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OEUVRES
DB
FROISSARI
AVEC l.e:s variantes des divers manuscrits
PAR
mft. %^s> ft>sfe.pon KBRVYnr db cbtxbivhovb
Membre de rAcadâniie royal» de Belgique,
nt <!«• rin»atut de France, de TAcadémie de Miroicli, «te.
CHRONIQUES
TOME QUINZIÈME
ij^pgis 1» meurtre de sire de CIImod jntqu'k la bataille de Nicopoli.)
BRUXELLES
nOMI^Y^K"^ UHIYBRSEL D^IMPRIMERIK ET DB LIBRAIRIE
RDE 8AINT-JEAX, 26
1872
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OEUVRES
F ROI S S ART.
il : « ♦; * Digitized by CjOOglC
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OEUVRES
DB
FROISSÂRT
publién
AYBC LES TA RIANTES DES DIVERS MANUSCRITS
PAR
C9mKpmiàM et riaciliM de KniiM, àè rAeaMmie d« M anlch, ete.
CHRONIQUES
TOME QUINZIËMS
i8O0-i3ee
(Scpab U MUttN de lirt d« Cliiaw jaiqu*! It bftUUIc d« Kieopoli )
BRUXELLES
cov»TOim rnnmssL d^ihprihbrib et db libraibib
ROB tAINT-JKASI, 36
1871
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CHRONIQUES DE FRANCE,
D'ENGLETERRE, D'ESCOCE, DE BRETAIGNE,
. D'ESPAIGNE, DTTALIE, DE FLANDRES
ET D'ALEMAIGNE.
Vous avés bien cy-dessus oy parler et proposer comment
messire Pierre de Craon , lequel estoit ung chevallier de
France de grant lignage et de grant affaire, fut eslongié de
la grâce du roy et de son amour et du duc de Thouraine
son firère, et par quelle * occoison *. Se cause y avoit d'avoir
coTUTouchié si avant le roy et son frère, ce fut mal fait, et si
bien oy recorder comment il estoit venu en Bretaigne delés
le duc, et luy avoit dit et compté toutes ses ' meschéances ^.
Le duc y avoit entendu par cause de lignage et de pitié , et
luy avoit ainsi dit que Olivier de Glichon luy avoit tout
promeu et brassé ce contraire.
•^ AchoÎBon. — ••* Infortanes.
XV. -— FROISSàRT. 1
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Z HEORTU
0r pôvent aucuns supposer que ^ de ce il Favoit infourmé
et * enflambé ' pour tant que sur le dit connestable il avoit
grant hajne et ne le sçavoit comment honnir et destruire ,
et messire Pierre de Graon estant dalés le duc de Bretaigne «
souvent ils parloient ensemble et devisoient de messire
Olivier de Clichon ^ comment et par quelle manière ils le
mettroient à mort, car bien disoient que s'il estoit occis par
quelque voye que ce fuist^ nul n'en feroit guerre, ne contre-
vengance , et trop se repentoit le duc que il ne Tavoit ^ fait
morir ^ quant il le tint à son aise ens ou chastel de FEr-
mine dalés • Nantes ^ ; et voulsist bien que du sien il luy
euist cousté cent mil frans et il le tenist à sa voulenté.
Messire Pierre de Graon qui se tenoit delés le duc et con-
sidéroit ses paroles et comment fort le duc hayoit Clichon,
proposa une trop merveilleuse ymagination en soy-meismes ;
car par les apparans se jugent les choses. Il s'advisa, com-
ment que ce fuist, que il metteroit à mort le connestable '
et n*entenderoit jamais à autre chose, si Fauroit occis de sa
propre main ou fait occir , et puis on traitteroit de la paix.
Il ne doubtoit ainsi que néant Jehan de Blois qui avoit sa
fille , ne le fils au visconte de Rohen qui avoit Fautre. Avec
Fayde du duc et de son lignage il se cheviroit bien contre
ces deux , car ceulx de Blois estoient encoires trop afibiblis
et amendris, et si avoit le conte Guy de Blois vendu Féritage
de Blois qui devoit retourner par succession d'oirrie à ce
conte de Pentôvre Jehan de Blois et vendroit au duc de
Thouraine. Là luy avoit-il monstre petite amour et confidence
et alianpe de lignage. Et, se ce fait estoit advenu et Clichon
mort , petit à petit on destruiroit teus les marmousets du
roy et du duc de Thouraine, c'est-à-entendre le seigneur de
•-• D'ire le duc aroit esté. — • D'ire. — *■■ Occia.. Fait occire. —
•-' Yennea. — •De France.
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la Rivière , messire Jétan le Merchier , Montagu, le Bègue
de Vellayimes , messire Jehan de Buel et aucuns autres de
la chambre duroy, lesquels aydoient à soustenir Toppinion
du connestable ; car le duc de Berry et le duc de Bour-
goingne ne les aymoient que ' moult * petit pour plusieurs
causes» quelque semblant que ils leur monstrassent.
U advint que il persévéra en sa mauvaiseté, et tant con-
sidéra le dit messire Pierre de Craon ces besongnes et
soubtilla sus par mauvais argu et par l'ennort de Tennemy
qui oncques ne dort , mais veille et resveille les cuers des
mauvais qui à luy 8*enclinent» et jetta tout son fait devant
ses yeulx avant que il en osast riens entreprendre en la
fourme et maoière que je vous diray, et, se il euist justement
' pesé ^ et ymaginé les doubtes et les périls et les grans
meschiefe qui par son fait en povoient venir et descendre
et qui depuis en descendirent , raison et attemprance
y euissent eu en son cuer autrement leur lieu que elles
n*orent. Mais on dist , et il est vérité , que le grant désir
que on a aux choses que elles adviengnent, estaindent^e
sens , et pour ce sont les vices maistres et les vertus vio-
lées et corrompues ; car pour ce par espécial que le dit
messire Pierre de Craon avoit si très-grande affection à la
destraction du connestable , il s*enclina et accorda de tous
poins aux consauls d*oultrage et de folie , et luy estoit
advis en proposant son fût , mais que saulvement il peuist
retourner en Bretaigne par devers le duc , le connestable
mort j il n*aroit jamais garde que nuls le venist là querre ,
car le duc l'aideroit à délivrer et à excuser ; et au fort ,
se la puissance du roy estoit si grande que il en voulsist
faire fait et le venist querre en Bretaigne , sur une nuit ils
se mettroit en ung vaissel et s'en yroit & Bourdeaulx ou &
*-• Ung, — " Pente.
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Baïonne ou en Angleterre. Là ne seroit pas ponrsièuvy ,
car bien savoit que les Anglois le hayoient mortelment
pour les grans cruaultés qu*il leur avoit fais et consenti à
faire depuis les jours que il s'estoit retourné francois , car
en devant il leur avoit fait plusieurs grans etbeaulx
services, sicomme ils sont contenus et devises notoirement
icy-dessus en nostre histoire.
Messire Pierre de Craon, sicomme vous oés, pour accom-
plir son désirier, avoit de long temps en soy-meismes pro-
posé et jette son &it , et & nulluy ne s*en estoit descouvert.
Je ne puis pas savoir se oncques il en avoit parlé au duc
de Bretaigne : les aucuns supposent que ouy , et les autres
non. Mais la cause de la suspection de plusieurs est pour
tant que le ^ dit &it * par luy et par ses complices commis,
le plus tost comme il pot et par le plus brief chemin qu'il
sceut tenir, il s*en retourna en Bretaigne et s*en vint
comme à saulf-garant et & reffiige devers le duc de Bre-
taigne , et oultre en avant le fSut il avoit rendu et vendu
ses chastiaulx et ses hiretages que il tenoit en Anjou au duc
de Bretaigne et renvoyé au roy de France son hommage «
et se faindoit et mettoit en avant qu'en brief temps il se
mettroit au chemin pour voyagier oultre mer. De toutes ces
choses je me passeray brieânent, mais je vous esclarchiray
le fSEÛt, car je Jehan Froissart, acteur et proposeur de ceste
histoire , pour ' les jours ^ que le meschief advint sur le
connestable de France messire Olivier de Glichon , j'estoye
à Paris. Si en deuls par raison estre bien infourmé selon
Tenqueste que j'en fis.
Vous savés ou devés savoir que pour ce temps le dit
messire Pierre de Graon avoit en la ville de Paris en la
^ cymentiôre * que on dist Saint- Jehan ung moult bel hostel
* • Délit. — »-* Le temps. — *•• Cymetière.
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DU COmiÉTABLE. 5
ainsi que plusieurs grans seigneurs de France y ont , pour
& leur aise là avoir leur retour. Gel hostel , ainsi que cous-
tome est , il le feiisoit garder par ung concierge. Messire
Pierre de Craon avoit envoyé dès le quaresme prenant à
Paris ou dit hostel de ses varlets qui le servoient pour son
corps , et par yceulx &it Fostel pourveoir bien et largement
de vins et de pourvéances, de* farines , de chars , de sel et
de toutes choses qui appartiennent à ung hostel. Âveuc tout
ce il avoit rescript au concierge que il luy achetast des
armures , cottes de fer , gantelets, coiffâtes d*achier et tels
choses pour armer quarante compaignons , et quant il en
seroit pourveu il luy signiâast et il les envoieroit quérir ,
et que tout ce il feist secrètement. Le concierge qui à nul
mal ne pensoit et qui vouloit obéir au commandement de
son maistre , avoit quis , pourveu et acheté toute ceste
marchandise.
Tout ce terme pendant de ces besoingnes faisant , se
tenoit encoires en Anjou en ung chastel de son héritage et
envoioit compaignons fors , hardis et oultrageux , une
sepmaine deux , Fautre trois, Tautre quatre « tout secrète-
ment et couvertement à Paris en son hostel. A leur dépar-
tement il ne leur disoit pas pourquoy c*estoit à faire, mais
bien leur endittoit : a Vous venus à Paris, tenés-vous des
« biens de mon hostel tous aises , et ce que il vous
« ^ besongne * , demandés-le au concierge. Vous Taures
« tout prest, et point ne vous admonstrés pour chose
« qu*il soit. Je .vous ' ensonniray * ung jour tout acertes et
c vous donray bons gaiges. »
Cils sur la fourme et estât qu*il leur disoit , ouvroient et
venoient à Paris et y entroient de nuit ou de matin , car
pour lors les portes de Paris nuit et jour estoient ouvertes.
*-• Sera mestier. — ■-* Gontenteray.
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6 HEURTKB
Tant se y amassèrent que ils forent environ quarante com-
paignons hardis et onltrageux : d*aatres gens navoitle dit
messire Pierre que faire , et de ceulx il en y avoit plu*
sieurs que, se ils euissent sceu pourquoy c*estoit à faire ^
jà ils n y euissent entré , mais de descouvrir '^on secret il
se gardoit ^
Messire Pierre de Craon environ la Penthecoste ou les
festes , il vint * quoiement ' à Paris et se bouta en son
hostel , non mie en son estât , mais tout ainsi habillié que
les autres y estoient venus. Il demanda le varlet qui gar-
doit la porte : « Je te commande sur les yeulx de ta teste
« à crever , dist messire Pierre de Craon, quant il fut
« venu en son hostel , que tu ne mettes chéens ne homme,
« ne femme, ne laisses yssir aussi, se je ne le commande. »
Le varlet obéy , ce fat raison. Aussi flst le concierge qui
avoit la garde de Tostel. La femme du qpncierge , ses
enfians et la * baisselle * on faisoit tenir en une chambre
sans point yssir. Il avoit droit , car , se femme ou enffans
fuissent aies sur les rues, la venue de messire Pierre de
Craon euist esté tantost sceue, car joeunes enfians et femmes
par nature* choillent^ envis ce que ils voient' et ce que
on vœlt celler.
En cel estât et arroy que je vous compte, farent-ils là
dedens cel hostel enclos jusques au jour du Saint-Sacrement,
et avoit tous les jours ses espies allans où il les envoioit et
retoumans vers luy, qui espioient sur son • fait et luy rap-
portoient la vérité de ce que il vouloît savoir, et n'avoit
point encoires le dit messire Pierre de Craon jusques à ce
jour du Sacrement veu son • cop i®, dont il s'en anoyoit bien
en soy-meismes.
' Bien. — " Secràtement. — ^ Chambrière.. Meschine. —
** Cèlent. — • Estât et sur tout son. — •-*• Heure.
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DU CONNÉTABLE. 7^
Or advint que ce jour du Saint-Sacrement le roy deu
France en son hostel de Saint-Pol à Paris avoit tenu de
tous les barons et seigneurs qui pour ce jour estoient à
Paris, court ouverte. Et fut ce jour le roy en^grant
soulas, et aussi fut la royne et la duchesse de Thouraine.
Et pour les dames solacier et le jour persévérer en joye
après disner dedens Fenclos de l'ostel de Saint-Pol de Paris
les jeunes chevalliers et escuiers montés sur coursiers et.
tous armés pour la jouste la lance ou poing estoient là venus
et avoient jousté fort et roidement , et forent ce jour moult
belles les joustes et voulentiers veues du roy , de la royne , :
des dames et damoiselles , et ne * disnèrent ' point jusques
au soir , et eut le pris pour le mieulx joustant par le record
des dames , premièrement de la royne de France , de la
duchesse de Thouraine et des héraulx à ce ordonnés du
donner et du jugier , messire Guillemme de Flandres , :
conte de Namur , et donna le roy le soupper à ^ Saint-Pol
à tous les chevalliers qui y vorrent estre, et après ce soup-
per on dansa et carola jusqaes à une heure après mye-nuit.
Après ces danses on se départy et se traist chascun ^ à son
hostel sans doubte et sans gait , l'un « après l'autre '.
Messire Olivier de Clichon , connestable de France pour
lors , se départy, tout dernièrement , et avoit priiis congié
au roy, et s'en estoit revenu par la chambre du duc de
Thouraine et luy avoit demandé : « Monseigneur, demou-
« rés-vous icy ou* vous retournerés chiés • Poulain *^? » Ce
Poulin estoit trésorier du duc de Thouraine et demouroit.
à la Croix du Tiroir assés près de l'ostel au Lyon d'Argent.
Le duc de Thouraine luy avoit respondu et dit : « Connes-
« table , je ne sçay encoires du demeurer ou du retourner.
• Très. — ■-• Cessèrent. — * L'ostel de. — • A son logeis ou. —
•-' Cà, raotre là. - • Si — •« Paulain,
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8 VEDRTftB
a Alésrvous ent » il est meshuy bien heure du partir pour
« vous. » Dont prist à ceste parole le connestable congié
au duc de Thouraine en disant : a Monseigneur , Dieu vous
a doinst bonne nuit !» et se départy sur cel estât et vint en
la place devant Fostel de Saint-Pol et trouva ses gens et
ses chevaulx qui l'attendoient , et tout compté il n'y avoit
en sa compaignie que huit hommes et deux torses lesquelles
les varlets alumèrent si tost que le connestable fut monté ,
et les portèrent devant luy , et se misrent au chemin tout
parmy la rue pour rentrer en la grant rue ^ de relise
Saint-Berthelémy *.
Messire Pierre de Graon avoit ce soir si bim espié que
il scavoit tout le convenant du connestable et comment il
eetoit demeuré derrière et de ses chevaulz qui Fattendoient.
Si estoit party et yssu hors de son hostel et ses gens tous
armés à la couverte et tous montés sur leurs chevaulx , et
n*y avoit de ceulx de sa route pas six qui soenissent
encoires quel chose il avoit en pourpos de fSùre. Et estoit
venu le dit messire Pierre sur la chaussie au quarrefour
Sainte-Katherine et là se tenoit-il tout quoy et ses gens ,
et attendoient le connestable. Si tost que le connestable ftit
yssu de la rue Saint-Pol et tourné au quarrefour de la
grant rue et que il s*en venoit tout le pas sur son cheval les
torses sur son costé pour luy esclairier et jengloit à ung
sien escuier et disoit : « Je doy demain avoir au disner
« chiés moy monseigneur de Thouraine y le seigneur de
« Goucy , messire Jehan de Vienne , messire Charles d'Ân-
« giers , le baron dlvery et plusieurs autres. Or pensés
« que ils soient tous aises et que riens n*y ait espargnié, »
en ces paroles disant , vescy. Pierre de Graon et sa
route 9 et s'avancèrent et premièrement ils entrèrent entre
*^ Saliite-Gatherine.
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DU combàMLE. 9
las gens du oamidstaUe ; ils estotent sans lundàre , et sans
parler et sans escrier , tout premiers on priât les torses , et
forent estaintes et jettées contre terre. En prendant les
torses le oonnestable aroit parlé tout bas et dist ainsi pour
tant que quant il senty Teffiroy des chevaulx qui venoient
derriôre , il coidoit que ce fuist le duc de Thouraine qui
8*68batist à luy et à ses gens : « Mondingneur , par ma foy,
c c'est mal fisdt , mais je le vous pardonne , car vous estes
« jeune : si sont tous jeux et tous rereaulx en vous. »
A ces mots dist messire Pierre de Graon en tirant tum
espée hors du fnerre : « Â mort ! à mort Glichou ! Si vous
« fitult morir. » — « Qui es-tu, dist le sire de Clichon, qui
« dis telles paroles ? • — a Je suis Pierre de Graon vostre
« ennemy. Vous m'avés par tant de fois oourrouchié que
« oy levons fault ^ parer* et amender. » — « Avant ! dist-
« il & ses gens , j*ay ceUuy que je demande et que je vueii
« avoir. » En disant ces paroles il flert et lance après luy, ses
gens tirent espëes et lancent après luy, et coups commenciè-
rent à voler et & croisier sur le connestable, et luy qui estoit
tout nuds et despourveu, et ne portoit fors ungcoutel,
espoir de deux pies de longueur, traist le coutel et com-
mença à' escremir^. Ses gens aussi estoient tous nuds et
despourveus. Si se effroièrent et furent tantost ouvers et
espars.
Les aucuns des hommes messire Pierre de Graon deman-
dèrent : « Occirons-nous tout ?» — a Ouil , dist-il , ceulx
1 qui se metteront à deffense. » La deffense estoit petite,
car il n'estoient que euls huit et sans armures, et tous ^ les
autres * entendoient pour le connestable occire et pour le
atarrer ; ne messire Pierre de Graon ne demandoit autre
chose que le bon connestable mort ; et vous dy (sicomme le
* ' Paler. » V Eflcarmnchidr.. Soy d^ffendre. — ^ Ceolx de Craon.
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iO MEURTRE
congneurent depuis les aucuns qui à ceassaolt etàoelle:
emprinse furent) les plusieurs, quant ils eurent congnoissance
que c'estoit le connestable que ik assailloient, furent tant
eshidés que en férant sur luy ^ leurs coups n'avoient point
de puissance, et aussi ce que ils faisoient, ils le iaisoient.
paoureusement, car en trahison faisant nuls n'est hardy.
Le connestable contre les coups se couvroit dé son bras,
et croisoit de son * coutel ' et se deffendoit yaillamment. Sa.
defiense ne luy eust gaires valu, se la grâce de Dieu ne
leuist garde et defiendu ; et tousjours se tenoit sur son
cheyal et ;tant qu'a fat féru sur le chief d'une espée à plain
coup moult yilainement , duquel coup il versa jus de soU'
cheval droit à rencontre del huys d'un foumier qui jà s'es-
toit relevé pour ordonner ses besoingnes et faire son pain,
et cuire , et en devant ce il avoit oy sur la chaussie les
chevauls freteler et plusieurs des paroles qui là furent dittes»
et avoit celluy foumier ung petit entre-ouvert son huys,
dont trop bien en prist et chéy au seigneur de Clichon de
ce que l'uis estoit entre-ouvert ; car au cheoir ^ que il flst
contre l'uys il s'ouvry , et le connestable chéy du chief par
dedens la maison. Ceulx qui estoient à cheval ne peurent
ens, car luys n'estoit pas moult hault, ne moult large, et
si faisoient leur fait paoureusement.
Vous devés savoir, et vérité est, que Dieu flst adont grant
grâce au connestable ; car, se il fuist aussi bien cheu dehors
l'uys que il chéy dedens ou que l'uys euist esté fermé , il
estoit mort , et le euissent tout defroissié et petelé aux pies
de leurs chevaulx, mais ils n'osèrent descendre.
De ce coup du chief , dont il estoit cheu, cuidièrent bien
les plusieurs (messire de Craon et ceulx qui sur luy féru
avoient) que du moins il luy euist donné le coup de la mort..
. .*. Ou contre luy. — ■•• Badelairo. — * Du cheval.
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DO GOIUliTABUS. il
8i dist messire Pierre de Craon : a Alons , alons, nous en
• avons £Edt assés. .S*il n*est mort , se morra-il du coup de
c la teste , car il a esté féru de bon bras. » A ceste parole
ils se recueillôrent tous ensemble et se départirent de la
place et chevauchèrent le bon pas. Si furent tantost à la
porte Saint- Anthoine et par là widièrent et prindrent les
champs, car pour lors celle ^orte estoit nuit et jour ouverte
et avoit bien esté dix ans en devant depuis que le roy
retourna de la bataille de Rosebeque et que le connestable
dont je parie osta les mallets de Paris et que il en chastoia
du corps et de leur chevance les plusieurs, sicomme je en
ay traittié en nostre histoire cy-devant.
Ainsi fut messire Olivier de Glichon en ce party laissié
comme homme mort , ' chiés le * foumier qui fut moult
esbahy quant il vey et congneu que c'estoit le connestable
de France. Les gens du connestable ausquels on flst moult
petit de mal (car tous ' avoient entendu les malfaitteurs au
connestable occire), se remirent ensemble au mieulx et du
plus tost qu'ils pèurent , et descendirent devant Tuys du
foumier et entrèrent en la maison, et trouvèrent leur sei-
gneur et leur maistre blechié et navré et le chief durement
entamé , et le sang qui luy couvroit le vyaire. Se ils furent
tous esbahis , ce fut raison. Là y ot grans pleurs et très-
grans cris , car du premier ils cuidièrent bien que il fuist
mort, pour quoy ils entendirent à luy.
Tantost les nouvelles en vindrent à Tostel de Saint-Pol
et jusques à la chambre du roy, et fat dit au roy tout effraé-
ment et sur le point et Teure que il devoit entrer en son lit,
en telle manière : a Ha! a ? sire , nous ne vous osons celler
1 le grant meschief qui est présentement advenu en Paris. »
— n Quel meschief? » dist le roy. — «De votre connestable
•-• En Fostel du. — • Les gens de messire Pierre de Craon.
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IS MEURTRE
« dirent oeulx , messire OUvier de Clichon qui est occis. » — -
« Occis ? dist le roy. Ciommeiit ? Qui a ce &it ?» — « Sire,
« nous ne scavons, mais ce meschief est advenu sur iuy et
« bien près de cy en la grant rue Sainte-Katherine. » —
• Or tost, dist le roy, aux torses ! aux torses ! je le vueil
« aler veoir. » On alluma torses ; varlets saillirent avant, le
roy tant seulement vesty une hûppelande , on Iuy bouta ses
soulliers es pies. Sergens d*armes et huissiers qui ordonnés
estoient pour fiaire le guet etgarder celle nuit Tostel de Saint-
Pol, saillirenttantost avant. Geulx quicouchiés estoient, aus*
quels les nouvelles en vindrent , se levèrent et ordonnèrent
pour sieuvir le roy , lequel party moult hastivement & celle
heure delostel de Saint-Pol sans quelque arroyetsans
attendre personne fors seulement ceulx de sa chambre , et
s*en vint voire le bon pas plenté de torses devant Iuy et
derrière, et n'y avoit en sa compaignie de ses chambrelens,
fors messire ^ Guillemme ' Martel et messu*e ' Hélyon * de
lignaeh.
En cel estât et arroy le roy chemina tout & pié jusques
& la maison du boullengier , et entra ens. Plusieurs torses
et chambrelens demeurèrent dehors. Quant le roy fut illec
venu , il trouva messire Olivier de Clichon son connestable
aucques ou parly que on Iuy avoit recordé , réservé que il
n*estoit point mort , et jà Tavoient ses gens despouillié pour
taster , savoir et veoir plus aisieuement les lieux où il
estoit le plus navré et les plaies conmient elles se portoient.
La première parole que le roy dist , ce fut : a Connestable,
« comment tous sentés-vous !» Il respondi : « Chier sire ,
« petitement et foiblement. » — « Et qui vous a mis en ce
« point î » dist le roy. — « Sire, respondi-il, ce a fait Pierre
« de Craôn et ses complices trahiteusement et sans nulle
•-• Gauthier. — *•* Jehan.
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DU GOraiTABLE. 13
« * deffianoe •• » — • Gonnestable , dist le poy , otioques
• chose ne fat si comparée comme ceste sera , ne si fort
« amendée. » — a Ortost, dist le roy, aux médechins et sur^
« giens. » Et jà les estoit-on aies quérir, et yenoient de
toutes pars, et personnellement les médechins du roy. Quant
ils forent yenus , le roy en ot grant joye et leur dist :
c Regardés-moy mon connestable , et me sachiés & dire en
« quel point il est ; car de son inconyénient je suis moult
1 dolant. 0 Les médechins respondirent : • Sire , youlen-
« tiers. • Si fut par euls tasté , yisité et regardé et appa-
reillié de tous poins à son deyoir , comme le cas requé-
roit , et tousjours là le roy présent.
Le roy qui trop fort estoit courrouchié de ceste adyenue,
demanda aux surgiens et aux médechins : « Dittes-moy :
c y a-il nul péril de mort ? » Ds respondirent tous d*une
sieulte : « Certes , ' sire , péril de mort n*y a-il point ^
c et. Dieu douant, nous le yous rendrons dedens quinze jours
c ' alant à cheyal *. h Geste response très-grandement res-
jouy le roy, et dist : « Dieux en soit loé 1 Ce sont riches
« nouyelles. • Et puis dist & messire Oliyier : « Connestable,
« pensés de yous et ne yous ^ sangmellés * point en riens,
« ne desyoiés ; car oncques délit ne fut si chier comparé ,
« ne amendé sur les trahitours comme cils sera ; car la
« chose est mienne. » Le connestable respondi moult foi-
blement : « Sire, Dieu le yous puist ® mérir ^^ de la boime
« yisitation que faitte m*ayés. »
 ces mots prist le roy congié au connestable et s*en
retourna à Saint-Pol et manda tantost le preyost du Chas-
teletde Paris, lequel yint à Saint-Pol, et jà estoit-il jour
tout der. Quant il fut yenu , le roy luy commanda en
*■• DeflEense. — "•* Nennil. — *"* Chevauchant. — *• Sondés. —
•-•• Rendre.
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i4 . MBURTRB
disant : « Prévost, prendés gens à tous lés bien montés et
« appareilliés, et poursievés par voies et chemins ce trahi*
« tour Pierre de Craon qui trahiteusement a navré et mis
a en péril de mort nostre connestable. Vous ne nous poés
a faire service plus agréable que de le trouver et prendre
« et nous amener. » Le prévost respondy : a Sire , j*en
a feray mon povoir , mais quel chemin puet-il tenir ?» —
« Infourmés-vous-en , dist le roy , ^ à toute * dilligence. »
Pour le temps de lors les quatre souveraines portes de
Paris estoient tondis ouvertes, et ceste ordonnance du tenir
ouvertes avoit esté faitte au retour de la bataille qui fut en
Flandres où le roy desconfy les Flamens à Rosebecque et
que les Parisiens se vouldrent rebeller et que les maillets
furent estorés et pour mieulx aisiéement à toute heure
chastoier et seignourir iceulx Parisyens. M^sire Olivier de
Glichon avoit donné ce conseil de ester toutes les chaynes
des rues et quarrefours de Paris, pour aler et de nuit che*
vauchier partout , et furent hostés hors des gons des souve-
raines portes de Paris les foeillets et là couchiés , et furent
en tel estât environ dix ans , et entroit-on à toute heure
en ^ Paris. Or considérés comment les choses viennent et
comment les saisons paient. Le connestable avoit cueillie la
verge dont il fut batu ; car, se les portes euissent esté fer-
mées et les chaynnes levées , jamais messire Pierre de
Craon n*euist avoir osé fait ce délit et cel outrage que il âst,
car il ne peuist avoir yssu de Paris. Et pour ce que il
sçavoit bien que il ysteroit de Paris de nuit àtoute heure, se
advisa-il de ce maléfice faire ; et quant il se départy du
connestable , il le cuidoit avoir laissié mort , mais non fist,
sicomme vous oués dire , dont depuis il fut moult cour-
rouchié.
••• Et si en faites bonne. — 'La ville de.
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DU GOimiTABLE. 15
Qoant il yssy de Paris, ilestoit une heure après my-nuit,
et yssy par la porte de Saint-Ânthoine , et dient les aucuns
que il passa la ^ Seine au pont de Charrenton , et depuis il
print le chemin de Chartres , et les aucuxis dient que à
rissir de Paris il retourna devers la porte Saiht-Honnouré
dessoubs Montmartre et vint passer la rivière de Saine au
ponton. Par où que il passast la rivière, il vint sur le point
de huit heures à Chartres , et aucuns des siens les mieulx
montés , car tous ne le sieuvirent pas, mais se * defibuquè-
rent ' pour faire le moins de monstre et pour la doubte des
poursieutes, et tindrent plusieurs trains. Au passer messire
Pierre de Craon et sa route avoient ordonné jusques à vingt
chevaulx et laissiés les avoit chiés ung chanoine de Chartres
lequel de long temps avoit esté et encoires estoit Tun de
ses * clers * et Favoit bien servy , dont mieulx vaulsist que
oncques ne Teuist congneu, quoyque de ce délit et fourfait
le dit chanoine n*en sceuist riens. Messire Pierre de Craon,
quant il fut venu à Chartres , but ung coup et se renou*
vella de chevaulx et se party de Chartres tantost et prinst
le chemin du Mayne , et exploitta tellement et * si bien que
il vint en ung fort chastel qui encoires se tenoit pour luy ,
que on dist Sablé , et là se arresta et raffreschy , et dist
que il n'yroit plus ^vant , si aroit aprins des nouvelles,
' comme il flst '.
Vous devés savoir que ce vendredi dont le jeudi par nuit
ce délit fut fait par messire Pierre de Craon et ses com-
plices , il fut grans nouvelles parmy Paris de cel oultrage,
et moult grandement en fut blasmé messire Pierre de Craon.
Et le sire de Coucy qui se tenoit en son hostel, si tost
oonmie il sceut au matin les nouvelles, monta à cheval et se
• Rivière de. — •"• Dësassemblôrent. — *-• Gêna. — • Chevaucha.
«— • De Paris.. De messire Olivier. — • Et là se tinst.
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16 MEURTHB
départj luy ^ cinquième ' tant seulement et vint à l'ostel du
connestable derriëre le Temple où on Favoit rapporté , car
monlt s*entre-amoient et se appelloient frères et compai-
gnons d'armes. Le Visitation du seigneur de Couqr fist au
connestable grant bien. Aussi tous les autres seigneurs à
leur tour le venoient veoir , et par espécial, avec le roy ,
son frère le duc de Thouraine, lequel en fut grandement
courrouchié , et bien disoient les deux frères que Pierre de
Craon avoit fisdt ce délit et cel oultrage en leur despit et
que c*estoit une chose faitte et proposée par trahitours et
pour mettre tourble ens ou royaulme. Le duc de Berry qui
pour ces jours estoit à Paris, s'en dissimula grandement, et,
ad ce qu'il monstra , il n'en flst mie gnmt compte. Et je
Jehan Froissart, acteur de ceste histoire, fuy adont infourmë .
que de ceste adventure il n'euist riens esté , se il voulsist ,
et que trop ' légièrement ^ l'euist brisie et aie au devant ,
et je vous esdarchiray et diray la raison pourquoy et
comment.
Ce propre jour estoit venu au duc de Berry ung clerc
lequel estoit moult famillier au dit messire Pierre de Craon,
et luy avoit dit ainsi et révélé en secret : a Monseigneur ,
« je vous ouvriroie voulentiers aucune chose qui n'est pas
« bien convenable , mais est taillie de venir à très-povre
« conclusion , et vous estes mieulx ^ pour y pourveoir que
« nul autre. » — « Quel chose est-ce ? » respondi lors le
duc. — et Monseigneur, avoit respondu le clerc, je mets bien
« chose en termes où je ne vueil point estre nommé , et
« pour obvier aux grans périls et meschiefs et eschever le
« dangier qui en puet advenir de la matière, je m'en des-
« oeuvre à vous. » — « Dy hardiement, avoit respondu le
« duc de Berry, je t'en porteray tout oultre. » Dont avoit
«■• Huitiôme.— •■* Clairement. — ■ Taîllîë.
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DU CONHÉTABLE. 17
parlé le clerc et dit ainsi : a Monseigneur , je me doubte
« trop grandement de messire Pierre de Graon, que il ne
c face murdrir ou occir monseigneur le connestable ; car
« il a amassé en son hostel en la chymentière Saint-Jehan
c ung grant nombre de compaignons, et, les y a tenus cou-
« vertement depuis la Penthecoste ; et, se il * commettoit *
« ce délit , le roy en seroit trop grandement courrouchié ,
« et trop grant tourble en pourroit venir ou royaulme de
« France ; et pour tant, monseigneur, je le vous remonstre,
« car je-meismes en suis tant eshidé que, quoyque je soye
« clerc secrétaire à monseigneur Pierre de Craon et que je
« aye mon serement à luy , je n*ose passer cel oultrage.
« Car, se vous n'y pourvoies , nuls n'y pourverra pour le
« présent , et de ce que je vous dy et remonstre , je vous
« supply humblement que il vous en souviègne , se il me
« besoingne ; car, sur Testât où je voy que messire Pierre
« de Craon veult persévérer , pour Teslongier et fuir , je
« ne vueil pas plus par devers luy retourner. »
Le duc de Berry très-bien en soy-meismes avoit glosé
et entendu ces nouvelles et paroles et respondu au clerc et
dit : « Demeurés dalés moy maishuy , et de matin j'en
a infourmeray monseigneur. Il est maishuy trop tard et
« trop hault jour ; je ne vueil point tourbler le roy. Mais
« ' de matin ^sans nulle faulte nous y pourverrons, puisque
« messire Pierre de Graon est en la ville. Je ne l'y savoie
« pas. 9 Ainsi se déporta le duc de Berry de ceste chose et
négliga', et endementiers le meschief advint en la fourme
et manière que vous m'avés oy recorder.
Le prévost de Paris, à plus de soixante hommes ^ armés,
yssi hors de Paris par la porte Saint-Honnouré et sieuvy
aucques les esclos de messire Pierre de Graon, et vint â
•-• Faisoit. — •.* Demain. — 'A cheval toua,
XV. — FROISSAhT. 2
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18 VBURTRB
Gheneviôres passer oultre au ponthon la rivière de Seine ,
et demanda au ponthenier se nuls de matin estoit passé par
là. Il respondi : « Ouyl, environ douze chevaulx , mais je
« n'y vey nul chevallier, ne homme que je congneusse. » —
a Et quel chemin tiennent-ils ? » demanda le prévost.
« Sire y respondi le pontenier , ils tiennent le chemin
« d'Évrues. » — « Ha ! a ! respondy le prévost, il puet bien
« estre. Ils s'en vont droit à Chièrebourg. » Âdont
entrèrent-ils en ce chemin, et laissièrentle chemin de Char-
tres et par celle manière perdirent-ils la juste poursieute de
messire Pierre de Craon , et quant ils eurent chevauchié
jusques au disner le chemin d*Éwrues , il leur fut dit par
ung chevallier du pays qui chassoit aux lièvres à qui ils en
demandèrent, que il avoit veu environ quinze hommes à
cheval du matin traverser les champs , et selon son ad vis
ils avoient prins le chemin de Chartres.
Lors entrèrent le prévost et sa route ou chemin de Char-
tres et le tindrent jusques au soir et vindrent là au giste ,
et là sceurent la vérité que messire Pierre de Craon sur le
point de huit heures avoit là esté chiés le chanonne et s'estoit
* desjeuné * et renouvelle de chevaulx» Il perceu bien que
il perdoit sa peine du plus poursieuvir et que messire Pierre
estoit trop eslongié. Si retourna luy et sa route le samedi à
Paris.
Pour ce que on ne sçavoit au vray , ne sçavoir on ne
povoit , quant le dit messire Pierre de Craon yssy hors de
Paris, quel chemin il tenoit, le roy . de France et Je duc de
Thouraine qui trop grande afiTection avoient ad ce que
messire Pierre fuist attrapé, firent partir et yssir hors de
Paris messire Jehan le Barrois, seigneur des Barres, à plus
de soixante chevaulx, et yssirent par la porte Saint-An- ^
*■• Désarme.
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DU COKRiTABLE. 19
ihoine et passèrent la rivière de Marne et de Sayne an pont
de Charenton et tournèrent tout le pays et vindrent devers
Estampes, et flnablement le samedi au disner il furent &
Chartres et là en orent certaines nouvelles. Quant messire
Jehan des Barres sceut que messire Pierre de Graon estoit
passé oultre , il perceu bien que en vain il traveilloit du
plus poursieuvir et qu'il estoit jà trop eslongié : si retourna
le dimence vers la cité de Paris et recorda au roy tout le
chemin que il avoit tenu. Et tout ainsi avoit fait le prévost
du Chastelet de Paris.
Ce samedi au matin furent trouvés des sergens * du roy •
qui poursieuvoient les esclos, en ung village à sept lieues de
Paris, deux escuiers et ung homme d'armes et ung page des
gens messire Pierre de Craon , et estoient là arrestés et
n'avoient peu sieuvir la route ou ne vouloient. Toutefibis ils
furent prins par les dis sergens et amenés à Paris et boutés
ou Chastelet, et le lundi ils furent décolés, et premièrement
où le délit avoit esté fait , ils furent amenés , et là leur
trencha-on le poing à chascun , et puis furent décolés aux
halles et puis menés au gibet et là pendus.
Le mercredi enssieuvant le concierge de lostel messire
Pierre de Craon fut aussi décelé et exécuté , et disoient
plusieurs gens que on luy faisoit tort ; mais, pour ce. que
point il n avoit révélé la venue de messire Pierre de Craon,
il eut celle pénitance. Aussi le chanonne de Chartres oCi
messire Pierre estoit descendu et luy raflBreschy et renou-
velle de chevaulx, fut accusé et prins et mis en la prison de
Tévesque. On luy osta tout le sien et ses bénéfices , et fut
condempné en chartre perpétuelle au pain et à Teaue ; car
excusances que il monstrast , ne desist, ne luy ' vaillirent ^
riens. Si avoit-il en la cité de Chartres et en l'église
renommée d'estre moult vaillant preudhomme.
«-• De Paria. — ^ Valnrent.
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20 MEURTRE
Trop fiit courrouchié messire Pierre de Craon qui arresté
s*estoit on chastel de Sablé, comme dit est , quant les nou-
velles véritables luy vindrent que messire Olivier de Clichon
n'estoit point mort et n'avoit playe , ne blecheure dont
dedens six septmaines il laissast à chevauchier. Lors
s*advisa-il, tout considéré , que en ce chastel de Sablé il
n*estoit point trop seurement , et, quant on saroit la vérité
sur le pays et en France que il seroit là enclos, il seroit de
tous lés avironné, siqu il n*en partiroit pas , quant il voul-
droit. Si le recharga à aucuns de ses hommes , puis s*en
* party en chevauchant vers * Bretaigne et trouva le duc
au Suseniot. Le duc le recueilly , qui desjà sçavoit toutes
les nouvelles du fait et comment le connestable n^estoit
point mort. Si dist ainsi à messire Pierre de Craon : « Vous
a estes ung chétif, quant vous n*avés sceu occire ung homme
« duquel vous estiés au dessus. » — a Monseigneur , res-
« pondi messire Pierre de Craon , c*est bien diabolicqua
« chose. Je croy que tous les diables d*enfer à qui il est ,
« le ont délivré de mes mains ; car il ot sur luy ' lanchant
« et jettant ^ plus de soixante coups , que d espées, que de
ce grans couteaulx ; et quant il chéy jus du cheval , en
tt bonne vérité je cuidoie que il feust mort, et la très-bonne
« adventure que il ot pour luy de bien cheoir , ce fut * del
« huys • d'un boulengier qui estoit entre-ouvert , et parce
« que il chéy à rencontre, il entra dedens ; car, se il feust
a cheu sur les rues, nous Teuissions partué et tout dépestelé
« et ^ défroissié ' de nos chevaulx. » — « Or avant , res-
« pondi le duc , pour le présent il n*en sera autrement.
« Je suis tout certain que je en auray de par le roy de
'* Yssj coiement et couvertement, et chevaucha tant par ses jour-
• né^ qu'il vint en. — •-* Lanchié et jette. — ^ Dedans Thuys. —
1 •
Défoule.
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DU CONNÉTABLE. 21
« France prochainement nouvelles, et si auray pareillement
« la guerre et la hayne que vous aurés. Si vous tenés tout
« quoiement et secrètement delés moy , car la chose ne
« demourra ^ pas ainsi ' ; et puisque je vous ay prommis
« saulf-garand à tenir , je le vous tendray.
Nouvelles vindrent au roy de France en ces jours que il
se tenoit à Paris , que le duc de Bretaigne avoit recueillie
messire Pierre de Graon. Le roy fut infourmé de son plus
destroit conseil» c*est-à-entendre de celluy dont il usoit le
plus , que tantost et sans délay il envoyast en Bretaigne
devers le duc et luy demandast sur sa foy et sur son hom-
mage que , se ce trahitour envers la couronne de France
Pierre de Graon estoit en Bretaigne et en lieu où il euist
puissance , il en fuist saisy et tantost luy envoiast. Les
lettres furent escriptes et bien séellées et à ung cbevaul-
cheur délivrées , lequel exploitta tant par ses journées que
il vint en Bretaigne et trouva le duc à TErmine en la marche
de Venues. Il luy bailla les lettres ; le duc les prist, ouvry
et lisi tout de mot à mot , et puis dist à celluy qui portées
les avoit : « Je rescripray '. » Il rescripvy sur la fourme
que je vous diray en luy excusant et disant que de messire
Pierre de Graon il ne sçavoit riens , ne sçavoir vouloit ,
ne à luy riens du sçavoir n'appartenoit , et que la guerre
et hayne laquelle il avoit à Olivier de Glichon en riens ne
luy touchoit , ne regardoit, et de ces choses il prioit au roy
que il le voulsist avoir pour ^ excusé. Quant ces lettres
furent escriptes bien et proprement à Tentente du duc » le
message du roy , quant elles furent séellées , les prist ; car
**' Oaires longtemps en cest état i mais noua mènera le roy et le
connestable en grosse guerre. — 'Au roy. — * Recommandé et.
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S2 CHARLES Tl YEUT COMBATTES
on les Iny délivra , et pois s'en retourna tout son chemin
et flst tant par ses journées que il revint à Paris. Si trouva
le roy et son conseil qui moult désîroient à avoir response
et nouvelles de Bretaigne.
Quant le message fut venu, il bailla les lettres au roy.
Le roy les prist , ouvry et lisi, et tout ce que dedens estoit,
il le dist à son frère de Tbouraine et à son conseil. Geste
response et excusation ne souffist point, et disoient là les
aucuns que le duc de Bretaigne avoit fait et brassé tout ce
* candel *. Le roy et le duc de Tbouraine disoient que le des-
pit et Foultrage estoit trop grant, et que il ne iSûsoit ' mie *
à passer ainsi , ne si légiôrement , et que il toucboit trop
grandement à la majesté ^ royale ^.
Pour ces jours se tenoit et séjoumoit le duc de Berry à
Paris et veoit souvent le roy. Le roy luy parloit aussi
moult souvent de ce délit qui estoit fait par messire Pierre
de Graon. Dont respondoit le duc : « Monseigneur , il a
« fait ung grant oultrage. Qui le sçauroit où trouver , je
<f conseilleroie bien que on entendesist à ^ luy aler quérir '
« et faire amender. » — « Beaulx oncles , disoit le roy ,
tt il est en Bretaigne delés le duc et non ailleurs. Nous
a voulons aler celle part , et vous aveuc nous. » Le duc
de Berry luy accordoit et 3'en dissimuloit tout du contraire
et disoit ainsi au roy : « Monseigneur , il vous fault avoir
a beau frôre de Bourgoingne en vostre compaignie. » —
a Nous l'aurons , disoit le roy ; sans luy ne ferons-nous
a point ce voyage. Nous yrons en Bretaigne en grant arroy
« pour résister contre tous nos ennemis. Nous veons ores
« tout appertement que le duc de Bretaigne ne nous ayme,
« ne prise que • moult *^ petit. Beaulx oncles, il est orgueil-
•
••• Cordel. — " Aucunement. — •-• Du royaume de France. —
'■• Le prendre. — •-«• Ung.
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LE DUC DB BRETA6KE. 33
c leax et présomptueux , et jamais nous n'entenderons à
I autre chose, si Taurons mis à raison. » Ainsi se devisoit
le roy de France au duc de Berry et menachoit grandement
le duc de Bretaigne et ses complices. Le duc de Berry luy
accordoit toutes ses paroles en soy dissimulant , mais il
pensoit tout le contraire.
Trop avoit le roy de France grande affection de contre-
Yengier cel oultrage et despit , lequel on ayoit &it à son
connestable , et se ordonnoit de tous poins pour aler en
Bretaigne , et premièrement en Angou pour faire abatre ,
destmire et renverser les chastiaulx qui se tenoient de
messire Pierre de Graon , quoyque le duc de Bretaigne
deist et proposoit que il les avoit achetés. Non obstant ce,
le roy et ses consauls disoient que point il n*en estoit en
réritage et que trop vouloit porter et excuser et avoit
porté et soustenu ce Pierre de Craon , pour quoy person*
Bellement en estoit en Imdignation de la couronne de France
réservé que en celle saison meismes conjonction de mariage,
se fhist empris et fait dentre le fils du duc de Bretaigne et
la flUe du roy de France.
Entreux que ces besoingnes se ordonnoient petit à petit
et que grans nouvelles ^ estoient * parmy le royaulme de
France du voyage que le roy vouloit faire en Bretaigne ,
retournèrent à Paris du voyage de Berne et de Foix
1 evesque de Noyon et le seigneur de la Rivière, et recor-
dèrent au roy et à son conseil comment ils avoient exploittié.
Us furent voulentiers oys ; mais la matière de Bretaigne
et du connestable et de Pierre de Graon chargoit si Tostel
et le conseil du roy que on n*entendoit & autre chose , et
euist voulentiers veu le roy que le connestable fiiist sane et
en bon point pour chevauchier avant que ib se départissent
de Paris.
•"• Cooroient.
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34 CHARLES VI VEUT COMBATTRE
Ung moult bel hostel lequel estoit à messire Pierre de
Craon, séant en la chymentiôre Saint- Jehan à Paris, fut par
le commandement du roy abatu et deschirré et mis à la
pure terre, et la place donnée à faire ung chymentière pour
enfouyr ^ les * morts. Le roy de France fedsoit faire sur
les chemins du Mayne, d*Ânjou et de Bretaigne et en Thou-
raine sur la rivière de Loirre ses pourvéances grandes et
grosses à l'intention et instance que pour voiagier en Bre-
taigne ; ne nuls n*osoit aler , ne parler au contraire.
Renommée fut en la cité de Paris et au dehors en plu*
sieurs lieux que il fut nottoirement sceu que messire Oli*
vier de Clichon, connestable pour ce temps du royaume de
France, avoit fait son testament et ordonnance à la fin que,
se de l'adventure et blecheure que il avoit , il alloit de vie
à trespassement , ses hoirs sceuissent tout de vérité où
le sien estoit, et tout partout n'avoit pour enffans que deux
filles. L*une avoit à femme et à espouse Jehan de Bretaigne,
conte dePentèvre, et ce fut ceste qui le mist hors et délivra
de la prison d'Angleterre par le moien de six-vings mil
frans que messire Olivier de Clichon en avoit donné et payé
auduc d'Irlande, sicomme vous savés et icy-dessus en nostre
histoire est contenu tout plainement , et l'autre fille estoit
ou devoit estre viscontesse de Rohen de par son mary. La
somme du testament messire Olivier de Clichon montoit en
pur meuble sans son héritage jusques à dix-sept cens mille
frans. De ce fut grant nouvelle , et s'en esmerveillièrent
les plusieurs qui en oyrent parler , en quoy , ne comment
il en povoit avoir tant assamblé , et par espécial le duc de
Berry et le duc de Bourgoingne en orent trop grant mer-
veille , et aussi orent leurs consauls qui ne avoient pas le
dit messu^e Olivier en grâce . et en parlèrent moult large-
Oens.
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LE BUG BE B&BTAGNB. 25
ment, quant se retrouvèrent ensemble , et disoient en t^lle
nianiôre : « En quoy, diables, puet cestuy connestable avoir
« assaznblé si très-grant nombre de.flourins et si très-grans
a meubles î Le roy de France ne Ta pas si grant. On doit
i * bien croire et savoir que tout ne luy vient pas de bon
« acquest. » Au fort ces paroles se passèrent , mais pour
ce ne pensoient pas moins ceulx qui point ne Taymoient ou
qui hayne et envie couvertement ou autrement sur luy
avoient.
Encoires se tenoit le roy de France à Paris , mais ses
mandemens estoient jà fais, et tous seigneurs qui escripts et
mandés estoient, se pourveoient et ordonnoient pour aler
aveuc le roy en Bretaigne. Ce voiage chargoit trop fort le
duc de Bourgoingne et disoit que c estoit une «chose et une
guerre sans raison et que jà conclusion n*en seroit bonne ,
et que le royaulme de France , ne le pays de Bretaigne ,
ne chevallier , ne escuier ausquels riens ne toucholt , ne
appartenoit la hayne , ne Fahaatie de messire Olivier de
Clichon , ne de messire Pierre de Craon , n'avoient que
faire de comparer celle paine , ne de entrer en guerre pour
eulx, et que à par euls et de leurs gens on les en laissast
convenir et guerroier l'un Tautre sans fouler et grever les
• bonnes * gens. Le duc de Berry estoit assés de celle
* sieute * , mais ils n'en povoient estre oys , ne creus ; car
le roy avoit delés luy du conseil tout au contraire à leur
oppinion, lequel il créoit mieulx que le leur, et ne scavoient
les dis deux ducs comment brisier * l'armée ^ , et quant ils
veirent que faire leur convenoit , si firent et monstrferent
obéissance , mais ce fut lentement. Toutesvoies il m'est
advia , et vérité fut , que le conte d^Ostrevan, par la pro-
motion du duc de Bourgoingne, fut mandé et euist lettres
* Et puet. — " Povres. — *• Opinion. — •*' Son entreprise.
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S6 CHARLES TI QUITTE PARIS
pour aler en ce voyage avec le roy à trois cens lances. Le
conte qui aymoit les armes et le traveil , se pourvey et
ordonna pour y aler ; et quant il ot tout ordonné et mandé
les compaignons , chevalliers et escuiers , et départy ses
livrées et fait une grant despense , il fut arriére contre-
mandé de non soy bougier.
En ce temps que ces choses approchoient grandement et
que le roy estoit sur le point de son département de la cité
de Paris et de prendre le chemin tout premier pour mieulx
monstrer que la querelle estoit sienne, fu fait ung eschange
de terres et de pays grandement au prouffit du duc de
Thouraine , car il résigna en la main du roy son frère la
duchié de Thouraine et toutes les appendences , et tantost
le roy luy reindy et donna en don et en héritage la duchié
d*Orléans, laquelle vailloit mieulx que les quatre , en la
fourme et manière que le duc Phelippe d'Orléans Tavoit
anchiennement tenu ; si nommerons d'ores-en-avant le duc
qui fut duc de Thouraine , duc d'Orléans.
Quant messire Olivier de Clichon fut ainsi que tout sané
et que il povoit bien chevauchier , le roy de France en fut
grandement resjouy , et dist que il se vouloit départir de
Paris et que il vouloit chevauchier vers Bretaigne pour
mieulx monstrer que la besoingne estoit sienne. Si prist
ung soir oongié à la royne Ysabel sa femme et à la duchesse
d'Orléans et aux dames et damoiselles qui delés elles estoient
à l'ostel de Saint-Pol , et le duc d'Orléans aussi , et puis
s'en vindrent soupper et couchier chiés Montagu , le duc de
Bourbon, le conte de Namur et le sire de Coucy delés euls :
je ne dy pas que tous y couchassent , mais le roy y coucha
et disna à Tendemain , et après disner sur le point de rele-
vée il s'en départy en très-grant arroy , et vint ce jour au
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POUR SE RBMDRE EN BRETAGNE, 27
soir soupper et gésir à Saint-Germain-en-Laye, et là se tint
environ sept jours ^ Encoires n'estoit-il pas bien ferme de
santé, comme ses médechins qui en cure et en garde Tavoient,
maintenoient ; mais il s*en aloit de si grant voulenté que il
disoit qu'il estoit en assés meilleur point que il ne fuist.
Tout ce faisoit-il pour esmouvoir et mettre ses gens au
chemin, car encoires estoient ses deux oncles derrière
(Berry et Bourgoingne), et monstroient bien que ce voyage
leur pesoit et que point voulentiers ils n*y aloiènt. Si avoient-
ils fait leur mandement, car pour leur honneur il leur con-
venoit obéir.
Quant le roy de France eut esté et séjourné & Saint-
Germain-en Laye environ quinze jours et que gens et sei-
gneurs venoient et s'en alloient de toutes pars , il ot con-
seil de départir ' et s'en départy ' et passa la Saynne et
prist le chemin de Chartres et s'en vint soy tout esbattant
à Auniaux, une bonne ville et ung très-fort chastel , lequel
pour lors estoit et se rendoit au seigneur de la Rivière, voire
héritage de par sa femme. En la compaignie du roy estoient
le duc d'Orléans son fi^re et le duc de Bourbon. Vous devés
savoir que le sire de la Rivière rechupt le roy et les seigneurs
grandement et hon^ourablement , car moult bien le scavoit
&ire. Etfurentlà par trois jours et s'y raSreschirent. Au qua-
trième jour, le roy et ces seigneurs s'en départirent et che-
vauchièrent ce jour tant que ils vindrent à Chartres, dont
le frère de Montagu estoit évesque. Le roy fut logié au palais
de l'évesque, et le duc d'Orléans et le duc de Bourbon.
Le second jour après ce que ils furent là venus , vint le
duc de Berry et le conte de la Marche en sa compaignie.
Encoires estoit à venir le duc de Bourgoingne , mais il se
ordonnoit pour mettre au chemin, et vint au quatrième jour
• Entiers. — •"• Si le fist.
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S8 CHARLES VI QUITTE PARIS
dont le roj ot grant joye. Gens. d'armes venoient de toutes
pars et disoit le roy ainsi que jamais ne retonrneroit à
Paris , si auroit mis à raison ce duc de Bretaigne qui jà
par tant de fois luy avoit donné peine et traveil. Trop bien
estoient delés le roy , qui luy boutoient en la teste ; ne le
duc de Berry , ne le duc de Bourgoingne qui voulentiers
euissent amodéré ces besoingnes , n'y avoient point d'au-
dience , dont ^ il leur toumoit quoiement à trôs-grant des-
plaisance ' et à leurs consauls aussi , et disoient bien entre
euls que la chose ne povoit longuement demeurer en tel
estât, et que trop bien se tailloit que le roy euist à faire et
le royaulme , quant il reffusoit le conseil de ses oncles et
prendoit maindre à sa plaisance.
Quant le roy de France eut séjourné environ sept jours
en la cité de Chartres , il s'en départy et prist le chemin
du Mans , et gens d'armes le sieuvoient de toutes pars et
luy venoient de loingtaines parties d*Ârtois, de Beauvoisis ,
de Vermendois et de Piccardie. Et disoient les plusieurs l'un
& l'autre : « Comme ce duc de Bretaigne nous donne à
« faire de peine et de traveil ! Il a tousjours esté dur et
« ^ auster * contre la couronne de France , ne oncques
a parfaittement ne l'ayma , ne prisa » ne honnoura. Et, se
« le conte de Flandres n'euist esté , qui estoit son cousin ,
a et madame de Bourgoingne qui tousjours Ta porté et
a porte encoires, on l'euist de grant temps du tout dégradé
a et destruit ; ne oncques , depuis que le sire de Clichon
« se tourna françois , il ne le peult amer. Encoires , au
« voire dire , il est fort coulpable de ce fait ; car il a tous-
« jours soustenu messire Pierre de Craon à rencontre du
n roy et du connestable et porté à tous propos. » — a Or
a laissiés le roy convenir, disoient les autres ; car pour le
*-* Secrètement il leur desplaisoit. — *-* Chaud.. Hault.
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POUR SB RENDRE ER BRETAGNE. 29
€ présent il a tellement la chose ' enchargie ' que il mettera
« ce duc à raison avant son retour. » — a Voire, disoient
c les autres , se il n^y a trahison. Pensés-vouâ que tous
c ceulx qui sont et chevauchent aveuc le roy , soient vrais
€ ennemis au duc de Bretaigne ? Certes nennil. Qui Tose-
« roit dire ! Et on en puet bien veir aucuns signes , car
« on ne fait nuit , ne jour que conseillier, et tout pour
« rompre et brisier ce voyage, et le roy en a telle
c ' mérancolie ^ que à paines peult-il avoir ne bien , ne
c santé. »
Ainsi se devisoient chevalliers et escuiers les ungs aux
autres en chevauchant sur le pays et meismement estans
* arrestés • aux logeis , et tousjours le roy aloit avant en
approuchant le Mayne et la cité du Mans. Tant flst que il
y parvint, et tous les seigneurs en sa compaignie. La roy se
loga ens ou chastel , et les seigneurs en la cité tout au
mieulx que ils porrent , et les gens d^armes se espardirent
sur le pays qui est bon et gras et bien logant pour gens
d*armes.
En la cité du Mans séjournèrent les seigneurs plus de
trois septmaines , car le roy n*estoit mie en point de che-
vauchier et estoit tout flôvreus , et disoient ses médechins
à son frère et à ses oncles : a On fait le roy traveiUier ;
c mais certainement il n*en euist que faire , car il n*est
c point en estât pour chevauchier. Le repos luy vauldroit
c assés mieulx ; car, depuis que il se party ^ d*Àmiens où
c les parlemens furent , il ne fut en si bon estât comme il
i estoit en-devant. »
Les oncles du roy remonstrèrent tout ce au roy et à son
conseil , car pour les medéchins le roy n*en vouloit riens
faire , mais disoit , pour la grant affection que il avoit
*-• En charge.. En cœur. — •* MerveiUe. — •-• Cois. — ' De la cité.
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80 COARLBS TI QUITTE PARIS
d*aler en Bretaigae : a Je me treuve , tespondi-il à ses
« oncles , assés en meilleur point en chevauchant et tra-
a veillant que en séjournant. Qui me conseille ' le contraire *
« il ne me conseille pas à ma plaisance, et si ne m^ayme pas
« bien. » Aultre response on ne povoit avoir du roy. Tous
les jours on estoit en conseil jusques à nonne et oultre , et
vouloit le roy tondis estre ou mylieu du conseil afSn que
nuls ne peuist mettre empeschement de non aler avant en
ce voyage de Bretaigne.
Or fut advisé le roy là estant et séjournant au Mans (et
le roy si assenty assés pour accomplir le désir de ses oncles),
que on envoieroit quatre chevalliers notables devers le duc
de Bretaigne , lesquels luy remonstreroient vifvement et
sagement Fintention du roy et de son conseil, que trop
grandement il se fourfaisoit et estoit fourfait quant Fen-
nemy du roy et du royaume il soustenoit delés luy et avoit
soustenu ne jour , ne heure , et encoures , se de tant il se
vouloit recongnoistre et amender que Tennemy du roy
messire Pierre de Craon il voulsist envoyer au Mans devers
le roy , on trouveroit ung moien par quoy il * n'aroit *
point de dommage , ne son pays en ce voyage. £t m*est
advis , selon ce que je fuis infourmé, que messire Regnault
de Roye , le seigneur de Garensiôres , le sire de Ghastel-
Morant et messire Taupin de Cantemelle le chastellain de
Gisors , furent ordonnés pour aler en ce voyage. Si se
départirent de la cité du Mans à bien quarante lances et
passèrent parmy la cité d*Angiers et exploittèrent tant que
ils vindrent en la cité de Nantes ^ et là trouvèrent le duc
qui leur flst très-bonne chière et leur donna ung jour à
disner bien et notablement. Mais avant tout ce avoient-
*-■ Autrement. — "^ Et le duc n'aroient. — • Et puis entrèrent
dedans la ville.
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POUE SB BENDRB EN BRETAGNE. 31
ils fait leur message , et luy avoient remonstré ce pour
quoy ils estoient là venus et la parole du roy et de son con-
seil , à laquelle parole il avoit respondu grandement et
sagement , et dit ainsi que fort luy seroit à rendre , ne
livrer , ne mener messire Pierre de Graon ; car, se Dieu le
peuist aidier et valloir en toutes ses besoingnes , de luy il
ne scavoit riens , ne où il estoit , ne se tenoit ; et prioit
par ces seigneurs que de ce on le voulsist tenir pour excusé.
Bien avoit 07 dire depuis ung an à messire Pierre de Craon
que au r^ard de Olivier de Glichon il le haioit de tout son
cuer et luy feroit guerre mortelle de toute sa puissance à
quelque fin que il en deuist venir, a Et , quant il me dist
« ces paroles , je luy demanday se il luy avoit signiffié, et
« il me respondi que ouil et que il estoit tout defiSé et le
« metteroit à mort , fuist de nuit ou de jour , là où il le
« pourroit trouver , ne encontrer. De son fait je ne scay
« plus avant , mais je m*esmerveille de ce que monseigneur
« me veult faire guerre pour ceste * occoison. * Sauve soit
« sa grâce et de son conseil , je ne cuide avoir , ne voul-
c droie avoir envers luy * riens fourfeit , pour quoy il ait
« cause de me faire guerre ; ne les aliances , ne les conve-
« nenoes tant du mariage de nos enfians conmie d*autres
c choses , jà jour , ne heure , s'il plaist à Dieu , je n*en^
« fraindray , ne briseray. 9
Ce fut la substance de la response que les chevalliers de
France là envoyés de par le roy eurent , et quant ils orent
disné aveuc le duc et esté à Nantes ung jour , ils prindrent
congié et se départirent et mirent au retour tout le chemin
que ils estoient venus. Le roy et son conseil de sa chambre
désiroient moult leur venue pour ouir la response du duc
de Bretaigne. ^ Toute telle que vous avés ouy dire et
*-* Cause. — ' Se n'est envers son conseil. — * Et quant ils furent
Tenus.
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82 CHARLES VI QUITTE PARIS
racompter, ils la firent au roy de par le duc et à ceulx ' qui
estoient * dignes * de lavoir et ouyr \ Le duc de Berry et
le duc de Bourgoingne et leurs consauls s'en fuissent assés
contemptés , se on voulsist , et disoient que la response
estoit deue et raisonnable ; et le roy , par Tinformation que
il avoit , disoit tout le contraire , et puisqu'il estoit venu si
avant , jamais ne retourneroit vers France , ne Paris , si
auroit le duc de Bretaigne mis à raison. Trop Toulentiers
euissent les deux oncles du roy, ^ Berry et Bourgoingne,
amodéré ces choses , se ils poussent ou sceussent , mais ils
ne povoient estre oys ; car le roy avoit prins en si grant
hayne ce duc de Bretaigne, pour la cause de messire Pierre
de Craon , quil disoit que le duc soustenoit en son pays ,
que nulle excusation n'en povoit venir à point.
Or couroit une renommée au Mans et en plusieurs lieux
depuis par le royaulme de France , que la royne d'Ârragon
madame Yolend de Bar , cousine germaine du roy de
France , tenoit en prison en la cité de Barselonne ung che-
vallier que elle , ne ses gens ne congnoissoient point , ne
celluy ne se vouloit point nommer ; mais on supposoit que
cils estoit messire Pierre de Craon , et rescripvoit la royne
moult amiablement au roy pour luy complaire en toutes
choses, et luy signifioit et certiffioit que le V*. jour* de juillet
ung chevallier en bon estât et en bon arroy estoit venu à
Barselonne en instance de passer la mer , et avoit loue
et retenu bien et chier pour ses deniers une nave pour
aler , ce disoitil, à Naples. « Et pour ce que nous avions
<t et encoires présentement avons fait garder nos pors et
« nos passages, les entrées et yssues de nostre royaulme, et
a que nul estrangier ne s'en peut , ne puist partir sans
•-* Qu'il pleut au roy qu'ils Foyssent, — •"' Taiiliée. — ■ Assavoir
les ducs de. — * Du mois.
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POUR SB UMD&B ER BRETAGNE. 33
« nostre congié. Le dit chevallier qui nommer ne se veolt ,
« nous rayons retenu et mis en prison , et supposons assés,
« par ce que nous le voyons moult esbahj , que c*est le
« chevallier que vous demandés, pour lequel nous avés
« escript. Si vueilliés envoier devers nous à toute dilligence
« hommes qui ^ messire Pierre de Craon congnoissent ;
« car celluy que nous tenons , n*aura nulle délivrance
« jusques au jour que nous aurons eu response de par vous,
« et nous verrions très-voulentiers que nos nouvelles vous
« fuissent prouffitables et agréables * : ce scet le Saint-
« Esperit qui vous ait en sa sainte garde. Escript à Parpe-
« gnant le noeufième jour du mois de juillet. Yolend de Bar,
« rojned*Ârragonetde ' Maïollique^, dame de'Sardigne*. »
Et à la superscription avoit : a A nostre trôs-redoubté sei-
« gneur le roy de France. »
De ces nouvelles furent très-grandement amedérés et
adoulcis les cuers de plusieurs, et fut-on sur le point que
de tout rompre et brisier le voiage ; mais ceulx de la partie
messire Olivier de Clidion disoient que ces nouvelles
estoient Êdttes à la main et tout pour brisier et rompre
> la chevauchie du roy, et que messire Pierre de Craon ne
estoit en autre dangier , ne prison que delés le duc de
Bretaigne, lequel Tavoit voulentiers soustenu «t soustenoit.
De ces lettres ne flst le roy de France nul grant compte,
et disoit que c'estoit tout abusement et trahison. « A tout
« le moins , dist le duc de Bourgoingne au roy, monsei-
t gneur , pour appaisier ma niepce d'Arragon qui vous en
t a rescript et pour délivrer le chevallier qui prins est , se
t point n*est coulpable de ce méfiait , vueilliés y envoyer,
t par quoy vostre cousine se contente de vous et de nous. »
• BieD. — ' A TOUS et à vottre coiuMil. — •*• Matogrea. — V
Sardane.
XV. — ntOlflSART. 3
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34 CHAHLES TI QUITTE PARIS
— « Nous le voulons très-bien , beaulx ondes , respondj
« le roy. On y envoyoi Je ne vous vueil point courrouchier,
« mais je tiens fermement et seurement que le desléal trahi-
a tour Pierre de Craon n*estorendroit en autre Barselonne,
a ne prison que tout quoy delés le duc de Bretaigne , et
tt celluj , par la foy que je doy à monseigneur saint Denys,
« nous en rendera une fois bon compte. » Certes on ne
povoit ester le roy de ceste oppinion que meismes messire
Pierre de Graon ne fuist retrait en Bretaigne du sceu et
consentement du duc et près de luy.
Le duc de Bretaigne qui estoit infourmë de toutes ces
besoingnes et qui sentoit le roy de France trop fort cour-
rouchié sur luy , ne se tenoit pas trop bien asseurë ; car il
veoit que le duc de Berry et le duc de Bourgoingne n'en
povoient faire à leur voulenté , car ceulx de la partie ^ de
son adversaire Clichon ' le menoient et infourmoient ainsi
comme' ils vouloient. Si fsdsoit ^ garder ses villes et les
chasteaulx soingneusement, et tant y avoit de mal pour luy
que à peu avoit-il bonne ville où il se * osast * tenir ,
excepté Vennes , Gamparlé , Dol , Corentin , Camper ,
TErmine et le Suseniot. Et avoit rescript aux barons et^
chevalliers de Bretaigne , desquels il pensoit estre aidié et
conseillié , mais ils dissimuloient contre luy pour la cause
.de ce que ils veoient et sentoient le roy leur souverain sei-
gneur tant fort esmeu et courrouchié sur luy , et aussi que
la matière de messire Pierre de Craon que le duc portoit
à rencontre du roy et du connestable n*estoit pas conve-
nable. Â paynnes se repentoit-il de ce que il avoit fait.
Nëantmains il avoit le courage si hault et si grant que il
ne le daignoit dire , et disoit ainsi : (c Se le i*oy et sa puis-
« sance , à ce que il monstre , entre en Bretaigne , je le
•-■ Da connestable. — • Le duc. — *-• Peust.
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POUR SE RENDRE EH BRETAGNE^ 85
« lairay an commencement convenir , et verray ceulx qui
t seront amis ou ennemis. Je ne me hasteray point de luy
c &ire guerre si trôstost ; mais , ^ quant il Guidera le
« mieulx estre à repos , je le resveilleray puisque par
« autre * manière ' d'amour je ne puis venir À accord à
« luy. »
Ainsi se devisoit le duc de Bretaigne par soy à la fois h
oenlx de son conseil , et se tenoit pour tout ^ conforté ^
que il aroit la guerre au roy de France , mais non ara ,
car les choses tourneront autrement que il ne pense , à son
grant avantage et prouffit , et pour ce fut dit : « Il n*est
t pas povres , qui est eureux. » Ce duc de Bretaigne le
fut trop grandement en celle saison par une incidense
piteuse et merveilleuse qui advint soubdainement au roy
de France. Par autre voye ne povoit-il estre eschiévé de
tous dangiers et de la guerre , et demeurer en paix.
Quand ' on eut^ séjourné environ trois sepmaines en la cité
du Mans , et tous les jours conseillié , et les quatre cheval-
liers furent revenus de Bretaigne, lesquels on avoit envoies
devers le duc, ainsi que vous savés, le roy de France dist,
puisque il avoit eu et oy la response du duc de Bretaigne ,
que il ne vouloit plus séjourner, car le séjour luy grevoit et
desplaisoit , et vouloit chevauchier oultre sur les parties de
Bretaigne et veoir ses ennemis, c'est-assavoir le duc de Bre-
taigne qui soustenoit ce trahitour Pierre de Craon, et avoit
le roy très-grant désir de veoir lesquels, comme barons, che-
valliers et escuiers, se metteroient sur les champs à rencon-
tre de Iir^. L'intention du roy estoit telle que dé tous poins
• A rheore. — " Moyen. — *^ Assearé. — V Le roy et les siens
onent. •
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36 FRÉNÉSIE
il le boateroit hors de Téritage de Bretaigne pour tousjours
mais ,et y metteroit ung gouverneur pour les enffans tant
que ils auroient leur eage, et puis leur renderoit l'héritage,
mais le duc n'y arait jamais riens.
Celle oppinion tenoit le roy , et ne Ten povoit nuls
^ rester * , et sur cel estât il se départy de la cité du Mans
entre noeuf et dix heures , et, après la messe ouye et boire,
tous seigneurs et toutes gens qui logiés estoient en la cité et
dehors , se départirent aussi et se misrent au chemin ou
devant ou derrière , et avoit ce soir en devant mandé ses
mareschaulx en sa chambre ou chastel du Mans et leur
avoit dit : « Ordonnés-vous et faittes le bon matin toutes
« manières de gens d*armes et de routes deslogier et prendre
a le chemin d'Angiers ; car il est conclud : nous ne retour-
« nerons jamais, si aurons esté en Bretaigne et destruit ces
t trahitours qui nous donnent celle peine et ce traveil. » Les
mareschaux avoient obéy et fait signiffier aux cappitaines
des routtes le mouvement et Tordonnance du roy et que à
ce coup c'estoit tout acertes.
Ce jour que le roy se départy et yssi du Mans, il fist très-
asprement chault, et bien le devoit faire, car il estoit ens ou
plain mois de hemu que le soleil par droitture et nature est
en sa droitte et greigneur force. Or devés-vous savoir, pour
attaindre toutes choses et amener à vérité, que le roy de
France , luy séjournant en la cité du Mans, avoit esté dure-
ment traveillié de conseillier , et aveuc tout ce ' qui n'y
aidoit ^ pas , il n'estoit mie bien haittié , ne n'avoit esté
toute la saison , mais foible de ^ chief , petitement beuvant
et mengant , et près tous les jours en chaUeur de fièvre et
de chaude maladie , et se s*i enclinoit tout par droitture.
' OstfiT. — *^ Qa*ll ne 8*7 attendoit. — * Sens et de.
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DE CHAELB6 TI. 37.
Traveil de corps et de chief lu y estoient grandement ^ enne-
mis et contraires * : aveuc tout ce Tadvenue de son connes-
table dont il estoit trop durement fort mérancolieux et son
esperit tourblé et ' desvoyé ^ , et bien s'en perchevoient ses
médechins, et pareillement faisoient ses oncles , mais ils n*j
poYoient pourvoir, ne remédier, car il ne vouloit , ne on ne
Iny osoit conseillier du contraire de non aler en Bretaigne.
Il me fut dit , et je m'en laissaj infourmer , ainsi que il
chevauchoit et estoit entré en la forest du Mans, une moult
grande signiflance luy advint, dont il se deuist bien estre
advisé et avoir remis son conseil ensemble, ainchois que il
foist aie plus avant. Il luy vint soubdainement ung homme
en pur le chief et tous deschaulx et vestu d'une povre cotte
de burel blancq, et monstroit mieulx que il fuist fol que sage,
et se lancha par entre deux arbres hardiement , et prist les
resnes de la bride du cheval que le roy chevauchoit et Far-
resta tout quoy et luy dist : « Roy, ne chevauche plus avant,
t mais retourne , car tu es trahy. » Geste parole entra en la
testeduroyquiestoitfoible, dont il valu depuis* très- •grande-
ment pis ; car son esperit se frémy et ^ se sangmella'tout.
A ces mots saillirent sergens d'armes avant et frappèrent
moult villainement sur les mains de celluy qui avoit arresté
le cheval du roy , tant que il * habandonna la bride ^^ et
demoura derrière, et ne tindrent compte de sa parole non
plus que d*un fol , dont ce fut folie , sicomme il est advis à
plusieurs ; car à tout le moins ils se deuissent estre arrestés
sur l'homme ung petit pour en avoir eu la congnoissance et
luy examiner et enquester , et bien veu se il estoit naturel-
lement fol ou sage, et sçavoir qui luy faisoit telles paroles
dire , ne dont elles luy venoient à savoir. H n'en fîit riens
••• Emniû et peines. — *^ TravaiUô. — •^ Trop. — '■• Son sang
■*eimeat. — *^ Le laissa aler.
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38 fhMsib
fisdt, mais le laissièrent derrière, ne on ne soeat que il devint;
car oncques depuis ne fut veu, non de gens qui en euissent
la congnoissance. Mais ceulx qui pour lors estoient delés le
roy» Iny oyrent bien les paroles dire.
Le roy et sa routte passèrent oultre , et povoit estre
environ douze heures quant ils orent passé la forest et
vindrent sur les champs sur ungs très-beaulx plains et
grans sablonnjs. Le soleil estoit bel et cler et resplendissant
à grans rais et si plains de force et challeur que plus ne
povoit estre , car il tapoit de telle manière que on estoit
tout tresperchié de sa réverbération, et avoit très-grande-
ment eschauffé le sablon, lequel eschaufibit ^ si très-fort
que * il n'y avoit si joly, ne si • usité ^ d'armes porter , qu'il
ne fuist ^ tout mésaisié * de challeur. Et chevauchoient les
seigneurs par routes, l'un çà , l'autre là , et le roy chevau-
choit assés à par luj pour luy faire moins de pouldrière. Le
duc de Berry et le duc de Bourgoingne parlans ensemble
chevauchoient sur son senestre lés , ainsi comme deux
arpens en sus de luy. Les autres seigneurs le conte de la
Marche , messire Jaques de Bourbon, messire Charles de
Labreth, messire Phelippe d'Artois, messire Henry et mes-
sire Phelippe de Bar , messire Pierre de Navarre et tous
les autres seigneurs chevauchoient par routes. Le duc de
Bourbon , le sire de Goucy , messire Charles de Hangiers
et le baron de Yvry et tous autres en sus et hors de la
route du roy ; et devisoient et parloient les ungs aux
autres , et ne se donnoient garde de ce que soubdainement
advint et sus le plus grant chief de la compaignie : ce fut
sur le propre corps du roy , et pour ce sont les oeuvres de
Dieu moult manifestes, et ses verges crueuses, et sont à
doubter À toute créature. Et on a veu en TAnchien Testa-
*-■ Moult les chevaulx. — ^ Usé. — *^ Trop pressa.
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DB CHARLES YI. 39
ment et ou Nouvel moult de figures et d'exemples. N^avons-
nous pas de Nabugodonosor, roy des Assiriens , lequel ung
temps régna en telle puissance que dessus luj il n'estoit
nouvelle de nul autre , et soubdainement en sa greigneur
force et règne le souverain * roy, • Dieu, souverain sire des
cieulx et de la terre et ' foUrmeur ^ de toutes choses, Tappa-
reilla tel que il perdy sens et règne , et fut sept ans en
tel estât que il vivoit de glans et de pommes sauvages , et
avoit le goust et Tappé^it d*un ' pourcel ? et quant il ot fait
celle pénitance , Dieu luy rendi sa mémoire ' , et adont
dist-il à Daniel, le prophète, que dessus le Dieu dlsrael
n*avoit nul autre Dieu. Â parler par raison et ^ esclairchir ^
vérité. Dieu le Père, Dieu le Fils , Dieu le Saint-Esperit ,
trois en ung nom et tout en une substance , fut , est et
sera tousjours aussi puissant pour monstrer ses ouvres
comme il fiit oncques , ne on ne se doit esmerveiUier , ne
esbahir de chose que il fâche : pour quoy en revenant au
propos , je dis ces paroles et ay dittes pour une influence
du Ciel merveilleuse qui descendy soudainement ce jour sur
le roy de France , et ce fut sa coulpe , ce dient les plu-
sieurs ; car selon la disposition de son corps et Testât où il
estoit et que ses médechins le sçavoient et jugoient , qui
justement la congnoissance avoir en dévoient , il ne deuist
pas avoir chevauchié en si hault jour, ne à telle heure, fors
du matin ou du soir à la froidure , et pour ce en furent
encoulpés , demandés et deshonnourés ceulx qui le menoient
et qui à conseiUier Tavoient et par lesquels consaulx le plus
pour ce temps il usoit et se gouvemoit et s'estoit usé et
gouverné.
Ainsi que le roy de Franco chevauchoit en la challeur
*-* De» rois, — " Créateur. — • Sanglier ou. — 'Et son aeiu. —
'-* Ezhaolchier.
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40 PRÉMisiE
du soleil sus nngs plains et ungs sablonnis^etfBdsoit si
merveilleusement chault que par avant, ne depuis pour celle
saison il ne flst , ne n^avoit fait si cbault , et avoit vestu
ung noir jaques de velours qui moult Teschauffoit , et si
avoit sur son chief ung chaperon ^ songle * de vermeille
escarlatte et ung chappellet dessus de ' grans ^ gros perles
que la royne sa femme luj avoit donné au prendre congié,
et estoit ung sien page qui chevauchoit derrière soy et por-
toit sur son chief ung chapel de Montauben fin , cler. et
net tout d*achier, qui resplendissoit au soleil, et derrière ce
page chevauchoit encoires ung autre page du roy , qui por-
toit une lance vermeille toute enfanonnée de soye ainsi que
pour le roy appartenoit , et avoit la lance ung fer d*achier
large, cler et fin , et en avoit le sire de la Rivière du temps
que il séjourna à Thoulouse fait forgier une douzaine , dont
celluy-là en estoit Fun , car tous douze il les avoit donnés
au roy , et le roy en avoit donnés trois au duc d*Orléans *
et trois au duc de Bourbon. Advint , tout en chevau-
chant en Tarroy et estât que je vous compte , ainsi que
enfians et pages qui en chevauchant se desroient par leurs
chevauls ou par leur négligence , le page qui portoit la
lance du roy, se desroia ou s'endormy et * n'j pensoit
point ^ , et laissa celle lance et le fer cheoir sur le chappel
d'achier que l'autre page avoit sur son chief. Si sonnièrent
hault les achiers Fun par Tautre. Le roy qui estoit si près,
que les pages chevauchoient aux * félons * de son cheval ,
tressailly très-soudainement , et frémy son esperit ; car il
avoit encoires en son ymagination Timpression des paroles
que le fol homme bu le sage luy avoit dittes en la forest du
Mans, et vint au roy en advision que grant foison de ses
*-' Single. — ' * Besnhc.. Blancs. — * Son frère. — *-* Ne penioit
point à ceste lanoe qu'il tenoit. — *-* Escles*. Talons.
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MS CHARLES VI. 41
ennemis luy couroient sus pour occire. En celle abusion il se
desroia par foiblesse de chief et saillj avant en poindant son
cheval ettraistsonespée, et se tourna sur ses pages et en perdy
la congnoissance et aussi la congnoissance de tous hommes
mortels , et cuida bien estre en une bataille et enclos de ses
ennemis, et haulchant son espée et levant contremont pour
férir et donner ung coup ou plusieurs , ^ n*avoit cure * sur
qui , ne où , et s'escria et dist : « Avant ! Avant sur ces
« trahitours ! » Les pages veirent le roy enflambé : si se
' doubtèrent ^ à bonne cause et le cuidiôrent par leur des-
roy avoir courrouchié : si * brocquôrent de l'esperon • l'un
çà , Tautre là.
Le duc dX)rléans n'estoit pour Teure pas trop loings du
roy. Le roy s'adrecha devers luy, tenant Tespée toute nue,
et jà en avoit le roy par sa frénaisie et foiblesse de ^ chief *
perdu la congnoissance , ne il ne sçavoit qui estoit son
frère ou son onde. Quant le duc d*Orléans le perceu venir
devers luy, Tespée toute nue en sa main, si se efiréa et ne
le voult pas attendre et à bonne cause , et poindy * le che-
val *• quoiteusement", et le roy après luy. Le duc de Bour-
goingne estoit et chevauchoit de costé, et pour Tefiroy des
chevaulx et que jà il avoit ouy les pages du roy crier ,
jetta son regard celle part et congneu le roy qui , à Tespée
toute nue , chassoit son frère : si fut tout eshidé et à bonne
cause. Si dist ainsi : « " Hara ! Hara ^' ! le grant meschief !
• Monseigneur est tout desvoyé. Pour Dieu après ! On le
c prengne ! » Et puis dist encoires : « Fuies ! Beaulx nieps
« d'Orléans , fuies ! monseigneur vous veult occir. » Je
vous dy bien que le duc d*Orléans n*estoit pas bien asseuré,
*•• Ne Iny chaiUoit. — *^ Donnèrent garde. — •-• Poingnirent lag
chewilx. — '-• Cœur. — •Et ooita. — ^** Dnrement.. Hastive-
ment. — ••■" Haro*
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42 FEÉKÉSIB
et voirement fuioit-il de quanques cheval povoit * aler *, et
chevalliers et escuiers après. On commença à ' hayer.* et
traire de celle part. Les loingtains qui chevauchoient à
destre et à senestre , cuidoient que on chaçast au loup ou
au lièvre , jusques à tant qu'ils sceurent que c'estoit le roy
qui n'estoit pas en bon point. Touttefois le duc d'Orléans se
sauva , tant tournia et retourna , et aussi on luy aida.
Chevalliers , escuiers et gens d'armes se haièrent tout
autour du roy , et le laissièrent lasser et saouler , et plus
couroit et traveilloit , tant avoit-il greigneur foiblesse , et
quant il venoit sur ung homme, fiiist chevallier ou escuier ,
on se laissoit cheoir devant le coup. Je n'oys point dire que
nuls fuist mort de celle * aathie *, mais il en abaiy plusieurs,
car nuls ne se mist à deffense. Finablement , quant il fut
bien lassé et traveillié et son cheval fort foulé , et que le
roy et le cheval tressuoient de challeur et de ardeur , ung
chevallier de Norn^endie qui estoit son chambrelenc et
lequel le roy moult aymoit (et celluy on nommoit messire
Guillemme Martel) , vint par derrière et embracha le roy
l'espée en la main et le tint tout court. Quant il fut tenu ,
tous autres ^ chevalliers • approchièrent , et luy fut ostée
l'espée , et fut mis jus du cheval et couchié moult doulce-
ment , puis desvestu de son jaques pour luy refifroidier et
rafreschir. Là vindrent ses trois oncles et son firère , mais
certes il avoit perdu la congnoissance d'eulx , ne nul sem-
blant d'amour * ne leur faisoit , et luy tournoient à la fois
les yeulx moult merveilleusement en la teste , ne à nuUuy
il ne parloit.
Les seigneurs de son sang estoient tous esbahis et ne
sçavoient que dire, ne que faire. Là dirent le duc de Berry
* ■ Courre. — •-* Huyer. — '^ Emprise. — *"• Seigneurs. — 'Ne
d'accointance.
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DB CHARLES VI. 45
et le duc de Bonrgoingne : a H &ult retourner au Mans. Le
t voyage est fait pour ceste saison, n Encoires ne disoient-
ils pas tout ce que ils pensoient , mais ils le dirent grande-
ment et monstràrent sur ceulx que ils n'avoient pas bien À
grftoe , quant ils furent retournés à Paris, sicomme je vous
recorderay avant en Tistoire.
A considérer raison et ymaginer toutes choses en vérité,
ce fat grant pitié de ce que le roy de France pour ce temps,
qui est le plus digne , le plus noble et le plus puissant roy
du monde , chéy en telle débilité que de perdre son sens
tout soudainement. On ne le povoit amender, ne &ire autre,
puisque Dieu vouloit que il faist ainsi. On le appareilla et
mist à point au plus, doulcement que on peult , et fat
esiventé et refroidie et couchié en une littière et tout souef
ramené en la cité du Mans. On envoia tantost de par les
mareschaulx au devant de ceulx qui chevauchoient, et leur
fat dit et signifié que tous se mesissent au retour et que le
voyage pour celle saison estoit rompu. Aux aucuns on
disolt la cause pour quoy , aux autres non.
Ce soir que le roy fat rapporté au Mans , médechins
forent moult ensoniés, et les seigneurs et les prochains de
son sang moult tourblés , et vous dy que on en parloit là
et devisoit en plusieurs manières et diverses. Les aucuns
disoient, qui le prendoient et exposoient sur le mal, que on
avoit le roy , au matin avant que il * yssist * hors du Mans,
empoisonné et * ensorcéré ^ pour destruire et honnir le
royaulme de France. Tant multiplièrent ces paroles que
le duc d'Orléans et ses oncles et autres du sang royal
Bottèrent ces paroles et en parlèrent plusieurs fois ensem-
ble en disant : « Vous et vous oés , se oyr vous voulés ,
« comment Ton murmure en plusieurs lieux sur ceulx jui
•-• Parteskt. — »-• Ensorcelé.
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44 PRÉlffelE
« ont eu radministration et la garde ^ de la personne * du
« roy. On dit , et commune renommée court que on Ta
« ensorcelé ou empoisonné. On sache comment ce se pour-
t roit faire , ne où , ne quant ce a esté ; et comment le
« porrons-nous savoir ?» — t Certes , nous le sçaurons ,
« dirent les aucuns , par les médechins. Ceulx le doivent
« scayoir, car ils congnoissent sa nature et sa^mplection. »
Les médechins furent mandés : ils vindrent. Euls venus,
ils furent par monseigneur de Bourgoingne moult fort
examinés. Â cel examen ils respondirent et dirent ainsi que
le roy dès grant temps avoit engendré ceste maladie : « Et
« bien scavions-nous que ceste foiblesse de chief le trar
0 veilloit trop fort, et oonvenoit que , quant que ce f uist ,
0 il le monstrast. » Dont dist le duc de Bourgoingne :
c De tout ce dire et remonstrer vous vous estes bien
c acquittés , mais il ne nous en a«, ne vous , voulu croire
a pour la grant affection que il avoit de venir en ce voyage.
« A mal fut-il oncques advisé , ne ' pourpensé ^ , car le
0 voyage Ta deshonnouré. Mieulx vaulsist que Clichon euist
a esté mort et tous ceulx de sa secte , que le roy euist
a concheu, ne prins ceste maladie ; car il en sera partout
« grant nouvelle, pour tant que c*est encoires ung jeune
c homme , et en recepverons , nous qui sommes ses oncles
« et de son sang et qui l'avons à conseillier et à introduire,
« grant blasme , et si n'y avons coulpe. » — « Or nous
« dittes , dist encoires le duc de Bourgoingne , huy matin,
« quant il deubt monter à cheval , feustes-vous à son dis-
« ner? » — « En nom Dieu , monseigneur, ouyl, » respon-
dirent les médechins. — « Etcommentmenga-il, ne but? »
— « Certes , respondirent les médechins , si petitement à
* Et gouYernemeat. — *"• Du coq». — " Poarparlé.
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DB CHARLES YI. 45
c peines comme riens, et ne faisoit que penser et ^ bnsier *. »
— t Et qui fut cils qui luy donna derrainement à boire ? »
demanda le duc de Bourgoingne. — « Nous ne scavons, res-
c pondirent les médecbins ; car, tantost la table ostée ,
« nous nous départesismes pour nous appareillier et monter
« & cheval. Sachiës ce par les bouteUliers ou par ses
« chambrelens. » Dont fut mandé Robert de ' Tengues * ,
escuier natif de Picquardie et maistre des eschansons , et ,
quant il fut venu , on luy demanda qui avoit darraine-
ment donné à boire au roy. Il respondi ^ : a Certes , mes-
« seigneurs, c*a esté messire * Hélion ^ de Lignach. » Lors
fut mandé le dievallier ; il vint. Quant il fut venu, on luy
demanda qui avoit donné À boire derrainement au roy et
où il avoit prins le vin dont le roy avoit beu en sa ohambre
quant il deubt monter à cheval. Il respondy : o Messei-
t gneurs , veés-là Robert de Tengues qui le livra et en
c flst Tassay , et je aussi en la présence du roy. » — a C'est
c vérité , dist Robert de Tengues , et sachiés que en tout
c ce ne puet avoir nuUe souspechon , ne nulle doubte ; car
« encoires y a du vin pareil ens es bouteiUes du roy, et en
« beuverons et ferons moult voulentiers Tassay devant
ff vous. » Dont parla le duc de Berry et dist : a Nous nous
« débatons et traveillons pour néant ; car le roy n'a esté
c empoisonné, ne ensorcelé fors de mauvais conseil ; et il
i n'est pas heure de parler de ceste matière maintenant.
t Mettons tout en souffrance jusques À une autre fois. »
Sus cel estât * se départirent les seigneurs pour ce soir
là lun de l'autre , et se retrairent en leurs hostels et en
leurs chambres. Et furent ordonnés de par les oncles du roy
à demeurer tous quois delés le roy pour le garder et admi-
^ MoMr.. Bosiner. — " Tankw. — • Et dit. — •"' Robert. —
* Et condoiioiis.
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46 FRÉHÉaiE
nûstrer souverainement quatre chevalliers d*onneur : premiè-
rement messire Regnault de Roye , messire Regnault de
Trie, le sire de Garensières et messire Guillemme Martel ,
et fiit dit au seigneur de la Rivière , à messire Jehan le
Merchier , à Montagu , au Bëgue de Velaines , à messire
Guillemme des Bordes et à messire Hélion de Lignach, que
ils s*en départissent de tous poins tant que on verroit
comment il se porteroit et seroit en meilleur point et estât.
Geulx s'en déportèrent , et les autres en eurent Tadmi-
nistration.
Quant ce vint à lendemain , les oncles du roy le alèrent
veir et le trouvèrent moult foible. Si demandèrent comment
il avoit reposé. Ses chambrelens respondirent et dirent que
moult petitement , ne il ne se puet prendre au repos. « Ce
« sont povres nouvelles, » respondy le duc de Bourgoingne.
Adont se trayrent-ils tous trois devers le roy , car jà y
estoit venu le duc d*Orléans son frère, et luy deman-
dèrent comment il. luy estoit. Il ne sonna , ne respondi
parole , ne mot, mais les regarda très-diversement et perdy
la congnoissance d'euls.
Ces seigneurs furent tous esbahis et parlèrent ensemble
et dirent : « Nous n'avons icy que faire. Il est en très-mau-
(T vais estât. Nous le grevons plus que nous ne luy aydons.
« Nous Tavons recommandé à ses chambrelens et à ses
« médecins. Ceulx en songneront et penseront. Or pensons
<f et soingnons comment le royaulme soit bien gouverné,
« car il fault que il ait ung bon gouvernement et une très-
« bonne ordonnance : aultrement les choses yroient male-
tt ment. » Âdont dist le duc de Bourgoingne au duc de
Berry : « Il nous convient , beau frère , adviser de nous
« retraire vers Paris et ordonner, par la plus gracieuse voye
« qu*il sera possible, que le roy soit jusques là porté et
« mené tout souef et quoyement ; car mieulx entenderons-
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DE GEARLB8 TI. 47
ff nous à Iny par delà qne icy : c est une loingtaine marche
ff de Paris. Et quant nous serons là venus , nous metterons
c ensemble tout le conseil de France , et là sera ordonné
ff comment on se chevira ens ou rojaulme et lesquels
ff auront administration du gouvernement, ou beau nepveu
« d'Orléans ou nous. » — « C'est moult bien advisé ,
« respondi le duc de Berry. Or fault-il avoir bon advis et
« regarder en quel lieu et place on le menra, et qu'il luy
« soit bon et propice. » Et, pour le plus tost retourner à
santé il fut advisé et regardé que on Tamenroit tout belle-
ment et souef ens ou chastel de Craeil et que là a très-bon
air et moult beau pays sur la rivière d'Oise.
Toutes ces ordonnances se tindrent. On donna congié à
toutes gens d'armes , et leur fut dit de par les mareschaulx
de France que chascun retoumast ^ chi^ ' son hostel doul-
cement et courtoisement sans faire nulle violence sur le
pays ; et, se les routiers le faisoient , on s'en prendroit aux
seigneurs pour amender le fourfait et le dommage que leurs
gens auroient fietit. Les deux oncles du roy et le chancel-
lier de France misrent tantost gens à cheval et bons messa-
gers en euvre , et envolèrent par les cités et bonnes villes
de France et de Piccardie., en euls signifiant et estroitte-
ment mandant que ils fuissent soingneus de faire garder
leurs cités et leurs villes. La cause pour quoy , on leur
touchoit ung petit : que le roy n'estoit pas bien disposé.
Les mandemens furent tenus et accomplis par tout.
Or furent les bonnes gens du royaulme de France de
toutes pars moult esbahis et courrouchiés , quant ces nou-
velles furent à tous lés espandues et nottoirement sceues :
que le roy de France estoit encheu par ' incidense mer-
veilleuse en ^ frénaisie. Si en parloient bien largement
" Bn. — » Talle. — * Maladie'et.
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4B wvtxkm
plusieurs gens sur oeulz qui avoient conseillié le roy de
aler en Bretaigne , et les aucuns disoient que le roy ayoit
esté trahy de oeulx qui Youloient porter à rencontre de luy
le duc de Bretaigne et messire Pierre de Graon. On ne
puet defiendre les gens à parler : la matière estoit bien telle
et si grande qu'elle désiroit bira et demandoit à estre
1 déparlée * en plusieurs et diverses manières.
Finablement le roy fut amené à Greil , et là mis en la
garde des médechins et des dessus dis cheyalliers. Toutes
gens d'ùmes se départirent et se traisent en leurs lieux. Il
fut ordonné et ' deffendu ^ que on cellast à la royne ung
temps celle advenue de la maladie du roy , car pour ces
jours elle estoit durement enchainte , et fut deffendu à tous
et à toutes qui estoient en sa chambre sur à perdre Tostel et
à estre grandement^rrigié, que nul, ne nulle n'en feist men-
tion. ^Toutce *setint , et fut le roy à Greil en la marche de
Senlis et de Gompiègne sur la belle et doulce rivière d'Oise, et le
gardoient moult.dilUgamment les chevalliers dessus nommés,
et les médechins le médechinoient ce que ils povoient , mais
pour leurs médechines ^ ne s'ayanchoit son accident, se petit
non, car trop petitement il se prendoit à ' santé.
En ce temps avoit ens ou royaulme de France ung moult
vaillant et saige médechin, et n*y avoit point son pareil nulle
part, et estoit grandement amy au seigneur de Goucy et de
nation de sa terre. Gelluy médechin demouroit pour le temps
en la cité de Laon (là faisoit-il plus voulentiers sa résidence
que ailleurs), et estoit nommé maistre Guillemme deHarselly.
Quant il sceut premièrement les nouvelles de Taccident du
roy et par quelle incidence il estoit cheu en maladie, il dist
ainsi, car il cuidoit assés bien congnoistre la complection du
" Ventaée. — " Dit. — ••• Ainai. — ' Ne fisiques. — '-* Trop
petitement il recevoit.
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DE CHARLES YI. 49
roy : « Geste maladie est Tenue au roy de tourble. Il tient
i trop de la ^ moisteur ' de la mère, n Ces paroles furent
rapportées au seigneur de Coucy, qui pour le temps se tenoit
à Paris delés le duc d'Orléans et ses oncles, car pour lors les
consauls de France, des nobles , des prélats et des bonnes:
yilles, estoient à Paris , pour veoir et conseillier lesquels
ou lequel auroient le gouvernement du royaulme , tant que
le roy seroit retourné en bon estât, se retourner y devoit, ou
son frère le duc d*Orléans ou ses deux oncles ou l'un d*euls
tout par luy, et fut-on sur cel estât et conseil plus de quinze
jours que on ne povoit estre d'accord. Finablement adyisé
fut et conseillié, pour la cause de ce que le duc d'Orléans
estoit trop jeune pour entreprendre ung si grant ' fais ^ que
les deux oncles du roy , le duc de Berry et le duc de Bour-^
goingne, en auroient le gouvernement, et principalement le
duc de Bourgoingne, et que madame de Bourgoingne se ten-
roit toute quoye delés la royne et seroit la seconde après ly.
Or s'adyisa le sire de Coucy , sicomme je vous dy , de
maistre Guillemme de Harselly. Si en parla aux oncles du
roy et leur remonstra, pour sa santé recouvrer, la prudence
et la vaillance du dit maistre Guillemme. Le duc de Berry
et le duc de Boui^ingne y entendirent et le mandèrent : il*
yint à Paris. Quant il fut venu, le sire de Coucy, devers qui
il se tray premièrement (car il estoit grandement son con-
gneu), l'emmena devers les deux oncles du roy et leurdist :
ff Vescy maistre Guillemme de Harselly, dont je vous avoie
« parlé. » — « D soit le très-bien venu, » respondirent les trois
ducs. Adont le recueilliôrent-ils et luy firent moult bonne
chière, et puis l'ordonnèrent pour aler à Creil veoir et visi-
ter le roy et demeurer tant delés luy que il seroit en bon
estât.
*■• Maistenr. — «^ Fait.
XV. — FROISSART. « 4
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30 FRiaisiB
Le ditmaistre Guillemme, & la contemplation et ordon-
nance des seigneurs , se départy de Paris en bon estât et
arroy et se mist au chemin et vint & Creil. Ainsi comme les
deux ducs avoient ordonné à maistre Guillemme, il fist, car
il se tint tout quoy delés le roy , et emprist dessus tous les
autres médechins la souveraine administration de luy curer,
et yey bien et congneut que la maladie du roy estoit curable
et que le roy Tavoit conchue et prise par foiblesse de chief
et par incidence de tourble , siques pour y pouryeoir et
remédier il y entendy et besoingna grandement.
Les nouvelles de la maladie du roy s'espardirent moult
loings; et, qui qu*en fuist dolant et courrouchié, vous devés
croire et savoir que le duc de Bretaigne et messire Pierre
de Craon n'ra furent point moult tourblés, mais Feurent tan-
tost plouré ^ Quant le pape Bonifâce de Romme et les car-
dinaulx en sceurent la vérité , ils en furent tous resjoys et
se mirent ensemble en concitore , et bien dirent que le plus
grant de leurs ennemis (c*estoit le roy de France) estoit batu
de verges crueuses quant Dieu luy avoit toUu son sens , et
que ceste influence estoit du Ciel descendue sur luy pour
luy chastier , et que trop avoit soustenu cel antipape d*Âvi-
gnon, et la playe crueuse luy estoit envoyée pour exemplier *
son royaulme. Et tendent entre euls et disoient que leur
querelle en seroit plus belle. A considérer toutes choses et
parler par raison, voirement ce fut une grant signifiance, et
dont ' Clément et les cardinaulx d*Avignon se deuissent estre
bien advisés et esbahis , mais ils n*en feirent compte fors
pour Tonneiir du roy et du royaulme, et dirent entr euls que
du roy qui estoit jeune et plain de ses cuidiers et voulentés ^
on ne povoit, ne devoit attendre autre chose, car on le lais-
* Car il les avoit accueillis & trop grant hajne. — * Et adviser.
— * Le pape. — * Et avoit accueilli celle maladie par dâiaulte.
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DE CHARtBS VI. 5i
soit trop convenir et avoit laissié du temps passé , et que
petitement et foiblement on Fayoit gardé, et que trop il avoit
fidt d'excès de chevauchier par nuit et par jour et detraveillier
son corps et son chief en toute peynne hors mesure et les
^ articles * de raison, et que ceulx qui gouverné Tavoient du
temps passé, en devroient estre ' demandés * et nuls autres,
car c'est leur coupe. Et, se ils euissent au roy donné en son
«nfiance et jeunesse ung ^ règle * raisonnable et Teussent
tenu en celluy par le conseil et ordonnance de ses oncles,
ceste incidence de maladie ne luy feust point advenue,
c Aveuc tout ce il y a ung trop grant membre de raison, car
« il prommist , ^ n'a plus d'un an ^ , au pape et jura, sur sa
i foy et en parole de roy , que il se ordonneroit tellement
fl que par puissance il destruiroit cel antipape de Romme et
« ses cardinaulx, et osteroit le cisme de l'Église et remettroit
« les choses qui sont moult tourblées en bon estât , et il
i n*en a riens fait , mais est aie de tous poins contre sa
« parole et son serement, dont Dieu est courrouchié, et pour
ff luy adviser il le bat de ceste verge de frénaisie, et, c*est-à-
fl entendre raison , tout pour nous. Et, se il se retourne à
fl santé, ainsi que bien se pourra faire, il nous y conyendra
c envoier souffisans et sages légauls , qui luy remonstrent
€ vif^ement et sagement la deffaulte de ses prommesses affin
« que point ne les ygnore par nostre négligence. » Ainsi se
devisoient et proposoient en Avignon le pape et les cardi-
naulx et amettoient que de ceste maladie dont il estoit batu,
il Tavoit grandement acquis et en estoit cause, et tournoient
grandement le meffîdt et Tincidence de l'aventure sur luy et
• sur ses gardes et sur le conseil de sa chambre. Ainsi faisoient
bien autres gens parmy le royaume de France sans euls.
On «ivoia enune ville que on appelle Haspre, et siet en la
•-' Tanne». — " Chargîés. — «^ Rîeule. — '•• L'an passé.
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52 FRÉIfiSIE
conté de Haynnau entre Cambray et Valenchiennes , en
laquelle ville il y a une abbaye qui est tenue de Saint-Vaast
d'Ârras , en laquelle église ou abbaye on aoure de saint
Akaire , et là gist le corps du dit saint Âkaire en fiertre
moult richement , et est requis et visité de moult de lieux
pour ce que les verges sont ' crueuses de frénaisie et de
* derverie '. Et pour honnorer le saint , envoyé y fut et
apporté ung homme de cire en fourme du roy de France et
ung très-beau chierge et grant et offert dévotement au corps
saint afiSn qu'il priast à Dieu pour alégier la maladie du
roy. De ce don et offrande il fut grant nouvelle. Aussi
envoya-on pareillement à saint Hermer à Renaix , lequel
saint a le mérite de guérir de toute frénésie. En tous lieux
où on sçavoit corps saint ou de sainte qui euissent grâce et
mérite par la vertu de Dieu à garir de frénaisie et de der-
verie, on y envoioit ordonnéement et dévottement Tofirande
du roy.
Quant les nouvelles furent venues en Angleterre et que
le roy et les seigneurs le sceurent, si en furent grandement
tourblés , et par espécial le duc de Lancastre le plaindy
moult , et dist ainsi aux chevalliers et escuiers qui estoient
delés luy : a Par ma foy, c'est grant pitié ; car il monstroit
tt à estre homme de grant emprinse et de bonne voulenté
tt au bien faire, et jà me dist-il à Amiens au congié prendre :
ce Beau cousin de Lancastre, je vous prye chiôrement que
« vous mettes peyne et rendes bonne diligence que ferme
« paix soit entre nous et nostre nepveu d'Angleterre et nos
« royaulmes, par quoy nous puissons aler à grant puissance
« sur TAmorath-Bacquin qui a conquis le royaulme d'Er- .
« ménie et qui se met en peine de destruire crestienneté ,
« par quoy nostre loy soit exaulchie, car nous y sommes de
* Monlt. — •"• Rêverie.
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•DE CHARLES YI. 55
« touspoihs tenus de ce faire. Or est, ce dist le duc de Lan*
« icastre, la chose moult retardée, car jamais n'aura si grant
« crédence comme il avoit en devant. » — « C'est vérité ,
« respondirent ceulx à qui il en parloit , mais ce royaulme
« de France est trop bien ^ conditionné ' de encheoir en
« tourble. »
Ainsi se devisoient et parloient tous seigneurs et toutes
gens ens es pays loingtains et prouchains où la congnoissance
de la maladie du roy estoit venue et sceue. Et le roy estoit
tout quoy ens ou chastel de Greil en la garde des chevalliers
dessus nommés et de maistre Guillemme de Harselly qui en
avoit la souveraine cure et administration ; ne nuls, ne nulle
ne parloit au roy , ne n'entroit ou chastel, fors ceulx qui
estoient députés et ordonnés pour luy *. A la fois le duc de
Bourbon et le duc d'Orléans y venoient pour luy veoir et
visiter et savoir comment il se portoit.
Le duc de Berry et le duc de Bourgoingne se tenoient à
Paris, et n'avoient encoires riens fait de nouvel , mais ils
avoient bien en cuer et en propos que ils besoingneroient
^ temprement^ et tout par bonne raison sur aucuns lesquels ils
n'avoient point bien à grâce , ne leurs consauls , car ils les
avoient trouvés durs et * austères ^ et rebelles en plusieurs
manières, et disoit le duc de Berry : « Clichon, la Rivière ,
« le Merchier et le Bëghe de Velaines, quant ils furent en
« la Languedoch , me ostèrent et pugnirent à mort crueuse-
« ment mon trésorier et bon serviteur Béthisach par envie
i et par * mauvaistié ^ , ne oncques pour chose que je
i sceusse, ne pousse dire, ne faire, je ne le peuls ravoir de
« leurs mains. Or se gardent de moy, car l'eure vendra que
" TaiUié. — » Garder. — " De brief. — •-' Hauts. — " Mauvaise.
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54
LES DUCS DE BERET ET DE BOURGOGNE
« je les paieray de monnoye pareille : ^ on la forge * quan-
a ques ' on puet *. »
Aussi le duc de Bourgoingne , ne ses consauls ne povoient
amer les dessus nommés qui par avant avoient gouverné le
roy ; car, lorsoue ils avoient à besoingnier en court , ils
estoient dur recueillies et reboutés , et faisoit-on moult
petit pour euls, dont ils sçavoient bien parler et murmurer
en derrière.
Pour ces jours, la duchesse de Bourgoingne qui estoit une
crueuse et ^ austôre * dame , se tenoit à Paris delës la
royne de France , et en avoit la souveraine administration,
ne nuls , ne nulle ne parloit à la royne fors par le moien
d'elle. Celle dame héeit de tout son cuer messire Olivier de
Clichon pour la cause du duc de Bretaigne , car ce duc de
Bretaigne estoit à elle moult prochain de '' sang * , et en
parloit la dame moult souvent au ducMe Bourgoingne , et
luy remonstroit vif^ement et clèrement que c'estoit grant
deffaulte que on avoit tant et si longuement porté Olivier
de Clichon à rencontre de ung tant grant prince comme
estoit son cousin de Bretaigne.
Le duc de Bourgoingne qui estoit sage et ymaginatif, et
qui sur ces besoingnes veoit tout au long, et qui ne vouloit
pas mettre tourble ou royaulme , mais tenir en paix toutes
parties ce qu'il povoit , ne qui ne vouloit pas , ne n'avoit
voulu du temps passé courrouchier ces seigneurs , c*est-à-
entendre le roy Charles son frère , ne le roy Charles son
nepveu , respondoit à sa femme sagement et doulcement :
« Dame, en tous temps se fait bel et bon dissimuler. Vérité
a est que nostre cousin de Bretaigne est ung grant sei«
« gneur, et sa seigneurie et puissance puet trop bien contre
« le seigneur de Clichon. Se je faisoie jà partie aveuc luy
•^ Et forgée en mesme forge. — •"• Tant que. — " Haute. —
'-• Lignage.
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GOUVBRIIENT LA FRAHGE. 55
au seigneur de Clichon , on s*en esmerveilleroit trop
grandement en France et à bonne cause , car le sire de
Clichon dit, monstre et met oultre que toutes les haynnes
que il a à nostre cousin de Bretaigne , sont engendrées
pour soustenir Tonneur du royaulme de France où nous
avons grant part , et ainsi Tentendent pareillement la
plus grant partie des gens du royaulme de France. £t
jusques à ores je n'ay veu nul certain article de rais(m
pour quoy de fait je me ^ soye avanchié ' pour demeurer
delés nostre cousin de Bretaigne à rencontre du seigneur
de Clichon. Si m*en a convenu dissimuler , et je vouloie
demeurer en la grâce et amour ' du royaulme » où je
suis tenu de foy et de serement trop plus que je ne soye
au duc de Bretaigne. Or est advenu ainsi que monsei-
gneur n'est pas en bon point mais en dur party , ainsi
comme vous sçavés, et tout est à rencontre du sire de
Clichon et sera , et de ceulx qui l'ont conseillié oultre
nous (mon frère de Berry et moy) de aler ou voyage où
il vouloit oultréement aler. La verge est toute cueillie ,
dont ils seront * hastivement ^ batus et oorrigiés , ainsi
que vous orrés et verres * temprement '' , mais que vous
veuilliés ung petit attendre et souffrir. Dame , dame , il
n*est saison qui ne paye , ne fortune qui ne tourne et
retourne , ne cuer courrouchié qui ne se resjouissse, ne si
resjouy qui n ait à la fois des courrons. Clichon , la
Biviôre , le Merchier , Vilainnes et encoires d'autres ont
mal fait , et on leur monstrera * temprement ^. » Ainsi et
par tels langaiges '^ resjouissoit " à la fois le duc de Bour-
goingne la duchesse sa femme.
*-• Doye i^Tanchier — • Du roy et. — *■• Aastèrement. — •-' De
bref. — " De bref. — "" Apaiaoit.
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86 POURSUITES DIRIGÉES
Or advint ung jour , et gaires ne demoura depuis ces
paroles dessus dittes , que le duc de Bourgoingne et le duc
de Berry eurent ung parlement secret ensemble et dirent :
tt II nous fault commenchier à destruire ceulx qui ont des-
« honnouré nostre nepveu le roy et qui ont ouvré et joué
« de luy à leur entente et voulenté. Et pi*emiôrement nous
a commencherons au connestable : c'est le plus grant et celluy
« qui a le plus de finance , car il met en termes et fist son
a testament Tautre jour.lorsque il fut blechié , de' dix-sept
« cens mil frans. Où, diable, en a-il tant assamblé , et si Ten
a a bien cousté le mariage de sa fille à Jehan de Bretaigne
a. nostre cousin que il délivra hors de dangief et de prison
a. d'Angleterre , deux cens mil. Et comment y entrerons-
« nous tout par point et par raison? car vescy nostre
« nepveu d'Orléans qui le porte très-grandement , et aussi
« font aucuns barons de France. Néantmains, se nous le
a tenons , nous le demeurons par loy et parlement lequel
« nous avons à présent pour nous. » — « C'est vérité, dist
« le duc de Bourgoingne. La première fois que il vendra par-
« 1er à moy, et» se'&ult que il y viengne dedens demain, je
« luy remonstreray bien à la recueillotte que je luy feray ,
a que je ne l'ay pas à grâce, ou vous, beau frère de Berry ,
« se premièrement il aloit vers vous. » — a Je le feray
a ' ainsi ', » dist le duc de Berry ; et se départirent de ce
conseil.
Or advint que le seigneur de Clichon qui riens n'y pen-
soit , mais cuidoit moiennement estre assés bien de ces sei-
gneurs le duc de Berry et le duc de Bourgoingne , vint
pour ' l'office * de la connestablie, dont il estoit poursieùvy
d'aucuns chevalliers et escuiers qui en ce voyage du Mans
avoient.esté et vouloient avoir argent , car encoires n'en
•-■ Aassi. — "^ Le deu de son
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CONTRE LES ANGIERS CONSEILLERS DU ROI. 87
avoient-ils point eu, et les envoiolt le chancelier de France,
et aussi &isoit le trésorier devers luj pour euls délivrer.
Et vint , sicomme je vous dy , î à une relevée * le connes-
table à Tostel d'Artois à Paris pour remonstrer Testât de
ces besoingnes au duc de Bourgoingne et non à autrui ;
car jà luy estoit baillie et ' ordonnée ^ la charge du gou-
vernement du royaulme. Quant il fiit venu à Tostel d'Ar-
tois luy et ses gens (plenté n'en y avoit-il mie), ils entrèrent
€31 la court , car le portier leur ouvry la porte , et descen-
dirent de leurs chevauls.
Le connestable monta les degrés de la salle, luy et ung
escuîer tant seulement , et les autres attendirent ^ bas en la
court *. Quant le connestable fut venu en la salle, il trouva
deux de^chevalliers du duc ^. Si leur demanda en quel point
le duc estoit et se il pourroit parler à luy : « Sire , nous ne
« sçavons , respondirent les chevalliers , mais nous le
i scaurons tantost. Demeurés icy. » Ils entrèrent en la
chambre du duc et le trouvèrent assés à loisir , car il
* gengloit ^ à ung hérault qui venoit , ce diiSoit-il , d'une
feste qui s'estoit tenue en Âllemaigne. Les chevalliers rom-
pirent leurs paroles , car ils dirent ainsi : a Monseigneur,
« vecy messire Olivier de Clichon en celle salle, et vient, à
« ce qu'il nous a dit, pour parler à vous, se c'est vostre
« *• aise ". » — « De par Dieu , dist le duc *• , on le face
« venir avant. Nous avons assés loisir maintenant pour
i parler à luy et savoir que il veult dire. » L'un des cheval-
liers yssi hors de la chambre et appella le connestable et
luy dist : a Sire, venés oultre ; monseigneur vous mande. »
Le connestable passa avant. Quant le duc le vey , si mua
couleur trop grandement et se repenty en soy de ce que il
*-• Après dimer. — •-• Délivrée. — •^ En la basse court. — ^ De
Boorgongne. — "^ Se devisoit. — ••-" Plaisir. — "De Boorgongne.
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58 FOimsuiTEs oiaiGiES
ravoit &it Tenir , quoyque il euist bien affection et désir
de parler à luy. Le connestable osta son chapperon de
son chief et enclina le duc de Bourgoingne et dist : a Mon*
« seigneur , je suis cy Tenu par devers voua pour sgavoir
« de Testât et du gouvernement du royaulme comment on
« s*en vouldra ^ déduire et démener ' , car pour mo^ office
0 je suis tous les jours demandé et poursieuvy, et , pour le
« présent, vouset monseigneurdeBerryenavés lagouverne :
« si m'en vueilliés respondre. » Le duc de Bourgoingne
respondy assés follement et dist : a Clichon , Glichon, vous
« ne vous avés que faire d*ensonnyer de Testât du royaulme,
a car sans vostre office sera-il bien gouverné. A la malle
« heure vous en soiés-vous tant ' ensonnyé *. Od , diable ,
« avés-vous tant assamblé , ne recueillie de finance que
« nagaires vous fesistes testament et ordonnance de ^ dix-
« sept ^ cens mille firans ? Monseigneur, ne beau frère de
tt Berry, ne moy pour toute nostre puissance à présent n'en
« pourrions pas tant ^ mettre ensemble. Partés-vous de ma
« présence , *yssiés de ma chambre , et faittes que plus je
« ne vous voye ; car , se ce n'estoit pour Tonneur de moy,
« je vous feroie l'autre oeul crever. » A ces mots le duc se
départy de luy , et laissa le seigneur de Glichon tout quoy,
lequel yssy hors de la chambre, baissant le chief et tout
pensif , ne nuls ne luy flst convoy , et passa parmy la salle
et Tavala tout jus , et vint en la court et monta à cheval
et se départy, et ses gens aussi, et se mist au chemin à la
couverte et retourna à son hostel ^ tant pensif que plus ne
povoit •.
Quant le sire de Clichon fut en son hostel revenu., il ot
mainte pensée et ymagination quel chose il feroit , et con*-
•-• Chevip. — »■• M68lô. — •-• Quinze. — ^ Aaaambler et. — • •-• Sans
dire aatre chose.
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CONTRE LIS AROERS QONSBILLB&S BU ROI. 50
gneut tantost que les choses yroient mal, et ne savoit à qui
parler , ne descouvrir ses besoingnes , car le duc d*Orléans
estoit lors à Graeil. Néantmains , se il fuist à Paris, si
n avoit-il nulle puissance de luy sauver et garder , et se
doubta trop fort que de nuit le duc de Bourgoingne ne le
feist prendre et efforchier son hostel , et ne osa attendre
celle adventure , mais ordonna tantost toutes ses besoingnes
et dist à aucuns de ses vallets ce que il Youloit faire , et
sur le soir il se départy luy troisième, et Tuida hors de son
hostel par derrière et yssi de Paris par la porte Saint-
Ânthoine et vint au pont de Charenton passer la Saine, et
chevaucha tant que il se trouva en ung sien chastel à sept
lieues de Paris que on dist le Mont-le-Héry , et là se tint
tant que il ot autres nouvelles. '
Ce propre jour que le duc de Bourgoingne avoit ainsi
ravalé de paroles le connestable de France, le duc de Berry
et luy se trouvèrent, car ils vindrent au palais pour parler
ensemble des choses qui touchoient et appartenoient au
royaulme de France. Si compta le duc de Bourgoingne à
son frère le duc de Berry , comment il avoit parlé et
• recueillie * Clîchon. Le duc de Berry respondi et dist :
• Vous avés bien fait. Par aucune voye fault-il entrer en
• euls , car voîrement * il ^ , le Merchier , la Rivière et
i Montagu ont desrobé le royaulme de France ; mais le
« temps est venu que ils remettront tout arrière et y lai-
€ ront les vies , qui m'en vouldra croire. »
Je ne scay comment il en advint , ne que ce fut , mais ce
propre soir que le connestable yssi de Paris, Montagu s*en
party aussi tout secrètement par la porte Saint- Anthoine et
prist le chemin de Troyes en Champaigne, et dist que il ne
séjonmeroit , ne s'arresteroit nulle part, si se trouveroit en
" Ravalé. — »-• CHchon.
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60 POURSUITES DlBlGàSS
Avignon ; et jà y avoit-il envoyé une partie de ses finances
et si en avoit laissié à sa femme aucune chose pour son
estât tenir courtoisement ; car bien veoit et congnoissoit que
puisque le roy avoit perdu son sens , que les choses yroient
mal , car le duc de Berry et le duc de Bourgoingne ne par-
loient mais ft luy.
Messire Jehan le Merchier euist Voulentiers fedt ainsi , se
il euist peu ; mais on avoit jà mis sur luy gardes que riens
sans sceu n*yssoit de son hostel , et ce que en devant il
avoit sauvé, luy vint depuis trop grandement à point, quant
il le trouva ; car tout ce que on pot tenir , avoir et trouver
du sien , fut attribué au duc de Berry et au duc de Bour-
goingne. Il luy fut Ëiit ung commandement par les dessus
dis que il alast tenir son corps prisonnier ens ou chastel du
Louvre , et au Bègue de Velaines , conte de la ^ Ribôde *
en Espaigne , aussi. Ils y alèrent. On envoia à Tostel de
Montagu, mais ceulx qui envoies y furent, ne le trouvèrent
point , et si ne scavoit nuls & dire quel part il estoit aie',
ne trais. On le laissa, quant on ne le peult avoir.
On demanda se Olivier de Clichon estoit à Paris, et fat
envoyé querre en son hostel pour luy faire commandement,
se on Teuist trouvé , que il fiiist aie aussi tenir son corps
• prison * ens ou chastel du Louvre. On ne le trouva point,
ne homme de par luy, fors le concierge qui gardoit Tostel et
n*en sçavoit ^ quelques ^ nouvelles. On laissa ainsi ester ces
paroles deux jours tant que on sceut de vérité qu'il estoit
en son ' chastel * de Mont-le-Héry.
Quant les seigneurs qui le vouloient prendre et attraper,
le sceurent (et se tenu l'eussent , mal et lait luy feust aie),
ils ordonhôrent tantost le Barrois des Barres et messire
Jehan de Ghastel-Morant , le seigneur de Coursy et messire
•-• Ribedée. — »-* Prisonnier. — " Nulles. — '-• Hostel.
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QORTRE LES ANCIENS CONSEILLERS OU ROI. 61
Guillemme de la Trimouille à trois cens lances, et leur fut
dit : « Alés-Yousentau Mont-le-Héry. Environnés la ville
« et le chastel, et ne vous partes point de là sans nous
« ramener Clichon mort ou vif. » Les chevalliers obéirent,
et faire leur convint, car les deux ducs pour lors avoient
Tadministration du royaulme de France , et partirent de
Paris à plus de lU^ lances» non pas tout à une fois, mais par
cinq routes , affin que leur yssue feust moins congneute*
Dieu aida si bien le connestable , et ot de si bons amis en
la chevauchie, que ceste ^ yssue ' luy fut signiffiée si bien à
temps et à point que il n y receu nul dommage , et se
départy luy et ses gens et se mist au chemin et chevaucha
tant par voyes couvertes, par bois et par bruières, hors des
dtés et des villes fermiées, que il vint seurement et sauve-
ment en Bretaigne et se bouta en ung sien chastel bien
gamy et pourveu de toutes choses nommé Ghastel-Josselin,
et là se tint tant qu'il oy autres nouvelles.
Pour ce ne demeura pas que ' le Barrois des Barres et
les autres chevalliers dessus nommés ne se meissent en
peine de faire leur emprise , ainsi que chargié leur estoit,
et vindrent au Mont-le-Héry et se saisirent de la ville et
environnèrent le chastel et furent là une nuit, et cuidoient
que le connestable fuist dedens , mais non estoit ainsi que
vous sçavés, et se ordonnèrent au matin ainsi que pour
assaillir. Les varlets qui le chastel gardoient , respondirent
et dirent que le sire de Clichon estoit départy de là, passé
estoit quatre jours, et offrirent à ouvrir le chastel et à
laissier quérir partout. Les chevalliers prindrent celle oâre
et alèrent ou chastel en toutes les tours, armés , de piet en
cape , ainsi que pour tantost combatre , et ce firent-ils affin
que là dedens ils ne fuissent sourprins de trahison , ne
•■' Venue. — » Hues.
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89 POURSOTTBS DIRIGÉES
d*aucun6 embasche , mais ils trouvèrent tout en vérité œ
que les familliers et varlets du seigneur de Giichon avoient
dit , si chercôrent-ils hauls et bas et partout , et riens n*7
trouvèrent. Dont s'en partirent-ils et retournèrent vers
Paris et là vindrent. Si comptèrent à ceulx qui là les
avoient envoies , comment ils avoient exploittié.
Quant le duc de Berrj et le duc de Bourgoingne et leurs
consauls voiront que messire Olivier de Clichon leur estoit
eschappë , si en furent moult courrouchiés , et le duc d*Or-
léans et le duc de Bourbon tous resjouys. Or dist le duc
de Bourgoingne : « Il a bien monstre que il se doubte. Pour
« tant, se il s'en est aie et eslongié , n'est-il pas quitte.
« Nous le ferons traire et venir avant hastivement, ou il
« perdra tout ce où nous pourrons la main mettre , ne jà
« n'en sera déporté, car il a sur luy plusieurs articles des-
.« raisonnables qui ne demandent que jugement de pugni-
« tion ; et , se les grans et les puissans et les mauvais n'es*
« toient pugnis et corrigiés, les choses ne seroient point
« proportionnées justement, et se contenteroient mal les
« petis et les foibles , et justice doit estre léalle et non pas
« espargnier ne fort, ne foible, par quoy tous s*i exemplient. »
Ainsi disoit et devisoit le duc de Bourgoingne , et messire
Olivier de Clichon s'estôit mis et bouté sauvement et seu-
rement en son hostel lequel on nomme Chastel-Josselin en
Bretaigne , et estoit bien pourveu de tout ce qu'il apparte-
noit pour forteresse tenir et garder.
En ce propre jour que le Barrois des Barres fat retourné
à Paris devers les seigneurs et que il leur ot dit et compté
que messire Olivier de Clichon nestoit pas ou chastel de
Mont-le-Héry, il luy fut dit de par le duc de Berry et le duc
de Bourgoingne : « Départés-vous, Barrois , demain de bon
« matin et chevauchiés jusques à Auniaulx. On nous a
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courus LES ANCmS COMSEILLBES DU ROI. 63
« dit que le sire de la Rivière y est. ^ Calengiés-Ie ' de par
« nous et de par le conseil du roy, et ' Tayés tel ^ que vous
« nous en rendes bon compte, quant nous le vous demande--
« rons. » Il respondy : o Messeigneurs, voulentiers. » Et
chevauchèrent Tendemain luy et sa route, et vindrent à
Anniaulx, une moult belle forteresse séant emprès Chartres,
que le sire de la Rivière tenoit et Tavoit prins en mariage
aveuc la dame d'Âuniaulx sa femme , et avoit le dit
chastel et toute sa terre trop grandement amendée » et
moult estoit amé de ses hommes en sa terre et tout là envi-
ron , car il ne vouloit que tout bien et loyaulté.
Les commissaires de par les seigneurs dessus nommés
vindrent à Âuniaulx et firent ce dont ils estoient chargiés et
trouvèrent le seigneur de la Rivière, sa femme et ses enfians,
lequel seigneur de la Rivière n'attendoit autre chose que ces
^vigelles*, car jà luy avoit-on dit que messire Jehan le
Merchier et le conte de la Ribède tenoient prison , et que
le connestable estoit party et fuy hors du Mont-le-Héry et
retrait quelque part que ce fuist à sauveté , et luy avoit-on
dit : « Sire, saulvés vostre corps, car les envieux ont à pré*
« sent règne "^ contre vous pour eulx. » Il avoit res-
pondu & ces paroles et dit ainsi : « Icy et aultre
« part suis-je en la voulenté de Dieu. Se je * me dému*
« choie • , je me " jetteroie " ou fait dont je me sens pur
0 et net. Dieu m*a donné ce que j*ay , et Dieu le me peult
« ester quant il luy plaist. J*ay servy le roy Charles de
« bonne mémoire et le roy Charles son fils à présent ^' ,
« bien et loyaulment. Mon service a esté aussi bien con-
« gneu de euls, et le me ont grandement rémunéré. Je ose-
t roie bien , sur ce que j*ay fait, servy et traveillié à leur
*-• Demandéih-k; — •-* Faites teUement; — ^ Vegilles. -- ' Et est
fortune toarnée. — •"• M*enfajoie. — ••"" Metteroie. — " Régnant,
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64 POURSUITES DIBlGiBS
« commandement pour les besoingnes du royaulme de
« France, attendre le jugement de la chambre de parlement
« de Paris , et , se on treuye en tous mes fais chose où
« riens ait à dire , je soie pugny et corrigié. »
Ainsi disoit et avoit dit le seigneur de la Rivière à sa
femme et à ceulx de son conseil, en devant ce que les com-
missaires des seigneurs dessus nommés venissent à Auniaulx.
Quant on luy dist : « Monseigneur , vecy tels et tels , et
« viennent à main armée , et veulent entrer chyans. Qu'en
« dittes-vous ? Ouvrirons-nous la porte ?» — « Oyl , dist-
0 il. Quoy dont ! Ils soient les bien venus! » Et à ces mots
il-meismes vint à rencontre d*eulx et les recueilly ung à ung
moult honnourablement ; et tout en parlant & euk il et euk
et toutes leurs gens entrèrent en la salle du chastel de
Auniaulx. Quant ils furent venus tous là, ils se arrestèrent,
et adont le Barrois des Barres, ung moult douls et gentil
chevallier, flst de cuer courrouchié (et bien le monstra) Far-
rest sur le seigneur de la Civière, ainsi que chargîé luy
estoit et que faire luy convenoit. Le sire de la Rivière le
tint pour excusé et obéy ; autrement ne le povoit &ire ,
ne vouloit. Si demeura prisonnier en son chastel d*Auniaulx
meismes. Vous devés croire et sçavoir que la dame estoit
moult desconfortée et fut plus quant elle vey ainsi la ^ for-
tune tourner et renverser sur son seigneur et mary, et se
doubtoit aveuc ce trop fort de la conclusion.
Ainsi fut le seigneur de la Rivière prisonnier en son
chastel de Auniaulx. Gaires de temps depuis n*y demeura que
il fut envoie quérir par les dessus dis qui avoient le gouver-
nement de la temporalité et aussi de ' Tespiritualité ' ; car
cils qui pape Clément s*escripvoit , n*avoit riens ou royaulme
de France, fors par ces deux qui gouvemoient le dit
* Roe de. — " L'espirituel.
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CONTRE LES AMCDaiS G(NXWI«¥'SBfi BU ROI. 05
royaolme » et fut amené à Paris et mis eus ou chastel du
Louvre. Moult de gens parmy le royaulme de France en
avoient pitié, et si n'en osoient parler fors en ^ larchin '.
Enooires ne &isoit-on point si grant compte de la tribulation
de messire Jehan le MercUer que de celle du seigneur de
la Riviâre ; car le sire de la Rivière avoit tousjours esté
doulx , courtois , débonnaire et patient aux povres gens, et
à ceulx et à celles bon moien, qui avoient à besoingnier et
qui ne povoient avoir audience. On disoit tous les jours
parmy la ville et cité de Paris que on leur trencheroit les
testes, et couroit par aucuns , non mie tous , ung esca^idèle
et uçe renommée pour euls plus grever et oppresser, que ils
estoient trahitours contre la couronne de France et avoient
usurpé , emblé et démuchié les grans prouffis du royaulme
^de France , dont ils avoient tenus leurs grans estas , fait
^misons et chasteaulx et beaulx édifices, et les povres che-
valliers et escuiers qui avoient exposé leurs corps et leurs
membres ens ôs armes à servir le royaulme de France et
vendu et aloué leurs héritages en servant, n*avoient peu
estre en temps passé payés tant par messire Olivier de
Clichon comme par ces deux et aussi j^ar Montagu qui s'en
estoit ^ aies *. Les envieux et les hayneux les condempnoirat
et jugoient à mort , et en furent en trop grant aventure ;
et fut dit que sur euls il estoit tout prouvé que ceulx avoient
plainement conseillié le roy de France de aler au Mans et
pour aler en Bretaigne, et Tavoient mis en la maladie et en
la frénaisie où il estoit par donner à boire poisons appro-
priés à leur voulenté , et couroit commune renommée que
les médechins qui avoient eu le roy à gouverner, n'en
povoient, ne n'avoient peu toute la saison joyr, ne user pour
euls.
•-• Derrière. — "^ Foi.
XV. — VBOISSARTé 6
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66 porasoms mbigébs
Tant fut proposé à rencontre ^ d'enU ' , c'est-assavoir du
seigneur de la Rivière et de sire Jehan le Merchîer, que Us
furent ostés du Louvre et délivrés an prévost de Ghastelet
de Paris et mis ens ou chastel de Saint-Ânthoine en la
garde du visconte d'Âscy qui pour le temps en estoit cfaas-
tellain. Quant ils furent lÀ mis et que on le sceut de vérité,
dont ' s'efibrcha ^ renommée à courir et à venteler partout
que ils seroient exécutés à mort. Mais , au voir dire et
parler proprement et par raison , ils n'eurent oncques ce
jugement et arrest contre euls ; ne ceulx qui à jugier les
avoient , ne povoient trouver , ne sçavoir en bonne con-
science que ils deussent ^ porter peine de mort ^ : si estoient-
ils tous les Jours pour eulx contrarier eshidés et assaillis, et
disoiton ainsi : « Pensés pour vos âmes , car vos corps
« sont perdus. Vous estes jugiés à morir et à estr%
« décolés. »
En celle '' peine * et douleur que je vous dy , ils furent
ung trôs-grant temps. Toutesvoies le Bèghe de Velaines ,
ung trôs-vaillant chevallier et gentil homme en armes du
pays de Beausse , lequel estoit admis de leur meismes fait
et encoulpé , fut si bien aidié et ot tant de bons amis en
la place, que il fut délivré hors de prison, et ot pleine rémis-
sion de toutes * admises ^^ ; mais, à Tissir hors de prison et
à sa délivrance, ceulx de son lignage messire le Barrois et
autres luy dirent que il se ordonnast et s*en alast jouer en
Castille ; car là tenoit bel héritage et bon de par sa femme
la contesse de la Ribède. Sicomme il fut conseillié, il le fist,
et se ordonna et appareilla du plus tost que il peult, et se
départy de France et s*en ala'en Castille, et les deux autres
dessus nommés demourôrent en prison et ou péril et dan-
gier de perdre leurs vyes.
* ' De ces deux. — *^ Commencha. — •■• Mourir. — *-• Pensée. —
•-*• Choses.
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CONTBE LES ANGIBriS CONSEILtKRS BU ROI. 67
Tous les biens meubles et non meubles, hiretages et autres
possessions, que messire Jehan le Merchier avoit dedens
Paris et dehors Paris eus ou rojaulme de France où on
peult la main mettre , tout fut prins , ^ toUu et osté , ainsi
commebiens acquis ' et fourfais, et tous donnés à autrui. Sa
beUe maison du Pont-à-Louvion ou diocèse de Laon, qui
tant luj avoît cousté , luy fut ostée et donnée au seigneur
de Goucy, et toutes les appendences , terres , rentes et pos-
sessions qui au manoir et à la ditte ville appartenoient : je
ne sçay se ce fut fait à ' sa requeste ^ ou demande, mais il en
fiit ahireté pour luy et pour son hoir.
D'autre part, le sii*e de la Rivière fut trop dur mené.
Vérité est que de son meuble là où on le peult avoir et les
terres et héritages lesquels il avoit acquis et achetés , on
luy osta , réservé que on laissa à sa femme la dame
d*Auniaulx tous les héritages lesquels venoient de son costé
de père et mère. Aveuc tout ce il avoit une jeune fille, belle
damoiselle et gente , en Teage de dix ans , laquelle fille par
conjonction de mariage avoit espousé ung jeune fils qui
s*appeUoit ^ Jehan * de ChastiUon, fllsainsné de messire Hues
de Ghastillon qui jadis fut maistre des ai^balestriers de
France , et estoit ce fils héritier de son père et tenoit
grans héritages et beaulx et estoit encoires taillié de en
plus tenir, et jà chevauchoit-il et avoit plus de ung an che-
vauchié aveuc son grant sire le seigneur de la Rivière ;
mais, non obstant toutes ces choses et oultre la voulenté de
Fenffimt, on le desmaria de la fille au seigneur de la Rivière
et futremarié ailleurs là où il pleut ^ au duc ^ de Bourgoingne
et à oeulz de la Trimouille qui pour le temps de lors
menoient la * tresque ^^. ^
*^ Ainsi comme bien toUua et ostés. — *^ La reqaeste da dît Bei-
gnenr de Coachy. — •^ Jacqaes» — '*• Aux seigneurs de Berry et. —
•^Querelle.
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68 porasuiTEs DiRia&Es
Encoires oultre, le sire de la Riviôre avoit ung fils jeune
escuier et son héritier. Ce fils estoit marié à la fille du
conte de Dampmartin, et n*avoit le dit conte plus d*enffant
et h'estoit point taillié que jamais en peust ou deust plus
avoir, et estoit la fille son hiretière. On les voult desmarier
et remettre la fille ailleurs plus haultement assés ; mais le
conte de Dampmartin , comme vaillant preu^homme , ala
^ moult ' grandement au devant et dist bien et le tint que
tant et si longuement que le fils du seigneur de la Riviôre
aroit vyeoucorps,sa fille n*aroit autre marypour homme qui
en peust parler , ne traittier , et oultre , se on faisoit à
Tenfiant violence pour abrégier sa ^ fin ^ , sa fille n'aroit
jamais mary et metteroit son héritage en si dures mains
que ceulx qui vouldroient avoir son droit sajos cause par
fraude ou par envie , ne leur pourroient ester. Quant on <
vey la bonne voulenté du conte de Dampmartin et ses
defienses, on le laissa en paix, et ainsi dempura le mariage,
«t les deux enffans ensemble , mais le premier dont je vous
ay parlé , se desrompy , et en dispensa le pape Clé-
ment , voulsist ou non ; car pour lors eus ou royaulme de
France il n'avoit autre puissance que celle que on luy don-
noit et consentoit à avoir , tant estoit TÉglise subgette et
vitupérée par le cisme et ordonnance de ceulx qui gouverner
•la dévoient.
Moult de pueple par espécial parmy le royaulme de
France et ailleurs excusoient grandement ce gentil seigneur
de la Riviôre de toutes ces admises , voire , se excusances
vaulsissent , mais nennil ; ne nuls, quel qu'il fuist , ne com
cier qu'il veist en la matière , n'en ousoit parler. , ne ouvrir
la bouche, fors tant seulement celle vaillant ^ jeime dame
madame Jehenne de Boulongne , duchesse de Berry. Trop
•-• Trop. — »-* Vie. — • Et noble.
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CONTBB LSS. AMOISMS G(»I9BILLBRS DU ROI. 69
de fois celle bonne dame 8*en mifli à genouLs devant son
mary le duc de Berry, et luy disoit en priant à mains
jointes : a Ha t a ! monseigneur , à tort et à péchié , yons
vous laissiés des ennemis et des hajnenx infourmer
diversement sur ce vaillant chevallier preud'omme et
vray homme le seigneur de la Rivière. On luy fait pure-
ment tort ; ne nuls n'ose parler pour luy fors moy. Je
vueil bi^i que vous sachiés que , se on le fait morir ,
jamûs n'auroye joye , mais ^ toumeray ' tous les tours
que je pourray , pour vivre ' en tristresse et estre en
douleur ; car il est, où qu'il soit, très-léal chevallier ,
vaillant et sage preudliomme. Ha! al monseigneur.,
certes vous considérés petitement les beaulx services que
il vous a fais, les peynes et les travauls que il a eus pour
vous et pour moy mettre ensemble par mariage , car je
suis une petite dame à rencontre de vous ; mais vous qui
me vouliés avoir , vous aviés à faire à ung trop dur et
advisé * seigneur ^ monseigneur de Fois, en qui garde et
gouverne j*estoie pour lors. Et , se le gentil chevallier le
sire de la Rivière et ses douloes paroles et sages traittiés
n euissent esté , je ne fuisse pas en vostre compaignie ,
mais je fuisse pour le présent en Angleterre ; car le duc
de Lancastre me vouloit avoir pour son fils le conte
d'Erby, et plus se y enclinoit monseigneur de Fois assés
que il ne feist à vous. Très-chier sire , il vous doit bien
souvenir de toutes * ces ^ choses, car elles sont véritables.
Si vous prie humblement et en pitié que le gentil che-
vallier qui tant doulcement m'amena par dechÀ , n'ait
nul dommage de son corps, ne de ses membres. »
Le duc de Berry qui veoit sa femme jeune et belle et que
•■• Trouveray. — *-" Seray tous les jours que je vlTray. — **• Che-
valier. — •-' Telles.
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70 PO17B80ITES DIRIGiBS
il aymoit de tout son cuer, et qui bien sçavoit qu*eUe disoit
et remonstroit tonte vérité, amolioit grandement son cner que
il avoit dur et ^ auster ' sur le seigneur de la Riviàre , et,
pour àppaisier sa femme (car il veoit bien qu'elle parloit et
prioit de grant cuer), luy dist : « Dame , se Dieu m'ait à
« Fâme ! je vouldroie par espécial qu'il m'euist cousté vingt
0 mil frans , et la Rivière ne fuist oncques * four&is ^
ff envers la couronne de France ; car, en devant ceste
ff advenue de la maladie de, monseigneur , je Famoie bien
0 ettenoiepour ung sage et pourveu chevallier. Et puisque
a vous en parlés et priés si à certes , je ne vous vouldroie
a pas courrouchier. A vostre prière et parole il en vauldra
t grandement mieulx , et * en * fera; plus pour vous et si
« avant que ma puissance se pourra estendre, que se tous
« ceulx du royaume de France en parloient et prioient. » —
« Monseigneur , respondy la dame , se Dieu plaist, je m'en
« percevray, et vous ferés bien et aumosne. Et je croy que
a le gentil chevallier et vaillant preudliomme n'a ^ nul
« advocat * fors moy. » — « Vous dittes vérité , disoit le
« duc de Berry , et quant vous vous en voulés ensonnier ,
« il * doit souffir. »
Ainsi se appaisoit la dame sur les paroles de son sei-
gneur et mary le duc de Berry , et quant lé duc de Bout-
goingne et leurs consauls parloient ensemble , c'estoit tout
tourble , et n'estoit nulle doubte , se la bonne dame n'euist
esté et si très à certes n'y euist entendu , ils euissent esté
mors , mais pour l'amour d'elle on s'en dissimula , et en
vallu messire Jehan le Merchier très-grandement mieulx de
la compaignie du seigneur de la Rivière, pour tant que ils
estoient prins et accusés pour ung meismes fait; et on
*-*Ha!ilt. — »^MesfiuB. — "¥• — »■■ NuUeadvocate. — • Vous.
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GoQgle
CONTRE LES AKaENS G0N8BILLER8 DU ROI. 71
n'avoit point conscience ^ de faire morir Tirn sans Tautre.
Vous devés sçavoir , quelque détriance que il y euist et
qae on leur feist , ils n'estoient point en prison bien asseu-
rés ; car ils sentoient que pour le présent ils avoient trop
* d'ennemis ', et ^ ces ^ ennemis estoient en leur règne et en
leur puissance , et moult courrouchiés estoient, se amender
le poussent , de ce que on les gardoit tant. Messire Jehan
le Merchier, en la prison où il estoit ou chastel de Saint-
Anthoine» continuellement plouroit si soudainement et de si
grant affection que sa veue en fut si affoiblye et si foulée
que il en lut sur le point d*en estre tout aveugle , et estoit
grant pitié à luy veoir et oyr lamenter.
Entreux que ces deux cheyalliers estoient en ce dangier
et en prison (et furent plus de demy an , ne on ne scavoit à
dire quelle fin ils prenderoient) , on; entendy de tous poinâ
au seigneur de Clichon pour le d^ader et ester de son
office et honneur , et plus voulentiers on Feuist tenu que
nul des autres , mais il s*en garda bien. Si fist que sages ;
car, se on Teuist tenu, il estoit du tout ordonné que il euist
eu jugement contre luy pour le faire morir sans remède ,
et tout par enyie et par hayne et pour complaire à son
adversaire le duc de Bretaigne qui oncques ne fist bien au
royaulme de France.
Quant les seigneurs veirent que il leur estoit eschappé, on
* tourna ^ le conseil sur autre fourme, et fut mené et démené
par la manière et ordonnance que je vous diray. Il fut *
adjoumé à venir en la chambre de parlement à Paris pour
oyr droit et- pour respondre aux articles dont on Fadmettoit,
* Ne oonseil. — " D*envieux. — *-• Leurs. — •*' Atourna. — •Or-
donné qu'il aeroit.
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79 PROCÈS
sus à perdre son honneur et le royaulme de France et
Toffice de la connestablie , et furent envoyés commissaires
ad ce députés et ordonnés de par ceuk de la chambre de
parlement, en Bretaigne pour parler à luy et Mre arrest et
adjoumement suf luy de main mise. Ceulx qui envoies y
furent, se acquittiôrent bien de chevauchier jusques en Bre-
taigne et d*aler ens es forteresses et demander ôs dittes villes
et forteresses après messire Olivier' de Glichon quel part
il estoit, et disoient : a Nous sommes cy envoies de par le
ir roi nostre sire et le conseil. Si le nous enseigniés tant
« que nous Taions veu et parlé à luy et que nous aions Êdt
0 nostre message.r » Les hommes des villes et chasteaulx
de Bretaigne tenables du dit connestable, ausquels ils
s'adreschoient , respondoient et disoient ainsi comme tous
garnis et advisés de respondre : a Vous nous estes les bien
« venus ; et certainement , se nous voulions parler k mon-
« seigneur le connestable , nous yrions en tel lieu « car là
« nous le Guiderions trouver sans nulle faulte. n Ainsi de
ville en ville et de chastel en chastel les commissaires
aloient demandant messire Olivier de Glichon, et trouver ne
le povoient, ne autres nouvelles n'en ouoient, et tant le quis-
rent et demandèrent, sans parler à luy, que ils en furent
tous tanés et tous lassés. Et quant ils voiront que ils n*en
auroient autre chose , ils se misrent au retour, et vindrent
à Paris dont ils estoient * venus • et partis , et firent cer-
taine relation à leurs maistres de tout ce qu'ils avoient veu
et trouvé , et comment à rencontre de euls le connestable
s'estoit démuchié et ses gens dissimulées.
Vous devés savoir que ceulx qui Taccusoient et qui con-
dempner * le vouloient , ne voulsissent pas que il se fuist
autrement démené ; car ores à primes , ce disoient-ils, en
•-• lasas. — • Le dévoient et. n
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DU SIRE DE GLISSON. 73
anroient-ils plainement leur raison, et seroit démené selon
qii*il avoit desservj.
On ordonna à messire Olivier de Glichon par ordonnance
de parlement , fuist tort ou droit , toutes ses ^ royes ' et
ses ' adjours ^, à la fin que cils qui Tamoient , ne poussent
point dire et proposer que par envie , ne hayne on Teuist
enforchié , ^ ne forjugié '. Et quant toutes les quinzaines
furent ^ accomplies et que on vey que de luy on n'auroit ,
ne orroit nules nouvelles , %t que on Tôt appelle générale-
ment de Tuis de la chambre de parlement et ensievant
publiquement à la porte du palais, et aux degrés du palais
et & la porte de la court du palais, et que on luy ot donné
toutes ses solempnités et que nuls ne respondoit pour luy ,
il ot arrest en parlement contre luy trop cruel , car il fut
banny hors du royaume de France comme &uls et trahittre
contre la couronne de France, et jugié à cent mil mars d'ar-
gent pour les extorsions que indeuement et frauduleusement
du temps passé , son office faisaQt de la connestablie , il
avoit fais tant â la chambre aux deniers comme d'autrepart,
et & perdre, perpétuellement et sans espoir jamais du revenir,
ro$ce delà connestablie *. A celle sentence rendre fut le duc
d'Orléans mandé et pryé que il y voulsist estre , mais point
il n'y voult venir, ainchois s'excusa ; mais les ducs de Berry
et de Bourgoingne y furent, et grant foison des barons du
loyaulme de France.
Or regardés des ouvres de fortune comment elles vont
et se elles sont peu fermes , ne estables , quant ce vaillant
homme et bon chevallier, qui tant avoit traveillié pour Ton*
neur du royaulme de France , fut ainsi démené et vitupé-
reusement dégradé dlionneur et de chevance. Oncques homs
*■• Voyee. — ^ Adjournemena. — •■• Ne fonroyé. — '' Faites et.
— • De France.
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74 PB0GÈ8
ne fat plus eurenx de ce que point ne vint & ses adjourne-
mens ; car, se il y iîiist venu (il estoit tout ordonné), on
luy euist honteusement toUu la vie ; ne pour lors le duc
d'Orléans n'en osoit parler, et, se il en eust parlé pour luy,
on n'en euist riens &it. Considérés ^ et me respondés , se il
vous plaist , se le duc de Bretaigne et messire Pierre de
Craon qui estoient conjoinds ensemble, lurent point resjouis
de ces nouvelles. Vous devés bien croire et sçavoir que oyl;
mais de ce estoient-ils courroifbhiés que on ne tenoit Gli-
chon à Paris , aveuc les autres messire Jehan le Merchier
et le sire de la Rivière.
De celle sentence et jugement vitupéreuz fut-il grant
nouvelle parmy tout le royaulme de France et ailleurs
aussi. Les aucuns le plaindoient en requoy et disoient que
on luy &isoit tort. Les autres opposoient à rencontre et
disoieùt : « Voire, de ce que on ne Fa tenu et pendu, car il
« l'a bien desservy, et nos seigneurs qui sont infourmés de
« sa vie et de ses meurs , n'ont pas tort que ils se consen-
a tent que il soit ainsi démené. Comment i dyables , pour-
t roit-il avoir assamblé tant d'or et d^ai^ent que la sonmie
« de ung million et demy de flourins ? U ne luy vient pas
« de bon acquest , mais de pillages et de roberies et de
ff retaillier les gaiges dois povres chevalliers et escuiers du:
« royaulme de France et d'ailleurs , sicomme on sœt bien
« par la chancellerie et trésorrerie, car tout y est escript et
« rostre. En ' ce voiage ' de Flandres il a ^ levé ^ et eu à
« son proufit grant foison d'or et d'ai^ent , et aussi en» ou
« voiage d'Alemaigne oti le roy fut. Toutes les tailles du
« royaulme de France et les délivrances des gens d'armes se
« passoient parmy ses mains : il en donnoit et fidsoit don-
« ner ce que il vouloit, et la meilleure part il en retenoit * ,
* Donoques. — " Ces Toiagea. — •^ Rachea. — • Pour luy.
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IH7 SIRE DE GLKSON. 75
« ne nnlâ n'6n osoit parler. » Ainsi et par tels ^ langaiges
estoit ' démené et détaillié ' en derrière messire Olivier de
Glichon , et pour oe eât-il dit en * reprouyier ^ : « A qui il
c meschiet , chascun luy mésofire. »
Le duc de Bretaigne , luy estant et séjournant en son
pays y fitisoit courir commune renommée que quant le roy
de France et monseigneur de Berry et monseigneur de
Bourgoingne vouldroient bien à certes, trop seroit petit
Tarlet le seigneur de Clichon, mais on le laissoit encoires con-
Tenir ung temps pour veoir comment les besoingnes se porte-
roient ; car le duc de Bretaigne entendoit bien de costé que
on donroit au seigneur de Clichon toutes ses * royes ^ et
seroit si avant mené que on luy feroit perdre son office de
la oonnestablie de France.
Or r^ardés se le duc de Bretaigne et messire Pierre de
Craon en brief terme estoient revenus sur leurs pies « et
tout par les oeuvres de fortune , qui oncques ne séjourne ,
mais tousjours tourne et bestouroe , et les plus hauls mon-
tés sur sa roe en la fange estrangement * tourne *.
Ce messire Olivier de Clichon et les dessus nommés le
sire de la Rivière et messire Jehan le Merchier principale-
ment et souverainement estoient encoulpés de la maladie
du roy de France, et couroit commune renommée par
envie et par ceulx qui les hayoient et qui à mort traittier
les vonloient , que ils avoient empoisonné le roy. Or consi-
dérés entre vous qui entendes raison comment ce se peuist
fidre ; car ils esioient ceulx du monde qui à la maladie du
roy povoient le plus perdre et qui plus voulentiers luy
eoissent gardé sa santé. Mais ils n*en peurent estre creus ,
ne ne furent , ainsy que vous oyés ; mais convint ung grant
• Maniérei et* — « Âcdiaé. ~ *^ Proverbe. — •-' Vojes. —
^Retoime.
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76 GUÉBISOM
temps demourer en prison et en dangier ena ou chastel de
Saint- Anthoine messire Jehan le Merchier et le seigneur d^
la Rivière , et furent ^ trop de jours ' sur le point d'estre
décolés publicquement , et l'eussent esté sans doubte , se le
roy ne fuist en la saison retourné en assés bonne santé , et
se ' la duchesse de Berry n'euist esté , qui moult grande-,
ment fut pour le seigneur de la Rivière. Et le seigneur de
Clichon se tenoit en Bretaigne et faisoit et flst une très-forte
guerre et felle , dure et austère au duc de Bretaigne , et le
duc à luy , laquelle guerre cousta moult de vies d'hommes ,
sicomme je vous recorderay cy-après au long en nostre
histoire.
Voua devés sçavoir » et vérité fut , que en celle saison
Tenfermeté que le roy ot prins ou voiage de Bretaigne,
sicomme il est cy-dessus contenu , abaty trop grandement
la joye et le revel de France , et a bonne cause que le
royaulme sentesist la douleur et la payne du roy , car en
devant ce il estoit durement et grandement en Tamour et
grâce de tout le pueple , et pour ce que il estoit le chief ,
de tant le dévoient mieulx toutes gens sentir ; car quant le
chief a mal , ^ tous les membres s*en sentent. Si n'en osoit*
on parmy le royaulme de sa maladie parler plainement ,
mais le celloient toutes gens ce que ils povoient ; et fut
celle malladie trop bien cellée et dissimulée devers la^ royne,
car jusques à tant qu'elle fut acouchie et relevée , elle n'en
sceut riens et ^ adjut * celle fois , ce m'est advis , d'une
fille.
Ce maistre Guillemme de Harsely , lequel avoit le roy
'-* En grant péril. — ' Madame. — * Toates gens 8*en sentent ,
c'est à dire que. — " ÀTint.. Eut.
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ra GHABLKS VI. 77
en cure et en garde, se tenoit tous quois delés luy à Graeil,
et moult soingneus en fut et trop grandement bien s'en
acquitta , et honneur y acquist et prouffit grant ; car petit
à petit il le remist en bon estât. Premièrement il le osta
h«rs d'une merveilleuse et forte fièvre et de la challeur, et
luy fist avoir goust de boire et de mengier et appétit de
dormir et reposer , et si luy fist avoir congnoissance de
toutes choses, mais il estoit .trop foible ; et petit à petit pour
luy renouveUer ^ d'ayr , il le fist chevauchier et aler en
gibier et voler de Tesprevier aux aloës.
Quant ces nouvelles furent sceues parmy ' France , que
le roy retoumoit grandement en sens, en santé et en bonne
mémoire , toutes manières de gens en furent ' grandement *
resjouys, et Dieu gracié et loé moult humblement et haulte-
•ment et de bon cuer. Le roy estant à Graeil demanda et
voult veoir sa femme la royne et le daufSn son fils. La
royne vint, et fut son fils apporté. Le roy leur fist grant
chière et les recueilly liement et convenablement ; et ainsi
petit à petit par la grâce de Dieu le roy retourna en bonne
santé et en bon estât. Quant maistre Guillemme de Harsely
vey que il estoit en bon point , si en fut tout ^ joïeux , ce
fîit raison , car il avoit fait une belle cure, et le rendi à son
•frère le duc d'Orléans et à ses oncles les ducs de Berry , de
BouTgoingne et de Bourbon, et leur dist : « Dieu mercy ,
. c le roy est en bon estât. Je le vous livre et rens tout
f aidié et haitié. D'ores-en-avant on le garde de courrou-
« chier et mérancolier ; car encoires n'est-il pas bien
c ferme de tous ses esperits , mais petit à petit il se afier*
« mera , et joyes et déduits , oubliances et dépors par rai-
f son luy sont plus prouffitables que autres choses. Mais du
f moins que vous povés , si le chargiés et ti*aveilliés de
• Et changer. — ' Le royaume de. — "Moult fort — • Lie et.
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78 GUfiBISOll 1» CHAUM TI.
« consauls , car encoires a-il et aura tonte oeste saison le
« chief foible et tendre et tost esmeu « et c'est raison , car
f il a esté bâta et fonrmené de trôs-dnre ^ maladie.
Or fut r^ardé *■ qne on retenroit ce maistre Guillemme
de Harsely delés le roy, et luy donroit-on tant que il sten
contenteroit , car c*est la fin où médechins tendent tons-
jours que avoir grans saUaires et grans pronfSs des sei-
gneurs et des dames et de ceulx et celles qne ils visittent ,
et «a fiit requis et pryé moult estroitiement de demeurer
delés le roy ; mais il se excusa trop fort et disoit que il
estoit désormais ung vieulx homs foible et impotent et que
il ne ponrroit endurer Tordonnance de la court et que
briefknent il vouloit retourner à sa nourrechon. Quant on
yey que on n*en auroit autre chose , on ne le yoult pas
* courrouchier ^. On luy donna congié , mais à son départe-
ment on luy délivra mille couronnes d*or du roy, et fut
escript et retenu à quatre chevaulx touttesfois et quanteffois
qu*il luy plaisoit ou plairoit à venir à Tostel du roy. Je croy
que oncques puis n*y retourna , car quant il fut venu en la
cité de Laon où le plus communément il se tenoit, en cel an
il mom très-riches homs ; et avoit bien en finance (tant
fut trouvé du sien) trente mil frans » et fut en son temps le
plus eschars et le plus ^ aver * que on sceuist, et estoit toute
sa plaisance et fut tant que il vescu , à assambler grant foi-
son de flonrins, et ^ chiés soy * il ne despendoit pas tous les
jours deux sols de parisis , mais aloit boire et mengier à
l'avantage où il povoit. De telles verges sont batus tous
médechins.
^ Et wpro. — • Et avîsi. — ■"* Tenir. — •-• Avaricieulx. — '-' En
•a maison.. En sa résidence.
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PROLOIIGATIOII DBS TEÀTES. 79
^ Vous scarés, sicommô il est cy-dessns contenu en nostre
histoire, comment les triôves furent données à Lolinghem et
accordées à durer trois ans entre France et Angleterre, * et
avoient les ambassadeurs de France , c*est-à-entendre le
conte de Saint-Pol , le sire de Chastel-Morant et messire
Taupin de Cantemelle esté ' en 'Angleterre avec le duc de
Lancastre et le duc dlorch pour savoir Tintention du roy et
du peuple d'Angleterre ; car on avoit tant proposé et si
avant entre les parties au parlement à Amiens que on estoit
sur fourme et estât de paix et sur certains articles
dénommés et prononchiés , mais que il pieust à la commu-
naulté d'Angleterre. Tout ce avoient réservé le duc de Lan-
castre et le duc dTorch , et si sçavés comment les dessus
* Ici quelques mannscrîts placent an aesez long passage qn^on
retrouve dans d*antrefl textes au prologue du livre IV :
Ainsi, comme vou» avés ony cj-dessus recorder au précédent livre
de ceste hante et excellente histoire , à la requeste , contemplation et
plaisance de très-haut et noble prince , mon très-cher seigneur et
maistre, Qny de Chastillon, conte de Blois, sire d'Avesnes, de Cjmayet
de Beaumonty de Soonnehove et de la Gode, Je Jehan Froissart, prestre
et chapelain à mon très-cher seigneur dessus nommé, et pour le temps de
lors trésorier et chanoine de Gjmay et de Lisle en Flandres , me mets
en la forge pour ouvrer à forger en la hante et noble matière : laquelle
traitte et propose les faits et les avenues des guerres de France et
d'Angleterre et de tons leurs coi^oints et adhérans (sicomme il appert
clèrement et pleinement par les traittés qui sont Jnsqn*au jour de cette
piésente date) et laquelle très^exceUente matière , tant comme je
vivraj , par la grâce de Dieu, je continueray ; car, tant plus y suis et
plus y labeure, plus me plaist. Et ainsi, comme le gentil chevaUer et
escuyer, qui ûme les armes, en persévérant et continuant, s*j nourrit
et parfait, ainsi, en labourant et ouvrant sur cette matière , Je m*j
habilite et délecte. — *** Et comment les ambassadeurs de France
(o*est-à-entendre le conte de Saint-Pol et le sire de Chastel-Morant)
en eurent lettres , et comment aussi , depuis ce temps , ycelny de
Chastel-Morant et messire Taupin de CantemeUe forent.
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80 PEOLORGATION
nommés estoient retournés en France , car on leur avoit
respondu en Angleterre que à la Saint-Michiel qui prochai*
nement devoit venir , les parlemens seroient à Westmous-
tier des trois estas d'Angleterre , et là seroit tout Taffaire
remonstré généralement et en auroit-on response.
Or advint que quant les nouvelles furent sceues en Angle-
terre de la maladie et impotence du roy de France , les
choses en furent grandement ^ détryées ^. Néantmains le
roy Richard d'Angleterre et le duc de Lancastre avoient
affection très-grant à la paix, et , se par euls du tout en
alast , la, paix euist bien tost esté entre France et Angle-
terre ; mais nennil , car la communaulté d'Angleterre ne
vouloît point paix , mais la guerre , et disoient ces Anglois
que la guerre aux Franchois leur estoit assés mieulx séant
et propice que la paix.
De ceste oppinion estoit tout * acertené ^ Tun des onéles
du roy messire Thomas, duc de Glocestre, conte d'Exesses et
de Bue, connestable d'Angleterre, lequel estoit grandement
amé ou dit pays, et vous dy que ce messire Thomas duc de
Glocestre s'enclinoit trop plus à la guerre que à la paix , et
avoit la voix et l'accord des jeunes gentils hommes d'Angle-
terre qui se désiroient à ^ armer ; mais son frère le duc de
Lancastre, pour tant que il estoit ainsné et moult puissant en
Angleterre, sourmontoit tout, et bien disoit que la guerre
àvoit assés duré entre France et Angleterre , et que une
bonne paix qui bien se tenist, y seroit bien séant, car Sainte-
Chrestienté en estoit trop affoiblie et amenrie , et mettbit
encoires le duc de Lancastre en termes que l'Amorath-
Baquin et sa puissance estoit trop forte sur les frontières
de Honguerie et que là feroit-il bel et bon entendre, et tous
*•• Retardées. — •** A certes. — ' Avanchier et.
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DBS TRÈTE9. 81
jeunes bachelers et escoiers qui ^ avanchier se * désiroiént,
devroient prendre ce chemin et non autre.
Or considérons les paroles du duc de Lancastrequiles
proposoit en bien ^ et qui par armes par tant de fois avoit
chevanchië et traveillié son corps » et ars et ' brûlé ^ sur
son chemin le plat pays qui tantost recouvré estoit, et que
ceste guerre, à ainsi fSûre et démener, ne s'ordonnoit à nulle
fin , mais tondis à aler avant ; et , se les fortunes retour-
noient sur euls, ils y pourroient recepvoir et prendre trop
grant dommage , et veoit que le roy son nepveu s*enclinoit
trop pins à la paix que à la guerre.
Je Jehan Froissart, acteur de ceste histoire, n*en sçay pas
bien à déterminer pour dire , ne mettre oultre ^ que ^ il
enist tort , ne droit , mais il me fut dit ainsi que pour la
cause de ce que le duc de Lancastre veoit ses deux filles
mariées en sus de luy et hors du royaulme d'Angleterre ,
Tune royne d*Espaigne et Tautre royne de Portingal, il s*en-
clinoit grandement à la paix ; car par espécial il sentoit en-
coires son flls qui avoit sa fiUe , le jeune roy d'Espaigne ou
dangier de ses hommes, et, se paisiblement U vouloit ^ jouir
et possesser de Téritage et des prouffis d*£spaigne, il conve-
noit que il tenist la paix et Taliance que ils avoient au
royaulme de France , lesquelles ceulx d'Angleterre ne
povoient point brisier ; et, se ils les brisoient par aucune
incidence , tantost les François le feroient comparer au
royaulme d'Espaigne, car ils avoient là leurs entrées toutes
ouvertes tant par le royaulme d'Arragon , dont madame
Yolend de Bar estoit royne et bonne franchoise, qui gou-
yemoit pour ce temps tout le royaulme d'Arragon et de
Castelongne , que par le pays de Berne et de Bascles , car
le viseonte de Castelbon qui hiretier estoit du conte Gaston
*•• Cheyaachier. — *■* Détruit. — " Se. — ' Vivre et.
XV. — PR018SART, 6
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82 CHAELES YI RENTES A PARIS.
de Foi^, Tavoit ainsi séellé et juré au roy de France. Si
avoient les Franchois plusieurs belles entrées pour aler en
Espaigne sans le danger du roy de Navarre qui au fort
n'euist point voulentiers courrouchié le roy de France son
cousin germain , car encoires se tenoit delés le roy messire
Pierre de Navarre son frère , et cils brisoit grandement
aucuns maltalens , se ils sourdoient entre le roy de France
et le roy de Navarre, car il estoit bon François et léal ; ne
les royaulx n'y veoient point de contraire. Et toutes ces
ymaginations proposoit en soy-meismes le duc Jehan de
Lancastre, et le remonstroit à la fois à son jeune âls le conte
d'Erby, lequel estoit dès lors, quoyque jeune fuist, de grant
prudence et ydoine de venir à toute perfection de bien et
d'honneur, et pour lors le conte d'Erby avoit quatre beaulx
fils Henry , Jehan , Offirey et Thomas et* deux filles , et la
mère de ces enffans avoit esté fille du connestable d'Angle-
terre conte de Herfort et de Northantonne , de laquelle
dame il tenoit grant héritage.
La conclusion des consauls d'Angleterre et des parlemens
qui furent à Wesmoustier, des prélats , des nobles et des
bourgois des cités et bonnes villes, se portèrent ainsi que
trièves furent données et séellées par mer et par terre entre
France et Angleterre , leurs conjoints et leurs adhers à
durer de la Saint-Michiel jusques à la Saint-Jehan-Baptiste
et de la Saint-Jehan en ung an enssieuvant, et en rapportè-
rent les chevalliers (ceulx qui commis y estoient de par le
roy de France et le conseil) les lettres, et furent les trièves
bien tenues de toutes parties.
Le roy de France qui moult grandement avoit esté débi-
lité de santé par incidence merveilleuse (et n'en sçavoit-on
comment prendre conseil , ne à qui , car le médechin qui
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HOMMAGE DU COMTÉ DB FOIX. 85
8*appelloit maistre Guillemme de Harsely, estoit mort , et ,
quant il se départy de Creil et du roy, il ordonna plusieurs
receptes dont on usa , et retourna le roy sur le temps d'iver
en bonne santé dont tous ses proixmes qui Taymoient, en
furent resjouys , et aussi tous les membres des commu-
naultés du royaulme de France, car moult en estoit amë),
vint à Paris et là environ , et la royne de France , et tin-
drent le plus leur estât à Tostel de Saint-Pol. A la fois le
roy aloit esbatre à Tostel du Louvre, quant il luy plaisoit ,
mais le plus il se tenoit à Saint-Fol , et toutes les nuits qui
sont longues en yver , il y avoit ou flit hostel de Saint-Fol
danses et caroles et aussi moult d'esbatemens devant le roy
et la royné et la duchesse de Berry et la duchesse d*Orléans
et les dames , et passoient ainsi le temps et les longues nuits
dlver.
Bn celle saison avoit esté à Paris le visconte de Castelbon
lequel s*estoit trais à Féritage de Foix et de Berne comme
hoir droitturier des terres dessus nommées, et avoit relevé
la ditte conté de Foix, et âst hommage au roy de France
ainsi comme il appartenoit et que tenu estoit du faire, et de
Berne non ; car le pays de Berne est de si noble condition
que les seigneurs qui par héritage le tiennent, n'en doivent
à nul roy, ne autre seigneur service fors à Dieu, quoyque le
prince de Galles volt dire et proposer du temps passé contre
le conte Gaston de Foix dernièrement ' mort ' que il le
devoit relever de luy et venir au ressort de la duchié d'Ac-
quitaine. Mais le dessus dit conte s en estoit bien ' osté ^ et
defiendu, et au voir dire toutes ces propositions et oppres-
sions que le prince de Galles y avoit mis et voulu mettre et
* • Trespasaé. — • * Acquitté.
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84 LA DAMSB
monstre de fait à ùlre et calengié , tout avoit esté par Tin-
fourmatioQ da conte Jehan d*Armeignach» sioomme il est
escript et contenu en bonne fourme et véritable icy-dessus
en nostre histoire : si m*en passeray parmy tant;
Quant ce visconte de Gastelbon appelle de cy-en-avant
conte de Foix, fut venu en France pour faire les droittures
du relief et hommage de la conté de Foix ainsi comme il
apparteiïoit, il amena en sa compaignie ung sien cousin qui
s'appèlloit messire Yeuvain de Foix , fils bastard au conte
Gaston de Foix , bel chevallier jent et jeune et de bonne
taille, ïnais bastard estoit ; et en son vivant le conte Gaston
son père Teuist voulentiers fait hiretier de tous ses héritages
avec ung sien autre âls qui s appelloit Gratien, lequel
demouroit emprôs le roy de Navarre ; mais les chevalliers
de Berne ne si vouldrent oncques assentir. Si demeura la
chose en cel estât , car le conte m&ru soudainement , ainsi
que vous avés oy ' recorder.
Quant le roy de France vey le jeune chevallier messire
Yeuvain venu en sa court, si Ten ama très-grandement , car
* il le vey ' bel et jeune et de bonne taille ^ , et ils estoient
aucques d'un eage , le roy et luy , et en valurent grande-
ment mieulx les besoingnes du visconte de Chastelbon, et en
ot plus ^ hastive ^ délivrance, et s'en retourna le visconte de
Chastelbon en son pays, et messire Yeuvain demoura delés le
roy et de sa chambre à douze chevaulx et tout bien délivre.
Advint assés tost après celle retenue de messire Yeuvain
de Foix , que ung mariage se flst en Tostel du roy de ung
jeune chevallier de Vermendois et de une jeune damoiselle
de la royne , et tous deux estoient de Tostel du roy et de la
' Dire et. — *■ Luy sembloit. — * A merveille. — •-• Briève.
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DES SAUVAGES. 85
rojne. Si en jfurent le roy , la royne * et les seigneurs , les
dames , les damoiselles et tout Fostel plus resgouy , et pour
oeste cause le roy yoult faire les nopces, et furent faittes
dedens Tostel de Saint-Pol t Paris, et y ot très-grant foison
de bonnes gens et seigneurs ; et y furent le duc d*Orléans ,
le duc de Berry, le duc de Bourgoingne et leurs femmes.
Tout le jour des nopces que espousèrent, on danssa et mena
grant * revel ^ , et âst le roy le souper aux dames, et tint
la royne de France Testât, et s'efibrchoit chascuns de joye
faire pour la cause de ce qu'ils veoient le roy qui s'en
ensonnioit si avant. Là avoit ung escuier d'honneur en los-
tel du roy et bien prochain, du roy, de la nation de Nonien-
die , lequel s*appelloit Hugonin de ^ Geussay ^ : si. se adyisa
de faire aucun esbatement pour complaire au roy et aux
dames qui là estoient. Uesbatement quel il fut , je le vous
diray.
Ce jour des nopces qui fut par ung mardy devant la
Chandelleur sur ung soir, il âst pourvoir six cottes de.toille
et mettre à part dedens une chambre et porter , puis semer
sus délyé lin ^ en fourme et en couleur de cheveuls. Il en
fist le roy vestir une, le conte de ' Joigny •, ung très-gentil
chevallier et jeune, une autre , et mettre très-bien à leur
point, et ainsi une autre àmessire * Charles ^^ de Poitiers, fils
au conte de Valentinois, et à messire Yeuvain de Galles, bas-
tard de Foix, une autre (la cinquième) au fils monseigneur
de Nantoullet ", et il vesty la sixième. Quant ils furent tous
six vestus de ces cottes qui estoient faittes à leur point et ils
furent dedens enjoinds et cousus , ils se monstroient à estre
hommes sauvages, car ils estoient tous chargiés de poil du
chief jusques à la plante du piet.
• Les dacs ses oncles. — ■-• Joye. — *-' Gnisay. — • Et les cottes
estoient couvertes de àéHjé lin. — ^-* Jouy. — •■*• Jacques. — " Un
jeone efaevalier.
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86 LA DANSE
Geste ordonnance plaisoit grandement bien au roy de
France, et en sçavoit à Fescuier qui Favoit advisé , grant
gré , et se habillèrent de ces cottes si secrètement en une
chambre que nuls ne sçavoit de leur affaire, fors ceulx-
meismes et les varlets qui vestus les avoient. Messire
Yeuvain de Foix qui de la compaignie estoit , imagina bien
la besoingne et le péril qui en jpovoit advenir, et dist au
roy : « Sire , faittes commander bien à certes que nous ne
« soions approchiés de nulles torses ; car, se nous Testions
« et que Tair du feu entrast en ces cottes dont nous sommes
« desguisés , le poil happeroit Tair du feu. Si serions ars et
« perdus sans remède , et de ce je vous advise. » — « En
tt nom Dieu , dist le roy, Yeuvain, vous parlés bien et sage-
« ment, et^ sera &it. » Et de là endroit le roy flst deffen-
dre aux varlets et dist : « Nuls ne nous sieuve. » Et fist là
venir le roy ung huissier d*armes qui estoit à 1 entrée, de la
chambre, et luy dist : « Va-1rent en la ^ salle où les dansses *
tt sont , et coijimandes de par le roy que toutes torses se
tt traient à part, et que nul ne se boutte entre six hommes
« sauvages qui doivent là venir. »
L'huissier âst le comandement du roy moult bien et estroit-
tement , que toutes torses et torsins et ceulx qui les por-
toient , se traissent en sus au long près des parroits, et que
nuls n approchast les dansses jusques à tant que six hommes
sauvages qui là dévoient venir , seroient rettràis. Ce com-
mandement fat oy et tenu , et se retrayrent tous ceulx qui
torses tenoient, à ' paroit * , et fut la salle délivrée sique il
n*y demoura que les dames et damoiselles et les chevalliers
et escuiers qui danssoient. Assés tost après ce , vint le duc
d'Orléans et entra en la salle , et avoit en sa compaignie
quatre chevalliers et six torses tant seulement, et riens ne
•-• Chambre où les dames. — *.* Part.
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DES SAUVAGES. 87
acavoit du commandement qui avoit esté fait de par le roy,
ne des six hommes sauvages qui dévoient venir : au mains
s*en excusa-il , mais depuis il en fut très-grandement cbar-
gié. II ent^dy à regarder les danses et. les dames, et il-
meismes commença à dansser au plus fort , ainsi que la
chose la donnoit , mais je ne sçay si^r quelle intention il le
povoit faire.
En ce ^ point evous venant * le roy de France luy sixième
tant seulement en Testât et ordonnance que dessus est ditte,
tons appareilliés comme hommes sauvages et couvers de
poil de lin aussi délié comme cheveuls du chief jusques aux
pies, ne il nestoit homme » ne femme ' qui les peuist con-
gnoistre ; et estoient les chinq attachiés Tun à lautre et le
roy tout devant qui les menoit à la danse. Quant ils entrè-
rent en la salle , on entendy si à euls regarder que il ne
souvint de torses , ne de torsins. Le roy qui estoit devant ^
se départy de ses compaignons , dont il fut eureux , et se
traist devers les dames pour luy monstrer , ainsi que jeu-
nesse le portoit , et passa devant la royne et s en vint à la
duchesse de Berry qui estoit sa tante et la plus jeune. La
duchesse par esbatement le prist et voult savoir qui il estoit.
Le roy estant devant elle ne se vouloit nommer. Adont dist
la duchesse de Berry : a« Vous ne m*eschapperés point ,
« * ains * que je ne sache premiers vostre nom. »
En ce ^ desroy ^ advint le grant meschief sur les autres
et tout par le duc d'Orléans qui en fut cause , quoyque jeu-
nesse et , possible est, ygnorance luy feissent faire ; car, se
il euist bien présumé et considéré le grant meschief qui en
descendy, il ne Teuist fait pour nul avoir. Il fut trop engrand
de scavoir * qui ils estoient. Ainsi que les cinq dansoient ,
■ *^ Moment vint. — ' En la compaignie. — *-• Tant. — •■' Point.
— • Dont ce venoit et.
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88 LÀ DAMSB
il ^ abaissa * la torse que Yua de ses variets tenoit devant
luy si près de luy que la challear du feu enlro ou lin. Vous
scavés que ou lin n a nul remède et que tantost il est
enflamé. La flamme du feu eschauffa la poix à quoy le lin
estoit attachié à la toille. Les chemises linées et poyées
estoient sèches et délies et joindans à la char et se prindrent
au feu à ardoir , et ceulx qui vestus les avoient et qui Tan-
goisse sentoient , commœcièrent à crier moult amèrement
et horriblement , et tant y avoit de meschief que nuls ne
osoit approchier. Bien y ot aucuns chevalliers qui s*avan-
chèrent pour euls aidier et tirer le feu hors de leurs corps ,
mais la challeur de la poix leur ardoit toutes les mains , et
en furent depuis moult mésaisiés. L'un des cinq (ce fut Nan-
toullet) s^avisa que la bouteillerie estoit près de là : si fuy
celle part et se jetta en ung cuvier tout plain d*eaue où on
* rechinçoit ^ tasses et hanaps. Cela le saidva : autrement il
euist esté mort et ars, ainsi que les autres , et non obstant
tout ce fut-il moult ^mésaisié •.
Quant la royne de France oy ces horribles cris que ceulx
qui ardoient , faisoient , elle se doubta de son seigneur le
roy que il ne fuist attrapé, et bien sgavoit, car le roy luy
avoit dit, que il seroit l'un des six : si fut très-durement
mésaisie et chéy pasmée. Adont saillirent chevalliers et
dames avant en luy aidant et reconfortant.
Tel meschief, tel douleur et tel cririe avoit en la salle que
on ne sgavoit auquel entendre. La duchesse de Berry déli-
vra le roy de ce péril, car elle le bouta dessoubs sa gonne et
le couvry pour eschiever le feu, et luy avoit dit (car le roy
se vouloit partir d'elle à force) : a Où voulés-vous aler ?
« Vous oyés que vos compaignons ardent. Qui estes-vous ?
« Il est heure que vous vous' nommés ^. » — f Je suis le
*"* Approcha.—"-* Rinçoit.— ■■• Mal en pomt. — ' Le roy se nomma.
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DES 8AUTÀGES. 89
« roy, » dist-il. — « Ha! a! monseigneur. Or tost, alés-vous
« mettre en autre habit ^ et faittes tant que la royne vous
« voye, car elle est moult inésaisie pour vous. »
Le roy à oeste parole yssy hors de la salle et vint en sa
chambre et se flst déshabillier du plus tost que il pot et
* mettre ' en ses ^ gamemens ^, et vint devers la royne, etl&
estait la duchesse de Berry qui Tavoit ung petit reconfortée
et luy avoit dit : « Madame , reconfortés-vous , car tantost
« vous verres le roy. Certes sachiës de vray que j ay parlé à
« luy. » À ces mots vint le roy en la présence de la royne, et
quant elle le vey , de joye elle tressailly ; dont fut-elle
prisse et embrachie des chevalliers et portée en sa chambre,
et le roy en sa compaignie qui tondis la reconfortoit.
Le bastard de Foix qui tout ardoit , crioit à hauls cris :
« Sauvés le roy ! sauvés le roy ! » Voirement fut-il sauvé
par la manière et adventure que je vous ay dit ^, et Dieu le
volt bien aidier , quant il se départy de sa compaignie pour
aler veoir les dames ; car , se il euist demeuré aveuc ses
compaignons, il estoit perdu et mort sans remède.
En la salle de Tostel de Saint-Pol à Paris entpur la
mynuit avoit telle pestilence et horibleté que c'estoit grant
hideur et pité de Foyr et ^ de le regarder *. Des quatre qui
là ardoient , il en eut les deux mors et sur la place oultrés
et estains ; les autres deux , le bastard de Foix et le conte
de Joingny , furent portés en leurs hostels et morurent
dedans deux jours après à grant payne et martire.
Ainsi se desrompy ceste feste et assamblée de nopces en
tristesse et en anoy , quoyque l'espeus et Tespousée ne le
poussent amender ; car on doit supposer et croire que ce ne
fut point leur coulpe , mais celle du duc d*Orléans , lequel ,
* Dit la dttchene de Beny. — *-* Remettre. — ^-' Habillemens. «^
• Et compté. — '-• Du veoir.
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90 LA DAM8B
comme il dist, nul mal n*y pensoit , quant il dévala la torse
pour raviser les desguisés. Jeunesse luy fist faire , et bien
dist tout en audience quant il vey que la chose aloit mal :
« Entendes à moy, tous ceulx qui me pèvent ^ oyr. Nul ne
a soit demandé , ne encoulpé de ceste dolente adventure ;
« car tout ce qui fait en est , est tout par moy , et en suis
a cause. Mais ce poise moy , quant oncquea m'est advenu.
« Je ne euidoie point que la chose deust ainsi tourner ; car.
a se je eusse euidié , ne sceu ce, je y eusse très-bien pour-
ri veu , » et puis si s'en ala le duc d'Orléans devers le roy
pour luy excuser, et le roy le tint bien pour excusé.
Ceste * pesme ' et doulente adventure advint en Vostel de
Saint-Pol à Paris en Tan de grâce ^ mil CCC.IIII" et Xn
le mardy devant la Chandeleur , de laquelle advenue il fut
grant nouvelle parmy le royaulme de France et en autres
lieux et pays. Le duc de Bourgoingne et le duc de Berry
n'estoient point pour Teure là , mais en leurs hostels , et
avoient du soir prins congié au roy et à la royne et aux
dames et retrait en leurs hostels pour estre mieuLx à leur
aise.
Quant ce vint au matin et la nouvelle fut sceue ei^ espan-
due parmy la ville et cité de Paris , vous devés sçavoir que
toutes gens furent moult esmerveilliés , et disoient les plu-
sieurs communément au long de la ville de Paris que Dieu
avoit encoires monstre secondement ung grant exemple et
signe sur le roy, et que il convenoit et appartenoit que il y
euist regard , et que il se retraist de ses jeunes huiseuses et
que trop en faisoit et en avoit fait par cy-devant, lesquelles
n'appartenoient point à faire à ung roy de France , et que
trop jeunement se maintenoit et estoit maintenu jusques ad
ce jour. La cohimûnaulté de Paris en murmuroit fort et
• Entendre et. — ■-• Peatilente. — * Nostre-Seigneur.
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DES SAUVAGES. 91
disoit sans contrainte : « Regardés le grant meschief qui
« est près advenu sur le roy ; et , se il euist esté attrapé ,
« ne ars, sicomme les adventures donnent et que bien en
« Êôsoit les oeuvres, que fuissent ses oncles devenus et son
« frère? Ils doivent estre tous certains quejà pié d*eulr
« n*en fuist eschappé ; car tous euissent esté occis et tous
« les barons et chevalliers que on euist trouvé dadens
« Paris. »
Or advint, si tost que le duc de Berry et le duc deBour-
goingne au matin sceurent les nouvelles , ils furent tous
esbabis et esmerveilliés , et bien y eut cause. Si montèrent
aux chevaulx et vindrent à Fostel du roy à Saint-Pol et là
trouvèrent le roy. Si le * consolèrent * , et bien en avoit
bon mestier ; car encoires estoit*il efTraé, et ne se povoit
* réavoir ^ de l'ymagination, quant il pensoit au grant péril
où il avoit esté , et bien dist à ses oncles que sa belle tante
de Berry Tavoit sauvé et osté hors du péril ; mais il estoit
trop fort courrouchié ^ du conte de Joingny et de messire
Yeuvain de Foix et de messire Charles de Poitiers. Ses
oncles, en luy reconfortant, luy dirent : « Monseigneur, ce
« qui est advenu, ne puet-on recouvrer. Il vous fault oublier
« la mort de euls et loer Dieu et regracier de la belle
« adventure qui vous est advenue ; car vostre corps et tout
« le royaulme de France a esté par ceste incidence en grant
« adventure d'estre tout perdu, et vous le povés bien imagi-
« ner, car jà ne s'en povoient taire les * villains ' de Paris,
« et dient que , se le meschief euist tourné sur vous , ils
« nous eussent tous occis. Si vous ordonnés et appareilliés ,
« et vous mettes en estât royal , ainsi que à vostre estât
« appartient , et montés à cheval et aies en pellerinage à
« Nostre-Dame de Paris, et nous yrons en vostre compaignie,
•-• CoDaeiUérent. — *"* Oster. — • Et marry. — "-^ Yaillans gens.
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M LB PAPB BOmrACB
c et vous monstres au peuple , car on vous désire à veoir
t parmj la cité et ville de Paris. » Le roy respondy que
' aussi ' feroit-il. Sur ces paroles s'embaty le duc d'Orléans
frère du roy. Le roy qui moult Faymoit comme son frère
et ses oncles le recueillirent assés gracieusement , et luy
blasmôrent * de la jeunesse et grant oultrage que fait avoit.
Ad ce que il leur monstra , il leur en sceust bon gré en soy
excusant, et bien dist que pas ne cuidoit mal faire. Et assés
tost apràs sur le point de neuf heures montèrent le roy et
tous les ^ seigneurs * à cheval, et se départirent de Saint-Pol
et chevauchèrent tout au * loing ^ parmy Paris pour i^pai-
sier le poeuple qui trop fort estoit esmeu, et vindrent en la
grant église Nostre-Dame en cité , et lÀ * fist le* roy dire '
messe et fist son offrande, et depuis retournèrent le roy et
les seigneurs en Tostel de Saint-Pol et là disnèrent. Si se
passa et oublia ceste chose petit & petit, et flst-on obsèques,
prières et aumosnes pour les mors.
Ha ! a 1 conte Gaston de Foix, se de ton vivant tu euisses
eu telles nouvelles de ton fils Yeuvain comme il eu estoit
advenu , tu eusses esté oourrouchié oultre mesure et non
sans cause ; car moult l'amoyes. Je ne sçay penser comment
on t*en euist appaisié. ^^ Toutes gens ^^ qui en ouoient parler
en France et ailleurs, en ^* avoient grant merveilles ^K
Vous devés croire et savoir que le pape Bonifaoe qui se
tenoit à Romme et tous les cardinaulx et le collège fiirent
moult resjouis de ceste '^ advenue ^* et mësadventure de la
maladie du roy , quant ils en sceurent les certaines nou-
••• Ainii. — • Ung petit. — ** Compaignons. — •"' Long. —
" Ouit le roy. — *•'" Tout seignears et dames. — *•••• Estoient moult
esmenreiUiét et à bouie cause, — ' '^** Adirenture.
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Emro» m lâgat km feahcb. OS
Tdfes , pour tant que le roy dd France et son conseil luy
estoient contraires , et dirent adont entre enls (car ils en
tindrent concitoii^) que c*estoit une seconde playe enYoiëe
de Dien ou ^ royaulme * de France pour ' eulz * donner
exemple. Car le roy (et son conseil) soustenoit à tort et sans
raison cel antipape d'Avignon, Robert de Jeunes , ce fidlour-
deur, orgueilleux et prësumptueux, qui oncques n'avoit bien
fait en son vivant, mais décheu le monde, et eurent consdl
le pape Boni&ce et les cardinaulx que ils envoieroient en
France devers le roy et son conseil ' quoyement * et couver-
tement , de providence , non mye par pompes , ne par
orgueil , ung Frère-Mynêur , bon clerc et bien '' lettré * ,
pour p|rler au roy et pour sagement et discrettement trait-
tier et preschier et ramener à voye de salut et de raison ;
car ils soustraoient et nudntenoient entre euls que il estoit
tout desvoyé, luy qui estoit souverain roy de la crestienté ,
et par lequel la sainte Église devoit estre renluminée plus
que par nul autre. Si advisërent ung saint homme de reli-
gion, pôurveu de prudence et de grant clergie, et le chargè-
rent pour aler en France, et avant son département ils Ten-
dittôrent sagement et pourveuement de tout ce que il devoit
dire et iaire. Ces choses ne furent pas si tost approchies ,
ne odluy qui envoyé y fut , si tost venu ; car le chemin y
est grant et long, et moult de divers pays y sont à passer ,
et aussi le Frère qui estoit religieux cordelier , avant que
il v«iist en la présence du roy , il convenoit savoir se ce
seroit bien la voulenté du roy.
Or retournons aux besongnes de France, et * devisons ^^
comment elles se portoient.
*-• Roy. — '^ Luy. — ^ Secrètement. — '-• Instruit. — •.*• Ra-
comptone.
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94 LA DUCHES5B DK BEERY
t
Non obstant toutes ces advenues, le duc de Berry et le duc
de Bourgoingne ne se ' reffroidoient ' pointa ' dégrader ^^
tous poins ce vaillant seigneur de la Rivière, ce vaillant prend -
homme, et messire Jehan le Merchier, mais estoient ens ou
chastel Saint-Ânthoine joindant Paris en la garde de messire
Jehan la Personne, le visconte d*Ascy , et disoit-on en plu-
sieurs lieux parmy Paris, et estoient semées paroles , que
on les feroit morir et que de jour en jour on n'attendoit autre
chose, et que on les délivreroit au prévost de Chastelet, et,
euls là venus, il estoit ordonné, ilnyavoitnul remède, que ils
seroient décolés et exécutés publiquement comme trahitours
contre la couronne de France. Et devés savoir que je fus
pour lors infourmé, se Dieu n'y euist pourveu et les pryères
de la duchesse de Berry neuissent esté , on leur euist avan-
chié leur condempnation ; mais la bonne dame rendoit
grant paine et traveilloit fort pour le seigneur de la Rivière
qui Tavoit amenée en France et fait le mariage du duc de
Berry et de ly, lequel sire de la Rivière en avoit eu moult
de traveil , et ne povoient ces deux le sire de la Rif ière et
messire Jehan le Merchier avoir meilleur moyen que la ditte
dame ; car elle en estoit moult soingneuse , et disoit à la
fois tout en pleurant et acertes à son seigneur son mary que
& tort et à péchié et par envie on faisoit cel escandèle et ce
blasme au seigneur de la Rivière , que de le tenir tant en
prison et de luy tollir son héritage , et disoit la duchesse :
tt Ha ! a ! mon chier seigneur , il ot tant de payne et de
« traveil ^ de • nous mettre ensemble. Vous luy rémunérés
fc petitement , qui consentes et voulés sa mort consentir et
tt sa destruction. A tout le mains , se on luy a osté sa che-
« vance, on luy laisse la vie ; car, se il muert sur la fourme
a et estât dont il ^ est escandalisié ^ , je n'aray jamais joye.
*"• Désistoient. — "•* Destraire. — ••• Pour. — ^-* Estandre est.
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niTBRCÈDB POUR LB SIRE DE LA RIVIÈRE. 9S
« Monseigneur, je ne le vous dy pas de Êiint courage, mais
• de grant voulenté. Si vous prie pour Dieu que vous y
t Yueilliés pourveoir et penser à sa délivranceet allëgance.»
Le duc de Berry, qui veoit sa femme parler et prier
si aoertes et côngnoissoit bien que ses paroles estoient véri-
tables, en avoit pitié et s*amolioit grandement de safélonnie ,
et euist eu plus hastive alégance le sire de la Rivière assés
que il n'ot , mais on tiroit trop fort à * honnir • et ' de tous
poins messire Jehan le Merchier, ne on ne povoit aidier Tun
sans Tautre.
Ce messire Jehanle Merchier avoit tant plouré en prison que
moult en estoit débilité de sa veue. Qui euist creu la ducheàse
de Bourgoingne, on les euist exécutés honteusement et sans
déport ; car trop fort les avoit acueilliés en hayne pour la
cause de ce que euls et messire Olivier de Glichon avoient
conseillié le roy de aler en Bretaigne pour guerroier et
^ destruire ' le duc de Bretaigne son cousin, et disoit la ditte
duchesse que le Merchier, Clichon et la Rivière estoient cause
de la maladie du roy de France ; car par euls il estoit escheu en
enfermeté et maladie et par le voyage que conseillié luy
avoient à faire pour aler sur le duc de Bretaigne.
Vous devés sçavoir que quoyque le roy de France fiiist
retourné assés en bon estât et bon point, le duc de Berry
et le duc de Bourgojngne n'estoient point démis du gouver-
nement du royaulme • , mais'enya voient le fais et la charge
et vouloient avoir pour le ^grant prouffit qui leur en sour-
doit , et avoient mis delés le roy toutes gens à leur plaisance
et séance.
*•• Déshounourer. — ' Destraîre. — *"• Destreindre. — • De
France.
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96 PLAINTES M LA DUCHESSE D*OBLiAllS.
Le roy pour ces jours avoit le nom de roj, mais des besoin*-
gnes touchans et appartenans à la couronne de France on ne
iaisoit que trop petit ^ par ' luy, et y ouloient les desaiisdis tout
veoir * et savoir. La duchesse de Bourgoiiigne estoit la
seconde après la royne , dont la duchesse d'Orléans n'estclt
pas moult lye, car elle prendoit vouleatiers les honneurs et
disoit ainsi à celles de son secret : « La duchesse de Bour-
t goingne ne peut ^ par nulle condition ' devant moy venir
f à la couronne de France; car j'en suis plus prochaine qu'elle
f ne soit. Monseigneur mon mary est frère du roy : encoires
t pourroit advenir que il seroit roy , je royne. Je ne sçay
f pourquoy elle se avance de prendre les honneurs et nous
t met derrière. »
Nous nous souffrirons à parler de ces dames quant à pré-
sent et parlerons des ordonnances du royaulme de France et
de messire Olivier de Clichon connestable deFrance comment
il fut mené et traitié.
Vous avés bien oy recorder comment il estoit adjoumé
en parlement p^r quinsaines, et aussi comment il fut envoyé
querre et mandé par les chevalliers de France messire Phelippe
de Savoisis et autres qui furent en Bretaigne et le quisrent
et demandèrent * par tous ses chasteaulx "^ et point ne le
trouvèrent , car il se cella À cautelle et point ne se vouloit
laissier trouver ; car, se ceulx qui envoies y furent, Teussent
veu et parlé à luy et adjoumé de main mise, ils euissent
fait ce que ordonné et commandé leur estoit.
A leur retour en France, et euls fait leur relation vraye de
leur voyage, parlementé fut et arresté de par la chambre et
•"■ Pour. — • A ceato heure-là. — *■• Ne nullement ne doit — •"' En
toutes places.
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HABIAGB BB PBIUPPB 1»*ABT0I8. 97
les seigneurs de parlement, qae messire Olivier de Glichon
eetûit tout four&it, et que il seroit banny et expulse hors de
tous offiees et perdroit ses héritages partout où il les avoit
ou ressort et demayne du royaulme, et ou cas que on lavoit
sommé par lettres ouvertes et sëellëes du grant séel de la
chambre de parlement et mandé que il renvoiast le martel
c^estrà-entendre l'office de la connestablie de France et que
pointue lavoit fût, mais désobey, Toffice vacquoit. Si regar-
dèrent le duc de Berry et le duc de Bourgoingne et leurs
consauls qui tous estoient contraires au seigneur de Clichon
et qui ne .vouloient fors sa destruction , que on y pourver*
roit et que Toffice de la connestablie de France estoit si
noble et de si grande recommandation et renommée, que il
ne pourroit longuement estre sans meneur et sans gouver-
neur par les incidences qui en pèvent venir. Si fut advisé
que le sire de Goucy feroit bien l'office; et y estoit propre et
ydoisne pour ce ûdre, et en fut aparlés , mais il s'en excusa
grandement et dist que jà ne le seroit , né ne s en enson-
nieroit, pour partir du royaulme de France. Quant on vey
que il n'y vouloit entendre, on regarda aultre part
En ce temps estoit en tndttié de mariage messire Pbe-
lippe d'Artois pour avoir à femme la jeune ^ dame ' Marie
de Berry, vesve, qui çy-dessoubs est nommée contesse de
Dunois et qui ot à mary Loys de Blois, sicomme vous sçavés,
et euist voulentiers veu le roy de France que son cousin
dessnsdit fiiist parvenu à ce mariage ; mais le duc de Berry
ne s'i assentoit point bien , car petite chose est de la conté
d*En an regard du premier mariage que sa fille avoit eu, et
la pensoit bien à plus hault marier ; car au voir dire la dame
• • VeBTe.
XV. — FR0188ART. 7
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96 PHILIPPE d'artois est ceêâ
en tous cas le valoit bien de beaulté, de bonté et de tout ce
qu'il appartenoit à une noble et haulte dame. Toutesfois le
duc de Berrj au fort et & tout conclurre n'euist osé cour-
rouchier le roy , et bien sçavoit le roy que le dit duc de
Berrj estoit payé et requis de plusieurs pour avoir sa flUe
en mariage, du jeune duc de Loheraine , du conte d*Ârmei-
gnach, de Faisné fils du conte de Foix et de Berne , et tous
ces mariages brisoit le roy, et disoit à son oncle : « Beaulx
« oncles de Berry, nous ne voulons pas que vous nous
« eslongiés nostrè cousine vostre fille des fleurs de lis.
« Nous luy querrons ung mariage bon et bien séant pour
« elle , car nous la voions voulentiers delés nous , et bien
« affiert à estre delés nostre tante de Berry , car elles sont
« ' aucques * d'un eage. «
Ces paroles et autres ^ reffraindoient * le duc de Berry &
non accorder sa fille et à enconvenenchier nulle part ; et
veoit bien que le roy s'enclinoit, tout considéré, & messire
Phelippe d'Artois son cousin.
Ce messire Phelippe d'Artois estoit jeune chevallier et
frisque et de grant voulenté , et jà avoit moult traveillié en
armes et oultre-mer fais plusieurs très-beaulx et haulz
voyages , lesquels on recordoit en moult de lieux , et les
tenoient les chevallereux à très-grant vaillance , et si estoit
trop grandement en la gr&ce et amour des chevalliers et
éscuiers du royaulme de France.
Si regardèrent ainsi le duc de Berry et le duc dé Bour-
goingne par accord que, se le roy vouloit donner et accor-
der à leur cousin d'Artois l'ofSce de la connestablie de
France, lequel ils tenoient pour vacquant À présent (car
•■• Presque. — •-* Refroidoient.
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coimirABLB db fraucb. 99
messire Olivier de Clichon Favoit perda et fourfait), le
mariage se feroît de Marie de Berry à luy ; car, ou cas que
ilseroit connestable de France, il auroit assés miseetchevan-
che pour tenir son estât, et eurent conseil et advis les deux
ducs que ils en parleroient au roy sur la fourme que je tous
diray , et luy dirent : « Monseigneur, vostre conseil se adonne
c générallement et par science que nostre cousin et le
« vostre le conte d*Eu messire Phelippe d'Artois soit à pré^
• sent pourveu de Toffice de la connestablie de France qui
• vacque ; car Clichon , par le jugement et arrest des ders
c de droit et de vostre chambre de parlement , Fa fourfait,
« et 1 office ne puet longuement vaquier que ce ne soit gran-.
• dément au préjudice de vostre royaulme. Et' vous estes
• tenu, et aussi sommes-nous, de aidier et avanchier nostre
• cousin d'Artois , car il nous est moult prochain de sang
tf et de lignage , et puisque la chose est en tel party que le
• dit office vacque , nous né le povons pour le présent
« mieulx mettre , ne asseoir que en messire Phelippe d'Âr-
« tois ; car il le sçaura moult bien faire et ezcerser , et si
« est âmé de toutes gens , chevalliers et escuiers, et est
« homme trôs-vertueuls sans envie, ne convoitise. »
Ces paroles furœt assés plaisans au roy , et leur res-
pondy * lyement * qu'il y penseroit, et, se à donner estoit ',
il avoit plus chier qu'il l'euist que nul autre. Si demeura la
chose encoires ung petit en celluy estât , et en fut le roy
poursieuvy de ses oncles, car ils vouloient messire Phelippe
d'Artois avanchier et de tous pôins dégrader messire Olivier
de Clichon^ car ils lavoient acqueilly en grant hayne : le
duc de Berry pour ce qu il avoit aidié à destruire son tréso*
rier Bétbisach, et le duc de Bourgoingne pour ce que il fai-
soit guerre au duc de Bretaigne ; et encoires ne le.hayoit
* ' Joyenflemeat, — * L*oi&ce.
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400 pmi.iPPB d'artoiS'BSt geéê
point tant le duc que la duchesse sa femme fitisoit. Finable-
ment le roy s'i assenty par le moien de ce que le duc de
Berry luy accorda sa fille Marie, qui vesve estoit de Louys
de Blois, à avoir en mariage ; mais ainchois que o^procédast
plus avant , tant pour saouler le roy et contempter, que le
duc d*Orléans qui supportoit grandement en Toffice de la
connestablie messire Olivier de Clichon , de rechief messire
Guillemme des Bordes et messire Ouillemme Martel, tous
deux chevalliers de la chambre du roy, et messire Phelippe
de Savoisis, chevallier au duc de Berry, furent chargiés et
ordonnés de aler en Bretaign0 et pour parler à messire Oli-
vier de Clichon, de par le roy et non de par aultruy.
Les dessus dis chevalliers ordonnèrent leurs besoingnes
et se misrent à voye et à chemin , et vindrent à Ângiers et
Ut trouvèrent la royne de Jhérusalem et Jehan de Bretaigne
qui les receuprent moult grandement et honnourablément
pour * Famour • du roy , et furent là deux jours et deman-
dèrent se ils sgavoient nulles nouvelles certaines de meissire
Olivier de Clichon et que ils avoient commission courtoise
de parle roy et non de par autruy de aler parler à luy. Us
respondirent que nulle certaineté de son estât ils ne sça*
voient , ne sçavoir povoient , fors tant que bien pensoient
qu*il estoit en Bretaigne en Tune de ses forteresses , mais
point ne se tenoit establement en une , mais se transportoit
souvent de Tune en Tautre.
Or se départirent d* Angiers les deux chevalliers, et prin-
drént congié à la royne et à son fils Charles le prince de
Tarente, et à Jehan de Bretaigne conte de Pentèvre , et se
misrent au chemin et exploittièrent tant que ils vindrent à
' Venues ^ en Bretaigne. Le duc de Bretaigne se tenoit pour
lors moult closement aveuc sa femme en la cité de Vennes et
*-• L'honneur. — '-* Rennes.
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COMIfiTABLB DE FRANCE. 101
ne chevauchoit point , car il doubtoit les embusches et les
rencontres de son adversaire messire Olivier de Clichôn, car
ils se fidsoient guerre si felle et si dure que là où leurs gens
se rencontroient sur les champs , il n'y avoit nulle merchy :
il convenoit que la place demourast aux plus fors , et tout
estûit occis, quant oif en venôit au-dessus. Si se doubtoient
Fun de Tautre, et bien y avoit cause et raison , et quoyque le
duc fnist souverain du pays, si ne trouvoit-il baron, cheval-
lier , ne escuier de Bretaigne qui se voulsist armer aveuc
luy à rencontre de messire Olivier de Glichon , mais s'en
dissimuloient tous et disoient que celle guerre ne les r^ar-
doit en riens , ainsi les laissoient-ils convenir , et se tenoit
chascun chiés soy , ne le duc n*en povoit avoir autre
confort.
Quant les dessus nommés chevalliers de France lurent
venus en la cité de ^ Venues ', ils s'enquirent au plus vérita-
blement que ils porrent où on pourroit trouver messire Olivier
de Clichon , mais nuls ne leur en sçavoit à dire la vérité*
Adont ils eurent ad vis et conseil que ils se trairoient devers
Chastel-Josselin , ainsi que ils firent. Ils furent recueillies^
des gens messire Olivier de Clichon bien ' bellement * pour
Famour du roy de France ; ils demandèrent de messire Oli-
vier où ils en orroient nouvelles , cw ils avoient à parler à
luy de par le roy de France et son frère le duc d'Orléans tant
seulement.. Nuls ne leur en sceut à dire vraies nouvelles ',
et respondirent ainsi aux dessus dis chevalliers , en euls
excusant et messire Olivier de CUchon aussi : a Certaine-
■ ment , seigneurs , il n'est nuls qui le sache où trouver.
• Huy est en ung lieu et demain en ung autre. Mais vous
« povés bien chevauchier par toute la duchië de Bretaigne»
« puisque vous estes au roy , et toutes les forteresses et
*-* Rennei. — "-* Honnourablement. — * On ne Tonlnreiit,
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102 PflILim D^ARTOIS EST CRÉÉ
«c maisons de messire Olivier vous seront ouvertes et appa-
t reiUieè, et c*est raison. »
Quant les dessus dis chevalliers veirent que ils n*en
auroient autre chose , si se départirent de Chastel-Josselin
et chevauchèrent oultre et visittôrent toutes les forteresses
grandes et petites de messire Olivier d% Clichon , et autres
nouvelles ils n'en peurent avoir , et vindrent à Venues , et
là trouvèrent le duc de Bretaigne et la duchesse qui les
recueillièrent bellement , mais ils ne furent avéuc euls tant
seulement que demy-jour et point ne se descouvrirent au
duc de la matière secrette pour quoy ils estoient là venus.
Aussi le duc né les en examina point trop avant , ne adont
ils ne veirent point messire Pierre de Graon , et prindrent
congié au duc et à la duchesse, et puis se misrent au retour
et exploittèrent tant par leurs journées que ils vindrent à
Paris, et trouvèrent le roy et les seigneurs qui les atten-
doient , et comptèrent premièrement au roy et au duc d'Or*
léans comment ils avoient visitté tous les lieux , villes et
chasteaulx en Bretaigne de messire Olivier de Clichon et
*point ne Favoient trouvé. De ces nouvelles furent le duc de
Berry et le duc de Bourgoingne tous resjouis, et ne voulsis-
sent point que la besoingne se portast autrement.
Assés tost après ce se procéda le mariage de messire Phe-
lippe d'Artois , conte d*Eu, et de Marie de Berry , et fut le
dessus nommé fait connestable de France pour user de
Foffice, et lever ent les prouffis aux usances et ordonnances
anchiennes, quoy que messire Olivier de Clichon n*y euist
point renonchié , ne renvoie le martel de la connestablie ;
mais disoit et affermoit que connestable demourroit , car il
n'avoit fait chose contre le roy de France, ne * le royauhne,
pour quoy on luy deuist ester.
* Contre.
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CONNÉTABLE DE FRANCE. i05
Bien sceat ces nouvelles messire Olivier de Glichon ,
comment le conte d'Eu estoit pourveu de la connestablie de
France , et de ce jour en avant il en lèveroit les proufSs et
par le consentement assés du roj de France, et avoit par
mariage espousée la fille au duc de Berry madame Marie.
De tout ce il ne tint nul compte , car il se sentoit léal et
preud*homme et non fourfait devers le roy et la ^ couronne *
dû France ; et tout ce que Eût en estoit, avoit esté proposé
et ' pourparlé ^ par envie et mauvaistié que luy mons-
troient le duc de Berry et le due de Bourgoingne , et luy
monstroient telle hayne que ils ne la povoient celler. Si
entendy messire Olivier de Glichon k faire sa guerre et à
fumir sagement contre son adversaire le duc de Bretaigne,
laquelle guerre fut dure et crueuse , et ne se espargnoient
point leurs gens de euls occir » quant ils se trouvoient ou
rencontroient d*aventure sur les champs, et plus souvent
cbevauchoient assés messire Olivier de Glichon et ses gens
en alant de chastel en autre et en faisant embusches, que le
duc de Bretaigne et ses gens ne feissent , et se trouvoit
messire Olivier plus fort assés pour résister à rencontre de
son adversaire que le duc ne feist, car il ne trouvoit baron,
ne chevallier en Bretaigne, qui de ceste guerre se voulsist
' ensonnier ^, et s'en dissimuloient, et quant le duc les man-
doit , ils venoient parler à luy pour savoir son entente. Là
les requerroit le duc ^ de confort et de ayde pour corrigier
son homme messire Olivier de Glichon qui trop grandement
s*estoit fourfais envers luy. Les barons de Bretaigne , tels
que le visconte dé Rohen , le sire de Dignant et messire
Hervieus de Lyon et plusieurs autres se excusoient et disoient
que de ce ils ne scavoient riens et que point de guerre ils
ne feroient à messire Olivier de Glichon pour celle cause ,
" Royne. — •^ Fait. — •-• Entremettre. — ' De Bretagne.
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104 PHILIVPB D*ABTOIS B8T CMÈà
mais voulentiers ^ s'en ensoumieroient ' de y mettre cause
et aucun bon moyen de venir & traittié de paix , se ils
povoient on sçavoient.
Quant le duc yey que de tout ce il n*auroit autre chose et
que plus perdoit de ses hommes par celle guerre, que messire
Olivier de Glichon ne faisoit , il ' eut conseil * de envoier
les dessus nommés barons devers messire Olivier de Glichon
et traittier devers luy que ils ramenassent sur son saulf-
conduit parlementer ft Venues à luy , et il le trouveroit si
traittable et débonnaire que il entenderoit À toute raison ,
et, se mesprins avoit envers luy, il luy amenderoit à Fordon-
nance de euls, lesquels il prioit dealer en ce voyage.
Les dessus nommés à ce faire s'accordèrent voulenti^v
par cause de bon moyen, et s'en vindrent tous trois devers
messire Olivier de Glichon , et firent tant qu'ils parlèrent k
luy au Ohastel-Josselin, et luy remonstrèrent Imtention du
duc et ce dont ils estoient chargiés et plus avant pour appro-
chier k la paix ; car la guerre de eulx deux estoit mal séant
en Bretaigne, et trop desplusoit aux nobles du pays et gre-
voit à tous marchans et au ^ commun * pueple : « Messire
« Olivier, nous^ous disons que s'il vous plaist aler devers
« monseigneur, en cause de asseuranoe tant que vous serés
« retourné arrière, nous nous obligerons & cy d^mourer et
« point partir hors des portes de ^ céans *, et nous suppo-
« sons assés que, se vous estes en la présence de monseigneur,
« vous serés à paix et d'accord , car nous Yen veons en
« bonne voulenté. »
A ces paroles respondy messire Olivier de Glichon, et dist
en telle manière : « Beauls seigneurs , que vous ^ aideroit-
« il *• se j'estoie mort ? Pensés-vous que je ne congnoisse pas
«■• Traveilleroient. — •"* CoMentit. — • • Menu. — '• Chastel-Jos-
selin. — •■•• Pronfiteroit-il.
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COmfeTABLB DE nUlIGS. lOS
le duc dd Bretaigne ? Certes si fay ; il est trop cruel et
> anster *, et, ({iioyqu*il youb aitenditté et infourmé et qae
U me donne saulf alant et retournant , se il me veoit en
sa préasnce , jà pour parole que il vous ait pronunise , il
ne cesseroit, si m*aroit rea mort. Et , se je estoie mort *
vous en morriés aussi, car mes Jiomm|^ vous oceiroient ,
ne jà pitié, ne merchy n*en auroient ; si vault mieulx que
^ vous vives et moy aussi ' , que nous nous boutons en ce
dangier , car de luy je me garderay bien, et de moy il se
garde ainsi que bon luy semble. »
Adont respondy messire Charles de Dignant et dist :
Beau cousin, vous povés dire ce que il vous plaist ; mais
nous ne l'avons point veu en celle voulenté de vous occire,
se il vous veoit , par le ^ party ' que nous vous ofirons ,
mais a bonne affection de vous laissier venir à * accord à
luy , et nous v<ms en prions que vous le vueilliés fidre. »
Adont respondy le sire de Clichon : t Je croy assés que
vous ne voulés que tout bien ; mais sur ceste asseurance
que vous me présentés, ^ je ne me avanceray point de aler
devers le duc de Bretaigne , et, puisque vous vous * en
ensonnyés ' en bonne manière (ainsi le doy*je et vueil
croire et entendre) , je vous diray que je feray et quelle
response je vous bailleray. Vous retoumerés devers luy
qui qy vous envoie et luy dires que point je ne vous vueil
prendre en plesges, ne en hostages, mais il me envoyé son
biretier qui est ^® flanchié " à la fille du roy de France ,
et celluy demourra en la garde de mes hommes ou Chas-
tel-Josselin tant que je seray aie et retourné. Ceste " par-
chon ^' est plus acceptable pour moy que nulle des autres
et est raisonnable ; car , se vous demourés icy, sicomme
" Hault. — • D'autre part. — ^ Moyen. — • Paix et. — ' Je vous
pi-omets que. — •^ Entremettes. — *•"" Marié. — *•-" Voye.
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i06 PHILIPPE D* ARTOIS EST CRiÉ
« VOUS vous offres , qui ^ s*ensonnieroit ' des besoingnes,
tf ne destraittiés, ne qui seroit moyen entre nous deux, qui:
« jamais sans moien ne serions d*accord ? »
Quant les dessus nommés barons de Bretaigne veirent
que ils n'en auroient autre chose , si prindrent congié à
messire Olivier de Clichon, et il leur donna. Si se partirent
de Ghastel-Josselin et retournèrent à Venues devers le duc
de Bretaigne , et luy recordèrent toutes les paroles et res-
ponses dessus dittes auxquelles, en tant que de son âls, il ne
se fuist jamais accordé de l'envoyer ou Ghastel-^Josselin. Si
demeura la chose en ce point et estât , et la guerre comme
en devant felle et crueuse, ne à peines ne osoit nuls chevau-
chier en Bretaigne sur les champs, ne aler par les chemins
pour celle guerre. Marchandise en estoit toute morte et per-
due parmy Bretaigne , et toutes gens ens es cités et bonnes
villes s*en sentoient, et les laboureurs des terres meismement
s'en reffix)idoient et séjoumoient.
La duchesse de Bourgoingne couvertement confortoit son
cousin de gens d'armes , Bourgoingnons et autres , que elle
luy envoioit ; car le duc de Bretaigne ne trouvoit de son
pays nulluy qui se voulsist armer pour celle guerre , mais
s'en dissimuloient chevalliers et escuiers de Bretaigne , se
ils n'estoient deTosteldu duc. Leduc d'Orléans, d'autre
part , qui moult amoit messire Olivier de Clichon , le con-
fortoit couvertement et luy envoioit gens d'armes et bons
coursiers pour luy raffireschir de montures, et trop plus sou-
vent chevauchoient aux adventures messire Olivier de Cli-
chon et ses routes que le duc ' né feist *. Et advint que une
fois il encontra deux escuiers du duc qui chevauchoient et
aloient en besoignes pour le duc : l'un estoit appelle Bernard
et l'autre Yvonnet. Ils ne peurent fîiir , ne eslongier ; car
*'* S*entremetira. — *-* Et ses geni ne feiuent.
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COHIliTABLE DE FRANCE. 107
ils obéirent es mains de messire Olivier de Clichon qui fut
moult ^ lye * de leur venue, car bien les congnoissoit. L'un
luy avoit fait du temps passé service et L'autre non, mais
grant rudesse et desplaisance qu*il n*avoit pas mis en oubly,
mais luy en souvint à celle heure. Quant ils se veirent attra*
pés, ils furent tous esbahis. Dont dist messire Olivier à,
Yvonnet : « Te souvient-il point comment ou chastel de TEr-
« mine delés Venues en une tour tu m*enferras mal cour-
« toisement , et toy, Bernard , en avoies pitié et ^ disoies :
« Je vous baille ma ^ gonne ', et la desvestant et ainsi tu la
t me baillas ', pour tant que ^ tu me veoies * en pur mon
« doublet sur le pavement , pour moy eschiéver le froit : je
a le te vueil icy * remercier '^. La vie t'en sera sauvée, mais
« ce gars trahitour Yvônnet, qui bien t'en fuisses passé &
« moins faire, se tu voulsisses, tu y demourras. » A ces mots
il traist une dague et il-meismes l'occist , et puis passa
oultre , mais aux varlets il ne flst riens.
Une autre fois, messire Olivier chevauchoit devers le
chastel d'Aulroy , car le duc et la duchesse estoient là , et
avoit bien trois cens lances en sa compaignie , et d'aventure
il trouva trôs-bien quarante varlets de l'ostel du duc qui
estoient sur les champs , et fut environ la Saint-Jehan en
esté. Ces varlets avoient loiés leurs chevaulx aux arbres et
avoient faucilles dont ils soioîent de randon les blés pour
faire &is et tourses et pour reporter à leurs logis comme
fourrageurs. Messire Olivier vint sur euls et les espoventa :
autre mal il ne leur flst. Si leur dist : « Et comment, var-
« lets, estes-vous si osés que de vous mettre sur les champs
• et de cueillier et embler la garnison des laboureurs ? Vous
« ne les avés pas ahanés, ne semés , et si les copés avant
•-• Joyeux. — ^ Devestia ta gonne. — **• Robe. — '-• J'estoie. —
••«• Remërir.
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lOâ LÀ PAIX EST GOnCLOB
« que ils soient meurs. Or tost prenés vos faucilles et mon-^
« tés sur vos chevaulx. Pour Feure je ne vous feray nul
« mal , mais aies. Si dittes au duc de Bretaigne qui est en
a Aulroy , jele scay bien, que il viengne recuéillier ou
tf envoie ses hommes recuéillier * ce que soyé avés^*, et que
« Glichon luy mande , et que cy on le trouvera jusques à
« soleil esconsant. » Les varlets qui furent tous joieulx de
celle délivrance (car ils cuidoient bien estre tous mors) ,
r^eprindrent leurs faucilles et remontèrrat sut leurs che*
vaulx et s'en retournèrent ens ou chastel d*Aulroy devers
le duc , et croy assés qu'ils luy recordôrent ces nouvelles ,
ne autre ch!ose n*en fut , ne point n'en yssi, ne fist yssir ses
hommes du chastel.
Telles aathies et telles escarmuches faisoient adont en
Bretaigne le duc et messire Olivier de Glichon l'un sur
Fautre, et ne s'en ensonnyoient point ceulx du pays dé leur
guerre.
Nous nous soufirirons pour le présent à parler du duc de
Bretaigne et de messire Olivierde Glichon et de leur guerre,
et retournerons aux besongnes de France et d'Angleterre
ensieuvant nostre principale matière.
Vous savés comment les parlemens furent tenus en la
cité d'Amiens , et comment les seigneurs se départirent
Tun de Tautre , et sur quels articles , aussi comment on
envoia en Angleterre ^, et la response queon eut des Anglois
qui durs estoient à entamer et à venir à paix ; car il ne
tenoit pas du tout au roy Richart d*^gleterre , ne au duc
de Lancastre , ne au duc dlorch , ne à ceulx qui les trait-
tiés et paroles de la paix avoient portés , mais ^ à ' grant
*-• Sique je soye aveao luy. — • Aveuc .le duo de Lancastre. —
**• Grant part à. — • La plus.
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BMTRB LÀ FRANCK ET l' ANGLETERRE. 109
part de ^ la communaulté d*Ângleterre, et désiroient les
oommunefi , archiers et tels gens , ad ce que ils disoient et
monstroient , trop plus la guerre que la paix , * et d*ÂngIe-
terre les deux pars des jeunes gentils hommes, chevalliers et
escuiers, qui ne se scavoient où employer et qui aprins
avoient à estre oiseux et à tenir bon estât sur le fait de la
guerre. Et au fort si convenoit-il que ils obéissent là où le
roy et ses oncles et la plus saine partie d'Angleterre s'en-
dinoit. Le duc de Lancastre considérant toutes ces choses
tant pour Tamour de ses flUes qui roynes estoient comme
vous savés lune d'Ëspaigne et Fautre de Portingal , que
pour ce que il veoit que le roy son nepveu si enclinoit aussi
(et disoit que la guerre avoit assés duré) , estoit de celle
pppinion et y rendoit grant peine, mais que il veist que ce
fuist à Tonneur du royaulme d'Angleterre.
Du costé de France le duc de Bourgoingne y rendoit aussi
grant peine , car il veoit qu'il estoit chargië très-grande-
ment des consauls et des besoingnes de France, et que ses
deux nepveus estoient jeunes d'eage et de sens, le roy et le
duc d'Orléans , et si se trouvoit ung grant hiretier et
attendant encoires de grans héritages de toute la duchié de
Brabant , et , se Flandres et Brabant en temps advenir par
aucun incident se différoient contre la couronne de France,
aveoques la puissance d'Angleterre , ainsi que ils avoient
antreffois fait, le royaulme de France aroit trop ' de adver-
saires ^. Le duc de Bourgoingne qui estoit moult ymaginatif
et veoit moult loing en ses besoingnes , siques il me fut dit
par hommes notables qui de ces affaires dévoient savoir la
certaineté , que il et le duc de Lancastre rendirent grant
peine ad ce que les parlemens fuissent derechief mis et assis
à Lolinghem où autreffbis avoient esté, et y fuissent si fors
• D6 France — • * D^ennemii.
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ilÔ LA ^AIX EST CONCLUE
de toutes les deux parties et si bien pourreus de si bonnes
procurations et si puissamment fondés comme pour faire
paix , se ^ il besoingnoit * et se les traittiés s*estendoient
jusques là, et à estre à Lolenghem dedens le may prochain
venant, lequel on comptoit Tan mil CCC.IIII" et XIII.
Accordé et séellé fut de toutes parties , et nommés ceulx
qui le parlement tenroient et qui de par les roys et leurs
consauls envoies y seroient : premièrement de la partie du
roy Richard d^Ângleterre y furent principalement ses deux
oncles le duc de Lancastre et le duc de Glocestre , lequel
estoit en la gr&ce et amour de toute la communaulté d'An-
gleterre et des chevalliers et escuiers qui plus chier avoient
la guerre que la paix , et des prélats , Farchevesque dlorch
et l'évesque de Londres et wcuns clers licenciés en droits
et en loix pour entendre et exposer les lettres en latin. Et
dévoient ces seigneurs venir en la ville de Calais, ainsi que
ils firent , en la moyenne du mois d*apvril ou tantost après
le jour Saint-Jeoi^e passé , pour tant que le roy et les
barons. d'Angleterre qui du Bleu-Gertier sont , en font une
solempnité et feste moult grande ou diastel de Windesorê
qui est bel , grant et spacieux à merveilles.
D'autre part du costé de France, le duc de Berry et le duc
de Bourgoingne et les consauls du roy se ordonnèrent à estre
et à venir, ainsi que ils firent , en la ville de Boulongne et
de euls 1& tenir et venir parlementer à Lolinghem. Le roy
de France qui moult grande afiection avoit, ad ce que plai-
nemœt il monstroit, que paix fiiist entre euls et les Anglois,
car trop ' y avoit de discord *, dist à ses oncles que il vou-
loit aler au plus près du lieu où les parlemens se tendroient
comme il pourroit par raison, pour mieulx monstrer que la
besoingne estoit sienne et luy touchoit. Dont fut advisé que
*• Mestîer faisoit. — •-* Le discord.. La g:aerre y ayoit duré.
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BRTRB LÀ FRANCE ET l'àMGLETERRE. ' lil
le roy de France se tenroit ou à Saint-Omer pour estre en
la marche et frontière de Calais ou à Thérouenne ou à Mons-
treul ou à Abbeviile. Tout considéré, il Tailloit mieuk le
royluy tenir en Abbeviile que autre part, car il y a puissant
yille et bien aisie de tous biens , et là seroient tous sei-
gneurs et toutes gens aisiement logiés et herbergiés sus
celle belle rivière de Somme. Quant ce conseil fut arresté ,
on fist les pourvéances du roy grandes et grosses en la ville
d*Abbeville , et pour le corps du roy logier on ordonna
Tabbaye de Saint-Pierre qui est une grande abbaye et gar-
nie de beaulx édifices et de noirs moisnes, et là yint le roy
et son frère le duc d'Orléans et leurs consauls et raessire
Regnault deCorbie, chancellier de France ; et le duc de Berry
et le duc de Bourgoingne et les ^ parlemens * se trairent à
Boulongne , et le duc de Lancastre et le duc de Glocestre à
Calais et tous leurs consauls.
Belle chose fut de veoir Tordonnance et Testât des parle-
mens qui en ce temps se tindrent et lurent mis et assis
entre les Franchois et les Anglois sur les champs entre Bou-
lougne et Calais à une place que on dist Lolinghem ; et là
estoient de toutes les deux parties tendues tentes , trefs et
pavillons , pour euls tenir et reposer , boire , mengier et
dormir , se dormir y convenoit. Et deux ou trois jours en
la sepmaine les Franchois qui pour parlementer estoient là
ordonnés , venoient là de Boulongne , et les deux oncles
du roy d* Angleterre venoient là de Calais , et souvent
entroient en parlemens et en traittiés sur le point de neuf
heures et là se tenoient en une très-belle tente qui par accord
de toutes les parties estoit tendue , et là parlementoient et
proposoient plusieurs articles. Or me fut dit (car pour ce
temps et pour inieulx savoir la vérité de leurs traittiés, oe
*' Parlementaan françois.
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liS hk PAIX BST COHCLCB
que savoir on en povoit , je Jehan Froissart, actônr et pro*
poseur de ce livre, taj en la bonne ville d'Âbbeville comme
celluy qui grande congnoissance avoie entre les seigneurs i
si en demandoie à la fois à ceulx qui aucune chose en
dévoient savoir) , que sur rentrée des parlemens les Fran-
çois misrent en termes aux seigneurs d'Angleterre qui là
.estoi^nt , quant ils àvoient veues leurs procurations et leurs
puissances que ils avoient de tenir le parlement et de don-
ner trièves et ^ sur * les trièves bonne paix par mer et par
terre de eulx principalement, leurs conjoins et leurs adhers,
que ils vouloient avoir Calais abatue par telle manière qtie
jamais nuls n*y habita<$t « ne demourast.
A celle parole et article respondirent les Anglois et dirent
(c est-À-entendre le duc de Lancastre et le duc de Glocestre)
que ils n'avoient que taire de mettre ces paroUes en termes
d'avoir Calais abatue ; car Calais est et seroit la dernière
ville que la couronne d'Angleterre tenroit en son demaine et
héritage ; et se on vouloit traittié avoir et parlementer &
eulx , on clouist celle parole , car en nulle manière du
monde ils n'en vouloient plus oyr piurler. Quant le duc de
Berryet le duc de Bourgoingne oyrent leurs cousins les
deux duos d'Angleterre parler si aoertes , ils cessèrent à
parler de ceste matière , etveirent bien que ils y traveil-
leroieht en vain et parlèrent dur autres estas.
Les Anglois ung Ipng temps demandoient a avoir en res-
titution tontes lés terres qui baillies et délivrées ' avoient
esté au roy Edouard d'Angleterre leur seigneur de père ou
a ses députés et commis , et de rechief toute la somme de
flourins qui demourée estoit à payer au jour que la guerre
fut renouvellée entre France et Angleterre. Celle demande
aux François soustindrent les Anglois ung longtemps, et
•-• De faire onltre. — " Eitoient et.
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BNTRB LÀ FRAMQB BT l'aHGL£T£RRE. i IS
monstroient bien et fidsoient remonstrer par leurs clers,
pour à la vérité mieulx ^ exposer * leurs paroles , qu elles
estoient raisonnables. Les seigneurs de France , c*est*â-
entsndre les deux dncs qui là estoient et le chaneellier de
France , respondoient doulcement à Tenoontre et arguoient
do contraire et disoient, tant que de toutes les terres faire
retourner, anidre au premier point des procès, ou gouverne
et demaine du roy d'Angleterre et de ses successeurs, impos-
sible seroit à faire ; car les villes , les terres et lés chas-
teanlx , les cités , les seigneuries et les hommages des pays
qui nommés sont et furent en la chartre de la paix donnée
et accordée Fan mil CGC ' soixante ^ à Bretigny devant Char-
tres , et puis conformée et séellée à Calais, estoient trop
eslongiés et desjointés de ce propos ; car le roy de France à
qui ils estoient de voulenté et sans contrainte remis et ren-
dus, leur avoit donné, juré et séellé si grans libertés et pri-
vilèges et conformé sus parole de roy que ce ne se povôit
ester, brisier, ne retourner, et que , se on vouloit * venir &
paix à eulx , il convenoit entrer en autres traittiés. Adont
iiit regardé par Tadvis et ymagination des quatres ducs
principalement, ausquels il tenoit et du tout pendoit la
foonne de la paix et de la guerre, que les' François^ de leur
costé escriproient les articles tels que ils vouldroient faire
et tenir , et les Anglois pareillerarât de leur costé aussi
escriproient; et bailliés et contrebaiUiés ces escripts oulire, à
paix et à loisir les seigneurs les regarderoient et visiteroieht
et feroient visitter et regarder par leurs * chancelliers*, leurs
prélats et leurs dors en droit et en loix, qui de leur conseil
estoient et qui & ce entendre estoient habilles et propices ;
^ Excuser. ^- "** Soixante et mi.» Soixante et onze. — * Retourner,
B0. — *-* Seigneun de France. «- *^ Chevaliers,
XT. — VROÎSSART. 8
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114 LA PAIX BST CORCLUE
et ce qui à passer et tenir feroit , il seroit teûu » et ce qui
à canceler feroit , il seroit canoelé.
Ceste ordonnance sembla & toutes parties estre raison-
nable et bonne; car, en devant ce, les corps des quatre ducs
avoient trop grant chaîne pour oyr lire et répéter tantde
paroles ^ qui là estoient répétées et proposées de la partie
des François, et aussi ils n'estoient pas si enclins, ne usés
de Tentendre et concepvoir sur la fourme et manière que
les François les bailloient comme les François estoient ; car
en parlure francoise a mots soubtils et couvers et sur
double entefidement , et les tournent les François, Ut où' ils
veulent, à leur prouffit et avantage : ce que les Ân^ois ne
scauroient trouver , ne faire , car euls ne le veulent enten-
dre que plainement. Et pour ce que on leur avoit donné &
entendre du temps passé , que point ils n*avoient bien tenu
les conditions conditionnées sur les articles de la paix,
(et le vouloient les François dire, mcmstrer et prouver par
paroles escriptes et séellées à tenir sus parole de roy et sur
sentence de pape , que ils les avoient enfraintes et brisies),
en estoient les Anglois plus diligens de l'entendre; et,
quant ils veoient escript, ens es traittiés et artides qui là
estoient proposés de par les François, aocime parluïe obs-
cure et dure ou pesant pour euls à entendre, ils s*arrestoient
sus, et par trôs-grant loisir le examinoient, et excrutinoient,
et demandoient ou &isoient demander par leurs ders de drois
et de loix aux prélats* de France ou au duc de Berry ou au
duc de Bourgoingne comment ils Fentendoient , ne nulle
chose , ne parlure obscure à entendre ne vouloient passw
oultreles ducs d'Angleterre qui là estoient ' , qu'elle ne
fuist justement examinée et visitée et mise au der ; et » se
riens y avoit de différent ou de contraire à leur entende-
* Et principalement les Angtois celles. — - * Présens.
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BRTRB hk FRAIICB ET l'ÀNGLETERRE. ii5
ment , ils le faisoient en lear présence canceller et amender,
et disoient bien que ils ne vouloient riens mettre , ne làis-
ner en tonrble ; et, pour euls raisonnablement excuser, ils
disoient bien que le françois que ils avoient apris chiés
eulx d'en£ance , n'estoit pas de telle nature et condition que
celluy de France estoit et duquel les clers de droit en
leurs traittiés et ^ parlers * usoient.
Tels oblicques et propositions que je vous remonstre,
^ alongèrent ^ moult les traittiés et aussi que les Ânglois se
tenoient francs de mettre à effect la charge dont ils
estoient chargiés de par le général concilie d'Angleterre ;
car ils demandoient à ravoir en restitution toutes les terres
et appendencès qui à la duchié d*Acquitaine appartenoient ,
et les prouffis qui levés en avoient esté depuis la guerre
renouvellée, laquelle chose les Franchois n'eussent jamiais "
accordé.
Bien vouloient donner les François aux Anglois les pays
de Tharbe et de Bigorre , la terre et le pays d'Agen et
d*Agenoi3,la terre et le pays de Pierregort et de Pierreguis,
mais de Chaours, de Rouergue, de Quaoursin et de Lymosin
ils ne vouloient riens baillier, ne délivrer, ne de la conté de
Ponthieu, ne de la conté de Ghines non plus avant que les
Anglois en tenoient au jour de ces traittiés. Si furent les sei-
gneurs plus de quinze jours sus cel estât, et, au conclurre ce
traittié tant seulement, les quatre ducs ordonnèrent que tout
ainsi que ' proposé estoit et Ordonné Tavôient, ils le signif-
fleroient aux deux roys , les deux ducs d'Angleterre au roy
d'Angleterre, et les deux ducs de France au roy de France,
et ^ venroient & Abbeville et luy remonstreroient ces trait-
tiés et , se plus ' esliurguir ' il se vouloit de donner aux
" Parlures.. Parlemans. — ^ EBloignôrent. — • Fait , ne. —
* Anûablement. — ^ Pour ce fidre d'une part. — *** Bslargir.
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110 LA PAIX BST COnCLUB
Anglois y point ils ne le débateroient ; mais ils prioient
amoureusement à leurs cousins d'Angleterre que doulcement
ils voulsissent ces traittiés escripre et signifier au roy d*An*
Çleterre, lequel monstroit et avoit monstre depuis deux ans
que grande afiTection il avoit de veoir paix entre France et
Angleterre , leurs conjoinds et leurs ahers.
Las deux ducs d'Angleterre leur ^ eurent en oonyenant '
que ainsi le feroient , et devés sayoir , sicomme je fus
* infpurmé de la vérité , que le duc de Glocestre estoit trop
plus fort à brisier que ne fuist le duc de Lancastre , et pour
ce que bien savoient son oppinion ceulx d'Angleterre qui
plus chier avoient la guerre que la paix , y fut-il envoie ;
car bien sçavoient, que riens ne passeroit» que ce ne fuist
grandement à Tonneur de leur partie tant que il y seroit.
Si se départirent les seigneurs , c'est-à-entendre les quatre
ducs, amiablement Tun de l'autre , et pour estre là au IX^
jour de ce département, et retournèrent les deux ducs
d'Angleterre à Calais, et les deux autres ducs & Boulongne
et puis vindrent à Abbeville.
Quant ils furent venus en la bonne ville d'Abbeville, ils y
trouvèrent le roy de France qui là s'esbatoit et tenoit moult
voulentiers ; car en Abbeville il y a autant d'esbatemens et
de plaisances que en cité, ne en ville qui soit en France , et
audedens de la ville d' Abbeville a ung jardin moult bel
enclos environnéement de la belle rivière de Somme , et là
dedens ce clos se tenoit le roy de France bien voulentiers,
et le plus des jours il y soupoit , et disoit à son frère d'Or-
léans et à son conseil que le séjour d'Abbeville luy faisoit
grant bien.
Pour ces jours estoit aveuc le roy de France le roy Lion
d'Erménie, et estoit tout nouvellement revenu de Grèce et
V Promirent. — • Adont.
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ENTEB LA FRAMCB ET L*ANGLETBERB. 117
de éeasas les frontières de son pajs ; car dedens n*aypit-il
point entré , ne entrer n*y povoit » se il ne se vouloit per-
dre. Car les Tors Favoient conquis et le tenoient de force
contre toutes les nations qui guerre leur vouloient £aire^
réservé ^ la forte ville de Courch séant sur la mer, que les
Jennevois tenoient et gardoient pour la doubtance des Turs,
ear, se les Turs avoient ce port, ils feroient des mauls sans
nombre aux Gypriens et autres nations chrestienhes sur les
confins de Rodes et de Candie , et euist moult voulentiers
▼eu le roy d*Erménie que bonne paix fuist entre France et
Angleterre à la fin que chevalliers et escuiers qui les armes
demandent , fuissent aies en Grèce et luy euissent aidie le
royaulme d'Erménie à conquérir et recouvrer.
Quant les oncles du roy de France furent venus à Abbe-
ville, le roy les vey voulentiers * , ce fut raison , et leur
demanda des traittiés comment ils se portoient '. Ils luy en
recordèrent toute la pure vérité et sus quel estât * ils s'es-
toient départis. De tout ce fut le roy content et très-resjouy,
et monstroit assés que il désiroit la paix.
Pareillement les deux ducs d'Angleterre , c*est-assavoir
le duc de Lancastre et le duc de Glocestre , qui retournés
estoient à Calais , escripsirent tous les poins et articles des
traittiés: proposés, et puis les séellèrent, et les envoyèrent
devers le roy d*Engleterre leur nepveu , et tellement y
besûingna que depuis ils en eurent moult bonne response et
assés briefve. Et leur escripvy le roy que ils procédassent
avant sur fourme de paix ; car la guerre avoit assés duré et
que ce n*estoit que destruction de pueple et de pays et
ocdsion de chevallerie, dont crestienneté estoit afibiblie ,
et ce pourroit ou temps advenir touchier trop grandement
* Toat entièrement. — * Et leur fiât très-bonne chière. — 'Et
comment toot en aloit. — * Et manière.
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il8 LÀ PAIX EST GONGLUB
aux terres crestionnes , et jà s'avanchoit fort rAmorath-
Baquin et ses enffans et les Turs pour venir ou royaulme
de Honguerie , et se tenoit sus la terre que on dist la
* Blacquîe *, et de ce avoient eu le roy de France et le roy
d'Angleterre lettres.
' Advind ce terme pendant que au terme des jours que les
quatre ducs avoient assignés de retourner et venir à
Lolinghem pour tenir leur journée de parlement ,. tous y
furent, et aveuc les seigneurs de France y vint le roy d*Er-
ménie pour remonstrer à ceulx d'Angleterre la nécessité de
ses besoingnes, et par espécial il estoit bien congneu du duc
de Glocestre, car il avoit esté en Angleterre en celle saison
que l'armée de France se ordonnoit pour venir à l'Ësduse
et de là aler ^ Angleterre , et l'avoit le dit duc de Gloces-
tre très-honnourablement receu en ung sien chastel et belle
place et grant habitation qui siet en Excesses , et est
nommé le dit chastel ^ Plaissy ^. De rechief les deux ducs
de Lancastre et de Glocestre frères luy firent là très-bonne
chière et belle recoeillote, et par espécial le duc Thomas de
Glocestre pour, tant que il Tavoit autreffois veu , et l'oyrent
les deux ducs youlentiers parler de ses besoingnes, et l'en
respondirent doulcement et gracieusement en disant que
voulentiers et de cuer ils y adrescheroient , et tant que le
roy d'Erménie se contempta de eulx grandement.
A ces parlemens ot plusieurs traittiés et procès mis avant»
et s'estoit tenu ung grant temps le cardinal de la Lune en
la ville d'Abbeville , et logié aux Frères-Cordeliers sur la
rivière de Somme , et estoit là envoyé en légation de par
*-* Valaquie.. — ' Or ce pendant qu'en AbbeviUe et aux terres 'voi-
sineR estoyent le roy de France et tes oncles Berry et Bourgongne, et
que les Anglois à Calais et prés de Calais s'esbatoyent. — ^' Plaussi..
Plauscy.
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BRTRB LA FRAMGB BT L*AlfGLETBBRB. 149
ooUay qui 8*app6lIoit pape Clément pour le fait de TÉglise,
et si EYoit voulu proposer en leurs parlemens et concitoires
^•aucuns' articles touchansàla matière de TÉglisepour
soustenir les oppinions de ce Clément nommé Robert de
Jeunes. Mais quant les deux ducs d* Angleterre en voiront la
manière , ils alèrent au devant grandement et sagement »
et dirent aux deux ducs leurs cousins de France : « Ostés-
f nous ce légat. Nous n'avons que faire d'entendre à ses
« paroles. Ce n*est que toute charge sans prou£Bit et sans
« i^ect. Nous sommes déterminés à pape auquel nous obéis-
f sons et voulons obéir. Si n'avons que faire de oyr parler
• à rencontre , et , se il venoit avant sur nos traittiés par
« la &veur de vous , nous clorrions tous nos parlemens
« et nous en retournerions arrière. »
Depuis ceste parole ditte , on ne oy nulles ' nouvelles ^
du dit cardinal de Lune , mais se tint tout quoy en Abbe-
ville , et les seigneurs alèrent avant en leurs traittiés.
Finablement tant furent ces traittiés et parlemens démenés
que les conclusions furent bonnes , et se contemptèrent
toutes les parties ; car les quatre ducs veoient que les
quatre roys s'enclinoient grandement ad ce que paix fuist
entre leurs royaulmes, leurs conjoins et leurs ahers , et
moult doulcement le roy de France en avoit parlé au duc
de Lancastre, quant il fut aux parlemens à Amiens Tan en-
devant, et luy avoit dit au département : « Beaulx cousins,
• je vous prie que vous exploittiés tant de vostre costé que
^f bonne paix soit entre France et Angleterre et entre
f toutes parties : si sera aidié nostre cousin le roy de
• Honguerie contre FAmorath-Bacquin qui est tant fort et
« tant puissant en Turquie. » Le duc de Lancastre avoit
respondu ad ce et avoit dit que tout son plain povoir il en
•-■ Plnnean. — ^ Parole».
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-'19B LA PUT tn COKCLBE
feroH, et ce flst-il yraiement, car par lûjret par ses
remonstrancesau roy d*Angleterre son nepyeu, à son frère, à
tous les coBsaux du pays et du royaume d'Angleterre ce
second parlement fut remis ensemble à Lolinghem pour y
fSEÛre paix ou bon accord, Tonneur d'Angleterre gardée. Son
frère le duc de Glocestre y estoit assés plus fort que il ne
fuist , et ressoingnoit les ^ cavillations ' et déceptions des
paroles ^ coulourées ^ et entonllies des François, et disdt
que les François vouloient tousjours ' luittier ^ les deux bras
desseure , et si en dit tant que les parties s*en perdiurent.
Et vint , ce me semble » ung ^ eecuier * d'honneur nommé
Robert Ffirmite, et estoit du conseil de la chambre du tqj
de France, devers le duc de Glocestre, je ne scay se il y fut
envoyé ou se il y vint de luy-meismes ; mais il dist ûnsi au
duc de Glocestre (car le dit duc me compta depuis toutes ces
paroles en son * chastel '^ de Plaiscy) : « Monseigneur, pour
« le saint amour de Dieu , ne vueilliés point brisierles
t articles de la paix ^^ , car vous veés comment nos sei-
« gneurs de France y mettent grant diligence, et vous ferés
a fleurie aumosne , car la guerre a trop duré, et quant
« temps est et que les deux roys le veullent , tous leurs
« prochains et subgets y doivent bien obéyr. » — f Robert,
« Robert, respondy le duc de Glocestre, je vueil bien à tout
tt ce adreschier , et point n'y suis contraire , ne rebelle '' ;
« mais entre vous de France avés tant de paroles coulou*
t rées , lesquelles sont obscures à nostre entendement , que
a quant vous voulésil est guerre , et quant vous voulés ,
« il est paix ; et ainsi nous avés-vous mené jusques à pré-
• sent , et ainsi vous determinés-vous tousjours tant que
« vous soies venus à vostre ^' attainte ^^.Et, se monseigneur
*-• ContentioDui. — *■* Contournées. — •^ Lntter. — '-* Cheyalier. —
*'*' Hostel. — " Dût che Robert. — " Mais que en paix paix soit. —
«»•" Entente.
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BRTu ià nuMa n l'auglbteuui. lil
« m*èDea&t créa et la gragneor partie de son royaulnie
« qm iaillîés aont de laj Bervir et aidier, jamais paix
m n'einat esté entre France et Angleterre tant que toot nous
€ enist esté bien restitoé ce qne tolln on nons a et sans
s canse par canteUes sonbtives, ainsi que Dieu scet et tons
s cdttlx qui veulent raison oongn(Hstre et entendre. Et
c puisque monseigneur se encline à la paix , de ce avés-
c vous cause de parler « c^est raison , que nous le vueillons
« aussi ; et « se paix est ainsi que les deux roys le délirent
• et pour quoy nous sommes cy assamblés, elle soit bien tœne
« de vostre costë, et elle sera bien tenue du nostre.sSur ces
parx>}es se départy le duc de Glocestre de ce Robert l'Ermite»
et pristcongië et vintentre ses gens et entra en antres paroles.
Je ne TOUS vneil pas tenir , ne prolongier ^ ces procès * ;
mais je Tueil venir à condusion» car la matière le désire.
Les quatre ducs qui là estoient , qui j^aine puissance
avoient de leurs deux souverains, c*est-ft-entendre des deux
roys de France et d'Angleterre, proposèrent et parlementè-
rent tant seulement (car povoir irvoient de donner trièves et
accorder paix) sique renommée générale couru parmyla
ville de AbbeviUe que paix estoit emprise sur certains
articles entre le roy de France et le roy d'Angleterre, leurs
CKmjoints et leurs ahers ; mais je , acteur de ceste histoire ,
qui pour ce temps séjonmoie en Abbeville pour oyr et pour
savoir des nouvelles, ne peuls pour lors ent savoir la vérité,
comment la paix estoit ' comprise ^ , fors tant que unes
trièves furent prinses à durer quatre ans et à tenir fermes
et estables par mer et par terre de toutes parties , et estoit
advisé , ymaginé et considéré en Tadvis et ymagination de
œulx qui à ce parlement avoient esté, que avant les quatre
ans accomplis tout seroit rendu et délivré au roy d'Angle-
•
V Ce propos. — »** Empriao.
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IB LA un UT OOnCLUB
teire et & ses commis les terres et les seigneuries qui en la
Languedoch sont , qui deToient venir et retourner au roy
d'Angleterre, et à tous jours perpétuellement seroient au .
roy d'Angleterre venans et descendans , et au domaine
et héritage de la couronne d'Angleterre. Et parmy ces
ordonnances accomplies et les lieux livrés aux Anglois et
les terres , villes , cités et chasteaulx bailliés et délivrés
aux dis Anglois sur la fourme et ^ ordonnance ' que escript
et nommé estoit entre les parties , les deux frères dô Lan-
castre et de Glocestre ' dévoient faire vuidier aucuns capi-
taines et leurs hommes qui tenoient aucuns fors ou domaine
du royaulme de France, et tous ceulx faire partir et aler
Jeur voye, qui guerre avoient faite et faisoient soubs Tombre
du roy d'Angleterre et des Anglois de quelque nation que
ils fuissent ; et de toutes ces paroles et prommesses, les sei-
gneurs et leurs consauls estans à Lolinghem ^, lettres en
fui«(9nt levées , jettées, grossées et séellées, et les copies
envoyées aux deux roys. Et pour ce que le roy Ridiard
d'Angleterre avoit très-grande affection à oyr certaines
nouvelles de la paix, ses deux oncles qui là séjoumoient ,
prindrent ung hastif messagier et ung certain vallet, ung
hérault que on appelloit ^ Marche * et roy d'armes d'Angle-
.terre , et rescripvirent par luy au roy d'Angleterre toute
l'ordonnance du procès dernièrement traittié et conclud et
conditionné sur fourme de paix , et ainsi l'entendoient et
avoient arresté toutes les parties.
. Le hérault dessus nommé, quant il eut les lettres 4es4eux
ducs de Lancasire et de Glocestre frères , fut grandement
resjouy et se départy des tentes des Anglois , et vint à
.Calais et loua ^ ung batel * de pescheurs pour luy , et se
*■• Manière. — • Ponr obvier À toute caatelle. — * Obligiâi. —
••Marke. — ^■•Unenef.
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■MTRE hkfWàaCE SI l'anglbtbreb. 12S
fist du plus tost comme il peut ' bouter * oultre , et
exploitta tact le maronnier à Tajde de Dieu et du vent que
ils vindreot à Douvres^ et depuis chevaucha tant le bérault
sur haguenée, que il vint en ung manoir delés Londres
où il trouva le roy. Si trestost comme il fut venu en
Londres , on le ' mena ^ en la chambre du roy pour tant
qiia il venoit de Calais et des deux ducs de Lancastre
et de Glocestre qui au traittié de paix avoient esté et
encoires estoient; si luy bailla les lettres. Le roy les
ottvry ^t lisy , et de ce que dedens trouva ' , il ot grant
joye , et pour les bonnes nouvelles que le hérault avoit
apportées , il luy ^ en fist grant prouffit de dons ^ de pré-
sens et de rentes annuelles '', sicomme le hérault nommé
Marche ou le Roy Marche me dist depuis à grant loisir en
dbevauchant aveuc luy ens ou royaulme d'Angleterre.
Or retournons aux traittiés et aux seigneurs de France
et d'Angleterre, qui estoient encoires àLolinghem; car quant
ils vouloient , ils séjoumoient en leurs tentes et pavillons
que ils avoient là ûdt^ tendre et * appareillier * si grande-
ment, et si eçtofféement que merveilles estoit à considérer ,
et entendoient à ce que. les lettres fuissent si bien vérifiées
que nulle chose de tourblé , ne de obscur qui touchast à
empeschement» n*y peuist estre entendu , ne veu ; et de ce
avoient les Anglois grant seing et diligence.^.et voubient
bien tous ces articles et traittiés " proposer " et." escruti-
ner ", avant que ils le séellassent, ne voulsissent passer, et
toutes ces paroles justement entendre.
Or y sourvint ung trop grant empeschement, par quoy les
traittiés oti on avoit tant labouré et tant traveillié » furent
sur le. point, d*estre tous perdus et brisiés ; .et la matière
•-• Passer. — *-* Feîst entrer. — • Telle affection avoit-il à la paix.
••» Donna grans don». — *"* Parer. — *^** Voir. — ••■•• Examiner.
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4M iiA PAIX lurr GOReuiE
dont oe advint , je le von» esclarchiray , car <m doit parier
justement de tontes choses » aflBn qne les histoires en soient
tenues pour véritables.
Vous sçavës, sioomme il est c/nlessas contenu , que le
roy Charlee de France ot grande^ occoison* d'estre et séjour-
na en la boime ville d*Abbeville ung grant temps , et les
longs séjours venoient par la cause de leurs procès et
traittiés qui se fitisoient et se firent en celle saison entre
les parties dessus dittes. Sur la conclusion * de leurs pro-
cès ^ , le duc de Lencastre et le duc de Glocestre misrent
en ternie et proposèrent qne c*estoit Tintenticm du roy
Richart d'Angleterre et de tout son conseil , que le pi^
Boniface estant à Romme, lequel les Rommains , les Aie-
raans , les Hongres , les Ytaliens , les Vénitiens , les
Anglois et * toutes les nations du monde crestiennes
tenoient à vray pape « fors seulement la nation de France »
fuist tenu à pape , et celluy qui Clément se nommoit et
escripvoit , fuist dégradé et condempné. Et dirent les deux
ducs d'Angleterre et proposèrent que de ce ils avoient
charge espé<siale des trois estas du royaulme d'Angleterre.
Quant le duc de Berry et le duc de Bourgoingne étendi-
rent ces procès, pour leurs cousins d'Angleterre complaîk^
et saouler^ et que les traittiés de trièves et de paix à suppo-
ser, qui tant leur avoient cousté, demouMssent et poussent
demeurer fermes et entiers , ils demandèrent très-amiable^
ment à avoir conseil de respondre ; on leur accorda. Us se
conseilUèrent, et tantost en respondirent et sus heure , et
parla et remonstra la matière le duc de Bourgoingne moult
sagement , et bien le sceut faire, et pour adouldr et * amo-
dérer ^ Tymagination de leurs cousins d'Angleterre qui ce
•^ Volonté. — ** Et matière de leur pais. — • Presque. — •■» Mo-
dérer.
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BMTKB tA FKANCB K L'AnOLBTttU. iS5
avoient proposé , dist ainsi : « La matière et question des
t deal papes n'est pas conyenable pour mettre ea fourme,
• ne en voye sur nos traittiës, et noua esmerveillonSt mon
• firère de Berrj et moy, pourquoy 7ou8 Favés mis et pro«
« posé en ^ terme* ; car ou premier chief de nos traittiés vous
« proposastes et feistes proposer que du eardinal de la
i Lune le légal qui 9e tient et séjourne en Abbeville,yousne
« Youlés point veoir , ne oyr nulles de ses paroles , et sur
i oe nous sommes fondés et arrestés et nous fondons et
« arrestons, et disons ainsi que quant les eardinaulx de
• Romme esleurent àpape Urbain et puis Boni&ce, Urbain
• mort , à Telection nuls de nostre costé , ne du Tostre n'y
c furent appelles : pareillement aussi à l'élection de celluy
€ quifi^appelle Clément « quipourleprésent setient^t se-
i joume en Avignon. Nous ne contredisons pas que grant
« aumosne seroit de euls appaisier et unir, qui pourroit,
t mais que entendre ils y voulsissent. Nous le metterons
t derrière et en laisserons convenir les clers de l'université
• de Paris, et quant toutes nos besongnes seront conclûtes
c et bien et ' en fourme de ^ paix de nostre partie, aveuc
• le * conseil et moyen du * concitoire de nostre cousin roy
c d'Âllemaigne , nous y entenderons moult voulentiers
t et adrescherons , et ^ ainsi * vous de vostre partie./ »
Geste response que le duc de Bourgoingne âst , pleut
asséa à ses cousins d'Angleterre, et leur sembla raisonnable
et acceptable , et respondirent les deux ducs d'Angleterre :
c Vous avés bien parlé, et ainsi soit ^ que proposé et
I remonstré Favés.. » Si demeura la chose en bon estât ,
coQuiie en devant ; mais encoires y ot sus la conclueion de
ions leurs procès et traittiés ung grant empeschement , <^ir
le roy de France qui tout l'esté jusques près de la Saint-
•-' Termes. — " Ferme. — •• Moyen da congeil et, — '"• Atuwi. »-
•Fait
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iiB PAIX ERTRE t. FRAIICB BT li'^AHGLBTBltiB.
Jehan-Baptiste 8*estoit tenu en la Tille d*Abbeville j^oor la
cause des beaulx et grans esbatemens qui y sont , retourna
en la maladie de frénaisie , sicomme Tannée en devant
avoit esté , et se tenoit et estoit tenu en l'abbaye de Saint-
Pierre ; et celluy qui premièrement s*en ' i^erceu , oe fut
messire Guillemme Martel, ung chevallier de Norméndie et
pour son corps le plus prochain que le rojeuistensa
chambre, et lors estoient le duc de Berry et le duc de
Bourgoingne ft Lolinghem sur la an de leur parlement , et
avoient aiilsi que tout conclud de ce que faire et conclure
se povoit pour la saison , et si tost que le duc d*Orléans
frôre du roy dé France fut infourmé de ceste incidence , et
il ot veu le rôy en ce party où i| estoit, il le signiiBa à ses
oncles , et y envoya ung ûen escuier le plus prochain que
il euist , que on appelloit BoniSstce , gracieux homme
grandement.
Quant les deux ducs, oncles du roy , scearent les nou-
velles de ceste * advenue , si leur tourna à grant dés^
plaisance , et se départirent du plus tost que ils peurent, et
jà avoient prins congié à leurs cousine d'Angleterre, lesquels
s'estoient rettrais et retournés & Calais , et attendoient lÀ à
oyr nouvelles du roy de Navafre et du duc de Bretaigne ;*
car proposé avoit esté en ces parlemens que le chastel dé*
Chièrebourg séant sus la mer et sus le clos de Constentin en
Norméndie, lequel chastel le roy d'Angleterre avoit en garde
et en gaige, ce m'est advis, pour LX" nobles d'Angletefrre ,
le roy de France devoit paier les deniers , et le chastel
devoit retourner au roy de Navarre , et aussi le ' chastel de
Brest pareillement, que les Anglois tenoiént, devoit retour*'
ner au duc de Bretaigne.
' Airitaet. 7- * Incidence et. — ' Fort.
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MALADIE DU ROI DB FRANGE. iS?
Le duc de Berry et le duc de Bourgoingne n attendoient
point la conduaion de ces procès , mais s'en yindrent en
Âbbeville et trouvôrent le roy en petit estât de santé , dont
ils forent tous courrouohiés, et aussi forent tous ceulx qui
Tamoient. La maladie du roy de France fot cellée et tenue
secrette tant que on polt , mais ce ne fot pas moult longue-
ment ; car teles advraues sont tantost ^ escandalisées * et
sceues, et se espardirent partout. Si se départirent tous
seigneurs qui en Abbeville estoient, l'un après Tautre, tout
bellement , et s^en retournèrent sur leurs lieux. On ordon-
na à entendre au roy , ce fot raison , et fot regardé et
advisé oCi il seroit mis et amenés. Âdvisé fot que il seroit
amené en une littière ens ou cbastel de Craeil-sur-Oise , oCi
autreffois il avoit esté. Là fot-il amené et tout de nuit ;
car lesjours,pourlachalleur et force dusoleil,on sëjoumoit,
et les nuits on dieminoit.
Le duc de Berry et le duc de Bourbon chevauchièrent
en la compaignie du roy jusques à Graeil , et le duc de
Bourgoingne 8*en ala en Artois et en Flandres tout visitant
'les ^ pays, et retourna la duchesse sa femme ens ou cbastel
de Hesdin. On ne parloit mais du seigneur de la Rivière » ne
de messire Johan le Merchier. On les avoit ainsi que tout
oubliés, ne nul ne propoaoit pour leur grevance, ne pour leur
délivrance ; car encoires la seconde maladie où le roy de
France estoit rencheu, les excusoit et ^ descouppoit * grande-
ment de la renommée du peuple ; et avoient bien les gens
du royaulme de France celle congnoissance que le roy par
incidence corporelle et par les grans excès en plusieurs
manières que du temps passé il avoit fais en boire et %a
mengier hors heure et autrement et par grant foiblesae
de chief il s'endinoit ^ mpult * fort à cheoir en maladie.
*^ Publiées, — •-* Ses. — "^ Dîflcolpoit. — '-•Trop.
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iS^ iuEcnoii
Oresestoit regretté grandement de tons cenlx qui ajmoient
et désiroient à veoir le roj en bonne disposition et santé
de sa personne, maistre Gniilemmede Harselly; le bon méde-
chin, qui mort nouvellement estoit, et ne scayoient bonne-
ment les plus prochains du roy où recouvrer de médecbins
sages et prudents et qui bien se oongneussent en la maladie
duroy. Toutesfois il se convenoit passer et aydier de ce que
onpoYoit trouver et avoir^ quant autre chose on n*en povoit
faire.
Bn ce temps* ou mois de septembre, trespasisa de ce siècle
ens ou palais de Avignon Robert de Jennes, cy-dessus nomtné
en nostre histoire papeClëment, etadvintde luy ce que tous-
jours il avoit proposé et mis avant , quant on ^ parlement
toit ' de la paix et unité de rÉglise , que il morroit pape.
Voirement le moru-il sus la fourme et estât que vous sçavés.
Du tort ou du droit , je n*en vueil point déterminer , car
tant comme à mby point ne appartient.
Or furent lea cardinauls d*Avignon tous esbahis , çom-^
ment entre euk et de l'un d'eulx ils feroiènt pape , et
eurent conseil que ils se metteroient en conclave , et se
délivreroient de faire ung pape, et jà commencoit à retour-
ner en santé le roy Charles de France , de quoy tous ceulx
qui Faymoient et qui ces nouvelles ouoient voulentiers ,
estoyent resjoys. Et la bonne royne de France, une trds-
vaillant dame , qui Dieu doubtoit et aymoit , en avoit esté
en grande aiBiction , et en avoit fait faire plusieurs belles
aumosnes et processions et par espécial en la cité de Paris.
Ad ce que je fuis adont infourmé, ce coll^ des cardinaulx
qui en Avignon pour ce temps se tenoient , esleurentà
pape le ' lë^ * cardinal dé la Lune. A parler par raison, il
•^ ParloU, — M UgEt.
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DE BENOIt XIII. 129
estoit moult saint homme et de belle vie et contemplative ,
mais lelection fut faitte par condition : se il plaisoit au roy de
France et à son conseil , car autrement ils ne Toseroient
accepter, ne porter oultre. Or regardés et considérés la grant
subjection oa TÉglise par son fourfait se boutoit et haban-
donnoit, quant euls qui francs estoient ou {[eussent estre, se
soubsmettoient envers ceulx qui prier les dévoient.
Le cardinal de la Lune qui fut esleu pape , on luy âst
en Avignon toutes les solempnités de papalité , et fut nom-
mé Bénédic et ouvry grâces générales à tous clers qui en
Avignon aler vouloient, et * escripvy • par le conseil de ses
frères les cardinauk de sa papalité et de sa création au roy
de France ; mais il me fut dit que le roy n'en âst pas trop
grant compte, cai* encoires n*estoit-il point conseillié pour sa-
voir comment il en feroit, se il le tenroit à vray pape ou non,
et manda les greigneurs clers en prudence qui fuissent en
Tuniversité de Paris pour avoir conseil et ' collation à * euls,
maistre Jehan de Guignicourt et maistre Pierre * de Talion*,
lesquels estoient en prudence et en science les plus grans
clers de Paris et les plus agus. Bien dirent au roy ces deux
clers, et aussi firent autres, que ce cisme^ corrompoit la foy
crestienne et que celle chose ne povoit longuement ^
demeurer en cel estât, que il ne convenist que la crestienneté
euist à souffrir , et par espécial les ' paistres '^ de TÉglise ,
et ne furent pas adont conseilliés ceulx de Tuniversité de
Paris d'envoier roUes pour les clers grâces avoir en Avignon
devers ce pape Bénédic. Et quant le roy " de France vey
leur oppinion , il luy fut advis que elle estoit raisonnable et
que aussi pour ses clers pryer , ne de envoyer relies il se
*-• Voulat escripre. — •** Consolation en. — •• Playons.. Palyon..
Blans. — ' De rÉglige. — • Durer, ne. — •-*• Pasteurs.. Prestres. —
" Charles.
XV. — FROiaSART. 0
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130 iLEGTION
cesseroit , tant que il en seroit déterminé ; et demourôrent
les choses en cel estât.
Moult fort portoit le duc de Berry ce pape ^ , et Texaul-
choit et auctorisoit, et y envoia son roUe, et furent moult de
ses gens pourveus des gr&ces de ce Bénédic. Le duc de Bout-
goingne et la duchesse sa femme s*en dissimulèrent avec le
roy; aussi fist le duc d*Orléans et plusieurs autres grans sei-
gneurs en France, et * aucuns par faveur le tenoient à pape.
^ Or ^ Bénédic n^escondissoit nulle grâce,à la fin que la court
d*ATignon et le collège en vaulsissent mieulx. Le duc de
Bretaigne sieuvy Foppinion du roy de France moult légière-
ment , car il estoit du temps passé si ^ abuvré * de Tinforma-
tion de son cousin le conte de Flandres pour la rébellion de
l*Église que son cuer ne s*enclinaoncques à croire ce Clément,
quoyque les clergies de Bretaigne le ^ cremissent' ettenissent
à pape. Et quant aucunes bonnes prébendes- vacquoient , le
roy en pourvéoit ses clers , sans parler au pape , de quoi
Bénédic qui se nommoit pape et les cardinaulx de Avignon
qui créé Tavoient , en estoient tous esbahis , et se commen-
cèrent à doubter que le roy de France leur feist clorre les
prouffis que ils avoient des bénéfices que ils tenoient ou
royaulme de France , et eurent conseil de envoyer en
France ung légal pour parler au roy et à son conseil et pour
scavoir comment il se vouldroit ordonner de l'Église et pour
luy remonstrer que le pape que créé avoient , il estoit en
création de papalité par condition telle , s'il plaisoit au roy
de France , il y demourroit ou on Tosteroit» et se remette-
roient les cardinauls en conclave et en esliroient ung &
la séance et plaisance du roy.
En ce temps estoit venu à Paris et se tenoit delés le roy,
par le consentement du roy, le Frère-Mineur duquel je vous
• Bënëdict. — ' Les. — V Ce. — " Abeuvri. — '■• Creiusent.
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DB benoIt xni. 131
ay icy-dessos ung petit touchié, qui envoyé estoit en France
en légation sans orgueil et sans beubant de par le pape de
Romme, qui se nommoit et escripyoit Boniface, et entendoit
et ouoit Toulentiers le roy de France aux paroles et aux
sermons de ce Frère-Mineur.
Or vint le légal d* Avignon qui grant clerc et soubtil pra-
ticien estoit et bien enlangagié , et fut aussi oy du roy et
des seigneurs \ et luy faisoient voye et avoir audience ceulx
qui porter et avanchier vouloient ce pape d*Avignon. Or fut
advisé au conseil du roy, mais ce ne fut pas si tost déter-
miné , et à cel advis et conseil l'université y rendy grant
peine» et fut dit ainsi * par ^ la plus sayne partie : qui pour-
roit tant faire et exploittier que on peusist démettre ce
Boniface et ce Bénédic hors de leur papalité et tous les car-
dinaulx hors de leur cardinalité, et puis fuissent prins clers,
vaillans hommes et preud*hommes et de grant conscience ,
et ces ders tant de Tempire d*Alemaigne comme de France
et d^autres nations fuissent mis ensemble y et ceulx, par le
seAs et délibération de eulx-meismes et par bon conseil, sans
laveur, ne beubant, ne vouloir porter Fun plus que Fautre,
retournassent et remesissent TÉglise ou point et ou droit
d^ré de unité où elle deyoit estre ferme et estable , ce
. seroit bien labouré ; et par autre voye on ne veoit point que
bonne conclusion y deusist avoir , car Forgueil du monde
estoit si grand éns es cuers des seigneurs que chascun vou-
loit soustenir sa partie.
Geste ymagination proposée devant le roy, le duc d'Or-
léans , le duc de Bourgoingne et leurs consauls , sambla
bonne , et se * aherdy * le roy aveuc l'université qui pro-
posée l'avoit, et dist que il en rescriproit voulentiers et
envoieroit ses messages devers le roy d'AIlemaigne et de
• Moult vonlentiers. — •■• Pour. — *^ Joigny.
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iSâ l'auditeur
Boesme , devers le roy de Honguerie et devers le roy d'An-
gleterre , et se faisoit fort du roy de Castille, du roy de
Navarre, du roy d'Arragon, du roy de Sézille et de Naples et
duroyd'Escoce, qu'il les feroit obéyr là où il obéiroit et son
royaulme. Ceste proposition fut tenue, et, par cause de bon
moyen et pour entamer les procès, le roy de France envoya
ses lettres et ses messages espéciaulx à ^ ces roys dessus-
nommés. Ceste chose ne fut pas si tost faitte» ne recueillie,
ne les messages aies, ne retournés , ne responses de leurs
lettres * rapportées.
En ces vacquations trespassa de ce siècle à Paris, à la Sor-
bonne, ce très-vaillant clerc dont je parloie maintenant, mais-
tre Jehan de Guignicourt, dont le roy de France et tous les
seigneurs furent moult courrouchiés, et aussi furent ceulxde
l'université, car son pareil ne demourroit point à Paris, et
rendoit et euist rendu très-grant diligence ^ à l'Église
refourmer et mettre en * unité ^ parfeitte.
En ce temps avoit ung clerc de grant science en Avignon,
docteur en loix et de nation de l'archeveschié de Reins, lequel
on appelloit maistre Jehan deVarennes, et estoit, par sa science
et par les bons sermons qu'il avoit fait tant au pape Clément
comme à autres, fort avanchié et pourveu de bénéfices, et estoit
sur le point que pour estre évesque ou cardinal , et avoit
esté chappellain au cardinal que on appelloit communément
en Avignon saint Pierre de Luxembourg. Ce maistre Jehan
de Varennes, com bénéficyé, jie avanchié qu'il fuist, résigna
tous ses bénéfices et rompy tout son estât , et ne retint de
tous ses bénéfices , pour vivre sobrement et petitement ,
que la * chanonnerie '' de Nostre-Dame de Rains, qui vault en
• Tous. — • Sitoat. —'Et grant pajne. — *^ Union. — *-' Ghanonnie.
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DE SAINT-Llé. 133
résidence environ cent frans et en absence trente frans , et
se départy d'Avignon et s'en vint demourer en la marche de
Rains en sa nation en ung village que on dist Saint-Lié , et
commença .là à monstrer sainte vye et belle et à preschier
la foy et les œuvres de Nostre-Seigneur, et moult auctorisoit
et exaulchoit le pape d'Avignon, et disoit, quant il fut venu
premièrement, que il estoit vray pape, et condempnoit fort
à merveilles celluy de Romme en ses paroles, et avoit moult
grant hantise de poeuple qui le venoient veir de tous pays
pour la * simple * vye, très-noble et moult honneste que il
menoit , et aveuc ce il jeusnoit tous les jours, et pour les
très-nobles et haultes prédications que il faisoit moult dilli-
gammentau poeuple, aucuns disoient que les cardinaulx d'Avi-
gnon à cautelle l'avoient là envoie pour eulx exaulchier
et coulourer , ou il estoit là venu pour donner à congnoistre
sa vie, laquelle tant que à la veue du monde estoit cour-
toise, sainte, juste et raisonnable, pour estre esleu à Saint-
Père.
Ce maistre Jehan de Varennes ne vouloit pas que on l'appel-
last le saint homme de Saint-Lyé, mais l'auditeur^ et ' avoit ^
la compaignie de sa mère, et disoit tous les jours messe moult
dévotement, et tout ce que on luy donnoit de grâce , car à
nulluy il ne demandoit riens , il rendoit et faisoit rendre
arrière pour Dieu.
Nous nous souffrirons pour le présent à parler de luy et
parlerons d'autres besoingnes , car la matière le requiert.
Vous scavés , sicomme il est icy-dessus contenu en nostre
histoire, que les trièves qui furent prinses et données entre
le royaulme de France et le royaulme d'Angleterre , leurs
Sainte. — •** Vivoit là en.
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134 JEAN DE GRÀILLT, CAPITADIB DE BOUTETILLE.
conjoinds et leurs abers, furent bien tenues et gardées par
mer et par terre, mais tousjours y avoit des pillars et des
robeurs en la Languedoch, lesquels estoient estrangiers des
nations loingtaines , de Gascoingne et de Berne ou d*AlIe*
maigne , et estoit cappitaine du fort chastel et de la garni-
son de BoutevUle messire Jehan de Grailly , fils bastard
jadis au captai de ^ Buef * , ung jeune et appert chevallier ,
et devés savoir que les capitaines de ces garnisons, tant de
Lourde qui siet en Bigorre sur les parties du royaulme d'Arra-
gon , et de Bouteville sus les frontières de Saintonge en la
marche de la Rocelle, et ceulx de la garnison de Mortaigne
estoient trop durement courroucbiés de ce que ils ne povoient
courir et &ire leurs envahies etchevauchies, ainsi queaccous-
tumé avoient, pour prendre, pillier et gaignier sur leurs voi-
sins. Mais on leur avoit leurs voyes et leurs chemins toUus^
et commande estroittement que ils ne feissent, ne consentis-
sent chose à &ire,pourquoy les trièves fuissent enfraintes ,
ne brisies ; car, se ce £sdsoient, ils en seroient pugnis et corri-
giés * crueusement *.
En ce temps fut proposé et conseillié en Angleterre ^, ou
cas que le roy d'Angleterre qui jeune estoit , avoit prins
trièves et données à tous ses ennemis, loingtains et pro-
chains, * réservé les Irlandois où à Tiretage dlrlande ses
prédicesseurs avoient clame ^ grans drois *, et s'estoient
escripts roys et sires dlrlande, et le roy Edouard, de bonne
mémoire, tayon au roy Richard d*Angleterre, leur avoit
tousjours fait guerre , combien ensonnyés qu'il fuist d autre
part, • de quoy ", pour les jeunes chevalliers et escuiers d'An-
•■• Buch. — •-• Estroitement. — » De faire ung voyage de guerre
en Irlande. — * N^antmoins il avoit. — *-* Grant di-oit. — *-** Dont,
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BICHARD U SB PRÉPARE A PASSER EM IRLAKDE. i3o
gleteire qui les armes désiroient employer et pour Touneur
dû royaulme d'Angleterre augmenter et les drois garder , le
roy Richard feroit làung volage à puissance de gens d*armes
et d'archiers, et chevaucheroient si avant, il et ses gens, que
ils entreroient ou pays âlrlande et jamais ne s'en parti-
roient, si auroient eu aucune honnourable ^ conclusion.
De rechief il fut ordonné en celle meismes saison que le
ducdeLancastre qui moult * ot' traveillié par mer et par terre
pour les besoingnes et augmentation du royaulme d^Angle-
terre, feroit ung autre voyage à cinq cens hommes d*armes et
mille archiers, et monteroit à Pleumoude^ ou ^ à Hantonne là
oùlemieulxluy plairoit, et s'en yroit en Guienneeten Acqui-
taine. Et fut adont l'intention du roy Richard telle et de tout
son conseil, que le duc de Lancastre, pour luy et pour ses
hoirs perpétuellement, demourroit sire et hiretier de tout le
pays d*Acquitaine , des terres et séneschaulsées et des
demaines telles et toutes que le roy Edouard son père et que
les autres roys d'Angleterre et ducs d'Acquitaine en-devant
avoient tenu et obtenu et que le roy Richard tenoit à pré-
sent, réservé lommage que faire en devroit au roy et aux roys
venans d'Angleterre ; mais, entant que de toutes obéissances
et seigneuries, rentes et revenues, le dit duc de Lancastre en
demourroit sires, et luy donnoit, confermoitet séelloit le roy
Richard purement et * ligement '', lequel don le duc de Lan-
castre tenoit et tint à grant et à bel et à bonne cause ; car
en la duchié d'Acquitaine a bien pays pour tenir ung grant
seigneur bon estât , et furent les lettres de ce don faittes ,
grossées, examinées et passées par grant délibération de con*
seil, présent le roy d'Angleterre et ses oncles, le duc dlorch
* Compottti(m et. ^ " Avoit. — *•» Et. - •*' Nettement.
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156 LE DUC DE LANCASTRB CRÉÉ DUC d'aQUITAINE.
et le duc de Glocestre , le conte de Saslebéry , le conte
d'Arondel, le conte d'Erby, fils au duc de Lancastre, le conte
Mareschal , le conte de Rosteland, le conte de Northombre-
lande, le conte de Northinghem, messire Thomas de Persy, le
seigneur Despensier, le seigneur de Beaumont, messire Guil-
lemme d'Arondel, l'archevesque de Cantorbie, Farchevesque
dTorch, Tévesque de Londres, et tous ceulx présens qui y
appartenoient à estre, tant prélats comme barons d'Angle-
terre. Et en remerchia le duc de Lancastre premièrement le
roy son nepveu, ses frères, les prélats et les barons d'Angle-
terre, et puis entendià faire ses pourvéances belles et grandes
et bien estoffées ' pour passer la mer et pour aler en
Acquitaine et exploittier sur le don dont le roy Tavoitravesty.
Pareillement ceulx qui commis estoient à ordonner et faire
les pourvéances du roy pour aler en Yrlande, les firent
grandes et grosses, et furent escripts et advisés tous les sei-
gneurs qui aveuc le roy feroient le voyage, alSin que ils se
pourveissent *. •
Sus la fourme , estât et ordonnance que je vous devise,
se appareilloient le roy et le duc de Lancastre , et faisoient
ordonner et appareillier leurs gens et leurs pourvéances
grandes et grosses au pors , aux havènes et aux passages , là
où ils vouloient passer, le roy pour aler en Irlande, et le duc de
Lancastre en Acquitaine; mais leurs voyages furent retardés
bien deux mois bu environ : je vous diray par quelle raison.
En ce temps et termine que ces besoiijgnes se ordonnoient,
maladie prist à la royne Anne d'Angleterre, dont le roy et
tout son hostel fut durement tourblé, et encoires plus ; car
la maladie ala si avant que la dite royne d'Angleterre tres-
' Et honnestes. — * De toates choses à eulz nécessaires.
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MORT D ANNE DE BOHÊME, REINE D*ANGLETERRE. 137
passa de ce siècle ens es festes de Penthecoste que on compta
Tan de Nostre-Seigneur mil IIP IIII" et ' XIIII *.
De la mort de la dicte royne furent le roy et tous ceulx
qui l'ajmoient , dames et damoiselles, tous tourblés et cour-
rouchiés. Si fut ensepvelie ^ solempnellement * et bien ^, et
son obsèque depuis fait à grant loisir ; car le roy d'Angle-
terre le voult faire faire estofféement et puissamment , et
furent cyres à grant foison et à grans côustages envolées
querre en Flandres pour faire chierges et torsses, et eut au
jour de Tobsèque ung luminaire si trôs-grant que on n'avoit
point oy parler de pareil, ne de la bonne royne Phelippe
de Haynnau, royne d'Angleterre, ne d'autre royne en Angle-
terre, qui en-devant y euist este, et le voult le roy Richart
ainsi faire pour ce que la royne Anne avoit esté fille du
roy de Boesme, empereur de Romme et roy d'Allemaigne, et
ne la povoit le roy Richard oublier, car moult l'amoit et avoit
amée, pour tant qu'ils avoient esté jeunes mariés ensemble.
De celle dame royne d'Angleterre ne demeura nuls enfans ,
ne oncques n'en ot nuls. Ainsi furent le roy d'Angleterre, le
duc de Lancastre et le conte d'Erby en une saison vesves,
mais on ne parloit point encoires de leurs remariages , ne le
roy d'Angleterre n'en vouloit point oyr parler.
Quoyque la royne d'Angleterre fiiist trespassée de ce siècle,
ainsi que cy-dessus est contenu, et que le voyage d'Irlande
en fiiist retardé , pour ce ne séjournèrent point les pour-
véances du roy et des seigneurs à faire, et passoient oultre la
mer d'Irlande par trois havènes à Bristo, à l'Olihet en Galles
et à Herfort, et les menoient et adreschoient ceulx qui les
conduisoîent, en une cité en ung pays à l'entrée d'Irlande,
•-• XIII. — ' Bien. — *• En Tëglise.
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138 UGHARD U
qui tottsjoars s*6st tenue au roy d'Angleterre, laquelle cité on
appelle Duvelin, et y a archevesque, et cils estoit avec le roy,
Tantost après laSaint-Jehan-Bapiste le roy se départy de
la dté de Londres et prist le chemin de Galles tout en cha-
çant et en esbatant pour oublier la mort de sa femme ; et
ceulx qui escrips estoient et ordonnés dealer avec luy , se
misrent aussi tous au chemin, ses deux oncles le duc Aymon
dlorchetle duc Thomasde Glocéstre , conte d'Bxoesses et de
' Buch ' etconnestable d'Angleterre, et se mist sur les champs
en très-grant arroy. Aussi firent tous les autres seigneurs, le
conte de Kent frère du roy ' et messire Thomas de Kent fils
du conte, le conte de Rosteland, fils du duc dlorch, le conte
Mareschal, le conte de Saslebéry, le conte d'Arondel, mes-
sire Guillemme d*Arondel , le conte de Northombrelande ,
seigneur de Persy, et messire Thomas de Persy, grant sénes-
chal d'Angleterre, le conte de Devesière, le conte de Northin-
ghem et le conte de Northombrelande et grant ^ foison ' d'au-
tres barons et chevalliers , réservé ceulx qui demouroient pour
garder la frontière d'Escoce ; car certes Bscochois sont
^ maleoites^ gens, car ils ne tiennent triëves, ne réspit qu'ils
prommettent, fors ' tant que * ils veulent.
Pour ce temps que le roy d'Angleterre fist ce voyage en
Yrlande, n'estoit point en sa compaignie son frère messire
Jehan de Hollande, conte de Hostidonne, mais estoit ou chemin
de Jhérusalem et de Sainte-Katherine ou moBt de Synay,
et devoit retourner par le royaulme de Honguerie ; car il
avoit entendu en France, quant il passa (car il fut à Paris, et
luy firent le roy de France, son frère et ses oncles et les sei-
gneurs pour l'amour et honneur du roy d'Angleterre très-
bonne chière), que le roy de Honguerie et l'Amorath-Baquin
V Bocqningham. — * Nommé menire Thomas de HoUand. ^
*'* Nombre. — *'' MauTaises.. Maudites. — *** Quant.
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EN IRLANDE. 159
dévoient avoir bataille, si ne vonloit pas deffSsdUir à y estre.
D*autre part, le duc de Lancastre, à tout son arroy ordonné
et estoffé, s*en vint à Pleumoude, et là estoient les vaisseauls
passagiers qui Tattendoient. Quant toutes ses gens furent
venus et les vaisseaulx furent chargiés et ils eurent vent
assés bon pour passer, si entrèrent ens es vaisseaulx, et puis
se désancrèrent et prindrent le chemin pour aler vers Bor-
deaulx-sur-Gérônde.
Nous parlerons du roy Richard d'Angleterre qui bien
avoit quatre mil hommes d*armes et trente mil archiers.
Passage leur estoit à tous ouvert et habandonnë en ces trois
lieux que je vous ay nommés à Bristo , à l'Olihet et à Har-
fort , et passoient tous les jours et mirent bien ung mois à
passer avant que ils fuissent tous oultre, euls et leurs che-
vaulx. D'autre part estoit ens ou pays d'Irlande ung vaillant
chevallier d'Angleterre, lequel s'appelloit conte ^ de Dor-
ment • et tenoit terre en Yrlande et ont tenu ses prédices-
seurs , mais c'estoit tousjours en débat, et estoit ordonné ce
conte de Dorment ' et le conte Mareschal d'Angleterre &
avoir Tavant-garde à quinze cens lances et à trois mille
archiers , et tous deux s'i portèrent sagement et vaillam-
ment.
Le roy d'Angleterre et ses deux oncles passèrent la mer
dirlande au port de Harfort en Galles , et les plusieurs à
rOlihet , et les autres à Bristo , et tant firent que tous pas-
sèrent sans péril et sans dommage. Et ainsi que ils pas-
soient par l'ordonnance du connestable le duc de Glocestre
et des mareschaulx d'Angleterre, ils se logièrent sur le pays,
et comprendoient bien de terre oultre la cité de Duvelin et
là environ trente lieues englesces , car c'est ung pays inha-
bitable , et se logièrent les Anglois de l'avant-garde sage-
*'* D^Onnont. — * Comme ms prëdëcesMOitit
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140 RÉCITS
ment et vaillamment pour la doubte des Yrlandois , et faire
le convenoit : autrement ils euissent receu et prins dom-
mage. Et le roy et ses oncles et les prélats estoient logiés
en la cité de Duvelin ou près de là, et me fut dit que tout le
temps que ils se tindrent là et séjournèrent , toutes gens
furent aisiement et largement pourveus de vivres et d'autres
pourvéances , car Ânglois sont gens tous fais à la guerre ,
qui bien scèvent voyagier, fourragier et prendre l'avantage
et ' sobrier * de euls et de leurs chevaulx quant • il
besongne ^.
La manière* et Tordonnance et ce qu'il advint de ce
voyage au roy d'Angleterre , je le vous * esclarchiray * en
la fourme et manière que j'en fuy infourmé.
Vérité fut et est que je sire Jehan Froissart , pour ce
temps trésorier et chanoine de Chymay séant en la conté de
Haynnau et de la dyocèse du Liège, euls très-grande affec-
tion et ymagination de aller veoir le royaulme d'Angleterre,
quant je qui avoieesté à Abbeville, vey que les trièves estoient
prinses, entre le royaulme de France et le royaulme d'Angle-
terre à durer à quatre ans, leurs conjoints et leurs adhers, par
mer et par terre, et plusieurs raisons me esmouvoient à faire
ce voyage, La première estoit pour ce que de ma joeunesse je
avoie esté nourry en la court et hostel du noble roy
Edouard, de bonne mémoire, et de la noble royne Phelippe
sa femme , et entre leurs enfans et les barons d'Angleterre
qui pour ce temps y vivoient et demouroient ; car toute hon-
neur , largesse et courtoisie je avoie veu et trouvé en euls.
Si désiroie à veoir le pays , et me sembloit en mon ymagi-
nation que, se veu ravoie,j'en viveroie plus longuement; car,
*** Penser. — '-* Mestier est. — •"• Dëclareri^.
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DB GUILLAUME DE LISLE. 141
par XXVII ans tous accomplis, je m'estoie tenu d'y aler, et,
se je n'y trouvoye les seigneurs lesquels à mon département
je y avoie laissiés et veus, je y verroye leurs hoirs, et ce me
feroit trop grant bien : aussi pour justifier les histoires et
les matières dont je avoie tant escript de euls. Et en parlay
à mes chiers seigneurs qui pour le temps régnoient, monsei-
gneur le duc Aubert de Bavière, conte de Haynnau, de Hol-
lande et de Zéellande et sire de Frise, et h monseigneur
GuiUemme son fils pour ces jours conte d'Ostrevan, et à ma
très-chière et honnourée dame, madame Jehenne la duchesse
de Brabant et de Luxembourg , et à mon très-chier et grant
seigneur monseigneur Ënguerran seigneur de Coucy, et
aussi à ce gentil chevallier monseigneur de Gommegnies,
lequel, de sa jeunesse et de la mienne, nous estions veus en
Angleterre en l'ostel du roy et de la royne , et aussi ^ avoit
fait * le sire de Coucy et tous les nobles de France qui à Lon-
dres tenoient hostagerie pour la rédemption qui faitte avoit
esté pour le roy Jehan de France , sicomme il est contenu
en nostre histoire et en ce livre bien arrière.
Ces quatre seigneurs dessus nommés ausquels j'en parlay
et le seigneur de Gommegnies et madame de Brabant le me
conseilliôrent grandement ^ et bien^, et me donnèrent toutes
lettres pour adreschier au roy et à ses oncles, réserve le
sire de Coucy ; car, pour ce que il estoit françois, il n'y osa
escripre fors tant seulement à sa fille que pour lors on
appelloit la duchesse dlrlande. Et avoie de pourvéance fait
escripre , grosser]^et enluminer et fait recueillier tous les
traittiés amoureux et de moralité que ou ^ terme de
XXXIIU • ans je avoie par la grâce ' de Dieu et d'amours
£eûs et ' compilés ' , laquelle chose escueilloit et resveilloit
" Ayoi^je veu. — " Bien. — " Temps de XXIIIL — ' Et aide.
— •-• Accomplis.
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142 RÉCITS
grandement mon désir pour aler en Angleterre et veoir le
roy Richard d'Angleterre qui âls avoit esté au noble et
puissant prince de Galles et d*Acquitaine ; car veu ne Tavoie
depuis que il fut tenu sur les fons en Téglise cathédral de
la cité de Bourdeaulx , car pour ces jours je dessus nommé
estoie à Bourdeaulx et avoye intention de aler ou voyage
d*Espaigne avec ^ le * prince de Galles et les seigneurs qui
ou dit voyage furent; mais, quant nous feusmes venus en la
cité de Daix, le prince me renvoya arrière en Angleterre
devers madame sa mère. Si désiroie moult ce roy Richart à
veoir et messeigneurs ses oncles , et estoye ' pourveu de
ung très-beau livre et bien * adoumé *, couvert de velours,
garny et * cloué de clous ^ d'argent dorés d'or pour faire
présent et entrée au roy. Et selonc laymagination que j'eus,
il m'en advint, et * emprins * bien légiërement la peine et le
traveil , car qui voulentiers fidt et entreprent une chose ,
certes il semble qu'elle ne luy coui^te comme riens ; et me
pourvey de chevaulx et de ordonnance , et passay la mer à
Calais et vins à Douvres le douzième jour du mois de juillet.
Quant je fuis venu à Douvres , je ne trouvay homme de ma
congnoissance du temps que j'avoie fréquenté en Angleterre,
et estoient les hostels tous renouvelles de nouveau poeuple,
et les jœunes enffans , fils et filles , devenus hommes et
femmes, qui point ne me congnoissoient, ne moy eulx.
Si séjoumay 1& " demy jour " et une nuit pour moy rafires-
chir et mes chevaulx, et fut par ung marredy, et le mercredy
ainsi sur le point de noeuf heures je vins à Saint-Thomas
de Cantorbie veoir la âertre et le corps saint , et la tombe
du noble prince de Galles qui là est ensevely moult riche-
ment. Je oys là au grant. autel la haulte messe et feis mon
«-• Iceluy.— » J*.. U. - -»^ Aoumô. — « Clos. — •^^'en prins. —
••-•* Deux jour».
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DB GUILLAimE DB U8LB. 145
oflrande au corps saint , et puis retoumay à mon hostel
pour disner. Si entendis que le roy d'Angleterre devoit là
venir le jeudy en pellerinage et estoit retourné d'Irlande ,
où il avoit esté en ce voyage bien noeuf mois ou environ ,
et voulentiers visitoit Téglise Saint-Thomas de Gantorbie ,
pour la cause du digne et honnouré corps saint et que son
pore y estoit ensevely. Si me advisay que là je attenderoie
le roy comme feis, et vint là le lendemain en trôs-grant et ^
puissant arroy et bien accompaignié de seigneurs, de dames
et de damoiselles, et me mis entre euls, et tout me sembla
nouvel, ne je y congnoissoie àme, car le temps estoit moult
changié en Angleterre depuis le terme de XXVIII ans ; et
là en la compaignie du roy n'avoit nuls de ses oncles , car
le duc de Lancastre estoit en Acquitaine, et le duc dTorch
et le duc de Glocestre estoient autre part. Si fïiy de premier
ainsi que tout esbahy ; car encoires , se je eusse veu , ne
trouvé ung anchien chevallier et lequel fuist des chevalliers
et de la chambre 'du roy Edouard d'Angleterre et estoit, pour
le présent dont je parle , des chevalliers du roy Richard
d'Angleterre et de son plus estroit et espécial conseil , je
me fuisse reconforté en ce que je me fuisse trais devers luy.
Le chevallier on le nommoit messire ' Richard * Stury. Bien
demanday pour luy se il vivoit. On me dist : a Oyl, » mais
point n'estoit là, ains séjournent à Londres.
Dont me advisay que je me tr^droie devers messire Tho-
mas de Persy, grant séneschal d'Angleterre, qui là estoit. Si
m'en aquointay et le trouvay en mes aquointances doulx ,
raisonnable et gracieux , et se offry pour moy à présenter
mon corps et mes lettres au roy Richard. De ces prom-
messes je fïiy tous resjouy , car aucuns moyens convient
avoir avant que on ^ peuist venir à si hault prince que le
• Très. — " Jacques. — * Se boute, ne.
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144 RÉCITS
roy d^Angleterre, et ala veoir en la chambre du roy se il
estoit heure ; mais il trouva que le roy estoit retrait pour
aler dormir , et ainsi il le me dist , et je me retrais en mon
hostel. Et, quant le roy eut dormy, je retoumay en Tostel
de Tarchevesque de Cantorbie où il estoit logié, et trouvay
messire Thomas de Persy qui se ordonnoit et faisoit ses gens
ordonner pour chevauchier, car le roy vouloit chevauchieB
et venir gésir à Espringue , dont au matin il estoit party.
Je demanday au dit messire Thqmas de Persy ^ de mes
besoingnes. Il me dist et conseilla que pour leure je ne
feisse quelque semblant de ma venue ^ mais me mesisse en
la route du roy, tousjours me feroit-il bien logier, tant que
le roy seroit ari^sté ens ou pays où il aloit et où il seroit ,
et tout son hostel , dedens deux jours : c'estoit ung moult
bel chastel et ' délictable ', qui siet en la conté de Kent, et
Tappelle-on Ledes.
Je me ordonnay sur son conseil et me mis au chemin et
vins devant à Espringue et là me logay. Et lus logié d'aven-
ture en ung hostel ouquel il avoit avant moy logié ung
très-gentil chevallier d'Angleterre et de la chambre du roy ;
mais il estoit léans demeuré derrière au matin quant le roy
et sa route se départy de la ville, pour ung petit de douleur
qui luy tenoit ou chief, laquelle luy estoit prinse par nuyt
estant ou lit. Pour tant que le gentil chevallier , lequel on
nonmioit messire Guillemme de Lisle, me vey estrangier et
des marches de France (car toutes gens de la langue ^ galic*
que ^, de quelle conti'ée et nation que ils soient, ils les tien-
nent et réputent pour Franchois), si se accointa de moy et
je de luy , car les gentils hommes d'Angleterre sont tous
courtois , traittables et acointables. Si me demanda de mon
estât et^de mon aâaire,et je luy en recorday assés et tout ce
« Conseil. — " Délectable. — ^* D*oïl. — * Office et aàaii.
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IHS GCILLADMB DE LISLE. 145
que messire Thomas de Persy m'avoit dit et ordonné & &ire.
Il me respondy ad ce que je ne povoie avoir meilleur
moyen, et que le vendredy au disner le roy seroît à Ledes ,
et là trouveroit venu son oncle le duc d'Yorch.
De ces nouvelles je fuis tout resjouy pour ce que j'avoîe
lettres ^ au duc dTorch, et aussi de sa jeunesse et de ta
mienne il m*avoit veu en l'ostel du noble roy Edouard son
père et madame sa mère : si auroie par ce moyen tant plus
de congnoissance , ce me sembla , en Tostel du roy Richard
â*Ângleterre.
Le vendredy au matin, nous chevauchasmes ensemble,
messire Guillemme de Lille et moy, et sus nostre chemin je
luy demanday se il avoit esté en ce voyage d'Irlande avec
le roy. Il me respondy : « Oyl. » Dont luy demanday se de ce
que on appelle le trou Saint-Patris , c*estoit vérité tout
ce que x)n en disoit. Il me respondy que oyl , et que luy et
ung chevallier d'Angleterre , le roy estant à Duvelin , y
avoient esté et s'i est(Hent enclos oultre soleil esconsant, et
là demourôrent toute la nuit et Tendemain furent yssus
hors à soleil levant. Dont luy demanday des merveilles et
des nouvelles dont on racompte et * que on y veoit ', se riens
en estoit. Il me respondy ad ce et me dist : a Quant moy et
« mon compaignon eusmes passé la porte du celier, que on
« appelle le Purgatoire SaintrPatris, et nous feusmes des-
« cendus trois ou quatre pas (car on y descent ainsi que à
« ung celier ), challour nous prist ens es testes , et nous
« asseismes sur les pas qui sont de pierre , et, nous' illec
t assis, trôs-grant voulenté nous vint de dormir, et dor-
« mismes toute la nuit. » Dont luy demanday se en dor-
mant ils sçavoient où ils estoient et quelles visions leur
vindrent. Il me respondy et dist que en dormant ils entré-
• Adroschans. — ^ Dit qu'on y voit.
XV. — FR018SART. 10
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146 Kicm
rent en ymaginations trës-grandes et songes merveilleux, et
veoient , oe leur sembloit , en dormant trop plus de choses
que ils n euissent fait en leurs chambres sur leurs lits. Tout
ce afiermoient-ils bien : « Et quant au matin nous feusmes
t esveilliés, on ouvry Fujs, car ainsi le ayion»-nous
« ordonné , et yssismes hors , et ne nous souvint de chose
• que euissions veu , et tenions et tenons encoires ^ que ce
• soit toute ' fantosme. »
De ceste matière je ne parlay plus avant, si m'en cessay ,
car voulentiers je luy eusse demandé du voyage dirlande ,
et luy en youloye parler et mettre à voye ; mais routes
' de ^ chevalliers vindrent, qui parlèrent à luy, et je laissay
mon propos et chevauchasmes jusques à Ledes, et là vint le
roy et toute sa route , et là trouvay monseigneur Àymond
duc dTorch. Si m*acointay . de luy et luy baillay les lettres
de monseigneur le conte de Hainnau son cousin et du conte
d'Ostrevan. Le duc me recongneu assés et me flst très-bonne
chière et me dist : a Messire Jehan , tenés-vous tousjours
« delés nous et delés nos gens. Nous vous ferons toute
t amour et toute courtoisie ; nous y sommes tenus pour
« cause du temps passé et de nostre dame de mère à qui
t vous fttstes , nous en avons bien la souvenance. » Je le
remerchiay de ces paroles , ce fut raison. Si fus avanchié
tant de par luy que de par messire Thomas de Persy et
messire Guillemme de Lille, et fus mis avant en la chambre
du roy et représenté à luy de par son oncle le duc dTorch ,
lequel roy me rechupt * lyement * et doulcement , et prist
toutes les lettres que je luy baillay , et les ouvry et lisi à
grant loisir, et me dist , quant il les ot leutes, que je fuisse
le bien venu et que , se j'avoie esté de Tostel du roy son
ayoul ^, encoires estoie-je de l'ostel du roy d'Angleterre.
*-• Tout ce à. — •-* D'antres. — *-• Joyeusement. — ' Et de madame
son ayeule.
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DB GUILLÂCniB DB LISLE. 147
Pour ee joar je ne luy monstray point le livre qu'apporté
lay avoie , car messire Thomas de Persy me dist que point
il n*estoit heure et que il estoit trop occupé de grandes
besongnes » car pour ces jours il estoit en conseil dé deux
grosses matières : la première estoit que il vouloit envoyer
sottfSssans messages, tels que le conte de Rosteland, son cou-
sin germain, le conte Mareschal, Tévesque de Duvelin, Téves-
que d*Ély, messire Loys de Clifibrt, messire Henry de Biau-
mont , messire Huon le Despensier et plusieurs autres en
grant arroy et en bonne ordonnance, oultre mer par devers
le roy Charles de France , et la cause estoit telle que pour
tnâttier du mariage de luy à Taisnée fille du roy qui s*ap*
pelloit Ysabel et laqudle pour lors avoit d*eage environ
huit ans. L*autre cause estoit telle que le seigneur de la
Barde , le sire de Taride , le sire de Pincomet, le sire de
Chastel-Noeuf , le sire de ^ Lesque ' , le sire de Copane et
les consauls de Bourdeaulx et de la cité de Baïonne et de
Daix estoient venus en Angleterre devers le roy et le pour-
sieuvoient et avoient poursieuvy moult aigrement depuis
son retour dlrlande à avoir response des requestes, paroles
et procès, que mis avoient avant sur le don que le roy d*Ân-
^eterre avoit fait et ordonné à son oncle le duc de Lancas-
tre, des terres et seigneuries , séneschauschies et baronnies
d*Acquitaine (ce que au dit roy d'Angleterre et au royaulme
en appartenoit et 'où^sa puissance et commandement s*esten-
doient) , car proposé avoient les barons dessus nommés et
tous les nobles et prélats des séneschauschies d'Acquitaine
et les consauls des dtés et bonnes villes, que le don ne se
poToit passer et estoit inutille , car toutes ces terres se
tenoient du droit ressort et domaine de la couronne d'An-
gleterre, ne point ne' s'en vouloient desjoindre, ne départir ;
•-• lisquê. — "^ En.
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148 RiaTs
et plusieurs actions raisonnables y avoient proposé et pro^
posoient, lesquelles je détermineray et esclarchiray en pour-
sieuvant la matière , quant temps et lieu sera. Mais pour
avoir conseil de ces deux choses qui assés grandes estoient,
le roy d'Angleterre avoit mandé tous les espéciaulx prélats
et barons d'Angleterre à estre à ung jour de la Magdalène
en ung sien manoir ou lieu royal, que on dist Eltem, à sept
lieues englesces de Londres et aussi de Dardesorde. Et le
quatrième jour après ce que je fuy là yenu , le roy et tout
son conseil, et le duc Aymond en sa compaignie, se départi-
Xi^nt du chastel de Ledes , et chevauchèrent devers la cité
de Rochestre pour venir à Eltem, et je me mis en leur com-
paignie.
En chevauchant ce chemin, je demanday à messire Guil-
lemme de Lille et à messire Jehan de Grailly, capitaine de
Bouteville, la cause pour quoy le roy venoit devers Londres
et assambloit son parlement et avoit assamblé et assigné à
estre au jour dessus nommé à Eltem. Ils le me dirent, et par
espécial messire Jehan de Grailly me recorda plainement
pourquoy ces seigneurs de Gascoingne estoient là venus , et
les consauls des cités et de bonnes villes. Si * me tiens *
par le dit chevallier infourmé, et bien en sçavoit la vérité ,
car il avoit souvent * la parole ^ à euls pour tant que ils se
congnoissoient, car ils estoient ainsi que d'un pays et d'une
frontière et des tenures du roy d'Angleterre , et dist ainsi :
a Quant le duc de Lancastre vint ^ premièrement ^ en
« Âcquitaine pourveu de lettres grossées et séellées du
a grant séel du roy d* Angleterre , chancellées et passées
0 par le décret et accord des prélats et barons d'Angleterre,
•■• En fus. — •-* Parlé. — " Dernièrement.
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DE JEAN DE GUAILLT. 140
auxquels il en appartenoit à parler et ordonner, etpar espé-
cial au duc Âymond dTorch, conte de Cantelbruge, et au
duc Thomas de Glocestre, conte de * Bach * et d'Excesses,
qui à ces héritages povoient retourner par la succession
de leur nepveu le roi Richard d'Angleterre qui pour lors
n'avoit nul enflant (car les deux ducs dessus nommés
estoient frères germains de père et de mère au duc de
Lancastre) , et ' iP envoia une partie de son conseil en
la cité de Bourdeaulx pour remonstrer au maieur de
Bourdeaulx et aux consauls de la ville la fourme de sa
requeste et pour quelle cause il estoit venu ou pays , si
leur tourna à grant merveille. Non obstant ce , ils hon-
nourèrent et ^ conjouirent ^, moult grandement et de bon
cuer , les commis du roy d'Angleterre et du duc de Lan-
castre pour la cause et honneur du roy à qui ils dévoient
honneur et service et toute obéissance, et demandèrent à
avoir jour et conseil de respondre ; ils Teurent et se con-
seillièrent. Eulx conseilliés, ils respondirent et dirent en
telle manière, que le duc de Lancastre, fils au roy Edouard
d'Angleterre, de bonne mémoire , qui leur seigneur avoit
esté, faist le bien venu entre euls et non autrement; mais
point n'estoient conseilliés si avant que de luy recueillier ,
nerecepvoir comme souverain seigneur, car le roy Richard
leur sire, à qui ils avoient fait féaulté et hommage, ne
leur avoit fait encoires nulle quittance. Âdont respondirent
les commis de par le duc de Lancastre que de tout ce
ils se faisoient fort assés, et, le duc leur seigneur receu,
parmy le contenu des lettres que le roy d'Angleterre leur
envoyoit, il n'en seroit jamais nulle question. Quant ceulx
de Bourdeaulx voiront que ils estoient approuchiés de si
•-■ Bncquinghen. — *■* Le duo de Lancastre. — *"* Convoyèrent..
Festoyèrent.
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150 ' RÉCITS
a près , si trouvèrent ung autre recours et dirent ainsi :
« Seigneurs , vostre commission ne s'estend pas seulement
« à nous, mais à ceulx de la cité de Dax, de Baionne et aux
« prélats et barons de Gascoingne, qui sont en Tpbéissance
« du roy d'Angleterre. Vous vous trairés devers euls , et
a tout ce que ils en ordonneront et feront , nous le ten-
tt. drons. Autre response n'en porrent avoir à ce premier
« les commis du duc de Lancastre de ceulx de Bourdeaulx,
a et s*en retournèrent à Liebourne où le duc estoit. Quant
a le duc de Lancastre 07 la response de ceulx de Bour-
« deaulx, il pensa sus et ymagina tantost que les besoingnes
« pour lesquelles il estoit venu ou pays , ne seroient pas si
« tost achiévées comme de premier il supposoit et luy
« avoit-on donné à entendre. Non obstant ce il envoya son
a conseil vers la cité de Baionne , et furent recueillies des
0 Baïonnois pareillement comme ils avoient esté de ceulx
a de Bourdeaulx, et n'en peurent avoir autre chose , ne
« autre response. Finablement tous les prélats, les nobles et
0 les consauls des cités et bonnes villes de Gascoingne , de
« l'obéissance du roy d'Angleterre, se conjoindirent ensem-
« ble et se cloïrent sur la fourme et manière que je vous
a diray. Bien vouloient recueillier ens es cités , chasteaulx
« et bonnes villes le duc de Lancastre, comme le flls du roy
« Edouard de bonne mémoire et oncle du roy Richard
a d'Angleterce , et au recueillier et à l'entrer ens es forte-
« resses luy faire jurer solempnellement que paisiblement
« et débonnairement luy et les siens entre euls se tiendroient
« et demoureroient sans euls en riens efforchier, et leurs
a deniers paieroient de tout ce que ils prenderoient , ne jà
a la juridiction de la couronne d'Angleterre le duc de Lan-
0 castre ne oppresseroit , ne feroit oppresser par quelcon-
« ques voye, ne action que ce fuist. Bien respondoit le duc
a de Lancastre à ces paroles, et disoit que il n'estoit pas
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DE IBAN DE GRAILLT. 151
venu ou pays pour grever, ne oppresser le pueple, mais le
vouloit garder et deffendre contre tout homme aiosi
comme son héritage, et prioit et requéroit que le comman-
dement du roy d^Ângleterre, ainsi que il ^ s*estendoit * ,
foist accomply. Le pays , de voix commune , tant que à
celle ' partie ^, respondoit et disoit que jà de la couronne
d'Angleterre ne se départiroient, ne point n estoit ou roy
d'Angleterre, ne en sa puissance, de euls donner, ne met-
tre à autre seigneur que luy. Ces demandes, ces remons-
trances et ces deffenses furent proposées moult longue-
ment et moult de fois entre le duc de Lancastre et les
dessus nommés de Gascoingne. Quant le duc de Lancastre
vey que il n'en auroit autre chose , il flst requeste au
pays que les nobles , les prélats et les consauls des cités
et bonnes yiUes voulsissent envoler en Angleterre devers
le roy et son conseil, et il y envoieroit aussi de son con-
seil si noblement que bien devroit soufSre, et tout ce que
veu et trouvé seroit ou conseil du roy d'Angleterre, il
tenroit à ferme et à estable , fuist pour luy, fuist contre
luy. Ceulx de Gascoingne regardèrent et considérèrent
que ceste requeste estoit raisonnable : si y descendirent
et l'accordèrent au duc tout ainsi que proposé l'avoit , et
vint le duc de Lancastre logier et demourer en la cité
de Bourdeaulx, et toutes ses gens, et se loga en l'abbaye
de Saint-Andrieu, ot autreffois il s'estoit logié. Et ceulz
de la cité de Bourdeaulx , de Bayonne et de Daix ordon-
nèrent soufSssans hommes et de grant prudence pour
envoyer en Angleterre , et les barons de Gascoingne de
l'obéissance du roy d'Angleterre pareillement. Or devés-
vous savoir que quant le roy de France et ses oncles et
leurs consauls entendirent certainement, par ceulx des
*-• Eatoit. — •■* Entrée.
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1S2 aiciTs
« frontières et séneschaulcies de leurs obéissances , que le
« duc de Lancastre estoit paisiblement entré en la cité de
« Bourdeaulx et là se tenoit et demouroit ; et ne scavoient, ne
a povoient sçavoir à quoy il pensoit , ne se il vouldroit
« tenir les trièves qui estoient entre France et Angleterre
« jurées à tenir par mer et par terre, si ymaginèrent et pen-
« sôrent sus grandement, et leur fut advis que bon seroit de
« envoyer devers le duc de Lancastre souflSssans messages
« pour mieulx savoir son intention. Si furent esleus pour y
« aler premièrement : messire Boucicault , marescbal de
a France, et messire Jehan de Chastel-Morant et messire
« Jehan le Barrois des Barres , et dévoient mener mille
« lances ' toutes * estoffées ' et bonnes gens d*armes ainsi
tt que ils firent , et exploittièrent tant par leurs journées
« que ils vindrent en la cité ^ d*Agenis ', et là se logièrent
« et ou pays d'environ , et puis envolèrent les seigneurs
« hérauls et messagiers en la cité de Bourdeaulx devers le
« duc de Lancastre en luy remonstrant que voulentiers ils
« parleroient à luy. Le duc fist aux messages très-bonne
« chiôre et entendy à leurs paroles , et escripvy par euls
« aux seigneurs dessusnommés que, puisqu'ils avoient afiec-
a tion de parler à luy , il Tavoit aussi à euls , et pour euls
a donner moins de * traveil ^ , il venroit à Bergherac, et là
a parlementeroient-ils ensemble. Les messages retournèrent
« à Agenis et ' monstrèrent * à leurs seigneurs les lettres
« du duc de Lancastre. Si y adjoustèrent foy et crédence
« et se ordonnèrent selon ce , et si tost comme ils sorent
a que le duc de Lancastre fut venu à Berguerac, ils se par-
« tirent de la cité de Agenis et se trairont vers Berguerac,
« et leur fut la ville ouverte et appareillie, e{; entrèrent
«■• Bien. — •-• En point. — *• D'Agen. — •-' Peine. — •^ BaU-
liôi'ent.
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DE JEAN DE GRAILLT. lt(5
« dedens et se misrent les seigneurs à ^ hostel ^, car toutes^
« leurs gens n'entrèrent point en la Tille, mais se logièrent
« ens es fourbours et villages à Fenviron.
a Ces seigneurs parlèrent au duc de Lancastre qui les
a receupt moult grandement et doulcement , car bien le
« sçavoit faire , et entendy à toutes leurs paroles et res-
« pondy à celles, et dist ainsi que bon amy et Toisin il vou-
« loît estre au roy de France et au royaulme , et tenir les
« trièves telles comme elles estoient données et séellées
« entre le royaulme de France et le royaulme d*Ângleterre,
a leurs conjoinds et leurs ahers, par mer et par terre ; car
« il-meismes les avoit aidié à traittier et ordonner , si ne
« les devoit , ne vouloit enfraindre , ne brisier , et de ce
a fiiist-on tout asseuré. Les responses du duc de Lancastre
a pleurent grandement à ces seigneurs de France, et furent
a le duc et euls amiablement ensemble , et leur donna le
« duc à disner et à soupper moult grandement ens ou chas-
tt tel de Berguerac , et puis prindrent congië Tun de Tau-
« tre moult courtoisement, et retourna le duc de Lancastre
« à Bourdeaulx, et les François en France , et trouTèrent
« sur leur chemin en la cité de Poitiers le duc de Berry,
a auquel les trois seigneurs dessus nommés recordèrent tout
c ce que exploittié avoient et la response que le duc de
a Lancastre leur avoit faite. Si souffist bien au duc de
« Berry, et luy sembla raisonnable, et aussi flst-il au roy
« de France et au duc de Bourgoingne, quant ils en furent
« infourmés et ces seigneurs dessus nommés furent retour-
« nés en France. Si demeura la chose en tel estât et sus
« bonne asseurance.
« Or est advenu, sicomme vous le verres, ce me dist mes-
« sire Jehan de Grailly , que le duc de Lancastre a envoyé
*^ Iceulx bostels qui leur avoient esté ordonnés.
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au BiCITS
« par deçà en Angleterre de son conseil , tels que messire
a Jehan de la Perrière et messire Pierre de Glisqueton et
« deux ders maistres en loix, tels que maistre Jehan
a Huche et maistre Richard de Lincestre» pour parlementer
« et proposer toutes ses ententes en la présence du roy, de
« ses oncles et de tout le conseil d'Angleterre, et pour ce le
« roy chevauche à présent vers Eltem, et seront là, jeudy
« qui vient qui sera le jour de la Magdalène, toutes les par-
« ties ; mais ce que ordonné en sera , je ne le puis savoir
« fors tant que j*ay ainsi entendu que le duc de Glocestre,
ff frère au duc de Lancastre, y est et sera trop grandement
a en tous estas et toutes manières pour son frère , et me
« suis laissié infourmer par aucuns Ânglois qui en cuidoient
ff bien sgavoir aucune chose, que le duc de Glocestre 8*i en-
« cline principalement pour ce que il verroit voulentiers
« que son frère de Lancastre demourast de tous poins en
ff Guienne, et plus , par cause de résidence , ne retoumast
« en Angleterre, car * il y • estoit ' trop grant. Et ce Tho-
« mas ^ de Glocestre est d*une très-mei*veilleuse teste , et
ff est orgueilleux et présumptueux et de très-périlleuse
« manière ; mais, quoy que il face, ne die, il est tousjours
« advoué de la communaulté d'Angleterre et en est très-
« grandement bien amé , et tousjours s*enclinent à luy et
« il à euls : c'est celluy qui âst morir et déceler ce vaillant
a chevallier messire Simon Burlé et a bouté hors d'Angle-
« terre le duc d'Irlande et larchevesque dTorch, et plu-
« sieurs * autres du cooseil du roy a-il fait • morir cruelle-
a ment à tort et sans cause par hayne et maint autre à
« petite occoison, entrons par espécial que le duc de Lan-
« castre a esté delà la mer, fuist ou royaulme de Castille
a ou de Portingal , et povés bien penser que il est en ce
a pays trop plus cremu que amé.
• • Luy. — " Est. — * Duc. — • Chevaliew et. — • Chasser ou.
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DE JEAN DE GRAILLT. 455
« Or laissons ^ estre * pour le présent à parler de ceste
matière , ce dist ^ Jehan de Grailly , et parlons de la
seconde ^ qui m'est plus agréable ^. Il m*est advis , selon
ce que je voy et que je suis infourmé, que le roy d'Angle-
terre se marieroit • voulentiers , et a fait '' jetter sa
visée ' partout , et ne treuve-on nulle femme pour luy ;
car , se le duc de Bourgoingne ou le conte de Haynnau
euissent nulles filles en point de marier , il y entendesist
voulentiers, mais ils n'en ont nulles qui ne soient allouées
et assignées. Il est venu avant , qui luy a dit que le roy
de Navarre a des suers et des filles , mais il n'y veult
entendre. Le duc de Glocestre son oncle a une fille toute
grande assés pour entrer en mariage , et verroit voulen-
tiers que le roy son nepveu la presist à femme ; mais le
roy n'y véult entendre, et dist qu'elle luy est trop pro-
chaine de lignage, car elle est sa cousine germaine. Â la
fille du roy de France s'encline le roy d'Angleterre, dont
on est moult esmerveillië en son pays dé ce que il veult
prendre la fille de son adversaire en mariage, et n'en est
pas le mieulx amé de son poeuple, mais il n'en fait compte,
et monstre et a monstre tousjours que il auroit plus chier
la guerre d'autre part que au royaulme de France, car il
vouldroit, et tout ce scet-on de luy par vraie expérience ,
que bonne paix fuist entre luy et le roy de France et
leurs royaulmes, conjoinds et adhers. Et dist ainsi que la
guerre a trop duré entre luy et ses ancisseurs ou
royaulme de France , et trop de vaillans hommes en sont
mors •, et trop de maléfices perpétrés et advenus, et trop
de poeuple crestien tourné à perdition et destruction ,
dont la foy crestienne en est afibiblie '®. Et est advenu
*^ Ester. — • Messire. — *-» Et de la plaisance du i^oy. — • Très.
- f'* Chercher. — * Tant d*une part que d'autre. — '* Et amoindrie.
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1S6 RÉCITS
« que pour oster le roy de ce propos (car il n est mie plai-
a sant ^ au * royaulme d'Angleterre) de luy marier en
« France , on luy a dit que la fille du roy de France est
« trop jeune et que encoires dedens cinq ou six ans il ne
« s'en pourroit aidier ; mais il a respondu et dit ainsi que
« Dieu y ait part , et qu'elle croistra en eage , et trop plus
« chier pour le présent il la joeune que aagie. Et à ce il baille
a raison selon sa plaisance et ymagination» et dit ainsi, que
« se il le a joeune, il la duira et ordonnera à sa voulenté et
« la mettera et enclinera à la manière d'Angleterre, et que
« il est encoires jeune assés pour attendre tant que la dame
« soit en eage compétent. Ce propos ne luy pot nuls oster ,
a ne brisier ; et de tout ce avant vostre partement vous
« verres plusieurs choses, car, pour entendre plainement à
a toutes ces besongnes, le roy chevauche devers Londres. »
Ainsi par sa courtoisie se devisoit sur le chemin à moy
en chevauchant entre Rocestre et Dardeforde messire Jehan
de Grailly, capitaine de Bouteville, qui jadis avoit esté fils
bastard de ce vaillant chevallier le captai de Beuf , et ses
paroles je les ouoye très-voulentiers et les mettoie toutes en
' retenance ^ ; et tant que nous fiismes sur le chemin de
Ledes à Eltem, je chevauchay tousjours le plus en sa com-
paignie et en celle de messire Guillemme de Lille.
Or vint le roy à Eltem par ung mardy , et le mercredy
enssieuvant commencièrent à venir seigneurs , barons et
chevalliers, de toutes pars, et vindrent le duc de Glocestre,
le conte d'Arondel , le conte de Northombrelande , le conte
de Kent , le conte de Rosteland , le conte Mareschal , Tar-
chevesque de Cantorbie , Tarchevesque dTorch , l'évesque
*-• A ceux du. — •-* Mémoire.
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DE RICHABD STURT. 157
de Londres, l'éyesque de Vincestre et tous ceulx qui man-
dés y estoient , et furent là le jeudy à heure de tierce. Si
encommenchèrent les parlemens en la chambre du roy, et là
estoient , en la présence du roy , de ses oncles et de tout le
conseil, les chevalliers gascoings , qui envoies y estoient
pour leur partie, et aussi le conseil des cités et des bonnes
villes et le conseil du duc de Lancastre ^ Aux paroles qui
furent là dittes et proposées je n'estoie pas présent , ne nul-
lement estre ne povoie, car princes, barons, prélats, ne che-
valliers n'estoient en la chambre, fors tant seulement les
seigneurs du conseil ; mais, quant le conseil fut espars, qui
dura plus de quatre heures et ce vint après disner , je me
acointay de ung anchien chevallier que jadis en ma jeunesse
je avoie veu en la chambre du roy Edouard , et pour lors il
estoit du destroit conseil du roy Richard et bien le vailloit ,
et estoit nommé messire Richard Stury, lequel me * con-
gnut ' tantost , et estoient bien XXIIII ans passés que il ne
m avoit veu , et la dernière fois où ce avoit esté , ce fut à
* Cîodenberghe ^ à Brouxelles , en Tostel du duc Vincelant
de Brabant*, Messire Richard Stury me flst très-bonne
chière , et me recueilly et conjouy grandement et doulce-
ment et me demanda de plusieurs nouvelles. Je luy en res-
pondy tout à point de celles que je savoie. Et après tout ce
et en gambiant luy et moy ens es allées à Fissue de la
chambre du roy à Eltem, je luy demanday de ce conseil ,
voire se dire le me povoit, comment il estoit conclud. Il
pensa sus ma parole ^ et demande ' ung petit , et puis me
respondy et dist : a Oyl, ce ne sont pas choses qui facent à
« celer ; car prochainement on les verra et orra publier •
• Y estoient. — " Recongnut. — *-• Colleberghe. — • Et de la
duchesse Jehanne de Brabant sa femme. — ^~* Et demoara.. Attendit.
— * Pabliquement.
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158 E&CIT8
partout. » — « Vous savés, dist le chevallier y et avés
bien ouy recorder comment le duc de Lancastre est aie
en Aquitaine et du don que le roy nostre sire luy a £sdt
et donné sur fourme et entente de bonne ^ conclusion * ;
car le roy ayme et ' crient ^ tous ses charnels amis et
par espécial ses oncles , et se sent et dist moult tenu à
ceulx et espécialement à son oncle le duc de Lancastre ; et
en cause de rémunération qui est belle et grande et bien
congneute, et pour les beaulx services que le duc a fais à
la couronne d'Angleterre , tant deçà la mer comme delà,
le roy luy a donné purement et quittement à luy et à ses
hoirs perpétuellement toute la duchié d*Acquitaine ainsi
comme elle sestent et comprent en toutes ses môtes et
toutes ses limitations , séneschaussées , bailliages, mair-
ries , seigneuries et vassaudies, et en clayme quittes tous
ceulx qui de lùy tiennent en foy et en hommage, réservé
le ressort : autre chose n*y-a-il en riens retenu pour la
couronne d'Angleterre en temps advenir. Et le don que
le roy a fait à son oncle de Lancastre a esté fait et donné
si souffissamment, que passé est par Taccord et confirma-
tion de ses autres oncles et de tout le conseil d'Angleterre
généralement et espécialement , et commande le roy
nostre sire par ses lettres patentes et en parole de roy
que tous ses subgets qui sont ens ôs mètes et limitations
d'Acquitaine et enclos dedens les bonnes ^, obéissent de
tous poins, sans moien nul, ne contredit à son chier et
bien amé oncle le duc Jehan de Lancastre, et le tiengnent,
ces lettres veues, à seigneur souverain, et luy jurent foy
et hommage à tenir loyaulment et pour tous , ainsi que
anchiennement ils ont fait et tenu, faisoient et tenoient,
au jour que ces dittes lettres furent ^ monstrées ^, au roy
*-• Condition. — ^ Croit. — • ViUo». — •-» Amonatr^..- DonnJM.
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DE RICHARD STDRT. i59
d'Angleterre ou à leurs commis ; et, se il y a nul rebelle,
de quelconque estât ou condition et aiSaire que ce soit,
qui contredie aux lettres du roy envoyées, les.lettresyeues
et entendues parfaittement d'article en article, qu ils ayent
pourvéance de conseil pour respondre tant seulement
trois jours. Et le roy donne à son oncle de Lancastre et à
ses commis et députés puissance de pugnir et corrigier à
sa conscience ou à leur conscience, sans nulle espérance
avoir de retour, ne de ressort.
« Or est advenu, non obstant ces lettres et le fort
et destroit commandement du roy , que les cités et
bonnes villes de Gascoingne , obéissans au roy d'Angle-
terre et les barons et chevalliers et gentils hommes du
pays se sont conjoLnds et adhers ensemble et clos ung
temps à rencontre du duc , et ne veuUent point obéyr et
n*ont ^ voulu *, et dient maintenant et soustiennent, et ont
dit, maintenu et soustenu jusques à ores, que le don que
le roy a fait à son oncle de Lancastre, est inutille et hors
des môtes et termes de raison. Le duc qui ne veult que
par doulceur aler avant en ceste besoingne , a trop bien
ouy et entendu leurs deffenses : si s est conseillié sur ce,
• avant que plus grant mal ne s en * engendre *, que
les nobles , les prélats et les consauls des cités et bonnes
villes de Gascoingne , obéissans au roy d'Angleterre ,
soient cy venus ou aient envoyé , pour oyr droit et sça-
voir pourquoy ils ont débatu et débatent et ont opposé et
opposent au commandement du roy et à son plaisir et
voulenté. Et certainement ils ont huy remonstré moult
sagement leurs * deffenses et attaint les termes et articles
de raison , et voulentiers ont esté ouys , et ont donné au
roy et à tout le conseil moult à penser , et pourront bien
*-• Vouloir — • Plus y procéder. — *■• Suive. — • Reeponses et.
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160 RÉCITS
« demourer sur leur querelle , et je vous monstreray et
« diray raison pourquoy , mais tous le teurés en secret,
« tant que plus avant sera congneu et publyé. i» Et je
« respondy en disant : « Sire,' ce feray mon * sans &ulte. »
a Remonstré et dit a esté par la parole de Tun qui est ,
« ce me semble , officiai de Bourdeauk , et tous ceulx de
« sa partie lont advoé et par science. Et tout premièrement
m a monstre procuration pour luy et pour tous les autres à
tt celle fin que on y euist plus grant ^ conôd^ice ^ et c*es-
« toit raison ; et mist en terme que la cité de Bourdeaulx ,
« la cité de Bayonne , la cité de Dax et toutes les sei-
« gnouries qui sont appendans et appartenans eus es mètes
« et limitations dlcelles, sont de si noble condition que nul
« roy d'Angleterre, par quelconque action que ce soit, ne
« les puet oster , ne desjoindre du domaine de la couronne
« d*Angleterre, ne donner, ne aliéner a enfilant, oncle, ne
a frère qu*il ait,^ soit fils ou fille*; et, que ce soit vérité, les
« dessus dittes villes , cités, chasteaulx et seignouries en
<c sont prévilégies souffissamment des roys d'Angleterre ,
« lesquels Font juré à tenir entièrement sans nul rap-
« pel ; et si trestost que ung roy d'Angleterre entre en la
« possession de la couronne et héritage d'Angleterre, il jure
« souffissamment , la main mise sur le missel, à entretenir
« icelles conditions et non enfraindre et corrompre. Et
« vous , trôs-chier sire , vous Tavés juré à tenir souffisam-
« ment, et, que ce soit vérité, vescy de quoy. »
« A ces paroles il monstra et mist avant une lettre
« tabellionnée et séellée du grant séel d'Angleterre, donnée
« du roy Richart qui là présent estoit, et la lisy tout du
« long de clause en clause , laquelle lettre fut bien ouye
« et entendue , car elle estoit en latin et en françois ; et
•"• Je le feray. — •"* Crédence. — • • Popr cause de mariage, ne
autrement.
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ff BOttmoit en U ihi ptusiears prilats rt htali barons d'An-^
« gletarre, qui A ee ftorent qtpellés en causa de aeureté et
c tesmoingnage, desqueb il y aToit là jusqnes & onze. Quant
« ils orent ouy la lettre lire , ik regardèrent tons Ton sur
« Fautre et sur le roy, et n'y ot homme qui desist mot , ne
c quln^icquaet contre la lettre. Quant oelluy ot leu , il
« reploya la lettre moult bellement, et puis parla avant et
« dist, adreachant sa parole sur le roy : c Tràs-chier sireet
« redonbtë, et vous, messeigneurs, aveuc toutes «s johoses
« lesqudles vous avés oyes, je fus chargié, à mon départe*
t ment, ^ des bonnes villes dessus dictes et de tout le pays
« enclos dedens, que je vous desisse et remonstrasse une
« considération que le conseil des cités et bonnes villes de
« Oascoingne, de Tobéissanoe et demàine de la couronne
t d^Angleterre , ont eu sur la £9urme dp mandement que
c envoyé leur avés, ainsi comme il appert par vostre séeUé
t et que bien congnoisscnt, posé que il smt ce qu'il ne poet
t estre ; car , se il estait ainsi que ks cités et bonnes villes
• de Guienne s'encUnassent à voufeir recepvmr le duc de
c Lancastre à seigneur et fitissent quittes et du tout déli*
« vres à toujours mais de'lliommage et obéissance que ils
• vous doivent , ce seroit * grandement au préjudice de la
c couronne d'Angleterre ; car , se pobr le temps présent le
• duc de Lancastre est homme du loy et biqn ayme à tenir
i et à garder tous les peins et^artides drottonars de la
c couronne d'Ângletenre/eeste aanovr et tenure se puet ou
ff temps advenir trop léjgièrenietit perdre et eslongier par
c les hoirs qui se muettt et les mariages qui se font des
t smgneursterriens et des dames terriennes de l'un A l'autre,
• ' jà ^ 8oient4ls prochains et conjoinds de lignage, par dis*
c pensation de pape, car il est nécessité que mariages soient
• Du eonieil . — • Trop. — •^ Tant
XT. ^VEOiSSABT. 11
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Itt
MÈcm
t fais de haulx prinoâB on de leurs enffims pour tenir les
c terres ensemble en amour. Et pourroit advenir que les
t hoirs qui dëseenderont des ducs de Lancastre, se ooajoin-
tt dnmt par mariage aux enffans des roys de France ou des
« ducs de Berry ou de Bretaigne ou des contes de Fois ou
« d*Armeignach ou des roys de Nayaire ou des ducs d'An-
« jou ou de Maine, et qui les vouldront tenir de puissance
a aveuc les alianoes que ils trouTeront et feront delà la
« mer, et se daymeront hiretiers de ces terres et metteront
« la duchië de Guienne en débat et en ruyne contre la cou-
« ronne d'Angleterre ^ par quoy le roy d*Angleterre et le
ft royauhne ou temps advenir pourroit avoir trop de peyne,
« et le droit eslongier de là où il devroit retourner, et la
« domaine de la noUe couronne d'Angleterre perdre sa sei-
« gnourie. Pour quoy, très^chier et redoubté ^ sire * et roy,
c et vous , nos très^chiers et amés seigneurs de son noble
« conseil , vueilliée omsidérer tous ces poins et articles ,
« lesquels je vous ay présentement proposés et déterminés,
t se il vous semble bon ; car c'est la parole de tout le pays
« qui veult demeurer en l'obéiswice de vous, trte-redoubtë
t sire et roy, et ou domaine de la nobl^ OQuronne d'Angle-
t terre. »
« A tant se cesifet fJ'advocat ^ à parler pour Tewe, et les
« seigneurs et prélats regardèrent tous l'un l'autre, et puis
« se misrent énsémUe en approcbant le roy , tout premiers
c ses deux oncles, le conte d'JSriby et le conte d'Arondel. Et
« fut adont dit que oeulx qui estoieat là venus d*Acquitaine,
« partesissent de la chambre tant que ils seroient appelles,
c Ils le firent , et les deux chevalliers ausû, qui là estoient
« de par le duc de Lancastre. ^ Quant ils furent yssus hors
« de la chambre , le roy demanda conseil aux prélats et
«-• Signeur. — •* L'offlcial. — «^ Et ea (ait.
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DB AIGHARD STURT. 463
aux barons qui là estoient, quel chose en estoit bonne à
faire et à respondre. Les prélats tournoient la response
sur les oncles du roy pour tant que la chose leur povoit
et devoît plus touchier que à nuls des autres. De premier
ils se excusoient de non respondre et disoient que lai
matière estoit commune et devoit estre délibérée par
commun conseil et non par grâce de proixmeté , ne de
faveur , et ^ furent • sus cel estât une espace. Finable-
ment la response fut tournée sur le duc de Glocestre , et
fut requis et prié que il en Toulsist dire son advis. Il en
respondy et dist que forte chose seroit de ester à ung roy
le don que il avoit donné et confermé et sëellé par rac-
cord de tous ses hommes et la dëlibëration dé son plus
espécial conseil, quoyque ses subgets y fuissent rebelles ,
et que le roy n'estoit pas sire de son héritage, se il n'en
povoit faire sa voulenté. Aucuns^ gloscôrent * bien ceste
parole, et les aucuns en leur coun^ disoielrt bien que la
response n'estoit pas raisonnable , mais contredire n*y
«soient ; car le duc de Glocestre estoit trop cremeu, et le
conte d*Brby, fils au duc de Lancastre, estoit là présent,
qui releva tantost la parole et dist : a Beaulx oncles ;
vous kvés bien parlé et remonstré toute raison , et je de
ma personne ensieuls vostre parole. 9 L^ conseil se com-
mença à despechier , et les aucuns prindrent à murmurer
Fun à l'autre , 6t ne furent point rappelles ceulx de
Guienne , ne les deux chevalliers du duc de Lancastre.
« * Quant le roy d'Angleterre * en vey l'ordonnance ^, si
s'en dissimula ung petit , et fut son intention que après
disner on remetteroit le conseil ensemble à savoir se
*"* Ont demonrj. -r- *^ QloMérent. — * Sar qnoy Taneieii chevalier
finit eon propos ; mêu depnûi Je sceiui de luy que, -* **' Vey ces
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riens qui foist plus ^ propice * et acceptable pour la oou-
ronne d'Angleterre , aoroit point de lieu , ne so^oit pro-
posé plus avant. Et fist parler rarchevesque de Gantorbie
de ce dont au matin il le aToit chargié, c*estoit sur Testât
de son mariage et pour envoyer en France ; car sur ce il
avoit très-grande et bonne affection de persévérer.
Autreffois en avoit parlé , et estoient les seigneurs ^ auc-
ques ^ d'accord pour 7 envoyer, et ceulx nommés, qui aler
y dévoient, mais leur charge ne leur estoit point encoires
tpute baillie et leur fut baillie à ce parlement.
« Ordonné estoit que Tarchevesque de Duvelin , le conte
de Rosteland, le conte Mareschal , le sire de Biaumont ,
messire Eue le Despensier , messire Loys de Cliffort et
jusques h vingt chevalliers et quarante escuiers d'honneur
yroient en France devers le roy de France pour traittier,
parler et pryer du mariage de sa fille Ysabel , laquelle
povoit avoir pour lors environ huit ans , et estoit encou*
Vttienchie par mariage ailleurs au fils du duc de Bre«
taigne , sicomme * il est cy-dessus contenu et que les
appointemens et * traittiés s'en portèrent ft Tours en
Thouraine. Or regardés comment ce se pourra deffaire ;
car le roy de France et ses oncles Tout tout séellé au duc
de Bretaigne. Néantmains ces ambassadeurs d'Angle-
terre furent infourmés de toute leur charge, et se dépar-
tirent et yssirent hors d'Angleterre et arrivèrent par
deux ou trois jours de Douvres à Calais et là se raâjnes-
chirent et leurs chevaulx cinq jours^ et depuis se dépar-
tirent en grant arroy , et se misrant au chemin pour venir
à Amiens , et envolèrent devant ^ Marche * le hérault»
roy d'Irlande tant que en armes, lequel leur avoit
apporté ung saulf-conduit alant et retournant de Calais
•"• Propre. — »^ Presque. — •-• Vous savës que les. — " Marite.
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devers le roy de France et de ïk ntowmBr & Calais.
Avettc tout ce le sire de Montcavrel leur fut baillié en
' gardé * pour fiûre ouvrir dtés et bonnes villes et euls
administrer ce que il leur besoi^oit. Dont nous soufire-
rons ung petit parler de eulx et parlerons des matiâres
devant proposées.
c Ainsi que ic^-dessus je vous ay dit et proposé ,les con-
sauls des cites et bonnes villes d*Acquitaine prioient
et requéroient au roy d'Angleterre et à son conseil que
ils fuissent tenus ea leurs libertés et franchises et ou
demaine ' d'Angleterre , ainsi que juré on leur avoit et
dontde trop anchien temps previlégiés en estoient, et voii-
loient tenir et tenoient & bons ces privilèges , ne point
^ partir * ne s*en vouloient par quelconque cause , ne
action ou condition que ce fuist. * Les quatre pars du
conseil du roy d'Angleterre et la commune voix du pays
les en tenoient à vaillans et preud*hommes ; mais Thomas
de ^ Widescot * , mainsné fils du roy d'Angleterre , et le
duc de Glocestre brisoient et empeschoient tout et mons*
troient appertement que ils euissent voulentiers veu que
le duc de Lancastre fuist demeuré en Acquitaine , car il
estoit trop grant en Angleterre et trop prochain du roy.
Desonfrôrele duc Aymond d'Yorchne faisoient-ils compte,
car il ne visoit, ne pensoit à * nul malice '® » ne à '^ quel-
que " chose, fors d*estre tout aise, et avoit pour ce temps
une beUe jeune dame à femme et moult gracieuse, flUe au
conte de Kent , où il prendoit tous ses esbatemens. Et le
duc de Glocestre son frôre, qui soubtil et malicieux estoit,
demandoit toudis " aucune chose À son nepveu le roy
Richart d'Angleterre, et fiiisoit le povre, quoyque il fuist
•-■ Qaide. — • De la coaronne. — *-• Oeter, ne départir, — • Dont.
- '-• Wideitoo. — •^ NnUe mauvaiatié. — "-" Autre. — •• Avant.
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166 wkms
ung gnmt seigMor . 6ar il estoit oonnestaUe d*AiigI^
terre , oonte de ^ Harfort * « d*ExcesBes et de Buch , et
joyssoit paisiblement de tout ce , et aveuc ce sur les eo£r
tires du roy il avoît par an quatre mil nobles , et n^euist
point cheyauchië hors pour les besoingnes du roy « ne du
royaulme ung jour, se il ne sceuist comment ; et pour ce
estoit-il différent à ce conseil contre les Acquitbûns et
s'endinoit à ce que son frère de Lancastre demourast à
tousjours mais hors d^Anj^eterre , car du demourant il
se cheTiroit bien. Et encoires, pour monstrer que il
estoit sires et onde du roy et le plus grant du conseil «
si tost comme il ot dit son entente et il yey que on mur-
muroit ensemble en la chambre du roy et que les prélats
et les seigneurs parloient deux À deux « il yssy de la
diambre, et le conte d*Erby ' en sa compaignie ^ , et s'en
vindrent dedens la salle à Eltem et firent là estendre une
nappe sur une table et s'assirent au disner , et ainsi lais-
sièrent les autres parlementer. Et quant le duc dTcrdi
sceut que ils disnoient , il leur vint tenir conq»aignie ; et
tantost après leur disner qui fiit bien brief , le duc de
Glocestre se dissimula et prinst congié au roy séant à
table, et puis s'en départy et monta à cheval et retourna
& Londres ; mais le conte d*£rby demeura, et tous les
seigneurs, ce jour et rendemain delés le roy ; et ne
peurent ceulx d'Âcquitaine pour lors avoir nulle expédi-
tion, ne délivrance. 9
Je me suis * ddité * à vous monstrer au long ^ le procès *
de ces matières dessus dittes et proposées pour vous mieulx
infourmer de la vérité , et pour tant que je acteur de ces
histoires y estoie présent. Et toutes les parties qui sont icy-
dessus contenues, celluy vaillant chevallier anchien messire^
«-• Hereford. — " Aveoc luy. — •• Délecté. — »'• Partie.
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M UCBAUI STOET. i67
Richard Stury ks me dist et racompta mot à.mot en ^ gamr
biant les * gaUeries de Tostel À Eltem où il fidsoit moult bel
et moult plaisant et umbru, car ' icelles gaUeries ^ pour lors
estoient toutes couvertes de vignes.
Or advint' le dimence «nssieuvant et que * tous ces con-
sauls furent * partis ^ et retrais à Lcmdres ou ailleurs en
leurs lieux , réservé le duc cCYorch qui demeura delës le
roj et messire Richard Stury, ces deux, aveuc messire Tho-
mas de Persj, remisrent mes besoingnes sus au roy , et voult
veoir le roy le livre que je luy avoie apporté. Si le vey en
sa chambre , car tout pourveu je Tavoie, et luy mis sur son
lit. n 1 ouvry et regarda ens , et luy pleut trôs-grandement
et bien plaire luy devoit , car il estoit enluminé , escript et
historié et couvert de vermeil velours à dix dous * attachiés
d*ai^nt dorés * et roses d*or ou milieu, à deux grans ^^ fru*
maus " dorés et richement ouvrés ou milieu de roses d*or.
Adont me demanda le roy de quoy il traittoit. Je luy dis :
« D*amours. » De ceste réponse fut-il tous resjouys, et r^
garda dedens le livre en plusieurs lieux et y lisy, car moult
bien parloit et lisoit le franchois, et puis le fist prendre par
ung sien chevallier qui se nommoit messire Richard Credon
et porter en sa chambre de ^* retraite '*, et me fist de plus
en plus bonne chière et bon recueillotte à merveilles. Et
advint que ce propre dimence que le roy Richart ot reoeu
et retenu en très-grant amour mon livre , ung escuier
d'Angleterre '^ estoit en " la diambre du roy (etestoit nommé
Henry Cristède), moulthommede bien et de prudence grande-
•-■ Proumenant aux. — *^ Lea allées. — • Eulx et. — •■^ Dëpartia.
— •^ D'argent dorés d'or. — «•-" Fermaubt. — *•-•• Retrait. —
•^ Estant de.
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m ftism
laaatpMrreaetâMdBUett pariant ^ UlaogM 46 Fra^
Beacoointademoy pour Ueaaaede ce que il ot tm que la
roy et las seigoeors me orent Mtta Qioidt grant diiàro
bella recueiUotte , et avoit ven le livra lequel j^avoye pré-
aeoté au roy , et ymagina, sicomme je vey les apparam par
ses paroles , que festoyé ang historien , et auaû il luy ayoit
esté dit par messire Ricbart Stury, et parla à moy aaséa par
loisir sur la fourme et manière que orendoit je vous déelai*
reray.
a Messire Jehan , dist Henry Oristàde , avés-vous point
« enooires trouvé en ce pays, ne en la court du roy nostre
« sire , qui vous ait dit , ne parlé du voyage que le roy a
c £ût en celle saison en Yrlandeetla manite'e comment
k quatre roys dTrlande, grans seigneurs assés , sont venus
le à obéissance au roy d*Angleterre ? » Et je respondy pour
mieulx avoir matière de parler : « Nennil. » — • Et je le
« vous diray , dist Tescuier qui povoit pour lors avoir
« Teage de cinquante ans , aBn que vous le mettes en
« mémoire perpétuelle quant vous serés retourné en vostre
« pays et vous aurés de ce faire la plaisance et le loisir. » De
oeste parole fiûs-je tout resjouy , et respondy : a Grant
i merchis. »
Lors commença Henry Cristède, et dist exi telle manière :
« U n'est point en mémoire que oncques roy d'Angleterre»
« pour aler en Yrlande et fidre guerre aux Yrlandois» euist
M si grant appareil de gens d'armes et d'archiers , comme
t le roy a eu celle saison et tenu plus de noeuf mois sur la
« frontière dTrlande et h grans coustages , et tous ces
• despens a payé trop voulentiers son pays» et tiennent tout
• à bien employé les marchans des cités et des bonnes villes
« d'Angleterre ce qu'ils y ont mis^quant ik voient que le roy
*-* Frauchoit.
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• BstkwtÉkhoBùmrreibmxnéàB^ voyage 0tn*afiiit' sa
« goenv^AmdegiMitUshomimesetd'ar^
« lareompaigAfodaroj bien 'largenient quatre mil ^
• eteecnierset trente mil archiera, et tous bien pajés et délir
• TFës de eeptmiiine en septmaine, tant qne tooB s'en conten-
c tent.BtYoii8dy, pour vous mienlx avertir et infonrmer de
t lavérité/qoeTrlande est nng des 'manTaia^ pays da monde
« Agoerpoieretàtoabsmettre, car il est fonrmé estrangep
c ment et sauvagement de haoltes forests et de grosses
« yaoes, de crohàres et de lieux inhabitables ; et n'y scet-on
s eommenfeùtrer pour eulsporterdomiliage et fidre guerre,
c car» quant ils veulent, on n'y seet h qui parlw, ne on ny
t trouve noUe viUe. Et se recueillent Yrlandois ens ôs bois et
« forests, et demeurant en * croûtes * fiuttes dessoubs grans
« arbres; en bayes et en buissons ainsi comme bestes sau*
« vages. Bt quant ils sentent que on vient sur eulspour euls
t fidi^ guerre et que on est entré en leur pays.ils se mettent
« par ^ destours * et divers lieux ensemble, et se mettent et
• boutent en lieux (brs de marescages et de fort pays, sique
t on ne puet venir à eulx. Bt quant ils voient leur plus bel,
• ils trouvent bien leur avantage pour venir à leurs ennemis,
« car ilsoongnoissent leur pays, et sont moult apportes gens,
f et ne pèvent nuls hommes d'armes montés à cheval si tost
« oourir, tant soient bien montés,que ils ne les rattaindent,
« et saillent de t^rre sur ung cheval, et embrachent ung
f homme par derrière et le tirent jus (car ce sont fortes gens
« de bras) ou tout en tenant ung homme ils le loyent si
« fort de leurs bras que celuy qui est tenu d*euls no se puet
« deflbndre. Et ont Yrlandois coutiauls agus devant , À lar-
t gue alumelle à deux taillans à la manière de darde,
•^ Ce Tojagtt. — *^ Malaisiés. — " Cavernei.. Grottes.. Trsa-
ehto. — *'* Ditenet voies.
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170 liciTS
' dont ils oodent leur emiemy , et ne tiennent point ung
homme pour mortjosquesà tant que ils lujontcopé
la ' gueule * comme À ung mouton, et luy ouyrentle rentre
et en prendent le cner et remportent, et dient les aucuns
qui congnoissent leur, nature, que ils le ' menguent ^
par grant délit , et ne prendent nul homme à raenchon ,
et quant ils voient que ils n*ont point le plus bel d*aucuns
rencontres que on leur &it, ils s'espardent et boutent en
hayes et en buissons et dedans terre , et les pert-on ainsi
et ne soet:on que ils deviennent ; ne oncques messire
Guillemme de Windesore qui plus a tenu la frontière
dTrlande en euls fiiisant guerre que nuls chevalliers
d'Angleterre n*ait fût , ne les a sceu tant guerroier que
il peuist ^ aprendre la condition du pays , ne la manière
des Yrlandois. Et sont Yrlandois très-dures gens et * aus-
ters ^ , de gros engien et de diverse * acointance , et ne
font compte de nulle joliveté, ne de nul gentil homme ;
car quoyque leur pays soit gouverné souverainement
par roys et que il y ait en Yrlande grant foison de roys,
si ne veulent-ils avoir nulle congnoissance de gentillesse ,
mais veulent demeurer en leur rudesse , et 'en ce sont-
ils nourris.
« Vérité est que quatre roys dTrl%nde des plus puissans
qui y sont selon la fourme du pays, sont venus à obéissance
au roy Richart d'Angleterre par amour et doulceur , non
par bataille , ne par constrainte , et y a rendu le conte
d'Ormont qui est marchissant à euls, moult grant paine ,
et les a * trait ^® À ce que ils sont venus à Duvelin là où le
roy nostre sire se tenoit, et se sont soubmis à luy et à la
couronne d'Angleterre , dont le roy et tout le royaulme
•-■ Gorge. — •"* Mangent. — • Sçavoir , ne. — *-'* Hautains. —
• Fréquentation et. — ••• Traittiôe.
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M msmu C8RTSTEAD. 171
d*Aiigl6terre tiennent oe fidt à grant besoingne et la
Toyage h très-bel ; car oncqàes le roy Edouard de bonne
mémoire ne peult tellement exploittiâr sur euls comme la
roy Bicbard a fait. L'onneor j est grant, mais le proufSt
y est moult petit, car de gens plus rudes comme ils sont^
ne peut-on parler, ne ^ recouvrer * ; et leur rudesse je la
vous compteray affin que ce vous soit exemple encontre
gensdautres nations. Et je le sgay Me smtement et ^
lay esprouvé de euls-meismes, car ilsiurent à DuveliH
en mon gouvernement et doctrine pour eulx introduire
et amener à l'usage de ceulx d'Angleterre environ ung
mois par Tordonnanoe du roy nostre chiw sire et de son
conseil, pour tant que je sçay parler leur langaige * autr^
tant * bien comme je scay le frangois ou Fanglois , car
de ma jeunesse je fuy nourry entre euls , et le conte
Thomas d'Ormont, père k cestuy qui est conte présente*-
ment,me tenoit aveuc luy et moult me aymoit pour ce que
moult bien je scavoie chevauchier. Et advint une fois que
le conte dont je vous parle, fiit envoyé à tout trois cens
lances et mille archiers sur les frontières dTrlande pour
leur &irè guerre , car tousjours les ont tenus les Anglois
en guerre pour euls subsmettre. Le conte d*Ormont qui
marchist de terre à eulx , âst ung jour une chevauchie
sur eulx , et ce jour il m*avoit mis sur ung sien coursier
moult appert et moult lëgier, et chevauchoie de costé luy.
Les Yrlandois qui s'estoient mis à l'embusche pour adviser
les Anglois et porter dommage se ils peussent , ouvri-
rent leur embusche et approchèrent les Anglois et commen-
cèrent à traire et à jetter leurs ^ gavrelots *, et les archiers
de nostre costé prindrent à traire sur euls moult aigrement.
Les Yrlandois ne peurent souffrir le trait , car ils sont
*•• Deviser. — ** Pour ce que je. — ^ Anssy. — '-• Javelotr.
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171
rimplemmt armés et ' se recaeillièrent', et le ccmte mon
xnaistre se misf en chasse après euls , et je qui estoye
bien monté , le sieavy de près. Et adTint que en celle
cbaoe mon coursier se effiréa et desroya et m'efforcha sique,
Youlsisse ou non , me porta si avant entre les Yrlandois
que oncques nos gens ne me peurent rescourre , et, en
passant entre les Triandois , l'un d*eulx par grant apper*
tise de membres tout en courant sailly par derriàre sur
mon coursier» et puis m'embracha, mais nul mal ne meflst
ne de iânee , ne de coûtai , mais nous desroia » et ohe-
vaudia aveuc moy * bien deux lieues et me mena en ung
moult destoumé lieu et près d*nn grant buisson, et là
trouva .de ses gens qui an buisson estoient venus et
^recueillis * et hors de tontes doubtes, car les Ai^lois ne les
eussent jamais poursieuvis si avant. Ad ce que il monstra,
il eut grant joye de moy et me mena chiés soy en une
ville et forte maison avironnée de bois et de^ palus ^ et
d'eaues mortes , et est la ville nommée * Herpelepin * ^ et
le gentil homme qui prins m'avoit, on lenommoit ^® Brun ^'
Costerec, et estoit très-bel homme, et ay de luy demandé à
ceolx aveuc qui j'ay esté,et me ont dit que il vit encoires ,
mais il est fort anchien. Ce Brun Costerec me tint sept
ans aveuc luy et me donna une sienne flUe en mariage, de
laquelle j'en ay eu deux filles. Or vous compteray-je
comment j'en fois délivré.
« n advint sur la ^* huitiesme ^' année que j'avoie demeuré
et conversé en Yrlande, que ung de leurs roys qui s^ap*
pelloit Arthur " Macquemuire^*, roy de "Lincestre ", fist
une armée à rencontre du duc Lyon de Clarence, fils au roy
*-• Reculèrent. — • Sur le coanier. — *-■ Reoaléi. — ••^ Pal». ^
^ Herpelipin. — «•■" Brin. — «•■•• Septiesme. — «•••• Maqne-
msire. — ^" Unatre.. Ulnestre.
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DB HBHU CBBTSTSàD. 173
c Édouhrd d'Angleterre , et contre messîre GttiUemme de
i ^^(niidesûre , et se eneonirèrent les Irlandois en nne place
« flssës près de la cite de ^ Dulnestre ' et les Anglois ensem-»
ff ble. Là en j eat par bataille des mors et des pris de Tun
« costé et de Fantre. Les Anglois obtindrent la place , et
ft convint les Irlandois fiiir , et se sauva le roj Arthur
« Maquemuire , et là fut prins le père à ma femme Brun
• Coeteréch sur le coursier que il avoit gaignë à moy,
• et fiit prins dessoubs la banière ' du ^ duc de Glarence qui
• enot grant joye , et fot sceu par luyet par le coursier
t qui fut ' recongneu^des Anglois et des gens au conte d'Or-
i mont, que je vivoie et me tenoit assës honnourablement en
« son pays et chiés soy ea son manoir de Herpelepin et
c m*aToit donné une sienne fille en mariage.
« De ces nouvelles orent le duc de Glarence et messire
ff Gnillemme de Windesore et oealx de nostre costé grant
• joye. Adont fut vers luy traittié que , se il vouloit avoir
• sa délivrance, il me metteroit arrière par devers lessei-
« gneors d^Anglsterre quitte et délivre , maiunme et mes
i enffims. A paines vouloit^il faire ce marcbié , car moult
i m'amoit et sa fille et oe qui de nous venoit. Tontefbis «
ff quant il vey que autremmt il ne pourroit finer,il s'aooorda
• ad ce , mais il convint que Tainsnée de mes filles luy
i dameurast Si retoumasmes ma femme et ma seconde fille
• en Angleterre , et fois logié en la marche de Bristo sur
t la rivière de Saveme. Mes deux filles sottt mariées ,
• et a celle dlriande trois fils et deux filles , et celle que
i je ramenay aveuc moy , a quatre fils et deux flUes. Et
i pour ce que la langue. dTrlande m'est en parole aussi
I q»pareillie comme est la langue englesce^car tousjours je
t l'ay continuée aVeuc ma femme et introduis à Taprendre
*"* Linstre. — *^ De monseignear le. — • "^ Congneo.
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f14 ftÊcm
mes enflàns ce qae je puis ), fus-je edea et institaé de par
le roj nostré sire et les seigneurs d'Angleterre & conduire
et à gouvemer et à ramener à rmaa et À 1 usage d*An*
gleterre ces quatre roys dTrlande, qui mis se s<»it et
rendus à lobéissance du roj nostre sire et de la cou-
ronne d'Angleterre et Font juré à tenir à toujours mais*
Et vous dy que les quatres roys, lesquels à mon povoir,
pour tant que je sçavoie leur laagaige, je ay introduits
et enseigniés , je lès trouvay très*rudes et de moult gros
engira , et ay eu très-grant paine à eulx adoulcir et
atnodérer leur nature , et, touteffois , si elle est en au-
cune chose brisie , ce n'est pas de plenté , car tousjours
se retraient-ils enooires en plusieurs cas & leur rudesse.
« Or vous compteray-je la charge qui me fut baillie sur
eulx et comment j'en exploittay ; car l'intention du roy
d'Angleterre estoit telle et fut que de manière et conte*
âance et de habis ils fuissent remis à l'usage d'Angleterre «
car le roy vouloit faire ces quatre roys dTrlande chevalr
Uers. Premièrement on leur ordonna en la cité de Duvelin
ungbel hostel et grant pour eulx et pour leurs gens, et je
fus ordonné & demeurer aveuc euls , et sans point yssir,
ne départir, se trop grant ^ besoingne * ne le fiûsoit faire.
Je fus deux jours ou ' trois ^ en leur compaigniepour eulx
aprendre à congnoistre et eulx moy ,. et riens ne leur
disoie fors toujours après leur voulenté. Et vey à ces
quatre roys séans à table faire contenances qui ne me
sembloient ne belles, ne bonnes , et dis en moy-meismes
que je leur osteroye. Quant iceulx roys estoient assis h
table et servis du premier mes , ils fiiisoient seoir devant
euls leurs ménestrels et leurs plus prochains varlets et
mengier à leurs escuelles et boire à leurs hanaps, et
•■• BMoing. — «^ Quatre.
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DB HENRI emiTSTBAD. 475
disaient qne tel estoit Fusage de leur pays et que en
toutes choses, i*éseryé le lit, ils estoienttous communs. Je
leur souffirjr tout ce faire par trois jours, et au quatriesme
jour je as ordonner tables et couvrir en la salle , ainsi
comme il appartenoit, et fis les quatre roys seoir à haulte
table et les ménestrels à une autre table bien en sus d*eulx
et les Tarlets d*autre part, dont par samblant ils furent
tous courrouchiés, et régardoient Tun sur Tautre et ne
Youloient mengier, et disoient que on leur ^ ostoit' leur
bon usage ouquel ils ayoient esté nourris. Je leur n3s-
pondi tout ea riant, poureulx appaisier, que leur estât
n*estoit point ' honnourable^ à estre ainsi comme en devant
ils avoient &it , et que il leur convenoit laissier et
euls mettre à Fusage d'Angleterre , car de ce faire j*estoie
chaîné, et ^ me Favoit ' le roy et son conseil baillié par
ordonnance et commandement.
«' Qtxant ils ^ entendirent ^ ce que dist est, ils si assenti-*
rent pour tant que mis s'estoient en robéissânce du roy
d'Angleterre, et persévérèrent en cel* estât ^^ assésdoulce-.
ment tant que je fîiy aveoc euls. Encoires avoient-ik ung
usage que bien savoie, car ils Font communément en leur
pays, c*est que ils ne portent nulles brayes, et je leur fis
fiiire des linges draps grant foison, et en fis délivrer aux
quatre roys et à leurs g^os et les remis en cel usage, et
leur ostay , le terme que je fuy aveue euls, moult de
choses rudes et mal appartenans tant en habis comme ea
autres choses. Mais à trop grant différent leur vint de
"prime &ce "à vestir houppelandes de drap de soye, four*
réesdemenu vair et de gris, car en devant ces roys estoient
bien parés de affubler ung mantel d*Irlande; ils chevan-
" Vooloit a»ter. — •^ RaiMnnabla.» Hoimeste. — "^ Leur avoit.
- »^ OywDt. — '-^ Uaage. — *«-*• Premier.
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178 Mtem
<Aoi6nt sur bats dont on iait sommier^ , sans estntri. A
grant dur je lee fis chevaachidr sur seUes à nostre usage.
« Une fois je leur demanday de leur créance comment ils
créoient. De ce ils ne me scenrent nul gré , et m*en con«
Tint taire; car ils me respondirent que ils créoient en Dieu
et en la Trinité sans ' différent aatant bien que nous. Je
leur demanday auquel pape ils avoient leur inclination et
affection. Ils me respondireut : t En celluy de Romme
sans ^ moien. » Je leur demanday se voulentiers ils
recepTroient VorAre de chevallerie et que le roy d'Angle-
terre les vouloit faire chevalliers ainsi comme usage et
coustume en est en France , en Angleterre et ' en
autres pays '. Ils respondirent que ils estoient chevalliers
et que bien leur devoit souffir. Je leur demanday com-
ment et oti ils Tavoient esté ; et ils mè resjpondirent que
en Teage de sept ans en Yrlande ung roy &it son fils die*
vallitt' et, se le fils n*a point de père, le ^ lus proxime de
sang de son lignage le &it. Ei ^ convient ce jeune enffant ^
jéttstor de délies lances, lesqu^es il puet porter à son
aise, encontre ung eseu que on auta mis en ung pel ou
mylieu d*un pré, et comme plus il brisera de lances, tant
sershil plus hoimouré. « Par * cd ' essay * sont fais les
nouveaulx chevalliers jeunes eu nostre terre et par espé-
dàl tous les enffans des roys. » Bt qnoyque de celluy
estât je leur demandoie, bien en scavoye toute Tordon*
nance. Si ne * renouvellay ^^ point ce propos, fors tant que
je leur dys que la chevallerie que ils avoient prinse de
jeunesse, ne souffissoit pas assés au roy d'Angleterre ,
mais leur donroit par autre estât et affùre. Ils demandè-
rent comment, et je leur respondy que œ seroit en sainte
•Nul. 7~" Aillenm. — *' Commence ce Jeune enfiluit à. —
•■* TeL — • DLwit-il. — •-• RelsTsy.
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DE BINRl CHRYST£A]>. 177
^Uae , car plus dignement ils ne le povoient estre. Â
mes paroles sachiés.que ils s^endinoient assés.
c Environ deux jours ^ devant ce que * le roy nostre sire
les voulstst fiiire chevalliers, vint par devers euls le conte
d^Ormont, qui scet bien parler leur langaige, car partie de
ses seigneuries s*estendent et gisent en la marche d'Ir-
lande, et fut là envoyé en nostre hostel de par le roy et
son conseil affin que les quatre roys dlrlande y eussent
plus grant crédence. Quant il fut venu devers euls, tous
le honnourèrent ; il les honnora aussi comme celluy qui
bien le scavoit faire, et furent tous resjouis, ad ce que ils
monstroient, de sa venue, et entra en paroles en eulx au
plus doulcement et courtoisement comme il sceut, et leur
demanda de moy quel chose il leur sembloit. Ils respon-
dirent tous bellement et sagement : « Il nous a monstre
et enseignié la doctrine et usage de ce pays : si l'en
devons savoir gré, et aussi faisons-nous. » Geste response
pleut assés au conte d'Ormont , car elle fut raisonnable ;
et puis petit h petit entra à parler de l'ordre de cheval-
lerie, laquelle ils dévoient recepvoir, et leur remonstra de
point en point et de article en article comment on s'i
devoit maintenir et quel chose chevallerie devoit et val-
loit, et comment ceulx qui ' la prendoient ^, y entroient.
« Toutes les paroles du conte d'Ormont pleurent moult
bien * à • ces quatre roys d'Irlande, lesquels je ne vous ay
point encoires nommés, mais je les vous nommeray. Pre-
mièrement le grant est appelle^ Ancel* de* Mete *®; le se-
cond," Brun" de Thomond,roydeThomondet"d'Arse";
le tiers , Arthus " Macquemuîre " , roy de Lincestre ;
*^ Après, qaant. — •^ L'aprendoient. — ^ Aux uns et aux autre»
de. — »-• Anel. — •*• Methe. — "" Brin. — *•"•* D'Aire. — «•-«• Ma-
qnenudre.
XV. — FBOiaSART. 12
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178 . RÉars
a lequart, Ck>nhur, roy de ^ Chenour 'etd^Erpe. Et furent fais
0 tous quatre chevalliers de la main du roy Richard d'An-
« gleterre en Téglise cathédral de Duvelin, qui est fondée
« sur Saint-Jehan-Baptiste, et fut le jour Nostre-Dame en
« mars, qui fut en ce temps par ung jeudy, et veillèrent le
« mercredy toute la nuit ces quatre roys en la ditte église ,
« et à Tendemain à la messe du roy et en grant solempnité
« ils furent fais chevalliers , et aveuc euls messire Thomas
« ' Ourghem ^ et messire Jonathas de Pado et messire
« Jehan de Pado ^. Et estoient les quatre roys très-richement
« vestus comme à eulx appartenoit» et * seirent ^ ce jour à
« la table du roy • d'Angleterre. Et devés savoir que ils
« furent moult regardés des * Anglois et de ceulx qui là
tt estoient et à bonne cause, car ils estoient trop estranges
« et hors de la contenance de ceulx d'Angleterre et d'autres
« nations, et nature s'encline à voulentiers veoir toutes
« nouvelles choses, et pour lors véritablement ^® c'estoit
tt grant nouvelleté à veoir ces quatre roys d'Irlande, et le
« vous seroit, se vous les voyés. »
a ** Henry, respondy-je , je le croy bien , et je vouldroye
« que il m'euist cousté du mien et je euisse là esté. Et tant
« vous en dy que ^' dès autem " mes besoingnes furent
« toutes prestes pour venir en Angleterre, et y fuisse venu
« sans faulte, se n'euissent esté les nouvelles qui me furent
« comptées de la mort de la royne Anne d'Angleterre, et
tt cela me retarda de non avoir fait le voyage ^* de '^ lors;
tf mais je vous demande une chose qui moult me fait esmer-
« veiUier, et voulentiers le scauroie, se vous le scavés, et
« aucune chose en ^* devés " sçavoir : comment ces quatre
*-' Chonhour. — ■-* Orphem. — " Son cousin. — •■* S'assirent. —
* Richard. — * Seigneurs. — '* Messire Jehan. — " Messire. —
••-" Dès ce temps... Tannée passée. — **" Dés. — «••" Demés.
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DE HB.NU CBRYSTEAD. i79
« roys d'Irlande sont si tost venus à lobëissanee du roy d'An-
« gleterre, quant oncques le roy son tayon qui fut si vaillans
« hoins, si doubte, si renommé partout, ne les pot soub-
« mettre \ et si les a tousjours tenus en guerre. Vous
c m avés dit que ce fut par traittié et par la grâce de Dieu.
« La grâce de Dieu est moult bonne, qui la puet avoir, et
« puet grandement valloir, mais on voit petit de sei-
« gneurs terriens présentement augmenter leurs seignou-
« ries, se ce n*est par puissance. Et quant je seray retourné
« en la conté de Haynnau, dont je suis de nation, et je par-
« leray de ceste matière, saches que j'en seray examiné et
K bien avant demandé, car velà * monseigneur ' le duc
« Aubert de Bavière, conte de Haynnau, de Hollande, de
« Zéellande, et son fils Guillemme de Bavière, qui s*escrip-
« vent seigneurs de Frise, qui est ung grant royaulme et
t puissant, et lesquels y dayment à avoir droit, et aussi
« ont fait leurs prédicesseurs, mais les Frisons ne veulent
« ^ escheir ^ en nulle voye de raison, ne congnoistre, ne
« venir à obéissance, ne oncques ne firent. »
Lors respondy Henry Cristède À ceste parole, et dist
ainsi : « Messire Jehan, je vous en sçauroie en vérité pas
« à dire, tout le fait ; mais la greigneur supposition qui y
« soit, est telle, et ainsi * dient les plusieurs de nostre costé,
« que lagrantpuissancequeleroy nostre sire mena par delàet
« fist passer la mer dlrlande et prendre terre en leur pays (et
« puis les a là tenus plus de noeuf mois et tous bien payés)
« esbahist les Irlandois, car on leur doy la mer de tous cos-
t tés, par quoy vivres, ne marchandises nulles n*entroienten
0 leurs pays, quoique les loingtains habitans en Irlande
fl n*en font compte, ne ne scèvent que c'est de marchan»
« dise, ne sçavoir ne veulent, mais vivent grossement et
' A sa Babjectioii. — *^ Nos aeigneiin. -« ^* Encheoir. *- * Le.
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180 RÉCITS
0 rudement, pareillement comme bestes; mais ceulz qui
(c ' demeurent * sur les frontières d*Angleterre, sont plus nos-
a très et usent de marchandise. Et le roy Edouard, de bonne
a mémoire, en son temps avoit À respondre à tant de guerres
« en France, en Bretaigne, en Gascoigne et en Escosse, que
« toutes ses gens estoient espars et bien employés, et n* en
« povoit pas bien grant foison envoyer en Yrlande. Et quant
« ils ont sentu venir sur euls la puissance du roy nostre
a sire si grande , ils se sont advisés et retournés à con-*
« gnoissanoe. Bien est yéritë que jadis ot ung roy en
« Angleterre , qui fut appelle Edouard et est saint, et
« est nommé saint Edouard et canonisié et solempnisié
« très-grandement par tout le royaulme d'Angleterre, et
tt soubmist en son temps les Danois et les desconflt par
« bataille sur la mer par trois fois ; et ce saint Edouard,
« roy d'Angleterre, sire d'Irlande et d'Acquitaine, les
« Irlandois aymèrent et ' crémirent ^ plus biaucoup que nul
« roy d'Angleterre qui euist esté en devant, ne ne fiiist
« oncques puis. Et pour ce le roy Richard, nostre chier sire,
« quant ' auten * il fut en Irlande, en toutes ses armoiries il
a laissa à-porter les armes d*Angleterre c'est4-entendre les
« liépars et les fleurs de lis dont il est esquartellé, et prist
<( celles du roy Edouard qui est saint, qui est une croix
a potencée d'or et de geules à quatre blans coulons ou
« champ de Fescu ou de la banière, ainsi que vous le vou-
tt lés prendre, dont dit a esté de ceulx de nostre costé que
« les Irlandois luy en ont sceu très-grant gré, et plus vou-
« lentiers ils se sont enclines à luy ; car vérité est que ces
« quatre roys qui présentement sont venus à obéissance
« à luy, leurs prédicesseurs obéirent de foy et d'hommage
« à saint Edouard, et ils tiennent le roy Richard nostre
** Vivent. -^ *^* Crëmarent moolt. -- ^ L'année passée.
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n JfBHRI CHRT8TEAD. ' 181
« sire à preudliomitte et de bonne conscience. Si luy x>nt
« fait foj et hommage en la fourme et manière que £sûre
« dévoient et que jadis firent leurs prédicesseurs au roy
« saint Edouard. Ainsi vous ay-je compté la manière com-
« ment le roy nostre sire a en partie, ceste année présente,
« acoomply et fourny son voyage en Irlande : si le mettes
« en mémoire et retenance à la fin que, quant vous serés
« retourné en vostre nation, que vous le puissiës escripre
« et croniquer avec vos autres histoires, qui descendent de
« ceste matière. » Et je respondy : « Henry, vous parlés
fl loyaulmant, et ainsi sera-il fait. »
Adont prist*il congié de moy, et je de luy, et tantost
aprôs je trouvay * Marche • le hérault ; si luy demanday :
« Marche, dittes*moy de quoy Henry Cristède s*arme, car
c je Fay trouvé bien courtois et gracieux, et doulcement il
c m'a recordë la manière du voiage que le roy d'Angleterre
« a &it en Irlande et Testât de ces quatre roys dlrlande
« qu'il et, sicomme il dist, en son gouvernement plus de
t quinze jours. » Et Marche me respondy : « Il s'arme d'ar-
c gent à ung kieviron de gheules à trois besans de gheules, .
« deux dessoubs le kieviron et ung dessus. » Et toutes ces
choses je mis en ' retenance ^ et en escript, car pas ne les
vouloie oublier ^.
Tant fus-je en l'ostel du roy Richard d'Angleterre» comme
estre m'y pleut, et non pas tousjours en une place, mais en
plusieurs * ; car le roy muoit souvent hostel et aloit de l'un
à l'autre ou à Ëltem , ou à Ledes ou à Kinkestone ou à
Senes ou à Gartesée ou à Windesore et tout en la marche
de Londres. Et fus infourmé et de vérité que le roy et son
conseil rescripvirent au duc de Lancastre ; et exploittièrent
tant ceulx d'Acquitaine, desquels je vous ay parlé cy-devant
*.■ Mark. — *^ Mémoire. — • Et à bonne cause. — • Lienz.
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182 RICHAU) II DEMAHDB LA MAIN
que ils ne vouloient avoir autre seigneur que le roy d'An-
gleterre , que le duc de Lancastre fut rescript et remandë ,
et fut ainsi conclud par le général conseil d'Angleterre, ne
oncques le duc de Glocestre qui grant pajrne y rendoit, n'en
poelt estre ouy que le don que le roy d'Angleterre lujr aroit
donné, luy demourast, car roulentiers il ^ Teuist veu en sus
de luy ' ; mais ceulz du royaulme d'Angleterre *, pour les
doubtes et cautelles à venir , ^ entendirent ' trop bien les
paroles que ceulx de Bourdeaulx et de Baïonne avoient pro-
posées, et ymaginèrent que voirement, se l'éritage d'Acqui-
taine s'eslongoit de la couronne d'Angleterre, ce leur netoit
ou temps advenir préjudice , lequel ils ne vouloient pas
' obtenir ^, ne mettre * sus *; car encoires tousjours Bour-
deaulx et Baïonne et les firontiôres de Gascoingne avoient
grandement gardé le bien et honneur de la couronne d'An*
gleterre. Et tout ce fut bien '* amentu *^ des sages au conseil
du roy, leduc de Qloceetre absent, car ennulle manière devant
luy on n*en ousoit parler. Et demeura la chose sur cel estât.
Or vous parleray-je des ambassadeurs du roy d'Angleterre,
o'est-à-entendre du conte de Rosteland, du conte Mareschal
et des autres qui lurent envoies en France, en instance que
pour traittier du mariage du roy Richard leur seigneur à la
jeune fille du roy Charles de France , laquelle fille n'avoit
pour lors que huit ans ; et vous compteray comment ils
exploittièrent.
Tant chevauchèrent les seigneurs d'Angleterre dessus
nommés, depuis que ils furent yssus de la ville de Calais, que
ils passèrent la bonne cité d'Amiens et puis Clermont en
Beauvoisis et Craeil, et vindrent à Paris ; et partout où ils
*'* Bust yen son frère hors d'avec lay. — ' Et le conseil da voj. —
*^ Entendi. — •■' Encourir. — ••• Jos ce droit. — ••■" Ramenta.
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d'kabbixv db prarcb. 183
avoient passe, ils orent esté bien receus, car ainsi ot-il esté
ordonné du roy de France et de son conseil. Si furent logiés
à Paris * à Ma Croix-ou-Tiroy et là * entour \ et avoient
environ ' six ' cens chevaulx, et le roy de France estoit logié
ou chastel du Louvre, et la royne et ses enffans à lostel de
Saint-Pol-sur-Seynne, et le duc de Berry à Tostel de Nelle,
et le duc de Bourgongne à Fostel d'Artois, et le duc dâ Bour*
bon À son hostel , et aussi le duc d'Orléans au sien, et le
oonte de Saint-Fol et le seigneur de Coucy à leurs hostels ;
car le roy de France avoit mandé tout son conseil pour estre
mieulx conseillié et pour réspôndre à ces seigneurs d'Angle-
terre qui estoient là venus. Et là fut ordonné de par le roy
que tous les jours que les Anglois furent séjoumans à Paris,
on leur délivreroit deux cens couronnes ^ d*or ^ pour leurs
menus firais et coustages d*eulx et de leurs chevauls à leurs
hostels. Et estoient souvent ces seigneurs d'Angleterre qui
là se retrouvoient , tels que le gentil conte Mareschal et le
conte de Rostelant, dalés le roy, et demouroient au disner,
et leur fiûsoient le roy , son frère et leurs oncles toute la
meilleur chiôre et compaignie que ils povoient, en euls hon-
nourant pour Tonneur et amour du roy d'Angleterre qui là
les avoit envoies. Si demandoient ces seigneurs d'Angleterre
à avoir response de leur demande, et on les menoit toudis
de paroles, car il venoit à grant merveille à plusieurs nobles
du royaulme de France, du conseil du roy, des requestes et
traittiés dont ils estoient poursieuvis de par les Anglois, pour
tant que la guerre de longtemps avoit esté si âëre et si
cruelle entre France et Angleterre *, et proposoient les plu-
sieurs et disoient ainsi : a Comment pourra nostre sire le
« roy de France donner et accorder sa fille pour cause de
•-• Près. — •* Environ. — •*• Cinq. — '-• De France. - • Et les
roys de France et d* Angleterre.
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184 RICBARD n DEaUHI» !«▲ MA»
<c mariage au voy d^Ângleterre son adyeraaire ? H nom est
« advis, avant que tels traittiés se ' deutssent comparoir *
« que bonne paix ferme et entière deuist estre entre le roy
« de France et le roj d'Angleterre» leurs conjoints et 'leurs
« ahers^. » Et toutes ces choses et autres sur fourme et
estât de bon advis estoient remonstrées ou destroit conseil
du roy.
Pour ce temps avoit en France ung ^ chancellier * sage et
moult vaillant homme durement» qui s*appelloit messire Re-
gnault de Corbie» etmoultymaginatif, et veoit^ du longet du
large ' toutes les besoingnes de France comment elles poux^
roient cheoir et venir, et disoit bien au roy et à ses oncles :
« Messeigneurs, on doit entrer par le droit huys en la mai-
« son. Ce roy Richard d*Ângleterre monstre que il ne veult
« à nous , ne au royaulme de France» que * toute amour,
a quant par cause de mariage il se y veult ^^ aloyer ^^. Nous
« avons eu par deux saisons consauls et traittiës ensemble
« sur fourme de paix & Amiens et à Lolinghem, et oncques
<f ne se peurent tant approchier les traittiés que les parle»
a mens euissent nulle bonne conclusion , fors sur estât de
« triôves. Et sçavons de véritë que Fonde du roy d*Ângle-
« terre, celluy qui s'appelle messire Thomas et duc de
« Olocestre, est du tout contraire à la voulentë du roy d' An-
ci gleterre et de ses oncles le duc de Lancastre et le doc
« d*Iorch, tant que de venir jusques & la paix ; ne le roy
« d'Angleterre, ne tous ceulx qui bien luy veulent pour
« avoir conclusions et confirmations de paix, ne le pôvent
« brisier, et au fort sa puissance sera petite contre celle du
ff roy. Si entendons à recueillier leurs traittiés et paroles
« en bien, et faisons tant avant leur département que de
<f nous et de nos responses ils se contentent. i>
*-■ Fageent. — '* Adhërens. — •• Chevalier. — '-• Aa kmg. —
• Tout bien et. — *•" AlUer.
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D*IftAlBLLB MS PRAKCE, i86
A cw paFotefl que le chancellier dé France rettcmstFaist
à la' fois remoQstroit, ainsi qae dessus est dit, seendinoient
et arrtBtoient les oncles du roy, et par espëcial le duc de ^
Boui^ngne ; car il se tenoit à si chargië de la guerre, que
moult Toulentiers il euist veu bonne paix entre France et
Angleterre. Bt la principale cause qui ad ceTenclinoit, c'es-
toit pour le pays de Flandres, dont il estoit sires de par
madame sa femme, qui gësoit en la main et frontière des
Anj^oie; et aussi les courages de moult de Flamens sont plus
anglois que franchois et tout pour la marchandise qui vient
et arrive en Flandres par mer et^par terre.
Conseillié et arreste fut ou destroit conseil du roy de
France que , ainsi que on avoit commenchié à faire et à
mimstrer bonne chière aux Anglois, il seroit moult bon de
persévérer, et par espëcial le roy de France le vouloit. Et
lut conseillié, fuist par dissimulation ou autrement, que les
Anglois qui là estoient venus en ambassaderie de par le roy
d'Angleterre, seroient doulcement menés et respondus, et
leur donroit-on espérance, avant leur département, que le
roy d'Angleterre venroit à sa demande.
Pour ces jours, la royne de France et ses enfiSms estoient
à Tofitel de Saint-Pol-sur-Seynne. Si fut octroyé et accordé
pour le mieulx aux seigneurs d'Angleterre et à leurs prières
et requestes , que ils verroient la royne de France et ses
enffiins et par espécial celle pour laquelle ils prioient et
estoient là envoyés et venus, car moult la désiroient à
veoir.
L'excusance du conseil du roy estoit telle que ceste fille
du roy estoit moult jeune et que en ung enflant de huit
ans il ne povoit pas avoir trop grande ordonnance de pru-
dence. Si estoit-elle de son eage moult bien introduite et
endoctrinée, et toute telle la trouvèrent les seigneurs d'An*
gleterre, quant ils parlèrent à ^e ; et luy dist le conte
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186 BIGHAllD n DBIIAIVDB LA MAIR
Mareschal, estant à deux genoulx devant elle : « Madame,
« au plaisir de Dieu, vous serés nostre dame et royne d*Ân-
a gleterre. » ^ Si ' respondy la ' joeune fille ^ et d elle n&eismes
toute advisee sans conseil d'autruy : « Se il plaist à Dieu et
« à monseigneur mon père que je soye royne d'Angleterre»
« je le verray voulentiers, car on m*a bien dit que je seroie
« une grande dame. » Et adont elle flst lever le conte
Mareschal, et Famena par la main à la royne sa mère qui ot
moult grant joye de la response de sa fille, et pareillement
eurent tous ceulx et toutes celles qui oy Tavoient. La
manière et ordonnance et la belle doctrine et contenance
de ceste joeune fille de France plot trop grandement aux
deux chevalliers ambassadeurs du roy Richard d'Angleterre,
et dirent bien et ymaginèrent entre euls qu'elle seroit encoires
une dame de hault honneur et de grant bien, et qu'elle en
avoit desjà beau commencement.
La conclusion de ce traittié fut telle : quant ces seigneurs
d'Angleterre orent esté et séjourné à Paris plus de vingt
jours (mais tous leurs menus frais de bouche et de leurs
chevaulx estoient paies de par le roy de France) , response
raisonnable leur fut donnée belle ^ et courtoise de par le
roy et le conseil en euls donnant grant espérance que ce
pour quoy ils estoient venus, se feroit, mais ce ne seroit pas
si tost ; car la dame que ils ^ demandoient à ^ avoir , estoit
moult jeune d'eage , et aveuc tout ce elle estoit obligie et
enconvenenchie en cause de mariage au duc de Bretaigne
pour son aisné fils. Si convenoit traittier vers luy pour
rompre ces convenences, avant que les procès poussent aler
plus avant, et cel }Ter qui devoit entrer et venir, on laisse-
roit les choses en cel estât , et là en dedens on auroit nou-
velles en Angleterre de par le roy de France , et sur le
** Sire. — ■-* OamoMaUe. — * Et boqne^i — •*' Vouloienl.
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ll'OABiXXB DE FRANCE. i%l
temps de quarèsme que les jours commencent à embellir et
à alongier et les mers à appaisier, ils retoumeroient, ou
antres que le roy d'Angleterre y vouldroit envoler, enFrance
devers le roy et son conseil , et ils seroient les bien-venus.
De ceste response se contemptèrent les Ânglois, et prin*
drent congié au roy et à la royne et à sa fille la jeune dame
Ysabel de France, au frère et aux oncles du roy et à tous
ceulx ausquels il appartenoit congié prendre , et puis se
départirent de Paris, et se misrent au retour pour revenir à
Calais, le chemin que ils estoient venus, et firent tant par
leurs journées que ils retournèrent en Angleterre. Et se has-
tèrent devant toutes leurs gens les deux contes d'Angleterre,
qui chief avoient esté de ce traittié, le conte de Rosteland
et le conte Mareschal, pour apporter nouvelles au roy d*An*
gleterre , et vindrent de Zandewich où ils prindrent terre
en moins de jour et demy à Windesore où le roy pour ces
jours se tenoit , qui moult fut ^ joieulx * de leur revenue ,
et se contempla des responses du roy de France et de ^ son
conseil ^, et ne mist pas ceste chose en non challoir, mais le
prist si à coeur et à grant plaisance que il n*entendoit à autre
chose fors de toudis viser et soubtillier comment il pourroit
venir à son entente de avoir à femme et à espeuse la fille
du roy de France.
Se le roy d'Angleterre pensoit d'une part comment il
vendroit par ^ tous grés ^ au mariage de la jeune fille du roy
de France, le roy de France d'autre part et ses consauls
pensoient et soubtilloient nuit et jour comment ceste chose
se feroit à l'onneur d'euls et du royaulme de France. Plu-
sieurs en parloient et devisoient ainsi : « Se nous estions
i appelles en ces traittiés de France et d'Angleterre et nos*
« tre parole fuist oye et acceptée, nous dirions ainsi : que
••• Ly«i. — *^ Ses oncle*. — •-• Toutes voies.
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ISS EOBUT l'eBSITE
« jà le 197 d'Angleterre n'aroit à femme la fille de France,
« si seroit bonne paix entre le roy de France et le roy
« d'Angleterre , leurs royaulmes, leurs conjoints et leurs
« ahers à la guerre. Â quoi sera-ce bon que le roy d'Angle
« terre^aura à femme la fille du roy de France, et euls et
ff leurs royaulmes, les trièves passées, qui n'ont à durer que
« deux ans, se guerroieront et seront eulx et leurs gens en
« hayne ? Ce sont choses qui moult sont à considérer. »
Le duc d'Orléans et le duc de Berry estoient de celle
oppinion , et plusieurs hauk barons et nobles du royaulme
de France, et tout ce sçavoient bien le roy de France et le
due de Bourgoingne et le chancellier de France ', qui s'en-
dinoieat assés à la paix, réservé l'onneur du royaulme *.
En ce temps avoit ung escuier en France, prudent et
vaillant homme durement, et estoit nouvellement retourné
^n France, et avoit en son temps moult traveillié oultre la
mer, et avoit esté en plusieurs grans et beaulx * volages ,
pour lesquels il estoit moult recommandé en France et ail*
leurs, où la congnoissance de luy estoit venue. Cel escuier
estoit de nation de Normendie de ung pays que on appelle
Caux, et nommé Robert le ^ Mennoit ^, mais au présent on
ï'appelloit Robert l'Ermite pour ce que il se vestoit d'abit
d'ermitte et estoit moult religieux et de belle vie et plain de
bonnes paroles. Et povoitestreen Teage environ de cinquante
ans et avoit esté aux traittiés qui furent à Lolinghen du duc
de Bourgoingue et des seigneurs de France d'une part , et
du duc de Lancastre et du duc de Glocestre d'autre part, et
* Et le chancelier, de Bourgogne. — * Estoient d^aultre opinion. —
• Et hanlx. — *•» Mennot
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▼onleatidrs y avoit este 07 ; et la fourme et manière comr
nmit il j estoit entré, je le vous diray.
Advenu estoit à oe Robert TErmite que en retournant ens
es parties de France , et party du royaulme de Surie et
monte à Baruth sur la haulte mer, une fortune de vent et
de tempeste de mer à luy et à ses compaignons sourvint si
grande et si cruelle que deux jours et une nuit ils furent si
tempestés que nulle espérance ils n*avoient à yssir hors de
ce péril, et gens qui ' sont ' en ce dangier et parti , sont
mieulx eontris et repentans et en grant recongnoissance et
crémeur envers Dieu. Et advint que sur la fin de celle teour
peste et que le temps se prist à adoulcir et le vent à appai-
aier, une fourme d*ymage plus clore que nul cristài s'apparu
& Robert TErmite et dist ainsi : « Robert, tu ysteras et
« eschapperas de ce péril, et tous ceulx qui sont aveuc toy,
c pour Tamour de toy, car Dieu a oy tes oraisons et pris en
« gré, et veult et te mande de pai* moy , toy retourné en
« France, du plus tost que tu pourras , si te trais devers le
« roy de France, et tout premièrement compte-hiy ton
« adventure, et luy dis que il s*encline à la paix devers son
« adversaire le roy d^Angleterre , car la guerre a trop lon-
« guement eu durée entre euls; et sus les traittiés qui s'en-
« tameront et feront entre le roy ' de France et le roy *
« d'Angleterre et leurs consauls, si te mets hardiement, et
« remonstre ces paroles, car tu en seras ouy. Et tous ceulx
« qui contrediront à la paix et aux traittiés et soustendront
« l'oppinion ^ de la guerre, le comparreront en leur vivant
« chièrement et douloureusement. »
Sus celle paroUe la clareté de la voix s'esvanuy, et Robert
demeura tout pensif , et toutesvoies il retint tout ce que il
*-* Se treavent.. Se tiemient. — ' Charles. — * Richard. -—
* Mannûse.
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lyO ROBWT L*BEII1T(
avoit vea et ouy, à divine chose, et depais ceste advenue ils
orent le temps et le vent à souhait et arrivèrent en la
rivière de Jennes, et prist congié à ses compaignons. Quant
il fut hors du vaissel, il exploitta ^ tant par ses journées que
il vint en Avignon, et la première chose que il flst, ce fut
que il ala à relise Saint-Pierre, et là trouva ung moult
vaillant homme pénitanchier auquel il se confessa dévote-
ment , et luy compta toute son adventure , ainsi que en
devant vous Tavés oj, et en demanda à avoir conseil pour
scavoir quel chose il en feroit. Le preud*homme auquel con-
fessé il 8*estoit, luy dist et de£fendy que de ceste chose il ne
parlast aucunement, tant que il Taroit remonstré au roy de
France premièrement, et tout ainsi que la vision luy estoit
venue, et ce que le roy Ten conseilleroit, il fesist.
Robert * crut ce conseil, et prist ^ et encharga tout sim-
ple habit, et se vesty et habitua tout de drap gris, et se
maintint et ordonna depuis mioult simplement, et se départy
de la cité d'Avignon et exploitta tant par ses journées que
il vint à Paris, et estoit le roy pour lors à Abbeville, et les
tmttiés estoient ouvers entre les Franchoiset les Anglois,
ainsi comme il est contenu icy-dessus en nostre histoire.
Tout premièrement il se traist devers le roy qui pour ces
jours estoit logié en Tabbaye de Saint-Pierre , et luy fist
voye pour parler au roy ung chevallier de Normendie et de
sa congnoissance, qui sappelloit messire Guillemme Martel,
lequel estoit chevallier de la chambre du roy .et le plus pro-
chain que il euist. Robert recorda bellement et doulcement
de point en point toute son adventure, sicomme icy-dessus
est contenu. Le roy s'i enclina et entendy voulentiers , et
pour ce jour ses oncles le duc de Berry et le duc de Bour-
goingne, et messire Regnault de Corbie, chancellier de France,
' Depuis. — *-* Prist ce conseil à bon et le créât.
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■N AMGLETKRfte. i9l
qui les plus grans estoient du coste de France sur ces trait-
tiés, n'estoient point là, mais à Lolinghem contre les
Anglois. Si dist le roy à Robert , quant il ot bien ymaginé
et considéré tout le fiiit : « Robert , sachiés que nostre con*
« seil est contre les Ânglois à Lolinghem. Vous vous ten*
« drés icy tant que ils retourneront et, euls revenus, je par-
« leray à mon oncle de Bourgoingne et au chancellier, et
« feray tout ce que pour le mieulx ils me conseilleront. »
Robert respondy et dist : i Sire, Dieu y ait part ! n
En celle propre sepmaine retournèrent en la bonne ville
d*Âbbeville ceulx du conseil du roy, et apportèrent aucuns
articles sur fourme de paix que les Anglois avoient mis oui-
tre , et estoient si grans que ceulx qui s*ensonnioient du
traittié de par le roy de France , ne les vouloient point
accepter, ne passer, sans savoir Fintention du roy , siques,
quant ils furent venus, ils luy remonstrèrent. Adont traist
à part le roy son onde de Bourgoingne et le chancellier, et
leur remonstra ce dont Robert TErmitte Tavoit enditté et
infourmé , et leur demanda se c'estoit chose licite à ^ oyr '
et à mettre sus avant. Ils regardèrent Tun sur Fautre et pen-
sèrent ung petit, et puis furent advisés de parler et de dire
que ils vouloient veoir ce Robert et oyr parler, et sur ce ils
anroient advis. Robert fut mandé : il vint, car il n*estoit
point trop loing de la chambre où les parlemens secrets du
roy • se tenoient *.
Quant Robert TErmite fut venu devers le roy et le duc de
Bourgoingne, il les honnôura ainsi que bien le sceut faire.
Adont dist le roy : « Robert, remonstrés-nous icy tout au
« long vostre parole et de laquelle vous nous ayés
• infourmé. » Robert respondy et dist : « Sire , moult vou-
« lentiers. » Là emprist-il à parler bien doulcement et trôs-
•-• OnÂn. — ••* EstouBt.
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I9S ROMHiT l'suhtb
sagement , et ne fut de riens effréés, ne esbaby. Si leor
recorda les paroles tout au long, qae vous avës <7-dessaB
oyes, ausqueUes paroles ils entendirent voulentiers. Âdont
ik le firent ysslr de la chambre et demourdrent tous ensem-
ble en la chambre. Le roy demanda à son oncle quel chose
en estoit bon à faire, c Monseigneur , respondy le duc de
a Bourgoingne , nous et le chancellier en aurons adtia
« dedens demain. » — « Bien, » dist le roy. Sus cel estât ils
finôrent leur ^ ccHUseil.
Depuis furent ensemble le duc de Bourgoingne et maistre
Regnault de Gorbie, chancellier de France , et parlèrent de
oeste matière * assés et * longuement, et le examinèrent et
escrutinèrent à scavoir que ils en feroient ; car ils veoient
Uen que le roy de France s*i endinoit fort et youloit q,ue
Robert fuist acyousté arec eulx ens es fraittiës deparlement,
car il avoit doulce et belle parlure et * amolioit ' par son
langi^ tous cuers qui Touoient parler. Gonseillié fut et advisé,
et tout pour le meilleur , ou cas que ce Robert FErmite
remonstroit ce fait par manière de miracle et vision divine,
que on le lairoit convenir et venir aux traittiée et parlemens,
pour remonstrer aux seigneurs d'Angleterre et à tous ceulx
qui oyr le vouldroient , tout ce dont il les avoit infourmës,
et que c'estoit chose bien licite à fÎEÛre , et tout ce dirent-ils
à Tendemain au roy.
Sus cel estât, quant le duc de Bourgoingne et le chancel-
lier de France retournèrent aux parlemens et aux traittiës
a Lolinghem a rencontre des ^ Anglois , ils emmenèrent ce
Robert FErmitte avecques euls , lequel estoit grandement
fondé de bien parler, ainsi que dessus vous avés ouy. Et
quant tous les seigneurs de France et d'Angleterre furent
ensemble en leur parlement , voire ceulx qui y dévoient
* Parlement et. — ^ Ass^. ^ *" ConvertÎMoH. — * SdgBeon.
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z'
BM AMGIiBTgRU* 195
estre, Robert FErmite vint ^ emmy ' eulx» et là e&commencha
à parler moult firoidement et sagement et à remontrer tonte
rarenture qui sur mer luy estoit advenue depuis nagaires
de temps ; et disoit et maintenoit en ses paroles que la vision
qui luy estoit advenue» estoit inspiration divine, et que Dieu
Iny avoit tramis pour tant que * c'estoit son plaisir ^ que il
foist ainsi.
En ces paroles remonstrant entendoient aucuns seigneurs
d*Angleterre qui là estoient présens, voulentiers, et s*i encli-
noient en bien , tels que le duc de Lancastre ', le conte de
Saslebéry » messire Thomas de Persy et messire Quillemme
Clanwou , Févesque de Lincole et Tévesque de Londres ;
mais le duc de Glocestre et le conte d*Arondel n'en faisoient
nul compte, et dirent depuis, en l'absence des' traitteurs ' de
France , quant ils furent retournés à leurs logis , que ce
n*estoit fors £Emtosme et toutes paroles cohtrouvëes et faittes
à la main pour eulx mieulx abuser , et eurent conseil gêné-
rallement que ils en rescripvroient devers le roy d'Angle-*
terre, et tout Testât de ce Robert l'Ermite et quel chose il
avoit dit et proposé, et fut ce conseil tenu. Puis fut renvoie
en Angleterre, devers le roy, ung chevallier et chambrelenc
du roy, qui s'appelloit messire Richard Credon, et trouva le
roy en la conté de Kent, en une place et moult beau chastel
que on dist Ledes » et là luy bailla le chevallier les lettres
que les seigneurs traitteurs de sa partie, qui se tenoient en
la firontiôre de Calais, luy envoyoient, et dedens estoit con-
tenue toute la certaineté * de ce Robert TErmite. Le roy
d'Angleterre lisi tout au long ces lettres et y j^rist très-
grant plaisance ; et par espécial, quant il vint au point de
ce Robert TErmite, il dist en soy-meismes que il verroit vou-
*-• Parmj. — ■-* Il Touloit, — » Oncle da roy Richard d'Angleterre.
— •'i AmbaMsdeun— * Et aignifiance.
XV. — FROISSABT. iS
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194 ROBBRT l'eBIOTB
lentiers ce Robert et orroit parler , et s'enclinoit assés &
croire en vérité que ceste * vision * qu'il remonstroit et prou-
voit, estoit vraiement advenue, et rescripvy flnablement au
duc de Lancastre et au conte de Sasiebérj que, se on povoit
par nulle voye faonnourablement faire que bonne paix fîiist
entre luy et le roy de France , leurs royaulmes , leurs con-
joinds et leurs ahers à la guerre, ils s*en voulsissent mettre
en paine, car voirement, selon la parole de ce Robert FEr-
mite, la guerre avoit duré trop longuement, et que bien estoit
temps de y trouver aucun bon moyen de paix.
Bien est contenu içy-dessus en nostre histoire comment
les traittiés se portèrent, et le département que les sei-
gneurs firent Tun de l'autre, et comment triôves furent
prinses et ' données ^ entre ^ toutes parties * à durer quatre
ans, et là en dedens on fourmeroit bonne paix. Telle fut
l'intention des traitteurs, réservé le duc de Glocestre, car
bien prommettoit que, luy retourné en Angleterre, jamais
de traittié de paix envcirs le royaulme de France il ^ ne
s*ensonnieroit *. Si s'en dissimula-il adont ce que il pot pour
complaire au roy et à son frère le duc de Lancastre. Ainsi
par celle manière et ordonnance que je vous ay dit et
recordé, vint en congnoissance Robert TErmite.
Assés tost après ce que le conte de Rostelant, le conte
Mareschal, Tarchevesque de Duvelin, messireHuele Des-
pensier, messire Loys de Gliffort et ceulx qui en France
avoient esté envoyés, furent retournés en Angleterre et
eurent apporté sur Testât de ce mariage nouvelles qui furent
au roy Richard plaisans * , les parlemens à la Saint-
Michiel, qui se tiennent à Westmoustier, vindrent ; et ont
•■■ Chose. — " Séellëes et jurées.— »• Les royaumes de France et
d'Angleterre, leurs conjoints et adhérons. — '^ N'en parleroit noUa-
ment. — * Et agréables.
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BM ANGLBTBRRB. 195
usage 0t ordonnance de durer par ^ quarante 'jours, et sont
parlemèns et consauls générauls de toutes les besoingnes
d'Angleterre, qui là se retreuvent et retournent.
A l'entrée des parlemèns, retourna en Angleterre le duc
de Lancastre du pays de Gascoingne et de la cite de Bour-
deaulx où il' ot^esté envoyë, ainsi que vous sçavés, et n*ayoit
point esté receu sur la fourme et manière que il le cuida
estre, quant il se party d'Angleterre et il ala à Bour-
deaubc. Je cuide si bien avoir dittées et remonstrées les
causes icy-dessus ^ en mon histoire *, que paine me seroit de
les réciter encoires une fois. Quant le duc de Lancastre
fot revenu en Angleterre, le roy et les iseigneurs luy firent
bonne chiôre, ce fut droit et raison, et parlèrent ensemble
de leurs besoingnes.
Si trestost que les nouvelles furent venues et sceues en
France que le duc de Lancastre estoit retourné en Angle-
terre, le^roy de France et les seigneurs orent conseil que
Robert l'Ermite yroit en Angleterre et porteroit lettres de
arëanc€f au roy d'Angleterre, qui fort le désiroit à veoir, et,
luy revenu en France, on y envoieroit le conte de Saint-
Pol; et se accointeroit Robert l'Ermite du roy et des sei-
gneurs qui le ouroient voulentiers parler des besoingnes de
Snrie et de Tartarie et de l'Amorath-Baquin et de la Turquie
où il avoit longtemps ^ converse, car de tels matières tes
seigneurs d'Angleterre oyent moult voulentiers parler.
Il fut dit à Robert l'Ermite que il se ordonnast et que il
le convenoit aler en Angleterre. De celle commission il fut
tout resjouy, et respondi et dist que très-voulentiers il yroit,
car oncques n'y avoit esté. Si luy furent baillyes lettres de
créance de par le roy de France adreschans au roy d'Angle-
terre et à ses oncles. Robert l'Ermite party de Paris à tout
*-• QuatM. — •-•Avoit. — •^ Audit Utw. — » Esté «t.
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496 EOBBRT L'BEMin
son arroy à a^t chevaulx tant seulement et tont aux oons-
tages du roy (c*estoit raison), et chemina tant que il vint k
Boulongne et là entra en mer et arriva à Douvres, et
exploitta tant que il vint à Eltem, ung manoir du roy à sept
lieues englesces de là, et là trouvale roy, leduc de Lancastre,
le conte de Saslebéry , le conte de Hostidonne et messire Tho-
mas de Persy, et de tous, pour Tamour du roy de France, il
flit moult liement recueillie et pai* espécial du roy d'Angle-
terre qui le désiroit à veoir. Il monstra ses lettres de croaxlce
au roy. Le roy les rechupt en bien et les lisy tout an long,
et aussi firent tous les seigneurs Tun après l'autre, ausquels
il apportoit lettres. Le duc de Glooestre pour ces jours
estoit^n Excesses en ung chastel que on appelle, cem*est
advis, Plaissy.
Quant il ot esté delës le roy et le duc de Lancastre à
Eltem cinq jours, il se départy pour aler veoir le duc de
Glooestre, et sus celle entente prist-U congié au roy et aux
seigneurs, et vint à Londres, et Tendemain il se ordonna de
chevaulchier et vint au giste ep une ville à quarante lieues
englesces de Londres, que on dist Brehoude, et Tendemain il
vint à Plaissy et trouva le duc et la duchesse et leurs ^ enf-
fans ' , qui le recueillirent doulcement selon son estât.
Robert monstra et bailla les lettres que il apportoit de par
le roy de France au duc de Glooestre. Le duc les ouvry et
lisy tout au long, et quant il vey que elles estoient de
créance, si traist Robert ' d'une part ^ et luy demanda sa
créance. Robert respondy que tout par bon loisir il luy
diroit et que pas il n*estoit venu pour si tost partir. Adont
respondy le duc : « Nous vous tendrons tout aise, et vous
tt nous estes le bien venu. »
Bien scavoit Robert TErmite que le duc de Gloeestre
*-• Mabttie*. — *-*Apart.
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CN AlfCLETBRKE. i97
esboit nng homme ^ bien * dissimalant et contraire à la paix et
tout hors de Tacoord et oppinion du roy d'Angleterre et du
duc de Lancastre , qui s'enclinoient assés au traittié de la
paix. Si ne le sçaroit bien eomment entamer, ne b'risier ;
cap il Tavoit ve« et • trouvé * trop contraire aux traittiës
à Lolinghem entre Boulongne et Calais '.
Pour ce ne demeura pas que Robert TErmite ne parlast
firanehement et bien au duc de Glocestre sus fourme de
paix ; mais il trouva le duc froit en ses responses, et disoii
que pas ne tenoit à- luy et que il avoit deux frères ainsnés
de luy, c'est-assavoir le duc de Lancastre et le duc dTorch,
ansquels de ceste matière il appartenoit mieulx à parler que
à Inj ; et aussi, se il tout seul le vouloit, * espoir ^ ne le
vouldroient point accepter les consauls d'Angleterre, les
prélats et les bonnes villes : n Très-chier sire, pour Tamour
t de Nostre-Seigneur Jésu-Crist et de sa benoitte mère, ne
« vueilliés point estre contraire à la paix, ce respondoit
« Robert l'Ermite ; car vous y povés moult, et desjà veés-
ff vous que le roy vostre nepveu le désire moult et s'i encline
« très-grandement, et veult par voye de mariage avoir la
« fille du roy de France, dont par ceste conjonction c'est
• une mouli grande alliance de paix et ^ d'honneur '. »
• A ceste parole respondy le duc de Glocestre , et dist :
« Robert, Robert, quoyque vous soies creu et ouy à présent
« des roys et des seigneurs des deux royaulmes et que vous
ff ayés grant voix et grant audience à eulx et à leurs con-
« sauls, la matière de la paix est si grande que '^ avecques
« vous fault '^ que plus grans et plus creus de vous s'en
« ^ ensonnyent ". Je vous dy et ay dit cy et ailleurs que jà
*-* Monlt. — *^ CoDgnen. — * Monlt. — * Et ne deinandoit que la guerre
en France. — •■' Par aventare. — ••• D'amoor. — ••*** IIJ comient
bien. — *' » Entremettent.
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198 BOBERT l'SRHITB
ne seray contraire à paix &ire, mais qu'elle soit à Ton*-
nenr de nostre * party *. Et jà fut-elle du roy nostre père et
nostre frôre le prince de Galles et les autres jurée et
accordée au roy Jehan et à tous ses successeurs et de leur
costé jurée, et enconvenenchie sur peine et sentence de
pape, et point n*a esté tenue et de nulle ^alleur, mai«
Tout les François enfrainte et brisie frauduleusement et
cautuleusement , et ont tant &it que ils se sont remis en
possession et en saisine de toutes les terres et seigneuries
qui furent rendues et délivrées par paix faisant à ' nostre^
seigneur de père et à nos prédicesseurs ; et en oultre, de la
somme de XXX cens mille frans que la rédemption monta
en payement, encoires en sont à paier ' XYP * mille frans.
Pour lesquelles choses, Robert, telles ^ souvenances qui
devant nous reviennent, nous angoissent et tourblentles
courages durement trop, et nous esmerveillons, moy et
plusieurs de ce royaulme, ausquels il appartient bien * à
esmerveillier *, comment le roy nostre sire est.de si très*
jeune et foible advis que il ne regarde et considère autre-
ment le temps passé et le temps présent» et comment il
se pnet et veult aloyer à son adversaire et par ceste
aliance deshireter la couronne d'Angleterre '®et eslongier
des roys " à venir. » — « Très-chier sire, respondy
Robert, Nostre-Saulveur Jésu-Crist souflfry mort.et pas-
sion en croix pour nous tous pécheurs, et pardonna .sa
mort à ceulx . qui le cruciffièrent : il convient aussi tout
pardonner, qui veult avoir fart et venir à la gloire da
paradis. Toutes malivolences et haynes ou rancunes
furent pardonnées au jour que la paix fut faitte et séellée
« à Calais par vos prédicesseurs. Or sont renouvellées les
«■• Partia. — » Feu. — • Dit — "^^ VI^. — ' MtooireB et. — " La
cognoissance. — *^" Des hëritaiges.
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EN AKGUSTBHllB. 199
gaeires ^ dures et felles, qui ont esté entre les nostres et
les Yostres, espoir par * Faction ' et coulpe des deux par-
ties ; car, quant le prince de Galles et ^ d'Acquitaine fut
yssu hors d'Ëspaigne et retourné en Acquitaine, une
manière de gens qui s'appelloient ' compaignes ^, dont la
greigneur partie estoient Anglois et Gascoings tous
tenans du roy d'Angleterre et du prince ^, se misrent et
recueillièrent ensemble et entrèrent ens ou rojraulme de
France sans nul title de raison, et firent mortelle et
cruelle guerre aussi dure et aussi forte comme elle avoit
esté en devant, et appelloient le rojaulme de France
leur chambre, et estoient si fors et si entalentés de mal
faire que on ne povoit résister à rencontre d eulx ; et
pour ce, quant le royaulme de France se vey ainsi foulé
et * grevé ', et plus venoit le temps avant, et plus multi-
plioient les ennemis du rojaulme, le roj Charles, fils au
roy Jehan, fut conseillié de ses vassaulx que il alast au
devant de tels offenses et y pourveist, fuist par guerre ou
autrement ; et aveuc ce plusieurs hauls barons de Gas-
coingne se allèrent avec le roy de France, lesquels le
prince de Galles qui devoit estre leur sires , les vouloit
trop submettre et leur faisoit moult de grans injures ,
comme ils di^oient , et ce monstroient-ils par plusieurs
raisons, et ne les vouloient , ne povoient plus souârir , et
encommencèrent la guerre pour la cause du ressort à
rencontre du prince. Et le roy Charles de France, par le
conseil que il ot de ses vassaulx , s*aherdy à la guerre
aveuc eulx pour obvier à rencontre de ces compaignes ; et
se retournèrent devers le roy de France en son ayde en
celle nouvelle guerre plusieurs grans seigneurs et leurs
* Moalt. -- •-• La déception. — * Duc. — "^ Compaignies. — ' De
Galles. — " Guerroyé.
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900 ROBERT L'BUUTE
« seignouries , diés , villes et chastiaolx , pour la grant
« oppression que le prince de Galles leur faisoit et consen-
• toit à faire par ses commis. Ainsi a esté la guerre renou-
« vellée ^ dure et felle, par laquelle moult de grans mes-
« chiefs en sont encourus, de destruction de poeuple et de
ic pays» et la foy de Nostre-Seigneur et la crestienneté
« affoiblie et moult foullée , et en sont resyeilliés et * rele-
« yés ' les ennemis de la foy de Dieu, et ont jà conquis
(I moult de la Grèce et de Tempire de Constantinoble, et ne
« peut Tempereur résister contre la puissance d*un Turc qui
« s'appelle * Basach ^ dit FAmourath-Baquin , et cils Amc«f
« rat a conquis et mis en sa subgection tout le royaulme
« d'Erménie» réservé une ville seulement séant sur mer
0 ainsi comme seroit Hantonne ou Bristo, laquelle ville on
a appelle * Curch ^, et la font tenir et garder les Jennevois
ff et Yénissiens, et ne puet moult longuement résister
a contre celluy prince sarrazin Basach, Tempereur ieJCon^
« stantinoble; qui est de vostre sang, car il fat fils à Fempe-
« reur Hugues de Lésignan et de madame Marie de Bour-
« bon, cousine germaine à madame la royne vostre mère. Et,
« se paix est, ainsi qu'il sera, s'il plaist à Dieu, entre France
« et Angleterre , chevalliers et escuiers qui les armes dési-
0 rent et demandent pour leur avanchement , se trairont
« celle part et aideront le roy Lyon d'Erménie à recouvrer
« son héritage et à mettre hors de la main des Turs ; car la
ff guerre a trop duré entre France et Angleterre , et Dieu
« veult quelle prende fin. Et tous ceulx, tant d'un royaulme
« commode l'autre, qui la contrediront et qui empeschement
« y metteront, le comparront ohièrement et douloureuse-
« ment ou à mort ou à vye. » — a Gomment povés-vous
« ce sçavoir ? » respondy le duc de Glocestre.
* Moult. — ■-• Eohardi». — *-• Basac.. Baasaac. — •■' Coureh.
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^ BN AM6LBTBERE. 201
 oeste parole respondy Robert TErmitte, et dist : « Chier
« sire , ce que j'en dj et faj , il me vient par inspiration
« divine et par nne vision qui me vint sur la mer en
« retournant de Baruth (ung port en Surie) en l'isle de
« Rodes , n*a pas moult longuement. » Adont il compta de
mot à mot toute la vision qui advenue luy estent, pour
esmouvoir le cuer du duc de Glocestre & pitië et raison ;
mais certes ce duc avoit le courage dur et ^ anster ' contre
la paix, et vouloit tousjours retourner ' et maintenir ^ ses
oppinions, et condempnoit durement en ses paroles les Fran-
çois, quoj que Robert luy euist dit et remonstré. Mais, pour
la cause de ce que dis Robert estoit estrangier et monstroit
en ses paroles et en ses ouvres que il ne vouloit que tout
bien , et sœtoit aussi le roy d'Angleterre * qui de tous
peins s'enclinoit à la paix , il s'en dissimuloit aucunement
et toumoit d'autre partie ses paroles que le coeur ne luy
adonnoit.
Deux jours et deux nuits fut Robert l'Ermitte à Plaissy
ddés le duc de Olocestre, sa femme et ses enffans , et luy
fist-on par samblant très-bonne chiôre. Au tiers jour, il s'en
départy et prist congië au duc , à la duchesse et à leurs
enffans et aux chevalliers de Tostel , et puis s'en retourna
à Londres et de lÀ à Windesore où le roy estoit retirait ,
qui luy fist trôs-grant chière et bonne , et Tavoit jà moult
énamoure pour la cause de ce que le roy de France luy
avoit envoyé et pour ce que il estoit bien * et saigement
enlangaigié ^ et plain de bonnes paroles doulces et cour-
toises *.
On doit bien croire et supposer que le roy d'Angleterre
tout * quoiement '^ demanda au dit Robert l'Ermite de Tes-
*-• Haolt. — ""* A. — ■ Son seigneoi*. — •-' Éloqae&t et aaige. —
* Et honaeites. — *•** Secrètemeat.
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202 LB SIHB M Lk RlTltal BT JBAH LB MBECŒ
tat dd son oade le dac de Glooestre et tout oe qa il y atoit
trouvé, et Robert luy en respondy bien et à point. Bien
scavoit le roy d'Angleterre que le duc de Oloœstre ne s'en-
clineroit point à la paix tant qu'il peuist , * et que plus
amoit la guerre que la paix. Si tenoit à amour le roy d*Ân*
gleterre ses deux autres oncles le duc de Lancastre et le
duc dTorch ^ et ' plusieurs prélats et barons d'Angleterre,
desquels il pensoit à estre servy et aydié.
Quant Robert TErmite se fut tenu environ ung mois
delés le roy d*Angleterre et les seigneurs , il prist congië et
se ordonna pour partir. A son département , le roy d'An-
gleterre , pour Tonneur et amour du roy de France qui par
del Tavoit envoyé , luy donna de grans dons et beaulx , et
aussi firent le duc de Lancastre et le duc d'Iorch, le conte
de Hostidonne et le conte de Saslebéry et messire Thoinas
de Perssy, et le fist le roy reconvoier jusques à Douvres, et
là monta en mer et vint à Boulongne et retourna en France,
et trouva le roy et la royne et ses oncles à Paris. Si se
traist devers euls et racompta au roy de son voyage com-
ment il avoit exploittié , et de la bonne ' recueillotte * que
le roy d'Angleterre espédalement luy avoit faitte.
Presque ' toutes les septmaines * avoit messagiers de
France, alans et retournans de Tun roy à l'autre , qui res-
cripvoient doulcement et amiablement FuDi à Tautre, et ne
désiroit autre chose le roy d'Angleterre fors que il peuist
parvenir par mariage & la fille ainsnée du roy de France :
espécialement il y avoit très-bonne afiSdction , et aussi avoit
le roy de France, car advis luy estoit que sa fille seroit une
grant dame assés , se elle estoit royne d'Angleterre.
Vous avés bien ouy cy-dessus recorder comment le sei-
*"* Tant et de si bon coeur qu'à merreiUes, «t aoni fkiaoit-il. -^
■-* Chiôre. — " Tous les jours.
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KICOUTREIIT LA LIBERTÉ. 203
gneurdela Rivière et messâre Jehan le Merchier forent
démenés et pourmenés de chastel en autre et de prison en
autre et en la fin rendus au prévost de Chastelet de Paris ;
et forent sur le point que ^ d*estre perdus de leurs * vies ,
et tout par envie et par hayne que le duc de Herry et le duc
de Bourgoingne et leurs consauls avoient sur les deux che-
valliers , et forent en ce dangier plus de deux ans ; ne à
paines le roy de France ne les povoit aidier, et la plus grant
ayde que on leur faisoit , c*estoit que le roy ne vouloit pas
que ils foissent traittiés À mort. Aussi le duc de Berry et'
le duc de Bourgoingne et leurs consaulx veoiént bien que le
duc d^Orléans les aidoit ce qu*il povoit. La duchesse de
Berry estoit bonne moyenne envers' son seigneur pour
eulx et par espëciâl pour le seigneur de la Rivière ; et on
ne vouloit point ^ condempner Tun sans Tautre , car ils
estoient tenus et accuses pour une meismes cause. Les
prières des bonnes personnes, aveuc le ^ bon ^ droit que ils
avoient, les aida ^*andement, et fot regardé , parmy ce
que plusieurs hàulx barons du royaulme de France en
orent pitié, que trop de pénitance avoient eu et enduré
en prison, et que on leur feroit grâce et allégance ; car par
espécial messire Jehan le Merchier avoit tant plouré en pri-
son que il en èstoit débilité de sa veue , sique à peines
veoii-il , et courôit Commune renommée parmy le royaulme
de France et autre part que il estoit aveugle. Si eurent
sentence pour euls telle que je vous diray. '
Le roy de France V pour quel cause on leur donnoit à
entendre que on les tenoit en prison , leur faisoit grâce ,
car it metteît en souffrance leur meffaît tant que plus et
mieulx il en toroit iné)urmé ; et estoient rendues au sei*
gneur de la Rivière toutes ses terres et ses chastiaulx , et
*"• De perdre corps et — • Box et prloit fort, ^ * Ne poToit. —
"Grant.
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904 TRAIti DU DOC DE BBITAORE
premièrement le bel chastel d*Aimiaulx qui séoit en Char-
trois sur les marches de Beausse ; mais* lay venu À Au»
niaulx, il ne devoit jamais rappasser la riTière de Saynne, se
il n*estoit rappelle de la bouche dn roy. Et messire Jehan le
Merchier retoumoit au Pont-à-'Louvion * en sa belle mat-
son en ' Launois ^, et , luy revenu là, il ne devoit jamais
rappasser les rivières d*Oise, d*Esne, de Marne et de Seyne, se
il n*estoit aussi rappelle de la bouche du roy . Et aveuc tout
ce ils se obligièrent de aler en prison fermée lÀ où on dùroit,
quant requis en seroient souffissâmment de par le roy ou
ses commissaires.
Les deux seigneurs dessus nommés tindrent celle grâce à
bonne et à belle « quant ils sceurent que ils seroient déli-
vrés de Ghastelet ^ « et furent mis hors , et bien cuidèrent à
leur yssue aler parler au roy et le remerchier de la grâce
qui faitte leur estoit ; mais ils ne peurent , et les convint
tantost Didier et partir de Paris et aler ens es lieux et
retenues qui ordonnés leur esloient. Ainsi eurent le sei-
gneur de la Rivière et messire Jehan le Merchier leur. déli-
vrance , dont tous ceulx qui les aymoient , furent resjouya.
Vous sçavés comment lé duc Jehan de Bretaigne et mes-
sire Olivier de Glichon se guerroièrent ung moult long
temps et de guerre si felle et si crueuse que les parties ,
quant elles se trouvoient et^rencontroient sur les champs «
se combatoient jusques & oultrance et nuUay ne prendoient
à merchy. Et, tant que & parler de ceste guerre , messire
Olivier de Glichon et sa partie se portèrent si vaillamm^t
que des trois ils en avoient tousjours les deux ; car tous les
seigneurs de Bretaigne s*en dissimuloient , et \e& dtés et
*'* Nonvion. — *'* Laonnois. -« ' Bt fiirent teat JoTmx.
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n l^'OLIflEE DB GLI880R. 205
bonnes TiOes avoient bien dit an duc que vivre de marchan-
dise leur convenoit , quelque guerre , ne hayne que il euist
an seigneur de Glichon, et que ceste guerre en riens ne leur
toûchoit , ne regardoit : si ne s*en vouloient en riens mel*
kr , ne ensonnier. Le seigneur de Clichon les tenoit bien
pour excusés.
Entre ces haynes et maltalens malprins, s'ensonnyoient,
par cause de moyen et pour y mettre accord et paix, le
visconte de Rohen, le seigneur de Lyon et le sire de Dignant
en Bretaigne, et tellement démenèrent les traittiés que le
duc de Bretaigne ^ ot en convenant ' à ces trois seigneurs ,
mais que il veist en sa présence messire Olivier de Clichon
en tout bon endroit , il en feroit tout ce que ordonner ils
en vouldroient. Bt sus cel estât ces trois ' barons ^ vindrent
ung jour en une des forteresses du seigneur de Clichon, et
bien luy remonstrèrent, en parlant à luy, comment par bon
moyen ils estoient là trais et venus, et avoient amené le duc
de Bretaigne ad ce que il donnoit et accordoit à messire
Olivier de Clichon et à sa compaignie saulf-alant et saulf-
retournant, et pensoient et supposoient bien que, luy venu
en sa présence, tous maltalens seroient pardonnes. Âdont
responidy messire Olivier de Clichon, et diat : a Vous estes
« tous mes amis et mes cousins, et me confie bien en vous,
« et si croy bien que le duc vous a dit ce que me dittes et
« que il me verroit voulentiers en la présence de luy. Mais,
« se Dieu m*ait et saint Yves, sur ceste parole et prommesse
« je ne me mettray jà hors de ma maison, ne au chemin ;
• mais vous luy dires, puisqu'il vous a icy envoies, que il
« m'envoye son ainsné fils, et il demourra et sera plesge pour
« moy ; et quant je m'en tenray seur , voulentiers je yray
« parler à luy 1à oU il sera , et toute telle fin que je feray ,
*-' Praimist. — ^ SdignM».
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206 TRAiri DU DUC DB DDBTAGRB
« son fils fera. Se je demeure, il demoorra : ainsi se feront
« les * parchons *. »
Quant ces trois barons de Bretaigne dessus nommes veirent
que ils n'en auroient autre chose, si prindrent congié à luy
moult doulcement , et se contemptôrent de ceste response et
retournèrent arrière à Venues où le duc les attendoit, et, euls
revenus devant luy , ils. luy recordèrent tout ce que ils
avoient trouvé. Si n en polt le duc avoir autre chose. Et se
dëporta si bien le dit messire Olivier de Clichon en ceste
guerre que.le duc ne conquist riens sur luy, mais conquist
messire Olivier sur le duc, et prist par deux fois toute sa
vaisselle d'or et d'argent et moult grant foison d'autres très-
riches et beaulx joyaulx et plenté d'autres choses, lesquelles
il tourna toutes à son proufSt, ne jamais il n'en voult faire
quelque restitution au duc.
La conclusion de ceste guerre et hayne dentre le duc de
Bretaigne et le seigneur de Clichon fut telle que je vous
diray .• Le duc de Bretaigne, com grant seigneur que il fuist,
vey bien que nullement il ne ' povoit * venir à ses intentions
du seigneur de Clichon et que il avoit trop d'amis en Bre-
taigne ; car, réservé la ^ haulteur ^ de la duchié de Bretaigne,
tous les Bretons, chevalliers et escuiers et prélats et hommes
des cités et bonnes villes , s^nclinoient plus au seigneur de
Clichon, et les haulx barons s'en dissûnuloient et avoient
respondu au duc que de ceste guerre jà ne ^ s ensonnieroient *,
fors par la fourme et manière que de y mettre paix et
accord, se trouver moyen y povoient, ne sçavoient. Et aussi
le duc d'Orléans confortoit couvertement en plusieurs ma-
nières messire Olivier de Clichon, et estoit tout resjouis
quant de ses emprises ou chevaulchies il ôuoit bonnes nou-
velles.
«•• Parties. — ■-* Poorroit. — •* Hanltesse. — '•• Se mealeioieiit.
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n d'OUTUR de GLI880H. 907
Le duc de jfoetaigne, qui estoit assés soubtil et ymaginatif
et qui moult avoit eu à faire et depayne et de traveil en son
temps, oonsidéroit toutes ces choses et que de ses gens il
n*estoit mie tant amë en cuer , se monstrer luy osassent,
réservé l'ommage que ils luy dévoient, comme estoient ^ les
enffisms à messire Charles de Bretaigne, que on dist de Blois,
qui fîit occis en la bataille devant Âuhroy, Jehan de Bre-
taigne, conte de Pentôvre et de Lymoges, et qui avoit à femme
la fille messire Olivier de Clichon, et messire Henry de Bre-
taigne son frère , et leur suer la royne de Naples et de
Jérusalem. Et sentoit que il devenoit anchi^, et veoit ses enf*
fims jeunes et à venir, et, réservé l'amour du duc de Bourgoin-
gne et de la duchesse sa femme, il n'avoit nul amy en France,
ne ne povoient avoir ses enffans, car de par leur mère ils
venoient et yssoient des membres et branches de Navarre,
laquelle génération n*estoit point trop àmée, ne alosée en
France, pour les grans meschiefs que le roy Charles de
Navarre, père à la duchesse de Bretaigne sa femme, avoit
fids et eslevés du temps passe en France, dont les traches et
souvenances encoires en duroient. £t, se ' il ' deffailloit en cel
estât, ^sans avoir paix ^ à messire Olivier de Clichon et au
conte de Pentôvre , il se doubtoit trop fort, quant il se res-
veilloit en ses pensées, que quant il seroit aie de vie à très-
pas, que ses enffitns qui estoient joeunes, n'eussent trop de
grans ennemis. Aveuc tout ce il veoit que les amours et
aliances d'Angleterre qui en toute son honneur et enl'iretage
de Bretaigne Tavoient mis , s'eslongoient trop fort de luy et
estoient taillies d'eslongier; car encoires, selon ce qu'il
estoit loyaulment infourmé, il veoit que les aliances se
approuchoient trop fort entre le roy de France et le roy
d'Angleterre ,^ car traittiés se portoient et avanchoient
* Aimée. — "^ De lay. -- '^ Et en la haine mortelle A avoir.
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906 nARiBUMXSABBBXTAGB
> si durement ' que le roy d'Angleterre vooloit avoir & femme
la fille da roy de France et celle proprement qui lay estoit
obligie et enconvenenchie ponr son ainsnë fils.
Toutes ces doubtes mettoit le duc de Bretaigne avant, et
par espédal de la darraine il avoit plus A penser que de
nulles des autres, car c'estoient pour luy les plus doubtables.
Si se advisa et ymagina en soy-meismes , toutes ces choses
considérées par grant loisir» que il briseroit son cuer et sans
nulle dissimulation il feroit paix ferme et entière à messire
Olivier de Clichon et à messire Jehan de Bretaigne et se
metteroit en leur pure voulenté de amender courous ,
fiourûds ou autres dommages que luy ou ses gens leur
auroient fais cedte guerre durant, et autres que du temps
passé auroient eu ensemble, réservé ce que il demourroit
duc et hiretier de Bretaigne, et ses enffans après luy, sur la
fourme des articles de la paix qui jà avoit esté &itte et
séellée par Taccord de toutes parties entre luy et les enffims
messire Charles de Blois, laquelle chartre de paix il ne vou-
loit violer, ne brisier, ne aler contre nuls des articles, mais
les vouloit tenir et accomplir à son léal povoir, et de rechief
jurer et séeller fermement et léaulment à tenir tout ce que
il disoit et prommettoit à faire et à porter oultre. Et, se de
réritage de Bretaigne Jehan de Blois, conte de Pointôvre,
son cousin, n'estoit mie bien party à son gré et souffissanoe,
de ce que dire y auroit, il estoit content de s*en mettre et
couchier À la pure ordonnance, sans nulle exception, ne di»-
simulation, du visconte de Rohen , du seigneur de Dignant,
du seigneur de Lyon, du seigneur de Laval, du seigneur de
Beaumont et de messire Jehan Harpedane.
Quant le duc de Bretaigne ot jette et advisé en soy-
meismes tout cepourpos, sans appeUer homme de son conseil,
'-' TeUement.
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BT b'outibr db CLISSOH . 909
il flst venir avant ung clerc ; et, quant il fut venu, il 8*en-
douj en une chambre, luy et le clerc tant seulement, et prist
une feuUe de papier de la grant fourme, et puis dist au
derc : « Escripts ce que je te nommera;. » Le clerc se
ordonna à escripre et escripvy, et luy nomma le duc de mot
à mot tout ainsi que il vouloit que il rescripvist. Si fut
celle lettre escripte et dittée si doulcement et si amiablement
comme il peult et sceut, et sur fourme et manière de paix ;
et prioit bien doulcement et ^ amoureusement ' À messire
Olivier de CUchon que il se voulsist mettre en ' tel party^
que ils poussent avoir secret parlement ensemble , et les
choses descenderoient en tout bien.
Quant la lettre fut faitte * au plus doulcement et hum-
blement que il peut et sceut, sans nuUuy appeller fors luy
et le derc, il la séella de son signet, et prist le plus pro-
chain varlet de chambre que il euist et luy dist : a Va-t-en
• au Chastel-Josselin et dy hardiement que je t'envoie par-
c 1er à mon cousin messire Olivier de Clichon. On te fera
• parler à luy. Si le salue et luy bailles ces lettres de par
« moy et men rapportes la response, et garde bien sur ta
« vie que à nul homme, ne femme tu ne dyes où tu vas, ne
t qui t'y envoyé. »
Le vallet respondy : « Monseigneur, voulentiers. » Il se
mist * à la voye ^ , et tellement exploitta que il vint au
Chastel-Josselin. Les gardes du chastel orent grant mer-
veilles, quant ils luy oyrent dire que le duc de Bretaigne
renvoioit parler au seigneur de Clichon ; néantmains ils
comptèrent ces nouvelles à leur seigneur, lequel fist tan-
tost venir le varlet qui les lettres luy apportoit , devant
luy, et lequel flst bien son message. Messire Olivier de
Clichon prist la lettre que le duc luy envoyoit séellée de
*-* Amiablement. — *"* Manière. — • Et deviaée.— •"' Au chemin.
XV. — fROISSART. 14
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MO TtJJti nu DDC M BBSTAQHB
son sigaet secret, lequel il coBgaoissoit moult bien. Si
Fouvry et lisi tout au long par deux eu par trois fois pour
mieulx entendre, et en lisant il ne se. poYoittrop esmer-
veillier des doulces paroles traittables et amiables qui en la
lettre estoient contenues et escriptes. Si pensa sus moult
longuement et dist que il en auroit advis du rescripre, et
flst le varlet qui les lettres avoit apportées, bien aaUier
et mener et mettre en une chambre tout par luy. De
toutes ces choses ainsi faittes et advenues avoient ses gens
bien grant merveilles et bien le povoient ayoir, oar. en
devant ce il n*euist déporté nul homme, ^rlet, jie autre,
de par le duc, que tantost n*euist esté mort ou mis en pri-
soa douloureuse:
Quant messire Olivier de Clidion fut entré en sa cham-
bre, il commença moult fort à penser et à buisier pour ces
nouvelles, et ce luy brisolt grandement son maltalent, que
le duc se humilioit ^ si grandement * envers luy, qui si
doulcement luy escripvoit, et dist ainsi à soy-meismes.qua
il le vouldroit esprouver ; car sur ceste lettre, sur prom-
messes, ne paroles qui dedens fuissent escriptes, il ne sX
' oseroit * asseurer ; car, se mal luy en prendoit, il ne seroit
de nulluy plaint. Il dist que il rescriproit à luy, et là où.
il luy vouldroit envoyer son fils qui hostage faist pour luy,
il yroit parler a luy là où il luy plairoit, et pour riens non
aultrement. Âdont escripvy messire 'Olivier de Glichon unes
lettres moult belles, doulces et moult traittables au duc de
Bretaigne, mais la conclusion estoit telle que, se il vouloit
qu'il venist à luy parler, il luy envoiast avant son fils en plesge
et hostagerie, et se il s^oit bien gardé jusques à son retour.
Ceste lettre fut escripte et séellée et baillie au varlet d^
duc , lequel se mist au retour et vint à Venues là où le duc
•■• Tant. — »-* Oaoit.
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BT 0*OUyiER DE CLISSON. 2ii
Tattendoit , et luy bailla les lettres de messire Olivier de
Clichon. Le duc les print, ouvry et liay, et quant il en vey
le contenu, il pensa sus ung petit, et puis dist : a Je le
« feray. Ou cas que je traitte amoureusement à hiy, toute
« conjonction damour y doit estre. » Tantost il rescripvy
par devers le visconte de Rohen qui se tenoit au Gayre,
ung chastel en la marche de Venues. Quant le visconte
vey les lettres du duc, tantost il vint à Venues. Luy venu,
le duc luy remonstra toute son intention et luy dist : « Vis-
« conte, vous et le sire de Montbouchier , menrés mon flld
« au Ghastel-Josselin et le lairés là, et si me amenés mes-
« sire Olivier de Clichon, car je me vueit accorder À luy. »
Le visconte respondy que tout ce f^x>it-il voulentiers.
Depuis ne demeura gaires de jours, que le visconte et le
sire de Montbouchier et messire Yves de ^ Tigré * ame-
nèrent l'enfifant qui povoi! avoir environ sept ans, au Chas-
tel-Josselin à messire Olivier de Clichon qui les recueilly
et honnoura grandement. Quant il vey Teuffant et la bonne
affection du duc, il se humilia grandement, aveuc ce que
les trois chevalliers luy dirent : « Sire, vous veés la bonne
« * affection ^ du duc. Il ne monstre riens deforainement
« que le cuer et la bonne affection n'y soit. » — « Je le
« voy très-bien, respondy messire Olivier, et pour tant
« que je perchoy la bonne voulenté dé luy, je me metteray
« si avant que tenu seray en son obéissance. Et vous
« qui estes assës prouchains de luy et éns èsquels il a grant
c fiance, quant il vous a baillié son hiretier pour moy ame<-
« ner et icy laissier en hostage '', je ne sçay se il vous a
« dit ce que il m*a rescript et séellé dessoubs son ^ séel de
• secret ^ » Dont respondirent les chevalliers et tout d*une
*'■ Tr^ségoidi. — *-* Volonté. — ■ Tant que je soie retourné. —
•-' Signet. r
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Sis TRÀITi DU DUC MB BEITAGia
voix : « Sire, il nous a bien dit que il a grant désir de
« venir à paix et à concorde devers vous, et de ce nous
« povës-vous bien croire, car nous sommes de vostre
« sang. » — « Je vous en croybien » , respondy messire
Olivier de Clichon, et adont ala-il qaerre la lettre que le
duc luy avoit envoyée, et leur lisy. Quant ils Teurent oye ,
ils respondirent et dirent : « Certes, sire, tout ainsi que
f ceste letft*e le contient, le nous a-il dit, et sus cel estât
« nous a-il mandés et cy envoyés. » — « Or vault mieulx, »
respondy le sire de Clichon.
Depuis euls venus (les trois chevalliers qui le hiretier du
duc avoient amené) , messire Olivier s'ordonna et mist en
bon arroy et se party du Chastel-Josselin avec les III cheval-
liers et remistrenfanten 'sa'compaignieet dist qu illeremen-
roit à son père le duc de Bretaigne, car bien s*affioit d'ores-
en-avant au duc et en sa parole, quant il Tavoit esprouvé si
avant, dont ce fiit grant humilité. Mais, sicomme il disoit :
a En bonne paix, concorde et amour ne doit avoir nul
« umbre de trahison, ne de dissimulation, mab doivent
« les cuers concordans estre tous d'une unité. »
Tant chevauchèrent que ils vindrent à Venues toua
ensemble. Et avoit le duc ordonné que messire Olivier
de Clichon descenderoit en une église des Frères-Prédi-
catours , laquelle siet au dehors de Venues, et là
vendroit le duc parler à luy. Ainsi comme ordonné fut,
il fut &it. Et quant le duc vey que messire Olivier de Cli-
chon avoit ramené son fils en sa compaignie , si le tint à
grant ' amour ^, et s*en contempta très-grandement, et vint
de son hostel de la Motte parler À messire Olivier de Cli-
chon en la maison de ces Frères, e1^ s'enfermèrent ensemble
en une chambre et là ' s'accointièrent * de paroles , et puis
•-« Lear. — V Goortoiûe. — *^ S^entre-acoomtiérent.
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ET DOLlTlEa DE CLISSON. 213
yssirent hors par derrière les jardins , et vindrent À ung
rivage , qui respondoitÀ ung courant d*eau douice, laquelle
entroit en la mer.
Le duc vint sur le rivage, et messire Olivier de Clichon
en sa compaignie ; et entra le duc en ung batel et flst
entrer messire Olivier aveuc luy et de là ils se ^ remuèrent *
en une plus grosse nef gésant à Tancre à Feutrée de Tem-
bouchure de la mer ; et quant ils furent bien ' esseulés ^ de
toutes gens, ils ' parlementèrent * moult longuement ensem-
ble. Toutes leurs devises et paroles je ne peuls scavoir, mais
Tordonnance fut telle que je vous ^ compte *. Et cuidoient
leurs gens que ils fuissent encoires en Féglise parlans
ensemble, mais * non estorent ^^, ains parlementoient en la
nef et ordonnoient et composoient leurs paroles, ainsi que
Qs vonloient qu'elles fuissent et " alassent " ; et furent en
cel estât, sicomme il me fut dit, ^* largement ^* deux heures,
et lÀ flrent-ils très-bonne paix et la jufèrent de foy créan-
tée run à l'autre à tenir sans nulle dissimulation. Et, quant
ils verront yssir, ils appellèrent le batellier qui amenés les
7 avoit, et les ala requerre et les remist en son batel, puis
les ramena où pris les avoit ; et entrèrent tous deux en
Féglise par derrière, et par les jardins ou cloistre des
Frères, et assés tost après ils se départirent de là, et
emmena le duc de Bretaigne messire Olivier, tenant par la
main, amont ens ou chastel de Venues, que on dist la Motte.
De oeste aocointance, paix et aliance furent grandement
resjouys tous œulx du pays , quant si amiablement les
veœent ensemble ; et aussi furent tous ceulx de Bretaigne,
quant les nouvelles en furent sceues et espandues parmy
toute la province, et furent moult esmerveilliés de ce que
•-■ Remirent — «^ Etlongi^. — ••• Parlèrent. — '-• Comptera.
— *^ NoQobetaat ili n'y estoient pas. — "-•• Demonraaaent. —
*>-«« L'espace de plaide.
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2i4 PIERRE BB CRAOn
ils avoient fait paix ensemble par la manière que dit vous ay .
 celle paix et ^ accointance * ne perdy riens Jehan de
Blois, conte de Pentèvre, mais y gaigna et augmenta ses
revenues en Bretaignede vingt mille couronnes d*or, que on
dist escus de France, par an, bien ^ assises ^, prinses et mises
au los et entente de son conseil et de son adveu, ^ perpétuel-
lement à luy et à ses hoirs, et fut adont fait et ordonné ung
mariage du âls au conte de Pentèvre à la fille du duc de
Bretaigne pour mieulx conformer et tenir en amour toutes
leurs aliances ; et qui plus avoit mis à la guerre, plus y avoit
perdu. De ceste paix furent grandes les nouvelles en France
et en Angleterre.
Vous avés bien icy-dessus oy recorder comment messire
Pierre de Graon enchéy en Tindignation du roy de France
et du duc d*Orléans pour la cause du connestable de Franoe,
messire Olivier de Clichon, qu'il avoit voulu ocdr et murdrir
de nuyt en* râlant^ de Saint-Pol à son hostel, et comment le
duc de Bretaigne avoit soustenu en ses forteresses oe messire
Pierre de Craon, pour laquelle soustenance le roy de France
s*en estoit * ensonnyé * , et euist fait guerre au duc de Bre-
taigne, se la maladie qui soubdainement le prist et assailly
sur les champs entre le Mans et Ângiers, ne luy feust yeaue ;
et par ceste incidence merveilleuse Tarmée du roy et Tas-
samblée ^e deffist et desrompy, et s'en ^^ râla " chascunen son
lieu. Et si ^* scavés ^* comment le duc de Bêrry et le duc dé
Bourgoingne alèrent au devant de ceste besoingne et aequeil-
. liront en grant hayne telle '^ que bien le monstrërent'^, ceolx
qui avoient conseillié le roy de France à aler en Bretaigne,
tels que messire Olivier de Clichon, le sire de la Rivière,
•-• Ordonnance. — *** Assignées. — * A durer. — •"' Retournant.
— «^ Entremis. — «^" Retourna. — «*••» Avés ony. — "^^ Qu'ils le
remonstrérent.
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liBYJBST A PAEIS. 31K
meemre Jehan leMerchier, Montagu et autres, qui eu eurent
d^ttis grande et longue pénitance de corps. Et eurent en
gouvernement le royaulme de France, tant que le roy fut en
la maladie , souyçrainement ses deux oncles le duo de Berry
et le duc de Bourgoingne. Et se avés ouy comment le duc
de Bretaigne et messire Olivier de Clichon se gueiroièrent
de guerre felle , mortelle et crueuse, et aussi comment ils
ârentpaix, et de la délivrance du seigneur de la Rivière et
de messire Jehan le Merchier et de Montagu, lequel Montagu
n'ot pas tant de payne à beaucoup près comme les autres ;
car, si tost que le roy fut retourné en santé, il volt avoir
delés luy, comment qu*il fuist, Montagu, et Taida à excuser
de toutes choses, et ainsi se passa.
. Vous devés savoir que la maladie du roy de France ou
ke autres maladies (car il en ot plusieurs qui ^ soixrdirent *
'de renchéances^, dont on estoit esmerveillié et tourblé ens
ou royaulme de France), abatirent grandement la puissance
du roy et ses voulentés, et en furent près perdus et menés
jusques À mort les trois dessus dis. En ces vacquations et
tribulations, messire Pierre de Graon, de toutes ces mes-"
chéances, paines et travauls que le roy et ses consauls
avoient, n'estoit mie courrouchié, mais resjouy, et procuroit
trop fort et faisoit pryer et traittier que il peuist retourner
enlagtâceet amour du roy et de Tôstel de France, et
estoient ses procureurs et trâitteurs le duc de Bourgoingne
et messire Guy de la Trimouille , et trop légièrement feust
vfflm à toute paix et accord , se ce n'euist esté par espécial
le duc d^Orleans qui à la fois rompoit et empeschoit tous ces
tndttiés ; et tant que la hayne euist duré entre le duc de
Bretaigne et messire Olivier de Clichon, certes il ne fuist
venu à nulle paix, ne accord , mais quant là chose fut véri^
• Lny — •"• Sçor^ûreot. — »•* Où il renchAol * . - * *
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216 us Bfifii
tablement scétte de la paix et accord du dac deBretaighe et
du sire de Clichon , la querelle à messire Pierre de Graon
en fut grandement adoulcie.
En ce temps Tavoit ahers en plait en parlement pour la
somme de cent mille frans la royne de Naples et de Jhërusa-
lem et duchesse d*Ânjou, nommée Jehanne, et se tenoitla dite
dame toute quoye à Paris pour mieulx entendre à ses besoin-
gnes. Messire Pierre de Graon qui se veoit en ce dangier et
traittier en parlement, et ne sçavoit, ne sçavoir ne poToit
comment les besoingnes et les arrésts de parlement se por-
teroient ou pour luy ou contre luy, et avoit à feire À forte
partie (car la dame prouvoit bien sur luy qu il avoit eu oe
et receu, vivant le roy Louys son mary, roy de Naples et
de Jhérusalem), toutes ces choses ymaginant et considérant,
n*estoit pas bien aise, car encoires se sentoit-il en la malivo-
lence et hayne rancuneuse du roy de France et du duc d'Or-
léans ; mais le duc de Bourgoingne et la duchesse le recon-
fortoient, aidoient et conseilloient ' ce * qu'ils povoient. Il
avoit gr&ce' que il setenoit ^ À Paris, mais c'estoit couverte-
ment et très-secrètement, et se tenoit le plus en l'ostel d'Ar-
tois delés la duchesse de Bourgoingne.
En ce temps escripvy le roy Henry de Honguerie lettres ^
moult doulces et moult amiables au roy de France si nota*-
blement que par ung évesque de Honguerie et deux de ses
chevalliers, et estoit contenu en ces lettres une grant partie
de Testât et affaire de TÂmorathrBaquin, et comment celluy
Amorath se vantoit (ainsi l'avoit mandé au roy de Hongue-
rie) que il le venroit combatre * ou mylieu de son pays
et chevaucheroit si avant que il venroit À Romme et feroit
*-« Tant. — »^ D'dfltre. — • Qui estoieat. ^ • Jusque.
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l'appui des princes chhétiens. 217
son cheval mengier avoine sur l'autel saint Pierre à Romme,
et tenroit là son siège impérial et amenroit Tempereur de
C!onstantinoble en sa compaignieettous les plus grans barons
du royaulme de Grèce, et tenroit chascun en sa loj : il n en
vouloit avoir que le title et le nom et la seigneurie.
Si prioit le roj de Honguerie par ses lettres au roj de
France que il voulsist entendre ad ce et luy encliner que
ces haultes besoingnes des marches loingtaines fuissent
signifiées et certiffiées notablement et esparses ^ parmy le *
royaulme de France à la fin que tous chevalliers et escuiers
se voulsissent esmouvoir sus l'esté à eulx pourvoir et aler
en Honguerie et aidier le dit roy de Honguerie à résister
contre le roy Basaach dit l'Amorath-Bacquin, affin que sainte
crestienneté ne fuist foulée , ne violée par luy, et que ses
vantises luy fuissent ostées et reboutées. Ainsi plusieurs
paroles et ' ordonnances'' de grant amour, comme roys et
cousins escripvent Tun à lautre en cause de nécessité et
d'amour, estoient escriptes et contenues en ces lettres , et
aussi ceulx qui les apportèrent, lesquels estoient souffissans
hommes et bien enlangaigiés, s'en acquittèrent bien, et tant
que le roy de France s'y enclina de tout son cuer, et en
valurent grandement mieulx les traittiés de mariage de sa
fille an roy ' d'Angleterre, et s'en approchèrent plus tost que
se ces nouvelles ne fuissent point venues^ ne apportées de
' Honguerie en sa court ; car, comme* le roy de France est^
chief de tous les roys chrestiens de ce monde, il y vouloit
pourvoir.
Si furent ces lettres tantost et ces nouvelles de Honguerie
publyées , certiffiées et signifiées en plusieurs lieux et
» esparses • en plusieurs pays pour esmouvoir les cuers des
*•• Par luy m» — '"* BemontPMicoi. — * Richard. — ••' Roy de
France et. — *"* Esparties.. Escriptes.
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218 LÉ COMTE DE HSTBRS
gentils hommes qui désiroient à voyagier et à aranebier
leurs corps. •
Quant ces nouvelles furent venues au roy de France, pour
ces jours , le duc de Bourgoingne et la duchesse et Jehaâ
de Bourgoingne leur ainsné fils, conte de Nevers, qui pcwt
n*estoit encoires chevallier , estoient à Paris, et messire
Guy de la Trimouille et messire Guillemme son frère, mes-^
sire Jehan de Vienne, admirai de France, et plusieurs barons
et chevalliers du royaulme de France. Si fut * regardé et
considéré en Tostel du duo de Bourgoingne par espedal ,
(lequel duc àd ce très-grandement s enclinbit), que Jehan de
Bourgoingne son flls entrepresist ce voyage et se fesist
chief de tous les Franchois et des nations nommées eoa ô9
loingtaines marches le Ponnent. Ce Jehan de Bourgoingne
pour 1ers estoit joeune fils en Teage de vingt-«t*âeux ans»
assés sage , courtois , traittable , humble et débonnaire et
* amé de tous chevalliers et escuiers de Boui^oingne et
d*autres nations qui avoient la congnoissance dé luy , et
avoit pour ^ mouillier et espeuse * à ces jours la fille an duc
Aubertde Bayvière , conte de Haynnali, de Hollande et de
Zéellande , une moult bonne dame, sage , discrette et bieil
dëvotte; et avoient desjà deux moult beaulx enlSans , par les^
quels on espéroit en temps advenir nobles et grans mariages.
On donna & ^ sentir ^ de costé à Jehan de Bourgoingne
toute Tordonnance de ce voyage et que le roy de France y
vouloit envoyer à la pryère et requeste de son cousin le roy
de Honguerie, pour scavoir quel samblant il en feroit.- Il
parla et dist en telle manière : « Se il plaisoit à mes deux
« seigneiirs , à monseigneur le roy et à monseigneur mon
« père, je me feroie voulentiers chief de ceste année .et
* Avisé. — « Moult. ~ •■* Femme espotisëe. —'•* Entendre.
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CHEF DE L'BXPiDITlOff. 219
« assambléd ; et si me vendroit moult bien à pointt car
« j*ay trôchgrant désir de moy avanchier. n Âdont luy fut
respondu : o Sire « parlés-ent premier à Tostre père,
« poursçavoir seœseroit bienson plaisir que vousalissiés
I en ce voyage de Honguerie ; et, se il le vous accordoit ,
« il en parleroit au roy , car sans luy et son ordonnance
« ne povés-vous riens faire touchant oeste matière. »
Su9 oest advis et information ne demeura gaires que
Jehan de Bourgoingne parla au duc son père , en luy hum^
blement priant que il voulsist consentir et accorder que il
peuist aler en ce voyage de Honguerie ; car il en avoit très-
bonne volonté. A ceste prière et requeste faire du fils au
père estoient ddés luy messire Guy de la Trimouille et
messire Guillèmme de la Trimouille son frère , messire
Jaques de Vergy et autres chevalliers, qui se boutèrent ens
es paroles et dirent au duc : « Monseigneur , ceste prière
< que Jehan de Bourgoingne vous fait, est bien raisonnable,
« car il est désormais temps que il prende ^ lordonnance '
« de chevallerie , et plus honnourablement aujourd'hui il
« ne la puet prendre , ne avoir que sur les ennemis dé
I Dieu nostre créateur. £t ou cas que le roy de France y
« voeult envoyer, il n'y poeult envoier plus honnourable
« chief que son cousin germain vostre fils, et verres et trou-
« verés que moult de chevalliers et d'escuiers pour leur
I avanchement se metteront en cest voyage ^ en sa com-
« paignie. » Â ces paroles respondy le duc et dist : a Vous
a avés raison de ce dire , et la bonne voulenté de nostr»
« fils nous ne luy voulons ester , ne brisier ; mais nous en
tt parlerons au roy, et verrons quel chose il en respondera. »
Ils * s'appaisièrent ^ à tant.
Depuis ne demeura gaires ^ que le duc en parla au roy,
*■• L'ordre. — » Et iront. — *-• Se teurent. — • De terme.
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2SX) LE COMTE DE RETBES CHEF BE L'EXPfeinON.
et le roy tout incontinent s*i enclina ^ et dist que ce seroit
bien fait se il y aloit : t Et nous voulons que il y voise « et
« luy accordons , et le faisons chief et capitaine de ceste
« besoingne. » Âdont s*espandirent les nouvelles parmy
Paris et hors de Paris , que Jehan de Boui^ingne , à tout
très-grant charge de chevalliers et d*escuiers, yroit en Hon-
guerie et passeroit oultre en la Turquie , et entreroit et
marcheroit si avant que il yroit veoir la puissance de
TAmorath-Baquin, et, ce voyage achiévé , les chrestiens
yroient'en Constantinoble et passeroient oultre au bras
Saint-Jeorge et entreroient en Surie , et acquitteroient la
Sainte-Terre et dëlivreroient Jhérusalem et le Saint-Sëpul-
cre des payons et de la subjection du souldan et des enne-
mis de * Nostre-Seigneur '. Adont se ^ resveilliôrent * che-
valliers et escuiers * qui se désiroient à avanchier parmy le
royaulme de France.
Le duc de Bourgoingne , quant il sceut que son flk ^
yroit en ce voyage et en seroit chief, honnoura trop plus
encoires que fidt n*euist, les ambassadeurs de Honguerie ,
lesquels , quant ils voiront la bonne ordonnance et vou-
lenté du roy de France et des François , se contemptôrent
grandement , et prindrent congié au roy et aux seigneurs
de France , au duc d*Orléans , au duc de Berry , au duc de
Bourgoingne , À messire Phelippe d*Artois, conte d'Eu et
connestable de France , au conte de la Marche et À tous les
seigneurs de la court , et puis se mirent au retour par
devers leur pays et reportèrent ces bonnes nouvelles en
Honguerie et au roy qui en fut tout resjouy. Et flst sur
celle entente et venue des François ordonner grandes pour-
véances et grosses , et envola ses messages et ses ambassa-
« Et accorda. — " Dieu. — *^ RecueiDirent. — • Et aoltrea
gentils hommes. — * Jehan.
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LB 8IBB DB GOVCT RiGOGlB AYBG LES CillOIS. SSl
deors devers son firère le roy d*Âllemaigne pour faire ouvrir
ses passaiges , et aussi devers son beau cousin le duc d'Os«
triche , car parmy son pays et les destroits de la duchié
d*Ostriche convenoit-il que ils passassent. Et fist partout
sur les chemins ordonner et administrer vivres et pour-
véances pour les seigneurs de France et leurs routes , et
rescripvy toutes ces bonnes nouvelles et certefiances au grant
maistre de Prusse et aux seigneurs de Rodes , À la fin que
ils euissent advis et se pourveissent contre la venue du conte
de Nevers Jehan de Bourgoingne , qui sus cel ^ esté *
venroit, à tout mille chevalliers et escuiers tous vaillans
hommes ^ en Honguerie , pour tantost entrer en la Tur-
quie et résister aux grans manaches et paroles du roy
Basaach dit TAmorath-Baquin.
En ce temps que ces nouvelles estoient mises hors pour
aler ou dit voyage dont je vous paroUe , estoit le sire de
Coucy retourné nouvellement à Paris d*un voyage où il
avoit esté près de ung an : ce fut sur la frontière et marche
de la rivière de Jeunes, car aucuns maistres jennevoisavoient
infourmé le duc d'Orléans que la terre et toute la ducUé
de Jennes désiroient à avoir ung chief à seigneur , venu et
yssa des fleurs de lis , et pour tant que le duc d'Orléans
avoit à femme et espeuse la fille au seigneur de Milan ,
caste terre et seigneurie ' luy seroit bien séant. En celle
instance le sire de Coucy , à tout trois cens lances et cinq
cens arbalestriers , avoit passé oultre en Savoie et en
Pieumond par le consentement du seigneur de Milan , et là
descendu plus aval dessoubs une cité qui se nomme Alex-
andrie , et venu sur les frontières des Jennevois pour trait-
'-*. EiUt. — * De Jeimes.. De Milan.
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3S9 LE 81RB DE COCCt EST C80I8I
tiar & eulx et pour sgavoir plus plainement leur intention ;
car de force , sll n avoit plus grant puissance et accord et
aliances au pays de Jennes , il n'y poroit riens faire.
Quant le sire de Coucy vint premièrement sur les tvon-^
Hères de la ririôre de Jennes, où les entrées du pays sont
tant fortes que elles ne sont pas à conquérir , se ceulx du
pays les clouent et y mettent deffense « aucuns seigneurs
jennevoiB par la faveur et ordonnance desquels il estoit lA
venu (et avoient infourmé le duc d*Orléans et son conseil),
luy firent bonne chière et le recueilliôrent dbuleement et
amiablement et le misrent en leur pays et luy offrirent leurs
chasteaulx.
Le seigneur de Coucy, qui fut très-sage et soubtil et nng
chevallier fort ymaginatif et qui cognoissoit assés la nature
des Lombars et Jennevois, ne se volt pas trop avant confier
ou fier en leurs offres et en leurs promesses , et toutesfoîs
il les tint sagement  amour tant que il fut et conversa
aveuc euls ; car trop bien les sQavoit mener par paroles et
par tndttiés , et eut plusieurs parlemens sur les champs.,
non pas en maison , ne en forteresse , à ceulx de la cité de
Jennes ; et plus parlementoit à eulx, et mains conquéroit.
Bien luy faisoient les Jennevois tout signe d'amour et htj
prommettoient moult de choses et vouloient que il s'avalast
jusques à la cité de Jennes ou à ^ Porte-Vendre ^ ; mais la
seigneur de Coucy ne se y osa oncques asseurer. La conclu-
sion de son voyage fut telle que riens n'y exploitta, et quant
il vey que riens il ne besoigneroit, quoyque moult soingneu-
sèment il rescripvoit et signifiioit son estât au dop de Bour-
goingne, il fut remandé et retourna à Paris.
Le sire de Coucy vint si à point à Paris épie ces
*-• Porte-Venna.
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COmiE COMSBILIiBR DU COIOTB DE IIEYBR8. StS
emprinses. et nouvelles. d*&Uer en Honguerie e^toient en
<K>nrs trop grandement, et fût le duc deBourgoingnemoultres»
jûuy de son retour, et le mandèrent en Tostel d'Artûîs.le duo
et la duchesse^ et là luy dirent en signe dQ grant amoUr t
c Sire de Goticy , nous nous confions grandement en vous et
« en vostre sens.* Nous faisons Jehan nostre fils et heVitiep
t entreprendre ung yoiage : à Tonneur de Dieu ôt de toute
« chrestienté puist estre ! Nous scavons bien que sur- tous
« dbeyalliers de France le plus ^ usé ' vous estes et lé plu»
« coustumier en toutes choses. Si vous prions chiôrement
« et flablement que en ce voyage vous vueilliés estre com-
f pains et conseilliers à nostre fils , et nous vous en agau-
« rems gré et à desservir À vous et aux vostres. »
A ceate prière et requeste respondy le sire de Goucjr, et
dist : « Monseigneur, ' et vous madame, vostre requeste et
« parole me doivent bien estre bien commandement. En
« ce voyage se il plaist à Dieu, je iray doublement, et pre-
t miârement par dévotion et pour deffendre la foy de
« Nostre-Saulveur Jhésu-Crist ; secondement, puisque tant
« dlionneur vous me faites et voua me voulés chargier que
c je entende à Jehan monseigneur vostre fils. Je m*en tiens
t pour tout chargië et m*en acquitteray en toutes choses &
c mon léal povoir ; mais , chier sii^e , et vous , ma très-»
t chière dame, de ce faire vous me pourries bien excuser
« et déporter , et espécialement rechargier à son cousin
« moult prochain messire Phelippe d*Ârtois, conte d*Ëu,
« connestable de France, et à son autre cousin le conte de
K la Marche. Tous deux en ce voyage ils y doivent aler, et
c oeulx luy sont ^ bien ^ prouchains de sang et d'armes. »
Dont respondy le duc de Bourgoingne et dist : c Sire de .
« Gouçy, vous avés trop plus veu que ces deux ^ n'aient ^, et
••• Usité. — • Vous. — ^ Moalt. — •' N'ont.
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914 PAÉPAIATIFS
« sçavés trop mieulx où on ^ puet * aler aval le pays que
« nos cousins d*Bu et de la Marche. Si vous chargiés de ce
t dont vous estes requis , et nous vous en pryons. » —
« Monseigneur , respondy le sire de Gouc^ , vostre prière
« m*est commandement , et je le feray » puisque il vous
« plaist , aveuc Tayde ' de messire Guy de la Trimouilie et
« de messire Guillemme son frôre et de Tamiral de France
« messire Jehan de Vienne. » De ceste réponse orint le duc
et la duchesse de Bourgoingne grant joye.
Or se ordonnèrent ces seigneurs de France grandement
et estoffSfement pour aler ens ou voyage de Honguerie , et
prioient les barons, les chevalliers et escuiers pour en avoir
le service et compaignie ; et ceulx qui point pryés n*en
estoient et qui désir et affection d*y aler avoient, prioient
aux seigneurs tels que au conte d*Eu, connestablf de France»
au conte de la Marche et au seigneur de Coucy , que ils les
voulsissent prendre en leur compaignie. Les aucuns estoient
retenus, et les ^ aucuns ' n*avoient point de maistre. Et pour
ce que le voyage estoit long d*aler en Honguerie et de l en
Turquie , chevalliers et escuiers , quoyqu'ils euissent bonne
voulenté de avanchier leurs corps (et ne sentoient pas la
mise et la chevance pour honnourablement faire ce voiage),
se reffraindoient de leur emprise , quant point de retenue
n'avoient.
Vous devés sçavoir que pour Testât du corps * Jehan de
Boui^oingne , riens n'estoit espargnié de montures ,
^ d'armoieries , de chambres ', d*abis, grans, riches et puis-
sans , de vaisselle d*or et d'argent. Et n*entendoient cbam-
•■• Doit. — ■ Et conduite. — *-• Aultref. — • Du jeune. — '"• D'ar-
meures, de timbres.
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TÀILLBS LST£eS PAR LE DUC DE BOURGOGNE. 335
brelens à autre chose ; et fat tantost tout délivré à touâ
officiers pour le corps Jehan de Bourgoingne, et à chascun à
par luy grant nombre de flourins ; et ceolx }es paioient et
délivroient par ordonnance aux ouvriers et aux marchans
qui les ouvrages appartenans à eulx faisoient et ouvroient.
Tous barons, chevalliers et escuiers et en dessonbs, pour
Tonneur de Jehan de Boui^oingne et le leur aussi et pour
ravancement de leur corps s*efforchoient de eulx ^ jolier et
cointier*. Messire Phelippe d*Artois, conte d*Eu, s'ordonnoit
si puissamment que riens n*y estoit espargnië , et vouloit
aler en ce voiage comme connestable de France « et le roy
qui bien Tamoit , luy aidoit quant à la ' chevance * gran-'
dément, et aussi fist-il à messire Bouchicault, mareschal de
France.
Le duc de Bourgoingne advisa et considéra une chose que
ce Toyage , au tout ^ estoffer ^ , cousteroit trop grandement
en mise et finance, et se convenoit que Testât de luy et de
la duchesse sa femme et de Anthoine son fils fuist pannain«
tenu et point brisié, et pour trouver argent il très^soubtille-
ment trouva une arrière-taille ; car de la première taille les
plats pays, hommes des cités, des bonnes villes ^et des chas-
teaulx 86 taillièrœt , et monta celle taille en Bourgoingne
pour la chevallerie première de son ainsné fils à • VI" • mille
couronnes ^^. De rechief À tous chevalliers et dames nobles
qui de luy fief tenoient , joeunes et vieulx , il leur fist dire
que il oonvenoit que ils alassent à leurs coustages en Hon-
gaene en la compaignie de son fils, ou ils paiassent ung
" Mettre en point. — •-• Finance, — *^ Appareiller. — '^Ferm^s.
— ** Cent. — «• D'or.
XV. — VR0I88ART. 15
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TAILLES LBYiBS PAR LB DUC DB BOURGOGKE.
^ tant * d'argent. Si estoient tauxés les ungs à mille ' , les
autres À deux mille, les autres à cinq cens francs , et chas-
con et chascune selon sa chevance et la valleur de sa terre.
Dames et anchiens chevalliers, qui ressoingnoientle traveil
du corps et qui n estoient mie bien tailliés de porter armes,
ne d'avoir telle payne , se composoient *' et paioient à la
voulentë du duc , et sçavoit-on bien lesquels estoient
déportés de celle taille. Jeunes chevalliers et escuiers estoient
ordonnés d'aller en ce voyage, et leur estoit dit : « Monsei*
« gneur ne vœlt point de vostre ai^nt , mais vous yréa
« aveuc monseigneur Jehan de Bourgoingne À vos coustages
« aucunement, non en tout en ce voyage, et luy ferés com-
« pagnie. » De ceste arrière-taille le duc de Bourgoingne
sur ses gentils hommes trouva quarante mille couronnes.
Ainsi ne fut nuls de ce voyage déporté.
Les nouvelles de ce voiage de Honguerie s'espardirent
^ par moult de contrées ^, et quant elles furent venues jusques
en la conté de Haynnau, chevalliers et escuiers qui avoient
désir de eulx avanchier et de voiagier , encommencôrent à
parler ensemble et à dire par advis de pays : u Ceste chose
a se tailleque monseigneurd'Ostrevan^quiest jeuneetenson
(f venir , voist en ce voiage avec son beau-frère le conte de
« Nevers, et ^ ce sera ' une belle compaignie de eulx deux,
a et nous n'y fauldrons point , mais leur ferons compai-
« gnie, car aussi désirons-nous les armes. »
Le conte d'Ostrevan qui pour ces jourâ'se tenoit au Ques-
noy-le-Oonte, entendoit bien et sçavoit assés ce que les che-
valliers et escuiers de son pays de Haynnau disoient l'un à
Y Taux. — • Uvres.— * Et taiUoient. — •^ Partout.— »-• Se fora.
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PEOIST D'BlPÉDinOlf BN FRIBB.
a»
Faatre. Si n'en pensoit mie gramment moins et avoit très-
bon désir et très-bonne affection de aller en ce tant hon*-
nourable voyage et faire compaignie à son beau-frôre de
Bourgoingne. Et quant il advenoit que on en parloit etdevi-
soit aucune chose en la présence de luy, petit en respon-
doit, mais s*en dissimuloit. Bien avoit intention que il en
parleroit à son seigneur de pore le duc Âubert de Baivière,
conte de Hajnnau, et ce que il Ten conseilleroit, il en feroit.
Et advint que le conte d*Ostrevan en briefs jours vint à la
Haye en Hollande où son père estoit, et pour le temps le
plus là il se tenoit aveuc la contesse sa femme. Si luy dist
une fois : c Monseigneur, telles nouvelles courent. Mon
« Jbeau-frère de Nevers a emprins à cest esté d'aler en
a Honguerie et de là en la Turquie sur TÂmorat^-Bacquin,
« et là doivent estre et advenir grans fais d*ar.mes ; et pour
« le présent je ne me sçay où mettre, ne employer pour
« les armes avoir. Si sçauroie voulentiers Fintention de
« vous, se il vous plairoit que je allasse en cel honnourable
« voyage à tout une route de cent chevalliers, et feisse com-
« paignie à mon bel-frëre. Monseigneur et madame de
« Bourgoingne m'en sçauroient trës-bon gré , et moult de
« chevalliers et d'escuiers a en Haynnau , qui voulentiers
« me compaigneroient en ce voyage. » '
A ces paroles, le duc Âubert, comme homme tout pour-
veu de respondre , dist : « Guillemme , puisque tu as la
« voulenté de voiagier et aler en Honguerie et en Turquie
« et quérir les armes sur gens et pays qui oncques riens
a ne nous fourfirent, ne nul article de raison tu n'y as d'y
« aler , fors que pour la vayne gloire de ce monde , laisse
« Jehan de Bourgoingne et nos cousins de France faire
« leurs emprises , et fay la tienne à par toy, et t'en va en
« Frise et conquiers nostre héritage, que les Frisons par leur
« orgueil et rudesse nous ostent et toUent , et ne veulent
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S98 PEOJBT D'BXPiDinON BM PRI8B,
tt nullement venir, ne escbéir en ^ quelqae ' obéissance de
« raison , et ad ce faire je te aideray. » La parole du père
au fils esleva très-grandement le coeur du jeune conte Guil-
lemme, seigneur d'Ostrevan. Si rcspondy au duc son père
et dist en telle manière : « Monseigneur, vous dittes bien, et
« ou cas que il vous plaist que je face ce voyage, je Tentre-
« prendray à faire moult voulentiers , comme raison est. »
De petit en petit ces paroles du père au fils et du fils au
père mouteplièrent tant que le voiage d*aler en Frise pour
celle saison fut ' excepte ^. Le conte d*Ostrevan pour ces
jours avoit deles luy et de son conseil le plus prouchain que
il peuist avoir, ung escuier de Haynnau , qui s'appelloit
Fier-à-Bras et autrement le Bastard de Vertaing, sage homme
et vaillant ^ durement, moult courtois, bien enlangagié, car
il avoit beaucoup voyagié , et moult usé d*armes ^ , sicques
quant les paroles vinrent à l'escuier du conte d*Ostrevan ,
il respondy et dist : « Monseigneur J vous dittes bien, et
« vostre père * vous conseille loyaulment , et mieulx vous
« vault pour vostre honneur que vous fachiés ce voyage
« que celluy de Honguerie, et vous ordonnés selon ce.
« Vous trouvères chevalliers et escuiers de Haynnau et
a d'ailleurs, qui en vostre compaignie se metteront et vous
« aideront à leur lëal povoir à faire ceste emprinse et
a voyage. Et ou cas que vous avés ou aurës la bonne vou-
a lente de là aller, je vous * advise ^^ et conseille que vous
« allés en Angleterre et signiffiés vostre estât et emprinse
« aux chevalliers et escuiers, et pryës au roy d'Angleterre
a vostre cousin que il vous vueille accorder que cheval-
tt liers et escuiers et archiers d'Angleterre, parmy vos
« deniers payans, il vous face celle gr&ce que il les laisse ^^
*-• Nulle. — '-* Accepte. — •• Et moult stylé en fait d'armes. —
' • Vostre père parle bien et. — ••" Advertia. — " Partir et.
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JfiAIf DE MEYERS EN AOTEICHE. 2S9
tf yssir d'Angleterre pour aler en ce voyage de Frise en
« Yostre compaîguie. Ânglois sont gens de fait et d'exploit,
a et, on cas que vous les avés, vous en ferés bien yostre ^
« besoingne. Et, se vous povës avoir par vôstre prière vos-
fc tre cousin le conte d'Erby eu vostre compaignie , vostre
« voiage en seroit plus bel, et vostre emprise de plus grant
« renommée. »
Le conte d'Ostrevan aux paroles et remonstrances de
Fier-à-Brasbastardde Vertaingse enclina du tout, car advis
luy fut que il le conseilloit loyaulment. Et quant il en parla
au seigneur de Gommegnies , il luy en dist en cause de con-
seil * autretant ' , et aussi firent tous ceulx qui l'amoient.
Dont se commenciôrent ces paroles et ces nouvelles à amplyer,
desc^idre et espardre en Haynnau, et fut mise sus une
ordonnance et deffense sur tous chevalliers et escuiers hayn-
nuyers que nul n*entrepresist voyage à &ire , ne à vndier
le pays pour aler en Honguerie, ne ailleurs ; car le conte
d*Ostrevan les embesoingneroit pour celle saison et les
envoyeroit en Frise.
Nous nous souffrirons ung petit de ceste matière et par-
lerons des besoingnes devant emprinses.
Ainsi avoient cause de euls resveillier plusieurs chevalliers
et escuiers en plusieurs parties pour les armes qui apparoient
en celle saison, les ungs pour ^ aler ou ^ voiage de Hongue*
rie, et les autres pour le voiage de Frise. Et en parloient et
devisoient Tun à Tautre, quant ils se trouvoient ou estoient
ensemble. Premièrement Jehan de Bourgoingne, conte de
Nevers, avancha son voyage, et furent nommés et escripts
tous chevalliers et escuiers, qui aveuc luy et de sa charge et
* Employ et. — ••• Autrement. — *■• S'apprester pour le.
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230 IBAM DE hbvers en autucbb.
délivrance * e&toient *• Les pourvëanoes forent fidttes très-
grandes et grosses et bien ordonnées ; et pour oe que le
voiage mouvoit de Iny et quli devoit avoir la renommée en
sa nouvelle chevallerie de ceste emprise, il flst plusieurs
largesses aux chevalliers et escuiers qui en sa compaignie
se misrent, et avantages de délivrances, car le voiage estoit
bien long et coustable. Si convenoit que les compaignons sur
leurs finances ' de menus frais foissent aidiés.
Pareillement se ordonnoient et appareilloient les autres
chieÊt des seigneurs , tels que le connestable de France,
conte d'Eu, le conte de la Marche, messire Henry et messire
Phelippe de Bar, frères, le seigneur de Cioucy, messire Guy
de la TrimouiUe, messire Jehan de Vienne, admirai de .
France, messire Bouchicault, mareschalde France, messire
Regnault de Roye, le sire de ^ Saint*Pol^, le sire de Montca-
vrel, le Hazse de Flandres, messire Loys de ^Friese^ son frère,
le Borgne de * Montcavrel ' et tant d'autres que ils estoient
bien mil chevalliers et escuiers , et tous de vaillance et
d'emprise garnis. Et se départirent tous de leurs lieux sur
^^ le mois de mars " et chevauchièrent par ordonnance et par
compaignies, et trouvèrent tous les chemins envers, car le
roy d'ÂUemaigne avoit commandé et ordonné par tout son
royaulme en Âllemaigne et en Boesme, que tout leur foist
ouvert et appareillié" ce que nécessité leur seroit ", et que
nuls vivres ne leur foissent renchierris.
Les seigneurs de France qui chevauchoient et traveil-
loient sur la fourme que je vous dy pour aler en Tayde du
roy de Honguerie (qui devoit avoir bataille contre le roy
Basaach ditrÂmorath-Bacquin puissance contre puissance),
•-• Iroient. ^ • Et. - *-• Saint-Py. ~ " Vrieee. — •-• Mont-
quel. — ***** La mi-mars. — **-" Ce qui leur estoit nécessaire.
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AMBASSADE ANGLAISE A PARIS. 251
le XX' jour de may passèrent Loheraine et la ^ duchié * de
Bar et tonte la conte de Montbliart et la conte de Bour*
goingue, et entrèrent en Aussay etpassèrent oultre le pays
d'Aussay et la rivière du Rin et la conte de ' Fiëret \ et
puis entrèrent en Austerice , et passèrent tout au long ^ le
pays d' Austerice qui moult est grant et ^ divers en plusieurs
lieux '' et les entrées et les yssues fortes et despertes » mais
ils y aloient tous de si grant voulente que payne et traveil
que ils endurassent, ne leur faisoit comme point de mal. Et
parloient les plusieurs en cheminant de cel Amorath-
Bacquin et ' admiroient ' petit sa puissance.
Le duc d'Ostriche flst aux chiefs des seigneurs en son
pays là où ils le trouvèrent, *^ très-bonne chière " et par espé-
cial a Jehan de Bourgoingne, conte de Nevers ; car '* son
aisné fils ^' Othes monseigneur ^* avoit Marie de Bourgoingne
espousée ^^^ la fille au duc de Bourgoingne et suer germaine
àce Jehan de Bourgoingne, qui chief estoit de ceste^^besoin-
gne ". Tous ces seigneurs de France et leurs routes se
dévoient attendre et trouver en Honguerie en une cite que
on dist Bude.
. Or retournons aux autres advenues de France.
Vous sçavés, sicomme il e^t icy-dessus contenu en nostre
histoire, comment le roy Richart d'Angleterre avoit envoie
en celle saison souffissans messages et ambassadeurs en
France devers le roy de France et son conseil pour avoir
à femme et à espeuse madame Ysabel sa fille, et tels que
*-* Cont^. — ••* Fëi-ette. — • Parmi. — •' De divers paya. —
•■• Grémoient... Prieoient moult.— *•■" Aûesi bon recueil.— •""" L'ais-
lïè fils d'Ostiiche. — "** Monseigneur Othes. — " Comme jeunes
qa*ils fussent. — **•" Emprise.
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232 A1IBÀ68ADB AMGLAISE A PABIS.
rarchevesque de Duvelin , Tëvesque de ^ Lincestre * , le
conte MareBchal, le conte deRosteland, âlsau duc d'Yorch,
messire Henry de Biaumont, messire ' Henry ^ de Gliffort,
messire Hues le Despensier, messire Jehan de Robersart
et plusieurs autres ; et avoient si bien exploittié et besoin-
gnië en ce voyage que le roy de France leur avoit fait bonne
chiëre, et aussi tous ses oncles et leurs consauls. Et estoient
ces devant dis ambassadeurs et leurs gens retournés en
Angleterre en joye, et avoient donné au roy d'Angleterre
sus ses requestes et plaisances grans espoirs et conforts en
l'asseurant de parvenir à ses demandes. Et sur ce le roy
d'Angleterre n'avoit point ygnoré , ne dormy sur ces
besoingnes, mais avoit, tout l'yver qui s'epsieuvy, envoie et
resveillié le roy de France et * raffreschy • de ce? matières,
et à tout ce s'enelinoit le roy de France et ses consauls
assés, qui espéroient et tendoient i venir à fin de guerre
qui trop longuement avoit duré entre France et Angleterre.
Tant et si bien s'estoient portés ces procès et ces traittiés
et poursieutss, et tant et si amoureusement avoient escript
ces deux roys l'un à l'autre, que les besoingnes estoient fort
^ approchies *, car le roy d'Angleterre prommettoit loiaul-
ment que il auroit tels ' les hommes en ^^ son pays que paix
seroit entre France et Angleterre. Par le moyen de ce trait-
tié se approchèrent^^ tellement ^* les besoingnes que de
rechief le conte Mareschal et le conte de Rostelant et tous
ceulx (ou en partie), qui la première fois furent en France
sur Testât du mariage, y furent renvoies, et vindrentàParis
et se logiôrent tous à la Groix-du-Tiroy , et comprendoient
les Anglois toute la rue et là environ bien avant, car ils
estoient bien cinq cens chevaulx , et tous furent délivrés
*•• Wincestre. — ••* Loys. — ■-• Fait souvenir. — *-• AdTanchièes.
- •■«• Ses hommes et. - "-" Si.. Si fort.
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PROCÈS D0 SmB M «RAOIt. 2SS
de par le roy de France, et si séjoumërent à Paris plas de
trois septmaines.
' Entreux'que ces seigneurs ambassadeurs et messagiers
de par le roy d^Ângleterre estoient à Paris, laroyne Jehane,
duchesse d'Anjou, qui s'escripvoit royne de Naples et de
Jhërusalem, estoit aussi à Paris, et poursieyoit moult fort
ses besoingnes , car elle fut une dame de trës-grant dili-
gence. Ses besoingnes estoient telles, pour lors, que je vous
diray. Elle playdoit en parlement pour deux choses. La
première estoit pour l'éritage de la conté de Roussy à ren-
contre du ' conte * de Brienne ; car Louys duc d'Anjou *
Tavoit achetée et payé les deniers à une dame qui fut con-
tesse de Roussy, jadis femme à messire Louys de Namur ,
mais elle se desmaria en son temps de messire Loys de
Namur , et trouva cause raisonnable • pour quoy ce fut ^.
La seconde cause estoit à rencontre de messire Pierre de
Graon, et luy demandoit la somme de cent mille frans, les-
quels elle monstroit bien et prouvoit sur luy que il les avoit
levés et recheus ou nom de son seigneur et ' mary ^ le roy
Louys de Naples, de Sézille et de Jhérusalem, et s'en estoit
le dit messire Pierre de Craon chargié du payer en Puille.
Mais , quant les nouvelles luy vindrent que le duc d'Anjou
roy et sire des dittes terres, son maistre et seigneur, estoit
mort, il ne chemina plus avant et retourna en France et
mist toutes ces sommes ^^ de flourins ^^ en son prouffit et
n'en rendy oncques compte à la dame royne dessus ditte ,
ne à ses enffans Louys et Charles , mais les dissipa en
" orgueils " et beubans. Et par celle deffaultela dame disoit
*-• Bntretant. — V Duc. — • Son mari.. Son seigneur. — •*'
oent ce ftist. —■ ••• Maistre. — "-" D'argent. — •■•*•. Oi^gueil.
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334 PROCkS DB LA RBINB DE NAPLBS
et monstroit sur luy que la terre de Naples estoit perdue et
conquise de Marguerite de Duras et des hoi^ messire
Charles de la Paix ; car les souldoiers du roy Louys son
roary dessus dit, qui luy aidoient à maintenir sa guerre en
Puille et en Galabre, n'avoient point este payes : si estoient
les plusieurs tournés^ en la partie du* conte de Saint-
Séverin et devers Marguerite de Duras, et les autres ayoient
cessé de faire guerre.
Toutes ces causes estoient mises en ' parlement ^ en la
chambre du ^ palais ^ de Paris, proposées , monstrées et
demandées et deffendues de toutes parties données. Et jà
en avoit-on bien plaidoié ^ trois ans tous entiers, quoyque
le dit messire Pierre de Graon fuist absent de Paris et de
parlement ; mais ses advocas le defTendoient de grant manière,
et disoient que, se messire Pierre de Craon avoit rechupt^
ou nom du roy Loys de Sézille, de Naples et de Jhérusalem,
cent mille frans , le dit roy estoit bien de tant tenu et de
plus envers le dit messire Pierre de Craon à bon compte
fait des beaulx et grans services que faits luy avoit.
Tant furent ces choses démenées et playdoiées en parle-
ment à Paris que il leur convint avoir fin et conclusion, et
la dame dessus ditte y rendoit grant payne ad ce que arrest
en parlement en fuist rendu. Les seigneurs de parlement,
considéré toutes choses, ne vouloient mie parler si avant
que pour rendre arrest, se ils n*estoient fors de toutes les
parties. Et messire Pierre de Craon ne se osoit point bon-
nement • apparoir • à Paris , car il se sentoit trop grande-
ment en rindignation du roy et du duc d*Orléans pour
Tofiense que faitte avoit et commandé à faire sur la personne
de messire Olivier de Clichon, connestable de France. Et
•■■ D6ven le. — *-♦ Jugement. — •^ Parlement. — - ' Longuement
bien. — •-• Comparoir.
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ET DU SIRE DE CHAOlf. 335
convenoit, avant que parlement rendosist sentence ^ ânitiye*
des demandes dont la dessus ditte dame etroyne le poursieu-
voit, que il fuist cler en France et luy fuissent pardonnes
tous ses meffais et peuist quittement chevaulchier et aler
partout , sicques la dame qui estoit contraire et adversaire
à luy » meismement mettoit peine et rendoit grandement
dilligence que messire Pierre de Craon fuist quitte et déli-
vre partout et en tout, réservé d'elle, pour le grant désir
qu'elle avoit de veoir le fons de ces besoingnes.
Tant fut procuré, traittié et prié envers les courrouchiés
sus messire Pierre de Craon, espécialement le roy, monsei-
gneur le duc d*0rléans , monseigneur le trente de Pentëvre
et messire Jehan Harpedane et tous autres du royaulme de
France, qui action povoient avoir en ces matières, que tout
luy fut quittié et pardonné , et fut cler en ses besoingnes
par tout le royaulme de France, et luy monstroient et fai-
soient bonne chière tous seigneurs et toutes dames (ne sçay
se ce fut par dissimulation ou autrement) , tant que le dit
arrest de parlement fut rendu. Et estoit à Paris tenant son
estât aussi grant que il fist oncques, au jour ou ens es jours
que les seigneurs d'Angleterre qui estoient là venus pour
le mariage de France et d'Angleterre, s'i tenoient, et les
avoit aidiés à honnourer et recueillier devers le roy et les
ducs qui là estoient , Berry , Bourgoingne et Bourbon, car
ce fut ung chevallier qui sçavoit ' des honneurs grant
foison ^.
Or fut le jour ' déterminé ' et nommé que les seigneurs
de parlement rendroient leur arrest , car jà estoit-il tout
escript et ordonné et clos jusques à tant que les choses des-
sus dittes fuissent en Testât où elles estoient. Et au jour
que les seigneurs de parlement rendirent leur arrest» ot
*^
•-• Définitive. — '** Moult des honneurs. — ^ Ordonné.
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236 PROCÈS W SIRE RE CRAOII.
grant foison des nobles du royaulme de France à la fin qne
la chose fuist plus autentiqne, et estoit là la rojne de Jhëra-
salem et de Sezille, duchesse d'Angou et contesse de Prou-
yence , çt son fils Charles, prmce de Tarente» et Jehan de
Blois dit de Bretaigne , conte de Pentëvre et de Lymoges ,
et le ducd*Orlëans, le duc de Berrj, le duc de Bourgoingne,
le conte de Brayne et révesque de Laon qui trait en parle-
ment avoientla dessus dite dame pour la conte de Roussy ;
et d'autre part messire Pierre de Graon et plusieurs autres
de son lignaige.
Premièrement arrest par sentence de parlement moult-
autentiquement fut rendu pour la conté de Roussy, et fut
l'iretage adjugië et remis es mains et possession du conte
de Brayne et de ses hoirs qui descendoient de la droitte
branche de Roussy. Réservé ce, il fut dit que la royne des-
sus ditte devoit ravoir en deniers comptans tout ce que son
mary le roy Louys en avoit payé à la contesse de Roussy
dernièrement morte. De ce jugement et arrest les hiretiers
de la ^ contesse * de Roussy, ausquels l'iretage appaftenoit,
remerchièrent les seigneurs de parlement qui cel arrest
ayoient rendu '•
Après se levèrent cenlx qui estoient ordonnés à parler
pour le second jugement , et fut dit ainsi par sentence de
parlement que messire Pierre de Craon estoit tenu envers
madame la royne de Naples, de Sézille et de Jhérusalem,
duchesse d'Anjou et contesse de Prouvence, en la somme
de cent mille frans et à payer de deniers appareilliés ou son
corps aler en prison , tant qu'elle seroit de tous poins con-
temptée et satisfaitte. De cestuy arrest remerchia la dessus
ditte dame les seigneurs de parlement, et tantost et incon-
tinent, à la complainte de la dame, main fut mise de par le
y
•••Conté. —» Et donné.
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nANÇAlLLBS DE RICHÀR» Il BT b'iSABBLLB DE FRANCE. 237
roy de France à messire Pierre de Craon, et fut saisy et mené
sans aacon déport , ne excusance nulle, ens ou chastel du
Louvre , et là fut enferme et bien gardé , et sus cel estât
tous les seigneurs et chevalliers se départirent de la cham-
bre de parlement et de là retournèrent chascun en leurs
lieux et en leurs hostels.
Ainsi furent ces deux arrests rendus comme je vous
' dëclaire * , dont la royne de Naples, de Sézille et de Jhé-
rusalem, duchesse d'Anjou et contesse de Prouvence, estoit ^
et fut principalement cause ; car à son grant pourchas la
chose en prinst conclusion anale.
Environ vingt-et-deux jours furent le conte Mareschal
et le conte de Rosteland et les ambassadeurs d'Angleterre
devers le roy de France et la royne et les seigneurs à Paris,
et leur fut faitte toute la meilleure chiëre et compaignie
comme on peult, et se portèrent si bien les traittiés et les
ordonnances que le mariage fut accordé , pour quoy ils
estoient là venus, du roy d'Angleterre à Ysabel ainsnée fille
du roy Charles de France , et la fiança et espousa par la
vertu d'une procuration ou nom du roy d'Angleterre le
conte Mareschal , et fut celle dame et sera d'ores-en-avant
nommée royne d'Angleterre ; et pour lors , sicomme fus
infourmé , il la faisoit plaisant veoir , com joeune qu'elle
fu|st, car moult bien sçavoit et sceut faire la royne.
Après toutes ces choses faittes et les ordonnances escriptes
et séellées, les ambassadeurs d'Angleterre prindrent congié
an roy de France, et à la royne et à sa fille la royne d'An-
gleterre' et aux seigneurs , et se départirent de Paris , et
retournèrent ' à Calais et de là en Angleterre, où ils furent
moult grandement ^ conjouis ^ du roy et du duc de Laucastre
•^« Dis, — » Arrière. — *-• RecueiUiée.
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258 MAEIAGB
et des seiguears favonrables au roy et à ses plaisances et
intentions. Mais , qaiconqaes fuist de ce mariage resjony
en Angleterre , le duc de Glocestre, oncle du roy, n'en ot
point de feste , car H vey bien que par ce mariage et
aliance, paix seroit encoires entre les roy s et leurs royaulmes
de France et d'Angleterre, laquelle chose il yerroit trop
envis ; se la paix n'estoit trop grandement à l'onneur du
royaulme d'Angleterre et des Anglois , et remis ens ou
point et estât où les choses estoient quant la guerre renou-
Telia ens es parties de Gascoingne. Et en parloit souyen-
tesfois à son frère le dac d'Iorc, quant il le.trouvoit à son
loisir , et le attraioit ce qu'il poToit à ses oppinions, pour
tant que il le sentoit mol et simple et paisible. Au duc de
Lancastre son ainsnë frère il n'en ousoit parler trop large-
ment pour tant que il le sentoit du tout de Taliance du roy,
et bien plaisoit au duc de Lancastre le mariage et l'aliance
de ce mariage, principalement pour l'amour de ses deux
filles la royne d'Espaigne et la royne de Portingal.
En ce temps se remaria le duc de Lancastre tiercement
à une damoiselle, fille d'un chevallier de Haynnau, qui jadis
s'appelle messire Paon de ^Ruet ', et fut en son temps des
chevalliers à la noble et bonne royne Phelippe d'Angleterre,
qui tant ayma les Haynnuiers, car elle en fut de nation. Celle
dame à laquelle le duc de Lancastre se remaria, onl'appelloit
Katherine , et fut mise en sa jeunesse en l'ostel du duc et
de la duchesse Blanche de Lancasti^e. Et advint que, quant
la ditte duchesse Blanche fut trespassëe, sicomme il est
contenu en nostre histoire cy-dessus bien avant, encoires
madame C!onstance d'Espaigne , fille au roy damp Piètre
" Roet. /
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DU DUC DB LANCASTRB. 259
d*Espaigne» où le duc de Lancastre se remaria secondement et
en et celle fille qui fat royne d'Espaigne» et celle seconde
duchesse Constance fut morte, le duc de Lancastre, la
dame vivant, avoit tenu celle Katherine de Ruet, qui aussi
avoit este mariée à ung chevallier d'Angleterre. Le cheval-
lier vivant et mort , tousjours le duc Jehan de Lancastre
avoit amë et tenu celle dame Katherine , de laquelle il ot
trois enffans, deux fils et une fille, dont on nommoit Taisnë
Jehan et aultrement messire Biaufort de Lancastre , et
moult l'aymoit le duc, et l'autre ot nom Thomas, et le dit
duc son père le tint à Tescole à ^ Acquessoufort * , et en
fist ung grant légiste et juriste, et fut ce Thomas évesque
de Lincole en son temps (celle évesquiet est la plus noble
et la mieulx revenant en grant proufBt d'argent de toute
Angleterre). Et pour l'amour de ces trois enffans le duc de
Lancastre espousa ^ la ^ mère madame Katherine de Ruet,
dont on fut en France et en Angleterre moult esmerveillié,
car elle estoit de basse lignie au regard des deux autres
dames la duchesse Blanche et la duchesse Constance, que
le duc Jehan avoit en devant eues par mariage.
Quant la congnoissance du mariage de celle madame
Katherine en fut venue aux haultes dames d'Angleterre,
telles que à la duchesse d'Iorch,> à la duchesse de Glocestre,
à la contesse d'Erby, à la contesse d'Arondel et aux autres
dames des^endans du sang royal d'Angleterre , si furent
moult esmerveiUies et tindrent ce fait à grant blasme, et
dirent ainsi que le duc de Lancastre s^estoit grandement
fourfait et vitupéré , quant il avoit espousé sa concubine ,
et ^ convenroit *, puisque jusques à là estoit venue, que elle
fuist seconde es honneurs en Angleterre: « Or sera la
« roysie d'Angleterre recueillie vitupéreusement. » Puis
••• Asque-Suffort. — "•* Leur. — •-• Convenoit.
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MO MARIA6B OQ DUC M LiHCAfiTKE.
disoiônt oultre : a Nous luy lairons toute seule faire les hou-
a neurs. Nous ne yrous, ne vendrons en nuUe^lace où elle
a soit ;car ce nous tourneroit à trop grant blasme que une
d telle duchesse qui vient de basse lignie et qui a esté conçu-
a bine du duc ung trop long temps en ses mariages S se
« ores qu'elle est mariée , alloit, ne passoit devant nous,
a Les coeurs nous devroient crever de dueil et à bonne
« cause. » Etceulx et celles qui plus en parloient, c'estoit
le duc de Glocestre et la duchesse sa femme, et tenoient le
duc de Lancastre à fol et oultre-cuidié quant il avoit prins
par mariage sa concubine, et disoient que jà ne luy feroient
honneur de mariage « ne de nommer dame , ne sereur. Le
duc dlorch s'en passoit assés briefment , car il estoit le
plus résident delés le roy et son frère * de Lancastre. Le
duc de Glocestre estoit de une . autre ' matière ^ et ordon-
nance , car il ne tenoit compte de nulluy, quoyque ce fuist
1$ mainsné de tons les frères, mais il estoit trop orgueilleux
et présumptueux de manière, et en ce s'enclinoit sa nature,
et m^l concordant à tous les consauls du roy, se ils ne
s'enclinoient du tout à sa voulenté.
Geste dame Katherine^ demeura, tant qu'elle vesquy ,
dui^hesse de Lancastre , et fut seconde en Angleterre et
ailleurs après la royne d'Angleterre, et fut une dame qui
sçavoit moult de toutes honneurs, car elle y avoit dès sa
jeunesse et tout son temps esté ^ nourrie, et moult ama le
duc de Lancastre les enffans que il ot de la dame, et bien
leur monstra à mort et à vie.
Voussçavés, et il esticy dessus contenu en nostre histoire,
ccmiment jugemmit et arrest de parlement de Paris fîit
* Et hors sas mariagas. — ' Le duc. -*• *-* Manière. — * De Ruet.
— * Amenée et.
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LE 9IEB M GftAOlf PUSONHIBR AU LOUTBB. 341
renda sur messire Pierre de Craon» lequel fat condempné
à cent mille frans ^ à devoir à * la royne de Naples et de
Jhëmaalem , duehesse d^Anjoa et contasse de Pronyence.
Qaant le dit messire Pierre de Graon yey que il eut ceUe
condempnation , si fat tout esbahy , car il luy convenoit
tantost payer les cent mille frans ou demeurer tout quoy
ou chastel du Louvre à Paris en prison. Si fut conseillië, et
ce conseil luy vint de costë par le moyen du duc de Bour-
goingne et de la duchesse, que il fesist faire une prière par
la joeune royne d* Angleterre à la royne de Naples dessus
ditta que il fuist ralaxë de prison pour quinze jours tant
seulement , et peuist aler et venir parmy Paris pour pryer
ses amis et pour payer celle finance, ou que pour luy ils
demeurassent hostagiers et il s'en peuist aler en Bretaigne
et tant faire que de rapporter en deniers tous appareilliës
la somme de flourins en quoy il estoit jugië.
. A la prière de la jeûne royne d'Angleterre la royne de
Naples descendy parmy tant que tous les soirs messire
Pierre de Graon devoit aler et retourner dormir ens ou
chastel du Louvre. Messire Pierre de Graon pria moult de
ceulx de son lignage et de son sang ; mais il ne trouva
nuls qui voulsist demeurer pour luy , car la somme estoit
' grande ^ Au chief de quinze jours, il le convint demeurer
tout quoy en prison et atendre l'aventare, et estoit près
garde de nuit et de jour, et les gardes à ses * coustages.
Nous parlerons ung petit de l'emprise et chevaucie que
le conte de Nevers et les princes de France firent en cel
este en Honguerie , et puis retournerons à Talëe de Frise
où le conte de Haynnau et le conte d'Ostrevan ^ furent.
•-■ EiiTeni. — •^ Trop groste. — • Dépens et. — * Et lee Hen-
nnyers*
XV. — FEOISSAKT. 16
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Si9 ut ci(»8fa N*APPEBiiiiBRT mm
Quant Id conte de Neyers et ses routes où moult aydt de
vaillans hommes de France et d'antres pays, furent yenns
en Hongnerie en la cite de ^ Bude \ le roy leur fist ' grant ^
recueillotte et bonne chière» et bien le deyoit faire, car ils
Testoient de loin yenus yeoir et querre les armes. L'inten-
tion du roy de Hongnerie estoit telle que, ayant que il, ne
ses gens , ne ces seigneurs de France se mesissent sus les
champs, il auroit certaines nouyelles de l'Âmorath'-Bacquin,
car le dit Amorath luy ayoit mande dès le mois de février
que il fuist tout conforté et que il seroit à puissance en
Hongnerie ayant l'issue du mois de may et le venroit com-
batre et passeroit la Dunœ, dont l'en avoit trop grant mer-
yeille comment ce seroit , ne faire se pourroit ; mais les
plusieurs disoient : « Il n'est riens que on ne face. L'Amo-
« rath-Bacquin est ung moult yaiUant homme et de très-
« grant emprinse et qui désire moult les armes ad ce qu'il
« monstre ; et puisque il l'a dit , il le fera. Et, se il ne le
« fait et ne passe la Dunoe au lés de dechà, nous, le deyrions
« passer au lés de delà et à puissance entrer en la Turquie ;
« car le roy de Hongnerie parmy les estrangiers aura bien
« cent mille hommes , et ung tel nombre de yaillans
« hommes, c'est bien pour conquérir toute la Turquie et pour
« aler jusques en l'empire de Perse, Car, se nous poyons
« ayoir une journée de yictoire sur l'Amorath-Bacquin ,
0 nous yenrons au-dessus de nostre emprinse et conquerrons
« tout le royaulme de Surie et la Sainte-Terre de Jhéru-
« salem et le déliyrerons des mains du souldan et desenne-
« mis de' Nostre-Seigneur ^ ; car, à l'esté qui retournera,
« le roy de France et le roy d'Angleterre qui se conjoindent
« ensemble par mariage , metteront sus une grant fdson
« de gens d'armes et d'archiers, et trouveront les passages
*-■ Boade. — •"* Une moult grande et bonne. — •.• Dieu.
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DB8 PlOjnS DB BAJAZBT. 245
« tous envers et appareilliës pour eulx recepvoir, et riens
« ne demourra devant ' enix ' , que tout ne soit conquis et
« mis en nostre obéissance, quant nous serons tous ensem-
• ble. » Ainsi se devisoient les François qui estoient ou
rojaulme de Honguerie.
Quant le mois de may fut venu, on espéroit à avoir nou-
velles de l'Amorath-Baquin ; et envoia le roi de Honguerie
sur les passages de la rivière de la Dunœ et fist ung grant
mandement par tout son roialme et mist lagreigneur partie
de sa puissance msemble , et vindrent les seigneurs de
Rodes moult * estoffëement ^. Tout le mois de may on
attendy la venue des Sarrazins, mais on n*en ot nulles nou-
velles , et fist le roy de Honguerie chevauchier aucuns
Hongriens qui estoient aooustumës d'armes et cognoissoient
le pays oultre la Dunoe pour savoir se ils orroient nulles
nouvelles. Quant ceulx qui envoies furent en celle commis-
sion, orent ^ cherdë * biaucoup de pays , ils ne trouvèrent
iqui parler, ne il estoit nulles nouvelles de TAmorath-
Bacquin , ne de ses gens encoires par dechi le bras Saint-
Jeorge, n'en la marche d'Alexandrie, de Damas et d'An-
thioche. Si retournèrent en Honguerie devers le roy et les
seigneurs et rapportèrent ces nouvelles.
Quant le roy de Honguerie ouy ses gens ainsi parler, si
appella son conseil et les seigneurs de France qui là estoient
et qui faire armes dësiroient , pour sçavoir comment ils se
maintendroient en ceste besoingne, et remonstra le dit roy
comment aucuns appers hommes d'armes avoient chevau-
ehië sur la Turquie ; mais il n'estoit nul apparant que l'Amo-
rath*Baçquin^ venist * avant , sicomme il Tavoit mande
notablement que il seroit dedens la * moienne de may ^^ à
*•• Nous. — »-* Eflforctoant, — •^ Chevauchié. — '■• Paatast avant,
ne Tanist. — *^* Mi-may.
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344 LB COKTB DB NBTBBS
puissance oultre la ^ Dunoe ' at venroit combatre le roy de
Honguerie en son pays, desquelles choses le dit roy youloit
bien ayoir et demandoit conseil» et par espédal ' aux barons
de France. Euls conseilliës» ils respondirent (le seigneur
de Coucy parla pour tous) que là ou cas que rAmorath-
Bacquin ne ^ trairoit > avant et que il estoit demeure en
bourde et en mencboingne , on ne demourast pas pour
* tant^ à Yoyagier et faire armes , puisque ils estoient là
venus pour les faire et que tous les Franchois, les Alemans
et les autres estrangiers en avoient grant désir ; et, se ils
* se monstroient prests* de fait et de voulentë i trouver
les Sarrazins et le dit Amorath-Bacquin, ^* leur seroit-ce
plus grant honneur " •
La parole du seigneur de Coucy fut acceptée de tous les
barons de France qui là estoient, et aussi ce fut Toppinion
des Alemans et des Behaignois et de tous les estrangiers,
pour employer leur saison.
Adont fut ordonné de par le roy de Honguerie et les
mareschaulx que chascun se ordonnast et appareillast selon
luy, et que dedens tel jour qui fut nommé (ce fut aux octaves
de la SaintJehan-Baptiste) on se départesist et se mesist-
on au chemin pour aler sur la Turquie. Ainsi que il fut
dit, il fut fait. Adont veisȎs-vous gens et hommes d'offices
ensonniés et appareilliés pour entendre ad ce qu'il " besoin-
gnoit ^' à leur maistres et deappointier tellement que point
de ^^ deffaulte ^^ n*y euist. Ces seigneurs de France qui vou-
loient oultre passai, pour estre frischement et richement
•-•Mer. — " Il s'adressa.. Il demandoit et s'adressoit. — *-• Traioit
pas. — •-* Ce. — •-• Le monstroient. — *•" Tant leur seroît
rhonneor plus grande. — **•*• Convenoit. — •<" Faulte.
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PA86B LE DIHUBE. 245
ordonnes, firent entendre à leurs hamas et à leurs armeàres,
et n'espargnoient or , ne argent pour mettre en ouvrage
autour d'euls.
Moult fut Testât grant ^t bel, quant ce vint au départir
de Bude la cite souveraine de Honguerie, et se misrent tous
'sur les champs. Le connestable de Honguerie ot l'avant-
garde , et ung grant nombre d'AIlemans en sa compaignie,
pour tant que il congnoissoit le pays et les passages. Après
luy cheminoient et chevauchoient les Franchois, le connes-
table de France , messire Phelippe d'Artois, conte d'Eu, le
conte de la Marche , le seigneur de Coucy, messire Henry
et messire Phelippe de Bar et plusieurs autres barons et
chevalliers. En la compaignie du roy de Honguerie et
délës luy le plus du temps chevauchoient les plus grans de
son pays, c'estoit raison , et aussi d'encoste luy Jehan de
Bourgoingne , conte de Nevers, et se devisoient souvent
ensemble. Bien se troùvoient sur les champs soixante mille
hommes tous bien montés. Petit en y avoit de piet, se ce
n'estoient ^ gens sieuvaus '. La compaignie des crestiens
estoit noble et bien ordonnée. Entre ces Hongres avoit
grant foison d'arbalestriers aux chevaulx.
Tant 'cheminèrent^ ces osts que ils vindrent sur la
rivière de la Dunoe, et là passèrent tous à barges, à nefs
et à pontons , qui ad ce avoient esté ordonnés ung grant
temps devant ^ , et misrent plus de huit jours avant que ils
fuissent tous oultre, et, à la mesure que ils passoient, ils se
logoient, et tousattendoient l'un l'autre.
Vous devés * savoir que la rivière de la Dunoe départ les
royaulmes et seigneuries de Honguerie et de la Turquie.
••• PourtiiiTMUi. — *-* Ch8vanoliièi*ttxit. — • Pour le ptwge. —
[^roirt et.
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tu SliGB
Qaant les ersstiens forent tons oultre et que riens n*7
demoora derrière , et ils se trouyërent sur la frontière de
Tarqnie , si furent tous resjonys , car ils désiroient trop
grandement à faire armes, et orent conseil et adyis qne ils
vendroient mettre le siëge devant une cite de Tarqme qui
s'appelle la ' Cornette '. Ainsi qne ils Tordonnèrent, ils le
firent, et Tassiëgièrent envuronnéement , et bien se povoit
faire , car elle siet ou plain ' de ^ pays, et court une riyiëre
au dehors portant navire, laquelle on appelle Mette , et
vient d*amont de la Turquie et se va fërir ass^ près de la
mer en la Dunoe.
Ceste eaue de la Dunoe est malement grosse et a bien
quatre cens lieues de cours depuis qu'elle commence son
cours avant qu'elle rentre en la mer. Et seroit la Dunoe la
plus prouffitable rivière du monde pour le royauhnede
Honguerie et pour les pays voisins , se la navie que elle
porte , povoit entrer et yssir de la Dunoe en la mer, mais
on ne poeult ; car, droit à l'entrëe et à Tembouchure de la
mer , il y a en la rivière de la Dunoe une montaigne qui
font Teaue en deux moittiës et rent si grant bruit que on
l'oit bien bruire de * sept * lieues loing, et pour celle tem-
peste ne l'ose nulle nafvire approuchier.
Sur celle rivière de la Mette, tout contremont et contreval
ainsi comme elle court , a moult belles praieries dont le
pays d'entour est servy et aisi4 , et d'autre part grans
vignobles qui font par saisons bons vins, et les vendengent
les Tnrs, et les mettent, quant ils sont vendengijs, en cuirs
de chièvres et les vendent aux crestiens , car selon leur
loy ils n'en pèvent, ne osent boire là où on le sache, et leur
est deffendu sur la vie ; mais ils menguent bien les roisins-
et ont moult de bons firuis^ et d*espices dont ils font espë-
«■• Mete. — M Du. — ••• Deux. — * De loccres.
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DB OOIIBTTB. S47
ciaHbL ' beaTTiges '. Et osent à boire entre euls grant
plentë de lait de chièyres, pour le chanlt temps, qui les
raffreschist et reffroide et les tient vigerenx.
Le roy de Honguerie et tout Tost derant celle cite se
logièrent et toat i leur aise, car nnl ne leur * vëa ^ le siëge,
ne nulle nouTelle n*estoit en Tost de cel Âmorath-Bacquin ,
ne de personne de par luy. Et quant ils vindrent devant la
cite , ils trouvèrent plentë de fruits meurs qui leur firent
grant doulceur.
A celle cite de la Gommette * ot fait * plusieurs assauls ,
et bien la gardoient et defiendoient ceulx qui dedans estoient,
et espéroient tous les jours à estre confortes et que TAmo-
rath-Bacquin leur sire deuist venir et lever le siège à
puissance de gens , mais non flst : dont la cité par force
de siëge fut prinse et destruitte, et y ot trës-grant occision
d'hommes, de femmes et d'enfians, et n'en avoient les ores*
tiens qui dedens entrèrent, nulle pitié ^.
Quant la Comettç fut prinse ainsi que je vous dy, le roy
de Honguerie et ses osts se deslogèrent et entrèrent plus
amont en la Turquie pour venir devant une cité grande et
forte durement qui s'appelle Nicopoly ; mais, avant que ils
y parvenissent , ils trouvèrent en leur chemin la ville de
' La Quarie * et là s'arrestèrent, et y furent quinze jours
avant que ils la peuissent avoir. Touteffois finablement ils
la conquisrent par assault, et fut toute pillye et destruitte.
Et puis passèrent oultre et trouvèrent une autre ville et fort
chastel que on dist Brehappe en la Turquie, et la gouver-
noit et maintenoit ung chevallier turcq qui en tient la
*•• Breavagei. — ^ Leva.. Dastotuma. — *^ On Art. — ' Ne men^.
— •* La Qiuûre.
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seignourid » et pour lors que les crestiens y vindrent pour
r^ssiegier, il estait dedans i tout ' nng grant nombre ' de
gens de deffense.
Le roy de Honguepe à tout ses hommes se loga à mie
petite lieue près pour la cause de ce que il y avoit une
rivière, et devant Brebappe il n'en y avoit pcMiit. Et plus
près s*approcbiërent Jehan de Bourgoingne, conte de
Nevers , le conte d'Eu » le conte de la Marche , le sire de
C!oucy , messire Bouchicault , le seigneur de Saint-Py ,
messire Regnault de Roye , messire Henry de Bar et mes-
sire Phelippe de Bar son frère et les François où bien avoit
mille chevalliers et escuiers, et desjà estoitle vaillant conte
de Nevers chevallier, car il le fut et le fist le roy de Uon-
guérie si tost que il entra en la Turquie et leva là sa
baniëre. Et ce jour que il fut fait chevallier, il en y ot de
fais plus de trois cens.
Tous ceulx que je vous nomme, vindrent devant Brebappe
et Tassiëgiërent à Tentour et le conquisrent de fait et de
force sur le terme de quatre jours ; mais ils n'eurent point
le chastel , car il estoit ' fort a merveilles ^. Le sire de
Brebappe saulva * ung grant nombre * de ses gens par la
forche du chastel où ils se* retrairent, et estoit ce* Turc
nomme , ce m'est advis , Corbadas, et fut moult vaillant
homme. Il avoit trois frères ; Tun avoit Maladius à nom ,
le second Balachius, et le tiers Ruffin.
Depuis la prinse de Brebappe furent les crestiens devant
le chastel sept jours et y livrèrent aucuns tfssanls, mais plus
y perdirent que ils n'y gaingnèrent ; car les quatre frères,
tous chevalliers turs, qui dedens estoient, monstroient bien
à leur deffense que ils estoient très-vaillans hommes. Quant
les seigneurs de Honguerie et de France eurent bien yma-
«-• Grant foison. — »;* Trop fort. — •*• Grant foison.
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DE MUnUPPE. S49
giné 0t eompriiiE la force da ehasiel et l'ordonnance de
oenlx de dédens et comment vaillamment ils se deffendoient
quant on les assailloit, si veirent bien que ils perdoient
lenr paine. Si se deslogiërent , car ils entendiroit que le
roy de Hongaerie vonloit aler mettre le siëge devant la cite
de ^ Nyoolpoly *. Ainsi se deffist le siëge de Brehappe, et
demonrèrent pour celle saison le chastel et cenlxqui dedens
estoient, en paix ; mais sachiës que la ville fat tonte arse,
et se retray le conte de Nevers et tons les seigneurs de
France en * Tost^ du roy de Honguerie et de son connes-
table et de ses mareschanls qui s'ordonnoient pour aler
devant Nycolpoly.
Quant Gbrbadas de Brehappe se vey dessiëgë des Fran-
choia, si fut tous résjouys et dist : « Nous n'avons mais
t plus gardepour celle saison. Se ma ville est arse et essillie»
« elle se recouvrera, mais d'une chose ay grant merveille
« qne nous n'oons de monseigneur le roy Basaach dit
« rAmorath*Bacqûin nulles nouvelles , car il me dist la
« derraine fois que je le vey et parlay à Iny en la cité de
« Nicolpoly en Turquie» que il seroit cy en ceste contrëe
« dedens l'entrée de may , et avoit intention (et sur ce il
« estoit tout fonde et ordonne) de passer à puissance le
« bras Saint-Jeorge et de venir en Honguerie pour com*
« batre les crestiens , et tout ainsi Tavoit-ii mande au roy
« de Honguerie ; mais il m'est advis que riens n'en a fait,
« et sur ce se sont les Hongres forteffiës , et ont pour le
« présent moult grant secours et confort de France et
« d'AUemaigne , et ont par vaillance passé la rivière de la
*-• Niehopoljr. — •* La compaigaîe.
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280
•iteB
Dnnoe ei sont dntrës en la Torqnie, et destmisent la terre
du roy Basaaeh et destmiront , car nais ne ^ résiste * à
rencontre de leurs emprises. Certes ils y sont^ entres
monlt pnissans ^ » et tieng senrement que ils yront tout
d'an train ^ mettre le siège devant Nyeolpoly. La cité est
forte assës pour les y tenir an siège nng grant temps,
mais qne par cenlx dedens elle soit nuit et jour bien
gardée et deffbndue. Nous sommes nous quatre frëres
cheyalliers et du lignage au roy Basach. Se devons et
sommes tenus d'entendre â ses besoingnes. Si nous
ordonnons par la manière que je vous diray. Moy et
Maladius mon frère en yrons en la cité de Nicolpoly pour
le aidier à garder et deiSendre , et Balachius demourra
icy pour garder et soingnier du chastel de Brehi^pe» et
je ordonne Ruffin mon quart frère à dievauchier oultre
et passer le bras Saint-Jeorge et tant faire et exploittier
que il trouve VÂmorath-Bacquin et luy recorde vérita*
blement tout ce que il aura veu et laissié derrière, et
luy die par telle manière que il Tentende et s*i encline
pour son honneur et pour garder et deffendre sonhéri*
taige et viengne si fort "que pouç résister à rencontre
des crestiens et rompre et brisier leur emprise et leur
puissance. Âultrement il perdent le royaulme d*Bmiénie
qu'il a conquis et tout son pays aussi ; car, ad ce que on
peult sentir et ymaginer, le roy de Honguerie et les cres-
tiens sont ^ escueilliés ^ à faire ung grant fait. •
A la parole et promotion de leur frère * obéirent diUi-
gamment les trois frères turs, et dirent que sa parole et son
advis seroit * &it ^* et creu. Si se ordonnèrent sur celle
conclusion , et le siège fut mis à grant puissance et par
'-• Rèufltenu — *•* Trop forts entrés. — * Combattre et. ^
^« EicueUlii. — • Corbadas. — •-** Tena.
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M mcoMLi. 3M
' bolle * ordonnaiioe devant la cite de Nyoolpoly, et estoieaxt
les creetieiui bien cent mille hommes *.
Ainsi se ^ ordonna * le siëge en celle saison da roy de
Hcmgaerie et des crestiens devant la cité de Nycolpoly en
Turquie , et Gorbadas de Brehappe et Maladins son frire
8*en Tindrent bouter dedens » dont tons ceubc de la cité
ftarent resjonys. Balachins draioora en Brehappe pour gar-
der le chastel, et Ruffin, quant il sceut que Tèure fut, il se
mist à la voye et eslonga de nuit Tost des crestiens, car
bien congnoissoit le pays, et prist le chemin du Bras-Saint-
Jeorge pour là passer oultre et pour oyr et avoir nouvelles
de rAmorath-Bacquin.
Bien est vérité que le roy Basaach estoit au ' Kahaire '
* en Babilonne aveuc le souldan * pour avoir gens, et là le
trouva le Turc dessus nommé. Quant le roy Çasaach le vey,
il fut tout esmerveillié et pensa tantost que il auroit dé
grosses nouvdles de la Turquie. Si le appella, et ilviht
devant luy , et quant il fut venu, il luy demanda comment
on se portoit en la Turquie .' « Mon chier seigneur, res-
« pondy RuiBn , on vous désire moult i veoir et avoir ;
« car le roy de Honguerie i grant puissance a passé la
« Dunoe et est entré eu Turquie , et y ont fait ses gens
« moult de desroys, car ils y ont ars et ^^ essiUié " cinq ou
« six bonnes villes fermées des vostres. Et lorsque je m*en
« partis c'est-i-dire de Brehappe , ils tiroient tous i aler
« devant Nycolpoly. Gorbadas mon frère et Maladins se
ff sont boutés atout gens d'armes pour le aydier i def-
« fendre et à garder. Et sachiés que en la route et com-
" Bonne. — » Ou environ. — *•• Fiat. — **' Quaire, — ••• ÀTOitc
le eouldan de Babilonne. — '.**" AMwillL,
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2S3 BAIAUT ArPRBND
c paignie da rojr de Honguerie a la plus belle geniet les
c mieulx montés, armés et arroyés, qui leur sont yenns et
« yssos hors da royaolme de France, qne on poist veoir.
« Si TOUS convient entendre à ceste besoingne, et tantost
« esmonvoir yostre ost et semondre yos amis et yos gens,
« et retourner en Turquie et rebouter vos ennemis les
« crestiens oultre la Dunoe par puissance ; car, se grant
« puissance ne le fait, yous n*en yendrës jamais à chief. »
r- « Quel nombre de gens sont-ils ? » demanda l'Âmorath-
Bacquin. -^ « Ils sont plus de cent mille S respondy le
f Turoh, et la plus belle * compaignie de gens d'armes ' du
« monde et les mieulx armés et tous à cheyal* •
A ces paroles ne respondy pas l'Amorath-Bacquin, mais
tout incontinent entra en la chambre du souldan, et laissa
le Turc qui ces nouvelles ayoit apportées , entre ses gens,
et là recorda-il tout premièrement l'affaire et ordonnance,
ainsi comme il estoit infourmé de son cheyallier, au sool-
dan. Âdont dist le souldan : « Il y convient pourvoir. Vous
« aurés gens assés pour résister i Rencontre d'euls, car
a il nous fault deffendre nostre loy et nostre héritage. • «r-
« C'est * vérité ^ , respondy l'Amorath-Bacquin. Or sont
a mes désirs venus , car je ne désiroie autre chose fors
« que je pousse le roy de Hon^erie et sa puissance tenir
« oultre la Dunoe et ou royaulme de Turquie. Âd ce pre-
« mier je les lairay ung petit convenir, mais en la fin ils
a paieront leur escot, et de tout ce ay-je esté adver<y,pliis
« a de quatre mois , par mon grant amy le seigneur de
« Millan, lequel m'envoya* ostoirs^, gerfaulx et faulcons
« jusques à douze, les plus beaulx et les meilleurs que je
tt veisse oncques ; et avecquos ce beau présent il me ras-
« cripvy, tout par nom et par soumom, les chiefs des barons
* HoQimff. — ^ QenU -^ ** Voir. — •"' Oitouw.
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LA MABCBB M» CtOISÉS. S53
de France qui me deyoient yenir^Teoir et faire ^ gaekre :
premièrement Jehan de Bourgoingne, fils ainsnë au duc
de Boargoingne» après Phelippe d*Ârtois, conte d*Ea et
connestable de France « Jehan de Bourbon, conte de la
Marche , Henry et Phelippe de Bar , cousins prochains
au roy de France « Enguerran , seigneur de Coucy et
conte de Soissons , Bouchicault Faisne , mareschal de
France , Guy de la Trëmoille, seigneur de Sully, Jehan
de Vienne , admirai de mer pour le roy de France-. Et
contiennent ces lettres * que, se je ayoie en mon dangier
ceulx que je nomme , ils me yauldroient ung million de
flourins. Ayecques tout ce ils y doivent estre en leur
compaignie du royaulme de France ou des tenures de
France plus de cinq cens chevalliers tous vaillans hommes.
Et me escripyy bien le sire de Milan que, se nous avions
i euls la bataille, ainsi que nous arons (nous n*y povons
faillir, car je leur yray au devant à puissance), je m'y
conduise par bon art et 'advis et trè8<-bonne ordonnance
pour euls combatre , car ce sont gens de si grant fait et
tant vaillans aux armes que point ne fuiront pour estre
dëtrenchies membre après autre ou pour y laissier la
vye ; et sont yssus, ce m'a escript le seigneur de Milan»
hors de leur nation par vaillance et pour excerser les
armes. Et de tout ce Cure je leur sçay bon grë, et leur
accompliray leur dësirier dedans trois mois, si avant que
par raison ils en devront avoir assës. »
A considérer les paroles dessus dittes comment l'Amo-
rafh-Bacquin parloit et devisoit de messire ôalëas, conte
* La. - • Ainii. — * Que j'aye.
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SS4 TTRAHIIIB
de Vertus et seigneur de Milan» on se pnet et doit esmer-
Yeillier, car on le tient ponr crestien et homme baptisië et
régénéré à nostre foy , et si avoit qnis et quéroit de avoir
amonr et alîance à nng roy sarrazin et hors de nostre loy
et de nostre foy et créance , et luy envoyoit tons les ans
dons et présens de oyseanlx et de chiens on de fins draps
on de fines toilles ^ de Rains *, qni sont choses monlt plai-
santes aux Turs, payons et Sarrasins, car ils n*en ont nuls,
ne nulles , se ils ne Tiennent de nos parties ; et TAmorath-
Bacquin luy renyoioit autres dons et riches présens de
draps d*or et de pierres précieuses, dont ils ont grant hu^
gesse entre euls , et nous les ayons à dangier, se ce n'est
par le moien des marchans yénissiens, jenneyois et ytaliens
qui les yont quérir entre euls. Mais pour ' ce jour ^ ce duc
de Milan et conte de Vertus et messire Galléas son pire '
régnèrent comme tirans et obtindrent leurs seigneuries. Et
inerveilles est à considérer et i penser de leurs fais et
comment ils entrèrent premièrement en la seigneurie de
Milan.
Us furent trois frères * , messire ' Sansse *, messire Gal-
léas et messire Bamabo. Ces trois frères orent ung oncle
lequel fut archeyesque de Milan, et yint atant i Milan
Charles de Luxembourg, roy de Boesme et d' Allraiaigne et
* empereur de Romme , qui régna '^ i^rès '^ Loys de Bay-
yîère, lequel ^' obtint en son temps l'Bmpire par force, car
il ne fut oncques accepté empereur de FÉglise, mais fut
excommunié du pape Innocent qui pour ce temps régnoit,
car ce Loys de Bayyière «Ua à Romme et se fist couronner
*-* Et des plus «xoeUenti qQ*on povoit trouver comme do Raini , de
Cambraj et de Hollande ou aultret. — '-^ Cee Jours. — * Qui en lenn
Joiin. — * De la maieon des Viscontes de MUan. — '-* Matthée..
MauiWs. — • Put ftdt. — *••" Au Ueu de. — *• U roy. — •» Loys.
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DBS 8DGHB0II8 M KILÀN. 9B5
i empereur par ang pape et douce cardinattlx que il fiât,
et si tort qae il fat couronné par ees Allemans» pour eolx
pajer leurs ^ souldëes , car il leur deyoit grans sommes de
deniers , il les flst courir parmy Romme et tout pillier et
rober. Ce fut le beau guerredon, que les Rommains orent
de sa recueillote, pour quoy ilmoru excommunié et en celle
sentence , et le pape et les cardinaulx que fait ayoit, sans
constrainte vindrent depuis en Avignon, et se misrent en
la merchy du pape Innocent qui régna devant Urbain V*,
et se firent absouldre de leur erreur. Au revenir au propos
dont je parloie maintenant pour les seigneurs de Milan et
comment ils entrèrent premièrement en la seigneurie de
Milan» je lé vous diray.
Gelluy archevesque de Milan leur oncle rechupt le roy
Charles de Boesme en la cité de Milan moult antentique-
ment, quant il ot fait son fait devant Aix-la-Chappelle, où
il airt quarante jours comme 'raison' est. Bt pour la grande
et belle ^ recueiUotte que celluy archevesque flst à Tempe-
renr Charles et pour cent mil ducas que il luy presta, il
le institua à Millau visconte , et ses nepveus après luy, et
à tem'r la terre et seigneurie de Milan jnsques à sa vou-
lente et que tout i une fois il luy aroit rendus les cent
mille ducas.
Cel archevesque morut. Messire ^ Sansse * son nepveu,
par l'accord de Tempereur et pour l'amour de Tarchevesque
son oncle , fut receu en la seigneurie de Millan à visconte.
Ses deux frères , qui pour lors n'estoient pas moult riches,
Galléas et Barnabe, orent conseil entre eulx que ils régne-
roient et tendroient les terres de JiOmbardie et se conjoin-
droient par mariage à si grans seigneurs que on ne les
oseroit, ne pourroit courrouchier ; et firent morir messire
* Oaiges et. — " Uiage. — * Chidre et. — •■• Bfaaff^.
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S86 ttbaunib
Sansse leur frère par Teuin ou autrement. Quant il fat
mort, ils régnèrent de puissance et de sens, et farent tout
leur vivant trop bien d'accord, et départirent les cites de
Lombardie. Messire Oalléas en ot dix , pour tant que il
estoit l'ainsnë, et messire Barnabe noeuf, et Millau estoit
gouvernée ung an par Fun et l'autre par Tautre. Et
^ demeurèrent en leur seigneurie : aussi ils amassèrent
grant foison finances. ' Ils mirent sus impositions, subsides
et gabelles et moult de ' mauvaises ^ coustumespour mieulx
^ extordre argent et or à plenté* et pour régner à grant
puissance. Et faisoient garder leurs cités de jour et de nuit
de sôuldoiers estrangiers , AUemans, Franchois, Bretons,
Ânglois et gens de toutes nations (réservé Lombars, car
en sentence de Lombard ils u'avoient nulle fiance), à la
fin que nulle rébellion ne s'eslevast, ne meust contre eals,
et estoient ces sôuldoiers payés de mois en mois. Et par
ces moiens se firent tant doubter et ^ cremir * de leur *
poeuple que nuls ne les osoit courroucUer ; car, en tontes
leurs seigneuries, qui se vonlsist lever, ne aler à rencontre
d'euls, ils en presissentsi cruelle vengance que pour celluj
ou ceulx de tous peins destruire et tous ceulx de son
lignaige , et plusieurs en destmisirent en leurs terres pour
exemplier les autres ; ne, en toutes les cités, chastiaulx et
villes de messire Galléas et de messire Barnabe, nulsn'avoit
riens au sien, se ils ne ^^ vouloient. Et tailloient ung riche
homme trois ou quatre fois ^^ en Tan , et disoient que Lom-
bars sont trop orgueilleux et présumptueux en leurs
richesses et ne vallent riens se ils ne sont tenus en sub-
gection , et bien les y tindrent, car nuls ne les osa courrou-
^ Pour damonrer en leur seignourie et avoir grant quantité de
finances. — ^* Maies. — ^ Extorquer grant foison d*or et d'argent.
— '•• Craindre. — •• Du. — *• U. — " Dn sien.
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DBS SBlGNBimS DB MILAN. 257
elder , ne contredire à chose nnlle que ils vonUissent faire^
dire et commander. Bt se marièrent les deux frdres Oalléas
et Barnabe grandement et haultement, mais ils adiat*
tarent leurs femmes de Tavôir de lents poenples. Messire
Galléas et à femme Blanche la seréur an bon conte de
Savoie; mais, ainohois qa*il Tesponsast, il en paya au conte
cent mille ducas. Messire Barnabe se maria en AUemaigne
à la sereiff dn duc de Bresvich et n'en payàpai^oins ^
Ces deux frères orent beaucoup de beaulx enffans et les
marièrent grandement et richement pour avoir * plus '
fortes aliances.
Messire Gallëas ot nng fils que on appella * Qallëas. Si
entendy que le roy Jehan de France , quant il fut yssu
hors deFrance et remis â trente cens mille frans de rédemp-
nation , que le premier payement on ne té sçavoit bonne-
ment où prendre : si fist traitâer devers lé roy de France
ses oncles et son conseil comment il pourroit avoir une de
ses filles pour Gallëas son fils aisnë. On entepdy à ces
traittiës pour tant que on le senty fort fonde et pourvèu de
moult grant finance. Il achatta la fille du roy' Jehan six
cens mille frans , lesquels furent tournes et convertis en
bon payement devers le roy d'Angleterre à tant mains de
la finance du roy Jehan de Pranee , ^t parmy tant son fils
Gallëas espousa la fille du roy Jehan de France , et luy fut
doniiëe en mariage la conte de Vertus eu Champaigne. De
ce fts GaDëasetde ceste fille de France yssireUt fils et fille.
La fille par force d'argent ot esponsë le fils second du roy
Charles de France ', lequel on appelloit Loys, et fut duc d'Or-
lëans, conte de Blois et de Vallois ; mais le mariage cousta
an conte de Vertus , pore de celle dame , ^quinze ^ cens
r
* Qae flou frère flst de la sienne. — *-' Plusieurs. — * Jehan. —
• Cinquiteme. ^- •-* Dix.
XV. — FROISSAKT. i7
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3S8 TYRArauiî
mile firam , et en fat achetée la oontë de Blote et aooqK
tëe par le oo&te Guy de Bioid , sioomme il est ioy-desttts
a>otantt dn noatre. histoire.
Meseire Gall^ rt measire Bataabo m leor nva&t
furent tou^oor» trëi^bieii d'accord , ne onques ne se ^ des-*
cordèrent \ ne levrs gens ensemble» et ponr ce régnèrent^
ils en grant pnissance et richesses , et ne pent oncqnee
tfnls avoU* raison d'enlx , ne pape % ne cardinanlx , ne
meismes Tempereur qui leur flst guerre , fors le marqnis
de Montferrat qui tient des fortes places marehissans à la
conté de Pieuroont , à la conté de Jennes et a la duchië de
Hi\m , mais^ ce tut par le moyen de. messire Jdiân Hac-
condoi chevallier anglois» et des routes ^ cboipaigilies
^ae te marquis ^t luy yindrent quérir en ProuTen^» et les
inena le chevallier en Lomhardie et en fist sa guerire^
Après la mort, de-messire Galléas régna le conte de Ye^
tus son 41s appelle ' Galléas en monlt grant paissance , et
se flst fin commencement de son règne grandement amer
en Lombardie, et monstra tonte ordonnance de simple
homme et de pread*hoipme, car jl esta tontes ^ man-
yaises ^ ^ustnmes eslevées en ses seignooricfs ., leeqnaUes
son père avoit miaes sus ^ et fut m<Hilt amë et renommé de
bonne grâce tellement qne tons et tontes en disoient bien.
Et t qnant il vey son point , il bonstra le venin qae>moalt
longuemrat il avoit porté en garde en son &xw ; car il fist
nng jour sur les champs &ire une embûche convertaeieirt
par laquelle embnche fut pritt8< et saisi messire Bamabo aon
4>ncle , qui riens ^ ne ^ pensoit. et qui de son nepvea trop
bien «stre euidoit /et luy fut dit ea prendant* : « Il y a
H assés d'un seigneur en Lombardie. » Il n^n jioolt antre
chose avoir , car la force n'estoit pas sienne. Si fut des-
'* Discordèrent. — • Jehan. - *-• Maies. — ••* N'y.
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tourna et mené en ung cteêtel , et iâ le ftit morir ' par
poison K
*Dé^ BMBsire Barnabe mvoit des beanix eaffans, dent la
royne de France estiHt flile de Tone de ses filles , laqnelle
ot esponsë le duc Estienne de Bavière , et les enffans ,
fils et ûlléB^ que il pot avoir et happer , il les flst empri-
sonner, et saisi tontes les seignoories que messire Barnabe
son oncle tenoit ; et les * attribua avec les siennes , et
régna eu tràs^grant puissance d*or et d'argent , car il
remist sns les matières dont on le ibrge et assamUe en
Lombardie et antre part là où on use de tels coustnmes :
ce sont impositions , gabelks , dismes , qnatriesmes et
tontes extorsions sur lepoeuple. Et se fist cremir trop pins
que amer ; et tint Toppinion et erreur de son père , car ils '
disoient et maintenoient que jiils* n'aonrroient ^ , ne
crrfroient en Dieu , ne en ses commandemens » tant qne ils
peuissent ; ei esta à grant fiiison de abbayes et de prières
plentd de lenrs revenues et les attrtbna à Iny, et dist que
les molsnes estoieut trop dëUciensement nourris de bons
vins et de dëlicienses viandes » pour lesquels délices et
saperfluités de boire et mengier ils ne se povoient relever
à mjr^nuyt pour ùàn leur office, et que saint Benoit n'avoit
point tenu ainsi ordre de religion , ne commandé à tenir ,
et de fait les remist aox œufs et an petit vin pour estre
pfasB légiers et pour avoir plus dère voix et chanter plus
haalt* Et se firent le père et le fils et messire Barnabe,
tant qne ils vesquirent, ainssi comme papes en 4enrs sei-
gnonries, et commirent moult de oruaultëset de despits sur
les personnes ' de TÉglise , ne ils * ne acomptoient ** riens
i nnlle sentence de ps^. Et par espécial depuis les jours
••■ Js ne içay comment — •** Ce. — • Ajouta et. — •-'ITâdorè-
roient.— * Et gens.— *^ Ne doabtoient riens, ne.. Ne eeooutèient de«
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980
da ciSiBô que se nommàre&t dMx papes qui excommn-
nioient ran Tantre , iceaix seigneurs de Millau ne 8*6ii
faisoient que gaber et mocqtiier , et A leur peurpos et
exemple aussi faisoient plusiemps autres seigneurs par le
monde.
La fille de ce messire ^ GalUas qui s'escripyoit duc de
Millau » laquelle estoit duchesse d'Orléans , tenoit^ moult
du pore et riens de sa m&re qui fille avoit esté du roy
Jehan de France ; car elle estoit moult envieuse et convoi-
teuse sur les délices et estas de ce monde , et voulentiers
euist yen que son mary le duc d'Orléans fuist parvenu â la
couronne de France , n'euist cure comment , ei couroit sur
elle famé et * escandôle ^ général que toutes les enfermetés
* que le roy de France ot eues, et avoLt encoires moult
souvent , dont nul médechio ne le sçavdt , ne povoit con-
seillier , venoient de elle et par ses ars et par ses sors. Et
ce qui descouvry trop grandement ses œuvres , je le vous
diray , et qui mist tous ceulx et toutes celles qui parler en
ouoirat , en grant ^ souspechon ^.
Ceste dame dont je parle* nommée Valentine, duchesse
d'Orléans , avoit pour I<»rs ung fils de son mary , bel
eoffant et de l'eage du daulôn de Vienne, fils an roy de
Firanoe. Une fois ces deux enfians estoient éa la chambre
de la duehesse d*OrléaAS et s'esbatoient ainsi que enffans
font ensemble. Une pomme toutenvenimée fut jette tout en
rondelant sur le pavement ^ et devers le daulfln de Vienne
le plus ; car on cuida que il la déuist prendre , mais non
fist par la grflce de Dieu qui l'en garda. L'enffant à la du-
chesse d'Orléans qui à nul mal n!y pensoit , couru iqprèe la
pomme et la happa , et si tost qu'il la tint , il la mist à sa
* Jehan. -^ *^' Baclandre. — ^ Bt maladie. •— ** Snapicion. —
* De la dite chambre.
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DES SK10IIB0R9 DB MOAlf • 9Bf
bouche , et liursqae il ot mors dadens , il fat tout enyonimé
et moru là« ne oncques on ne Ten polt garder. €ëalx qui la
charge ayoient et la garde de Charles le daulfin, le prin-
drent et le remenôrent , sique oncques puis ne rentra en la
chambre de la duchesse.
De celle adventure yssirent grans murmurations à Paris
et ailleurs aussi» et en fut de tout le poeuple celle duchesse
escandalisée et tant que le duc d*Orléans s*en perchut ; car
commune renommée couroit parmy Paris que , se on ne
l'ostoit de delés le roy , on la yroit quërir ' jusques au-
près du roy * et seroit morte ; car on disoit qu'elle Touloit
empoisonner le roy et ses enffans , et jà rayoit-elle bien
ensorceré « car le roy en ses maladies ne youloit point la
royne yeoir , ne congnoistre , ne nulle femme du monde,
fors celle duchesse. Dont pour celle doubte et pour en ester
Tesçandèle , ' il-meismes ^, sans constrainte de nulluy, le
mist hors de Tostel de Saint-Pol en Paris et Tenyoya en
ung sien chastel qui siet sur la costière de Paris ou chemin
de Biauyoisis , que on dist Anières , et fut là grant
temps 9 ne point ne yssoit hors des portes du chastel , et
de là elle fut transmuée et conyoiée jusques au Noeuf-
Ghastel-sur-Loirre et là mise. Et Tayoit le duc d'Orléans
son mary acqueilUe en moult grant hayne pour la cause de
Tayenture qui ^ adyenue estoit de son fils « mais ce que il
en ayoit encoires des trës-beaulx enffans, luy brisoit moult
ses maltalens.
Ces nouvelles s'espardirent jusques à Milan , et en fut
infourmémessireOalléas comment sa fille ^s'estoit démenée'
en grant dangier. Si en fut trop durement courrouchié sur
le roy de France et son conseil, et enyoya souffissans
messages tel que messire Jaques de le Verme et autres
•^ Do iait.— «^ Le duc d'Orléans.—' Par elle.— ^•* Batoit demoor4e«
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âBS TTRAMRIE BBS SB16!IEURS M MlLAll.
dinrers le roy et son conseil en excusant sa fille et remon-
strant , se il estoit nul corps de chevallier qui la voulsist
amettre de trahison , il le feroit combatre jusques à oui-
trance. Pour lors que ces ambassadeurs vindrent à Paris ,
le roy de France estoit en bon point ; mais il ne tint compte
des paroles , des exeusations , ne des messagiers du duc de
Milan , et furent respondus moult briefment. Quant ils
voiront ce , ils retournèrent en Lombardie et record^rent
au seigneur de Milan tout ce que ils ayoient veu et
trouve.
Or fut le seigneur de Milan plus courrouchié assés que
devant , et tint ce â grant blasme ^ et envoia deffler le roy
de France et tout le royaulme entièrement. Et quant ces
deffiances furent apportées A Paris devers le roy, les barons
et chevalliers de France cy-dessus nommes estoient jà ou en
Honguerie on en Turquie. Et par despit * ou engaigne ' que
le duc de Milan avoit sur le roy de France et sur aucuns
membres du conseil de France et pour porter oultre son
oppinion et la défiance , il tenoit i amour et à aliance
grandement le dit Âmorath-Bacquin ^ ; car par ce duc de
Milan estoient sceus et révélés devers celiuy Âmorath-
Bacquin plusieurs secrets de France. Nous nous souffrerons
'^■(UlTer de luy pour le présent, et nous retournerons i la
matière dessus ditte et parlerons de TAmorath-Bacquin'.
Ne demeura gaires de temps après que TÂmorath-Bacquin
se départy du Kayre et du souldan, lequel luy * ot en con-
venant ' que il luy envoieroit grant secours et grant ayde ,
* Et iiijttra. — *"' Bt haine. — ^ Et il luy. -* * Nomm^ roy Basasch
et des chreitiens et des barons qui estoient en la Turquie. — ^'' Pro-
mist
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r
AUEHSMTS DE BAIAZBT. 265
et tûQt ^ i rëlection *, des meilleurs hommes d*afmesde son
pays et de tootes ses seigneuries, pour résister contre la
puissance du roy de Honguerie et des barons* de France,
qui à ce commencement estoient entrés en Turquie , et se
retray devers Alexandrie et Damas , et tout ainsi que il
chevâuchoit â grant puissance , il enVoioit partout ses
messagiers ens es royaulmes et pays dont il pensoit avoir
gens et confort. Aussi faisoit le soujdan. Et mandoient et
prioient , au plus affectueusement que ils povoient , que i
ce grant besoing nuls ne voulsist demeurer derrière. Car
la doubte et les périls estoient' grans à considérer Taf*
faire ; car , se les François conquéroient là Turquie , tons
les royaulmes voisins trambleroient devant euls. Ainsi
Beroit leur ^ loy ^ destmite, et seroient en la subjectiou des
crestiens, et trop mieubcet plus chier leur vauldroit à morir
que ils le fuissent.
Sus le ^ commandement ^ et pryère du souldan , du
caliphe de Bandas et de TAmorath-Bacquin s'enclinërent
plusieurs roys sarrazins, et ' descendirent * ces pryères et
mandemens jusques en Perse , en Mëde et en Tarse , et
d*autre part sur le septentrion ou royaulme de Lecto et
tout oultre jusques sur les bonnes de Prusse. Et pour tant
que ils estoient infourmés que leurs ennemis les CMStiens
estoient fleur de chevallerie , les roys sarrazins et les sei*
gneurs de leur loy eslisoient entre euls les plus habilles ,
les mienix traveillans et combatans et les plus coustu-
miers et usés d'armes , sicques ce mandement ne se peult
pas si tost faire , ne les Sarrazins appareillier , ne yssir
hors de leurs terres et pays, ne les pourvéances faire ; car
c*estoit rintention de TAmorath-Bacquin qne il vendroit si
*•• D'éUte. — » Trop. — *"• Foy. — •" Mandement. — ••• yeaten-
doient.
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964 CBEyKvcniB
fort que pour bien résister contre la puissance des cres-
tiens. Bt se mist sur les champs le dit Amorath, tonsjours
attendant son poeuple qui yenoit par compaignies de moult
longues et diverses ' nations * , et par espécial de Tar-
tarie , de Mède et de Perse luy vindrent moult de vaillans
hommes sarrazins ; car tous s'efforchoient pour venir veoir
les crestiens et congnoistre leur estât « car ' désir entre
euls avoient de combatre pour espronver leur force à ren-
contre d*euls.
Nous nous sonffrircms ung petit A pader de TAmorath*
Bacquin qui se tenoit en la partie de Alexandrie , et parle-
rons des crestiens qui estoient au siège devant la ville et
cité de Nicolpoly ^.
Les crestiens avoient assiégié environnéement la cité et
forte ville de Nieolpoly , en laquelle avoit dedens en garni-
son moult de vaillans hommes turs qui ^ en soingnoient ^
vaillamment. Les crestims qui devant estoient, estoient
esbahis pour ce qu'ils '' n*avoient ' nulles nouvelles de
FAmorath-Bacquin. Bien leur avoit escript l'empereur de
Constantinoble que il estoit ens as parties de Alexandrie
et point n'avoit encoires passé le bras Saint Jeorge. Si
tenoient les crestiens leur siège devant Nycolpoly tout i
dégois, car ils avoient vivres à foison et à bon marchié, qui
leur venoient de Honguerie et des marches prochaines.
Le siège là estant ainsi que je vous compte , il prist
plaisance au seigneur de Coucy et à aucuns crestiens fran-
ehois qui là estoient, de chevauchier à Taventure et de aler
veoir la Turquie plus avant , car trop se tqnoient sur une
•-■ ICarches. — " Grant. — ♦ En Tniquie. — *^ S« defCmdoient.
— '•• IToyolent
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BU SIRE DE GOIJGY. S65
place , et le roy de Hongnerie et les autres tendroient le
ai^ge. Si se départirent environ cinq cens lances et aatre-
tant d'arbalestriers, tous montés à cheyal. Et fut le seigneur
de Couçy chief de ceste cheyauchie , messire Regnault de
Roye et le sire de SaintrPy en sa compaignie « le chas-
tellain de ^ Biauvais * , le seigneur de Montcavrel ' et
plusieurs autres chevalliers. Et prindrent guides pour euls
conduire , qui congnoissoient le pays , et avoient aucuns
dievaulcheurs hongres et autres, montés sur fleurs de che-
vanlx 9 pour partout descouvrir le pays assavoir se riens
ils trouveroient.
En celle propre sepmaine que l'armée des crestiens se
ordonna et mist sus « se mist pareillement sur les champs
une armée de vingt mille Turq bien en point, car ils avoient
entendu que les crestiens chevaulchoient et couroient leur
pays et y fourfaisoient. Si se advisèrent que bien brief ila
y pourverroient. Ainsi que je vous ^ racompte ', se misrent
ensemble bien vingt mille Turs, et vindrent sus ung des-
troit et ung pas , par où il convenoit entrer les crestiens
en la * playne de ^ Turquie, et n*y povoient entrer les cres-
tiens bonnement le chemin que ils tenoient par autre pas
que par là, et se tindrent là tous quoys pour garder ce des-
tiroit et ce passage , et y furent deux jours que nulles nou-
velles ils n'ouoient de nul homme , et s'en vouloient
retourner au tiers jour, quant les chevalliers crestiens vin-
drent à broqant jusques à là. Quant les Turs les veirent
venir et approchier , ils se tindrent tous quois pour
regardée ent le convenant des crestiens , ne nul signe , ne
apparant ils ne firent de traire , ne de lanchier. Les
' chevalliers crestiens * approuchèrent les Turs de moult
•-• Beauvoir. — ■ Le Borgne de MontqueL — ^ Dis. — •-' Plsjne.
*-* CbeTaneheon.
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386 CBBVAUCHtB
prës, et veirent bien que il en y avoii trës-grant foison.
Ancoires ne les poToient-ils pas tons adtîser. Et quant
ils eurent fait ang^ petit de contenance, ils s'en retournèrent
arrière et vindrent nonchier au seigneur de Coucy et aux
autres seigneurs tout ce que ils avoient veu et trouvé.
De ces nouvelles furent les crestienstous resjouis, et dist
le seigneur de Coucy : « Il nous &ult aler veoir de plus
« prôs quels gens ce sont. Puisque nous sommes venus si
« avant , nous ne nous départirons point sans eulx com-
« batre ; car , se le contraire faisions » nous y recepvrions
« blasme. • — « Cest vérité, » respondirent les cheval*
tiers qui ouy parler Tavoient. Adont restraindirent-ils leurs
armures et leurs chevaulx rechainglèrent , et chevau-
chèrent tout le pas.
Entre le lieu où les Turs estoient arrestés et les cres-
tiens qui chevauchoient , avoit ung bois qui n'estoit pas
trop grant. Quant ils furent venus à rencontre de ce bois ,
ils s'arrestèrent , car le seigneur de Coucy dist ainsi a
messire Regnault de Roye et au seigneur de Saint-Py :
« Je conseille pour ^ tirer * ces Turs hors de leur pas ,
« que vous prendés des nostres tant seulement cent lances,
a et nous metterons le demeurant en ce bois ; et vous che-
« vaucherés avant et les ferés saillir hors de ce pas où ils
« se sont boutés , et par euls vous ferés chacier ' et tant
« que ils nous aront passé , et lors vous retoumerés tout â
tt un fais sur euls , et nous les enclorrons^par derrière, et
« ainsi les aurons à voulenté. »
A cel advis et propos s^enclinèrent les deux chevalliers,
et s*en départirent environ cent lances tout des mieulx
montés, et tout le demeurant où il povoit avoir entour huit
cens combatans tous hommes d'honneur, se boutèrent à la
••• Traire. — » D'eulx.
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Dû SIRE DK COUGT. M7
couverte dedans le bois et là se tindrent. fit les autres
chevauchërent les ^ bons * gallos tout devant et vindrent
jnsqnes an pas on les Turs estoient. Quant les Turs voiront
venir les crestiens , ils furent tous resjonys et cuidiërent
que il n*en y euist plus. Si yssirent tous hora de Tembusoe
et vindrent sur les champs. Quant les crestiens les voiront
approuchier , si retoornërent tous à ung fais et se firent
chasser. Ils estoient bien montés tous à Tavantage sur
fleurs de chevaulx. Si ne les povoient en leur chace les
Turs rattaindre , et tant alèrent que ils passèrent le bois
tout oultre et rembusce du sire de Goucy, sans euls per-
chevoir en rien. Lors saillirent les crestiens hors, quant ils
les veirent oultre leur embusce « en escriant : ce Nostre-
« Dame au seigneur de Goucy ! » Et vindrent frapper
ens es Turs par derrière , et en abatirént à ce commence-
ment grant foison.
Les Turs se tindrent tous quois, quaiït ils se veirent en-
clos devant et derrière , et se mirent à deffense ce qu'ils
peurent ; mais ils ne tindrent point d'ordonnance , ne de
conroy , car de ceste arrière- garde ils ne sçavôient riens ;
et quant ils sont * soudainement prins et sans guet comme
ils furent là , ils sont tous esbahis de euls-meismes. Là
furent les François vaillans gens d'armes , et les occirent
à voulentê et misrent en chace et en fuite, et les abatoient
par mons ; car en fuiant ils chëoient l'un sur l'autre ainsi
que besies. Là en y ot grant foison de mors et destruis ,
ne les crestiens n'en prindrent nuls à merchy. Eureus
estoient ceulx qui eschapper povoient et sauver et retour-
ner sus le soir ens ou lieu duquel ils s'estoient partis le
matin. Après celle desconfiture , les crestiens retournèrent
sur le soir en l'ost devant Nicolpoly.
••• Grans. — • Ainsy.
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9(iB CHBTAUCHiB DU 81U DB CODCT.
Si s'espardirent les nouyelles par tout Fost comment le
sire de Goucy » par son sens et par sa vaillance, avoit mes
^ jus * et desconfis plus de vingt mille Tors. Les plusienrs
en reoordoient et disoient grant bien de luy. Mais le conte
d*Eu ne le tint pas en bien , ne en vaillance , et disdt que
ceste emprise avoit este faitte par beubant, et qne il avoit mis
les crestiens et par espëcial sa route en grant aventure et
përil, quant à tout une poingnie de gens il s*estoit combatu
et habandonnë follement en la route de vingt mille Turs.
« Et de rechief , i considérer raison , puisque faire armée
« il vûuloit et que les Turs estoient sur les champs , il
« le deuist avoir signifié, avant que assaillis leseuist, à leur
(t chief et souverain, messire Jehan de Boui^oingne, conte
« de Nevers, qui désire à faire armes, par quoy il eu euist
a eu Tonneur et la renommée. •
Ainsi par envie , ce doit-on supposer , parloit le conte
d*Eu sur le seigneur de Coucy , et en tout ce voyage il ne
le peut oncques avoir en amour parfaittement pour tant
que il veoit que le sire de Goucy avoit tout l'amour , le
retour et la compaignie des chevalliers de France et des
estrangiers ; et il , ce luy estoit advis, le deuist avoir , car
il estoit moult prochain de sang et de lignage au roy de
France , et portoit les fleurs de lis à moult petit dé bri-
sure , et aveuc tout ce il estoit connestable de France.
Ainsi se ' couvoit ^ une hayne couverte du conte d*Eu
messire Phelippe d'Artois devers le gentil chevallier le sire
de Goucy , laquelle hayne ne se pot depuis celler qu'elle ne
se monstrast clèrement « dont grans meschiefs advindrent
en celle saison sur les crestiens , sicomme je vous recor-
deray avant en l'histoire.
* • Par tsire. — '•• Noarrinoit.
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SBNTIWRTS BBIiLlQinWX BU DOC t^K GL0GB8TRB. 98B
Noos nous soaffinrous i parler de ceste matière et
retonmeroiis ^ i * Tanire '.
Vous 8çaYé6, sicomme il est contenu icy-dessus en
nostre histoire, qne le mariage de la fille du roy de France
et dn roy d'Angleterre poar celle saison se approchoit
4 durement ^ , et y avoient les deux roys ^ grant affection,
et aussi ayoient tontes les parties et lignage , rësenrë le
duc Thomas de Glocestre. Celluy n'en avoit point de joye ,
car il veoit bien que par ce mariage grans considërations
et aliaaces ^ s^engendreroient ' entre les deux roys, par quoy
paix se feroit ens ôs roiaulmes, ce que il verroit trop enyis,
car il ne dësiroit que la guerre et y esmouvoit tous ceulx
où il pensoit que s'i * enclinoient ^*.
Pour ce temps il avoit ung chevallier dalës luy, qui s'ap*
pelloit messire Jehan Laquingay, V très-couyert homme ",
lequel sayoit tous les secrets du duc , et en luy esmouvant
à la guerre il ne se faindoit pas , mais en parloit au dit
duc souyent en meryeilleuses manières.
En ce temps vint le duc de Guéries en Angleterre yeoir
le roy et ses oncles , et luy offry i faire tous les services
licites au roy , car il y estoit tenu de foy et d'hommage. Et
veist très-Youlentiers ce duc de Guéries que le roy d'Angle-
terre l'ensonniast en guerre , car trop envis se yeoit en
paix. Ce duc de Guéries et le duc de Lancastre orent grans
parlemens ensemble du volage que le conte de Haynnau et
le conte d'Ostrevan sou fils youloient faire en Frise.
*"* Sor.— ^> Notre première matière dea rois de FniBôe et d* Angle-
terre. — *-■ Fort. — • Très. — »-• Se garderoient — •*• EncUne-
roient. — **'** Couvert homme dorement.
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Pour eas joion^ Fier-à«Bra8 de VertaingesteiteD Angle-
terre envoyé de par le conte d^Ostrovan à quérir gefis
d'armes et archiers pour aler en ce voiage ; et en estoit
pryë le conte d'Erby pour aler avenc ses cousins de Hayn-
nan « et le gentil conte en avoit tris-bonne affectioii, et au
dit Fi«r4*Bra8 ^ en * avoit respondu moult à pdntt en
disant que ou voiage de Frise il yroit de bon cœur , mais
que il pleust au roy et à son père.
Dont il advint que quant le duc de Ouerles vint ou fut
venu en Angleterre » le duc de LiMicastre iuy en parU, et
demanda principalement de ce voiage de Frise quelle chose
il Iuy en sembloit. Il respondi à ce et dist que le voiage
estoit périlleus et que Frise n'estoit pas terre ^ de^ cou-
quest ^ et que plusieurs contes de Hollande et de Haynnau
du temps passé avoient contendu et clamé droit ^en l'éri*
taige , et pour ^ soubsmettre les Frisons et faire vmiir à
l'obéissance s'i estoient esprouvés et aies en Frise , mais
tous y estoimt demeurés » et la cause pour quoy c'estoit
ung périlleux voyage il esclarcissoit sa parole en disant
ainsi : « Frisons sont gens sans honneur et sans congnois*
« sance , ne en euls il n'a nulle pitié, ne merchy, ne ils ne
« prisent , ne ayment nul seigneur du monde « tant soit
« grant, et ont trop fort pays , car il est tout environné de
« la mer et fourme d'iales , de croslis et de marescages ,
« ne on ne s'i scet comment avoir , ne gouverner fors
« ceulx qui sont de la nation. J'en ay esté pryé et requis
« grandement » mais je n'y entreray point , ne je ne con«
« seille jà que mon cousin d'Erby , vostre fils , y voist ;
« car ce n'est point ung voyage pour Iuy. Je croy assés que
a mon biau ^ cousin ' d'Ostrevan yra , car il en a tràs-
*-• Oe, ^ •-• Aig^e 4» conquasto. ~ " Conquesto. — • Vouloir. —
'-•Frère.
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EN AKGLBTBBitti f7i
M 0r«nt yMlmtë et y menra des Hayonaiers en sa eom-
« paignie , mais adyentnre est se jamais il en retourne
« piet. •
Geste parole que le duc de Guéries dist, reffroida telle-
ment et advisa le duc de Lancastre que il dist très-bien en
soy-meismes que son fils ^ estoit revenu du voiage de
Frise , et luy signifia * quoyement ' toute son ^ intention ^;
car pour lors il n'estoit pas delës luy et luy manda que il
se dissimulast de ce voiage de Frise , car le roy et luy ne
Touloient point que il y alast. Ainsi- osta le duc de Guéries
en celle saison an conte de Haynnau et au conte d*Os-
trevan son fils Tayde et compaignie du conte d'Erby , dont
if sembla à plusieurs que il ne fut pas bien conseillië , ne
advisé, ne point n'amoit Tonneur, ne de Tun, ne de l'autre ;
et de telle condition fut-il toute sa vie orgueilleux , prë-
sumptueux et envieux.
Pour ce ne demeura pas que Fier*à-Bras de Vertaing
qui envoie estoit en Angleterre pour avoir des compaignons
pour le voiage de Frise, ne fesist grandement sa ditligeuce,
et ot chevalliers et escuiers et bien deux cens archiers ;
mais le conte d'Erby, par la manière que je vous ay dit ,
s*escusa , laquelle excusance il convint * oyr ^ et prendre
en grë ; mais on vey bien que voulentiers il y fuist aie , se
le roy n*y euist mis defiense à la prière et moyen 4u duc
de Lancastre.
Si ordonna le roy pour Tavancement de ses cousins de
Haynnau sur la rivière de la Thamise à avoir vaisseaulx â^es
coustages pour mener les Anglois qui en ce voiage yroient,
jusques à ' Encuse *, une ville tiui est au conte de Hayn-
nau, et siet tout au ^^ debout " du pays de Hollande, et siet
♦ N'y entreroit Jà «t qu'a. — »•» Secrètement. — ^ Entente. —
•-^ Avoir. — •^ Remue. — ^* Bout.
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272 L« COHTB DE SAINT-POL
celle Yille de Encose sas la iner à douze lieues d^yaue pràs
da royaume de Frise.
En ce temps fat envoyé en Angleterre dé par le roy de
France le conte Walleran de Saint-Pol sur aucuns articles
et matières en devant mises en traittiés et proposées sur
fourme de paix, et estoit le dit conte de Saint-Pol infourmë
de par le roy de France et son conseil pour secrètement et
vivement remonstrer au roy d'Angleterre. Et aveuc luy y
fut envoyé Robert TErmite qui de la paix avoit desjà trait-
tié et parlé au roy d'Angleterre , et voulentiers en fut
ouy.
Quant le conte de Saint-Pol fut envoyé et venu en
Angleterre « il trouva le roy et ses frères le conte de Kent
et le conte de Hostidonne et son oncle le duc de Lancastre
en ung moult bel manoir que on clayme Eltem. Le roy le
recueilly doulcement et lyement , comme celluy qui bien le
sçavoit faire , et ente^dy à toutes ses paroles voulentiers ,
et luy dist à part : a Certes , beau frère de Saint-Pol ,
« tant que au traittié de la paix à avoir à mon biau frère
« de France , je me encline du tout ; mais je ne puis pas
« tout seul faire , ne promouvoir ceste besoingne. Voyrs
« est que mes deux frères et mes deux oncles de Lancastre
« et d'Yorch si enclineroient. assés tost , mais j'ay ung
« autre oncle de Glocestre trop périlleux et merveilleus
« et qui en ce met tout le tourble que il peult, et ne cesse
(f nuit et jour (de ce suis-je tout infourmé) de attraire les
« Londriens à sa voulenté pour mettre une rébellion ens
« ou pays et pour esmouvoir et faire eslever le poeuple à
« rencontre de moy. Or regardés le grant péril ; car , se
« le poeuple d'Angleterre se relevoit secondement à Yest
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TRAITS DB LA PAIX. 37S
contre de moy, et y euissent ^ mon oncle de Olocestre et
anciins barons et chevalliers d'Angleterre qni sont de
lenr accord et àliance , que trôs-bien sçay , le royanlme
seroit perdn. Et si ne sçay comment y ponrreir; car
mon oncle de Glocestre est de si merreillense manière et
tant conyerte que nnls ne se congnoist en luy. » —
M onseigneor , respondy le conte de Saint-Pol , il le Tons
fanlt mener par donices paroles et amoareuses. Donnes*
luy dn Yostre largement. S'il tous demande ' qnoy ^ que
ce soit , accordës-luy tout, car c'est la Yoye par laquelle
TOUS le gaignerés. Il le vous fault blandir tant que tous
en aurës fait et que le mariage soit passé et que tous
ayés Tostre femme amenée en ce pays. Etquant tout sera
fait et accomply , vous aurés nouvel advis et conseil , et
aurés bien puissance de ester les rebelles à vous et mau-
vais contre vous ; car le roy de France au besoing vous
aidera : de ce devés-vous estre asseuré. » — « ^ Et mon
Dieu * ! dist le roy , beau frère , vous parlés bien , et je
le feray • ainsi '• »
Le temps que le conte de Saint-Pol fut en Angleterre ,
il estoit logié à Londres, et souvent aloit veoir le roy à
Bltem et le duc de Lancastre, et avoient parlement ensem-
ble et le plus sus les ordonnances de ce mariage.
Ordonné estoit en France , et le conte de Saint-Pol
Favoit remonstré au roy d'Angleterre, que le roy de France
et ses oncles venroient à Saint-Omer et amenroient la
joeune dame qui devoit estre royne d'Angleterre , et estoit
leur intention que le roy vendroit à Calais, et * se verroient
• Avecqaeeealfl. — •** Aacane chose. — "En nom Dieu. — •*' Trèi-
▼onleiitien. — * LA entre Saint-Omer et Calais.
XV. — FROISSART. i8
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S(74 RICBABB U
les deux roys, car de vene et parleure ensemble cest
conjonotioii d'amour ; et auroient secrets traittiés les deux
roys et leurs ondes sans plus ensonnier plenté de gens sus
la fourme et ordonnance de paix, avant que le rojr d'Angle-
terre emmenast sa femme en Angleterre. Et , se paix n'y
povoit avoir , on alongeroit les triëves trente ans ou qua-
rante à durer entre les deux roys et leurs royaulmes, leurs
conjoints et leurs ahers. .
Geste ordonnance sambla belle et bonne au roy et à son
conseil , et envoia tantost faire ses pourvéances grandes et
grosses par mer et par terre à Calais , et aussi firent tous
les seigneurs. Et fut le duc de Glocestre pryé de par le roy
d'aler en ce voiage et la duchesse sa femme aussi et ses
enffans , et aussi ^ la duchesse d'Iorch et la duchesse de
Lancastre , et celle estoit toute pryée , car elle se tenoit à
Eltem delés le roy avec le duc de Lancastre son mary. Et se
départirent le roy d'Angleterre et le conte de Saint-Pol tout
ensemble et chevauchèrent vers Cantorbie et vers Douvres,
et après sieuvoient tous les seigneurs qui en ce voiage aler
dévoient et qui priés eu estoient.
Au voir dire , le conte de Saint-Pol, pour rapporter ces
nouvelles en France devers le roy , passa premièrement la
mer et vint à Boulongne, et , là luy venu , il exploitta tant
par terre que il vint à Paris, et là trouva le roy de France
et ses oncles et leur recorda comment il avoit besoingnié.
Tous s'en contemptèrent et se départirent de Paris et
approuchèrent petit à petit la cité d'Amiens , et le roy
d'Angleterre et ses oncles vindrent à Calais et là se
logièrent , et grant foison de seigneurs et de dames , et le
duc de Bourgoingne * sur certains traittiés s'en vint à
Saint-Omer. Et de toutes ces besoingnes et approchemens
* Le duc et. — * OncU du roj de France.
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k CALAIS. S75
d*amoiir dt sur traitties de paix estoient moyens le conte de
Saiht-Pol et Robert l'Ermitte. Et vint la nnyt de la Nostre-
Dame en my*aoast pour lors le duc de Bourgoingne à
Calais , et luy amena le conte de Saint-Pol Teoir le roy
d'Angleterre et ses oncles. Si y fut recueillie du roy , de
ses oncles et de tous les seigneurs grandement et lyement,
et orent là parlement ensemble sus certains articles de
paix , ausquelles choses le roy d'Angleterre s'enclinoit du
tout , et * n'avoit , au voir dire , cure * quel chose on feist,
mais que il euist sa femme.
Quant le duc de Bourgoingne ot esté à Calais deux jours
et parlemente au roy d'Angleterre sur les articles de paix,
le roy luy dist que tous ces ' procès il feroit porter en
Angleterre et les feroit très-bien remonstrer à tout le
poeuple , car il , ne tous les seigneurs qui là estoient , ne
les poYoient nullement conclurre , ne accorder souffissam-
ment, ne sceurement que ils se tenissent fermes et estables
sans la générale voulenté de tout le poeuple d'Angleterre.
Et aultretant bien y convenoit-il le roy retourner , et ainsi
il feroit tout ung voyage. « C'est bien dit , respondy le
tt noble et sage duc de Bourgoingne , et à vostre retour
« toutes les choses se conclurront et parferont bien , ce
« m'est advis. »
Sus cel estât se départirent le duc de Bourgoingne et le
conte Walleran de Saint-Pol de la ville de Calais , et
retournèrent à Saint-Omer et de là à Amiens où le roy de
France estoit arresté, et la royue leur fille ^, le duc deBerry
etaussileducdeBretaigne,carle roy de France luy ot mandé
expre8sément,pour quoy il y estoit venu en moult grant arroy •
Et le roy Richart, ses oncles et ^ leur route * retournèrent
•■« Ne lay chaloit. — * Articles et ces. — * Qui royne d'Angleterre
detoit eftre. — '-* Antres seignears anglois.
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276 HPiDinoN
en Angleterre ; mais leurs femmes demoorèrent à Calais i
tout leur estât » car ils espëroient à retourner « ainsi qu'ils
ârent.
En ces vacquations se fist le voyage en Frise des Hay-
nuiers, premièrement du duc Aubert et de son fils le conte
d'Ostreyan; si vous en compterons Tordonnance et remons-
trerons , car la matière le ^ requiert *.
Vous avës bien ouy qr-dessus recorder comment le duc
Aubert de Bayrière et le conte Guillemme son fils estoient
trop fort dësirans de passer* en Frise et de li employer
la saison pour le pays conquerre , et aussi estoient les che-
valliers etescuiers de leurs pays de Haynnau, de Hollande
et de Zéellande , dont le dit duc Aubert estoit par droitte
succession d'éritage seigneur et conte ; pour laquelle
besoingne avanchier et mettre à efiect , le dit Guillemme
conte d'Ostrevan avoit envoyé en Angleterre ung sien
escuier moult renommé en armes nommé Fier-a-Bras de
Vertaing pour avoir Tayde des Anglois, lequel Fier-à-Bras
fist tant et ezploitta que le roy Richart , pour Tonneur de
ses cousins de Haynnau avanchier, envoia aucuns hommes
d*armes accompaigniés de deux cens archiers anglois, et en
estoient chiefs et cappitaines trois chevalliers d'Angleterre,
nommés l'un Cornuaille , le second CoUeville , et du tiers
n*ay-je peu savoir le nom, mais bien ay esté infourmé qu*il
estoit vaillant homme de son corps et bien usé d'armes , de
guerres et de batailles , et avoit eu son menton coupé en
^ une rèse ^ où il avoit ung petit par avant esté, et luy
ayoit depuis esté fait ung menton d'argent qui luy tenoit à
^ une cordelette ^ de soye par à l'entour de la teste.
*-• DArire. — • Et aller. — <-• Un voyage. — •■' Un cordelet.
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n PEI8E. 277
Icralx Anglois vindrent à Bncase , à heure et à temps ,
ainsi que par avant est dit ; mais, pour la matière vérifSer,
j'ay este infoormé que le duc de Baiviëre Aubert, conte de
Haynnau , de Hollande et de Zëellande , après plusieurs
consultations on consauls que ils eurent ensemble, luy et
ses enffans , c'est-assayoir monseigneur Guillemme^ conte
d^Ostrevan son aisnë fils et Aubert monseigneur son maisnë
fils qui estoit ung escuier moult bien ^ estoffë ' de tous
membres , car il estoit grant et gros à merreilles et de
très-bon courage. Et aussi en ces consauls estoit moult
recommande et bien ouy ung très-vaillant escuier et noble
homme à merveilles Guillemme de ' Croennebourg ^ qui
très-fort admonnestoit et enhortoit le dit voyage ; car il
avoit une merveilleuse hayne aux Frisons , et leur avoit
£ût moult de despits et leur flst encores assës depuis, ainsi
que vous orrës.
Alors le duc Aubert se party de son pays de Hollande
aveuc Guillemme son fils conte d*Ostrevan, et s*en vint en
json pays de Haynnau et par espëcial en sa ville de Mons ,
en laquelle ville il flst assambler et convenir les trois estas
de Haynnau qui très-voulentiers comme à leur seigneur
droitturier obëyrent , et, euls venus et assamblës , il leur
remonstra et flst remonstrer sa bonne et * haultaine * vou-
lentë sur le fait du voyage de Frise et le droit et Taetion
que il avoit de ce faire. Et en ces remonstrances faisant il
leur flst lire plusieurs lettres patentes apostoliques et
impëriales, moult noblement et autentiquement de plomb et
d*or sëellëes , saines et entières ,^ par lesquelles apparoit et
iqpparut très-ëvidemment le droit que il avoit en la sei-
gneurie de Frise , en disant : « Seigneurs et vaillans
« hommes nos subgets , vous sçavës que tout honmie doit
« son hiretage garder et deffendre , et que Tomme pour
••■ Fourni.. Fourme. — •-♦ Croaeiiboiircli. — " Haute.
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S78 Binfcmiioii
« son pays et pour sa terre puet de droit esmouvoir gaerre.
« Yoas sçavës par droit que les Frisons doivent estre
« subgets à nous , et ils nous sont trës-inobédieus et
a rebelles à nous et à nostre haultesse et seigneurie
« comme gens sans loy et sans foy. Et pour tant, très-
(c chiers seigneurs et bonnes gens ^ , que de nous-meismes
a et sans l'ayde de vous, c'est-assavoir de vos corps et de
a vos ehevances, nous ne povons bonnement ung si haul-
tt tain fait fumir, ne mettre à exécution, nous vous prions
« que ad ce besoiug vous nous vueilliés aidier , c'est-assa-
« voir d'ayde d*argent et de gens d*armes , à celle fin que
a iceulx Frisons inobédiens nous puissions subjuguier et
a mettre en nostre obéissance. »
Geste remonstrance d'autelle ou de pareille substance
ainsi faitte que dit est , tantost iceulx trois estas , d'un
commun accord et assent, accordèrent à leur seigneur le
duc Âuhert sa pétition et requeste comme ceulx qui très-
désirans estoient (et ont tousjours esté trouvés tels) de
faire plaisir , service et toute obédience à leur seigneur
et prince principalement et plainement. Et , comme j'en ay
esté infourmé, il luy firent tout prestement avoir sur son
pays en deniers tous comptans la somme de trente mille
livres sans en ce comprendre la ville de Valenchiennes ,
laqodle ville fist de ce très-bien son devoir ; car le duc
Aubert aveuc son fils les ala veoir et leur fist une pareille
requeste que il avoit faitte aux Haynnuiers en sa ville de
Mons.
Les choses ainsi conclûtes,' le bon vaillant prince ^ le duc
Âubert et le conte Guillemme son fils , voyans la bonne
voulenté de leurs hommes, forent moult joieulx, et n*est
point de merveilles , car ils sentoieut et veoient que par
* Que vous scavés. — '' Ces bons vaillans princes.
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m niSB. 919
eals ils estoient très-grandement amés , et si en seroient
très-grandement honnonrés. Et pour tant que ils se sen*
toient assës bien servis d'argent et de finance , ils orent
conseil de envoyer par devers le roy de France et luy
feroient remonstrer l'emprise de leur voyage , et avec ce
ils le pryeroient d*ayde. Si le firent ainsi. Et y furent
envoyés deux vaillans chevalliers sages et prudens, qui
moult bien s*en acquittièrent , c'est-assavoir le seigneur de
Ligne et le seigneur de Jumont, lesquels estoient moult bien
amés des François, et par espëcial le seigneur de Ligne que
le roy avoit fût son chambrelenc , et estoit très-bien en la
grice du roy. Si en parla au roy, et luy remonstra bientôt
à point la voulenté et emprise de son seigneur le duc Aubert
de Bayvière , en faisant sa pétition et requeste à laquelle
très-favourablement condescendy le roy et son conseil et
meismement le duc de Bourgoingne , pour tant que il luy
sambloit que sa fille qui mariée estoit au conte ^ d*Ostre«
van , en pourroit en temps advenir ' mieulx valloir , non
obstant que plusieurs ' seigneurs de France en parloient
ou parlassent en diverses manières et assés estrangement
en disant : « A quel pourpos viennent ces Haynnuyers
a requérir , ne pryer le roy d'ayde? Ils voisent en Angle-
a terre requérir et pryer les Anglois. Ne velà pas Guil*
« lemme de Haynnau , qui depuis ung peu de temps a pris
a le Bleu Gertier pour sa chausse lyer , qui est Tordre et
« enseigne des Anglois ? Il n'a pas monstre en ce faisant
a que il ait trop grande affection, ne amour aux Franchois. »
Les autres, qui plus sages et advisés estoient , respon-
doient ad ce et disoient : « Vous avés tort, biaus seigneurs,
c qui dittes telles paroles. Se le conte d'Ostrevan a prins
« le Bleu Gertier, se n'est-il pas pour tantalyé aux Anglois,
• GaiUemme. — • Beaucoup. — » Grana.
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380 EXPÉDinoii
« mais s'est du toat alyë aux François. Et , que il soit
« vray » ne a-il pas en mariage dame ^ Marguerite ' , la
« fille monseigneur Phelippe le duc de Bourgoingne , qui
« est trop plus grant aliance que ne soit ung gertier ? Et
« ne dittes jamais que il ne doye tousjours mieulx amer à
« faire plaisir aux François par ceste aliance de sa femme
a que aux Ânglois de son gertier. Et fera le roy trës-gran-
« dément son honneur » et le pris des François en aocrois-
« tra , se il leur fkit ayde , et aussi fera-il comme sage et
« bien conseillië. »
Ainsi se devisoient les François les ungs aux autres , et
parloient en moult de manières de ces emprises d'armes
qui estoient en grant bruit pour ces jours, dont les aucunes
se faisoient ou dévoient faire en Honguerie ou en Turquie
sus TÂmorath-Bacquin et sus les Turs , et les autres en
Frise sus les Frisons.
Le roy de France ne tarda gaires que il flst mettre sus
une armée de cinq cens lances , tant de Piccars comme de
François , desquels il flst chiefs et capitaines, pour iceubc
conduire et mener en Frise en Tayde de ses cousins de
Haynnau, monseigneur Walleran conte de Saint-Pol et
monseigneur Charles de Labreth , lesquels deux cheval-
liers estoient trës-bien aprins et duits de tels besoingnes.
Et deurent ces deux vaillans capitaines mener iceulx Fran-
çois en la ville de Encuse en la Basse-Frise là où Tassam-
blée se devoit faire et où on devoit monter en mer pour
entrer en la Haulte-Frise , comme ils firent.
Quant ces deux vaillans chevalliers, c'est-assavoir mon-
seigneur de Ligne et monseigneur de Jeumont , veirent la
bonne voulentë du roy et que ils furent tous certains que
la chose estoit commandée et jà l'argent des conapai-
*-* Catherine.
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EN FRISE. 381
gnons payé et dëlivrë , ils 8*en vindreut deTors le roy ; et
en le remerchiant de sa . bonne providence , ils prindrent
congié de luy » lequel fut ^ accorde, et s'en retournèrent en
Haynnan par devers leurs seigneurs , monseigneur
le duc Ânbert et monseigneur Ouillemme conte d'Os-
trevan, son flis, qui les recueillièrent moult honnoura-
blement ; car ils avoient très^bien exploittié. Si leur recor-
dërent bien et au long la doulce et débonnaire response du
roy et du duc de Bourgoingne son oncle , qui grandement
conjouy et festoyé les avoit et fait moult dé beaulx dons et
de beaulx prësens, dont ils remerchièrent grandement leur
seigneur ' le conte Guillemme d'Ostrevan ; car pour
Tamour ^ de luy * il leur avoit fait tant d'honneur et* de
courtoisie que longue chose seroit du recorder. Si nous en
tairons i tant. Mais , pour venir au propos , quant le duc
de Baivière Âubert et conte de Haynnau entendy et sceut
que le roy de France luy envoyeroit en son armée , pour
son honneur accroître et avanchier, cinq cens lances, ainsi
que vous avés ouy ^ , il appella et flst assambler tous ses
nobles hommes , chevalliers, escuiers , gentils hommes et
vassauls de son pays de Haynnau, et y forent ceulx qui s*en-
sieuvent, c'est-assavoir le seigneur de Werchin, son
séneschal de Haynnau, qui moult estoit vaillant homme et
très*renommé en armes « le seigneur de Ligne , le seigneur
de Gommegnies, que il âst mareschal de ses gens d'armes,
le seigneur de Havrech » messire Michiel de Ligne , mon-
seigneur de Lalaing , messire Guillemme de * Houdaing ^ ,
le seigneur de Chin , le seigneur de Cantaing , le seigneur
du Quesnoy , le seigneur de Floion et Jehan son frère , le
seigneur de Boussut , le seigneur de Jeumont, qui moult
• Dëbonnaîrement. — ' Et. — *-* D*ealx. — • Gy-desius. —
•"' HonniUdjQg.
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282 EXPÉDITION
estpit aigre chevallier et ^ despert * sur ses ennemis, et de
lors avoit-il les yeulx tous ronges ' et sambloient-ils
estre fourrés de corrail tout vermeil , Robert le Rons »
le seigneur de Monchiaulx , le seigneur de Fontaines , le
seigneur de Senzelles , messire Jaques de Sars , messire
Guillemme * de Hërimës ^ , messire ' Picquart '' son frère ,
le seigneur de Lçns ' , le seigneur de Velaines * \ messire
Ânsel de Trasegnies , messire Oste ^® d'Escaoursines ",
messire Gérard son frère , le seigneur d*Itre et Jehan son
frère, messire Ansel de Sars. messire Bridonl de Montegny,
messire Daniel de ^* Puille '' et messire Guy son frère, le
seigneur de Mastaing, messire Floridas de Villers , lequel
estoit ung moult vaillant chevallier , et avoit fait moult de
beaulx voyages oultre-mer sur les Turs et sur les Sarra-
zins , dont il estoit grandement recommandé pour ung
très-vaillant homme , messire Witasse de Vertaing ,
messire Fier-à-Bras de Vertaing qui tout nouvellement
estoit revenu d'Angleterre et avoit recordé à son seigneur
le duc Aubert tout ce que il avoit labouré et exploitdé en
Angleterre , dont le duc estoit moult joieux, le seigneur de
'^ Donstévène '* , '^ messire Jehan d'Andregnies , messire
Persant son frère et autres plusieurs escuiers et gentils
hommes : tous lesquels assamblés en son hostel à Mons ,
il très-adcertes leur prya et requist que tous se voulsissent
armer et appareillier et aussi pourvoir de bons compai-
gnons, chascun selon sa puissance, "au plus estofféement ^'
que faire sepourroit, et voulsissent tous de bonne voulenté et
par bonne affection pour son honneur et le lenr avanchier, le
'-• Expert. — * Et embrasée. — *^ Des Hermoiee. — •-' Pinchai*t.
— •■•Le seigneur de Berlaimont. — "-" D'Escaussines. — **-** La
Poulie. — **'** Donstienne. — ** Messire Rasse de Montigny, messire
Thiér^ de Merse , le sei^eur de Roisin, -^ *^^** Le mieux en point.
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EN FBIftK. 285
servir et estre en sacoropaignie en «a ville de Encaseen la
Basse-Frise, à Mecmelic et là entour, ponr aveuc lay monteren
mer et passer en la Hanlte-Frise où il entendoit i estre au
plaisir de Dieu à la my-aoust prochainement venant, et que
lâ les attenderoit-il, car son intention estoit de aler devant
pour tous ses affaires préparer et ses gens d'armes recueil-
lier et asaambler , et aussi HoUandois etZéellandoisesmou-
voir et induire à son service faire et son désir accomplir .Tous
lesquels seigneurs , chevalliers et escniers, débonnairement
et sans quelque contredit, luy accordèrent sa requeste et luy
promisrent tous service à faire comme ses léaulx vassauls;
à quoy nulle deffaulte le duc Âubert , ne son fils le conte
Guillemme d*Ostrevan ne trouvèrent , mais tres^dilligam-
ment se préparèrent et firent tant que à rentrée du mois
d'aoust. en Tau mil CGC. IIII«. et XVI. ils furent
tous appareilliés, et se mirent au chemin par routes et par
compagnies , et tant bien estofiës que roieulx dire on ne
pourroit ou sçaroit , et s'en alèrent en Anvers pour monter
sur Teaue pour aler à Encuse en la Basse-Frise où l'as-
samblëe se faisoit , ainsi que dit est*
Or pensés se adont ou pays de Haynnau , endementiers
que ces apparauls ^ se faisoient et que ces gentils cheval-
liers et escuiers et gentils hommes et aussi plusieurs autres
rades et gentils compaignons se appareilloient , les dames
et damoiselles et plusieurs autres femmes estoient joieuses :
* les aucunes , mais la plus part dévoient estre dolentes ^ ;
car elles veoientles unes leur père, leurs frères, leurs oncles,
leurs oousins et parens et leurs maris, et les autres leurs
amis par amours , qui s'en aloient en celle guerre très-
périlleuse et mortelle. Car . à aucunes ^ bien souvenoit
comment ou temps passé les Haynnuyers aveuc leur sei-
* Et pourvéancea. — •"• Il faut vous 4ire : non. — * Et plusieurs,
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384 KXPÉMTIGR
^eur 16 conte Goillemme j estoient demourës mors. Si
' cremoient * que ainsi ne advenist à leurs parens et amis ,
comme il avoit fait i leurs prédicessenrs ; et monlt bon
gré en sçavoient à la dachesse de Brabant qui avoit def-
fendu par tont son pays que nul gentil homme, ne autre ue
s^ayançast d'y aler. Si en parloient souvent lesdittes dames
à leurs amis en eulx pryant que ils se voulsissent déporter
de ce voyage faire , et en tenoient souvent plusieurs pa^
lemensetconsauls, qui moult peu leur proufStoit. Touteffois
elles en sçavoient (les plusieurs) trës-mauvais gré an bas-
tard de Vertaing , c'est-assavoir Fier-à-6ras de Vertaing,
car elles disoient que c*estoit celluy qui plus avoit esmeu
la besoingne.
Quant le duc Âubert et son fils eurent ouy la response
de leurs bonnes gens de Haynnau, ils s'en retournèrent en
Zéellande et remonstrèrent ' aux Zëellandois toute lenr
^ besoingne ^ , lesquels descendirent ' très-bënignement ^ à
leur requeste et pétition ; et & ces exploits faire se encli-
noient grandement le seigneur de Vere messire Floris de
Borsel , messire Floris • d'Alye • , le seigneur de Zeven-
berg , messire Clais de Borsel et messire Phelippe de Cor-
tien et plusieurs autres gentils hommes , tous lesquels se
mirent tout prestement en armes et en ordonnance de très-
bel arroy , et très-bien monstrèrent à leur i^pareil que ils
avoient tous désir de eulx avanchier.
Après ces choses passèrent les deux seigneurs et princes,
c'est-assavoir le père et le fils , en Hollande, et là pareille-
ment firent-ils leurs requestes aux HoUandois , espéciale-
ment aux barons et bonnes villes , ainsi que ils avoient fait
en Haynnau et en Zéellande.' Et , à '^ vous en parler ", les
•■• Doatoient. — * TrèB-Wnignement. — *•• AfGodre. — •■' Douce-
ment. — • • D'Axel. — "•" Voir dire.
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m VRISB. 285
HoUandois en ftirent si trës-joieolx que à paines vous en
sçaaroit-on dire lamoittië , car HoUandois sar tonte rien
hayent les Frisons, et par espécial les cheyalliers et escniers
dn pays, ponr ce qne ils ont continuelles guerres ensemble
sur la mer et sur les bondes du pays et prendent et pillent
souvent et menu l'un sur l'autre. Et pour tant les sei-
gneurs de Hollande, tels que le seigneur d'Arkel , le sei*
gneur d'Egmont , messire Thierry son frëre , le seigneur
de Brederode , Walleran son frère, le seigneur de Wasse-
naire , ^ bourgrave de Leide , messire Thierry de Leyde ,
messire Thierry son frère, messire Henry de ' Malduich 'i
messire Floris d'Âlkemalde, le seigneur de CuUenbourg ,
le seigneur d'Aspre , messire ^ Busten ^ de * Haruvède ^ ,
Guillemme de Gronembourg , ^ ung escuier d'honneur ,
Jehan et Henry ses deux fils , le seigneur de le Meruwède,
messire Jehan de Drongle, messire Gérard de * Heinsberg^®,
Clais de Sueten , messire Guy de " Poulleghest ^ et plu-
sieurs autres escoiers et nobles hommes , oyans les suppli-
cations et haultains vouloirs de leurs princes le duc Aubert
et Guillemme son fils, de voulenté grande se offrirent à
eulx et leur prommirent confort et ayde de toute leur puis-
sance et bien le monstrèrent , car prestement ils se mirent
en armes « et aussi firent les bonnes villes et le plat pays
qui livrèrent grant nombre d'arbalestriers, crennequiniers^
picquenaires et gens d'armes.
Ne demeura gaires après que de toutes pars gens d'armes
se commencèrent à assambler et à venir devers celle ville
de Bncuse là ou l'assamblée se faisoit. Là venoient de
toutes pars vaisseaulx et ^' par si grans nombres que on
disoit ^^ que , quant ils furent assamblës, il y avoit plus de
• Le. — ••« MalJuick.. Nalduich.. Waldech. — *-• Rusten. —
• ' Harruwède.. Garowède. — • Qui lors estoit. — ••• Gremabex^. —
"/* Poelgheest. — ^V^ TeUement que on tenoit.
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386 EXPiDITIOR
trente mille maronniers ; et disoit-on que la ville de Har-
lem en ayoit livré seulement douze cens ; tous lesquels
vaisseaulx furent retenus , et furent très-bien pourveus de
tous vivres et de tous autres habillemens de guerre tant
sûuffissamment et estoffëement que mieulx on ne pourroit ,
etn*estoit riens qui y deffaulsist. Et sans faute, se les dames
de Hainaut estoient envieuses pour leurs hommes , autant
bien l'estoient les Zéellandoises et les Hollandoises, et fut
vray que leur malveillance cheut sur Guillemme de Cro-
nembourg pour tant que il avoit le nom d'estre celluy qui
plus avoit esmeu et incite la besongne à faire et qui plus
le conseilloit au duc Aubert que il feslst ceste emprise »
et pareillement le seigneur de ' Meruwëde * qui trop fort
se dësiroit à vengier sur les Frisons pour les desplaisirs
qu'ils luy avoient fait ; car à la ba.taille de par avant là où
le conte ûuillemme fut douloureusement et trbs-piteuse-
ment occis , il y avoit perdu par compte fait trente et trois
cottes d'armes de son lignage , dont messire Daniel de la
Meruwëde estoit chief , dont les Frisons n*en vouldrent
oncques prendre ung à merchy , ne à raenchon. Ils (c*est-
assavoir ces deux seigneurs Guillemme de Gronnebourg
et le seigneur de la Meruwède) ne se ouSoient pour riens
veoir devant les princesses et dames de la court du duc
Aubert.
Ne demeura gaires après que toutes manières de gens
d'armes furent venus et arrives , et vindrent premièrement
les Anglois. Si leur fut leur délivrance faitte. Et en après
vindrent les Haynnuyers en très^bel arroy, et les menoient
monseigneur le séneschal , monseigneur de Jeumont et
monseigneur de Gommegnies , qui tous prestement furent
mis en délivrance aussi ; puis Zéellandois , et en après
•-• Merwède.
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EN rRisB. 987
HoUandois. Mais les Franchois ne yindrent pas si tost ; car,
depuis que toutes manières de gens d'armes de tous lés
furent Tenus et assamblés et tous apprestës pour passer ,
il convint tarder onze jours après les Franchois , ou quel
terme pendant , s'esmut ung débat dentre les Hollandois
et les Ânglois ; et sans nulle faulte , se ce n'euist esté le
conte Guillemmed*Ostrevan^ tous les Angloii^ euisseut esté
occis par les Hollandois , lesquels débats Vappaisiés et les
François venus (dont on fut moult resjoy , car à la vérité
c'estoient gens d*armes merveillensement bien ^ habilliés '
de tous hamois et parures), on commanda que tout homme,
quel que il fuist, se mesist en son vaissel. Si fut ainsi fait,
et ainsi montèrent toutes manières de gens es vaisseaulx,
ungs et autres.
Quant ils furent tous entrés es vaisseaulx , ils levèrent
leurs voilles et se recommandèrent à Dieu , et commen*
cèrent à singler parmy la mer qui estoit moult belle, quoye
, et série , et sembloit parfaittement que elle désirast à euls
faire plûsir. Et tant y avoit de vaisseaulx que , se ils euis-
sènt esté rengiés l'un ' emprès ^ Tautre de la bonde de
devers Encuse jusques à la bonde de Gundren qui est en
la Haulte-Frise où ils contendoient à descendre comme ils
firent , où il y a douze lieues d'yaue , certes ils enissent
bien couvert toute la marine, mais ils aloient de front tant
ordonnéement que mieulx on ne pourroit.
Si vous lairons ung petit à parler d*euls, et parlerons des
Frisons , lesquels, comme j'ay esté à la vérité infourmé ,
estoient de long temps advertis de la venue du duc Aubert
et de la grant puissance de gens d'armes que il amenroit
•-• Appareilliëi. — *** Après.
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sur euls : pour qooy ioeulx Frisons , quant ils sceurœt et
entendirent que ils auroient la gnerre, ils se misrent
ensemble et firent convenir tous les plus sages hommes de
leurs terres pour sur ceste ^ besoingne avoir advis com-
ment pour le mieulx ils s'en pourroient ordonner et
^chevir '. Et combien que ils tenissent eteuissent tenu plu-
sieurs consauls , si estoit leur intention telle que ils eom-
bateroient leurs adversaires tantost et tout prestement que
ils les sçauroieut et sentiroient ^ sur leur pays. Et bien
disoient entre eulx que mieulx ils aymoient à morir francs
Frisons que d*estre à nul quelconque roy , ne prince en
servage, ne en subgection, et que pour tous k morir ils ne
se déporteroient , ne partiroient sans combatre leurs enne-
mis. Et puis ils ordonnèrent en leurs consauls que jà
homme ils ne.prendroient à raenchon , tant grant fuist , et
metteroient tout à mort et i perpétuel essil.
Entre euls avoit ung moult noble homme grant ^ et joer-
veiUeux de corps ^, sage et puissant homme , et véritable-
ment il excedoit tout le plus grant Frison de toute Frise
voire de toute la teste, et de plus, et estoit nommé en celle
terre Yvon ^ Joncre * , et le appelloient les Haynnuyers ,
HoUandois et Zéellandois le grant Frison. Cestuy vaillant
homme estoit fort recommandé en Prusse , en Honguerie
et en Turquie , en Roddes , en Cyppre et ailleurs où il
avoit fait plusieurs grans et nobles fais d*armes de son
corps tant que sa renommée estoit partout * congneute '^.
Quant il oy les Frisons parler de combatre leurs adver-
saires , il respondy et dist : « 0 vous , nobles hommes et
« ^* francs '' Frisons , sachiés que il n'est chance qui ne
« retourne. Se par vos vaillandises ^^ vous avés autrefibis
* Grande. — •-* Tenir. — * Estre entrés. — "A merveille. —
' ■ De Yvorie. — •-*• Moult augmentée. — "*• Féaulx. — " Et proesseB.
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DES FRttOMS. 389
« Haynirayers, HoUandois etZéellandois desconfis, sachiét
« qne eealx qui maintenant Tiennent pardechâ , sont gens
<r tons aprins des guerres et des hnstins , et crées de cer-
« tain que ils feront tout autrement que leurs prédices*
ff seurs ne firent , et verres que ils ne s'abandonneront
« point , mais seront tous advisës et aprins de leur fait.
« Et pour tantjeconseilleroie que nous les laissons venir
« et entrer si avant que ils pourront , en uostre terre ,
a et gardons bien nos villes , nos chasteaulx et nos forte^
« resses, et les laissons aox champs où ils se dëgasteront.
a Nostre pays n'est point pour euls longuement soustenir.
« Nous avons plusieurs bonnes ^ lancwëres * (ce sont
« fossés ou dicques). Si ne pourront aler aval le pays ; ils
« n'y pourront mener charroy » ne aler à cheval , et ils ne
« pèvent plentë aler i piet ; et pour tant ils seront tantost
« si tanés que ils se dëgasteront et ' rompront leur
<c emprinse ^^ quant ils auront ars dix ou douze villages.
« Sine nous grèvera tout ce^ gaires *: tousjours les
« refera-on bien. Et» se nous les combatons je fay très-
« grant doubte que nous ne serons point assës fors pour
« euls combatre à une fois ; car , ad ce que j'ay entendu
« et sceu par certaine relation , ils sont plus de cent
« mille testes armées, b Et il disoit voir , car ils estoient
très-bien autant ou plus.
A ces ^ consauls * se consentoient assës trois vaillans che-
valliers frisons, qui nommés estoient, l'un messire Feu de
* Doclicque ^^, l'autre messire Gérard ^^ Ganim^'» et le tiers
messire Thuy de ^' Yalting ^^ ; mais le pueple nullement ne
s'i consentoit point, et aussi ne faisoient plusieurs autres
•-■ Lsndwerea. — »-* S'en retourneront., — •^ Ainsi que rien. —
'-• Paroles. — •-•• Dortrecq,. Dorekerq.. Dockepq. — *<-" Catîn..
Camin. — «»-" Waltarg.. Walting.
XV. — FROISSAET. 49
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390 DÉFAITS
nobles hommes , que ils appellent ou pays les Elins , c'est-
à-dire les gentils hommes ou les juges des causes. Et tant
opposèrent à cestuy grant Frison, nomme Yve S que il fut
entre euls conclut que tout incontinent que ils sçauroient *
que leurs ennemis seroient arrivés , ils les combatroient.
Et demourërent tous sur ce pourpos ' ; et pour tant ils se
mirent tout prestement en armes, et n'ayoient les plusieurs
quelques armures deffensives sinon leurs yestures qui
estoient de gros bureauls et gros draps de tels ou parauls
que on fait les * flaissars ^ des chevauls. Les aucuns
estoient armés de cuir , et les autres de haubergons tous
^ enrouUiés ^. Et sembloit proprement que ils voulsissent
faire ung * carivary * les plusieurs ; mais s'en y ayoit-il
aucuns qui estoient bien armés«
Ainsi se misrent ces Frisons en armes , et quant ils
furent habilliés et prests , ils s*en alërent en leurs églises
et là prirent les crucefixs , gonfanons et croix de leurs
églises, puis s'en vindrent par trois batailles , à tout leurs
crucefixs , leurs confanons et leurs croix (et en chascune
bataille avoit bien onze mille combatans) jusques à une
*• lancwère " (c'estoit une deffense d'un fossé qui estoit non
pas moult loing de là), où HoUandois, Haynnuyers et Zéel-
landois dévoient prendre terre et port , et là s'arrestoient.
Et bien les veoient Haynnuyers, Hollandoîs et Zéellandois,
car ils estoient "là *' comme tous arrivés, et ** dévoient **
descendre jus des vaisseaulx. Et fut vérité que le jour que
le duc Âubert et ses gens arrivèrent, il estoit le jour
' Jonere. — * Et sentiroient. — ' Et d^Ubération. -~ ^ Fkasanet.
— •^ Enrugnifl. — •• Charivari. — "" Laadwere. — **^» Jà, —
•*•» Vouloient.
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DBS FRISONS. 291
de ^ Saint*6erfhélemy * par ong dimence en Fan dessus dit.
Quant les Frisons veirent leurs adversaires ainsi appro-
chier , ils ' envoyèrent environ six-vings hommes ^ de
leurs gens sur les dicques pour adviser se ils pourroient
^ destoumer * à leurs ennemis de descendre ; mais entre
ces Frisons y eut une femme vestue de bleu drap, laquelle,
comme folle et esragie , se bouta hors des Frisons , et s'en
vint par devant les navires des Haynnuyers qui se appa-
reilloient pour combatre leurs ennemis , et advisoient la
manière d*euls et que celle femme vouloit faire , laquelle
femme vint tant en approuchant iceulx Haynnuiers qu'elle
fut près d'euls le trait d'une flesche. Tantost ceste femme là
venue se ^ tourna * et leva ses draps , c'est-assavoir sa
robe et sa chemise, et monstra son derrière aux Hayn-
nuyers , HoUandois et Zëellandois et à toute la compai-
gnie, qui veoir le voult , en criant aucuns mots , ne sçay
mie bien quels , senon qu'elle desist en son langaige :
« Prendés là vostre bienvenue. » Tantost que ceulx des nefs
et des vaisseaulx percheurent la mauvaisetë de celle femme,
ils tirèrent après flesches et viretons , et fut prestement
enferrée par les fesses et par les jambes , car au voir dire
ce sembloit nesge qui volast vers celle femme, du trait
qu'on luy envoioit. Et ne demeura galres que les aucuns
saillirent hors des nefs , les aucuns en l'iaue, et les autres
dehors, etsemisrent à course après celle maleureuse femme,
les espëes toutes nues en leurs mains. Si fut tantost prinse
et rattainte et enfin despechie en cent mille pièces *. Et
tondis s'avançoient toutes manières de gens d'armes à yssir
hors ^^ des vaisseauls, et s'en vindrent contre ces Frisons qui
*-' Saint-Bôrtremieu. — •"* Issirent environ six miUe. — " Dea-
tourber. -- ''-^ Mit en place, et pais tourna le derrière. ~ * Ou plus.
~ " Des nefs et.
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292 DÉFAITE
les receurent par grant vaillance et les repoossoient ^ de
bastons ferrés au debout et bien bendës de part en part.
Et , i voir dire, au prendre terre, il y eut moult de fais
d*armes fais et plusieurs haultes et bien vaillans emprises ,
car de mors et d*abatus il en y eut sans nombre ; mais par
la force des archiers et des crenequiniers , Haynnuiers ,
Hollandois et Zéellaudois et tous les autres qui se com-
batoient par belle ordonnance , gaingnërent sur les Frisons
la dicque et la place , et demeurèrent victoriens par ceste
première envaye, car là sus celle dicque se arrengoient-ils
moult ordonnëement chascun soubs sa bannière en atten-
dant lun l'autre . Et véritablement , quant ils furent tous
arengiés , ils tenoient plus de demie-lieue de loing.
Ces Frisons qui avoient esté reboutés et qui avoient
celle dicque deffendue , se retrairent entre leurs gens qui
estoient bien trente mil tous enclos en une lancwère , dont
ils avoient jette la terre par devers euls, et estoit la fosse
moult * parfonde^, laquelle n'estoit point biei| loing de là ;
car très-bien les povoient veoir les Haynnuiers qui rengiés
estoient sus celle dicque. Et en celle ordonnance furent-ils
tant et si longuement que toutes manières de gens furent
hors des nefs et des vaisseaulz, et tous leurs habillemens,
et aucunes tentes et trefs dreschies , et se reposèrent et
aaisiôrent ce dimence et le lundi enssieùvant en ^ ad visant ^
' leurs ennemis les Frisons. Et y eut fait en ces deux jours
plusieurs escarmuches et fais d'armes.
Quant ce vint le mardi au matin , ils furent tous prests
d*un costé et d*autre ; et adont furent fais plusieurs non-
veauls chevalliers entre les Haynnuyers , Hollandois et
Zéellandois , et estoit ordonné que les Frisons seroient
combatus. Si se misrent tous ces Haynnuyers , Hollandois
* Et reboutoient. — •» Parfaite. — *• Sievant.
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DB8 FRISOIIS. S95
et Zeellandois ateuc leurs aidans en bataille trës-ordonnëe-
ment , et leurs archiers entre enls et devant , et puis
firent ' desclicqnier * ces trompettes ' , et, en ce faisant ,
ils commenc^ent à venir ^ pas pour pas ^ pour passer ce
fosse.
Lors yindrent Frisons avant, qui le deffendoient, et
archiers tiroient sur eulx , mais ces Frisons se couvroient
de targes et de la terre du fosse qui estoit haulte devers
euls. Nëantmains ils furent approchiës de si près que plu-
sieurs Hollandois se boutèrent en ce fossé , et faisoient
pons de lances et de picques, et par trës-merveilleuse
manière commencèrent à envahir ces Frisons , lesquels
deffendoient le pas trës-vaillamment et ruoientles coups si
grans sur ceulx qui vouloient monter sur la dicque du
fossé que ils les rejettoient tous plats estendus en ce fossé.
Mais les Haynnuiers , Hollandois , Zeellandois , Franchois
et Anglois estoient si fort armés que les Frisons ne les
povoient adommagier , ne autre mal ne lemr faisoient que
ruer par terre. Et là estoient les fais d'armes et appertises
monstrées et veues si grandes et si nobles que ce seroit
chose impossible du recorder. Là 8*acquittoient haultement
ces nouveaulx chevalliers qui fort désiroient à faire armes
et i mettre leurs ennemis au dessoubs, lesquels Frisons se
deffendoient ^^TUftHr^^'"^""^^^"* ^^ ^ très aigrement ^.
Car, à la vérité dire, ce sont fors hommes, grans et gros et
bien tailliés de tous membres , mais ils estoient très-mal
armés, et en y avoit plusieurs tous deschauls et sans soul-
liers à tout leurs robes de gros bureau , combien que tous
se deffendissent par moult grant courage.
En ce fouUeis etjmerveilleux assaultoù estoient plusieurs
durs et horribles rencontres et grans poussis de lances et
*-• Sonner. — 'Et clairons. — *-• Pas à pas — •-* Saigement.
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294 DÉFAITE DES FRISONS.
de picques et grana martellis de haches que avoient ces
Frisons , lesquelles estoient à manière de cui^ies à abatre
boySy bien bondées de fer au long deshanstes, trouvèrent
monseigneur de Ligne » monseigneur le sëneschal de
Haynnàu , monseigneur de Jeumont et plusieurs autres
seigneurs de Haynnau à tout leurs gens , en tournant et
advironnant ^ celle lancwôre , une frette * là où ils passè-
rent tout oultre , et vindrent sur ces Frisons , où ils se
boutèrent aux fers de lances en telle manière que les Fri-
sons furent comme tous esbahis , et laissièrent les ' plu-
sieurs de ces Frisons ^ le fossé et la dicque que ils deffen-
doient , aux Hollandois , et s'en vindrent férir sur ces
Haynnuyers qui les receuprent moult vaillamment et telle-
ment qu'ils les firent partir et ouvrir. Et lors Hollandois et
Zéellaudois passèrent oultre ce fossé, et s'en vindrent aussi
bouter et plongier en ces Frisons, et les commencèrent
moult fors à ^ esparpeillier ^ puis çà , puis là. En ceste
griefve et horrible bataille fut mort et occis le grant Frison
que ils nommoient Yves '.
Si ne demeura gaires après que les Frisons s'esbahirent
tellement que ils commencèrent à fuir, qui mieulx mieulx ,
et laissièrent la place à leurs adversaires ; mais la chace
fut très-grande et très-horrible , car on n'y prendoit nul-
luy à raenchon , et par espécial les Hollandois les tuoient
tous, nemeismes ceulx qui estoient prins des Haynnuyers,
des François ou des Ânglois ; si les tuoient-ils entre leurs
mains.
Entre ces Hollandois estoient Guillemme de Groenne-
bourg et ses deux fils Jehan et Henry , qui nouveaulx che-
valliers estoient devenus la matinée , qui merveilleusement
*.* Celuy fossé, une fente. — '■* Frisons (aucuns, non pas tous). —
*•• Espartir. — ' Joncre.
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LE SUC AUBBBT QUITTA hk FRIU. S95
s'acquittoient de faire armes et de oocir Frisons , et bien
monstroient à leur semblant qne petit les aymoîent. A
^ TOUS * dire» flnablement Frisons fàrent desconfls, et en y
demoora la plus grant partie de mors sur le champ et là
entour. Âucnn peu en y ent de prius , environ cinquante,
qui depuis furent menés à la Haye en Hollande, et y ftarent
*grant pièce de temps , et loist à sçavoir que le seigneur de
Oundren , c'est-assaToir le seigneur de la terre où le duc
Âubert et ses gens estoient descendus , s'estoit rendu au
duc Âubert le lundy devant , et fut luy et ses deux âls &
la bataille contre les Frisons , lesquels deux fils furent
depuis ' moult longuement ^ delés le duc Aubert et delés
son fils le conte Gnillemme d'Ostrevan, tant en Hollande ,
en Zéellande comme en Haynnau.
Après ceste desconflture ^ séjournèrent * Haynnuyers ,
Hollandois , Zéellandois , Franchois et Ânglois ou dit pays
de Cundren, en prendant villes et forteresses ; mais certai-
nement ils y conquestèrent bien petit , car les Frisons les
adommagoient trop grandement par aguets et par rencon-
tres. Et quant ils prendoient aucuns prisonniers , si n'en
povoit-on riens avoir , ne ils ne se vouloient rendre , mais
se combatoient jusques à la mort, et disoient que mieulx
aymoient à morir francs Frisons que estre en la subjection
de seigneur ou de prince. Et quant est aux prisonniers que
on prendoit, on n*en povoit extraire quelque raenchon , ne
leurs amis , ne parens ne les vouloient rachetter , mais
laissoient morir l'un l'autre ens es prisons , ne jamais aul-
trement ils ne vouloient rachatter leurs gens , sinon que
quant ils prendoient aucuns de leurs adversaires, ils ren-
•"• Voir. — *'* Grant temps — " Se retottrnèrent*
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^96 LE DUC ADBBIIT QUITUS LA fRlSE.
doient homme pour homme ^ ; mais , se ils sentoient que
ils n'eussent nuls de leurs gens prisonniers , certainement
ils tuoient tout et mettoient tous leurs prisonniers à
mort.
Quant ce vint au bout de * six ' septmaines et que ji on
avoit ars moult de villes et de villages et abatu * moult
de ^ forteresses qui n'estoient point de trop grant valleur /
le temps se commença très-fort à reffroidier et à pleuvoir
souvent sique à paines il plouvoit tous les jours. La mer
s'enfloit et engroissoit , et si se tempestoit souvent par
les vens qui fort * tourmentoient ^. Le duc Âubert et son
fils le conte Guillemme ce voywt proposèrent de enis
mettre au retour et revenir en la Basse-Frise , dont ils
estoient partis , et de là en Hollande » pour plus convena-
blement passer Tiver qui estoit * ystant *. Si le firent ainsi,
car ils se misrent au retour et firent tant que ils refurent
à Encuse ; et là donnèrent iceulx seigneurs ^^ à toutes
manières de gens d'armes congié et par espécial aux
estrangiers que ils contentèrent très-grandement , et leur
payèrent très-bien leurs sauldées , et si les remerchièrent
de la bonne ayde et service que fait leur avoient.
Ainsi se de£3st ceste armée de Frise , et n'y conques-
tèrent autre chose pour celle saison; mais, dedensle terme
de deux ans après , iceulx deux nobles princes , c'est-
assavoir le duc Âubert et son fils Guillemme , conte d'Os-
trevan et pour lors gouverneur de Haynnau , y râlèrent la
seconde fois et y conquestèrent grandement et largement,
et y firent de moult belles vaillances et sans nombre,
ainsi que au plaisir de Dieu cy-après ^^ sera dëclairë '^
Mais nous nous en tairons à tant, et parlerons de l'ordon-
* Autrement non. -- •■» Cinq. — *• Plusieurs. — '-^ S'eslevoient,
— ••• Instant. — " Et princes. - "" Apperra.
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ISABELLE DE nUlCCB EST BEUSB A RICHARD II. 297
nanee des nopces da roy Richart d'Angleterre et de ]a fille
de France nommée madame Ysabel.
Vous sçayés comment le roy Richard d'Angleterre, quant
il ot esté à Calais et là séjourné aveuc ses oncles et plu-
sieurs prélats et barons d'Angleterre de son conseil , et
parlementé au duc de Bourgoingne sur certains traittiés ,
et que il fut retourné en Angleterre , il s*i tint tant que la
Saint-Michiel fut venue et que les parlemens générauls se
tiennent au palais de Westmoustier. Et en ce tandis on
flst les pouryéauces à Calûs grandes et grosses , et aussi
à Guisnes tant pour le roy comme pour plenté des princes
et barons d'Angleterre ; et là estoient envolées par la grei-
gneur partie des pors et des havres d'Angleterre et de la
rivière de la Tamise , et aussi on en prendoit grant foison
en Flandres » à Bruges et au Dam et à l'Escluse, et toutes
ces pourvéances venoient par mer à Calais. Pareillement
pour le roy de France et son frère le duc d'Orléans et leurs
oncles et les prélats et barons de France on faisoit grandes
pourvéances à Saint-Omer , à Ayre , à Thérouenne , à
Ardre , à la Montoire, à ^ Bevlinghehen * et en toutes les
maisons et abbayes de là environ , et n'y estoit riens
espargnié,ne de l'un costé, ne de l'autre, et se efforchoient
tous les officiers des seigneurs l'un pour l'autre , et par
espécial l'abbaye de Saint-Bertin estoit fort raemplie de
tous biens pour recueillier les royaulx.
Quant les parlemens d'Angleterre qui se font et sont
par usage tous les ans au palais du roy à Wesmoustier,
furent passés (et commenchent à la Saint-Michiel et ont
ordonnance de durer quarante jours » mais pour lors on
'-* Bavelinghen.. Oravelingen.
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296 ISABELLE DE nUKCB
les abréga » car le roy n'y fat que cinq jours ; et furent en
ces cinq jours remonstrëes les besoingnes du royaulme les
plus près touchans et les plus nécessaires , et par espëcial
celles qui à luy appartenoient et pour lesquelles il estoit là
venu et retourne deGalais)4l8e mistau retour etau chemin, et
aussi dirent ses deux oncles Lancastre et Glocestre et tous
les prélats, barons et chevalliers d'Angleterre , qui du con-
seil estoient et qui escripts et mandés estoient , et tant
exploittèrent par leurs journées que tous passèrent la mer
et se trouvèrent à Calais. Le duc Âymond dTorch point ne
passa la mer , ainchois demeura en Angleterre , et aussi
ne flst le conte d*Erby , et demeurèrent derrière pour
garder Angleterre jusques au retour du roy Richart.
Quant le roy d'Angleterre et ses deux oncles furent
' venus * à Calais , ces nouvelles furent tantost signifiées
aux seigneurs de France qui se tenoient en la marche de
Piccardie. Si s'en vindrent à Saint-Omer , et se logièrent
le duc de Bourgoingne et la duchesse sa femme en Tab-
baye de Saint-Bertin.
Tantost que le roy de France sceut que le roy d'Angle-
terre ^ reestoit venu ^ à Calais , il y envoya le conte de
saint-Pol veoir le roy et luy dire de leur ordonnance
comment on vouloit en France que elle se feist. Le roy
Angleterre y entendi voulentiers , car grant plaisance il y
prendoit , et moult luy agréoit la matière.
Or retournèrent à Saint-Omer, en la compaignie du
conte de Saint-Pol, le duc de Lancastre et son fils messire
Biaufort de Lancastre , et le duc de Glocestre et Offren
son fils (le conte de Rosteland) , le conte Mareschal , le
conte de Hostidonne, chambrelenc ^ du roy d'Angleterre^, et
grant foison de baroQS et de chevalliers ^ , lesquels furent
*-* Retournés. — •-* Estoit revenu. — •-• d'Angleterre. — ^ Et
escujers.
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EST REMISE A RICHARD II. 399
moult grandement et bel recueillies du duc de Bourgoingne
et de la duchesse , et là vint aussi le duc de Bretaigne qui
avoit laissié le roy de France à Ayre et la joenne royne
d'Angleterre madame Ysabel sa fille.
Vous devës savoir que toute la pejne et dilligence que
on puet ^ mettre à bien festoyer ces seigneurs d'Angleterre,
on le fist et mist , et leur donna la duchesse de Bour-
goingne grandement et richement à disner , et fut la
duchesse de Lancastre à ce disner et la duchesse de Glo-
cestre et ses fils et ses filles, et y ot trës-grant foison de
mets et d'entremets et grans prësens , nobles et riches, de
Taisselle d'or et d'argent et de toutes nouvelles choses , et
riens n'y ot espargnie en estât tenir, tant que les Ânglois
s'en esmerveilloient où telles richesses povoient estre
prinsesy et par espécial le duc de Glocestre , et avoit bien
grant merveille et disoit bien à ceulx de son conseil que
ens ou royaulme de France est toute richesse et toute puis-
sance. Ce duc de Glocestre, pour luy adoulcir, et mettre à
bonne voye de raison et d'humilitë (car les seigneurs de
France sçavoient bien que il estoit ' hauster ' et dur en
toutes concordances) , on luy faisoit et monstroit tous les
sigfaes d'amour et d'honneur que on povoit. Néantmains
tout ce, il prendoit bien tous les joyanix que on luy donnoit
et présentoit , mais tousjours demouroit la rachine de sa
rancune dedens le cuer , ne oncques pour chose que les
François sceuissent faire , on ne le polt * apprivoisier ^ que
il ne demourast tousjours fel et cruel en toutes responses
puisque elles traittoient et parloient de la paix. Franchois
sont moult soubtils^ mais tant qu'à luy ils n'y sçavoient
comment advenS ; car ses paroles et responses estoîent
si couvertes que on ne les sçavoit comment entendre,
' Par honneur. — '^ Hault. — ** Adoucir.
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300 ISABELLE BB FRAHCE
ne sas qael point prendre. Et quant le duc de
Bourgoingne en vey la manière, si dist à ceulx de
son conseil : « Nous perdons quanques nous mettons ' en *
« ce duc de Glocestre ; car jà, tant que il yiye , il ne sera
« paix entre France et Angleterre , mais trouvera tondis
tt des nouvelles cautelles et incidences , par quoy les
tt haynnes s'engendreront et renouvelleront ens es coeurs
« des hommes de Tun royaulme et de l'autre , car il n'en-
a tend « ne pense a autre chose. Et , se le grant bien que
« nous veons * au roy ^ d'Angleterre, n'estoit, par quoy ou
n temps advenir nous en espérons mieulx à valloir , pour
« vërite il n'auroit jà à femme nostre niepce de France. »
Quant le duc et la duchesse de Bourgoingne et la con-
tesse de Nevers et la contesse de Saint-Pol ^ orent receu
ces seigneurs et ces dames d'Angleterre et festoie si gran«
dément comme vous avës oy , en laquelle recueillotte fut
ordonné et advisé comment, où et quant les deux roys s'en-
contreroient et trouveroient sus les champs , et seroit au
roy d'Angleterre délivrée sa femme , congié fut prins et
donné de toutes parties , et retournèrent les ducs d'Angle-
terre, leurs femmes et leurs enffans et tous les barons et
chevalliers d'Angleterre qui là avoient esté, à Calais devers
le roy auquel ils recordèrent comment on les avoit recueil-
lies et festoies et bien grandement enrichis de dons et de
joyaulx. Ces paroles et louenges pleurent grandement au
roy d'Angleterre , cai* il estoit trop joieulx quant il ouoit
bien dire du roy de France et des Franchois , tant les
avoit-il desjà énamourés pour la cause de la fille au roy, que
il tendoit à avoir à femme.
Assés test après vint le roy de France à Saint-Omer et
se bouta en l'abbaye de Saint-Bertin et fist bouter tout hors
'-■ A.—*-* Enaou royaulme. — 'Et les dames et seigneurs de France.
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B8T REMISE A EICHARD II, SOi
cenlx et celles qui logiës y estoient » et amena le duc de
Bretaigne en sa compaignie. Et furent ordonnés d*aler à
Calais parler au roy d* Angleterre et sou conseil le duc de
Berry , le duc de Bourgoingne et le duc de Bourbon , et
chevauchërent devers Calais et firent tant que ils y vindrent.
Si furent recueillies du roy et des seigneurs grandement et
très-joieusement» et leur fut faitte la meilleure chiëre comme
on peult , et eurent là les trois ducs dessus nommés certain
et especial traittié au roy d'Angleterre et à ses oncles , et
' cuidièrent ' adont moult de gens de France et d'Angleterre
que paix fuist accordée entre France et Angleterre , et
estoient ' aucques ^ sur cel estât, et si assentoit assés pour
ce temps le duc de Glocestre, car le roy * Tavoit si • avant '
mené de paroles que prommis luy avoit, là où paix seroit ,
que il feroit son fils Ofirem conte de * Glocestre * et mettroit
en héritage et feroit la ditte conté par an valloir de
revenue *^ deux " mille livres à Testrelin , et au dit duc de
Glocestre son oncle il donroit, luy retourné en Angleterre,
en deniers appareilliés , cinquante mille nobles , siques
pour la convoitise de ces dons le duc de Glocestre avoit gran-
dement adoulcy et attempré ses ^' oppinions tant que les
seigneurs de France qui là estoient venus,^^ s'enperchnrent^^
assés et le trouvèrent plus humble et plus douls que oncques
mais n'avoient fait.
Quant tout fut ordonné ce pour quoy ils estoient là
venus, ils prindrent ^^ congié au roy et aux seigneurs, et s'en
retournèrent arrière à Saint-Omer devers le roy de France
et le duc d'Orléans son frère qui là les attendoient , et
recordèrent comment ils avoient exploittié.
*-• Tindront. — '-* Presque. — » Son nepveu. — «' Bien. —
**Rocheatre. — *••" Quatre. — " Dures. — *•-•* S'en aperçurent.
— "Tous.
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302 ISABELLE DE FEANCE
Le roy de France se dëparty de Saint-Omer et s'en vînt
logier en la bastide d* Ardre, et le dac de Bourgoingne à la
Montoire , le duc de Bretaigne en la Tille d'Osque et le
duc de Berry à Bavelinghem. Et furent tendus sur les
champs de toutes parts tentes et trefs, et tout le pays raem-
pli de poeuple tant de France comme d'Angleterre. Et vint
le roy d'Angleterre logier à Guisnes , et le duc de Lan-
castre aveuc luy , et le duc de Glocestre à Hames.
La * nuit * Saint-Simon et Saint-Jude , qui fut par nng
vendredy l'an de grâce Nostre-Seigneur mil CCC.IIII** et
XVI, sur le point de * neuf * heures, se départirent les deux
roys, chascun avec ses gens, de sa tente , et s'en vindreut
tout de piet l'un contre l'autre et sus une certaine place de
terre où ils se dévoient trouver et encontrer , et là estoient
tous rengiës d'un les quatre cens chevalliers françois armés
tout au cler et leurs espées toutes nues ens es mains , et
d'autre part pareillement quatre cens chevalliers anglois
armés ^ tout au cler * , et estoient ces huit cens chevalliers
tous hayés et rengiés d'une part et d'autre, et passèrent les
deux roys tout au long parmy euls, et estoient adestrés et
menés par l'ordonnance que je vous diray.
Le duc de Lancastre et le duc de Glocestre menoient et
adestroient le roy d'Angleterre, et ainsi tout le pas ils s*en
vindrent parmy ces ^ quatre cens chevaliers d'un lés et
quatre cens chevaliers de l'autre lés *. Et pareillement le
duc de Berry et le duc de Bourgoingne menoient et ades-
troient le roy de France. Et quant les deux roys vin-
drent si près que pour encontrer l'un l'autre, les huit cens
chevalliers s'agenoullèrent tout bas à terre en pleurant de
pitié.
*-• Veille. — »-* Dix. — *•« Comme dessus. — ^"* Huit cens cheva-
liers.
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EST REMISE A RICHARD II. 303
Les deux roys à nud chief s'encontrërent. Si se encli*
Qërent ung petit et se pxdndrent par les mains, et emmena
le roy de France le roy d'Angleterre en sa tente, laquelle
estoit belle , riche et bien ordonnée. Et les quatre ducs se
prindrent par les mains et sieuvoient de près les deux roys
et les cheyalliers. Les François d'un lés et les Anglois de
l'autre se tindrent sur leur estant , regardans l'un l'autre
par humble et bonne manière , et point ne se départirent
de la place tant que tout fut achiévé , et fut trop bien
adyisée la place et la terre où les deux roys s'encontrèrent
et prindrent par les mains l'un l'autre , et fut dit et advisé
que droit là, sus celle pièce de terre où les deux roys s'en-
contrèrent, on fonderoit et ordonneroit une chappelle en
Toimeur de Nostre-Dame , et seroit nommée Nostre-Dame
de la Grâce. Je ne scay se riens en fut fait ^
Quant le toj de France et le roy d'Angleterre qui se
t^KMAnt par les mains, entrèrent en la tente du roy de
France, le dac d'Orléans et le duc de Bourbon leur
vindrent au devant et s'agenoullèrent devant les roys. Les
deux roys s'arrestèrent et les firent lever. Les six ducs se
recueillirent en front et se misrent en parole ensemble ; et
les deux roys passèrent oultre et se arrestèrent sur le pas,
et là parlementèrent une espace ensemble et entandis on
appareilla vin et espices ; et servy du drageoir et des espices
le roy de France le duc de Berry , et de la coupe et du vin
le duc de Bourgoingne, et le roy d'Angleterre pareillement
le duc de Lancastre et le duc de Glocestre '.
Le vin et les espices prins des deux roys, chevalliers de
France et d'Angleterre reprindrent les drageoirs et les
espices et le vin et les coupes, et servirent les prélats, les
ducs ^ et les contes, et après ce les escniers et gens d'ofGice
* Mais il fot ordonné. — ' Da vin et des espices.—' Et les princes.
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304 ISABBLLE DE PRANCE
firent ce mestier « et tant qae tous ceulx qui dedens la
tente estoient , orent vin et espices. Et ^ entreux * sans
nul empeschement parlementoient ensemble les deux roys.
Gest estât et affaire passes , les deux roys prindrent congié
ensemble et tous les seigneurs l'un à l'autre. Et retour-
nèrent le roj d'Angleterre et ses oncles en leurs tentes , et
tantost se ordonnèrent et montèrent ' aux ^ cheyaulx et se
départirent et retournèrent vers Calais, le roy d'Angleterre
à Guisnes, le duc de Lancastre et le duc de Glocestre à
Hames » et les autres à Calais , et chascun à son logis.
Pareillement le roy de France retourna à Ardre, et le duc
d'Orléans aveac luy, et le duc de Berry à Toumehem à son
logis , et le duc de Bourgoingne à la Montoire , et ainsi de
hexk en lieu tant que ils furent tous bien logiés , et n'y eut
plus riens fait pour le jour , et demeurèrent les tentes du
roy de France et des seigneurs sur les champs.
Quant ce vint le samedi le jour Saint-Simon et Saint-
Jude, sur le point de onze heures, le roy d'Angleterre et
ses oncles et tous les hommes d'honneur d'Angleterre, qui
avecques le roy la mer passé ayoient , vindrent devers le
roy de France en sa tente, et là furent-ils recueillies moult
solempnellement du roy, de son frère, de leurs oncles et des
autres princes et barons ; et parloit chascun à son pareil
joieuses paroles. Et là furent les tables mises : première-
ment celle pour les roys , qui fut longue et belle, et le dre-
choir couvert de riche et noble vaisselle ^ à grant plenté ,
et séirent les deux roys tant seulement à une table , le roy
de France au dessus, et le roy d'Angleterre au dessoubs,
assés loing l'un de l'autre , et servirent devant les deux
roys le duc de Berry , le duc de Bourgoingne et le duc de
Bourbon ; et là dist le duc de Bourbon plusieurs joieuses
*-« EntreUnt. — »-* Sur leurs. — ■ D'argent et d'or.
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EST MBOW A RICIMA» U. 305
paroles et ' gales * pour faire rira les roys et les aeignecirs
(pli devant la table estoient , car oe dap dont je parole >, fut
noait ' lyes * et moult reveleos , et dist toot haalt, adres-
ehsat sa parole au roy d'Angleterre : « Monseigneur le roy
« d'Angleterre» vous devës foire bonne cbière. Vous avës
« tout ce que vous dësirés et demandés. Vous avés vostre
« femmeou aurës : elle vous eeradélivrëe. n Dont dist le roy
de France : « Bourbonngis, nous vouldrions que nostre fille
« fuist autant aagie comme nostre cousine de Saint-Polest:
« ^ silaprendroit nostre fils d'Angleterre en plus grantgrë ',
« et il nous euist cousté grandement du nostre. •
Ges^ parole entendy et oy le roy d'Angleterre. Si
respondy en lui enclinant devers le roy de France , et fut
la parole adreschie au duc de Bourbon , pour tant que le
roy de France avoit fait comparison de la fille au conte de
Saint*PoL « Beau-père, Teage que nostre femme a » nous
• plaist grandement bien , et nous n'amons point tant le
« grant 6age d'elle» que nous faisons l'amour ^ de nous et de
« nos royaulmes ; car là où nous " serions * bien ^^ d'accord ^^
« et d'une aliance , il n'est roy crestien, ne autre , qui nous
« peuistpcNrter contraire. »
Ce disner ^* se passa ^'^ comme vous povés entendre, en
la tente du roy de France , qui fut bien brief. On leva les
nappes ; les tables furent abaissles ; onpristvin et espicos.
Après tout ce fait » la joeuue royne d'Angleterre fut ame-
née en la place et dedens la tente du roy, accompaignie de
grant ^^ foison ^' de dames et de damoiselles , et là fut-elle
baiUie et délivrée au roy d'Angleterre , et luy bailla son
père le roy de France par la main.
•-■ Cailles. — *^ Joyeux. — ••• Elle prendroit nostre fils à'Angle-
terre en plus grant gré. — 'Et la conjonction. — "^ Serons. — ••^^
D'an accord. — ••-" Pasaë. — **-" Nombre.
XV. — FROISSART. 20
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306 I8ABBLLB }>E FEANCB E8T UKIBB k RICHABB II.
^ Incontinent ' qne le roy d'Angleterre fat de la dame
saîsy , congiAs furent prins de tontes pare. On mist la
joenne royne d'Angleterre en nne littiëre monlt noble et
monlt riche , qui estoit ordonnée pour elle. Et de tontes
les daines et damoiselles de France qui estoient là venues,
n'en ala nulle aveuc la ditte royne, fors la dame de Coursy.
Là estoient plusieurs haultes princesses d'Angleterre»
accompaignies de dames et de damoiselles, telles que la
duchesse de Lancastre, la duchesse d'Iorch, la duchesse de
Glocestre, la duchesse d'Irlande, la dame de ' Maynne ^ la
dame de ^ Prounins * et foison d'autres haultes dames qui
recueilliërent la joeune royne d'Angleterre en moult grant
léesseetjoye.
Tout ce fait et les dames appareillies , le roy d'Angle-
terre et tous les ' Anglois partirent et chevauchèrent le bon
pas et vindrent au giste à Calais , et le roy de France et
tous les seigneurs à Saint-Omer, et là estoient la royne de i
de France et la duchesse de Bourgoingne , et forent ainsi
le dimence et le lundi ; et le mardi qui fut le jour de tous
les Sains espousa le roy d'Angleterre , en l'ëglise Saint-
Nicholay de Calais, Tsabel de France qui fut sa femme et
royne d'Angleterre , et les espousa l'archevesque de Can-
torbie , et là furent les festes et les solempnitës moult
grandes, et hërauls et ménestrels payés bien et largement
tant que tous s'en contemptërent.
Le jeudi enssieuvant vindrent à Calais le duc d'Or-
léans et le duc de Bourbon veoir le roy d'Angleterre et la
royne , et prindrent congié à eulx et aux seigneurs d'An-
gleterre, et le vendredi au matin retournèrent, et vindrent
" Sitost. — " Man. — ^ Poiniiu. — ^ Seigneur».
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au disâér i Saint-0mdr,etlàtF0uyërent1d royde France qui
les attendoît. Et te roj f Angleterre et là royne, après lift messe
oye du matin et boire nug petit, qui boire* venlt , 'entrèrent
en leurs taisseadls passagfiôrs qui ordonnes ^ estaient ,
et eurent yent appareilliez quant ils furent dësancrës,
et esquipèrent en mer, et fdrent à Douvres en moins de trois
hettHès, éi là vint )e roj et la royne à disner eus ou chastel
et gésir, et à l*endemain à Rocestre, et puis à Dardeforde ,
et puis à Bltém * la maison ? du roj. Bt prlndrent congië
les seigneurs et les dame^ .d'Angleterre au roy et à la royne,
et puis retôumëreni chascun en leurs lieux.
Depuis environ XV jours fut - la royne d'Angleterre
amenée en la cité de Londres , aceompaignie grandement
dé seigneurs , de dames et de damoiselles, et jeut une nuit
ens ou chastel dé Londres séant sur la rivière de la Tha-
mise y et à Tendemain fut amenée tout au long de Londres
à gruit solempnité jusques au palais dé Wesmoustiér, et là
estoit le roy qui la recueilly. Et ce jour firent les Lon-
driensà la royne graus dons etrïches présens , qui tous
furent récheus en ^ jbye. Et le roy et là royné et les sei-
gneurs et les dames estans à Wesmoustiér, furent unes
joustes ordonnées et assises à estre en Semettefille en la
cité de Londres à la Cfaandelleùr* de quarante chevalliers
dedens et de quarante escuiers , et fut la feste baillie et
délivrée aux hérauts pour nonchier et signifier deçà la
mer jusques eut ou royaulme d'Encoche. *
En ce temps , le roy de Frcmce revenu à Paris depuis
le mariage de sa fille , et les seigneurs retournés en leurs
• Pour eulx, -— •-• Le nuuiioir. — * Orent.
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lieux «rtoieot gratis novnreUes an Fianoa de guerre ; car ai
propoeoit qae tantûst apràe , à rentrée de mers , le roy de
France prenderpit le chemin d'aller à pniisaiioe et d'entrer
en Lombardie pour deetroire meeaire Oalléas dne de Millan,
etavoitprineleroy.de France le dncde Millan en telle
hayue que point ne vouloit oyr parler dn contraire que le
voyage ne ne fo8ist;et Iny devoit le roy d'A|i£^terre
envoyer fm mil archiere. Et proprement le dnc de Bre^
taigne, qui pour le temps s'estoit tenu avenc le roy , s'es-
toit offisrt pour aller aveuc le roy en ce voyage i tout deux
mille lances de. Bretons » et se faisoient jà les pourvéanoes
du roy et des seigneurs sur les chemins en la dauffioé de
Vienne et en la conte de Savoie. Et quant le duc de Bre-
ta^gne se d^arty du roy et des seigneurs , messire Pierre
de Cr^n« qui estoit condempnë envers la royne de Naplas
et de Jhërusalem i payer cent mille frans, et sur ce il
tenoit prison eus ou chastel du Louvre à ses coustages ,
tellement que » pour obvier à ces frais et coustages , il
m'est a4vis que ^ celluy duc de Bretaigne * fist tant par
pryères au roy et aux seigneurs que par bons moiens
? moyennes ^, que il am^oa en sa compaignie , '^^ue son *
cousin messire Pierre de Craon , ' comme^ je croy assés * ,
* se atermina ^^ à paier à termes la royne de Naplea et de
Jhérusalem dessus nommée.
De ce payement et du duc de Bretaigne et de messire
Pierre de Craon , je me cesseray i parler pour le présent •
et " retraiteray " des adventures et du voyage de Turquie,
car il est " heure ^^ que je y retourne.
••• Le duc de Bourgogne. — ••* Et moyennes. — *■• Son. — '-• Je
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PEOiBts ins cr6i8&. 309
Vou^^ 8çav4è^ comment il edt icy-deédàs contehu en nos-
trôhisiioire, comment'leroy^ Hon^erie et les seignênt^ de
f'ranêe, qui en celle saison eâtbiënt aies on t*oyét(Imè de Hon-
gnérîe ponr quérir et * tr^ocrter * les * armes '•; àvoiéiit tatl-'
lamment passé la mièrè de là Duno6» et esttiiéiit'èiitMs en'
là Turquie , et fout Testé déj[)ms' le inois de juillet y àvoiëùt'
fait teouH d'armes , prïnà et mis à merdhy plènté de bon '
pays , villes et chastiauli ^', hé' niiVs né leur éstolf àlé au
devant , qui peuist résister àieur ptrissancei et aioieht
miilé siège éitbur la cifié de Nyc6lpoiy et durement
* estràinte * ei tellement lliènée par force d^assatiTs que elle
estoit en petit estât et siis ' le point de rëÀdre ; et si ne
oyoiènt nulles hoûVéheé iê i'Âmoilratb-Bac^uitt. Bt ja àvoit'
dit le roy de Hôbigtieriè «iiix Seigneuns de France, à Jehan
de Bourjgoingné» conte de devers, au ôonte d'En» au éonté
de la Marche , au seigneuî^ de Goucy , conte de Sbissbns ,
et àui ïiaroûs et chevailiers de France et de Bourgoin^e :
f Beàuls seigneurs , Dieu merctiy , nîbus avons eu ûné
i moùlt bonne saison ; car nous àvoità fait plénté d*àrmes
• et dèètmit grant pays en la Turquie. Je tiens et compte
« ceste ville de Nicolpoly pour nostre, toutes fois que nous
« vouldrons : elle est tellemwt menée et si astrainte que
f elle ne se puet tenir, sique , tout considéré «je conseille
ir que, la tille prinse et miseènno£rire mercby, nousn'alons
tf plus avant pour la saison ; mais nous retrairons de Ift le
s Dunoe ens ou rô^^ufane de Honguerie , ouqueï je tiens
« plusieurs ville^ , cités et chasieaulx, tous àppareiUiës et
« envers pour vous recepvoir , et c^esf bien raison, ou cas
« que vous me aidiés à faire ma guerre contre ces Turs et
*'* AfU cj.' — *'* Siéwir. — *** Hmto UàU d'armes sur les euie-
mie à la crestienté. — * Qu'ila avoient mie «a leur eubjection. —
^ Atteinte.
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2^0 PROJETS BSS CKQISÉS.
j
« 09i69crpian&, lesquels j'ay trouves et treuve durs et
<c h^uiiSters ennemis. . En cestuy jyer , nous ferons nos ,
« pourvéanoes, Gha$|cun selon qu!J1, les vouldra avoir, pour .
<x resté advenir , et signifierons nostre estât au roy de
« France., lequel., sur Testi ^1 retournera , nous raffres-
«. chlra.da iioovelles gens. Et, eqpoir^ quant il saura Tor-
« donni^nce et le ^ convenant ' de nous , aura-il affection
«. de 7 venir en personne i car il est joeune et de grant
« voulenté, et ayme moult les armes. Et, viengne ou non
« viengne , à ]*esté qui retournera , se il plaist à Dieu , ,
« nous acquitterons le rôyaulme ,d'Ermënie et passerons le
« Bras-SaintrJeorge etyrons en^urie et acquittei^ons des .
« Sarrazins les pors d^ ' Japbe ^ et de Baruth et plusieurs
« autres , ^ pour descendre * en ^urie , et irons conquÀ*ir
<( la cité de Jhérus^em et toute la Sainte-Terre. Et» se.
« le sonldan à tout son effort nQi|S vien,t au deywti» nous
« le combaterons , ne jà ne s'en partira sans la bataille ,
« au Dieu plaisir,. »^ Ainsi avoit dit et proposé le roy de
Honguerie auK seigneurs de France, et tenoient eit <^mp-
toient la c^té de Nicolpoly pour eulx ; mais il en avenra
bien autrement. .
Toute celle saison, le roy Basaach de Turquie, dit
rAippurat};i-Bacquin, avoit fait son "^ amas 'de ' Sarrazins et
de mescréans ,. et estoient priés et mandés jusques ens ou
royanlme de Perse. Et se ^^ prendoient ^' tous les seigneurs
de sa loy moult près i luy poursieuvir et aidier pour des-
truire la -sainte crestienneté, et avoient tous passé le Bras-^
•-• Commandement. — '-* Japlia. — *-• Et irons. — '"• Armée. —
• Gens d'armes. — ' «•" Présentèrent.
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VABCHB DS8 TURCS. 511
Saint-Jeorge , et estoient bien denx cens mille * , et de la
puissance et dn nombre * d'euls n'estoient point les cres-
tiens certifia. Et tant approchèrent le roy Basaach et
ses gens, en cheminant les couvertes voyes, que ils appro»
chèrent la cite de Nicolpoly , et riens ne sçavoient les
crestiens de leur convenant , ne que ils fussent si près
de eols i^pronchiës comme ils estoient ; car cel Amorath-
Bacqnin sçavoit de guerre quanques on en povoit sçavoir ,
et fut en son temps ung moult vaillant homme et de grant
emprise » et bien le monstra ' , et » par ^ le grant sens qui
en luy estoit , il ' amyroit * bien les crestiens et leur
puissance » et disoit bien que ils estoient '' vaillans gens.
L'Amonrath-Bacquin , qui venoit pour lever le siëge de
devant la cite de Nycolpoly » chevauchoit en Tordonnance
que je vous diray. Tout son ost estoit en elles , en manière
de une herche , et comprendoient bien ses gens plus d'une
grande lieue de terre « et devant environ une lieue, pour
faire monstre et visage , chevauchoient environ huit mille
Turs. Et les deux elles de TÂmourath-Bacquin estoient
ouTertes ou front devant et estoient estroittes derriàre ,
mais elles espessissoient tondis , et estoit TÂmourath ou
fons de la bataille, et tous cheminoient à la couverte, et les
huit mille Tors qui faisoient Tavant-garde devant, estoient
ordonnés en celle entente que pour faire monstre et visage,
mais si trestost que ils verroient les crestiens approchier,
petit à petit ils dévoient reculer et euls retraire ou * fort *
de la bataille , et les deux elles , lesquelles estoient toutes
ouvertes , quant les crestiens seroient entres dedens , se
dévoient devant clorre et par grant puissance de poèuple
tout estraindre et confondre quanques ils trouveroient et
*•■ De pniflflance ; et da nombre. — •-• Par, — •^ . ATÎBoit. —
» Moult — ••• Fond.
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542 AAftCHE 0É8 T01KC8.
ôncontreroient, et e&clorroient en leurs elles. Ainsi fut
faitté Tordonnance de la bataille de rAinotirath-Bacqain.
Advint en ce temps que on compta Fan mil CCCIIII» et
XYI le lundi devant le jour Saint-Michiel on mois de sep-
tembre, sur le point de noeuf heures , ainsi que le roy de
Honguerie et les seigneurs et leurs gens, qui au siège
devant Nicolpoly estoient, sëoient au disner, nouvelles Tin«
drent en Tost que les Turs chevaucfaoient à puissance non
pas moult loing de là. Et « sicomme il me fut dit » les cou-
reurs ne rapportèrent pas la véritë de la besongne » car ils
n*avoientpas chevauchië si avant que ils eussent veu la
puissance des deux elles de la grosse bataille du dit Amou*
rath-Bacquin ; car, si tost que ils veirent Tavant-garde,
ils ne chevauchèrent plus avant , ou ils n'osèrent ou ils
n*estoient pas hommes d'armes de sage entreprise. Et
avoient les Franchois leurs descouvreurs , et les Hongrois
tes leurs. A leur retour, chascun coureur retourna devers
son seigneur ou son maîstre, et rapportèrent nouvelles auc-
qnes aussi tost Tuâ comme Tautre. La greigneur partie de
Fost sëoient au disner. Nouvelles vindrent à Jehan de
Bourgoingné, conte deNevers, et au conte d*Eu, connestable
de France , au conte de la Marche , au seigneur de Goucy,
conte de Soissons , et à tous seigneurs en généraf , en
disant : a Or tost, armës-vous et apprestës que vous ne
« soies sourprins et dëcheus , car veës-cy les turs qui
« viennent et chevauchent. »
Ces nouvelles resjouirent grandement plusieurs crestiens
qui dësiroient les armes , et se levèrent sus pies , et bou-
tèrent les tables ouHre, et demandèrent leurs armes et
leurs chevauls, et avoient le vin en la teste, dont à la vérité
ils estoient eschauffés, et en plus grant frëfeil et en moins
de sens et de bon advis , et se trairont chascun quj
mieulx mieulx sur les champs. Banières et pennons furent
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SA6BS CONSULS DfJ EOI DB HÔHGtit. SIS
ddsvofopés et mis avant. Et se retray chascun dessoubs sa
banière ou son pennon ; et là fbt desveloupée la banière
Mostre-Dame, et estoit ordonné pour ^ la porter ^ ce vaillant
dievallier messire Jehan de Vienne, admirai de France,
ifonlt se avancbièrent et hastèrent les l^rançois de enls
armer et de traire sur les champs , et y farent tons des
premiers en trës-grant puissance et riche arroy, et dôuidient
moult petit les Turs ad ce que ils monstroiént , car ils ne
cuidoient point que le nombre y ifuist si grant comme it
estoit et rAmourath-Bacquin en propre personne.
Ainsi que les seigneurs de France ^ se traioient ^ hors de
leurs logis et venoient moult '^ coiteusement ^ sur les
champs â petite ordonnance , evous venir le mareschal du
roy de Honguerie , ung moult appert et très-vaillant che-
vallier, qui se appelloit messire Henry ^ d'Esteullemchale '»
monte sur ung coursier très-bien alant, et portant ung
court pennon de ses armes qui estoient d^argent a une
croix ancrée, que on appelle en àrmoierie ung fer de mou-
lin ; et vint chevauchant jusques aux seigneurs de France
et s'arresta devant la bannière Kostre-Dame, etlà estoient
la plus grant partie de barons de France , et dise tout
hault, sique bien fut ouy et «ntendu : a Je suis cy envoie
f de par monseigneur le roy de Honguerie , lequel vous
« prie et mande par moy , que poiiit vous ne fachiës ung
« si gi*ant oultrage que vous aies commenchier ^ Testour^^t
« ne la bataille , ne assaillir les ennemis jusques ad ce
i que vous aurés de par le roy autres nouvelles ; car il
• fait grant doubte que nos descouvreurs et coureurs , et
•■EUe. — ^ iMojent. — •• Haativement — '-• D'ErteaUlemi-
challe.. FEgtenlemluaie. — •^ U bataiUe.
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314 S4GBS CONSULS BU ROI M BONGBI^.
« aussi font cenlx de son conseil, n'ont point bien rapporté
« la certaineté des Turs. Et dedens deux heures ou environ
« vous orrës autres nouyelles , car nous avons envoyé
« chevauçheurs qui chevaucheront plus avant que ceulx
« n'ont fait, qui y furent envoies et qui en sont retournés et
« par lesquels nous avons eu ces nouvelles. Et soies tous
« ^ confortés * que les Turs ne vous envahiront point , se
tt vofisne les assaillies, jusques i tant que ils seront en puis-
« sance tous ensemble. Or faittes ce que je vous conseille et
« devise , car c*est Tordonnance du roy et de s<m conseil.
« Je m'en retourne ; je ne puis plus demeurer. •
A ces mots s*en retourna le mareschal de Honguerie ,
et les seigneurs de France demeurèrent et se misrent
ensemble pour sçavoir quel chose ils feroient. Là fut
demandé au seigneur de Goucy quel chose en estoit bon à
faire. U respondy et dist : « Le roy de Honguerie a cause
« de nous mander ce qu il veult que nous Cachons , et Tor-
« donnance du mareschal est bonne. »
Or. me fut dit que messire Phelippe d'Artois, conte d'Eu
et connestable de France , se félonna de ce que première-
ment on ne luy avoit demandé Tadvis de sa response et que
le seigneur de Coucy s'estoit avanchié de parler. Si dist par
orgueil et par despit tout le contraire de ce que le seigneur
de Coucy avoit nagaire^ dit et rémonstré , et dist : « Ouy,
« ouy, le roy de Honguerie veult avoir la fleur de la jour-
« née et Tonneur. Nous avons Tavant-garde , et jà le nous
a a-il donnée. Si la nous veult rétollir et avoir la première
« bataille , et qui l'en croira, je ne l'en crôiray mie. » Et
puis dist au chevallier qui portoit sa bahière : a ' Avant
tf baniëre ^ ou nom de Dieu et de saint Jeorge , car on me
« verra huy bon chevallier. »
' Âsseiirés. — ^ Va.
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BATAILLE B^ RICOPOU. 5i^
Qaant le sire de Co^cy eut o^ ^ le conoestable de J^raoce
ainsi parler * , si tint la parole eQ gran;t prësumption , et
r^arda sur messire Jehan de Vienne » qui tenoit et pqrtoit
la banière Nostre-Dame , la souveraine de toutes les autres ;
et leur raliance. Si luy demanda quel chose estoit bonne à
faire : « Sire de Coucy , dîst-il , là où vérité et raisota ne
« pëvent estre oys , il convient que oultre-cuidance règne.
« Et puisque le conte d'Ku^ veult combatre , il fault que
« nous le sieuvons ; mais serions plus fors» se nous
« estions tous ensemble » que nous jie serons là où nous
• as/BamUerons sans le roj de Honguerié. » Et quojque
ainsi ils devisassent et parlassent sur les champs, les
mescroiaas approçhoient. moult fort» et les deux elles des
batailles , où bien avoit en chascune quarante mil hommes»
se commenchoient à approchier et à clorre , et se trou-
vèrent les crestiens emmy la moyenne de ;euls« et se recu-
ler se voulsissent» si ne peuissent-ils pour ' euls ^ » tant
estoient les deux elles fortes et espesses.
Lors congneurent plusieurs chevalliers et escnjiers usés
d*armes que la journée ne povoit estre pour euls. Non
obstant ils s*avanchèrent et sijeuvirent la baniëre Nostre*
Dame que ce vaillant chevallier messire Jehan de Vienne
portoit. Là estoient ces seigneurs de France si richement
en leurs armures ^ et en si bel arroy ^ que chascunsembloit
ung roy. Et quant ils assamblërent premièrement aux Turs»
sicomme il me fut dit » ils n*estoient pas sept cens. Or
regardés ja grant folie et le grant oultrage ; car » se ils
euissent attendu le roy de Honguerié et ks Hongres où
bien avoit soixante mil hommes» ils euissent fait ung grant
fait ; et par euls et par leur foie oultre-cuidance et orgueil
*^ Le commandement du connectable de France. — "-^ Lee Sarra-
•ina qoi jà lei avoient en doa. — *^* Si proprement.
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3T6 iiitAïus
fut totite la perte, et le âoamage que Os recheupreDt , si
graut que depuis la bataillé de Ronchevauls où les dotuse
pers de France fùr^t mors et desôonfls , ne receaprent si
grant dommage. Mais , au voir dire , ils firent » avant que
ils enchéissent on dommage et on dangier de Ieni*s ennemis,
grant * foison d'armes '. Et veoient bien les plosieui's che-
valliers et escuiers que ils s'en aloient p^^ire et iout par
Torgneil et beubant de enls. EU desconfirent néantmoins
les François la première bataille et misrent en chace , et
vindrent sor uiig grant val où TAmonrath se tenoit aveue
sa puissance. Lors vonidrent retourner les Frànchois
deverft Fost , car ils estoient montas toné sur cbevàals
couvers ; mais ils ne péureût , car ils furent clos ôt serras
de toutes pars. Là eut grant bàtdllé , ^ a^pre ^ forte ^ et *
inoult bien * combatue , et durèrent les François en bon
convenant moult ^ longue espace *.
Les nouvelles vindrent au roy de Hongùerie et par fout
son ost que les cresitiens françois , anglois et allemâns se
combatoient aux Turs, et que point n'avoient tenu son
ordoùnance , ne son conseil , ne de son inareschal aussi.
Si fût moult tourblê et courrouchië, et bien y avoit raison ,
ei cotignut tàntost que là journée n*estoit point pour euls.
Si dîftt ainsi au grani inâistrè de feoddes qui estoit àÀ4s
luy : « Nous perdrons huy là journée par le grànt orgueil
« e^ &eùbant de ces François ; et , se iîs m'euissâit creù ,
a nous avions gens à plentë pour combatre tios ennemis. »
A ces paroles regarda le roy de Èonguerie derrière lUy
el! vey que ses gens fuioiént et ' esclarcissoient et esbahis*
soient ^^ de euls-meismes, et que les Turs les înettoient en
chàcé : dont il vey bien que point n'y avoit de recouvraifce.
•-• iïdurtre de gens d*arme8 tares. — •^ Dure. — •^ tort. —
*-* LofigaeoMiit. — ^^ Descônfiàoient. «
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DB mmoiA. 217
^ lA diront * cealx qui ostoirat (Méê luy : « Sire, saiÛTés-
.41 TOSUB ; car» se TOUS estas ne mort «naprios^ioate Hou*
« goarie est perdue. Il nous 'faalt * bny perdre la jptumée
« par l'orgoeil des Praneboie. Leur Taillaiice kunr (oanumt
« à ooltre<iiidaace ; car tous j seront mors et pris « et ji
« nng seul ne s'en sauTora. St*^ eschiév^' le dangiert
€ se TOUS nous en roulés croire. »
Auroyde Hongaerie n'aroit que oonrronchier , qoant
il Tey que il perdoit la journée par le desroy et oultrage
4es François, et que il le eonfenoit toir «se il ne Touloit
«stre mort ou prins. Au voir dire , là advint très^*Ande
pestilence sur les Franchois et sur les Hongres ; car tous
scavés « qui fnit , on le chace. Les Hongr^ fuioient sans
ordonnance et sans arroy , et les Turs lea chaçoientà
povoir. Si en y eut moult de mors et de prins en la
ehace. Tontaffois Dieu aida le roy de Honguerie et le
grant maistre de Bodes , car ils Yîndrent sur la riTÎère
de la Ponoe et trouvèrent une petite barge qui là s'ar-
rastoit, laquelle estoit au ^ maistre de Roddes. Us
entrant dedens euls sept tant seulement et eslongèrent
taatost la rire. Autrement ils euissent esté tous mors on
prins ; car les Tars yindrent jusques au rivage » et là y
et grant oceisien de oeulx qui poursieuvoient le roy et qui
se cuidoient saulver. Or parlons des François *.
Quant le seigneur de Hontcavrel, ung moult vaillant
• chevallier d* Artois , vey que la desconfiture toumoit sur
euls , il avoit là ung sien jœune fils, ^i dist à ung sien
escnier : « Prens mon flls : si l'emmaine. Tu te peuls bien
c partir par ceste ella-là qui est toute ouverte. Salue-moy
« '^ ma. femme ^^ J'attenderay Taventure avecques les
•^ Lori Iny eferièrent. — *^ Convient. ^ •^ Bachappéi. —
* Omt.*-* Et dw AnMMiii, qtii tê oombatoi<Bt mBamnMiit «t moult
d*sniim j feirsnt. -^ * Seigneur et goatti. •* **^ SsuUe men ais.
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318 BATAILLE
« antres. » Quant Tenffant 07 parler son père , si dist que
point ii ne se dëpartiroit , ne point ii ne le lairoit ; mais le
përe à force flst tant que rescnier Temmena et le mist ho^s
dn péril « et vindrent snr la Dnnoe. Mais Tenfiant qni se
Toioit là endroit et qui estoit trës-mérancolieux pour son
père qu'il laissôit ainsi , fut noyë par grant mësadveâ-
ture entre deux bargeÉ , ne oncques homme * ne le pealt
saulver.
Messire Ouillemme de la Trimouille estoit en la bataille,
et moult yaillament se combaty , car il flst ce jour grant
* foison ' d*armes , et là fut-il occis , et ung sien fils sur
Muy ».
Messire Jehan de Vienne, qui portoit la banière Nostre-
Dame, y flst' moult ^ d*armes, mais il fut là ocds, la
banière Nostre-Dame entre ses poings « et ainsi fut-il
trouve.
Toute la force des seigneurs de Franise, qui pour ce jour
furent à la besoingne de Nycolpoly» fut là ruée jus et
* deschirëe * aucqûes par la manière et ordonnance que je
vous diray.
Le conte de Nevers, messire Jehan de Bourgoingne,
estoit pour lors en si grant arroy et si ^^ noble " que plus
on n*en povoit faire , ne mettre avant ^* , et aussi estoient
messire Guy de la Trimouille et plusieurs barons et che*
valliers de Bourgoingne, qui tous 8*estoient efforchiës pour
Tamour de luy. Là y ot deux escuiers de Picquardie; mouît
vaillans hommes , lesquels s'estoient trouves en plusieurs
places de rencontres et dé batailles dont ils estaient partis
à leur honneur , et aussi firent-ils de la besoingne de
Nycolpoly : ce furent Guillemme " du Bus " et le Borgne
* Nul. — •-» Fait. — *^ Le lien. — •' MwveiUe, — ^ Destraite.
-. •«-" Riche. — « Qu'il se povoit faire. — «" De Ba.
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de Moniquel. Ces den^ eecuiers , par gréât TaiBane» et
(tài d'armes et ^ hardieme&t * combatre/passèrent et^ tres-
passèreBi * onltre les batailles et retournèrent en la bataille
par deux fois^ et y firent plusieurs grandes àppertises
d*armes , et li furent occis. *^ A la vërité ^ dire et consi-
dërer , les cheiràlliers et escniers de France et lés estran-
giers d'antres nations se acquittièrent et portèrent très-
vaillamment ' à combatre * , et y firent mouK d^armes! Et»
se les Hongres se ftaissent anssi vaillamment portes et
acquittes , comme firent les François , la besoingne se
faist aultrement portée et tournée que elle ne fist ; mais de
tout le * mehaing ^^, à considérer raison, les Franchois en
ftunsnt cause et coulpe ; car par leur orgueil et désar-
roiance tout se perdy.
Li avoit ung chevallier de Picquardie, qui s*appell6it
messire Jacques de Helly , lequel avoit demouré en son
temps en la Turquie , et avoit servy en armes TAmorath
père i ce roy Basaach dont je parole présentement , et si
sçavoit ung petit parler turc. Quant il -^ey que la descon*
flture " toumeroit ^* sur euls » si eut advis de soy'saulver^
car il veoit que qui povoit venir jusques i estre prins , il
se rendait et mettoit à sanlfveté » et tous Sarrazins qui
sont convoitteux sur or et sur argent , les prendoient et
tournoimt d*un lés et les saulvoient. Par celle manière
fut sanivé de non estre occis messire Jacques de Helly en
la prise et en la chasse, et aussi ung escuier de Toumésis,
qui se nommoit Jacques du Fay, et avoit servy au roy de
Tartarie , lequel roy s'appelloit Tanburin. Et quant ce
Jaques du Fay sceut les nouvelles que les François venoient
en Turquie , il prist congié au roy de Tartarie , lequel lay
*-• A force* da. — *^ Tresperchôrent. — ** Au voir. — ^** Au com-
bat. — •-^* MûBchief . — "-« Cooroit.
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3B0 luxâiiw.
donna amb Ugîèrement. Si fut prins i U batidlleda
Nycolpoly et saolvë et propremMt des geiu du roy Taa*
bioîn de Tartarie qni U estoient ; car cellny roy Tenburin,
àlaprikre et re^aesie de rAmourath^Baequin, y avait
envoie graot foison de ses gens ^ ^ ainsi qne * les ' roya
crestiens ou payons , quant * il besongne * » confortent Vuu
Tautre*
Moult grant meschief et dommage redieurent devant la
cité de Nyoolpoly en Turquie les Fraachois ; car ils furent
tous mors et tous prins , et pour ce qulls estoient si riche»
oient armés et arroyés de si riehœ * parures ' que ce
^embloieat roys , on en saulva à grant foison les vyes ; car
ises Sairazins et Turs et tous ceulx de leur loy sont grafi-
dément convoitteux sus or et sus argent , et leur estoit
advis que des seigneurs que pris avoient, ils * extrairoiont *
grant finance » et les tenoient encoirqs à plus graas sei-
gneurs que ils n'estoient.
. Messire Jehan de Bourgoingne» conte de Nevers, fut
prins , et moult d*armes fist ce jour. Aussi furent prins le
conte d*£u et le conte de la Marche, le seigneur de Coucy,
messire Henry de Bar » messire Gny de la TrimouiUe ,
messire Bouchicai](lt et ^^ messire Jaques de Helly ". Et
messire Phelippe de Bar fut mort sur la place» et messire
Jehan de Vienne , messire Guillemme de la TrimouiUe et
son fils.
Sur Tespace de trois heures ceste grosse bataille fut
faitte » et perdy le roy de Honguerie tout sou arroy entiè-
rement et toute sa vaisselle d'or et d'argent que la avoit ,
chambres» joiaulx et autres choses » et se saulva, luy VU*
tant seulement , et entra en ung batel de Roddes , lequel
• D*«rma8. — " Tom. — ^ Mtttiar est —•' Armupai. — •-» Ektor-
qaeroieat.. En tolroient moult. — **'" Plaaieura autres.
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DB IfIGOPOLI. 321
ayoit là amené des pcarvëancea, et luy en chèj moult bien,
car autrement il eoist este mort ou pris sans ^ recouvrier '.
Et y ot ' sus la chace ^ mort et occis moult d*hommes plus
assës que en la bataille , et de noyés grant foison. Eureus
se tenoit eelluy qui se poYoit saulyer et eschapper de mort
par quelque voye que ce fuist.
Quant toute ceste desconflture fut passée , et que les
Sarrazins, Turs, Persains et tous aultres là envoies de par
le souldan et les roys payens , furent rettrais en leurs
logis, c'est-à-entendre ens es tentes, trefs, aucubes et
payiDons, que conquis avoient sur les crestiens, que trop
bien pourreus et garnis trouvèrent de vins , de viandes et
^ d*autres biens tous prests ', dont ils se aaisièrent et déme-
nèrent leur gloire en joye et en revel, ainsi que peult
faire ung tel poeuple, lequel a eu victoire sur les ennemis, le
roy Basaach dit TÂmourath^Bacquin vint descendre à grant
foison de ménestrels, selon Fusage que ils ont en leur pays,
devant la ^ maistre-tente * qui avoit este au roy de Hon-
guérie, laquelle estoit belle et bien aoumée de moult beaulx
aoumemens et paremens, où le dit Âmourath prinst très-
grant * plaisance ^^ au regarder, et entra dedens à moult
grant gloire et magnificence , et se gloriffioit en son cuer
de la belle victoire que il avoit eue sur les crestiens , et eh
^^ regracioit les dieux et les déesses '' selon sa loy'où il
crëoit et que les paiens croient. Et quant on Tôt désarmé
et esventé pour rafireschir et reffroidier , il s'assist sur
ung tapis de soye emmy la tente et fist venir tous ses plus
principaulx et grans amis pour gengler et bourder à euls, et
*-• Remède* — "** En fayant. — " De poarrôances toutes prestes.
— '.• Maistresse-tente. — V» Plaisir. — "-" Remercioit Dieu.
XV. — FKOISSART. 31
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322 VICTOIRE
il-meismes les mettoit en voye ^ de rire , de jouer et d'es-
batre , et bien disoit que prochaynement tous passeroient
à puissance ou royaulme de Honguerie et conquerroieut
le pays et ensieuvant tous les autres royaulmes et pays
crestiens, et metteroit ' en son obéissance, et luy sou£Sroit
de chascun tenir en sa loy » mais que il en euist la sei*
gnourie , et vouloit régner comme Alexandre de Maché-
donne , qui fut roy de tout le monde sur douze ans , du
sang duquel il se disoit estre descendu et yssu. Et tous
ceulx qui environ luy estoient , luy accordoient sa parole
et s*encIinoient contre luy.
Là fist le roy Basaach faire trois commandemens. Le
premier commandement fut que quiconques avoit prison-
nier , le mesist avant dedens le second jour , et feust
amené devers le roy et ses hommes. Le second comman-
dement fut que tous les mors fuissent cerchiés et visités ,
et les nobles qui se monstroient à estre plus grans sei-
gneurs que les autres , fuissent trais d'un lés et laissiés
en leurs ' parures * , tant que il les euist vous , car il vou-
loit celle part aler devant souper. Le tiers commandement
fut que on enquesist véritablement et justement . entre
les mors et les vifs crestiens se le roy de Honguerie y
estoit vif ou mort , ne prins prisonnier. Tout fut fait en la
manière que il ordonna, ne nuls n*euist osé ^ penser ^ du
contraire.
Quant FÂmorath-Bacquin fut rafreschy et remis en
autres habis , 11 luy vint eu plaisance et voulenté que il
yroit veoir les morts où la bataille avoit esté ; car dit luy
fut que trop grant ^ foison ^ de ses gens il avoit perdus et
que trop luy avoit cousté la bataille , desquelles paroles il
estoit moult esmerveillié et ijie le povoit croire. Si monta
* Et en matière.— • Tout.— »-* Points. — »"• Faire — V Nombre.
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DE BAIAZBT. 383
à cheval, et grant foison de nobles hommes de son ost en
sa compaignie , et estoient les plus prouchams dn roy et
de son conseil Âlis-Basaach et le Sour-Basaach. Aucunes
gens disoient que c*estoient ses frères, mais il ne les vouloit
point recongnoistre et disoit que il n'avoit nul frère.
Quant il fut venu jusques au lieu où la bataille ayoit
esté et où les mors et occis gésoient , si trouva en vérité
tout ce que dit luy avoit esté , car pour ung crestien de
ceulx qui gésoient sur les champs morts , il y avoit trente
Turs ou plus ou aultres homqies de sa loy. Sy fut dure-
ment courrouchié en soy-meismes. Âdont il dist tout
hault : « Il y a eu icy moult crueuse bataille sur nos gens,
« et merveilleusement fort se sont ces crestiens ^ vendus ',
« mais je feray celle occision ' terriblement ^ comparer à
« tous ceulx qui sont demeurés en vie. »
^ Alors ^ se départy TAmourath-Bacquin de la place et
retourna aux tentes et logis où il se aaisa de ce que il
trouva, tant du sien comme des pourveances que ils avoient
trouvé et conquesté à la journée , et passa la nuit en
moult grant fureur de cuer. Quant ce vint au matin ,
avant que il fuist levé , ne que il s'amonstrast , grant foi-
son de ses hommes se assamblèrent en la place devant sa
tente pour veoir et sçavoir quel chose il vouldroit faire
des prisonniers qui prins estoient , car la commune
renommée couroit en Tost de toutes pars que tous les pri-
sonniers crestiens qu*ils tenoient, seroient sans respit
morts et détrenchiés sans ent nul prendre à merchy , ne a
pitié ; mais ainsi ne advint-il pas. L*Amourath-Bacquin
avoit réservé , quelque fureur , ne courons que il euist (et
*•• ReTODgiAi.. Deffendus. — »-* Chier.. Bien. — ^ Adont.
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324 QUELQUES SEIGNEUES SONT EXCEPTÉS
ordonna de soy-meismes) que les grans seigneurs des
crestiens que ses hommes avoient prins et vous et trouyés
en grant arroy eu la bataille , fuissent tournés d*un les ;
car dit luy fut que ceulx paieroient grandes raenchons , et
pour ce s'estoit-il incline à eulx sauver.
Aveuc tout ce il estoit bien advenu que plusieurs Sarra-
zins , payons , Persains , Tartres , Arabes , Lectuaires ,
Turs et Suriens avoient prins des prisonniers , dont ils
pensoient grandement à mieulx valloir, ainsi que ils firent
Si les cellërent et muchôrent , et ne vindrent pas tous à la
coQgnoissance de TAmourath-Bacquin. Et advint que
messire Jacques de Helly fut le marredy au matin amène
devant la tente du roy aveuc plusieurs autres , et ne Posa
celluy qui pris Tavoit» plus celler, ne garder ; et ainsi que
on attendoit la venue de TAmourath , les chevalliers et
les hommes de son hostel se tenoient là tous quois et
regardoient ^ les chevalliers de France et autres prison-
niers. Si ot le dit messire Jacques de Helly * si bonne adven-
ture ^ pour luy que il fut recongneu des gens et serviteurs
du corps et del hostel de TAmourath-Bacquin. Si fist recon-
gnoissance à euls , et euls à luy , et le dëlivrôrent tantost
les Turs des mains de celluy qui prins Favoit , pour tant
que ils le recongneurent , et demeura ens es mains et
ordonnance des hommes de TAmourath : dont il tenoit
l'aventure à belle , et voirement le fut-elle , ainsi que vous
orrés recorder , car aux aucuns crestiens elle fut piteuse
et crueuse.
Avant ce que le roy Basaach venist en la place , ne que
il s'amonstrast générallement à tous ses hommes , on avoit
enquis et demandé par ordonnance lesquels des seigneurs
crestiens estoient les plus grans , et furent bien examinés
* L*un Taatre. — *■• Celle adventaro à bonne.
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DU IIAS8ACEB DB8 CROltiS. 3S5
des lattiniers du roy, et forent mis d'an les pour les sanver
de non occire, premièrement messire Jehan de Bourgoingne,
conte de Nevers, ddef de tous les autres , secondement
messire Phelippe d*Ârtois, conte d*Eu, le conte de Marche,
le seigneur de Coucy, messire Henry de Bar, messire Guy
de la Trimouille et tant que il en y ot jusques à huit , les-
quels TAmourath voult veoir et parler à euls , et les
regarda moult longuement , et forent conjurés ces sei-
gneurs sur leur foy et sur leur loy se ils estoient tels
comme ils se nommoient. Et encoires , pour mieulx en
sçavoir la yëritë , on se adyisa que on envoyeroit devers
euls le chevallier franchois que je nomme messire Jaques
de Helly , car par raison il les devoit bien congnoistre , et
jà estoit recongneu de l'Âmourath auquel il avoit servy :
si estoit prins sus et ^ hors du * péril de mort. Si luy fot
dit et demandé se il congnoissoit ces chevalliers de France
prisonniers qui là estoient ou ' fons * des autres ensemble.
Il respondy : « Je ne sçay. Se je les veoie , je les
« congnoisteroie bien. Je y regarderay voulentiers. *»
Dont luy fot dit et enjoindi : « Âlés par devers euls, et les
« advisés et regardés bien et rapportés la certaineté de
« euls à TAmourath et de leurs noms ; car sur vostre
« parole il aura advis. » Il le fist ainsi que dit et ordonné
luy fot , et s'en vint devers les seigneurs dessus nommés
et les enclina , et tantost les ^ ravisa et recongneult ^. Si
parla à euls et leur dist son adventure et comment il
estoit là envoyé de par TAmourath à sçavoir se ils estoient
tels que ils se disoient et nommoient. Ils respondirent
sagement et dirent : a Messire Jaques, vous nous con-
« gnoissiés tous, et si povés veoir ^ comment * la fortune est
« contre nous et que nous sommes en grant dangier et en
•■ An — •"* Fond. — " Avisa et congneat. — '•• Comme.
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QUELQUES ftEIGNBURS SONT EXCETTÉS
« la merchy de ce roy , siques pour nons sanlvdr les vies,
tt faittes noas encoires plus grans devers ce roy , que
« nous sommes, et dites-luy que nous sommes hommes et
u seigneurs pour payer grant finance. » Adont respondy
messire Jacques : a Messeignenrs » tout ce feray-je moult
« Youlentiers , et ad ce faire suis-je tenu. »
Dont retourna le choyallier devers TÂmourath et son
conseil» et leur dist que ces seigneurs qui prins estoient
etausquels présentement parle avoit, estoient les plus
grans et les plus nobles du royaulme de France et moult
prouchains de lignage du roy de France, et paieroient
pour leur délivrance grant somme ^ de fiourins *. Ces
paroles furent assës agréables à rAmourath , et voult
entendre à autre chose et dist ainsi que , ceulx tant seule-
ment réservés, tous les autres qui prisonniers estoient ,
seroient mors et détrenchiés, et délivreroit-on ainsi le pays
d*eulx , par quoy tous les autres s*i exemplieroient.
Adont s'amonstra le roy à tout le poeuple qui là 8*estoit
assamblé , et quant ils le veirent venir , tous ensemble se
enclinèrent contre luy et luy firent la révérence , et se
misrent les hommes de FAmourath en deux elles , et le dit
roy et les plus nobles de son hostel et de sa compaignie
estoient ou chief de ces deux elles , et se ouvrirent et
tenoient les espées toutes nues par ordonnance en leurs
mains , et le conte de Nevers et ceux qui estoient réservés
de non morir, assés près d'eux ; car le roy vouloit que ils
veissent la correction et discipline que Ten feroit du demeu-
rant des autres , à laquelle chose faire tous les Sarrazins
estoient moult enclins et désirans ' du * faire.
Dont, furent amenés ainsi que tous nuds , en leurs linges
draps, l'un après l'autre , plusieurs bons chevalliers et
*-»D'or. -"'^Dece.
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DU lUMACRE DES CROIStS. 527
escuiers du royaulme de France et d'autres nations» qui
prins avoient esté en la bataille et sus la chace , devant
rAmpurath-Bacquin , lesquels il regardoit ung petit ; et
quant il les avoit veus, il les mettoit hors de son regard ,
puis faisoit ung signe que ils fuissent mors et détrenchiës ,
et, si trestost que ils entroient entre ceulx qui aux espées
toutes nues les attendoient , ils estoient frappés et mors et
détrenchiés pièce à pièce sans en avoir nulle pitié , ne
merchy. Celle ^ malle ' justice âst faire ce jour l'Âmourath-
Bacquin, et en y ot plus de trois cens, tous gentils hommes
de diverses nations, mis en ce party, dont ce fut dommage
et pitié grant , quant ainsi furent ' martirisés ^ pour
* l'amour • de Nostre-Saulveur J^ésu-Crist, qui en vueille
avoir les âmes. Entre lesquels (ceulx qui là furent ainsi
détrenchiés et occis en la fourme et manière que je vous
déclaire), ce gentil chevallier françois et haynnuyer Henry
d*Anthoing en fut Tun : Dieu luy soit piteux et miséricords
à rame 1 Et advint que messire Bouchicault, mareschal de
France , fut tout nud amené aveuc les autres devant le dit
Amourath , et euist eu celle peine et celle mort crueuse
sans merchy , se messire Jehan de Bourgoingne, conte de
Nevers, ne Teuist ravisé ; mais, si trestost que il le vey, il
se départy de ses compaignons qui tous "^ eshidés ^ estoient
delà crueuse paynne que on faisoit souffrir à leurs gens ,
et 8*en vint jetter et mettre à deux genoulx devant le dit
roy Basaach , et luy prya et requist de bon cuer et très-
• adcertes *• que on voulsist saulver et respiter ce che-
vallier nommé Bouchicault , car il estoit trop grandement
bien du roy de France et puissant assés pour payer grant
raenchon, et luy âst encoires le dit conte de Nevers signe,
•-• Cruelle. — »-* Tonrmentës. — • ""• L'honneur. — ''-• Esbahis. —
*~'* Affectueusement.
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328 QUELQUES SBIGREORS SONT EXCEPTÉS
en comptant d'une main en Fautre , qu'il paieroit grant
finance , pour mieulx adoulcir la furenr da roy Basaach.
Le roy s'enclina et descendy à la parole et prière da noble
conte de Nevers , et fut messire Bonchicault tourne d'un
lés et remis aveuc les autres et respitë de non morir.
Depuis luy en y et des autres et tant que le nombre cj-
dessus fut accomply et emply.
Ceste cruense vengance et justice faitte des crestiens ,
on entendy à autres choses ; et me semble que il advint
ainsi , selon ce que je fuy infourmé, que rAmourath ot
plaisance et voulentë que la belle journée de victoire que
il avoit eue sur les crestiens et la prinse du conte de
Nevers seroit signifiée en France par ung chevallier de
France et manifestée. Si furent prins trois chevalliers
franchois, entre lesquels messire Jacques de Helly estoit
Tun » et furent amenés devant FAmourath et le conte de
Nevers aussi , et fut demandé au conte de Nevers lequel
des trois il vouloit qui feist le message et alast par
devers le roy de France et son përe le duc de Bourgoingne.
Messire Jacques de Helly ot celle bonne adventure pour
tant que le conte de Nevers le congnoissoit jà , et dist
ainsi : « Sire , je vueil que cestuy-cy y voist de par vous
tt et de par nous. » Geste parole fut acceptée de TAmourath
et des seigneurs de France , et les deux autres chevalliers
furent renvoies et délivrés au poeuple pour occire et des-
membrer, ainsi que ils ^ furent *, dont ce fut grant pitié.
Après toutes ces choses et ordonnances faittes, on se
appaisa , et entendy le dit roy que le roy de Honguerie
n'estoit ne mort, ne prins , mais s'estoit saulvé. Si ot con-
seil que il se retrairoit en Turquie et par devers la cité de
^ Bruse ^, et li seroient menés ses prisonniers, et que pour
•
•••Firent. — •♦Burse.
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DU MASSAGRB DBS CROISÉS. S29
celle saison il en avoit assës fait, et donroit à ses hommes
congie et à cenlx des loingtains royaulmes, qui servy
ravoient en ce voyage. Ainsi fat fait comme il le ordonna ,
et se dét)artirent ses osts , car il y avoit gras de Tartarie,
de Perse , de Mëde » de Snrie, d'Alexandrie, de Lecto et
de monlt loingtaines contrées des mescroians.
Encoures aveuc tontes ces ordonnances fat ordonné et
délivré par ce roy Basaach le chevallier françois messire
Jacqnes de Helly de retonmer en France et de luy salaer
le roy de France , et lay fat enjoind et chargié que il
tenist son chemin parmy Lombardie et lay saluast le doc
de Millan nommé messire Galéas Yisconte, et vouloit trôs«
bien FÂmoorath-Bacqain, et estoit telle son intention, que
le bon chevallier franchois messire Jacqnes de Helly sur
son chemin, partout où il vendroit S en villes, cités, chas-
teaulx , forteresses , bours et passages, prononchast et
manifestastja belle journée de victoire que le roy Basaach
dit FÂmourath-Bacquin avoit eue sur les crestiens. Jehan
de Bourgoingne, conte de Nevers, rescripvy pour luy et
pour tous les autres qui prisonniers estoient , au roy de
France et à son père le duc Phelippe de Bourgoingne et
à sa mère la duchesse.
Quant le chevallier eut toute sa charge tant de lettres
comme de paroles , il se départy de TÂmourath-Bacquin
et de ses barons et des seigneurs de France , et se mist à
la Yoye , et fut Tintention de TAmourath, et fist jurer et
certiffier au dit chevallier, que, fait son voyage et nonchié
au roy et aux autres tout ce dont il estoit chargié , au plus
tost que il pourroit il se metteroit au retour. Ainsi ' Tôt
en convenant ' et le jura le chevallier, et le tint à son léal
poYoir. Nous nous souffrirons ung petit à parler de
* Et passeroit — •^ Le pronmit.
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350 LES DÉBRIS DB L ARHÉB CBRiTUraiE
rAmoarath-Bacquin et des seigneurs de France qui ses
prisonniers estoient et demourërent tant et si longuement
que il luy vint à plaisance , et parlerons d'autres nouvelles
qui toutes ^ descendirent * de ceste matière.
Âpr&s ceste grant desconfiture qui fut faitte par les Turs
et par leurs aydans sur les crestiens « sicomme il est icy-
dessus contenu en nostre histoire » chevalliers et escuiers
' qui ce lundy au matin estoient aies fourragier et qui
point ne furent à la bataille et à la desconfiture , qui saul-
ver se porrent , se saulvèrent. Et en y ot plus de trois
cens, chevalliers et escuiers ^, car quant ils entendirent par
les desconfis et fuyans comment la desconfiture estoit
advenue sur leurs gens , ils n'eurent nul talent de retour-
ner vers leurs logis ; mais « au plus tost que ils peurent ,
se misrent à salvation et prindrent divers chemins en
eslongant le péril de la Turquie. Et entrèrent les fuyans ,
Franchois et de autres nations , comme AUemans, Angloîs,
Escochois , Behaignois , Franchois, Flamens et autres, en
ung pays qui joind à la Honguerie , que on appelle la
Blacquie , et est une terre raemplie de diverses gens ; et
furent jadis conquis sur les Turs et retournés de force
à la foy crestienne.
Les gardes des pors et des passages et des villes , des
cités et des chasteauhc de celle contrée nommée Blacquie
laissoient entrer et venir assés légiërement les crestiens
entre euls , qui de la Turquie venoient ^ ; mais , au matin,
*-* DdBcendent. — "^ Qui saulver se porrent, se sanlvôrent. Et y en
ot pins de trois cens , chevaliers et escuyers, qui le landi au matin
estoient aies fourragier , qui point ne furent & la bataille, ne à la des-
confiture. — 'Et les logoient.
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TRAVERSENT l'aIXEIUGRE. 351
an prendre congié , ils toUoient aux chevalliers et escuiers
tout ce que ils ayoient, et les mettoient en une petite cot-
telle et leur donnoient ung petit d'argent pour passer la
joumëe tant seulement. Celle grâce faisoient-ils aux gen-
tils hommes » et les autres gros vallets qui point n'estoient
gentils hommes, ils les despouilloient tous nuds et les bat-
toient de verges villainement» comme ceulx qui n*en avoient
nulle pitié. Et orent toutes ces gens , Franchois et autres,
moult de povretés et de paynnes à passer la Blacquie et
tonte Honguerie , ne à paines povoient-ils trouver qui pour
Tamour de Dieu lenr voulsist donner ^ du * pain , ne euls
au vespre logier ou herbergier. Et endurèrent ' ce dan-
gier ^ les passans jusques à tant que ils furent venus à
Vienne en Austrice. Là furent-ils recueillies ung petit plus
doulcement des bonnes gens qui en eurent pitié , et rêves-
toient les nuds et départoient de leurs biens , et ainsi tout
parmy le royaulme de Boesme ; car, se ils euissent trouvé
aussi durs les Âllemans comme ils firent les Hongres, ils
ne peuissent estre retournés en leurs lieux , mais fuissent
tous mort de froit et de famine sur les chemins.
Ainsi que ils venoient et retournoient ou seuls ou à com-
paignie , ils recordërent ces povres nouvelles, dont toutes
gens qui les ouoient , en avoient pitié, '^ le * plus les ùngs
que les autres. Et tant avalèrent les fuyans et ^ enchâssés *
que ils vindrent en France et à Paris. Si y commencèrent
à ® bouter hors ces dures et angoisseuses nouvelles , les-
quelles du premier on ne vouloit , ne povoit croire ; et
disoient les aucuns parmy Paris : « C'est dommage que on
« ne pend ou noyé ceste ribaudaille qui ^^ ont mis hors et
a mettent ^^ tous les jours tels gengles et '* tels bourdes ^'.n
••• Un morceau de. — ■-* Ceste povreté et misôre. — •-• Et. — '••
Encachiës. — • Dire et. — ••-" Sèment. — *■-•* Fallaces.
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35S XACQUB8 DE HELLT
Non obstant ces menaces , tons les jours monteplioient et
partout s'espardoient ces nonvelles ; car nouvelles gens
reyenoient , qui en parloient les ungs en une manière » et
les autres en une autre.
Quant le roy de France entendi que telles nouvelles se
multiplioient et continuoient, si ne luj furent pas plaisans,
car trop grant dommage y avoit des nobles de son sang et
des bons chevalliers et escuiers du royaulme de France. Et
fist ung commandement , affin que nuls n*en parlast plus
avant jusques à tant que on seroit infourmë de la vérité ou
de la mencboingne , que tous ceulx qui en parloient et
devisoient et qui disoient que ils retoumoient de Hongnerie
et de Turquie , fuissent incontinent boutés ou Chastelet de
Paris. Si en y ot bouté grant foison , et leur fut dit que ,
se on trouvoit en menchoingne les paroles que dit avoient ,
il estoit ordonné que ils seroient tous noies ; et en furent
en la fureur du roy en grant adventure.
Or advint que ^ la propre nuit ^ du Noël, que on dist en
France kalendes , messire Jacques de Helly sus heure de
nonne entra en la viUe de Paris , et, si trestost que il fut
descendu de son cheval i son bostel , il demanda où le roy
estoit. On luy dist que il estoit à Saint-Pol-sur-Seyne. Lors
il se traist celle part. Pour ce jour estoient delés le roy
le duc d'Orléans son frère , le duc de Berry , le duc de
Bourgoingne et le duc de Bourbon ses oncles , le conte de
Saint-Pol et moult d'autres nobles du royaulme de France»
ainsi que à une telle solempnité les seigneurs vont de cous-
tume voulentiers veoir le roy et est d'usage.
Messire Jaques de Helly entra en Tostel du roy à Saint-
" Le propre jour.
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ARUTB A PARIS. S55
Pol en l'arroy que je tous dy, tont housë et toat espou-
ronnë. Et pour ce jour il n'y estoit point congneu , car il
ayoit trop plus poursuivy et hanté les parties de oultre-mer
et loingtaines, quërant les ayentures, que les prouchaines de
sa nation. Si fist tellement par sa parole que il approcha
la propre chambre du roy, et se ^ donna à congnoistre que
il quéroit ' ; car il dist que il venoit tout droit de la court
du roy Basaach dit TAmourath-Bacquin et de la Turquie,
et ayoit esté à la bataille de Nycolpoly , où les crestiens
franchois et de autres nations, résenrë les Hongres, ayoient
este tous mors ou prins, et de tout ce il apportoit certaines
nouyelles, tant de Jehan de Bourgoingne, conte de Noyers,
comme des autres seigneurs de France, qui en sa compaignie
estoient passés oultre en la Honguerie.
Les cheyalliers de la chambre du roy entendirent à ces
'paroles^ moult youlentiers , car bien sçayoient que le
roy de France et le duc de Bourgoingne et les autres sei«
gneurs de France désiroient à oyr nouyelles yéritables des
parties dont il yenoit, et luy firent yoye en luy donnant au-
dience de yenir devant le roy. Et quant il fut devant le
roy venu , il s'agenouilla comme raison estoit , et parla
sagement en remonstrant * ce qu'il savoit et ce dont il
estoit chargié du dire * tant de par l'Amorath comme de par
le conte de Nevers et les seigneurs de France, qui prison-
niers estoient aux Sarrazins. A toutes ces paroles entendy
le roy voulentiers , et aussi firent les seigneurs de France
qui delés luy estoient , car elles leur sembloient yéritables,
ainsi que elles estoient. Si fut de tout enquis et demandé et
doulcement examiné pour attaindre mieulx et plus vérita-
blement la matière , et à tout il respondy si sagement et si
i point que le roy et les seigneurs ^ s'en contemptèrent '.
*-■ Pist à congnoùtre. — •-* NoaTelles. — • Tont. — < Et do pai^
1er. — *-* En furent moult contens.
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334 lACQUBS DE HELLT
Coorroachiës furent^ grandement' dn dommage que le
roy Loys de Honguerie et les seigneurs de France et
d'ailleurs avoient receu, et d'autre part ils se reconfortoient
en ce et de ce que le roy Loys estoit eschapë sans mort
et sans prison ; car ils supposoient et disoient, en devisant
là entre euls , que encoires il feroit de belles et grandes
recouvrances sur TAmourath-Bacquin et sur la Turquie ,
et leur porteroit encoires moult de dommages. Et si estoient
moult resjouys de ce que le conte de Nevers , le conte
d'Eu , connestable de France , le conte de la Marche et
de Vendosme, messire Henry de Bar, le seigneur de Goucy»
messire Guy de la Trimouille et messire Bouchicault
estoient hors du péril de mort et prins et retenus prison-
niers ; car tousjours , ainsi que les seigneurs disoient et
deyisoient devant le roy , viennent seigneurs i raenchon
et à finance , et on trouveroit aucun moyen par quoy ils
seroient rachatés et délivrés. Car, ainsi que messire Jaques
de Helly leur disoit et remonstroit , il espéroit bien que le
roy Basaach dedens ung an ou deux au plus tard les met-
teroit à finance, car il ' convoittoit or et richesses à
avoir ^ par devers luy trop grandement , et ce sçavoit-il
de sentement, car il avoit demeuré et conversé en Turquie
aveuc euls et servy l'Amourath, përe à celluy dont je parle
présentement , plus de trois ans.
Si fist le roy de France lever sus des genouls le dit che^
vallier qui ces nouvelles avoit apportées , et le "^ conjouy *
grandement, et aussi firent les seigneurs qui là estoient, et
luy dirent générallement et espécialement que il estoit en
ce monde bien eureus , quant il avoit esté à une telle
journée de bataille et que il avoit la congnoissance et
l'accointance de ung tant puissant roy mescroiant que de
*-• Moult. — »^ Coûvenoît or et richesses envoyer. — •^ Pestoay.
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▲RRIVB A PAHI8. SSS
l'Amourath qui Tavoit envoyé en message devers le roy de
France et les seigneurs de France , de laquelle bonne
adventore il et tout son lignage en devroient ^ valloir de
mienlx *.
Si flst tantost et incontinent le roy de France, ces lettres
oyes et ces nourelles, délivrer hors de prison de Chastelet
tous ceulx qui mis y avoient esté pour les nouvelles paroles
que mis hors avoient » semées et esparses parmy Paris et
ailleurs aussi , avant que messire Jaques de Helly fuist
venu , de laquelle délivrance ils eurent tous grant joye ;
car les plusieurs se repentoient de ce que ils avoient tant
parlé de leur mésadventure.
Or s'espardirent ces nouvelles que messire Jacques de
Uelly avoit apportées en France et à Paris, et furent tenues
à véritables et tant que chascun et chacune en fut raemply .
Geulz et celles qui leurs seigneurs et leurs maris , leurs
pères et leurs frères, leurs enffans et leurs cousms avoient
perdus» furent ' très ^-courrouohiés et destourbés et à
bonne cause. Les haultes dames de France , telles que la
duchesse de Bourgoingne pour son âls Jehan de Bour-
goingne, conte de Nevers, et sa fille Marguerite de Hayn-
naupour son mary le dit [conte de Nevers furent fort
^ tourmentées et destourbées * , et bien y avoit cause , car
il leur tenoit trop près ^. Aussi Marie de Berry, contesse
d'Eu et connestablesse de France, pour son mary messire
Phelippe d'Artois * , la contesse de Marche, la dame de
Goucy et sa fille la dame de Bar , la dame de Sully et
toutes les dames générallement tant du royaulme de France
comme d'ailleurs ; mais ce les reconfortoit au fort, quant
elles avoient assés plouré et lamenté , qu'ils estoient pri-
*-• Trop mieulx vaUGir — •"* Moult. — •■• Courrouchées. - ' Du
cuer. — * Conneatable de France.
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5S6 JACQUES DB HBLLT
sonniers , mais il 11*7 avoit nul ^ conseil * entre celles qui
entendoient leurs maris mors, leurs përes» leurs firëres» leurs
enffans et leurs parens, et durèrent ces lamentations moult
longuement parmy le royaulme de France et ailleurs aussi.
Vous devës savoir que le duc de Bourgoingne ' conjouy ^
bien grandement le chevallier qui ces nouvelles luy avoit
apportées de son flls, et luy donna et fist donner grant foi-
son du sien de beaulx dons et de moult riches joyaulx » et
le retint de ses chevalliers parmy deux cens livres de
revenue par an, dont il le doua et fiefva & le tenir tout son
vivant. Le roy de France et tous les seigneurs en dossoubs
firent grant prouffit au dit chevallier, lequel mist en termes,
puisque il avoit fait son message , que il le convenoit
retourner devers TÂmourath ; car ainsi luy avoit esté dit
et enjoind à son département , et se tenoit enooires prison-
nier à FAmourath , quoyque il fuist venu pardechà : ce
n'avoit esté que pour apporter nouvelles tant de l'Âmou*
rath et de sa victoire que des seigneurs de France qui
prins et mors estoient et avoient esté â la bataille de
Nycolpoly,
Ces paroles et signifiances de retour, que messire Jacques
de Helly fist au roy de France et aux * princes du sang *,
leur furent assés agréables et leur semblèrent assés rai-
sonnables, et entendirent fort à sa délivrance. Et escrip-
virent le roy , le duc de Bourgoingne et les seigneurs qui
à Paris estoient, i leurs proixmes et amis ; mais, avant
toutes ces choses, advisé fut au conseil du roy de France
que on envoyeroit de par le roy de France ung chevallier
d'honneur , de prudence et de vaillance devers TAmourath-
Bacquin , et lequel , son message fut au dit Amourath ,
retoumeroit en France et rapporteroit secondes nouvelles
V Reconfort, — V Festoya— . *^ Seigneon.
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AftUVB A PAftIS. 337
da 4it Amourath ou cas que massire Jaques de Helly ue
poT<Ht retourner fors que par cougië , car il estoit
oncoireB priBonuier où que il fuist, et obligië au dit
Amourath.
Si fut esleu pour aler an ce yoyage et pour faire le
message de par la roy de France messire Jehan de Chas-
tel-Morant , lequel estoit chevallier pourveu de sens et de
beau langaige , froit et aitempré an toutes manières ; et
fut seau et demandé & messire Jacques da Helly quels
joiauls on pourroit transmettre , ne envoyer de par le roy
de France audit roy Basaach , qui mieulx luy peuissant
complaira , a£Sn que le conte de Nerars et tous les autres
seigneurs qui prisonniers estoient , an vaulsissant mieulx.
La chevallier respondy ad ce et dist que l'Amourath pran-
droit grant plaisance à vaoir draps de haultes lices ouvres
i Arras ou an Picquardia, mais que ils fuissent de bonnes
histoires anchiennes , et aussi à veoir blans faulcons qui
sont nomiuës guerfauls. Aveuc tout ce il pensoit que ânes
blanches toilles dëlyëes de Rains seroient de l'Amourath
et da ses gens bien recueillies en grant joye , et fines
ascarlattes; car de drap d'or et de soye, en Turquie, le roy
et las seigneurs avaient assës et largement , et prendoient
an nouvelles choses leurs esbatemens et leurs plaisances.
Ces paroles furent arrestëes du roy et du duc de Bour-
goingne qui toute son entente mettoit à complaire i l'Amou-
rath-Bacquin pour la cause de son fils.
Environ douze jours demeura messire Jaques de Helly
à Paris delës le roy et les seigneurs S et y avoit pressa à
le festoyer, conjouir et honnourer ' pour tant que très-pro-
*-* Qui Toulentien le esooutoient.
XV. — FROISSAKT. 22
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338 JACQUES DE HELLT RETOUftinS EN TURQUIE.
prement il parloit des advenues de Turquie et de Hon-
guerie , du roy Basaach dit FÂmourath-Bacquin et de sou
ordonnance , et pour tant aussi que il devoit retourner
vers luy et devers les seigneurs. Â son département il luy
fut dit : « Messire Jacques , vous cheminerës tout souef et
m à vostre aise. Nous créons bien , dirent les seigneurs,
« que vous yrës par Lombardie et parleras au duc de
a Milan , car ils s*entrayment et congnoissent assës par
<i * oyr dire * et par recommandations TAmourath et luy,
« car oncques ne se voiront. Mais , quel chemin que vous
« tenés , ne falttes , nous vous pryons et enjoindons que
tt messire Jehan de Ghastel-Morant , lequel nous avons
a ordonne à envoler par delà de par le roy et les princes ,
a vous l'attendes en Honguerie ; car c'est nostre entente
a que il passera oultre en Turquie et portera dons et pré*
« sens de par le roy de France à rAmourath-Bacquin , i
« celle fin que il soit plus doulx et plus débonnaire au
« conte de Nevers et à ceulx de sa compaignie , qui sont
« en ses dangiers comme vous scavés. » Môssire Jacques
le Helly dessus nommé respondi ad ce et dist que tout ce
feroit-il voulentiers. Âdont fut faitte sa délivrance de tous
poins , et se départy du roy et du duc de Bourgoingne et
des seigneurs de France , et yssy de Paris , et prinst son
chemin aucques ainsi comme il estoit venu , et ' se mist
au retour , et fut sou entente que jamais en France ne
retoumeroit , si auroit esté en Honguerie et en Turquie.
>
D'autre part , depuis le département de Jaques de Helly ,
le roy et le duc de Bourgoingne n'entendirent à autre chose
fors que de pourveoir les présens que ils vouloient envoier
*/ Oy dire. — » Puis.
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PRÉSENTS DBSTIHÉS A HAJAZBT. S59
devers rÂmourafh-Bacqain ; et quant ils furent pourveus ',
messire Jehan de Ghastel-Morant fut tout appareillië et
ordonne de départir , car bien sçavoit que il estoit chargië
de par le roy d'aler en ce yoyage et de faire celluy message.
On se ' hasta et ayancha ce que on pot de querre et pour-
veoir ces présens» lesquels on youloit enyoier en Turquie '
de par le roy de France à l'Amourath-Bacquin, afin que
messire Jehan de Ghastel-Morant pust ^ raconsieuyir ^
messire Jaques de Helly. Ils furent tous quis et pourveus,
eteny otjusques à VI sommiers fort chargiës. Si vous
• diray de quoy ils furent chargiës. Les deux furent chargiës
de draps de haulte lice , pris et fais à Ârras les mieulx
ouvres que on puet * trouver deçà les mons ''^ et estoient
ces draps fais de Tistoire du roy Alexandre et de la grei-
gneur partie de sa vie et de ses conquestes , laquelle chose
estoit très-plaisante et agréable à veoir à toutes gens d'hon-
neur et de bien. Les autres II sommiers estoient chargiës
de si très-ânes toilles de Rayns blanches et dëlyes que Ten
ne pourroit mieulx ; et les autres deux sommiers de fines
escarlattes blanches et vermeilles. De toutes ces choses
• recoeuvre-on • assës lëgièrement parmy les deniers
palans, mais on trouva et recouvra à trop grant payne des
blans guerfauls. Toutefibis, fuist à Paris ou en AUemaigne»
on en ot , et de tout fut chargié messire Jehan de Ghastel-
Morant à faire les présens et son message , et se dëparty
de Paris du roy et des seigneurs quinze jours après ce que
messire Jaques de Helly fut mis à voye et à chemin.
Entrons que ces voyagiers cheminoient , le roy de Hon-
• Trài-bien. — «-» DUigenta d'envoyer les prieenU- — *■• AUain-
dre. — •-' ÀToir et recoafrer. — •-• ReoouTra-on.
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340 LB ROI SB lUkKGRIB EBHTU OAIIS BSS iTÀTS.
gnerie qui si grant dommage avoit receu et en en la bataille
de Nycolpoly , eicomme il est icy-dessus dit et contenu en
nostre histoire, retourna en son pays. Dont, quant on soeut
sa revenue , toutes gens qui moult Taymoient , en furent
fort resjouys et vindrent devers luy et le réconfortèrent ,
en luy disant que , se il avoit prins et receu dommage ,
une autre fois il aroit prouffit. Il convenoit au roy de Hon-
guerie porter son dommage au plus bellement que il pot ,
et aussi flst*il à ses gens.
D'autre part, TAmourath-Bacquin retourna bien avant
en son pays depuis la bataille passée , ainsi que cy-dessus
est contenu, et arriva en une sienne grosse ville que on
appelle Bruse en Turquie , et là furent les chevalliers de
France amènes prisonniers , et là se tindrent soubs bonnes
gardes qui furent ordonnées et establies sus euls. Et devés
savoir que ils n*avoient pas toutes leurs aises , mais moult
au contraire. Trop fort leur furent changié le temps et les
vivres , car ils avoient aprins la ^ nourirechon 'de doulces
viandes délicieuses , et souloient avoir leurs ' cuisiniers ^ ,
leurs seI^riteu^s, leurs maisnies qui leur administroient *
après leur goust et appétis ; mais de tout ce ils n*avoient
riens fors que tout le contraire , car ils estoient servis de
grosses viandes, de grosses chars et mal cuittes et mal
appareillies. De toutes manières d'espices avoient-ils * à
plenté ^ , et à largesse du pain de milet qui ' durement '
est " doucreus " et hors de la nature de France. Des vins
avoient-ils à grant dangier ; et jà soit ce que tous fuissent
grans seigneurs, on ne faisoit pas grant compte de nul
*■• Nourriture. — •-* Queox. — • Leurs tiandes. — •^ Aaaéë. —
• • Moult, — ••^* Douoereui.
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LES PElSONMlBaS CHRtTIBMS SORT KNTOTte A BROUSSB. 341
d'enls, et les avoient les Tors aussi chier malades que
^ haytiés '» et morts que vis; car, se par le plaisir et conseil
de plusieurs alast , ils euissent esté tous ' mis à exécution.
Ces seigneurs de Franco qui prisonniers estoieni en
Turquie, se confortoient Tun parmy Tautre » et prendroient
en gré tout ce que on leur faisoit et administroit , car ils
n'en povoient avoir autre chose. Si se prindrent à muer
moult fort de sang et de couleur , et se altérèrent tous ,
car ils engendrèrent petit à petit foible sang , et commen-
cèrent à avoir des maladies , mais trop plus les uugs que
les autres ; et par espécial ceUuy qui se reconfortoit le
mienlz , c*estoit messire Jehan de Bourgoingne , conte de
Nevers , mais il le faisoit tout par sens , pour reconforter
et resjouir les autres , et aveuc luy estoient de boA recon-*
fort messire Bouchicault , le conte de la Marche et mes-
sire Henry de Bar, et prendoient le temps en bon gré et
en patience, et de ce disoient que on ne povoit avoir les
honneurs d'armes et les gloires de ce monde sans avoir
payne et traveil et à la fois des dures adventures et des
rencontres', et oncques ne fut nul en ce monde , tant fuist
vaillant , ne eureux , ne bien usé d*armes , qui euist toutes
ses aises , ne ses souhais , ne ses voulentés , et dévoient
encoires louer Dieu , quant ils se trouvoient en ce party ,
que on leur avoit sanlvé les vyes en la fureur et courrous
où ils avoient veu TÂmourath-Bacquin et les plus prou-
chains de son conseil ; car il fut dit et conseillié en Fost ,
(et s'y enclinoit et arrestoit générallement le poeuple lAes-
croiant), que tous fuissent mors et détrenchiés : « Et je-
c meismes ,.disoit messire Bouchicault, en doy de Talon-
« gement de ma vie plus loer Dieu que nul de vous; car je
« fuis sur le point d'estre 'mort , occis et détrenchié ainsi
V Sains. — • Occw et.
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342 LES PRISOIfRIBRS GHRÊTIBIfS
« que les nostres autres compaignons furent , et estoit
a tout ordonné quant monseigneur de Nevers me ravisa
« et tantost il se mist à genouls devant l'Âmourath et
a pria pour moy, et à sa prière j*en euls la yye respitëe.
tt Si tiens et recorde ceste adventure à belle et à bonne ,
« et que je muire quant il plaist à Nostre Seigneur ; car,
« d'ores-en-avant ce que je viveray» il me semble que ce
« sera avantage. Et Dieu qui nous a délivre de ce péril, nous
a délivrera encoires de plus grant , car nous sommes ses
tt souldoiers, et, pour l'amour de luy , nous avons celle
a peine ; car par messire Jacques de Helly qui chemine
a en France de par TÂmourath et qui recordera ces non-
a velles au roy et aux barons de France , pourrons-nous
a avoir dedens ung an aucun bon reconfort et délivrance.
« La chose ne demourra pas ainsi ; il y a moult de sens
« delés le roy de France et monseigneur de Bourgoingne.
« Jamais ils ne nous oublieroient que par aucun ^ moyen
« et traittié ' nous ne venons à finance et ' délivrance, b
Ainsi se recoufortoit ^ messire Bouchicault et prendoit
le temps assés en bon gré et en patience, et ausâi faisoit le
joeune conte de Nevers. Mais le seigneur de Coucy le pre-
noit en moult grant desplaisance , dont c*estoit merveilles ,
car en devant ceste advenue il avoit tousjours esté ung
seigneur pourveu et plain de trës-grant reconfort, ne
oncques il ne fut esbahy ; mais à celle ^ saison * où il estoit
à Bruse ^ il se desconfortoit et esbahissoit de luy-meismes
plus que nul des autres , et se merancolioit et avoit le
coeur trop pesant, et bien disoit que jamais il ne retour-
neroit en France , car il estoit yssu de tant de grans
périls et dures adventures que ceste seroit la derreniëre.
* ' Temps et moyen. — > A plaine. — ^ Ce gentil aeignenr. —
»•• Prison. ■— ' En Turquie.
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SONT SRVOTiS À BROUSSE. 345
Messire Henry de Bar le reconfortoit si acertes comme il
poYoit , et lay blasmoit ses desconfors , lesquels encoires
sans canse il prendoit, et lay disoit que c estoit foUe de
dire et faire ainsi et que en luy il devoit avoir plus de
reconfort que en tous les autres; mais, non obstant tout ce,
il se esbahissoit de luy-meismes et luy souvenoit trop
durement de sa femme et de sa flUe , et les regrettoit
moult souvent , et aussi faisoit messire Phelippe d*Ârtois,
conte d*Eu et connestable de France. Messire Guy de
la Trimouille se reconfortoit assés bien , et aussi faisoit
le conte de la Marche. L'Amourath-Bacquin vouloit bien
que ils euissent aucunes gr&ces et esbatemensde leurs
délits et les vouloit veoir aucunes fois et jengler etbour*
der à euls , et leur estoit assés gracieux et débonnaire ,
et vouloit bien que ils veissent son estât et une partie de
sa puissance.
Nous laisserons ung petit à parler d*euls et parlerons de
messire Jaques de Helly et de messire Jehan de Ghastel-
Morant ; et entra le dit messire Jaques en Honguerie et
vint en la cité de Bude et là trouva le roy de Honguerie qui
moult doulcement le rechupt pour * Tamour * du roy de
France et des royaulx , et luy demanda des nouvelles, et
messire Jacques luy en dist assés.
Environ ' dix ou douze ^ jours séjourna messire Jacques
de Helly en la cité de Bude en Honguerie en attendant
messire Jehan de Chastel-Morant, lequel exploitta tellement
en cheminant et avança du plus tost que il pot» que il vint
en Honguerie; et quant il fut venu en Tarroy et ordon-
nance que dessus avés oy recorder , messire Jacques en
•-• L^honneur. -^ *-* Neuf ou dix.
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344 XiCQUBB MB niiLY
fat tout resjouy , car il dësiroU à passer (mltr# en twetpàé
pour Itiy acquittier deyers rÂmourath-Bacquin de sa foy »
et pour veoir messire Jehan de Bourgoingne , conte de
Nevers , et les antres seigneurs.de France ' priscmniers et
pour eulx à son léal povoîr reconforter.
Quant le roy de Honguerie vey le sire de Chaste!-
Morant , si luy fist moult bonne chière pour * rameur ' du
roy de France , et aussi pour Famour ^ de ses cousins les
ducs du sang roial * , et œtendy par ses hommes meismes
que le roy de France envoioit à TÂmourath par son che-
vallier moult grans prësens et riches joyaulx, desquelles
choses U fut tout courrouchië * ; mais il s^en dissimula gran-
dement et couvry sagement tant que messire Jaques de
Helly fut départy et aie en Turquie , car il dist bien en
soy-meismes et à ceulx de son plus estroit ^ conseil ans-
quels il s'en descouvry , que jà ce chien mescroiant son
adversaire TAmourath ne auroit dons » ne prësens qui
yenissent de France , ne d'ailleurst tant qu'il euist la puis-
sance du destourner.
Quant messire Jaques de Helly se fut rafreschy deux ou
trois jours à Bude en Honguerie, il prinst congië au roy et
au sire de Chastel-Morant, et dist que il vouloit passer
oultre et aler en Turquie devers le roy Basaach et pour
impëtrer ung saulf-<;ottduit pour messire Jehan de Ghasteï-
Morant, à la fin que ce qu'il menoit, peuist passer oultre et
venir devers luy , et le roy luy dist que ce seroit bien fait.
Lors se dëparty le dit chevallier * à tous * ses gens et se mist
au chemin et prist guides qui le menèrent parmy la Hon-
guerie et la Blacquie, et tant exploitta par ses joumëes que
il vint devers l'Amouraih-Bacquin, et ne le trouva point i
* Qui estoient là. — *** L'honneur. — *^ Des royaux ses contini.
— 'Et marrj. — ' Et «spécial .— •"• Avecques.
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SE BBHD mÈS DE tUàZET. S4S
Brnse , mais estoit ailleurs en une antre cité en Tarquie,
qae on appelle ^ Pebly * ; et , partout où il aloit et se
traioit , les prisonniers de France estoient mènes , réserve
le sire de Coucy qui demeura tondis i Bruse séant à l'en-
trée de la Turquie , car il ne povoit souffrir la paine de
cheyaucliier pour tant que il n'estoit point bien baîttié «
et aussi il estoit recreu et replesgié , et estoit demeuré
pour luy ung sien cousin de Grèce , ung ' grant ^ hwron
durement , qui descendu et yssu estoit des ducs d*Ostrice,
nommé le seigneur de Matelin.
Quant messire Jaques de Hellj fut venu i Pebly , si se
' traist ^ tantost vers Tostel de TAmourath-Bacquin , car
il estoit bien congneu , et fut mené devant FÂmourath qui
le vey voulentiers pour tant que il estoit retourné de
France. Messire Jaques de Helly se bumilia contre luy
moult doulcement et luy dist : « Très-chier sire et redoubté,
f vescy vostre prisonnier. A mon léal povoir j*ay fttit vostre
« message et ce dont j*estoye cbargié. » Dont respondy
le roy Basaacb : a Tu soies le bien venu. Tu te es acquittié
« léaulment , et pour tant je te quitte ta prison , et peuls
« aler , venir et retourner quant il te plaist. » Lors le
remercia pour celle grâce ' moult humblement le dit che-
vallier , et luy dist comment le roy de France et le duc de
Bourgoingne , père au conte de Nevers son prisonnier ,
luy euvoioient ung chevallier dlionnenr et de crédencè en
ambassade , et lequel de par le roy de France luy appor-
toit aucuns bons joiaulx de recréation , lesquels il ver-
roit voulentiers. L'Amourath-Bacquin demanda si il les
avoit veus. Il respondi que non : a Mais le chevalier qui de
t faire le message est chargié « est demeuré delés le roy
« de Honguerie à Bude, et je suis venu devant ' jusques à *
«-• PoUy. — »-* Moalt^amaat. — •-• Tourna. — ' Qn'U luy ûdsoit.
— •-• Devers.
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546 JACQUES DE HELLT
« VOUS nonchier ces nouvelles , et pour avoir ung saulf-
d condoit alant et retournant devers vous et de vous
a arrière sans mauvais engien en Honguerie. » Â ceste
parole respondy TÂmourath et dist : « Nous voulons que
tt il Tait » et luy accordons tout ainsi que vous le voulës
c avoir. » De ceste parole remerchia le chevallier TÂmou-
rath et se humilia moult devers luy. Adont se départy
TÂmourath de sa présence et entendi à ^ autres oiseuses '
ainsi que grans seigneurs ' pëvent faire ^.
Depuis à une autre heure advint que messire Jaques de
Helly parla à TÂmourath , et se mist à genouls devant
luy et luj pria moult doulcement que il peuist veoir ses
seigneurs les chevalliers de France , car il avoit à parler
à eulx de plusieurs choses. L'Amourath à ceste parole ne
respondy pas si tost et pensa sus ung petit. Et quant il
parla» il dist : a Tu en verras Tun tant seulement et non
a les autres, o Adont flst-il signe à aucuns de ses hommes
que le conte de Nevers ^ fuist amené en place en sa pré-
sence tant que il euist ung petit parlé à luy, et puis fuist
ramené. On flst tantost son commandement» et ala-on
querre le conte de Nevers , et fut amené devant le cheval-
lier qui s'enclina contre luy. Le conte le vey très-voulen-
tiers , ce fut raison » et luy demanda du roy et de son
seigneur et père et de sa dame de mère et des nouvelles
de France. Le chevallier luy en recorda ce qu'il en sçavoit
et avoit veu, et tout ce luy dist de bouche , dont il estoit
chargié » et n*orent pas si grant loisir de parler Tun à
Tautre , comme il voulsissent bien ; car les hommes de
TAmourath-Bacquin estoient là présens » qui leur disoient
qu'ils se délivrassent de parler et que il leur convenoit
entendre à autre chose.
•-• Autre chose. — ^ Font. — • Tout seul.
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M RBID PRÈS DE BAiAZBT. 347
Dont demanda messire Jacques de Helly au conte de
Noyers se tons les antres seigneurs de France estoient en
bon point. Il respondi : <r Ouyl, mais le seigneur de Concy
« n'est point avec nous : il est demonrë à Bmse et ^ sas
« recrëance ' du seigneur de Matelin , ainsi que je Ten-
« tens , qui est demeuré pour luy , et ce seigneur de
« Matelin est assés en la grâce de TAmourath. » Dont luy
dist messire Jacques ' comment messire Jehan de Ghas-
tel-Morant estoit * party ' hors de France , et venoit de
par le roy de France et le duc de Bourgoingne en ambassa-
derie devers l'Âmourath , et luy apportoit , pour adoulcir
sa fëlonnye et son ayr , des biaulx joiaulx moult nobles et
riches : « Mais il s*est arresté à^^Bude en Honguerie de-
« les le roy ^ et je suis venu querre ung saulf-conduit
« pour luy , alant et retournant , luy et toute sa famille ,
« et le roy Basaach le m'a desjà accordé , et croy assës
« que je retoumeray * temprement ^ devers luy. o
De ces paroles et nouvelles fiit le conte de Nevers moult
resjouy » mais il n'en osa monstrer évident samblant pour
les Turs qui les gardoient et regardoient. La derraine
parole que à messire Jacques de HeUy dist messire Jehan
de Bourgoingne, conte de Nevers, fut telle : a Messire
u Jacques, j'entens par vous que l'Amourath vous a quit-
u iié de tous poins vostre raenchon, et povés, quant il vous
a plaist, retourner en France. Vous venu là, dittes de
« par moy à monseigneur mon père, se il a intention et afiec-
a tion de moy ravoir et mes compaignons, il envoyé traittier
a de nostre délivrance * à toute dilligence *par marchans
a jennevois et vénisciens, et se compose et accorde à la
a première demande que l'Amourath ou '^ autres " qui de
«-* Comme recréant de maladie et sur le crédit. — > Et compta. —
*-• Imu. — •-' De bref. — •■• Haativement. ,— *•"" Ceulx.
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349 j LB ROI DE MOlffiUE S'OVPOBB
« par Iqj de ce se ensonnienmt, feront ^; car nous sommes
a perdus pour tonsjoars mais, se on s'i arreste, ne Tarie
f longuement» car j'ay entendu queFAmourath est loyal
« et courtois et moult brief en toutes ses choses, mais que
« on le sache prendre à point. »
A tant ânërent les parlemens de messire Jacques de
Helly et de messire Jehan de Bourgoingne conte de Neyers
lequel fut remené aveuc ses compaignons, et messire
Jacques de Helly retourna d'autre costé , et puis entendy
à avoir tout ce que ottroyë lui estoit de par TAmourath,
pour retourner en Honguerie. Quant le saulf-conduit fut
escript et sëellë selonc Tusage et coustume que le roy
Basaach avoit du faire et donner , on le bailla et délivra
au chevallier. H le prist, et puis prist congié à TAmou-
rath et à ceulx de sa court de sa congnoissance , et se
mist au retour , et tant chevaucha par ses journées que il
vint à Bude en Honguerie. Si se traist tantost devers
messire Jehan de Ghastel-Morant qui Tattendoit et fort
désiroit sa venue. Lors luy dist : « Sire de Ghastel-Morant,
« je vous apporte ung saulf-conduit alant en Turquie et
a retournant seurement pour vous et pour toute vostre
« famille, lequel m'a accordé et donné le roy Basaach
« à ma requeste assés legièrement. » — « C'est bien
« besoingnié, respondy le chevallier , et pour tant il nous
« convient aler par devers le roy de Honguerie, et luy
« recordons ces nouvelles, et puis * demain au plus matin*
« je me mettray à la voye , car j'ay icy assés séjourné. »
Adont s'en alèrent les deux chevalliers , tous d*un
accord , devers le roy de Honguerie , qui estoit en sa
* Ou demanderont. — *^ De matin. %
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▲ L*BIY0I DIS nÉUERTS A BAIÀZBT. S40
diambre , et ^ luy monstrôrent tontes les besoingnes et
affaires ' que vous avës ouy. Le roy de Honguerie respondy
i leur pétition et dist en telle manière en plaine audience ;
a Vous 9 ChastelrMorant , et vous Helly , vous nous soies
« les bien venus , et vous voyons voulentiers pour l'amour
I de nos cousins de France et leur ferions voulentiers
8 plaisir et à vous aussi, et povës venir et aler parmy
« nostre royaulme à vostre voulentë et aussi en la Turquie,
« se il vous plaist ; mais pour le présent nous ne sommes
« pas d'accord ad ce que les présens et joiaulx lesquels
« vous Chastel-Morant qui messagier en estes , avés fait
« venir du royaulme de France , vous les menéiat oultre ,
« ne présentés à ce chien mescréant le roy Basaach, car jà
I n'en sera enrichy» ne resjoy. Il nous tourneroit à trop
« grant ' vieultéet à trop grant blasme ^, se ou temps adve-
a nir il se povoit vanter que pour luy attraire à amour et par
« cremeur , pour tant qu'il a eu une victoire sur nous et
a qu'il tient en dangier et en prison ancuns hauls barons
ff de France, il fuist tant honnouré que il peuist dire et
c monstrer : « Le roy de France et les seigneurs de son
« sang de France m'ont envoyé ou envoiërent ^ telles
« richesses et tels * présens et joyaulx » . Tant que des guer-
« fauls, je n'en feroie pas bien grant compte, car oiseaulx
« voilent légiërement de pays en autre : ils sont donnés
« tost et tost perdus; mais, au regard des draps de haultes
I lices , ce sont choses à garder , à monstrer , à demeurer
« etàveyrà tousjours mais , siques, Ghastel-Morant ,
« distleroy de Honguerie, se vous voulés passer oultre
« en Turquie et porter les fanlcons-guerfauls et veoir ce roy
I Basaach, faire le povés, mais vous n'y porterés autre
« chose.»
*** Parlèrent à Ipy en remonstrant tonte Taffaire. — *-* Vitupère ,
blasme et vileté. — *^ Tels riches.
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5B0 LE ROI DB HOHGBIE 6*0PP08E
Dont respondy messire Jehan de Ghastel-Morant et
dist : a Certes, chier sire et redoubté roy, ce ne serdt pas
« mon honneur , ne la plaisance du roy de France, ne des
« seigneurs qui ^ pardechà * m'envoient , se je n*accom-
« plissoie mon ' voiage ^ en la fourme et manière que il
« m'est chargie à faire. » — « Or bien , dist le roy ; tous
« n'en aurës autre chose présentement par moy. » Si se
départy à tant des deux chevalliers et entra en ses cham-
bres , et les laissa illec parlans ensemble , euls conseiUans
quel chose ils pourroient faire pour le mieulx ; car ceste
abusion du roy de Honguerie leur toumoit à grant des-
plaisance. Et en parlèrent entre eulx deux en plusieurs
manières pour avoir conseil comment ils s'en dieviroient ,
et advisèrent que tout leur estât et Tymagination du roy de
Honguerie ils l'envoieroient par lettres et par ^ hastieu '
message au roy de France et au duc de Bourgoingne , i la
fin que ils y voulsissent pourvoir, puisque autre chose ils
n'en povoient avoir, par quoy aussi, seU ^ besoingnoit', que
ils fuissent excuses de leur longue demeure par le moyen
du roy de Honguerie. Si escripvirent lettres ces deux che-
valliers et sëellerent , adreschans au * duc de Bourgoingne
comme au roy ^^, et prindrent certain message bien exploit-
tant pour chevauchier en France, et luy firent finance d'or
et d'argent assés pour souvent remuer et changier che-
yaulx à la fiin que il fuist plus tost exploittant sur son
chemin ; et ils demeurèrent à Bude en Honguerie, attendant
le retour du dit ^^ messagier ^*.
Tant exploitta le messagier des deux chevalliers de
France dessus nommes , et si bonne dilligence fist sus son
«^ Cy. — »^ Measaige. — ^ Haatif.— '•• Convenoit. — ••• Roy
et au dac de Bonrgoingne. — ** Afia qa*ils y volsissent pourvoir. —
"■" Message.
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l'envoi DBS PRÉSENTS A BAIAZBT. 551
chemin que il vint en France et à Paris, et là trouva le
roj, le duc de Bourgoingne et les seigneurs. Si présenta ses
lettres. On les prist, ouvry et lisy, et tout au long fut veu le
contenu en icelles, ' duquel * on fut ' à merveilles * tourblë et
courrouchié. Et pensèrent sus moult longuementpour adviser
la raison par laquelle le roy de Honguerie povoit avoir
empeschië ou empeschoit à passer oultre en Turquie, et de
faire les présents à TÂmourath-Bacquin, ainsi que ordonné
et déterminé l'avoient.
Le duc de Berry excusoit trop fort le roy de Honguerie
et disoit que il n'avoit nul tort à cela faire ; car on s'estoit
de trop humilié et abaissié , quant le roy de France
envoyoit dons , présens et joyaulx à ung roy payen mes-
croiant. Le duc de Bourgoingne à qui la matière touchoit ,
proposoit à rencontre que c'estoit toute chose raisonnable
ou cas que fortune et adventure luy avoient fait tant de
grâce qu'il avoit eu victoire et journée de bataille pour luy
si belle et si grande que desconfy et mis en chace avoit le
roy de Honguerie et pris tous les plus nobles et les plus
grans , réservé * la personne • du roy , qui ce jour s*es-
toient armés en bataille contre luy , et les tenoit prison-
niers et en ses dangiers , pour laquelle cause il ^ besoin-
gnoit * bien aux proïxmes et amis de ceulx , que par aucun
moyen ils fuissent aidiés et confortés , se on entendoit à
euls ravoir et délivrer.
Les paroles du duc de Bourgoingne furent aydyes et
soustenues du roy et de son conseil , et fut bien dit que il
avoit bonne cause de ce dire et remonstrer , et demanda
le roy au duc de Berry en disant. « Beaulx oncles , se
« l'Amourath-Bacquin ou le souldan ou ung autre roy
« payen vous envoyoit ung rubis noble et riche , je vous
*'* Desquelles paroles qui dedans estoient esciiptes. — *'* Trop
dorement. — "^ Le corps. — '"• Convenoit.
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352 LA DUCHES» D*OaLÉAIIS BST jMUa»iB
« demande se vous le recepvriés. » Le duc de Berrj res-
pondy et dist : « Monseigneur , j'en auroye conseil. » Or
fiit-ii dit et remonstrë du roy, pour tant qne il n'y
avoit pas dix ans que le souldan Iny avoit envoyé ung
rubis, lequel il avoit acheté vingt mille ^ frans '.
L'affaire du roy de Honguerie ne fut en riens soustenue,
ainchois fut bien dit que il avoit trop mal ezploittié , quant
il empeschoit et avoit empeschié les présens à aler oultre
devers le roy Basaach et que ce pourroit les seigneurs de
France plus ' arriérer ^ que avanchier. Si fut ordonné
ainsi et conseillié au roy de France de escripre au roy de
Honguerie' lettres moult amiables en priant que il ne
mesist nul empeschement ad ce que son chevallier et tout
ce que de charge avoit, ne passast oultre en Turquie et n'en
fesist son message. Si furent de rechief lettres escriptes
sus la fourme que je vous dy et séellées et baillies à cellny
qui les nouvelles avoit apportées. Quant le messagier ot sa
délivrance , il se départy du roy et du duc de Bourgoingne
et des seigneurs de France , et se mist au retour pour
revenir en Honguerie par devers messire Jacques de
Helly et messire Jehan de Chastel-Morant.
Vous sçavés, comment il est icy-dessus contenu en nostre
histoire, la manière et comment le roy de France estoit
tous les ans enclin de rencheir en une maladie ' que on
dist frénaisie * , et si n'estoit nuls médechins, ne surgiens
qui rensceuissmt conseillier, '' ne qui y peuissent pourvoir
deremdde*. Aucuns s'estoient bien avanchiés et vantés
que ils le gariroieÀt et metteroient en ferme santé ; mais,
quant ils avoient tout emprins et labouré, ils * ouvroient'^
«-• Fbrins. — «"* ArrMier. — *• FiÀTrease. — '-• Ne rem4di«r. —
••'* Labonnûent.
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l>*AVOm KlIPOISOlIlli LB ROI. ^ 3K3
en tain , car la midadie du roy ne se oesaoit , ne pour
pryères, ne pour mëdediinea^ jusqnes à tant que elle avoit
prins tout son cours. Les aucuns ^ comme arioles devisoient
et adetindent sus leur entente , pour mieulx yalloir, sus la
maladie du roy, et mettoient oultre» qu^mt ils vicient que
leur labeur estoit nul , que le roy estoît empoisonné et
enherbë. Bt ce * maintenoit ' les seigneurs de France
et le poeuple génërallement en grans variations et ^ «uppo*
sitions ^ de mal ; car les aucuns de ces arioles affermoient,
pour mieulx attaindre leurs jangles et peur plus donner
toutes gens à penser, que le roy estoit démené par sors
et par * charmes ^ , et le sçavoieat par le déable , qui leur
réTéloit oest affaire, desquels arioles ' il en y eut aucuns
destruits et ars à Paris et en Avignon, car ils parloient si
avant, * disans ^^ que la duchesse Valentine d'Orléans et
ftUe au duc de Milan faisoit " cel encombrier et en estoit
cause pour parvenir à la couronne de France , et en fut
par telle manière la dame acqueillie par les parlera de ces
arioles, que commune renommée couroit parmyle royaulme
de France qu'elle jouoit de tels ars et que si longuement
qu'elle seroit delés le roy de France i séjour, ne queie
roy la verroit , ne orroit parler,, il n'en aroit autre chose.
Bt convint la dite dame, pour ester cel ^* escandële " et
fuyr tels périls qui de trop près l'approuchoient , dissimu-
ler et départir de Paris et aler demeurer à ^^ Aniers ^% ung
moult bel et fort chastd près de Ponthoise , lequel chastel
estoit au duo d'Orléans son seigneur et mary, et depuis
ala-elle demeurer au Noeuf-Chastel-sur-Loirre, lequel est
aussi et estoit pour lots au duc d'Orléans. Et quant le duc
* De ces médechins. — " Mettoit. — *-■ Souipechons. — •*' Car-
met. — • Bt devin». — •*• Qu'Ile dirent. — " Tout. — *•-*» Eadan-
dre. - •*-» Anièren.
'XV. — FROISSART. 23
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S54 tA DUCHBSBfi B'OBtÊAlrd EST AC<!USàfi
d'Orléans senti que tel famé ^ couroit sus sa femme, il en
estoit tout mërancolieus et 8*en dissimuloit an mieulx et
pins bel qne il povoit , et n'eslongoit pas ponr ce le roy
son frère , ne la conrt ; car ' plenté ^ des pins hanltes
besoingnes dn royaulme de France se ordonnoient par les
consanls où il estoit appelle.
Le duc de Milan qni s appelloit Gallëas , estoit bien
infouri&é que de telles viles choses et désordonnées sa fille
la duchesse d*0rlëans estoit amise et demandée. Si tour-
noit ce à grant ^ blasme ^ » et envoia deux ou trois fois ^i
France ambassadeurs pour excuser sa fille devers le roy et
son conseil , et ofiroit chevallier ou chevalliers * à corn-
batre ^ autre ou autres qui luy ou sa fille voulsissent de
nulle trahison accuser. Et monstroient iceulx messages ces
paroles si acertes que il en menachoit le roy de France i
faire guerre contre le royaume de France et tons les Fran-
çois ; car le roy de France avoit ' mis hors * et proposé,
lorsque il estoit en bonne santé, quant il fut sur le mont
de Bavelinghem entre Saint-Omer et GaUds et il donna
Ysabel sa fille par mariage au roy Richart d'Angleterre,
que , luy retourné en France , jamais il n'entenderoit i
antre chose , si seroit aie à puissance sur le duc de Milan.
Et le roy d'Angleterre qni s'escripvoit et nommoit son
fils , luy avoit prommis en ce voyage de purs Anglois
mille lances et six mille arehiers , dont le roy de France
estoit *® moult resjony et non sans cause ". Et furent les
pourvéances faittes et ordonnées pour le roy de France
en la conté de Savoie et en la danlphiné de Vienne, car par là
vouloit entrer le roy de France en Piedmont et en Lom-
bardie.
• Et renommée. — "• Moult. — V Iigare. — 'Du royanme de
France. — ' A outrance. -^ •• Dit. — *•-" Grandement reejoy.
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D*AVOIR EMPOISOIIIIÉ LE ROI. SS5
Or advint que ce voyage se brisa et desrompy et ala
tout à néant , quant les certaines nouvelles vindrent en
Fraaœ de la grant bataille et desconfiture qui avoit esté
devant Nycolpoly sus les crestiens , et de la mort et prinse
des * nobles barons * de France ; car le roy de France ,
le duc de Bourgoingne et tous les seigneurs furent si char-
giés de ces dures nouvelles que ils orent assés à entendre
à autre diose , et aussi ils sentoient ce duc Galléas de
Milan grant et puissant et moult bien du roy Basaach
de Turquie, dit rAmourath-Bacquin ', pour quoy ils * ne
Tosërent bonnement courrouchier ^.
Le duc de Bourgoingne et la duchesse sa femme jet-
tment toutes leurs visées ^ au long de toutes pars ^ comment
et par quel poûrchas et traiitié ils pourroient ravoir leur
fils Jehan de Bourgoingne conte de Nevers. Bien sçavàient
que avant que il yssist de Turquie, il * en convenoit grant
avoir saillir *. Si restraindireut leur estât ^^ et commence
roità^^ espargnier etassamblerpar toutes leurs terres grant
or et grant aj^ent ; car sans. le moien de ce ne se povoient
leurs besoingnes faire. Et acquirent de toutes pars amis
et par espëcial marchans vénisciens et jennevois et hommes
de telle sorte , car bien sentoient et oongnoissoient
que par tels gens convenoit-il que ils fussent adreschiés.
Le duo de Bourgoingne pour ce temps se tenoit tout
quoy à Paris delés le roy son nepveu et luy remonstroit
souvent ses besoingnes. Le roy 8*i enclihoit assés , car le
duc son oncle avoit la greigneur partie du gouvernement
• • " • '
V' Seigneani. [•— *-* Si. — * Et le laiuièrent pour lora en oettay
estât. — *-^ En toutes manieras. ^ *-*ConTenoit payer grant finance.
— «•^" Pour.
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856 lfi<HM:iAT101l8 MMm LA RANÇON
da dit royanlme , dont sês besoingnes en dévoient mienlx
valloir.
En ce temps avoit nng ^ Lombart ' à Paris, puissant
homme darement et grant marchant , et auquel tons les
fais d*autres Lombars se rapportoient » et estoit congnen»
à parier proprement, par tout le monde là où marehans
vont et viennent et hantent ; et cestuy marchant on nom-
moit^ Din de Responde^ et par luy se povoient faire
tontes finances. Et qnoyqae, en devant ceste adventnre de
la prinse dés seigneurs de France en|Tnrqaie, il Aiist bien
amë et honnoarë du roy et des seigneurs de France, I
lencoires de rechief le fut-il plus grandement. Et eu par- I
oit souvent le duc de Bourgoingne à luy pour avoir con- I
seil comment il s*en pourroit chevir , ne entrer en traittië
deivers rAmourath-Baoquin ^ pour^ ravoir son fils et les
autres seigneurs de France, qui àveuc luy eàtoient pris(»miers
an Turquie. Sire Din de Responde respondoit i ces paroles '
et disoit : « Monseigneur , on y regardera petit à petit.
« Les marehans de Venise et de Jeunes et des ysles
f obeissans à euls sont congnens partout et font le fait de •
I la marchandise au Quaire , en Alexandrie , i Damas ^ ,
a en Surie, en Tmrquie et par toutes les mëtes et limitations
c loingtatnes des mesoroians ; car, ainsi que vous sçavés,
a marohandiee va et court partout, et se gouverne et
et estofie * le monde par celle ordonnance. Si escripvës
« et faittes le roy escripre amiablement devers euls, et
« leur proumettës grans biens et grans prouflSs, se ils y •
f veulent entendre. Il n'est chose qui ne s'appaise et
« 'moyenne ^^ par OFOt par argent. Aussi le roy de Chyp-
« pre qui est marchissant à la Turquie et qui point
^ Mkrohaat locqaois. — ^ Digne Rap<md«. — '-* Et comment U
poorroit Tenir à. — ' A Damiette. — • Tout. — •-•• Amoyenae.
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BC COKTB LIE NBTBftS. 357
« enooirea n'a fait de guerre à rAmoarath, y puet bien
ff aidier. Vous deyés croire et savoir que de bon cuer et
« très-acertes je y entenderay ; car je^ suis en tout ce
« tenu du faire. »
On ne se doit point esmerveillier se le duo de Bour-
goingne et la duchesse sa femme quëroient Toye et adresse
pour ^ Taligance * de leur fils Jehan de Bourgoingne conte
de Nevers ; car ceste prison leur touchoit de trop près
pour tant que il devoit estre leur hoir et successeur de
tous leurs héritages, dont ils tenoient grant foison , et se
luy estoit ceste adventure advenue en sa promit et
joeune et noutelle cheTallerie.
Les dames de France regrettoient leurs ' maris et leurs
amis ^. La dame de Goucy par espécial ne povoit oublyer
son mary et plouroit et lamentoit nuit et jour » ne on ne
la poYoit reconforter. Le duc de Loheraine et measire
Ferry de Loheraine la vindrent veoir à Saint-Goubain où
elle se tenoit, et la réconfortèrent ce que ils peurent , et
Fadvisèrent de ce qu'elle vouisist envoier en Honguerie et
en Turquie i sçavoir comment il luy estoit, car ils
aToient entendu que il evoit plus ^ de douloeurs et de
courtoises * que nul des autres prisonniers.
La dame sceut à son frère le due et à messire Férry
son second frère uug très-bon grë de eelluy advis, et
manda messire Robert d'Esne ung cheyalUer de Cambré-
sis ^ et luy pria donlcement que il se vouisist tant traveil-
lier pour l'amour d'elle que de * aler en Honguerie et eâ
Turquie veoir en quel estât son seigneur et mary le sire
de Coucy estoit.
*-* La d^livi*ance. — '-^ Amis «t leurs marii. — ^ Douce et pins
ooartoise prison. — ^ Bon et vaillant. — * Prendra le chemin et.
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^58 LE SIRE d'eMB SB R8HD EN TURQUIE.
' Le chevallier deecendy à la prière de la dame de Goucy
assës lëgiërement , et respondy qae vonlentiers il feroit le
message et yroit si avant que il en rapportôroit certaines
nouvelles. Adont se ordonna de tons poins» et quant il ent
sa délivrance , il se mist au chemin luy cinquiesme tant
seulement. Pareillement les autres dames de France
envoyèrent 2^rès leurs maris pour ent savoir la vërite.
Vous avez icy-dessus bien ouy recorder comment le roy
de Honguerie s'estoit ad ce arrestë que nullement il ne
vouloit consentir que le sire de Chastel^Morant passast
oultre en Turquie pour faire les présens ^ à TÂmourath-
Bacquin de par le roy de France , et demeura * sus cel
estât et oppinion ung long temps, dont il desplaisoit gran-
dement à messire Jehan de Ghastel-Morant et à messire
Jaques de Helly, quoyque ' amender ne le ^ peuissent.
Or advint que le grant maistre de Roddes vint en Hon-
guerie en là dtë de Bnde veoir le roy, qui luy flst très-
bonne chière, et bien luy devoit faire et estoit tenu, car le
jour de la bataille il se saulva de mort et de prison. Et
trouva les deux chevalliers de France qui là sejoumoient.
Si se trairent devers luy et luy remonstrërent toute la
matière pour quoy le roy de Honguerie les faisoit lâ tenir i
à s^our. de laquelle chose il fut trop grandement esmer- !
veillië y^ et dist que il en parleroit au roy et tant que ils
s'en perchevroient, ainsi que il flst, et le remonstra au jroy
de Honguerie par telle manière et si sagement que il luy
* rompy ^ tous ses argus, tellement que messire Jehan de
Chastel-Morant eut congië de passer * en la Turquie
* Et graiu dont. — ' Le roi de Honguerie. — "^ Pounreoîr n'y. —
• Et 1|6 appaîsa. — •-» Bris*. — «• Outre.
I
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tfi diRfi Dti dUTRAOMOllAirr HMmSOlT SON tOtAGS.
à tons les prësens ^ tels * que de par le roy de France il y
menoit ^ , et passèrent oaltre sans aucun empeschement ;
car le chevallier pour luy et pour sa famille atoit bon
saulf-conduit , lequel messire Jaques de Helly luy avoit
fait avoir, comme dist est , et vindrent jusques au roy
Basaach qui rechupt les cheyalliers et les prësens ^ de par
le roy de France selon son usage assës honnourablement
et fist de tout ^ moult grant feste et en tint grant compte.
Les chevalliers parlèrent une fois tant seulement au
conte de Nevers , et non aux autres, et assës longuement
tant que bien povoit souffire ; et au prendre congië le conte
de Nevers leur dist : « Recommaudës-moy à monseigneur
« mon père et à madame ma mère ^ à monseigneur de
« Berry et à monseigneur le roy , et me salues tous mes
« amis de par delà. Et , se il est ainsi que par aucuns
« traittiës , soit par marchans ou autrement , TAmourath
« vueille entendre à nostre raenchon » on se délivre du
« plus tost que on puet ; car à y mettre * longuement , on
« y perderoit assës. Nous ^ estiens ' de commencement
a nous * noeuf ^^ ; mais depuis en sont revenus sèze : ce
a sont " vingt-et-cinq ^*. Que Ten fâche ung rachat tout
«c ensemble. Aussi bien flnera-on de vingt-et-cinq que d'un
« tout seul , car l'Amourath s'est arrestë à ce , et soies
« certain que sa parole sera véritable et estable , et y
« pôvent bien adjouster foy ceulx de par delà , qui cy
« vous ont envoyé. »
Messire Jehan de Ghastel-Morant et messire Jaques de
Helly respondirent et dirent que toutes ces choses et tout
^le bien que ils pourroient dire et faire , ils le feroient vou-
lentiers ^*. Si prindrent congië à tant à messire Jehan de
* Qui forent délivrés. — *-* Comme il les portoit. — ^ Et dons. —
* Ce qoe le roy de France lay avoit envoyé. — * Plus. — '-* Fnames.
— •-•• Huit. — "-" Vingt-et-qnatre. « «• Et qae ils y estoient teniiB.
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LK MftË Dfi CttATlADilOtUMT POOfiSUtT SON VOYACB.
Bourgoingne conte de Nevers , et puis an roy Basaach dit
rAmonrath'Baoqtim , et se départirent de la Turquie , et
retournèrent arrière en Honguerie et puis de là par Alle-
maigae exploittiërent tant que ils entrèrent en la France ,
et tronvèrent sas le chemin leur message qui» ils avoîent
envoie en France devers le roy de France, ainsi que icy
dessus est contenu , qui rapportoit lettres au roy de Hon-
guerie de par le roy de France. Si le firent retourner avec-
ques euls , car il n'avoit que faire de aler plus avant ,
* p<Hir tant que ils avoient besoingnié de ce pour quoy il y
estoient aie comme dit est *.
'-* Poisqu'iU estoient déli?rë8 et aioBi qu'Us avoie&t jA fait leur
voyage en Turquie , et 's'en retournèrent tous ensemble en FVance
devers le roy.
m hV TOME XV.
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NOTES.
La grande orarre hiatonqne de Froûaart approche de son terme.
La décadence de la cheyalerie se rëTèle à tous les regards. A la pre-
nùôre page de ce Tolame, Froissart nous montre le sire de Craon
assassinant lâchement pendant la nuit le aire de Clisson. Les derniers
feuillets retraceront les malheurs de la croisade de Nicopolî, où le
chef de Tannée chrétienne se prosternera devant Bigazet pour qa*il lui
fasse grftce de la vie.
L'abaissement des monarchies rivales de France et d'Angleterre
n'est pas moins manifeste.
Charles YI , dont la folie a fait de rapides pi^ogrôs, est dominé par
ses oncles qui jettent en prison ses plus fidèles conseUlers. Si
Richard II épouse Isabelle de France, cette alliance ne sera pas moins
funeste à FAngleterre et à son roi, que lorsqu'une autre Isabelle de
France devint la compagne d'Edouard II. Le duc de Glocester j tix>u-
Tera le prétexte de nouvelles séditions fomentées par ses soins , et
Pomfret rappellera Berklej.
Dans l'ordre religieux , les déchirements du schisme deviennent de
plus en plus profonds , et nous voyons monter sur le siège d'Avignon
ce Pierre de Luna qui mit tant de persévérance A les entretenir et à
les perpétuer.
La fin du XIY* siècle est voilée d'incertitudes , d'angoisses et de
deuil.
XT. — FROISSART. â*
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362 NOTES.
Meurtre du eonnélable(pT^, 1-21). — Pierre de Craon était le eaooiid
fils de GoilUrame de Craon et de Marguerite de Flandre. Le
8 mars 1379 (▼. et.) il avait obtenu à la prière dn comte de Flandre
des lettres de rémission ponr avoir mis & mort Baudoin le Yela , sei-
gneur du Laonnais. Ayant accompagné le duc d*Ai^ou en Italie, il fut
un instant emprisonné comme soupçonné d^avoir détourné la plus
grande 'partie du trésor de ce prince ; il continua néanmoins à jouir
^un grand crédit qui reposait surtout sur sa parenté avec la du-
chesse de Bourgogne.
Le 10 juin 1392, dans un débat en pleine cour du parlement, Tavocat
de la reine de Sicile affirmait que Pierre de Craon était depuis aiz
jours à Paris. Ceci se passait trois jours avant le meurtre d*01ivier de
Ciisson. Le sire de Craon avait réuni dès le commencement do mois
de juin 1392 dans son château de Porchefontaine prés de Versailles
une vingtaine dliommes prêts à accomplir toutes ses volontés : parmi
ceax-ci se trouvaient deux écujers picards Adam d*Avelujs et Jean de
Hubines. Le 13 juin 1392, jour de la Fête-Dieu, Ciisson, après avoir
soupe avec le roi , se retira suivi de cinq serviteurs à cheval. Lea
conjurés s'étaient cachés à Thôtel du Chariot, oc Si nous ne pouvons
<c remmener vivant, nous le tuerons, » avait dit Craon. Les coiyurés, dès
qu'ils eurent frappé le connétable , se hâtèrent de fuir et passèrent
la Seine au bac de Nenilly. Quatre d'entre eux furent atteints et exé-
cutés.
J'emprunte ces détails à un mémoire fort érudit de M. le baron
Pichon sur Pierre de Craon.
n est d*autres données intéressantes que fournissent les doeoments
contemporains.
D'après le Religieux de Saint-Denis , un des meurtriera montra son
épée toute sanglante au sire de Craon. Celui-ci crut que la victime
avait reddu le dernier soupir et s'écria : « Tout est fini. »
La Chronique de Berne rapporte que le sire de Craon a'enfîiit par
le pont de NeuiUy et qu*on rasa son hôtel de Paris et plusieurs de ses
châteaux.
L'ordre d'arrêter Pierre de Craon porte la date du 14 juin 1392.
Adam d^Avelujs est nommé parmi ses compUces. Cetordra était
adressé à Jean de Blaisy que nous retrouverons bientôt parmi les héros
de Nîcopoli.
On trancha la tête à un vieillard de soixante-dix ans et à on J
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noTBS. Z65
ptge dé qoatone èhb, qn^on tra^TA dans Fhôtol de Piem da Gnon.
(CAro«. <te Quatre Valait.)
Uordre donné par Charles YI ponr la saisie des meortriera prescri-
vait d^an^ter PieiTO de Graon et ses complices Bonnabés et Pierre
de Tussy, son queux, son autmchier et antres serviteurs « demeurant en
« Maine. » (Archives Jownafnoault:)
Jean Poulain était trésorier du duc d*Orléans.
Ckarlet VI veiU combattre le dnc de Bretagne (pp. 21-2Ô). — On
racontait que le roi de Navarre avait en 1371 excite la Jalousie du duc
de Bretagne contre Clisson en le lui dépeignant comme l'amant de la
duchesse de Bretagne. A cette date remontait la haine du duc de
Bretagne qu'on accusait d'avoir armé le bi^as de Graon.
Louis, frère de Gharles YI, reçut le duché d*Orléans le 4 juin 1392.
A ce don se rapporte une note insérée tome XIY» p. 440.
Le 24 juillet 1392 , le duc d^Orlëans donna à Amaury d'Oi^mont
des pleins pouvoirs pour recevoir Thommage de ses nonreanx vassaux
du duché d*Orléans.
Charles VI quitte Paris pour se rendre en Bretagne (pp. 26-35).
— Sur les chevaliers et les hommes d'armes dont se composait cette
expédition, voyez le ms. 7858 de la Bibl. nat. de Paris, p. 309.
Diaprés la chronique de Saint-Brieuc publiée par dom Morice,
Pierre de Graon fut un instant prisonnier de la reine d'Aragon.
Frénésie de Charles VI {pp. 35-53). — D'après une chronique bour-
guignonne, le duc d'Orléans avait remis uneépée à Gharles YI partant
pour le Mans, et dés que celui-ci y toucha, il fut pris d'un accès de
folie.
Le Religieux de Saint-Denis raconte que, vers le mois de juillet 1390,
par un temps serein, on vit tout à coup se former au dessus du châ-
teau de Saint-Germain où se trouvait le roi, un épais nuage sillonné
par des éclaira. Aux fêtes de Noèl, un épouvantable ouragan ravagea
toute FEurope. On trouva plus tard dans ces événements le pronostic
des malheura qui frappèrent le roi de France.
Le Religieux de Saint- Denis place cet événement le 5 août 1392.
D'après son récit le roi tua quatre hommes, entre autres le bâtard de
Polignac. Bureau de la Rivière ne cacha point aux ambassadeurs
anglais la démence du roi. Le duc de Bourgogne le lui reprocha vive-
ment : c'était révéler aux ennemis du royaume une nouvelle cause
d'affaiblissement et de ruine.
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361
La Ckronifue des Q^aire VaMs indique aoin la date da 5 août.
D*apré8 la chroniqae de Berne, le fon de la forât da Hana adressa
à Charles VI oes paroles : « Roi, ta es trahi ; roi, ta es empoisonni. »
Il tint la bride du cheval da roi pendant vingt pas et disparat. Le roi
Testa qaelqae temps sans parler, pois il s'écria : « J'annd donc ton-
te Jours des traîtres A ma coar ! » Ea achevant ces mots, il firdmit,
saisit sa lance , son ëpée et sa bâche , et blessa phisiears des siens.
Enfin on se rendit maître de loi et on le condaislt A Téglise de Saint-
Julien do Mans. Pendant deux jours il fat fort malade et reçat mtee
les derniers sacrements. Des processions solennelles farent organisées
A Paris et dans toat le royaume. Après nenf jours le roi quitta le Mans
et se rendit à Greil.
Diaprés Cabaret d*OrronviUe, cet accident eut liea dans cette mâme^
plaine de Pont-Vallain où jadis Bertrand du Guesdin avait vaincu
Robert Conolle.
Gilles le Bel se borne à dire dans sa chronique inédite : <c En oel an
« entrât le roy Charle en frénesye, dont ce fut pité. »
Les adversaires du pape d* Avignon faisaient remonter jusqu'à
Philippe le Bel Torigine des chAtiments que la colère divine n'épar-
gnait point A la maison royale de France.
Ce fut en souvenir de ce triste événement que Charles VI inscrivit
pins tard dans son testament un legs de dix mille firancs à l'église
de Saint-Julien du Mans.
Dans son poème de MutaHan de Fortune, Christine de Pinn
s^affligeait des maladies qui ruinaient la santé de Charles VI ; elle
n*avait jamais vu, disait-elle, «c chevalier p^us glorieus. »
Christine de Pisan composa un dit spécialement consaeré à la
Iblie du roi de France.
La première strophe se termine par ces vers ;
Pour nos péchiés si porte la penance
Nostre bon roy qui est en maladie.
Le 26 mars 1373, Charles VI, à peine Agé de cinq ans, avait déjà
son fou. On cite ailleurs comme vivant à sa cour « maistre Jehan le
Fol. » Je ne crois pas qu'on ait signalé quelque part le fou de
Charles V.
Sur Guillaume de Harselly on Hersiquies, voyez tome V , p. 511.
Le 26 août 1392, le ChAtelet condamna au bannissement Pierre de
Craon et confisqua ses biens. (Arrives nationales à Paris.)
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KMBS. 36S
Za éke$ de Bitry st de Bowrçûgm siowermiU la Franae (pp. 53*
55). — Le duc de Bourgogne était £»rt unbitîeQX. Alors qne ton frère
aîné le duc d'Aajou vivait encore , il avait» comme doyen des pairs,
réclamé dans les fôtes solennelles la première place après le roi. An
sacre de Charles YI , le duc d'Aigoa s*était assis à côté da nouveau
roi ; «( mais Phelippe saillist par dessus et se vint mettre entre W roj
« et son frère Loujs, lequel print en patience et dissimula tout, et fut
« lors Phelippe appelé Phelippe le Hardy.» (Ms. 5031 de laBibL nat.
de Paris.)
Les ambitions qui entouraient le roi , s'élevaient et s^abaissaient
selon les péripéties de ses souffrances et les intervalles de lumière qui
se faisaient dans son intelligence. Au mois de novembre 1392, Tor-
donnance qui fixe la mtgorité royale à quatorze ans» est confirmée. Au
mois de janvier suivant on rencontre Tune à côté de Tautre deux
ordonnances sur le gouvernement du royaume en cas de décès du roi«
L*une désigne le duc d^Orléans ; Tautre assure la tutelle à la reine,
aux ducs de Berry, de Bourgogne et de Bourbon^ et à Louis de Bavière»
frère de la reine.
Pouriwiiei dirigées contre les anciens conseUlws dn rai (pp. 56-
71). — Dans un mémoire du 17 février 1400 (v. st.), la dame de la
Rivièi^ expose qu*au mois de septembre 1302 le sire de Coucy fit
conduire le sire de la Rivière àRochefortoù il resta jusqu'à la Chande-
leur, puis àCreil, et enfin à la bastille Saint-Antoine. Le sire de Coocy
mit la main sur les co£Ebes où se trouvaient la vaisselle d'or et d'argent
et les tapisseries. En 1400, la restitution n'en avait pas eu lieu.
On arrêta successivement Buraau de la Rivière, Jean Marchand et
le Bègue de Vilaine. Le duc de Berry s*étant rendu à Paris fit éga-
lement mettre la main sur Oui Chrétien, trésorier de France. {Ckrtm.
de Berne.)
Thomas Rebechen, queux de l'archevêque de Rouen^ se vit impliqué
dans les mômes pourauites.
Le bruit se répandit que les anciens conseillers de Charles V
allaient subir le dernier supplice, et pendant plusieurs jours les bour-
geois de Paris s'assemblèrent sur la place de Grève pour assister à
ce spectacle (Religieux de Saint-Denis).
Christine de Pisan a parlé avec un haut sentiment d'estime du sire
de la Rivière. Y avait-il quelques liens de fionille entre le nûnistre et
l'apologiste de Charles V! En 1350 vivait en Picardie Pierre de
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366 NOTES.
Rivière qui avait épousé Thomaase de Bologne. Un traité adressé à
Thomas de Bologne est conservé à la BibK nat. de Paris, n^ 2018» et
peut-être Thomas de Bologne est-il lui-même Tauteur du Romuléon
(ms. 10173 delà Bibl. de Bourgogne). Ce Thomas, communément dési-
gné sous le nom de Thomas de Bologne, était le père de Christine de
Pisan.
Procès du tire de Olissonipp. 71-76). — Le sire de Clisson s'était
d'abord réfugié au château de Montlhéry. De là il se retira eu*Bre*
tagne.
OitérUon de Charles VJ (pp. 76-78). — Au mois de janvier 1392
(v. s.), Charles YI fit son testament. J*ai déjà dit qu'il s'y trouvait un
don considérable pour Téglise de Saint-Julien du Mans ; un autre legs
était feit à l'église de Roosebeke.
Quelque temps après , Charles YI fut de nouveau souffrant , mais il
recouvra la santé, et on lui fit faire un autre testament qui porte la
date du 25 septembre 1393.
Au mois d'avril 1394 (n. st.), Charles YI fit un pèlerinage an Montr
Saint-Michel.
Prolongation des fr^90i(pp. 79-82).— Le duc de Bourgogne s'était
rendu en 1393 à Boulogne pour traiter de la paix. Il offrit au due de
Lancastre une tapisserie de l'histoire de Clovis. Parmi les tapisseries
qu'il donna aux autres seigneurs anglais, il s'en trouvait une qui repré*»
sentait les sept vertus ayant à leurs pieds les princes vertueux, et une
antre figurant les sept vices ayant aussi à leurs pieds les princes qui
s'en étaient rendus esclaves. Une trêve fut conclue au mois de mai
1394 {Dom Plancher, Hist. de Bourgogne).
Ce fut après les fêtes de Pâques 1394 qu'une trêve de quatre ans
fut conclue entre la France et rAngleterns {Bel- de Saint-Denis).
Yers les fâtes de la Saint- Jean 1394, le duc de Lancastre revint
de France où il se trouvait depuis le mois de mai. Il rapportait la
charte de la trêve (Annales Rieardi II).
Charles VI rentre à Paris (pp. 82*, 83). — Ce fut probablement
vers cette époque que Charles YJ, ayant appris que Pierre de Craoa
était arrivé à Brest, écrivit & Richard II que, s'il découvrait qu^on lui
donnait asile dans quelque fi>rteresse anglaise, il la ferait raser
{Chron. des Quatre Valois).
Hommage du comte de Foiw <pp. 83, 84). — Matthieu de Poix ren-
dit hommage à Charles YI en 1392. Les contestations auxquelles
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ROTES. 567
ftvait donné Hen la Boccession de Gaston Phôbns, furent aplanies par
une convention du moia de décembre 1391.
ladause des sawûoges (pp. 84-92). — Voici qnel e«t le récit d*un
chroniqueur bourguignon :
« Environ ce tamps avint que le dit Loye, lequel avoit toujours à son
privé conseil Philippe de Maiziôres, mist en avant au roi son frère de
fidre une mommerieet danses de nuit en la salle deFostel deSaint-Pol.
Sy avoit par le conseil du dit Philippe fait faire X ou XII cottes de
toille doubles, tonttes aemplies de souffre, harpoy et crasse , et au
dehors touttes couvertes de lin, et fist le dit Loys acroire au roy que
oncques mais n'avoit veu faire miUeur esbatement pour complaire
et reigoir les dames.
« Quant à uttg certain jour qu*il avoient assigné pour faire oeste
belle mommerie, les dittes robes furent prestes au dit lieu, on en
vesti premiers an roi une, au conte de Joingni, au conte de Poitiers
et au bastard de Fois une, et à plusieurs autres damoiseaux de ey au
nombre de IX ou X ; mais, quant au dit Loys, il s'excusa, disant que
la sienne estoit trop estroitte , mais très-instamment il a'offry de
porter la torse pour esolairier les dits dansseurs. Le bastard de Pois
appella deux de ses serviteurs, ausquels il commanda tenir chascan ung
f^ linceul à Thuys de la salie, affin que, se par flamesque on autre
meschSef le fii se prenoit à aucuns, qu'ils fussent prests de le sauver.
Et volt à touttes fins le dit Loys que, pour mieulx faire la grimace,
ils fussent attachiés ensemble, mais il y ot ung des varlets de chambre
du roy, qui dist : « Sire roy, trop y a de péril à se tenir enssamble pour
« doubte du fn. » Et quant le dit Loys Toit, il bouta an dit varlet la
torse an visaige ; sy le brûla moult vilainement, et luy dist : « Ri-
« bault, qny te menlt de parler de nostre esbatement ? i»^
« Puis saillirent avant trompettes, ménestreux, flûtes, tamburina et
challemies quy jouèrent mélodieusement ; mais , tout ainsy comme
les dansses se deurent commenchier et qu'il se tenoient en tresque
par les mains en manière d'hommes sauvaiges, le duo Loys, portant
la torse devant yaulx, ainssy que par meschansse, tout de gré, se
Uussa cheoir ou millieu d*eux, dont le fu se bouta en l'un d'iceulx, et
pour ce qu'ils estoient près lun de l'autre, ne se polrent oncques gar-
der que tous ne fussent entrepris du feu, et, se n'eust esté ung gar-
tier d'argent par quoy les dames recongnenrent le roy, il estoit mort
sans nul recouvrier ; mais elles le couvrirent de leurs grandes robes
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368 ROTES.
et estaindirent, tyqne oncquet fa ne te polt esprendre» tant que eUes
orent sa robbe tirée jas par pièces. Des autres ea ot IIII ou V mors
en la place et ars. Le bastard de Fois s*enfay verases geos, mais il
n*y polt à temps venir. Pour ce fait j ot ung mervilleux effroy avant la
Tille, et y acoururent du commun de Paris plus de XL™ hommes, pour
ce que la voix couroit desjà que on vouloit murdrir le roj. Sy s'en
vint tout ce peuple criant : « Alarme ! » toute en desroy, pour rom-
pre et abbatre la maison de Saint-Pol et pour tuer tous ceux quy là
dedens estoient, quant le roy s'amontra et vint aux fenestres, et leur
pria qulls s*en retournassent chascun chiës soy, disant qu*il n'y avoit
fors que joieuseté et esbatement ; sy les merchia moult de la diligence
et bonne voUenté qu'ils luy avoient monstre. Quant ce vint à Tende-
main que les nouvelles s*espandirent avant Paris des sîgneurs quy
avoient este ars* et mors par tel encombrier, chascun commencha
merveilleusement & murmurer, et tenoient ainssy que parlemens par
tropeaux assembles enssamble et disant : « Ha ! sire roy , poarqnoy
« tenés-vous tels trayttres autour de vous , quy ne chassent que vous
« destruire ? Pourquoy ne fiûttes-vous justice sans espai^nier frère,
« cousin, ne parent f »
D'après le Religieux de Saint-Denis, cette fête eut lien le 29 janvier
1392 (v. a.) à* Toccasion des noces d'un seigneur allemand et de
l'une des dames d'honneur de la reine Isabeau, qui se mariait pour la
troisième fois. Selon l'usage on organisa une mascarade, on dansa
des danses turques, on indta le glapissement du loup et on recourut
de pluB à ce déguisement en hommes sauvages qui donna lien à un si
triste accident. Le comte de JoigpBy mourut presque aussitôt ; le bâtard
de Foix deux jours après. Le lendemain le duc d'Orléans accompagné
des ducs de Berry et de Bourgogne se rendit processionellement nu-
pieds À l'église Notre-Dame.
D'après la chronique de Berne, ce fut le 28 janvier 1392 (v. a.)
qu'eut lieu cette fête & l'hôtel de Saint-Paul  l'occasion du mariage de
la veuve de Robinet de Bauchien. Le duc d'Orléans fit élever & la
mémoire des victimes une belle chapelle dans l'église des Géleetins.
la Ckromqtêe dâs (imUfe VaMi ri^porte que cette fôte eut lieu le
mardi avant la Ohandelear 1392 (v. s.).-
Le mil. de Frolasart , conservé à Londres, Harley, 4380, renferme
une miniature fort corieoae qui représente la danse des sauvages.
Telle avait été Ja gravité des rumeurs populaires que peu de semaines
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ROTIS. 369
après le p^ril auquel Charles YI avait été exposé pendant la fdte de
Fh^tel Saint-Pol, le doo d*Orléans se vit réduit à Jurer qu'il respec-
terait, si le roi mourait, le di'oit de ses desc^endants. Ce serment
porte la date du 24 février 1392 (Ms. 3910 de laBibî. Nat. de Paris).
lipape Boni/ace eiwoie tm légat m France (pp. 92,93). ^
D*après le Religieux de Saiut-Denis, les lettres du pape Boniface
inrent apportées en France par un chartreux du monastère d'Asti.
Charles VI répondit qull appelait de tous ses vœux Tunion de
rÈglise.
L'université de Paris réunie au collège de Saint-Bernard «1 «tarif
estinarimis adopta unanimi facuUatum sinçularum et iMtûmuet^
eofuensu un long mémoire qui fut adressé au roi de France. Il porte la
date du 8 des ides de juin , veille de la Pentecôte (qno ^ SpiritfU
Sanctme discipulorum mentibus in unmm eongreçatamm illapsns est
et eafitate concordes enamundantesffratiaprqfneionereplev^ çnen
et noetro tam concordi conventui ea hora aetitissepia et verieimili
conjectura credimns).
Nous reproduisons ici quelques pièces importantes que nous a con-
servées la chronique de Berne :
«( Anno DominiM^^ CCC<» nonagesimo quarto Universitas Parisiensis
direxit epistolam Karolo régi Franci», ci^us ténor sic incipit :
«c Christianissimo religionis orthodox» zelantissimo principi Karolo
« Dei gratia régi Francorum illustrissimo devota snaa oelsitudinis
« filia Universitas stndii parisiensis devotaa etâlialis obedienti» since-
« ritatem. Quamquam migorum nostrorum revocata ante oculos
« exempla multos nobis et maximes in arduis quibuslibet ad virtu-
«c tem capessendam stimules incutiant, attamen nbi religionis et fidei
« res geritur ad strenue et viriliter agendum quantum nostra inter-
« esse potest, ex eorum monimentis ac gestis majori quidam ardore
« attendimus, qnibus semper id maximse ourse fuit pro sacrosanct»
«c religionis catfaolic» cnstodia coutinuis vigiliis excubare, ne quid in ea
« errpris , detrimenti aut scandali irreperet , sic nempe saluti&mm
« suum florere stndium œstimabant si illud ad profectum et tutelam
« Ecclesisa convertissent. Ea nos occasione ducti, . zelo quoque domus
« Dei potissimum exdtati, setsmatis nefandÎBsimi abhomlnationabilem
« pestem qu» Ecclesiam Christi radicitus exterminât, de medio summo-
« père desiderantes anfferri post sexdedm evolutos annos» quibus
« idem sceleratissimnm sdsma jam vignit , nunc privatim disœp*
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370 HOTES.
a tando , oonferreado et icribando , none palam et ia aperto oonm
« TeBtra celsitadine regia pnsdieando , proponendo atqne exhor-
te tando, ad Ecdeii» îpsras nniooem , quantom nobis diviDitos faoul-
« tatis erat datum , niti et anhelare irallateniis oeasayimna» etc. »
Et plas loin :
« Sed quia jam satia diu nos, cum Pétri navicula tatii super qua
« fluctibos et sœviasimis procellis agitata vêla nostra laborando
« laxavimus, libetjam portnm petere , qui ot nobis liberior tatior-
« que patescat , qniescentem nunc Dominnm ezeitemus , obseerantes
« instantius ut quassatam pêne nndis ratem Buamjam sine sua ope
« obniti Yalentem tandem aliqoando serret, Tontia et mari imperana,
« ut poaitia tnrbinibua aecure jam ulteriua désistant , quo per plaoida
« 8»quora et ^nlcea imminas auras nos eum ea pada litna tamdiu deû-
« deratnm quam prozime teneamus. Amen. — Datum in Sancto»
« Bernardo in profesto Pei|theoostes anni Domini M. CGC. nonagesimi
« qnarti. »
Tota vero epistola hîc inseri dimissa est , quia per subséquentes
Uttiversitatis parisiensis litteras domino Pap» directas substantia
ijusdem stndiose legenti satia innotesdt. Qnarum quidam litterarum
ténor sequitnr et est talis :
« Goegit tandem nos , Pater beatiasîme » Christi fidea ; ooegit
•c chriatian» religionia doTotio ; coegit diutnmitaa non ultra jam
te toleranda nefimdiasinuepestii scismatic», qu» magis in dies erescit,
« roboratur atque inTalesdt, nendne remedium efficaoiter apponeate ;
« coegit miserabilis et horrenda Eoclesiao sanct» Dei subversio ao dissi-
a patio, ut ad qu«rendam, tractandam, nec non pro Tiribnr nostria pro-
« cnrandam EccleàsB catholic» unionem, vigilanti ac aedulo intendere-
« mus animo, utque in primis ad hanc rem christianiasimum principem
« Karolum Francorum regem illnstrissimum ac deinde per ^us
« médium ad ipsum, ni fal imur, aptissimum Beatitudinem Vestram
« suppUciter hortaremur. Movit ad hoc nostra professionis officiom
« que et Testr» et su» saluti et totius Ecelesi» tenemur obnozii. la
« pastoribus siquidem et dootoribns maxime totum Ecdesi» regimen
« consistit. Fadant pastores ipsi qood suum est : nos certe nostrum
«I docendi, si Dominus annuerit, nuUatenus omittemus officinm« Quod,
« quamquam omni tempore congruum sit et necessarium , praadpue
« tamen hoc tempore quo tam multis, in angustiis , erumpnia et
a scandalia per execraadum scisma Eocleaia atteritur. Ad quid
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NOTES. 571
« nos docendi liceatiam snscepimas ai nunc inter lot gracia EcdetiaB
a et fidei discrimina a veritate docenda tacendum est? Clamai
« ioqait Propheta , nec cesses ; qnasi tuba, exalta vocem tuam. Mont
«c adhnc prœterea prœfati domini nostri régis imperinm, qai nos ad
« escogitandas ecclesiaticas vias régi» serenitatis edicto, quod minime
« prœtermittere nobis licet, excitant. Hiis itaq^e aliisqoe pluribus ratio-
« nibus quas brenandi cansa subticemas indaeti» quamdam aaper re
« ista epistolam, utinam tam efficacem qnam sincero fidelique a£focta
« oompoeitam, régi direximus ipsi memorato , intentionis noitr» in
« hac parte plenius et nberius expressiyam, qaas très concordi» yias
« a nobis exoogitatas et tamqiiam oonvenientes approbatas cnm suis
« appai*antiis et motivis aliqnibas complectitar. Prima na est ces-
« sionis attt renunoiatîonis plenari» ad totale jus illud qnod habetis
« io papatu vel pars adversa prœtendit ; seconda est condlii particop
« laris vel compromissi ; tertia est concilii. generalis Ibrmaliter vel
« «qnivalenter. Modi autem exsequendl quamlibet hanim Tiamm
« cnm jQstificationibQs earamdem satis in dicta epirtola qoam
« apistolains patiebatur angastia , expressi sont» et tamen fortasse
« adhnc magis explicandi. Quam iddrco epistolaOi VestraBeatitndini
« non mittimus, quam per régi» prsBceptom msjestatis transmisse a
«c Jam esse sdmns. Ceterum , Pater beatissime, nobis ea qa» andistis
« erga pnefiitum prindpem pro Ecclesi» sainte et conoordi unione
<c agentibns et circa tam sanctum opns , piom ac religiosnm operam
a dantibus, snpervenit inimicns homo qui antiqniszizaniis noTasnper-
cc seminando hune totnm laborem nostrom tam salnbrem tamqne
«c salntifenim extingoere et cassare , lioet frustra , molitus est. Et
« primo qoidem temptayit andientiam nostram in regia prsesentia
« impedire, qno fiicilius factnm rumperetnr. Ddnde, ubi hoc ineptnm
a minime procedere sensit et se penitns elctsum de spe eecidiise vidit,
« ad aliam continue falladam se convertit et super hac materia pér-
it petuum silentinm nobis impoili nisns est. Sed certe dignam nîminm
« meritamque repnlsam retnlit, qui a rege christianissimo christia-
« nissimaqne ejus propagine tam impium , nefarium, tamque inexpia-
« bile scelus prtaposdsset , nti super religionis et fldei christianas
« materia , super Eeclesias sanct» dissipations, dampnabilique
c( jactura, doctoribus Ecclesiœ et lucemis ardentibus silentium impo-
li neret. Nequam qui hoc cogitavit , nequior qui tam inique cogitatui
«c consensit , nequisdmus qui hoc ipsum abhominandum fSsdnus
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373 ROI».
« explore Tohiit. Heu ! Pater Beatienae , iternm Hea ! tertio Hca t
« qiiia vir ecclesiastieiui h»o aadeat. Si qois m verbo doBttaxat perti-
« naciter diceret, hœreticnm censeremut, et noa pnblîee fleri idipaam
« alque impane ferremoa ! Deterioria multo eaempli amt et mi^iena
« Bcandali facta qaam rerba. Beatitndinem Vealram talion vindicem
<c esse decnerat, quem et no» in ultionem hqjoacemodi maloruia appeli-
« lamaa. impbramas atqne expectamua. Naai de modia et mediîa per
« qooB «mim dampnabile propositum obtinere eonatua eat, quid attinet
« ambere!Noti p»ne omniboa sont , aee etîam digai tcribi ne
<c paginam hano noetram aua fceditate poUuant. Et ne erret aeetimajidfQ
« secretos ease iUos, satia eerte aeimua eoe, aeiant omnee prope modom,
«t et mirantur regui hi^iia chriatiam'itaiini incoiie; scient, proh pudor !
« extene nationes : sciant ^ inqaam , otinam noft ad Veatr» Sanctîta-
« tis dedecua , utinam non ad veati*» cauaœ detrimeatum, utinam. non
«c ad totioa ecckataatici ordinia confuaionem « opprobrium et con-
« temptam ! Ea propter, Pater beatisaime , per fidem integerrimam,
«c per foedoB inviolandom» per amorem amplissimiim et sinoeriBaimum
«e qaem ad sponsam Bccleaiam habere debetis, per paatoria ^gilantî»
«c debitam soUicitadinem , per matem» miserieordi» discriminia aiit
« aoandali compassionem commieerationemqae , per qn» veetri
tt honoris anxmo cura reaidet , per qnœ Tobis cara ttSt sakia anim»
a veatraa, tob hortamnr ; et itemm itemmque repelentea caritative
a monemoa nt ad hancaaoratissimam qius in manu veatra sita est» non
«c ultra jam prorogaado, intendatis. Satis jam satis hucuaqoe cessatna
« est ; satis tepuimns , aatû qnienmoa « satis expectaTimus. Exor-
« gendum tandem aMqoando ad pacem, et desidea torpentesqne jam
a aaimi ad hc^jns rei i^gressnm excitandi ni sdama perpetaum, qvod
« Altissimus avertat , in Eccleaia Ghriati permittere propenimns,
« qoia Jam eo ventam est et in tantam perniciem errorenque res
« processit ut pleriqne pasaim et pnblice non vereantar dîoere nichil-
«c ominas cnrandnm qnot papas sint, et non modo dnoawt très, aeddecem
« aut dnodedm , immo et singnlis regnis prsefioi poase nolla aibi van^
« cem potestatis aut Juridictionis anctoritate praktos. Qaod in q«an-
«c tom detriméntum sacrosanct» roman» EccUsite et totioa eeclesîas-
« ticœpoliti» imo et religionia catholics&Tergat, judieate. Beatitndiiiem
«c Vestram feMcibua successibas fecundare veUt Chriatnaet eo pins
« qnod ad Eoelesi» su» nnionem mi^Jori diligeniia TigilaTeritis. Scrip-
te tmn Parinas. »
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H0T8S. 373
littensndn» ad papam saper urnooe taoetaa siatiû EcoUtiie anm
enm epistola Kait^ Pranoomm régi per UiiiTersHatoiii parifliesBem
<c Paueis abbine, Pator beatiasMue, diebua «lactU , aobia in maatem
«c Tenerat super proearaada paoe désolât» Jam taandin perhoo ferais
« adsma Ecolesia», Beatitadiai Vestne littaras bortalorias scribere
•« nonnaUis ad id agendua et legitimis de cauais ni^gentibiis qaas in
« litteris eisdem expressimos. Et visam aobis fuerat iiichil noa
« aggredi posse qnod et Deo placentios «e menti celsioris essat, qaod
« et laudis ampUorîs et frvictas, qaod mondo et fidelibus nniversia
te optatias , qnod denique eidem Sanctitali Yestr» gratins esse de-
« béret atque acoeptias, quaa si ad banc nnionem aanctissimam,
« tom jnxia nostri modoli portionem per nos ipsos , tam quod nostri
« propriom est offidi ceteros ad eamdem rem iadncendo elaboraremas.
« Yeram aliter molto qoam oredebamns eveiiisse qaantnm ad ilhid
« postremnm ramoribos quibnsdam, vtinam prorsos falais, nobis ipero
« vix eredibilibus andÎTimos. Est itaqae bnc relatnm, eam memora-
« tas litteras parte aostra directes légende perridissetis, tos velut
« eis offensum graviter indignabondam et moleste admodnm £»ren-
« tem ia verba Iisbc erapisse : « MàUBSUfit et venenasm ! » Qaod si
•t vanom ac fiotom, ut magis credimaâ, grata Testra responsio se ad
<c pacem Boclesiaa Tolantariam monstrans effecto, fidem facere debebit
« et, ut speramas, fieioiet. Sin vero, quod procul absit, id Terom est, et
« supra modum miramur et dolemus qnod tam indignum fadnus
« patria ezcederet ore. Nam propter Dei atque homiaum fidem, Pater
« beatîssime , unde Tenenum emergit in re ista f Labor isie tam
« sanctus est, et materia tam sincera tamque impoUuta ut neo Teneno
«c pollui, nec Tenenam admittere ullum in se possit, etiam si quia
« cuperet infundere. Nos vero non id cupimus, qui in re bac puro
« corde, sincera intentione , vera et inobUquabili ratione, teste Deo,
« proeessimus, et ad concordiam usque, Deo semper propitio, procede-
«c mus, ne quis Jam nos tepescere et ttedio victos esse snspicetur. Et ut
« partes epistobe procuremus, an illnd venenosum est quod labentis
« Ecdesi» in ipsius initie condolemus, quod officie dediti et conscient-
« tia ducti bnnc laborem snscepisse nos dicimus, quod principem
« christianissimnn Kah>lum regem Francorum ad hoc opus in enn-
« dtim indnzimns, quod Sanctitatem Vestram ad idipsnm pia quidem
« etfratema caritate commovere fedmua ? Unde hssc venenosa aint
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374 NOTES.
« non Tidemus. Si quia acutiiu cernit in dignotcendis venenis» ab eo
« libenter mnltam doceri vellemus qno eauttorot aliu in devitan-
« dis angaibufl venenosis et tatiores esaemas. Cdtèrnm illa fonitan
« Taneoofta arguitor oratio, qaa in inimicum faominem taxa salubrîB
« propositi ac operis, quantom quidem in ae erat, tarbatorem, paulu-
« lam aliqnid et non certe pro rei magnitndine insarreximur. Qaod ai id
« vitio datur, quid, qnœsumna, deterinB aut magie virulentam est, val
« ad paoem Eccleei» laborantee vils talibus qoalibus impedii^ atqne
« tam eaaotum laborem fnnditos exinanire satagere, vel doctoree
« Eccleâsead ipsias unionempeneverantemoperam impendere, ade*
« matiBqne nutritorea qui vere aciematici ennt, refellere? Nundnm veri-
« tas ipea, licet graviter oppressa, usqne adeo corruit in plateis ut
a in dnbîam adduci illud opporteat? lUe , iUe venenosne potiua erat
« dicendns, qui errori acismatico perfidœ hœresis suspicionem cumnla-
« ^t» doctoribos Ecolesi» perpetaum machinatns imponere silentium,
« nec quamqoam de hoc ad eos pertinere ausoa ore sacnlego ero-
« mère, cni forsan, dnm tempua erit gratum, ad eos spectet elacebit.
« Beatitndinem Vestram itemm atqne itemm in bujns rei vindicti
« imploramaa quam ad nnionem qnoqne Ecclesi» et rursum alteia
« vice instantios, obnizios, homiliua per uberrimam Ghristi caritatem
« ezortamnr. Et non est quod miremini sed potius ignoscatis, Pater
« beatiBsime, si fortasse vehementius solito super hi^^nscemodi ras»
« cribimos. In aliis materiis blandiri aliquatenus fas fait, sed catoUca
tt Veritas, qualis ea quam loquimur et de qua loquemur, siocas essen-
ce tationes palpantium non recipit. Hue accedunt diutumitas pestis
c scismatic» oui per tanta tempora non obviatnm est, borrenda
« impendentium breri forte scandalorum immanitas , ni feativum
« quseratur remedium, quss nota vobis sunt ut credimus, et ex frè-
te quenti anditn etiam facilis futurorum ex rébus jam prœsentibos
« conjectura Sanctitati Vestrte. A qua talium maloram conside-
« ratione per fEdsos adulatores etscismatis nuti*itores absque contuma-
« tia avertitur, qui si œqne nobiscum sentirent, non in dnbium ver-
« timus vos huic tremend» plagSB de céleri antidoto proviaurum.
« Aocedit insuper ecclesiasticorum pêne omnium viromm simplicum-
« queliteratorum ac plurimorum clamor et querimonia adversum nos,
ce nec non adversum pastores Ecclesiœ, quodtamdiu cladis hujus detes*
« tandam planitiem radicari et convalescere nepbario silentio passi.
« Bumus , sed per vos et pastores antedictos finem ils malis imponi
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HOTES. 375
« expectabamos, nt onde morbiis eepermt, inde qaoqnè medieina on-
ce retar. Quare ignotcite » Pater , ignoacite ai qûd foraan aaperioa
« aat qood minua placitamin aliqnibus erat, in ra hae locilti ramus,
« non ex odio aliqno, malignove conoepto Denm testannir , neà ex
« xelo Tehementi Eccleci» hiec Teniunt, ai indigaate etiam qnippiam
« ant insulte» quod sedalo caviBse novimoa, diziasemna. Propterenni
«c tamen zelnm quant habemua, parcendam nobia faerat, nec aermonaa
« noatri per ainiatmm interpretem in deteriorem partent detorquendi,
« ant contnmeli» nobia propter eam cauaam ingeri debebant ; aad quid
« plnra de hiia videant œmnli noatri » quoa multoa nobia peperit arnica
« Teritaa ? Quemadmodum rarba noatra accipient ? Noa aedulo aempar
« animadTertemoa ne aliqnid in eiadam Juat» reprehenaionia aat
«c veneni ingéniant. Supplioamua ad poatremum , Pater beatiaaime ,
« nt aaper litteria illia nobia reaponaum mittere dignemini et vea-
« tram intentionem in parte hae quodam modo aperire» uteidem
«c conformare, quantum facultaa tularit, noa poaaimua, in hacque via
« Domini unanimea ambulare cum conaenan. Si ullam trinm viarum
«c quaa noa excogitamua acceptandam duxaritia gaudebimua ; ai in
« manibua aliam fi>rte congruentiorem Toa habere coatigerit, eamdam
« nobia pariter et ticiaaim patefacere velitia , neque enim facile
« credimua Yoa ad qnem aummam hanc remm ante omnea mortalaa
« pertinety per tôt annomm apatia abaque veatras alicigua oogitaiione
« atque invantione atetiaae. Beatitudinem Yeatram Chriatua ad auae
« apona» longa jam œgritudine tabeaoentia ao exténuât» unionem
« inapirare, promoyere et a^juTara dignetur. Amen. »
En 1392 fat composée une œuyre poétique aaaes peu intérea-
aante , intitulée : la Complainte de VÉgUte. L'auteur devait qnelquea
annéea plua tard ae iaire une ploa grande renommée par aea diaconra
et aa véhémente apologie du tyrannicide. C'était mattre Jean Petit.
On a de lui d'autrea poSmea également oubliée : la Dispwtùiiùn dee
PasUmrelles. le livre du champ d'or et des troit nobles marteaula, le
livre du miraeU de Batqueville. (Bibl. nat. de Paria, n<> 5403.)
Dana une déclaration de 1413, Jean Sana Peur mentionne feu Jean
Petit» jadia aon confeaaeur. (Arékitei de Lille,) Jean Petit, confeaaenr
du meurtrier, fut, il faut le croire, moins indulgent que i'apologiate du
meurtre.
^ La duchesse de Berry inUrcèdepour le sire de la Rivière (pp. 94,
95). — On comprend combien Froiaaart eat heureux de rendre hom-
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576 HOTBS.
mage à la gënéniUM interventioii de cette princesse qa'il atait accom-
pagna lors de son départ da Béarn.
PkMttet de la dnekene d'OrUoMi (pp. 95, 96). — Yalentine de
Milan a pris dans Thistoire, ris-àrTis de Taltière Marguerite de Bour-
gogne, nne position t la fois sympathique et douloureuse. Il semble que
sur Tune et Tautre de ces princesses ait rejailli un reflet de ce qu*il j
eut de brillant chez Tépoux de Tune, de sombre et de cruel chez le
fils de Tautre.
Tandis qu'un écrivain inconnu offre à Jean sans Peur des traités
de maléfices et de sortilèges , Christine de Pisaa coii^>ose sa Descrip-
tion et DeJMtian de preudommie selon l'opinion de monseignenr
d'Orléans, consenrée avijourd'hni à la bibliothèque du Vatican.
Oondamnaiion d'Olwier de Clisson (pp. 96, 9T). — Le sire de Cou-
cy, ici loué par Froissart, était Tun de ses plus généreux protecteurs.
Mariaffe de Philippe d'Artois (pp. 97, 98). — Philippe d'Artois
épousa, par contrat du 27 janrier 1392, Marie de Berry, touto de
Louis de ChAtillon.
Philipped'Artoisest créé connétable de France (pp. 98-108).— Phi-
lippe d'Artois prêta serment comme connétable le 31 décembre 1392.
Lapaimeet conclue entre la France et l'Angleterre (pp. 108-126). ^
Selon Froissart et d'autres hbtoriens, on s'entendit sur les principales
conditions de la paix , et même sur la forme de l'hommage que
Richard II eût ûùt à Gharies YI. La paix était considérée comme con-
clue , quand de nouveaux dissentiments, auxquels le duc de Gloceater
n'était pas étranger , vinrent ralentir les négociations, et cette fois
encore tout se réduisit à la trêve de quatre ans entre les deux rois et
leurs alliés, qui avait été scellée le 27 mai 1394.
Ce fiit vers cette époque que Philippe de Maisières adressa à
Richard II une longue épltre conservée at^ourd'hui parmi les plus
précieux manuscrits du British Muséum.
Quelques mots d'abord sur l'auteur. Peu de renseignements sont
parvenus jusqu'à nous sur son pays et sa famille. Il était vraisembla-
blement parent de Jean de Maisières, maître de la chambre des comptes,
l'un des exécuteurs testamentaires de Philippe de Valois.
Philippe de Maisières fut l'un des plus sages conseillers de Charles V.
Il fut aussi chancelier du roi Pierre de Chypre , et ce fat à ce titre
qu'il se signala en Orient par un courage admirable, bravant les tem-
pêtes et les naufivges, combattant an premier rang» et souvent, afaiai
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NOTBS. S77
qu'il le dit lai-mdme « h abandonné, comme mort , d'amla et d*en*
tt ncmia. »
Les Bollandistes ont inséré dans les Acta Sanetorum l*un des
otivrag<« de Philippe do Maisiôres : c'est la vie du bienheureux Pieri*e
Thomas, patriarche de Constantinople.
Un écrivain anonyme , en offrant à Philippe de Maisières nn sermon
sur saint Louis, où étaient vivement retracés les pieux souvenirs des
croisades, lui écrivait en ces termes : Viro nobili Cùnsuîari celsitudine
et militari forlitudine prmpolUnti domino Philippo de MaUieriit,
(Bibl. nat. de Paris f. lat. n» 3122.)
Dans la bibliothôqi^ de Charles V se trouvait un ouvrage qui
venait de Philippe de Maisières. Il avait pour titre : Zamentatio
super Jherusalem de negligenlia christianorum.
Le catalogue de la Bibliothèque de TArsenal à Paris mentionne quel-
ques tra tés mystiques de Philippe de Maisiôres. Une épltre du même
genre offerte à Philippe de Maisières se trouve dans le ms. Bibl. nat.
de Paris, n» 3122.
On a parfois attribué à Philippe de Maisières le Sonçe du Verger.
n semble que la désignation de Tanteur de ce traité ne doive pas offrir
de sérieuses difficultés si 1 on s'en référé à cette note du ms. 3180<.
f. lat. Bibl. nat. de Paris, où Ton rapporte qu'il fut créé conseiller du
roi le 16 mai 1376. •
On peut lire le testament de Philippe de Maisières dans le
ms. 15077 de la Bibl. nat. Je Paris (fonds Saint-Victor).
Un assez long mémoire a été consacré à Philippe de Maisières par
l'abbé Lebeuf dans le tome XVII du recueil de V Académie des Inscrip-
tions et Belles- Lettres,
Revenons au manuscrit de Londres.
Nous rencontrons d'abord une grande miniature divisée par trois
frontons de sfjle gothique. Au centre, dans un champ de sable semé
de larmes de sang, se voit la couronne d'épines du Christ, d'où des
rajons d or descendent d'une part sur la couronne d'Angleterre, d'au-
tre part sur la couronne de France. La couronne d'Angleterre se
détache d'un fond ronge avec la dexise : Sans départir^ et les mots :
Richart, roy d* Angleterre. La couronne de France est accompagnée
de la devise : En bien et des mots : Charles, roy de France. Sous la
couronne d'épines, on lit: Pax vohis. — Jhésus, roy de paix. Plus bas
la croix sépare les écus de France et d'Angleterre.
Xy. — FROISSART. 25
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878 ROTIS.
Aa premier feuillet, ane autre miniature représente Tauteor offrant
■on livre à Richard II. Voici quel en est le titre :
« Une povre et simple ôpiatre d'un vieil solitaire des C^lestins de
Paris adressant à très -excellent et très-puissant, très-dëbonnair«,
très-catholique et très-dôvost prînce Richart par la grûce de Dieu roj
d'Angleterre pour aucune confirmation telle quelle de la Traje paix
et amour fraternelle dudit roj d'Angleterre et de Charles par la grâce
de Dieu roj de France. »
Nous signalerons d'abord une oraison latine pour demander
Tamour de Jésus ;, puis a ci-après commence le prologue de Tee-
« pistre. »
L'auteur rappelle le discours de Jésus à la Samaritaine ; il s'excnse
de donner des leçons à la sapience royalîe^ par l'exemple de ^olse,
de David, de Tânesse de Balaam qui parla dans une circonstance ana-
logue, etc. ; il démontre ensuite l'importance des songes par des
exemples tirés des histoii*es anciennes et continue en ces termes :
« Il est assavoir que en ceste foible épistre sont traities IX matères
ce à la sainte mémoire des IX ordres des angels.
ce La première si est une concordance de pierres prédenses et cer-
« taines médicines aux très -haultes personnes du roy de France et du
« roy d'Angleterre par manière d'un songe figuratif pour doulce con-
« firmation de \t^ paix et vràye amour l'un à Taultre, en récitant les
« maux qui sont advenus de la guerre de leurs prédécesseurs et qui
tt pourroient advenir, se la guen^ese i*ecommençoit (quejà n'aviengne),
« faisant conclusion partant de la paix des dits roys et de tonte la
« crestienté.
« La seconde matère si est du fait et sisme de l'Eglise, des maux
« qui en sont advenus et adviennent tous les Jours, et du remède et
tt union de l'Eglise par le moyen de la vraie paix des deux pays.
« La tierce matère sy est touchant au saint passage d*oultre-mer,
« pour la préparation duquel saint passage, le vieil solitaire offre an
« roy d'Angleterre une nouvelle chevalerie très-nécessaire pour le
« dit saint passage et pour la réformation de toute la crestienté.
<c La quarte matère si est un petit traité touchant an marîage de la
tt royale majesté du roy d'Angleterre, par lequel la sainte paix des
« deux rois pourroit estre empeschie, et le remède dudit empesche-
tt ment.
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NOTis. 379
« La qninte matère si eat un exemple intelligible qui eondampne
« les rojs crestiens d'espandre le sanc hamaia de leura frèrea créa- '
« tiens.
« La sixième sj est que pour confirmation de la vraye pais des
« deux rojs, la fine escharboucle figurée %t le fin dyamant figure
« doivent estre trempé, arrousé et en7n*é du prédeuz Wn des vingnes
« d*Engadi.
« Et les autres trois sont plusieurs exemples tendans à la conclusion
« de la paix tant désirée des proud*oms de la crestienté. »
On lit plus loin :
« "îrès-débonnaire prince, cestui solitaire escripvain en sa vieillesse
« a Tea un songe en sa contemplation, parlant moralment Et ce
« souffist dudit prologue. »
Passons à l'épître :
« Cj commence Tespitre. Or entrons ou nom de Dieu en la matère
« gracieuse de la grant vertu du fia baiilme..., et ce soit dit et mora-
« lise de la vertu du fin balme pai* manière de médicine pour aucune
«c ramanbranoe des grans plaies qui ont été mal curées en nostre
« temps depuis XL ou LX ans.... Par la dicte plaie proposée morali-
«c sant puet estre assés dèrement entendue la mortele guerre qui a esté
« commencée et maintenue par vos grans pères le très-vaillant roj
« Éiouart et par vostre père le très- vaillant prince de Galles, auquels
« Dieu soit débonnaires, encontre leurs frères crestiens et frères en
« lignage les roys de France trois : Phelipe, Jean et Charlsi, an-
« quels Dieu face pardon. »
Puis vient une Zamentatio» :
a II se puet dire clèrement que ou royaume de France ne se
« trovera pas personne royale à laquelle les dictes vertus au propos
« puissent estra mieux appropriées ou ymagînées , ne si proprement,
« comme à la haulte , très-noble et très-gracieuse personne du roy
« Charles VI* de son nom , sicomme il apparra par les aimiiita-
« des... »
Philippe de Maisières loue Charles VI de ses vertus pacifiques :
« Chascun scet, et Anglois et François, que depuis le gouvernement
« du Josae roy Charles en son royaume de France , par la grâce de
« Dieu , la douleur de la. dicte plaie (c*est de la maie guerre) ,
« a été plus appaisie et mains gettée de venir par bataille et efifusion
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S80 NOTES.
« âé sanc , qfiie la plaie n'agit fait eu XXX on en XL ans
« devant... n
Voici comment sont appréciées les victoires des Anglais :
s Dieu les avoit mandés prîmitivement es dis rojaiimes pour oorri-
M gier les rois, princes et communes des dis royaumes de lenra péchiés,
« et non p&s pour avoir la plaide seignourie des dis royaumes ; car,
« comme il est dit en proverbe , Lombardie demoure as Lombars ,
« Bspaigne aux EspaignoU, France aux Prauçols, et Engleterre aux
«c Anglois... Les Angiois souloyent espandre le sang de leurs frérea
a chrestiens en Espaigne et en Bretaigne, en Escosse, en Normandie, en
« France, en Guiane, en Champaigne et en Picardie par telle manière
« que la plus grande partie de Chrestienté de la dicte espëe des Angloi»
« a esté toute ensanglantée. »
Un chapitre a pour titre : La vertu du Jln armant mnraliiié à k
fersonne du roy d* Engleterre.
Nous passons à la seconde et à la troisième matière :
« Lu ieconde matère de eeste présente épistre, c'eet'OStaooir in
« mortel séisme de l'Église et du remède d'icelug par le moyen
m de h paix des II rois. »
cr ... Aucuns voudraient dire en lamentant que c'est ladicte fosse
« figurée, de laquelle j nuques à ores on n'a pas pu congnoistre le fons
(c comme il seroit expédient. Les cardinaulx, après la moii du pape
« Grégoire XI*, y misrent la main et fairent et ci*éèrent par la
« bresche et chappe d^ambition et de bien propre et singulier ou
« pi*éjudice de Tu ni on de leur mère Sainte-EglÎ!*e. »
ce La tierce matère de ceste présente épistre^ est-assawAr du saint
« passage d'ouUre-mer qui doit estrefait par ces deux Jotènes roy s de
<c France et d'Angleterre. »
Cependant il faut créer pour cette croisade un nouvel ordre de
chevalerie.
« Comment le vieil solitaire présente au roy d^ Angleterre une non*
« velle chevalerie du Crucijœ, qui doit eslre mandée oultre-mer devant
« les deux rois qui par la grâce de Dieu feront le saint ptUsage. »
Une lettrine spéciale représente les emblèmes du nouvel ordre de
chevalerie : c^est une croix rouge , à laquelle est attaché un ocu^son
où se voit un agneau portant une bannière blanche avec une croix
rouge sur un champ de sable.
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HOTEB. 381
Ici Philippe de M«iiièrw rappelle aa roi d*Angleterre leseflbrta et
les remontrances de Robert T Ermite :
« Encoree le dit vieil solitaire a esté infourmë par le mesiiagd de
« Dieu Robert TErmite jà pai* plusieurs années de vostre trés-haalte
« voulenté et prouesse. »
Plus loin il expose a les grands biens qui raisonnablement doivent
« advenir dlcelle chevalerie à Thonneur et réparation de tonte la cres-
« tienté catholique. »
« Vostre débonaaire et rojale dévotion pnet avoir esté par vos-
« tre très-lojal serviteur et orateur le dit Robert TErmite plei-
« nement enfermé de la dicte chevalene, et darrainement par le
« livi-e de la s.istance abrégle de la dicte chevalerie, que le vieil soli-
« taire humblement et à grant dévotion bailla nagaire à vostre très-
« a^mô frère le comte de Hontintone , trè*-puissant roj , pour le vous
« présenter et vous enformer du bien à advenir de la dicte chevalerie.
« et pour ce aussi que par vostre très^aimé oncle le duc de Wyork et
« par messire Jehan de Harlestone etautres très-vaillans chevaliers vos
« loyaux subgiès vostre débonnaireté |iourra estre enfourmôe »
Nous passons aux six dernières matières :
— « Ztf quarte matcre de eeste présente épistre, c'est-assavoir au-
aeuns mariajes touchant au roy d'Angleterre n par lesquels la paia
« désirée pourrait estre empesehée. et le remède au propos. »
— m la quinte mature de ceste présent épistre^ c'est-assavoir un
« exemple par lequel les rois devroient fort doubter d*espandre lesane
« de leurs frères crestiens^ par un autre cwemple de MoXse et Aaron. »
« Et se puet dire que le roy Charles est le plus débonnaire homme
« qui soit sur la terre, et le roy Richai*t son frère est des plus vigilans
« sur le gouvernement de son pueple, qui se porroient trouver, n
« La VI* matère de ceste prc sente épistre c'est assavoir parlant
ce moralement comment les pierres précieuses aux deus roys figurées
« doivent estre trempées et enytrées du précieux vin des vingnes d'En-
« gadù »
Suit : « Une oraison briefve contre ceulx qui destoarberout la
« paix. »
— « Ztf r//« maière de ceste présente épistre demonstre comment
« les deux roys, s*il auront la guerre^ détendront sers à tous leurs
« subgiès^ et., s'il auront paix, tout le contraire. »
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382 iiOTBS.
-^ a la VHP matire de la présente épistre iémonstre II tergien
« du jardin, Vun trci-ddieieus et comparé à la paix, et Vautre hor-
« rihle et périlleua et comparé à la guerre, présentée ans deus rags
« ajln qu'ils preignent l'un et se gardent de rautre. »
Suit : « La concordance des II vergiera par le moien des II grans
« périls de mer , Tun appelé Sillam et Tantro Carypdia. »
— « Za II* matire et la derraine de ceste présente épistre, c'est-
« assawn^r une britfve récapitulation deia substance de la dicte,épistr$
« et confirmation de la pais et amour des deus rois par le moyen
« d'une doulce alyancepar mariage gracieuw qui sera occasion en Dion
tf de la paix de la Crestienté, »
« L'ouvrage se termine par uue briefve excusation du vieil solitaire
« de la prolixité de ceste présente épistre. »
Maladie du roi de France (pp. 127, 128).— An mois de janvier 1393
(V. st.), Charles VI se rendit en pèlerinage au Mont- Saint-Michel.
Avec lui se trouvait Louis Blanchet son secrétaire. Quelques auteurs
placent ce voyage au mois d'avril suivant.
On voit par des lettres de rémission de cette époque qu'on con-
damnait ceux qui avaient osé dire : «Le roy n'est pas en son bon sens ;
« le roy est fol. » {Pièces inéd. sur le règne de Charles F/, publiées par
M. Douét d'Arcq, 1. 1, p. 153.)
Élection de Benoit XIII (pp. 128-132). — Clément VII mourut le
16 septembre 1394 après avoir reçu des lettres de l'Université de
Paris, dont il se montra fort irrité. Peut-être étaient-ce celles que
nous aTons publiées plus haut. Il laissait un trésor de trois cent mille
écns d'or.
L'élection de Benoit XIII eut lieu le 26 septembre. Le 29 il fut
ordonné prêtre, et le 11 octobre il fut sacré pape. Il avait été profes-
seur à l'Université de Montpellier et était cardinal depuis 1375.
Le précieux recueil formé à la fin du XIV* siècle par Henri de
Arena, aujourd'hui conservé & la Bibliothèque de Cambray^ renferma
le texte de la promesse du cardinal de Lnna :
« Juramentum qnod fecerunt cardinales curiae ATinionensis ante
electionem Benedicti XIII.
« In nomineDomiui, amen.Per hoc praosens publicum instmmentum,
ego talis, sanctae Romanœ ecclesiie cardinalis, promitto et juro omni-
potent! Deo et Tobis dominis meis cardinalibus hîc coUegialiter con-
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HOTM. 383
gregatis recipientibos Tice et nomine ■anet» Roman» «t totitia
eatholic» Eccleat», quod si forte di\ina favente dementia contingat
me per tos oligi et assumi in summum pontificem et me electîonî et
assomptioni hujusmodi conseotire , quod abaque mora toto posse et
corde lutendam totis viribus adc;0 miohi datis ad pressentis scismatia
in Ecclesia Tîgentis sedatîonem et Ecclesias ac christianitatis unionem,
et quoi pro hoc sabibo omnes qnos potero labores. Opperabor qaam
fideliter, et aine simalatione ac fraude quacumque adimplebo omnes
TÎas ad hoc habiles et prssaertim qaas domini cardinales pro tempore
ezistentes sen eoruni major pars ad hoc de consilio chrîstianissimi
principis domini régis Franciss vîderint opportunas, etiam usque ad
rennntiationem liberam papatus et ejus oneris Qt honoris inclusive,
cnm primum viderint expedire. Etiam ad eorum arbitrium me propter
hoc submittamjadido et cognitioni quoramcumque dequibus eisvide-
bitnr, et etiam libère rentmtiabo papatui et ejus oneri et honori cum
primum ad pmdictos fines duxerint expedire. Sic me Deus ac^uvet
et httc sancta Dei eyangelia ; et quod prsadicta omnia et singula
statim post aaaumptionem meam et consenaum meum me facturum
intimabo christianissimo régi et aliis regibus et principibua ac personia
qnibnscamqne de quibos et prout Tidebitia opportanum. »
« P. de Luna. »
Dans one lettre ^rite an mois de décembre 1394, Benoit XIII
adressait les plus vifs remerclments au roi d* Aragon et lui rappelait
qu'il était né dans ses états. Il lui promettait de le choisir pour
guide : Te ducem siffn\ferum tequi proponimus.
Z'auâite%r de Saint- Lié {ipp. 132, 133). — On ne parlait albrs que
d'un docteur nommé Jean de Varennes, qui avait renoncé aux revenns
de ses bénéfices pour se retirer dans une cellule sur le mont Saint-Dié
pris de Rheims. Bien que tout le monde ne crût pas & la sincérité de
sa détermination, les habitants du pays rappelaient : le saint homme.
(Religieux de Saint- Denis.)
D*aprô8 Ju vénal des Ursins, Jean de Varennes s'était retiré & Ville-
Dommangf», près du village de Saint-Dié.
Jean de Orailly^ capitaine de Bouteviïîe (pp. 133, 134). —Jean
de Grailly avait pour péra le fameux captai de Buch qui expia par
une mort si cruelle dans la captivité Tappui qu'il avait donné anx
Anglais.
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384 HOTES.
Richard II se prépart à passer en Irlande (pp. 134, 135). — Nom
ayons raconté ailleurs les expéditions qui eurent lieu en Irlande sooa
le règne d'Edouard III, principalement sous la conduite de Guillaume
de Windsor.
Dans des lettres du l*' juillet 1394, Richard II annonça son des-
sein de se rendre en Irlande.
Ze due de Zancastre créi duc d^Aguitaine (pp. 135, 136). —
Richard II avait créé le duc de Lancastre duo d'Aquitaine le 2 mars
1389 (v. s.). Ce don avait été confirmé le 7 juillet 1392.
Les habitants de la Guyenne ^fusaient de recevoir Henri Perej
comme lieutenant du nouveau duc d* Aquitaine.
Mort d'Anne de Bohême., reine d* Angleterre (pp. 130, 137). — Anne
de Bohême mourut le 10 juin 1394. Ses funérailles furent célébrées à
WesfminBter le 3 août.
« Amatriz eleemosjuse, fautrix panperum, cultrix fidei, execuirix
« furtivaa pœnitentise, sed tamen multorum obloquiis infamata. »
Pendant longtemps on l'appela en Angleterre : la bonne reine Anne.
On lui éleva au mois d*avril 1394 (v. s.) un splendide monument orné
de douze statues ; il était de la même hauteur que le mausolée
d*èdouard III.
D'après une vieille tradition , Richard II fit démolir le chiteau de
Sheen afin que la vue de ces lieux ne lui rappelât point les derniers
moments d*Anne de Bohême. Là était mort aussi Edouard III. Les
souvenirs de la gloire et de la beauté disparurent ensemble.
Richard II en Irlande (pp. 137-140). — Richard II débarqua en
Irlande au mois de septembre 1394 ; il était accompagné do doc de
Giocester, des comtes de March, de Nottingham et de Rntiand.
Fardes lettres données A Kedwilly le 13 septembre 1394, Richard II
annonee son prochain départ pour Tlrlande et nomme le duc dTork
cutos Ànglim.
Le 1*' octobre, le duc d'York fait sceller des chartes où il prend
cdtitrs.
Le l*' mai 1395, Richard II n*était pas revena d^Irlande.
RéciU de Ouillanme de Liste (pp. 140-148). — Guillaotte de Lîsle
était fils de Robert de Lisie et neveu de Guillaama de Lisle, qui loi
avait donné son prénom ; il plaidait en 1393 contre Jean de Windsor an
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I
Un auteur contemporain la loue en ces termes : i
I
NOTES. 385
•i^et de quelques domaines situés dans le comté de Cambridge. On
troDTe aussi à la même époque un Jean de Lisle qui succéda en 1^0
à son père Jean de Liste gouverneur de l'île de Wight, et qui est cité
dans un rôle de 1394, comme possédant un manoir à Southampton.
Assez prés de Donegal, dans un paysage solitaire et désolé, parsemé
de marais fangeux, entouré de montagnes arides, s*étend le Louch-Derg,
e*e8t-à-dire le Lac rouge. C'est dans une de ses îles que se trouvait
la célèbre caverne de Néglis qui fut fermée au mois de septembre 1632
par Tordre d'Elisabeth.
Les documents abondent au moyen- âge sur le Purgatoire de saint
Patrice.
Le récit du ms. 3338 de la Bibliothèque nationale de Paris, adressé
par un moine à un abbé, romonte an régne du roi Etienne, c'est-A-dire
à 1096. On y trouve non- seulement la description du Purgatoire de
saint Patrice, mais aussi celle du Paradis. Dans le Purgatoire on
remarquait un chevalier qui avait tout négligé pour se livrer au plaisir
de la chasse ; son faucon lui rongeait le poing.
Sur le purgatoire de saint Patrice^ voyez aussi le ms. f. fr. 1544 de
la Bibliothèque nationale de Paris.
Vers 1350, le sire de Beaujeu se rendit au Purgatoire de saint
Patrice, où il eut le spectacle de tous lea tourments infernaux comme le
raconta Héronnet son écuier. Il vit notamment Burgibus, le portier d'en-
fer, qui en un jour faisait mouvoir parcent fois cent mille tours une roue
qui entrainaitcent mille Ames. 11 remarqua à rentrée le pont tranchant
comme un rasoir. Il aperçut les âmes retenues dans des lits enflammés.
11 pénétra jusqu'au puits et jusqu'au gouffre d'enfef, et parvint enfin
an Paradis terrestre. Ainsi le rapporte Mandeville. {Chnm* det
Quatre Valois.)
Le vicomte de Périgueux, qui visita le Purgatoire de saint Patrice
en 1307, écrivit à son retour le récit de son voyage. Il Pavait entrepris
pour savoir quel était le sort réservé à Tàme de son cher ami le roi
Jean d'Aragon qui venait de mouiir. Il le trouva en effet, ainsi que
plusieurs de ses amis et de ses parents, dans le quatrième cercle du
Purgatoire.
Calderon a consacré l'un de ses drames au Purgatoire de saint
Patrice.
Sur le Purgatoire de saint Patrice on peut consulter le tri^vail
spëdal de M. Wright. Voyez aussi tome I, l^* partie, p. 393.
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386 KOTM.
On peut Toir par un podme que M. Wrîght a inséra dans ses reh-
quÙB antique combien de rôcits merveilleux avaient Tlrlande pour
théâtre. On y parle d'hommes qui se changent en loups, de femmes
enlevées par les démons, de navires aériens. Il 8*7 trouvait, disait-on,
un rocher qu'il suffisait de frapper d'une baguette pour faire naître
une tempête. Ailleurs il suffisait de mettre la main dans une fontaine
pour faire descendre la pluie du ciel. Le bien et le mal étaient égale-
ment au pouvoir de la magie.
Récits de Jean de Qrailly (pp. 148-156). — Chose étrange. c>8t
dans les archives du Record office^ à côté des documents relatif à la
revendication des privilèges de l'Aquitaine, que Ton a conservé le texte
de la charte par laquelle Philippe le Bel, avant de mourir, déclare réta-
blir toutes les anciennes franchises de son rojaume.
ce Articuli extracti à carta Philippi Ffrancorum régis nunc facta
ad instantiambaronum et nobilium regni Ffranciœ coufœderatomm pro
privilegiis, libertatibus^ ffranchisiis et consuetudinibus ac immunitati>
bus personis ecclesiasticis, duoibus, comitibus et aliis subditis Ffranco-
rum régis tempore Beati Lodowici servatis, recuperandis, et attemp-
tatis in contrarium revocandis, per litteram ad perpetuam rei memo-
riam registrandi.
« Primo est intentlonis nostrae sacrosanctas ecclesias, monasteria ,
prselatos et qnascumque personas ecclesiasticas ob Dei reverentiam et
amorem tenere, custodire et servare in favore, gratia et auxilio conde-
center, quibus prsedecessores nostri tenueinint.
« Item volumus quod privilégia, libertates, ffranchisiae, consuetudi-
nes seu immunitates dictarum ecclesiarum, etc. intègre et illœse 8«r-
ventur eisdem, sicuttemporibus felicis racordationis Lodowici avi nostri
inviolabiliter fuernnt.
« Inhibentes ne prssdictas immunitates, privilégia, etc.
« Istam ordinationem quantum ad duces, comités, barones et alios
quosvis subditos nostros volumus observari.
« Mittemus bonas personas et suffîcientes qu» visitabunt seneschal-
cias et ballivias regni nostri ad sciendum de consuetudinibus antiquis
regni nostri et quomodo tempore Beati Lodowici utebantur eisdem.
tt Volentes quod , si a dicto tempore citra aliquas bonas et approba-
tas consuetudines abbolitas invenerint , et alias quasdam invenerint
introductas, eas revocabunt et facient revocari et ad prœdictum anti-
qaam atatum reduci et ad futuram memoriam registrari.
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HOTES. 387
a Item in eornm feodis vel retrofeodii nichil de cetero adquiremui
niû de eorum procédât assensa, um in casa pertinente ad Jus nostrum
reginm.
« Nec recipîemus novas ad^ocationes vassallornm sea hominum
ecclesiasticorum , necnoi nostris bii^onibus subjectorum, et eas quas
reperiemtis, reTocabinius, nisi eas tanto tempore tenaerimus paciûce
qaod de consuetudine patriœ nobis fuerint adquisitœ. »
Récits dâ Richard Stury (pp. 156-167). — Le père de Richard
Stury était maire des marchands d*Ângleterre ; un de ses oncles,
ntiUs hostiarius auïa régis. Il avait eu lui-même l'honneur d'être
armé chevalier, aux portes de Paris « par Edouard III. Froissart avait
rencontre Richard Stury & la cour du duc Wenceslas de Brabant, et
nous lisons son nom au dernier feuillet d*un ms. de la Bibliothèque
de Bourgogne, qui parait remonter & cette époque. Lorsqu'à Tavô-
nement de Richard II , les anciens ^nseillers d'Edouard ill furent
éloignés et disgraciés, on condamna Stury & un exil perpétuel commo
complice des dilapidations d'Alice Ferrera. Cependant Stury revint
à la cour, et il fut, dit Frçissart, Tun des sages chevaliers de la cham-
bre du roi, restés avec lui après la fuite du duc d'Irlande, qui calmè-
rent leur maître profondément irrité. Néanmoins le comte d*ArundeU
qui était l'un de ceux qui Tenaient de présider à cette révolution,
reprocha à Rirhard Stui7 de lui être hostile. Il l'accusa de plus
de partager les erreui*s de Wiclef.
Robert Stury avait pris part en 1390 à la joute de Saint-Inglevert.
La même année il traita avec les députés flamands, et quatre ans
plus tard avec les seigneurs écossais. Dans un autre document on
l'appelle : Ricardus Stury justiciarîus Southv^all.
Richard Stury vivait encore en 1395. Il termina peut-être sa
vie en prison ou tout au moins dépouillé de ses biens, et ce fut un des
oncles du roi, un des amis du comte d'Arundel , qui recueillit ses
livres. On lit en effet dans un vieux ms. du Roman de la Rose , con-
servé au British Muséum : Cest livre est à Thomas, fis au roy, duc
de Oloucestre, achaté des exécutours monsieur Richard Stury.
Récits de If enri Chrystead (pp. 167-182). — Le prince irlandais
que Froissart appelle Arthur Macquemuire, porte dans les chroniques
anglaises le nom de Abroa Makmoath.
Richard II demande la main ^Isabelle de France (pp. 182-188). —
Les poavoii*s donnés par Richard II à Tarchevâque de Dublin pour
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588 NOTES.
demander la main d*Iiabelle de France, portaient la date da 8 jaU*
let 1395.
Ce fui à la fin du mois de juillet 1395 qne les ambassadenre anglais
se rendirent à Paris. Ils j restèrent jusqu'à la fin d'octobre. Leur
suite comprenait douze cents gentilshommes^. (Religieux de Saint-
Denis.)
D'après Brandon, l'ambassade anglaise qui vint à Paris, comptait
neuf cents pei*sonnes. On y remarquait trois évoques et trois comtes.
Robert V Ermite en Angleterre (pp. 188-202). — Il ne faut paa
confondra Robert l'Ermite qui était un ^cuyer de Normandie, arec cet
ermite de Provence qui en 1 388 se présenta à Charles VI pour lui
faire part d'une vision qu'il avait eue et pour le menacer de la colère
de Dieu si le fai'dean des charges publiques n'était pas allégé. (Reli-
gieux de Saint- Denis.)
Robert l'Ermite fit plusieurs voyages en Angleterre ponr trai-
ter de la paix. Lorsqu'il s'y renciit au mois de mai 1395 , il était
chargé de remettre à Richard II une lettre où le roi de France la
félicitait sur ses succès en Irlande et l'engageait à prendre les armes
contre les infidèles :
« Notra très-chier cosin et très-amé frère, nous désirons de très-
bon cœur continuelment estre enformé de vostre bon estât et sancté*
que Dieu voille msyntenir et ascrescer à sa loenge et à vostre conso-
lation come vous le voudrés et nous désirons, et , se de nostre estât
vous plaist saveir, quant ces lettres furent eacriptes, par la grâce de
Dieu nous esteimes en bon point, le Dieu mercy , attendants et ési-
rants vostre venue d'Ybernie à victoire en Dieu et consolation et de
vous et de nous. Et, très-amé frère , de ce que nous avons entendu
que grante pleynté de vos subgiès d'Ybernie sont revenus à vostre
obéissance sauns graunt bataile ou eflfusion da sanc, nous en avons
grant joie et en loons nostre et vostre Dieu qui est aveucques vous et
par qi viennent les victoyres. *
a Ti*ès-chier et très-amé coysin, il nous souvient de le bon amour
et dilection que vous avés à nous sicome par plusours de nos subgiès
et des vostres a grant temps et plusoura fois nous avons esté enfer-
mes et par espécial par vostre loyal seinriteur et dévost orateur Robert
l'Ermite à quel pur la révérence de Dieu et pur sa loialté de la dite
amour nous luy avons doné pleyne foy, et tenonsdoulcement que ladite
amour et de vous et de nous est et serra fondée sur la pierre ferme,
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MOTBS. 389
laquele, selon le dict seact Pol Tapostra, est Jéha-Crist qui les deux
ptrois estrannges et ennemies Tua de Tautra, c^est-assaver le peuple
d68 Jayfs et le |>euple des gens payens par le moyen de sa saincte Pas-
sion fist assembler ensemble en un temple d*union et de charité en la
saincte foy catholique. Tout ainsi à nostre désir, ti*ès-amé frère, ladite
pierre Johu-Cri^t qui par sa grâce a inspiré famonr soventes foys et
Joyeusement répété entre tous et nous, fera rassembler ensemble les
deux parois un grant temgs jà pièça ennemies et séparées Tune de
Fantre par mortel guerre, c'est-assaver France et Angleteire, en un
temple et esglise de Dieu, dount es babitans sera une viér et une Ame
en Dieu par vrai amour à son service et sauvement des Ames
enfinies, laquelle chose Dieu par sa grâce nous voille ottroïer. Très-
chîer et très-amé fcère enCeluy qui ses a|K)3tres appela frères, quant
à nostre lacrimable remembrance sovent se présente cornent par la
perilious guerre de nos pré lecesseura qi J^X ans a duré, taunts de
maulx ont esté fdicts et tants des âmes baptisées ont été perles,
esglises destniites et vierges violées, et que par la bounté de Dieu et
grâce singulière il a réservé jusques à ore et tous et nous innocens de
l'effusion du sanc de nos subgiès , et doulcement il nous a réservé et
gardé d*e8pan(2re Tun et l'autre, nounobstant les ennemys de pais qi
sont nourris de Terser le sanc de lours frères crestiens, de vostre part et
de nostre, qi jusques à oi*e n*ount pas dormi et ne dorment encores pur
impugner et pur nous attraire à la proye transitoire et infernale d^or-
gul, d'envie et d*avarice, par laquelle Tamour de tous et tle nous soit
sépai-é et anuUé. que jà n'aviègne, dont Dieu nous voille garder. Orpen-
sonsdonques, beau frère, coadjuturesde Dieu, de nous tenir fermes en la
Tocation qe Dieu nous a appelé en nostre jonesse, c'est-assa voir en la
douce paix tant désirée de la crestienté, et non prester les oreilles an
chant de leseraioe. ne à Tescorpion qi de la langue oint etiie sa queue
point. Et, très-amé frère, prions à Dieu doucement et faisons prier a«
i&inctes personnes que par sa grâce une première fois il nous Toille
assembler ensemble au plus bref que faire ce pourra bonement, pur
laquelle assemblée, laquelle nous désirons parfaitement, tous nous
trouvères toutsjours et prest et apparaillet. Et nous espérons en
Celny qi dist à ses apostres : « Paix soit avecques vous, je vous donne
«c ma paix » , que, nous assemblé ensemble non pas en pompe royale mais
engrant humilité, en Tamour de Dieu et de sa charité. Dieu nous-
fera gi*âce et i*efreindra sa Tergo corrective qe longement a duré par
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NOTfift.
noi prëdécessears en la crestienté, et qe lore par vostre seinct tra-
Taill, beau frôre, et par le nostre aassi, combien que nous en eoioos
pas dignes, les voies en la crestienté de tous les pa!s serront on-
Tertes à yraje paix , et qe plus est , ceste paix dou ciel descendue et
entre nos deuls personnes par le Senct- Esprit confermëe, nostre mère
Sainte- Eglise, ëlas I jà grant temps a , par le maudit sisme foulée et
divisée, parla prière de latrès-amôe Vierge Marie sera, comme ressas-
sitëe, à sa gloire relevée, et lors sera temps, beau frère, acceptable et à
Dieu agréable que vous et nous pour satisfaction de nos prédéces-
seurs devons emprendre le senct passage d'oultre- mer pursecourre
nos frères crestiens et délibérer la terre seinte à nous acquise par
le précious sanc de Taignelet occis pur les brebis , en multipliaunt
par la vertu de la croix la seinte foj catholique par toutes les parties
d'Orient, et là moustrer en Dieu la vaillaunce de la chevalerie
d'Angleterre et de France et des nos autres frères crestiens, laquelle
chose, très-amé frère, Dieu par sa seinte miséricorde vueille ottroier et
non regardera nos péchiés, ne aus péchiés de son peuple. Encores ,
beau trôs-douc frère , ce que dict est desus en la balance de nos
considérations bien pesé et repesé, pur la révérence de Dieu, bien nous
devons garder que nous ne délaissions la douce paix que Dieu benoît
Sent-Esprit nous ad inspirée, ne pur choise temporel quecumque, ne
pur acquerre roiaime, par Tun de nous ne brisie, ne violée, car tant de
maux en vendroient qu'ils ne se porroient descrire. Et toutefois une
fojrs il faut vendre à compte devant le grand Juge, et benois serront
les rojB qui serront nombres avecques ceulx qui aueront amé la paix
en terre. Très-aimé frère, s'il ept chose qe par nous poet estre fait
à vostre plaisir et consolation, mandés le à nous, et nous le ferons de
très-bon coer, et vous plaise, très-amé cosyn, faire nous savoir sovent
vos plesires et vostre bon estât et en espécial par le dit Robert TEr-
myte qe nous renvoions, lequel fut mandé à nous et à vous de la
grâce de Dieu, sicome doucement nous créons , pur le bien et sal-
vement de nos aimes, paix et réparation de le cristienté , à quel
RobeK l'Ermyte, très-doulc amé frère, voillés adjouster pleine foy
de ce qu'il vous dira de par nous. Nostre très-chier cosyn et trôs-amé
frère, le Dieu de paix veuille adrescier toute vos faits et dits en corn-
plissant touts vos désirs. E8cx*ipt à Paris le XV* jours de may, l'an de
grâce etc. nonantyme...
La réponse de Richard II, rédigée en latin, n*e8t qu'une longue
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NOTXS. S91
déclamation en llionnenr de la paix. Dès sfi jeanease^ il ae l'eat propo-
aée pour but de tous aea effoi-ta :
« 0 quam bonua Israël Deiia , qui noa talia docnit a Jnventute at de
guerrarum abstinentia usque nanc pronunciemus aua mirabilia ! »
Nous reproduirons ailleurs un document fort curieux eur les efforts
de Robert TErmite pour mettre un terme au schisme.
Lb être de La Rivière et Jean Le Mercier recouvrent la liberté
(pp. 202-204). — On lit dans undocument du 31 Janvier 1393 (v. s.)qae
Bureau de La Rivière et Jean Le Mercier qui étaient prisonniers depuis
le mois de septembra 1392, obtinrent la permission de sortir du chA-
tean de la Porte -Saint- Antoine à la mi-caréme. Ils s'engageaient à
qaitter la France et à n*y rentrer que du consentement du roi, de ses
oncles et de son frère.
D'aprèa la chronique de Berne , ils furent mis en liberté au mois
de février 1393 (v. s.)» grâce au rétablissement de la santé du roi.
Traité du duc de Bretagne et â^Olivier de Clisson (pp. 204-214).—
Lea négociationa du duc de Bretagne et du sire de Clisson se renou-
velèrent à plusieurs reprises.
Par une convention du 6 février 1392 (v. st) le duc de Bretagne
promit de payer cent mille francs d*or à Olivier de Clisson pour Tln-
demniser de la captivité qu'il lui avait autrefois fait subir ; mais on
vit ausaitôt après les hostilités éclater en Bretagne.
Pierre de Craon y était revenu au mois de février 1392 (v. st). Le
30 avril 1393, lorsque le duc de Hi*etagne assiégea Châtel-Joaselin, le
aire de Craon se trouvait au nombre des assaillants.
Lorsqu'on somma Clisson défaire la paix, il se borna A répondre :
« n y a trois rois en France : je ne sais auquel je dois obéir. »
(Chron. des Quatre Valois.)
Le 7 juillet 1394 , des instructions furent données par le conseil
du roi au duc de Bourgogne qui allait se rendre prés du duc de Bi*e-
tagne. La réponse du chancelier de Bretagne au duc de Bourgogne
porte la date du 3 octobre suivant.
Le duc de Bourgogne arriva à Angers le 16 octobre 1394. Oe U il se
rendit A Ancenis où se trouvaient le duc de Bretagne et le sire de
Clisson. Un traité fut conclu le 19 octobre à Ancfer près de Redon.
Clisson, alors à Rieux, jura le lendemain de robsei*ver. A la suite de
ce traité, le duc de Bourgogne rendit le 24 janvier 1394 (v. st.) une
sentence arbitrale qui fut proclamée le 7 février suivant.
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892 NOTES.
Pierre de CraoHreviifU à Paris (pp. 214-216). — La 15 mart 13115
(▼. it ), des lettres de grâce furent accorda à Pierre de Craon. Elles
entendaient à sa tentative de meurtre contre le connétable et au bannis-
sement prononcé contre lui dans son procès avec la dnchesse d* Anjou.
Le roi de Hongrie réclame l'appui des princes chrétiens (pp. 216-
218). — Le 8 mai 1395 , les ducs de Berry et de Bourgogne, alors à
Lyon , reçurent les ambassadeurs du roi de Hongrie qui Tenaient
réclamer du secours contre les Turcs. Régnier Pot les conduisit à
Paris.
Le FUligieux de Saint-Denis reproduit le discours que les envoyés
du roi de Hongrie adresseront à Charles VL Ils reçurent une réponse
favorable et furent comblés de présents.
Le comte d*Eu avait reçu des lettres du roi de Hongrie qui annon*
çaientque Bajazet avait réuni pour le combattre quarante mille Sarasins,
dont dix mille à cheval. BoucJquaut fut fun des premiers à prendre
les armes et pour trois raisons : il désirait vivement lutter contre les
Sarasins, il se souvenait du gracieux accueil que lui avait fiât naguère
le roi de Hongrie, et enfin il tenait à honneur de chevaucher en la
compagnie du comte d*Eu. {Chronique de Boueiquaut.)
Bajazet avait résolu de venger la mort de son père Amurath I*"*.
En 1389, Amurath I*' avait péri dans une bataille livrée à Koçovo
à Lazare, roi des Serbes. Ce combat fut longtemps célébré dans les
chants populaires.
Le Religieux de Saint^Denis mentionne cette journée et sjoute que
Charles VI se rendit à Notre-Dame de Paiis pour rendre à Dieu de
solennelles actions de grâces.
Nous insérerons dans les notes du tome XVI une narration inédits
de Philippe de Maisiéres, qui renferme d'autres détsils.
Le Religieux de Saint- Denis rapporte que dans un rêve Bajaset
• avait cru voir Apollon , Tun de ses faux dieux, lui offrir une oonronne
d'or devant laquelle se prosternaient treize princes de TOccident.
le comte de Neters ch^f de Vexpéditian (pp. 218-22 1). — Un chro-
niqueur parlant de cette expédition dit que le comte de Nevers « fn
« envoyés pour luy habiliter et api*endre le fait de la guerre , car
« moult estoit simples. »
En 1388 y quatre ans après son mariage , le comte de Nevers avait
encore avec lui Baudouin de la Nieppe « son maistre en doctriae
« d'escele. »
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NOTES. 333
En 1394, le comte de Neven s'était rompu Tëpaule» et la ducheese
d'Orléans avait envoyé un de ees chirargiens pour le eoigner.
Le comte de Nevera jeune encore aimait à se retirer au fond
dea bois , et on disait qu'il j consultait lee démons. Tout au moins
crojait-il à leur intervention active dans les affaires de ce monde. On lit
dans un traité dédié A Jean sans Peur : a Le déable peut savoir la dîs-
« position et ordenance et le gouvernement des royalmes et des sei-
«c gneurs temporels , conspirations et traysons, quar de telles choses
« souvent il se mesle {Ms. 1 1216 de la Bihl. de B(mrgogn$). »
L*horoscope du comte de Nevers annonçait les périls auzqueh il allait
être exposé dans son vojrage ; « in electionibus hijgas nativitatis péri-
culosa snnt tempora. Mars occupât domum, quod iter significat. Sus-
pectum estarripere itinera. Expediens videretur nato habere homines
fortnnaios in armis et taies soi exercitus capitaneos facere (Ms. * 7443
de la Bibl. nat. de Paris). »
Le Hre de Coucf négocie avec les Oénois (pp. 221 , 222). — Par une
déclaration du mois de février 1393, Charles de Fiesque avait con-
senti à ce que Charles VI fût mis en possession de la seigneurie de
Gênes.
Plusieurs pièces des Archives Nationales de Paris concernent la
mission d*Engaerpand de Cou cy envoyé en 1395 en Italie parle duc
d*Orléans pour prendre le commandement de ses hommes d'aimés et
pour aider la ville de Savone dans sa guerre contre les Génois.
En 1396 le sire de Couoy alla en Lombardie pour engager le doc de
Milan A ne point empêcher les Génois de se soumettre au roi de
France. Il se rendit ensuite & Gènes au mois de juin, et, dans les der*
nier s jours de ce mois, les Génois se placèrent sous Tobéissance du roi
de France. (Religieux de Saint-Denis.)
Au mois d*août 1396, les ambassadeurs génois vinrent à Thôtel
Saint-Pol offrir la seigneurie de leur république au roi de France.
Le 12 décembre 1396, le duc d'Orléans qui occupait Savone, aban-
donna A son frère, moyennant là somme de trois cent mille francs,
toutes ses prétentions sur les villes de Gênes et de Savone.
le sire de Ca%cy est choisi comme conseiller du comte de Nevers
(pp. 222-224). — Le sire de Coucy passait pour Tun des princes les
plus prudents de son temps ; il eut Thonneur d'être Tan des bienfai-
teurs de Froissart.
La Chronique de Boueiquemt dit de lui : a Le vaillant seigneur de
XY. — FROISSART. 26
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394 NOTES.
Cl Coucj, chevalier espronvii, toaté sa vie nVvolt HMé d^urmea toivrOy
a et moult estoit de grant vertu. »
Préparatifs de VecBpédiiion (pp. 224 , 225). — Dom Pta&cher a
publie les noms des barons et des éhevaliers qui devaient aoeompagoer
le comte de Nevers. Je me bornerai à citer Geoffroi de Ohanij, Jean
de Blaisy , GuUlaume de Vienne , Jacques et Guittaume de Vergy,
Urbain de Neufchastel, le Hase de Flandre, Raoul de Plaadi^, <3iarl€tt
d'Estouteville, Louis de Giac , Guillaume de la Trémoitte, Vidtor
bâtard de Flandie, Régnant de Flandre, Guillaume de Oraaa , ^eaa
de Trie.
Jean de Trie est « Ton de ceux à qui moiiseigiieiir ne eonsMllera
« quant bon luy semblera, n
Philippe de Mussj était chargé de la bannièra du comte de risve» ;
le sirô de la Gruuthuse , de son pennon. Parmi les chevaliers oIémMb
à sa personne se trouvait Jean de Blaisy.
Les livrées du o(»nte de Nevers étaient d'uM oeidear qa^Aiafifelait :
le verd gai.
D*aprèe la Chromique de Boncipumt Texpédition comprenait mille
chevaliers, la fleur de la chevalerie française. Bouciquaut entretenaiiià
ses dépens soixante-dix gentilshommes.
Je reproduirai diaprés M. Buchon Téanmération des ohevalieni qui
accompagnèrent le comte de Nevers, ainsi que celle des éeayars et
autres serviteurs attadiés à sa maison.
a Cy-après s'ensuient les noms de ceulx que monseigneur a ordonnés
aler ou volage de Honguerie en la compaignie de monsaîgaeur de
Nevers.
êi Premièrement:
« Messire Philippe de Bar, lui quatrième de chemliera et êfm
« escuiers.
c< Messire Tadmiral de France , lui troisième de chevalieirs et xâiiq
« escuiers.
« Messire de la Trémoille« lui huitième.
ce Messire le mareschal de Bourgogne, lui quatrième.
« Messire Oudart de CSuuieron, lui troisième.
(c Messire Jehan de Sainie-Croix, lui troisième.
« Messire Guillaume de Merlo, lui troisième.
« Messire Gieffroy de Charny, lui troisième.
tt Messire Élyon de Neilhao, lui troisième.
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395
« MeMÎr» Jehaa de Blaiajr» lai et un esciiiep.
« Me(iiir# Qea^pjK de MoabéUart» lui dMizièa!W:de cheyaliem et deux
o eecofte».
« Meenre'de Cfanstel-BeUn, lai deaxiàoM: de cbeya|iera et deax
a ewMiienu
« Meesû» GaillMime de Vieâne y lai ddoxième d» chevaliera et
« deux eeeoien.
«f Memiine Jacques de Yiaan^ , lai deavième de chevaliers et deax
a
« M«isùreJao%Be»de Vergj» lui troisième.
« Messire Thibault de Noefiihastel, lai troisième.
« Af essire Gaillaame de Veigj et son frère, chacun lai deazième.
« Messire Henrj de Salins*
« Messire Henry de Chalon , lui deuxième de cheTaliei*a et deux
« Messire le Haze de Flandre, lai troi^mew
« La sire de Ray.
« Le firère de 1» £Nnme messire Henry de Monbéliart.
« CU'êpràê $'mswint (m^u dt l'ottel de monM mgnew^ :
ce Messire Berthaut de Chartres ; messire Loys du Qeay, uo ^scuier ;
messire Jehan des Boves ; messire Cort des Essars ; messire Girai*d
de Ragny ; messire Raoul de Flandre y otessire Jacques de Pontallier ;
messire Jehan de PontailUer ; messire Jehan de Savoisy ; messire
Plali^e de la TrèmoiUe ; messire Louis le Maréchal ; messire Louis
Zebenenghem ; messire Philibert de Villers ; le sire de Graville , lui
troisième ; le sire dePlancy^ lui deuxième ; messire Jacques de Cor-
tiamble ; messire Jehan de Goux ; messire Hugues de Mouneton ; mes-
aire Philippe de Mussy ; measke Jehan de Rigny ; messire de Mau-
mes ; messire Fouque Paynnel.; messire le Galois de Reuti ; messire
Antoine de Bolone, lui troisième ; messire Anceau de Pommart ; mes-
sire Heni7 de Rye ; messire Jehan de Saint- Aubin ; messire Jehan
de Montaubert ; messire Jehan de Pamele ; messire Jehan de Tan-
que ; messire Charles d'Estouteville ; messire Jehan de Granson ; mes-
sire de Ver, lui deuxième ; messire Jean Le Sarrasin ; messire Jean de
Saint-Germain ; le Petit Braqueton ; Boelin Villiers ; le fils du sei-
gneur de Chastillon, lui deuxième ; messire Raoul de Rayneval, lui
deuxième ; le sii*e de TËspinace ; le sire de Montigny ; messire Loys
de Giac, un escuier ; messire Gauvanet de Bailleur, lui deuxième ; le
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396 NOTES.
Normandâa, maistre d'ostel, icealx qnll plaira à mon dît sîear
Damas de Braxeal ; Briffaat ; Robert de Ardentin ; GaiHaameBretoav
le jeune Monnoier ; Moataubert ; Jehan de Sereus ; Rocheohoari
Anceau de Villiers ; Guillaame de Vantraux ; Jehan de Copeaux
Simon Breteau ; Gauvignon ; Guillaume de la TrémoiUe ; Conestable
Lojs Done ; Estienne de Monsajou ; Victor bastard de Flandre
Estienne de Germigny, escuier d^escnrie ; Jehan de GranaoB ; le
Porcelot de Besançon ; Thpmas de Garruvel ; Mathe Lalemant ;
Engnerramet ; Cloux le Ba)iaignon ; Guillaume de Lugnj ; Jehan de
Ternant ; Bertran de Saint-Chatier ; George de Rigny ; Pierre de la
Haje ; Jehan de Pontaillier ; Tierrj de Saint-Soigne ; Jehan de Ger-
mignj ; Guillaume de Craon, lui deuxième ; Régnant de Flandre ;
Guillaume de Nauton ; Batetau ; Maubuisson ; le fila au aire de
Garanciers ; Rasse de Rancy ; le fila de madame de Malurooe
Hugi^elin de Lugny ; Matherj ; Pierre de la Trémen ; Gmthuae
Jacques de Buxeul ; Toulongon ; Muart ; Jehan Bugnot ; Tajant
Robin de la Cressonnière ; Copin Paillart ; Jehan Huron ; Philippot
de Nauton ; Bonneu ; Guillaume d*Aunoy ; Chiffireval ; Jehan de
Blaisj ; Rasse de Tanques ; Mile de Coudebonrch ; Robert Gaudia ;
Octeville ; Jaquot de Saux ; le Bègue de Rasse.
« Item dûs arehert.
« Premièrement :
« Laurens Cogniguehant ; Donat du Cops ; Ogier Bloet ; Jehan Car-
nes ; Jehan Robichon ; André le petit aroher ; Gadifbr ; Brocart ;
Berthelot de Revel ; Adam Pasquot.
<c Item vingt arhaîestierg^ c'ert-assavair :
(Les noms de ces vingt arbalestriers sont omis.)
« les gens qui sont advisés pour aler devant en ffanguerie p<mr
faire les provisions de monseigneur de Nevers :
« Simon Breteau, maistre d*ostel ; Guillaume Breteau, pennetier ;
Jehan de Ternant, eschançon ; Robert de la Cressonnère ; Copin Pail-
lart, escuier de cuisine ; un boucher et ung poulaillier.
« Cy -après ê'ensuient les choses nécessaires et appartenant au fait
que monseigneur de Nevers doit faire présentement en ffonguerie :
tt Premièrement il est ordonne que tous oeulx qui yront en sa com-
paignie, soient au vingtième jour d^avrilà Dijon, et iUec on fera prest
pour quatre mois , c*est- assavoir : chacun chevalier quarante flo-
rins, et chacun escuier vingt florins, et chacun archer douze florins
par chacun mois.
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NOTES. S97
« Ordemié par monsienr, préaeus monaiear le conte de Neven,
mcHwiear l'Admira], monsieur de 1» TrémoiUe, measire GuiHaame delà
Trémoîlle, mewire Odart de Chaseron^ mesure Ëlion de Meilhac et
Pierre de la Trémoiile» le vingt-huitleame jour de mai's ayant Pasqne,
Tan mil trois-cent-qoatre-nngt-qninze.
« Monsieur le comte de Nevers sera le Tingtiesme jour d'aTril à
D^jon, et là seront paie tontes ses gens, et sera à la fin d*aTril à Mont-
bëliari pour tenir son chemin.
« Ceu» par pn matmeur le conte se conseillera :
« Premièrement :
« Messire Philippe de Bar ; monsieur TÂdmiral ; monsieur de la
TrJmoiUe ; messire Gnillaume de la Trémoille ; messire Oudart de
Chaseron.
tt Bt quant bon semblera :
« Monsieur de Bourbon ; messire Henry de Bar ; messire de Coussi ; .
monsieur le connétable ; monsieur le maréchal Boussicaut.
«c Et anssi qnant bon semblera :
« Messire Henry de MontbéUart; messire Guillaume de Vienne;
messire Henry de Chalon ; messire de Chatel-Belin ; messire de Longry ;
messire Guillaume de Merlo ; messire Gieuffroy de Charny ; messire
Jehan de Blaisy ; messire Élion de Meillac ; messire Jehan de Tiye.
« Ponr le frain de monsieur le conte de Nevers :
« Messire Guillaume de Merlo ; messire Jehan de Blaisy ; messira
Jehan de Sainte-Croix ; messire Élion de Neillac ; messire Guillaume
de Vienne ; messire Gieufroi de Charny.
€c La bannière de monsieur le conte de Nevers :' messire Philippe de
Mussy la portera. PourFacompagnier : Cpurtiambles ; Jehan de Blaisy ;
Bttxeul.
« Le pennon de monsieur : le conte Gruthuse le portera. Nauton et
Hnguenin de Lugny pour raccompagner. »
Le document suiyant a été conservé dans le trésor des chartes des
comtes de Flandre :
« Ce sont les noms des chevaliers qui furent enHonguerieenla
compaignie de monseigneur de Nevers :
« Messire Loys dit le Haze ; messire Loys dit le Frison ; messire
Jean dit Sens-TeiTO ; messire Renault, bastars de Flandres ; messire
Pierre de le Delft ; messire Olivier de Haluwin ; messire Louis de
Zweveg^m ; messire Philippe de Lannoit ; messira Roland Hauwel ;
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S98 Nons.
messire Loys le Mmriml ; meMire GiUe 4b Zwsesbergfa» ; ttenire
Rogier de Campigfaem ; meeeire Jean dis Lesibèqae ; messire Rolftad
le Bruwere ; mesBire Loys d*Eyne ; mesmre Jehan de ^eingaerdB»
▼liete ; mestire Jehan Metten-Eje ; measire Hugfae le Proeat ; mowira
Trîstran de Messem ; meseire Jehan Utenhove ; mewrire Galoia <UtoB-
zwane, bastard.
ce Fêoners Gitans ou ddivoyage, dufays de Fimdim :
« Jehan de Halawin , fils mesaire Jaqvea ; Jehan 4s le Orothnae ;
Jehan, le Courtroisin ; Jehan de Caedaand ; Jean da V^nmam ; Jorge
de le Douve ; Le leu de le Hamme ;*Beptran le Brnwere ; Jehan de
Bochont ; Ony Bloume ; Wantier le Bnsere ; Alavd de Bnwsrfhond ;
Jehan de Temseke et Loys Metten-Eye , bourgeois de firu^es ; Jean
du Mes, de la chasiellenie de Lille. » {Archicet générales d% fWf&mm)*
Tailles levées par le due de Bowrgogne (pp. 225» 226). '-- La Flan-
dre donna 65,000 noUee, le dnch4 de Boui^gogna dO.OOOiirauMM.
Projet d'expédition en Frise (pp. ft2ô-229). —Ici eacove'novaavoiia
à faire remarquer combien ProiasarC est «xactement informa de tout
ce qui se rapporte à Aubért de Bavière et au comte dXVttreivaat.
Jean de Nevers en Autriche (pp. 239*^1). — Le coBAa4a Kawans
partit le 6 Août 1396 de Paris. Il arriva le 18 à Dijon. La 90 il aon-
tinua son voyage.
Le comte de Nevers fit publier dans aon arm^ rordosnance ani-
vante :
« Gentil homme fEÙsant rumeur pert<elieval -et hamoia.
a Varlet qui fiert du coutel , pert le point ; et 8*il robe , il part
« Toreille. »
Ambassade anglaise à Paris (pp. &ai-(^). — Cette «mbaaaada «mit
pour chefs le comte de Rutland, le comte Maréchal , rarehevèqae de
Dublin et Inique de Saint^avîd. Ils avaieat avec aux sme anita de
six cents chevaux.
Les pouvoirs donnés aux ambasaadeara anglais portant kr data do
8 juillet 1395.
Le Religieux de Saint-Denis reproduit laa ponvoira dcnnda le
30 décembre 1395 par Richard U aux oomtea de Rntland at da Mot-
tingham et à Guillaume Scrop pour fiancer Isabelle de Franoe per
verha defutnro.
Procès de la reine de Naplesetdmtireék Craon (pp. ^233-237). —
Le 26 janvier 1395 (v. a.), dealettraa de aamregarëeiuraBt aooordéea
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NOTES. 399
ppor «ix mois à Pierre d^ Graon et à vingt hommes de sa suite. D*aa«
très lettres semblables lui avaient été données précédemment pour
un terme de quatre mois.
Fùm^ilkf; de Richard II $t d'Isabelle de France (pp. 237, 238).
— Dans les premiers jours de février 1395 (v. s.) les comtes de Rut-
land et de Nottingham revinrent à Paris, et le patriarche d'AIeiandrie
célébra la mariage dans la Sainte Chapelle le dimanche de Lœtare.
La jeune reine n'avait pas encore atteint sa septième année ; on espé-
rait qu*elle fermerait Tablme des guerres ouvert par une autre Isa-
belle do France également reinç d'Angleterre. (Religieux de Saint-
Denis.)
Le contrat de mariage porte la date du 9 mars 1395 (v. s.).
Une trêve de vingt-cinq ans entre la France et l'Angleterre fut
signée à Londres le 30 décembre 1395 et à Paris le 3 mars suivant.
Dans mie charte du 1^ janvier 1395 (v. st.), Richard II déclare con-
sentir, sans aucune diminution de ses propres droits à la couronne de
PraQLce, à oe qu'Isabelle ne puisse en transmettre de nouveaux de la
même n%ture & sa postérité. Les Français, en réclamant cet engage-
ment y se souvenaient des malheurs qui étaient résultés de Tunion
d'Edouard II et d'une fille de Philippe le BeL
Mmofe ^ duc de Lancastre (pp. 238-240). — La duchesse de
Lancastre étajit morte vers le mois de mai 1394 au moment où le duc
de Lancaatre ae trouvait en Fram» pour traiter d'une trêve avec
Charles VI.
Le duc de Lancastre avait été assez mal reçu à Langlej où le roi
Richard célébra les fâtes de Noôl, en 1396. Il se rendit de là à Lincoln
où habitait Catherine de Swynford et l'épousa : cunctU admirantibus
Jacfi «M;r(^/tii» quiafartuna talie/œmifue tanta suhlimitatis heroi
ninimrcamg^hat.
Le 9 février 1396 (v. st.), Richard II accorda des lettres de légiti-
mation & Jean chevalier, Henri clerc, Thomas damoiseau et Jeanne
d/9 Beaiifort dfunoiselle, tous enfâns « de nostre oncle le duc de Lan-
« castre. »
Après les fâtes ^de Noél 1397, un parlement i*éuni à Londres con^
firma ces lettre^. Beaufort de Lancastre fut créé comte de Somerset.
Paon de Ruet était peut-être fils de Jean de Ruet qui avait lui-même
pour p^re Huon de Rnet. Jean de Ruet mourut en 1305. Paon de Ruet
vivait en 1351 : « A monseigneur Paon de Ruet pour offrandes pour
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400 K0TB8.
« monseigneur le dack Willaume , le duck Aubiert et le daek Otton
Cl quant il alèrent en pellerinaige à Saint-Draon à Seboarch. »
(Comptes de la ree. gé%. de Eaina%t, 1351^
le sire de Craon prisonnier au Louvre (pp. 240 ,241). — Npiu
▼errons, lors de Tentrevue des deux rois prés d*Ardret, Richard If
intercéder de noaveaa en faveur de Pien*e de Craon «
Les Croisés n'apprennent rien des projets de Bajatet (pp. 242-244).—
Le comte de Nevers passe le Danube (pp. 244, 245). —Siège de Cornette
(pp. 246. 2i7).'-Sieffe de Brehappe {pp. 247-249).— Lorsque les croi-
sa traversèrent le Danube, on comptait dans leurs rangs cent mille
chevaux. On attaqua d*abord une forteresse nommée Bandin (Widin?)
qui fut livrée par un seigneur du pays, chrétien grec. Ce fut là que le
comte de Nevers et le comte de la Marche furent armés .chevaliers.
L*année chrétienne traversa les Portes de Fer. Elle occupa Widin
sans résistance. Orsovra se défendit pendant cinq jours. Raoo
(Rachovra ?) fut prise d*assaut, et la garnison fut passée au fil deVépée.
Félix Petancius, dans son traité de itineribus aggrediendi Tureos ,
indique la route que suivirent les croisés, et dont voici d'après lui les
principales stations : Sibinium , Bresovia , Tragoniscus (metropolis
Valachorum), Bidinum, Nicopolis.
Néanmoins Petancius place, et sans apparence de raison, le théâtre
de la bataille prés d'une autre ville de Nicopolis « ubi campus est
« VarnsB. » Là, dit-il, périt, en 1444, Ladislas, roi de Hongrie, dans on
combat contre le^ Turcs.
Froissart est le seul historien qui parle de la rivière de Mette , de la
ville de (^omette, du château de Brehappe. Je ne pnis déterminer A
quoi se rapportent ces indications géographiques^
Après la prise de Baudin, les croisés assiégèrent la ville de Raoo
R achowa?). Il j eut un combat très-vif où se signala Bouciqnaut, et.
les Sarasins, malgré tons leurs efibrts, se virent réduits & capituler.
(Chronique de Boudquaut.)
Le Religieux de Saint-Denis rapporte que les croisés s'emparèrent
d'abord de Racho (Rachovra ?) où tout fut mis À feu et A sang.
D'après rhîstorien hongrois Jean de Thwrocz, les croisés dévastèrent
la Rascie et s'emparèrent de deux villes qu'il nomme Oriszo et Bidin.
D'après la chronique de Berne, ce fut le 23 juin 1396 que les
croisés quittèrent une ville de Hongrie, qu'il appelle eivitas ViduaMen-
sis, pour entrer en Bosnie .
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MOTBft. 401
Les ehevalien croises, en souveiiir de leur passage & Bnde» laissè-
rent leors insignes dans le cloître de Saint-Nicolas.
Siège de NieopoK (pp. 249-251). — Le nom de Nieopoli (ville de
la» Victoire) semblait d'an hearenx aagare anx croisés. Il en était
beaoeoiip parmi enx , à ce qne nous apprend la chronique de Berne,
qui croyaient être anÎTés dans le pays où était né Alexandre le Grand.
B^azet apprend la marehe des Croieis {pp. 251-253). -^ D'Apre
les historiens turcs, fiajazet assiégeait Constantinople lorsqu*il apprit
que les croisés avaient passé le Danube.
Tfrmmê des seigneurs de Miian (pp. 253-262). — On reprochait
aux seigneurs de Milan leurs crimes et leurs relations avec les infi-
dèles : rhistoire n*allégne« pour excuser leurs richesses, que la protec-
tion qu*ils accordèrent aux lettres et aux arts.
Armements de BaioMet (pp. 262-264). — D*api*ès Michel Ducas,
Bajazet ayant réuni à son ai*mée les troupes qui assiégeaient Gonstan-
tittople, traversa Fhilippopolis et se dirigea vers les hautes montagnes
qui dominent les marais près de Sophia. Non loin de là s^engagea la
bataille.
Ckevauekée dm sire de Caney (pp. 264-269). — La Ckroniqnede
Boneiqnant ne parle point de cette chevauchée. Froissart au contraire
ne néglige aucune occasion de mettre en relief les exploits du sire de
Com^'.
SênH/mênts heUiqneua du due de Olocester (p. 269). — Sur Toppo-
sition du due de Olocester & toute réconciliation entre la France
et TAngleterre, voyez ci-dessus p. 376.
la bâtard de Vertaing en Angleterre (p. 269-272). — Fier-&-bras
de Vertaing passait pour un chevalier fort intrépide , mais aussi fort
redoutable dans ses colères.
On racontait que Fier-èrbras de Vertaing avait mis la main A Fèpée
pour tirer vengeance des habitants de Houdeng qui l'avaient ofiensé J
mais Notre-Dame lui apparut et apaisa sa colère. Un ancien monu-
ment dans réglise de Famillenreux rappelle cette légende.
Le l*' août 1383, Fier-A-bras bâtard de Vertaing* reconnaît avoir
reçu du duc Wenceslas de Brabant le prix d*un cheval perdu devant
Lonvaia.
Le eonU de Saint'Pol traite delà paix (pp. 272,273). — Le
sauf-conduit donné par Richard II au comte de Saint-Pol porte la date
du 12 Juillet 1396.
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40t
U conle <fe Saiftt-Pol voyagaait avee i)unatti*d6^Mii«.viagis
chevanx.
ii«0A«rif //â Calmé (pp. 273-276). — Le ^ a^iambre 1396 ,
Richard II, prdt à s^embaripiar & OouTrea , créa la duo dToak MM|of
AnfUm.
Expédition de Frite (pp. 276 287). ^ ilnaMMiite iIm iVàMa
(pp. 287-290). ~ 2>^(uM (2m Frù&nt (pp. 280-295). -^léd^e À^b$H
ptitte h Frise (pp. 295-297). — Lea Hainajara abordèrent à Aaatorxaa
prôa de Caynder.
lyea Jnvinga , olderman de Bokarert, avait eogagé laa Fnaaaa à aa
retirer dana lenra retranchenieiita et à ne paa chercher le eoabat. Ott
ne rëeonta point. La bataUle eut lien le 22 août 1396 à SehotenjL
Lea Friaona j perdirent cinq centa hommea d*aprèa leum hîatorîana.
n exiate dana la Bibliothèque de Vienne et daqa qnalqaea aaiApaa aol-
lectiona an armoriai manuaerit donnant lea noma etka éooa daa d&a-
yaliera qni prirent part à cette expédition et abordârent an « Knynra. »
J*j rencontre notamment : le landgrave de Lotenberg, le aira d'An-
toing, le vicomte de Leyde, le aénéchal de Hainaut, lea airea de Bra*
derode, de Ligne, d^Egmond, d'Havre , de la Hamafde , da Perwez,
de LcDa , de Trazegniee, de Montigny, de Berlaiment, de Maneada,
de Zevenberghe, de Vertaing, dUematedef de Reneaaa. de WaaacHber,
de Berghea, de Boraele, d'Incby, de Bonlers, de Naeltwjck, da
Calonne, de Landaa, d*Alkmade, de Romerawaeie , dliniataBi, d*Aa-
aendelft, de Hennin, de Mailly, de Vendegiea , de Oeldarp , 6hdi-<
lanme de Donstienne, lea airea de Hoocourt, de Zayleo, de ddatallea,
de Zaeten, de Cmningen, de Maldeghem, de Poelgeest» da Pék, de
Maelatede, de Potellee, de Roaimboa, de Briman, d'HéiÛBèa , da
Lannoy, de Gommegnies, de LalaiDg, de Cani^, de Brog^^^un^
d*Aaxy, de Sainte-Aldegonde , Jean de Floyon, Ostelet d'ËcanBainea,
Frossart de Steenborcfa, Jean Holland, Jean de RoberaaTi, Roland da
la Hovarderie, Mansart d*Eyne. Jean de Moreuil, Jean de Dieat, Jean
bAtard de Bloia, Robert de QliHnea, etc.
Jean de Gronbarch portait : d'aznr an chef d'or aa franc canton de
Hainaat;J6an Coniualge, l'un des capitaineaan^aia dent parWProift-
aart : d'argent au lion de gueules à la bordure de sable chargea da
douze besanta d'argent.
On trouve diverses mentions de paiementa ftdta apréa rexpédMiac
de Frise en 1396 &Jean de Namur , aeigneur de Winandata, at *
Senri d'Antoing.
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KOTES.
m
Je reproduirai le récit de la chronique de Berne :
« Anno eeqtienti, BCîlicetmiUesimo cec° nonagedmo sexto, dnx Alber-
tus in Bavaria, cornes Hanonise, Hollandi», Zellandfse, etc., enmmagno
ezercitn in qao erant XX* milia Holandistarum et mille sexcenti tam
milites qnam scotiferi , tam de Hannonia quam de aliîs terris sois,
abiit in Frisiam ad eam expugnandam et sibi yestigia snomm prasde-
cessomm insequendo sabjngandam. Erant etiam com eo Karolns de
Arbreto consobrinus regiFrancorum Karolo, Walrandos cornes Sancti-
PaalietvicecomeeMeldensis loco comitis Blesensis conaobrini ejos-
demdadsAlberti, unacamGaillermo comité Oatrevantî dicti Alberti
dnds primogenito. Hii intrantes mare appliouerant ad qoemdam
locam nomine Cubraes distantem tribus leucia ab abbatia de Stabula
ubi erant circiter VII*^'* milia Tiri Frisones qui eos expectabant ad
praeliandum. Deinde inito bello vîcti faerunt Frisones et ex eis occîm
sunt quasi tria millia. Ibi enim melius se habuerunt Gallici et Hanno-
nienses. Quo facto dux Albertus fedt se coronarî in regem Frisi» in
sno tentorio. Postes vero contracta ibi mora non multoram dierum
expectando concordiam habuere cum Frisonibus mediante episcopo Tra-
jectensi qui colloquebatur cum Fiisonibufi iUios patri» suis parochia-
nÎB. Dnx cum suis Holandistis seu Holandistibus insperate recessit,
unde oomes de Ostrevanto filius eju8 cum suis Hanoniensibus et 6al-
licis qui cumeo erant^ irati euntvalde quîasic eos opportebat recedere.
Postea vero bina vice cornes de Ostrevanto primogenitus prsememorati
duds Alber(î cum exercitn rediit in Frisiam, sed nichil ibidem fecit
nisi vastare prsedictam de Stabula abbatiam et patrlam circnmstantem. »
Voici la version de Brandon :
« Eodemtempore, menée julio, Albertus, dux et cornes Haynoniae et
Hollandiae, Willelmus quoque filius ejus , comes de Oostervant , col-
lecte exercitu , contra Frisones proficiscuntur ut Fresiam eibi subju-
garent , fueruntque cum eis dominus de Bar , juvenis comes Sancti*
Pauli et multi ex Francia nobiles , sed et ex Anglia multi , quorum
capitaneus extitit Gcrnuaelge, ex Alemannia quoque qnamplures , qui
confiictum habuerunt cum Frisonibus et eos in fugam verterunt ; sed,
dum patriam cum tam nobili exercitio bene subj usassent, orta discor»
dia inter patrem et filium, absque ulteriori progressu, nichil amplius
facientes, reversi sunt, totusque exercitus separatus ad propria dilap-
sus est.
« Eodem mnno, poat festum Omnium Sanctorum, spectacula et insig*
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404 NOTBS.
nia militiae apad Montem HaynonisB ostensa tant , abi seneBcaUna
Haynonias, dominua qaoqae de Ligne et dominas Miohael de Ligna et
Robertns Roue contra Cornnaelge , Thommelin et alios Anglicos ,
primo acntis lançais, deinde gladiis, post hsac aecaribns, et postremo
dagghis sive cultris sese exercentes, ipsi Franei emerit» landis emi-
caerunt. »
En 1397^ le comte d'Ostrevant retourna en Frise, s^empara de Sta-
Teren et recouvra le corps du comte Guillaume de Hainant qui fat
rapporté en Hollande et de là mi Hainaut. En 1399, les Hollandais
et les Zélandais obtinrent d^antres succès sar les Frisons (Ckrtm. de
Oilles le Bel). Cf. le r4cit de la chronique de Berne.
Isabelle de France est remise à Richard II (pp. 297-306). — Le
24 octobre 1396, Richard II, alors à Calais, jura de respecter la sus-
pension d*ho8tilités pendant Tentrevue qu*il allait avoir avec le roi de
France. Le même serment fut prêté par les ducs de Lancastre et de
Olocester, les comtes de Rutland , d'Huntingdon et de Nottingham.
L'ordre de la cérémonie fut en même temps réglé. Quatre cents gentils-
hommes , dans Tun et l'autre parti, devaient conserver leurs épées :
tons les valets devaient être sans armes. (Bibl. nat. de Paris, nus.
Brienne, tome XXXIV.)
D'après Tordonnance du 29 juillet 1396 « sur le ûût de Talée de la
« rojne d'Angleterre » on donna pour les frais de ce vojage et de ces
fêtes dix mille francs au duc de Berry et au duc de Bourgogne, hait
mille francs à la duchesse de Bourgogne, mille francs À la dame des
Préaux qui devait accompagner la Jeune reine, mille francs à la dame
de Coursy et à sa fille. Il avait été résolu que le duc de Berry, le duc et
la duchesse de Bourgogne conduiraient Isabelle de France à Calais.
Avec le doc de Bourgogne se trouvaient le sire d'Harcourt, le sire
d'Albret, le vicomte de Melnn et d'autres chevaliers (Pièces relaUoes
au règne de Charles VI publiées par M. Donët d'Arcq.)
L'entrevue des deux rois eut lieu entre Ai^dres et Guines.
Richard II portait sur la tête un chaperon orné de pierres précieuses,
que Charles VI lui avait donné, et sur la poitrine un cerf (la devise de
Charles VI). Ses serviteurs étaient revêtus d'un livi-ée à la bande blan-
che ; c'était encore celle d'Anne de Bohême.
Charles VI portait une robe de velours rouge avec une bande engre-
lée de blanc et de noir. Il avait anssi l'image d'un cerf sar la j^itrine.
Charles VI, en remettant sa fille à Richard II , prononça ces
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NOTES. 40S
jMuroles : « Mon cher fils, je Toas remets ce que j*ai de pliu cher ao
« monde, après le dauphin notre âls et la reine notre épouse. »
Le duc de Bourgogne donna à cette occasion à Richard II un llTre
couTert de perles avec une image de saint George.
Sur l'entrevue des deux rois et la remise d^Isabelle à Richard II, il
fitut consulter le Rehgieux de Saint-Denis qui donne A ce sujet des
détails étendus.
L'entrevue eut lieu le vendredi 27 octobre 1396, et il y eut un conseil
secret dont le Religieux de Saint-Denis ne put connaître Fobjet. Le
lendemain les deux rois se revirent et multiplièrent les protestations
d*amitié. Les assistants remarquèrent, comme un signe de mauvais
angure, qu*an mâme moment le ciel se couvrit de nuages et qu*un
orage d*une violence extrême renversa la plupart des tentes dans les
deux camps.
Jean de Wavrin rappoi*te que dans Tentretien secret qui eut lieu
entre les deux rois, Richard II promit à Charles YI de restituer pour
une somme d'argent Brest au duc de Bretagne et Cherbourg au roi
de Navarre.
L*ordre de remettre la ville de Brest porte la date du 28 mars 1396
(v. st.) ; il fut exécuté le 12 juin.
Quant & la viUe de Cherbourg , Richard II avait, dès le 27 octobi^e
1393, chargé ses commissaires d*en ouvrir les portes an fondé de pou-
voirs du roi de Navarre.
Quand Isabelle eut été remise à Richard II, celui-ci pria Charles VI
de pardonner à Pien-e de Craon, et ce fut à l'occasion de la grâce dont
il avait été Tobjet après avoir couru tant de périls, que le sire de
Craon fit ériger près du gibet de Paris une croix de pierre avec ses
armes. Il avait obtenu que désormais les condamnés pussent se con-
fesser avant de subir le dernier supplice, et dans ce but il fit une gêné*
reuse donation aux cordeliers.
Biéhard II épouse Isabelle de France (pp. 306, 307). — D'après
le Religieux de Saint-Denis le mariage fut célébré le 4 novembre avec
une grande pompe. La cérémonie eut lieu dans Féglise de Saint-Nicolas.
Le 4 novembre, aussitôt après la célébration du mariage, un écuyer
attaché au duc de Bourgogne, nommé Raoul d'Auqueton ville, paya au
roi d'Angleterre la dot convenue de trois cent mille francs. Il avait
été aussi chargé de lui remettre Tanneau de mariage.
Raoul d'Auquetonville devint général des finances en 1397. En 1401
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m Nom.
il voulait (C6 qui était contraire aux oaagee) acheter aae charge de
trésorier qui lui fut donnée en 1403. En 1407 il fut le chef dea meur-
triers ohoiais pai* Jean eana Peur pour frapper le duc d^Orléana, et
l'eçttt peu après cinq cents francs d*or a pour les agréables services
a par luy rendus. »
Raoul d*Auquetonville appartenait A une famille normande ot la
violence était de tradition. En 1371, Guillaume d^Auquetonville obtint
remise de la peine qu'il avait encourue pour des coups qnll avait
donnés. En 1385, Odard d*Auqueton ville, moins heureux, fut pendu.
Par une déclaration du mois de mai 1396, le duc de Lancastre pro-
sût que si Richard II mourait sans enfants, Isabelle pourrait libre-
ment retoomer en France.
Parmi ceux qui accompagnèrent Isabelle de France en Angleterre
se trouvait Pierre Salmon, dont les mémoires forment Tun des pam-
phlets les plus bicarrés de ce temps.
DHirérind de Charïsi VI et du due deMiUu (pp. 307, 308). -
Charles YI reprochait surtout au duc de Milan d'avoir cherché à
entraver par ses menées Is soumission des Génois à la France (Rali-
gienx de Saint-Denis).
On voit par les documents anglais du mois de janvier 1306 (vjit.)qu0
Riahavd avait an effet promia i^ Charles YI de Taider dans sa guerre
contre le doo de Milan.
Le 29 septembre 139Ô, une alliance dirigée contre le duc de Milaa
Ait coadue entre Charles YI et la république de Florence. Pen après»
(le 25 aeftobre) , la ville de Qénes se soumit à rauterité du roi de
France.
PfQJeU de$ eroieée (pp. 309, 310). -*- M<^k0 da Tmns (pp. 310-
313) — Së^ eetmiU du fi de Heugrie (pp. 313, 314). — Le ReU-
gieux de 8alnt-Deais trace un triste taUean des festins eé des plaisîn
des chevaliers chrétiens. Bajazet s'était éerié, ^ apprenant oea désor-
dMa : « Dieu dans sa colère prépare lentement sa vengeance ; mais,
« plus elle est tardive, plus elle est tevriUe. »
D*iq»rès le Religieux de Saint-Denis, ce fut le dimanche 24 aeptem-
bfe 139(i que les croisés apprirent rapproche dea Turcs. Le lendemain,
avant le lever du soleil, le roi de Hongrie se rendit seol dans le camp
français oà ses conseils furent repousses.
BetailU de NicepoU (pp. 315-321). -- \icMre de Beiaseê (pp. 321-
329). — La bataille de NIcopoU fiit livrée le lundi 85 ai^tembre 1396,
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MonSi 401
jMr de M fètd «U saint Finûin. Les croîtés mwîdgoaiQiit Ni^poli dapuis
qoiiiM joQM lonqoa le oottte de Nerera appirit Tapproeka daa Sarrarina.
Il aa lavftanaaîlât de tabla et rangea aaa honunaa d*annea an bon ardna.
Lea âlamai&apaatéeéapar lea pieux aigus qu'ila plaataient 4a?aBt eniL,
Isngnwif aar les eroîsés ane grêle de flèches ; ila étaiflot plaa de traia
contre mi* NéaniBoitts les croises reponssèrettt un inatwrt laa aaaaftl*
lants. La plaine ae coaTrit des cadayrea amimoeléa daa Turcs ) râ^
miUa d'eiitjna eux avaient péri quand la faree du nombre remporta
{Ckmtnipn de Bomeiqtmut).
Le RaligÎMB de Saint-Denis reproche au comte de Nerera aa pnsii-
lanimité ; il se jeta à terre devant Isa vainqueurs, les auppliant d'dpar-
gner sa vie , et, à aon exemple , d*aatres ^retiens ae rAûgaiàreiit
comme de vila esclaves à une honteuse aervitade.
Aux beiMÀes du Danube se trouvaient quelques BAviras vteîtieM
sons les ordrea de ThoBuui Mocenigo. Us reoueillirBnt le ro de Has-
grîe et d*a«trea fiigitilB.
D^i^Déa le rétH de Pievo IfinerbetU (Rar. ital. script, t. II p. 3M)
Isa Turca eomptnent deux cent mille ehevaiax^ et lea ehvtôens seule-
ment ireaÉfr*eiBq aûlle.
L'anasée des ereisés était divisée en cinq aorps. Ls preaner était
eompeaé d'hommes 4 pied , le second de Français, le troisième d*Al-
lemaada et d'AnglsiB (un fila du duc deLancastre se tfouvait à la tôto
de mille dievanx), le quatrième de Hongrois, le cânqulime de Valaqnaa.
Ceux-ci prirent ,1a fidie ; les Hongrois, ébraidés par leur exemple,
battireat an retoaite. Soixante mille Turoa périrent, et aeulemant dix
mille ehrétiena. De dix mille priaonniers, trente à peine furent épairgnéa*
Le toi de Hongrie se jeta dans une barque sur laquelle il descendit
le Danube Josqu'AU point où il rencontra la flotte vénitienne.
La chronique de Berne renferme un récit de la malhaai^ausa expé«
ditiott des croisée, qui parait avoir été écrit anaaltôt après :
« Si de eoMn hnjaamodi infixtunio aeireaiagîs a ksigo et diffuse alh-
quid qoÎB aflbctst, iioeoBtur qood mense junii ultimo lapao, in ngiUa
Nativitatfs Jéhannia Baptist» beaU, Chrmtiam «npnadi^ti oxienint de
éiv&tate B&daaneaai in Hungaria et intraveruai jne^^wn Bosseoenae. 5t
eiroa finem ejusdem aunsis rex BessenenaU veult ad r«vem Hungartii
et oelepoB primates chriakianorum , ac «ia sponte reg»um ei finoM aua
trwMit, quaaiqaam jaramento aatrictua arat BsMac^ enmqne ah eis*
dem éomlais bevlgniter reaiparetar^ yanaruAt pari modo Qaiat», qui
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408 MOTBS.
etiam ut alii in prompta reoepti saiàt Notandom quod daplex ««t
Gaktia, major scilicet et minor : primB est in Bithinift ultra bradiiam
Sancti-Qeorgii tita ; ista minor est citra, scilioet in Missia in qnadam
parte Missi», et hseo qaidem Missia in Minoris Asiss confinio oonatitata
est. Gajas Galat» Grssci snnt ut alii de majore Oalatliia, qnibos bca*
tus Paulus apostolos legitur scripsisse, a quibus postmodam exierant.
Deinde transeuntes Danubinm abierunt ia Bulgariam ante regiam
civitatem Bndinensem, totius imperii Bulgari» principalem. Ad quam
aggrediendam cum prœmemorati cum aciebus ordinatis prompti
essent, rex Hnngari» propria manu fecit milites novos comités Ni ver-
nensem et Marcbiœ tantum. Tune etiam faoti sunt alii milites qoam-
plurimi ab aliis principibus. Pocro imperator BulgarisB cemens
patriam suam desolatam, una cum bnrgensibus su» prefat» civitatis,
yenit obviam régi Hungari» , ac eidem claves ejusdem su» civitatis,
patriam suam et arma sua reddidit, quamvis et ipse subjectus esset
Baisaco. Receptus est autem cum tota patria sua ad fidem cbrîstia»
nam , erantque Bulgari ab olim Constantinopolitano patriarchatui
subjecti. Tune spatio trium dierum obristiani locati sunt in piatissnb-
tus Budinum, ubi rex Hungari» magnum fecit oonvivinm. Postea
recedentes equitaverunt in Greciam usque ad civitatem Redesconnen-
sem (f), qu» , postquam ab eis quadam die sabbati bis aggressa est,
reddita est eis dilnculo dominiose sequentis. Ultraque eqnitaates et
Maeedoniam prœtereuntes abierunt ante ciTitatem Nicbopolis et obsé-
deront eam , unde Riehardus de Sancto-Victore ait in Exoeptorio : In
Tracbia Constantinopolis, Panisus, Nicbopolis. Quidam autem illiterati
▼el ydîot» , postquam reversi snnt de illa redemptione in Francian ,
dixemntmnltis quod beeo civitas Nicbopolis, ultra Maeedoniam quam-
dam civitatem desertam qnam coulis perspexerunt, ubi Alexander
Magnus natus est, tribus diebus situata est. Quidquid enim sit» de hoc
YeriuB est quod Macedonia , quœ ab oocasu Trachi» subjaeet ,
tait patria Alexandri magni, et regio aureis venis argentiqne optima.
Lapidem quem piritem vocant^ ista gignit, et in ea est mons Olimpus
transcendons aéra, super quem pbilosophi asceadentes fecerant figu-
ras in pulvere , quas post annum reperierunt illaasas. Cumqoe dictam
Nichopolim civitatem XV""^ dierum spatio obsedissent, et jam minitorcs
oomitis Nivemensis usque in castellum, et minitorea régis Hungari»
usque in civitatem visa occultas infra terram ad ingredieadum dispo-
suissent , necnon jam parata sunt omnia ad imponendum ignem,
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MOTBS. 409
•cce y hora prandii, rex mandavit omnîbas ut contetim armareatar
propter Turcos, qui modicum ab eia distabant et ad eonim extarmi-
niam vénérant. Tuno illl<» christiani omnibua relietis equitaTerunt
qnaei spatio daaram leucaram aat amt>Hu8, donec TiJenint Tarcoa
ordinatoa ad pneliandam , qai fixerant in terra stipites ligneaa actt-
minatas altitadinis doorom cabitoram vel circa, per longitadinem
jactna unius ballet» et latitudinem unius lanceae, modo qno fit in
garenaiia oanicabmm in Franeia. Primum itaque prsoliam a rege
Hangari» lieet inrito conceuum est Francis et ceteris citramontanis.
Malaisset enim Hnngaris sais conoessisse, nisi Franci importons
petivissent : volebat autem Hungaros qaos hostes fagere quam fagai*e
paratiores noverat, Francis prsaponere, ne ipsi a tergo eorum exeuntes
sinerent eos fagere. Franci igitur et faii qui cum eis erant, primam
Tareorom aciem, in qua erant plus quam VlIIroiilia hominum, aggre-
dieates, ante quartam partera nnius horse victores fuerunt. Quo facto,
cnm vexillifer eorum , admiraldns de Vienne, comitem Nivemensem
hortaretnr ut rétrocédèrent « responsom habuit ab eo qnod lente et
ineonstanterpugnabant. Inruentesigitur, dicto rexillifero pneeunte, in
secondam Tnrcorum aciem , mox in debiliorem partem cecidemnt,
ita nt omnes a multitudine hostium circonsepti ibidem vel extincti vel
capti sunt^ exceptis hiis qui fug» prsssidium quœrentes tutamina
naTiom petebant. Intérim vero acîes Thurcorom qu» rétro erant, se
traxerant versus Hongaroe qui erant ad dexteram partem quasi
numéro L. millia hominum aimomm. Hii videntes Turcos accelerare
ad se, non obstantibos régis sui monitibus qui eos ad prssliandom ani-
mabat, mox terga vertentes, fugerunt versus fluvium sioe aliqua rêver-
sione ad pugnam vel aliquo certamine, insequentibus eos Turchis
osque ad Dannbium, in quo naviginm eorum erat, ubi tutamen fluvii
tam ex voto quam ex neeessario nacti sunt. Occiderunt autem multos
qui nullas habebant naves, etaiiquos de fratribus Hospitalis Rodiensia,
quihtc per brachium Sancti-Georgii et inde in Danubium navigio
descenderant. Plures namque transnatando flumen transire festinantes
infra voraginem fluctus periclitati sunt. Chriatianos ergo diffugientea
Tnrehi infestant ; infestatos vero partim in undii, partim super rippam
prosternant , et nunc hao , nanc illac diapersis eorum aciebus discur-
rendo dupplicem necem eis ingeatam esse lœtantur. Quidam vero
castra Ghristianonim pervagantes, qnotquot nostroram occurrebant
gladiia ocddenlht , ab eisdem ablatia divitiia quibnacumque. Nec
XI. — FROISSÀRT. 27
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410 NOTfcS.
miram ergo si Franci victi suât, qui pancos habebant aecum ad pn»-
liandum contra Sarracenos qui erant numéro centnm milia SMtimati.
In toto enim non erant, tam de Fiamingis, Anglicisqae quam aliis qui
cum 618 erant, plus quam VIII millia bachinetorum ; et etiam Deua
non erat cum eis. Hoc bellum accidit mense septembri, die sancti
Firmini episcopi et martiris. Die vero .sequenti Baizacus ab ira furoria
ejus nundum mitigatus, in tentorio suo sedens pro tribunal! mandant
coram se omnes Christianos qui capti fuerant in prselio. Qui cum nudi
adducti fuissent coram eo , statim a satellitibus ejus ibidem ante vel
satis prope dictum tentorîum suum amara morte necati sunt. Satelli-
tes enim turchi de gladiis suis super eosdem Christianos jussu ejus
simul funibus alligatos percutiebant unnm in capite, alium in coUo,
alterum in scepulis ; et sic omnes ululantes et Cbristum filinm Dei
voce magna reclamantes crudeliter martirizati sunt. Nec ab hoc mor-
tifl génère exempt! sunt aliqni quantumcumque nobiles prsster comi-
tem Nivemensem , quem ipse Baizacus eorum noverat esse dominum,
et alios paucos quorum ritam idem comes a supradicto Baizaco cum
difficuUate obtinuit, et Jacobum dominum de Helliaco miiitem, qui
casu captus fait a quodam admiraldo Turcorum, cum quo habebat
notitiam specialem , qui a Baizaco vitam ejus sibi dari et poposcit et
promeruit ; et sic ille periculum mortis evasit. Deinde tofo comes
Nivernensis et concaptivi sui jussu prœfati Baizaci dncti sunt in
Thurquiam , et in ejus civitate regia quœ Bursa dicitur haud longe a
Nichomedia urbe Bithiniss olim famosa, ubiquondam Hanibal fugiens
yaneni haustu animam exhalavit, positi sunt in custodia. Porix> ex
omnibus Christianis absque Hungaris, tam de castris qui bello non
interfnerant et mortis discrimen evaserant, quam a prselio dilapais,
non fuerunt plus quam VIII miUia hominum diTersi status, qui Au-
vium transirent, quamquam œstimarentur in die belli octoginta millia.
Hii intrantes Galathiam ab illius patii» ihoolis aggressi, multis
eorum occisis, ceteri exuti sunt omnibus yestimentis et calciamantis
prseter bracas et sic dimissi. Die sancti Remigii sequenti in eodem
statu quasi ti^ecentas leucas itineraverant ; fuerunt autem in Gala-
thia supradicta VIII dierum spatio non manducantes pan^m, nec sub
teoto jacentes, sed jacebant in nemoribus et comedebant frnctua ama-
ros quos inveniebant, scilicet fagena nemorum, genelas ac fordinas ,
quarum quis très vel quatuor habere poterat , optime cibatua erat.
Planes namque qualibet die scrutabantur in capillif, oribua et aliis
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KOTIS. 411
locis nbi argentnm poterat repoui. Erant tamen omnes siae camisîa,
«t adfaac plus quam mille ex eis erant sine brachis, quando iatraverunt
primam villam Christ ianoram iatinorum, quse vocal ur Harmestat. Ibi
enim reperierunt homines maxim» pîetatis et misericordi». Hsdc est
illa civitas Harmestat , ut quidam ferunt, uude olim episcopus cum
Balduino Flandrensi, Ludovico Blesensi, Stéphane Perticensi, Hngona
Sancti-Panli comitibus , episcopo Trecensi, marquisio Montisferrati,
duce Venetiss et pluribus aiiis magnis viris ad capiendum Constanti-
nopolim fuit , ubi idem cornes Balduinus coronam et imperii digaita-
(em suscepit. Fostea, eollaterando Boemiam et Poloniam, pertranseuo-
tes Hungariam, applicuerunt apud Viennam in Austria vigilia Omnium
Sanctorum , quasi sexcenti Gallici. Qua die burgenses eis prandium
dederunt, et eomm cuilibet liberaliter Tîcentas uluas porrexerunt , ut
&cerent quilibët habitum secundum suumyelle. Die vero Ânimarum
illi de villa duierant eos quos hospitaverunt ad magnam ecclesiam
Beat»>Mari89 , quibus ceteri de villa magnas elemosinas contulemnt
Deinde venerunt in Franciam per Almaniam, Austriam et Bavariam,
in quibus partibus gentes eleemosinarîas specialiter invenerunt. »
Le récit de Brandon est moins développé :
a Hiis diebus, Johannes, comes Nyvemensis, filins ducis Burgnndi»,
aonos natus circiter XXVIII, forti manu armatornm et nobilium ver-
sus Hungariam profectus est , fueruntque secum ex Francia comes
Marchisa , comes de Heu , cpnestabularius, domlnus de Couchy, do-
minus Johannes de Vienna, marescallus Franciae , filii ducis de Bar ,
domlnus Reynaldus de Roye, duo fratres de la Ti*emoelge, Guillelmus
et Guy do ex Flandria, dominus Hase et fratres ejns ; sed et alii milites
multi ex aliis regionibus venerunt , qui primo in Arragoniam , in
subsidium régis Aixagoni», qui una cum illis bellum cum Saracenis
commisit et Victoria potitus multos Sarace norum occidit et ipsum
Balxyn ammyraldum in fugam egit. Deinde Franoi et comes Nyver-
nensis in Hungarias partibus multa pungitia cum eodem admiraldo
gesserunt , in quibus victores eminebant ; sed tandem , exigentibus
forsitan peccatis nostris, ab eodem admiraldo et Turcis circumventi,
infeliciter et inconsulte dimicantes, nec régis Hungariss consilinm et
anxilium advertentes, sed propriis viribus nimis confidentes, superbia
inter eos régnante, impetnose se ingérantes, victi sunt, pluribus eorum
ooeisis , ceteris captis , paucis effugientibus. Ceciderunt ibi comes de
Een, coneatabnUurius, dominus Johannes de Vienna, admiraldus Fran-
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41S «OTii.
ci», dominus de Coachy , dominus Onjào de la Tremoelge , domimie
Reynaldus de Roye, filii de Bar, dominus Haso de Flandria et fratree
ejus, domiaus Ludovicas Frieo et domiaus Johaanes Sine Terra,
domiaos de Lembeke , dominus Jobannes de Casant, dominus Rolan-
dus Houweel et plures alii milites et nobiles et flos fere totins mîlitia»
gallicanœ. Capti quoque fuerunt ibidem cornes Njyemensis, dominas
Marchi» cornes, dominas de Conchi, dominus Willelmns de la Tre«
moelge, domînns Reynaldns de Roye et plures alii exceteris regionibus,
qui , gravi rentione et magnis pecuni» sommis se i^^dîmentes , post-
modum ad propria devenerunt. Basac autem amyras , dum Victoria
potitus esset, multos ex captivie cbristianis securi percuti fecit sut per
médium sarra lignea sciodi. Comes autem Nyrernensis captoset Tendi-
tus est, diutinsque in partibus illis servabatur, sed tandem a merea*
toribus Venetianis redemptus magno pretio ad propria rerersus
est. »
Adrien de But semble s^ttacher surtout à reproduire ce qu'avait
dit avant lui le chroniqueur de Valenriennes :
« Eodem anno, Karolus VI^, Prancorum rez, litteris Ludovid régis
Hungari» super infestatione Lamourach Baby régis Turquorum inci-
tstns. Eo quod nepotes erant prsefati duo reges , factum est ut mu-
torum Juvenum et nobilium de Francia , Flandria , Hannonia, ceterii*
que partibus ad militiam anhelantium fieret collectio , quorum caput
Jobannes comes Nivernensis, filius senior Philippi ducis Burgundi»,
constituebatur. Qui quidem Jobannes , vix agens XXII annum , dnas
jam filias procreaverat sibi ex uxore sua filîa ducis Bavante Alberti ,
comitis Hollandi» et Hannoniss. Cujus Alberti filius Willelmus ,
comes d*0o8trevant , cum socero suo libenter perrexisset , sed a pâtre
durius increpatus, accepit utiliorem fore belii eausam contra Frisones
procedere, qui prssdecessorum suorum hereditates injuste possidebant,
quam contra Turchos qui suis nondum mala, neo sibi inferebant.
Inbibitus igitur Willelmus graviter patri adversatus est, neque ut
filîua sibi contra Frisones auxilium prastare volnit. Jobannes igitur
cornes Nivernensis , ut brevis sim , a rege Francorum et pâtre auo
Pbilippo duce Burgundi» iicentiam quœsivit in expeditionem contra
Turchos pergendi. Qua obtenta , tanqnam princip^lis db-ector assig-
nattts est ei dominus Ingelrammus de Couchiaoo , miles prudens ae
strenuus et in rébus bellicis plurimum expertus. Vemmptamen minus
bene res illa plaçait comiti de Heo connestabolario Franci», et^ns
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nom. 4(3
perhoehonôram Tidabatur officinm diminui. Nichilominasperrexit cam
eetdris, semper sociatus eu m sibi faventiorîbus doaec in Hungarîam
perveniasent. Sed, biis temporibua, Galeaciua dux Mediolani regaavit,
flliua Galeae» tjranni, qui et filius fuit naturalis Ludovici de Bavaria,
dadum vi Komanonimimperium occupantîa. Hic Galeaciua, filius Galea-
e», daxeratuxorem Blancham filiaœ Johannis régis Francorum, exqua
genuit duos filios dt anam filîam Valeutinam nomine, qu» nupta fuit
propr»senti Lodovieo duci Aurelianensi, secundogenîto régis Franco-
rum Karoli V^. Hœe vero fiiia Galeacii dacissa Aui^elianensis regnum
suis Teneflciis marito suo secretius voluit uaurpare per mortem fiiiorum
régis, et aecusata est rea lésas majestatis in regem quem intoxicaverat,
noxque répudiât» est a viro suo. Quso veniens apud patrem suscepta
est , née multo post pater, anhelans ad opproBrîum vindicandum, llt-
teras régi Francorum minaces destinavit, publicum sibi bostem fore
denuntians. Et hie Galeacius, singulorum nobilium qui de Francia per-
rexerant in Hungarîam ad pugnandum supra Turchos cum Ludorico
rege Hungarias describens nomina, clausis litteris, intimavit adventum
eorumdem ipsi régi Turcborum Lamourach Baby, eoa tradere cupiens
in manibus bostium, prout evenit. Nam cam Francorum exercitus et
Hungaroi-um flumen Danubii transiisset atque cîrca oras regni Tur-
cborum Cometam civitatem fortissimam multis assultibus cepisset/
igné et gladio eonsumptis omnibus fortalitiis, et obviis Turebis aciem
Tersns magnam illam civitatem de Quarre convertisset, post diram
quassationem, interfectis ferecunctisiobabitautibuseam, indeditionem
eam cepit, et ante Breebappe se contulit, ubi castnim situatum erat
fortissimum. In cujns expeditione primo factus fuit miles Jobannes
eomes Nivemensis. Sed Corboda, capitanens loci, misais tribus fratri-
bus suis scilicet Illacio, Balacio et Ruffino versus regem Basaacb , for-
titer contra oppngnantes sustinuit castrum. Unde recedentibus ab
obsidione Francis et Hungaris, properavit exercitus opulentissimam
civitatem Nicbopoli capere in deditionem. Dum vero bœcevenissent,
Corboda capitaneus clam exiens perrexit in occnrsum Lamouracb
Baby sive Basaacb cum fei*e ducentis millibus Turcborum properantia
obaidionem de Nicbopoli 6ttblevai*e et impedire. Qui cum appropin-
quasset dvitati obaess» : « Nunc , ait , scio quia vere Galeacius ami-
« eus est meus, qui bos miebi venturos significavit. » — Porro feria
qaadam menais septembris ante festum Micbaelis arcbangeli, Basaacb
Tarchorum rex cam omni potentia aaa affdit et dnxit civitatem qaam
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414 1I0TB8.
rex Hnagaroram et cornet Nivernensis eum Francis raie per qninde-
cim diee obeederant. Quiboe hora prandii jacentibas in obeidione
pnafatœ civitatis, nuntiatar inopioate Tarchorum adventas et qaod
ad duo milliaria visi essent. Qa» qoidem profecto noTa qQoedam
▼ocayerunt in arma, quosdam vero minime commoTerunt. Dominas
tamen Ingelrammus de Couchiaco qui paulo ante cnm trecentie lanceia
insignia multa fecerat in congreesu contra tex millia Turchomm»
mox ut andivit baec verba, perrexit ad regem Hangarorum qui fngam
enasit inire potiue qnam congredi. Qa» qnidem opinio plaçait domino
de Couchiaco, sed non plaçait Philippo de Artheeia connestabalario
Franciae. Continuo dominas Johannes de Vienna primipalarias exer-
citas Fraucorum requi<ivit a domino de Coachiaco et non a Philippo
de Arthesia qoid agendum esset. Quam ob causam indignatua PhiUp-
pus dixit : « Hodie fidèles apparebant milites » ; et sic hostibas se
objecit, qui cnm duabas alis expansis universos tam Francos qnam
Hangaros per duo milliaria comprehendernnt. Ibi illico bellatam est
inter utrosque fortiter et acerrime. Franci, fugientibas Hungaris, in-
caluerunt. Subtiliter enim Hungari cum rege suo faga salvati sant pro
magna parte, saccumbentibus cunctis fere Francis. Rex enim Hnn*
garorum et magnus magister Rodonorum transierunt Danubiam cum
*Hungaris suis, paucissimisque Francis. Caesi fuerant plnres vulgares
et nobiles ante civitatem de Nichopoli, procipue dominas Gaillelmos
de La Tremoulle, dominas Philippus Barensis, dominas Johannes de
Vienne, miles procerus et Texillum gerens in hostes, cum filio soo, item
dominus de Montcareel, Guillelmus de leBeigne, dominas de Moncael
etc. Miles quidam nomine Jacobus de Helly ex Picardia captas fuit ;
sed quia cum pâtre régis Lamourach Babj paulo ante moram traxis-
set, idem incidens in manus hominnm régis Tartaroram Tamburini
saWatus est cum domino Jacobo du Faj qui similiter notas erat ibi-
dem. Hii duo profecto causa vit» mnltorum exstiterunt. Strage
peracta , rex Basaach , si qui superstites haberentur , mandavit sibi
pnesentaii , necnon si qui nobiles reperirentur interfeeti , separaren*
tur ab aliis cum armis et signis suis in campo ubi c^ciderant , quia
Tisitat*e volebat interfectos ab ut raque parte. Quos cum visitasset,
stnpefactus est de suis ibidem prostratis. Qua de causa plnres captives
superstites in furore Jussit occidi , inter quos filii naturales Ludovici
comitis Flandriœ cum multis aliis interiei*e. Prœsentatis autem
captivis, adducti sunt dominas Jacobos de Helly et dominus Jacobas
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MOTU. 415
du Fay qm régi Lamourach Bahy singalatim declaraTênmt captiTorom
Bomina, sic quod idem rezj usait retentos Tita frai comitem Nivemen-
sem, Philippum de Arthesia, dominum Johannem deBorbonia, Gnido*»
nem de La TremoaiUe et aliqaos alîos usque ad octo animas, percussis
ceteris crudeliter gladio, quorum fere ultimns Boucbicanlt, marescallus
Franciae, similem exsolvisset pœnam, niai preces comitis Nivemensis
interTenissent. Interempti sunt autem quingenti viri, de quibus tre-
Cênti milites exstitei*e. Ipse vero dominus de Helly deputatas est per
regem Turchornm descendere et boc infortunium régi Francorum, snb
redeandi certo termino , denuatiare, quod peregit fideliter. Vernm
plares, eo tardante , pnevenerant et talia nova dilataverant in Fran-
eia, ceterisque partibus, quos rex Francoram Karolus jussit impri-
sionari , doneo domînus Jacobus de Hellj venisset , cujus relatione
Veritas oomparuit, qui Parisins veniens regem invenit et majores regni
eongregatos ibidem, coram quibus missionis su» declaravit sarcinam.
De multis idem interrogatus est, qui totam seriem luculenter exposuit
gestaram reram, addens animum régis Lamouraob Baby facile plaoa-
bilem reddituram panm's laneis et lineis, diyersarum bistoriaram
figuris impictis, nec non avibus quas falcones appellant , quorum om-
nium facta sibi fuit deliberatio, et unicus repertus falco candidos mis-
sus est per dominum de Chastel-Morant , qui cnm prsefato domino
Jaoobo versas regem Lamouracb perrexit. Quibns in Hungariam
applicantibus, non faciliter est passus baec munera deferri rex Hun-
garise. Tandem multis laboribus cum eisdem' pervenerunt in conspeeta
régis Turcbonim qui gratis suscepit munera oblata.
« Intérim obiit dominus Ingelrammus de Coucbiaco in captivitate »
eqjos corpus delatum est, aromathizatum et reconditum apnd Cou-
ebiacnm. Permisit autem Lamouracb Baby missos nuntios loqui pan-
Inlnm cum captivis , et comes Nivernensis inter eeteros gratiam régis
obtittujt, quod magnâtes segre tulerunt , et idcirco dimissi sunt nuntii
régis Francoram et patrie sui ducis Burgundi» onus babentes ab
eodem qualiter die noctuque laborarent ad redimendiim captives ,
quoniam sentiebaut animum régis ad boc satis inclinatum , medianti-
bus illis muneribus transmissis.
a Eisdem temporibus, raercator quidam oriundus deLnca, nuncnpa-
tos Dinde Responde, nptitiam babenscum mercatoribus Januenaibus,
Parisius coram rege mandatas est, taliterque tractatum est cum eodem
mereatore at de captivorom rensioae deliberanda se cei*tum faciebat.
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416
casa qoo Mtet imposita pro denariis, sed son impotita fait. Qaare
dominas Jacobas de Helljr iteram ex Francia iter arripait yènos
Lamourach Bahj, déferons navicalam ex paro aoro, mirabili arfcifldo
compositam, et hoc ad majorem captivorum consolationem et sablera-
tionem. QaamWs dox Mediolani Galeacins plarimaminhac re Taittiaset»
nolebant tamen assistentiam ejas reqairere. Sed eaasa pinncipalia
qaare Jacobus rex Cypri favebat Francis, existimatar ex iib perpetrato
in fratrem saum Petram regem Cjpri quem jusserat oceidi, quo fiieto
non ansas est se regao servare, sed mari se dédit, et tandem a Janaen-
sibas receptus est, qui sibi adhœrebant. Hic pm&tas Petras rèx paiilo
ante gravissimas gaerras in Turchos gesserat, qai, cam ▼exîaaet ani-
cam filiam saum ultra mare, fecit eum coronari adhuc paerom, qai
panels snpervixit diebas , et ita Januensea , capto porta de Simagooxe
n armonim , Jacobam coronaTeruat , nataralem fratrem Pétri régis
nnper intei-fecti. »
La chronique anonyme de Flandre se rapproche beaucoup aoni de
la narration de Froîssart :
a Advint que le roj de Honguerie, nommé Stgîsmont, frères à Win-
<^elle, roys des Rommaina et de Behaigne, ot très-grant et cruelle
guerre contre Sarrazins et manda secours par universe monde, tant
en FEmpire, en France, en Ytalie, comme en pluisenrs autres paya ,
pour résister contre Sarrazins ; et tant que pour aller en son ayde, le
duc Phelippe de Bourgoingne fist tant que, par le gré du roy de
France, Jehan son aisné fils, lors nommé conte de Nerers, y fu euToyéa
pour luy habiliter et «prendre le fait de la guerre, car moult estoit
simples. Et avec luy y allèrent le conte d'Ku, connestable de France,
le bon seigneur de Coucy, meseii*e Henry de Bar, son beao*fils, messins
Phelippe de Bar, frère audit messire Heniy de Bar, Hue et Henry
d*Antoing, le Haze de Flandres, mesure Boussicaut et plutseurs anl-
tres chevaliers et escuiers du pays de France et d'environ. Et furent
tréS'grant nombre et très-grant assemblée de gens d'armes, et furent
on pays de Honguerie très-bien receus et à grant feste , et eubrent
contre Sarrazins pluisieurs fois bataille et vietore, en conquérant sur
eulx grant pays. Or avint que discence se meult entre Franchois
diaans que Hongrois avoient eu toudis Tonneur de aller devant et
que ils y vouloient aller. Et le roy de Hongi|erie si leur disoit que,
se ses gens n*aloient devant et ils veoient le fais estre doubtenx et
pesans, ils a'enfuyeroient tantost, et oognoissoit bien leur Toalenté. A
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H0TC8. 417
4faoj le seigneur deCoacy respoady qne il fàisoit bon epolre eonseil ; et
adont demanda Bouasicaat aadit seigneur de Coucy se il ayoitrpaonr.
Et, après puiseurs paroiles, ledit de Concy luy dist que il oseroit
mieolx mettre pins avant le teste de son cheval en le besongne qae
Boussicautne feroit le kene da sien. Et lors se mirent cbrestiens à
TOje et passèrent la rivière de la Danoe, et perceurent les Sarrazins,
qui venoient en bataille contre eulz , qui estoient nombres à plus
de trois cens mil testes, et cbrestiens estoient nombres à dix mil hom-
mes d'armes, qui ne daigniôrent attendre, ne repairier, et assemblèi-
rent à bataille, qui fu moult crueuse, grande et bien combatue dee
ehrestienv ; mais ils furent desoonfis et tous mors ou prins. Et le roy
de Honguerie, par quel conseil on ne avoit voulu faire, et ses gens, se
partirent de le bataille, tous entiers sans combatre. Et y ot bien soi>
zante mil Sarrazins mors, dont on fu bien esmerveilliés de si peo
gens chrestiens en avoir tant ochis ; et furent prins à le bataille
Jehan de Bourgoingne , lors conte de Nevers , le seigneur de
Coucy , messire Henry de Bar et plniseurs autres qui furent
deavestus et mis en purs les petits pourpoins, ayans grant doubte que
ils ne fussent décoUs, comme on faisoit pluiseurs anltres chrestiens
!^ devant TAmonrat-Bacquin , chief de Tarm^e des Sarrazins, dont li
sangs des décolés cou roi t pardevant ledit Jehan de Bourgoingne et les
aaltres prisonniers dessnsdis : lequel décolement Ai moult blasmés
à TAmourat , et par ce se cessa d*en plus faira décoler, et faisoit pre-
ssas des prisonniers aux grans seigneurs de le contrée des Sarrazins.
Et assés tost après trespassa li sires de Coucy, en une ville nommée
Brasse, de flux de ventre et du fais de la bataille ; et messire Henry
de Bar trespassa en mer en retournant en France ; et au bastard de
Savoie on coppa les conilles, pour doubte que il ne s*acointast de la
dame du aeignenr qui le tenoit prisonnier. Et les dis de Bourgoingne
et Bonssicaut^demourèrent prisonniers, tant que le seigneur de Heilly ,
qui avoit este paravant avec TAmourat-Bacquin et en son host, ro-
tourna, par le congié de TAmourat en France compter l'avenue de le
besongne au roy et aux aultt*es princes de France, et aussi que on
rendeist paine d*envoyer traitier ou faire traitier pour la délivrance
des prisonniers, lequel seigneur du Hailly en fist très-bien son devoir
et bonne dilligenee. Et fu celle bataille en Tan mil trois-cens-quatré-
vings«et-sèze, le jour Saint -Michiel. Et tant fu traitié aux Sarrazins
et meeeréans, et aussi payé par m^rchans de Venisse, que ledit'. Jehan
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418 IfOTBS.
de BoQrgoingne r«paira en Franoe, et fà fids ehevalien en le bataille.
Et arec luy s^en roTint Bonssicaox, mais ainchoia demoara ledit mon-
seigneur de Neyera en le maitt des Sarrazina deux ans. Et quant il fti
retournas en France, il fu reœus en grant joie, et luy fist-on grant
feste. »
M. Bucbon a cité , dans les notes de son édition de Froissait, la
relation de la sanglante bataille de Nicopoli, telle que la donnent quel-
ques historiens. Je reproduirai ce qu'en disent Michel Dncas et
Jean de Thwrocz.
Michel Ducas s'exprime en ces termes :
« L'empereur Manuel se Tojant tous les jours plus prené par le
tyran Bajazet et n'apercevant aucun secours prochain , écrivit an
pape, au roi de France et an craie de Hongrie, en leur annonçant que
Gonstantinople était i^édoite k la plus grande exti*émité, et que s'ils ne
venaient pas promptement à son aide, il serait forcé de rendre cette
ville aux ennemis de la foi. Exdtés par ces discours, les chefs de l'ooi
oident prirent les armes pour résister aux ennemis de la cnûx, et à
l'approche du printemps on vit arriver en Hongrie le roi de Flandre ,
un grand nombre d'Anglais, les plus grands de la France et beaucoup
d'Italiens. A l'approche de la canicule , ils campèrent sur la rive du
Danube, ayant avec eux le craie de Hongrie, Sigismond, qui était en
même temps empereur des Romains. Ayant passé le Danube devant
Nicopoli , ils se préparèrent à combattre avec courage contre Biga*
zet,
«c Bajazet fut bientôt informé que les hommes de Foccidfnt avalent
levé une armée, et il se hAta de i*assembler ses troupes de l'orient et
de l'occident et y réunit celles qui formaient le siège de Gonstantino-
ple. Marchant vers l'occident il traversa PhilippopoHs et s'approcha des
hautes montagnes qui dominent les marais pi*ès de Sophia. C'est lA
qu'il s'arrêta et les attendit. Le lendemain, les Chrétiens s'avancèrent
en bataille, en présence de l'armée des Turcs. Ils formèrent la tortue,
brisèrent du premier choc le milieu de la phalange ennemie et oom-
battirent avec la plus grande vigueur. Ils pénétrèrent enfin jusqu'aux
dernières lignes et massacrèrent tout ce qu'ils rencontrèrent. Se réu-
nissant de nouveau en masse serrée, ils se conduisirent avec tant de
vigueur que les frondeurs et les archers turcs ne purent avoir aucune
prise sur eux.
« Dès que ceux de Flandre aperçurent que l'avantage était de leor
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HOTis. 419
eôté et qae les Turcs prenaient la fiiite, ib lee ponnniTirent en oen-
rant. Après avoir passé les retranchemens des Tares et ensanglanté le
champ de bataille, ils retournèrent à leurs retranchemens. Les Turcs ,
de la garde de Bajazet , qui prennent le nom de Porte comme s*ils
étaient les portes du palais de la cour, tous salariés et. de diflérentes
tribas, au nombre de plus de dix mille, cachés dans une embûche
pour n*étre pas tus, se concertèrent et attaquèrent les chrétiens en
poussant de grands cris ; et après les avoir entourés et en être venus
aux mains avec eux , ils massacrèrent les uns et mirent les antres en
fuite.
« Les hommes de Flandre, ayant vu les Hongrois s'enfuir et les
Turcs les poursuivre en poussant de grands cris , prirent eux-mêmes
la fuite. Tout §coup d'autres ennemis, avec des cris retentissans et au
bruit de leurs trompettes, tombèrent sur les Francs, chassèrent les uns,
démontèrent les autres et tuèrent ceux qui voulaient résister. Ils pour-
suivirent ainsi les fuyards jusqu'au Danube, dans lequel plusieurs se
précipitèrent et se noyèrent. Parmi les chefs chrétiens ils firent
prisonniers le duc de Flandre et de Bourgogne et d'autres Français ,
ainsi que de très-illustres barons, que Bajazet envoya à Brousse, oii il
les fit enfermer. 11 les rendit ensuite , après avoir reçu beaucoup
d'argent et pris pour caution le prince de Mételin , fils de Francisco
Oateluzzo. »
Jean de Thwrocz, historien hongrois , donne quelques détails de
plus :
« Rébus Turcorum in dies augescentibus, regeLodovico vitafùncto ,
habenisqiie Hungaricis in Sigismundum i*egem devolutis, Pasaithes et
ipse Csesar Turcorum, pâtre Amurate, peracri ingenio , non minus
idoneus, et in tentandis rébus arduis magis audax, brevi spatio tem-
poris, Thraciam universam, Tbessaliamque ac Macedoniam, Phoci-
dem, Bosotiam et Atticam, tum vi, tum deditione capiens, sui dominii
fecit. Mises quoque , quos nos Bulgaros vogamus, régis Sigismundi
sub ditione constitutos, armis infestis aggressus est. Ad hune Paaai-
them rex sues caduceatores misisse , utque ab invadendo régno sibi
juris vigore attinente , desisteret , eidem intimasse , illum ver6 per
occasionem, intérim, donec iota Bulgariœ terra potitus est, relationem
distttlisse , tandem, diversitatnm armorum , framearum puta ac cly-
peorum, nec non pharetrarum, quibus Tnrci in hostes utuntur, singu*
los per parietes unius domus ^ appendi fecisse, introductisque regiis
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4â0
ROTES.
eaduceatoribuB, ad illôs dixisse, fertur : « Revertimini ad regem ▼estram
a et dicite illi quoniam et ego terram ad banc , ut videtis , jna habeo
« sufiiciens.» Pariterque et illis in parietibus pendentia manuostendit
arma. Haec res Sigismundi régis animum non parum ulcisoendi in
timorem excitavit. Quapropter ani regni decimo , Dominica autem
Incarnationia mccoxcvi anno, commota unirersa sai principataB armo-
ram virtute, ÎDgentem conflavit exercitum. In quam qoidem regiam
expeditionem tam grandem , dux Burgundisa, inter alîaa nationea, ae
Francoram sive Galloram populus, arma non paaca , fortiaque vire-
ram bellatorum agmina advexerant. Quorum nobilitatis armomm
insignia Budse in claustro Saneti-Nlcolai confeasoris erga Fratres
Prœdicatorum tabulis arte pictoria inscripta ac parietibus aflixa
meos usque ad annos pi*o memorîa stetere. Mota igiturrex Sigismon-
dus tam grandi sui exercitus congregatione, Danubium transivit ; et
nedum Turcorum timeret Cœsarem, verum quidam ipsnm dixisse
feront : ce Quid metnendus est nobis homo ? Vastum si cœlorum super
« nos pondus rueret, ipsi illud nostris, qnas gerimus hastis, ne lasdere-
« mur, sustentare possemus.» Regno tandem Rascise crudelifurore^in
magna rerum direptione, horribilitatisque strepitu nimio, pertransito,
Bulgariœ venit ad oras ; indô oppidis Oriszo et Bidinio , aliisque pai^
tium earumdem munitionlbus nonnullis , Turcorum quas tntabator
beliicoïa manns, non sine sui et suorum multa sanguinis effasione «
expugnatis, ad ultimum, ea ipsius anni œstate, cum vites suos fruetus
dulciores cultoribus reddebant, cîrca festum videlîcet sancti Michaelis
Archangeli^ in campo castri majoris Nîcopolis sua castra fixit. Turci
vevo crebrius de Castro erumpentes, regium exercitum in se provoca-
bant , monnullosque vulnerantes , ssepius vuloerati redibant. CAsar
autem Tui*corum, quem nostri seniores Pasaythem supradictom nomi-
navere (Nicolaus autem Secundini, de famiiia et origine Tnrcorum
ad iEneam Senarum episcopum scribens, enmdem Ghalapinum fuisse
posuitj, dum regem, granii bellico cum apparatu , sua in dominia
pénétrasse audivit, non minus omne gentis su» robur in arma coud-
tavit, et in forti suorum manu regise obsistere expeditiont conatns,
appropinquabat. Galli retx> sive Franci, advenientis hostisfama pulsati,
regem adeuntes , et eu m belli prîmitias, quœ majori fervere soient
atrocitate , illis in se accipere , ut annueret, rogatum effecere. Dum
igitur Csesar ipse, frementibus undique suis agminibus, magnam vim
paganorum secum trahens regiis opponi castris vîsus est, mox
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HOTES. 4Si
Pranei, pr«cipiend» pugn» iasolanti cupidilate capti, prluaquam
univerB» regalM oopi», iastractis ex ordine aciebtts , Bignis eoUatia ,
pnsliaxii inirent, e castris prosilientea et précipites ab equis, ut
eoknm moria est, pedites certaturl, descendentea, contraiiaa irruerunt
intarmaa. Diro itaque bello hoatea intetmtrosque vigente , cum Huo*
gari, aellatoa Francorao^ equos, curaa tranaverao, regia petere castra
conspîciant (nondam enim iiloram bellandi usus ipsis notas erat), illos
omnino hostilem per maniim extinctos fore credentes, graves disso-»
lati in tumultus, castra pariter et bellica relinquentes ingénia , campo
undiqne fusi, hostibas acriter icsistentibas, in fugam conveHuntor.
Strages fit mazima : multi cecidere de Hiingaris, et xnulti captivitaté
affecti ; et niai îpae rez , navis ministerio , sibi adinvenisset salutem,
non cœlo , relu^ elatoa princeps dixisse fertur, sed hoatis armis ibi-
dem obrutus fuisset. »
Le récit fort intéressant d*an témoin oculairo de ces désastres a
été conservé en Allemagne ; je le résumerai d*aprés Tédition qui en a
été donnée à Munich en 1813.
Jean Schiltberger quitta la Bavière en 1394 avec son maître Lien-
bard Reichertinger pour aller servir sous les ordres de roi de Hon-
grie , et ne rentra dans son pays qu'en 1427. 11 déclare qu'il n^avait
pas eu le loisir d'étudier les letti*es. Ses malheurs et ses souffrances
suffisaient pour imprimer un vif intérêt au travail où il les retraçait.
' Les cit>iBés traversèrent les Portes -de- Fer. Un corps composé de
troii cents chevaux et d'hommes de pied se dirigea vers la capitale des
Bulgares, ici nommée Baden, ou Pudem (Widin) qui ouvrit ses portes
sans résistance. Une autre ville assiégée pendant cinq jours fut
livrée au pi liage. De U Tarmée chrétienne s'avança vers Nicopoli qu'on
assiégea pendant six jours. Cependant Bajazet s'approchait avec deux
cent mille hommes. Le roi de Hongrie qui n'en avait pas plus de soix-
ante mille aous ses ordres , se porta à la distance d'un mille alle-
mand au devant des infidèles et chargea le vaiovode des Yalaques
d*aUer les reconnaître. Celui-ci rapporta que les Turcs avaient formé
leur avant-garde de deux corps , chacun de dix mille hommes, qui ,
marchaient séparément. L9 vaiovode des Yalaques se préparait à les.
attaquer lorsque le comte de Nevers réclama cet honneur. En vain le
roi de Hongrie lui représentait- il que les siens connaissaient mieux
la manière de combattre des Turcs. Le comte de Nevers se porta
en avant et fit reculer les dttux premiers corps qu'il rencontra ; mais
il trouva, en combattant le troisième, une résistance si vive qu'il
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4â MOTBS.
fîit rëdait à recaler. La retraite était devenue inpotsible, et la plupart
des chevaliers avaient perdu leurs chevaux. Bientôt le comte de
Nevert fut fait prisonnier. Sigismond continuait Taillamment la lutte
quand le despote de Syrie amena à Bajazet un renfort de cinquante
mille hommes. Le roi de Hongrie vit tomber sa bannière , et le bur*
grave de Nurenberg Tentralna hors du champ du combat jusqu'à une
galère qui le conduisit à Constantinople.Dès ce moment, la fuite devint
générale, et les chrétiens se précipitèi*ent en désordre vers le Danube
oti on grand nombre trouva la mort.
Bajazet vainqueur fit amener devant lui les chrétiens prisonniers.
A la vue du carnage des siens, il jura d*en prendre une terrible ven-
geance , et pour qu^elle fût plus complète , il voulut que le comte de
Nevers en fût le témoin. Il consentit toutefois è épargner douze che-
valiers français. Schiltberger attaché avec les mêmes liens que trois
de ses compagnons allait périr comme eux, lorsque le fils de Bigazet
remarqua qu*il n'avait pas vingt ans et obtint sa grAce. Le massacre
dura depuis le matin jusqu'à quatre heures de Taprès-midi ; enfin
Bajazet, à la prière des principaux cheft de son armée, consentit à
épargner ceux qui n'avaient pas encore été frappés par le glaive. Dix
mille prisoxiniers avaient péri.
Les prisonniers qui avaient été épargnés, furent conduits dans la
grande ville d*Andrinople où Ton comptait cinquante mille maisons, et
j passèrent quinze jours ; puis on les mena à Oaliipoli, où les Tares
franchisaient habituellement le Bosphore en se rendant d*Asie en Eu-
rope. Le comte de Nevers j resta pendant deux mois enfermé dans one
tonr. Ce fut alors que le roi de Hongrie traversa le Bosphore au milieu
des insultes des Turcs qui lui criaient : « Venez délivrer nos
« prisonniers. »
Cependant Bigazet avait passé la Save et brûlé Pettau (Peter-
Waradin?) où il avait fjùt seize mille prisonniers qui furent conduits
les uns en Asie, les autres en Grèce où ils formèrent des colonies. En-
suite il se rendit à Oallipoli et à Brousse où il fit amener les captifr
de Nicopoli. Brousse , capitale de Tempire de Bijazet, possédait trois
cents palais et deux cent mille maisons. Celle qui fut assignée pour
demeure au comte de Nevers, se trouvait à côté du palais habité par
Bajazet. Quant au pauvre Schiltberger, il fut pendant six ans Ton des
coureurs de Bajazet, puis il passa encore six années à son service, et
par un étrange revers de la fortune il partagea son sort en tombant
plus tard «utre les mains de Tamerlan .
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MOTBS. 42S
Lts docaments mentionaés ci-aprôs n*eiiAteut plus aux archives du
Lille. Force mVst de me borner à en reproduire l'analyse :
« 1396 , 22 fétriir, à Dijon, — Lettre d'A. Pasté, clerc, à Jean
Canard, évéqne d'Arras et chancelier du duc de Bourgogne, par laquelle
il lui envoie la copie du pouvoir de feu messire Nicolas de Fonteno^i
gouverneur-général des finances, et en réponse à une lettre qu*il lui
avoit écrite le 22 janvier pour s*informer des offices vacans en Bour-
gogne et en Nivemois et des personnes qui étoient mortes dans le
voyage de Hongrie , lui mande que Ton en nomme plusieurs, savoir :
Henri du Sanvement , bailly' d'Amont au comté de Bourgogne ; Jean
de Germigny , bailly d'Ostan ; Guillaume de Lugny, capitaine de
Brancion ; Damar de Bnxeuil , capitaine de Liénara ; Gauvignon de
Semur, capitaine du château de Doudain ; Estienne de Monseaogeon,
capitaine de Poligny ; Jean de Gray, concierge de Thôtel d'Artois à
Paris ; Michelet Hodierne ; Enguerrammet de Houlfort , chAtelain de
Monbar , mais qu*il n'y a rien de ceriain.
« 1396, 16 mart^ à Dijon. — Les gens des comptes à Dijon man-
dent à Jean Canari , évdque d^Arras et chancelier dn dac de Bour-
gogne , et lui envoient les noms des personnes qui étoient allées en
Hofngrie, auxquelles il étoit dû des pensions, qa*il avoit fait demander
par maître Jean de Sauls , et que le duc de Bourgogne avoit aussi
ûdt demander par Pierre de Montbertaut , trésorier et gonvemeor de
sea finances , mais que Ton ne sait par si ces personnes vivent encore.
liste des noms des personnes qui sont allées en Hongrie :
« Jean Sauvegrain , dit Normendel , qui tient Vemon ;
« Jean de Gray tenoit la Conciergerie de Thôtel d* Artois à Paris ;
« Messire Bertaut de Chartres tenoit Saint-Mérs ;
« Damas de Buxenl tenoit la capitainerie de Liénais ;
« Gouvignon tenoit la capitainerie de Doudain en Charolois ;
« Henri du Sanvement étoit bailly d'amont au comté de Bourgogne;
« Etienne de Germigny étoit bailly d'Ostnn ;
« Anguerrammet de Houlfort étoit châtelain de Montbar ;
« Michelet Hodierne , maître de la Chambre aux deniers, et par
avant clerc des comptes, â VII* VI^ tournois de gages par jonr ;
« GieiTroy Guindot , châtelain d'A vallon ;
« Etienne de Montsaugeon, capitaine de Poligny ;
« Messire Philippe de Mnssy , capitaine de Juilly ;
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424. ROTES.
. « Mâssire Hélyon de Neiliac , capitaine de Dontj » d*Aatrain et de
Saint-Sauvear en Puisoje ;
« Quillaume de Lugny , capitaine de Brancion ;
« Louis d*Aynne , capitaine de Montréal ,
« Claax de Bahagnon, capitaine de Disiae. »
Quelques seiçneurs sont exceptés du massacre des Cnn$és (pp.
323-330). — La Chronique de Boueiquaut comparé restermination
des prisonniers chrétiens au massacre des Innocents. Bouciqaant
déponillé de ses Tdtements allait être mis à mort lorsque le comte de
Nevei*s joignant les mains en signe de supplication obtint sa grâce de
Bi^azet.
On peut comparer au récit de Froissart celni du Religieux de Saisi*
Denis : « Dieu! 8*écrie-t-il , tes jugements sont un abSme. Tuaaappe-
« santi ta main sur ton peuple ; tu aa choisi Bajaset pour instrument
« de ta vengeance. Puisse ce châtiment tourner à la gloire des chré-
« tiens ! »
Jq vénal des Ursins assigne à la résolution de Bigazet d'épargner le
oomte de Nevers, un motif assex étrange : « Et disoit-on communôment
« qu*ily eut un Sarrasin, devin ou sorcier, qui dist qu*on le sauvaat et
« qu'il estoittailiié de faire mourir plus de chrestiens que le Basae, ne
« tous ceux de leur loy ne sçauroient faire. »
La chronique de Berne se borne à rapporter que le massacre des
prisonniers eut lieu devant la tente de B^jazet et que le sire de Helly
fut sauvé par un émir turc.
D*aprè3 le Religieux de Saint-Denis, trois mille chrétiens forent
égorgés par Tordre de Bc^jazet. Cent-vingt hommes d^armes bretons se
trouTgiient à NioopoU ; il n'en revint que trois.
Juvénal des Ursins rapporte que comme on avait dépouillé le aire de
Coucy de ses vêtements , un nianteau le couvrit : « d*où il vint, on pe
« sçait. 3»
Nonioia de là se trouvait Trinovi , cette résidence du roi bulgare
Joannice où un priuce également venu de Flandre , l'empereur Ban-
douin de Constantinople, avait terminé par un cruel supplice Taven-
tureuse croisade qui avait fait de lui le aucceaseur dea Conmène sur
le trône de Constantinople.
Eustache Deschamps dans une pièce de vers où il rappelle d^abord
la désolation de Rachel ; termine ainsi :
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NOTES. 4S5
Ayons tuit Bonvenance
Ans priaonniers que tient Ba«ach boub lame,
Dea mors aussi pour garder no créance :
De chascun d'eulx ait Dieu mercj de Pâme !
Ailleurs , il s*ëorie en rappelant de récents souvenirs :
Las ! où sont les haulx instrumena ,
Les draps d'or , les robes de soye ,
Les grans destriers , les paremens ,
Les jousteurs qu'à veoir souloie ,
Lee dames que dancer veoie
Dés la nuit jusques au cler jour ?
Las ! où est d^orgueil le séjour ?
Je ne voy que tristesce et plour. >
.Indépendanmient des croisés épargnés pai* Bajazet, il y en ent
plusieurs & qui les Turcs laissèrent la vie parce qu*ils en espéraient
d'importantes rançons.
Ltz iébrù de l'armée chrétienne traversent V Allemagne (pp. 330-
332.) — Au commencement du mois de décembre 1396 les premières
ni^uyelles de la déroute de Nicopoli furent apportées en France par
deux Talets du comte d*Eu.
Le 7 décembre 1396, le duc de Bourgogne, alarmé par ces bruits,
chargea son écuyer Jean de Neuville et son valet dé'chambre Pieterken
Vande Walle de se rendre à Venise pour y recueillir des nouvelles sur
ce qui s'était passé en Turquie.
Le même jour , le roi de France envoya également à Venise Guil-
laume de TAigue , Jean Picquet , écuyer , et Jean de Reims , Tun de
ses valets de chambre. Ils étaient chargés d'une lettre pour le doge
de Venise ou le roi le priait de transmettre le plus promptement
possible à Paris les renseignements qull aurait reçus sur les mal-
heurs des Croisés et le sort du comte de Nevers.
Le 8 décembre le duc de Bourgogne écrivit lui-mâme à ce sujet au
doge.
Deux jours après, le duc d'Orléans adressa au doge d'autres lettres
où il écrivait que l'on n'avait recueilli à Paria que des bruits vagues et
que l'on attendait impatiemment quelques nouvelles certaines.
Ces diverses lettres sont mentionnées dans des document&.conservés à
XY. — FR01S8ART. 28
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4â6 NOTES.
Venise , comme me rapprend nne obligeante commnnication de M. de
Maa-Latrie.
Un servitenr de Henri de Bar, nommé Geoffroy de Saint-Marc» se
rendit aussi à Venise pour sUnformer de Tétat de son mattre.
Jacques de Helly arriw à Paris (pp. 332-337). — Le doc de Bour-
gogne nomma le sire de Helly son chambellan et lui donna deux cents
francs de rente. Faut-il ajouter que ce héros des ayentureuses chevau-
chées d'Orient fut plus tard Tinstioiment complaisant de toutes les
violences du parti bourguignon , à ce point qu'on Taccusa en 141 1
d'avoir fait piller Tabbaye de Saint-Denis ?
Les sires de Helly ou Heilly étaient issus de la maison de Créquy par
Philippe de Créquy qui, après avoir épousé Aélis de Heilly , prit ce
nom et le transmit à ses descendants.
Le roi de France fit célébrer un service solennel À Notre-Dame de
Paris : les cloches sonnèrent dans toutes les églises, et les sanglots
des assistants se mâlèi*ent aux prières du clergé. (Chronig^ue de Bond-
quant,)
La date donnée par Froissart à Tarrivée du sire de Helly parait fort
exacte.
Le 23 décembre 1396 , le duc de Bar, alors à Bar-Ie-duc, écrivit au
doge de Venise qu*il avait appris la captivité de Henri de Bar , mais
qu'il ignorait encore ce qu'était devenu Philippe, un autre de ses fils.
Il le priait de lui faire connaître ce qu'il aurait appris et de s'inter-
poser pour le rachat de son fils prisonnier.
Le 31 décembre suivant, la dame de Coùcy écrivit de son côté au
doge pour qu'il s'employât À abréger la captivité de son mari.
Jacques de Eelly retourne en Turquie (pp. 337, 338). — 11 paraît
que deux mois auparavant le sire de Châteauinorant avait reçu
du duc de Bourgogne une semblable mission déjà justifiée par
les inquiétudes qui se répandaient. En effet , par une charte du i
5 novembre 1396 , donnée à Calais le lendemain de son mariage, i
Richard II recommanda à toos les princes alliés de TAngleterre
Jean de Château morant, chambellan du roi de France, et Pierre
Dertluot , secrétaire du duc de Bourgogne.
Jean de Châteaumorant, Jean de Vergy et Gilbert de Leeuwer-
ghem partirent avec Jacques de Helly le 20 janvier 1396 (v. st.).
Ils emmenaient avec eux vingt^uatre valets pour conduire les chevaux
et les chiens, et dix fauconniers chargés du soin des faucons.
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NOTES. 437
PrétenU destinés à Bajaut (pp. 338, 330.) ^ Le compte de Pien^e
dé Montbertaot indique, parmi les présents» des selles à arçons d'ivoire,
couTertes d'étoffes précienses fixées par des clous d'or , où Ton voyait
aux quatre coins de grosses roses d*or pendantes. Les trousses étaient
en broderie d'or de Chypre semée de pierreries. Les mors étaient d'or
fin.
£e roi de Hongrie rentre dans ses^États (pp. 339, 340.)— Le roi de
Hongrie, recueilli sur la flotte vénitienne, se dirigea vers le Bosphore.
Quand il passa devant Gallipoli, les Turcs rangèrent leurs prisonniers
sur le rivage et crièrent an roi de Hongrie de les racheter de la cap-
tivité. — Sigismond s'arrêta à Rhodes avant de rentrer dans ses
États en passant par la Dalmatie.
Les prisonniers chrétiens sont envoyés à Brousse (pp. 340-343). —
La chronique de Berne fait remarquer que Brousse , prison du comte
de Nevers , n'est pas loin de Nicomédie , prison d'Annibâl.
Jacgines de Helly se rend près de Bajaset (pp. 343-348). — La
seigneurie de Mételin ou Mytiléne (Lesbos) avait été conquise en 1333
par Dominique Cataneo. En 1355, elle avait passé à François Gate-
luzzo. Nous reviendrons dans le volume suivant sur les seigneurs de
Mételin à la fin du XIV« siècle.
Quelle est cette cité de Pébly où Jacques de Helly trouva Btijazet t
Peut-être faut-il lire : Boly. Cette ville située à soixante lieues au
delà de Brousse est la capitale d'une province turque.
Ze roi de Hongrie s'oppose à l'envoi des présents à Bajaut (pp. 348-
352). — Pendant longtemps les sultans s'enorgueillirent des orne-
ments de leurs palais, qui rappelaient l'humiliation des princes chré-
tiens.
Quelques années plus tard, des marchands rapportèrent à Vienne de
magnifiques tapisseries achetées à Constantinople. On en trouve la
description dans le ms. 1 193 , f. fr. de la Bibliothèque nationale de
Paris.
laduckesse d'Orléans est accusée d'avoir empoisonné le roi{^]p^ 352-
355). — Charles VI ne reconnaissait dans sa folie que la duchesse d'Or-
léans ; il voulait la voir tous les jours, et, lorsqu'elle était absente, il
appelait à grands cris sa sœur bien-aimée. Pour quelques-uns cette
influence ne s'expUquait que par des maléfices, et, d'après les conseils
du maréchal de Sancerre, la duchesse d'Orléans se vit réduite à quit-
ter Paris. (Religieux de Saint-Denis.)
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428 NOTES.
La rameur relative à L'attentat de la duchesse d^Orféans iitigé
contre un enfant du roi et dont son propre enfant aurait ^té victime,
est reproduite dans un passage du discours de Jean Petit, qu'un chro-
niqueur bourguignon rësume en ces termes : « La ducesse d*0rlëans ,
fille à Galliace, estoit ung jour au jardin de Tostel de Saint-Pol, où à
celle heure avoit grand plenté de nobles signeurs, dames, demoiselles et
enffans grands et petis de si^eurs et de dames. La ditte ducesse
d'Orléans tint une pomme belle et vermeille ; sy dist à ung enfiant
qu elle trouva en sa voie : « Mon enffant, porte ceste pomme au dan-
« phin de Vienne quy illec s'esbat. » L'en fiant prist la pomme, qay
moult en fu joieux, mais, ainssj comme il s'en aloit, il rencontra la
nourrice à la meisme dame et duchesse, laquelle avoit à son col Tenf-
faut au duc Lojs d'Orléans, laquelle demanda prestement au dit
enfiant la pomme, et il luj bailla , et sy test qu'elle le tint, l'enffimt
le prist , quy moult le dôsiroit, et au plus tost qu'il le tint, le mist à
sa bouche et mordy tan tost dedens, mais si tost qu'il senty la sayeur,
il s*estendy et tourna les yeulx tout tremblant. I«a nourrice le mist à
terre et s'escria si hault que pluiseurs y affuyrent, et mesmement y
arriva la ditte ducesse , laquelle, quand elle perchutque son enffant
se moroit et recongnut la pomme, elle chéy k terre comme pasmée, et
an relever s'écria en hault : « Vray Dieux, que tu es juste ! Comment
ce tu scès bien tes gens payer. »
L'enfant désigné dans cette rumeur populaire ne peut être que
Charles d'Orléans né vers le 15 novembre 1394 et inhuma le 27 sep-
tembre 1 395. Il naquit et mourut à l'hôtel Saint-Pol.
Hors de France, en Flandre notamment on considérait la démence
de Charles VI comme la punition de l'appui qu'il donnait au pi^
d'Avignon.
L'université de Paris venait d'adi*esser à Benoit XIII et aux cardi-
naux réunis autour de lui, de nouvelles lettres pour l'union de 'rËgliae.
Ce qui suit, est tiré de la chronique de Berne :
4 Cardinalis de Luna de Arragonia oriundus, qui de Francia vix en-
riam remearat, Beuedictus vocatus est hoc nomine XIII»*. Quod quam-
primum ad prsedict» Universitatis Paiîsiensis pervenit notitiam cardi-
nales in suam electionem convenisse, tali pacto quod jùravit cedere
pro unione Ecclesiœ quotienscumque coUegio dominorum cardinalium
vel majori parti eorum videretur expedire, confestim suas dîrexît lit-
teras pnefato papse Benedicto et cardinalibus super dîctam unionem
sanctse Dei Ecdesi» et in hanc formam : v
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ROTIS. 429
« Qtuunqaftm, pater sanctiiBime , dnm ad nos perlata fait romani
« pontificis vacatio , zelo pads Ecclesise ferventissime succensi, quam
« super alia quoqnea nobis desiderata restitatam conspioere impensins
a sempervoptaTimof, dominis cardinalibus, ut snam electionem cele-
« brare aliquantisper differrent, humili oordialique affectu supplica-
« Tissemus , hoc pacto posse multo faciJius leviusque rem tantopere
« qoMsitam obtineri, altéra expagnandorum et validiori parte devin-
« eentiam (?) medio subducta, sîmulque veriti ne qaod, non nunquam
« nt assolet in talibos, avida interveniret aliunde capiditas , sic quod
« non modo spes omnis scismatis eradicandi intercepta escideret,
« vemm insuper radices rursum altius agere inciperet, postquam
« tamen indnbie comperimus prsBfatos dominos nostros cardinales in
a yestram electionem pari et consona voce unanimique consensu
« convenisse, SanctoquidemSpiritu^ ut credimu8,interveniente, ingens
« animis n<>stris betitia, yoxque gratnlatîonis ezorta est, sperantibus
« uniyersis sanctum illud propositum flagransque desiderium unitatis
« Ecdesiœorthodoxse qnod vestris in prœcordiis indesinenter hucusque
« gessistis, gerereque vos avidius speramns etcredimus, nunc tandem
a nacto tempore opportnno facultateque de Gœlo exhibita, debere
« patefieri ac in medinm produci. Nunc ergo , pater Bénédicte, ut
« vos vestro nomine alloqnamur, pater, inquam, Bénédicte in quem
M onmia secula jugiter benedicent, sacratissimam illam volnntatem
« tanto tempore conceptam parturite, opère exequamini, quod tamdiu
te in^ndistis , etc. »
« Circa vero ânem hujus epistolœ sic scriptum erat :
« Si vero in hoc opère ad exitum perducendo nostri moduli parvitas
« conferroaut subvenire Vestrse Beatitndini aliquantulum valeret, nichil
« est quod recosemus. Ad quaeque prorsns onera subeunda, quSB cervi-
« eibus nostris imponere jam dicta Beatitudo dignabitur, promptissimi
« sumus. Id modo prœcipiatJs quid per nos agi velitis, et nos certe
« faciemuà t^ nostram sedulitatem simulque fidelitatem in ea re
« experiamini. Quam ob causam snpplicamus humiliter , uti nostrum
fc coUegium jmmo vestrum, si in oculis vestris ulla gratia digxymi est,
« hoc honore et mnnere dignemini ut démenti» vestrse littéral sua*
« vissimas vestrse benedictionis coUatrices et voluntatis indices
« mereamur,quantocius commoditas affaerit,accipero. Id enim magnsa
« gratiœ appd Vestram Sanctitatem indicium et magni pignus amoris
A habebimns ; et vestri beneplaciti oognita intentione nos eidem con-
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450 MOTKS.
« formarainageadiseDitemur.De iUiusconcordi» tnrbatdris, ne aliad
a in eumdicamas.exeqaendapugnitioneysicat Testrum praedeceasorem
« monaimas, ita tempore conginio vos monere intendimns. Sed, ne toi
<c aimai agendis Beatitadinem Vestram oneremua, inprseaena aupersede-
« mua. Veatro, pateraanctiasime, ingreaaai Spiritaa Sanctua aapiret,
« progreaaoi comea aaait, feliciqae egresau voa aaaiatat. Amen. »
La lettre aux cardinaux était conçue en ces termea :
a Reverendiaaimi patrea, acribimua domino noatro aummo pontifici
« auper unioAem aanctœ Dei Eccleaiss in hanc formam : Quamquam ,
« etc. Propterea, reverendiaaimi patrea, toti veatro sacro collegio et vea-
« trum unicuique omnibua cordia viribua, omnique humilitate aupplica-
« mua, quod in hujua rei maturando initio, nam in maturato opua eat,
« in promotione quoque apud eumdem dominum, in onmi deniqne
« proaecutione atque agitatione pro ae quîaque partea auaa laudabili
« aoUicitudine intermiacere atudeat, ipai inauper domino quem valde
« ad boc affici ipai meliua noatîa, ipaumque, aient credimua, obinde
« elegiatia, in ope , patrocinio, conailio, aubaidio ceteriaque generibua
« auxilii univerai adeaae, ut quod aalutiferse veatras electionia titnlo
fc exordium acceperit, proapero per Toe ipaoa qui apiritualea eatia,
« potiua quam per terrenam poteatatem conaumetur effectu ; in quo et
« noatram operam, ai ulliua momenti eat in veatro conapectaf sulla-
« tenua defuturam confidite. Nobia autem qui vobia jam tertio auper
« hac re acribimua, aliquid tandem responaum, aupplicamua, remitta-
ce tia. Valete, patrea metuendiaaimi, et ita militantem Jbemaalem
a quam in bumeria vebitia, cogitate. »
La aantë dn roi de France était expoaée à dea criaea fréquentée qui
raffaibliaaaient de plua en plua.
En 1395, Gbarlea VI avait chaaaéaon médecin Renaud Freron qui
a^était réfugié à Cambray, et bientôt aa folie redoubla ; il prétendait
qu'il n*était plua roi et voulait quitter Fhôtel de Saint-Pol dont on
mura lea portée. II courait de aalle en aalle, effaçant lea flenra de lya
et prétendant que aea armea étaient un lion percé d'une épée. II diaait
qn*il aStait lui-même dana aon oorpa le fer de aea ennemia. (Religieux
de Saint-Denia.)
Le I*** janvier 1395(v.a.), une proceaaion parcourut lea ruea de Paria
pour implorer du ciel la g^ériaon du roi. On n'en avait point vu de ai
aolenneile depuia Tan 1239 aoua le régne de aaint Louia.
La même proceaaion eut lieu dana toutes lea villea du royaume.
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NOTES. 43f
Le 19 janvier 1395 (y. st.), on publia à Tournay dons les principales
raes de la ville les lettres closes snivantes adressées par la reine de
France à l'ëvâque de Tonrn&y :
« Ysabiel, par la grâce de Oiea, rojne de France. Révérend Pore en
Dien, par la délibération et advis deplasienrs du sang et li^aig^de mon- ^
seignear et de son grant conseil, et aussi d'aucunes dévotes personnes^
a esté ordonné que , pour la bonne santé et prospérité de mondit sei-
gneur , soient faites iij processions générales , la première à un jour
de joedi en Thonneur et révérence du Saint-Esprit , la seconde à un
jour de vendredi en la ramenbranche de la passion de Nostre-Sei-
gneur Jésns-Christ , la tiei*ce à un jour de sabmedi en Thonneur et
révérence de la glorieuse Vierge Marie » et que le peuple soit amo- .
nestédejuner au jour que Ton fera ladite procession et de aler à
ioelle nus pies ou en langes on en autre manière , cascun selon sa
dévotion. Sy vous prions et requérons , le plus acertes que plus pou-
vons , que les dites iij pourcessions vous ordonés et fachiés faire et en
partout vostre diocèse , en la manière que dit est , le plus briefment
que vous pourés , et en ce n*ait ancun deffaut , si chier que vous avés
le bien de mondit seigneur et faire nostre plaisir. Nostre -Seigneur
soit garde de vous. Escript au bois de Vinchennes le ^« jour de jan*
vier (Archives de Toumap). »
En cet état de choses, les oncles du roi se préoccupaient vivement
de la part d'influence qui leur serait réservée lejonr où ils auraient
à exercer le gouvernement du royaume.
J'emprunte aux archives de Lille les documents suivants relatifs
an testament de Charles VI et à. Torganisation d'une régence si le roi
de France succombait au mal dont il était atteint.
Mémoire secrète pour le roy^ touchant la tutèle de monseigneur le
dalphin, le ffouvernement du royaume, etc.
Pour la tutèle.
« Soit vene la tutèle donnée par le roy Gharle à ses enfans.
a Quelle prérogative auroit le principal tuteur ?
<c II samble que le principal tuteur ne puisse faire aucune chose
sans tous les autres.
« Il n^est pas exprimé le pooir de instituer officiers, ne de lever les
aides es terres qui seront ballies ans tuteurs, ne aussi des confiscations
et fourfaitures.
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452 HOTES.
a Et n'est faite aucane mention dea mXiebles du roy et de la tojim ;
c< Se ila pourront faire rémissions ;
tt Quid des ëglises cathédraus[et de fondation royal assises es terres
ballies ans tuteurs ?
c( Soit avisé quelles pensions prend rçnt les tuteurs.
Le testament :
a A Saint-Denis G livres de rente pour les obis du roy et de laroyne.
« Paler les testamens des roys et i*oynes trespassés.
a IIII^ LXXIII livres à la Sainte-Chapelle pour la fondation dea heures.
fc A Saint- Julien du Mans X"^ û*ans.
« Aus ëglides de fondation royal X"* frans.
« Pour fonder V chappelains à Rosebec II« L livres de rente.
« Plusieurs grosses sommes de don.
« Monseigneur d'Orliens n*est point ordonnés pour la garde des
muebles.
a II samble, par la principale clause, que les revenues du royaume
doivent estre gardées au profit de leur ainsné , et que ainsi soit
ordonné par autres lettres, dont il n'appert point, et samble qu'elles
appartiennent à monseigneur d^Orliens.
« Le roy ne baille pas la possession de ses biens es mains de ses
exécuteurs pour son testament acomplir.
a Que à la garde des meubles soit a^joustée la royne, et que Tun ne
puit riens faire sans trois des antres, qu'il soient enfermés sous quatre
clés qui seront gai*dées par la royne et nos trois seigneui*s.
a Item, que la royne ait un des testamens par original, nos sei-
gneurs les ondes un, et qu'il en ait un en Parlement.
Aus lettres du goutemement dn royaume :
« Il samble par une clause, qui est ou milieu, que monseigneur d*Or-
liens ne l'ait pas juré, et par ses lettres appert que si a. Soluiio fer
datas.
« S'il a fait le serment et ballié ses lettres, riens n*i puet estre mué
sans s#n consentement et qu'il face serment nouvel, qui porroit estre
rupture de tout le fait.
« Aucune mention n'y est faite des aides, fors par le mot : extraar^
dinaires.
tt Se monseigneur d'Orliens moi*oit ou qu'il ne vousist pas accepter
le gonvemement, il n'est pas desdairié qui l'auroit ;
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485
« Ne wMÏi 8« le roj chéoit en longue maladie.
« Il n^estpas exprimé qae monseigneur d'Orliena doie païer lee
charges.
« Des terres qui demeurent au régent , soit destrait le douaire.
« Soit avisé du conseil, quant monseigneur le dalphin sera entré ou
Xim« an.
ce Acte de la création d'officiers et mutation.
Lettres du serment de monseigneur d'Orliens.
u II n'est pas exprimé qu'il ait à lire les lettres du gouTemement du
royaume.
« Se^ès la tntèle, gouvernement etc. aucunes corrections sont ûdtes,
les lettres seront de date subséquent le serment, par quoi monsei-
gneur d'Orliens n'en seroit pas lyôs, et si faudroit rappeler les tes-
moins nommés es lettres du testament et du gouvernement, et si
afferme monseigneur d'Oriiens avoir veu les lettres de la loi et de la
tuteUe.
Douâtes communes.
a Pourquoi ne sont séelées les lettres de la tutelle et du gouverne-
mânt du royaume ?
« S'il y faut faire mutation, que ce soit pai* plus gi*ant conseil.
a Se la royne doit avoir aucuns biens muebles, se elle survivoit le
roy, et se elle doit riens paier des debtes.
« Monseigneur le chancelier doit tout savoir, et si le sauront mes-
seigneurs de Berri, de Bourbon et autres.
Memoraauta seripta XXVI septembre.
« Avis se les lettres du roy, conftrmatoires de la loy faite par le roy
son père, seront publiés en Parlement et enregistrées.
a Item, se la royne et nos seigneurs les oncles auront autant des let-
tres de la dicte loy et de celles de la tutoie.
De h tutelle.
ce Soit ponrvéu au cas, qui pôrroit advenir, que nos seigneurs lee
6ncle« soient trespassés ou empeschiés d'âge ou de maladie, et que
la royne seroit remariée ou empeschiée, que lors Lois de Bavière
demourroit seul en la tutelle, qui ne seroit pas convenable, ne souffert.
«c Soit àdjoustée une danse général pour les chastiaus et forteresses
des cités, villes, vlscontés, balliages et pals compris eu la tutéle.
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434 MOTkss.
* •
ce Acte des terres que madame la Royne Blaache tient, en Normandie,
en douaire.
« Item collation de bénéfices.
« Item les hommages. Au mot : à cause defiess de lumbert, etc, «oit
adjousté : ou autrement, pour comprendre les autres fiés.
« Après le mot : ordinaires et extraordinaires qui est en une imti'e
clause, soit adjousté : et les aides qui auront cours pour quelque
nécessité que ce soit.
« Que ceus qui seront ordonnés conseillers des tuteurs, soient aa
conseil' des autres besengnes du royaume.
<c Que les seigneurs du sanc du ro y et autres grans du rojaame
facent serment de garder toutes ces ordonnances et en séelent lettres.
In alio folio,
tt Soita^jousté que les uteurs porront instituer tous officiers et que
les receveur renderont compte pardevant ceus que les tuteurs
ordonneront.
« Que ils aient toutes foarfaitures et confiscations, pour quelconques
cas que ce soit, tant crisme de lèse-majesté comme autre.
« Se Ten exprimera rémission de crimes, légitimations, anoblisse-
mens, etc.
« Des terres ballies ans tuteurs soient destraites les terres ballies à
la rpyne pour douaire.
II
Pour la loy.
a Mémoire que les lettres de la loy soient regiitrées en Parlement.
« Soit avisé qui gouverneroit le Dalphinô et le vicariat durant la
minorité , quar la loj ne s'i puet extendre.
La tutèle,
et Nos seigneurs facent le serment contenu es lettres de la tutèle et
en baillent leurs lettres.
ce Pour ce qu'il est dit es lettres de la tutelle que la rojne est la prin-
cipale , et , après elle , autres par ordre , soit avisé et pourveu quelle
prérogative aura le principal tuteur et s'il faudra que à toutes beson-
gpaes expédier tous les tuteurs soient présens.
a Es dites lettres est contenu, en deux clauses, que , pour le goViver-
nement des enfans et estât de la ro^ne et des tuteurs, leur sont
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Non». 435
balli^ la nfconté de Paris, le balliage de Senlis , etc., & parfaire
etc., soit avisé quels estas la i-oyne et nos seigneurs prendront ; car, se
ils y Toloient prendre tonte leur despense, les dites terres nesoaflroient
pas, et si a la rojne un douaire.
« Le douaire de la royne est assigné en aucunes des terres ordonnées
ponr la tutèle. Si devroit estre déclairié que ledit douaire demonrast
entier à la royne, non obstant la tutoie.
' « Item, quant à la dnché de Normandie, qui est ballié pour la tutelle,
est dit : ainsi que le roy la tient à frètent on tendra an temps de san
décès ; si soit avisé pour le douaire de la Royne Blanche, qui porroit
estre estaint après le décès du roy.
« 11 est contenu en la clause des terres pour la tutèle : Umtes rete-
nues ordinaires et extraordinaires : sisoit déclairié se les impositions
et autres aides y sont comprins.
« Qui donra les bénéfices qui vaqueront en régale ; qui aura la con-
gnoissance des églises cathédrana et de fondation roIal,et se le régent
porra imposer aides nouvelles.
Le testament.
« La royne devroit estre exécuteresse et ordonnée avecques les
autres à la garde des jolaus et muebles , et que inventaire en soit
fait.
«c Soit apronvée la tutèle pour le testament comme sont la loy et le
douaire.
Pour le douaire.
« Soit déclairié es lettres que la royne prendra franchement son
douaire , tel que assigné lui est, es terres ordonnées ponr la tutèle
et ailleurs.
Pour la régence.
« Les lettres ne font aucune mention du dalphin. Si soit avisé s'il en
sera parlé : car , si non , il samble entendu que c*est en pals de droit
escript qu'il demourra en gouvernement de^ tuteura. «
Item, du vicariat.
a II est expédient que le régent ait autant de toutes les lettres, et
aussi la royne et les tuteurs. »
On trouve en marge ces lignes barrées : « Soit avisé de quoi seront
faites les funéralles et les lois païés, atendu que tous les mnebles doi-
vent estre mis en garde. »
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456 Nons.
III.
Mémoire.
« Premièrement, que, pour la garde et gouvernement de l*eiiftat,
soit ponrven de bonnet et eaiges et souffisane personnes. Per tutarêi.
a Secondement, que bonne provision soit mise à la seignearie. Ad
regetUem.
« Tiercement, aux biens et jojanz qui lui doivent appartenir. P$r
testamentum,
« Et pour ce que nosgrans seigneurs sont souvent essoiniés et occu-
pés, que aucuns bons de mendre estât feosaent chargiés de mettre
diligence, et le ramentevoir à nos seigneurs , et lesquels par leur
ordonnance, feussent avec Tenâmt. Ad tutores,
a Item, que la dame feust ordonnée ou testament, avec les autres,
pour garder les joyaux et antres biens appertenans à Teniant, et que
Tun n*en peust rien prendre sans Tautre, et que ils feussent mis en
lien seur. Eofpedit.
a Item, que son douaire feust bien ordonné, et télement qu*il feust à
part, hoi*s du gouvernement et hors de la provision de Tenfant.
Declaretur.
a Item, que sur tout feussent faictes bonnes lettres, et feussent
publiées, et que ceulx qui doivent jurer, jurassent et baillassent leurs
lettres.
tt Item, que la dame eust vers elle et en sa garde les dites lettres
ou copie telle qui vaulsist, pour s'en aidier quant besoing lui seroit,
que jà n*aviengne. RationU est. »
{Baillié pur Barhery à monseigneur à Sûint-Aumer vers la fin
d;<umstIIlI"'etXVI.)
Négociations pour la rançon du comte de Nevers (pp. 354-357).—
Le comte de Nevers chargea le maréchal Bouciquaut et le seigneur de
la Trémouilie de traiter de sa rançon avec Bajazet, mais celui-ci ne
voiiiut point les écouter ; il se borna à leur accorder un sauf-conduit
afin qu'ils pussent se rendre près des seigneurs chrétiens de rArehi-
pel. Le seigneur de la Trémouilie se dirigea vers Rhodes et j mourut.
Bouciquaut plus heureux obtint du seigneur de, Mételin un prêt de
trente mille francs qui vint fort à point aux prisonniers. Peu à peu
Bajazet s'adoucit. Après leur avoir demandé une rançon d'un million
de francs, il se contenta dotent cinquante mille francs, exigeant qu'ilf
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NOTES. 4S7
JnrasMiit de ne plas porter les armes poor le combattre. (Chronique
de Boueiquaut.)
Ce fut à cette 4poqae quele dac de Bourgogne nomma Dino Rapondi
son conseiller et son maître d'hôtel en lui faisant don de trois mille
francs d*or. Dino Rapondi habitait Bruges. Il s'y trouvait en 1369 quand
il prêta de Targent au duc de Bourgogne^ aprôs ses noces avec Mar-
guerite de Maie, et y mourut en 1414. Il eut sa chapelle à Saint-
Donat, et son épitaphe rappelait ses dignitiés : Sapiens et pmdens vir
Dj/nas de Rwpondis , mercat&r^ oriundus de Lnca, illusMum Phi"
lij9pi et Johannis Bvrgnndia ducum et Flandria camitum contiliariMS
et maçister hospitiû
En 1399, Dino Rapondi vendit au duc de Bourgogne un Tite-Live
et une Bible enluminés de lettres d*or, d'histoires et d'images.
Guibert de Mets (et non de Metz) cite parmi les beaux hôtels de
Paris celui de Digne Responde en la Vielle-Monnoie.
Les Rapondi portaient d'azur à dix gerbes d'or : allusion, aisée à
comprendre^ à Tabondance de leurs richesses et à l'éclat de leur
fortune.
le sire d'Esne se rend en Turquie (pp. 357, 358). — Ce fut le duc
d'Orléans qui envoia^Robert d'Esne, chevalier, en Lombardie et ailleurs
pour la délivrance de Henri de Bar et du sire de Coucy, prisonniers
au pouvoir des Turcs.
Les sires d'Esne s'étaient signalés dans la première croisade. Plus
tard la seigneurie d'Esne passa à la maison de Landàs. Robert d'Esne,
seigneur de Beauvoir, avait épousé la dame de Béthencourt. Son fils
Jean périt à la bataille d'Azincourt.
Le sire de Châteaumorant poursuit son voyage (pp. 358-360). —
Le comte de Nevers montrait une grande impatience de sortir d^jw
captivité de Turquie. Loin de chercher plus tard à venger sa défaite
sur les infidèles , il devait se livrer tout entier aux sombres intrigues
des factions qui déchiraient la France.
nu DES NOTES.
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RELATION
DB LA
CROISADE DE NICOPOLI
Par an servitear de Gai de Blois.
(PREMIÈRE PARTIE)
Deux manuscrits , Ynn dans la bibliothèque du duc d*Aren-
berg , Tautre dans celle de lord Ashburnham , nous ont con-
servé une relation de la croisade de Nicopoli , écrite diaprés
Proissart par un anonyme qui nous apprend qu*il fut a le petit
« serviteur » de Oui de Blois.
n nous a paru intéressant de publier à la fin de ce volume
et du volume suivant à la suite des récits de Froissart cette
narration qui les reproduit en j ajoutant quelques variantes.
En ce temps escripvy le roy de Honguerie et flst sçavoir par
ses lettres moult bénignement et trôs-amiablement au roy de
France Testât et affaire du roy Basaach dit TAmourath-Baby,
qui estoit ung prince turcq moult puissant et qui pour lors per-
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440 REUTlOlf
sécutoit moult fort la saincte chrestienté , lesquelles lettres ledit
roj de Honguerie envoya par sa notable ambassade , assavoir
ung évesque et deux notables chevaliers, au roj de France, qui
contenoient entre aultres choses comment ledit Amourath se van-
toit (et défait il Tavoit ainsi mandé au roj de Honguerie), que il
le viendroit combatre au milieu de son rojalme et descenderoit
si avant qull viendroit jusques & Romme et illec feroit mengier
à son cheval avaine sur le grant autel Sainct-Pierre, et tiendroit
illec son siège impérial et amenroit en sa compagnie Tempereur
de Coastantinoble et tous les plus grans barons de Tempire de
Grdoe« mais il tiendroit chascun en sa loy , car il ne dësiroît
fors en avoir le nom, le tiltre et seigneurie : pour quoj le roj de
Honguerie requéroit au roj de France que aux emprises et
deslo jales vantises dudit Amourath il se voulsist endiner et les
prendre & cœur pour le bien et deffense de la saincte chrestienneté
et les faire publier et manifester par tout son rojaulme et
ailleurs 1& où il lui sambleroit convenable et nécessaire, afin
que tous nobles chevaliers , esouiers et aultres se voulsissent
esmouvoir et estre prest sus la saison pour aller au sainct voiage
de Honguerie et eulx emploier à la résistence et reboutement
dudit roj Basaach dit TAmourath-Bahi et des aultres ennemis
de la foj catholicque. Et luj rescripvi aussi plusieurs aultres
belles remonstrances touchans les dits affaires, en très-grande
affection , bénignité et amour , ainsi que tels ro js et grans
princes et parens sont accoustumés de rescripre Tun par Tautre,
en tel cas de nécessité. Et aussi les dits ambassadeurs de Hon-
guerie , lesquels estoient gens très-notables , suffisans et bien
enlangagiés, s*acquitèrent moult bien de remonstrer au roj de
France et ailleurs là où il appartenoit , iceulx grans et haulx
affaires, et tant que le roj s*i enclina et prinst Taffaire moult
fort à cœur, tellement que le mariage dentre sa fllie et le roj
d*Engleterr8 s'en approucha plustost et valj grandement de
mieolx , affin de plus seurement estre son rojaulme entretenu
en paix ; car, comme roj de France qui est chief de tous les
ro ja ehrestiens , il vouloit remédier et pourveoir & la nécessité
de ce grant affaire.
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DK LA CROISABB. 441
Lors forent les nouvelles de ces lettres tantost publiées et
manifestées en pluiseurs lieux et pluiseurs pais , pour esmou-
Yoir les coeurs des nobles hommes , cheyaliers, escuiers et aul-
très» qui désiroient à voiagier et à acroistre leur honneur.
Quant ces nouvelles furent premières apportées au roy, le duc
et la ducesse de Bourgongne et Jehan leur fils aisné, pour lors
conte de Nevers , qui encores n'estoit chevalier , estoient À
Paris , et samblablement messire Guy et messire Guillame de la
TrémouUe, frôres , Jehan de Vienne, admirai, et pluiseurs aul-
tres barons et chevaliers de France. Dont fut advisé (et par
espécial le duc de Bourgongne estoit moult désirant en ce) que
Jehan , son fils, entreprist ce sainct voyage , et désiroit bien
qu'il fust chief de Tarmée de France et des nations de pardechà.
Icellui Jehan de Bourgongne estoit lors jeune en Teage de envi-
ron XXII ans , assés sage , courtois , admiable , humble et
débonnaire, et si estoit amé de tous chevalière et escuiers qui
avoient congnoîssance de lui, et a voit pour lors à moulUer la
fille du duc Aubert de Bavière , conte de Haynau , de Hol-
lande et de Zélande, qui moult bonne et dévote dame estoit , et
avoient jà deux enffans , par lesquels Ion esp^roit grans
mariages pour le temps advenir.
On commencha à touchier audit Jehan de Bourgongne de ce
Toiage pour scavoir quel semblant il en feroit, en luy remons-
trant comment le roy avoit volonté de y envoler & la prière et
contemplation du roy de Hongucrie. A quoy ledit de Bour*
gongnerespondy, disant : « Seplaisoit à monseigneur le roy et&
« monseigneur mon père , je iroie moult volontiers audit suiact
a volage et vouldroie bien que ils me voulsissent baillier la
« charge et me faire chief de la compaignie, tt je m'y condui-
« roie tellement , à Taide de Dieu et par le conseil des sages,
« que nous et toute la chrestienneté y aurions honneur et prouf-
a fit ; car j'ay grantdjsirde moy advanchier et de accroistre
« mon honneur. » Sur quoy luy fust respondu : a Monseigneur, ,
a puisque vous avés coste bonne et honnourable volonté , il
« seroit bon que premier vous en parliés à monseigneur le duc .
XY. — VROISSAKT. 29
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442 RBLATION
« Yostre père et sachiés se il vouldroit que entrepresisiës ce
« voiage ; car , comme voua sçavés assés , sans luy et sans son
« ordonnance vous ne poés rien faire, et, se le tous conseille
« et accorde , il en parlera au roj. »
Ne demoura guôres aprôs que , sur cest advis et information,
Jehan deBourgongne parla au duc son père en lu j suppliant hum-
blement que luj Youlsist consentir et accorder qu'il peust aller
en ce saînct vojage de Honguerie , en luy remonstrant la très-
grande volonté qu*il en avoit. A laquelle requeste du fils au père
estoient présens messire Guy et messire GuiUame de la Tré-
moille , messire Jaques de Vergy et aultres chevaliers, qui se
boutèrent es paroles et dirent au duc : a Certes , monseigneur,
a ceste requeste que vous fait Jehan monseigneur vostre fils,
(c est honorable et raisonnable mesmément , attendu qu'il est
« jeune prince et qu'il n'est point encores chevalier ; et toutefois
a il est bien temps qu'il en prende l'ordre, et plus honorablement
cr ne le peut prendre que sur les ennemis de Dieu , nostre créa*
« teur, et de sa saincte foy catholique. Et d'aultre part, ou cas
« que le roy y voeulle envoler, il n'y peut envoler plus honorable
a chief que monseigneur vostre fils, qui est son cousin germain,
a Et, se ainsi le fait, vous verres et trouvères que moult de nobles
« chevaliers et escuiers se metteront au voiage soubs luy et en
« sa compaignie pour exaucier et accroistre leur honneur. » A
ces paroles le duc respondy : « Vous dittes bien, et sommes bien
« joyeux de la bonne volonté de nostre fils , et en parlerons à
« monseigneur le roy et sçaurons de luy sa volonté en ceste
« partie. » Et & tant s'apaisèrent ; mais ne demoura guères
après que le duc de Bourgongne en parla au roy. Et quant le
roy sceut la bonne et honorable volonté de Jehan de Bour-
gongne , il le print en moult grant gré et s'enclina incontinent à
sa requeste. Et dist : « En vérité , bel oncle , Jehan vostre fils
a et nostre cousin montre bien qu'il est de nostre sang, quant
« ainsi il désire & soy advanchier en honneur, dont luy sçavons
« grant gré ; et, puisqu'il a ^este bonne volonté, nous luy accor-
« dons ou nom de Dieu, et volons qu'il voist au saînct voyage, et
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DE LA GEOISADI. 443
f le fidflons ehief et conducteur de ceste besongne et de nosrtre
« armée. » Lors les nouvelles s'espandirent dedens et dehors la cité
de Paris que Jehan de Bourgongne estoit, de par le roj, estably
chief des nobles sâgneurs, cheyaliers et escuiers , et de la grant
armée qu'il vouloit enyoier en Honguerie et d'illec passer oultre
en la Turquie pour combatre la puissance du roy Basaach dit
TAmourath-Bahj.Et après ce voyage accompli et achevé, il avoit
ordonnance de tourner son armée oultre le Bras-Sainct-Qeorge
et entrer en Surie, pour acquiter et délivrer la Saincte-Terre et
la cité de Jhérusalem hors des mains des mescréans, ennemis de
la saincte foy catholique. Lors s*esmurent chevaliers et escuiers
du royaulme de France qui désiroient & eulx advanchier.
Et d'aultre part , quant le duc de Bourgongne sentit que Jehan
do Bourgongne , son fils, estoit ordonné chief et qu*il avoit la
charge générale de ceste notable compaignie » il recueUa et
honoura trop plus grandement Fambassade de Honguerie que il
navoit encores fait paravant : lesquels ambassadeurs , quant
ils virent la bonne volonté du roy et des seigneurs fimnchois,
ils furent moult contons et joyeulx , et prinrent lors congié du
roy et puis après du duc d'Orléans , du duc de Bourgongne , du
conte d*Eu , connestable , du conte de la Marche et de tous les
aultres seigneurs, barons et chevaliers de France, et s*en retour-
nèrent devers leur païs de Honguerie , et raportèrent au i^oy ,
leur seigneur, les nouvelles de ce qu'ils avoient besongnié en
France et comment Jehan , fils aisné du duc de Bourgongne»
estoit estably chief de tous les aultres grans seigneurs , cheva-
liers et escuiers etdetouteFarmée de France, pour aller en Hon-
guerie au service de Nostre-Seigneur, & rencontre des infidèles,
à Testé prochain et pour résister aux menasses et paroles inju-
rieuses dudit Amourath-Bahy. Et quant le roy entendy qu'ils
avoient si bien besongnié , il en fut moult joyeulx. Et sur ce
incontinent ilfist de grafides préparatores et envoya ses messa-
giers et ambassades devers l'Empereur , son frère , et aussi
devers le duc d'Autrice , son cousin:, etpluîseurs aultres grans
princes d'Âlemaigne, par où les Fï*anchois dévoient passer^ eulx
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444 RSLATIOll
aigniâer leur venue, affin qu'ils tenissent les passages ôarers, et
aussi que partout sur leurs chemins il leur feust administré
des vivres et de toutes leurs aultres nécessités. En oultre le roj
de Honguerie fist aussi signifier , par ses lettres , ces nouvelles
au grant maistre de Pruce et de Rodes , afSn que sur ce ils
eussent advis et qu*ils feussent pourveus contre la venue dudit
Jehan de Bourgongne et des Franchois.
Au temps que les nouvelles de ce vojage estoient en si grant
brujt, le sire de Coucy estoit nouvellement retourné & Paris
d'un voyage où il a voit esté près d'un an sur les frontières de
la rivière de Gennes , pour le duc d'Orléans , lequel avoit esté
informé par aucuns puissans seigneurs genevois que ceulx de la
terre et duché de Gennes désiroient à avoir ung chief & seigneur
venu et issu de la noble couronne de France ; et pour ce que icel-
luy duc d^Orléans avoit pour loi:s à espeuse la fille du duc de
Millan , ceste terre de Gennes luy estoit très-bien séant. A
celle instance , le sire de Coucy et avec luj trois cens lances et
chincq cens arbalestriers estoient par consentement dudit duc de
Millan passé oultre en Savoie et en Pieumont et descendu
aval desoubs une cité qui s'appelle Alexandrie et d'illec venu
sur les frontières des Genevois pour traittier, selon l'instruction
et charge que luj en avoit fait ledit duc d'Orléans, avecque
lesdits seigneurs genevois par amiable voie ; car, par force ,
s il n'avoit plus grant puissance et alliance audit paîs de Gennes,
il n'y povoit rien faire , attendu que les entrées du pais sont
tant fortes qu elles ne sont point à con]uerre, quant ils les cloent
et y mettent résistence. Et , quant ledit sire de Coucy fut pre-
mier arrivé sur ladite rivière de Gennes , lesdits seigneurs
genevois par laquelle assistence et faveur il estoit illec venu
et qui ainsi avoient informé le duc d Orléans et son conseil , le
recueillirent doulcement et amiablement et le misrent en leur
paîs et luy ofii'irent leurs chasteaulx et leurs fortresses.'
Le sire de Cîoucy , qui estoit sage et soubtils et ung chevalier
moult ymaginatif et qui congnoissoit assésla nature des Lombars
et des Genevois, ne se voult point trop avant confier en eulx, ne
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DE LA CROISADE. 44S
en leurs promesses ; et toutesfois , tant qQ*il fut et conversa
avec éulx • il les tenoit sagement en amour et les savoit trop
bien entretenir en paroles, et eut pluiseurs fois parlemens et
tractemens avec eulx, et mains les trouroit affects à son intention,
combien quiis luy monstroient tous signes d amour et ]uy pro-
mettoient moult de choses ^ son avantage, et eussent bien volu
que feust descendu jusquesà la cité de Gennes ou au moins qu'il
fust venu jusques aux portes ; mais il ne 8*j osa oncques aven*
turer. Finablement la conclusion de son vojage fut telle que
rien n j exploita. Et quant il vej que il ne povoit riens exploi-
tier, combien que moult songneusement il rescripvoit son affaire
au duc d*Orlëans, il fut mandé, et par ainsi retourna à Paris et
vint sj & point que ces nouvelles et emprinses d'aller en Hon-
guerie estoient moult en bruit. Duquel retour le duc et la ducesse
de Bourgongne furent moult joyeulx, et le mandèrent venir vers
eulx en Tostel de Saînct-Pol & Paris , et luy dirent moult
amiablement : « Sire de Coucy , nous sommes bien jojeulx de
a vostre retour , et pour ce que nous avons parfaite confidence
*« en vous et en vostre grant sens» nous vous avons icy mandé,
« et vous volons déclarer ung petit d affaire que avons sus le
c cuer. Il est vrai qu*il a pieu à monseigneur le roj establir et
« ordonner Jehan, nostre ainsné fils , chief et gouverneur général
ff de son armée, laquelle il veult présentement envoler par delà en
a Honguerie contre les infidèles : pour quoj nous vous prions
tf chièrement et féablement que voeuUiés estre compaignon, con-
a sellier et gouverneur de nostre fils et de ses affaires en ce
« présent vojage, et vous nous ferés très-grant honneur et
« plaisir , dont nous nous réputerons à tousjours grandement
« estre tenu à vous, et le recongnoisterons devers vous et les
a vostres de tout nostre povoir. »
 ces paroles respondi le sire de Coucj : a Monseigneur, et
« vous, madame, vos belles paroles et prières me doivent bien
c estre commandement, et, puisqu il vous plaist ainsi, se plaist
« à Dieu, je iraj en ce vojage en deux manières : Tune si est
<f pour Thonneur et révérence de Dieu nostre benoist créateur et
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446 REUkTIOR
I
a poTir deffendre la sainctd chresiienté ; et FaoUre ai eet, pnisqnll
« TOUS plaist moj tant faire d*honnear qae de moj enchai^^ de
tt la personne de Jehan , Tostre fils , et de ses hanls afBedres, je
tt iray en sa compaignie et le serviraj dorant ledit Toyage à
« mon loial povoir le mieulx qa*il me sera possible de faire«
<f Mais , mes trôs-redpubtés seigneur et dame , se Tostre plai-
a sir estoit , tous me porriés bien tenir pour excusé de ceste
« grande charge , attendu que sçavés assés qu*il en y a , allant
« en ceste présente armée , plus nobles , plus sages et à ce
« plus jdones que moj. Et mesmement celle charge apparten-
tt roit mieulx & monseigneur PhiUppe d*Artois, conte d*Eu, qui
. a est connestable et cousin moult prochain à mondit seigneur
u vostre fils, ou k monseigneur le conte de la Marche , qui
m aussi est son cousin , et qui sont deux trôs-nobles et sages
« seigneurs, b
A quoj le duc de Bourgongne respondj et dist : « Sire, tous
« dittes très-bien ; mais nous congnoissons bien TOstre sens et
« TOstre grant conduite, et si sçaTons bien que tous aTés trop
4c plus Teu et scaTés mieulx conduire tels affaires que ne soau^'
« roient faire beau cousin d'Eu, ne de la Marche. Si tous prions
a de rechief que nous Teullés faire cest honneur que & nostre
« faTeur tous acceptés celle charge. » Lors le sire de Gouchj
respondi : « Mon trôs-redoubté seigneur , TOstre prière m*est
c commandement ; et, puisqu'il tous plaist, à Faide de Dieu et de
« messeigneurs messire Guy et messire Guillame de la Tré-
« moille et de monseigneur l'admirai et de messire Jehan de
c Vienne, je m*y emploieray et acceptela charge. » Et de ceste
responoe firent le duc et la ducesse moult grant joie.
Lors les seigneurs de France ordonnèrent leur affiiire moult
grandement et richement pour aller audit sainct Toyage, et
prioient leurs barons , cheTaliers, escuiers et amis , affln de les
esmouToir et d*aToir leur serTice et compagnie oudit Toiage. Et
aucuns aultres qui, sans semonce bu prière de nuls desdits sei-
gneurs, aToient désir et affection d*aller en icelluy Toyage ,
requéroient moult ledit conte d*Bu , connestable , le conte de la
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DE LA CROISADE. 44?
Marche , le seigneur de Coucsy et aultres, que ils les Youlsissent
recepvoir et entretenir en leur compagnie durant ledit voyage :
dont les aucuns d'eux furent retenus, et les aultres non, par
quoj iceulx non retenus, combien qu'ils eussent grant vouloir
et désir de accroistre leur honneur , ne osèrent entreprendre
plus avant ledit voiage , considérant qu'ils ne se sentoient point
assés fondés pour soustenir la grant despense que leur convien-
droit supporter à conduire leur affaire honorablement oudit
voiage. Si s'en déportèrent puisque point de retenue n'avoient.
En oultre sachiés que rien n'estoit espargnié pour Testât du
corps de Jehan de Bourgongne. Chevaulx, armes, tapisseries,
riches habillemens de drap d'or et de soje de diverses sortes,
vaisselle d'or et d'argent et tant d'aultres richesses luj estoient
habandonnées que sans nombre. Grandes sommes de deniers luy
furent délivrées et aux aultres seigneurs aussi oudit voiage pour
emploier et convertir ou paiement des marchans et ouvriers qui
avoient délivré et fais les ouvrages qui leur estoient nécessaires
pour ledit voyage.
Samblablement tous aultres barons , chevaliers et escuiers
dlans soubs et en la compaignie dudit Jehan de Bourgongne ,
s'efforchoient moult fort de eulxagensser, chascun en son endroit,
le plus richement et au mieulx que faire le po voient. D'aultre
part, monseigneur le conte d'Eu , connestable, se mist tant
richement en point que riens n'y estoit espargnié ; car il vouloit
aler audit voiage comme connestable de France. Aussi le roy
qui moult l'amoit, luy ûst en ce moult grant assistence ; et sam-
blablement assista messire Bouchicaut qui estoit mareschal de
France. D'autre part , le duc de Bourgongne considéroit que ce
voiage, à tout fumir, luy cousteroit une grande finance, et aussi
qu'il convenoit entretenir Testât de luy et de la ducesse son
espeuse et de Anthoine , son fils , sans rompre , ne amendrir.
Si advisa qu'il requerroit une aide aux estas de ses païs et sei-
gneuries, intitulée pour la première chevalerie de Jehan , son
fils aisné, laquelle luy fut accordée, de YI"^ escus d'or. Et fina-
blement fist requérir aux nobles chevaliers et dames, jeunes et
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448 BBLATIOR
yieulx, qui tenoient fiefs de lui, qu ils se vonlsissent emploxer et
aller oudit volage à leurs despens soubs et en la compagnie de
sondit fils, ou au mains qu'ils paiassent ung certain taux' et
somme de deniers d'or pour convertir en icelluy voiage, dont
aucuns anchiens chevaliers et dames qui n estoient disposés pour
aller oudit voiage , furent contons d eux composer et taxer
les ungs à V*" , les aultres & mille et les aultres H II™ , chascun
selon sa puissance et la valeur de son fief : laquelle composition
des anchiens nobles chevalier» et dames qui n*esloierit point dis-
posés d'aller audit voiage , monta & LX™ esous d or ; et les
aultres jeunes chevaliers et escuiers emprinrent ledit vovage &
aller soubs ledit Jehan , fils du duc de Bourgongne , en partie
à leurs despens et en partie aux despens du duc.
Les nouvelles de ce voyage s*espardirent partout » et, quant
elles furent sceues en Hajnault, chevaliers et escuiers qui
désiroient à voiager et & exaucier leurs personnes, en devisant
Fun à Faultre , disoient : a En vérité il seroit bienséant que
c monseigneur d'Ostrevant , qui est jeune prince et fils de
« monseigneur le duc Âubert de Bavière , conte de Haynau ,
c nostre prince , allast en la oompaignie de monseigneur le
« comte de Nevers, son beaufrôre, en ce sainct voyage, et seroit
c une compagnie belle et bonne d*eulx deux ensemble, et ne faul-
« drions point de les en ce compagnier et servir. »
Le conte d*Ostrevant, qui pour lors tenoit sa résidence en la
ville du Quesnoy, scavoit bien le propos desdits escuiers et che-
valiers, et n^enpensoit pas moins ; car il avoit grant désir d*aller
et accompaignîer sondit beau- frère de Bourgongne audit voyage.
Mais quant il en ooit parler, il en respondoit pou , ains dissi-
muloit sa volonté, et avoit bien intention de en parler & mondit
seigneur son père et de en faire par son ordonnance et conseil.
Or advint que ledit conte d*Ostrevant en briefs jours après
vint à la Haye où monseigneur son pore estoit , et se tenoit
illec le plus du temps avec la contesse, son espeuse ; si luy dist
une fois entre les aultres : « Monseigneur, il est vray que mon
t beau-frôre de Nevers a emprins sur cest esté aUer en Hon-
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DE LA CROISADE. 449
c gaerie, et avec luy telle puissance de gens de guerre que mon-
c seigneur le roy luy a baiilie à conduire et d^illec passer oui-
a tre et d aller en la Turquie combatre rAmourath-Bahj et la
a puissance des infidèles par delà. Et pour ce que je dësire à
a employer mon jeune temps à Tonneur de Dieu , nostre créa-
« teur, et à Texaltation et advanchement de ma personne en
a siéTant le^ haulx fais d'armes , je vous supplie que sur ce me
c yeuliiés dire vostre intention ; et, se vostre bon plaisir estoit
c de moj consentir aller oudit vojnge en la compagnie de
f mondit beau-frôre de Nevers et consentir mener avec moj
a cent chevaliers et escuiers seulr^ment de vostre pays de
c Hajnnau, qui volon'iers m*iiccompaigneroient oudit vojage ,
a en vérité il me semble que fériés bien, et vous en supplie très-
« humblement : et je m'y conduira j tellement que m'en sçaurés
a bon gré et que j*y acquerraj honneur. »
 ces paroles le duc Aubert respond j : « Guillame, beau
a fils, puisque tu as volonté d'aller voiagier et de siévir les
a armes en estrange païs sur gens qui oncques riens ne te mef-
0 firent, et n'y as nuls tiltres de raison, ains n*est que vaine
« glore, laisse donc Jehan de Bourgongne et nos aultres cousins
tf faire leur omprinse par eulx , et fais la tienne & par
c toy assavoir en Frise, et va conquester nostre droit héritage
c que les Frisons par leur orgnel et grande présumption nous
0 occupent et détiennent, et ne veullent venir â nulle obéis-
« sance ; et a ce faire je te assistera^, n A quoj le fils, quant il
ouj son pore ainsi parler, esleva moult fort son courage et dit :
a Monseigneur, vous dittes bien, et, ou cas que vostre plaisir
« soit et que en ce me veullés assister, je entreprenraj ledit
« vojage en Frise, à la répulsion et reboutement d'iceulx nos
« ennemis rebelles et désobéissans, et me emploraj à leur réduc-
« tion de tout mon povoir. »
Icy parlerons ung petit de Temprinse de Jehan de Bourgongne,
conte de Nevers, et des aultres seigneurs de France qui allèrent
en Honguerie. Quant le conte de Nevers et sa route, où moult
avoit de vaillans hommes de France et d*aultres pais furent
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450 RELATION
Tenus en Honguerie, ils trouvôrent le roj illec en one sienne
bonne grande cité nommée Bode , lequel les recuella moult bien
et grandement, ainsi que bien faire debvoit ; car ils estoient
venus si belle et si noble compagnie de si lointainnes marches,
pour le secourir contre ses ennemis» que debvoit bien estre tenu
à eulx. U advisa pour le mieulx, ainsque luj et lesdits seigneurs
de France se meissent aux champs, qu*il estoit nécessaire de
sçavoir de Testât et vraies nouvelles de TÂmourath-Babj et de
sa puissance. Lequel Amourath luy avoit mandé dès le mois de
febvrier qu'il feust certain que passeroit la Dunoe et entreroit
en son rojaulme à puissance avant Tyssue du moys de maj et
illec le viendroit combatre : dont aucuns avoient grant merveil-*
les de son voloir et leur sembloit bien, puisqu*il avoit oeste vo-
lonté, qull enferoit sa puissance ;car ils le congnoissoient homme
vaillant et de grande entreprinse et qui désiroit moult À siévir
les armes. Touttesfois le roj de Honguerie et les Wtres sei-
gneurs de France conclurent ensemble, ou cas que ledit Amou*
rath ne passeroit la Dunoe au lés de dechà en dedens ledit jour, .
ainsi qu*il avoit mandé qu*il feroit, que ils le passeroient eulz-mes-
mes au lés de dechà et entreroient en la Turquie avec toute
leur puissance ; car le roj et les estrangiers estoient bien assam*
blés cent mil vaillans hommes. Et en vérité ils estoient assés
pour confondre toute la puissance dudit Amorath^Bahy et pour
conquerre toute la Turquie juaques en Perse et aussj pour
cônquerre le rojaulme de Surie et la Saincte-Terre de Jhéru-
salem et la délivrer hors des mains du soldan et des ennemis de
la foy catholique, ainsi qu*ils avoient emprins, se ils se fussent
bien conduis. Et d'aultre part le roy de France et le roy d*En-
gleterre, qui par le traitié de mariage de la âUe du roy de France
au roy d*£ngleterre s'estoient réduis ensemble, avoient conclu
de, à Testé prochain, euls mettre sus à grant puissance de gens
d*armes et d'archiers et de vemr avec eulx conquerre la très-
saincte Terre, se Nostre-Seigneur leur en eust volu donner la
grâce.
Quant vint au mois may, on attendoit toujours Àoyr nouvel*
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DE LA CROISADE. 45i
les de rAmoQratb-Balij. Le roy ûst très-grant mandemeiit et
assamblée de gens d^armes par tout son rojaulme de Honguerie^
et envoya sus les passages de la rivière de la Dunoe, et mist
la plus grant partie de sa puissance ensamble. Et d*aultre part,
les seigneurs de Rodes vindrent & moult noble compagnie et
moult bien armés et habillés de toutes choses nécessaires & la
guerre. Tout ce mois de maj on attendit la Tenue, mais on.
n'en ost nulles nouvelles : pour quoy le roy fist aucuns de ses
jgens coureulx, congnoissans le pais, monter à cheyal et passer
la Bunoe pour enquérir 1& comment il estoitde rAmourath-Bahy.
Iceulx chevauceurs chevauchèrent bien avant en la Turquie;
mais ils ne trouvoient nuls qui leur en dist nulles certainnes
nouvelles , tant finablement qu'ils furent advertis que le dit
Âmorath et ses gens estoient encores de là le Bras-Sainct-Greorge
en la marche d'Alexandrie, de Damas et d*Antioche ; et lors
ils retournèrent en Honguerie devers le roj et luy disrent ce
qu'ils avoient trouvé. Et quant le roy ot entendu ses gens, il
dist aux seigneurs de France et aux aultres estrangiers com-
ment il avoit envoie aucuns de ses plus subtils chevaucheurs
en fait de guerre passer la rivière de la Dunoe sur la fron*
tière et bien avant en la Turquie, pour enquérir et sçavoir de
Testât et convent de TAmourath-Babj et des Sarrasins et
comment ils luj ont raporté qu'ils n'avoient point trouvé ledit
Amourath-Bahj faisant samblant de vol(Hr passer la Dunoe
pour entrer en Honguerie, ainsi qu'il avoit mandé qu'il feroit
avant le my-maj passe. Sur quoy le rojr demanda à chascun
d'eulx leur oppinion et conseil, et par espécial il s'adrecha pre-
mier aux barons de France, et, eulx sur ce conseilliés, le sei-
gneur de Coucy réspondj par adveu de tous et dist : « Sire,
tt nous avons parlé ensamble, et nous est advis, puisque ledit
tt Amourath et les aultres nos ennemis que avons icy desj& longe-
« ment attendu, ne se advanchent de venir, que nous les debvons
« aler quérir et cherchier, tant que les ayons trouvé là où il
« sont, et leur monstrer la cause pour quoy nous sommes icy
« venus et le désir que avons de confondre leur grant orgùel. n
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452 RELATION
A ces paroles s^acordôrent les Alemans, Behaignois et aultres
estrangiers qui illec estoi.^nt assamblés. Et lors le roj ordonna
et flst commandement & ses gens et mareschaulx que chascun
d eulx en son endroit feust prest pour partir et entrer sur les
ennemis aux octaves de la Sainct-Jehan-Baptiste , ainsi que
ce jour avoit esté prins entre eulx, et ainsi le firent. Chascun
préparoit ses affaires, et se montoient en point le plus richement
qulls po voient. Et d aultre part les Franchois se ordonnèrent
tant richement que rien n j estoit espargnié. Finablement
ils estoient tous tant richement en point que moult grant no*
blesse estoit a les veoir. Et quant lis se partirent de la dite cité
de Bode, qui est la souverainne du rojaulme de Honguerie, le
connestable de Honguerie ot lavant-garde, et avoit en sa corn-
paignie grant nombre de Hongres et d'Alemans, pour ce qu*il
oongnoissoient le pais et les passages. Aprôs lui aloient les Fran*
chois , assavoir messire Philippe d'Artois , connestable , le
conte de la Marche, le seigneur de Coucj, messire Henry et
messire Philippe de Bar et pluiseurs aultres. Et en le compai-
gnie du roj estoient les plus grans seigneurs de son pais , rai-
son estoit, et Jehan de Bourgongne luj estoit toujours à son
costé, et se devisoient ensemble. Ils se trouvèrent, quant ils
furent aux champs, bien LX*" hommes bons combatans & cheval,
et pou en y avoit à pié, sinon aucuns qui siôvoient le charroj.
Et y avoit entre les Hongres grande quantité d*arbalestrier8 A
cheval.
L^ost des chrestiens chemina tant qu*ils vindrent sus la rivière
de la Dunoe et passèrent tous & barges , & nefs et à pons, qui y
l\roient esté fais et ordonnés grant temps devant pour le pas*
sage , et mirent plus de VIII jours avant qulls fussent passés
tous oultre. Et à fait qu'ils estoient tous passés oultre , ils se
logoient en attendant lun lautre , laquelle rivière de la Dunoe,
comme vous povés sçavoir , départ les royaulmes de Honguerie
et de la Turquie.
Quant les chrestiens furent tous passés oultre ladite rivière
de la Dunoe et qu'ils se trouvèrent sus la frontière de la Tur-
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OB hk GROISADB. 4S3
quie , ils furent tous resjoîs» car ils désiroient moult de assam-
bler contre les Sarrazins. Ils orent advis et conseil ensemble et
conclurent que ils iroient assiégier illec en la Turquie une cité
qui estoit prochainne de eulx , nommée Cornette, et ainsi le
firent et Tadvironnôrent de toutes pars , ainsi qu'ils povoient
bien faire, car elle siet en plain païs , et au dehors queurt une
rivière portant navire, qui 8*apelle Mete, et vient de amont la
Turquie et s en va fërir assés près de la mer et entre en la
Dunoe. Geste rivière de la Dunoe est mervelleusement grosse et
a bien Iir lieues de cours de là où elle commence jusques 1& où
elle entre en la mer ; et seroît ladite rivière de la Dunoe la plus
profitable du monde pour le rojalma de Honguerie et pour les
aultres pais voisins, se la navire qu^elle porte, povoit entrer et issir
en la mer ; mais elle ne peult , car droit à Tentrée et à Tembou-
* chure de la mer , il j a en ladite rivière de la Dunoe une mon-
taigne qui fent Feaue en deux parties et moitiés et rent si grant
bruit que on Tôt bien bruire de Vil lieues loings, et, pour che ,
nulles navires n'y osent approchier.
Sur celle rivière de Mette, il j a tout contremont et contre-
val , ainsi qu elle court , moult belles praieries dont le pais est
moult bien aise et bien servi. Et j a daultre part grans vigno-
bles qui font en aucunes saisons bons vins, et les vendengent les
Turcs , et quant ils les ont vendengiés , ils les mettent en cuirs
de chièvres et les vendent aux chrestiens ; car , selon leur loy,
ils n*en pèvent, ne osent boire que on puisse sçavuir, car il leur
est deffendu sur la vie. Mes ils menguent bien les roisins et ont
moult bons i'ruis et espices , dont ils font espéciaulx bruvages ,
et usent entre eulx à boire grant foison do let de chiôvre qui
les ral'reschit et refroide contre la chaleur du temps. Le roj de
Honguerie et tout lost se logèrent tout à leur aise devant celle
cité sans nul empeschement ; car illec n estoit nulle nouvelle de
rAmourdth-Bahj,nede personne de par lu/.
Quant ils vindrent devant celle cité , ils trouvèrent les fruis
tous meurs, qui leur fust grant doulceur. PC os gens firent à celle
dté de Comète pluiseurs assaulx ; mais ceuix de dedens la gar-
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454 RBLAnON
durant et deffendirent moult bien , car ils avoient toujours
espoir qae TAmourath , leur seigneur , les viendroit secourir et
lever le siège ; mais il leur failli : dont la cité fut par force de
siège et d'assault prinse et destruite , et y ot grant ocdsion
d*ommes , de femmes et d'effans , car les chrestiens qui dedeus
estoient entrés, n*en avoient nulle pitié. Quant la cité de la
Comète fut prinse , ainsi que vous avés 07 , le roj et tout Tost
des chrestiens se deslogôrent d'illec et entrèrent plus avant en
la Turquie en intention de aller .assègier une aultre grande
forte cité qui 8*apelle Nicolpolj. Mais, avant qu'ils y parvenis-
sent, ils trouvèrent en leur chemin une ville appellée La Quare ,
et illec 8*arrestèrent et 7 furent XV jours , avant qu'ils en
peussent venir & chief ; mais finablement ils le conquirent par
force d'assault, et fut toute destruite. Et puis passèrent oultre
et trouvèrent encore une aultre ville et fort chastel appelle *
Brehappe en Turquie. Et en estoit seigneur ung chevalier turc,
qui pour lors estoit dedens à grant compagnie de gens.
Le roj et ses gens se logèrent à une lieue près de la ville »
pour che que illec 7 avoit une bonne rivière , et devant la dite
ville de Brehape n en 7 aroit point. Et le conte de Nevers ,
lequel le ro7 de Honguerie avoit fait chevalier incontinent qu'il
entra en la Turquie , leva banière, et furent fais avec IU7 plus
de Iir chevaliers , print son chemin, et avec IU7 le conte d'Eu,
le conte de la Marche, le sire de C0UC7 , messire Boudcault, le
seigneur de Sampi, messire Regnault de Ro7e, messire Henry
et messire Philippe du Bar , frères , et tous les aultres Fran-
ohois qui estoient bien mille chevaliers , et allèrent assiéger
ladite ville de Brehappe et le prindrent de fait et de force en
dedens le IIIP jour ; mais ils ne peurent arvoir le chastel» car
il estoit trop fort. Le sire de Brehappe , lequel avoit nom ,
comme il me semble, Gorbadas , sauva moult de gens par la
force dudit chastel. Icellui Gorbadas estoit vaillant homme et
avoit trcns frères , dont le premier avoit nom Maladins » le
second Baladins, et le tiers Ruffln.
Depuis la prinse de ladite ville de Brehiq^ , les ohrestieaa
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DE LA CROISADB. 455
furent VU jours devant ledit chastel et lui livrèrent aucuns
assaulx ; mais plus y perdirent que ils n'y gaignèrent. Et les
ini frôres turcs , tous chevaliers » monstrèrent bien par leur
deffense qu'ils estoient vaillans hommes. Et quant nos seigneurs
orrent bien avisé et ymaginé la force du chastel et comment
ceulx de dedens se deffendoient vaillaument quant on les assal-
loit , ils se deslogèrent dlllec, car ils veoient bien qu'ils y
perdoient leur paine. Et d*autre part le roy de Honguerie leur
avoit mandé qu*il vouloit aller mettre le siège devant ladite dté
de Nicopoly, et par ainsy ils levèrent le siège dudît chastel de
Brehappe et le laissèrent pour ceste fois à ceulx qui estoient
dedens ; mais la ville fut toute arse et destruite. Et se retrai-
reilt le conte de Nevers et les aultres seigneurs de France en
l'ost du roy de Honguerie, et s'ordonnèrent avec les Hongres
pour aller assiégier ladite cité de Nicopoly.
Quant Corbadas veit que les chrestiens levoient le siège de
son chastel de Brehappe et qu'il sceut qu'ils alloient assiégier
ladite cité de Nicopoli , il en fust tout resjoy et dist : a Je ne
tt les doubte plus pour ceste saison, et combien qu'ils aient brûlé
» et exillié ma ville de Brehappe , je le recouveray et réédiflie-
« ray bien cy-après , car j'ay bon espoir et bonne volunté de
« me vengier et recouvrer mes pertes sur eulx. Mais je m'es-
« merveille moult que nous n'avons nulles nouvelles de nostre
« sire le roy Basaach dit l'Amourath-Bahy ; car , quant demie*
« rement je parlay & lui en la cité de Popoly en Turquie, il me
« dit qu'il avoit intention de estre en ces contrées dès l'entrée de
« may, et estoit sur ce tout délibéré de passer le Bras-Sainct-
« George et d'entrer en Honguerie ; mais il n'en a riens fait ,
« par quoy icelluy roy de Honguerie, avec les Pranchois et les
« aultres estrangiers qui présentement le sont venus assister,
« ont passé la Dunoe et se sont efforchiés et eflbrcent de jour en
« jour d'entrer en nostre terre et destruire le pais , et encore
« plus feront se aultre résistence n'y est mise ; car ils sont
a grant puissance, et si sont de^à entré bien avant, et, comme
« j'entends, ils ont intention d'assiégier la cité de Nicopoly ,
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436 RfiLATlON
« laquelle est forte assés pour tenir contre leur puissance une
« grande espasse de temps , mais qu*elle soit bien garnie et
tt deffendue. Et au regard de moj , je m'y emploraj avec mes
« trois frôres comme tenus y sommes , attendu mesmement que
« nous sommes lignage bien prochain à monseigneur le roj
a Basaach , et, pour ce faire, moy et Maladins , mon frôre,
« irons et entrerons en ladite cité de Nicopolj , pour garder et
« assister au peuple et pour la garder et deffendre. Balachins,
a mon aultre frère, demourra en cestui chastel de firehappe ,
« pour le garder et deffendre ; et RufSn , mon frère mainsné ,
a passera le Brach-Sainct-George et cherchera tant qu il aura
« trouvé TAmourath, et Tadvertira de tout ce qull est advenu et
« des affaires qu'avons p^rdechà, en luy remonstrant tellement
« que luy-mesme viengne en personne si puissant comme pour
tt^ garder son honneur et son héritage et pour rebouter ses
a ennemis hors de sa terre , ou sinon il seroit en péril de per-
tt dre tout son païs et le royaulme d'Arménie qu'il a nouvelle-
« ment cont^uis ; car le roj de Honguerie , Içs Franchois et les
« aultres estrangiers sont très-grant puissance et trôs-vaillans
« hommes entrés en sa terre et fort esmeus à rencontre de
« luy. »
 Tordonnance dudit Corbadas obéirent ses trois frôres, et
8*apareillèrent pour faire et accomplir tout ce qu il âvoit ordonné.
Et lors le siège fut mis devant ladite cité de Nicopoly et moult
bien ordonné, et estoient assavoir bien cent mille chrestiens.
Le roy de Honguerie et les aultres chrestiens asségôrent
celle saison ladite cité de Nicopoly, en laquelle Corbadas de
Brehappe et son fcère se boutèrent , dont le peuple fut moult
resjoïs. Balachins demeura audit Brehappe pour garder le
chastel, et Ruffin se m'ist de nuit à chemin pour escapper Tost
des chrestiens, et passa oultre le Bras-Sainct-George pour cher-
cher et oyr nouvelles du roy Basaach.
Il est vrai que le roy Basaach estoit 4ors allé au Quaire,
devers le soldan de Babilolne, et le trouva illec ledit Turc. £t
quant le roy Basaach 1 apperceu, il en fut moult esmerveillés.
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DB LA CROISADE. 457
pensant qa*il convenoit qu*îl j eust de grans affaires en Turquie.
SiTappella devant luj et lu j demanda des nouvelles du paîs ; et
ledit Turc luy dist : « Monseigneur, on j a bien affaire de vous»
a et vous y désirons bien à veoir , car le roy de Honguerie et
« aultres chrestiens de France, d*Alemagne et d'ailleurs sont
1 passés la rivière de la Dunoe et sont entrés en vostre terre &
« moult grant puissance et ont destruit V ou VI des milleures
1 villes du paîs et mij à l'espée hommes et femmes et enffans
1 san^ miséricorde. Et quant je partis du paîs, ils s*estoient
1 tous mis & chemin en tirant vers la cité de Nicopolj, pour
« Tasségier, en laquelle Corbadas et Maladins, mes frères, se
« sont boutés pour Taidier & garder et deffendre. Et, pour vous
« advertir, icelluy roj de Honguerie a, entre les aultres estran-
« giers en son armée, une compagnie de gens d*armes de Fran-
« che, qui \\xy sont venus en aide, les plus belles gens et les
t mieulx montés et les plus richement armés et habillés qu*il
« est possible de voir au monde, et samblent bien estre gens
« de grande résistt^nce. Donc il est bien nécessaire de y avoir
f grant advis et pourveoir en vostre affaire par grande puis*
« sance de gens que vous convient assambler en requérant vos
i amis de toutes pars, car ils sont bien assamblés C™ bons ..,..«
i combatans, tous & ch^^val et les plus belles gens du monde. »
 ces paroles le ro; Basaach ne r. spondit mot, ains entra
en la chambre du soldan et laissa ledit Turc qui ces nouvelles
luy avoit apportées, entre ses gens, et raconta au soldan toute
la manière de Taffaire, ainsi que le dit Turc, son chevalier, luj
avoit raporté. A quoy le soldan respondist : « 11 nous y con«
« vient pourveoir et deffendre nostre lo.r (t nostre héritaige ;
c vous aurés gens assôs pour résister contre eulx, et vous y
i assisteray à mon povoir. » Et TAmourath res}ondy : « En
« vérité, sire, la chose est advenue tout ainsi que je le 'lésiroie,
« car tout mon désir estoit que je peusse tenir le roy de Hon-
« guérie et sa pu ssance par dechà et oultre la rivière de la
« Dunoe. Et puisqu'il y est ainsi advenu, je les lairay ung petit
t convenir à ce commencement ; mais en la fin ils ne retour*
-1?. — raoïssAUT. 30
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458 ULATion
« neront point sans compter À Toste, et de toutes ces choses
« j*aj bien este adverty, passé a plos de IIII mois, par mon
« grant ami le duc de Milan» lequel m*a envoie une douzaion^
« d'oiseaulx, tant ostirs que gerfaux et falcons les plus beaulx
a et les meilleurs que je vois oncques, et avec oe m*a aigni&é
« par ses lettres les noms et surnoms des barons de France
« qui me sont icy venu faire guerre, assavoir premier Jeban, &ln
c aisné du duc de Bourgongne, Philippe d^Artoia, conte d'En,
a connestable de France, Enguerran, seigneur de Coucj, conte
« de Soissons, Boucicault Taisné, marescal de France, Gnj de
« la Trémoille, seigneur de SuUj, Jehan de Vienne, admirai
a de la mer pour le roy de France ; et me advertit ledit duc de
« Millan, par sesdites lettres que, se je avoie les dessus nom*
« mes en mon dangier, qu*ils me renderoient bien ung million
«( doren grans florins, et j a en leur compagnie plus de Y^
« aultres vaiUans chevaliers du rojraulme de France. Et avec
tt ce ledll duc de Millan me advertit encores que je me advise
« bien de aborder & eulx par soutives voies et maniôres et par
tt si grant puissance que la victore en soit pour moy ; car ils
« sont gens de grant conduite et vaillans *auz armes et ne
« fuiront pour morir, néant plus le moindre que le plus grant ;
« car, par leur vaillance et pour siévir les haulx fais, ils sont
« issus et absentés de leur nation et venus en ma terre, comme
a tout ce me rescript le duc de Millan, dont je leur sçaj bon.
0 gré et ay bien intention de bien brief leur accomplir leur
« voloir tellement que par raison ils deveront bien estre assouffis
« deleuremprinse. »
A considérer les paroles que ledit rojr Basaanh racomptoit
dudlt due de Millan , nommé messire Oaliéas , conte de Vertus,
on s*en peult et doibt esmerveililer, car on le tenoit pour chres-
tien baptisié et de nostre foj. Et toutesfois il faisoit alliance et
affinité au roj sarrazin contraire à nostre loy et par très^grant
amour luy envoioit tous les ans de beaux présens , sieomme de
chiens , d*oiseaulx et de fins draps de laine et de finettes toil-
lett'es de Sains » qui sont choses moult agréables aux paiens ,
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DB LA CROISiM. 489
car ilp.nte ostipokit., ae dis ne leur vienneift d«8 parties 'd«
pardechà. Et d aultre part ledit Âmourath loy renvoloit auHMB
pvésens de par delà , aicomme de draps dor et de pierres pré-
cieuses dont ils ea ont grant larguesse par delà, 4^ noue •en àmiiê
gcantdangier par dechà, .se n'est par les marchaos vénissiens,
genevois et aultres Italiens , qui les apportent de oes marehei
et les |M)U8 vendent chiôrement. Mais , pour lors ioellu^ duc 4e
Millau et messirii Galleas , son pore , régnoient 'Comme tjraos
et obtindrent leur eeignourie. Dieu scet oommant. Ils furent
trois frôres « aesavoir messire Maufes • messire Qall«as et ines-
sire Barnabe. Iceulx trois frôres eurent ung oncle , lequel fut '
archevesque de Millan. Or Hdvint en ce temps tiue Charles de
Luxembourg , ro; de Behaigne et empereur d*Allemaigne, estoit
enJ*exco.mmuni6ment du pape Innocent qui pour Ions jëgsnbit/
et Loj?» de 3aviôre alla à puissauceà Romme et illecJBefiet
couronner empereur. Et sitost qu'il ost receu du SainDt->Siêg« ^kt
dignité de ia couronne de TBinpire, il fist par «es soidiemi aUë»
mans , à qui 'A devoit grans sommes de déniai» , pillera des-
rober l^u^.la cité de Komme , pour leurs salières et leurs ^sojuV-
déas. Ce fut le guer.lon que les Rommains et le Sainet-Sié^s
apostolique eulient de 1 avoir mis en celle baulte dignité : pour
quo.v il morut en sentence dVxcommuniement. £t aprds tce , le
pape jSt les cardinauLx qui l'avoient créé em^iereur , ;vindrekt
sans nulle contraincte depuis en Avignon req iérir de^t mèrcjr
au pape Innocent qui régna devant Urbain le V* , et ^nal
furent absoube.
Pour revenir & mon premier propos & déclarm* eomment ees
trois frères enlrùret premiers en la seigneurie de Millan, ioelluy
archevesque de Millan, leur oncle, receut le roy Charles de Be-
haigne moult haultement, quant il ot fait son entr> e ft Aix, ainsi
qu*il.e8t aooustumé de faire & ung empereur, quant il e4 premid*
renuuit créé, et luy presta cent mille ducas. Et pour celle grant
ameur oudit archevesque de Millan, il le âst et constitua viconte
de Alillan et ses nepveux aprùs luj & entretenir la seignourie
jusques â son rappel et aussi longtemps qu il ne l'auroit entière*
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400 EBLATtOH
ment remboursé de ladite somme de cent mille dacas. Et aprte
la mort dadit éveaque, ledit empereur mist en possession de la
dite. Ticonté de Millan, pour Tamour dudit évesque, messire
Maufes son nepveu. Et lors messire Qaléas et messire Bamabo,
ses firdres» qui pour lors n^estoient guôres riches, advisôrent
que ils se joinderotent ensemble et qu*ils feroient tant par eau-
t^es et autrement qu'ils gou vemeroient et tienderoient aussi une
bonne partie des terres de Lombardie, et si s*alieroient en si haulx
lieux par mariage et aultrement ou pais que nuls en les oseroit con>
tredire. Et de fait ils firent tantost après morir messire Maufes.
leur firére, par poison.
Quant ledit messire Mauffe fiist mort» les deux frères ré-
gnèrent de force et de puissance et furent tout leur rivant bien
unis ensemble et départirent les cités du pafs, dont messire
Oaléas en ot les X, pour ce qu*il estoit Taisné, et messire Bar-
nabe ot les neuf ; et la cité de Millan estoit gouvernée Tune
année par Tun et Taultre année par Taultre. Et affin qu'ils peut*
sent régner plus puissamment en leurs seigneuries et assam-
bler^plus grant finance, ils firent mettre sus grans impositions,
subsides, gabelles et aultres mauvaises coustumes. Et d aultre
part, ils mettoient garnison et faîsoicnt guetter en leurs villes et
cités de jour et de nuit par souldoiers estrangiers, sicomme
AUeBianS) Franchois, Bre ons, Anglois et toutes aultres. nations,,
réservé Lombars ; car iU ne se fioient point en eulx et faisoient
paîer iceulx souldoiers de mois en mois. Finablement ils se
faiseient tellement cremir de leur peuple .que nul ne les osoit
désobéir de chose qu ils voulsissent avoir fait ; et, s'il advenoit
que aucun les voulsissent contrarier en leur seigneurie, il les
faisoient cruellement pugnir et destruire eulx et tout leur
linage, affin que les aultres j presissent exemple. Finablement
ils tendent le pus en hi grande s.bjection qu'ils faisoient des
habitans et de leurs biens tout & leur volonté, et disoient que
Lombars sont trop plains d'orguel et de présumption quant ils
ont richesse, et qu'ils ne valent riens s'jIs ne sont tenus en sub-
jectioa. Et en vérité ils les tenoient bien, car nuls ne les osoient
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M LA CftOiftAPB. 461
djfabéjr, pour quelque craaulté qu'ils loar feissant. loaalx
deux frères messire Galéas dt messire Barnabo se marièrent
moalt baultement par le mojea du grant tK-sor qa*ils rapine*
tent sur leur peuple. lœlluj messire Oaléas ot à espeuse
madame Blance, seur au bon oonte de Savoie ; mais* avant
qu*ii en peust flner, il en paîa au bon oonte de Savoie cent
mille ducas. Et messire Barnabo espousa la seur d*un duo de
Brusvjc, qui n*e i pala pas mains que son frère. Ces Jeux frères
orent beaucoup d*enfans de leurs mariages* lesquels ils mariè-
rent baultement et richement, affln destre plus fort allies. Mes-
sire Oalléai ot ung âls qu'on appela aussi Galléas.
Il advint en ce temps que le roy Jehan de France, qui estoit
prisonnier en Engleterre, estoit mis & rançon pour trente cens
mil francs à paier À certains paiemens. Icellujr messire Oal-
Idas sceut que Ten ne sçavoit bonnement où trouver le premier
paiement. Si s'advisa qu'il envoiroit devers le rojr et par molens
il feroit traitier le mariage dentre la fiUe du roj et son dit
flls Galléas, ainsi comme il flst ; et lûy fust ladite fille accordée
moîennant Vr mille frans qu'il en paîa, qui furent convertis
au paiement du roj d'Engleterre en tant mains de la dite rea-
cbon ; et par ainsi son fils espousa la dite fille, et lu j fut donné
par ce traitié la conté de Vertus en Champaigne. De ce fils de
MiUan et de celle fille de France issirent fils et fille, dont la
fille ot depuis espousé par force d'argent Lojs, second fils du
roy Charles de France , et fut Lojs , duc d'Orléans , conte de
Blois et de Valois , ainsi qu il est déclaré cy -devant. Iceulx
messire Galéas et messire Barnabo furent tout leur vivant bien
unis ensemble, ne oncques ne se discordèrent \ et pour ce
régnèrent-ils puissamment , tellement que oncques pape , car-
dinaulx , empereur , ne aultres ne les peurent domter pour
quelque guerre qu^ leur feissent, réservé le marquis de Monfer*
rat qui leur fist moult grant guerre ; mais ce fut par le moyen d'un
capitaine d'Engleterre nommé messire Hacoudes et d'autres
routes de gens d*armes qu'il amena de Provence en Lombardie.
Après la mort de messire Galéas, Galéas, son fils, qui estoit
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48S ttLAnoR
conté de Yerfhs; rdgna paissamment et m flst mouli itauft
ùû Lombardie à rencommencem *nt do son rè^ne, car il aboKst
loutea mauvaises ooustumes mises sus par son pare en ses
sei^nouries. et tellement que tout son peuple Tamoit de itèê'
grant amour : mai» ce ne dura gut>res, car quant il se senty an
dessus et ferme en sa possession, il jmonstra le venin qu*il avoi(
longuement porté en son ceur« et mesmément il fist secrètement
mettre ses gens d*armes en embusche hux champs ou chemin par
oCr mesBiro' Barnabo son oncle devoit passe.*, qui de riens ri^ se
doubtoit de son nepreu, ains cuidoit bi n estre asseuré de lujT.
Mnis, ainsi qu'il passoit son chemin, ladite embusche sally sur
brj^. et fut prins ; et quant il der.iunda la cause' pourquoy on le
fcisoit prisonnier, on lujr re^pondi quM v a'voit ass^s d'un'#e3^
gneur à. Milian et que d-illec en avant, il n*eny auroit que ung.
Et lors il- fut destourmî et mené en ung: fort chastel) et iiieD le
flsùson nepveu œorir, ne sça; comment.
. lœlluy messire Barnabo délaissa pluiseurs enGPans, dtrnt la
yti(7ne de Fiance est issue d une sienne fille, qu ot espoueée le duo
Estieone de. Bavière, Ec tous les aultres enffàns que icetlu^ G^
lëas pot attraper, tant filles comme fils, il les ftst empriwiiin^i
«tjoindi toutes Les seignouries que avoit tenu messire Barnabe'*
80D> jonde, avec les siennes, et régna en grant puissance et
acquistgrant trésor d'or et d*argeot ; car il remist sus imposî*
tionSy gabelles, subsides» quatriesmes et toutes aultres tOash-
tînmes: mauvaises, ainsi que avoient fait son père et son oncl^,
et tenoit toutes telles manières envers son peupU que il avoietft
tenu en leur vivant. Et que plus est, il resta aux abâes' et gêsm
de religion une grande quantité de leurs revenues et les attribnn
ft son demaine, disant que moisnes et gens de religion estoient Si
plains de grandes richesses et se nourrissoient si délicieusetnént
de bons vins et bonnes viandes qu*ils ne se pôvent relever pour
aler aux matines et pour faire leur service, et les remist au
petit vin et aux légiôres viandes, affln qu'ils chantassent plu^
der et plus hault et qu*ils se réglassent ttinsi que avoient
faôet lesi saincts religieux de leur ordre du temps passé. leel-
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os I.A cnoisADB. 463
Iny Oàtëft!^ dfspô^it dbs biens de TËglisé, en sear «ei^onries,
tout & sa volonté ainsi qoe 9*il east esté pape, ainsi que aroient
Met messire Œa^éas, son pdre. et messir^ Barnabe, son oncle »
en leur vivant et par etspéciai depuis le jour du séisme- qui lorv
estoit eit TÉg ise : car il y avoit deux papes qui se edcommu*
nioient 1 un iaultre. dont iceulx seigneurs deMillan se moquoient
et en eulr insinuant : aussi faisoient assés d^aultres seigneurs
par le monde.
Icelluy Galéas avoit une fille de son espeuse qui fut fille du
rojr Jehan de Franche, «laquelle s'escripvoit ducesse^ de Milan,
qui depuis fut dueesse d*Orl(^ans. Elle tenoit assés des condi-
tions du pore et riens de la môre, car elle estoit moult convoi-
teuse et enviouse sus les délices et estas de ce monde, et eust
volontiers veu que son mary le duc d*Orléans feust parvenu À la
haulte seigneurie de la couronne de France, et n^eust eu cure
commegt : dont la famé et renommée générale estoit sur elle
qu'elle estoit cause de toutes les grandes enfermetés et maladies
que le roy Charles avoit eues ot encores avoit bien souvent, par
ses sors et mauvais ars, tellement qu'il n estoit médecin, ne aultre
qui y sceust remédier. Icy vous veul ung petit déclarer le sus-
picion que aucunnes gens orent sur elle desdits mauvais ars. Il
est vrai que icelle dame dueesse de Milan, nommée Valentinsf,
avoit pour lors ung fils de son seigneur, moult bel jeune enflknt,
et ^oit environ de Teage monseigneur le daulphin de Viennois,
fils du roy. loeulx deux enffans estoient une fois entre les
aultres en la chambre de la dueesse d*Orléans, et, ainsi comme
ils 8*esbatoient emsemble, une pomme empoisonnée futgettée
tout en rondelant sur le pavement, en tirant plus sus le costé
de monseigneur le daulphin, cuidant qu*il la deust prendre ;
mais, par la grâce de Dieu, qui le garda, il ne la prinst pas ,
ains l'enfant d'Orléans, qui riens ne se doubtoit du mtdice, couru
après et la happa. Et si tost que la tinst, il la mist en sa bouche
et mordi dedens ; et tout incontinent qu'il en ot goutté, il fut
empoisonné, et finablement il morut, car oncques on n*y Sbeut
mettre remède. Et ceulx qui avoient la garde et le gouverne-
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434 RUATIOH
ment à^ mondit seigneur le da ilpbin. le prinrent et remmenè-
rent hors de ladite ch im^ira. et onoqued de.iuis ne vouldrent
souffrir qu il alust. ne venUt devers la dite du&sse. De ceste
chose sourdi moult grant murmure par toute la cité de Paris et
ailleurs : dont la ducesse fut moult honteusement scandalisée.
Et estoient tellement tsmeus & rencontre d'elle pour double
qu ils avoient qu elle ne usasi encor * plus avant de ses nrauvaii
ars sus la personne du rojr et de sa Mgnêe, ainsi que la com-
mune famé couroit qu*elle feroit, se on n'y remédioit ; car deejA
elle avo.t tellement traTvi lé le rojr par sortilèges qu'il en estoit
moult affoibljr et desbiiité en ^on entend, ment, en telle manière
qu'il ne vouloit yeoir, ne congnoistre la loine son espeuse, ne
aultre femme quelconque, réservé seullement icelle dnoesse
d'Orléans, laquelle l'a voit ainsi ensorcelle. Par quoy le peuple
estoit tout délibéré de Taler quérir, et l'eussent fait morir ; mais
le roj, qui par ce cas congneut le malice d'elle, la prinst en si
grant haine que, sans advis, ne conseil de personne quelconque,
fors de luj-mesmes, il la fist oster de l'ostel Saint-Pol, À Paris,
1& où elle se tenoit, et l'envoia en son chastel de Âniôres, qui
ficiet sur la costiôre de Paris, au chemin de Beaurais. Et fut
illec une grande espace de temps, tellement gardée qu'elle ne
povolt issir hors des portes du dit chastel, et depuis elle fut
envolée & Neufcha4tel-sus-Loire. Et d auUre part le duc d'Or^
léans/son seigneur, l'a voit moult fort prias en son indignation,
pour cause de l'adventure qui estoit advenue de son fils ; mais
ce qu'il avoit encores d'aultres beaux enfbns , l'appaisa de
son ire.
Ces nouvelles furent espanduos jusiues & Milan, tellement
qu'elles vindrent & la congnoissance dudit messire Oalléas, dont
il fut très-mal content du roy et de son conseil. Et pour ceste
cause envoji^ devers luj & Paris ungsien suffisant chevalier
nommé messire Jacques de la Verme et aultres pour excuser
sa fille et pour la remettre en la bonne grâce du roj, en luj
remonstrant qu'il se voulsist bien informer et qu'il ne voulsist
point croire tout ce qui luj estoit raporté & rencontre d'elle,
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DB LA CR0I9AI»E 165
«t que 6ll estoit nul chevalier ou aultre noble homme quelooh-
qu6 qui la voulsist accuser de traïson ou d aultre villaia cas »
iceliuy messire Galléas, son père, estoit prest de baillier homme
suffisant qui respondero t pour elle corps pour corps en champ
de bataille jusqu s à oultrance* Mais le roy ne s'aresta gaires
ft leurs piroles, nins leur dist bien brief7e response. Et quant
ils veirent que aultrement ils nj povoîent remédier, ils retour-
nèrent en Louibardie devers .'eur seigneur et luj racontèrent
comment ils avoient besongnié devers le roy, dont il fut trop
plus mal content que devant, et en ot si grant vergongne
qu*il en envoya deffier le roy de France et tout son royalme.
Mais, quant il envoya ses defflances, les barons dessus nommés
estoient oudit volage de Honguerie : pour quoy icelluy mauvais
duc de Millan, pour nuire au roy et à ses gens dudit voyage,
enquéroit des secrets et emprinses des Franchois, qui se fai-
soient touchant la guerre à rencontre des Turcs, et si avant que
les povoit sçavoir. il les signifioit au préjudice des Francbois
et de toute la chrestianté audit Amourath-Bahy, & qui il avoit
grande considération et alliance, comme dit est dessus. Ores
retournerons icy & nostre matière.
Ne demeura guaires après que ledit Amourath se party du
Oaaire et prinst congié du souldan, lequel lui promist de I aidier
À résister contre les chrestiens, qui de prime face estoient entrés .
en Alexandrie et devers Damas ; et de fait le soldan envoya
par toutes ses seigneuries, et fist assambler une grande quao-
tité de ses milleurs gens de guerre & Teslite et les envoya audit
Amourath-Bahy. Et d^aultre part, ledit Amourath, en passant
chemin, envoioit ses messages ôs royaulmes et pais devers les
rois, princes et seigneurs ses amis, dont il pensoit avoir assis-
tence, et les faisoit à toute instance requérir de leur secours-,
en eulx remonstrant le grant péril où il estoient sil advenott
que les chrestiens conquissent sa terre, où ils estoient entrée à
grant puissance, disant qu'il faLsoit à doubter que metteroiont
au&si les aultres royaulmes voisins en leur subjectien et destrui*
roient leur loy : si vauldroit mieulx qu ils se mesissent tous en
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46S BELATIOn
tAwmtoT^émmôrït^n defléndant krar tèrreét léat làj (faé Se
tout p^rdreK
Aux prières, mandemens et semonceis desdits soldflo et Amotf-
rath et du oalliffe de Baudas qui aussi fist grant effoi*t« s'esiira-
MQttou9les<roj8 8arra/in8Jusque9en Perse, des rojaulmetf de
Mdde et de Tiiarseet des parties septentrionnalles du rojrauime dé
Lecto et tout oultre juiriues sus les bonnes de Pruoe. Et pour
dequer iceulx Sarrazins estoient bien acerten^s que les obrestîeti#.
sitoient fleur de cbevalerie, ils eslisoient entre eult leifplu^
babiller et expers en fait d armes, et aussii se mettoient sus i.
errant puissance de toutes pars. Mais pour la grande multitude
dépeuple qulls estoienr, ils ne povoient estre si tost prests pour .
issip du pa», ne estre furnis de toutes leurs nécoessités pour 1#
fait de la guerre; Kl aussi llntention dudit Amourath éstoit d^
vàiir si fort et si bien furny de son affaire que il pourroit bimr
résister oontre ses- ennemie, et ne se voloit point tiast€^. Ledi^
Amour^tb semist sus les champs tousjours en attendant son peu*
pie; qui vieiioit par compaignies de moult lointain nés et diver»e#
qsarchesv et par e^^pécial il luy vindrent de moult vaiilans hom-
mes sarrasins de Turtarie, de Màde et de Perse, et avoien^
moult grant désir d'esprourer leur force sur les chrestiene. loy
vous lairons uag peu & parler de TAmourath-Babj et dee aul~
très* Sarrazins qui s'asambloient en la partie de Alexandri«F, et
parlel*ons des ohrestiens qui estoient au siège devant la cité-d^
Nioopoly.
ÎM chresrtiens avoient assiégé tout & renvirdn la forte cité
de^ Nicopoly, efa laquelle estoit en garnison de moult i^àillsus
hôttimes, qui moult yaillamment deffendoient la cité contre' léÊ
cbrestiéns qui les avoient, assiégés, et n*avoient nulles nouvel*»
les de r Amourath- Bahj, combien que Tempereur de Constan-
tinobiè** leur avoit bien signifié quil estoit ôs parties d'Alestan-
drie ^ qu'il n*avoit encore point passé le* Bras^Saînct-
GeiQ4^ : dont ils estoient bien & leur aise en leur dit siège ié
Nicbpoly.
n priost volonté au sire de Coucy et à aucuus tfultreil ^^ettHf
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DE L4 CROISADE. 407
iiKUlôlioxs, flssavofir meflsire Regmault de Roje ei lemre de Saint-
Pi, et:ea sa oompag^nio le chastellain de Beauvoir, I0 Être de
Koncarerel, le Borgne de Monqueul et pluis urs autreA, de
entrer plus- avant en pais et de veoir le Turquie, car il leu;^
semb'.oit qu ils seestoient trop longuemeat tenus en ung lieu sans
rien faire. Ils estaient tous ass<i(nb}é< environ eent^ lances éb
autant de arbales'riers, tous à cheval, dont ledit sirii de^Coucf
estoit le eapitainne. lis pr>ndrent guides qui congnoiiisoient le
pais, pour lO'i conduire, et se misrent a cheojin ; et le roy de
Hon^uerie- et les aultres demouri^reni tenant ledit stëgei Le
sire de; Couch/ envoya aucunes de se% guides et une partiè^de
se^ gens avec eulx des mieulx montés pour descouYrir p»e et
pour SQayoir se ils trouveroient riens.
Eh ce mesme temps s asambloîent et se misrent ensemble bien
£&^ Turcs, car ils estoient bien advertis que lee Frahchois
0ntpoieat plus avant sur eulx et que ils destruisoient le paîs. Si'
advisôrent qu'ils y remédieroient se pouvoient. Ils vtndrentf sus
ung destroit passage par où il convenoit nos gen» passer pow
entrer en la Turquie le chemin qu'ils* tenoient, et SO' tindrent
iUfic en gardant, ce destroit tout quo jement san» riens faire par
y^spasse de deux jours qu'ils n*orent on'cques nouveller quVxi
l^ur voolsist faire nul destoarbier ; et s en voutoient retourner
aa tiers, quant il» veirent venir nos cheyaucbeurs qui vindi^enè
brpphans jusques a illee. Et, quant les Turcs les virent approcher
jttsques a^illec, ils se tindrent tout quojement sans- faire ntd
8igne.de traire, ne de lanchier sur eulx, pour regu'der levr <s9ah
Tine, et les laissôrent approchler de si prôs que nos gens vmrevt
bien qu*ils estoient grant foison ; mais toutesfois ils ne léM
poyoient pas bien exstimer. Et quant ils orent âtiti \mg petit
de» contenancor ils se tournèrent devers ledit sire d» Gmmy
et les anltres seigneurs, et leur annoncbôrent ee qu*ito avoi«nt
veii. De ces nouvelles furent nos gens tous resjouis. Et loi»
le.sirp de Ooucj dist : « Puisque nous sommes venu^ si aranA^
• il nous oonvient aller veoir de plus prds quel» gens» osi esni ;
« cas œ mus seirott gvaot honte de veioumer wm ke ooi^Nli^ -
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i68 mBLAnoH
c tre. » A ce respondirent qu*il avoit dit Tëriié. Et Iôtb rat*
traindiroDt les armes et rechainglôrent leurs cbe^aalx et che-
Taulcèrent tout le pas. Il j avoit ung bois entre eulz et leurs
ennemis, qui n*estoit gaires grant ; et quant ils yindn>nt à Ten*
contre de ce bois, ils s'arrestèrènt iliec. Et lors le sire de Coucj
dist À messire Renault de Roje et au sire de Saint-Pi : « Je
« conseille que vous deux ensemble prenés cent lances de
« nos gens et allés veoir se porrés attraire nos ennemis bors de
c ce détroit, et nous metterons lé demeurant en embuscbe en
« ce bois. Et s'il adWentquHb viennent sur vous» laissiés-vôus
«chasser d*eux, tant quUs auront passé nostre embuscbe, et
* puis retournés tout à ung fais, et nous sauldrons de nostre
« embuscbe sur eulx par derridre, et ainsi lés enclorons et aurons
ff ft nostre volonté, s
A ce conseil s*acc6rdôrént tous ensemble. Ds se départirent
environ cent lances des mieulx montes et allèrent devers ledit
destroit ; et tout le demoumnt, qui estoient environ II>b bons
combatans, tous hommes de bien et de honneur, se boutèrent A
couvert et en embuscbe oudit bois, et ilIec se tindrent. Les aul-
tres cbevauchôrent les bons galops, tant qu*ils vindrent ou des-
troit où les Turcs estoient. Mais, quant les Turcs lès voiront, ils
en furent tous resjoîs, car ils cuidoient quils ne fussent que ce
petit nombre qu ils veoient. Dont ils issirent tous hors de leur
fort. Et quant les chrestiens les voiront approchier, ils retour-
nèrent tous en fttiant et se firent chasser, car ils estoient tout
bien montés sur eslite de chevaulx : par quoj les Turcs ne les
povoient rataindre. Et tant chevauchèrent qu^ils passèrent le
bois où nos gens estoient embuschés, sans eulx apperchevoir. Et
quant les chrestiens virent que tous les Sarrazins estoient tous
passés oultre, ils sallirent de leur embûche en escriant : « Nos-
« âra*Dame au seigneur de Coucj ! » et vindrent frapper par der-
rière sur leurs ennemis. Et les aultres qui s*estoient fait chas-
ser* retournèrent sur eulx et les combatoient par defVant, et ils
se deffendoient au ndeulx quils povoient ; mais ils ne tenoient
point d'ordonnance, ains estoient tous en desroy» sans guet et
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hm LA GaonAM. 469
lans garde, ear ils ne se doubtoient point d*ioelIe embusche qui
kJIj sur eulx : dont ils furent tous confus quant ils se trou-
Tôrent ainsi assaillis par devant et par derrière. Les Franchois
oombatirent leur ennemis vaillaument et les misrent A desoon-
flture et en chasse , et les abbatoient et occident par grans
mons et tout A volonté. Moult y ot grant occision» car les chres*
tiens n*en prenoient nuls A merchi. Eureulx furent ceulx qui
en peurent eschapper et retourner au lieu dont ils estoient
part^. Le matin aprôs ces desconfltures, les Franchois retour*
nèrent en Tost devant Nicopolj. Et s*espandirent les nouvelles
par tout Tost comment le sire de Coucjr, par son grant sens et
vaillance, avoit, avec ses gens, desconfy et rué jus plus de
XT"" Sarrazins, dont chascun en disoit grant bien et grant bon -
neur. Mais le conte d*Eu n*en tenoit nul bien, ne nulle vaillance ,
ains disoit que ceste emprinse avoit esté faitte par grande pré-
sumption et qu*il avoit mis les chi estions et par espécial ceulz
de sa route en grant aventure et péril d'estretous perdus,
quant« A si petite compagnie de gens, il s*estoît combatu et haban-
donné par sa folie contre XX"* Turcs. Et dist aussi, puisque les
Turcs estoient sus les champs, il le deust par raison bien, avoir
signifié, avant que les eust assallis, A son souverain chief mon-
seigneur Jehan de Bourgongne, qui moult désiroit faire armes
sur eulx, car il en eust eu Thonneur et renommée. Ainsi parloit
le conte d*Ëu sur le sire de Coucy par envie, ainsi comme il
sambloit ; car en tout ce voyage il ne le peult avoir parfaitement
en amour, pour ce qu*il veoit que le sire de Coucjr avoit tout le
recuel, Tamour et la compagnie des seigneurs de France et des
estrangiers, et il luy sambloit que le debvoit avoir, attendu qu*il
estoit moult prochain de sang et de lignage au roy de France,
car il portoit en ses armes les fleurs de lis A bien peu de rou-
ture« et si estoit connestable de France. Ainsi engendra mes*
sire Philippe d*Arthois haine couverte A rencontre de ce gentil
chevalier le seigneur de Coucy : laquelle hainne ne se peult
dlllec en avant plus celler qu*elle ne sj monstrat, dont il en
advint grant meschief A la chrestienté , ainsi que. vous orrés
cjr-ajprds.
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470 tsLATum
Tous aves oy cy-dessus , en Tistore , comment le roy de
Honguerie et les seignears de France en celle saison estoient
passés oultre la Dunoe en la Turquie pour quérir et suivir tes
haulz fais d*armes sur les ennemis de la saincte chrestienté et
comment ik ont conquis villes et chasteaulx et mis en leur
subjection une grande partie du pais, et avoient aussi tellement
abstraint ladite cité de Nicopoly par force d'assault et de trait
d*6ngins & pouldre qu'elle estoit en moult petit estât et très^fort
afToiblie « ainsi comme sus le point de eulx rendre , car ils
n*avoient nulles nouvelles du secours de rAmouraih, ne d*aultre,
et la tenoit le roy de Honguerie comme pour gaignie ; car il
dist au conte de Nevers et aux aultres seigneurs : « En vérité,
« messeigneurs. la mercy Dieu, car nous avons eu belle bonne
« saison, et desj& avons tant* exploitié que avons destruit une
Cl grande partie de la terre de nos ennemis et tellement affoibH
« eeste cité qu'elle ne se peult gaires plus tenir contre nostre
« I^i^issànce. Et pour ce , eu avis et considération & toutes '
« choses , je conseille , aprôs que aurons ceste cité en nostre
« subjection, que nous ne allons plus avant pour ceste saison ,
c mais que nous retournons delà la rivière en nostre Toyaulme
c de Honguerie , ouquel vous serés bien receus, comme raison
« est , attendu la bonne assistance et service que nous avés fait
« en ceste guerre et espérons que encores ferôs en la prochainne
« saison ; et vous abandonnons nos villes , cités et chasteaubc
« en tout nostre roy aulme pour vous y yverner là où il vous
c plaira. Et en cest yver chascun pourna faire ses provéances
« pour la guerre ainsi que bon luy semblera, pour soy en aider
c à Teste ft venir & recommencer nostre guerre sur nos ennt mis.
€ Et envoirons en France signifier au roy nostre estât , qui
€ nous pourra renvoier nouvelles gens, ou par adventure luy-
« mèsmes qui est jeune et de grant courage , porroit avoir
« volonté de venir en personne par dech&. Toutesfois en face
« son bon plaisir ; mais j*ay intention de en cest esté entrer en
« Arménie et de conquester le rovaulme , ft Taide de Dieu , et
« aprdi passer le-Bras-Saisct-Gëorge, et irons en Surie et cou-
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DB LA CADliAltt. 4Si
« qoest^roDS \w poro de Jaffe et de Barath , la cité de Jhéra-
« Mlem et toute la Sainte-Terre ; et, se le soldan vient 0Mktr#
« nous , noue le combaterons et ne retoamerone jamaie 4aiw>
« battaille. »
iônei propoeoit le roj de Hongperie en parlant ans seigMum
franchoie qui tenoient ladite cité de Nicopoli ainsi que pour
gaignie ; mais il en avint tout aultrement. Toute celle eaison h
roy Baaaach de Turquie , dit TAmourath-Baby, ayoit partout
joiquee au rojauime de Perse semons et requis les prinoes ds .
sa loj , qui moult désiroient de Fassister et de destmine ioule
la chrestienté , tellement quli avoit amassé une grande multi-
tude de Sarrasins ; et passèrent le BraeSainct- Georges ; #t,
quant ils furent tous assamblés , ils esioient bien IP" miUes
hommes. Lors ledit roy Basaach , avec toute sa compagnie ,
commencèrent & marcher tout le chemin couvert vers les ciuree^
tiens pour lever le siège qu^ils tenoient devant ladite cité de
Nicopoly et pour les rebouter hors de sa terre : lesquele cbim*
tiens ne eca voient riens que les Sarrazins les eussent dC'Si près
approchés , ne de leur grant puissance , ne aussi de l^ur oon*
vine. Icelluy Amourath-Bahy fut en son temps ung moult cail-
lant homme et de grant emprinse, et sçavoit, en fait de guenns,
tout ce qu*on y povoit sçavoir, ainsi qu*il monstra bien en cestùy
affiiire. Toutesfois , il admiroit moult les chrestiens , car il
dtsoit bien qu'ils estoient gens subtils et vaillans aui armes.
L'Amourath avoit mis sa bataille en mouit belle ordonnance ,
assavoir en deux elles ouvertes au front devant et estroites
derrière, et comprenoient bien une grant Iteue en espeiesissant
tottdis, et il estott au fonsde la bâtai. le, et ainsi cheminoient aie
couverte. Et , pour descouvrir, il envoya devant, en une avant-
garde , environ XX"* Sarrazins, pour monstrer évidence auc
chrestiens qulls vendent pour les combatre ; maitf il leur avoit
orilonné que incontinent qu*ils verroient que les chrestiene
appro heroient d*eulx, que neculassent tousjours le petit pas, jus-
ques au fort de leur grosse bataille « affln de attraire les obree-
tienadedena icelles deux elles quil Avoit. ainsi ordonnées » #t
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472 RBLATIOR
quant ils seroient dedens , icelles deux elles se doroient et 8*a8-
sambleroient en ung, et par tUnsi les chrestiens demouiroient
enclos entre ealx , et les auroient attrapés tout ft leur volonté^
en telle manière qu*ils demourroient tous destruls et desconfis
par leurs mains et par la grande puissance de peuple qulls
estoient. Ainsi fust Fordonnance du roy Basaach de Turquie »
dit rAmourath-Bahy.
Avint en ce temps , qui fut en Tan mil Iinitl" et XYI, le
lundi devant le jour Sainct-Mikiel, ou mois de septembre, envi-
ron à Theure de X heures , ainsi que le roj de Honguerie ^
tous les aultres seigneurs et leurs gens séoient au disner , non-
voiles vindrent en leur ost, que leurs coureurs raportôrent, qu'ils
avoient tous les Turcs. Mais , comme j*entends , ils ne rapor*
tèrent pas bien la certainneté , car ils n*avoient point chevau*
chié si avant qu^ils eussent peu veoir la puissance des deux elles
et de la grosse bataille de TAmourath devant dit ; car, quant
ils apperceurent lavant-garde des Turcs» dont cy- dessus est
faitte mention , ils ne chevauchèrent plus avant : ne sçay s'ils
en orent point d*avis ou sin*osôrent. Toutesfois ilsmonstrèrent
grande couardise ou qu'ils estoient mal usités ôs telles affaires ,
combien qu'ils fussent Pranchois et Hongres ensemble ; car le
roy y avoit ordonné de ses gens, et aussi avoient les Franchois
des leurs pour aler descouvrir emsemble. Mais , comme dit est*
ils retournèrent ensemble soudainnement et sans afivis , et
vindrent , assavoir les Franchois, & monseigneur de Nevers
et aux aultres seigneurs de Franche, en disant : « Or
« tost, or tost, armés vous , que vous ne soiJ^s supprins ; car
« veé»-cy les Sarrazins qui viennent à puissance et sont jà bien
« près de cy. » Et samblablement les aultres descouvreurs hoU'*
grès firent en Tost du roy de Hon^ruerie. De celles nouvelles
furent nos g- ris moult resjoîs , car i!3 désiroient moult faire
armes sur leurs ennemis. Ils se levèrent tous et bouttèrent les
taUes en bas, car ils avoient le vin en la teste , dont ils estoient
plus eschauffés en fureur et «voient moins de sens et d avis. Ils
demandaient armes et chevaulx et savanchèrent moult fort
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DE LA CR0I8ADK. 473
d'eux armer et agenser moult richement , et puis se mirent
tous sus les champs. Estandars, penons et banières furent des-
ploiés, et fut la baniôre Nostre^Dame baillie à che vaillant
chevalier messire Jehan de Vienne , admirai de France. Nos
seigneurs doubtoient moult pou le Turcs , selon le samblant
qu'ils monstroient, car ils ne ciiidoient pas que VAmourath j fust
en propre personne et aussi qu^ils feussent si grant nombre
comme ils estoient.
Ainsi, comme nos seigneurs de France se tenoient sus les
champs , moult bien et richement montés et armés à petite
ordonnance, le mareschai de Honguerie, qui estoit ung moult
sage, apert et vaillant chevalier, appelle messire Henry d*£n-
steinchalle, vint monté sur ung bon coursier, très-bien allant et
portoit en sa main ung court penon de ses armes qui estoient
d'argent à une noire croix ancrée que on appelle en armoirie
ung fer de molin, et s*arresta devant la baniôre Nostre-Dame ,
car illec estoient la plus grant partie des barons de Franche»
et dist si hault qu*il fut bien entendu, en saluant les sei-
gneurs : « Je suis envoyé devers vous de par monseigneur
« le roy de Honguerie, et vous prie et mande, de par moy que
0 ne soies si oultrageux de commencier la bataille, ne assaillir
ce les ennemis JQsques ad ce que vous aurés aultres nouvelles de
« par luy, car il et aussi son conseil font doubte que nos des-
(c couvreurs niaient point bien raporté la certaineté de nos
a ennemis, et, dedens environ deux heures, vous en aurés aul«
a très certainnes nouvelles, car nous avons envolé aultres
tt coureurs pour les descouvrir et chevauchier plus avant que
« n'ont fait ceulx qui nous ont apporté ces nouvelles, et soies
tt asseurés que les ennemis ne vous envahiront point, se vous ne
« les assaillies premiers jusques ad ce qu*ii seront en puis-
<c sance tous assamblés sur nous. Si vous prie que le faites ainsi
tt que je vous ay devisé, car c'est Tadvis et ordonnance du
tt roy et de son conseil, et sur ce il me convient retourner ,
tt car je ne puis plus arrester. »
' À ces paroles le mareschai de Honguerie s'en retourna et
XV. — FROISSART. 3 t
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474 RBLAfion
les seignearo de France se misrent & conseil ensemble pour sur
ce adriser quelle chose il seroit bon de faire. Us demandèrent
premiè)rement au seigneur de Coucj son ad vis sus ceste matiôre,
A quoj il respondy et dist : « Le roy de Honguerie fait bien
a de nous fadre sçavoii* son oppinion en ceste partie, et me
c samble sou ordonnance et advis, ainsi que le nous mande par
s son mareschal, estre bonne, » Mais, comme Ten disoit, mes-
sire PhUippe d'Artois, connestable de France, fut moult ma)
content de ce que premiers on luj en aroit demandé son advis
et que le sire de Couchy s'estpit advanchiô de parler devant
hiy, et dist par orguel et par grant despit tout au contraire de
tout ce que le sire de Couchy avoit dit, en disant : « Oyl, oyl,
c le roy de Honguerie veult avoir le bruit et Thonneur de la
< journée ; toutesfois il nous a donné Tavant-garde, ainsi qu'il
« appartient à nous, et ne le nous doit ester. Mais, par sainct
9 George, qui m'en créra, aussi aurons«nous la première
« bataille sus nos ennemis , car de ma part je ne seray jâ
« consentant à son oppinion, et, qui croire me vouldra, nous
« n'en ferons riens. » Et puis dist au chevalier qui portoit
la baniôre Nostre-Dame : a Marchons au nom de Dieu et de
« monseigneur sainct Qeorge, et aujourd'hui on verra qui sera
a bon chevalier. »
Quant le sire de Coucy entendit le connestable ainsi parler,
il tint ses paroles à moult grant présumption et regarda lors
sur messire Jehan de Vienne, qui tenoit la bannière Nostre-
Dame, qui estoit la souverainne de toutes les aultres et celle
où ils se debvoient raller. Si luy en demanda son advis , à
quoy il respondy : « Sire de Coucy, là où vérité et raison ne
H peult estre oye, il convient bien que oultrecuidance y domine,
a et puisque le connestable veult combatre et assembler aux
« ennemis, il fault bien que nous le suivions ; mais il me semble
« que nous ferions plus sagement de suivre le conseil du roy de
<c Honguerie et de attendre que nous fuissions tous ensemble pour
« combatre nos ennemis; car nous en serions plus fors et plus
« seuraque de les aller envahir, si grant puissance comme ils sont.
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DB LA CROISADE. 4T5
<f à ai petite compagnie que nous sommes. » Mais, quoj quMls en
dissent, le connestable marcboit adès et eulx après. Et d*anltre
part les mescréans marchoient aussi, et commenchoient leurs
deux elles dessusdites, où bien avoit en cbascune LX"* hommes,
monlt fort ft aprochier et & clore en telle manière que nos gens
se trouTèrent enclos au millieu d*icelles deux elles, qui estoient
si fortes et si espesses que nos gens ne leur povoient eschapper
ne ehà, nel&.
Lors le sire de Couchy et aultres chevaliers et escuiers ttsitéa
en fait de guerre appercheurent bien que la victore de la
Journée ne seroit pas pour eulx. Ce nonobstant nosdits sei-
gneurs de France, qui moult estoient vertueulx et de grant
courage et si richement aoumés qu*il sembloît que le moindre
d*eulx fust ung grant prince, marchèrent tout dedens et aui-
Tirent la banière Nostre-Bame , que ledit vaillant chevalier
messire Jehan de Vienne portoit. Or notons icy ung po^
comment par Torguel du connestable ils furent contrains pour
leur honneur d*eulx tous "mettre en ce grant péril ; car ils
furent tous mors et prins et cause de la perdition de la journée,
de laquelle ils eussent bien eu la victore , & Taide de Dieu, s*il
eussent volu croire bon conseil et attendre le roy de âonguerie
et sa compagnie , qui estoient bien LX"* bons combatans. Mais
ils ne furent pas si advisés , ains par grant orguel et oultragë
ils se frappèrent en la bataille sans attendre le roy, ne aultre ,
et si n*estoient point tous ensemble VII mille , dont ils furent
cause de la doloureuse perte et tellement qu'oncques depuis la
bataille de Rainchevaulx , où les XII pers de France moru-
rèrent , ne fut si grande perte pour chrestienté que fut faitte en
celle bataille par leur orguel et oultrage. Toutesfois, ains qu*ils
fussent vaincus , ils firent de moult hauls fais d'armes , car ils
desconflrent la première bataille de leurs ennemis et les misrent
en casche ; et en chassant ils voiront sus ung grant plain une
grant puissance , là où TAmourath estoitTïls estoient fort mon-
tés sur bons chevaulx bien bardés et se fussent lors voluntiers
retournés devers Tost du roy de Honguerie ; mais ils ne peu*
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47^6 RKLATION
rent , car ils estoient tellement enserrés et enclos de toutes
pars que ils nullement ne se pçvoient sauver. Là j ot bataille
moult fière et cruelle » qui dura moult longuement. Et quant les
nouvelles vindrent au roj de Honguerie que les chresUens
estrangiers , sicomme Franchois , Anglois et Alemans comba-
toient les Sarrazins et que les Franchois n'avoient volu tenir
son consel et ordonnance, ainsi que leur avoit mandé par son
mareschal , il en fut moult dolent , ainsi que bien avoit cause ;
car» par ce il apperceut bien que la victore ne seroit point pour
eulx. Si dist au grant prieur et maistre de Rodes : a Élas !
a aigourd'huj nous serons tous destruis , par le grant orguel
a et oultrage de ces Franchois, et par eulx perderons la
« bataille. Èlas ! se m*eussent volu croire , nous estions gens
« assés pour combatre toute la paiennie. » Et & ces paroles,
en regardant derrière luy, il vej que ses gens , sans cop férir,
et sans quelque deffence, se misrent & desconfiture et en
fuite. Et les Turcs les chassoient et occioient & grant torment.
Lors le roj de Honguerie veit bien . qu*il n*7 avoit nulle recou-
vrance. Si luy dissent aucuns qui estoient delés luj : « Sire, pour
c Dieu sauvés-vous , car, se vous estes mors bu prins, tout
« vostre rojaulme est perdu. » — a Élas , dist celuj, il nous
« convient perdre ceste journée honteusement , par le grant
« orguel des Franchois, qui aussi leur tournera à grant honte
« et & grant martire , car ils ne peuvent escapper qu'ils ne
« soient tous mors ou prins. Ores créés conseil, sauvés-vous et
« évités che dangier. »
Le roj de Honguerie fut moult dolant, quant il vej que la
bataille estoit perdue pour les chrestiens et qu'il convenoit tour-
ner en fuite ou qu'il fust prins ou occis honteusement par la
mauvaise conduite des Franchoi/, dont il advint grant persé-
cution pour eulx tous ; car, comme vous sçavés que fut adès
trouvé : il qui fuit, on le chasse. Les Hongres furent sans ordon-
nance et sans arroj, et les Turcs les chassoient & grant povoir,
dont moult en j ot de prins et de occis. Mais toutesfois, & l'aide
de Dieu, le roj de Honguerie et le grant-maîstre de Rodes se
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DE LA CROISADE. ^ 477
sauvèrent ; car ils vindrent aifuiant sur la rivière de la Dunoe
et trouvèrent illec une petite barge qui estoit audit grant-maistre
de Rodes et entrèrent dedens, eulx sept tant seulement, et
eslongèrent la rive à grant haste, car les Turcs les chas-
soient moult asprement jusques au rivage ; et ainsi passèrent
oultre et se sauvèrent. Mais les Turcs firent grant occision
des chrestiens qui affuioient sus ledit rivage après le roy leur
seigneur pour eulx cuidier sauver.
Ores parlons des Franchois et des aultres estrangiers qui
moult vaillamment se combatoîent en doloureuse bataille. Quant
le seigneur de Montcaverel, qui estoit ung moult vaillant che-
valier d* Artois, lequel avoit amené illec ung sien jeune fils avec
luj, vej que la desconfiture tournoit sur eulx, il dist à ung sien
escuier : « Prens mon fils et Temmainne avec toj.Tu te peuls
a bien partir par ceste elle illec qui est ouverte, et le me sauve,
« et, au regard de moj, jeattendraj avec les aultres Fadventure,
« telle qu*il plaira à Dieu de le nous envoier. o Mais, quant Ten-
fant oji; parler son père, il dist que point ne se partiroit et pour
riens ne le lairoit; mais le père fist tant par force que Tescuier
remmena et le mist hors du péril de la bataille, et vindrent sus
la rivière. Mais ledit enffant de Montcaverel , qui moult
estoit desplaisant de ce qu'il avoit ainssi laissié son père, fut
noies par grant mésadventure entre deux barges, et ne le peult-
on oncques sauver. Messire Guillame de la Trémoille, qui ce
jour avoit fait maint beau fait d^armes sur les mescréans, fut
occis en la bataille, et ung sien fils sus luj. Et le bon chevalier
messire Jehan de Vienne, qui portoit la banière Nostre-Dame
et qui moult vaillamment s estoit combatu, fut aussi occis, ôt
fut trouvée la banière Nostre-Dame entre ses poings. Toute la
force des seigneurs de France qui avoient esté au siège de Nico-
poly, fut illec ruée jus et defiaite.
Monseigneur le conte de ]>^evers, Jehan de Bourgongne, mes-
sire Guy de la Trémoille et pluiseurs aultres chevaliers de
France et de Bourgongne estoient en la bataille en tant riche
arroj que on ne pourroit plus, faisans merveilles d*armes. Il
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478 BELATimi
j avoit avec eulx deux vaillans hommes, escoien de Picardie,
dont Tun avoit nom Guillame de Monqnel, lesquels escoiers
s'esioient trouvés en ce volage en pluiseurs rencontres et batail-
les, dont ils estoient adôs partis et issus sans perte & leur honneur.
Et mesmement par leur grande vaillance ils passèrent et rapaasô-
rent ce jour tout oultre la bataille par deux fois, et ils firent
de moult grant fais d'armes ; mais finablement ils j furent
occis.
En vérité les François et les aultres estrangiers s'acquittèrent
ce jour moult vaillamment et firent moult grant résistence et
tellement que, se les Hongres se fussent aussi bien acquittés de
la besongne, ellese fust aultrement tournée qu'elle ne fist. Mais,
à tout considérer, les Francbois furent cause et ooulpe de celle
grant mésadventure ; car, par leur orguel et oultrage tout fut
perdu, ainsi que dessus est dit. lUec estoit ung chevalier de
Picardie, qui s'apelloit messire Jacques de Heiiij, lequel avoit
en son temps demeuré en Turquie et avoit servj en armes
FAmourath-Babj, père de ce roy Basaach dont je vous parie,
et savoit ung pou parler de langage de Turc. Quant il vey la
desconfiture, il advisa de soy sauver, car il savoit bien que
Sarrasins convoitent argent et que povoit sauver sa vie par
moyen de soy rendre prisonnier, et par ainsi se rendit et fut
sauvé de péril de mort. Et samblablement ung aultre escuier
de Tournésis, nommé Jaques du Fay, lequel servoit le roy de
Tartarie, nommé Tamburin, ou temps que les Francbois vin*
drent en Turquie. Quant il sceut que les Franchois estoient
passés en la Turquie, il prinst congié du roy, son maistre, et
fut en ladite bataille avec les Franchois et y fut pris des gens
mesmes dudict Tamburin, que il avoit envoies à grant nombre
au secours du roy Basaach et à sa prière et requeste, ainsi
que rois et princes, tant chrestiens comme sarrazins, ont acous-
tumé de faire Tun à Taultre, quant ils en sont requis et que
besoing leur en est.
En ce temps les chrestiens furent desconfis en la bataille
devant Nicopoly, en Turquie, et y furent les Franchois tous
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DE LA cmoisàiiB. • 4T9
inon et prim. Hais, pour eho qu'ils estoient si richement armés
et aoumés» les Sarrazins en prirent prisonniers une grant foi-
son et leurs sauvèrent les ries ; car il leur sambloit bien qu'ils
estoient encores plus grans et plus puissans qu'ils n*estoient et
qu'ils en trairoient une grande finance ; car comme, dessus est dit,
les Sarrazins convoitent moult fort les grandes richesses. Illec ,
en cdle dolereuse bataille, qui dura environ III heures, furent
prins monseigneur Jehan de Bourgongne , le connestable de
Franche, le conte de la Marche, le sire de Coucj, messire
Henry de Bar, messire Guy de la Trémoille, messire Bouci*
cault et assés d^aultres. Et j furent occis messire Philippe de
Bar, messire Jehan de Vienne, messire Guillame de la Trémoille
et son fils. Le roj de Honguerie perdist tout son arroj entière-
ment et toute sa vaiselle dor et d'argent, joiaulx et.aultres
choses qu'il y avoit apporté, et se sauva en une barge de Rodes,
qui avoit amené vivres, luy VU* seulement, ainsi que vous avés
oy cy-dessus, dont il en ot grant adventure, car il fut en moult
grand péril d*estre occis ou prins, et y ot de occis en la chasse
plus beaucoup que en la bataille, et grant foison de noies. Ceulx
se tendient moult eurenlz, qui en pevoient eschapper par quel-
que chemin que ce fust.
Quant toute icelle desconflture fut passée et que les Turcs ,
les Persans et les aultres Sarrazins illec assamblés et envoies
de par le soldan et rois paiens furent retournés es logis^
assavoir es très , tentes, occubes et pavillons qu'ils avoient
conquis sus les chrestiens et qu'ils trouvèrent moult bien gar-
nis de vins , de viandes et de toutes richesses, dont ils se repeu-
rent et aÛBèrent en démenant leur glore en grant joie et grant
revri, ainsi que peuples font quant ils ont en leur pays victôre
sur leurs ennemis. Le roy Basaach dit TAmourath-Baby vint a
grant foison de ménestres, selon l'usage qu'il ont en leur pays,
descendre devant la maistresse tente qui avoit esté au roy de
Honguerie, laquelle estoit moult belle et moult bien aournée de
dioult riches paremens , a quoy ledit Amourath print grant
plaisance à le veoir, et entra dedens a grant joie et se glorifioit
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480 , . RELATIO.^
moult en son ceur de la grande victore qu*il avoit eue en celle
journée sus ses ennemis, dont il regracioit haultement ses dieux
et ses déesses selon sa loj. £t quant il fut désarmé et esventé
et qu'il fut rafreschj, il s'asist sur ung tapis de soje au mil-
Ueu de la tente et ôst venir devers luj ses principaulx et plus
grans amis pour avecques eulx deviser, esbatre et solacier. Et
luj-mesme les metoit en voie de rire et de joie, et brief disoit
qu'ils passeroient ensemble la rivière de la Dunoe et entreroient
à puissance au royaulme de Honguerie et conquerroient le paîs
et tous les aultres rojaulmes et paîs chrestiens et metteroit tout
en son obéissance , et seroit bien content que chascun se tenist
en sa loy , mais qu'il en eust la seigneurie, et vouldroit régner,
comme fist. Alexandre de Macédoine , qui conquist Tempire de
tout le monde, en maius de XII ans, duquel U disoit estre des-
cendu du sang. Et lors ses gens lui firent moult grande révé-
rence et luj disrent qu'il avoit moult bien dist et que ce luy
seroit chose bien légiôre à faire se le voloit entreprendre ,
attendu le grande puissance et le grant commenchement qu'il
avoit. Le roy Basaach fist trois commandemens , assavoir pre-
mier, que tous ceulx qui avaient prisonniers, que les amenassent
au second jour devant luy ; secondement il commanda que tous
les mors fussent visités et que cheulx qui , entre les aultres,
sambleroient estre grans seigneurs, fussent tirés à part et ainsi
les laissier en leur parure tant que les auroit veus , car son
intention estoit de les aller veoir avant le soupper ; le tierch
commandement fut que on sceust bien au vraj entre les mors
' et les prisonniers se le roy de Honguerie estoit mort ou prison-
nier. Ainsi que TAmpurath avoit commandé, il fust fait ; car nul
n eust osé penser au contraire, ne désobéir à. ses commandemens.
Quant VAmourath fut bien rafreschi et remis en aultres
habis , il luy vint en volunté d aler veoir les mors où la bataille
avoit esté ; car on luy avoit rapporté qu'il y avoit moult grant
foison de ses gens mors, dont il estoit moult esmerveillié, et ne
le povoit point bien croire. Il monta à cheval, et moult grant
foison de ses nobles et de son secret conseil , entre lesquels
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DE LA CROISADE. 481
éstoiént Ali-Basach et le Sour-Basach , dont aucunes gens
disoient que c^estoient ses frôres , mais il ne les vouloit point
congnoistre pour ses frôres , ains disoit qu'il n'avoit nuls frôres.
Et quant il fut venu au lieu là où la bataille avoit esté , là
où les mors gisoient, il trouva la vérité de ce que on luj avoit
dit , car contre ung chrestien , qui illec gisoit mort , il y avoit
XXX Sarrasins : dont il fut en soj-mesmes moult durement
courouchiés. Et dist tout en hault : « Il y a c y eu cruelle
(f bataille sur nos gens, et se sont ces chrestiens fort vendus ;
« mais , par ma loy , je feray ceste oecision bien obier compa-
<c rer a ceulx que je tiens prisonniers , qui sont demeurés
« vivans. »
Adont leroy Basaach se party dlllec et s*en retourna au logis,
et se aisa tant du sien comme de ce qu*il avoient trouvé et
conquesté, et passa la nuit en grant fureur de ceur. Et quant ce
vint au matin , devant qu'il feust levé , ne que s^amontrast ,
grant foison de see hommes s'asamblôrent en la place devant sa
tente , pour sçavoir et veoir quelle chose il vouldroit faire des
prisonniers qui estoient prins , car la voix couroit entre eulx
qu'ils seroient tous desmembrés et détrenchiés sans miséricorde.
Ledit Amourath avoit réservé et ordonné , quelque couroux et
fureur qu'il eust sus les chrestiens, que les plus grans seigneurs,
lesquels ses gens tendent prisonniers , fussent tournés d'un
costé » sans touchier & leur corps ; car il estoit adverty qu'ils
éstoiént puissans et qu'ils povoient bien paier grant finance pour
leur renchon. Et d autre part aultr^ nations païennes, qui n'es-
toient point de l'obéissance dudit roy Basaach , sicomme Per-
sans, Tartarins, Arabes, Lectuaires et Suriens avoient conquis
assés de prisonniers , dont ils espéroient avoir grant finance. Si
les cdloient et muchoient, et par ainsi ils ne vindrent point tous
à la congnoissance dudit roy Basaach. Et par ung mardi au
matin messire Jaques de Helly et pluiseurs aultres prisonniers
furent amenés devant la tente du roy , car celuy qui l'avoit
prins, ne l'osa plus celer, ne garder. Et, en attendant l'issue du
roy de sa tente, les chevaliers et les serviteurs familîiers de son
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48i RBLATION
hostel 4ui s'estoient assamblés devant la tonte* en regardant ioa
icenlx prisonniers , recongnenrent entre lee aoltres le seigneur
de HeUj , qui , comme dist est cj-dessus , avoit servi le pore
dadit Amonrath : dont il fust eurenlz , car ils loi firent grande
recongnoissance et le délivrèrent incontinent des mains de oeiluj
A qui il estoit prisonnier, et demeura ôs mains desdits serviteurs
d'icelluj Amourath , de laquelle adventure il devoit bien loer
Dieu , car à aucuns d'eux elle fut moult cruelle et piteuse ,
ainsi que vous orrés.
Ains que le roj Basaach widast de sa trato , ne qu*il 8*ad*
monstrast généralement a son peuple , il avoit faire informa*
tion et enquérir bien au long entre les prisonniers lesquels
estoient les plus grans et puissans seigneurs d*entre eulx pour
les garder affln de les mettre à finance. Et fut trouvé par
ladito information que Jehan de Bourgongne, conte de Nevers,
esteit le chief d*eulx teus et le plus noble et le plus puissant ;
et après luj le connestable messire Phelippe d*Artois , conte
d*Eu, le conte de la Marche, messire Henrj de Bar, messire
Guy de la Trémoille et ainsi par ordre jusquee à YIII, lesquels
TAmourath volut voir et parler k eulx , et les regarda moult
longuement, et puis les examina et constraindj par serment
sur leur foj et sur leur loj , chasoun Tun après Taultre, à dire
leur nom et leur estet. Et que plus est , affln d*en eetre mienlx
informé, il envoya , après ce que les ot ainsi examiné, devere
eulx le chevalier de Franche , messire Jaques de Helly , duquel
ledit Amourath avoit grand^oongnoissance , c(»nme dit est ,
et Tavoit fait délivrer du péril de la mort , et lequel chevalier
devoit par raison bien congnoistre lesdits prisonniers, et luy
commanda et eigoingnit très-expressément qu'il allast devers
eulx et que luy raportast la certainete de leurs noms et de leurs
estas, et leur dist que , sur sa parole , il adviseroit t leur fait*
Ledit seigneur de Helly respondy à FAmourath qu^il feroit
voluntiers teut ce qu'il luy vouldroit commander, car il ne Teust
osé désobéyr. Si alla devers lesdits seigneurs de France et leur
flst la révérence grande; et, quant il les ot advisé, il les
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DE LA GR018A»B. 483
rèoongneut tout incontinent et se devisa Rrant pièce avec eolx
et lem* raconta toute son adventare et aussi comment TAmou-
rath le avoit envoie devers eulz pour savoir et luy raporter la
vâritë s'ils estoient tels que eulx-mesmes leur avoient donné
& con^oistre. A quoy ils respondirent sagement , disant:
a Vous nous congnoissés tous, et si sçavés que par mauvaise
a fortune sommes tous en ce dangier et en la mercj de ce
« ro7 Basaach. Si vous prions que pour nous sauver les vies ,
« vous le veulliés informer tellement que nous mette à ronchon
« en luy remonstrant que nous sommes gens de grant lieu et
a de grande puissance et dont il pourra avoir une grande
a finanche. » Et ledit messire Jaques de Hellj leur respondj :
« En vérité , mes très-bonnourés seigneurs , au bien de vous
« et de vostre délivrance je m*emploiray très-voluntiers de
0 tout mon loial povoir , comme raison est et que tenu y
« suis. 9 Et lors ledit seigneur de Helly print congié d*eulx en
les reconfortant moult bien, et retourna devers TÀmourath et
son conseil et luy dist comment en enssuivant son commande*
ment il avoit parlé audits prisonniers et luy déclara tous leurs
noms et leurs estas en luy remonstrant quHls estoient des plus
nobles et des plus puissans du royaulme de France et moult
prochains parens au roy et qu'ils estoient gens pour paier
grant finance.
Ces paroUes furrent moult aggréables & FAmourath et dit :
a Puisque je trouve leur fait véritable , je les réserve de la
« mort ; mais, au regard des aultres prisonniers , je les ferai
« tous occire et détrenchier devant eulx, afin que aultres
« chrestiens y prendent exemple. » Lors ledit Amourath wida
de sa tente et s'admonstra à tout son peuple qui illec estoit
assemblé. Et quant il le virent venir, il se misr^t tous à
genoulx et lui firent moult grant révérence, et puis il se remis-
rent sus en 'estant et en deux elles , chascun tenant les espées
toutes nues en leurs msins. Et le roy avec les plus nobles de
son hostel et de sa compagnie estoit au chief des deux elles ;
0t le conte de Nevers et les aultres prisonniers qui estant
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484 RELATION
réservé de la mort, estoient assés près d'eulx ; car le rojr von-
loit qu'ils veissent la cruelle discipline que âst illec faire des
aultres chrestiens prisonniers , à quoy les félons Sarrazins
estoient moult enclins et désiroient moult acomplir celle cruelle
tirannie, ainsi que leur avoit ordonné faire ledit roj Basaach.
Lors furent amenés illec tous nuds devant FAmourath en
leurs chemises pluiseurs bons chevaliers et escuiers prisonniers
du rojaulme de France et d'autres nations, qui avoient esté
prins en ladite bataille et en la chasse : lesquels prisonniers ,
après ce que ledit Amoorath les eust ung petit regardé, à ung
signe qu'il faisoit, on les destournoit de sa veue et les faisoit-on
passer parmi ses gens qui tenoient leurs espées nues, comme dit
est dessus. Et tantost iceulx félons tirans les détrencboient tous
par pièces, et ainsi ce cruel roj inûdôle âst mettre à mort plus
de IIP nobles hommes et de diverses nations qui morurent mar-
tirs au service de Nostre-Seigneur, dont Dieu veulle avoir les
àmes« entre lesquels martirs fut occis messire Henry d'An-
toing. Or advinMl que messire Boucicault, mareschal de France,
fust admené tout nud, comme les aultres, pour le faire morir de
ceUe cruelle mort, se le conte de Nevers ne Tenst aperceu. Maïs
quant il le vej, il se partj incontinent de ses eompaignons qui
moult estoient tristes et doloureux de la cruelle mort qu^ils veoient
soufirir à leurs confrères, et se vint getter à genoux devant
ledit roy fiasaach, et luy pria moult piteusement et de grant ceur
qu'il voulsist respiter la vie à ce bon chevalier messire Bouci-
cault,.en luy remonstrant qu'il estoit hault noble homme et gran-
dement en la grâce du roy de France , par quoy il estoit pour
payer une grande ronchon. Finablement le conte flst tant par
ses paroles et par signes qu'il faisoit audit roy Basaach pour luy
donner À entendre son intention, que ledit messire Boucicault
fut tourné de costé et mis avec les aultres, et ainsi. ot sa vie
reepitée. Et après luy, en ot assés qui morurent de celle dolon-
reuse mort : Dieu en veulle recepvoir les âmes en sa glore de
paradis 1 Et en faisant toutes ches inhumanités et inhumaines
œuvres sus ches povres chrestiens, le roy Basaach se advisa quMl
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DE LÀ CEOISAOB. 48S
Touloit envoler en France, manifester par ung chevalier fran-
chois, la joamée de la victore qu*il avait eue sas les chrestiens
et aussi signifier aa roj, princes et seigneurs de France la prinse
du conte de Nevers et des aultres que ledit Amourath et ses
gens avoient prins prisonniers en ladite bataille ; et pour ce
faire avoit advisé trois chevaliers franchois, pour en prendre
Tun au choix de Jehan de Bourgongne : entre lesquels trois che*
valiers estoit messire Jacques de Hellj. Si furent tous trois
amenés devant ledit Amourath en la présence dudit Jehan de
Boui^ngne, et demanda ledit Amourath audit Jehan de Bour-
gongne lequel des trois il voloit pour faire ce message en France.
A quoj faire, ledit Jehan de Bourgogne choisit messire Jacques
de Hellj, lequel en ot la bonne adventure, pour ce qu*il le con-
gnoissoit mieulx que tous les aultres. Et dist : « Sire, se vous
« plaist, cestuj fera le message pour vous et pour nous. » Et par
ainsj ledit messire Jacques de Hellj en ot la charge de ce mes-
sage faire, et les deux aultres furent renvoies au peuple pour
détrenchier, ainsi qu*avoient esté les aultres. Et quant le roj
Basaach ot fait toute sa cruelle et inhumainne volunté sur les
chrestiens prisonniers, et qull sceut que le roj de Honguerie
n'estoit ne mort, ne prins, ains s'estoit sauvé et passé la rivière
de la Dunoe, il se retrait en Turquie devers la cité de Burselle,
et là fist mener les prisonniers de France et dist que, pour celle
saison, il avoit assés fait, et donna congié à aucuns de ses hommes
et mesmement à tous ceulx des loingtains rojaulmes qui Testoient
venus servir en ce voiage, sioomme de Tartarie, de Perse, de
Mode, de Surie, d'Alexandrie et aultres de moult loingtainnes
contrées. Après ce fait, ledit Amourath fist préparer ledit che-
valier messire Jacques de Hellj, pour retourner en France, et
lu j dist qu*il lujsaluast le roj de France, et par dessus tout lu j
commanda et eiyongn j par exprès qu*il prinst son chemin par
Lombardie et qu*il saluast le duc de MiUan, et que partout où il
passeroit, manifestast la journée de la grande victore qu*il avoit
eue sur les chrestiens ; car il vouloit bien que tout le monde le
soeust. D'aûltre part, le conte de Nevers rescripvj pour luj et
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4t6 ULATioir
poarles aaltres prisoiiiiidn, ses oompaignons, au roj et à moiv-
seigneor le dac de Bourgongne, son père, et à madame ta mère.
Et qpant ledit chevalier ot sa charge» tant par lettres comme
par bottohe, il print oongié dndit Àmonrath et des burons de
France. Mais, ains qa*il peult partir, ledit Amoorath laj flst
jurer et promettre que incontinent qull auroit fait son dit
voyage en France et signifié au roj et aux seigneurs ce
dont il avoit la charge, qu*il retoumeroit au plus test qu'il pour-
roit, et ainsi le jura et promist et le tint bien aussi à son lojat
povoir. Et par ainsi FAmourath luy donna oongié, et il se sût à
chemin. Icy lairons ung petit à parler dudit Amourath et des
aultres seigneurs de Franche et parlerons d'aultree ofaoees
descendans de ceste matière.
Après celle grande desconfiture , il advint que ce mesilie
lundi , jour de ladite bataille, aucuns chevaliers et escuiers,
qui estoient bien au nombre de IIP , tant Franchois que d'au-
tres diverses nations , estoient au plus matin allés fonmgier et
us scavoient riens de la bataille , quant à leur retour ils ren-
eontrèrei^t les fuians , qui leur racontèrent la desoonfiture. Et
quantilsoîrent ces griefves nouvelles , ils tournèrent au con-
traire , et, au plus test qu'ils peurent, se misrent à salvation et
prinrent divers chemins en eslongant le péril et dangier des
mescréans. De prime face ils entrèrent en ung paîs qui joint à
la Hoaguerie , que on appelle la Blaquie et est une terre peu-
plée de gens divers qui furent conquiA sur les Turcs et par
force convertis à la foj chrestienne.
Les gardes des pors, des passages, des villes et chastiaulx de
ceste contrée laiseoient assés légièrement entrer en leur terre
iceulx chrestiens fuians et lesreeeulloient et logoient ; mais , au
partir et au congié prendre , ils leur ostoient tout ce qu'ils
avoient , jusques k le chemise , réservé aux gentils hommes à
qui ils laissoient une povre robe et petit d'argent pour passer la
journée seulement. Mais aux aultres de basse condition , ils iea
despoulloient tous nuds et les batoient villainnement et sans
pitié , et ainsi à grant misère passèrent ce pafs tant qu'ils vm-
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w hà uMu»M. 497
drent en Hongnme ; maû ils na trouvôrent illec gatres miecdz,
car à grant painne poToient-ils trouver qui leur voulsist donner
da pain» na logier pour Famour de Dieu. Ces poTres gens endu-
rèrent tant de rudesses et de misérables povretës que on ne las
TOUS sçauroit raconter ; niais , quant ils vindrent an Ostrieet an
unecitë appelé Vienne , ils furent illec plus doulcement receul-
liés ; ear les bonnes gens du pato , qui en orent grant pitié ,
rsvastoient les nuds et leur départoient de leurs biens et Dû-
soient samblablement par tout le rojauhoae de Babaigne. Et an
Térité s*Us eussent trouTés les Alemans ausi rudes comme ils
aYoient trouvés les Blas et les Hongres , jamais n'eussent peu
retourner en France , ains fassent tous mors de froit et de faim
sur le chemin. Et cbascun qui les oioit raconter les grans périla
et povretés qu'ils atoient eus sur le chemin , an avoient moult
grant pitié » et les ungs plus que les aultres. Et finablamant
ioeulx déchassés cheminèrent tant qu'ils vindrent à Paris. Et
brs commenchèrent fort à amplier ses angoisseuses nouvelles
de la desconflture , lesquelles à rencommencement l'en ne vou-
loit pas bien croire , et disoient les aucuns parmi la cité da
Paris : « C'est dommage que on ne pende ces ribaudailles qui
« ont mis et mettent en avant tous les jours tdles bourdes et
e fallaces. s Ce nonobstant toujours oontinuoient ces nouvdles
de plus en plus et amplioient partout, car toujours en vanoiant
nouvelles sus aultres , et en parlaient en diverses manières. Et
quant le roj de Franoeapperceut que ces nouvelles multtplioiant
et oontinuoient toui^ours , il en fut moult dolent , car trop
grant dommage et perte des nobles de son sang et de sa cheva-
lerie 7 avoit. Et pour ce fist commandement sur paine de grande
correction que nul ne fost si hardy d'en parler jusques ad ce
qu'on sçauroit mieulx la vérité du fait , et que tous oaulx qui an
avaient raporté les nouvelles , disans qu'ils venoient dudit voil-
age , fussent, tous nds et boutés en prison au Chastellet à Paris,
et que , s'il estoit trouvé qu'ils n'en eussent raporté le vérité ,
qulls fussent tons noyés. Dont il advint qu'il en y ot tant d#
prisonniers que ledit Chastellet en estoit tout plain..
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48è
RBLATION
Or advint que messire Jaques de Helly entra en la cité de
Paris , environ à heure de nonne , sur la propre nuit de Noël ,
que Ton dlst en Flandres Kalendes ; et si tost qu'il fut À son
hostel descendu de son cheval, il demanda où le roj estoit, et
on luj dist qu'il estoit en Tostel de Saint-Pol sur Sainne. Et lors
incontinent il tira celle part. Pour ce temps estoient devers
le roy, À Paris, le duc d*Orléans , le duc de Berry , le duc de
Bourgongne, le conte de Saint -Pol et moult d^aultres nobles
seigneurs du royaulme de France , ainsi qull est' d*usage que
À une telle solennité les seigneurs simt voluntiers devers leur
roj et souverain seigneur. Icelluj messire Jacques entra ou dit
hostel de Sainct-Pol en tel estât qu'il estoit dessendu de son
cheval, ainsi que tout housé et esperonné ; mais pour lors il n*j
estoit point congneu , car il avoit plus hanté les marches loing-
tainnes , quérant les aventures du monde, qu*il n*avôit fait les
prochainnes de sa nation. Si âst tant par ses paroles quon
le laissa entrer jusquesà la chambre du roy. Et illec âst
congnoissance par les lettres qu'il raportoit, disant qu'il venoit
tout incontinent de devers TAmourath-Baby et de la Turquie
et qu'il avoit esté à la bataille de Nicopoly , où les chrestiens
avoient esté desconfis , dont il apportoit certainnes nouvelles ,
tant du conte de Nevers , comme des aultres seigneurs de
France qui en sa compaignie estoient allés audit voyage.
Quant les chevaliers de la cambre oîrent ledit chevalier
ainsi parler, ils Tescoutôrent moult voluntiers tant qu'il sam-
bloit bien qu'il estoit homme révérend et véritable, comme
aussi pour ce qu'il sçavoient bien que le roy, le duc de Bour-
gongne et les aultres seigneurs de France désiroient moult &
oyr certainnes nouvelles des parties dont il venoit. Se le
menèrent devers le roy ; et quant il l'aperceut , il se jetta à
genoux et luy âst la révérence, ainsi qu'il appartenoit, et parla
moult sagement en déclarant la charge qu'il avoit de l'Amou-
rath-Bahy et de par le conte de Mevers et les aultres seigneurs
de France que ledit Amourath tenoit prisonniers. Et puis luy
raconta toute la manière comment ils s'estoient conduis au
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DE LA CROISADE. 489
fait de la guerre contre les mescréans , durant tout ledit
Yoiage, et aussi la manière de la bataille et de la desconfiture.
Quant le roj et les seigneurs oîrent ces douloureuses nou-
velles, ils en furent moult desplaisans, car ils sçavoient bien
qu*il leurracomptoit la vérité et qu*il avoit veu toute la manière
de la mésadventure. Si Texaminôrent moult doulcement pour
mieulx attaindre la vérité du cas , et il leur respôndoit À tous
si sagement que le roj et tous les seigneurs furent moult con-
tens de lui. Ils furent moult desplaisans de la perte que le roy
de Honguerie et ses gens avoient eue À ladite bataille ; mais
ils se resconfortoient en che qu*il estoit eschappé sans mort ; car
ils avoient bon espoir que encores il recouvreroit ses pertes
sur ledit Amourath et sur la Turquie , car encores estoit-il
aussi puissant pour luy faire guerre , qu*il avoit oncques esté.
Et d'aultre part puisque Tadventure estoit ainsi advenue, ils
estoient tous reconfortés et reçois de che que les seigneurs de
France prisonniers, assavoir le conte de Nevers , le conte d*Eu,
le conte de la Marche, messire Henry de Bar, messire Guy de
la Trémoille et messire Bouchicault estoient hors de péril de
mort, combien qu'ils fussent prisonniers ; car il leur sambloit
bien que quant ils seroient mis & finance, qu'ils seroient bien
rachetés, quoy qu*il deust couster. Et comme leur disoit icel-
luy messire Jaques de Helly, il leur sambloit bien que ledit
Amourath, lequel estoit moult convoiteux de assembler grant
finance en son trésor, les metteroit à ronchon en dedens ung
mois ou deux au plus tart. Mais Us estoient moult desplaisans
de la mort de ces bons vaillans chevaliers messire Jehan de
Vienne, messire Guillame de la Trémoille et les aultres qui
furent occis en la dite bataille.
Après ce que ce bon chevalier messire Jaques de Helly ot
fait son message, ainsi que vous avés oy, le roy et les seigneurs
le receullirent moult bénignement et le loèrent moult en disant :
« Certes , sire de Helly , ce vous est une belle grâce de Dieu et
« ung grant eur , quant, par la congnoissance que TAmourath-
« Bahy et les aultres Turcs par delà ont de vous , À cause de
XV. — FROISSART. 3â.
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490 RELATION
« la conversation que avés de longtemps eue avec eulx ,'à qui
u TOUS estiés prisonnier pi'ins en celle bataille avec les attitrés,
0 ils vous ont respité la vie et vous ont envoie par dechà. faire
« ce message, dont vous et tout vostre lignage en devés mieulx
« valloir et estre loés et prisiés à tousjours. »
Tantost après ce que messire Jaques de Helly ot raporté , à
Paris , à la personne du roy et des seigneurs , la certaiiineté de
ces nouvelles , le roj flst délivrer tous les prisonniers qu ils
avoit fait bouter ou Chastelet , pour la cause devant dite ,
dont ils furent moult joyeulx.
Lôrs furent les nouvelles de la desconûture des chrestienâ
que ledit messire Jacques de -Hellj avoit apportées en France,
tenues pour véritables, et furent tantost ampliées par tout le
rojaulme , dont ceulx et celles qui leurs maris , leurs pores ,
leurs frères , leurs enfans , leurs parens et leurs amis j avoieni
perdus ou qui y estoient demeurés prisonniers, faisoient moidt
grant duel , et non sans cause. Les haultes dames de Franco et
mesmement madame de Bourgongne, mère dndit conte de Nevers,
et madame Marguerite de Haynau , son espeuse , firent ung
merveilleux duel , quant elles sceunent qu'il estoit ainsi
demeuré prisonnier entre les mains des Sarrasins. Et sambla^
blement madame Marie de Berrj , espeuse du conte d'Eu ,
connestable , madame de Coucy , mademoiselle sa âUe et géné-
ralement toutes les autres dames et demoiselles de France et
d'ailleurs , qui leurs maris, parens et amis y avaient prisonniers*
démbnoient duel À désmesure , combien que aucunement elles se
rèconfortoient en ce qu'ils estoient hors du péril de la mort ,
considérant que on les osteroit bien hors du âangi«r où ils
estoient, par aucun bon moyen. Mais il n*y avoit point de res-
confort en celles qui sçavoient que leurs maris , leurs pores et
amis y estoient occis.
Les lamentations de ces nouvelles durèrent moult longuement
au royaulme de France. Toutesfois le duo de Bourgongne festoia
môult grandement ledit seigneur de Helly qui ces nouvdles luy
avoit apportée^ d^ son fils, et luy donna de naoult grans dons de
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DE* LA CROISADE. 49f
son trésor et de moult beaulx, et riches joyaulx, et le retint des
chevaliers de son hostel, en luj assignant II" livres par an, dont
il possessa et joîst sa vie durant. Et samblablement le roy et
tous les seigneurs luy firent aussi de beaux dons , et s*efforcha
chascun de le festoier et honnourer et mesmement pour ce qu'il
estoit moult vénérable chevalier et qui bien sçavoit deviser des
contrées de la Turquie , du royaulme de Honguerie et des païs
de par delà et des conditions dudit Amourath et des prlncep
de par delà. Et après qu'il ot illec séjourné Tespasse de XII
jours seulement et fait son message deuement , il dist au roj et
aux seigneurs comment il estoit obligié de retourner, incontinent
qnH avoit fait son message , devers TAmourath ; car encores
il estoit son prisonnier, et ne luj avoit donné congié que pour
aller faire ce message , comme dit est , et incontinent retourner
devers luy.
Quant le roy et les seigneurs entendirent messire Jacques de
Helly, ils orent ses paroles assés agréables, et lors le roy, le
duc de Bourgongne et les aultres seigneurs qui illec estoient,
advisôrent de le expédier au plustost qu'il peurent, et con-
clurent ensemble, veu que ledit messire Jacques estoit encore en
dangier de prison devers ledit Amourath, doubtant aussi que à
celle cause il ne pourroit si tost retourner devers eulx qu'il
estoit besoing pour la délivrance desdits prisonniers , qu'ils en-
voiroient avec lui ung aultre chevalier sage et prudent, lequel,
après qu'il auroit fait son message, pourroit retourner sans em-
peschement devers eulx par moyen de sauf-conduit. Et pour ce
faire fut esleu ung chevalier de moult grant discrétion , nommé
messire Jehan de Chastelmorant. Et pour ce qu'ils vouloient
complaire audit Amourath, affin qu'il fust plus doulx et plus
aimable auxdits prisonnieif , ils advisôrent qu'il luy envoiroient
par ledit messire Jehan de Chastelmorant quelque honneste
présent ; et à ceste cause demandèrent audit messire Jaques
de Heilly quel présent ils lui porroient envoler qui luy fust
aggréable. A quoy messire Jacques respondy qu'il sçavoit bien
que ledit Amourath prendroit grant plaisir à veoir tapisserie de
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492 RBLATIOU
haulte lisse, quant elle est bien faitte et bien ouvrée à an-
chiennes hjstores, et aussi qu*il veoit voluntiera blans faucons»
que Ten nomme gerfaulx ; il savoit bien aussi qu*il prenoit bien
en gré fines toillettes de Rains et fines escaUatres. Car les Sar-
razins, quant une fois ils en pôvent finer par aucuns marchaas
ouaultrementqui leur apportent de pardechà, ils les ont en grande
chiôreté et les prisent beaucoup plus que ne font les riches
draps d or et de soie qu'ils ont par delà en grant habundance ;
car ils ont grant délectation et grant plaisir & veoir choses
nouvelles.
Aux paroles dlcelluy messire Jacques de Hellj s*arrestèrent,
le roj et le duc de Bourgongne, qui moult désiroient &ire chose
qui pleust audit Amourath, pour l'amour desdits prisonniers et
mesmement pour Tamour de Jehan de Bourgongne. Si disrent :
« Messire Jaques, nous sommes avertis que vous volés retourner
« par Lombardie, pour parler au duc de Millan ; car, comme le
a renommée est, FAmourath et ledit duc de Millan s*entr*aiment
a moult fort Tun Taultre, combien que oncques ne se soient
n entreveusf. Mais, quelque chemin que prenés, nous vous prions
<i et ordonnons que vous attendes en Honguerie le seigneur de
tt Chastelmorant, auquel le roy a ordonné de passer le royaulme
a de Honguerie et aller en Turquie devers rAmourath-Bahj
tt hxy faire le message et de par lu j ce que ordonné luj est. » Et
edit messire Jacques respondj que moult voluntiers il le feroit
et obéiroit à ses commandemens, comme raison estoit ; et lors
il fut entièrement délivré et print congié du roj et du duc de
Bourgongne et des aultres seigneurs de France, et partj de
Paris ; et puis prinst son chemin ainsi qu*il estoit venu, et ainsi
se mist au retour en intention de ne jamais retourner en France»
qu'il n'eust passé Honguerie et esté en la Turquie devers
rAmourath-Bahy. Et d'aultre part le roy et le duc de Bour-
gongne firent moult diligamment pourveoir les présens qu'ils
avoient ordonnés estre présentés audit Amourath. Quant ils
forent pourveus, ils furent délivrés audit seigneur de Chas-
telmorant, lequel fut tantost prest pour faire et accomplir le
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DB LA CROISADE. 495
message, ainsi que le roy et les seigneurs luy avoient ordonne.
Affln qne messire Jehan de Chastelmorant se peust mettre à
chemin et qu'il peust rataindre messire Jacques de Kelly, Ten
flst grant dllligence tant que Ten fina les présens que Ten avoit
conclu d*enyoier présenter par ledit messire Jehan audit Amou-
rath, dontil y ot VI sommiers chergiés : assavoir les deux som-
miers estoient chergiés de tapisserie de haulte lisse qui estoit
moult riche, bel et plaisant à veoir, et si estoit ouvré à Tistore et
vie et conqueste du roy Alexandre, que Fen avoit prins et acheté
d'un moult bon ouvrier en la ville d'Arras. Les aultres deux
sommiers estoient chergiés de moult belles et ânes toillettes de
Rains, et les aultres deux sommiers estoient chargiés de moult
belles fines escallatres blanches et vermeilles ; et avec ce luy
furent envoies une paire de moult'beaux faucons gerfaulx, que
Fen recouvra à moult grant paine ; mais, toutefois, Ten chercha
tant en AUemaigne et aillieurs, que ils furent trouvés , et furent
baiUiéset délivrés, avec toutes les choses dessusdites, audit mes*
sire Jehan de Chastelmorant, et luy fust bien enchargié de faire
bon debvoir comme de son message, comme desdits présens. Et
lors prinst congié du roy et des seigneurs, et se mist à chemin
XV jours après ledit messire Jacques de Helly.
Ce temps pendant , le roy de Honguerie , qui moult grande
perte et dommage de ses gens et bagues avoit aussi eu en la
bataille , comme dessus est dit, estoit retourné en son royaulme,
dont tout son peuple , qui moult Tamoient , furent moult res-
jo!s, et vindrent devers luy pour le reconforter et luy disrent
qu*il presisttouten patience, puisqu'il plaisoit ainsi à Nostre-Seî-
gneur, et puisqu'il en estoit retourné sain et sauf , il estoit bien
en luy , à Faide de Dieu , de recouvrer ses pertes au double sur
ses ennemis ; et ainsi le roy de Honguerie se reconforta et print
en patience sa fortune au mieulx qu'il peult.
D'aultre part l'Amourath-Bahy retourna après sa victore en
son pals et mena ses prisonniers avec lui , et vint en une sienne
groese cité en Turquie appellée Brusele ; et 1& furent les pri-
sonniers de France bailliés à garder à certains Sarrazins que
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194 aELATlON
ledit Amourath avoit à ce establj sur eiilx. Si povés Uen
savoir qu'ils n*a voient point leurs aises, ne la nourrechon qu'ils
avoient acoustumé d avoir auparavant ; car ils avoient aprins
d avoir leur queux et serviteurs , qui leur administroient et
servoient diligamment et délicieusement de doulces viandes ,
selon leur appétit, et de toutes leurs aultres nécessités. Mais ils
estoient lors administrés tout au contraire , car ils estoient ser-
vis de grosses viandes mal cuites et mal appareillées et de pain
de millet qui est mou , dur à digérer et hors de la nature de
France , et si avoient vin À grant dangier ; mais ils avoient
espisses à largesse , et combien qu'ils fussent grans seigneurs ,
les Turcs n*en faisoient ne plus, ne moins , ains les avoient
aussi chier malades que haitiés et mors que vifia ; car assés
en j avoit qu'ils eussent bien volu que on les eust tous fais
morir , se ils en eussent esté creus.
Iceulx seigneurs prisonniers se reconfortoient avec Fun
Taultre, et prenoient en>gré leur fortune, puisque aoltrement
ne povoit estre ; mais ils se changèrent moult de sang et de
couleur , dont ils furent moult altérés , car ils engendrèrent
petit à petit foîble sang, et les ungs plus que leii aultres. Et
par espécial le conte de Nevers , par son sens, prenoit très-
bien en patience sa fortune, affin que les aultres fussent plus
reconfortés. Et semblablement messire Boucicault, le conte de
la Marche et messire Henry de Bar prenoient aussi assés en
patience leur diverse adventure, et disoient en leurs devises que
on ne peut tousjours avoir les honneurs, glore et prospérité
des fais d armes , sans aucune fois avoir diverses adventures
au contraire ; et ne fut oncques sceu que nul homme en ce
monde tant feust eureulx , vaillant , ne bien usité en fais
d'armes, qu'il en eust tous ses souhais, et, que plus est, puis*
que leur adventure leur estoit ainsi advenue , ils dévoient bien
loer Dieu qu'ils en povoient eschapper leurs vies sauves ; car ,
en la fureur de l'Amourath , par Fadvis et acord de son plus
prochain conseil et de tout le peuple généralment, il fut ordonné
qu'ils seroient tous mis & mort et détrenchiés. Et dist mesmes
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DE LA CROISADE. 495
meiBfàre Boucieault : « Je xnesmes dois loer Dieu plua que puis
« de TOUS aultres ; car» comme ; tous sçarés , je fus amené et
« jusques À Textréme d^estre occis et détrenchiés , ainsi que
« furent nos aultres compagnons, quant monseigneur de
a Nevers me recongneut et de sa grâce incontinent se vint get-
« ter à genoulx devant TAmourath en luj priant, en moult
a grande humilité, qu*il voulsist avoir pitié de moy ; et à sa
« prière je fus respité de la mort, dont je le merchie humble-
« ment. Toutesfois je congnoj que je morraj quant il plaira
% à Nostre-Seigneur ; mais che que je viveraj doresenavant ,
« je le conte tout d'avantage. Et en Tespoir de Dieu, à qui nous
« sommes souldoiers et pour qui nous sommes en ce dangereux
« païs , puisqu il nous a jusques À ores préservé de péril de
4 mort , je suis asseuré que encores il nous délivrera de ceste
f prison et au plus tart en dedens ung an ; car j*aj bon espoir
« en messire Jacques de Hellj, qui, par Tordonnance de
« TAmourath est allé en France devers Je roj, monseigneur de
« 3ourgongne et les aultres seigneurs signifier nostre adven-
a ture,etDous en raportera bonnes nouvelles bien brief; car
« je sçaj bien que le roj, monseigneur de Bourgongne et nos
« aultres seigneurs, parens et amis, auront grant désir de nous
a secourir et aidier en ceste adversité. »
Ainssi se reconfortoit messire Boucieault, et semblablement
le jeune conte de Nevers et les aultres. Mais le sire de Coucj
se desconfortoit moult et prenoit en grant desplaisir sa mau-
vaise fortune, dont ce fut grant merveille ; car auparavant ceste
ditte adventure, il avoit esté toujours pourveu de grant sens
et reconfortoit les aultres et n'avoit oncques esté esbahy. Mais
luj estant prisonnier en la dite cité de Bursele en Turquie ,
il se de^onfortoit et esbahissoit moult fort et beaucoup plus
que nuls des aultres , et taiit estoit triste et mérencolieux de
oeur qu*il en estoit trôs-fort affoiblj, et disoit bien que jamais
ne retourneroit en France , et combien qu*il estoit eschappé de
maint aultre grant péril et diverses adventures , que ceste
seroit la dernière. Messire Henry de Bar le reconfortoit au
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496 BELÀTIOR
mieufx qu'il povoit et luj blasmoit fort sa contenance, diaaot
que entre tous les aultres il devoit estre le plus constant et le'
plus asseurê, attendu qu'il estoit des plus anchiens de leur
compaignie et celuj qui avoit le plus veu et eu plus de fortunes
de ce monde que nuls d*eux tous, dont il estoit tousjours bien
escappé, et que enoores estoît-il bien en la puissancede Dieu de
le mettre hors de ce dangier ainsi qu'il avoit^fait de tous les aultres.
Mais riens n'y valloit, car tousjours de plus en plus se desoon-
fortoit et regretoit souvent sa femme et sa belle ûlle mouU
piteusement. Messire Philippe d'Arthoia , conte d'Eu, messire
Gu j de la Trémoille et le conte de la Marche se reoonfortoient
assés bien, espérans que encores tous seroient mis à délivrance.
Au regard de l'Amourath-Bahi, il leur estoit assés amiable et
débonaire, car il voloil bien que aucune fois ils eussent grâce
d'eulx aller esbatre, et les faisoit souvent venir devers luj pour
deviser et esbatre avec eulx , affln aussi qu'ils veissent son
estât et sa puissance.
Icy lairons ung petit é parler d'eulx et parlerons de messire
Jaques de Hellj et de messire Jehan de Chastel-Morant qui
tous deux cheminoient l'un après Taultre devers Honguerie ;
mais messire Jaques j arriva devant ledit messire Jehan et
vint en la cité de Boude où il trouva le roy, qui le recuella
moult doulcement pour l'amour du roy et des royaulx de France,
et luy en demanda des nouvelles , lequel luy en dist assés.
Messire Jaques de Helly séjourna environ X ou XII jours
en la dite cité de Bode , en Honguerie, en attendant ledit-
messire Jehan de Chastel-Morant, lequel exploita tellement
que tantost après luy lesdits sommiers et toute sa compaignie
arrivèrent aussi en ladite cité , dont ledit messire Jaques ,
quant il sceut sa venue, fut moult re^oy ; car il le désiroit
moult tant pour passer oultre et le conduire en la Turquie ,
ainsi que luy avoient ordonné le roy et le duc de Bourgongne ,
comme pour acquittier sa foy devers ledit Amourath et ausai
pour rcsjoïr et reconforter le conte de Névers et les aultres
seigneurs de France prisonniers, à son loyal povoir.
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M LA caoiSADE. 497
Quant ledit messire Jehan de Chacrtel-Morant fost descenda
en Bon hostel, en ladite cité de Bonde en Honguerie, tantost
après il vint faire la révérence au roy, lequel le recuella moult
honorablement et bénignement et luj fist grant chière pour
l'amour du roj et des nobles de France ; mais, quant il sceut
que le roj de France envoioit par lesdits chevaliers tant de si
beaulx et riches jojaulx présenter audit Amourath, il en fut
moult courouchié , combien quMl dissimula et oouvrj son cou-
rage sagement, tant que messire Jaques de Hellj fut parti
d*il]ec et que fut passé en la Turquie. Mais lors il s*en descou-
vrj à ceulx de son plus privé conseil et leur dist moult furieu-
sement que jà il ne souffriroit que iceulx jojaulx fussent por-
tés, ne présentés audit chien mescréant, son adversaire, tant
qu'il le porroit destourner.
Après chê que messire Jaques de Hellj fust reposé environ
deux jours, il prinst congié du roj et dudit seigneur de Chas-
tel- Morant et dist qu'il vouloit passer oultre pour aller en
Turquie devers TAmourath et mesmement pour impétrer ung
saulf-conduit pour icelluj messire Jehan de Chastel-Morant ,
a/Bn que luj et ce qu'il menoit peussent passer oultre et venir
sauvement devers luj. A quoj le roj respondj que ce seroit
bien fait. Et par ainsj ledit chevalier se mist au chemin avec
ses gens et prinst guides qui le menèrent par Honguerie et par
Blacquie et exploita tellement par ses journées qu'il vint devers
l'Amourath. Mais il ne le trouva pas à Bursele , ains estoit
parti d'illec et estoit allé en une aultre cité plus avant en la
Turquie , nommée Polli, et avoit mené avec luj lesdits sei-
gneurs prisonniers, ainsi qu*il avoit acoustumé de les mener
avec luj partout où il alloit, réservé le seigneur de Coucj ,
qu'il avoit laissié en la cité de Bursele, qui est à l'entrée de
la Turquie, pour che qu'il ne povoit souffrir le traveil de che-
vauchier, tant estoit affoibli par maladie, et aussi pour ce
que ung grant baron de Grèce, qui estoit son prochain parent ,
nommé le seigneur de Matelîn, lequel estoit issu des ducs
d^Ostrice, estoit demeuré piège pour luj : pour quoj on estoit
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498 RBLATION
plos asseoré de luj que de nais des aaltres. Et quant ledit mes-
sire Jaqaes de Hellj fat vena en la cité de Polj, il se traj
incontinent devers Fostel de rAmourath, là où il sçavoit bien
le chemin et si y estoit bien congnea. Et tantost qu'il j fast
yeno, il fut mené devers TAmourath qui le vej moult volun-
tiers mesmement pour ce qu'il estoit retourné de Franche. Lors
le seigneur de Hellj lujfist la révérence en moult grande
humilité et luj dist : « Très-chier et redoubté seigtieur, veés-
« icj vostre prisonnier ; j'ay fait vostre message , tout ainsi
a quUl vousT avoit pieu le moj chargier, au mieulx que j'aj
« sceu à mon loial povoir. » Lors ledit Amourath respondj et
luj dist : tf Tu soies le très-bien venu , et pour ce que tu te
« es bien et deuement acquittié de ta promesse et que je te
a treuve franc et lojal, je te quitte libéralement de ta prison,
« et te donne franchise dealer et venir par toute ma terre
« tant et si longuement que tu vouidras, et aussi de retourner
K en France quant tu vouidras. » De laquelle grâce ledit
messire Jaques le remercia moult humblement. Et lors luj
dit comment le roj de France et le duc de Bourgongne, pcro
du conte de Nevers son prisonnier, luj envoioient ung moult
notable chevalier de grant honneur et de crédence en embas-
sade , par lequel le roy luj envoioit aucuns jojaulx de récréa-
tion, lesquels il verroit moult voluntiers. Lors TAmourath luj
demanda s'il les avoit veus , et il luj dist que non ; et puis
dist : tt Sire, ledit chevalier qui aoharge de faire ce message» ^
« est demeuré emprès le roj de Honguerie, en sa cité de
« Boude, et je suis venu devant par devers vous pour vous
<c annonchier ces nouvelles et aussi pour avoir sauf-conduit
« pour luj et sa compagnie, sauf allant et sauf retournant sans
• « barat et malengin. » A quoj TAmourath respondi : t Nous
a volons et recordons qu'il aist sauf-conduit tout ainsi et en
« telle manière que vous le vouldrés ordonner. »
A ces paroles ledit messire Jaques remercia moult humble-
ment ledit Amourath, et puis se partirent Tun de Taultre.
L* Amourath se tourna vers ses gens et se commencha à es-
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DE LA CROISADE. 499
batre et à deviser en oiseuses paroles, a^nsi que ont accoustumé
de faire grans seigneurs, quant ils veullent prendre récréation
avec leurs gens. Mais après ledit messire Jaques de Hellj se
getta à genoulx de rechief devant luj, et luj pria moult hum-
blement qu'il luy voulsist ottroyer que il peust parler aux sei-
gneurs prisonniers de France, ausquel il avoit charge de parler
de par le roy et leurs aultres amis de par-delà. Quant TAmou-
rath entendit sa requeste, il -pensa ung petit et puis luy dist :
(f Tu en verras ung seulement et non plus, » et lors ordonna à
aucuns de ses gens qu'ils allassent quérir le conte de Nevers, et
qu'ils l'amenassent en la place et le laissent ung petit parler à
luy ; et ainsi fut fait comme il le commanda. Et quant messire
Jaques veist le conte de Nevers, il luy fist la révérence moult
honorablement, et le conte, qui le vey moult voluntiers, comme
raison estoit, le resalua moult doulcement et luy demanda de
Testât du roy, du duc de Bourgongne, son père, de madame sa
mère, de son espeuse et de toutes nouvelles de France. Et le
chevalier luy en conta tout che qu'il en savoit, et luy dist la
charge quMl avoit. Mais ils n'orent pas si grant loisir de parler
ensemble, comme ils eussent bien yolu ; car les gens de l'Âmon-
rath leur disrent qu'ils se despescbassent de parler, car ils ne
povoient illec attendre plus longuement.
Lors ledit messire Jacques demanda audit conte de Nevers se
tous les aultres prisonniers estoient en bon point, et le conte de
•Nevers respondi et dist : a Ouy, mais le sire de Couchi n'est
ic point avec nous, ains est demeuré à Sursoie, et, comme j'ay
« entendu, le seigneur de Mathelin, qui est ung seigneur de
a Grèce, est demeuré plaige pour luy. » Et lors messire Jaques
de Helly luy raconta comment messire Jehan de Chastelmorant
estoit envoie de par le roy et le duc de Bourgongne, son père,
en ambassade devers TAmourath et luy apportoit , pour adoul-
chîer sa félonnie envers eulx, de moult beaux et riches
joyaulx, et luy dist comment il estoit demeuré emprès le roy de
Honguerie, en sa cité de Bode, et qu'il estoit venu devant quérir
ung sauf-conduit pour luy et ses gens, lequel ledit Amountth
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800 RBLàTlOU
layavoit accordé. Et dist <ia'il la j sambloit bien qa il avoit charge
de retouj^ner devers ledit messire Jehan dé Chaatelmorant, pour
laj porter ledit sanf-oondait, desquelles paroles le conte de Nevera
fat moult resjoj, mais il n*en osa monstrer sàmblant pour
doabte des Turcs qui moult près se donnoieut garde de luj. Mais
il luj dist : a Messire Jaques, j entends par vous-mesmes que
«r TAmourath vous a légièrement quittié et deschargié de vostre
t prison et que vous povés retourner en Franche, quant il vous
« plaira. Pour quoj je vous prie que, quant vous serés par d^,
« vous veuilliés remonstrer à monseigneur mon père, s*il a in-
« tention de moj jamais et mes compaîgnons ravoir, qu*il en-
ff voie traitjtier à nostre délivrance, le plus brief que faire se
« polra, par marchans genevois et vénissiens, et s'accorde à la
« première demande que fera l'Amourath ou ceulx qu'il aura
«r commis à ce ; car je doubte que nous soyons tous destruis, se
t nostre fait varie et tarde ainsi longuement. Et aussi j'aj en-
« tendu que FAmourath est loyal et brief eh toutes ses choses»
« mais que on le sache prendre à point. »
A tant finèrent les paroles entre eulx deux. Le conte de
Nevers fut remené avec ses compaignons, et le sire de Hellj
retourna d'aultre costé et fist dilligence d'avoir son expédition
dudit Amourath et le sauf-conduit que luj avoit accordé. Et
quant il fut seellé et expédié selon leur coustume, il le fist déli-
vrer audit messire Jacques, lequel le print, et puis prinst congié
derAmourath et de ceulx de sa cour à qui il avoit congnoissance,
et se mist à retour, et chemina tant qu'il arriva en la cité de
Bode en Honguerie, et se traj incontinent devers ledit messire
Jehan de Chastelmorant , qui Tatendoit et désiroit moult sa
venue. Si luj dist : « Je vous apporte le sauf-conduit du roj
« Basaach dit l'Amourath-Bahj, pour vous et vos gens aler
« sauvement devers luj en la Turquie, et le m'a assés légière-
« ment accordé ; » dont le dit chevalier de Chastelmorant fut
bien jojeulx. Si luj dist : « Messire Jaques, vous avés très*
« bien besongnié. Si vous prie, allons vers le roj lui adnon-
s chier ceste affaire, affln que demain au matin je me paisse
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DE LA CROISADE. SOi
a mettre à chemin et parfaire mon message, selon ma charge ;
t car j*a7 icj assés séjourne. » Et lors tous d'un accort allèrent
ensemble devers leroj, quiestoitensa chambre, et parlèrentàluy
et luj remonstrèrent toute la préparation de leur affaire en luy
priant qu'il leur voulsist donner congié d*aler parfaire leur
message. A quoj le roj respondj : « Mes amis , vous nous
€ soies les très-bien Tenus. Nous vous véonsmoult volontiers et
« vous ferions plaisir de tout nostre povoir pour Vamour du
« roj et des aultres seigneurs de par delà nos cousins, et
a povés bien aler en Turquie sauvement, puisque estes furnis
t de ce sauf-conduit ; mais pour le présent nous ne sommes
« point bien d advis que les jojaulx que avés amenés de par
« delà pour présenter à ce pervers sarrasin matin le roj Basaach
« nostre mortel ennemj, vous les luj menés , ne présentés. Jà ne
« serons consentans qu'il soit enrich j de nulle richesse qui viengne
t de Franche, ne denulleaultreterredechrestienté, tant que
« nous le puissions destourner ; car il nous tourneroit à trop
« grant vice, confusion et blasme, quant au temps advenir il
s se porroit vanter que pour luj complaire ou pour cremeur
« après la victore qu'il a eue sur nous, que tels riches présens luy
« fussent envoies de France. Jà telle honneur ne Inj sera attri*
« buée par la chrestienté, et mesmement quant au regart des
« draps de haulte lisse, car ce sont choses de grant montre et de
t grant veue et durant à tousjours : dont ce seroit au rojaulme
« de France et à toute la chrestienté trop grande reproche
• et par espécial à nous qui sommes leurs ennemis et plus pro-
« chaîns voisins. Mais au regart des gerffaulx nous n'en faisons
« gaires de difficulté, car ils volent légièrement d'un pais à Tau-
« tre : ils sont tost donnés et tost perdus. Si les poés bien pré-
• senter, se bon vous semble ; mais, au regard du surplus, nous
« ne serons jà consentans que riens luj en soit présenté. »
Lors le sire de Ghastelmorant, à qui la chose touchoit, res-
pondj et dist : « Certes , très-chier seigneur , vous sçavés
« bien que se je ne accomplissoie mon vojage en la manière qu'il
' t m'a esté ordonnés et enchargié le faire, ce ne seroit pas mon
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502 RELATION
« honneur, et en porroient le roy et messeigneurs de France,
« qui me ont envoie pardechà, estre mal content de moj. Si
« vous supplie humblement que aultrement y veuilles advîser et
a vous consentir que je puisse parfaire ma' charge, ainsi qu'elle
« m'est ordonnée. » Et le roy respondy : « Soies contens ; car
« tout bien entendu et considéré, il ne peult estre aultrement
« pour ceste fois ; » et ainssy laissa lesdits d^vtx chevaliers et
rentra en sa chambre. Et ils demeurèrent eulx deux seulement
moult tristes et pensans sur ce retardement que le roy leur fai-
soit, qui leur tournoit à très-grant destourbier et desplaisilr, et
advisèrent en pluîseurs manières comment ils en pourroient
bien faire, et finablement conclurent , puisque aultrement ils
ne povoient faire, ne aller avant, qu'ils rescriproient au roy et
au duc de Bourgongne leur estât et Tempeschement que le roy
de Honguerie leur faisoit, par quoy ils feussent tenus pour
excusés de leur longue demeurée. Si escripvirent au roy et au
duc de Bourgongne, afSin que en ce ils voulsissent pourveoir , et
baillèrent les lettres à ung certain messagier diligent et luy
firent délivrer or et argent assés pour soy aidier à advanchier
diliganment son chemin et pour renouveller chevaulx quant
besoing seroit ; et ils demourèrent à Bode en Honguerie en
attendant le retour dudit message.
Tant exploita le message des deux chevaliers de France des-
sus nommés et fist si bonne dilligence ou chemin que en brief
temps il vint à Paris, là où il trouva le roy, le duc de Bour-
gongne et les anltres seigneurs, et leur présenta ses lettres, les*
quelles ils recourent et leurent bien au long : du contenu
desquelles lettres Ds furent moult courouchiés etesmerveillés,
et pensèrent moult pour quoy le roy de Honguerie empeschoit
à leurs gens et à leurs bagues le passage et mesmement pour-
quoy il destourboit à faire ces présens , ainsi quMls avoient
déterminé estre fais par le dit messire Jehan de Chastelmorant
de par le roy à TAmourath. Mais le duc de Berry en excuseit
moult fort le roy de Honguerie, disant qu'il n'avoit nul tort de
ce faire et que le roy et sa noble maison de France se humi-
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DE LA CROISADE. 503
lioient et ravaloient trop quant ils enyoioient tant de si riches
joyaulx présenter à ung roy infidèle. Mais le duc de Bourgon-
gne, à qui la chose touchoit autant et plus que à nulx d*eulx,
dîsoit au contraire qu'il se debvoit ainsi faire et que c'estoit
chose raisonnable, puisque fortune luj atoit esté si bonne et si
amiable qu'elle Tavoit fait victorieux de la batailUe et mis en
desroj et desconfiture le roj de Honguerie et sa puissance et
mis en ses mains prisonniers les plus grans des ^ojaulmes d^
France et de Honguerie et tellement que à bien grant painne le
roy de Honguerie mesmes en est escappé à bien petite compa^
gnîe , lesquels prisonniers ne se pourront jamais recouvrer
hors du péril où ils sont, se n*est par quelque doulceur et molens
gracieux, et n*est pas honte, ne reproche de aucunement com-
plaire à son ennemj quel qu'il soit, quant on est en sesdangiers^
et se doit chascun qui aime son ami, en ce emploier.
La parole du duc de B6urgongne fut soustenue et confortée
du roy et de son conseil, et disrent qu'il avoit bien dit et rai-
sonnablement. Et pour ce parla le roy au duc de Berry en
ceste manière et luy dist : « Bel oncle, se TAmourath ou le sol-
tt dan ou quelque aultre roy ou prince sarrazin vous envoioit
a aucun riche joyau, je vous demande se vous le prenriés. «
Aquoy leduc de Berry respondi : a Monseigneur, j*y auroie
« advis. » Ceste demande flst le roy au duc de Berry son oncle
pour ce qu'il estoit bien averty que environ avoit X ans , le
soldan luy avoit envoie ung riche rubis ballex, qui avoit bien
cousté XX"* ducas. Et par ainsi le propos du roy de Hongue-
rie ne fut en ceste partie riens loé entre les aultres seigneurs
de France, ains fut fort blasmé, disant qu'il faisoit mal d*em-
peschier leurs gens et leurs joyaulx qu'ils avoient envolés
pardëlà pour présenter à TAmourath, attendu qu'il estoit néces-
saire pour le bien de la délivrance de leurs amis prisonniers
de pardelà et ce les pourroit très-fort nuire. Lors conclurent
ensemble qu'ils rescriproient unes lettres bien amiables de par
le roy au roy de Honguerie, en luy priant et requérant très*
affectéement que il se voul^ist déporter de plus avant empes-
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S04 RBLATION
chier son chevalier et lesdits jojaalx, ains le voulsist assister
et adrechier à Tacomplissement de sa charge. loelles lettres
furentfaittes etséellées enla maniôre ditte et forent baillies
audit messagier , lequel, quant il les ot, se partj du roj et des
seigneurs de France et se mist au retour vers Honguerie.
Le ducet la ducesse de Bourgongne advisèrrent mains sub-
tils moîens pour trouver manière de ravoir leur dit fils
au délivre hors des mains des mescréans. Toutefois , ils
8$avoient bien qu*ils n'estoient point à ravoir sans mojen de
grant finance, pour quoy ils restraindirent leur estât et com-
mencèrent à espargnier et à assambler par toutes leurs terres
et seigneuries moult grant trésor d'or et d*argent ; car , sans le
moyen d'icellui , ils n'eussent scep venir à leur intention. Et
d'aultre part ils acquirent la congi^oissance et amitié de toutes
gens dont ils se povoient aidier en ceste partie , et par espécial
de marchans vénissiens et genevois et gens de telle sorte ;
car ils savoient bien que par eulx il oonvenoit que Taffaire fust
conduite.
Or eflit-il que le duc de Bourgongne , qui pour lors gouver-
noit la grigneur partie du rojaulme , pour quoj ses besongnea
en debvoient mieulx valoir, se tenoit le plus du temps à Paris
emprès le roj , son nepveu. En ce mesme temps demouroit en
la cité de Paris ung puissant homme marchant lucquois, nommé
Digne Responde , auquel tous les gros fais des marchans se
raportoient, et estoit cougneu par tout le monde là où marchans
ont acoustumé de converser ou fait de leurs marchandises, et
se povoient faire par luj toutes grosses finances. Et combien que,
auparavant Tadventure desdits prisonniers franchois en la
Turquie , icelluy marchant luquois fust bien aimé du roj et
des seigneurs royaulx de France , il le fut pour lors encore
plus que devant ; car le duc de Bourgongne parloit souvent à
luy pour avoir conseil et advis avec luy comment il porroit trai-
tier avec rAmourath Baby de la renchon de son fils et des
aultres seigneurs franchois qu*il tenoit prisonniers. Messire
Digne Responde respondi à ces paroles : « Monseigneur , en
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DB hk GRÛI8ADB. tlMS'
vérité c'est bien raison de 7 adriBer^ et eapoire 1>ieii qoe petit
à petit on 7 trourera bien bon. moyen. Je voua advertis que
les marohana de Oenèye «t des villes à eulx obéiasans sont
opngnens par tout le inonde , car ils font le fait, de leor
marchandise au Qaaire, en Alexandrie, à Di^nas, à Bamiçtte,
en Sorie, en Turquie et par toutes les mettes et limitations dés
lointainnes terres des mescréans ; car , comme vous sçavé» ,
marchandise va et .court partout et gouverne le monde tout
par ordonnance. . Si me semble, que fériés biea de- eacripre
amiablement par devers eulx , en eulx promettant qnojvons
leur ferés. des p*ans biens et prouffis, se vous veulli^t assister
en ceste partie , car U n'est riens ^tt*il ne de fasse; .et a^tpaise
par moyen d*or et d'argent. Semblf^blen^ent I0 roj de Cypr^.,
qui est marchissant à la Turquie et qui. encore n\ point fait
de guerre à ÏAmourath» 7 peult beaucoup aidièr i-eti au
regard de moj « je m'7 emploiray comme, raison éBt ,. unsi
que je soay bien que je 7 suis temu , de .tout mon léal pq-
voir. s ^ ...,'.'• ^. '-..' r\^ ••';
Ce n'est point de merveilles. se le duc et .la duchesse ^
Qourgongne quéroient moiens et adresse de.abrégier. la déli-
vrance de leur âls , le conte de Nevers , qui par fortune .àvèiit
esté prins en la bataille de Nichopol7 et estôit prisonièrde
rAmourath-Bah7 ; car il estoit leur hoir et àQCceasenrde> toutes
leurs seignouries qu'ils tenoient en grondé, quantité , laquelle
adventure IU7 estoit advenue^ en sa jeunesse et aouv'dla dieva-
larie. D'aultre part» les dames de Fvài^çe re^retoient moôlt leurs
maris et leurs amis ,. et par espéoial la. dame de Coucy.ne
poyoit oublier son seigneur Qt lam^ntoit. nuit et jouri Lô;dUc de
Loraine et messice Ferry « .sefl deu:i: frères « la vendent sou-
vent visiter et la r^confortpient au mieulx qu'ils povbient, et lp7
conseillèrent qu'elle envoiart en Honguerie et eoi.Turquie^pour
illec enquérir en quel estât «oa setigneur estoit , combien qu^ils
avoient entendu qu'il avoit plus dtalce et couHoise prison q«e
nuls, des anltres. Duquel conseil lardiune sce^t moult grftùt
gréàsesdits. deux frère;i,et poUr.che manda venir Vers elle
XV. — FEOISSAET. S3
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806 UUULTIW
niiffai^ chevalier de Cambréeis, nommé measire Robert
d'Eshe , et laj reqoist moult amiablement que , pour Tamour
et en la faveur de aondit seigneur et d'elle ^ il Toulsifit aller
par delà en Turquie et iUec enquérir de Testât de sondit
seig^ur. A qnoj ledit cheyallM* , qui moult désiroit complaire
à ladite dame (et ne luy eust nulle chose raisonnaMe toIu
refuser), se consenty légièrement et respondit que moult volon-
tiers feroit ce volage et s'i emploiroit tellement qu'il en appor-
teroit certainnes nouvelles. Btlors icelluj messire Robert se
apresta ; et , quant il ûit prest, il se mist à chemin luy V* tant
seulement. Et samblablement les aultres dames de France
envolèrent par delà enquérir de Pestât de leurs seigneurs,
qui aussi 7 estoient demeurés prisonniers, pour en sçavofr
certainnes nouvelles.
Vous avés bien entendu comment le roj de Honguerie s'estdt
arresté à ce que le seigneur de Chastelmorant dessus nommé ne
passeroit point oultre en la Turquie, pour présenter à rAmouratti
de par le roy de France les riches joyaulx, ainsi qud luy avoit
esté ordonné, et demeura longuement en ceste oppinion, dont
lesdiis messire Jehan de Chastelmorant et metsire Jaques de
HeUy estoient moûlt desplaisaiis.
Or advint^il que le grant-maistre de Rodes vint vers le roy
qui pour lors estait en sa dite ciÛ de Bodes en Honguerie et hiy
flst moult grmnt chière, ainsi que bien fiure debvoit et que tenu
y estoit ; car il le sauva dé mort ou de prison le jour de la ba-
taille deNioopoly. Icelluy maistre de Rodes trouva IDec séjoat^
nans lesdits deux chevaliers de France qui se trairent devers hiy
et luy remonstrèrent toute la mc^ière comment le roy de Hon-
guerie les empeschoiten leur affaire dessusdiié, en luy requérant
que en ce ils les voulaist assister et teDement remonstrer au roy
qu'il se voulsist contenter qu'ils peuss^t pariSBore leur allidre,
ainsi que leur estoit enchargié. De laqudle chose ledit grant-
iQAistre de Rodes fut moult esmerveilliés et dist qull le remons-
treroitaa roy en telle manière qu'ils s*apercfaeveroiMit qu*fl y
auroit bien besengnié à leur intention, ainsi comme il ftrt ; car
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DB LA CaOlSAW. S07
il 8*en alla devers le roy et lai remocstra la chose dessasdite
si sagement et par si bonne manière qu'il lu j rompi toute son
oppinion qu'il avoit longuement soustenue en ceste partie , et
tellement qu'il donna congié ausdits oheyaliers de France et
leur accorda de mener leurs bagues entièrement avec eulx, et
de fait ils passèrent oultre et vindrent devers TÂmourath, sans
nul empeschement quelconque ; car ledit messire Jaques de
UeUj avoit paravant prépare leur passage de sauf-conduit et de
guides, ainsi que dessus est dit. Et quant ils furent devers
TAmourath, ils luj présentèrent lesdits présens de par le roy
de Franche, selon Tusage, assés honorablement. Et FAmourath
les receupt moult joyeusement et les print en moult grant gré.
Et quant ils eurent ce fait, il leur fist à leur requeste amener
le conte de Nevers, et parlèrent seulement celle fois assés Ion*
guement à luy et tant que pour ceste fois il debvoit bien suffll'e.
Et au prendre congié le conte de Ne vers leur dit : «r Mes amis,
a je vous prie, recommandés moy à monseigneur le roy, à
« monseigneur mon père, à madame ma mère, à monseigneur
a de Berry et à tous mes amis de par de là, et leur remonstrés,
« s'il advient que TAmourath se veulle condescendre aucune-
« ment à traitier de nostre renchon, que on quière les moyens
« par aucuns marchans ou aultrement, ainsi qu'il sera néces-
« saire, et que on se abrège le plus tost que faire se porra; car, à
« longuement tarder, on pourroit assés perdre. A Tencommen*
« chôment de nostre prinse, nous estions IX prisonniers, mais
« depuis il en est venu encore XVI. Ainsi sommes-nous main-
«r tenant tout ensemble XXY prisonniers, desquels Fen pourra
« traitier ensemble de la renchon, aussi bien que d'un seul ;
« car je sais bien que l'Amourath s'est à ce arresté. Et sachiés
« pour certain que sa parole est véritable et estable, et y peult-
« on bien a^jouster foy et soy arrester, ainsi que porrés re-
f monstrer et dire par delà. « A quoy iceulx messire Jehan de
Ghastelmorant et messire Jacques de Helly respondirent que
tout le bien que en ce ils pourroient faire, ils s'i emploi-
roient moult voluntiers et de bon ceur, comme raison est. Et à
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508 RELATION DE LA CROISADE.
tant prinrentcongié da conte et puis de TAmourath, et partirent
d*lllec et retournèrent en Honguerie et dMlec en Franche. Et
rencontrèrent en leur chemin leur messaige qu'ils avoient
envoie en France devers le roy, comme dessus est dit, qui ap-
portoit lettres de par le roy de France au roy de Honguerie, tou-
chant les présens que icelluy messire Jehan de Chastelmorant
dvoit présenté à FAmourath, lesquels le roy de Honguerie avôit
ârrestés, comme dit est dessus. Si le firent retourner avec eulx,
car il n'àvoit que faire dealer plus avant. '
■4e«^
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TABLE.
Page»
Meurtre du connétable 1
Charles VI veut combattre le duc de Bretagne .... 21
Charled YI quitte Paris pour se rendre en Bretagne . . 26
Frénésie de Charles VI 35
Les ducs de Berrj et de Bourgogne gouvernent la France. 53
Poursuite dirigée contrôles anciens conseillers du roi . 56
Procès du sire de Clisson 71
Guérison de Charles VI 76
Prolongation des trêves 79
Charles VI rentre à Paris 82
Hommage du comté de Foix 83
La danse des sauvages 84
Le pape Boniface envoie un légat en France .... 92
La duchesse de Berry intercède pour le sire de la Rivière. 94
Plaintes de la duchesse d*Orléans 95
Condamnation d'Olivier de Clisson 96
Mariage de Philippe d'Artois 97
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510 TABLE.
Philippe d'Artois est créé connétable de France. ... 98
La paix est conc lue entre la France et F Angleterre . . 108
Maladie du roi de France 127
Élection de Benoît XIII 128
L^auditeur de Saint-Lié 132
Jean de Graillj connétable de Bouteville 133
Richard II se prépare à passer en Irlande 134
Le duc de Lancastre créé duc d'Aquitaine 135
Mort d*Anne de Bohême, reine d'Angleterre 136
Richard II en Irlande 137
Récits de Guillaume de LisIe 140
Récits de Jean de Graillj 148
Récits de Richard Sturj 156
Récits de Henri Chrjstead 166
Richard II demande la main dlsabelie de France . . . 182
Robert TErmite en Angleterre • . . . 188
Délivrance tlu sire de la Rivière 202
Traité entre le duc de Bretagne et Olivier de Clisson . . 204
Pierre de Craon revient à Paris 214
Le roi de Hongrie réclame Tappui des princes chrétiens. 216
Le comte de Nevers choisi pour chef de rexpédition . . 218
Le sire de Coucj est chargé de conseiller le comte de
Nevers 221
Tailles levées par le duc de Bourgogne 226
Projet d'expédition en Frise 227
Jean de Nevers en Autriche 229
Ambassade anglaise à Paris 231
Procès du sire de Craon 233
Fiançailles de Richard II et d'Isabelle de France . . . 237
Mariage du duc de Lancastre 238
Le sire de Craon prisonnier au Louvre 241
Les croisés n'apprennent rien des projets de Bigazet . . 242
Le comte de Nevers passe le Danube 244
Siège de Comette 246
Siège de Brehappe 247
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TABLB. 511
Siège de Nicopoli 249
Bsgazet apprend la marche des Croisés 251
Tyrannie des seigneurs de Milan 253
Armements de B^jazet 262
Chevauchée du sire de Coucj 264
Sentiments belliqueux du sire de Coucj 269
Le bâtait; de Yertaing en Angleterre 269
Le comte de Saint-Pol traite de la paix 272
Richard II à Calais 273
Expédition de Frise 276
Armements des Frisons 288
Défidte des Frisons 290
Le duc Aubert quitte la Frise 295
Isabelle de France est remise à Richard II 297
Richard II épouse Isabelle de France 806
Différends de Charles VI et du duc de Milan .... 307
Projets des Croisés 307
Marche des Turcs 310
Sages conseils du roi de Hongrie 313
Bataille de Nicopoli 315
Victoire de Bajazet 321
Quelques seigneurs sont exceptés du massacre des
Croisés 323
Les débris de l'armée chrétienne traversent TAUemagne. 330
Jacques de Helly arrive à Paris 332
Jacques de Helly retourne en Turquie 337
Présents destinés à Bsgazet 338
Le roi de Hongrie rentre dans ses états 339
Les prisonniers chrétiens sont envoyés à Brousse . . 340
Jacques de Helly se rend près de Bajazet ..... 343
Le roi de Hongrie s^oppose à Fenvoi des présents à Baja-
«et . . • 348
La duchesse d*Orléans est accusée d'avoir empoisonné le
roi 352
Négociations pour la ran^n du comte de Nevers . . . 354
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K12 TABLE.
Le sire d*Esne se rend en Turquie 357
Le sire de Châteaumorant poursuit son voyage .... 358
Notes 361
Rblation db la Croisadb 439
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ERRATA.
AU UEU DB :
usBZ :
P.
10, 1. 31. il loj eui«t,
ila Iny euîMent.
p.
16,1. 4, Le,
La.
p.
23, L 18, conjonction de mariage,
se fuiit,
eftàc&z la virgule.
p.
32, 1. 30, pent.
peuBt,
p.
40, 1. 24, sonnièrent.
sonnèrent.
p.
56, 1. 8, met,
mit.
p.
61, 1. ll,recea,
récent.
p.
79, 1. 26, cette.
ceste.
p-
84, L 25, dëlim.
délivré.
p.
87, 1. 6, ladonnoit,
Tadonnoit.
p.
94, 1. 32, estandre.
esclandi^e.
p.
109, 1. 26, Le dnc de Bourgongne
Le mot qui se trouve dans
qni,
le ms. de Breslau, mais il
paraît devoir être supprimé .
p.
119, 1. 21, les quatre roys,
Tel est le texte du ms. de
Breslau. Il faut lire : les
deux rojs.
p.
126, 1. 5, apercea.
apercent.
p.
148, 1. 8, Dardeeorde
Dardeforde
p.
167, 1. 13, bon.
bonne.
p.
176, 1. 17, prozime.
proixme.
XV. r- PROISSART.
54
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514 ERRATA.
P. 178, 1. 22, autem.
antem.
P. 180, 1. 20, auten.
antan.
P. 198, 1. 8, cautuldusement,
cauteleusemeut.
P. 224, au haat de la paga : PrëparatiCi,
ajoutez : de FexpéditioB
de Hongrie.
P. 226, 1. 14, quarante mille,
Mettez en note comme va-
riante : soixante mille.
P. 255, 1. 15, antentiquement,
antentiquement.
P. 265, 1. 26, à brocant.
abrocant.
P. 275, 1. 27, la royne leur fiUe.
Le sens demande qa*oa
•
lise : la royne et leur fille.
P. 281, 1. 18, accroitre,
accroiatre.
P. 341, 1. 5, prendroieat,
prendoient.
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\
EN VENTE:
Lefl Vriaycii Chi'onli|ue« <lf* Jehan le Bel, puliliées pour la
première fois par M. Polain, mi'mhre de rAca»iémi<» royale de
Belgii|ue, 2 vol. in-8'' Fr. 10
Le premier livre des ChronlqneM de FrolMjiarl, publié (l*après
un texte inédit de la bibliothèque du Vatican par M. le baron
Kervyn de Lettknhove, membre de rAcadémie royale de Belgique,
2 vol. in-80 .Fr. 12
OEttvreii de CSeor^eM Chaaiellalu, publiées par M. le barou
Kervtn de Lettenhove, membre de TAcadémie royale de Belgique,
8 vol. in-8* Fr. 48
Ll ronman* de Cléomadéa, par Adenés li Roys, publié pour la
première fois par M. Van Uasselt, membre de TAcadémie royale
de Belgique, 2 vol. in-B» Fr. 10
OHfl ei eonten de Baudouin de Condé ei de «on ai* Jean de
Condé, publiés par M. Aug. Sgbeler, associé de l'Académie
royale de Belgique, 3 vol. in-8« Fr. 18
Ll Ar« d'amour, de vertu et de boneurté, publié pour la *
première fois par M. Joles Petit, 2 vol. in-8*» Fr. 12
Lettres et !¥éffoclatlons de Philippe de Comminea, publiées
par M. le barou Kervyn de Lettenhoye, membre de l'Académie
royale de Belgique, 2 vol. in-8° .Fr. iO
Dlta de iVatriquct de Couvin, publiés pour la première fois
par M. Aug. Scheler, associé de l'Académie royale de Belgique,
i vol. in-S» Fr. 6
Poésies de Frolssart, publiées par M. Adg. Scheler , 3 vol.
in-8" Fr. 48
SOUS PRESSA :
Chroniques de Frolssart, tome !«<' (2« et 3« parties).
» » tomes XVI et WIL
retires et négociations de Philippe de Commines, tome III.
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