6 
que  le  seigneur  de  Persi,  le  seigneur  de  Ros^  le  seigneur  de 
Moutbray  et  le  seigneur  de  Lussi,  qui  congnissoient  auquel 
le  pays  et  disoieftt  à  l'avis  des  Escos  pour  certahi  que  il 
s'en  raloient  en  leur  pays  et  que  nullement  il  ne  se  poroienf 
combattre  à  yaulx  entre  ces  montaingnes  fors  que  à  leur 
grant  meschîef,  et  si  ne  les  poroient  raconsivir,  et  ainchois 
que  il  les  trouvaissent,  il  convenoit  ces  Escos  rapasser  le 

*-•  Au  vdtpre. 


140  MARCHE 

rivière  de  Tin.  Dont  fii  dit  par  consseil  et  pour  le  milleur 
advis  que  se  on  se  volloit  lever  devant  raienuit  et  Tende- 
main  ung  petit  haster,  on  leur  torroit  bien  le  passaige  de  le 
ditte  rivière  et  convenroit  que  li  Escot  se  corabatissent  par 
tel  parti  à  leur  grant  meschief  ou  il  demoiirroient  tous  quois 
enclos  en  Engleterre  et  pris  à  la  trape.  A  celle  entente  que 
dit  vous  ay,  fu  adont  ordonne  et  acordê  que  chacuns  se  trai- 
sist  à  sa  loge  pour  soupper  et  boire  ce  qu'il  pooit  avoir  et  fu 
dit  ainssi  que  sitost  que  on  oroit  le  trompeté  dou  roy  que  on 
mesist  selles  sur  les  chevaux,  quant  on  Toroit  la  seconde  fois 
que  on  s*armaist,  et  à  la  tierce  fois  que  chacuns  montast 
sans  atargier  et  se  traist  chacuns  à  sa  bannière  et  presist 
encores  chacuns  ung  pain  et  le  trousaist  derière  lui  à 
guise  de  braconnier  et  que  chacuns  laiast  là  endroit  son 
harnas  et  sen  caroy  et  toutes  autres  pourvéanches ,  car 
pour  certain  on  se  combateroit  à  l'endemain  à  quel  mes- 
chief que  ce  fuist. 

Sec.  rid.  —  Quant  li  rois  englès  et  ses  gens  veirent  les 
fumières  des  Escos,  siques  dist  est  pardevant,  il  sceurent  bien 
que  c'estoient  li  Escot  qui  entré  estoient  en  leur  ps^s.  Si  usent 
tantost  cryer  *  as  armes  «  et  commander  que  cascuns  se  deslogast 
et  siewist  les  banières.  Ensi  fu  fait,  et  se  traist  cascuns  armés  sus 
les  camps  sique  pour  tantost  combatre.  Là  endroit  furent  ordon- 
nées III  grosses  batailles  à  piet,  et  cascune  bataille  avoit  II  èles 
de  V*.  anneures  de  fier  qui  dévoient  demorer  à  cheval.  Et 
saciés  que  on  disoit  que  il  y  avoit  bien  VIII"*  anneures  de 
fier,  chevaliers  et  escuiers  et  '  XXX™  *  hommes  armés,  li  moitiet 
montés  sur  petites  hagenées,  et  Tautre  moitiet  sergans  à  piet, 
envoyés  par  élection  de  par  les  bonnes  villes,  à  leurs  gages, 
cascune  bonne  ville  pour  se  rate  ;  et  si  y  avoit  bien  XX.IIII"*  ar- 
ciers  à  piet,  sans  le  ribaudaille.  Tout  ensi  que  les  batailles 

*  «  Alarme.  -  »-*  XXIV". 


DE  l'armée  anglaise.  141 

furent  ordonnées,  on  chevauoa  tous  rengiés  apriès  les  Escos,  à 
*  la  sent'  dos  fumières  Jusques  à  basses  viesprcs.  Adont  se  loga  li 
hos  en  un  bois,  sus  une  petite  rivière,  pour  jaus  aaisier  et  pour 
attendre  lo  charoi  et  les  pourvéances.  Et  tout  le  jour  avoient  ars 
li  Escot  à  '  V  *  liewes  priés  de  leur  host,  et  ne  les  pooient  racon  - 
siewir.  L'endemain  au  point  de  jour  eascuns  fu  armés,  et  trairent 
les  banières  as  camps,  eascuns  à  se  bataille  etdesous  sa  banière, 
sicom  ordonné  estoit.  Si  chevaucièrent  les  batailles  cnsi  rcngies 
tout  le  jour,  sans  desrouter,  par  montaignes  et  par  vallées;  ne 
onques  ne  peurent  approcier  les  Escos  qui  ardoient  devant  yaus, 
tant  j  avoit  de  bois,  de  mares,  de  désiers  sauvages  et  malais ies 
montaignes  et  valées  ;  et  si  n^estoit  nuls  qui  osast  sus  le  teste  à 
coper,  sourpasser,  ne  chevaucier  devant  les  banières,  forsmis  les 
mareschaux  '.  Quant  ce  vint  apriès  nonne  sus  le  viespre,  gens, 
cheval  et  charoi,  et  meismement  gens  à  piet,  estoient  si  travilliet 
que  il  ne  pooient  mes  aler  avant  ;  et  li  signeur  se  perçurent  et 
veirent  clèrement  qu'il  se  travilloient  en  tel  manière  pour  nient  ; 
et  fust  encores  ensi  que  li  Escot  les  vousissent  attendre,  si  se 
metteroient-il  bien  sour  tel  avantage ,  sour  telle  montagne  ou 
sour  tel  pas,  quil  ne  se  poroient  à  jaus  combatrc  sans  trop 
grant  meschief.  Si  fu  commandé  de  par  le  roj  et  les  mareschaus 
que  on  se  logast  là  endroit,  eascuns  *  ensi  qu'il  estoit,  jusques  à 
Tendemain,  pour  avoir  conseil  comment  on  se  maintenroit.  Ensi 
fu  toute  li  hos  logié  ceste  nuit  en  un  bois,  sour  une  petite  rivière  ; 
et  li  rois  fu  logiés  ^  en  une  povre  court  d'abbcje  qui  là  estoit*.  Ses 
gens  d'armes  uns  et  aultres,  chevaus,  charoi  et  li  liostes  sieu- 
wans  furent  logiet  moult  en  sus,  travilliet  oultrc  mesure.  Quant 
eascuns  eut  pris  pièce  de  terre  pour  logier,  li  signeur  se  traisent 
ensamble  pour  avoir  conseil  comment  il  se  pouroient  combattre 
as  Escos,  selonch  le  pays  là  où  il  estoient;  et  leur  sambla,  selonch 
ce  qu'il  veoient,  que  li  Escot  s'en  raloient  leur  voie  en  leur  pays, 
tout  ardant,  et  que  nullement  il  ne  se  poroient  combatre  à  jaus 

*'*  La  tenteiir.  —  '-^  II.  —  *  Et  leurs  gens.  —  *  En  son  ordonnance. 
'*'*  Ea  ime  petite  oourt  d*ane  abbéie  de  moines  noirs. 


142  AIAKCIIE 

entre  ces  moutaignc,  fors  que  à  graut  moschief  ;  ot  si  ne  les 
poroient  raconsievir,  mais  passer  leur  convenoit  celle  rivière 
de  Thiii.  Kt  fu  là  dit  en  prraut  conseil  que  se  on  se  voloit  lever 
devant  mienuit,  et  Tendemain  un  petit  baster,  on  lor  torroit  le 
passage  de  le  rivière,  et  convenroit  que  il  se  combatissent  h  leur 
meschief  ou  il  demorroient  tous  cois  en  Engleterre  pris  à  le 
trappe. 

Quatr.  réd.  —  Quant  les  nouvelles  furent  venues  au  roi  d'En- 
pleteriv  que  lors  gens  avoient  vcu  les  fumières  que  li  Escoçois 
faisoient,  il  fu  ordonné  de  par  les  marescauLs  et  commandé  à  des- 
logier  et  que  on  sievist  les  baiiières  dou  roi.  Ensi  fu  fait,  cas- 
cuns  s'arma  et  apparilla  et  se  tral'st  sus  les  camps,  ensi  que  pour 
combatre.  Là  furent  ordonnées  trois  grosses  batailles  à  piet,  et 
en  casquue  avoit  cinq  cens  armoures  de  fier,  qui  estoient  en  deus 
èles,  et  dévoient  demorer  à  cheval.  Et  pooient  cstre  en  la  com- 
pagnie dou  voï  huit  mille  armeures  de  fier,  chevaliers  et  esquiers, 
et  trente  mille  hommes  p^rmi  les  archiers,  la  moitict  monté  sus 
hageni*es  et  Taultre  moitiet  w^rgens  à  piet  enyoyet  de  par  les 
bonnes  villes  d'Engleterre  et  à  lors  gages,  et  encores  sans  les 
archiers  à  cheval,  il  y  avoit  bien  vint-trois  mille  archiers  à 
piet.  Adont,  ensi  que  les  batailles  furent  ordonnées,  on  cevauça 
tout  rengiet  sievant  les  banières  le  roi,  et  en  i  avoit  quatre  et 
les  portoient  li  sires  de  S?es,  li  sires  de  Ferrères,  li  sii'cs  de 
Morlais  et  li  sires  de  Hastinghes,  et  chevauçoient  et  alloient  a 
la  sent  des  fumières,  et  cemiuèrent  jusques  à  basses  vespres. 
Adont  se  logea  li  hoost  en  une  grande  prée  priés  d'un  bois  et 
sus  une  petit*»  rivière  et  tout  au  lonch  pour  euls  aisier,  et  pour 
atendre  le  chaix)i  et  les  jioun'éAnces,  et  tout  ce  jour  avoient  ars 
li  Escocois  à  cinq  Jieues  englesres  pi-iès  d*euls,  et  n(»  les  po voient 
trouver,  ne  raconsuir.  Quant  ce  vint  à  Tendemain  au  point  dou 
jour,  on  sonna  les  trompètes,  casquns  fu  armés  et  apparilliés,  et 
se  iniïssent  les  banières  sus  les  camps,  <-asquns  en  sa  batailb» 
et  desous  la  kinièrv  «ni  ordonné  on  estoit.  Et  cevauchièrent  U^}> 
banières  tout  ce  jour  sans  euls  desrouter  [mr  montagnes  et  par 


DE   i/aRHÉE   anglaise.  H^ 

vallées,  et  oncques  ne  purent  veoir,  no  apixxîhior  les  Esco<;ois. 
Bien  veoient    li  Englois  les  fumières  que  li   Escot  faisoient, 
mais  entre  euls  et  les  Englois  il  i  avoit  grans  mares,  montagnes 
et  désers  lesquels  on  ne  pooit  passer  à  Tadrèce,  mais  convenoit 
eeminer  autour,  et  n'osoit  nuls  fourpasser,  no  aler  devant  les 
banières,  fors  les  maresoauls.  Quant  ce  vint  apriès  nonne,  et 
toutes  gens  et  chevaus  estoient  si  travilliet  que  plus  ne  pooient, 
on  le  logea,  et  demora  toute  li  hoost  celle  nuit  sus  une  petite 
rivière  dont  il  furent  rafresqui.  Et  li  rois  fu  logiés  on  une  povre 
court  d^abéie  qui  là  estoit;  gens  d^armes  et  tous  li  demorans, 
charoi  et  charetons,  furent  logiet  moult  en  sus,  travilliet  oultre 
mesure.  Quant  casquns  ot  pris  pièche  de  terre  pour  logier,  li 
signeur  se  traïsaent  ensamble  pour  avo^ir  oonsel  comment  il  se 
pourroient  maintenir,  ne  trouver  la  trace  des  Escos,  lesquel  il 
désiroient  à  veoir  et  à  combatre.  Et  fu  avis  à  auquns  que  li 
Escot  s'en  raloient  en  leur  pais  et  que  on  ne  les  aueroit  point, 
et  pooit  estre  que  il  savoient  bien  tout  le  convenant  des  Englois, 
mais  on  ne  savoit  riens  dou  leur.  Là  fu  dit  à  ce  consel  que  se  on 
se  voloit  lever  devant  minuit  et  à  Tendemain  un  petit  haster, 
OH  lettr  torroit  le  passage  de  la  rivière,  et  seroient  pris  et  enclos 
en  Eagleterre.  Chils  consauls  fu  arestés  et  acordés,  ot  se  retraïst 
caaouni  de«  signeurs  en   son  logeis,  et  fissent  asavoir  tout 
8«créeiBfint  en  pluisseurs  lieus  parmi  Toost  que  quant  les  trom- 
pettes sonneroient,  on  s'arnaast  et  appamllast,  et  au  second  son 
de  la  trompette,  on  fust  tous  près,  et  au  tierch  son,  on  monte- 
roit  à  cheval.  Et  fu  ordonné  que  on  laisseroit  là  tous  liarnois  et 
tous  charois,  et  que  casquns  né  presiat  qu'un  pain  et  le  trous- 
sast  derrière  lui. 

Tout  en  tel  mamiière  comme  il  fu  brdomiet,  fu  fait  et  fu 
chacuns  armes  et  montés  à  le  droite  raienuit,  petit  y  eult 
de  chiaux  qui  dormirent,  comment  que  on  euist  durement 
travilliet  le  jour.  Dont  ainschois  que  les  batailles  fuissent  à 
leur  droit  ordonnées  et  assamblôes,  coummencha  ii  jours  à 


144  DIFFICULTÉS 

appairoir.  Lors  commenchièrent  les  bannières  chevauchier, 
à  grant  haste  *  pour  acomplir  leur  entente  *,  par  bruières  et 
par  montaîgnes  et  par  vallées  malaisies  sans  point  de  plain 
pays  et  par  dessus  es  montaiijgnes  ;  et  es  plains  des  vallées 
estoient  mares  et  crolières  et  si  diviers  et  mauvais  passages 
que  merveilles  est  à  considérer,  car  chils  pays  de  Norhom- 
brelantse  diffère  assés  de  diversité  à  le  marce  d'Engleterre, 
et  ossi  font  les  gens,  il  sont  enviers  les  Englès  enssi  que 
demy  sauvaige.  Si  estoit  merveilles  que  chacuns  ne  demou- 
roit  en  ces  crolières  et  mares  là  où  il  s'embatoîent,  car  on 
chevauchoit  radement  et  toudis  avant  sans  atendre  l'un 
l'autre ,  et  bien  sachiés  que  qui  se  fuist  encrolés  en  ces 
crolières,  ne  en  ces  cras  mares  plains  de  bourbe,  jammais 
ne  s'en  fuist  parti.  Si  y  demorèrent  assés  d'hommes  et  de 
povres  cevaux  qui  ne  pooient  siewîr  le  grand  route  et  ossi 
des  soummiers.  Et  moult  souvent  on  cria  à  cel  ajournement: 
As  armes  !  et  disoit-on,  quant  on  ooit  ce  cri,  que  li  premier  se 
combatoient  as  ennemis,  siques  chacuns  qui  quidoit  que  ce 
fuist  voirs,  se  hastoit  dou  plus  qu'il  pooit,  et  cevauchièrent 
parmy  mares,  crolières  et  autres  plassis,  parmy  kaillaux, 
parmy  vallées  et  parmy  montaignes  le  hyaume  et  le  bachinet 
en  le  teste,  l'escut  au  col,  le  targe  sus  le  dos,  le  glaive  ou 
l'espée  ou  poing,  sans  atendre  père,  ne  frère,  ne  compai- 
gnon.  Et  quant  on  avoit  enssi  courut  demy  lieuwe  ou  plus 
et  on  estoit  venu  au  lieu  dont  chils  hus  ou  chils  cris  venoit, 
on  se  trou  voit  décheu,  car  che  avoient  estet  chierfs  ou  bisses 
ou  aultres  sauvaiges  bestes,  dont  il  y  avoit  grand  fuisson 
entre  ces  bos  et  ce  sauvage  pays,  qui  s'esmuioient  et  fuioient 
devant  ces  bannières  et  ces  gens  à  cheval  qui  enssi  chevau- 
choient  despercement  et  oncques  n'avoient  veu  tel  cose.  Adont 

*-*  En  grant  désir  de  venir  à  leur  fait. 


D£  l'expédition.  145 

huioit  chacuns  qui  devant  estoit,  apriès  ces  bestes  sauvaiges, 
et  chil  derière  cuidoient  que  ce  fuissent  li  anneray. 

Sec.  réd,  —  A  celle  entente  que  dit  vous  aj,  fu  adont 
ordonnet  et  acordet  que  cascuns  se  traisist  à  se  loge  pour 
souper  et  boire  ce  qu'il  pooit  avoir,  et  desist  cascuns  à  ses 
compagnons  que  sitost  que  on  oroit  le  trompette  sonner,  cas- 
cuns mesist  ses  selles  et  apparillast  ses  chevaus;  et  quant  on 
loroit  le  seconde  fois,  que  cascuns  s'armast  ;  et  le  tierce  fois  que 
cascuns  montast  sans  atargier  et  se  traisist  à  se  banière  et  que 
cascuns  presist  sans  plus  un  pain  et  le  trousast  derrière  lui,  à 
guise  de  brakenier  ;  et  ossi  que  cascuns  laissast  là  endroit  tous 
harnas,  tous  charois  et  toutes  autres  pourvéances;  car  on  se 
combateroit  Tendemain,  à  quel  meschief  que  ce  fust,  si  aroit-on 
ou  tout  perd  ut  ou  tout  gaegniet.  Ensi  que  ordonné  fu,  ensi  fu 
fait,  et  fu  cascuns  armés  et  montés  à  le  droite  mienuit  :  petit  j 
eut  dechiaus  qui  dormirent,  comment  que  on  eust  durement 
travilliet  le  jour.  Ançois  que  les  batailles  fuissent  à  leur  droit 
ordonnées  et  assamblées,  commença  li  jour  à  apparoir  :  lors 
commencièrent  les  banières  à  chevauchier  en  haste  moult  des- 
parsement  par  bruières,  par  montagnes,  par  vallées  et  par 
rokaiUes  malaisies,sans  point  de  *  plain  pays  ',  et  pardessus  des 
montagnes  ;  et  ou  plain  des  vaUées  estoient  crolières  et  grans 
mares  et  si  divers  passages  que  merveilles  estoit  que  cascuns 
n*i  demoroit;  car  cascuns  chevauçoit  toutdis  avant  sans  attendre 
signeur,  ne  compagnon  ;  et  sachiés  que  qui  fust  encrolés  en  ces 
crolières,  il  trouvast  à  malaise  qui  li  aidast.  Et  si  demorèrent 
grant  fuison  de  banières  atout  les  chevaus  en  pluiseurs  lieus,  et 
grant  fuison  de  sommiers  et  de  chevaus  qui  onques  puis  n*en 
issirent  ;  et  moult  souvent  on  cria  celi  jour  as  armes ,  et 
disoit-on  que  li  premier  se  combatoient  as  annemis,  siques 
cascuns  qui  cuidoit  que  ce  fust  voirs,  se  hastoit  quanqu  il  pooit, 
parmi  mares,  parmi  pierres  et  cailliaus,  et  parmi  valées  et 

*'•  Plain  chemin. 

I.  —  raoïtSART.  10 


146  DIFFlCULTÀft  M  l'BIPAMTION. 

montagnes,  le  hjaume  apparilliet  et  Tescut  au  col,  la  glave  ou 
Tespéc  ou  poing,  sans  attendre  père,  ne  frère,  ne  compagnon. 
Et  quant  on  avoit  ensi  courut  demi-lieuwe  ou  plus,  et  on  venoit 
an  lieu  dont  chils  hus  ou  cils  cris  naissoit ,  on  se  trouToit 
déçeu  ;  car  ce  avoient  esté  chierfs  ou  bisses,  ou  ours,  ou  aultras 
bestes  sauvages,  de  quoi  il  j  avoit  grant  fuison  en  ces  bois  et 
en  ces  bruièros  et  en  ce  sauvage  pays,  qui  s^esmouvoient  et 
fuioient  devant  ces  banières  et  ces  gens  à  cheval  qui  ensi 
chevauçoient,  et  que  onques  n*avoient  veu  :  adont  huioit  cas- 
cuns  apriès  ces  bestes,  et  on  cuidoit  que  ce  fust  aultre  cose. 

Quatr,  réd,  —  Ensi  comme  il  fu  ordonné,  fu-il  fait,  et  sou- 
pèrent  li  pluisseur  en  grant  haste  et  dormirent  un  petit ,  et  li 
auqun  n'eurent  nul  loisir  de  dormir,  car  en  esté  ou  mois  de  juille, 
les  nuits  sont  moult  courtes.  Devant  mie-nuit,  un  petit,  on 
sonna  les  trompettes;  au  second  son,  on  fu  tous  près  ;  au  tierch 
son,  on  monta  à  clieval  et  sievi-on  les  banières  des  mares- 
chaus,  et  demorèrent  chars,  charrettes  et  sommiers  et  tous 
vitailliers  derrière,  et  ne  prist  casquns  que  un  pain  ensi  que 
ordonné  estoit,  et  se  hastèrent  grandement  celle  journée  de 
venir  à  ce  passage  pour  as  Escocois  tolir  Tavantage  de  la 
rivière.  Et  chevaucièrent  en  haste  despersement  par  mon- 
tagnes, par  bruières  et  par  vallées  et  par  roquailles  malaisies, 
sans  point  de  plain  comin,  et  par  desus  ces  montagnes  ;  et  ou 
fons  de  ces  vallées  estoiont  croliôres  et  grans  mares  et  si  divers 
passages  que  mervelles  estoit  comment  nuls  en  pooit  issir,  cap 
chasquns  chevaueoit  toutdis  avant  sans  atendre  signeur,  ne 
c-ompagnon,  et  sachiés  que  qui  fust  encrolés  en  ces  crolières  li 
trouvast  à  grant  malaise  qui  leu  traïst  hors.  Et  s'arançoieni 
chil  derrière  pour  raconsievir  cheuls  devant,  et  quidoient  li 
pluisseur  que  on  cuist  trouvé  les  Escos  pour  la  noise  qui  estent 
devant,  et  la  noise  venoit  des  cerfs,  des  bisses  et  des  dains  que 
li  premier  trouvoient.  Si  huioicnt  après  à  haute  vois,  et  tout- 
dis aloicnt  li  premier  avant  et  sieuvoient  les  banières  des 
marescaus. 


LIS  àMGLÀlS  SUR   LA  TYMU  147 

A  le  œannière  que  je  vous  di,  chevaucha  li  rois  tout  le 
jour  et  touttes  ses  os  parmy  ces  montaignes  et  ces  désiers 
sauvaiges  sans  chemin  tenir»  ne  Yoie,  ne  sentier,  et  sans 
ville  trouver,  ne  maison,  ne  burron,et  chevauçoient  à  l'avis 
du  soleil.  Si  cheminèrent  tout  le  jour  jusques  à  basses 
vespres  que  il  vinrent  sus  celle  rivière  de  Thin  que  li  Escot 
avoîent  passés  et  leur  convenoit  la  rapasser,  che  disoient 
chil  dou  pays,  pour  certain,  car  ailleurs  n'y  avoient  point 
de  gué,  ne  de  passage  fors  que  droit  là,  et  si  estoient  enssi 
fourraené  et  travillié  comme  vous  avés  oy.  Et  quant  il 
furent  là  venu  en  cel  estât  si  lasset  et  si  travailliet,  il 
eurent  consseil  de  passer  ceste  rivière  à  gué  et  le  passèrent 
à  grant  malaise  pour  les  grandes  pierres  et  cailliaus  qui 
dedens  y  sont.  Et  quant  il  furent  passet  oultro,  chascuns 
s'ala  logier  selonc  celle  rivière  de  Thin,  ensi  qu'il  peult 
prendre  terre;  mes  ainchoîs  qu'il  euissent  pris  pièche  de 
terre  pour  logier,  solaux  fu  esconsés,  et  si  y  avoit  là  peu  de 
gens  qui  euissent  happes,  cuignies,  ne  flerremens  pour  cop- 
per  bois  et  faire  logeis,  *  et  si  y  avoient  de  chiaux  qui 
avoient  grandement  perdu  ie  leurs  compaignons  et  ne 
savoient  qu'il  estoient  devenu  *.  Dont,  se  il  en  estoient  à 
malaise,  on  ne  s'en  doit  point  esmervillier,  et  meysmement 
les  gens  de  piet  estoient  derrière  demouret,  et  si  ne  les 
savoit-on  en  quel  lieu  querre,  ne  demander,  de  quoy  li  plus 
joli  estoient  tout  à  malaise,  ne  de  leur  harnas  il  n'ooient 
nulles  nouvelles,  ne  pooient  oir,  car  il  leur  estoit  trop 
loing. 

JSee.  réd.  —  Ensi  chevauça  li  jones  rois  englès  ceh  jour 
et  tous  ses  hos  parmi  ces  montagnes  et  ces  désers,  sans  chemin 

***  Sachîét  qti*il  enreat  perdo  moult  de  leurs  geos  et  de  leurs 
hamoSs  et  par  eepécial  gens  de  piet,  dont  il  ftirent  moult  courrou- 
chi^. 


148  LES  ASiGUJS  SUR  LA   TTIIK. 

tenir,  sans  sentier  et  sans  villes  trouver,  fors  que  par  avis, 
selonch  le  soleil.  Et  quant  ce  vint  à  basses  vespres  que  on  fu 
venu  sus  celle  rivière  de  Thin  que  li  Escot  avoient  passet,  et 
leur  eonveuoit  rapasser,  ce  cuidoicnt  et  disoient  li  Englès, 
il  s^arrestèreat  un  petit  si  travilliet  et  si  fourmenet  que  cascuns 
poet  penser,  et  puis  il  passèrent  le  ditte  rivière  à  gués,  moult 
à  malaise,  pour  les  grandes  pierres  qui  dedens  gisent.  Et  quant 
il  furent  passet,  cascuns  s  ala  logier  selonch  celle  rivière,  ensi 
qu'il  pot  prendixî  terre.  Mais  ançois  qu  il  euissent  pris  pièce  de 
terre  pour  euls  logier,  solaus  commença  à  esconser;  et  si  j 
avoit  petit  de  chiaus  qui  euissent  happes,  ne  cuignies,  ne 
fièremens,  ne  estrumens  pour  logier,  ne  pour  coper  bois.  Et 
si  en  y  avoit  pluiseurs  qui  avoient  perdus  leurs  compagnons  et 
ne  sa  voient  qu'il  estoient  devenu  :  dont  s'il  estoient  mesaisié, 
ce  n'est  point  de  merveille.  Et  mesmement  les  gens  de  piet 
estoient  derrière  demoret,  et  si  ne  savoient  en  quel  lieu,  ne  à 
cui  demander  leur  chemin ,  dont  il  estoient  tout  fourmesaisiet. 
Et  disoient  cil  qui  le  miex  cuidoient  cognoistre  le  pays,  qu'il 
avoient  cheminé  celi  jour  XXVllI  liewes  englesses,  ensi  cou- 
rant com  vous  avés  oj,  sans  arrester,  fors  que  pour  pissier  oa 
son  cheval  recengler. 

Quatr.  réd.  —  Ensi  chevauoa  li  joncs  rois  d'Engleterre  celi 
jour  et  toute  li  Loos  parmi  ces  montagnes  et  vallées,  praieries 
et  bruiéres,  ne  rien  n'i  avoit  espargniet,  et  dura  celle  painne 
et  chevauchie  jusques  à  basses  vespres  en  ces  Ions  jours  d'esté, 
et  toutcjifois  il  vinrent  sus  la  rivière  dou  Thin  et  au  passage 
que  li  Escut,  ce  disoient,  avoient  passet,  et  par  là  les  convenoit 
repasser.  Quaiit  il  furent  là  venu  si  travilliet  et  si  fourmenet 
que  casquns  puct  penser,  il  passèrent  oultre  la  rivière  à  gué 
moult  à  malaise,  et  puis  se  logiêrent  selonch  la  ditte  rivière. 
Et  avant  que  tout  euissent  pris  place  et  terre  pour  euls  logier, 
solaus  esconsa,  et  si  i  avoit  moult  petit  de  ceuls  qui  euissent 
hapes,  quignies,  ne  fièremens  pour  coper  bois  à  euls  logier. 
Et  si  en  i  avoit  piuis«cn**s  «lui  avoient  perdus  lors  oompaignons 


SOUFFRANCES  DES   ANGLAIS.  149 

I 

et  ne  savoient  que  il  estoient  devenu,  et  les  hommes  de  piet 
estoient  derrière  demorés,  et  si  ne  savoient  à  dire  où  il  estoient, 
ne  à  qui  demander  le  cemin.  Et  disoient  chil  qui  le  mieuls  qui- 
doient  congnoistro  le  païs,  que  il  avoient  ce  jour  ceminet  vingt- 
huit  lieues  eriglesces ,  ensi  courant  sans  arester,  fors  que  pour 
pissier  ou  pour  recengler  son  cheVal. 


Enssi  travailliés  hommes  et  chevaux  les  convint  là  gésir 
toutte  le  nuit  sus  celle  rivière  tous  armés,  chacuns  son 
cheval  en  sa  main  tenans  par  le  frain,  car  il  ne  les  savoient 
à  quoy  loyer  par  deffaute  de  jour  et  par  deifaute  de  charoy 
où  11  harnas  estoient  demouret,  et  ossi  auToir  dire,  le  caroy 
il  ne  le  peuissent  nullement  ravoir,  ne  on  ne  le  peuist  là 
avoir  amené  parmy  ces  montaignes,  ne  ces  vallées.  Enssi  ne 
mengièrent  li  ceval  toute  le  nuit,  ne  le  jour  devant,  point 
d'avaine,  ne  de  nulle  autre  fouraige,  dont  il  n'estoient  pas 
bien  aise,  ne  yaux  ossi,  car  il  ne  goustèrent  de  nulle  autre 
viande  le  jour  devant  et  le  nuit  apriès  que  chacun  son  pain 
qu'il  avoient  trousset  ainsi  que  dit  vous  ay,  liquels  pains 
estoit  de  sueurs  de  chevaux  tous  souilliés  et  ordes,  ne  ne 
burent  d'autre  bruvaige  que  de  Taigue  qui  là  couroit,  se  ce 
ne  furent  aucuns  grans  seigneurs  qui  avoient  des  bouteilles 
de  vin  trousées  derrière  yaux.  Si  puet  bien  chacuns  peusser 
que  il  avoient  grant  soif,  et  si  n'eurent  toutte  le  nuit  ne 
feu,  ne  lumière,  et  ne  le  savoient  de  quoy  faire. 

Sec.  réd»  —  Ensi  travilliés  hommes  et  chevaus  leur  convint 
le  nuit  gésir  sour  celle  rivière  tous  armés,  cascuns  sou  cheval  en 
sa  main  par  le  frain  ;  car  il  ne  les  savoit  à  quoi  loyer,  par  def- 
faute de  jour  et  pour  deffaute  de  leur  charoi  qu  il  ne  puissent 
avoir  menet  parmi  tel  pays  que  deviset  vous  ay.  Ensi  ne  men- 
gièrent toute  le  nuit  li  cheval,  ne  le  jour  devant  de  avainne  nulle, 
ne  de  fourage,  et  euls-meismes  ne  goustèrent  tout  le  jour,  ne  le 


ISO  LA    PLUIE 

nuit,  que  cascuns  son  pain  qa*il  avoit  derrière  lui  trovseet,  end 
que  dit  vous  aj,  qui  estoit  de  le  sueur  dou  cheral  tous  soolliés 
et  ordes  ;  ne  il  ne  burent  d*autre  bruvage  que  de  le  rivière  qui 
là  couroit,  formis  aucuns  signeurs  qui  avoient  bouteilles  pleines 
de  Tin,  ce  leur  porta  grant  confort;  et  n*eurent  toute  le  nuit  ne 
feu,  ne  lumière,  et  ne  le  saToient  de  quoi  faire,  horsmis  aucuns 
signeurs  qui  avoient  tortis  aport4^  sus  leurs  sommiers. 

Quatr.  réi.  —  Ensi  travilliés,  hommes  et  cevaus,  les  convint 
là  celle  nuit  jessir  sus  la  rivière  tous  armés,  casquns  son  cheval 
en  sa  main  tenant  par  la  bride  ou  par  la  longue,  car  on  ne  avoit 
de  quoi  les  loyer,  ne  on  ne  sa  voit  à  quoi,  et  tantos  fu  tout  nuis.  Et 
ne  mengièrent  li  ceval  toute  la  nuit,  ne  le  jour  devant  d  avainne, 
ne  de  fourage,  fors  de  lerbe  de  le  prée  en  pasturant,  qui  petit  leur 
dura.  Et  euls-meismes  n  eurent  le  jour,  ne  la  nuit,  aultre  pitance 
que  le  seul  pain  que  il  avoient  troussé  derrière  euls  ou  bouté  en 
lor  sain,  liquels  pains  estoit  tous  souillés  et  mouilliés  de  la  sueur 
des  chevaus  ou  de  lor  sueur  mcismes,  ne  il  ne  burent  d  aultre 
breuvage  que  de  la  rivière  qui  là  couroit.  Il  i  pooit  bien  avoir 
auquns  signeurs  qui  avoient  troussé  des  boutelles  plainnes  de 
vin ,  et  ce  lor  fist  grant  confort.  Et  n'eurent  toute  la  nuit,  ne 
feu,  ne  lumière,  horsmis  auquns  signeurs  qui  avoient  aporté 
tortis  sus  leurs  sommiers. 


Enssi  que  vous  oés  et  à  tel  meschief  passèrent  li  Englès 
et  leurs  routes  celle  nuit  et  sans  hoster  selles  et  sans  désar- 
mer. Et  quant  li  désirés  jours  fu  venus  sour  quoy  il  espé- 
roient  à  avoir  aucun  confort  pour  yaux  et  leurs  chevaux 
aaisier  pour  mengier  ou  pour  logier,  ou  pour  combattre  as 
Escos  *  qu'il  convoitoient  moult  *  pour  le  grand  désir  qu'il 
avoient  de  yssir  de  ceste  raésaise  et  povretet  là  où  il 
estoient,  adont  coummencha  à  pleuvoir  et  pleut  toute  le 

«-•  QtM  il  déti noient  moult  à  titmver. 


GROSSIT  LA  RITIÈRE.  i51 

journée  ^  si  fort  et  si  ouniement  que  ainschois  nonue  passée 
la  rivière  sour  laquelle  il  estoient  logiet,  devint  si  grande 
que  nuls  ne  le  peuist  passer  à  cheval,  ne  autrement,  par 
quoy  nul  del  ost  ne  pooit  aller,  ne  envoyer  veoîr  où  il 
estoient  cheut,  ne  où  il  peuissent  trouver  fourraige,  ne  litière 
pour  leurs  chevaux,  ne  pain,  ne  vin,  ne  autre  cose  pour 
yaux  *  soustenir.  Si  les  convint  junner  tout  le  jour  enssi 
que  le  nuit,  et  les  chevaux  mengièrent  terre  avoecques  le 
wason  ou  bruyères  et  feuilles  d'arbres  ',  et  copper  plançons 
de  bois  à  leurs  espées  et  baselaires  tous  ployans  pour  les 
chevaux  loger  et  verges  pour  faire  *  hutes  ^  et  maisoncelles 
pour  yaux  muchier.  Et  commanda  li  roys  très  le  matinée  et 
ordonna  à  chevauchier  •  à  aucuns  compaignons  qui  par  rai- 
son dévoient  mieux  congnoistre  le  pays.  Si  chevaucièrent 
et  trouvèrent  environ  nonne,  ne  say  trois  ou  quatre  povres 
hommes  del  pays  qui  ouvroient  ens  el  bois.  Si  leur  fu 
demandé  où  il  estoient  cheu,  ne  en  quel  marche,  et  il  disent 
que  il  estoient  à  XIIII  lieuwes  englesces  pries  dou  Noef- 
Castel  sur  Tin  et  à  XI  lieuwes  pries  de  Cardoel  en  Galle, 
et  si  n*avoit  nulle  ville  plus  pries  là  où  on  peuist  rien  trou- 
ver de  vitailles  pour  yaux  aisier,  et  tout  ce  raportèrent  li 
coureur  au  roy  et  as  seigneurs. 

Q^atr.  Hd,  —  Ensi  que  vous  poés  oïr  et  à  tel  mescîef  pas- 
sèrent-il  la  nuit,  sans  ester  les  selles  de  lors  chevaus,  ne  euls 
désarmer.  Et  quant  li  désirés  jours  fu  venus,  ou  quel  il  espé- 
roient  à  avoir  auqun  confort  et  auqune  adrèce  pour  euls  et  pour 
les  cevaus,  adont  commença-il  à  pleuvoir  et  pleut  tout  le  jour 
si  ouniement  et  si  fort  que,  avant  nonnes  passées,  la  rivière 
devint  si  grande  que  nuls  ne  le  peuist  passer.  Si  les  convint 

*  Qui  encore  plus  les  desconfit.  —  *  Aisier  et.  —  '  Et  les  rachines 
que  avoir  on  pooit.—  *■  Hutelettes...  logettes. — •  Pour  trouver  aucune 
atêivtui'e. 


153  LES   ANGLAIS 

jeûner  tout  le  jour  otant  bien  que  la  nuit,  et  les  chevaus  men- 
gier  terre  avoecques  le  wason  ou  bruière  toute  dure  ou  fuelles 
d'arbres  ;  encores  non  avoit  unes  qui  valoit,  et  leur  convenoit 
coper  plançons  de  bois  à  lors  espées  ou  baselaires  tous  ploians, 
pour  lors  chevaus  lojer,  et  verges  pour  faire  hucelettes  pour 
euls  muchier.  Considérés  Testât  d'armes  et  des  poursieutes  à 
gens  de  bien  et  d'onnour  se  il  cstoient  aise,  et  ne  savoient  à 
dire  où  il  estoient.  Environ  heure  de  nonne,  auqun  povre 
homme,  ouvrier  de  carbon  au  bois,  furent  trouvé  des  variés 
qui  estoient  aies  as  verghes  au  bois  pour  euls  logier  ;  il  furent 
amené  devant  les  signeurs  liquel  orent  de  lor  venue  trés-grant 
joie.  Il  lor  fu  demandé  où  il  estoient  :  il  respondirent  que  il 
estoient  à  quatorze  lieues  englesces  pries  dou  Neufchastiel-sur- 
Thin  et  à  onse  lieues  de  Carduel  en  Galles,  et  si  n'avoit  nulle 
ville  plus  priés  de  là,  où  on  peuist  rien  trouver  pour  euls 
aisier. 


Ces  nouvelles  oyes  et  entendues,  li  roys  et  11  seigneur 
envoyèrent  tantost  celle  part  chacuns  son  messaige  sus 
petits  chevaux  et  ses  sommiers  pour  aporter  pourvéanches, 
et  fist-on  savoir  de  par  le  roy  en  le  ville  dou  Noef-CastieU 
que  qui  voroit  gaignier,  si  amenaist  pain,  vin,  avaine  et 
autres  denrées,  on  li  paieroit  tout  secq  et  le  feroit-on  con- 
duire au  sauf-conduit  allant  et  venant  en  Tost.  Encoires  leur 
fist-on  savoir  que  on  ne  se  partiroit  de  là  entour  jusques 
à  tant  que  ou  saroit  de  certain  que  li  Escot  estoient  devenus 
ou  que  on  se  seroit  combatu  à  y  aux.  A  l'endemain  environ 
heure  de  nonne,  revinrent  li  message  et  li  sommier  que  li 
roys  et  li  seigneur  y  avoient  envoyet  et  raportèrent  ce  que 
peurent  de  pourvéanches  pour  yaux  et  leurs  mesnies  : 
grandement  ne  fu-ce  mies.  Et  avoecques  yaulx  vinrent  gens 
pour  gaigner,  qui  amenèrent  sur  petis  cevaux  et  petis  mules 
pain  mal  quit  en  paniers,  povre  vin  en  grans  baris  et  autres 


REÇOIVENT   QUELQUES  VIVRES.  lo3 

denrées  à  vendre,  dont  moult  de  gens  et  grant  partie  de 
Tost  furent  durement  apaîsiés,  et  ensi  de  jour  en  jour  tant 
qu'il  demourèrent  là  environ  VIII  jours  sour  celle  rivière 
entre  ces  montaignes,  en  attendant  chacun  jour  le  sourve- 
nue  des  Escos  qui  ne  savoient  que  li  Englès  estoient  devenu, 
ne  ossi  li  Englès  ne  savoient  riens  d'iaux,  dont  trop  leur 
anoîoit.  Ensi  furent  li  Englès  sus  celle  rivière  entre  ces 
bruyères  trois  jours  et  trois  nuis  sans  pain,  sans  vin,  sans 
chandelles,  sans  avainne  et  sans  fourraige,  ne  aultres  pour- 
vëanches ,  et  apriès  par  l'espasse  de  IIII  jours  qu'il  les  con- 
venoit  acater  ung  pain  mal  quit  VI  estrelins  ou  VII,  qui  ne 
devoit  valloir  *  que  une  obole  estreline  *  et  ung  galon  de  vin 
XXIIII  ou  XXVI  estrelins,  qui  n'en  deuist  valloir  '  que  . 
quattre*.  Encorres  y  avoit-on  si  grant  rage  de  fammine  que 
li  uns  le  toUoit  l'autre  hors  des  mains  des  marchans  dont 
pluiseur  hustin  et  débat  vinrent  des  compaignons  des  ungs 
as  autres.  Encoires  avoecques  tous  ces  meschief  il  ne  cessa 
point  à  plouvoir  toute  celle  sepmainne,  par  quoy  lors  selles, 
peniaux,  caîngles  et  contrecaingles  furent  tous  pouri,  et 
tous  li  cheval  ou  le  plus  grant  partie  quassés  sur  le  dos,  et 
ne  savoient  de  quoy  fîerer  chiaux  qui  defferés  estoient, 
ne  de  quoy  couvrir  fo.^s  de  leurs  tourniquiaux  d'armes.  Et 
ossi  n'avoient-il  là  li  plus  grant  partie  que  viestir,  ne  de 
quoy  yaux  couvrir  pour  pleuve,  ne  pour  froit,  fors  que  de 
leurs  auquetons  et  de  leurs  armeures.  Et  n'avoient  de  quoy 
faire  feu  fors  que  de  verde  laungne  qui  ne  pooit  durer 
encontre  le  pleuve,  ne  de  quoy  alummier  quant  estains 
estoit,  fors  d'une  pierre  et  d'une  pièce  de  fier. 

Quatr.   rid,  —  On   prist  ces  hommes,  on  les  monta  sus 
chevaus  pour  ensengnier  le  chemin,  on  envoia  tantos  et  sans 

*-•  Qa'an  parisis.  —  **  Que  six. 


i54  LES    AKGLAIS 

délai  de  par  le  roi  nonchier  au  Neufchastiel-sus-Thin  que  qui 
voloit  gaigneri  on  Venist  avitallier  roost.  Et  i  furent  de  Toost 
envoyés  plus  de  deux  cens  petis  chevaus  pour  aporter  vivres 
pour  les  mestres,  mais  11  cheval  estoient  si  foullé  et  si  lassé 
que  il  ne  pooient  aler  que  le  pas,  et  fut  tout  nuis  avant  que  il 
venissent  au  Neuf-Chastiel.  Quant  ces  nouvelles  furent  sceues  au 
Neuf-Chastiel,  que  11  rois,  lors  sires,  et  lors  gens  estoient  en  tel 
lieu  et  en  tel  dangier,  toutes  manières  de  gens  si  prissent 
priés  que  de  trousser  vins  et  viandes  et  cervoises,  et  foins  et 
avainnes  pour  les  chevaus,  et  se  missent  tantos  à  voie,  non 
sus  les  chevaus  que  il  avoient  amenés,  mais  sus  autres  qu'il 
prissent  tout  reposés.  Environ  mie-nuit  vinrent  li  premier  en 
Foost,  dont  on  ot  grant  joie ,  car  hommes  et  chevaus  estoient 
si  afamet  que  plus  ne  pooient. 

A  Tendemain  dedens  heure  de  tierce ,  fu  li  hôos  assés 
avitaillie ,  et  quisirent  toute  celle  nuit  li  four,  et  se  hastèrent 
à  faire  dou  pain  :  à  painnes  estoit  la  paste  escaufée  quant  il  le 
tiaioient  hors  dou  four,  et  le  metoient  en  sas  et  en  paniers,  et 
puis  sus  petis  chevaus  il  vinrent  en  Toost.  Tout  estoit  requelliet 
en  bon  gré  et  vendu,  et  furent  chil  de  Toost  grandement  apai- 
siet,  et  flst  li  rois  donner  as  trois  povres  hommes  que  lors  gens 
avoient  trouvé,  dont  il  avoient  eu  celle  adrèche,  vint  livres  à 
Testrèlin.  Et  séjournèrent  là  li  rois  et  toute  li  hoos  sus  la 
l'ivière  de  Thin  huit  jours  tous  entiers,  attendans  que  li  Esco- 
<;ois  retournassent,  mais  il  n'en  avoient,  ne  oïrent  nulles  nou- 
velles. Aussi  li  Escoçois  ne  savoient  riens  des  Englès  et  les 
psquievoient  par  avis  de  pais  che  qu'il  pooient,  et  se  tenoient 
en  la  marche  de  Carduel,  entre  roces  et  montagnes  es  païs 
inhabitable.  Ces  huit  jours  que  les  Englois  séjournèrent  sus 
la  rivière  de  Thin,  attendans  la  revenue  des  Escoçois,  il  tra- 
villièrent  tellement  le  païs  de  pourvéances  et  si  les  quissent 
que  un  pain  d'un  estrelin ,  on  lor  vendoit  sjs.  Encores  le 
toloient-il  l'un  l'aultre.  Vin  tout  bahuté,  le  galon  qui  no  valoit 
en  devant  que  sys  estrelins,  il  l'achatoient  vingt-quatre  estre- 
lins.  Chars  avoient -il  assés,  mais    toutes  aultres  cofies  lor 


REÇOIVeilT    QUELQUES   VITRES.  1ÎM5 

astoient  si  chières  et  si  court  tenues  quMl  n*en  pooient  recou- 
rrer.  Et  encores  ayoecques  tout  ce  meschief,  il  ne  cessoit  point 
de  pleuvoir,  par  quoi  lors  selles,  panneaulx  et  contresenglei 
furent  tout  pouris,  et  tout  ii  cheval  ou  la  plus  grant  partie 
quassé  sus  le  dos,  et  ne  savoient  de  quoi  cheuls  ferrer  qui 
estoient  desferret,  ne  de  quoi  couvrir  fors  que  de  leurs  tourna- 
quiaus  d*armes,  ne  euls-meismes  encontre  la  plueve  il  ne  se 
savoient  comment  deffendre,  et  passoient  bien  souvent,  quant 
il  aloient  et  venoient  pour  quérir  pourvéances  ou  pour  veoir 
Tun  Taultre,  en  la  bourbe  jusques  as  queuvilles.  Et  encores 
avoient  li  Hainnuier  trop  plus  dur  parti  que  li  Englois,  car 
depuis  basses  vespres  il  ne  8*osoisnt  desfouchier,  mais  tenir 
ensamble  et  faire  doubles  gais  toute  nuit  pour  la  doubtance  des 
archiers  de  Lincole,  qui  volontiers  les  eussent  couru  sus  et  fait 
grant  damage,  se  il  ne  doubtassent  le  roi  et  les  signeurs  à  cou- 
rouchier.  Et  n*avoient  de  quoi  faire  feu  fors  que  de  verde  lagne 
qui  ne  voloit  ardoir,  et  n  avoient  ne  pot,  ne  chaudière,  ne  cau- 
dron,  car  tous  lors  charois  estoit  demorés  derrière,  qui  ne  pooit 
venir  par  nul  cemin  jusques  à  euls  pour  la  diverseté  dou  païs, 
et  rotissoient  toutes  lors  cars  et  avoient  trop  grant  défaute  de 
sel  et  ne  savoient  à  quoi  boire  de  Taigue  ou  de  Faultre  breu- 
vage quant  il  en  pooient  avoir,  fors  en  vasselles  que  il  avoient 
fais  des  escorses  des  ormiaus  et  d^aultres  arbres  dou  bois. 


A  tel  meschief,  mésaise  et  povreté  demourèrent  et  furent 
li  Englës  et  leur  routes  entre  ces  montaingnes  et  le  ditte 
rivière  toute  celle  sepraaine  sans  savoir  nulles  nouvelles 
des  Escos  que  cuidoient  (jue  il  duuissent  là  ou  assés  pries 
passer  ou  repasser  pour  retourner  en  leur  pays.  De  quoy 
grant  murrauration  coummencha  entre  les  Englès,  car  aucun 
volloient  ammettre  as  autres  qui  avoient  dounnet  le  conseil 
de  là  venir,  en  tel  point  que  il  Tavoient  fait  pour  trayr  le 
roy  et  toutes  ses  gens,  siques  pour  ce  fii  ordonnet  entre  les 


156  lft'Rlll>RES   Dr.S   ANGLAIS. 

seigneurs  que  on  se  mouveroit  de  là  et  rapasseroit-on  le 
ditte  rivière  VII  lieuwes  par  deseure,  là  où  elle  estoit  plus 
aisieule  à  passer.  Et  fist-on  cryer  que  chacun  s'apareillast 
pour  deslogier  Tendemain  et  siewist  les  bannières,  et 
encores  fu  adont  cryet  de  par  le  roy  que  qui  se  vourroit  tant 
travillier  qu'il  peuist  raporter  certaines  nouvelles  au  roy  là 
où  il  peuist  trouver  les  Escos,  li  premiers  qui  li  raporteroit 
aroit  *  X  livres  de  terre  à  l'estrelin  en  hiretaige  *  et  le  feroit 
li  roys  chevalier. 

Quatr.  réd,  —  A  tel  mescief,  mésaise  et  povreté  demorèrent 
li  Jones  rois  d'Engleterre  et  ses  gens  entre  ces  montagnes,  sus 
la  rivière  dou  Thin,  toute  une  sepmaine,  sans  oïr,  ne  savoir 
nulles  nouvelles  des  Escos,  et  les  atendoient  sus  le  pas  où  il 
quidoient  que  il  deussent  repasser,  mais  li  Escaçois  qui  sont 
soutil  de  guerre,  sceurent  bien  prendre  un  aultre  cemin;  car 
il  congnoissent  otant  bien  toute  le  marce  où  il  estoient,  aloient 
et  venoient,  que  il  font  lor  païs  d'Escoce.  Quant  les  Englois 
veirent  le  dangier  où  il  estoient  (et  ni  avoit  si  fort,  si  jone,  ne 
si  joli  qui  ne  fust  tous  pesans  de  mérancolie),  grande  murmu- 
ration  se  commença  à  eslever  en  Toost,  et  parloient  moult 
diversement  li  pluisseur  Englois  sus  ceuls  qui  donné  avoient 
ce  consel  de  là  venir  le  roi,  et  que  tout  avoit  esté  fait  pour  le 
trahir  et  ses  gens  aussi.  Quant  chil  qui  ce  consel  avoient 
donné,  entendirent  que  li  peuples  parloit  estrangement  sus 
euls,  si  se  doubtèrent  que  rébellion  ne  montast  en  Toost,  et 
aussi  li  rois  dist,  qui  oy  son  peuple  murmurer,  (car  les  plaintes 
en  vinrent  jusques  à  lui),  que  on  euist  aultre  ordenance,  car 
reste  ne  valoit  rien.  Adont  fu  avisé  et  ordonné  que  on  se 
départiroit  de  là  et  cemineroit-on  sept  lieues  plus  hault  viers 
Carduel  au-desus  de  la  rivière,  et  là  le  repasseroient  toutes 
gens  au  large  assés  aisicment.  Si  se  deslogièrent  dou  lieu  où 
il  avoient  esté  huit  jours,  le  bon  matin,  et  sievirent  les  banières 

*••  Cent  livres  de  rente. 


OR   DÊCOtnrRK   L£S  ÉCOSSAIS.  i57 

le  roi,  ensi  que  11  marescal  de  Toost  les  menoient.  Et  fu  adont 
nonchié  et  crjé  de  par  le  roi  que  qui  se  vodroit  tant  avanchier 
et  travillior  que  on  peuist  trouver  les  Escos,  chils  qui  les  pre- 
mières nouvelles  certainnes  en  raporteroit,  li  rois  11  feroit  déli- 
vrer en  deniers  apparilliés  cent  livres  d^estrelins. 


Quant  ces  nouvelles  furent  esparses  et  publiées  parmy 
l'ost,  si  eut  on  grant  joie  pour  le  cause  du  deslogement. 
Adont  se  partirent  del  host  aucun  chevalier  et  escuyer 
englès  jusques  à  XV  *  pour  le  désir  de  gaingnier  celle  prou- 
messe  et  passèrent  le  rivière  en  grant  péril  et  montèrent 
sour  les  montaiugnes  et  puis  si  se  départirent  en  diviers 
lieux,  et  se  mit  chacun  à  l'aventure  par  lui.  L'endemain  tous 
li  os  se  desloga,  et  cevaucièrent  ce  jourassés  bellement,  car 
le  ceval  estoient  foulet  et  mal  livret  et  mal  fieret  et  quoissiet 
es  caingles  et  sus  le  dos,  et  fisent  tant  qu*il  rapassèrent  le 
rivière  à  grant  malaise,  car  elle  estoit  grosse  pour  le  plou- 
vaige  pour  quoy  il  en  y  eut  des  baigniés  et  des  noyés.  Et 
quant  il  furent  rapasset,  il  se  logièrent  là  endroit,  car  il  trou- 
vèrent fourraige  es  prés  et  as  camps  pour  le  nuit  passer 
dallés  une  petite  vilette  que  li  Escot  avoient  ars  à  leur  pas- 
ser. Si  leur  sambla  qu'il  fuissent  cheu  '  à  Londres  ou  à 
Paris  *.  L'endemain  il  se  départirent  de  là  et  chevauchièrent 
par  montaingnes  et  par  vallées  toute  jour  jusques  priés  de 
nonne  que  on  trouva  aucuns  hamelés  ars  et  aucunes  petites 
campagnes  où  il  avoit  bleds  et  prés,  siques  tous  li  os  se  loga 
là  endroit  celle  nuit,  et  le  tierch  jour  chevauchîèrent-il  en 
tel  mannière  et  ne  savoient  là  où  on  les  menoit,  ne  de  cer- 
tain où  il  estoient,  ne  il  n'ooient  nulles  nouvelles  des  Escos, 
et  le  quart  jour  ossi  tout  eu  tel  mannière  jusque  à  heure  de 

'  Ou  seize...  jusqu'à  seize  ou  dix-huit.  —  *>  En  paradis. 


458  O»   DÂCOUYRE 

tierche.  Adont  vint  ungs  escuyers  fortement  et  roidement 
achevauchant  par  deviers  le  roy  et  li  dist  :  «  Sire,  je  vous 

«  apporte  nouvelles.  Li  Escot  sont  à  trois  lieuwes  pries 

«  de  chy  logiés  sus  une  belle  montaigne  et  vous  atendent  là 

«  et  y  ont  bien  estet  ^  VIII  *  jours  et  ne  savoient  nouvelles 

«  de  vous  non  plus  que  vous  ne  saviés  nouvelles  d'iaux.  Che 

«  vousfay-ge  ferme  et  vrai.  Car  je  me  embati  si  pries  d'iaux 

«  que  je  fus  pris  et  mené  en  leur  ost  devant  les  seigneurs 

«  pour  prison:  si  fui  enquis  et  demandés  que  jequéroieouje 

«  aloie  et  ossi  dont  partis  estoit.  Adont  leur  dis-je  nouvelles 

«  de  vous  et  comment  vous  les  quériés  et  le  grant  désir  que 

«  vous  avez  d'iaux  combattre.  Et  tantost  li  seigneur  me 

«  quitèrent  me  prison  quand  je  leur  och  dit  que  vous  don- 

«  ries  cent  livres  de  terre  à  l'estrelin  à  celui  qui  premiers 

«  vous  aporteroit  certainnes  nouvelles  d'iaux,  par  tel  con- 

cc  dition  que  je  leur  juray  et  créantay  que  je  n'aroye  repos 

(c  jusques  adont  que  je  vous  aroye  dit  ces  nouvelles.  Et 

c(  dient  li  Escot,  che  sachiés,  que  ossi  grant  désir  ont-il  de 

«  combattre  à  vous  que  vous  avez  à  yaux,  et  les  trouvères 
ce  là  endroit  sans  fautte.  » 

Quatr,  réd,  —  Adont  se  missent  en  queste  auqun  esquier 
dou  pais,  chil  qui  mieuls  le  congnissoient,  pour  la  convoitise  de 
gaignier  celle  promesse  et  passèrent  la  rivière  en  grant  péril  et 
montèrent  les  montagnes,  et  puis  si  se  départirent  li  uns  çà  et 
li  aultres  là,  et  se  ordonnèrent  à  trouver  les  Escos.  A  Tende- 
main  toute  li  hoos  se  deslogea,  et  cevauchièrent  ce  jour  assés 
bellement,  car  lor  chevaus  estoient  moult  foullé,  et  vinrent  là 
à  Tendroit  où  ordonné  estoient  de  repasser  la  rivière  et  la 
repassèrent  en  grant  péril.  Quant  il  furent  tout  passet,  une 
petite  lieues  en  sus,  il  trouvèrent  un  village  que  li  Escoçois 
avoient  ars  à  lor  passer,  et  une  belle  prée  qui  respondoit  au 

«-«  Six. 


LES  ÉCOMAIS.  159 

dit  Triage  et  à  la  nvière,  et  là  se  logièrent  et  prissent  en  grant 
plaisance  ce  qu'il  trouvèrent,  car  il  lor  fu  avis,  temprement  il 
auroient  nouvelles  des  Escos,  car  il  convenoit  que  il  fuissent 
passet  par  là  et  en  trouvoient  les  traces,  et  se  tinrent  là  celle 
seule  nuit.  A  Tendemain,  il  s  en  départirent  et  cevauchièrent 
par  montagnes  et  par  vallées,  et  trouvèrent  auquns  petis  hame- 
lès  que  les  Escoçois  avoient  ars,  mais  il  ne  veoient  homme,  ne 
femme,  tout  s'en  estoit  fui  et  repus  pour  la  doubtance  d'euls,  et 
trouvèrent  auqunes  petites  campagnes  de  bleds  et  de  prées,  et 
là  se  logièrent  toute  li  hoost.  Et  le  tierch  jour  chevauchièrent 
en  tel  manière,  et  ne  savoient  li  plus  où  on  les  menoit,  et 
n'ooient  nulles  nouvelles  des  Escos.  Considérés  la  grant  painne 
et  diligence  que  il  rendoient  à  trouver  les  maleois  Escoçois,  et 
se  contentoient  mal  li  auqun  de  ce  que  on  les  proumenoit  ensi, 
et  disoient  :  c  Nennil,  nous  travillons  en  vain  :  les  Escos  sont 
€  retrait,  grans  jours  sont  passé,  car  aultrement  se  il  ne  fuissent 
c  enclos  en  terre,  nous  en  euissions  oj  nouvelles.  >  Au  quart 
jour  sus  Teure  de  tierce ,  evous  revenu  trois  esquiers  deviers 
les  marescaus,  qui  les  Escoçois  avoient  trouvés  et  parlé  à  euls. 
Tantos  li  deus  marescaus,  messires  Thomas  Wage  et  messires 
Lois  Haj,  fissent  cesser  loost,  dont  dissent  te  utes  gens  :  f  Nous 
c  avons  nouvelles  :  chil  chevauceant  ont  trouvé  les  Escos.  > 
Messires  Thomas  Wage  amena  ces  esquiers  deviers  le  roi. 
Quant  il  fujrent  venu  jusques  au  roi,  il  li  dissent  :  c  Sire,  cer- 
«  tainement  nous  avons  veu  les  Escos  et  la  place  là  où  il 
c  sont  logi^t  et  aresté,  et  à  ce  que  il  monstrent,  il  vous 
c  atendent,  et  avons  parlé  à  Tun  de  lors  hiraus ,  et  disoit  que 
c  il  vefioit  de  Durâmes  et  vous  quidoit  là  troaver  et  vous 
c  portait  la  bataille,  et  nous  mena  si  avant  sus  son  conduit 
c  que  nous  avons  veu  une  partie  de  lor  convenant^  et  là  vous 
c  menrons,  se  vous  volés.  >  —  c  Oïl,  dist  li  rois ,  nous  ne 
,c  désirons  aultre  cose.  »  —  c  Et  sont-il  lonch  de  chi?  > 
demanda  li  rois.  —  c  Sire,  oil  :  environ  sjs  Ëeues  engiesces.  » 


-■»»        „-if  *    ■-• 


itiO  LES  ANGLAIS 

Tantost  que  li  roys  entendi  ces  nouvelles,  il  flst  tout  Tost 
là  çndroit  arester  en  ung  bled  pour  les  chevaux  paistre  et 
ressengler,  d'encoste  une  blanche  abbaye  qui  estoit  toutte 
arse,  que  on  claminoit  au  temps  le  roy  Artus  le  Blanche 
Lande.  Là  endroit  se  confessa  ^  cascuns  pour  tantost  morir 
ou  vivre  -.  Et  si  fist  le  rois  là  endroit  dire  grand  fuisson  de 
messes  pour  acumenier  chiaux  ^  qui  acumenier  se  vol- 
loient  *,  et  asséna  tantost  bien  et  soufBssamment  à  Tescuyer 
les  C  livrées  de  terre  que  proummis  avoit  et  le  fist  là  endroit 
chevalier  devant  tous.  Apriès,  quant  on  fu  ung  petit  repo- 
set  et  desjunnet,  on  sonna  le  trompette.  Lors  monta  chacuns 
à  cheval,  et  fist-on  les  bannières  chevaucher,  enssi  que  chils 
nouveaux  chevaliers  les  conduisoit,  et  tousdis  chacune 
bataille  par  li,  sans  desroutèr  par  montaingne,  ne  par  vallée, 
mes  toudis  rengies  enssi  que  on  pooit  et  que  ordonné  estoit, 
et  tant  cevaucièrent  en  cel  arroy  que  environ  miedi  il 
vinrent  si  priés  des  Escos  que  il  les  virent  clèrement,  et  li 
Escot  yauxossi. 

Var.  prem.  réd,  —  Le  roy  flst  assigner  le  dit  escuier  de  le 
rente  que  lui  avoit  promise,  et  demanda  à  son  conseil  qu  il  avoit 
à  faire.  Après  le  conseil,  celui  matin,  fist  le  roy  chanter  plui- 
seurs  messes.  Si  se  confessa  et  s'acumenia  et  ceulx  qui  il  leur 
pleut;  et  puis  se  disna  chascun  de  ce  qu'il  peut  avoir,  puis 
sonnan  les  trompettes  et  monta  à  cheval.  Si  fist-on  les  banières 
chevaucier  au  conduit  de  celui  gentilhomme  qui  savoit  le  che- 
min, bien  ordonnéement  comme  pour  attendre  la  bataille.  Si 
chevaucèreut  ensy  jusques  à  midi,  qu'ils  furent  si  aprochiet 
qu'ils  virent  les  Escos,  et  les  Escos  eulx  aussi. 

Q,uatr.  réd,  —  Adont  se  traïssent  li  signeur  en  consel,  et  fu 
conseillé  que  ce  jour  on  entenderoit  à  ses  armeuies  remettre 

»  •  A  son  loyal  pooir.  —  **  Qui  dévotion  en  avoient. 


8B  POETESIT  BN  AVJkMT.  161 

à  pQi#t,  qiM  e^tpi^nt  «ouUi^a,  ot  à  rend^mwi  tout  Ia  paa  on  irait 
cell^  pa,r]U  Si  se  )og9.  touk  U  hoo^  celte  puit  e^  w^  beUe  qMSi- 
pague  de  bleds,  et  fu  li  rois  logiés  en  um  abbéie  que  oa  cl^une  ou 
païs  le  clostre  Saint-Pierre,  et  est  de  blans  monnes,  et  ne  T^voiei^t 
point  ays  li  Escocois  pour  tant  que  Tabbé  estoit  cousins  à  un 
baron  d'Escoce,  le  siçneur  de  Lindesée,  et  estoit  chils  en  celle 
cevauchie.  Encores  fu  demandé  à  ces  trois  esquiers  pourquoi 
li  hiraus  n'estoit  venus  parler  au  roi ,  quant  si  mestre  Tavoient 
envoyet  jusques  à  Durâmes  pour  lî  trouver  et  les  signeurs,  et 
faire  son  message.  Il  respondirent  à  ce  et  dissent  :  c  Nous  li 
c  remonstrâmes  bien  et  le  volions  amener  avoecques  nous, 
•  mais  il  qous  pria  que  nous  vosisions  faire  son  message,  et  se 
f  monstroit  à  estre  dehetiés  :  c  est  la  cause  pour  quoi  il  s'en 
t  retourna  deviers  se3  signeurs.  «  En  celle  abbéie  se  loga  li 
rois  celle  nuit,  et  toute  li  hoost  là  environ,  et  pooit  avoir  quatre 
lieues  eng^esces  de  là  qù  li  Escoçoia  estoient  logiet.  Qaf^i^t  ce 
vint  au  matin,  on  sonna  le  premier  son  des  trompâtes,  do^t 
s'ordonnèrent  et  apparillièrent  toutes  gen^,  et  se  traÏ3sent  U 
signeur  deviers  Tabéie,  et  trouva-on  les  monnes  et  biaucop  de 
prestres ,  tous  revestis  et  apparilliés  pour  dire  messe.  Si  se 
confessèrent  et  aquommunièrent  grant  fuisson  de  ceuls  de 
Foost  et  missent  en  bon  estât  ensi  que  pour  entrer  en  bataille 
et  atendre  Taventure.  Les  messes  dittes,  on  sonna  secondement 
les  trompètes.  Adont  se  desmuèrent  toutes  gens  et  prissent  en 
gré  ce  que  il  avoient.  Au  tierch  son  de  la  trompeté  dou  roi,  on 
fu  tous  près,  on  monta  à  cbeval,  on  se  départi,  et  aloient  M 
trol  esquier,  qui  les  nouvelles  avoient  aporté  des  Escocois, 
devant,  et  xo^poieut  les  banières,  et  tant  chevauchièrent,  e& 
tournait  deu3  monta^neo,  que  il  vinrent  si  priés  des  Es<)0&  V^ 
il  1^  veirefit  tpat  clèr^^ient»  et  |es  E3CO8  eul3. 


Si  tr^stos  qtie  li  Ëscot  perchurent  les  Ëngtes  Venir,  it 
yssirent  de  lors  logeis  tou3  à  piet  et  ordounèrent  trois 
I.  —  raoïMAiT.  11 


163  LBS  ANGLAIS  SB  ftANGEHT 

bonnes  batailles  ^  faiticement  *  sour  le  desyaler  de  le  mon- 
taigne  là  où  il  estoieut  logiet.  Par  desoubs  celle  montaigne 
couroit  une  rivière  forte  et  rade,  plaînne  de  caillaux  et  de 
si  grosses  pierres  que  on  ne  le  peuist  bonnement  oultre- 
passer  en  haste  maugret  yaux,  sans  trop  grant  meschief,  et 
plus  avant  si  li  Englès  euissent  le  rivière  passet,  se  n'y 
avoit  point  de  place  entre  le  rivière  et  le  montaingne  où  li 
Escot  se  tenoient,  où  il  peuissent  avoir  rengiet,  ne  'estendu  * 
leurs  batailles.  Et  si  avoient  li  Escot  leurs  II  premières 
batailles  ordonnées  et  estaublies  sour  II  crouppes  de  roches 
là  où  on  ne  pooit  bonnement  monter,  ni  ramper,  pour  yaux 
^  assaillir,  et  il  pooient  bien  les  Englès  tous  defroissier  et 

i  lapider  de  pierres  se  il  euissent  passet  la  rivière  et  il  les 

f  volsissent  approchier  ^. 

t  Quant  li  seigneur  d'Engleterre  veyrent  le  convenant  et 

l  Fordonnanche  as  Escos ,  il  fisent  toutes  leurs  gens  des- 

cendre à  piet  et  hoster  les  espérons  et  rengier  les  III  batailles 
enssi  que  ordonnées  les  avoient  l'autre  jour.  Là  endroit 
furent  fait  grant  fuisson  de  nouveaux  chevaliers.  Et  quant 
ces  batailles  furent  rengies  et  ordonnées,  messires  Jehans 
de  Haynnau  et  V  des  plus  grands  seigneurs  d'Engleterre 
amenèrent  le  jovène  roy  à  cheval  pardevant  touttes  les 
batailles  pour  les  gens  d'armes  plus  •  resbaudir  '',  *  et  prioit 
moult  *  très-gracieusement  *^  que  chacuns  "  se  penast  de 
bien  faire  "  et  de  garder  se  honneur,  et  faisoit  commander 
sour  le  teste  que  nus  ne  se  mesist  devant  les  bannières  ^',  ^^  ne 
ne  s'esmeust  *^  jusques  à  tant  que  on  le  commanderoit.  Ung 
petit  apriès,  on  commanda  que  les  batailles  alaissent  avant 

y  *••  Franchement.  —  *-*  Ordonnet.  —  •  Et  n'eussent  peu  les  Englès 

I  nullement  retourner.  —  *-^  Donner  ceur.  —  *  Et  aloit  li  dis  rois  tout 

le  pas  à  cheval  devant  euls.  —  •*•  Doucement.  —  **'"  Fust  preudons 
,  «t  loyaux.  —  ^'  Des  mareschaus.  —  *^''*  Ne  se  desrieolast. 


EN  ORDRE  DE  BATAILLE.  163 

par  deyîers  les  annemis  tout  bellement  le  petit  pas.  Enssi 
fn  fait.  Si  alla  bien  chacune  bataille  ainssi  ung  grand  boun- 
nier  de  terre  avant  jusques  au  dévaller  de  la  montaigne,  et 
tout  ce  fu  fait  pour  veoir  se  li  Escochois  ^  se  desrouteroient 
point  *  et  pour  veoir  comment  il  se  maintenroient;  mes  on 
ne  peult  perchevoir  que  il  se  meuwissent  de  riens,  et  si 
estoient  si  pries  de  l'un  Tautre,  que  on  congnissoit  bien  par- 
tie de  lors  armes,  et  ossi  feissent-il  de  celles  des  Englès. 
Adont  les  fist-on  arester  tout  quoy  pour  avoir  aultre  cons- 
seil  et  fîst-on  aucuns  ^  compaignons  monter  sour  courssiers 
pour  escarmuchier  as  Escos  et  pour  aviser  le  passage  del 
.  rivière  et  pour  veoir  leur  convenant  de  plus  pries.  Et 
encores  leur  fissent  li  Englès  à  savoir  par  les  hiraux  de 
leurs  pays  que  s'il  voUoient  passer  la  rivière  et  venir  oultre 
au  plain  pour  combattre,  il  se  retrairoient  arrière  et  leur 
livreroient  assés  bonne  place  pour  leurs  batailles  rengier  et 
ordounner,  et  le  feroient  tantost  ou  l'endemain  ou  matin,  et 
se  ce  ne  leur  plaisoit,  que  il  volsissent  faire  le  cas  pareil.  Et 
quant  li  Escot  oyrent  ce,  il  eurent  consseil  et  *  respondirent 
as  hiraux  d'Engleterre  qu'il  ne  feroient  ne  l'un  ne  l'autre, 
mes  li  roys  et  tout  si  baron  veoient  bien  qu'il  estoient  en 
son  royaumme  et  le  avoient  ars  et  gastet.  S'il  l'en  anoioit, 
si  le  venist  amender,  car  là  demourroient-il  tant  qu'il  leur 
plairoit  *. 

Quant  lî  conssaulx  le  roy  d*Engleterre  oyrent  ce  et 
virent  qu'il  n'en  aroient  autre  cose,  il  fisent  cryer  et  com- 
mander que  chacuns  se  logast  là  endroit  où  il  estoit  sans 
recuUer.  Lors  se  logièrent,  chacuns  au  mieux  qu'il  pot,  et 

*'*  —  Ne  s'avaleroient  point.  -—  ^  Appers.  —  *  Yans  conseilliet. 
tantost.  —  *  Et  86  il  ne  pooient  venir  par-là,  il  alaissent  autour  dea 
montagnes  querre  la  voie. 


164  CRIS  DES  ÉCOSSAIS. 

furent  celle  nuit  moult  à  mësaise  sonr  dure  terre  et  pierrte 
sâuvaiges  et  tondis  armés,  et  encoires  à  grant  meschief 
recouvroient  li  garchon  de  ^  pès  *  et  de  verghes  pour  loyer 
et  attacher  les  chevaux,  et  n'avaient  ne  fouraige,  ne  litière 
pour  yaux  aaisier,  ne  ^  laigne  *  pour  faire  feu;  et  quant  li 
Escot  perchurent  que  li  Englès  estoient  logiés  en  tel  roan- 
niëre,  il  fisent  demourer  aucuns  de  lors  gens  sur  les  places 
là  où  il  avoient  estaublies  leurs  batailles,  puis  se  retraissent 
à  lors  logeis  et  âsent  tantost  tant  de  feux  que  merveilles 
estoit  à  regarder,  et  âsent  entre  mienuit  et  jour  si  grast 
j  bruit  de  corner  de  leurs  grans  cors*  tous  à  une  fie,  de  *  jap- 

per ^  apriès  tous  à  une  voie,  que  il  pooit  sambler  as  Englès 
que  ce  fuissent  tous  li  diaubles  d'enfer  •  qui  là  fuissent  venu 
pour  yaux  estrangler^.  Enssi  et  en  celle  mësaise  furent  li 
Englès  logiet  celle  nuit  qui  fu  le  nuit  Saint-Pierre  à  l'entrée 
d'aoust,  l'an  de  grâce  mil  CCCC.XXVII. 

Var.  frem.  réd.  —  Quant  le  conseil  des  Englès  virent  qu'ils 
ne  se  pooient  aultrement  avanchier,  si  furent  coorechié.  Dont 
flst-on  crier  et  mander  par  les  marissaulx,  qup  chascun  se 
logast  au  mieulx  qu*il  pooit.  Si  le  firent,  et  furent  celle  nuit 
moult  à  mésaise.  Et  quant  les  Escos  virent  qull  se  logoient  si 
près  d  culx,  ils  firent  demourer  partie  de  leur  gent  là  où  ils 
avoient  ordonné  leurs  batailles,  puis  se  retrairent  les  aultres  à 
leur  logis,  et  firent  plenté  de  grans  feus,  tant  que  à  merveilles. 
Et  firent  devant  mie  nuit  si  grant  bruit  de  corner  de  gros 
cornés  et  de  huer  à  plaine  geulle  tout  à  une  fois,  qu'il  sambloit 
que  tous  les  déables  d'enfer  fussent  là  venu.  En  tel  point 
estoient  les  deus  osts,  qui  fu  droit  le  nuyt  Saint-Pierre  entrant 
aoust,  Tan  MCCC.XXVII.  Et  quant  vint  à  Tendemain  que  le  jour 
fu  beaux  et  clers,  pluiseurs  seigneurs  oyrent  messe.  Si  sonnan 

*-•  Pela...  peuls...  pieux.  —  •-*  Basce.  —  *  l^t  d«  buissines.  — 
•-'  Huer.  —  •••  Qui  là  fuissent  entre  eul«. 


B8CÀEII0UGHKS  ENTRE  LES  DEUX  ARMÉES.  i65 

laf  trompes,  et  fu  chascnn  armés  et  les  batailles  ordonnées 
comme  devant.  Et  quant  les  Escos  les  virent  remis  en  tel  estât, 
il  revinrent  aussi  remettre  leurs  batailles  comme  devant.  Ainsi 
demourèrent  les  deux  osts  jusques  après  midi,  que  oncques  les 
Esços  ne  firent  samblant  de  venir  vers  les  Englès  ;  ne  aussi  les 
Englès  ne  les  pooient  aprochier,  fors  à  trop  grant  dommage. 
Adont  pluiseurs  compaignons  bien  montés  passèrent  le  rivière, 
et  les  aucuns  A  piet  ;  si  couroient  escarmuchier  les  uns  aux 
auhres.  S*en  j  eut  de  prins  et  de  mors  et  de  navrés  d'un  costé 
et  d'autre.  Après  midi ,  le  roj  flst  savoir  à  tous  que  on  se 
rstraist  aux  logis,  car  on  ne  Oedsoit  là  riens  fors  perdre.  Dont 
ploiteiirs  forent  lies,  car  ils  estoient  moult  fort  travilliés. 


Quant  ce  vint  à  rendemain  le  jour  Sain^Pierre^  li  solaus 
leva  biaus  et  clers,  et  fu  li  airs  assés  atemprés  et  en  boin 
point.  Si  oïrent  li  seigneur  messe,  et  quant  la  messe  fu  ditte, 
on  flst  chacim  armer  et  les  batailles  rengier  enssi  quo  le 
jour  devant,  et  quant  li  Escot  virent  reugiet  les'  Englès,  il 
se  vinrent  de  recief  ossî  bien  rengier  sus  le  pièce  de  terre 
comme  le  jour  devant,  et  demourèrent  les  II  os  tout  le  jour 
enssi  rengiés  jusques  apriès  midi  que  li  Escot  ne  fisent 
oncques  semblant  de  venir  vers  les  Englës,  et  ossi  li  Englès 
ne  les  pooient  bonnement  approcbier,  sans  trop  grand  mes- 
chief,  ne  aller  assaillir.  Pluiseur  apert  compaignon  del  costet 
d^Bogleterre,  qui  avoient  cevaux  dont  il  se  pooient  aidier, 
passèrent  le  rivière,  et  aucun  à  piet  pour  escarmuchier  à 
yaux.  Et  ossi  s'en  desroutèrent  de  le  partie  as  Escos  aucuns 
qui  couroient  et  racouroient  tout  escarmuchant  li  ungs  as 
aultres  tant  qu*il  j  ot  des  mors,  des  navrés  et  des  prisons 
d'un  les  et  d'aultre.  Enssi  comme  apriès  midi  li  seigneur 
d'En^^eterre  fissent  assavoir  à  tous  que  chacuns  se  retrai- 
sist  i  se  loge,  car  on  estoit  l  pour  noyent,  et  li  pluiseurs  le 


166  LES  ANGLAIS 

lisent  vollentiers,  car  il  estoient  lasset  et  travilliet  et 
anoyeux  de  ce  qu'il  ne  pooient  riens  faire. 

Quatr.  réd.  —  Quant  ce  vint  à  Fendemain,  li  signeur  oi'rent 
messe  ;  la  messe  ditte,  on  fist  casqun  armer,  et  les  batailles 
rengier,  ensi  que  le  jour  devant.  Quant  li  Escoçois  perchurent 
Tordenance  des  Englois,  il  s'en  vinrent  parellement  tout  rengiet 
et  en  bataille  Tun  devant  Tautre  tout  ce  jour  jusques  apriès 
nonne  que  onques  les  Escoçois  ne  fissent  samblant  de  venir 
sus  les  Englois,  ne  les  Englois  sus  euls,  car  il  ne  les  pooient 
bonnement  aprochier  sans  trop  grant  meschief.  Et  avint  que 
pluisseurs  compagnons  englois,  liquel  avoient  chevaus,  dont  il 
se  pooient  aidier,  passèrent  la  rivière,  et  li  auqun  à  piet  pour 
escarmuchier  à  euls,  et  aussi  se  desroutèrent  auquns  Escoçois 
qui  couroient  et  recouroient  tout  escarmuchant  li  un  à  Taultre, 
tant  que  il  i  eut  des  mors,  des  blesciés  et  des  pris,  des  uns  et  des 
aultres.  Sus  celle  heure,  li  signeur  d'Engleterre  fissent  à  savoir 
que  casquns  se  retraisist  as  logeis,  car  bien  veoient  que  il 
estoient  là  pour  noient.  Si  se  retraïst  casquns  à  son  logier. 


Enssi  demeurèrent  li  Englès  là  par  trois  jours  et  li  Escot 
d'autre  part  sour  lor  montaingiie  sans  départir.  Toutesfois, 
le  jour  y  avoit  grans  escarmuches  d'une  part  et  d'autre  et 
souvent  des  mors  et  des  pris,  et  toutes  les  viesprées  à  le 
nuit  li  Escot  faisoient  par  coustume  si  grans  feux  et  tant  et 
si  grant  bruit  de  jupper  et  de  corner  tout  à  une  voie  qu'il 
sambloit  proprement  as  Englès  que  cefuist  ungs  drois  enÊers 
et  que  tout  li  diauble  fussent  là  assamblé,  par  droit  avis. 
Li  intention  des  seigneurs  d'Engleterre  estoit  de  tenir  ces 
Escos  là  endroit  comme  asségiés,  puisqu'il  ne  se  pooient 
bonnement  à  yaux  combattre,  et  les  cuidoient  bien  affammer 
en  leur  pais,  car  nul  pourvéanche  ne  leur  pooit  venir;  et  si 
ne  se  pooit  de  là  partir  enssi  qu'il  cuidoient  pour  raller  en 


BU  raÉSERCB  DES  ÉCOSSAIS.  167 

leur  pays,  et  si  savoient  bien  li  Englës  par  les  prisons  qui 
pris  estoient,  que  li  Escot  n*avoit  nulle  pourvëanche  de 
pain, ne  de  vin,  ne  de  sel.  Desbestes  avoient-il  à  grant  fuis- 
son  qu'il  avoîènt  prises  ou  pays.  Si  en  pooient  mengier  *  en 
seuwe  *  et  en  rost  à  lor  plaisir  sans  pain  et  sans  sel  à  quoy 
il  n*acontoient  nient  graroment  mes  qu*il  euissent  ung  peu 
de  farine  à  le  fois  dont  il  usent  ainssi  que  dit  vous  ay  par 
deseure,  et  ossi  en  usent  bien  aucun  Englès,  ^  quant  il 
besoingne  ^. 

QiuUr.  réd.  —  En  tel  estât  furent-il  par  trois  jours,  et  li 
Escos  d  aultre  part  sus  leur  montagne,  sans  départir,  et  tous 
las  jour  i  avoit  hommes  escarmuchans  de  une  part  et  d'aultre, 
et  souvent  des  mors  et  des  pris.  Et  toutes  les  viesprées ,  les 
Escos  faisoient  par  costume  si  grans  feus  et  tant  et  si  grant 
bruit  de  juper  et  de  corner  que  ce  pooit  estre  une  mervelle  ; 
mais  li  Englois  qui  congnoissent  lor  manière,  n  en  font  compte 
et  bien  dient  :  c  Olà!  les  diables  qui  se  resvellent,  qui  nous 
•  quident  esfréer  et  eshider  par  lor  juperie.  •  Li  intension 
des  signeurs  d'Engleterre  estoit  que  de  tenir  ces  Escos  là 
endroit  pour  asségiés  puisque  il  ne  se  pooient  bonnement  à 
euls  combatro  et  les  quidoient  bien  affamer,  car  nulles  pour- 
viances  ne  lor  pooient  venir,  et  si  ne  se  pooitnt  de  là  partir, 
ensi  que  il  quidoient,  pour  râler  en  lor  pals  fors  «iue  par  lor 
dangier.  Et  si  savoient  bien  li  Englois,  par  les  prisonniers  qui 
pris  estoient,  que  les  Escos  n*avoient  nulles  pourvéances  do  vin, 
de  pain,  ne  de  sel.  Des  bestes  avoient-il  assés,  si  en  pooient 
mengier  en  sève  et  en  rost,  sans  pain  et  sans  se!,  à  laquelle 
cote,  quant  il  lor  touche,  il  n*acomptent  point  granment,  mais 
que  il  aient  de  la  farine  et  une  plate  pierre  à  faire  des  oublios, 
et  aussi  ne  font  auquns  Englois,  ne  Gallois  :  il  sont  tout  de 
une  painne  et  de  une  matère  et  condition. 

*'*  Ed  pot.  —  ***  Quant  il  sont  «a  laon  eh«Tanehies  et  U  leur 


168  LES  icOSSÀlS  OCCUPENT  UNE  AUTRE  POSITION. 

Au  quart  jour  au  matin,  li  Euglès  fesgardèrent  viers  te 
montaîgne  où  li  Escot  se  estoient  tenu,  mes  adoût  il  n'y 
virent  nului  \  car  il  s'en  estoient  parti  à  le  mienuit.  Si  en 
eurent  li  seigneur  grant  merveille  et  ne  pooient  apensser 
qu'il  estoient  devenu.  Si^  envoyèrent  tantost  gens  à  cheval 
et  à  piet  par  les  montaignes,  liquel  les  trouvèrent  enfour 
l'eure  de  primme  logiës  sour  une  autre  montaigne  plus  forte 
que  celle  devant  n'estoit,  sus  celle  rivière  meysme,  et 
estoient  logiet  en  ung  bois  *  pour  estre  plus  repus  *  et  pour 
plus  secrètement  aller  et  venir  quant  il  voroient.  Et  *  sitost 
que  li  roys  oy  ces  nouvelles  ^,  on  fist  Tost  deslogiér  et  Venir 

•  tout  droit  '  celle  part  vers  îeâ  Escos  et  se  logièrent  sus  une 
autre  montaigne  à  l'encontre  d'iaux  *.  Et  si  trèstos  que  li 
Èscôt  virent  venir  les  Englès,  il  yssirent  hors  de  lors  logeîs 
et  s'en  vinrent  *  rengîer  faiticement^*  assés  priés  de  le  rivière 
contre  les  Englès,  mes  oncques  ne  vorrent  "  venir  "  vers 
yaux,  et  li  Englès  ne  pooient  nullement  aller  à  yaux  qu'il 
ne  fuissent  tous  perdus  ou  mors  ou  pris  à  grant  meschief. 

"  En  tel  manière  comme  vous  oës,  estoit  de  céste  ave- 
nue ".  Li  Englès  estoient  logîës  de  une  part  de  le  rivière  et  li 
Escot  d'aultré,  et  demorèrent  en  tel  estât  ^*  XVIII  "jours 

*  Dont  il  furent  moult  durôm^nt  esbabi.  —  •-'  Pour  plus  estre  à 
repos.  —  *-*  Sitost  qu'il  furent  trouvet.  —  *'  Tout  ordonnëement.  — 

*  Et  fist-on  les  batailles  rengier  et  faire  samblant  que  dealer  vers  yaus. 
••*•  Mettre  en  bel  arroy.  —  ""  Descendre,  ne  venir —  "  •*  En  tele 
manière  estoient  li  uns  d'une  part  de  la  rivière  et  li  aultre  d'aultre, 
en  grant  painne  et  en  grant  povretë  et  famine...  Si  vous  di  bien  pour 
Tëritë,  li  une  host  et  li  aultre  en  ces  sëjours  eurent  moult  de  mësaises 
de  faim  et  de  soif.  On  se  puet  et  doit  esmervillier  seloncb  le  povre 
pais  où  li  Englès  estoient ,  comment  il  purent  ce  dangier  porter  et 
endurer,  mais  le  grant  plaisance  que  il  avoient  as  armes ,  les  faisoit 
68^  Mnsi.  ^  "  «•  VIII. 


MOVYKLLBS  ESCARMOUCHEI^.  169 

et  XVni  tiùîs  sus  celle  seconde  môiiitaighe  ôt  torts  ïès  jours 
rêftgrës  Tub  cotître  l'autre.  Si  y  eult  pluiseurs  escarftiôuchéà 
èïi  le  rivière  et  sus  le  rivaîge  d'aucuns  archîers  et  lëgîers 
cottipaigtions  qui  s'aventuroient,  et  par  pluiseurs  fois,  ce 
tîerme  durant,  li  Englès  envoyèrent  leurs  hîraux,  et  priés 
tous  les  jours*  parlementer  as  Escos  que  il  volsissent  livrer  * 
pièce  de  terre  deviers  yaux  ou  il  le  livreroient,  tant  que 
eombatu  se  fuissent,  mes  oncques  li  Escot  ne  s'i  Torrent 
acorder,  ne  prendre  parchon  que  li  Englès  leur  offresissent, 
de  quoy  lî  roys  et  li  seigneur  d'Engletérre  estoi^t  tout 
courchiet,  et  si  ne  le  pooient  amender  que  ce  ne  foist  trop 
i  leur  grant  dammaige.  Si  n'eurent  oncques  li  Escot,  tout 
ce  temps  que  je  vous  compte,  pain,  ne  vin,  lie  isel,  ne  qùlr 
tanet,  ne  conrëe  pour  faire  estiviaulx,  ne  solefs,  aîns  fàî- 
soient  solers  de  quir  tout  crus  atout  le  poil  ;  et  li  Englès  de 
l'autre  part  n'estoient  raie  trop  à  aise,  car  il  ne  avoient  de 
quoy  yaux  logier,  ne  de  quoy  couvrir,  ne  où  aller  fourrager 
fors  en  bruyères.  Si  puet  chacuns  savoir  que  il  avoient 
grant  faute  et  grant  mésaise  de  leurs  tentes  et  de  leur 
caroy,  de  leurs  coses  et  de  leurs  hostels  qu'il  avoient  en 
devant  fès,  ordonnés  et  achatés  pour  yaux  servir  et  aaisier, 
et  si  les  avoient  en  ung  bois  laissiet  sans  garde  etne  savoient 
où  c'estoit,  ne  il  n'y  pooient  venir,  ne  envoyer.  Enssi  en 
celle  cache  et  poursuitte  des  Escos  furent  li  Englès  ung 
mois  tout  plain  à  tel  meschief  et  à  tel  mésaise  que  vous  avez 
oy,  que  touttes  leurs  pourvéanches  leur  estoient  faillies  à 
leur  plus  grand  besoing,  et  comment  que  pourvéanche  leur 
venist  à  vendre  tous  les  jours  de  plusieurs  costés,  si  n'eu- 
rent-il  oncques  si  bon  marchiet  que  uns  pains  mal  quis  et  de 
mauvais  bled  ne  leur  coutast  trois  estrelins  englès,  qui  ne 

«  Tret^er  «t.  —  •  Place  et. 


170         ATTAQUE  DE  GUILLAUME  DE  DOUGLAS. 

âeuistvalloirque  ung  denier  parisis  à  le  ville,  etung  gallon 
de  povre  vin  escauifet  VII  estrelins,  qui  ne  valloit  au  tonnel 
que  III.  Enssi  vivoieut-il  à  dur  et  en  grand  meschief  et 
livroient  leurs  gardions  par  portion  bien  e«carsement,  car 
encoires  avoient-il  paour  de  plus  grant  fammine  et  que 
argent  ne  leur  fausist  par  trop  longue  demorée. 

Var.  prem.  rii.  —  Si  y  demourèrent  Fespasse  de  XVIII 
jours.  Et  moult  de  fois  les  Englès  envoleront  par  leurs  héraulx 
requerre  aux  Escos  que  paisiblement  il  passaissent  la  rivière 
ou  il  le  peuisscnt  passer  adân  qu'ils  eussent  plache  pour 
combatre.  Mais  oncques  les  Escos  ne  s'i  vaurent  acorder,  ne 
prendre  le  parchon  ;  et  si  vivoient  en  tel  povreté  qu'il  n'est 
homme  qui  n^en  deuist  avoir  pitié  ;  et  pareillement  les  Englès, 
nonobstant  que  un  pau  euissent-il  mieulx  que  les  Escos. 

Or  dist  li  comptes  que  le  première  nuit  que  li  Englès 
furent  logiés  sour  celle  seconde  montaingne,  messires  Guil- 
laumes  de  Douglas/ qui  estoit  moult  preux,  hardis  et  entre- 
predans  *,  prist  environ  le  mienuit  '  CC  *  armures  de  fer  et 
passa  celle  rivière  bien  loing  au  dessus  de  Thost  as  Englès, 
par  quoy  on  ne  s'en  perchuist,  et  se  féry  en  Tost  des  Englès 
moult  vassamment  en  criant  :  «  Douglas  !  Douglas  !  »  et 
disant  :  «  Vous  y  morez  tous  entre  vous,  '^  Engiès  *,  »  et  en 
tua  adont  ^,  il  et  se  compaignie,  plus  de  CGC  et  féri  des 
espérons  jusques  devant  le  propre  tente  du  roy,  tondis 
criant  et  huant  :  c  Douglas  !  Douglas!  •  et  coppa  II  ou  III 
des  cordes  de  le  tente  del  roy,  puis  s'en  parti  à  tant.  Bien 
puet  estre  qu'il  perdi  aucuns  de  ses  gens  à  se  retraire, 
mes  che  ne  fu  mies  gramment  •. 

*■*  Le  Taillant  guerroier.  —  •■*  CGC—  ■*•  Signeur  laron...  seigneun 
et  barons.  —  "^  Ains  qu'ils  cessassent.  »  *  Et  là  fist  un  fait  d'armet, 
grant  et  honnourable...  et  retourna  arrière  devers  ses  compagnons  en 
le  montagne. 


ALARMES  DES  ANGLAIS.  t71 

Quatr.  réd.  —  La  première  nuit  que  li  Englois  furent  logiet 
BUS  celle  seconde  montagne  à  rencontre  des  Escos,  messires 
Guillaumes  de  Douglas,  comme  preus  et  entreprendans  cheva- 
valiers  quil  fu,  issi  de  lor  hoost  environ  Teure  de  mienuit, 
atout  deus  cens  armeures  de  fier  en  sa  compagnie,  et  passa 
celle  rivière  bien  lonch  de  lor  hoost,  par  quoi  on  ne  s'en 
peuist  apercevoir,  et  se  féri  moult  vassaument  en  Toost  des 
Englois  en  criant  :  t  Glas  !  Glas  !  »  et  commenchièrent  ils  et 
si  compagnon  à  faire  une  grande  envai'e  et  à  coper  et  meha- 
gûîer  gens  et  à  abatre,  (car  ce  fu  sus  le  point  dou  premier 
somme),  et  portèrent  grant  damage  à  Foost,  avant  que  on 
puist  estre  fors  pour  euls  rebouter,  et  furent  si  priés  de  la 
tente  dou  roi  que  il  copèrent  des  cordes  de  sa  tente,  et  puis  se 
retraïst  sagement  et  à  petit  de  damage. 

En  tel  manière  que  je  vous  ay  compté,  demorèrent  li 
Englès  XXII  jours  sus  ces  II  montaingnes  devant  les  Escos, 
tondis  escarmuchant  qui  escarmuchier  voUoit  et  prièsque 
tous  les  jours,  rengiés  les  ungs  contre  les  autres  une  fois 
ou  II  ;  et  moult  souvent  quant  on  estoit  retrais  et  désarmés, 
recrioit-on  :  «  As  armes  !  Li  Escot  sont  passet.  »  Si  les 
convenoit  armer  de  rekief  et  puis  trouvoit-on  que  c'estoit 
bourde.  En  apriès  il  convenoit  guetter  touttes  les  nuis  par 
connestablies  sus  les  chans  en  III  lieux  et  à  III  costés  de 
rhost,  apriès  ce  que  messires  Guillaumes  de  Douglas  eut  fait 
ceste  envaye  que  vous  avés  oy  ;  et  commandoit-on  bien  et  à 
cascun  gart  CC  armeures  de  fier,  car  cascun  jour  don- 
noit-on  à  entendre  à  ces  seigneurs  d'Engleterre  que  li  Escot 
estoient  tout  ordonnet  de  venir  par  nuit  courre  sour  yaux, 
caf  il  ne  se  pooient  plus  enssi  tenir,  ne  endurer  telle  fam- 
mine.  Ces  nouvelles  faisaient  plus  ententievement  guaitier 
les  Englès  que  nulle  autre  cose,  et  estoient  de  ces  ghais 
travilliés  avoecques  le  mésaise  et  le  povreté  qu*il  enduroient» 


172  ALARXSS  DBS  AII6LAIS. 

de  qnoj  li  Haynnier  et  chil  qui  estoient  là  ayoeeqnat  mmi- 
seigneur  Jehan  de  Hajnnaa,  estaient  là  en  ung  dnr  partie 
car  il  lenr  convenoit  faire  II  gnais,  Ton  avoecq  les  -sel* 
gneurs  d*Engleterre  par  Tordonnanche  des  marescbanz»  et 
Tautre  pour  les  arcbiers  d*Engleterre  qui  plus  les  hëoient 
que  il  ne  fesissent  les  Escos,  et  bien  leur  disoient  et  leur 
reprouvoient  souvent  le  fiëre  et  dure  bataille  qu*il  leur 
avoient  fet  à  Ewruich,  enssi  que  vous  avës  oy^  et  souvent 
les  appeloient  mourdreours.  Enssi  estoient-il  toudis  par  jour 
et  par  nuit  en  trop  grandes  paours,  en  paour  des  Escos  qui 
si  pries  leur  estoient,  en  paour  des  archiers  englèa  qvi 
entre  jaux  se  logoient,  et  en  paour  de  plus  grant  ûmumne 
et  grant  mésaise  avoir  par  trop  longe  demourëe. 

Var.  prem.  rii.  —  Après  ce  que  messire  Guillamme  de 
Douglas  eut  fait  celle  envaie,  furent  Englès  plus  en  doubto 
que  devant.  Si  fu  ordonné  que  on  feroit  trois  gués  de  nuit  sur 
trois  lés  de  Fost,  et  en  chascun  CC  armures  de  fer;  car,  p«r 
aucuns  prisonniers  des  Escos,  ou  savoit  assés  qu'il  ne  pooieBl 
longuement  endurer  celle  paine  ;  et  de  tant  estoit-il  mieiilx 
besoing  de  soj  garder  d*eulx.  Sachiés  que  à  ces  guàs  fiiiN 
pstoient  durement  travillict  les  Hajnnulers  ;  car  il  leur  ocmh 
venoit  faire  le  guet  contre  les  Escos,  et  se  les  convenoit  gaitier 
pour  les  archiers,  qui  plus  les  hrjoient  qu*il  ne  faisoient  las 
Escos,  et  bien  pensoient  d  oulx  vengier  de  ce  qui  leur  fu  ûdt  à 
Ewruich  ;  et  ce  tenoit  les  Hajnnuiers  en  doubte. 

Sec.  rid.  —  Depuis  n'i  eut  riens  fait;  mais  toutes  les  nuis 
li  Englès  faisoient  grans  gués  et  fors,  qui  se  doubtoient  dou 
resvillement  des  Escos  ;  et  avoient  mis  gardes  et  escoutes  en 
certains  licus,  par  quoj,  se  cil  sentissent,  ne  oissent  riens,  il  k 
segneflassent  en  Tost  ;  et  gisoient  prièsqne  tout  li  signenr  «n 
leurs  armeurcs.  En  cel  estât  furent-il  XXII  Jours  tos  ose 
U  mentagnes  li  ans  devant  Tantre.  Et  tous  les  joun  y  aveit  dss 


RBTEAITB  UM  iCOfi&AIS.  |75 

Mcamraoet,  «t  ascanmioait  qui  MoarmucUeF  voloit  :  «i  «a  y 
aroit  aoavent  de«  mon,  des^pm,  des  navrés,  des  hléehiés  et  des 
aésaisiés  des  ans  et  des  aultres. 

QiuUr.  rii.  —  Celle  envare  âst  li  chevaliers,  dont  il  acqaist 
tant  grant  renomée  des  Englès  meismement.  Et  pour  la  doub- 
tance  de  lui  et  que  tels  escarmuces  ne  lor  sourdesissent,  li 
Englès  renforchièrent  lors  gais  et  missent  grant  gardes  et 
escoutes,  autour  de  lor  hoost,  afin  que  de  nuit  il  ne  fuissent 
•ouspris.  En  cel  estât  furent-il  rint-deuz  jours  sus  ces  deus 
montagnes,  li  un  devant  Taultre,  et  tous  les  jours  i  avpit  des 
eecarmuoes,  et  des  mors,  des  pria  et  des  hledés. 


*  Le  XVIII"*  jour  "fti  pris  à  Tescarmuchier  uns  chevaliers 
escos  qui  moult  euvis  volloit  dire  as  seigneurs  d*EngIeterre 
le  convenant  des  leurs,  et  touttefois  tant  fu-il  enquis  et  exa- 
minés qu'il  s'en  descouvri  ung  petit,  car  on  li  eut  en  convent 
i  faire  douche  raenchon.  Si  dist  ainssi  que  leur  *  souverain  ^ 
avoient  entre  yaux  acordé  le  matin  que  chacuns  fliist  armés 
au  viespre  et  que  chacuns  sieuwist  le  bannière  monseigneur 
Goillaume  de  Douglas  quel  part  qu'il  voroit  aller,  et  que 
oharuBs  le  tenist  en  secret;  mes  li  chevalier  ne  savoit  de 
eartain  qu'il  avoit  enpensset.  Et  quant  li  seigneur  d*Engle- 
tmre  eurent  che  07,  si  se  conseilliirent  entre  jaux  ung 
gnmt  temps  et  ne  savoittit  bonnement  que  ymaginer  sus 
ceste  cose,  et  regardèrent  que  seloncq  eee  parollea  li  Escot 
poroient  bien  venir  de  nuit  brisier  et  assaillir  leur  est  i 
II  costés  pour  yaux  mettre  en  aventure  de  vivre  ou  de 
morir,  car  plus  ne  pooient  endurer  leur  famine.  Si  ordon- 
nèrent li  seigneur  entre  yaux  que  leurs  III  batailles  fuis- 
sent rengies  *  en  III  lieux  *  devant  leurs  logeis,  et  que  on 

*'*  L«  daarrain  joor  des  XXII.  —  *-^  L«s  capitaiiies  dès  Bscos — 
•^  Ea  III  pièces  de  terre. 


474 


RETRAITE 


fesist  grans  feux  enmy  chacune  place ,  par  quoy  on  veist 
plus  cler  li  ungs  l'autre  par  nuit,  et  que  toutte  le  nuit  cha- 
cuns  gésîst  armés  en  ces  trois  places  pour  atendre  l'aven- 
ture de  Dieu  et  pour  y  estre  trouvés  plus  enssamble,  et  que 
tout  garchon  demouraissent  as  logis  pour  garder  les  che- 
vaux. Tout  enssi  comme  il  fu  ordonnet,  enssi  fu  fet,  et  jurent 
toute  celle  nuit  chacuns  tous  sus  armes  en  le  place  devant 
le  feu  ^  et  desoubs  les  bannières,  le  teste  sour  le  cul  ou 
sour  les  jambes  de  son  compaignon  *.  Quant  che  vint  sour 
le  point  de]  jour,  II  trompeurs  d'Escoce  s'enbatiront  sour 
l'un  des  gais  qui  guettoient  as  chans  ;  si  furent  pris  et 
amenés  deviers  les  seigneurs  et  le  consseil  del  roy,  et  disent 
li  trompeur  :  «  Seigneurs,  que  guettiés-vous  chy?  ^  Vous 
a  atendés  chy  endroit  pour  noyent  ^,  car  ^  soyés  tout  cer- 
«  tain  que  li  Escot  en  sont  tous  rallés  très-devant  le  mie- 
«  nuit,  et  sont  jà  IIII  ou  V  lieuwes  loing  et  nos  enmenè- 
«  rent  avoecq  yaus  bien  une  lieue  loing  pour  doubtanche 
«  que  nous  ne  le  vous  nonchissiens  *,  et  puis  nous  donnèrent 
«  congiet  de  le  vous  venir  dire.  » 

Quatr.  réd.  —  Le  darrain  jour  des  vint-deus,  fu  pris  uns 
chevaliers  des  Escos  à  Tescarmuce,  qui  moult  envis  voloit  dire 
as  signeurs  d'Engleterre  le  convenant  des  leurs.  Se  fu-il  tant 
enquis  et  examinés  que  il  dist  que  lors  chapitainnes  avoient 
entre  euls  acordé  le  matin  que  casquns  fust  armés  au  vespre, 
et  que  casquns  sievist  la  bannière  messire  Guillaume  Douglas, 
quel  part  que  il  vodroit  aler,  et  que  casquns  le  tenist  en  secré, 

*-*  Cascuns  desoubs  se  banière  ou  sen  penonciel,  sicom  il  estoit 
ordonnet  pour  attendre  l'aventure,  car  il  espéroient  as&és  bien,  selonch 
les  parolles  dou  chevalier,  que  li  Escot  les  resvilleroient ,  mes  il  n'en 
avoient  nul  talent,  acçois  fisent  par  aultie  ordenance  bien  et  sage- 
ment. —  ''^  Vous  perdes  le  temps.  —  '  Sur  l'abandon  de  nos  testes. 
•  Trop  tost. 


DES  ÉCOSSAIS.  175 

mais  11  cheyaliers  ne  pooit  savoir  quel  part  la  banière  Toloit 
aler.  Sus  ceste  parole,  li  signeur  d'Engleterre  se  consilliërent 
ensamble  et  ne  pooient  penser  où  ceste  banière  se  vodroit 
traire,  et  faisoient  doubte  que  il  ne  les  venissent  escarmuchier 
par  nuit  et  brissier  lor  hoost  sus  deus  costés,  pour  euls  mieuls 
mettre  en  aventure  de  vivre  ou  de  morir,  car  il  avoient  entre 
euls  grant  famine.  Si  ordonnèrent  li  Englès  entre  euls  trois 
batailles  et  se  rengicrent  sus*"  trois  lieus  devant  leur  logeis  et 
fissent  grant  fuisson  de  feus  pour  veoir  plus  cler  autour  de 
euls,  et  fissent  demorer  tous  les  garçons  en  lors  logeis  pour 
garder  les  chevaus  et  se  tinrent  ensi  celle  nuit  tout  armet, 
casquns  desous  sa  banière  ou  son  pennon,  et  proprement  li  rois 
i  estoit,  et  le  convint  veillier  aussi  bien  comme  les  aultres,  et 
attendirent  les  Escoçois  en  cel  estât,  qui  point  ne  vinrent,  mais 
se  ordonnèrent  autrement  bien  et  sagement,  car  si  tos  que  la 
nuis  fu  venue,  il  furent  tout  prest  et  se  départirent  sans  faire 
noise,  ne  cri,  et  furent  moult  eslongié  avant  que  il  fust  jours. 
Quant  ce  vint  sus  le  point  dou  jour,  doi  trompeur  d^Escoce 
qui  trop  avoient  dormi,  s^embatirent  sus  un  guet  qui  guetoit 
les  camps  et  estoit  là  establis  à  manière  d^escoute.  Li  trompeur 
furent  pris  de  ceuls  et  amenet  devant  les  signeurs  dou  consel 
dou  roi,  pour  tant  que  il  estoient  Escot.  On  lor  demanda  où  il 
aloient  et  quel  cose  il  quéroient.  Il  congneurent  vérité  et  dissent 
que  lors  gens  estoient  parti  tantos  sus  la  vesprée  et  s'en  aloient 
férant  à  Tesperon  arrière  en  Escoce. 


Quant  li  seigneur  entendirent  chou  \  il  eurent  consseil  et 
Tirent  qu*il  estoient  décheu  en  lor  quidier,  et  disent  que  li 
chachiers  apriès  les  Escos  ne  leur  pooit  riens  valloir,  car  on 
ne  les  poroit  raconsuiwir;  mes  encoires  par  doubtance  de 
décevement  li  seigneur  tinrent  les  II  trompeurs  tous  quoys 
et  fissent  demourer  tout  Tost  jusques  apriës   heure  de 

*  S*en  eurent  grant  merveille. 


176  LKS  iBOLAV 

primme,  lors  s'en  r^la  cbacuns  à  se  loge  pour  U  aidsier,  ut 
li  seigneur  allèrent  à  consseil  pour  savoir  quel  cose  oa 
feroit.  Endementreus  aucuns  des  compaignons  englèa  «t 
haynuyers  montèrent  sur  leurs  ronchins  et  passèrent  1% 
rivière  et  montèrent  contremout  le  montaingne  où  li  Bsoot 
avoient  estet  logiet,  qui  estoit  roide  et  forte  à  monter  et 
malaisie,  si  allèrent  vers  les  logeis  des  Escos,  et  trouvèrent 
plus  de  V^  grosses  bestes  et  crasses,  tantost  mortes,  que  U 
Escot  avoient  tuet  pour  tant  que  elles  ne  les  peuwissent 
sieuwir,  et  si  ne  les  volloient  mies  vives  laissier,  par  quoy 
li  Englès  en  euissent  leur  aise.  Et  si  trouvèrent  plus  de 
CGC  chaudières  faittes  de  quir  atout  le  poil  pendus  sur  le 
feu,  plainnes  de  char  et  de  yauwe  pour  faire  boullir,  et  plus 
de  mil  chartiers  plains  de  pièches  de  char  pour  rostir,  et 
plus  de  X"  vies  solers  usés,  fes  de  quir  tout  crut  atout  le 
poil,  que  li  Escot  avoient  là  laissiet,  et  trouvèrent  V  povres 
prisons  englès  que  li  Escot  avoient  loyés  tous  nus  as  arbres 
par  despit,  et  II  à  qui  il  avoient  les  jambes  brisies.  Si  des- 
loyèrent  les  povres  prisons  et  les  laissièrent  aller,  et  puis 
s*en  retournèrent  à  leurs  loges  et  contèrent  as  autres  tout 
ce  qu'il  avoient  trouvet. 

SêC.  réd.  —  Quant  li  signeur  englès  entendirent  chou ,  il 
eurent  conseil  et  veircnt  bien  qu'il estoientdéoheu  en  leur  cuidier, 
et  disent  que  li  caciers  apriès  les  Escos  ne  leur  pooit  riens  valoir, 
car  on  ne  les  poroit  raconsiewir  ;  et  encores  pour  doubtance  de 
décevement,  li  signeur  détinrent  les  II  trompeurs  tous  qnois, 
et  les  âsent  demorer  dalés  yaus ,  et  ne  rompirent  point  leur 
ordenance,  ne  Testablissement  de  leurs  batailles  jusques  apriès 
prime.  £t  quant  il  veirent  que  c  estoit  vérités  et  que  li  Escot 
estoient  parti ,  il  donnèrent  congiet  à  tout  homme  de  retraite 
à  se  loge  et  de  lui  aisier  *  ;  et  li  signeur  alèrent  à  conseil  pour 

'  De  ce  qa*il  aToit. 


AU  CAMP  DES  ÉCOSSAIS.  177 

regarder  que  on  feroit.  Entrues  aucuns  des  compagnons  englès 
montèrent  sus  leurs  chevaus  et  passèrent  le  dessus  ditte  rivière 
en  grant  péril,  et  vinrent  sus  le  montaigne  dont  li  Escot  estoient 
parti  le  nuit,  et  trouvèrent  plus  de  V  grosses  bestes  grasses, 
tantost  mortes ,  que  11  Escot  avoient  tuet ,  pour  tant  que  elles 
estoient  pesans  et  ne  les  euissent  peu  siewir  ;  et  si  ne  les 
voloient  mies  vives  laissier  as  Englès.  Et  si  trouvèrent  plus  de 
'  IV  *  chaudières  faites  de  cuir  atout  le  poil,  pendues  sus  le  feu, 
plainnes  de  char  et  d'yawe  pour  faire  boulir,  et  plus  de  M  has* 
tiers  plains  de  pièces  de  char  pour  rostir,  et  plus  de  '  X^  ^  vies 
solers  usés,  fais  de  cuir  tout  crut,  atout  le  poil,  que  li  Escot 
avoient  là  laissiet.  Et  trouvèrent  Y  povres  prisonniers  englès 
que  11  Escot  avoient  lojet  tous  nus  as  arbres,  par  despit,  et 
n  qui  avoient  les  gambes  brisies  :  si  les  deslojèrent  et  lais- 
sièrent  aler,  et  puis  revinrent  en  Tost  si  à  point  que  cascuns  se 
deslogoit  et  ordonnoit  pour  râler  vers  Engleterre,  par  lacort ' 
dou  roy  et  de  tout  son  conseil. 

Quatr.  réd,  —  Tantos  11  signeur  âssent  monter  trois  ou  quatre 
hommes  des  leurs  et  aler  veoir  sus  la  montagne  se  il  disoient 
vérité  ;  il  raportèrent  (chil  qui  envoyet  i  furent)  que  oïl,  et  que 
voirement  en  estoient  li  Escoçois  aie.  Dont  se  tinrent  li  signeur 
à  déceu  et  voiront  bien  que  li  poursievirs  ne  lor  valoit  riens. 
Or  montèrent  pluisseurs  Englois  sus  la  montagne  pour  veoir 
comment  les  Escos  estoient  là  ordonné  et  quel  cose  il  avoient 
laissiet  derrière.  Chil  qui  montèrent  à  mont  à  grant  painne, 
trouvèrent  grant  fuisson  de  grosses  bestes,  vaces,  buefs  et 
viauls  tantos  mors ,  que  les  Escoçois  avant  lor  département 
avoient  ocis  afin  que  les  Englois  n*en  euissent  aise.  Et  trou- 
vèrent plus  de  trois  cens  caudrons  pendans  à  havès  de  bois, 
plains  d'aiguë  et  de  car,  et  ces  caudrons  fais  de  quirs  atout  le 
poil,  et  trouvèrent  plus  de  mille  hastiers  plains  de  chars  pour 
rostir  au  feu,  et  trouvèrent  plus  de  djs  mille  viels  solers  fais 

i-t  iiK^i^v». 

I.  —  riOtMAlT.  \% 


178  RETRAITE 

de  quirs  tous  orua  atout  k  poil,  qud  ks  Ëscos  avoient  £à  lait- 
siet,  et  trouvèrent  cinq  povros  prisonniers  englès  que  lee  Ësoos 
àvoient  tous  nus  loyés  as  arbres  ;  si  les  desloyèrent  et  deos 
aultres  à  qui  li  Escot  avoient  les  jambes  brisies,  et  puis  retour- 
nèrent en  Toost  si  à  point  que  casquns  se  deslogeoit  et  ordonnoit 
pour  retourner  viers  Engleterre. 


Or  dist  li  comptes  que  quant  li  rois  vit  que  il  h*avoit  nuls 
des  Escos  et  que  il  s*en  estoient  ensi  larchoneusement  parti, 
il  fu  moult  courouciés.  Si  demanda  consseil  comment  il  en 
pourroit  user  pour  le  mieux.  Si  eut  consseil  que  on  se  des- 
logeroit,  car  li  plus  sieuwirs,  ne  li  chachiers  ne  leur  estoit 
mies  proufi tables.  Lors  fu-il  cryet  et  nonchiet  au  deslogier, 
et  sachiés  que  dou  deslogement  toutes  manûières  de  gens 
en  furent  moult  aise,  car  il  estoient  forment  travilliet  et 
chevauchièrent  et  sieuwirent  les  bannières  tout  ce  jour,  et 
au  soir  il  se  logièrent  en  ung  biel  prêt  et  trouvèrent  assés  à 
fourer,  qui  bien  besongnoit  à  leurs  chevaux,  qui  estoient  si 
foullet  et  afiammet,  si  ésfondut  de  froit  et  de  pleuve,  et  si 
desfroissiet  de  leurs  povres  selles  que  à  grant  meschief  les 
pooient-'il  cachier  avant,  ne  seoir  sus  pour  le  froissure,  car 
il  n'avoient  peniel,  ne  cengle,  ne  oontre-cengle,  culière, 
bride,  ne  poitrail,  que  tout  ne  fuissent  desromput  et  pourri. 
Ains  en  conveïioit  le  plus  faire  pennaux  de  vies  wanbais  ou 
de  vies  pourpoins  ou  de  vies  flassars,  qui  avoir  en  pooit 
pour  mettre  desoubs  leurs  selles  et  cengles  de  sourcengler, 
et  avoecques  ce  li  plus  de  leurs  cevaux  estoient  defferet  par 
deffautte  de  fier  et  de  marescaux  et  y  vendoit-on  clous  de 
fier,  chacun  doux  VI  estrelins  :  encoires  tous  liet  qui  les 
pooit  avoir,  par  quoy  on  poroit  bien  dire,  qui  tous  les  mes- 
chiefs,    les   mésaises,   les   travaux  et  les   paours    aroit 
consideret  de  le  première  chevauchie  et  de  ceste  autre,  que 


DES  ANGLAIS.  179 

oncques  si  jovènes  prinches  comme  li  gentils  roys  estoit, 
n'avoit  empris,  ne  enduret  deus  si  dures,  si  travillans,  ne  si 
périlleuses  chevauchies  comme  ces  deus  avoient  estet,  et 
ambedeux  dedens  une  année  emprises  et  acbievées,  et  si 
n'avoit  li  roys  que  XVI  ans,  ainssi  le  disoient  tous  li  plus 
preux  del  ost  et  cil  qui  plus  avoient  veut.  Enssi  furent-il 
celle  nuit  logiet  en  cel  biel  prêt  dallés  ung  biel  park.  Si  se 
aisièrent  ainssi  qu'il  peurent  et  de  ce  qu'il  eurent,  car  grant 
besoing  en  avoient,  ce  puet  bien  chacuns  savoir  et  dire,  et 
dormirent  celle  nuit  ung  petit  mieux  asseur  que  il  n'euissent 
fet  fuison  de  nuit  par  devant. 

Yar.  prem,  rid.  —  Quant  le  roy  vy  que  la  poursieute  des 
Escos  plus  avant  ne  leur  pooit  rien  valoir,  si  se  porta  le  conseil 
d'eulx  deslogier,  qui  fu  grant  joie  à  pluiseurs ,  car  ils  avoient 
enduré  moult  de  paine  et  de  povreté.  Si  chevaucèrent  toute 
Jour  si  avant  qu'il  se  trouvèrent  au  soir  en  ung  bel  pré  où  il  y 
avoit  assez  à  paistré  pour  chevaulx. 

Sec^  réd,  —  *  Si  siewirent  tout  ce  jour  les  banières  des  mares- 
chaus  *,  et  vinrent  logier  de  haute  heure  en  ung  biel  prêt  où  il 
trouvèrent  assés  à  fourer  pour  les  chevaus,  qui  leur  vint  bien 
à  point,  car  il  estoient  si  f cibles,  si  fondut  et  si  affamet  que  à 
painnes  povoient-il  avant  aler. 

Q,uair.  rid.  —  Si  suyvirent  tout  ce  jour  les  banières  des 
mareschaus  et  vinrent  loger  de  haute  heure  en  une  moult  belle 
prée  où  il  trouvèrent  fourage  assés  pour  lors  chevaus,  qui  lor 
fist  grant  bien  ;  car  il  estoient  si  foibles  que  à  painne  pooîent-il 
aler  avant. 

L'endemain  se  deslogièrent  et  chevauchiërent  tout  celi 
jour  assés  bellement  pour  les  chevaux  déporter  jusques  à 

***  Si  furent  tont  cellui  jour  les  bannières  des  mareschaux  toutes 
detplofées. 


180  EDOUARD  m 

Teure  de  vespres  que  il  vinrent  dallés  une  grant  court 
d'abbeie  à  deux  lieuwes  priés  de  le  cite  de  Durem.  Si  se 
loga  li  roys  celle  nuit  en  celle  court ,  et  tout  li  os  se  loga 
contreval  les  prés,  et  trouvèrent  assés  à  fourer,  herbes,  vèces 
et  bleds.  L'endemain  se  reposa  li  os  là  endroit  tous  quois, 
et  li  roys  et  li  seigneur  allèrent  veoir  le  chité  et  le  église 
de  Durem.  Et  adont  fist  li  roys  féautté  à  l'évesque  et  as 
bourghois,  car  fait  ne  l'avoit  encoires.  En  celle  cité  de 
Durem  trouvèrent  li  seigneur  d*Englelerre  et  de  Haynnau, 
leurs  charettes  et  leurs  charetons  et  tout  lor  harnais  que 
il  n'avoient  veu  XXXII  jours  avant,  et  les  avoient  layet  à 
heure  de  mienuit  en  ung  bois,  ainssi  que  vous  avés  oy  comp- 
ter par  devant.  Et  les  avoient  îi  bourghois  de  le  chité,  qui 
trouvet  les  avoient  ou  bois,  fet  amener  à  leur  coustages 
en  le  chité,  et  les  avoient  fet  mettre  en  wuides  granges, 
chacune  charette  atout  son  penonchel  pour  recongnoistre. 
S'il  furent  lies  et  joiant  quant  il  oirent  ces  nouvelles,  che 
ne  fet  point  à  demander,  car  tous  leurs  draps  et  leurs  avoirs 
estoient  sus  les  charrettes.  Si  n'avoient  que  vestir  fors  leurs 
pourpoins  puans  et  flairans,  tous  pouris  de  pleuve  et  de 
sueur,  et  pures  bray^s  pouries  et  mal  lavées.  Si  se  renou- 
vellèrent  celle  nuit  de  touttes  coses,  qui  bien  leur  besou- 
gnoit. 

Va/r,  prem.  réd.  —  L'endemain  chevaucèrent  tout  bellement, 
tant  qu'ils  vindrent  à  une  court  d'abéie,  à  II  lieuwes  près  de  la 
chité  de  Duram.  Se  s'i  loga  le  roy  et  ses  gens  au  mieuls  qu'ils 
peurent.  L'endemain  ses  gens  passèrent  emprès  Duram,  et  le 
roy  et  aucuns  des  seigneurs  entrèrent  dedens ,  là  où  ils 
trouvèrent  leur  caroy  et  harnois  qui  y  avoient  esté  par  trente- 
deux  jours,  dont  il  furent  bien  joieux. 

Sec.  réd,  —  L^endemain  il  se  deslogièrent  et  chevauchièrent 
encores  plus  avant  et  s'en  vinrent  logier  de  haute  heure  dalés 


A  DURHAM.  181 

une  grande  cour  d'abbeje,  à  II  liewes  priés  de  le  cité  de  Du^ 
remmes.  Si  se  loga  li  rois  le  nuit  en  celle  court,  et  11  hos  contre 
val  les  prés.  Si  trouvèrent  assés  à  fourer,  qui  leur  vint  bien  à 
point,  herbes,  vèches  et  blés.  L'endemain  se  reposa  li  hos  là  en- 
droit tous  quois,  et  li  rois  et  li  signeur  alèrent  vers  1  église  de 
Duremmes  ;  et  adont  âst  li  rois  féaulté  à  Téglise  et  à  Tévesque, 
et  ossi  à  le  cité  et  as  bourgois  ;  car  faite  ne  Tavoit  encores.  En 
celle  cité  trouvèrent-il  leurs  charetons  et  leurs  charettes  et  tout 
leur  harnas  que  il  avoient  lajet  XXXII  jours  en  devant  en  ung 
bois  à  mienuit,  sicom  il  est  contenu  chi-dessus  ;  et  les  avoient 
li  bourgois  de  le  cité  de  Duremmes,  qui  trouvet  les  avoient  ens 
ou  bois,  amenet  dedens  leur  ville  à  leur  coust,  et  fait  mettre  en 
wides  granges,  cascune  charette  atout  son  penonciel  pour  reco- 
gnoistre.  Si  furent  moult  liet  tout  li  signeur,  quant  il  eurent 
trouvet  leurs  charettes  et  leur  harnas,  et  reposèrent  II  jours 
dedens  le  cité  de  Duremmes,  et  li  host  tout  autour,  car  mies  ne 
se  peuist  toute  logier  en  le  ditte  cité  ;  et  fisent  leurs  chevaus 
référer,  et  puis  se  misent  à  voie  devers  Ebruich. 

Quatr.  réd,  —  Il  trouvèrent  une  grande  court  d^abéie  où  11 
rois  fu  logiés  celle  nuit,  et  estoient  à  deus  lieues  de  Duram. 
Encores  se  tint  là  li  hoos  à  Tendemain,  car  il  trouvèrent  pour 
lor  chevaus,  vèces,  bleds  et  avoinnes  et  bons  foins,  qui  lor  vint 
trop  grandement  bien  à  point,  et  li  rois  ala  oultre  à  Durâmes 
et  tout  premiers  à  Téglise  catedral  et  i  âst  féaulté,  car  encores 
il  ne  li  avoit  point  fait  et  se  11  devoit  faire,  et  aussi  S&  bourgeois 
de  laditte  ville,  et  sus  le  point  de  nonne,  toute  li  hoos  s'avala  à 
Durâmes,  et  se  logièrent  là  ou  environ,  et  pansèrent  les  valès 
lors  chevauls,  et  bien  avoient  mestier  de  trouver  foin,  avoinne 
et  litière.  En  la  chité  de  Durâmes  trouvèrent  les  signeurs  lors 
charetons  et  lors  carettes  et  tout  lor  harnas  que  il  avoient 
laissiet,  trente-deus  jours  avoit,  en  un  bois  à  mienuit,  sicom  il 
est  contenu  ichi  desus  en  nostre  histore,  que  les  bourgois  de 
Duram  avoient  là  amenet  et  boutet  en  wides  granges,  et  casqun 
char  et  charette  atout  sa  banière  ou  pennonciel,  et  les  avoient  les 


ISS  UBTOUR 

dis  bourgoisgourernésjusques  à  ce  jour.  Si  îvireat  moiiK  veëyaS 
ii  signeur  quant  il  les  trouTèrent,  lors  variés  et  lors  ceraus 
tons  rafresquis.  Si  se  tinrent  là  trois  jours  et  s'i  rafresquirent, 
et  fissent  ferrer  lors  ebevaus  qui  grant  besongne  en  avoient,  et 
tant  en  obéi  à  referrer  que  li  fiers  failli,  et  se  convint  aidier  de 
ceminiaus ,  de  bandes  de  cbars  et  de  bastiers  de  fier  et  de 
quievilles,  et  coustoit  uns  fiers  pour  un  cbeval  d*un  seul  piet 
sept  sols  estrelins.  Encores  i  eut  si  grant  presse  sus  les  trois 
jours  que  il  furent  à  Durâmes,  que  bien  la  tierce  pars  des  cho- 
yaus  furent  encloés. 


L*endemain  fisent-il  leur  petis  chevaux  râteler  à  leurs 
charettes  et  se  misent  à  le  voie  apriès  le  roy  et  les  seigneurs 
et  leur  conroj.  Si  vinrent  dedens  trois  jours  apriès  à  le 
bonne  chité  de  Ewruich,  là  où  madame  Ii  royne  estoit  et 
atendoit  le  revenue  de  sou  fil  et  des  autres  seigneurs,  de 
quoy  yaux  revenus  en  le  ditte  chité,  il  se  traisent  chacuns 
en  son  hostel  enssi  qu'il  s*en  estoit  partis,  mais  jà  s'estoient 
11  plus  des  Englès  départis  et  pris  congiet  au  roy,  et  cha- 
cuns rallés  vers  soq  pays  et  vers  se  maison,  forsmis  aucuns 
des  barons  et  des  chevaliers  qui  demorèrent  dalés  le  roy 
pour  lui  faire  compaîgnie.  Si  demorèrent  messires  Jehans 
de  Haynnau  et  toutte  se  routte  dalés  le  roy  et  madame  se 
mère,  et  furent  li  Haynnuyer  grandement  bien  festyet  et  à 
bon  loisir  et  honnoret  del  roy,  de  medame  le  royne,  des 
seigneurs  qui  là  estoient,  des  dames  et  des  damoiselles,  et 
relivra  chacuns  ses  chevaux,  qui  tous  estoient  fondus  et 
affolés,  auconsseil  le  roy,  et  fist  chacuns  somme  pour  lui  et 
ses  chevaux  mors  et  vis  et  de  ses  frès  :  si  en  fist  li  rois  se 
debte  enviers  le  dist  monseigneur  Jehan  de  Haynnau,  et  li 
dis  messires  Jehans  s'en  obliga  enviers  tous  les  compai- 
gnons,  car  liroys,  ne  ses  conssaulx  ne  peuist  sitost  recouvrer 


▲  YORK.  48S 

ms  haste  de  tant  d^argent  que  li  cheval  montoient.  Mais  on 
leur  délivra  assés  d'argent  par  raison  pour  revenir  en  leurs 
pays,  et  puisedi  dedens  Tannée  furent-il  tout  secq  payet,  de 
tout  ce  que  li  cheval  montoient.  Et  quant  il  eurent  refivret 
leurs  chevaux,  il  racatèrent  haghennées  pour  yaux  rapor- 
ter,  et  renvoyèrent  tous  leurs  garchons  et  leur  gros  harnas, 
touttes  sommes,  malles  et  bahus  dont  il  n'avoient  là  que 
faire,  par  mer,  et  les  misent  en  grosses  naves  qui  les 
ramenèrent  à  TEscluse,  et  il  s'en  revinrent  parmy  Engle- 
terre,  et  les  fist  li  roys  accompaignier  et  aconvoyer  de 
bonnes  gens  d'armes,  pour  le  doubtance  des  archiers  qui 
trop  les  hayoient  et  qui  au  départir  de  l'ost  trop  fprt  mane- 
chiet  les  avoient.  Pour  celle  cause  et  que  li  roys  ue  volsist 
nullement  que  messires  Jehans  de  Haynnau,  ne  se  route, 
euissent  rechupt  nul  danamaige,  les  âst-ii  aconduire  de 
XII  chevaliers  et  de  bien  CGC  armures  de  fer,  dont  messires 
Thumas  Wage  estoit  chief,  et  les  amenèrent  tout  sauve- 
ment  à  Douvres.  Là  prissent-il  congîet  et  s'en  revinrent 
arrière  deviers  le  roy,  et  li  Haynnuyer  rappassèrent  le 
mer  et  vinrent  à  Wuissant,  et  là  dounna  congiet  messires 
Jehans  de  Haynnau  à  chiaux  qui  partir  se  vorent.  Si  se 
départirent  li  aucun,  et  s'en  y  eult  qui  demourèrent  dalés  le 
dit  monseigneur  Jehan  et  le  acompaignièrent  jusques  à 
Vallenchiennes,  où  il  trouvèrent  le  bon  conte  Gruillaume, 
qui  liement  rechupt  son  frère,  et  qui  li  dist  touttes  nou- 
velles, lesquelles  li  bons  contes  oy  vollentiers.  En  telle 
mannière  comme  je  vous  recorde  fu  ceste  dure  grande  che- 
vauchie  sus  les  Escos  départie,  et  s'en  ralla  chacun  en  son 
lieu,  et  remerchia  grandement  messires  Jehans  de  Haynnau 
les  compaignons  qui  en  ceste  cevaucie  avoient  estet  avoecq 
lui  et  espécialement  et  premièrement  les  plus  lontaings,  les 
Hasbegnons  et  les  Braibenchons  et  ossi  tous  les  Hayn- 


^     .*  *  *■ 


18é  RETOUR 

nuyers,  et  li  prommissent  au  départir  toutte  amour  et  bon 
service  se  il  lui  besouguoit. 

Var.prem.  réd.  — L^endemain  atelèrent  carton  leur  harnois, 
et  le  roy  et  sa  routte  chevaucèront  tant  que  dedens  trois  jours 
se  trouYèrent  à  Ewruich,  là  où  madame  la  rojne  attendoit  la 
revenue  de  son  fil  et  de  ses  gens ,  et  là  se  retraist  chascun  à 
Tostel  dont  partis  s'estoit;  et  Tun  après  Fautre  prinrent  congiet 
au  roj  et  en  râlèrent  en  leurs  marches,  hormis  aucuns  des 
barons  et  des  estrangiers  qui  encores  demeurèrent  pour  faire 
au  roj  compaignie.  Si  demeura  messire  Jehan  de  Hajnnau  et 
toute  sa  routte  daîés  le  roy  et  la  royne.  Si  furent  Haynuier 
grandement  festoyé  et  honnouré,  et  après  ce  relivrèrent  tous 
leurs  chevaulx  à  monstre,  qui  estoient  fondu  et  affollé,  et 
remonstre  par  parolles  et  preuves  fu  faite  des  mors.  Si  fu 
chascun  récompensés  par  argent ,  et  aussi  pour  leurs  frais  du 
retour  :  ce  eurent-ils  tout  secq.  Si  quisent  les  seigneurs  petis 
cheyaulx  et  haghenées  pour  retourner  sus  ;  et  fisent  par  leurs 
garchons  tourser  baghes  et  sommiers,  et  mettre  sur  mer  et 
venir  à  TEscluse,  et  les  seigneurs  vinrent  parmy  le  royalme 
d'Engleterre  bien  acompaigniés  de  gens  d'armes ,  pour  les 
archiers  qui  trop  les  haioient  comme  dessus  avcs  oy.  Et  en 
conduit  que  le  roy  y  envoia ,  pour  le  grant  seing  qu'il  avoit, 
furent  douze  chevaliers  et  trois  cens  hommes  d'armes.  Premiers 
y  fu  messire  Regnault  de  Gobeham  et  messire  Thomas  Waghe 
qui  estoient  meneur  de  le  route.  Si  les  conduirent  jusques  à 
Douvres ,  et  là  prinrent  congiet  et  s'en  retournèrent  devers  le 
roy  ;  et  les  Haynnuiers  passèrent  mer  et  s'en  vinrent  à  Wis- 
sant ,  et  là  se  partirent  les  aucuns  de  messire  Jehan  de  Hayn- 
nau,  qui  n'avoient  point  leur  chemin  à  passer  parmi  Haynuau. 
En  ceste  manière  se  fina  l'emprinse  dessus  les  Escos,  et  s'en 
râla  chascun  en  son  lieu  ;  et  messire  Jehan  remercia  moult 
grandement  les  compaignons,  et  par  espécial  les  plus  longtains, 
en  leur  prometant  amour  et  service  s'il  leur  besongnoit. 


A  YORK.  185 

Sec.  rii.  —  Si  exploita  tant  li  rois  et  toute  son  host  que 
dedens  III  jours  il  y  vinrent  ;  et  là  trouva  11  rois  madame  sa 
mère  qui  le  reçut  à  grant  joie,  et  ossi  osent  toutes  les  dames 
et  11  bourgeois  de  le  ville.  Là  donna  li  rois  congiet  à  toutes 
manières  de  gens  de  râler  cascun  en  son  lieu,  et  remercia 
grandement  les  contes,  les  barons  et  les  chevaliers,  dou  service 
que  li  avoient  fait  ;  et  retint  encores  dalés  lui  monsigneur  Jehan 
de  Hajnau  et  toute  se  route,  qui  furent  grandement  festjet  de 
madame  la  rojne  et  de  toutes  les  dames,  et  relivrèrent  li  Haj- 
nuier  leurs  chevaus,  qui  tout  et  par  espécial  des  signeurs 
estoient  enfondut  et  afolet,  au  conseil  dou  roj,  et  fist  cascuns 
somme  pour  11  de  ses  chevaus  mors  et  vis  et  de  ses  frais.  Si  en 
fist  li  rois  sa  debte  envers  le  dit  monsigneur  Jehan  de  Hajnau, 
et  lidis  messires  Jehans  s'en  obliga  envers  tous  les  compa- 
gnons ;  car  li  rois  et  ses  consauls  ne  peurent  sitost  recouvrer 
de  tant  d^argent  que  li  cheval  montoient,  mais  on  lor  en  délivra 
cssés  par  raison  pour  pajer  leur  menus  frès,  et  pour  retourner 
au  pajs  ;  et  puissedi  dedens  Tannée  furent-il  tout  pajet  de  ce 
que  li  cheval  montoient.  Quant  li  Hajnuier  eurent  relivré  leurs 
chevaus,  il  rachatèrent  cascuns  des  petites  hagenées  pour  che- 
vaucier  mieux  à  leur  aise,  et  renvoyèrent  leurs  garçons ,  leur 
harnas,  sommes  et  maies  et  bahus  par  mer,  et  misent  tout  en  nefs 
que  li  rois  leurs  fist  délivrer  ;  si  arrivèrent  ces  besongnes  droit 
à  TEscluse  en  Flandres.  Et  il  prisent  congiet  au  roy,  à  madame 
là  rojne  se  mère,  au  conte  de  Kent,  au  conte  Henri  de  Lan- 
castre  et  as  barons,  qui  grandement  les  honnourèrent  ;  et  les 
fist  li  rois  acompaignier  de  *  XII  *  chevaliers  et  CC  armeures  de 
fier,  pour  le  doubtance  des  archiers  dont  il  n'estoient  mies 
bien  asseguret ,  car  il  les  convenoit  rapasser  parmi  le  pays  de 
1  evesque  de  Lincolle.  Si  se  partirent  messires  Jehans  de  Hay- 
nau  et  toute  se  route,  ou  conduit  des  dessus  dis,  et  chevau- 
cièrent  tant  par  leurs  journées  qu'il  vinrent  à  Douvres.  Là 
montèrent-il  en  mer  en  nefs  et  en  vaissiaus  qu'il  trouvèrent 


II. 


im 


BETOUR 


apparUlîés,  et  li  Bnglès .  se  partirent  d'jaus,  qui  aconyoiet  les 
avoient,  et  retournèrent  cascuns  en  son  lieu;  et  li  Hajnuier 
arrivèrent  à  Wissant.  Là  se  reposèrent-il  par  II  jours,  en 
mettant  hors  leurs  chevai|s  et  le  demorant  de  leur  hamas. 
Entrues  vinrent  messires  Jehans  de  Hajnau  et  aucun  cheva- 
lier en  pèlerinage  à  Nostre-Dame  de  Boulongne;  depuis  8*en 
retournèrent-il  en  Hajnau,  et  se  départirent  tout  li  un  de 
Tautre,  et  se  retraist  cascun  chiés  soj  ;  mes  messires  Jefaans 
de  Hajnau  s'en  vint  deviers  le  conte  son  frère,  qui  se  tenoît  à 
Valenchiennes  ,  qui  le  reçut  liement  et  volentiers  ;  car  moult 
Tamoit.  Et  adont  li  recorda  li  sires  de  Bjaûmont  toutes  nou- 
velles si  aVant  *  que  il  les  savoit  *.  Ainsi  fut  celle  grande  et  dure 
chevaucie  départie,  que  li  rois  Édowars,  le  premier  an  de  se 
création,  fist  contre  les  Escos,  liquele  fu  si  grande  et  si  dure  que 
vous  avés  oj. 

Quatr.  réd.  —  Au  quatrième  jour,  on  se  départi  de  Durâmes, 
et  donna  li  rois  congiet  à  toutes  gens  de  retourner  en  lor  liens» 
réservé  les  Hainnuiers,  et  se  commenchièrent  toutes  manières 
de  gens  d'armes  et  d'archiers  à  départir  et  à  retraire  sus  lors 
lieus,  et  li  rois  vint  à  Ebruich  c'en  dist  loroh,  et  là  trouva 
madame  sa  mère  et  grant  fuisson  des  dames  dou  pais  qui  li 
fidsoient  compagnie.  Si  se  reposèrent  là  li  auqun  signeur 
dalés  le  roi  et  les  dames,  et  relivrèrent  li  Hainnuier  lors  che- 
vaus  qui  tout  estoient  effondut  et  afollet,  au  eonsel  dou  roi.  On 
les  requelli  courtoisement,  et  orent  dou  nouviel  argent  pour 
racater  des  aultres ,  et  fu  compté  et  sommé  à  tous  barons , 
chevaliers  et  esquiers  de  Hainnau  en  combien,  tant  pour  cevaus 
que  pour  gages,  li  rois  estoit  tenus  envers  ouïs,  et  en  fist  li  rois 
sa  dette  enviers  messire  Jehan  de  Hainnau ,  et  li  chevaliers 
enviers  ceuls  qui  Favoient  acompagniet  en  ce  voiage,  et  se~ 
portèrent  li  compte  et  les  sommes  si  courtoisement  que  tout 
s'en  contentèrent,  et  ne  furent  pas  adont  tout  hors  pajet  en 

^-*  Comme  il  les  pot  sçaToir  comme  cellui  qui  Teu  les  avoit. 


▲  y<HUL. 


187 


denieiti  appartlliés,  car  li  recereur  et  offîc/er  dou  roi  aToient 
trop  mis  hors  d'argent  pour  ce  voiage,  et  quant  ânanee  fa 
revenue,  on  en  âst  paiement  à  Bruges.  Si  fu  casquns  pajés  et 
satisfais  selonch  sa  porsion. 

Environ  sept  jours  se  tinrent  messires  Jehans  de  Hainnau 
et  li  Hainnuier  à  Ebruich  c'en  dist  lorch ,  depuis  la  revenue 
dont  je  vous  ai  parlé,  dalés  le  roi  et  madame  la  roine  et  les 
signeurs  d'Engleterre,  et  puis  prissent  congiet  et . . .  toui^ours 
près  et  apparilliés  de  faire  service  au  roi  et  au  païs  d'Engle- 
terre.  On  les  en  remerchia  moult  de  fois.  Ensi  se  départirent  li 
Hainnuier  dou  roi  et  des  signeurs,  mais  il  envoyèrent  par  la 
rivière  dou  Hombre  qui  rechiet  en  la  mer  et  par  vassiaus,  la 
grignour  partie  de  lors  harnois  et  de  lors  variés,  liquel  vinrent 
depuis  à  Taide  de  Dieu  et  dou  vent  à  FEscluse  en  Flandres,  et 
il  ceminèrent  par  terre  et  vinrent  à  Londres,  et  les  ûst  li  rois 
aconvojer  et  acompagnier  de  messire  Thomas  Wage,  marescal 
d'Engleterre,  pour  la  doubtance  des  archiers  de  Lincole,  car  il 
les  convenoit  repasser  parmi  lor  païs,  et  ne  trouvèrent.  Dieu 
merchi,  nul  encombrier.  £t  orent  li  Hainnuier  moult  à  cevau- 
chier  de  lorch  jusques  à  Londres,  et  quant  il  furent  là  venu,  il 
s'i  rafresquirent  deus  jours  et  puis  s'en  départirent,  et  se 
missent  au  cemin,  et  ne  les  laissa  messires  Thomas  Wage,  si 
furent  à  Douvres ,  et  là  montèrent-il  en  mer  et  arivèrent  à 
Wissan.  Si  issirent  des  vassiaus,  et  quant  il  orent  lors  che- 
▼aus,  li  pluisseur  alèrent  en  pèlerinage  à  Nostre-Dame  de 
Boulongne,  et  li  aultre  vinrent  à  Saint-Omer,  et  tous  retour- 
nèrent en  Hainnau.  Messires  Jehans  de  Hainnau  vint  deviers 
son  frère  le  conte  et  madame  la  contesse  qui  les  veirent  vokn- 
tîars,  li,  le  signeur  de  Ligne  et  les  barons  et  chevaliers  qui  en 
•a  compagnie  avoientesté.  Ensi  se  portèrent  en  celle  saison  les 
besongnes  en  Engleterre. 


Dequis  ne  demoura  guaires  que  li  jovënes  rois  d*Engle- 
terre,  madame  li  royne  ^  mëre,  li  contes  de  Kenrt  ses 


t88  AMBASSADE 

oncles,  ii  contes  Henris  de  Lancastre,  messires  Rogiers  de 
Mortemer,  qui  demouret  estoient  dalles  le  roy  et  son  cons- 
seil,  envoyèrent  l'évesque  de  Nordvich  et  II  chevaliers  sages 
et  bien  advisés  et  II  *  clers  en  droit  deviers  monseigneur 
Jehan  de  Haynnau,  en  li  priant  amiablement  que  il  vosist 
mettre  painne  et  consseil  que  li  jovènes  roys  leurs  sires 
fuist  maries  et  que  il  volsist  pryer  à  monseigneur  le  conte 
de  Haynnau  son  frère  que  il  li  pleuist  à  envoyer  madamoi- 
selle  Phelippe  sa  *  fille  pour  prendre  à  femme.  Chil  messa- 
gier  de  par  le  roy»  ensi  que  je  vous  di,  vinrent  à  Valen- 
chiennes  en  grant  arroy  et  trouvèrent  monseigneur  Jehau 
de  Haynnau  à  son  hostel  de  Biaumont  et  se  traisent  pre- 
mièrement deviers  lui  et  li  disent  tout  ce  dont  chargiet 
estoient  :  «  Chiers  sires,  nous  sommes  chy  envoyet  de  par 
€  nostre  seigneur  le  jovène  roy  d'Engleterre  et  madame  se 
€  mère  et  tout  son  consseil  de  delà,  et  vous  pryent  que  vous 
c  voeilliez  adrechier  à  ceste  besoingne  et  estre  dallés  nous 
€  et  pryer  à  monseigneur  le  conte  votre  frère  que  il  voeille 
c  acorder  en  cause  de  mariaige  madamoiselle  Phelippe  sa 
€  fille,  car  il  Taroit  plus  chier  que  nul  autre,  tant  pour 
c  Tamour  de  vous  que  dou  noble  sancq  dont  elle  est 
€  extraite.  »  Et  quant  messires  Jehans  de  Haynnau  eut  oy 
les  messagiers  le  roy  d'Engleterre  et  il  les  eut  grande- 
ment festyés  enssi  que  bien  le  savoit  faire,  il  les  enmena 
deviers  le  conte  son  frère,  qui  moult  '  honerablement  *  les 
rechupt  ossi,  et  madame  la  contesse  sa  femme.  Dont  fissent 
chil  leur  messaige  sagement  et  à  point  enssi  que  chargiet 
leur  estoit.  Li  gentils  et  nobles  prinches  li  dis  cuens  leur 
respondy  tost  et  moult  courtoisement  par  le  conseil  del  dit 
monseigneur  Jehan  son  frère  et  de  madame  la  contesse 
mère  à  la  damoiselle,  et  leur  dist  que  moult  grant  merchis 

*■  Grands.  —  •  BeUe.  —  '-^  Grandement. 


ENVOYÉE  EM   HAlNArT.  189 

à  monseigneur  le  roy,  à  madame  le  royne  et  *  as  seigneurs  • 
par  qui  consseil  il  estoient  là  venu,  quant  tant  leur  estoit 
que  de  li  faire  tel  honneur  que  pour  telle  cose  il  avoient  si 
souflSsant  gens  à  lui  envoyet  et  que  moult  vollentiers  s'i 
acorderoit  à  leur  requeste  se  Nostre  Saint  Père  li  Pappes  et 
Sainte  Église  s'i  acordoit.  Celle  reponsce  leur  souffi  assés 
grandement,  puis  envoyèrent  tantost  II  de  leurs  chevaliers 
et  II  clers  de  droit  par  deviers  le  Saint-Père  à  Avignon,  pour 
impiétrer  dispensation  de  celi  mariaige  acorder,  car  sans  le 
congiet  del  Saint-Père  ne  se  pooit  pour  le  liniage  de  Fran- 
che dont  il  estoient  moult  prochain,  sicomme  en  tierche 
degret,  car  leurs  deux  mères  estoient  cousinnes  germainnes 
issues  de  II  frères.  Assés  tost  apriès  ce  qu'il  furent  venu  en 
Avignon,  il  eurent  fet  leur  besoingnes,  car  li  Sains-Pères  et 
li  collèges  se  consentirent  assés  bénignement  pour  le  haulte 
noblèche  dont  tout  doi  estoient  yssut. 

Sec.  réd.  —  Ne  demora  mies  gramment  de  temps  après,  que 
cils  rois,  madame  se  mère,  li  contes  de  Kent  son  oncle,  li  contes 
Henris  de  Lancastre,  messires  Rogier  de  Mortemer  et  li  aultre 
barob  d'Engleterre  qui  estoient  demoret  dou  conseil  le  roy  pour 
lui  aidier  à  conseillier  et  gouverner,  eurent  avis  et  conseil  de 
le  marier.  Si  envoyèrent  ung  évesque,  deux  chevaliers  banerès 
et  deux  bons  clers  à  monsigneur  Jehan  de  Haynau  pour  lui 
pryer  qu'il  vosist  aidier  et  mettre  conseil  à  cLe  qu(*  li  jones 
rois  leurs  sires  fust  mariés  et  qu'il  vosist  boin  moyen  estre,  par 
quqy  messires  ses  frères  li  contes  de  Haynau  et  de  Hollandes 
li  vosist  envoyer  une  de  ses  filles;  car  il  l'aroit  plus  cliière  que 
nulle  aultre,  pour  Tamour  de  lui.  Li  sires  de  Byaumont  festia 
et  honnoura  ces  messagiers  et  commissaires  de  par  le  roy 
englès  quanques  il  pot;  car  bien  le  savoit  faire.  Quant  bien 
festyés  les  eut,  il  les  amena  à  Yalenchienes   pardevers  son 

^"^  Aux  nobles  Beigneura  du'  conseil. 


190  AMBASSADE 

frère  qui  moult  honnoiirablement  les  recheut  osai  et  ]m  festia 
si  souverainement  bien  que  longe  cose  seroit  à  raconter.  Quant 
assés  festjet  furent,  il  osent  leur  message  sagement  et  à  point» 
ensi  que  chargiet  leur  estoit.  Li  contes  leur  respondi  moult 
courtoisement,  par  le  conseil  de  monsigneur  Jehan  son  frère 
et  de  naadame  la  contesse  mère  à  la  damoiselle,  et  leur  dist  que 
moult  grans  mercis  à  monsigneur  le  roj  et  à  madame  la  rojne 
et  as  signeurs  par  cui  conseil  il  estoient  là  venu,  quant  tant 
leur  estoit  que  de  li  faire  tele  honneur  que  pour  tel  cose  il 
avoient  si  souffissans  gens  à  lui  envoies ,  et  que  moult  volen- 
tiers  s'acorderoit  à  leur  requeste,  se  Nostres  Sains-Pères  li 
Papes  et  Sainte-Église  s'i  acordoit.  Celle  reisponse  leur  souffi 
assés  grandement ,  puis  envoyèrent  tantost  deux  de  leurs  che- 
valiers et  deux  clers  en  droit  pardevers  le  Saint-Père  à  Avignon, 
pour  impétrer  dispensation  de  celi  mariage  à  acorder  ;  car  sans 
le  congiet  dou  Saint-Père  faire  ne  se  povoit,  pour  le  linage  de 
France  dont  il  estoient  moult  prochain,  sicom  en  tierch  degré  ; 
car  leurs  deux  mères  estoient  cousines  germaines  issues  de 
deux  frères.  Assés  tost  apriés  ce  qu'il  furent  venu  à  Avignon, 
il  eurent  faite  leur  hesongne  ;  car  li  Sains-Pères  et  li  collèges 
sU  consentirent  assés  bènignement  pour  le  haute  noble  ce  dont 
tout  doj  estoient  issut. 

Quatr.  réd.  —  Depuis  ne  demora  pas  demi-an  que  madame 
la  roine  d'Engleterre  et  tous  li  consauls  de  li  et  de  son  fil  le 
roi  avisèrent  Tun  parmi  Taultre  que  il  convenoit  le  jone 
Édouwart  roi  d'Engleterre  marier,  et  ne  pooient  veoir  lieu, 
ne  hostel ,  par  Tavis  et  imagination  de  tous  et  de  toutes,  où  il 
euist  femme  mieuls  Â  la  plaisance  de  li,  (car  on  li  demanda), 
que  en  lostel  de  Hainnau  à  Tune  des  filles  le  gentil  conte 
Guillaume  de  Hainnau,  et  quant  il  li  fu  demandé,  il  commença 
à  rire  et  dist  :  c  Oïl,  il  me  plaist  mieuls  là  que  d'aultre  part 
€  et  à  Phelippe ,  car  elle  est  moi  nous  concordions  trop  bien 
€  ensamble,  et  plora,  je  le  sçai  bien,  quant  je  pris  congiet  à 
€  lui  et  je  me  parti    »  Adont  dist  madame  sa  mère  :  c  Biaus 


ENVOYÉE  ES   HAINAUT.  idi 

c  âls^  TOUS  dittes  voir,  et  nous  sommes  moi  et  vous  gra&de- 
c  ment  tenu  à  nostre  cousin  de  Hainnau,  et  vous  verrai  là  plus 
c  volentiers  mariet  que  ailleurs,  et  i  envolerons  souôssans 
€  messages,  car  la  damoiselle  le  vault  bien,  et  escriprons  et 
t  prierons  à  messiré  Jehan  de  Hainnau  que  il  s'en  voelle  dou 
€  tretyer ,  comme  bons  moyens ,  enson jer.  •  On    ne  recula 
point  de  ce  pourpos,   mais  furent    ordonné    li  évesques  de 
Durâmes  et  doi  baron  d'Engleterre,  li  signeur  de  Biaucamp 
et  messire  Renault  de  Gobehem,  et  leur  furent  délivret  lettres 
et  dou  sourplus  quanque  ou  dit  volage  pooit  apertenir,  et  pas- 
sèrent la  mer  à  Douvres  et  vinrent  à  Wissan  et  ne  cessèrent, 
si  vinrent  à  Yalenchiennes.  Si  se  traïssent  à  hostels  sus  le 
marchiet,  au  Chine,  à  le  Bourse  et  à  la  Clef.  Pour  ces  jours 
estoient  li  contes  de  Hainnau  et  la  contesse  et  si  enfant  au 
Quesnoi.  Il  demandèrent  où  messires  Jehans  de  Hainnau  estoit. 
On  leur  dist  que  il  en  croient  nouvelles  à  Biaamont  en  Hain- 
nau. D'aventure  ils  trouvèrent  Phelippe  de  Castiaus  qui  estoit 
venus  à  Yalenchiennes.  Tantos  que  il  sceut  lor  venue,  il  se 
trest  viers  euls.  U  le  recongneurent ,  car  il  Tavoient  veu  en 
Engleterre,  et  estoit  11  plus  proçains  de  messire  Jehan  de  Hain- 
nau. Il  en  demandèrent  à  lui,  et  il  Ten  dist  la  vérité  et  cevauça 
à  Fendemain  avoecques  euls  et  les  amena  à  Biaumont.  Messires 
Jehans  de  Hainnau  fu  très-grandement  resjoi's  de  lor  venue,  et 
le  trouvèrent  pourveu  et  aourné  de  chevaliers  et  d'esquiers,  et 
madame  sa  femme,  contesse  de  Soissons  et  dame  de  Dargies, 
aussi  pourveue  de  dames  et  de  damoiselles.  Là  estoient  li  sires 
de  Fpg^noelles,  li  sires  de  Haverés,  li  sires  de  Wargni,  li  sires 
de  Potelleset  li  sires  de  Montegni.  Chil  signeur  d'Engleterre 
recomandèrent  grandement  Testât  de  li  et  de  sa  femme.  H 
monstrèrent  les  lettres  que  il  avoient  de  par  madame  d*Engle- 
terre  et  le  jone  roi  son  fil  et  Iprs  consauls.  Messires  Jehans  de 
Hainnau  rechut  les  lettres  et  les  ouvri  et  lissi  tout  au  lonch,  et 
quant  il  ot  veu  et  entendu  la  matère  dont  elles  parloient  et  que 
c'estoit  pour  Tavancement  et  mariage  de  sa  cousine  de  Hain- 
nau ,  ai  en  fa  grandement  resjoîs  et  dist  à  Tévesque  et  as 


192  MARIAGE  b^ÉDOUARD  lU 

chevaliers  qui  là  cstoient,  que  il  obéiroit  Yolentiers  à  tout  œ 
que  on  11  avoit  escript,  car  il  i  estoit  tenus  de  foi  et  d*hominage. 
Li  gentils  chevaliers  âst  à  ces  signeurs  d*Engleterre  la  milleart 
chiêrc  que  faii'e  lor  pot,  car  bien  le  savoit  faire,  et  tant  que  tout 
s'en  contentèrent,  et  les  tint  à  Biaumont  deus  jounT  tout  aise. 
et  puis  au  tierch  jour,  il  s'en  dépailirent  tout  ensamble  et 
vini'ent  à  Maubuege  et  de  là  au  Quesnoi  et  trouvèrent  le  conte 
et  la  contcssc  bien  acompagniet  de  chevaliers  et  d'osquiers ,  de 
dames  et  de  damoiselles  dou  païs,  qui  requellièrent  toute  Im 
compagnie  moult  doucement  et  liement,  ensi  que  bien  le 
savoicnt  faire.  Messires  Jehans  de  Hainnau  fu  promotères  de 
ce  mai'iage  et  s*en  aquita  bien,  ensi  que  escript  on  Ten  avoit, 
et  tant  que  li  contes  de  Hainnau  acorda  Phelippe  sa  fille  en 
cause  de  mariage  au  jone  roi  d'Engleterre,  voires  là  où  11  papes 
les  vodroit  dispenser  pour  le  linage,  car  il  estoient  moult 
pro(;ain,  lors  deus  mères  estant  cousines  germainnes.  En 
tant  ([uc  de  la  dispensation ,  li  ambasadour  d*£ngleterre  8*en 
cargièi-ent  et  envoyèrent  en  Avignon  deus  chevaliers  et  deas 
clers  do  droit.  Pour  ce  temps  resgnoit  li  papes  Jehans,  qui  des- 
cendi  tantos  à  la  dispensation  faire  dou  mariage  d'Engleterre 
et  de  Hainnau,  et  li  fu  avis  et  à  tout  le  colége  que  c*estoit  une 
cose  bien  pi*ise,  et  i^tournèrent  arrière  à  toutes  les  bulles  de 
dispensation  et  vini-ent  à  Valenchiennes  deviens  les  signeurs, 
révesque  de  Durâmes  et  les  aulti^es  qui  là  les  atendoient.  Si  en 
orent  toutes  \o^  parties  grant  joie,  et  fu  la  damoiselle  espousée 
par  la  vertu  de  une  pi'ocuration  et  puis  retournèrent  en  Engle- 
teriv  noncliior  ces  nouvelles.  Pour  lors  estoit  Phelippe  de 
Hainnau  ou  uvssime  an  de  son  eage.  Longe  et  droite  estoit  « 
sage,  lie,  humbh*,  décote,  lai^e,  courtoise,  et  fu  en  son  temps 
aournée  et  parée  de  toutes  nobles  vertus  et  amée  de  Dieu  et  doa 
monde. 


Quant  chil  messagier  furent  revenu  d* Avignon  »  Vallen- 
chiennes  à  tonttes  lors   bulles,  cbils  roariaiges  fu  tantos 


ET  DB  PHIUFPB  DB  HÀUUUT.  195 

ptro^ës  et  affermes  d*une  part  et  d*aaltre»  et  ^st-on  U  d^^oi- 
selle  appareiller  et  pourveir  ^e  tout  ce  qui  U  falloit,  si  hon- 
nerablement  que  il  afféroit  à  celle  damoiselle  qui  devoit 
estre  royne  d*Engleterre.  Quant  appareillie  fu»  sicomme 
dit  est,  etle  fu  espousee  par  le  virtude  uae  pr.ocuratiop  lippa- 
rant  souffisant  qui  là  fu  i^rtëe  de  par  le  roy  d*£ngleterre. 
Et  puis  si  fu  mise  à  le  voie  pour  emneoer  en  Engle^erre 
par  deviers  son  marit  qui  Fatendoit  à  Londree,  là  où  il  le 
devoit  couronner.  Jusques  à  Londres  la  conduisit  li  gentils 
chevaliers  messires  Jehans  de  Haynnau  ses  oncles,  qui 
très -grandement  fu  recheus  et  honnourës  dtel  roy,  de 
madame  la  royne  sa  mëre,  des  autres  dames,  .des  barons  et 
de  tous  les  chevaliers  d*Engleterre.  Âdont  eut  à  Londres 
grant  feste,  grant  noblèçe  des  seign^rS;  .des  con^,  ,^es 
barons,  des  chevaliers,  des  haultes  4aaies,  4€)3  lutultds 
pucelles,  ^  et  moult  y  eult  de  nces  .at0i^r8,  ^e  .bijavx  §t  ^e 
grans  paremens,  de  joustes  et  de  behours  poju*  j'amonr 
d'elles,  de  dansses  et  de  caroUes,  de  biaux  et  de  ^ane 
mengiers  '  chacun  jour  dounnet.  Durèrent  ces  grandes  et 
nobles  festes  plus  de  III  sepmainnes  ainohois  que  elle  se 
dëpartesissent,  et  fu  là  en  Engleterre  messires  J^ans  de 
Haynnau  ung  grand  tierme  ains  qu*il  s^en  peuist  partir, 
dalës  le  roy  et  dalés  le  jovène  royne  se  nièche,  puis  s*en 
parti  au  boin  gret  del  roy  et  de  tout  son  conseil,  et  s*eji 
revint  arrière  en  Haynnau  et  laissa  s^ont  en  Engleterre 
dallés  medame  se  nièche  pour  lui  servir  uiig  jovène  escuyer 
de  Haynnau  qui  s'apelloit  adont  W^^teli^  ^^e^iaflwj^  gjt^i 
fu  puis  messires  Gantiers  de  Mauny,  bons.çIieval|ei^s,  r^deSt 
preux,  hardis,  sages  et  bachelereux,  et  moult  .awés'^dou 
roy  ^  et  de  tout  le  pays,  ainssi  comme  von^  orës  en  avant 

*  '  Et  y  eut  moult  nobles  joostat  et  behoiira,  belles  dansses  et  nobles 
mengiers.  —  ***  En  le  court. 

I.  —  rSOISSART.  iS 


194  MARUGE  d'Edouard  m 

en  l'istoire,  mais  nous  nos  tairons  ung  petit  des  Englës  et 
parlerons  des  Escos  \  et  quant  il  appertenra  à  parler,  nous 
y  retourons.         • 

Sec.  réd.  —  Quant  cil  message  furent  revenu  de  Avignon  à 
Valenchienes ,  à  toutes  leurs  bulles,  chiU  mariages  fu  tantos 
otrojé  et  aferiné  d'une  part  et  d'aultre.  Si  âst-on  le  devise  pour- 
veir  et  appariUier  de  tout  ce  qu'il  falloit,  si  honnourablement 
que  à  tele  damoiselle  qui  devoit  estre  royne  d'Engleterre,  affé- 
roit.  Quant  apparillie  fu,  sicom  dit  est,  elle  fu  espousée  par  le 
virtu  d'une  procuration  aparant  souffisamment,  qui  là  fu  apor- 
tée  de  par  lé  roy  d'Engleterre  ;  et  puis  si  fu  mise  à  le  voie  pour 
emmener  en  Engleterre  pardevers  son  mari,  qui  Tattendoit  à 
Londres  là  où  on  le  devoit  couronner.  Et  monta  en  mer  la  ditte 
damoiselle  Phelippe  de  Hajnau  à  Wissant,  et  arriva  et  toute  se 
compagnie  à  Douvres;  et  la  conduisi  jusques  à  Londres  chils 
gentils  chevaliers  messires  Jehans  de  Haynau  ses  oucles,  qui 
grandement  fu  recheus,  honnourés  et  festjés  dou  roj  et  de 
madame  la  rojne  se  mère,  des  aultres  dames,  des  barons  et  des 
chevaliers  d'Engleterre.  Si  eut  adonc  à  Londres  grant  feste 
et  grant  noblèce  des  signeurs,  contes,  barons  et  chevaliers, 
des  hautes  dames  et  des  nobles  pucelles,  de  riches  atours 
et  de  riches  paremens,  de  jouster  et  de  behourder  pour 
Tamour  de  elles,  de  danser  et  de  caroler,  de  grans  et 
biaus  mengiers  cascun  jour  donnet  ;  et  durèrent  ces  festes  par 
Tespasse  de  111  sepmainnes.  Au  chief  de  ces  jours,  messires 
Jehans  de  Haynau  prist  congiet  et  s'en  parti  o  toute  se  com- 
pagnie de  Hajnau,  bien  fumis  de  biaus  jeuiaus  et  riches  que 
on  leur  avoit  donnés  d'un  costé  et  d'autre  en  pluiseurs  lieus,  et 
demora  li  jone  rojne  Phelippe  à  petite  compagnie  de  son  pays, 
formis  ung  jeune  damoisiel  que  on  clamoit  Watelet  de  Mauni, 
qui  y  demora  pour  servir  et  taillier  devant  li ,  liquels  acquist 
puissedi  si  grant  grasce  au  roy  et  à  tous  les  chevaliers  et 

'  Qui  retournèrent  en  leur  pays. 


ET  DE  PHILIPPE  DE  HAIMÂUT.  i9S 

signeurs  dou  pays  qu*il  fu  del  secret  et  du  plus  grant  conseil  le 
roj,  au  gret  de  tous  les  nobles  dou  pays;  et  fist  depuis  si 
grandes  proèces  de  son  corps»  en  tant  de  lieus,  que  on'  n*en 
poroit  savoir  le  nombre,  sicom  vous  orés  avant  en  Tjstore,  se 
il  est  qui  le  vous  die.  Or  nous  tairons-nous  de  parler  de  lui  tant 
qu'à  présent  et  des  Ënglès»  et  retournerons  as  Escos. 

QêuUt.  réd.  —  Quant  li  contes  et  la  contesse  de  Hainnau  orent 
ordonné  et  entendu  à  Testât  de  madamoiselle  Phelippe  lor  jQUUie» 
et  aourné  ensi  comme  à  lui  apertenoit,  qui  devoit  estre  roine 
d'Engleterre,  on  pourvei  chevaliers  et  esquiers  qui  avoecques  li 
dévoient  partir.  Adont  prist-elle  congiet  à  son  signeur  de  père 
et  à  madame  sa  mère,  et  à  Guillaume  de  Hainnau  son  frère,  et 
à  Jehane  et  à  Issabiel  ses  serours,  car  Marguerite  li  ainnée 
n'estoit  point  là  :  avant  estoit  en  Alemagne  et  aconvenenchie 
à  Tempereur  le  roi  Lois  de  Bavière,  roi  d' Alemagne  et  empereur 
de  Rome.  Apriès  tous  ces  congiés,  la  jone  roine  Phelippe  d'En- 
gleteri*e,  en  Teage  entre  trèse  et  quatorse  ans,  se  départi  de 
Valenchiennes  en  la  compagnie  de  messire  Jehan  de  Hainnau, 
son  oncle,  dou  signeur  de  Fagnoelles,  dou  signeur  de  Ligne, 
dou  signeur  de  Brifuel,  dou  signeur  de  Haverech,  dou  signeur 
de  Wargni  et  plus  de  quarante  chevaliers  et  esquiers  de  Hain- 
nau, et  servoit  devant  lui  adont  uns  jones  esquiers  qui  se  nom- 
moit  Watelès  de  Mauni,  qui  puis  fu  messires  Watiers,  vaillans 
homme  et  preus  as  armes,  ensi  que  vous  trouvères  ses  grans 
proèces  escriptes  en  cette  histore,  car  ce  fu  uns  homme  qui  fist 
en  son  temps  par  sens  et  par  proèce  le  corps  et  la  cavance  ;  et 
se  départirent  de  Hainnau  pluisseur  jone  esquier  en  entente 
que  pour  demorer  en  Engleterre  avoecques  la  roine.  Si  chemi- 
nèrent tant  que  il  vinrent  à  Wissan  ;  si  furent  esquipé  lors  che- 
vaus  et  mis  ens  es  vassiaus  passagiers  d'Engleterre,  qui  là  les 
atendoient.  Si  furent  tantos  oultre,  et  là  estoient  li  sires  de 
fiiaucamp  et  messires  Renault  de  Gobehem,  liquel  avoient 
atendu  la  venue  de  la  jone  roine  bien  quatre  jours.  Si  entra  la 
ditte  roine  Phelippe  de  Hainnau  en  Engleterre  à  si  bonne  heure, 


1!Ni  MARI  AGE  O'KDOUARD  111 

que  tous  li  roiaidineB  en  denbt  estre  reigoii  et  la  ;  «hr  * 
temps  de  la  roine  Genièvre,  qui  fu  femme  an  roi  Artue  et  ) 
d*Engleterre ,  que  on  sommoit  adont  la  Orant-Bretagae,  ai 
bonne  roine  n^i  entra,  ne  qui  tant  d*onnoiir  reçniat,  ne  qui  ai 
belle  génération  euist,  car  elle  eut  don  roi  Édonwart  aon  mari, 
en  son  temps,  sept  fils  et  oinq  filles,  et  tant  oomme  eUe  veatu, 
le  roiaulme  d'Engleterre  eut  grasce»  prospérité,  honnour  el 
toutes  b(mnes  aventurée,  ne  onques  ftonine,  ne  chiar  temps,  de 
son  resgne,  n'i  demorèrent,  enad  qae  tous  CMréa  reoordar  an 
Tistore. 

Tant  esploita  la  jone  roine  d^Bngleterre  et  sa  eompagme 
que  il  vinrent  en  la  chité  de  Cantorbie,  et  alèrent  veoir  le 
corps  saint  Thomas  et  i  fissent  lor  offrande,  et  pois  passerait 
ouHre,  et  par  toutes  les  villes  où  il  passoient,  cm  lor  ftuaoit  féale 
et  honnour,  dons  et  présens,  et  passèrent  à  Roceatre  et  paie  à 
Dardeforde  et  vinrent  à  Eltem ,  et  là  s'arestèient,  et  là  eatoit 
li  évesques  de  Durâmes,  qui  par  procuration  Tavoit  espouaé  à 
Valenchiennes  ou  nom  dou  roi,  et  grant  fuisson  de  aigneara  et 
de  dames  d'Engleterre ,  qui  requellièrent  doucement  la  roine  et 
toute  sa  compagnie,  et  m'est  avis  que  messires  Jehaiw  de  Hain- 
nau  pour  celle  fois,  ne  li  chevalier  et  esquier  qui  la  raine 
avoient  acompagniet,  n'alèrent  plus  avant,  fors  chil  et  oeUes  qui 
avoecques  lui  dévoient  demorer,  car  li  rois,  pour  oee  joura,  et 
madame  sa  mère  et  li  contes  de  Kent  estoient  en  la  marea  die 
Northombrelande.  Si  regardèrent  li  sîgneur  d^Engleterre  que 
li  Hainnuier  aueroient  trop  de  painne  à  aler  si  lonch,  et  en 
furent  déporté,  et  là  donnés  et  pris  li  congiés  de  toutes  parties. 
Et  plora  la  jone  roine  Phelippe  assés,  quant  son  oncle  et  li  die- 
valier  de  Hainnau  la  laissièrent.  Toutesfois  ensi  fu  fait.  Il  a>a 
retournèrent  en  Hainnau,  et  li  signeur  et  les  dames  ffCngie- 
terre,  qui  de  ce  faire  estoient  cargiet,  ordonnèrent  lor  jone 
dame  et  renmenèrcnt,  et  passaient  parmi  Londres,  «ais  adont 
point  n*i  aresta  ;  car  on  voloit  que  li  Londryen  la  recfausaent  une 
aultre  fois ,  quant  li  rois  Tauroit  espousé  et  elle  seroît  roine 
d^Engleterre,  «le  tous  poins  et  à  telle  solempnité  comme  il 


ET   DE   PHlLirPE  BB   HAINAUT.  197 

ertoient  et  sont  tonn  don  fidre  quant  uno  rdne  d^Engleterre  (et 
li  foia  r&  espooeé)  e&tre  la  preaiièpe  fois  en  la  chité  de  Londres. 
Tant  eQploitièrent  chil  qui  la  jone  roine  menoient,  que  il  vinrent 
à  Ebvuich.  Là  lu-elb  recfaeute  tres-solempnement  et  grande- 
ment %  et  iasirent  en  bonne  ordenance  tout  11  signeur  d'Ëngle- 
terraqui  làestoieat,  à  rencontre  de  11,  et  meismement  lijones 
rois  qui  la  trouva  sus  les  camps  montée  sus  une  haquenée  très- 
bien  amblans  et  très-ricement  aournée  et  parée,  et  la  prist  par 
la  main  et  puis  Tacola  et  baisa,  et  cevauchièrent  coste  à  coste, 
et  à  grant  fuisspn  de  ménestrandies  et  d'onnours  il  entrèrent 
dedens  la  chité,  et  ensi  fù  amenée  jusques  au  lieu  où  11  rois  et 
madame  sa  mère  estoient  logiet.  La  roine  mère  dou  roi  rechut 
ceUe  Jone  roine  moult  doucement,  car  elle  8aw>it  d*onnours  tout 
qnanque  on  en  pooh  sçavMr.  Je  n*ai  que  fkire  de  plui  démener 
ce  pourpos.  Li  Jones  rois  Édouwars  espousa  Phelippe  de  Hain- 
nau  en  Féglise  catédral  que  on  dist  de  Saint-Guillaume,  et  le» 
etfouaak  li  arcevesques  dou  lieu  par  la  vertu  de  la  dispensation 
que  on  avoit  empêtré  en  Avignon,  et  fu  le  jour  de  la  Clonversion 
Saint-Pol,  et  avoit  li  rois  dis-aept  ans  d'eage  et  la  jone  roine  sus 
le  point  de  quatorze  ans,  et  fu  en  Tan  de  grâce  Nostre>Signeur 
mille  trois  cens  xxvii.  Si  poés  et  devés  sçavoir  que  toutes 
solempnités  et  festes  sans  riens  espargnier  furent  à  ces  jours,  et 
hiraut  et  ménestrel  largement  pajet.  Et  se  tint  depuis  ces  espou- 
sailles  li  rois  Ëdouwars,  madame  sa  mère  et  la  jone  roine  lor 
fille  à  Ebruich  ou  là  environ,  jusques  au  temps  Pasqour,  que  il 
vinrent  à  Londres  et  à  Windesore,  et  furent  de  rechief  là  toutes 
festes  faites  ;  et  i  ot  ou  mois  de  mai  que  la  roine  entra  en 
Londrefl,  grandes  jouste»  faites,  et  i  furent  grant  fuisson  de 
Hainnuiers  et  par  espécial  messires  Jehans  de  Hainnau  et  mes- 
sires  QuillauBie»  de  Jullers  i  furent,  et  li  sires  d'Enghien  qui 
fourjousta  les  joustes.  Je  me  tairai  un  petit  à  parto  de  œste 
Biatèr^v  et  parlerai  des  Esoopois. 


Âpriè8'  ce  que  li  Bseot  se  partirent  par  nuit  de  le  mon- 


196  DBRMIBR  TCnj 

taingne  là  où  li  roys  et  ii  seigneur  d'Engleterre  les  avoient 
asségiës,  sicomme  vous  avës  07,  il  allèrent  XXII  lieuwes 
de  celi  savage  pays  sans  arester,  et  passèrent  celle  rivière 
de  Thin  assés  priés  de  Cardueil  en  Galles ,  et  Tendemain  il 
rentrèrent  en  leur  pays,  car  il  marchist  là  assés  priés,  et  se 
départirent  et  en  ralla  chacun  en  se  maison.  Assés  tost 
apriès  celle  revenue,  aucun  bon  seigneur  et  preudomme 
d'Engleterre  et  d'Esfeoche  pourcacièrent  tant  entre  le  roy 
d'Engleterre  et  le  roy  d'Escoche  et  leurs  conssaux  que  unes 
trieuwes  fu  acordée  entre  yaux  à  durer  par  l'espace  de  trois 
ans.  Dedens  celle  trieuwe  avint  que  li  roys  Robi^s  d'Escoce 
qui  moult  preux  avoit  estet,  estoit  devenus  vies  et  foibles, 
et  si  cargiés  de  le  grosse  maladie  ^  avoecque§  le  foiblèche  et 
viellèche  que  morir  le  convint.  Quant  li  rois  d'Escoche 
congnut  et  senti  que  morir  le  convenoit  ',  il  manda  tous  les 
barons  de  son  royaumme  ens  èsquels  il  se  âoit  le  plus,  par 
devant  lui.  Si  leur  dîst  que  morir  le  convenoit  siqu'il 
veoient.  Dont  leur  pria  moult  affectueusement  et  leur  carga 
sus  lor  féaulté  que  il  gardaissent  féablement  son  royaumme 
en  ayde  de  David  son  fll,  et  quand  seroit  venu  en  eage,  que 
il  obéissent  à  lui  et  le  couronnaissent  à  roy  et  le  mariaissent 
en  lieu  si  souffisant  que  à  lui  appertenoit.  En  apriès  il  appela 
le  gentil  chevalier  monseigneur  Guillaumme  de  Douglas,  et 
li  dist  devant  tous  les  autres  :  «  Messire  Guillaumme,. 
<c  chiers  amis,  vous  savés  que  j'ai  eu  moult  à  faire  et  à  souf- 
«  frir  à  mon  temps  que  jou  ay  vescut,  pour  '  maintenir  ^  les 
«  droits  de  cesti  royaumme,  et  quant  jou  euch  le  plus  à 
«  faire,  je  fis  ung  veu  que  je  n'ay  point  acomplit,  dont  *  il 
«  me  poise.  Je  voay  que  se  il  estoit  ainssi  que  je  peuisse 
«  tant  faire  que  je  euisse  ma  gherre  acievée,  par  quoy  je 
«  peuisse  cesti  royaumme  gouverner  à  pès,  jou  iroie  aider  à 

*  Ce  disoit-on.  —  •  Sans  retour.  —   •**  Garder...  Boustenir.  — 
•  Moult. 


DE   ROBERT   BRUCE.  199 

«  guerrier  les  ennemis  à  Nostre-Seigneur  et  les  contraires 
<c  de  le  foy  crestienne,  à  mon  loyal  pooir.  A  che  point  a 
«  tondis  mon  coer  tendu,  mes  Nostre-Seigneur  ne  Ta  mies 
a  volut  consentir,  dont  il  soit  loés,  et  m'a  donnet  tant  à 
ce  faire  en  mon  temps  et  au  dairain  si  entrepris  et  ^  de  si 
a  grief  maladie  *  qu'il  me  convient  morir,  sicomme  vous 
«  veés  ;  et  puisqu'il  est  ainssi  que  ^  li  corps  de  mi  *  n'y  poelt 
a  aller,  ni  achiever  ce  que  li  coers  autant  désiret,  jou  y 
<c  voeil  envoyer  le  coer  el  lieu  del  corps  ^  pour  mon  veu 
«  achiever  •.Et  pour  ce  que  je  ne  say  en  tout  mon  royaume  . 
a  nul  chevalier  plus  preu  de  vostre  corps,  '  ne  mieulx  tail- 
a  liet  •  pour  •  mon  veu  acomplir  en  lieu  de  my,  je  vous 
oc  prie,  très-chiers  et  très-espëciaux  amis,  tant  comme  je 
a  puis,  que  vous  cest  voiaige  voeilliës  entreprendre  pour 
a  l'amour  de  my  et  me  àme  acquiter  enviers  Nostre-Sei- 
<f  gneur,  car  je  tieng  tant  de  vostre  noblèche  et  de  vostre 
a  loyaultë  que,  se  vous  l'entreprendés,  ^^  vous  n'en  faurés 
a  nullement": par  quoy,  se  vous  leentreprendés,j'en  moray 
a  plus  aise,  mais  que  ce  soit  '*  par  telle  manière  "  que  je 
«  vous  diray.  Je  voeil,  sitost  que  seray  trespassé,  que  vous 
a  prendés  le  coer  de  mon  corps  et  le  faittes  bien  enbausmer, 
«  et  prendés  tant  de  mon  trésor  qu'il  vous  samblera  que 
a  assés  en  ayés  pour  "  parfumir  "  tout  le  voiaige  pour 
a  vous  et  pour  tous  chiaux  que  vous  vorés  mener  avoecques 
a  vous,  et  enportés  mon  coer  avoecques  vous  pour  présen- 
a  ter  au  Saint-Sépulcre,  là  où  Nostre-Seigneur  fu  ensep- 
a  velis,  puisque  li  corps  n'y  puet  aller.  Et  le  faites  ^^  si 
a  grandement  ^^  et  vous  pourveés  si  souffissamment  de  telle 

*"*  Si  griefment...  de  si  grant  maladie.  —  '-*  Mon  povre  corps.  — 
*^  Pour  son  désir  acomplir.  —  ''■•  Ne  se  souffisant.  —  *•  De.  — 
*••"  Qne  TOUS  l'acheverës.  —  "*'  Par  tel  couvent.  —  *^**  Accomplir. 
—  *•-*'  Si  bonnourablement  qu*il  appartient  en  tel  cas  et  que  j'en  ay 
parfaite  fiance  en  vous. 


ado 


DERNIER  VOEU 


«  compaignie  et  de  tout  autres  coses  qu*à  votre  estât  appar- 
«  tient,  et  que  par  tout  là  où  vous  venrés,  que  on  sache 
«  que  vous  enportés  oultre  mer  comme  messages  avoecques 
«  vous  le  coer  le  roy  Robert  d'Escoche  et  à  son  comman- 
«  dément  puisqu'ensi  est  que  li  corps  n'y  puet  aller.  »  Et 
quant  chil  qui  làestoient,  eurent  oy  le  bon  roy  leur  seigneur 
enssî  parler,  il  *  coummencièrent  *  à  plourer  moult  tenre- 
ment  de  pitë  ',  et  quand  li  dis  messires  Guillaumes  de  Dou- 
glas peult  parler,  il  respondi  et  dist  :  «  Gentils  et  nobles 
«  sires,  cent  mille  merchis  de  le  grant  honneur  que  vous 
«  me  faittes,  que  vous  si  noble  et  si  grant  cose  et  tel  trésor 
<c  me  cargiës  et  recommandes,  et  je  feray  voUentiers  et  de 
c(  liet  coer  votre  commandement  à  mon  loyal  pooir  :  jamais 
<c  n*en  doubtes,  comment  que  je  ne  soie  mies  dignes,  ne 
«  souflSsans  pour  tel  cose  ^  achiever  *.  »  —  t  Ha!  gentils 
«  chevaliers,  dist  adont  li  rois  d*Escoce,  grant  merchis, 
«  mes  que  vous  le  me  créantes.  »  —  «  Certes,  sire,  ûioult 
(c  vollentiers,  »  dist  li  chevaliers.  Lors  li  créanta  tantost 
comme  loyaux  chevaliers.  Adont  dist  li  roys  :  a  Or,  en  soit 
a  Dieux  graciés,  car  je  mouray  plus  à  pès  d'ores  en  avant, 
<c  quant  je  say  que  •  li  plus  preux  et  li  plus  souflSsans  ''  che- 
«  valiers  de  mon  royaurame  achievera  pour  ray  ce  que  je 
«  ne  peuch  oncques  •  achivier  •.  »  Moult  fu  li  roys  d'Es- 
coce  en  grant  repos  de  couraige  quant  messires  Guillaumes 
de  Douglas,  chils  bon  et  loyaux  chevaliers,  li  eut  créante  que 
il  feroit  pour  lui  ce  voiaige  du  Saint-Sépulcre.  Assés  tost 
apriès,  li  *®  roys  Robiers  trèspassa  de  ce  siècle.  Lui  très- 
passet,  on  l'ouvri  enssi  que  ordonnet  Tavoit,  et  prist-on 
son  èôèr,  et  fti  boulis  et  enbaumés,  et  li  corps  ensepeli 


**•  Prisent.  —  'Si  leur  ratenrist  leurs  ceurs.  ~  *•  Entreprendre. 
—  •  ^  Lj  mieudres.  —  •  •  Accomplir,  ne  achever.  —  *®  Li  preua. 


DE  ROBERT  BRUCE.  201 

*  très-honnerablement*  en  une  abbéie  en  Escoce,  c*on  dist  de 
Donfermelin  :  là  li  nst-on  son  obsèque  révéramment  *  enssî 
comme  à  lui  appertenoit,  et  y  furent  tout  li  noble  de  son 
pays  *.  Apriès  ceste  ordonnanche  fête,  li  gentils  chevaliers 
messires  Guillaumes  de  Douglas  se  commencha  à  pourveyr 
et  àappareillier  pour  mouvoir  quand  temps  et  saison  seroit, 
pour  achiever  ce  que  proummis  avoit.  En  ce  temps,  assés 
tost  apriès  le  trespas  dou  roy,  trespassa  de  cest  siècle  li 
nobles  et  li  vaillans  conte  de  Moret  d'Escoche,  qui  estoit 
*li  plus  grans  ôt  li  plus  puissans  de  tout  ce  royaume  •jSi  en 
furent  grandement  afoibli  tant  dou  roy  que  de  ce  conte,  que 
de  monseigneur  Guillaume  Douglas  qui  wuidoit  le  royaume 
d'Escoce. 

Quair.  réd.  —  Apriès  ce  que  les  Escos  se  départirent  par  nuit 
de  la  montagne  là  où  li  jones  rois  d'Engleterre  et  li  baron  de 
celi  pais  les  avoient  asségiés,  ensi  que  vous  avés  oï  recorder 
ichi  desus  en  nostre  histore,  celle  nuit  et  à  Fendemain  avant 
que  il  fust  tierche,  il  chevauchièrent  vint  et  deus  lieues  de  celi 
paîs  pour  eslongier  les  Englois,  et  passèrent  celle  rivière  de 
Thin  assès  pries  de  Carduel  en  Galles.  Quant  il  se  veirent  si 
eslongiet  des  Englois  et  il  sentirent  lor  chevaus  fouUés,  il  se 
logièrent  entre  montagnes  et  bois,  et  furent  là  toute  la  nuit,  et 
ne  mengièrent,  ne  mengiet  n*avolent,  quinse  jour  estoient 
passet,  les  trois  pars  de  Toost,  ne  pain,  ne  paste,  fors  que 
chars,  et  beu  de  Taigue,  et  se  li  Englès  avoient  eu  painne  de 
euls  poursievir,  li  Escoçois,  pour  euls  garder  et  sauver,  avoient 
eu  painne  et  souffrèce  de  toutes  coses  au  double.  A  Tendemain 

*■■  A  tele  honneur  que  à  tel  roy  appartient,.,  si  honnourablement 
que  à  lui  afferi...  que  à  lui  appartenoit.  —  '  Selonch  Tusage  dou 
pays.  -»  ^  Et  trespassa  de  ce  siècle  Tan  de  grasce  Nostre  Signeur  mil 
CCC.XXVII  le  VII«de  novembre.—  »••  Li  plus  gentils  et  li  plus  pais- 
sans  princes  d^Escoce,  et  s^armoit  d'argent  A  III  orilliert  de  geules. 


/ 


202  PERNIER  TCBU 

il  furent  en  lor  pais  :  si  prissent  congiet  li  un  à  Fautre  et 
s'espardirent,  et  se  retraïst  casquns  sus  ion  lieu,  et  se  repo- 
sèrent et  rafresquirent,  casquns  chiés  soi,  car  bien  leur  faisoit 
mestier.  Assés  tos  apriès  ce  que  les  nouvelles  furent  venues  en . 
Escoce  que  li  jones  rois  Édouwars  estoit  mariés  à  la  fille  dou 
conte  de  Hainnau  (et  encore  se  tenoit-il  à  Ebruich  là  où  les 
noces  et  festes  avoient  esté) ,  auqun  baron  d'Escoce  et  de 
Northombrelande  se  missent  ensamble  sus  aséqurances  et 
vinrent  sus  une  place  que  on  dist  la  Mourlane  entre  Escooe 
et  Engleterre,  et  là  parlementèrent  tant  li  un  à  Taultre  que  unes 
trieuves  furent  prises  à  durer  trois  ans  entre  Engleterre  et 
Escoce,  et  pour  ce  se  tint  li  jones  rois  d'Engleterre  si  longement 
à  Varvich  que  li  trettié  de  ces  trieuves  estoient,  et  quant  elles 
furent  données  et  acordées  de  toutes  parties,  li  rois  d'Engle- 
terre,  contre  le  mois  de  mai,  retourna  en  la  marce  de  Londres 
et  madame  sa  mère  et  la  jone  roine  Phelippe,  et  furent  les 
festes  adont  à  Londres  à  la  venue  de  la  roine,  ensi  comme  il  est 
contenu  ichi  desus.  Or  voel  parler  dou  roi  Robert  de  Brus,  le 
roi  d'Escoce,  liquels  en  son  temps  avoit  esté  moult  preux,  et 
moult  avoit  donné  les  Englois  à  faire  et  recouvré  son  roiaulme 
contre  les  Englès  et  euls  porté  grant  damage,  et  estoit  devenus 
vieuls  et  frailles  et  cargiés  de  la  grose  maladie  et  si  menés  que 
jusques  sus  la  fin  de  ses  jours.  Quant  il  vei  et  senti  que  morir 
le  convenoit,  il  manda  tous  les  barons  de  son  roiaulme,  voire 
ceuls  où  il  avoit  la  grignour  fiance.  Quant  il  furent  devant  li,  si 
leur  dist  :  a  Biau  signeur,  je  voi  bien  que  il  me  convient  aler 
t  la  voie  commune  :  à  cela  n'i  a  nul  remède.  Je  vous  recom- 
«  mande  David,  mon  fil.  Li  enfès  est  jones  et  auera  mestier 
«  d'avoir  bon  consel.  Se  li  bailliés  tel  que  li  roiaulmes  en  vaille 
«  mieuls,  et  à  vous,  messire  Guillaume  Douglas,  compains  et 
a  très-grans  amis  (je  vous  ai  toujours  trouvé  fiable,  de  bon 
«  consel  et  de  haute  emprise),  je  vous  pri  que  vous  me  voelliés 
«  donner  un  don  que  je  vous  demanderai,  et  quant  vous  le 
t  m'auerés  acordé,  j'en  morai  plus  aise.  »  Li  gentils  chevaliers, 
tout  en  plorant,  li  acorda  et  li  dist  :  c  Monsigneur,  dites  et 


DE  ROBERT  BRUCE.  203 

c  demandés  .  je  le  voas  acorde,  mais  que  ce  soit  cose  licite 
«  et  que  je  puisse  faire.  »  —  «  Oïl,  respondi  li  h)is.  Chiers 
€  compains  et  amis,  voué  ai  une  fois  à  Dieu,  et  ce  veu,  je  l'ai 
€  tousjours  tenu  en  secré,  que,  se  je  pooie  raveoir  le  temps  et 
€  les  jours  que  le  roiaulme  d'Escoce  je  peuisse  obtenir  en  paix 
«  à  rencontre  des  Englois,  en  Tonnour  de  Jhésu-Cris,  qui  volt 
€  mort  recevoir  ent  crois  pour  nous  et  son  sanch  espandre,  je 
«  voloie  faire  un  voiage  sus  les  ennemis  de  Dieu  et  là  exposer 
c  mon  corps  et  mes  biens.  Or  aj-je  toujours  eu  tant  à  faire 
«  encontre  les  Englois,  ensi  que  voussavés,  que  je  sui  devenus 
c  vieuls  et  cheus  en  débilité  de  corps  et  de  maladie,  par  quoi 
c  je  ne  peus  mon  veu  acomplir,  et  puis,  chiers  compains  et 
t  amis,  que  li  corps  ne  'puet  faire  le  voiage  d'oultre-mer,  ne 

<  aler  au  Saint-Sépulcre,  ne  espanir  mes  péchiés  sus  les  enne- 
€  mis  de  Dieu,  laquelle  cose  me  touce  de  trop  priés,  je  vous  pri 
€  que,  quant  je  serai  trèspassés  de  ce  siècle,  que  vous  faites 
c  ouvrir  mon  corps  et  prendre  le  coer  et  mettre  en  telle  orde- 

<  nance  comme  il  apertient^  et  que  vous  le  portés  oultre  la  mer 
c  sus  les  mescréans  et  jusques  au  Saint-Sépulcre,  et  là  le  lais- 
€  siés,  se  l'aventure  poés  avoir  d'aler  si  avant.  Or  me  respondés 
«  se  vous  m'acomplirés  mon  darrain  désirjer.  »  Messires  Guil- 
laumes  Douglas  respondi  tout  en  plorant  et  dist  :  t  Monsigneur, 
«  puisque  vous  me  volés  cargier  de  si  grant  cose,  jà  soit  que 
c  point  ne  le  vaille,  j'en  ferai  mon  devoir  et  mon  pooir.  »  Et 
li  rois  respondi  et  dist  :  «  G-rant  merchis.  »  Depuis  ceste 
ordenance  faite,  li  rois  Robers  de  Brus  ne  vesqui  que  trois 
jours;  si  fu  ouvers  et  embasmés,  et  son  coer  pris  et  enbaupsmiés 
et  ccJuchiés  en  petit  vasselet  d'or  si  ricement  ouvré  que  on  ne 
pooit  mieuls,  et  mis  en  une  chainne  d'or,  et  tout  cela  encarga  li 
gentils  chevalier  de  Douglas  au  jour  que  on  âst  Tobsèque  dou 
roi  Robert  en  Fabaïe  de  Donfremelin'  en  Escoce.  Là  fu  li  rois 
Robers  ensepelis,  et  prcsens  les  barons,  les  prélas  et  les  che- 
valiers, messires  Guillaumes  de  Douglas  encarga  la  chaine  et 
le  vasselet  d*or,  où  li  coer^  dou  roi  Robert  estoit  enclus,  et  le 
mist  en  son  hateriel ,  et  dist  que  jamais  de  là  ne  partiroit  de 


30 i  MOET 

nuit,  ne  da  joui»,  si  TaueFoit  porté  oultre^iaei!  et  8.ua  ]» 
cvéema  et  laissîet  au  Saint-Sépulcre  en  Hiérvaajkqp,  ens^  qi^ 
proumis  a^oit.  Et  tpèspaasa  do  oe  sièclo  U  roi9:  Bo^be^^  4^J6^w 
en  Fan  de  grasoe  Nostpe-Signear  mil  trois  c^t  yingt-huit,  \e . 
septième  jour  dou  mois  de  juno,  qui  fa  la^  Buit  d0u  $aiiitri$Eu»e- 
ment,  et  le  jour  Saint-Jehai^Ba{>tiste  ensieyant  fu  qoiiiK>wé4  à 
roi  David  bûb  ûls,  et  li  fissent  tout  U  ba^roB  d'Eaeom  £éfl|utUw  f  t 
hommage  les  homme»  des  chités  et  des  bonaas  vil^^t  ^^  ptN» 
et  des  hayènes,  et  estoit  ou  onsime  an  de  soi^  e^ge  eft  de^fM^r^ 
ou  gouernement  dou  conte  de  Moret  »  4«  VD\mWN^  Rptmi.  de 
Versi  et  d'Aroebaut  Douglas. 


Quant  li  printemps  vint  et  li  bonne  saison  pour  BBOu^roîr 
qui  yoelt  passer  oultre  le  hauKe  mer,  et  li  gentîis  chevaliers 
H  dis  messires  Guillaumes  de  Douglas  fu  si  pouryëut  comme 
à  lui  appertenoit,  seloncq  ce  que  commandé  li  estoit,  il 
monta  sour  mer  droit  en  Escoce  *  ou  hayène  de  Hainde- 
bourch  *  et  s'en  yînt  en  Flandres  droit  à  l'Escluse  pour  oyr 
nouyelles  et  pour  savoir  se  nuls  de  par  decbà  le  iper  s*appa- 
reilloit  pour  aller  vers  le  Sainte-Terre  de  Jhérusalem,  affln 
qu*il  pQuist  avoir  meilleur  compaingnie .  Si  séjourna  à  FEscIuse 
bien  par  Tesp^se  de  XII  jours  ainchois  qu'il  s'en  p^pti^t, 
mes  oncques  ne  volt  là  endroit  mettre  piet  à  terre  pour  le  terme 
des  XII  jours ,  ains  demouroit  toudis  sour  le  pave  et  teQpit 
toudis  son  tinel  honnerablement  à  trompes  et  à  nak^re^ 
comme  se  ce  fuist  li  rois  d'Escoce,  et  avoit  en  se  compaignie  ' 
II  chevaliers  bannerès  *  et  *  VII  •  autres  chevaliers  des  plus 
preux  de  son  pays  et  '  bien  XXV  escuyers  biaux  et  jovines, 
les   plus  soufSsans  qu'il  pot  eslire  en  tout  son  pays  ^ , 

*-*  Au  port  de  Morois  en  Escosse.  —  *  *  Un  chevalier  banei^t.  — 
*^  Six.  —  ^  Et  avant  jusque*  à  XXVI  eacui^rs,  jopes  et  gentils 
hommea  de»  plus  spuffisans  d'Escoce,  dpnt  il  estoit  bieu  servis. 


DE  GUILLMUMB   DE  DOUGLAS.  S05 

sans  l'aotre  mesnie  ;  et  ^  avoît  tout  vaisselment  *  d^opgent  ', 
po8,  4)acbm8,  esouellas^  (han^&,  bouteilles^  baris  «t  autres 
^itoutiestels  ^>co6es  apperienantes  pour  servir  uBg  seigneui* 
'tel  oomme  il  estoit,  qui  représentoitle  personne  dou  roy 
d'EsGOohe,  et  estoient  très-bien  festyet  de  doi  manières 
de  vmB  eAàe  doi  manières  d'espisses  toutcil^uileToUoient 
«aller  Yèair,  mais  que  ee  fuissent  gens  d'estat. 

Enssi  par  l'espace  de  XII  jours  tous  pleniers,  ^ouana 
toôssiresGuîllaummes  de  Douglas  à  l'ancre  devant  l'Escluse. 
Au  pardairain  il  entendi  que  li  roys  •  d'Espaingne  ''  gue- 
ti'oit  au  roy  de  Grenade  qui  estoit  incrëdulles  et  sarasins. 
Si  s'avisa  •  qu'il  s'en  yroit  *  celle  part  pour  "  mieux 
employer  son  temps  et  son  voiaîge  ",  et  quant  il  aroit  là 
fkit  se  besoingne,  il  yroit  outre  pour  parfaire  "  chou  qu'il 
avoit  encorres  à  faire  et  que  chargiës  et  commandés  li  estoit. 
Si  se  parti  ainssi  de  l'Escluse  et  s'en  alla  droit  par  deviers 
Espaigne  <t  tout  par  mer  et  arriva  premiers  au  port  de  Val- 
lendie  leGrant,  et  puis  s'en  alla  droit  vers  le  roy  Alpbons 
*fl*Espaigne  qui  esrtoit  à  ost  contre  le  dit  roy  de  Grenade,  et 
estoieirt  assës  priés  li  ungs  de  Tautre  sour  les  frontières  de 
leurs  pays.  *^  VII  jours  "  apriès  ce  que  li  dis  messires 
Guillaummes  de  Douglas  fulà  venus,  avint  que  li  rois  d'Es- 
paigne  yssi  hors  as  camps  ^^  ,pour  plus  approchier  ses  enne- 
4nis  ^*.  Li  roys  de  Grenade  issi  hotîs  ossi  d'autre  part  sique 
ili  imgSToys  ¥eoit  l'autre  à  touttes  ses  bannières,  et  si  eoum- 

'*'**  Et  n'aToit  nulle  tsdftdlle  de  cuisine,  ne  aultre^  srnon  tetfte  d-ar- 
g^nt  ou  d'or.  —  «  D'or  et.  —  '*'»  Si  faites.  -.  «'^  De  CwrtiUe.  — 
•*  Qu*îl  s'en  traÎTOÎt. —  ^^*  Pour  commencer  son  '^oiage.  -^  *•  Et 
achiôver.  —  ••-**  An  premier  jour  assés  tost  apriès.  --  *•  En  ordon- 
nance pour  combattre.  —  *•  Dalës  lui  estoit  Tenus  aussi  en  bon  arroy 
le  sire  d*Ëngien  en  Haynnau  pour  honneur  acquerre,  et  jà  aroit  esté 
gratit  éspamie  en  Ef«paigne. 


206  MORT 

menchiërent  à  rengier  leur  bataille  li  ungs  contre  Tautre. 
Adont  se  traist  li  dis  messires  Guillaummes  à  Tun  des  costés 
à  toute  se  route  pour  mieux  faire  se  besoingue  et  pour 
mieux  monstrer  son  effort  ^.  Quant  il  vit  touttes  les 
batailles  rengies  de  l'un  les  et  d'autre,  et  vit  le  bataille  le 
roy  d'Espaingne  ung  petit  esmouvoir,  il  quida  que  elle  allast 
assembler.  *  Li  bons  chevaliers  ^  qui  mieux  voUoit  y  estre 
des  premiers  que  des  darrains,  féri  des  espérons,  et  toutte 
se  compaignie  avoecques  li,  jusques  à  le  bataille  le  roy  de 
Grenade  et  alla  as  ennemis  assambler  *,  ^  etpenssoit  •  que 
li  roys  d'Espaingne  et  touttes  ses  batailles  le  sieuwissent, 
mes  non  fisent,  dont  il  en  fu  "^  décheus  ;  car  oncques  *  nuls 
ne  le  sieuwy  fors  chil  de  son  pays  et  se  tinrent  li  Espaignol 
tout  quoy  ® .  Là  fu  li  ^°  bons  **  chevaliers  messires  Guil- 
laumes  de  Douglas  enclos  des  ennemis  et  toutte  se  route 
par  tel  manière  que  oncques  nuls  n'en  escappa  que  tous  ne 
fuissent  mort  ^*,  ^^  dont  ce  futrès-grans  dammaiges  et  grans 
deffaute  pour  les  Espaignols,  quant  autrement  ne  les 
"  secourirent  ^^  *^  mes  trop  bien  s'i  vendirent  liEscoçois  tant 
qu'il  peurent  durer  ".  Ensi  a  estet  de  ceste  aventure  et  dou 

*  Et  aussi  fist  le  dit  seigneur  d'Engien  sur  les  costés  où  ils  furent 
ordonnés  atout  leur  charge.  — '"'Les  deux  bons  chevaliers.  — ^  Moult 

asprement. —  '^  En  créant  fermement.  —  ^  Laidement *•  Celi  jour 

ne  s'en  esmui-ent.  —  **^**  Gentils.  —  **Et  aussy  y  demoura  labanière 
du  signeur  d'Engien,  que  portoit  Gille  de  Hembisse,  et  plusieurs 
aultres;  mais  le  seigneur  d'Engien  se  sauva.  —  *'-**Qui  fu  pités,  car 
lajoumée  estoit  pour  eulx  si  le  roy  enist  poursievy  son  fait. —  **-"Con- 
fortèrent.  ~  *®-"  Et  y  fisent  merveilles  d'armes,  mes  finablement  ils  ne 
peurent  durer,  ne  onques  pies  n'en  escapa  que  tout  ne  fuissent  oocii 
à  grant  meschief,  de  quoi  ce  fu  pités  et  damages  et  grant  lasqueté  pour 
les  Espagnols,  et  moult  en  furent  blasmet  de  tous  chiaus  qui  en  oîrent 
parler,  car  bien  ewissent  rescous  le  chevalier  et  une  partie  de  siens 
s'ils  vosissent.  —  ^^  Et  parmi  le  mort  ils  acquirent  très-grant  honneur 
et  le  salvement  de  leurs  amis. 


DE  GCILLAUHfi  DE  DOUGLAS.  â07 

voîaige  dou  dessus  dist  seigneur  monseigneur  Guillaume  de 
Douglas  et  de  toute  se  route. 

Quatr.  réi.  —  Assés  tos  apriès  le  couronnement  dou  jone  roi 
David  d'Escoce,  ordonna  ses  besongnes  chils  gentils  et  vaillans 
chevaliers  messires  Guillaumes  Douglas  pour  faire  son  voiage, 
ensi  que  proumis  Tavoit,  et  monta  à  mer  au  port  de  Morois  en 
Escoce,  et  s'en  vint  à  l'Escluse  en  Flandres  et  là  s'aresta  pour 
oJT  nouvelles  et  pour  sçavoir  se  nuls  de  deçà  la  mer  s'aparelloit 
pour  aler  oultre  par  deviers  la  Sainte-Terre  de  Hiérusalem,  à 
la  fin  que  il  peuist  avoir  milleur  compagnie.  Et  séjourna  à 
l'Escluse  par  l'espace  de  douze  jours  et  ne  volt  onques  issir  de 
son  vassiel  et  tenoit  son  estât  sus  l'aiguë  et  en  son  vassiel 
honnourablement  à  trompes  et  à  naquaires,  comme  ce  fust  li 
rois  d'Escoce,  et  avoit  en  sa  compagnie  un  baron  et  sjs  cheva- 
liers et  trente  esquiers  et  tous  à  sa  délivrance  sans  l'autre 
mesnie,  et  avoit  toute  vassielle  d'or  et  d'argent,  pos,  bachins, 
esquieulles,  hanaps,  boutelles,  barils  ;  et  tout  chil  qui  le  voloient 
aler  veoir,  estoient  lienàent  requelliet  et  festjet  de  li  et  de  ses 
hommes  et  servis  de  deus  ou  trois  manières  de  vins,  et  casquns 
selonch  son  estât,  et  le  vinrent  veoir  de  Flandres  pluisseurs 
chevaliers  et  esquiers,  et  de  Hainnau  et  d'Artois,  et  à  tous  il 
fist  bonne  chière.  En  l'espace  que  il  séjourna  là,  il  entendi  que 
Alphons,  li  rois  de  Chastelle,  avoit  guerre  contre  le  roi  de 
Grenade  et  au  roi  de  Bougie  et  au  roi  de  Thunes  et  au  roi  do 
Bellemarie,  et  tout  estoient  Sarrasin.  Si  eut  avis  que  il  trairoit 
celle  part  pour  mieuls  employer  son  voiage  et  fist  repourveir 
son  vassiel  et  rafresquir  de  toutes  coses  qui  nécessaires  li 
pooient  estre  et  à  ses  gens,  et  puis  se  départi  de  l'Escluse,  et 
orent  11  maronnier  vent  à  volenté,  et  singlèrent  sans  péril  et 
sans  damage  et  vinrent  à  la  Calongne  en  Galise,  et  là  quant  il 
furent  issu  de  lor  vassiel  qui  estoit  grans  et  biaus  et  l'avoit  faire 
faire  et  ouvrer  li  rois  Robers  de  Brus,  et  il  furent  sus  terre,  il 
86  pourveirent  de  chevaus  et  puis  s'en  alèrent  deviers  le  roi 
d^Espagne  qui  se  tenoit  à  Buts  en  Espagne  et  s'aquointièrent  de 


208  MORT   DE  GUILLAUME  DE  DOUGLAS. 

li.  Li  roiâ  avoit  bien  oï  parler  de  messire  Guillaume  Douglas  et 
de  ses  proèces  :  se  li  f u  li  très-biens  venus,  et  le  rechut  à  grant 
joie  et  toute  sa  compagnie,  et  li  fist  avoir  sa  délivrance  et  son 
estât  bien  et  .grandement  et  le  plus  à  ses  coustages.  Avint  que 
li  rois  Alphons  d'Espagne  entendi  que  li  rois  de  Grenade,  lui 
quatrime  de  rois,  estoit  venus  à  poissance  logier  à  Tentrée  de 
son  pais.  Jà  avoit-il  mandé  ses  hommes  et  se  înist  aussi  à  pois- 
sance à  rencontre  de  ses  ennemis.  Qiant  ces  deus  hoos  se 
voiront  Tun  devant  Tautre  en  biel  plain  païs,  un  jour  par  Tacord 
de  toutes  parties,  il  s'armèrent  et  s'ordonnèrent  et  rengièrent 
tous  sus  les  camps,  ensi  que  pour  combatre.  Li  dis  messires 
Guillaimies  de  Douglas  se  traïst  à  l'un  des  costés  à  toute  sa 
route  pour  mieuls  faire  sa  besongne  et  pour  mieuls  montrer  son 
acquit  et  sa  vaillance.  Quant  il  vei  toutes  les  batailles  rengies 
de  une  part  et  d'aultre,  et  il  vei  la  bataille  le  roi  un  petit 
Gsmouvoir,  il  quida  que  elle  s'en  alast  assambler  ;  ils  qui  voloit 
estre  des  premiers  assalans,  broça  ce  val  des  espérons,  et  toute 
sa  compagnie  apriès  lui,  et  s'en  vinrent  férir  et  assembler  à  la 
bataille  le  roi  de  Grenade ,  et  pensoit  en  alant  que  li  rois 
d^Espagne  et  toutes  les  batailles  le  sievissent,  mais  non  fls^nt, 
dont  il  en  fu  déceus,  mais  se  tinrent  li  crestjen  tout  quoi, 
réservé  li  et  ses  gens.  Ces  mescréans ,  quant  il  les  veirent 
venir  sus  euls,  s'ouvrirent  et  les  encloïrent.  Considérés  la 
grant  mauvesté  des  crestjens  qui  laissièrent  perdre  ce  vaillant 
homme  ensi  et  tous  les  siens  ;  car  il  furent  là  tout  mort,  ne 
onques  ce  jour  li  rois  d'Espagne,  ne  li  sien  ne  se  combatirent, 
mais  messires  Guillaume3  Douglas  et  li  Escoçois  i  fissent  mer- 
velles  d'armes,  et  ocirent  et  abatirent  moult  grant  fuisson  de 
Sarrasins.  Finablement,  il  demorèrent  là  tout  mort  sus  la  place, 
dont  ce  fu  damages  et  grant  mauvesté  pour  les  Espagnols,  mais 
li  auqun  dient  que  il  le  fissent  tout  volentiers  et  par  envie. 
Ensi  demora  li  coers  dou  roi  Robert  de  Brus  là,  et  li  gentils 
chevaliers  qui  le  portoit  et  toute  la  route  des  Escos,  réservé  les 
variés.  Considérés  entre  vous  qui  entendes  raison,  la  povre  aven- 
ture que  chils  gentils  chevaliers  messires  Guillaume  Douglas  eut 


MARIAGE  DE  DAVID  BRUCE.  209 

et  rechut  en  roiaulme  estrange  et  lontain  pour  bien  faire. 
Pluisseur  voellent  dire  et  supposer  que  li  Espagnol  orent  envie 
sur  lui  et  sus  ses  compagnons  pour  tant  que  il  s'avanchièrent 
de  estre  li  premier  requérant  les  ennemis  et  assalant,  et  que  il 
vodrent  avoir  celle  honneur  devant  euls.  Quant  les  nouvelles 
furent  sceues  en  Escoce  de  la  mort  dou  gentil  chevalier,  tout 
chil  dou  roiaulme  en  furent  courouchié,  car  il  avoient  perdu 
un  trop  grant  chapitainne  et  le  regretèrent  moult,  et  li  fissent 
faire  si  parent  et  li  baron  et  chevalier  d'Escoce,  son  obsèque 
aussi  solempnement  que  dont  que  li  corps  fust  présens,  et 
chanta  la  messe,  en  Tabéie  de  Sainte-Crois,  en  Tabéie  de  Hain- 
debourch,  li  évesques  de  Saint- Andrieu  en  Escoce,  et  i  furent 
tout  li  baron  et  li  prélat  d'Escoce. 

En  cel  meisme  an  trèspassa  aussi  sus  son  lit  li  contes  de 
Moret  d'Escoce.  Ensi  fu  li  roiaulmes  d'Escoce  afoiblis  de  deus 
vaillans  hommes  et  d'un  vaillant  roi,  le  roi  Robert  de  Brus, 
père  au  roi  David. 


Ung  peu  de  tamps  apriës  che  que  messires  Guillaumes  de 
Douglas  se  fu  départis  d'Escoche,  traitièrent  aucun  vaillant 
homme  d'Escoce  deviers  le  consseil  le  roy  d'Engleterre  pour 
avoir  sa  sereur  en  mariage  et  à  lui  couronner  royne  d'Es- 
coche,  et  tant  fu  la  cose  démenée  et  si  bellement,  que  li 
mariaiges  se  fist,  et  envoya  li  roy  d'Engleterre  madamoiselle 
Ysabel  sa  soer  moult  honnerableraent  deviers  le  jone  roy 
David  d'Escoche,  liquels  le  rechupt  lieraent  et  Tespousa  à 
grant  joie  à  Bervich  en  Escosse,  et  puis  se  tinrent-il  là  ung 
grant  temps  et  là  environ.  Or  me  tairay  ung  petit  des 
besoingnes  d'Engleterre  et  d'Escoce,  et  revenray  au  noble 
roy  Charlon  de  Franche,  car  li  matère  le  requiert. 

Var.  prem,  réd.  —  Ung  peu  de  temps  après  ce  que  messire 
Guillame  de  Douglas  fu  partis  d'Escoce ,  aucuns  vaillans  sei- 

14 


310  MARIAGE 

gneurs  et  sages ,  pour  mettre  bone  et  seure  paix  entre  le 
rojaulme  d'Engleterre  et  celui  d'Escoce,  traitèrent  devers  le 
conseil  du  roi  d'Engleterre  pour  avoir  sa  soer  en  mariage  à 
estre  rojnne  d'Escoce  ;  et  tant  y  eut  de  traictiés  que  le  mariage 
se  fist.  Et  envoia  le  roy  d'Engleterre  mademoiselle  Ysabel,  sa 
seur,  moult  honnourablement  devers  le  josne  roy  David  d'Es- 
coce,  lequel  le  rechupt  grandement  et  à  grant  honneur,  et 
Tespousa  à  grant  joie  à  Bervich  en  Escoce. 

Sec.  rii,  —  Ne  demora  mies  gramment  de  tamps  apriès  çou 
que  li  dessus  dis  chevaliers  se  fut  partis  d'Escoce,  pour  aler  en 
«on  pèlerinage,  sicom  vous  avés  oy,  que  aucun  signeur  et  pren- 
domme  qui  désiroient  à  nourir  pais  entre  les  Englès  et  les  Escos, 
trettièrent  et  pourcacièrent  tant  que  mariages  fut  fais  del  jone 
roi  David  d'Escoce  et  de  la  sereur  le  jone  roy  Édouart  d'Engle- 
terre  :  si  fu  cils  mariages  acordés,  et  espousa  la  dame  li  dessnsdis 
rois  à  Bervich,  en  Escoce  ;  et  là  y  eut  grants  festes  de  l'une  partie 
et  de  l'autre. 

Q^atr,  rià,  —  Quant  li  demorant  des  barons  et  chevaliers 
d'Escoce  veirent  que  il  estoient  ensi  afoiblis  de  vaillans  hommes 
et  avoient  un  jone  roi,  si  orent  consel  ensamble,  à  savoir  là  où 
il  poroient  lor  roi  marier  et  ascner  en  lieu  dont  il  vausissent  le 
mieuls,  mais  bien  sçavoient  chil  qui  congnisoient  le  roiaulme 
d'Engleterre  que  li  jones  rois  Édouwars  avoit  une  soer  à 
marier.  Si  regardèrent  et  jettèrent  lor  visée  à  ce  que,  se  lors 
sires  li  rois  Davids  pooit  avoir  à  femme  et  espouse  la  serour  le 
roi  d'Engleterre,  par  ceste  alliance  ou  temps  avenir,  il  en 
deveroient  mieuls  valoir,  et  que  paix  raisonnable  en  poroit 
bien  venir,  au  pourfit  de  Tun  roiaulme  et  de  l'autre ,  car  la 
guerre  avoit  trop  longuement  duré.  Si  s'en  ensonnyèrent 
auquns  vaillans  hommes  d'Escoce,  prélas  et  autres,  et  tre- 
tyèrent  premièrement  devicrs  le  conte  Aymmon  de  Kent  et 
messire  Rogier  de  Mortemer,  qui  pour  lors  avoient  en  gouver- 
nement le  roiaulme  d'Engleierre.  Chil  doi  signeur  assés  légiè- 


DE   DAVID    BIILCE.  211 

rement  s'enclinèrent  as  requestes  et  tretiés  des  Escocois  et 
délivrèrent  la  serour  dou  jone  roi  d'Engleterre,  madame  Isabiel, 
à  ambassadeurs  dou  roi  d'Escoce,  et  lor  fu  menée  au  Noef- 
Chastiel-sur-Thin,  sans  ce  que  prélas,  barons,  ne  li  consauls  des 
chités  et  bonnes  villes  d'Engleterre  en  seuissent  riens ,  ne 
fuissent  appelle,  pour  laquelle  cose  grant  murmuration  s'en 
esleva  en  Engleterre  contre  le  conte  de  Kent  et  messire  Rogier 
de  Mortemer,  et  disoit  la  renommée  dou  païs  que  il  ne  deuissent 
pas  cela  avoir  fait,  ne  le  mariage  acordé  si  légièrement,  de  la 
fille  d'Engleterre  à  lor  adversaire  le  roi  d'Escoce,  que  il 
n'euissent  convoquiet  Fespécial  et  général  consel  dou  païs,  et 
convenoit  que  il  euist  entre  ceuls  qui  de  ce  mariage  s'estoient 
enJsonnjet,  auqune  cautelle  secrée  qui  se  descouvreroit,  quanque 
que  ce  fust.  Vous  devés  sçavoir  que  pour  celi  cause  pluisseur 
en  Engleterre  entrèrent  en  doubte  et  en  soupeçon  mauvaise,  jà 
n'i  euist  nulle  cause,  à  rencontre  des  desus  dis  le  conte  de  Kent 
et  messire  Rogier  de  Mortemer,  et  les  prissent  à  grant  hainne  ; 
car  Englès  sont  mervilleus  et  croient  plus  Légièrement  le  mal 
que  le  bien.  Toutesfoià,  la  jone  dame  d'Engleterre  fu  délivrée 
as  barons  et  prélas  d'Escoce  et  le  prissent  au  Noef-Chastiel- 
gur-Tbin  et  Teumenèrent  en  la  chité  de  Bervich  c'en  dist  en 
Escoce,  et  là  Tespousa  li  rois  Davids  d'Escoce,  et  vint  faire  sa 
feste  depuis  en  Haindebourgh  en  Escoce,  et  i  ot  joustes  noncies 
et  publiées  tout  parmi  le  roiaulme  d'Engleterre,  mais  moult 
petit  de  chevaliers  d'Engleterre  i  furent,  car  il  considérèrent 
la  vois  commune  dou  pai's  que  chils  mariages  n'estoit  pas  fais 
à  la  plaisance  dou  pais  d'Engleterre,  fors  que  de  euls  deus.  Si 
nous  nos  soufferons  un  petit  à  parler  d'Escoce  et  d'Engleterre, 
et  parlerons  dou  roi  Carie  de  France,  frère  à  la  roine  Isabiel 
â*EngIeterre. 

Chils  rois  Charles  de  Franche  fu  trois  fois  mariés,  et  si 
morut  sans  avoir  hoir  marie  de  nulle  de  ses  femmes,  dont 
che  fu  dammaiges  et  pités  pour  le  royaumme,  sicomme 


212  MORT 

VOUS  orés  chy  apriès  en  ces  te  histoire.  Li  première  de  ses 
femmes  fu  li  plus  gente  et  li  une  des  plus  belles  femmes  del 
monde  et  la  fille  le  comtesse  d'Artois.  Celle  damme  garda 
mal  son  mariage  et  se  fourfist ,  pour  quoy  elle  en  demoura 
longtemps  ou  Castiel-Gaillart  en  prison  et  en  ^  grant  mes- 
chief  ainchois  que  ses  maris  fust  rois.  Quant  li  royaummes 
de  France  li  fu  esceus  et  il  fu  couronnés,  li  XII  per  et  li 
baron  de  Franche  ne  verront  nient,  s'il  peuwissent,  qu'il 
demourast  sans  hoir  marie.  Si  quisent  sens  et  advis  par 
quoy  li  roys  Caries  fuist  remariés,  et  le  fu  à  le  fille  l'empe- 
reour  Henry  de  Lucenbourcq  et  soer  au  noble  roy  de 
Boesme,  et  par  quoi  li  premiers  mariaiges  fust  deffais  et 
anuUés  de  celle  damme  qui  en  prison  estoit,  et  tout  par  le 
déclaration  Nostre  Saint-Père  le  Pape  qui  adont  régnoit  et 
qui  en  dispenssa  le  roy  de  Franche.  De  celle  seconde 
damme  de  Luxembourg  qui  estoit  moult  humle  et  moult 
preude  femme  eut  li  rois  ung  fil  qui  mourut  moult  jovènes  et 
assés  tost  la  mère  apriès  à  Ysodun  en  Berry,  et  morurent 
tout  doi  *  assés  ^  souppechonneusement  ^.  De  quoy  aucunnes 
gens  furent  encouppés  en  derrière  couvertement.  Apriès, 
chils  roys  Caries  fu  remariés  pour  le  tierch  fois  à  le  fille  de 
son  oncle  de  reraariaige,  le  fille  de  monseigneur Loeis,  comte 
d'Évrues,  et  fu  nommée  la  dame  la  bonne  royne  Jehanne, 
sereur  au  roy  de  Navare  qui  adont  estoit.  Or  avint  que  celle 
dame  fu  enchainte,  et  li  dis  roys  se  accouça  malades  au  lit 
de  le  mort.  Quant  il  perchut  que  mourir  le  convenoit,  il 
devisa  et  ordonna  que  se  il  avenoit  que  li  royne  sa  femme  se 
acouchast  d'un  fil,  il  voUoit  que  messires  Phelippes  de  Val- 
lois,  ses  cousins  germains,  en  fuist  mainbours  et  régens  et 
de  tout  le  royaumme,  jusques  adont  que  ses  fils  seroit  en 
eage  d'estre  roys,  et  s'il  avenoit  que  ce  fuist  de  une  fille, 

*  Moult.  —  •-*  Moolt.  —  *  Sicomme  renommëe  courut. 


DE  CUAKLL8   LE  BEL.  213 

que  li  XII  per  et  li  hault  baron  de  Franche  euissent  consseil 
et  advis  entr*iaulx  et  dounaissent  le  royaumme  à  celui  qui 
avoir  le  devroit  par  droit.  *  Sus  ces  devises  et  ordonnan- 
ches,  li  dis  rois  Caries  ala  morir  le  XVIP  jour  dou  mois  de 
march,  Tan  de  grâce  mil  CCC.XXVIII  ». 

Quatr.  réd.  —  Li  rois  Caries  de  France,  fils  au  biau  roi 
Phelippc  de  France,  fu  trois  fois  mariés  et  trèspassa  de  ce 
siècle  sans  avoir  hoir  mâle  de  nulles  de  ses  femmes,  dont  ce  fu 
damages  pour  le  roiaulme  de  France,  ensi  que  vous  orés 
recorder  ensievant  Tistore.  La  première  des  femmes  ce  roi 
Carie  fu  li  une  des  plus  belles  dames  dou  monde  resgnans  en 
ce  temps,  et  fu  fille  au  conte  d'Artois  et  à  la  contesse.  Celle 
dame  ot  nom  Jehane,  et  garda  mal  son  mariage  et  se  fourfist, 
pour  quoi  elle  en  demora  lonch  temps  ens  ou  Chastiel-Gaillart 
en  prison  avant  ce  que  son  mari  fust  rois.  Quant  li  roiaulmes 
de  France  li  fu  escheus  par  la  succession  de  ses  frères,  le  roi 
Lois  et  le  roi  Phelippe,  et  que  li  douse  per  l'eurent  couronné  à 
roi,  il  regardèrent  que  li  roiaulmes  de  FMnce  demorroit  sans 
hoir,  se  chils  rois  Caries  ne  se  remarioit  :  si  quissent  voie  et 
avis  par  quoi  li  rois  Caries  fut  remariés  à  le  fille  Pempereour 
Henri  de  Lucembourch  et  serour  au  gentil  roi  de  Behagne.  De 
la  seconde  dame  de  Lucembourg  qui  fu  moult  humble  et  moult 
dévote,  ot  li  rois  un  fil,  dont  tous  li  roiauhnes  fu  rcsjoVs,  mais 
il  morut  jones,  et  assés  tos  apriès  morut  la  dame  à  Issodun  en 
Berrj,  et  morurent  tout  doi  assés  soupeçonneusement,  de  quoi 
auqunos  gens  furent  cncoulpés  en  derrière  couvertement, 
Apriès,  chils  rois  Caries  fu  remariés  tiercement  à  la  fille  de 
son  oncle  de  remariage,  la  fille  de  monsigneur  Lois  de  France, 
conte  d'Evrues,  et  fu  ceste  dame  roine  de  France,  appellée 
Jehane,  et  serour  au  roi  Lois  de  Navarc,  qui  pour  ce  temps 

*'*  En  ces  deTises,  le  roy  ala  morir  le  XVll*  jour  de  mars  Tan  mil 
CCC.XXVII...  environ  Pukes,  Tan  mil  CCC.XXVIII...  environ  la 
Chandeleur,  Tan  mil  CCC.XXVII. 


^ 


214  avékemëkt 

resgnoit.  Avint  que  celle  dame  fu  ençainte,  et  li  rois  Caries  ses 
maris  s'acouça  au  lit  de  la  mort.  Quant  il  senti  et  congnat  que 
morir  le  convenoit,  il  manda  les  nobles  de  son  roiaulme,  ceuls 
qye  en  haste  on  peut  avoir,  tant  des  douse  pers  de  France 
comme  des  aultres,  et  quant  il  furent  en  la  présence  de  li,  il 
leur  dist  :  «  Biau  signeur,  vous  estes  tout  mi  obéissant  et  de 
«  mon  linage.  Je  sens  bien  et  congnois  que  aler  me  convient 
«  en  la  commune  voie,  ensi  que  li  aultre  vont.  Je  vous  laisse 
«  ma  femme  la  roine  enchainte.  Se  il  avient  que  Dieus  li  donne 
«  un  hoir  mâle,  ce  que  la  couronne  de  France  désire  à  avoir, 
«  je  vous  prie  que  vous  en  faites  bonne  garde  et  le  couronnés 
<  à  roi,  quant  il  vous  samblera  que  il  apertiengne  à  estre,  et  se 
«  elle  est  femme,  si  ordonnés  de  la  couronne  de  France  à  juste 
«  élection,  car  bien  sçai,  se  elle  est  âUe,  par  les  estatus  et 
«  ordenance  de  France,  elle  ne  le  poet  avoir.  »  Tout  li  orent 
convenant  que  loiament  s'en  aquiteroient.  Sur  ce,  li  rois 
Caries  ala  morir  la  nuit  de  la  Pentecouste,  Tan  de  grasce  mil 
trois  cens  vint-huit. 


Ne  demoura  mie  gramment  apriès  que  li  royne  se  accou- 
cha, mes  ce  fu  d'une  fille,  de  quoy  *  li^  plus  *  del  royaumme 
en  furent  durement  troublet  et  courouchiet.  Quant  li 
XII  per  et  li  grant  ^  seigneur  *  de  France  seurent  chou,  il 
se  assemblèrent  à  Paris  au  plus  tost  qu'il  peurent  et  don- 
nèrent le  royaumme  de  coummun  acord  à  monseigneur  Phe- 
lippe  de  Vallois  et  en  estèrent  le  royne  d'Engleterre  et  le 
roy  son  fll,  qui  estoit  demeurée  soer  germainne  au  roy 
Charlen  darrainnement  trespassé,  par  le  raison  de  ce  qu'il 
dient  que  li  royaurames  de  Franche  est  de  si  grant  neblèce 
qu'il  ne  doit  mies  par  succession  aller  à  femelle,  ne  par  con- 
sëqueiîse  à  fll  de  femelle,  enssi  que  vous  avés  oy  chà  devant 

*  *  Pluiseur.  —  **  Baron. 


DE  PHILIPPE  DE   VALOIS.  315 

au  coummenchement  de  ce  livre.  Li  XII  per  de  Franche  et 
11  vois  des  baux  barons  de  celi  royaumme  s'asentirent  et 
accordèrent  à  couronner  roy  Phelippe  de  VaHois,  fil  au 
oonte  de  Vallois,  liquels  contes  de  Vallois  avoit  estet  frères 
au  biel  roy  Phelippe,  pères  à  ce  roy  Charlon,  par  lequelle 
succession  il  eut  le  royaumme.  Apriès  le  élection  fête, 
gramment  ne  demeura  mies  que  li  nouviaux  roy  Phelippes 
s'en  vint  deviers  Rains  pour  lui  faire  consacrer  et  couron- 
ner, et  fist  là  son  mandement  à  estre  le  merquedi  de  le 
Pentecouste,  et  le  jour  de  le  Trinité  enssuiwant,  il  devoit 
recepvoir  se  consacration.  Dont  s'esmurent  tout  li  grant 
seigneur  dou  royaume  et  pluiseurs  del  empire,  et  là  vinrent 
pour  lui  bonnourer  Caries,  li  roys  de  Boesme,  et  Phelippes, 
li  roys  de  Navarre,  qui  à  ce  jour  Tadestrèrent,  et  là  furent 
li  dus  de  Braibant,  li  contes  de  Haynnau,  messires  Jebans 
de  Haynnau,  li  dus  de  Bretaingne,  li  dus  de  Bourgoigne,  li 
contes  de  Blois,  nepveux  du  roy  Phelippe,  li  contes  d'Alen- 
chon,  li  contes  de  Flandres,  messires  Robers  d'Artois,  qui 
mis  avoit  grant  painne  à  che  couronnement,  li  dus  de 
Lorainne,  li  contes  de  Bar,  li  contes  de  Namur,  li  contes 
d'Auçoire,  li  ducs  de  Bourbon,  li  sires  de  Couchy,  li  contes 
de  Saint-Pol,  li  contes  d'Aumale,  li  contes  de  Harcourt  et 
tant  d'autres  seigneurs  *  que  li  recorder  seroit  ung  grans 
dëtris  *. 

Quatr.  réd.  —  Assés  tos  apriès  son  trèspas ,  la  roine  Jehane 
qui  sa  femme  avoit  esté,  acoucha  do  une  fille,  de  quoi  tous 
li  roiaulmes  de  France  fu  grandement  troublés.  Quant  li  douse 
per  de  France  et  li  hault  baron  de  celi  roiaulme  sceurent 

*  Que  c'e«t  merveille,  s'i  acordèrent.  —  •  Dont  puissedi  grant  guerre 
et  grant  désolation  avhit  au  royaume  de  France  et  en  pluiseurB  paSs 
•icom  TOUS  pores  olir  en  ceate  hjstore. 


âl6  COURONNEMENT 

ché  que  la  reine  estoit  acouchie  de  une  fille,  il  s'assemblèrent 
tout  à  Paris  pour  avoir  avis  et  eonsel  à  qui  li  roiaulmes  de 
France  devoit  parvenir,  et  qui  il  feroient  roi.  Là  ot  moult  de 
paroles  retournées  et  misses  en  terme,  et  fu  bien  nouvelle  de 
Édouwart  le  jone  roi  d'Engleterre,  fil  de  sa  serour,  mais  la 
querelle  fut  débatue  et  point  longuement  soustenue,  car  11 
douse  per  de  France  dissent  et  encores  dient  que  la  couronne 
de  France  est  de  si  noble  condition  qu'elle  ne  puet  venir  par 
nulle  succession  à  femelle,  ne  à  fil  de  femelle.  Si  regardèrent 
li  douse  per  de  France  à  messire  Phelippe  de  Valois,  fil  au 
conte  de  Valois,  qui  frères  avoit  esté  au  biau  roi  Phelippe,  et 
estoit  cousins  germains  à  ce  roi  Carie  darrain  mort.  A  celle 
concordation  de  la  couronne  de  France  donner  et  Phelippe  de 
Valois  couronner,  rendirent  grant  painne  li  contes  de  Hainnau, 
li  contes  Guis  de  Blois  et  messires  Robers  d'Artois,  car  chil 
troi  prince  avoient  ses  trois  serours  espousées.  Et  fu  cou- 
ronnés en  l'église  catédral  do  Nostre-Dame  de  Rains  li  rois 
Phelippes,  et  rechut  toutes  les  solempnités  que  rois  de  France 
doit  recevoir. 


Avînt  que  au  jour  de  le  Trinité,  ensi  que  ordonnet  estoit, 
fu  li  roys  Phelippes  couronnés  et  consacrés  en  le  grant 
église  de  Nostre-Dame  de  Rains,  présens  tous  ces  seigneurs 
devant  nommés  et  moult  d'autres,  et  là  estoient  li  grant  et 
li  hault  seigneur  qui  dévoient  servir  le  roy  de  leur  oflSsce,  li 
ungs  de  çaindre  Tespée,  li  autre  de  li  chauchier  ses  espé- 
rons et  enssi  de  toutes  coses,  et  bien  estoient  appareilliet 
de  faire  chacuns  son  devoir,  excepté  le  conte  de  Flandres, 
mes  il  se  traioit  arrière.  Dont  fu-il  appelles  en  hault  et  dist- 
on  par  II  fois  :  *  Contes  de  Flandres,  se  vous  estes  céans  ou 
a  personne  de  par  vous,  si  venés  faire  vo  devoir,  »  et  li 
contes  qui  bien  oy  ces  parolles,se  tint  tous  quoy.  Lors  fu-il 
de  rechief  appelle  le  tierche  fois  et  amonestés  de  par  le  roy 


DE  PHILIPPE  DE  VALOIS.  217 

qu'il  venist  avant  sour  quant  qu'il  pooit  *  fourfaire  *.  Adont, 
quant  il  s'oy  ensi  ^  conjurer  \  il  vint  avant  et  inclina  le  roy 
et  dist  :  «  Monseigneur,  se  on  m'euist  appelles  Loeys  de 
€  Nevers  et  non  conte  de  Flandres,  je  me  fuisse  trait 
€  avant.  »  —  a  Coumment,  dist  li  roys,  non  estes-vous 
€  conte  de  Flandres?  »  —  t  Sire,  dist-il.  j'en  porte  le 
€  nom  *  et  non  le  prouflSt.  *  »  Dont  vot  li  roys  savoir  com- 
ment che  pooit  estre.  t  Monseigneur,  dist  li  contes,  chil  de 
«  Bruges,  d'Ippre,  de  Popringue  et  de  Berghes  et  de  le 
«  castelerie  de  Cassel  m'ont  boutet  hors  et  ne  me  tiennent 
a  point  à  conte,  ne  à  seigneur.  Encoîres  assës  escarssement 
€  m'ose-jou  veoir  à  Gand,  tant  trueve-jou  le  pays  plain  de 
t  rébellion.  >  Dont  parla  li  roys  Phelippes ,  et  dist  : 
a  Loeis,  biaux  cousins,  nous  vous  tenons  pour  conte  de 
«  Flandres,  et  par  le  digne  unction  et  sacrement  que  nous 
«  recevons  hui,  jammais  ne  rentrerons  en  Paris  se  vous 
€  avons  mis  en  possession  paisieulle  de  le  contet  de  Flan- 
«  dres.  >  Lors  s'engenouilla  li  contes  et  dist  :  t  Monsei- 
«  gneur,  grant  merchis,  »  Depuis  fist  li  contes  son  devoir 
et  fu  tous  resjoys  de  celle  proummesse,  et  ce  fu  bien  rai- 
sons. 

Quatr.  réfl.  —  Là  ot  li  rois  Phelippes  en  convenant  au  conte 
Lois  de  Flandres,  son  cousin  et  son  compère,  que  jamais  n'entre- 
roit  en  la  chité  de  Paris,  si  aueroit  esté  en  Flandres  et  osté  et 
abatu  Torguel  des  Flamens,  liquel  estoient  rebelé  à  rencontre 
dou  conte,  non  que  Gant,  Bruges,  Courtrai,  Granmont  et  Ypre 
en  fesissent  fait,  mais  s'en  dissimuloient  et  consentoient  bien  que 
une  congrégation  de  fourbanis  de  Flandres  fuissent  à  Pencontre 
dou  dit  conte, et  Tavoient  bouté  hors  de  son  pais  et  fait  un  cha- 
pitainne  qui  se  nommoit  Clais  Dennequins. 

*  *  Mesfaire.  —  •-*  Ammonester.  —  •^  Mais  le  seigneurie  et  pronfit 
y  ay-je  maisement. 


318  EXPÉDITION  DE  »aiUI>PE  AE  VALOIS 

Apriës  le  consacration  et  le  soUempnité  dou  roy  Phelippe 
qui  fu  moult  hautte  et  moult  noble,  et  là  où  grant  fuissofi 
de  nobles  prinches  et  seigneurs  furent,  ne  demeura  guaires 
que  li  rois  fîst  ^  son  '  espëcial  et  grant  mandement  pour 
venir  sus  Flandres,  et  s*en  vint  à  Arras  ^  et  là  se  tint  ung 
tamps  *  ;  apriès  s'en  vint-il  à  Aire,  car  on  li  dist  que  li  Fla- 
mencq  estoient  ensamble  dessus  le  mont  de  Gassiel.  Si  se 
vot  li  rois  traire  de  celle  part,  et  vinrent  deviers  le  roy  pour 
lui  servir  et  aidier  le  conte  à  che  besoing,  et  se  loga  li 
rois  à  tous  ses  os  en  le  vallée  de  Cassiel  contre  les  Flamens 
qui  estoient  ou  mont  là  assemblés  bien  XVI  mille,  tout  four- 
bani  de  Flandre,  que  les  villes  avoient  mis  hors  pour  guer- 
ryer  leur  seigneur  et  le  roy  ossi  qui  esmeus  estoient  contre 
yaulx,  et  avoient  fait  ung  cs^pitaine  qui  s*appielloit  Clais 
^  Dennekin  ^.  Chils  estoit  '  mervilleusement  *  orguillews, 
hardis  et  outrageux,  et  li  proumettoient  li  aultre  qui  à  lui 
obéissoient,  que  se  il  pooient  desconfire  le  roy  de  Franche, 
qu'il  le  feroient  ung  très-grant  seigneur,  et  bien  s'en  misent 
en  aventure,  enssi  que  vous  orés. 

Sec.  réd.  —  Assés  tost  apriès  cou  que  cils  rois  Phelippes  fu 
couronnés  à  Rains,  il  semonst  ses  princes,  ses  barous  et  toutes 
ses  gens  d'armes,  et  ala  atout  son  pooir  logier  en  le  vallée  de 
Cassiel,  pour  guerroyer  les  Flamens  qui  estoient  rebelle  à  leur 
signeur,  et  meismement  chiaus  de  Bruges,  chiaus  dlppre  et 
chiaus  dou  Franch  ;  et  ne  voloient  obéir  au  conte  de  Flandres, 
leur  dit  signeur,  mais  lavoient  décaciet,  et  ne  pooit  adont  nulle 
part  demorer  en  son  pays,  fors  tant  seulement  à  Gand,  et 
encores  assés  escarcement.  Si  desconfi  adont  li  rois  Phelippes 
bien  •  XVI"  ^^  hommes  flamens  qui  avoient  fait  un  chapitainne 
qui  se  nommoit  Colins  Dennekins,  hardi  homme  et  outrageua 

^-*  Moult.  —  ^-^  Et  là  usambla  grant  plent^  de  bonnes  gens.  — 
»  •  Zandequin.  -  '»  Moult.  —  •  *»  XVIII»...  XII»...  XI-. 


EN  PI.ÀMDHE.  219 

doreHient»  et  avoient  li  deusvLS  dit  Flamench  fait  leur  garnison 
de  le  ville  de  Cassiel,  au  commandement  et  as  gages  des  villes 
de  Flandres,  pour  garder  ces  frontières  là  endroit, 

Quatr.  rii.  —  Li  rois  Phelippes  tint  bien  au  conte  de  Flandres, 
son  cousin,  tout  che  que  il  li  eut  en  convenant,  car  li  estans  en 
la  marce  de  Kains,  tantos  apriès  son  couronnement,  il  mist  clers 
en  œuvre  pour  escrire  lettres  et  messagiers  et  envoia  semonre 
ses  hommes  et  vint  de  Kains  à  Piéronne,  et  puis  à  Arras,  et  là 
atendi  tous  ceuls  que  il  avoit  mandés.  Li  contes  de  Hainnau,  ses 
serouges,  et  messires  Jehans  de  Hainnau ,  son  frère,  le  vinrent 
servir  par  pryère  et  par  amours ,  et  amenèrent  belle  route  de 
gens  d'armes,  chevaliers  et  esquiers.  Aussi  fissent  li  signeur  de 
France  qui  estoient  tenu  de  ce  faire.  Quant  le  chapitainne  de  ces 
Flamens,  qui  se  nommoit  Clais  Dennequins,  entend!  que  li  rois 
de  France,  en  sa  nouvelle  régnation,  avoit  juré  que  jamais  il 
n*entreroit  en  Paris,  ne  entenderoit  à  aultre  cose  si  aueroit  remis 
en  Flandres  le  conte  Lois  et  confondus  tous  ses  ennemis  et 
nuisans,  si  s^en  enfellona  grandement,  et  dist  que  ehils  rois 
poroit  bien  fallir  à  ses  pourpos,  et  toutes  fois  pour  lui  brisier,  il 
8*en  meteroit  en  painne.  Et  assambla  tous  ceuls  desquels  il  pen- 
soit  à  estre  aHiés^  car  chil  de  Bruges,  d'Ippre  et  de  Çourtrai 
Taidoient  couvertement,  et  avoient  banis  et  mis  hors  de  lors 
villes,  des  fors  et  jones  compagnons ,  tisserans  et  aultres ,  qui 
tous  estoient  de  Taliance  ce  Clai  Dennequin,  et  s'en  vint  logier 
sus  le  dit  mont  de  Cassiel ,  et  pooient  estre  en  sa  compagnie 
environ  seize  mil  hommes,  tous  des  plus  crueuls  et  envenimés 
de  Flandres ,  et  tous  as  gages  des  bonnes  villes  de  Flandres, 
réservet  Gtot;  car  chil-là,  tant  que  des  rices  hommes  de  Gant, 
s'en  dissimuloient  et  ne  faisoient  point  partie  à  rencontre  dou 
conte  ;  or  vous  recorderai  coment  il  en  avint.  Li  rois  Phelippes 
i^poissanoe  s  en  vint  d'Arra^*  à  Lens  en  Artois,  et  de  là  à  Bié- 
tune  et  puis  à  Aire,  et  se  logea  entre  Aire  et  le  mont  do  Cassiel 
et  avoit  la  plus  belle  hoost  et  plus  belle  gent  dou  monde.  Bt 
avoient  li  signeur  tendu  tentes,  très,  auqubes  et  pavillons  sur 


220  BATAILLE 

les  camps,  et  sembloit  que  ce  fuissent  grandes  villes  de  lor  logeis» 
et  là  estoit  li  bons  rois  de  Boesme  en  grant  awet,  li  contes  de 
Hainnau  et  messires  Jehans  de  Hainnau  ses  frères ,  li  contes 
Guis  de  Blois,  li  dus  de  Lorraine,  li  dus  de  Bar,  messires  Robers 
d'Artois,  et  tenoient  li  signeur  le  grant  estât  et  noble. 


Quant  li  Flamencq  qui  se  tenoient  sour  le  mont  de  Gassel, 
dont  il  y  avoit  bien  XVI™,  veirent  le  roy  de  Franche  et 
touttes  ses  gens  en  le  vallée  de  Cassel,  si  furent  durement 
espris  de  mal  talent  et  peu  les  doubterent,  et  regardèrent 
entr'iaux  comment  il  lor  poroient  porter  contraire  et  dam- 
maige.  Si  se  partirent  sus  l'heure  de  soupper  dou  mont  de 
Cassiel  sans  point  faire  de  noise,  et  avoient  entr'iaux  ordon- 
net  III  batailles,  desquelles  li  une  alla  droit  à  le  tente  le 
roy  de  Franche,  et  *  eurent  priés  le  roy  souspris*,qui  séoit 
au  soupper  et  touttes  ses  gens,  et  tuèrent  en  leur  venant 
messire  Renault  de  Lore  qu'il  trouvèrent  enmy  leur  voie, 
autrement  il  ne  l'euissent  point  pris.  Et  li  seconde  de  leurs 
batailles  s'en  alla  droit  as  tentes  le  roy  de  Behayngne  '  et 
l'eurent  priés  trouvet  en  tel  point  *.  Et  li  tiers  de  leurs 
batailles  s'en  alla  droit  as  tentes  le  noble  comte  de  Haynnau 
*  et  l'eurent  ossi  priés  souspris  ®  et  si  le  quoitièrent,  car  il  et 
ses  gens  estoient  le  plus  priés  logiés  des  Flamens.  A  grant 
painne  peurent-il  estre  armés,  ne  messires  Jehans  ses  frères. 
Enssi  que  je  vous  di,  ces  III  batailles  vinrent  si  paisivle- 
ment  jusque  as  tentes  des  seigneurs  que  je  vous  ai  nommés, 
que  à  grand  meschief  furent  li  seigneur  armés,  ne  leurs 
gens  ossi  assamblés.  Et  euissent  tout  li  seigneui*  et  lor  gens 
estet  "^  mors*,  se  Dieu  ne  les  euist  enssi  que  par  droit  miracle 

*••  Et  fu  si  souspris.  —  *^  Et  l'eurent  près  décheu.  —  »  •  Qui  fu 
priés  prins  des  Flamans.  —  '•  Perdu  et  desconfit. 


DE   CASSEL.  221 

secourut  et  aîdîet;  mes,  par  le  grasce  et  le  vollenté  de  Dieu, 
chacun  de  ces  seigneurs  desconfi  se  bataille  si  entirement  et 
tout  à  une  heure  et  ung  point  que  oncques  de  tout  ces  XVI"* 
Flamens  n'en  escappa  *  nul  *,  et  eurent  li  Haynnuyer,  li 
contes  de  Haynnau  et  messires  Jehans  ses  frères,  premiers 
desconfis  leurs  batailles,  car  ossi  ce  furent  li  premier  assailli, 
et  les  encloirent  li  Haynnuyer  par  derrière  tellement  que 
quant  li  Flamencq  quidièrent  retourner,  il  ne  peurent.  Là  y 
eultgrant  bataille,  grantlancheis  et  grans  féris,  et  trop  bien 
s'i  ^  vendirent,  car  il  avoient  haces  et  ^  espaffes  '^  et  *  gros 
bastons  fiérés  à  picket  "'j  dont  il  donoient  grans  *  horions  ®, 
et  là  rechurent  li  doy  frères  de  Haynnau  moult  de  painne 
et  y  furent  trop  bien  batus  et  y  eult  li  contes  de  Haynnau 
mors  II  coursiers  desoubs  lui  et  à  touttes  ces  II  fois  fu-il 
relevés  de  monseigneur  Jehan  de  Haynnau  son  frère,  et 
flsent  tant  li  Haynnuyer,  avoecques  lor  seigneur,  qu'il  des- 
confirent celle  bataille  des  Flamens  tout  nettement  et  encloi- 
rent les  autres  qui  le  roy  de  France  avoient  assailli,  en 
escriant  :  «  Haynnau  !  Haynnau  !  >  Là  eut  grant  ocision  et 
grant  mortalité  de  Flamens,  car  on  n'en  prencjoit  nul  à 
merchy.Et  là  fu  ocis  Colins  Dennekins,cappitainne  d'iaux, 
et  ossi  fu  uns  bons  escuyers  de  Haynnau  qui  s'apielloit  li 
Borgnes  de  Robersart;  mes  ce  fu  par  son  outraige,  car  il 
tous  sens  encachoit  VI  Flamens  quiportoientlonghespickes, 
et  leur  escrioit  en  chassant  :  «  Retournés,  laron,  car  je  vous 
«  ocirai  tous.  »  Enssi  les  poursuiwy  une  longhe  espasse,  et 
quant  il  le  virent  aseuUet  et  arrière  de  touttes  ayes  pour 
lui,  il  retournèrent  tout  à  une  fois  sour  li,  et  le  féri  li  uns 
de  se  picke  dessous  son  bachinet  et  li  enbara  le  fer  en  le 
cervelle  et  le  reversa  à  terre.  Enssi  fu  mors  li  escuyers, 

*'*  Point  mille.  —  *  Employèrent  et.  —  **  Pafos.  —  •-'  Maques  et 
piquet.  —  •■•  Coups. 


BATAILLE 

dont  ce  fu  dammaiges,  et  moult  fu  plains  Me  chianx  de  son 
pays  *. 

Cieste  bataille  fu  moult  felenesse  et  moult  dure  ',  et  bien 
se  Tendirent  Flamencq  tant  qu'il  peurent  durer,  mes  fina- 
blement  il  furent  si  assailli  de  tous  costés  et  si  courageuse- 
ment combattus,  qu*il  furent  desrouté  et  desconâ,  ocis  et 
mis  par  mons  ensi  que  bestesj  et  en  y  eut  bien  mors  XV", 
et  furent  li  Haynnuyer  premier  qui  portèrent  les  bannières 
de  Haynnau,  de  monseigneur  le  conte  et  de  monseigneur 
Jehan  sen  frère,  sus  le  mont  de  Cassiel  et  les  misent  sus  les 
murs  de  le  ville  et  haut  sus  le  tour  dou  moustier.  Depuis  y 
furent  aportées  les  bannières  dou  roy  de  France  ^,  qui 
envoya  saisir  le  ville  et  y  mist  garde  de  par  lui.  Geste  bataille 
fil  en  Tan  de  grâce  Nostre-Seigneur  mil  CGC. XXVIII,  le 
jour  Saint-Bertremieu  en  aoust. 

Sec.  réd.  — ^  Je  vous  dirai  comment  cil  Flameach  forent  des- 
confit,  et  fut  par  leur  oultrage  :  il  se  partirent  ong  jour,  sus 
Teure  dou  souper,  de  Cassiel,  en  entente  que  pour  desconfire  le 
roi  et  tout  sen  host,  et  s'en  vinrent  tout  paisieulement,  sans 
point  de  noise,  ordonné  en  III  batailles ,  desqueles  li  une  en 
ala  droit  as  tentes  le  roy,  et  eurent  priés  le  roy  souspris  qui 
séoit  à  souper  et  toutes  ses  gens  ;  li  aultre  bataille  s'en  ala  droit 
as  tentes  le  roy  de  Behagne,  et  l'eurent  priés  trouvé  en  tel  point; 
et  la  tierce  batalle  s'en  ala  droitement  as  tentes  le  conte  de  Hay- 
naut,  et  l'eurent  ossi  priés  souspris  et  le  hastèrent  sique  à  grant 
painne  peurent  ses  gens  estre  armé,  ne  les  gens  monsigneur  de 
Byaumont  son  frère.  Et  vinrent  ces  III  batailles  si  paisieulement 
jusques  as  tentes  que  à  grant  meschief  furent  li  signeur  armés, 
ne  leurs  gens  assamblet  ;  et  ewissent  tout  11  signeur  et  leurs  gens 

**  De  ceulx  qui  le  congnoissoient,  car  il  estoit  moult  bons  hommes 
d'armes  et  hardis.  —  *  Et  aspre.  —  ^  Et  fa  sa  banîère  posée  sur  les 
murailles  et  toutes  les  autres  en  sieuwant. 


DE  CASSEL. 

60té  mort,  se  Diex  ne  les  ewist ,  ensi  que  par  droit  miracle, 
secourut  et  aidiet;  mais,  par  le  grasce  de  Dieu,  cascuns  des 
signeurs  deseonfi  se  bataille  si  entièrement  et  tous  à  une  heure 
et  à  un  point,  que  onques  de  tous  ces  XVI"  Flamens  n'en  esca- 
pa  nul,  et  fu  leur  chapitainne  mors.  Et  si  ne  seut  onques  nuls 
de  ces  signeurs  nouvelle  li  uns  de  l'autre,  jusques  adont  qu'il 
curent  tout  fait  ;  et  onques  des  XV"»  Flamens  qui  mors  y  demo- 
rèrent,  n'en  recula  uns  seuls,  que  tout  ne  fuissent  mort  et  tuet 
en  III  monchiaus  l'un  sus  Tautre,  sans  issir  de  le  place  là  où 
caseune  bataille  commença,  qui  fu  l'an  de  grasce  mil  ÇCCXXVIII, 
le  jour  Saint-Bietremieu, 

Quatr.  rid,  —  Li  Flameneh  estoient  sus  le  mont  de  Cassiel 
et  logiet  d'aultre  part  au  lés  deviers  Ippre,  et  veoient  tout  con- 
treval  les  logeis  dou  roi  de  France,  et  eurent  espies  qui  lor  vin- 
rent raporter  tout  le  convenant  des  François  et  comment  il 
estoient  logiet  espars.  Si  se  avisèrent,  ensi  comme  fol  et  outre- 
quidié  qu'il  furent,  que  il  descenderoient,  sus  Teure  dou  souper, 
dou  mont  de  Cassiel,  et  quant  il  seroient  avalé,  il  s'esparderoient 
en  trois  batailles ,  et  iroit  casqune  bataille  assallir  et  faire  son 
fidt  en  l'oost,  Clais  Dennequins  iroit  tout  droit  devant  lui  à  la 
tente  dou  roi  de  France  et  le  trouveroient  soupant,  et  li  aultré 
bataille  s'adrèceroit  droit  à  la  tente  dou  roi  de  Boesme,  et  la 
tierce  bataille  à  la  tente  dou  conte  de  Hainnau  et  de  son  frère, 
et  les  dévoient  hommes  de  lors  costés  qui  les  avoient  espjés, 
mener  tout  droit  as  logeis  des  signeurs  desus  nommés,  ensi  qu'il 
fissent.  Chil  Flamenc  furent  tout  pourveu  de  lor  fait  et  s'ava- 
Urent  un  jour  sus  Teure  de  basses  vespres  dou  mont  de  Cassiel 
et  s'en  vinrent  tout  droit  sans  culs  tourner,  ne  boustourner.  Et 
vint  la  première  bataille  férir  sus  les  logeis  dou  roi  de  France, 
et  devoit  tantos  aseoir  au  souper,  et  furent  sus  le  point  U  Fran- 
çois que  de  estre  souspris,  quant  on  cria  :  t 'A  l'arme  !  Moi\joie 
t  Saint-Denis!  »  Lors  se  commenchièrent  toutes  gens  à estourmir 
et  à  venir  à  pooir  sus  ces  Flamens  et  euls  enclore.  Chil  qui  vin- 
rent à  la  tente  le  roi  de  Boesme,  fissent  ensi  et  se  taisoient  tout 


224  SOUMISSION 

quoi,  et  furent  priés  souspris  aussi  li  rois  et  ses  gens;  et  11  aultre 
bataille  qui  venoit  à  la  tente  dou  conte  de  Hainnau  et  de  aon 
frère,  à  grant  painne  peurent  les  gens  de  ces  signeurs  estre  armé, 
ne  pourveu  pour  euls  deffendre.  Toutesfois  Dieus  ne  volt  pas 
consentir  que  li  signeur  fuissent  là  desconû  de  tel  merdaille. 
Casquns  sires  entre  ses  gens  desconfi  la  bataille  des  Flamens  et 
sans  ce  que  nuls  seuist  riens  Tun  de  Taultre  jusques  à  tant  que 
ce  fu  tout  fait  ;  et  i  fu  mors  lor  chapitainnes  Clais  Dennequins, 
et  de  sesse  mille  bommes  que  il  estoient,  il  n'en  escapa  onques 
mille,  que  tout  ne  fuissent  mort  et  ocis  et  abatu  l'un  sus  Taoltre, 
car  il  ne  daignèrent  fuir,  et  là  fu  tués  li  Borgnes  de  Robersart 
par  son  oultrage,  car  il  s'avança  trop  follement  en  la  cace.  Si  fa 
férus  d'un  fier  de  pique  qui  lui  coula  et  avala  desous  le  bachinet 
et  li  entra  tout  dedens,  douquel  cop  il  morut,  et  en  furent  li 
signeur  moult  courouchiet.  Geste  bataille  fu  le  jour  Saint-Bietre- 
mieu  au  soir,  en  l'an  de  grasce  Nostre-Signeur  mil  trois  cens 
vint-huit. 


Âpriès  celle  desconâture  faite  des  Flameus  ou  val  de  Gas- 
siel  se  tint  II  rois  de  France  là  toutte  le  nuit,  et  Tendemain 
ossi.  Ces  nouvelles  vinrent  à  Bruges,  à  Ypre,  à  Popringhe 
et  es  villes  voisines  qui  rebelles  estoient  au  conte,  (^ue  Glays 
Dennekins  estoit  mors  et  desconfis  et  toute  se  routte  \  dont 
baissièrent  les  testes  chil  de  se  partie,  et  n'osèrent  mous- 
trer  nul  samblant  d'aler  à  rencontre  dou  roy  et  de  leur  sei- 
gneur, et  disent  que  Glays  Dennekins  estoit  fols  et  outra- 
geux,  et  que  sans  leur  consseil  il  s'estoit  *  combattus  ',  car 
il  li  avoient  mandet  qu'il  ne  se  combatesist  point  encorres, 
et  pour  ce  qu'il  l'a  fet  oultre  leur  deffensce,  il  l'en  est  mésa- 
venu:  si  n'en  fait  nient  à  plaindre. Ensi  fu-il  plorés  des  Fla- 


*  Si  ne  BEToient que  faire.  —  *'  Hastës. 


DE  LA  FLAmORE. 


229 


mens,  qui,  devant  ce,  *  li  avoient  esqueilli  à  faire  ceste 
emprise  *,  et  li  roys  de  Franche  chevaucha,  ettoutte  li  os, 
deviers  Yppre.  Dont  vint  le  castelain  de  Berghes  et  apporta 
les  clefs  dou  castel  avoecq  grant  fuison  des  gens  de  ceste 
castelerie  au  roy  de  Franche,  et  li  rois  les  prist  et  en  rendi 
la  seigneurie  au  conte  de  Flandres.  Puis  chevaucha  li  roys 
vers  Yppre,  et  quant  cil  de  Yppre  oïrent  nouvelles  de  se 
venue,  il  vinrent  contre  lui  à  grant  proucession  et  li  offri- 
rent les  clefs  de  le  ville.  Li  roys  les  prist  et  les  rendist  au 
conte,  et  fist  jurer  chiaus  de  le  ville  dTppre  foy  et  loyaulté 
à  leur  seigneur,  puis  entra  li  rois  dedans  Yppre  ^t  y  fu  très- 
honnerablement  recheut,  et  tant  s'i  tint  que  cil  de  Bruges 
et  dou  Francq  de  Bruges  furent  venu  ^  faire  féaulté  et  hom- 
maige  *  au  conte  Loeys  et  li  jurèrent  et  promissent  qu'il  le 
tenroient  à  pès  à  seigneur,  et  li  contes  ossi  en  tel  man- 
nière  leur  jura.  Ensi  fu-il  remis  en  le  possession  de  se  terre 
par  le  puissanche  et  confort  dou  roy  de  Franche.  Adont  se 
départirent  les  os,  et  s'en  ralla  chacuns  en  son  lieu,  et  li 
roys  s'en  vint  vers  Paris,  qui  encorres  n'y  avoit  point  estet 
puis  son  couronnement. 

See.  réd.  —  Adont  apriès  ceste  desconfiture  vinrent  li  Fran- 
çois à  Cassiel  et  y  misent  les  banières  de  France,  et  se  rendi  li 
viDe  au  roy,  et  puis  Poperinge,  et  puis  Ippre  et  tout  cil  de»le 
chastelerie  de  Berges,  et  chil  de  Bruges  ensiewant  ;  et  rechurent 
le  conte  Loeis  leur  signeur  adont  amiablement  et  paisieulement, 
et  li  jurèrent  foy  et  loyauté  à  tenir  tousjours  mes.  Quant  li  rois 
Phelippes  de  France  eut  remis  le  conte  de  Flandres  en  «on  pays, 
et  que  tout  li  eurent  juré  feaulté  et  hommage,  il  départi  ses 
gens,  et  retourna  cascuns  en  son  lieu  ;  et  il  meismement  s'en  vint 
en  France  et  séjourner  à  Paris  ou  là  environ.  Si  fu  durement 

*-•  Lui  avoient  promis  si  grant  honneur  à  faire.  —  **  A  merchy. 

I  —  FROISSAIT.  15 


S36  PHILIPPE  DE  VALOIS  RÉCLAME 

prisiés  et  honnourés  de  celle  emprise  qu  il  avoit  fait  sus  les  Fla- 
mens,  et  aussi  du  beau  service  qu'il  avoit  fait  au  conte  Lioeifl, 
son  cousin. 

Quatr.  réd.  —  Quant  ce  vint  à  l'endemain,  li  rois  de  France 
envola  ses  marescaus,  le  signeur  de  Montmorensi  et  le  signeur 
de  Trie  et  ses  banières  sus  le  mont.  Et  vinrent  se  rendre  au  roj 
ceulx  des  chastelleries  ei  des  villes  de  Flandres  et  dou  tieroir 
dou  Franc,  et  ne  s'en  parti  li  rois,  si  furent  tout  li  homme  de 
Flandres,  c'est  à  entendre  li  consauls  des  bonnes  villes,  venu  à 
obéisance  au  conte  de  Flandres,  et  11  jurèrent  à  tenir  foi  et  hom- 
mage à  tous  jours  mes  ;  mais  depuis  le  relenquirent  et  boutèrent 
hors  de  Flandres,  ensi  que  vous  orés  recorder  en  Tistore,  .et  ne 
le  peurent  onques  parfaitement  amer,  et  disoient  que  il  estoit 
trop  françois  et  que  il  ne  savoit  estre  en  paix  et  en  amour 
avoecques  ses  gens. 


Quant  li  roys  Phelippes  entra  premièrement  en  Paris 
comme  roys,  il  y  fu  très-noblement  et  solempnelment 
recheus  et  à  grant  joie,  et  furent  touttes  IIb  rues  par  où  il 
passa  tant  qu'il  vint  au  pallais,  couvertes  et  parées  de  draps 
d'or,  et  estoit  li  roys  de  France  adestrés  dou  roy  de  Behain- 
gne  et  dou  roy  de  Navarre,  et  acompaigniés  de  tant  de 
gr^ns  seigneurs  que  sans  nombre.  Che  seroit  unes  *  tanis- 
sons  •  de  recorder  les  festes  et  les  honneurs  et  les  grans 
solempnités  c'ou  li  fîst,  tant  à  Paris  comme  ailleurs,  où  il 
prist  en  ceste  année  le  féaulté  de  ses  bonnes  villes  et  le 
hommaige  de  tous  ses  hommes'.  Tous  obéyrent  à  lui  comme 
à  roy  et  ce  fu  raison,  car  par  le  élection  et  acors  des 
XII  pers  de  Franche  et  des  hauls  barons  de  celi  royaurame, 

**•  Anoy.  —  *  Et  manda  tous  ses  barons  parmi  le  royalme  qu'ils 
▼enissent  faire  hommage  et  féalté  à  lui. 


l'hommage  d'Edouard  m.  227 

il  en  fu  roys.  En  ceste  meysme  annëe  qu'il  eut  estet  cou- 
ronnés, il  manda  et  escripsi  au  jovène  roy  Édouwart  d'En- 
gleterre  que  il  venist  relever  se  terre  de  Pontieu  de  lui,  et 
tout  ce  qu'il  tenoit  en  Gascoingne,  dont  li  hommages  apper- 
tenoit  à  lui.  Et  quant  li  roys  d'Engleterre  oy  ces  nouvelles 
et  il  vit  les  messagiers  dou  roy  de  Franche,  il  les  festia  et 
requeilli  moult  honnourablement  ensi  que  bien  le  seut  faire, 
et  les  flst  séjourner  à  Londres  par  l'espasse  de  XV  jours. 
Entrées  se  conseilla-il  pour  savoir  quel  cose  il  en  devoit 
faire.  Si  trouva  en  consseil  qu'il  y  estoit  tenus  dou  faire,  et 
enssi  respondist-il  as  messaiges  dou  roy  qu'il  se  ordonne- 
roit  et  temprement  venroit  en  Franche.  Ceste  reponsce  leur 
plaisi  moult  bien,  et  se  partirent  dou  roy  bien  content  avoec- 
ques  biaux  dons  et  rices  jeuiaux  qui  leur  furent  donnet  pour 
l'amour  dou  roy  leur  seigneur. 

Sec,  réd.  —  Or  avint  que  environ  un  an  apriès  que  li  rois 
Phelippes  de  Valois  eut  esté  couronnés  à  roy  de  France,  et  que 
tout  li  baron  et  li  tenant  dou  dit  royaume  li  eurent  fait  féaulté 
et  hommage,  excepté  li  jones  rois  Édowars  d'Engleterre,  qui 
ençores  n'estoit  trais  avant,  et  ossi  il  n'avoit  point  esté  mandés  ; 
si  fu  li  rois  de  France  consiUiés  et  enfourmés  que  il  mandast  le 
dit  roy  d'Ëngleterre  et  venist  faire  hommage  et  féaulté,  ensi 
comme  il  apertenoit.  Adont  en  furent  pryet  d'aler  en  Ençle- 
terre  faire  ce  message  et  sommer  le  dit  roy,  li  sires  d'Aubegni 
et  li  sires  de  Biausaut  et  doi  clerch  en  droit,  mestres  en  Parle- 
ment à  Paris,  que  on  appelloit  pour  ce  temps  mestres  Symons 
d'Orliens  et  mestres  Pierres  de  Maisières.  Chil  IIII,  au  com- 
mandement et  ordenance  dou  roy,  se  partirent  de  Paris  bien 
estofféement,  et  cheminèrent  tant  par  leurs  journées  qu'il 
vinrent  à  Wissant  :  là  montèrent-il  en  mer  et  furent  tantost 
oultre,  et  arrivèrent  à  Douvres,  et  séjournèrent  là  ung  jour, 
pour  attendre  leurs  chevaus  et  leur  harnas  que  on  mist  hors 
des  vaissiaus.  Quant  il  furent  tout  prest,  il  montèrent  sus  leurs 


228  PHILIPPE  DE  VALOIS  BÉCMUE 

chevaux  et  exploitièrent  tant  par  leurs  journées  qu'il  viw^at 
à  Windesore  où  U  rois  d'£ngleterre  et  la  jone  rojne  sa  feiaiue 
se  tenoient.  Li  IIII  dessusnommet  osent  à  savoir  au  roj  pour- 
quoi il  estoient  là  venus,  et  ossi  de  qui  il  se  rendoient.  Li  rois 
d'Engleterre,  pour  l'onneur  dou  roy  de  France  son  cousin,  les 
fist  venir  avant  et  les  reçut  moult  honnourablement ,  et  ossi 
fist  madame  la  rojne  sa  femme,  ensi  que  bien  le  savoient  faire. 
En  apriès  il  comptèrent  leur  message  ;  il  furent  volentiers  oy, 
et  en  respondi  li  rois  adont  que  il  n'avoit  mies  son  conseil 
dalcs  lui,  mais  il  le  manderoit ,  si  se  retraisent  en  le  cité  de 
Londres,  et  là  il  en  seroient  respondu  telement  que  bien  deve- 
roit  soufire.  Sus  ceste  paroUe,  quant  il  eurent  disné  en  le 
cambre  doudit  roy  et  de  la  royne,  moult  aise,  il  s'en  partirent 
et  vinrent  ce  soir  jésir  à  Colebruch,  et  Tendemain  à  Londres. 
Ne  demora  mies  gramment  depuis,  que  li  rois  d'Engleterre  vint 
à  Londres,  en  son  palais  de  Wesmoustier  ;  et  là  eut-il,  sus  ung 
jour  qu'il  y  ordonna,  son  conseil  assemblé,  présent  qui  li  mes- 
sagier  dou  roy  Phelippe  de  France  furent  appelle  ;  et  là  remon- 
stèrent-il  pourquoi  il  estoient  là  venu  et  les  lettres  qui  leur 
avoient  esté  baillies  dou  roy  leur  signeur.  Quant  il  curent  parlé 
bien  et  à  point,  il  vuidièrent  hors  de  le  cambre;  et  lors  demanda 
li  dis  roys  à  avoir  conseil  sus  ceste  requeste.  Il  me  samble  que 
11  rois  fu  adont  si  consilliés  de  respondre  que  voirement  par 
Tordenance  et  séelé  de  ses  prédicesseur  rois  d'Engleterre  et  dus 
d'Acquitainne,  il  en  devoit  foy,  hommage  et  loyauté  faire  au 
roy  de  France,  ne  del  contraire  on  ne  Toseroit,  ne  vourroit 
point  consillier.  Chils  pourpos  et  oonsauls  furent  arresté  et  li 
messagier  de  France  appelle  :  si  vinrent  de  rechief  en  le 
cambre  de  conseil.  Là  parla  li  évesques  de  Londres  pour  le  roy 
et  dist  :  «  Signeur  qui  ci  estes  envoyés  de  par  le  roy  de  France, 
€  vous  estes  li  bien  venu  ;  nous  avons  oy  vos  parolles  et  leues 
€  vos  lettres  et  bien  examinées  à  no  pooir  et  consillées  ;  .si 
€  vous  disons  que  nous  consillons  monsigneur  qui  ci  est,  qu  il 
€  voist  en  France  veoir  le  dit  roy  son  cousin,  qui  moult  amia- 
c  blement  le  mande,  et  dou  sourplus  de  foy  et  d'hommage  il 


l'hommage  dédouard  m. 

«  B'Béqpite  et  face  son  devoir,  car  voirement  y  est-il  tenus  :  si 
«  vous  retrairés  en  France  et  dires  ensi  au  roy  vôôtfe  signeur 
€  que  nos  sires  lî  rois  d'Engleterre  passera  par  delà  tempre- 
«  ment  et  fera  tout  ce  qu'il  doit  faire,  sans  nul  estri.  »  Ceste 
response  plaisi  grandement  bien  as  dessus  dis  messagiers  de 
France,  et  prisent  congiet  au  roy  et  à  tout  son  conseil  ;  mais 
ançois  il  leur  convint  disner  ens  ou  palais  de  Wesmoustier,  et 
les  festfa  là  li  dis  rois  moult  grandement  et  leur  donna  au 
départir,  pour  Fonneur  et  amour  dou  roy  de  France  son  cousin, 
grans  dons  et  bîaus  jeuiaus.  Depuis  ce  fait  il  ne  séjournèrent 
gaires  de  temps  à  Londres  et  s'en  partirent  et  esploitièrent  tant 
par  leur  journées  qu'il  revinrent  en  France  et  droitement  à 
Paris,  où  il  trouvèrent  le  dit  roy  Phelippe,  à  qui  il  comptèrent 
toutes  leurs  nouvelles  et  comment  il  avoient  exploitié,  et  en 
quel  estât  il  estoient  parti  dou  dît  roy  d'Engleterre,  et  ossi  com 
grandement  et  honourablement  il  les  avoit  receus ,  et  à  leur 
département  et  congiet  prendre,  donné  de  ses  biens.  De  toutes 
ces  coses  et  esplois  se  contenta  grandement  li  rois  Phelippes  et 
dist  que  moult  volentiers  il  veroit  le  roy  Édowart  d'Engleterre 
son  cousin;  car  onques  ne  l'avoit  veu.  Ces  nouvelles  s'espar- 
dirent  parmi  le  royaume  de  France  que  li  rois  d'Engleterre 
devoit  venir  en  France  et  faire  hommage  audit  roy  :  si  se 
ordonnèrent  et  apparillièrent  moult  richement  et  très-poissam- 
ment  duch  et  conte  de  son  sanch  qui  le  désiroient  à  veoir;  et 
proprement  li  rois  de  France  en  escrisî  au  roy  Charle  de 
Behangne  son  cousin  et  au  roy  Loeis  de  Navare,  et  leur 
segnefla  le  certain  jour  que  li  rois  d'Engleterre  devoit  estre 
devers  hii,  et  leur  pria  que  il  y  vosissent  estre.  Cil  doi  roy,  ou 
cas  que  pryet  en  estoient,  ne  Feuissent  jamais  lassiet,  et  se 
ordonnèrent  au  plus  tost  qu'il  peurent,  et  vinrent  en  France  en 
grant  arroy  devers  le  roy.  Li  rois  de  France  fu  adont  consilliés 
que  il  recueilleroit  le  dit  roy  d'Engleterre  son  cousin  en  le 
bonne  cité  *  de  Amiens.  Si  flst  là  faire  ses  pourvéances  grandes 
et  grosses,  et  aministrer  salles,  cambres,  bostels  et  maisons 

*  •  De  Arras  ou. 


330  PHILIPPE   DE   VALOIS   RÉCLAKE 

pour  recevoir  lui  et  toutes  ces  gens,  où  il  se  comptoit,  parmi  le 
roj  de  Behangne  et  le  roy  de  Na.vare  qui  estoient  de  se  déli- 
vrance et  le  duch  de  Bretagne,  le  duch  de  Bourgoigne,  le  duch 
de  Bourbon,  à  plus  de  111°  chevaus.  Il  avoit  adont  à  Amiens  et 
a  encores  bien  cité  pour  rechevoir  aisiement  otant  de  princes 
et  leurs  gens  et  plus  assés. 

QucUr.  réd.  —  Quant  li  rois  Phelippes  de  France  eut  remis 
le  conte  de  Flandres  en  son  pais  et  desconfi  les  Flamens,  il  se 
retourna  à  Aire  et  remercia  les  signeurs  qui  Festoient  venu  ser- 
vir, le  conte  de  Hainnau  son  serourge,  et  le  signeur  de  Biau- 
mont  son  frère,  le  duch  de  Bar,  le  duch  de  Lorrainne  et  les  Ion- 
tains,  et  donna  à  tout  homme  congiet  de  retourner  en  son  lieu, 
et  ils-meismes  prist  le  cemin  de  France  et  esploita  tant  par  ses 
journées  que  il  vint  à  Compiengne ,  et  là  se  tint,  car  il  volt 
ordonner  une  grande  feste  à  estre  à  Paris  à  sa  bien  venue,  car 
encores  il  n'i  avoit  point  entré  comme  rois,  et  quant  il  i  entra, 
ce  fu  à  très-haute  solempnité,  et  fut  adestrés  dou  roi  de  Boesme 
et  dou  roi  de  Navare,  et  cevauça  tout  premiers  à  l'église  Nostre- 
Dame  de  Paris,  et  de  là  il  retourna  au  palais,  et  là  tint  son  estât, 
et  aussi  fist  la  roine  sa  femme,  et  i  ot  tant  de  noblèces  ce  jour 
que  mervelles  seroit  à  penser,  ne  à  recorder. 

Or  avint  que  environ  ung  an  que  li  rois  Phelippes  eut  esté 
couronnés  à  roi  de  France,  et  que  tout  chil  qui  de  li  tenoient, 
eurent  fait  foi  et  hommage,  ensi  que  faire  le  dévoient  et  que 
tenu  i  estoient,  il  fu  regardé  ou  consel  de  France  que  li  rois 
escriproit  et  manderoit  son  cousin  et  son  homme  le  jone  roi 
d'Engleterre  que  il  venist  faire  son  devoir  et  relever  dou  dit 
roi  tout  ce  dont  tenus  il  estoit,  tant  de  la  ducée  de  Guienne 
comme  de  la  conté  de  Pontieu.  Si  furent  lettres  escriptes  et 
séelées  et  envoyées  de  par  le  roi  de  France  en  Engleterre,  et 
vinrent  li  messagier  deviers  le  jone  roi  qui  se  tenoit  pour  lors 
à  Windesore,  et  la  roine  Phelippo  sa  femme,  qui  requellièrent 
les  messagiers  dou  roi  de  France  moult  liement.  Li  rois 
Êdouwars,  par  un  sien  clerc,  ôst  lire  les  lettres  tout  au  lonc 


l'hommage  D'ÉDOrARD  III.  251 

que  on  li  envoioit,  et  quant  il  ot  veu  et  entendu  le  contenu,  il 
respondi  et  dist  que  de  tout  ce  il  se  consilleroit  et  en  feroit 
volentiers  ce  que  bon  sambleroit  à  son  consel.  Li  messagier  se 
contentèrent  assés  de  ceste  response  'et  atendirent  à  la  plai- 
sance dou  roi  d'Engleterre  tant  que  consilliés  fu  de  respondre. 
Il  ne  fist  aultre  response  ;  il  reseripsi  au  roi  de  France  sus  la 
fourme  des  lettres  que  on  li  avoit  envojet,  et  estoit  contenu 
dedens  que  volentiers  et  aparliement  il  feroit  ce  en  quoi  il 
estoit  tenus,  et  que  on  li  asignast  journée  et  a  celle  il  seroit. 
Li  messagier  dou  roi  de  France  retournèrent  en  France  et 
aportèrent  ces  lettres.  Quant  li  rois  Phelippes  et  ses  consauls 
les  veirent,  il  s'en  contentèrent  assés.  Depuis  les  coses  s'apro- 
chièrent,  et  fu  avisé  et  regardé  ou  consel  de  France  que  on 
asigneroit  le  roi  d'Engleterre  journée  à  estre  en  la  chité 
d'Amiens,  et  que  là  tenroit  li  rois  son  estât  et  i  seroient  à 
ce  jour  li  douse  per  de  France  ou  chil  qui  i  poroient  estre. 


Or  vint  li  saisons  que  li  jovènes  roy  d'Engleterre  passa 
le  mer  en  instanche  de  ce  que  pour  hommaige  au  roy  de 
France,  et  vint  ou  royaume  de  Franche  très-bien  acoompa- 
gniés  des  plus  nobles  et  plus  saiges  de  son  pays ,  et  trouva 
le  roy  Phelippe  à  Amiens,  qui  là  l'atendoit  à  grant  noblèce, 
lui  IIII*  de  roys,  li  roys  de  Boesme,  li  roys  de  Navarre  et 
li  roys  de  Mayogres,  et  fu  adont  li  roys  d'Engleterre  honno- 
rablement  et  grandement  festyës  et  rechups  de  joustes,  de 
behours,  de  biaux  et  de  solempnels  disners,  tout  par  Tes- 
passe  de  XV  jours,  et  tous  les  jours  li  donnoit  li  roys  de 
Franche  aucuns  biaux  et  riches  jeuyaux  de  nouvel  et  à  ses 
gens  ossî.  Et  fist  là  li  roys  d'Engleterre  hommage  au  roy  de 
Franche  de  le  conté  de  Ponthieu  qu'il  tenoit,  et  de  le  terre 
de  Gascoingne  de  tout  ce  qu'il  en  appertenoit  au  roy.  Apriès 
ces  ordonnanches  faittes,  il  se  parti  et  s'en  revint  arrière 


232  HOMMAGE 

atout  son  arroy  en  Engleterre  et  li  roys  de  Franee  à  Paris 
et  là  environ. 

Seo.  réd,  —  Li  jones  rois  d'Engleterre  ne  mist  mies  en  oubli 
le  Yoiage  que  il  devoit  faire  ou  royaume  de  France,  et  se  appa^ 
appareilla  bien  et  faiticement  et  si  souffîssamment,  ensi  que  à 
lui  appertenoit  et  à  son  estât  :  si  se  parti  d'Ëngleterre  quant 
jours  fu  dou  départir.  En  se  compagnie  avoit  II  évesques»  cesti 
de  Londres  et  cesti  de  LincoUe,  et  IIII  contes,  monsigneur 
Henri,  conte  Berbi,  son  cousin  germain,  fil  monsigneur  Thu- 
mas  de  Lancastre  au  Tor  Col,  le  conte  de  Sallebrin,  le  conta  de 
Warvich  et  le  conte  de  Herfort  ;  VI  barons ,  monsigneur 
Renault  de  Gobehem,  monsigneur  Thumaa  Wage,  maresobal 
d'Engleterre,  monsigneur  Richart  de  Stanfort,le  signeur  de 
Persi,  le  signeur  de  Manne  et  le  signeur  de  Moutbray,  et  plus 
de  *  XL  •  aultres  chevaliers.  Si  estoient  en  le  route  et  à  le  déli- 
vrance dou  roy  d*EngIeterre  plus  de  M  chevaus,  et  misent 
II  jours  à  passer  entre  Douvres  et  Wissan.  Quant  il  furent  tout 
oultre  et  leurs  chevaus  trais  hors  des  nos  et  des  vaissiaus,  li  rois 
monta  *  acompagniés,  ensi  que  je  vous  ay  dit,  et  chevauça  tant 
que  il  vint  à  Boulongne  ;  et  là  fu-il  un  jour.  Tantos  nouvelles 
vinrent  au  roy  Phelippe  de  France  et  as  signeurs  de  France, 
qui  jà  estoient  à  Amiens,  que  li  rois  d'Engleterro  estcit  arrivés 
et  venus  à  Boulongne.  De  ces  nouvelles  eut  li  rois  Phelippes 
grant  joie  et  envoia  tantos  son  connestable  et  grant  fuison  de 
chevaliers  devers  le  roy  d' Engleterre ,  lequel  il  trouvèrent  à 
Monstreul  sus  Mer,  et  là  eut  grans  recognissances  et  approce- 
mens  d'amour.  Depuis  chevauça  li  joncs  rois  d'Engleterre  en  le 
compagnie  del  connestable  de  France,  et  fist  tant  o  toute  se 
route  que  il  vint  en  le  cité  d'Amiens,  où  il  rois  Phelippes  estoit 
tout  appareilliés  et  pourveus  de  lui  reehevoir,  le  roy  de  Behagne, 
le  roy  de  Navare  et  le  roy  de  Mayogres  dalés  lui,  et  si  grant 
fuison  de  dus ,  de  contes  et  de  barons  que  merveilles  seroit  à 

«  «  L.  -  »  A  ch«val. 


d'Edouard  ui.  S53 

recordo^r;  car  là  estaient  t^ut  11  XII  per  de  Fra^oe  yeûu  j^up 
le  roj  d'ËiigleteiTe  festoyer  et  ossi  pour  estre  peraouelmefitt  et 
faire  tesmoing  à  sou  hoBimage.  Se  11  rois  Pbellppes  reçut  hoa- 
nouraUement  et  grandement  le' joae  roy  d^Engleterre,  son  cou- 
sin, ce  ne  fait  mies  à  demander  ;  et  ossi  âsent  tout  li  roj,  11  doc 
et  11  oonte  qui  là  estoieat,  et  furent  tout  cil  signeur  adont  en  le 
cité  d^Âmiens  jttsques  à  *  XY  »  jours.  Là  en  dedans  eut  tamainte 
paroUe  ei  ordenanee  faite  et  deviâée  ;  et  me  samble  que  11  rois 
Edouwars  d'Ëngleterre  fist  adont  hommage  de  bouce  et  de 
parolle  tant  seulement ,  sans  les  mains  mettre  entre  les  mains 
don  roy  de  France  ou  prince  ou  prélat  député  de  par  lui  ;  et 
n'en  volt  adpnt  11  dis  roifi  d'Ëngleterre,  par  le  conseil  qu'il  eut, 
doudlt  lïommage  proeéder  plus  avant,  si  seroit  retoomés  en 
Ëngleterre  et  aroit  vous,  leua  et  examinés  les  previléges  de 
jadis ,  qui  dévoient  esclarclr  ledit  hommage  et  monstrer  com- 
ment et  de  quoi  11  rois  d'Ëngleterre  devolt  estre  homs  au  roy 
de  France.  Li  rois  de  France,  qui  veoit  le  roy  d*Engleterre,  son 
cousin  jone,  eatendi  bien  toutes  ces  peu'olles,  et  ne  le  volt  adont 
de  riens  presser  ;  car  bien  il  savoit  assés  que  bien  y  recouvreroit 
quant  il  vorroit ,  et  11  dist  :  •  Mon  cousin,  nous  ne  vous  volons 
i  pas  décevoir,  et  noua  plaist  bien  ce  que  vous  en  avés  fait  à 
t  présent,  jusques  à  tant  que  vous  serés  retournés  en  vostro 
c  pays  et  enfourmés  par  les  séelés  de  vostres  prédicesseurs  quel 
c  cose  vous  en  devés  faire.  >  Li  rois  d'Engleterre  respondi  : 
i  Chlers  sires,  grans  merchis.  >  Depuis  se  jeua,  esbati,  et 
demora  li  rois  d'Engleterre  avoecques  le  roy  de  France  en  le 
cité  d'Amiens  ;  et  quant  y  eut  esté  que  bien  deubt  par  raison 
souffîre,  il  prist  congiet  et  se  départi  dou  roy  moult  amiable- 
ment,  et  de  tous  les  autres  princes  qui  là  estolent,  etsemist  au 
retour  pour  revenir  en  Engleterre  et  rapassa  le  mer,  et  fist  tant 
par  ses  journées  qu'il  vint  à  Windesore  là  où  il  trouva  la  royne 
Phelippe  sa  femme  qui  le  rechut  liement  et  qui  li  demanda 
nouvelles  dou  roy  Phelippe  son  oncle  et  de  son  graat  linage  de 

«  •  XVIII. 


234  HOMMAGE 

France.  Li  rois  ses  maris  Ten  recorda  assés,  et  dou  grant  estai 
qu'il  avoit  trouvet,  et  comment  on  Tavoit  recueiUiet  et  festyet 
grandement,  et  des  honneurs  qui  estoient  en  France,  asqueles 
dou  faire,  ne  de  Tentreprendre  à  faire,  nuls  aultres  pajs  ne 
s*acomparage  ^ 

Ne  demora  gaires  de  temps  puissedi  que  li  rois  de  France 
enToia  en  Engleterre,  de  son  plus  espécial  conseil,  Tévesque 
de  Chartres  et  Févesque  de  Biauvais,  et  ossi  monsigneur 
Loeis  de  Clermont,  duch  de  Bourbon,  le  conte  de  Harcourt 
et  le  conte  de  Tankarville,  et  des  aultres  cheyaliers  et  clers 
en  droit,  pour  estre  as  consauls  le  roy  d'Engleterre,  qut  se 
tenoient  à  Londres  sus  Testât  que  vous  avés  07,  ensi  que  11 
rois  d*Engleterre,  lui  revenut  en  son  pajs,  devoit  regarder 
comment  anchiennement  si  prédicesseur,  de  ce  qu'il  tenoient  en 
Aquitainnes  et  dont  il  s'estoient  appelle  duch ,  en  ayoient  fait, 
hommage  ;  car  jà  murmuroient  li  pluiseur  en  Engleterre  que 
leurs  sires  estoit  plus  procains  de  Tiretage  de  France  que  li  rois 
Phelippes.  Nequedent  li  rois  d'Engleterre  et  ses  consauls  igno- 
roient  de  toutes  ces  coses  ;  mais  grant  parlement  et  assamblées 
sus  le  dit  hommage  furent  en  celle  saison  en  Engleterre  ;  et  i 
séjournèrent  li  dessus  dit  envoyet  dou  roy  de  France  tout  Fyver 
et  jusques  à  l'issue  dou  mois  de  «  may  *  ensievant,  qu'il  ne  pooient 
avoir  nulle  diffinitive  response.  Toutesfois  finablement  li  rois 
d'Engleterre,  par  l'avis  de  ses  privilèges,  asquels  il  ajoustoit 
grant  foy,  fu  consilliés  de  escrire  ensi  lettres  pattentes  séelées 
de  son  grant  séel,  en  recognissant  l'ommage  tel  qu'il  le  doit  et 
devoit  adont  faire  au  roi  de  France,  laquele  teneur  de  la  lettre 
s'ensieut  ensi  : 

€  Édouwars,  par  la  grasce  de  Dieu,  roys  d'Engleterre,  signeur 
c  d'Irlande  et  dux  d' Aquitainnes,  à  tous  ceuls  qui  ces  présentes 
€  lettres  verront  et  oront  salut.  Savoir  faisons,  comme  nous 
€  feissons  à  Amiens  hommage  à  excellent  prince  nostre  chier 
€  signeur  et  cousin  Phelippe,  roy  de  France,  lors  nous  fu  dit  et 

*  Et  ne  fait  à  comparer.  —  •-•  Mars. 


d'Edouard  m.  235 

requis  de  par  lui  que  nous  recognissions  le  dit  hommage  estre 
lige,  et  que  nous,  en  faisant  ledit  hommage ,  li  promissions 
expressément  foj  et  loyauté  porter;  laquele  cose  nous  ne 
fesimes  pas  lors ,  *  pour  ce  que  nous  estions  infourmés  que 
point  ne  se  devoit  ensi  faire  *  ;  et  fesimes  lors  au  dit  roy  de 
France  hommage  par  parolles  générales,  en  disant  que  nous 
entrions  en  son  hommage,  par  ensi  comme  nostre  prédices- 
seur  dux  de  Giane  estoient  au  temps  de  jadis  entrés  en  Tom- 
mage  des  rois  de  France,  qui  avoient  esté  pour  le  temps  ;  et 
depuis  enchà  nous  soions  bien  enfourmés  et  acertenés  de  la 
vérité,  recognissons,  par  ces  présentes  lettres,  que  ledit  hom- 
mage que  nous  fesimes  à  Amiens  au  roy  de  France,  comment 
que  nous  le  fesimes  par  parolles  générales,  fu,  est,  et  doit 
estre  entendu  lige,  et  que  nous  li  devons  foy  et  loyauté  por- 
ter, comme  dux  de  Aquitainne  et  pers  de  France,  et  contes 
de  Pontieu  et  de  Menstruel,  et  li  prommetons  dès  or  en  avant 
foy  et  loyauté  porter.  Et  pour  ce  que  ou  temps  avenir  de  ce 
ne  soit  jamais  descors,  ne  question  à  faire  le  dit  hommage, 
nous  prommetons  en  bonne  foy  pour  nous  et  nos  successeurs 
dus  de  Giane,  qui  seront  pour  le  temps ,  que  toutes  fois  que 
nous  et  nos  successeurs  dus  de  Giane  entrerons  et  entreront 
en  rhommage  dou  roy  de  France  et  de  ses  successeurs  qui 
seront  pour  le  temps,  le  dit  hommage  se  fera  en  ceste  ma- 
nière :  li  rois  d'Engleterre ,  dux  de  Gyane ,  tenra  ses  mains 
entre  les  mains  dou  roy  de  France ,  et  cils  qui  adrecera  les 
parolles  au  roy  d'Engleterre,  dux  d' Aquitainne,  et  qui  par- 
lera pour  le  roy  de  France,  dira  ensi  :  vous  devenés  homme 
lige  au  roy  de  France  mon  signeur  qui  ci  est,  comme  dus  de 
Gyane  et  pers  de  France,  et  li  prommetés  foy  et  loyauté  por- 
ter ;  dites  :  voire.  Et  li  rois  d'Engîeterre,  duch  de  Gyane,  et 
si  successeur  diront  :  txnre.  Et  lors  li  rois  de  France  rece- 
vera  le  dit  roy  d'Engleterre  et  duch  de  Gyane  audit  hom- 


'-'  Pour  ce  que  nous  n'estions  enfermés,  ne  certains  que  ensi  le 
daussons  faire. 


âSti 


HOMMAtiE 


mage  lige,  à  la  foj  et  à  la  bouoe,  sauf  son  droit  et  râutroi. 
De  rechief,  quant  ledit  roj  d'Engleterre  et  duch  de  Ojane 
entrera  en  Thommage  don  rojde  France  et  de  ses  successeurs 
roi&  de  France,  pour  la  conté  de  Pontieu  et  de  Monstmel,  il 
mettera  ses  mains  entre  les  mains  dou  roj  de  France  ;  et  dis 
qui  parl^a  pour  le  roy  de  France,  adrècera  les  paroUea  audit 
roj  et  duc,  dira  ensi  :  vous  devenés  homme  lige  au  roy  de 
France  mon  signeur  qui  ci  est,  comme  contes  de  Pontieu  et 
de  Monstruel,  et  li  prommetés  foj  et  loyauté  porter  ;  dittes  i 
voire.  Et  ledit  roy  et  duch,  conte  de  Pontieu  et  de  MonstrueU 
dira  :  voire.  Et  lors  li  dis  rois  de  France  recevera  ledit  roy  et 
conte  audit  hommage  lige,  à  la  foy  et  à  la  bouche,  sauf  son 
droit  et  Fautrui.  Et  ossi  sera  fait  et  renouvelé  toutes  fois  que 
Thommage  se  fera,  et  de  ce  baillerons  nous  et  nos  succes- 
seurs dux  de  Giane,  fais  les  dis  hommages,  lettres  paf^ntes 
séelées  de  nostres  grans  séauls,  se  le  rois  de  France  le  requiert; 
et  avoech  ce  nous  prommetons  en  bonne  foy  tenir  et  garder 
affectuelment  les  pais  et  acors  faits  entre  les  rois  de  France 
et  les  dis  roys  d'Angleterre  ducs  de  Giane,  et  leurs  pré- 
décesseurs roys  de  France  et  ducs  de  Giane.  Et  en  cette 
manière  sera  fait  et  seront  renouvelées  les  dittes  lettres  par 
les  dis  rois  et  ducs  et  leurs  successeurs  dux  de  Giane  et 
contes  de  Pontieu  et  de  Monstruel,  toutes  les  fois  que  li  rois 
d'Angleterre  dus  de  Giane  et  ses  successeurs  dux  de  Giane  et 
contes  de  Pontieu  et  de  Monstruel,  qui  seront  pour  le  temps, 
entreront  en  Tommage  dou  roy  do  France  et  de  ses  successeurs 
rois  de  France.  En  tiesmoing  desqueles  coses  à  cestes  noj? 
lettres  ouvertes  avons  fait  mettre  nostre  graiit  séel.  Données 
à  Eltem  le  trentisme  jour  du  moys  de  mars,  Tan  do 
grâce  M.  CGC.  et  XXX.  • 

Ces  lettres  rapportèrent  en  France  li  dessus  nommet  signeur, 
quant  il  se  départirent  d'Engleterre,  et  il  eurent  le  eongiet  dou 
roy  ;  et  les  baillièrent  au  roy  do  France,  qui  tantost  les  fist 
porter  à  se  chancellerie,  et  mettre  en  garde  avec  ses  plus  espé- 
ciauls  coses  à  le  cautelle  dou  temps  à  venir. 


d'Edouard  iii.  S37 

Quatr.  réd.  —  De  toutes  ces  coses  fa  li  rois  d'Engleteire 
sifnifyés  et  se  ordonna  seionch  ce,  et  furent  nommé  et  mandé 
tous  cenls  que  on  voloit  que  il  passassent  la  mer  avoecques  le 
roi  pour  Tenir  en  France,  et  furent  les  pourvéances  faites 
grandes  et  grosses,  ensi  que  à  lestai  dou  roi  d'Engleterre  apar- 
tenoit,  et  envoia  ses  lettres  en  Hainnau  deviers  le  signeur  de 
Biaumont  et  li  manda  que  il  fust  à  Amiens  en  ce  jour,  car  il  i 
seroit.  Messires  Jehans  de  Hainnau  ne  Peuist  jamais  laissiet  que 
il  n'i  fust  v^QUS.  Li  rois  d^Ëngleterre  passa  la  mf^r  en  grant 
arroi,6t  vint  à  Boulongne  et  de  là  à  Amiens,  et  bien  acompagniés 
de  contes,  de  barons  et  de  prélas  d'Engleterre.  Che  propre  jour 
que  le  roi  Tint,  entra  en  la  chité  d'Amiens  messires  Jehans  de 
Hainnau,  de  quoi  li  rois  et  tout  li  Englois  forent  moult  resjoj. 
Li  rois  de  France,  de  sa  personne,  honnoura  moult  le  roi  d'En- 
gieterre,  et  furent  aussi  tout  chil  qui  en  sa  e<Mnpagnie  estoient, 
moult  honnouré.  Là  furent  en  la  compagnie  dou  roi  de  France 
et  à  sa  déliTrance  li  rois  de  Boesme,  li  rois  de  Navare  et  li  rois 
de  Maiogres.  Là  furent  donné  grans  disners  et  biaus  et  bien 
Mtofés  :  tout  estât  i  furent  tout  sus  tenu  en  ces  jours ,  et  pour 
quoi  li  rois  d'Engleterre  aToit  esté  là  mandés  et  estoit  Tenus,  il 
fu  requis  soufissamment  dou  consel  le  roi<îe  France  que  il  Tosist 
ftdre  son  doToir.  Il  m'est  aTis  que  sus  ceste  requeste  li  jones 
rois  Edouwars  d'Engleterre  fist  adont  hommage  au  roi  de 
France  de  bouce  et  de  parde  tant  seullement,  sans  les  mains 
mettre  entre  les  mains  dou  roi  de  France,  et  non  Tolt  adont  H 
rois  d'Engleterre,  par  le  consel  quil  ot,  procéder  plus  aTant,  si 
seroit  retournés  en  Engleterre,  et  aueroient  ils  et  ses  gens  Tens, 
leus  et  examinés  les  priTiléges  de  jadis,  qui  deToient  esclaircir 
le  dit  hommage  et  monstrer  comment  et  de  quoi  li  rois  d'En- 
gleterre dcToit  estre  homs  au  roi  de  France.  Li  rois  de  France 
quiTeoit  adont  son  cousin  le  roi  d'Engleterre  jone,  entcndi  bien 
toutes  ces  paroles,  et  ne  Tolt  pour  Teure  que  il  fust  en  riens  plus 
pressés ,  car  bien  sçaToit  que  à  tout  ce  il  recouTreroit  quant  il 
Todroit.  La  nature  des  Englès  est  telle  que  tousjours  il  se  criè- 
ment  à  estre  décheu  et  répliquent  tant  apriès  une  cose  que  mer* 


238  HOMMAGK 

Telles,  et  ce  que  il  aueront  en  convenant  ung  jour,  il  le  dilue- 
ront Faultre,  et  à  tout  ce  les  encline  à  faire  ce  que  il  n'entendent 
point  bien  tous  les  termes  dou  langage  de  France,  ne  on  ne  lor 
scet  comment  bouter  en  la  teste,  se  ce  n'est  toutdis  à  lor  prou- 
#  fit,  et  encore  en  avint  adont  ensi  :  dont  li  signeur  et  li  per  de 
France,  qui  là  estoient  venu  et  asamblé  pour  celle  matère»  en 
furent  trop  fort  esmervilliet,  et  en  parlèrent  espéciaument  à  mes- 
sire  Jehan  de  Hainnau  et  li  remonstrèrent  tous  les  poins  et  les 
articles  dou  dit  hommage  comment  il  se  devoit  faire.  Messires 
Jehans  de  Hainnau  qui  estoit  ensi  que  moyens  entre  ces  parties, 
remonstra  ce  au  consel  le  roi  d'Englotcrre,  et  les  paroles  des 
François  et  quel  cose  il  disoient,  comment  il  deuissent  estre  là 
venu  aultrement  pourveu  que  il  n'estoient  :  il  respondirent  à  ce 
et  s'escusèrent  que  il  apertient  et  convient  que  as  parlemens 
qui  sont  à  la  Saint-Michiel  à  Wesmoustier,  où  tous  li  consauls 
générauls  d'Engleterre  est,  soient  remonstrées  tels  coses,  car 
bonnement  il  ne  le  poroit  faire  sans  le  sceu  de  tout  le  païs,  et  se 
li  rois  fait  Tavoit,  il  en  seroit  blâmés,  et  aussi  seroient  tout 
chil  qui  conseilliet  li  aueroient,  et  n'en  vodroient  riens  tenir  en 
Ëngleterre,  et  diroient  que  il  aueroient  este  décheu,  siques  sus 
cel  estât  messires  Jehans  de  Hainnau  en  ôst  response  à  ceuls 
qui  cargiet  l'en  avoient;  et  quant  il  veirent  que  soufrir  leur 
convenoit,  il  le  portèrent  et  passèrent  courtoisement,  et  li  rois 
de  France  très-plus  doucement  encores  que  son  consel ,  car  il 
avoit  en  imagination  que  d'emprendre  la  crois  et  aler  au  Saint- 
Sépulchre  et  délivrer  des  mescréans ,  ouquel  voiage  il  enmen- 
roit  avoecques  lui,  ce  disoit,  son  cousin  le  jone  roi  d'Engleterre, 
si  le  voloit  tenir  en  amour  et  faire  pour  li  tout  che  que  il  poroit. 
Quant  chil  roi  et  chil  signeur  orent  esté  en  la  chité  d'Amiens 
environ  huit  jours,  et  que  on  i  ot  tenu  et  fait  des  festes  et 
solempnités  moult  grandes,  il  prissent  congiet  l'un  de  l'autre, 
et  s'en  retourna  casquns  en  son  lieu,  li  rois  de  France  en 
France,  et  li  rois  d'Engleterre  en  Engleterre.  Ne  demora  gaires 
de  temps  depuis  que  li  rois  de  France  envoia  en  Engleterre  de 
son  plus  espécial  consel  l'évesque  de  Chartres  et  l'évesque  de 


D*ÉDOUARD   111.  339 

Biauvais,  et  aussi  messire  Lois  de  Clermont,  duch  de  Bourbon, 
le  conte  de  Harcourt  et  le  conte  de  Tanquaryille,  et  des  aultres 
chevaliers  et  clercs  en  droit,  pour  estre  as  consauls  le  roi  d*En- 
gleterre  qui  se  dévoient  tenir  à  Londres,  au  palais  de  Wesmous- 
tier,  sur  Testât  que  vous  avés  oy,  ensi  que  li  rois  d'Engleterre 
avoit  proumis,  et  lui  retourné  en  son  païs,  on  i  de  voit  regarder 
comment  anchiennement  de  cel  hommage  si  prédécesseur  en 
avoient  usé  et  d'où  il  s'estoient  appelle  dus  de  Giane,  car  jà 
murmuroient  li  pluisseur  en  Engleterre  que  li  rois,  lors  sires, 
estoit  plus  prochains  de  Tiretage  de  France  que  li  rois  Phe- 
lippes  n'estoit.  Li  rois  d'Engleterre  et  ses  consauls  ignoroient 
de  toutes  ces  coses,  mais  grans  parlemens  et  assamblées  sus  le 
dit  hommage  furent  en  celle  saison  en  Engleterre,  et  i  séjour- 
nèrent li  desus  nommé  prélas  et  barons  envoyés  dou  roi  de 
France  tout  Tivier  et  jusques  à  Tissue  dou  mois  de  may  ensui- 
vant, que  il  ne  pooient  avoir  nulle  response.  Toutesfois,  quoi- 
que il  fust  détryet,  ônablement  li  rois  d'Engleterre,  par  Tavis 
de  ses  préviléges  asquels  il  sgoustoit  grant  foi,  fu  consilliés  de 
escrire  ensi  lettres  patentes  scellées  de  son  grant  séel,  en  recon- 
gnoissant  Tommage  tel  que  il  le  doit  et  devoit  adont  faire  au 
roi  de  France,  laquelle  teneur  de  la  lettre  s'ensieut  ensi  : 
•  Édouwars,  etc.  • 


Vous  avés  oy  comment  chils  jovènes  roys  fist  hommaige 
au  roy  de  Franche  et  comment  il  fu  mariés  à  madame  Phe- 
lippe,  flUe  au  conte  de  Haynnau,  li  milleur  dame,  li  plus 
large  et  plus  courtoise  qui  oncques  fust  à  son  tamps,  ainssi 
comme  vous  orés  en  ce  livre,  mes  que  j'aie  loisir  dou  parsé- 
vërer.  Et  si  avés  bien  oy  comment  il  chevaucha  sur  les 
Escos  et  les  painnes  qu'il  en  eut  pour  yaux  combattre  et 
comment  li  Escot  se  partirent  de  nuit  et  s'enfuirent,  et  com- 
ment une  trieuwe  fu  entre  les  II  pays  à  durer  III  ans,  qui 
moult  bien  se  tint,  et  comment  li  roys  d'Engleterre  maria 


240  MORT. 

96  jovëne  soer  an  joTène  roy  Darid  d'Escoce,  et  en  devant 
comment  li  Espenssier  et  lor  secte  forent  mort.  Depuis  ces 
avenues,  li  jovènes  roys  d'Engleterre  usa  et  ouvra  grande- 
ment par  le  consseil  medame  se  mère,  de  monseigneur  le 
conte  de  Kent  son  oncle,  de  monseigneur  Henry  de  Lan- 
castre  au  Tors  Col,  et  de  messire  Rogier  de  Mortemer,  et 
ne  faisoit,  ne  passoit  riens  fors  que  par  leur  consseil.  Ayint 
que  haynne  qui  oncques  ne  mourut,  monta  si  grande  entre 
messire  Rogier,  seigneur  de  Mortemer,  sus  le  conte  de 
Kent,  qu'il  li  monstra  ^  (car  il  enfourma  et  enorta  le  roy), 
que  li  dis  contes  de  Kent  ses  oncles  le  voUoit  empuisonner 
et  faire  morir  hastivement  pour  le  convoitise  de  avoir  le 
royaumme  comme  li  plus  prochains.  A  oel  enort  et  infour- 
mation  faire  parti  medame  li  royne  se  mfere.  De  tant  le  crut 
liroys  plus  lëgièrement,  car  encoires  estoit  Jehans  de  Eltem, 
frëres  au  roy,  nouvellement  trespassës  ;  s*en  crut  mieux 
messire  Rogier  de  Mortemer.  Si  fist  prendre  son  oncle  le 
conte  de  Kent,  et  li  fist  publiquement  *  copper  le  teste,  ne 
oncques  il  n'en  peult  venir  à  escusanche  ^  :  de  quoy  tous 
cils  dou  pays,  grans  et  petits,  nobles  et  non  nobles,  furent 
durement  troublet  et  courouchiet  et  eurent  puisedi  dure- 
ment *  contre  coer  ^  le  seigneur  de  Mortemer,  et  bien  pens- 
soient  que  par  son  conseil  et  pourcachier  et  par  fausse 
amise  estoit  ainssi  menés  et  traitiës  li  gentils  contes  de 
Kent  qu'il  tenoient  tout  pour  preudomme  et  loyaul  *,  ne 
oncques  apriès  celi  sires  de  Mortemer  ne  fu  tant  aimmës 
comme  il  avoit  estet  par  devant. 

Sec.  réd.  —  Li  jones  rois  d'Englès  se  gouverna  un  grant 
temps,  sicom  vous  avés  oy  dii  dessus  recorder,  par  le  conseil 

*  Malement.  —  •  Devant  tout  le  peuple.  —  •  Et  se  n'y  avoit  coulpe. 
—  ♦-•  En  grant  hayne.  —  •  Et  fu  dommage  de  sa  mort. 


DU   COMTE  DE   KENT.  241 

de  madame  se  mère,  dou  conte  Aymon  de  Kent,  son  oncle,  et 
de  monsigneur  Rogier  de  Mortemer.  Au  daarrain ,  envie  *  com- 
mença à  naistre  entre  le  conte  de  Kent  dessusdit  et  le  signeur 
de  Mortemer,  et  monta  puis  li  envie  si  haut  que  li  sires  de  Mor- 
temer enfourma  et  enhorta  tant  le  jone  roy,  par  le  consentement 
de  madame  se  mère,  le  rojne,  et  li  fisent  entendant  que^li  dis 
contes  de  Kent  le  voloit  empuisonner  et  le  fcroit  morir  tempre- 
ment,  s'il  ne  s'en  gardoit,  pour  avoir  son  royaume,  comme  li 
.plus  proçains  après  lui  par  succession  ;  car  li  jones  frères  le  roy 
queonclamoit  messire  Jehan  d'Eltem,  estoit  nouvellement  tres- 
passés.  Li  jones  rois  qui  creoit  légièrement  che  dont  on  Pen- 
fourmoit  (ensi  que  jones  signeurs,  tels  a -on  souvent  veus, 
croient  légièrement  cou  dont  cils  qui  les  dolent  consillier  les 
enfourment,  et  plus  tost  en  mal  qu  en  bien),  fist  assés  tost  après 
chou  son  dit  oncle  le  conte  de  Kent  prendre  et  le  fist  décoler 
publikement,  que  onques  il  n'en  peut  venir  à  escusance.  De  quoi 
tout  cil  dou  pays,  grans  et  petis,  nobles  et  non  nobles,  en  furent 
durement  troublet  et  courouciet,  et  eurent  puissedi  durement 
contre  coer  le  signeur  de  Mortemer  ;  et  bien  pensoient  que  par 
son  conseil  et  pourcach.  et  par  fausse  amise,  avoit  ensi  esté 
menés  et  trettiés  li  gentils  contes  de  Kent,  que  il  tenoient  tout 
pour  preudomme  et  pour  loyal  ;  ne  onques  apriès  ce  li  sires  de 
Mortemer  ne  fu  tant  amés,  comme  il  avoit  esté  en  devant. 

Quatr,  réd,  —  Je  retournerai  à  cosses  d'Engleterre,qui  furent 
moult  piteuses.  Vous  avés  souvent  oï  dire  et  recorder  que  envie 
et  discorde  se  boutent  volentiers  en  maison  où  paix  est,  pour  tout 
touellier.  Pour  ces  jours,  toute  paix,  toute  amour  et  toute  concorde 
estoient  en  Engleterre,  et  gouvernoient  le  roiaulme  li  contes 
de  Kent  et  messires  Rogiers  de  Mortemer,  et  tout  se  passoit 
par  ces  deus,  liquel  a  voient  esté  si  bien  d'acort  ensamble  tous- 
jours  que  nui  différent  on  n'i  avoit  point  veu.  Or  avint  que 

*  Qui  oncques  ne  mourut. 

I.  —  FROISSART.  16 


â42  MORT 

messirefi  Jôhan  d*Eltem,  frères  maisaés  dau  roi  et  que  li  rois 
tmoit  otant  que  soi-meismes,  ala  morir  assés  soudainnement, 
de  laquelle  mort  on  fu  moult  esmerveilliet  et  courouehiet,  et 
en  parlèrent  pluisseurs  gens  assés  estrangement  et  murmu- 
rèrent sus  le  conte  Aymon  de  Kent  pour  tant  que  li  enfès 
estoit  en  sa  garde,  et  meismement  li  rois  en  fu  trop  grande- 
ment courouchiés  sus  son  oncle.  Avint  assés  tos  apriès  que 
discorde  et  haine  s'esmureut  entre  le  conte  de  Kent  et  messsire 
Rogier  de  Mortemer,  et  si  grosses  paroles  que  il  desmentirent 
Fun  Taultre,  et  sentoit  bien  li  dis  messires  Rogiers  que  li  contes 
de  Kent  n'estoit  pas  bien  en  la  grâce  dou  roi,  car  se  il  euist 
esté,  les  paroles  fuissent  aultrement  tournées,  et  ne  Teuist  osé 
courouchier  li  dis  messires  Rogiers.  Avoecques  tout  ce ,  la 
roine  (la  mère  dou  roi)  portoit  trop  grandement  messire 
Rogier  à  rencontre  dou  conte  de  Kent,  et  se  mouteplyèrent 
tellement  ces  haines  entre  ces  deus  signeurs  que  la  conclusion 
en  fu  très-male;  car  li  rois  fu  enfourmés  de  messire  Rcgier 
de  Moriemer  et  d'autrui  que  li  contes  de  Kent  voloit  empoi- 
sonner le  roi  et  faire  morir  ensi  que  il  avoit  fait  messire  Jehan 
d*Eltem,  et  pour  venir  à  la  couronne  d'Engleterre.  Li  rois  crut 
ces  paroles  légièrement  et  en  parla  à  madame  sa  mère,  la  roifie 
Issabiel,  qui  mieuls  amoit  messire  Rogier  que  le  conte  de  Kent, 
ne  Tescusa  aultrement  que  elle  dist  :  «  Ce  poroit  bien  estre, 
€  biaus  flls,  on  ne  scet  en  qui  avoir  fiance  aujourd'hui.  On  li 
€  donne  en  ce  païs  povre  renommée  de  vostre  frère,  et  se  vous 
«  estiés  mors,  il  seroit  rois  d'Engleterre  :  c'est  li  plus  pro- 
«  çains.  p  Ces  paroles  entrèrent  tellement  en  coer  le  roi 
d'Engleterre  qui  estoit  jones,  que  onques  despuis  elles  ne  li 
porent. issir,  et  ôst  prendre  son  oncle  et  mener  en  la  Tour  à 
Londres,  et  de  là  au  palais  de  Wesmoustier.  Li  contes  de  Kent, 
qui  avoit  esté  tenus  tousjours  à  preudomme  et  sage  et  vaillant 
homme,  ot  cel  inconvénient  si  grant  contre  li  que  morir  le 
convint,  et  fu  décolés  ens  es  gardins  de  Wesmoustier,  là  où  li 
rois  Edouwars,  ses  frères,  en  avoit  fait  déceler  des  plus  grans 
barons  d'Engleten^e  jusques  à  vint-deux  ;  et  ce  greva  et  apesa 


DU   COMTE   DE   KENT.  343 

trop  grandement  le  conte  Aimmon  de  Kent  en  la  grâce  et 
renommée  des  Londryens,  que  il  avoit  sa  cousine  la  soer  au 
roi  d'Engleterre  donné  et  acordé  en  mariage  au  roi  David 
d*Escoce,  sans  ce  que  li  païs  en  sceust  riens,  et  non  fu  point 
tant  plains  que  il  euist  esté  et  aidiés  se  il  n  euist  fait  ce 
marcié.  De  ce  conte  de  Kent  mort  et  décolé,  demora  une  jone 
flUe.  Pour  lors,  elle  pooit  avoir  sept  ans.  Se  la  prist  la  jone 
roine  Phelîppe  dalés  lui,  qui  en  ot  pité,  et  euist  volentiers  aidié 
à  son  père  que  il  ne  fust  point  mors,  mais  quant  chil  qui  le 
haïssoient,  veirent  que  elle  s'en  voloit  ensonnyer,  il  le  hastèrent, 
et  le  convint  morir,  ensi  que  vous  avés  oy.  Celle  jone  damoi- 
selle  de  Kent  estoit  cousine  germainne  dou  roi  Édouwart 
d'Engleterre,  et  fu  en  son  temps  la  plus  belle  dame  de  tout  le 
roiaulme  d'Engletcrre,  et  la  plus  amoureuse,  mais  toute  sa 
génération  vint  à  povre  conclusion  par  les  fortunes  de  ce 
monde  qui  sont  moult  diverses,  ensi  que  vous  orée  recorder 
avant  en  Tistore.  De  la  mort  et  décolation  le  conte  Ajmmon  de 
Kent  fu  li  roiaulmes  d'Engleterre  moult  afoiblis,  et  li  rois  en 
pluisseurs  lie  us  grandement  blâmés,  quant  il  avoit  fait  morir 
son  oncle,  et  tout  chil  qui  ce  consel  li  avoient  donnet  et  par 
espécial  messires  Rogiers  de  Mortemer. 


Ne  demoura  mies  depuis  gramraent  de  tamps  que  grant 
farae  yssi  hors,  ne  sçay  mies  se  voirs  estoit,  que  medame  le 
royne  estoit  enchainte,  et  en  encoupoit-on  plus  le  seigneur 
de  Mortemer  que  nul  autre.  Si  commencha  durement  chils 
famés  à  mouteplyer  tant  que  li  jovènes  roys  en  fu  infourmés 
souflflsamment,  et  avoecques  ce  il  fu  infourmés  que  *  par  le 
fausse  amise  del  seigneur  de  Mortemer  *  f^ite  plus  par  traï- 
son  et  envie  que  par  vérité,  il  avoit  fait  mettre  à  mort  son 
cher  oncle,  le  bon  conte  de  Kent,  que  tout  chil  del  pays 

^-*  Par  havne  et  à  maise  cause. 


244  SUPPLICE 

tenoient  pour  preudomme  et  loyal.  Dont  s*il  fu  tristes  et 
courouchiës,  ce  ne  fait  point  à  demander  \  ains  lîst  tantost 
prendre  le  seigneur  de  Mortemer  et  le  fîst  amener  à  Lon- 
dres, à  Wesmoutier  son  palais,  et  par  devant  grant  fuison 
de  barons  de  son  royaumme  et  ossi  des  nobles  et  des  pré- 
las.  Et  compta  li  roys  meysmes  par  devant  tous  chiaux  qui 
là  estoient  mandet  et  assamblet,  les  fès  et  les  œuvres  le 
seigneur  de  Mortemer,  enssi  que  infourmés  en  estoit  et  que 
trouvet  Tavoit  souffisamment,  siques  grant  partie  en  appa- 
roit.  Si  en  requist  li  dis  rois  à  avoir  jugement  et  demanda 
de  quelle  mort  tels  homs  devoit  morir,  qui  ensi  ouvret  avoit. 
Li  jugemens  fu  assés  tost  rendus  et  accordés,  car  chacuns 
estoit  assés  infourmés  par  famé  et  ainchois  lonch  terme  que 
li  roys  en  sieuwist  riens.  Touttevoies  li  jugemens  fu  enssi 
acordés  par  tous  que  il  fuist  justichiés  tout  en  tel  manière 
que  messire  Hues  li  Espenssiers  avoit  estet  justiciés.  Enssi 
fu  fait.  Si  fu  tantost  traynés  par  le  cité  de  Londres  sour 
ung  bahut  et  puis  loyés  sour  une  eschielle  enmy  le  place,  et 
puis  li  vis  coppés  et  toutes  les  couilles,  et  puis  apriès  li 
ventres  fendus  et  toutte  li  coraille  ostée  et  arse  en  ung  feu. 
Et  apriès  on  li  coppa  le  teste,  et  puis  fu  pendus  par  les 
costes.  Et  puis  tantost  apriès  li  jovènes  roys  fîst  medame  se 
mère  enfermer  en  ung  bel  castiel  et  li  livra  *  dames  et  cam- 
berières  assés  pour  elle  garder,  servir  et  faire  compaignie, 
et  mesnies  et  escuyers  pour  servir  si  haulte  dame  comme 
elle  estoit,  et  li  assena  grant  terre  et  grant  revenue  pour 
elle  souffisamment  gouverner   seloncq    son  estât  tout   le 
cours  de  se  vie,  et  séoient  les  revenues  tout  environ  ce  cas- 
tel.  Et  ordonna  li  roys  que  nullement  elle  ne  vuidast  point 
dou  castiel  plus  avant  que  à  le  barrière,   mais  là  dedens 
presist  ses  esbattemens  en  vergier  et  en  gardins  qui  moult 

^  Et  c'estoit  bien  raUon.—  *  Aucunes. 


DE  ROGER  DE   MORTIMER.  245 

bel  estoient,  et  par  les  édeflices  dou  castiel  dont  iiy  avoit 
grant  fuison.  Apriès  ce  que  cliils  jovènes  roys  Édouwars 
d'Engleterre  eut  fait  ces  II  hautes  justiches  sîcomme  vous 
avés  oy,  il  prist  nouvel  consseil  des  plus  sages  *  et  des 
plus  creus  *  de  toiit  son  royaumrae,  et  se  gouverna  moult 
'  bellement  \  et  maintint  son  royaumme  tout  en  pès  par  le 
bon  consseil  qu'il  avoit  pris  et  encargiet  moult  amiablement 
dalés  medame  se  femme,  et  faisoit  souvent  joustes,  tournois 
et  esbatemens  pour  le  temps  passer  en  plus  grant  joie,  et 
acquist  grant  grâce  par  tout  son  royaumme  et  grant 
ronoummée  par  tous  pays  ^. 

Sec,  réd.  —  Ne  demora  mies  depuis  gaires  de  temps  que  grant 
famé  issi  hors  sus  la  mère  dou  roy  d'Engleterre,  ne  sai  mies  se 
voirs  estoit,  que  elle  estoit  enchainte;  et  en  edeoupoit-on  plus 
de  ce  fait  le  signeur  de  Mortemer  que  nul  aultre.  Si  commença 
durement  chils  escandèlcs  à  mouteplyer,  tant  que  li  jones  rois 
en  fu  enfourmés  souffissamment.  Et  avoech  tout  ce  il  fu  enfour- 
mcs  que  par  fausse  amise  et  par  envie  dou  signeur  de  Mortemer, 
faite  plus  par  trahison  que  par  raison,  il  avoit  fait  mettre  à  mort 
son  oncle,  le  conte  de  Kent,  que  tout  cil  dou  pays  tenoient  et 
avoient  toutdis  tenu  pour  preudomme  et  pour  loyal  ;  dont,  se  11 
jones  rois  fu  tristes  et  courouciés,  ce  ne  fait  mies  à  demander. 
Si  fist  tantost  prendre  le  dit  signeur  de  Mortemer,  et  le  fist 
amener  à  Londres,  pardevant  grant  fuison  des  barons  et  des 
nobles  de  son  royaume,  et  fist  conter  par  un  sien  chevalier  tous 
les  fais  le  signeur  de  Mortemer,  ensi  que  escrire  et  registrer 
les  avoit  fais  ;  et  quant  il  furent  tout  dit  et  conté,  li  dis  rois 
d'Engleterre  demanda  à  tous,  par  manière  de  conseil  et  de  juge- 
ment, quel  cose  en  estoit  bon  à  faire.  Li  jugemens  en  fu  assés 
tost  rendus  ;  car  cascuns  en  estoit  jà  par  famé  et  par  juste  infor- 

*'  Et  vaillans.  ~  ^*  Sagement.  —  *  Demourant  doolcement  dalës 
sa  famme. 


246  SUPPLICE 

mation  tous  avisés  et  infourmés  :  si  en  respondirent  au  roy  et 
disent  que  il  devoit  morir  en  tel  manière  comme  messires  Hues 
li  Despensiers  a  voit  fait  et  esté  justiciés.  A  ce  jugement  n'eut 
nulle  dilation  de  souffrance,  ne  de  merci  :  si  fa  tantos  traînés 
parmi  la  cité  de  Londres  sur  un  bahut,  et  puis  loyés  sus  une 
eschielle  en  mi  le  place,  et  puis  li  vis  copés  à  toutes  les  coulles 
et  jettées  en  un  feu  qui  là  estoit  ;  et  puis  li  fu  li  ventres  ouvers 
et  li  coers  trais  hors,  pour  tant  que  il  en  avoit  fait  et  pensé  le 
trahison,  et  jettes  ou  dit  feu  et  ensi  toute  se  coraille;  et  puis  fu 
esquartelés  et  envoyés  par  IIII  mestres  cités  en  Engleterre,  et 
la  teste  demora  à  Londres.  Ensi  fina  li  dis  messires  Rogiers  de 
Mortemer  :  Dieus  li  pardoinst  tous  ses  fourfais.  Tantos  apriès 
ceste  justice  faite ,  li  rois  d'Engleterre ,  par  le  conseil  de  ses 
hommes,  fist  madame  sa  mère  enfermer  en  un  castiel,  et  li 
bailla  dames  et  damoiselles  et  camberières  et  toutes  gens  assés 
pour  lui  garder  et  servir  et  faire  compagnie,  chevaliers  et 
escuiers  d'onneur  ensi  comme  à  si  haute  dame  que  elle  estoit 
appertenoit  ;  et  li  assigna  et  délivra  grant  terre  et  belle  reve- 
nue, pour  lui  souffissamment  gouverner,  selonch  son  noble  estât, 
tout  le  cours  de  se  vie,  et  la  ditte  revenue  au  plus  pries  de  celi 
castiel  que  il  peut  par  raison  ;  mais  il  ne  vot  mies  souffrir,  né 
consentir  que  elle  alast  hors,  ne  s'amonstrast  nulle  part,  fors  en 
aucuns  *  esbas  *  qui  estoient  devant  le  porte  dou  castiel  et  qui 
respondoient  à  le  maison.  Si  usa  la  ditte  dame  là  sa  vie  depuis 
assés  bellement  ;  et  le  venoit  veoir  II  ou  III  fois  Tan  li  jones 
rois  Édouwars ,  ses  fils.  Nous  nos  soufferons  à  parler  de  la 
dame,  et  parlerons  dou  dit  roy,  son  fil,  et  comment  il  persévéra 
en  sa  signourie.  Apriès  'ce  que  cils  rois  Édouwars  qui  estoit  en 
son  jone  eage,  eut  fait  faire  ces  II  grandes  justices,  sicom  vous 
avés  oy  chi  dessus  recorder,  il  prist  nouvel  conseil  des  plus  sages 
et  des  miex  creu  de  tout  son  royaume,  et  se  gouverna  moult  bel- 
lement ;  et  maintint  son  royaume  en  pais,  par  le  bon  conseil 
qu'il  avoit  dalés  lui. 

*-*  Lieux  esbataiJB  et  moult  plaisans. 


DE   R06SR  DE   MORTllIKR.  247 

Quatre  red.  —  En  celle  propre  année  avint  que  famé  issi 
hors  sus  la  roine  Issabiel  d'Engleterre ,  mère,  dou  jone  roi 
Édouwart,  que  elle  estoit  enchainte  d'enfant,  et  n'estoit  nuls 
encoupés  de  ce  fait,  fors  messires  Rogiers  de  Mortemer.  Et 
commença  chils  escandèles  tant  à  mouteplyer  que  li  jones  rois 
en  fu  enfourmés  soufisamment,  et  li  fu  dit  pour  son  honneur, 
il  con\enoit  que  il  i  pourveist.  Messires  Rogiers  fu  pris  et 
amenés  à  Londres.  Adont  furent  mandé  grant  fuisson  des 
barons  et  des  nobles  d'Engleterre.  Quant  il  furent  venu,  on  les 
mist  ensamble,  et  là  fu  li  rois  présens  et  feist  compter  par  un 
sien  chevalier  tous  les  fais  à  messire  Rogier  de  Mortemer,  qui 
sus  lui  estaient  prouvé  soufisamment,  et  quant  il  furent  tout 
dit  et  compté  et  bailliet  oultre  par  escript,  li  rois  demanda  à 
tous  quel  cose  en  estoit  bonne  à  faire,  il  respondirent  que  il  s'en 
conselleroient.  Adont  entrèrent  tout  chil  signeur  en  une  aultre 
cambre  et  parlèrent  ensamble  :  il  furent  tantos  consilliet,  car 
la  cose  estoit  toute  clère  et  bien  sceue,  si  retournèrent  déviera 
le  roi  :  si  en  respondirent  et  dissent  tout  de  une  seute  que  il 
devoit  morir  de  la  mort  parelle  à  messire  Hue  FEspensier,  car 
il  estoit  fauls,  mauvais  et  traîtres  contre  son  signeur.  A  ce 
jugement  n*eut  nulle  merchi,  mais  fu  tantos  dou  palais  de 
Wesmoustier  trainés  sus  un  bahut  tout  au  lonch  de  la  chité  de 
Londres  et  puis  amenés  en  la  grande  rue  de  Cep,  et  là  loyés 
sus  une  escelle,  et  li  furent  copés  li  vis  et  les  couUes  et  ruet  en 
ung  feu  que  on  avoit  fait  devant  lui,  et  puis  li  ventres  ouvers 
et  trait  hors  son  coer  et  sa  coraille,  et  jette  ens  ou  feu,  et  puis 
fu  mis  jus  de  Tescelle  et  estendus  sus  un  estai  de  bouchier  et 
copés  la  teste  et  esquartelés  et  envoyés  les  quarts  en  quatre 
souverainnes  chités  d'Engleterre,  et  la  teste  de  lui  fu  misse 
sus  une  glave  au  pont  de  Londres.  Ensi  âna  messires  Rogiers 
de  Mortemer.  Tantos  apriès  celle  justiche  faite,  li  rois  d'Engle- 
terre, par  le  consel  qu'il  ot,  fist  madame  sa  mère  envoyer  en 
un  castiel  et  là  tenir  sans  point  issir  de  la  pourprise,  et  11 
fist  avoir  son  estât ,  chevaliers ,  dames  et  damoiselles  et  tous 
offîcyers  et  rentes  et  revenues  et  bien  payés  de  teçme  en 


348  iAOUARD  m  réclame 

terme.  Depuis  vesqui  la  roine  Issabiel  là  en  cel  estât,  bien 
trente-quatre  ans.  Apriès  toutes  ces  avenues  desus  dittes,  li 
Jones  rois  d'Engleterre  prist  et  mist  dalés  li  bon  consel  et  meur 
de  sages  et  de  vaillans  hommes  de  son  roiaulme. 


Or  avint  que  les  trieuwes  qui  estoient  entre  lui  et  le  roy 
d'Escoce  faillirent.  Si  fu  enfourmés  que  li  roys  David  d'Es- 
coce  ses  serourges  estoit  saisis  de  le  bonne  chité  de  Bervich, 
qui  devoit  estre  de  son  royaume,  et  que  li  bons  roys  Édou- 
wars  ses  tayons  le  avoit  tousjours  tenue  paisivlement  et 
francquement  et  ses  pères  .apriès,  ung  grant  temps.  Et  fu 
enfourmés  que  li  royaumme  d'Escoche  mouvoit  de  lui  en 
flef,  et  que  li  jovènes  rois  David,  ses  serouges,  ne  Tavoit 
encoires  relevet,  ne  fet  son  houmage,  dont  se  il  aniciloit 
ainsi  ses  drois,  *  il  en  seroit  mains  honnerës  et  doublés  *. 
De  ces  '  paroUes  *  li  rois  s'esmut  et  eut  indignation,  et 
envoya  tantost  apriès  grans  messaiges  et  souffisans  en 
Escoce  au  jovène  roy  David  et  à  son  consseil,  et  li  fîst  dire 
et  requerre  que  il  volsist  oster  se  main  de  le  bonne  cité  de 
Bervich  et  lui  resaisir,  car  c'estoit  ses  bons  hiretaiges  et 
avoit  tousjours  estet  du  demaîne  ses  anchisseurs  rois  d'En- 
gleterre,  et  qu'il  venist  à  lui  pour  faire  hommaige  del 
royaumme  d'Escoche  qu'il  devoit  tenir  de  lui  en  fief. 

Quant  li  jovènes  roys  David  d'Escoche  eut  oy  les  mes- 
saiges le  roy  d'Engleterre  son  serourge  et  les  requestes  que 
faittes  li  furent,  si  respondi  qu'il  s'en  conseilleroit  dedens 
bref  jour.  Lors  assambla  tout  son  consseil  les  nobles  et  les 
grans  barons  d'Escoce  et  ossi  les  prélas,  et  leur  dist  le 
requeste  le  roy  d'Engleterre,  et  puis  leur  demanda  à  avoir 

•-*  Il  en  vauroit  raains  et  en  serait  mains  prisiës  et  crémus.  — 
*"*  Oppinions. 


l'hommage  du  roi  d'ècossb.  248 

80ur  ce  consseil  et  bonne  délibération.  Et  quant  il  fu  assës 
conseillé  sur  ces  requestes,  il  respondi  as  messages  et  dist  : 
a  Signeur,  jou  et  tout  my  homme,  nous  mervillons  dure- 
ce  ment  de  chou  que  vous  nous  requérez  de  par  le  roy  nostre 
«  serourge  tels  coses  à  faire.  Or  nous  ne  trouvons  mies* à* 
«  nos  anchyens,  ne  ne  tenons  que  li  royaummes  d*Escoche 
a  soit  de  riens  soubgès,  ne  doit  estre  au  roy  d*Engleterre, 
«  ne  pour  hommaige  ne  autrement  ;  ne  oncques  messires  li* 
«  rois  Robers  nos  pères  n*en  vot  faire  hommage  à  vos 
o  anchisseurs  roys  d'Engleterre,  pour  guerre  que  on  l'en 
«  fesist.  Ossi  n'avons-uous  point  conseil,  ne  voUenté  del 
ce  faire.  En  apriès  nos  dis  pères  conquist  le  bonne  chité 
ce  de  Bervich  par  droite  guerre  sur  le  roy  son  père,  et  le 
ce  obtint  tout  le  cours  de  se  vie  comme  son  bon  hiretaige. 
«c  Ossi  le  pensons-nous  à  tenir  par  le  grâce  de  Dieu  et  en 
«  ferons  nostre  loyaul  pooir  comme  nostre  bon  hiretaige.  Si 
ce  vous  requérons  que  vous  voeilliés  dire  de  par  nous  au 
ce  roy  et  pryer  qu  il  nous  voeille  laisser  en  telle  franchise 
«  que  nostre  *  devantrain  •  ont  estet,  et  laissier  joyr  de  ce 
<c  que  li  rois  nos  pères  conquist  et  maintint  toute  se  vie  pai- 
cc  sivlement,  et  que  encontre  chou  ne  voeille  croire  nul  man- 
te vais,  ne  légier  consseil.  Car  se  ungs  autres  nous  voul- 
ce  loit  faire  tort,  si  le  nous  deveroit-il  aidier  à  deffendre 
«  pour  l'amour  de  sa  sereur  que  nous  avons  à  femme,  si 
te  comme  nous  ferions  lui  en  cas  sannable  '  par  amours, 
ce  non  par  hommaige  *.  »  Li  messagier  respondirent  : 
te  Sire,  nous  avons  bien  entendu  vostre  rosponco;  si  le 
te  reporterons  '  vollentiers  ^°  à  nostre  seigneur  le  roy  en 
et  telle  maunière  que  dit  Tavés.  »  Puis  prissent  congiet  et 
revinrent  arrière  à  leur  seigneur  le  roy  d'Engleterre  à  sou 

*■•  Par.  —  '   Bons.  —  ••  Anchisseur '•  Se  il  le  requéroil.  — 

•■••  Le  mieux  que  aoa  porroas. 


KM)  ÉDOUARl»  III   RÉCLAME 

xtsnssei).  Si  recordèrent  toutes  les  parolles  qtie  H  j<^èM0 
roys  d*Escocbé  avoit  respondut  à  lot  requesté,  lîqttôld 
rapors  ne  plaisi  mies  adont  trop  bien  au  roy  Édouwart  et 
encoires  moins  à  son  consseil  qui  désiroient  à  avoir  la^erre 
as  Escos  et  contrevengier  *  le  mort  de  lor  proïmes  qui 
forent  ochis  devant  Struvelin  et  en  le  cache  qui  fu  assez 
dammagable  et  honteuse  pour  les  Englës. 

Quant  li  roys  d'Engleterre  eut  oy  les  hommes  de  bien 
qu'il  avoit  envoyet  en  Escoche  devers  le  roy  son  serourge, 
et  les  responsces  telles  que  li  rois  li  avoit  fait,  se  li  sam- 
blërent  d'un  lés  assés  dures  contre  l'honneur  de  lui  et  de 
soh  royaumrae,  et  ossi  assés  raisonnables  tant  qu'à  frater- 
nité, car  voirement  estoit-il  tenus  à  souffrir  de  lui  pour  le 
cause  de  sa  sereur  que  il  avoit  épousée,  et  assés  legière- 
ment  s'en  fust  *  souffers  ' ,  sauve  l'honneur  de  lui  et  de  son 
pays  ;  mais  chil  qui  dallés  lui  estoient  et  par  qui  consseil  en 
partie  il  ouvroit  de  cette  besoingne,  ne  le  layèrent  guaires 
longement  endormi,  ains  li  disent  pour  lui  esmouvoir  et 
escauffer  :  «  Sire ,  vous  avés  juret,  solempnelment  par 
«  dignité  de  roy,  à  tenir,  maintenir,  soustenir,  deffendre  et 
«  acroistre  les  droîs  de  vostre  royaumme.  Dont,  se  vous 
«  laîssiés  cette  bonne  chîté  de  Bervich  etcebel  castel  de  Rose- 
«  bourch  qui  sont  sus  marche  et  clefs  de  vostre  pays  à  l'en- 
i<  contre  del  royaumme  d'Escoche  ens  es  mains  des  Eschos, 
«  vous  ne  vos  acquittés  *  mies  bien  *  contre  vostre  sierment 
(c  et  en  afoiblissiez  vostre  honneur  et  vostre  hiretaige,  et 
«  moins  en  serés  doubtés  et  honnerés,  qui  estes  jovène  et 
«  en  vo  venir.  Et  poront  dire  tout  chil  qui  parler  en  oront, 
«  que  faute  •  de  hardiement  et  faintise  de  coer  (ce  qui  n'est 
«  pas  bien  séans  en  jovène  seigneur)  ^  le  vous  font  faire  '. 

*  S'il  pooient.  —  **  Passes.  —  *'^  maisemeùt.  —  *  Pour  vostre 
honneur  et.  —  «  De  sens  ou  de.  —  ^"^  Vous  feroît  àinsy  dëfalir  de 
Tostre  droit  garder. 


l'hommage  du  roi  d'Ecosse.  S5f 

éf  Encopres  pluâ  avant  tous  les  jours  li  Escochois  ptleveiit 
«  par  l'entrée  de  Bervich  et  par  le  castel  de  Rosebôurch 
«  entrer  et  courir  en  vostre  royaumme  bien  avant,  ce 
«  que  pas  ne  feroient  se  chil  hiretaige  qui  jadis  fuirent  à 
«  vos  prëdicesseurs  estoient  racquis  à  vous,  enssi  que  dé 
«  légier  le  pourés  faire  se  vous  voilés,  car  li  forche  des 
(c  Escos  est  moult  amenrie  et  afoiblie  puis  III  ans  en  enchà. 
(c  Si  sont-il  grant  et  orguilleux  et  qui  petit  amirent,  ne  pri- 
«  sent  vostre  pays.  Encores  tous  les  jours  sus  marche, 
«  ensi  que  nous  sommes  enfourmés  souffisamment  par  no8 
a  voisins  qui  les  marchissent,  chiaux  dou  Noef-Castiel  sur 
«  Tin,  de  Branspeth,  de  Persi,  de  Urcol  et  des  autres  cas- 
ce  tiaux  voisins,  *  li  Escochois  les  manachent  *  et  dient  qu'il 
ce  chevaucheront  encorres  plus  avant  en  vostre  pays  que  li 
ce  roys  Robiers  ne  fist  oncques,  mais  que  li  rois  David  leur 
ce  sire  ait  ung  peu  plus  d'eage,  '  et  que  pour  ce  que  vous 
ce  volliés  nourir  pès  à  yaux  et  tenir  vostre  terre  sans  guerre, 
ce  acordastes-vouS  le  mariaige  de  çaedame  votre  soer  à 
ce  yaux  *.  Dont  tels  coses  et  plus  assés  que  touttes  ne  poons 
ce  mies  recorder,  mes  tous  les  jours  en  oons  nouvelles  par 
ce  les  marchissans  *,  qui  ne  font  mies  à  souffrir,  ne  à  con- 
cc  sentir.  Si  ayés  sour  ce  bon  advis  et  ®  hastieu  ^  consseil, 
ce  nous  vous  en  prions.  » 

Sec.  rid.  —  Vous  avés  bien  oy  recorder  chi  dessus  de  le 
guerre  du  roy  Robert  d'Escoce  et  du  roy  d'Engleterre,  et  com- 
ment unes  triewes  furent  prises  à  durer  III  ans  (là  en  dedens 
cils  rois  Robers  morut)  en  aprièsiïou  mariage  qui  fut  fais  de 

*-*  Car  encore  est  le  orgôul  des  Escos  si  grans  qu*il  ne  leur  souffist 
point  à  ce  qu'ils  tiennent  de  vostre  héritage,  mais  menacent.  —  '-^  Et 
pour  paix  acquerra  et  amour,  vous  donnastes  Tostre  seur  en  mariage 
au  roy  d'Escoce;  si  oons  qu'ils  sont  plus  dur  sur  vostre  pays  qu'ils 
n'ont  oncques  estet.  —  "  Sur  frontières.  —  ••^  Et  britf. 


952  EDOUARD  111   RÉCLAME 

la  serour  \u  roi  englès  et  dou  fil  ce  roy  Robert ,  qui  fu  roi« 
d'Escoce  apriès  le  mort  de  son  père,  et  le  clamoit-on  le  roy 
David.  Le  temps  que  ces  trièwes  durèrent  et  encores  un  an 
depuis  ou  environ  furent  li  Englès  et  li  Escot  bien  en  pais,  che 
que  on  n'avoit  point  veu  en  devant,  passet  avoit  CC  ans,  qu'il 
ne  se  fuissent  guerryet  et  héryet.  Or  avint  que  li  joncs  rois 
d'Engleterre  fu  infourmés  que  li  rois  d'Escoce  ses  serourges 
estoit  saisi  de  le  bonne  cité  de  Bervich  qui  devoit  estre  de  son 
royaume,  et  que  li  rois  Édouwars  ses  taions  Tavoit  tousjours 
tenue  paiseulement  et  franchement,  et  ses  pères  apriès,  un 
grant  temps,  et  fu  infourmés  que  li  royaulmes  d'Escoce  mou- 
voit  en  fief  de  lui,  et  que  li  jones  rois  d'Escoce  ses  serourges 
ne  Tavoit  encores  relevet,  ne  fait  hommage.  Il  en  ot  indigna- 
tion et  envoia  assés  tost  apriès  grans  messages  souffissans  au 
jone  roy  David  son  serourge  et  à  son  conseil,  et  li  fist  requerre 
que  il  vosist  oster  se  main  de  le  bonne  cité  de  Bervich  et  lui 
ressaisir,  car  c'estoit  ses  bons  hiretages  et  avoit  tousjours  esté 
de  ses  ancisseurs  rois  d'Engleterre,  et  qu  il  venist  à  lui  pour 
faire  hommage  del  royaume  d'Escoce  qu  il  devoit  tenir  de  lui 
en  fief.  Li  jones  rois  David  se  consilla  à  ses  barons  et  à  chiaus 
de  son  pays,  par  grant  délibération  de  conseil ,  et  quant  il  fu 
assés  consilliés  sour  ces  requestes,  il  respondi  as  messages  et 
dist  :  «  Signeur,  jou  et  tout  mi  baron,  nous  mcrvillons  dure- 
«  ment  de  ce  que  vous  nous  requêrés  de  par  le  roy  nostre 
«  serourge,  car  nous  ne  trouvons  raies  *  à  nos  ancyens  *,  ne  ne 
«  tenons  que  li  royaumes  d'Escoco  soit  de  riens  tenus,  ne 
«  subgès  ne  doit  estre  au  roy  d'Engleterre,  ne.  par  hommage, 
«  ne  autrement  ;  ne  onques  messires  li  rois  nos  pères,  de  bonne 
«  memore,  n'en  volt  faire  hommage  à  ses  ancisseurs  rois 
«  d'Engleterre ,  pour  guerre  que  on  l'en  fesist  :  ossi  n'ai-jou 
«  point  conseil ,  ne  volenté  dou  faire.  En  après  nos  pères  li 
«  rois  Robers  conquist  la  cité  de  Bervich,  par  droite  guerre, 
t  sur  le  roy  d'Engleterre  son  père,  et  le  obtint,  comme  son  bon 

•-•  En  nos  anciens  registres. 


l'hommage  du  roi  d'Ecosse.  253 

«  hyretage,  tout  le  cours  de  sa  vie  :  et  ossi  le  pensé-jou  et  faire 
«  bien  à  tenir,  et  en  ferai  mon  pooir.  Si  vous  requier  que  vous 
«  voelliés  prjer  au  roi,  cui  sereur  nous  avons,  quil  nous 
«  voelle  laissier  en  celle  franchise  sicom  no  *  devantrain  *  ont 
«  esté,  et  joïr  de  ce  que  li  rois  nos  pères  conquist  et  maintint 
«  toute  se  vie  paisieulement ,  et  que  encontre  ce  ne  voelle 
«  croire  nul  mauvais  conseil,  car  se  uns  aultres  nous  voloit 
«  faire  tort ,  si  nous  deveroit-il  aidier  et  deffondre  ,  pour 
«  lamour  de  sa  sereur  que  nous  avons  à  femme.  »  Li  message 
respondirent  :  a  Sire,  nous  avons  bien  entendu  vostre  res- 
«  ponse,  si  le  reporterons  volentiers  à  nostre  signeur  le  roy, 
«  en  tel  manière  que  dit  Favés  ;  »  puis  prisent  congiet  et 
revinrent  arrière  à  leur  signeur  le  roj  d'Engleterre  et  à  son 
conseil.  Si  recordèrent  toutes  les  paroUes  que  li  jones  rois 
d'Escoce  avoit  respondu  à  leur  requeste  ,  liquels  rapors  ne 
plaisi  mies  bien  au  roy  Édouwart,  ne  à  son  consel  ;  ains  fist 
mander  à  Londres  au  jour  de  parlement  tous  les  barons,  che- 
valiers et  consauls  des  bonnes  villes  de  son  royaulme,  pour  avoir 
sur  ce  conseil  et  meure  délibération. 

Quatr,  réd,  —  Vous  sçavés,  sicom  il  est  contenu  ichi  desus 
en  nostre  histore,  comment  les  trieuwes  furent  prisses  et  don- 
nées entre  Engleterre  et  Escoce,  et  aussi,  comment  li  mariages 
fu  fais  dou  jone  roi  David  d'Escoce  à  la  serour  le  roi  d'Engle- 
terre,  de  quoi  li  Escoçois  en  quidièrent  trop  grandement  mieuls 
valoir,  mais  li  Englès  ne  lentendoient  pas  ensi,  euls  qui  ne 
pueent  amer  les  Escos,  ne  ne  fissent  onques,  ne  jà  ne  feront. 
Quant  les  trieuwes  furent  fallies  entre  euls  et  les  Escos,  qui 
avoient  duret  trois  ans,  il  ne  vodrent  point  souffrir  par  nulle 
voie  que  les  trieuM^es  fuissent  reprisses,  car  il  voloient  avoir  la 
guerre,  car  li  séjourners  lor  desplaisoit  trop  grandement. 
Englès  sont  de  celle  nature  :  il  ne  scèvent,  ne  puent,  ne  voellent 
longuement  séjourner  sans  euls  ensonnyer  en  guerre  et  deman- 
dent les  armes,  n'ont  cure  à  quel  title,  et  trop  grandement  s'i 

'*  Devanciers. 

# 


254        EDOUARD   m  RÉCLAME  l'aOIIIIAGJî  DU   ROI   D*ÉCOSSE. 

délitent  et  abilitent.  Ençores  estoient  Les  Escoçois  assés  au-cfôssus 
46  lors  besongnes  et  tenoient  la  chité  de  Bervic,  que  li  rois 
Jtobers  de  Brus,  quant  il  laia  le  siège  de  JBtruvelin,  avoit  con- 
quis sus  le  roi  Édouwart,  père  au  jone  roi  Édouwart,  dont  il  des- 
plaisoit  grandement  as  Englès,  et  pour  ce  avoient  li  auqun  parlé 
vilainnement  en  Engleterre  sus  le  conte  de  Kent,  quant  il  acorda 
si  tos  sa  cousine,  Isabiel  d^Ëngleterre,  par  mariage  au  roi 
d'Escoce,  lor  adversaire.  Quant  les  trieuwes  furent  faillies 
d'Engleterre  et  d'Pscoce,  li  Escoçois  qui  quidièrent  trouver 
auquns  amour  et  aliance  deviers  le  roi  d'Englet^rre  et  son  con- 
sel  pour  ?a  cause  de  ce  que  lors  sires  avoit  à  femme  la  serour 
le  roi  d'Engleterre,  envoyèrent  ambassadeurs  d'Escocc,  tels  que 
révesque  de  Saint-Andrieu ,  Févesque  d'Abredane ,  messire 
Robert  de  Versi,  messire  Arcebaut  Douglas,  messire  Simon 
Fresel  et  messire  Alixandre  de  Ramesai  deviers  le  roi  d'Engle- 
terre  et  son  consel,  et  vinrent  chil  prélat  et  chil  chevalier 
d'Escoce  sus  bonnes  aségurances  en  la  chité  de  Londres.  Pour 
lors  li  rois  d'Engleterre  et  la  roine  Phelippe  tenoient  leur  hostal 
une  fois  à  Eltem  et  Tautre  fois  en  Windesore.  Pour  ces  jours 
que  li  Escoçois  vinrent,  estoient  li  rois  et  la  roine  à  Eltem.  Si 
«e  traïssent  deviers  euls  tout  premièrement,  ensi  que  pour 
mieuls  valloir,  car  au  voir  dire,  il  avoient  plus  chier  à  entendre 
à  unes  longues  trieuwes  ou  avoir  paix  que  la  guerre,  car  lor 
poissance  en  Escoce  estoit  trop  afoiblie  tant  dou  roi  Robert  qui 
mors  estoit,  que  de  messire  Guillaume  Douglas  et  dou  conte  de 
Moret.  Li  rois  d'Engleterre  et  la  roine  et  li  clievalier  d'ostel 
requellièrent  assés  courtoisement  ces  signeurs  d'Eseoce  pour  la 
cause  de  ce  que  li  rois  Davis,  lors  sires,  avoit  à  femme  lor 
serour,  et  remonstrèreut  au  roi  moult  doucement  ce  pour  quoi 
il  estoient  là  venu  et  envojet  de  par  tout  le  païs.  Li  rois  res- 
pondi  à  ce  et  dist  que  il  fuissent  li  bien  venu,  et  que  volentiers 
il  meteroit  son  consel  ensamble  et  là  seroit,  et  toute  l'adrèce 
que  il  poroit  faire,  fust  de  trieuwes  ou  de  paix,  salve  Tonnour 
de  11  et  de  son  roiaulme,  il  meteroit.  Ceste  response  souffi  assés 
as  Escoçois,  et  retournèrent  en  la  chité  de  Londres. 


DÉLIBÉRATION   DU   PARLEMENT,  2S5 

Tant  fu  li  rois  Édouwars  d'Engleterre  conseillés  et 
enfourmés  contre  les  Escos,  que  il  fist  cryer  une  moult  belle 
feste  à  Londres  et  fut  de  XXX  chevaliers  de  dedens  et 
ossi  de  XXX  escuyers,  et  manda  que  tous  nobles  et  prëlas 
fuissent  à  Londres  ou  environ  à  le  Purification  Nostre- 
Dame  qui  fu  l'an  mil  fyCC.XXXL  Tout  y  furent  ensi  que 
ordonnet  estoit,  et  fu  la  feste  moult  noble,  bien  festiée  et 
bien  joustée,  et  ^  à  celle  feste  fu  *  messires  Jehans  de  Hayn- 
nau,  lui  XIP  de  chevaliers;  et  eut  adont  de  chiaux  de 
dehors  le  pris  des  joustes  li  sires  de  Fagnoelles  qui  estoit 
de  le  compaignie  monseigneur  de  Biaumont,  et  des  escuyers 
de  dehors  Francq  de  Halle  qui  encoires  n' estoit  mies  che- 
valiers, mes  il  le  fu  celle  année  ens  es  armes  d'Escoce,  en  le 
compaignie  dou  roy.Tout  ces  VIII  jours  on  jousta  et  festia 
grandement  à  Londres,  et  grant  fuison  de  seigneurs,  de 
dames  et  de  damoiselles  il  y  eut.  Au  chief  des  VIII  jours 
sus  le  département  de  le  feste,  ^  li  roys  assambla  tout  son 
consseil,  prélas,  coûtes,  barons,  chevaliers  et  bourgeois 
sages  et  honnestes  des  bonnes  villes  ^,  et  là  leur  fist  li  roys 
remonstrer  par  ce  vaillant  prélat  le  évesque  de  Lincolle, 
comment  il  avoit  fait  requerre  au  roy  d'Escoce  son  serourge 
que  il  volsist  ester  se  main  del  chité  de  Bervich  et  dou  cas- 
tel  de  Rosebourch  que  il  détenoit  à  tort,  et  qu'il  volsist  faire 
hommaige  à  lui  de  son  rayaumme  d'Escoce,  ensi  qu'il  devoit, 
et  ossi  comment  li  roys  d'Escoce  avoit  respondu  à  ses 
messaiges,  si  pria  à  tous  li  rois  par  le  bouche  dou  dessus 
dit  évesque  que  chacuns  le  volsist  sur  chou  si  consiller  que 
se  honneur  y  fuist  gardée. 

Adont  tout  li  baron,  li  chevalier,  li  conssaulxdes  chîtés 
et  des  bonnes  villes  et  tous  li  communs  pays  se  conseillièrent 

>*>  A  ceste  feste  vinrent  moult  de  grans  seigneurs;  et  par  espécial 
y  fu.  —  ^'^  Le  roy  appella  tout  soa  conseil  de  trois  estas. 


2S6  DÉLIBÉRATIOK 

sur  chou,  et  raportèrent  leur  consseil  tout  d'un  acord. 

Liquels  consseils  et  rappors  fu  tels  que  il  leur  sambloit  que 

li  roys  ne  pooit  plus  porter  par  honneur  les  tors  que  li  rois 

d'Escoche  li  faisoit  :  «  car  il  est  bien  sceu  et  est  tout  cler 

«  que  anchiennement  li  roys  d'Escoche  faisoit  hommage  au 

«  roy  d'Engleterre,  car  jà  n*ont-il  en  leur  pays  nulle  pro- 

«  vince,   mes  sont  enexe  et  conclave  en  le  province  de 

«  Evruich  qui  est  archevesquiet  et  dou  royaumme  d*Engle- 

«  terre.  Encoires  avant  il  prendent  le  fourme  de  leur  mon- 

«  noie  sus  les  quuins  et  ordonnanches  d'Engleterre,  et  ont 

c<  toutes  tels  lois  et  tels  coustumes  que  li  Englès  ont,  et  ung 

«  meysme  langage.  Dont  il  appert  que  li  royaumraes  d'Es- 

«  coce  se  descent  dou  royaumme  d'Engleterre,  et  tiennent 

«  bien  li  Englès  que  ychil  doi  pays  furent  jadis    *   tout 

«  à  ung  seigneur  roy  d'Engleterre,  liquels  rois  eut  II  fils. 

«  Si  départi  ens  ou  lit  de  le  mort,  présens  tous  les  nobles 

«  des    II   pays    qui    à    ce   dévoient   estre   appelés  ,    les 

«  II  royaummes  et  donna  à  Taisnet  Engleterre  et  au  mais- 

«  net  Escoce,  parmy  tant  qu'il  le  devoit  tenir  en  fief  ethom- 

«  maige  de  son  frère  le  roy  d'Engleterre.  Or  ont  li  Escot 

«  qui  sont  dur  à  entendre,  tenu  depuis  une  aultre  opinion, 

«  liquelle  ne  fet  mie  à  souffrir.  Si  conseillions  et  voulions, 

c<  chiers  sires,  que  ces  coses  soient  encorres  remonstrées  au 

tt  roy  d'Escoce  et  à  son  consseil,  et  y  metons  cel  loisir  et 

«  grâce  pour  Tonneur  et  amour  de  medame  votre  sereur 

«  qu'il  a  espousée,  et  s'il  ne  vient  à  voie  de  congnissance 

«  des  requestes  que  on  li  a  faittos  et  fera,  il  soit  ^  deffyés 

«  et  vous  pourveés  si  efforchiement  que  pour  entrer  ou 

a  royaumme  d'Escoce  apriès  les  doffianches  faites,  si  poi- 

«  samment  que  pour  ravoir  et  raquerre  le  bonne  cité  de 

«  Bervich  qui  est  de  vostre  hiretaige,  et  ayés  celle  par  forche, 

*  *  Tout  ung  et.  —  ^  Prësentement. 


DU  PARLEMENT.  257 

<c  et  par  constrainte  le  roy  d'Escoce  qu'il  soit  tous  joyaux 
«  *  s'il  puet  venir  à  vous  à  hommaige  et  faire  satisfaction  des 
«  tors  et  des  outraiges  qu'il  vous  a  fet  oU  li  rois  ses  pères  *, 
«  ^et  enssi  nous  sommes  tous  désirans  d'aller  avoecques  vous 
«  à  vostre  commandement  * .  »  Quant  li  rois  d'Engleterre 
eut  oy  le  xesponce  de  son  consseil  et  il  eut  veu  le  bonne 
volentë  de  ses  hommes,  si  fu  moult  lies  et  les  en  remerchia 
grandement.  Dont  fu  là  regardé  et  avise  qui  yroit  en  Escoce. 
La  besoiugne  etli  voiaiges  fu  assis  sur  l'évesque  de  Durem 
et  sus  le  seigneur  de  Persy  et  le  seigneur  de  Moutbray  et  le 
seigneur  de  Felleton.  Chil  prélas  et  chil  troy  hault  baron 
qui  là  estoient  présens,  acordèrent  à  le  pryère  et  requeste 
dou  roy  ce  voiaige.  Encorres  pria  li  rois  à  tous  que  il  se 
volsissent  pourveir  et  appareillier  à  ung  jour  qui  adont  fu 
nommés,  chascuns  seloncq  son  estât,  à  estre  au  Noef-Castel 
sur  Tin,  et  il  li  disent  qu'il  y  seroient  bien  et  voUentiers,  et 
n'y  aroit  point  de  deffaulte.  Ensi  se  départi  li  conssaulx  del 
roy  et  s'en  ralla  chacuns  en  son  lieu.  Et  ossi  messires 
Jehans  de  Haynnau  prist  cougiet  au  roy  et  se  présenta  à 
lui  de  bon  coer  et  de  grant  voUenté,  de  quoy  li  roys  l'en 
seut  grant  gret  et  li  dist  :  «  Biaux  oncles,  très-grant  mer- 
ce  chis  à  vous  et  à  vostre  aye  ne  renonche-jou  pas,  et  se  be- 
«  soingne  me  croist,  ne  touche,^ je  vous  manderay*.  »  Sur 
che  se  parti  li  dis  messires  Jehans  del  roy  et  de  le  royne  se 
nièche  qui  moult  doucement  l'acolla  au  partir ,  et  li  pria 
qu'il  le  volsist  recommander  à  monseigneur  son  père  et  à 
madame  se  mère  et  saluer  ses  belles  soers,  et  il  li  dist  qu'il 
le  feroit  volentiers.  Sour  ce  se  parti  li  dis  messires  Jehans 
et  toutte  se  compaignie  et  s'en  revint  en  Haynnau. 

*-*  Quand  il  venra  à  merchy.  —  *-*  Et  à  tout  ce  faire  volons  et 
désirons  d'estre  avec  vous.  —  •^  J^envoieraj  vers  vous. 

I. — FROISSABT.  17 


258  DÉLIBÉRATION 

Sec>  réd,  —  Quant  li  jours  de  parlement  aproça,  que  li  rois 
englès  avoit  establi,  et  tous  li  pays  fu  assamblés  au  mandement  le 
roj  à  Londres,  li  rois  leur  fist  demonstrer  comment  il  avoit  fait 
requerre  au  roj  d'Escoce  son  serourge  que  il  vosist  oster  se 
main  de  le  cité  de  Bervich  qu'il  détenoit  à  tort,  et  qu'il  vosist 
venir  faire  hommage  à  lui  de  son  rojaulme  d'Escoce,  ensi  qu'il 
devoit,  et  comment  li  rois  d'Escoce  avoit  respondu  à  ses  mes- 
sages :  si  pria  à  tous  que  cascuns  le  volsist  sour  ce  si  conseillier 
que  sen  honneur  y  fust  gardée.  Tout  li  baron ,  li  chevalier  et  li 
consaols  des  cités  et  des  bonnes  villes  et  tout  li  communs  pays 
se  consillièrent  sur  cou  et  raportèrent  leur  conseil  tout  d'un 
commun  acort,  liquels  consauls  fu  tels  que  il  leur  sembloit  que 
li  rois  no  pooit  plus  porter  par  honneur  les  tors  que  li  rois 
d'Escoce  lui  faisoit  ;  ains  conseillièrent  que  li  rois  se  pourça- 
chast  et  se  pourveist  si  efforciement  qu'il  peuist  entrer  ou 
rojaulme  d'Escoce  si  poissamment  que  il  peuist  ravoir  la  bonne 
cité  de  Bervich  et  qu'il  peuist  si  constraindre  le  roj  d'Escoce 
qu'il  fust  tous  joians  quant  il  porroit  venir  à  son  hommage  et  à 
satifaction  ;  et  disent  qu'il  cstoient  tout  désirant  de  aler  avoech 
lui  à  son  commandement.  Li  rois  Édowars  fu  moult  joians  de 
celle  response,  car  il  veoit  le  bonne  volenté  de  ses  gens  :  si  les 
en  regratia  moult  grandement  et  leur  pria  que  cascuns  fust 
apparilliés  seloneh  son  estât,  et  fuissent,  à  un  jour  qui  adont 
fut  nommés,  droit  à  Noef-Chastiel  sur  Tbin,  pour  aler  recon- 
querre  les  droitures  apertenans  à  son  rojaulme  d'Engleterre. 
Cascuns  se  habandonna  à  celle  rcqueste  et  en  râla  en  son  lieu 
pour  lui  pourvoir,  seloneh  son  estât  ;  et  li  rois  se  fist  pourveir  et 
apparillier  si  soufilssamment  que  à  tcle  besongne  aperticnt.  Si 
envoia  encores  aultres  messages  à  son  dit  serourge  pour  lui 
souffissammcnt  sommer,  et  apriès  pour  deffjer,  se  il  n'estoit 
aultrement  consilliés. 

Quatr.  réd.  —  Depuis  ne  demorèrent  point  Ions  jours  que 
li  rois  d'Engleterre  avoja  tous  les  barons  et  prélas  d'Engleterre 
qui  ordonné  estoient  à  lui  consillier,  et  les  hommes  des  bonnes 


\ 


DU  PARLEMENT. 

chités  et  villes  qui  par  droit  estatut  y  dévoient  estre  convoquiet, 
car  il  estoit  ensi  acordé  que  riens  ne  se  devoit,  ne  pooit  passer 
sans  euls.  Quant  tout  furent  venu  à  Londres,  li  parlement  et  11 
consel  commenchièrent  à  Wesmoustier  et  furent  li  ambassadour 
d'Escooe  apellé.  Il  vinrent  et  entrèrent  tout  en  la  cambre  don 
consel,  et  là  estoit  li  rois  d'Engleterre  présens.  Là  lor  fa 
demandé  quel  besongne  les  amenoit  pour  ces  jours  en  Engle- 
terre.  Li  évesques  de  Saint- Andrieu  d'Escoce,  qui  fu  uns  moult 
sages  et  discrès  hommes,  remonstra  la  parole  pour  tous  et  bien 
le  sceut  faire.  Quant  il  ot  parlé,  on  les  fist  issir  de  la  cambre 
pour  euls  consillier  et  faire  response.  Il  alèrent  pétjer  le 
parvis  et  le  clostre  tant  qu'il  fuissent  rapellé.  Or  comment 
chièrent  chil  dou  consel  à  parler  et  à  proposer  pluisseurs  coses 
et  ne  peurent  estre  d'acort,  et  furent  11  Escoçois  appelle.  Il 
vinrent  :  quant  il  furent  venu,  li  archevesques  de  Cantorbie 
lor  dist  que  il  ne  pooient  estre  si  tos  définitivement  respondu, 
mais  il  le  seroient  au  plus  tos  que  on  poroit,  et  que  lor  demande 
ne  requéroit  pas  si  brief  consel.  Il  n'en  porent  aultre  cose  avoir, 
et  se  départirent  de  là  et  retournèrent  à  lors  hostels,  et  li  con* 
sans  demora,  et  parlèrent  d'aultres  besongnes  qui  lor  touçoient, 
car  il  n'estoient  pas  asamblé  tout  pour  une  cose,  et  11  rois  B*en 
vint  à  Cènes,  assés  près  de  Wesmoustier,  un  hosterroial  qui 
sciet  sus  la  Tamise.  Chil  Escoçois  demorèrent  plus  d^un  mois  à 
Londres  et  ne  pooient  estre  respondu,  car  li  consauls  ne  voloit, 
et  tant  que  il  furent  si  hodé  et  si  tané  que  il  requissent  et 
pryèrent  que,  fust  pour  euls  ou  contre  euls,  il  fuissent  res- 
pondu. La  cause  qui  metoit  détriance  ou  consel  dou  roi,  je  le 
vous  dirai.  Il  considéroient  généraulment  entre  euls  deus 
coses  :  li  une  si  estoit  que  lors  sires  11  rois  estoit  jones  et  à 
faire,  et  ne  le  voloient  pas  tenir,  ne  nourir  en  wiseuses,  mais 
en  painne  et  en  travel  d'armes,  car  par  les  wiseuses  que  ses 
pères  avoit  eu,  estoit  d'onneur  li  roiaulmes  d'Engleterre  requlés, 
à  laquelle  cose  il  voloient  retourner  ou  tout  parperdre.  Li  secons 
articles  estoit  que  11  Escoçois  tenoient  la  chité  de  Bervich  et 
Strnrelin,  Dombare,  Dalqaest,  Haindeboorch  et  tout  le  pidfs 


260  DÉLIBÉRATION   DU   PARLEMENT. 

jusques  à  un  pas  que  on  dist  Quinnesferi,  où  la  mer  d^Escoce 
doit,  départir  les  deus  roiaulmes,  et  que  li  Escoçois  aueroient 
trop  bon  parti,  se  uns  si  grans  hiretages  lor  demoroit  pasieu- 
lement,  et  que  ce  ne  faisoit  pas  à  requerre ,   ne  à  souffrir  : 
€  Voire,  disoient  li  auqun  vaillant  homme  ou  eonsel  dou  roi, 
c  li  Escoçois  sont  bien  fol  et  ignorant,  qui  quident  por  une 
€  femme  qui  est  serour  de  nostre  roi,  que  nous  doions  ôest  que 
€  est  hiretages  à  la  couronne  d'Engleterre ,  quiter.  Il  nous 
c  toumeroit  à  grant  blâme  et  reproce,  et  aussi  nous  ne  le 
€  poons  faire.  Nous  avons  cause  raisonnable  de  respondre  as 
c  Escoçois  et  dire  ensi  :  il  nous  rendent  Bervich  et  tout  le  païs 
c  ensi  que  11  bons  rois  Édouwars  le  tint  en  son  temps,  et  puis 
c  dou  sourplus,  nous  entenderons  à  lors  tretiés.  »  Ensi  fu 
conclu  ens  ou  eonsel  d'Engleterre,  et  li  Escoçois  respondu, 
quant  il  orent  séjourné  à  Londres  bien  un  mois.   Quant  li 
Escoçois  oïrent  ceste  response,  il  furent  tout  abus  et  veirent 
bien  que  li  Englès  voloient  la  guerre.  Toutesfois,  il  respon- 
dirent  et  dissent  que  il  n'estoient  pas  cargié  de  procéder  sus 
tels  trettiés  et  que  les  paroles  que  il  avoient  oy  et  entendu, 
seroient  reportées  au  païs.  Si  issirent  hors  dou  eonsel  et  mon- 
tèrent sus  lors  cevaus  et  se  départirent  dou  palais  de  Wes- 
moustier,  et  cevauchièrent  au  lonch  de  Londres  et  vinrent  à 
Saint-Jehan  Lane  en  Grescorche,  là  où  il  estoient  descendu,  et 
fissent  partout  lors  hostels  compter  et  payer,  et  puis  issirent 
de  Londres    et  cevauchièrent  tant  par  lors  journées  que   il 
retournèrent  en  Escoce.  On  estoit  trop  esmervillié  pourquoi 
il  demoroient  tant.  Quant  il  furent  revenu,  li  baron  et  li  signeur 
d'Escoce  vodrent  savoir  des  nouvelles.  Il  ne  les  publjèrent  pas 
silos  que  il  furent  revenu,  mais  fissent  venir  à  Haindebourg 
tous  ceuls  qui  tailliet  estoient  d'en  savoir.  Quant  tout  furent 
venu  en  la  présence  dou  roi  meismes,  li  évesques  de  Saint- 
Andrieu  parla  et  remonstra  toute  l'ordeurnce  de  lor  voiage  et 
quel  et  comment  il  avoient  trové  le  roi  d'Engleterre  et  son 
eonsel  et  que  plus  d'un  mois  il  avoient  atendu  à  avoir  response. 
En  la  fin  il  leurent  tele.  Adont  lor  remonstra  li  dis  évesques 


PRISE  DE  BERWICK.  261 

toute  Tordenance  des  paroles  que  li  consauls  d'Engleterre 
avoient  respondu.  Quant  chil  qui  là  estoient,  entendirent  que 
les  besongnes  se  portoient  ensi,  si  furent  tout  abus  et  dissent 
li  plus  sage  :  «  Nous  auerons  la  guerre  à  manque  dou  pourroir. 
«  A  celle  fois  ichi,  li  Englès  nous  rueront  jus  ou  nous  les  mete- 
«  rons  en  ce  pas.  Nostres  rois  est  jones  et  aussi  est  le  leur.  Il 
«  fault  que  il  s'asaient.  Desous  le  solel  n'a  plus  orguilleus,  ne 
€  présomptuôus  peuple  que  le  peuple  d'Engleterre  est.  »  Li 
jone  chevalier  et  esquier  d'Escoce,  qui  amoient  les  armes  et  qui 
se  désiroient  à  avanchier,  furent  tout  resjoy  de  ces  nouvelles, 
car  il  avoient  assés  plus  chier  la  guerre  que  la  paix. 


Or  revenrons  à  le  matère  des  Englès  et  des  Escos.  Li 
jours  qui  dénommés  estoit,  aprocha,  et  vint  li  nobles  rois 
Édouwars  atout  son  ost  au  Noef-Castiel  sur  Tin,  et  encoires 
toudis  li  croissoient  gens,  et  là  se  tint  par   Tespasse  de 
VIII  jours,  attendans  ^  chiaux  qu'il  avoit  envoyet  en  Bsco- 
che  deviers  le  jovène  roy  David  et  son  consseil,  liquel 
revinrent  deviers  lui  au  IX*  jour,  comme  chil  qui  ne  rapor- 
tèrent  aultre  responsce  que  le  première,  et  disent  bien  au 
roy  d'Engleterre  que  li  Escot  estoient  tout  appareilliés  de 
lui  recepvoir,  puisque  guerryer  les  voUoit  :  «  Dont,  sire , 
«  quant  nous  veysmes  l'ordonnanche  d'iaux  et  les  affections 
«  qu'il  ont  de  tenir  leur  opinion,  nous  deffiames  le  roy  et 
«  les  siens  de  *  vous  et  des  vostres.  Si  pores  d'ores  en  avant 
«  et  sans  fourfet  entrer  sur  y  aux.  Or  regardés  de  quel 
«  costet.»  Dist  li  roys  :  «^  J'en  aray  avis  *.  »  Adont  s'en  con- 
seilla, et  on  li  dist  que  premiers  on  alaist  deviers  Bervich 
et  le  assiégast-on  de  tous  lés,  car  c'est  ungscastiaus  qui  siet 
sus  marche  et  que  li  Escot  tiennent  pour  concquet  *.  Geste 

*  Ses  gens  et  ossy.  —  •  Par.  —  *•*  Noua  en  aroni  advis.  —  ■  Et  •• 
le  tiennent  hors  raison. 


DE  BERWICK.  265 

grant  meschief.  Celle  nuit  faisoieut  le  guait  doi  seigneur 
d'Engleterre,  li  sires  de  Felleton  et  li  sires  de  Moutbray  à 
V°  hommes  d'armes. et  V°  archiers  ^  A  le  vois  et  à  le  huée 
et  à  l'abatis  des  loges  et  au  meschiës  de  chiaux  qui  crioient, 
où  li  Escot  estoient  embatu,  s'estourmy  li  os  *,  et  s'armèrent 
par  tout  communaument  qui  mieux  mieux.  Meysmes  li  roys 
s'arma  moult  vistement  et  se  mist  devant  se  tente  et  fîst 
lever  bannières  et  pignons  et  fu  moult  courchiës  des  Escos 
que  ensi  souspris  l'avoient.  Là  se  rassamblèrent  dallés  le 
roy  et  en  son  logeis  li  seigneur  et  li  baron  d'Engleterre,  et 
li  gais  s'efforcha  et  avancha  che  qu'il  peult  de  venir  celle 
part'  où  li  noise  estoit  *,  mais  ainchois  qu'il  y  peuissent  par- 
venir, li  Escochois  qui  avoient  en  partie  achievet  leur 
emprise,  se  retournèrent  tout  sagement  et  enmenèrent  bien 
^  XL  •  prisonniers,  dont  il  y  eut  '  VII  *  chevaliers  et 
XII  escuiers,  et  entrèrent  ens  es  bois  sans  dammaige, 
comme  chil  qui  n' avoient  garde  puisque  là  estoient,  ®  car 
il  savoient  tous  les  chemins  et  adrèches,  che  que  li  Englès 
ne  savoient  point  *^.  Quant  che  vint  au  matin,  on  regarda  en 
l'ost  quel  dammaige  li  Escot  y  avoient  fait.  Si  fu  trouvet 
qu'il  avoient  bien  que  mors  que  navrés  "  XIII"^**  hommes 
et  s'en  menoient  plus  de  ^'  XL  ".  Moult  en  fu  li  roys  cou- 
rouchiés,  mes  amender  ne  le  peut  tant  que  à  celle  fois. -Si 
ordonna  que  d'ores  en  avant  il  feroient  II  ghais  ossi  grant 
chacun  que  il  avoient  acoustummet  de  faire  et  aroient 
guettes  et  escouttes  pour  guettier  et  garder  les  chemins  afin 
que  il  ne  fuissent  plus  ainssi  souspris.  Tout  ce  fu  ordonné 
et  accordé  de  par  le  roy  et  les  ipiareschaux.  Or  vous  parle- 

*  Mais  il  estoient  d'aultre  part.  —  *  A  force.  —  '-*  Et  moult  d'aul- 
tres,  là  où  la  noise  estoit.  —  »«  LX.  —  '■»  VIII.  —  »"  Car  ils 
savoient  bien  la  voie  ou  bois,  et  les  Englès  non.  —  **•*•  CC.  — 
"•**  LX. 


PRISE 

rai  des  Escos  *  qui  liet  et  joîant  revinrent  l'endemain  envi- 
ron heure  de  primme  devers  le  roy  et  leurs  gens,  à  qui  il 
recordèrent  leur  aventure  *.  Moult  acquisent  chil  IIII  jo- 
vène  seigneur  d'Escoche,  de  ceste  première  chevauchie, 
grant  grâce  de  leurs  amis,  et  ossi  fisent-il  grant  renommée 
de  leurs  ennemis  ;  car  depuis  toudis  il  en  furent  ^  le  plus 
doubtet  *.  Or  eult  li  rois  Davids  consseil  de  deslogier  et 
d'aprochier  les  ennemis,  et  chevauchièrent  li  Escot  le  second 
soir  que  li  Englès  avoient  estet  resvilliet  et  se  partirent  de 
leurs  logeis  apriès  soleil  esconssant,  et  chevauchièrent  tout 
secrètement  devers  Bervich  et  avoit  trèsdont  qu'il  se  par- 
tirent del  abbéie,  ordounné  coumment  il  se  maintenroient 
comme  chil  qui  congnissoient  le  pays.  Il  pooient  estre 
tout  comptet  environ  XVI"  hommes  et  tout  à  cheval  seloncq 
leur  usaige,  chevaliers  et  escuyers  montés  sus  bon  cours- 
siers  et  gros  ronchins,  le  demeurant  sus  haghenées  bien 
apertes  et  bien  travillans,  et  yaux  venus  en  ung  bois,  à 
II  lieuwes  englesces  pries  de  Bervich,  chil  dévoient  partir 
leurs  gens  en  II  moitiés,  le  mendre  part  envoyer  resvillier 
l'ost  et  escarmuchier,  et  leur  plus  grosse  bataille  retenir  et 
mettre  sus  elle,  et  venir,  apriès  ce  que  li  os  seroit  esmeute, 
sur  costet  et  férir  ens  ;  et  chevauchoient  en  cef  estât  que  je 
vous  di.  Or  fu  leur  venue  sceue  en  l'ost  par  les  escoutes  et 
guettes  que  li  Englès  tenoient  sus  les  chemins  de  toutes 
pars  ;  et  vinrent  en  l'ost  moult  ^  hastéement  ^  en  disant  : 
«  ''  Armés-vous!  Armés-vous!  car  li  Escot  chevauchent 
«  atout  leur  effort  et  seront,  s'il  voellent,  tantost  chy  ^.  » 
Adont  s'estourny  li  os  de  tous  costés  et  li  doi  guet  se  mis- 
sent enssamble  et  se  tinrent  tout  quoiement  sur  les  chans 

*-*  Qui  gentilment  avoient  le  roy  et  tout  son  ost  resvillié  et  dure- 
ment endommagié.  —  '^  Plus  cremus,  et  ce  fu  droit.  —  •-®  HastiTe- 
ment.  —  '-*  A  Tai-me  !  A  l'arme  !  vechy  vos  anemis! 


DE  BERWICK.  967 

tant  que  touttes  lors  gens  fuissent  armes  et  pour  requeillieir 
les  Escos  s*il  fuissent  venu,  enssi  que  dit  leur  estoit. 

Si  tost  que  li  roys  d'Engleterre  fu  armés  et  toutte  li  os 
ossi,  se  partirent  de  leur  logeis  tout  bellement  sans  cryer 
et  sans  noîsier,  et  vinrent  enssus  environ  le  tretie  de  trois 
ars  et  avoient  ordonné  qu'il  lairoient  les  Escos  entrer  en 
leur  logeis  et  yaux  ensonnier  de  prendre  et  ^  détrousser  ' 
che  que  laissiet  y  avoient,  et  puis  tout  à  ung  fès  venroient 
acourant  sur  yaulx.  Et  enssi  comme  il  l'ordonnèrent,  il  le 
fissent,  et  li  Escot  d'autre  part  prisent  li  avantaige  du  bois 
et  d'une  petite  montaigne  dallés  le  bois,  et  afin,  qu'il  ne 
fuissent  décheu,  il  envoyèrent  III  escuiers  montés  sur 
III  hongres  chevaux  trop  appers  pour  savoir  se  li  gais 
estoit  de  ce  lés  là  où  il  volloient  entrer  en  l'ost.  Chîl  vinrent 
achevauchant  jusques  as  loges  des  Englès  et  si  pries  que 
droit  à  l'entrée,  et  ne  virent,  ne  oïrent  personne ,  dont  il 
furent  tout  esmervilliet,  car  encoires  dedens  l'ost  n'y  avoit 
point  de  lumière.  Si  disent  entr'yaux  :  «  Ou  il  s'en  sont  fui 
«  et  parti,  ou  il  sont  tous  endormy.  »  Ensi  le  rapportèrent-il 
à  leurs  gens  en  le  montaingne  où  il  estoient,  dont  li  plu- 
sieurs eurent  assés  grant  merveille. 

Quant  li  rois  d'Escoche  et  ses  conssaulx  qui  dalés  lui 
estoient,  eurent  oy  le  rapport  que  li  escuier  eurent  fet,  si 
se  conseillèrent  l'un  par  l'autre  comment  il  se  mainten- 
roient.  Si  disent  *  li  plus  anchien  et  chil  qui  le  plus  avoient 
uset  les  armes  *  au  roy  :  t  Sires,  ne  penssés  jà  que  si  vail- 
«  lant  chevalier  que  li  roys  d'Engleterre  a  avoecques  lui, 
t  s'en  soient  fui,  ne  parti  en  tel  manière;  mes  puet  estre 
«  qu'il  ont  sceu  nostre  affaire  et  venue.  Si  se  tiennent  tout 
«  armé  couvertement  dedens  leurs  logeis  pour  nous  atraire 
f  où  il  sont,  à  bataille  rengie,.mîs  sur  les  cbans  et  ont  pris 

*-*  Fourragier.  —  *-^  Aucuns  des  plus  sages  hommes. 


268  PRISE 

«  leur  avantaîge.  Si  ayës  advis  sur  che.  »  Adont  demanda 
li  roys  à  ses  mareschaux  qu'il  en  estoit  bon  à  faire.  Il  con- 
seillièrent  qu'il  se  tenissent  là  tout  quoy  tant  que  clers  jours 
fuist  venus  et  qu'il  veroient  entour  yaux  et  mesissent  tous 
lors  chevaux  dedens  le  bois  paistre.  Enssi  fisent-il.  Tout  se 
misent  à  piet  et  chachièrent  lors  chevaux  et  haghenées  ens 
el  bois  et  les  fisent  garder  de  leurs  variés  et  se  renflèrent  et 
misent  tout  en  une  bataille  sus  le  montaigne  qui  n' estoit 
pas  trop  grande.  Et  estoit  celle  montaigne  d'un  lés  si  roite 
que  nuls  ne  peuist  de  che  costé  venir  à  yaux;  de  l'autre 
part  elle  estoit  plus  plainne,  et  toutesvoies  y  avoit  grant 
terre  à  monter.  Au  plus  plain  par  où  on  les  pooit  aprochier, 
il  cbouchièrent  grant  foison  d'arbres  et  de  bois,  dont  trop 
bien  se  fortifièrent,  et  ne  les  pooit-on  que  par  une  entrée 
approchier,  ne  venir  à  yaux;  et  ceste  entrée  estoit  bien 
gardée  des  marescaux  de  leur  ost.  Ensi  se  tinrent-il  tout 
quoy,  tant  que  li  jours  fu  venus  biaux  et  clers  et  qu'il 
veirent  environ  yaux  les  Englès  tous  rengiés  et  ordonnés 
sus  ung^  tertre,  ensi  que  dist  est  chy  devant.  Ossi  li  Englès 
les  pooient  bien  perchevoir  et  aviser,  sicomme  il  fissent. 
Lors  eurent  consseil  entre  yaux  comment  il  se  mainten- 
roient,  et  envoyèrent  ung  hérault  des  leurs  de  par  le  roy 
d'Engleterre  deviers  le  roy  d'Escoche,  liquels  y  vint  et  li 
dist  ensi  comme  vous  orés  enssiuwant  :  «  Sire,  li  nobles 
«  roys  d'Engleterre  m'envoie  deviers  vous  et  vous  mande 
«  se  li  journée  d'ui  se  part  sans  bataille  et  que  par  forche 
«  vous  ne  levés  le   siège  à  le  bonne  chité  de  Bervich, 
«  n'atendés  jammais  rien,  car  elle  sera  sienne  toutte  liège 
«  pour  tousjours  mes.  Et  pour  tant  que  vous  y  estes  venus 
ce  si  avant  que  vous  monstres  que  vous  voeilliés  nostre  roy 
«  combatre,  afin  que  vostre  désir  et  emprise  soient  acompli, 

*  Bel. 


DE   BERWICK.  '      269 

voeilliés  desceudre  de  celle  montaigne  là  où  vous  estes  et 
li  vostre  :  il  vous  laira  tout  paisieuvlement  en  ces  biaux 
plains  ordonner,  et  vous  combatera  sans  avantaige,  et  se 
che  vous  ne  voullës  faire,  eslisiés  des  vostres  ^  XX  ou 
XXX  ou  XL  ou  C  ou  ce  *,  li  roys  d'Engleterre  otant,  et 
chil  se  combateront  pour  son  droit  et  pour  le  vostre,  et  à 
qui  li  place  demeura  il  en  ait  l'onneur,  et  li  chité  li 
demeure.  »  A  ces  paroUes  réspondi  bien  briefraent  li 
consseil  le  roy  d'Escoche  et  dist  enssi  :  «  Hiraux,  vous 
soyés  le  bien  venus,  qui  si  biaux  fais  d'armes  nous 
apportés  ;  mes  vous  dires  à  vostre  roy  de  par  le  nostre, 
qu'il  n'a  nul  droit  de  séjourner  en  che  pays,  mais  s'il 
nous  voelt  combattre,  il  nous  voit  à  yeux.  Si  viègne  à 
nous,  et  nous  le  requeillerons,  car  au  descendre  de  celle 
montaingne,  nous  n'en  sommes  point  maintenant  bien 
conseilliet,  ne  des  XX,  ne  des  XXX,  ne  des  C,ne  des  CC 
combattre  ossi  corps  à  corps,  ne  de  mettre  le  droit  que 
li  roys  nos  sires  a  à  le  chité  de  Bervich  en  tel  pareçon,  et 
serons  chy  tant  qu'il  nous  plaira,  et  quant  bon  nous  sem- 
blera, nous  savons  bien  voie  pour  descendre  et  pour  com- 
batre,  '  non  à  l'entente  de  nos  anemis,  mes  de  nos 
amis  ^.  »  Che  fu  toutte  la  responce  que  li  hiraux  eult 
adont  et  laquelle  il  raporta  au  roy  d'Engleterre  et  à  son 
consseil. 

Quant  li  roys  englès  vit  et  oy  dire  par  son  hirault  que 
li  Escot  ne  descenderoient  point 'de  le  montaingne  se  bon 
ne  leur  sambloit,  si  eut  vollenté  et  commanda  que  on  les 
alast  voir  de  plus  priés  et  escarmucher,  car  il  sont  chault 
et  bouillant,  si  les  poroit-ou  bien  par  ceste  mannière  ^  jus  • 
atraire.  Li  advis  et  commandement  dou  roy  ne  fu  point 

*•*  LX  ou  C.  —  '*  A  la  volenté  de  Dieu  et  de  nos  amis  et  non  point 
de  nos  anemis.  —  *•  Aval. 


S70  PRISE 

brisés,  et  furent  ordené  mil  archiers,  V°  d'un  les  et  V«  d'un 
autre,  et  V**  hommes  d'armes  enmy  yanx,  qui  les  vinrent 
escarmucher;  et  fist  là  li  roys  pluiseurs  noureaux  cheva- 
liers :  le  seigneur  de  Willebi,  le  seigneur  de  Brasetonne,  le 
fil  le  seigneur  de  le  Ware,  messire  Édouwart  le  Espens- 
sier,  fil  au  seigneur  Espenssier,  darrain  mort,  le  seigneur 
de  Gresop  qui  là  leva  bannière,  et  pluisieurs  autres  d'En- 
gleterre.  Encoires  furent  là  fet  chevalier  raessires  Gautiers 
de  Mauny  et  messires  Guillaumes  de  Montagut,  qui  estoient 
compaignon  enssamble  et  très-appert  bacheler.  Dont  se 
partirent  chil  seigneurs  englès  et  chil  archier  et  appro- 
chièrent  les  Escos  moult  visteraent,  et  li  roys  et  ses 
batailles  demourërent  là  où  il  estoient  ordonné,  sans  yaux 
en  riens  dèsvoyer,  et  fu  commandé  de  par  le  roy  et  sour  le 
teste  que  nuls  ne  se  partesist  de  le  montaingne ,  ne  se 
mesist  devant  les  bannières  des  marescaux. 

Quant  li  Escot  virent  aproohier  les  Englès  et  venir  de 
celle  part  là  où  il  estoient  le  plus  ouviers,  sachiés  que  il  ne 
furent  pas  trop  effréet,  mais  se  misent  apertement  li  plus 
hardit  et  li  plus  bachelereux  à  cel  lés  et  ce  qu*il  eurent 
d'arciers  devant  yaux  et  fisent  leur  roy  tenir  tout  quoy  à 
ses  bannières.  Evous  venus  les  Englès  qui  coummenchiè- 
rent  à  traire  as  Escos  et  li  Escos  à  yaux.  Là  y  eult  grant 
escarmuche  ^  et  tamainte  belle  apertise  d'armes ,  mainte 
aventureuse  prise  et  mainte  belle  rescousce,  et  avint  ensi 
que  sus  le  plus  fort  del  assaut,  li  marescal  d'Engleterre 
fisent  tout  à  ung  fès  retourner  leurs  pignons  pour  yaux 
faire  chachier  et  les  Escos  jus  atraire;  mais  li  Escot,  et 
par  spécial  leurs  cappittainnes  qui  sont  assés  sages  de 
guerre  et  de  tels  fès,  ne  se  desvoièrent  pour  ce  noyent,  ains 
se  tinrent  *  en  leur  parti  enssi  qu'il  dévoient,  et  quant  li 

*  Durement.  —  *  Tous  cois. 


27â  PRISE 

tel  qu'il  Tavoient  au  roy.  Li  coiivens  estoit  que  îl  deyoient 
rendre  le  chitê  et  le  castiel  au  roy,  et  il  s'en  dévoient  partir 
tout  chil  et  celles  qui  partir  s'en  volloient,  salve  leur  corps 
et  le  leur,  enssi  qu'il  fisent,  et  apportèrent  les  clefs  au  roy 
d'Engleterre,  et  entra  en  le  ville  et  puis  au  castiel,  à  grant 
joie,  et  tout  chil  qui  entrer  y  peurent;  et  qui  n'y  peult  entrer, 
si  se  loga  dehors.  Enssi  couquist  li  roys  d'Engleterre  le 
chité  et  le  castel  de  Bervich,  et  y  entra  en  l'an  de  grasce 
mil  CCC.XXXIII  le  VIP  jour  de  juillet. 

Sec.  réd,  —  Li  jours  qui  dénommés  estoit,  approça,  et  vint  li 
rois  Édouwars  atout  son  host  au  Noef-Chastiel  sour  Thin.  Si 
attendi  par  III  jours  ses  gens  qui  venoient  ensiewant  Tost.  Au 
quart  jour  il  s'en  parti  et  s'en  ala  à  toute  son  host  pardevers 
Escoce,  et  passa  la  terre  le  signeur  de  Persi  et  cesti  de  Nocf- 
ville,  qui  sont  doi  grant  haron  de  Northombrelande  et  mar- 
cissent  as  Escos  ;  ci  ossi  font  li  sires  de  Ros,  li  sires  de  Lusi  et 
li  sires  de  Moutbrai.  Si  se  traist  li  rois  englès  et  toute  son  host 
pardevers  le  cité  de  Bervich  ;  car  li  rois  d'Escoce  n'avoit  volut 
respondre  aultremcnt  as  socons  messages  qu'il  avoit  fait  as  pre- 
miers, siqu'il  estoit  souffissamment  sommés  et  deffyês.  Tant 
esploita  li  rois  englès  à  toute  son  grant  host  qu  il  entra  en  Escoce 
et  passa  le  rivièi-e  qui  départ  Escoce  et  Engleterre  ;  et  n*eut  mies 
adont  conseil  de  lui  ai^ester  devant  Bervich,  mais  de  chcvaucier 
avant  et  ardoir  et  essillier  le  pays,  sicom  ses  taions  avoit  fait 
jadis.  Si  esploita  tant  en  cestc  cevaurie  qu'il  foula  grandement 
toute  le  plainne  Escoc»e,  et  ardi  et  essilla  moult  de  villes  fermées 
de  fossés  et  de  palis,  et  prist  le  fort  chastiel  de  Haindebourch, 
et  y  mist  gens  et  pirdyens  de  par  lui,  et  passa  le  seconde  rivière 
d'E&coee  desous  Struvelin,  et  coururent  ses  gens  tout  le  pays  de 
là  environ,  jusques  à  Saint-Jehan  Ston  et  jusquesen  Abredane, 
et  ardirent  et  essilliêrent  le  bonne  ville  de  Donfremelin  ;  mais  il 
ne  fisent  nul  *  damage  villain  •à  Tabbéye,  car  li  rois  le  deffendi  ; 
et  conquisent  tout  le  pays  jusques  à  Dondieu  et  jusques  à  Don- 

«^  Mal. 


D£   B£KWlCk  273 

bretan,  un  très-fort  chastiel  sus  le  marce  de  le  Sauvage  Escoce, 
où  li  rois  estoit  retrès  et  la  roine  d'Eseoce  sa  femme.  Ne  nuls 
n  aloit  audevant  des  Englès  ;  mais  s'estoient  mis  et  retret  tout 
dedens  les  forés  de  Gedours,  qui  sont  inhabitables  pour  chiaus 
qui  ne  cognoissent  le  pays ,  et  avoient  là  attrait  tout  le  leur  et 
mis  à  sauvetc,  et  ne  faisoient  compte  dou  demorant.  Che  n  estoit 
mies  merveilles  s*il  estoient  esbahi  et  s'il  fuioient  devant  les 
Englès  ;  car  il  n'avoient  nul  bon  chapitainne,  ne  sage  guerrieur, 
sicom  il  avoient  eu  dou  temps  passé.  Premièrement  li  rois  David, 
leurs  sires,  estoit  joncs,  en  Teage  de  XV  ou  de  XYI  ans,  li 
contes  de  Moret  encores  plus  jones,  et  uns  damoisiaus  qui  s'ap- 
pelloit  Guillaumes  de  Douglas,  neveus  à  celui  qui  estoit  demorés 
en  Espagne,  de  cel  eage  :  siques  li  pays  et  li  royaulmes  d'Escoce 
estoit  tout  despourveus  de  bon  conseil  pour  aler,  ne  résister 
contre  les  Englès ,  qui  adont  estoient  si  poissamment  entré  en 
Escoce,  pour  quoi  toute  li  plainne  Escoce  fu  courue ,  arse  et 
gastée,  et  pluiseurs  bons  chastiaus  pris  et  conquis  et  que  11  rois 
englès  retint  pour  lui ,  et  s'avisa  que  par  chiaus  il  guerrieroit 
le  remanant  et  constrainderoit  ses  ennemis  dou  leur  meismes. 
Quant  li  rois  englès  eut  esté  et  séjourné,  couru  et  chevaucié 
le  plainne  Escoce,  et  arresté  ou  pays  le  terme  de  *  VI  "  mois  et 
de  plus,  et  il  vit  que  nuls  ne  venoit  contre  lui  pour  véir  sen 
emprise ,  il  se  retraist  tout  bellement  pardevers  Bervich  ;  mes  à 
son  retour  il  conquist  et  gaegna  le  chastiel  de  Dalquest,  qui  est 
del  hiretage  le  conte  de  Douglas,  et  siet  à  V  liewes  de  Hainde- 
bourch ,  et  y  ordonna  chastellain  et  bonnes  gardes  pour  le  gar- 
der ;  et  puis  chevauça  à  petites  journées,  et  fist  tant  qu'il  s'en 
revint  devant  le  bonne  et  le  forte  cité  de  Bervich,  qui  est  à 
l'entrée  d'Escoce  et  à  l'issue  dou  royaulme  de  Northombre- 
lande  :  si  le  asséga  et  environna  li  rois  de  tous  poins ,  et  dist 
que  jamais  n'en  partiroit  si  l'aroit  à  se  volonté  ',  non  se  li  rois 
d'Escoce  ne  le  venoit  *  combatre  et  lever  par  force.  Si  se  tint  là 

*-«  IX.  —  '**  Si  li  roia  d'Escosse  ne  le  venoit..  ou  que  li  rois  d'Es- 
cosse  le  venist. 

I.  —  PftOISaAKT.  i8 


S74 


PHISA 


li  rois  ung  grant  tamp«  devant  fienrioh,  ançoîs  qu*il  te 
avoir  ;  car  la  cité  est  durement  forte  et  bien  fermée  et  environ 
née  d*un  lés  d'un  brach  de  mer  ;  et  si  j  avoit  dedens  bonnet 
gens  en  garnison  de  par  le  roj  d'Ëscoce,  pour  le  garder  et  def* 
fendre  et  consillier  *  les  bourgois  de  le  cité.  Si  vous  di  qu'il  jent 
pardevant  Bervich,  le  terme  pendant  que  li  rois  j  sist,  maint  • 
assaut,  maint  hustin  et  mainte  dure  escarmuce  etpriesque  toiM 
les  jours,  et  mainte  apertise  d  armes  faite  ;  car  cil  de  dedens  na 
se  voloient  mies  rendre  simplement,  et  cuidoient  toutdis  eatre 
aidié  et  confoilé  ;  mais  nuls  apparans  n  en  fu.  Bien  est  vérités 
que  aucun  preu  chevalier  et  liachcler  d'Escoce  chevauçoient  à  le 
fois  et  venoient  par  vesprées  et  par  igoumemens  resvillier  Tott 
as  Englès  ,  mais  petit  y  faisoient  ;.car  li  bos  le  roj  englès  estoit 
si  souiBssammeut  bien  gardée  et  escargetie,  et  par  si  bonne  nui* 
nière  et  si  grant  avis  que  li  Eseot  u'i  pooient  entrer,  fon  i 
leur  damage,  et  y  perdoient  souvent  de  leurs  gens.  Quant  dl  de 
Bervich  veiront  que  il  ne  seroient  secouru,  ne  conforté  de  nul 
costé,  et  ossi  que  li  rois  englès  ne  partiroit  point  de  là  s  en  aroit 
eu  se  volenté,  et  que  vivre  leur  amenrissoient,  et  leur  estoient 
clos  li  pas  de  mer  et  de  terre,  par  quoi  nuls  ne  leur  en  pooit 
venir,  si  se  commencièrent  à  aviser,  et  envoyèrent  trettier  par* 
devers  le  roy  englès  que  il  leur  volsist  donner  et  aoorder  un« 
trièwc  à  durer  un  mojs  ;  et  se  dedens  ce  mois  li  rois  David, 
leurs  sires,  ou  aultres  pour  lui,  ne  venoit  là  si  fors  que  il  levait 
le  siège,  il  renderoient  le  cité,  salVè  leurs  corps  et  leurs  biens, 
et  que  li  soudojer  qui  dedens  estoient,  s'en  peuissent  aler«  s*il 
voloient,  en  leur  pays  d'Escoce,  sans  recevoir  point  de  damage. 
Li  rois  ongles  et  ses  consauls  entendirent  à  ces  trettiés ,  et  na 
furent  mies  sitost  acordé,  car  li  rois  englès  les  voloit  avoir  sim- 
plement pour  faire  des  aucuns  se  volenté  pour  tant  qui! 
s'estoient  tant  tenu  contre  lui  ;  mais  f.nablement  il  s'accorda  à  oa 
par  le  bon  avis  et  conseil  qu'il  eut  de  ses  homihes...  Et  furent  les 
trièwes  acordt^es  de  chiaus  de  dehors  à  chiaus  de  dedens,  le  moia 

*  Et  conforter. 


DK  BBRW1CK.  tlH 

tout  accompli  ;  et  le  segnofjèrent  cil  de  Benrich  à  chiaos  de  leur 
costé  bien  et  à  point,  au  roi  d'Escoce  leur  signeur  et  à  son  con- 
seil, qui  ne  peurent  veoir,  ne  imaginer  voie,  ne  tour  qu'il  fuissent 
fort  assés  pour  combatre  le  roj  englès,  ne  lever  le  siège.  Si  demora 
la  cose  en  cel  estât,  et  fu  la  cité  de  Bervich  rendue,  au  chief  dou 
mois,  au  roj  englès  et  ossi  li  chastiaus  qui  est  moult  biaus  et 
moult  fors  au  dehors  de  le  cité  ;  et  en  prisent  li  mareschal  de! 
host  le  saisine  et  le  possession  de  par  le  roy  englès  ;  et  vinrent 
li  bourgois  de  h  cité  en  Fost  faire  hommage  et  feaulté  audit  roy, 
et  jurèrent  et  recogneurent  à  tenir  le  cité  de  Bervich  de  lui. 
Apriès  y  entra  li  rois  à  grant  solennité  de  trompes  et  de  nakairet  * 
et  y  séjourna  depuis  XII  jours,  et  y  ordonna  un  bon  chevalier 
à  gardien  et  à  souverain,  qui  s*appelloit  messires  Édowars  de 
Bailluel.  Et  quant  il  se  parti  de  Bervich,  il  laissa  avoecques 
ledit  chevalier  pluiseurs  jones  chevaliers  et  escuiers,  pour 
aidier  à  garder  le  terre  conquise  sus  les  Escos  et  les  ih)ntières 
de  celui  pays. 

QiuUr.  r^ii.  —  Environ  la  Saint- Jehan-Baptiste  que  on  compta 
Tan  de  grasce  mil  trois  cens  tronte-un,  li  jones  rois  Edouwars 
d'Engleterre  et  la  roine  s'en  vinrent  à  Ebruich  euls  tenir  et  lor 
estât,  et  cachier  as  cerfs,  as  dains  et  as  chevruels,  et  entrues  sa 
ordonnèrent  les  pourvéances,  et  se  faisoient  très-grandes  et  très- 
grosses  pour  aler  ens  ou  roiaume  d'Escoce,  et  fist  li  rois  faire 
un  mandement  que  toutes  gens  tenans  de  11,  portans  armes, 
fuissent  le  premier  jour  d'aoust  à  Ebruich.  Li  mandemens  dou 
roi  s  estendi  par  toutes  les  parties  d'Engleterre  jusques  ens  au 
fons  de  Cornuaille,  et  tout  vinrent  à  Ebruich.  Adont  ^e  desloga 
li  rois  et  vint  à  Duram,  et  ensi  que  il  ceminoit,  la  roine  sa 
femme  le  sievoit,  et  vint  li  rois  au  Noef-Chastiel  et  là  s'aresti^ 
pour  tant  que  tous  ceuls  des  lointainnes  marces  d'Engleterre 
n'estoient  point  encores  venu. 

Ces  nouvelles  estoient  bien  sceues  en  Escoce,  comment  li  rois 
d'Engleterre,  à  poissance  de  gêna  d'armes  et  d'archiers,  les 

*•*  De  eomemusas,  elaronooanx  et  taboarins. 


DE   BBRWICK.  875 

tout  accompli  ;  et  le  segnefjèrent  cil  de  Benrich  à  chiaus  de  lear 
costé  bien  et  à  point,  au  roi  d'Escoce  leur  signeur  et  à  son  con- 
seil, qui  ne  peurent  veoir,  ne  imaginer  voie,  ne  tour  qu'il  fuissent 
foi^t  assés  pour  combatre  le  roy  englès,  ne  lever  le  siège.  Si  demora 
la  cose  en  cel  estât,  et  fu  la  cité  de  Bervich  rendue,  au  chief  dou 
mois,  au  roj  englès  et  ossi  li  cbastiaus  qui  est  moult  biaus  et 
moult  fors  au  dehors  de  le  cité  ;  et  en  prisent  li  marèschal  de! 
host  le  saisine  et  le  possession  de  par  le  roj  englès  ;  et  vinrent 
li  bourgois  de  h  cité  en  Tost  faire  hommage  et  feaulté  audit  roy, 
et  jurèrent  et  recogneurent  à  tenir  le  cité  de  Bervich  de  lui. 
Apriès  y  entra  li  rois  à  grant  solennité  de  trompes  et  de  nakaires  * 
et  y  séjourna  depuis  XII  jours,  et  y  ordonna  un  bon  chevalier 
à  gardien  et  à  souverain,  qui  s'appelloit  messires  Édowars  de 
Bailluel.  Et  quant  il  se  parti  de  Bervich,  il  laissa  avoecques 
ledit  chevalier  pluiseurs  jones  chevaliers  et  escuiers,  pour 
aidier  à  garder  le  terre  conquise  sus  les  Escos  et  les  ih)ntières 
de  celui  pays. 

Quatr,  réd. —  Environ  la  Saint- Jehan-Baptiste  que  on  compta 
Tan  de  grasce  mil  trois  cens  trente-un,  li  jones  rois  Édouwars 
d'Engleterre  et  la  roine  s'en  vinrent  à  Ebruich  euls  tenir  et  lor 
estât,  et  cachier  as  cerfs,  as  dains  et  as  chevruels,  et  entrues  96 
ordonnèrent  les  pourvéances,  et  se  faisoient  très-grandes  et  très- 
grosses  pour  aler  ens  ou  roiaume  d'Escoce,  et  fist  li  rois  faire 
un  mandement  que  toutes  gens  tenans  de  li,  portans  armes, 
fuissent  le  premier  jour  d'aoust  à  Ebruich.  Li  mandemens  dou 
roi  s  estendi  par  toutes  les  parties  d'Engleterre  jusques  ens  au 
fons  de  Cornuaille,  et  tout  vinrent  à  Ebruich.  Adont  ^e  desloga 
li  rois  et  vint  à  Duram,  et  ensi  que  il  ceminoit,  la  roine  sa 
femme  le  sievoit,  et  vint  li  rois  au  Noef-Chastiel  et  là  s'arestc^ 
pour  tant  que  tous  ceuls  des  lointainnes  marces  d'Engleterre 
n  estoient  point  encores  venu. 

Ces  nouvelles  estoient  bien  sceues  en  Escoce,  comment  li  rois 
d'Engleterre,  à  poissance  de  gens  d'armes  et  d'archiers,  l^s 

*•*  De  comemiisas,  claronceanx  et  taboarins. 


DE   BERWlCk.  277 

^U8  auquns  barons  et  prélas  qui  là  estolent.  Adont  ôst-on  traire 
le  hiraut  arrière,  tant  que  li  rois  fu  consilliés.  Acordé  fu  que  li 
hiraus  les  nommast  là  par  noms  liquel  c  estoicnt,  qui  venir 
voloient  :  on  lor  acordoit  volentiers  la  venue  et  le  retour.  Li 
hiraus  les  nomma  :  il  en  i  avoit  S3pt,  deus  prélas,  et  chevaliers 
jusques  à  chine.  Tantos,  une  lettre  de  sauf-conduit  fu  escripto 
et  séelée  et  délivrée  au  hiraut  qui  se  départi  de  là  et  retourna  à 
ses  mestres,  et  leur  bailla  le  sauf-conduit.  Quant  il  Forent,  il  i 
ajoustèrent  foi  et  se  départirent  de  la  Mourlane  et  cevaudèrent 
tant  que  il  vinrent  à  Anwuich.  Li  rois  d'Engleterre,  à  Teure  que 
li  Escos  vinrent,  estoit  aies  logier  ou  chastiel  et  là  tenoit  son 
estât.  Quant  li  Escoçois  furent  venu  et  descendu  de  lors  chevaus, 
il  furent  logiet  de  par  lesofficyers  dou  roi.  Adont  vinrent  auqun 
chevalier  d'Engleterre  qui  les  requellièrent  et  qui  à  ce  faire 
estoient  commis,  et  les  enmenèrent  deviers  le  roi  et  les  signeurs 
qui  atendoient  lor  venue.  Tout  li  signeur  d'Engleterre  qui  là 
estoient  en  la  présence  dou  roi,  s'ouvrirent  et  laissièrent  les 
Escoçois  passer.  Il  enclinèrent  le  roi,  et  non  plus  avant,  li  rois 
les  requelli  de  une  parole  tant  seullement,  ce  fu  que  il  dist  en 
son  langage  :  c  Bien  venant,  i  De  trop  petit  se  disfèrc  li  uns 
langage  de  Tautre. 

Or  vous  nommerai  les  deus  prélas  et  les  chine  chevaliers, 
révesque  do  Saint-Andrieu  et  Tévesque  d'Abredane,  messire 
Jame  Douglas,  frère  à  messire  Guillaume  qui  porta  le  coer  dou 
roi  Robert  de  Brus  en  Grenade  et  là  morut,  messire  Arcebaus 
Douglas,  son  fil,  le  conte  de  Quarrich,  messire  Robert  de  Versi 
et  messire  Simon  Fresiel.  Li  évesques  de  Saint-Andrieu  fu  chils 
qui  remonstra  la  parole  et  dist  :  t  Sire  rois,  et  vous  baron  et 
c  prélat  d'Engleterre,  qui  chi  estes,  nous  sommes  ichi  envoyés 
t  de  par  toute  la  généralité  dou  roiaulme  d'Escoce,  et  sommes 
€  esmervillié,  euls  avoecques  nous  et  nous  avoecques  euls,  à 
c  quel  title  si  soudai nnement  apriès  les  trieuwes  fallies  entre 
•  Escoce  et  Engleterro,  vous  estes  e8m(*u  à  nous  faire  guerre, 
c  quant  nostres  sires  li  rois  d'Escoce  a,  sire  rois  d'Engle- 
<  terre,  espousé  vostre  soer.  Nous  a^joustions  au  dit  mariage 


378  PRISE 

c  grans  aliances»  et  fuimes  généraulment  en  toute  Escoce  moult 
c  resjoï  quant  la  dame  nous  demora  roine,  et  nous  torne  à  grant 
f  menrelle  celle  dureté  que  vous  avés  empris  à  faire  à  vostre 
c  frère  nostre  roi  et  vostre  serour  nostre  roine,  quant  ce  tant 
c  de  petit  hiretage  que  Dieus  lor  a  donné,  vous  volés  destruire. 
c  Si  vous  prient  par  nous  nostres  sires  li  rois  et  madame  la 
c  roine  que  vous  ne  voelliés  pas  faire  celle  cruaulté  que  d'ardoir 
f  et  essillier  lor  hiretage,  et  retrajés-vous  et  faites  retraire  vos 
c  hommes  et  leur  donnés  congiet  casqun  de  retourner  en  son 
c  lieu  et  prenés  trois  ou  quatre  prélas  des  vostres  et  otant  des 
c  vostres  barons  d'Engleterre,  et  nostres  sires  li  rois  en  metera 
c  otretant  à  Tencontre,  et  ce  que  chil  trouveront  ou  decré  de 
ff  lor  disposition,  il  déposeront  sus  Tordenance  des  deus  roiaul- 
c  mes,  et  sera  tenu  à  ferme  et  à  estable,  pour  tous  jours  mes, 
c  ce  que  disposé  en  sera,  et  demorrés,  vous  et  vostre  frère,  en 
f  paix,  et  ensi  vostre  hiretage.  C'est  la  parole  que  nous  vous 
c  remonstrons  et  pour  quoj  nous  sommes  venu,  et  sur  ce  nous 
f  demandons  à  avoir  response.  » 

Quant  li  évesques  de  Saint- Andrieu  d*Escoce  ot  ensi  parlé, 
il  fu  moult  bien  oïs  et  entendus ,  dont  fu  dit  as  Escoçoiy  que 
se  il  traissent  arrière,  on  conselleroit  lor  parole  et  puis  aue- 
roient  response.  Il  le  âssent  et  s'en  alërent  li  Escoçois  tout 
ensamble  en  une  aultre  cambre  qui  estoit  ordonnée  pour  euls. 
Encores  fu  commandé  que  tout  widassent  de  la  cambre  dou  roi, 
réservé  ceuls  dou  consel.  Il  widièrent  chil  qui  là  n*avoient  que 
faire.  Là  répliquièrent  li  signeur  en  la  présence  dou  roi  toutes 
les  paroles  et  requestes  des  Escoçois  et  demandèrent  :  c  Or  sus, 
c  qui  fera  la  response  et  qui  parlera  à  point  sus  che  que  il  ont 
c  dit  et  proposé  ?  »  Dont  parla  messires  Renauls  de  Gk)behem, 
uns  moult  sages  et  vaillans  chevaliers,  pères  à  messire  Renault 
qui  fu  depuis  aussi  uns  moult  preus  et  vaillans  chevaliers,  et 
dist  :  c  A  tout  ce  que  chil  Escoçois  requièrent  et  demandent, 
c  ne  fault  pas  trop  grant  consel.  Il  seront  respondu  ensi  pour 
c  ce  qu'il  ont  demandé  à  quel  title  li  rois  nostres  sires  et  nous 
c  lor  faissons  guerre  :  c  est  por  le  mauvesté  et  rudèce  de  euls, 


DE   BERWICK.  379 

€  cap  jà  8èvent-il  et  ont  sceu  leur  père,  passé  sont  li  terme  de 
«  cinq  ans,  que  li  rois  d'Escoce  doit  tenir  et  relever  et  faire 
«  hommage  au  roi  d'Engleterre  de  tout  le  roiaulme  d'Escoce, 
«  réservé  auquns  isles  qui  marcissent  à  rencontre  d'Irlande  et 
«  de  Norvègue,  lesquels  isles  sont  nommé  les  Sauvages  Escos 
a  et  ont  ung  signeur  pour  euls,  qui  se  nomme  Jehans  des 
«  Adultilles.  Chils  obéist  au  roi  d'Escoce,  et  non  à  nous  ;  et 
€  ceste  raison,  on  lor  metera  en  iertnes  tout  premiers,  car 
€  elle  est  toute  clère,  et  bien  le  scèvent,  quoique  il  en  ignorent  : 
«  secondement,  pour  reconquerre  ce  qui  est  nostre,  la  chité  de 
«  Bervich  et  tout  le  pais  jusques  à  la  mer  c'on  dist  d'Escoce, 
t  et  se  ce  il  nous  voellent  rendre  débonnairement,  et  que  li  rois 
c  viengne  à  hommage  au  roi  nostre  sire  et  recongnoissent 
«  lommage  à  estre  lige ,  présens  les  barons  d'Engleterre  et 
€  ceuls  d'Escoce,  et  que  de  ce  soient  lettres  escriptes  et  séelées 
€  dou  roi  d'Escoce  et  des  barons  d'Escoce,  il  demorront  en 
«  paix.  »  Adont  fu  dit  à  messire  Renault  de  Gobehem  :  a  Sire, 
c  il  plaist  au  roi  que  vous  fachiés  la  response,  car  avés  la 
a  matère  toute  pourveue.  »  Dont  respondi  messires  Renauls 
et  dist  ;  «  Je  le  ferai  volontiers.  »  Adont  furent  appelle  li 
Escos.  Il  vinrent  avant  et  entrèrent  dedens  la  cambre  et  nuls 
fors  euls.  Li  consauls  dou  roi  se  mist  sus  deus  èles,  et  les 
Esoôçois  enmi  euls.  Quant  il  furent  tout  aquoisié,  messires 
Renauls  de  Grobehem  parla  et  dist  :  «  Entre  vous,  signeur 
a  d'Escoce,  vous  demandés  à  avoir  response  et  non  aultre 
«  cose,  et  vous  Tauerés  et  bien  briefment.  Vous  avés  demandé 
«  à  quel  title  nous  vous  volons  présentement  faire  guerre.  Vous 
«  le  savés  bien  quoique  vous  ignorés  ;  mais  puisque  il  fault  que 
«  nous  renouvelions  la  parole,  je  parole  pour  nostre  sire  le  roi 
€  et  pour  tout  le  païs  généraument  d'Engleterre,  et  dissons  que 
«  vos  très  rois  est  tenus,  et  ont  esté  tout  si  prédicesseur,  roi 
a  d'Escoce,  et  seront  li  successeur,  à  faire  hommage  au  roi 
«  d'Engleterre,  à  ceuls  qui  furent  et  seront,  et  cela  avoech  le 
c  calenge  nous  volons  tenir  en  droit,  et  le  demandons  et 
c  requérons  oomm^  le  bott  hlretage  à  la  couronne  d*Engleterre. 


380  PRISK 

«  Avoecques  tout  ce,  nous  disons,  et  pour  ce  sommes-nous 
«  logiet  sus  les  camps,  que  vous  qui  estes  d'Escoce  des  plus 
<  grans  et  li  consauls  dou  roi,  tenés  contre  Tonnour  et  mtgesté 
c  roial  du  roi  d'Engleterre  et  de  ses  hoirs,  la  chité  de  Bervich 
c  et  grant  païs  qui  s*estent  jusques  as  bonnes  de  la  mer 
«  d'Escoce ,  et  volés  demorer  en  celle  tenure  par  manière 
c  de  convens.  Sachiés  que  nôtres  sires  li  rois  ne  le  puet  souf- 
c  frir,  ne  voelt,  et  se  il  1^  voloit  par  auqune  dissumulacion, 
a  pour  tant  que  avés  mis  en  termes  que  il  deveroit  tenir  en 
a  pais  ce  tant  de  petit  hiretage  que  son  frère  le  roi  d^Escoce 
«  et  sa  serour  ont  et  tiennent  à  présent,  se  ne  le  souffreroient 
«  pas  si  homme  et  sont  tout  conforté  que  toutes  ces  coses  vous 
«  remeterés  arrière  et  fera  vostres  sires  li  rois  foi  et  hommage 
c  lige  à  nostre  sire  le  roi  d'Engleterre,  se  il  voelt  demorer  en 
«  paix,  et  le  feront  aussi  tout  chil  qui  sont  en  cyte  et  conclave 
j(  ens  es  terres  qui  sont  et  doient  estre  tenues  et  relevées  de  foi 
'(  et  d'ommage  de  nostre  signeur  le  roi  d'Engleterre,  et  se  vous 
«  estes  fort  de  par  vostre  roi  et  les  vostres  de  acorder  toutes 
K  ces  coses  recordées,  si  dites  oil;  et  nous  entenderons  à  la 
«  paix.  »  Dont  respondirent  li  Escoçois  et  dissent  :  «  Nennil, 
«  ne  nous  n'en  sommes  ne  cargié,  ne  introduit.  »  Dont  res- 
pondi  li  chevaliers  englois  et  dist  :  «  Vous  perdes  aultrement 
«  vostre  langage,  et  puisque  vous  volés  procéder  dou  contraire, 
«  retrajés-vous  viers  les  vostres  et  lor  dites  ce  que  vous  avés 
«  trouvé  en  nous,  car  vous  n'enporterés  aultre  cose.  » 

Quant  li  Escoçois  orent  entendu  messire  Renault  de  Gobehem 
ensi  parler  et  soustenir  la  querelle  des  Englois  par  celle  voie, 
si  furent  tout  abus  et  ne  sceurent  que  dire,  ne  que  répliquier, 
mais  il  prissent  congiet  dou  retraire  :  on  lor  donna,  et  issirent 
dou  chastiel  et  retournèrent  là  où  lor  cheval  estoient,  et  burent 
ung  cop  et  mengièrent,  car  des  biens  de  Fostol  dou  roi  on  lor 
onvoia  assés,  et  puis  montèrent  sus  lors  chevaus  et  partirent 
de  Anwuich  et  chevauchièrent  tant  que  il  trouvèrent  le  roi  et 
auquns  des  signeurs  d'Escoce,  par  lequel  consel  il  estoient  venu 
deviers  le  roi  d^Engleterre  et  son  consel.  Si  lor  recordèrent  tout 


DE   BERW1CK. 


»l 


au  loneh  quel  cose  il  avoîent  trouvé,  et  la  response  grande  et 
orguilleuse  que  il  avoient  eu  des  Englois,  et  monstroient  bien 
en  lor  parole  que  li  rois  d'Engleterre  n'avoit  en  toutes  ces  coses 
nulle  poissance  et  que  li  païs  et  roiaulmes  d'Engleterre  faisoit 
fait  et  partie  dou  calenge  et  dou  procéder  avant,  et  avoient 
bien  entendu  que  se  li  rois  d'Engleterre  se  voloit  dissimuler, 
taire  tous  quois  et  quiter  Fommage  et  le  calenge,  se  ne  le  qui- 
teroient  pas  ses  gens.  Adont  dissent  entre  euls  :  c  Confortons- 
<  nous  et  faisons  dou  mieuls  que  nous  poons.  Nous  auerons  la 
€  guerre  et  ne  Teusmes  oncques  si  dure,  ne  si  folle  que  nous 
€  auerons  pour  le  présent.  »  En  si  demorèrent  les  coses  en  cel 
estât,  ne  depuis  n'i  ot  trettié  nul  quelconques  pour  celle  saison 
entre  Engleterre  et  Escoce,  mais  se  départi  li  rois  d'Engleterre 
et  toute  sa  poissance  de  Anwuich  et  de  là  environ,  où  ses  gens 
estoient  logiés.  Avoient  encores  cent  mille  chevaus  et  ensi  que 
il  ceminoient,  pourvéances  les  sievoient  à  eflEbrt  as  sommiers 
et  à  charroi,  et  prissent  li  Englois  pour  celle  fois  le  cemin  de 
Hosebourch  et  de  Miauros.  Kncores  est-cou  toute  Engleterre 
jusques  à  là.  Miauros  est  une  abbéie  de  Saint-Benoît,  et  là  se 
départ  à  une  petite  rivière  qui  i  court,  li  roiaulmes  d'Escoce 
d'un  lés  et  li  roiaulmes  d'Engleterre  d'aultre.  La  première  ville 
que  on  trueve  en  alant  en  Escoce,  c'est  la  Mourlane  :  là  vinrent 
logier  li  connestables  d'Engleterre,  li  contes  de  Norhanton  et 
li  marescal,  li  sires  de  Felleton  et  messires  Thomas  Wagc. 
Quant  ce  vint  à  l'endemain,  toute  li  hoos  fu  logie  en  Escoce, 
et  laièrent  Bervich  à  la  bonne  main.  Bien  savoient  que  il  i 
retoumeroient  quant  il  aueroient  fait  lor  emprise  ,  mais  il 
voloient  veoir  se  il  trouveroiont  à  qui  parler,  car  il  ne  deman- 
doient  que  la  bataille.  Si  espl'oitièrent  tant  li  rois  d'Engleterre 
et  ses  hoos  que  il  foullèrent  grandement  la  plainne  Escoce  et 
ardirent  et  essilièrent  moult  de  villes  et  de  hamiaus.  Moult 
petit  de  villes  fermées  sont  en  Escoce  :  il  i  a  grant  fuisson  de 
chastiaus  et  non  pas  tant  de  dys  fois  que  il  y  a  en  Engleterre, 
et  ont  li  Escoçois  celle  manière  et  condition,  quant  il  sentent 
les  Englois  venir  à  poissanche  telle  que  pour  lors  il  avoient,  il 


28S  raisB 

tiennent  les  camps  et  ne  s'encloent  point  11  signeur  en  lors 
chastiaos,  et  dient  que  uns  chevaliers  qui  là  est  enclos,  ne  puet 
non  plus  faire  que  un  aultre  homme.  Li  Englois  quidièrent 
trouver  le  roi  en  Haindebourc,  car  c'est  Paris  en  Escoce,  mais 
nennil  :  car  il  en  estoit  aies  oultre  et  mené  sa  femme  sus  la 
Sauvage  Escoce  ;  et  li  chevalier  et  esquier  dou  païs  s'estoient 
requelliet  et  mis  ensamble,  et  avoient  fait  mener  tous  lors 
meubles  et  cachier  lor  bestail,  dont  il  ont  grant  fuisson,  ens 
es  forés  de  Gedours  qui  sont  inhabitables,  et  bien  scèvent  que 
les  Englès  ne  les  iroient  jamais  là  querre,  car  point  ne  con- 
gnissoient  les  entrées  et  les  issues,  et  sont  fortes  à  cevauchier. 
Si  vinrent  li  rois  d'Engleterre  et  ses  gens  en  la  ville  de  Hain- 
debourc  qui  est  grande  et  plentureuse,  et  point  nVst  fermée. 
Si  se  loga  li  rois  en  Fabéie  de  Sainte-Crois,  et  tout  li  signeur 
là  oà  le  mieuls  il  peurent,  et  i  furent  quinse  jours  pour  tant 
que  on  entendi  à  prendre  le  chastiel,  liquels  se  rendi,  salve  lors 
vies  de  ceuls  qui  dedens  estoient.  Donc  le  fist  li  rois  d'Ëngle- 
terre  remparer  grandement  et  ravitaillier  et  rafresquir  de 
nouvelles  pourvéances,  et  i  mist  un  chevalier  à  chapitainne, 
dou  païs  de  Northombrelande,  et  fu  li  entension  dou  roi  et  de 
son  consel  que  il  le  tenroient  et  en  feroient  frontière  contre 
les  Escoçois.  Aussi  prissent  li  Englois  un  aultre  chastiel  fort 
assés  à  cinq  petites  lieues  englesces  de  Haindebourc,  lequel 
on  clamme  Dalquest,  et  est  hiretages  à  ceuls  de  Douglas,  et  en 
fissent  garnison  et  de  pluisseurs  aultres,  et  ardirent  li  Engloii» 
toute  TEscoce  jusques  à  la  ville  de  Saint-7ehan  en  Escosce,  n(^ 
nuls  ne  lor  ala  au  devant,  et  ne  savoient  chil  dou  païs  à  dire 
où  li  rois  et  la  roine  estoient. 

Quant  li  rois  d'Engleterre  et  ses  gens  orent  chevauchié 
et  couru  toute  la  plainne  Escose,  et  ars  et  essillié  tout  le 
plat  païs,  et  n' estoit  nulle  nouvelles  des  Escos  qui  lor  contre- 
desissent  lor  cemin  et  il  voiront  que  li  iviers  aproçoit  et  il 
orent  pourveu  et  rafresqui  tous  les  chastiaus  que  il  pensoient 
à  tenir  pour  guerryer  et  héryer  le  demorant  dou  païs,  il  se 
missent  tout  souef  au  re^ur,  et  f u  ii  rois  logiés  en  une  moult 


DE   BERWICR.  383 

belle  petite  ville  que  on  appelle  Donft^eïnelin,  et  là  a  une 
abbéie  de  noirs  monnes,  qui  est  assés  grande  et  belle  ^  et  là 
dedens  celle  abbéie  sont  les  sépultures  communelment  des  rois 
d'Ëscoce.  La  ville  fu  arse,  mais  li  rois  deifendi  à  non  ardoir 
Tabéie  pour  tant  que  il  i  a  voit  esté  logiés,  puis  se  missent  li 
rois  et  se  hoos  au  retour,  et  ne  prissent  pas  le  cemin  que  il 
estoient  venu,  mais  celi  desus  la  marine,  car  ce  fu  lor  inten- 
sion  que  de  ce  voiage  il  meteroient  le  siège  devant  Bervich  ;  et 
esploitièrent  tant  les  Ënglois  que  il  vinrent  devant  Dombar 
qui  sciet  sus  la  mer,  et  furent  là  environ  cbinq  jours  et  se 
missent  en  grant  painne  de  le  prendre  et  de  Tavoir,  et  i  fissent 
li  archier  plusseurs  assaus,  et  ne  lo  peurent  .avoir.  Si  passèrent 
oultre  et  ceminèrent  tant  que  il  vinrent  devant  la  chité  de 
Bervich.  Si  Tasiégèrent  et  se  logièrent  au  plus  priés  que  il 
porent.  Pour  ces  jours  en  estoit  chapitainne  uns  vaillans  ohe- 
valiers  d'Escoce  qui  se  nommoit  Alixnndres  Ramesai,  et  avoit 
avoecques  lui  des  aultres  chevaliers  d'Escoce  et  esquiers  qui 
tous  estoient  vaillant  homme.  Si  se  logièrent  les  Englois  au 
lonc  de  la  rivière  de  Taie  qui  rentre  en  la  mer  desous  Berxich, 
et  est  uns  havènes  de  mer,  et  par  la  mer  venoient  moult  de 
pourvéances  au  roi  d'Engleterre  et  à  ses  gens,  dont  il  estoient 
tous  les  jours  rafresqui,  et  sciet  Bervich  en  bon  pais  et  pourveu 
de  bleds,  d'avainnes  et  de  bons  foins,  et  i  truevèrent  grand 
fuisson  de  venissons  et  du  volailles,  et  avoit  là  li  rois  d'Ëngle- 
terre  ses  chiens  et  ses  oisiaus.  Il  i  prendoit  ses  déduis,  ne  nuls 
ne  li  aloit  au-devant,  ne  brisoit  ses  esbatemens,  car  tous  les 
jours,  quant  il  voloit  faire  ce  mestier,  li  connestables  d'Engle- 
terre,  li  contes  de  Norhanton,  avoit  bien  chinq  cens  lances  et 
mille  archiers,  qui  costioient  les  bois  et  les  rivières  toute  jour 
tant  que  li  rois  retournoit  arrière.  Considérés  comment  les 
saisons  s'i  portent  et  différent  de  Tune  à  l'autre.  Vous  trouvés 
chi  desus  en  ceste  histoire,  le  roi  Robert  de  Brus  d*Escoce, 
resgnant  (père  à  ce  roi  David),  que  il  donna  moult  à  faire  as 
Englois,  et  se  il  euist  vesqu,  et  messires  Guillaumes  de  Douglas 
qui  fu  ocis  par  sa  vaillance  en  Grenade  et  li  oontes  Jehans  de 


3R4  PRisK 

Moret,  11  rois  d'Engleterre  n*eu8t  ose  avoir  ensi  pris  ses  déduis 
de  chiens,  ne  d'oisiaus  en  Escoce,  ne  chevanchiet  sans  avoir  eu 
des  grans  rencontres,  mais  les  Escoçois  commençoient  à  doub- 
ler ce  roi  Édowart,  et  disoient  li  ancjen  et  li  sage  en  Escoce 
que  il  feroit  un  vaillant  homme  et  en  avoit  bien  la  chiëre  et  la 
manière,  et  en  celle  vaillance  si  homme  d'Engleterre  Tintro- 
duisoient  et  nourissoient.  Si  faissoient  bien,  car  uns  rois, 
puisqu'il  voelt  tenir  terre  et  signeurir  peuple,  doit  estre  de 
hardies  et  grandes  empris'^s.  Encores  disoient  les  Escoçois 
liquel  congnissoient  assés  parfettement  la  nature  des  Englois, 
l'un  à  l'autre  par  manière  de  colation.  •  Pensés-vous  pour  ce, 

•  se  nos  rois  a  à  femme  la  serour  dou  roi  d'Engleterre,  que 
c  nous  en  doions  mieuls  valoir  et  estre  déporté  à  non  estre 
t  guerryet,  mais  Dieus,  nennil  ;  il  fault  que  li  rois  d'Engleterre 
c  obéisse  à  son  peuple  et  face  tout  ce  qu'il  voellent,  et  si  fait 

•  le  contraire  et  qu'il  fme  et  bée  les  armes  et  soit  precheus  et 
ff  endormis  et  quière  et  demande  ses  déduis,  il  ne  le  poront 
c  amer,  mais  le  disfameront  et  querront  sus  lui  voies  et 
c  adrèces  obliques,  jà  soit-il  preudoms  en  conscience,  par 
€  quoi  il  le  destruiront.  Et  trop  grans  périls  est  en  Engleterre 
c  d'un  roi  qui  vient  en  la  possession  dou  roiaulme,  quant  il 

•  auera   eu   un  .vaillent  prédicesseur  devant  lui ,   car   se   il 

•  n'ensieut  ses  œuvres,  il  est  tous  les  jours  en  péril  et  en 
€  aventure  d'estre  mors  de  son  peuple  meismes,  cnsi  comme 
€  il   en  est  csceu  et  pris  au  roi  Édouwart,  père  de  cesti  qui 

<  resgne  en  présent,  que  si  homme  on  fait  morir  de  maie  mort 

•  ens  ou  chastiel  de  Beroler,  et  ont  son  fil  couronné  à  roi.  Ce 

<  sont  grant  exemple  por  lui  et  pour  tous  les  rois  qui  par  suc- 
f  cession  puevent  avenir  et  venir  à  la  couronne  d'Engleterre.  » 
Ensi  disoient  li  Escoçois  et  non  pas  culs  tant  seullement,  mais 
toutes  aultres  nations  qui  congnoissent  la  nature  et  condition 
des  Englois,  car  desous  le  solel  ne  sont  gens  plus  périlleus,  no 
mervilleus  à  tenir,  ne  plus  divers  que  sont  Englois.  Il  sont  do 
belles  acquointises  et  de  biau  samblant,  mais  nuls  qui  sages  est, 
n'i  doit  avoir  trop  grant  fiance. 


DE   BERWiCHL.  285 

• 

Tant  fist  11  rois  Édouwars  en  cello  saison  devant,  la  chlté  de 
Bervich  que  par  poissance  il  les  contraindi  et  mena*  si  avant  que 
messires  Alixandres  de  Ramesai  qui  chapitainne  en  estoit,  entra 
en  trettiés  deviers  euls,  c'est-à-entendre  deviers  le  roi  et  son 
consel  ;  car  il  vei  que  secours,  ne  confors  ne  11  apparoit  de  nulle 
part  et  estoient  fort  amenries  lors  poui'véances  et  lor  artellerie, 
pour  les  grans  assaus  que  on  lor  avoit  bailliet  et  livret,  car  pries- 
que  tous  les  jours  i  estoient  avenu  fait  d'aimes  et  escarmuces, 
et  en  avoit  parlé  à  ses  compagnons,  car  sans  Tacort  et  con- 
sentement de  euls ,  il  n'en  euist  jamès  riens  fait.  Si  se  porta 
tretiés  que  il  aroient  trieuwes  quinse  jours,  et  dedens  ce  terme, 
il  dévoient  envoyer  deus  de  lors  cevaliers  deviers  le  roj  d'Escoce 
et  son  consel  pour  compter  lor  estât,  et  se  li  rois  d'Escoce 
voloit  là  venir,  si  poissans  que  pour  lever  le  siège,  la  cliité  de 
Bervich  li  demoroit,  et  se  dedens  les  quinse  jours  il  ne  venoit, 
il  se  dévoient  rendre  au  roi  d'Engleterre  et  de  ce  jour  en  avant 
demorer  bon  Englois  ;  et  se  pooient  chevaliers  et  esquiers  qui 
dedens  estoient,  partir  ségurement  sans  riens  perdre  dou  lour, 
et  dévoient  li  manant  de  Bervich  demorer  en  bonne  paix  sans 
estre  fouUé,  ne  pressé,  ne  avoir  auqune  violense  de  lors  corps  et 
de  lors  biens.  Les  trieuwes  furent  bien  tenues,  ne  onques  tous 
les  quinse  jours  il  n'i  eut  assaut ,  ne  escarmuce ,  et  envoya 
messires  Alixandres  de  Ramesai  deviers  le  roi  d'Escoce  et  son 
coni^l  qui  se  tenoit  en  Abredane,  et  là  environ  sus  la  Sauvage 
Escoce,  deus  chevaliers.  Je  les  vous  nommerai  :  messire  Guil- 
laume de  Glandignin  et  messire  Robert  Vourme. 

Chil  chevalier  se  départirent  de  la  chité  de  Bervich  et  cevau- 
chièrent  parmi  FEscoce,  et  trouvoient  en  cevauçant  tout  le  païs 
ars  et  destruit,  et  ne  savoient  à  qui  parler.  Tant  esploitièrent 
que  il  vinrent  en  la  chité  d'Abredane,  et  là  trouvèrent  le  roi  et  la 
reine  et  auquns  chevaliers  d'Escoce  qui  lor  faisoient  compagnie. 
Quant  li  rois  vei  les  chevaliers  venus,  il  senti  tantos  que  il  apor- 
toient  nouvelles  ;  si  leur  dist  :  t  Bien  venant  !  Comment  vous 
€  portés-vous  dedens  Bervich  ?  >  Adont  li  recordèrent  li  cheva- 
lier toute  Tordenance  dou  trettié  ainsi  que  il  se  portoit;  et  quant 


mnsE 

li  ro»  Tôt  entendu,  si  pensa  un  petit  et  vei  bien  que  il  n*i  pooit 
poorveir,  si  dist  :  c  U  me  faut  Bervich  perdre,  la  souverainne 
c  chité  de  mon  roiaulme.  A  ce  ne  puis-je  aidier.  »  Et  puis  il  dist 
encores  ensi  :  c  Se  nous  le  perdons  pour  ce  temps,  uns  aultres 
€  retournera  que  nous  le  recouverons,  i  Et  dist  ensi  as  cheva- 
liers :  c  Messire  Guillaume  et  vous  messire  Robert ,  je  vous 
c  remerchie  grandement  de  ce  que  si  vaillamment  vous  vous 
€  estes  tenus  en  Bervich.  Vous  veés  bien  que  il  n*est  pas  en  ma 
«  poissance  que  je  puisse  amender  à  ce  tretié.  Il  n'i  a  nului  en 
«  Esooce  depuis  la  mort  de  messire  Guillaume  de  Douglas  et 
c  dou  conte  Jehan  de  Moret  ;  il  n'i  a  gaires  de  cevaliers  qui  se 
f  doient,  ne  puissent  relever  contre  la  poissance  d'Engleterre. 
f  Englois  sont  maie  gent.  Li  baron  de  ce  pais  tretyèrent  jadis, 
«  et  n'i  a  pas  encores  chinq  ans,  dou  mariage  de  ma  femme  et 
€  de  moi,  au  conte  de  Kent  qui  fu  uns  vaillans  preudoms  et  à 
t  la  roine  Isabiel  d'Engleterre,  pour  tant  que  il  quidoient  que 
c  je  et  toute  Escoce  en  deuissions  mieuls  valoir,  mais  nennil  : 
c  nous  avons  plus  forte  guerre  assés  que  devant,  et  chil  qui 
€  s'acordèrent  au  mariage,  la  roine,  la  mère  ma  femme,  li 
€  contes  de  Kent  et  messires  Rogier  de  Mortemer  en  sont  venu 
c  à  povre  conclusion  et  tout  par  envie  et  le  mauvesté  des 
f  Englois.  Robert  et  vous,  Guillaume,  vous  retournerés  et  ferés 
€  dou  mieuls  que  vous  pores  :  je  voi  bien  que  il  fault  que  je 
€  perde  Bervich.  » 

Depuis  ceste  response  que  li  rois  David  d'Escoce  fist  à  ses 
chevaliers,  il  ne  demorèrent  que  deus  jours  que  il  se  missent 
au  retour,  et  ceminèrent  tant  par  lors  journées  que  il  vinrent 
à  Bervich  et  passèrent  tout  parmi  Toost  as  Englois  paisi- 
vel^nent  et  rentrèrent  en  la  ville.  Euls  revenus,  il  parlèrent 
au  eapitainne  et  as  tous  ceuls  de  la  ville ,  bourgois  et  autres, 
et  lor  recordèrent  en  général  tout  ce  que  il  avoient  trouvé  au 
roi  d'Escoce  et  en  son  consel,  et  la  response  telle  que  faite  on 
lor  avoit;  et  sur  ce  orent  consel  et  avis.  Dont  dissent-il  Fun 
par  l'autre  :  <  D  nM  a  aultre  cose  :  il  nous  fault  tenir  le  trettié 
c  tel  que  nous  Pavons  déviera  les  Englès.  Aultrement  ne  poons 


DE   BERWICK.  IKl 

«  nous  faire,  et  à  tout  considérer,  voiremeni  ne  le  puet  li  rois 
f  amender,  car  il  n'a  pas  à  présent  gens,  ne  poissance  pour 
c  oombatre  les  Englès.  » 

Les  chevaliers  d'Escoce  retournés  sus  la  fourme  et  estât  que 
je  vous  di,  li  rois  d'Engleterre  et  ses  consauls  verront  sçavoir 
quel  cose  il  avoient  raporté.  Il  leur  dissent  que  Bervich  estoit 
leur  parmi  les  convenances  acomplies.  Li  rois  d*Engleterre 
lor  tint  et  acompli  de  point  en  point,  et  s'en  départirent  tput 
chevalier  et  esquier  qui  en  garnison  i  avoient  esté,  et  empor- 
tèrent tout  che  qui  leur  estoit,  sans  rihote,  et  li  bourgois  de  la 
ville  demorèrent  en  paix  parmi  tant  que  il  jurèrent  solempne- 
ment  à  estre  bons  et  loiaus  Englois,  à  tous  jours  mes,  et  eussent 
li  Englois  la  posession,  et  i  entra  li  rois  d'Engleterre  à  grant 
fuisson  de  trompes  et  de  trompètes  et  de  menestrandies  et  i 
tint  son  tinel  et  son  estât,  et  la  roine  Phelippe  sa  femme 
avoecques  lui,  laquelle  estoit  enchainte,  et  ce  fu  de  Edouwart 
son  ainné  ûl  qui  puis  fu  princes  de  GaUes  et  si  vaillans  hommes, 
comme  vous  trouvères  dedens  cette  histore,  quant  temps  et 
lieus  seront  à  parler  de  lui.  Avoecques  la  chité  de  Bervich  ot 
li  rois  d'Engleterre  le  castiel  qui  est  biaus  et  fors  et  ouvre  sus 
les  camps  et  en  la  ville,  et  tout  fu  mis  ens  ou  trettié  dou  ren- 
dage.  Et  furent  la  chité  de  Bervich  et  li  chastiaus  ravitaiUiet 
et  rafresqui  de  pourvéances  et  de  gens  d'armes  et  d'archiers  et 
de  bon  chapitainne  ;  et  fu  toute  la  marce  et  la  terre  de  là 
environ  recargie  et  mise  en  garde  de  la  bouce  dou  roi  au  signeur 
de  Persi  qui  resgnoit  pour  ce  temps. 


Apriès  le  concquet  de  Bervich,  li  roys  eult  consseil  et 
advis  qu'il  yroit  devant  le  castel  de  Rosebourch  qui  estoit  à 
XII  lieuwes  de  là  et  qui  est  de  ce  costet  li  entrée  d'Es- 
coche  et  li  département  dou  royaume  d'Engleterre  et  de 
Norhombrelande,  car  en  ce  castiel  pooient  11  Escot  mettre 
une  grant  garnison  et  trop  fort  grever  Bervich  et  yaux 


SUITE 


aidier  à  defiendre  et  garder  le  marce  s*il  estpit  de  leur 
acord.  Dont  fu  cryet  et  commwidet  de  par  le  roy  que  on  s'en 
allast  de  celle  part,  ainssi  que  on  fist.  Si  sieuwirent  touttes 
pourvéanches  Tost  et  s'en  vinrent  devant  Rosebourch  et 
l'assëgièrent  de  tous  costes,  car  c'est  ung  castiau  sus  une 
roce  en  plain  pays,  et  y  a  fossés  assës  profons,  mes  peu 
d'aighe  y  descent,  ne  se  tient.  Dedens  ce  castel  y  avoit  ung 
très-bon  escuier  d'Escoce  que  on  clammoit  Alixandre  de 
Ramesay  qui  dou  garder  fist  bien  son  devoir,  et  avoit  tous 
les  jours  l'assaultjusques  as  murs  de  traire  et  de  lanchier, 
et  il  se  defiendoit  si  bien  qu'il  en  avoit  le  grâce  de  chiaux 
de  dedens  et  de  dehors  ossi.  Or  vous  dirons  ung  peu  dou 
convenant  et  del  ordonnance  le  roy  David  d'Escoce  et  de  son 
consseil,  et  comment  il  se  maintinrent  depuis  le  départe- 
ment, sicomme  vous  avés  oy. 

Quant  li  Escot  se  furent  parti  de  le  montagne,  sicomme 
il  est  dit  chy  devant,  il  chevauchièrent  ce  jour  tout  à  leur 
aise;  car  bien  sentirent  que  li  Englès  n'avoient  nul  talent 
d'iaux  poursuiwir  et  se  logièrent  de  haulte  nonne  sus  une 
petite  rivière  que  on  clamme  ou  pays  '  la  Boée  *,  et  là  se 
traissent  tout  li  seigneur  d'Escoche  à  consseil  quel  cose  il 
feroient,  et  comment  le  plus  honnerablement  de  ceste  guerre 
as  Englès  il  se  maintenroient.  Là  y  eult  pluiseurs  parolles 
dittes,  devisées  et  remonstrées,  et  ne  sambloit  pas  ^  bonne  * 
as  aucuns  ceste  ordonnance  d'ensi  fuir  devant  les  Englès, 
et  qu'il  se  metoient  en  parti  de  tout  perdre  leur  honneur  et 
leur  pays.  Dont  disoient  li  plus  sages  que  nullement  il  ne  se 
veoient  fort  de  combattre  le  roy  englès  qui  avoit  avoecques 
lui  bien  LX"  hommes  d'eslite  et  que  il  leur  valloit  mieuxensi 
*yaux  maintenir  *  que  tout  aventurer  et  perdre.  Dont  eurent 
consseil  et  pour  le  mieux  que  li  jovènes  roys  leurs  sires  s'en 
alast  à  Dunbretan,  ung  très -fort  castel  sus  leSauvaige  Esco- 

*  »  La  Bethe.  —  *-*  Honnourable.  —  »-•  Partir. 


DE  l'expédition  d'écosse.  289 

che,  et  là  se  tenist(ily  seroit  tout  aseur),  et  laroyne  avoecq 
lui,  et  li  jovënes  messires  Guillaumes  de  Douglas  et  li 
contes  de  Moret  et  li  contes  de  Surlant  et  messires 
Robiers  de  Verssi  et  messires  Simons  Fresel  et  tel  route 
de  gens  qu'il  voroient  prendre,  se  tinssent  ens  ces  forests 
de  Gédours  et  costiaissent  les  Englès  et  les  hériassent  *, 
*  par  celle  voie  il  les  guerroient  sagement  et  leur  porteroient 
à  le  fois  grant  dammaige ,  et  li  autre  se  maintinssent  au 
plus  bel  que  il  peuissent  ^.  Chils  conssaulx  fu  creus  et  tenus, 
et  se  départirent  leurs  os  et  s'en  ralla  chacuns  en  son  lieu, 
sans  faire,  ne  monstrer  aultre  deffensce  au  pays,  fors  par 
le  mannière  que  j'ay  dit  chy  devant,  fors  tant  qu'il  envoyè- 
rent grant  ga^rnison  en  Haindebourch,  en  SaintJehan-Ston, 
en  Abredane,  en  Dondieu,  en  Dalquest,  en  le  ville  de  Saint- 
Andrieu  et  ensi  par  les  forteresses,  et  gastërent  yaux 
mesmes  tout  le  plain  pays  et  se  retraissent  hommes  et 
femmes  et  enfans  ens  es  montaingnes  et  ens  es  bois  et  ens 
es  forests,  et  là  menèrent  tout  le  leur  et  se  amasèrent  ;  et  li 
chevalier  et  seigneur  dessus  dist,  qui  estoient  estaubli  et 
ordonné  pour  *  guerryer  ^  les  Englès,  messires  Guillaumes 
de  Douglas,  li  contes  de  Moret,  li  contes  de  Surlant,  mes- 
sires Simons  Fresel  et  pluiseurs  autres  *  se  retraissent 
devers  le  forest  de  Gédours  qui  est  forte,  sauvaige  et  grande 
sans  nombre,  où  nulle  gens  estrange  ne  se  oseroient,  ne 
poroient  embattre  s'il  ne  voulloit  estre  perdu  davantaîge  '; 
et  li  rois  et  li  royne  d'Escoce  s'en  allèrent  à  Dunbretan,  ensi 
qu'il  est  dit  chy  devant,  et  layèrent  leur  pays  guerryer  en 
le  mannière  comme  vous  orés. 

*  En  eulz  adommageant.  —  *'  Et  par  ceste  manière  il  porroient 
faire  retraire  leurs  anemis ,  sans  trop  grande  aventure  de  perte.  ^ 
*■•  Grever.  —  «-'  Les  costièrent  tousjours  par  les  montaignes  et  pas- 
sages où  il  savoient  bien  les  chemins,  et  leur  faisoient  grant  dommage. 

I.  —  FROISSART.  19 


^  \mtn 

Eûâi  ëéûit  li  royd  d*Engletérre  devant  le  fort  castel  de 
Roseb<^^éIi  <en  EsKîoohe  et  y  Ai  ung  grant  temps.  Il  le  fist 
par  plnisetos  fbis  assaillir  ;  mes  li  bons  escoiers  Alixandres 
de  Raiâésày  s*àquitta  très-bien  et  loyaument  dou  garder  ël 
don  defféndi'e,  et  vint  avec  ses  iiîompàignons  par  pluiseurs 
lois  &  le  bafrière  et  escarmuchief  et  combattre  as  Englès,  et 
y  fissent  li  Escol  pluiseurs  belles  appertisses  d'armes,  dé 
tant  ijue  li  rois  y  sist*  qui  disoit  qu'il  ne  s'en  partiroit  mies 
jus(j[u'à  tant  qu'il  aroit  le  castel  par  deviers  lui  et  en  seroit 
sires.  Et  là  eut  devant  le  castel  ung  fet  d'armes  d'un  che- 
valief  d'Engletetre  qui  s'apelloit  messire  Guillaume  de  Mon- 
tagut  et  de  cel  Alixandre  de  Ramesay,  liquels  ne  fait  mie  à 
oublie**,  et  pour  ce  ai-je  che  livre  commeiichiet  que  jou 
doie  et  voeil  recorder  les  belles  avenues,  et  à  ce  je  me  suis 
acohvèftenchiés.  Si  n'est  pas  chite  fès  d'armés  escrips,  ne  con- 
tenue enà  Ieg(  cfonicques  messire  Jehan  le  Bel,  mes  j'en  fui 
enfourtnés  des  seigneurs  dou  pays,  quand  je  fui  en  Escoohe. 

Chils  mefesires  Guillaumes  de  Montagut  qui  puis  fu  contes 
de  Sallebrin,  par  le  vassèlage  et  proëce  de  lui,  et  qui  estoit 
fës  nouveaux  chevaliers,  quéroit  les  armes  et  les  aventures 
che  qu'il  pboit.  Dont,  le  siège  durant  devant  Rosebourch,  à 
une  escarmuche  qui  estoit  une  fois  à  le  barrière  dou  castel, 
il  estoit  tout  devant,  une  glaive  en  son  poing,  et  faisoit  là 
moult  de  belles  appertises  d'armes,  et  li  cappitainnes  de 
layens  Alixandres  de  Ramesay  yssi  contre  li.  Avint  que  li 
dis  messires  Guillaumes  li  dist  :  «  Alixandre,  Alixandre, 
«  nous  nos  hévions  chy  tout  le  jour  au  lanchier  et  au  traire 
a  et  nous  mettons  en  aventure  d'estre  ocis  et  sans  grant 
c<  proèce.  Si  voeilliés  faire  une  cose  que  je  vous  diray, 
«  armés-vous  demain  dû  mieux  que  vous  poés  et  jou  ossi, 
«  et  montés  sus  ung  cheval  le  milleur  que  vous  ayês  ;  si,  se 
<c  vous  n'en  avés  nul  qui  bon  ne  vous  samble,  je  vous  en 


DE  l'expéditiom  d'écosse.  291 

a  feray  ung  prester,  et  prendés  vostre  targe  etvostre  glave. 
«  Si  vous  venés  esprouver  à  moy  en  ces  biaux  plains 
«  devant  le  roy  men  seigneur  et  les  barons  d'Engleterre 
«  par  convent  que  se  vous  me  conquérés  par  vostre  proèche, 
«  ensi  que  bien  faire  poirés,  vous  enporterés  devant  vous 
«  mil  nobles,  et  se  je  vous  conquiers,  je  vous  feray  bonne 
«  compaignie.  »  —  «  Parme  foy,  rcspondi  li  escuiers,  il  ne 
«  seroit  mies  drois  hommes  d'armes,  qui  refuseroit  che 
«  parti  et  je  le  vous  acorde  liement.  »  Ensi  fu  li  bataille 
fianchie  à  Tendemain  et  li  escarmuche  laissie.  Chacuns  se 
pourvey  en  droit  de  lui  dou  mieux  qu'il  peult,  et  pour  l'amour 
de  le  bataille  li  rois  d'Engleterre  donna  trieuWes  à  tous 
chiaux  dou  castel  de  Rosebourch  le  jour  entier  et  l'endemain 
jusques  à  soleil  levant.  Quant  ce  vint  au  matin,  messires 
Guillaumes  de  Montagut  s'arma  très-bien,  fort  et  ablemait, 
pour  estre  plus  légier,  et  tous  armés  il  monta  sus  son  che- 
val, le  glave  ou  poing,  l'espée  au  costet  et  le  targe  au  col, 
et  s'en  vint  ensi  qu'il  devoit,  desus  les  camps  assés  priés 
dou  castel,  et  là  estoit  li  roys  et  li  plus  des  barons  d'Engle- 
terre. Assés  tost  apriès  vint  Alixandres  de  Ramesay,  armés 
fricement  et  gentiment  de  touttes  pièches  seloncq  son 
usaige,  montés  sus  ung  bon  coursier,  le  bachinet  en  teste,  le 
glave  ou  poing,  et  accompaigniés  de  chiaux  dou  castel. 
Quant  il  se  virent  sur  les  camps,  oncques  ne  parlementèrent 
de  riens  enssamble ,  ains  abaissièrent  les  glaives  et  con- 
dirent  les  targes  à  leur  poitrine  et  férirent  chevaux  des 
espérons  et  s'en  vinrent  au  plus  droit  l'un  contre  l'autre 
qu'il  peurent,  sans  yaux  nient  espargner  et  s'asenèrent  de 
premier  encontre  de  leurs  glaives  si  roidement  que  chacun 
rompi  le  sienne  en  plus  de  trois  pièces  et  s'encontrèrent  de 
leurs  épaulles  si  dur  que  leurs  targes  en  passant  se  desbou- 
clèrent et  leur  pendoient  contre  val  assés  à  malaise;  mais 


292  SUITE 

chacuDS  à  ce  parti  mist  remède  et  aywe.  Et' quant  on  leur 
eult  rebouclé  et  remis  à  leur  droit,  il  sachièrent  les  espées 
et  férirent  chevaux  des  espérons  et  vinrent  l'un  sus  l'autre 
très-fièrement  et  se  requisent  sans  yaux  espargner  de  grant 
couraige,  et  là  ^  moult  vassamment  et  longhement  '  se  comba- 
tirent  et  donnèrent  li  ung  à  l'autre  sur  leur  bachinet  à  visière 
tamaint  pesant  horion.  Et  quant  des  espëes  il  se  furent  ung 
grant  temps  combatu,  il  les  jettèrent  à  terre  avoecq  les  fou- 
riaux  et  puis  se  prisent  as  bras  et  luittèrent  sur  leurs  chevaux 
et  fourmenèrent  en  luitant  tant  jaux  et  leurs  chevaux  que 
moult  estoient  afoibli  de  leur  force.  Dont  dist  li  roys  :  «  Chil 
«  dôy  bacheler  se  sont  bien  esprouvet  efibrcëment  et  vas- 
«  saument  se  sont  gouverné  en  leurs  armures.  Pour  riens 
«  je  ne  vouroie  qu'il  meschéist  à  mon  chevalier  et  que  li 
«  Escot  euist  ossi  trop  grant  dammaige  de  son  corps.  Dittes- 
«  leur  de  par  moy  que  je  voeil  qu'il  cessent,  car  leur  esbat- 
«  lemens  nous  doit  bien  souffire.  »  Dont  vinrent  celle  part  li 
sires  de  Gresop,  li  contes  de  Sufforch,  li  sires  de  Ferrières, 
et  disent  as  champions  che  que  li  rois  leur  mandoit  et  qu'il 
volloit  qu'il  finesissent.  Ensi  se  départi  li  bataille  des  doy 
bachelers  qui  vollentiers  fu  regardée,  car  vassaument  et 
hardiement  il  s'estoient  requis  et  combatu  *.  Li  Escochois 
enremenèrent  leur  cappittainne  qui  durement  estoit  tra- 
villiés  et  lassés,  et  li  Englès  monseigneur  Guillaumme  de 
Montagut  qui  n'en  avoit  mies  plentet  mains.  Chils  jours 
passa  et  fu  la  trieuwe  à  chiaux  de  Rosebourch  espirée.  Si 
recommenchièrent  li  assault  fort  et  fier  au  castiel,  et  chil 
de  dedens  à  yaux  bien  defiendre.  Chils  sièges  dura  de  l'en- 
trée d'aoust  jusques  à  le  Toussaint.  Adont  fu  li  castiaux 
rendus,  car  plus  ne  le  peurent  chil  qui  s'en  partirent,  tenir, 
et  se  sauvèrent  yaux  et  le  leur  seullement,  et  en  peurent 

'*  Si  honnourablement  que  tous  deux  y  aquirent  honneur. 


DE  l'expédition  d'écosse.  293 

aller  quel  part  qu'il  veurent  :  che  fu  deviers  Dunbretan  li 
aucun  et  li  autre  deviers  le  for.est  de  Gédours,  là  où  li  bon 
chevalier  et  escuier  d'Escoche  se  tenoient,  qui  souvent  res- 
veilloient  les  Englès,  messires  Guillaumes  de  Douglas,  li 
contes  de  Moret  et  li  autres. 

Quant  li  roys  d'Engleterre  fu  entrés  ou  castel  de  Rose- 
bourch,  il  s'i  reposa  à  grant  joie  et  y  tint  se  feste  le  jour  de 
Tous  les  Sains  et  y  donna  grans  dons  as  chevaliers 
estranges,  as  hiraux  et  as  ménestrels.  Au  VHP  jour  il  s'en 
parti  et  laissa  bonne  cappittainne  et  soufflsamment  ou  cas- 
tel  C  hommes  d'armes  et  IP  archiers,  puis  chevaucha 
deviers  Haindebourch  ung  très-bel  castel  et  fort,  séant  sus 
une  haulte  roche  pour  veoir  le  pays  tout  environ  et  priés 
de  le  mer;  mes,  ains  qu'il  y  parvenissent,  il  eurent  mainte 
envaye  des  Escos  et  maint  assault,  et  ossi  furent  li  Escot 
par  pluiseurs  fois  cachiés  et  reboutés  de  messire  Guil- 
laumme  de  Montagut  et  de  messire  Gautier  de  Mauni,  qui 
estoient  compaignon  enssamble  et  qui  grant  painne  et  grant 
soing  mettoient  et  rendoient  à  yaux  avanchier  et  aloser  et 
à  adammagier  les  Escos  qui  grant  contraire  leur  portoient. 

Ainchois  que  li  roys  englès  et  ses  os  parvinssent  devant 
le  fort  castel  de  Haindebourch,  li  marescal  et  son  ost  cou- 
rurent toutte  le  conté  de  Marce  et  contreval  le  marinne 
jusques  à  Donbare  et  à  Ramesée  et  tout  contreval  le 
marinne  jusques  à  le  ville  de  Saint- Andrieu  et  puis  repris- 
sent ung  bras  de  mer  contremont  et  s'en  vinrent  à  une  ville 
sus  cel  bras  de  mer  que  on  apelle  Kinnesferry,  et  robèrent 
et  ardirent  le  ville,  puis  s'en  partirent  et  montèrent  contre- 
mont  et  vinrent  jusques  à  Donfremeliu,  et  là  eut  ung  grant 
assault,  car  grant  fuisson  des  gens  del  pays  d'Escoche  s'i 
estoient  retret  qui  si  bien  gardèrent  celle  ville  parmy  l'ayde 
le  seigneur  de  Lindesée  et  ses  gens  que  elle  n'eut  garde,  et 


204  SUIT! 

y  furent  là  durement  navrés  li  contes  de  Sufforch  et  messires 
Édouwars  li  Despenssiers  et  messire  Thummas  Bises  et 
messire  Ostes  de  Pontchardon,  et  s'en  partirent  ^  li  Englès 
quand  il  virent  qu'il  n'y  feroient  riens,  et  s'en  revinrent 
tout  autour  par  dessoubs  Haindebourch,  et  y  trouvèrent  le 
roy  à  siège  devant  Dalquest,  ung  castiel  *  au  seigneur  de 
Douglas  ^,  qui  siet  à  V  lieuwes  de  Haindebourch. 

Chils  castiaux  de  Dalquest  n'est  pas  trop  grans,  mes  il 
est  *  bien  herbergiés  de  cambres  et  de  édeffices  *  qui  sont 
édeflyet  •  en  une  grosse  tour  quarëe,  votée  deseures,  qui  ne 
crient  nul  assault  d'enghiens,  ne  d'espringalles  ',  et  siet 
sus  une  petite  roche  bien  taillie  environnée  d'une  rivière  qui 
n'est  pas  trop  graus  se  ce  n'est  par  habundanche  de  pleuves. 
Et  est  li  basse  court  ung  peu  en  sus,  laquelle  chil  de  layens 
avoient  toute  arse  et  mise  par  terre  afin  que  elle  ne  leur 
portast  point  de  dommage,  et  avoit  dedens  le  fort  de  Dal- 
quest mis  messires  Guillaumes  de  Douglas  bons  compai- 
gnons  et  appers,  et  estoient  environ  XXXVI  bien  pourveu 
d'artillerie  et  de  vivres  pour  yaux  tenir  ung  grant  temps, 
et  avoient  ung  •  capittainne  qui  s'apielloit  Patris  de 
Hocleve,  qui  estoit  bons  hommes  d'armes  et  seurs,  et 
s'armoit  d'argent  et  à  trois  clés  de  sables,  car  par  pluîs- 
seurs  fois  il  fu  à  le  barrière  dou  castel  armés  de  touttes  piè- 
ches,  escarmuchant  as  Englès  bien  et  vassaument,  et  tant 
y  vint  escarmuchier  qu'il  l'en  mésavint  sicomme  vous  orés. 

Li  roys  d'Engleterre  qui  séoit  devant  Dalquest,  ne  s'en 
volloit  nullement  partir  si  euist  pris  le  fortrèche,  et  y  fu 
tout  river  enssuivant.  Dont  il  avint  sur  le  printamps  que 
les  aighes  se  commenchent  à  retraire,  et  plus  une  saison 

*  A  grant  perte.  —  *^  A  messire  Guillaume  de  Douglas.  —  *  '  Fors 
et  bien  édifiés.  —  ^-^  Sy  j  avoit  une  grosse  tour  vossée  qui  ne  doubtoit 
nul  assault  d*engien,  ne  d*aultre  chose.  —  •  Très- bon. 


DE  l'expéditiou  d'écossb.  285 

que  une  autre,  et  que  li  coraige  des  preux  bacelers,  par 
nature,  se  raverdissent  et  refraissent,  adont  se  fist  ungs 
assaus  des  Eoglès  à  chiaux  de  dedans,  grans  et  fiers  et  bien 
ordonnés,  et  ^  avisèrent  li  seigneur  d*EngIeterre  comment 
il  poroient  dëchevoir  che  ehastelain  '.  Bien  savoient  que 
à  tous  les  assaus  que  on  faisoit  il  s'abandonnolt  moult  avant 
et  entendoit  tondis  que  il  peuissent  prendre  et  retenir  des 
plus  grans  del  ost  par  son  advis  que  il  veoit  devant  lui  al 
assault.  Si  âsent  yaux  VIII  des  plus  grans  de  Tost  armer 
VIII  de  leurs  varies  en  leurs  propres  toumiquiaux  et 
parures  d*armes  pour  mieux  veoir,  et  les  fisent  assës  foible- 
ment  accompaignet  de  gens  venir  devant  le  pont  leveis  du 
castiel',et^  ung  hiraut  d*Engleterre  en  une  rice  cote  d*armes 
don  roy  vesti,  proprement  devant  yaux  *,  qui  crioit  à  chiaux 
dedens  :  c  0  Patris  I  Patris  !  regarde  le  belle  aventure 
c  d*armes  qui  vous  vient.  Vechi  ces  seigneurs  barons  d*En- 
c  gleterre  qui  voërent  hier  soir  après  vin  boire  qu*il  vol- 
c  loient  hui  escarmuchier  à  vous  sans  autre  ayde  que  de 
t  yaux  meysmes.  Se  vous  les  poyës  par  biau  fait  d*armes 
t  prendre,  ne  retenir,  vous  y  ariés  bien  de  prouffit  *  mil 
t  florins  ^.»  Et  quand  li  eastelains  oy  ces  paroUes  et  il  reoon- 
gnist  les  armes  au  conte  de  Lancastre,  au  conte  de  Penne- 
brucq,  au  conte  de  Herfort,  au  conte  de  Suflbrch.  au  conte 
de  Warvich,  au  seigneur  de  Persi,  au  seigneur  de  Gresop, 
au  seigneur  de  Neufville  et  au  seigneur  de  Felleton,  et  il 
les  vit  tant  seulement  yaux  VIII  à  rentrée  don  pont,  si 
quida  bien  que  li  biraux  li  dist  vérité  et  qu'il  fuissent  li  venu 
par  voie  de  ven.  Si  dist  à  ses  compaignons  :  «  Seigneur, 
«  qui  troeve  saint  Pierre  i  l'uis,  il  ne  Fa  que  faire  d*aller 

^  *  Si  s'aTÎsèrent  d*un  soutil  tour.  —  '  Et  avoient  fait  une  embase. 
—  '  *  Vng  rallet  vestu  de  riches  parures  en  abii  de  hértnlt,  *-  *^  Cent 
mille  nobles. 


296  SUITE 

«  querre  à  Romme.  Vechy  nostre  recouvi'anche,  se  eur  et 
(£  fortune  est  venue,  pour  tousjours,  mes  plus  vassâument 
(£  ne  nous  poons  nous  combattre,  ne  aventurer  que  à  ces 
c(  nobles  seigneurs  â*Engleterre  qui  nous  en  requièrent.  Il 
<c  en  y  a  tel  IIII  qui  paieroient  CC  mille  florins  sans  yaux 
«  grever.  Avalions  le  pont  et  nous  liastons  d'yaux  com- 
«  battre  et  de  mettre  céens  par  force  d'armes.  Si  ferons 
a  une  des  belles  aventures  qui  avenist  oncques  mes  en 
a  Escoche.  »  Et  chacuns  dist  :  a  Che  soit  fait.  »  Dont  aval- 
lèrent  le  pont  vistement  tous  jus  rés  à  rës  de  terre  et 
ouvrirent  leurs  portes  et  vinrent  de  plain  cours  sur  ces 
variés  qu'il  cuidoient  grans  seigneurs,  liquel  se  commen- 
chiërent  à  deffendre  faintement  et  à  reculer  jusques  à  le 
jointure  dou  pont  et  yaux  laissier  tirer  et  abattre  et  dire  : 
«  Rendés-vous  »  et  respondre  :  «  Non  ferons.  »  Entroes 
qu'il  s'ensonnioient  ainssi,  Englès  qui  estoient  tous  pourveu 
et  avisé  quel  cose  il  dévoient  faire,  vinrent  à  cours  de  che- 
val celle  part  et  montèrent  sour  le  pont  si  efforciement  que 
oncques  puis  ne  s'en  partirent,  et  en  furent  maistre  et 
prisent  Patris  le  cappittainne  ^  et  XVIII  de  ses  compai- 
gnons  *,  et  tuèrent  tous  les  autres  et  entrèrent  en  le  porte 
qui  estoit  toutte  ouverte  et  se  saisirent  dou  castiel  et  en 
rendirent  les  clés  au  roy  englès  qui  en  eult  grant  joie. 

Tout  ainssi  comme  vous  m'avés  oy  compter,  fu  li  cas- 
tiaux  de  Dalquest  pris  ',  et  y  mist  li  roys  englès  garnison 
pour  le  tenir  et  deffendre  contre  tous  hommes  et  le  rafres- 
qui  de  pourvéanches,  puis  s'en  parti  li  roys  et  tout  sen  ost, 
et  s'en  vinrent  en  Haindebouroh,  et  se  loga  li  rois  en  une 
abbéie  de  noirs  moinnes  assés  priés  de  le  ville  que  li  Escot 
avoient  toutte  arse  pour  ce  qu'il  ne  voUoient  point  que  li 

*■■  Et  tous  868  hommes.  —  'Si  entra  le  roi  dedens  luy  rafrescir 
à  grant  joie. 


DE  l'expédition  d*écossb.  297 

Englès  s'i  herbergaissent.  Si  environnèrent  le  castel  qui 
siet  haut  sus  une  roche  de  tous  costés,  et  y  fist  li  roys 
pluiseurs  assaulx  grans  et  fiers  et  mervilleux,  mes  peu  y 
conquist,  car  il  y  avoit  dedans  bonne  bachelerie  qui  bien  le 
defiendoient  à  tous  venans  ^  Lors  eultconsseil  liroys  qu'il 
le  feroit  assaillir  d*enghiens,  enssi  qu'il  fist,  et  fist  II  grans 
enghiens  haus  et  bien  ordonnés  drechier  devant  le  castel 
qui  ouniement  nuit  et  jour  y  jettoient,  et  rompirent  et  débri- 
sièrent  chil  enghien  toute  le  basse-cour.  Enssi  estoientchil 
de  Haindebourch  assailli  et  travillié  des  Englès,  et  li  cou- 
reur et  foureur  d'Engleterre  dont  messires  Guillaumes  de 
Montagut  et  messires  Gantiers  de  Mauny,  qui  nouvelement 
estoit  devenu  chevalier,  estoient  cappitainne,  coururent  le 
plainne  Escoche  bien  souvent  jusques  à  Struvelin  et  jusques 
à  Donfermelin,  mes  noient  ne  trouvèrent  à  fourer,  car  li 
Escot  avoient  yaux  mesmes  destruit  et  ars  tout  leur  plain 
pays  et  retret  le  leur  et  leurs  bestes  ens  es  foriests,  et  euissent 
eu  li  Englès  moult  de  malaise  et  de  povreté  de  faminne,  se  il 
ne  leur  fuissent  venu  vivre  par  mer,  mes  il  leur  en  venoit 
d'Engleterre  assés  et  par  raison  qui  grandement  recomfor- 
toient  leur  ost.  Or  lairons  ung  peu  à  parler  des  gherres  del 
royaumme  d'Escoche  et  parlerons  des  avenues  de  Franche. 


Vous  avés  bien  oy  chy  devant  dire  et  recorder  le  trespas 
dou  roy  Charlon  de  Franche,  et  comment  li  pers  et  li  hault 
baron  del  royaumme  de  Franche  eslisirent  et  couronnèrent 
à  roy  Phelippe,  fil  jadis  au  conte  de  Vallois,  et  sachiés  que 
à  celle  élection  faire  messires  Robiers  d'Artois  ses  serourges 
qui  adont  estoit  li  ungs  des  plus  grans  et  mieux  oy  en  par- 
lement del  royaumme  de  Franche  *,  y  mist  et  rendi  grant 

*  Et  aussy  le  chaatel  estoit  durement  fors.  —  *  Car  il  estoit  moult 
ojs  et  creus  ou  rojalme  et  de  grant  linage. 


S98  ROBERT  o'aRTCMS 

painne.  Et  apriës  che  que  li  roys  Phelippes  fu  couronna, 
chils  messires  Robiers  fu  toudis,  par  Tespasse  de  trois  ans 
et  plus,  K  plus  espëciaux  et  grans  mestres  de  son  consseil, 
car  par  lui  estoit  tout  fait  et  sans  lui  n*estoit  riens  fait.  Or 
aTint  apriës  que  ^  li  rois  Phelippes  emprist  et  aqueilla  che 
messire  Robieft  en  si  grant  hainne  en  Toquisson  d*un  plait 
qui  esmeu  estoit  devant  le  roj,  dont  la  conte  d'Artois  estoit 
cause,  laquelle  conté  messire  Robiers  callengoit  et  deman- 
doit  contre  le  duc  de  Bourgoigne  et  le  devoit  avoir  gaignié 
par  le  vertu  d*ttne  lettre  qui  n*estoit  mie  bien  vraie  sicomme 
on  disoit.  A  tout  le  mains  il  en  fu  amis  et  li  rois  contre  lui  si 
dur  enfourmés  que  s*il  Teuist  tenu,  en  son  ajr,  soudaine- 
ment '  il  Teuist  dëshonncré  dou  corps  '.  Et  comment  que  li 
dis  messires  Robers  d* Artois  fust  ^  li  plus  prochains  del 
linaige  a  tous  les  bauls  barons  de  Franche  ^  et  serourges 
au  dist  roy,  se  li  convint  il  wuidier  Franche  et  en  fu  banis 
publicquement  et  se  terre  saisie,  et  si  doi  fil  pris  et  empri- 
sonnet,  qui  nepveult  estoient  au  roy,  et  jura  que  jammès  il 
n'isteroient  de  prison,  lequel  siermcnt  il  tint  moult  bien  tant 
qu'il  vesqui. 

Quant  messires  Robiers  d'Artois  se  vit* en  ce  parti  ^,  s'i! 
fu  courouchiés  et  esbahis,  il  ne  fet  mies  à  demander.  I! 
wuida  le  royaumme  au  plus  tost  qu'il  peult  et  s'en  vint  en 
Haynnau  deviers  le  conte  Guillaume  qui  adont  rëgnoit  et  s»> 
tenoit  en  l'ostel  de  Hollandes  à  Valenchiennes,  '  maladieu» 
et  travilliés  par  heures  de  gouttes  *.  Si  recoida  au  conte 
sen  avenue  **  et  comment  li  rois  de  France  Tavoit  aqueillet 
en  grant  hainne  ".  Si  l'en  demanda  à  avoir  consseil.  Li 

*  Par  eoTie  et  hajnne  d*auctiDS  et  faalx  rapora  ~  *  >  Il  TeuUt  fait 
morir.  —  *-•  De  grant  lignage.  —  '^  Ainsi  décachiés.  —  ••  Qui  giêoit 
«u  %ou  Ut.  maUulea  de  gouttes.  —  *^**  Et  le  graat  iiajrnne  où  le  roj 
TaToit  prinaà  tort. 


SE  RETIRE  EU  AlfOLITEERI.  S89 

contes  de  Haynnau  qui  ses  serourges  estoit  (car  il  avoient 
doi  serours  espousées),  fu  durement  esmervilliés  de  ces  nou- 
velles et  li  dist  que  vollentiers  pour  Tamour  de  lui  il  envoie- 
roit  deviers  le  roy  de  Franche  et  H  aideroit  i  faire  sa  pais. 
Si  enipria  monseigneur  Jehan  de  Hajmiau  son  frère  et 
révesque  de  Cambrai  qui  estoit  pour  le  temps,  que  il  y  toI- 
sisseiit  aller.  Cil  li  accordèrent  vollentiers  et  Tinrent  en 
Franche  deviers  le  roy,  pourveu  et  avisé  de  lettres  de  par 
le  conte  de  Haynnau  et  de  biel  langaige  pour  excuser  le  dist 
monseigneur  Robert,  en  lui  priant  que  il  lui  volsi^t  par- 
donner son  mautalent  et  li  rendre  ses  enfans  et  sa  terre  ^ 
Mes  li  roys  ni  volt  oncques  de  rien  entendre,  ains  manda 
au  conte  de  Haynnau  par  monseigneur  Jehan  de  Haynnau 
son  frère,  que  se  il  soustenoit,  ne  tenoit,  ne  confortoit  en 
riens  le  dist  messire  Robert,  il  n*aroit  pieur  ennemit,  ne 
plus  grant  de  lui  ',  ^  de  quoy  li  contes  de  Haynnau  fu  moult 
courouchié,  quant  il  oy  ces  nouvelles  *  et  si  fort  mandement 
dou  roy,  et  s*en  conseilla  as  plusieurs  grans  barons  de  son 
pays  ce  qu*il  en  estoit  bon  à  faire  ;  car  il  amoit  durement  le 
dist  monseigneur  Robert  et  bien  disoit  que  se  il  fuist  hetiës 
et  que  il  peuist  chevauchier,  *  il  lui  cuideroit  bien  faire  se 
pès  avoecq  Tayde  dou  duc  de  Braibant  *.  Dont  dissent  li 
baron  de  Haynnau  que  il  n*avoit  que  faire  d*entrer  en 
haynne,  ne  mettre  son  pays  en  guerre  contre  le  roy  de. 
Franche  pour  messire  Robert  d'Artois  ;  mais  se  il  le  volloit 
aidier  et  conforter  de  mise  secrètement,  faire  le  pooit,  et 
le  laissast  pourcàcher  et  querre  amis  là  où  bon  li  sambleroit, 
car  il  avoit  bien  des  plus  prochains  qu*il  ne  li  fust.  Li  contes 

*  Que  sans  cause  il  empeschoit.  —  '  Ne  aultre  reiponsae  oe  peurent 
avoir.  —  ''^  Dont  revinrent  et  rapportèrent  la  response  qne  ojre  av^, 
devers  le  comte  qui  moult  en  fa  ooiirouchi^s.  —  *-*  Qu'il  l*en  peiaat 
moult  acertes. 


SOO  ROBERT   d'aRTOIS 

crnt  ce  consseil  et  fist  délivrer  à  messire  Robert  secrète- 
ment VI**  vies  escas  pour  payer  ses  frës  et  H  donna  draps, 
chevaux  et  jeuiaux  au  départir  ^  et  le  recommanda  à  Dieu  '; 
et  8*en  vint  adont  li  dis  messires  Robiers  d* Artois  à  Namur 
voir  sa  soer  la  contesse  de  Namur  et  le  jovëne  conte  Jehan 
de  Namur,  son  nepveult  et  les  autres,  Guillaume,  Robert  et 
Loeis,  qui  estoient  adont  moult  jone  damoisel.  Sa  serour  le 
rechupt  â  joie  et  li  fist  feste  ce  qu'elle  peult  ;  che  ne  fu  nient 
longement,  car  li  roys  de  Franche  y  mist  remède. 

Quant  li  rois  Phelippes  oy  dire  que  messires  Robiers 
d'Artois  se  tenoit  à  Namur  dalés  le  jovëne  conte  son  nep- 
veult, si  en  fu  courouchiés  et  manda  et  commanda  outrée- 
meut  et  trës-spécialement  au  conte  que,  se  il  ne  li  faisoit 
wuidier  sa  terre,  il  le  courouceroit  hastéement  et  li  torroit 
tout  ce  que  il  tenoit  de  lui  en  Franche  et  li  feroit  ardoir  et 
courir  son  pays  de  ses  voysins  meysraes.  *  Quant  li  jovënes 
contes  de  Namur  et  ses  conssaulx  oirent  che,  si  ne  vorent 
pas  courouchier  le  roy  et  obéirent  à  ses  mandemens  *.  Lors 
se  parti  messires  Robers  et  s'en  vint  en  Braibant  deviers  lo 
duc  Jehan  son  cousin,  qui  lors  se  tenoit  *  à  le  Lewoire  *  et 
qui  le  rechupt  à  joie,  à  qui  messires  Robiers  d'Artois  dist 
toutte  sen  aventure  et  comment  li  roys  le  décachoit  et 
faisoit  décachier  de  pays  en  pays,  et  ne  savoit  mes  où  aMer, 
s'il  li  falloit.  Dont  li  dist  li  ducs  de  Braibant  :  t  Biaux  cou- 
t  sins,  ne  vous  '  esbahissiés  de  riens  •,  car  j'ai  terre  et  rai?^ 
€  assés  pour  vous  conforter,  ne  je  ne  sui  de  riens  tenu  de 

•  •  Et  lui  diftt  qu'il  cjuist  amis,  et  tousjoura  il  le  confoi-teroit  secrèt*»- 
ment.  Dont  le  commftndft  à  Dieu,  et  mesftirc  Rubei-t  bo  party  atout  le 
wi^  et  d*aatres  riches  jojaux  qui  donné  lui  furent  par  le  contesse  f  t 
par  anltres.  —  **  Ainsi  n'eult  le  conte  point  de  conseil ,  ne  harleroent 
de  luy  aoosteniryCar  il  n*OK)it  conrronchier  le  roy  de  qui  il  tenoit  grant 
terre  en  France   —  •  •  Le  Vure.  —  ^  •  Ne  voua  eamaiés  point. 


SE  RETIRE  EM  ANGLETERRE.  301 

t  obéir  au  roy  de  Franche.  Si  vous  tenés  dallés  moy,  *  et 
t  je  regarderay  et  pensseray  à  vos  besoingnes  *.  » 

Ces  paroUes  et  autres,  avoeeq  le  fet  que  ii  dus  de  Brai- 
bant  ii  offri,  pleurent  moult  à  monseigneur  Robiert  d'Artois, 
et  se  tint  dallés  le  duc  ung  grant  temps.  Quant  ii  roy  s  de 
France  le  seut,  si  fu  moult  courouchiet  et  manda  au  duc  de 
Braibant  que,  se  bien  lost  il  ne  le  mettoit  hors  de  se  terre,  il 
le  couroucheroit.  Li  dus  de  Braibant  ne  fist  compte  de  ces 
menaces  et  remanda  au  roy  par  ses  messagiers  meysmes 
que  messires  Robiers  d'Artois  estoit  ses  cousins  bien  pro- 
chains et  ung  des  plus  nobles  de  sancq  du  monde  :  si  le 
devoit  aidier  et  conforter  par  linage,  et  encoires  li  man- 
doit-il  que  il  ne  créoit  mies  que  messires  Robiers  d'Artois 
euist  coupe  nulle  à  ce  dont  il  l'amettoit  et  que  il  faisoit  mal 
et  péchiet  ^  quant  ainssi  pour  amise  il  le  déshonneroit  et 
tolloit  son  hiretaige  ^.  Li  rois  de  Franche  ces  parolles  et 
autres  tint  en  grant  despit  et  ^  regarda  *  comment  il  polroit 
constraindre  le  duc  de  Braibant,  et  acquist  et  pourcacha  en 
l'empire  grans  amis,_tels  que  le  roy  de  Behaigne,  l'^vesque 
de  Liège,  messire  Ayoul  de  le  Marce  qui  estoit  évesque 
pour  le  temps,  li  arcevesque  de  Couloingne,  li  arcevesque 
'  de  Maience  *,  li  duc  de  Guéries,  li  marchis  de  Jullers,  le 
conte  de  le  Marche,  le  conte  des  Mons,  le  seigneur  de 
Fauquemont,  messire  Ernoul  de  Bakehen  '  et  pluiseurs 
autres  ^®,  "  et  leur  donna  "  grant  or  et  grant  argent  afin 
que  il  volsissent  deffyer  le  duc  de  Braibant  et  le  guerryer, 
et  ^'  il  s'i  asen tirent  "  parmy  les  grans  dons  qu'il  en  eurent. 
Encoires  y  vot  mettre  et  bouter  li  roys  le  jovène  conte  de 

*-•  Et  par  moy  vous  serés  réconfortés.  —  *'*  Que  ainsi  le  décachoit 
et  ostoit  son  héritage.  —  » •  Et  advisa.  —  ^ •  De  Trêves.  —  •*•  Et 
moult  d  autres  grans  seigneurs  en  l'empire.  —  **'*  Si  donna  à  plu- 
sieurs. —  "  **  Il  lui  accordèrent. 


SOI  mOMRT  D'utTOtt 

Namor,  mais  il  s'en  excusa  bellement  et  dist  qu'il  senrîroit 
le  roy  de  France  en  toutes  autres  ^  manières  *,  fors  en  ceste. 

Quant  li  ducs  de  Braibant  07  recorder  les  aliances  que  li 
rois  de  France  ponrcachoit  et  acquécoit  contre  lui,  *  si  se 
doubta  que  trop  grans  maux  ne  l'enpresist  ^,  et  envoya  cou- 
tertement  monseigneur  Robiert  d'Artois  ens  ou  castiel 
d*Argentoel  lui  tenir  tant  que  li  rois  l'euist  oublyet  et  pour 
savoir  comment  li  roys  se  voroit  maintenir.  Si  se  tint  là 
messires  Robiers  d'Artois  ens  ou  castel  d'Argentoel,  et  li 
faisoit  li  ducs  de  Braibant  faire  ses  despens  et  le  pounëoit 
de  tout  ce  qu'il  li  besougnoit.  Nientmains  li  roys  de  Fran- 
che ne  le  vot  point  souffrir  et  le  fist  par  les  dessus  dis 
nommés  défiler,  et  entrèrent  tantost  en  son  pa}'s  parmy 
Hasbaing  et  en  allèrent  droit  à  Hannut  *  et  ardirent  *  par 
tl  fois,  demorant  ou  pays  de  Braibant  à  leur  voilentê  tant 
que  bon  leur  sambla.  Et  envoya  eucoires  li  dist  roys  Raoul, 
le  conte  d'Eu,  son  connestable,  a  grant  fuison  de  gens 
d'armes  pour  mieux  remonstrer  ^  que  li  besoingne  estoit 
sienne  *  et  faite  à  son  pourcachier  et  tout  ardant  son  pays. 
*  Li  dus  de  Braibant  accorda  une  trieuwe  au  pourcachier  et 
pryère  le  gentil  conte  de  Haynnau  **,  qui  prist  ''  ceste 
besoigne  "  sour  lui,  parmy  tant  que  li  dus  devoit  mettre 
hors  de  son  pays  le  dict  monseigneur  Robert,  ensi  qu'il  fist; 
mes  che  fu  moult  envis,  car  trop  l'amoit  pour  l'amour  de 
ses  enfaas  qui  lui  estoient  moult  prochains. 

Enssi  ue  se  peult  messires  Robiers  d'Artois  tenir,  ne  en 
France,  ne  en  Fempire.  Si  eult  avis  et  consseil  *'  qu'il  s'en 

*'  Betoognes.  —  '^  Si  se  doubU  durement,  et  ce  fu  point  merveiUe. 
—  ^^  Ardant  et  etsillant  en  pluiseurt  lieux.  —  ^'  Que  la  beaongne 
•ttoit  à  lui.  —  *  '*  A  cet  beiongnea  pourcacha  tant  le  bon  comte  de 
Rainnau ,  que  unea  trieuwea  furent  accorda.  —  **-**  La  chose.  ~ 


SE  RETIRE  EN   ANGLETERRE.  305 

yroit  en  Engleterre  veoir  le  jovène  roy  Édouwart*  et  li  mrt- 
teroit  avant  tel  cose  dont  gaires  ne  se  donnoit  garde^  qui 
moUlt  cousterént  au  royaumme  de  Franche  *.  Si  prist  con- 
giet  au  duc  dé  Braibant  qui  li  fiât  au  partir  délivrer  VI*"  viée 
escus  pour  payer  ses  frès,  et  se  parti  convertem&at  de 
Braibant  et  vint  en  Ânwiers.  Là  entra-il  en  ung  gros  vais- 
siel  et  toute  se  mesnie,  et  fîst  tant  et  nagea  par  mer  qu'il 
ariva  à  ^  Zandvich  ^  en  Engleterre  en  ce  temps  que  li  roys 
englès  estoit  en  Escoce,  enssi  que  vous  avés  oy  chy  devant. 
Quant  messires  Robiers  d'Artois  oy  ces  nouvelles  que  li 
rois  d'Engleterre  estoit  en  Escoce,  qui  gherrioit  là  les  Escos, 
si  n'en  fu  mies  plus  lies.  Nonpourquant  il  prist  ghidespour 
lui  mener  celle  part,  et  se  parti  de  Zandvich  o  toutte  se 
routte  et  prist  Tadrèce  pour  venir  vers  Stanfort  et  vers  Lin- 
colle  et  tout  le  droit  chemin  d'Escoche,  et  passa  ces  villes 
que  je  vous  nomme  et  pluiseurs  autres,  et  vint  à  Dancastre 
et  de  là  à  Yorch  c'en  dist  Ebrevich,  où  la  royne  Phelippe 
d'Engleterre  sa  cousine  et  sa  nièche  estoit  toutte  enchainte 
du  biaus  fil  qui  depuis  fu  nommés  Édouwars  «t  prinches  de 
Galles.  Quant  la  royne  sent  la  venue  de  monseigneur  Robert 
d'Artois  son  oncle,  si  en  eult  grant  joie,  et  le  requeilll  et 
festia  grandement  ensi  que  bien  le  seut  faire  et  le  retint 
dallés  lui  environ  VI  jours.  En  ce  termine  vinrent  cer- 
tainnes  nouvelles  à  le  royne  que  li  roys  ses  maris  avoit  pris 
le  castel  de  Haindeboarch  et  s'estoient  chil  dedens  rendu  au 
roy,  sauve  leurs  vies,  par  les  enghiens  qui  nuit  et  jour  jet- 
toient  à  le  fortrèche.  Ensi  eult  la  royne  double  joie.  Lors  se 
parti  messires  Robiers  d'Artois  et  dist  que  il  voUoit  aller 
deviers  Escoce  et  veoir  le  roy  comment  il  s'i  maintenoit. 
Dont  fist  la  royne  appareillier  grans  gens  d'armes  et  bien 

*■*  Et  lui  remonstrast  toutes  ses  grietés.  —  '  *  Si  le  fist .  dont  il  meut 
celles  choses  qui  moult  côusièreat  âU  HDjalme  de  France. 


304  ROBERT  d' ARTOIS 

CGC  archiers  dont  messires  Henris  de  Biaumont  fu  chiés, 
p^ur  aconduire  le  plus  sauvement  jusques  au  roy  monsei- 
gneur Robiert  son  biel  oncle,  liquels  chemina  et  esploita 
tant  avoecq  se  route  qu*il  vint  à  Bervich  en  Escoche  qui  se 
tenoit  du  parti  le  roy  d'Engleterre,  et  rechurent  chil  qui 
dedens  estoient  par  le  congnissance  qu'il  eurent  de  monsei- 
gneur Henry,  le  dict  monseigneur  Robert  et  touttes  ses 
gens  à  grant  joie,  et  se  rafreschirent  en  Bervich  III  jours. 
Là  eurent-il  nouvelles  que  li  roys  estoit  partis  de  Hainde- 
bourch  et  avoit  mis  grant  garnison  ou  castel  et  en  estoit 
•allés  devant  Struvelin  et  Tavoit  asségiet.  Lors  se  parti  li 
dis  messires  Robiers  d'Artois  de  Bervich  et  chevaucha  à 
esploit  celle  part. 

Tant  esploita  messires  Robiers  que  il  approcha  l'ost  le 
roy;  et  quant  il  fu  ensi  que  environ  III  lieuwes  englesces 
pries,  messires  Henris  de  Biaumont  qui  le  conduisoit,  che- 
vaucha devant  et  vint  deviers  le  roy  et  li  dist  les  nouvelles 
de  monseigneur  Robiert  qui  venoit,  liquels  roys.  fu  moult 
lies  et  fist  monter  aucuns  de  ses  barons  et  venir  contre  lui 
et  ramenèrent  tout  parlant  et  devisant  en  l'ost  et  eu  le  tente 
dou  roy  qui  vint  contre  li  bien  avant  et  le  festia  grandement 
et  li  demanda  :  a  Biaux  cousins  et  oncles,  quels  besoingnes 
a  vous  amainnent  maintenant  en  ce  pays  ?»  —  «  El  non 
a  Dieu,  sire,  dist  messires  Robers,  vous  le  sarés,  car  c'est 
«  raison.  »  Adont  li  compta-il  *  toutte  se  fôrtunne  *  et  sen 
aventure  et  comment  li  roys  Phelippes,  cui  il  avoit  fait  tant 
de  biens,  li  avoit  tollut  sa  terre  et  emprisonnet  ses  II  fieus 
Jehan  et  Carie  et  banni  publicquement  du  royaumme  de 
Franche  ;  plus  avant  il  ne  le  laioit  en  nulle  place  delà  le 
mer  demeurer,  *  ne  il  n'estoit  ^  contes  de  Haynnau,  ne  dus  de 

•  •  Toute  aon  infortune.  —  •**  Ne  il  n'aToit  si  bon  amy. 


SB  RETIRE  EN   ANGLETERRE.  SUS 

Braibant,  ue  contes  de  Namur,  ne  autres  sires  qui  pour  le 
doubtance  dou  roy  de  France  le  peuist,  ne  osast  conforter, 
ne  tenir  dalés  li.  De  ces  parolles  et  de  pluiseurs  autres 
que  messires  Robiers  li  recorda,  fu  II  rois  moult  esmer- 
villiés.  SI  reconforta  le  dict  monseigneur  Robert  et  li 
dist  :  c(  Biaux  oncles,  nous  avons  assés  pour  nous  et  pour 
(c  vous.  ^  Ne  vous  sousyés,  ne  esbahissiés  de  riens  *,  car 
(c  se  li  royamme  de  France  vous  est  petis,  li  royaumme 
(c  d*Engleterre  vous  sera  grans  assés.  »  —  a  Monsei- 
«  gneur,  che  dist  messires  Robiers,  toutte  men  espérance 
c(  gist  en  Dieu  et  en  vous,  et  ^  me  confiesse  chi  que  à 
c(  tort  et  à  péchiet  je  consenti  jadis  vostre  déshiretance 
ce  et  *  fis  en  partie  celui  roy  dou  noble  royaumme  de  Fran- 
ce che  *  qui  nul  gret  ne  m'en  set  et  qui  pas  n'y  a  si  grant 
«  droit  comme  vous  avés.  Car  par  droit  et  par  proïsmetet 
<c  de  le  succession  monseigneur  Carlon,  roy  de  Franche, 
«  vostre  oncle,  vous  deveriés  tenir  Thiretage  et  en  estes  sans 
«  cause  eslongiés  ;  car  cils  qui  Test,  estoit  pins  lointains  de 
«  vous  ung  point,  il  n'estoit  que  cousins  germains  et  vous 
(C  nepveux.  »  De  ces  parolles  fu  li  rois  tous  pensieux  et 
touttesfois  il  les  oy  voUentiers  ;  mes,  tant  qu*adont,  il  n*en  flst 
*mies  trop  grant  compte  ',  'car  bien  savoitqu*ilyretouroit 
quant  il  vouroit  '.  Si  âst  le  dict  messire  Robert  pourveyr 
de  logeis  et  de  toutte  ordonnanche  qu'il  li  appertenoit. 

Sec.  réd.  *°—  Li  homs  del  monde  qui  plus  aida  le  roy  Phelippe 
à  parvenir  à  le  couronne  de  France  et  à  Féritage,  ce  fu  messires 
Robcrs  d'Artois,  qui  estoit  11  uns  des  plus  haus  barons  de 

*  •  Ne  V0U8  esmaiës  en  riens.  —  •  A  vous.  —  ♦*•  Et  fia  poor  celui 
roy  plus  que  nuls.  —  *-^  Nul  samblant.  —  ***  Car  à  ce  convenoit  grant 
conseil,  et  ot  advis  de  le  laissier  pour  Teure  ensy. —  *^  Dans  la  seconde 
rédaction,  TarriTée  de  Robert  d'Artois  en  Angleterre,  précède  le  départ 
d'Edouard  III  pour  TÉcoase. 

I.  ^  nOISSAIT.  io 


506  ROBERT  d'aRTOIS 

France  le  niieo»  linagiéav  et  estraîs  de»  rojaus,  et  avoit  à 
fem^ie  la  fereur  germainne  doudit  roj  Pbelippe,  et  avoit 
toutdid  e«t^  s^a  plusi  espéciaulsi  compains  et  amis  en  tous 
estas  ;  et  în  bien  Tespasse  de  III  ans  que  en  France  estoit 
tout  fait  par  lui  et  sans  lui  ^'estoit  rien»  fait.  Apriès  avint 
que  li  rois  Phelippes  emprist  et  acueilla  ce  monsigneur  Robert 
d'Artois  en  si  grant  bajne,  (en  Tocquison  d'un  plait  qui  esmeus 
estoit  devant  lui,  dont  la  conté  d'Artois  estoit  cause,  que  li 
dis  messires  Robers  voloit  avoir  gaagnié ,  par  le  vertu  d'une 
lettre  que  messires  Robers  mist  avant ,  qui  n'estoit  mies  bien 
vraie,  sicom  on  dîsoit),  que  se  li  dis  rois  Feuist  tenu  en  son 
*  aïr  •  il  Feuist  fait  morir  sans  nul  remède.  Et  comment  que  li 
dis  messires  Robers  fust  11  plus  proçains  de  linage  et  d'amour 
à  tous  les  hauls  barons  de  France  et  serourges  audit  roj ,  si 
li  convint-U  vuidier  France  et  venir  à  Namur  dalés  le  joue 
conte  Jeban  son  neveu  et  ses  frères,  qui  estoient  enfant  de  sa 
sereur.  Quant  il  fu  partis  de  France  et  li  rois  vei  que  il  no 
le  poroit  tenir,  pour  miex  monstrer  que  la  besongne  li  tou- 
cboit,  il  âst  prendre  sa  suer,  qui  estoit  femme  audit  monsi- 
gneur Robert,  et  ses  II  fils  ses  neveus  Jehan  et  Charle,  et  les 
fist  mettre  en  prison  bien  estroitement,  et  jura  que  jamais  n'en 
isteroient  tant  qu'il  viveroit;  et  bien  tint  ce  sierement,  car 
onques  depuis,  pour  personne  qui  lui  en  parlast,  il  n'en  vui- 
dièrent,  dont  il  en  fu  depuis  moult  blasmés  en  derrière. 

Quant  li  dis  rois  de  France  sceut  de  certain  et  fu  enfourmés 
que  li  dis  messires  Rober»  d'Artois  estoit  arrestés  à  Namur 
dalés  sa  sereur  et  ses  neveus,  il  en  fu  moult  courouciés  ,  et 
en^voia  oaudement  devers  Févesque  Aoul  de  Liège ,  en  prmnt 
qu'il  deffiast  et  guerriast  le  conte  de  Namur,  se  il  no  mettait 
»  huers  de  son  pays  *  monsigneur  Robert  d'Artois.  Cils  cvcsqacs 
qui  moult  amoit  le  roy  de  France  et  qui  petit  amiroit  ses  voi- 
sins, manda  au  jone  conte  de  Namur  que  il  mesist  *  en  sus 
de  lui  ^   son   oncle   monsigneur  Robert  d'Artois,  aultrement 

^  •  Ire.  —  '*  En  sus  «le  lui...  hors  de  sa  compaignîo.  —  ^^  Hors  de 
son  païs  et  de  sa  terre. 


SE  RETIHE  EN  ANeLETERRE.  SOT 

il  li  feroit  guerre.  Li  contes  de  Namiir  fn  si  eonmlliég  que  il 
mist  hors  de  sa  terre  son  oncle,  œ  fa  mo«ilt  aénri»,  mais 
.  faire  h  convenoit  ou  pis  attendre.  Quant  messires  Robei'S 
d'Artois  se  vei  en  ce  parti ,  si  fa  moult  angousseas  de  çoer 
et  se  arlsa  que  il  iroit  en  Braibant,  pour  tant  que  U  dosi  ses 
cousins  estoit  si  poissans  que  bien  le  soustenroit  :  si  vint 
devers  le  duch  son  cousin,  qui  le  reçut  moult  liemeAt  et  le 
reconforta  *  de  ses  destourbiers.  Li  rois  le  sceui ,  si  enroia 
tantost  messages  audit  duch,  et  li  manda  que  ee  il  le  senste- 
noit  ou  soufiroit  à  demorer,  ne  à,  repairier  en  sa  terre  monsi- 
gnour  Robert  d'Artois ,  il  n'aroit  pieur  ennemit  de  Iti  et  le 
gréveroit  et  porteroit  damage  en  toutes  les  guises  qa'il  poroit. 
Li  dus  ne  le  volt  ou  n  osa  plus  soustenir  ouTert^nent  en  son 
*  pooir  *,  pour  doubtance  que  de  avoir  et  acquerre  1»  hayne 
doudit  roj  de  France;  ains  Tenvoia  couvertement  tenir  en 
Argentoel  jusques  atant  que  on  verroit  comme&t  11  rois  s'en 
maintenroit.  Li  rois  le  sceut,  qui  partout  avoit  ses  espies,  s'en 
eut  grant  despit,  si  pourçaça  tant,  en  moult  brief  temps  ^,  que 
li  rois  de  Behagne  qui  estoit  cousins  germains  audit  dac,  li 
évosques  de  Liège,  li  arcevesques  de  Coalcmgne,  li  das  de 
Guéries,  li  marchis  de  Jullers,  li  contes  de  Bar,  li  contes  de 
Los,  li  sires  de  Faukemont  et  pluiseur  aultre  signeur  furent 
tout  allojet  contre  ledit  duch  et  le  deffjèrent  tout  au  pour- 
cach  et  requeste  del  dessusdit  roj.  Et  entrèrent  tantost  en 
son  pays  parmi  Hesbaing  et  en  alèrent  droit  à  Hanut,  et 
ardirent  tout  à  leur  volenté  par  II  fois,  eols  demorant  ens  ou 
pays  tant  que  bon  leur  sambla ,  et  envoia  avoech  yaus  li  dis 
rois  le  conte  d'Eu  son  connestable,  atout  grant  compagnie  de 
gens  d'armes ,  pour  miex  monstrer  que  la  besogue  estoit 
sienne  et  faite  à  son  pourcach  ;  et  tout  ardoient  son  pays. 
Si  en  convint  le  conte  Guillaume  de  Haynau  ensonnyer,  et 
envoia  madame  sa  femme,  sereur  au  roy  Phelippe,  et  le  lôgneur 
de  Byaumont  son  frère  en  France  pardevers  ledit  roy  poar 

*  Assës.  —  *'  Païs.  —  *  Par  son  or  et  par  son  argent. 


308  ROBERT  D*ART018 

impétror  une  souffrance  et  une  trièwe  de  lui  d'une  part,  et 
dou  duch  de  Braibant  d*autre  part.  Trop  aenvis  et  à  dur  j 
descendi  li  rois  de  France,  tant  avoit-il  pria  la  cose  en  grant 
despit  :  toutesfois ,  à  le  pryère  dou  conte  de  Hajnan  aon 
serourge,  li  rois  s'umelia  et  donna  et  acorda  triewes  au  dndi 
de  Braibant,  parmi  tant  que  li  dus  se  mist  dou  tout  ou  dit  et 
en  Fordenance  dou  propre  roy  de  France  et  de  son  conseil^ 
de  tout  ce  qu'il  avoit  à  faire  au  roj  et  à  cascun  de  ces  signeors 
qui  deffjet  Tavoient,  et  devoit  mettre,  dedens  un  certain  jour 
qui  nommés  y  estoit,  monsigneur  Robert  d* Artois  hors  de  sa 
terre  et  de  son  pooir,  sicom  il  fist  moult  aenuis,  mais  faire  li 
convint,  ou  autrement  il  euist  eu  trop  forte  guerre  de  tous 
costés,  sicom  il  estoit  apparans. 

Ce  terme  pendant  <,  vint  messires  Robers  d'Artois  en  Engle- 
terre,  à  guise  de  marchcant,  qui  estoit  decaciés  dou  roj  Phe- 
lippo  de  France,  sicom  vous  avés  oy,  et  li  avoit  li  dus  de 
Braibant  ses  cousins  consilliet  qu'il  se  traisist  celle  part,  ou 
cas  qu'il  ne  pooit  nulle  part  demorer  paisieulcment  en  France, 
ne  en  Tempire.  Si  le  rechut  li  jones  rois  englès  liement  et  le 
retint  volentiers  dalés  lui  et  de  son  conseil,  \3t  li  assegna  le 
conté  de  Ricemont  qui  avoit  esté  ses  '  ancisseurs  *. 

Li  rois  asséga  Ber>ich...  Cil  de  Bervich  envoyèrent  trettier 
par  devers  le  roy..,  et  ossi  messires  Robers  d^ Artois  y  rendî 
grant  painne ,  qui  avoit  esté  en  ces  chevaucies  toutdis  avoech 
lui,  et  qui  li  avoit  jà  dit  et  démonstréf  par  pluiseurs  clères  voies, 
com  procains  il  estoit  de  le  couronne  de  France,  dont  il  se  devoit 
tenir  hiretiers,  par  le  succession  de  monsigneur  Charlon  le  roy, 
son  oncle,  daarrainnement  trespasset.  Si  eust  veu  volentiers 
li  dis  messires  Robers,  que  li  roi  englès  esmeuist  guerre  as 

'  Dans  la  seconde  rédaction,  qui  place  à  une  date  antérieure  à  c«lle 
àan  autres  manutcrits  la  présence  de  Robert  d^Artoia  en  Angletem*, 
ces  mots  :  ce  terme  pendant  a*apptiquent  à  Tépoque  où  Edouard  III 
réunit  Ih  ParK'Oient  pour  dêlitiéntr  «ur  la  puerre  contre  loa  Koossais. 
—  15  Devanciers. 


SE   RETIRE   EN   ANGLETERRE.  309 

François,  pour  lui  contrevengier  des  despis  que  on  li  avoit  fais, 
et  que  li  rois  englès  se  fust  partis  d'Escoce,  à  quel  m'eschief 
que  ce  fust,  et  retrais  vers  Londres,  siques  ces  parolles  et  plui- 
seurs  aultres  enclinèrent  grandement  le  roy  à  cou  que  cils  tret- 
tiés  de  Bervich  se  passa.  * 

Quatr.  réd.  —  Li  hommes  del  monde  qui  plus  aida  le  roi 
Phelippe  à  parvenir  à  la  couronne  de  France  et  à  Tiretage,  ce 
fu  messires  Robers  d'Artois,  qui  estoit  li  uns  des  plus  hauts 
barons  de  France,  et  le  mieuls  enlinagiés  et  estrais  et  descen- 
dus des  roiauls,  et  avoit  à  femme  la  serour  germaine  dou  dit 
roi  Phelippe  et  avoit  toutdis  esté  ses  plus  espéciauls  compains 
et  amis  en  tous  estas,  et  fu  bien  par  Tëspace  de  trois  ans  que 
en  France  n'estoit  rien  fait  sans  11  et  par  li  estoit  tout  fait. 
Avint  que  li  rois  Phelippes  emprist  et  aquellia  ce  messire 
Robert  d'Artois  en  si  grant  haine  en  Toquison  d'un  plait  qui 
esmeus  estoit  en  parlement  à  Paris,  dont  la  conté  d'Artois 
estoit  cause,  laquelle  conté  messires  Robers  d'Artois  proposoit  et 
calcngeoit  comme  sienne,  car  il  en  venoit  d'estraction,  mais  la 
maie  roine  de  France,  femme  au  roi  Phelippe,  aidoit  trop  fort 
son  averse  partie  et  tant  que  elle  li  monstra  et  prouva  mervil- 
leusement  à  fausse  une  lettre,  laquelle  li  dis  messires  Robers 
d'Artois  mist  avant  et  s'en  voloit  aidier,  et  fu  celle  lettre  con- 
dampnée  en  parlement  à  Paris,  et  une  damoiselle  d'Artois, 
arse,  que  on  clamoit  la  damoiselle  Divyon,  et  messires  Robers 
d'Artois  jugiés  à  morir  honteusement  se  on  l'euist  tenu,  ne 
onques  li  rois  Phelippes  ne  le  volt  sousporter,  tant  fu-il  dur 
enfourmés  contre  li,  et  tout  par  la  roine  de  France  ;  et  convint 
ledit  messire  Robert  soudalnnément  laissier  femme  et  enfans 
desquels  li  rois  de  France  estoit  oncles,  et  partir  dou  rôiaulme 
et  venir  en  l'empire,  et  se  tint  à  Namur  un  petit  de  temps,  car 
la  contesse  estoit  sa  serour,  et  do  là  il  vint  en  Braibant,  et  le 

*  Ces  douze  dernières  lignes  se  trouvent  placées  dans  la  seconde 
rédaction  à  Tendroit  du  texte  qui  correspond  à  l'avant-demière  ligne 
de  la  page  274  ci-dessus. 


310  ROBERT  D* ARTOIS 

qnida  li  dus  de  Braibant  s^sier  au  roi  de  Franoe,  mais  il  ne 
fenU  Adont  vint-il  en  Hainnau,  car  11  contes  et  li  avoient  deus 
^rours  espousees.  Li  contes  se  mist  en  painne  de  remettre  à  paix 
messire  Robert  d'Artois  au  roi  de  France,  et  i  envoia  sa  femme, 
qui  serour  estoit  dou  roi  Phelippe,  et  messire  Jehan  de  Hainnau, 
son  frère  ;  mais  il  retournèrent  sans  riens  faire.  Et  fit  mettre  li 
rois  Phelippes  en  prison  sa  serour  la  femme  à  messire  Robert 
et  ses  enfans ,  Jeban  et  Carie,  et  jura  que  jamais  de  là  il  ne 
partiroient  tant  que  il  viverdt.  H  tient  bien  son  sainement,  si 
en  fu-il  blâmés  en  derrière  de  pluisseurs  barons  de  Franoe. 
Nequedent  tousjours  persévéra  li  rois  en  sa  durté. 

Quant  messires  Robiers  d'Artois  se  vei  ensi  aquelliés  dou  roi 
Pheli^^e  et  de  ia  roine  et  que  À  la  prjère  dou  duch  de  Braibant, 
dou  conte  de  Hainnau  et  dou  conte  de  Blois,  il  ne  pooit  venir  à 
paix,  et  estoient  sa  femme  et  si  enfant  emprisonné,  il  le  deubt 
tenir  et  tourner  à  ^rant  desplaisance ,  car  encores  n'avoit-il 
àe  quoi  ^ivre  se  li  signeur  ne  li  aidoient.  Si  s  avisa,  puisque  ensi 
estoit,  il  honniroit  tout  et  meteroit  tel  trouble  et  descort  en 
France  que  les  traces  1  demorroient  deus  cens  ans  à  venir.  Il 
prist  congiet  au  conte  de  Hainnau  et  à  la  contesse.  Ce  fu  li  dar- 
rains  hostels  adont,  dont  il  se  parti.  Li  contes  qui  li  fut  moult 
amis  et  honnourablee,  et  qui  avoit  grant  pité  de  li,  et  aussi 
avoient  tout  signeur  et  toutes  dames  de  bien,  li  fist  délivrer  et 
baillier  or  et  argent  pour  payer  ses  menus  frès,  car  il  s'en  voloit 
aler  en  Engleterre,  mais  il  s^avisa  que  il  iroit  prendre  congiet 
aussi  au  duch  de  Braibant  qui  moult  Tamoit,  et  li  contes  de 
Hainnau  li  condella.  Si  se  départi  de  Valenchiennes  et  vint  à 
Mons,  et  puis  à  Halle  et  à  Brouselles,  et  là  trouva  le  duch  de 
Braibant.  Se  li  remonstra,  quoique  li  dus  en  sceuist  assés,  toutes 
ses  tribulations.  Li  dus  en  ot  pité  et  li  dist  :  t  Biaus  cousins, 
I  on  TOUS  fait  tort,  et  li  rois  de  France  est  mal  consilliés.  Bien 
I  veons  et  entendons  qu'il  est  aournés  et  parés  de  mauvais  con- 
t  sel  :  se  l'en  pora  bien  mescéir.  Nous  avons  terre  et  païs  assés 
•  pour  vous  tenir  à  rencontre  de  tous  vos  nuisans.  •  De  ces 
4)roumesses  se  resjoï  messires  Robers  d'Artois  et  se  tint  dalés 


SE   RETIRE   EN   ANGLETERRE.  311 

le  duch  de  Braibant,  son  oottsin,  pour  tant  que  il  en  jpensoit 
miettls  à  valoir,  et  que  li  disduâ  (pli  riœa  et  poisaans  estoit,  ie 
deuist  mettre  à  coron  de  tous  ses  incDnyéniens»  mais  non  âst; 
car  la  poissanoe  dou  roi  de  FraiHtô  est  trop  grande  et  avoit  en 
trop  grande  haine  encai^ié  ledit  messire  Robert  d'Artois,  ensi 
que  il  fu  apparans,  car  si  trètos  que  les  nouTelles  furent  venues 
jusques  à  lui,  il  envoia  tantos  lettres  et  messages  deviers  le  duch 
de  Braibant,  et  11  manda  et  commanda  que  il  mesist  hors  de  son 
païs  messire  Eobert  d'Artois,  ou  il  n'aueroit  piour  ennemi  de 
lui.  Quant  li  dus  de  Braibant  oï  ces  menaces,  si  se  commença  à 
doubter,  et  rescripsi  au  roi  que  volentiers  il  feroit  ce  que  il  li 
mandoit,  et  retournèrent  li  message  à  Paris  deviers  le  roi,  et  li 
>)aiilièrent  les  lettres  dou  duch  de  Braibant.  Li  rois  les  ouvri  et 
lissi,  et  se  apaisa  sur  ce  que  il  trouva  dedens.  Li  dus  de  Brai- 
bant se  dissimula  de  ces  premières  lettres  et  quida  le  roi  mener 
par  aultre  voie,  et  presta  à  messiro  Robert  d'Artois  le  chastiel 
d'Argentuel  jusques  à  tant  que  on  veroit  comm^it  li  rois  se 
vodroit  maintenir  de  celle  haine.  Finablement  li  rois  le  sceut, 
qui  partout  avoit  ses  espies  ;  si  se  courouça  si  acertes  à  lui  que 
il  li  monstra,  et  acquist  par  son  or  et  p|ir  son  argent  des  grans 
amis  en  Alemagne,  tels  que  le  conte  de  Guerlles,  le  marchis  de 
Jullers,  Tarcevesque  de  Coulongne,  Farcevesque  de  Trêves, 
révesque  dou  Liège,  le  comte  de  Los  et  le  signeur  de  Fauque- 
mont.  Tout  chil  signeur 'desfyèrent  le  duo  de  Braibant  sus  un 
jour  et  à  une  fois,  et  entrèrent  en  son  paiGs  au  coste  deviers  le 
iJesbain  et  Tardirent,  et  vinrent  jusques^  Hanut  et  demorèrent 
deus  jours.  Cell^  desplaisance  et  ce  contraire  fist  faire  li  rois  de 
France  au  duch  de  Braibant  en  Toquison  de  messire  Robert 
d'Artois.  Quant  li  dus  vei  qu'il  estoit  ensi  guerryés  et  de  tant 
de  signours,  (et  n'i  savoit  comment  pourvoir,  fors  que  par  eslon- 
gier  messire  Robert  d'Artois  de  li  et  de  son  païs),  si  fu  oonsîl- 
liés  à  ce  que  il  diroit  à  messire  Robert  que  il  le  convenoit  partir 
de  li  et  aler  ailleurs  en  Engleterre,  et  que  là  séroit-il  doustenus. 
Messires  Robert,  qui  considéroit  bien  toutes  ces  choses  et  que 
point  ne  venroit  à  paix,  prist  congiet  au  duch  de  Braibant,  et  li 


312  FIN 

dus  le  flst  convoyer  jusques  en  la  ville  d'Anwiers  qui  pour  lors 
estoit  duoée  de  Braibant,  et  li  fist  à  ses  despens  avoir  passage, 
et  entra  li  dis  messires  Robers  en  mer  pour  venir  en  Engleterre. 
Et  quoique  li  dus  de  Braibant  li  euist  ensi  donné  congiet  et  que 
li  rois  de  France  le  sceuist  bien,  se  ne  peut-il,  fors  à  grant 
painne,  venir  à  paix  au  roi  de  France,  et  en  convint  le  conte  de 
Hainnau  ensonnjer,  et  envoia  à  Paris  son  frère  et  la  contesse 
sa  femme,  serour  au  roi  de  France,  pour  apaisier  le  roi  et  le 
duch  de  Braibant  réconciljer  à  lui  à  la  prjère  dou  conte  de 
Hainnau  et  de  la  contesse  et  de  messire  Jehan  de  Hainnau.  Li 
rois  de  France  adouci  son  mautalent,  et  se  mist  de  toutes  ces 
coses  pour  amender  à  sa  pure  volenté  li  dus  de  Braibant  ou 
plaisir  dou  roi  de  France,  et  en  dévoient  estre  disour  et  ordo- 
nour  li  èontes  de  Hainnau  et  messires  Jehans  ses  frères... 

Entrues  que  li  rois  d^Engleterre  estoit  sus  ce  voiage  *,  vint 
deviers  lui  messires  Robers  d'Artois,  ensi  comme  uns  chevaliers 
tous  desconfortés,  et  il  le  savoit  bien  où  prendre.  Li  rois  d'En- 
gleterre  et  la  roine  le  requeillièrent  moult  doucement,  car  il  lor 
estoit  moult  procains  de  linage ,  et  li  dist  li  rois  :  <  Messires 

<  Robers,  biaus  cousins,  nous  avons  assés  pour  nous  et  pour 

<  vous.  Puisque  vostres  amis  de  delà  la  mer  vous  défaillent, 
«  nous  ne  vous  faudrons  point  à  vostre  besoing.  i  Et  messires 
Robers  li  avoit  respondu  et  dit  :  «  Monsigneur,  grant  mcrchis.  • 
Li  intention  dou  roi  et  de  son  consel  estoit  tel  que,  le  roi  retourné 
do  ce  voiage  et  venu  en  la  marcc  de  Londres,  il  li  asigneroit  en 
Engleterre  terre,  rentes  et  revenues  pour  vivre  honnourable- 
ment  et  tenir  son  estât. 

Or  revenrons  au  roy  d*Engleterre  qui  estoit  devant  Struve- 
lingen  Escoche.  Struvelin  est  ungs  castiaux  biaux  et  *  fors, 
séans  sus  une  roche  et  haulte  assés  de  tous  costés,  horsmis 
de  l'un,  et  est  à  XX  lieuwes  de  Haindebourg,  à  XII  de  Don- 

*  Le  voyage  d'Edouard  III  à  Newcastle  pour  envahir  l'Ecosse.  — 
*  Durement. 


DE  l'expédition  D*éCOSSB.  313 

fermeliu  et  à  XXX  lieuwes  de  le  ville  Saint-Jehan,  et  fu 
chils  castianx  anchiennement,  dou  temps  le  roy  Artus  nom- 
més *  Smandon  *,  et  là  revenoient  à  le  fois  li  chevalier  de  le 
Ronde  Table,  sîcomme  il  me  fu  dit  quant  g'i  fui,  car  eus  ou 
castiel  je  reposay  par  III  jours  avoecq  le  roy  David  d'Es- 
coche,  sicomme  je  poray  bien  dire  sour  le  fin  de  ce  livre. 
Et  estoit  li  dis  castiaux,  pour  le  temps  que  j'i  fui,  à  messire 
Robert  de  Verssi,  ung  grant  baron  d'Escoce,  qui  Tavoit 
aidiet  à  reconequerre  sus  les  Englès.  Et  vous  di  que  li  roys 
d'Engleterre,  de  tant  qu'il  y  fust,  y  fist  faire  pluiseurs 
assauts  grans  et  fors, ^  et  chil  de  dedens  se  deffendoient  bien 
et  loyaument  *,  dont  il  anoioit  au  roy  que  tant  se  tenoient  ; 
car  messires  Robiers  d'Artois  li  dîsoit  souvent  :  «  Sire, 
«  laissiés  che  povre  pays.  Que  mau  feu  Tarde  et  entendes  à 
«  vostre  plus  grant  prouffit,  le  noble  couronne  de  Franche 
<f  dont  vous  estes  drois  hoirs  et  de  quoy  on  vous  fait  tort. 
«  Il  n'est  si  grans  périls  que  de  guerryer  povres  gens.  Chi 
«  poés  vous  bien  perdre  et  nient  gaignier.  »  Li  rois  enten- 
dist  voUentiers  à  ses  paroUes  quoyqu'il  poursuîwist  la 
guerre  d'Escoche,  car  il  l'avoit  empris  à  touttô  destruire 
jusques  à  le  Sauvage  Escoche  et  euist  fait  se  chils  seings  ne 
li  fuist  creus.  Endementiers  que  il  séoit  devant  Struvelin, 
nouvelles  li  vinrent  que  la  royne  sa  femme  estoit  acouchée 
d'un  biau  fil,  en  le  chité  de  Ewruich,  et  que  il  y  volsist 
envoyer  certains  messages  et  le  nom  qu'il  porteroit  à  fons. 
Moult  fu  li  rois  joyaux  de  ces  nouvelles  et  *  donna  au  che- 
valier qui  apportées  li  avoit,  C  livres  d'estrelins  et  ung 
biau  courssier  *,  et  envoya  celle  part  messire  Édouwart  de 
Hailloel,  ung  bon  chevalier  qui  le  tint  à  fons  et  contre  qui 
i!  eult  à  nom  Édouwars  le  nom  dou  roy  sen  père,  etfu  puis 

*•*  Smadon.  —  '  *  Qui  pau  lui  valu,  car  elle  estoit  très-bien  et  de 
bonne  gent  deffendue.  —  *'*  Si  fist  riches  les  messagiers. 


314  FIM 

ehils  enfens  prinches  de  Galles  et  très-bons,  hardis  et 
enb^eprendans  clievaliens,  ^  et  qui  durement  et  fièrement 
guerria  tant  qu*il  vesqui  *,  mes  il  mourut  dès  le  vivant  le 
roy  son  père,  ensi  comme  tous  orés  en  ceste  histoire. 

Tant  fu  H  roys  d'Bngleterre  devant  Struvelin  que  li  eas- 
tiaux  fu  ^  si  apressés  ^,  grevés  et  démenés  d*assaus  de  grans 
enghiens  qui  nuit  et  jour  j  jettoient,  que  chil  de  dedens  qui 
loyaument  s'estoient  deffendu  et  tenu,  ne  se  peurent  plus 
tenir  ;  car  il  ne  veoient  apparant  point  de  confort  de  nuls 
oostés,  ne  nulle  aissamblée  des  Escos  qui  se  fesist  pour  com- 
battre le  roy,  ne  lever  le  siège.  Si  tretièrent  ^  une  trieuwe 
deviers  le  roy  à  durer  XV  jours,  et  se  dedens  ces  XV  jours 
autres  confors  ne  leur  apparoit,  il  dévoient  rendre  le  forte- 
rèce  au  roy,  sauve  leurs  corps  et  le  leur.  Li  rois  s*i  accorda 
et  tint  le  trieuwe  bien  et  paisivlement,  mes  oncques  n'ap- 
paru ^  homs  vivans  pour  combattre  les  Englès  ^.  Quant  li 
XV"*  jours  fu  passés,  li  roys  fist  requerre  à  chiaux  dou 
castiel  que  il  tenissent  leur  convent,  et  ossi  fissent-il.  Dont 
se  partirent  ^  dou  castiel  enssi  qu'il  dévoient,  et  euportèrent 
tout  le  leur,  horsmis  les  vitailles  et  le  artillerie  dou  castiel. 
Tout  ce  estoit  réservet  en  le  devise  et  s'en  allèrent  li  Escot 
là  où  bon  leur  sambla,  et  li  roys  prist  le  possession  dou 
castel  de  Struvelin  et  y  raist  bonne  garnison  de  gens  d'armes 
pour  le  garder  et  deffendre. 

Quant  li  roys  d'Engleterre  eut  pris  le  castel  de  Struvelin^ 
*®  et  toute  le  plainne  Escoche  courut  ",  et  pris  et  ars  p!ui- 
seurs  villes  fermées  de  fossés  et  de  palis,  si  demanda  cons- 
seil  à  ses  hommes  comment  il  se  mainteuroit,  car  l'infour- 
mationque  il  avoit  de  monseigneur  Robert  d'Artois  li  tou- 

*  *  Et  fist  en  France  et  ailleurs  moult  de  beaux  fais  d'armes.  — 
'  *  Si  contrains. —  *  Adfin  qu'ils  euésent  \ivres.  —  •'  Confort,  ne  ayde. 
—  •  Paisiblement.  —  •  A  merchy.  —  *°-**  Et  moult  du  pays  d'Escoce 
essiliet  et  gastet. 


DE  L*EXPÉDIT10N  d'ÉCOSSE.  315 

choit  moult,  et  souvent  y  penssoit  et  en  avoit  jà  parle  as 
plus  secrës  de  son  consseil  et  à  ses  plus  prochains  de  linage, 
à  tels  comme  au  conte  de  Lancastre,  au  conte  de  le  Marce, 
au  conte  de  Suffbrch,  au  conte  de  Herfort,  au  conte  de 
Waryich,  au  seigneur  de  Perssi  et  as  pluisseurs  autres.  Là 
endroit  eut  consseil  li  roys  que  il  pourveist  les  fortràces  que 
il  avoit  prises  en  Escoce,  bien  et  souffisamment»  ^  de  bonne 
bachelerie  apperte  et  légière  *  pour  les  tenir  et  garder  contre 
les  Escos,  et  s'en  revinst  arrière  vers  *  le  cite  de  Londres  * 
et  fesist  là  assembler  son  parlement  des  nobles,  des  prëlas 
et  de  ses  bonnes  villes,  et  leur  reraonstrast  ou  fesist  remons- 
trer  sen  intention  et  ce  dont  messires  Robiers  Tavoit 
enfourmet.  Li  roys  s'acorda  à  ce  consseil  et  âst  de  rechief 
pourvoir  et  rafrescir  Bervich,  Dalquest,  Rossebourch,  Don- 
dieu,  Astrebourch,  le  bastide  de  le  Mare,  le  fort  Saint- 
Pierre,  Haindebourch  et  Struvelin,  et  mist  en  chacun  de 
ces  castiaux  grant  fuisson  de  bonnes  gens  d'armes  et  de 
archiers,  et  fist  souverain  de  tous  ces  pays  conçquis  et  de 
touttes  gens  d'armes  ^  messire  Guillaume  de  Montagut  et 
messire  Gautier  de  Mauny  ;  puis  se  desloga  et  parti,  et  s'en 
revint  arrière  vers  Rossebourch  et*  donna  ses  genscongiet, 
et  ^  ordonna  ung  certain  jour  de  parlement  qui  seroit  à 
Londres,  et  pria  et  enjoindi  à  tous  barons,  prélas  et  cheva- 
liers qu'il  y  fuissent  *,  et  chacun  li  eut  en  couvent. 

Tant  s'esploita  li  rois  englès,  aprièsche  que  ses  os  furent 
départi,  qu'il  rapassa  le  royaumme  de  Norhombrelant, 
Urcol,  Persi,  le  Noef-Chastiel-sur^in,  Durem,  ei  s'en  vint 
à  Ewruich.  Si  trouva  la  royne  sa  femme  qui  se  devoit 
dedens  V  jours  relever  de  sagésine.  Là  séjourna  li  rois  tant 

*-*  De  bonne  chevalerie  et  de  bons  archiers.  —  •-*  Londres  sa  bonne 
cité.  —  *  Pour  garder  to:ite  la  marche.  —  •  Là.  —  '••  Et  là  dîst  à  tons 
ceulx  qui  estoient  de  son  conseil  qnMLi  fuissent  &  certain  Jour  à  Londres. 


516  FIN 

que  elle  fu  relevée,  et  y  eut  au  jour  de  se  purification  grand 
feste,  puis  se  parti  li  roys  assës  briefment,  et  la  royne  et 
messires  Robiers  d'Artois  et  tout  leur  arroy,  et  s'en  revint 
arrière  deviers  le  chîté  de  Londres,  et  se  tint  à  Wesraous- 
tier  et  à  Cènes  et  à  Eltem  et  là  environ  Londres,  et  toudis 
messires  Robiers  d'Artois  dallés  lui,  à  qui  il  faisoit  grant 
amour,  et  fist  li  rois  faire  as  Augustins  à  Londres  les  obsè- 
ques et  l'offisce  de  monseigneur  Jehan  de  Eltem,  son  frère, 
qui  nouvellement  estoit  trespassés.  Or  vous  paurons  ung 
peu  des  Escos  et  de  (5hiaux  que  li  roys  englès  avoit  laissiet 
en  Escoche. 

Vous  avés  bien  oy  recorder  chy  devant  comment  à  une 
assamblée  des  Escochois  qui  se  fist  devant  Bervich,  là  où 
li  roys  David  d'Escoce  fu  présens  et  que  venus  y  estoient 
pour  lever  le  siège,  que  point  ne  fissent,  car  il  n'estoient 
mies  fort  pour  le  faire.  Si  ordonnèrent  messire  Guil- 
laumme  de  Douglas  et  le  jovène  conte  de  Moret  à  gher* 
ryer  sus  les  frontières  les  Englès  et  à  héryer  de  ce  qu'il 
poroîent.  De  quoy,  tantost  qu'il  seurent  le  retour  dou  roy 
d'Engleterre,  il  s'asamblèrent  et  commenchièrent  à  courre 
sus  chiaux  que  li  roys  d'Engleterre  avoit  laissiet  ou  pays  et 
leur  portèrent  souvent  pluisseurs  dommaîges.  car  il  con- 
gnissoient  leurs  marches  et  leur  pays.  Si  en  avoient  de  tant 
plus  grant  avantaîge  et  mieux  lieu  de  gheryer,  et  souvent 
resvilloient  les  Englès  et  leur  portoient  dommaige.  Ossi  à 
à  le  fois  il  estoient  cachiet  et  racachiet  moult  avant  ;  mes  li 
Escos  se  tenoient  et  mettoient  en  si  fort  pays  de  mares  et  de 
crolières  et  de  drus  bois,  que  quant  il  estoient  là  retret,  il 
estoient  assés  bien  asseur.  Et  vous  di  que  de  ces  chevau- 
chies  et  puigneis  qui  adont  estoient  et  se  faisoient  en  Esco- 
che, en  avoient  toutte  le  huée  et  le  plus  grant  renommée 
des  Escos  IIII  chevaliers  d'Escoce,  messires  Guillaummes 


DE  l'expédition  d'écosse.  317 

de  Douglas,  messires  Robers  de  Versi,  li  contes  de  Moret, 
messires  Simons  Fresel,  et  de  le  partie  as  Englës,  messires 
Gautiers  de  Mauny  et  messires  Gaillaammes  de  Montagut 
qui  depuis  fu  contes  de  Salebrin  et  eut  madame  Âélis  à 
femme,  qui  en  estoit  hoirs  et  de  se  jonëce  del  ostel  le  royne 
d*Engleterre,  et  li  donna  li  roys  pour  le  bien  et  le  proècbe 
de  lui,  car  en  ces  gherres  il  se  porta  trës-vassamment.  Or 
lairons  à  parler  des  besoingnes  d'Escoche  et  parlerons  dou 
roy  d'Engleterre  et  comment  il  persévéra  sus  le  infourma- 
tion  qu'il  avoit  de  monseigneur  Robert  d'Artois. 

Sec.  réd,  —  Si  s'en  retourna  li  rois  vers  Londres  et 
donna  à  toutes  manières  de  gens  congiet,  et  s'en  râla  cascuns 
en  son  lieu  ;  et  il  meismes  s'en  revint  à  Windesore,  où  le  plus 
volentiers  se  tenoit ,  et  messires  Robers  d'Artois  dalés  lui,  qui 
ne  cessoit  nuit,  ne  jour,  de  lui  remonstrer  quel  droit  il  avoit 
à  le  couronne  de  France ,  et  li  rois  y  entendoit  volentiers. 
Ensi  ala  en  ce  temps  de  le  chevaucie  le  roy  englès  sus  les 
Escos  :  il  gasta  et  essiUa  le  plus  grant  partie  de  leur  pays,  et  y 
prist  pluiseurs  fors  chastiaus  que  ses  gens  obtinrent  sus  les 
Escos  depuis  un  grant  temps,  et  principaument  la  bonne  cité  de 
Bervich.  Et  estoient  demoret  de  par  le  roy  englès  pour  tenir  les 
frontières  pluiseur  apert  bacheler,  chevalier  et  escuier,  entre 
lesquels  messires  Ouillaumes  de  Montagut  et  messires  Gautiers 
de  Mauni  en  font  bien  à  ramentevoir  ;  car  de  le  partie  des 
Englès  cil  doi  en  avoient  toute  le  huée,  et  faisoient  souvent 
sus  les  Escos  des  hardies  emprises,  des  belles  chevaucies,  des 
meslées  et  des  hustins,  et  par  usage  le  plus  il  gaengnoient  sus 
yaus,  dont  il  acquissent  grant  grasce  devers  le  roy  et  les 
barons  d'Engleterre.  Et  pour  mieus  avoir  leurs  entrées  et  leurs 
issues  en  Escoce  et  mestryer  le  pays,  messires  Guillaumes  de 
Montagut,  qui  fu  apers,  hardis  et  entreprendans  chevaliers 
durement,  fortefia  le  bastide  de  Rosebourch  sus  le  marce 
d'Ksoooe ,  et  en  f.st  un  bon  chastiel  pour  tenir  et  deffendre 


S18  Ffif 

contre  tout  hommo ,  de  quoi  11  rois  englès  li  en  soeai  gnui* 
gré^  et  aoqnist  ri  grant  renommée  et  si  grant  grasce,  «i  cet 
entrepresures,  doo  roj  É2douwart,  que  li  rois  le  fist  conte  de 
Salbrin  et  le  maria  moult  hautement  et  très-noblement.  Otsi 
fist  messires  Chuitiers  de  Maunj,  qui  devint  en  ces  chevaucies 
chevaliers,  et  fu  retenus  dou  plus  secret  conseil  le  roi  et  moult 
avancés  en  se  court;  et  fist  depuis  li  dis  messires  Gantiers  tant 
de  belles  appertises  et  de  grans  fais  d*armes,  sicom  vous  orée 
avant  en  Fjstore,  que  li  livres  est  moult  renluminés  de  ses 
proèces.  £ien  est  voirs  que  aucun  preu  chevalier  d*Escoce  fai- 
soient  souvent  anoi  as  Englès,  et  se  tendent  toutdis  pardevers 
le  Sauvage  Escoce,  entre  grans  mares  et  hautes  forests  ;  là  nuls 
ne  les  pooit  siewir^  et  siovoient  à  le  fois  les  Englès  de  si  pries 
que  tous  les  jours  7  avoit  puingneis  ou  hustin.  Et  toutdis 
messires  Gnillaumes  de  Montagut  et  messires  Gantiers  de 
Mauni,  adont  nouviel  chevalier,  7  estoient  renommé  pour  les 
mîex  faisans  et  les  plus  enventureus,  et  7  pierdi  à  ces  hustins 
et  puingneis  li  dis  messires  Guillaumes  de  Montagut,  qui  estoit 
hardis  et  dors  chevaliers  mervilleusement»  un  oel,  par  ses 
hardies  emprises.  En  ces  grans  mares  et  en  ces  grans  forests  là 
où  cil  signeur  d'Escoce  se  tonoient,  s'estoit  jadis  li  preus  rois 
Robers  d'Escoce  tonus  par  pluiseurs  fois,  quant  li  rois  Ëdou- 
wars,  taions  à  celui  dont  nous  parlons  présentomcnt,  Tavoit 
desconfit  et  conquis  tout  le  ro7aume  d^Escoee;  et  pluiseurs 
fois  fu-il  si  menés  et  si  décaciés  qu  il  ne  trouvoit  nuUui  en  son 
ro7aume  qui  Tosast  hcrbergier,  ne  soustonir  on  chastiel,  ne  en 
fortorècc,  pour  le  doubtaneo  de  ce  ro7  Édouwart  qui  avoit  si 
nettement  conquis  touto  Escoce  qu  il  n'i  avoit  viUc,  ne  rhasticl, 
ne  fortorèce  qui  n'obéist  à  lui.  Et  quant  cils  rois  Édouwars 
estoit  arrière  revenus  en  Engletorre,  chils  preus  rois  Robers 
rassambloit  gens  darmes,  quel  part  que  il  les^pooit  trouver, 
et  reconquéroit  tous  ses  chastiaus,  ses  fortorèces  et  ses  bonnes 
villes,  jusques  à  Bervich,  les  unes  par  force  et  par  bataille  et 
les  aultres  par  biau  parler  et  par  amours.  Et  quant  li  rois 
Édouwars  le  savoit,  il  en  avoit  grant  despit  et  faisoit  semonre 


DE  L'UPÉMnOM  ]>*tCOSSE.  319 

868  08,  et  ne  cessoil  jvequee  à  tant  qu'il  Tavoit  ck  rechief  des- 
confit  et  reconquis  le  rojanlme  d^Escooe  comme  devant.  Em 
avint  entre  ces  II  rois,  sicom  jou  aj  oj  reoorder,  que  cils  rois 
Rober»  reoonquist  son  rojaumo  par  Y  fois  ;  et  eftsi  se  matm- 
tinrent  cil  doi  roy  que  on  tenoit  k  leur  temps  pour  les  II  phia 
preus  del  monde,  tant  que  )i  bons  rois  Edouwars  fut  trespass^ 
Et  trespassa  en  le  bonne  cité  de  Bervich,  et  avant  qu'il  morut, 
il  fist  appeller  son  ainnet  fil  qui  fu  rois  apriès  lui,  pardevant 
tous  ses  hommes,  et  li  fist  jurer  sus  sains  que  sitost  qu'il  seroit 
trespassés  il  le  feroit  bouUir  en  une  caudière»  tant  que  11  char 
se  partiront  des  os,  et  feroit  le  char  mettre  en  terre  et  garderoit 
les  os  ;  et  toutes  fois  que  li  Escot  rebeleroient  contre  lui,  il 
semouroit  ses  gens  et  assambleroit  et  porterolt  avoech  lui  les 
03  de  son  pèi*e  ;  car  il  tènoit  fermement  que  tant  qull  aroit  ses 
os  avoech  lui,  li  Escot  n'aroient  point  vîctore  contre  luî.  Liquels 
ne  acompli  mios  cho  qu'il  avoit  jur<5;  ains  fist  son  père  raporter 
à  Londres,  et  là  ensepvelir  contre  son  sierement,  pour  quoi  Q  li 
meschéî  depuis  en  pluiseurs  manières,  sîcom  vous  avég  oy,  et 
premièrement  à  le  bataille  de  Struvelin  là  o&  li  Escot  eurent 
victore  contre  lui. 

QiuUr,  réd.  —  Toutes  ces  cosea  faites  et  erdonnées,  li  rois 
d'Engleterre  commença  à  donner  à  sa  gent  congiet,  et  se  dépar- 
tirent li  plus  lointain  premièrement,  et  ils  meismes  s^en  retourna 
au  Noef-Chastiel  sur  Thin  et  i  institua  à  chapitaione  le  signeur 
de  Noefville,  et  puis  s'en  parti  et  vint  ung  jour  disner  en  ung 
chastiel  priés  de  là  séant ,  et  la  roine  aussi ,  et  le  castel  on 
Tapclle  Branspes  et  est  dou  signeur  de  Persi,  et  furent  là  li  rois 
et  la  roine  deus  jours;  et  entrues  passoient  ses  gêna  et  se 
retraioient  casquns  en  son  lieu ,  et  où  que  H  rois  et  la  roino 
aloicnt,  messires  Robers  d'Artois  estolt  tous^jours  en  lop  eompa- 
gnie.  Quant  ]i  dis  rois  et  la  roine  et  ses  gens,  voires  cculs  liquel 
cstoient  ordonné  pour  son  corps,  eurent  esté  en  Branspes  deus 
jours,  et  li  sires  de  Pcrsi  et  la  dame  les  orent  bien  festojés,  il 
prissent  congiet  et  se  départirent  et  vinrent  à  Durem  et  là  se 


^0  DftLlBteATIOm 

tinrent  trois  jours,  et  puis  s  en  départirent  et  vinrent  à  Ebroich, 
et  là  furent  li  rois  et  la  roine  et  tous  li  hostels  un  temps  jusque* 
à  la  Pasque  ensievant  que  on  compte  Tan  de  grasce  mille  trois 
cens  trente-deus,  et  là  âst  la  roine  sa  jésine  de  Edouwart,  son 
premier  fil,  qui  depuis  fu  nommés  prinches  de  Galles  et  dus 
d'Acquitainnes,  et  qui  tant  fu  preus  et  vaillans  homs,  ensl  que 
vous  orés  dire  en  Tistore. 


Vous  avës  bien  oy  recorder  chy  devant  comment  H  rois 
englès  estoit  înfounnés  de  monseigneur  Robert  d'Artois 
qu'il  estoit  droîs  hoirs  del  royaumme  de  Franche  et  que  on 
l'en  faisoit  tort,  et  sur  ce  et  pour  avoir  consseil ,  li  roys 
avoit  ordonne  ung  grant  parlement  à  estre  a  Londres  *  des 
barons»  prélas  et  bonnes  villes  d^Engleterre  *,  au  quel  par- 
lement tout  chil  qui  pryet  et  semons  en  furent,  y  vinrent  ;  et 
là  fu  remonstre  et  parlementé  '  quel  droit  et  quel  prochain- 
netet  li  roys  Édouwars  av()it  al  hiretaige  de  France  ^,  et 
leur  remonstra  messires  Robiers  d'Artois  de  point  en  point 
et  de  degret  en  degret  comment  et  par  quelle  ordonnanche 
ce  pooit  estre.  Là  eut  pluiseurs  parolles  dittes,  devisëes  et 
retournées,  car  de  entreprendre  ung  si  grant  fait  que  de  vol- 
loîr  bouter  le  possessant  de  le  couronne  de  Franche  hors  del 
possession  du  royaumme,  c'estoit  fort  à  faire,  et  y  conve- 
noit  grans  sens,  *  pourcach  et  advis  *.  Si  fudlt  et  conseilliet 
adont  au  roy  que  ^  toutte  se  bonne  entente  "  il  le  volsist 
faire  fourmer  et  escripre  et  envoyer  delà  le  mer  par  cheval- 
liers sages  et  avisés  as  seigneurs  tels  comme  estoit  li  contes 
de  Haynnau,  messires  Jehans  de  Haynnau  ses  frères,  li 


^  *  Là  où  furent  les  troi»  estas.  —  ^'*  Comment  il  avoit  droit  au 
rojalme  de  France.  ~  ■-*  Et  grant  pourchas  et  grant  puifwance.  — 
*-*  Toata  son  intention. 


SUR  LES  PRÉTENTIOKS  d'ÉDOUARD  III.  oSl 

ducs  (le  Braibant  ses  coutiins  germains,  li  ducs  de  Guéries 
ses  serourges,  et  que  chil  Ten  volsissent  conseiller  et  advi- 
ser  quel  cose  en  seroit  bon  à  faire,  et  les  messages  revenus 
et  rintention  des  dessus  dits  sceue,  *  il  fesist  de  rechief 
ordonner  et  assambler  ung  parlement  en  ce  mejsme  lieu,  et . 
on  li  donroit  tel  consseil  qui  li  soufBroit  *.  Ensi  et  sus  cel 
estât  se  départi  chils  parlement,  et  fist  li  roys  d'Engleterre 
sicomme  conssillé  estoit,  escripre  et  fourmer  toutte  sen 
intention  et  demande  '  par  le  infourmation  et  advis  de  mon- 
seigneur Robert  d'Artois  *,  et  ordonna  et  eslisi  IIII  che- 
valiers sages  et  preudommes  *  pour  venir  •  en  Haynnau, 
en  Braibant  et  en  Guéries,  tels  que  le  seigneur  de  Biaucamp, 
le  seigneur  de  Persi,  le  seigneur  deStanfort  et  monseigneur 
de  Gobam.  Encorres  ordonna  et  assigna  li  roys  à  monsei- 
gneur Robiert  d'Artois  le  contiet  de  Richement,  sëant  eu 
Engleterre,  qui  est  moult  belle  terre  et  moult  bonne', 
pour  son  estât,  et  le  retint  de  son  *  plus  espécial  *  consseil 
etdalés  lui. 

Sec.  réi.  —  En  ce  tempore  que  cesto  crois  estoit  en  si  grant 
fleur  de  renommée  et  que  on  ne  parloit,  ne  devisoit-on  d'aultre 
cose  '®,  se  tenoit  messircs  Robers  d^ Artois  en  Engleterre,  esca- 
cics  de  France,  dalés  le  jone  roy  Edowart,  et  avoit  esté  avoech 
lui  au  conquost  de  Bervich  et  en  pluiseurs  chevaucies  d'Escoce. 
Si  estoient  nouvellement  retourné  en  Engleterre,  et  enhortoit 
et  consilloit  li  dis  messires  Robers  tempre  et  tart  le  roy  qu'il 
vosist  deffyer  le  roy  de  France  qui  tenoit  son  hyretage  à  grant 
tort.  Dont  li  rois  englès  eut  pluiseurs  fois  conseil  par  grant 

*••  On  aroit  accort  tel  qu'il  appartenroit  au  fait.—  *^  Par  bon  advia. 
—  "  Pour  faire  les  ambassades.  —  '  Et  ricbe.  —  •  •  Plut  privé.  — 
*®  Dans  le  seconde  rëilaction,  Froissart  place  le  projet  de  croisade  de 
Philippe  de  Valois  avant  les  conseils  qui  se  tinrent  à  Londres  au  sujet 
des  prétentions  d'Edouard  III. 

I.  —  raoïMART.  SI 


3t22  DÉLIBÉRATIONS 

délibération  &  ceulx  qui  estoieut  si  plus  secret  et  espécial  con- 
sillieur  comment  il  s'en  poroit  maintenir  dou  *  destort  '  que  on 
li  avoit  fait  dou  rojaulme  de  France ,  en  sa  jonèce,  qui  par 
droite  succession  de  proïsmeté  devoit  estre  siens  par  raison,  ensi 
que  messires  Robers  d'Artois  Ten  avoit  infourmet,  et  Favoient 
li  XII  per  et  li  baron  de  France  donnet  à  monsigneur  Phelippe 
de  Valois,  d'acort  et  ensi  que  par  jugement,  sans  appeller,  ne 
adjourner  partie  adverse.  Si  n'en  savoit  li  dis  rois  que  penser  ; 
car  aenvis  ainsi  le  lairoit,  se  amender  le  pooit ,  et  se  il  le 
calengoit  et  le  débat  en  esmouvoit,  et  on  li  *  devéoit  *,  sicom  bien 
faire  on  poroit,  et  il  s'en  tenist  tous  quois  et  point  ne  l'amen- 
doit  ou  son  pooir  n'en  faisoit,  plus  que  devant  blasmés  en 
seroit.  Et  d'autre  part  il  veoit  bien  que  par  lui,  ne  par  le  pois- 
sanoe  de  son  rojaulme  i>  poroit  à  mésaise  mettre  au  dessous  le 
grant  rojaulme  de  France,  se  il  n^acquéroit  des  signeurs  pois- 
sans  en  l'empire  et  d'autre  part^  par  son  or  et  par  son  argent. 
Si  requéroit  souvent  à  ses  espéciauls  consillours  qu'il  li  voi- 
sissent  sur  ce  donner  bon  conseil  et  bon  avis,  car  sans  grant 
conseil  il  n'en  voloit  plus  avant  entreprendre.  A  le  parûn ,  si 
consilleur  li  respondirent  d'acord  et  li  disent  :  «  Ciertes,  sire, 
c  la  besongne  nous  samble  estre  si  grosse  et  de  si  haute  entre- 
c  présure  que  noas  ne  nos  en  oserions  oargier,  ne  finalement 
c  consillier  ;  mais,  chiers  sires,  nous  vous  consillerions,  se  il 
c  vous  plaisoit,  que  vous  envojssiés  souffissans  messages,  bien 

•  infourmés  de  vostre  intention,  à  ce  gentil  conte  de  Hajnau 
«  cui  fille  vous  avés,  et  à  monsigneur  Jehan  son  frère  qui  si 

•  vassaument  vous  a  servi,  en  priant  en  amisté  que  sur  che  il 
«  vous  voellent  consillier  ;  car  mieuls  sèvent  que  à  tel  afaire 
«  affiert  que  nous  ne  faisons,  et  si  sont  bien  tenu  de  vostre 
«  honneur  et  de  vostre  raison  garder,  pour  l'amour  de  la 
c  dame  que  vous  avés,  et  s'il  est  ensi  qu'il  s'acordent  à  vostre 
c  entente,  il  vous  sauront  bien  consillier  desquels  signeurs 
t  vous  vos  pores  le  mieus  aidier,  et  lesquels ,  et  comment  vous 

*  •  Tort.  —  '  *  Dénoyoit. 


SUR  LES  PRÉTENTIONS  D*ÉDOUARD  III.  33|3 

<  les  pores  le  miex  acquerre.  •  — r  <  A  ce  conseil,  dist  11  rois, 
«  me  acorde-jou  bien',  car  il  me  samble  estre  biaus  et  bops,  et 
c  ensi  que  consilliet  le  m'avéç,  sera  fait,  i  Adont  pria  U  rois 
à  ce  prélat  Févesque  de  Lincolle  qu'il  volsist  entreprqndiw  ce 
message  à  faire  pour  Tamour  de  lui,  et  à  II  chevaliers  baoeros 
qui  là  estoient  et  à  II  clers  de  droit  ossi,  qu'il  volsissent  faire 
compagnie  à  Févesque  en  ce  volage. 

Qvalr.  Tià.  —  Quant  11  rois  d'Engleterre  et  la  roipe  Phelippe 
sa  femme  et  messires  Robers  d'Artois  qui  toutdls  se  tenoit  ei\ 
la  compagnie  dou  roi ,  furent  retourné  d'Escoce  ensi  que  chi 
desus  est  dit  et  prononciet,  et  revenu  en  la  n^arce  de  Londres^ 
une  fois  tenoit  son  hostel  à  Eltem  et  Faultre  à  Windei^rei^  et 
vivoient  11  rois  et  la  roine  en  grans  esbatemens  et  faisoient 
faire  festes,  joustes  et  behours  e^  Engletepre,  et  pa^soient  ensi 
le  temps.  Messires  Jlobers  d'Artois  ^ui  se  tenoit  dalés  le  roi  et 
avoit  jà  apris  à  cognoistre  tous  les  barons  d'Englerterre  ou  en 
partie,  et  estoit  tous  aquointés  de  euls,  ne  pooit  oi^Myer,  ne 
mettre  arrière  de  son  coer  les  despis  et  les  vitupères  qi|Q  11  rois 
Phelippes  li  faisoit  et  avoit  fais,  mis  et  bouté  tout  hors  de  ses 
hiretages  et  emprisonné  sa  femme  et  ses  ^nfans,  4q^^  U  coers 
moult  li  doloit,  et  ne  le  pooit  de  U,  ne  de  proçain  quQ  il  e^ist, 
amender  ;  car  la  poissai^ce  dou  roi  de  France  est  trop  grande, 
et  jà  avoit  dit  et  remonstré  au  roi  d'Engleterre  que  on  li  faisoit 
tort  de  Firetage  et  couronne  de  France  et  quec  au  jour  que  li 
rois  Caries,  ses  oncles,  trespassa,  il  n'i  avoit  pu  monde  nul  plus 
proçain  hoir  masle  de  li,  car  il  estoit  fil  de  la  serour  dou  roi,  et 
Phelippes  de  Valois  n'estoit  que  cousins  germons ,  quoique  lî 
douse  per  de  France  Feuissent  aviset  et  jugiet  à  tenir  la  cou- 
ronne et  Firetage  de  France,  et  Feu  avoient  eslongiet  s^s  nul 
title  de  raison  ;  et  disoit  ensi  et  répétoit  souvent  li  dis  pie^re^ 
Robers  d'Artois  au  roi  d'Engleterre  :  ^  I^onsigneur  et  bJu^us 
a  cousins,  vous  estes  joues  et  à  venir  :  si  ne  vous  devés  pa^ 
«  refroidier  de  demander  vostre  droit  et  de  calengier.  Vous 
«  avés  dcus  ou  trois  coscs  qui  grandement  vous  i  pueei^t  aidier 


324  DÉLIBÉRATIONS 

«  et  valoir  avoeoques  le  droit.  Vous  avés  mise  et  cavance  assés 
«  et  peuple  de  bonne  volenté  q«i  désirent  les  armes  et  qui 
«  point  ne  voellent  estre  wiseus.  Si  avés  très-grant  commen- 

<  cernent  de  requérir  et  calengier  ce  qui  est  vostre  ;  et  si  vous 
«  di  encores  que  vous  trouvères  des  bons  amis  par  delà  la  mer, 
«  qui  vous  aideront,  conselleront  et  conforteront  en  vostre 
a  calenge,  si  trètos  que  vous  auerés  commenchié  la  guc^rre  se 
«  guerryer  vous  fault,  car  il  n'est  riens  en  ce  monde  que  li 

<  Alemant  désirent  si  que  d'avoir  auqune  cause  et  title  de  guer- 
«*  ryer  le  roiaume  de  France  pour  le  grant  orguel  qui  est  la 
a  abatre  et  pour  partir  à  la  ricoise.  Très-chiers  sires  et  biaus 
a  cousins,  sojés  tous  ségurs  :  quoique  Phelippes  de  Valois  fust 
«  couronnés  à  roy  de  France  et  que  li  douse  per  de  France 
«  rélirent  et  eslevèrent,  si  fustes-vous  bien  mis  en  doubte,  et 
«  se  vous  l'euissiés  débatu  ou,  envoyet  débatre,  jà  on  n'euist 
«  procédé  ens  ou  couronnement.  Vous  en  ferés  ce  que  bon  vous 

<  en  semblera  ;  mais  se  vous  perdes  vostre  hiretage  par  estre 
a  trop  mois,  vous  qui  estes  à  venir,  vous  en  serés  moins  prisés 
«  et  doubtés,  et  se  sera  à  vostre  grande  confusion  et  condamp- 
«  nation  de  corps  et  d'âme.  A  tout  le  moins,  faites  asambler 
«  vos  hommes  et  vostre  consel,  et  euls  venu,  soit  chi,  à  Eltem 
«  ou  ailleurs,  je,  en  la  présence  de  vous,  leur  remonstrerai  et 
t  esclarchirai  de  point  en  point  le  droit  que  vous  avés  à  la  cou- 
«  ronne  de  France.  Se  orés  quel  cose  il  en  diront  et  respondo- 
«  ront,  quant  vous  demanderés  à  avoir  consel  sur  ce,  par  quoi 
c  il  ne  puissent  dire  ou  temps  à  venir  que  vous  ne  vous  soyés 
«  aquités  de  euls  remonstrer  le  droit  que  vous  avés  au  calenge 
«  de  France  ;  car  se  vous  estyés  de  vostre  peuple  reprociés  que, 
«  par  défaute  de  corage  et  par  paour,  vous  aueriés  laissiet  aler 
t  le  vostre  et  vous  sériés  endurchis  en  ce  pécbiet,  il  le  vous 
a  tourneroierit  en  grant  préjudisce  et  lasyté  de  coer  et  diroient 
«  que  vous  ne  sériés  pas  dignes  de  porter  couronne,  et  demor- 
«  ries  tousjours ,  le  demorant  de  vostre  vie ,  soupeçonnables 
«  dévier^  euls  et  en  grant  péril  encores,  se  pourtant  vous  poyés 
a  issir  de  ce  danger.  » 


SUR  LES  PRÉTENTIONS  D*ÀDOUARD  111.  325 

Tant  dist,  tant  promeit  et  tant  esploita  messires  Robers 
d'Artois  que  li  jones  rois  d'Engleterre  ouvri  les  orelles  et  se 
resvilla  et  entendi  à  ce  que  il  li  disoit  et  remonstroit,  et  voellent 
bien  li  auqun  dire  que  il  ne  Tosa  laissier,  car  jà  grande  murmu- 
ration  se  montoit  en  Engleterre  des  nobles  et  dou  menu  peuple 
et  disoient  :  c  Nostres  sires,  li  rois,  a  trop  grant  droit  à  Tiretage 

<  et  couronne  de  France,  et  messires  Robers  d'Artois  11  a  bien 
c  sceu  dire,  remonstrer  et  esclarcir  de  point  en  point,  comment 
c  par  droite  succession  et  membres  d'iretage,  il  deveroit  estre 
c  rois  de  France,  dont  on  Ta  arriéré  à  fraude  et  par  cautèle, 
«  car  il  est  fils  de  la  serour  le  roi  Carie  de  France,  et  celi  que 
c  il  ont  coftronné  à  roi,  Phelippe  de  Valois,  n^est  que  cousins 
c  germains.  Nous  verons  que  il  en  vodra  dire.  Se  la  demande 
c  et  calenge  demeure  en  sa  preèce  et  que  il  s'aherde  à  wis- 
c  seuses,  ensi  que  flst  ses  pères,  il  vivera  en  péril  et  en  haine 
•  deviers  nous,  et  se  il  ahert  de  bon  corage  son  droit  à  pour- 
c  sieuvir,  nous  Taiderons  de  nostre  corps  et  dou  nostre.  >  Si 
fu  dit  fiablement  au  roi  :  c  Sire,  ensi  dient  li  noble  de  ce  païs 
c  et  li  peuples,  il  fault  que  tous  ajés  avis.  Commune  renommée 
c  queurt  par  toutes  vos  signouries  d*Engleterre  que  vous  devés 

<  estre  rois  de  France,  se  en  vous  préesse  ne  demeure,  et  sont 
c  toutes  gens  asquels  les  paroles  viennent,  esmervilliet  pour- 
c  quoi  vous  détrjés  tant  que  vous  en  estes  souffissamment 
t  enfourmés.  i  Adont  li  jones  rois  d^Engleterre,  qui  veoit  le 
bonne  volentè  de  ses  hommes,  par  le  bon  consel  qu'il  ot,  âst  une 
grande  assemblée  à  Londres  pour  avoir  un  parlement,  au  palais 
de  Wesmoustier,  des  prélas,  des  nobles  et  des  consauls  des 
lK>nnes  villes  d'Engleterre,  et  pour  avoir  consel  sur  ce  à  «avoir 
que  il  en  poroit  et  deveroit  faire.  Quant  tout  furent  venu, 
Londres  fu  moult  fort  garnie  de  peuple,  car  encores  avoecques 
tous  ceuls  qui  estoient  escript  et  mandé,  vinrent  moult  d'aultre 
peuple  pour  aprendro  des  nouvelles,  car  la  matère  lor  sambloit 
moult  grande. 

Or  se  fist  chils  consauls  au  palais  de  Wesmoustier,  et  fu  toute 
la  plus  grande  sale  remplie  des  prélas,  des  nobles  et  dos  cou* 


526  DÉLIBÉRATIONS 

àÀuk  des  ehités  <et  cks  bonnes  Villes  d'Engleterre,  et  là  fist-on 
tout  homme  seoir  sus  escameaus  por  casqun  veoir  le  roi  plus 
aise,  liqu^s  estoit  assis  en  ponlificalité,  en  drapig  royaus  et  la 
couronne  en  chief,  tenant  un  sceptre  roial  en  sa  main,  et  plus 
bas  deus  degrés  séoient  prélat,  baron  et  conte,  et  encores  en 
desous  avoit  plus  de  sjs  cens  chevaliers,  et  de  ce  rieule  séoient 
les  hommes  des  chinq  pors  d'Engleterre  et  les  consauls  des 
ehités  et  bonnes  rilles  dou  païs.  Quant  tout  furent  arrivé  et 
a^sis  par  ordenanoe,  ènsi  que  il  dévoient  estre,  on  fist  silense. 
Adont  se  leva  uns  clers  d'Engleterre  licensjés  en  drois  et  en 
lois  et  moult  bien  po^rveus  de  trois  langages,  de  latin,  de  fran- 
cois  et  doa  langage  englès,  et  commença  à  parler  Inoult  sage- 
ment, et  estoit  mesidires  Robers  d* Artois  dalés  lui,  liquels  Favoit 
enfburmé  tr(»s  ou  quatre  jours  devant  de  tout  ce  que  il  devoit 
dire.  Si  parla  atempréement  et  remonstra,  tout  en  hault  et  en 
e^l6is  à  la  fin  que  il  fùst  mieuls  entendus  de  toutes  gens  (car 
tousjeurs  sènion  mieuls  ce  que  on  voelt  dire  et  proposer  ens 
ou  langage  où  on  est  d'enfance  introduit  qu'en  un  aultre),  tous 
les  peins  et  les  articles  desquels  messires  Robers  d'Artois  les 
avoit,  le  roi,  le  clerc  et  auquns  signeurs,  enfourmés,  et  com 
procains  li  rois,  lors  sires,  en  quelle  istance  il  estoient  là  venu 
et  àsamblé,  estoit  de  Tiretage  et  de  la  couronne  de  France.  Et 
quftfit  il  ot  PMnonstré  la  parole  tout  au  lonch  par  grant  avis 
et  par  bon  loisir  tant  que  tout  l'avoient  volentiors  oï,  il  demanda 
ens  ou  nom  dou  roi  à  avoir  consel  de  toutes  ces  coses.  Li  signeur 
et  li  prélat  regardèrent  l'un  l'autre,  et  fissent  silense  une  espasse 
que  nuls  ne  parloit,  mais  grande  murmuration  avoit  entre  euls. 
Il  m*est  avis,  selonch  ce  que  je  fui  enfourmés,  que  la  responsc 
à  faire  fut  cargie  et  tournée  sus  le  conte  Henrj  de  Lancastre 
pour  le  plus  procain  que  li  rois  euist  là.  Il  qui  fu  bien  avisés  de 
respondre  et  tantos  consilliés,  dist  ensi  en  honnourant  le  roi  et 
tous  les  signeurs  (oe  fu  raison)  :  t  Je  conselle  de  ma  partie  que 
t  ceste  besongne  soit  mise  en  souffrance,  tant  que  li  rois  nostres 
1  sires  ait  souffisans  hommes  de  son  roiaulme  envoyet  par 
€  delà  la  mer  pour  parler  au  conte  de  Hainnau  cui  fille  il  a,  qui 


SUR  LES  PRÊTEnTIONS  D'ÉDOUARD  IU.  3:27 

<  pour  le  présent  est  nostre  chière  dame  i^ine  d^Engleterre,  et 
c  à  messire  Jehan  de  Hainnau,  son  frère,  qui  sont  doi  prince 
c  sage,  vaillant  et  de  bon  consel,  et  tout  ce  que  chil  doi  en  con- 

<  selleront,  les  ambassadeurs   retournés  en  ce  pais    et  nous 

<  remis  ensamble  et  la  response  et  parole  des  dessus  dis  oie, 
c  nous  procéderons  sus  sans  nulle  faute,  i  Quant  li  contes 
Henris  de  Lancastre  au  Tort  Col  ot  parlé,  il  respondirent  tout 
d'une  vois  :  c  II  dist  bien,  i  Ensi  demora  la  cose  en  cel  estât. 
Derechief,  pour  tant  que  tous  li  consauls  d'Engleterre  estoient 
là  asamblés,  11  clers  meismes  liquels  avoit  parlé  et  remonstré 
les  besongnes  qui  touçoient  au  roi  et  au  roiaulme  par  le  com- 
mandement et  ordenance  dou  roi,  parla  là  pour  le  assignation 
de  messire  Robert  d'Artois  avoir,  qui  estoit  li  uns  des  plus 
gentils  homs  de  ce  monde,  et  remonstra  li  dis  clers  tout  au 
lonc  comment  Phelippes  de  Valois  Favoit  défait  et  de  poissance 
bannit  et  escachiet  hors  dou  roiaulme  de  France,  se  avoit-il  sa 
scrour  espousée,  laquelle  il  tenoit  en  prison  et  ses  enfans.  Or 
voloit  li  rois  d*Engleterre  qui  l'avoit  retenu  et  de  son  sonsel, 
puisque  on  li  avoit  osté  et  pris  le  sien  en  France,  que  en  Engle- 
tcrre  il  euist  terre  et  revenue  pour  lui  déduire  et  tenir  son  estât. 
A  ceste  requeste  et  ordenance  descendirent  et  s'inclinèrent  tout 
li  signeur  légiè rement.  Regardé  fu  que  il  i  avoit  une  conté  en 
Engleterre,  qui  estoit  en  la  main  dou  roi  et  pooit  par  an  valoir 
la  revenue  trois  mille  mars,  et  la  conté  est  nommée  Beteforde. 
Si  fu  dit  et  acordé  que  il  seroit  contes  de  Beteforde  et  en  lève- 
roit  tous  les  proufls.  Messires  Robers  d'Artois  remercia  le  roi 
fie  ce  don  et  tous  les  signeurs,  et  devint  là  homs  au  roi  d'En- 
gletorre  de  la  conté  de  Beteforde.  Encores  fu  là  avisé  et  regardé, 
avant  que  li  consauls  s'espardesist,  liquel.  passeroient  la  mer  et 
venroient  en  Hainnau  devers  le  conte  et  son  frère  pour  euls 
demander  consel  des  propositions  desus  dites.  Il  m'est  avis  que 
li  évesques  de  Lincole  i  fu  nommés  et  li  esleus  d'Asquesufort, 
clei*s  en  drois  et  en  lois ,  messires  Robers  Weston ,  avoecques 
euls,  messires  Renauls  de  Gobehem  et  messires  Richars  de 
Stanfort.  Chil  quatre  emprissent  le  voiage  à  faire,  et  se  des-* 


328  VOYAGE  DU  ROI  d'ÉGOSSE 

rompi  pour  ces  jours  li  consaus,  et  s'en  ala  casquns  en  son  lieu, 
et  se  ordonnèrent  chil  qui  dévoient  passer  par  la  mer  tout  à 
loisir  et  à  lor  plaisance. 

*  Or  vous  parlerons  dou  roy  David  d'Escoche  et  de  son 
consseil  comment  il  se  maintinrent  en  celle  mesme  saison. 
Vous  avës  bien  oy  chy  devant  comment  li  rois  d'Engle- 
terre  avoit  tellement  menet  et  gheryet  Escoche  et  les  Escos 
que  ars  et  perdut  toutte  le  plainne  Escoche  et  pris  et  saisi 
touttes  les  fortrèces,  et  encoires  les  faisoit-il  de  jour  en 
jour  gheryer  et  leur  portoit  messires  Guillaumes  de  Mon- 
tagut,  contes  de  Salebrin,  trop  de  contraires  et  de  daramaige 
et  se  tenoit  en  Haindebourch,  et  quand  il  sentoit  les  Escos 
chevauchier,  il  assambloit  chîaux  des  garnisons  environs, 
dont  li  Englès  estoient  signeur,  et  reboutoient  trop  dure- 
ment les  Escos.  Si  se  tenoient  li  roys  d'Escoce,  li  contes 
de  Moret,  messire  Guillaumes  de  Douglas,  messires  Robers 
de  Verssi,  messires  Simons  Fresiel,  messires  Alixandres  de 
Ramessay  et  plusieurs  autres  ens  es  forests  de  Gédours,  et 
estoit  leur  souverainne  garnison  et  resors  li  fors  castiaux 
de  Dumbretan.  Là  estoit  li  roys  d*Escoce  ouniement  et  le 
royne  d'Escoce  sa  femme  avoecques  lui.  Or  seurent  chil 
seigneur  que  li  roys  englès  avoit  défyet  le  roy  de  Franche 
et  le  volloit  guerryer.  Si  eurent  avis  et  consseil  Tun  par 
l'autre  que  messires  Guillaumes  de  Douglas,  li  contes  de 
Surlant  et  messire  Robiers  de  Versi  amenroient  le  roy  leur 
seigneur  en  France  deviers  le  roy  et  remonstreroient  le 
guerre  que  li  Englès  leur  faisoient,  et  s'aloieroient  à  lui  et  li 
roys  de  Franche  à  yaux*  parmi  tant  qu'il  en  seroient  aidiet  et 
confortet^.  Chils  conssaux  fu  tenus,  nefs  furent  appareillies 

'  Nous  restituons  au  rëcit  de  la  retraite  de  David  Bruce  en  France 
la  place  qu'il  occupe  dans  le  manuscrit  du  Vatican.  —  •-'  Pour  mieulx 
guerrier  les  Englès. 


EN  FRANCE.  339 

et  vinrent  li  roys  d'Escoce  et  la  royne  et  li  seigneur  dessus 
dist  à  Abredaine  et  là  pourveîrent-il  et  cargièrent  leurs 
vaisseaux  et  entrèrent  en  mer  et  singlèrent  tant  par  l'ayde 
de  Dieu  et  dou  vent  que  il  vinrent  à  TEscluse  ;  mes  point  ne 
se  nommèrent,  ains  disent  que  il  estoient  pellerin  qui  s'en 
alloient  à  Saint-Jacqueme  de  Galisce  et  marchans  de  Nor- 
vèghe  avoecq  yaux.  Sur  ce  il  ne  furent  nient  plentet  exa- 
minet.  Ossi  il  ne  descendirent  point  à  terre,  ains  se  par- 
tirent quant  il  se  furent  rafresqui  et  la  marëe  leur  revint, 
et  singlèrent  et  prisent  le  parfont  pour  aller  deviers  Bou- 
loingne. 

Ensi  comme  li  Escochois  nageoient  par  mer,  uns  vens 
d^amont  si  fors  et  si  ounis  les  prist  et  les  bouta,  volsissent 
ou  non,' à  l'entrée  de  la  Tamise,  encontre  Mergate  en 
Engleterre,  et  ad  ce  dont  estoient  li  Normant  et  li  Genevois 
waucrant  par  mer  à  savoir  se  il  trouveroi^nt  nul  Englès,  et 
quant  il  virent  les  nefs  escoçoisses ,  si  furent  tout  joiant  et 
quidièrent  que  ce  fuissent  nefs  efiglesses.  Si  misent  hors 
leurs  bannières  et  leurs  pignons  et  commenchièrent  à 
cachier  forment  vers  yaux  ;  et  quand  li  Escot  les  virent,  si 
furent  tout  esbahi,  car  il  quidièrent  que  ce  fuissent  Englès. 
Si  ne  seurent  que  dire,  et  n'y  avoit  si  hardi  qui  ne  volsist 
cstre  en  Jhérusalem,  et  demandèrent  consseil  li  ungs  à 
l'autre  qu'il  feroient  ;  car  il  n'estoient  que  IIII  vaissiaux  et 
il  en  ,veoient  bien  DK  et  XV.  Si  n'y  avoit  nulle  parchon  fors 
que  d'iaux  bien  vendre.  Lors  s'armèrent-il  vistement  et 
disent  que  il  n'y  avoit  nuls  d'iaux  qui  jà  se  rendesist  pri- 
sonniers, mais  dureroient  tant  que  durer  poroient,  et  ensi 
l'eut  là  li  roys  en  couvent.  Lors  se  misent  à  l'ancre,  car  fuir 
ne  leur  valloit  noyent,  et  bouttèrent  hors  comme  bonnes  gens 
les  bannières  d'Escoce  et  leurs  pignons.  Evous  les  Nor- 
mans  venus  qui  demandent  quels  gens.  Che  respondi  mes- 


390  VOYAGE  DU  liOl  d'ÉCOSSE 

siros  Guillaumes  de  Douglas  :  «  Nous  soitimes  Escochois  et 
<c  au  roy  d'Escoche,  et  vous  qui  estes,  qui  le  demandés?  » 
Adcmt  vint  avant  messires  Hues  Kiérës  et  dist  :  a  Et  quels 
«  gens  estes- vous  d'Escoche  ?  Nommës-vous  :  autrement 
«  vous  estes  tous  mort,  car  nous  mescréons  que  vous  ne 
a  soyés  Englès*  »Et  quant  li  seigneur  d'Escoce  oïrent  cesté 
parolle,  si  furent  auques  aseuret,  caf  il  congnurent  bien 
par  le  langage  et  à  leurs  bannières  qu*il  n*estoient  mies 
Englès.  Si  disent  :  «  Nous  sommes  tels  et  tels  et  li  roys 
«  meysmes,  et  en  allons  en  France  veoir  le  roy  de  Franche. 
«  Si  nous  avës  fait  grant  esmay,  car  nous  quidions  ores 
«  que  vous  fuissiës  li  Englës  nostre  enneroy.  » 

Et  quand  messire  Hues  Kiérës  et  si  compaignon  enten- 
dirent et  congnurent  qu'il  disoient  voir,  si  furent  moult 
joyant  et  les  fissent  désancrer  et  disent  que  il  les  condui- 
roient  jusques  à  Calais  ou  à  Bouloingne,  car  il  estoientleur 
amy  et  saudoyer  au  rôy  de  Franche.  Lors  se  désancrërent, 
singlërent  tout  enssambl#  et  vinrent  ce  soir  ou  havëne  de 
Calais.  Là  ancreront  li  Escos,  et  li  Normans  non,  et  entra 
li  roys  d*Escoche  en  le  ville  de  Callais  et  toute  se  route  et  y 
fu  rechupt  à  joie  et  s'i  rafresci  par  doi  jour,  et  au  tierch  il 
s'en  parti  et  prist  le  chemin  pour  venir  à  Tiéruanne.  Si  passa 
à  Tiéruanne,  Arras,  Bapaumes,  Péronne  et  Vermendois,  et 
fist  tant  par  ses  journées  qu'il  vint  à  Paris  où  il  trouva  le 
roy  de  Franche  et  grant  fuison  de  dus,  de  contes  et  de 
barons  avoecq  lui,  car  il  y  avoit  ung  grant  parlement.  Pour 
ce  y  avoit  estet  faite  cette  assemblée. 

Moult  fil  li  rois  de  le  venue  le  roy  David  d'Escoce  resjoys 
et  envoya  contre  lui  des  barons  et  des  chevaliers  qui  l'ame- 
nèrent au  palais,  là  où  li  roys  se  tenoit  adont^  et  li  dit  : 
«  A  bien  viègne  li  rois.  d'Escoce  et  toutte  sa  compagnie  pour 
«  l'amour  de  lui.  »  Li  roys  d'Escoce  li  respondi  :  «  Chiers 

<  Et  lai  fist  moult  ^ant  feste. 


EN   FRANCE.  331 

'<  sires,  vostre  bonne  inerchy.  »  Lors  parlementèrent  ens- 
samble  de  pluiseurs  coses  et  Tarent  moult  tost  acquointië  et 
prîvet  i'ung  de  l'autre,  car  li  roys  de  France  désiroit  bien  à 
avoir  l'amour  et  l'aquointance  de  lui  pour  ce  qu'il  se  veoit 
deffyés  dou  roy  d'Engleterre  et  le  sentoit  dechà  le  mer  en 
l'empire,  procurans  et  acquérans  seigneurs  et  amis  à  tous 
lés,  et  entendoit  bien  que  il  entreroit  temprement  en  son 
royaumme  ^  Se  li  sambloit  grans  confors  se  li  roys  d'Escoce 
et  li  seigneur  d'Escosse  qui  marcissent  à  Engleterre,  le 
volloient  tellement  aidier  que  ensonnyer  les  Englès  et 
ardoir  leur  pays,  et  se  gherre  en  seroit  plus  belle  *.  Si  offri 
et  délivra  ^  li  roys  de  France  au  roy  d'Escoce  *  chas- 
tiaux  et  argent  ^  pour  son  estât  parmainlenir  à  celle  fin 
que  il  n'euist  nulle  pès,  ne  trieuwes,  ne»  respit  au  roy 
englës,  fors  que  par  lui  par  sa  vollenté.  Ensi  le  jura  li 
roys  d'Escoche,  présens  ducs,  contes,  prélas,  barons  et  che- 
valiera.  Se  le  retint  li  roys  de  Franche  de  ses  draps  et  son 
compaignon  et  ses  chevaliers  de  son  hostel,  et  la  royne  de 
France  ensi  la  royne  d'Escoche  qui  estoit  soer  germaine  au 
roy  englès,  et  leur  fist  li  roys  délivrer  tout  quant  qu'il  leur 
besongnoit;  et  fu  renvoyés  assés  briefment  apriès  ce  de  par 
ces  deux  rois  messires  Robiers  de  Versi  en  Escoche.  Chils 
y  reporta  les  alianches  confermées  et  séellées  des  roys 
dessus  dist,  de  quoy  li  seigneur  d'Escoce  et  tout  li  pays  fu 
tout  joiaul,  et  commencièrent  à  guerryer  plus  fort  et  plus 
asprement  que  devant.  El  quant  li  roys  d'Engleterre  le  seut, 
si  renvoya  l'évesque  de  Durem,  le  seigneur  de  Lussi  et  le 
seigneur  de  Moutbray,et  leur  pria*  que  il  desissent  au  conte 
(le  Salsebrin,  au  seigneur  de  Persi,  au  seigneur  de  Noef- 

1  Dans  le  texte  d'Amiens,  le  rëcit  du  voyage  de  David  Bruce  est 
placé  après  le  débarquement  d'Edouard  III  à  Anvers.  —  ***  Et  là, 
présent  ducs  et  contes,  furent  si  d'acort  les  deux  rojs,  que  le  roy  de 
France  délivra.  —  **''  Or  et  argent  et  forteresses  sur  marches. 


3-S2  VOYAGE  DU   nOl  D*ÉCOSSK 

ville,  au  seigneur  de  Grisop,  à  messire  Édouwart  de  Bail- 
loel,  cappittainne  de  Bervich,  que  il  entendesissent  bien  à 
garder  les  frontières  cx>ntre  les  Escos  et  le  pays  concquis. 
Chil  seigneur  dessus  dist  revinrent  en  Engleterre  et  chevau- 
cièrent  deviers  lorch  pour  faire  ce  que  li  roys  leur  avoit 
enjoint. 

Sec.  réd.  —  En  ce  temps,  li  jones  rois  David  d*Escooe, 
qui  avoit  perdu  grant  partie  de  son  royaulme  et  ne  le  pooit 
recouvrer  pour  Teffbrt  dou  roy  d^Engieterrc  son  serourgo ,  se 
parti  d'Escoce  privéement  à  petite  mesnie  avoech  le  royne  te 
femme,  et  se  misent  en  mer.  Si  arrivèrent  à  Boulongne,  et 
puis  fiscnt  tant  qu'il  vinrent  en  France  et  droitement  à  Paris 
où  li  rois  Phelippes  se  tenoit  pour  le  temps,  attendans  tous  les 
jours  que  deffiances  li  venissent  dou  roy  englès  et  des  signeurs 
del  empire,  selonch  chou  qu  il  estoit  infourmés.  De  la  venue 
dou  roy  d'Escoce  fu  li  rois  de  France  moult  rcsjoys,  et  le 
coigoy  grandt;ment  pour  tant  qu  il  en  entendoit  à  avoir  bon  con- 
fort  ;  car  bien  veoit  li  rois  de  France  et  ooit  dire  tous  les  jours 
que  li  rois  d^Engleterre  se  apparilloit.  quanqu'il  pooit,  pour  im 
guerroyer  et  pour  lui  ester  de  son  royaulme  se  il  pooit,  siques 
quant  li  rois  d'Escoce  li  eut  remonstré  sa  besongne  et  sa  né- 
cessité et  en  quel  istance  il  estoit  là  venus,  il  fu  tan  test  tous 
aquintés  de  lui,  car  moult  bien  se  sa  voit  acointicr  de  chiaus 
dont  il  espéroit  à  avoir  prouât,  cnsi  que  pluiscur  grant  signeur 
sèvent  faire.  Se  li  présenta  ses  ch&stiaus  pour  séjourner  à  se 
volonté  et  de  son  avoir  pour  despendre,  mais  qu'il  ne  volsist 
faire  nul  acord ,  ne  pais  ou  roi  d'Engloterre,  fors  par  son 
conseil.  Li  jones  rois  d'Escoce  reçut  en  grant  gré  ce  que  li 
rois  de  France  li  ofTri,  et  li  créanta  ce  qu*il  lui  requist,  tout 
plainnement.  Si  sambla  adont  au  roi  de  France  que  c*estoit 
grans  confors  pour  lui  et  grans  contraires  pour  le  roi  d*Engle- 
terre,  se  il  pooit  tant  faire  que  li  signeur  et  baron,  qui  estoient 
dcmoret  en  Escoce,  vosissent  et  peuissent  si  ensonnyer  les 
Englès  qu'il  n'en  peuist  venir  par  deçà  le  mer,  se  petit  non. 


EN  FRANCE.  333 

pour  lui  grever,  ou  qu'il  convenist  le  roi  d'Engleterre  re];)ass6r 
pour  garder  son  royaulme.  Pour  ce  et  en  celle  intention  il 
retint  ce  jone  roy  d'Escoce  et  la  rojne  sa  femme  dalés  lui,  et 
les  soustint  par  lonch  temps  et  leur  fist  délivrer  quanqu'il 
leur  besongnoit,  car  d'Escoce  leur  venoit-il  assés  petit  pour 
leur  estât  parmaintenir.  Et  envoia  li  dis  rois  de  France  grans 
messages  en  Escoce  à  ces  signeurs  et  barons  qui  là  guerrioient 
contre  les  garnisons  dou  roy  d'Engleterre,  et  leur  fist  offrir 
grant  ayde  et  grant  confort,  mais  qu'il  ne  volsissent  faire  pais, 
ne  donner  nulles  trièwes  as  Englès,  se  ce  n'estoit  par  se  volonté 
et  par  son  conseil,  et  par  le  volonté  et  conseil  de  leur  signeur 
le  roy  d'Escoce  qui  tout  ce  li  avoit  juret  et  prommis  à  tenir. 
Sus  les  lettres  et  requestes  dou  roy  de  France,  chil  signeur 
d'Escoce  se  consillièrent.  Quant  il  furent  bien  consilliet  et  il 
eurent  considéret  parfaitement,  toutes  leurs  besongnes  et  le 
dure  guerre  qu'il  avoient  as  Englès,  il  s'i  acordèrent  liement  et 
le  jurèrent  et  séellèrent  avoech  le  roy  leur  signeur.  Ensi  furent 
les  alliances  de  ce  temps  faites  entre  lé  roy  Phelippe  de  France 
et  le  roi  David  d'Escoce,  qui  se  tinrent  fermes  et  estables  un 
lonch  temps,  et  envoia  li  dis  rois  .de  France  gens  d'armes  en 
Escoce  pour  guerryer  les  Englès  ;  et  par  espécial  messires 
Ernouls  d'Audrehen  qui  puis  fu  mareschaus  de  France ,  et  li 
sires  de  Garensières,  avoech  pluiseurs  chevaliers  et  escuiers,  y 
furent  envoyet,  et  y  fisent  tamainte  belle  apertise  d'armes, 
sicom  vous  orés  avant  en  l'hystore. 

Quatr,  rii,  —  Apriès  ce  que  li  rois  d'Engleterre  eust  couru 
tout  ou  en  partie  le  roiaulme  d'Escoce  et  pris  et  saisis  dedens 
le  pais  pluisseurs  chastiaus  et  mis  en  garnisons  pour  guerryer 
le  demorant,  et  que  il  se  fu  partis  de  la  chité  de  Bervich, 
laquelle  il  avoit  conquis  par  lonch  siège  et  que  il  l'ot  rafresquie 
et  ravitaille  de  gens  d'armes  et  de  pourvéances,  et  que  il  fu 
retrais  en  Engleterre,  li  rois  David  d'Escoce  qui  se  tenoit  en 
la  chité  d^Abredane  et  là  sus  la  Sauvage  Escoce,  demora  tous 
esbahis  et  considéra  que  de  sa  poissance  singulière  il  ne  poroit 


854  YOTAGB  DU  ROI  D^iCOSSE 

amender  les  damages  que  li  Englois  11  avoient  fait.  Et  jk 
avoii-il  entendu,  ensi  que  renommée  court  et  rôle  moolt  tos 
de  paFs  en  aultre,  que  messires  Robera  d'Artois  enortoit  le  roi 
d*Ençleterre  à  calengier  la  couronne  de  Franco  et  li  metoit  en 
Torelle  (Mir  ses  informations  que  li  roiaulmes  de  France  li  estoit 
dévolus  (Mir  la  mort  dou  son  chier  oncle  le  roi  Carie  darrain 
trespasset,  et  que  Phelippes  de  Valois  qui  en  tenoit  la  poasoa- 
sion,  n'avoit  pas  juste  cause  à  Firetage  de  France,  selone  oe 
que  messires  Robers  d*Artois  disoit.  Si  n'estoit  pas  cose  pour 
le  roi  d'Engleterre  et  les  Englois  légière  à  esdarcir,  car 
jamais  li  rois  Phelippes,  pour  lors  paroles,  demandes,  ne 
menaces,  ne  s'en  délairoit  dou  non  tenir  et  remetre  arrière, 
ne  li  per  et  baron  de  France  qui  couronné  Tavoient  et  qui 
estoient  si  homme  devenu,  ne  le  souffreroient  point.  Li  rois 
d'Escoce  imaginans  ces  coses  pensoit  bien  que  ou  temps  à 
venir,  se  li  rois  d'Engleterre  voloit  procéder  en  ces  demandes» 
guerre  s*esmouveroit  entre  France  et  Engleterre,  pour  quoi  de  li 
et  de  son  roiaulme,  se  bonnes  aliances  estoient  faites  entre  les 
Escos  et  les  I<Yançois,  ils  et  ses  pais  en  seroient  grandement 
reconfortes,  et  aussi  ceste  ordenance  venroit  bien  à  point  au 
roi  de  France  et  as  François,  car  par  le  roiaulme  d'Escoce 
poroient  li  François  aisiement  entrer  en  Engleterre  et  faice 
lor  guerre.  Sus  ceste  imagination,  li  rois  d'Escoce,  com  jones 
que  il  fust,  fist  asambler  auquns  prélas  et  barons  d*Escoce  et 
venir  en  Abredane,  là  où  il  se  tenoit  et  sa  femme,  et  lor 
remonstra,  quant  chil  furent  venu  lesquels  il  avoit  mandés, 
moult  sagement  de  point  en  point  les  articles  de  ses  imagina- 
tions. Quant  il  l'eurent  oî  et  entendu,  euls  qui  sont  de  nature 
et  ont  esté  tousjours  plus  enclins  à  estre  François  que  Englois, 
respondirent  et  dissent  au  roi  :  «  Sire,  à  toutes  vos  paroles 
c  nous  ne  veons  que  tout  bien,  car  ou  cas  que  les  Englois 
c  nous  voellent  suspéditer  par  la  manière  et  fourme  qu'il 
ff  monstrent,  il  nous  fault  pourveir  à  rencontre  de  euls,  et. 
c  créons  proprement  que  Dieu  vous  a  envojet  ceste  inspira* 
c  tion  pour  nous  ester  dou  dangierdes  Englois,  car  jA  n'avenra. 


CN  FRANGE.  S35 

c  pour  retourner  toute  Escoce  ce  que  desus  est  au  dosons, 
c  que  nous  aions  roi  qui  soit  hommes  au  roi  d*Engleterre,  ne 
t  le  tiengne  à  sigueur  souverain,  ne  reliève  de  li  ;  car  la  cou- 
«  ronne  d'Ëscoce  et  11  roiaulmes  est  de  si  noble  condition  que 
c  il  est  tenus  de  Dieu  et  de  rÉglise  saint  Pierre.  Si  ne  vous 
c  volons  pas  brisier  vostre  imagination  et  pourpos  de  aler 
«  en  France  veoir  le  roi  et  les  estas.  Vous  estes  jones  et  à 
a  venir.    Si    vous  aquointerés   des  barons   et   chevaliers  de 

<  France,  et  euls  de  vous  ;  et  tousjours  ferons-nous  à  nostro 

<  pooir  guerre  as  Englois.  Il  ne  tenront  jà  journée  paisiouvle- 
«  ment  en  ce  pals  ce  qu  il  î  tiennent.  Se  nous  Tavons  perdu 
«  onquôs,  nous  le  recouverrons ,  uns  temps  venra.  Onques 
c  nous  ne  pusmes  amer  les  Englois,  ne  euls,  nous,  et  ont 
«  tousjours  esté  lee  terres  en  différent,  et  les  hommes ,  l'un 
«  contre  l'autre,  très  le  premier  temps  que  elles  furent 
«  abitées.  »  Moult  fu  pour  ces  jours  li  rois  d'Escoce  resjoïs, 
quant  il  vei  ses  hommes  concordans  à  son  pourpos,  et  ordonna 
ses  besongnes  au  plus  bellement  et  quoiement  qu'il  peut,  et  fist 
au  port  de  Morois  en  Escoce  cargier  et  apparillier  ung  vassiel  de 
ce  que  besongnier  lor  pooit  à  lui  et  à  sa  femme  et  à  lor  estât, 
et  quant  il  furent  tous  près,  il  vinrent  là  et  entrèrent  dedens,  - 
ils  et  la  roine  et  messires  Guillaumes  Douglas,  neveu  au  bon 
messire  Guillaume,  et  enmena  avoecques  lui  vingt-sjs  cheva- 
liers et  esquiors,  tout  de  son  eage,  et  la  roine  aussi  des  jones 
dames  et  damoiselles  d*Escoce.  Et  demorèrent  ou  païs  pour 
le  garder,  messires  Arcebaus  Douglas,  messires  Robers  de 
Vers!,  messires  Alixandres  de  Ramesai  et  messires  Simons 
Fressiel,  et  nagièrent  li  rois  et  la  roine  et  lor  compagnie  et 
orent  vent  à  volenté  et  costyèrent  Frise  et  Hollandes  et  eslon- 
gièrent  toutdis  de  Engleterre  dou  plus  qu'il  porent ,  et  s*en 
vinrent  férir  ou  havène  de  TEscluse  et  là  issiront  de  lor  vassiel 
et  ne  dissent  pas  que  ce  fust  11  rois  d'Escoce,  ne  la  roine,  mais 
pèlerins  et  pèlerines  qui  aloient  à  Saint-Mor-des-Fossés  et  ne 
séjournèrent  pas  longuement  à  TEscluse,  mais  vinrent  à  Bruges 
et  tout  par  aiguë,  et  furent  là  tant  que  lors  chevaus  furent 


336  VOYAGE  DU  ROI  d'ÉGOSSE 

amené,  car  il  les  avoient  esquipés  avoecques  euls  en  lor  vassiel, 
tous  ou  en  partie  ;  et  ce  que  il  lor  besongna  tant  de  monteures 
que  d'abis,  il  s'en  pourveirent  à  Bruges,  et  puis  si  s'en  dépar- 
tirent et  vinrent  à  Lille  et  de  là  à  Arras  et  puis  à  Esclusiers 
et  à  Lihons-en-Santhers  et  à  Hoie  et  à  Qauni  et  à  Heson  et  puis 
à  Crai  et  à  Luserches  et  ]à  s'arestèrent,  et  envoia  11  i^ols 
d'Escoce  deus  de  ses  chevaliers  pour  segnefyer  sa  venue  au 
roi  de  France  et  pour  sçavoir  et  veoir  quel  samblant  li  rois  en 
feroit.  Li  chevalier  furent  messires  Guillaumes  Douglas  et 
messires  David  de  Lindesee,  et  s'en  vinrent  à  Paris  et  pas- 
sèrent oultre  jusques  au  bois  de  Vicènes,  car  pour  ces  jours  s'i 
tenoient  li  rois  et  la  roine  et  li  dus  de  Normendie  leur  fils,  et 
trouvèrent  des  chevaliers  dou  roi  qui  les  requillièrent  moult 
doucement  pour  tant  que  il  les  veirent  estrangiers,  et  les 
menèrent  deviers  le  roi,  auquel  il  comptèrent  tout  Tafaire  et 
comment  li  rois  d'Escoce  et  la  roine  le  venoient  veoir,  et 
avoient  pris  ombre  et  escusance  de  venir  à  Saint-Mor.  De  ces 
nouvelles  fu  li  rois  de  France  trop  grandement  resjoïs  et  dist 
as  chevaliers  d'Escoce  que  il  fuissent  11  bien  venu  et  que 
moult  volentiers  les  veroit  et  tenroit  avoecques  li.  Li  cheva- 
lier d'Escoce  disnèrent  à  Tostel  dou  bois ,  et  tantos  apriès 
disner,  il  flst  monter  le  signeur  de  Montmorensi  et  le  signeur 
de  Garensières  et  dist  :  «  Chevauchiés  avoecques  ces  chevaliers 
a  d'Escoce  et  aies  à  Luserces  querre  le  roi  et  la  roine  d'Escoce 
t  qui  nous  viennent  veoir,  et  les  amenés  ichi  sans  entrer  en 
a  Paris.  >  Li  chevalier  respondirent  :  «  Volentiers.  »  Si  se 
départirent  tout  quatre  dou  bois  et  cevauchièrent  ensamble  et 
vinrent  à  Luserces  et  trouvèrent  là  le  roi  d'Escoce  et  toute  lor 
compagnie,  laquelle  n'estoit  pas  trop  grande,  et  leur  dissent 
ce  que  li  rois  de  France  avoit  ordonné.  Sus  les  paroles  des 
chevaliers  de  France,  li  ix)is  et  la  roine  d'Escoce  se  partirent 
de  Luserces  et  cevauchièrent  et  vinrent  ce  jour  jésir  à  Saint- 
Denis,  et  à  Tendemain  devant  la  messe  dou  roi,  il  furent  venu 
au  bois ,  et  mené  deviers  le  roi  et  puis  deviers  la  roine,  qui 
grandement  furent  resjoï  de  lor  venue.  Là  furent  les  aquoin- 


ACLÀT  DE  LA  COUR  DE  FRAHCB.  SS7 

tances  do  ces  dcus  rois  et  de  ces  deus  roines  moult  grandes, 
et  depuis  demorèrent  en  France  sus  le  point  de  neuf  ans,  et 
leur  âst  li  rois  délivrer  la  Tille  et  le  chastiel  de  Nemouses  pour 
tenir  lor  estât,  et  estoit  ordonné  de  par  le  roi  de  France  que  de 
mois  en  mois  il  auroient  mille  esqus  et  bien  pajés  pour  pajer 
lors  menus  frès,  et  yenoit  à  le  fois  U  rois  d'Escoce  veoir  le  roi 
Phelippe,  fust  à  Paris  ou  ailleurs,  et  se  tenoit  dalés  li  trois  ou 
quatre  jours,  et  se  dcvisoient  de  lors  besongnes,  et  s  énamoura 
li  rois  de  France  dou  roi  d*Escoce  et  11  rois  d*Escoce  de  luk 
Encores  n^estoit-il  nulles  nouvelles  en  France  que  li  rois 
d'Engleterre  vosist  renvoyer  son  hommage  au  roi  de  France, 
ne  le  desfjer,  pour  faire  calenge  de  la  couronne  de  France. 


Quant  li  rois  de  Franche  ent  en  partie  acompli  '  ses  vol- 
lentés  de  monseigneur  Robert  d*Artois  *,  ensi  comme  vous 
avés  oy,  et  que  il  se  vit  en  pës  et  '  en  repos  ^  en  ce  noble 
royaumme  de  France,  ^  il  encarga  grant  estât  *  et  bien  le 
pooit  faire,  et  tenoit  III  roys  ^  de  son  hostel  *  :  le  roy 
Carlon  de  Behaigne,  le  roy  Phelippe  de  Navarre  et  le  roy 
de  Mayogres,  et  dus  et  contes  et  barons  sans  nombre,  et  n'y 
avoit  oncques  mes  eut  roy  en  Franche  dont  il  souvenist,  qui 
euist  tenu  Testât  pareil  audit  roy  Phelippe.  Et  faisoit  faire 
festes,  joustcs,  tournois  et  esbatemens,  et  il  meismement 
les  devisoit  et  ordonnoit  et  estoit  ungs  rois  plains  de  toutte 
honneur,  et  congnissoit  bien  que  c*estoit  de  bachelerie  ;  car 
il  avoit  estet  bachelers  et  saudoyers  en  son  venir  en  Lom- 
bardie  dou  vivant  le  conte  de  Vallois  son  përe.  Si  en  amoit 
oncorres  mieux  les  petis  compaignons.  Parespécial  il  amoit 
ot  tenoit  le  plus   dou  tamps  dalles  loi  le  gentil  roy  de 

*••  Son  (h'sir  de  monseigneur  Robert  avoir  encachié.  —  *  *  Et  en 
grant  honneur.  —  *'*  Il  tenoit  plus  noble  estât  que  oncqnes  n^euist 
fait  roi  que  on  sccuist.  —  '  *  I),»  sa  <v)!irt. 

I.  —  FROISSAIIT.  tt 


àCLAT  DB  LA  COUR  DB  FRANCB. 

Behaingne  et  le  roy  de  Navarre,  le  conte  d'ÂIençon, 
frère,  monseigneur  Jehan  de  France,  duc  de  Normendie^ 
aisnet  fil,  le  duc  Oedon  de  Boargoingne,  le  conte  Loeys  de 
Flandre,  le  conte  Loys  de  Blois  et  messire  Gharle  de  Blois, 
car  il  estoient  si  nepveux,  le  conte  de  Bar,  le  duc  de 
Bourbon  et  le  duc  de  Lorainne  ;  et  n'estoit  oncquesli  roys  si 
privéement,  fust  à  Paris  ou  ou  bois  de  Vicesnes,  que  chil 
seigneur  ne  fuissent  dalles  lui  et  tout  de  son  hostel  à  déli- 
vrance et  encoires  grant  fuisson  d*autre  baronnie  et  cheva* 
lerie.  Moult  estoit  li  estas  dou  roy  Phelippe  de  Franche 
grans  et  renommés  en  tous  pays,  et  tousdis  croissoit  sans 
amenrir. 

SêC.  réd. — Si  demora  11  rois  Phelippes  en  grant  prospérité  et 
en  grant  honneur,  et  accrut  grandement  Testât  royal;  et  n*i 
avoit  onques  mes  eu  en  France,  sicom  on  disoit,  roy  qui  ewist 
tenu  lestât  parcl  au  roy  Phelippe;  et  faisoit  faire  tournois, 
joustes,  festes  et  esbatement  moult  souvent  et  à  grant  planté. 

Q^atr.  réd.  —  Chils  rois  Phelippes  augmenta  grandement 
Testât  roial  de  finance  et  ama  à  faire  joustes  et  tournois  et  tous 
osbatemens,  et  avoit  un  jono  ûl,  lequel  on  appelloit  Jehan,  et  le 
fiât  duch  de  Normcndie  et  le  maria  à  la  fille  dou  bon  roi  do 
Boosme.  Chils  rois  Phelippes,  en  son  jone  temps,  avoit  esté  uns 
rustcs  et  poursievoit  joustes  et  tournois,  et  cncores  amoit-il 
moult  les  armes,  quoique  son  estât  fust  moult  autementé;  mais 
il  creoit  legièrement  fol  consel,  et  en  son  aîr,  il  fn  cmeuls  et 
hausters,  ci  aussi  fu  la  mine  sa  tomme  et  |MTiIlouso,  la  mère 
dou  roi  Jehan,  qui  fillo  fu  nu  du^h  Ode  do  Bour^iigno  *...  Chils 
rois  fist  en  son  temps  famainto  hastievo  justiiv  ilont  il  9c  fust 
hien  déportc's,  se  il  vo^ist.  Il  fist  pendre  à  Moiit'aui-on  m«*ssire 

•  Il  y  a  ici  ^▼i<ieininfat  une  lacune.  Ajoutez  :  *  e*  s  i\.nr  à  Marpie- 
rite  qui  ot  espouse  le  roy  Lojs.  >  C'est  à  Louia  X  que  se  rappoi teat 
les  mot*  suir.ints     «  Chil-  roia,  ■  et*. 


PROJET  DE  CâôttADB  DC  f8ILir»E  DE  VALOIS.  330 

Rngherant  de  Marigni  ...\  tin  très-vaillant  et  sage  chevalier,  et 
qui  tamaint  bon  consel  li  avoit  donné,  et  tout  ce  fist  faire  la 
roine  de  Franoe  sa  femme.  Quant  elle  avoit  aquelliet  en  haino 
un  baron,  un  chevalier,  quels  qu'il  fust,  se  il  estoit  tenus,  ne 
trouvés,  il  en  estoit  ordonné  et  il  convenoit  qu  il  fust  mors. 
Trop  maie  et  périlleuse  fu  celle  roine  de  France,  la  mère  dou 
roi  Jehan,  et  aussi  elle  morut  de  maie  mort. 


Or  eult  chils  rojs' désir  et  dévotion  d'emprendre  le  crois, 
ensi  qull  fist  et  que  de  aller  outre  mer  sus  les  ennemis  de 
Dieu,  et  fist  ploiseurs  seigneurs  dou  royaumme  de  Franche 
croisier  et  jurer  le  voiaîge  ayoecq  lui,  et  envoya  li  dis  roys 
devers  le  roy  de  Hongrie  ponr  taster  et  ouvrir  le  passaige 
au  lés  deviers  lui,  ossi  deviers  le  roy  d*AlIemaigne  Loeys  de 
Bavière,  qui  resgnoit  pour  le  tamps  emperères  de  Romme, 
qooyque  li  Roununain  li  ocotrestedesisseat,  et  liquelx  avoit 
sa  nièdie  espousee  madame  Margfaerite,  fille  au  conte  de 
Haynnau,  liquels  rois  d*AIemaignd  li  accorda  le  voiaige  et 
se  terre  à  ouvrir  jusqoes  en  Hongrie,  se  par  là  volioit  pas- 
ser, et  li  aroenistreroit  vivres  et  pour  tous  ciaux  qui  le 
croix  porteroîent  et  qui  les  IncreduUes  voroient  destruire  et 
le  foy  crestienne  essauchîer.  Encorres  envoya  H  roys  de 
Franche  dévotement  devers  le  pappe  Bénédic  en  Avignon, 
en  lui  priant  comme  ses  fils  que  le  voiaige  d'outre  mer  et 
le  croix  il  li  volsist  '  conformer  *  et  le  fesist  préchîer  parmy 
sainte  crestienneté.  Li  papes  li  acorda  doucement  et  fu  cesto 
croix  préchie  parmy  le  monde  où  li  foy  de  Dieu  est  creue, 
et  prisent  ^  pluiseur*  vaillant  homme  preudomme  le  croix, 

*  Autre  lactine.  Ajoutez  :  c  ChilB  rois  Phclippes  fist  morir  le  oonto 
(1  !  Ohiiies,  un  très-vailiaut  et  sage  cheTalier,  •  etc.  —  *  Quant  se  vit 
hi  puissans  et  eu  ^ais.  —  ^-^  Accorder.  —  *  *  Moolt  de. 


340  PROJET  DE  CROISADE 

qui  "  dévotion  avoient  d'aller  en  ce  saint  voiaige*.  Encorres 
envoya  li  roys  de  Franche  deviers  le  roy  de  Cipre  que  il 
fuist  pourveus  et  ses  pays  appareilliés  pour  recevoir  les  pel- 
lerins.  Et  prist  li  rois  de  Franche  l'acord  des  Vénissiens  et 
des  Genevois  et  fist-on  garnir  et  pourveir  toutes  les  cos- 
tières  de  mer  de  le  rivière  de  Genève,  mouvant  *  jusques  en 
Napples  et  revenant  en  Venise  et  en  Tille  de  Crète,  et  fist  li 
roys  de  Franche  pourveir  Tille  de  Rodes  '  et  y  envoya  le 
grand  prieur  dé  Franche  à  qui  li  Templier  obéissent.  Et  fist 
li  roys  sus  le  port  de  Marselle  et  de  Aiguesmortes  appareil- 
lier  ses  vaissiaux  et  ses  gallées  et  pourveir  de  touttes  pour- 
véanches,  qui  appertenoit  à  lui  et  pour  XXX"  combatans, 
parmy  les  grans  seigneurs  qu'il  en  volloit  mener  de  son 
hostel,  et  estoient  de  toutte  ceste  navie  souverains  li  contes 
de  Nerbonne  et  messires  Caries  Grumaus,  *  ungs  genevois  ^. 

Sec.  rid.  —  Si  eut  li  dis  rois  Phelippes  grasce  et  dévotion 
de  venir  veoir  le  Saint-Père  pape  Bénédiet,  qui  pour  le  temps 
régnoit  et  se  tenoit  en  Avignon,  et  de  viseter  une  partie  de 
son  royaulme,  pour  lui  déduire  et  esbatre,  et  pour  aprendre  à 
coDgnoistre  ses  cités,  ses  villes  et  ses  chastiaus,  et  les  nobles 
de  son  royaulme.  Si  fist  faire  en  celle  istance  ses  pourvéances 
grandes  et  grosses,  et  se  parti  de  Paris,  en  très-grant  arroi, 
le  roi  de  Behagne  et  le  roi  de  Navare  en  se  compagnie,  et  ossi 
grant  fuison  de  dus,  de  contes  et  de  signeurs,  car  il  tenoit 
grant  estât  et  estoffet,  et  faisoit  grans  livrées  et  grars  dcspens. 
Si  chevauça  li  rois  ensi  parmi  Bourgongne,  et  fist  tant  par  ses 
petites  journées  qu'il  vint  erf  Avignon  où  il  fu  moult  solennel- 
ment  receus  dou  Saint -Père  et  de  tout  le  collège,  et  Ton  no  u- 
rèrent  dou   plus  qu'il  peurent,  et  fu   depuis  grant  terme  là 

*  Grant.  —  *  Mais  pau  greva  aux  Sarrasins,  car  le  roy  n'en  fist 

riens -  '  Jusques  à  Pâlies  en  Tille  de  Tiicce  et  ù  Kodes.  —  ^^  Unir 

vaillant  Ciencvoissur  nier. 


DE   PHILIPPE   Di:   VALOIS.  541 

environ  avoech  le  ()ap6  et  les  cardinauk,  et  se  logoit  à  ViUe- 
novo  dehors  Avignon.  Si  vint  ii  rois  d'Arragon  en  ce  meisme 
temps  ossi  en  court  de  Romme,  pour  lui  veoir  et  festjer  ;  si  y 
eut  grans  festes  et  grans  solennités  à  leurs  approcemens  et  à 
leurs  assambiées,  et  furent  là  tout  le  quaresme  ensievant,  dont 
il  avint  que  certainnes  nouvelles  vinrent  en  court  de  Romme 
que  11  ennemi  do  Dieu  estoient  trop  fort  rebelé  contre  le  Sainte- 
Terre,  et  avoient  reconquis  priesque  tout  le  rojaulme  de  Rasse, 
et  pris  le  roy  *  qui  s'estoit  de  son  temps  crestiennés  *,  et  fait 
morir  à  grant  *  martire  *,  et  manecoient  encores  li  Incrédule 
grandement  Sainte  Crestienté.  De  ces  nouvelles  fu  li  papes 
moult  courouciés ,  ce  fu  bien  raisons  ;  car  il  estoit  chiés  de 
l'Église,  à  cui  tout  bon  crestien  se  doivent  ralloyer  :  si  préeca 
le  jour  dou  Saint  Venredi,  présent  les  rois  dessus  nommés,  le 
digne  souffrance  de  Nostré  Signeur,  et  enhorta  et  remonstra 
grandement  le  crois  à  prendre  et  encargier  pour  aler  sus  les 
ennemis  de  Dieu,  et  si  humblement  et  si  doucement  fourma 
se  prédication,  que  li  rois  de  France  meus  de  grant  pité  prist 
le  crois  et  requist  au  Saint-Père  qu'il  li  volsist  acorder.  Adont 
li  papes  Bénédict,  qui  vit  le  bonne  volonté  dou  roy  de  France, 
li  acorda  bénignement  et  le  confirma,  par  condition  que  il  abso- 
loit  de  painne  et  de  coupe  vrais  confès  et  vrais  repentans,  le 
roi  de  France  premièrement  et  tous  chiaus  qui  avoech  lui 
iroient  en  ce  saint  voiage.  Adont  par  grant  dévotion  et  pour 
Tamour  dou  roy  et  lui  tenir  compagnie  en  ce  pèlerinage,  li  rois 
»  Charles  •  de  Behagne,  li  rois  de  Navare  et  li  rois  Pierres  d'Arra- 
gon  le  prisent,  et  grant  fuison  de  dus,  de  contes,  de  barons  et 
de  chevaliers  qui  là  estoient,  et  ossi  IIII  cardinal,  li  cardinaifls 
Elans ,  li  cardinauls  de  Naples ,  li  cardinauls  de  Pieregorch 
et  li  cardinauls  d'Ostie.  Si  fu  tantost  celle  crois  publyée 
et  préecie  par  le  monde;  et  venoit  à  tous  signeurs  à  grant 
plaisance,  et  espécialment  à  chiaus  qui  voloient  le  temps  dis- 

*  *  Qui  pour  le  temps  s^estoit  baptisiés  et  crestiennés.  ~  '^  Meschief. 
—  »  •  Jehans. 


343  PROJET  DE  CROISADE 

penser  en  armes,  et  qui  adont  ne  le  savoient  bien  raisonnable-» 
ment  où  employer. 

Quant  11  rois  de  France  et  11  rois  dessus  nommet  eurent  esté 
un  grant  temps  dalés  le  pape ,  et  il  eurent  jette  et  avisé  et 
oonfermé  le  plus  grant  partie  de  leurs  besongnes,  il  se  partirent 
de  court  et  prisent  congiet  au  Saint-Père  :  si  s'en  râla  11  rois 
d'Arragon  en  son  pajs,  et  li  rois  de  France  et  sa  compagnie 
8*en  vinrent  à  Montpellier,  et  là  furent-il  ung  grant  temps  ;  et 
âst  adont  11  rois  Phelippes  une  pais  de  grant  hajne  qui  se 
mouvoit  entre  le  roy  d'Arragon  et  le  roy  de  Maiogres.  Aprièa 
celle  pais  faite»  il  s'en  retourna  en  France  à  petites  journées 
et  as  grans  despens,  visetant  ses  cités,  ses  villes,  ses  chastiaus 
et  ses  forterèoes,  dont  il  avoit  sans  nombre ,  et  rapassa  parmi 
Auvergne,  parmi  Berry,  parmi  Biausse  et  parmi  le  Gastinoys, 
et  revint  à  Paris,  où  il  fut  receus  à  grant  feste.  Adont  estoit 
li  royaulmes  de  France  gras,  plains  et  drus,  et  les  gens  ricbea 
et  possessans  de  grant  avoir,  ne  on  n'i  savoit  parl^de  nulle 
guerre. 

Sus  Fordenanoe  de  le  crois,  pour  aler  oultre  mer,  que  li  rois 
de  France  avoit  empris  et  encargiet ,  et  dont  il  se  faisoit  chiés, 
se  avisèrent  pluiseur  signeur  par  le  monde,  et  Temprisent  ossi 
li  aucun  par  grant  dévotion  ;  car  li  papes  absoloit  tous  chiaus, 
de  painne  et  de  coupe,  qui  en  ce  saint  volage  iroient.  Si  fu  la 
ditte  crois  manifestée  et  préeciée  par  le  monde,  et  venoit  à  plui- 
seurs  chevaliers  bien  à  point,  qui  se  désiroient  à  avancier.  Si  âst 
11  rois  Phelippes,  comme  chiés  de  ceste  emprise,  le  plus  grant 
et  le  plus  biel  apparel  qui  onques  euist  estet  fais  pour  aler 
oultre  mer,  ne  dou  temps  Qodefroi  de  Buillon,  ne  d^aultre,  et 
avoit  retenu  et  mis  en  certains  pors,  cest  assavoir  de  Mar- 
selle,  de  Aiguemortes,  de  Lattes,  de  Nerbonne  et  d'environ 
Montpellier,  tel  quantité  de  vaissiaus,  de  naves,  de  carrakes, 
de  gallées  et  de  barges,  comme  pour  passer  et  porter  LX"» 
hommes  d'armes  et  leurs  pourvéances,  et  les  fist  tout  le  temps 
pourveir  de  bescuit,  do  vins,  de  douce  aiguë,  de  char  sallées, 
et  de  toutes  aultres    coscs  nécessaires   pour  gens  d'armes  et 


D£  MUUPTE  DE  VALOIS  345 

pour  Tivro,  et  si  grant  plenté  que  pour  durer  III  ans,  s*il 
besoDgnoit.  Et  envola  encores  li  dis  rois  de  France,  grans 
messages  pardevers  le  roj  de  Hongorie  qui  estoit  moult  vail- 
lans  lioms,  en  lui  priant  que  il  fust  apparilliés  et  ses  pays  ouvers 
pour  recevoir  les  pèlerins  de  Dieu.  Cils  rois  de  Hongerie  y 
entendi  volentiers,  et  dist  que  il  estoit  tous  pourvous  et  ses 
pays  ossi,  de  recevoir  le  roj  de  France  et  tous  chiaus  qui 
avoech  lui  iroient.  Tout  en  tel  manière  le  segneâa  li  rois  de 
Franoe  au  roj  de  Cippre,  monsigneur  Hv^e  de  Luzegnan,  un 
vaillant  roj  durement,  et  oesi  au  roj  de  SecUle,  qui  volontiers 
j  entendirent,  et  se  pourveirent  selonch  ee  bien  et  souffissam- 
ment,  à  le  prjère  et  requeste  dou  roj  de  France.  Encores 
envoia  11  dis  rois  devers  les  Vénissiens,  en  priant  et  requérant 
que  leurs  metes  fussent  ouvertes,  gardées  et  pourveues.  Cil 
obéirent  volontiers  au  roj  de  France  et  acomplirent  son  com- 
mandement. Ossi  flsent  li  Genevois  et  tout  cil  de  le  rivière  de 
Oenneves.  Et  flst  li  rois  de  France  passer  oultre  en  Tille  de 
Rodes  le  grant  prieur  de  France,  pour  aministrer  vivres  et 
pourvéanoee  sus  leurs  metes,  et  usent  cil  de  Saint-Jehan,  par 
acord  avoech  les  Vénissiens ,  pourvoir  moult  soufflssamment 
rislo  de  Crète,  qui  est  de  leur  signourie.  Briefment  cascuns 
estoit  apparilliés  et  rebraciés  de  faire  tout  ce  que  bon  estoit  et 
sambloit  pour  recueillir  les  pèlerins  de  Dieu ,  et  prisent  plus 
de  CCO"  personnes  le  crois  pour  aler  oultre  mer  en  ce  saint 
vojage. 

Qiuiir.  réd.  ~  En  ce  temps  vint-il  en  dévotion  au  roi  Phe- 
lippe  d'aler  en  Avignon  veoir  le  pape  Bénédic  qui  resgnoit 
pour  ce  temps,  et  de  parler  à  lui  et  par  son  consel  entreprendre 
le  voiage  d*outre  mer  et  conquerre  la  Sainte-Terre,  car  pour 
lors  il  n'avoientque  faire  et  ne  savoient  à  quoi  entendre,  fors 
as  joustes  et  as  tournois  et  à  tous  aultres  esbatemens,  et  pour 
ce  11  rois  Phelippes  avoit  celle  dévotion  de  convertir  ces  armes 
et  esbatcmens  À  aler  sus  les  Incrédules  et  conquerre  la  sainte 
chité  de  Jhérusalem  et  le  roiaulme  de  Surie,  et  tant  fidre  par 


544  PROIET  PE  CROISADE 

poissance  que  de  oster  hors  des  mains  dou  Soudan  et  des  Incré- 
dules, et  jà  en  avoit  li  rois  de  France  escript  au  roi  Robert  de 
Cécille,  son  cousin,  et  prjet  que  il  se  vosist  avaler  en  Prou- 
vence  dont  il  estoit  sires,  et  que  sans  faute  en  tel  temps  (se  li 
nomma)  il  seroit  en  Avignon,  lesquelles  nouvelles  et  segne- 
fiances  furent  à  ce  roi  Robert  moult  plaisans,  car  il  s'escripsoit 
rois  de  Cécille  et  de  Naples  et  de  Jhérusalem ,  dus  de  Poille 
et  de  Calabre  et  contes  de  Prouvence.  Si  pensoit  à  recouvrer 
son  hiretage  de  la  Sainte-Terre  par  la  poissance  dou  roi  de 
France  et  des  crestjens  puis  que  li  volages  de  la  vermelle  crois 
seroit  empris,  et  se  départi  de  Sésille  et  de  Poille,  et  esploita 
tant  par  ses  journées  que  il  vint  en  Prouvence. 

Pour,  ces  jours  estoit  li  rois  Phelippes  jà  avalés  et  venus 
à  Lion  sus  le  Rosne.  Quant  on  li  dist  que  li  rois  Robers  estoit 
en  Prouvence,  si  se  départi  tantos  et  vint  tout  contre  val  la 
rivière  dou  Rosne  en  une  nef  en  Avignon  pour  ceminer  plus 
aise,  et  li  aultre,  c'est  à  entendre  ses  gens,  vinrent  par  terre 
une  partie  et  se  logièrent  tout  à  Villenove  dehors  Avignon, 
et  li  rois  de  France  ausi.  Li  papes,  li  cardinal  et  toute  li  cours 
furent  grandement  resjoï  de  la  venue  dou  roi  de  France  et  dou 
roi  Robert  de  Cécille,  quant  il  estoient  là  venu,  et  furent  grâces 
ouvertes  à  tous  clers  qui  empêtrer  voloient.  Et  donna  11  papes 
par  pluisseurs  fois  à  diner  en  son  palais,  liquels,  pour  le  temps 
dont  je  parole,  n^estoit  pas  si  biaus,  ne  si  remplis  de  cambres 
et  d'édefisces  comme  il  est  pour  le  présent.  Les  deus  rois ,  le 
roi  de  France  et  le  roi  de  Cécille...,  et  là  furent  faites  grandes 
prédications  et  bulles  devant  les  rois  et  toutes  touchans  à  la 
crois  vermelle  emprendre,  et  Temprissént  ou  nom  de  Dieu  et 
Taourèrent  et  voèrent  à  porter  ôultre  mer  en  la  Sainte  Terre, 
en  la  capelle  dou  pape,  li  doi  roi  desus  nommé,  li  contes 
d'Alençon,  frères  au  roi  de  France ,  li  contes  de  Savoie ,  li 
contes  d'Armignac,  li  daufins  de  Vienne,  li  daufins  d'Auvergne, 
li  dus  de  Bourbon,  li  contes  de  Forois,  li  cardinauls  de  Naples, 
li  cardinauls  d'Ostie,  li  cardinauls  de  Melans  et  li  cardinauls 
d'Urgel,  et  tant  que  à  ce  jour,  en  issant  dou  palais,   il  furent 


DE  PHILIPPE  DE  VALOIS.  345 

plus  de  deus  cens  grans  signeurs  qui  tous  emprissent  le  ver- 
melle  crois  à  porter,  et  voèrent  que,  au  plus  tart  dedens  deus 
ans,  il  seroient  en  Tille  de  Rodes.  Adont  fu  avisé  dou  Saint- 
Père  et  dou  colége  à  préechier  celle  crois  parmi  la  crestienneté 
et  de  absoudre  de  painne  et  de  coupe  tous  vrais  crestyens  qui 
la  vermelle  crois  encargeroient  et  le  porteroient  en  dévotion 
oultre  mer  pour  aidier  le  roi  de  France  à  conquérir  la  terre  de 
Surie  et  la  Sainte  Chité  de  Jhérusalem.  Quant  li  doi  roi  desus 
nommé  orent  assés  séjourné  en  Avignon,  tant  que  bon  lor  fu, 
il  prissent  congiet  au  pape  et  as  cardinauls,  et  aussi  Fun  à 
lautre,  et  se  départirent,  et  s'en  retourna  li  rois  Robers  en 
Cécille  et  li  rois  Phelippes  en  France.  Et  fu  ceDe  crois  à  porter 
oultre  mer  préechie  partout,  et  furent  moult  de  peuple  esmeu 
en  cause  de  dévotion  dealer  oultre,  se  li  voiages  se  faisoit. 

En  ce  temps  estoit  avenu  que  messires  Lois  de  Bavière 
avoit  tenu  son  siège  devant  la  ville  de  Aix  en  Alemagne 
quarante  jours,  et  Pavoient  li  eslisseur  esleu  à  estre  emperères 
de  Rome,  mais  li  rois  Phelippe  et  li  signeur  de  France  i 
metoient  un  grant  empécement  et  voloient  que  Caries  deBoesme, 
ôls  au  roi  de  Boesme  et  dus  de  Lucembourc,  fust  emperères. 
Li  Alemant  se  traioient  au  Baivier  et  ne  s'acordoient  point  a 
Carie  de  Boesme,  et  très  dont  se  commenchièrent  à  engendrer 
et  nourir  haines  entre  les  Alemans  et  les  François,  car  li  uns 
voloit  d'un  et  li  aultres  d'aultre,  et  faisoient  partie  avoecques 
le  roi  de  France  et  les  François,  li  Sains-Pères  Bénédic  et  tout 
li  cardinal,  et  ne  pooit  Lois  de  Baivière,  rois  d' Alemagne,  flner 
que  li  papes  envoiast  à  Rome  un  cardinal  en  légation  et  li  don- 
nast  poissance  pour  le  consacrer,  et  s'escusoit  par  voies  obliques. 
Quant  Loys  de  Baivière  vei  ce  que  il  n'en  aueroit  aultre  cose  et 
que  il  estoit  lies  cardinauls  et  dou  pape  menés  d'escuses  et  de 
frivoles  et  veoit  tout  clèrement  que  li  François  s'enclinoient  À 
Carie  de  Lucembourc  et  non  à  lui,  il  i  pourvei,  je  vous  dirai 
comment.  Il  cevauça  à  poissance  et  à  grant  fuisson  de  gens 
d'armes  parmi  la  Lombardie  et  vint  à  Melans  et  fist  son  devoir 
de  tout  cbe  que  à  roi  d' Alemagne  apartenoit  à  faire,  et  institua 


346  PROJET   DE  CROIftADE  BE  rRiLIFIȣ  BE,  VALOIS. 

Tarcevesque  de  Milan  qui  pour  le  temps  resgndt  à  Melan,  en  la 
visoonté,  parmi  une  somme  de  ûonns  que  il  en  devoit  rendre 
tout  les  ans,  et  puis  passa  oultre,  et  partout  où  il-venoit,  il  estoit 
courtoisement  requelliés  et  tenoit  grant  estât  et  estofé  et  pois- 
sauce  de  gens  d^armes  par  quoi  ii  estoit  le  plus  doubt^,  et  vint 
à  R<»Be  et  là  fu  recheus  comme  rois  d'Alemagne,  et  avoit 
eBTOjet  en  Avignon,  son  cemin  faisant,  soufissans  messages 
pour  sommer  le  pape  et  les  cardinauls,  et  leur  segneûoit  par  ses 
lettres  et  par  ses  commissaires  que  il  vosissent  envoyer  à  Rome 
un  cardinal  pour  le  consacrer  à  empereur,  et  de  ce  il  supplioit 
affectueusement  le  pape  et  les  cardinauls.  Chil  qui  i  furent 
envojet,  fissent  bien  lor  devoir  de  faire  lor  message,  mais  il  no 
pooient  avoir  nulle  response.  Avant  estoient  menet  de  paroles, 
et  tout  lor  estât  et  convenant  il  escripsoient  songneusement  à 
lor  signeur  le  roi  Loys  de  Baivière.  Quant  il  vei  che  que  il  n'en 
aueroit  aultre  cose  et  que  on  li  empéçoit  sa  consacration,  il  i 
pourvoi,  car  il  flst  un  pape  et  douse  cardinauls  par  Facort  des 
Romains  et  se  fist  consacrer  et  couronner  de  ce  pape  et  de  ces 
cardinauls  et  prononchier  à  estre  emperères.  Quant  il  ot  recheu 
celle  dignité  par  la  voie  que  je  vous  di,  assés  tos  apriès  il  so 
départi  de  Rome.  Li  Alemant  qui  servi  Favoient  sus  tout  son 
voiage  et  asquels  i)  devoit  grant  ûnance,  li  demandèrent  à  estro 
pajet  :  il  s'escusa  et  dist  que  il  n'avoit  point  d'argent  là  aporté, 
fors  que  pour  ses  menus  frès  payer.  Il  li  dissent  derechief  tout 
généraument,  que,  se  il  n  estoient  payet,  il  se  paieroient  :  il  lor 
acorda  et  n'avoit  cure  comment,  mais  que  il  demorast  en  paix 
et  en  lor  grâce.  Si  tos  que  Loys  li  Baiviers  fu  issus  de  Rome, 
li  Alemant  demorèrent  derrière.  Il  avoient  ordonné  à  courir 
Rome,  ensi  que  il  fissent,  et  pillièrent  et  prissent  li  Alemcint 
sus  les  Romains  tant  et  oultre  ce  que  on  lor  devoit,  et  nVu 
porent  avoir  aultre  cose,  et  retournèrent,  tout  fouci  d'or  et 
d'argent  et  de  jeuiauls,  devers  Femperour  Loys  de  Baivière  qui 
les  atcndoit  à  Viterbe.  Si  aquellièrent  li  Romain  ce  Baivier  en 
grant  haine,  et  dissent  que  il  lor  avoit  fait  faire  *,  neonques 

^  Quelques  mots  paraissent  manquer  ici  dans  le  texte  du  Vatican. 


AMBASSAim  ANGLAISE  BM  HAINAUT.  347 

depuis  il  ne  rentra  à  Rome,  et  li  papes  et  li  cardinauli  qui  le 
consacrèrent,  n'orent  point  de  durée  et  se  vinrent  rendre  au 
pape  d'Avignon,  mais  ce  ne  fu  pas  si  tos.  Lojs  de  Baivière  qui 
s^escripsi,  tant  que  il  vesqui,  rois  d*Alemagne  et  empereour  do 
Rome,  maugré  tous  ses  malvoellans,  s*en  retourna  en  Alemagne 
et  là  se  tint,  et  avoit  k  femme  madame  Marguerite,  fille  au  conte 
CfuiUaume  de  Hainnau,  et  ot  de  li  un  grant  mont  de  biaus  enfans, 
fils  et  filles. 


Or  vous  parlerons  des  IIII  chevaliers  ordonnet  pour  venir 
en  Haynnau  et  quel  cose  îl  trouvèrent  en  chiaux  deviers  qui 
il  estoient  envoyet.  Quant  H  baron  dessus  nommet  et'  doy 
clercq  de  droit  *  avoecq  yaux  envoyet  de  par  le  roy  d'Engle- 
terre  furent  arivet  à  TEscluse  en  Flandres,  il  eurent  consseil 
lequel  chemin  premiers  des  III  il  tenroieut.  Si  s*acordërent 
et  pour  le  milieur  que  de  venir'en  Haynnau  ;  si  enquissent 
où  li  contes  se  tenoit,  et  on  leur  dist  à  Valenchiennes.  Lors 
esploîtièrent-il  tant  par  leurs  journées  qu*il  vinrent  à  Valen- 
chiennes et  descendirent  sur  le  marchiet,  et  eut  chacuns  des 
barons  son  hostel  par  lui.  Et  quant  il  se  furent  appareillés  et 
de  draps  renouvelles,  il  s'en  vinrent  très-ordonnéement 
deviers  le  conte  de  Haynnau,  qui  adont  se  tenoit  en  le  Salle 
à  Valenchiennes  \  et  leur  chéi  si  bien  que  messires  Jefaans 
ses  frères  estoit  dallés  lui,  desquels  seigneurs  il  furent 

*  convignablement  •  recheu,  car  bien  le  savoîent  faire.  Quant 
li  baron  d'Engleterre  eurent  le  conte  salué  et  encline,  et 
monseigneur  Jehan  son  frère  ^,*  li  ungs  commencha  à  parler* 
en  lui  tournant  sus  le  conte  et  dist  :  «  Monseigneur,  vostre 

*  *  Deux  graos  clers.  —  •  Premiers.  —  *  Dont  ils  furent  moult 
lies.  —  *'*  Moult  honnourablement.  —  ^  Et  fait  les  rëvërencea.  — 

*  *  U  nngt  d*«iibc  priai  les  paroles. 


348  AMBASSADE   ANGLAISE 

«  biaux  fils  li  roys  d'Engleterre  nous  envoie  par  et  devîers 
«  vous  en  grant  spécialité  avoecq  ces  lettres  que  baillies 
«  vous  avons  pour  avoir  consseil  et  advis  de  ceste  besoingne 
«  qui  à  son  honneur  grandement  li  touche,  sicomme  les 
«  lettres  font  mention,  car  ilest  enfourmés  et  de  certain 
«  et  par  pluiseurs  clercs  voies  et  raisons  on  li  monstre  et 
a  a-on  remonstré  que  li  royaurames  de  Franche  deveroit  de 
«  droite  hoirie  et  par  le  succession  dou  roy  Charlon  son 
«  oncle  estre  siens.  Or  considère  li  rois  les  périls,  les 
«  adventures,  les  haynnes  et  les  fortunnes  qui  en  puevent 
«  naistre  et  descendre,  car  il  ne  vouroit  pas  cose  esmou- 
«  voir  qui  à  sen  déshonneur  li  peuist  venir.  Ossi  il  ne  voroit 
«  mies  que  par  faute  de  couraige,  d'emprise  et  de  voUenté 
«  ses  droits  li  fust  tollus,  ne  ostés  ;  car  il  trueve  en  bonne 
«  vollenté  et  en  grand  désir  tout  son  royaumme  d'Engle- 
«  terre  de  lui  aidier,  et  bien  li  ont  dit  que  il  ne  se  délaie 
«  mies  de  son  droit  à  poursuiwir  pour  doubte  d'avoir  peu  de 
«  gens  et  de  ohevanche,  car  il  l'en  feront  assés  avoir.  Or  est 
«  li  emprise  si  grande  et  si  haulte  que  dou  tout  seuUement 
«  il  ne  se  voelt  mies  fonder,  ne  arester  sur  lui,  ne  sur  l'es- 
«  mayssement  de  ses  hommes.  Si  sommes  envoyet  par 
«  deviers  vous  comme  à  son  père  que  de  ces  besoingnes 
«  vous  en  voeilliés  dire  *  vostre  entente  *.  » 

Quant  li  contes  de  Haynnau  eut  oy  parler  et  remonstrer  ^ 
à  l'un  des  seigneurs  d'Engleterre  che  pour  quoy  il  estoient  là 
venut  et  les  doutes  ossi  que  li  roys  d'Engleterre  y  mettoit 
et  avoit  mis  présent  son  consseil  sicomme  il  disoient,  si  ne 
les  oy  mies  aeuvis ,  ains  dist  que  li  roys  n'estoit  mies  sans 
grant  sens  ^  quant  tels  coses  avoit  considérées,  car  voire- 
ment  quant  on  voelt  enprendre  une  grosse  besoingne  et 
touchant  à  honneur,  on  ne  le  poelt  trop  bien  examiner,  ne 

*  *  Vostre  bonne  intencion.—*  Bien  et  sagement.  —  *  Et  bon  conseil. 


EN  HAINAUT.  349 

considérer  à  quel  chief  elle  pora  traire.  Si  respondi  li  contes 
à  ces  parolles  et  dist  aînssi  :  «  Certes,  seigneur,  vous  devés 
«  ^  savoir  *  et  est  tout  cler  que  jou  auroie  plus  chier  tout 
«  honneur  et  prouflSt  au  roy  d'Engleterre  mon  fil  qui  a  ma 
a  fille,  que  je  ne  ferroie  au  roy  de  Franche,  et  se  il  troeve 
«  en  son  conseil  que  il  entreprende  le  gherre  de  Franche, 
«  je  sui  tout  appareilliés,  et  Jehans  mes  frères  qui  autrefois 
a  Ta  servit,  d'aidier  et  conforter  en  touttes  mannières.  Mes 
«  avoecq  le  nostre  ayde  y  fault  bien  autre,  *  car  li  pays  de 
a  Haynnau  est  ungs  petis  pays  ou  regard  del  royaurame  de 
a  Franche  *,  et  se  li  siet  Engleterre  trop  loing  pour  secou- 
«  rir  ;  mes,  se  vos  sires  pooit  avoir  l'accord  et  l'amisté  dou 
a  duc  de  Braibant  et  dou  conte  de  Guéries  et  dou  pays  de 
«  Flandres,  de  tant  seroit  mes  pays  plus  fors  et  se  guerre 
«  en  vauroit  le  mieux.  Si  voeilliés  aller  ^  deviers  ces  deux 
«  seigneurs  et  traitier  à  yaux  seloucq  ce  que  vous  estes 
«  chargiés,  et  se  il  aident  mon  fil  le  roy  d'Engleterre,  je  ne 
«  deraourray  pas  derrière,  ne  mon  pays  ossi.  Et  quant  vous 
«  revenrés  en  Engleterre,  *  si  dittes  enssi  au  roy  de  par 
«  my  que  par  prière  ou  par  constrainte  il  fâche  tant  qu'il 
«  ait  à  acord  et  pour  confort  le  pays  de  Flandres  :  se  li  sera 
a  ung  très-grand  avantage  *.  Ossi  il  ne  s'espargne  mies 
«  d'aller  ou  d' envoyer  ®  deviers  le  roy  d'Alleraaingne 
«  Loeys  de  Bavière,  ^°  qui  en  ceste  besoingne  le  poelt 
«  moult  aidier  et  par  pluiseurs  cas  ".  »  De  tout  ce  consseil 
avisa  adont  li  contes  Guillaumraes  de  Haynnau  les  mcssa- 
giers  le  roy  d'Engleterre.  Et  escéi  si  bien  à  point  adont 

*-*  Croire.  —  '  *  Car  nous  et  le  pays  de  lïaynnau  summes  petis  pour 
tel  cas;  si  ne  poons  point  grans  fais.  —  *•  Se  vous  conseille  que  vous 
aies.  —  '  *  Et  dittes  ainsi  au  roy,  de  par  moy,  que  du  pays  de  Flan- 
dres par  espëcial  il  songne  tant,  par  prière  ou  par  constrainte,  qu'il 
en  ait  Taynwe.  —  ®  Souffisamment.  —  *®-**  Qui  en  cest  affaire  lui 
^ieut  moult  valoir  en  pluiseurs  cas. 


3S0  AMlUBfiâM  AMGLAISE 

pour  le  roy  d'En^eterre  que  li  dis  eimtds  eetoit  en  grtnt 
hainne  contre  le  roy  Pheiippe  de  Franche,  et  je  toos  dirai 
ponrquoy,  car  je  ne  voeil  riens  onblyer  qui  i  recorder 
face.  Li  contes  de  Haynnau  avoit  traitiet  nng  mariaige  de 
madame  Ysabiel  sa  fiile  à  Tainnet  fil  le  dac  de  Braibant,  et 
qnant  li  roys  de  Franche  le  seolt,  il  esploita  tant  que  li 
mariaiges  fu  deffès  et  le  '  flancha  *  ailleurs,  che  tu  i  ta 
fille,  pour  quoy  li  contes  Guillaummes  Ai  durement  oonrroQ- 
chi^  sus  le  roy  Pheiippe.  Encoires  en  ee  meysme  temps 
eschëi  en  vendaige  li  castiaux  de  Alues  et  li  terre  de  Crie- 
vecœr,  et  Tacata  H  contes  de  Haynnau  et  en  presta  as  ven- 
deurs grans  deniers  et  le  quidoit  tenir  et  ajooster  i  le  conte 
de  Haynnau  comme  sen  bon  hiretaige  et  en  ayoit  grant  joie, 
car  ceste  terre  li  eetoit  trop  bien  sëans  pour  estre  ensi 
comme  clés  sur  les  frontières  de  Cambresis  et  le  départe- 
ment de  Haynnau.  Et  quand  ii  roys  Phelippes  sent  che,  il 
en  fu  moult  courouchiés  et  manda  le  Tendeur  '  et  li  amenda 
son  marchiet  ^  et  li  fist  renonchier  le  veiidaige  et  le  priât 
pour  lui  et  le  donna  le  duc  de  Nonnendie  son  fil,  liqœls 
s'en  mist  en  possession,  et  fu  depuis  atribuës  au  royaomme 
de  Franche  comme  de  Thiretaige,  et  ensi  par  celle  man- 
nière  li  fors  castiaux  de  Alues  en  Pailloel  sus  le  marce  de 
Ostrevant  et  de  Douay  fu  ostës  au  conte  de  Haynnau  qui  le 
cuidoit  avoir  acatet  pour  acroistre  son  pays  et  clore  sus  le» 
frontières  dt»  France.  Ces  tn»is  cosefi  est  oient  assês  nouvel- 
lement advenues  entre  le  roy  de  Franche  et  le  eonte  do 
Haynnau,  liquels  en  avoit  graiit  indignation  et  '  n*en  amoît 
mies  mieux  le  roy  ^,  ne  son  consseii,  et  disoit  bien  ^  que  il 
li  remonstreroit  quant  il  vennût  à  p«>iut  ".  Or  revenrons  à 
!t»  niîitère  dont  nous  parlions  iniiinte;i;»nt. 

•-•  Traitm.  —  '  *  Fût  tant,  par  deniers  et  par  parolles,  qtie  le  marchié 
fu  nul.  S'en  fut  €x>aroochiët  le  conte  de  Hajnnaa.  —  **  Si  o  en  aimoit 
point  le  roj.  —  ^  *  Qn*il  lui  renderoK,  quant  il  rjoerroit  k  \iOÏùi. 


KM  HADUCT.  351 

^lant  li  baron  d'Engleterre  eurent  07  les  responsoes  dou 
conte  de  Hajnnaa  et  le  oonsseil  qu'il  leur  donnoit  S  si 
roïpent  volentiers  *  et  dirent  que  gr&nt  merchis  et  que  par 
par  son  advis  il  useroîent  *.  Depuis  furent-il  avoecques  le 
conte  et  monseigneur  Jehan  son  frère,  V  jours,  qui  trop 
bien  les  festyèrent.  Au  VI**  il  se  partirent  et  s'en  vinrent 
en  Braibant  et  .trouvèrent  à  le  Lewure  le  ducq  Jehan  de 
Braibant  qui  courtoisement  les  rechupt  pour  Taraour  dou 
roy  leur  seigneur,  à  qui  il  estoit  cousins  germains,  et  à  qui 
il  contèrent  tout  leur  messaige.  *  Li  ducs  en  respondj  que 
par  linaige  il  ne  devoit  mies  faillir  au  roy  d'Engleterre,  et 
que  il  le  conforteroit,  aideroit  et  conseiileroit  en  tous  cas, 
si  avant  que  il  vorroit  son  droit  repoursuiwir,  car  il  y 
estoit  tenus  et  avoit  bonne  vollenté  de  le  faire  :  de  ce  furent 
U  messagier  tout  joyant  ^.  Et  vinrent  depuis  en  Guéries  et 
esploitèrent  si  bien  que  li  contes  de  Guéries  ^  s'abandonna 
don  tout  son  corps,  ses  hommes  et  son  pays  ou  service  \e 
roy  englès.  Lors  retournèrent  K  baron  d*Engleterre  arrière 
et  rapportèrent  au  roy  et  à  son  consseil  '  tout  che  que  trou- 
vet  avoîent  •. 

Sic.  Hd.  —  Li  ëassusdis  évesques,  li  doi  chevalier  baniMmch, 
li  doi  clerch  de  droit  ne  veorent  mies  refuser  le  requeste  dou 
roy,  ains  li  ottryèrent  volentiers  :  si  se  appariilièrant  au  plus 
tost  qu'il  peurent,  et  se  partirent  dou  roy  et  montèrent  en  mer. 
Et  arrivèrent  adont  à  Dunkerke  :  si  reposèrent  là  tant  que  leur 
cheval  furent  mis  hors  des  vaissiaus,  et  puis  se  missent  au  che- 

*••  Si  Be  tinrent  bien  content.  —  *  Delà  en  avant.  —  *»  Et  sur  ce 
leur  respondy  le  duc  qu'il  estoit  si  tenus  au  roj  par  linage  que  falir 
ne  loi  devoit  par  raison.  Si  leur  promist  ayde  de  luy  et  de  tout  son 
pays,  de  quanques  il  porroit.  De  oe  forent  les  messages  mouU  joieux. 
•»  *  Leur  promit  et.  —  ^  ^  Comment  ils  avoient  esploité  en  l'un  pays  et 
en  Taotre. 


352  AMBASSADE  ANGLAISE 

min  et  chevaucièrent  parmi  Flandres,  et  esploitièrent  tant  qu'il 
vinrent  à  Yalenciennes.  Là  trouvèrent-il  le  conte  Guillaume  de 
Hajnnau  qui  gisoit  si  malades  de  gouttes  artétikes  et  de  gra- 
vielle  qu'il  ne  se  pooit  mouvoir,  et  trouvèrent  ossi  monsigueur 
Jehan  de  Haynnau  son  frère.  S'il  furent  grandement  festyet  et 
honnouret,  ce  ne  fait  point  à  demander.  Quant  il  furent  si  bien 
festyet  comme  à  jauls  apertenoit,  il  comptèrent  au  dit  conte  de 
Hajnnau  et  à  son  frère  leur  entente  et  pour  quoi  il  estoient  là 
envoyet  par  devers  yauls  ;  et  leur  exprimèrent  toutes  les  rai- 
sons et  les  doubtances  que  li  rois  meismes  avoit  mises  avant 
pardevant  son  conseil,  sicom  vous  avés  ci-dessus  oj  recorder. 

Quant  li  contes  de  Haynnau  eut  oy  ce  pour  quoi  il  estoient 
là  envojet ,  et  il  eut  oy  les  raisons  et  les  doubtances  que  U 
rois  englès  avoit  mises  avant  à  son  conseil,  il  ne  les  oj  mies 
aenvis ,  ains  dist  que  li  rois  n'estoit  mies  sans  sens ,  quant 
il  avoit  ces  raisons  et  ces  doubtances  si  bien  considérées  ;  car 
quant  on  voet  entreprendre  une  grosse  besongne,  on  doit  aviser 
et  considérer  comment  on  le  poroit  achiever,  et  au  plus  priés  de 
le  fin  peser  à  quel  chief  on  poroit  venir.  Et  dist  ensi .  li  gentils 
contes  :  •  Se  li  rois  y  poet  parvenir,  se  m'ayt  Dieus,  jou  en  aroie 
c  grant  joie  ;  et  poet-on  bien  penser  que  je  Taroie  plus  chier 
c  pour  lui  qui  a  ma  fille,  que  je  n'aroie  pour  le  roy  Phelippe, 
c  qui  ne  m'a  nient  fait  tout  à  point,  comment  que  jou  aie  sa 
f  sereur  espousée  ;  car  il  m'a  destournet  couvertement  le  ma- 

•  riage  del  jone  duch  de  Braibant  qui  devoit  avoir  espouset 
€  Ysabiel  ma  fille,  et  Ta  rctenut  pour  une  sienne  aultre  fille  :  pnr 
€  quoi  je  ne  faurrai  mies  à  mon  chier  et  amet  fil  le  roi  d'Englc- 
€  terre,  s'il  trocvc  en  son  conseil  qu'il  le  voelle  entreprendre  ; 
«  ains  11  aiderai  de  conseil  et  d'ajde  à  mon  loyal  pooir.  Ossi 
«  fera  Jchans  mes  frères  qui  là  siet,  qui  aultrefois  la  siervit  ; 
t  mais  sachiés  qu'il  li  faurroit  bien  avoir  aultre  ayde  plus  foi*te 
a  que  n'est  la  nostic  ;  car  Ilaynnau  est  uns  petis  pays,  ce  savés, 
f  ou  pegard  dou  royaulme  de  France ,  et  Engleterre  gist  trop 
«  loing  pour  nous  souscourre.  •  —  t  Certes,  sires,  vous  nous 

•  donnés  très-bon  conseil  et  nous  monstres  grant  amour  et 


EN  HAINAIT.  S13 

€  grant  volenté,  de  quoi  nous  nous  vous  regrations,  de  par 
€  nostre  signeur  le  roy,  •  ce  respondi  li  éyesques  do  Lincolle 
pour  tous  les  aultres.  Et  dist  cncores  :  c  Oiiers  sires,  or  nous 
c  consilliés  desquels  signeurs  nos  sires  se  poroit  mieuls  aidier 
c  et  es  quels  il  se  poroit  miex  fier,  par  quoi  nous  li  puissions 
«  reporter  vostro  consol.  »  —  •  Sour  1  ame  de  mi,  respondi  li 
«  ('ontes,  je  ne  saroie  aviser  signeur  si  poissant  pour  lui  aidier 
€  on  ces  besongnes  comme  seroit  li  dux  de  Braibant,  qui  est 

<  SOS  cousins  germains,  ossi  li  ôvesques  de  Liège,  li  dus  de 
«  Guéries  qui  a  sa  sereur  à  femme ,  li  arcevesques  de  Cou- 

<  longue,  li  markis  de  Jullers,  messires  Emouls  de  Bakehen 
c  et  li  sires  de  Faukemont.  Ce  sont  cil  qui  plus  aroient  grant 
«  fuison  de  gens  d'armes  en  briof  temps,  que  signeur  que  je 
«  sace  en  nul  pays  del  monde  ;  et  si  sont  très-bon  guerriour, 
«  et  fineront  bien,  se  il  voellent,  de  VIII "»  ou  de  X"  armeures 
c  âo  fier,  mais  que  on  leur  doinst  del  argent  à  avenant  ;  et  si 
c  sont  signeur  et  gens  qui  gaagnent  volontiers.  S*il  estoit  ensi 
c  que  li  rois  mes  Ûls  vos  sires  euist  acquis  ces  signeurs  que  je 
c  dis,  et  il  fust  pardeçà  le  mer,  il  poroit  bien  aler  requerre  le 
€  roy  Pholippe  oultro  le  rivière  d*Oise  et  combatreà  lui.  » 

Cils  consauls  pleut  grandement  à  ces  signeurs  d'Engleterre  ; 
puis  prissent  congiot  au  conte  de  Hajrnau  et  à  monaigneur 
Jehan  son  frère.  Si  son  râlèrent  viors  Engletcrre  porter  au 
roy  le  consol  qu'il  avoiont  trouvet  ou  dessusdit  conte  et  à 
son  fivro.  Quant  il  furent  venu  à  Londres,  li  rois  leur  fist 
grant  foste,  et  il  li  racontèrent  tout  ce  qu'il  avoiont  trûuvet  au 
f^nsoil  et  à  Tavis  dou  gentil  conte  et  de  monsigneur  Jehan  de 
Haynau  sou  frère,  dont  li  rois  eut  grant  joie,  et  en  fut  grande- 
ment ro<»onfortés,  quant  il  eut  entendu  ce  que  ses  siros  li  eut 
mandet  et  consilliet. 

Quiotr.  réd.  —  Vo  us  dovés  sçavoir  que  li  évesques  de  Lincole 
et  li  osleus  d'Asquesuffort  et  messires  Ronauls  de  Gobehen  et 
mossiros  Richai's  de  ^'tanfort  se  départirent  d'Engleterrt^  dou 
miouls  pourvou  que  il  porent  pour  tant  que  il  avoiont  à  faire 

I.  —  FKOIRSAKT.  ^  15 


354  AMBA8SABB  ANGLAISE 

un  grant  message,  car  se  estoit  lor  intension  que  com  longue- 
ment que  il  i  mesissent ,  il  retourneroient  pourveu  de  bon  oon- 
sel,  à  savoir  comment  li  rois  lors  sires  se  poroit  cevir  de  ce  dont 
messires  Robers  d'Artois  Favoit  enfourmé.  Et  montèrent  en  mer 
à  Douvres  et  vinrent  à  Wissan  et  là  issirent  des  vassiaus  et 
cevauchièrent  toute  TAlequine  et  vinrent  à  Tiéruane  et  puis  a 
Aire  et  puis  à  Biétunc,  à  Lens  et  à  Douai,  et  puis  à  Valen* 
chiennes.  11  pooient  bien  faire  tout  ce  cemin  sans  péril,  ne 
reprise,  car  encores  n  avoit  entre  France  et  Engleterre  nul 
mautalent  et  joïssoit  casquns  de  ce  que  il  devoit  tenir,  c'est  à 
entendre  li  rois  d'Engleterre  tenoit  la  conté  de  Pontieu  et  en 
levoit  les  proufis,  et  ensi  en  Guienne. 

Quant  chil  ambassadeur  furent  venu  à  Yalenchiennes,  il  se 
logièrent  sus  le  marchié  à  leur  aise  en  trois  bostels,  au  Chine, 
à  le  Bourse  et  à  Tostel  à  la  Clef.  Pour  ces  jours  estoit  li  contes 
de  Hainnau  en  Tostel  de  Hollandes  et  gissans  au  lit  de  la  mala- 
die des  goûtes.  Tantos  il  fu  segnifjés  que  chil  signeur  d'Engle- 
terre  estoient  venus,  il  envoia  deviers  son  frère  qui  estoit  à 
Tostel  de  Biaumont,  et  là  se  tenoit  aussi.  Pour  Tamour  doa 
conte,  messires  Jehans  de  Hainnau  vint  tantos  deviers  son 
frère,  qui  li  dist  la  cause  pour  quoi  il  Tavoit  mandé  et  que  il 
aueroieut  nouvelles,  car  là  estoient  venu  ambassadeurs  d'Engie- 
terre  do  par  le  roi  son  fil.  Ensi  que  li  contes  le  dist,en  avint;  car 
li  éves(|ues  de  Lincollo  et  li  esleus  d'Asquesufort*h  et  li  doi 
))at*on,  quant  il  se  furent  rafresqui  et  apparilliet,  ensi  comme  à 
euls  aperteuoit,  il  s*cu  vinrent  en  lostel  de  Hollandes.  Si  trou- 
vèrent le  conte  de  Hainnau  et  son  frère  et  madame  la  contesse 
et  des  chevaliers  dou  pais  qui  les  requellièrent  doucement  ensi 
quo  bien  1<*  s^ouront  faire.  Et  entrèrent  chil  signeur  d*Engle- 
torre  on  hi  <*aml»ro  dou  conte,  liquels  estoit  pour  celle  heure 
lovés,  vostis  <t  paivs  moult  n^'omont  ot  P«M>it  sus  une  ohaière 
moult  bien  aournôo;  car  il  no  se  pooit  soustonir  sus  ses  pies. 
Si  roohut  ces  sipnours  d*Enplotorre  l'un  apriès  Taultre  moult 
humilomoiit,  ot  ausi^i  tout  l'onclinorent  et  li  fissent  larévêrense, 
ot  a  la  rH>iitf><(so  aussi  ot  à  mossire  Jehan  do  Hainnau,  et  pois 


EN   HAUIAL'T.  ZS& 

monstrèrent  les  lettres  de  créance  que  il  avoient  aporté.  Li 
contes  les  fist  lire  devant  li  par  un  sien  clerc,  et  quant  il  ot  oy 
la  créance,  il  fist  toutes  gens  wuidier  hors  de  la  cambre,  réservé 
son  frère  et  les  Englès,  et  quant  il  furt»nt  à  lor  requoi,  il  lor 
dist  :  «  Or  sus  dites  ce  dont  vous  estes  cargiés  et  vous  serés 
€  ov.  »  Li  évesques  de  Lincolle  commença  à  parler  pour  tous  et 
dist  :  €  Três-chiers  si  l'es,  nous  sommes  chi  envoyet  de  par  vostre 
«  fil  le  roi  d'Engleterre  et  sou  consel,  à  savoir  que  yous  dires 
€  de  une  nouvelleté  qui  est  provenuo  en  lostel  d'EngletcTi-e  et 
€  que  vous  en  consellerés  à  faire.  Li  rois,  nostres  sires,  est 
«  enfourmés  moult  avant  et  tout  acertes  do  messirc  Robert 
c  d'Artois,  qui  pour  le  pi^ésent  se  tient  et  demeure  dalés  le  roi 
«  en  Engleterre,  que  de  la  couronne  dp  France  et  de  Tiretage, 
«  il  deveroit  estre  escaucié,  qui  droit  et  raison  li  feroit,  et  les 
c  poins  de  la  proïmeté,  il  sont  tout  cler,  ensi  que  bien  les 
«  savés,  car  li  rois,  yostres  fils,  est  fils  de  la  serour  au  roi  Carie 
t  de  France,  darrainnement  mort,  ensi  par  ce  point  est-il  son 
€  neveu  et  plus  procain  d*un  degré  de  la  couronne  do  France 
c  que  ne  soit  li  rois  Phelippes,  fils  au  conte  de  Valois,  car  il 
t  n'estoit  que  cousins  germains  au  roi  Carie,  ensi  que  bien  le 
€  savés  :  et  pour  ceH  cause  nous  sommes  envoyet  doviers  vous 
t  pour  veoir  et  scavoir  que  vous  en  responderés ,  car  vostres 
c  fils  nostres  sires  li  rois  est  consilliés  et  esmeus  à  mettre  avant 
€  le  calenge  de  France.  Tout  si  homme  li  ofTrent  corps  et , 
€  cevance,  mais  ils  ne  voelt  pas  emprendre  si  très-grant  cose 
«  que  de  deflSer  le  roi  de  France  et  de  renvoyer  son  hommage 
t  de  terres  que  il  a  relevc»es  à  Phelippe  de  Valois  comme  à  roi 
«  de  France,  se  vous  ne  le  consilliés,  car  do  ce  et  de  toutes 
€  coses  il  voelt  ouvrer  par  vostre  consel.  » 

Quant  li  conteô  de  Hainnau  ot  oy  Tévesque  de  Lincole 
ensi  parler,  si  féri  sa  main  sus  la  poye  de  la  chayère  sus 
laquelle  il  séoit,  et  pensa  un  petit,  et  puis  respondi  et  dist  : 
«  Vous  tout  ensi  que  chi  estes,  vous  nous  soyés  li  bien  venu. 
«  Vous  demorrés  dalés  nous  trois  ou  quatre  jours  et  vous  rafres- 
«  chiivs,  et  nous  penserons  sus  ces  ))esongno8  et  regarderons. 


/fô(i  AMBASSADE  ANGLAISE 

€  en  considérant  toutes  coses,  lequel  en  est  bon  à  faire  et  adont 
€  vous  en  serés  respondu.  »  Il  respondirent  tout  de  une  sieute  : 
c  Monsigneur,  nous  ferons  voslre  plaisir.  »  Apriès,  il  entrèrent 
en  aultres  paroles,  et  lor  demanda  li  contes  da  Testât  de  son  fil 
le  roi  et  de  sa  fille  et  des  ordenances  d'Engleterre  et  comment 
on  s*i  ordonnoit.  A  toutes  ses  demandes  et  paroles,  li  évesques 
de  Lincole  et  li  baron  respondirent  bien  et  sagement,  et  tant 
que  li  dis  contes  sen  contenta.  Adont  vint  là  la  contesse  qui 
estoit  retraite  en  ses  cambres    quant   li  signeur   se  missent 
ensamble  pour  parler  do  consel,  et  honnoura  moult  grandement 
ces  signours  d'Engleterre  et  leur  demanda  de  son  fil  et  de  sa 
fiUe,  et  à  tout  il  respondirent  bien  et  à  point,  et  demorèrent  ce 
jour  au  disner  dalés  la  contesse  et  messire  Jehan  de  Hainnau 
(jui  leur  fist  là  et  ailleurs  la  milleur  compagnie  que  il  peut  et 
lor  donna  deus  disners  et  deus  soupers  moult  solempnes  sus 
chincq  jours  que  il  furent  là,  et  tous  les  jours  il  estaient  de  dis- 
ner et  de  souper  avoech  le  conte  ou  la  contesse  sa  femme  ou 
messire  Jehan  de  Hainnau.  Au  chinquième  jour  il  furent  res- 
pondu de  la  bouce  dou  conte  qui  leilr  dist  apriès  les  requestos 
que  fait  avoiont  :  t  Biau  signeur,  vous  dires  ensi  à  nostre  fil 
€  d*Engleterre  que  nous  li  savons  bon  grc  de  ce  que  il  a  envojet 
«  deviers  nous  fiabkment  pour  remonstrer  lentrce  de  son  infor- 
€  mation  et  que  il  poise  la  matère  et  fait  doubto  dos  avenues, 
€  car  00  n  ost  petite  cose  voiremont  à  desfier  le  roiaulme  de 
«  Franco  ;  mais  on  venant  au  fait ,  il  est  tout  cler  que  mon  fils 
€  li  it>is  d'Enfrlotorro  ost  plus  procains  voirement  un  degré  de 
t  la  couronne  do  France  et  do  Tirotago  que  ne  soit  Phelippes 
€  de  Valois ,  ot  plus  chior  auerions  ce  proufit  pour  nostre  fil 
«  qui  a  nostre  fillo  ot  {lour  ses  enfans,  que  nous  ne  ferions  pour 
«  Pholippo  do  Valois,   ot   qui  onques  rions  nomprist,   riens 
€  n'aohiéva.  Vous  dires  onsi  à  nostiv  fil  d'Engieterre  do  par 
€  nous  et  à  son  <'<»nsol  quo  tout  le  bon  droit  que  il  sent  à  avoir 
€.  ou  rin»tago  ot  «ouroniio  do  France,  il  le  demande  et  calenge. 

•  Nous  h'  aiderons  ot  conforterons  en  toutes  coses  ;  noua  i 

•  sommes  tenu  et  le  volons  faire  si  avant  que  nostre  poissamv 


KM   UAIMAtT.  cT57 

c  so  pora  cstendre,  mais  c'est  petite  eose  de  nous  et  de  nostre 
€  païs  encontre  la  poissance  dou  roiaulmo  de  France.  Pour  ce 
€  fault-il  que  vostres  sires  nostres  fils,  avant  que  il  cntreprende 
c  si  grant  cosc  que  de  renvoyer  son  hommage  au  roi  de  France 
€  ot  H  desfior,  que  il  viengne  par  deçà  la  mer,  acompagniés  de 
c  son  consel,  et  il  auera  avoecques  li  Jehan  mon  frère  qui  le 
€  adrècera  de  ce  que  il  pora,  et  iront  deviers  le  duch  de  Brai- 
c  bant,  cousin  germain  à  mon  fil  d*£ngleterre,  et  à  son  frère 
f  de  par  sa  serour  le  conte  de  Guéries,  et  aussi  au  marquis  de 
t  Jullers,  et  aquerront  amour  et  aliance  à  euls,  et  se  il  puet 
<  avoir  le  confort  et  Taide  des  Alemans  avoecques  la  sienne, 
c  il  pora  bien  adont  desûer  le  roi  de  France  et  demander  son 
c  droit,  mais  toutesfois  nous  disons  et  mettons  avant  que  riens 
c  n  en  face,  si  sace  la  volonté  de  ceuls  que  je  vous  ai  nommés, 
c  et  velà  le  consel  et  la  response  sus  vostre  demande,  que  je 
c  vous  donne.  • 

Chil  signeur  d'Engleterre  généraument  répondirent  et 
(lissent  :  c  Grant  merchis,  et  nous  ouvrerons  apriès  vostro 
«  consel.  »  Si  prissent  depuis  congiet  au  conte  et  à  la  con- 
tesse  et  à  messire  Jehan  de  Hainnau,  et  se  départirent  de 
Valcnchiennes  et  retournèrent  arrière  à  la  mer  par  le  cemin 
que  il  estoient  venu,  car  on  quidoit  partout  que  li  rois 
d'Engleterre  les  euist  envojet  en  Hainnau  pour  veoir  le 
conte  liquels  n'estoit  pas  bien  hetiés.  Si  vinrent  à'Wissan  et 
entrèrent  là  ens  es  vassiaus  d*Engleterre  qui  les  atendoient, 
ot  puis  se  désancrèrent  et  singlèrent  viers  Engleterre  et  furent 
tantos  à  Douvres  et  esploitièrent  tant  que  il  vinrent  deviers  le 
roi  et  son  consel,  et  leur  recordèrent  tout  ce  que  il  avoient  ojr, 
veu  et  trouvé  ens  ou  conté  de  Hainnau. 


Quant  li  roys  d'Engleterre  vit  entamet  si  grandement  les 
coers  de  tels  troix  grans  seigneurs  comme  chil  estoient,  en 
reconfortant  ses  besoingnes,  si  en  fu  plus  lies  et  tous  ses 
conssaux,  et  se  fondèrent  en  partie  sur  les  parolles  et  advis 


538  NÉGOCIATIONS 

dou  conte  de  Haynnau,  et  conseillièrent  au  roy  que  s'il  vol- 
sist  envoyer  hastément  deviens  le  roy  d'Alemaîgne  ung  pré- 
lat et  II  ou  III  grans  barons  et  sages  pour  aidier  à  tretler 
ceste  besoingne  et  pour  savoir  quel  samblant  li  dessus  dist 
en  feroit,  il  le  fist  ;  eten fu  cargiés  espëcialement  li  évesques 
de  Lincolle,  (jui  vollentiers  et  liement  entreprist  le  voiaige 
pour  Tamour  dou  roy,  et  avoecques  lui  allèrent  messiros 
Richars  de  Stamfort,  li  sires  de  le  Ware  et  li  sires  de  Mul- 
tonne,  et  montèrent  en  mer  ou  bavene  de  Tamise  à  Lon- 
dres et  singlèrent  tant  qu'il  arivèrent  en  Hollandes  à  Dour- 
drech,  et  fissent  mettre  lors  chevaux  et  leurs  harnas*hors 
des  nefs  eT  se  rafrescbirent  là  par  II  jours.  Au  tierch  s'en 
partirent  et  cbevaucièrent  tant  par  leurs  journées  qu*îl 
vinrent  à  Convalence  là  où  li  empereur  et  li  empereis  aa 
tenoient,  qui  les  messagiers  le  roy  d'Engleterre  rechurent  à 
grantjoie. 

Loeis  de  Bavière,  rois  d'Allemaingne  et  empereurs  des 
Roummains  pour  le  tamps,  n'avoit  mies  adont  en  trop  grant 
chiereté  le  roy  de  France,  ensi  que  li  coer  sont  de  diverses 
oppinions,  et  se  acorda  as^^és  tos  à  conforter  et  conseillier  le 
roy  d'Engleterre  et  respondi  as  messagiers  englès,  si  tost 
comme  il  eurent  dit  et  comptet  che  pour  quoy  il  estoient  li 
venut,  que  seloncq  rordonnanche  (rAlleinaigne  li  roys  d'En- 
gleterre  avoit  grant  droit  à  le  couronne  de  France,  et  puis- 
que li  rois  englès  se  retraioit  deviers  lui  par  fiableté  et  pour 
sen  droit  aidier  à  soustenir  et  à  garder,  il  ne  Ten  devoît 
mies  faillir  :  «  Si  dires,  ce  dist  li  emperères,  au  roy  d'Engle- 
c<  terre  que  fiablernent  il  me  vièpne  veoir  et  jouer  et  s'es- 
te battre  dallés  moy  ;  si  s'afjuointera  des  AUemans  qui  bien 
«  en  ceste  besoingne  le  polront  aidier  et  je  l'en  aideray  a 
«  aquintier.  »  Li  évesques  de  LincoUe  et  li  chevalier  d'En- 
gleterre  furent  de  ces  responsces  tout  joyant  et  se  partirent 


EN   ALLËVAt^E.  359 

amiablement  del  empereur  et  del  empereis  madame  Marghe- 
rite  de  Hayilnau,  qui  au  partir  en  eurent  biaux  dons  et 
grans  jeuiaux,  et  s'en  revinrent  arrière  en  Engleterre  et 
recordèrerit  au  roy  comment  il  avoient  esploitié,  et  don- 
nèrent au  roy  lettres  de  par  l'empereur  et  aucuns  seigneurs 
del  empire,  tels  que  le  marchis  de  Misse  et  d'Eurient,  le 
marchis  de  Brandebourch  et  l'archevesque  de  Mayenche  et 
celi  de  Couloigne.  Si  trouva  li  roys  en  leurs  escripsions  salus 
et  amistés  et  touttes  proummesses  de  confort,  de  quoy  il  fu 
moult  resjoys,  et  bien  y  eut  cause. 

Var,  prem.  réd.  —  Quant  le  roy  d'Engleterre  oy  cô  que  ses 
messages  lui  raportèrent ,  et  le  bonnç  volenté,  que  ces  trois 
princes  avoient  de  lui  conforter  à  son  fait,  il  en  fu  moult  lies. 
Et  sur  le  conseil  du  conte  de  Haynnau  s'arrestèrent  que  haati- 
vement  il  envoièrent  devers  le  roy  d'Alemaigne.  Si  y  envoya 
ung  prélat  et  trois  grans  barons  pour  traitier  ceste  besongne. 
Si  enprirent  ceste  besongne  Févesque  de  Nicolle,  le  sire  de 
Stanfort,  le  sign'eur  de  le  Ware  et  le  sire  de  Mitonne.  Si 
montèrent  en  mer  en  le  Tamise  à  Londres,  et  singlèrent  tant 
qu'ils  vinrent  en  Holandes  à  Dourdrech.  Si  furent  là  deux 
jours.  Au  tierch  montèrent  à  cheval.  Si  chevaucèrent  tant 
qu'ils  vinrent  en  Alemaigne  à  Convelence,  là  où  l'empereur  et 
Temperesse  estoient ,  qui  grandement  les  rechurent  et  fes- 
tièrent.  Loys  de  Baivière  ,•.  roy  d' Alemaigne  et  empereur  des 
Romains  pour  temps,  n'avoit  point  en  grant  chierté  le  roy 
de  France,  par  aucunes  raisons,  par  quoy  il  s'acorda  légiè- 
rement  à  conforter  le  roy  d'Engleterre,  et  respondy  aux  mes- 
sagiers,  sitost  qu'ils  eurent  dit  :  «  Selon  les  drois  de  l'em- 
t  pire,  il  nous  samble  que  le  roy  d'Engleterre  a  droit  à 
€  l'éritage  de  France.  •  Et  là  où  le  roy  lui  requéroit  ayde 
pour  son  droit  poursievir,  il  ne  lui  devoit,  ne  voloit  falir  ;  t  Si 
«  dires  au  roy  d'Engleterre  que  fiablement  il  me  viengne  veoir 
c  et  esbatre  dalés  moi,  si  s'acointera  des  Alemans,  et  je  l'en 


5()0  PHILIPPE  D£   VALOIS 

c  aideraj  aussj.  »  De  cestc  respoirsse  furent  les  seigneurs 
messagiors  moult  lies,  et  prinrcut  congiet  et  se  partirent  de 
rem|)oreur  et  de  Icmpcresse,  madame  Marguerite  de  Hajrnnau, 
qui  au  départir  leur  donna  beaux  dons  pour  Tamour  de  sa  soer 
la  i*oyne  d'Engloterrc,  et  eulx  revenus  oultre,  recordèrent  leur 
message  et  baillèrent  les  lotti-es  au  roj,  venans  de  Tempereur 
et  d'aultres  seigneurs,  tels  que  le  marquis  ,de  Misse  et  d*Ea- 
riimt,  le  manjuis  de  Brandebourch,  Farcevesque  de  Maîenoe  et 
celuy  do  Coulongne.  Si  trouva  le  roy  en  leurs  escripcions  salus 
et  amistés  et  toutes  promesses  de  confort  et  d'ayde,  dont  il  ta 
moult  lies.  Sacbiés  que  sur  ces  pourchas  que  le  roy  d'Engle- 
terre  faisoit,  en  vint  aucune  congnoissance  au  roy  Phelippe, 
comment  il  se  proposoit  à  guerroier  et  (|uUl  aquéroit  amis  à 
tous  lés.  Si  se  doybta,  et  nonpourquant  il  n'en  ûdsoit  point 
grant  conte,  car  il  cstoit  gi'ans  et  puissans,  et  pau  doubtoit  la 
puissance  des  Englès. 


Ainsi  se  pourvéoit  li  rois  d'Engleterre  quoiement  et  secrè- 
tement,  et  aquéroit  amis  en  l'empire  cheux  que  avoir  en  povoît, 
et  souvent  parloit  à  monseigneur  Robert  d*Ârtois,  au  conte 
de  Lancastre,  au  conte  de  le  Marce,  au  conte  de  Pennebrucq, 
au  conte  de  Northantone  et  à  ses  plus  privés  et  espécials 
amis,  comment  de  ceste.haulte  et  grande  entrepresure  qu'il 
désiroit  et  espéroit  à  faire,  il  se  niaintenroit.  Si  l'en  conseil- 
loient  loyaumraent  chacun  seloncq  advis,  et  entendi  li  roys 
Phelippes  de  Franche  une  partie  des  affaires  et  pourcas  le 
roy  d'Engleterre  et  comment  il  le  proposoit  à  gherryer,  et 
que  il  acquéroit  amis  de  tous  lés  en  l'empire  :  si  se  doubta 
ung  peu  li  roys  de  Franche.  Nonpourquant  il  n'en  fist  mie» 
trop  grant  compte,  car  ghaires  n'amiroit  à  che  dont  le» 
Englès,  ne  leur  puissanche.  Or  avés-vous  oy  recorder  chy- 
dessus  comment  il  avoit  et  par  grant  dévotion  empris  le 
croix  pour  aller  oultre-mer  -  en  le  Sainte-Terre  sus  les 


RBMOMCfi  A  SA  CROISADE.  3t>l 

ennemis  de  Dieu,  et  estoit  jà  préchie  par  le  crestiennetë 
et  moult  de  bonnes  gens  Tavoieut  pris,  qui  cuidoient  que  le 
Yoiaigés  se  deuist  faire;  mais  il  fu  dit  ainssi  au  roy  de 
Franche  que  s'il  wuidoit  son  royaumme  il  feroit  folie  sur 
Yostdt  et  parolles  qu'il  ooit  tous  les  jours  dire  et  recorder 
dou  roy  englès.  Ossi  li  Sains-Pères  li  defiendit  et  dispenssa 
et  tous  chiaux  qui  le  croix  avoient  pris,  et  furent  les  pour- 
véanches  qui  à  Marselle,  à  Aiguesmortes,  àNerbonne  et  au 
port  de  Lates  estoient,  ailleurs  employées. 

Sec.  réd.  —  Or  vinrent  ces  nouvelles  en  France  et  moute- 
plyêront  petit  à  petit,  que  li  rois  englès  supposoit  et  entendoit 
à  avoir  grant  droit  à  le  couronne  de  France;  et  fu  li  rois  Phe- 
lippes  enfourmés  et  avisés  de  ses  plus  espéciauls  et  grans  amis, 
que,  s*il  aloit  ou  voiage  d*oultre  mer  qu'il  avoit  empris,  il  mette- 
roi  t  son  royaulme  en  très-grant  aventure,  et  qu'il  ne  pooit  faire, 
ne  esploitier  '  milleure  painne*  que  de  garder  ses  gens  et  ce  qui 
sien  estoit,  dont  il  tenoit  le  possession  et  qui  devoit  retourner 
à  ses  enfans.  Si  se  refroida  grandement  de  celle  crois  emprise 
et  préecie,  et  contremanda  ses  officyers  qui  ses  pourvéances 
.  faisoient  si  grandes  et  si  grosses  que  merveilles  seroit  à  penser, 
jusques  atant  qu'il  aroit  veu  de  quel  piet  li  rois  englès  vorroit 
alcr  avant,  qui  mies  ne  se  refroidoit  de  lui  pourveir  et  appareil- 
lier,  seloncli  le  conseil  que  si  homme  li  avoient  raporté  dou 
conte  de  Haynau. 

En  ce  temps  se  tenoit  li  contes  Loys  de  Flandres  à  Gand 
et  tenoit  à  amour  les  Flammens  ce  qu'il  pooit,  car  li  roys 
de  Franche  l'en  prioit  et  li  enjoindoit  et  qu'il  gardast  bien 
les  frontières  de  le  mer  à  che  costet  par  quoy  li  Englès  n'y 
euissent  nul  avantaige.  Chils  contes  de  Flandres  estoit  bons 
Franchois  et  loyaux  et  moult  amoit  le  roy  Phelippe  et  bien 

*••  Meilleur  point. 


562  INTERRtjPTION  I^  CÛÉttEKCE       ^ 

y  avoit raison,  carliroys  avoitle  conte  remis  en  Flandres 
^  par  puissance  *,  quant  il  desconfi  les  Flammens  à  Cassiel, 
sicomme  vous  ayés  oy  chy  devant  en  Vistoire  del  couronne- 
ment le  roy  Phelippe. 

Li  roys  d'Engleterre  qui  aquéroit  amis  à  tous  lés  pour 
ses  besoingnes  embellir,'  entendy  que  11  contes  de  Flandres 
tenoit  couvertement  saudoyers  et  escumeurs  sur  mer  qui 
costioient  à  le  fois  Engleterre,  et  quant  il  veoient  leur  plus 
biel,si  s'abandonnoiént  à  gaignier  ung  vassiel  ou  deux,  se  il. 
le  trouvoient.  Dont  mist  li  roys  d'Engleterre  gens  sur  mer 
pour  son  pays  et  les  marcheans  deffendiie  et  garder  des 
périls  des  escumeurs  de  mer.  Encoires  flst  li  roys  englès, 
piar  i'ordonnanche  de  son  consseil  et  pour  constraindre  les 
Flammens  et  mettre  en  son  dangier,  clore  tous  les  pas 
d^Engleterre  et  deffendre  que  nuls  n'envoiast,  ne  vendesist, 
ne  amenast  nulles  lainnes  englesces  en  Flandres,  ne  as 
Flammens,  afin  que  il  n'euissent  de  quoy  drapper,  et  les 
flst  li  roys  touttes  en  son  nom  achater  -et  amener  en  cer- 
tains lieux  pour  lui  et  sur  lui  et  ses  gens  payer.  Mais 
nulles  n'en  venoient  en  Flandres,  dont  li  drapperie  et  li 
gaagne  dou  mestier  commencha  moult  à  afoiblif  et  à  amen- 
rir  et  moult  de  mesnus  gens  à  apovrir,  car  on  n'avoit  en 
Flandres  de  quoy  drapper,  et  sans  le  draperie  c'est  ungs  pays 
qui  petitement  se  puei  déduire;  et  wuidoient  li  honneste 
homme  del  contet  de  Flandres  et  venoient  en  Haynnau,  en 
Artois  et  en  Cambrésis,  mendiant  par  deffaute  dou  gai- 
gnage,  et  mandoit  bien  li  roys  d'Engleterre  tous  les  jours 
as  Flammens  que  il  leur  toroit  leur  proufïit  et  le  marchan- 
dise s'il  n'estoient  de  son  accord  :  de  quoy  les  bonnes  villes 
de  Flandres  eurent  par  pluiseurs  fois  moult  de  parlemens 
enssanble,  assavoir  comment  il  s'en  maintenroient,  et  vol- 

***  Par  force. 


ENTRE  L' ANGLETERRE  ET  LA  FLANDRE.         363 

sissent  bien  li  aucun  que  il  tenissent  à  amour  le  roy  d'En- 
gîeterre,  car  plus  de  prouffit  leur  pooit  venir  de  ce  costet 
que  de,  Franche,  mes  li  contes  de  Flandres  leurs  sires  estoit 
le  plus  à  leurs  conssaux  et  parlemens,  et  brisoit  tous  les 
proupos  qui  bons  estoient  au  commun  pourflt  don  pays  en 
tant  que  d*estre  contraire  à  le  couronne  de  Franche. 

Var,  p'em.  réd.  —  Adont  fist  le  conte  de  Flandres  couver- 
,  tement  aler  sodoiers  sur  mer ,  qui  costioient  les  marches 
d'Engleterre,  et  quant  ils  veoient  leur  plus  bel,  il  s'adonnoient 
à  gaignier  ung  vaissel  ou  deux,  se  il  le  trouvoient.  En  ce  temps 
mist  le  roy  d'Engleterre  gens  sus  mer,  pour  son  pays  et  les 
marches  à  garder  des  péris  des  escumeurs  de  mer.  Encore  par 
Tordomiance  de  son  conseil,  et  pour  constraindre  les  Flamens 
et  mettre  en  son  dangier,  il  fist  clore  tous  les  pas  d'Engleterre 
et  deffendre  que  nuls  n'y  envoiast,  ne  vendist  laines,  ne  aultres 
denrées,  affin  que  le  commun  qui  n'avoient  de  quoy  ouvrer,  se 
courouçaissent.  Et  quant  ce  eut  un  terme  duret,  marchandise 
et  drapperie  empira  durement,  et  les  gens  de  mestier  commen- 
cèrent fort  à  apovrir,  car  ils  n'avoient  de  quoy  ouvrer,  et  pai' 
espécial  de  drapperie,  et  sans  ce  ne  se  pooient  longuement  bien 
maintenir.  Si  widoient  assés  d'honnestes  gens  et  s'en  aloient 
mendier  et  demeurer  en  Hfiynnau,  en  Brabant,  eu  Artois  et 
en  aultres  pluiseurs  lieux.  Si  mandoit  le  roy  d'Engleterre 
souvent  aux  bonnes  villes  que,  s'il  n'estoient  de  son  accort, 
il  les  tenroit  encores  en  plus  grant  dangier,  pour  quoy  les 
bonnes  villes  furent  ensamble  pluiseurs  fois  à  parlement,  pour 
savoir  comment  ils  se  poroient  maintenir.  Et  voulsissent  bien 
les  pluiseurs  que  on  tenist  le  roy  d'Engleterre  à  amour  ainchois 
que  celui  de  France,  car  plus  grant  prouffit  leur  en  pooit 
venir;  mais  le  conte  de  Flandres  se  metoit  songneusement 
en  leurs  consaulx  et  leur  brisoit  leurs  propos  qui  estoient  à  leur 
commun  proufit. 

Encorres  n'y  avoit  entre  les  II  roys  nulles  deffianches 


364  MÉDIATION  POUR  LA  PAIX. 

fors  que  murmurations  et  suspicions  de  guerre,  et  posessoit 
encoires  li  rois  d'Engleterre  le  conté  de  Pontieu  qu'il  tenoit^ 
de  par  medame  se  mère  et  pluiseurs  terres  ailleurs  en  Gas- 
i  coingne  et  enNormendie,  et  vous  di  bien  pour  certain  que  il 

;  avoit  pluiseurs  ymaginasions  sur  ceste  emprise,  quoique 

messires  Robiers  d'Artois  li  conseillast  et  fust  sus  le  col 
j  qu'il  renvoiast  *  son  hommaige  au  roy  Phelippe  et  le  def- 

I  flast  apperteraent,  car  li  roys  d'Engleterre  sentoit  son 

{  royaumme  petit  ou  regard  del  royaumme  de  Franche  :  si 

I  voloit  ceste  cose  faire  par  grant  délibération  et  bon  advis  de 

\  consseil,  ^  ainchois  que  il  esmeuist  cose  où  il  peuist  recep- 

j  voir  point  de  dommage  V 

j  Or  avint  ensi  que  li  papes  Bénédic  et  li  collèges  de 

"î^  Romme  qui  lors  se  tenoient  en  Avignon,  par  le  promotion 

I  et  pourcach  d'aucuns  bonnes  gens,  seigneurs  et  dames, 

:  de  quoy  je  oy  nommer  le  roy  de  Behaingne,  le  duc  de 

Lorainne,  le  conte  de  Bar  et  le  conte  de  Namur,  et  medame 
Jehanne  de  Vallois,  contesse  de  Haynnau,  et  madame  la 
contesse  de  Soissons,  femme  à  monseigneur  Jehan  de 
Haynnau,  et  medame  de  Garenne,  soer  au  conte  de  Bar,  qui 
estoit  mariée  en  Engleterre  au  conte  de  Pennebroucq,  qui 
les  périls  et  les  gherres  redoubtoient  entre  leurs  prochains 
de  France  et  d'Engleterre  et  ^  les  mésavenues  qui  venir  en 
pooient  ®,  envoyèrent  II  cardinaux  à  Paris  pour  tretier 
deviers  le  roy  Phelippe  que  il  se  volsist  acorder  à  che  que 
uns  parlement  des  deux  rois  se  fesist  et  mesist  ensamble 
de  leurs  plus  grans  barons  et  plus  sages,  et  oyssent  les  Fraur 
chois  les  demandes  dou  roy  d'Engleterre  ;  et  se  aucun  droit 
avoit  en  Tiretaige  de  Franche,  par  le  bon  avis  de  chiaux  qui 

*  En  foy  et«n  hommage  du  roy.  -^  '  Hastivement.  —  *•*  Ainchois 
qu'il  entreprist  chose  leur  il  presist  blasme,  ne  damage.  —  '"*  Le 
grant  domaige  et  meschief  qui  en  pooit  advenir. 


LES  ENVOYÉS  ANGLAIS  A  TALENC1£NNES.  365 

cargiet  en  seroient,  satisfaction  et  apaisemens  l'en  fuissent  ' 
fais.  Tant  traitièrent  li  cardinal  au  roy  de 'Franche  avoecq 
leurs  moyens  que  il  s'àsenti  ad  ce  que  parlemens  s'en  fesist, 
et  fu  ceste  cose  tant  démenée  que  li  roys  d'Engleterre  s'i 
acorda  et  devoit  envoyer  à'  Valenchiennes  gens  souflSsans 
pour  lui  à  oyr  et  respondre  ^  as  ententes  *  des  Franchois, 
et  li  rois  de  France  devoit  ossi  là  envoyer  gens  de  par  lui 
bien  fondés  et  advisés  de  respondre  as  oppinions  et  demandes 
des  Englès,  et  dévoient  chil  estre  puissans  d'acorder  les 
II  rois  par  l'avis  et  consseil  dou  conte  Guillaumme  de 
Haynnau,  ^  devant  qui  toutes  les  besoingnes  seroient  pro- 
posées *. 

Adont  envoya  li  roys  d'Engleterre  par  dechà  le  mer 
X  chevaliers  banerès  de  sen  pays  et  X  autres  et  l'évesque 
Se  LincoUe  et  cesti  de  Durem,  et  vinrent  à  Valen- 
chiennes et  se  représentèrent  au  conte  qui  les  rechupt  à 
joie,  et  faisoient  chil  seigneur  d'Engleterre  grans  frès  et 
grans  despens,  et  tenoient  bon  estât  et  tant  de  larghèches 
qu'il  en  acquisent  grant  grasce.  En  ce  meysme  temps  fist  li 
contes  de  Haynnau,  Guillaumme  son  fil,  chevalier,  à  le  Salle 
à  Valenchiennes,  et  y  eut  grant  festes  et  grant  joustes  des 
EngLès  et  des  Haynnuyers  et  des  Braibenchons  et  fu  à  une  • 
Pentecouste  l'an  mil  CCC.XXXVI.  Assés  tost  apriès  fu  fès 
li  mariaiges  de  ce  jovène  seigneur,  le  fil  dou  conte,  à 
medame  Jehanne,  aiunée  fille  au  duc  Jehan  de  Braibant. 

Enssi  se  tenoient  chil  seigneur  d'Engleterre  en  Vallen- 
chiennes  et  aloicnt  de  l'un  à  l'autre  et  souvent  visitant  le 
conte  Guillaume  de  Haynnau  qui  par  heures  estoit  moult 
agrevés  de  le  maladie  des  gouttes  et  se  logeoit  en  l'ostel  de 
Hollandes,  et  atendoient  chil  seigneurs  les  barons  et  sei- 

*  *  Aux  raisons.  —  '*  Sur  qui  toute  ceste  chose  fu  tournée. 


366  LES  ENYOYÉS  ANGLAIS 

gneurs  de  Franche  que  li  roys  Phelippes  y  devoit  envoyer 
et  point  ne  venoient,  dont  il  estoient  durement  esmenrilUet 
à  quoy  ce  tenoit  qu'il  ne  venoient,  si  en  parlementèrent  par 
pluiseurs  fois  ensamble  et  devant  le  conte  auquel  il  pryèrent 
que  il  volsist  medame  la  contesse  sa  femme  et  monseigneur 
Jehan  de  Haynnau  son  frère  enviers  le  roy  de  Franche 
envoyer,  pour  savoir  à  quoy  il  tendoit,  ne  que  il  espéroit, 
ne  volloit  faire.  Si  empria  li  dis  contes  madame  sa'  femme 
et  le  seigneur  de  Biaumont  son  frère  que  il  volsissent  aller 
en  che  voiaîge,  et  il  li  acordèrent  vollentiers. 

Lors  se  partirent  de  Haynnau  medame  Jehanne  de  Val- 
lois  et  messires  Jehan  de  Biaumont  et  chevauchièrent  en 
bon  arroy  (leviers  Franche,  et  tant  esploitièrent  par  leurs 
journées  qu'il  vinrent  à  Paris,  et  là  trouvèrent-il  le  roy  qui 
les  rechupt  à  joie  ;  et  festia  et  honnoura  moult  madame  sa 
soer  et  monseigneur  Jehan  de  Haynnau.  Âdont  disent-il  as 
roy  le  matère  pour  quoy  il  estoient  là  venu,  et  que  en  partie 
pour  sen  honneur  escuser  et  le  consseil  d*Engleterre 
apaisier  qui  à  grans  frès  séjoumoient  en  Vallenchiennes  et 
là  environ,  li  conte  de  Haynnau  les  avoit  envoyet.  Dont 
respondy  li  roys  de  France  et  dist  :  «  Ma  belle  soer  et  vous, 
«  sire  de  Biaumont,  voirs  est  que ,  par  aucuns  moyens  et 
«  espécialement  des  gens  del  église  qui  de  ce  se  sont  enson- 
«  niet,  je  m'acorday  ad  ce  que  d'envoyer  à  Valeûchiennes 
«  aucuns  nobles  de  mon  royaumme  pour  parlementer  as 
«  Englès.  Or  me  sont  depuis  autres  nouvelles  revenues  et  ay 
«  eu  pluiseurs  parlemens  de  mes  plus  espéciaulx  amis  sur 
«  ces  besoingnes.  De  quoy,  tout  considéré  et  ymaginé  les 
«  affaires,  j'ay  trouvet  en  mon  consseil  que  de  là  envoyer 
«  je  ne  sui  en  riens  tenus  et  que  se  je  le  faisoie  ou  euisse 
«  fet,  che  euist  est^ît  ou  seroit  à  mon  blamme  et  grande- 
«  ment  au  préjudisce  de  mon  royaumme  ;  car  li  roys  d'En- 


A  YALENCl&miS.  367 

«  gleterre  n*a  nul  droit  de  caleuge,  ne  de  partir  à  mon  hire- 
«  taige,  j*en  sui  en  possession  et  y  fui  mis  par  Tassent  et 
«  acord  et  le  élection  des  XII  pers  de  Franche  et  des  barons 
«  et  le  consseil  et  acord  des  prëlas  et  bonnes  villes .  Sit  enraj 
(c  pour  my  et  le  deffenderay  à  mon  pooir  contre  tout  homme, 
a  et  ces  raisons  j*ay  envoyé  proposer  devant  le  Saint- 
«  Père  et  le  collège  de  Romme,  qui  assés  bien  maintcmant 
tt  s*en  contentent,  et  ne  troeve  par  nul  clerc  de  droit  que 
«  j*en  doie  autre  cose  faire.  »  A  ces  paroUes  respondi 
madame  Jehanne  de  Vallois  qui  les  périls  doubtoit  entre 
son  frère  le  roy  et  son  fil  le  roy  d'Engleterre ,  et  dist  : 
a  Monseigneur,  je  ne  tieng  mies  que  li  roys  d*Engleterre 
«  tire,  ne  voeil  tendre,  ne  entendre  dou  tout  entirement  à 
«  le  couronne  de  Franche,  mes  se  par  proïsmeté  de  medame 
«  se  mère  il  y  a  aucuns  drois  et  quMl  n*ait  point  estet  bien 
«  parti  des  hiretaiges,  sans  vostre  honneur  amenrir,  vous 
a  fériés  bien  se  vous  y  volliés  regarder,  par  quoy  vous  de- 
ce  morissiés  bien  amis  enssamble  ;  car,  se  Dieux  me  vaille, 
(c  la  gherre  et  la  haynue  entre  vous  qui  estes  li  doi  plus 
c<  grant  roy  de  tout  le  monde,  y  seroit  trop  mal  séant.  Si 
«  vous  prie  chièremeut  que  vous  voeilliés  descendre  ad  ce 
«  que  je  soie  oïe  et  que  vous  envoyés  vostre  consseil  à  Valen- 
ce chiennes  pour  aprochier  toutte  bonne  amour  entre  vous 
ce  et  le  roy  d'Engleterre.  »  Lôrs  respondi  li  roys  de  Franche 
(|u'il  en  aroit  ad  vis.  . 

Sus  ceste  darrainne  responsce  se  départirent  del  roy  la 
contcsse  de  Haynnau  et  messires  Jehans  de  Biaumont,  et  re- 
vinrent à  leurs  hostels  et  laissièrent  depuis  le  roydeFranche 
par  Tespasse  de  III  jours  adviser  et  conseillier,  liquels  tina- 
blement  ne  trouva  point  en  son  consseil  que  il  y  envoiast,  car 
se  il  le  feist,  il  donroit  à  entendre  au  roy  d'Ëngleterre  que  il 
n*avoit  aucun  droit  en  ceste  querelle,  et  tout  ensi  en  respou- 


368  LES  EMTOYÉS  ANGLAIS 

dit  à  sa  soer  et  au  seigneur  de  Biaumont.  Et  quant  il  virent 
qu'il  n'en  aroient  autre  cose,  si  prissent  congiet  au  roy  et  se 
partirent  de  lui  et  s'en  repairièrent  arrière  en  Haynnau  et 
tout  droit  à  Valenchiennes,  et  trouvèrent  le  conte  en  l'ostel 
de  Hollandes,  à  qui  il  disent  et  recordèrent  leurs  nouvelles, 
et  quant  li  contes  les  oy,  il  manda  les  Englès  et  fist,  présent 
yaux,  à  madame  se  fen^me  et  à  monseigneur  Jehan  son 
frère  dire  et  compter  tout  che  qu'il  avoient  trouvet  en 
Franche.  Si  en  furent  li  Englès  bien  esmervilliet  et  mal-, 
content  sus  le  roy  de  France  et  son  consseil,  mais  il  ne  le 
peurent  amender.  Lors  demandèrent  consseil  au  conte  de 
Haynnau  qu'il  en  estoit  bon  à  faire,  et  li  contes  leur  res- 
pondi  qu'il  savoient  bien  sur  quel  estât  il  estoient  parti 
dou  roy  leur  seigneur  et  que  seloncq  ce  il  s'avisassent,  ou 
il  desissent  toutes  leurs  enteritions  ou  au  plus  priés  que  dire 
le  poroient,  il  les  en  aideroit  voUentiers  à  conseiller.  Adont 
respondi  li  évesque  de  Lincolle  et  dist  ensi  :  «  Sire,  c'est  li 
«  eutention  del  roy  nostre  seigneur  et  de  son  plus  espécial 
«  consseil  de  par  delà  que,  se  li  roy  de  Franche  euist  chy 
.  «  envoyet  barons,  prélas  et  son  consseil  de  par  lui,  et  nous 
a  n'euissiens  estetd'acord,  que  nous  seuissiens,  présent  vous, 
«  quel  affection  li  seigneur  de  l'empire  qui  confort  et  ayde 
«  li  ont  proummis,  ont  de  lui  aidier,  par  quoi  il  se  pourveist 
«  seloncq  che  ;  car,  nous  revenu  en  Engleterre,  il  ne  vora 
«  point  plentet  séjourner  qu'il  ne  guérie.  Or  en  i  a  chy 
a  aucuns  del  empire,  et  tout  n'y  sont  mies  chil  que  nous 
«  voulions  avoir  et  veoir.  Si  verions  volentiers  qu'il  fuissent 
a  mandet  au  title  de  vous  et  de  nous  ossi,  et  euissiens  par- 
a  lement  enssamble,  par  quoy  nostre  voie  fuist  employée 
«  en  aucune  mannière.  j>  Lors  respondi  li  contes  de  Hayn- 
nau et  dist  :  «  Vous  parlés  bien  et  c'est  une  bonne  voie,  si 
«  le  ferons  enssi  et  sans  séjour.  » 


A  YALEMCIENlfBS.  509 

Dont  escripsirent  et  d'un  acord  li  contes  de  Haynnau  et 
!i  baron  d'Engleterre  comme  messagiers  de  par  le  roy 
ongles  à  aucuns  seigneurs  del  empire  et  à  tels  comme  au 
conte  de  Guéries,  au  marchis  de  Jullers,  à  Tarcevesque  de 
Couloigne,  à  monseigneur  Gallerant  son  frère,  au  marchis 
de  Blancquebourch  que  il  volsissent  venir  en  Haynnau  et 
jusques  à  Valenchiennes  devant  le  conte  à  ung  parlement 
qui  estré  y  devoit.  Chil  qui  pryet  en  furent,  ne  se  vorent 
point  escuser  et  rescripsirent  qu'il  y  seroient  bien  et  vol- 
len tiers  au  jour  qui  ordonnet  y  estoit. 

Var.  prem.  réd.  —  Dont  envoia  le  roy  d*£ngleterre  deçà  la 
mer  dix  chevaliers  banerès  de  son  pays  et  dix  autres  :  Tévesque 
de  LincoUe,  Tévesque  de  Durem  et  d'aultres  gentils  hommes. 
Si  vinrent  en  moult  grant  estât  à  Valenchiennes  et  si  présen- 
tèrent devers  le  conte  qui  les  rechupt  à  joie.  Ceulx  faisoient 
grans  frais  et  grans  despens  et  tenoient  grant  estât.  Ce  temps 
durant  fist  le  conte  Willamme  son  fil  chevalier.  Si  y  eut  moult 
grant  feste.  Tantost  après  le  maria  à  madamme  Jehanne,  aisnée 
fille  du  duc  de  Brabant.  Ainsi  furent  là  pluisieurs  jours  ces  sei- 
gneurs d'Engleterre,  atendant  les  seigneurs  et  conseil  de  France 
que  le  roy  y  devoit  envoier  ;  mais  point  ne  vendent,  dont  ils 
cstoient  moult  esmervillié.  Si  en  parloient  et  murmuroient 
grandement,  tant  qu  ils  vinrent  devant  le  conte,  en  luy  priant 
qu'il  volsist  envoier  en  France  devers  le  roy  pour  savoir  à  quoj 
il  tenoit,  ne  qu'il  voloit  faire.  Adont  pria  le  conte  madame  sa 
femme  et  monseigneur  Jehan  son  frère  pour  y  aler,  lesquels  y 
alèrent  volontiers.  Lors  se  partiront  de  Valenchiennes  dame 
Jehanne  de  Valois  et  messire  Jehan  de  Beaumont  son  frère,  et 
entrèrent  en  Paris  en  bon  aroy,  leur  il  trouvèrent  le  roy  qui  les 
rechupt  à  grant  joie,  et  moult  festia  madame  sa  seur  et  mon- 
seigneur Jehan  de  Beaumont.  Après  ce,  contèrent  au  roy  tout 
leur  message,  et  par  espécial  pour  son  honneur  garder  et  les 
Knglois  apaisier,   auxquels  sembloit  que  on  fesist  villonie,  et 

I.  —  niOlStABT.  14 


370  LES  EKTOYÉS  ANGLAIS 

en  disant  :  «  Pour  ce  cas  summes-nous  cy  venus,  i  Et  quant  ils 
eurent  toute  leur  intencion  ditte,  le  roy  respondy  en  disant  :  ' 
«  Ma  belle  seur,  et  vous,  sire  de  Beaumont,  vray  est  que  par 
«  aucuns  moyens,  en  espécial  des  parsonnes  d*église,  je  m'acor- 
€  day  en  ce  que  d  envoier  à  Valenciennes.  Or  me  sont  aultres 
«  nouvelles  et  consaulx  venus  de  mes  plus  espécials  amis  sur  ces 
•  besongnes,  de  quoy,  tout  considéré,  j'ay  trouvé  que  de  là  en- 
€  voier  je  n'y  sui  riens  tenus  ;  et  se  je  le  faisoie,  ce  seroit  gran- 
€  dément  à  mon  blasme  et  au  préjudice  de  mon  royalme,  car  le 
1  roy  d'Engleterre  n'a  nul  droit  en  mon  pays  ;  j  en  suy  en  la 
€  possession,  et  y  suy  mis  par  Fassens  de  tous  les  pers  de 
«  France.  Si  tenray  ce  droit  pour  moy  et  deffenderay,  s'il 
€  m'estoit  calengiés,  contre  tout  homme.  Et  ces  raisons  j'ay 

<  envoie  devant  nostre  Saint  Père  et  collège,  qui  bien  s'i 
c  assentjnt,  et  ne  treuvent  par  nuls  clers  de  droit  que  je  doie' 

<  autre  chose  faire.  »  A  ces  parolles  respondy  madame  sa  seur, 
qui  les  périls  doubtoit  entre  son  frère  le  roy  et  son  fils  le  roy 
Édouwart,  et  dist  :  t  Monseigneur,  je  ne  tieng  point  que  le  roy 
«  d'Engleterre  tende,  ne  tire  plàinement  à  le  couronne  de 
c  France  ;  mais  par  la  proïsmeté  de  madame  sa  mère,  s'aucuns 
€  drois  devoit  avoir  aux  héritages,  salve  vostre  honneur,  vous 
1  fériés  bien  se  vous  consenties  que  aucunement  il  y  fust  war- 
€  dés,  et  par  quoy  vous  demourissiés  bon  amy,  qui  estes  si  grans 
«  et  si  prochain  amy.  Si  vous  prie  chièrement  à  ce  que  je  soie 
c  oye  de  vous ,  et  que  vous  veulliés  vostre  conseil  envoier  à 
c  Valenciennes  comme  en  convent  l'avés.  »  Lors  respondy  le 
roy  qu'il  en  aroit  ad  vis.  A  ceste  response  se  partirent  du  roy  et 
revinrent  à  leurs  hostclx,  et  le  laissèrent  ensy,  pour  luy  con- 
seillier,  l'espasse  de  trois  jours.  Et  quant  revinrent  vers  luy,  il 
dist  finablement  qu'il  ne  trouvoit  point  qu  il  le  deuist  faire  ;  car 
s'il  le  faisoit,  il  donroit  à  entendre  au  roy  d'Engleterre  qu'il 
euist  aucu|,i  droit  à  ceste  querelle.  Et  quant  il  virent  que  aultre 
response  n'en  pooicnt  avoir,  il  prirent  congiet  et  retournèrent 
à  Valencliiennes  devers  le  conte  et  les  Englès.  Si  contèrent  tout 
ce  que  le  roy  leur  avoit  dit  et  respondu.  Et  quant  les  Englès 


A   yALENClKVNES.  371 

oyreiit  le  responce,  8  en  eurent  grant  merveille,  et  s'en  tinrent 
moult  mal  content  du  roy  de  France.  Lors  demandèrent  conseil 
au  conte,  et  le  conte  leur  respondi  :  •  Vous  savez  bien  sur  quel 
«  estât  vous  estes  partj  du  roy  vo  seigneur,  et  vous  veés  que 
t  vous  avez  trouvé.  Si  len  dittes  la  vérité,  et  sur  ce  il  ait 
«  advis.  »  Dont  dist  le  vasque  de  NicoUe  :  •  Sire,  nous  savons 
«  biou  que ,  quant  nous  revenrons  par  delà  ,  messire  le  roy  ne 

•  l'equerra  aultre  conseil  que  de  faire  guerre  au  plus  tost  qu  il 

•  porra,  considéré  ce  que  nous  avons  trouvé.  Si  nous  sembleroit 
c  bon  que,  à  vo  titre,  fuissent  mandé,  de  par  le  roy  et  de  par 
c  vous,  aucuns  des  seigneurs  de  TEmpire,  affin  qu^ils  venissent 
c  en  lieu  où  vous  et  nous  poussons  parler  à  eulx,  pour  eulx 
c  prier  qu*il  soient  prest  de  faire  le  confort  qu^il  ont  promis  au 
c  roy  no  seigneur.  >  Adont  dist  le  conte  :  c  Vous  conseilliés 
<  bien  ;  si  le  ferons  ainsi,  t  Dont  escriprent  d'un  accort  le  conte 
de  Haynnau  et  les  seigneurs  d'Engleterre,  comme  messagiers 
de  par  le  roy  d'Engleterre,  à  aucuns  des  seigneurs  de  FEmpire, 
tels  que  au  duc  de  Guéries,  au  niarquis  de  Jullers,  à  Tarcevesque 
de  Coulongne,  à  monseigneur  Galleran  son  frère  et  au  marquis 
de  Brandebourch ,  que  ils  volsissent  venir  en  Haynnau  jusques 
à  Valenchiennes  devant  le  conte ,  à  ung  parlement  qui  estre  y 
devoit.  Ceulx  qui  priet  furent ,  ne  s'escusèrent  point ,  mais 
escriprent  qu'il  y  seroient  volontiers  au  jour. 

Sec.réd. — Li  rois  englès  fist,  assés  tost  apriès  ce  que  Tévesques 
de  Lineole  fu  revenu  en  Engleterre,  ordonner  et  apparillier  X 
chovaliers  banerès  et  XL  aultres  chevaliers  jones  bachelers  et  les 
onvoia  à  grans  frès,  par  deçà  le  mer,  droit  à  Valencienes,  et 
révesque  de  Lineole,  qui  fu  moult  vaiUans  homs,  avoec  euls,  en 
rause  que  pour  trettier  à  œs  signeurs  de  TEmpire  que  li  contes 
do  Haynau  leur  avoit  dénommés ,  et  pour  faire  tout  ce  qu^il  et 
messires  Jehans  ses  frères  en  consilleroient.  Quant  il  furent 
venu  à  Valencienes,  cascuns  les  regardoit  à  grans  merveilles, 
pour  le  biel  et  grant  estât  qu'il  maintenoient,  sans  riens  espar- 
gnier,  nient  plus  que  se  li  corps  dou  roy  d'Engleterre  y  fust  en 


37â  LES  ENVOYÉS  ANGLAIS 

propre  personne,  dont  il  acquéroient  grant  grasce  et  grant 
renommée.  Et  si  y  avoit  entre  jaus  pluisieurs  bachelers  qui 
avoient  cascuns  un  oel  couvert  de  drap,  par  quoi  il  n'en  peuist 
veoir  ;  et  disoit-on  que  cil  avoient  voet  entre  dames  de  leur  pays, 
que  jamais  ne  verroient  que  d'un  œil  jusques  adont  qu'il  aroient 
fait  aucunes  proèces  de  leurs  corps  ens  ou  royaulme  de  France  , 
lesquels  il  pe  voloient  mies  cognoistre  à  chiaus  qui  leur  en 
demandoient  :  si  en  avoit  cascuns  très-grans  merveilles. 
Quant  il  furent  assés  festyet  et  honnouret  à  Valehcienes,  dou 
conte  de  Haynau,  de  monsigneur  Jehan  de  Haynau  son  frère  et 
des  signeurs  et  chevaliers  dou  pays,  et  ossi  des  bourgois  et  des 
dames  de  Valencienes,  li  dis  évesques  de  Lincolle  et  li  plus  grant 
partie  d'yaus  se  traisent  par  devers  le  duch  de  Braibant,  par  le 
conseil  dou  conte  dessusdit.  Si  les  festia  li  dus  assés  souffissam- 
ment,  car  bien  le  savoit  faire  ;  et  puis  se  accordèrent  si  belle- 
ment au  duch  que  il  eut  en  convenant  de  soustenir  le  roy  son 
cousin  et  toutes  ses  gens  en  son  pays ,  car  faire  le  devoit,  c'estoit 
ôes  cousins  germains  ;  si  pooit  venir  et  aler  et  demorer,  armés 
et  désarmés,  toutes  fois  qu'il  li  plairoit  ;  et  avoec  ce  il  leur  eut 
en  convent,  par  tout  son  conseil  et  parmi  une  certaine  somme 
de  florins,  que,  se  li  rois  englès  ses  cousins  voloit  le  roy  de 
France  deffyer  soufllssamment  et  entrer  à  force  en  son  royalme 
et  se  il  pooit  avoir  Tacord  et  l'ayde  de  ces  signeurs  d'Alemagne 
deseure  nommés,  il  le  deflîcroit  ossi  et  iroit  avoech  lui  atout 
M  armeures  de  fier.  Ensi  leur  eut-il  en  convent  par  sa  créante, 
de  quoy  il  cancela  et  détria  puis  assés,  sicom  vous  orés  avant 
en  Thystore. 

Quant  li  dus  de  Braibant  ot  fait  ses  convenances  à  ces 
signeurs  d'Engleterre,  sicom  vous  avés  oy,  il  s  avisa  que  li 
rois  de  France  aultrefois  li  avoit  fait  contraire  :  si  se  doubta 
qu'il  ne  fust  durement  in  fourmes  contre  lui,  à  Tocquison  des 
Englès,  et  que  se  il  avenoit  que  li  ôntrepresure  que  li  rois  d'En- 
gleterre  avoit  emprise,  ne  venist  avant  ou  ne  venist  à  bon  chief, 
que  li  rois  de  France  ne  le  volsist  guerryer  et  li  fesist  compa- 
rer che  que  li  aultre  aroient  acordet.  Si  envoia  de  son  conseil 


A   TALKNCIBieiES. 


375 


au  roy  de  tYance  monsigneur  Loeis  de  Cranehen,  sage  chevalier 
durement,  et  pluiseurs  aultres  avoeeh  lui,  pour  lui  excuser  et 
pour  prjer  au  roy  qu  il  ne  volsist  croire  nulle  mauvaise  infor- 
mation contre  lui ,  car  moult  aenvis  il  feroit  nnlle  alliance,  ne 
convenance  encontre  lui;  mais  li  rois  d*Engleterre  estoit  ses 
cousins  germains,  se  ne  li  pooit  bonnement  escondire  sa  venue 
dedens  son  pays,  de  lui,  ne  de  ses  gens,  leurs  frais  paians,  mais 
plus  avant  il  n*en  feroit  riens  qui  deuist  estre  au  desplaisir  dou 
roy.  Li  rois  le  crey  à  celle  fois  ;  si  s^en  apaisa  atant.  Et  toutes- 
voies  li  ducs  ne  laissa  mies  pour  ce,  qu*il  ne  retenist  des  gens 
d'armes  en  BraiUant  et  ailleurs  là  où  il  les  p<x>it,  ne  pensoit  à 
avoir,  jusques  à  le  somme  que  oonvenaneiet  avoit  au  roi  d^En- 
gleterre. 

Quatr,  réd.  —  Quant  11  rois  d^Engleterre  et  son  consel  orent 
entendu  Tévesque  de  Lincolle  et>ceu]s  que  il  avoient  envoyet 
en  Hainnau  deviers  le  conte  et  la  response  que  faite  lor  avoit, 
si  on  furent  tout  resjoy  et  pensèrent  sus  comment  il  poroient 
procéder  en  ces  besongnes  et  regardèrent,  tout  considéret,  que 
li  contes  lor  donnoit  bon  consel.  Avisé  fu  telle  fois  ou  commen- 
cement de  lor  consel  que  li  rois  d'Engleterre  passeroit  la  mer  à 
une  quantité  des  nobles  de  son  païs  et  venroit  en  Hainnau  et 
en  Braibant,  en  Guéries  et  en  JuUers,  et  feroit  ils-meismes 
tous  ces  pourcas  par  le  consel  que  il  aueroit  de  son  grant 
signeur  le  conte  de  Hainnau,  et  puis  fu  chils  consauls  brissiés, 
et  regardèrent  chil  qui  le  consilloient,  que  il  nM  avoit  encores 
que  faire  jusques  à  tant  que  on  aueroit  tretié  deviers  euls  et  que 
on  saueroit  la  volenté  des  Aiemans.  Si  furent  ordonné  11  évesques 
de  Lincolle  et  li  évesques  de  Durem,  li  contes  de  Warvich,  mes- 
sires  Renauls  de  Gobehen,  messires  Richars  de  Stanfort,  li  sires 
de  Felleton  et  li  sires  de  Sulli  à  passer  la  mer  et  venir  à  Valen- 
chiennes  et  parler  au  conte  et  faire  apriès  son  consel  et  tretyer 
au  duch  de  Braibant  et  à  tous  ceuls  desquels  il  poroient  estre  aidié 
et  conforté.  Si  ordonnèrent  tout  chil  signeur  lors  besongnes  et 
oargièrent  lors  vassiaus  sus  la  rivière  de  la  Tamise  de  tout  ce 


374  LES  ENVOYÉS  ANGLAIS 

que  il  lor  besongnoit,  et  estoit  lor  intension  que  de  prendre 
terre  en  Anwiers,  car  point  ne  voloient  passer  par  France.  Et 
emportoient  chil  signeur  en  deniers  tous  apparilliés  cent  mille 
florins  pour  tenir  lor  estât  et  pour  donner  des  dons  là  où  il 
apertenroit  à  faire,  car  bien  savoient  que  Alemans  sont  dure- 
ment convoiteus  et  ne  font  riens,  se  ce  n'est  pour  les  deniers. 
Quant  toutes  lors  besongnes  furent  aparillies  et  U  vassiel 
cargiet,  il  entrèrent  dedens  et  esquipèrent  en  mer  et  ancrèrent 
de  ceste  marée  devant  Gravesandes,  et  quant  la  mer  fu  revC'» 
nue,  il  dèsancrèrent  et  se  partirent,  et  orent  vent  à  volenté  et 
entrèrent  en  la  mer  et  singlèrent  et  ne  furent  depuis  que  deus 
jours  sus  mer  que  il  vinrent  à  Dourdrèst  en  Hollandes  et  là 
issirent-il  des  vassiaus  et  furent  li  bien  venu  en  la  ville.  On 
'  mist  hors  li  chevaus  petit  à  petit,  et  se  rafresquirent  en  la  ville 
de  Dourdrèst  quatre  jours  et  se  pourveirent  de  chevaus  chil 
qui  nuls  n'en  avoient;  et  quant  toutes  lors  besongnes  furent 
prestes,  il  se  départirent  en  grant  arroi  et  monstroient  bien 
à  Testât  que  il  tenoient,  que.il  avoient  or  et  argent  assés,  et 
cevauciérent  à  petites  journées  et  à  grans  despens  et  ne  s'ares- 
tèrent  chil  signeur  nulle  part,  si  furent  venu  à  Valençhiennes  ; 
car  de  tout  ce  que  il  avoient  à  faire,  il  se  voloient  ordonûar 
de  par  le  conte  de  Hainnau.  Quant  il  furent  venu  à  Valen- 
çhiennes, il  se  logièrent  à  leur  aise  et  furent  recheu  à  joie, 
et  les  regardoient  toutes  gens  à  mervelles  pour  le  grant  estât 
que  il  tenoient,  car  il  n'espargnoient  nulles  riens  non  plus  que 
argent  lor  apleuist  des  nues,  et  acatoient  toutes  coses  le  pris 
que  on  lor  faisoit  :  dont  il  avint  que  quant  li  signeur  qui  la 
ville  de  Valençhiennes  gouvernoient  pour  ce  temps,  en  veirent 
la  manière,  il  missent  par  ban  et  sus  painne  à  toutes  coses 
fuer  et  pris  raisonnable,  et  tant  que  Ji  Énglois  s  en  conten- 
tèrent grandement,  et  estoit  li  évesques  de  Lincole  logiés  es 
Jacobins,  et  li  évesques  de  Durem  as  Frères  Meneurs. 

Pour  ces  jours  estoit  de  tous  poins  alités  li  contes  Guil- 
laumes  de  Hainnau  de  la  maladie  des  goûtes,  mais  il  avoit 
tous  ses  sens  avoecques  lui,  et  aussi  naturelment  donnoit  bon 


A   YALENCIËNPŒS.  575 

consel  que  onqnes  fait  il  avoit  endevant  sa  maladie ,  et  furent 
cbil  signeur  d'Engleterre  requelliet  moult  doucement  de  IL  et 
de  la  contesse  sa  femme  et  de  Guillaume  lor  fil  et  de  messire 
Jehan  de  Hdnnau ,  et  aloient  li  dit  signeur,  tant  des  prélas 
comme  des  barons,  veoir  le  conte  et  parler  à  lui  des  besongnes 
pour  lesquelles  il  estoient  là  enTojet,  et  li  contes  les  en  con- 
silloit  loiament  à  son  pooir,  et  à  tous  lors  consauls  estoit 
apellés  messires  Jehans  de  Hiainnau,  (c'estoit  raison),  comme 
homme  de  fief  et  d^ommage  et  de  foi  et  serment  au  roi  d*En* 
gîeterre. 

Pour  ce  temps  avoit  li  contes  de  Hainnau  une  haine  cou- 
verte moult  grande  deviers  son  serourge  le  roi  Phelippe  de 
France  ;  je  vous  dirai  quelle  et  pourquoi.  La  terre  et  signourie 
de  Crièvecoer  en  Cambrésis  avoit  oouru  à  ven^age,  et  quant 
elle  i  fu  mise,  les  premières  offres  en  furent  données  au  conte 
de  Hainnau,  et  ensi  de  la  terre  et  signourie  dou  chastiel  c'en 
dist  Alues  en  Pailluel ,  séant  sus  la  rivière  de  la  Sensée  sus 
les  frontières  d* Artois  et  de  Douai,  et  quidoit  bien  li  contes  de 
Hainnau  ces  deus  terres  avoir  acatées.  et  estoient  li  denier 
tout  prest  pour  les  payer,  quant  li  rois  Phelippes  fu  enfourmés 
de  ceste  marceandise.  Jehans  ses  fils,  qui  estoit  dus  de  Nor- 
mandie et  daufins  de  Vienne,  se  t^aist  avant  et  reféri  sus  ce 
marchié  par  le  commandement  dou  roi  son  père  et  acata  en 
lempire  ces  terres  desus  dittes,  dont  li  contes  de  Hainnau  fu 
trop  grandement  courouchiés  et  dist  et  jura  que  de  la  vilennie 
que  ses  serourges  li  avoit  fait,  il  len  souvenroit  et  li  remonste- 
rôit  durement  quant  il  chéiroit  à  point,  et  eschéi  que  les  nou- 
velles de  ces  promotions  dou  roi  d'Ëngleterre  à  la  calenge  de 
France  se  boutèrent  avant  et  desquelles  coses  on  li  demandoit 
le  consel,  en  Tannée  proprement  quant  11  vendage  et  li  achat 
des  hiretages  desus  dis  furent  fait.  Si  en  estoit  11  contes  plus 
tenres  et  plus  enclins  à  estre  tos  courouciés,  et  lors  secrètement 
il  remonstra  son  mautalent,  car  se  il  euist  ausâi  bien,  en  son 
commencement  de  ces  nouvelles,  abatu  les  paroles  et  les  oppi- 
nioBS  das  Englois  que  il  les  esleva,  phuaseurs  gens  dient  que 


37ti  LES  BNVOYÉS  ANGLAIS 

de  la  guerre  de  France  et  d'Engleterre  qui  tant  a  duret  et 
coustet,  riens  n'en  euist  esté;  mais,  ensi  que  on  peut  dire 
et  supposer,  ce  qui  doit  avenir,  nul  ne  puet  brissier,  ne 
oster. 

Çhil  signeur  d*Engleterre  qui  estoient  venu  à  Yalenchiennes 
veoir  le  conte  de  Hainnau  et  qui  tout  s'ordonnoient  apriès  son 
consel,  tenoient  aussi  grant  estât  que  dont  que  se  li  rois  d*En- 
gleterre  i  fust  en  propre  personne,  et  acquéroient  grant  grâce 
et  grant  renommée,  et  là  avoit  entre  euls  pluiseurs  bacelers, 
liquel  avoient  casquns  un  oel  couvert  d'un  petit  de  blance 
toille  à  manière  d'un  plastriel  par  quoi  il  n'en  peuist  veoir;  et 
disoient  pluisseurs  gens  qui  les  regardoient,  que  chil  chevalier 
et  esquier  avoient  voet  entre  dames  de  lors  païs  que  jamais  ne 
veroient  que  d^un  oel  jusques  à  tant  que  il  aueroient  fait 
auqunes  proèces  d'armes  de  lors  corps  ens  ou  roiaulme  de 
France,  lesquelles  coses  il  ne  voloient  pas  congnoistre  à  ceuls 
qui  lor  en  demandoient.  Quant  il  furent  assés  festojet  et  hon- 
nouret  à  Yalenchiennes  dou  conte  de  Hainnau  et  de  la  contesse 
et  de  son  âl  et  de  messire  Jehan  de  Hainnau  et  des  chevaliers 
et  esquiers  dou  païs ,  et  il  eurent  apris  et  retenu  le  consel  ' 
doudit  conte  de  leur  ordenance  et  quelle  cose  il  dévoient  faire 
et  comment  il  se  maintenroient,  li  évesques  de  Lincole  et  li 
contes  d'Arondiel  et  11  contes  de  Norhantonne  et  messires 
Renauls  de  Gobehem  et  messires  Richars  de  Stanfort  et  les 
aultres  signeurs  d'Engleterre  se  départirent  de  Yalenchiennes 
en  grant  arroi  et  estât,  et  s'en  vinrent  à  Louvaing  deviers  le 
duch  Jehan  de  Braibant,  liquels  reehut  tous  ces  signeurs  moult 
grandement  et  les  honnoura  et  festoia  à  son  pooir,  car  bien  le 
sçavoit  faire.  Il  li  remonstrèrent  moult  sagement  toute  la 
matère  pourquoi  il  estoient  là  venu  et  issu  hors  d'Engleterre. 
Li  dus  qui  volentiers  les  oï  parler  (car  il  amoit  bien  son  cousin 
germain  le  roi  d'Engleterre,  et  avoit  adont  entre  li  et  le  roi 
Phelippe  de  France  un  grant  différent),  s'acorda  assés  légière- 
ment  à  che  que  chil  signeur  d'Engleterre  requéroient,  et  eut 
en  convenant  de  soustenir  le  roi  son  cousin  et  toutes  ses  gens 


A  VALENGIENNES.  377 

en  son  païs,  et  lor  ottri  et  acorda  que  il  pooiént  aler,  venir  et 
demorer  partout  sus  le  sien,  armés  et  désarmés,  toutes  fois 
que  il  lor  plaisoit,  et  en  oultre  de  servir  le  roi  d'Engleterre, 
se  en  propre  personne  il  passoit  la  mer,  à  mille  hiaumes  cou- 
ronnés, et  de  desfier  le  roi  de  France,  aussi  avant  comme 
feroient  nuls  des  aultres,  se  il  en  pooient  avoir  Taliance,  parmi 
uiie  certainne  somme  de  florins  que  il  devoit  avoir  pour  li  et 
pour  ses  gens.  Chil  signeur  d^Engleterre  qui  poissance  avoient 
de  tout  ce  faire  (car  li  rois  lors  sires  lor  avoit  donnet),  escrip- 
sirent  et  séelèrent  toutes  ces  convenances  et  ce  que  li  dus  de 
Braibant  volt,  et  retournèrent  en  la  ville  de  Valenchiennes  et 
recordk*ent  au  conte  de  Hainnau  comment  il  avoient  esploitié, 
desquels  esplois  li  contes  fu  tous  resjoïs,  et  lor  dist  :  «  Biau 
«  signeur,  puisque  vous  avés  d'acord  le  duch  de  Braibant,  c*est 
«  uns  grans  sires  et  sages  et  bien  amés  de  tous  ses  voisins,  je 
<  espoire  que  vous  auerés  assés  legièrement  le  conte  de  Guéries, 
«  le  marchis  de  Jullers,  Tarcevesque  de  Coulongne,  messire 
«  Ernoul  de  Baquehen,  le  signeur  de  Fauquemont  et  tous  les 
«  Alemans  :  il  convient  tretyer  deviers  euls.  » 


Or  devés-vous  savoir  que  entrues  que  chil  pourchas  et  li 
aler  se  faisoient  de  pays  en  autre,  aucuns  des  barons  et  sei- 
gneurs d'Engleterre  qui  à  Valenchiennes  estoient  venut 
comme  messagier  de  par  leur  roy,  chevaucoient  à  le  fois  en 
Flandres  de  bonne  ville  en  bonne  ville  pour  yaux  aquintier 
des  bourghois  et  des  Flamens,  et  tenoient  grant  estât  et  fai- 
soient grans  frès  et  donnoient  biaux  disners  ens  es  bonnes 
villes  où  il  venoient,  afin  qu'il  en  fuissent  plus  aloset  et  li 
rois  d'Engleterre  mieux  recommandés,  et  faisoient  semer 
parolles  parmy  le  pays  et  les  bonnes  villes  que  s'il  estoient 
amit  et  accordant  au  roy  d'Engleterre,  il  seroient  très- 
riches  et  paisieules  et  aroient  lanages  et  drapperies  à  grant 
fuison.  Et  adont  avoit  ung  chevalier  grant  c'on  apelloit 


3T8  LES  SNWYÉS  ANGLAIS 

monseigneur  Simon  le  Courtissien,  anchien  homme  et  riche 
et  qui  vollentiers  faisoit  feste,  honneur  et  compaignie  a 
touttes  gens  estrangiers,  espêcialement  as  barons  et  cheva- 
liers d'honneur  et  de  nom.  Si  compaignoit  li  dessus  dis 
Courtissiens  ces  seigneurs  et  chevaliers  d'Engleterre,  quant 
il  venoient  en  Gand,  et  leur  faisoit  toutte  le  meilleur  com-' 
paignie  qu'il  pooit ,  dont  mal  l'en  prist ,  car  li  roys  de 
Franche  et  li  contes  de  Flandres  doubtèrent  que  il  ne 
volsist  atraire  les  coers  des  bonnes  gens  del  pays  à  l'opinion 
dou  roy  englès.  Dont  pour  yaux  mieux  asseurer,  le  contes  de 
Flandres  le  manda  en  ung  certain  lieu.  Lui  venut  au  mande- 
ment dou  conte,  il  fu  pris  et  saisis  et  délivrés  au  conestable 
de  Flandres  et  depuis  à  celui  de  Fraenche  et  fu  assés  tost 
apriës  décollés,  dont  grant  murmuration  en  furent  ou  pays 
de  Flandres  et  grans  haynes  sus  Je  conte  et  son  consseil, 
car  il  estoit  de  grans  amis,  puissans  et  riches  durement. 
Depuis  le  mort  dou  seigneur  Courtissien,  li  chevalier  d'En- 
gleterre  n'osèrent  mies  si  plaînement  aller,  ne  venir  par  le 
pays  de  Flandres  qu'il  faisoient,  car  il  se  doubtèrent  que 
soudainement  il  ne  fuissent  pris  ou  de  nuit  à  lors  hostels  et 
mort  par  le  puîssauche  du  roy  de  Franche  et  dou  conte  qui 
très-loyaux  Franchois  estoit.  Si  se  tinrent  en  avant  en  Hayn- 
nau  dallés  le  conte  Guillaumme  qui  bonne  chière  leur  faisoit. 

Var,  prem.  réd.  —  Or  poés  croire  que  dedans  ce  jour  du  par- 
lement, qui  n'estoit  mie  si  tost,  ces  seigneurs  d'Engleterre  pour- 
cachoient  en  pluiseurs  lieux  à  le  fois  en  Flandres  et  es  bonnes 
villes,  pour  eulx  acointier  des  plus  vaillans  bourgois  et  des  com- 
muns. Si  tenoient  grant  estât  et  despandoient  largement,  et 
donnoient  grans  disners  pour  toudis  aquérir  grâce  ;  et  prome- 
toient  que,  se  les  Flamens  estoient  amis  aux  Englès>  ils  aroient 
marchandise  et  autre  amour  au  roy  et  au  pays.  Adont  avoit  à 
Gand  ung  chevalier  que  on  appelloit  messire  Simon  le  Courti- 
sien,  ancien  homme  et  riche,  et  qui  volontiers  festioit  et  recep- 


£N  FLANDRE.  379 

voit  les  estrangiers,  et  espéoia}meQt  chevaliers  et  l)aroA9  d'on* 
neur.  Si  compaignoit  ces  seigneurs  d^Engleterre  quant  il 
venoient  à  Gand ,  et  leur  faisoit  toute  le  bonne  c<Hnpaignie  qu'il 
pooit.  Si  Ten  vint  mal  ;  car  le  roy  de  France  et  le  conte  de 
Flandres  en  furent  infourmés.  Si  doubtèrent  qu'il  ne  volsiesest 
attraire  les  coers  des  bonnes  gens  du  pays  à  le  oppinion  du  roy 
d'Engleterre.  Dont,  pour  eulx  mieulx  asseurer,  le  conte  le 
manda  à  ung  certain  lieu,  Luy  venu  au  mandement ,  il  fu  pris 
et  livrés  au  conestable  de  Flandres,  et  puis  à  celui  de  France. 
Si  fu  assez  tost  après  décolés ,  dont  grant  murmuracion  fu  ens 
ou  pays  ;  et  s  en  esmurent  grant  haynne  sur  le  conte  et  son  con- 
seil. Car  ce  fu  fait  moult  hastivement,  selon  ce  qu'il  estoit  de 
grans  amis,  et  puissamment  riches  homs.  Depuis  le  mort  de  ce 
seigneur,  les  chevaliers  d'Engleterre  n'osèrent  si  à  piain  hanter 
ens  ou  pays  de  Flandres.  Si  se  tinrent  en  Haynaau,  dalés  le 
conte  qui  bonne  chière  leur  faisoit. 

Sec.  réd,  —  Chil  signeur  d'Engleterre  qui  estoient  envoyet 
pardeçà  le  mer  et  estoient  si  honnourablement  à  Yalencienne^, 
com  vous  avés  oy,  se  apensèrent  entre  yaus  que  ce  seroit  grans 
confors  pour  leur  signeur  le  roy,  aelonch  ce  qu'il  voloient  entre- 
prendre, se  il  pooient  aVoir  l'acort  des  Flamens,  qui  adont 
estoient  mal  dou  roi  de  France  et  dou  conte  leur  droit  signeur. 
Si  s'en  consillièrent  au  conte  de  Haynau  qui  leur  dist  que  voire- 
ment  seroit-ce  lî  plus  grans  confors  qu'il  peuissent  avoir,  mais 
il  ne  pooit  veir  que  il  y  peuissent  proufiter  se  petit  non,  se  il 
n'a  voient  premièrement  acquis  le  grasce  et  le  faveur  de  celui 
Jakemart  d'Àrtevelle  *.  Il  disent  qu'il  en  feroient  lourpooir  tem- 
prement.  Assés  tost  apriès  çou  il  se  partirent  de  Valencienes, 
et  s'en  alèrent  vers  Flandres ,  et  se  départirent,  ne  sai,  en  III 
ou  en  IIII  routes  et  s'en  alèrent,  partie  à  Bruges,  partie  à  Ippre 
et  li  plus  grant  partie  à  Gand ,  et  tout  despendant  si  largement 

*  Dans*  la  seconde  rédaction ,  Froissart  place  avant  ce  passage  celui 
où  il  raconte  lorigine  de  la  piÛMance  d'Artevelde,  Voyez  p.  416. 


380  LES  ENVOYÉS  ANGLAIS 

qu'il  sambloit  que  argens  leur  pleuist  des  nues  ;  et  quéroient 
acord  partout ,  et  prometoient  as  uns  et  as  aultres  là  où  on  les 
consilloit  et  où  il  creoient  miex  employer  pour  parvenir  à  leur 
entente.  Toutesvoies  11  évesques  de  Lincolle  et  sa  compagnie 
qui  alèrent  à  Gand,  firent  tant,  par  biel  parler  et  aultrement, 
qu'il  eurent  Tacord,  l'acointance  et  l'amitié  de  Jakemart  d' Arte- 
velle,  et  grant  grasce  en  le  ville,  et  meismement  d'un  vaillant 
chevalier  ancyen  qui  volentiers  demoroit  à  Gand  et  y  estoit 
durement  amés,  si  le  appelioit-on  monsigneur  le  Courtrisien,  et 
estoit  chevaliers  banerès,  et  le  tenoit-on  pour  le  plus  preu  che- 
valier de  Flandres  et  pour  le  plus  vaillant  homme  et  qui  le 
plus  hardiement  avoit  toutdis  servi  ses  signeurs.  Cils  sires 
Courtrissiens  compagnoit  et  honnouroit  durement  ces  signeurs 
d'Engleterre,  ensi  que  vaillant  homme  doient  toutdis  honnou- 
rer  estragnes  chevaliers  à  leur  pooir  ;  mais  il  en  eut  au  dar- 
rain  mauvais  loyer,  car  il  en  fu  si  accusés  de  celle  honneur 
qu'il  faisoit  as  Englès  contre  l'onneur  le  roy  de  France ,  siques 
li  rois  commanda  très-estroitement  au  dit  conte  de  Flandres 
qu'il  fesist  tant,  comment  que  ce  fust,  qu'il  ewist  le  dessus  dit 
chevalier,  *  se  tant  l'amoit  *,  et  qu'il  li  fesist  coper  le  tieste. 
Li  contes  qui  n'osa  trespasser  le  commandement  le  roy,  ains 
fist  tant,  je  ne  sai  comment  ce  fu,  que  li  sires  Courtrisiens  vint 
là  où  li  contes  le  manda.  Si  fut  tantost  pris  et  tantost  décolés, 
de  quoi  moult  de  gens  furent'  durement  *  dolant  de  pitié,  car  il 
estoit  moult  amés  et  honnourés  ou  pays,  et  en  seurent  moult 
mal  gret.au  conte.  Tant  esploitièrent  cil  signeur  d'Engleterre 
en  Flandres,  que  cils  Jaquemars  d'Artevelle  mist  pluiseurs  fois 
les  consauls  des  bonnes  villes  ensamble,  pour  parler  de  le 
besongne  que  cil  signeur  d'Engleterre  quéroient,  et  des  fran- 
chises et  amistés  qu'il  leur  offroient  de  par  le  roy  d'Engleterre 
leur  signeur,  sans  cui  terre  et  acort  il  ne  se  pooieftt  bonne- 
ment longement  chevir.  Et  tant  parlementèrent  ensamble  qu'il 
furent  d'acort  en  tel  manière  qu'il  plaisoit  bien  à  tous  les  eon- 

*  *  Si  chier  qu'il  aimoit.  —  '*  Grandement. 


EN   FLANDRE.  381 

sauls  de  Flandreâ  que  li  rois  englès  et  toutes  ses  gens  pooient 
bien  venir  et  aler,  à  gens  d'armes  et  aultrement,  par  toute 
Flandres,  ensi  qu'il  li  piairoit  ;  mais  il  estoient  si  fortement 
obligiet  envers  le  roy  de  France  qu'il  ne  le  poroient  grever,  ne 
entrer  en  son  royaulme,  qu'il  ne  fuissent  attaint  dé  une  si 
grande  somme  de  florins  que  à  grant  malaise  en  poroient-il 
finer ,  et  leur  pryèrent  que  ce  leur  volsist  souffire  jusques  à  une 
aultre  fois.  Ces  responses  et  cil  esploit  souflirent  adont  assés  à 
ces  signeurs  d'Engleterre ,  puis  s'en  revinrent  arrière  à  Valen- 
cienes  à  grant  joie  et  souvent  envoioient  leurs  messages  devers 
le  roj  leur  signeur  et  li  signefioient  ce  qu'il  avoient  besongniet  ; 
et  li  rois  leur  renvoioit  grant  or  et  grant  argent  pour  payer 
leurs  frais  et  pour  départir  à  ces  signeurs  d'Alemagne  qui  ne 
convoitoient  aultre  chose. 

De  toutes  ces  devises  et  ces  ordenances,  ensi  com  elles 
se  portoient  et  estendoient,  et  des  confors  et  des  alliances  que 
li  rois  englès  acquéroit  pardeçà  le  mer,  tant  en  l'Empire  comme 
ailleurs,  estoit  li  rois  Phelippes  tous  infourmés  ;  et  euist  volon- 
tiers veu  que  li  contes  de  Flandres  se  fust  tenus  en  son  pays, 
et  euist  attrais  ses  gens  à  son  acord,  mes  cils  Jaquemars  d'Arte- 
velle  avoit  jà  si  sourmonté  toutes  manières  de  gens  en  Flandres, 
que  nuls  n'osoit  contredire  à  ses  oppinions.  Meismement  li 
contes  leurs  sires  ne  s'i  osoit  clèrement  tenir,  et  avoit  envoyet 
madame  sa  femme  et  Loeis  son  jone  fil  en  France,  pour  le 
doubte  des  Flamens.  Avoec  tout  ce  se  tenoient  en  l'ille  de 
Gagant  aucun  chevalier  et  escuier  de  Flandres,  en  garnison, 
dont  messires  Ducres  de  Halluin  et  messires  Jehans  de  Rodes 
et  li  enfant  de  le  Trief  estoient  chapitain  et  souverain  ;  et  là  gar- 
doient  le  passage  contre  les  Englès,  etfaisoient  guerre  cou  ver- 
tement ,  dont  li  chevalier  d'Engleterre  qui  se  tenoient  en  Hay- 
nau,  estoient  tout  infourmet  que,  se  ils  s'en  raloient  par  là  en 
leur  pays,  il  seroient  rencontré,  pour  quoi  il  n'estoient  mies 
bien  aseur.  Nonobstant  ce,  chevauçoient-il  et  aloient  à  leur 
volenté  parmi  le  pays  de  Flandres  et  par  les  bonnes  villes ,  mais 
c'estoit  sus  le  confort  Jakemart  d'Artevelle  qui  les  portoit  et 
honnouroit  en  toutes  manières  ce  qu'il  pooit. 


383  LES  Entourés  anglais 

Quatr.  réd.  —  En  ce  temps  dont  je  parole,  avoit  grande 
diseéntion  entre  le  conte  de  Flandres  et  les  Flamens,  car  chils 
contes  Lùïê  qui  ent  à  femme  Marguerite  d'Artois,  ne  se  sceut 
onques  avoir,  ne  dissimuler,  ne  estre  en  paix  entre  ses  gens 
en  son  pais,  ne  ses  gens  aussi  ne  le  peurent  onques  amer,  et  le 
convint  de  rechief  widier  et  partir  de  Flandres  et  venir  en 
France,  et  là  amena  sa  femme,  et  se  tenoient  à  Paris  dalés  le 
roi,  liquels  les  soustenoit  de  une  partie  de  son  estât.  Chils  contes 
fu  assés  chevalerous,  mais  ses  gens  disoient  que  il  estoit  trop 
françois  et  que  jà  nul  bien  ne  lor  feroit. 

Chil  de  Gand  commencièrent  premièrement  à  faire  le  mauvais 
et  à  voloir  suspéditer  tout  le  demorant  dou  pais  de  Flandres,  et 
,  av oient  de  lor  aliance  Tenremonde,  Alos  et  Granmont  pour  ces 
jours  dont  je  parole,  et  entrues  que  chil  signeur  d'Engleterre 
se  tenoient  à  Valenchiennes  et  ftdsoient  lors  pourcas,  ensi  que 
chi  desus  est  dit ,  avoit  à  Gand  un  bourgois  qui  se  nommoit 
Jaquemon  Dartevelle,  hauster  homme,  sage  et  soutil  durement, 
et  fist  tant  par  sa  poissance  que  toute  la  ville  de  Gand  fu 
encline  à  lui  et  à  ses  volentés.  Chil  signeur  d'Engleterre  qui 
se  tenoient  à  Valenchiennes,  jettèrent  lor  visée,  par  le  consel 
et  introduction  que  il  orent  dou  conte  de  Hainnau  et  de  son 
frère ,  que  il  envoieroient  deviers  che  Jaquemart  Dartevelle 
et  les  bourgois  de  Gand,  afin  que  il  vosissent  estre  de  Taliance 
et  acord  dou  roi  d'Engleterre,  par  quoi,  se  il  li  besongnoit,  il 
peuistayolr,  ils  et  ses  gens,  entrée  en  Flandres.  Si  i  envoyèrent 
révesque  de  Durem  et  le  conte  de  Norhanton  et  messire  Renault 
de  Gobehem.  Euls  venu  à  Gand,  il  furent  recheu  très-grande- 
ment, honnouré  et  festoyé,  et  se  portèrent  si  bien  li  trettié  par 
le  moyen  Jaquemon  Dartevelle  qui  i  rendi  grant  pain  ne  et  qui 
haioit  le  conte>  que  chil  de  Gand  généraument  8*acordèrent  à 
ce  que,  se  li  rois  d'Engleterre  passoit  la  mer  et  voloit  prendre 
son  chemin  parmi  le  pais  de  Flandres,  fust  à  gens  d'armes  ou 
sans  gens  d'armes,  lors  deniers  paians  de  toutes  coses  des- 
quelles on  lor  feroit  aministration ,  il  trouveroient  le  pais 
ouvert.  Nequedent  que  chil  de  Bruges,  d'Ippre  et  de  Courtrai 


EU  FLAHDRE. 

lor  fuissent  contraire  et  rebelle,  il  pensoient  bien  tant  à  esploi- 
tier  et  dedens  briefs  jours  que  li  païs  seroit  tous  en  une  unit^. 
Ces  aliances  et  concordances  de  Jaquemon  Dartevdle  et  de 
ceuls  de  Gand  plaisirent  grandement  bien  à  ces  signeurs 
d'Engleterre  qui  là  avoient  esté  envojet,  et  prisent  de  toutes 
ces  convenances  lettres  séelées  dou  séel  à  causes  de  la  ville  de 
Gand,  et  puis  retournèrent  à  Valenchiennes  deviers  le  conte 
de  Hainnau  et  lors  compagnons,  et  monstrèrent  de  parole  et 
par  les  lettres  que  il  avoient,  en  quoi  et  comment  cLil  de  Gand 
estoient  de  bonne  volenté  obligiet.  Dont  dist  li  contes  de  Hain- 
nau à  ces  signeurs  d'Engleterre  :  «  Biaus  signeurs,  vostres 
€  besongnes  s'avancent  grandement,  se  vous  avés  les  païs  de 
«  Flandres  et  de  Braibant  d'acord.  Dites  à  mon  fll  d'Engleterre 
€  que  ce  li  sera  uns  grans  confors  et  que  sa  guerre  en  sera  plus 
«  belle,  mais  il  convient  que  il  passe  la  mer  à  la  saison  qui 
c  retourne,  pour  aprendre  à  congnoistre  les  signeurs  et  les 
a  pai's  qui  le  vodront  aidier  et  servir,  siques,  vous  revenu  en 
€  Engleterre,  esmouvés-le  à  ce  que  à  une  quantité  de  gens 
«  d^armes  et  d'archiers,  il  viengne  deçà  la  mer  et  face- venir  de 
c  la  finance,  car  Alemant  sont  convoitons  et  ne  font  rieAs,  se 
«  li  denier  ne  vont  premièrement  devant,  car  ce  sont  gens 
«  moult  convoitons.  » 


Or  vinrent  li  seigneur  d' Alleraaigne  as  parlemens  à  Val- 
lenchiennes  ensi  que  mandé  y  estoient,  et  y  furent  li  contes 
de  Guéries,  li  marchis  de  Jullers,  li  marchis  de  Blancque- 
bourch,  li  afcevesques  de  Coulloingne,  li  sires  de.  Fauque* 
mont,  li  sires  de  Duvort,  messires  Ernoux  de  Bakehen,  li 
contes  de  Mons  et  li  sires  de  Kuk  ou  lieu  du  duc  de  Brai- 
bant, et  là  parlementèrent  *  par  Tespasse  de  III  sepmaines  *, 
présens  le  conte  de  Haynnau  et  monseigneur  Jehan  de 
Haynnau  son  frère,  et  là  remonstrèrent  li  prélat  et  li  baron 

*-*  Plusieurs  jours. 


384  ALLIANCES 

d'Engleterre  as  Alemans  quel  prouffit  chil  aroient  qui  le 
roy  d'Engleterre  aidier  voroient.  Lors  se  porta  fins  de  par- 
lemens  et  certains  arrest,  et  disent  li  ÂUemans  que  ou  nom 
de  Dieu  li  consseii  d'Engleterre  esmeuissent  leur  roy  à  che 
que  il  passast  le  mer  et  venist  en  Anwers  tant  qua  il  le 
peuissent  veoir  et  oyr,  car  il  en  avoient  grant  désir,  et  ses 
besoingnes  en  vauroient  mieux.  Sur.  ce  se  départirent  li 
seigneur  et  s'en  rallèrent  chacuns  en  leurs  lieux  ;  et  meys- 
mement  li  Englès  se  partirent  et  s'en  revinrent  à  Dpurdrech 
et  ne  veurent  point  rapasser  par  Flandres,  car  il  leur  fu 
segnefiet  que  li  contes  de  Flandres  avoit  mis  grant  garnison 
en  l'ile  de  Gaiant.  ^  Si  se  doubterent  que  ce  ne  fuist  pour 
yaux  rencontrer  à  leur  retour  *,  et  montèrent  en  mer  à 
Dourdrech  en  Hollandes,  sicomme  vous  oés,.et  revinrent 
arrière  en  Engleterre  par  autre  voie  que  le  chemin  de 
Flandres. 

Sec.  réd,  r-  Adont  furent  cil  signeur  d'Engleterre  moult  aise, 
car  il  leur  sambla  qu'il  avoient  moult  bien  besongnié,  tant 
comme  au  duch.  Si  s'en  retournèrent  à  Valencienes,  et  fisent,  par 
messages  et  par  For  et  Targent  le  roy  d'Engleterre  leur  signeur, 
tant  que  11  dus  de  Guéries  serourges  audit  roy  d'Engleterre, 
le  marquis  de  JuUers  ,  pour  lui  et  pour  rareevesque  de  Cou- 
longne  Walerant  son  frère,  et  11  sires  de  Faukemont  vinrent 
à  Valencienes  parler  à  yaus ,  pardevant  le  conte  de  Haynau, 
qui  ne  pooit  mes  chevaucier,  ne  aler,  et  pardevant  monsigneur 
Jehan  son  frère,  et  esploitièrent  si  bien  devers  yaus,  que 
parmi  grandes  sommes  de  florins  que  cascuns  devoit  avoir 
pour  lui  et  pour  ses  gens,  il  eurent  en  convent  de  deflyer 
le  roi  de  France ,  avoech  le  roy  englès ,  quant  il  11  plairolt, 
et  que   cascuns   d'yaus  le   servirolt  à   un  certain  nombre  de 

*-•  Pour  doubte  d^estre  rués  jus  des  escumturs,  qui  estoient  là  de 
par  le  conte  de  Flandres. 


AVEC  LES  SEIGNEURS  D'ALLEMAGlfE.  385 

gens  d*annes  à  hjaumes  couronnés.  En  ce  temps  parloit-on 
de  hjaumes  couronnés ,  et  ne  faisoient  li  signeur  nul  compte 
d'aultres  gens  d'armes  s'il  n  estoient  à  hjaumes  et  à  timbres 
couronnés  :  or  est  cils  estas  mués  maintenant ,  on  paroUe  de 
lances  ou   de  glaves  ou  de  jakes.  Et  vous  di  que  cil  signeur 
dessus  nommet  eurent  en  couvent  as  gens  le  roj  d'Engleterre 
que  il  les  aideroient  à  aultres  signeurs  d'oultre  le  Rin,  qui  bien 
avoient  pooir  de  amener  grant  fuison  de  gens  d'armes,  mais  que 
il  ewissent  souffissamment  le  pour  quoi  ;  puis  prisent  congiet  li 
dessusdit  signeur  alemant  et  on  râlèrent  en  leur  pajs,  et  li 
signeur  d'Engleterre  demorèrent  encore  à  Yalencienes  et  en 
Hajnau,  dalés  le  conte  par  quel  conseil  il  ouvroient  le  plus. 
Si  prjèrent  et  envojèrent  encores  souffissans  messages  devers 
levesque  de  Liège  monsigneur  Aoul,  et  Teuissent  volentiers 
attrait  de  leur  partie,  mais  li  dis  évcsques    n'i  volt  onques 
entendre ,  ne  riens  faire  encontre  le  roi  de  France ,  à  cui  il 
estoit  devenu  homs  entré  en  se  féaulté.  Li  rois  de  Behagne 
ne  fu  point  prjés,  ne  mandés  ;  car  on  savoit  bien  qu  il  estoit  si 
coiyoint  au  roi  de  France,  par  le  mariage  de  leur  II  enfans, 
(dou  duch  Jehan  de  Normendie  qui  avoit  à  femme  madame 
Bonne  fille  au  dessusdit  roj),  que  pour  celle  cause  il  ne  feroit 
riens  contre  le  roj  de  France. 

Qitairl  réd.  —  A  lordenance,  consel  et  parole  dou  conte 
Guillaume  de  Hainuau  s'arestèrent  chil  signeur  d'Engleterre 
qui  pour  ce  temps  en  Yalencbiennes  se  tenoient,  et  fissent  tant 
par  lors  pourcas,  voires  moienant  les  deniers  (car  ce  sont  coses 
qui  moult  i  vallent  et  pueent),  que  li  contes  Renauls  de  Guéries, 
serourges  au  roi  d'Engleterre,  li  marchis  de  Jullers  pour  li  et 
pour  Farcevesque  Wallerant  de  Coulongne,  son  frère,  messires 
Emouls  de  Baquehen,  li  contes  de  Meurs,  li  sires  de  Fauque- 
mont  et  pluisseur  aulti'e  chevalier  de  desus  le  Rin  et  fort  ruste 
vinrent  à  Valenchiennes  parler  à  euls  pardevant  le  conte  de 
Hainnau  et  monsigneur  Jehan  de  Hainnau  son  frère,  et  là  ot 
pluissëurs  consauls  et  trettiés,  et  t^nt  fu  proumis  et  donné  à 
I.  —  nioissART.  35 


386  RBTOUR  DES  ENVOYÉS  ANGLAIS 

euls  que  tout  s'obligièrent  à  deffyer  le  roi  de  France,  sitos  que 
il  saueroient  que  li  rois  d^Engleterre  Taueroit  deffyet  ou  au  plus 
tart  UDg  mois  apriès,  et  le  serviroient  casquns  à  une  quantité 
'  de  hiaumes  couronnés,  car  pour  lors  on  ne  parloit  point  de 
lances,  ne  de  bachinës,  fors  de  hiaumes  :  or  sont  les  coses  trans- 
muées aultrement,  et  encores  se  transmueront. 

Quant  chil  signeur  d'Engleterre  furent  tout  aséguret  d'avoir 
en  lor  aliance  les  desus  nommés,  il  envoyèrent  deviers  Tévesque 
Aoul  dou  Liège  à  savoir  se  il  le  poroient  avoir  ;  mais  chil  qui 
furent  envoyet,  retournèrent  sans  riens  faire,  etrespondi  que 
jà  ne  s'armeroit  à  rencontre  de  la  couronne  de- France.  Quant 
on  vei  ce,  onUe  laissa  ester.  Aussi  ôst-on  le  roi  de  Boesme,  car 
il  estoit  tant  fort  lojés  en  France  par  mariages  de  li  et  de  ses 
en  fans  que  on  vei  bien  que  on  perderoit  ses  painnes.  Si  prissent 
congiet  chil  signeur  d'Alemagne  as  prélas  et  barons  d'Engle- 
terre  et  retournèrent  casquns  en  lors  païs.  Vous  devés  sçavoir 
(et  c'est  cose  légière  à  croire)  que  de  toutes  ces  besongnes,  de 
ces  aliances  des  Alemans  et  des  séjours  que  chil  signeur  d*En- 
gleterre  faisoient  en  Valenchiennes  et  de  Testât  que  il  i  tenoient, 
li  rois  Phelippes  estoit  enfourmés,  mais  il  n'en  faisoit  compte, 
réservé  ce  que  il  li  desplaisoit  trop  grandement  de  ce  que  li 
voiages  d'outre  mer  en  seroit  retardés,  et  se  contentoit  moult 
mal  dou  conte  de  Hainnau,  son  serouge,  de  ce  que  il  soustenoit 
en  son  pais  ceuls  qui  li  voloient  porter  damage,  et  disoit  bien  : 
«  Mon  frère  de  Hainnau  marceande  de  avoir  son  païs  de  Hainr 
t  nau  ars  et  courut.  > 


Quant  li  prélat  et  li  baron  d'Engleterre  furent  retournet 
en  leur  pays,  il  trouvèrent  le  roy  leur  seigneur  qui  les 
rechupt  à  joie,  monseigneur  Robert  d'Artois,  le  conte  de 
Lancastre  et  les  autres  barons  et  seigneurs  d'Engleterre,  à 
qui  il  recordèrent  toutes  les  avenues  qui  avenu  leur  estoient 
et  comment  il  avoient  séjournet  à  Valenchiennes,  attendant 
le  consseil  le  roy  de  Franche,  qui  point  n'estoit  venu,  et 


A  LONDRES.  ,      387 

comment  et  par  pryère  il  envoyèrent  monseigneur  Jehan  de 
Hàynnau  et  madame  de  Valois  parler  au  roy  Phelippe  et 
les  responsceâ  telles  qu'il  eurent  del  roy  et  sicomme  il  leur 
raportèrent  :  «  Apriès,  quant  nous  veimes  que  li  roy  s  de 
a  Franche  se  escusoit  et  que  il  n'envoieroit  point  son  cons- 
«  seil,  ne  ses  hommes  deviers  nous,  nous  eummes  advis  de 
«  mander  les  seigneurs  d'Allemaigne,  chiaux  qui  par  bonne 
«  allianche  se  sont  mis  et  acordé  à  vous ,  et  vinrent  bien 
«  et  liement,  et  nous  ont  juret  qu'il  vous  aideront  et 
«  conforteront  en  tous  cas,  si  avant  ossi  que  vous  leur 
€  tenrës  leur  convent,  et  vous  prient  que  vous  voeilliés 
«  ordonner  vos  besoingnes  et  passer  le  mer,  par  quoi  il  vous 
t  puissent  veoir  et  oïr.  Si  en  esploiterés,  che  dient,  le  mieus 
«  en  touttes  vos  besoingnes.  Encoires,  sires,  vous  disons- 
«  nous  et  segnefiôns  que  li  contes  de  Flandres  tient  couver- 
«  tement  garnison  en  Tille  de  Gagant,  chevaliers  et  escuiers 
«  et  gens  d'armes  qui  gardent  le  pays  de  ce  ôostet,  et  ont  jà 
«  fait  pluiseurs  despis  et  contraires  à  vos  gens,  dont  bien 
«  il  vous  doit  desplaire.  » 

Quant  li.roys  d'Engleterre  oy  ces  nouvelles,  si  fu  moult 
penssieux,et  n'eny  eult  nullement  qui  le  peuissent  resjoyr, 
fors  celles  des  AUemans  qui  li  prioient  que  il  volsist  passer 
le  mer.  Si  demanda  consseil  sur  ces  besoingnes,  dont  res- 
pondirent  si  plus  espécial  amy  que,  seloncq  ce  que  il  pooient 
entendre  et  oïr,  li  roys  de  France  ne  quidoit  mies  que  jà  il 
l'osast  gheryer  :  «  Si  vous  conseillions  et  mettons  avant 
«  pour  votre  butineur  que  vous  voeilliés  faire  ung  parle- 
«  ment,,  et  que  nuls  parmy  vostre  royaumme  ne  s'escuse 
«  qu'il  ne  soit  à  ceste  Saint-Michiel  à  Londres,  prëlas,  che- 
«  valiers  et  li  conssaux  des  bonnes  villes,  et  adont,  seloncq 
«  ce  qu'il  vous  conseilleront,  vous  vous  ordonnerës.  »  Li 
roys  s'acorda  à  che  tet  manda  et  commanda  à  tous  contes. 


588  RETOUR  DES  ENVOYÉS  ANGLAIS 

barons  et  chevaliers,  prélas  et  conssaux^  des  bonnes  villes, 
qu'il  fuissent  4  ceste  Saint-Michiel  à  Londres  c'on  comptera 
l'an  mil  CGC.XXXVII.  Tout  obéirent  au  commandement 
dou  roy,  car  ce  fu  raison ,  et  pour  ce  que  riens  je  n'oublie, 
car  j'ay  dit  et  mis  en  terme  ou  commenchement  dou  livre 
que  je  feray  mention  de  tous  les  avenues  petites  et  grandes 
qui  sont  avenues  où  que  soit,  si  vous  en  parleray  d'unes  qui 
advinrent  en  Gascoingne  auques  en  ce  tamps  que  je  vous 
compte. 

Var,  prem.  réd,  —  Quant  les  prélas  et  les  seigneurs  furent 
revenus  de  le  grant  besongne  dont  ils  avoient  esté  chargiés , 
le  roy  les  rechupt  à  grant  joie,  et  tous  les  autres  seigneurs. 
Adont,  présent  le  roy  et  tous  les  seigneurs  >  ûrent  leur  rela- 
cion  comment  il  avoient  esté  à  Valenchieunes  grandement 
rechus,  comment  le  roy  de  France  n*y  avoit  envoie  personne 
de  par  luy,  et  comment,  par  prière,  madame  la  contesse  et 
messire  Jehan  .de  Haynnau  furent  à  Paris  et  raportèrent  les 
l'esponses  du  roy,  et  comment  après  ce  se  conseillèrent  au 
conte  de  Haynnau  de  mander  les  Alemans  qui  avoient  proçiis 
confort  et  alliances  frances,  comment  il  vinrent  volentiers 
et  comment  il  ont  dit  devant  le  conte  :    *  Qu'il  vous  reconfor- 

•  teront  le  plus  qu'il  porront ,  mais  que  on  leur  tiengne 
i  convent,  et  comment  ils  prient  que  vous  passés  le  mer  au 

*  plus  tost  que  vous  poés,  adfin  qu'ils  vous  puissent  veir  et 
€  comment  vos  besongnes  en  vauldront  mieulx.  Au  surplus 
i  vous  disons  que  le  conte  de  Flandres  tient  garnisons,  en 
«  l'ille  de  Gagant,  de  gens  d'armes  qui  gardent  le  pas  sur  les 
«  frontières,  et  ont  jà  fais  pluiseurs  despis  à  vous  et  à  vos 
i  gens,  dont  il  vous  doit  desplaire  et  à  tout  vostre  royalme.  » 
Quant  le  roy  d'Engleterre  oy  ces  nouvelles,  si  en  fu  moult 
pensieux  ;  mais  nientmains  celles  que  les  Alemans  lui  man- 
doient,  li  plaisoient  moult  bien.  Si  demanda  consel  sur  ce.  Dont 
respondirent  les  plus  de  ses  espécials  amis,  qu'ils  ne  tenoient 
point  :   i  Que  le  roy  de  France  ne  tenist  que  vous  ne  Toseriés 


A   LOKDRES.  389 

€  guerrier.  Si  vous  conseillons  pour  vostre  honneur  que  vous 
c  faciès  ung  parlement  à  estre  à  ceste  Saint-Michiel  à  Londres, 
c  où  tous  ceulx  du  grant  conseil  soient  mandé,  et  que  nuls  ne 
f  s'en  excuse.  Et  adont,  selon  ce  que  vostre  conseil  se  portera, 
f  si  ouvrés.  »  Le  roy  s'i  accorda.  Adont  manda  et  commanda 
à  tous  que  tous  y  venissent,  et  fu  à  le  Saint-Michiel  Tan  trente 
sept.  Et  tous  y  furent,  ce  fu  raisons. 

Sec.  réd,  —  Quant  li  dessusdit  signeur  d'Engleterre  eurent  fait 
en  partie  ce  pour  quoi  il  avoient  passet  la  mer,  il  se  partirent 
de  Valencienes  où  il  tenoîent  leur  souverain  séjour,  première- 
ment li  évesques  de  Lincolle,  messires  Regnauls  de  Oobehen  et 
li  aultre ,  et  vuidièrent  Haynau  et  vinrent  à  Dourdresch  en 
Hollande,  et  montèrent  là  en  mer  pour  eschiewer  le  passage 
de  Gagant  où  li  dessusdit  chevalier  de  Flandres  se  tenoient  en 
garnison  de  par  le  roy  de  France  et  le  conte  de  Flandres,  sicom 
on  disoit;  et  s'en  revinrent,  au  mieuls  qu'il  peurent  et  au  plus 
cou  vertement,  arrière  en  leur  pays,  devers  le  roy  englès  leur 
signeur,  qui  les  rechut  à  grant  joie.  Se  li  recordèrent  tout  l*estat 
des  signeurs  de  par  dechà,  premièrement  dou  duch  de  Brai- 
bant,  dou  marquis  de  Jullers,  dou  duch  de  Guerlês,  dou  conte 
de  Jullers,  de  Farcevesque  de  Coulongne,  de  monsigneur  Jehan 
de  Haynau,  dou  signeur  de  Fauquemont  et  des  alloyés,  comment 
et  sus  quel  point  il  s'estoient  accordet  à  lui,  et  à  quelle  quantité 
de  gens  d'armes  cascuns  le  devoit  servir,  et  ossi  quel  cose  cas- 
cuns  devoit  avoir.  A  ces  paroUes  entendi  li  rois  englès  volen- 
tiers,  et  dist  que  ses  gens  avoient  bien  esploitiet;  mais  trop 
durement  plaindi  le  mort  le  conte  de  Haynau  de  qui  il  avoit  la 
fille,  et  disoit  qu'il  avoit  perdu  en  lui  un  très-grant  confort  :  se 
li  convenoit-il  porter  et  faire  al  avenant.  Encores  recordèrent 
li  dit  signeur  au  roy  le  convenant  de  chiaus  qui  se  tenoient  en 
le  garnison  de  Gagant  et  qui  hérioient  ses  gens  tons  les  jours, 
et  comment  pour  doubte  d'yaus  il  estoient  revenu. par  Hol- 
landes et  avoient  eslongiet  grandement  leur  chemin  :  dont  dist 
li  rois  que  il  y  pourveroit  temprement  de  remède. 


SSW  RETOUR  DES  ENVOYÉS  ANGLAIS 

Q/HCtr.  réd.  —  Chil  signeur  d'Engleterre  séjournoient  en 
Valenchiennes  si  honnourablement  que  vous  avés  oj,  et  quant 
il  veirent  que  il  avoient  en  partie  achièvé  ce  pour  quoi  il 
estoient  venu  à  Valenchiennes  (car  il  ne  faisoient  riens  que  ce 
ne  fust  par  le  consel  dou  conte  et  de  son  frère),  quant  il  orent 
esté  à  Valenchiennes  plus  do  demi-an  et  despendut  biaucop 
d  argent ,  tant  en  dons  pour  avoir  Tamour  des  signeurs  de 
Tempire  que  en  lors  menus  frès,  il  prissent  congiet  au  conte 
et  à  son  frère,  et  se  missent  au  retour  et  Vinrent  à  Ix)uvain 
et  là  trouvèrent  le  duch  de  Braibant  qui  lor  fist  très-bonne 
chière  et  les  tint  ung  jour  tout  aises  dalés  li ,  et  parlèrent 
ensamble  de  biaucop  de  coses,  et  puis  s  en  départirent  et 
vinrent  en  Anviers  et  trouvèrent  vassiaus  d*Engleterre  tous 
près  pour  euls,  qui  là  les  atendoient.  Li  plus  de  ces  signeurs 
laiasièrent  lors  cevaus  au  séjour  en  Anviers,  car  bien  savoient 
que  il  en  aueroient  encores  à  faire,  et  li  auqun  passèrent  les 
lours  et  li  aultre  les  vendirent.  Si  entrèrent  tout  ens  es  vas- 
siaus qui  estoient  ordonné  pour  euls,  et  retournèrent  sans  péril 
et  sans  damage  en  Engleterre,  et  trouvèrent  le  roi  à  Windesore 
et  la  roine.  Si  lor  recordèrent  comment  il  avoient  eaploitié,  et 
les  bons  amis  que  il  avoient  delà  la  mer.  A  toutes  ces  paroles 
et  remonstrances  estoit  et  fu  toutdis  messires  Robers  d*Artois 
qui  trop  grandement  fu  resjôïs  de  ces  nouvelles,  et  dist  ensi 
au  roi  :  «  Monsigneur,  je  le  vous  ai  bien  tousjours  dit  :  Vous 
«  trouvères  plus  d*amis  et  de  bon  confort  delà  la  mer  que  vous 
«  ne  quidiés,  car  onqucs  Alf*mant  ne  peurent  amer  les  Fran- 
«  pois;  il  vous  feront  roi  de  France,  car  chils  qui  Test,  ni  a 
<  nulle  juste  cause,  et  les  poins  et  les  articles  com  prochains 
c  vous  estes  de  la  couronne,  je  vous  ai  pluisscurs  fois  remon- 
€  stré  :  se  la  calengiôs  et  mettes  oultre.  Puisque  on  vous  voelt 
«  aidier  à  esclarcir  vostre  droit,  ne  sojés  pas  négligcns,  mais 
c  diligens  à  demander  ce  qui  est  vostre  ;  si  en  serés  prisiés  et 
f  amés  de  vostre  peuple,  car  il  demandent  la  guerre.  A  ce  que 
f  je  puis  veoir  et  percevoir,  en  Engleterre  il  ne  désirent  que 
€  la  guerre,  et  vous  nvés  biau  et  grant  conunenceioent  pour 


A   LONDRES.  391 

«  VOUS ,  car  jà  avés-vous  si  sousmis  les  Escoçois  que  il  ne  se 
«  poront  aidier,  ne  relever  en  grant  temps.  Ce  sont  segne- 
c  ûances  de  tous  biens  et  que  les  bonnes  fortunes  seront  pour 
«  vous.  »* 

Ensi  amonestoit  messires  Robers  d'Artois  le  roi  d'Engleterre 
et  le  resvilloit  en  ces  besongnes  et  calenges  de  France,  et  11  rois 
i  avoit  très-bonne  affection  et  disoit  que  il  ordonneroit  ses 
besongnes  et  passeroit  la  mer  et  amenroit  la  roine  sa  femme 
avoecques  lui  et  venroit  veoir  ses  amis,  le  conte  de  Hainnau, 
son  biau-p^re,  le  duc  de  Braibant,  le  coiite  de  Guerlles  et  le 
marquis  de  Jullers,  ses  cousins,  et  conquerroit  encores  avant 
des  amis.  Sus  ceste  imagination,  s'aresta  li  dis  rois,  et  aussi 
fissent  tout  chil  qui  Tavoient  à  consillier,  et  fist  faire  ses  pour- 
véances  belles  et  grandes,  petit  à  petit,  tant  pour  lui  que  pour 
la  roine  sa  femme.  Tous  li  roiaulmes  d'Engleterre  estoit  appa- 
rilliés  et  en  tant  grant  volenté  de  li  aidier  des  corps  et  de  la 
cevance,  li  noble  de  le  servir,  et  li  marceant  de  tailler  euls  et 
lors  biens,  si  avant  que  il  deveroit  bien  souflSre. 

*En  ce  temps  futt^retiés  li  mariages  de  messire  Guillaume  de 
Hainnau,  fil  au  conte  Guillaume,  lequel  li  pères  avoit  fait  che- 
valier en  sa  cambre  meismement  le  nuit  de  la-!ffativité  Nostre- 
Signeur  Tan  mille  CCC.XXXVI  en  Tostelde  HoUa^des  à  Valén- 
chiennea,  et  joustèrent  le  signeur  d'Augimont,  avoecques  li  le  si- 
gneur de  Lens,  messire  Gérart  de  Werchin,  sénescal  de  Hainnau,  ' 
et  plus  de  trente  jones  chevaliers  tous  Hainnuiers,  et  tantos  apriès 
ces  chevaleries  faites,  fu  fais  li  mariages  dou  dit  messire  Guil- 
laume de  Hainnau  à  la  fille  dou  duch  de  Braibant,  madamoi- 
selle  Jehane,  qui  lors  estoit  la  plus  belle,  la  pins  gente,  la  plus 
frice  et  mieuls  aians  toutes  nobles  manières  que  nulle  jone  dame 
dont  on  euist  la  congnissance,  et  estoit  en  Tâge  de  quatorse  ans, 
et  furent  les  noces  faites  en  la  grande  salle  à  Yalenchiennes, 
et  i  ot  as  cspousailles  grandes  festes  et  solempnèles,  et  grant 
fuisson  de  signeurs,  et  i  fu  li  contes  Looïs  de  Blois,  sires 
d'Avesnes  et  de  Trélon  et  dou  Louvion  en  Tierasse,  car  aussi 
moult  iiouvellement  il  avoit  espousé  madamoiselle  Jehane   de 


392  RBTOUE   DBS  ENVOYÉS  ANGLAIS 

Biauiuont,  fille  à  monsigneur  Jehan  de  Hainnau,  et  durèrent 
les  joustes  et  les  festes  qui  furent  à  Valenehiennes  plus  de  huit 
jours.  Encores  i  euist  eu  biaueop  plus  de  signeurs  de  France 
que  il  n*i  ot,  mais  auqunes  haines  et  ranqunes  se  commencoient 
à  esmouvoir  entre  les  François  et  les  Hainnuiers  pour  la  cause 
de  ce  que  11  contes  de  Hainnau  soustenoit  et  avoit  soustenu, 
alant  et  venant,  les  Engiois  en  son  pais,  quoique  encores  n'i 
euist  nulles  deffiances,  et  disoient  li  François  par  manière  de 
reproee  :  t  Li  rois  d'Engleterre  a  songiet  que  il  doit  estre  rois 
«  de  France  ;  or  le  viengno  calengier  et  il  vera  bien  quel  proufit 
c  il  i  prendcia.  Mieuls  li  vaudroit  à  demorer  en  paix  que  penser 
c  à  telles  wiseusses,  et  aussi  li  contes  de  Hainnau  est  trop  mal 
«  ccnsilliés,  qui  sueffre  à  aler  et  venir  les  Engiois  en  son  paiV. 
«  et  a  souffers  les  parlemens  et  les  trettiés  de  ces  wiseuses  à 
c  estre  des  Alemans  à  Valenehiennes  devant  lui.  Uns  jours 
«  vendra  que  li  Hainnuier  s'en  repentiront  grandement,  car 
i  lors  païs  tout  premièrement  en  sera  tous  rifles,  et  ne  les  en 
«  porront  aidier  li  Engiois.  » 

Vous  devés  scavoir  que  tout  ce  qui  avenoit  et  estoit  avenu  de 
ces  aliances  dou  duch  de  Braibant,  dou  conte  de  Guerlles,  dou 
marquis  de  Jullers,  de  Tarcevesque  de  Coulongne,  dou  signeur 
de  Fauquemont,  de  messirc  Ernoul  de  Baquehera  et  des  Ale- 
mans, comment  il  sestoient  aconvenenrhiet  as  Engiois,  tout 
estoit  sceu  en  France,  et  le  savoit  li  rois  Plielippes;  mais  il  n'en 
faisoit  ensi  que  nul  compte  et  monstroit  par  ses  oevres  et 
paroles  que  il  avoit  aussi  (h\or  la  guerre  que  la  paix,  et  disoit 
à  le  fois  au  bon  roi  de  Boesme  et  au  conte  d'Alenço|i  et  as  ceuls 
qui  dalés  lui  estoient  :  t  Nosti^es  cousins  d'Engltterre,  à  ce  qur 

•  nous   sommes  enfourmé,   qniert  grandes  alianees  en  Ah*- 

•  magne,  et  nous  vodra  faire  guerre  ot  calengier  nostrt»  hin*- 

•  tage.  Se  nous  avons  la  guerre,  û  bien  viêgne-elle  î  Aussi  no 
«  savions  à  quoi  entendn»,  mais  nous  sommes  courouchié  de  ce 
«  que  li  Toiages  de  la  Sainte-Terre  de  oultre  la  mer  en  sera 
«  retardés  et  occupés,  et  moult  de  bonnes  dévotions  de  plui?- 
c  seurs  valllans  hommes  brisies,  et  tout  nous  fault  atendre  et 
«  soufrir.  • 


A    LONDRES.  «395 

Li  contes  de  Flandres,  pour  ce  temps,  se  tenoit  à  Compiengne, 
et  la  contesse  sa  femme.  Si  entend!  que  li  Englois,  li  évesques 
de  Durem  et  grant  baron  d'Engleterre  avoient  esté  à  Gand  et 
moult  bellement  recheu,  et  par  la  promotion  et  enort  d*un  bour  - 
gois  de  Gant  qui  s'apelloit  Jaquemart  Dartevclle,  toutes  gens 
en  Gant  et  en  pluisseurs  villes  de  Flandres  s'enclinoient  assés 
à  l'opinion  des  Englois  et  tant  que  ses  rentes  et  revenues^  en 
estoient  esconsces  et  canceloient  tous  les  jours.  Et  encores  en 
oultre  li  contes  de  Flandres  fu  enfourmés  que  uns  chevaliers 
de  Flandres,  vaillans  homs  durement  et  lequel  li  contes  avoit 
tousjours  tenu  à  loial  homme  et  prudent,  qui  se  uommoit  le 
Courtrissien,  avoit  tousjours  compagnietet  fait  feste  et  honnour, 
en  la  ville  de  Gant  où  sa  résidence  estoit,  ces  signeurs  d'Engle- 
terre.  Desquelles  coses  li  contes  de  Flandres  fu  durement  cou- 
l'ouchiés  sus  le  chevalier,  tant  que  il  li  remonstra,  et  le  manda 
couvertement  en  France  où  il  se  tenoit.  Li  sires  Courtrissien;^ 
ala  deviers  li,  qui  nul  mal  ni  pensoit.  Sitos  que  li  contes  le  tint, 
il  ïi  flst  remonstrer  en  la  présence  de  li  pourquoi  il  Favoit 
mandet.  Onques  li  chevaliers  ne  se  peut  esquser,  mais  le  fist 
décoler,  de  quoi  tout  chil  de  bant  furent  trop  grandement 
courouchiet  sus  le  conte  et  son  consel,  mais  amender  ne  le 
porent. 

Enderaentroes  que  li  rois  d'Engleterre  séjournoit  à  We.^- 
moutier  dalés  Londres^  datés  lui  sen  cousin  le  conte  de 
Lancastre ,  messire  Robert  d'Artois ,  le  conte  de  Penne- 
brucq,  le  conte  de  Kent  et  pluiseurs  autres,  et  *  sour  uns 
paskères  que  on  compte  Tan  mil  CGC. XXXVII  le  XIII*  jour 
d'avril  (et  avoit  adont  tenut  court  plenière  efti  son  palais  :\ 
Wesmoutier),  le  mardi  de  ceste  Pasques  assés  matin*,  vint 
ungs  hiraux  bien  congneu  dou  roy  et  des  barons,  et  estoit 

*  *  Co  fa  le  treizième  jour  d'avril ,  en  un  Pasqnes  l'an  trente-sept , 
au  matin. 


594  GUBABE 

englès  et  Tapelloit-oii  Cardoeil,  car  li  roys  meysmes  Tavoit 
jadis  fait  hiraux  en  ses  voiaiges  d'Escoce  et  li  avoit.donnet 
ce  nom.  Chils  hiraux  avoit  demeuré  hors  d'Engleterrejà  par 
l'espasse  de  V  ans,  travillans  par  le  monde  et  avoit  estet 
en  Prusse,  en  Ifflant,  au  Saint-Sëpulcre  et  retourne  par 
ces  biaux  voiaiges  en  Barbarie  et  revenu  en  Espaingne,  et 
avoit  demouret  dallés  le  roy  d'Espaingne  ung  grant  temps 
*  sus  les  voiaiges  *  de  Grenade,  et  raportoit  lettres  dou  roy 
d'Espaingne  au  roy  d'Engleterre.  Si  estoit  revenus  le  droit 
chemin  par  Navarre  et  par  Gascoingne  et  li  terre  .que  li 
roys  englès  tient  de  senhiretaige  en  ce  pays  de  Gascoingne; 
si  avoit  illoec  trouvet  grans  gherres  et  grans  esmouvemens 
^  de  castiaux  des  ungs  as  autres  ^,  et  jà  y  estoient  de  par 
le  roy  de  Franche  grant  fuisson  de  seigneurs,  tels  que  li 
contes  de  Ermignaoh,  li  contes  de  Fois,  li  contes  de  Com- 
rainges,  li  contes  de  Nerbonne,  li  sénescans  de  Toulouse,  mes- 
sires  Floton  de  Reviel,  li  sires  de  Biaugeu,  li  sires  de  Tour- 
non,  li  sires  de  *  Bays  ^,  li  sires  de  •  Calenton  ^  et  pluîseurs 
autres,  et  avoient  II  sièges,  dont  li  ungs  estoit  devant  une 
forterèce  c'en  clamoit  Penne  et  li  autres  devant  Blaves  ;  et 
constraindoient  ^  moult  *  chiaux  de  Bourdiaux  par  le  rivière 
deGéronde,  et  disoient  enssi  li  seigneur  de  France  que  chils 
pays  estoit  fourfès  et  raquis  au  roy  de  Franche  par  sentense 
ajugie  et  rendue  ou  palais  à  Pariç,  ensi  comme  vous  orés* 
chy  apriès  ;  et  n'y  avoit  adoiit  en  Gascoingne  nul  homme 
qui  se  meuist,  ne  fesist  fet  encontre  les  Franchois,  car  il 
n'estoient  mies  fort  assés  pour  résister  contre  yaux,  mes  se 
tenoient  les  fortresses  touttes  closes  et  se  deffendoient  *°  à 
leur  pooif  ",  et  avoient  le  dessus  dict  hirault  cargiet  et 
pryet  que  il  volsist  faire  bien  hastéement  ce  messaige  deviers 

*'*  Es  guerre.  —  '■*  Des  forteresses  des  Franchois  aux  Englès.  — 
*^ LaBaie.— '^■'CoHenches.—  *"•  Durement.—  *^"**  Deleurs puissances. 


DE  GCJTBIWE.  395 

le  roy  son  seigneur,  et  li  avoient  li  seigneur  de  Gascoingne 

qui  pour  Englës  se  tenoient  et  li  villade  Bourdiaux  cargiet 

lettres  de  créances  et  enfourmet  de  tout  ce  fet  énssi  qu'il 

estoit  avenus  et  sicomme  je  vous  diraj.  Liquels  hiraux  avoit 

si  bien  jesploitiet  que  il  estoit  montés  en  iper  en  le  ville  de 

Baionne  qui  se  tient  englèce  et  estoit  venu  en  V  jours  et  en 

IIII  nuis  ou  havène  de  Hantonne,  et  puis  tant  chevauchiet 

par    haghenées  que  en  jour  et  demj  venut  à  Londres 

où  li  roys  estoit  et  lui  remonstret  touttes  ses  lettres,  et 

8*engenilla  devant  le  roy  ^  sicomme  vous  avés  oy.  Liquels 

roy  et  tout  li  baron  orent  au  premier  grant  joie,  car  bien  il 

savoient  qu'il  aroientde  lui  pluiseurs  nouvelles. 

'  *  Quant  li  roys  englès  vit  le  hiraut  devant  lui  que,  grant 

temps  a,  n'avoit  veu,  se  dist  :  «  A  bien  viengne,  Cardoeil. 

«  Or  nous  dittes  de  delà  le  mer  et  de^  lontains  pays  où  vous 

«  avés  estet  depuis  que  nous  ne  vous  veymes,  car  moult 

«  en  désirons  à  savoir^.  »  —  «  Monseigneup,  dist  li  hiraux, 

«  vous  lires  ou  ferés  Iire,.s*il  vous  plest,  ces  lettres,  et 

«  puis  Je  vous  en  diray  de  pluiseurs,  car  il  en  y  a  de  telles 

«  qui  moult  vous  touchent.  »  Lors  ouvri  li  roys  aucunes 

des  lettres  et  regarda  ens  et  vit  bien  qu'il  y  avoit  autres 

CQses  qui  toutes  ne  pooient  pas  estre  escriptes  et  desquelles 

li  hiraux  portoit  créance,  et  vit  bien  li  roys  que  les  besoin- 

gnes  par  delà  en  Gascoingne  n*estoient  mies  trop  belles 

pour  lui.  Si  en  fin  de  tant  plus  se  hasta  dou  demander  et  li 

hiraux  li  dist  ensi".   <  Obiers  sires,  il  est  ungs  chevaliers 

c  par  delà  le  mer  qui  s*apelle  li  sires  de  Noielles  et  est  chils 

c  poitevins,  et  dist  et  maintient  que  pour  pluiseurs  ser- 

*  Et  fist  la  révérence  en  présentant  ses  lettres  de  par  les  seigneurs 
et  gardes  du  pays  de  Gascogne. —  *  '  Quant  le  roi  eut  bienvingniet  son 
héranlt  et  ses  lettres  luttes,  si  lui  dit  :  «  Nostre  amj  Cardoel,  dittet 
«  de$  nouvelles  et  vos  crédences.  » 


59H  GUERRE 

vices  que  chils  fist  à  vostre  seigueur  de  përe,  on  H 
doit  le  somme  de  XXX"  "  escus  •;  et  li  en  fu  bailliet 
en  crand  et  en  piège  le  ville  et  castellerie  de  Condon« 
dont,  sicomme  il  dist,  il  ne  pooit  avoir  nul  paiement.  Si 
8*eu  plaindist  au  roy  de  Franche  et  monstra  ses  lettres, 
et  fu  remis  et  envoyés  par  le  cambre  de  parlement,  et  la 
fu  jugiës  que  vous  estiés  tenus  en  celle  debte  et  à  rendre 
tous  frès  et  tous  despens  et  fu  ensi  dist  par  sentence  en 
plain  Paris.  Dont,  pour  exécuter  ces  esploits  et  lui  faire 
payer,  il  eut  une  comission  généraule  à  lever,  prendre  et 
arester  partout  en  vostre  terre  de  Gascoingne,  tant  qu'il 
serpit  satisfet  de  le  somme  dessus  dicte  et  des  frës  que  fet 
y  avoit,  et  y  establi  li  roys  à  le  pryëre  dou  chevalier  ung 
procureur,  liquels  8*appielloit  maistres  Raimons  Fon- 
chaus,  et  esploitièrent  tant  qu'il  vinrent  à  Condon  et  se 
veurent  mettre  en  le  possession  et  saisinne  dou  dist  cas- 
tiel  par  le  Vertu  de  le  commission  dessus  dicte.  *  Et  en 
parla  li  procureur  dou  chevalier  au  castiellain  si  orgùil- 
leusement  que  mautalens  y  monta  ^,  car  d'un  baston  gros 
il  donna  à  ce  mestre  Ray  mon  ung  tel  horion,  présent  le 
seigneur  de  Noyelle,  que  il  li  pourfendi  le  teste,  et  prist 
le  chevalier  et  le  mist  eu  prison  et  dist  qu'il  estoit  moult 
outrageus  quant  en  vostre  hiretaige  il  osoit  faire  tels 
explois.  De  quoy  li  roys  de  France  a  eut  grant  indigna- 
tion et  despit,  et  dist  *  que  vostre  terre  par  delà  est  par 
ceste  advenue  toutte  foiirfaite  *,  et  y  (ont  si  grant  gherre 
chil  qui  y  sont  envoyet  de  par  le- roy  et  si  mortelle,  qu'il 
ont  pris  Prudaire,  Saint^-Basille  et  Saint-Malquaire,  et 
quant  je  me  parti  dou  pays  il  gêoient  devant  Penne  et 

<  *  Florins.  —  *^  Et  eurent  tant  de  paroUes  au  cbastelain,  qu*iU  se 
couroucérent  Tun  à  Tautre.  —  **  Que  vottre  teire  par  delÀ,  pour 
cefte  cause,  est  confiquie,  avec  «rautres  ibeafais  que  vous  avét  (aia. 


DE  GUYENNE.  '  397 

«  devant  Blaves.  Si  vous  prient  *  li  chevalier  *  et  les  bonnes 
€  villes^  de  Gascoingne  *  que  vous  les  confortés  et  secoures 
«  *hastéeraent  *,  '  autrement  vous  pores  moult  perdre  *.  • 
•  Quant  li  roys  d'Engleterre  eutoy  les  parolles  de  Thirault 
et  les  nouvelles  qu'il  li  apportoil  de  Gascoingne  et  com- 
.  ment  li  Franchois  et  à  petite  raison  li  faisoient  gherre 
et  y  estoient  si  efibrchiement  que  nuls  ne  pooit  résister 
à  rencontre ,  si  fut  moult  penssieux  une  longhe  espasse, 
et  quand  il  leva  le  chief,  si  se  retourna  deviers  ses 
barops  et  demanda  que  ce  estoit  bon  à  faire.  «  En  nom 
<(  Dieu,  sire,  che  respondirent  li  plus  espécial,  à  cel  lés-là 
«  vous  faut  envoyer,  car  seloncq  que  vous  avés  affaire  et 
«  entendes  à  parfurnir,  li  Gascon  qui  sont  bonnes  gens 
«  d*armes  vous  poroient  grandement  valloir  ou  nuire  en 
«  vostre  gherre.  Si  advisés  qui  vous  en  voulés  cargier  de 
«  faire  che  voiaige.  »  Dont  respondi  li  roys  :  «  Or  regar- 
«  dons  l'un  par  l'autre.  J'en  prieroie  vollentiers  monsei- 
«  gneur  Robert  d'Artois  et  le  feroie  chief  de  ceste  armée, 
«  car  en  cel  estet  qui  vient,  je  n'ai  nul  affection,  ne  enten- 
te tion  de  deffyer  le  roy  de  Franche,  mes  voray  touttes 
«  pourvéauches  adviser  et  ordonner  par  bon  loisir  et 
«  acquerre  encoires  tous  les  amis  que  je  pouray  delà  le 
«  mer,  car  bien  me  besongneront  à  gherryer  si  grant  cose 

•-*  Li  seigneur.  —  '-^  Du  p^ya.  —  ■  •  Hastivement.  —  '•  Ou  vous 
les  pores  perdre.  —  '-^  Quant  le  roy  d'Engleterre  eut  oy  toutes  les 
paroles  du  hërault,  si  fu  moult  pensieux,  et  puis  se  tourna  vers  les 
barons  de  grant  coer  et  leur  dist  :  Vechy  bien  à  conseillier.  >  —  #  El 
i  nom  Dieu,  dirent  les  pluisieurs,  le  conseil  doit  estre  brief ,  car  à  ce 
•  couTient  entendre  brief.  »  —  t  Vous  dittes  voir,  dist  le  roy,  advisons 
I  qui  yra  pour  furnir  ceste  besongne.  i  Dont  dist  messire  Robert  d*Ar- 
i  tuis  :  c  Sire,  je  m*en  chargeray,  s'il  vous  plaist.  »  —  Certes,  dist 
<  le  roy,  je  vous  en  pensoie  prior,  or  vous  pourveës  hastievement.  i 


396  GUERRE 

«  comme  le  royaumme  de  Franche.  »  Lors  respondi  mes- 
sires  Robiers  d'Artois  liement  au  roy  et  dist  que  es  voiaige 
il  feroit  très-volentiers,  et  li  roys  li  dist  :  «  Grans  mer- 
«  chis.  yi  ' 

Depuis  ne  demeura  mies  long  temps  que  messires  Robiers 
d'Artois  se  parti  d'Engleterre  à  y°  armures  de  fier  et- 
III"  archiers,  et  montèrent  ou  havène  de  Hantonne,  bien 
ordonné  et  garny  de  touttes  pourvéanches,  et  estoient  adont 
avoecq  le  dict  monseigneur  Robert  d'Artois  li  contes  de 
Hostidonne,  li  contes  de  Sufforch,  li  contes  de  Cornuaiile, 
messires  Thummas  d'Aghourde,  messires  Thummas  de 
Hollande,  messires  Richars  de  Pennebrug,  li  sires  Des- 
penssiers,  li  sires  de  Ferrières  ses  serourges,  li  sires  de 
Multonne,  li  sires  de  Brassetonne  et  li  sires  de  Willebî.  Si 
singlèrent  tant  par  mer  chil  seigneur  à  l'ayde  de  Dieu  et 
dou  vent  qu'il  privèrent  parmi  le  Géronde  ou  havène  de 
Bourdiaux,  dont  cil  de  le  chité  eurent  grant  joie  et  en  furent 
grandement  réconforte,  et  là  estoient  li  doi  frère  de 
Pommiers,  messires  Hélyes  et  messires  Jehans,  qui  vinrent 
sur  le  sabelon  contre  les  nefs  englesses,  et  ossi  fisent  *  li 
plus  grant  partie  de  chiaux  de  le  ville,  car  ce  secours  il 
désiroient  *. 

Dont  yssirent  messires  Robiers  d'Artois  et  chil  de  se 
route  hors  des  vaissiaux  et  s'en  vinrent  tout  à^piet  jusques 
à  leurs  hostels  où  il  fuirent  convj^yet  à  joie;  et  sus  le  soir, 
quant  li  mers  fu  retraite,  ont  li  variés  mis  hors  leurs  che- 
vaux et  leur  harnois  et  touttes  autres  pourvéanches.  Si  se 
rafreschirent  par  III  jours  en  le  chité  de  Bourdiaux,  et 
puis  se  conseillièrent  quel  part  il  se  trairoient.  Si  eurent 
consseil  et  advis  que  il  yroient  droit  à  Penne  pour  lever  le 
siège  qui  là  estoit  des  Franchois^.  Si  se  ordonnèrent  et  abil- 

*■■  Tous  les  nobles  de  la  ville,  qui  moult,  désiroient  le  secours.  — 
'  S'ils  pooient. 


DE  GUYBMNE.  399 

lièrent  une  matinée  et  sonnèrent  les  trompettes  et  arou- 
tèrent  le  charoy  et  leurs  pourvéanches,  et  fist  là  messires 
Robiers  d'Artois,  marescal  de  tout  son  ost  le  conte  de  Suf- 
forch.  Dont  chevauchièrent  deviers  le  castiel  de  Penne  à 
VHP  hommes  d'armes  et  III"  archiers  tout  à  cheval  et 
IIII"  hommes  de  piet.  Che  fu  environ  l'Assention  l'an 
milCCC.XXXVII. 

Quant  li  contes  de  Fois,  li  contes  de  Charmaing,  li  contes 
de  Pierregorch,  li  mareschaulx  de  Mirepoix,  li  contes  de 
Quersi,  messires  Floton  de  Reviel  et  li  autre  seigneur  qui  là 
estoient  et  qui  le  castiel  de  Penne  asségiet  avoient,  oïr'ent 
ces  nouvelles  que  Englès  et  Gascons  '  assës  efforchie- 
ment  *  venoient  là  pour  lever  le  siège,  ^  si  eurent  consseil 
comment  il  se  maintenroient  ^.  Tout  considéré  eutr'iaux,  il 
ne  Be  sentirent  mies  assés  fort  ^  que  des  Englès  atendre  *, 
car  il  estoient  trop  enssus  de  leur  grosse  ost  qui  se  tenoit 
devant  Blaves,  car  li  rivière  de  Bourdonne  estoit  entre 
y  aux  et  leur  ost  :  si  ne  pooient  mies  légièrement  passer.  Si 
eurent  consseil  que  de  yaux  deslogier,  ensi  qu'il  fissent,  et 
se  partirent  dou  siège  de  Penne  et  s'en  revinrent  au  plus 
droit  qu'il  peurent  vers  Blaves  ;  et  les  trouvèrent  tous  partis 
li  Englès  et  jà  esloingniés  plus  de  une  grande  journée.  Et 
quant  messires  Robiers  d'Artois  fu  là  venus,  il  et  li  baron 
d'Engleterre  entrèrent  ou  castiel  où  il  furent  rechupt  à  joie 
et  se  rafrescirent  là  par  deux  jours,  et  au  tierch  s'en  par- 
tirent et  chevauchièrent  ordenéement  deviers  Saint-Mal- 
quaire  que  li  Franchois  tenoient  et  y  avoient  mis  une  bonne 
et  grosse  garnison  et  le  castiel  bien  pourveu  de  tout  ce  qu'il 
besongnoit  en  vollenté  que  de  tenir  contre  tout  homme.  Là 
vint  messires  Robiers  d'Artois  et  toutte  se  route,  et  i  basti 

*•*  A  pooir.—  *•*  Ils  dirent  tout  eimai^.—  *  •  Pour  attendre  le  fais. 


400  MORT 

le  siège  fort  et  fier,  et  dist  qu'il  ne  s'en  partiroit  jamais,  se 
Taroità  se  voUenté. 


En  ce  meysme  tamps  et  en  ceste  propre  année,  ou  mois 
(le  juîng,  l'an  mil  CGC. XXXVII  trfespassa  de  ce  siècle  le 
bons  contes  Guillaummes  de  Haynnau  en  l'ostel  de  Hol- 
landes à  Vallenchienne  et  fu  ensepelis  en  l'église  des  Cor- 
deliers  en  ceste  meysme  ville.  De  le  mort  dou  conte  furent 
pluiseur  coer  courouchié,  car  il  fu  larges,  nobles,  preux, 
hardis,  courtiaus,  humbles,  piteux  et  débonnaires  à  tduttes 
gens.  Si  le  plaindirent  moult  si  enfant,  messires  Guil- 
laummes ses  fils,  li  royne  d'Allemaigne,  li  royné  d'Engle- 
terre,  li  contesse  de  Jullers,  medame  Ysabiel,  se  maisnée 
fille,  qui  depuis  eut  monseigneur  Robert  de  Namur  espou- 
set,  et  trop  le  plaindi  et  regretta  messires  Jehans  de  Hayn- 
nau ses  biàux  frères,  car  il  y  perdit  grant  confort  et  grant 
amour,  car  moult  amoient  l'un  l'autre.  Apriès  le  trespas 
dou  conte  dessus  dist,  prist  messires  Guillaummes  ses  fils 
le  possession  del  contet  de  Haynnau,  de  Hollandes  et  de 
Zélandes  \  et  li  fissent  li  nobles  des  trois  pays,  li  prélat  et  les 
bonnes  villes  foy  et  sièrement  et  hommaige,  et  il  leur  jura  à 
tenir  as  us  et  as  coustummes  anchieunes.  Medame  se  * 
mère  Jehanne  de  Valois  eult  dévotion  de  li  traire  à  Fonte- 
nelles,  sicomme  elle  fist,  une  abbéie  de  dames  dallés  Valen- 
chiennes,  et  là  usa  se  vie. 

Sec.  réd.  —  En  ce  temps  trespassa  de  ce  siècle  li  gentils 
contes  Guillaumes  de  Haynau  VII  jours  ou  mois  de  juing,  Tau 
de  grasce  M.  CGC.  XXXVII.  Si  fu  ensepvelis  as  Cordeliers  à 
Valencienes ,  et  li  fist-on  là  son  obsèque  et  chanta  le  messe  li 
évesques  Guillaumes  de  Cambrai.  Si  y  eut  grant  fulson  de  dus, 

'  Si  le  rechurent  les  nobles  du  pays  en  amour.  —  *  Bonne.  . 


DU  COMTE  DE  HAIIfÂUT.  401 

de  contes,  de  barons  et  de  chevaliers  ;  ce  fu  bien  raisons,  car 
il  estoit  grandement  amés  et  renommés  de  tous.  Apriès  son 
trespas,  se  traist  à  le  conté  de  Hajnau ,  de  Hollandes  et  de 
Zélandes  messires  Guillaumes  ses  ûls,  qui  eut  à  femme  la  fille 
au  duch  Jehan  de  Braibant ,  et  fut  ceste  dame  qui  s'appelloit 
Jehane,  doée  de  le  terre  de  Binch,  qui  est  uns  moult  biaus  hire- 
tages  et  proufitables  ;  et  madame  Jehane  de  Yallois  sa  mère 
8*en  vint  demorer  à  Fontenielles  sus  Escaut,  et  là  usa  le 
demeurant  de  sa  vie ,  comme  bonne  dame  et  dévote ,  en  le 
ditte  abbeje,  et  j  fist  moult  de  biens  en  Fonneur  de  l)ieu. 

Quatr.  réd.  —  En  ce  temps  trespassa  de  ce  siècle  11  gentils 
contes  Guillaumes  de  Hainnau  XX  jours  ou  mois  de  juin  le 
jour  de  la  Pentecoste  en  l'an  de  grasce  Nostre-Signeur  mille 
CGC. XXX Vn  et  fu  et  est  ensepvelis  en  Féglise  des  Cordeliers 
en  la  ville  de  Valenchiennes,  et  là  fu  fais  son  obsèque  tant 
revéraument,  et  chanta  la  messe  li  évesques  Guillaumes  de 
Cambrai,  et  ot  grant  fuisson  de  dus,  de  contes  et  de  barons. 
Apriès  le  trespas  dou  gentil  conte  se  traïst  à  Tiretage  de 
Hainnau,  de  Hollandes  et  de  Zellandes  messires  Guillaumes 
de  Hainnau  son  fil.  Quant  li  rois  d^Engleterre  et  la  roine 
furent  segnefjet  de  1^  mort  dou  conte  lor  signeur  de  père, 
si  en  furent  grandement  courouchié,  mais  passer  lor  convint 
et  s'en  vestirent  de  noir  et  li  fissent  faire  son  obsèque  en 
Engleterre,  ens  ou  chastiel  de  Windesore  là  où  il  'se  tenoient. 
Madame  Jehane  de  Valois  qui  femme  avoit  esté  au  conte  de 
Hainnau,  assés  tos  apriès  le  trespas  de  sondit  signeur,  se 
ordonna  à  demorer  en  Tabéie  de  Fontanelles  dalés  Valen- 
chiennes, en  cause  de  dévotion,  et  là  persévéra  et  usa  le  démo- 
rant  de  sa  vie. 


Or  dist  li  comptes  quô  quant  messires  Robiers  d'Artois 
enlt  assiéget  le  castiel  de  Saint-Malquaire  et  juret  qu'il  ne 
s*en  partiroit  se  Taroit  à  se  voilante,  il  le  fist  assaillir 

1.  —  FR0I8SART.  36 


40S  SGITl  BE  Là  GOSftRB 

.'  yigfaeureQsement  *  d'enghiens  et  ossi  de  compaignoBS 
arehiere  qui  tampre  et  tart  y  lirroient  mervilleueemeut 
grans  assaux,  et  chils  dedens  se  deffendoient  *  ablement  et 
ristement  ^,  car  bien  leur  besongnoit.  Ung  jour  entre  les 
autres,  il  y  eult  ung  si  grand  assaux  et  de  si  pries  Tappro- 
chiërent  li  archier  qui  si  durement  ensonnioient  chiaox 
dou  fort,  quMl  ne  s'osoient  apparoir  as  deffenses  et  fisent  li 
assalant  ^  ou  mur  *  ung  tel  trau  qu'il  y  pooient  bien  entrer 
de  front  yaux  VIII  «  et  fisent  les  murs  renversser  ens  es 
fosses  et  tantost  jetter  sus  tant  de  bois,  de  terre  et  d'autres 
coses,  que  il  penrent  bien  entrer  et  sans  dammaige  dedens 
le  ville,  sicomme  il  fisent,  et  rompirent  une  porte  par  oà  U 
seigneur  y  entrèrent.  Enssi  fu  prise  li  fortresse,  et  y  tinrent 
grant  foison  de  gens  et  y  prissent  II  chevaliers  et  VI  es- 
cuyers  gentils  hommes,  le  seigneur  de  Poupeestain  et  li 
seigneur  de  Zedulach,  et  tout  le  demeurant  misent  à  Tespêe 
excepté  femmes  et  enfans  et  vieils  hommes  non  tailliet 
d'iaux  defiendre,  ne  combattre. 

Apriës  le  prinse  de  Saint-Malquaire,  il  eurent  consseil  et 
avis  qu'il  yroient  devant  Sebilach,  ung  castel  que  bidau  et 
Genevois  tenoieut,  et  y  avoient  mis  en  garnison  ung  escuyer 
qui  s'apelloit  Begos  de  Villars.  Bien  estoit  la  fortrèce  pour- 
veue  et  rafreschie  de  touttes  coses,  et  chil  de  dedens  en 
voUenté  dou  defiiendre,  maugret  que  li  manant  de  le  ville  en 
euissent  de  le  tenir.  Là  vinrent  messires  Robiers  d'Artois 
et  li  seigneur  d'Engleterre  et  de  Gascoingne  et  touttes  leur 
routtes  et  assiégèrent  le  ville  à  l'environ  et  virent  bien  que 
elle  estoit  forte  et  "^  mauvaise  à  prendre  •.  Nonpourquant 
•  il  disent  qu'il  ne  s'en  partiroient  nullement  se  l'aroient  ", 

•  *  Trit^ui^menl.  —  *  ^  Vaillamment.  —  •  •  A  ong  lé^  leur  il  avoit 
ett^  trèe-fort  battu  d*engieii«.  —  '  •  Mal  akieuwe  à  avoir.  —  •  '•  Mea- 
aireRolwrt  jormqa*iJ  iies*eii  partiroit,<Mi  il  Paroit  on  morott  ea  la  paiae. 


itt  GOTEftltE.  405 

et  y  ordonnèrekit  I6g«s  et  bastides  et  toutes  codés  iappèrtè- 
nanB  à  ost^  et  leur  Tenoîent  souTetit  pourvëànches  de  Boùr- 
diaux  par  terre  et  par  aiguë  assés  plentiveùsement,  et 
tovdis  se  tenoit  li  sièges  devant  Blaves  des  seigneurs  dé 
Franche  dessus  nommés^  douquel  siëge  je  roeil  uttg  petit 
parler,  puisque  g'i  sui,  pour  une  aventure  qui  atint  à  chiaul 
de  le  ville  assës  contraire  pour  yaux  et  de  quoy  la  ville  fù 
gaignie,  ensi  comlne  vous  orës. 

'  Bien  *  avoient  mandes  et  certaiilement  segnefyet  ehilé  de 
Blaves  à  chiaux  de  Bourdiaux  que  '  il  estoient  en  gràht 
dêstroit  de  fammine  ^  et  que  vivre  leur  aloient  dureinétlt 
defallant  et  que  il  fuissent  conforte  ou  longuetti^t  il  ne  se 
pôoient  tenir.  Dont  chil  de  Bourdiaux  en  avoi^t  jà  ëscript 
par  pluisieurs  fois  à  monseigneur  d* Artois  qui  esioit  éH  te^ie 
chévauchie  Sicomme  vous  avës  oy;  mes  li  dis  tnedsires 
Robiers  et  ses  conssaux  tiroient  à  che  que  il  peuissent 
ravoir  les  fors  concquis  ^  et  acquis  en  leur  detuin,  et  màn- 
doient  et  prioient  à  chiaux  de  Bourdiaux  que  il  confort 
laissent  et  aidaissent  chiaux  de  Blaves,  car  bien  briéfment 
il  venroient  de  celle  part  apriës  le  siëge  de  Sebilach,  et  éhil 
de  Bourdiaux  le  segnefioient  ensi  à  chiaux  de  Blaves.  Or 
avint  que  li  seigneur  de  Franche  qui  sëoient  devant  BlaveS 
et  qui  bien  savoient  le  dêstroit  de  fatnmine  et  le  nëcessitë 
qui  dedens  le  ville  estoit,  avisèrent  •  comment  il  poroient 
leur  siëge  aoourchier  ^i  Si  ordonnèrent  une  grant  quantitë 
de  soummiers  cargiës  dé  vitaille  et  les  fisent  une  matinëe 
monter  *  sus  ung  tertre  assés  pries  dé  Blaves  *,  affin  que  chil 
de  le  ville  les  veissent  et  que  il  ysissent  hors  aprièë  pour 
yaux  avitailler,  et  fissent  eucoires  li  Franchois  armet*  jus- 

*-*  Souvent.—  *^  Famine  les  cônetraindoit.  —  *  Comme  ils  avoient 
eommenchië.^  *'^  Par  grande  soutilitë,  comment  ils  les  porroient  déce- 
voir pour  leur  siège  abrégier.  —  •-•  Par  une  montaigne  devant  U  ville. 


404  SUITE  DE  LA  GUERRE 

qu*à  11*°  hommes  de  leur  ost  et  les  fissent  enboscier  dedans 
ung  val  entre  vignes  et  haies,  pour  sousprendre  les  yssans  ; 
et  de  ceste  embusche  estoient  souverain  doy  seigneur  de 
Franche,  li  contes  daufins  d*Âuviergne  et  li  mareschaiix 
de  Mirepoix  avoecq  leurs  routtes,  et  fisent  ^  don  soir  '  tout 
enssi  comme  ordonnet  fu,  et  s*annëreQt  li  seigneur  et  li 
compaigQon  et  se  misent  en  leur  embusce  couvertement  et 
droit  au  point  du  jour  li  soummier  furent  tout  arouttë,  dont 
il  en  y  avoit  plus  de  '  G  ^  cargiet  de  touttes  pourvëanches 
pour  mengier,  et  vinrent  trois  hommes  villain  devant,  enssi 
comme  marchant,  à  le  porte  de  Blaves,  et  disent  :  c  Sei- 
c  gneur,  faittes  bonne  chiëre,  et  vous  mettes  en  aroy  et 
c  venés  requeillier  le  belle  provision  qui  vous  vient  de 
c  Miremont,  de  Bourdiaux,  de  Coignach  et  des  autres  for- 
c  trèches  de  vostre  acord.  i  Quant  chil  de  Blaves  enten- 
dirent ces  paroUes,  si  en  eurent  grant  joie,  car  voirement 
les  veoient-il  approchier  et  ne  se  doutoieut  de  le  dëchoite. 
^i  s*armërent  vistement  et  yssirent  de  leur  ville  environ 
II"  hommes,  et  se  misent  entre  le  porte  et  les  cans,  et  li 
soummier  commenchiërent  à  aprochier  et  jà  en  y  avoit 
entré  en  le  ville,  ne  say  X  ou  XII,  et  s*ensonnioient  moult 
et  par  couverture  à  rentrée  de  le  porte.  Evous  Tenbusche 
grande  et  grosse  qui  vient  en  criant  leur  cry,  li  contes  Dau- 
fins et  li  sires  de  Merquel  criant  :  «  Fois  et  Auvergne  !  » 
bannières  et  pignons  ventellans  par  devant  yaux.  Et  quant 
chil  de  Blaves  les  perchurent,  si  furent  tout  esbahit  et  se 
retraissent  vers  leur  ville,  et  Franchois  apriës  abattant 
gens,  navrant  et  mehaignant  ^;  et  chil  qui  les  soummiers 
raenoient,*affin  que  li  porte  fuist  tenue  et  empeschie^,  effon- 
drèrent et  reversèrent  trois  de  leurs  mules  tous  chargies 

•  •  De  nujt.—  *  *  Deux  tenu,  —  •  D*aû  oott^  ou  d^autre.  —  •"*  De 
peur  que  le  porte  ne  le  cloUt. 


DE  GUYENNE.  40S 

desoubs  le  porte.  Là  y  eult  grant  pestelît  et  '  grant  encom- 
brement *  ;  car  chil  qui  dedens  estoient,  ne  pooient  yssîr, 
ossi  il  n'en  avoient  mies  grant  vollenté,  mes  rentroient 
en  leurs  maisons  et  prendoient  tout  le  milleur  de  leur  cose 
et  le  portoient  sus  le  havène  en  le  Géronde,  et  là  entroient 
femmes  et  enfans  en  nefs,  en  barges  et  en  barques  et  s'en 
sauvèrent  par  celle  mannière  pluiseurs,  entrées  que  li  autres 
se  combatoient  deyant  le  porte  de  le  ville. 

Adont  s'estourmy  li  os  as  Franchois,  et  s'armèrent  cha- 
cun qui  mieux  mieux  et  vinrent  là  moult  ordonnëement  et 
par  connestablies  et  se  férirent  en  chiaux  de  Blaves  qui 
assës  bien  se  deffendirent  et  vendirent  seloncq  leur  pooir; 
mais  quant  H  grosse  route  des  Franchois  fu  venue,  il  ne 
durèrent  point  longuement  et  furent  finaulement  tous  mort 
et  tous  pris,  et  le  ville  de  Blaves  prise  adont  et  gaignie.  Si 
s'en  partirent  et  sauvèrent  pluiseurs  hommes,  femmes  et 
enfans,  par  le  Géronde,  qui  vinrent  à  Bourdiauxavoecq  le 
marée  comme  gens  desconfis  et  desbaretés,  et  recordèrent 
leur  mésavenue  dont  Bourdolois  furent  moult  courouchiés, 
et  segnefyèrent  ces  nouvelles  à  monseigneur  Robert  d'Ar- 
tois et  estoit  devant  Sebilach,  liquels  en  fu  moult  courou- 
chiés, mais  amender  ne  le  peult  tant  que  à  celle  fois. 

Quant  li  Franchois  eurent  pris  et  concquis  le  ville  de 
Blaves  et  li  pillart  l'eurent  toute  robée  dou  demeurant  de  ce 
que  trouvet  y  avoient,  si  eurent  consseil  li  seigneur,  tel 
fois  fu,  qu'il  l'arderoient,  et  puis  fu  brisié  chîls  conssaulx,  et 
disent  qu'il  le  tenroient,  dont  puis  se  repentirent,  enssi 
comme  vous  orés,  et  prissent  consseil  de  merttre  le  siège 
devant  Miremont  qui  siet  sur  le  rivière  de  Dourdonne.  Lors 
se  partirent  et  deslogièrent  de  devant  Blaves  et  vinrent  à 
Miremont  et  misent  le  siège  et  recommandèrent  le  ville 

*  Orant  encombrier. 


406  SUITE  W  LA  GyjBRRE 

de  Blayes,  4  H  chdvaliers,  à  mesisire  J^hw  Fouquëre  ^ 
à  messire  Guillai^ne  de  ^  Tyria*.  ^  Or  vous  dirons  dou  siège 
de  Sebilach,  et  comment  elle  fu  prise  et  par  quelle  niaa-i 
mère. 

En  le  villa  de  Çebilao}].  ayoit  a^o^t  une  cappittainne  que 
on  appeUpÂt  *  Çegot  4ô  Yilla,]f  s.  ^  et  estoit  ungç  fetîs  escuyers 
et  de  linage,  ablea  et  l^t^rdis.  et  très-bons  ço^ipains^  mais 
trop  vollen tiers  jeuoit  as  ^és  et  par  usaige^  moult  f^lënea 
estpit,  q^Mt.il  J  perdoit.  Lji  cpmpaignoAs  sa^ldoyere  et  chil 
de  le  ville  jeuoient  4  lui  et  avoient  souvent  de  son  argent. 
Avint  qrx^  i^g  aoir  e^tra  les  autres  il  jei^oit  à  ung  jone 
homme  de  le  vielle  qfxi  s'apielloit  Simone  Justin»,  et  avoit 
chils  ung  frèra  maisnet  d^e  lui  que  on  clami^oil;  Climent» 
et  estpien,t  cbil  doy  li  plus  riche  de  le  villa  et  4es  pluâ  grana^ 
amis..  DJbaa  s*çsmut  entre  çhe  Simion  et  ce  Çegot  pa?<  leur 
j^eu  de  dés  et  tant  qu*il  se  desme^tire^t  et  se  levèrent  tout 
doy  en  pies  et.  sachièrent  leura  espees  et  escarmuchièrent  - 
li  uns  as  autres  et  ta^Oit^  qi^e  BegoA  consievi  cha  Sim^on  tel- 
lenieiit  que  il  li  fendi  toute  la  testa  et  la  jeta  là  mort  ^.  ^  Li 
haços  montai  ®;  saudoyer  açoururent;  gens,  y  vùia'eat  d». 
tous  lés.  Climens.  Justin^  i  vint  açompaigniéa  d* aucuns  de 
ses  amis,  qui  son  frère  volloit  con,trevengiar,  mais  adont  il 
nç  peult,  car  li  saudoyer  estoien.t  tout  ayoecques  Begot,  et 
leur  convint  encorres  le  place  wuidier  ou^  il  euissent  plu3 
grant  dojmmaige,  Toudis  depuis,  Begos  n'aloit  poiab  *®  si 
seuls  acompaigniet  que  il  n'euist  LX  ou  XII"  compaignona 
avoecq  lui,  dont  chils  Climens  et  ses  linaiges  avoient  grant 
despit,  et  regardèrent  çt  parlementèrent  enssamble  qu'il 

*'■  Thirifi.—  '  Si  y  mirent  tel  garnison  qu'ij  appartenoit.  —  **  Begot 
de  Yillains.  —  •*'  Que  le  dit  Beghot  fëry  ce  Simon  sur  le  teste,  si 
grant  cop  qu'il  le  tua.  —  *•  Adont  monta  le cry  en  la  ville.—  *®  Aval 
les  rues. 


»K  GVTËNKE.  407 

B^en  poîent  estra  point  oontrerengiet  à  leur  aise  fors  par 
les  Englès.  Si  traitjèrent  secrëtem^t  deviers  monsdgnenr 
Eofaiert  d*Artois  et  les  Euglès  '  que  il  les  metteroit  en  le 
TÎlle  *  affin  que  '  tons  les  estraigniers  ^  il  volsissent  mettre 
i  l'espëe  '.  On  leur  acorda  ^  liement  ^  che  marchiet»  et  souf- 
ffirent  de  nuit  li  amit  don  mort  le  yille  à  escieller,  et  entre- 
re&t  eus  bien  CC  archiers  englës  et  furent  maistre  de  le 
porte  et  le  ouvrirent  de  forche  avoecq  Tayde  de  Climent 
Justin  et  des  siens»  et  entrèrent  ens  li  Ekiglis  et  furent  tout 
U  saudoyer  mort  et  Begos  de  YiUars  et  li  autre.  Chih 
neediiés  ayint  enssi  et  tout  par  le  jeu  de  dés  :  ce  n'est  point 
lî  premiers  qui  en.  est  advenus,  ne  li  darraina  qnû  encorres 
en  avenra.  Maudis  soit-il,.  car  don  jeu  de  des,  c'est  toutte 
ennemie  oose. 

Apriès  le  prise  de  Sebillach^  messires  RoUers  d'Artois  le 
*ra(fireschy  de  nouvelles  gens  et  de  pourvëaachas  ',  puis  s^œ 
parti  et  s'en  revint  vers  Bourdiaux,  car  H  prise  de  Blaves 
1&  aimoieit  trop  fort,  et  quant  il  Ai  revenu  i  Boardîanx  il  fist 
sus  le  havëne  assambler  touttes  les  nefs  et  les  vaismaux  qei  là 
donuoient  a  l'ancre  et  les  fist  hastéement  ordonner  et  pour- 
veir  de  to«tte  artillerie  ^^y  et  puis  sm*  ung  soir  il  fist  entrer 
CM  toittles  mannîëres  de  gens  ^^  qui  combattre  as  pooioit  ^  et 
parti  ^  dott  bavènede  Bourdiaux  et  singla  celle  nuit  avoecq 
la  marée  et  vint  ^^  ung  petit  i^riës  ^mienuit  devant  Bkvea,  et 
estoit  adottt  li  flos  de  le  mer  si  bault  et  si  grans  qv'ii  batoit 
as  WÊÊses  ^.  Adont  fisi-il  vistement  "  mettre  avant  ^  esdiieUas 
fll^  ordonner  ^  archiers,  et  aprochier  les  murs  et  sonner  ses 

•^  Que  a  soofk'eroient  que  la  ▼iUe  fast  prke.  —  *^  Le»  sôdoieni. 

—  ■  Et  cenhc  de  la  ville  frasent  sauf.  —  «-^  Volentiers.  —  •••Rafresquy 
hiy  et  ses  gens.  —  ^^  Et  tonte  proyision  qu'il  appartient  sur  mer.  — 
rf-MQui  estoieut  taillié  de  combattre.—  "  Du  Tespre.  —  *^*'**  Devant. 

—  *•  Et  ne  savoient  rien  de  leur  venue.  —  *'*•  Apointier.  — 
*  Approchier. 


408  SUITE  DE  LA  GUERRE 

trompettes  et  assaillir  ^  le  ville  où  il  n'eult  mies  grant  ^^f- 
fensce,  *  car  elle  estoit  wuide  de  gens  d'armes  et  de  compai- 
gnons  pour  le  defiendre  et  garder  contre  tel  ost  '.  Nonpor- 
quant  li  doy  chevalier  qui  dedens  estoient  et  leur  route  ^,  *  en 
fisent  bien  leur  devoir  et  le  dépendirent  tant  qu'il  peurent 
durer  *.  '  Che  ne  fu  gaires,  car  archiers  traioient  si  songneu- 
sement  et  si  espessement  que  chil  de  dedens  n'osoient  apro- 
chier  as  garites,  ne  à  deffensces,  et  en  y  eut  là  du  tret 
pluiseurs  navrés.  Que  vous  feray-je  lonch  compte?  Es- 
chielles  furent  drechies  et  apoyes  as  murs  à  grans  graues 
de  fier,  et  compaignon  able  et  légier  et  pour  yaux  esprou- 
ver  et  honnourer,  rampèrent  et  montèrent  sus  et  entrèrent 
ens,  volsissent  ou  non  li  deffendant  *:  Enssi  fu  la  ville  gai- 
gnie  et  avoit  une  église  moult  forte  à  l'un  des  lés  de  le  ville. 
La  se  retraissent  li  doy  chevalier  et  leurs  gens  et  contreba- 
rèrent  les  huis  et  les  fenestres  et  se  tinrent  ung  jour  et  une 
nuit  depuis  le  ville  prise  et  l'endemain  il  se  rendirent  sauve 
lors  vies  *,  et  furent  prisonnier  as  compaignons  à  qui  il  flan- 
chièrent  leurs  fois. 

Enssi  par  le  vasselaige  de  monseigneur  Robiert  d'Artois 
et  de  ses  aidaus,  fu  le  ville  de  Blaves  reprise,  dont  li  Fran- 
chois  qui  devant  Miremont  séoient,  furent  moult  courouchié, 
et  trop  se  repentoient  de  ce  qu'il  ne  l'avoient  ars.  Quant 
messires  Robiers  d'Artois  se  vit  en  possession  de  Blaves, 
si  en  fu  moult  lies  et  alla  au  tour  et  regarda  si  elle  estoit  à 
tenir,  et  vit  bien  que  oïl,  mais  que  elle  fîiist  bien  pourveue  et 
avitaillie.  Si  le  fist  de  rechief  pourvoir  et  avitaillier  de  tout 

*  Viftement.  —  *-*  Mais  à  Teare  ii*y  avoit  sur  les  mura  que  ang 
paa  de  g«Da.  —  *  Qui  ojrent   la   noiie.  _  ^*  Y  accoururent  et  s*a- 

quitêrent  le  plus  lëalment  qu*ils  peurent ^-^  Deffense  ne  leur  ralj, 

car  elle  estoit  jà  eschiellëe  en  tant  de  lieux  qu'elle  fu  prinse  malgré 
les  deffendans.  Et  crioient  les  Englès  :  c  Ville  gaignie  !  i  Et  tuèrent 
et  naTrèrent  moalt  du  peuple.  —  *  Et  le  leur. 


DE  GDYENNE.  409 

ce  qu'il  y  besongnoit,  *  et  refourbir  les  fossés  et  drechîer  les 
murs  et  remaconner  et  de  tous  points  rapareillîer,  et^  fist 
revenir  hommes,  femmes  et  enfans,  qui  parti  s'en  estoient, 
pour  repeupler  et  mettre  le  ville  en  bon  estât  *.  Entrùes 
que  il  se  tenoit  en  Blaves  et  que  li  contes  d'Ermignach  et  li 
contes  de  Fois  et  li  autres  seigneurs  séoient  devant  Mîre- 
mont,  doy  évesque,  c'est  assavoir  chils  de  Saintes  et  chils  * 
d'Anghouloime  *  aloient  de  l'un  lés  à  l'autre,  traitant  ung 
respit,  et  tant  le  parlementèrent  que  il  se  fist  entre  les  pays 
et  leur  aidans  à  durer  jusques  au  premier  jour  d'avril  que 
on  atendoit  et  de  ce  jour  en  ung  an.  Parmy  tant  se  deffist  li 
sièges  de  Miremont,  et  chacuilffse  devoit  tenir  à  ce  qu'il 
tenroit  et  que  concquis  ou  reconcquis  arroit.  Et  se  dépar- 
tirent les  doi  os  et  s'en  ralla  chacuns  en  son  lieu,  li  Fran- 
chois  en  Franche  et  li  Gascons  en  Gascoingne,  et  retourna 
messires  Robiers  d'Artois  avoecq  les  Englès  arrière  en 
Engleterre  deviers  le  roy,  à  qui  il  recorda  comment  il  avoit 
esploitiet.  Li  roys  en  eult  grant  joie  et  fu  moult  lies  quant  il 
le  vit  dallés  lui,  *  parce  que  il  y  trouvoit  et  avoit  trouvet 
pluiseurs  fois  grant  consseil  de  ses  besoingnes  *. 

Or  revenrons  à  le  matère  des  Flamens.  Vous  avés  bien 
oy  compter  chy  devant  comment  li  roys  d'Engleterre  avoit 
clos  tous  les  pas  de  mer  et  ne  laissoit  riens  venir,  ne  arîver 
en  Flandres,  et  espécialement  lainnes,  ne  agnelins,  de  quoy 
tout  li  pays  de  Flandres  estoit  tous  esbahis,  car  la  draperie 
est  li  plus  principaux  membres  de  quoy  il  vivent,  et  en 
estoient  jà  trop  de  bonnes  gens  et  rices  marchans  apovris, 
et  convenoit  widier  hors  dou  pays  de  Flandres  pluiseurs 

*-*  Et  le  fist  bien  raparillier  de  mars  et  de  fossés,  et  y  fist  revenir 
plenté  de  peuple  qui  partis  s'en  estoient.  —  *-^  De  Poitiers.  —  ••  Et 
le  tint  le  roy  à  léal  chevalier  et  de  bon  conseil. 


4ia 


1NFLVBMCE 


honnestes  bomoles  et  femmes,  qui  par  le  labeur  de  te  dra** 
perie  estoieut  devant  ce  bien  aisiet,  et  venoient  quérir  leur 
c]b<evanche  en  Haynnau  et  ailleurs  là  où  il  le  pooient  avoir  : 
dont  grant  murmuration  estoit  espars, et  semés  par  le 
pays  de  Flandres  et  espécialement  ens  es  bonnes  villes,  et 
disoient  bien  qu*U  comparoient  amèrement  et  dolereuse- 
ment  l'amour  que  K  coiites  leurs  sires  avdt  as  Francbois  ; 
car  par  lui  et  par  ses:  œuvres  estoientril  en  ce  dangier  escéut 
et  en  le  haine  don  roy  d'Engleterre,  et  que  ce  seroit  mieux 
li  communs  prouffis  de  tout  le  pays  de  Flandres  de  estre  en 
l'aeord  et  amour  dou  roy  englès  que  dou  roy  de  France. Voirs 
est  que  de  Franche  leur  viennent  bien  pluiseurs  blés^  mes 
quant  il  ne  font  de  quoy  acàter  »  ne  de  quoy  payer  et  tout  par 
faute  de  gaignier,  tout  viratà  mal  pour  eux,  car  muy  de  bled 
a  denier  sî  est  dolent  celui  qui  ne  l'a.  Mes  d'Engleterre  leur 
viennent  laânnes  et  grans  proufiis  qui  tenir  leur  fait  bons  estas 
et  vivre  en  joie.  Si  ont-il  de  bleds  assés  dou  costé  deHaynnau 
puisque  11  pays  est  de  leur  acord.  Ensi  esmeut  et  de  plui- 
seurs autres  paroles  pour  le  commun  prouffit  murmuroient 
souvent  les  gens  et  le  pays  de  Flandres^  et  espécialement  en 
le  ville  de  Gand  ;  car  c'est  li  ville  de  tout  le  pays  de  Flan- 
dres où  on  drappe  le  plus  et  qui  le  mains  puet  vivre  sans 
drapperie  et  ôssi  adont  à  qui  li  contraire  estoit  plus  grans. 
Si  s'asambloient  par  places,  par  mons  et  par  fouquiaux,  et  là 
en  parloient  et  devisoient  en  tamainte  diverse  mannière  et 
en  parloient  villaiunement,  ensi  que  commune  gens  ont 
usage  de  plédier  et  parler,  sus  le  partie  le  conte  Loeys  leur 
seigneur,  et  disoient  entr'iaux  que  ce  ne  faisoit  mies  à  souf- 
frir et  que,  se  ceste  povreté  duroit  longuement,  tous  li  plus 
grans  et  plus  rices  s'en  doleroient  et  en  yroit  li  pays  de 
Flandres  à  destruction. 
Bien  savoit  li  contes  de  Flandres  que  ses  gens  commune- 


DE  JAGQUJS&  9'aRTÇVELDE.  411 

ment  murmuroient  sur  lui  et  contre  se  partie.  Si  les  appai-- 
soit-il  et  faisoit  appaisier  ee  qtfil  pooit  et  leur  disoit  et  fan 
soit  dire  :  «  Mes  bonnes  jgens,  sachîés  que  ceste  oose  ne 
«  poet  durer  lougueroent,  car  j'ay  oy  iK>uYelles  certainnes 
«  de  par  aucuns  de  mes  amis  que  j'ay  en  Engleterre,  et 
a  dient  ensi  que  li  Englës  sont  en  plus  grant  estrif  oonire 
«  le  roy,  affin  que  il  puissent  faire  leur  prouffif  de  leurs 
«  lainnes,  que  vous  ne  soyës  en  désir  de  FaYoir.  II  ne  les 
(c  peuent  vendre,  ne  ak>uer  ailleurs  que  à  vous,  se  ce  n*est 
((  à  trop  grandement  leur  daasimaige.  Si  vous  i^paisiés, 
«  car  g'i  voy  et  sens  pluiseura  biaux  remèdes  pour  vous  et 
(c  dont  vous  serés  temprement  resjoys  ;  et  ne  penssës,  ne 
(c  ne  dites  nul  contraire,  ne  nulle  mauvaisetië  de  ce  noble 
c(  pays  de  Franche,  d*où  tant  de  biens  vous  ^abondent,  a 
Easi,  pour  yaux  reconforter  et  apaisièr,  leur  disoit  ou  M-- 
soit  dire  li  contes.  Mais  ni^titmains  tout  li  plus  estoient  si 
batu  de  celle  disettejet  povreté^  (et  tous  le»  jour»  leur  recfois* 
soit),  qu*il  ne  se  pooient  apaisièr;  car,  qiioy  que  on  leur 
desist,  U  ne  yeoi^it  iml  apparance  de  réconfort^  w  de  pro-> 
chain  waignage,  pour  quoy  il  s^'esmouvoientet  s'en  méretteo-^ 
lioient  de  jour  en  jour  et  de  plus  esi  plus.  Et  si  n*estoit  entre 
yaux  si  hardis  qui  osast  empreodre  le  fet  fow  le  cremeur 
dou  conte. 

Si  demoura  ce  ung  grant  temps  et  tant  comune  ensi  que 
s'asembloient  par  fouquiaux  en  places  et  evk  quaiTefour»»  et 
venoîent  enssamble  parlementer  de  divers  lieux  et  de  plm^ 
seurs  rues  parmy  le  ville  de  Gand  aucui^  compaigaon  qui 
oy  avoient  trop  sagement  parler  à  leur  agrée  ung  boar'* 
geois  qui  s*apelloit  Jaquèmes  d*Artevelle  et  e^toit  braasèrea 
de  miés.  Si  reprisent  chil  compaignon  dessus  dist  ses 
parolLes  entre  les  autres  et  dirent  qw  c'eatoit  ungs  très- 
sages  hpms^  et  que,  il  li  avoient  oy  dii!e  que.,  sdiit  eatoii  oya 


412 


INFLUENCE 


et  creus,  il  quideroit  dedens  brief  temps  tellement  remettre 
Flandres  en  bon  état  que  il  raroient  tout  leur  wàignsuge  et 
seroient  bien  dou  roy  de  France  et  dou  roy  d'Engleterre. 
Ces  paroUes  commenchièrent  à  mouteplier,  et  tant  allèrent 
des  ungs  as  autres  que  bien  li  quars  de  le  ville  en  fut 
enfourmet,  espëcialement  petites  gens  et  communs  asquels 
li  meschiés  touchoit  li  plus.  Lors  se  commenchièrent  à  ras- 
sambler  des  rues  et  des  quarefours  et  leurs  assamblées  à 
remettre  enssamble.  Et  avint  que  ung  jour  apriès  diner,  il 
s'en  partirent  plus  de  V«  sieuwans  l'un  l'autre,  et  appelloient 
leur  compaignon  de  maison  en  maison  et  disoient  :  ce  Allons, 
<c  allons  oïr  le  consseil  dou  saige  homme.  »  Et  vinrent  enssi 
jusques  à  le  maison  Jakème  d'Artevelle  et  le  trouvèrent 
apoyant  à  son  huis.  De  si  loncq  qu'il  le  perchurent,  il  estè- 
rent leurs  capperons  et  l'enclinèrent  et  li  disent  :  «  Ha! 
<c  chiers  sires,  pour  Dieux  merchi,  voeillés  nous  oyr.  Nous 
«  venons  deviers  vous  à  consseil,  car  on  nous  dist  que  li 
«  grans  biens  de  vous  remetera  le  pays  de  Flandres  en  bon 
«  point.  Or  nous  voeilliës  dire  comment  :  si  ferés  aumonne, 
<c  car  il  est  bien  mestîers  que  vous  avés  considère  nostre 
«  povrete.  »  Lors  s'avancha  Jaquèmes  d'Artevelle  et  dist  : 
«  Seigneurs  compaignons,  bien  est  voirs  que  j'ay  dit  que,  se 
«  j'estoie  de  tous  oys  et  creus,  que  je  meteroie  Flandres  en 
«  boîn  point,  et  se  n'en  seroit  nos  sires  de  riens  grevég.  » 
Dont  l'acollèrent  qui  mieux  mieux  et  l'emportèrent  entre 
yaux.  Et  disent  :  «  Oïl,  vous  serés  creus,  oïs,  cremus  et 
«  servis.  »  —  «  Seigneur,  seigneur,  ce  dist  d'Artevelle,  il 
«*  besoingne  bien  que  au  remonstrer  toute  li  plus  sainne 
«  partie  de  le  ville  de  Ghand  soit  et  que  vous  me  jurés, 
«  vous  qui  chy  estes  et  tout  chil  qui  de  vostre  acord  sont  ou 
«  seront,  que  vous  me  conforterés  et  aiderés  en  tous  kas 
«  jusques  à  morir.  »  Et  il  disent  tout  d'unne  voix  :  «  Oïl.  » 


DE  JACQUES  D'aRTEYELDE.  413 

Dont  leur  dist  que  rendemain  à  primme,  il  fuissent  en  ung 
lieu  que  ou  apelle  le  Biloke,  et  le  fesissent  à  savoir  à  tous 
parmy  le  ville  de  Ghand  et  que  là  présens  tous  il  leur 
remonstreroit  publiquement  che  dont  toutte  la  ville  seroit 
resjoïe.  Et  il  respondirent  tout  d'unne  voix  :  «  C'est  bien 
«  dist  ;  c'est  bien  dist.  »  Enssi  ces  nouvelles  s'espardirent 
parmy  le  ville  de  Gand  et  en  furent  les  trois  pars  de  le  ville 
tout  sage.  L'endemain  à  heure  de  prime,  toute  ii  place  de  le 
Biloke  fu  plainne  de  gens,  et  le  rue  où  il  demouroit  toute 
plainne  ossi,  et  l'aportèrent  mouvant  de  se  maison  entre 
leurs  bras  et  fendant  touttes  manniëres  de  gens  jusques  en 
le  place  de  le  Biloke,  et  li  avoient  ordonnet  ung  biel  escau- 
faut  sus  lequel  il  le  misent.  Et  là  commencba-il  à  preschier 
si  bellement  et  si  sagement  qu'il  converti  tous  coers  en  son 
oppinion,  et  estoit  sen  entente  que  li  pays  de  Flandres  seroit 
ouvers  et  appareilliés  pour  requeillir  le  roy  d'Engleterre  et 
tous  les  siens,  se  venir  y  voUoient,  par  payer  tout  ce  qu'il 
y  prenderoient,  car  li  gherre,  ne  li  haymie  des  Flamens  as 
Englès  ne  leur  pooit  prouâter,  mais  trop  couster.  Et  leur 
remonstra  voies  et  conditions,  lesquelles  ne  puevent  mies 
estre  touttes  escriptes,  car  trop  y  fauroit  de  parolles  ;  mes 
la  an  fu  telle  que  il  li  eurent  en  couvent  et  li  jurèrent  que 
de  ce  jour  en  avant  il  le  tenroient  pour  souverain ,  et  se 
ordonnèrent  tout  par  lui  et  par  son  consseil,  et  fu  ramenés 
à  son  hostel  si  amiablement  que  à  merveilles,  et  de  jour  en 
jour  mouteplioit  en  grant  honneur.  Che  fu  environ  le  Saint- 
Michiel,  l'an  mil  CCC. XXXVII  que  li  grant  parlement 
devoit  estre  à  Londres  en  Ëngleterre,  et  dou  quel  nous  vous 
compterons  maintenant  et  comment  il  se  porta. 

Var,  prem.  réd.  —  Or  revenons  à  la  matière  des  Flamens. 
Vous  avés  bien  oy  ci  dessus  comment  le  roy  leur  avoit  dos  les 
pas  de  mer,  ne  qu^ils  ne  pooient  avoir  marchandises ,  de  quoy 


414  IJKF4»EMGB 

tout  le  pays  ecrioit  esmeus  et  esbahisw  Et  murmul^oient  loing  et 
prè8,.et  espécialment  les  bonnes  villes  dîsoient  qu'ils  compa- 
roient  amèrement  Tamour  que  le  conte  leur  seigneur  avoit  si 
grande  au  roj  de  France,  car  par  lui  estoient-ils  en  ce  dangier 
à  rencontre  du  roj  d'Ëngleterre.  Si  seroit  mieulx  le  commun 
prouffit  d'estre  bien  des  Englès  que  des  François.  «  Vray  est 
«  que  des  François  nous  viennent  bleds,  mais  il  convient  avoir 
«  de  quoy  à  acbater  et  paier;  et  muy  de  blé  à  denier  dolent 
«  celui  qui  ne  fa.  Mais  d'Engleterre  nous  viennent  laines  et 
a  grans  prouffls  pour  avoir  les  vivres  et  tenir  gratis  estas  et 
«  vivre  en  joie ,  et  du  pays  de  IJayhnaU  nous  Vênroit  assés 
«  blés,  nôud  à  eux  d'accord.  »  Ainsi  de  plus  en  plus  s'esmurent 
fort,  et  èspéolalment  à  Gand.  Si  s'assetobloieht  par  places  et 
ôàrfbUrs,  et  deVifiôient •  en  moult  de  diverses  manières;  et 
plainement  disoient  que  ce  ne  se  pooit  longuement  soustenir , 
car  s'un  poy  longuement  ceste  chose  duroit,  le  peuple  de 
Flandres  iroit  â  perdicioh. 

Or  sceut  le  conte  de  Flandres  que  ses  gens  murmuroient 
sur  luy.  Si  les  appaisoit  ce  qu'il  pooit,  et  leur  disoit  :  «  Mes 
c  bonnes  gens,  sacbiés  que  ceste  chose  ne  peut  durer  longhe- 
«  ment;  car  j'ay  nouvelles  souvent»  et  par  mes  amis,  que  les 
«  Englès  sont  en  plus  grant  discort  que  vous  n'estes ,  car  il 
«  ne  pevent  vendre  leurs  laines  fors  à  vous,  se  ce  n*est  à  leur 
«  trop  grant  dommage.  Si  vous  appaisîés  de  ce  noble  pays  de 
«  France,  dont  tant  de  biens  habondent.  »  Ainsi  les  appaisoit 
et  faisoit  appaisier  par  aucuns  de  ses  amis,  mais  nientmains 
le  peuple  estoit  si  batus  de  celle  disette,  qu'il  ne  s'en  pooit 
appaisier,  pour  quoy  ils  s'esmoutoient  de  jour  en  jour  plus  que 
devant,  et  si  n'avoit  si  hardy  d'eulx  qui  osast  emprendre  le 
fais,  pour  le  cremeur  dou  conte.  Si  demoura  ainsi  grant  temps. 
Enfin  s'asamblèrent  par  grant  fous,  et  dirent  que  plus  n'aten- 
deroient.  En  ce  temps  avoit  ung  bourgois  à  Gand,  brasseur 
de  miel,  lequel  par  pluiseurs  fois  parloit  bien  sagement  au 
gré  de  pluiseurs.  Si  l'appelloit-on  Jacquemon  d'Artevelle.  Si 
reprinrent  aucuns  hommes  ses  parolles  aux  aultres ,  et  dirent 


DE  JACQC£8  d'aRTEVELDE.  445 

qu'il  estoit  un  très-sages  homs,  et  dirent  qu'il  avoit  dit  que,  s'il 
estoit  ojs  et  creus ,  il  cuideroit  en  brief  temps  avoir  remis 
Flandres  en  bon  estât,  et  r'aroient  tout  leur  gaîgnage,  sans 
estre  mal  du  roj  de  France,  ne  du  roy  d'Engleterre.  Ces 
paroUes  multeplièrent  tant  que  li  quars  ou  la  moitié  de  le 
ville  en  fu  infourmés.  Lors  se  commencèrent  à  s'assambler, 
et  tant  que  une  feste,  après  disner,  il  se  mirent  ensamble  plus 
de  mille,  et  appeloient  l'un  l'autre  à  leurs  maisons,  en  disant  : 
c  Alons,  alons  ojr  le  bon  consel  du  saige  homme.  »  £t  vinrent 
à  le  maison  du  dit  Jacquemon,  qu'il  trouvèrent  apoiant  à  son 
huis.  De  si  long  qu'ils  le  perchurent,  il  lui  firent  grant  révé- 
rence et  honneurs,  et  dirent  :  c  Chier  seigneur,  veuilles  nous 
c  ojr.  Nous  venons  à  vous  à  conseil,  car  on  nous  dist  que 
c  les  grans  biens  et  sens  de  vous  remettra  le  pays  de 
«  Flandres  en  bon  point.  Si  nous  dittes  comment,  et  vous 
c  ferés  aumosne.  >  Lors  s'avancha  Jacques  d'Artevelle,  et 
dist  :  c  Seigneurs  compaignons ,  je  suis  natif  et  bourgois  de 
c  ceste  ville,  si  y  ai  le  mien.  Sachiés  que  de  tout  mon  pooir 
c  je  vous  vorroie  aidier  et  tout  le  pays  ;  et  s'il  estoit  homme 
c  qui  vosist  emprendre  le  fais,  je  vorroie  exposer  mon  corps 
<  et  biens  à  estre  dalés  lui  ;  ou  se  vous  aultres  me  voilés  estre 
«  frère,  amy  et  compaignon  en  toutes  choses,  pour  demourer 
«  dalés  my,  nonobstant  que  je  n^en  suy  mie  dignes,  je 
c  l'enprenderoie  volentiers.  »  Alors  dirent^ils,  tout  d'un  assens 
et  d'une  voix  :  «  Nous  vous  prometons  léalment  à  demourer 
«  dalés  vous  en  toutes  choses,  et  d'y  aventurer  corps  et  biens, 
€  car  nous  savons  bien  qu'en  toute  le  conté  de  Flandres  n'y  a 
c  homme,  senon  vous,  qui  soit  digne  de  ce  faire.  »  Âdont, 
quant  Jacques  se  vit  ainsy  acuellis  en  l'amour  du  peuple,  par 
pluiseurs  jours  il  fist  grans  consaulx  et  grandes  assamblées  de 
gens,  en  remonstrant  qu'il  tenissent  le  partie  des  Englès  à 
rencontre  de  oeulx  de  France,  et  que  il  savoit  bien  que  le  roy 
de  France  estoit  si  occupés  en  moult  de  manières  qu'il  n'avoit 
pooir,  ne  loisir  d'eulx  faire  mal,  et  avec  ce  le  roy  d'Engleterre 
seroit  joieux   d'avoir  leur  amour,  et  aussi  aeroit  pnfin  celui 


416  niFLUENCB 

de  France.  Et  leur  remonstroit  qu'ils  aroient  Hajnnau,  Bra- 
bant.  Hollandes  et  Zellandes  avec  eulx.  Et  tant  les  mena  de 
parolles  que  toute  la  communalté  et  grant  plenté  de  la  bour- 
goisie  se  tirèrent  avec  et  abandonnèrent  de  tous  poins  leur 
seigneur,  sans  riens  plus  convertir,  ne  aler  devers  lui  ;  mais 
le  compaignoient  à  si  grant  puissance  que  tous  les  jours  dor- 
moient  en  sa  maison,  buvoient  et  mangoient  mille  ou  douze 
cens  personnes,  et  le  compaignoient  à  aler  par  la  ville  ou 
ailleurs  leur  bon  lui  sambloit. 

Sêc,  réd.  —  En  ce  temps  dont  jou  aj  parlet,  avoit  grant 
dissention  entre  le  conte  Loeis  de  Flandres  et  les  Flamens,  car 
il  ne  voloient  point  obéir  à  lui,  ne  à  painnes  ne  s*osoit-il  tenir 
en  Flandres,  fors  en  grant  péril.  Et  avoit  à  ce  dont  ung  homme 
à  Gand  qui  avoit  estet  brassères  de  miels.  Chils  estoit  entrés 
en  si  grant  fortune  et  en  si  grant  grasce  à  tous  les  Flamens, 
que  c^estoit  tout  fait  et  bien  fait  quanqu  il  voloit  deviser  et 
commander  par  toute  Flandres,  de  Tun  des  corons  jusques  à 
Taoltre,  et  n'i  avoit  nullui,  com  grans  qu'il  fust,  qui  de  riens 
osast  trespasser  son  commandement,  ne  contredire.  Il  avoit 
toutdis  apriès  lui,  alans  aval  le  ville  de  Gand,  LX  ou  IIII.*^ 
variée  armés,  entre  lesquels  il  en  y  avoit  II  ou  III  qui  savoient 
aucuns  de  ses  secrès,  et  quant  il  encontroit  un  homme  qu'il 
avoit  en  souspeçon  ou  qu*il  haioit,  cils  estoit  tantos  tués  ;  car 
il  avoit  commandé  à  ses  secrès  variés  et  dit  :  c  Sitost  que  jou 
c  encontre  un  homme  et  je  vous  fai  un  tel  signe,  si  le  tués 

•  sans  déport ,   com  grans ,   ne  com   hauls  qu  il  soit ,   sans 

•  attendre  plus  aultre  parolle.  •  Ensi  avenoit  souvent,  et  fist 
en  celle  manière  pluiseurs  grans  mestres  tuer,  par  quoi  il 
estoit  si  doublés  que  nuls  n  osoit  parler  contre  cose  qu'il  vol- 
sist  faire,  ne  à  painnes  penser  de  lui  contredire.  Et  tantost  que 
cil  LX  varlet  le  a  voient  raconduit  à  son  hostel,  cascuns  aloit 
disner  en  se  maison,  et  tantost  apriès  disner  il  revenoient 
devant  son  hostel  et  beoient  en  le  rue,  jusques  adont  quil 
voloit  aler  aval  le  rue  jouer  et  esbatre  parmi  le  ville,  et  ensi 


DE   JACQUES  d'aRTEVELDE.  417 

le  conduisoient  jusques  au  souper.  Et  saciés  que  cascuns  de 
ces  saudojers  avoit  cascun  jour  IIII  compagnons  ou  gros  de 
Flandres  pour  ses  frès  et  pour  ses  gages,  et  lés  faisoit  bien 
payer  de  sepmainne  en  sepmainne.  Et  ossi  ayoit-il  par  toutes 
les  villes  et  les  chasteleries  de  Flandres,  sergans  et  saudojers 
à  ses  gages,  pour  faire  tous  ses  commandemens  et  espjer  et 
savoir  s'il  avoit  nulle  part  personne  qui  fust  rebelle  à  lui,  ne 
qui  desist,  ne  enfourmast  nullui  contre  ses  volontés.  Et  sitost 
qu'il  en  savoit  aucuns  en  une  ville,  il  ne  cessast  jamais  si  Teuist 
fait  bannir  ou  fait  tuer  sans  déport  :  jà  cils  ne  s*en  peuist 
garder.  Et  meismement  tous  les  plus  poissans  de  Flandres, 
chevaliers,  escuiers  et  bourgois  des  bonnes  villes  qu'il  pensoit 
que  fuissent  favourable  au  conte  de  Flandres  en  aucune  ma- 
nière, il  les  bannissoit  de  Flandres  et  levoit  le  moitiet  de  leurs 
revenues  et  laissoit  lautre  moitiet  pour  le  doaire  et  le  gouver- 
nement de  leurs  femmes  et  enfans  ;  et  cil  qui  ensi  estoient  banit, 
desquels  il  estoit  grant  fuison,  se  tenoient  à  Saint -Omer  le 
plus,  et  les  appelloit-on  les  wooUis  ou  les  ùuttre  avoïUs.  Brief- 
ment  à  parler,  il  n'eut  onques  en  Flandres,  ne  en  aultre  pays, 
conte,  duch,  prince,  ne  aultre,  qui  peuist  avoir  un  pays  si  à  se 
volenté,  com  cils  Tavoit  et  eut  longement;  et  estoit  appelles 
Jakemars  d'Artevelle.  Il  faisoit  lever  les  rentes ,  les  tonnieus, 
les  winages,  les  droitures  et  toutes  les  revenues  que  li  contes 
devoit  avoir  et  qui  à  lui  apertenoient,  quel  part  que  ce  fust 
parmi  Flandres,  et  toutes  les  maletoltes.  Si  les  despendoit  à  se 
volenté  et  en  donnoit  sans  rendre  nul  compte  ;  et  quant  il  voloit 
dire  que  argens  li  falloit,  on  l'en  creoit  par  sen  dit, et  croire  l'en 
convenoit,  car  nuls  n'osoit  dire  encontre*,  et  quant  il  en  voloit 
emprunter  à  aucuns  bourgois  sour  son  paiement,  il  n'estoit  nuls 
qui  li  osast  escondire  à  prester. 

A  le  Saint-Michiel,  comme  dist  est,  furent  li  grant  par- 
lement à  Wesmoutier  dehors  Londres,  et  durèrent  trois 

*  Pour  doubfe  de  perdre  la  vie. 

I.  —  FBOIMART.  Î7 


418  ÉDOUARB   m 

sepmaines,  et  là  farent  tout  li  plus  gfant  et  plus  sage 
d^Engleterre,  prélat,  conte,  baron,  chevalier  et  li  cens- 
saulx  des  bonnes  villes.  Là  remonstrèrent  li  doi  évesque, 
c'est  assavoir  de  Lincolle  et  de  Durem,  et  li  baron  et  chil 
qui  à  Vallenchiennes  avoit  estet,  comment  il  s'estoîent 
maintenus  atendans  le  consseil  de  Franche  qui  oncques  ne  vot 
venir,  et  to]it  ^nssi  de  point  en  point  comme  vous  avés  chy 
dessus  oy.  Et  quant  li  prélat  eurent  proposet  touttes  Içurs 
parolles,  li  roys  se  leva  e^  estapt  et  requist  que  oa  le  vol- 
sist  çpnseillier  si  à  ppint  que  ce  fust  à  ^o^^e^r  da  lui  pt  de 
SOA  royaumme.  Adont  respondireiit  li  plus  saige  p^  ^vis  et 
disent  que  tout  considérât  e%  imagiuet  lei^  request^ft,  les 
voies,  les  oSras,  les  pourkasi,  les  tretié3  et  las  parle^ens 
que  li  roys  avoit  fais  et  représentés,  dont  11  Franchois  ne 
faisoient  nul  compte,  il  ne  pooit  nullement  estre,  ne  demeu- 
rer que  il  ne  rendesist  son  hommage  au  poy  de  Franche  et 
le  deffiast  de  lui  et  de  tous  ses  aidans.  Ghils  conssaux  fu 
tenus  et  arestés,  et  li  évesques  de  Lincolle  pryés  que  de  pas- 
ser le  mer  et  porter  les  defflanches,  liquels  à  le  pryère  et 
ordonnanche  dou  roy  et  des  seigneurs  dist  que  il  feroit  ce 
voUentiers.  Encoires  fu-il  dist  et  arestet  que  pour  aidier  le 
roy  à  avoir  finance  et  ses  gherres  à  parmaintenir  chàcuns 
sas  (Je  lainne  paieroit  double  imposition,  et  à  durer  tant  que 
les  gherres  dureroient.  Et  fu  là  regardé  (Je  quel  somme  on 
li  renforcheroit  se  mise.  Si  en  respondirent  VI  bourgois,  li 
(Joi  de  Londres,  li  doi  de  Évruich  et  li  autre  doi  de  Con- 
ventre  que  on  li  renforcheroit  ceste  coustumme  de  CGC  mille 
nobles  par  an  et  que  V^  mille  nobles  en  renderoient-il  cha- 
cun an  à  trois  paiemens.  Encoirres  fu-il  conseilliet  et  arestet 
que  on  deffendesist,'  et  sus  le  teste,  parmy  le  royaumme 
d*Engleterre,  que  nuls  ne  jeuast,  ne  s'esbania3t  fors  que  de 
Tarc-à-main  et  des  saiettes  et  que  tout  ouvrier  ouvrant  ars 


SB  PRÉPÀRB  À  LA  GUERRE.  419 

et  saiettes  fuissent  francq  et  quittes  de  touttes  débites. 
Encoirres  fu-il  ordonnet  et  arestet  que  tout  chevalier  et 
escuyer  et  compaignon  servant  le  roy  en  se  gherre  aroient 
les  saudées  dou  roy  et  chacun  presist  son  paiement  seloncq 
se  quantité  de  demi-an,  et  que  tout  prisonnier  et  concquest 
qu'il  poroient  faire,  ne  prendre,  ce  leur  demourast  a  leur 
prouffit.  Encoirres  fu  ordonné  que  sus  les  ylles  tels  que  de 
Cournuaille,  de  Guemesie,  de  Wisk,  de  Hantonne  et  de 
Cepée,  nulle  gens  d'armes,  ne  de  deffensce,  ne  se  meuissent 
pour  semonsce,  ne  mandement  que  li  roys  fesit,  mais  gar- 
daissent  leurs  marches  et  leurs  frontières  et  presissent  et 
abilitassent  leurs  enfans  à  manier  armes  et  à  traire  de 
Tarch  parmy  chacun  doi  estrelins  le  jour  qu'il  aroient  de 
pension  sus  les  coustummes  des  lainnes,  demorans  en  leurs 
marches.  Encorres  fu-il  ordonné  et  aresté  que  tout  seigneur, 
baron,  chevalier  et  honnestes  hommes  de  bonnes  villes 
mesissent  cure  et  dilligence  de  estruire  et  aprendre  leurs 
enfans  le  langhe  françoise  par  quoy  il  en  fuissent  plus  able 
et  plus  coustummier  ens  leurs  gherres.  Encoirres  fu-il 
ordonné  et  deffendu  que  on  ne  laissât  passer  nul  cheval 
outre-mer  à  nuls  des  lés  d'Engleterre,  sans  le  congiet  dou 
cancelier,  sus  à  estre  en  le  indignation  dou  roy.  Encorres 
fu-il  ordonnet  que  de  envoyer  gens  d'armes  et  archiers  en 
Tille  de  Gasant  à  l'encontre  des  Flamens  qui  là  se  tenoient 
en  garnison  de  par  le  cont«  de  Flandres,  de  quoy  messire 
Guis,  bastars  de  Flandres,  frères  au  conte,  messire  Ducres 
de  Halluîn,  messires  Jehans  de  Rodes,  messires  Gilles  de  le 
Trief ,  messires  Jehans  et  messires  Simons  de  Bruquedent 
estoient  chief  avoecq  pluiseurs  autres.  Si  en  fu  pryés  mes- 
sires Henris  de  Lancastre  li  jones,  qui  fu  là  fet  contes  Derbi, 
cousins  germains  dou  roy,  et  li  contes  de  Sufforch,  li  sires 
de  Bercler ,  messires  Guillaumes  Fils-Warine ,  messires 


420  LE  COMTE  DE  FLANDRE  CHERCHE 

Loeîs  de  Biaucamp,  messires  Richars  de  Stanfort,  messires 
Gautiers  de  Mauni  qui  nouvellement  estoit  revenus  d'Es- 
coce,  où  pluisseurs  belles  baceleries  et  appertisses  d*armes 
avoit  fait  tant  qu'il  en  avoit  le  grâce  et  l'amour  dou  roy  et 
de  tous  les  seigneurs  d'Engleterre.  Et  le  retint  là  li  contes 
Henris  Derbi  pour  son  chevalier  et  le  plus  prochain  de  lui, 
et  fu  mis  et  escrips  à  estre  dou  conseil  dou  roy .  Encoirres 
fu  là  ordonnet  et  confermet  li  mariaiges  de  Guillaume  de 
Montagut,  qui  loyaument  avoit  servi  le  roy  ens  es  gherres 
d'Escoche  et  tellement  reboutet  les  Escos  avoecq  l'ayde  de 
monseigneur  Gautier  de  Mauni,  que  il  ne  s'osoient  mes 
apparoir  clërement  fors  en  fuiant  et  en  cachant.  Et  pour  lui 
rémunérer  ses  bons  services,  li  rois  li  donna  le  jone  con- 
tesse  de  Salebrîn,  madame  Aélis,  dont  il  tenoit  la  terre  en 
se  main  et  en  garde,  et  estoit  li  une  des  plus  belles  jones 
dames  del  monde.  Encoires  y  eut  pluiseurs  ordo^nances 
faittes,  devisées  et  acordées,  le  parlement  séant,  qui  touttes 
ne  puevent  pas  estre  registrées,  ne  escriptes,  et  qui  furent 
bien  tenues,  avoec  celles  dessusdites.  Fins  département  fu 
que  tout  seigneur,  conte ,  prélat,  baron  et  bonnes  villes  se 
départirent  sur  Testât  que  de  yaux  pourvoir  et  appareillier, 
quant  requis  et  semons  de  par  le  roy  en  seroient.  Si  se 
parti  li  évesques  de  Lincolle  pour  porter  les  deffianches  par 
lettres  scellées  au  roy  de  Franche  et  fu  enfourmés  quel  cose 
il  devoit  dire. 


Or  revenrons  as  Flamens  pour  mieux  entendre  le  éléva- 
tion Jaquemon  d*Artevelle  qui  gouverna  le  conté  de  Flandres 
par  le  tierme  de  IX  ans  et  fîst  en  partie  ses  vollentés  ensi 
que  vous  orés  chy  apriès.  Vous  avés  bien  oy  chy  dessus 
comment  il  préecha  en  le  ville  de  Gand  et  eult  Tacort  de 
toutte  le  ville,  espécialement  de  toutte  le  communalté,  à 


A  FAIRE  PÉRIR  ARTËVELDE.  421 

faire  ce  qu'il  voroit.  Quant  11  roys  de  France  entendi  les 
nouvelles  de  lui,  se  li  despleurent  durement  ;  car  il  suposa 
assës  que  se  li  Flamencq  estoient  contraire  et  ennemit  à 
lui,  ne  à  son  royaumme,  que  trop  lui  poroient  grever  et 
mettre  le  roy  d'Engleterre  en  son  royaumme  par  leur  païs. 
Si  manda  au  conte  de  Flandres  qui  se  tenoit  à  Bapesmes, 
que  nullement  il  ne  laiast  resgner,  ne  vivre  ce  Jacquçmon 
d'Artevelle,  car  il  estoit  trop  à»  son  prëjudisce  et  que  par 
lui,  se  il  duroit  longuement,  il  perderoit  se  terre.  De  quoy 
li  contes  qui  bien  sentoit  tous  ces  mesciés,  acquist  amis  des 
plus  grans  de  linage  de  le  ville  de  Gand,  et  les  jurés  avoit-il 
pour  lui,  car  il  li  dévoient  foy  par  sièrement.  Si  fisent 
pluiseurs  aghës  et  embusces  sus  d'Artevelle;  mes  oncques 
ne  le  peurent  avoir  à  leur  aise,  car  toutte  li  communaulte 
de  Gand  estoit  si  appareillie  pour  lui  que  qui  li  volsist  mal 
faire,  il  convenist  estre  plus  fort  que  de  XXX"  ou  LX° 
hommes,  et  estoient  toutes  mannières  de  gens  wiseux  pour 
lui  mieux  servir  à  gré  et  le  deffendre,  se  mestiers  fuist.  Et 
avoît  toudis  chils  Jacquèmes  d'Artevelle  allans  apriès  lui 
VI"  ou  VII"  variés  armés,  entre  lesquels  il  en  y  avoit  V  ou 
VI  espécialement  outrageux  et  dont  il  faisoit  se  bourle  et 
qui  savoient  ses  secrès  et  quel  cose  il  voUoit  faire,  et  quant 
il  encontroit  ung  homme  qu'il  hayoit  ou  qu'il  avoit  en  sou- 
pechon,  il  leur  faisoit  ung  signe,  et  tantost  chils  estoit  tués 
sans  déport,  com  grans  qu'il  fuist,  ne  de  quel  linaige  ;  et  si 
avenoit  ce  souvent,  et  en  fist  en  celle  saison  pluisseurs  grans 
maistres  tuer,  pour  quoy  il  estoit  si  doubtés  que  nuls  n'osoit 
parler  contre  cose  qu'il  volsist  faire,  ne  à  painnes  pensser 
de  lui  contredire.  Et  tantost  que  chil  VI"  ou  VII"  variés 
l'avoient  conduit  en  son  hostel,  chacuns  alloit  disner  en  se 
maison,  et  tantost  apriës  disner,  il  revenoient  devant  sou 
hostel  et  là  l'atendoient  jusques  à  tant  qu'il  yssoit  hors  pour 


4â2  LE  COMTE  DE  FLANDRE  CHERCHE 

aller  aval  le  ville,  qui  le  ramenoient  au  soupper  et  faisoient 
de  nuit  bon  guet  devant  son  hostel;  car  bien  savoit  qu'il 
n'estoitmies  bien  amés  de  tous  et  espécialement  dou  conte, 
car  jà  en  avoit-il  veu  pluiseurs  appairans,  dont  il  s'estoit 
bien  sceu  oster. 

Var.  prem.  réd.  —  Or  avint  que  le  conte  de  Flandres  en  sot 
à  parler.  Si  le  manda  qu'il  alast  parler  à  luy  en  son  hostel; 
mais  il  y  ala  à  si  grant  compaignie  que  le  conte  n'avoit  pooir 
de  résister  encontre  lui  là  présentement.  Le  conte  luj  remonstra 
par  pluiseurs  poins,  qu'il  volsist  tenir  la  main  à  tenir  le  peuple 
en  l'amour  et  pour  le  roy  de  France,  comme  celuy  qui  en  avoit 
plus  d'auctorité  que  nul  aultre,  et  lui  offry  pluiseurs  biens  à 
faire,  et  entre  deulx  lui  disoit  paroUes  de  soupeeon  de  manaces, 
lequel  Jaquemon  n'avoit  nulles  doubtes  de  sa  manace  leur  il 
estoit,  etaù  surplus  en  son  corage  il  amoit  les  Englès.  Si  res- 
pondy  qu'il  feroit  ce  qu'il  avoit  promis  au  commun ,  comme 
celui  qui  n'avoit  point  de  peur,  et  au  plaisir  de  Dieu  il  en 
venist  bien  à  chief.  Et  ainsi  se  party  dou  conte.  Nientmaîns  le 
conte  se  conseilla  à  ses  plus  privés  comment  il  feroit  de  ceste 
besongne,  lequel  avoit  avec  luy  aucuns  des  bourçois  de  la  ville 
qui  avoient  des  grans  amis  et  lingnages  dedens  la  ville.  Si  lui 
conseillièrent  de  les  laissier  convenir,  et  ils  le  tueroient  secrè- 
tement ou  aultrement.  Et  sur  ce  s'en  misrent  en  paine  par 
pluiseurs  fois,  et  firent  pluiseurs  agais  sur  le  dit  Jacquemon. 
Mais  riens  n'y  valoit,  car  toute  le  communalté  estoit  pour  luy, 
tant  que  on  ne  lui  pooit  mal  faire,  qu'il  ne  convenist  estre 
puissant  de  conbatre  contre  toute  la  ville  et  le  Franc.  Et  le 
siévoient  toute  manière  de  gens  huiseux,  de  banis  et  de  toute 
malvaise  vie  qu'il  requelloit,  et  par  espccial  avoit  toutdis  dalés 
luy  cens  ou  deux  cens  armés,  èsquels  en  y  avoit  vingt  ou  trente 
des  plus  outrageux  de  qui  il  faisoit  se  bourle  et  qui  sa  voient  tous 
ses  secrès.  Dont,  quant  il  veoit  aucun  homme  qu'il  héoit  ou  de 
qui  il  se  doubtoit,  il  faisoit  ung  signe,  et  tantost  il  estoit  tués, 
que  grant  qu'il  flist.  Et  pour  ce  il  estoit  si  cremus,  que  nuls 


A   FAIRE    PÉRIR    ARTBVELDE.  423 

n'osoit  parler  contre  sa  rôlenté.  Et  aroit  tousjours  bon  gait, 
de  jour  eft  de  nuit,  devant  sa  maison  ;  car  il  savoit  bien  qu'il 
estoit  hajs,  et  en  avoit  yut  les  apparans,  dont  il  s'estoit  bien 
gardes. 

En  ce  temps  pendant,  fu  le  roy  de  France  advertis  que 
les  Englès  faisoiéni  ung  mandeiiient,  et  aToient  mis  sus  gens 
pour  tenir  dechà  Teauwe,  et  par  espéeial  devers  Flandres.  Si 
éicripsit  au  conte  de  Flandres  qu'il  y  volsist  pourvéir  sur  les 
frontières  de  la  mer.  Et  sur  ce  le  conte  de  Flandres  envoia  le  • 
sien  frère  bastar,  qu  on  appeloit  messire  Guy  de  Flandres,  avec 
grant  chevalerie  et  gens,  tels  que  messire  le  Duore  de  Halluin, 
messire  Jehan  de  Roddes,  les  deux  frères  de  Bruquedem,  mes- 
sire GiBe  de  le  Triest  et  pluisetfrs  aultres  jusques  au  nombre 
de  denix  oena  ohevalierâ  et  escuiérs  et  bien  quatre^  mille  com- 
batans,  lesquels  se  misrent  en  Tille  de  Gag^int,  où  la  ville  et 
toute  Tille  leur  obéissoit.  Et  sachiez  qu'ils  firent  mains  maulx 
et  mainte  destrousse  svtr  lés  Englès.  Et  biei^  tenoient  en  cre- 
meur  toute  le  coste  d'Engleterre,  en  monstrant  qu^il  estoient 
bonne  gent  de  guerre,  et  tinrent  grant  temps  le  pays  en  grant 
subjection.  Mais  fortune  est  moult  muable,  comme  il  apparu , 
car  les  Englès  de  oè  seurent  à  parler,  d6nt  il  leur  desj^ut 
moult.  Si  y  pourvoiront  bien  ateâtureusemeM,  cottme  vous 
orés  chi-a^rèé. 

Sêe.  réi. — Quant  la  oongnissance  de  la  mort  dou  signeur  Cour- 
trissien  vint  à  Jaquemon  Dartevelle,  si  se  doubta  que  li  contes  ne 
le  fesist  secrètement  ocire ,  et  pour  obvyer  à  toutes  doubtes  et 
faire  tant  que  il  fust  tous  sires  de  Gand  et  que  il  peuist  tenir 
ses  convenances  aux  Englès  sus  la  fourme  et  manière  que  il 
lor  avoit  proumi»,  il  âst  le  mestre  et  le  signeur  et  volt 
monstrer  poissanee  entre  ceuls  de  Gand.  Et  avoit  tous  les 
jours  entre  cent  et  sys-vins  variés  tous  armés  qui  le  sieu- 
voient,  entre  lesquels  il  en  i  oroit  auquns  qui  connissodent  sa 
manière,  et  quant  il  enconkoit  ung  homme  que  il  avoit  en 
haine,  eom  grans  %ue  il  fust,  il  faisoit  un  ug&e«  Chils  homs 


424  LE  COMTE  DE  FLANDRE  CHERCHE 

estoit  tantos...  et  oois;  et  par  telles  oevres  haustères,  chils 
Darteyelle  fu  si  cremeus  que  nuls  ne  Tosoit  courouchier,  ne 
contredire  de  cose  que  il  yosist  dire  et  faire,  et  esleva  une 
sexste  de  compagnons  en  Gand,  que  on  nommoit  les  Blancs 
Caperons,  et  en  fist  à  tous  livrée,  et  estoient  bien  sjs  mille  et 
tous  les  jours  mouteplioient-il  et  portoient  yolentiers  les  blancs 
caperons,  car  il  avoient  mieuls  title  de  mal  faire  que  li  aultre 
qui  nul  n'en  avoient,  et  n*en  portoit  nuls  se  il  n'estoit  tout  fin 
hors  mauvais. 

Li  contes  de  Flandres  se  tenoit  le  plus  dou  temps  dalés  le 
roi  de  France  et  ne  savoit  comment  pourvoir  à  ces  coses  qui 
tous  les  jours  moulteplioient  en  mal,  et  aussi  li  rois  ne  Ten 
savoit  comment  consiUier.  Si  se  avisèrent  Tun  parmi  Taultre 
li  rois  et  li  contes  de  Flandres  que  il  meteroient  en  Tillé  de 
Gagant  devant  FEscluse  une  garnison  de  gens  d'armes  qui  là 
garderoient  la  mer  à  la  fin  que  nuls  ne  venist  d'Engleterre  en 
Anwierç,  en  Hollandes,  ne  en  Zellandes,  menans  marceandise, 
alans,  ne  venans,  qui  ne  fust  rués  jus.  Et  i  furent  envojet  de 
par  le  conte  de  Flandres  eu  garnison  pluisseurs  chevaliers  et 
esquiers  de  Flandres,  toutes  bonnes  gens  d*armes  et  aultres 
appers  hommes  des  tenances  de  Flandres,  et  estoient  bien 
cinq  mille  et  fissent  moult  de  mauls  et  de  destourbiers  sus  la 
mer  avant  que  on  i  pourveist,  et  n'osoient  li  Englois  envoyer 
lors  marceandises,  ne  lors  lainnes  en  Anwiers,  ne  passer  par 
là;  ne  aussi  li  Austrelin  pour  la  doubte  de  ce  pas  n'osoient 
venir  en  Flandres,  mais  faisoient  lor  estaple  de  lors  marcean- 
dises à  Dourdresc,  de  quoi  la  marceandise  de  la  draperie  fu 
toute  refroidie  et  perdue  en  Flandres  un  grant  temps,  et  ne 
trouvoient  les  bonnes  gens  à  quoi  gaegnier,  car  nulles  lainnes 
ne  lor  venoient  d'Engleterre.  De  ces  avenues  estoit  Jaquemars 
Dartevelle  tous  resjoïs,  car  bien  sçavoit  que  nuls  ne  les  leve- 
roit  de  là,  ne  délivreroit  le  passage,  fors  la  poissance  dou  roi 
d'Engleterre ,  et  dura  chils  affaires  bien  ung  an,  dont  grans 
murmurations  estoient  parmi  les  bonnes  villes  de  Flandres,  et 
disoient  toutes  gens  :  c  Chil  de  Gagant  nous  estent  le  pain  de 


A   FAIRE   PÉRIR   ARTBYKLDB.  425 

«  la  main.  >  Jaques  Dartevelle  faisoit  semer  paroles  aval  le 
païs  et  dire  que  quant  il  vodroit  bien,  acertes  li  pas  seroit 
délivrés  et  Teuist  juret  li  contes  de  Flandres  et  tout  chil  qui  Fen 
vodroient  aidier. 


Or  parlerons  de  Tévesque  de  LincoUe,  comment  il  vint 
defiyer  le  roy  de  Franche  de  par  le  roy  d*Bngleterre,  et 
puis  retourons  encore  à  le  matëre  des  Flamens,  pour  mieux 
ataindre  notre  histoire.  Tant  esploita  li  ëvesques  de  Lincolle 
par  ses  journées  parmy  le  royaunune  de  Franche  que  il  vint 
à  Paris  et  trouva  le  roy  Phelippe  bien  accompaignië  dou 
roy  de  Behaigne,  dou  roy  de  Navarre,  de  ducs,  de  contes 
et  de  barons  grant  foison,  car  che  fo  à  une  solempnité  de  le 
Toussains,  l'an  mil  GGC.XXXVII,  et  n'atendoit  li  roys  de 
France  de  jour  en  jour  autre  cose  que  de  oyr  tels  nouvelles 
seloncq  le  relation  que  il  avoit  oy  d'aucuns  de  ses  amis  del 
empire.  Et  entra  li  dis  ëvesques  de  Lincolle  en  le  cambre 
dou  roy,  car  on  li  flst  voie.  Si  salua  le  roy  et  Tenclina,  et 
tous  les  autres  ^  rois  '  enssuiwant,  et  bailla  ses  lettres  au 
roy  de  France,  liquels  les  rechupt  et  brisa  ung  petit  signet 
qui  estoit  deseure  en  avant.  Elles  estoient  à  ung  grant  séel 
pendant  et  en  parchemin  touttes  ouvertes,  ^les  regarda  li 
roys  ung  petit  et  puis  les  bailla  à  ung  sien  ciStcq  secrétaire, 
et  les  fist  là  lire,  lesquelles  faisoient  mention  enssi  ou  asses 
priés,  sicomme  j'ay  oy  recorder  depuis  chiaux  qui  aucune 
cose  en  dévoient  savoir  et  espécialment  le  seigneur  de 
Saint- Venant  qui  y  fo  préseus  : 

«  Édouwars,  par  le  grâce  de  Dieu  roy  d'Engleterre  et 
(c  d'Irlande,  i  Phelippe  de  Yallois  escripsons.  Gomme  ensi 
(K  soit  que  par  le  succession  de  nostre  cher  oncle  monsei- 
cc  gneur  Charlon,  roy  de  France,  nous  soyons  héritiers  del 


i.t 


Seigneurs. 


426        l'évéque  de  limcoln  défik  prilippb  de  yalois. 

<jc  hiretai^e  et  couramie  de  Fi^nche  par  trop  plus  procbain 
«  degré  que  vous  ne  soyés,  qui  eu  le  possession  de  nostre 
c(  hiretaigd  vous  estes  mis  et  le  tenés  et  tenir  vouUés  de 
«  force  \  si  le  vous  avons-nous  par  pluiseurs  fois  mofistret 
<c  et  fet  remonstrer  par  si  digne  et  si  espécial  avis  comme 
i<  celui  del  église  et  le  saint  collège  de  Romme  et  ^  al 
<f  entente'  del  noble  empereour,  ehief  de  touttes  juriditions, 
CE  asqueles  ^  coses  et  demandes  ^  vous  n'avés  mies  voUut 
ce  eirte^dre,  mais  vous  estes  tenu  et  tenés  en  vostre  oppi- 
a  nion  fondée  sus  tort,  pour  quoj  nous  vous  certefions  que 
«  le  nostre  hiretaige  de  Fraûche  nous  requérons  par  le 
«  puissance  de  nous  et  des  nostres,  et  de  ce  jour  en  avant 
«  defflons  vous  et  les  vostres  de  nous  et  des  nostres,  et  vous 
If  rendons  foy  ethommaige  que  sans  raison  vous  avons  fait, 
«  et  remetons  le  terre  de  Pontieu  avoecq  nostf  e  autre  hire- 
«c  taige  en  le  garde  de  Dieu,  non  en  le  voàtre,  qui  ennemy 
«  et  adverssaire  vous  tenons.  Donné  en  nostre  palais  à  Wes- 
«  moutier,  présent  nostre  général  consseil,  le  XIX'  jour 
0c  dou  mois  de  octembre.  » 

Quant  li  reys  Pbelippe  eut  oy  lire  ces  tettfes,  si  se 
retourna  viers  Févesque  de  LincoUe  et  n'en  flst  par  sam- 
blant  mies  trM  grant  compte,  et  commença  à  sourire  et 
dist  :  «  Évest^ues,  *  vous  avés  bien  fet  che  pour  quoy  vous 
a  estiés  chy  venu  '.  A  ces  lettres  ne  convient  point  d'es- 
«  cripre.  Vous  vous  povés  partir  quant  vous  vouHés.  »  — 
«  Sire,  dist  Tévesque,  grans  merchisl  »  Dont  prist  congiet 
et  retourna  à  son  hostel  et  se  tint  là  totrt  le  jour.  Sus  le 
soir  li  roys  li  envoya  ung  bon  sauf-conduit  pour  lui  et  pour 
tous  les  siens  *,  sus  lequel  sauf-conduit  il  rapassa  parmy  le 

*  Oultre  nostre  volenté.  —  *'  Et  par  le  conseil.  —  *  '  Raisons.  — 
*-'  Vous  avez  bien  dit  et  fait  votre  message.  —  •  Pour  retourner  seu- 
rement  parmy  le  royalme  de  France. 


ARMEIIEMTS  DU   ROI   DB  FRANCE.  427 

le  royaumme  de  Franche  sans  péril,  et  revint  en  Engle- 
terre  deviers  le  roy  et  les  barons,  à  qui  il  recorda  *  com- 
ment il  avoit  eE^loitiet  *.  Si  en  eurent  K  jfoglës  grmt 
joie.  

Or  vous  dirons  dou  roy  de  Franche.  Quant  il  eut  vent 
les  deffianches  dou  roy  d'Ëngleterre,  il  les  fist  coppyer  et 
les  envoya  en  pluiseurs  lieux  par  son  royaumme  et  hors  de 
son  royaumme  aân  que  ^  li  seigneur  ^  euissent  advis  et  con- 
sidération sus  et  espécialement  au  conte  de  Haynnau  son 
nepveult  et  au  duch  de  Braibant,  et  leur  manda  estroitement 
que  il  n'euissent  nulle  allianche  au  roy  d'Engleterre,  et  se  il 
Tavoient  ou  faisoient,  il  leur  arderoit  leur  pays»  ensi  au 
conte  de  Bar  et  au  duch  de  Lorainne,  mes  de  eheux  n'es- 
toit-il  en  nulle  doubte,  car  il  estoient  bon  Franchois  et  loyal. 
Et  envoya  tantost  li  roys  pourveir  et  regarder  en  ses  garni- 
sons sus  les  frontières  de  l'empire,  car  des  Allemans 
n'estoit-il  mies  trop  asseur  et  manda  a  chiaux  de  Toornay, 
de  Lille,  de  Biétune,  d'Arras  et  de  Douay  qu  il  fuissent  sur 
leur  garde  et  pourveissent  et  fortifiassent  les  villes  powr 
atendre  siège  ou  assaut*  se  mestier  faisoit,  et  ossi  %tte  il 
presissent  garde  as  eastiaox  et  eas  el  caateleries  d*entour 
yaux  et  renouvelassient  officyer  et  le»  rafresquisseat  de 
touttes  coses  nécessaires  pour  le  gberre»  Et  envoya  li  rois 
à  Saint-Omer,  à  Ayre,  à  Calais,  à  Boulongne  et  là  envhrcm 
gens  d*armes  pour  garder  les  frontières,  ossi  à  Abeville,  au 
Crotoi,  à  Saint-Valéri,  à  Eu,  à  Dieppe,  à  Harflues,  à  Hon- 
nefiues  et  en  toute  le  Normendie,  jusques  en  Bretsngne  ^  et 
Pont-Orson  ^  et  mocrvant  de  le  BréUingne  jusques  ea  le 
Rocelle  et  de  le  Roeelle  en  Saintonge  et  tout  le  P^tou  en 

^■*  Comment  il  avoit  furny  son  messaige **  Se»  amis.  —  ^*  En 

revenant  jusques  à  Harfleur. 


428  ARMEMEMS 

revenant  en  Limozin,  en  Roherge,  en  Aginois  et  en  Toulou- 
sain et  tout  le  NerbonnaiSy  le  Charcasonnois,  Bedariez, 
Aiguemortes,  Biaucaire,  Montpellier  et  Nismes,  et  jusques 
as  portes  d'Avignon  et  toutte  Rosne,  le  Pont-Saint-Esperit, 
Viviers,  Tournon,  Jalieu,  le  bourch  d'Argental,  Vienne, 
Lions  et  toute  le  conté  de  Foriest,  le  teire  le  seigneur  de 
Biaugeu,  le  conte  de  Mascon,  Tournus  et  tout  jusqu'à 
Ghallon  sus  le  Sone,  et  toute  le  conté  et  le  duchié  de  Bour- 
goingne,  costiant  TAIemaigue,  TAusay  et  le  terre  de  Mont- 
béliart  jusques  en  Tévesquet  de  Lengres  et  toutte  le  Cam- 
paigne  costiant  le  Lorraine,  l'évesquiet  de  Thoul  et  Tévesquiet 
de  Miez,  revenant  jusques  à  Rains  et  à  Chaalons  et  toutte 
le  conté  de  Rethers,  Doncheri  et  Maisières  et  ces  fors  cas- 
tiaux  sour  le  rivière  de  Meuse,  costiant  l'Ardenne,  l'éves- 
quiet de  Liège  et  Fumain  et  le  Haynnau  et  le  terre  monsei- 
gneur Jehan  de  Haynnau  et  toutte  le  conté  de  Roussi,  de 
Porsyen,  de  Brainne  et  l'évesquiet  de  Laon.  Et  escripsi 
amiablement  et  fiablement  à  ciaux  de  Cambray  que  il  li 
fuissent  amis  et  bon  voisin  en  tous  cas,  et  il  leur  seroit,  se 
mestiers  en  avoîent  ;  et  envoya  messire  Godemar  dou  Fai  à 
Tournay  demeurer  et  séjourner  pour  regarder  à  le  chité  et 
ou  pays  d'environ.  Et  mit  le  seigneur  de  Biaugeu  en  Mor- 
taigne  sus  estant  pour  garder  che  passaige  ;  et  mist 
encoires  sour  mer  grant  quantitet  de  Normans  et  de  Gene- 
vois, de  quoy  messires  Hues  Kiérès,  messires  Pierres 
Bahucès  et  Barbevaire  estoient  cappitainne,  et  leur  com- 
manda et  enjoindi  que  il  ardissent  en  Engleterre  au  plus 
tost  qu'il  poroient  et  donna  à  son  chier  cousin  monseigneur 
Jacquemon  de  Bourbon,  le  conté  de  Ponthieu  et  touttes  les 
appendances,  en  foi  et  en  hommaige  et  à  tenir  de  lui,  liquels 
en  prist  le  possession  et  y  amena  medame  se  femme  K 

*  Demourer. 


DU   ROI   DE   FRANCE.  429 

Quant  li  rois  de  France  eut  ensi  ordonnet  et  fet  pour- 
veir,  rapareillier  et  rafrescir  touttes  les  frontières  de  son 
royaumme  tant  sur  mer  comme  par  terre,  si  escripsi-il  et 
manda  fiablement  au  conte  de  Flandre  sen  cousin  *  que  il 
ratresist  et  tenist  à  amour  ses  gens  par  quoy  li  Englès 
n'euissent  nulle  aliance  à  yaux,  et  y  envoya  de  par  lui  le 
conte  de  Vendosme  et  le  seigneur  de  Montmorensi,  pour  tre- 
tier  à  yaux  qu'il  fuissent  amis  et  bon  voisin  au  royaumme 
de  Franche,  et  il  leur  tenroit  toudis  les  pas  ouviers  de 
Tournay,  de  Biëtune,  d'Aire,  de  Saint-Omer  et  de  Wames- 
ton-sus-le-Lis  *  et  aroient  à  leur  vollenté  bleds  et  tous  grains 
pour  conforter  leur  pays.  Et  allèrent  chil  seigneur  de 
bonne  ville  en  bonne  ville  remonstrer  touttes  ces  coses  de 
par  le  roy  de  Franche.  Li  aucun  s'i  assentoient,  mes  li  plus 
non  ;  '  car  li  waignages  de  le  drapperie  leur  touchoit  plus  au 
ravoir  avoecq  lainnes  d'Engleterre  que  il  ne  fesissent  adont 
bled,  ne  avaines,  car  de  tout  ce  avoient-il  assés  et  à  grant 
marchiet  ^.  ^  Touttesfois  flsent  tant  chil  seigneur  de  Franche, 
que  quand  il  se  partirent  de  Flandres  il  layèrent  le  conte 
Loeys  à  Gand  assés  amiablement  dalés  Jakemon  d'Artevelle 
et  chiaux  de  Gand,  mais  depuis  n*y  demoura-il  mies  longue- 
ment, ensi  comme  vous  orés  •. 


'  Or  vous  parlerons  des  Englès  *,  le  conte  Derbi  et  leur 
route,  qui  partirent  d'Engleterre  et  se  missent  ou  havène 
de  Tamise  et  vinrent  celle  première  marëe  jësir  devant 

*  Comme  aultre  fois  lui  avoit  escript.  —  'Et  par  toute  le  rivière 
de  TEscault.  —  ''^  Ils  aimoient  mieulx  la  marchandise  d^Eugleterre. 
—  '-'  Si  ne  les  pooit-on  rapaisier;  et  ossy  Jacquemon  d^Artevelle  ne 
s'i  acordoit  point.  —  '•  Or  vous  diray  comment  le  conte  Derby  et  se 
route  estoient  sur  mer  pour  venir  vers  Gagant. 


430  COMBAT 

Gfra¥6sande  bien  pourveus  et  abilliés  de  iiaves,  de  vaissiaux, 
de  bu96es»  de  scutes,  de  hokebos,  armées  et  frétées,  et 
estoient  IP  archiers  iet  *  V°  *  armures  de  fer.  ^  De  le  seconde 
marée  il  viurent  devant  Mergate  et  furent  là  un  soir,  et  le 
nuit  et  environ  mienuit  il  se  désancrèrent  et  tendirent  leurs 
voilles  au  plein,  car  il  a  voient  vent  à  souhet  et  se  boutèrent 
en  mer  et  singlërent  tout  jour  ^  et  vinrent  assés  pries  de 
Gaiaut  à  heure  de  nonne.  Che  fu  le  nuit  Saint-Martin  en 
yvier,  ranmilCCC.XXXVII. 

Quant  li  Englès  virent  le  ville  de  Gaiant  où  il  tendoient  à 
venir  et  combattre  chiaux  qui  par  dedens  se  tenoient,  si 
s^avisèrent  et  regardèrent  que  il  avoient  le  vent  et  le  marée 
pour  yaux,  et  que  ou  nom  de  Dieu  et  de  saint  Jorge  il 
approcberoient.  Dont  fl^sent-il  sonner  leurs  trompettes,  et 
s'armèrent  et  *  aprestèrent  ^  visteraent  et  ordonnèrent  leurs 
vaissiaux  et  missent  les  archiers  devant  et  singlèrent  fort 
vers  le  ville,  Monlt  bien  avoient  les  gettes  et  les  gardes 
qui  en  Gaiant  se  tenoient  et  sur  lé  mer  estoient,  veu  apro- 

*-*  Huit  cent8.««*  *'*  Si  ordonna  li  rois  englès  assés  tostapriès  le  conte 
de  Derbi  son  cousin  et  monsigneur  Gautier  de  Mauni  qui  jà  avoit  tant 
fait  de  belles  bacheleries  en  Escoce  qu'il  en  estoit  durement  aloses,  et 
ossi  aucuns  aultres  chevaliers  et  escuiers  englès,  qu'il  se  vosissent  traire 
devers  Gagant  et  combatre  chiaus  qui  là  se  tenoient.  Li  dessus  dit 
obéirent  au  commandement  le  roi  leur  signeur  et  fisent  leurs  pour- 
véances  et  lor  amas  de  gens  d'armes  et  d'arciers  à  Londres  et  char- 
gièrent  leurs  vaissiaus  en  la  Tamise.  Quant  il  furent  tout  venu  et 
apparilliet ,  il  estoient  environ  V"  armeures  de  fier  et  II™  arciers  ;  si 
entrèrent  en  leur  navie  qui  estoit  toute  preste,  et  puis  se  désancrèrent 
et  vinrent  de  celle  marée  le  première  nuit  gésir  devant  Gravesaindes. 
A  l'endemain  il  désancrèrent  et  vinrent  devant  Mergate  ;  à  le  tierce 
marée  il  tirèrent  les  voiles  à  mont  et  prisent  le  parfont  et  nagièrent 
tant  par  mer  qu'il  veirent  Flandres.  Si  arroutèrent  leurs  vaissiaus  et 
les  misent  en  bon  convenant.  —  **  Apparillièrent. 


DE   CADZAND.  451 

chier  ceste  grosse  armëe.  Si  supposoient  assës  que  c'ee- 
toientEnglès.  Dont  il  s'estoient  jà  tout  armé  et  rengiet  sus 
les  dicques  et  sus  le  saveion  et  mis  les  pignons  par  ordon- 
nanches  devant  yaux  et  fet  entr'iaux  des  nouviaux  cheva- 
liers jusque  à  *  XVI  *  etpooient  y  estre  environ  '  V"  '^  tout 
comptet  *  bien  appert  baceler  et  bon  corapaignon  •,  ensi 
qu*il  le  monstrërent.  Et  là  estoit  messires  Guis  de  Flandres, 
frères  au  contes  et  bastars,  et  uns  bons  seurs  chevaliers, 
qui  amonestoit  et  prioit  tous  les  compaignons  de  bien  faire. 
Et  là  estoient  messires  Ducres  de  Haluin,  messires  Jehans 
de  Rodes,  messires  Gilles  de  le  Trief  qui  fu  là  fet  chevaliers, 
messires  Simons  et  messires  Jehans  de  Brucquedent,  qui 
y  furent  fet  ossi  chevalier,  et  '  Pierres  •  d'Englemoustier  et 
maint  compaignon  bacheler  et  eseuier  et  appert  hommes 
d'armes  ensi  qu'il  le  montrèrent  et  qui  moult  désiroient  le 
bataille  as  Englès  et  estoient  tout  chil  ordonnet  et  rengiet 
à  rencontre  des  Englès,  et^  n'i  eut  rien  parlementet,  ne 
deviset  *®;  car  li  Englès  qui  estoient  engrant  d'iaux  assaillir 
et  chil  de  deffendre,  cryèrent  leur  cri  et  fissent  traire  leurs 
archiers  moult  fort  et  moult  roit  et  tant  que  chil  qui  "  le  ha- 
vène^*defi<endoient  en  furent  si  ensonnyet  que,  volsissent  ou 
non,  il  les  convint  reculler,  et  en  y  eut  dou  tret  à  ce  premiers 
moult  de  mehaigniës  ;  et  prissent  terre  li  baron  et  li  cheva- 
lier d'Engleterre  et  s'en  vinrent  combattre  as  haces,  as 
espées,  as  glaves,  l'ung  à  l'autre,  et  là  y  eult  pluisseurs  belles 
bacheleries  et  appertisses  d'armes  fêtes.  Et  moult  **  vas- 
saument  **  se  combattirent  li  Flamencq,  ossi  mouH  **  cheva- 
leureusement  ^*  les  requisent  li  Englès,  et  fu  là  moult  bons 

*-•  Dix-huit.  —  ^  Quatre.  —  ^  Hardi»  et  légiei-s...  bons  et  appers. 
'^  Jehans.  —  •  Si  tost  qu'ils  vinrent  l'un  devant  l'autre.  —  *®  Mais 
noblement  s'ordonnèrent  Tun  contre  l'autre  en  criant  leurs  cris.  — 
*****  Les  dicques.  —  *'-*^  Oultrageuaemeat.  —  *•-*•  Sacheleureuse- 
ment...  souffisamment. 


433  COMBAT 

chevaliers  li  contes  Derbi,  et  s'avancha  de  premiers  si  avant 
que  il  fu  en  lanchant  de  glaves  mis  par  terre,  et  làli  fu  mes- 
sires  Gantiers  de  Mauni,  bons  confors,  car  par  appertisses 
d*armes  il  le  releva  et  osta  de  tous  périls  en  escriant  : 
a  Lancastre  au  conte  Derbi  I  »  Et  adont  aprocièrent-il  de 
tous  lés  et  en  y  eut  pluiseurs  mehaigniés  et  par  espécial 
plus  des  Flammens  que  des  Englès,  car  li  archier  d*Engle- 
terre  qui  continuement  trayoient»  leur  portoient  trop  grant 
damaige. 

A  prendre  terre  ou  havëne  de  Gaiant  fu  li  bataille  dure  et 
flère,  car  li  Flammencq  qui  là  estoient  et  qui  le  ville  et  le 
havène  gardoient  et  deffendoient,  estoient  très-bonne  gent 
et  plains  de  grans  appertisses,  car  par  élection  li  contes  de 
Flandres  les  y  avoit  mis  et  establis  pour  garder  cel  pas- 
saige  contre  les  Englës.  Si  s'en  voUoient  acquitter  bacele- 
reusement  et  faire  leur  devoir  en  tous  estas ,  enssi  qu'il 
fissent.  Là  estoient  li  baron  et  li  chevalier  d'Engleterre, 
premièrement  li  contes  Derbi,  fils  au  conte  Henri  de  Lan- 
castre au  Tors  Col,  li  contes  de  Sufibrch,  '  messires  Loeys 
de  Biaucamp,  messires  Guillaummes  *Fils-Warine  ^,  li  sires 
de  Biercler,  messires  Gantiers  de  Mauny  et  pluiseurs  autres 
chevaliers  et  bachelers  qui  très-vassaument  se  portoient 
et  assailloient  les  Flammens.  Là  eut  dure  bataille  et  fort 
combatue,  car  il  estoient  main  à  main,  et  là  fissent  li  plui- 
seurs moult  de  belles  appertisses  d'armes  et  de  l'un  lés  et 
de  l'autre,  mais  finablement  li  Englès  obtinrent  le  place,  et 
furent  li  Flammencq  desconfis  et  mis  en  cace,  et  y  eut  plus 
de  ^  III"'  ^  mors,  que  sus  le  havène,  que  sus  les  rues,  que  ens 
es  maisons.  Et  là  fu  pris  messire  Guis,  bastars  de  Flan- 
dres, et  mors  messires  Ducres  de  Halluin  et  messires  Jehans 

*  Messires  Renauls  de  Gobehen.  —  «-»  Fil-Watier.  —  ♦»  IIII». 


DK  CàDZAMD.  455 

de  Rodes  et  li  doy  frère  de  Bruquedent  et  messires  *  Gilles  * 
de  le  Trief  et  pluiseurs  autres,  environ  XXVI  chevaliers  et 
escuyers,  et  furent  mort  en  bon  ^  convenant.  Et  fu  li  ville 
prise,  pillie  et  robée  et  tous  li  avoirs  aportés  et  mis  ens  es 
vaissiaux  avoecq  les  prisonniers,  et  puis  fu  la  ville  toutte 
arse  et  sans  déport,  et  retournèrent  li  Englès  arrière  et  sans 
damage  en  Engleterre  *  et  rècordèrent  au  roy  leur  aventure, 
liquels  fu  moult  joyant  quant  il  les  vit  et  sceut  comment  il 
avoient  esploitiet.  Si  fist  messire  Gui  de  Flandres  créanter 
se  foy  et  obligier  prison,  liquels  ^  se  tourna  Englès  en  celle 
meisme  année  et  devint  •  homs  au  roy  d'Engleterre  de  foy  et 
d'hommage,  de  quoy  li  contes  de  Flandres  ses  frères  fu 
moult  courouchiés. 

Quat.  réd.  —  Vous  savés  comment  li  contes  de  Flandres 
.avoit  mis  et  establi  garnison  de  gens  d'armes  en  Fille  de  Gagant, 
Hquel  fissent  pluisseurs  destourbiers  et  grans  anois  à  ceuls 
qui  voloient  par  mer  prendre  port  à  TEscluse  et  tant  que  tous 
li  pais  de  Flandres  s'en  contentoit  malement,  car  li  proufis 
de  la  marceandise  en  estoit  ensi  que  tous  perdus  et  espéciaul- 
ment  la  draperie,  car  nulles  lainnes  ne  venoient,  ne  issoient 
hors  d'Engleterre.  Jaquèmes  Dartevelle,  liquels  voloit  aidier 
le  roi  d'Engleterre  et  à  che  faire  estoit  obligiés  et  avoit  fait 
obligier  généraument  la  ville  dé  Gand ,  n'estoit  pas  courou- 
chiés de  ce  que  chil  qui  hérioient  la  ville  de  Bruges  et  le  pals 
de  Flandres  se  tenoient  à  Gagant,  et  fist  semer  paroles  à 
Brughes,  à  Ippre  et  à  Courtrai  et  ou  Franch  de  Bruges  que 
se  on  voloit  entendre  à  ce  que  il  conselleroit,  tout  acertes  on 
en  délivreroit  le  paîs.  La  ville  de  Bruges  et  la  ville  dou  Dan  et 
la  ville  de  TEscluse  qui  trop  grandement  perdoient  (car  sans  la 

*  *  Guillaume...  Jehan,  —  'Et  vaillant.  —  *  Atout  leur  gaingnage, 
nonobstant  que  ce  ne  fo  point  sans  perdre  de  leurs  gens.  —  *  Par  les 
promesses  que  les  Englès  lui  firent.  —  *  Par  convoitise. 

I.— FtOIMABT.  «ift 


454  COHBAT 

aitat)MLndise  àe  la  mer  il  ne  pueeni  avoir  oevance,  ne  sèreAt 
Tivre),  fl*enclinèrent  à  entendre  à  ses  parolea  ei,  envoyèrent 
oasqone  des  dites  villes  de  lors  hommes  par  deviers  11  à  Qant, 
en  11  priant  que  il  i  vosist  pourvoir  et  donner  consel  comment 
li  wagnages  peuist  retourner  en  Flandres.  Il  lor  respondi  que 
aussi  feroit-il  bien  et  volontiers ,  et  celle  response  raportèrent 
à  lors  gens,  chil  qui  i  furent  envojet.  On  s'apaisa  pour  veoir 
comment  se  j^asseroit  ce  que  Dartevelle  offroit.  Jaquèmes  Dar- 
tevelle,  liquels  fu  moult  soubtieus  en  son  temps,  envoya 
messages  et  lettres  deviers  le  roi  d*EngIeterre  et  son  consel, 
et  lor  segnefla  que  se  il  voloient  avoir  Tamour  dou  pais  de 
Flandres  et  rentrée  généraulment,  il  envolassent  délivrer  le 
pas  et  l'ille  de  (higant ,  que  les  gens  don  oonte  tenoient  à 
rencontre  de  euls  et  des  Alemans,  et  qui  là  voloient  la  mer, 
et  n*osoit  nuls  aler,  ne  venir,  ne  ariver  à  TEscluse.  Li  rois 
d*Engletérre  et  ses  consalils  regardèrent  à  ce  et  sentirent 
assés  que  tout  ce  estoit  raisonnable  et  que  voirement  i  pour- 
veroient-Q.  Si  fu  ordonné  II  contes  Derbi  à  estre  chief  de 
oeste  armée  atout  six  cents  lances,  chevaliers  et  esquiers,  et 
deus  mille  archiers,  et  li  fu  dit  que  il  sVn  venist  par  la 
Tamise  à  toute  sa  cargo  à  Gagant,  et  délivrast  Tille  et  le  pas 
de  ceuls  qui  le  tenoient.  Li  gentils  contes  Henris  Dcrbi  obéi 
à  Tordenance  dou  roi  et  se  pourvoi  de  chevaliers  et  d'esquiers 
et  d'archiers,  et  ordonnèrent  toutes  lors  pourvéances  sus  la 
rivière  de  la  Tamise  à  Londres ,  et  quant  li  vassiel  furent 
cargiet  de  tout  ce  que  il  lor  besongnoit,  il  entrèrent  dedens, 
et  quant  tout  i  furent  entré,  il  desancrèrent,  et  vinrent  de 
celle  marée  jésir  devant  Oravesaindes.  A  Fendemain,  il  s'en 
départirent  quant  la  mer  tu  revenue,  et  vinrent  devant  Mer- 
gate  et  là  ancrèrent  et  Airent  deus  jours,  car  il  avoient  vent 
trop  contraire  pour  entrer  en  la  mer.  Au  tierch  jour,  li  vens 
lor  revint  :  si  désancrèrent  et  se  boutèrent  en  la  mer  et 
prissent  le  chemin  de  Flandres.  En  la  compagnie  dou  conte 
Derbi  estoient  li  contes  de  SufTorch ,  mesures  Renauls  de 
Qobehem,  messires  Rogiers  de  Biaucamp,  messires  Quillaumes 


DE  CAD2AND.  435 

Filfl'Warin,  li  siret  de  Bercler,  messires  Gautdès  de  Maoni, 
liqaeU  estoit  jà  moult  alos^  et  avoit  fait  des  ^rana  apertisses 
d'annes  oa  roiaulme  d*£seoce  et  le  tenoit  li  contes  à  compa^ 
gnon,  et  estoient  environ  six  cens  armeares  de  fier  et  deus 
mille  archiers  ;  et  8*en  vinrent  toat  nageant  par  mer  à  Taide 
de  Dieu  et  dou  vent,  et  vinrent  devant  Gagant  et  s'ordonnèrent 
pour  prendre  terre,  et  abaissièrent  les  veilles  et  se  missent  en 
ordenancë  de  bataille.  Ce  fu  la  nuit  Saint-Martin  en  ivier,  en 
l'an  de  grâce  Nostre-Signeur  mille  CCC.XXXVII.  Quant  les 
Englois  veirent  la  ville  de  Gagant,  où  il  tendoient  à  venir  et 
à  combatre  ceuls  qui  dedens  estoient,  si  considérèrent  que  il 
avaient  le  vent  et  la  marée  pour  euls ,  pour  lesquelles  coses 
il  estoient  tout   rea^oï.   Adont   ordonnôrent-il  lors   vassiaus 
et  missent  les  archiers  tous  devant  et  singlèrent  fors  viers 
la  ville.  Chil  qui  là  dedans  se  tenoient  en  garnison,  avoient 
veu  Tordenance  sus  la  mer  comment  la  navie  tiroit  à  venir 
sus  euls  et  pensèrent  bien  que  c^estoient  gens  qui  les  venoient 
combatre.  Si  sonnèrent  lors  trompètes,  et  s'armèrent  et  appa- 
ri)lièrent  toutes  gens  et  se  missent  en  ordenance  de  bataille, 
et  là  estoient  des  chevaliers  de  la  conté  de  Flandres  auquns 
et  tels  que  messire  Guis  de  Flandres,  frères  bastars  au  dit 
conte,  et  dalés  li  messires  Simons  et  messires  Jebans  de 
Bruquedent,  messires  Jehans  nommés  Dncres  de  Halluin,  mes- 
sires Jehans  de  Rodes,  messires  Gilles  de  le  Trief ,  messires 
Pierres  dlppre,  messires  Lois  ViUains,  messires  Pierres  d'En* 
glemoustier,   messires  Baudoins  Bamage,  messires   Robers 
Marescal,  messires  Ërnouls  de  Vers,  et  tant  que  il  estoient 
culs  sesse  chevaliers  tous  jones ,  hardis  et  appers  et  en  grant 
volenâ  de  euls   deffendre  et   de  garder  le  passage.    Evous 
venus  les  Englois  en  ordenance  de  bataille,  les  archiers  tous 
devant.  Quant  li  vassiel  aprochièrent ,  li  chevalier  qui  dedens 
Gagant  se  tenoient,  conneurent  que  chil  qui  les  venoient  com- 
batre ,  c'estoient  Englois ,  car  il  veirent  les  banières,  les  pen- 
nons  et  les  estrannières  des  lupars  d'Engleterre  qui  voloient 
amont  sus  ces  nefs  et  baulioienrt  au  vent.  Quant  li  Eng^ès 


4Ô0  COMBAT 

aprochièrent,  il  i  ot  grant  noise  de  trompâtes  et  de  cI&tod- 
chiaus.  Dont  commenchièrent  archier  à  traire  de  grand  raii- 
don  et  ensonnjer  gens  et  gens,  d'armes  entre  euls  apro- 
chier  pour  prendre  terre.  Là  ot  fort  hustin  et  dur,  et  traioient 
arbalestrier  à  pooir,  mais  Englès  n'en  faisoient  compte,  car 
archier  sont  trop  plus  isniel  au  traire  que 'ne  sont  arbales- 
trier ;  et  furent  en  cel  estât  un  grant  temps ,  et  tant  que  la 
mer  fu  toute  retraite  et  que  les  yassiaus  d'Engletefre  démo- 
rèrent  tout  aresté  sus  le  sabelon.  Adont  i  ot  grant  bataille  de 
toutes  pars ,  et  là  furent  11  contes  Derbi  et  messires  Gautier^ 
de  Mauni  très-bon  cheyalier  et  y  fissent  pluisseurs  graLs 
apertisses  d^armes.  A.  voloir  prendre  terre  en  Tille  de  Gagaînt  fu 
la  bataille  dure  et  fièro,  car  11  Flamens  qui  là  estoient  et  qui 
la  ditte  ville  avoient  en  garde,  s'aquittoient  loiaument  don 
deffendre,  et  li  Englois  de  Tasallir.  Au  voir  dire,  li  archier 
ensonnioient  trop  grandement  les  asallans  et  deffendans  Fis- 
mens,  et  furent  en  cel  estât  bien  quatre  heures  tousjours  def- 
fendans et  asallans.  Finablement  11  Flament  ne  peufent  porter, 
ne  soustenir  le  faix,  ne  la  force  des  Englois,  et  requièrent,  et 
entrèrent  li  dit  Englois  en  la  ville  et  le  conquissent  et  tous 
oeuls  qui  dedens  estoient,  et  en  i  ot  biaucop  de  pris  et  de  mors, 
et  furent  pris  messires  Guis  de  Flandres  et  jusques  à  douse 
chevaliers  et  bien  trente  esquiers  tous  gentils  hommes,  que  âo 
Flandres,  que  d'Artois,  et  i  ot  grande  occision  des  aultres 
hommes,  et  les  caçoîent  les  Englois  jusques  à  la  mer  et  les 
faisoient  sallir  dedens,  et  jilus  chier  il  s'avoient  à  no^er  que  à 
morir  de  glave.  Ensi  vont  les  aventures  d'armes  et  les  for- 
tunes :  petit  recouvrier  i  a  en  gens  desconfis. 

Quant  les  Englois  furent  signeur  de  l'iUe  et  de  la  ville  d<' 
Gagant,  il  la  fustèrent  et  coururent  toute  et  puis  boutèrent  U- 
feu  dedens,  quant  il  s'en  deurent  partir,  et  rentrèrent  en  loi  s 
vassiaus,  et  dormirent  là  à  lautretant  et  si  longuement  qur 
vens  lor  revint,  et  bien  le  sa  voient  chil  de  Bruges,  dou  Dan  <  t 
de  l'Esduse,  mais  il  estoient  tout  resjoj  de  che  que  on  lor  avoii 
délivré  le  passage  de  oeuls  qui  trop  longuement  Tavoient  tenu. 


DE  cadzaud.  4Tr 

Quant  li  Eu^lois  orent  vent  pour  ceminer,  il  se  désaucrèrent 
de  là  et  retournèrent  Tiers  En^leterre  et  enmenèrent  lor  butin 
et  lors  prisonniers,  et  fissent  tant  par  Tesploit  dou  yent  que  il 
entrèrent  en  la  rivière  de  la  Tamise  et  prissent  terre  au  quai  à 
Londres,  et  acquist  li  jones  contes  Henris  Derbi  en  sa  nouvelle 
chevalerie,  grant  grasce  et  grant  renommée  de  celle  besongne, 
ot  aussi  fissent  tout  chil  qui  avoecques  li  avoient  esté  et  par 
espécial  messires  Gautelès  de  Mauni. 


Apriës  le  desconfiture  de  Gaiant,  ces  nouvelles  s'espan- 
dirent  en  pluisseurs  lieux.  Si  en  furent  chil  de  le  partie  le 
conte  eourouchiet  et  chil  de  le  partie  le  roy  d'Engleterre 
tout  joiant,  et  disoieut  bien  cil  de  Flandres  que  sans  raison, 
ne  leur  volonté,  li  contes  les  avoit  là  mis,  et  eurent  advis  en 
Flandres  li  conssaulx  des  bonnes  villes  par  le  pourkach  et 
enort  de  Jaquemon  Dartevelle  que  il  envoieroient  XII  bour- 
gois  des  YI  meilleures  villes  de  Fland)res  deviers  le  roy 
d*Engleterre,  escuser  le  pays  de  cette  besoingne  de  Gaiant 
et  que  nullement  il  ne  se  consentirent  oncques  que  là  il  se 
tenissent  de  leur  accord,  et  plus  avant  se  plest  au  roy  d'En- 
gleterre  ariver  en  Flandres,  où  que  soit,  il  en  seront  tout 
joiant  et  li  presteront  et  ouvreront  le  pays  pour  passer, 
séjourner,  demourer,  partir  et  retourner  par  payer  touttes 
coses  dont  il  en  seront  servi  et  aisiet.  Chil  XII  uourgois 
partirent  enformet  et  adviset  sus  le  maliniëre  que  j'ay  dit, 
et  vinrent  en  Engleterre  et  trouvèrent  le  roy  adont  à  Eltem, 
liquels  les  rechupt  assés  ^  liement  ',  car  il  en  quidoit  grande- 
ment mieux  valloir  *  ensl  qu'il  fist,  et  li  dissent  comment 
Jacquèmes  Dartevelle  et  tous  li  espëcial  conssaulx  de  Flan- 
dres se  recommandoient  à  lui  et  s'escusoient  de  le  ville  de 

'*  Honnourablement.  —  '  De  leur  veoue. 


438  AKBÀWADS  FLAMAIIDE 

Gaiant  et  des  gens  d*arines  qui  trouvât  y  avoient  estet,  que 
ce  n*avoit  point  estet  li  fais,  ne  li  acors  dou  pays  de  Flan- 
dreSf  mes  dou  conte  seulement  et  dou  roy  de  Franche.  Que 
vous  feroie-je  long  compte  ?  Tant  parlèrent  et  si  bellement 
et  si  sagement  remonstrërent  '  leur  messaige  '  que  li  roys 
s'en  contenta  et  leur  respondi  que  dedens  le  jour  dou  Noël 
prochain  venant,  il  seroit  en  Anwers,  (car  là  faisoit-on  ses 
pourvéanches),  si  y  amenaissent  le  conte  le  seigneur  deviers 
lui  pour  savoir  quel  cose  il  voUoit  faire,  ou  que  li  pays  de 
Flandres  fust  tellement  advisés  et  conseilliés,  se  li  contes 
n*y  voUoit  estre,  que  jà  pour  ça  ne  demorast  que  il  ne  fuis- 
sent leurs  boins  amis  '  et  il  dounoit  parmy  tant  ^  respit  ^  à 
tous  aHans  et  à  tous  venans  jusques  au  premier  jour  de 
jenvier  *.  Ensi  le  raportërent  li  XII  bourgois  à  Jacquemon 
Dartevelle  et  au  consseil  des  bonnes  villes  de  Flandres  en  le 
ville  de  Gand.  Si  en  furent  tout  liet  ^  quant  il  seurent  que 
K  roys  d'Engleterre  passeroit  et  supposèrent  asses  que  il  le 
trouveroient  tretable  et  aimable  *  ;  mes,  qui  en  fuist  lies,  li 
contes  de  Flandres  n*en  eult  point  de  joie. 

Sie.  réd.  —  Apriès  le  desconfiture  de  Gagant,  ces  nouvelles 
8*espandirent  en  pluiseur  licus  :  si  en  furent  cil  de  le  partie  le 
roy  dT^ngJeterre  tout  joiant,  et  cil  de  le  partie  dou  conte  de 
Flandres  tout  courouciet,  et  disoient  bien  cil  de  Flandres  que  sans 
raison  hors  de  leur  conseil  et  volenté,  li  contes  les  avoit  là  mis. 
Si  se  passa  ensi  ceste  cose.  Qui  plus  y  eut  mis,  plus  i  eut  perdut, 
fors  tant  que  Dartevelle,  qui  avoit  sounnonté  tous  ohiauls  de 
Flandres  et  en  avoit  pris  le  gouvernement,  ne  vosist  nullement 
que  la  besongne  se  fust  aultrement  portée.  Si  envoia  tantost  ses 
messages  en  Engleterre  devers  le  roy  Édowart,  en  lui  recom- 

*-•  Leara  betoagnes.  —  •  Et  il  seroit  à  eolx.  —  ^-*  Trieuwes.  — 
*  Enii  furent  d'accord  et  s'en  partirent.  ~  ''-*  En  espérant  de  Tenir 
à  leor  intention  des  marcktadÎMa. 


EN  ANGI^ETERRB.'  430 

mandant  de  ooer  et  de  foj .  eft  li  segnefla  que  en  avant  ii  li 
oonsiUoit  qu*il  passast  le  mer  et  Teniet  en  Anwiers,  par  qaoi 
il  a  aqointaet  dea  Flamens  qui  moult  le  déairoient  à  yeoir,  et 
gupposoit  assés  que,  s*il  estoit  par  deçà  le  mer»  ses  beeongnes 
en  seroient  plus  dères  et  en  prenderoit  grant  prouflt. 

Quatr,  réd.  —  Or  s^espardirent  ces  noaveUes  en  Flandres, 
en  France  et  ailleurs,  que  chil  qui  en  garnison  8*estoient  tenu 
un  grant  temps  en  Tille  de  Qagant»  estaient  tout  desconû  et  la 
ville  tellement  arse  que  on  ne  se  savoit  où  retraire  :  U  contes 
de  Flandres  en  fu  durement  courouchiés  et  Jaquèmes  DarteveUe 
et  tout  chil  de  sa  soeste,  resjoj. 

Pour  ce,  se  Tille  de  Oagant  fu  délivrée  des  flamens  cheva- 
liers et  esquiers  qui  gardé  Tavoient  un  loncb  temps  au  coi^t- 
m^dement  dou  conte  de  Fandres,  ne  se  retourna  pas  si  tos  li 
wagnages,  ne  la  marceandise  ou  pals  de  Flandres,  car  Jaquèmes  - 
Dartevelle  i  mist  empecement,  je  vous  dirai  comment.  Voira  est 
que  li  englois  marceant,  liquel  avoient  sus  le  quai  à  Londres  et 
ailleurs  pluisseurs  nombres  de  sas  de  lainnee,  em  désiroient  à 
avoir  lor  délivrancbe  pour  atraire  à  euls  les  deniers.  Aussi  li 
maroeant  de  Flandres  et  de  Braibant  et  U  drapier  les  déairoient 
à  avoir  et  à  acater  pour  faire  ouvrer  et  mettre  en  la  draperie, 
enai  que  usages  est  que  tout  païs  vivent  et  s^estofent  et  gouver- 
nent Tun  de  Tautre;  et  tout  ce  sentoit  (et  savoit  bien  de  la  néces- 
sité) Jaquèmes  Dartevelle,  et  tantos  apriès  la  bataille  de  Oagant, 
il  escripsi  au  roi  d'Engleterre  et  son  conael  que  point  ne  ae 
hastassent  de  envoyer  en  Flandres,  ne  à  TEaoluse  les  maroean- 
dises  d*Engleterre,  et  les  tenissent  encorea  closes  jusquea  A  tant 
que  on  aueroit  aultrea  nouvelles  de  li.  Li  rois  d*Engleterre  et 
ses  consauls  qui  se  voloient  rieuler  de  tous  poina  par  sen  <Nrde- 
nanoe,  entendirent  à  ces  lettres  et  segn^anœs  dou  dit  Darte- 
velle pour  veoir  quel  cose  il  vodroit  dire  et  iaire.  Quant  chil  de 
Bruges,  dou  Dan,  de  TEscluse,  dlpre  et  de  Courtrai  et  dou 
tierroir  dou  Franc  voiront  que  la  mer  n*estoit  noa  plus  ouverte 
après  la  bataille  de  Oagant  comme  en  devant,  si  commenohièrent 


.i40  AMBASSADE  PLAMARDE 

à  murmurer  généraulment  et  à  dire  li  uns  à  Tautre  ens  es  villes  : 
€  Jaques  Dartevelle  nous  donnoit  à  entendre  que  il  avoit  le 
€  wagnage  de  la  draperie  en  la  main,  et  le  nous  feroit  avoir 
€  toutes  fois  quantes  fois  que  il  vodroit.  Nous  quidions  que  la 
1  maladie  jessist  dou  lés  deviers  Gagant  et  par  ceuls  qui  là  se 
1  tenoient  en  garnison.  Or  en  est  li  pas  délivrés,  et  se  ne  retourne 
t  point  la  marceandise  en  Flandres.  Ce  seroit  bon  que  on  alaat 
c  à  Gant  parler  à  lui  et  savoir  à  quoi  il  périst.  >  Sus  cel  estât, 
tout  s*acordèrent,  et  se  quellièrent  des  bonnes  villes  de  Flandres 
auquns  notables  hommes  et  vinrent  à  Gant  et  parlèrent  à  Dar- 
tevelle et  proposèrent  toutes  les  paroles  desus  dittes.  Il  respondi 
à  celles  et  dist  :  t  II  est  vérité  que  je  di  ensi  et  encores  le  di-je. 
f  Se  vous  volés  que  li  proufls  et  li  wagnages  vous  retourne,  il 
c  fault  que  vous  ajés  aliances  grandes  et  fortes  au  roi  d'Engle- 
«  terre,  dont  li  proufis  vous  puet  venir,  et  qui  vous  a,  des  enne- 
€  mis  de  la  mer  qui  se  tenoient  à  Gagant,  délivré  le  paVs  :  par 
€  celle  voie  Fai-je  toutdis  ensi  entendu  et  non  aultrement,  et 
«  se  vous  qui  chi  estes  envojet  de  par  la  grignour  partie  des 
«  bonnes  villes  de  Flandres,  volés  venir  avoecques  moi  en 
«  Engleterre  parler  au  roi  et  à  son  conseJ,  nous  esploiterons 
c  tellement  que  nous  remeterons  le  wagnage  et  le  proufit  ou 
c  pai's  de  Flandres.  >  Dont  respondirent  11  plus  sage  de  la  com- 
pagnie et  dissent  :  t  Sire,  nous  ne  sommes  pas  cargiet  si  avant 
€  que  nous  vous  acordons  le  voiage.  Nous  retournerons  casquns 
c  en  sa  ville  et  meterons  les  bonnes  gens  ensamble  et  leur  recor- 
€  derons  ce  que  nous  avons  oj  de  vous  ;  et  co  que  il  en  vodront 

<  faire ,  on  le  vous  segnefiera  et  bien  briefment.  »  —  t  A  la 

<  bonne  heure,  »  respondi  Dartevelle.  Il  prissent  congiet  ;  il  se 
«lépartirent  de  Gand  et  retournèrent  casquns  en  lors  lieu»  et 
missent  les  consauls  des  bonnes  villes  ensamble  et  repaons- 
trèrent  tout  ce  que  vous  avés  oy,  Euls  consilliés  bien  et  par 
.rrande  délibération  et  pour  le  commun  proufit  de  Flandres, 
:ivc»eoque*  ce»  que  li  contes  estoit  trop  grandement  haïs  ou  païs 
tant  pour  Tamour  dou  signeur  CouHrissien  lequel  il  avoit  fait 
déeoler  que  pour  auj^res  souflissans  hommes,  ens  es  bonnes  villes 


EN  ANGLETERRE.  441 

accordé  et  ordonné  fu  que  avoecques  Jaquemon  Dartevelle,  de 
toutes  les  bonnes  villes  de  Flandres  iroient  en  Engleterre  deus 
hommes,  et  chil  qui  là  seroient  envojet  prieroient  au  roi  d'En- 
gleterre  que  les  marceandises  des  lainnes  lesquelles  lor  sont 
moult  nécessaires,  il  vossist  consentir  que  elles  retournassent 
en  Flandres,  tant  que  il  en  fuissent  aisiet  et  servi,  ensi  que  dou 
temps  passé  avoient  esté;  et  il  tenroient  généraument  par  toute 
Flandres  Fordenance  et  le  trettié  que  chil  de  Oand  avoient  juret 
à  tenir  et  proumis  par  lettres  et  séelés  à  Tévesque  de  Durem  et 
à  ses  commis,  quant  darrainement  il  furent  à  Gand.  Sus  cel 
estât,  s'ordonnèrent  chil  qui  esleu  furent,  dealer  en  Engleterre 
avoecques  Jaquemon  Dartevelle,  et  li  dis  Dartevelle  estoit  jà 
tout  pourveus  de  son  estât  grant  et  estofé  aussi  bien  comme 
uns  contes,  et  s'en  vint  à  Bruges  et  fu  là  requelliés  ensi  comme 
uns  sires  dou  païs.  Tout  li  aultre  bourgois  des  bonnes  villes  de 
Flandres  vinrent  à  Bruges  et  là  s'asamblèrent,  et  quant  tout 
furent  venu,  il  vinrent  à  l'Escluse  et  trouvèrent  deus  vassiaus 
tout  près  pour  euls  porter  et  deus  hoquebos  pour  lors  pour- 
véances.  Si  entrèrent  ens  es  dis  vassiaus  et  se  désancrèrent  et 
se  départirent  de  TEscluse  et  esploitièrent  tant  à  Taide  de  Dieu 
et  dou  vent  que  il  entrèrent  en  la  Tamise  et  vinrent  à  Londres 
et  issirent  sus  ïe  quai  hol's  de  lors  vassiaus  et  se  logièrent  tout 
à  lor  aise  en  la  rue  de  la  Réole.  Pour  ces  jours  se  tenoient  li 
rois  et  la  roine  à  Eltem,  à  sept  lieues  englesces  de  Londres, 
liquel  furent  tantos  enfourmé  de  la  venue  des  Flamens.  Li  rois 
qui  désiroit  à  savoir  lor  entente  et  pourquoi  il  estoient  venu, 
lor  segneâa  que  il  venissent  parler  'à  lui  et  si  escripsi  et  en  voia 
ses  lettres  et  ses  messages  deviers  son  consel  et  lor  manda  que 
tantos  et  sans  délai  il  venissent  à  Londres.  Jaquèmes  Dartevelle 
<;t  li  Flamench  vinrent  à  Eltem  tout  premièrement  veoir  le  roi 
(ît  la  roine,  liquel  les  requillièrent  moult  courtoisement,  et  là 
lor  remonstra  11  dis  Jaques  en  la  présence  de  tous  ses  compa- 
^^nons  ce  pour  quoi  il  estoient  venu  et  là  estoient  envojet,  et 
prioient  les  communautés  des  bonnes  villes  de  Flandres  que  ce 
l'ust  la  plaisance  et  facort  dou  roi  que  Testaple  et  la  marcean- 


44S  A1IBA8SAIMB  WhàMUO»  BN  AHGUBTERftE. 

dise  ded  laûmM  peiiMyeiûr  aa  FUndres,  «ui  que  «nltr#  Ibii 
«Toit  fait.  lÀ  roia  respondi  &  oe  et.dist  (^  il  en  aaeroit.  avît et 
Qonael  et  en  seroient  de  br  demande  et  requeste  respondn 
dedens  un  jour  que  il  lor  nosuna  et  seroit  la  responae  faite  ens 
ou  palaia  de  Wesmoostier,  De  œs  pardes  il  ae  contentèrent 
8396(9.  Si  disnèrent  ce  joor  tout  dul  Flamenc  en  la  cambre  doa 
rvH  et  de  la  roine»  et  lor  fu  monetrée  larplus  gnuat  amour  comme 
on  pot  et  par  espédal  A^Jaquemon  Darterelle»  car  luen  lentoient 
U  roia  et  la  roine  que  il  eetoit  toue  souyerains  des  aultree  et 
auesi  que  de  bonne  amour  il  les.  amoit»  et  parla  aussi  li  rois  à  ti 
ài  pari  de  pluisseurs  coses,  et  DarteTcUe  qui  yoloit  l'augmenta- 
tion dou  roi  d'Bngleterre^  li  remonstra  tout  bellement  la  voie  et 
la  manière  comment  il  poroit  entrer  en  la  grasce  dou  pais  de 
Flandres  aToeoh  ce  que  il  i  rendoit  et  renderoit  grant  painne. 
Quant  il  orent  assés  parlé  ensemble,  U  Flament  prissent  congiet 
pour  celle  heure  et  retournèrent  à  Londres,  et  étendirent  que  li 
rois  vint  à  Wesmoustier,  et  que  tous  ses  consauls  fu  venus  à 
Londres.  Adont  furent  li  Flamens  mandé  au  palais  :  il  vinrent. 
Là  furent  oj  de  toiit  ce  que  il  vodrent  dire  ;  il  furent  respondu 
si  courtoisement  que  il  s*en  contentèrent,  car  il- empêtrèrent 
tout  ce  que  il  vodrent  avoir,  et  aussi  il  proumissent  au  roi  là 
ou  cas  que  il  vodroit  passer  la  mer  à  une  quantité  de  gens 
d'armes  et  d'archiers,  il  seroit  requeUiés  en  Flandres  bellement 
et  doucement,  et  se  li  dus  de  Braibant,  son  cousin,  et  11  contes 
de  Guerlles  son  serourge  et  li  marquis  de  JuUers  et  les  Alemans 
qui  avœcques  lui  s'edtoient  aljet,  voloient  desfjer  le  roi  de 
France,  il  trouveroit  les  communautés  de  Flandrea  tout  appa- 
riUlet  pour  aler,  fust  devant  Tournai  ou  Cambrai,  là  où  il  les 
vodroit  mener.  Li  rois  d'Engleterre,  qui  très-grant  désir  avoit 
de  faire  son  emprise,  les  oy  volontiers  parler,  et  les  remercia  et 
lor  dist  que  sans  faute  dedens  la  Saint-Jehan-Baptiste  il  seroit 
oultre  la  mer.  Ënsi  se  portèrent  ces  ordenances  :  li  Flamens 
eurent  dou  roi  tout  ce  que  il  désiroient  à  avoir,  et  retournèrent 
arrière  en  Flandres  et  i  reportèrent  le  wagnage,  car  la  mer  fu 
ouverte^  et  vinrent  les  lainnes  en  Flandres,  à  rSsduse,  au  Dam 


iDOUARD  m  À  ANTIIS.  443 

et  à  firuges,  et  là  las  venaient  querre  et  aoater  U  maroeant  drm- 
pier  de  Braibant  et  tout  ehil  qui  les  Toloieat  ayoir. 


^  Sus  Testât  et  ordonnança  que  li  rois  d*EnglBterre  avoit 
respondut  as  bourgois  de  Flandres  s*apresta-il  '»  et  jà 
estoient  ses  pourrëances  faites  en  Anwiers,  car  il  dësiroit 
là  venir  pour  savoir  bien  parfaitement. Vintention  don  doeh 
de  Braibant,  son  cousin,  dou  duch  de  Guéries  et  de  celi  de 
Jullers  et  des  Alemans.  Si  se  ponrvei  et  se  parti  d^ngle- 
terre  en  bon  aroy,  le  royne  avoecq  lui,  qui  toutte  enchainte 
estoît,  messires  Robiers  d'Artois,  li  contes  Derbi,  li  contes 
de  Warvich,  li  contes  de  Pennebrucq,  li  contes  de  Sufforch, 
li  contes  d*Arondiel,  li  contes  de  Kent,  li  ëvesques  de  Lin- 
colle,  li  évesques  de  Durem,  messires  Regnaus  de  Gobehen, 
messires  Ricbars  de  Stanfort,  li  sires  de  le  Ware,  messires 
Guillaummes  Fils-Warine,  li  sires  de  Biaucamp,  messires 
Gantiers  de  Mauni,  li  sires  de  Ferriëres,  messires  Phe- 
lippe  de  Hastingues,  li  sires  de  Basset,  li  sires  de  Willebi, 
li  sires  de  Brasseton  et  '  pluiseurs  autres  ^,  et  eurent  vent 
à  souhet  et  arivërent  ou  havène  de  Anwiers  environ  le 
Saint-Obert  et  Sainte-Luce.  Et  quant  on  sent  que  il  estoit 
arivet,  si  le  vinrent  veoir  *  gens  de  tous  les  •  pour  concevoir 
son  estât  et  lui  apprendre  à  congnoistre.  ^  Si  le  festyèrent 
et  requeillièrent  grandement  baron,  chevalier  et  toute  man- 
nières  de  gens  qui  avoient  faveur  à  lui  ou  penssoient  à 
avoir  '. 

Sec.   réd,  —  Li  rois  englès  entendi  volentiers  as  paroUes 

*-*  Le  roj  d*EDgleterre  ordonna  de  ses  affaires,  car  moolt  dësiroit 
d*aler  oultre.  —  *-*  Et  plenté  d^aultre  cheTalerie.  —  •■•  Gens  et  sei- , 
gneors  de  moult  de  lieux.  ^  ^-^  Et  fu  reehns  moult  grandement,  et 
par  espMal  de  oeolx  qui  tendoieiit  à  mieulz  iwkir  de  sa  ▼eniie. 


444  éDOVARD  m  a  anvbrs., 

de  Jakemart  d'Artevelle,  et  fist  faire  ses  pourvéances  grandes 
et  grosses,  et  tantost  que  cil  yviers  fu  passés,  à  Festé  ensiewant 
il  monta  eh  mer,  bien  acompagniés  de  contes  et  de  barons,  et 
d*aultpe  chevalerie,  et  passa  le  mer  et  arriva  en  le  ville  de 
Anwiers  qui  adont  se  tenoit  pour  le  duc  de  Braibant.  Sitost 
c'on  sceut  qu'il  estoit  descendus  en  Anwiers,  gens  vinrent 
de  tous  costés  pour  lui  veoir  et  considérer  le  grant  estât  qu'il 
maintenoit. 

Q^r.  réd.  —  Tout  cel  ivier,  ordonna  li  rois  d'Engleterre  ses 
pourvéances  grandes  et  grosses,  et  quant  ce  vint  à  Testé  que  on 
compta  en  Tan  de  grâce  Nostre-Signeur  mil  CCC.XXXVIII, 
environ  la  Saint-Jehan-Baptiste,  il  prist  congiet  à  la  roine 
Phelippe  sa  femme,  et  li  ot  en  convenant  par  sa  foi  que  se  il 
veoit  que  séjourner  le  convenist  longuement  par  deçà  la  mer, 
que  il  la  remanderoit.  La  bonne  dame  s'apaissa  sur  ce  et 
demora  à  Windesore  et  là  tint  son  hostel  et  jà  avoit  son  fil 
qui,  portoit  le  nom  dou  père  Edouwart,  et  fu  puis  princes  de 
Galles,  et  demora  la  roine  ençainte  et  presque  sus  ses  jours  : 
ce  fu  de  une  fille  qui  ot  nom  Issabiel  et  puis  fu  dame  de  Couci, 
ensi  que  vous  orés  recorder  avant  en  Tistore.  Quant  tout  chil 
que  li  rois  voloit  mener  avoecques  lui  furent  venu  à  Londres, 
et  la  navie  toute  preste  et  chil  ordonné  qui  garderoient  le  païs 
et  la  frontière  d'Escoce,  Ir  rois  entra  en  son  vassiel  et  tout  li 
aultre  entrèrent  ens  es  vassiaus  qui  estoient  ordonné  pour 
euls,  sus  la  rivière  de  la  Tamise.  Si  levèrent  li  maronnier  les 
voilles  et  sachièrent  les  ancres  à  mont  et  se  départirent  dou 
havène  de  Londres  et  entrèrent  dedens  la  mer  et  avoient  le 
vent  et  la  marée  pour  euls.  En  la  compagnie  dou  roi  avoit 
grant  foison  de  barons  et  de  chevaliers  d'Engleterre,  et  i  estoit 
messires  Robers  d'Artois  qui  toutes  ces  coses  avoit  atisies  et 
eslevées,  et  esploita  tant  ceste  navie  que  sans  péril  et  damage 
il  arivèrent  en  Anwiers  la  nuit  Saint-Jaque  et  Saint-Cristofle. 
Sitos  que  les  nouvelles  furent  sceues,  vinrent  signcurs  de  toutes 
pars  deviers  le  roi,  et  chils  qui  premièrement  i  vint,  ce  fu 


TRAITÉS  dJÉDOUARI)   III   AVEC   LA   FLANDRK.  445 

messires  Jehans  de  Hainnau,  dont  11  rois  11  sceut  grant  gré, 
car  par  li  et  par  son  consel  en  partie  il  se  voloit  ordonner. 
Apriès  vint  11  dus  de  Braibant,  son  cousin  germain,  et  puis 
li  contes  de  Guéries  et  11  marchis  de  Jullers,  et  tout  chil 
signeur  vinrent  pour  veoir  le  roi  et  considérer  le  grant  estât 
qu'il  tenoit. 

Assés  tost  apriès  che  que  li  roys  englès  fù  arivës  en 
Anwiers,  la  royne  sa  femme  ajut  d'un  fil  qui  fu  appelés 
Lions,  et  y  eut  grant  feste  à  le  relevée  et  y  fut  11  contes  de 
Haynnau,  frères  à  le  royne,  messires  Jehans  de  Haynnau, 
oncles  de  la  dame  et  ^ue  li  roys  en  ce  tamps  amoit  moult, 
et  grant  plenté  de  chevalerie  de  Haynnau  *  qui  estoient  aies 
veoir  le  roy  et  le  royne  qu'il  n'avoient  veut,  trop  grant 
temps  avoit  *.  Endementiers  tretoit  Jacquèmes  Dartevello 
enviers  le  conte  de  Flandres  que  il  volsist  aviser  et  aler 
avoecques  '  son  plus  espëcial  consseil  deviers  le  roy  d'En- 
gleterre,  et  fesist  tant  que  il  demouraist  ses  amis.  ^  Mes  li 
contes  n'y  avoit  nulle  plaisanche,  ne  affection  de  venir,  ne 
d'aller  ^,  et  disoit  bien  que  pour  aperdre  toute  le  revenue 
de  Flandres ,  il  ne  s'aconvenencheroit  jà,  ne  aloieroit  au 
roy  d'Engleterre  pour  gheryer  le  roy  de  Franche  son  cou- 
sin *,  ne  le  royaumme,  et  se  doubta  li  contes  que  de  forcho 
on  ne  l'i  menast  et  li  fesist-on  faire  cose  dont  il  fuist  courou- 
ciés  apriès.  Si  se  parti  de  Flandres  et  enmena  le  contesse 
madame  Margherite  sa  femme  et  Loeis  leur  fil,  et  s'en  vînt 
'  en  France  *  dallés  le  roy  Phelippe,  *  qui  très-voUentier.s 
le  rechupt,  et  le  assigna  d'une  somme  de  florins  tous  les  mois 
H  recepvoir  pour  son  estât  tenir  et  aidier  à  parmaintenir  **'. 

<•*  Qui  moult  dësiroient  de  veoir  la  royne.  —  '  Son  pays  et.  - 
^'^  Mais  onques  le  conte  ne  8*i  volt  accorder.  —  *•  Qui  Tavoit  remis 
en  son  pays.  —  ^  •  A  Paris.  —  •**•  Qui  leur  fist  moult  graat  fe8t<s 
et  leur  il  prenderoient  finances  poor  lenr  estât  maintenir.  , 


446  TRAITÉS  d'Edouard  m 

Quant  cbil  de  Flandres  virent  que  li  contes  leurs  sires 
estoit  secrètement  partis  et  widié  le  contet  et  tret  deviers 
le  roy  de  Franche,  et  que(îl  n'avoit  nulle  volenté  de  estre 
de  Talianche  des  Englès,  si  se  conseillièrent  ensemble 
*  comment  il  poroient  persévérer  *,  et  eurent  acord  par  le 
consseil  de  Dartevelle,  qui  au  voir  dire  estoit  plus  favou- 
rables  au  roy  englès  que  il  ne  fuist  au  roy  de  Franche,  que 
il  s'en  yroient  bien  acompaigniet  des  plus  riches  et  honne- 
rables  bourgois  de  Flandres  deviers  le  roy  d'Engleterre 
qui  estoit  en  Anwiers,  ^  et  savoient  une  partie  de  son 
entente  *.  Et  s'en  vint  adont  Dartevelle,  lui  acompaigniés 
>  de  LX  bourgeois  des  plus  grands  de  Flandres  en  Anwiers 
deviers  le  roy  qui  ^  liement  rechupt  Dartevelle  et  tous  les 
autres  pour  l'amour  de  lui,  car  on  li  avoit  bien  dit  qu'il 
estoit  souverains  en  Flandres  et  que  deseure  lui  n'y  avoit 
nul  plus  grant.  Pour  ce  le  festia  et  requelli  li  roys  amia- 
blement  et  li  dist  que  pour  l'amour  de  lui  toute  Flandres 
en  vauroit  mieux.  •  Et  rendi  "^  là  adont  li  roys  d'Engleterre 
as  Flammens  l'estaple  et  le  marchandise  des  lainnes  que  jà 
leur  avoit  tolut  plus  de  trois  ans,  parmy  tant  que  il  pooit 
et  tout  li  sien  aller  armet  et  désarmet  parmy  le  conté  de 
de  Flandre  et  ariver  où  qu'il  li  plairoit.  Et  de  ce  furent 
faittes  lettres  séellées  dou  roy  et  des  bonnes  villes  de  Flan- 
dres. Encorres  requis t  li  roys  as  Flammens  que  il  volsissent 
avoecq  lui  gheryer  le  royaumme  et  entrer  en  Tournésis  et 
en  le  castellerie  de  Lille  et  de  Douay  et  ardoir;  mais  li 
Flammens  s'escusèrent  à  ce  dont  au  roy  d'Engleterre  et 
dissent  que  il  estoient  si  fortement  obligé  enviers  le  roy  de 
Franche  que  il  ne  le  pooient  grever,  ne  entrer  de  fet  en  son 

*•*  Comment  ils  se  maintenroient.  —  *~*  A  saroir  Tintencion  du  roy. 
—  •  Moult.  ^  •-'  Et  tant  eurent  de  traitië  et  de  parolles  ensemble  que 
le  roj  leur  reodj. 


AVEC   LA  PLAlOmE.  447 

rojaomme,  que  il  ne  faissent  attaint  (Tone  si  graiit  somme 
de  florins  '  que  à  malaise  en  poroîent-il  flner  *,  et  le  priè- 
rent que  ce  li  yolsist  souffire  jusques  à  une  autre  fois  qu'il 
y  aroient  mieux  cause.  Et  li  roys  '  s*en  appaisa  ^,  et  leur 
donna  au  partir  grans  dons  et  biaux  jeuiaux;  et  ossi  flst  li 
royne.  Si  se  partirent  li  Flammencq  et  s*en  rallërent  cha- 
cun en  leurs  lieux  et  Jaquèmes  Dartevelle  revint  à  Gand, 
qui  souvent  alloit  et  yenoit  jusques  en  Anwiers  viseter  le 
roy  Édouward  et  li  proummettoit  qu'il  le  feroit  seigneur  de 
Flandres,  et  quoyque  li  Flammencq  ^  desîssent  mainte- 
nant *,  se  li  feroit-il  avoir  C  tous  armés,  ^  quant  il 
voroit  *,  pour  ardoir  sus  le  royaumme  auquel  lés  que  U 
plairoit,  de  quoy  li  rois  d'Engleterre  avoit  grant  joie  et  atai- 
doit  de  lui  grant  confort  et  ossi  de  tout  le  pays  de  Flandres. 
Moult  *  estoit  chils  Jaquëmee  Dartevelle  prochains  et 
*  amis  ^^  douroy  d'Engleterre,  cremus  et  doubtés  par  toutte 
Flandres  ;  car  depuis  que  li  contes  en  fu  partis,  ensi  comme 
vous  avés  oyt,  il  y  resgna  comme  sires,  et  n'y  avoit  avant 
lui  nul  plus  grans  seigneurs,  et  tenoit  grant  estât  et  puis- 
sant entre  le  ville  de  Gand,  et  tfvoit  '^  pluiseurs  variés  et 
saudoyers  "  pour  son  corps  garder  et  à  ses  gaiges,  dont 
chacun  avoit  le  jour  IIII  gros  compaignons  de  Flandres,  et 
estoient  payés  de  sepmaine  en  sepmaine,  et  ossi  avoit-il  par 
touttes  les  villes  et  les  castelleries  de  Flandres  sergians  et 
saudoyers  à  ses  gaiges  *'  pour  faire  ^^  tous  ses  commande- 
mens  et  espyer  et  savoir  s'il  y  avoit  nulle  part  nullui  qui 
fuist  rebelles,  ne  contraires  à  lui,  ^'  ne  qui  desist,  ne 
enfourmast  nullui  contre  ses  fës  ",  ne  ses  vollentés.  Et  si 

«-*  Qu«  à  paines  en  poroit  tout  le  paja  £iier  —  ^-^  S^en  tint  content. 

—  •  •  S^eacuMÛMeat.  —  ^-^  Quant  beeoini:  lui  teroit.  —  •-*•  Bien  amés. 

—  ti.ii  pi^^  d^  «odoier».  —  «»  «*  Qui  faîmeat.  —  «»-"  Ne  qui  mur- 
muraiatent  contre  eet  fiûa. 


448  TRAITÉS   n'ÉDQUABD   Ht  AVEC   LA   FLANDRE. 

tost  ^  qu*il  en  savoit  *  aucuus  en  une  ville ,  il  ne  cessoit 
jamës  si  l'euist  banit  ou  fait  tuer  sans  déport,  jà  chils  ne 
s*en  peuist,  ne  seuist  si  bien  garder;  et  ^  meysmement  * 
tous  les  plus  puissans  de  Flandres,  chevaliers  et  escuyers 
^  et  bourgeois  des  bonnes  villes  ^'^  que  penssoit  qu'il  fuissent 
favourable  au  conte  en  aucune  piannière  \  ^  il  les  banissoit 
de  Flandres  *®  et  levoit  le  moitiet  de  leur  revenu  et  laissoit 
l'autre  moitiet  pour  le  douaire  et  gouvernement  de  leurs 
femmes  et  enfans,  et  cbil  qui  en^i  estoient  banit,  desquels 
il  estoit  grant  fuison,  se  tenoient  à  Saint-Omer  li  plus,  et  les 
apelloit-on  les  avoullés  ou  les  outre-avoullés.  "  Briefment 
à  parler  il  n*eut  oncques  en  Flandres ,  ne  en  autre  pays, 
conte,  duc,  prinche,  ne  autre  qui  peuist  avoir  ung  pays  si 
à  se  vollenté  comme  chils  avoit  et  eult  le  tierme  de  IX  ans 
ou  environ  le  pays  de  Flandres  ".  Il  faisoit  lever  les  rentes, 
les  tonlieux  et  les  winages,  les  droitures  et  touttes  les 
revenues  que  li  contes  devoit  avoir  et  qui  à  lui  dévoient 
appertenir,  quelle  part  que  ce  fuist,  et  touttes  les  maletotes. 
Si  les  despendoit  à  se  vollenté  et  en  donnoit  où  il  lui  plai- 
soit,  sans  rendre  nul  compte,  et  quand  il  volloit  dire  que 
argens  li  falloit,  on  l'en  créoit  et  croire  convenoit,  car  nuls 
n'osoit  dire  à  l'encontre.  Et  quant  il  en  volloit  emprunter  à 
aucuns  *^  bourgois  sus  le  paiement,  il  n'estoit  nuls  qui  li 
osast  escondire  à  prester.  "  Ensi  estoit-il  fortunés  de  ses 
besoingnes  ".  

Vous  avés  bien  oy  chy  dessus  recorder  comment  li  roys 
de  Franche  avoit  mandet  et  escript  au  conte  de  Haynnau  et 

*•*  Qu'il  en  y  avoit.  —  '  *  Espécialment.  —  **  Et  toutte  puissant 
gens.  —  '-'  Puis  qu'ils  avoient  point,  ne  pau  d'amour  au  conte  et  non 
à  luy.  —  •  **^  Et  en  y  eut  moult  de  banis  —  ***•  On  ne  trouve  que  nuls 
prinches  ait  pays  si  à  sa  voulenté  que  celui  Teut,  le  terme  de  neuf 
ans.  —  ^'Puissant.  —  ^*-**  Si  fort  estoit-il  fortunés  pour  ce  temps. 


P0URPARLBR8  D'ÉDOUàRD  HI  BT  DE  SES  ALLIÉS.  449 

au  duch  de  Braibant  que  nulles  alianches  il  n'euissent  au 
roy  d'Engleterre,  et  se  il  les  y  avoient,  il  leur  arderoit  leur 
pays.    ^  Nonobstant  ce  que  cil   seigneur  s'escusaissent 
daviers  le  roy  de  Franche,  si  estoient-il  as  parlemens  '  le 
roy  d*Engleterre,  et  par  espëcial  li  ducs  de  Braibant,  car  il 
s*estoit  jà  aconvenenchiës  au  roy  d*EngIeterre,  mais  li  jones 
contes  de  Haynnau  non,  et  '  disoit  bien  que  il  ne  ghëriroit  jà 
le  roy  de  Franche  son  cher  oncle,  ^  se  il  ne  li  faisoit  des- 
plaisir devant  ^.  Or  envoya  li  ducs  de  Braibant  ung  sien 
chevalier,  monsigneur  Loys  de  Cranhem,  sage  homme  dure- 
ment et  bien  enlangagiet  pour  lui  escuser  de  l'information 
que  li  roys  de  France  pooit  avoir  sour  lui,  et  disoit  ensi  li 
dus  de  Braibant,  par  le  bouche  de  son  chevalier,  que  nulle- 
ment il  ne  voroit  faire,  ne  pensser  contre  le  roy  de  Franche 
^  riens  qui  à  dammaige,  ne  à  préjudisce  lui  peuist  tourner, 
ne  à  son  royaumme  '';  mes  li  roys  d*Engleterre  estoit  ses 
cousins  germains,  si  ne   li  pooit  mies  refuser  son  pays 
•  pour  aller  et  pourveir  et  pour  y  reposer,  puisque  il  payoit 
tout  bien  à  ses  bonnes  gens  ".  Ensi  se  dëtria  ceste  cose  ung 
grant  temps  et  tant  que  li  roys  d*Engleterre  assambla  ung 
grant  parlement  à  estre  à  Anwiei^,  et  y  furent  li  dus  de 
Braibant,  li  contes  de  Guéries  ses  serourges,  li  marchis  de 
Jullers,  li  contes  de  Clèves,  li  contes  de  Saumes,  li  marchis 
de  Blancquebourg,  li  sires  de  Fauquemont,  messires  Jehans 
de  Haynnau  ;  mes  li  contes  de  Haynnau  n*y  fu  point,  car  il 
dist  que  il  n'y  avoit  que  faire,  de  quoy  li  roys  de  Franche 
li  seult  grant  gret  de  ceste  excusanche. 

*'*  Nonobstant  ce,  se  estoient-il  si  enclins  devers  les  Englès  qu*ils 
estoient  souvent  aux  parlemens.  —  '  Où  il  en  estoit  requis.  —  ^*  S*il 
ne  lui  avoit  avant  méfait  devers  luy.  —  *-^  Au  desplaisir  du  roj  de 
France.  —  *>**  Pour  aler,  venir,  passer  et  repasser  parmy  enpaiant 
les  deniers. 

I.  —  FaoïssAar.  39 


450  M>llEPàEUttS  ^^ÈMKnàJKb  M 

Moalt  honnerablement  les  rechupt  li  ro}s  d^Engleterre  et 
festia  liemant  en  dianers  «et  «n  touttes  airtres  maunières, 
seloDcq  Tuaage  d'Engleterre.  <)aaiit  il  enreirt  estet  recbupit 
etfeatyet  tràs-grandement.  B  rois  se  traïst  à  consseil.  Si 
leur  remonsti»  moult  '  humblement  '  set  besoingnes  et 
vot  savoir  d*iaux  leur  certaine  «ntension  et'  leur  pria  que 
il  s'en  Tolsissent  délivrer  temprement  ^,  car  ^  pour  ce 
estoit-il  là  venut  et  avoit  ses  gens  tons  appareilliet  *  :  se 
li  tournèrent  à  grant  dammaige  m  il  ne  Ten  délivrercÂent 
appertemeirt.  Là  eurent  chil  seigneur  del  empire  grand 
consseil  et  lonch  enssamble,  ^car  li  cose  les  estraindoit  *,et 
sin^eeioieiit  point  d*acord  et  tondis  avoient  regard  sour  le 
duc  de  Bridbant  qui  n*en  faisoit  point  trop  bonne  diière  *. 
Si  estoit  cheli  ungs  de  ciaux  pour  quoy  U  roys  d*Bngieterre 
avoit  adont  le  plus  assamblé  sen  parlenent. 

Quant  il  furent  longuement  conseilliet,  et  tout  par  yaux, 
il  respondirent  au  roj  Édouwart  et  disent:  «  Chiers  sires, 
«  quant  nous  venismes  chy,  nous  y  venismes  plus  pour 
«  vous  veoir  que  pour  autre  coee.  Si  n'estions  mies  pour^ 
«  veu,  ne  adviset  de  vous  respondre  sour  ce  que  requis  nous 
«  advés.  Si  nous  retrairons  arrière  vers  nos  gens,  chacun 
a  viers  les  siens,  et  revenrons  à  vous  à  ung  certain  jour 
a  quant  il  vous  plaira,  et  vous  responderons  si  plainne- 
«  meut  que  li  couppe  ne  demourra  point  sur  nous.  »  ^^  Li 
roys  pèrchupt  assés  qu'il  n'en  aroit  autre  cose  à  celle  fuis; 
si  s'en  appaisa  à  tant  ^^  Et  accordèrent  et  assignèrent  une 

*'*  Doa<5èment.  —  *^  Leur  pria  qu^ils  faiisent  oonBeilliës  de  lay 
faire  retpoDte.  —  *•*  Ectoit  là  yentii  pour  parler  à  ealx ,  et  sur  lear 
fiaoc«  tout  prett  qoe  (Taler  aTaot  en  ion  fait.  —  ^'*  Car  la  besoDgne 
estoit  grande  et  fort  leur  pesoit.  —  *  Et  il  leur  sembloit  que  c*estoit 
cehri  qui  mienlx  le  deroit  faire.  —  '***  Quant  le  roy  oy  ce ,  il  diat  que 
bien  loi  plaiioit  ;  et  tontes  voies  lear  pria  qoe  ils  s^esploitassent  d'eatre 
oonseiU^  poor  reTenir  tost  vert  loy. 


^  M  SES  ALIift.  %1 

journée  à  estre  enssamble,  pour  respondre  lenr  inHIèTir 
advis,  à  trois  sepmaiimes  apriës  le  SaintJehaû  ;  mëd  t^en 
leur  monstra  li  rois  les  grans  frës  et  les  grans  dammafgès 
qnll  soustenoit  cascim  jour  pour  leur  atente,  car  ÎI  ](>étis- 
soit  et  tenoit  de  vërité  qiie  il  fuissent  tout  ponrveu,  quant 
il  vinrent  là ,  ensi  comme  il  estoit.  Et  leur  dist  que  il  ne 
s*en  riroit  jammaîs  en  Engleterre  jnsques  à  tant  que  \l 
saroit  leur  entention  plainnement  ;  ^  et  chfl  seigneur  dë\ 
empire  Tacordërent  •.  Li  roys  d*Engleterre  démolira  feus 
quoys  en  Ânwers,  en  Tabbëie  '  Saint-Bemart  ^,  et  la 
royne  sa  femme  avoecq  lui,  qui  no\ivelIement  estoit  releva 
d*enfant  d'un  biau  fil  que  on  clamoit  Lion  et  fû  puisedi  ducs 
de  Clarence  et  maries  en  Lombardie,  ensi  comme  vous  orés 
avant  en  Tistoire.  Li  contes  Guillauïnmes  de  Haynnau  et 
messires  Jehans  de  Haynnau  venoient  ^  à  le  fois  *  veoir  le 
roy  et  le  royne  et  se  tenoient  dallés  lui  deux  jours  ou  trois, 
et  puis  s*en  retoumoient.  Li  baron  et  li  chevalier  d*EngIe- 
terre  venoient  '  jéuer  *  en  Braibant  et 'en  Flandres  •  ens 
es  bonnes  villes  où  il  estoient  bien  f  echupt  et  bien  festyet,  i 
Brouxelles,  à  Malinnes,  à  Gand,  à  Bruges  et  partout  où  il 
leur  plaisoit  à  aler.  Li  dus  de  Braibant  se  tenoit  à  le  Leveure 
et  renvoioit  souvent  par  deviers  le  roy  de  France  pour  lui 
escuser  et  pour  pryer  que  il  ne  crust  nulle  infonrmation 
senestre  contre  lui. 

Vous  avés  bien  oy  aucunes  fois  dire  et  compter  que  on 
saute  bien  si  avant  dont  on  ne  poelt  recnller.  Ossi  on  se 
oblige  bien  et  aaonvenendie  tellement  que  par  honneur  kk 
ne  s*en  poet  partir.  A  ce  pourpos,  li  dus  Jehans  de  Braibant 
s'estoit  aconvenenchiés,  jurés  et  ôbligiés  éi  àvàiit  et  si 

**  Adont  lai  eorenl  en  oonTent ,  à  trois  tepinaiiiM  après  la  Saint 
Jehan ,  du  revenir  aana  fiEtoIte.  —  '-^  Saint-Michel  en  Ampim.  — 
"  Souvent.  —  '  •  Souvent  esbatire.  —  •Et  parùilement  en  Haynnaii. 


452  POURPARLERS  d'ÉDOUARD  IU 

expresséement  au  roy  d'Engleterre  que  il  ne  pooît  reculler, 
neenfraindre  ce  que  proummis  li  avoit,  et,  au  voir  dire,  c'es- 
toit  ses  cousins  germains  :  *  si  le  devoit  par  linaige  aidier  *. 
Or  avoit  à  ce  dont  11  dus  de  Braibant  en  son  pays  aucuns 
barons  et  chevaliers  qui  estoient  plus  enclin  li  ung  as  Englès 
et  li  autre  as  Franchois,  enssi  que  li  coers  sont  de  diverses 
conditions.  Et  touttefois  li  plus  estoient  favourable  au  roy 
d'Engleterre  et  espécialment  les  bonnes  villes  de  Braibant, 
et  volsissent  bien  li  plus  que  sans  arrest  li  rois  d'Engleterre 
fust  ^  autrement  confortés  qu'il  n'estoit^;  mes  li  dus  qui 
estoit  sages  et  avisés,  ne  se  voUoit  mies  mettre  en  gherre 
contre  le  roy  de  Franche  ^  sans  délibération  de  plus  grant 
consseil  *,  car  il  resongnoit  les  périls  à  quoy  il  en  pooit 
venir  et  disoit  bien  en  son  secret  que  il  ne  seroit  jà  Englès 
se  Haynnuyers  et  Flamens  ne  Festoient  ossi  avant  comme 
il.  ''De  légier  Flammencq  s'i  accordoient,  car  au  voir  dire, 
Dartevelle  qui  estoit  adont  tout  en  Flandres,  estoit  plus 
enclins  et  favourables  au  roy  englès  sans  comparaison  que 
il  ne  fust  as  Franchois.  Si  préechoit  tous  les  jours  chiaux  de 
Gand,  de  Bruges,  de  Ippre,  de  Courtray  et  de  Audenarde 
et  des  bonnes  villes  de  Flandres,  et  leur  remonstroit  tant  de 
si  belles  raisons  que  il  estoient  enssi  que  tout  appareilliet 
au  commandement  Dartevelle  que  de  servir  le  roy  d'Engle- 
terre en  ceste  besoingne  *.  Ossi  ens  es  bonnes  villes  de 
Haynnau  estoit  li  rois  d'Engleterre  trop  plus  recommandés, 
loés,  aimés  et  honnourés  que  ne  fust  li  roys  de  France,  et 
volsissent  bien  les  communaultés  que  li  contes  de  Haynnau 

*-•  Et  ossi  il  y  estoit  moult  tenus.  —  *'*  Plus  brief  confortés.  — 
■-•  Se  n'estoit  par  grant  délibération  de  conseil.  —  '  *  Tant  que  de 
Flandres  avoit  beau  commencement  le  roy  d'avoir  Taccord,  car  tous 
li  communs  estoit  pour  luy  ;et  aussi  Artevelle  les  preschoit  souvent,  et 
remoustroit  tant  de  belles  raisons  que  il  estoit  auques  tout  prest. 


ET  DE  SES  iauÉs.  4K3 

leurs  sires  euist  alianche  et  faveur  au  roy  d'Engleterre  ; 
mes  il  n'en  avoit  nul  désir  et  disoit  *  que  li  roys  de  France 
ses  bîaux  oncles  li  estoit  plus  prochains  et  li  royaummes  de 
Franche  *  plus  amis  '  que  li  roys  d'Engleterre,  ne  ses 
pays.  Et  à  che  premiers  li  roys  de  Franche  l'en  savoit  très- 
bon  gret  et  disoit  que  il  s'en  portoit  bêlement  et  sagement. 

Or  vint  li  jours  que  chils  roys  d'Engleterre  atendoit  le 
responsce  des  seigneurs  dessus  nommés,  liquel  et  à  heure 
compétente,  se  fissent  soufBssamment  excuser  et  mandèrent 
bien  au  roy  euglès  que  il  estoient  tout  appareilliet  yaux  et 
leurs  gens  ensi  que  convens  portoit,  mes  que  il  fesist  le  duc 
Jehan  de  Braibant  qui  trop  froidement  par  leur  samblant 
s'appareilloit,  esmouvoir;  car  il  estoit  li  plus  grans  et  li 
plus  prochains  de  linaige  et  de  conseil  dou  roy  et  à  qui  tout 
!i  autre  se  atendoient  et  regardoient  *.  Et  quant  li  roys 
englès  oy  ces  nouvelles,  si  fu  plus  penssieux  que  devant. 
Si  s'en  conseilla  à  monseigneur  Robert  d'Artois  son  cousin 
et  au  conte  Derbi  quel  cose  il  estoit  bon  à  faire  de  ceste 
besoingne.  Il  li  disent  que  il  mandast  le  duc  de  Braibant  et 
li  remonstrast  touttes  ces  *  escusances  •.  Adont  le  manda 
li  rois  :  il  vint  en  Anwiers  parler  à  lui. 

Quant  li  ducs  de  Braibant  fu  venus,  li  roys  li  remonstra 
les  mandemens  et  les  escusances  que  chil  seigneur  de  l'em- 
pire li  avoient  raandet  ^.  *  Si  le  pria  en  amistet  et  requist  par 
linaige  qu'il  se  volsist  sour  ce  adviser,  par  quoy  nulle  def- 
faulte  ne  fuist  trouvée  en  lui  *,  car  il  endroit  de  lui  se 
appercevoit  bien  que  il  se  appareilloit  trop  froidement;  et  se 

'  Bien  et  sagement.  —  *'  Plus  voisins  et  amis.  —  ^  Ou  aultrement 
ne  se  mouveroient.  —  ^^  Besognes.  —  'Et  que  tout  estoit  en  lui 
d'avoir  son  ayuwe  ou  non.  —  '^  Par'qnoj  il  lui  prioit  que  par  lui  ses 
fais  ne  fiist  ariérés,  considère  ce  que  en  convent  lui  avoit,  et  qu*il  y 
estoit  tenus  par  lingnage. 


4!^  POURPAlUUUi  l)*fiDOVAip  Ul 

il  n\^  faiBoif  ratre,  cose  il  doubtoit  qae  il  ne  pardesîst 
Tajde  et  le  confort  de  ces  seignenrs  pour  le  deffaulte  de 
luL  Quant  li  dus  07  ce,  il  en  fu  tous  confus  et  dit  qu'il 
s*en  conseilleroiL  Et  quan$  il  fu  conseilliet,  ^  il  respondi 
au  roy  que  il  seroit  assës  tost  i^ppareilliet  quant  besoings 
seroit,  mais  il  aroit  ainchois  parlet  à  tous  ces  autres 
seigneurs  à  une  certainne  journée  que  il  en  repondesist 
plus  avant  '.  Quand  li  rois  yit  ce»  il  perchupt  bien  qu*il 
n*en  aroit  aultre  cose  et  que  li  courouchiers  ne  li  pooit 
aidier,  ne  valloir.  Si  accorda  au  duch  que  il  envoieroit 
encorres  à  ces  seigneurs  et  leur  prieroit  que  il  volsissent 
estre  à  Halle  ou  à  Diestre  encontre  lui  au  jour  de  Nostre- 
Dame  my-aourt,  s*il  ne  voloient  venir  plus  priés  de  lui, 
ppiu*  acorder  avant  de  leur  emprise,  et  pria  au  duch  que  il 
y  volsist  estre  et  que  il  se  pourveist  et  appareillast  dedens 
ce  jour  si  souffisamment  que  chil  seigneur  ne  se  peuissent 
excuser  panny  lui.  Ensi  fu  acordë.  Messagier  allèrent,  li 
jours  i^pprocha;  li  seigneur  vinrent,  et  fu  chils  parlemens 
assis  à  Diestre  le  jour  Nostre-Dame  my-aoust.  Tan  mil 
CCC.XXXVIIL 

Quant  tout  chil  seigneur  furent  assamblé,  il  eurent 
grant  parlement  et  long  consseil,  car  la  besoingne  leur 
estraindoit  durement.  Â  envis  poursieuvoient  leur  conve- 
nent  et  à  envis  deffalloient  pour  leur  honneur.  Quant  il 
furent  tr&s-longuement  consseilliet,  si  respondirent  d*un 
aoord  an  roy  d'Engleterre  et  disent  ensi  :  «  Chiers  sires, 
«  nous  nos  sommes  longuement  consseilliet,  car  vostre 
<c  besoingne  nous  est  '  assés  *  pesans,  car  nous  ue  véons 

*'*  Il  dkt  au  roy  :  t  Sire,  Je  n'aj  mi«  conseil  que,  anchois  que  je 
c  fom  en  aya  plna  aTant  en  oonVeni,  je  feray  ainchois  reparler  à  ces 
•  salgneora  d*Aleiiiaigne  ;  et  adont  je  vous  feray  response  finable.  »  — 


BT  DB  SES  ALLiiS.  4K5 

«  mies  qu8  noas  ayons  point  de  caoee  de  deffyer  le  roy  de 
ce  Franche  en  vostre  ocquison ,  se  vons  ne  poorcaohiës 
«  que  vous  ayés  Tacord  del  empereur  et  qu*il  nous  oom- 
«  mande  que  nous  deffyons  le  roy  de  France  de  par  lui  \ 
a  car  il  ara  bien  juste  cause  et  raison  del  faire,  sicomme 
c  nous  vous  dirons^  et  de  dont  en  avant  ne  demourra  nulle 
((  deffaulte  en  nous  que  nous  ne  soyons  apareilliet  de  faire 
«  che  que  proumis  vous  avons,  sans  nulle  escusanche.  Li 
«  cause  que  nos  sires  li  emperëres  puet  avoir  de  défiler  le 
«  roy  de  France,  est  telle  :  il  est  certain  que  convenenchiet 
<c  a  estet  de  longuement  et  sëellet  et  juret  que  li  roys  de 
«  Franche,  quiconqnes  le  soit,  ne  poet,  ne  ne  doit  tenir, 
ce  ne  acquerre  riens  sus  Tempire,  etchils  roys  Phelippes  qui 
ce  ores  règne,  a  fait  le  contraire  contre  son  sièrement,  car 
c(  il  acquis  le  castiel  de  Criëvecoer  et  toute  le  terre  et  le 
a  castiel  de  Alues  en  Pailluel  et  plusieurs  autres  hiretaiges 
ce  en  Cambrésis,  qui  est  terre  de  l'empire,  par  quoy  li 
ce  emperëres  '  a  bien  cause  de  lui  deffyer  et  de  faire  deffyer 
ce  par  nous  qui  sommes  si  soubget,  sique  nous  vous  prions 
ce  et  conseillons  que  vous  y  voeilliés  painne  mettre  ou  pour- 
ce  cachier  son  acord  '  pour  nostre  pais  rt  nostre  honneur  \ 
ce  et  nous  y  meterons  painne  avoecq  vous  à  nostre  loyal 
ce  pooir.  »  Bt  quant  li  roysenglès  oy  celle  responce,  il  fu 
tous  confus  ^  et  bien  se  perchupt  que  c'estoit  ungs  dëtrie- 
mens  *.  Si  8*en  porta-il  assës  bellement,  car  il  vit  bien 
qu'il  n*en  aroit  autre  cose,  et  leur  dist  :  «  Cartes,  seigneur, 
ce  je  n*estoie  mie  avises  de  ce  point,  et  se  plus  tost  en  fuisse 
ce  avisés,  jou  en  euisse  vollentiers  ouvret  par  vostre  cons- 

•  Pour  TOAtre  caose.  —  •  Mais  qu'il  en  loit  infoarm^.  —  ***  ïVmut 
vostre  honneor  et  le  nostre.  —  ***  Car  adont  il  enidoit  avoir  rea- 
ponsoe  fmable,  et  U  vit  que  c'estoit  graaa  aloogeinMM,  dont  noult 
lui  aannjoit  s'il  Teiiist  peu  aiBendar. 


4S6  POURPARLERS  d'ÉDOUARD  Ul 

«  seil  et  encoires  voeil  faire.  Si  m'en  aidiës  à  conseillier 
«  seloncq  ce  que  je  sui  dechà  le  mer  en  estraingne  pays 
«  apassës,  et  si  y  ay  longuement  sëjoumet  et  as  grans  frais 
«  et  nient  fait.  Si  m'en  voeilliës  donner  bon  consseil  pour 
«  vostre  honneur  et  pour  le  mienne,  car  se  jou  avoie 
«  blasme,  tous  n'y  ariës  point  d'onneur.  »  Longue  cose 
seroit  à  raconter  tous  leurs  consseils  et  touttes  leurs  paroUes. 
Accordet  fu  entre  yaux  en  le  parfin  que  *  li  marchis  de  Jul- 
1ers  yroit  parler  à  l'empereur  et  y  menroit  des  clers  et  des 
chevaliers  le  roy  d'Engleterre  avoecq  lui  et  dou  consseil  le 
duc  de  Guéries  ossi,  et  feroient  le  besoingne  à  le  milleur 
foy  qu'il  poroient  *.  Mais  li  ducs  de  Braibant  n'y  devoit 
point  envoyer,  car  il  souflSsoit  assës  des  dessus  dits  ;  mais 
il  prësenta  et  presta  au  roy  d'Engleterre  le  castiel  de  Lou- 
vaing  pour  y  demeurer  l'iver  ensuiwant,  se  il  li  plaisoit. 
Car  li  roys  englès  leur  disoit  bien  que  jamès  il  ne  s'en 
retourneroit  en  Engleterre  si  aroit  fait  aucune  chevauchie 
en  Franche.  Et  s'acorda  li  roys  ad  ce  que  il  venroît  demeu- 
rer ou  castiel  de  Louvaing  et  y  ameneroit  la  royne  sa  femme, 
puisque  li  dus  ses  cousins  li  avoit  otroyet.  Encoires  crëan- 
tèrent  tout  chil  seigneur  au  roys  englès  en  le  prësence  li 
ungs  de  l'autre,  que  jammais  il  ne  querroient  nulle  escu- 
sance,  ne  détriement  que  de  le  feste  Saint  Jehan-Baptiste 
qui  seroit  l'an  mil  CGC. XXXIX  en  avant,  il  seroient  ennemi 
au  roy  Phelippe  de  Franche  et  seroient  chacuns  appareil - 
lies,  ensi  que  proumis  avoit;  et  parmy  tant  chacun  s'en 
ralla  en  son  lieu. 

Sec»  réd.  —  Quant  li  rois  englès  eut  esté  assés  honnourés  et 
festyés ,  '  il  eut  ad  vis  qu  il  parleroit  volen  tiers  *  au  duch  de 
Braibant  son  cousin,  au  duch   de  Guéries  son  serourge,   au 

*  Pour  esploiter  ceste  besoingne.  —  •  Si  se  mirent  au  chemin  le 
plus  hastivement  qu'ils  peurent.  —  '-^  Il  ot  grant  volonté  de  parler. 


ET  DE  SES  ALLIÉS.  457 

markis  de  Jullers,  à  monsigneur  Jehan  de  Hajnau,  au  signeur 
de  Faukemont  et  à  chiaus  dont  il  espéroit  à  estre  confortés 
et  qui  estoient  à  lui  enconvenanciet ,  pour  avoir  leur  conseil 
comment  et  quant  il  poroient  commencier  à  faire  çou  qu'il 
avoient  empris.  Ensi  le  fist,  et  vinrent  tout  à  son  mandement 
à  Anwiers,  entre  le  Pentecouste  et  le  Saint-Jehan.  Là  furent 
cil  signeur  festyet  grandement,  à  le  manière  d'Engleterre. 
Apriès  les  traist  à  conseil  li  rois,  et  leur  démonstra  moult 
humlement  se  besongne  et  volt  savoir  d'yaus  le  certainne 
intention,  et  leur  pria  qu'il  s'en  volsissent  délivrer  tempre- 
ment,  car  pour  çou  estoit-il  là  venus  et  avoit  ses  gens  tous 
apparilliés:  se  11  tourneroit  à  grant  damage,  se  il  ne  Fen 
délivroient  apertement.  Cil  signeur  eurent  grant  conseil 
ensamble  et  lonch,  car  la  cose  les  estraindoit ,  et  si  n'estoient 
point  d'acord,  et  toutdis  avoient  regart  sour  le  duch  de  Brai- 
bant  qui  n'en  faisoit  nient  bien  boine  cière,  par  samblant. 
Quant  il  furent  bien  consilliet  et  longuement,  il  respondirent 
au  roy  Édouwart  et  disent  :  t  Chiers  sires ,  quant  nous 
t  venismes  ci,  nous  venismes  plus  pour  vous  veoir  que  pour 
t  aultre  chose,  et  n'estions  mies  pourveu,  ne  avisé  de  vous 
c  respondre  sur  ce  que  requis  nous  avés;  si  nous  retrairons 
c  arrière  vers  nos  gens,  cascuns  vers  les  siens,  et  revenrons 
H  à  vous  à  un  certain  jour  quant  il  vous  plaira,  et  vous  res- 
«  pondérons  adont  si  plainement  que  li  coulpe  n'en  demorra 
f  point  sour  nous.  »  Li  rois  vei  bien  qu'il  n'en  aroit  aultre 
cose  à  celle  fois  :  si  s'en  apaissa  atant,  et  se  acordèrent  d'une 
journée  estre  ensamble  pour  respondre,  par  milleur  avis,  apriès 
le  Saint -Jehan  III  sepmainnes.  Bien  leur  monstra  li  rois 
ongles  les  grans  frès  et  les  grans  damages  qu'il  soustenoit 
oascun  jour  pour  leur  attente,  car  il  pensoit  qu'il  fuissent  tout 
[lourveu  de  lui  respondre  quant  il  vint  là,  sicom  il  estoit,  et 
l(îur  dist  qu'il  ne  s'en  retourroit  jamais  en  Engleterre  jusques 
adont  qu'il  saroit  leur  intention  tout  plainnement.  Sur  ce  cil 
signeur  se  départirent.  Li  rois  demora  tout  quois  en  l'abbéye 
Saint-Bernard  jusques  apriès  le  journée.  Li  aucun  des  signeurs 


46&  pouRPAHU*!^  d£;douâiu>  m 

et.d^etiQyalieiîs^  4-Bngleterpe:  de^^Q^6re^t^  à'.  Anwiws  poup  lui 
fEii^,ooiQpaigiûe  ;  U  t^tre.  £doie^t  esbaniant  et  esbatant  parmi 
le  p«^j9  à  grans  fixais,  li  una  i  Brouxjslles,  lir  aultrea  en 
H^jnau,^  li  pluiseurs  aval  lea  bonnea  villes  de  Flandres,  là  où 
il  eatpient  durement  bien  venut  et  bien  festyet.  Li  dus  de 
Braibant  8>u.ala  à  le  Leuvre  et  se  tint  là  un  grant  temps,,  et 
renvx)ioit  souvent  pardevers  le  roi  de  France,  pour  lui  escuser 
et  ppur  pryeir  qu-il  ne  creuist  nulle  infonnation  *  seneatre.  " 
encontre  lui. 

Li  jours  approça  et  vint  que  li  rois  englès  attendoit  le 
response  de  ces  signeurs  ,  mais  il  se  osent  souffissamment 
escuser  et  mandèrent  au  roi  qu'il  estoient  tout  apareilliet 
yaus  et  leurs  gens,  ensi  que  convens  estoit,  mais  qu'il 
fesist  tant  au  ducb  qu'il  se  apparillast,  qui  estoit  li  plus  pro- 
çains  et  qui  le  pjius  froidement ,  ce  leur  sambloit ,  se  appa- 
riIloit,,et  ossitost  qu'il  saroient  de  certain  que  li  dus  seroit 
appariUiés  de  mouvoir,  il  se  mouveroient  et  seroient  ossitost 
au  commencement  de  la  besongne  que  li  dus  de  Braibant  seroit. 
Sua  Qes  responses  lidis  rpis  englès  fist  tant  qu'il  parla  au  duch 
de  Braibant  son  cousin,  et  li  démonstra  le  mandement  que  cil 
signeur  li  avoient  envoiet  :  s^  li  pria  en  amisté  et  requist  par 
lini^e,  qt^'il  se  volsist  sour  ce  aviser,  par  coi  nulle  defifaute  no 
fust  trouvée  en  lui,  car  il  '  endroit  de  lui  *  se  apercevoit  bien  que 
il  se  apparilloit  froidement,  et  se  il  n'en  faisoit  aultre  cose,  il 
doubtoit  qu'il  ne  perdist  l'ajde  et  confort  de  ces  signeurs 
d'Alemagne,  *  par  le  deffaute  de  lui  ®.  Quant  li  dus  oy  cou,  il  on 
fu  tous  confus  et  dist  qu'il  s'en  consîReroit.  Quant  il  fu  longe- 
ment  consilliés,  il  respondi  au  roy  qu'il  seroit  assés  tost  appa- 
riUiés quant  besoins  en  seroit,  mais  il  aroit  ançois  parlé  à  tous 
ces  aultres  signeurs  et  leur  prieroit  qu'il  volsissent  estre  à 
Halle  ou  à  Destre  encontre  lui.  ^  Quant  li  rois  englès  vei  cou,  il 
perchut  bien  qu'il  n'en  aroit  aultre  cose  *  et  que  li  courouciers 

*"'  MauYaise.  —  '*  Endroit  soy.  —  '^  Par  faulte  de  luy.  —  ^-^  Quant 
le  voj  vit  ces  délaiemens,  il  s'aperceut  bien  de  sa  malice  et  vit  bien 
qu'il  n'en  auroit  autre  chose. 


ET  DE  SES  ALLIÉS.  459 

ne  li  pooit  riens  valoir  ;  si  accorda  au  duch  son  pourpos  et  dist 
qu'il  envoieroit  encores  à  ces  signeurs  certains  messages  de 
par  lui  *  qu'il  fuissent  à  une  certainne  journée  contre  lui,  là  où 
il  leur  plairoit  le  mieus  '.  Ensi  se  départirent  li  rois  et  li  dus 
densamble,  message  furent  envojet  devers  les  signeurs  de 
lempire  et  li  certains  jours  assignés  qu'il  venroient.  Ce  fu  à 
le  Nostre-Dame  mi-aoust,  et  fu  mis  et  assis  cils  parlemens, 
par  tous  communs  acors,  à  Halle,  pour  le  cause  dou  jone  cont^ 
de  Hajnau,  monsigneur  Guillaume,  qui  y  devoit  estre  avec 
monsigneur  Jehan.de  Hajnau  son  oncle. 

Quant  cil  signeur  de  Fempire  furent  assamblé,  sicom  dessus 

est  dit,  en  le  viUe  de  Halle,  il  eurent  grant  parlement  et  lonch 

conseil,  car  li  besongne  leur   estraindoit  durement  :  aenuis 

poursievoient  leurs  convenances,  et  aenuis  en  deffalloient  pour 

leur  honneur.    Quant  il  furent  très-longement  consilliet,   il 

respondirent  d'un  commun  acord  au  roi  englès  et  disent  ensi  : 

c  Ciers  sires ,  nous  nos  sommes  longement    consilliet ,   car 

c  vostre  besongne  nous  est  assés  pesant;  car  nous  ne  veons 

c  mies  tout  considéré  que  nous  aions  point  de  cause  de  dëfijer 

c  le  roi  de  France  à  vostre  occoison,  se  vous  ne  pourchaciés 

c  que  vous  ajés  Facord  de  Fempereur  et  qu'il  nous  commande 

c  que  nous  deffyons  le  roi  de  France  de  par  lui ,  car  il  aura 

t  bien  droite  ocquison  et  vraie,  par  raison,  sicom  nous  vous 

c  dirons,  et  dedont  en  avant  ne  demorra  nulle  défiante  en  nous 

c  que  nous  soions  apparilliet  de  faire  ce  que  prommis  vous 

c  avons,  sans  nulle  excusance.  La  cause  que  li  emperères 

c  poet  avoir  de  deffyer  le  roi  de  France  est  tele  :  il  est  certain 

c  que  convenenciet  a  esté  de  lonch  temps  et  séelet  et  juret  que 

c  li  rois  de  France,  quiconques  le  soit,  ne  puet,  ne  ne  doit  tenir, 

c  ne  acquerre  riens  sus  Fempire;  et  cils  rois  Phelippes  qui  à 

<  présent  r^ne,  a  fait  le  contraire,  contre  son  sairement,  car 

•  il  a  acquis  le  chastiel  de  Crièvecuer  en  Cambresis  et  le 

*'  Pour  eslire  certain  jour  auquel  il  fuissent  encontre  lui,  en 
quelque  lieu  que  mieulx  leur  plairoit. 


460  POURPARLERS   D*ÉDOUARD   111 

t  chastiel  de  Alues  en  Pailluel,  et  pluiseurs  aultres  hjretages 
c  en  leditte  conté  de  Cambresis,  qui  est  en  terre  de  Fempiro 
c  et  haolt  fiés  et  relevé  de  Tempereur  V  et  Ta  attribuet  audit 
c  royaume  de  France,  par  quoi  li  dit  emperères  a  bien  cause 
€  de   lui    deffyer  et  de  faire  deffjrer  par   nous  qui  sommes 
«  si  soubgès,  siqucs  nous  tous  prions  et  consillons  que  vous 
€  y  voelliés  painne   mettre  au  pourcacier  son  acord,   pour 
€  nostre  pais  et  honneur,  et  nous  y  metterons  painne  volen- 
€  tiers  au    pourcacier  ossi    à  nostre  loyal  pooir.  ■   Li  rois 
englès  fu  tous  confus  quant  il  oy  ce  raport,  et  bien  li  sam- 
bla  que  ce  fust  uns  détriement  •,  et  bien  pensa  que  ce  venoit 
del  avis  le  duch  de  Braibant  son   cousin ,  plus  que    des    aul- 
tres. Toutesvoies  il  considéra    assés  qu'il    n'en    aroit  aultre 
chose  et  que  li  courechiers  ne  li  pooit  rien  valoir  :  si  en  fist 
milleur    samblant    qu'il    peut,   par   emprunt,  et  leur   dist  : 
€  Certes,  signeur,  •  je  n'estoie  mies  avisés  de  ce  point,  et  se 
€  plus  tost  en  fuisse  avisés ,  je  en  ewisse  volentiers  fait  par 

•  vostre  conseil,  et  encores  voel  faire  :  si  m'en  aidiés  à  con- 
€  sillier,  selonch  ce  que  suis  deçà  le  mer  en  estragnc  pays 
c  apassés ,  et   si  y  ay  longemcnt  séjourné  et  à  grant  fret  ; 

•  si  m'en  voelliés  donner  bon  consel  pour  vostre  honneur  et 
c  pour  le  mienne,  car  saciés  se  jou  ay  en  ce  cas  nul  blasmiN 
€  vous  n'i  poés  avoir  nulle  honneur.  » 

Longe  co5ie  seroit  à  raconter  tous  leurs  consauls  et  toutes 
leurs  parolles.  Acordé  fu  entre  yaus  à  le  parfin,  que  li  mar- 
chis  de  Jullers  iroit  parler  à  l'empereur,  et  iroient  des  che- 
valiers et  des  clers  le  roy  avoech  lui,  et  dou  conseil  du  dur 
de  Guéries  ossi,  et  feroient  le  besoiigne,  à  le  milleur  fov  qu'il 
pooient.  Mais  li  dus  de  Braibant  n'i  volt  point  envoyer,  mais 
presta  le  chastiel  do  J^uvaing  au  roy,  pour  deraourer,  s'il  li 
plaisoit,  jusques  à  l'estet  ;  car  li  rois  leur  avoit  bien  dit  que 

'  Et  l'empereur  ne  Ta  mie  attribuée  au  rovaume  île  France.  — 
*  Pottrpensé  et  Tenu  du  dac  de  Braibant  son  cousin  plus  que  He  nul 
antre.  —  *  Quant  je  Tins  icy. 


ET   DE  SES  ALLIÉS.  461 

nullement  il  ne  s'en  retourneroit  en  Engleterre,  car  hontes  et 
vergongne  li  seroit  s'il  s'en  retournoit  sans  avoir  fait  partie  de 
sen  emprise,  de  quoi  si  grant  famé  estoit,  se  11  deffaute  n^en 
demoroit  en  jaus,  et  leur  dist  qu'il  manderoit  le  jone  royne 
se  famé  et  tenroient  leur  hostel  ens  ou  dit  chastiel  de  Lou- 
vaing,  puisque  li  dus  ses  cousins  11  avoit  offert.  Ensi  se 
départi  cils  parlemens,  et  créantèrent  tout  cil  signeur,  li  un 
en  le  présence  de  l'autre,  que  jamais  il  ne  querroient  nullç 
excusance,  ne  détriement,  que  de  le  feste  Saint-Jehan  Baptiste 
qui  seroit  l'an  M.CCC. XXXIX  en  avant,  il  seroient  ennemi 
au  roj  Phelippe  de  France,  et  seroit  cascuns  apparilliés,  ensi 
que  promis  avoit.  Cascuns  en  râla  en  son  lieu. 

Quatr.  réd.  —  Quand  li  rois  d'Engleterre  ot  esté  assés 
festjés  et  honnourés  de  ces  signeurs,  par  le  information  de 
messire  Robert  d'Artois  et  de  messire  Jehan  de  Hainnau,  il 
parla  à  euls  et  lor  demanda  quant  il  seroit  heure  de  commen- 
chier  ce  que  il  avoient  empris  et  dont  il  estoient  tout  obligiet 
et  aloyet  à  lui,  et  mist  ces  paroles  avant  pour  sçavoir  lor 
intention.  Quant  chil  signeur  se  veirent  requis  de  parler,  il 
demandèrent  consel  de  respondre,  li  rois  lor  donna.  Il  parlèrent 
ensamble  et  respondirent  et  dissent  ensi  :  c  Chiers  sires,  quant 
«  nous  vcnimes  ichi,  ce  fu  plus  pour  vous  veoir  que  pour  aultre 
•  cose,  et  ne  sommes  pas  pourveu  selonc  ce  que  vous  nous 
t  requerés.  Si  nous  retrairons  sus  nos  lieus  et  nous  pourverons 
c  et  ferons  tant  que  vous  nous  en  sauerés  gré.  >  Dont  pria  li 
rois  que  il  se  vosissent  délivrer  et  lor  remonstra  les  grans  frès 
que  il  soustenoit  et  soustenroit  tous  les  jours.  Si  passèrent  chil 
signeur  journée  dou  retourner  deviers  le  roi,  et  se  départirent 
tout  bellement,  li  uns  apriès  l'aultre,  et  retournèrent  en  lors 
lieus,  et  li  rois  demora  en  Anwiers.  Quant  11  jours  vint  que  chil 
signeur  deubrent  estre  venu,  li  contes  de  Guerlles,  li  marquis 
de  Jullers,  li  sires  de  Fauquemont,  li  arcevesques  de  Coulongne, 
messires  Ernouls  de  Baquehem  et  li  Alemant  envoyèrent  cas- 
quns  endroit  de  soi  à  la  journée  euls  escuser  souffissanment  et 


462  POURPARLERS  d'ÉDOUARD  III  ET  DE  SES  ALLIÉS. 

tnandèTent  au  roi  que  eols  et  Idrs  geiiÈ  esteront  tout  prest,  iaais 
3  fesîst  traire  avant  le  duch  de  Bràîbaitt,  son  cousin  g^nnam, 
qui  se  apl»riUoit  assés  froideàient,  ce  loi*  d^s^bloit.  Quant  li  rois 
oy  celle  response,  se  néli  plàisi  pas,  mais  il  n^en  pot  aùhre  cose 
avoir  et  flsttant  q[ue  il){»arla  au  doch  de  Braibant  ot  li  pria  par 
amistié  et  Hùa^e  que  il  se  vosist  avanchier  et  tant  faire  que  il 
n'euist  cause  nulle  à  j^Mùâûé  de  li,  car  totift  li  kuUs^  Efigneâr 
«^esqusoiéùt  par  lui. 

li  dus  de  Brafbànt  rei^ndi^t  diët  :  c  ^ires  et  biaus  cousins, 
c  il  ne  sont  que  •hàre  d'esquâer  par  mi,  car  je  sui  tout  pràa,  et 
c  faites  que  une  journée  de  parlement  soit  à  Halle  et  que  ton^ 
€  i  viengnent,  ^t  je  seWd  Ht,  et  quant  nous  serons  tout  l'un 
c  devant  l'autre  et  vous  nous  requerés  que  nous  façons  ce  en 
c  quoi  nous  sommés  obîigiet  deviens  vous ,  vous  veréè  âdont 
c  ceulà  qtii  ont  la  plus  grande  affection  à  la  besongne.  >  Li  rois 
d'Engleterre  s'apaisa  sus  cefirt»  parole  et  envoia  ses  lettres  et 
ses  messages  déviers  ces  sigrieurs,  et  leur  pï'ia  bien  acertes  que 
il  vosîssent  estre  à  Halle  à  tm  parlement  qui  1&  se  tenroit.  Tout 
obéirent  et  i  vinrent  et  se  logîèrent  dedeâs  la  Ville  ou  ehs  es 
fourbours.  Quant  tout  furent  vetou ,  '  li  rois  d'Engleterre  les 
reinerchia  de  lor  diligense,  et  estait  li  dis  rois  d'Engleterre 
logiés  ou  chastiel  de  Halle  que  li  jones  conteis  de  Hainnau,  son 
serouge,  li  avoit  preste. 

Or  commenchièrent  11  parlement  et  li  consauls  de  ces 
signeurs,  et  monstroient  tout  en  lor  parole  que  il  avoient  tout 
grant  volenté  à  desfyer  le  roi  de  France.  Or  fu  là  avisé  et 
regardé  etitre  euls  que  bonnement  il  ne  pooient  ce  faire  sans  le 
commandement  de  lor  souverain,  c  est  à  entendre  dou  roi  d'Ale- 
magne  auquel  il  dévoient  toute  obéisance.  Quant  li  rois  d'Engle- 
gleterre  oy  proposer  ces  paroles,  si  vei  bien  que  c'estoit  une 
détriance,  et  toutes  fois  il  li  convint  souffï»ir ,  car  n'en  pooit 
aultre  cose  avoir.  Dont  furent  là  esleu  et  ordonné  li  contes  de 
Guerlles  et  li  marquis  de  Jullers  de  par  ceuls  de  l'empire,  et  li 
évesques  de  ïiincolle  et  messireô  Renauls  de  Gobehem  et  mes- 
sires  Richars  de  Stanfort  de  par  le  roi  d'Engleterre,  et  furent 


EDOUARD  m  VICAIRE  DE  L'eMPIRE.  '4fô 

oargiet  ohil  signeur  esleu  de  tant  esploîtier  et  ftdre  déviera  le 
empereur,  par  pryère  et  par  tretiés,  que  li  emperères  ordotfne- 
roit  le  roi  Édowart  d'Engleterre  >à  estre  son  vicaire,  et  ohils 
vicaires  à  Ten^roar  reqnerroit  ces  signours  de  Tempire  sus  la 
foi  et  hommage  que  il  ont  à  T^nporoiir,,  que  tout  li  fesissetit  ser- 
vice. Ensi  se  fui  à  chils  pariemena,  et  retourna  casquns  en  son 
lieu.  ^^^^^^^ 

Li  marchis  de  Jullers  s'esmeut  à  toute  se  compaignie 
pour  aller  vers  Fempereur  de  Romme.  Si  le  trouvèrent 
à  Norenbergli  et  li  comptèrent  tout  ce  pour  quoy  il 
estoient  là  venu.  Li  emperères  qui  moult  estoit  amis  au 
roy  d*Engleterre,  les  rechupt  liement  et  les  feidiia  et  leur 
accorda  touttes  lors  requestes;  et  les  fist  demourer  et 
séjourner  li  emperères  avoecq  lui  ung  grant  temps.  Ende- 
mentroes  manda-il  les  eslisseurs  del  empire  et  plus  haulx 
barons,  tels  que  li  duch  de  Sassoiugne,  le  marchis  de  Blan- 
quebourch,  le  marchis  de  Misse  et  d'Euriant,  l'arcevesque 
de  Couloingne,  l'arcevesque  de  Trêves  et  Tarcevesque  de 
Mayence.  Encorres  manda-il  le  contes  de  Guéries  et  le  duc 
de  Braibant,  mais  il  s'escusa  et  y  envoya  le  seigneur  de 
Kuk  en  son  lieu. 

Quant  chil  seigneur  fureht  venut  et  assamblë  à  Norêh- 
bergh  au  mandement  del  empereur,  il  fist  une  feste  moult 
solempnelle  et  tint  court  ouverte  par  trois  jours,  et  sist  en 
siège  impérial,  vestis  de  draps  impérials,  et  là  renouvella-il 
les  estatus  de  Tempire  et  lesquels  on  doit  tenir,  et  là 
ordonna-il  et  fist  le  roy  d*EngIeterre  son  vicaire  et  li  donna 
puissance  impérial  et  congiet  de  forgier  parmy  l'empire 
touttes  mannières  des  florins  et  des  autres  monnoies,  et 
commanda  à  tous  ses  subgès  que  il  obëyssoit  à  lui  comme 
à  son  propre  corps  meysmes^  et  que  tout  fiiisBmt  appareil- 
liet  à  se  semonsoe  sans  délai  et  pour  defyef  le  roy  de 


464  EDOUARD  m 

France.  Et  fist  de  ce  dict  procureurs  et  commissaires  pour 
renouveller  le  roy  d*Engleterre  ces  estatus  et  lui  assir  en 
siège  impérial.  De  quoy  li  dus  de  Guéries  qui  devant  ce 
jour  estoit  noummës  contes,  fu  li  uns,  et  li  contes  de  Jullers 
qui  devant  ce  estoit  nommes  marchis,  fu  li  seconds,  et  li 
contes  de  Warvich  et  raessires  Richars  de  Stanfort  et  doy 
clercq  de  droit,  et  avoient  chil  VI  couramission  par  îns- 
trumment  publique  de  faire  et  aemplir  tout  ce  qui  dessus 
est  dit.  Et  ensi  se  départirent-il  de  l'empereur  et  revinrent 
au  roy  d'Engleterre  qui  les  rechupt  à  joie.  Or  vous  conte- 
rons d'aucunes  coses  qui  avinrent  sus  mer  en  Franche  et 
ailleurs,  entroes  que  cil  parlement  et  pourkas  se  faisoient, 
qui  durèrent  plus  d'un  an,  aflSn  que  rien  je  n'y  oublie. 

Var,  prem.  réd.  —  Or  s'en  alèrent  le  marquis  de  Jullers  et 
les  autres  seigneurs  devers  l'empereur  qu'il  trouvèrent  àNoren- 
bereh.  Là  lui  contèrent  tout  ce  pour  quoy  il  estoient  là  venus , 
et  l'empereur  qui  moult  estoit  amy  au  roy  englès,  les  rechupt  à 
grant  joie  et  leur  accorda  toutes  leurs  requestes,  et  les  retint 
dalés  lui  grant  terme.  Et  entreux  manda-il  ses  esliseurs  de 
r Empire  et  ses  plus  haulx  barons,  tel  que  le  duc  de  Sasongne, 
le  marquis  de  Brandebourch,  le  marquis  de  Misse  et  d'Eurient, 
Farcevesque  de  Coulongne,  Tarccvesque  de  Trièves,  Tarcevesque 
de  Mai'ence.  Encore  manda-il  le  duc  de  Guéries  et  le  duc  de  Bra- 
Imnt,  lesquelx  s  escusèrent  par  le  sire  de  Cuk  qui  y  alla. 

En  Tan  dessus  dit,  le  samedi  devant  le  Nostre-Dame  en 
septembre,  comme  empereur  de  Romme,  Loys  dn  Baivière, 
en  cel  jour  assis  en  Convelence  en  siège  impérial,  sur  ung  esca- 
faut  de  douze  pies  de  bault,  vestis  de  drap  de  soie  cangant,  par 
dessus  ses  draps  d'un  daumatique,  en  ses  bras  phanons,  et  estoUe 
devant  croisie,  à  manière  de  prestre,  tout  estoffé  des  armes  de 
l'Empire  ;  et  avoit  ses  pies  d  otel  drap  comme  le  corps ,  et  avoit 
son  chief  atourné  de  mitre  reonde  ;  et  sur  celle  mitre  il  avoit 
couronne  d'or  moult  riche  ;  en  ses  mains  avoit  deux  blancs  wans 


viCAiiiB  DE  l'emfirb.  465 

de  soie,  et  en  ses  dois  aneaux  moult  riches.  Si  tenoit  en  sa  main 
destre  une  pomme  d'or,  une  crois  vermeille  dessus.  En  Tautre 
main  tenoit-il  le  septre.  Dalés  Fempereur,  à  destre ,  séoit  le 
marquis  de  Misse,  auquel  Fempereur  bailla  à  tenir  la  pomme 
dor;  et  assez  près  séoit  le  roj  d'Engleterre  vestis  d*un  drap 
vermeil  d'esquerlatte,  à  ung  chastel  de  broudure  en  le  poitrine  ; 
et  au  senestre  de  Fempereur  séoit  le  marquis  de  JuUers,  à  qui 
Fempereur  bailla  à  tenir  le  septre  ;  et  environ  deux  degrés  plus 
bas  de  Fempereur  séoient  li  esliseur,  et  deseur  de  Fempereur 
séoit  le  sire  de  Cuk,  ou  lieu  du  duc  de  Brabant^  en  préséance  de 
tous,  en  se  main  une  espée  toute  nue.  Dont  parla  Fempereur 
ensi  :  c  Je  demande  à  vous  se  ung  roj  d'Alemaingne,  esleus  et 
c  promeus  à  empereur,  peut  amenistrer  aucuns  des  biens  de 
c  FEmpire  sans  le  conflrmacion  du  pappe.  i  Ce  jugement  fu 
tournés  sur  Farcevesque  de  Coulongne.  Lui  conseillié  de  ses  pers 
dist  par  jugement  que  ojl.  Le  seconde  demande  fu  :  se  ung 
fievé  d*Alemaingne  fourfaisoit  en  FEmpire  en  amenrissant 
FEmpire,  à  quelle  amende  il  doit  estre.  Ce  jugement  fu  tournés 
sur  le  duc  de  Sasongne.  Lui  conseillié  respondi  que  c  lui  estoit 
en  le  volonté  de  Fempereur,  de  corps  et  d*avoir.  Le  tierce 
demande  si  fu  que  :  se  robeurs  estoient  sur  chemins  d^Ale- 
maingne,  à  quelle  amende  et  à  quelle  penance  il  doivent  estre. 
Ce  jugement  fu  tournés  sur  Farcevesque  de  Trièves.  Lui  con- 
seillé dist  qu'ils  estoient  à  le  volonté  de  Fempereur,  de  corps  et 
d'avoir,  et  tous  ceulx  qui  les  soustenoient.  Le  quarte  demande  fu  : 
comment  tous  ceulx  qui  tenoient  de  FEmpire,  le  dévoient  servir. 
Ce  jugement  fu  tournés  sur  Farcevesque  de  Maïence.  Lui  con- 
seillet  de  ses  pers,  dist  que  tous  les  hommes  de  FEmpire  doivent 
servir  Fempereur  de  leurs  corps  et  de  leurs  biens,  et  doivent 
aler  partout  où  Fempereur  les  verra  mener,  ou  ses  lieux-tenans, 
pour  les  drois  de  FEmpire  garder.  Et  le  quinte  demande  fu  : 
comment  le  tenable  de  FEmpire  doivent  deffier  Fun  Fautre  en 
cas  de  guerre.  Ce  jugement  fu  tournée  sur  le  marquis  de  Bran- 
debourc.  Lui  conseiUet  dist  que  celui  qui  deffie,  ne  peut,  ne  doit 
porter  dommage  au  deffié  dedens  trois  jours,  et  où  il  feroit  du 
1.  —  rioiMâaT.  30 


4Sê  iiatJAiii>  m 

eimlradfe,  il  ééH  dstre  deshonnotiréa  et  mis  hors  d«  tdtitai  loiSr 
ApiPè»  €68  oho668  aiiifli  fkitéNi,  taniost  rettipdi^èiir  dist,  oyant 
tons  :  c  «Tay  eeté  eonroimte  roj  d'Alemaingne  gisant  tonp^,  et 
t  à  empereur,  oemme  yoiur  Mirés  ;  et  etoj  que  je  n'ay  «ar 
«  ftullen  de  mes  gens  mesprts,  ne  e&yei^  saints  Église^  ne  ses 
€  menistres  ;  et  se  nais  pooit  faire  apparoir  que  fait  Fenisse, 
<  je  le  yolroie  rendre  jnsqnet  raison.  8i  Tot»  4j  que  je  me  sni 
•  alolég  areo  pluisenrs  prélas  et  barons^  d'Alemaingne  ati  roy 
c  d*E]i9leteFre  qui  cy  est,  et  Fay  Mi  pour  le  mieojbt  &ire  que 
€  laissier.  Et  cy,  en  rostre  présence,  je  fay  et  estaMi  le  roy 
c  d^Engleterre  mon  vicaire  et  lieutenant,  partent  et  en  tontes 
c  causes.  Si  renl  que  tous  tenans  yoisent,  aydent  et  confortent 
c  ce  roy  comme  yicaire,  partout  où  mener  les  rolra.  %  Après 
ees  jngemens  ainsi  fais,  Temperear  app^a  tabulions  publiques, 
et  leur  ccMmnanda  à  faire  instmmens,  et  que  toutes  ces  choses 
fassent  mises  es  drois  des  empereurs,  tenues  fermes  et  estables 
«A  temp»  adTenir.  Et  aussi  lui  donna  puissance  imperéal  de 
forgier  parmi  l'Empire  toutes  manièrm  de  florins  et  aoltres 
m<mnoies;  et  commanda  à  tous  subgès  qu*ils  li  obeysent 
comme  à  son  propre  corps,  et  que  tous  fuissent  appanlliés,  à  sa 
semonse  sans  délay,  de  deffler  le  rey  de  Frairce.  Et  fist  de  os 
certains'  procureurs  et  commissaires,  pour  renouveller  le  roy 
d^Engleten^  tous  estas,  et  lui  tmif  en  siège  impérial.  De  quoy 
le  duc  de  Guéries,  que  pararant  on  appellolt  conte,  fu  nommés 
et  fais  duc,  et  le  conte  de  Jullers,  qui  parafant  estoit,  nommés 
marquis.  Ainsi  ces  choses  faictes,  prinrent  congiet ,  et  en  rata 
chaseun  en  son  lieif,  et  le  roy  d'Engleterre  rerint  en  Brabant. 

Siô.  réd.  —  Li  marcis  de  Jullers  se  mut  à  toute  se  compagnie 
pour  aler  vers  Tempereur  ;  si  le  trouTèrent  à  Fl(»reberg.  Pour- 
quoi feroie-je  long  comi;>te  de  leurs  paroUes,  ne  de  leurs  reques- 
tes?  je  ne  les  saroie  raconter  toutes  entièrement,  car  je  n'i  fui 
mies.  Mais  11  dis  marcis  de  Jullers  parla  si  gracieusement  à 
monsigneur  Loeis  de  Baivière,  empereur  de  Romme  pour  le 
temps,  qu'il  flsent  toutes  leurs  besongnes  et  ce  pour  quoi  il 


VIGAlilÊ  DÉ  L'Éltt»IRE.  467 

estoient  là  alet,  et  y  fendi  tnadame  Margërite  cle  Hàyiiati  ^ 
femme  moult  grant  painne.  Et  fn  adont  11  inarcié  de  Julletifi 
fais  marcis  de  Jullers,  qui  en  deVant  estôlt  coûtiôg  de  Jtil- 
1ers,  et  li  dus  dé  Guéries  qui  estoit  appelés  côtitfeà,  fids  dn^ 
dô  GueHes,  et  impétrèrent  ceste  augmentation  de  nômÉi,  serf 
gens  qui  là  estoient.  Et  ossi  11  elnperères  donHà  comnlidéiôii 
à  IlII  chevaliers  et  à  II  clers  de  droit  qui  estoient  de  soii 
conseil,  et  pooir  de  faire  le  roy  englès,  son  vicaire  par  tout 
Tempire,  et  li  donna  grasce  par  quoi  il  peuist  faire  triôhnoié 
d'or  et  d'argent,  el  nom  de  lui,  et  commandement  que  cas- 
cuns  de  ses  soubgës  obéidist  à  lui  comme  à  son  vicairiè  et 
comme  à  lui-meismes.  Et  de  cô  priiâent  li  deësuâ  dit,  inMru- 
mens  publikes  confermés  et  saillés  souffissafnmeiit  de  Tetti- 
pereur.  Quant  11  dis  marchis  de  Jullers  eut*  fait  toutes  ëéé 
besongnes,  il  et  se  compagnie  se  misent  au  retofoi^. 

QuiMt.  réi,  —  Li  rois  d'Engleterre  s'en  revint  à  Anwiers  dalds 
ses  gens  et  làatendi  tant  que  chil  qui  furent  envojet  deviers  FesD- 
perour  retournèrent,  liquel  trouvèrent  en  Alemagne  en  une  ville 
que  on  appelle  Florenberghe,  lesquels  signeurs  il  requella  moult 
liement  et  ûst  à  tons  feste  et  honneur,  tant  pour  l'amour  don 
roi  d'Engleterre  que  pour  ce  que  ohil  de  l'empdre  estoient  si 
homme.  Il  esploitièrent  dus  oi  voyage  si  bien  que  messires  Lofs 
de  Baivière,  rois  d' Alemagne  et  emperadoùr  de  ftome^  ordonna 
et  institua  à  estre  son  vicaire  le  roi  Ëdonrart  d'Engleterre  par 
tout  Tempire,  et  commanda  à  tous  signeurs,  soubjès  à  lui»  que 
tout  obéisissent  à  lui  comme  à  son  vicaii*e,  et  de  ceste  èrdenaiice 
et  institution  furent  ordonnées  et  levées  lettres  autentiqueÉ 
séelées  des  seauli)  dou  rd  d' Alemagne  et  des  esliseurs  de  Fem- 
pire  qui  là  furent  présent,  et  avoebh  tout  ce  instrument  putoUqué 
tabellionnet  Si  fort  et  si  bieh  coifime  faire  se  peoient  ;  et  retour- 
nèrent, et  avoech  toutes  ^  coses,  chil  signeur  qui  en  légation 
avoîent  esté  envojet,  deviers  le  roi  d'Engleterre  qui  se  tenoit 
pour  ces  jours  à  Malignes,  et  monstrèrent  oomilnent  il  avoient 
esploitié.  Li  rois  d'Engleterre,  messires  Robers  d'Artois,  mes- 


468  toouARB  m 

sires  Jehans  de  Haiimau  et  tous  li  consauls  en  furent  grande- 
ment reegoj  et  dissent  que  il  avoient  bien  esploitié. 

Or  s*espardirent  ces  nouvelles  partout  que  li  rois  d*Alemagne 
instituoit  et  ordonnoit  le  roi  d*£ngleterre>  estre  son  vicaire. 
Quant  chil  de  la  chité  de  Cambrai  entendirent  ce,  pour  tant  que 
Cambrai  est  incambré  à  Temperour  et  est  terre  de  Tempire»  il 
furent  tout  abus  et  envoyèrent  de  lors  hommes  deviers  le  roi 
de  France  pour  recorder  ces  nouvelles.  Pour  ces  jours  estoit  li 
évesques  de  Cambrai  à  Paris,  liquels  s*appelloit  Guillaumes 
d' Ausonne  et  estoit  de  nation  de  Berri  et  de  la  Salongne  et  bon 
françois.  Si  se  représenta  et  ces  hommes  de  Cambrai  au  roi,  et 
recordèrent  les  besognes  ensi  que  par  renommée  elles  se  por- 
toient  en  Fempireet  dou  roi  d*£ngleterre  que  li  rois  d'Alemagne 
avoit  ordonné  à  estre  son  vicaire,  et  faisoient  doubte  que  par 
ceste  institution,  il  ne  vosist  venir  à  Cambrai  et  saisir  la  chité 
pour  faire  ent  frontière  et  garnison  sus  le  rojaulme  de  France. 
Dontlor  fu  demandé,  en  la  présence  dou  roi,  se  il  avoient  bonne 
volonté  de  requeUier  en  lor  ville  le  roi  d^Engleterre  comme 
vicaire  à  Tempereur.  Il  respondirent  que  nennil  et  que  se  il 
vosissent  ou  se  il  voloient  faire  ce  tretié,  il  ne  fuissent  point  là 
venus,  mais  il  remonstroient  ce  au  roi  comme  loial  et  bon  Fran- 
çois que  i]  sont  et  voellent  estre,  et  aussi  se  li  cas  chéoit  que  il 
fuissent  oppresset  des  Englois  ot  Alemans,  que  il  fuissent 
secouru  et  conforté  des  François.  Li  rois  de  France  lor  ot  en 
convenant  et  bien  lor  tint,  ensi  que  vous  orés  recorder  avant  en 
Fistore. 

Quant  li  signeur  de  Tempire  furent  retourné  deviers  le  roi 
d^Engleterrc  qui  pour  ces  jours  se  tenoit  en  la  viUe  de  Malignes, 
uns  parlemens  fu  convoquiés  à  estre  là  en  la  dite  ville,  de  tous 
les  signeurs  qui  convenance  et  aliance  avoient  au  roi  d'Engle- 
terre,  et  tout  i  vinrent,  et  aussi  Jaquèmes  Dartevelle  ne  s'i 
oublia  point  à  estre,  tant  pour  veoir  le  roi  d*Engleterre  que 
point  il  n'avoit  encores  veu  par  deçà  la  mer,  que  pour  sçavoir 
de  Fordenance  des  signeurs,  ne  quelle  la  conclusion  dou  parle- 
ment seroit;  car  renommée  couroit  en  Flandres  et  ailleurs, 


VICAIRE  DE  l'empire.  469 

quoique  li  dus  Jehans  de  Braibant  fust  cousins  germains  au  roi 
d'Ëngleterre,  si  se  faindoit-il  de  li  aidier,  ensi  que  faire  deuist, 
et  estoit  moult  pesans  à  esmouvoir,  et  disoient  auqunes  gens 
que  les  secrès  de  ces  parlemens  estoient  par  lui  sceu  en  France, 
car  il  avoit  un  sien  chevalier  le  plus  secré  de  tous  les  aultres  et 
que  le  plus  il  amoit,  lequel  on  nommoit  messire  Lois  de  Crâne- 
hem,  envoyet  à  Paris,  et  là  se  tenoit  tous  quois  dalés  le  roi  et 
les  signeurs,  et  estoit  11  dis  messires  Lois  cargiés  de  par  le  duc 
que  de  li  esquser  au  roi  de  toutes  informations  senestres  qui 
poroient  venir,  et  grandement  bien  s'en  aquita  li  chevaliers,  et 
tous  les  jours  venoient  lettres  et  nouvelles  dou  duch  de  Braibant 
au  chevalier,  par  quoy  il  sçavoit  tous  les  secrès  qui  se  faisoient 
en  Braibant. 

Vous  avés  bien  oy  compter  comment  li  roys  de  Franche 
avoit  sus  le  mer  mis  et  establi  Genevois,  Normans  et  -«scu- 
raeurs  pour  guerryer  les  Englès  qui  le  mer  volloient  passer 
ou  rapasser,  desquels  messires  Hues  Kiérès,  Bahucès  et 
Barbevaire  estoient  souverain.  Si  se  tenoient  chil  sus  mer 
et  estoient  souvent  devant  Douvres  ou  Winnescesée  ou  en  le 
Tamise  ou  devant  Mergate,  et  faisoient  moult  de  contraires 
à  touttes  gens,  espécialment  as  Englès  et  as  Flammens. 
Avint  que  chil  escumeur  qui  bien  estoient  *  XXX"  *  Gene- 
vois bidaus  et  Normans  et  Pickars  vinrent  par  ung  dimen- 
che  devant  Hantonne,  à  heure  de  messe  que  les  gens  estoient 
au  moustier,  et  prisent  le  marée  si  à  point  que  il  entrèrent 
ou  havène  de  Hantonne  et  furent  mestre  et  seigneur  de 
toutte  le  ville  et  des  gens  et  le  prisent  et  robèrent  et  moult 
de  bonnes  gens  y  tuèrent,  de  femmes  et  d'enfans,  dont  che 
fu  pités,  et  se  tinrent  là  tout  le  jour  et  chargièrent  leurs 
vaissiaux  de  tout  ce  qu'il  trouvèrent  et  envoyèrent  ardoir 
par  aucuns  de  leurs  courreurs  aucuns  hammiaux  dalles 

«■«  XX». 


470  SAC 

Haatoimet  4^  quoy  tout  li  pays  fu  moult  effpaas  et  e9laf^9if 
^  w  vinrent  les  nouvelles  à  Wincester  et  a  Saslebii  et  à 
GiUeforde  et  juaques  à  Londres.  Lors  s*esmarent  touttes 
mannlères  de  gens  et  vinrent  à  cheval  ^  au  plus  hastive* 
ment  qu^il  peurent  en  le  conte  de  Hanthonne  et  en  le  ville  ; 
mes  il  trouvèrent  que  li  Franchois  estoient  retret,  qui  le 
ville  avoient  toute  arse  et  reubée  :  dont  il  furent  courouchiet 
et  li  roys  de  France  tout  joians,  et  dist  que  Barbevaires  et 
li  sien  avoient  fet  ung  biel  exploit  à  che  commenchement 
sour  les  Englès.  Che  fu  environ  le  Nostre-Damme  en  sep- 
tembre, l'an  de  grâce  mil  CCC.XXXVIIL 

See.  réd.  —  Si  trètost  que  messires  Hues  Kierès  et  si  compa- 
gnon qui  se  tenoient  sus  mer  entendirent  que  les  deffiances 
estoient  et  la  guerre  ouverte  entre  France  et  Engleterre  ',  il  en 
furent  tout  Joiant  ;  si  se  départirent  avoecques  leur  armée  où  il 
avoit  bien  XX"  combatans  de  toutes  manières  de  gens,  et  sin- 
glèrent  vers  Engleterre  et  vindrent  un  dimence  au  matin  ou 
haTène  de  Hantonne,  entrues  que  les  gens  estoient  à  messe  ; 
et  entrèrent  li  dit  Normant  et  Genevois  en  le  ville  et  le  prisent 
•t  )e  pillèrent  et  robèrent  tout  entièrement,  et  y  tuèrent  moult 
de  gens  et  violèrent  pluiscurs  dames  et  pucclles,  dont  ce  fu 
damages,  et  ohargièrent  leurs  naves  et  leurs  vaissiaus  dou  grant 
pillage  qu'il  trouvèrent  en  le  ville,  qui  estoit  plainne  et  drue  et 
bien  garnie,  et  puis  rentrèrent  en  leurs  nefs.  Et  quant  li  flos 
de  le  mer  fu  revenus,  il  se  désancrèrent  et  singlèrent  al  esploit 
dou  vent  devers  Normendie,  et  s'en  vinrent  rafrescir  à  Diepe, 
et  là  départirent-il  leur  butin  et  leur  pillage. 

QtMlr.  r4d.  —  Tout  en  telle  manière  que  les  Engloia  oommon- 
chièrent  à  soutiller  quant  les  deffianoes  furent  faites  dou  roi  d'En< 
gkterre  au  roi  de  France,  comment  il  poroient  nuire  et  porter 

*  Et  à  pié.  —  *  Dans  cette  rédaction .  Froiasart  place  le  aac  de 
SoathamptOD  après  la  priae  de  Thun-rÉvéque. 


DE  SOUTHAMPTON.  47i 

damage  les  FraoçoLs,  li  rois  de  Franœ  et  son  consel»  toute  la 
saison  aussi,  n'avoient  entendu  à  aultre  cose  fors  à  euls  pourveir 
par  mer  et  par  terre,  car  par  les  apparans  que  il  veoient  et  desquels 
il  avoient  oï  parler,  il  supposoient  assés  que  il  aueroient  la  guerre, 
^t  avoient  establi  sus  la  mer  une  quantité  de  nefs  normandes  et 
grant  fuisson  de  Oenevois  et  de  gens  marins  que  on  appelle 
esqumeurs  de  mer,  et  en  estoient  meneur  et  gouverneur  de  par 
messire  Carie  Grimant,  amiral  de  France,  messire  Hues  Quiérès, 
fiahucès  et  Barbevaire,  et  se  tenoient  en  la  marée  de  Dieppe  et 
de  Harflues.  Si  trëtos  que  les  deffîances  furent  venues  à  Paris 
de  par  le  roi  d'Engleterre,  il  en  furent  segnefjet.  Si  se  dépar- 
tirent chil  dit  esqumeur  des  bendes  de  France  et  ceminèrent  au 
travers  de  la  mer  et  vinrent  avoecques  le  vent  et  la  marée  ou 
havène  de  Hantonne,  un  dimence  que  toutes  gens  estoient  à 
messe,  et  fu  la  ville  si  sourprise  que  il  n'eurent  nul  loisir  d'en- 
tendre à  garder  lor  ville  et  lor  havène,  et  estoient  bien  ces  dis 
esqumeurs  vint  mille,  uns  que  aultres,  et  furent  pour  ce  jour 
Rigueur  de  Hantonne,  et  s'enfuirent  hommes,  femmes  et  enfans 
qui  fuir  peurent,  pour  euls  sauver,  et  en  ocirent  et  prissent  biau- 
cop  et  fiistèrent  toute  la  ville  de  ce  que  il  i  trouvèrent  de  lainnes 
et  de  draps  ;  et  quant  la  marée  fu  revenue,  il  entrèrent  en  lors 
nefs,  mais  avant  il  boutèrent  le  feu  en  la  ville  en  plu^de  soixante 
liens,  et  puis  il  issirent  dou  havène  et  entrèrent  en  mer,  et  s'en 
retournèrent  arrière  viers  Normendie,  où  menèrent  biaucop  de 
prisonniers  que  depuis  il  rançonnèrent.  Ces  nouvelles  s'espar- 
dirent  parmi  Ëngleterre  comment  li  Normant  avoient  esté  à 
Hantonne  et  Favoient  prise  de  fait  et  toute  reubée  et  pillie, 
dont  sentirent  bien  li  Englois  que  la  guerre  estoit  toute  ouverte 
entre  France  et  Ëngleterre. 

Or  revenrons  au  roy  englès  et  as  parlemens  de  Brai- 
bant.  Quant  li  roys  d'Engleterre  et  U  autre  seigneur  à  lui 
aloyet  se  furent  parti  del  parlement  \  sicomme  vous  avés 

*  L'empereur. 


478  ASSEMBLÉE 

oy ,  li  roys  se  retraist  à  Loavaing  et  flst  appareillier  le  castiel 
pour  demourer,  et  y  flst  venir  la  poyne  et  tout  son  hostel. 
Or  venîrent,  sicomme  vous  avës  oy,  li  ducs  de  Guéries,  li 
contes  de  Jullers  et  chil  que  li  roys  avoit  envoyés  deviers 
l'empereur.  Si  fu  ordonnes  *  et  accordés  •  ung  parlemens 
*  à  estre  *  le  jour  Saint-Martin  en  yvier  en  Braibant.  Mes  II 
ducs  de  Braibant  ne  le  vot  mies  conssentir  adont  que  chils 
parlemens  fust  en  son  pays,  ne  à  Tret-sur-Meuse,  où  li 
AUemans  Tavoient  adviset  ;  mes  fu  chils  parlemens  assignés 
à  estre  à  Herkes  qui  siet  pries  de  son  pays  en  le  conté  de 
Los.  Li  roys  d*Engleterre  avoit  si  grant  désir  ^  de  se  besoin- 
gne  avanchier,  qu'il  li  convenoit  poursuiwir  tous  les  dan- 
giers  et  les  vollentés  del  duch  son  cousin,  puisqu'il  s'y  estoit 
erabatu  *,  et  s'acorda  à  chou  que  la  journée  fu  assignée  i 
Herkes.  Si  le  flst  assavoir  à  tous  ses  aloyés  qui  tout  y  vin- 
rent à  son  mandement  au  jour  de  le  Saint-Martin.  Et  quant 
tous  furent  là  venut  li  seigneur  qui  mandet  avoit  estet, 
'  sachiés  que  le  ville  fu  durement  plainne  de  grans  sei- 
gneurs, de  chevaliers  ou  d'escuiers  et  de  touttes  autres 
manniëres  de  gens,  et  fu  li  halle  de  le  ville  là  où  on  vendoit 
pain  et  char, qui  gaires  ne  valoit,  encourtinée  de  biaux  draps 
comme  la  cambre  le  roy  ;  et  fu  li  roys  assis  le  couronne  sus 
son  chief  plus  haulx  ung  piet  que  nul  des  autres,  sur  un 
bancq  d'un  bouchier  là  où  il  taille  sa  char.  Oncques  telle 
halle  ne  fu  à  si  grand  honneur  comme  celle  fu  *.  Et  là 

•'*  Par  Tacort  de  tous  ces  seigneurs.  —  **  A  estre  le  roy  d'Engle- 
terre  et  tous  les  autres  seigneurs  dessus  nommes  à  Herbes.  —  *^  De 
aTanchier  son  fait,  et  endura  moult  de  paino  et  de  dangier  du  duc  et 
d*aatres.  —  "*  •  Et  y  eut  ce  jour  14  tant  de  seigneurs,  chevaliers  et 
eacuiert,  que  ce  fu  merveilles.  Et  d  une  grande  vielle  halle  de  la  ville 
flst-on  chambre  do  roy,  tendue  de  draps  ;  et  y  fut  le  roy,  le  couronne 
sur  le  teate,  plus  hault  ung  piet  que  ceolx  des  aultres,  sur  Testai  d*un 
boochier.  Monlt  estoit  la  place  mal  honnette. 


DE  HERGK.  473 

endroit,  par  devant  tout  le  peuple  qui  là  estoit  et  les  sei- 
gneurs, furent  luttes  les  lettres  del  empereur  par  lesquelles 
il  constituoit  le  roy  Édouwart  d'Engleterre  son  vicaire  et 
son  lieutenant  pour  lui,  et  il  donnoit  pooir  de  faire  droit  et 
loy  à  chacun  el  nom  de  lui  et  de  faire  monnaie  d'or  et  d'ar- 
gent el  nom  de  lui,  et  commandoit  à  tous  les  princes  et  à  tous 
autres  subgës  qu'il  obéissent  à  son  vicaire  comme  à  lui 
meysmes  et  li  feissent  féaulté  et  hoummaige  comme  au 
vicaire  del  empire.  Quant  ces  lettres  furent  luttes,  chacuns 
des  seigneurs  fîst  ^  féaQche  '  et  sièrement.  Et  tantost  là 
endroit  fu  clammet  et  respondut  entre  parties  comme  devant 
l'empereur  et  jugiet  droit  à  le  semonsce  de  lui,  et  fu  là 
endroit  renouvelles  et  afermës  uns  jugemens  et  estatus  qui 
avoit  estet  fais  en  le  court  de  l'empereur  dou  tamps  passet 
qui  tels  estoit  :  que  qui  voUoit  au  tout  grever  ou  porter 
dammaige,  il  le  devoit  deffyer  souffisamment  III  jours 
devant  sen  fait,  et  qui  aultrement  le  feroit,  il  devroit  estre 
atains  comme  de  mauvais  et  villain  fait.  Ghils  estatus  sam- 
bla  bien  raisonnable  à  cascun. 

Ensi  se  départi  chils  parlemens,  mes  li  seigneur  eurent 
avis  et  consseil  l'un  par  l'autre  là  où  il  se  trairoient  pour 
gueryer  à  l'estet  qui  revenoit.  Si  fu  dist  et  acordét  qu'il 
yroient  devant  Cambrayqui  estoit  cités  del  empereur, rebelle 
à  lui  et  favorable  au  roy  de  Franche  '.  Adont  s'en  revint 
li  roy 8  englès  à  Louvaing  dalés  le  royne  se  femme  et  se  tint 
là  tout  rivier  et  à  grans  frès,  et  se  faisoit  partout  appeler 
vicaire  de  l'empereur  ;  et  manda  au  conte  de  Haynnau  que 
ses  pays  li  fuist  ouvers  et  appareilliés  pour  recepvoir  lui  et 
ses  gens  et  passer  parmy  comme  vicaires  del  empire.  Li 
contes  qui  bien  volloit  obéir  à  l'empereur  si  avant  que  tenus 
y  estoit  et  garder  ossi  sen  honneur  au  roy  de  Franche,  res- 

**  Fëaltë.  —  '  Or  prinrent  oong^iet  l'un  à  l'autre. 


474  ASSEMBLÉE 

pondi  qa*il  en  aroit  avis.  Si  migt  en  Mons  en  Haynnau  ung 
^ant  parlement  ensamble  des  barons  et  des  oheyaliers  et 
des  hommes  de  se  terre  S  et  fti  trouvet  que  il  ne  pooit  con- 
tredire à  l'empereur,  ne  à  son  vicaire,  que  il  ne  le  serve- 
sist  et  ouvresist  se  pays  pour  lui  et  ses  gens  recepvoir, 
et  ensi  le  rapportèrent  au  roy  d'Engleterre  chil  qui  par  lui 
chargiet  en  estoient  ',  liquels  roys  en  fu  tous  joians  et  se 
tint  à  Louvaing,  ensi  que  je  vous  ay  dit,  toudis  aoquérans 
amis  «&  Tempire. 

ijSfeç.  rid.  —  Quant  li  rois  Édouwars  et  li  ^.ultre  signeur  à  lui 
alloyet  se  furent  parti  del  parlement,  sicom  vous  avés  oy,  li 
rois  se  retraist  à  Louvaing  et  fist  apparillier  le  chastiel  pour 
demorer,  et  manda  à  le  royne  Phelippe  sa  femiçie,  se  elle  voloit 
venir  pardeçà  le  mer,  ce  li  plairoit  bien,  car  il  ne  pooit  delà 
rapasser  toute  celle  année,  et  renvoia  grant  fuison  de  ses  cheva- 
liers oultre,  pour  garder  son  pays,  meismement  sus  le  maroe 
d'Escoce.  La  royne  dessus  dite  prist  en  grant  plaisance  les 
nouveUes  dou  roy  son  signeur  et  se  apparilla,  au  mieus  et  au 
plus  tost  que  elle  peut,  pour  rapasser  le  mer.  Entrues  que  ces 
besongnes  se  détrioient,  li  aulti^  chevalier  englois,  qui  estoient 
en  Braibant  dalé^  le  roy,  s'espardirent  aval  le  pays  de  Flandres 
et  de  Haynau^  en  tenant  grant  estât  et  en  faisant  grans  frais, 
et  n'espargnoient  ne  or,  ne  argent,  non  plus  qu'il  leur  pleuist 
des  nues,  et  donnoient  grans  jeuiaus  as  signeurs,  as  dames  et 
as  damoiselles,  ppur  acquerre  le  grasce  et  le  louenge  de  ceuls 
et  de  celles  entre  qui  il  conversoient,  et  tant  faisoient  qu'il 
Tavoient,  et  estoient,  prisiés  de  tous  et  de  toutes,  et  meisme- 
ment dou  commun  peuple  à  qui  il  ne  donnoient  riens ,  pour 
le  bîel  estât  qu'il  menoient.  Or  revinrent  del  empereur  monsi- 
gneur  Loeis  de  Baivière,  environ  le  Toussains,  li  marcis  de 

*-*  Si  fu  trouvé  qu'il  ne  pooit  contredire  à  Tempereur,  ne  à  son 
vicaire,  quMl  ne  mesfesist;  et  d'accord  fu  rapporté  devers  le  roy  qu'il 
trouveroit  monseign^Qr  le  cojdte  et  le  paya  appareilliéB. 


DE  HERGK.  475 

Jullara  et  Q6  compagnie  :  se  segnefia  et  e^e^isi,  par  q^r^aû^s 
chevaliers,  au  rpj  Édouwart,  de  sa  venue»  ^t  U  manda  ossi 
que,  Dieu  merci,  il  ayoit  très-bien  esploitié.  De  oes  no^yeUeff  lu 
li  rois  englès  tous  joians,  et  resorisi  au  dis  marchis  que  à  |a 
feste  Saint-Martin  il  fust  devers  lui  et  que  à  ce  jour  tout  li 
aultre  signeur  y  seroient.  Avoech  tout  çou  U  rois  -englès  99 
consiUa  au  duc  de  Braibant  son  cousin  et  li  demanda  ^ijL  il 
voloit  que  cils  parlemens  se  tenist.  Li  dus  fu  ayiséa  de  rç«h 
pondre  et  ne  volt  mies  adont  qu'il  se  tenist  en  son  ps^fe»  et  si 
ne  volt  mies  aler  jusques  à  Tret  où  la  jourAée  euist  esté  bien 
séans,  pour  le  cause  des  signeurs  del  empire  ;  ains  ordonna  et 
volt  que  elle  fust  assise  è^  Herkes  qui  siet  priés  de  fK)n  pays, 
en  le  conté  de  Los.  Li  rois  englès,  saciés,  avoit  si  grant  désir 
de  se  besongne  avancier,  qu'il  li  conyeuoit  poursiewir  ^t 
attendre  tous  les  dangiers  et  les  volentés  le  ducb  son  cousin, 
puisqu'il  s'i  estoit  embatus,  et  se  acprda  à  çou  que  U  journép 
fu  assignée  à  Herkes  :  si  le  0st  savoir  à  tous  ses  allojés,  qui 
tout  y  vinrent,  à  son  mandement,  au  jour  de  le  Saint-Martin. 
Quant  tout  furent  là  venu,  saciés  que  li  ville  fu  durement 
plainne  de  signeurs,  de  chevalier^  et  d'escuiers  et  de  touteis 
aultres  manières  de  gens,  et  fu  U  balle  de  le  ville,  là  où  on 
vendoit  pain  et  char,  qui  gaires  ne  valoit,  encourdinée  de 
biaus  draps  comme  la  cambre  le  roj,  et  f u  li  rois  englèa 
assis,  le  couronne  d'or  moult  rice  et  moult  noble  sus  son 
chief,  plus  hault  Y  pies  que  nuls  des  aultres,  sur  un  banc  d'un 
boucler,  là  où  il  vendoit  et  tailloit  se  char.  Onques  tele  balle 
ne  fu  à  si  haute  honneur.  Là  endroit  pardevant  tout  le  peuple 
qui  là  estoit,  et  pardevant  tous  les  signeurs,  furent  leutes  les 
lettres  de  l'empereur,  par  lesqueles  il  constituoit  le  roi  d'Engle- 
terre  Édouwart  son  vicaire  et  son  lieutenant  pour  lui,  et  li 
(lonnoit  pooir  de  faire  droit  et  loj  à  cascun  el  nom  de  lui,  et 
do  faire  monnoie  d'or  et  d'argent  ossi  el  nom  de  lui,  et  com- 
mandoit  par  ses  dittes  lettres  à  tous  les  princes  de  son  empire 
et  à  tous  aultres  à  lui  soubgès  qu'il  obéisissent  à  son  vioaire 
comme  à  lui-meisme»,  et  U  fesissent  féaulté  el  hommage  comme 


476  ASSEMBLÉE 

au  vicaire  del  empire.  Quant  ces  lettres  furent  leutes,  cascuns 
des  signeurs  fist  hommage,  féaulté  et  sairemènt  au  roi  englès, 
comme  au  vicaire  del  empereur,  et  tantost  là  endroit  fu  clamet 
et  respondu  entre  parties,  comme  devant  l'empereur,  et  jugiet 
droit,  à  la  semonse  de  lui,  et  fu  là  endroit  renouvelés  et 
affermés  uns  jugemens  et  estatus  qui  avoit  estet  fais  en  le 
court  del  empereur  dou  temps  passet,  qui  tels  estoit  :  que 
qui  voloit  aultrui  grever  ou  porter  damage,  il  le  devoit  segne- 
fjer  souffissamment  trois  jours  devant  son  fait ,  et  qui  aul- 
trement  le  feroit,  il  devoit  estre  attains  com  de  mauvais  et 
villain  fait.  Chils  estatus  sambla  estre  bien  raisonnables  à 
cascun ,  mais  je  ne  croi  mies  que  depuis  il  ait  estet  partout 
biens  gardés.  Quant  tout  cou  fu  fait,  li  signeur  se  départirent 
et  créantèrent  li  uns  à  Taultre  de  estre  apparilliet  sans  délay  à 
toutes  leurs  gens ,  ensi  que  convenenciet  estoient ,  III  sep- 
mainnes  apriès  le  Saint-Jehan,  pour  aler  devant  Cambray, 
qui  doit  estre  del  empire,  et  estoit  tournée  pardevers  le  roy 
de  France. 

Ensi  se  départirent  cil  signeur  :  cascuns  en  râla  en  son 
lieu,  et  li  rois  Édouwars 'vicaires  del  empire  s'en  revint  à 
Louvaing,  dalés  madame  la  royne  sa  femme,  qui  nouvelle- 
ment estoit  là  venue  à  grant  noblèce  et  bien  acompagnie  de 
dames  et  de  damoiselles  d'Engleterre.  Si  tinrent  à  Louvaing 
leur  tinel  moult  honnourablement  tout  cel  yvier,  et  fist  faire 
monnoie  d'or  et  d'argent  en  Anwiers,  à  grant  fuison.  Mais 
pour  ce  ne  cessa  mies  li  dus  de  Braibant  de  renvoyer  soigneu- 
sement devers  le  roy  de  France  monsigneur  Loeis  de  Cra- 
nehen  son  plus  espécial  chevalier  et  consilleur,  en  lui  excu- 
sant. En  le  fin  il  le  fist  demorer  tout  quoi  dalés  le  roy,  et  li 
carga  et  enjoindi  expressément  que  toutdis  il  Tescusast  devers 
le  roy  et  contredesist  toutes  les  informations  qui  pooient  venir 
au  dit  roi  à  l'encontre  de  lui.  Li  dis  monsigneur  Loeis  n'osa 
escondire  le  commandement  del  duch  son  signeur,  ains  en  fist 
toutdis  bien  son  devoir,  à  son  pooir;  mais  au  darrain  il  en 
eut  povre  guerredon,  car  il  en  morut  en  France  de  duel, 


DE  mcRCK.  477 

qaant  on  vei  apparemment  le  contraire  de  ce  dont  il  escusoit 
le  duch  si  certainnement,  et  en  devint  si  confus  qu*il  ne  volt 
onques  puis  retourner  en  Braibant.  Si  demora  tous  cois  en 
France,  pour  lui  ester  de  souspeçon,  tant  qu'il  vesqui  :  ce  ne 
fu  pas  longement,  sicom  tous  orés  en  avant  recorder  en 
Thystore. 

QiuU.  réd.  —  En  la  ville  de  Malignes  vinrent  biaucop  de 
signeurs  pour  tant  que  li  rois  d'Engleterre  i  estoit.  Or  s'avisa 
li  dus  de  Braibant  qui  se  voloit  dissimuler  de  ces  besongnes,  et 
ordonna  et  i  trouva  une  cautelle  nouvelle,  et  dist  que  li  parle- 
mens  ne  se  pooit  tenir  pour  celle  fois  à  Malignes,  ne  à  Trec  (se 
euist-il  esté  là  moult  bien  et  pour  Taise  des  signeurs  de  lem- 
pire)  :  il  li  f u  demandé  dou  roi  et  dou  conte  de  Guéries  où  il 
voloit  dont  que  il  se  tenist.  Il  respondi  à  Herbes  en  Hasbain 
qui  sciet  priés  de  son  pais.  Pour  acomplir  les  plaisances  et 
volontés  dou  duc,  car  on  ne  le  savoit  comment  avoir,  ne  mener» 
on  acorda  à  estre  le  parlement  à  Herbes,  et  vinrent  là  tout  li 
signeur  tant  de  Tempire  comme  d'autre  pais,  qui  alliance  avoient 
au  roi  d'Ëngleterre,  et  pluisseur  de  la  conté  de  Hainnau  qui  n'i 
avoient  que  faire  fors  que  pour  veoir  Testât.  Quant  tout  furent 
venu,  la  ville  fut  durement  plainne,  et  se  logièrent  moult  de 
signeurs  à  nu  chiel  ou  desous  fuellies  et  contre  les  haies  et  les 
buissons  et  ens  es  jardins  au  dehors  de  la  ville.  Et  fu  la  halle 
de  la  ville  où  on  vendoit  et  vend  encores  pain  et  char ,  encour- 
tinée  de  biaus  draps  et  de  tapisserie  comme  la  cambre  le  roi. 
Et  là  fu  li  rois  d'Engleterre  assis,  la  couronne  d'or  moult  rice 
et  moult  noble  sus  le  chief,  plus  hault  cinq  pies  que  nuls  des 
aultres ,  sus  le  banc  d'un  bouchier  où  il  tailloit  et  vendoit  sa 
char.  Onques  povre  halle  ne  rechut  si  haute  honneur.  Et  là 
pardevant  tout  le  peuple,  en  la  présence  des  signeurs,  furent 
leutes  les  lettres  de  Tempereour  par  lesquelles  il  constituoit  le 
roi  Edowart  d'Engleterre  son  vicaire  et  son  lieutenant  pour 
li,  et  li  donnoit  poissance  de  faire  droit  et  loj  à  casqun  ou 
nom  de  li  et  de  faire  monnoie  d'or  et  d'argent  aussi  au  nom 


478  ABftIliBLéK 

dé  11.  Et  cëiô&atidoit  11  dis  emperères  par  ses  dlttes  lettres 
k  tous  les  princes  de  son  eitipire  et  à  tous  aultres  à  lui  soub- 
jès  que  il  obéiesdlit  au  roi  d'Engleterre,  son  vicaire,  comme 
à  lui  meismes  et  li  fesissent  féaulté  et  hl^mmage  comme  au 
ticaire  de  l'empiré; 

Quant  ces  lettres  furent  leutes,  li  rois  d^Engleterre  fist  faire 
requeste  à  tous  les  signeurs  qui  là  estoient,  que  tout  fesissent 
féaulté  et  hommage.  Tout  Chil  qui  requis  en  furent,  le  fisdént 
de  tant  que  téiiu  estoient  dou  faire.  Et  tantos  là  endroit  fu  clamet 
et  i^spôndut  entre  parties  comme  devant  Tettipereour,  et  jugiet 
droit  à  la  semonse  de  11.  Et  fu  là  endroit  renouvelles  et  aflTer- 
més  uns  esiatus  et  jugemens  qui  aultre  fois  avoit  esté  dis  et 
fais  en  la  cour  de  Tempereotir,  liquels  estoit  tels:  qtie  qui 
Voloît  autrui  grever,  ne  porter  damage,  il  le  devoit  defSer 
soufflssanment  trois  jouri^  devant  son  fait,  et  qui  autrement 
lé  feroit,  il  devoit  éstre  atainà  et  pugnis  comme  de  malvais 
fait.  Chils  estatus  sambla  bots  et  raisonnables  à  tout  homme, 
mais  je  ne  sçai  se  depuis  il  a  esté  partout  bien  ténus  et 


Quant  chils  estas  fu  tenus,  le^juel  vôùé  oéer  récorder^  et  que 
li  vicaires  de  Tempereour  ot  fait  droit  et  loi  et  rendut  juge- 
mens,  et  que  li  signeur  qui  là  estoient,  li  orent  fait  féaulté 
et  hommage,  car  il  en  furent  requis  soufissanment ,  et  que 
toutes  coses  furent  misses  à  lor  devoir,  en  augmentation  de 
titlé  et  de  nom  li  contes  de  Guéries  fu  transmués  en  duc,  et  li 
marquis  de  Jullers  en  conte,  et  puis  grant  temps  apriès  fu-il 
nommés  dus  de  Jullers.  Dont  descendi  li  dis  rois  d'Engleterre 
nommés  vicaires  à  Tempereour,  et  aussi  fissent  tout  li  signeur, 
et  issirent  de  la  halle  et  vinretit  en  une  aultre  place  moult 
grande,  laquelle  on  avoit  apparillie  pour  euls,  et  là  disnèrent 
ensamble,  et  fu  ordonné  que  de  là  on  se  départiroit  casquns 
en  son  lieu,  et  cel  ivier  passet,  sus  Testet,  quant  li  vicaires 
de  Fempereour  seniiondroit  ses  hommes ,  tout  se  remeteroient 
ensamble  et  le  venroient  servir  et  iroient  partout  où  il  les 
menroit,  et  fu  adont  avisé  et  ordonné  que  on  se  trairoit  devant 


DB  HERCK.  479 

Cambrai,  car  li  signeur  avoient  entendu  que  il  le  trouveroient 
rebelle  à  rencontre  de  euls  et  close. 

Si  se  départirent  chil  signeur  el  prissent  congiet  au  roi 
d^Bngleterre  et  li  rois  à  euls  sus  Testât  et  ordenance  que  de 
retourner  à  Testet,  et  vint  li  rois  d'Engleterre  à  Louvaing  et 
se  logea  ou  chastiel,  oar  li  dus  son  cousin  li  presta,  et  manda 
li  dis  rois  d^Engleterre  la  roine  Phelippe  sa  femme  en  Engle* 
terre,  laquelle  fu  moult  resjoïe  de  ces  nouvelles  et  se  apparilla 
dou  plus  tos  comme  elle  pot,  et  se  mist  en  la  mer  et  monta  ens 
son  vassiel  au  palais  de  Wesmoustier,  et  tout  chil  et  toutes 
celles  qui  de  sa  route  furent,  et  estoit  la  roine  bien  acompa- 
gnie  de  dames  et  de  damoiselles  d'Engleterre,  de  chevaliers  et 
d^esquiers,  et  nagièrent  tant  li  maronnier  à  Taide  de  Dieu  et 
dou  vent  que  il  vinrent  en  Anviers,  et  là  issirent  des  vassiaus 
et  se  missent  en  la  ville.  Si  fu  la  roine  requelleite  moult  honou- 
rablement  de  ceuls  de  la  ville. 

Ces  nouvelles  s'espardirent  tantos  sus  le  pais  que  la  roine 
d'Engieterre  estoit  venue.  Si  vinrent  oontre  li  et  pour  acom- 
pagnier  et  amener  à  Louvaing  deviers  le  roi,  pluisseurs  barons 
et  chevaliers  d'Engleterre  qui  estoient  espars  sus  le  pais  de 
Braibant,  et  entra  la  roine  en  Louvaing  à  plus  de  deus  mille 
chevaus.  Se  vint  li  rois  contre  li  et  le  rechut  liement.  Si  furent 
moult  belles  et  moult  amoureuses  les  aquointances  dou  roi  et 
de  la  roine,  et  se  logièrent  ou  chastiel  de  Louvaing  tout  cel 
ivier  et  tinrent  lor  estât.  Assés  tos  apriès  ce  que  la  roine  fu 
venue  à  Louvaing,  le  vinrent  veoir  li  jones  contes  Guillaumes 
de  Hainnau  son  frère,  et  la  jone  contesse  sa  femme ,  et  aussi 
fist  madame  de  Valois  sa  mère ,  car  elle  Tamoit  de  tout  son 
coer  plus  tenrement  que  nulles  de  ses  filles.  Si  fu  la  roine 
visitée  des  chevaliers  et  des  dames  de  Hainnau  et  de  Braibant, 
et  elle  qui  estoit  pourveue  toute  sus,  les  requelloit  liement  et 
doucement  et  les  remercioit  de  lor  bonne  Visitation.  Vous  devés 
scavoir  et  croire  légièrement  que  li  rois  d'Engleterre  gissoit  à 
grans  frès  et  à  grans  coustages  deçà  la  mer  ;  car  il  tenoit  plus 
de   deus  mille  chevaliers  et  esquiers  et  environ  huit  mille 


480  HÉSITATION 

archiers,  et  tous  les  mois  estoient  payet  de  lors  gages,  sans 
les  grans  coustagess  et  frès  qui  li  venoient  de  costé  à  tenir  ces 
signeurs  d^Alemagne  à  amour,  car  il  ne  fesissent  riens,  ne 
pour  linage ,  ne  aultrement ,  se  li  denier  n'alaissent  tousdis 
devant. 

Encores  se  dissimuloit  ce  qu'il  pooit  li  dus  de  Braibant, 
quel  amour,  ne  compagnie  que  il  fesist,  ne  monstrast  au  roi 
d'Engleterre,  son  cousin^  et  faisoit  tout  quoi  tenir  son  cheva- 
lier messire  Lois  de  Cranehem  à  Paris  dalés  le  roi,  qui  tous- 
jours  esqusoit  le  duch  de  toutes  informations  senestres  qui 
venoient  en  la  présence  dou  roi,  et  disoit  au  roi  :  c  Sire,  n'en 
«  créés  riens,  car  monsîgneur  de  Braibant,  quel  samblant  que 
€  il  monstre,  ne  face  à  son  cousin  le  roi  d'Engleterre,  ne  vous 
«  fera  jà  guerre  pour  lui.  »  Et  li  rois  de  France  créoit  et  créi 
tant  que  on  en  vei  tout  le  contraire,  de  quoi  li  dis  chevaliers 
prist  si  très-grande  mérancolie ,  quant  li  rois  Phelippes  li  dist 
que  il  estoit  mençonables  et  li  dus  de  Braibant  ses  mestres 
aussi,  que  il  en  morut  d'anoi,  ne  onque  depuis  ne  retourna  en 
Braibant.  

Or  revenrons  au  roy  d'Engleterre  qui  très-grant  dësîr 
avoît  que  li  saison  venist  que  il  peuist  '  faire  se  emprise  *,  et 
se  tenoit  à  Louvaing  et  parloit  souvent  de  son  voiaige  au 
duc  de  Braibant  son  cousin,  au  duc  de  Guéries  son  serourge, 
au  conte  de  Jullers  et  à  monseigneur  Jehan  de  Haynnau, 
qui  le  visetoient,  et  quant  li  estes  fu  venus  ^,  li  Pasques  et  li 
Pentecouste  passés  et  li  Saint-Jehan-Baptiste  ossi  et  li 
aoust  approcha,  il  s'en  vint  à  Vilvort  et  se  loga  en  le  ville 
et  là  s'asambloient  li  Englès  qui  le  mer  avoient  rapasset  et 
se  logeoient  en  le  ville  qui  logier  s'i  pooient  ou  ens  es  mares 
sour  le  rivière,  et  y  avoit  bien  XVP  armures  de  fier  et 

*-*  Chevauchier.  —  *  Que  temps  fu  de  mettre  ses  gens  sus  et  faire 
son  mandement. 


DU   DUC   DE  BRADANT. 


481 


VIII™  archiers.  Lors  manda-il  estroitement  à  tous  ces  sei- 
gneurs d' Allemaigne  que  il  veinssent  et  avalaissent  ensi  que 
juret  et  proummis  li  avoient,  et  il  li  remandèrent  que  il 
estoient  tout  appareilliet,  mes  que  li  dus  de  Braibant  s'es- 
meuist.  Encorres  détria  li  dus  de  Braibant  de  le  Madelainne 
à  li  mouvoir  *  jusques  en  septembre  *  et  avoit  renvoyet 
en  France  monseigneur  Loeys  de  Cranehen,  le  plus  secret 
chevalier  qu'il  euist,  liquels  chevaliers  escusoit  toudis  le 
duc  de  Braibant  envers  le  roy  contre  touttes  infourmations 
qui  pooient  venir.  Nonobstant  ce,  si  faisoit  li  dus  de  Brai- 
bant son  mandement  et  retenoit  chevaliers  et  escuiers  là  où 
il  les  pooit  avoir,  et  le  détriance  qu'il  y  metoit,  elle  estoît 
assés  raisonnable,  car  il  veist  vollentiers  que  entre  ces  deux 
roys  aucuns  bons  tretiés  d'acort  se  fust  fais  ainchois  que 
gherre  ^,  ne  arssins  ^  s'en  fust  esmeus,  ne  commenchié.  Et 
bien  disoit  que  se  li  contes  Guillaummes  de  Haynnau  qui 
nouvellement  estoit  trespassës  vesquesist,  il  les  euist  appai- 
siet  et  mis  à  acord.  Et  se  li  estoient  chil  doy  roy  si  pro- 
chain que  aenvis  s'en  mesloit  et  aenvîs  ^  s'en  demoroit  *  ; 
mes  il  s'estoit  jà  si  avant  '  aconvenenchiés  •  que  par  hon- 
neur il  ne  pooit  reculler.  Ossi  li  plus  grant  partie  de  tous 
ses  chevaliers  estoient  en  coer  englès,  qjii  bien  avanchoient 
et  aidoient  le  roy  englës  en  ses  besoingnes. 

Sec,  réd,  —  »  Or  passa  cils  yviers,  li  estes  revint;  li  feste 
Saint-Jehan  Baptiste  approça,  chil  signeur  d'Alomagne  se  com- 
mencièrent  à  appariUier  pour  achever  leur  emprise  *®.  Li  rois  de 

^  *  Jusques  à  rentrée  de  septembre ''^  Ne  mortalité. -«  *'*  Le  lais- 

soit.  —  ^-«  Obligiés.—  •**"  Or  passa  cellui  yver  et  pui«  retint  Testé  et  que 
la  feste  de  Monseigneur  Saint  Jehan  approucha.  Adonques  oes  grans  sei- 
gneurs d*AUemagne  s'appareillèrent  moult  estofféement,  chacun  selon 
son  estât,  ainsi  que  enconvenancé  l'avoient  au  roy  d^Angleterre  comme 
au  vicaire  de  TEmpire,  pour  parfaire  et  accomplir  leur  entreprise. 

I.  —  FROISSABT.  31 


483  L'ARllêR   ANGLAISE 

Finance  se  pourvei  à  rencontre,  car  il  savoit  partie  de  leur 
entente,  comment  il  n*en  ftist  point  encore»  deffyés.  Li  rois 
englès  âst  toutes  ses  pourvéancefl  faire  en  Engleterre,  et  ae« 
gens  dVmefl  apparillier  et  apasser  par  deçà  le  mer,  sitost  que  li 
Saint-Jehan  fut  passée ,  et  se  ala  tenir  il-meismes  à  VilYort, 
et  faisait  ses  gens,  ensi  qu'il  apassoient  oultre  et  qu  il  venoient, 
prendre  hostels  en  le  ville  de  Vilvort,  et  quant  li  ville  fu 
plainne,  il  les  fist  logiw  contreval  ces  biaus  prés  selonch  le 
rivière,  en  tentes  et  en  très,  et  là  se  logièrent-il  et  demorèrent 
de  le  Magdelainne  jusques  apriès  le  Nostre-Dame  en  septembre, 
en  attendant  de  sepmainne  en  sepmainne  le  venue  des  aultros 
signeurs,  et  par  espécial  celle  dou  duch  de  Braibant,  apriès  qui 
tout  li  aultre  s'attendoient.  Quant  li  rois  englès  vei  que  cil 
signeur  ne  venoient  point,  ne  apparOliet  estoient,  il  envoia 
certains  messages  viers  cascun ,  et  les  fist  semonre  sur  leur 
créant,  qu'il  venissent  sans  nul  délai,  ensi  que  créante  avoicnt, 
ou  il  vonissent  au  jour  Saint-Gille  pour  parler  à  lui  en  le  ville 
de  Malignes  et  lui  dire  pourquoi  il  targoient  tant.  Li  rois 
Édouwars  séjournoit  à  Vilvort  à  grant  frès,  ce  puet  cascuns 
savoir,  et  perdoit  son  temps,  se  li  anoioit  moult,  et  ne  le  pooit 
amender.  Il  soustenoit  tous  les  jours  sous  ses  frès  bien  *  XVP  • 
armeures  de  fier,  '  fieur  de  gens  *,  tous  venus  de  oultre  le  mer, 
et  bien  X"  arciers,  sans  les  aultres  poursiewans  à  cou  aper- 
tenans.  Se  li  pooit  bien  ce  peser,  avoech  le  grant  trésor  qu'il 
avoit  donnet  à  ces  signeurs  qui  ensi  le  détrioient  par  parolles, 
ce  li  pooit  bien  sambler,  et  avoecques  ce  les  grandes  armées 
qu'il  avoit  establies  sour  mer  contre  Genevois,  Normans,  Bre- 
tons, Pikars  et  Espagnols  que  li  rois  Phelippes  faisoit  gésir  et 
nagier  sour  mer  à  ses  gages  pour  les  Englès  grever,  dont 
messires  Hues  Kiérès ,  messires  Pieres  Bahucès  et  Barbe- 
vaires  estoient  amiraut  et  conduiseur,  pour  garder  les  destrois 
et  les  'passages  »  entre  Engleterre  et  France.  Et  n'attendoient 

*-•  XVIII« —  '-*  Toute  fleur  de  bonnes  gens  d'armes.  —  *  Contre  les 
Englès  qu^il  ne  passassent  d'Engleterre  par  deçà  la  mer  pour  venir  en 
France. 


A  TILVORDB.  483 

cil  dessusdit  escumeur  de  mer  aultre  oose  for*  que  Iw  nouvaDes 
leur  yenissent  que  la  ^erre  feu^t  oon^rte  ei  que  li  Tom  «nglè», 
aicom  on  supposoit,  em^t  deffjet  k  Toy  d»  France  <,  qtt^it  entre* 
roient  en  Ëngleterre,  '  où  que  os  fmt  :  il  avolent  ja  aiiaîei  oh 
et  comment,  pour  porter  au  pajB  grant  damage  *» 

Quant  cil  signeur  d'Alemaigne,  à  le  semonce  dou  roi  engtèe, 
li  dus  de  Braibant  et  messîres  Jehans  de  Hajnau  yinfent  à 
Malignes,  il  n'amenèrent  pas  leurs  gens  avoech  yaus,  se  leur» 
pourveanoes  pour  hostojer,  mais  se  traîeent  pair  éerere  )e  rerf 
pour  parlementer  encores  ung  petit  ensemble,  et  là  U  i^Vteer» 
dirent  communément,  apriès  tout  plain  de  parolles,  que  11  fole 
englès  pooit  bien  mouvoir  à  le  quiasainoe  après  ou  environ, 
et  sero|ent  adont  tout  apparillie^.  Et  pour  tant  que  leur  gverrei 
fust  plus  belle,  et  que  bî^  i^rtenoîià  faire,  puisqu'il  TKMenI 
guerroyer  le  roi  d^  Fraace ,  il  se  aoordèrent  de  envoier  le» 
deôiances  au  roi  Pàettppe  ;  premièrement  li  rois  d'Engleterre 
Édouwars  qui  se  âst  chiés  de  to«s  et  de  ofaiaM  de  son  ro^Mteie, 
ce  fu  raisons;  ossi  li  dus  de  Querlet,  limarois  de  Juflers,  ne»- 
sires  Robers  d'Artois^  messiree  Jehan»  de  Hi^nau,  U  mareis  da 
Misse  et  d'Ëurient;,  li  aiarcis  de  Blankelboœra,  li  sires  de  Pau- 
kembnt,  messires  Ernouk  de  9akehen,  ii  aroheresque  de  Omi^ 
bngne,  messires  Gai»fans  ses  frères,  et  tout  li  signeur  do 
Tempire,  qui  diief  se  faisoient  de  le«i»  besongne  avoech  le  rei 
englès.  8i  furent  ee»  deffiaiœs  eseripte»  et  séellées  de  casemn j 
excepté  dou  ducb  Jehan  de  BraihanÉ,  qui  enooree  s'esousa  et 
ne  se  Tolt  mies  adont  ooi^îndre  en  ces  éefiance»  et  ^Kst  qu*!! 
feroit  son  fait  aparldi  à  t^nps  et  à  point.  De  oe»  deffianoes  ^ 
aporter  en  France  fut  prjés  et  eargiés  li  ^Fveeqoee  de  linco^, 
qui  bien  s*en  acquitta,  car  il  le»  aporta  à  Paris  et  fl»t  »»»  me»» 
sage  bien  et  à  point,  tant  qu'il  n»  fb  de  auëui  repris^  ne 
blâmés,  et  11  fVi  délivré  un  sauf^^endott  pour  retourner  mière 
devers  le  roj  son  signeur,  qui  se  tenoit  à  MaUgne». 

^  Avoocquçs  ees  alliés  d'Allamaigpe,  —  *'  Quelque  part  où  ih 
avoieut  jà  adviaet  pour  porter  au  roj  et  à  son  pais  monlt  grant  dommage 
en»  qu'ils  firent. 


484  l'armée  anglaise 

Quai.  réd.  —  Or  passa  11  Ivlers  ;  11  estes  vint.  Li  rois  d*Engle- 
terre,  tout  celle  saison,  petit  à  petit  ûst  par  deçà  la  mer  et  par 
delà  epparillier  ses  pourvéances,  et  quant  la  Pentecouste  Ai 
passée,  il  se  départi  de  Louvaing  et  laissa  là  la  roine  sa  femme 
et  8*en  vint  logier  à  Villevort  à  une  lieue  pries  de  Brousselles  et 
remanda  toutes  ses  gens  qui  estoient*  espars  en  Hainnau  et  en 
Braibant,  et  là  furent  tendu  es  ces  biaus  prées  qui  sont  grant 
et  large,  au  lonc  de  là  rivière,  tentes,  auqubes  et  pavillons  et 
toutes  ordenances  de  logeis,  et  escripsi  deviers  ces  signeurs 
d'Alemagne  et  leur  manda  comme  vicaires  de  Tempire  et  les 
semonst  sus  lors  fois  que  tout  venissent.  Chil  signeur  s^ordon- 
nèrent  tout  par  grant  loisir  et  ne  se  délivroient  point  ensi  que 
11  rois  d^Engleterre  vosist,  et  prendroient  piet  sus  le  duch  de 
Braibant,  et  de  ces  détriances  li  rois  d^Engleterre  estoit  tous 
merancolieus ,  et  convenoit  que  il  portast  ce  dan^ier.  Bien 
sentoient  et  congnissoient  li  signeur  d'Alemagne  que  li  dus  de 
Braibant  se  dissimuloit  et  se  portoit  de  ces  besongnes  assés 
froidement,  et  se  savoient  bien  li  pluisseur  que  il  avoit  envojet 
son  chevalier  messire  Lois  de  Cranehem  à  Paris  deviers  le  roi 
de  France  et  11  falsoit  là  tenir  tout  quoi  pour  le  escuser  de 
toutes  informations  senestres  qui  pooient  venir.  Nequedent, 
toutes  ces  coses  misses  avant,  il  se  départirent  de  lors  liens 
quant  il  orent  pourveu  lors  gens,  et  s'en  vinrent  à  Villevort 
deviers  le  roi  d'Erigleterre  et  vicaire  à  Femperour,  et  ensi  que 
il  venoient  il  se  logeoient  sus  celles  belles  praieries  qui  sont 
entre  Villevort  et  Brousselles,  et  vinrent  tout  premièrement  li 
dus  de  Guerlles,  serourges  dou  dit  roi,  li  contes  de  Jullers,  li 
contes  de  Mons,  li  contes  de  Saumes-en-Saumois,  li  arcevesques 
de  Coulongne  et  messires  Gallerans  ses  frères,  li  sires  de 
Fauquemont,  messires  Ernouls  de  Baquehem  et  pluisseur  che- 
valier... et  tout  ruste  d'Alemagne.  Messires  Jehans  de  Hainnau 
•  estoit  tousjours  dalés  le  roi  et  de  son  consel.  Quant  il  furent 
venu,  li  rois  d'Engleterre  lor  requist  que  il  vosissent  escrire 
et  séeler  avoecques  lui  lettres  de  deffiances  à  Philippe  de  Valois 
qui  se  nommoit  rois  de  France.  Chil  signeur  d'Alemagne  res- 


A  VILVORDE.  485 

pondirent  généraument  que  U  estoient  tout  prest,  mais  que  H 
dos  de  Braibant  vosist  oe  faire,  et  bien  apertenoit  que  il  le 
fesist,  car  il  estoit  li  plus  proçains  de  sano  et  de  linage  qui  fust 
là  au  roi  d'Engleterre.  Adont  requist  li  rois  d^Engleterre  au 
duch  de  Braibant  par  hommage  et  par  linage  que  il  vosist 
séeler.  Li  dus  de  Braibant  fu  consUliés  de  respondre  :  si  res- 
pondi  et  dist  que  point  pour  Theure  il  ne  escriroit,  ne  séeleroit 
nulles  défiances  avoecques  euls,  et  pas  ne  s^escusoit  que  il  ne 
le  deuist  faire,  mais  ce  que  fait  en  seroit,  il  le  feroit  de  soi- 
meismes  sans  nullui  mettre  en  sa  lettre.  Dont  regarda  li  rois 
d*Engleterre  sus  les  signeurs  d'Alemagne  et  leur  dist  :  •  Biau 
•  signeur,  je  me  tieng  assés  contens  de  ce  que  mon  cousin  de 
t  Braibant  en  fera.  Nous  sommes  en  son  pais,  et  quant  nous 
c  serons  dehors  il  auera  mieuls  cause  de  escrire  et  séeler  les 
t  defiiances  que  il  n*a  présentement.  Si  vous  pri  chièrement 
c  que  vous  ne  vos  voelliés  pas  arester  sus  ce  et  séelés  avoecques 
c  moi.  •  Il  regardèrent  tout  Fun  Tautre.  Dont  dist  li  dus  de 
Guerlles  :  •  Contes  de  Jullers,  et  vous,  contes  de  Mons,  biaus 
c  cousins,  nous  i  metons  trop  de  détris  sans  raison  :  il  le  nous 
c  fault  faire,  et  à  ce  nous  sommes  alojet  et  obligiet  de  trop 
c  grant  temps.  •  Dont  respondirent  li  Alemant  tout  de  une 
vois  :  c  Dus  de  GuerUes,  vous  dittes  vérité.  >  Là  fu  conclu  et 
aoordé  que  tout  séeleroient  avoecques  le  roi  d'Engleterre  les 
défiances  à  Phelippe  de  Valois,  ensi  que  il  fissent.  Li  rois 
d'Engleterre  en  chief  escripsi  et  séela  pour  lui  et  pour  tous  ses 
consauls  d'Engleterre  et  puis  séelèrent  tout  li  aultre,  réservé 
le  duch  de  Braibant.  Chils  volt  faire  son  fait  à  par  lui.  Les 
défiances  escriptes  et  séelées,  li  évesques  de  Lincole  fîi  cargiés 
de  1^  porter  et  faire  le  message.  Il  Temprist  avoecques  ung 
hirant  d'Engleterre,  liquels  cevauça  tout  devant  pour  impétrer 
ung  sauf-conduit  pour  le  dit  évesque  alant  et  retournant,  et 
Tatendi  à  Valenchiennes.  Li  hiraus  qui  chevauça  devant , 
esploita  si  bien  que  il  ot  le  sauf-conduit  pour  Tévesque  de  Lin- 
cole et  toute  sa  famille  alans  et  retoumans  et  le  porta  à  Valen- 
chiennes là  où  li  évesques  Tatendoit.     ' 


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4S6  l'armée  AIfOIiAl|S£  A   YILVORDE. 

Quant  li  dis  évesques  Tôt»  il  66  départi  de  V«tlenchiètUM« 
et  vint  au  Chastiel-en-Cambrésis  et  puis  à  Saint-Quentin  et 
à  Hem  et  puio  à  Noion^  et  ûêt  taat  par  ten  journées  que  il 
vint  à  Paris  et  se  logea  au  Chastiel^Festu  en  la  riie  dou  Tiroi* 
derrière  les  Innocens.  Pour  ces  jours  estoit  li  rois  Phelippefi 
à  Tostel  c'<m  dist  de  Nelle  oultre  la  rivière  de  Sainne,  et  là  ala 
li  evesques  de  Lincole  faire  son  message  et  paiia  au  roi^  car  on 
li  âst  voie,  et  11  rois  le  volt  veoir  et  oïr^  Si  mist  les  deffianoes 
avant  :  adont  regarda  li  rois  la  lettre  et  les  séaula  qui  i  pen- 
dolent.  Si  ôst  dirq  à  Tévesque  que  il  pooit  bien  partir  quand  il 
vololt,  car  il  se  tenoit  pour  tous  deffjès  ;  et  aussi  li  evesques  de 
Lincole,  pour  plus  deuement  faire  les  deffiances,  avoit  rendu  au 
roi  de  France,  avant  ce  que  11  monstrast  ses  lettres,  Tommage 
tout  entier  et  tel  que  il  le  tenoit  de  li,  et  11  rois  Tavoit  repris. 
C'estoit  la  conté  de  Pontieu  et  en  Guienne  auqunes  terres  qui 
s'estendent  entre  la  rivière  de  la  Dourdoniie  et  la  Gironde, 
car  ce  qui  est  par  delà,  les  rois  d'Ëngleterre  ont  tousjours  tenu 
quitement  et  liegement  et  ensl  comme  Tiretage  d'Engleterre. 
Quant  li  evesques  de  Linoole  ot  fait  ce  pour  quoi  il  estoit 
venus,  il  se  d^arti  et  retourna  arrière,  et  tantos  li  rois  Phe- 
lippes  envola  saisir  la  conté  de  Pontieu  et  le  conté  de  Menstruel 
et  toutes  les  terres  que  11  rois  d*Engleterre  avoit  relevé  de  la 
couronne  de  France  et  qu'il  tenoit  au  jour  que  les  deffiances 
vinrent,  et  transmuèrent  11  officyer  qui  commis  i  furent  de  par 
le  roi,  tous  officyers  et  1  remissent  aultres  seloneh  les  ordon- 
nances des  lieus,  mais  il  ne  tint  pas  longuement  la  conté  de 
Pontieu»  quant  il  la  donna  à  messire  Jaquème  de  Bourbon,  ung 
sien  cousin  moult  proçain,  et  liquels  estoit  issus,  et  li  dus  Pierres 
de  Bourbon,  ses  frères,  de  la  droite  coste  dou  roi  Lois  de  France, 
et  ne  tenoit  pas  li  dis  messires  Jaquèmes  de  Bourbon,  au  jour 
que  11  rois  11  donna  la  conté  de  Pontieu,  trop  grant  terre,  et  pour 
ce  11  augmenta-il  son  hiretage,  et  bien  Temploia,  car  li  gentils 
chevaliers  fu  ausi  pourveus  de  nobles  conditions  que  nuls  cheva- 
liers peut  estre.  Or  se  tint  li  rois  Phelippes  pour  deffiés  dou  roi 
d'Engleterre  et  des  conjoins  et  ahers  avoecques  li  en  celle  guerre. 


CHEVAUCilÉE  DE  GAUTIER  DE  MAUNY.  487 

Ëncorres  avint  que  messires  Gantiers  de  Mauni  qui 
avoecq  le  roy  d'Engleterre  estoit  apassé  le  mer  par  dechà  et 
qui  en  Anwiers  se  tenoit,  *  mist  sus  une  chevauchie  *  et 
quella  des  compagnons  environ  LX,  et  chevaucha  secrète- 
ment paripy  Braibant  et  Haynnau,  etfisttant  que  ung  soir  il 
â*enbuscha  ens  es  bos  de  Blaton  dallés  Gondet-sus-Escaut, 
et  ëncorres  ne  savoit  nuls  de  se  route  quel  part  il  voUoit 
traire,  mes  là  il  s^en  de^couvri  et  leur  dist  que  il  tenissent 
ses  parolles  en  secret,  et  que  il  avoit  entente  de  venir  à 
Mortaingne  et  faire  là  aucun  fait  d*armes.  Ghil  à  qui  il  en 
parla,  s'i  accordèrent.  Adont  rechenglèrent*il  leurs  che- 
vaux et  restraindirent  leurs  armures  etdievauchièrcnt  tout 
souef  et  vinrent  droit  à  l'ajournée  si  à  point  devant  le  fort 
castiel  de  Mortaingne  que  il  trouvèrent  le  guichet  d'une  des 
portes  ouvert.  Si  etitrèrent  ens  et  se  saisirent  de  le  porte  et 
rompirent  le  flayel  et  en  furent  maistre,  et  chevauchièrent 
deviers  le  castiel  et  le  grosse  tour,  mais  il  le  trouvèrent 
fermet  et  n'y  peurent  entrer.  Li  gaite  dou  castiel  qui  oy  le 
friente,  sonna  en  se  buisinne  :  «  Traï  I  traï  !  »  dont  s'estour- 
mirent  chil  de  layens  et  '  coururent  as  armes  ^;  et  quand  li 
sires  de  Mauni  vit  que  il  avoit  failli  d'entrer  ou  fort  et  que  li 
saudoier  se  commenchoient  à  abillier,  ^  afin  que  il  souvenist 
chiaux  de  le  ville  que  il  y  avoit  estet  *  et  que  une  autre  fois 
il  fuissent  plus  songneux  de  garder  leur  ville,  il  fist  bouter 
le  feu  en  '  le  plus  belle  rue  qui  y  fut*,  liquels  feux  s'esprit  tan- 
tost  et  porta  à  chiaux  de  Mortaingne  grant  contraire  ^.  Dont 
se  parti  messires  Gantiers  et  toutte  se  route  et  vint  passer 
TEscault  et  le  Haynne  à  Condet,  et  cevaucha  ëncorres  plus 

*••  Vint  messii'e  Gantier  devant  le  roy;  et  priât  congié  de  luy,  et 
aucuns  compaignons,  d'aler  faire  aucune  appertise.  Il  eut  congiet. 

—  ••*  Crièi-ent  :  t  Alarme. —  ••  Adfln  qu'il  parust  qu'il  j  avoit  esté. 

—  "*  En  la  grande  rue.  —  •  Et  dommage. 


488  CHBYAUCHÉE  , 

avant  deviers  Cambrésis  enssi  comme  vous  orés.  Encorres 
ne  se  doubtoit-on  de  riens  ens  ou  pays  de  Cambrésis.  Bien 
supposoit  li  évesques  de  Cambray  que  li  roys  d'Engleterre 
feroit  en  France  se  premier  voiaige  par  là  ;  *  mais  il  leur 
estoit  si  lontains  que  ses  pays  n'en  estoit  de  riens  effrayés, 
ne  pourvus  *.  Or  chevaucha  li  sires  de  Mauni  en  celle 
entente  ^  que  li  pays  de  Cambrésis  estoit  et  seroit  ennemis  à 
yaux.  Touttefois  en  ceste  chevauchie  il  s'avisa  que  il  envoie- 
roit  deffyer  souflBssamment  Tévesque  de  Cambray  affin  que 
il  ne  fuist  repris  "^  de  villain  fet  *.  Li  évesque  n'en  flst  nul 
compte,  car  il  ne  le  cuidoit  mie  si  pries  de  lui  qu'il  estoit. 
Ossi  chils  qui  porta  les  deflBanches,  ne  li  dist  mies.  Si  che- 
vaucha li  sires  de  Mauni  à  le  couverte  deseure  Valen- 
chiennes  et  vint  à  Denaing,  où  il  disna,  car  l'abesse  estoit  sa 
cousinne,  '  et  vint  à  Bouchain  *  et  passa  là  l'Escaut  ®  et  ne 
dist  mies  à  chiaux  de  Bouchain  quel  cose  il  volloit  faire,  et 
vint  une  matinée  si  à  point  à  Thun-l'Évesque,  ung  castiel 
séant  sour  l'Escaut,  qui  se  tient  de  Cambrésis,  que  de  venue 
parmy  l'ayde  de  ses  gens  *°  il  prist  le  pont,  le  porte  "  et  le 
castiel  et  le  castelain  dedens  et  se  saisi  de  la  fortrèce  et  i 
mist  et  laissa  compagnons  pour  le  garder  et  en  fist  souverain 
messire  Gille  de  Mauni  c'on  dist  Grignart,  qui  puis  porta 
contraire  à  chiaux  de  Cambray,  car  il  est  à  une  lieuwe 
priés.  Apriès  ces  chevauchies,  il  s'en  retourna  en  Braibant 
deviers  le  roy  d'Engleterre  qui  encorres  estoit  en  Anwiers  **. 
Or  furent  chil  de  Cambray  courouchiet  et  espccialment  li 
évesques,  et  manda  au  roy  de  Franche  ^^  le  fet  et  comment 

*  *  Si  n'estoit  de  riens  efFraés.  —  '  *  A  l'entente  que  pour  faire 
aucune  envaye,  car  il  savoit  bien  que  le  pays  de  Cambrésis  seix>it 
annemy  à  eulx.  —  *«De  villonie. —  '  *  Passa  d'encoste  Boucain,  sans 
mot  dire.  —  ^  Bien  matin.  —  *<*  **  Il  vint  sur  le  pontetwaigna  le  i>orte. 

—  **  Si  lui  conta  ses  aventures  de  Mortaigne  et  du  chastel  de  Thun. 

—  *'  Pour  y  remédier. 


DE  GAI7TIER  DE  HAUNY.  489 

ses  castiaux  li  estoit  tolus  et  embles.  Si  en  fa  li  roys  cou- 
rouchiés  S  et  bien  y  eut  cause. 

Sec,  réd.  —  Or  vous  roel-je  parler  de  II  grans  entrepresures 
d'armes  que  m'essires  Gautiers  de  Mauni  âst  en  le  propre 
sepmainne  que  li  rois  de  France  fut  deffyés.  Si  tretost  comme 
il  peut  sentir  et  percevoir  que  li  rois  de  France  devoit  oq 
pooit  estre  deffyés,  il  pria  et  oueilla  environ  XL  Janœs  de 
bons  compagnons  seurs  et  hardis,  et  se  parti  de  Braibant,  et 
chevauça  tant  de  nuit  que  de  jour ,  qu'il  vint  en  Haynau  et  Se 
bouta  ens  es  bois  de  Blaton,  et  encores  ne  savoit  nuls  quel 
cose  il  voloit  faire  ;  mes  il  s^en  descouvri  là  à  aucuns  de  ses 
plus  secrès,  et  leur  dist  qu'il  avoit  prommis  et  voé  en  Engle- 
terre,  présent  dames  et  signeurs,  que  il  seroit  11  premiers  qui 
entreroit  en  France  et  y  feroit  guerre  et  prenderoit  chastiel  ou 
fgrie  ville,  et  y  feroit  aucune  apertise  d'armes  :  si  estoit  sen 
entente  que  de  chevaucier  jusques  à  Mortagne  et  de  sousprendre 
le  ville  qui  se  tient  dôu  royaulme.  Chil  à  qui  il  s'en  descouvri, 
li  acordèrent  liement.  Adont  recenglèrent-il  leurs  chevaus  et 
restrajndirent  leurs  armeures,  et  chevaucièrent  tout  secret,  et 
passèrent  les  bois  de  Blaton  et  de  Brifuel  et  vinrent  -à  ung 
ajournement,  ung  petit  devant  soleil,  à  Mortagne.  Si  trou- 
vèrent d'aventure  le  guicet  ouvert  :  adont  descendirent-il , 
messires  Gautiers  de  Mauni  tout  premiers  et  ajiicuns  des 
compagnons,  et  entrèrent  en  le  porte  tout  quoiement,  et  esta- 
blirent  aucuns  des  leurs  pour  garder  le  porte,  par  quoi  il  ne 
fuissent  souspris,  et  puis  s'en  vinrent  tout  contreval  la  rue, 
messires  Gautiers  de  Mauni  et  son  pennon  tout  devant,  devers 
le  grosse  tour  et  les  chaingles.  Si  le  cuidièrent  ossi  trouver 
mal  gardée;  mais  il  faillirent  à  leur  entente,  car  les  portes  et 
li  guicet  estoient  fermet  bien  et  estroitement.  Ossi  la  gette 
dou  chastiel  oy  la  freinte  et  les  perçut  de  sa  garde  :  si  fu  tous 
esbahis,  et  commença  à  sonner  et   à  corner  en  sa  buisine: 

*  De  cette  maie  aventure. 


490  aHfiVÂtx}«BB 

«  Trabi»  irikhi.  »  8i  esvilUèrent  toui^ft  feùB  et  U  soudc^^  dou 
chastiel,  mais  point  ne  yuidèreat  de  l^ur  fort«  Quant  m6$9iv^ 
Gantiers  de  Mann!  senti  les  gens  de  Mortagne  esmouvoir)  il 
86  retraist  tout  bellement  devej^s  le  porte  ;  mais  il  û&i  boater 
la  feu  en  le  rue  contre  la  chastiel  «  qui  tantost  s'eit^prlst 
et  aluma»  et  furent  bien  à  ceste  matimée  hX  maisons  a^:*8es. 
eties  gens  de  Mortagne  moult  effrajet*  car  il  cuidièrent  estre 
Umt  pris.  Mais  U  ûres  de  Mauni  et  ses  gens  se  partirent  de 
le  ville  et  oheraucièrent  arrière  devers  Gondet  et  passèrent  là 
TËscaut  et  le  rivière  de  le  Haine;  et  puis  chevaucièrent  le 
ohemin  de  Valencienes  et  le  costyèrent  à  le  droite  main,  et 
vinrent  à  Denaing,  et  se  rafreschirent  là  en  Tabbeje  ;  et  puis 
passèrent  oultre  devers  Bouchain,  et  âsent  tant  au  chastellain 
de  Bouchain  que  les  portes  leur  furent  ouvertes,  et  passèrent 
là  une  rivière  qui  j  keurt,  qui  se  reâert  en  TEscaut,  et  vient 
d'amont  devers  Alues  en  Pailluel.  Apriès  ce,  quant  il  furent  tout 
oultre  Bouchain  et  le  rivière,  il  s'en  vinrent  à  ung  fort  chas- 
tiel qui  se  tenoit  de  Févesque  de  Gambrai  et  de  Gambresis,  et 
Tappelloit-on  Thun  TËvesque,  et  siet  sus  le  rivière  d'Escaut. 
£n  ce  chastiel  n'avoit  adont  nulle  garde  souffîssans,  car  li  pays 
ne  cuidoit  nient  estre  en  guerre  ;  si  furent  cil  de  Thun  soub- 
dainement  souspris,  et  li  chastiaus  pris  et  conquis  et  li  chas- 
telains  et  sa  femme  dedans,  et  en  fist  li  sires  de  Mauni  une 
bonne  garnison  et  y  ordonna  à  demorer  un  sien  frère  chevalier 
qui  s'appelloit  messires  Gilles  de  Mauni  c'en  dist  Grignars, 
liquels  fist  depuis  ce  jour  pluiseurs  destourbiers  *  à  chiauls  de 
Cambresis  et  de  la  cité  de  Cambrai,  car  li  chastiaus  siet  à  une 
liewe  de  Cambrai.  Quant  messires  Gautiers  de  Mauni  eut  fait 
ses  emprises,  il  s'en  retourna  francement  en  Braibant  devers 
le  roy  englès  son  signeur,  et  le  trouva  à  Malignes.  Si  li  recorda 
une  partie  de  ses  chevaucies  :  li  rois  les  oy  volentiers  et  les 
retint  à  grant  vasselage  *. 

*••  Et  faisoit  ses  courses  trois  ou  quatre  fois  la  sepmaine  jusquos 
devant  la  bonne  cité  de  Cambray,  et  venoit  escarmoucher  jusqu'aux 


DE  GAUTWR   DE  lAUNY.  *\n 

Quatr.  téd.  «^  Or  vous  Vôél  l'eoorder  une  grandd  np^riise 
d'armes  et  laprttnièï©  qui  fti  faite  étt  France  que  m«sdir6B  Gftu* 
tiers  de  Mauiii,  Uûs  bacelers  et  eheralièrs  de  la  CôûtA  de  Halii- 
nau,  et  tousjours  vrais  et  loiaus  englois,  Hat  snr  le  roiatdme  At 
France,  lé  roi  d'Engleterre  et  «es  bôos  estant  à  Villevort. 

Si  trèstos  quô  lûessires  Chantiers  de  Mauni  peut  Bça^roir  ei 
percevoir  que  11  rois  de  France  fu  defllés  et  que  11  ^év^ttes 
de  Lincole  se  metoit  au  retour,  il  ôst  tant  que  11  ôt  quarante 
lances  de  bons  compaignons  haînnuiers  et  englois,  e*  se  départi 
de  Braibant  et  chevauça  tant  de  nuit  avoecques  Tâide  dou  jour 
que  il  vint  en  Hainnau,  et  obevauçoient  ils  et  ses  gens  à  la  45ôu* 
verte,  et  ne  savoient  ceuls  de  la  compagnie  fors  ils  et  uï^  g^ida 
qui  les  menoit,  où  il  voloient  aler,  et  se  boutèrent  ens  es  bois 
de  Blaton.  Li  gentils  chevaliers  avoit  toé  en  Engleterre 
devant  dames  et  signeurs  et  dit  ensi  :  «  Se  la  guerre  t'esineut 
€  entre  le  roi  d'Engleterre  ,*  mon  signeur ,  et  Phelippe  ds 
«  Valois  qui  se  dist  rois  de  Franche,  je  serai  li  premiers  qui 
a  s'en  armera  et  qui  prendera  chai^el  Ott  ville  stts  le  roiaume 
«  de  France.  »  Et  de  ce  veu  point  il  n'en  déâdli,  car  il  s'en 
vint  de  nuit  bouter  ens  es  bois  de  Wières  Moult  priés  de  Mor^ 
tagne,  et  quant  il  fu  là  venus,  il  dist  à  ses  compagnons  tout  œ 
que  il  voloit  faire,  et  se  emprise  il  li  aoordèrent. 

barrières,  où  il  faisoit  moult  grandes  et  belles  appertises  d^armes,  car 
le  dit  chasteau  de  Thun  siet  à  une  lieue  près  de  la  dite  cité  de  Cam- 
bray.  Quant  monseigneur  Gautier  de  Maunj  et  faites  ses  entreprînses, 
ainsy  comme  je  vous  ay  compté  cy  devant,  il  s'en  retourna,  atout 
grant  prouffit,  avec  une  partie  de  ses  compaignons,  car  SI  en  avoit 
laissië  une  partie  avec  monseigneur  Grignart  son  frère,  pôUr  loi 
aydier  à  garder  Thun  TEveeque  ;  et  flst  tant  qu'il  vint  en  Braibant 
par  devers  le  roy  Edouart  d'Angleterre  son  seigneur  qu'il  trouva  à 
Malignes,  qui  le  receupt  et  conjouit  moult  grandemetit.  Et  puis  lui 
rocorda  une  grande  partie  de  ses  chevaulchées,  et  comment  il  avoit 
prins  Thun  TEvesque,  et  illeuc  mis  et  laissië  son  frère  en  garnison 
contre  ceulx  de  Cambray  :  dont  le  roy  Anglois  fut  moult  durement  res- 
joui  quant  il  l'ot  ainsi  oui  parler,  et  le  tint  à  moult  grant  vasselage  et 
grant  prouesce,  comme  vray.estoit. 


492  CHEVAUCaɣ 

La  ville  de  Mortagne  sus  la  rivière  d'Escaut],  quoique  elle 
soit  moult  priés  gardée,  pour  ce  jour  fu  en  très-grande  aven- 
ture de  estre  prise,  car  messires  Gautiers  de  Mauni  et  sa  route 
vint  sus  la  journée  si  priés  que  il  se  boutèrent  en  enbusque  ens 
es  haies  et  buissons  dalés  Mortagne  et  orent  pourveu  coces  et 
abis  de  femmes,  lesquelles  il  prissent  en  ung  village  sus  lor 
cemin»  et  grans  crétins  plas,  là  où  ces  femmes  qui  vont  au  mar- 
chiet  mettent  bures,  oefs  et  frommages,  et  abituérent  quatre  de 
lors  hommes  de  Tabit  de  ces  femmes  et  lojrèrent  entour  lors 
testes  belles  blances  loiures  de  toille  et  prissent  ces  crétins  cou- 
vers  de  blances  napes  et  monstroient  que  elles  venissent  au 
marchiet  vendre  lors  bures  et  frommages,  et  vinrent  sus  Teure 
de  solel  levant  à  la  porte  et  la  trouvèrent  close  et  le  guichet 
entre-ouvert,  et  ung  homme  qui  le  gardoit,  et  quida  véritable- 
ment que  ce  fuissent  femmes  d'un  village  là  priés,  qui  venissent 
au  marchiet,  et  ouvri  le  guichet  tout  arrière  pour  elles  entrer  et 
lors  crétins.  Quant  chil  homme  en  abit  de  femmes  furent  dedens, 
il  se  saisirent  dou  portier  et  traïssent  Ions  coutiaus  que  il  por- 
toient  desous  lors  gonnes  et  li  dissent  :  c  Se  tu  sonnes  mot,  tu 
c  seras  mors.  »  L'homme  fu  moult  effraie  et  doubta  la  mort  et 
se  tint  tous  quois  dalés  euls.  Evous  messire  Gautier  de  Mauni 
venu  et  ses  compagnons  qui  les  poursievoient  de  lonch  et  avoient 
laissiet  lors  chevaus  en  haies  et  en  buissons  assés  priés  de  Mor- 
tagne en  la  garde  de  lors  variés  et  veirent  que  lors  compagnons 
estoient  signeur  de  la  porte.  Si  se  hastèrent  dou  plus  qu  il  porent 
et  entrèrent  dedens  le  guichet  tout  à  lor. aise,  et  s'en  vinrent 
deviers  la  tour  et  le  dongeon,  et  la  quidièrent  trouver  mal  gar- 
dée, mais  non  fissent,  car  elle  estoit  fermée.  Adont  se  tinrent 
euls  tout  quoi  et  veirent  bien  que  il  avoient  falli  à  leur  entente 
et  que  la  ville,  sans  le  chastiel,  ne  lor  valloit  noient  à  tenir.  Si 
se  retraïssent  tout  le  pas  là  par  où  il  estoient  venu  et  ne  por- 
tèrent aultre  damage  à  la  ville  de  Mortagne  que  il  boutèrent  le 
feu  en  deus  ou  trois  maisons,  et  puis  issirent  et  montèrent  sus 
leurs  chevaus  et  se  départirent  sans  aultre  cose  faire.  Moult  do 
gens  de  la  ville  de  Mortagne  estoient  encores  en  lors  lits  et  ne 


DE  GAUTIER   DE   !rr\r!>IT.  493 

seeurent  riens  de  celle  aventure.  Messires  Grutiers  de  Mauni, 
pour  acomplir  son  emprise,  ils  et  si  compagnon,  cheyauchièrent 
et  rentrèrent  en  Hainnau  et  passèrent  TEscaut  à  un  ponton  au 
desous  de  Condet,  et  vinrent  ce  jour  disner  en  Tabéie  de 
Vicongne  et  là  rafresquirent  lors  chevaus  et  s'i  tinrent  jusques 
à  la  nuit.  Ëncores  n^estoit  11  pals  de  riens  effraés,  et  montèrent 
sus  lors  eevaus  à  la  vesprée  et  cevauchièrent  amont  et  passèrent 
les  bois  de  Walers,  et  entrèrent  en  Ostrevant,  et  avoient  guides 
qui  les  menoient,  et  vinrent  entre  Denain  et  Cambrai  passer  la 
rivière  de  la  Sensée  qui  rentre  en  TEscaut  à  Bouchain,  et  cevau- 
chièrent tant  que  sus  Peure  de  solel  levant  il  vinrent  à  un  chas- 
tiel  que  on  dist  Thun-FÉvesque ,  séant  sur  la  rivière  d'Escaut, 
et  si  à  point  que  les  mesnies  doudit  chastiel  mettoient  hors  le 
bestâil  pour  pasturer  ens  es  prées  qui  sont  priés  de  là,  et  encores 
estoit  li  chastellains  en  son  lit.  Si  entrèrent  dedens  la  porte, 
car  il  le  trouvèrent  ouverte  et  furent  signeur  et  mestre  dou 
chastiel  et  boutèrent  hors  tous  ceuls  et  celles  que  dedens  il  trou- 
vèrent ,  et  retint  li  dis  messires  Gantiers  de  Mauni  le  chastiel 
pour  li  et  i  establi  et  le  donna  à  un  sien  frère  chevalier,  lequel 
on  nommoit  messire  Gille  de  Mauni ,  et  âst  chils  depuis  en 
Tannée  pluisseurs  destourbiers  à  ceulx  de  Cambrai,  et  quant  li 
dis  messires  Gantiers  de  Mauni  ot  fait  ces  emprises ,  il  s'en 
retourna  deviers  le  roi  d'Engleterre,  son  signeur,  et  âst  tant 
que  il  se  trouva  à  Malignes,  et  là  estoit  li  rois  d'Engleterre 
venus,  et  i  avoit  un  parlement. 


Li  roys  Phelippes  savoit  bien  en  partie  le  couraige  et 
Tentention  dou  roy  d'Engleterre  que  il  voUoit  venir  en  Cam- 
brësis  et  mettre  le  siège  devant  Cambray.  Si  y  envoya 
grans  pourvéanches  de  gens  d'armes  pour  le  garder  et  def- 
fendre  contre  tous  venans,  premiers  monseigneur  Loeys  de 
Savoie,  monseigneur  le  Galois  de  le  Baume,  le  seigneur  de 
Groulée,  le  seigneur  de  Biaugen,  messire  Gille  de  Noyers,  le 


484  OAM4180MS  PRANÇAISES 

sâignenr  de  Saintr Venant,  le  seigneur  d*Aubigûy,  le  seî* 
gneur  de  Baseutun  ei  le  seigneur  de  Roye,  et  ayoeoq  eheux 
horme  beK^lielerie  et  grèdit  fuison  de  Genevois  et  d'autres 
saudoyers.  Chîl  y  fissent  tous  vivres  d'environ  amener  et 
akaryer  et  emplir  les  greniers  de  bled  et  d'avainnes.  Et 
fisent  cliil  seigneur  entlerrer  trois  des  portes  de  Cambray 
qui  point  n'estoîent  nécessaires  à  l'ouvrir.  Encorres  envoya 
li  roys  de  France  au  Castel-en-Cambrésis  messîre  Thieubaut 
de  Moreil,  le  marescal  de  Mirepoix  et  le  seigneur  de  Rain- 
neval  et  fist  li  roys  bien  garnir  Bohaing,  le  Maie-Maison, 
Crièvecoer,  AJoes  et  Oizi-en-Carpbrésis,  et  fist  son  njande- 
ment  par  tout  l^  rc^aumme  de  Franche  à  estre  à  Péronna 
en  VeriBendois,  ^  à  Bapa\immes  '  et  à  Arraâ.  Or  parierons 
dou  roy  d'Bagletenre  qui  se  parti  de  Vilvort  pour  raonstrer 
le  chemin  à  tous  chiaux  *  qui  servir  le  dévoient  ^. 

JSec^  réd.  —  Vous  avés  bien  ci-dessus  oy  recorder  sus  quel 
estât  li  sigueur  del  Bmpire  se  partirent  dou  roy  enflés  ^t  dou 
parlemejat  qui  fu  à  Malignes,  et  comment  il  envoyèrent  deffyer 
le  roy  Phelippe  de  France  de  par  le  roy  Édouwart  d'Engleterre. 
Sitos  que  li  rois  Pbelippes  se  senti  deffyés  dou  roy  englès  et  de 
tous  ses  alloyés,  il  vei  bien  que  c'estoit  à  certes  et  qu  il  aroit  le 
guerre.  Si  se  pourvei  selonch  ce  bien  et  grossement,  et  retint 
gens  d'armes  et  saudoyers  à  tous  les  costés,  et  envoia  grans  gar- 
nisons en  Cambresis  ;  car  il  pensoit  bien  que  de  ce  costé  il  aroit 
premièrement  l'assaut.  Et  envoia  monsigneur  le  Galois  de  le 
Baume,  un  bon  chevalier  de  Savoie,  dedens  Cambrai,  et  Ten  fist 
chapitainne,  avoecques  monsigneur  Thiebaut  de  Moruel  et  le 
signeur  de  Roie  ;  et  estoient  bien  Savoyens  que  François, 
ce  lances.  Et  envoia  encores  li  dis  rois  Pheîippes  saisir  le  conté 
de  Ponthieu  que  li  rois  d'Engleterre  avoit  tenu  en  devant  de 
par  madame  se  mère,  et  manda  et  pria  à  aucuns  signeurs  de 

*••  A  Compiègne.  —  ■*  A  tons  renlx  qui  siévir  le  voloient. 


AUX   PR0NTfi^.RR8.  4îfô 

TEmpire,  tels  que  le  conte  de  Hajnau  son  neveu,  le  duch  de 
Lorrainne,  le  conte  de  Bar,  Tévesque  de  Mes,  Tévesque  de  Liège 
monsigneur  Aoul  de  le  Marce,  que  il  ne  fesissent  nul  mauvais 
pourcach  contre  lui,  ne  à  son  rojaulme.  Li  plus  de  ces  signeurs 
lui  mandèrent  que  ossi  ne  feroient-ils  ;  et  adont  li  contes  de 
Hajnau  li  rescrisi  moult  courtoisement  et  li  segneâa  qu'il  seroit 
appareilliés  à  li  et  à  son  rojaulme  à  aidier  à  deffendre  et  à 
garder  contre  tout  homme  ;  mais  se  li  rois  englès  voloit  guer- 
ryer  en  TEmpire,  comme  vicaires  et  lieutenans  del  empereur, 
il  ne  li  pooit  refuser  son  pays,  ne  son  confort,  car  il  tient  en 
partie  sa  terre  del  empereur  :  se  li  doit,  ou  à  son  vicaire,  toute 
obéissance.  De  ces  rescripsions  se  contenta  li  rois  de  France 
assés  bien,  et  les  laissa  passer  legiërement,  et  n*en  fist  nul 
grant  compte,  car  il  se  sentoit  fors  assés  pour  résister  contre 
tous  ses  ennemis...  Or  retourrons-nous  au  roj  englès  qui  se 
tenoit  à  Malignes  et  se  apparUloit  fort  pour  venir  devant  *  Cam- 
bra j. 

*  La  cité  de. 


FIN    DU   TOME   PREMIER. 


NOTES. 


Un  commentaire  historique,  quelque  peu  développé,  sur  les 
chroniques  de  Froissart,  n'aurait  pas  moins  d'étendue  que  le 
texte  même  qui  en  serait  Tobjet.  J'ai  cru  qu'il  était  surtout 
utile  de  axer  les  dates  les  plus  importantes,  car  Froissart,  si 
bien  instruit  des  détails  les  plus  minutieux,  a  tenu  peu  de 
compte  de  la  chronologie  et  de  Tordre  dans  lequel  les  faits 
se  sont  accomplis.  J'indiquerai  brièvement  les  points  de  com- 
paraison entre  son  récit  et  celui  de  Jean  le  Bel,  et  en  recourant 
fort  rarement  aux  sources  historiques  déjà  connues,  je  m'ap- 
puierai plus  volontiers  sur  deux  chroniqueurs  anonymes  dont 
les  œuvres  inédites,  conservées  à  la  bibliothèque  de  Berne  et  à 
la  bibliothèque  de  PArsenal  à  Paris,  offrent  d'autant  plus 
d'intérêt  que,  sans  rien  emprunter  à  Froissart,  elles  présentent 
l'histoire  de  la  même  époque.  Quelques  extraits  puisés  à  des 
dépôts  d'archives,  seront  joints  à  ces  citations. 

Lorsque  la  publication  que  j'entreprends  aigourd'hui,  sera 
achevée,  il  y  aura  lieu  de  la  compléter  par  un  glossaire,  par 
une  table  des  noms  de  lieux  et  par  une  seconde  table  des 
noms  de  famille  accrue  de  renseignements  biographiques  et 
généalogiques.  On  ne  saurait  faire  moins  pour  les  héros  dont 
Froissart  a  illustré  la  mémoire. 

I.  —  PlOISSART.  33 


498  NOTES. 

En  ce  qui  touche  la  date  et  la  succession  des  diverses  rédac- 
tions placées  les  unes  à  la  suite  des  autres,  je  renvoie  à  la  par- 
tie bibliographique  de  l'introduction.  Le  lecteur  voudra  bien  se 
souvenir  que  tout  en  coUationnant  divers  manuscrits  offrant  les 
mêmes  leçons,  j'ai  choisi  co^lme  bases  :  pour  la  première  rédac- 
tion le  ms.  d'Amiens,  pour  les  variantes  de  la  première  rédac- 
tion le  ms.  de  Yalenciennes,  pour  la  seconde  rédaction  les  ms. 
adoptés  par  Dacier ,  pour  la  troisième,  qui  se  confond  souvent 
avec  la  seconde,  le  ms.  Soubise  (aujourd'hui  Bibl.  imp.  de  Paris,  ' 
6477-6479),  pour  la  quatrième  le  ms.  de  Rome. 

J'ai  également  expliqué ,  dans  l'introduction ,  les  différences 
grammaticales  que  ces  rédactions  présentent  entre  elles. 

Je  suivrai,  dans  les  notes,  l'ordre  des  matières,  tel  qu'il  est 
indiqué  au  haut  des  pages  du  texte. 

Prologue  (pp.  1*14).  -^  Cfr.  le  prologue  de  la  première  et  de  la 
seconde  rédaction  de  Froissart  avec  le  texte  de  Jean  le  Bel,  pp.  2-3 
(éd.  de  M.  Polain,  1863).  Ici  eomme  partout  ailleurs,  la  quatrième 
rédaction,  dégagée  des  emprunts  faits  couvent  littéralement  à  Jean  le 
Bel,  offre  le  caractère  d'un  travail  original.  —  Froissart  Joint  aux  noms 
des  souverains  preuw  anglais,  cités  par  Jean  le  Bel,  ceux  du  comte  de 
Warwick,  de  Jean  Chandos  et  de  Jacques  d'Aadeley.  Il  est  à  remarquer 
que  Jean  le  Bel  ne  mentionne  que  des  chevaliers  anglais  ou  attachée  au 
parti  du  roi  d'Angleterre.  Les  noms  des  chevaliers  français  ont  été 
ajoutés  par  Froissart. 

Faiblesse  d* Edouard  II  (pp.  14-18).  —  Cfr.  la  première  rédaction 
de  Froissart  et  Jean  le  Bel,  pp.  5-6.  —  La  bataille  de  Bannock-burn, 
près  de  Stirling  fut  livrée  le  25  juin  1314.  Edouard  II  regagna  à  grand 
peine  son  royaume. 

Mariage  d'Edouard  II  et  d'Isabelle  de  France  (pp.  18-20).  —  Cfr. 
Jean  le  Bel,  p.  ().  —  Edouard  V^  eut  de  son  second  mariage  avec  Mar- 
guerite de  France,  Thomas,  comte  de  Norfolk,  dit  le  comte  Maréchal, 
parce  qu'il  était  grand-maréchal  d'Angleterre,  et  Edmond,  comte  de 
Kent. 

Origine  des  guerres  de  France  et  d'Angleterre  (pp.  20-21).  —  Cfr. 
Jean  le  Bel,  pp.  6-7. 

Influence  de  Hugues  Spencer  (pp.  22-2.S).— Cfr.  JeanleBel,p.8.  — 


NOTES.  44)9 

Hugues  Spencer  descendait  d'un  gentilhomme  d'Artois,  nomme  Guer- 
lain de  Gommieoourt,  qui  s'était  fixé  en  Angleterre  où  Henri  III  lui 
avait  donné  la  charge  de  despensier,  qui  consistait  à  chercher  le  vin 
enfermé  dans  des  peanx  de  cerf  au  fond  des  celliers  et  à  en  remplir 
la  coupe  du  roi.  De  là  le  surnom  de  spencer  ou  despensier. 

Supplice  du  comte  de  Lancastre  (pp.  24-25).  —  Cfr.  Jean  le  Bel,  p.  9. 
—  Le  comte  de  Lancastre  s'était  mis  à  la  tété  de  l'armée  des  barons 
qui  voulaient  renverser  les  Spencer.  11  fut  fait  prisonnier  à  Pontefract 
et  mis  à  mort  aussitôt  après  (mars  1322).  Personne  n'intercéda  en  sa 
faveur,  et  comme  on  réclamait  du  roi  la  grâce  d'un  de  ses  complices,  il 
ne  put  s  empêcher  de  répondre  :  t  Vils  flatteurs  !  personne  d'entre  .vous 
«  n'a  trouvé  une  parole  pour  mon  cousin  Thomas  de  Lancastre  que 
«  j'ai  tant  aimé  et  qui  m'a  donné  de  si  bons  conseils!  »  (Capgrave). 
Ranulf  Hygden  loue  aussi  les  vertus  du  comte  de  Lancastre,  en  flétris- 
sant les  vices  de  ses  ennemis.  André  de  Herkley  qui  avait  pris  le  comte 
de  Lancastre,  fut  créé  comte  de  Carlisle,  mais  peu  après  la  déroute  de 
Stirling,  il  fut  écartelé  comme  traître  :  premier  exemple  du  sort  qui 
était  réservé,  à  ce  que  croyait  le  peuple,  à  tous  ceux  qui  avaient  pris 
part  à  la  mort  du.comte  de  Lancastre.—  Le  28  juin  1323,  Edouard  II 
écrivit  à  Tévôque  de  Londres  pour  se  plaindre  de  ce  qu'on  avait  exposé 
dans  l'église  de  Saint-Paul  un  tableau  où  était  représentée  Tefligie  du 
comte  de  Lancastre,  et  de  ce  qu'on  lui  rendait  le  même  culte  qu'aux 
saints,  en  répandant  le  bruit  qu'il  s'y  opérait  des  miracles  ;  ce  qui  était, 
ajootait-il,  à  la  honte  du  roi  et  d'un  pernicieux  exemple  (tft  nostri 
dedecus  et  perniciosum  exemplum).  D'après  une  rumeur  populaire, 
d'autres  miracles  avaient  suivi  le  supplice  de  deux  chevaliers  qui 
avaient  été  écartelés  à  Bristol. 

Fuite  d€  la  reine  d* Angleterre  en  France  (pp.  26-43).  —  Cfr.  Jean 
le  Bel,  pp.  9-11.  —  Tout  le  récit  de  l'absence  de  la  reine  Isabelle  est 
fort  inexact.  La  reine  d'Angleterre  partit  pour  la  France  au  mois  de 
mars  13*25  (n.  st.),  chargée  par  Edouard  II  de  traiter  de  la  paix  avec 
Charles  le  Bel,  paix  qui  fut  conclue  à  Paris  le  31  mai.  Vers  cette  époque, 
le  comte  de  Kent  se  trouvait  en  Guyenne  avec  l'archevêque  de  Dublin 
qui  accusait  publiquement,  à  la  Réole,  Hugues  Spencer  le  jeune  de  par. 
jure  et  de  trahison.  Il  avait  été  entendu,  par  la  médiation  de  la  reine 
Isabelle,  que  le  comté  de  Ponthieu  serait  transmis  à  son  fils  aîné 
Edouard  :  peut-être  n'était-ce  qu'un  prétexte  pour  le  faire  sortir  d'An- 


oOO  NOTES. 

gieterre.  Le  jeuue  Eùuui^ru  &  embarcjutt  a.  buuvres  pour  faire  acte 
d'hommage,  le  12  septembre.  Le  1«'  décembre,  Edouard  II  avait  reçu 
une  lettre  de  Charles  le  Bel  qui  lui  annonçait  que  la  reine  n'osait  rentrer 
en  Angleterre  c  pur  përil  de  sa  vie  et  doute  qu'ele  ad  de  Hugh  le  Des- 

<  pensier.  »  Le  lendemain,  il  écrivit  à  la  reine  et  à  son  fils  les  lettres 
les  plus  pressantes  pour  hâter  leur  retour.  Au  mois  de  février  1326,  le 
bruit  se  répandit  que  la  reine  se  préparait  à  rentrer  en  Angleterre,  les 
armes  à  la  main.  Aux  fêtes  de  la  Pentecôte,  le  jeune  Edouard  assista 
avec  Roger  de  Mortimer  au  couronnement  de  la  reine  de  France. 
Le  6  juillet,  Edouard  II,  voyant  la  stérilité  de  ses  démarches  auprès 
de  Charles  le  Bel,  ordonna  d'arrêter  les  navires  français,  et  il  se  prépa- 
rait à  partir  lui-même  pour  la  Gascogne.  Les  négociations  avaient  été 
renouées  le  10  juillet,  et  ce  fut  probablement  alors  que  la  reine  Isabelle 
quitta  la  France.  Le  18  juillet,  les  négociations  étaient  rompues. 
Le  4  août,  Edoqard  menaça  d'un  châtiment  sévère  les  marchands  qui 
portaient  les  lettres  de  ses  ennemis.  Le  10  septembre,  il  ordonna  d'ar- 
rêter tous  les  Français  en  Angleterre.  Le  27  septembre,  on  connais- 
sait le  débarquement  de  la  reine  dans  le  comté  de  Suffolk ,  et  dès  le 
lendemain  le  roi  mit  à  prix  la  tête  de  Roger  de  Mortiçier. 

Froissart  (quatr.  réd.,  p.  33, 1.  24)  se  trompe  en  parlant  t  de  trois 

<  ans  accomplis.  »  La  reine  passa  moins  de  deux  années  en  France  et 
en  Hainaut.  Le  8  mars  1325,  Edouard  II  écrivit  au  pape  que  la  reine 
d'Angleterre  se  rendait  en  France  pour  négocier  elle-même  un  traité. 
Mais,  dès  le  1^**  décembre,  il  se  plaignait  au  roi  de  France  de  ce  que  la 
reine  alléguait,  pour  prolonger  son  séjour,  la  crainte  qu'elle  éprouvait 
de  tomber  au  pouvoir  de  Hugues  Spencer.  «  Certes,  disait-il,  très-amé 
«  frère,  il  ne  convient  pas  qu'elle  se  doute  de  lui,  ne  de  nul  autre 
«  homme  vivant  en  nostre  roialme  ;  quar,  par  Dieu,  il  n'y  ad  Hugh. 
<(  n'autre  vivant  en  nostre  pooir,  qui  mal  li  vousist,  et  nous  le  puissions 
«  sentir,  que  nous  le  chastiriens  en  menère  que  autres  prenderoieut 
«  essample.  »  Le  même  jour,  il  écrivit  à  la  reine  elle-même  pour  hii 
exprimer  le  grand  désir  qu'il  avait  de  la  revoir  et  les  souffrances  de 
cœur  que  lui  causait  nne  si  longue  absence.  Il  s'étonnait  de  ses  griefs 
contre  Hugues  Spencer,  qui  s'était  toujours  conduit  «  si  amiablement 
«  envers  elle,  »  et  qui,  à  son  départ,  lui  avait  donné  de  grandes  assu- 
rances d'amitié.  Il  rappelait  à  la  reine  que  si  parfois  il  avait  été  réduit 
à  lui  adresser  certaines  paroles  de  correction,  il  l'avait  fait  assez  secrè- 


NOTES.  501 

tement  et  sans  dureté,  et  que  son  intention  était,  en  ce  qui  touchait  ses 
dépenses,  de  les  régler  de  telle  sorte  qu*à  Tavenir  elle  ne  manquerait 
de  rien.  Une  troisième  lettre  était  adressée  au  jeune  Edouard.  Il  lui 
i-appelait  tout  ce  qu'il  lui  avait  dit  à  son  départ  de  Douvres  et  le  pres- 
sait de  revenir  le  plus  tôt  possible  avec  ou  sans  sa  mère. 

Le  18  mars  1326,  Edouard  II  s'adressa  de  nouveau  au  roi  de  France 
pour  se  plaindre  de  Tabsénce  prolongée  de  la  reine  Isabelle.  11  lui  repro- 
chait surtout  de  manquer  à  ses  devoirs  en  se  conduisant  par  les  conseils 
de  Roger  de  Mortimer,  traître  et  ennemi  mortel,  condamné  selon  les  lois 
du  royaume.  Le  19  juin  1326,  il  réitérait  les  mêmes  plaintes  dans  une 
lettre  adressée  à  l'évêque  de  Beaavais. 

Roger  de  Mortimer,  seigneur  de  Wigmore,  qui  avait  embrassé, 
puis  abandonné  le  parti  des  barons,  avait  été  enfermé  à  la  Tour  de 
Londres.  Il  donna  une  potion  somnifère  (potionem  somniferam)  à  ses 
gai'diens  et  parvint  à  descendre  dans  une  barque  qui  s'était  placée 
au-dessous  de  son  cachot  (l®*"  août  1324).  Voici  comqient  son  évasion 
est  rapportée  dans  une  naiTation  anonyme  de  la  bibliothèque  de  Berne, 
dont  nous  ferons  fréquemment  usage.  D'après  cette  chronique,  Roger 
de  Mortimer  fut  arrêté  par  les  ordres  de  Hugues  Spencer  et  conduit 
à  la  Tour  de  Londres.  La  reine  apprit  qu'on  avait  donné  Tordre  de  lui 
trancher  la  tête  ;  elle  envoya  pendant  la  nuit  une  barque  qui  vint  se 
placer  devant  la  prison  où  il  se  trouvait,  et  il  put  ainsi  se  sauver  et 
gagner  le  port  de  Dunkerque.  A  cette  nouvelle,  Hugues  Spencer  ordonna 
aussitôt  de  s'emparer  de  la  personne  de  la  reine  elle-même,  qui  s'enfuit 
à  Boulogne  avec  son  fils  et  le  comte  de  Kent.  Elle  se  rendit  de  là  à 
Fontainebleau  ou  se  trouvait  le  i*oi  de  France,  qui  lui  assigna  comme 
résidence  le  château  de  Vincennes.  Cette  version  présente  des  erreurs 
communes  à  Froissart.  Il  est  certain  toutefois  qu'avant  le  départ  de 
la  reine,  le  roi  avait  fait  renvoyer  en  France  tous  les  serviteurs  qui 
l'avaient  suivie. 

Dans  la  quatrième  rédaction  (p.  33,  1.  34),  Froissart  a  confondu 
Jeanne,  fille  de  Louis  le  Hutin,  reine  de  Navarre,  et  Blanche,  fille 
de  Charles  le  Bel,  qui  épousa  Philippe  duc  d'Orléans,  fils  de  Philippe 
de  Valois  ;  elle  ne  naquit  qu'en  1328. 

Walsingham  donne  des  explications  plus  précises  sur  les  dangers 
que  courut  la  reine  en  France.  Spencer  avait  gagné  par  ses  présents 
les  plus  puissants  seigneurs  qui  entouraient  Charles  le  Bel.  On  disait 


502 


NOTES. 


même  que  le  comte  de  Richemont,  Jean  de  Bretagne,  s'était  chargé  de 
faire  périr  la  reine  et  son  fils.  —  La  reine ,  pendant  son  séjour  en 
France,  se  vit  réduite  à  faire  des  emprunts  aux  Bardi  de  Florence. 

Froissart  (quatr.  réd.,  p.  42)  dit  que  le  pape  Jean  XXII  était  t  de 
«(  la  nation  de  Bourdiaus.  »  Il  était  né  à  Cahors. 

La  reine  i Angleterre  en  Eainaut  (pp.  43-61).  Cfr.  Jean  le  Bel 
pp.  13-15.  —  Froissart  emprunte  peu  ici  à  Jean  le  Bel.  Les  détails 
qu'il  reproduit,  ont  problablement  été  recueillis  à  Valenciennes. 

Froissart  paraît  avoir  ignoré  que  le  mariage  d'Edouard  III  avec 
Philippe  de  Hainaut  avait  été  résolu  pendant  son  séjour  à  Monjs,  au 
mois  d'août  1326.  La  promesse  du  jeune  prince  était  conçue  en  ces 
termes  : 

«  Nous  Edwars,  dux  de  Guyane,  aisnels  fils  de  très-excellent  prince 
monseigneur  Edwars,  par  la  grasce  de  Dieu,  roy  d'Engleterre,  faisons 
savoir  à  tous  ke  nous  avons  promis  et  prometons  soUempnelmént  par 
nostre  foy,  loyaltei  etsairement  fait etprestei  souries  saintes  Éwangilles, 
que  nous  prenderons  à  femme  et  à  espeuse  demisèle  Phelippe ,  fille 
monsigneur  Guillaume,  conte  de  Haynau,  de  Hollande,  de  Zéelande, 
et  signeur  de  Frise ,  dedens  deux  ans  de  le  date  de  ces  présentes 
lettres.  Et  tout  avant  le  dit  maiiage,  nous  le  doerons  et  li  assignerons 
douayre  u  donation  par  mariage  bien  et  soffîsamment,  sicomme  il 
affîert  à  royne  d'Engletere  et  qu'elles  ont  estei  douées,  et  ke  dedens 
cel  dit  terme,  nous  pourkacherons  par  nous  et  par  autrui  que  il  sera 
dispenseit  et  dispensation  impétrée  dou  linage  qui  est  entre  nous  et 
le  dite  demisèle  Phelippe,  et  que  tout  altre  empéecheraent  seront  osté, 
par  quoi  nous  perrons  parfaire  le  dit  mariage  entirement  dedens  le 
terme  devant  nomraeit ,  ne  jamais  n'aurons ,  ne  prendrons  autre 
femme,  ne  espeuse  que  le  demisèle  devant  dite,  se  il  n'estoit  ensi  que 
li  dis  mariages  que  nous  ferons  avoekes  li  et  orons  fait,  fust  dissolus 
et  desevrés  par  le  mort  de  le  demisèle  devant  dite,  et  nonporquant 
s'il  avenoit  cose  que  nous  peuissiens  le  dite  dispensation  impétrer  et 
le  mariage  parfaire  devant  le  terme  devant  nommei,  si  prometons- 
nous  et  avons  couvent  sour  les  saircmens  et  obligations  devant  dites 
que  nous  impétrerons  le  dite  dispensation  et  parferons  le  dit  mariage 
devant  le  dit  terme  au  plus  tost  que  nous  porons.  En  tiesmoing  des- 
queles  coses ,  nous  avons  ces  présentes  lettres  séelées  de  no  propre 
séel    Ce   fu  fait  et  acordeit  à  Mous  on  Haynau  le  merquedi  apriès  le 


NOTES.  S03 

fieete  Saint-Bertelmieu,  apottW,  Tan  de  graece  mil  trois  cens-vint  et 
sys.  »  (Archives  de  TÉtat,  à  Mods.) 

Le  comte  de  Kent,  en  confirmant  cet  engagement,  y  igoutait  la 
clause  suivante  qui  mérite  d^être  reproduite  ; 

«  Nous  Âymes,  fils  de  roy  d*Engleterre,  cuens  de  Kent,  faisons  savoir 
à  tous  qne  nos  avons  en  couvent  et  promis  et  promettons  par  nostre  foi, 
loyaltei  et  eairement  fait  et  presteit  sollempnelment  sour  les  saintes 
Éwangiles,  que  nos  pourcacherons  et  procurrons  par  nous  et  par  autruy 
que  excellons  princes  nos  chiers  et  amës  messires  Edwars  dux  de 
Guyane,  fils  à  nostre  très-cher  signeur  et  frère,  monseigneur  Edward, 
d*Engletere,  prendera  à  femme  et  à  espeuse,  dedens  deus  ans  prochai- 
nement venans  de  le  date  de  ches  pi*ésentes  lettres,  demisielle  Phe- 
lippe,  fille  de  haut  homme  et  poissant  monseigneur  Ghiillaume,  conte  de 
Haynnau,  de  Hollande,  de  Zéelande,  et  signeur  de  Frise,  et  que  avant 
le  dit  mariage  il  le  doera  et  assennera  à  li  doaire  u  donation  par 
manage  \Àen  et  souffissanment,  sioomme  il  affiert  à  royne  d*Engleterre 
et  qu'elles  ont  esteit  doëes,  et  que  li  dispensations  sera  faite  et  impë- 
trée  dou  linage  qui  est  entre  no  dit  neveu  et  le  dite  demisielle,  et 
tout  autre  empëechement  osteit,  pour  quoi  li  dis  mariage  et  toutes  les 
auti*es  ooses  dessus  dites  seront  et  poront  iestre  faites  entirement 
dedens  le  terme  devant  dit  et  encore  devant  che,  se  faire  se  pueent, 
sans  oudengien.  Et  s'il  avenoit  oose  (que  Jà  n*avieiigne)  que  toutes  les 
coses  dessus  dittes  ne  fuissent  parfaites  dedens  ledit  terme,  nous 
serions  tenut  par  nos  loyaltës  et  nos  sairemens  dessus  dis  d'envoyer 
dedens  le  ville  de  Valenchiennes ,  en  Haynnau ,  quatre  chevaliers, 
frans  hommes  de  linage,  dedens  le  mois  apriès  le  dit  terme,  sans 
autre  semonse  faire,  liquel  chevalier  demorront  et  devront  demorer  en 
le  ditte  ville,  et  tous  les  jours  aus  représenter  une  fois  par  devant  le 
prëvost  le  conte  de  Haynnau  u  sen  lieutenant,  et  là  iestre  sans  départir, 
il,  leur  maisnie  et  leur  cheval,  en  le  manière  qu'il  affiert  à  frans 
chevaliers  de  linage,  dusques  à  tant  que  toutes  les  coses  dessus  dites 
et  cascune  d'elles  seroient  parfaites  entirement,  et  s*il  avenoit  que 
des  chevaliers  dessus  dis  uns  a  pluiseur  trespassaissent  de  cest  siècle, 
nous  serions  tenut,  toutes  fois  et  tantes  fois  que  il  trespasseroient,  es 
lieus  des  trespassés  renvoyer  aussi  soufflssans  dedans  deus  mois 
apriès  leur  treapas,  liquel  deveroient  demorer  an  dit  lien  en  le 
manière  que  dist  est.  i 


S04  MOTBS. 

L^engagement  d'Edouard  III  fut  confirme  dans  les  mêmes  termes 
par  Roger  de  Mortimer.  Quant  à  la  ratification  de  la  reine  Isabelle, 
elle  n'existe  plus  aux  archives  de  Mons. 

Froissart,  parlant  de  la  récompense  que  reçut  le  sire  d'Aubrecicourt, 
fait  allusion  à  une  charte  du  8  octobre  1331  où  Edouard  III  lui  assigne 
une  rente  de  quarante  marcs,  comme  prix  de  ses  bons  services.  La 
comtesse  de  Hainaut  alors  en  Angleterre  avait  peut-être  intercédé  en 
sa  faveur. 

Retour  de  la  reine  en  Angleterre  (pp.  61-71).—  Cfr.  Jean  le  Bel,p.  15. 
Le  récit  de  Froissart  est  beaucoup  plus  étendu. —D'après  Walsingham, 
Jean  de  Beaumont  amenait  avec  lui  2,757  hommes  d'armes  hainuyera 
et  allemands.  La  chronique  de  Berne  qui  mentionne  le  projet  de  mariage 
d'Edouard  et  de  Philippe  de  Hainaut ,  ne  parle  que  de  700  hommes 
d'armes.—  On  lut  publiquement  sur  les  places  de  Londres  la  proclama- 
tion par  laquelle  le  roi  déclarait  atteints  du  crime  de  haute  trahison  sa 
femme  et  son  fils.  (Ran.  Hygden.)  Selon  Ranulf  Hygden,  la  reine  aborda 
dans  le  comté  d'Essex  vers  la  fête  de  Saint-Michel.  A  la  nouvelle  de 
son  débarquement,  les  bourgeois  de  Londres  s'insurgèrent  et  s'empa- 
rèrent de  la  Tour. —  La  chronique  de  Berne  rappoi*te  que  le  cinquième 
jour  que  les  chevaliers  de  Hainaut  étaient  en  mer,  une  tempête 
s'éleva  et  les  jeta  sur  le  rivage,  près  de  Norwell.  Le  froid  le  plus  vif 
régnait,  et  à  peine  purent-ils^trouver  un  abri  pour  la  reine  et  son  fils. 
Le  lendemain,  ils  atteignirent  un  village  dont  les  habitants  s'étaient 
enfuis,  mais  ils  y  trouvèrent  du  moins  de  quoi  nourrir  leurs  chevaux. 
—  D'après  Robert  d' Avesbury ,  la  reine  Isabelle  aborda  le  26  sep- 
tembre 1326,  à  Harwich.  Ce  témoignage  ne  peut  s'accorder  avec  celui 
de  Froissart,  qui  place  son  débarquement  dans  un  lieu  désert,  situé 
probablement  un  peu  plus  au  nord,  dans  le  Sufiblk,  d'où  la  reine  se 
dirigea  vers  Sint-Edmund's-bury.  Dès  le  27  septembre,  une  procla- 
mation royale,  donnée  à  la  Tour  de  Londres,  mettait  hors  la  loi  «  les 
€  traîtres  et  ennemis,  bannys  et  fuitifs,  entrés  es  parties  de  Sufiblc.  » 

Quelques  marins  de  Bayonne  faisaient  aussi  partie  de  cette  expé- 
dition. Ils  reçurent  à  ce  titre  un  don  d'Edouard  III,  alors  encore  gar- 
dien du  royaume.  (Rymer,  t.  II,  p.  2,  p.  170.)  —  L'abbaye  de  Saint- 
Edmond  (Sint-Edmund's-bury),  dont  Froissai't  parle  p.  67,  était 
l'une  des  plus  célèbres  de  l'Angleterre.  De  nombreux  pèlerins 
venaient  y   prier  sur  la  tombe  de  saint  Edmond.  L'abbé  de  Sint- 


NOTES.  oOo 

Edmund's-bury,  se  nommait  Thomas  de  Draughton.  Edouard  II  avait 
passé  Tannée  précédente  les  fêtes  de  Noël  à  Tabbaye  de  Saint-Edmond. 
En  1327,  des  dissensions  fort  graves  éclatèrent  entre  les  moines  et  les 
bourgeois  de  Sint-Edmund's-bury,  et  ceux-ci  saccagèrent  Tabbaye. 

Le  havre  d'Orwell  où  Jean  de  Hainaut  voulait  aborder,  est  au  nord 
du  comté  d'Essex.  Là  aussi  était  le  lieu  de  débarqnement  choisi  par 
les  Français  lors  du  grand  armement  de  1386. 

La  reine  marche  vers  Bristol  (pp.   72-75),   —  Cfr.  Jean  le  Bel, 
pp.  16-17:—  Le  15  octobre  1326,  la  reine  publia  à  Wallingford  un* 
manifeste  où  elle  annonça  qu'elle  était  arrivée  pour  délivrer  la  Sainte 
Eglise  et  le  peuple  d'Angleterre  de  Toppression  de  Hugues  Spencer. 
Tel  était  son  unique  but,  igoutait-elle,  et  elle  se  plaignait  seulement 

d'avoir  été  si  longtemps  éloignée  de  la  bienveiUance  du  roi D'après 

la  chronique  de  Berne,  les  chevaliers  de  Hainaut  se  dirigèrent  vers 
Oxford,  célèbre  par  ses  écoles  de  théologie  et  de  grammaire,  où  la  reine 
fut  reçue  avec  de  grandes  démonstrations  de  joie.  La  reine  continuait 
sa  marche,  lorsqu'on  annonça  qu'on  apercevait  une  nombreuse  armée 
qui  vint  se  ranger  sous  les  drapeaux  de  la  reine.  Cet  exemple  fut  bientôt 
suivi  par  le  comte  de  Lancastre,  par  le  comte  Maréchal,  par  le  comte 
de  Glocester,  par  le  comte-  d'Hereford  et  par  messire  Thomas  Wage. 
L'armée  de  la  reine  s'élevait,  grâce  à  ces  renforts,  à  2,000  hommes 
d'armes.  On  se  dirigea  du  côté  de  Bristol.  La  reine,  pour  maintenir 
Tordre,  fit  publier  une  ordonnance  qui  portait  que  quiconque  enlèverait 
sans  paiement  une  valeur  de  douze,  six  ou  trois  deniers,  perdrait  ou  la 
tête  ou  la  main  ou  le  doigt. 

Prise  de  Bristol{i^p.lMS),— Cfr,  Jean  le  Bel,  pp.  19-20 D'après 

Ranulf  Hygden  de  Chester,  la  reine  entra  à  Bristol  le  27  octobre  1326. 
Cette  date  est  inexacte,  car  le  26  octobre,  le  jeune  Edouard  fut  pro- 
clamé à  Bristol,  gardien  du  royaume.  Edouard  II,  jugeant  la  résistance 
impossible,  s'embarqua,  avec  Hugues  Spencer  le  jeune,  sur  deux 
navires  qui  ne  s'éloignèrent  pas  assez  du  port  pour  qu'on  perdit  la 
terre  de  vue.  Hugues  Spencer  le  vieux  n'avait  pas  voulu  quitter  Bristol. 
Pendant  que  la  reine  s'apprêtait  à  former  le  siège,  on  lui  amena  le 
comte  d'Arondel  qui  avait  été  arrêté  au  moment  où  il  cherchait  un 
refuge  dans  le  pays  de  Galles.  Huit  jours  après,  Bristol  ouvrit  ses 
portes,  et  la  reine  y  retrouva  ses  deux  filles  dans  un  état  voisin  de  la 
misèie  (pauperrime  ordinatas).  Elles  se  jetèrent  aux  pieds  de  leur 


S06  NOTBS. 

mère  en  répandant  des  larmes,  et  œlle-oi  les  fit  conduire  dane  aa 
chambre,  afin  qa*on  leur  donnât  des  vêtements  confotmes  à  leur  rang. 
Le  jeoBe  Edouard  ne  les  roccmnat  pas  d'abord,  mais  plus  tard  il  leur 
fit  grandfête.  {Chton,  de  Bemé) 

Mort  de  Hugues  Spencer  (pp.  78-80).  —  Gfr.  Jean  le  Bel,  pp.  20-21 . 
Hugues  Spencer  le  vieux  fut  supplicia,  le  lendemain  de  la  prise  de 
Bristol,  au  gibet  ordinaire  des  voleurs.  Xbomas  Wake,  seigneur  de 
Lidell,  est  cité  le  premier  après  le  comte  de  Lanoastre  dans  Tacte  de 
déposition  d*  Edouard  II; 

Captivité  d'Edouard  //(pp.  80-87).  —  Gfr.  Jean  le  Bel,  pp.  21-25. 
Dans  la  première  rédaction,  Froissart  a  suivi  le  récit  de  Jean  le  Bel;  il 
s'en  écarte  dans  les  rédactions  où  il  rapporte  qu^Ëdouard  II  tomba  au 
pouvoir  de  Henri  de  Beaumont.  —  Henri  de  Beanmont  est  dté  parmi 
les  grands  qui  firent  triompher  la  cause  de  la  reine  Isabelle.  Il  avait 
épousé  Alice,  fille  de  Jean  Comjn ,  et  de  ce  chef  il  prit  le  titre  de 
comte  de  Buchan. 

Edouard  II  réussit  à  gagner  le  pays  de  Galles.  Il  était  le  29  octo- 
bre 1326  à  Kersilly  ou  Sully,  près  de  Gardiff,  le  10  novembre  à 
Neath,  dans  le  Grlamorgan-shire.  —  Il  voulait  se  réfugier  dans 
rîle  de  Gonday,  à  Tembouchure  de  la  Saveme,  quand  la  tempête  le 
rejeta  sur  les  cotes  de  Glamorgan.  Il  tomba  au  pouvoir  des  insur- 
gés près  du  château  de  Laturssan,  le  16  novembre  1326.  —  Le  trésor 
d'Edouard  II  avait  été  caché  dans  le  Glamorgan-shire  ;  on  ne  le  retrouva 
que  dix  ans  après  (Thomas  de  la  Moor).  —  Une  tempête  poussa  le 
navire  qui  portait  Edouard  II  dans  Tun  des  domaines  du  comte  de  Lan- 
eastre.  Edouard  II,  réduit  à  descendre  sur  le  rivage,  s'était  réfugié  dans 
une  église,  qnand  le  comte  de  Lancastre  s'empara  de  lui  et  le  conduisit 
dans  un  de  ses  châteaux.  Hugues  Spencer  le  jeune  partagea  le  même 
sort.  La  reine  entra  dans  la  chambre  où  se  trouvait  le  mouarque  pri- 
sonnier, et  fléchissant  le  genou,  elle  le  pria,  par  Tamour  de  Dieu,  de 
réprimer  sa  colère.  Le  roi  ne  répondit  point  et  ne  voulut  pas  même  la 
regarder.  (Chronique  de  Berne.) 

Les  détails  que  donne  Froissart  dans  la  quatrième  rédaction  sur  la 
captivité  d'Edouard  II,  sont  d'autant  plus  intéressants  qu'ils  sont  le 
fruit  de  ses  enquêtes  personnelles.  Il  y  a  lieu  toutefois  de  les  compléter. 
Le  20  novembre  1326,  la  reine  alors  à  Hereford  (peut-être  le  jour  du 
supplice   de   Spencer  le  jeuue) ,   déclara  que,  le  roi  étant  remis  eu 


KOTES.  507 

liberté,  son  fila  cessait  d^âtre  gardien  du  royanxnB.  On  envoya  rëréque 
d'Hereford  vers  Edouard  II  qui  avait  étÀ  conduit  à  Monmouth,  et 
celui-ci  fit  porter  à  sa  femme  et  à  son  fils  le  grand  sceau  comme  sym- 
bole de  Tautorité  qu'il  leur  abandonnait.  Il  fut  remis  à  la  reine  à 
Martleye  ie  26  novembre. 

Edouard  II  périt  le  21  septembre  1327;  on  Thonora  comme  an 
martyr.  — Un  jour  qu'Edouard  II  était  monté  dans  un  grenier,  ses 
gardiens  Ten  précipitèrent  la  tête  en  avant,  et  il  expira  aussitôt.  On 
ignore,  ajoute  le  chroniqueur,  à  quel  ordre  ils  obéissaient  en  agissant 
ainsi.  {Chronique  de  Berne,) 

Thomas  de  Berkeley  avait  vu  mourir  son  père  dans  les  prisons  des 
Spencer  et  avait  été  dépouillé  par  eux  de  son  héritage.  Il  traita  avec 
égards  Edouard  II.  Le  bourreau  du  roi  fut  Jean  de  Mautravers, 
qu'assista  Thomas  de  Goumay.  Celui-ci  fut  arrêté  à  Marseille,  mais 
on  le  mit  à  mort  pendant  qu'on  le  conduisait  en  Angleterre  :  on  crai- 
gnait qu'il  ne  désignât  comme  complices  des  personnes  d'un  rang  plus 
élevé  (persons  of  hier  degré,  dit  Capgrave).  —  Thomas  de  Berkeley  et 
Jean  de  Mautravers  avait  été  chargés  de  la  garde  d'Edouard  II.  lis  rece- 
vaient à  ce  titre  cent  sous  par  jour.  Au  mois  d'août  1327,  Guillaume 
d'A^lesmere  forma  le  projet  de  délivrer  le  monarque  prisonnier.  Un 
mois  plus  tard,  Edouard  II  périssait  assassiné,  et  une  rente  de  quel- 
ques sous  était  accordée  aux  religieux  du  monastère  de  Croskesden, 
pour  que,  chaque  année,  le  jour  de  la  fête  de  saint  Mathieu,  ils  celé  - 
brassent  un  service  anniversaire  pour  le  repos  de  Tâme  d'Edouard,  de 
célèbre  mémoire,  récemment  roi  d'Angleterre.  Un  autre  don  fut 
fait  au  monastère  de  Saint-Pierre  de  Glocester,  où  les  obsèques 
d'Edouard  II  avaient  été  célébrées  avec  magnificence,  si  l'on  peut  ad- 
mettre-l'assertion  d  une  charte  démentie  par  le  récit  des  historiens.  Ce 
qui  est  mieux  établi,  c'est  qu'aucune  recherche  au  siget  de  ce  meurtre 
n'eut  lieu  tant  que  vécut  Roger  de  Mortimer.  Ce  ne  fut  qu'en  1331 
que  Thomas  de  Gournay,  à  qui  on  reprochait  ce  crime,  fut  arrêté  en 
Castille  et  livré  au  roi  d'Angleterre  qui  le  fit  décapiter.  En  1329,  Jean 
de  Mautravers  avait  assisté  à  l'hommage  d'Amiens,  comme  sénéchal 
du  roi  d'Angleterre.  Quelques  années  plus  tard,  Thomas  de  Berkeley, 
cité  devant  le  parlement  qui  se  réunit  à  Westminster  au  mois  de 
septembre  1336,  établit  qu'il  était  resté  complètement  étranger  à  la 
mort  d'Edouard  II.  Cf.  le  récit  de  Thomas  de  la  Moor,  qui  assure 
avoir  tout  appris  de  Tun  des  coupables. 


508  NOTES. 

Supplice  de  Hugues  Spencer  le  jeune  (pp.  87-88).  —  Il  eat  à  regret- 
ter que  Froissart  ait  cru  devoir  reproduire  les  détails  du  supplice  de 
Hugues  Spencer,  tels  que  les  donne  Jean  le  Bel,  pp.  25-27.  —  La 
reine  fit  trancher  la  tête  du  comte  d'Arundel  et  donna  un  grand 
trésor  au  chevalier  qui  lui  livra  Hugues  Spencer  le  jeune.  On  attacha 
celui-ci  à  la  queue  de  deux  chevaux,  on  le  revêtit  d'une  tunique  qui 
portait  ses  armes  et  on  le  conduisit  ainsi  au  gibet.  Son  corps  fut  divisé 
en  quatre  parts,  qu'on  envoya  aux  principales  villes  d* Angleterre. 
(Chronique  de  Berne,) --Le  tabar  dont  parle  Froissart,  orné  des  armes 
de  Spencer,  portait  aussi  ces  versets  du  Psalmiste  :  Quid  gloriaris  in 
malitia,  qui  potens  es  in  iniquiiatel  La  potence  à  laquelle  il  fut 
attaché ,  était  haute  de  cinquante  pieds  ;  on  le  fit  périr  un  lundi, 
parce  que  c'était  un  lundi  qu'avait  eu  lieu  le  supplice  du  comte  Thomas 
de  Lancastre.  Ce  ne  fut  que  le  15  décembre  1330  qu'Edouard  III 
permit  de  donner  la  sépulture  aux  restes  de  Hugues  Spencer  le  jeune. 

Départ  des  Hainuyers  (pp.  88-95).  —  Cfr.  Jean  le  Bel,  pp.  26-28.— 
On  comprend  avec  quel  soin  Froissart  enregistre  tout  ce  qui  retrace  la 
pai*t  prise  par  les  chevaliers  du  Hainaut  à  cette  expédition.  Un  chroni- 
niqueur  appelle  l'année  1327  :  Annus  jucundus  Hannoniœ. 

Les  généalogistes  ne  sont  pas  d'accord  avec  Froissart  sur  les  noms 
des  filles  d'Edouard  II. 

Le  château  d'Eltham,  à  trois  milles  de  Oreenwich,  était  fort 
lenommé  au  xv«  siècle.  Dans  quelques  lignes  inédites  que  donne  le 
manuscrit  du  iv«  livre,  conservé  à  Mous,  Froissart  rappelle  les  entre- 
tiens qu'il  eut  avec  Richard  Stury,  «  en  gambiant  les  galleries  à 
«  l'ostel  de  Elthem  où  il  faisoit  moult  bel  et  moult  plaisant  etombru, 
«  car  les  alées  pour  lors  estoient  toutes  couvertes  de  vignes.  » 

Le  Parlement  s'assemble  (pp.  95-98).  —  Cfr.  Jean  le  Bel,  pp.  29-30. 
—  Bien  que  l'on  présentât  au  peuple  la  déchéance  d'Edouard  II 
comme  le  résultat  d'une  abdication  volontaire,  Ranulf  Hygden  de 
Chester  rapporte  que  Guillaume  Trussell,  procureur  du  parlement,  lui 
déclara  en  ces  termes  que  le  peuple  d'Angleterre  était  délié  de  ses  ser- 
ments :  «  Ego  Wilhelmud  Trussel,  vice  omnium  de  terra  Anglise  et 
«  totius  parliamenti  procurator,  tibi,  Edwarde,  reddo  homagium  prius 
«  tibi  factum  et  ex  nunc  diffido  te  et  privo  omni  potestate  regia  et 
«  dignitate,  nequaquam  tibi  de  cetero  tanquam  régi  pariturus.  »  Guil- 
laume Trussell  était  accompagné  de  doux  comtes,  de  deux  barons 
et  de  deux  abbés.  Ceci  se  passait  à  Kenilworth. 


NOTES.  r)09 

Ce  fat  seulement  après  la  réunion  Ju  Parlement  que  Tabdication  du 
roi  fut  pi*oclamëe  le  24  janvier  1327.  On  publia  en  même  temps  la 
paix  du  nouveau  roi  afin  de  mettre  un  terme  aux  actes  de  force  et  de 
violence.  Le  Parlement  élut  Edouard  III,  et  le  peuple  ratifia  ce  choix 
après  un  discours  de  Tarchevêque  de  Cantorbéry  qui  avait  pris  pour 
texte  :  Vox populi,  tox  Dei.  Isabelle  s'en  montra,  dit-on,  fort  affligée; 
elle  eût  voulu  maintenir  sur  le  trône  le  roi  afifranchi  de  Tinfluence  des 
Spencer.—  Edouard  III  écrivit  à  toutes  les  villes  d*AngleteiTe  qu'il  avait 
été  élu  roi  par  la  communauté  du  royaume,  et  Edouard  II  remercia, 
assure-t-on,  les  délégués  du  Parlement  qui  lui  notifièrent  sa  déposi- 
tion, d  avoir  choisi  son  fils —  D'après  les  historiens  anglais,  Isabelle 
refusa  de  voir  Edouard  II  dans  sa  captivité,  disant  que  les  communes 
d'Angleterre  ne  le  lui  permettaient  pas. 

Couronnement  d'Edouard  III  (pp.  98-101).  —  Cfr.  Jean  le  Bel, 
pp.  31-32.— Le  couronnement  d'Edouard  III  eut  lieu  le  dimanche  après 
la  Conversion  de  saint  Paul,  \^  février  1327,  à  Westminster.  Jean 
de  Hainaut  est  cité  parmi  les  grands  du  royaume  qui  y  assistèrent.  Le 
it>i  promit  de  maintenir  les  franchises  octroyées  au  clergé  et  au  peuple 
par  le  glorieux  roi  saint  Edouard,  de  n'écouter  en  toutes  choses  que  la 
justice,  la  raison,  la  miséricorde  et  la  vérité,  de  défendre  et  de  fortifier, 
en  l'honneur  de  Dieu,  les  bonnes  coutumes  de  la  communauté  de  son 
royaume.  Edouard  111  avait  quatorze  ans  depuis  la  Saint-Brice 
(13  novembre  1326).  Ranulf  Hygden  remarque  que  son  avènement  eut 
lieu  sous  les  plus  heureux  auspices  :  c  Nam  et  tune  terra  recepit  uber- 
€  tatem,  aer  tempe riem,  mare  tranquillitatem  et  ecclesia  libertatem.  » 
Thomas  Walsingham  nous  a  laissé  ce  brillant  portrait  d'Edouard  III  : 
«  Il  était,  entre  tous  les  rois  et  princes  du  monde,  glorieux,  bénigne, 
«  clément  et  magnifique.  On  l'avait  surnommé  le  Gracieux,  à  cause 
«  de  la  grâce  singulière  par  laquelle  il  surpassa  tous  ses  prédéces- 
<  seurs.  Il  était  doué  d*un  cœur  magnanime  et  triompha  dans  tous  les 
I  combats  auxquels  il  prit  part  ;  il  se  montrait  doux  pour  tous,  pour  les 
€  étrangers  comibe  pour  ses  sujets,  afiable  dans  ses  discours,  géné- 

•  reux  plus  que  personne  dans  ses  bienfaits  et  dans  ses  présents.  Sa 
«  figure  était  belle  comme  celle  d'un  ange,  et  l'on  croyait  qu'il  suffisait 

•  de  la  voir  ou  même  d*en  rêver  pour  que  cela  portât  bonheur.  Jusque 
I  chez  les  nations  barbares,  on  disait  que  jamais  aucun  pays  n'avait 
c  possédé  un  roi  si  noble  et  si  fortuné,  et  qu'après  lui  on  ne  le  retrou- 
«  verait  jamais.  • 


510  NOTBS. 

D^^t  de  Jean  de  Hainaut  (pp.  10M04).—  Cfr.  Jean  le  Bel,  p.  32. 
—  Par  une  charte  du  16  février  1327,  le  roi  reconnut  les  bons  ser- 
vices de  Jean  de  Hainaut,  en  lui  accordant  une  rente  annuelle  de  mille 
marcs,  à  prendre  sur  le  produit  des  droits  d'issue  que  Ton  payait  à 
Londres  sur  les  laines,  les  peaux  et  les  cuirs.  --  Le  5  mars  1327,  on 
rencontre  la  mention  d'un  paiement  <c  pro  custubus  equorum  hominum 
«  de  Hannonia.  » 

11  s'agit  ici  de  Jean,  roi  de  Bohême,  si  fameux  par  sa  mort  à  Crécj. 
Un  grand  nombre  de  chartes  rappellent  sa  présence  à  la  cour  de  Hai* 
naut;  la  plupart  concernent  à  des  emprunts.  Sa  royauté  de  Bohème 
ne  lui  donnait  pas  plus  de  revenus  que  celle  de  Pologne  à  laquelle  il 
prétendait  également.  C'est  au  tournoi  de  Condé,  mentionné  par  Froia- 
sart,  que  se  rapporte  le  document  dont  je  reproduis  l'analyse  : 

€  Promesse  en  françois  et  en  parchemin,  scellée  du  petit  sceau  en 
cire  verte  dudit  roi  de  Bohême,  par  laquelle  il  reconnoit  devoir  au 
comte  de  Hainaut  la  somme  de  mille  florins  d'or  de  Florence  que  ce 
comte  lui  avoit  prêtée  à  son  grand  besoin,  pour  subvenir  aux  frais  qu'il 
avoit  faits  au  tournoi  à  Condé.  —  Le  jour  des  Cendres,  1334.  »  (Archives 
de  Mons). 

le  roi  d'Ecosse  dép  Edouard  III  (pp.  104-108).  —  Cfr.  Jean  le 
Bel,  pp.  33-34.  — C'est  d'après  Jean  le  Bel  que  Froissart  rapporte  que 
Robert  Bruce  fit  défier  Edouard  III  vers  les  fêtes  de  Pâques  1327.  On 
voit  par  les  actes  du  recueil  de  Rymer  que  le  roi  d'Angleterre,  qui  traitait 
encore  avec  les  Ecossais  au  commencement  du  mois  de  mars,  adressa 
le  5  avril  1327  un  mandement  à  tous  ses  barons  pour  qu'ils  se  réu- 
nissent à  Newcastle  le  lundi  avant  TAscension.  Dans  ce  mandement, 
il  est  fait  allusion  non  pas  à  des  lettres  de  défi,  mais  à  des  préparatifs 
qui  révèlent  la  perfidie  des  Ecossais.  Il  est  à  remarquer  que  Froissart, 
ici  et  ailleurs,  supprime  complètement,  comme  le  fait  aussi  Jean  le 
Bel,  tout  ce  qui  touche  aux  prétentions  et  à  Tintervention  pi  considé- 
rable dans  les  guerres  d'Ecosse,  de  la  maison  de  Baillol. 

Un  sauf-conduit  avait  été  accordé,  le  26  février  1328,  à  Éléonore, 
veuve  de  Hugues  Spencer.  Dans  ses  poésies,  Froissart  rappelle  tout  ce 
qu'il  dut  à  la  générosité  d'Edouard  Spencer  : 

Le  grant  seigneur  Espensier, 
Qui  de  larghèce  est  despensier, 


NOTES.  XI 1 

Que  t'a-t-il  fait? — Quoi,  dis-je?  asgés, 

Car  il  ne  fa  oncqnes  laas^ 

De  moi  donner,  quel  part  qu'il  fùst. 

Ce  n'estoîent  cailliel,  ne  fust, 

Mes  ohetaus  et  florins  sans  compte  : 

Entre  mes  mestres  je  le  compte 

Poar  seigneur,  et  c*en  est  li  uns. 

«  Il  fut,  dit-il  ailleurs,  moult  plaint  et  moult  regretté  de  ses  amis, 
«  car  ce  fut  un  gentil  cœur  et  vaillant  chevalier ,  fresque  et  gentil, 
c  large  et  courtois,  et  grand  capitaine  de  gens  d*armes.  » 

Jean  de  Hainaut  retourne  en  Angleterre  (pp.  108-115).  — Cfr.  Jean 
le  Bel,  pp.  34-37.  —  L'énumération  des  chevaliers  du  Hainaut  est  plus 
complète  dans  Froissart.  Il  mentionne  de  plus  dans  la  première  rédac- 
tion les  sires  de  Ligne,  de  Gommignies,  de  Boussoit,  de  Potelles,  de 
Wprgny,  d'Halewyn,  de  Brugdam;  dans  la  quatrième  rédaction,  les 
sires  de  Bailleul,  de  Semeries,  de  Beaurieu,  de  Floyon,  de  Robertsart, 
de  Vertaing,  de  Blargnies,  de  Mastaing,  d'Aubrecicourt  et  de  Flosy. 

Nous  voyons  par  une  charte  donnée  à  York,  le  29  mai  1327,  qu'on 
y  attendait  Jean  de  Hainaut  pour  combattre  les  Ecossais.  En  effet,  ee 
jour  là  le  roi  attacha  à  Jean  de  Hainaut  (qui  ad  rogatum  nostrum  ad 
nos  est  venturus)  un  panetier,  un  boutillier,  etc.  Il  avait  mandé  dès 
le  18  mai  qu'on  lui  remît  500  marcs  sur  sa  pension.  Le  18  juin,  le  roi 
donna  Tordre  de  payer  la  moitié  des  14,000  livres  qui  lui  étaient  dues. 
Le  4  juillet,  Guillaume  d'Irlande  fut  chargé  par  le  roi  de  veiller  au 
charroi  des  hommes  d'armes  de  Jean  de  Hainaut.  Celui-ci  était  arrivé 
à  York  avant  le  28  juin. 

Les  détails  donnés  par  la  quatrième  rédaction  (p.  102)  sur  le  don 
fait  à  Philippe  du  Chastel,  sont  parfaitement  exacts.  Dans  une  charte 
du  mercredi  après  la  Saint-Jean  1329,  Edouard  III,  en  donnant  Tordre 
de  payer  la  rente  de  mille  marcs  esterlins  que  Jean  de  Hainaut  avait 
reçue,  rappelle  la  rente  annuelle  c  de  cent  marchies  de  terre  à  l'es- 
«  trellin  »  donnée  à  Philippe  du  Chastel,  qui  à  cette  époque  ne  vivait 
plus. 

Edouard  avait  envoyé  dps  ambassadeurs  en  Ecosse  et  des  confé- 
rences devaient  s'ouvrir  le  dimanche  avant  l'Ascension  1327.  Mais  le 
roi  d'Ecosse  assembla  son  armée,  et  on  renonça  à  toutes  les  négocia- 
tions. 


512  NOTES. 

Émeute  à  York  (pp.  115-131).  —  Cfr.  Jean  le  Bel,  pp.  39-44.  — 
Le  14  juin  1327,  le  roi  donna  Tordre  d'informer  eur  les  causes  des 
disputes  qui  avaient  éclaté  entre  les.Hainuyers  et  les  hommes  d'armes 
(pedites)  de  Lincoln  et  de  Northampton,  d'où  était  résultée  Teffusion  du 
sang  €  in  pacis  nostrse  lesionem  et  populi  nostri  terrorem  et  commotio- 
€  nem.  »  —  D'après  une  relation  citée  par  M.  Buchon,  les  Hainujers, 
s'étant  rendus  coupables  de  certains  désordres,  furent  attaqués  avant 
le  lever  du  soleil  dans  une  rue  nommée  Watelingate;  527  Hainuyers 
périrent  par  le  fer,  136  furent  noyés.  Les  bourgeois  du  faubourg 
d'Ousegate,  qui  les  avaient  assaillis,  perdirent  242  des  leurs,  et  leur 
quartier  fut  presqu'entièrement  livré  aux  flammes.  On  ne  comprend 
pas  du  reste  que  Fauteur  de  cette  relation  anonyme  ait  placé  cet  évé- 
nement au  mois  de  septembre  1328. 

Guerre  contre  les  Écossais  (pp.  131-182).  — -  Cfr.  Jean  le  Bel, 
pp.  45-72.  —  Déterminons  d'abord  la  chronologie  de  cette  expédi- 
tion. Le  6  juillet  1327,  Edouard  était  à  York;  le  12  à  Topcliffe,  sur 
le  Swale  (the  chief  seat  of  the  Perdes,  dit  Cambden);  le  15,  à  Dur- 
ham  (les  Écossais'  s'étaient  portés  vers  Carlisle),  du  2  au  8  août  dans 
la  foret  de  Stanhope.  Le  16  août  il  rentra  à  York,  et  dès  le  18  il  est 
fait  mention  du  départ  prochain  de  Jean  de  Hainaut.  Le  récit  de 
Froissart  est  beaucoup  plus  étendu  que  celui  de  Jean  le  Bel.  Il  ajoute 
plusieurs  noms  de  chevaliers  écossais,  qu'il  a  probablement  recueillis 
dans  son  voyage  d'Ecosse. 

Jacques  de  Douglas  pénétra  jusqu'à  la  tente  du  roi  et  tua  son  cha- 
pelain . 

Par  une  charte  du  28  septembre  1327,  Edouard  III  rappelle  sa  pro- 
messe de  donner  cent  livres  de  rentes  à  celui  qui  l'aurait  conduit  eo 
présence  des  Ecossais  «  super  terra  sicca  »  et  donne  cette  somme  à  Tho- 
mas de  Rokesby  qui  l'a  mené  devant  l'ennemi  uin  loco  duro  et  sicco.  » 

Les  événements  racontés  pp.  171-170  se  passèrent  près  de  Stanhope- 
Park  (in  Werdalle).  On  accusa  quelques  seigneurs  anglais  jaloux  des 
Hainuyers  d'avoir  favorisé  la  l'etraite  des  Ecossais.  Plus  tard  ce  fut  im 
grief  invoqué  contre  Mortimer,  gagné,  disait-on,  parles  Ecossais. 

Retour  à  York  (pp.  182-187).  —  Cfr.  Jean  le  Bel,  pp.  72-73.  —  Le 
récit  de  Froissart  est  plus  étendu. 

Le  roi  reconnaît  qu'il  doit  quatre  mille  livres  à  Jean  de  Hainaut  et 
ordonne  de  les  lui  payer  dès  «on  arrivée  à  Londres.  Si  cette  somme  ne 


NOTES.  515 

se  trouve  pas  dans  le  trésor,  on  l'empruntera  sur  les  joyaux  déposés 
à  la  Tour  de  Londres  (20  août  1327).  Le  même  jour,  il  charge  Jean  de 
risle  de  reconduire  Jean  de  Hainaut. 

Mariage  d*Édouard  III  (pp.  187-197).  —  Cfr.  Jean  le  Bel, 
pp.  75-77.  —  Le  8  octobre  1327,  Edouard  III  chargea  Tévêque  de 
Coventrj  de  fiancer  en  son  nom  Philippe  de  Hainaut.  Les  dispenses 
pontificales  accordées  à  ce  sujet  portent  la  date  du  30  août  1327.  Le 
sauf-conduit  donné  au  comte  de  Hainaut  et  à  sa  fille  est  du 
28  novembre  1327.  Il  ne  paraît  pas  toutefois  que  le  comte  de  Hainaut 
se  soit  rendu  à  cette  époque  en  Angleterre. 

Edouard  III  épousa  Philippe  de  Hainaut  la  veille  de  la  fête  de  la 
Conversion  de  saint  Paul  (24  janvier  1328),  mais  le  couronnement  de 
la  reine  n'eut  lieu  qu'assez  longtemps  après,  le  dimanche  avant  la  fête 
de  la  Chaire  de  saint  Pierre  1330.  Lorsque  la  reine  Philippe  fut  cou- 
ronnée, Robert  de  Veer,  comte  d'Oxford,  représenta  que  comme  cham- 
bellan héréditaire  de  la  reine  d'^Ang^eterre,  il  avait  droit  à  son  Ut  et 
à  ses  chaussures,  et  de  plus  à  trois  bassins  d'argent.  Edouard  III  lui  fit 
remettre  les  chaussures  et  les  bassins  d'argent  et  racheta  le  lit  au  prix 
de  cent  marcs. 

Nous  voyons  Edouard  III,  dès  le  commencement  de  son  règne,  com- 
bler de  ses  faveurs  les  barons  du  Hainaut,  en  même  temps  que  la 
reine  Philippe  s'entoure  de  gentes  damoiselles  venues  avec  elle  de  ce 
bon  et  doux  pays. 

Les  chevaliers  entrés  au  service  du  roi  d'Angleterre  sont  Michel 
de  Ligne,  Robert  dé  Fiennes,  Nicolas  d'Aubrecicourt,  Guillaume  de 
Saint-Omer,  Wulfard  de  Ohistelles,  Thierri  de  la  Croix,  Simon  de 
Haie,  plus  connu  sous  le  nom  de  Simon  de  Mirabel,  et  Paonnet  de  Roet, 
dont  la  fille  fut  plus  tard  duchesse  de  Lancastre  et  l'aïeule  des  Tudor. 
Parmi  les  écuyers,  on  cite  Watelet  de  Mauny,  Robert  de  Oages, 
Robert  de  Maule,  et  avec  eux  deux  jeunes  Bretons,  nommés  Olivier  et 
Thibaut  du  Guesclin.  Watelet  de  Hainaut  (serait-ce  Watelet  de  Mauny?) 
est  le  page  chargé  de  la  garde  des  garennes  de  la  reine,  fogius  cusios 
leporariorum  dominae  reçinae. 

Lorsqu'Édouard,  comte  de  Chester,  naît  en  1330,  Guillaume  de 
Saint-Omer  reçoit  le  titre  de  sénéchal  de  son  hôtel.  Etrange  rappro- 
chement :  c'est  un  chevalier  de  cette  même  maison  de  Saint-Omer  qui 

I.  ~~  nioissAKT.  33 


— y- 


M4  EfOTBS. 

remettra  à  Édonard  de  Chestar,  deveMi  le  Priaoe  Noir,  Vép4e  d\k  v»i 
de  France  sur  le  champ  de  bataille  de  PoHîera. 

Elisabeth  de  Saint-Omer  était,  en  1332,  Tuie  des  de«x  4ames  atta- 
chéea  au  service  de  la  reine  ;  elle  était  aussi  chargée  des  soins  k  donner 
au  jeune  con»te  de  Chester  et  à  sa  sœur  IsaboUe.  Parmi  les  damoiselles 
venues  du  Hainaut,  on  cite  Isabelle  de  la  Helde,  Blanche  de  Goloma, 
Marguerite  du  Fresne  et  Catherine  de  la  Croix.  Dans  un  rôle  un  peu 
postérieur,  on  ajoute  les  noms  d'Elisabeth  du  Mesnil,  d'EUéonora  de 
Ghistellee,  d'Isabelle  de  la  Motte. 

Les  fêtes  se  succèdent  dans  les  prés  de  Sheen  ou  sous  les  épais 
ombrages  d'Eltham  et  de  Berkhamstead.  Windsor,  dont  Guillaume 
Wickham  crée  les  merveilles,  retentit  du  bruit  des  tournois.  Il  faut  au 
roi  f  des  cotes,  des  mantels  de  brun  escarlat,  arbusché  d'or,  les  fujles 
t  hachés  de  soie,  parole  d  or  partut,  des  oyaeux  sur  les  branches  et 
t  pejtrine»  de  costé  deux  anges  de  toile  de  brouderye,  les  liserés  de 
t  perles  avec  srblftis  d'orfèvrerie  d'argent  à  un  reulon  de  perles  «  » 
La  reine  achète  à  grands  frais  des  rubans,  du  taffetas  (ces  désignations 
sont  employées  daiia  les  comptes).  Elle  demande  à  Raoul  Voet,  à 
Hanekin  d'Ypres,  à  Louis  de  Heusden,  des  draps  rayés  de  Gand,  de 
Bruxelles,  de  Malines,  de  Louvain. 

Des  bourgeois,  des  marchanda»  accourus  de  nos  villes  à  la  suite  des 
chevaliers,  obtiennent  aussi  leur  part  de  faveur  et  de  crédit.  Pierre  de 
Bruges  est  armurier  du  roi,  Gérard  de  Tournay,  son  heaumier,  Lau- 
rent de  Mons,  son  sellier. 

Dernier  vœu  de  Robert  Bruce  (pp.  197-209). —  Cfr.  Jean  le  Bel, 
pp.  79-84.  —  Robert  Bruce  mourut  le  7  juin  1329,  d'autres  disent 
le  9  juillet.  Froissart  entend  par  la  grosse  maladie  la  lèpre.  Cette 
horrible  maladie  n'épargnait  pas  les  princes.  Un  petit  fils  d'Edouard  III, 
le  roi  Henri  IV,  en  mourut,  assure-t-on.  La  lèpre  lui  avait  été  transmise 
par  sa  mère,  Blanche  de  Lancastre.  C'est  d'après  Jean  le  Bel  que  Frois- 
sart donne  le  prénom  de  Guillaume  au  sire  de  Douglas.  Ce  chevalier 
était  le  fils  de  Guillaume  de  Douglas.  On  comprend  aisément  que  Jean 
le  Bel  et  Froissart  aient  confondu  les  prénoms  du  père  et  du  fils. 
Le  1 2  mai  1329,  Edouard  III  avait  rendu  à  Jacques  de  Douglas,  les  biens 
qui  avaient  appartenu  à  son  père  Guillaume.  Le  1«'  septembre  1329, 
il  lui  donna  des  lettres  de  sauf-conduit  «  versus  terram  sanctam,  in 
«  auxilium  christianorum  contra  Saracenos  cum  corde  domini  R.  régis 


tfOTES.  SIS 

Scoti»  naper  defancti.  »  D'après  les  historiens  écossais,  Douglas 
périt  en  portant  secours  à  l'un  de  ses  compagnons  d'armes,  Guillaume 
Sinclair. 

Les  exploits  du  sire  de  Douglas  excitèrent  une  si  vive  admi- 
ration parmi  les  chevaliers,  que  le  comte  de  Hainaut  résolut  quelques 
années  plus  tard  de  laissera  son  oncle  Jean  de  Beaumont  le  gouverne- 
ment de  ses  États,  tandis  qu'il  irait  lui-même  combattre  les  Sarrasins 
de  Grenade  : 

«  Guillaume,  cuens  de  Haynnau,  de  Hollande,  de  Zélande  et  sires 
c<  de  Frise,  faisons  savoir  à  tous,  que  comme  nous  ayèmes  emprîset 
«  en  pourpos,  s'il  plaist  Dieu,  d'aleir  en  Grenate,  par  coy  il  nous  con- 
«  vient  absenter  uue  pièche  et  hors  de  nos  pays  demoreir,  nous,  pour 
c(  gouverneil*  nos  contés,  terres  et  pays  de  Haynnau,  de  Hollande,  de 
u  Zélande  et  de  Frise,  en  nostre  absence,  avons  mis  et  estavlit,  met- 
c<  tons  et  estavlissons  nos  chier  et  ameit  oncle  le  signeur  de  Biaulmont, 
«  pour  nous  et  en  no  liu,  haut  et  souverain  de  par  nous  et  en  no  nom 
«  de  tous  nos  pays  dessus  dis,  et  li  avons  donneit  et  donnons  plain 
(c  pooir  et  mandement  espéciaul,  d'osteir  et  de  mettre  baillieus,  reche- 
«  veurs,  sergeans  et  tous  offîcyers  quels  qu'il  soient,  par  tous  nos  dis 
«  pays  en  tous  nos  offices  et  lieus  ù  il  appartenra  ;  et  ossy  d'otant  faire 
«  et  dire  en  toutes  coses  généraulment  et  espéciaulment  comme  nous 
i<  meismes  dirions  et  ferions  se  nous  y  estiens  présent.  Si  mandons  et 
«  prions  à  tous  nos  foyavles,  nobles  et  non  nobles  de  nos  pays  et 
«  terres  dessus  dittes  et  à  casdun  par  lui,  que  à  no  dit  oncle  obéissent 
«  en  tout  chose  qu'il  leur  dira  et  requerra  de  par  nous  ;  et  mandons 
t<  ossy  et  commandons  à  tous  nos  offîcyers  et  subgès  quel  qu'il  soient, 
«  que  sans  nul  délay  il  et  cascuns  d'yaus  fâchent  tout  chou  qu'il  leur 
«  vorra  de  par  nous  dire,  mandeir  u  commander,  ossy  comme  pour 
«  nous  meismes  ;  car  tout  chose  que  par  no  dit  oncle  représentant  no 
«  lieu  et  no  persoine,  sera  dit,  fait  et  ordeneit  en  quelconque  manière 
<c  que  soit  et  en  tout  cas,  nous  l'avons  et  arons  en  boine  foit  loyaul- 
«  ment  à  tous  jours  pour  ferme  et  pour  estavle.  Par  le  tesmoing  de  ces 
«  lettres  sayellées  de  no  séel,  données  à  Valenchîennes,  xx  jours  en 
«  march,  Tan  mil  trois  cens  quarante  et  deus.  »  (Archives  du  Hainaut). 
Thomas  Randolph,  comte  de  Moray,  élu  régent  après  la  mort  de 
Robert  Bruce,  finit  sa  carrière  en  1331  à  Musselburgh,  près  d'Edim- 
bourg. Il  paraît  qu'il  mourut  de  la  pierre.  Quelques  chroniqueurs 


SI  6  NOTES. 

écossais  accusent  toutefois  Edouard  III  de  Tavoir  fait  empoisonner  par 

un  moine.  C'était  un  seigneur  aussi  distingué  par  ses  talents  que  par 

son  courage.  Le  comte  de  Mar  lui  succéda  comme  régent  le  2  août  1331 . 

Mariage  de  David  Bruce  (pp.  209-211).  —  Cfr.  Jean  le  Bel,  p.  85. 

—  La  charte  relative  à  la  dot  de  Jeanne  d* Angleterre,  qui  devait 
épouser  David,  fils  du  roi  d'Ecosse,  est  du  21  mai  1328. 

Mort  de  Charles  le  Bel  (pp.  21 1-216).  —  Cfr.  Jean  le  Bel,  pp.  87-89. 

—  Charles  le  Bel  mourut  à  Vincennes  le  1*'  février  1328.  —  La  reine 
Jeanne  mit  au  monde  une  fille  le  1«'  avril  1328.  Dès  le  lendemain, 
Philippe  de  Valois  prit  possession  du  trône,  mais  il  ne  fut  couronné 
que  le  dimanche  de  la  Trinité,  29  mai  1328,  Froissart  fonde  sur 
l'élection  la  royauté  de  Philippe  de  Valois  aussi  bien  que  celle 
d'Edouard  III. 

Guerre  de  Flandre  (pp.  216-226).  —  Cfr.  Jean  le  Bel,  pp.  91-92. 

—  Ce  récit  n'est  pas  emprunté  à  Jean  le  Bel.  Froissart  a  pu  s'instruire 
près  des  chevaliers  du  Hainaut  qui  accompagnaient  Jean  de  Beaumont. 

La  bibliothèque  de  l'Arsenal  possède  (Histoire,  n®  148)  une  chro- 
nique manuscrite  du  xiv«  siècle  qui  m'a  été  signalée  avec  une  extrême 
obligeance  par  M.  Paul  Lacroix.  L'auteur  était  de  Valenciennes,  mais 
j'ignore  le  nom  de  ce  concitoyen  et  contemporain  de  Froissart.  Le 
lecteur  comparera  utilement  le  texte  de  Froissart  et  celui  de  ce 
chroniqueur  anonyme  qui  a  peut-être  devancé  Froissart  de  quelques 
années  : 

a  Après  la  grande  et  murdrière  bataille  des  Englès  et  des  Esco- 
chois  dont  nous  venons  de  faire  mention,  et  tost  après  ce  que  le  roy 
Phelippe  de  France  eult  esté  couronné  et  qu'il  eult  assemblé  son  ost, 
luy  et  le  conte  de  Flandres,  comme  dessus  avés  oy,  le  roy  passa  le  Lis 
au  lez  devers  Aire,  pour  aller  en  Flandres,  et  quant  ils  entrèrent  en  la 
conté,  ils  commenchèrent  à  brusler  et  gaster  le  pays  :  et  alla  le  roy 
logier  au  pied  du  mont  de  Cassel  à  l'un  des  lés,  et  le  conte  Guillaume 
de  Haynault  et  le  conte  de  Bar  à  l'autre  lés,  et  tous  les  aultres  princes 
au  plus  près  qu'ils  peurent.  Sy  y  sist  un  grande  espasse  de  tamps.  Et 
quant  ce  vint  le  mardy  qui  fut  la  nuit  Saint  Bertelemieu  en  aoust  mil 
et  iiic  et  xxviii ,  les  Flamens  qui  estoient  assemblés  sur  le  mont  de 
Cassel,  de  Bergues  et  des  villes  voisines,  descendirent  de  celuy  mont, 
sans  nul  capitaine,  en  trois  batailles  pour  eux  adreschier  droit  aux 
tentes  du  roy.  Ainsy  estoit  leur  propos.  Et  tout  quoit  taisant  commen- 


NOTES.  517 

chèrent  à  passer  et  à  entrer  en  Tost,  sans  parler,  ne  faire  noise,  ne 
sans  rien  fourfaire,  hardiement  et  soubtillement,  Jusque  là  où  on  ven- 
doit  le  vin  et  les  viandes.  Et  adont  se  perchurent  les  dis  vendeurs  de 
denrées,  que  estoient  Flamens  qui  ainsy  venoient  espès  et  drus,  ces 
goudendas  et  ces  picques  à  leurs  cols.  Et  adont  se  commencha  Tost  à 
esmouvoir  de  toutes  pars  et  à  cryer  :  A  l'arme  :  dont  se  commenchèrent 
les  Flamens  à  tenir  quois,  et  commenchèrent  la  bataille  bien  et 
asprement,  et  à  férir  et  à  tuer  et  à  décopper  de  haches  et  gondendas, 
et  Hainnuiers  et  •  Barois  à  eulx  deffendre,  et  François  à  soubvenir,  et 
chevaliers  et  gens  d^armes  à  yssir  de  leur  tentes  et  courir  sus  aux 
Flamens  hardiement.  Adont  leur  coururent  sus  toutes  manières  de 
gens,  François  et  aultres.  Sy  y  eult  sy  grande  bataille  et  sy  grande 
abatison  en  plusieurs  lieux  et  sy  grande  noise  que  ce  fut  une  mer- 
veille ;  et  Flamens  qui  estoient  sans  capitaine,  commenchèrent  à  perdre 
conroy,  et  eulx  raesambler  au  mieulx  qulls  peurent,  mais  peu  leur 
valu,  car  ainsy  qu'ils  s*en  voloient  râler  vers  le  mont,  la  bataille  du 
comte  Guillaume  de  Haynault  leur  vint  au-devant,  qui  leur  tolirent 
le  pas,  et  là  eult  grande  bataille  et  grande  ochision,  et  là  eult  le  conte 
de  Haynaut  et  son  frère  et  leurs  gens  moult  à  faire,  et  d'aultre  part  le 
conte  de  Bar  et  ses  gens.  Et  y  fut  le  conte  de  Haynault  moult  froissés 
en  ses  jambes  et  en  ses  pieds,  de  coups  de  goudendas  et  d'aultres 
bastons,  et  moult  y  eult  grant  caplison  entour  luy,  car  il  avoit  bien  les 
deus  pars  des  Flamens  sur  sa  bataille.  Sy  y  eult  grande  ochision,  et  fut 
son  cheval  tué  dessoubs  luy  de  picques  et  goudendas,  et  durement  y 
fut  blechiés,  mais  ses  gens  le  rescourent  et  remontèrent  bien  et  vigou- 
reusement. Adont  reçommencha  la  bataille  plus  forte  que  devant  en 
pluisieurs  lieux  ,  et  longuement  dura.  Et  en  celle  bataille  y  fut  le 
Borgne  de  Robersart  féru  d*une  picque,  deseure  son  senestre  œil 
dessoubs  son  bachinet,  dont  jamais  puis  ne  parla,  dont  ce  fut  grant 
domage,  car  il  estoit  bon  escuier  et  avoit  esté  en  maintes  bonnes 
besongnes.  Et  là  fisrent  bien  les  royaulx,  les  Barois  et  les  Hainnuiers. 
En  la  fin  Flamens  furent  desconfia  et  tous  tués,  ne  nul  n'en  eschappa 
se  petit  non,  de  bien  xv  mille  Flamens,  sans  les  Franchois,  Hainnuiers 
et  Barois  qui  y  furent  tués.  Et  dura  la  bataille  depuis  nonnes  jusques 
au  vespre  que  les  banières  du  roy  et  les  banières  du  comte  de  Haynault 
entrèrent  et  furent  mises  en  Cassel,  et  bouta-on  le  feu  dedens  la  ville 
qui  fut  toute  arsse,  et  le  joeudy  après,  le  roy  se  deslogea  et  alla  devant 


518  NOTKS. 

Yppre  et  se  logea  en  la  ville  de  Founnisèle  et  laissa  monsieur  Ferry 
de  Picqueny  gardien  de  Bergues  et  des  frontières  enviroB,  laquele  ville 
de  Bergues  s'estoit  rendue  au  roy  et  venue  à  mercy.  Sy  les  chargea 
et  bailla  à  monseigneur  Ferry  et  le  mena-on  à  Bergues.  Et  quant  le 
roy  eult  une  espasse  tenu  son  siëge  devant  Yppre,  elle  se  rendy,  et 
lendemain  on  bany  hors  de  la  ville  dTppre  et  de  la  conté  de  Flandres 
environ  xi<^  de  ceuU  qui  estoient  contraires  à  la  ville  et  anemis,  et  leur 
fist-on  laisser  toutes  leurs  armures  et  leurs  parements.  Et  ossy  se  rendy 
la  ville  de  Bruges  :  sy  en  bannit-on  ossi  grant  plenté  des  mauvais  :  et 
ossy  fit-on  de  Gand.  Et  le  conte  leur  eult  en  couvent  à  tenir  paisibles 
aux  us  et  aux  coustumes  de  ses  ancesseurs,  mais  non  fist,  dont  il  fist 
folye,  car  il  fist  puis  copper  les  testes  à  maints  preudhommés  qui  couppe 
n*y  avoient,  et  enroer  et  martirissier  et  mettre  sur  quars  tout  nuds  et 
faire  copper  les  coroyes  de  leurs  chars,  et  puis  s'aller  à  mauvaise  cause, 
dont  il  ne  soyt  oncques  puissedy  de  Flandres  tant  comme  sire  ;  et  fut 
puis  tués  en  la  bataille  à  Cressy  à  le  Blanche-Tache  avoec  les  aultres, 
sy  comme  vous  orés  chy-avant.  » 

Quatre  cents  sergents  de  Tournay,  vâtus  de  tuniques  rouges  ornées 
de  châtelets  d'argent,  avaient  pris  les  premiers  les  armes  à  la  voix  de 
leur  chef,  Gauthier  de  Galonné,  et  leurs  cris  annoncèrent  l'approche 
des  Flamands.  Â  cette  époque  remonte  le  privilège  des  bourgeois  de 
Tournay  d'être  chargés  de  la  garde  de  la  tente  des  rois  de  France,  et 
c'est  là  peut-être  qu'il  faut  trouver  l'origine  du  proverbe  ; 
Ghevaliers  de  Champagne, 
Ëcuyers  de  Bourgogne, 
Sergents  de  Hainaut. 

La  bataille  de  Cassai  fut  livrée  le  23  août  1328.  D'après  la  chro- 

ique  d'Egraond,  les  Flamands  périrent  jusqu'au  dernier.  Pugnan- 

tium  unicusqui  nuncia  déférât,  non  evasit.  Will.  mon.  Egm.,  1328. 

Le  récit  de  la  chronique  de  Berne  est  conforme  à  celui  des  chro- 
niques de  Saint-Denis.  Il  nous  permet  de  rétablir  les  véritables  noms 
de  quelques-uns  des  chevaliers  de  Hainaut  à  qui  le  roi  de  France  dut 
son  salut.  Au  lieu  de  Flastres  de  Ligny  et  de  Sauces  de  Boussay,  lisez  : 
Fastré  de  Ligne  et  Sanche  de  Boussoit. 

Hommage  d'Edouard  III  (pp.  226-239).  —  Tout  ce  récit  appartient  • 
exclusivement  à  Froissart. 

Lee   historiens  du    xiv<"  siècle  ont  passé  sous  silence  le    dessein 


NOTES.  519 

d*édoaÂrd  II!  de  réelamel-,  dès  13%,  la  coaronne  de  France.  C^est 
probablement  dans  oe  but  qu*il  avait  traite  le  !«'  mars  avec  les  Eooe- 
sais,  en  renonçant  à  toute  suprématie  sur  leur  royaume.  Le  16  mai,  il 
avait  charge  Tëvéque  de  Winchester  de  sommer  Philippe  de  Valois  de 
lui  restituer  la  couronne  de  France,  et  depuis  le  mois  de  juin  jusqu^au 
mois  d*août  de  cette  année,  Roger  de  Cobham  avait  traité  en  son  nom 
arec  le  duo  de  Brabant  et  les  communes  de  Flandre  d*une  étroite 
confédération  dirigée  contre  la  France.  Philippe  de  Valois  en  fut  sans 
doute  instruit,  et  rien  ne  contribua  davantage  à  hâter  son  expédition  en 
Flandre.  La  bataille  de  Cassel  livrée  le  23  août  1328  anéantit  les 
espérances  qu'Edouard  III  avait  fondées  sur  la  Flandre,  et  quelques 
mois  après,  le  14  avril  1329»  il  écrivit  à  Philippe  de  Valois  pour  lui 
annoncer  qu'il  était  prêt  à  faire  acte  d'hommage.  En  1330,  Edouard  III 
avait  repris  ses  négociations  avec  ie  duc  de  Brabant  et  le  comte  de 
Oueldre,  pour  former  une  confédération  contre  Philippe  de  Valois.  11 
se  proposait  de  revendiquer  la  couronne  de  France,  et  il  existe  même 
aux  archives  d'Angleterre  une  charte  du  17  septembre  1330  par 
laquelle  Edouard  III  s'oblige  à  payer  une  rente  de  mille  marcs  sterling 
au  comte  de  Flandre  qui  a  promis  de  lui  faire  acte  d'hommage  et  de 
le  servir  (faciendo  nohis  hmagiwm  €t  tervitia  tua).  Les  hostilités  qui 
éclatèrent  entre  la  Flandre  et  le  Brabant,  mirent  un  terme  à  ces  pour- 
parlers, et  le  comte  de  Flandre  chercha  un  appui  dans  le  roi  de  France 
auquel  il  resta  désormais  fidèle.  —  Edouard  III  s'était  embarqué  à 
Douvres  le  26  mai  1329.  Il  y  revint  le  11  juin.—  D'après  la  chronique 
de  Berne,  le  roi  d'Angleterre  arriva  &  Amiens  la  veille  de  la  Pente- 
cote  et  fut  logé  dans  une  maison  de  la  ville  nommée  la  Malmaison 
(Mala  Domus);  le  roi  Philippe  logea  chez  l'évêque.  Avec  le  roi  d'An- 
gleterre se  trouvait  le  prince  de  Galles  {aniiqwM  ]^rvneepi  Walliœ).  La 
cérémonie  de  l'hommage  eut  lieu  dans  la  cathédrale,  c  la  belle  église 
d'Amiens,  »  comme  l'appelle  ailleurs  Froissart.  Le  procès-verbal  de 
l'hommage  rendu  au  roi  de  France  porte  que  les  mains  du  roi  d'Angle- 
terre furent  mises  entre  les  mains  du  roi  de  France  ;  mais  cette  phrase 
est  placée  entre  des  crochets  dans  l'édition  de  Rymer,  et  peut-être  ne 
figurait-elle  que  dans  une  rédaction  préparée  d'avance.  Il  en  est  de 
même  d'une  autre  phrase  relative  à  la  présence  de  l'évêque  de  Lincoln, 
qui  n'est  pas  cité  parmi  les  témoins.  —  Il  résulte  d'une  charte 
du  30  mars  1331  qu'à  Amiens  Edouard  ne  fit  pas  hommage  lige 
en  mettant  ses  mains  entre  celles  du  roi  de  France. 


520  NOTES. 

Mort  du  comte  de  Kent  (pp.  239-243).  —  Cfr.  Jean  le  Bel,  pp.  97^88. 

L^ëloge  de  madame  Philippe  de  Hainaut  appartient  à  Froissart,  et 
on  sait  qu'il  lui  a  été  dict^  par  la  reconnaissance. 

Edouard  III  reprochait  au  comte  de  Kent  d*ayoir  assista  aux  funé- 
railles d*Edouard  II  et  de  persister  à  affirmer  qu'il  n'était  pas  mort.  Le 
comte  de  Kent,  arrêté  le  13  mars  1330,  fut  mis  à  mort  le  19.  Le 
24  mars  1330,  Edouard  111  écrivit  au  pape  pour  justifier  sa  conduite 
vis-à-vis  du  comte  de  Kent.  Il  prétendit  que  celui-ci  s'était  adressé  à 
un  religieux  qui  avait  évoqué  le  démon,  et  qu'il  racontait  que  le  démon 
lui  avait  annoncé  que  le  roi  Edouard  II  vivait  encore.  Cette  rumeur 
s'était  répandue  dans  toute  l'Angleterre,  et  déjà  les  Gallois  étaient 
prêts  à  prendre  les  armes.  Selon  Walsingham,  plusieurs  heures  se 
passèrent  au  milieu  des  apprêts  du  supplice,  avant  que  l'on  trouvât 
quelqu'un  qui  consentît  à  frapper  le  comte  de  Kent. 

La  jeune  fille  qui  c<  demora  »  du  comte  de  Kent,  s'appelait  Jeanne. 
Elle  épousa  le  prince  Noir  et  fut  mère  da  Richard  II. 

Supplice  de  Mortmer(pp,  243-248).—  Cfr.  Jean  le  Bel,  pp.  98-101 . 
—  Mortimer  fut  arrêté  le  19  octobre  1330  et  décapité  le  29  novembre. 
Un  chemin  souterrain  conduisait  à  l'intérieur  du  château  de  Nottin- 
gham.  Mortimer  surpris  dans  la  chambre  de  la  reine  eut  à  peine  le 
temps  de  se  cacher  derrière  un  rideau.  Il  ne  fut  arrêté  qu'après  que 
deux  chevaliers  eurent  été  tués  en  cherchant  à  le  défendre.  RobeK 
d'Avesbury  qui  raconte  d'une  autre  manière  le  supplice  de  Mortimer, 
en  fixe  aussi  la  date  au  29  novembre  1330. 

Jean  de  Bridlington,  cité  par  M.  Wright,  fait  allusion  en  ces  termes 
au  supplice  de  Mortimer  : 

Occultis  portis  lustris  capiet  mare  mortis, 
lliicitis  scortis  solitum  cameris  et  in  hortis  ; 
Qui  fuerat  fortis,  morietur  turbine  sortis. 

Guerre  d'Ecosse  (pp.  248-297  et  pp.  312-320).  —  Cfr.  Jean  le  Bel, 
pp.  101-103.  —  Une  assez  grande  obscurité  règne  dans  la  chrono- 
logie de  Froissart,  relativement  aux  guerres  d'Ecosse  de  1333  à  1335. 
11  convient  d'en  préciser  les  dates.  Le  30  mars  1333,  Edouard  III  avait 
fixé  à  Newcastle  la  réunion  de  l'armée  destinée  à  envahir  l'Ecosse.  11 
se  trouvait  à  Dnrham  le  8  avril  1333  et  à  la  fin  du  même  mois  devant 
Berwick.  Le  siège  commença  le  24  mai,  mais  il  fut  suspendu  par  une 


NOTES.  521 

ti'ève  du  15jail]etju6qu*aa20,  jour  delà  fâte  de  Sainte-Marguerite,  au 
lever  du  soleil,  afin  que  Guillaume  deKeith  eût  le  temps  d'aller  réclamer 
le  secours  des  Ecossais.  A  défaut  de  secours,  la  ville  et  le  château  de- 
vaient capituler  le  même  jour.  Les  Écossais  essayèrent  de  faire  lever 
le  siège,  mais  ils  furent  vaincus  le  19  juillet  à  Boothull,  près  de  Hali- 
don.  Ranulf  Hygden  assure  quMls  perdirent  huit  comtes  et  treize  cents 
chevaliers,  tandis  que  les  Anglais  ne  laissèrent  qu*un  seul  chevalier  sur 
le  champ  de  bataille.  Cette  défaite  amena  la  capitulation  deBerwick. — 
Edouard  III  se  trouvait  au  mois  d*août  à  Newcastle,  d'où  il  rentra  en 
Angleterre.  Au  mois  de  mai  1334,  il  réunit  une  nouvelle  armée  contre 
les  Écossais  :  le  12  juin,  il  était  à  Newcastle  où  Edouard  de  Bailliol 
lui  céda  une  grande  partie  de  TÉcosse,  notamment  les  villes  de  Ber- 
wick,  de  Roxburg  et  d'Edimbourg.  Il  est  étonnant  que  Froissart  ne 
raconte  pas  que  pendant  le  siège  de  Berwick,  la  reine  Philippe  fut  elle- 
même  assiégée  par  les  Écossais  dans  le  château  de  Bambou rough. 

Vers  les  premiers  jours  de  novembre  1 334,  Edouard  III  se  rendit  à 
Berwick  pour  concourir  aux  efforts  d'Edouard  de  Baillol.  Il  envahit  le 
Galloway  pendant  l'hiver  (sub  ffelida  hieme,  dit  Ranulf  Hygden)  et 
ravagea  tout  le  pays  jusqu'à  la  mer,  puis  il  se  retira  au  château  de 
Roxburgh  qu'il  avait  fait  réparer.  En  1335,  Edouard  III  quitte  York 
au  mois  de  mai  et  est  à  Newcastle  au  mois  de  juin  ;  à  Carlisle,  au 
mois  de  juillet*;  à  Perth,  au  mois  d'août,  et  ce  fut  à  cette  époque  que 
Philippe  de  Namur  vint  le  rejoindre.  Pendant  Tété,  il  s'avança 
jusqu'à  Invemess  et  Aberdeen  et  eut  à  Perth  une  entrevue  avec 
Edouard  de  Baillol. 

A  l'automne  de  Tannée  1336  appartient  une  autre  expédition  en 
Ecosse.  A  la  fin  du  mois  d'octobre,  Jean  d'Eltham,  frère  du  roi,  meurt 
à  Perth,  et  quelques  chroniques  écossaises  qui  ne  cessent  d'accuser 
Edouard  III  de  cruauté,  n'hésitent  pas  à  lui  reprocher  un  fi^atricide. 
On  lit  notamment  dans  la  chronique  rimée  d'Ecosse  {the  huik  ofthe 
chronicité  of  Scoiland),  que  Jean  d'Eltham  ayant  reproché  à  son  frère 
les  barbares  dévastations  exécutées  par  son  ordre,  celui-ci  le  tua  dans 
l'église  même  de  Perth  au  pied  de  l'autel  où  il  s'était  réfugié.  Nous 
n'avons  pas  à  discuter  la  valeur  de  ce  récit.  —  Edouard  III  passa  à 
Stirling  et  à  Bothwell  les  mois  de  novembre  et  de  décembre  1336. 
En  1337,  il  fit  une  nouvelle  excursion  en  Ecosse  pour  secourir  le  châ- 
teau de  Stirling  assiégé  par  les  Écossais. 


522  NOTES. 

Le  prince  dont  la  reine  Philippe  devint  mère  pefadaat  la  guerre 
d'Ecosse,  n'est  pas  le  Prinoe  Noir  qui  naquit  le  15  juin  1390,  mais  Ooil- 
laume  qui  vit  le  jour  à  Hatfeld|  vëcut  lort  peu  de  temps  et  fut  enaeveli 
à  York. 

Froissart  paraît  avoir  recueilli  dansées  voyages  la  plupart  des  détails 
qu'il  donne  sur  la  guerre  d'Ecosse  ;  mais  il  ne  les  a  pas  classes  daas 
Tordre  régulier  et  sévère  de  la  chronologie. 

En  1335,  Gauthier  de  Maunj  sert  en  Eoosse^  avec  «ept  éouyers, 
du  28  juin  au  30  septembre  ;  Wulfart  de  Ghistelles,  avec  quatre 
écuyers,  pendai\t  quatre-vingt-dix  jours.  Sous  la  désignation  de  che- 
valiers allemands  figurent,  à  côté  d'eux,  Nicolas  d'Aubrecicourt,  Cor- 
neille d'Hofistade,  Gauthier  de  Maupoint,  Thierry  de  Mauny,  Gérard 
de  Haies,  Pierre  de  Brakel,  Gérard  de  Woeden,  Thierry  de  Sening- 
feld.  En  1337,  quatre  chevaliers  brabançons  combattent  aux  frontières 
d'Ecosse. 

Robert  d*Ârtois  se  retire  en  Angleterre  (pp.  297-312)*  —  Cfr.  Jean 
le  Bel,  pp.  93-96,  et  103.  —  Les  divers  récits  de  Froissart  méritent 
d'être  comparés  avec  soin.  Il  est  à  remarquer  que  l'erreur  si  souvent 
reprochée  à  Froissart  d'avoir  donné  à  Robert  d'Artois  le  titre  de 
comte  de  Richement,  appartient  à  Jean  le  Bel. 

On  attribuait  à  Robert  d'Artois,  retiré  à  Namur,  les  paroles  sui- 
vantes :  f  Je  Bçay  comment  il  est  du  commun  de  France.  J'ay  bien  des 
«  amis  à  Paris,  quar  il  me  pleurent  li  grant  et  li  petit.  Il  y  a  tels  cent 
<  bourgeois  qui  me  aideroient  chascun  de  mille  livres,  se  je  voloye.  • 

D'après  la  chronique  manuscrite  n^  148  de  la  bibliothèque  de 
l'Arsenal  à  Paris,  le  gouvernement  de  Philippe  de  Valois  excitait  de 
nombreux  murmures.  —  Le  10  octobre  1336,  le  maréchal  de  Trie 
soumit  au  conseil  du  roi  un  mémoire  où  il  exposait  les  griefs  qui 
s'élevaient  de  divers  côtés.  H  demandait  qu'on  punît  les  officiers 
royaux,  ce  qui  serait  chose  agréable  à  Dieu  et  au  peuple,  et  que  l'on 
réprimât  l'oppression  des  consuls  dans  les  villes  du  midi.  A  Paris, 
l'administration  était  faible  et  corrompue,  et  Ton  en  accusait  le  prévôt. 
Il  n'était  pas  de  journée,  où  ne  se  commît  quelque  meurtre.  Tout  le 
monde  s'armait  d'épées  et  de  couteaux,  et  on  donnait  à  boire  aux  ser- 
gents pour  qu'ils  fermassent  les  yeux  sur  ces  désordres.  On  se  plai- 
gnait aussi  de  ce  que  le  roi  se  montrait  si  rude  enveins  les  Génois.  Ce 
document  qui  nous  est  connu  par  l'analyse  du  Ti'ésor  des  chartes,  ne 
se  retrouve  plus  aux  archives  impériales. 


NOTES.  525 

L6  20  ayril  1337,  Edouard  III  permit  à  Robert  d'Artois  de  résider 
dans  le  domaine  de  Somerton,  qui  devait  vingt  ans  plus  tard  servir  de 
prison  au  roi  Jean.  Le  5  mai,  il  lui  accorda  une  pension  annuelle  de 
1,200  marcs.  J*ai  recueilli  au  Public  Record  office  les  mentions  sui- 
vantes :  1337.  Domino  Boberto  de  Artoys,  conecmgnineo  domini  régis, 
ad  robot  décentes  staium  suum  contra  /estum  NataUs  Domini,  XIII 
ulnas  pannorum  et  unum  capucium;  1338.  Boberto  de  Artoys 
de  praestiio  super  espensis  suis  in  partibus  transmarinis.  RoUs, 
ann.  xi-xii.  Un  compagnon  de  Robert  d'Artois,  compris  dans  les 
mêmes  libëralitës,  se  nommait  François  Gâche. 

Délibérations  sur  les  prétentions  d'Edouard  III  (pp.  320-328).  — 
Le  récit  de  Froissart  s'éloigne  beaucoup  de  celui  de  Jean  le  Bel.  Rien 
n'est  plus  intéressant  que  les  détails,  conservés  dans  le  manuscrit  du 
Vatican,  sur  l'assemblée  du  Parlement  où  Ton  délibéra  sur  la  reven- 
dication de  la  couronne  de  France.  Ce  n'était  pas  du  reste  la  première 
fois  que  l'avis  du  Parlement  avait  été  demandé  sur  cette  grave 
question. 

Edouard  III  consulta  le  Parlement  convoqué  à  Westminster,  le 
30  septembre  1331.  L'évêque  de  Winchester  y  exposa  que  trois  voies 
étaient  ouvertes  :  qu'on  pouvait,  ou  recourir,  comme  Philippe  de  Valois 
y  consentait,  à  l'arbitrage  de  six,  sept  ou  huit  pairs  que  choisirait  le  roi 
d'Angleterre,  ou  négoiier  le  mariage  du  fils  du  roi,  né  depuis  quelques 
mois,  avec  une  fille  de  Philippe  de  Valois,  ou  bien  faire  la  guerre. 
Après  une  discussion  secrète  où  transpira  l'espoir  d'obtenir  la  cession 
de  l'Agenois,  on  décida  qu'il  valait  mieux  continuer  les  négociations. 

Lorsque  le  Parlement  s'assembla  au  mois  de  mai*s  1332,  on  ne  parlait 
que  d'une  croisade,  qui  devait  être  la  plus  vaste,  la  plus  redoutable 
que  l'on  eût  vue  depuis  Godefroi  de  Bouillon.  Marine  Sanuto  en  tra- 
çait la  route  dans  les  Sécréta  fidelium  crucis  qu'il  avait  adressés  à 
Philippe  de  Valois.  Frère  Roger  de  Stavegni  composait  un  livre  :  Du 
conquest  de  la  Terre-Sainte^  pour  l'offrir  à  Edouard  III ,  et  ce  prince, 
à  qui  Mandeville  dédia  le  récit  de  ses  voyages,  embrassait  avec  l'ar- 
deur d'un  esprit  aventureux  le  rêve  périlleux  des  expéditions  loin- 
taines. L'évoque  de  Winchester  fit  donc  connaître  cette  fois  au 
Parlement  le  grand  désir  du  roi  de  prendre  une  part  active  à  la  croi- 
sade et  son  dessein  de  s'éloigner  de  ses  États  au  mois  de  mars  1334. 
Les  ambassadeurs  anglais ,  qui  revenaient  de  France,  affirmaient  que 


524  NOTES. 

Philippe  de  Valois  avait  déclaré  «  que  ail  plaiaoit  au  roy  d'Engleterre 
«  de  venir  od  \uj  personalment,  il  feroit  ploi  de  grâce  à  Iny  qu*à  nul 
«  autre.  •  Le  Parlement  ne  s^opposa  pas  aux  intentions  du  roi,  quoi- 
qu'il jugeât  le  terme  de  deux  années  trop  rapproché.  Cependant, 
quelques  mois  plus  tard,  il  exprima  ravis  qu'il  fallait  renoncer  à  toute 
guerre  d*outre-mer  aussi  longtemps  que  Ton  aurait  à  craindre  en 
Angleterre  Tinvasion  des  Écossais. 

Une  regrettable  lacune  dans  les  rôles  du  Parlement  ne  nous  permet 
pas  de  contrôler  le  récit  où  Froissart  nous  montre  Robert  d'Artois 
renouvelant  devant  le  Parlement  ses  griefs  contre  Philippe  de  Valois 
et  obtenant  l'envoi  de  députés  chargés  d'aller  dans  le  Hainaut  jeter 
les  premières  bases  d'une  vaste  confédération  contre  lui.  Ce  Parlement 
se  tint  le  12  mars  1337  (n.  st.).  Ce  fut  alors  que  le  roi  créa  son  fila 
Edouard  duc  de  Comouailles  et  fit  aussi  cinq  nouveaux  comtes  dont 
Tun  fut  Guillaume  de  Montaigu,  qui  reçut  le  titre  de  comte  de  Salis- 
bury.  Un  g^and  banquet  eut  lieu  à  Westminster. 

La  baronnie  de  Bedfopd,  qui  appartenait  à  la  maison  de  Beauchamp, 
avait  fait  retour  vers  cette  époque  au  roi  Edouard  III.  Il  la  donna 
quelques  années  plus  tard  à  Enguerrand  de  Coucy,  et  ce  serait  alors, 
selon  Cambden,  qu'elle  aurait  été  érigée  en  comté. 

L'évéque  de  Lincoln,  cité  quatrième  rédaction,  p.  327, 1.  32,  était 
de  la  maison  de  Burghersh,  dont  les  relations  avec  Froissart  nous  sont 
connues.  Henri  de  Burghersh,  évêque  de  Lincoln,  mourut  à  Oand  au 
mois  de  décembre  1340. 

Voyage  du  roi  d'Ecosse  en  France  (pp.  328-337).  —  Les  diverses 
rédactions  de  Froissart  ne  s'accordent  pas  entre  elles  sur  la  date  du 
voyage  du  roi  d'Ecosse  en  France.  —  Cfr.  Jean  le  Bel,  pp.  144-145. 
—  I^es  historiens  écossais  placent  le  départ  de  David  Bruce  pour  la 
France  après  le  couronnement  d'Edouard  de  Baillol.  qui  eut  lieu  le 
25  août  1332.  Selon  la  chronique  de  Berne,  ce  fut  en  1333,  après  la 
bataille  d'Halidon-Hill,  que  David  Bruce  s'embarqua  et  prit  terre  en 
Normandie.  Le  roi  de  France  mit  à  sa  disposition  le  château  Gaillard 
sur  la  Seine.  Le  continuateur  de  Guillaume  de  Nangis  adopte  la  date 
de  1334. 

Éclat  de  la  cour  d€  France  (pp.  337-339).  —  Ce  passage  appar- 
tient tout  entier  à  Froissart.  Dans  les  rédactions  du  Vatican,  il  porte 
un  jugement  sévère  sur  Jeanne  de  Bourgogne,  femme  de  Philippe  de 


NOTES.  525 

Valois  et  mère  du  roi  Jean.  Il  lui  attribue  les  actes  de  cruauté  et  de 
vengeance  accomplis  par  le  roi  de  France.  Une  chronique  normande 
publiée  récemment  par  M.  Siméon  Luce,  Tappelle  :  «  La  maie  rojne 
«  boiteuse  de  Bourgogne.  » 

Projet  de  croisade  de  Philippe  de  Valois  (pp.  349-347).  —  Ici  encore 
Froissart  nous  t>ffre  des  détails  qu'on  ne  rencontre  pas  dans  Jean  le 
Bel.  Philippe  de  Valois  prit  la  croix  au  Pré-aux-Clercs,  le  1«'  octo- 
bre 1333. 

Marguerite  de  Hainaut  avait  épousé  en  1324  Louis  de  Bavière.  Les 
pages  relatives  à  l'histoire  de  ce  prince,  ne  se  trouvent  que  dans  le 
manuscrit  de  Rome. 

Ambassade  anglaise  en  Hainaut  et  en  Allemagne  {ipp.  347-350).  — 
Ce  passage  appartient  à  Froissart  ;  mais  les  diverses  rédactions  de  ses 
chroniques  diffèrent  notablement. 

Le  16  décembre  1336,  Edouard  III  autorisa  le  comte  de  Hainaut  à 
conclure  en  son  nom  toutes  les  alliances  qu*il  jugerait  utiles. 

Int&ruption  du  commerce  entre  V Angleterre  et  la  Flandre 
(pp.  361-363).  —  Le  roi  d'Angleterre  envoya  des  ambassadeurs  pro- 
poser un  traité  d'alliance  au  comte  de  Flandre  ;  mais  celui-ci  lui  fit 
répondre  qu'il  était  bien  résolu  à  le  combattre  ainsi  que  tous  les  enne- 
mis de  la  France.  Edouard  irrité  défendit  toute  relation  commerciale 
avec  la  Flandre,  et  les  Flamands  se  virent  réduits  aune  profonde  misère. 
(Chronique  de  Berne).  On  disait  en  Angleterre  :  VeUere  Flandrenses 
tune  fient  ^ngligénenses. 

Médiation  pour  la  paix  (pp.  363-365).—  Les  détails  que  donne  Frois- 
sart, sont  dus  probablement  à  la  comtesse  de  Soissons  et  à  la  comtesse 
de  Pembroke.  Le  Pape  avait  envoyé  comme  médiateurs  les  cardinaux 
de  Saint-Nérée  et  de  Notre-Dame  in  aquiro.  Ils  furent  bien  accueillis 
à  Paris  et  se  rendirent  ensuite  en  Angleterre  où  ils  obtinrent 
qu'Edouard  III  envoyât  en  France  pour  traiter  de  la  paix,  l'archevêque 
de  Cantorbéry  et  l'évêque  de  Durham.  Des  conférences  s'ouvrirent  à 
Arras.  Le  roi  de  France  y  fut  représenté  par  l'archevêque  de  Rouen 
et  les  évêques  de  Beauvais  et  de  Tournay  ;  le  roi  d'Angleterre  par  les 
évéques  de  Durham  et  de  Lincoln,  le  comte  de  Hainaut  et  Guillaume 
de  Montaigu.  Elles  n'eurent  d'autre  résultat  qu'une  trêve  qui  devait 
durer  depuis  le  1«'  octobre  1337  jusqu'au  premier  jour  de  l'année 
suivante  1338. 


N0TK9. 

La  envoyez  anglais  à  Valencimnes  (pp.  365-377).'  —  Cfr.  Jean  le 
Bel,  pp.  119-1^;  les  deux  récits  diffèrent  notablement.  —  La  chro- 
nique de  Berne  donne  quelque»  détails  de  plus  sur  les  oonfërencâs-  de 
Valenciennes.  Le  roi  d'Angleterre  y  fut  représenté  par  Tévôque  de 
Lincoln,  Guillaume  de  Montaigo,  Guillaume  de  Clinton,  Guillaume 
Trussell,  Guillaume  Cobham  et  Gauthier  de  Mauny  ;  le  duc  de  Bra- 
bant  par  le  comte  des  Monts;  Tempereur  par  le  comte  de  Juli^v. 
L'archevêque  de  Cologne  avait  envoyé  deux  chevaliers;  le  comte  de 
Namur  y  avait  aussi  ses  ambassadeurs.  Là  se  trouvaient  également  le 
comte  de  Clèves,  le  comte  de  Looz  et  le  seigneur  de  Fauquemont.  Ils 
prêtèrent  serment  sur  F  Evangile  de  soutenir  le  roi  d'Angleterre  et 
s'engagèrent  à  ne  point  traiter  séparément  avec  le  roi  de  France.  La 
comtesse  de  Hainaut,  apprenant  ce  qui  se  passait,  voulut  faire  une 
dernière  démarche  afin  de  maintenir  la  paix.  Elle  se  rendit  à  Paria 
avec  le  seigneur  de  Beaumont  ;  mais  eUe  n'y  trouva  personne  qui  eût 
égard  à  ses  représentations  (neminem  in/9ener%nt  qni  cwrarei  de  eu, 
imo  omnes  domni  fyaltus  divertehant  ab  eie).  Ce  fut  à  grand  peine 
qu'elle  obtint  une  audience  du  roi;  elle  le  supplia  humblement 
d'envoyer  à  Valenciennes  quelqu'un  àeB  siens  qui  pût  traiter  avec  les 
ambassadeurs  anglais.  Le  roi  lui  répondit  :  «  Vous,  Jean  de  Hainaut 
«  et  votre  frère  le  comte  de  Hainaut,  vous  croyez  me  chasser  de  mon 
«  royaume,  mais  vous  n'êtes  point  assez  puissants  pour  le  faire.  •  11 
termina  en  repoussant  toute  négociation.  Il  fit  toutefois  remettre  un 
beau  faucon  à  Jean  de  Hainaut.  Ce  fut  au  retour  de  ce  voyage  de 
Jean  de  Hainaut  à  Paris  que  fut  conclue  l'alliance  du  roi  d'Angleterre 
avec  les  seigneurs  qui  s'étaient  rendus  à  Valenciennes.  Le  comte  de 
Hainaut,  qui  était  fort  soufi'rant,  chargea  son  fils  Guillaume  de  prêter 
serment  en  son  nom. 

Les  actes  insérés  dans  le  recueil  de  Rymer,  permettent  de  suivre 
les  ambassadeurs  anglais  dans  leur  voyage.  Ils  eurent  de  nombreuses 
conférences  avec  les  seigneurs  allemands,  à  Valenciennes,  àMons  et  à 
Binche,  aux  mois  de  mai  et  de  juin  1337.  — Ce  fut  au  mois  de  mai  1337 
que  l'évêque  de  Lincoln,  le  comte  de  Salisbury  et  le  comte  de 
Huntingdon  conclurent  à  Valenciennes  divers  traités  qui  assuraient  à 
Edouard  III  l'appui  du  marquis  de  Juliers,  du  comte  de  Gueldre  et  de 
plusieurs  barons  du  Limbourg. 

Le   12  juillet    1337,  \o   comte   Guillaume   de   Hainaut   s'engagea, 


Morm.  537 

moyennant  nn  subside  de  200,000  florins  de  Florence,  à  fournir  au 
roi  d'Angleterre  un  secours  de  mille  hommes  d'armes. 

Je  me  boi*n6  à  faire  remarquer  le  titre  de  dauphin  de  Vienne  donné 
iei  au  duc  de  Normandie  (qnatr.  réd.  p.  375,  1.  24).  Plûlippe  de 
Valois  avait-il  conisqué  le  delphînat?  En  1338,  Edouard  III,  qui  oomp. 
tait  le  dauphin  de  Vienne  parmi  ses  alliés ,  négociait  auprès  de 
Tempereur  pour  qu'on  lui  donnât  le  titre  de  roi  de  Provence. 

Z#»  emrmyés  anglais  en  Fkmdre  (pp.  377-385).  —  Cfr.  Jean  le  Bel, 
pp.  131-133.  —  Ce  fut  à  la  suite  de  ce  vojage  des  ambassadeurs 
anglais  en  Flandre  que  Sohier  de  Courtraj  fut  arrêté,  mais  il  ne  fut 
mis  à  mort  que  le  21  mars  1338  (n.  st.)  (in  leeto  q%o  infirmus  decnba- 
bat,  dit  Muevin).  La  plupai't  des  hirào riens  placent  son  supplice  à 
Rupelmonde.  Edouard  III  adressa  à  ce  sujet  an  fils  de  Sohier  de  Cour- 
traj  la  lettre  suivante  : 

a  Le  roi,  à  noble  et  sage  homme  le  seigneur  de  Courtray»  salut  et 
«  sincère  affection.  Nous  connaissons  tout  Tintérêt  que  vous  portez  à 
«  notre  personne  et  à  la  conservation  de  notre  honneur  et  tous  les 
«  dommages  qui  en  ont  résulté  pour  vous,  nous  savons,  et  nous  ne  le 
«  rappelons  qu'avec  douleur,  comment  votre  père,  de  bonne  mémoire, 
u  a  été  traîtreusement  mis  à  mort  à  cause  de  son  dévouement  pour 
a  nous,  et  nous  aurons  soin  de  vous  en  récompenser.  Veuillez  donc,  en 
«  persistant  dans  vos  sentiments  et  en  continuant  à  vous  opposer  à  nos 
«  ennemis  autant  que  vous  le  pourrez,  être  assuré  que  notre  royale 
a  reconnaissance  saura  égaler  vos  services.  Donné  le  8  mai,  à  la  Tour 
«  de  Londres.  »  {Rymer,  t.  II,  p.  4,  p.  17). 

A  cette  époque,  un  chevalier  qui  habitait  Qand  et  qu'on  nommait 
Sohier  de  Courtrai,  fut  accusé  de  haute  trahison,  parce  qu'ail  avait  sou- 
tenn  près  des  bourgeois  de  Qand  le  parti  du  roi  d'Angleterre,  eu 
disant  que  si  l'on  ne  recourait  pas  à  lui,  toute  la  ville  deGand  serait 
ruinée,  que  c'était  le  roi  d'Angleterre  qui  était  le  légitime  roi  de 
France  et  que  s'il  acquérait  ce  royaume,  il  rendrait  de  grands  ser- 
vices à  la  Flandre.  On  racontait  qu'il  avait  annoncé  lui-même  au  roi 
d'Angleterre  qu'il  parviendrait  à  lui  assurer  Tallianee  des  Flamands. 
Le  comte  de  Flandre  qui  se  trouvait  alors  au  château  de  Maie,  fit  venir 
près  de  lui  Sohier  de  Courti'ay,  aprèa  uji  parlement  qui  avait  en  lieu  à 
Bruges,  et  il  le  fit  aussitôt  arrêter  en  lui  reprochant  d'avoir  soutenu  le 
roi  d'Angleterre  contre  le  roi  de  France.  Les  Gantois  le  réelamèrent 


538  NOTES. 

comme  jouissant  dans  leur  ville  du  droit  de  bourgfeoisie,  invoquaient  le 
droit  de  connaître  seuls  des  délits  qu'il  avait  pu  commettre  et  déclaraient 
que  tant  qu'il  ne  leur  aurait  pas  été  rendu,  ils  n'assisteraient  à  aucun 
parlement.  Le  comte  envoya  un  de  ses  chevaliers  à  Paris  pour  faire 
connaître  au  roi  ce  qui  se  passait,  et  le  roi  lui  fit  répondre  de  garder 
en  prison  Sohier  de  Courtraj  qui  avait  été  conduit  au  château  de 
Reninghe.  Peu  après  le  connétable  de  France  vint  à  Ypres,  et  il  se 
rendit  avec  le  comte  de  Flandre  à  Reninghe  où  ils  firent  trancher  la 
tête  au  chevalier.  Les  Gantois  s'en  montrèrent  vivement  affligés  et 
disaient  que  le  comte  avait  violé  leurs  privilèges.  Depuis  ce  jour,  ils 
tinrent  le  comte  en  grande  haine  et  proposèrent  aux  habitants  de 
Bruges  de  s*allier  avec  eux  contre  lui.  Un  combat  eut  lieu  dans  les 
rues  de  Bruges  (samedi  25  avril  1338  d'après  les  comptes  de  Bruges) 
et  le  comte  fut  réduit  à  se  retirer  à  Maie.  (Chronique  de  Berne.) 

On  fit  à  Sohier  de  Courtray  cette  épitaphe  : 

Hîc  Curtracencis  dominus  jacet  ecce  Sigivus  : 
Villae  Gandensis  tutor  fuit  undique  vivus. 
Invida  mors,  omen  virtutum  non  rapis  isti 
Vél  meriti  nopien,  corpus  quamvis  rapuisti. 
Armis  famosus  miles  fuit  et  generosus, 
Largus,  formosus,  numquam  formidine  rosus. 
M  C  ter  deciter  septem  dat  lux  Benedicti, 
Martis  quando,  pater,  transisti  iumina  dicti. 

Alliances  avec  les  seigneurs  d'Allemagne  (pp.  383-386).  —  Frois- 
sart  paraît  mieux  informé  que  personne  de  tout  ce  qui  s'est  passé 
à  Valenciennes. 

L'évêque  de  Lincoln  et  le  comte  de  Salisbury  étaient  à 
Francfoi-t  le  30  juin  1337;  ils  revinrent  à  Bruxelles  le  7  juillet, 
et  retournèrent  précipitamment  à  Cologne,  où  ils  se  trouvaient 
le  ]  1  juillet. 

Retour  des  envoyés  anglais  à  Londres  (pp.  386-393).  —  Jean  le  Bel 
ne  donne  rien  de  ce  que  Froissart  rapporte  à  ce  sujet. 

Dès  le  20  juin  1337,  des  vaisseaux  avaient  été  envoyés  à  Anvers  pour 
ramener  les  ambassadeurs  anglais. 

Guerre  de  Guyenne d^^.  393-400  et  pp.  401-409).  —  Ce  récit  de  la 
guerre  de  Gascogne  ne  se  trouve  que  dans  le  ms.  d'Amiens.  Je  ne  sais 


NOTES.  529 

s'il  existe  d'autres  autorités  pour  placer  à  cette  époque  un  voyage  de 
Robert  d'Artois  à  Bordeaux. 

Il  paraît  toutefois  que  Robert  d'Artois  fit  en  1337  ou  en  1338  un 
voyage  outre  mer;  j'ai  déjà  reproduit,  d'après  un  rôle  de  cette  époque, 
la  mention  suivante  :  Roberto  de  Artois...  super  expensis  in  partibus 
transmarinis.  Le  7  janvier  1339,  Robert  d* Artois  était  au  moment  de 
s'embarquer  de  nouveau  pour  une  destination  non  indiquée  (Rymer, 
t.  II,  p.  4,  p.  41). 

Il  faut  lire,  je  pense,  à  la  p.  393  :  1338  (n.  st.).  La  fête  de  Pâques 
fut  célébrée  en  1338,  le  12  avril.  En  1337,  les  Français  avaient  assiégé 
Siourac  et  Saint-Mal quaire.  Au  mois  d'avril  1338,  ils  menaçaient  Penne 
en  Agénois,  dont  le  siège  se  prolongea  jusqu'au  mois  de  janvier  sui- 
vant. Philippe  de  Valois  avait  nommé  les  comtes  de  Foix  et  d'Armagnac 
ses  lieutenants  en  Bordelais  et  Gascogne.  Au  mois  de  juin  1337, 
Edouard  III  écrivit  aux  nobles  et  aux  bonnes  villes  de  Gascogne  pour 
les  remercier  de  leur  fidélité.  Cfr.  la  continuation  de  Guillaume  de 
NangiSj  éd.  de  M.  Géraud,  t.  II,  p.  158. 

Mort  du  comte  de  Hainaui  (pp.  400-401).  ~  Le  comte  Guillaume 
de  Hainaut  mourut  le  7  juin  1337.  Jean  de  Condé  a  célébré  ses  vertus 
dans  le  Dis  dou  bon  conte  Willaume  : 

Morir  c'est  usaiges  communs. 


Pour  chou  doivent  pluiseur  sans  faindre 
Le  boin  conte  Willaume  plaindre, 
Qui  tenoit  Haynnau  et  Hollande. 

Nul  prins  plus  preu,  ne  plus  noble 
N'avoit  jusqu'en  Constantinoble. 

Fieus  fu  au  boin  conte  Jehan 
Qui  mainte  paine  et  maint  ahan 
Eut  pour  sen  pays  à  deffendre. 

Il  fu  plains  de  grant  gentillèce, 
De  valour  et  de  grant  prouèce, 
De  largèce  et  de  grant  frankise. 
On  ne  poroit  en  nul  guise 
Plus  large  donnéour  trouver. 
.  ^  noisiAiT.  54 


SaO  NOTES. 


C'est  li  pères  de  ménestrès  : 
Cil  doivent  bien  iestre  espierdu 
Quant  il  ont  leur  père  pierdn. 
En  armes  fu  preiis  et  isniaus. 
Et  débonnaires  comme  ai^iaus, 
Et  selonc  sa  nobilité 
Fu  plains  de  grant  humilité. 
Et  as  povres  boins  aumosniers. 


Se  doit-on  bien  proier  pour  l'âme. 
Puis,  après  avoir  loué  les  vertus  de  sa  veuve,  Jeanne  de  Valois,  le 
poète  ajoute  : 

Trois  filles  saiges  et  senées 

Eurent  noblement  assenées. 

L'aisnée  estoit  empereys, 

Femme  à  l'empereur  Loejs  : 

L'autre  ot  le  conte  de  Juler, 

Vaillant  conte  et  biau  baceler  ; 

La  tierce,  n'estoet  ti*op  long  quierre, 

Elle  est  roine  d'Engleterre. 
(Dits  et  contes  de  Jean  de  Condé,  publiés  par  M.  Scheler,  t.  I, 
p.  290.) 

Jeanne  de  Valois,  comtesse  de  Hainaut,  ne  mourut  pas  en  1342, 
comme  ledit  le  P.  Anselme,  mais  pendant  la  semaine  sainte  1352  (v.st.). 
Le  duc  de  Bourbon  et  le  connétable  de  France  se  rendirent  à  ses 
funérailles;  les  échevins  de  Mens  et  de  Valencieùnes  y  assistèrent 
également.  (Note  communiquée  par  M.  Caffiaux,  archiviste  de  Valen- 
ciennes,  d'après  les  comptes  de  cette  ville.) 

C'est  après  la  mort  du  comte  de  Hainaut  que  la  Chronique  de  Berne 
place  le  Vœu  du  Héron,  sur  lequel  elle  contient  de  précieux  détails. 
Le  seigneur  de  Beaumont  s'était  rendu  à  Londres  pour  voir  la  reine 
d'Angleterre,  et  des  fêtes  brillantes  furent  données  à  cette  occasion. 
Robert  d'Artois  ne  manqua  point  de  l'interroger  sur  ce  qu'il  avait 
appris  du  sort  de  sa  femme  et  de  ses  enfants,  retenus  prisonniers  par 
le  roi  de  France.  Robert  fut  profondément  affligé  quand  il  sut  qu'ils 
étaient  enfermés  au  château  de  Bar-sur-Seine,  et  ses  projets  de  ven- 


NOT^.  531 

geanoe  s^enracinèrent  de  plus  en  plus  dans  son  cœur.  Le  roi  avait 
résolu  d*offrir  à  Londres  un  grand  banquet  aux  princes,  aux  prélats 
et  aux  chevaliers  en  Thonneur  du  sire  de  Beaumont.  Le  même  jour, 
Robert  d'Artois,  étant  allé  chasser  dès  le  matin  avec  ses  faucons ^ 
s'empara  d'un  héron  et  le  porta  an  roi  Edouard,  assis  à  table,  en 
disant  qu'il  offrait  le  plus  timide  des  oiseaux  au  moins  courageux 
des  rois  (Timidiorem  avem.,.  minui  audaci  regi)^  puisqu*il  n'avait 
pas  osé  réclamer  le  rojaume  de  France  qui  lui  appartenait  légitime- 
ment. Ces  paroles  furent  entendues  de  tous  ceux  qui  étaient  présents, 
et  le  roi,  après  avoir  réfléchi  un  instant,  répondit  en  souriant  et  en 
faisant  allusion  à  la  présence  de  Robert  d'Artois  lors  de  l'acte  d'hom- 
mage fait  à  Philippe  de  Valois  :  c  II  n'est  pas  vrai  que  je  manque  de 
f  courage;  j'ai  été  trompé  (malitiose  deceptus),  quand  à  Amiens,  j'ai 
f  rendu  hommage  à  Philippe  de  Valois.  Mais  je  voue  à  Dieu ,  au  héron 
c  et  à  la  reine,  qu'avant  qu'un  an  soit  écoulé,  je  placerai  sur  son  front  la 
«  couronne  de  France;  et  bien  que  je  n'ai  pas  un  Anglais  à  opposer  à 
c  six  Français,  je  combattrai  résolument  Philippe  de  Valois,  i  A  ces 
mots,  Robert  d'Artois  rit  tout  haut  et  engagea  les  seigneurs  à  s'asso- 
cier au  vœu  du  roi.  Il  appela  une  demoiselle  assise  au  banquet,  et  lui 
remettant  le  héron,  la  pria  de  l'aider  à  le  porter,  en  rappelant  que 
jadis  le  roi  Porus  avait  juré  sur  un  paon  que  portait  une  demoiselle.  Il 
la  conduisit  tour  à  tour  devant  la  reine  d'Angleterre,  devant  les  comtes 
de  Salisbury,  d'Herford,  de  Suffolk,  devant  les  évéques  de  Durham 
et  de  Lincoln,  devant  le  sire  de  Fauquemont  et  Gautier  de  Mauny  :  tous 
vouèrent  en  termes  différents  de  porter  la  guerre  dans  le  royaume  de 
France.  Jean  de  Hainaut  fut  contraint  (coactui  est)  à  prononcer  le 
même  vœu ,  et  ce  ne  fut  <]u 'après  avoir  cherché  à  s'en  excuser,  qu'il 
déclara  qu'il  servirait  celui  qui  le  payerait  le  mieux.  (Post  plures 
excusationes  vovit  quod  fieret  soldarius  illius  a  quo  msgus  lucrum 
haberet,  dicens  quod  gallo  rostrum  vertenti  contra  ventum  assimila- 
retur  eo  quod  cum  illo  se  teneret  a  quo  pecunias  largius  acciperet. 
Quibus  dictis,  Anglici  astantes  ridere  cœperunt,  de  hoc  voto  invicem 
confabulantes.)  La  reine  elle-même  igonta  qu'avec  l'autorisation  de 
son  mari  elle  vouait  à  Dieu  et  au  héron,  que  si  le  roi  traversait  la 
mer,  elle  le  suivrait  daas  son  voyage.  Il  est  intéressant  de  comparer 
ce  récit  au  poème  du  Vœu  d%  Héron. 
Influence  de  Jacques  d'Arievelde  (pp.  409-417).  —  La  seconde 


532  NOTES. 

rédaction  est  empruntée  à  Jean  le  Bel,  pp.  127-129.  —  D'après  le 
ma.  d'Amiens,  l'assemblée  de  la  Biloke  est  du  26  décembre  1337;  mais 
ce  n'est  qu'au  mois  d'avril.  1338  que  Ton  voit  Artevelde,  dont  l'in- 
fluence triomphe  à  Gand,  se  placer  à  la  tête  de  la  commune  et  déjouer 
les  projets  formés  par  Philippe  de  Valois,  dont  les  hommes  d'armes 
étaient  déjà  arrivés  près  de  Deynze.  Le  8  mai,  Edouard  III  adresse  aux 
Gantois  une  lettre  fort  importante  où  il  les  félicite  et  les  encourage 
(non  cedentes  periculis,  vos  et  vestra  pro  nobis  exponitis  tam  gra- 
tanter)  : 

a  Le  roi,  à  très-sages  personnes,  les  conseillers,  échevins,  bourg- 
«  mestre  et  membres  de  la  commune  de  Gand,  ses  très-chers  amis, 

<  salut  et  sincère  affection.  Nous  avons  appris  avec  bonheur,  et  toute 
«  notre  âme  en  est  pénétrée  de  joie,  que  vous  avez  conclu  un  traité 
«  avec  nous,  et  que  malgré  les  périls  qui  vous  menacent,  vous  exposez 

<  si  généreusement  pour  nous  vos  vies  et  vos  biens  :  nous  espérons 

<  qu'avec  l'aide  de  Dieu,  nous  pourrons  vous  en  témoigner  notre 
«  reconnaissance,  i  Le  même  jour,  il  adressait  aux  magistrats  de 
Bruges  et  d'Ypres  des  lettres  conçues  en  ces  termes  :  «  Le  souvenir 

<  de  l'amitié  qui  a  existé  autrefois  entre  votre  commune  et  notre 
«  maison  royale,  nous  fait  désirer  vivement  qu'une  alliance  stable  ait 
«  lieu  entre  vous,  et  nous,  pour  notre  avantage  mutuel.  »  Il  finissait 
en  leur  annonçant  le  départ  de  ses  ambassadeurs,  l'évêque  de  Lincoln 
et  les  comtes  de  Northampton  et  de  Suffolk,  pour  le  Brabant. 

Les  communes  de  Flandre  ne  tardèrent  point  à  répondre  à  ces 
lettres,  en  envoyant  leurs  députés  à  Anvers  pour  y  déterminer  les 
conditions  d'un  traité  commercial,  quoique  Edouard  III  désirât  surtout 
la  conclusion  d'une  alliance  politique.  Toutes  les  communes  de  Flan- 
dre délibérèrent  au  sujet  des  négociations  dont  leurs  députés  leur 
rendaient  compte.  Lorsqu'elles  les  eurent  unanimement  approuvées, 
Jacques  Masch  et  leurs  autres  députés  retournèrent  à  Anvers,  où  se 
trouvaient  le  comte  de  Gueldre  et  les  ambassadeurs  anglais,  et  on  y 
conclut,  le  10  juin  1338,  un  traité  dans  lequel  la  neutralité  de  la 
Flandre  était  proclamée.  L'Angleterre  restait  ouverte  au  commerce 
des  bourgeois  flamands,  tandis  qu'il  leur  était  permis  de  repousser 
de  leurs  villes  et  de  leurs  ports  les  hommes  d'armes  anglais  et 
français,  sauf  le  service  dû  à  Philippe  de  Valois  par  le  comte  à  raison 
de  son  fief. 


NOTES.  OÙÛ 

Edouard  III  ordonna  aussitôt  après  que  toutes  les  étoffes  marquées 
du  sceau  des  villes  de  Flandre  pourraient  circuler  librement  en 
Angleterre. 

11  convient  de  donner  ici  sur  Jacques  d'Artevelde  et  sa  famille  quel- 
ques éclaircissements  qui  rectifieront  les  erreurs  de  Froissart  et  surtout 
celles  de  Jean  le  Bel. 

Tout  porte  à  croire  que  les  Artevelde  sont  issus  des  anciens  châte- 
lains de  Gand,  dont  les  vastes  domaines  s'étendaient  dans  le  pays 
couvert  de  bois  et  de  marais  situé  au  nord  de  la  ville.  Là  se  trouvaient 
les  fiefs  de  Triest,  de  Mendonck,  d' Artevelde,  qui  furent  partagés 
entre  diverses  branches  de  cette  maison.  Assez  près  de  Triest,  dont  le 
nom  rappelle  TEinhard's  Triest,  la  vieille  forêt  aÉginhard  à  qui  les 
forestiers  de  Flandre  payaient  la  dîme  des  cerfs,  se  trouvait  le  châ- 
teau d' Artevelde  (domus  mea  apud  Arteveld€,  disait  le  châtelain  Sohier 
de  Gand,  à  la  fin  du  xu®  siècle)  avec  une  église  et  un  hospice  fondés 
par  une  pensée  conmiune  de  foi  et  de  charité.  Ce  fut  au  pied  de  ce 
château  d* Artevelde,  que  l'invasion  de  Charles  VI  s'arrêta  après  le 
désastre  de  Roosebeke,  comme  s'il  appartenait  au  berceau  du  plus 
célèbre  défenseur  de  la  nationalité  fiamande,  d'en  être  aussi  le 
rempart. 

Les  châtelains  de  Gand  portaient  un  écu  de  sable.  Les  aînés  adop- 
tèrent une  face  comme  la  pièce  la  plus  noble  d'un  blason  ;  les  Triest 
y  ajoutèrent  un  chien  et  des  cors  de  chasse  par  allusion  à  leur  forêt 
et  aux  cerfs  qu'on  y  poursuivait.  Les  Artevelde  portaient  aussi  l'écus- 
son  de  sable,  mais  ils  le  modifièrent  à  leur  tour. 
Les  maisnés  ne  se  souciant  mie 
Porter  les  armes  de  leurs  antécesseurs. 
Seules  s'amusoient  conserver  les  couleurs 
Et  tout  le  reste  forgeoient  à  fantaisie. 

Par  quelle  fantaisie  trois  chaperons  figurent-ils  sur  l'écusson 
d'Artevelde?  à  quelle  époque  remontent-ils?  Je  laisse  la  solution  de 
cette  question  aux  généalogistes,  mais  il  est  permis  de  croire  que  ces 
chaperons  ne  sont  pas  plus  anciens  que  1338  ou  1340,  c'est-à-dire 
qu'ils  sont  de  l'époque  de  Jacques  d'Artevelde.  J'ai  pour  le  penser  deux 
autorités  :  TEspinoy,  si  exact  dans  ses  recherches  héraldiques,  et  le 
grave  auteur  des  Annales  Flandria,  Jacques  Meyer.  i  Ce  fut,  dit 
•  l'Espinoy,  à  la  façon  des  vieux  Romains,  lesquels  donnoient  sem- 


554  NOT£S. 

f  blables  coaronnes  aux  plus  preux  et  valeureux  de  leurs  soldats  oo 
o  bourgeois,  i  Et  Meyer  ajoute  :  «  Insignîa  gessit  scutum  nigmm  in 
•  quo  tria  pilea  aurea  :  pileum  antiquitus  libertatis  symbolum  erat.  • 

Enumërons  rapidement  les  mentions  du  nom  d^Arterelde  qui  sovit 
antérieures  au  xiv«  siècle. 

En  1167,  dans  une  charte  de  Tabbaye  de  Saint-Pierre,  le  premier 
témoin  est  Steppon  d'Artevelde. 

En  1290,  dans  une  charte  qui  concerne  des  biens  situés  à  Oosi- 
Eecloo,  c'est-à-dire  près  d'Artevelde  (Ertvelde),  on  trouve  parmi  les 
ténioins  Gilles,  Gautier  et  Henri  d'Artevelde,  fils  de  sire  Henri. 
Tandis  que  les  chevaliers  se  faisaient  appeler  dans  leurs  donjons  : 
monseigneur,  on  disait  :  messire,  aux  nobles  bourgeois  des  villes,  et 
ce  titre  de  sir  ou  ser  se  joignit  même  par  Fusage  aux  noms  de  cer- 
taines familles,  par  exemple  à  celui  des  Sanders  ou  Sersanders. 

En  1297,  Eustache  d'Artevelde  intervient  dans  un  contrat  relatif 
à  un  achat  de  draps.  Eustache  d'Artevelde  s'est  séparé  probablement 
d^sa  famille  pour  s'unir  aux  Leliaerts,  car  de  même  qu'une  branche 
des  Utenhove  qui  embrassa  le  parti  de  Philippe  le  Bel,  il  place  une 
fleur  de  lys  dans  son  écusson. 

La  même  année,  Robert  de  Béthune  reconnaît  devoir  8oixante>quinze 
livres  à  Gauthier  d'Artevelde,  dizenier  à  son  service.  Cest  probable- 
ment le  même  Gauthier  qui  figure  dans  la  charte  de  1290. 

Citons  rapidement  quelques  autres  membres  de  cette  famille. 

Dans  le  liber  obitualis  de  Saint-Jean  de  Gand  (la  paroisse  dont 
Jacques  fut  capitaine),  on  trouve  Rasse  d'Artevelde,  Marie  d'Arte- 
velde, Guillaume  d'Artevelde  et  sa  femme  Catherine,  Jean  d'Aitevelde 
et  sa  femme  nommée  aussi  Catherine  à  laquelle  en  donne  le  titre  de 
domicella,  Jean  d'Artevelde  et  sa  femme  Heyla,  un  autre  Jean  d'Arte- 
velde, puis  Arnulf  et  sa  femme  Avezoete  (ceux-ci  paraissent  avoir 
vécu  à  une  époque  plus  reculée).  Guillaume  d'Artevelde  et  sa  femme 
Catherine  ont  fait  des  dons  assez  considérables  à  l'église  de  Saint- 
Jean  pour  (]\ie  leur  obit  soit  célébré  par  le  curé,  assisté  d'un  diacre  et 
d'un  sous-diacre. 

Le  liber  obitualis  Sancti-Joannis  Oandavensis  semble  avoir  été 
formé  par  des  annotations  successives  de  1275  à  1350.  Il  place  les 
Artevelde  parmi  les  habitants  les  plus  riches  de  la  cité. 

Vers  1320,  parait  Jean  d'Artevelde  :  c'est  le  père  de  Jacques,  li 


NOTES.  535 

eut  probablement  pour  frères  Guillaume  et  Henri,  dont  nous  venons  de 
parler,  et  Liévin,  bourgmestre  de  Bruges  en  1324. 

Pour  savoir  quelle  était,  à  Gand,  la  position  occupée  par  Jean 
d*Artevelde»  dont  le  nom  a  été  effacé  dans  Thistoire  par  celui  de  son 
fils,  il  suffit  d*ouvrir  les  comptes  de  la  ville  en  1325.  Pendant  cette 
seule  année,  nous  voyons  Jean  d'Artevelde  envoyé  en  ambassade  vers 
le  duo  de  Brabant,  puis  à  Bruges,  pour  y  présider  à  la  délivrance  de 
Louis  de  Nevers,  retenu  captif  depuis  huit  mois.  Il  ne  quitte  Bruges 
que  pour  négocier  la  paix  d'Arqués  avec  les  envoyés  du  roi  de  France, 
et  c*est  encore  ^ean  d'Artevelde  qui  sera  chargé  de  se  rendre  près  de 
Charles  le  Bel  pour  jurer  de  l'observer. 

En  1324,  époque  où  le  comte  de  Flandre  multipliait  les  exactions 
dans  toutes  les  villes,  on  dressa  une  liste  des  riches  bourgeois  que  le 
oomte  pourrait  forcer  à  lui  prêter  de  l'argent.  Dans  la  paroisse  de 
Saint-Jean,  qui  était  la  première  de  la  ville,  Jean  d'Artevelde  fut 
inscrit  pour  un  prêt  de  quarante  livres.  Henri  de  Vaernewyck  ne  vient 
qu'après  lui,  comme  ayant  prdté  trente  livres. 

Jean  d'Artevelde  avait  épousé  Livine  de  Groote,  dont  le  père  était 
Sohier  de  Groote,  échevin  de  Gand,  et  dont  la  mère  était  de  la  maison 
des  De  Béer,  de  laquelle  descendirent  les  bai*ons  de  Meulebeke.  Le 
frère  de  Livine  de  Groote  avait  épousé  une  fille  du  sire  d'Axel;  sa 
sœur  était  femme  de  Josse  d'Halewyn. 

Jean  d'Arievelde  et  Livine  de  Groote  eurent  plusieurs  enfants,  entre 
autres  :  Jacques,  Jean,  François,  Marie  et  Catherine.  François,  châte- 
lain de  Beveren,  en  1326,  épousa  Elisabeth  Vander  Coutere  dont  la 
sœur  était  femme  d'un  sire  de  Baronaige,  et  leur  fille  épousa  Gilbert 
Vande  Briele.  Catherine  fut  la  femme  de  Baudouin  Goethals,  neveu  de 
Henri  Goethals,  célèbre  docteur  de  l'Université  de  Paris,  plus  connu 
sous  le  nom  de  Henri  de  Gand  ;  Marie  s'allia  à  Gilles  Damman  et  leur 
fils  épousa  Jeanne  Bette.  Quant  à  Jean  et  à  Jacques,  il  y  a  lieu  de 
croire  qu'ils  épousèrent  deux  sœurs,  deux  filles  de  Sohier  de  Courtray, 
le  plus  illustre  chevalier  de  Flandre  et  le  premier  bourgeois  de  Gand. 

Une  charte  du  4  Juin  1353  nous  offre  le  nom  et  le  scel  de  Christine 
de  Courtray,  qui  avait  épousé  Jean  d'Artevelde.  Elle  y  prend  le  nom 
de  Christine  de  Steelant,  dame  de  Tronchiennes,  probablement  parce 
qu^elIe  était  remariée  à  nn  sire  de  Steelant,  mais  le  scel  est  parti 
Courtray  et  Artevelde.  MM.  de  Potter  et  Broeckaert,  auteurs  d'un 


/ 


556  NOTES. 

excellent  travail  sur  les  communes  de  la  Flandre  orientale,  ont 
retrouvé  récemment  à  Ertvelde  la  dalle  funéraire  de  Louis  de  Stee- 
lant,  mort  en  1346;  on  lui  donne  le  titre  de  seigneur  d*Artevelde,  qui 
lui  avait  sans  doute  été  transmis  par  sa  femme,  veuve  de  Jean  d^Arte- 
velde.  Cette  importante  découverte  met  hors  de  doute  que  Jean  d*Arte- 
velde,  qui  portait  les  mêmes  armes  que  Jacques,  était  issu  des 
seigneurs  d'Artevelde  ou  Ertvelde,  c'est-à-dire  des  châtelains  de 
Gand. 

Catherine ,  fille  de  Jean  d* Artevelde  et  de  Christine  de  Courtray, 
eut  pour  tuteur  le  sire  de  Moerkerke,  et  épousa,  vers  1360,  Daniel 
d'Halewyn,  et  c'est  ainsi  qu'il  faut  expliquer  cette  phrase  de  Mejer, 
que  Daniel  d'Halewyn  était  le  cousin  de  Philippe  d'Artevelde.  Daniel 
d'Halewyn  épousa  en  secondes  noces  une  fille  de  Jean  de  Luxembourg 
et  de  Marguerite  d'Enghien,  duchesse  d'Athènes. 

Des  deux  filles  de  Jacques  d'Artevelde,  dont  le  mariage  nous  est 
connu.  Tune  épousa  Jean  de  Schotelaere,  dont  un  petit-fils  fut  bailli 
de  Gand,  et  Tautre,  le  sire  d'Erpe,  dont  les  domaines,  selon  l'expres- 
sion féodale,  ne  relevaient  qne  de  Dieu  et  du  soleil.  Un  petit-fils 
de  Jacques  d'Arte velde,  François  d'Erpe ,  épousa  en  1566  Anne  de 
Montmorency. 

Il  faut  bien  se  résoudre  à  reconnaîre  dans  les  Artevelde,  comme  le 
disait  Philippe  de  l'Espinoy,  il  y  a  deux  siècles  :  t  une  famille  noble 
c  et  alliée  noblement  entre  les  meilleures  de  la  ville  de  Gand,  comme 
«  avec  ceux  Vander  Briele,  avec  ceux  Vander  Coutere,  avec  ceux  de 
«  Haele,  dits  de  Mirabelle,  avec  ceux  de  Bernaige,  avec  ceux  de  Hale- 
«  wyn  et  autres  très-nobles  maisons.  t> 

Telle  est  Tune  des  faces  de  la  position  des  Artevelde ,  voici  Tautre  : 

Liévin  d' Artevelde  se  plaint  de  ce  qu'on  arrête  à  Copenhague  un 
de  ses  navires  chargé  de  draps. 

Jean  d 'Artevelde  vend  à  la  ville  de  Gand  les  draps  qui  sont  offerts 
aux  cardinaux  et  à  la  comtesse  de  Namur. 

Jean  d' Artevelde  mourut  en  1328,  Tannée  même  de  la  bataille 
de  Cassel.  Les  illusions  qu'il  avait  nourries  s'éteignirent  à  sa  der- 
nière heure ,  et  il  put  croire  que  la  liberté  flamande,  dont  il  avait 
espéré  le  réveil,  avait  péri  avec  Zannequin. 

Quel  âge  avait  alors  Jacques ,  celui  de  ses  fils  qui  devait  le  plus 
illustrer  son  nom? 


NOTES.  537 

Jacques  d'Artelde  était  ne  yi'aisemblablement  vers  1^5. 

Plasieurs  anciens  chroniqueurs  affirment  que  dans  sa  jeunesse,  il 
vit  Paris  et  la  cour  des  rois  de  France,  et  qu'il  accompagna  Charles 
de  Valois  en  Italie,  en  Sicile  et  même  à  Tîle  de  Rhodes. 

Tout  ceci,  au  premier  abord,  paraît  un  roman  ajouté  comme  pro- 
logue au  récit  de  Thistoire,  mais  il  est  certaines  circonstances  qui 
rendent  cette  tradition  vraisemblable. 

Un  parent  de  Jacques,  Gauthier  d'Artevelde,  était  dizenier  au 
service  de  Robert  de  Béthune,  et  lorsque  Charles  de  Valois,  protes- 
tant contre  Tinique  captivité  de  Gui  de  Dampierre,  résolut  d'aller  en 
Orient  poursuivre  la  revendication  des  droits  qu'avait  recueillis  sa 
femme,  Catherine  de  Courtenay,  il  réclama  Tappui  de  Robert  de 
Béthune.  Faudrait-il  s'étonner  qu'un  serviteur  de  ce  prince  eût  répondu 
à  cet  appel  et  eût  amené  avec  lui  un  de  ses  neveux,  alors  âgé  de  quinze 
ou  seize  ans? 

Quoiqu'il  en  soit,  Jacques  d'Artevelde  paraît  avoir  passé  un  grand 
nombre  d'années  dans  une  retraite  presque  absolue  près  de  son  père 
qui  put  lui  donner  d'utiles  conseils,  près  de  sa  mère  qui  vivait  encore 
en  1332.  Non-seulement  il  s'occupait  d'industrie,  mais  il  faisait 
aussi  endiguer  ses  polders  de  Basserode.  Son  hôtel,  situé  sur  la  place 
de  la  Calandre  à  coté  de  l'hôtel  de  Masmines,  offrait  une  tour  sem- 
blable à  celles  qui  protégeaient  alors  les  demeures  des ,  principaux 
bourgeois  :  par  derrière  s'étendaient  des  salles  qui  servaient  d'ate- 
liers et  de  magasins ,  et  dont  l'une  fut  plus  tard  transformée  en 
chancellerie.  Tout  semble  annoncer,  du  reste,  un  foyer  domestique 
heureux  et  paisible.  On  y  découvre  peu  de  bruit,  peu  d'agitation, 
mais  des  vertus  simples  et  surtout  une  piété  fervente.  Jacques  avait 
une  sœur  béguine,  une  autre  religieuse  à  Termonde,  une  autre  encore 
religieuse  à  la  Biloke.  Plus  tard,  un  de  ses  fils,  nommé  Jean  comme 
son  aïeul,  entrera  dans  le  clergé;  un  autre  de  ses  fils,  Philippe, 
beau  et  de  haute  stature,  et  de  plus  éloquent  comme  son  père,  mènera 
la  vie  mystique  d'un  loUart.  Autour  de  ce  foyer  rayonnait  un  grand 
respect,  et  l'on  attribuait  unanimement  à  Jacques  d'Artevelde  une 
haute  sagesse  fortifiée  par  une  longue  expérience. 

Jacques  d'Artevelde,  inscrit  également  dans  le  métier  des  tisse- 
rands, imita  l'exemple  que  lui  avait  donné  son  père  :  il  se  livra  comme 
lui  au  commerce  des  draps,  et,  en  1344,  c'est-à-dire  à  cette  brillante 


538  NOTES. 

époque  où  le  plus  noble  prince  de  FEurope  le  nommait  son  compare, 
il  continuait,  au  milieu  des  plus  grands  projets  qui  aient  Jamais  ëtë 
conçus,  à  prendre  une  part  active  au  mouvement  de  Tindustrie  natio- 
nale :  les  salles  où  se  trouvaient  déposes  les  précieux  ouvrages  des 
tisserands  de  Flandre,  touchaient  à  la  chancellerie,  où  il  scellait  les 
chartes  qui  protégeaient  leur  travail  et  leur  liberté,  tant  était  respectée 
à  Oand  cette  loi  de  la  comtesse  Mathilde  :  i  Si  Ton  découvre  quelque 
f  bourgeois  inutile  à  la  ville  et  à  la  oonmiune,  qu*il  soit  banni  par  les 
c  échevins.  • 

Il  paraît  établi  toutefois  qu'Artevelde,  pour  se  concilier  la  faveur 
des  petits  métiers,  quitta  le  métier  des  tisserands  et  se  fit  inscrire 
dans  celui  des  brasseurs,  dont  il  fut  le  premier  doyen  ;  de  là  la  quali- 
fication de  brasseur  si  fréquemment  répétée  dans  les  chroniques  con- 
temporaines et  postérieures.  Artevelde,  en  cherchant  sa  force  dans 
les  petits  métiers,  abdiqua-t-il  sa  puissance  morale  ?  Se  vit-il  réduit  à 
recourir  parfois  à  la  violence  et  à  s'entourer  d'honunes  dociles  à  ses 
volontés,  afin  de  se  faire  craindre?  Quelle  part  faut-il  faire,  dans  les 
récits  qui  s'occupent  de  lui,  à  Tingratitude  et  à  la  haine?  Il  est  difficile 
de  résoudre  aujourd'hui  toutes  ces  questions;  mais  si  Artevelde  eût 
recours  parfois  aux  mauvaises  passions ,  il  expia  cette  faute  par  sa 
mort,  car  ce  furent  ceux  qu'il  avait  pu  fiatter  par  ambition,  qui  l'im- 
molèrent malgré  ses  services  et  son  génie. 

Le  chroniqueur  anonyme  de  Berne,  après  avoir  reproduit  sur  Félé- 
vation  de  Jacques  d* Artevelde  le  récit  qu'on  trouve  dans  les  chroniques 
de  Saint-Denis,  en  ajoute  un  autre,  sans  en  indiquer  l'origine.  Arte- 
velde avait  annoncé  à  la  commune  de  Gand  que  si  on  l'écontait ,  il 
rétablirait  les  relations  commerciales  de  la  Flandre,  de  telle  sorte 
que  ceux  qui  étaient  réduits  à  aller  mendier  à  l'étranger,  pourraient 
rentrer  dans  leur  pays.  Les  Gantois  promirent  à  Artevelde  de  lui 
venir  en  aide,  et  Ton  proclama  à  haute  voix  dans  toute  la  ville  que 
tous  les  chefs  de  ménage  (omnia  hospitioruM  capita)  se  réuniraient 
à  la  Byloke.  Artevelde  s'y  trouva  et  parvint  à  apaiser  les  miir- 
mures  du  peuple;  mais  le  bailli  du  comte  déclara  de  la  fenêtre  de 
la  tour  (du  Châtelet?)  que  les  Gantois  étaient  les  sujets  du  comte  de 
Flandre,  qui  relevait  lui-même  du  roi  de  France.  «  Si  le  roi  d'Angle- 
c  terre,  disait-il,  ne  permet  j)oint  que  Ton  nous  poHe  les  marchandises 
«  de  son  pays,  afin  de  nous  forcer  à  nous  allier  à  lui,  cet  état  de  choses 


NOTES.  559 

€  ne  péûi  point  durer  longiemt>8.  Retitoits  doue  fermes  et  stables  dans 
•  notre  fidélité  (qua  delemiM  ineederê)^  de  peur  que  plus  tard  nous 
c  n*flyoins  à  en  souffrir,  i  A  ces  paroles,  les  Gantois  s'écrièrent  qu'ils 
ne  poutaieïit  plus  rien  gagner,  et  ils  s'adressèrent  à  Artevelde  pour  qu'il 
les  secourût.  Le  bailli ,  voyant  qu'on  ne  Técoutait  pas,  descendit  de  la 
tour  et  chercha  à  s'emparer  de  Jacques  d'Artevelde  ;  les  Gantois  le 
défendirent  et  forcèrent  le  bailli  et  les  échevins  à  se  retirer  dans  leurs 
maisons.  Artevelde  exhorta  les  Gantois  à  s'armer  afin  'que  le  bailli 
ne  pût  point  le  prendre.  Sur  ces  entrefaites,  le  bailli,  accompagné 
d'un  grand  nombre  de  bourgois,  s'était  rendu  à  la  maison  d'Artevelde 
et  en  avait  enfoncé  les  portes  ;  mais  Artevelde  ne  s'y  trouvait  point  et 
il  se  dirigea  lui-même  atec  tous  -ses  amis  vers  la  place  du  Marché  où 
venait  d'arriver  le  bidlli.  Un  combat  s'engagea.  Artevelde  frappa  l'un 
de  ses  adversaires  d'un  coup  de  hache  qui  lui  fendit  la  tête  jusqu'aux 
dents,  et  le  bailli  fut  réduit  à  fuir  hors  de  la  ville.  Artevelde  confis- 
qua les  biens  des  fugitifs,  rappela  les  exilés  et  s'entoura  d'une  garde 
de  700  chaperons  blancs,  qui  ne  le  quittait  Jamais. 

Edouard  III  se  prépare  à  la  guerre  (pp.  417-45^).  —  Jean  le  Bel 
rapporte  à  peu  près  de  la  même  manière  le  mariage  de  Guillaume  de 
Montaigu  et  d'AKx  de  Salisbury.  Nous  insérerons  dans  les  notes  du 
troisième  volume  le  résultat  de  quelques  recherches  faites  en  Angle- 
terre sur  la  célèbre  comtesse  de  Salisbury,  que  Froissart  appelait  <  une 

<  des  plus  belles  dames  du  monde,  i 

Le  comte  de  Flandre  cherche  à  faire  périr  Jacques  d'Artevelde  (pp. 
420-^fô6).  — Cfr.  Jean  le  Bel, pp.  127-129.  —  Le  comte  de  Flandre,qui 
résidait  alors  à  Bruges,  accourut  à  Gand  avec  Morel  de  Fiennes  et  d'autres 
chevaliers,  et  il  descendit  au  château.  Artevelde,  suivit  des  700  cha- 
perons blancs,  voulut  interroger  le  comte  sur  ses  desseins  et  le  trouva 
assis  à  table  avec  ses  chevaliers  :  i  Ne  craignez  rien,  lui  dit  Arte- 

<  velde,  mais  les  Flamands  s*étoonent  de  ce  que  vous  les  réduisez  à 
€  mourir  de  faim.  •  Et  comme  le  comte  répliquait  qu'il  en  était  aifii|;é  : 
f  II  vous  sera  facile,  continua  Artevelde,  d'y  porter  remède;  car  si  les 
f  rois  d'Angleterre  et  de  France  obtenaient  l'un  et  l'autre  un  libre  pas- 
€  sage  à  travers  la  Flandre,  nous  aurions  la  paix  avec  les  Anglais,  et  la 
f  marchandise  sans  laquelle  les  Flamands  ne  peuvent  vivre,  nous  revien- 
c  drait.  Si  vous  ne  le  faites, vous  perdrez  votre  pays.i  —  t  Quoi!  s'écria 
le  comte  indigné,  à  entendre  vos  discours  on  croirait  que  vous  êtes  an 


540  NOTES. 

f  dâssos  de  moi,  au  doBsus  du  seignear  de  Flandre  !  •  — .  <  ReUitirnez  Caire 
c  votre  bière,  ajouta  le  s^uëchal  de  Flandre,  et  n'ayez  pas  Farroganoe 
c  de  vous  mêler  de  ce  qui  ne  tous  regarde  pas.  >  En  ce  moment,  les 
Chaperons  blancs  entrèrent  dans  la  salle  et  portèrent  la  main  sur  les 
coupes  du  banquet.  Le  comte  quitta  aussitôt  Gand  avec  ses  chevaliers 
et  se  rendit  à  Paiis.  Le  roi  de  France,  craignant  de  voir  les  Flamands 
s'allier  au  roi  d*Angleterre,  chargea  Tëvéque  de  «Thërouanne,  Ray- 
mond Sachet j  de  se  rendre  à  Oand,  à  Bruges  et  à  Ypres,  pour  récla- 
mer l'alliance  des  bourgeois  de  Flandre ,  en  leur  promettant  de  les 
dégager  de  toutes  les  obligations  dont  ils  étaient  tenus  vis-à-vis  de 
lui,  sauf  le  droit  d'excommunication.  Une  assemblée  générale  eut 
lieu  à  ce  sujet  à  Messines.  Artevelde  s'était  rendu  à  Bruges  avec  les 
Chaperons  blancs,  et  ayant  fait  convoquer  les  bourgeois  au  son  de  la 
cloche  de  la  Halle,  il  les  engagea  à  le  soutenir  dans  ses  efforts,  et 
ceux-ci  jurèrent  de  lui  obéir  en  tout,  afin  que  la  marchandise  fût 
rétablie  en  Flandre.  De  là  Artevelde  retourna  à  Gand,  puis  il  se 
dirigea  vers  la  ville  de  Biervliet,  qui  avait  été  fortifiée  avec  soin. 
Mais  les  habitants  de  Biervliet  le  repoussèrent  et  Artevelde  réunit 
pour  les  combattre  15,000  hommes  de  Gand  et  de  Bruges.  Après  un 
combat  livré  aux  portes  de  Biervliet,  Artevelde  victorieux  entra  dans 
la  ville  où  il  trouva  200  soudoyers  du  comte,  à  qui  il  permit  de  se 
retirer  tautummodo  e%m  eamisiii  suis.  Ensuite  Artevelde  envoya  à 
Berghes  son  frère  et  beaucoup  de  Gantois  pour  occuper  cette  ville, 
qui  appartenait  à  Edouard ,  comte  de  Bar,  et  à  sa  femme,  fille  de 
Robert  de  Cassel.  Le  comte  de  Bar  vint  à  Berghes  avec  des  forces  si 
considérables,  qu'il  tua  tous  les  Gantois  et  fit  trancher  la  tête  au  frère 
d' Artevelde.  A  cette  nouvelle,  Artevelde  jura  qu'il  vengerait  son  frère 
et  somma  les  habitants  d'Ypres  de  lui  obéir  aussi  bien  que  les  Bru- 
geois  et  les  Gantois.  Sur  leur  refus,  il  vint  assiéger  Ypres,  et  les 
Ypix)iii,  après  avoir  obtenu  un  jour  de  trêve  afin  d'attendre  le  secours 
du  comte,  furent  réduits  à  ouvrir  leurs  portes.  C'est  ainsi  qu' Artevelde 
fut  le  maître  des  trois  grandes  villes  de  Flandre.  La  mission  de 
l'évéque  do  Thérouanne  resta  sans  résultat,  les  habitants  du  Franc 
et  des  autres  châtellenies  suivirent  l'exemple  des  villes,  et  Artevelde, 
rentré  à  Gand,  choisit  dans  chacune  des  trois  villes  quatre  bourgeois 
qui  90  rendirent  à  l^ndres,  pour  annoncer  à  Edouard  III  que  les  Fla- 
man<l8  étaient  prêts  à  lui  obéir  et  demandaient  le  rétablissement  des 


NOTES.  541 

anciennes  relations  commerciales.  Edouard  111,  qui  ne  désirait  autre 
chose,  y  consentit  volontiers.  En  même  temps,  Artevelde  envoyait 
d'autres  ambassadeurs  à  Paris,  afin  d'obtenir  du  roi  de  France  que  les 
marchandises  de  ses  États  vinssent  librement  en  Flandre,  car  s'il  s'y 
opposait,  ils  s'allieraient  contre  lui  au  roi  d'Angleterre.  Le  roi 
accueillit  cette  demande  :  dès  ce  moment,  les  marchandises  affluèrent 
en  Flandre,  et  les  Flamands,  qui  avaient  longtemps  mendié  hors  de 
leur  pays,  purent  y  rentrer.  On  disait  an  ce  moment  en  Flandre 
qu'Artevelde  était  un  dieu  qui  était  descendu  du  ciel  pour  les  sauver 
(dicebatur  pro  tune  in  Flandria  ,de  Jacobo  de  Arthevella  quod  ipse 
esset  deus  qui  descenderat  ad  sahandum  eos).  Artevelde  /  obéi  dans 
toute  la  Flandre,  choisissait  les  échevins  et  les  jurés.  Les  nobles  des 
environs  de  Berghes  se  réunirent  dans  cette  ville  et  se  portèrent  de 
là  vers  Fumes  et  Dixmude,  et  firent  appel  à  ceux  qui  se  trouvaient  à 
Courtray.  Le  comte  lui-même  se  rendit  à  Dixmude  où  il  fut  reçu  avec 
joie;  il  y  eut  cependant  quelques  habitants  de  cette  ville  qui  man- 
dèrent aux  Gantois  qu'ils  étaient  prêts  à  leur  livrer  le  comte  et  tous 
ses  chevaliers.  Ils  avaient  résolu,  en  efiet,  de  mettre  la  main  sur  le 
comte  pendant  son  sommeil,  et  les  Brugeois  étaient  arrivés  à  Beerst, 
lorsque  le  comte  en  fut  averti  le  soir,  au  moment  où  il  allait  se 
coucher.  Il  fit  aussitôt  prévenir  tous  les  chevaliers,  mais  déjà  les 
portes  étaient  fermées  :  il  fallut  les  briser  de  vive  force,  sous  une 
grêle  de  pierres  que  lançaient  les  bourgeois  qui  en  occupaient  les 
créneaux.  Les  Brugeois  immolèrent  un  g^rand  nombre  de  partisans  du 
comte  :  là  furent  faits  prisonniers  Mathieu  de  Bours  et  Engelran 
Hauweel  (12 février  1339).  Le  comte  se  retira  à  Saint-Omer  et  ne  tarda 
pas  à' se  rendre  près  du  roi  de  France.  Il  avait  perdu  à  Dixmude  son 
sceau  et  tout  ce  qu'il  possédait.  Artevelde  fit  brûler  les  châteaux  de 
tous  les  nobles  qui  avaient  pris  part  à  cette  expédition.  (Chr,  de  Berne.) 

revécue  de  Lincoln  défie  Philippe  de  Valois  (pp.  420-425). 

L'évêque  de  Lincoln,  chargé  de  défier  le  roi  de  France,  s'embarqua 
à  Douvres,  aborda  à  l'Ecluse  et  se  rendit  directement  à  Paris.  Dès  qu'il 
y  fut  arrivé,  il  se  revêtit  de  ses  ornements  épiscopaux  et  se  i*endit  au 
palais  où  le  roi,  qui  venait  de  dîner,  se  promenait  avec  le  roi  de 
Navarre,  le  duc  de  Bourbon  et  quelques  chevaliers.  L'évêque  de  Lincoln, 
l'ayant  salué,  lui  présenta  les  lettres  de  défi,  en  l'exhortant  à  renoncer  au 
royaume  de  Fran  ce  et  à  se  contenter  de  son  comté  de  Valois.  Philippe  de 


fUi  N0TB8. 

YalùÎA  iiivoquait  !«•  couiuiiMs  el  U  dâciftioa  dot  pairs,  mais  Féféqna  d« 
LiBeoln  lui  demanda  li  cela  wtéUài  fait  a?eo  Taf^iNrobatîon  d«  Dies,  mar 
il  était  à  riiiiar<)tier  qoe  tout  ceux  qui  j  aTaieat  pria  part*  étaiaBt  d^ 
morts,  ai  la  roi  Edouard  a  j  aiait  Jamais  donné  son  assantimsnt.  Ls 
roi  répliqua  qu'en  Allemagne  Temperenr  n*é4aii  élu  que  pour  sa  vie  et 
que,  lors  même  qu'il  avait  des  fils,  aucun  d'eux  as  lui  soooédait,  à  moîas 
qu'il  ne  le  dût  à  son  courage  et  à  la  puissaaos  de  ses  armes;  que  toi  était 
l'ussge  qui  avait  été  suivi  de  toute  antiquité  ;  que  c*étaît  aiaai  qu'on  avait 
statué  sur  la  couronne  de  France  ;  quil  n'appartenait  point  an  roi  d'An- 
gisterrs  de  chercher  à  s'y  opposer.  A  ces  mots,  le  roi  ordonna  que  l'on 
versât  à  boire  à  Tévéque  de  Lincoln,  disant  qu'il  a*avait  Jamaia  vu  un 
meiUeur  ambassadeur.  Cependant  celui-ci  s'écria  à  haute  voix  :  c  A  Dieu 
•  ne  plaies  que  je  devienne  un  traître  et  que  Je  boive  le  via  d'un 
i  ennemi  à  qui,  du  fond  du  cmur.  Je  suis  résolu  à  faire  tout  le  mal 
c  qoe  Je  pourrai  !  •  L'évéque,  quittant  anssitéit  Paris,  se  rendit  à  Bnigss 
et  de  là  à  l'Éduse,  pour  retourner  en  Angleterre.    (Cknm.  â$  Berm.) 

Arwummtt  durtnde  France  (pp.  427-429).  —  Ce  passage  n'existe 
qoe  dans  le  manuscrit  d'Amiens.  Ls  manuscrit  porte  non  pas  :  Pvoiaia, 
mais  Plimain  (p.  428).  Cest  le  nom  que  l'on  donnait  à  la  ville  de 
Pomay,  dont  la  seigneurie  était  alors  si  importante. 

Le  roi  de  France  avait  convoqué  à  Amiens  tous  les  nobles  de  son 
royaume  le  l*'  août  1337.  Ils  y  passèrent  six  sessainss,  auds  le  roi  ds 
France  mtouma  bientôt  à  Paris,  sans  avoir  riea  fait.  On  envoya  une 
partie  des  hommes 'd'srm es  sur  les  frontières  de  la  Flandre  et  du  Hai- 
nan.  A  Toomay  se  trouvait  le  comte  d'Eu  et  son  fils  le  comte  de 
Quinee,  le  seigneur  de  Beaujeu ,  Jeaa  de  Chélons  et  beaucoup  de  che- 
valière de  Normandie  et  de  Picardie.  A  Mortagne  commandait  Oode- 
mar  du  Fay  ;  à  Cambray,  le  conte  d'Armagnac.  Le  bruit  s'était  répandu 
que  le  roi  d'Angleterre  devait  débarquer  à  Boulogne.  Philippe  de 
Valois  y  envoya  des  hommes  d'snaes  sous  lee  ordree  du  roi  de  Nsvarre 
et  du  comte  d'Alençon.  (Ckroniqne  deBime.) 

Cmbat  de  Cadtand  (pp.  429-437). 

Au  combat  de  Csdzand,  Gui  de  Flandre  avait  réuni  autour  de  lui  le 
Ducre  de  Hallewin,  Jean  de  Meetkerke,  Amoold  de  Brugdam,  Jeaa 
de  Rodes,  Jean  de  .Mesoreda  (Hemsrode?).  Oui  de  Flandre  fut  Cslt 
prisonnier  avec  700  hommes  d'armes.  Toute  TOe  de  Cadtand  fut 
livrée  à  llneendie.  Les  Bmgeois,  apercevant  les  fismmss,  prtrsat  Isa 


NOTES.  ^4S 

annes  et  accourureut  vers  l'Écluâ^  ,  maia  !««  AuglaU  si  étaient  déjà 
retires  sur  leors  navires  (9  novembre  1337). 

Gui  de  Flandre  et  d'autres  prisonniers  s'étaient  rendus  à  Gantier  de 
Mauny.  Au  mois  de  nui  1340,  il  les  céda  an  roi  d'Angleterre,  qui  lui 
fit  payer  8.000  livres. 

J'emprunte  au  manuscrit  de  la  bibliothèque  de  l'Arsenal,  148, 
p.  187,  la  relation  suivante  du  combat  de  Cadzand  : 

f  Et  ne  demeura  gaires  que  le  roj  Édouart  envoia  l'éveaque  de 
Nicole,  le  comte  de  Norantone  et  monseigneur  Gaultier  de  Mausaj  à 
tout  grant  quantentë  d'archiers  et  de  gens  d'armes  et  grant  plenté  de 
nefs,  où  il  y  avoit  plenté  de  laynes,  pour  mener  en  Flandres  et  pour 
parler  aux  Flamens  de  par  le  roy.  Et  s'aparilla  l'évesque  et  ses  gens 
et  montèrent  en  mer,  et  singlèrent  tant  et  sy  radement  qu'ils  vindrent 
contre  Gagant.  Et  quant  le  bastard  de  Flandre  et  ses  gens  les  apper- 
chnrent,  ils  cryèrent  aux  armes.  Et  quant  l'ëvesque  lentendy,  qui 
bien  sçavoit  la  voie,  luy  et  ses  gens  descendirent  à  terre,  et  les 
archiers  à  l'un  des  1^  ung  peu  devant  eulx,  et  commenchèrent  fbil  à 
traire  moult  druement  «,  et  les  gens  d'armes  à  fërir  ensemble  et  à 
combatre  bien  et  hardiment,  et  là  eult  grande  ochision  et  longue- 
ment dura.  Et  en  la  fin ,  les  Flamens  furent  desoonfis  et  i  fust  Loys 
(lisez  Gui),  le  bastard  de  Flandre ,  navrés  et  prins  et  menés  en  ne&, 
et  y  eult  bien  de  mors  xi  mil  hommes,  et  le  remanant  s'enfuy.  Ce  fut 
la  nuit  Saint-Martin  en  yver  l'an  mil  ccc  et  xxxvii.  Dont  rentra 
l'évesque  de  Nicole  et  ses  gens  en  leur  ne&,  et  tournèrent  leur 
chemin  vers  Anvers,  et  là  fist  l'évesque  deschargier  les  laynes  et  les 
sacqs,  et  puis  retournèrent  en  Engleterre  et  contèrent  au  roy  com- 
ment ils  avoient  ouvré.  Adont  n'attendy  gaires  le  roy  qu'il  ne  feist 
defiÎBndre  à  tous  les  pors  d'Engleterre  que  riens  ne  venist  en  Flandres, 
dont  cens  de  Flandres  furent  moult  esbahis  et  moult  desconfortés,  et  ^ 
moult  eurent  grant  disette,  grande  espasse  de  tamps,  car  les  gens 
de  commune  n  avoient  que  gaignier,  et  leur  en  convenoit  vridier  le 
pays.  • 

Cet  auteur  anonyme  est  le  seul  qui  mentionne  la  présence  de 
révêque  de  Lincoln  au  combat  de  Cadzand  :  cette  assertion  est  fort 
douteuse. 

Le  11  août  1337,  Gauthier  de  Mauny  reçut  le  commandement  de 
toute  la  flotte  au  nord  de  la  Tamise.  Il  en  était  encore  investi  an  moia 
de  juin  1338. 


544  NOTES. 

Ambassade  flamande  en  Angleterre  (pp.  437-443).  —  Ce  n'est  que 
dans  le  texte  dn  Vatican  qne  Froissart  mentionne  ce  voyage  de  Jacques 
d'Artevelde  en  Angleterre. 

A  cette  époque  remontent  des  dons  importants  faits  par  le  roi 
d'Angleterre  aux  chevaliers  et  aux  bourgeois  dç  Flandre.  Je  n*ai 
trouve  dans  les  rôles  les  plus  anciens  conservés  à  Londres  au  Record 
office  que  la  mention  de  trois  chevaliers  flamands.  Les  deux  pre- 
miers sont  Jean  de  Baronaige  et  Eustache  Passcharis.  Le  troisième 
est  Sohier  de  Courtray,  qui  avait  fui  en  Angleterre  au  moment  où  son 
père  était  frappé  du  dernier  supplice  à  Rupelmonde.  Des  pensions,  des 
fiefs  pécuniaires  (c'est  la  même  chose)  sont  aussi  accordés  à  Jean  de 
Moy  (?),  de  Gand,  et  à  Gilles  Peyesone,  de  Middelbourg.  Un  compte 
de  1337-1338  cite  Jean  de  Baronaige,  Eustache  Passcharis  et  Wulfard 
de  Ghistelles  comme  se  trouvant  au  service  du  roi.  Le  compte  qui  fait 
suite  à  celui-ci  mentionne  Sohier  de  Courtray.  Un  compte  de  Guil- 
laume de  Northwell,  de  la  même  époque  (il  s'étend  du  31  août  1337 
au  1 1  juillet  1338),  porte,  à  côté  des  payements  faits  à  Richard  Talbot, 
à  Gauthier  et  à  Henri  de  Mauny,  les  sommes  que  reçurent  Jean  de 
Baronaige  et  Eustache  Passcharis,  milites  de  Flandria  nvper  moranUs 
in  servitio  régis  in  partibus  transmarinis. 

On  voit  par  un  autre  rôle  que  le  roi  devait,  par  lettre  scellée,  per 
hillam,  141  livres  à  Eustache  Passcharis  et  29  livres  à  Henri  de 
Flandre,  petit-fils  de  Gui  de  Dampierre.  Des  pensions  sont  payées  éga- 
lament  à  des  bourgeois  de  Mali  nés,  de  Mons  et  de  Valenciennes.  Un 
autre  compte  mentionne  Wulfard,  Jean  et  Hanekin  de  Ghistelles, 
Jean  Fleming,  Boland,  Basset  et  Thieni  de  Soumain,  ces  trois  der- 
niers milites  de  Hannonia. 

Edouard  III  à  Anvers  (443-445).  —  Cfi-.  Jean  le  Bel,  p.  135. 

Edouard  III,  avant  de  se  rendre  à  Anvers ,  chargea  Edouard  de 
Baillol  et  Henri  de  Percy  de  garder  la  frontière  d'Ecosse.  Il  donna 
à  Robert  d'Artois  Tun  des  meilleurs  châteaux  d'Angleterre  nommé 
Nectinghen  (Nottingham ?) ,  et  laissa  son  fils  en  garde  à  Henri  de 
Beaumont.  Puis  il  s'embarqua  avec  la  reine,  ses  deux  filles,  le  duc  de 
Lancastre,  les  comtes  de  Salisbury,  d'Arundel  et  de  Sufiblk,  l'évêque 
de  Lincoln  et  un  grand  nombre  d'autres  seigneurs.  Lorsqu'il  arriva  à 
Anvers,  le  duc  de  Brabant  vint  lui  offrir  son  pays  et  tout  ce  qu'il 
possédait.  Là  l'attendaient  aussi  le  marquis  de  Juliers  et  le  sire  de 


NOTES.  5^fô 

Pauquemont.  Edouard  III  fit  décharger  ses  navires  qu'il  renvoya  en 
Angleterre  et  logea  à  Anvers  ses  archers,  qui  étaient  en  grand 
nombre.  (Chronique  de  Berne,) 

Edouard  III  s'embarqua  à  Orwell  le  16  juillet  1338.  Sa  première 
charte  donnée  à  Anvers  porte  la  date  du  22  juillet. 

Un  compte  du  heaumier  Gérard  de  Tournaj  mentionne  •  une  peye 
«  de  plates  délivrées  en  la  garde-robe  le  roy  à  And  vers.  »  Quelques 
jours  après,  il  y  tint  une  joute,  et  le  même  compte  constate  la  remise 
d'autres  objets  d'armement  •  en  la  garde  le  roy  à  Andvers,  ou  temps 
<  que  les  joustes  illoecques  estoient.  i 

Froissart,  en  rapportant  dans  la  première  rédaction  que  la  reine 
d'Angleterre  traversa  la  mer  en  même  temps  qu*Édouard  III,  a 
commis  une  erreur  qu'il  a  corrigée  dans  les  autres  textes.  La  date 
du  passage  de  la  reine  n'est  pas  connue,  mais  elle  se  trouvait  encore 
en  Angleterre  le  8  septembre  1338. 

Traités  d'Edouard  III  avec  la  Flandre  (pp.  445-448.)  Les  échevins 
des  villes  de  Flandre  s'étaient  rendus  à  Anvers  pour  saluer  Edouard  III. 

Le  12  décembre  J338,  Edouard  III,  donna  cent  livres  à  Jean  de 
Bures,  qui  lui  annonça  que  son  fils  Lionel  était  né  à  Anvers  subfelidi 
autpicii  sidère.  La  reine  Philippe  passa  près  d'une  année  dans  Tab- 
baye  de  Saint-Michel.  Le  roi  d'Angleterre  y  fonda  une  chapelle  en 
l'honneur  de  saint  Georges,  et  donna  aux  religieux  le  droit  de  patro- 
nage sur  l'église  de  Thingden,  dans  l'évéché  de  Lincoln.  Lionel  d'An- 
vers, depuis  duc  de  Clarence,  mourut  en  1368,  avant  son  père. 

Pourparlers  d: Edouard  III  et  de  ses  alliés  (pp.  448-463).  —  Cfr.,  en 
ce  qui  touche  Louis  de  Crainhem,  Jean  le  Bel,  pp.  135-148. 

On  conserve  aux  Archives  générales  du  royaume  les  comptes  des 
receveurs  du  duc  de  Brabant,  où  figurent  les  subsides  payés  par  le 
roi  d'Angleterre,  depuis  l'Ascension  1338  jusqu'à  la  Saint- Jean  1339. 
La  plupart  de  ces  sommes  étaient  empruntées  aux  Bardes  et  aux 
Parruches  (societatibus  de  Barda  et  de  Parruche).  On  rencontre  dans 
ces  comptes  de  nombreuses  mentions  de  paiements  faits  aux  comtes  de 
Looz  et  de  Salm,  aux  sires  de  Cuick,  de  Diepenbeke,  de  Dufifel,  de 
Levedale,  de  Craynhem,  de  Glymes,  de  Rotselaer,  d'Herlaer  et  d' Agi- 
mont. 

Edouard  III,  vicaire  de  Vempire  (pp.  463-469).—  Cfr.  Jean  le  Bel, 
p.  144. 

I.  ~  raoïsaAftT.  35 


540  NOTES. 

Edouard  III  m  trouYtàt  le  2S  août  à  Anvers.  Il  eet  prolMbU  qull  ee 
rendit  d*abord  à  Rhens,  où  il  y  avait  une  assamUde  dea  dlectoiiri  de 
Tempire  (le  roi  de  Bohême  seul  y  manqua) ,  et  de  lA  à  CoUenta. 
Quelques  historiens  placent  le  3  aeptembre  la  eMmonie  de  llnveati- 
ture.  Une  charte  d'Edouard  III  preuve  qu*il  ae  trouvait  le  ô  à 
Coblentz.  Ce  fut  à  son  retour  que,  par  des  lettrée  donndea  à  Malinea  le 
18  septembre,  il  invita  le  duc  de  Brabant  à  ae  rendre  à  Herok  le  12 
ooU>bre,  afin  que  la  décision  de  Tempereur  pût  lui  être  notifiée.  (Dt!«- 
TBRUS,  t.  II,  p.  626.) 

On  lit  :  Noremberch,  dans  Jean  le  Bel  et  dana  la  première  rédaction 
de  Froiasart  (p.  463).  A-t-il  eu  raison  de  modifier  cette  indication  ?  Nous  le 
pensons.  Le  28  juin  1338,  Edouard  III  écrivait  à  Pempereur  qu*il  avait 
appria  que  celui-ci  se  rendait  à  Sinach  (Hirzenaeh),  dans  la  vallée  du 
Rhin,  et  qu'il  lui  envoyait  le  comte  de  Northampton.  Cet  ambaasadeur, 
que  rejoignit  probablement  Guillaume  de  Juliers,  ne  put  arriver  en 
Allemagne  que  vers  la  mi-juillet.  Nous  savons  d'autre  part  que  I/>ui8 
de  Bavière  se  trouvait  le  14  juillet  à  Bacharach,  à  quelques  lieues 
d'Hinenach.  Nous  croyons  que  les  ambassadeurs  d'Bdonard  III  le 
suivirent  à  Francfort  où  il  passa  la  fia  de  juillet  et  le  commencement 
d'août.  Reste  à  savoir  quel  est  oe  bourg  ou  château  de  Plorenaberg, 
dont  parle  Froissart.  L'empereur  ne  ae  rendit  à  Nuremberg  que  dans 
les  derniers  jours  du  mois  de  décembre. 

Edouard  III  oherehait  à  s'aasurer  de  nombreux  alliéa  :  lea  villea  de 
Flandre  furent  lea  premières  à  loi  promettre  leur  appui.  Les  ambas- 
sadeurs anglais  s'adressèrent  aussi  à  l'empereur,  qui  était  alors  à 
Francfort.  Le  roi  d'Angleterre  iui-méme  se  rendit  près  de  lui  et  le 
trouva  entouré  d'un  grand  nombre  de  barons.  Louis  de  Bavière 
déclara  Edouard  III  soo  vicaire  et  accorda  aux  comtes  de  Oueidre  et  de 
Juliers  le  titre  de  marquis.  L'empereur  était  assis  sur  un  trône  élevé, 
d'une  admirable  magnificence:  il  était  couvert  d'uoe  robe  de  pourpre, 
était  chaussé  de  souliers  (sotalaribus)  d'or  et  portait  une  couronne 
sur  le  front.  A  ses  côtés  siégeaient  le  duc  de  Brabant  une  épée  nue 
à  la  main  et  le  duc  de  Gueldre.  L'archevêque  de  Cologne  et  d'autres 
évéques  revêtus  de  leurs  ornements  sacrés,  amenèrent  le  roi  d'Angle- 
terre vêtu  de  drsp  d'or  et  entouré  de  trois  cents  chevaliers,  devant 
l'empereur  qui  lui  remit  une  verge  d'or.  La  cérémonie  ayant  eu  lien, 
le  roi  d'Angleterre  se  rendit  à  Cologne  et  de  là  il  retourna  en  Bra- 
bant. {Càraniquê  dé  Bimi.) 


NOTES.  547 

Oe»  érënements  sont  racontés  ainsi  dans  la  chronique  anonyme  de 
Valendenies  (mannscrit  de  TArsenal),  f>  188  : 

c  Tandis  qne  la  royne  d^Engleterre  gisoit  d^enfant  en  la  ville 
d'AnTers,  comme  nous  avons  cy  tout  près  dit,  le  roy  Edouard,  son 
mary,  s'en  alla  en  Flandre  et  en  Allemagne,  et  ens  es  pays  d'environ 
ponr  parbr  à  ses  allyës  et  au  roy  d'Allemaigne  qui  estoit  empereur, 
pour  eulx  secouri'e  d'ayde,  ainsi  qu'ils  lui  eurent  en  couvent,  parmy 
ses  deniers  donnons,  dont  il  y  avoit  aucuns  qui  estoient  allyës  au  roy 
PHilippe  de  France,  et  s'ils  voloient  garder  et  tenir  leur  serment,  il 
convenoit  qu'ils  allaissent  à  l'empereur  leur  seigneur,  et  le  fesissent 
sceoir  en  siège  magestal  et  renouveler  son  empire,  et  là  feroit-il  du 
roy  d'Engleterre  son  vicaire  pour  obëyr  à  luy,  et  ainsy  furent-ils 
d'accord  qu'ils  yroient.  Sy  y  allèrent  et  trouvèrent  l'empereur  à  Con- 
venlence,  en  Allemaigne,  et  eurent  conseil  des  barons  du  pays  et  de 
l'empereur  mesmes»  qu'il  seroit  l'enouvelés  à  empereur  comment  qu'il 
en  fût;  sy  en  fist-on,  ainsy  comme  vous  orës  chy  après.  • 

On  lit  un  peu  plus  loin  : 

c  Après  le  triumphe  et  renouvellement  de  l'empereur  assis  en  siège 
superior  et  magestal  et  que  lés  haulx  et  honnourables  convives  eurent 
estes  fais  et  tenus  des  princes  et  barons  de  l'empire,  où  maintes  haultes 
et  bonnes  ordonnances  furent  jurées  et  conformées  à  l'onneur  et  exau- 
chement  du  siège  impérial,  adont  prinrent  congiet  les  princes  l'un  de 
l'autre  jusques  à  ung  jour  qui  mis  y  fut.  Si  s'en  revint  le  roi  d'Engle- 
terre en  Anvers ,  et  avoec  luy  le  sire  de  Bruhers ,  et  trouvèrent 
Jacques  d'Artevelle  qui  estoit  vennt  pour  parler  au  roy  d'Engleterre 
pour  le  pays  de  Flandres.  Sy  parla  tant  le  dit  Jacques  au  roy  et  par  sy 
raisonnables  parolles,  et  que  ceulx  de  Flandres  ne  voloient  au  roy  que 
tout  bien  et  qu'il  volsist  souffrir  que  les  passages  furent  envers  par 
quoy  marchandise  courust,  et  Jaques  feroit  tant  que  Flamens  le  servi- 
roient  à  son  besoing  et  obéiroient  à  son  commandement  en  ses  guerres. 
Et  adont  y  eult  pluseurs  parolles  dites  et  respondues  et  longuement 
furent  ensamble  à  parlement.  En  la  fin  fut  l'accord  que  Flamens  se 
debvoient  tenir  tout  quois  en  leur  lieu  et  garder  leur  pays  que  nul  n'y 
entrast,  tant  que  le  roy  d'Engleterre  et  son  conseil  yroient  en  Flandres 
parler  aux  bonnes  villes.  Et  là  en  dedens  le  dit  Jaques  parleroit  à  eulx, 
et  sur  ce  point  ledit  Jaques  print  congiet  jusques  à  une  aultre  fois.  Et 
la  roy  demeura  en  Anvers  une  espasse  avoec  le  duc  de  Brabant,  le 


548  NOTES. 

conte  de  H^ynault  et  Jehan  de  Beaomont,  lesquels  prièrent  tant  et  la 
rojne  ossj  audit  conte  de  Haynault  que  les  osts  du  roy  d^Engleterre 
peussent  passer  parmy  le  pays  de  Haynault,  sans  nul  tort  faire  à  luy 
et  par  bien  payer,  et  tant  luy  prièrent  qu'il  Tottroia  par  le  conseil  du 
duc  et  de  monseigneur  Jehan  de  Beaumont.  • 

La  déclaration  suivante  du  comte  de  Gueldre  offre  des  détails  inté- 
ressants : 

i  CR  SONT  LES  POINTS  ET  LES  MESSAGES  DONT  NOUS,  RENAUD,  COMTE  DR 
OUBLDKB  ET  DE  ZUTPHEN,  AVONS  àTÛ  CHAROéS  PRES  DU  COMTE  ET  DU 
COMMUN  PAYS  DE  FLANDRE. 

<  D'abord  nous  requérons,  au  nom  de  l'empereur ,  le  comte  de 
Flandre  de  se  rendre  près  de  lui  ou  près  de  son  vicaire,  afin  de  relever 
certains  fiefs  comme  il  y  est  tenu  de  droit. 

i  Nous  requérons  le  commun  pays  de  Flandre  d'y  engager  le  comte 
et  de  Taider  à  faire  ce  qu'il  est  tenu  de  faire  vis-à-vis  de  l'empereur, 
de  son  vicaire  et  de  l'empire. 

«  Nous  faisons  savoir,  au  nom  de  Tempereur,  au  comte  et  au  commua 
pays  de  Flandre,  que  l'empereur  a  tenu  à  Coblentz  une  cour  de  justice, 
dans  tout  l'éclat  de  sa  dignité  impériale,  entouré  des  électeurs  qui  s'y 
étaient  rendus,  tels  que  l'archevêque  de  Mayence,  l'archevêque  de 
Trêves,  le  comte  Palatin  du  Rhin  et  le  duc  de  Saxe,  et  des  députés  qu'y 
avaient  envoyés  les  deux  autres  électeurs,  l'archevêque  de  Cologne  et 
le  marquis  de  Brandebourg,  ainsi  que  de  beaucoup  d'autres  ducs,  mar- 
quis, barons,  seigneurs,  chevaliers  et  commun  peuple  là  présents,  et 
qu'il  y  a  été  décidé  en  droit  que  si  l'empereur  ou  son  vicaire  jugeait 
convenable  de  défendre  et  de  recouvrer  le  droit  de  l'empire  et  de  répa- 
rer les  torts  faits  à  l'empire,  chacun  serait  tenu  de  le  suivre  aussi  loin 
que  l'empereur  ou  son  vicaire  le  jugerait  convenable.  Il  y  fut  aussi 
jugé  que  si  quelque  feudataire  de  l'empereur  ou  de  l'empire  refusait 
de  suivre  l'empereur  ou  son  vicaire  dans  le  cas  susmentionné,  tous  les 
biens  qu'il  tiendrait  de  l'empire  rentreraient  dans  la  main  et  au  pou- 
voir de  l'empereur. 

<  Il  y  fut  aussi  jugé  qu'un  véritable  vicaire  de  l'empire  possède  pour 
agir  et  pour  faire  droit,  tous  les  pouvoirs  qui  appartiennent  à  un 
véritable  empereur.  Ce  jugement  fut  prononcé  par  l'archevêque  de 
Trêves,  au  nom  des  électeurs  et  des  pairs  de  l'empire;  et  là  furent 
aussi  prononcés  d'autres  jugements,  dont  nous  ue  faisons  point  men- 
tion ici. 


NOTES.  549 

«  A  la  coar  de  justice  tenue  par  Tempereur  à  Coblentz  était  présent 
le  roi  d'Angleterre  qui,  à  la  prière  de  l'empereur  et  de  Tassentiment 
général  des  électeurs,  fut  créé  et  établi  vicaire-général  de  Tempire 
dans  toutes  les  Germanies  et  dans  toutes  les  Allemagnes,  et  dans 
toutes  les  provinces  et  dans  tous  les  pays  qui  en  dépendent. 

€  Aussitôt  après,  le  roi  d'Angleterre,  vicaire  de  Tempire,  envoya 
ses  lettres  au  duc  de  Brabant,  au  comte  de  Flandre,  au  comte  de 
Haînaut  et  anx  prélats  et  seigneurs  feudataires  de  Tempire,  dont  les 
domaines  se  trouvent  par  delà  la  Marche  de  Cologne,  afin  qu'ils  se 
rendissent  à  Malines,  à  un  certain  jour  fixé,  pour  l'entendre;  car  il  se 
proposait  d'y  prononcer,  an  nom  de  l'empereur,  tels  jugements  qu'il 
appartenait  à  l'empereur  de  prononcer,  et  il  voulait  s'entretenir  avec 
eux  des  grandes  affaires  qui  concernaient  Tempire,  auquel  jour  le 
comte  de  Flandre  envoya  ses  députés  qui  recommandèrent  le  comte  au 
vicaire  de  l'empire,  en  lui  annonçant  que  le  comte  était  prêt  à  faire 
vis-à-vis  de  l'empereur,  de  son  vicaire  et  de  Tempire,  ce  qu'il  éfait 
tenu  de  faire.  Après  cette  déclaration,  nous  requîmes,  au  nom  de 
l'empire,  le  roi  d'Angleterre,  vicaire  de  Tempereur,  qu'il  permît  au 
comte  de  venir  relever  son  fief  comme  il  y  est  tenu,  et  qu'il  l'exhortât 
à  aider  l'empereur  ou  son  vicaire  à  reconquérir  les  cités  qui  avaient 
été  enlevées  à  l'empire  et  à  réparer  les  torts  faits  depuis  longtemps 
au  droit  de  l'empire,  ce  sous  peine  de  forfaire  les  fiefs  qu'il  tient  de 
l'empire. 

<  Nous  faisons  savoir,  au  nom  de  l'empereur,  que  depuis  lors  nous 
avons  été  envoyé  par  l'empereur  vers  le  dit  comte  et  le  commun  pays 
de  Flandre,  et  attendu  que  l'empereur  n'a  reçu  aucune  réponse,  il 
nous  a  chargé  de  déclarer  ce  qui  suit  au  dit  comte  et  au  commun  pays 
de  Flandre  :  le  comte  et  ses  sujets  ont  été  dépouillés  par  la  couronne 
de  France  de  grands  biens  qui  autrefois  leur  ont  appartenu.  Or,  le 
le  comte  de  Flandre  est  le  feudataire  de  l'empereur,  et  si  le  comte  et  le 
pays  de  Flandre  déploraient  le  dommage  qui  leur  a  été  causé,  il  serait 
prêt  à  les  protéger  dans  leurs  corps  et  dans  leurs  biens,  et  à  les  aider 
avec  toute  sa  puissance  à  reconquérir  les  châtellenies  de  Lille,  de  Douay 
et  de  Béthune,  dont  ils  ont  été  dépouillés,  et  pour  qu'ils  en  soient  plus 
certains,  l'empereur  est  prêt  à  s'y  engager. 

«  Nous  requérons  aussi  le  comte  de  Flandre,  au  nom  du  roi  d'Angle- 
terre comme  roi  de  France  et  d'Angleterre,  de  reconnaître  ce  qui  est 


550  NOTES. 

de  droit  et  de  raison,  et  de  se  rendre  près  du  roi  pour  relever  le«  fiefs 
qu'il  tient  de  la  couronne  de  France,  car  il  est  Fun  des  pairs  de  France, 
et  le  roi  d'Angleterre  est  roi  légitime  de  France. 

i  Nous  requérons  aussi,  au  nom  du  roi  de  France  et  d'Angleterre, 
les  trois  bonnes  villes  de  Gand,  de  Bruges  et  d^Ypres  et  le  commun 
pays  de  Flandre,  d'examiner,  conmie  personnes  sages  et  pleines  de 
conscience,  le  droit  et  la  justice ,  et  de  conseiller  le  comte  leur  sei- 
gneur, en  l'aidant  à  faire  ce  qu'il  est  tenu  de  faire,  de  teUe  sorte  qu^il 
relève  son  fief  du  roi  de  France  et  d'Angleterre,  et  Taide  à  recoun^er 
son  royaume  qui  lui  a  été  injustement  enlevé,  car  il  est  le  légitime 
héritier  de  la  couronne  de  France. 

c  S'il  arrivait  que  le  puissant  seigneur,  cousin  du  roi  de  France  et 
d'Angleterre,  qui  occupe  le  trône  de  France,  voulût  prétendre  que  la 
couronne  de  France  ne  peut  pas  se  transmettre  légitimement  par  les 
femmes,  mais  seulement  aux  hommes,  il  faudrait  entendre  cette  cou- 
tume en  ce  sens  que  l'héritage  passe  à  l'héritier  mâle  le  plus  proche»  et 
il  est  assez  connu  que  le  roi  d'Angleterre  est  fils  d'une  soeur  du  roi  de 
France,  tandis  que  son  cousin  qui  occupe  le  trône,  n'est  que  le  fils  de 
l'oncle  de  sa  mère.  On  a  vu  un  comte  de  Flandre  épouser  une  sœur  du 
roi  de  France;  à  la  mort  du  roi,  la  reine  son  épouse  lui  survécut  avec 
postérité,  et  le  comte  de  Flandre  fut  régent  de  France;  parce  qu'il 
avait  épousé  la  sœur  du  roi  défunt,  mais  le  fils  de  la  reine  devint  roi. 
Par  ce  motif  et  par  beaucoup  d'autre,  le  roi  d'Angleterre  soutient  que 
la  couronne  de  France  lui  appartient  légitimement,  et  tel  est  aussi 
l'avis  de  doctes  clercs  et  de  laïcs  de  bonne  conscience  qui,  étrangers 
aux  deux  partis,  maintiennent  que  la  couronne  de  France  lui  revient 
de  droit. 

«  Puisque  le  droit  ne  peut  se  passer  d'appui,  le  roi  de  France  et 
d'Angleterre  requiert  comme  prince  souverain  le  commun  pays  de 
Flandre  de  se  montrer  (lors  même  que  le  comte  n'exécuterait  pas  les 
conseils  qui  lui  seraient  donnés)  fidèle  à  Dieu  et  au  bon  droit,  et  de 
l'aider  à  recouvrer  son  droit.  Le  roi  est  prêt  à  réparer  le  tort  que  la 
couronue  de  France  a  fait  éprouver  au  pays  de  Flandre  en  le  dépouil- 
lant d'une  grande  partie  de  son  territoire,  à  assurer  à  ses  habitants  de 
telles  libertés  et  à  les  combler  de  tels  bienfaits,  qu'eux  et  leurs  succes- 
seurs en  conserveraient  à  toujours  la  mémoire. 

«  Si  Tavis  du  comte  et  commun  pays  de  Flandre  est  d'aider  le  roi. 


NOTES.  551 

noM  Renaiid,  comte  de  Queldre,  sommes  aatorisé  &  assurer  au  comte 
et  an  pays  de  Flandre  les  avantages  suivants,  savdr  : 

i  Que,  si  Diea  loi  accorde  la  couronne  de  France,  il  fera  battre 
perpétuellement  une  bonne  monnaie,  semblable  à  celle  du  roi  saint 
Louis; 

i  Qu'il  fera  revivre,  pour  le  profit  et  Futilité  des  métiers  du  pays 
de  Flandre,  toutes  les  coutumes  et  tous  les  bons  usages  que  les  rois 
de  France  aient  jamais  établis  ; 

c  Qu'il  établira  en  Flandre  l'étape  des  laines,  selon  Favis  des  bonnes 
gens  de  Flandre  ; 

•  Qu'il  les  aidera  à  reconquérir  les  obâtellenies  de  Lille,  de  Douay 
et  de  Béthune,  pour  les  réunir  perpétuellement  au  comté  et  pays 
de  Flandre; 

c  Qu'il  révoquera  à  toigours  toutes  sentences,  amendes,  obligations 
et  antres  servitudes  qui  leur  auraient  été  illégitimement  imposées  par 
la  couronne  de  France  ; 

c  Qu'il  préservera  le  pays  de  Flandre  de  tout  brigandage  ; 

c  Qu'il  ne  conclura  à  l'avenir  aucun  traité,  si  oe  n'est  d'un  commun 
aeoord  avec  le  comte  et  le  pays  de  Flandre ,  et  qu'il  accordera  au  pays 
de  Flandre  toutes  les  libertés  qu'il  serait  en  son  pouvoir  de  lui  donner 
(Archives  d'Ypres).  » 

L'empereur  annonça  aux  échevins  d'Ypres  l'élévation  d'Edouard  III 
au  vicariat  impérial  par  les  lettres  suivantes  : 

c  Ludovicus,  Dei  gratia,  Romanorum  imperator,  semper  augustus^ 
prudentibus  viris,  seabinis,  consulibus,  totique  communitati  oppidi 
Ypr»,  suis  et  imperii  fidelibus  dilectis,  gratiam  suam  et  omne  bonum. 
Quum  est  cœteris  nostris  subditis  et  fidelibus  manifeetum ,  a  vestra 
sdmus  non  esse  notitia  peregrinum,  videlicet  qualiter  nos  contra  Phi- 
lippum  de  Vafosio  pra  rege  Francise  se  gerentem  et  alios  nostix»  ac 
sacri  roniaai  imperii  adversarios  et  rebelles,  nostrorum  ac  dicti  imperii 
bonorum,  jurium  et  honorum  violentes  occupatores  et  illicitos  deten- 
torts,  pro  recuperadone  dictorum  bonorum,  jurium  et  honorum,  nos- 
tros  lalices  progressus  brachio  potenti  in  proximo  dirigere  proponi- 
mus.  Domino  disponente.  Quare  vobis,  sub  fide  qua  nobis  et  sacro 
romano  imperio  firmiter  estis  astricti,  praocipendo  mandamus  quate- 
nus  reoeptis  prœsentibus  statim  decentiori  modo  quo  poteritis,  pro 
hi^usmodi  progressibus  nostris,  vos  prsBparetis  ao  vestros  prseparari 


5o2  NOTES. 

fadatis.  Et  quia  nos  illustrem  Edwardum,  regem  Anglise,  fratrem  nos- 
trum  karissimum,  nostrum  et  imperii  constituimus  vicarium  gênera- 
lem,  prout  in  noatris  litteris  patentibus  sibi  inde  confectia  seriosiua 
continetur,  Tolumns  et  districte  prœcipiendo  mandamus  quatenus 
eodem  régi  Anglise  nostro  et  imperii  Ticario,  tam  pro  noatris  et  dicti 
imperii  quam  eois  bonis,  jnribns  et  honoribus  recuperandis,  favorabi- 
liter  sitis  intendentes,  quantumcunque  per  ipsum  tanquam  nostrum  et 
imperii  vicarium  fueritis  requisiti.  Vestram  etiam  laudabilem  animo- 
sitatem  et  animosam  constantiam,  quibus  viriliter  et  potenter  insistitis 
ut  terra  vestra  virîs  sceleratis  et  transgressoribus  ac  prœcipue  nostris 
et  imperii  inimicis  et  rebellibus  vacuetur,  specialiter  commendamus, 
rogantes  ut  féliciter  inceptis  usque  ad  ezterminium  dictorum  rebel- 
lium  felicius  insistatis,  nosque  brachii  nostri  virtutem  in  auxilium 
vestrum  eztendere  proponimus,  Deo  dan  te.  Datum  Franchenfurt , 
XII  la  die  menais  martii,  regni  nostro  anno  vicesimo  quinto,  imperii 
vero  duodecimo.  t 

Sac  de  Southampton  (pp.  469-471).  —  C'est  en  1337  que  la  ville 
de  Southampton  fut  brûlée  par  les  Français,  et  ce  fut  Tun  des  événe- 
ments qui  contribuèrent  le  plus  à  Texpédition  d'Edouard  III  à  Anvers. 
Le  24  mars  1338,  les  Normands  pillèrent  et  brûlèrent  Portsmouth. 
La  terreur  était  si  grande,  qu'au  mois  d'octobre  1338  on  enfonça  des 
pieux  dans  la  Tamise  pour  fermer  le  passage  à  toute  flotte  ennemie. 

Assemblée  de  Serck  (pp.  471-480),  —  Cfr.  la  seconde  rédaction 
et  le  texte  de  Jean  le  Bel,  p.  147-150.  —  Ce  fut  à  Louvain ,  à  la  fête 
de  l'Exaltation  de  la  Sainte-Croix,  qu'Edouard  III  léunit  ses  alliés, 
savoir  :  le  marquis  de  Brandebourg,  flls  de  l'empereur  Louis  de 
Bavière,  le  duc  de  Brabant,  le  comte  de  Gueldre,  le  marquis  de 
Juliers,  les  comtes  des  Mons  et  de  Namur,  le  seigneur  de  Fauquemont 
et  Jean  de  Hainaut,  qu'il  avait  créé  maréchal  de  son  armée. 

L* armée  anglaise  à  Vilvorde(]^p.  480-486).  —  Cfr.  la  seconde  rédac- 
tion et  le  texte  de  Jean  le  Bel,  pp.  150-152. 

Chevatichée  de  Gauthier  de  Mauny  (pp.  487-493).  —  Froissart  dut 
peut-être  ces  détails  à  Gautier  de  Mauny  lui-même.  L'abbesse  de 
Denain  se  nommait  Agnès  de  Lywerde. 

Armements  du  roi  de  France  (pp.  493-494).  —  Philippe  de  Valois, 
pour  s  attacher  les  bourgeois  de  Cambray,  letir  avait  accordé  dans  tons 
son  royaume  des  privilèges  irrévocables  ;  il  avait  fait  augmenter  à  ses 


NOTES. 


â53 


frais  les  fortifications  de  la  ville,  et  Ton  avait  élevé  de  nouvelles  tours, 
garnies  de  barbacanes  et  deponts-levis.  De  nombreux  hommes  d'armes 
avaient  été  envoyés  à  Boulogne,  au  Crotoy,  à  Saint- Valéry,  à  Abbe- 
ville,  à  Saint-Riquier  et  dans  tout  le  Ponthieu.  Un  pirate,  nommé 
Marraut,  était  chargé  de  garder  le  rivage  avec  4,000  soldats  venus  de 
Toulouse  et  de  Bayonne  ;  mais  on  avait  négligé  de  placer  une  garnison 
à  Caen,  ce  qui  fut  plut  tard  la  cause  de  grands  malheurs.  (Chronique 
de  Berne.) 


TABLE. 


Prologue 1 

Faiblesse  d'Edouard  II 14 

Mariage  d'Edouard  II  et  d'Isabelle  de  France  ....  18 

Origine  des  guerres  de  France  et  d'Angleterre.     ...  20 

Influence  de  Hugues  Spencer 22 

Supplice  du  comte  de  Lancastre 24 

Fuite  de  la  reine  d'Angleterre 26 

La  reine  d'Angleterre  en  France  . 28 

Le  roi  de  France  favorise  Spencer 34 

Charles  le  Bel  abandonne  sa  sœur 3P 

I^  reine  d'Angleterre  quitte  la  France 43 

Le  sire  de  Beaumont  se  rend  au  devant  de  la  reine     .     .  48 

Le  sire  de  Beaumont  offre  son  épée  à  la  reine  ....  51 

La  reine  d'Angleterre  à  Valenciennes 54 

Le  sire  de  Beaumont  persiste  dans  son  projet  ....  60 

Préparatifs  de  l'expédition 61 

La  reine  aborde  en  Angleterre 66 

La  reine  marche  vers  Bristol 72 

Prise  de  Bristol 75 


556  TABLE. 

Mort  de  Hugues  Spencer 78 

Edouard  II  tombe  au  pouYoir  de  la  reine 80 

Triomphe  de  la  reine 83 

Edouard  II  est  conduit  au  château  de  Bercler  ....  84 

Supplice  de  Hugues  Spencer  le  jeune.     .  » 87 

Départ  des  Hainujers 88 

Le  Parlement  s'assemble 95 

Couronnement  d'Edouard  III 98 

Départ  de  Jean  de  Hainaut 101 

Le  roi  d'Ecosse  défie  Edouard  III 104 

Jean  de  Hainaut  retourne  en  Angleterre 108 

Jean  de  Hainaut  arrive  à  York 112 

Émeute  à  York 115 

Péril  des  Hainujers 122 

Les  Hainu  jers  à  York 129 

Invasion  des  Écossais 131 

Marche  de  Tannée  anglaise 138 

Difficultés  de  l'expédition .143 

Les  Anglais  sur  la  Tyne 147 

Souflfrances  des  Anglais 149 

La  pluie  grossit  la  rivière 150 

Les  Anglais  reçoivent  quelques  vivres 152 

Murmures  des  Anglais 155 

On  découvre  les  Écossais 157 

Les  Anglais  se  portent  en  avant 160 

Les  Anglais  se  rangent  en  ordre  de  bataille 161 

Cris  des  Écossais 163 

Escarmouches  entre  les  deux  armées 165 

Les  Anglais  en  présence  des  Écossais 166 

Les  Écossais  occupent  une  autre  position 168 

Nouvelles  escarmouches 168 

Attaque  de  Guillaume  de  Douglas 170 

Alarmes  des  Anglais 171 

Retraite  des  Écossais 173 

Les  Anglais  au  camp  des  Écossais 175 

Retraite  des  Anglais 178 

Edouard  III  à  Durham 179 

Retour  à  York 182