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ŒUVRES
DE
^rSAINT FRANÇOIS DE SALES
HVÈaL'E ET PRINCE DE GENE\ F
DOCTEUR DE l'ÊGLISE
ÈDinON COMPLÈTE
d'après les ALTOOSAPHES et les ÉDITIOSS ORIÔîNALtS
EN'RICBIE »E XOMBRtrSES PIÈCES nîÈDITES
DEDIEE A N. S. P. LE PAPE LEON XÎII
ET HONOREE ULS BREF DE SA SAINTETE
PUBLIÉE SUR l'invitation DE M" ISOARD, ÉVÊQUÈ d'aNNECY,
PAR LES SOINS DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION
r^V 1*^ MONASTÈRE d'aNNECY
T031E XI
LETTRES — I" VOLUME
AXXECY
IMPRIMERIE J. NIÉRAT
RLE DE LA REPUBLIQUE
M C M
I
Digitized by the Internet Archive
in 2010 with funding from
University of Ottawa
http://www.archive.org/details/oeuvresdesaintfr11fran
ŒUVRES
DE
SAINT FRANÇOIS DE SALES
EVEQUE ET PRINCE DE GENEVE
DOCTEUR DE L'ÉGLISE
TOME ONZIEME
LETTRES
!"■ VOLUME
585 - 1598
Propriété
Genève — Librairie TREMBLEY Frère et S>iur, rue Corraterie, 4
Dépositaire principal
Annecy — ABRY, Libraire, rue de l'Evêché, 3
Paris — Victor LECOFFRE, rue Bonaparte, 90
Lyon — Emmanuel VITTE, Place Bellecour, 3
Bruxelles — SOCIÉTÉ BELGE DE LIBRAIRIE, rue Treurenberg, 16
Marseille — LIBRAIRIE SALÉSIENNE, rue des Princes, 78
ŒUVRES
DE
SAINT FRANÇOIS DE SALES
EVÈaUE ET PRINCE DE GENÈVE
ET
DOCTEUR DE l'ÉGLISE
ÉDITION COMPLÈTE
d'après les autographes et les éditions originales
enrichie de nombreuses pièces inedites
DÉDIÉE A N. S. P. LE PAPE LÉON XIII
ET HONORÉE D'UN BREF DE SA SAINTETÉ
PUBLIÉE SUR l'invitation DE M^"* ISOARD, ÉVÊQUE d'aNNEGY,
PAR LES SOINS DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION
DU I^"* MONASTÈRE d'aNNECY
TOME XI
LETTRES — l'^^ VOLUME
ANNECY
IMPRIMERIE J. NIÉRAT
RUE DE LA RÉPUBLIdUE
M G M
Droits de traduction et de reproduction réservés
AVANT-PROPOS
Les Lettres de saint François de Sales peuvent se
passer de préface ; elles s'expliquent d'elles-mêmes, et
expliquent admirablement toutes les grandes œuvres
qu'il plut à Dieu d'opérer par son Serviteur et l'influence
considérable qu'il lui donna d'exercer sur ses contem-
porains. Après avoir fait la part des réticences de son
humilité , on peut affirmer que la correspondance de
saint François de Sales est l'histoire de sa vie la plus
complète qui existe et la plus fidèle. C'est là, et là seu-
lement, qu'il se dévoile tout entier ; à son insu, il permet
de contempler à l'aise, d'étudier sous tous ses aspects
cette personnalité qui captive si puissamment.
Ailleurs, il se montre moins qu'il ne se laisse aperce-
voir ; ses divers ouvrages révèlent son caractère par quel-
que côté, permettent d'entrevoir un trait spécial de sa
physionomie morale et intellectuelle, mais non pas de la
saisir par un coup-d'œil d'ensemble. On y verra tour à
tour apparaître le polémiste, le théologien dogmatique,
le moraliste, l'ascète, le prédicateur ; dans ses lettres, il
est en même temps tout cela, il est plus que cela. C'est
encore et toujours le Saint et le Docteur de l'Eglise, mais
c'est aussi l'homme, et l'homme doué de la nature la plus
exquise qu'on puisse imaginer. La tendresse de l'amitié
et de la piété filiale, l'ardeur du patriotisme, le dévoue-
ment au prince, l'attachement à l'Eglise, le culte de la
Papauté, le zèle des âmes et un immense amour de Dieu :
tous les sentiments les plus nobles, les plus purs, les plus
élevés jaillissent de son cœur et coulent à flots dans ses
VI Lettres de saint François de Sales
lettres. Et ce n'est pas seulement à une époque déter-
minée qu'il se dévoile et se montre à découvert ; on le
rencontre, on le suit à toutes les périodes de son exis-
tence. On peut constater le progrès, les transformations
successives que la grâce de Dieu d'abord , puis l'expé-
rience, son travail personnel et celui des années opérèrent
en lui. Nous le voyons développer toutes ses qualités
naturelles, et supprimer dans son style sinon des défauts
qui lui soient propres, du moins le tribut payé dans sa
jeunesse aux défauts du siècle.
Dans cette correspondance l'Auteur ne revit pas seul ;
il anime, il ressuscite pour ainsi dire toute son époque :
les personnages et les choses du temps, les grands évé-
nements et les grands caractères qui l'ont illustré, les
désastres qui l'ont assombri et les humbles vertus qui
l'ont honoré reparaissent sous sa plume, contés ou jugés
avec un charme infini, mais aussi avec une inépuisable
indulgence. Tout est vu par le meilleur côté; les inten-
tions semblent épurées, et les hommes, grandis dès qu'ils
sont en contact avec cet aimable Saint.
Cette réputation de bonté et de bienveillance univer-
selle ne contribua pas peu à élargir le cercle de ses rela-
tions, que sa situation et ses divers mérites eussent suffi
à créer très étendu. Les rois et les princes se faisaient
gloire d'avoir part à l'amitié de l'Evêque de Genève :
tels Henri IV en France et Charles-Emmanuel I" en
Savoie ; les membres les plus marquants de l'épiscopat
le consultaient ; les Papes eux-mêmes recouraient à ses
lumières. Et, après avoir satisfait avec une aisance par-
faite tous ces illustres correspondants, il reprenait la
plume pour consoler quelque douleur obscure ou diriger
dans les voies de la perfection d'humbles religieuses, des
chrétiennes ignorées. Notre Saint traite tous les sujets
avec une attention égale, toutes les âmes a\'ec un égal
respect ; il descend à tous les détails, adapte ses conseils
à toutes les conditions, harmonise ses encouragements
ou ses leçons avec tous les genres de caractères. Il sait
trouver la note juste, le mot qui éclaire et qui fortifie lors-
qu'il écrit aux gens de petite et de moj^enne condition
Avant-Propos vu
tout aussi facilement que s'il s'adresse au gentilhomme
ou à la dame du grand monde. Toujours semblable à lui-
même, il domine de bien haut par l'intelligence et par le
cœur la plupart de ses correspondants, et, loin de les
intimider par cette supériorité incontestable, il a le rare
talent de la leur faire oublier à force de grâce, d'indul-
gence et de bonté.
Mais c'est trop dire, puisque nous nous sommes pro-
mis d'épargner au lecteur l'ennui de lire une préface,
pour lui laisser le plaisir de passer plus tôt à la corres-
pondance du saint Evèque. Ajoutons néanmoins qu'une
Etude historique et critique sur cette correspondance est
l'un des sujets les plus attrayants qui puisse tenter la
plume d'un homme de talent et de loisir. Que si personne
jusqu'ici n'a succombé à la tentation de l'entreprendre,
c'est qu'on manquait de l'élément indispensable à un pa-
reil travail, à savoir une édition authentique et complète
des Lettres de saint François de Sales.
Le public la réclamait depuis longtemps, et lui pro-
mettait un accueil empressé. De toutes les Œuvres de
notre Saint, il sentait que sa Correspondance était celle
qui avait été publiée de la manière la moins conscien-
cieuse, et celle pourtant qui offrait l'intérêt le plus uni-
versel. Parmi ses autres écrits, plusieurs en effet ne
peuvent avoir d'attrait que pour une classe spéciale de
lecteurs. Qu'ont affaire communément les simples fidèles
des traités de controverse ? Et les hommes du monde se
soucieront-ils beaucoup des quatre volumes de Sermons?
Mais les lettres possèdent un charme que tous peuvent
apprécier. Pas n'est besoin pour les goûter et les com-
prendre d'être théologien ou littérateur de profession. Il
suffit d'une intelligence, d'un cœur ouvert à toutes les
impressions du vrai, du simple, du limpide, en un mot,
à tout ce qui est bienfaisant et beau, et, quelque mal que
l'on se plaise à dire de notre siècle, les gens de cette
trempe n'y sont pas clair-semés.
Seulement, avant d'entreprendre la lecture de ce vo-
lume et des cinq ou six qui doivent suivre, chacun est en
droit de nous poser deux questions : quels défauts peut-on
vin Lettres de saint François de Sales
reprocher aux précédentes éditions des Lettres de saint
François de Sales, et de quelles ressources allez-vous
disposer pour avoir la prétention de faire mieux ? A la
première de ces questions nous répondrons par un coup-
d'œil rapide sur les collections les plus remarquables des
Lettres : l'édition princeps de 1626, celle de Hérissant
au xviii'' siècle et, en celui-ci, celles de Biaise, de Vives
et de Migne. Un exposé des nombreuses découvertes
d Autographes et de documents authentiques faites en
ces dernières années, avec un compte-rendu sommaire
des méthodes adoptées et de la marche suivie pour la nou-
velle Edition, sera notre réponse à la seconde question.
A Dieu ne plaise que nous imitions certains éditeurs
qui, pour se faire valoir, ont la manie de dénigrer sans
merci tous leurs devanciers ! Ce serait mal comprendre
l'esprit du Saint dont nous reproduisons les Œuvres. Du
reste, quel est l'éditeur qui n'ait besoin d'indulgence?
Puis, la valeur d'une publication de ce genre peut
rarement être appréciée d'une manière absolue ; il faut
tenir compte, pour en juger équitablement, de l'époque
et des circonstances dans lesquelles elle a paru, du but
spécial que l'on s'est proposé, des méthodes qui avaient
cours en ce temps-là. C'est en nous entourant de toutes
ces réserves que nous dirons succinctement comment fut
publiée l'édition princeps.
Bien que le chanoine Louis de Sales, cousin germain
du Saint et son collaborateur dans la mission du Cha-
blais, soit éditeur en titre, c'est par les soins et sous la
haute direction de sainte Jeanne-Françoise de Chantai
que parut ce recueil. Il est juste d'ajouter qu'il avait été
préparé de longue main. Les lettres sorties de la plume
du saint Evoque étaient communément reçues et conser-
vées comme des reliques. Aussi n'eut-on qu'un mot à
Avant-Propos ix
dire, et ces feuilles qui un jour ou l'autre s'étaient pour
la plupart envolées d'Annecy, s'y donnèrent rendez-vous.
Originaux ou copies, il en revint de Paris et de Lyon, de
la Bourgogne et du Dauphiné, de la Franche-Comté et
de l'Auvergne ; il en revint des Flandres et de Rome. On
n'eut que l'embarras du choix, car par malheur, on voulait
choisir. D'une édition complète personne ne s'avisait, et
les plus larges prétentions n'allaient qu'à donner au
public ce qui alors se nommait Epistres spirituelles. Le
titre explique le livre.
Six mois après la mort du Saint un nombre assez
considérable d'Autographes avaient déjà été rassemblés,
ainsi que le donne à entendre sainte Jeanne-Françoise
de Chantai (0. La collection continua à s'enrichir et c'est
avec un air de triomphe que la Sainte écrit le 7 avril
1624 ( = ) : « Nous avons trouvé encore quantité de belles
lettres qui font fort connaître l'esprit de notre Bienheu-
reux Père. » Faire connaître de plus en plus et propager
cet esprit était bien le but que se proposaient surtout les
éditeurs ; nulle part il ne se révélait mieux que dans les
nombreuses pages adressées à la Fondatrice de la Visi-
tation. Ces pages devaient donc constituer le fonds le
plus riche de la collection ; mais avant d'y figurer, que
de retranchements n'eurent-elles pas à subir ! Et combien
de regrettables et vigoureux traits de plume furent tirés
à travers les Autographes par la main virile de la Sainte,
pour indiquer les passages à omettre !
Le chanoine de Sales faisait également, de son côté,
œuvre d'élimination. Les lettres d'affaires, si ce n'est
qu'elles s'adressassent à des personnages de marque, les
lettres de famille ou d'amitié furent généralement écar-
tées. Restaient les lettres de direction. Quelque intimes,
quelque spirituelles qu'on les suppose, ces sortes de cor-
respondances ne sont pas condamnées inexorablement à
rouler sur un même sujet. Le directeur doit être père et,
comme tel, s'intéresser à tout ce qui concerne l'âme
(i) Sainte Jeanne-Françoise Frémyot de Chantai, sa Vie et ses Œuvres
(Paris, Pion, 1877), tome V, Lettre cdlx.
(2) Lettre dxli.
X Lettres de saint François de Sales
ouverte devant lui. De là, dans les lettres de saint François
de Sales, qui se montra plus père que nul autre, bien
des détails jugés banals ou trop caractéristiques : on les
supprima. Ce qui survécut à ces suppressions était souvent
d'une si minime étendue que Ton ne pouvait convena-
blement le présenter comme une lettre. Que faire alors ?
Le bon chanoine ne fut pas embarrassé. Sans scrupule,
sans gène aucune, il entreprend de réunir, de coordonner
ces fragments d'après l'analogie des sujets, de manière
à en composer des lettres d'une raisonnable longueur.
Nul souci, bien entendu, de la diversité des destinatai-
res, des différentes époques auxquelles remontaient les
extraits ainsi fusionnés. Quelquefois, à la fin de ces mo-
saïques, on accolait la date de l'un des fragments dont
elles étaient composées, on leur attribuait une adresse des
plus vagues : A une Dame mariée; à un Gentilhomme;
à une Religieuse ; pxxis, tout était dit. Les inconvénients
d'une semblable méthode sont faciles à imaginer ; mais à
cette époque, où l'on se préoccupait beaucoup moins de
l'authenticité et de l'intégrité des textes que de l'édification
du lecteur, le système était considéré comme excellent.
Hâtons-nous d'ajouter toutefois, pour être équitables,
que toutes les pièces ne passaient point par ce laboratoire.
Celles qui composent le Livre premier de l'édition prin-
ceps nous semblent être publiées assez intégralement, et
si la plupart de celles que fournit sainte Jeanne-Françoise
de Chantai ont subi bien des suppressions, elles n'accu-
sent pas du moins des interpolations notables.
Le travail de préparation marcha rapidement ; en au-
tomne 1624, il s'agissait déjà de choisir l'imprimeur. Le
bénéfice considérable que Rigaud avait réalisé dans l'im-
pression de Ylntroduction à la Vie dévote, excitait à
Lyon les prétentions de tous les gens du métier ; c'était
à qui d'entre eux ferait des offres de service. La Sainte
aurait voulu favoriser « le sieur Charvet, » un pauvre
savoisien établi dans la grande ville; car à son avis, le
livre des Epîtres était « capable de rendre un homme
riche (•). » Néanmoins, à tout intérêt particulier, et même
( I ) Lettre ulxxxvi.
Avant-Propos xi
à tout acte de charité, elle préféra, comme il se devait, la
perfection de l'œuvre : « Considérez bien, » écrit-elle à la
Mère Marie-Aimée de Blonay (0, « si c'est chose qu'il
puisse bien faire, et s'il aura des bons caractères pour
cela, et moyen d'imprimer tout ce qui sera de notre Insti-
tut ; car j'entends que celui qui imprimera les Epîtres
imprime tout le reste pour rien. » Ce n'était pas se montrer
trop exigeante. Mais, si faciles que fussent les conditions,
le pauvre homme ne dut pas être en mesure de les rem-
plir, puisque l'impression fut confiée à un autre.
Pendant que se discutait le côté matériel, les manus-
crits de l'ouvrage étaient soumis à la révision des Pères
Jésuites de Chambéry. Faute de loisir, ils firent traî-
ner l'affaire en longueur. Enfin, au mois de mai 1625,
M. Michel Favre, qui avait été longtemps le confesseur du
Saint, et qui était encore celui de la Communauté d'An-
necy, se rendit à Lyon pour surveiller l'impression (*).
Néanmoins sainte Jeanne-Françoise de Chantai ne se
reposait pas complètement sur sa vigilance. Le 7 juin,
elle mandait à la Mère de Blonay (?> : « Vous ferez bien
de retrancher les lettres de compliments, s'il y en a trop ;
car il en faut laisser quelque peu, à ce que l'on dit, afin
que l'on voie le bel esprit de ce Saint en tout. Je voudrais
encore que vous prissiez garde s'il y en a d'autres où il
n'y ait rien de remarquable, que l'on les retranchât. Il
me semble que parmi les dernières que j'ai reçues, il s'en
pourrait ôter quelques-unes. On les a laissées à cause
de quelques points de l'Institut : elles sont au livre de
l'Institut; voyez-le, et accommodez. C'a toujours été mon
sentiment que l'on mît le Livre des Lettres des Papes le
premier ; c'est un ornement au livre que [ce] beau ren-
contre-là. » Ainsi fut-il fait.
La sainte Fondatrice ne perdait pas de vue l'impression
de ce recueil qui lui tenait si fort au cœur ; les feuilles
(non pas les épreuves) lui en étaient envoyées au fur
( I ) Lettre dlxxxvi.
(2) Le chanoine Louis de Sales semble ne s'en être aucunement occupé, car
il n'est plus du tout question de lui. Peut-être était-il atteint déjà de la maladie
qui l'enleva le i6 octobre de cette année 1625.
( 3) Lettre dcxxxi.
XII Lettres de saint François de Sales
et à mesure du tirage, lui apportant souvent beaucoup
de joie, parfois une déception, comme il advint entre
autres le 25 juin, oii elle mande à la Mère de Blonay ( O :
« J'ai grande peine à me résoudre à la mortification que
j'ai de ce que l'imprimeur n'a pas mis au titre des Epîtres
que notre Bienheureux Père était notre Fondateur et
Instituteur... Je ne le puis souffrir, et vous prie qu'il
refasse cette feuille. » Cet ordre fut exécuté, comme on
le verra par la teneur du titre donné ci-après. Mais la
Sainte crut avoir d'autres fois des protestations plus sé-
rieuses à élever ; c'est ainsi qu'elle écrit encore à la 31ère
de Blonay (= ) : « Oh ! mon Dieu, ma très chère fille, jamais
je ne me fierai à personne pour ce qui regarde les écrits de
notre Bienheureux Père. Certes, je les verrai moi-même ;
car voyez-vous, je ressens fort de ce que l'on a trop laissé
dans les Epîtres des paroles d'affection. Le monde n'est
pas capable de l'incomparable pureté de la dilection de
ce Saint... Mandez-moi si en les corrigeant j'en retran-
cherai ; mais sachez cela de quelqu'un capable. »
Des personnes très compétentes furent en effet consul-
tées, et assurèrent qu'un tel retranchement eût été déplo-
rable. C'est encore la Sainte qui nous l'apprend dans l'une
de ses lettres (3) : « J'en parlai à M. le Président de cette
ville (4), qui est homme de très bon jugement. Il me dit
que si on retranchait les paroles affectives, l'on en ôterait
l'esprit de notre Bienheureux Père... M*^' de Genève dit
le même, et disait que s'il n'y avait point de paroles de
compliments et recommandations elles ne ressemble-
raient pas à des Epîtres. »
L'ouvrage, grand in-4'' de 1012 pages, non compris les
pièces préliminaires et les approbations, contient 519 Let-
tres, Il fut « achevé d'imprimer le 10'"" jour de novem-
bre 1625, » et parut sous ce titre :
Les Epistres du Bien-Heureux Messire François de Sales, Evesque et
Prince de Genève, Instituteur de l'Ordre de la Visitation de saincte
{ I ) Lettre dcxxxiv.
( 2 ) Lettre Dcr.xxxvi.
(3) Lettre dccxiii.
(4) René Favre de la Valbonne, tlls de l'illustre président Antoine, l'ami
intime de notre Saint.
Avant-Propos xiii
Marie. Divisées en sept Livres... (0 Recueillies par Messire Louys de
Sales, Prévost de l'Esglise de Genève. A Lyon, par Vincent de Cœur-
silly. Et se vendent a Paris, chez Sebastien Huré, rue S. Jacques, au
Cœur-bon. m.dc.xxvi. Avec Privilège du Roy.
Deux courtes épîtres dédicatoires, placées par l'éditeur
au commencement du volume, sont adressées, Tune : « A
Monseigneur Messire Jean François de Sales, Evesque et
Prince de Genève, » et l'autre, « Aux dévotes Religieuses
de la Visitation de Saincte Marie (2). »
Le public accueillit avec faveur ce volume, tout en le
trouvant (( d'un prix excessif, » (il coûtait cinq livres)
ce qui pourtant ne nuisit pas à l'écoulement, car en
février 1626, on s'occupait déjà d'une seconde édition.
C'était un peu prématuré ; ainsi le jugeait sainte Jeanne-
Françoise de Chantai, qui voulait avoir le loisir d'amé-
liorer le premier travail. Il lui fallut plus d'une année,
et le 25 juin 1627, elle écrit encore à la Supérieure de la
Visitation de Lyon (3) : « Voilà les Epîtres rangées
comme il faut. Je vous prie que l'on n'y touche point du
tout, et que M. Cœursilly ait soin que l'on ne gâte point
l'ordre, et qu'elles soient imprimées correctement, avec
les observances que M. Michel marquera. »
La seconde édition parut en 1628, augmentée de douze
lettres; à la simple traduction des lettres latines et ita-
liennes, qui forment presque en totalité le premier Livre,
on joignit le texte original. De plus, une Table des ma-
tières contenant le sommaire de chaque lettre, et une
Table analytique des sujets qui y sont traités, ajoutent
considérablement à l'intérêt de l'ouvrage et en facilitent
l'usage. Cette seconde édition fut réimprimée en 1629 ;
rien n'est changé dans le cours du volume, à la fin duquel
est scrupuleusement reproduite la formule insérée dans
( I ) Suit un sommaire du contenu de chacun des sept Livres, de telle sorte
que ce tilre a l'aspect d'une table des matières ; aussi bien en tient-il lieu.
(2) Au-dessous de cette Lettre dédicatoire figure la note suivante, curieuse
à recueillir: « Vingt-trois Epistres du Bien-Heureux Messire François de Sales
Evesque et Prince de Genève, escrites en Latin et traduictes en François par
Charles Louys (sic) de Sales, nepveu de l'Autheur. ><
On excuse le traducteur de revendiquer ainsi sa part de mérite ; c'était
un jeune homme de dix-neuf ans !
(3) Lettre dcclxxxix (tome VI).
XIV Lettres de saint François de Sales
la première édition : » Achevé d'imprimer le lo""* jour de
novembre 1625. » Il faut non moins se défier de l'indica-
tion qui figure sur chaque réimpression, à partir de 1628 :
« Revue, corrigée et augmentée. » Ce n'est ordinairement
qu'une répétition servile de la phrase ajoutée au titre de
cette seconde édition.
Les réimpressions se succédèrent avec une telle rapidité
qu'il serait fastidieux d'en donner ici la nomenclature.
Parfois un éditeur publiait en même temps les Epistres
spirituelles en deux formats différents ; c'est ce que fit
Cœursilly en 1634. Souvent elles paraissaient la même
année et dans la même ville chez trois imprimeurs, comme
il advint à Paris en 1636 ; si bien que dans le courant
du xvir siècle ce recueil fut réimprimé une quarantaine
de fois. On l'inséra de plus dans toutes les collections
à! Œuvres complètes du Bienheureux François de
Sales, à partir de 1637. Celle de 1641 (tome II) con-
tient en plus que cette dernière 53 lettres inédites.
C'est vers le milieu du xviii" siècle que fut tenté pour
la première fois un effort sérieux dans le but de donner
une édition complète et fidèle des Lettres de saint Fran-
çois de Sales. L'abbé Corru, avec un zèle et une persé-
vérance dignes d'éloges, entreprit ce travail. Il voulut
"remonter aux sources, et fit un appel aux divers 3Ionas-
tères de la Visitation, qui s'empressèrent de lui commu-
niquer les originaux qu'ils possédaient ou des copies
certifiées conformes. L'éditeur parvint ainsi à réunir 831
pièces, qu'il essaya de classer non plus par ordre de
matières, comme on l'avait fait jusqu'alors, mais par ordre
de dates; il s'efforça de rétablir les adresses, fit précé-
der chaque lettre d'un sommaire assez diffus, et les ac-
compagna de notes historiques, qui pour la plupart ne
sont pas dépourvues d'intérêt. L'ouvrage parut en 1758
sous ce titre :
Ldtrei de S. François de Sales, Evesqiie et Prince de Genève, Instituteur
de l'Ordre de la Visitation... Nouvelle édition, dans laquelle on a recueilli
un très-grand nombre de ces Lettres qui ne se trompent point dans les édi-
tions précédentes ; mettes sur les Originaux et enrichies de Sommaires, de
Avant-Propos xv
Citations, de Notes et de Remarques. A Paris, chez Claude Hérissant, im-
primeur de l'Ordre, rue neuve Notre Dame, à la Croix d'or, mdcclviii.
La collection se compose de six volumes in- 12°, dont les
deux derniers contiennent les lettres sans date.
Cette édition marquait un progrès considérable sur
toutes les précédentes ; mais combien il restait encore à
faire pour atteindre une parfaite exactitude ! Par exem-
ple, l'éditeur insère au milieu des lettres du Saint, un
certain nombre de celles de ses correspondants , sans
interrompre les numéros d'ordre, absolument comme si
elles appartenaient à une seule et même série de pièces
identiques. De plus, il se permet de broder les canevas
conservés par divers historiens, et fabrique ainsi de pré-
tendues lettres de saint François de Sales (O ! Un tel
travail ne pouvait être considéré comme définitif, ^lais
de longues années, des années troublées et orageuses,
devaient s'écouler avant que personne songeât à le re-
prendre et à le parfaire.
En 181 7, un éditeur de Paris, Biaise, reproduisit l'édition
de 1758, et l'inséra quatre ans plus tard dans la collec-
tion des Œuvres complètes de saint François de Sales,
qu'il publia en seize volumes in-8° et plusieurs tomes sup-
plémentaires. On ne prit même pas la peine, pour expli-
quer l'origine de ce recueil et les méthodes suivies par les
éditeurs, de rédiger un simple Avant-Propos. Ce qui
porte le titre pompeux de Préface (une page et demie
d'étendue), n'est autre qu'un emprunt fait textuellement
à celle de l'abbé Corru. Suivent, sans explication aucune,
les deux Epîtres dédicatoires de l'édition de 1625, qui font
assez étrange visage dans une publication postérieure de
deux siècles. En 1833 cette collection fut réimprimée et
suivie d'un nouveau supplément dans lequel paraissent
37 lettres inédites.
Sur ces entrefaites, le comte Gloria, ayant découvert
bon nombre de lettres autographes de notre Saint aux
( I ) Voir comme spécimen, la Lettre II de la collection Hérissant, que nous
rejetons de notre Edition. On peut aussi, pour se rendre compte du procédé,
comparer la Lettre IV de la susdite collection avec le texte authentique de la
même pièce donnée ci-après, p. 117.
XVI Lettres de saint François de Sales
Archives de la Cour de Sardaigne, dont il était Président
chef, obtint du roi Charles-Albert, alors régnant, l'au-
torisation de les publier. Non content de ces trésors, il fit
pour les accroître de nouvelles perquisitions, auxquelles
il intéressa spécialement ^L*^' Re}", alors Evêque d'An-
necy. Ce Prélat envoya au comte Gloria des copies faites
par lui-même sur les Autographes et le mit en relations
avec un prêtre distingué de Genève, l'abbé de Baudry,
qui, de son côté, préparait une nouvelle édition des
Œuvres de notre Saint. Avec un désintéressement qui
l'honore, cet ecclésiastique se dessaisit en faveur de l'édi-
teur piémontais d'une centaine de lettres inédites, prêtes
à être mises sous presse. Ses propres découvertes et le
concours si actif qu'il avait rencontré permirent au comte
de réunir 32g pièces (parmi lesquelles plusieurs ne sont
pas des lettres), dont il confia la révision et le classement
à l'un de ses subalternes, le chevalier Datta. On fit impri-
mer cette riche collection chez Biaise, qui la donna comme
un supplément de sa propre édition, sous ce titre :
Nouvelles Lettres médites de saint François de Sales, Evêque et Prince
de Genève, dédiées à Sa Majesté la Reine de Sardaigne, publiées par
M. le Ch. P.-L. Datta, etc. Paris, Biaise, mdcccxxxv.
Cette publication se ressent de la rapidité avec laquelle
elle fut exécutée : les textes latins et italiens fourmillent
d'inexactitudes (0 et les traductions, faites à l'insu du
comte Gloria, laissent beaucoup à désirer.
En 1 856-1 858 parut en douze volumes in-S" l'édition des
Œuvres complètes de saint François de Sales, qui
a été pendant quarante ans la plus connue et la plus
appréciée : celle de Vives. Le classement des Lettres y
est fait d'une manière assez singulière. On regrette l'an-
cien recueil des Epistres spirituelles et on veut le re-
constituer. Ces Lettres occupent trois volumes (X-XII) ;
quant aux autres, elles sont disséminées dans les tomes
VI-IX, dont les deux premiers portent pour sous-titre :
Opuscules relatifs à la vie publique du Saint, à
(i) Les noms propres surtout furent singulièrement maltraités; c'est ainsi
qu'AvuUy se nomme Arcilias, le chevalier de Compois, CompèU, et lEvéque
d'Albi devient l'Evêque à' Alerta !
AVANT-PR0r05 ^^"
V administration de son diocèse et à la direction de
diverses Communautés religieuses; et les deux der-
niers • Pièces relatives à la conversion des hérétiques
et aux matières théologiques. Les éditeurs ne durent
pas aller loin avant de constater qu'un tel système de
groupement ne pouvait s'appliquer sans amener des non-
sens Il était bien difficile, en effet, d'établir exactement
une ligne de démarcation entre les Epîtres spirituelles
et les Lettres d'affaires, tant les Saints mêlent à toutes
les choses de la terre la pensée du Ciel. Ltait-il bien
rationnel surtout de ranger dans la dernière série celles
adressées à des Supérieures de Communautés .-' Lnfin, par
suite de ce procédé, l'ordre chronologique est sacrifie.
Signalons encore, pour donner une idée complète de cette
édition, que, tout en reproduisant pour le fond celle de
Biaise, elle renchérit sur le tort qu'eut ce dernier d inter-
caler parmi les Lettres bon nombre de pièces étrangères vO.
Bien avant qu'il fût question de la collection Vives, un
respectable ecclésiastique, l'abbé de Baudry, réunissait,
comme nous l'avons dit, les éléments d'une publication
identique. Il y consacra une partie de sa fortune et vingt
années d'infatigables labeurs; surpris par la mort (2 avril
i8s4) avant d'atteindre au terme de son entreprise, U
légua tous ses manuscrits au i^ Monastère de la Visita-
tion Un peu plus tard, par ordre de M- Rendu, alors
Evêque d'Annecy, ils durent être envoyés à l'abbe Migne,
l'auteur bien connu de la Bibliothèque universelle du
clergé Celui-ci, sans prendra le temps de réviser un tra-
vail auquel la dernière main n'avait pu être mise, se hâta
d'éditer les Œuvres complètes de saint François de
Sales (1861-1862), en six volumes grand in-8", à deux
colonnes, avec un tome supplémentaire (1864).
La Correspondance épistolaire est, quant au nombre des
pièces, bien supérieure à tout ce qui avait paru jusque-la;
car, outre les lettres livrées, en 1835, au comte Cxloria,
(X) C'est ainsi que sur les 67 pièces cotées dans le tome VIII, comme
étant des Lettres, 36 sont étrangères à la Correspondance ; telles, par exemple,
divers Brefs du Pape, des Lettres patentes du duc de Savoie, et même un
extrait de l'édit de Nantes !
Lettres !
XVIII LhTTRES DE SAINT FRANÇOIS DE SaLHS
l'abbé de Baudry en avait recueilli plus de 150 autres,
auxquelles il faut en ajouter une cinquantaine réunies par
les soins d'un Religieux Capucin. Quelle fortune pour un
éditeur! Mais à la condition de savoir l'exploiter. La pre-
mière chose à faire eût été de fusionner toutes les diverses
séries et de classer les Lettres qui les composaient, d'après
Tordre chronologique. L'idée n'en vint même pas. Le
tome V contient l'édition de Biaise, avec addition de
quelques pièces, et dans le tome VI sont placées succes-
sivement, comme formant des collections absolument
indépendantes, quatre sections distinctes : i. — Lettres
inédites de saint François de Sales... publiées eni8}^
par le chevalier Datta; 2. — Complément des Lettres
inédites de saint François de Sales de Védition
Biaise; 3. — Nouvelles Lettres inédites ^^\ réunies
ici pour la première fois... recueillies par les soins
de l'abbé de Baudry... (Cette section est précédée d'un
Avant-Propos dans lequel l'édition de 1758 est sévère-
ment appréciée) ; 4. — Nouvelles Lettres inédites,
seconde série, recueillies par les soins du P. Camille
de Thonon, prédicateur Capucin. Enfin, un dernier
groupe de Lettres est inséré dans le tome supplémen-
taire.
Avec chaque série l'ordre chronologique recommence.
Cette méthode, ou plutôt cette absence de toute méthode,
diminue considérablement l'intérêt de l'ouvrage. Et
encore ne parlons-nous pas de la falsification des textes,
de la répétition double et parfois triple des mêmes
lettres avec des adresses et des dates différentes, de
l'intercalation de toutes sortes de pièces étrangères à la
Correspondance. C'est au point que, si l'on défalque ces
pièces et les lettres répétées, au lieu de dépasser 1600,
résultat que donne une supputation faite à première vue,
le chiffre des Lettres publiées par Migne s'abaisse à 1360
( I ) Ce titre à' inédite ne doit pas être accepté sans quelque défiance. Ainsi, la
Lettre présentée comme telle, tome VI, col. 926, n'est que la répétition de celle
qui figure à la col. 619 du même volume. Sont encore données comme inédites
des lettres extraites des Vies imprimées de la Mère de Blonay (col. 990,991),
de la Mère Rosset (col. 10^0}, de la Mère de Chastellux (col. 1039), etc.
Avant-Propos xix
environ. Et la conclusion qui s'impose à tout lecteur
intelligent, après avoir parcouru ces volumineux et indi-
gestes recueils, est celle-ci : La Correspondance de saint
François de Sales reste encore à éditer.
II
Mais, avant tout, elle était à compléter. Ce qu'on pos-
sède de lettres de notre Saint ne représente qu'une très
minime partie de ce qu'il a écrit. « Il ne se passoit gueres
de jours, » dépose le témoin habituel de sa vie (i), « qu'il ne
fist vingt a vingt cinq lettres responsives a toutes sortes
de personnes en France et en Savoye, et cecy je le sçay
parce que c'estoit moy qui fermois toutes ses lettres et
fesois ses paquets. »
La plupart de ces lettres, considérées comme un pré-
cieux héritage de famille, se transmirent de génération en
génération ; mais d'autres furent morcelées et distribuées
en guise de reliques; d'autres enfin furent détruites par
l'action du temps ou l'ignorance des hommes. On en ren-
contra dans des boutiques d'épiciers, employées aux plus
vulgaires usages. Il importait de sauver de la destruction
ce qui pouvait exister encore. La Providence y pourvut.
L'exaltation de saint François de Sales au rang des
Docteurs de l'Eglise attira plus que jamais l'attention
générale sur sa personne et sur ses écrits. ^^lus par le senti-
ment religieux ou par l'attrait littéraire, des hommes de
conditions diverses poursuivirent une même fin : exhumer
des archives où elles gisaient les lettres inédites de notre
Saint, et les publier soit dans des Revues périodiques ( = ),
(i) François VaiVre ( Process. reiniss. Gehenn. (I), ad art. 31).
(2) 'Le.s Etudes Religieuses des RR. PP. Jésuites, qui avaient déjà donné des
lettres de notre Saint en 1866, 1868, 1874 et 1877, en éditaient encore une en 1878,
et depuis leur rétablissement, elles en ont publié en 1893, et quatre en igoo.
Citons de plus la Revue Savoisienne, 1880; le Correspondant, 1881 ; les An-
nales Salésiennes, 1889, 1891; la Revue du Monde Catholique, 1891, etc.
XX Lettres Dii saint François de Sales
soit dans des plaquettes spéciales (0. Plusieurs ecclésias-
tiques distingués par leur savoir et leur piété fondèrent
dans ce but à Annecy même (1878) une Société qui prit
le nom d'Académie Salésienne et qui, dans la collection
de ses Mémoires et Documents, a donné déjà 35 lettres
inédites, ou imprimées d'une manière inexacte dans les
récentes éditions. Des écrivains savoisiens insérèrent des
lettres de TEvêque de Genève jusque-là inconnues, dans
des ouvrages destinés à populariser quelqu'un de ses
contemporains ; tel 31. Jules Vu}", dans son intéressante
histoire de la Philothée (^).
En 1885, M. 31ugnier, conseiller doyen à la Cour d'appel
de Chambér}", bien connu par sa patiente érudition et ses
remarquables travaux, eut la bonne fortune de découvrir
aux Archives de l'ancien Sénat de Savoie, douze lettres
inédites de notre Saint. Il les inséra, en les accompagnant
de documents historiques d'un haut intérêt, dans une
brochure intitulée : Saint François de Sales, Docteur
en droit, Avocat au Sénat et Sénateur, etc.
Vers le même temps, M. Pératé, lui aussi archéologue
infatigable et écrivain de mérite, au cours de recherches
faites dans les Archives Vaticanes, mit la main sur une
série de pièces concernant la conversion du Chablais ;
parmi ces pièces se trouvaient vingt lettres italiennes de
notre saint Docteur, dont dix entièrement inédites. Des
dix autres, une traduction française seulement avait été
donnée par aligne. Ces lettres parurent dans le tome VI
des Mélanges d'archéologie et d'histoire publiés par
l'Ecole française de Rome (1886). Nous aimons à rendre
hommage à l'exactitude avec laquelle fut faite cette re-
production qui n'était pas sans offrir bien des difficultés,
vu les irrégularités de l'orthographe du Saint et les abré-
viations dont il émaille ses manuscrits.
Loin de satisfaire les pieuses ambitions des Filles de
saint François de Sales, ces découvertes les excitèrent
( I ) Voir RimeJio aile dispute de' Cattolici in Fraïuia, proposto nel MDCXIt
da S. Francesco di Sales e commetitato dal sacerdote Santé Pieralisi, Bibliote-
cario délia B.irberiniana: a/rqiunte tre Lettere del medesimo Santo (Roma, 1878).
( â ) la Philothi-e de S. Fr. de Sales, Vie de M"" de Ckarmoisj/ (1879), vol. II.
XXI
Avant-Propos
davantage. Après ces riches filons »<= ^^^^^^ "' Pf^^t^
mines plus riches encore à exploiter ? C est la question
r les Sœurs d'Annecy se posaient à elles-mêmes et
qu elles adressèrent aux différentes Communautés de leur
îns' mt Presque toutes y répondirent en provoquant
dan leur région des perquisitions o/dinairement couron-
nées de succès inespérés. Des recherches aux Archives
romaines mirent en lumière une vingtaine de pièces
X es nsérées dans un des volumes du Procès de Ca-
nonisation que personne n'avait jusque-là songe a consul-
er Bien pl-. Son Eminence le Cardinal P-occhi avant
de résigner la charge de Vicaire de "° ^« ^a^n -Père
I éon XIII, a daigné, avec l'assentiment de Sa Sainteté,
adresser u; appe'l à tous les Evêques d'Italie..., appel
qui amena la découverte de plusieurs Autographes iné-
dits D'autres admirateurs de notre grand Saint, des amis
dévoués de la Visitation ont contribué avec un zèle et un
désintéressement au-dessus de tout éloge a augmenter
notre collection. Nous devons un témoignage de spéciale
gratitude à bon nombre d'ecclésiastiques et de religieux,
Notamment à plusieurs Pères de la Compag-e de Jésus
et à la Congrégation des Missionnaires de saint François
de Sales d'Annecy.
Grâce à ce concours si bienveillant, près de 400 lettres
inédites ont été réunies; en ajoutant à ce nombre celles
qui sont extraites des divers livres et Revues mentionnes
ci-dessus, c'est une augmentation de plus de 500 lettres
que notre Edition compte sur celle de Migne, la plus
complète qui ait paru jusqu'ici ; et l'on peut espérer en-
core de nouvelles découvertes.
Si la quantité des pièces constitue le premier mérite
d une collection épistolaire, la manière de les utiliser
peut, sinon ajouter à leur valeur intrinsèque, du moins
en augmenter singulièrement le relief; c'est pourquoi,
les édLurs de la présente publication se sont efforces
de ne pas rester au-dessous des exigences de la critique
contemporaine. Et d'abord, afin d'assurer l'intégrité des
(I) La Lettre circulaire de Son Eminence est donnée ci-nprès. p. xxx.
XXII Lettres de saint François de Sales
textes, ils ont voulu remonter aux sources toutes les fois
qu'il a été possible de le faire. Cette précaution est d'au-
tant plus indispensable pour arriver à une parfaite exac-
titude, qu'il y a plus à se défier de l'édition de 1626, base
de toutes les autres. C'est seulement en aj^ant sous les
yeux les originaux ou des copies authentiques, qu'il est
possible de reconstituer intégralement les lettres dont on
a détaché tant d'extraits pour les agglomérer de la façon
que nous avons décrite. Faute de ce soin, nos devanciers,
après avoir donné les pièces de l'édition princeps, ont
imprimé ensuite in extenso, en les présentant comme
inédites, les lettres qui avaient servi à composer la pre-
mière collection.
L'ordre chronologique s'imposait de lui-même dans le
classement des pièces, et il était d'autant plus facile à
suivre que la plupart sont datées. Quant aux autres, elles
contiennent ordinairement des détails, des allusions qui
permettent de fixer presque à coup sûr l'époque à laquelle
elles remontent ; souvent aussi le caractère de l'écriture,
qui varie d'une manière assez sensible avec les années,
autorise tout au moins des conjectures bien fondées. Les
lettres pour lesquelles tout moyen d'information fait abso-
lument défaut sont reléguées à la fin de la publication. Un
travail non moins consciencieux préside à la restitution
des adresses pour les lettres dont les Autographes n'en
portent aucune, et pour celles qui sont empruntées aux
anciennes éditions. C'est sur des preuves certaines, mais
qu'il serait fastidieux d'exposer chaque fois, que nous
avons basé l'attribution de ces adresses ; et, quand la cer-
titude manque, on préfère s'abstenir de toute désignation
plutôt que de hasarder quelque affirmation contestable.
Restituer dates et adresses aux pièces d'une collection
épistolaire, c'est faire revivre l'auteur ; à ce prix seule-
ment sa correspondance devient ce que nous avons dit
plus haut, une sorte d'autobiographie dans laquelle il se
peint lui-même. Mais à cette vie il faut un terrain sur le-
quel elle puisse évoluer. Scène, milieu sont créés par les
notes biographiques et historiques qui groupent autour
de l'écrivain tous les personnages auxquels il eut affaire.
Avant-Propos xxiii
L'absence de ces données condamne le lecteur à errer
dans un monde tellement impersonnel qu'il ne peut s'y
intéresser ; en effet, lire les lettres de notre Saint dans la
plupart des anciennes éditions, c'est se heurter à des
tombes sans épitaphes. Notre prétention est de ressusciter
ces morts, de transformer ce cimetière en une promenade
publique où l'on ne rencontre que des visages connus.
Pour atteindre ce but, quel surcroît de travail il faut
s'imposer et à quelles erreurs ne s'expose-t-on pas, sur-
tout lorsqu'on se trouve, et c'est le cas présent, en face
de plusieurs milliers de noms à identifier ! Telles sont les
objections très judicieuses qui nous ont été adressées. La
majorité des lecteurs nous saura gré de passer outre. On
allègue un surcroît de travail. C'est plus que cela (l'expé-
rience faite au cours de ce premier volume nous permet
de parler en connaissance de cause) : annoter le texte
dans la mesure où nous l'avons entrepris, c'est quadrupler
sa peine. Mais le résultat est proportionné à l'effort.
On ajoute, et ceci est plus grave : Que d'erreurs possibles !
Ce serait témérité d'en disconvenir. Toutefois, il est des
hardiesses que Dieu bénit, et du reste nous ne hasardons
pas beaucoup, car les moyens d'information abondent ;
telle est la sympathie qu'éveille le nom de saint François
de Sales qu'il suffit de l'évoquer pour obtenir un concours
bienveillant. Nous l'avons toujours trouvé, ce concours
pour tout ce qui concerne notre pays, auprès du savant
et regretté comte Amédée de Foras, qui se survit à lui-
même dans son monumental ouvrage : Armoriai et
Nobiliaire de Savoie, malheureusement inachevé. Le
comte de Mareschal de Luciane, continuateur de cette
publication, ne fait pas à nos fréquents recours un accueil
moins engageant (i). Monseigneur notre Evêque a daigné
mettre à notre disposition les Registres de l'Evéché, con-
temporains de notre Saint. C'est une mine d'informations
encore peu exploitée, où nous avons trouvé des documents
utiles pour reconstituer la physionomie des membres
les plus marquants du clergé à cette époque. Nombre
( I ) M. le docteur Favre, de Faverges, vient de nous communiquer les pré-
cieux manuscrits Besson dont il est possesseur.
XXIV Lettres de saint François de Sales
d'érudits, dont il serait trop long de refaire ici la liste,
veulent bien nous permettre de puiser dans les trésors
de leurs connaissances sûres et étendues.
Les archives des anciennes familles en Savoie et ail-
leurs nous sont aussi très obligeamment ouvertes, sans
parler des Archives et des Bibliothèques publiques, où
des perquisitions soigneuses ont été faites et se conti-
nuent par nos correspondants. Les Archives Vaticanes,
celles des diverses Congrégations romaines ; à Turin,
celles de l'Etat et de la Chambre des Comptes ; à Paris, les
Archives et la Bibliothèque Nationale ; celles de l'ancien
Sénat de Savoie, à Chambéry, sont largement mises à
contribution. Pour ce qui concerne l'établissement et le
gouvernement de l'Ordre de la Visitation, sujet qui occupe
une place considérable dans la correspondance du Fon-
dateur, le 3lonastère d'Annecy possède des manuscrits
d'une autorité incontestable, qui permettront de redres-
ser bien des erreurs commises par nos devanciers. Il n'est
pas moins riche relativement à l'histoire locale, grâce à
la générosité de feu 3L Jules Vuy. Ce savant archéolo-
gue a remis aux Archives de cette Communauté la pré-
cieuse collection de documents, qui avait été la passion
de sa vie. Ces documents sont fréquemment utilisés par
les éditeurs.
31oyennant toutes ces ressources, ils sont en mesure de
consacrer une note biographique non seulement à chacun
des correspondants de notre Saint, mais encore à la plu-
part des personnes simplement nommées, la première fois
qu'il est question d'elles. Néanmoins, si ces personnes
doivent ensuite compter parmi les correspondants, la
note qui les concerne est renvo3'ée à la première lettre
qui leur est adressée.
Il nous a semblé trop encombrant d'indiquer chaque
fois sur place nos sources d'information. Cette indication
est donnée dans le cas seulement où nous avons puisé à
des sources peu connues ou inaccessibles au public. Une
Table générale de tous les auteurs qui nous ont fourni
des éléments de notes historiques paraîtra à la fin du
dernier volume de la Correspondance.
Avant-Propos xxv
Après avoir exposé les soins pris pour assurer l'exac-
titude du texte, la marche suivie pour le classement et
l'annotation des lettres, il reste à édifier le lecteur sur
quelques autres détails de notre méthode.
Parmi les lettres du Saint se trouve un petit groupe
de pièces spéciales qui ne peuvent être logiquement
éparpillées dans la correspondance : ce sont des brouil-
lons écrits pour diverses personnes, notamment pour
M^' de Granier. Ces pièces seront renvo3'ées à la fin du
volume auquel elles appartiennent par ordre de rédaction.
Il est un certain nombre de lettres dont une double et
même une triple leçon manuscrite nous a été conservée (0,
Les divergences qui existent entre les minutes et le texte
définitif sont ordinairement signalées au-dessous de ce
dernier. Quelquefois cependant, pour éviter un encombre-
ment au bas des pages, où se rencontraient déjà notes et
traduction, la minute est donnée in extenso à la suite du
texte définitif, mais sans numéro d'ordre distinct, puisque
dans ce cas les deux pièces ne forment qu'un seul tout.
Quelques lettres, dont les Autographes n'ont pu être
recouvrés, sont insérées à la fois dans les deux Procès
de Canonisation de notre Saint. Le texte du premier
Procès, généralement le plus exact, est alors préféré, et
mentionné seul dans l'indication de provenance. C'est
seulement quand ce premier texte est complété et même,
ce qui est rare, rectifié par l'autre, que nous les signa-
lons tous deux.
Les lettres latines et italiennes, qui composent en ma-
jeure partie ce volume, ont été traduites avec soin, tra-
vail qui n'a pas été sans offrir quelque difficulté. Dans
les premières, la clarté ne va pas toujours de pair avec
l'élégance du style, et les jeux de mots, les allusions
(i) Faute de se rendre compte de Tidentité de ces pièces, les précédents
éditeurs les ont pour l'ordinaire répétées, avec dates et numéros d'ordre
diflférents. Telle est, par exemple, notre Lettre LXIII, dont le texte définitif
est conservé à Turin, une autre leçon à Annecy et une troisième à Rennes.
Celte dernière leçon est insérée dans la Vie du Saint, par Charles-Auguste.
Hérissant donne la minute conservée à Annecy, avec addition entre crochets
des variantes de la leçon de Rennes. Datta publie l'original de Turin, daté du
29 décembre 1595. Migne et Vives le donnent à cette date, et de plus, repro-
duisent tous deux la leçon Hérissant à la date de septembre 1^96.
XXVI Lettres de saint François de Sales
recherchées contribuent parfois à envelopper d'un certain
nuage la pensée de l'Auteur.
Plus simples et plus claires sont les lettres italiennes ;
elles traitent pour la plupart d'affaires si sérieuses, qu'en
les écrivant le Saint n'a garde de se préoccuper du style,
et ne se donne même pas toujours le temps de songer aux
règles de la grammaire. Personne ne lui en fera de re-
proches, tant il met de bonne grâce à confesser que ses
lettres sont écrites dans un (( italien francisé, ou un fran-
« çais italianisé. » Les phrases sont souvent enchevêtrées
et l'orthographe assez irrégulière, quelquefois bizarre.
Elle sera maintenue néanmoins, sauf le cas de faute évi-
dente (0 et avec les légères modifications que voici : Les
accents graves seront suppléés dans le texte, partout où ils
sont nécessaires, et régulièrement substitués aux accents
aigus placés de loin en loin par l'Auteur. Ces derniers sont
conservés dans les variantes, où même on a dû en ajouter
quelquefois, quand l'absence d'accent change la signifi-
cation des mots. Les apostrophes toujours omises dans
les originaux pour l'article contracté de représentant dei,
ont dû être suppléées afin de prévenir des équivoques.
On a cru nécessaire aussi de substituer la lettre v à Vu
fréquemment employé par le Saint dans le substantif
vescovo et l'adverbe dove. Pour plus de clarté, la plu-
part des abréviations ont été interprétées ; on les a con-
servées néanmoins dans les adresses, les variantes, et la
formule si souvent répétée : V. S. Ill*"'^ et R*"^^ .
L'orthographe des originaux a été scrupuleusement
reproduite dans le texte français. C'est bien cette ortho-
graphe essentiellement progressive dont il est parlé dans
notre Introduction générale ( = ). Nulle part, mieux que
dans la correspondance, on en peut suivre les évolu-
tions, ce qui, pour les linguistes, ajoutera un intérêt
spécial à cette partie des Œuvres de notre Saint Docteur.
Dans les lettres écrites par secrétaires, l'orthographe de
ces derniers a été maintenue.
( I ) C'est ainsi que l'adverbe non est souvent représenté par no, forme que
le Saint avait retenue de son séjour à Padoue et qui se retrouve encore dans
le dialecte vénitien.
(s) Tome I"" de cette Edition, p. xcv.
Avant-Propos
XXVI 1
L'orthographe ancienne des noms propres est conservée
dans le texte avec toutes les variations permises a cette
époque (^) ; seulement, pour éviter des équivoques, on
a régularisé lusage des capitales. Souvent le Saint les
emploie pour les particules nobiliaires, et les supprime
aux noms patronymiques ; d'autres fois il les place aux
deux mots. Nous n'avons respecté cette irrégularité que
dans sa propre signature.
Tout en réprouvant la liberté que se sont accordée nos
devanciers, de mélanger aux lettres du Saint, celles de
ses correspondants, nous n'avons garde de meconnai re
le haut intérêt qu'offrent ces dernières. Loin donc de les
reieter de notre publication, nous en avons recueilli bon
nombre d'autres inédites jusqu'ici ; elles seront données
sous forme d'Appendice à la fin du volume auquel elles
se rattachent, par ordre de date.
Une Table de correspondance permettra d embrasser
d'un coup-d'œil la provenance de chaque pièce, de juger
du nombre de celles qui sont inédites, de voir a quelle
époque les autres ont été publiées une première fois e
quelle place elles occupent dans les éditions Vives et
Migne.
Un mot maintenant sur le contenu de ce premier
volume : il correspond aux années de la jeunesse de samt
François de Sales, et, les dates fissent-elles défaut, on le
devinerait au style, du moins pour les débuts. On y re-
trouve l'enthousiasme et, osons le dire, 1 emphase par-
donnable à cet âge, surtout à la fin du xvr s.ecle, ou^e
goût littéraire était si peu sur. La langue vulga re ne
fuifit pas au jeune Saint, spécialement pour ses relation
avec le séna eur Favre. Les deux amis échangent dans
un an recherché, les témoignages d'une affec.,on que
le temps devait consacrer ; les jeux de mots abondent
et, si ces deux grands hommes ne nous étaient connus, la
temation viendrait de penser qu'ils visaient au be espnt.
Le Prévôt rédige avec soin des ébauches dont les sur-
charges et les ratures accusent le travail et le souci de
„) I.o,.h«gr.ph= usuelle est adoptée d.« les uote, e. les traduction..
XXVIII Lettres de saint François de Sales
bien dire. N'ayons garde cependant de nous en plaindre :
nous devons à cette habitude de posséder les lettres du
Saint à son ami, car les originaux ont disparu; il ne nous
reste que ces minutes oubliées par l'Auteur, au milieu
d'autres papiers.
Cette période de jeunesse littéraire dura peu. Les tra-
vaux de l'apostolat mûrissent vite, surtout un apostolat
aussi laborieux que fut celui du Chablais. Bientôt le style
du Missionnaire s'élève, tout en se montrant plus limpide
et plus naturel. Ce n'est plus alors le temps de songer
aux fleurs de rhétorique ; le Saint ne pense qu'à Dieu et
aux âmes, et, s'affranchissant de toute influence étrangère,
il devient grave et simple parce qu'il est enfin devenu
lui-même. Ses espérances et ses tristesses prennent vie
sous sa plume, les dernières surtout, qui furent longtemps
les plus nombreuses. Pendant près de deux ans ses let-
tres ne sont pour ainsi dire qu'un long gémissement sur
la mauvaise foi des ministres et l'obstination des protes-
tants qui refusent opiniâtrement de l'écouter. De loin en
loin, quelques éclaircies dans ce ciel si noir, quelques
conversions éclatantes, comme celles de l'avocat Poncet
et du seigneur d'AvuUy ; puis de nouveaux déboires et
de plus pénibles déceptions. Son voyage à Turin, dans
l'automne de 1596, l'accueil empressé que lui font le duc
de Savoie et le Nonce apostolique présagent un heureux
revirement dans la marche des aff"aires; on y compte, on
l'attend, mais en vain. Et voilà notre saint Missionnaire
réduit de nouveau à jeter des cris de détresse à Charles-
Emmanuel I", qui fait de magnifiques promesses, aux
Chevaliers des saints JMaurice et Lazare qui en empêchent
la réalisation, à JSV Riccardi lui-même, toujours prêt à
lui compatir et souvent impuissant à le seconder. L'heure
viendra cependant où il moissonnera dans la Joie ce
qu'il a si péniblement semé dans les larmes; et les
cérémonies triomphales des Quarante-Heures de Thonon
seront le couronnement de son héroïque apostolat.
C'est bien dans ces lettres qu'il faut chercher l'histoire
la plus vraie qui ait été composée de la mission du Cha-
blais, et la plus palpitante d'intérêt. Elles sont écrites
Avant-Propos ^^'^
avec une émotion tellement communicative que Ion croit
assister à cette lutte admirable où la vérité reconquiert
pied à pied un terrain qui lui est si chèrement disputé par
l'erreur. Le Saint réfute d'avance les récits calomnieux
de nos adversaires, et ferme la bouche à ceux qui veulent
insinuer que la conversion de cette province a été obtenue
par intimidation militaire ou à prix d'argent.
Que de révélations ne contiendraient pas encore les
lettres qui n'ont pu être recouvrées, et il en est un grand
nombre ; car nous constatons avec peine que cette pre-
mière période de la Correspondance offre des lacunes
considérables. Et plût à Dieu qu'il n'y en eût pas d'autres!
Malgré toutes les recherches faites depuis vingt ans, il
reste assurément encore un grand nombre d'épis ignorés
à faire entrer dans la gerbe si belle déjà qu'est la collec-
tion des Lettres de saint François de Sales. Au nom
de la Religion et de la littérature , nous adressons un
pressant appel à tous les possesseurs de ces richesses, et
nous pouvons promettre d'avance à ceux qui voudront
bien y répondre, avec notre gratitude la plus profondé-
ment sentie, celle des lecteurs de cette Edition, et, ce qui
est infiniment préférable, la protection spéciale du plus
aimable des Saints.
DOM B. Mackey, O. s. B.
LETTRE-CIRCULAIRE
DE S. EM. LE CARDINAL PAROCCHI, VICAIRE DE SA SAINTETÉ
AUX ÉYÊÛUES D'ITALIE
Dal Vicariato, Roma, nella festa del S. Cuore, 9 Giugno 189g.
Pubblicato appena il primo volume (1892) délia nuova edizione
délie opère di S. Francesco di Sales, per cura délie religiose délia
Visitazione del primo monastero di Annecy, con 1' intelligente con-
corso del dotto benedettino P. Mackey, si guadagnô il plauso uni-
versale degli eruditi.
La solidità délia carta, la chiarezza ed eleganza de' tipi, la cor-
rettezza del testo, superiori a quanto poteva aspettarsi dalla piccola
gemma délia Savoia, furono giudicati pregi bene inferiori alla squisita
diligenza, posta ad assicurare 1' autentica lezione dell' opéra, e la
diligenza porto si generosi frutti, che dal primo volume al decimo
(1898), e sperasi cosi fmo ail' ultimo, il pensiero di S. Francesco di
Sales, quale egli medesimo affidô aile immortali sue pagine, v' è
fedelmente riprodotto e in modo defmitivo.
Ora, pubblicate omai le opère maggiori, fmo ai discorsi, e in essi
se ne trovarono d' inediti non pochi, come si venne a stampare le
Du Vicariat, Rome, en la fête du Sacré-Cœur, 9 juin 1899.
Dès que parut le premier volume (1892) de la nouvelle édition des œuvres
de saint François de Sales, publiée par les soins des Religieuses de la Visita-
tion du P"" Monastère d'Annecy, avec l'intelligent concours du docte Béné-
dictin P. Mackey, il obtint l'applaudissement universel des érudits.
La solidité du papier, la clarté et l'élégance des caractères, la parfaite cor-
rection typographique, supérieures à tout ce que l'on pouvait attendre de ce
petit bijou qu'on nomme la Savoie, furent considérées comme des avantages
bien inférieurs à l'extrême diligence mise à assurer l'authenticité du texte.
Cette diligence a obtenu des résultats si excellents que, du premier volume
au dixième (1898) — et l'on espère qu'il en sera ainsi jusqu'au dernier — la
pensée de saint François de Sales, celle qu'il confia lui-même à ses pages
immortelles, s'y trouve fidèlement reproduite et d'une manière définitive.
Or, les principaux ouvrages du Saint ayant été déjà édités jusqu'aux Ser-
mons, parmi lesquels il ne s'en est pas peu trouvé d'inédits, l'impression des
lettres allait être commencée, lorsque les éditeurs constatèrent qu'un grand
Lettre de S. Em. le Cardinal Parocchi xxxi
lettere, notarono gli editori che moltissime ancora ne giacciono
ascose nelle biblioteche e negli archivi di pubblici e privati institut!.
Si rivolsero pertanto a me, corne a Superiore délie Salesiane
di Roma, affinchè facessi appelle agli Ordinariati d' Italia, in aiuto
air impresa. Il chc avendo io significato alla Santità di N. Signore,
Egli nel tanto suo zelo per le sacre discipline e per le lettere, di
buon grado aderiva.
E perô non solamente in mio nome e délie Salesiane d'Annecy,
ma in qualche modo anche da parte del Santo Padre, invito e prego
gli Ordinariati d' Italia a procurare ricerche nelle biblioteche e negli
archivi dipendenti dalla loro giurisdizione, se mai si trovassero let-
tere od altri scritti inediti del Santo Vescovo di Ginevra. E trovati,
li prego di trarne copia autentica, e spedirli o direttamente alla
Superiora del primo monastero délie Salesiane d'Annecy, od a me.
Anticipo i più vivi ringraziamenti, e affido alla gratitudine di
S. Francesco di Sales, dell' opéra che presteranno in onore di lui, la
débita ricompensa.
Dev.mo afif. in G. G.
LuciDO Maria Gard. Parocchi,
Vicario générale di S. S., Superiore délie Salesiane di Roma.
nombre demeurent encore cachées dans les bibliothèques et dans les archives
des institutions publiques et privées. En conséquence, ils s'adressèrent a moi.
comme au Supérieur des Salésiennes de Rome, afin que, faisant appel aux
Evêques d-Italie, j'obtinsse leur concours pour cette entreprise. Ce qu ayant
moi-même exposé à Notre Saint-Père le Pape, si grand est son zèle pour la dis-
cipline sacrée et pour les lettres qu'il acquiesça de grand cœur à cette pensée.
C'est pourquoi, non seulement en mon nom et au nom des Salésiennes
d'Annecv, mais aussi, en quelque sorte, de la part du Saint-Père j invite et
je prie les Evéques d'Italie défaire faire des recherches dans les bibliothèques
et les archives dépendantes de leur juridiction, pour savoir s'il s'y trouve des
Lettres ou autres écrits inédits du saint Evéque de Genève. Et en ayant
trouvé, je les prie d'en tirer une copie authentique et de l'expédier ou direc-
tement à la Supérieure du I" Monastère des Salésiennes d'Annecy ou a moi.
En leur offrant à l'avance mes plus vifs remerciements, je confie a la grati-
tude de saint François de Sales le soin de rémunérer la peine qu'ils pren-
dront pour procurer sa gloire.
Très dévoué et affectionné en Jésus-Christ.
Lucide-Marie Cardinal Parocchi,
Vicaire général de Sa Sainteté, Supérieur des Salésiennes de Rome.
AVIS AU LECTEUR
La plupart des Lettres insérées dans ce volume ont été confrontées sur
les originaux, comme l'atteste l'indication de provenance placée au bas de
chacune. U absence de cette indication distingue les Lettres empruntées à
des publications antérieures. Voir à la fin du volume la Table de corres-
pondance, et V Avant-Propos, p. xxvij.
Les éditeurs sont seuls responsables de V adresse et de la date qui précédent
chaque pièce ; Vune et l'autre sont répétées à la fin quand elles figurent
sur l'original. Il n'y a d'exception que pour les lettres envoyées au duc de
Savoie par intermédiaire. Ces lettres ne portant pour toute adresse que ces
deux mots : A Monseigneur, ce serait embarrasser le lecteur de les placer
après la clausule et la signature.
Qliand la date attribuée à chaque lettre n'est pas absolument sûre, elle
est insérée entre [ ] . Ces signes sont également employés pour les mots
qu'il a fallu suppléer dans le texte.
Les divergences qui existent entre les minutes et le texte définitif sont
données au bas des pages. Le commencement de la variante est indiqué par
la répétition en italiques des mots qui la précédent immédiatement au texte,
à moins que le point de départ ne corresponde à un alinéa, ou que la cor-
rélation ne soit évidente. La fin est régulièrement marquée par la lettre de
renvoi. Celle-ci signale le commencement de la variante alors seulement
que cette variante embrasse plus d'une page. Les passages biffés dans l'Au-
tographe sont enchâssés dans des V J.
Dans les variantes des lettres latines et italiennes les seuls passages qui
diffèrent considérablement du texte ou qui n'y figurent pas du tout ont été
traduits. Il en est de même pour la minute de la Lettre LII^. Pour cette
dernière, une f indique le commencement du passage à traduire.
On trouvera à la suite de la Table de correspondance un Index des
notes historiques et biographiques contenues dans ce volume. Pour l'ortho-
graphe des noms propres, voir l'Avant- Propos, p. xxvij.
LETTRES
DE
SAINT FRANÇOIS DE SALES
ANNÉES ANTÉRIEURES A 1593
AU BARON d'hER.MANCE (0
Protestations de respect et de dévouement.
Paris, 26 novembre 1585.
Monsieur,
Despuys vostre dernier voyage en ceste ville j'avois
tousjours bien bonne dévotion de vous escrire, ce que
toutefoys je n'avoys osé fayre. 31ays nri'ayant escript un
de mes amis de l'honneur et faveur que vous aves faict
aune mienne seur > ,je me suys persuadé que le treuveries
bon de moy, auquel vous listes tant d'acueil dernière-
ment en ceste ville ; joinct aussi que ne pouvant encores
(Dieu m'en face la grâce pour Tadvenir) fayre paroistre
{ I ) François-Melchior de Saint-Jeoire, baron de Saint-Jeoire, de Féterne
et d"Hermance, seigneur de la Chapelle, chambellan du duc de Savoie,
Charles-Emmanuel P"". Dans le courant de septembre 15S4, ce seigneur fut
envoyé à Paris pour notifier à la reine mère le mariage du duc son sou-
verain avec Catherine d'Espagne. En qualité d'ami de M. de Boisy, il visita
son fils, alors étudiant au collège de Clermont. Devenu plus tard gouverneur
du fort de Sainte-Catherine et de celui des AUinges, gouverneur militaire des
baillages de Chablais, Ternier et Gaillard, le baron d'Hermance protégea notre
Saint dans les débuts de la mission du Chablais, et lui donna pendant six mois
l'hospitalité au château des AUinges. Il mourut le 20 novembre 1395.
(2) Gasparde, sixième enfant de M. de Boisy. Quoiqu'elle fût encore en
bas âge, peut-être, selon les usages de l'époque, s'agissait-il déjà pour elle
d'un projet d'alliance auquel le baron d'Hermance se serait intéressé.
Lettres I I
â Lettres de saint François de Sales
TafFection que j'a}^ de vous fayre humble service, j'ay
volu (comme il s'accoustume) vous en donner souvenance
par lettres. Et maintenant que je su3's au milieu et meil-
leur âge de mes estudes, si je puys cognoistre seulement
par presumption que prenies en bonne part mes lettres,
ce me sera comme un aultre corage pour poursuyvre mon
entreprise en Testude, laquelle j'oseroys bien me pro-
mettre (sans me flatter) réussira au bien que je désire.
Dieu aydant, qui est de le bien pouvoir servir ; puys
après, vous fa3're service, a qui j'a}' tant de debvoir et
obligation.
J'auroys bien Bonne volonté de vous escrire des nou-
velles de pardeça, mays les nostres ne sont que de
collèges, outre ce qu'elles sont si incertaynes (on a faict
le prince de Condé mille fo3^s mort) que pour ce seul
respect il me semble que je suys asses excusé d'en
escrire.
Atant je vous bayse bien humblement les mains, et
prie Dieu, Monsieur, qu'il vous tienne en santé et très
heureuse vie, vous suppliant de vous resouvenir de moy
comme de celluy qui est et sera a jamays
Vostre plus humble serviteur
François De Sales.
Monsieur Deage(0 vous ba3^se bien humblement les
[mains]. De Paris, ce 26 novembre 1585.
A Monsieur
Monsieur le baron d'Armence
a la Chapelle.
Revu sur l'Autographe conservé à Genève, Archives de l'Etat.
Voir le fac-similé placé en tête de ce volume.
( i) Jean Déage, natif de Cornier en Genevois, précepteur de saint François
de Sales dès sa tendre jeunesse, le suivit à Annecy, à Paris et à Padoue ; ce
fut dans cette dernière ville qu'il prit le grade de docteur en théologie
(il septembre 1591). Rentré en Savoie, il obtint un canonicat au Chapitre de
Saint-Pierre de Genève, l'année même où son illustre disciple en était nommé
Prévôt. Quand celui-ci fut élevé à la dignité épiscopale, le chanoine Déage,
demeuré son conseiller, devint son commensal, et vécut dans l'intimité du saint
Evéque jusqu'à sa mort. 'L'acte de son inhumation est daté du 8 juin 1610.)
Année 1590 i ^'^
I I *»
\/ A UN ANCIEN PROFESSEUR ( l'I
(minute inédite) (2)
Succès des armes du roi de Navarre. — Epidémie parmi les étudiants.
Padoue, 26 juillet 1390.
lo tengo con Vostra Signoria un particular obligo di
ringratiarla, poi que (sic) particularmente de i Savoyani
suoi essa a (sic) fatta memoria nella sua cortesissima
lettera messa a tutti i nostri concameranti. La ringratio
dunque que la habbi quella memoria di noi et tanta
cura del ben nostro, ch' essendo in messo [sic] d' una città
que tanto (se io non m'inganno) si rallegra di quella
nuova Navarrescha, lei non sene pigli altramente con-
tentezza per amor nostro ; se ben anchora il zelo délia
fede catholica nostra impedischa principalmente in V. S.
allegrezza d'un fatto(») tanto compassionevole a chi lo
Je me tiens spécialement obligé de remercier Votre Seigneurie,
puisqu'elle a fait une mention particulière de ses Savoisiens dans sa
très aimable lettre adressée à tous nos condisciples. Je vous remercie
donc d'avoir quelque souvenir de nous, et tant de sollicitude pour
notre bien, que vous trouvant au milieu d'une ville où, si je ne me
trompe, on se réjouit beaucoup de la nouvelle Navarraise qui s'y est
répandue, par affection pour nous vous n'en éprouvez aucun con-
tentement. 11 est bien vrai que le zèle de Votre Seigneurie pour notre
foi catholique est la cause principale qui l'empêche de se réjouir d'un
(a) d'unfatto — [\\ quai forse non riescira doue gl" huomini creddono.J
( I ) Ce personnage paraît être Jacques Ménochius (1532-1607), qui professa
le droit pendant plus de vingt ans à l'Université de Padoue. Il l'enseigna
ensuite à Pavie, sa ville natale, durant l'année 1 589-1 590. Il n'est pas invrai-
semblable qu'il se soit rendu de là à Venise, ville dévouée à Henri IV, pour
surveiller l'impression du second volume de son traité De Prcesumptionibiis,
Qonjecturis... Commentariorum Pars secunda. Venetiis, apud F. Ziletti 1590.
( 3 ) Cette lettre a été découverte et acquise par la Visitation d'Annecy après
l'impression des premières feuilles de ce volume.
4 Lettres de saint François de Sales
je me plains de celles que monsieur Cadel et autres amys
ont porté, que j'eusse pensé devoir estre fidellement
rendues. Et de vos nouvelles nous en avons tousjours eu
nostre parc quand vous escrivies a monsieur Coppier (O,
car de vostre grâce vous faysies tousjours mention et de
moy et de tous ces autres messieurs ausquels je ne cède
poinct en ce faict, et sans cérémonie je me nomme ....
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
III
A UN INCONNU
(MINUTES INEDITES)
Remerciements pour une lettre reçue de lui.
Padoue, [vers octobre 1590.]
Monsieur,
Je ne fis jamais chose qui méritasse que vous prissies
la peine de m'escrire avec tant de caresses comme vous
aves faict le 24 de septembre (3), dont je vous remercie
d'autant plus humblement de ceste vostre faveur, pour
laquelle je m'offriroys a vous humblement si je ne vous
estoys desja tout obligé et dédié. Or, vostre lettre me
servira au moins de tesmoignage que vous prenes a gré
l'affection que je vous porte, et partant j"ay pris un très
(a) (/* septembre. — TBien que tousjours j'aye eu extrême affection a vostre
service... J
(i) Jean Coppier, alors étudiant en médecine à l'Université de Padoue;
il exerça dans la suite sa profession à Chambéry, et continua d'entretenir
avec le Saint des relations dont on trouve la preuve dans la correspondance
de celui-ci.
Année 1590 5
grand contentement de voir que desires que je retourne
bien tost par devers vous, tout plein de belles qualités...
Monsieur,
Vous pouves bien tant quil vous playra accroistre le
monde d'obligations que je vous ay, comme vous aves
faict prenant la peyne de m'escrire le 24 septembre avec
tant de caresses comme vous aves faict ; mays vous ne
pouves plus accroistre l'affection que je vous porte, et a
vostre service, icelle estant aussy grande qu'on la
pourroit avoir
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Turin.
IV
A UN INCONNU
(minute inédite)
Témoignages de respect et d'affection.
Padoue, [octobre ou novembre 1590(1).]
Monsieur,
Je me fais accroyre que monsieur des Granges ( 2 ),
présent porteur, m'ayme beaucoup, comme j'en ay eu de
fort bons signes ; dont l'ayant prié fort instamment
(i ) L'allusion que cette lettre fait à la vacance du Saint-Siège justifie la
date que lui attribuent les éditeurs. Elle a dû être écrite dans l'intervalle qui
s'est écoulé entre la mort d'Urbain VII (27 septembre 1390) et l'élection de
Grégoire XIV (5 décembre de la même année). Il est vrai que le Siège aposto-
lique fut vacant quatre fois pendant les années que saint François de Sales
passa à Padoue ; mais des raisons qu'il serait trop long de détailler militent
en faveur de l'époque indiquée ci-dessus.
(2) Jacques des Granges, étudiant à l'Université de Padoue, appartenait,
d'après Charles-Auguste de Sales, à une noble famille de la Val d'Aoste. Il
6 Lettres de saint François de Sales
qu'estant de pardela il me recommandasse fort affection-
nement a vostre bonne grâce, je ne doute poinct que sil
vous peut trouver et se souvient, il ne face cela pour
moy. Toutefoys , pour autant que peut estre ne vous
trouvera il pas comme il désire, et aussy quil est fort aysé
a oublier si peu de chose comme je suys, (a) affin d'as-
seurer mon intention j'ay escrit ces deux mots que je
vous addresse, par lesquels je vous salue très humblement
et affectionnement, et vous remercie de la memo3^re que
vous eustes de moy quand monsieur de la Chapelle (0
print congé de vous pour venir icy, lequel m"a encores dict
que d'autrefoys vous luy avies parlé de moy ; 1^) ce que
cognoissant ne venir de mes mérites, j'en honore d'autant
vostre bonté, delaquelle je reconnoys toutes ces faveurs.
On a dict que le duc de Florence ( = ) s'en alloit mourir
et quil se traittoit de fayre Pape le Cardinal de Sens (3),
ce que n'estant asseuré je m'en rapporte a l'événement.
Je présuppose que deux de mes lettres vous auront estëes
données
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Turin.
(a) comme je suys, — fje luy ballie ceste lettre. ..J
(b) de moy ; — ffaveur laquelle bien que je ne mérite, si ne laysse je pas
d'en estre très ayse...J
fut l'un de ceux qui signèrent en qualité de témoins les lettres-patentes
concédant à saint François de Sales le grade de docteur en droit. On lit en
effet dans ces lettres : Datum et actum Paduœ... anno Domini MDXCI... die
Jovis, V mensis Septembris... prcesentibits Rdo Domino Joanne de Agio et Nobi-
libus Dominis Joanne Baptista Valentiano, Aniedeo de Bavo, Joanne Gulielmo
Martineto... Jacobo de Granares, et Joanne Jacobo Andrerio, omnibus Sabaudis.
( I ) Jean-Baptiste de Valence, fils de Jean-Baptiste, seigneur de la Chapelle,
dont le nom figure dans le document cité ci-dessus ; il fut toute sa vie l'ami
de notre Saint. On le retrouve plus tard (1617) juge-mage à Ternier et Gaillard,
conseiller du duc de Savoie, puis enfin sénateur (i^"" octobre 1632).
(2) Ferdinand P"" de Médicis, qui régna de 1587 à 1609. C'étaient assuré-
ment de faux bruits qui circulaient au sujet de sa santé; car non seulement
l'histoire ne mentionne aucune maladie du duc à cette époque, mais elle
témoigne au contraire de l'activité qu'il déploya pendant les diverses vacances
du Saint-Siège qui se succédèrent alors à de si courts intervalles.
(3) Nicolas de Pellevé (1^18-1^94), d'abord Evéque d'Amiens, avait été
transféré à l'archevêché de Sens en 1361, et promu au cardinalat le i^ juin 1570.
Année 1591
V
A UN GENTILHOMME
(MIXCTE inédite)
Remerciements pour la bienveillance que lui témoigne ce gentilhomme
et pour la lettre qu'il en a reçue.
Padoue, l'59'-]
Monsieur,
Despuys Ihonnorable memoyre que vous fistes de moy
par lettre a monsieur de Marry, il y a quelque tems, qui
me fut comme un'arre de vos grâces, le grand désir que
ja auparadvant j'avoys d'estre accepté pour vostre servi-
teur très humble s'estoit extrêmement accreu. Et pourtant
3 avoys a plusieurs foys prié monsieur de la Tornette (0
et monsieur de la Porte .') de vous fayre présent, de
ma part, et de moy mesme et de mon service, pensant
par ce moyen, sans que je vous importunasse par lettres
(que je craignoys fort), vous pouvoir fayre sçavoyr
combien je me connoissois honnoré de vostre mention et
combien humblement je vous en remercioys. D'autre part
j'estimoys que sous Tadveu de ceux qui m'eussent pré-
senté a vous, j'eusse esté beaucoup mieux receu que je
( I ) Louis de l'Alée ou de Lallée, seigneur, puis baron de la Tournette et
Songy (ses terres furent érigées en baronnie par patentes du 5 février 1615),
conseigneur de la Val des Clefs, chevalier grand-croix de l'Ordre des saints
Maurice et Lazare, ambassadeur en Suisse. Son testament est daté du 10 dé-
cembre 1623.
(s) Il existait en Faucigny une famille de la Porte, dite de Vallon; on ne
saurait toutefois affirmer que le personnage dont il est ici question appartînt
à cette famille ; peut-être est-ce celui que nous retrouverons plus tard
intendant de la duchesse de Mercœur, et auquel notre Saint adressa une lettre
le 6 juin 1603.
8 Lettres de saint François de Sales
n'eusse osé me promettre sans présomption. (^) Dont vous
pourres asses connoistre, sans que je vous en die autre,
avec combien de satisfaction j'ay receu vostre lettre,
combien j'en fays d'estat et combien estroittement je
m'en sens obligé, mays beaucoup plus de ce que par
icelle vous me présentes. Dequoy je prendray et retien-
dray bien chèrement tout ce dont je seray capable; car
il ne messied pas a vostre grande humanité de beaucoup
présenter, mays ce seroit grande insolence a moy de(b)
n'en vouloir refuser.
Et maintenant, puys quil vous a pieu me monstrer de
si bons signes, ains de me fayre fayre de si bonnes
asseurances de vostre amitié en mon endroit, je vous
supplieray très humblement de me fayre ce bien que
de continuer, et me mettre en conte comme vostre très
humble et serviteur. Et bien que je n'a5"e autre (<=) mé-
rite, si est que la grande et bonne affection que j'ay est
suffisante pour me fayre avoyr un lieu de mortepaye en
vostre service, affin que j'âye le contentement, par la
continuation de ceste vostre faveur
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
(a) sans présomption. — fVoyla, Monsieur, qui me garda de vous bayser
les mains en escrit, que je vous ay baysees mille foys humblement en mon
affection. Et de la, Monsieur, ny je ne vous diray plus avec quelle mesme
satisfaction j'ay leue et releu vostre si courtoyse lettre. ..J
(h) de — [-penser a les accepter.. .J
(c) aufre — j-qualité qui me puysse pousser en ce lieu la...J
Année 1591
VI
A UN AiMI
(minute inédite)
Assurances d'amitié. — Désir d'être connu d'un personnage de grand mérite. —
Nouvelles d'un condisciple. — Message de son précepteur. — Un mot sur
son frère Gallois.
Padoue, 25 mars 1591.
Quas ad me 3 calend. Decembris 1590 et 10 calend.
Februarii 1591 (^) perscripsisti simul accepi his diebus,
ut copia litterarum tuarum momentanea paenuriam
earumdem diuturnam compensaret. Cujusnam autem
culpa factum sit ut priores illas tam tarde acceperim
cogitare nolui, ne ab ea cogitatione in amicorum quem-
piam quippiam iracundiae meae derivaretur. Ingenti te
metu perculsum ais ne aliquam in te concepissem indi-
gnationem, quod postremis meis litteris stomachari vide-
rer, quasi tu vel in amando me pertinax non esses aut
diligens in scribendo ; quo magis miror in te eum
metum('^)extitisse, qui sane « in constantem virum cadere
J'ai reçu à la fois, ces jours-ci, les lettres que vous m'avez écrites
le 29 novembre 1590 et le 23 janvier 1591. Cette abondance mo-
mentanée compensait ainsi la pénurie dans laquelle vous m'aviez
laissé. A qui la faute si j'ai reçu si tard la première lettre? Je n'ai
pas voulu le rechercher, de peur que cette recherche ne fît retomber
un peu de mon mécontentement sur quelqu'un de mes amis. Vous avez
grandement craint, dites-vous, que je n'eusse conçu à votre égard
quelque indignation, car dans mes dernières lettres je semblais fâché
de ce que vous n'êtes pas ardent à m'aimer ou diligent à m'écrire.
Je m'étonne d'autant plus qu'une telle crainte ait pu exister en vous,
qu'elle ne peut assurément « s'emparer d'un homme fort et constant. »
(a) Febfuarti lypi — fscripsisti Chamberii...J
(b) timorem
u
!0 Lettres de saint François de Sales
• Innocent. III, in non possit *. » Scd id ita solvis : « Cuncta timemus
Décrétai., lib.I,tit. ^ * r. ^ • ^ -i •
XL, c. IV. amantes'^, » bene est, si tamen mihi optio relicta est.
•Ovidius Metam., Gratius accepi quod posterioribus scribis adduci non
posse ut credas in me aliquam tui oblivionem cadere
posse; id apud te firmissimum ac omni formidine remota
constitutum velim. Profecto scripsi dedique ad te litteras
non semel, (c) de quarum appulsu nihil audivi ; postea
hinc inde ab amicis, modo hoc modo illo, de te exquisivi
pœne importune. 31irum undique de te (in te etiam fere
dixi) silentium. Te in Galliis esse audio ; ad te desino
scribere, ab aliis de te sciscitari non desino. Quid mihi
culpae est ? Hae mihi sunt omni actione majores excep-
tiones. Ergo, quantumvis amantissimus, his timoribus
locum deinceps ne dederis ; quamvis enim ii ab amore
proficisci videantur initio, postea tamen saepe parvulis et
brevissimis mutationibus temporisque processu genito-
rem ipsummet suum interimunt. At ne me de timoré tuo
Si vous l'expliquez de la sorte : « Tout éveille les craintes de ceux qui
aiment, » c'est bien, mais à la condition que vous me dispenserez de
vous prouver mon affection en redoutant tout de votre part.
Votre dernière lettre m'a été plus agréable. Vous m'écrivez, en
effet, que rien ne vous persuadera que j'aie pu vous oublier le moins
du monde. Je voudrais que cette conviction demeurât en vous le plus
fermement possible et prévint toute ombre de défiance. Le fait est que
je vous ai écrit, que je vous ai expédié plus d'une fois des lettres,
sans savoir jamais si elles vous étaient parvenues, j'ai demandé
ensuite de vos nouvelles d'ici, de là, tantôt à un ami, tantôt à un
autre, jusqu'à me rendre presque importun ; mais partout, silence
étonnant sur vous (peu s'en faut-il que je ne dise contre vous).
J'apprends que vous êtes en France. Je cesse de vous écrire, je ne cesse
pas de demander de vos nouvelles. Quelle faute ai-je commise ? Ces
preuves de mon affection sont plus fortes que toutes vos accusations.
Donc, quelle que soit votre affection, ne cédez plus désormais à
ces craintes. En effet, bien qu'elles semblent au début engendrées
par l'amour, souvent dans la suite, par de très petits, d'insensibles
changements, elles tuent, avec le temps, celui-là même qui les a
engendrées. Toutefois, ne croyez pas que votre crainte m'inspire une
(c) non semel, — fseptimestre silentium non fuit...J
Année 1591 il
timere reflectas ; ('^) mihi enim de eo mentio est, nuUus
vero metus, Quos de me passim seris sermones apud
tuos, maxime apud eum quem haerum tuum appellas,
vide ne ita accipiantur quasi sementem agri tui colloces
ac quod sentio sentiant alii : tua tibi in ore esse, tuoque
te melle delectari. Hœc pro familiaritate. Alioquin quid
mihi optabilius quam me ex nomine, te nominante, ab eo
cognosci cujus nomini me, si annueret, consecratum
facere omnibus bonis caeteris anteponerem (0 ? Quam in
sententiam corde premo plurima quse nec paenitus dicere
possum, nec si possem, spatium ad scribendum a latore
praestitutum permitteret.
Antonium, quem Franciscum vi simpathiae nominas,
Merindulensem ( = ) suamet manu inter tuas (sic) adscri-
bam, bonum, prudentem, ac supra aetatem philosophum
crainte équivalente. Je la mentionne simplement, je ne l'éprouve
nullement. Quant aux paroles que vous semez sur mon compte, par ci
par là, auprès de vos amis, surtout auprès de celui que vous appelez
votre maître, prenez garde qu'on ne les interprète comme si vous
semiez votre champ pour que les autres pensent ce que je pense
moi-même, c'est-à-dire que vous proclamez vos vertus, que vous
savourez votre propre miel. Ceci entre nous. Si cet homme consen-
tait à m'accepter comme sien ce serait pour moi un bien préférable à
tout autre bien ; rien donc ne me sera aussi avantageux que de lui
être connu, au moins de nom, par votre entremise ( ' ). Sur ce sujet,
je garde en mon cœur bien des choses que je ne puis entièrement
révéler, et, le pourrais-je, que le temps laissé par le porteur ne me
permettrait pas de les écrire.
Antoine de Mérindol (2) que, par sympathie, vous appelez François,
de sa propre main se consigne entièrement entre les vôtres. C'est un
jeune homme bon, prudent et philosophe à un degré bien supérieur
(d) timere reflectas ; — fin ejus enim suni mentione non timoré. ..J
{ I ) En rapprochant ce passage de la Lettre IX, p. ao, lignes 2 et 3, on est
amené à conclure qu'il s'agit ici du célèbre Antoine Favre, alors sénateur à
Chambéry. Ce qui confirme encore cette hypothèse, c'est que (voir variante (a)
le destinataire de la présente lettre parait habiter la même ville.
(2) Antoine Mérindol (i 570-1624), qui devint dans la suite conseiller,
médecin ordinaire de Louis XIII (1616) et premier professeur de médecine à
l'Université d'Aix, avait fait de brillantes études à Paris et à Padoue. Il a
12 Lettkhs de saint François de Sales
juvenem ; hoc solo nomine miserandum quod tanto
ingenio genioque minime par sit nactus corpusculum,
sed calculo generando pessime aptum (lapidem philoso-
phicum a générante nominarim). Morbo sibi omnibusque
amicis suis gravissimo decumbens ipse, ego assidens, de
te plurima, quibus plane efFectum est ut tui desiderio non
minus quam sanitatis langueret.
Deageus praeceptor noster te plurimum salvere jubet.
Fratrem meum non adeo mihi dissimilem credo quin
semper inter tuos remaneat (O; quamdiu vero pro setate
ex nobis pendet tanquam accessorium majori fratri cedit.
Porro, ad omnes opéras jus in me tibi esse non patrinatus
sed patronatus existimes quœso. Subinde scribam vale.
Patavii, ipso annunciatae salutis salutatseque Virginis
die.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Turin.
à son âge. Une seule chose est à regretter en lui, c'est qu'il ait un
corps chétif, peu proportionné à ses grandes qualités, à sa belle na-
ture. Il est fort porté à engendrer la pierre (que chez lui on pourrait
appeler pierre philosophale). 11 a été retenu au lit par cette maladie
très douloureuse pour lui et pour tous ses amis. Je l'assistai. Nous
parlâmes beaucoup de vous, ce qui le fit soupirer après vous tout
autant qu'après la santé.
M. Déage notre précepteur m'ordonne de vous saluer mille fois.
Mon frère me ressemble assez, je crois, pour demeurer toujours des
vôtres ( I ). Pendant que son âge le tient en dépendance de nous, il suit
comme un accessoire son frère aîné. Sachez que, pour n'importe quel
service, vous avez droit d'user de moi, non il est vrai en qualité de
parrain, mais à titre de maître. Et sur ce, je vous dis adieu.
Padoue, jour de l'annonce de notre salut et de la salutation
donnée à la Vierge.
laissé des traités de médecine très estimés, qui ont été publiés en un volume
in-folio (Aix, 1633), sous ce titre : Anionii Merindoli... Ars medica in ditas
partes secta, in qua non solnm explicantur ea quœ ad medicinam discendam sitnt
necessaria, sed multa qnœ Theologos et Philosophas recreare valeant continentur.
( I ) Gallois, frère puîné de saint François de Sales, avait été d'abord
destiné à l'état ecclésiastique et pourvu même de la cure de Corsier et d'un
canonicat au Chapitre de Saint-Pierre de Genève ; mais ses vues ne tardèrent
pas à se tourner ailleurs. Il épousa (contrat dotal du 30 janvier IS97) Jeanne
du Fresnoysde Chuyt, dont il eut plusieurs enfants, et mourut le 29 juillet 16 r 4.
ANNEE 1593
VII
A UN ANCIEN CONDISCIPLE
(minute inédite)
Remerciements pour l'atteution qu'a eue ce personnage de lui dédier ses
thèses de théologie. — Espoir de le voir prochainement à Annecy.
[Annecy, 1593.]
Tuis equidem meritis ac virtutibus me totum jam
pridem debebam, doctissime vir; nunc autem titulo sane
omni exceptione majore, ob benevolentiam scilicet qua
tam amice cultissimas illas de theologia conclusiones
mihi nuncupare dignatus es, me totum sane tibi vindicas.
Quid enim mihi gloriosius in humanis accidere potuit
quam ignotum me quidem, tibi, doctissimo et absolutis-
simo viro, pro amico provocari, cum in me nihil sit taie
quod tuam mihi possit conciliare voluntatem ? Quamvis
enim patrisR ac primi litterarii tirocinii mihi tecum inter-
cesserit communio, tôt me tamen ingenii et doctrinae
Depuis longtemps déjà vos mérites et vos vertus, homme très
savant, auraient suffi pour m'attacher à vous sans réserve ; mais
aujourd'hui vous vous êtes acquis sur toute ma personne un droit
sans égal par la bienveillance qui vous a porté à me dédier si amica-
lement vos très savantes thèses théologiques. En effet, que pouvait-il
humainement m'arriver de plus glorieux que de m'entendre donner
le titre d'ami par un personnage si docte et si accompli ? Il n'est
rien en moi, homme obscur, qui puisse ainsi me concilier vos
bonnes grâces. Sans doute, nous sommes compatriotes et nous
avons commencé ensemble nos études littéraires ; mais vous m'avez
14 Lettres de saint François de Sales
gradibus inferiorem tibi fecisti, ut in tanta dissimilitu-
dine mirum sit tantam amicitiam esse posse quantam
tibi mecum esse vis.
Verum quando de tuo ad nos reditu tam recte sperare
jubet ducalis Patrimonii principalis procuratorl' ,consan-
guineus tuus, vir de republica ac de me seorsim optime
meritus, expecto in dies avidius laetam illam horam qua
te videre, audire ac amicissimis complexibus excipere
liceat. Interea et de tanta tua in me propensione gratias
agere quantas maximas me [credas] tibique scias addic-
tissimum, vir ornatissime, et Christum habeto [pro-
pitium].
Revu sur l'Autographe appartenant à M™- Doroz, née d'Arcine, à Besançon.
tellement dépassé , votre génie et votre savoir ont établi une si
grande distance entre nous, que je m'étonne de l'intime amitié que
vous voulez contracter avec moi.
Quoi qu'il en soit, le procureur principal du Patrimoine ducal ( i ),
votre parent, qui a si bien mérité de l'Etat et de moi en particulier,
nous fait justement espérer votre retour parmi nous. J'appelle
donc chaque jour avec plus d'impatience cette heure de bonheur où
il me sera permis de vous voir, de vous entendre, de vous serrer
le plus affectueusement possible dans mes bras. En attendant ,
daignez agréer mes plus vifs remerciements pour la sympathie
que vous me témoignez, et croyez-moi, très digne Monsieur, votre
plus dévoué serviteur. Que Notre-Seigneur Jésus-Christ vous soit
[propice].
(i) Noble Louis Bonier, dont les patentes de procureur furent entérinées
par le Sénat le 15 janvier i5?7. Il mourut le 9 juin 1613.
Année 1593 15
VIII
AU RÉGENT MÉNENC ( ^ )
(minute inédite)
Excuses pour le retard mis à répondre à deux lettres. — Immunités assurées
aux docteurs en droit et en médecine et aux maîtres d'école.
[Eté de 1593.]
Franciscus doctissimo Domino Menencho.
Accepi jam bis litteras tuas omnino jucundas, sed
maxime quod amari me abs te serio testentur. Prioribus
cur non responderim id fuit causae quod sperarem, cum
Episcopo meo Reverendissimo (-), istuc coram videndi te
occasionem futuram. Posterioribus vero ita breviter res-
pondeo. Minus credendum est tam pio patri qualis est
François au très docte Monsieur Ménenc.
J'ai reçu vos deux lettres qui m'ont été très agréables, surtout par
les assurances qu'elles me donnent de votre affection pour moi. La
raison pour laquelle je n'ai pas répondu à la première est que
j'espérais, avec mon Révérendissime Evêque(2), avoir une occasion
prochaine de vous voir ici. Et voici ce que je réponds brièvement à
votre seconde lettre. Il ne faut pas trop ajouter foi aux paroles
(i) Jean Ménenc, qui se fit un nom parmi ses compatriotes comme
moraliste et pédagogue , était natif de Cluses en Faucigny. Après avoir
enseigné pendant neuf ans à Thônes, il alla perfectionner ses études à
l'Université de Tournon ; rentré en Savoie, il exerça successivement ses fonc-
tions à Rumilly, une seconde fois à Thônes et enfin à Cluses. On lui doit
entre autres ouvrages un curieux traité de morale intitulé : Sauvegarde pour
les disciples de Jean Ménenc, moderne régent à Cluses, et autres à qui plaira.
L'épître dédicatoire de ce livre, datée du i^"" juillet 1600, est adressée : « A très
noble et très vertueux François de Sales, fort fameux et vénérable Docteur
Utriusque Juris, et Prévost de TEglise de Genève, très méritant. » Ménenc,
dont les dispositions testamentaires remontent au 23 octobre 1395, mourut
dans son pays natal vers 1610.
(2) Claude de Granier qui occupa le siège épiscopal de Genève de 1579
à 1603.
i6 Lettres de saint François de Salhs
i^mus Autistes meus de filio testificanti, quod sœpissime
etiam prudentissimi parentes quod volunt in filiis inesse
credunt id bonum. Verum qualis sum me tuum optimo
modo scias esse. Quod tam amanter scribas gratias ago
quantas possum maximas, ac ut etiam si et in me referre
possum saltem testificationem aliquam referam.
Quod audiverim plebem illam apud quam sementem
ingenii tui facis adeo rudem esse ut te non immunem ab
oneribus publiais existimet, ac ego uti immunem te mea
non possum authoritate quae nulla est facere, authoritate
sane Imperatoris Constantini efficio. Sic enim edixit,
Lege 6, Tituli 52, cujus titulus est De Professoribus et
Medicis, libro decimo Codicis : « Medicos, grammaticos
et doctores legum, cum uxoribus et filiis et rébus (hoc
te verbum omnino liberum facit) quas in civitatibus suis
possident, ab omni functione et ab omnibus muneribus
vel civilibus vel publiais immunes esse, et nec in pro-
vinciis hospites recipere nec uUo fungi munere. » Hanc
Imperatoris sententiam et sua Glossa, verho Muneribus,
d'un père aussi indulgent que l'est mon Evêque lorsqu'il rend
témoignage de son fils ; car bien souvent les parents les plus
prudents se persuadent trouver dans leurs enfants les qualités qu'ils
désirent. Enfin vous savez du moins que tout ce que je suis est
entièrement vôtre. Je vous remercie de tout mon cœur des paroles
si aimables que vous m'écrivez, et je ferai tout ce qui dépendra de
moi pour les mériter.
Comme j'entends dire que les populations auxquelles vous consa-
crez vos talents sont si grossières qu'elles ne veulent pas vous
affranchir des charges publiques, et n'ayant nulle autorité pour le
faire par moi-même, je le fais du moins par l'autorité de l'empereur
Constantin, qui a édicté le décret suivant dans la vi<" Loi du Titre LU,
intitulée : De Professoribus et Medicis, Livre X du Code : « Les
médecins, les maîtres d'école et les docteurs en droit avec leurs
femmes, leurs enfants et les biens qu'ils possèdent dans la ville (ce
mot-là vous affranchit complètement) sont exempts de tout impôt
et charge soit municipale, soit publique, de toute corvée et obliga-
tion de logement. » C'est le sens qui est par la Glose attribué au
décret de l'empereur (au mot Muneribus). La dernière Loi du même
Année 1593 17
et Lex ultima ejusdem Tituli, si recte principium cum fine
conjungatur, et Lex ultima in fine fF. De Munerihus et
Honoribus* '^^) in eum sensum confirmant (b), ut te *PaDdect.,i.L,etc.
. • -.r • . • • -, Ut infra, annot. (a).
imperatoria JMajestas immunem omnmo pronunciet.
Haec raptim, neque plura scribere per occupationes
licet. Vale ergo, et ab omni onere publico et ab omni
malo immunis, meque pergas amare qui scilicet tuus
sum totus.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
Titre, si l'on compare exactement le commencement avec la fin, et
les derniers mots de la dernière Loi du Titre des Pandectes, De
Muneribiis et Honoribus, le confirment. Ainsi la Majesté impériale
vous déclare absolument affranchi de tout impôt.
Ceci à la hâte; car mes occupations ne me permettent pas d'écrire
davantage. Portez-vous donc bien ; demeurez exempt de toute charge
publique et de tout mal, et continuez à bien aimer celui qui est
tout vôtre.
(a) [Le Saint a ajouté en tète de la lettre la note suivante :]
Medicis irmiunitatem contulit Augustus gravi morbo liberatus ab Antonio
Musa. Dion, [Hist. Rom.,] lib. 33. In annot. ad Legem finalem Tit. 4, lib. 50 ff.
— (Auguste ayant été guéri d'une maladie grave parles soins d'Antoine Musa,
accorda l'immunité aux médecins.)
(b) deducunt
Lettres I
i8 Lettres de saint François de Sales
IX
AU SÉNATEUR ANTOINE FAVRE (0
(minute) (2)
Réponse affectueuse aux avances du sénateur Favre. — Regret de n'avoir pu
le rencontrer lors de deux voyages faits à Chambéry. — Protestations
d'estime et d'attachement.
[Août 1593.]
Clarissimo viro, Senatori integerrimo Antonio Fabro.
Accepi litteras tuas, vir clarissime et Senator inte-
gerrime, tuœ in me benevolentise pignus suavissimum,
Au très illustre et très vertueux Sénateur Antoine Favre.
J'ai reçu votre lettre, très illustre et vertueux Sénateur, et ce gage
précieux et inattendu de votre bienveillance pour moi m'a tellement
( I ) Antoine Favre, qui a été proclamé par le Parlement de Paris « le plus
grand magistrat du monde, » naquit à Bourg-en-Bresse le 5 octobre 1557. Les
brillantes études qu'il fit à Paris, puis à l'Université de Turin, le préparèrent
à remplir avec éclat les premières charges dans la magistrature savoisienne.
D'abord juge-mage de la Bresse et du Bugey (1584), sénateur au souverain
Sénat de Savoie (1587), président du Conseil de Genevois {24 décembre 1596),
il fut nommé en 1610 premier président du Sénat de Savoie. Il exerça
quelque temps les fonctions de gouverneur civil et militaire de tout le duché
en l'absence du marquis de Lans et du prince Thomas de Savoie Carignan,
qui furent successivement gouverneurs en titre, et fut envoyé à Paris (1618) en
qualité d'ambassadeur extraordinaire. C'est pendant les quatorze années de
son séjour à Annecy que cet illustre magistrat composa la plupart de ses
ouvrages, entre autres son Codex Fabrianus qui lui acquit une célébrité
européenne. Antoine Favre mourut à Chambéry le 28 février 1624.
(2) Le chevalier Datta, qui le premier a publié cette lettre, en 1835, la
présente à tort comme étant la reproduction d'un original conservé à la Visi-
tation d'Annecy. Les Archives de ce Monastère ne possèdent que l'Autographe
d'une minute plus incomplète, de laquelle sont extraites les variantes données
au bas du texte principal. Ce dernier est tiré d'une copie déclarée authentique,
qui se conserve aux Archives de l'Etat à Turin.
Année 1593 ï9
quae animum meum tanquam insperatœ adeo commove-
runt ut permixta admiration! gratulatio mihi meummet
ingenium eriperet. Ea videlicet tua humanitas qua juve-
nem tirunculum vir gravissimus senatorii ordinis ad
amicitiam provocas, [et] vêtus tuae in me pietatis prome-
rendce desiderium, parem cum gratulatione admirationem
concitarunt.
(a) Si qualis in me fuit jam pridem observandi te et
amandi propensio, ejus et fuisset aliqua significatio, non
tam ad amandum te, ut modestissime loqueris, aliqua
provocatione opus mihi fuisse cognovisses, quam conces-
sione libère id agendi ac palam profitendi quod intimis
haerebat sensibus.(b)
rempli de joie et d'admiration que mon esprit demeure impuissant
à vous exprimer ces sentiments. La bonté qui vous porte, homme
vénérable de l'ordre des sénateurs, à rechercher l'amitié d'un
novice inexpérimenté, et mon désir déjà ancien de mériter votre
affection excitent dans mon cœur un contentement égal à ma
surprise.
Si j'avais pu vous témoigner l'inclination que j'éprouve depuis
longtemps à vous honorer et à vous aimer, vous auriez compris
que j'avais moins besoin d'être excité à vous aimer, comme vous le
dites avec tant de modestie, que d'obtenir la permission de vous
exprimer ouvertement les sentiments intimes de mon âme.
(a^ Si qualis jam pridem mea in te fuit observantia, ejus etiam fuisset
aliqua significatio, nulla sane ad amandum te provocatione opus esse, quam
observantia et amore fruendi permissione... concessione.
[Au verso de l'Autographe, le Saint a écrit une seconde leçon de cette
phrase. Nous la reproduisons ici :]
Si meae erga te observantia tam veros habuissem testes quam virtutum
mearum, ut id ex tua dicam opinione, profusos audivisti laudatores, cogno-
visses sane me nulla ad amandum provocatione indiguisse, sed potius libère
ac palam quod intimis hsrebat sensibus profitendi liberali abs te concessione.
(b) [A la suite du mot concessione, on lit dans la minute autographe les deux
passages suivants, qui se retrouvent sous une forme différente dans la seconde
rédaction. Voir p. 20, (d), et p. 23, (g).]
Tanto enim tuae amicitiee, si quo fieri posset modo, promerendae arctabar...
captus eram desiderio, ut cum nihil amplius animus meus capere posset,
omnis modestiae ruptis repaculis, nisi brevi per aliquam occasionem licentiam
20 Lettres de saint François de Sales
Universo enim orbi litterario cum ex fructu arbor
• Cf. Matt., VII, i6, optima et sis et habearis *, mihi unus perpétue propositus
^°' es quem noctes diesque respicerem (0, et ad cujus exem-
plar quam maxime possem genuine animum meum
efformarem, non tantum quod nuUibi superiorem, paucos
etiam habeas pares, sed quod provincialia, civilia aut,
ut ita dicam, domestica exempla nescio quid habeant
acutioris energise ac efficacise (<=).
(^) Cum vero non solum speciem, sed ne quidem spécimen
tam expressae virtutis in me ullum post aliquot annos
viderem, meae tenuitatis mihimet satis conscius, videndi
Puisque vous êtes un arbre excellent, et, par ses fruits, reconnu
comme tel dans tout le monde savant, depuis longtemps je me propose
votre exemple, et, jour et nuit, je tâche autant que faire se peut
de me conformer à ce modèle (0- Je le fais non seulement parce
qu'il est impossible de rencontrer ailleurs des talents supérieurs aux
vôtres, et difficile d'en rencontrer de semblables, mais surtout parce
que les exemples que nous trouvons dans nos provinces, dans nos
villes, et pour ainsi dire à notre foyer, ont plus de force, d'énergie
et d'efficace.
Cependant, après plusieurs années ne voyant pas paraître en
moi, je ne dis pas l'image, mais le moindre indice d'un tel mérite,
impetrassem, opportune, importune, ipse, qualis qualis sum tirunculus, gra-
vissinium et senatorii ordinis virum evocassem.
At dubitandum fuerat ne non tam in senatore clarissimo integritatem ac
eruditionem venerari quam in integerrimo viro senatoriam dignitatem, tute-
lam... — (Mais il aurait semblé que [je cherchais] moins l'occasion de pro-
tester de la vénération que m'inspirent votre vertu et votre savoir, que les
avantages qui me reviendraient de la protection d'un homme aussi respectable
que vous l'êtes.)
(c) Non enim incerta aliqua fama, sed clarissima tui nominis celebritas,
unguis leonem, vel potius, ut ex prasscripto Christi loquar, arborem fructus,
apud omnes te adeo commendat ut et multos habeat amatores sui simul et
admiratores. — (Ce n'est pas une renommée imméritée, mais la juste célébrité
qui s'attache à votre nom (l'ongle révèle le lion, ou mieux, selon le mot de
Jésus-Christ, le fruit révèle l'arbre), c'est cette célébrité qui vous rend si
recommandable à tous, qu'elle vous acquiert quantité d'amis et d'admirateurs.)
(d) [Pour cet alinéa, voir ci-dessus, p. 19, remarque (b), et les cinq lignes
qui suivent.]
( I ) Voir p. II, note ( i ).
Année 1593 21
te coram et audiendi manebat consilium ; ac tuas in me
benevolentiae, si quo fieri posset modo, promerendae
tanto tenebar desiderio, ut cum illud amplius animus
meus capere non posset, omnis modestiae ruptis repacu-
lis, nisi brevi per aliquam occasionem licentiam impe-
trassem, opportune, importune, ipse qualis qualis sum
tirunculus gravissimum senatorem in suavissimum aman-
di certamen evocare non dubitassem.
Quam occasionem cum(e) prsecipue spero, tum vero,
nescio quo malo meo, factum est ut non utroque suo
pede mihi constet opportunitas. Cum enim, ut in advo-
catorum numerum adscriberer (O, Chamberium peto, cre-
doque admissus purpuratos omnes Patres salutare, de
more gratias agere ac per hanc occasionem inter tuos
locum impetrare, meaque manu nomen meum scribere,
quia coguntur ad militiam nobiles (-), hora intempestiva
tout en étant convaincu de mon impuissance, je n'en ai pas moins
gardé le désir de vous voir et de vous entretenir. Ce désir de me
concilier votre bienveillance, s'il était possible, était si ardent que
mon âme ne pouvait plus se contenir ; et si l'occasion ne s'en était
présentée, en dépit de toute modestie, je n'aurais pas hésité, moi
faible jeune homme, à venir à temps ou à contre-temps vous provo-
quer, vénérable Sénateur, à cette douce lutte d'amitié.
Alors que j'aspirais avec ardeur à saisir cette occasion, je ne sais
par quel contre-temps elle m'a échappé. Lorsque je suis allé à Cham-
béry me faire inscrire au nombre des avocats (0, j'espérais qu'une
fois admis, je pourrais saluer tous les Sénateurs, les remercier selon
l'usage, et, à cette occasion, obtenir place parmi vos amis en vous
laissant mon nom écrit de ma main ; mais voilà que la noblesse est
appelée aux armes (2), et que je suis contraint de partir à une
heure indue, sans vous avoir vu ; car j'aurais considéré comme un
(e) Quod dum
(i) Le 24 novembre 1592.
(2) Cet appel aux armes est sans doute celui que fit, en octobre 1592,
le marquis de Treffort, lieutenant-général de la Savoie, alors que le duc
Charles-Emmanuel P"", pressé par Lesdiguières, se voyait contraint de concen-
trer en Piémont ses troupes régulières.
22 Lettres de saint François de Sales
ipse cogor discedere insalutato te, quem obiter salutare,
praesertim cui antea eram ignotus, nulla salutatione minus
ducebam. Hisce vero Paschalibus festis praeteritis dum
adessem tu aberas, cum, D. Coppier doctore medico
ductore, tuas aedes frustra peterem.
(^) Quare cum jam per litteras ac obsignato veluti
rescripto ferventem jam et suapte natura pugnacissimum
hoc in génère certandi militem provocaveris, videndum
est utique tibi non tam quis prior in aleam descendent
observes, quam quis posterior supersit.
Neque tamen efficias velim te priorem amasse, quod
existimas aut hinc minus me tibi debere aut te magis
virtutibus meis. Ego enim tuarum illustrium virtutum et
amator et admirator fui priusquam vel de nomine tibi
notus esse possem, nec ante amavi quam in te essent eae
quae connatae tibi sunt eximiae animi dotes, quae te non
amari nullo unquam tempore permiserunt. Quod autem
per summam humanitatem prior ipse scripseris, id nimi-
plus grand mal de vous saluer seulement à la hâte, surtout vous
étant inconnu, que de ne pas vous saluer du tout. Aux dernières
fêtes de Pâques, me trouvant à Chambéry, je me présentai chez vous,
conduit par le médecin Coppier ; ce fut encore inutilement, car vous
étiez absent.
Maintenant que par votre lettre, comme par un cartel signé,
vous avez provoqué un combattant qui par nature est très ardent
dans ces sortes de luttes, prenez garde d'avoir bientôt à considérer
moins lequel de nous deux est le premier descendu dans l'arène que
celui qui y demeurera le dernier.
Ne prétendez pas cependant, comme vous le faites, avoir été le
premier à m'aimer, et ne croyez pas par suite que je vous doive moins
ou que vous deviez davantage à mon mérite, j'ai admiré et aimé vos
éclatantes qualités avant même que mon nom vous fût connu, mais
non point avant que vous ne fussiez enrichi de ces dons éminents
innés en votre âme, et qui, en tout temps, ont fait qu'il a été impossible
de ne vous pas aimer. Si, par une bienveillance extrême, vous avez
été le premier à m'écrire, cela prouve seulement que vous avez donné
( f ) [Ce qui suit, sauf le dernier alinéa, n'a pas de corrélatif dans la première
rédaction.]
Année 1593 23
rum causœ fuit et te priorem dare, quod divinius est, et
me priorem accipere, quod inferius decebat *. (g) Et ego * Act., xx, 35.
ne potius in te senatoriam dignitatem, quam in senatore
consummatissimam virtutem colère existimarer, absen-
tem salutare minime consentaneum videbatur, cum pras-
sertim me non ejusmodi juvenem crederem qui in ore
vel aure cujusquam purpuratorum Patrum venissem, m
intima videlicet juvenili umbra adhuc delitescens. Quod
cum secus evenerit, et lœtandum mihi est me tam facile
tuam benevolentiam consecutum , quae non tam super-
biam (etsi non levis esset titillatio) excitât ullam quam
in melius eundi animos addit.
Et simul verendum ne cum minora, forsan etiam
nulla, quse de me audivisti majora in recessu, persen-
seris, et te amasse et amorem significasse pœniteat,
ac is quem inde suavissimum gusto fructum praecoci
maturitate perceptum repente etiam marcescat. Verum
id tua moderabitur humanitas, quam ita cum summa
le premier, ce qui est plus divin, et que j'ai été le premier à recevoir,
comme il sied à mon infériorité. Et pour ne pas paraître honorer en
vous la dignité sénatoriale plutôt que la vertu consommée du séna-
teur, je n'estimais pas convenable de vous adresser mes hommages
à distance, car je ne me croyais pas un jeune homme assez important
pour mériter que mon nom eût été prononcé ou entendu par quel-
qu'un des membres de votre illustre corps. Mais puisqu'il en est
autrement, je me réjouis d'avoir pu acquérir aussi facilement votre
bienveillance, ce qui sera pour moi, non tant un sujet d'orgueil (bien
que mon amour-propre ait droit d'en être flatté) qu'un stimulant à
mieux faire.
En même temps, j'ai toutefois à redouter que, lorsque je me
présenterai à vous, constatant l'infériorité de mon mérite qu'à
distance vous vous figurez si grand, vous ne regrettiez de m'avoir
témoigné tant d'affection. J'ai à craindre que, cueilli prématurément,
le fruit si doux que me faisait goûter cette affection ne vienne à se
flétrir. Mais cette crainte sera modérée par la connaissance que j'ai de
votre grande bonté, laquelle est unie à une prudence telle qu'aucune
(g) [Voir ci-devant, p. 19, remarque (b), et la variante, p. 20, lignes 3-8.]
24 Lettres de saint François de Sales
prudentia in te conjunctam esse non dubito, ut nullse
bonae vel malae famae exaggeratio, additio, substractio,
nulla etiam referentium ornamenta ac locupletationes te
decipiant. Ouare sive mei ad virtutem studii promovendi
causa, sive tuae in eos qui vel exiguum habent ingenii
ac probitatis sementem (quorum in te sunt uberrimœ
segetes) propensionis sedandœ, non amaveris tantum
(quod fide non negata referentibus necesse habebas),
sed etiam scripseris. nihil formido quin deinceps amare
pergas.
Ego quo minus me vel de nomine tibi notum esse divi-
nabam ac adeo tuas expectabam litteras, eo magis tantam
tuam humanitatem sum praster modum admiratus, quo
factum est ut in immensum tui aspectus et collocutionis
desiderium creverit. Admirationem enim cognoscendi
desiderium parère philosophise in limine tutum est pro-
•A^ristot.,Metaph., verbium *.
Intérim, dum id expecto, et mihi quam maximae agendse
gratiae quod prior scripseris, promitto .^)me in colendo te
1. I, c. II, ante med.
exagération, addition, diminution, aucun artifice et habileté de
langage en ceux qui vous parleront de moi, soit en bien soit en mal,
ne saurait vous tromper. Je ne m'informerai donc pas si c'est pour
m'exciter à la vertu que, non content de m'aimer, vous daignez
encore m'écrire, ou (comme vous vous y croyez obligé par ce qu'on
vous a rapporté de moi) si c'est pour satisfaire votre propre inclina-
tion envers ceux qui ont en eux-mêmes quelque faible semence de
cette probité et de ces talents qui fructifient si abondamment en
vous. Quoi qu'il en soit, je ne craindrai plus que vous ne cessiez
désormais de m'aimer.
Pour mon compte, moins j'attendais de vos lettres, ne croyant pas
vous être connu même de nom, plus j'ai admiré votre extrême bonté,
et plus a grandi le désir que j'éprouvais de vous voir et de vous
parler. Que l'admiration excite le désir de connaître, c'est une maxime
assurée qui s'apprend avec les rudiments de la philosophie.
En attendant le bonheur de vous voir, je vous remercie de ce que
vous avez bien voulu m'écrire le premier, et je vous promets de ne
(h) prior scripseris, — sanctissime recipiens
Année 1593 25
et observando nullum unquam habiturum superiorem, ac
tuae in me humanitati intima responsurum voluntate ('),
quamvis meae minus tersae litterae jucundissimis et elegan-
tissimis quas dedisti non respondeant. Quas dum capio,
lego identidem ac relegendi finem facio nullum, tanta
me capit voluptas ac tui observantia quantam animus
meus capere potest ; adeo scilicet verum est captum esse
qui caeperit * * Is-, xiv, 2.
me laisser surpasser par qui que ce soit dans le soin de vous honorer
et de correspondre à votre amitié. Je le ferai de toute l'étendue de ma
volonté, bien que cette si petite lettre ne puisse répondre à l'amabilité
et à l'élégance de la vôtre. Toutes les fois que je la prends (je la lis
et relis sans fin) je me sens pris de la volonté et de la joie de vous
estimer davantage, à tel point que mon âme reste prise dans son
impuissance. Ainsi est-il vrai que celui-là est pris qui croyait prendre. . .
(i) humanitati — probe propensissima intima respoQsurum observantia
X
AU MÊME
(minute inédite)
Remerciements pour lui avoir procuré l'amitié de François Girard.
[Fin octobre 1593.]
(a) Factum hoc quidem fabre est, amplissime vir,
uti quos amas caeteris etiam summis quibusque viris
C'est bien l'œuvre d'un [habile] artisan, très digne Monsieur, de
parvenir, grâce à votre éloquence, à faire aimer des personnages les
(a) [Au commencement de la page sur laquelle est écrite cette minute, on
lit les mots suivants, qui appartiennent au projet d'une lettre destinée à
François Girard :]
Ut ad me hominem ignotum scriberes, vir clarissime, D. Fabrum...
26 Lettres de saint François de Sales
amabiles tua facias eloquentia. (^) Qua in re parem gra-
tiam reddere nullo possum [modo] ; in amando namque,
uti ne tecum quidem, quem tamen amantissimum im-
mortali nota percipio, certare dubitaverim, sic alicujus
amicitiam tibi conciliare nec meum fert ingenium nec
clarissimum tuarum virtutum lumen. Non enim is sum
apud aliquem cujus authoritate [hoc fieri posset]. Qua-
mobrem tam majores ago gratias quanto minus reddere
nullo possum modo. Amare namque omnes possunt ;
amicos sibi conciliare permulti, ut ego quidem censeo,
aliis vero, non nisi quorum authoritas prsecipua atque
exundans omnino sit. Necesse (sic) est ea virtus cujus
splendor non possessori suo tantum illustrando, sed
caeteris etiam satis esse possit.
Quo mihi majores habendse sunt tibi gratiae, qui mihi
tantum fabricasti amicum quantum alioquin ne Nestorea
quidem setate meis meritis consequi potuissem. Vere
plus illustres ceux que vous aimez vous-même. Je ne puis nullement
à cet égard vous rendre pareille faveur ; car, bien qu'en affection je
n'hésiterais pas à lutter même avec vous, que je reconnais par des
signes indubitables être un homme des plus aimants, toutefois la
prétention de vous concilier l'amitié de qui que ce soit n'est compa-
tible ni avec la médiocrité de mon mérite, ni avec l'éclat de vos
vertus. Auprès de personne, en effet, je n'ai l'autorité suffisante ;
aussi vous dois-je une reconnaissance d'autant plus grande que je
puis moins vous offrir de retour. Tout le monde peut aimer ; beau-
coup à mon avis peuvent se faire aimer ; mais susciter aux autres des
amis est au pouvoir de ceux-là seulement qui jouissent d'une
autorité transcendante et reconnue. Il faut pour cela posséder une
vertu dont la splendeur non seulement illustre celui qui en est doué,
mais encore rejaillisse sur tous les autres.
C'est pourquoi je vous rends des actions de grâces d'autant plus
vives pour m'avoir procuré un ami tel que, dussé-je vivre toute la
vie d'un Nestor, je n'eusse pu l'acquérir par mes propres mérites. Du
reste, eussé-je l'autorité suffisante pour cela, n'espérez pas que je vous
(b) eloquentia. — Pin amando namque, quamvis justa tecum lance contendo,
amare namque etiam ego possum.. .J
Année 1593 27
nullam unquam tibi parem me gratiam daturum speran-
dum est, propterea vel maxime quod, ut ea poUerem
authoritate, qui te non colat, non amet, non suspiciat, si
quis aliquem invenire velim doctum aut probum virum
hemispherii hujus nostri limites deinceps egrediatur
necesse est ; neque alioqui, si is non esses, Franciscum
Girardum ( ' ■, quantum tua docet epistola, accurre foret...
Et rursum ut (c) argumenti perspicuitate ac lumine res
confici verius quam proferentis opéra diceretur.
Quapropter, ut quod jam proximum est faciam, quo-
niam nullus qui te non summopere suspiciat, nuUus
Franciscus Girardus alius superest, quicquid hujus rei
fuerit id tibi totum ac integrum me debere profitear.
Ecquidenim in me sit juris uti virum longe gravissimum,
annorum jam non exiguo cumulo venerandum, discipli-
narum ac virtutum omnium ornamentis cumulatissimum,
Franciscum Girardum, pro amico (ut ejus retineam verba)
provocassem nihil omnino video, i^) In te tantum ille est
rende jamais pareil service ; car. à moins de sortir de notre hémi-
sphère, il serait impossible de trouver un homme de science et de
probité qui ne vous vénère, ne vous aime, et ne se propose vos exem-
ples pour modèle. Et si vous n'aviez pas toutes les qualités qu'on
vous attribue, c'est précisément à François Girard ( i ), d'après ce que
vous me dites de lui dans votre lettre, que je devrais aller pour les
rencontrer. . .Vous voyez donc que ma preuve ressort plus évidemment
par sa propre force que par l'habileté de celui qui l'expose.
Pour en venir à une conclusion déjà manifeste, comme il n'est
plus personne qui ne vous honore grandement, comme il ne reste plus
d'autre François Girard, je déclare que, dans cette affaire, je vous
dois absolument tout. Je ne vois rien en moi qui puisse provoquer
(pour me servir de la propre expression de François Girardj l'amitié de
ce personnage si grave, déjà vénérable par l'âge, et si magnifiquement
(c) ut — inveniretur
(d) video. — f Video quidem in te mellitissimos mores, eloquentiam singu-
larem ac apud bonos omnes virtutis comitem perpetuani authoritatem, quae
demissima quéeque possit altissime coUocare ac exigua dicendo maxima
facere ; sed me jam alio trahit ingenium.J
( I ) Voir la note jointe à la Lettre XXXP.
28 Lettres de saint François de Sales
amor erga me tuus singularis qui satis sit uti omnes me
diligant, quem tam fortunatum (^) eo vident nomine ;
adeo nimirum vel errantes summos viros facile quilibet
sequitur. (f)
Quare consentaneum uti eum socium appelles qui sua
voluntate quidem sed tuo solo me diligat amore, quem
tui non sui cognoverit opinione. (s) Ego sane rem ratam
haberi [censeo].(0
Revu sur l'Autographe appartenant à M'"^ Doroz, née d'Arcine, à Besançon.
orné de toutes les sciences et de toutes les vertus. C'est en vous,
c'est dans l'affection singulière que vous me témoignez qu'il faut
chercher la cause de mon bonheur. Tous m'aiment pour cela seu-
lement qu'ils me voient honoré de votre estime, tant il est vrai qu'on
suit facilement les grands hommes, même quand ils se trompent.
Il convient donc que vous appeliez compagnon celui qui veut bien
m'aimer, il est vrai, mais seulement par amour pour vous, puisqu'il
ne me connaît pas personnellement, mais seulement d'après l'opi-
nion que vous avez conçue de moi. Certes, pour moi l'affaire est
terminée, (0
( e ) beatum
(f) sequitur. — FAgnosco igitur pressissime tuum illud esse singulare
beneficentiam uti me Franciscus Girardus minime antea cognitum diligat. J
(g) quem — tuis non suis cognoverit oculis. fQua in re mirum est quam
bene meus tuum sequatur genius. Vellem enim semper, vir amplissime, quos
amo amarent omnes ; plurimumque cuperem id meo fieri ministerio que
mihi magis...J
(i) Il peut se faire que les pièces X et XI ne soient que les ébauches d'une
même lettre ; néanmoins, elles offrent assez de divergences de style et de
pensées pour qu'on n'ose pas l'affirmer absolument.
Année 1593 ^9
XI
AU MÊME
(minute)
Exposition des mêmes pensées.
[Fin octobre, I593-]
Amplissimo Senatori Antonio Fabro,
Franciscus de Sales, Ecclesiae Gebennensis Praepositus,
salutem dicit.
Si tuis virtutibus jam pridem, aut tuae erga me huma-
nitati me totum non deberem, deberem nunc profecto
titulo omni exceptione majore, ob benevolentiam Fran-
cisai Girardi, cujus tu mihi author extitisti, tua scilicet,
uti litteris ad me suis mandavit, eloquentia et apud eum
auctoritate. Quid enim tali amico optabilius in humanis
esse potest ? Donum istud est ipsa raritate illustre, ac
quod nullo possit sestimari pretio longe pretiosissimum,
mihique eo suavius possidendum, quo certius agnosco
nihil unquam taie meis meritis accedere potuisse.
Neque vero propterea in te quicquam imprudentise
Au très illustre Sénateur Antoine Favre,
François de Sales, Prévôt de l'Eglise de Genève,
présente ses salutations.
Si vos vertus et votre bienveillance pour moi ne vous assuraient
depuis longtemps des droits à mon dévouement, il vous serait acquis
aujourd'hui à juste titre en retour des agréables relations que vous
m'avez procurées avec François Girard ; car, d'après sa lettre, c est
à l'influence et à l'autorité que vous avez sur lui que j'en suis rede-
vable, aue pouvait-il, en effet, m'arriver de plus heureux, humaine-
ment parlant? La rareté de ce don suffirait seule à le rendre glorieux,
tellement précieux qu'il ne saurait être estimé à sa juste valeur,
et d'autant plus flatteur pour moi que j'étais loin de le mériter.
Ne craignez pas toutefois d'être taxé d'imprudence pour avoir
30 Lettres de saint François de Sales
esse dixerit quispiam, quod num donatarius cum dono
sibi certa respondeat proportione parum prospexeris ;
verum enim est quod Alexander Magnus credidit, satius
fore si donatore dignum sit donum, licet alioquin impa-
• Piutarch., Apo- rem sortiatur donatarium *, ut in eo non tam ad quem,
phthegm. Regum, „ . . , , -^ t»
etc., Alex. Mao-. quam a quo pronciscatur considerandum sit. Kern ergo
fecisti meis longe superiorem meritis, Francisai Girardi
humanitate dignam, ei quam tu mihi tecum esse voluisti
amicitise consentaneam, qui mihi bonum illud animi tui
singulare , hoc est , voluntatem eximii viri Francisci
Girardi, mihi quoque fecisti commune, atque, quod con-
sequens erat, me, jampridem in solidum tuum, Francisco
quoque Girardo tuo in solidum adduxeris, ne vel minimse
rei inter vos societas desideraretur.
Qua in causa nullam plane sentio formidinem ne ali-
quam inter vos concissionem dividendo experiri velitis,
quandoquidem ambo si amici estis individui, estis et
vestra utriusque erga me benevolentia ; uti et mea erga
vos observantia, cum animae penitus haereat, ipsi cedat
necesse est ejusque sequatur naturam, quae tota est in
• s. Aug., de Trin., , . ,. ^
1. VI, c. VI. toto, et tota, ut secundum artem loquar, m qualibet parte*.
oublié la disproportion qui existe entre le don et l'homme qui le
reçoit ; car Alexandre le Grand pensait avec raison qu'un présent doit
être plutôt digne de celui qui l'offre que de celui qui l'accepte. Vous
avez donc fait une chose bien supérieure à mes mérites, mais bien
digne de la bonté de François Girard et de l'amitié qui existe entre
vous et moi, en me faisant participer à ce trésor singulier de votre
âme, c'est-à-dire à l'intimité de votre ami. Par suite, me mettant en
union de sentiments avec vous, vous m'y mettez aussi avec François
Girard, de telle sorte que tout, jusqu'à la moindre bagatelle, vous
devient commun.
Certes, je ne crains pas qu'à ce sujet survienne entre vous la
moindre division ; car si l'amitié que vous vous portez mutuellement
vous rend indivisibles, il en sera de même de votre bienveillance pour
moi. Pareillement l'estime que je vous porte à tous deux étant établie
comme elle l'est dans mon âme, s'identifie avec elle, et participe à sa
nature qui est, selon les termes de l'école, d'être tout entière dans
le tout et tout entière dans chaque partie. D'où il suit que si, d'après
Année 1593 31
Quo fit ut si res ulla, ex Salomonio (O placito*, duplicem *m R^g-. "'. =5-
admittat possessorem, ea maxime est amicitia.
Vivat vero semper in pectore meo ardens quoddam
desiderium omnes quidem amicitias, sed hanc maxime
Francisci Girardi, et caeteras quse ex tua, Faber optime(*),
prodibunt officina diligenter colendi ; quod ut praestare
possem, utinam non verbis tantum (qualia solet Fran-
ciscus Prsepositus, et id genus alia, in quibus nescio quid
inter nos est similitudinis), sed re etiam et meritis, quod
tu credis, conjungeremur, ut amore prsestantissimorum
virorum vel eo nomine merito non indignus videar qui
me indignum esse agnoscam libenter, et tenuitatem me-
ritorum desiderii amplitudine resarciam.
De caetero, quod parum promptus fuerim in respon-
dendo, vel tuis vel Francisci Girardi litteris, causam
profero, non meo quidem judicio minus honestam, nec
la sentence de Salomon (O, un même bien peut appartenir à deux
personnes à la fois, c'est assurément une intimité de ce genre.
Le désir qui, dans mon cœur, demeurera toujours très ardent est
de conserver toutes mes amitiés, surtout celle de François Girard,
et, excellent Artisan (2\ toutes celles qu'il vous plaira me fabriquer.
Afin qu'il en soit ainsi, puissé-je vous ressembler non seulement
dans la manière d'exprimer mes sentiments (comme a coutume de
faire le Prévôt François, et en cela, ainsi qu'en plusieurs autres
choses, il existe entre nous un certain air de famille), mais encore en
réalité et par le mérite, comme vous vous persuadez que je le fais.
Alors je serais moins indigne de l'amitié d'hommes aussi éminents
que vous l'êtes. Que du moins cette indignité soit atténuée par l'aveu
que j'en fais, et que je compense les qualités qui me manquent par
le vif désir que j'éprouve de les acquérir.
Du reste, si j'ai mis quelque retard à répondre soit à votre lettre
soit à celle de François Girard, la raison de ce délai, qui vient de ma
famille, est, je pense, également légitime en soi et agréable pour
( I ) La copie de Turin porte Salomonoriim, erreur qui provient sans doute
de la fausse interprétation d'une abréviation mal comprise dans le texte original.
(2) Dans cette lettre et dans bon nombre d'autres adressées au sénateur
Antoine Favre, le Saint joue sur le nom latin de ce magistrat, qui peut se
traduire par ouvrier, artisan.
^2 Lettres de saint François de Sales
tibi, ut arbitrer, minus jucundam, qui familiaritate
delectaris, quod scilicet ex média familia deprompta sit.
Accepi vestras utriusque litteras Sanctorum Simonis et
Judas die, quas decies et iterum, uti soleo omnia tua,
repetitas, dum demitto postridie scripturus, ut per occa-
sionem etiam stati temporis quo togatae militiae sacra-
mentum faciendi [gratia] ad vos plerique contendunt,
ego quoque in prsecepta tua jurarem
Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin,
Archives de lEtat.
VOUS qui aimez à remplir les devoirs de l'amitié. Vos deux lettres
me sont parvenues le jour des saints Simon et Jude. Après les avoir
relues plus de dix fois, comme j'ai coutume de faire pour toutes les
vôtres, pendant que je remettais d'y répondre au lendemain, afin
qu'en un jour où la plupart des avocats vont prêter serment entre vos
mains, j'eusse aussi moi-même des protestations à vous faire
XII
AU MEME
(mikute)
Prières publiques ordonnées à l'occasion de la détention du duc de Nemours;
sermon prononcé à cette occasion. — Naissance de Jeanne de Sales. —
Affaire litigieuse d'un paysan de Thorens. — Témoignages d'affection. —
Désir de le voir prochainement.
Annecy, commencement de décembre 1593.
Ecce ab Antistite nostro supplicationes obsecrationes-
que pro captivo Gebenensi Duce (0 (quod Dux ipse per
Notre Evêque vient d'ordonner une neuvaine de prières publiques
pour le duc de Genevois fait prisonnier (0. (Ce Prince a sollicité
( i) Charles-Emmanuel, fils de Jacques de Savoie-Nemours et d'Anne d'Esté,
après s'être distingué dans les guerres de la Ligue, avait été arrêté par les
Année 1593 35
litteras postulaverat) per 9 dies publiée decretae ; ac uti
populus Deo placando ardentius incumbat in sequentem
Dominicam diem concionem indicunt, idque muneris
tyroni tuo, qui extra scholas vix negare novit, imposi-
tum. Ergo in sequentem hebdomadam scripturus, con-
cioni parandae (nec enim insalutatis Doctoribus id facere
noster ferre potest vel genius vel ingenium) mentem
attribue.
Qua absolutus cura , audio charissimam matrem ,
anno 42 setatis suae, decimum tertium propediem paritu-
ram filium ( ^ ), acutioribus torsionibus ac adeo non levi
lui-même par lettres ces prières.) Afin que le peuple s'attachât avec
plus d'ardeur à fléchir la justice de Dieu, un sermon a été annoncé
pour le Dimanche suivant, et on a imposé le soin de le prononcer à
votre apprenti qui, hors de l'école, ne sait guère refuser. J'ai donc
été obligé, pour préparer ce sermon, de renvoyer ma lettre à la
semaine suivante, car ni mon caractère ni mon talent ne me per-
mettent de prêcher sans avoir consulté les Docteurs.
Délivré de ce souci, j'apprends que ma très chère mère, étant déjà
dans sa quarante-deuxième année, doit prochainement donner le jour
à son treizième enfant ' ), et qu'elle est si fortement travaillée de
douleurs aiguës qu'elle appréhende d'en mourir. Dès lors, remettant
Lyonnais, le 21 septembre 1593, et enfermé au château de Pierre-Cise. Il y
demeura jusqu'au 26 juillet 1594 qu'il parvint à s'échapper. Ce prince mourut
au château d'Annecy le 15 août 1595, étant âgé seulement de 28 ans.
( I ) Le Saint emploie évidemment le mot /il tu m dans un sens indéterminé.
Le treizième et dernier enfant de M. et de M™^ de Boisy fut une fille, Jeanne,
qui mourut en Bourgogne en octobre 1607.
On pourrait objecter, à l'encontre de la date attribuée ici à cette lettre (date
fixée d'après une lettre d'Antoine Favre), que dans celle qu'il adressa à sainte
Jeanne-Françoise de Chantai au sujet de la mort de cette jeune sœur, le Saint dit
de la défunte : « Ce fut la première créature sur laquelle j'exerçay mon sacerdoce. >-
Or, il a seulement été ordonné le 18 décembre 1593 ; mais il est vraisemblable
que, par considération pour la famille du nouveau prêtre, l'Evêque permit de
différer les cérémonies du baptême jusqu'après l'ordination de celui-ci.
Faudrait-il supposer que les précédents éditeurs ont mal lu en imprimant
anno 4-] œtatis suce au lieu de anno 42, qui est très lisible dans l'Autographe,
ou bien auraient-ils fait cette substitution pour ne pas contredire certains
historiens d'après lesquels M.""^ de Boisy aurait été âgée de vingt-et-un ans à la
naissance de son fils aine (1567 -? Quoi quil en soit, la présente lettre corro-
bore le témoignage de plusieurs contemporains qui affirment que 'W^'^ de Boisy
avait quatorze à quinze ans lorsqu'elle devint mère de notre Saint.
Lettres I »
34 Lettres de saint François de Sales
mortis suspicione vexari. Quare missis omnibus ad eam,
mea enim praesentia plurimum recreari solet, propero,
nec primum redii quin melius per Dei gratiam , licet
propinquiore partu, haberet ; vixque consedi cum adest
nuncius eam nuUo fere negotio peperisse, dolorum ni-
mirum praecedentium ex imminentium summa substrac-
tione. Quare iterum redivivam veluti visurus discedo, ac
in itinere cum occurreret D. Porterius i^\ unus ex cano-
nicis nostris, (^l ad te brevi profecturus rogavi uti te meo
nomine salutaret, i^) quando scribendi nuUa dabatur
opportunitas.
Quare ea mihi nunc demum constat conditio quam
pro tua humanitate ascripsisti : « cum tibi commodum
erit. » Cujus ego eam vim quod ad rem attinet esse credo,
•Videsupra p 10, ^^ i^^-^ demum obtineat cum nuUum officit impedimen-
et Digest., 1. IV, . \^
tit. II, § 6. tum quod « in virum constantem cadere possit *. »
toute autre affaire, je me rends en grande hâte auprès d'elle, car ma
présence lui donne toujours beaucoup de consolation. Je ne revins
chez moi que lorsque je la vis beaucoup mieux, grâces à Dieu, quoi-
qu'elle approchât de son terme. A peine avais-je eu le temps de
m'asseoir à mon foyer que voilà venir un messager m'annonçant
qu'elle était délivrée presque sans peine, comme si ce qu'elle avait
enduré auparavant avait été pris en déduction de ce qu'elle aurait
dû souffrir à ce moment. Je retournai donc visiter celle qui était pour
ainsi dire revenue à la vie. En chemin, je rencontrai M. Portier ( i ), l'un
de nos chanoines, que je priai de vous saluer en mon nom, puisque je
n'avais aucune facilité pour vous écrire.
Me voici maintenant dans la condition que vous aviez la bienveil-
lance de me poser en disant : « Ecrivez-moi quand vous le pourrez. »
C'était, ce me semble, me demander de vous écrire tant que je ne
serais pas retenu par un empêchement qui arrêterait même « l'homme
fort et constant. »
(a) ex caiwiitcis nostris, — Tcum ad Senatum Chamberium se quamprimum
petituruiu...J
(b) salutaret, — Ptestareturque me in itinere occurrissc.J
(i) Jean Portier, prêtre du diocèse de Besançon, qui avait été institué
chanoine de l'église cathédrale de Saint-Pierre de Genève le lo juin 1577.
Année 1593 ^5
Nescio vero fœliciusne an infœlicius mecum actum sit,
ut nimirum tum acceperim ter a te litteras cum ne semel
quidem dare potuerim. Etsi enim tanto viro, dicam
suavius (quod per summam humanitatem tuam jam mihi
licere existimo) etsi tanto amico, suavissime alloquenti
non respondere durum fuerit, jucundissimum tamen fuit,
interea, inter acerbas nonnullas animi occupationes,
mellificium illud tuum degustare ac te ex litteris veluti
loquentem subaudire.
Rogor enim inter hœc uti in quadam agricole nostri
Thorentiani causa adversus Soudanum ejusdem loci
notarium apud te intercessorem agam, ac rogem ut rus-
tici jus suum supersit. ^qua sane petitio rustici sed
rustica, quam si facerem stultus merito judicarer. Quod
enim tibi curœ ac cordi non est, jus non est; quod vero
cuique juris est, id quoad per te potest integrum est
ac tutum. Imo vero cum nescio quid crimmis m ea
causa versari audirem. prope fuit ut clamavenm : Virt
Te ne sais si je dois m'estimer heureux ou malheureux d'avoir
dans cet intervalle reçu trois de vos lettres tandis que je n ai pas
même pu vous en adresser une seule. Si d'une part .1 m a te tre
pénible de ne pouvoir répondre a un homme tel que vous, j oser
Lme dire (pour employer un terme plus doux ^^ -tor.e vo
extrême obligeance) à un tel am,, qui m ecnt avec tant d afFec
tion, d'un autre coté ce m'a été une immense jo.e au m.heu d
préoccupations très pénibles de savourer le m,e qui decou e d
votre plume, et de vous entendre en quelque sorte parler par ^os
lettres
On me sollicite en ce moment d'intercéder auprès de vous en
faveur d'un de nos paysans de Thorens au sujet du différend qu il a
avec Soudan, notaire dans la même localité, et de vous prier de faire
prévaloir les droits du villageois. La requête de cet homme rustique
L rustique elle-même, mais juste. Toutefois, si je vous la recomman-
dais je passerais pour un sot ; car ce que vous ne prenez pas a cœur
n' ipasjuste.toutecausejuste.quellequesoitlapersonneinteres^^^^
étant tou ours patronnée par vous. De plus, j'ai entendu dire qu il y
a en cette affaire je ne sais quoi qui relevé de la justice criminelle,
c'est pourquoi j'ai été près de m'exclamer : Eloignc^-vous de mot,
s6 Lettres de saint François de Sales
» Ps. cxxxviii, 19. sanguiiium declinate a me*, (c) Xihil in iis causis
clericis negotii esse débet.
Accepi quidem ter a te litteras, quibus hac una sola
satisfacere œquum minime duxerim; seorsum namque de
senatoris dignitate recusanda vel desideranda huic tuo
tironi, Faber clarissime, alio tempore scribam, nisi
coram, uti spero, hac de re tractandi sese det occasio (ï).
Subolfacio etenim mihi brevi te visendum, oui fœlicitati
meae promovendae non deero. Ac si quid erit in ea trac-
tatione difficultatis, opportunus omnino judex occurret
Franciscus Girardus, utriusque nostrum licet in dispari
causa amantissimus, juri pariter ac theologiae addictis-
simus. Sed hac de re alias
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d"Annecy.
hommes de sang ; car en telles matières les ecclésiastiques ne doivent
pas intervenir.
Ayant reçu trois lettres de vous, je n'estime pas, seulement par
celle-ci, m'acquitter à votre égard. Je compte vous en adresser,
illustre Artisan, au sujet de la question que vous soulevez à votre
apprenti, à savoir s'il doit désirer ou refuser la dignité sénatoriale; à
moins que je n'aie, comme je l'espère, la possibilité de vous entre-
tenir de vive voix ; car je pressens que j'aurai bientôt ce plaisir, et je
ne manquerai pas d'en faire naître l'occasion (O. Si nous trouvons
quelque difficulté dans cette négociation, nous aurons recours à un
juge tout désigné pour cela, François Girard, qui est versé dans le
droit aussi bien que dans la théologie et nous aime tous deux égale-
ment, quoique à des titres divers. Mais nous parlerons de cela une
autre fois
(c) a me. — PXon enim causam promovere cujusquam mihi licere credo
ex qua...J
(i) On a des preuves certaines que la dignité de sénateur fut offert" à
saint François de Sales par le duc de Savoie. Un déposant au Procès de
Béatification dit même positivement avoir été chargé de lui porter les lettres
patentes de sa nomination. Un autre certifie à son tour avoir vu la lettre
dans laquelle le Prévôt exposait au sénateur Favre les motifs de son refus.
Cette pièce n'a pas été retrouvée; la prétendue lettre qui figure à ce sujet
pour la première fois dans l'édition Hérissant (1758) est un composé des paroles
que, d'après Charles-Auguste, le Saint aurait dites en cette circonstance.
I
Année 1593 37
XIII
AU MEME
(minute)
Sentiments qui se pressent dans l'âme du Saint à l'approche
de son ordination sacerdotale.
Annecy, vers le 15 décembre 1593.
Appetente et imminente jam tremendo illo ac, uti
Chrisostomi verbo loquar *, horrendo mihi tempore, quo • Hom. l (al. li) in
ex Antistitis placito, id est, Deo volente tantum, non ^ "^ ^'
enim alio ad Dei voluntatem explorandam utor inter-
prète, postquam per omnium Ordinum gradus sacratis-
simos iter hucusque feci, tandem ad augustissimum Sacer-
dotii apicem evehendus sum(0, committendum non duxi
quominus te de hac mea tanta (sic) tam excellentis
honoris et boni expectatione admonerem, ne tanta te
inscio in re tua fiât mutatio. (-')
A l'approche de ce jour terrible, de ce jour effroyable, comme
l'appelle saint Chrysostome, où d'après la volonté de notre Evêque,
c'est-à-dire d'après la volonté de Dieu (car je ne cherche pas d'autre
interprète de cette divine volonté), à l'approche de ce jour, dis-je,
où après avoir passé par tous les degrés des saints Ordres, je vais être
promu à l'auguste dignité du sacerdoce ( ' ), je ne puis me dispenser de
vous annoncer l'insigne honneur et le bien excellent qui m'attendent.
11 ne convient pas en effet qu'une telle transformation s'opère à votre
insu dans un homme qui est tout vôtre.
(a] fiai mutatio. — fUtinani vero, vir amplissinie... amantissime vir, fausta
mihi ea sit accessio qua nemo unquam extitit dignus.J
(i) Saint François de Sales, ainsi que nous l'avons dit plus haut, reçut
l'ordination sacerdotale le 18 décembre 1593,
38 Lettres de saint François de Sales
Etsi namque etiam nescientis melior fieri conditio
potest, et haec omnium quae in hac mortalitate expectari
queunt mutationum sit maxime gloriosa, i^) multo tamen
mihi jucunda erit [compassio tua]. Cum enim me omnium
quas antea sensi maxima me torqueat solicitudo, timor-
' Ps. LTV, 6. que et tremor venerint super -ine *^ [tuae benevolentiae
maxime indigeo.] Id enim moris est amantibus, si quid
arduum ac periculosum aggredimur, soUicitudinem (c)
ac formidinem nostram solari amicis i^communicatione]
facta, ac formidinis motus sedantur si negotium ipsum
mentemque nostram amicis exponere(<i! possimus. Nihil
vero unquam tam arduum tamque periculosum , ni
fallor, mortalibus occurrere potest quam id manibus
• Epist. cxLvi, ad tractare ac, ut cum Hieronimo [loquar *], id ore suc
^a°g-,9i- conficere quod vix ac ne vix [quidem] cogitatione com-
plecti vel ore laudare satis possunt beatissimae illae
mentes, quibus nos {sic) laudandis aut intellectu perci-
piendis nos minime satis sumus.
On peut améliorer, il est vrai, la condition d'un autre sans qu'il le
sache, et le changement que je vais subir est le plus glorieux qui
puisse m'arriver en ce monde ; néanmoins votre sympathie me sera
très avantageuse, car je suis assailli par la plus grande inquiétude
que j'aie jamais ressentie. La frayeur et le tremblement se sont emparés
de moi : plus que jamais, j'ai donc besoin de votre bienveillance. C'est
l'usage entre ceux qui s'aiment de se confier leurs soucis et leurs
appréhensions au moment d'entreprendre une œuvre ardue et
périlleuse, afin d'obtenir quelque consolation. Leurs craintes s'apai-
sent par cette communication. Et certes, si je ne me trompe, il ne
saurait rien arriver de plus difficile et de plus périlleux à l'homme
que d'être appelé à tenir entre ses mains et à produire par sa parole,
selon l'expression de saint Jérôme, Celui que les Anges, ces intelli-
gences que nous sommes incapables de concevoir ou de louer digne-
ment, ne peuvent pas même embrasser par la pensée ni célébrer par
de justes louanges.
(b) maxime gloriosa, — id tamen cuique amanti ab ipsa inditum est natura...
Quae etsi maxime gloriosa futura est,
(c) amantibus, — in rébus arduis soUicitudinem..,
(d ) explicare
Année 1593 ^^
Et quidem non eram nescius, observatissime vir («)
n^atno cum periculo hanc tantam (sic) sacram d.gnUa-
renTcon unctL esse. (^ At maie providis oculis d.stant.a
iUusit, aliudque jam dicam esse rem e™"- f "f/';™.
cominus metiri. Tu vero unus es, a"Pl-™« ^^Z.
huic mentis meœ perturbation, percp.endœ '^ ."'^'''™«
mihi videris idoneus. Tanta namque observanfa, tanta
veneratione rerum divinarum [cultum] prosequens ut.
facile tecum reputes quam periculosum sit ac tremendum
earum officine prœesse, in iis quam facile s.mul et gra-
vHer peccetur, quam vero difficile et lev.ter (s,c) pro
d gnitate tractentur. Atque si ingenii mei imbec.lhtatem
fàm probe cognosceres, nihil in te aliud des.derarem quo
sorti meœ eam quam a te suo jure quaer.t m.ser.cord.am
adhiberes C), cum non animo jam ind.geo, quem .nte-
trrum erectumque hactenus sustinu..
Verum hœc dixisse sat est ; tantum commovendae
[misericordiœ tuœ] gratia ita tibi sensus meos explicav.,
Assurément je n'ignorais pas, mon vénérable Ami q- d'effroya-
bles responsabilités ne fussent jointes a une si sainte et s. auguste
dgnté mais Véioignement trompe les yeux, et c'est chc«e ^en
différente de mesurer un objet de près ou de l'apprécier de loin Vous
• es Te seul. Monsieur le Sénateur, qui me paraissiez capab e de
fomp endre le trouble de mon esprit ; car vous traitez les choses
Ses avec tant de respect et de vénération que vous pouvez fac.l-
men" uger combien il est dangereux et redoutable d'en préside la
"Ubralon, combien il est facile de pécher et de P-'^^^---;";'.
et combien difficile de remplir dignement ces saintes fonctions. S
vous connaissiez aussi bien ma faiblesse, je -"-<"--="
sur ma situation actuelle votre commisération qui ^. <^=t ^ «=" ^ue.
Cependant je ne manque pas de courage ; jusqu a présent il ne m a
'' MiisSsfarz' Je vous ai déclaré mes sentiments uniquement pour
excto ^ot^e sympithie ; c'est un remède utile, je le sais, pour soulager
• • ■ rnuid in hoc munere discriminis foret, longe
(e) ohservatissime vtr, — iquia m n"
antequam...J distantia intuentis oculis iUudit.
(h) concederes
40 Lettres de saint François de Sales
quod scirem medelam esse aegris amicis opportunam.
Quamvis nescio (ut me sensim teque ab iis cogitationi-
bus substraham quas exposuisse omnino sat est) quanam
id ratione fiat ut cum amicus commiseratione malum
abesse velit ab amico misero, miser hic contra misera-
tione amici recreetur, cum miseratione mali particeps
[miserens] non fieri nequeat. Nisi forsitan illud est quod
miseratione clarissime illucescit amicitia, quae cum sit
optima rerum omnium, in amico longe melius est de-
prehendere cum miseratione quam si sine uUa mali
communione vel nulla vel exigua superesset benevolentia.
Cseterum, neque vellem ego me existimes tanto pavore
afficere misteria illa sacrosancta uti suus recte spei ac
laetitise nullus supersit locus, quantum nuUis unquam
meritis promereri possum. Laetor plurimum et gaudeo
me posthac eo saltem officio respondere posse quod
omnium supremum est, nimirum sacrificiis , iisque
Ps. Lxv, 15. medullatis *
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
le cœur souffrant. Et pourtant, comment se fait-il (ici je m'éloigne
insensiblement des considérations qu'il me suffit de vous avoir
indiquées), comment se fait-il que si un ami s'efforce par la compas-
sion qu'il porte à son ami malheureux d'éloigner de lui les maux qui
le menacent, celui-ci se sente réconforté par cette compassion même,
bien qu'en s'apitoyant sur lui, le premier n'ait pu s'empêcher de
ressentir les mêmes maux ? Sans doute cela vient de ce que la
commisération est la marque incontestable de l'amitié, ce sentiment
le plus exquis de tous, lequel, dans nos amis, nous est bien plus
précieux étant mêlé de compassion que s'il se terminait à une froide
bienveillance qui ne participerait en rien à nos douleurs.
D'autre part, ne vous persuadez pas que les saints mystères m'ins-
pirent un effroi tel qu'il ne laisse en moi place à une espérance et
à une allégresse bien supérieures à ce que pourraient me valoir mes
propres mérites. Je me réjouis spécialement et j'exulte de pouvoir
correspondre au moins par cet office le plus sublime de tous, je veux
dire par des sacrifices et par le sacrifice de la plus auguste des
victimes
ANNEE 1594
XIV
AU ME M E
( MIKUTE )
Espoir d-une prochaine réunion à Sales. - M. et M- de Boisy contraints
de s'absenter à cette époque. - Envoi d'une lettre de M. de Montrottier.
— Le Saint part pour Seyssel où il doit prêcher le Dimanche suivant.
Antonio Fabro Senatori, Franciscus de Sales,
PrcDpositus Ecclesise Gebennensis, salutem dicit.
[Annecy, ~ commencement de février 1594.
Ego vero contra, Frater optime, tanta me sensi totum
perfundi voluptate in tuarum litterarum lectione, ut 1^)
nihil aliud ejus confirmandse quam Deo volente jam re-
cuperaveram valetudinis, nullum opportunius desiderari
videretur remedium. Quid enim convalescentibus optabi-
lius, quid opportunius, quam ex unius domusculae umbra
Au Sénateur Antoine Favre,
François de Sales, Prévôt de l'Eglise de Genève,
présente ses salutations.
Moi au contraire, mon excellent Frère, je me suis senti inondé
d'une si grande joie en lisant votre lettre, que je n'aurais pu désirer
aucun remède plus efficace pour rétablir ma santé, si, grâces a Dieu,
elle n'eût été déjà remise. En effet, quoi de plus doux, de plus
avantageux pour un convalescent que de quitter l'obscurité d'une
(a) ut — cum jam valetudinem recuperassem...
42 Lettres de saint François de Sales
in amœnissimorum florentissimorum hortorum conspec-
tum fréquenter exire, ibique inter medios flores exspatiari
ac auras odoribus gratissimis onustas colligere ? Sic
nempe amicissimas tuas litteras lego.
Illud autem moleste admodum fero, quod tam mec
nimirum morbo angi te scribas, maxime cum ego vel
nullum vel minimum sentirem dolorem ; ac cum tu per
summam amicitiam de febricula mea doleres, prope fuit
ut nostra dicerem si malorum ut bonorum inter nos
communie inducta foret (quod ego vix indemnis facere
possem, hoc génère longe locupletior), ovationem prope-
modum ipse deportassem ; at mihi jam vicissim dolendum
de tuo dolore foret, nisi iis doloribus modum facere
tandem aliquando satius esset.
De Antoniano convivio recte procuratorem egit Chap-
pasius (0 ; dicam libère pro candore pectoris fraterni An-
tonianum. Si a Sancto Antonio relis non recte dici aliter
posse quam Antonianum, appelles quod minime taie sit,
cum nullum aliud convivium dicatur Antonius habuisse,
maisonnette pour aller souvent contempler des jardins les plus
agréables et les plus émaillés de fleurs et d'y respirer à souhait l'air
embaumé des parfums les plus suaves ! Telle est l'impression que me
fait éprouver la lecture de votre lettre si amicale.
Cependant une chose m'attriste, c'est d'apprendre les angoisses
que vous a causées ma maladie, d'autant plus que je n'ai rien ou
presque rien souffert. Même, comme par l'effet d'une souveraine
affection vous ressentiez ma fièvre, je dirais presque notre fièvre, si
entre nous les maux étaient communs comme les biens (et de ceux-là
je pourrais vous enrichir sans m'appauvrir, car j'en suis de beaucoup
le mieux pourvu), j'en aurais été pour ma part tout glorieux ; mais
alors j'aurais souffert à mon tour de vos douleurs, à moins qu'il n'eût
été préférable de mettre un terme à cette communication de peines.
Chappaz (0 vous a bien représenté au festin antonien ; je dis vraiment
bien antonien par la sincérité de la tendresse fraternelle. Si vous
vouliez faire remonter à saint Antoine l'origine de ce mot, vous vous
( I ) Jean Chappaz, procureur au conseil de Genevois, était né à Thorens
en 1559. Il sera encore question de lui dans une lettre de saint François dç
Sales datée du 23 décembre 1601.
Année 1594 43
prseter unicum illud in quo convivator corvus affuit,
convivœ Paulus et Antonius, pro lautissimo edulio panis,
pro potu aqua.
Ouandoquidem sperare jubés hisce bacchanalibus futu-
rum ut ambo incolumes et una simus, ab hac expectatione
tantam mente concepi laetitiam, uti nuUus sit futurus
cui tantam nauseam edulia quadragesimalia pariant, ut
magis festa Paschalia, quam ego bacchanalia desideret.
Sicque urbanitatis Christianse antiqua illa forma inter
nos reviviscet, qua solebant ad honestam recreationem
amici usque ante quadragesimale jejunium convivia ce-
lebrare, ac simul aliquantulum feriari, ut liberius toto
pœnitentiae tempore sederent solitarii, et tacerent, ac
elevarent se supra se *, quasi longioris silentii licentiam * Thren., m, 28.
vicissim simul expetentes.
Praecipua vero quam appellas amœnitas loci in quo
mei habitant, quod nimirum eos omnes mecum sis visurus,
vereor ne nobis desit, quoniam per idem tempus claris-
simus senator, nostrum omnium amantissimus, Dominus
tromperiez ; car dans la vie de ce Saint il n'est question d'aucun
banquet, si ce n'est celui dont l'amphytrion était un corbeau, les
convives, Paul et Antoine, et où, à la place de mets somptueux, l'on
ne servait que du pain et de l'eau pour boisson.
Puisque vous me donnez espoir que nous passerons ensemble et
en bonne santé le carnaval prochain, mon cœur est rempli d'une si
douce joie qu'aucun de ceux qui sont dégoûtés du maigre quadragé-
simal ne désire plus vivement les fêtes de Pâques que je ne soupire
après le carnaval. Alors renaîtra pour nous cette antique forme de
l'urbanité chrétienne selon laquelle les amis avaient coutume, aux
approches du jeûne de la sainte Quarantaine, de s'accorder quelque
honnête récréation en s'invitant à de gracieux festins, et de diminuer
aussi quelque chose du travail ordinaire. C'était afin d'avoir l'esprit
plus libre pendant le temps de pénitence pour s'asseoir dans la soli-
tude, se taire et s'élever au-dessus de soi-même. Ils prenaient en
quelque sorte congé les uns des autres avant cette longue retraite.
Quant à ce qui fait à vos yeux le principal charme du séjour
habité par ma famille, le plaisir de nous y voir tous réunis, je crains
que nous en soyons privés ; car vers ce même temps de carnaval,
44 Lettres de saint François de Sales
Rogetius (0, filiae natu majoris matrimonium cum judice
majore Focunacensium celebrabit ; parentes mei pro sua
erga senatoris universam familiam observantia, jam per
litteras rogati, déesse minime poterunt.
Te veniente, non committam ut alibi sim quam tecum.
Etiam te non veniente, non intrarem ; quomodo enim
Matt., xxii, 12. nuptiis interessem qui vestem nuUam habeo nuptialem*?
Antonianum timeo namque convivalem illum senatum.
Iterum scribit Dominus de Montrotieri^), qui caracteris
tui elegantiam et subtilitatem admiratus se deinceps
silentio responsurum dicit. Ejus litteras simul cum meis
procuratori Chappasio commendo ; jamjam enim Seys-
sellum versus pergo, die Dominica concionaturus (3). Sic
M. le sénateur Roget( 0, un ami qui nous est si cher, devant célébrer
le mariage de sa fille aînée avec le juge-mage du Faucigny, mes
parents, qui ont déjà reçu des lettres d'invitation, ne pourront se
dispenser d'assister à ce mariage sans manquer aux égards qu'ils
doivent à la famille du Sénateur.
Si vous venez ici je me garderai bien d'aller ailleurs, si ce n'est
avec vous. Et, lors même que vous ne viendriez pas, je n'assisterais
pas à cette fête ; car comment aller aux noces, moi qui n'ai pas la
robe nuptiale? D'ailleurs, je redoute ces réunions et ces festins.
M. de Montrottier (2) écrit encore une fois, mais il me dit que
désormais il ne répondra que par le silence à vos lettres, dont le
style élégant et délicat le remplit d'admiration. Je confie ma lettre et
la sienne au procureur Chappaz, et je pars à l'instant pour Seyssel,
où je dois prêcher Dimanche (3). C'est ainsi que je vous écris
( I ) Jean Roget, qui avait été lui-même juge-mage du Faucigny (1377), était
sénateur depuis le 3 novembre 1593, et mourut le 22 mars i^9V H paraît
avoir été marié deux fois, mais le nom de sa seconde femme, Philiberte de
Chignin, est seul connu. Dans son testament (6 mars 1593) le sénateur Roget
nomme toutes ses filles ; celle dont il est ici question doit être Jeanne, qui
aurait épousé en premières noces Etienne Chesnex ou Chesney, juge-mage du
Faucigny dès le mois d'août 1593, et en secondes noces, Janus Bessonet.
(2) Charles III, fils de Pierre III de Menthon, qui avait épousé Marie de
Chastillon, dame des Hayes Gascelin. Il devint baron de Montrottier le
30 janvier 1596, et comte, le i""^ juin 1632. Ce seigneur était attaché à la
maison du marquis de Saint-Sorlin. Il mourut le 20 mars 1636, après avoir
légué le comté de Montrottier à Bernard V de Menthon.
(3) Ce sermon fut prêché le Dimanche de la Septuagésime, qui tombait
cette année-là le 6 février. (Voir tome VII de la présente Edition, p. 119.)
Année 1594 45
enim scribo familiariter. Baro Chivronius(0 facillime a
Principibus impetravit ut in sententiam Antistitis nostri
consentirent, quod ad ea spectat de quibus ipse tecum
coram disseruit. Utinam tam consentaneum rectœ rationi
foret ! Hsec raptim.
Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin,
Archives de l'Etat.
familièrement. Le baron de Chivron ( 1 ) a facilement obtenu que nos
princes entrassent dans les vues de notre Evêque, relativement à
l'affaire dont il vous a entretenu. Plût à Dieu que le bon sens y
trouvât son compte ! Ceci à la hâte.
(i) Hector, fils aîné de Michel de Chevron-Villette et de Béatrix de Dérée,
baron de Chevron, seigneur de Dérée, conseiller d'Etat de Son Altesse,
grand chambellan par patentes du i^"" mai 1601, premier maître d'hôtel du
prince de Piémont, chevalier du Sénat (i^'' décembre 1601), gouverneur des
princes de Savoie. Il avait épousé (contrat dotal du 15 mai 1572) Jeanne de
Menthon. Bien que son testament soit daté du 14 juillet 1608, il vécut jusqu'en
mi février 1616. La tante paternelle de ce seigneur, Bonaventure de Chevron-
Villette, eut l'honneur de devenir par son mariage avec Melchior de Sionnaz
de Vallières la grand'mère maternelle de saint François de Sales.
46 Lettres de saint François de Sales
XV
A U M E M E
Rendez-vous à Faverges. — Salutations faites à M. de Montrottier
de la part du sénateur Favre.
[Annecy,] mi-février 1594(1).
(3) Ne nihil omnino scriberem, hanc licet brevem mit-
tendam duxi epistolam, quasi ejus quam brevi peracturum
me puto coram salutationis prodromum. Sic enim mea
res se habet, ut cum vicariam pro matre praesentiam huic
nuptiarum celebritati conferre debereml^), quando ipsa
interesse posse non crederet, et ego molestissime ferrem
praesentiam etiam pro matre vicariam cuiquam tune
Pour ne pas garder un silence absolu, j'ai jugé à propos de vous
écrire cette courte lettre comme avant-coureur de salutations que
je pense vous adresser sous peu de vive voix ; car voici où en sont
les choses. Je devais représenter ma mère à ces noces auxquelles elle
croyait ne pouvoir assister, et j'étais bien désolé de devoir être
ailleurs, même pour représenter ma mère, puisqu'il en résulterait
pour moi la privation d'une rencontre avec vous, le meilleur de mes
(a) TLaconicam potius quam nullam I Brevem hanc epistolam succisive
scribendam potius duxi, ne nihil omnino scripsisse existimarer ; quam ut
scriberem... sic enim mecum féliciter actum est ut qui excusandae matris...
FExpectabo namque liberalia haec tam libenter...J
(b) ut cum — vices parentis, ad hanc nuptiarum celebritatem, déferre
deberem
( I ) La date de cette lettre et celle de la suivante sont fixées par des
preuves que fournissent la correspondance d'Antoine Favre et surtout le
Registre des Entrées du Sénat dans lequel sont mentionnées les diverses
absences des sénateurs. On y voit que le sénateur de Passier, qui avait quitté
Chambéry pendant les vacances du carnaval dont il est question dans ces
deux lettres, était de retour pour la séance du 25 février.
Année 1594 47
conferre cum ex ea ab amantissimo tuo conspectu
sequeretur absentia, enimvero factum est ut, rébus aliter
succedentibus, mater ipsa vices jam meas expleverit.
Quare, quod antea sperabamus, erimus simul, Frater
amantissime, hisce liberalibus,si intra Fabricarum limina
Fabrum viderint Fabricenses. Ego namque cum primum
scivero adesse te intra Fabricarum limina, non commit-
tam quin inter Fabricenses imperitum sed alacrem videas
tyronem ; succedetque TuUiana deinde casa(0, quae ('^l
omni meliori modo [a te nomen sortietur]. Caetera coram.
Litteras Antistiti meo heri reddidi, quas mira voluptate
iterum et iterum perlustravit. Dominum de Montrotier,
hodie ad Marchionem Sansorlinum ( = ) redeuntem, tuo
nomine adeo opportune salutavi ut cum eo vel ea causa
amis. Les choses se sont arrangées autrement, et c'est ma mère elle-
même qui me remplace. Ainsi, comme nous l'avions espéré, mon
bien aimé Frère, nous passerons ensemble ces jours de liberté si les
Favergiens ont le bonheur de voir Favre à Faverges. Quant à moi,
dès que j'aurai connaissance de votre arrivée dans cette ville, je
prendrai mes mesures pour que vous puissiez voir parmi les Faver-
giens votre inhabile mais diligent apprenti ; nous irons ensuite à la
maison Tulliane ' i \ qui ne saurait être plus illustrée que de recevoir
son nom de vous. Nous dirons le surplus quand nous nous verrons.
J'ai remis hier votre lettre à mon Evêque, qui l'a lue plusieurs
fois avec un plaisir extraordinaire. M. de Montrottier retournait
aujourd'hui chez le marquis de Saint-Sorlin 2 . J'ai eu l'occasion la
plus favorable de le saluer de votre part. Ce qui m'a le plus réjoui,
(c) qiiœ — rab alio Fabro quam a te Tulliani nomen sortir! non potest.J
( I ) Le château de la Thuille, situé à Textrémité méridionale du lac d'An-
necy. En rapprochant le nom de ce manoir, possession de sa famille, du
souvenir de la demeure de Tullius Cicéron, le Saint semble vouloir signifier
que le château de la Thuille sera illustré par la présence du sénateur Favre
comme la demeure de l'orateur romain l'était par la résidence de son
propriétaire.
(2) Henri, fils de Jacques de Savoie-Nemours et d'Anne d'Esté, alors
gouverneur du Dauphiné au nom du duc de Savoie. Il devint lui-même duc de
Genevois et de Nemours à la mort de son frère Charles-Emmanuel, dont il a
été parlé ci-dessus, p. 32.
48 Lettres de saint François de Sales
actum optime ducam quod de te Necienses (sic) ultima
discedenti verba animo sint injecta, quasi odoratissimi
conditus oblectamentum
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
c'est qu'à son départ d'Annecy, j'ai pu, dans les derniers mots que
nous avons échangés, jeter, en lui parlant de vous, comme le parfum
d'un baume odorant dans son esprit
XVI
AU MEME
^MINUTE INEDITE)
Excuses au sujet d'une lettre écrite à la hâte. — Remerciements pour celle
que le Saint a reçue du Sénateur,
Sales, 24 février 1594.
Accepisti sane tu nostras litteras tardius quam volue-
ram ; cum enim(3^ praeceptori meo litteras antepenulti-
mas dares, Chamberii te constantem fore iis totis feriis
uti dixerat sic credebam, atque litteras do Joanni Bap-
tistae Valentiano (quo cum ex communione studiorum
multa mihi intercessit necessitudo) vixdum scriptas, ne
Vous avez reçu ma lettre, mais assurément plus tard que je
n'eusse voulu. En effet, d'après celle qui précédait l'avant-dernière,
remise à mon précepteur, je croyais, comme il me l'avait dit, que
vous demeureriez à Chambery toutes ces vacances, et j'ai confié ma
lettre à Jean-Baptiste de Valence, qui, en qualité d'ancien condisciple,
me reste spécialement cher. A peine ai-je eu le temps d'écrire ; il
(a) cum enim — FD. Deageus noster...J
Année 1594 49
accipiendis eis minus avunculo suo D. de Passier (') excé-
dent! officiosus cornes videretur ; illi alioquin vix daturus
qui tam cito volebat scribi, nisi multo magis dari quam
cito dari ; quamvis et hoc maxime postulasse! quod tibi
quem, ut est litterarum amans (2), unice coiit, rem factu-
rus gratam crederet si litteras nostras redderet.
At vero quonam fieri potest modo ut non sat cito
litteras acceperim. qui tam bene excepi quam bene aliud
unquam sum excepturus ? Non quidem quam bene sunt
scriptae et elaboratse, (quis enim tuum illud mellificium
satis pro dulcedine non dicam coUocare sed gustare
quidem possit ?) sed jam tam eleganter, tam amice !
Illud certe mihi accidit percommode ut priores tuse
litterae cum ad me perlatae sunt, secederem in avitam
accompagnait son oncle, M. de Passier (O, qui était sur son départ,
et je craignais, si je l'eusse prié d'attendre, qu'il ne parût plus
empressé à m'ohliger qu'à répondre aux désirs de son oncle. Du reste,
je n'eusse pas confié ma lettre à un homme qui me pressait de la
sorte, s'il n'eût importé davantage de vous écrire qu'il n'était regret-
table de le faire d'une manière trop précipitée. 11 avait surtout
insisté pour être mon intermédiaire auprès de vous parce que, étant
lui-même ami des lettres '= ', il vous a voué une spéciale admiration,
et qu'il pensait vous être agréable en vous remettant mon message.
Mais comment se fait-il que le vôtre ne me soit pas arrivé assez tôt,
à moi qui l'ai reçu avec un plaisir tel que je n'en éprouverai jamais
de plus grand en recevant tout autre envoi ? C'est que vos lettres
ne sont pas seulement merveilleusement écrites et pensées (personne
en effet ne saurait assez, je ne dis pas apprécier, mais même savourer
Textrême douceur de ces rayons de miel) ; elles sont aussi des
chefs-d'œuvre d'élégance et des monuments d'amitié. Par une
(i; Probablement Antoine de Passier, fils de Jacques, «juge corrier de
Maurienne, » et d'Anne Blondel, lequel avait épousé Jeanne de Menthon de
la Balme. Institué sénateur le 8 juillet 1577, il devint second président du
Sénat le s février 1598 et mourut le 11 décembre 1615. Le sénateur de Passier
fut l'un de ceux qui rendirent témoignage de la capacité de saint François
de Sales, quand celui-ci se présenta pour être reçu avocat au souverain Sénat
de Savoie.
(2) Jean-Baptiste de Valence est l'auteur d'un poème latin en quatre
livres, qui fut publié en 1611, chez Pierre Du Four, à Chambéry, sous ce titre :
Joannis Bapfistce Valeniiani Patricii Camheriani SoJ^'tneidos libri quatuof.
Lettres I 4
to Lettres de saint François de Sales
Salesiorum domum ; ut enim eas excepi tanta légère sum
aggressus aviditate ut aviditas saporem omnem praeri-
peret, at ubi mihi ipsum otium itidem relegendi faculta-
tem comparavit. tum vero undique sese mihi effudit
voluptas.
Revu sur l'Autographe appartenant à M""= Doroz, née d'Arcine, à Besançon.
heureuse coïncidence assurément, votre lettre précédente me parvint
au moment où je me retirais dans ma maison paternelle de Sales.
Lorsque je la reçus, je me pris à la lire avec une avidité telle que
je ne pus la sa\-ourer ; mais quand le loisir me permit de la relire,
alors un bonheur incomparable s'empara de tout mon être.
XVII
A U M E M E
MINUTE inédite)
Recommandation en faveur de >!"•<= de Ville. — Eloge du P. Chérubin.
Annecy, commencement de mars 1394.
Xobilis vidua Villgei illius qui hsereticorum insidiis inter
aedium suarum incendia ante aliquot annos peremptus
est (3), cum te referente de causa quadam quae inter (b)
Villaeos filios, et Dominum Bessonet agitatur ex Senatu
Une noble femme, M""* de Ville, veuve de celui qui par suite des
embûches des hérétiques périt, il y a quelques années, dans l'incendie
de son château, attendait ces jours derniers la sentence d'un procès
qui se plaidait devant le Sénat entre ses fils et IVl. Bessonnet, procès
(a) interiit
(b) inter — forphanos suos...J
Année 1594 5^
proximis hisce diebus sententiam expectaret (0, nescio
quanam ratione resciverit, mulier quam nunquam vidi,
me prœcipuo quodam amore tibi charissimum esse, rem
sibi admodum utilem et fructuosam facturam existimavit
si me, matris optimae mese implorata authoritate, inter-
cessorem apud te faceret, quo ei quod a candidissimo
judice honestissimum amicum petere posse antea mo-
nuisti, bonam exoptes causam. Idque fecit.
Ego vero ne existimationi quam ex tuo in me amore
optimam coUigo vel levi aliqua suspicione detraherem,
scripturum me recepi. Quod vix postea faciendum duce-
bam, cum non prœcedentibus tantum sed posterioribus
quoque litteris animorum nostrorum vicissim tantam
exprimamus unitatem, ut supervacaneum fere crederem
te de cogitationibus meis deinceps aliter certiorem facere
quam profunda quadam attentione. Unico tantum hac in
dans lequel vous êtes rapporteur (O. Cette dame, que je n'ai jamais
vue, a été informée je ne sais comment de la très grande affection
que vous me portez. Elle a jugé qu'il lui serait fort utile et avantageux
d'implorer l'autorité de mon excellente mère, pour me décider à vous
demander de faire en sa faveur ce que, de votre propre aveu, l'ami le
plus loyal peut solliciter du juge le plus intègre : que vous patronniez
sa cause. C'est ce qu'elle a fait.
Quant à moi, je me suis déterminé à vous écrire pour qu'on ne
puisse mettre en doute le crédit que me donne sur vous l'amitié que
vous me portez. Il me semblait à peine nécessaire de le faire parce
que nos dernières lettres, comme les précédentes, témoignent si
bien de l'unité de nos esprits, que volontiers je croirais superflu de
vous communiquer mes pensées autrement qu'en concentrant sur
elles une profonde attention. Toutefois cette hypothèse est détruite
(i) L'attentat dont il est ici question fut commis par les Genevois dans la
nuit du 2 novembre 1582. S'étant emparés par surprise de Gaspard de Grailly,
coseigneur de Ville4a-Grand, ils l'avaient mis à mort, avaient brûlé son châ-
teau et enlevé sa femme, Guicharde Duret. Gaspard de Graillj' était tuteur
d'Abel Bessonnet ; dans la suite celui-ci réclama de la veuve et des enfants du
défunt la reddition des comptes de tutelle, lesquels avaient été détruits lors de
l'incendie du château, De là le procès mentionné dans cette lettre. Par un
arrêt, rendu à Turin le 31 octobre 1594, gain de cause fut donné à M"'= de
Ville-la-Grand. (Dans les pièces du procès, aussi bien que dans les lettres de
saint François de Sales, elle est souvent appelée, par abréviation, M"'= de Ville.)
52 Lettres de saint François de Sales
re perculsus argumento, quod meis exhortatiunculis in-
téresse tantopere desideres, quas tamen cum habeam
summa quadam intensione simul et attentione, alioquin
cogitatione subaudire posses. (^1 Sed praestat uni Fran-
ciscano Cherubino(0 mentem auresque praebere, quem
tanto spiritus fervore concionantem audio , ut (<i) in
promptu jam habeamus : Deum ascendisse super Che-
* Ps. xvii, II. rubin * et volasse.
Sed me jam D. deChavanesl^), uti meas suis jungat lit-
teras expectat, vir nostri amantissimus. Episcopo nostro
hodie tuas reddidi summa sua voluptate. De Domini de
Montrotier statu nihil suis hucusque compertum est.
Revu sur l'Autographe conservé au i*"" Monastère de la Visitation de Naples.
par votre vif désir d'assister à mes petites prédications, lesquelles vous
devriez pouvoir entendre de la seule oreille spirituelle, puisque je les
prononce avec autant d'attention que de force. Vous ferez mieux de
ne prêter l'esprit et l'oreille qu'au Franciscain Chérubin (i). J'apprends
qu'il prêche avec une si grande ferveur qu'elle semble réaliser cette
parole : Dieu s'élève et prend son vol, porte sur les Chérubins.
Mais M. de Chavanes (*), notre si cher ami, attend pour joindre sa
lettre à la mienne. J'ai remis aujourd'hui votre lettre à notre Evêque ;
elle lui a causé le plus grand plaisir. Quant à M. de Montrottier,
les siens jusqu'à présent n'ont encore rien appris sur son état.
(c) passes. — TNi Franciscani nostri concionibus intentus...J
(d) ut — rjam verura sit apud me...J
( i) Le P. Chérubin de Maurienne (Alexandre Fournier), Capucin, sur qui
des détails biographiques seront donnés à l'occasion de la mission du Chablais.
Bien que personne jusqu'ici ne l'ait avancé, il est certain que ce Religieux
prêcha la station du Carême à Chambéry en 1394. Deux pièces récemment dé-
couvertes dans les Archives municipales, prouvent en effet que le P. Chérubin
se trouvait en cette ville dès le 2 mars et recevait, le a avril, en sa qualité
de « Frère prédicateur, » une somme de 60 florins allouée par les syndics.
D'autre part, plusieurs raisons trop longues à énumérer démontrent que la
Lettre XVII fut écrite par saint François de Sales durant le Carême de 1594;
c'est donc bien à cette époque qu'eurent lieu les prédications du « Franciscain
Chérubin » auxquelles cette lettre fait allusion.
(2) Claude de Chavanes, docteur ès-droits, conseiller du duc de Savoie,
maître auditeur à la Chambre des Comptes de Genevois, seigneur de Manessy
il avait été condisciple de saint François de Sales à Padoue.
Année 1594 53
XVIII
AU MÊME
(minute)
Envoi d'une lettre de Mgr de Granier,
Annecy, mars 1594,
Amplissimo Senatori Antonio Fabro,
Fratri optimo, Franciscus De Sales salutem dicit.
Cum hesterna die litteras BJ"' Antistitis quas ad te
mitterem accepissem, et non tam scribendi quam litteras
mittendi otium occasionemque fecerit mihi nunc bonus
hic vir, qui me, in itinere verius quam in urbe, in ipso
discessu salutavit, non tantum laconice sed etiam incitate
et praepropere potius scribere volui quam non scribere ;
excusatione dignum ratus si, per haec jejuniorum tem-
pera, macillentam aliquantulum accipias epistolam, a
me prsesertim qui vix aliter soleo, et cui non tam edulii
quam prsesentiae tuae recenti privatione arida videantur
omnia et insipida.
Au très illustre Sénateur Antoine Favre,
son excellent Frère, François de Sales présente ses salutations.
J'ai reçu hier de mon Révérendissime Evêque une lettre à vous
transmettre, et maintenant je n'ai que le temps de vous l'envoyer,
car ce bon homme qui vous la portera est venu me saluer au moment
de son départ, et en chemin plutôt qu'en ville. Cependant je préfère
vous écrire non seulement d'une façon laconique, mais à la hâte
et avec précipitation, que de ne pas le faire du tout ; car, dans ce
temps de jeûne, j'ai pensé que je serais excusable de vous adresser
une lettre un peu maigre, moi surtout qui rarement en écris d'autres,
et qui, moins par la suppression des mets, que par la récente priva-
tion de votre présence ; trouve tout fade et insipide.
54 Lettres de saint François de Sales
Corpore videlicet ac mente hucusque jejunus, mox
mentis jejunium soluturus, dum e mensa Domini sacra-
tissimam illam terrce pingiiedinem meduUatamque
• Gen., XXVII, 28; hostiam * tuo meoque nomine, uti soleo, et ofFeram et
Ps. LXV, 15. Cf.
supra, p. 40. sumam.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
En ce moment, je suis encore à jeun de corps et d'âme ; mais je
ne tarderai pas à rompre le jeûne spirituel en me nourrissant à la
table du Seigneur de cette très sainte graisse de la terre, de cette
victime de choix que j'offrirai, comme j'ai coutume de le faire tou-
jours, en votre nom et au mien.
XIX
AU MÊME
(minute)
La brièveté de cette lettre est occasionnée par le départ précipité du porteur.
Témoignages d'affection.
Annecy, mars 1594.
Illud a te, Frater optime ac amantissime, enixe peto
quœsoque uti me iterum ad laconismum redeuntem
bénigne uti soles complectaris ; (a) [profectio] enim hujus
[TuUiani] alioquin domestici hominis [me ad scribendum
Je vous prie et vous conjure, mon très bon et très aimant Frère,
d'accueillir avec votre bienveillance accoutumée le laconisme auquel
je suis obligé de revenir ; car le départ de cet homme de la Thuille,
qui est aussi notre domestique, m'oblige à vous écrire. Comment
(a) uti soles complectaris ; — frepentina enim hujus alioquin familiaris
TuUiani profectio nie ad scribendum... J
Année 1594 55
compellitj. Ouomodo namque hominem domesticum lit-
teris ad te meis vacuum abire permitterem ? Repentina
nihilominus ejus profectio, commodum hoc et succisivum
scribendi otium propemodum antevertit, cum, parentibus
meis absentibus, rusticorum Tullianorum nomine nego-
tium quoddam in urbe gesturus, fere alia via iter capere
decrevisset.
Jam vero epistola illa tua postrema cum mea quam
ad te eodem die scripseram adeo mente convenit, ut
eosdem duorum fratrum animorum sensus esse, in aman-
do prœsertim, (b) clare commonstret, quamvis non uno
quidem ore expressos, cum elegantia longissimo praecedas
intervallo. Quo fit ut quod hactenus feci tu quoque vicis-
sim faciendum existimes (c), ut nimirum qualis unus es
in me talem me esse erga te nusquam dubites ; sic enim
summa mea voluptate conficio omnino te fratrem aman-
tissimum et omni meliori modo meum esse, qui adeo me
fratrem tuum esse perspicio ut a me fere alter mihi
en effet laisser partir l'un de nos serviteurs sans lui remettre une
lettre pour vous ? Mais son départ précipité m'a ôté le loisir et la
facilité d'écrire à mon gré ; en l'absence de mes parents, il doit aller
à Chambéry traiter une affaire au nom des paysans de la Thuille.
11 était presque résolu à prendre une autre route [lorsqu'il s'est
décidé à passer par Annecy].
Quant à votre dernière lettre, elle offre une telle harmonie de
pensées avec celle que je vous ai adressée le même jour, qu'elle
montre clairement la parfaite unanimité de sentiments qui existe
entre les deux frères, surtout en matière d'amitié, bien que ces
sentiments ne soient pas exprimés de la même manière, car par
l'éléo-ance de votre style vous me laissez bien loin derrière vous. En
conséquence, il est juste qu'à votre tour vous fassiez pour moi ce que
j'ai fait jusqu'à présent pour vous : puisque je vous tiens pour un
ami hors de pair, que vous me considériez aussi comme tel ; vous
devenez donc ainsi pour moi le frère le plus aimant, et tout mien
de la meilleure manière possible, et je me sens devenu le vôtre, au
point de me croire un autre homme que moi-même. En effet, si je
(b) ut — unicam duorum fratrum animam unicamque prorsus mentem essç
(c) feci — ambo simul deinceps faciendum existimemus
56 Lettres de saint François de Sales
videar, ne si alter a me non sim, tyro graegarius, idem
summo meo incommode cum tanto fabro esse nequeam.
Bene vale, Frater optime, ac te iis Paschalibus quo
jucundius ver appâtât nobis, hic habeamus efficias.
Revu sar l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
n'étais pas différent de moi-même, qui ne suis qu'un apprenti du
commun, je ne saurais être une même chose avec un tel artisan.
Adieu, mon excellent Frère ; faites en sorte que nous vous ayons
en ces fêtes de Pâques ; votre présence augmentera pour nous les
charmes du printemps.
XX
AU -M Ê M E
(minute)
Remerciements pour la protection accordée à diverses personnes.
Attente de la prochaine visite du Sénateur.
Annecy, vers le 28 mars 1394.
Ego autem, Frater suavissime et optime, his omnibus
prseteritis diebus, non diligens tantum, sed anxius fui in
quserendo uno ex multis qui ad vos iverunt (3), atque,
quae mea sors fuit, [de suo discessu me facturos] cer-
tiorem non inveni. Non enim id, vel a servis D. de
C'est non seulement avec empressement, mon très bon et très doux
Frère, mais avec une véritable anxiété que j'ai cherché tous ces jours
derniers à rencontrer un des nombreux personnages qui se sont
rendus auprès de vous ; mais, par un regrettable contretemps, aucun
ne m'a prévenu. Je ne pouvais supposer que les gens de M. de
(a) ad vos iverunt, — fnon patienter... impatiens dilationis tantîe...J
Année 1594 57
Charmoysi ('', aut D. de Beaumonti»), vel a D. Porterio,
Ecclesiae nostrae canonico, vel a Chappasio expectabam,
uti me inscio discederent, quod vel in primis causaefuit ut
de iis nihil inquirerem. Jam vero Chappasius laconicam
mihi profert scribendi occasionem. Qua dum utor laco-
nice, peto a te, Frater optime, ne unquam, si quidem me
quod facis scribendo expleveris, satiatum credas. Sunt
enim tuae litterae ejusmodi ut vel insipidissimum gusta-
tum reficiant semper, obruant autem nunquam ; imper-
fectae namque suavitatis est copia obtundere gustantem.
Obruunt me potius tôt tantaque bénéficia quibus non sine
labore TuUianis nostris tuam in Salesios tuos benevolen-
tiam navasti ; quao, qua parte tui in me amoris sunt
effectus, recréant illa etiam plurimum, obruunt dum cum
tanto otii sacri tui incommodo proficiscuntur.
3Iitto nobilem viduam Villaeam, cujus causa, tum suo
Charmoisy (i), de M. de Beaumont [-., que M. Portier, chanoine de
notre Eglise, aussi bien que Chappaz, dussent partir sans m'avertir,
et c'est la principale raison pour laquelle je ne m'informai pas de
l'époque de leur départ. Enfin Chappaz me donne un court moment
pour vous tracer quelques lignes. J'en profite, mon excellent Frère,
et je vous prie de croire que, bien que vous me combliez de vos
lettres, vous ne parviendrez pas à m'en rassasier ; car telle en est la
douceur que, loin d'accabler jamais, elles charmeraient toujours
l'esprit le plus blasé, tandis qu'une douceur trop fade inspire le
dégoût. La seule chose dont je sois accablé, ce sont les bienfaits si
nombreux et si grands par lesquels, non sans peine, vous avez
montré à nos gens de la Thuille votre amitié pour la famille de
Sales ; et si d'une part cette preuve d'affection me réjouit, de l'autre
je déplore le sacrifice de vos précieux instants de loisir.
Je ne vous parle pas de la noble veuve M"^'' de Ville, puisque sa
(i) Charles Vidomne de Chaumont, seigneur de Charmoisy, Marclaz et
Villy, remplit en France et en Italie diverses missions qui lui attirèrent
l'estime du duc de Savoie. Il avait épousé Françoise de Bellegarde, et mourut
à Samoëns (1599) chez sa fille, mariée au seigneur de Vallon.
(2) Probablement Jacques de Menthon, baron de Beaumont et de Confi-
gnoa, seigneur de Cohendier et de Sauterens, gentilhomme de la chambre de
Son Altesse. Il était fils de Charles II de Menthon, et avait épousé en premières
noces Jeanne de Cohendier et en secondes noces Jeanne de Charansonay,
parente de la famille de Sales. Ce seigneur mourut en septembre 1630.
58 Lettres de saint François de Sales
jure, tum mei gratia tam bene apud te est. Venio ad Ro-
dulphum 31ellierum, Torentianum rusticum (0, quem
dum ut commendatum habeas peto, jam nunc gratias
ago quantas maximas possum quod mese commendationi
longe plus déferas quam meis meritis déferre te par esset.
Neque vero cuiquam videri possum causam temerariam
fovere velle, si quando ejusmodi tibi per ignorationem
commendarem ; non enim aurichalcum pro auro dare
velle mala fide videri débet qui peritissimo fabro offert.
• Terent., Andria, Sed niissa hœc jam facio ; « bona verba, quaeso*. »
Act., I, scena II, 33. -,^ . . . r t-, i t . ., .,
V enies igitur post resta Paschalia quamprimum ; nihil
jucundius accidere mihi potuit quam id audire ex D. de
Charmoysi, quocum heri in multam noctem mihi de te
fuit sermo. Expectamus te uterque (sic) avidissime ; hoc
tamen cum incommodo meo, quod dies Crucifixo solem-
nes, qui mihi ob Divinorum tam solemnem et lectissimam
cause est en si bonne voie, soit parce qu'elle est juste, soit aussi
parce que, en ma faveur, vous avez bien voulu la prendre en consi-
dération. J'en viens maintenant à Rodolphe Démeiller, ce bon paysan
de Thorens (i) ; en le recommandant à votre bonté, je vous rends
d'avance mille actions de grâces de ce que vous avez déféré à ma
recommandation dans une mesure bien supérieure à mes mérites. Je
ne crains pas qu'on m'accusa de vouloir favoriser une mauvaise
cause, si par ignorance je vous en recommandais une qui fût telle ;
car celui qui présenterait du cuivre pour de l'or à un orfèvre aussi
habile que vous ne saurait être soupçonné d'agir de mauvaise foi.
Mais laissons tout cela ; « soyez-moi indulgent. »
Vous viendrez donc immédiatement après les fêtes de Pâques : je
ne pouvais recevoir de M. de Charmoisy une nouvelle plus agréable.
Nous avons passé hier une bonne partie de la nuit à nous entretenir
de vous. L'un et l'autre nous vous attendons avec une vive impa-
tience ; mais avec cet inconvénient pour moi, que les jours solennels
consacrés au divin Crucifié, lesquels m'auraient paru bien courts à
(i) Sans doute celui doQt il a déjà été questiou Lettre XII, p. 35. La
famille Démeiller existe encore à Thorens.
(Pour les différentes manières d'écrire les noms propres, voir l'Avis au
lecteur.)
Année 1594 59
celebrationem brevissimi mihi futuri erant, eo longiores
sint quo te avidius expecto.
Vale, Frater, iterum et iterum suavissime.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
raison des cérémonies si graves et si belles qui les remplissent, me
paraîtront d'autant plus longs que je vous attends avec plus
d'impatience.
Adieu, mon Frère deux fois aimé.
XXI
AU MÊME
(minute inédite)
Désir de profiter des nombreuses occasions que procurera la belle saison pour
se voir plus fréquemment. — Nouvelles de plusieurs amis communs.
Annecy, vers le 16 avril 1594.
Jam vero, Frater suavissime, iniquum prorsus ac ab
omni humanitatis lege alienum [judicô] si Paschales
hosce laetissimos dies Quadragesimalibus in tanta agro-
rum, arborum aviumque vernantium amœnitate, tristi
nescio quo silentio, conjungamus. Etsi namque incom-
modum est et inopportunum spontaneum omni sane
tempore inter fratres silentium (quo me longe ab eo
sensu abfuisse scias quem te aliquando secutum esse
A mon avis, très aimable Frère, il serait tout à fait injuste et
absolument en dehors de toutes les lois de la bienséance d'assimiler
au temps du Carême, par je ne sais quel triste silence, ces jours de
Pâques si pleins de joie, alors surtout que les prairies, les arbres, les
oiseaux célèbrent le printemps avec tant de suavité. Le silence entre
frères est toujours pénible, inopportun (voyez que je suis loin du
sentiment que parfois je craignais un peu vous voir adopter) ; mais
6o Lettres de saint François de Sales
subverebar),at vero longe nunc acerbius et iniquius esset,
cum non modo colloquium, sed garritum verni ipsius
temporis leges permittere videantur.
Neque tamen velim credas Domini Monodii (0 reditu
alla ratione me non usum esse quam quod me inscio
discesserit. Neque deinceps ipsa ad iter faciendum gra-
tissima tempestas opportunitate carere sinet, cum liti-
gatores vel recreationis gratia frequentissime ad vos
proficiscentur. Quibus ne amantes diligentia cédant,
curabo quam potero impensissime ut quod operse mise-
randum illud genus hominum suis discordiis ac inimi-
citiis [non] recte fovendis tam libenter insumunt et
turpiter, id amicitise ac concordiae liberaliter simul pariter
et honestissime conservandse, per summam quae iis bonis
inest voluptatem, amantes saltem acerrimi attribuant.
Atque eam in rem jam paratum habeo animum patris,
habeboque omnino, uti me Senatoris nostri familise
ce silence serait bien plus amer, plus dur, aujourd'hui que les lois
de la saison printanière semblent nous permettre non seulement une
conversation sérieuse, mais un babillage amical.
Si je n'ai pas profité du retour de M. Monod ( 0, c'est seulement,
croyez-moi, parce que je l'ai ignoré. D'ailleurs, la saison si favorable
aux voyages nous fournira plus d'une occasion de nous rapprocher,
alors que les plaideurs, même par simple divertissement, se rendront
bien souvent auprès de vous. Pour ma part, je veillerai avec grand
soin à ce que des amis comme nous ne le cèdent pas à cette malheu-
reuse sorte de gens. Puisqu'ils se donnent volontiers tant de peine
pour entretenir leurs discordes et leurs inimitiés, la bienséance et la
noblesse exigent que des amis très affectionnés prennent au moins
autant de soin pour conserver entre eux la concorde et l'amitié, à
raison de la souveraine jouissance attachée à ce bien.
J'ai déjà sur ce point incliné le consentement de mon père, et je
l'obtiendrai tout à fait pour m'adjoindre à la famille de notre
(i) Selon toute probabilité, il s'agit de l'avocat Georges Monod, originaire
de Bonneville, père du célèbre Jésuite Pierre Monod. Dans le courant de
l'année 1595, le duc de Savoie le destina aux charges de « sénateur et
conservateur de la gabelle... desquels offices il n'a jamais jouy, prévenu par
la mort. » (Archives de la Chambre des Comptes de Savoie.)
Année 1594 61
adjungam in eleemosinarium, si me, sicut spero, de suo
itinere tantisper prsemonuerit. Sin minus, quam primum
sequar, ne Quadragesimalia, nisi tui conspectus salu-
berrimo [condimento] et ab initio et a fine condiantur,
edulia pessime stomachum afficiant. Sic enim efïiciam
quod insolentius soient ventres quidam, qui, bacchanalio-
rum ritu Paschalia célébrantes, obtendunt consilium uti
semper hinc inde inter bacchanalia, veluti carcere con-
clusam, retineant Quadragesimam.
Bene habet Antistes noster, tui cum primis amantissi-
mus; Dominus item de Chavanes. Affinem vero nostrum
D. de Charmoysi podagra torquet plurimum. Prseses
noster (0 ad suos Lutetianos crastina die proficiscitur, et
quando reversurus sit nescio.
Bene vale, suavissime Frater, et Christum habeto
propitium.
Revu sur une copie conservée à la Visitation d'Annecy.
Sénateur en qualité d'aumônier, pourvu qu'il me donne, ainsi que je
l'espère, quelque avis de son départ. S'il en va autrement, je le suivrai
le plus tôt possible ; les mets de Carême chargeraient trop doulou-
reusement mon estomac, si, au commencement et à la fin, je ne les
relevais par le condiment très salutaire de votre présence. J'imiterai
en cela certains gourmands lesquels ont la coutume extravagante de
célébrer les fêtes de Pâques à la manière du carnaval, et semblent
vouloir retenir le Carême comme prisonnier, en le faisant précéder et
suivre de bacchanales.
Notre Evêque, qui est l'un de vos meilleurs amis, se porte bien.
Il en est de même de M. de Chavanes ; mais la goutte fait terrible-
ment souffrir notre parent M. de Charmoisy. Notre Président ( i ) part
demain pour visiter ses Parisiens ; j'ignore l'époque de son retour.
Portez-vous bien, Frère très aimable, et que le Christ vous protège !
(i) Le Duché de Genevois ayant été donné en apanage, le 14 août 1514, à
Philippe de Savoie-Nemours, second fils de Philippe-sans-Terre duc de Savoie,
ce Prince établit à Annecy le siège de ses états, et créa dans cette ville un
Conseil présidial et une Chambre des Comptes. En 1394, le président du
Conseil était « le sieur » Poille ; le président de la Chambre des Comptes,
Louis Floccard. (Archives de la Chambre des Comptes de Genevois.)
62 Lettres de saint François de Sales
XXII
A U M È M E
(minute)
Prochaine réunion du synode diocésain. — Obstacle imprévu qui a empêché
le Saint de se rendre à Chambéry. — Ses regrets en apprenant que le
Sénateur est allé inutilement à sa rencontre.
Annecy, vers le 25 avril i|;94.
Ouid facerem jam, mi Frater. aut quo me verterem,
qui tam '3) ardenti tuo illi desiderio hactenus nec satis-
feci. et jam exclusus penuria temporis in promptu satis-
facere minime possum ? Ecce namque synodica tempora
jam appetentia '^ '. clericis omnibus hujus provinciae cele-
berrima, cui si non intersim anathemati caput ipsum
objicio. Subsequitur deinde de reipublicae nostrae eccle-
siasticae negotiis per aliquot dies tractatio, quo toto
tempore abesse me , quamvis inutilem , omnino non
patitur R"" Antistitis et parentis authoritas.
Que ferais-je, mon Frère, et de quel côté me tourner, moi qui n'ai
pas encore satisfait à votre désir, et qui ne puis maintenant y
répondre, faute de temps? Car nous voici à l'époque très solen-
nelle du synode (O, auquel tous les membres de notre clergé sont
tenus d'assister ; et m'en dispenser, ce serait attirer sur moi l'excom-
munication. Ensuite, vient pour quelques jours le règlement des
affaires de notre Eglise ; et encore que j'y sois inutile, notre Révéren-
dissime Evéque et père ne permet absolument pas que je m'absente
pendant tout ce temps.
(a) qiti tam — fainanter ac arJenter expectanti coniplecti minime... J
(1^ Un usage du diocèse fixait ce synode pour chaque année au mercredi
après le Dimanche du Bon Pasteur, fin 1394, il dut avoir lieu le 27 avril.
Année 1594 63
At vero nudiustertius, cum venirem huc(0 uti sequenti
die cum D. Copperio ad vos pergerem, cum ad tria cir-
citer milliaria inter medios ac densissimos imbres pro-
cessissem, sese mihi de quo nihil cogitaveram, ita se sane
res habet, rapidissimus quidam torrens sese objicit qui
nuUo loco tum vado transiri poterat, sicque cogor retro-
cedere. Id autem causae fuit quo minus D. Copperio me
in comitem adjungerem, qui ex opposito lacus littore
iter habuit omnino pervium.
Angor desiderio incredibili id praestandi quod promisi,
quod quamprimum potero faciam ; nullamque dicam
diem ne obviam accédas iterum, quod te cum tali ac
tanto comitatu semel fecisse, mei scilicet causa, nisi
amor ille eximius (cœcusne dicam an cœcutiens ?) erga
me tuus excusaret, intolerabile omnino videretur in tanto
senatore. Id ubi rescivi, hesterna scilicet nocte, tanto
me rubore sensi perfundi uti ne tuas quidem litteras
amplius per summam verecundiam respicere auderem.
Avant-hier, ine rendant ici (O dans l'intention d'aller à vous le
lendemain avec M. Coppier, après environ trois milles de marche
sous une pluie torrentielle, je fus arrêté par un obstacle que je n'avais
pas prévu, je vous assure : le torrent était si enflé qu'il ne présentait
aucun endroit guéable, et je fus forcé de rebrousser chemin. C'est ce
qui m'empêcha de rejoindre M. Coppier, lequel faisait route sans
difficulté par le côté opposé du lac.
Je suis pressé par un incroyable désir de tenir ma promesse, et je
le ferai aussitôt que je le pourrai ; mais je me garderai bien de vous
indiquer le jour, de peur que vous ne veniez encore à ma rencontre.
Vraiment, si cette amitié extrême (je dirais aveugle ou presque
aveugle) que vous me portez ne vous servait d'excuse, je jugerais
intolérable qu'un sénateur aussi distingué que vous l'êtes se fût
dérangé une fois déjà pour moi avec toute une illustre compagnie.
Lorsque je l'appris (c'était hier au soir), je sentis la rougeur me
monter au visage, à tel point que je n'osais plus jeter les yeux sur
votre lettre.
( I ) Le Saint avait sans doute passé quelques jours dans sa famille, au
château de la Thuille. (Voir note ( i ), p. ^j.)
64 Lettres de saint François de Sales
Pudet me, Frater optime, majorem in modum tam
vehementer expetitum abfuisse. Quid dicam ? Si mihi in
mala causa bonus desit advocatus, actum quidem est de
capite meo. At Saltorio (0 digna res erit ut in desperata
causa remedio adsit prœsentissimo, et mihi jam tam
magno pudore et damno castigato veniam , utpote quse
nemini noceat, obtineat. Utinam, mi Frater, quam imis
persentio meduUis ex hac re perturbationem quam pri-
mum Deus avertat ; alioquin fieri nunquam posse reor
ut te exporrectis (sic) videam oculis
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d"Annecy.
Après avoir été attendu avec tant d'impatience, je suis on ne peut
plus confus, mon excellent Frère, d'avoir manqué au rendez-vous.
Que dirai-je? Eh quoi ! si dans une aussi mauvaise cause je suis
dépourvu d'un bon avocat, c'en est fait de moi. Mais il est digne
de Salteur(0 de plaider victorieusement une cause désespérée, et
d'obtenir un pardon qui ne peut nuire à personne, pour celui qui
est déjà puni de sa faute par la confusion qu'il en éprouve et par la
perte qu'il a faite. Qu'il plaise à Dieu, mon Frère, me délivrer au
plus tôt du trouble que je ressens jusque dans les profondeurs de
mon être, sans quoi je cours risque de ne plus oser vous regarder
en face ! ,
(i) L'avocat Jacques II Salteur, qui devait être installé sénateur le 3 mars
1608. Son testament est daté de 161 1. C'est ce personnage qui présenta la
requête de saint François de Sales, sollicitant sa réception comme avocat au
Sénat de Savoie, le 24 novembre 1593.
Année 1594 65
XXIII
AU MEME
Projet d'un pèlerinage à Téglise de la Sainte-Croix d"Aix. — Ordre que
doivent suivre pendant le trajet les pèlerins d'Annecy et de Chambéry.
Annecy, vers le 28 mai 1594.
Senatori amplissimo Antonio Fabro,
Franciscus Salesius, Ecclesiae Gebennensis Praepositus,
salutem dicit.
Fere conscriptam habebam jam epistolam aliam quam
ad te mitterem, Frater suavissime, cum Soudanus tuam
hanc ultimam undique Spiritus Sancti odorem suavissi-
mum spirantem reddidit ; ego illa dimissa ut ad hanc
responderem animum adjicio.
Laus ergo Deo per Christum pro vobis omnibus
(ut Pauline jam utar scribendi modo *) quia fides vestra * Rom., i, 8.
nunc passim ubique annunciatur. Ad Aquas(0, uti
Au très illustre Sénateur Antoine Favre,
François de Sales, Prévôt de l'Eglise de Genève,
présente ses salutations.
J'avais presque achevé une autre lettre qui vous était destinée,
mon très aimable Frère, lorsque Soudan m'a remis de votre part
cette dernière, qui est toute remplie de la très suave odeur de l'Esprit-
Saint. Laissant de côté la première, je réponds à celle-ci.
Louange soit donc à Dieu pour vous tous par Jésus-Christ, vous
dirai-je avec saint Paul, parce que votre foi est maintenant annoncée
partout. Le mardi de la Pentecôte, Dieu aidant, nous ferons à Aix 'X:,
( I ) L'église de cette ville, placée sous le double vocable de Notre-Dame
et de la Sainte-Croix, possédait une parcelle considérable de la vraie Croix,
apportée de la Terre-Sainte par un seigneur d'Aix à l'époque des croisades.
Lettres ! 5
66 Lettres de saint François de Sales
scribis , peregrinationem tertio Spiritui Sancto sacro
die institutam, Deo dante, faciemus, non alio apparatu
quam quo vidisti nuper cum adesses, easdemque Cru-
cifixi Litanias dicemus. Calceamenta pedum nostrorum
solvemus , locum enim ad quem pergemus sanctum
existimamus, ligno illo pretiosissimo exornatum in quo
Deus longe ardentiori charitatis specie quam in rubo
• Exod., m, 2-5. illo ^losaico majoribus nostris apparuit *. Non tamen
totum iter, sed qusedam tantum milliaria nudis pedibus
conficiemus , ea enim lex non sine causa dicta est. Et
quoniam recreandis viribus necessarium erit cibum ali-
quem capere, in unum omnes idemque hospitium sece-
dere decrevimus, in quo dum omnes simul modestissime
ac frugaliter prandebimus , pii alicujus libelli lectio
audiatur, ne videlicet sacrse peregrinationi prophana
admisceatur confabulatio. Horam certam vix possum ego
dicere, cum turba plurima eidem peregrinationi nobis
invitis sese addixerit, praesertim nonnullae matronae, quas
quia ad Communionem caeteraque pia exercitia Societas
haec nostra ab initio admisit, ab hoc cœpto repellere
ainsi que vous l'écrivez, le pèlerinage convenu. Le cérémonial ne sera
pas différent de celui que vous avez vu dernièrement quand vous étiez
ici, et nous dirons les mêmes Litanies de Jésus crucifié. Nous ôterons
Us souliers de nos pieds, car nous regardons comme saint le lieu où
nous nous rendons, ce lieu orné du bois très précieux sur lequel
Dieu s'est montré à nos pères avec une charité bien plus ardente que
dans le buisson de Moïse. Toutefois nous ne ferons pas tout le
chemin pieds nus, mais seulement quelques milles, car ce n'est pas
sans raison que nous l'avons ainsi réglé. Comme il sera nécessaire
de réparer nos forces en prenant un peu de nourriture, nous avons
résolu de nous retirer tous sous un même toit, où nous dînerons
ensemble modestement et frugalement, écoutant la lecture de quel-
que livre de dévotion, afin que nul discours profane ne se mêle aux
conversations pendant ce saint voyage. Je ne puis guère vous dire
l'heure précise, puisque, contre notre gré, une foule nombreuse s'est
jointe à nous pour ce pèlerinage, principalement quelques dames que
tous nos arguments n'ont jamais pu faire changer de résolution,
notre Confrérie les ayant, des le commencement, admises à la
Année 1594 67
nullis unquam potuit verbislO. Sane ante meridiem ad
Sanctae Crucis Aquentium ecclesiam Missae sacra audie-
mus, atque adeo ante meridiem vel décima vel undecima
hora adesse nos posse credimus, vel forsitan citius.
Vestrum erit siquidem eodem die veniatis, nos, quia
viciniores estis nec aliis hominum cuneis impediti, ibidem
expectare.
Ita, mi Frater, non poterit ea non esse vera fraterni-
tas quse ad ejus ligni conspectum jurejurando firmanda
est quod cœlites ipsos immortales mortalibus hisce
inferioribus conciliavit*. Neque vero praetermittam unum * Coloss., i, 30.
hoc loco mirandum, quod vos eo ipso scivistis momento
hujus nostrae peregrinationis decretum quo vixdum sta-
tutum inter nos fuerat ; extrema namque Mercurii die
hac de re deliberavimus, ut divinitus factum videri
Communion et autres pieux exercices ( i ). Nous entendrons la Messe
en l'église de la Sainte-Croix d'Aix sûrement avant midi, et même
nous croyons pouvoir arriver à dix ou onze heures du matin ,
peut-être plus tôt. Puisque vous venez le même jour, vous aurez à
nous attendre là, parce que vous êtes plus rapprochés et que vous
n'êtes point embarrassés d'un si grand nombre de personnes étran-
gères au pèlerinage.
Ainsi, mon Frère, il sera impossible qu'elle ne soit pas véritable
cette fraternité, laquelle doit être jurée en la présence de ce bois qui a
réconcilié les immortels des Cieux avec les mortels d'ici-bas. Et il ne
faut pas que j'oublie une chose merveilleuse : vous avez su que notre
pèlerinage était décidé au moment où nous venions à peine de prendre
cette détermination, car c'est mercredi soir seulement que nous avons
délibéré à ce sujet; de sorte qu'on peut attribuer à une inspiration
divine ce fait que, portant les regards sur la même Croix, nous
{ I ) On sait que saint François de Sales avait érigé à Annecy, le i'' sep-
tembre 159), avec l'assentiment de M"'' de Granier et le concours des
chanoines, la Confrérie des Pénitents de la Sainte Croix, dont lui-même avait
dressé les Statuts (voir tome VII de la présente Edition, note ( i ), p. 80).
Les congratulations quil adresse à son ami ont évidemment trait à l'érection
de la Confrérie de Chambéry, qui eut lieu le Dimanche de la Pentecôte,
29 mai 1594. Cet acte fut sanctionné par un arrêt du Sénat, le ao décembre
de la même année.
68 Lettres de saint François de Sales
possit, ut qui ad eamdem respiciebamus Crucem, eum-
* I Tim., I, 17. dem sensum receperimus. Soli Deo gloria *.
Leges hujus nostrae Societatis ex ordine descriptas jam
habeas ; si quid incommodum vobis videbitur pro locorum
varietate, immutabitis. Haec una omnino vobis nobisque
lex sit perpétua, uti fratres hinc inde vicissim omnes et
* I joan., m, i. fiUi Dei nomtnemur et simus *.
Sed jam iter ipsum aggrediamur. Bene vale, mi Frater
suavissime , amantissime , dulcissime , ac Crucifixum
habeto propitium. Salutamus te iterum quotquot sumus
cseterosque omnes sanctissimae Crucis filios, sperantes
protinus vos videre et os ad os loqiii, ut gaudium
* II Joan., j^. 12. omnium nostrum sit plénum in Domino *.
avons eu les uns et les autres le même sentiment. A Dieu seul en soit
la gloire.
Je vous envoie les Statuts de notre Confrérie mis en ordre ; si
quelque point vous paraît offrir des inconvénients à cause de la
variété des lieux, vous le modifierez. Il faut seulement que vous
et nous ayons à jamais cette unique loi, d'être non seulement appelés,
mais d'être en effet tous frères et enfants de Dieu.
Mais il est temps de nous mettre en chemin. Adieu, mon très
aimable, très aimant et très doux Frère, et que le divin Crucifié
vous soit propice. Nous vous saluons encore une fois, tous tant que
nous sommes, et nous saluons aussi tous les autres enfants de la très
sainte Croix, espérant de vous voir au plus tôt et de vous parler
bouche à bouche, afin que notre Joie soit pleine dans le Seigneur.
Année 1594 69
XXIV
AU MÊME
( MINUTE )
Le Sénateur est attendu à Annecy; plusieurs maisons lui sont offertes.
Il est instamment prié d'amener sa femme.
Annecy, vers le 7 juin 1594.
Fratri suavissimo Antonio Fabro, Senatori amplissimo,
Franciscus De Sales salutem dicit.
Expectabunt te quamplurimi, suavissime Frater. ad
extremum diem decimumquintum calend. Julii. Ego
vero cum D. de Charmoysi, affini nostro, paulo citius
expectaturi sumus ; quorum enim longe majus futurum
est bonum, expectationem anteriorem esse par est.
De domo quam (») urbanam in epistola ad D. de Char-
moysi appellas nihil est quod cures, habemus enim
paratam, non unam tantum aut alteram, sed tertiam
quoque ; quandoquidem uti mea hoc nomine censeatur
velle non debeo, Domini vero de Charmoysi, ut video, tu
A son très doux Frère Antoine Favre, très illustre Sénateur.
François de Sales présente ses salutations.
Bon nombre de nos amis vous attendront le 17 juin au soir; mais
notre parent, M. de Charmoisy, et moi nous vous attendrons de
meilleure heure. 11 est juste que ceux dont le bonheur doit être plus
grand devancent, en vous attendant plus tôt, le moment de le goûter.
Ne vous mettez nullement en souci de ce que, dans votre lettre à
M. de Charmoisy, vous appelez une maison de ville. Nous en avons
non seulement deux toutes prêtes, mais trois, puisque je ne dois pas
vouloir que la mienne porte ce nom, et je vois que vous n'avez
(a) quam — fcivilem velJ
70 Lettres de saint François de Sales
ipse noluisti, C') Laconismum non tam verborum quam
temporum inopia sequar.
Bene vale, expectatissime Frater. Suavissimse sorori,
conjugi tuae clarissimae et charissimae(0, salutem dicerene
debeam non satis scio, qui te illi jam nolim sane addicere
nisi tu ipse vicissim eam etiam nobis tecum addicas.
Christum vobis precor propitium et nobilissimis liberis.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
pas voulu celle de M. de Charmoisy. Je vise à la brièveté, faute de
loisir et non de choses à vous dire.
Adieu, mon Frère impatiemment attendu. Je ne sais trop si je dois
envoyer mes salutations à ma très aimable sœur, votre épouse très
distinguée et très chère ( i ), car je ne voudrais pas la reconnaître
pour vôtre si, à votre tour, vous ne la rendiez nôtre ainsi que vous.
Je prie Jésus-Christ de vous être propice à tous deux et à vos très
nobles enfants.
(b) nolutsti. — rUtinani vero uxor suavissima non magis tibi hic deesset
quam domus.J
( I ) Benoîte Favre, dame de Vaugelas, fille de Claude Favre et de Jacque-
mine Guinet; son contrat de mariage est daté du i'^'' janvier 1581. Le Sénateur
épousa en secondes noces, avant septembre 1606, Philiberte Martin de la
Pérouse, qui fut inhumée à Chambéry le 11 janvier 1624.
Année 1594 71
XXV
AU MÊME
( MINUTE )
Déception du Saint et de ses amis en ne voyant pas arriver le Sénateur.
Le Prévôt va prêcher à La Roche.
Annecy, 13 juin 1594.
Quod D. de Charmoysi affini nostro scripseras, te ad
diem postremum Veneris vel Sabbathi venturum, utro-
que die fuimus cum D. de Chisse (0, vicario R"" Episcopi
nostri, D. de Montrotier et de Noveri (*) in insidiis inter
utrumque iter ad solis occasum usque, ut te, sicuti
prioribus scribebam litteris, paulo citius expectaremus
quam reliqui plurimi. Atque nihilo fere minus te inter
caenandum apud Dominum de Charmoysi frequentissime
Comme vous aviez écrit à notre parent, M. de Charmoysi, que vous
viendriez vendredi ou samedi soir, M. de Chissé ( i ), grand-vicaire de
notre Révérendissime Evêque, M. de Montrottier, M. de Novery (a)
et moi nous sommes tenus chaque jour en embuscade entre les deux
chemins jusqu'au coucher du soleil, afin de vous attendre, ainsi que
je vous l'avais écrit précédemment, un peu plus tôt qu'un grand
nombre d'autres. Notre déconvenue ne nous a pas empêchés de vous
envoyer force compliments en soupant chez M. de Charmoisy, où
( I ) François de Chissé, coseigneur de Pollinge, chanoine de Saint-Pierre
de Genève, puis vicaire général et officiai en 1391. Le rare mérite de ce jeune
ecclésiastique et sa parenté avec M»*'' de Granier semblaient le désigner pour
succéder à son oncle dans l'épiscopat. Lui-même cependant joignit ses propres
instances à la requête du Prélat sollicitant auprès de Clément VIII (1599) la
coadjutorerie de Genève pour saint François de Sales.
(a) Amblard-Philibert, fils de Georges Vidomne de Chaumont, seigneur de
Novery et de la Chapelle, et d'Emmanuelle-Philiberte de Menthon-Mon-
trottier. Il épousa en premières noces Marguerite de Rossillon, et en secondes
noces Philiberte de Jase. Nommé premier chevalier de la Chambre des Comptes
de Savoie et conseiller d'Etat, il mourut en 1634 ou 1635.
72 Lettres de saint François de Sales
salutavimus, quid causae esse posset, mi Frater, cur non
venires, in utramque partem ad multam noctem dispu-
tantes. De solemni quidem Sancto Sacramento Dominico
die veniebat in mentem, sed Dominas de Charmoysi ex
tua ad eum epistola confutabat.
Plurimum autem mea intersit (sic) haec retardatio,
etsi hodierna die venires, qui die Mercurii ad Rupenses
concionandi gratia pergo ( ^ ). Ergone te accedente disce-
dam ? Non facerem omnino nisi scandali vitandi causa
subesset, et si te non antea venturum credidissem, nullis
rationibus iturum me recepissem. (a) Tuum est videre
quanam ratione tantam meam jacturam resarcire velis
Sane cujusvis diei major pars est horarum septem pri-
marum.
Jam ergo quando venire non vis, salutem plurimam
clarissimae uxori tuae quam impensissime dico, itemque
nobilissimis liberis. Dolorem quem sentio cohibeo quanto
possum maximo conatu, cum qui raptim scribere cogor,
nous avons discuté jusque bien avant dans la nuit sur les raisons qui
vous avaient arrêté, mon Frère. On pensait à la solennité du Di-
manche du Saint-Sacrement ; mais, d'après la lettre qu'il a reçue
de vous, M. de Charmoisy réfutait cette supposition.
Quoi qu'il en soit, alors même que vous arriveriez aujourd'hui, ce
retard peut être bien fâcheux pour moi qui me rends mercredi à La
Roche pour prêcher ( i ). M'en irai-je donc quand vous venez ?
Assurément je ne le ferais pas sans la raison du scandale à éviter,
et si je n'avais cru que vous arriveriez plus tôt, rien n'aurait pu me
déterminer à cette absence. A vous maintenant de voir comment vous
me dédommagerez d'une perte si considérable. Songez seulement que
les sept premières heures du jour en constituent la majeure partie.
Si donc vous ne voulez pas venir, laissez-moi saluer cordialement
votre digne épouse et vos nobles enfants. Je réprime autant que
je le puis, et avec bien des efforts, la peine que j'éprouve, ne pouvant
{z) me recepissem. — PNon enim aliter petentibus obtemperassem quam si
et quando credidissem... J
(i) Voir tome VII de la présente Edition, p. i8j.
Année 1594 73
cum stomacho et modestia simul non possim. Bene
vale (^).
(c) Habes urbanas domos quibus utaris si venias, ne te
haec moretur dubitatio. (d) « Cuncta timemus amantes *; » * Ovid., ubi supra,
p. 10.
facile est enim minus voient! excusationes invenire. De
valetudine tua nihil ambigo, audivimus enim ex itinere
virum qui te togatum ambulantem animi gratia die
Veneris viderit.
Bene vale, et tertium Principis decretum ut venias, si
ita tibi e re tua esse videbitur, expecta.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
en même temps, dans une lettre écrite à la hâte, allier le courroux et
la modération. Adieu.
Ne vous laissez pas arrêter par la crainte de n'avoir pas d'appar-
tement; si vous venez, vous aurez des maisons de ville à votre dispo-
sition. « Tout éveille les craintes de ceux qui aiment, » parce qu'il
est facile, quand on n'a pas une très bonne volonté, de trouver des
excuses. Je n'ai aucune inquiétude au sujet de votre santé, car nous
avons entendu dire à un voyageur qu'il vous a vu vendredi vous
promener en grande tenue.
Adieu, et attendez un troisième arrêt du prince pour venir, s'il vous
semble à propos.
(b) Bene vale — fet salteni nos ama.J
(c) [Les deux alinéas suivants sont inédits.]
(d) hœc — rexcusatio retineat. D. de Charmoysi universam familiam tuam
nobilissiniani salutat.j
74 Lettres de saint François de Sales
XXVI
A FRANÇOIS GIRARD
PRÉVÔT DE l'Église notre-dame de bourg ( ^ )
( MINUTK )
Gracieuses excuses de n'avoir pas écrit plus tôt. — Le Saint est à Hautecombe
avec le sénateur Favre.
Hautecombe, vers le 24 juillet 1594.
In tanta quam feci scribendi cessatione, humanissime
et clarissime Girarde, id mihi fere accidit quod probis
pueris interdum usuvenire solet, qui si (a) statis collegii
horis quibusdam lectionibus per imprudentiam non inter-
fuerint, quamvis in officium gratiamque magistri quam
primum redire cupiant, nesciunt tamen inter spem [et]
metum nutantes horam sibi ipsis dicere, qua in irati
prseceptoris conspectum venire debeant ; dum prsesentem
ejus iram declinare cum veniae speratae jactura, an veniam
Après être demeuré si longtemps sans vous écrire, mon très bon
et très respectable Girard, je suis à peu prés dans la situation où se
trouvent parfois de bons écoliers qui, n'étant pas arrivés aux heures
fixées, ont manqué inconsidérément certaines leçons. Us voudraient
bien rentrer dans le devoir et reconquérir les bonnes grâces de leur
professeur ; mais flottant entre la crainte et l'espérance, ils ne savent
se déterminer pour l'heure où ils devront paraître en présence du
maître irrité : faut-il éviter sa colère présente en sacrifiant le pardon
espéré, ou obtenir leur pardon en s'exposant à être punis? Dans une
(a) qui si — fabsentes notati unie* lectioni...J
( I ) Voir la note jointe à la Lettre XXXF.
Année 1594 75
cum i^) tanta molestia obtinere satiusne sit, dubia mens
pueri vix statuere potest. Quam maie ac imprudenter
fecerim hactenus, qui per tôt menses nihil ad te scripsi,
ego ipse omnium maxime sentio ; atque eo molestius fero
quo me abs te amari quale quantumque sit bonum nemo
me melius percipere potest. («=) Unde vel per epistolam
intueri te absentem cui tantam iracundiae causam dede-
rim, per summam verecundiam vix audebam, nisi tuae
humanitatis ac pietatis recordatio animos addidisset.
Ecce ergo me culpam libenter agnoscentem atque
tuam implorantem humanitatem, ut quam jus aequumque
negat majoribus integram restitutionem clementia bo-
numque concédant. Sic enim fîet ut qui me totum semel
pro ea qua me complexus [es] benevolentia tibi Fabro-
que nostro observandissimo, qui ejus mihi fuerit [auc-
tor], ex unica causa debebam, jam tibi uni idem ipse
totum me debeam ; eoque sane majore ratione quo in eo
sum magnificentissimo cœnobio quod qui ingreditur eam
telle hésitation l'esprit de l'enfant a bien de la peine à discerner ce
qui lui est plus avantageux. A quel point j'ai été jusqu'ici inconsidéré
et coupable en passant tant de mois sans vous écrire, je le sens
mieux que personne, et j'en suis d'autant plus affligé que personne
n'apprécie mieux que moi les grands avantages de votre amitié.
Aussi, dans la confusion que j'éprouve de vous avoir donné un pareil
sujet de mécontentement, à peine aurais-je osé, même par lettre,
diriger sur vous mes regards, si le souvenir de votre douceur et de
votre indulgence ne m'avait encouragé.
Me voici donc reconnaissant volontiers ma faute, implorant votre
pitié, afin que la clémence et la bonté m'accordent la totale restitution
que la justice et l'équité refusent aux majeurs. Ainsi moi, qui me
devais déjà une fois tout entier à vous, à raison de la bienveillance
dont vous m'avez entouré, et à notre très digne Favre parce qu'il
m'a obtenu cette faveur, je me devrai désormais tout entier à vous
seul, et cela avec d'autant plus de raison que je me trouve dans ce
(b) cum — rtanto pudore ac tanto incommodo...J
(c) percipere potest. — rDuinque priiuuni tuura vel per epistolam congres-
suin forniidanduni...J
^6 Lettres de saint François de Sales
subeat sententiam necesse est : « Difficilius est reformare
• Vide s. Bernard., quam formare *. »
?f^ ^Letcon°rover- Est eiiim undevigesimus hic dies quo cum fratre meo
ses, tom. I hujus jT^^j-o nostro vitam aaro suavissimam (O cui ad perfec-
Edit., p.04; ettom. * ^
VII (Serm. I), pp. tam fœlicitatem id defuisse unicum videbatur quod te
"' ^'* nobiscum non haberemus. Atque heri cum in banc Altae-
combae sanctissimam simul et augustissimam solitudinem
venissemus (2), R™""" Albiensem Episcopum visendi gratia,
qui ut doctissimus est sic Fabrum hune nostrum summo
prosequitur amore, antequam a fratre suavissimo divelli
me patiar sic tam diuturnse cessationis veniam impetra-
turum abs te credidi, si pollicear me futura diligentia
et frequentia deinceps moram hanc praeteritam reple-
turum. Id loci majestas, integerrimi ac optimi Antistitis
magnifique monastère où l'on ne peut entrer sans se rappeler cette
sentence : « Il est plus difficile de réformer que de former. »
C'est aujourd'hui le dix-neuvième jour que je passe la vie la plus
douce avec mon frère notre cher Favre 1 1 ) ; il ne manquait, ce
semble, à notre bonheur que de vous avoir avec nous. Nous sommes
venus hier dans cette sainte et auguste solitude d'Hautecombe ( = )
pour voir l'Evêque d'Albi, prélat aussi savant que très affectionné à
ce cher Favre. Avant que j'aie la peine d'être séparé d'un très
aimable frère, je me suis persuadé que je pourrais obtenir le pardon
de mon silence prolongé en vous promettant de vous dédommager
à l'avenir par ma diligence et mon exactitude. La majesté de ce lieu,
le caractère sacré de cet excellent et très vertueux Pontife vous feront
croire à ma parole ; pour le même motif aussi, je l'espère, vous
( I ) Plusieurs pièces officielles conservées aux Archives de la Chambre des
Comptes de Savoie, ainsi que des lettres du Sénateur, prouvent qu'il s'était
rendu à Annecy vers le 5 juillet, pour traiter une question relative à l'impôt
de la gabelle.
(2 ) Monastère fondé au commencement du xii' siècle sur les rives du lac
du Bourget (Savoie), puis érigé en abbaye et incorporé à l'Ordre Cistercien
en 1135 sous l'influence de saint Bernard. Les princes de Savoie l'enrichirent
par des dons successifs et le choisirent pour le lieu de leur sépulture. Après
plusieurs siècles le relâchement s'étant introduit dans les observances régu-
lières, les supérieurs ecclésiastiques et le pouvoir civil s'unirent pour ordonner
une réforme en 1549; mais les mesures prises alors n'avaient pas encore obtenu
tout leur effet en 1594. Alphonse Delbene, Evèque d'Albi, était à cette époque
abbé commendataire d'Hautecombe. (Voir plus loin la note biographique sur
ce Prélat, jointe à la lettre qui lui est adressée par saint François de Sales.
Année 1594 77
sanctitas, uti credas efficiet (sic) ; efficientque eadem reor
ut et tu redeuntem me par epistolam in officium amice
excipias et ego in officio diligentior permaneam. .
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
recevrez amicalement un coupable qui en vous écrivant revient au
devoir, et j'aurai moi-même plus de soin de rester fidèle à ce devoir.
XXVII
AU SÉNATEUR ANTOINE FAVRE
(minute)
Compliments affectueux.
'Annecy, vers le 13 août^ 1594'!).
(3) Nulla sane minori authoritate ea quam maximam
apud me habes adduci omnino possem ut crederem id
ita semper esse verum quod scribis, respondere nimirum
facilius esse quam provocare. Alioquin cum in ipso fere
Il ne faut rien moins que la très grande autorité que vous avez
sur moi pour me convaincre, comme vous me l'écrivez, qu'il est
toujours plus facile de répondre à un ami que de le provoquer ; car
(a) Dubitarem fs» per te liceret...J Xescio sane, clarissime vir, an id ita
omnino... semper verum sit fquod scribis.. .J Dubitarem sane si te minor...
Indiguit sane ea authoritate quae maxima in me tua est... tanta quanta tua
in me est...
(i) Cette lettre et les quatre suivantes, écrites sur un même feuillet avec
caractères absolument identiques, ont entre elles une étroite connexion; il
convient donc de leur assigner des dates très rapprochées l'une de l'autre. Or,
la dernière (Lettre XXXI') est bien à sa place dans le courant de l'été 1^94, si
l'on en juge par les événements auxquels le Saint fait allusion (voir note ( i ),
p. 84). Quant à la première, elle n'est certainement pas antérieure au 11 août,
puisque les Entrées du Sénat constatent seulement à partir de ce jour la
présence du sénateur Favre à Chambéry.
yS Lettres de saint François de Sales
provocandi articule, tuas illas amœnissimas et, quod
caput est, amicissimas litteras accepissem, tanto tuae
humanitatis lumine mentem meam obtundi sensi ut qui
jam jam scripturus eram, tantse humanitati respondere
posse omnino deinceps desperarem. Sic enim ApoUinem
cum tanta subtilitate respondentem inducunt, ut si inter-
rogasset nulla humani ingenii virtute responderi potuis-
set. (b) Tarn multis namque partibus superior es nobis
ut nulla proportione tecum certare possimus, nisi tune
agamus cum agere nondum caeperis, vel si voluntate res
tractanda sit.
Tanta enim mea est erga te observantia, ut ex hac
parte vix equidem parem, superiorem omnino neminem
habere possim, nec alio egeat monumento quœ tam justo
caractère sit insculpta nullius ut temporis injuria deleri
possit. (c)
Bene vale, et Christum habeto propitium.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
lorsque j'étais sur le point de vous prévenir, votre lettre si gracieuse
et, qui plus est, si amicale, m'est parvenue. L'éclat de votre érudition
m'a si fort ébloui l'esprit, que, tout en me disposant à vous écrire,
je désespérais de pouvoir m'élever à la hauteur de votre savoir. C'est
ainsi que l'oracle d'Apollon répondait, dit-on, avec tant de subtilité,
que s'il eût posé lui-même des questions, la sagesse humaine aurait
été incapable de les résoudre. Vous nous êtes tellement supérieur sous
tous rapports que nous ne pouvons en aucune façon nous mesurer
avec vous, à moins toutefois que nous n'entamions la correspondance
ou que nous n'en choisissions le sujet.
Si grande est l'estime que je vous ai vouée, que sur ce point on
peut tout au plus rivaliser avec moi, mais l'emporter, jamais. Cette
estime n'a pas besoin d'un monument qui en conserve le souvenir ; elle
est gravée en caractères assez durables pour défier l'action du temps.
Adieu ; que Jésus-Christ vous soit propice !
(b) responderi pofuisset. — fSin vero non tam re quam voluntate certandum
sit. Age vero...J
(c) deleri possit. — TNon ergo respondeo clarissime, sed de deditione
tecum... te certiorem facio. Ago vero gratias immortales... Sperandum vero
mihi est tantam quam erga te habeo voluntatis propensioneni... Curabit ille...
Année 1394 79
XXVIII
AUX FILS DU SÉNATEUR ANTOINE FAVRE (O
(minute inédite)
Remerciements pour une lettre reçue d'eux. — Encouragements à suivre
les exemples de leur père. — Message pour leur mère.
[Annecy, vers le 15 août] 1594.
(3) Duo maxime nunc praBstabo, Amici charissimi :
alterum quidem ut vestris litteris quibus non ita pridem
auctiorem me sane fecistis et jucundiorem respondeam ;
alterum vero ut quoniam sentiunt ex(b) iterata lectione
detrimentum, hac eadem epistola, récentes a vobis expe-
tam, cum eadem utrumque ratione nitatur.
Rectissime namque facitis qui, patris vestri clarissimi
et optimi authoritatem secuti, ad me tam amanter scrip-
sistis. Hune vobis prselucentem sequamini , quseso ,
Deux raisons principales me portent à vous écrire, mes très chers
Amis : la première est de répondre à la lettre dont vous m'avez
favorisé récemment, et qui m'a causé tant de plaisir ; la seconde
est de vous demander une nouvelle lettre, car celle que vous m'avez
écrite est tout endommagée par la lecture répétée que j'en ai faite. Ce
double motif s'appuie sur un même fondement.
Vous faites très bien d'imiter l'exemple de votre illustre et excel-
lent père en m'écrivant si affectueusement. Ayez jour et nuit, mes
(a) Vestras litteras amoris in me vestri pignus suavissimum, etiamnum...
THac epistola duoj maxime faciam...
(b) ex — fcontinua... multa attritione...J
(i) D'après plusieurs historiens, Antoine Favre eut de sa première femme
{voir note ( i ), p. 70) huit fils. Deux moururent en bas âge ; les survivants
furent : René, seigneur de la Valbonne, baron d'Aiguebelette ; Claude, seigneur
de Vaugelas, le célèbre auteur des Remarques sur la langue française ; Antoine,
aumônier de Madame Royale; Pierre, dit du Chesne ; Philibert, seigneur de
Félicia, et Jean-Claude, seigneur des Charmettes et de Moyron. L'aîné avait
près de onze ans, le second neuf, lorsque cette lettre fut écrite.
8o Lettres de saint François de Sales
religiose ; in hoc, Amici charissimi, splendidissimum
exemplar oculos vestros noctes diesque intendite. Sic
enim fiet ut ex ejus officina ingenui nunc quidem t3'rones,
subinde fabri nobilissimi prodeatis, ac me uti facit
imprimis diligatis.
Meo nomine impensissime salutate clarissimam ma-
trem vestram, quam tanta prosequor observantia nulla
ut aptius quam filiorum reputari possit. Itaque, eam
meo nomine salutate.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
très chers Amis, les yeux fixés sur le modèle éclatant qui resplendit
devant vous; suivez-le religieusement. En agissant de la sorte, vous
qui êtes dans son atelier d'excellents apprentis, vous en sortirez très
nobles ouvriers, et spécialement vous aurez appris de lui à m'aimer.
Saluez en mon nom votre illustre mère à qui j'ai voué un respect
si grand qu'il ne peut être justement comparé qu'à la piété filiale.
Saluez-la donc en mon nom.
, XXIX
AU sénateur ANTOINE FAVRE
(minute inédite)
Explications amicales.
Remerciements pour l'envoi de Méditations sur la pénitence.
[Annecy, août] 1594.
Quam bonus eram vir et bardus, mi Frater, cum uti
sororis meae consuetudini ac ustricitati [sic) tantisper
indulgeres, tam candide suadebam, mi Frater. Quasi
vero tu aliquid aliud cogitasses, et jam me puderet in tam
Que j'étais donc simple et ingénu, mon Frère, quand je vous
conseillais si naïvement d'être un peu condescendant envers ma
sœur, [votre femme,] comme si jamais vous aviez eu d'autres pensées!
Je serais déjà plein de confusion d'avoir été trompé en chose aussi
Année 1594 81
aperta luce deceptum esse si ab alio quam ab ingenio-
sissimo fabro. Gaudeo sane plurimum gratulorque tibi
ex animo et sorori ne bonse fidei viatori spinas pedibus
injicias, ut est in proverbio *. * Cf. Prov., iv, 12.
Gratulor sane plurimum sorori de diuturniori illo tuo
amœnissimo conspectu ; at quorsum eam in causam
rogari, suaderi ac propemodum cogi velle, et locum
quem omnino tibi selegeris, non nisi post multas aliorum
praeces, per summam artis aulicae subtilitatem l^), more
Locatellaeo ( 0 occupare ? Bene est. Semel falli vel
prudentissimus quisque potest ; iterum si me iis artibus
fallas, indignus omnino sim tua officina alumnus.
Opportune pœnitentiales ^leditationes ( = ) quibus exer-
cear dum aberis misisti, in quibus quid meum fuerit non
évidente si je ne l'avais été par un artisan tel que vous. Je m'en réjouis
vivement et je vous félicite tous deux de ce que, suivant le proverbe,
vous ne jetez pas des épines sous les pieds du voyageur de bonne foi.
Certes, je félicite aussi grandement ma sœur de pouvoir jouir lon-
guement de votre agréable présence ; mais pourquoi vouloir être prié,
pressé et presque contraint dans cette affaire? Pourquoi n'occuper
qu'après les nombreuses instances de plusieurs, la place que vous
avez choisie vous-même, si ce n'est par une extrême finesse digne des
hommes de cour, à la manière de notre Locatel ( i ) ? C'est bien. Le plus
sage peut être trompé une fois ; mais si je me laisse tromper de nou-
veau, que je sois tenu pour un apprenti bien indigne de votre atelier.
Vous m'avez envoyé fort à propos les Méditations sur la péni-
tence (2), afin que je m'y exerce pendant qu: je suis privé de votre
( a) simulationem
(i) Il s'agit probablement de Jacques de Locatel, seigneur de Locatel et de
Cevins, chevalier du Saint-Sépulcre de Jérusalem, " lieutenant d'une compagnie
de six cents hommes d'armes deçà les monts, pour le service de Son Altesse. »
En 1594 et 1395, il était procureur fiscal de l'Archevêque de Tarentaise.
(a) Ces Méditations, soumises à l'examen du Saint, furent publiées l'année
suivante sous le titre de Centurie première de sonnets spirituels de l'Amour
divin et de la Pénitence. Par Antoine Favre, S. S. A Chambery, par Claude
Pomar, mdxcv. — C'est au sujet de cet ouvrage que saint François de Sales
écrivit à sainte J.-F. de Chantai, le ii février 1607 ; « Je vous envoyé le livre
« ci joint auquel vous verres beaucoup de beaux traitz, qui furent en partie
• faitz sur mes premières praedications, par M. le Président de cette ville. »
Lettres I 6
82 Lettres de saint François de Sales
video, tôt nempe prsetiosis tuis illis lapillis intertextum
et consitum opus illud est ut fœlici mutatione nomen
antiquum et formam omnem perdiderit.
Nuper misi litteras Episcopi Albiensis ; nescio num
exceperis. Bene vale et ut valere vis, cum clarissima
conjuge.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Turin.
présence. Mais je ne vois pas ce qui peut m'être attribué dans cet
ouvrage, car vous l'avez vous-même tissé et enrichi de tant de belles
pierreries, que, par une heureuse transformation, il a perdu son
ancien nom et sa première forme.
Je vous ai transmis dernièrement la lettre de l'Evêque d'Albi, je
ne sais si vous l'avez reçue. Portez- vous bien et à souhait, ainsi
que votre illustre épouse.
XXX
AU M Ê M E
(minute inédite)
Les prévenances d'un ami commun attribuées à la recommandation du Sénateur.
Désir de se procurer quelques formules de prières.
[Annecy, fin aoùtj 1594.
(3) Accepi tuas ab homine tuo litteras. Quid autem ju
cundius fuerit, an hominem tuum an litteras tuas videra?
Non jucundissimum quicquid tuum esse non potest.
J'ai reçu votre lettre par le porteur à qui vous l'aviez remise.
Qu'est-ce qui m'agréa davantage, ou de voir votre envoyé ou de
lire votre lettre? Tout ce qui vient de vous ne peut que m'être
extrêmement agréable.
(a) Non sunt sane suavioreS llttera tua, qu* suapte natura Junt suavissimrc,
Année 1594 ^3
Sane, quantum conjicere potui, non alia me ratione
amare cupiebat Franciscus ChosalliuslO quam quod me
amares ; alioquin cum in me tam pauca e multis quse
dixeras deprehenderit, neque te neque me jam amaret,
nisi amari me abs te, (b) te quidem excusatione, me bene-
volentia, utrumque admiratione dignum redderet. Quo
mihi suavior est ea qua me prosequitur benevolentia
quod a tua omnino proficiscatur, ac ad tuam pœnitus, ut
,( adprimam in suo génère et cseterarum mensuram*, » [^'^'^flf^^"^''
immédiate referatur. Jam autem tuum illud erit ut cujus
boni author mihi fuisti conservator ejusdem esse velis.
Pergo. Audivimus confratrem nostrum, tuum vero in
Cruce filium, virum optimum Saldium (^), centum prœcum
En vérité, autant que j'ai pu le conjecturer, François Chosal (0
désirait lier amitié avec moi pour cette seule raison que je suis votre
ami. Du reste, comme il aura trouvé en moi si peu des qualités que
vous m'avez attribuées, il ne voudra plus être ni votre ami ni le
mien, à moins que, pour s'expliquer l'amour que vous me portez, il
ne vous considère avec beaucoup d'indulgence, moi avec beaucoup
de bienveillance, et tous deux avec quelque surprise. Cette bienveil-
lance dont je suis l'objet de sa part m'est d'autant plus douce qu'elle
procède uniquement de celle que vous avez pour moi et qu'elle se
rapporte immédiatement à celle-ci, puisque « la première chose en
chaque genre sert de mesure à tout le reste. » A vous maintenant de
me conserver ce bien dont je vous suis redevable.
Je poursuis. Nous avons entendu dire que notre confrère, votre fils
dans la Croix, l'excellent Saldoz ( M , possède une centaine de formules
non sunt inquam suaviores litterœ tux ex ejus qui eas attulit suavitate...
iucundius quidem actum est rem tanti prastii magnis vins committere...
Accepi tuas litteras; vidi Dominum Chosallium tuo nomine eas rerferentem.
Horum autem utrum jucundius, non facile fuerit judicandum. Et l.tteras qui-
dem aperte tuas videbam. Chosallius se tuum prorsus esse omnmo asserebat,
racsummaj qua pollet Tdicendi facultate persuadebat...J
(b) abs te, — summum amorem erga me tuum...
(I) Selon toute probabilité, Jean-François Chosal ou du Chosal, qui fut
reçu avocat au Sénat de Savoie en 1594- ,.-.■»
(,) Plusieurs personnages portant le nom de Saldoz ou Sardoz habitaient
alors Chambéry. Peut-être s'agit-il ici d'André Sardoz. marchand de cette
ville, lequel est nomme plus d'une fois dans les lettres-patentes de Charles^
Emmanuel.
84 Lettres de saint François de Sales
ad sanctissimi Crucifix! [honorem] ritus pênes se habere ;
nos unde habere possimus non videmus nisi, quoad com-
modum erit, decem vel duodecim ex ipso accipiamus,
quorum praetium
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Turin.
de prières à Notre-Seigneur crucifié. Nous ne vo}'ons pas le moyen
de nous en procurer, à moins qu'il ne nous en cède dix ou douze
exemplaires, dont le prix
XXXI
A FRANÇOIS GIRARD
PRÉVÔT DE l'Église notre-da.me de bourg
(minute)
Congratulations pour le zèle qu'il déploie au service de Jésus crucifié,
et pour son agrégation à la Confrérie de la Sainte Croix.
Annecy, fin août 1594.
(3) Et vero nunc tibi ex animo gratulandum est,
clarissime Girarde, cum te totis viribus sub sanctissimi
Il faut maintenant vous féliciter du fond du cœur, excellent Girard,
puisque nous vous voyons combattre de toutes vos forces sous
(a) [Les lignes suivantes, écrites en haut de la minute, représentent proba-
blement la première pensée du Saint pour le commencement de cette lettre :]
NuUa deinceps tecum utar excusatione ; scribam quam frequentius potero.
« Bos lassus, » ut divus dixit Hieronimus, « fortius figit pedem. » Et tu in
hac jam provecta aetate graves haereticorum inimicitias cum sustineas...
(i) François Girard, officiai de Bresse pour l'Archevêque de Lyon dès 1569,
pois prévôt de l'église Notre-Dame de Bourg en 1^83. Cet ecclésiastique, de
Année 1594 85
Crucifixi signo(b) serio militantem videamus. Quid enim
est quos Deus odivit odio habere et super inimicos Crucis
tabescere * quam pro Christo decertare? Nulla gloriosior 'Cf.Ps.cxjcxvin.ai.
bene de Deo ipso et Ecclesia merendi occasio potest esse
quam haec quae tibi summa Dei providentia occurrit. Et
quidem facillimum est cuique Christiano ac omnibus
fere obvium, Christum languentibus medentem l^^), mor-
tuos excitantem sequi, at Christum languentem et mo-
rientem id paucissimis concessum est. Non arduum est
admodum Crucem erectam amplecti dum nemo impellat
nitaturve disturbare, at contra pugnantium impetum eam
ne labatur sustinere, id confirmatae virtutis est. O fœlix
pugna in qua Christo pariter et morimur et vivïmus*. •Rom.,xiv, 8.
Quid, quaeso, tanta religione gloriosam nobis antiquorum
l'étendard du très saint Crucifié ; car n'est-ce pas combattre pour le
Christ que de haïr ceux que Dieu hait, et de sécher de douleur à cause
cUs ennemis de la Croix ? Vous ne pourrez jamais rencontrer une
occasion plus glorieuse pour bien mériter de Dieu et de l'Eglise que
celle qui vous est présentement offerte par la souveraine providence
divine. Oui sans doute, il est très facile à un Chrétien, et c'est une
chose pour ainsi dire à la portée de tous, de suivre Jésus-Christ
guérissant les infirmes, ressuscitant les morts ; mais de suivre Jésus-
Christ souffrant et mourant, voilà ce qui n'est accordé qu'à un fort
petit nombre. 11 n'est pas très pénible d'embrasser la Croix lorsqu'elle
est debout, que personne ne l'ébranlé et ne s'efforce de la renverser ;
mais la soutenir contre le choc des assaillants pour qu'elle ne tombe
pas, voilà le propre d'un courage éprouvé. O bienheureux combat
dans lequel à la fois nous mourons et nous vivons pour le Christ !
Qy'est-ce qui a, je vous le demande, environné de tant de gloire et
(b) rvexilloj
(c) languentibus medentem, — Fdaîmones fuganteni.J
concert avec les autres chanoines et les syndics de la ville, prit, en 1594, des
mesures vigoureuses pour empêcher l'hérésie de s'infiltrer à Bourg. (Regeste
de Véglise Notre-Dame de Bourg, par J. Biossard, 1897.) C'est à ce propos
que saint François de Sales lui adresse ses félicitations.
Il est l'auteur de l'Antipathia ou Antithèse qui parut comme pièce préli-
minaire dans la Défense de l'Estendart de la sainte Croix, publiée pour la
première fois en 1600. (Voir la Préface du tome II de notre Edition, p. xii,
note ( I ), et l'Appendice III, pp. 412-421.)
86 Lettres de saint François de Sales
Ecclesise Patrum memoriam commendavit quam quod
nullis se minis a Crucifixi patrocinio (ut intérim ita loqui
concédas) abduci se passi sint? Martinos sane, Chrysos-
tomos, Hilarios, Damascenos nuUa adeo sursum evexit
eruditio quam ea Christiani animi celsitudo qua Impera-
• II Cor., XI, 36; toribus csèterisque falsis fratribus* -pugna-m pro Christo
^ ^ ■' "' '*' indixerunt, fortesque sese omnino ad praelia Domini prae-
lianda praebuerunt.
Quae quidem non eo animo a me esse dicta velim
intelligas quo tibi animum addere vellem ; non enim
• Lucae, VI, 40. est discipiilus super magistrum *,i^) et importunum
omnino foret te veteranum et gravioris armaturse mili-
tem a greegario t3^rone doceri. Gratulor potius tibi
majorem in modum quod in provecta jam hsec setate,
tam alacriter bellum pro Christo susceperis ac sus-
ceptum sustinueris ; ut verum jam sit illud etiam de
• Epist. cil, ad Au- te pronunciare quod est apud Hieronimum * : « Bos
gus in., s 3. lassus fortius figit pedem. » Quas tua mihi gloria eo
suavior est perfecta, quo nuper te in confratrum ex
Cruce nostrorum numerum majore cum oblectamento
d'une si religieuse vénération la mémoire des anciens Pères de
l'Eglise ? C'est que jamais aucune menace n'a pu les empêcher de
patronner (permettez-moi cette expression) la cause de Jésus crucifié.
Ce n'est certainement pas la science seule qui a élevé si haut les
Martin, les Chrysostome, les Hilaire, les Damascène ; mais bien
plutôt cette magnanimité chrétienne avec laquelle ils ont déclaré la
guerre pour le Christ aux empereurs et aux autres faux frères, et se
sont montrés intrépides à combattre les combats du Seigneur.
Ne vous persuadez pas, du reste, qu'en vous disant ces choses je
prétende exciter votre courage. Le disciple n'est pas au-dessus du maître.
Il serait en effet déraisonnable qu'un vétéran accoutumé à porter la
plus lourde armure reçût les leçons d'un nouvel enrôlé. Bien plutôt,
je vous félicite hautement de ce que, dans un âge avancé, vous avez
entrepris et poursuivez si hardiment la guerre pour le Christ. Nous
pouvons avec vérité vous appliquer la parole de saint Jérôme : « Le
bœuf fatigué enfonce plus fortement le pied. » Votre gloire me
(d) [A partir d'ici cette lettre est inédite.]
Année 1594 ^7
renunciavit vir optimus et ipsa canitie venerandus,
Toannes TissotiuslO, communis hujus Confraternitatis
prior meritissimus ; ut jam certo quodam jure omnium
nostrum bona videantur esse communia qui, tum alus
nominibus tum hoc peculiari fratres ex Cruce censemur.
Ouo fiet ut et nos gloria tam praeclari tui certaminis et
tu nostris prœcibus et sacrificiis participes vicissim
efficiamur.
O nimium dilecte Deo, tibi militet aether !
Dominiis tibi adjutor, non timebis quid facit tibi
- * • Ps.cxvii,6; Heb.,
homo *. ^ • -c u co xiii, 6.
Commilitoni tuo, viro clarissimo Domino Fabro, sa-
lutem plurimam dico. Bene vale.
Revu sur l'Autographe, dont la partie déjà publiée est conservée à la Visitation
d'Annecy et la partie inédite à la Visitation de Turin.
devient d'autant plus douce que l'excellent Jean Tissot (0, déjà
vénérable par ses cheveux blancs, très digne prieur de notre Confré-
rie, vous a dernièrement inscrit avec plus de bonheur au nombre des
confrères de la Croix ; car maintenant il y a entre nous une certame
communauté de biens à divers titres, et principalement parce que
nous sommes frères dans la Croix. En conséquence nous participons
aux avantages les uns des autres : nous, à la gloire de vos combats,
vous, au mérite de nos prières et de nos sacrifices.
O bien aimé de Dieu, que le Ciel vous soit en aide !
Le Seigneur est votre défenseur, vous ne craindrez/»a5 ce que l'homme fera
contre vous.
Je salue votre compagnon d'armes, l'illustre seigneur Favre. Adieu.
(i) Jean Tissot, chanoine de Saint-Pierre de Genève et vicaire général en
1569. C'est lui qui en 1578 délivra à saint François de Sales, alors âgé de
onze ans, les lettres diiuissoriales pour la réception de la tonsure. Ce véné-
rable prêtre lui succéda (139.0 dans la charge de prieur de la Confrérie de la
Sainte Croix, charge que le Saint dut résigner en vue de son prochain départ
pour le Chablais. Jean Tissot mourut en juin 1597.
88 Lettres de saint François de Sales
XXXII
A UN GENTILHOMME DE LA COUR DU DUC DE SAVOIE
(minute)
Prière d'intervenir auprès du duc de Savoie
en faveur du Chapitre de Genève.
Annecy, [vers la fin août 1594.]
Monsieur,
Il pleut a Son Altesse, il y a quelque tems despuys
ces guerres, declairer pour Teglise de ce diocaese estre
de son intention et pla3'sir que tous les biens qui se
trouveroyent en ses estats (2) avoir esté de l'église an-
ciennement, devant que Genève eut chassé les ecclésias-
tiques, retournassent a l'église, comme vray patrimoyne
de Jesuchrist. Qui a faict que le Chappitre de Saint
Pierre ayant esté advisé, ou pensant quil se devoit
tenir quelque journée a Thurin touchant ces balliages
et autres affayreslO, il a pris resolution, en l'asseurance
de vostre zèle et pieté, de vous supplier très humblement
de leur faire ausmosne de vostre crédit et intercession en
cest endroict, affin qu'en cas de quelque restitution de
païs(b), ils ressentent le prouffit (c) de la dévote inten-
tion de sa dicte Altesse, et que les biens qui se trouve-
ront avoir esté dudict Chappitre au tems de la subversion
de Genève leur soient restitués.
(a) qui se trouveroyent — es troys balliages
(b) a/fin — que sil se peut faire et il escheoit en traitté... que sil se
traitte de quelque restitution fdes biens mal usurpés des le tems de l'exil
de ce cors ecclésiastique.. .J de l'autruy
(c) l'effect
(i) Il s'agit probablement des négociations diplomatiques qui eurent lieu
pour la conclusion et la prorogation des trêves indiquées ci-après, p. 91.
Année 1594 89
Ils vous supplient donques, Monsieur, très humblement,
tous en gênerai et moy en particulier, comm'ayant cest
honneur d'estre Prévost en leur compaignie, de prendre
ce leur afFere en main ; se promettans que si la bonne
intention de Son Altesse, dressée sur la pieté de la cause,
est aydëe de vostre faveur et authorité, elle sortira en
son efFect avec grand mérite de sa dicte Altesse, qui nous
aura remis nostre pain en la main, et de vous, Monsieur,
qui nous aures procuré ce bien, duquel je puys bien
vous asseurer avec vérité que nous avons bon besoin ,
pour s'estre la pauvreté de cest'eglise cathédrale de
trente chanoynes, quasi tous gentilhommes ou gradués,
fort rengregëe par ces guerres, sans avoir voulu jamais
diminuer aucune chose de ce qui s'observoit pour la dé-
coration du service divin.
Vous suppliant donques nous avoir pour recommandés,
nous recommanderons de toute nostre dévotion vostre
santé et prospérité a Nostre ^Seigneur, et demeurerons
obligés a jamais de prier plus particulièrement sa divine
[Majesté] qu'elle vous comble de ses bénédictions. Et pour
mon regard. Monsieur, continuant en la condition de
monsieur de Boysi mon père, je demeureray
Vostre très humble serviteur.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
90 Lettres de saint François de Sales
v/ XXXIII
AU SÉNATEUR ANTOINE FAVRE
(minute)
Nouvelles de la mission du Chablais. — Premières difficultés suscitées
par les ministres protestants. — Energique résolution du Saint.
[Forteresse des Allinges,] commencement d'octobre 1594(1).
Non antea potui, mi Frater, suavissimis illis tuis lit-
teris respondere quam hic idem qui tuas attulerat Cham-
berium versus rediret. Fecissem id quidem libentissime,
nuUa enim cogitatio alia me dulcius recréât quam ea
qua quotidie te mihi praesentem quoad expressissime
fieri potest efficio. Enimvero tum post densissimas
tenebras mihi lux quaedam oboriri videtur, adeo mihi
caliginosus (a) hic est aer, cui procul dubio princeps
•Ephes., uit., 12. tenebrariLin harum * de quibus loqueris prœest ( = ).
Post tuum enim discessum non cessavit animes horum
Je n'ai pu, mon Frère, répondre à votre délicieuse lettre, avant
que le porteur retournât à Chambéry. Certes, je l'eusse fait plus
tôt très volontiers, car nulle autre pensée ne m'est aussi douce, ne
me récrée autant que celle par laquelle je tâche chaque jour de
vous représenter à mon esprit le plus fidèlement qu'il m'est possible ;
il me semble alors qu'après de très épaisses ténèbres, une certaine
lumière luit pour moi, tant me paraît sombre le nuage auquel com-
mande sans doute le prince de ces tèncbrcs dont vous me parlez (2).
Après votre départ, il n'a pas cessé de voiler de plus en plus les
(a) mihi — tenebricosus hic aer rapparet...J
( I ) Le classement des lettres non datées adressées au sénateur Favre
pendant la mission du Chablais est déterminé soit par la teneur même de
ces lettres, soit par la date des réponses du Sénateur, lesquelles seront données
en Appendice à la fin du présent volume.
(2) Saint François de Sales fait allusion au protestantisme qui régnait en
Chablais depuis près de soixante ans. Charles-Emmanuel !<"■, ayant reconquis
cette province sur les Bernois, voulut y rétablir l'exercice de la religion
Année 1594 91
hominum in deterius quodque obvolvere. Gubernator (O,
cum caeteris his Catholicis, rusticos circum circa, necnon
et cives Aquenses, secretis suasionibus ad conciones nos-
tras convocare, rem Christianam recte ac impensissime
promovere [non destitit.] Quamprimum vidit daemon ;
enimvero, tune advocato suorum concilio, per .summam
perfidiam, fidem vicissim Tononienses quotquot sunt ex
primariis sibi faciunt, nuUis se caeteramque multitudinem
unquam adfuturos Catholicis praedicationibus, ne nimi-
rum satis non esset privata cujusque pertinacia nisi ne-
faria ac communi cohortatione (^), in suam perniciem,
Principis desiderio ac nostris conatibus illudant ac
omnino cervices opponant temulentas. Idque actum est,
quantum audio, nudiustertius in urbis ipsius aedibus
publicis, cum jam antea abiissent in concilio impio-
rum *, hoc est, per speciem matrimonii cujusdam, uti ' Ps. i, i, 3-
soient, dirimendi convenissent in suo quod appellant
esprits de ces hommes. Le gouverneur (0, avec quelques autres
Catholiques, n'a rien négh'gé pour attirer, par de secrètes persuasions,
les paysans des environs et les bourgeois d'Evian à nos sermons, et
pour faire avancer, avec un zèle ardent et éclairé, les affaires de la reli-
gion. Mais le démon s'en est bien vite aperçu ; car les principaux de
Thonon ayant assemblé leur conseil, se sont juré, par une souveraine
perfidie, que ni eux ni le peuple n'assisteraient jamais aux prédica-
tions catholiques. Ce ne serait pas assez, sans doute, de l'obstination
privée de chacun, s'ils ne se moquaient des désirs du prince aussi
bien que de nos efforts, et ne s'acharnaient à leur perte par une
abominable entente. Cela fut fait, à ce que l'on m'a dit, avant-hier à
la maison de ville, et plusieurs avaient déjà pris cette résolution
à l'assemblée des impies, qu'ils nomment leur consistoire, où ils
(b) nisi — mutua ac communi rconjurationej
catholique et demanda des missionnaires à M""^ de Granier. C'est alors que
notre Saint, sur le désir de son Evéque, partit presque seul (14 septembre 1394)
pour commencer la mission qui devait ramener dans le sein de l'Eglise toute
cette florissante contrée. Pendant les six premiers mois il était contraint, pour
échapper à la fureur des hérétiques, de se retirer chaque soir dans la forteresse
des AUinges.
( I ) Le baron d'Hermancc. Voir plus haut, note ( i ), p. i.
92 Lettres de saint François de Sales
consistorio, in quo idem jam plerique inter se decre-
verant.
Quid faceres , mi Frater ? Induratiun est cor
Exod., vu, 2î ; eorum* ; dixerunt Deo : Non serviemus ; recède a
• jerêoi.Vn, 20; îiobis, viam mandatorum Dei nolurnus*. Nolimt au-
'Ezech^'iu'? ^^^'^ ^°^' quoniam nolunt audire Deum*. Mihi autem
videra videor quo hujusmodi perditissimi homines ten-
dant. Nimirum vellent nos tandem, rerum agendarum
spe i*^) amissa, ad discessum quodammodo compellere.
At apud nos contra. Quamdiu per inducias ' 0 et Principis
utriusque tum ecclesiastici tum secularis licuerit volunta-
tem,operi instare, nullum non movere lapidem,obsecrare,
increpare iii o j^ifii qua. nos Deus donâverit patient ta et
• II Tim., IV, 2. doctrina * omnino ac firmissime constitutum W est.
s'étaient réunis sous prétexte d'invalider, selon leur coutume, certain
mariage.
Que feriez-vous, mon Frère? Leur cœur est endurci; ils ont dit à
Dieu : Nous ne servirons pas ; retire:(-vous de nous, nous ne voulons
point marcher dans la voie des commandements de Dieu. Ils ne veulent
pas nous écouter parce qn'ils ne veulent pas écouter Dieu. Certes, il me
semble voir où tendent les desseins de ces hommes perdus. Ils vou-
draient assurément nous faire perdre l'espérance de mener nos affaires
à bonne fin, et partant nous contraindre à nous retirer. Mais il n'en
sera pas ainsi ; car aussi longtemps qu'il nous sera permis par les
trêves ( i ) et par la volonté du prince tant ecclésiastique que séculier,
nous sommes absolument résolus de travailler sans relâche à cette
œuvre, de ne pas laisser une pierre à remuer, de supplier, de reprendre
avec toute la patience et la science que Dieu nous donnera.
(c) spe — rtandem destitutos ad reditum...J
(d) statutum
( I ) La reprise des hostilités entre la France et la Savoie avait eu pour
prétexte, sous Henri III, l'appui que ce prince accordait aux Bernois et aux
Genevois contre Charles-Emmanuel 1"'. Elles continuèrent pour diverses
causes jusqu'à l'abjuration d'Henri IV. Les ligueurs ayant alors successivement
désarmé, le duc de Savoie, qui les soutenait, signa une trêve avec la France
d'abord, puis avec Berne (septembre 1593) et avec Genève (juillet 139.)). Ces
deux dernières seulement furent renouvelées sans interruption jusqu'à la paix
de Vervins (1598).
Année 1594 93
Atque non modo conciones imo vero vSacrificia, si quis
me judice certare in hac palsestra velit, quamprimum
fieri poterit instituenda sunt, uti non tam animos demere
nobis quam addere suis artibus sentiat inimicus homo *. * Matt., xm, 38.
Verum ea in re magnam requiri video prudentiam, ut
nimirum ea expectetur conditio : si hac temporaria pace
diutius f rua mur.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
Je soutiens à quiconque voudra discuter avec moi sur cette affaire,
que non seulement les prédications sont nécessaires, mais encore
qu'il faut rétablir la célébration du saint Sacrifice le plus tôt qu'il se
pourra, afin que l'homme ennemi voie que par ses artifices il nous
donne du courage au lieu de nous l'enlever. Mais en cela, il faut user
d'une grande prudence dans l'attente de cette condition, à savoir :
si la paix temporaire dont nous jouissons sera durable.
XXXIV
A UN RELIGIEUX
(fragment inidit)
Octobre 1594 (i).
. . . que vous sçaves trop mieux comme Ton manie ces
affaires, et que l'affection et dévotion que vous y aves
vous y conseille asses. Mays seulement je vous rends
ainsy conte de mes pensers, lesquelz vous advoueres ou
rayeres comm'il vous playra.
Ce pendant je prieray Dieu pour vostre heureuse santé
et longue vie, vous suppliant très humblement me
(i) En rapprochant cette uiinutc de la précédente, on voit qu'elles ont été
écrites sur le même feuillet, de sorte que la date de l'une est déterminée par
celle de l'autre.
94 Lettres de saint François de Sales
continuer en Ihonneur que j'ay de vostre Révérende
Paternité, et lequel je prise tant, d'estre advoùé pour
Vostre très humble filz selon Dieu et
très obéissant serviteur.
Revu sur l'Autographe appartenant à Dom B. Mackey, O. S. B.
,/ XXXV
A MONSEIGNEUR CLAUDE DE GRANIER, ÉVÈQUE DE GENÈVE (O
Endurcissement des hérétiques. — Aveu des ministres
en faveur des missionnaires.
Fin octobre i 594 (2),
Monseigneur,
Je diray donq simplement a Vostre Seigneurie Illus-
trissime que l'opiniastreté de ce peuple est si grande,
qu'ilz ont derechef confirmé l'ordonnance publique que
personne n'ayt a revenir a nos prédications catholiques ;
et Ihors que nous croyions que plusieurs viendroyent
a nous , soit par curiosité , soit par quelque reste du
goust de l'ancienne religion, nous avons expérimenté
leur endurcissement commun par leurs mutuelles exhor-
tations. Et apportent pour excuse le mauvais traittement
qu'ilz recevroj^'ent des Bernois et Genevois, qui les trait-
teroj'ent comme des déserteurs de leur créance, s'ilz les
( I ) Claude de Granier, fils d'un gentilhomme de la cour du duc de Nemours,
naquit à Yenne (1348), au diocèse de Belley ; il prit l'habit au monastère de
Talloires, de l'Ordre de Saint-Benoît, et devint prieur de cette maison à l'âge
de quinze ans. Après avoir travaillé à la réforme de ses religieux, il fut nommé
Evéque de Genève (1579), et gouverna ce diocèse avec autant de sagesse que
de piété. M*'' de Granier mourut le 17 septembre i6oj, heureux de déposer
sa crosse épiscopale entre les mains de saint François de Sales.
(a) Bien que quelques historiens avancent que cette lettre a été écrite
en 1393, des preuves tirées du Procès de Canonisation de saint François de
Sales démontrent qu'elle remonte à une époque antérieure et permettent
d'en déterminer approximatircment la date.
Année 1594 99
voyoyent seulement venir a nous d'autre façon qu'avec j
des injures a la bouche ou des pierres a la main. Et non I
seulement il faut que nous ostions l'heresie, mais tout
premièrement l'amour du siècle.
Dans les discours familiers, les ministres mesmes ont 1
confessé que nous tirions de très bonnes conclusions des
Saintes Escritures touchant nostre foy, mesme sur le
très aucfuste 31istere de l'autel * : les autres confessent la * Cf. Serm. xxvi,
, , . . , .., tom. Vlihui. Edit.
mesme chose, et plusieurs viendroyent a nous s ilz
n'estoyent empeschés par ceste trop grande crainte du
monde, ^lais, .^lonseigneur, nous espérons avec patience
que ce fort armé qui garde sa mayson sera chassé
par îLU plus fort que luy*, qui est Nostre Seigneur * Luca», xi, 21, 2a.
Jésus Christ. Voyla Testât de nos affaires
Revu sur le texte inséré dans un ancien Manuscrit de l'Année Sainte
de la Visitation, conservé au Monastère d'Annecy.
XXXVI
AU SENATEUR ANTOINE FAVRE
(inédite)
Heureux présages pour le succès de la mission du Chablais.
Evian, 2 novembre 1594.
Nunc demum mihi de rébus Tononiensibus bene spe-
rare licet, quod te scire par est, Frater suavissime, cum me
nudiustertius ex eis quidam tanto [obsequio] prosecutus
fuerit quanto nihil jucundius nihil gratius, immutata
Aujourd'hui enfin il m'est permis de bien augurer des affaires de
Thonon, et je dois vous faire savoir, très aimable Frère, qu'avant-
hier l'un de ces messieurs m'a témoigné tant de bienveillance et
d'amabilité qu'il ne se peut rien dire de plus. Ils ont donc en partie
g6 Lettres de saint François de Sales
jam ex parte eorum lege qua cautum fuerat uti ne
mecum non beneficiis modo, sed ne quidem verbis age-
rent. Bonum dubio procul omen, si ex uno omnia sunt
ex veteri proverbio cognoscenda. Tuas nimirum litteras
Tononienses quidam attulerant : et quidnam prsestantius,
quaeso, quo mihi munere ingentes erga eos animos addi-
derunt ? Adeo nempe alterum te esse me comperio, ut
sine te horum hominum colloquiis uti minime possim.
Exigebant tuae illse litterae uti quse de Rolandi nostrilO
rébus scriberem. Verum prioribus id jam actum est, et
inter Sanctorum Omnium et Fidelium Defunctorum sacra
solemnia vix mihi otium suppetit tecum colloquendi
nisi nobilis hic vir Blonnayus ( = ) in aliam horam disces-
sum référât. Alioquin et D. Guichardo (3) ut admodum
changé de dessein, car ils s'étaient fait une loi non seulement de
ne point me rendre de bons offices, mais de ne pas même m'adresser
la parole. Voilà qui est de bon augure, sans doute, si d'après le
vieux proverbe, par un individu on peut juger de tous. Quelques
Thononais avaient donc apporté votre lettre : je vous le demande,
pouvait-il y avoir rien de plus efficace que ce présent qui relevait
mon courage pour aller à eux? En effet, je me trouve tellement devenu
un autre vous-même, que sans vous je ne pourrais traiter avec ces
hommes.
Vous me demandiez de vous écrire au sujet des affaires de notre
Rolland (i), mais je l'ai déjà fait. D'ailleurs, la solennité des fêtes
de la Toussaint et des Fidèles Trépassés me laisse à peine le loisir
de m'entretenir avec vous, à moins que ce noble M. de Blonay (2)
ne remette son départ à une autre heure. S'il m'eût été possible,
j'aurais écrit aussi à M. Guichard (3), comme vous me l'avez
( i) Une lettre du sénateur Favre, en date du 31 octobre i59.<, prouve qu'il
s'agit ici de Denis de Rolland de Versonnex, qui avait reçu les Ordres mineurs
le jour où saint François de Sales fut élevé au diaconat (18 septembre 1593).
Ordonné prêtre le 17 décembre 1594, Rolland dut être nommé, en ce même
mois, chanoine de Saint-Pierre de Genève. Il mourut en juin 1610.
( a ) La famille de Blonay était très nombreuse à cette époque, et plusieurs de
ses membres entretenaient de fréquentes relations avec saint François de Sales.
(3) Claude Guichard, seigneur d'Arandas et de Tenay, natif de Saint-
Rambert (Bugey), fonda dans cette ville le collège du Saint-Esprit. Appelé à
Chambéry par Charles-Emmanuel I*^"", il fut nommé historiographe de ce
Année 1594 97
monuisti dedissem, moxque dabo, si tamen receperis te
antea bona fide facturum ut et me scripsisse noverit, et
tam maie quam soleo nesciat ; sic enim fiet ut me dili-
gentem sui cultorem agnoscat, tam incultum non omnino
existimet. Bene vale.
Aquiani, 4 non. Novembris 1594.
Revu sur le texte inséré dans le P'' Procès de Canonisation.
recommandé, et je le ferai au plus tôt, pourvu qu'auparavant vous
vous engagiez de bonne foi à l'assurer que j'ai écrit, et à lui laisser
ignorer que j'ai l'habitude d'écrire si mal. Il connaîtra par là combien
je désire l'honorer, et ne me jugera pas tout à fait inculte. Adieu.
Evian, le 2 novembre 1594.
prince en 1583, secrétaire d'Etat, maitre des requêtes, puis référendaire ordi-
naire du duc de Savoie et grand référendaire du prince de Piémont en 1398.
Delbene, Evêque d'Albi, lui dédia un de ses livres. Il mourut le is mai 1607.
Entre plusieurs autres ouvrages en prose et en vers, Guichard publia
l'opuscule suivant : Agréables nouvelles h fous bons Catholiques de la conver-
sion du duché de Chablais. A Chanibery, chez Claude Pomar, 1398.
XXXVII
AU M Ê M E
( MIKUTE )
Témoignages d'estime et de reconnaissance pour le P. Chérubin.
Envoi de plusieurs lettres. — Premiers fruits des prédications.
Forteresse des Alliiiges, milieu de novembre 1594.
...(') Dum de pâtre et compatre [mater] cogitabit, prolem
etiam patri pariter et compatri [similem] efficiat ; sois
... (i) Tandis que [la mère] pensera au père et au parrain, la res-
semblance avec tous les deux se produira chez l'enfant, car vous savez
(i) Voir à l'Appendice les lettres d'Antoine Favre en date du 31 octobre et
du 3 décembre 1594.
Lettres I 7
98 Lettres de saint François de Sales
enim imaginationem facere casum. Verum iis rébus tuum
erit curam providere.
Venio ad posteriores, quse Patris Cherubini nostri(i)
praeclaram de sua mei recordatione testificationem profe-
rebant. Ego quidem ejus erga me amorem eo jucundius
et gratius praestantiorem esse existimo quod in eo me
tecum conjungat. Sane vir est hic noster in Christo pater,
qui pro sua in Deum ac eos qui sunt Dei charitate
omnem omnium mereatur observantiam, et nonnisi ab
que l'imagination fait son œuvre. Mais ces choses-là sont de votre
ressort.
Je viens à votre dernière lettre qui m'apportait un témoignage très
manifeste du souvenir que me conserve notre P. Chérubin (O. Pour
moi, j'estime d'autant plus précieuse son affection si aimable et si
bienfaisante qu'il me fait partager cet avantage avec vous. Cet
homme est vraiment notre père en Jésus-Christ ; sa charité envers
Dieu et envers ceux qui sont à Dieu lui donne droit à la vénération
de tous, et il ne peut être aimé dignement que par des hommes qui
(i) Le p. Chérubia (voir note (i), p. 52) naquit à Saint-Jean de Maurienne
le 34 mars 1566, et fit profession chez les Capucins de Gênes, le 8 sep-
tembre 1584. Après avoir obtenu à Avignon le grade de docteur en théologie,
il passa quelque temps à Lyon, où il s'acquit une sorte de célébrité oratoire,
et fut attaché ensuite au couvent de Montmélian. Appelé à évangéliser les
environs de Genève, il fixa sa résidence à Annemasse (janvier i^Ç?), d'où
M»'' de Granier l'envoya solliciter, en faveur de la mission du Chablais, la
protection du duc de Savoie, auprès duquel l'humble Franciscain jouissait
d'un grand crédit.
Saint François de Sales avait commencé sa mission depuis plus de trois
ans, lorsque le jeune Religieux lui fut donné pour auxiliaire (novembre 1597).
Prédications véhémentes, conférences avec les ministres hérétiques, pompes
extérieures données au culte, fatigues de tout genre supportées dans l'exercice
des fonctions sacerdotales : rien ne put épuiser le zèle de l'intrépide mission-
naire ; mais sa santé s'altéra, et, atteint d'une grave maladie, il fut obligé de
quitter le Chablais dès les premiers mois de 1599 pour n'y revenir qu'en
1603, à l'occasion du grand Jubilé. On le retrouve à Rome en 1600 et 1601, avec
charge de négocier les questions relatives à la fondation de la Sainte-Maison
de Tlionon pour laquelle il travailla beaucoup encore dans la suite.
Les prédications du P. Chérubin, pendant les dernières années de sa vie,
contribuèrent efficacement i maintenir la foi dans le Valais, menacé de
l'invasion du protestantisme. II mourut à Turin le 20 juillet 1610, en réputa-
tion de sainteté.
Année 1594 99
nostri simillimis amatoribus satis amari possit. Has
meas ad eum litteras cum aliis ad Guichardum nostrum,
Girardum et Praesulem Albigensem commendatas habeas
velim ; et a me quamprimum récentes expectes, cum de
nostra hac provincia et re Chri.stiana conscribam. Lœ-
tiores enim fructus in dies allatura mihi videtur verbi
haec divini pluvia, quod ubi paulo pressius deprehendam,
non committam quin te, qui rem tantopere consilio, auc-
toritate et opéra promovisti [certiorem faciam].
Intérim, bene vale, et Christum tibi mihique in dies
magis ac magis concilia. Sororem meam et commatrem
nepotesque omnes salutatos omnino velim.
Ex Allingiana (0.
aiment comme nous. Permettez-moi de vous confier une lettre pour
lui, ainsi que d'autres pour notre Guichard, pour Girard et pour
l'Evêque d'Albi. Je ne tarderai pas à vous écrire de nouveau
pour vous parler de ce qui se passe ici et des affaires de la religion.
Il me semble que cette divine rosée de la parole de Dieu va porter
chaque jour de plus heureux fruits. Lorsque je l'aurai mieux constaté,
je ne manquerai pas de vous le faire savoir, à vous qui avez employé
votre conseil , votre autorité , votre action pour favoriser cette
entreprise.
En attendant, portez-vous bien, et que le Christ nous soit de plus
en plus propice à vous et à moi. Veuillez saluer de ma part ma sœur
et commère et tous mes neveux.
De la forteresse des Allinges ( ').
( I ) La forteresse des Alliages, assise sur un rocher à pic à peu de distance
de Thonon , comprenait dans son enceinte deux châteaux construits à des
époques différentes. C'était, en 1591, la seule place forte du Chablais.
100 Lettres de saint François de Sales
XXXVIII
A MONSEIGNEUR ALPHONSE DELBENE, ÉVÊQUE d'aLBI (O
(minute)
Protestations de respect et de dévouement.
Forteresse des Allinges, milieu de novembre 1594.
Quse mihi causa fuit hactenus quominus tuam huma-
nitatem, gravissimis semper studiis vel occupationibus
intentam, litteris aliquot meis provocarem, observantia
nimirum summa ac praecipua qua te veneror ac suspicio,
ea me nunc ad scribendum peculiari jure compellit.
Cum enim te discessum ad Albienses tuos parare audi-
verim, non debui committere quin, sin minus sacras illas
Le très grand respect et la profonde vénération dont je suis
pénétré à votre égard m'ont seuls empêché jusqu'à présent de vous
prévenir par mes lettres, sachant Votre Seigneurie toujours appliquée
à des études ou à des occupations très importantes. La même cause
me presse à bon droit de vous écrire aujourd'hui, j'ai entendu dire en
effet que vous vous préparez à votre départ pour Albi, et, s'il ne m'est
pas possible d'aller, comme il conviendrait, baiser religieusement
(i) Alphonse Delbene (ou Dsl Bene, d'Elbèae, etc.) naquit à Lyon vers
1538, d'une noble famille florentine que les persécutions des Médicis avaient
obligée à s'expatrier. Il reçut les grades de docteur en droit, après avoir étudié
à Bourges sous Cujas, et devint, en 1550, Abbé commendataire d'Haute-
combe (voir note (2), p. 76). Sénateur en 1574, historiographe et conseiller
d'Etat, il obtint encore de Charles-Emmanuel P'' (1594^ pour lui et pour les
Abbés ses successeurs, le titre de sénateur-né du souverain Sénat de Savoie.
Delbene avait été nommé Evêque d'Albi par Henri III (1588) et sacré à Hau-
tecombe par M»"^ de Granier (1589). Accusé quelques années plus tard d'avoir
entretenu de secrètes intelligences avec les ennemis du duc de Savoie, il
perdit les bonnes grâces de ce prince, qui exigea la saisie des revenus de
l'abbaye et porta plainte au Pape. Bien que réconcilié dans la suite avec son
Année 1594 'O'
tuas manus religiose coram uti par est exosculari queam,
saltem et veniam a te peterem simul ac, levi licet signi-
ficatione, testatum facerem me immortali recordatione
tuam illam qua me quondam complexus es benevolentiam
animo servaturum, tuaeque Paternitatis Reverendissimae
perpetuum ac humillimum cultorem futurum.
Quod cum ita sit, tuae erit humanitatis ac amplitudinis,
mihi inter tuos ita locum aliquem fixum firmumque
attribuere, ut me non minus unquam tuum existimare
possis quam esse possim, et quando tuorum AUobrogum
numerum inire placuerit, ego ultimus in mentem tandem
tibi veniam, qui si propensionem ac erga te observantiam
animorum tam probe perspectam haberes quam mérita,
inter primos facile apparerem.
Quod reliquum est, nobis tuisque omnibus Albigensi-
bus ac reipublicœ litterarise Christum quam diutissime
vos mains sacrées, il est au moins de mon devoir de vous en de-
mander pardon, et je ne voudrais pas y manquer. Ce faible témoi-
gnage de gratitude vous prouvera l'impérissable souvenir que je
garde de la bienveillance dont vous m'avez précédemment honoré;
il vous montrera également mon désir d'être à jamais le très humble
serviteur de Votre Révérendissime Paternité.
Les choses étant ainsi, il appartiendra à votre bonté et à votre
magnanimité, Monseigneur, de m'attribuer entre ceux qui vous sont
dévoués une place si sûre et si stable que je ne puisse jamais être
moins vôtre que vous n'aurez daigné me croire. En conséquence,
lorsqu'il vous plaira de faire le dénombrement de vos AUobroges, je
me présenterai enfin le dernier à votre mémoire ; je serai d'ailleurs
facilement des premiers si vous voulez bien prendre en considération
non pas le mérite personnel, mais l'estime et lalTection dont tous ces
cœurs vous entourent.
Pour nous, unissant nos prières à celles de tous vos Albigeois et
souverain, l'Evêque d'Albi ne séjourn.i plus en Savoie et il échangea, en 1603,
son abbaye dHautecombe contre celle de Mézières (Bourgogne). Il mourut le
8 février 160S et fut inhumé dans son église cathédrale d'Albi.
Alphonse Delbene occupe un rang distingué parmi les littérateurs. Ronsard
lui dédia son Art poétique; Juste Lipse, son Reauil d'inscriptions. Lui-même
composa plusieurs ouvrages historiques qui méritent d'être consultes.
I02 Lettres de saint François de Sales
habeas servatorem, ac x^lbigenses tuos ita ad Christia-
nam disciplinam composites ut ex tua praesentia tantum
percipiant fructum ac voluptatem quanta nos ex absentia
et dolorem et jacturam.
Ex arce Allingiana.
de ceux qui cultivent les lettres, nous demanderons au Seigneur de
vous conserver longues années et de rendre vos diocésains parfaite-
ment soumis au joug de la religion. Ils retireront ainsi de votre
présence autant de bien et de plaisir que votre absence nous causera
de douleur.
De la forteresse des Allinares.
XXXIX
AU SÉNATEUR ANTOINE FAVRE
(fragment)
Prédications de TAvent.
LThonon,] 27 novembre 1594 (i).
Dieu me faict icy entreprendre une besoigne digne de
la seule vertu de sa droitte. Je commence aujourd'huy
a prescher l'A vent a quatre ou cinq petites personnes ;
tout le reste ignore malicieusement que veut dire Avent,
et ce tems si auguste dans l'Eglise est en opprobre et
(i) Un ancien Manuscrit de VAnne'^ Sainte de la Visitation, qui seul nous
a conservé ce fragment, le fait précéder d'une indication ainsi conçue : « En
l'année 1594, notre Père saint François de Sales écrivit, de Chablais a Chani-
bery, au sénateur le grand Anthoine Favre, l'honneur et la gloire de la
jurisprudence, une grande lettre en latin, ou entre autres choses, il luy dit les
mots suivants qu'on nous a traduits : Dieu me faict icy, » etc.
Comme les prédications commencent le i'^'" Dimanche de l'Avent, la seconde
phrase de ce fragment en indique la date.
Année 1594 * **^3
en dérision parmy ces infidelles. L orayson, 1 aumosne et
le jeusne sont les trois parties qui composent le cordon
difficilement rompu par l'ennemi*; nous allons, avec • Ecdes., .v, i..
la' divine grâce, essayer den lier cest adversaire
XL
A UN CURIAL (0
(minute)
Réponse obligeante à la demande de quelque service.
8 décembre 1594-
Monsieur le Curial,
Celuy auquel vous voulies que je parlasse pour vous
n'estant icy , je n'ay peu f ayre ce dont vous m'avies escrit ;
mays en toute sorte d'occasion vous me trouvères tous-
jours prompt a vous servir. Je prie Dieu quil vous doint
parfaitte santé et sa grâce, et me recommande bien fort
a vostre bonne grâce, de Madame la curiale et de vostre
beaufilz et fille, attendant de bien tost aller voir mes
père et mère et leur
Le 8 décembre 94.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. le Chanoine Collonges,
aumônier de la Visitation de Chambery.
(I We Curial était à cette époque un officier de justice attaché à la curie
qu'entretenaient les seigneurs jouissant de droits judiciaires sur leurs vassaux
Il cumulait les attributions réparties aujourd'hui entre les notaires, les greffiers
et les juges de paix.
104 Lettres de saint François de Sales
XLI
AU PÈRE AXTOINE POSSEVIN, DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS (0
(minute)
Assurance de respectueux attachement. — Le Saint parle de son ordination
et de ses débuts dans le ministère.
[Entre le 8 et le 20 décembre 1594.]
(a) Monsieur [mon Révérend Père],
Je fays tant d'estat de Ihonneur que j'ay eu a Padoue
d'estre receu en roole avec vos enfans spirituelz, que je
penserois avoir faict une perte signalée si j'estois rayé
de ce nombre. Pour me nourrir en vostre memoyre [et]
(a) Mons'' mon R. P.
Les faveurs et l'amitié que j'ay receu si abondamment de vous a Padoiie,
desquelles je nourris tousjours une fraiche et vive memoyre, m'ont faict
tousjours désirer de sçavoir de vostre santé, fet me persuadent que vous seras
ayse de sçavoir que je suys devenu.. .J de laquelle ayant esté asseuré par ceux
qui viennent de pardela et encores, il y a quelques moj's, par le Père Jean
de Lorini, j'ay pris asseurance en vostre bonté que vous recevries contente-
ment de sçavoir de mes nouvelles comme d'un de vos humbles enfans; qui
m'a faict donner ceste lettre a ce mien amy pour la vous prassenter, afin que...
(i) Antoine Possevin, né à Mantoue en 1534, entra dans la Société à
Rome en 15^9. Après une mission très fructueuse parmi les hérétiques des
vallées du Piémont, il fut nommé Recteur à Avignon, puis à Lyon, et prêcha
avec succès dans les plus grandes villes de France. Son dévouement à l'Eglise
et son génie pour les négociations diplomatiques lui méritèrent la confiance
de Grégoire XIII, qui l'envoya en qualité de nonce dans diverses contrées
de l'Europe. Il détermina le roi de Suède, Jean III, à abjurer le luthéranisme,
obtint un traité de paix entre la Russie et la Pologne (15 janvier 158a),
s'efforça de réunir les Grecs schisraatiques à l'Eglise romaine et convertit
grand nombre d'hérétiques. Revenu à Padoue en 1^87, il y composa son grand
ouvrage, la Bibliofheca Seîeeta, qui fut imprimé aux frais du Pape Clément VIII.
C'est dans cette ville que François de Sales, alors étudiant, connut le célèbre
Jésuite et se plaça sous sa direction. Possevin mourut à Ferrare le 36 fé-
vrier 1611.
Année 1594 105
conserver ce bien pour moy, je vous ay voulu addresser
caste lettre comm'une humble requeste, pour vous sup-
plier m'entretenir tousjours i^) en la faveur laquelle une
foys vous m'avies accordée, n'ayant rien faict des lors qui
m'en puysse priver, sinon que ce fut d'avoir tant attendu
de vous escrire et salluer. En quoy, le peu d'asseurance
que j'avoys du lieu ou vous esties et le respect que je dois
a vos occupations me pourroit beaucoup excuser, puysque
je n'ay pas layssé de demander a toutes occasions de
vostre santé, tant quil y a quelques moys que j'en eus
des nouvelles par le P. Jean Lorrini(0. 31ays le seul
souvenir de vostre bonté m'en promet un total pardon.
Et au reste, pour vous rendre quelque conte du vostre
despuys que je suys de retour d'Italie, je me suys telle-
ment faict ecclésiastique que j'ay célébré Messe le jour
de saint Thomas l'Apostre dernier, en nostre église ca-
thédrale de Saint Pierre de Genève, ou je suj^s indigne
Praevost, qui est la première dignité après l'episcopale,
et, par le commandement de mon Evesque, des (c) demy
année en ça j'ay praesché icy et ailleurs parmi le diocaese
la parole de Dieu - ; en quoy je m'accuseroys bien fort de
témérité si l'obéissance ne m'en avoit osté le scrupule.
(b) tousjours — fau grade auquel...J
(c) des — ri'is js suys d'Esglise... un [an]... neuf moys...J
(i) Jeau de Lorini (ou de Lorigny), né à Avignon (isî9), entra au Collège
Romain le 20 octobre 1575 et fit S3S quatre vœux à Milan le 5 janvier 1^97.
Après avoir enseigné la philosophie à Rome, à Paris, à Milan, il était lecteur
en théologie dans cette dernière ville lorsque saint François de Sales l'invita
à venir en Chablais pour soutenir des conférences avec les ministres héré-
tiques (1597-1598). Le P. de Lorini fut pendant vingt-quatre ans au nombre des
censeurs de la Compagnie et théologien du Général. Il mourut à Dôle le
3Ô mars 1634, après avoir publié des commentaires de la plus haute valeur
sur les Psaumes et sur plusieurs autres livres de la Sainte Ecriture.
(a) La phrase qu'on vient de lire, et même tout l'ensemble de cette lettre,
prouverait qu'elle a été écrite dans les premiers mois de 1^94 (on sait que
saint François de Sales commença ses prédications en juin 1^93). Cependant
une preuve matérielle oblige à la placer vers la fin de l'année. Cette minute
étant écrite dans les marges et les interlignes de la précédente, datée de la
main du Saint, il est évident quelle est postérieure au moins de quelques
jours à celle-ci.
io6 Lettres de saint François de Sales
C'est ce que j'ay faict et que je fa5's encores le mieux que
je scay, vous portant bien souvent avec moy en imagi-
nation en chaire. Pleut a Dieu seulement que j'y portasse
quelque médiocrité de vos perfections pour le service
[de] sa divine Majesté, laquelle je prie continuer longue-
ment en santé Vostre Paternité, a laquelle baysant les
mains, je demeureray
très humble filz et serviteur.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. le Chanoine CoUonges,
aumônier de la Visitation de Chambéry.
ANNEE 159 5
XLII
AU SENATEUR ANTOINE FAVRE
(minutes inédites)
Commencement de la rédaction des Controverses.
Vers la fin de janvier 1595.
Et reipsa mihi nunc id faciendum est quod per jocum
dixeram, gallice scribendum est mihi, Frater. Nam cum
inter caenandum cognoverim Tovaysium (0 hune hac
ipsa nocte ad vos discessurum, non possum [hora] pro-
fecta (^) graviter hispanico more scribere. (^) Satis illud
quidem est superque, graviter me admodum et mo-
leste ferre recentem hune meum a te discessum ; post
suaves illos dies omnia deinceps mihi noctis instar esse
Je dois de fait maintenant écrire à la française, comme je vous
le disais dernièrement, mon Frère, par manière de plaisanterie,
car j'ai appris seulement pendant le souper que Thovex (0 doit
retourner vers vous cette nuit même. Je ne puis à une heure si
tardive écrire gravement à l'espagnole. C'est assez, et même
trop, de ressentir avec une peine très vive mon récent éloignement
de vous. Après ces jours délicieux, toutes choses sont pour moi
(a) hora profecta — ppost casnam et horis inopportunis...J
(b) scribere. — TSic ergo Icviter... satis enim fuerit... et vero Baro noster...J
( I ) La famille Thovex occupait à Chambéry un rang distingué. L'un de ses
membres était syndic de la ville en 1618 et i6i<).
io8 Lettres de saint François de Sales
videntur. Sic graviter ego sentio qui tam leviter scribo
Sperabam, mi Frater, ad te aliquid nunc rerum nos-
trarum transmittere ; verum satius, mutato consilio, duxi
ut expectarem donec aliquod possint corpus constituere,
quam ea membratim exponere (^1 ; neque vero sum adeo
diligens ut extra limina pedem adhuc posuerim, variis
aliis distentus occupationibus. Scripseram tamen nudius-
tertius litteras quas Tovaysio ad te perferendas darem ;
at ille, contra quam promiserat, non accepit. Mirum
ergo non fuerit si, quod per jocum nuper dixeram, nunc
reipsa gallice scribendum mihi sit ; cum enim Servetanus
noster (2) jam discedat et de hsereticorum hujus temporis
instabilitate Meditationes animo volvam, vix quidem fieri
posse reor ut graviter hispanico more scribere possim.
Sentio tamen graviter et moleste recentem hune meum
comme la nuit. Aussi je sens péniblement, moi qui écris si légèrement
J'espérais, mon Frère, vous envoyer dés maintenant quelque chose
de notre travail ; mais, changeant d'avis, j'ai résolu d'attendre qu'il
formât pour ainsi dire un corps, plutôt que de vous le soumettre
pièce à pièce (0. Aussi bien suis-je si peu diligent que, partagé entre
diverses autres occupations , je n'ai pas même bien commencé.
Je vous avais cependant écrit avant-hier une lettre que Thovex
devait vous porter ; mais contre sa promesse il n'est pas venu la
prendre. Vous ne vous étonnerez donc pas si, comme je vous le
disais récemment par manière de plaisanterie, je dois maintenant
de fait écrire à la française. Notre ami de la Servette (2) est sur le
point de partir ; d'autre part je roule en mon esprit des Méditations
sur les mutations des hérétiques de notre temps. Je ne vois donc pas
la possibilité d'écrire gravement à l'espagnole. Ce que je ressens, ce
qui me peine gravement c'est mon récent éloignement de vous.
(i) Il s'agit du Traité des Controverses que notre Saint commença vers
cette époque. (Voir la Préface de cet ouvrage, tome l'" de notre Edition.)
(î ) Probablement Pierre d'Arloz, seigneur de la Servette, de Leyment, etc.,
alors lieutenant des Allinges. Ce gentilhomme durant les guerres de 1589-1594,
avait armé à ses frais une compagnie de deux cents hommes pour le service
du duc de Savoie. Les seigneurs de la Servette ne doivent pas être confondus
avec les d'AUinges, seigneurs de Servette, qui habitaient le Chablais.
Année 1595 109
a te discessum. Sed tu, mi Frater, inter tuam fabram
Benedictam clarissimam, tuosque omnes fabros et fabri-
tios, bene vale et me quod facis ama.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. l'abbé Paul Waille, à Poligny.
Qpant à vous, mon Frère, portez-vous bien en la compagnie de votre
illustre artisane Benoîte et de tous vos artisans grands et petits, et
aimez-moi comme vous le faites.
XLIII
AU MÊME
(minute inédite)
Ingénieuses excuses pour un silence trop prolongé.
Forteresse des Allinges, février 1595.
Tantae me sane pudet tarditatis, qui suavissimis illis
litteris quibus meas expectabas hactenus non satisfece-
rim. At vero in tanta temporis opportunitate, moram
hanc culpa purgare non aliter difficile fuit apud te,
virum tam religiosum, quam si agnoscere culpam nolim.
Hoc enim pœnitentiae solemni tempore, etiamque com-
mittendo in te peccassem, dimitteres ; ergo veniam omis-
sorum impetrare facile posse me extimavi. Mora est,
fateor, et quae culpa non careat ; ea tamen ex parte
Je suis très confus d'avoir tant tardé jusqu'ici de répondre à votre
aimable lettre par laquelle vous réclamiez la mienne. Mais dans ce
temps vraiment favorable, m'adressant à un homme si pieux, il n'y
aurait de difficulté à obtenir le pardon de ma faute en ce retard que
si je refusais de l'avouer. En effet, j'ai pensé que dans ce temps
solennel de pénitence où vous me remettriez même les péchés commis
contre vous, j'obtiendrais facilement grâce pour les omissions. Le
retard existe, je le confesse, et il n'est pas sans coulpe ; mais voici
une raison qui m'excuse un peu. Vos lettres me sont si agréables
Bonifac, § 6.
lîo Lettres de saint François de Sales
excusationem aliquam habeo, quod me tantopere tuas
délectant litterse, ut quamvis continua confractatione
detrimentum charta sentiat, novam tamen mihi quotidie
suggérant voluptatem qua mihi récentes subinde videan-
tur esse, maxime cum nullam temporis habeant notam.
Quod autem inter milites pacem dilexisti, strenuum te
• Ep. cLxxxix, ad prœstas militem ; sic enim monet Augustinus * : Uspiam
« pacem habere débet voluntas, bellum nécessitas. » Cum
ego conditiones quaslibet a te ultro recipere sum paratus,
ignosce.
Vale in Christo, vir clarissime.
Revu sur le texte inséré dans le P"" Procès de Canonisation.
que, bien que le papier en soit tout endommagé par un continuel
maniement, je trouve chaque jour tant de charme à les relire qu'elles
me paraissent toujours récentes, surtout lorsqu'elles ne sont pas
datées. En somme, parce que vous avez aimé la paix au milieu des
guerriers, vous vous montrez bon soldat. C'est ce qu'enseigne saint
Augustin : « Nous devons vouloir la paix toujours, et la guerre seu-
lement quand elle est nécessaire. » Puisque me voilà prêt à recevoir
toutes les conditions que vous voudrez m'imposcr, oubliez tout.
Adieu dans le Christ, très illustre Ami.
XLIV
AU IMÈJME
(minute inédite)
Difficultés qu'offre la rédaction des Controverses.
Forteresse des Allinges, milieu de février 1595.
Scribam nunc brevius, mi Fratcr, quam ingens illa
lataque voluptas quam ex tuis ultimis litteris sensi
J'écrirai maintenant, mon Frère, plus brièvement que ne le de-
manderait le grand et immense plaisir que m'a fait éprouver votre
Année 1595 111
exposcat (=»). Ergo quod optas, priores mei in haeredcos
operis paginas videre, ego quoque summopere desidero,
nec prius qua par est alacritate in hostium cuneos signa
inferam quam tu consilium meum ac ordinem modum-
que certandi probaveris. Verum operis [gravitatem per-
cipio], nec eas habeo copias auxiliares quarum ope fretus
negotium premere possim, libris careo mihi necessariis,
hoc est, homini memoria exiguam admodum servanti
rerum supellectilem.
Incœpi tamen, et ita incœpi ut paulo difficilius sit
quam credideram ad exitum rem deducere ; (( dulce » bel-
lum « inexpertis *. » Quamprimum commode fieri poterit 'Cf. Horat.,Epist.,
nonnulla videbis. Quod reliquum est Quadragesimae vers. Sô!^'^*' *^'"'
Tononi transigam (') ; id et re mea est. Guichardo nostro
tandem conscientia adactus litteras dedi, idque raptim,
qui coUoquiis de re Christiana et concioni cœteram diem
dernière lettre. Vous désirez voir les premières pages de mon
ouvrage contre les hérétiques ; je le désire aussi extrêmement, et je
ne porterai pas mes enseignes dans les rangs de l'ennemi avec toute
l'ardeur que mérite cette cause , avant que vous ayez approuvé
mon dessein, le plan de la bataille et la tactique adoptée. Mais je
sens la difficulté de l'entreprise, et de plus, il me manque les troupes
auxiliaires dont j'aurais besoin : je veux dire les livres nécessaires
à un homme qui ne garde en sa mémoire qu'un très petit bagage
de connaissances.
J'ai cependant commencé, et commencé de telle façon qu'il sera
un peu plus difficile que je ne pensais de mener mon affaire à bonne
fin. La guerre « est douce à qui n'en a pas l'expérience. » Aussitôt
qu'il se pourra facilement faire, vous verrez quelque chose de mon
travail. Je vais passer à Thonon le reste du Carême (0 ; c'est ce qui
me parait être le meilleur. Pressé par ma conscience, j'ai enfin écrit
à notre Guichard, mais à la hâte, ayant employé la première partie
de la journée à des conférences sur la doctrine chrétienne et à un
(a) exposent — ex tuis serinonibus extremis, licet...
(i) Ce ne fut pas seulement pour le Carême, mais d'une manière dëfini-
tive , que le saint Apôtre s'installa à Tlionon. Voir ci-après, note (i),
p. 114.
112 Lettres de saint François de Sales
insumpsi. Sic enim te quid etiam singulis agam horis
scire vellem.
Bene vale, mi Frater.
Revu sur le texte inséré dans le I^'' Procès de Canonisation.
sermon. Je vous le dis parce que je voudrais que vous fussiez instruit
de ce que je fais à toute heure du jour.
Adieu, mon Frère.
XLV
AU MÊME { r
{iîibditb)
Détermination de lutter intrépidement contre l'hérésie.
Avis du P. Chérubin pour assurer le succès de la mission.
Thonon, 7 mars 1595.
Antonio Fabro, viro clarissimo, Franciscus De Sales
salutem dicit.
Incœperam jam tum ex tuo ad Sebusianos discessu
dolere, cum ex nota temporis cognovi te tune cum lit-
teras tuas accepi rediisse. Verebar enim ne charissimae
patriae miseriam corde tuo illo piissimo exceptam pauUo
Au très illustre Antoine Favre,
François de Sales présente ses salutations.
Je commençais à m'affliger de votre départ pour la Bresse, lorsque
j'ai vu, par la date de votre lettre, que vous étiez de retour au moment
où je la recevais. Je craignais en effet que, selon notre habitude de
ne regarder comme étranger à nous-mêmes rien de ce qui touche
Année 1595 113
durius, uti solemus qui nihil a nobis humani alienum
putavimus *, sustineres, videndo quam audiendo. • Terent., Heaut.,
Quod dum ita cogito, oculum in quemdam librum *^'" ' ^^^^^ '' '"'■
conjicio, cujus ea linea mihi primum occurrit : « Nemo
laeditur nisi a seipso. » O sententiam hisce temporibus
peropportunam et magno Chrisostomo dignam, cujus
homilia quaedam*, quod omnium optime nosti, clarissimo • Patroiog. Graeca,
hoc frontispicio illustris est. Enimvero, tam solemni °"' ' '^° ' '*''^'
admonitione me meamque omnem illam de te solicitu-
dinem immaturam dissolvi quam primum sensi, quo-
namque vento ii animi mei motus excitabantur. Noveram
te, mi Frater, rerum omnium mortalium et temporum
accurata observatione ac despectione, immortalium et
aeternitatis expectatione et amore, ejus qua te natura
donavit animi fortitudinis numéros omnes absolvisse ;
quibus praesidiis munitum ulla te harum rerum inferio-
rum mutatione laedi posse, inane sane fuit et debilis
ingenii commentum. Lœdebar ego a meipso, qui ideo
laedebar quod te laedi existimarem. Si quis enim unquam
utilitatis ex adversis capiendae modum cognoverit, si
l'humanité, votre cœur si tendre eût un peu plus de peine à suppor-
ter la vue des misères de notre chère patrie qu'à en entendre le récit.
Pendant que je suis dans ces pensées, mes yeux tombent sur un
livre dont je remarque tout d'abord cette première ligne : a Nul n'est
blessé que par soi-même. » O maxime bien propre à notre temps et
digne du grand Chrysostome, dont une certaine homéhe, vous le
savez mieux que personne, est illustrée par ce célèbre frontispice.
En présence d'un avertissement aussi solennel, j'ai senti s'évanouir
aussitôt toute la soUicitude prématurée qui avait d'abord agité mon
cœur à votre sujet. Je le savais, mon Frère : par l'observation atten-
tive et le mépris des choses périssables du temps, par l'attente et
l'amour des biens incorruptibles de l'éternité , vous avez porté
jusqu'au dernier degré de perfection cette force d'âme dont la nature
vous a gratifié. Supposer qu^, si bien protégé et défendu, vous
pouviez être blessé par quelque changement survenu dans les choses
d'ici-bas, ce ne pouvait être que vaine imagination d'un esprit faible.
J'étais donc blessé par moi-même, moi dont la blessure venait de ce
que je vous croyais blessé. Si quelqu'un a jamais su le moyen de
Lettres 1 8
114 Lettres de saint François de Sales
quis attrita et lacerata tempora resarcire unquam potue-
rit, id a te (senatore dicamne an veterano fabro ?) fuit
expectandum.
« Dabit Deus his quoque finem ;
•Virgil.,^aeis,l.I, ... et hcec olim meminisse iuvabit *, »
199,203.
Laedebar eg'o a meipso qui ideo laedebar quod tu quoque
laedi putarem, cum primos hos animorum motus ratione
antevertere fabri sit non t3'ronis.
Cœterum ad Tononienses tandem descendi (O ; hastam
morœ taedio excitatissimam hostis expectet. Cum enim ex
arce velut eminus impetitus conditiones justas neglexe-
rit, cominus nunc extremum impetum faciam ; potior est
numéro at nos causa. Hi in curribus et ht in equis,
* Ps. XIX, 8. nos antem in nomine Domine sperabimus * ; si tamen
inter rodomontia Davidis verba recte sequantur.
mettre à profit l'adversité, si quelqu'un a jamais pu remédier aux
ruines et aux désastres de son époque, c'est de vous (dois-je dire
sénateur ou bien artisan expérimenté ?) qu'il faut attendre cela.
a Dieu mettra encore un terme au malheur présent ;
... et un jour ce souvenir ne sera pas sans charmes. »
J'étais blessé par moi-même, moi qui l'étais parce que je vous croyais
aussi blessé ; c'est qu'il appartient non à un apprenti, mais à un
artisan de prévenir par la raison ces premiers mouvements de rame.
Enfin je suis descendu à Thonon ( i) ; que l'ennemi s'attende à une
lance très excitée par l'ennui du retard. Attaqué des hauteurs loin-
taines de ma citadelle, il a méprisé de justes conditions: maintenant
je lui livrerai de près le dernier assaut. 11 l'emporte par le nombre,
nous l'emportons par la cause. Ceux-ci se confient d.ms des chariots
et ceux-là dans des chevaux ; mais nous, c'est dans le nom du Seigneur que
nous espérerons, si toutefois les paroles de David peuvent être citées
au milieu de ces rodomontades.
(i) C'est donc bien en mars 1597, et non pas en juillet, comme quelques
historiens l'ont avancé, que notre Saint se fixa définitivement à Thonon. Il
accepta l'hospitalité que lui offrait Jeanne Barbier du Maney, veuve de
François du Foug ou du Faug, parent de la famille de Sales, chez qui il avait
un picd-à-tcrre dès le commencement de son séjour en Chablais.
Année 1595 115
Frequentioribus concionibus impedior quominus jus-
tam operam possim impendere Meditationibus nostris in
haereticos. Non sum nescius, mi Frater, quantopere te
meae litterse délectent ; id enim facile ex ea qua tuae me
vivissima afficiunt voluptate conjicio. Ouo fit, licet omnem
scribendi nimium idoneam arripiam occasionem, [nun-
quam tamen dixisse] et scripsisse sat est.
Accepi hodie litteras a R. P. Cherubino nostro, qui
inchoatum hoc opus promovendi sua industria et opéra
se summo desiderio teneri scribit, ac ita nos ad illud
hortatur, ut intérim si a primo, secundo vel tertio servo
ad nuptias invitati noluerint venire, quartus demum sit
advocandus qui compellat intrare *. Veniat ergo ipse qui * Lucse, xiv, 17-23.
omnium instar esse poterit, ac tum demum succédât
quartus. Non miror sane si tam frigido invitatore qualis
sum non reniant ; at si ab aliquot spectatissimis viris
accersiti venire récusent, ego vero tune in sententiam
P. Cherubini descendere non recusabo. At haec animi
gratia dicta sint, cum ego, nec vi uUa ingenii neque
Des prédications plus nombreuses m'empêchent de donner à nos
Méditations contre les hérétiques toute l'attention qu'il faudrait. Je
n'ignore pas, mon Frère, combien mes lettres vous sont agréables;
je le devine en effet facilement, puisque les vôtres me causent un
si vif plaisir. D'où il suit que, nonobstant mon grand empressement
à saisir toute occasion favorable d'écrire, |je ne crois jamais] avoir
assez écrit.
J'ai reçu aujourd'hui une lettre de notre R. P. Chérubin. 11 m'écrit
qu'il a un très ardent désir de donner à l'œuvre commencée ici une
plus grande impulsion par son industrie et son action personnelles, et
voici ce qu'il nous recommande : Si ceux qui sont conviés à la noce
refusent l'invitation d'un premier, d'un deuxième, d'un troisième
serviteur, il faut en appeler un quatrième qui les force à entrer. Qu'il
vienne donc lui-même, qui vaudra tous les autres ensemble, et qu'un
quatrième lui succède enfin. Je ne m'étonne pas qu'ils refusent de
venir sur l'invitation d'un homme aussi froid que je le suis ; mais s'ils
refusaient encore après avoir été appelés par des hommes qui ont
bien fait leurs preuves, alors je n'hésiterais pas à adopter le sentiment
du P. Chérubin. Ceci soit dit par plaisanterie, car ce n'est pas en
ii6 Lettres de saint François de Sales
aliqua scientia sed patientia fretus, in hanc arenam
venerim : Expecta, reexpecta, manda, remanda, uti-
•Cap.xxvm, 10, 13. nam, quod sequitur apud Isaiam *, non vadant et
cadant retrorsum et confringantur.
Cœterum, velim a te scire quonam [modo] latine expri-
mere possim commissaire des guerres ; et num pro-
ciirator Principis idem sit quod procurator fisci ? vel
enim id antea numquam scivi, vel scivisse non memini.
Etsi enim reciiperatores Prcefecti et caetera id genus
nomina viderim, non tamen mihi constat num huic
sig'nificationi pressissime conveniant. Haec expecto.
Jamque vale, et Christum habeto propitium, cum
omnibus fabris et fabritiis.
Tononi, non. ^^lartii 95.
Revu sur le texte inséré dans le \^' Procès de Canonisation.
comptant sur la force de mon esprit, ni sur aucune science, mais sur
la patience, que je suis descendu dans l'arène. Attends, attends encore;
commande, commande encore ; et plaise au ciel, pour continuer à em-
ployer les paroles d'Isaïe, qu'ils ne se retirent pas, qu'ils ne tombent pas
en arrière et qu'ils ne se brisent.
Encore un mot : je voudrais apprendre de vous comment il faut
traduire en latin commissaire des guerres, et si procureur du Prince a la
même signification que procureur fiscal. Je n'ai jamais su cela, ou,
si je l'ai su, j'en ai perdu le souvenir. J'ai bien vu l'expression de
reciiperatores Prcefecti, et autres semblables, mais ces titres répondent-
ils très exactement à ce sens? J'attends votre réponse.
Adieu, et que le Christ vous soit propice, ainsi qu'à vos grands et
petits artisans.
Tlionon, le 7 mars 1595.
Année 1595 "7
y xLvi
A MONSIEUR DE BOISY SON PÈRE (i)
Courage invincible en face des dangers que présente la mission
du Chablais.
Thonon, milieu de mars 1595.
Monsieur mon très honnoré Père,
Si Roland (») estoit vostre filz aussi bien qu'il n'est
que vostre valet, il n'auroit pas eu la couardise de re-
culer pour un si petit choc que celuy ou il s'est trouvé,
( i) François, second fils de Jean III de Sales et de Claudine de Charan-
sonnay (6 janvier iij22-<j avril 1601) avait eu pour parrain le vicomte François
de Luxenibourg-Martigues, chez lequel il passa plusieurs années en qualité
de page. Il servit ensuite avec éclat dans les armées françaises « et se signala
en diverses occasions, principalement au siège de Landrecies. » La mort de
son père (1558; le rappela en Savoie. Il substitua au titre de seigneur de Nou-
velle, sous lequel il avait été connu jusque là, celui de seigneur de Boisy
lors de son mariage avec Françoise de Sionnaz, qui lui apporta cette terre en
dot. (Contrat du n mai 1560.) M. de Boisy devint gentilhomme ordinaire du
duc Emmanuel-Philibert, et fut chargé par ce prince de plusieurs négociations
importantes, notamment en Suisse (1563). Deux ans plus tard, il présida
l'assemblée générale de la noblesse de Savoie et de Faucigny réunie à Annecy.
Par suite d'acquisitions ou d'héritages il était devenu possesseur des terres
de La Thuille, Vallières, Groisy, Villaroget, etc.
« C'estoit, » au témoignage de son petit-fils, Charles-Auguste de Sales, « un
homme d'un tres-solide jugement et tres-subtil esprit; es choses grandes, d'une
pensée très-profonde et d'un courage tres-constant : esloigné de tout fast et
arrogance, tres-temperant en son vivre et en son parler; au reste, éloquent et
élégant à délices quand il en estoit temps, espargnant en sa personne, tres-
liberal envers les autres, très-juste et équitable envers ses subjects, qui secou-
roit abondamment de ses richesses les misères des pauvres, qui fuyoit les
hérésies comme la peste... Et tel à la vérité devoit estre le père d'un Sainct,
qui finit sa vie trcs-sainctement, de mesme qu'il l'avoit menée tres-devotement.»
(a) Georges Rolland (1576-16.(1), que nous retrouverons constamment
désormais aux cotés de saint François de Sales, entra à son service en 159s,
ainsi qu'il le dépose au Procès de Canonisation du Serviteur de Dieu, auquel,
durant la mission du Chablais, il servit tour à tour de laquais et de secrétaire.
Il entra dans la cléricature en i V)8, et fut ordonné prêtre en ibo',. La confiance
que ce jeune ecclésiastique inspirait à sou saint Maître était telle que celui-ci,
devenu Evéque (1602), le choisit pour économe de s.i maison, bien qu'il eût
à peine vingt-six ans,
Eo 1607, Rolland fut pourvu d'un canonical à la collégiale de Notre-Dame
ii8 Lettres de saint François de Sales
et n'en feroit pas le bruit d'une grande bataille. Nul ne
peut douter de la mauvaise volonté de nos adversaires ;
mays aussi vous faict on tort quand on doute de nostre
courage. Par la grâce de Dieu, nous sçavons que celuy
•Matt.,x,as;xxiv, qui perscvcrera sera sauvé*, et que Von ne donnera
^' la couronne qu'a celuy qui aura légitimement com-
•II Tim., II, 5. battu *, et que les momens de nos combatz et de nos
•Il Cor., IV, 17. tribulations opèrent le prix d'une gloire éternelle *.
Je vous supplie donq, mon Père, de ne point attribuer
ma persévérance a la desobeyssance, et de me regarder
tousjours comme
Vostre filz le plus respectueux.
Revu sur un ancien Manuscrit de Y Année Sainte de la Visitation,
conservé au Monastère d'Annecy.
d'Annecy, puis résigna ce bénéfice, et, après avoir pris le grade de docteur
en droit canon, devint chanoine du Chapitre de Saint-Pierre de Genève. Il
fut officiai sous l'épiscopat de Ms"" Jean-François de Sales, frère et successeur
du Saint, et plus tard, vicaire général.
Selon toute probabilité, le prétendu « si petit choc » mentionné dans cette
lettre n'est rien moins qu'une tentative d'assassinnt, à laquelle l'Apôtre du
Chablais échappa comme par miracle.
J XLVII
A MO.VSEIGNEUR CLAUDE DE GRANIER, ÉVÊQUE DE GENÈVE
Difficulté et lenteur des conversions.
[Thonon, vers le commencement d'avril 1595.]
Monseigneur,
Si vous desires de sçavoir, comme il est convenable
que vous le sçachies, ce que nous avons faict et ce que
nous fai.sons maintenant, vous le trouvères tout en la
lecture des Epistres de saint Paul. Je suis indigne d'estre
mis en comparayson avec luy, mais Nostre Seigneur
sçait fort bien se servir de nostre infirmité pour sa
Année 1595 "9
gloire*. Nous marchons, mais a la façon d'un malade 'Cf.ll Cor.,xn,9.
qui, après avoir quitté le lict, se trouve avoir perdu
lusage de ses piedz et, dans son infirme santé, ne sçait
s'il est plus sain que malade.
C'est la vérité, .Monseigneur, ceste province est toute
paralytique, et devant qu'elle puisse marcher, je pourray
bien penser au voyage de la vraye patrie. Une pieté
semblable a la vostre me peut obtenir ce que je ne me-
riteray jamais. Je suis pécheur *, et rien plus, indigne 'Lucae.v.s.
tout a faict des grâces que Dieu espanche sur moy. Vous
le sçaves plus que tous, .Monseigneur, aussi bien que
ceste vérité, que toutes choses me rendent plus fort de
jour en jour,
Vostre très humble et très obéissant filz et serviteur.
XLVIII
AU PÈRE ANTOINE POSSEVIN, DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS
(minute)
Témoignages de reconnaissance et désir d'une prochaine entrevue.
Etat des affaires religieuses en Chablais. — Nouvelles intimes.
Thonon, commencement d'avril 1595.
(a) Monsieur mon Révérend Père,
Je ne vous sçaurois dire, et ne sçay si vous sçauries
croire, combien j'ay receu de consolations de vostre let-
tre, car il y a long tems que je desirois infiniment d'estre
(a) Mons' mon R. P. Je loue infiniment la Majesté divine de la grâce
qu'elle me faict de vous pouvoir...
Mons^ mon R. P. Je loue infiniment Dieu de la grâce quil me faict main-
tenant et en ceste occasion de pouvoir jouir de vos consolations et vous
remercie treshumblement de la souvenance que vous aves de si peu de chose
que je suys.
120 Lettres de saint François de Sales
asseuré de vostre santé ; mays en avoir Tasseurance de
vous mesme, et de si près comme je l'ay eue, je ne l'eusse
pas osé si tost espérer. J'en loue Dieu mille fois, et vous
remercie très humblement de la souvenance que vous
daignés avoir de si peu de chose que je suys et du désir
que vous aves de me voir, que je ne pense pas pouvoir
estre plus grand que celuy que j'ay de jouir de vostre
praesence, quoy qu'on die que l'amitié descend plus viste-
ment qu'elle ne monte, i^) Et si ce n'estoit que je su3''s icy
engagé en un jeu ou qui la quitte la perd, je me serois
desja rendu par devers vous ; (<=) ce que je me prometz de
faire. Dieu aydant, plus tost que je ne vous puys pro-
mettre et non jamays si tost que je souhaitteroys. ('^) Si
ne veux je pas m'en remettre du tout a ce tems la de
vous dire de mes affaires spirituelz.
Monsieur le sénateur Favre, mon frère, vous aura bien
dict, a ce que je voys, comme je suys venu en ce païs,
voyci desja le septiesme mo3^s. Et toutefois, ayant
presché en ceste ville ordinairement toutes les festes, et
bien souvent encor parmi la semayne, je n'ay jamays
esté oùy des huguenotz que de tro3"s ou quatre qui sont
venuz au sermon quatre ou cinq fois, sinon a cachetés,
par les portes et fenestres, ou ilz viennent presque tous-
jours, et les principaux. Ce pendant je ne perds point
d'occasion de les accoster ; mays une partie ne veulent
pas entendre, l'autre partie s'excuse sur la fortune quilz
courroyent quand la trefve romproit avec Genève, silz
avoj^ent faict («) tant soit peu semblant de prendre goust
aux raysons catholiques ; qui les tient tellement en bride
quilz fuyent tant quilz peuvent ma conversation. Neant-
moins il y en a quelques uns qui sont desja du tout
(b) ne monte. — FMays c'est mon mal que je suys...J
(c) par devers vous;— si tascherai je dans dix ou douze jours d'avoir ce
bon heur, et ne sera jamais si tost que je souhaitte. Ce qu'attendant, puysquil
vous plnict...
(d)^^ souhailleroys. — fCe seroit des ores, si je n'estois engage en ce pnjs.,.
si ma liberté en cestc négociation ou je suys...J
(e) fayioyent
Année 1595 121
persuadés de la foy ; mays il ni a point de moyen de les
tirer a la confession d'icelle pendant l'incertitude de
l'événement de ceste trefve. C'est grand cas combien de
pouvoir a la commodité de ceste vie sur les hommes. Et
ne faut pas penser d'apporter aucun remède a cela, car
de leur apporter en jeu l'enfer, la damnation, ilz se
couvrent de la bonté de Dieu ; si on les presse, ilz vous
quittent tout court. Et cest'occasion seule me prive pour
quelques jours du bien que je recevray de vous ouyr,
parce que Son Altesse ayant un gentilhomme en Suysse
qui doit bien tost revenir, si par fortune il apportoyt
point de bonnes nouvelles, je pourrois, me trouvant icy,
fair'esclorre ceste foy secrette. Quand aux vilages il ni
aura pas grand peyne.
J'en dis trop, a vous qui sçaves bien de quell'estoufFe
doit estre la resolution qui faict abandonner le soucy des
biens de ce monde et de la famille. C'est tout ce qu'on
peut faire que de faire garder aux Catholiques naiz et
nourr3''s, leur foy a ce pris la. Au reste, tous les béné-
fices de ce pais sont es mains des séculiers, ou bien peu
s'en faut ; on attendoit que leurs Altesses en fissent
lascher quelques uns pour l'entretenement de quelques
praedicateurs, mays nous en sommes encor là, sans autre
ordre que celuy que le Gouverneur y a mis par provision.
Au reste, j'ay icy quelques parens et d'autres qui me
portent respect pour certaynes raysons particulières que
je ne puys pas resigner a un autre ; et c'est ce qui me
tient du tout engagé sur l'œuvre. Je m'y fascherois desja
beaucoup, si ce n'estoit l'espérance que j'ay de mieux ;
outre ce, que je sçay bien que le munier ne perd pas
tems quand il martelle la meule. Auss}'- seroit il bien
dommage qu'un autre employast icy sa peyne pour
néant, qui pourroit faire plus de fruict ailleurs que moy,
qui ne su)^s encor gueres bon pour préccher autre que les
murailles, comme je fais en ceste ville.
Voyla ce que pour cest'heure je puys escrire, me reser-
vant de vous dire le reste a bouche plus seurement et
bien tost, Dieu aydant, quand vous me favoriseres de vos
saints conscilz et instructions, qui ne seront jamays
122 Lettres de saint François de Sales
recueillys plus humblement et affectionnement que de
moy. Je prie Nostre Seigneur quil vous conserve lon-
guement pour son service, et demeure,
31onsieur mon Révérend Père,
Vostre très humble filz et serviteur.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Turin.
XLIX
AU SENATEUR ANTOINE FAVRE
Eloge d'un ouvrage du P. Possevin. — Motifs qui retardent la conversion de
Pierre Poncet. — Présents des PP. Possevin et Chérubin. — Encouragements
reçus d'un ami au sujet de la mission.
Thonon, 1 1 avril 1595.
Clarissimo Senatori Antonio Fabro, Fratri suavissimo,
Franciscus De Sales salutem dicit.
Dicamne, mi Frater, quanta animi voluptate tuas lit-
teras et clarissimi viri Antonii Possevini nudius tertius
exceperim ? Et cum alterius (^) seorsim recordatio sola
animum omnem delectare posset et soleret, quid quœso
non recordatio solum, sed utriusque erga me tantum
benevolentiae pignus efFecerit ? Epistola per se scribentis
Au très illustre Sénateur Antoine Favre, son très doux Frère,
François de Sales présente ses salutations.
Dirai-je, mon Frère, avec quelle joie intime j'ai reçu avant-hier
votre lettre et celle du très digne P. Antoine Possevin ? Si le seul
souvenir de l'un de vous séparément suffit d'ordinaire pour délecter
toute mon âme, qu'en a-t-il été, je vous le demande, non du souvenir
seulement, mais de ce gage précieux de la bienveillance de l'un et
(a) Et — quiJeni alterutrius [Voir ci-après, p. 124, (g).]
Année 1595 123
quaedam effigies manualis est; at in selecto illo libelle de
Poësî et Pictura ('', tam genuina est Possevini effigies,
ut non in messem alienam misent manum qui tam
eleganter et graphice seipsum repraesentarit et pinxerit;
ac nihilo fere minus se libello mihi prsesentem exhibeat
quam ipsissima praesentia tibi. Ob id tamen nollem (^)
existimes minori me teneri ejus in se videndi desiderio
quod ex libro viderim ; quin tam jucundo invitamento
ipse acuitur appetitus. Nihil est in hac mea oblectatione
durius (c) quam quod in id tempus ceciderit quo mihi, per
aliquot saltem dies, fixo pede in hoc agro sit perma-
nendum.
Nam tandem aliquando albescunt aliquot hujus tantée
messis spicae *, quœ si tempore tam incommodo non *Cf. Joan., iv, 35.
de l'autre à mon égard ? Une lettre est déjà comme un portrait de
celui qui écrit ; mais l'image de Possevin est si naturelle dans ce
charmant ouvrage J<; la Poésie et de la Peinture que, pour se représen-
ter et se peindre soi-même avec tant de grâce et d'exactitude, il n'a
certainement pas emprunté les pensées d'autrui. 11 ne m'est guère
moins présent par cet écrit qu'il ne vous l'est en réalité. N'allez
pas croire cependant que, pour l'avoir vu dans son livre, j'éprouve
un désir moins vif de le voir en personne ; au contraire, l'appétit
est aiguisé par un si agréable alléchement. Une seule chose m'est
pénible dans cette jouissance, c'est qu'elle m'est offerte en un temps
où je dois rester de pied ferme dans ce champ, au moins pour
quelques jours.
En effet, voici enfin que commencent à jaunir quelques épis de
cette grande moisson, et si, à cette époque malheureuse, je ne les
(b) est Possevini — imago et reprassentatio, ut nihilo fere minus illum
mihi, putem, exhibeat quam ipsamet prassîntia tibi, ut non in messem alie-
nam misisse manum videatur, qui dum de Poesi et Pictura tractât, tam
eleganter et graphice seipsum repraesentarit et pinxerit. Neque tamen propterea
velim
(c) viderim; — imo vero nihil in hac mea delectatione diffîcilius
( i) Antonii Possevini, S. J., Tr.iclatio de Poesi et Pictura elhnica, hum.ina
et fabulosa, collata ctim verj, honesta et sacra. Adjecta est in hac editione novus
index. Lugduni, apud Joannem Pillehotte, ad insigne Noniinis Jesu. mdxciiii.
Cet ouvrage n'est que la reproduction du Livre XVII' de la Bibliolheca Selecta.
124 Lettres de saint François de Sales
tempestive coUigantur, verendum est ne ventis maxime
Jerem., 1, 14. aquilonaribus (nam ab aquilone, ut est in Prophetia*,
omne mahun panditur) vehementius iis in terris flantibus,
rectae fidei grana disjiciantur. In iis est Petrus Poncetus (0
jurisconsultus doctus et vir bonus {^), qui cum jampridem
de prsesentia corporis Christi in Eucharistia recte sen-
tiret, etsi in quamplurimis turpissime erraret, a scola
Calviniana quae in tanto Sacramento falleret et fallere-
tur (e) abduci se facile passus est ; ad caulas vero Catho-
licas redire peculiare fuit negotium. Ouod tamen nunc
facere se debere fatetur ; sed rei familiaris perdendas (^)
timor, antiquorum amicorum objurgatio , induciarum
incerta g) duratio, currenti alioquin compedem injiciunt.
recueillais à temps, il serait à craindre que les grains de la vraie foi
ne fussent dispersés, surtout si le vent du nord venait à souffler plus
fort en ces quartiers ; car tout vtal vient tf» côté de l'aquilon, selon
l'expression du Propliète. Au nombre des épis dont je parle, est
Pierre Poncet (0, savant jurisconsulte et cœur droit. Malgré ses
erreurs grossières sur presque tous les points de notre croyance, il
avait depuis longtemps des idées justes sur la présence réelle du
corps de Jésus-Christ dans l'Eucharistie ; ainsi ce fut chose aisée de
le détacher delà secte de Calvin, laquelle se trompe et trompe les
autres en ce qui concerne cet auguste Sacrement. Mais il fut plus
difficile de le faire rentrer au bercail de l'Eglise. La crainte de la perte
de ses biens, les reproches des amis, l'incertitude de la durée des
trêves, tout se réunit pour entraver sa conversion. Si jamais on put
(d) In iis est — jurisconsultus non inJoctus, ac saltem omnium qui hic
sunt doctissimus Petrus Poncetus
(e) Sacramento — h;illucinaretur
(f) se debere — si velit ad laeta cœlestis montis pascua consceudere, fatetur.
Rei familiaris aniittendae
(g) [C'est assurément par suite d'un l.ifisits caîami que l'Autographe porte
certa, alors que le sens exige incerta. Ce dernier mot est celui qui se lit dans
une copie authentique de la minute (Turin, Archives de l'Etat) d'où sont
extraites les variantes données en regard du texte.]
( I ) L'avocat Pierre Poncet, natif de Gex. Bien que Charles-Auguste de Sales
fixe la date de l'abjuration de ce jurisconsulte au 30 août i^QS, il est évident,
d'après la correspondance de notre Saint, qu'il avait f.iit sa soumission à
l'Hgliïe dès le mois d'avril précédent,
Année 1595 125
{< Per calcatum perge patrem, (h) et ad Crucis vexillum
evola, » Beati Hieronymi sententia*, si unquam alibi, hic 'Epist-xir, ad He-
, , , ,1 liod., § s.
imprimis locum habet, sed plus œquo verum est vêtus
dictum : « Morbos équités venire, pedites abire. » Krgo
ob primi hujus et septimestris partus dolores subsiste (') ;
mox eo velocius iturus (j) quo nuUis unquam aculeis pa-
tientia mea tentata fuit acrius quam hac tam morosa
mora ('0. Tarditatem suavitas compensabit.
Intérim nolo te lateat clarissimorum PP. Possevini et
Cherubini nostri erga me concursus animorum(U. Misit
appliquer ailleurs le conseil de saint Jérôme : « Foulez aux pieds votre
père et courez vous réfugier sous l'étendard de la Croix, » c'est bien
ici en particulier le cas de le faire. Mais le vieux proverbe est égale-
ment vrai : « Le mal vient à cheval et s'en retourne à pied, a Je
m'arrête donc ici à cause des tranchées de cet enfantement qui arrive
au septième mois. Je m'échapperai bientôt, d'autant plus vite que
jamais ma patience n'a été mise à plus cruelle épreuve que par cet
ennuyeux retard. Le plaisir comp:nsera la longueur de l'attente.
Cependant je n; veux pas vous laisser ignorer avec quelle unani-
mité de sentiments les PP. Possevin et Chérubin m'ont prévenu.
(h) perge patrem, — per calcatam perge matrem,
(i) Beati Hieronymi sententia — est. At si alibi unquam, haec sane locum
habere deberet, ubi tantum vitas spiritalis detrahitur quantum iis humanis
commodis tribuitur ; sed verum est illud antiquorum proverbium : « Equitem
venire morbum, peditem abire. » Jubent me cumulatius deinceps sperare, tum
ipse Baro Hermentianus, tum eques Compesius, vir alioqnin militaris, sed
summe Catholicus, qui uti in hebdomadam sequentem expectarem, nescio
quibus, faustis tamen si veris, prxdictionibus compulit. Quare, tum ob primi
hujus partus septimestris dolores, tum ne prognosticis amicissimi viri fidem
omnino negasse videar subsisto. — (C'est la sentence de saint Jérôme, et, si
jamais elle fut applicable ailleurs, elle l'est particulièrement dans une occasion
où l'on enlève à la vie spirituelle ce qu'on donne aux intérêts temporels. Mais
le proverbe des anciens est vrai : « Le mal vient à cheval et s'en retourne à
pied. » Le baron d'Hermance et le chevalier de Compois veulent que j'espère
plus fortement que jamais. Ce dernier, homme de guerre, mais excellent
catholique, s'appuyant sur je ne sais quelles prédictions favorables, si toute-
fois elles sont vraies, m'engage à patienter encore jusqu'à la semaine procliaine.
C'est pourquoi je reste ici, tant à cause des douleurs que je ressens de ce
premier enfantement, que pour ne pas paraître tout à fait incrédule aux
pronostics d'un ami.) — [Cf. le texte, p. iiy, lignes 1-5.]
( j ) discessurus
(k) quant hac — retardalionc.
( 1 ) amicus
126 Lettres de saint François de Sales
hic icunculam Virginis Matris Christum Infantem dor-
mientem (a^) adorantis. Ego cum nihil propemodum aliud
hic oculis reficiendis haberem, identidem prœ manibus
charum piumque munus amantissimi viri sumebam. Ille
• Ad cap. xviii, de vero libellum perelegantem, quem dum primum aperio *,
nœniola venustissima (") Virginis ad Christum Infantem
Horatii Torcellini (0 sese objicit. Hic ergo picturam pic-
tam et dictam, ille picturam veram et factam dédit. Alter
oculos templorum solitudine et vastitate obtusos oblecta-
vit, alter aures dudum horrendis blasphemiis tinnientes
recreavit ; quo nimirum ambo tam sanctis piisque munus-
culis pro sua erga me benevolentia altius mentis mese
oculis Christum Dominum imprimèrent. Quorum tu mihi
bonorum author cum sis, quid concludam tu ipse cogita(°).
Celui-ci m'a envoyé une image de la Vierge Mère adorant l'Enfant
Jésus qui dort. Comme je n'ai ici presque aucun autre objet pour
reposer ma vue, je me plais à prendre en main de temps en temps
ce cher et pieux présent d'un très tendre ami. De Possevin j'ai reçu un
livre magnifique, et, à peine l'ai-je ouvert, que j'y trouve la char-
mante berceuse de la Vierge Mère au Christ enfant, composée par
Horace Torsellini ( i ). L'un m'a donc donné un portrait parlé, l'autre,
un portrait véritable et naturel. L'un a charmé mes yeux, que fatigue
la vue de nos temples déserts et ruinés, l'autre a récréé mes oreilles,
continuellement étourdies par d'horribles blasphèmes. Ainsi, par
leurs présents si pieux et si saints, tous les deux, remplis de bienveil-
lance à mon égard, impriment plus profondément Jésus-Christ dans
mon cœur. Pensez vous-même quelle conclusion je tirerai de ceci par
rapport à vous qui êtes l'auteur de ces biens.
(m) icunculam — Christi puelli dormientis et Virginis Matris Salvatoreni
dormientem démisse
(n) perelegantem, — ut nosti, queni dam priimim aperio, naeniola jucundissima
(o) et factam dédit. — Q_iiis non miretur illum oculis templorum solitudine
ac vastitate obtusos, huuc autem aures horrendis blasphemiis tinnientes, tam
amanter simul imagine et poesi tam sancta, tam pia recréasse, quo nimirum
altius nieo Christum animo imprimèrent pro sua utriusque erga me benevo-
lentia? Quorum tu mihi bonorum author es.
(i) Horace Torsellini (15.15-1599), né à Rome, entra dans la Compagnie de
Jésus en 1563. Il fut Recteur du Séminaire romain, du collège de l'iorence et
de celui de Lorette. Ce Jésuite publia plusieurs ouvrages.
Année 1595 127
Eques Compesius (0 vestras attulit litteras, (p) ac me
simul cumulatius iisce de rébus Christianis sperare jussit,
nescio quibus, faustis quidem si veris, praedictionibus ;
quibus, cum vir sit summe Catholicus et Sabaudus, ipse
facillime crédit, ac adeo me uti crederem vehementissime
compulit, Is idem has nostras ad te perferendas curabit,
et alias a te item ad me referendas si voles. Hermentianus
Baro te quam impensissime salutat.
Bene vale, et ne suam erga me benevolentiam remittat
P. Possevinus, ut facis, cura, et Christum (l) habeto
propitium.
Tononi, 3 idus Aprilis 95.
Revu sur l'Autographe conservé à Enghien (Belgique),
chez les RR. PP. Jésuites, maison Saint-Augustin.
Le chevalier de Compois ( i ) m'a apporté votre lettre et m'a exhorté
à concevoir de meilleures espérances de nos affaires religieuses. Il se
fonde sur je ne sais quelles prédictions, favorables assurément si elles
sont vraies. Comme c'est un homme éminemment catholique et
savoyard, il y croit lui-même très facilement et a fortement insisté
auprès de moi afin que je croie aussi. Ce même chevalier se chargera
de vous porter cette lettre et, si vous le voulez, de m'en rapporter
une autre de vous. Le baron d'Hermance vous salue affectueusement.
Adieu, veillez, comme vous le faites, à ce que le P. Possevin ne
diminue rien de sa bienveillance à mon endroit. Que le Christ vous
soit propice !
Thonon, le 1 1 avril 1595.
(p) [La fin de cette phrase et la suivante ne se trouvent pas dans la minute.
Cf. variante (i), p. la,.]
(q) cura, — Christumque Salvatorem
(i) Etienne de Compois-Féterne, né vers 1527, gentilhomme de la maison
du duc de Savoie (1561}, gouverneur du château de Thonon (11 octobre isô?),
puis de Ripaille, et chevalier de Justice des Saints Maurice et Lazare (isys)-
Il s'était illustré au combat de Saint -Quentin, où il avait enlevé un drapeau
français, ce qui lui mérita d'être créé chevalier doré sur le champ de bataille.
128 Lettres de saint François de Sales
U MÊME À^'
L'avocat Poncet promet d"abjurer prochainement le protestantisme.
Thonon^ vers le 15 avril 1595.
Quod non ad dictam diem servum suum in urbem
miserit eques Compesius , alia via litteras ad te et ad
P. Possevinum nuperrime perferendas curavi ; at cum
nunc idem ipse iter conficiat, noluit propter moram sine
meis ad te litteris proficisci ac ea occasione salutandi te
destitui. Et qua est statura et voce, ut vides, rodomontea,
non ausus sum omnino negare inermis homuncio ; quam-
vis nihil aliud habeam quod iterum scribam, prsesertim
sic ex tempore, quam Poncetum, de quo superioribus,
jam promisisse se in verba Ecclesiae Catholicas palam
paulo post juraturum, (») [^ac primo] quidem Compesio,
Comme le chevalier de Compois n'a pas envoyé son serviteur en
ville au jour convenu, j'ai eu soin d'expédier tout récemment par une
autre voie des lettres pour vous et pour le P. Possevin. Mais le che-
valier lui-même se mettant en route maintenant, n'a pas voulu partir
sans une lettre de moi, afin de n'être pas privé, à cause de son retard,
d'une occasion de vous saluer. Et parce qu'il a, comme vous voyez,
une stature et une voix de géant, je n'ai pas osé refuser tout à fait,
moi petit homme sans défense, bien que, pris ainsi à l'improviste, je
n'aie rien de nouveau à vous écrire, si ce n'est que Poncet, dont je
vous ai parlé dans ma dernière lettre, a maintenant promis de faire
publiquement profession de la foi catholique d'ici à peu de temps. Cette
promesse fut faite d'abord à Compois, qui la lui extorqua en premier
[a] Juraturum, — fac priiioj quidem Compesio fcui cum Poncetus ad me
veniens occurreret, niox ille : Audivi te Christianum fieri velle ; si ita est, da
dextram societatis et complcxum gratulationis... Ixtitix. Dédit et professioneiu
Année 1595 129
qui id ab eo primum expressit, ipsaque eadem hora mihi.
Oua in re videbis verbis militaribus non parum sibi gra-
tulari hune nostrum equitem, quod meam hanc laetitiam
anteverterit.
Caeterum P. Possevinum Xeciine an Chamberii malim
videre, difficile dixerim, nisi tu utrimque adsis. Sed
Xeciensibus diem dicere (^) debeo, ut si, qua est in me
humanitate, venire volet, expectent in ipso itinere medio,
ne tanti viri visitatione priventur ('). Salutat te . . .
Revu sur l'Autographe conservé à Enghien (Belgique),
chez les RR. PP. Jésuites, maison Saint-Augustin.
lieu, puis à moi sur l'heure même. Vous verrez que notre chevalier,
avec son langage militaire, ne se vante pas peu de m'avoir devancé
dans la joie de cette conversion.
Au reste, il me serait difficile de dire si j'aime mieux voir le
P. Possevin à Annecy ou à Chambéry, si vous n'êtes pas en l'un et
l'autre endroit. Mais je dois prévenir les Annéciens du jour de son
arrivée, afin que, si sa bienveillance pour moi le décide à venir, ils
aillent l'attendre à mi-chemin et ne soient pas privés de la visite d'un
tel homme. (O ... vous salue
et coniplexum. Cui cuni nollein...j — (... d'abord à Compois qui, rencontrant
Poncet lorsqu'il venait à moi, lui cria aussitôt : J'ai entendu dire que tu veux
te faire Chrétien ; s'il en est ainsi, donne-moi la main et l'accolade en signe
de fraternité et de réjouissance. Il donna et sa parole et l'accolade. Lorsque
je ne voulais pas lui...)
(b) [Les deux mots diem dicere sont simplement représentés dans l'Auto-
graphe par dd, dont l'interprétation ne nous parait pas douteuse.]
(1) Le P. Possevin, chargé par le Pape de négociations relatives à l'abso-
Intion de Henri IV, séjournait alors au monastère de l'Ile-Barbe, près de
Lyon. C'est seulement à la fin de juillet qu'il traversa de nouveau la Savoie
pour retourner en Italie. Le 3 août il se trouvait à Turin,
LsTT^r* I
130 Lettres de saint François de Sales
LI
AU MEME
Arbitrage du Sénateur réclamé par le Chapitre de Genève et un ecclésiastique
qui demande à en faire partie.
Annecy, [mai] 1595.
Facient sua negligentia, mi Frater, quibus ad te litte-
ras meas extremas perferendas dederam ut et has simul
accipias. Porterio huic nostro cum quodam sacerdote
nomine Capituli negotium coram te forsitan erit. Nimi-
rum Yult hic in canonicum haberi, nos repugnamus ;
habemus enim Constitutiones decreto x\postolico firmatas
quae cuiquam locum inter nos facere vêtant, qui vel no-
bilis ex utroque parente vel (^) doctor non sit. Solus
PontifexC') hac nos conscientia potest solvere ; at Pon-
tifex non aliter illi in BuUa canonicatum concessit, quam
si ad doctoratum intra annum promoveatur. Horum
nihil ab ipso factum est. (<=) Nuper cum in Romana
La négligence de ceux que j'avais chargés de vous remettre ma
dernière lettre sera cause, mon Frère, que vous recevrez celle-ci en
même temps. M. Portier, au nom de notre Chapitre, portera peut-être
devant vous une affaire concernant un certain prêtre. Cet ecclésias-
tique veut être chanoine, mais nous nous y opposons ; car, en vertu
de nos Constitutions, confirmées par un décret apostohque, nous
devons exclure tout candidat qui ne serait pas noble dans les deux
souches ou n'aurait pas le grade de docteur. Le Souverain Pontife
seul peut nous délier de cette obligation de conscience ; mais la
Bulle par laquelle Sa Sainteté admet ce prêtre au canonicat, stipule
expressément qu'il sera reçu docteur dans l'espace d'une année.
Le candidat ne se trouve donc dans aucune des conditions voulues,
(a) vel — rtheologiae, juris civilisant canonicij
(b) Solus Ponti/ex — fhanc nobis conscientiam potest adimere.J
(c) faclnm est. — TSummus Pontifex cum ab co Constitutionis... Rogavit
a Summo Pontifice... remissioneni postulafet nuper; negavit omnino, quod
certo scimus.J
Année 1595 131
Curia conditionis remissionem postularet, repulsam quod
certo scimus passus est ; et vult nihilominus canonicus
et dici et esse. 3lartinus Ouintus anathemati caput
Prœpositi, nominatim, et canonicorum objicit si secus
consenserint (0.
Verum petivit ut te judice controversia haec finiatur.
Nemo recusavit. Ouare, cum in Bulla sua, illi nobisque
lex dicta sit, eam proférât. Tu judica ; si enim tuta possit
fieri conscientia non abnuo, non abnuunt caeteri, imo
cupimus omnes eum i*^) optimo modo canonicum esse ;
vir enim est et doctus et pius. Sed cum in odiosis ver-
semur(*\ si Constitutionum nostrarum venerationem, et,
si excommunicationis asperitatem spectes, in periculosis,
difficile adduci nos ab alio quam a te patiemur, quem
non modo ut peritissimum fabrum, sed ut religiosissi-
mum confratrem veneramur.
Haec communia; at ego a te expecto quid de Possevino
et nous savons qu'ayant sollicité une dispense en Cour de Rome, il
a subi un refus. Néanmoins il veut être chanoine et en porter le titre.
Martin V menace d'excommunication les chanoines, et le Prévôt
nommément, s'ils donnent leur consentement en telle occasion ( i ).
Le postulant a demandé enfin que vous soyez juge en cette dis-
cussion. Personne ne s'y est opposé. Ainsi donc la Bulle étant pour
lui comme pour nous la base du jugement, qu'il la produise. C'est à
vous de décider. Si la chose peut se faire en sûreté de conscience, je
n'y mets pas d'obstacle, les autres non plus ; au contraire, nous
désirons tous qu'il soit chanoine dans les meilleures conditions, car
c'est un homme docte et pieux. Mais nous sommes dans l'odieux (2),
eu égard au respect dû à nos Constitutions, et dans le dangereux si
vous considérez le grand malheur d'une excommunication. En consé-
quence, nous ne voudrions pas voir la question tranchée par un autre
que par vous, en qui nous honorons non seulement un très habile
artisan, mais un très religieux confrère.
Voilà ce qui concerne le général. Pour moi, j'attends de vous des
(d) eum — rnobiscum in confratrem...j
( I ) Cette Bulle, qu'on ne trouve pas dans le GrûriJ BiiUairf, remonterait,
d'après certains historiens, au 34 octobre 1430.
(a) Allusion à un principe du droit : « Favores anipliandi,odia restringcnda.»
1^2 LETTRtS DE SAINT FRANÇOIS DE SaLES
nostro, nam de (e) Cantore, fratre nostro (0, et de Girardo
a canonico quodam Sebusiano qui nobiscum est audivi.
Bene vale, Frater millies suavissime, et Christum habeto
propitium.
Necii, ex Episcopi nostri domo, 95.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
nouvelles de notre Possevin, car j'en ai eu du Chantre, notre frère (0,
et de Girard par un certain chanoine de Bresse qui est auprès de nous.
Adieu, Frère mille et mille fois très aimable; que le Christ vous soit
propice.
Annecy, de la maison de notre Evêque, 1595.
(e) nam de — fGirardo nuperrime auditul a Tissottc.J
(i) Saint François de Sales avait la coutume de donner le nom de frère
à ses amis intimes. Il l'attribue ici à l'un des frères du Sénateur, probablement
Jean Favre, chantre de l'église Notre-Dame de Bourg. On trouve cet ecclé-
siastique au nombre des personnes appelées à déposer « sur la conduite du
comte de Montmayeur dans la nuit du ir août 1600, lors de la prise de Bourg
par les troupes de Henri IV. >> (Histoire de lu réunion à la France des provinces
de Bresse, Bticrey et Gex. Bourg, 1832.)
LU
AU MÊME
(minute)
Visite à Sales.— Remercicmc?nts pour l'envoi de la Centurie première de Sonnets,
Annecy, 16 mai 1595.
En iterum paululum recedo, mi Frater, mox rediturus ;
nam me pater advocat. Nolui tamen pedem movere te
Je vais de nouveau m'absenter, mon Frère, mais pour revenir
bientôt. Mon pcrc m'appelle, et je n'ai pas voulu partir à votre insu,
Année 1595 133
inscio, ne si Possevinus veniat quonam loco sim ignorare
possitis ; ubi monueris recurram.
Ero igitur diebus aliquot apud Salesios nostros. Nescio
vero debeamne nunc ex equo propemodum de l^) sacra
tua poesi mihi tam amice nuncupata(0 gratias agere ;
et sane opportunum fuerit, si ex temporis penuria mihi
liceat brevius agere quod si semper agam nequidem
semel satis egisse videar. Nulli magis pœnitentiam amo-
remque divinum suadere [occurritj quam mihi. At hsec
fusius cum integrum opus attentius paulo, iis quatuor aut
quinque diebus, consideravero ; vix enim aliquot pagi-
nas, partim concionibus, partim aliis negotiis abstractus,
dégustasse licuit ; eramque in officio apud Dominum de
Montrotier quod dixeras, cum libellum et litteras a te
excepit.
Accepisti nunc demum credo priores meas, quas uti-
nam Porterius noster habuisset; retulisset reor responsum
de peur que si Possevin venait, vous ne sussiez où je suis. Aussitôt
averti par vous, j'accourrai.
Je passerai donc quelques jours chez nos parents de Sales. Je ne
sais si je dois maintenant, ayant presque le pied à l'étrier, vous
remercier de ces poésies sacrées que vous me dédiez si affectueuse-
ment (0 ; certes, l'occasion est bonne, car la pénurie de temps
m'autorise à faire plus courtement ce que je ne croirai pas avoir
bien fait une seule fois, alors même que je le ferais toujours. Personne
plus que moi n'a besoin d'être exhorté à la pénitence et à l'amour
divin. Mais je vous dirai cela plus au long lorsque j'aurai considéré
un peu plus attentivement l'ouvrage entier pendant ces quatre ou
cinq jours. A peine ai-je pu jusqu'ici en savourer quelques pages,
entraîné que j'étais, soit par les prédications, soit par d'autres
affaires. Je m'acquittais de votre commission chez M. de Montrottier
lorsqu'il reçut votre opuscule et votre lettre.
Vous aurez reçu maintenant enfin, je pense, ma précédente lettre ;
plut à Dieu que j'eusse pu la remettre à notre ami Portier! 11 m'aurait
(a) de — ftanto tuo munere ac amicissimi aninii signifIcatione...J
(i ) Voir note ( J 1, p. 81,
134 Lettres de saint François de Sales
de rébus nostris Chablasianis vel promovendis vel
removendis ;
•Ovid.,Met.,l.I,i9. « Frigida pugnabant calidis *. »
Sane tandem exceptio locum habebit ; per me non stetit.
Bene vale, mi Frater, Christumque habeto propitium.
Clarissimam sororem , fabrosque nostros et fabritios
impensissime salutatos velim.
Necii, in ipso profectionis articulo, 16 Maii, 3 Pen-
tecostes die, 95.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. l'abbé Chavaz, à Genève,
église Notre-Dame.
sans doute rapporté la réponse au sujet de nos affaires du Chablais.
Fallait-il les poursuivre ou les abandonner?
« Le froid luttait contre la chaleur. »
Certainement, tôt ou tard, quelque changement aura lieu ; la chose
n'a pas dépendu de moi.
Portez-vous bien, mon Frère, et que le Christ vous soit propice.
Je salue avec effusion ma très illustre sœur et nos grands et petits
artisans.
Annecy, au moment même de partir, le 16 mai, troisième jour
de Pentecôte 1595.
I
Année 1595 13,
LUI
AU MEME
(minute inédite)
Emotion causée par le malheur d'un ami commun ; vif désir de défendre
sa cause. — Eloge de l'ouvrage du Sénateur. — Pénible situation du Saint
en Chablais.
Annecy, fin mai 1595.
De Guichardi nostri casu (a) cum primum audivi, atto-
nito similis, oculis mens et vox faucibus haesit (i), nihilque
vel laetum vel infaustum altius cordi insidere unquam
mihi poterit quam quod [dicis] de tanto amico ; ut vix
tuam ferre possim elegantiam, qua meam diligentiam
tuse in hac causa vices gerere velis, cum nec si diligen-
tissimus sim mortalium, meam erga ipsum clarissimum
Guichardum observantiam et propensionem éxplere pos-
sim. (^) Quamquam et tuam illam diligentiam quibus
quaeso modis supplere poteram ?
Lorsque j'ai appris l'accident de notre Guichard j'ai été comme un
homme frappé de la foudre, ma langue est restée sans paroles et
mes yeux fixes ('). Aucune nouvelle triste ou joyeuse n'a jamais pu
m'impressionner à l'égal de celle que vous me donnez d'un si grand
ami. Je comprends donc à peine l'estime que vous faites de moi,
lorsque vous voulez substituer mon zèle au vôtre en cette affaire.
Mais serais-je le plus diligent des mortels, que je ne pourrais témoi-
gner tout ce que je porte de respect et d'affection à ce très illustre
Guichard. Et d'ailleurs, comment, je vous prie, suppléer à un zèle
tel que le vôtre ?
(a) easu — ftam alte sum corde. ..J
(b) expUre possim. — fNulla me alia occasio aulicum reddere potuisset
accuratum quain...J
(i) Une lettre du sénateur Favre, en date du ao juin, prouve que les deux
correspondants s'étaient exagéré la gravité de l'accident arrivé à leur ami
136 Lettres de saint François de Sales
Experiri tamen decreveram ecquidnam possit ex me
vel ingenii vel solicitudinis elicere extremus conatus,
nuUum unquam a meipso pensum industriae majus ac-
curatiusque expressurus. NuUa par me, fœlicius dicamne
an infœlicius, ex clerico aulicum fecisset occasio. Scio
namque primum te esse Guichardum, et ordine naturae,
quod aiunt, et temporis, me vero secundum ; qui si
ordinem afFectionis spectes, neque primus sim neque
secundus, ne forte vel numéro simus diversi. Gratias
autem Deo omnipolienti quantas possum ago maximas(c),
quod amicitiae nostrae vires hisce conatibus experiri nos
non sit passus qui i^) ex amici communis miseria prodire
debuerant. Sic enim animi quietem hac in causa tuo
nomine indixit idem qui tuas attulit, hesterna die(^), urbis
hujus praesbiter. Quamquam vix mihi temperare possim
omnino nisi quidnam paulo pressius rem intelligam.
J'avais résolu cependant de tenter ce qu'un suprême effort de mes
aptitudes et de mon dévouement pouvait tirer de moi. Jamais tâche
plus haute ni plus délicate ne s'offrirait à mon activité ; aucune
occasion comparable ne pourrait faire, diraije plus heureusement ou
plus malheureusement, d'un clerc que je suis un courtisan. Je sais,
en effet, que le premier à qui il appartient de venir en aide à Guichard,
c'est vous, et par ordre de nature, comme on dit, et par ordre d'an-
cienneté ; moi, je ne suis que le second ; mais au point de vue de
l'affection, que je ne sois, je vous prie, ni le premier ni le second,
et que rien n'altère l'unité qui existe entre vous et moi. Je rends
les plus vives actions de grâces au Dieu tout-puissant qui n'a pas
permis que notre amitié mesurât ses forces à des efforts suscités par
le malheur d'un ami commun. C'est ainsi que le prêtre de cette ville
qui m'apporta hier votre lettre, me tranquillisa l'esprit de votre part
touchant cette affaire. Toutefois, je ne puis me calmer entièrement
avant d'avoir compris d'une manière plus précise ce dont il s'agit.
(c) plurimas
(d) qui — rnoD sine aniici jactura prodire. ..J
(e) hesterna die, — fvicarius Neciensis urbis... J
commun. Celui-ci, il est vrai, avait été dévalisé par les voleurs, mais il avait
pu s'échapper sain et sauf de leurs mains, n'ayant à déplorer que des pertes
matérielles peu considérables.
Année 1595 137
Montroterio vero, viro nobilissimo et tui amantissimo,
[injuriam faciam] si quid in hanc rem verborum, quando
rerum non potuit, et quam enixe contulerit, non refe-
ram ; vel si tam elegantem et mellitissimam personam
referre velim, injuriam insignem, ni fallor, fecero, et tu
facilius apud te cogitaveris quam ego memoria repetam.
Caeterum ita est ut scribis, mi Frater : ad priores illas
tuas respondisse me, quibus opus tuum illud poeticum * 'Videsupra.p.ijj
neque probandum neque improbandum sumpseram (f).
Nec enim sigillatim adhuc singula inspexeram, et nostra
laus deinceps, non minus quam mea, si quae mihi foret
propria, in ore meo, verecundiam movet. Amo, ut uno
dicam verbo, modestiam. Quid autem alii sentiant, id
est. ^lirantur leporem verborum, rerum copiam digni-
tatemque ; et tam egregium, nobile et fabrefactum opus
obscuro meo nomine sordescere propemodum dicebant
nisi fratrem me tuum appellasses.
Dicam praeterea libenter, in tua ad me epistola, ut
Je ferai injure à ce très noble M. de Montrottier, qui vous est des
plus attachés, si je ne vous dis combien il a dépensé d'énergie
pour soutenir cette cause par son éloquence lorsqu'il ne pouvait le
faire par l'action. Ou plutôt, si je ne me trompe, ce serait déjà une
grande injure que de vouloir rendre la grâce, la douceur toute de
miel de ce plaidoyer; vous vous le représenterez mieux par la pensée
que je ne pourrais vous le redire de mémoire.
Oui, comme vous l'écrivez d'ailleurs, mon Frère, il est vrai que
j'ai répondu à votre précédente lettre sans entreprendre de louer ni
de blâmer votre oeuvre poétique, car je n'en avais pas encore examiné
chaque partie isolément. Du reste, notre louange, la mienne surtout,
si j'en mérite quelque peu, est malséante dans ma propre bouche. Pour
le dire en un mot, j'aime la modestie. Mais quelle est l'opinion du
public? La voici : on admire le charme du style, la richesse et l'élé-
vation des pensées ; on semblait même dire que si vous ne m'eussiez
appelé votre frère, l'obscurité de mon nom aurait rabaissé un ouvrage
si excellent et fait de main de maître.
J'avouerai volontiers encore qu'autant la dédicace que vous m'en
(f ) existimabam
138 Lettres de saint François de Sales
venustate mirifice recreor, sic candorem desidero. Quis
enim nesciat talia qualia sunt quae scribis ex paupercula
officina mea non prodire, tamque grandes materias in-
génia parva sustinere non posse ? Et quidem si nonnuUa
quse tu procul dubio prius noveras, ego vel prius dixi
vel ad memoriam revocavi, esto mea dicas ; sed tabulas
sunt rasae et informes quas tam accuratae picturae cedere
necesse est. Tu vero pro parte totam materiam dixisti,
et ut omnibus numeris amoris arnica hiperboles consta-
ret, formam etiam meam esse propemodum asseveras. Vel
meum ergo tuumque pœnitus inter nos non audiatur,
vel candidius tune proferatur cum me tuum teque meum
dicere volueris.
Expectabasne pro tanto munere tam gravem expostu-
lationem ? Vêtus tamen mos est debitorum, cum non
sunt solvendo, hac uti solemni diversionis arte. Ego vero
iterum et iterum inter vernantes aves opus suavissimum
ad amussim apud Salesios nostros contemplatus, ne tu
hoc nescias, pulchrius nusquam carmen cantatum fuisse
faites m'a merveilleusement charmé par sa grâce, autant elle laisse
à désirer pour la franchise. Qui ne sait, en effet, que des écrits tels que
les vôtres ne sortent pas de mon pauvre atelier et que de petits
esprits ne peuvent traiter de si grands sujets ? Et en vérité, si j'ai
énoncé le premier ou rappelé à votre mémoire quelques idées que
sans doute vous connaissiez déjà, soit, attribuez-le moi ; mais ce ne
sont là que des tables rases et brutes qui doivent disparaître sous une
peinture si achevée. Vous, au contraire, vous nommez fond ce qui
n'est que partie, et, pour que l'hyperbole amicale corresponde en
tout point à votre affection, vous semblez affirmer que la façon
même est de moi. Eh bien ! qu'on n'entende plus entre nous ces mots
mien et vôtre, ou qu'ils ne se profèrent en toute vérité que lorsque
vous voudrez me dire vôtre, ou vous dire mien.
Vous attendiez-vous, pour un si beau présent, à un si grave réqui-
sitoire ? Mais c'est la vieille coutume des débiteurs insolvables de
recourir à cette adresse ordinaire de la diversion. Pour moi, étant
chez nos parents de Sales, au milieu des oiseaux qui chantent le
printemps, j'ai admiré et admiré encore dans tous ses détails ce très
suave poème, et il ne faut pas que vous ignoriez ceci : je ne crois pas
Année 1595 139
reor quam quo Alexandri Magni lachrimas tam belle et
luculenter urges * ut nuUus 'Sonnet ui (i).
« Talia fando temperet a lachrimis (g) *. » • ^neis, l.Il, 6,
(2) Propero jam, mi Frater, Tononum versus, te pro-
pemodum solo, quod satis est, probante ; sicque sum
animatus ut C^) sequentes post menses quatuor, expleto
nimirum anno, nisi suas quisque partes hoc in negotio
fideliter obeat, nullis me deinceps aliis retineri in officio
verbis quam tuis patiar. Dicam planius. Nos in ea pro-
vincia credunt versari praeter Principis voluntatem omnes
fere, quin et contra plerique, nec abs re. Magno namque
est argumento silentium ubi vel levissimum sufficeret
verbum, et homines videre, inter média Ecclesise praedia,
sub principe Catholico, praecario propemodum et in dies
qu'on ait jamais chanté plus belle ode que celle où, avec autant
d'esprit que d'élégance, vous rappelez les larmes d'Alexandre le Grand,
au point
« Qu'à tel récit nul ne retient ses pleurs. »
Je me dispose, mon Frère, à regagner Thonon. Vous êtes à peu près
le seul qui m'approuviez, mais c'est assez, et voici ma résolution :
dans quatre mois, c'est-à-dire mon année achevée, si chacun ne
remplit pas fidèlement son devoir en cette affaire, je ne souffrirai plus
qu'aucun autre que vous me retienne dans cette charge. Parlons plus
ouvertement. On croit communément que nous travaillons dans
cette province en dehors du prince ; bon nombre même disent, non
sans raison, contre sa volonté. Quand le moindre mot suffirait, son
silence est en effet un grand argument. C'en est un aussi de voir
des hommes au milieu des domaines de l'Eglise, sous un prince
catholique, vivre d'une vie précaire et pour ainsi dire au jour le jour.
(g) a lachrimis — falbo notandum capillo duxi...J
(h) ut — fsi, appetente hieme, quatuor menses... quibus expletis...J
(i) Voir Plutarque , De Tranquiîl. Antmi, cap. iv. Cf. tome IX de la
présente Edition, p. 350.
(a) Bien que l'Autographe ne forme certainement qu'un seul tout, il
paraîtrait, d'après une réponse du sénateur Favre, en date du 19 juin 1^95, que
le Saint aurait puisé dans cette minute les éléments de deux lettres distinctes,
dont la seconde commencerait avec cette phrase : « Propero jani, » etc.
140 Lettres de saint François de Sales
vivere. Nolim tamen alii haec cuiquam dicas, nam, ut
vides, suum possunt habere periculosum sensum. (0
Si quid de Possevino audies, doceas quaeso. Bene vale,
et humillimum fratrem, quod facis, ama ; nostrisque
omnibus salutem, meo si placet nomine, dicas, seorsim
clarissimaB sorori meae, quae mihi non aliter ....
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Voiron.
Je ne voudrais cependant pas que vous en parlassiez à personne, car,
vous le voyez, ces propos pourraient être mal interprétés.
Si vous apprenez quelque chose de Possevin, ditesle-moi. Portez-
vous bien ; aimez, comme vous le faites, votre très humble frère,
et s'il vous plaît, saluez en mon nom tous les nôtres, en particulier
ma très illustre sœur qui ne m'est pas autrement
(i) periculosum sensum. — TMilii tamen ipsi plurinium quod te volente
redibo ad opus.J
LIV
AU BIENHEUREUX PIERRE CANISIUS
DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS 10
Vénération qu'inspire sa vertu. — Désir d'entrer en relations avec lui. —
Nouvelles de la mission ; conversion de Pierre Poncet. — Question de
controverse.
Thonon, 21 juillet 1595.
Virtutis is est splendor, quod tu omnium minime igno-
ras, Pater observandissime, nuUis ut locorum intervallis
Tel est l'éclat de la vertu, vous le savez mieux que personne, très
vénéré Père, qu'aucune distance ne peut l'empêcher d'être aperçue
( I ) Pierre Canisius, né à Nimègue en Hollande (3 mai i^ai), fit ses études
à Cologne et à Louvain. Il entra dans la Compagnie de Jésus le 8 mai 1^43, à
Mayence, et prononça ses quatre vœux le 4 septembre i S49, à Rome. Théologien
profond et controversiste distingué, il parut avec éclat au Concile de Trente,
fond.i uo collège de la Compagnie â Vienue en Autriche, alors qu'il était
Année 1595 141
impediri possit quominus et videatur ipsa, et eos a quibus
possidetur suo lumine reddat omnibus qui vel virtutis
nomen tantum honorant conspicuos et amabiles. Que
minus excusatione indigere nunc me reor quod, ignotus
et obscurus homuncio, litteras ad te dare non verear.
Non enim tu ignotus es vicissim aut obscurus, qui tôt
recte (ut modestissime dicam) factis, dictis, scriptis pro
Christo universis Christi fidelibus innotuisti, ut miran-
dum non sit eum qui omnibus toties scripsit Christianis,
a multis hoc solum nomine quod Christiani sint, litteras
item accipiat.
Cum ergo non longo multum intervallo, et solo fere
quod aiunt Lemano lacu a te cognovissem me abesse,
rem quidem tibi non ingratam, mihi vero in posterum
et, par sa lumière, d'illustrer ceux qui la possèdent et les rendre
aimables à quiconque honore au moins le nom de la vertu. C'est
pourquoi je ne pense pas avoir besoin d'excuse quand j'ose vous
écrire, moi, homme de rien, inconnu et obscur ; car vous n'êtes
pas également un homme inconnu et obscur, vous qui vous êtes
signalé auprès de tous les fidèles du Christ par tant de choses (j'em-
ploie le terme le plus modéré) si bien faites, dites et écrites pour
le Christ. Il n'est pas étonnant que celui qui a écrit si souvent à tous
les Chrétiens reçoive aussi des lettres de plusieurs, pour cela seul
qu'ils sont Chrétiens.
Ayant donc su que je n'étais pas à une grande distance de vous, et
que nous n'étions séparés, pour ainsi dire, que par le seul lac Léman,
j'ai pensé ne point vous être désagréable et m'ètre extrêmement utile
prédicateur de l'empereur Ferdinand P"". Sur le désir de ce prince, il composa
sa Summa Doctrinœ Christiance per quœstiones tradita, qui, publiée en ISSS»
avait déjà atteint, en 1597, la deux centième édition. Cet abrégé fut rédigé
n avec tant d'exactitude, de clarté et de précision, qu'il n'en existe pas de
plus propre à instruire et à confirmer les peuples dans la foi catholique. »
(Bref de Béatification.) Canisius, qui avait été le premier Provincial de son
Ordre en Allemagne, fut nommé Nonce apostolique par Pie IV dans le même
pays, assista à la diète d'Augsbourg (i'j66), travailla à la fondation du Collège
Germanique à Rome, et mit le comble à ses travaux par la fondation du
collège de Fribourg en Suisse (1380). C'est là qu'il termina sa laborieuse
carrière le 21 décembre 1597. Cet illustre Jésuite a été béatifié par Pie IX
le a août 1864. On lui doit, outre son Catéchisme, plusieurs ouvrages très
appréciés.
142 Lettres de saint François de Sales
longe utilissimam facturum existimaverim si qui prœsens
nequeo, absens per litteras, commodum aliquando de
rébus et dubitationibus theologicis interrogarem, et do-
centem te per litteras item interdum audirem. Scriptum
Job, VIII, 8, 10. est enim * : Interroga generationem pristinam et dili-
genter mvestiga patrum memoriam, et ipsi docebunt
te; loquentur tibi, et de corde suo profèrent eloquia.
En igitur nonum jam ago mensem inter hsereticos, et
in tanta messe octo tantum spicas in arcam Dominicam
inferre potui ; summo Dei bénéficie, quippe qui non
tam sim operarius quam operariorum prodromus. In iis
Petrus Poncetus, jurisconsultus eruditus sane, et quod
ad hseresim spectat etiam Calviniano ministro loci longe
doctior. Quem cum antiquitatis authoritate non nihil
moveri viderem inter familiaria colloquia, porrexi tuum
illud Opiis Cathechisticum , cum sententiis Patrum a
Busseo fuse descriptis (0 ; cujus lectione abduci se ab
à moi-même, si, ne pouvant m'entretenir avec vous, je vous adressais
par lettres, à l'occasion, des questions sur les matières théologiques
et sur les difficultés qu'elles présentent, afin de recevoir aussi par
lettres vos instructions. Il est écrit en effet : Interroge l'ancienne gêne-
ration, recueille avec soin les souvenirs de nos pères, et ils t'enseigneront ;
ils te parleront et te feront entendre le langage de leur cœur.
Or, voici le neuvième mois que je suis au milieu des hérétiques, et si
vaste que soit la moisson, je n'ai pu renfermer que huit épis dans le
coffre du Seigneur ; encore est-ce un grand bienfait de Dieu en faveur
d'un homme qui est moins un ouvrier qu'un avant-coureur d'ouvriers.
Au nombre de ces convertis se trouve un certain Pierre Poncet, juris-
consulte très érudit et, pour ce qui concerne l'hérésie, beaucoup plus
savant que le ministre calviniste du lieu. Voyant dans des entretiens
familiers, que le témoignage de l'antiquité faisait impression sur
lui, je lui prêtai votre Catcchisiiic qui contient les enseignements
des Pères rapportés au long par Busée (O. Cette lecture le tira de
( I ) Pierre Busée(i540-i587), Jésuite, concitoyen et parent du B. Pierre Cani-
sius, professeur d'Ecriture Sainte et d'hébreu au collège de Vienne en Autriche.
Optis Catechislicum, sive de Sumtiia Doclriiuv ChrisItiiiiiT D. Pétri Ciinisit,
Scripiurce testimotiiis sanctoinmque Pdtnim senfenliis i/lits/ratiim , opéra
D, Pétri BiiSiri, Noviomagi. Coloni;c, Gervinus Calenius, 1569, 1^70.
Année 1595 143
errore in tritam veteris Ecclesiae viam passus est, ac
manus tandem dédit ; quo etiam tibi nomine plurimum
plurimum uterque debemus.
Cum vero nuper pro libero hominis arbitrio illud ur-
gerem Gènes., 4* : Siib te erit appetitiis ejus, et tii 'Vers.;.
dominaberis illius, objecit ex Calvino * voces (ej'îis et ' Comm. in Gen.,
illius) referri ad Abelem, nimirum ut dicatur domUia-
Z7^r/5 fratris, non peccati. Rationemque reddebat eorum,
Calvino authore, quod relativa illa apud Hebraeos sint
masculina, vocem autem Hsebraicam qua peccatum expri-
mitur esse fœmininam. Huic nimirum rationi refellendse,
etiam adhibita Bellarmini opéra (i), satis esse non potui,
libris autem in id necessariis hic careo, quod paucos
tantum de controversiis hujus sseculi, ut fit, mecum attu-
lerim. Hujus ergo phrasis Hsebraicae interpretationem, a
peritissimo nimirum et humanissimo doctore, rudis et
incultus tirunculus postulo, et tua in proximos omnes
adjuvandos propensione fretus expecto.
l'erreur et le ramena dans la voie frayée qui conduit à l'Eglise. Enfin
il s'est rendu , ce dont nous vous sommes l'un et l'autre très
redevables.
Comme dernièrement j'appliquais au libre arbitre de l'homme ce
passage de la Genèse : Ton appétit sera sons ta puissance et tu le domi-
neras, Poncet objecta, d'après Calvin, que les mots ejus et illius se
rapportent à Abel, en sorte qu'on doit interpréter : tu domineras ton
frère, et non le péché. Il en donnait cette raison, empruntée à Calvin,
qu'en hébreu ces deux pronoms sont du masculin, tandis que le
mot hébraïque qui désigne le péché est du féminin. Or, je ne pouvais
suffisamment réfuter cette objection , même avec le secours des
œuvres de Bellarmin ( i ; ; les livres nécessaires pour cela me manquent
ici, car il est arrivé que je n'en ai apporté avec moi qu'un petit
nombre traitant des controverses de notre temps. Je m'adresse donc
à vous, qui êtes un docteur très habile et très obligeant, et je vous
demande, moi pauvre débutant sans aucune science ni expérience,
l'interprétation de cette phrase hébraïque ; je l'attends de l'inclination
que vous avez d'aider tout le monde.
( I ) Dispntationes Roberti Bellarmini Politiani, de Controversiis Christianai
fidei. Editio secunda, Ingolstadii, Sartorius, 1588-1393.
144 Lettres de saint François de Sales
Quodque reliquum est, Deus optimus maximus vene-
randam tuam canitiem quam diutissime reipublicse
Christianae servet incolumem ; at tu me, quod e vestra
Societate jampridem fecit Antonius Possevinus, in humil-
limum, queeso, et addictissimum servum habeto et filium
in Christo.
Humillimus servus
Fkanciscus De Sales,
Ecclesiae Cathedralis S" Pétri Gebennen.
Praepositus indignus.
Tononi, 12 calend. Augusti, anno millesimo quingen-
tesimo nonagesimo quinto.
Observandissimo et plurimum Reverendo in Christo Patri,
Patri Petro Canisio,
Societatis Jesu Theologo meritissimo.
Friburgi.
Revu sur le texte inséré dans le P'' Procès de Canonisation.
Il me reste à souhaiter que notre bon et grand Dieu conserve
longuement à la république chrétienne votre vénérable vieillesse
exempte d'infirmités. Veuillez vous-même me tenir, comme l'a fait
depuis longtemps Antoine Possevin, de votre Société, pour votre très
humble et très dévoué serviteur et fils en Jésus-Christ.
Votre très humble serviteur,
François de Sales,
indigne Prévôt de l'église cathédrale de Saint-Pierre de Genève.
Thonon, le 21 juillet 1595.
Au très vénéré et très Révérend Père en Jésus-Christ,
Le Père Pierre Canisius^ très digne théologien de la Société de Jésus.
A Fribourg.
/ ÀNNéE 1595 145
MINUTE DE LA LETTRE PRÉcéOENTE
(3) Virtutis quidem ea est praestantia, Pater observan-
dissime, ut quod tu omnium minime ignoras, nuUis
terrarum aut locorum intervallis impediri possit, quomi-
nus et videatur et eos a quibus possidetur lis etiam reddat
conspicuos et amabiles quK^), quamvis quid ipsa sit vir-
tus ignorent, virtutis tamen nomen honorant. Que minus
excusatione nunc indigere me reor quod, ignotus et
obscurus homuncio, i^) litteras ad te dare non verear. Non
enim tu vicissim ignotus es aut obscurus. sed tôt rébus
bene (ut modestissime loquar) hactenus pro Christo ges-
tis, dictis, scriptis, universis Christi fidelibus innotuisti,
ut mirandum non sit eum qui universis toties scripsit
Christianis, a multis hoc solum nomine quod Christian!
sint, epistolas item accipiat. (^)
Cum ergo non longo admodum intervalle, et solo pro-
pemodum quod aiunt Lemanno lacu a te me abesse
cognovissem, rem tibi quidem non ingratam. mihi vero
in posterum longe utilissimam facturum existimavi, si qui
praesens nequeo, familiarius per litteras absens interroga-
rem, et docentem te per litteras item interdum audirem,
pro tua in proximos charitate. Sic enim scriptum est* : *J°^> ^''". S, 10.
Interroga generationein pristinam et diligenter in-
vestiga patrtim memoriam, et ipsi docebunt te;
loqiientur tibi, et de corde suo profèrent eloquia.
-{■ En igitur nonus agitur hic mensis que sum inter haere-
ticos hos Tononienses, jussu R"*' Antistitis Gebenensis,
f Voici donc le neuvième mois que je suis au milieu de ces hérétiques
de Thonon, par ordre du Révérendissime Evêque de Genève, pour
(a) TMiraberis forsitan I Hœsi aliquantulum dubius animo, consentaneumne
esset modestiae legibus si litteras ad te, ignotus et obscurus homuncio...
(b) qui — fvel ipsi a virtute possidentur, vel virtutis dcsiderio teneantur...J
(c) obscurus homuncio, — Thisce litteris tuaui huni3nitateni...J
(d) accipiat. — TAccedit quod peculiare jus mihi scribendi fuit...J
Lettrvs I 10
146 Lettres de saint François de Sales
ut quando nulla vi ad caulas Ecclesise eos reduci vult
Serenissimus Allobrogum Princeps, pro pacto cum Ber-
nensibus eam in sententiam facto, videam etiam atque
etiam num iis ad Christum convertendis verbo et collo-
quiis sit aliquis locus. Quem ubi nactus fuero, immittet
in messem hanc idoneos plerosque, tum alios quidem,
Matt., IX, uit. tum etiam ex vestra Societate, operarios *. Hœc vero
rem omnino in multos hos dies protrahunt. Princeps
cujus tamen authoritate res incaepta (e), quod aliis rébus
sit impeditus, nullam huic rei dat operam. Inter rumores
bellicos metuunt incolae ne si iterum Bernensium aut
Gebenensium in nos explicentur arma, et non modo ad
Ecclesiam redeat aliquis (quod se nunquam factures
pollicentur omnes), sed tantum aures Catholicis theologis
dederit, is pessime et crudelissime excipiatur.
Non commisi tamen quin, pro mea tenuitate,concionem
singulis Dominicis diebus bis saltem haberem et quidem
in templo publiée, quo veluti prodromus aliis opère et
examiner et examiner encore s'il y a quelque moyen de les convertir
au Christ par prédications et conférences, puisque le sérénissime
prince de Savoie ne veut point qu'on les ramène par la force au bercail
de l'Eglise, à cause du traité conclu à cet effet entre lui et les Bernois.
Dés que j'aurai trouvé ce moyen, Dieu enverra dans cette moisson
grand nombre d'ouvriers capables, ou de votre Société ou d'autres
encore ; mais ces négociations traînent en longueur depuis plusieurs
jours, et, bien que la mission ait été commencée par l'ordre du
prince, il ne s'en occupe plus, absorbé qu'il est par d'autres affaires.
Au milieu des bruits de guerre qui courent, les habitants de ce pays
craignent que, si les armes des Bernois et des Genevois se tournent
de nouveau contre nous, il suffise pour être cruellement maltraité,
je ne dis pas seulement d'être revenu à l'Eglise (ce que tous promet-
tent hautement de ne jamais faire), mais même d'avoir écouté les
théologiens catholiques.
Cela ne m'a point empêché de prêcher, aussi bien que me l'a permis
mon incapacité, au moins deux fois chaque Dimanche, et publique-
ment dans l'église, afin d'ouvrir la voie à des hommes plus puissants
(e) Princeps — cum absit
Année 1595 147
verbo potentioribus * viam aperirem. Pauci tantum qui * Cf.LucDe, uit., 19.
supersunt CathoHci ea re recreati [sunt] ; haereticorum
nullus propemodum accessit unquam, ni si videndi me po-
tius (est enim genus hominum curiosum) quam audiendi
gratia. Dei intérim bénéficie factum est ut aliquot animée,
octo nimirum, iis novem mensibus Christo nomen reddi-
derint. In iis Petrus Poncetus, jurisconsultus eruditus
sane, et quod ad hœresim spectat etiam ministre longe
doctior. Quem cum antiquitatis authoritate nonnihil mo-
veri viderem et saltem torqueri, explicavi Opus tuum
illud Cathechisticiim, cum authoritatibus sententiisque
Patrum a Busaeo descriptis ; cujus lectione sensim ab errore
abduci se in tritam veteris Ecclesiae viam passus est
manusque tandem dédit; quo etiam tibi nomine plurimum
uterque tibi debemus,
Is autem cum nuper pro libero hominis arbitrio urge-
rem locum Gènes., 4* : Sub te erit appetitus ejus, et * Vers. 7.
tu dominaberis illius, objecit referri voces (ejtis et
illiiLs) ad Abelem ; nimirum, dominaberis fratris non
peccati ; rationemque ex Calvino reddebat quod in Hebreo
relativa illa sint masculina, peccatum vero apud He-
brseos fœminina voce exprimatur. Ego vero interpreta-
tionem Catholicam satis confirmavi, sed objectionem clare
refellere non potui, quippe qui libris hic caream necessa-
riis. Advexi namque pauca tantummodo, ut fit, prœcipua
de hujus seculi controversiis volumina, inter caetera
quidem Belarmini opus illud illustre Contf'oversianim
quem dum hac in difficultate consulo, non satis loci nodum
explicuisse comperio, dum de cohcerentia relativi fœmi-
nini ad nomen masculinum nihil agit. Quare cum bonum
hune virum et ex auditoribus meis Catholicum ad vos
que moi en œuvres et en paroles. Le peu de Catholiques qui restent
ici sont les seuls que ces exhortations aient encouragés ; presque
aucun hérétique n'y est encore venu, si ce n'est pour me voir, bien
plutôt que pour m'entendre (car cette espèce de gens est portée à la
curiosité). Néanmoins voici que, par la grâce de Dieu, plusieurs âmes,
au nombre de huit, se sont soumises à Jésus-Christ.
148 Lettres de saint François de SaLës
discedentem moxque rediturum cognovissem, hujus a te
quaestionis solutionem, a peritissimo nimirum magistro et
humanissimo doctore, rudis tirunculus petere constitui,
tua in proximos omnes juvandos fretus propensione.
Ouod reliquum est, Deus optimus maximus veneran-
dam canitiem tuam quamdiutissime reipublicae Chris-
tianse servet incolumem, et tu me, quod e vestra Societate
Antonius Possevinus jam pridem fecit, in humillimum
habeto servum in Christo et filium.
Francis...
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
LV
A MONSEIGNEUR JULES-CESAR RICCARDI
ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN (0
(minute)
Violation des immunités ecclésiastiques; le Saint sollicite rintervention
du Nonce auprès du duc de Savoie.
Chambéry, [f\n juillet 1595.]
Illustrissimo et Reverendissimo Monsignore,
Comminciavano gli officiali de 1' Illustrissimo Duca de
Nemours et de Genevois ( = ) a far recherca de' peccati
deir usura commessi dalle personne ecclesiastiche nella
Illustrissime et Révérendissime Monseigneur,
Les officiers de l'illustrissime duc de Nemours et de Genevois
commençaient à faire la recherche des délits dusure commis par
(i) Jules-César Riccardi, de la noble famille des marquis de Ripa, d'abord
chanoine de Naples, avait été créé Archevêque de Bari le 13 octobre 1592, et
envoyé quelques années plus tard (mai 1593) en qualité de nonce apostolique
à la cour de Turin, où il demeura jusqu'en 1601. Ce Prélat s'acquit une grande
considération auprès du duc de Savoie, du roi de France et surtout du Pape,
qui lui offrit la nonciature de Vienne. Il refusa cet honneur et revint terminer
ses jours à Naples, le 13 février i6oî, à l'âge de cinquante ans.
( a ) Voir ci-devant, note ( i ), p. 3».
Année 1595 149
diocsesi de Geneva, et anco délia contraventione fatta
di un editto annuale di Sua Altezza Serenissima, quai
prohibiva la vendita de' frumenti et altri grani fuor del
mercato ; credendo essi ufficiali laici potere castigare in-
differentemente per cotesti peccati et laici et ecclesiastici,
et questo per privilégie spéciale di Sua Santità, concesso
a' serenissimi praedecessori di Sua Altezza. 31onsignor
R™" Vescovo de Geneva, vedendo esser contra 1" una et
r altra ragione et contra la libertà ecclesiastica questo
privilegio, m' ha mandato qui in Chiambery dal supremo
Senato di Sua Altezza, acciô che se ce ne fosse lo potessi
veder, per poi darne avviso a V. S. 111'"'' et R""^. Il Senato
adunque no retrovando nell' archivi ducali alcun simile
privilégie, et sapendo che in simile caso fa poco Sua Al-
tezza haveva prohibito a' suoi ministri di por mano sopra
TArcha di Dio*, anzi haveva commandato che lasciassero * Cf. Il Reg.,vi, 6.
questo negotio a' praelati, ha scritto anchora sopra di ciô
a Sua Altezza per saperne generalmente sua volontà.
D' il che ho giudicato dover dar avviso prontamente
a V. S. 111™^ et R'"% acciô si degni pigliar il fatto in
les ecclésiastiques dans le diocèse de Genève, et même de la contra-
vention faite à un édit annuel de Son Altesse Sérénissime détendant
la vente des blés et autres grains hors du marché. Ces officiers
laïques croyaient pouvoir châtier indifféremment pour ces délits aussi
bien les ecclésiastiques que les laïques, et cela en vertu d'un privilège
spécial accordé par Sa Sainteté aux sérénissimes prédécesseurs de
Son Altesse. M'"" l'Evêque de Genève, voyant que ce privilège serait
contre l'un et l'autre droit et contre la liberté ecclésiastique, m'a
envoyé ici à Chambéry auprès du souverain Sénat de Son Altesse afin
que, si ce privilège existait, je pusse le voir, pour en avertir ensuite
Votre Seigneurie. Or, le Sénat ne trouve aucun semblable privilège
dans les archives ducales, et sachant que depuis peu en pareil cas
Son Altesse avait interdit à ses ministres de porter la main sur l'Arche
du Seigneur, et que même elle avait ordonné qu'on laissât cette
affaire aux prélats, il a écrit encore sur ce sujet à Son Altesse pour
connaître d'une manière générale sa volonté.
J'ai jugé à propos de donner promptement connaissance de cela à
Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime afin qu'elle daigne
150 Lettres de saint François de Sales
mano appresso di Sua Altezza, comm' essendo il refugio
nostro et protettrice délia libertà ecclesiastica. Xè sarà
cosa difficile che Sua Altezza prohibisca di nuovo tali atti
a' ministri suoi et inferiori, poichè già una volta ne ha
fatta la prohibitione et che ha havuto sempre in gran
reverenza la santa Chiesa. L'Illustrissimo, poi, Duca de
Xemours, non solo non darà impedimento nessuno, chè
più tosto ci giovarà in ogni modo, essendo di coscienza
delicatissima et persona molto timorata ; conciosiachè
egli m' ha detto che se non si trovarà il privilegio délia
Santissima Sede Apostolica chiarissimo et apertissimo,
non ne vuol godere, ne prevalersene.
Ho dubbio che ^lonsig" Vescovo di Geneva havendo
avviso di quanto habbiam fatto qui col Senato, scriverà
sopra di ciô amplissimamente a V. S. Ill""^ et R°'*(0 ; ne
per questo ho volsuto lasciar di scriverne io, acciô no
dia risposta Sua Altezza al suo Senato innanzi che lo
sappia V. S, 111"°% a cui pregando dal nostro Signore
prendre le fait en main auprès de Son Altesse, puisque vous êtes
notre refuge et le protecteur de la liberté ecclésiastique. Il ne sera pas
difficile à Son Altesse d'interdire de nouveau de tels actes à ses
ministres et subordonnés, puisqu'une fois déjà elle les a défendus
et qu'elle a toujours porté un grand respect à la sainte Eglise. Quant
à l'illustrissime duc de Nemours, il n'y mettra aucun empêchement ;
au contraire, il nous aidera de toute manière, car il est fort timoré
et doué d'une grande délicatesse de conscience: il m'a même dit que
si le privilège du Saint-Siège Apostolique ne se trouve pas très clair
et très positif, il n'en veut point jouir ni s'en prévaloir.
Je présume que M^'' l'Evêque de Genève étant averti de ce que
nous avons fait ici auprès du Sénat, écrira très amplement sur cela
à Votre Seigneurie (O. Néanmoins je n'ai pas voulu laisser de vous
en écrire, afin que Son Altesse ne donnât pas une réponse à son
Sénat avant que Votre Seigneurie Illustrissime en fût informée. En
(i) M»" de Granier donna effectivement suite à cette affaire, ainsi que le
prouvent une lettre du Nonce au C.irdinal Aldobrandino, en date du 9 octobre,
et une autre de l'Evêque de Genève lui-même, du 16 octobre is<)S. (Archives
du Vatican, Nunj. di Savoùi, vol. ja.)
Année 1595 151
Iddio ogni vero contento, basciogli humilissimamente le
reverendissime mani et resto,
Di Sua Signoria 111"" et R'"%
Divotissimo et infimo servitore
Francesco De Sales,
Prevosto indegnissimo délia Cathédrale de Geneva.
Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin,
Archives de l'Etat.
implorant pour vous de Dieu notre Seigneur tout contentement, je
baise humblement vos mains vénérées et je demeure,
De Votre Seigneurie Illustrissime et Reverendissime,
Le très dévoué et petit serviteur
François de Sales,
très indiofne Prévôt de la cathédrale de Genève.
LVI
AU CHANOINE GALLOIS DE MONTHOUX (0
(inédite)
Recommandation en faveur de l'abbé de Ronis.
Annecy, 31 juillet 1595.
Monsieur mon Cosin,
Je voudrois bien vous salluer avec autre occasion que
cellecy, mays les occasions ne sont pas en nostre pou-
voir ; elles viennent, nous ne les allons pas quérir.
Monsieur de Ronis m'est venu voir ce matin et m'a
monstre une vostre lettre par laquelle il semble que
(i) C'est d'après la teneur de cette lettre, y compris le post-scriptum, que
l'adresse en est conjecturée. Tout en effet porte à croire qu'elle a été écrite à
Gallois de Monthoux, qui résigna sa cure d'Argonnex vers la même époque.
Le chanoine François de Ronis sollicita ce bénéfice pour son neveu, Jean de
Ronis, jeune diacre attaché à la maison de M""" de Granier. De son côté,
Etienne Martinod fit des poursuites afin d'en être nommé titulaire. La sentence
définitive lui donna gain de cause. (Registres de V Evêché de Genève.)
152 Lettres de saint François de Sales
vous aves desplaysir de le voir poursuyvre le droict que
son neveu a sur la cure d'Argonnay. Et par ce que d'un
costé il désire infiniment ne faire chose qui vous despleut,
et de l'autre il est obligé au proufit de son neveu, tant
qu'il se peut maintenir avec rayson, il m'a prié d'em-
ployer mon crédit vers vous affin qu'il vous playse ne
vous desplaire point s'il met a effect le droit de son
neveu, quil a desja acheminé si avant et avec tant de frais
quil demeureroit en grosse perte sil le quittoit ainsy tout
court, sinon que sa partie voulut entendre a ce que .Mon-
seigneur le Reverendissime et monsieur d'Angeville (0
en avo3'ent une fois ordonné a l'amiable. L'obligation
que j'ay a monsieur de Ronis et a Monseigneur le Reve-
rendissime, chez qui son neveu sert, m'a faict a3'sement
vous prier, comme je fa5^s, que sil ny a point d'autre
interest pour vous que pour l'affection que vous pourries
avoir a celuy qui est leur compétiteur, il vous playse leur
permettre la poursuitte de leur praetention ; quilz vous
rendront autant de service que l'autre.
Pour moy, je n'employé point autre mérite vers vous
pour estre continué en vostre bonne grâce, que Ihonneur
que j'ay de ma nature d'estre a jamays.
Monsieur,
Vostre plus humble cosin et serviteur
François De Sales.
A Necy, le dernier juillet 95, ou je baj'se bien hum-
blement les mains de monsieur et madame de Monthou,
mes cosin et cosine i-).
Revu sur l'Autographe appartenant à M. le baron Ludovic de Viry,
au château de Cohendier (Haute-Savoie).
(i) Claude d'Angeville, chanoine de Saint-Pierre de Genève, priniicier de
La Roche (1568), vicaire général et officiai (i 579-1 591), plébain de Thônes
(6 octobre 1587), doyen de Vuillonex (i^ mars iy)o), prieur de Douvaine
(6 décembre 1595), était à cette époque l'un des hommes les plus remarquables
de la Savoie. Sa piété, sa prudence et son savoir lui méritèrent l'estime et la
confiance de son prince qui le chargea (1598) de seconder saint François de
Sales dans la réorganisation des paroisses du Chablais. Le priniicier d'Angeville
mourut en 1627, âgé de quatre-vingt-neuf ans, après avoir été cinquante-neuf
ans à la tcte de sa collégiale.
( 3 ) La famille de Monthoux était si nombreuse à cette époque qu'il est
difficile d'indiquer auxquels de ses membres il est fait ici allusion.
/
Année 1595 153
LVII
AU SENATEUR ANTOINE FAVRE
(minute) ( I )
Souffrances du saiut Apôtre ; il désire s'adjoindre d'autres missionnaires. —
Remerciements pour un ouvrage de Sponde ; calomnies des hérétiques
contre ce personnage et contre Pierre Poncet. — Sentiments de foi et de
confiance.
Annecy, 2 août 1595.
Non .sum nescius, suavissime Frater, non mediocriter
inter nos hinc inde pariter molestum esse silentium, ac
propterea excusationem uUam non afFero. Peregrinatio-
nibus partim, partim necessariis cursitationibus insumpsi
totum mensem ; ac si quando pedem firmavi, defuit qui
litteras perferendas susciperet.
Onus messis Tononiensis , mais impar humeris , non
nisi te volente, jubente, deponere constitui ; in eam
tamen rem alios operarios iisdemque commeatum dum
artibus modisque omnibus pergo parare, nuUum, inter
infinitas hostis generis humani versutias, exitum, nullum
finem facio. Id me non leviter torquebat, torquet autem
Je n'ignore pas, mon très doux Frère, que le silence entre nous
vous est aussi pénible qu'à moi ; aussi je ne viens nullement m'excu-
ser. J'ai passé tout le mois soit en pèlerinages soit en courses indis-
pensables, et si je me suis arrêté quelquefois, je n'ai trouvé personne
qui se chargeât de vous porter ma lettre.
La moisson de Thonon est un fardeau qui dépasse mes forces,
mais j'ai résolu de ne l'abandonner qu'avec votre agrément, par
votre ordre. Cependant, je continue à préparer par toutes sortes
d'expédients et d'industries de nouveaux ouvriers pour cette œuvre,
et à leur chercher des moyens de subsistance. Je n'aperçois nul terme,
nulle issue parmi ces ruses infinies de l'ennemi du genre humain.
( I ) Le premier, le troisième alinéa et les trois premières lignes du dernier
sont inédits.
154 Lettres de saint François de Sales
maxime, tôt clades capitibus nostris, mi Frater, imminere,
ut interea vix uUus pietatis procurandae , cum ipsa
maxime sit necessaria, superesse locus videatur. Animus
tamen in meliorem spem, Christo propitio, attollendus
est. Cum audiveritis bella ac seditiones, nolite ter-
* Lucce, XXI, 9. rCKl *.
Recreor autem plurimum Possevini nostri de me accu-
rata recordatione (^). Accepi namque et ejus munusculum,
ut ais, et Girardi nostri Spondaeum, utrumque te auctore,
te meae scilicet apud eos observantiae commendatore.
Ac Spondaeus quidem quam opportune cum sua recenti
praefatione venerit, vel ex eo intelliges quod et Geben-
nenses et Chablasiani ministelli nihil quod tante vire
tonderent habebant quam eum, in pœnam fractae fidei,
amentatum et furiosum in angulo quodam Galliae deli-
tescere. Quin Gebennenses gloriabantur quemdam de
sua schola Demosthenem tanta verborum ac rerum vi
Spondsei rationes oppugnasse, ut susceptam religionem
J'ai été tourmenté et je le suis encore, mon Frère, en voyant que
parmi tant de catastrophes qui menacent nos têtes, il nous reste à
peine un moment pour cultiver la dévotion dont nous aurions un si
pressant besoin. Il faut cependant, comptant sur la miséricorde de
Notre-Seigneur, élever nos cœurs à de meilleures espérances. Lorsque
vous entendre^ parler de guerres et de séditions, n'en soye:( point effrayes.
Je suis extrêmement réjoui du fidèle souvenir que me conserve
notre Possevin (0. J'ai reçu en eflfet son petit présent, comme vous
le dites, et le Sponde envoyé par notre Girard, double hommage
dont je vous suis redevable, à vous qui avez fait valoir auprès de
tous deux le respect que je leur ai voué. Quant au Sponde avec sa
nouvelle préface, vous pourrez juger par un seul fait combien il est
arrivé à propos. Les prédicants de Genève et du Chablais, ne sachant
comment tondre un personnage si important, disaient qu'en punition
du serment violé, cet homme, devenu fou furieux, était caché dans
quelque coin de la France. Bien plus, les Genevois allaient répétant
avec orgueil qu'un certain Démosthène de leur école avait réfuté
les arguments de Sponde avec tant d'éloquence et des raisons si
( I ) Voir ci-devant, note ( i), p. 129.
Année 1595 155
primum, mox mentem ipsam abjecerit(0. Ouod ego ne
crederem faciebat, tum dicentium authoritas mentiendi,
tum quod recenti et insigni petulantia Poncetum a de-
mone crudelissime vexari dicerent iidem, et me nocturnis
exorcismis abigendo spiritui immundo operam secretam
navare. Quid enim [qui] in tanta vicinitate tam audacter
mentiuntur non audeant de homine tôt intervallis dis-
juncto comminisci ?
Redeo crastina die ad Spartam meam (utinam si non
ornandam saltem aliis praestantioribus conservandam),
faciamque deinceps ne integro mense inter nos audiatur
silentium. Intérim, mi Frater, inter hos patries nostrse
probantes que l'auteur avait d'abord renoncé à sa religion, puis,
bientôt après, perdu la raison ('). Ce qui m'empêchait de m'en rappor-
ter à leur témoignage, c'était d'une part leur supériorité dans l'art
de mentir, et de l'autre, l'insigne impudence avec laquelle ces mêmes
hommes affirmaient dernièrement que Poncet était affreusement
tourmenté du démon, et que je passais les nuits à l'exorciser en secret
pour chasser l'esprit immonde. Quand on calomnie si audacieusement
ses proches voisins, que n'osera-t-on pas inventer contre un homme
qui se trouve à une si grande distance ?
Je retourne demain à ma Sparte (si ce n'est pour l'embellir, plaise
au Ciel que ce soit du moins pour la conserver à de meilleurs
ouvriers), et je ferai en sorte qu'il ne soit plus question entre nous
de ces silences d'un mois entier. Cependant, mon Frère, parmi ces
( I ) Jean de Sponde {1559-1593), frère aîné de Henri, Evêque de Pamiers.né à
Mauléon d'une famille calviniste, mort à Bordeaux, fut successivement lieu-
tenant général de la chaussée de La Rochelle, puis maître des requêtes. Après
avoir abjuré le protestantisme, il rendit compte de sa conversion dans un
ouvrage intitulé : Déclaration des principaux motifs qui ont induit le sieur de
Sponde, conseiller et maistre des Reqnestes du Roy, h s'unir à l'Eglise Catho-
lique, Apostolique et Romaine, adressée à ceux qui se sont sépare^ et distinguée
en trois Parties. Melun, 1593.
C'est de la cinquième édition (Lyon, 1595) qu'il s'agit ici. On lit dans la
préface de cette édition, qui parut après la mort de l'auteur, la déclaration
suivante : « Et quelque fresle de corps et d'esprit que je sois, jusques à
présent la mélancolie que quelques uns me reprochent entre leurs dents, ne
m'a jamais tant gaigné le cerveau qu'on luy en aye veu produire des
frenpsies. » (Voir la Défense de l'Estendart de la sainte Croix, tome II de
cette Edition, p. 156.)
156 Lettres de saint François de Sales
tumultus (dicamne, an tumulos?), dum circum circa ocu-
lis nostris ingrata quaeque sese ofFerunt, in patriam illam
cœlestem oculos intensissime figamus , cogitemusque
perpétue Heliam illum Thesbitem non aliter quam per
•IV Reg., II, II. ttirbinem ad cœliun ascendisse *.
Bene vale. mi Frater. et Christum habeto propitiuni
et Servatorem.
Xecii, 4 non. Augusti, 95.
Revu sur le texte inséré dans le P"" Procès de Canonisation.
désordres (dirai-je plutôt cette ruine de la patrie?), alors que nos yeux
ne rencontrent que des sujets de tristesse, fixons plus attentivement
nos regards sur notre patrie céleste, et souvenons- nous toujours
qu'Hélie le Thesbite n'est monté au ciel que dans tin tourbillon.
Portez-vous bien, mon Frère, et que le Christ vous protège et vous
conserve !
Annecy, le 2 août 1595.
LVIII
A U M E M E
(minute inédite)
Troubles qui régnent à Annecy.
Sales, commencement d'août 1595.
Nonne bene dixeram, mi Frater, facturum me dein-
ceps ne uUum inter nos audiretur silentium ? Cum inter
nostros Tononenses vix semel in mense ad te possim
scribere, scribo nunc ex paterna Salesiorum casa per
N'avais-je pas raison de vous dire, mon Frère, que je ferais en
sorte désormais qu'il ne fût plus question de silence entre nous ?
Comme au milieu de nos gens de Thonon, je puis à peine vous écrire
une fois par mois, je vous écris maintenant de ma maison paternelle
Annéb 1595 15^
Coquinum (0, eo sane jucundius quod paulo meliora de
rébus nostris jam audiverim. Hesterna namque die Necii
omnia propemodum eversa ac inversa dicebantur (2) ;
adeo nimirum, sive in bonam sive in malam, res quam
longissime protrahere solet vulgus ; ac adeo incredibile
est quanta amaro animo de te tuisque omnibus, quem
in primis, ut fît, periclitari, importuna cogitatione (a) su-
bibant. (^) Non tamen bona spe vacuus omnino, itaque
cum rem levius transigi audiam, mihi tibique plurimum
gratulor ; quando infœlix hoc nostrum sseculum C'^), pro
faustis soient haberi quae non sunt infaustissima.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. le baron Ludovic de Viry,
au château de Cohendier (Haute-Savoie).
de Sales, par Coquin (O, avec d'autant plus de plaisir que je viens
de recevoir des nouvelles un peu meilleures de nos affaires. On disait
hier à Annecy que tout était à peu près sens dessus dessous {2), tel-
lement le vulgaire a coutume d'exagérer extrêmement soit en bien
soit en mal. On ne saurait croire combien de pensées inquiétantes
agitaient mon âme attristée, relativement à vous et à tous les vôtres,
qui deviez, des premiers, comme il arrive, être mis en péril. Je ne
suis pas cependant privé de tout espoir ; aussi, en apprenant que la
chose se passe plus facilement, je m'en félicite beaucoup pour vous
et pour moi. Puisque notre siècle est si infortuné, on s'accoutume
à tenir pour heureux tout ce qui n'est pas absolument malheureux.
(a) [On a dû suppléer les trois premières lettres de ce mot, lesquelles sont
indéchiffrables dans l'Autographe.]
(b) subibant. — FDomino ergo immortales gratias ago...J
(c) sœculum — fnulla laeta, sed fausta...J
( I ) Maître Jean Coquin était notaire ducal à Groisy, seigneurie qui appar-
tenait à la famille de Sales.
(2) Ces troubles venaient probablement des craintes qu'inspiraient les
succès de l'armée française, maîtresse d'une partie de la Savoie, et les troupes
hérétiques massées sur les frontières suisses. De plus, tandis que des soldats
espagnols commettaient toutes sortes de déprédations dans les faubourgs
d'Annecy, ofi pourtant ils étaient tenus pour alliés, on prenait, en prévision
de la mort imminente du duc de Nemours, certaines mesures militaires qui
surexcitaient la population au lieu de la rassurer.
Quant au sénateur Favre, il savait ses possessions de Bresse dévastées par
les troupes de Biron, qui continuaient à guerroyer dans cette province.
158 Lettres de saint François de Sales
LIX
A U M Ê .-NI E
( MINUTE )
Ebranlement qui se produit parmi les hérétiques; ingénieuse tactique du Saint
pour les provoquer à la discussion.
Thonon, 18 septembre 1595.
Et jam, mi Frater, latior simul et lœtior patet ad
Christianorum messem aditus. Heri namque parum ab-
fuit quin Avullaeus (i) cum urbis sindicis, uti vocant,
ad concionem palam venirent, quod me de augustissimo
•Videtom.viihuj. Eucharistiœ Sacramento disputaturum audivissent*. Quo
Edit., Serm. XXXII. , . . . ^ , ,. "^
de m3^steno sententiam rationesque Latholicorum ex me
audiendi tanto tenebantur desiderio, ut qui palam non-
dum venire, ne legis suae immemores viderentur, ausi
sunt, me ex diverticulo quodam secreto audiverint, si
tamen per vocis meae tenuitatem licuit.
Ego hac iterum egi venatione ut promitterem me,
sequenti concione, de Scripturis luce meridiana clarius
Voici enfin, mon Frère, qu'une porte plus large et plus belle s'ouvre
à nous pour entrer dans cette moisson de Chrétiens, car il s'en fallut
peu hier que M. d'Avully ( i ) et les syndics de la ville, comme on les
appelle, ne vinssent ouvertement à la prédication, parce qu'ils avaient
ouï dire que je devais parler du très auguste Sacrement de l'autel.
Ils avaient un si grand désir d'entendre de moi l'exposé de la croyance
des Catholiques et leurs preuves touchant ce mystère, que n'ayant
osé venir publiquement, crainte de paraître oublieux de la loi qu'ils
se sont imposée, ils m'entendirent d'un certain endroit où ils ne
pouvaient être vus, si toutefois la faiblesse de ma voix n'y a pas
mis obstacle.
De mon côté, j'ai fait encore ceci dans cette chasse : j'ai promis
qu'à la prédication suivante je mettrais, par les Ecritures, ce dogme
en plus grande lumière que le plein midi , et que je l'appuierais
( I ) Sur le seigneur d'Avully, voir la note jointe à la lettre du 10 mai IS96.
Année 1595 159
dogma commonstraturum, ac tantis rationum momentis
propugnaturum, nullus ut futurus sit ex adversariis qui
non cognoscat densissimis se tenebris excœcatum, nisi
qui humanitati ac rationi nuntium remisent. His nimirum
rodomonteis propositionibus se ingeniumque suum ad
arenam vocari recte cognoscunt, ne videlicet si non
veniant existimentur imbelles omnino, qui Catholicam
vel homuncionis nescio cujus impressionem reformident.
Res est in tuto ; jam enim ad colloquia descendunt, mox,
ut ex proverbio dicam, ad deditionem venturi ; sic enim
Crescanus advocatus i^) nos docuit Tononienses communi
consilio confessionem, uti vocant, suae fidei scriptis pro-
laturos, uti si quid a nobis difFerunt, ea de re familiari
ac privato colloquio vel privatis scriptis agamus. Cum-
que legationem hanc ministro suo quidam imponere
vellent, alii tutius contra fuere, ne nobiscum palsestram
d'arguments si puissants que nos adversaires, sans aucune exception,
à moins qu'ils n'aient renoncé au bon sens et à la raison, reconnaî-
traient qu'ils sont aveuglés par les épaisses ténèbres dans lesquelles
ils sont plongés. Us savent bien que ces espèces de rodomontades les
invitent à descendre dans l'arène, en sorte que s'ils ne venaient pas
ils seraient tenus pour gens tout à fait pusillanimes, qui redoute-
raient de se mesurer avec la religion catholique, même quand elle
est défendue par je ne sais quel homme de rien.
C'est une chose assurée : puisqu'ils consentent déjà à parlementer,
bientôt, suivant le proverbe, ils en viendront à capituler. En effet,
ainsi que nous l'a appris l'avocat du Crest(0, les Thononais ont
résolu d'un commun accord de nous présenter par écrit leur confes-
sion de foi dans les points où elle diffère de la nôtre, afin que nous
puissions les discuter en particulier ou dans des entretiens familiers
ou par écrit. Quelques-uns voulaient charger le ministre de cette
négociation, mais d'autres plus prudents furent d'avis contraire,
( I ) L'avocat Pierre du Crest de Cruseilles, seigneur de la Croix, bourgeois
d'Evian, docteur ès-droits, fut conseiller de Charles-Emmanuel P"" et lieute-
nant particulier de la judicature-mage du Chablais. Ce personnage, l'un des
premiers convertis par les prédications de notre Saint, témoigna dans la suite
d'un inaltérable dévouement envers lui. Il l'accompagna à Genève lors de sa
célèbre conférence avec le ministre La Paye, et le seconda en diverses autres
occasions. Pierre du Crest mourut avant 1629.
lôo Lettres de saint François de Sales
ingrediatur, ne subtilîtatibus scholasticis vincatui*, curri
philosophiae sit ignarus.
Bene sane quando per vicarium pugnam suscipiunt,
et tam exiguis copiis nostris anguntur, et de conditio-
nibus proponendis cogitant. Hos vero, erectis per Dei
gratiam animis, concertationem hanc bona spe proni
gaudentes expectamus.
Revu sur le texte inséré dans le I'^'' Procès de Canonisation.
craignant qu'il n'engageât la lutte avec nous et ne fût vaincu par les
subtilités scholastiques, car il ne sait rien de la philosophie.
Assurément nous sommes en bonne voie puisqu'ils acceptent le
combat par leur lieutenant, que nos si petites forces les effraient et
qu'ils pensent à nous proposer des conditions. Pour nous, ayant grand
courage par la grâce de Dieu, nous attendons avec empressement
et avec joie cette lutte qui donne bon espoir.
^
LX
V AU IM Ê M E
(minute inédite)
Attente de quelques lettres attardées. — Allusion à la bénédiction apostolique
envoyée à Henri IV. — Suite du travail des Controverses. — Accueil fait
par les hérétiques à la Centurie première. — L'avocat de Prez adresse des
vers à l'auteur,
Thonon^ commencement d'octobre 139$.
Et ego quidem, mi Frater, tantum posteriores, ad 6
non. Octobris datas a te litteras, idque nuperrime recepi ;
de prioribus illis de quibus admones, nec de aliis item
P. Possevini, Porterio nostro commendatis, ne levi
Mon Frère, je n'ai reçu que votre dernière lettre du 2 octobre,
et cela tout récemment. Quant à la première dont vous me parlez,
et à celle du P. Possevin, qui avaient été confiées à notre Portier,
Année 1595 161
quidem susurro hactenus audivi quicquam. Tu vero quam
me maie nunc haec tantarum litterarum tanta torqueat
expectatio, si ad justam observantise amorisque mei erga
te Possevinumque nostrum trutinam omnia uti par est
expendas, facile cognosces.
Recreor autem plurimum res tuas sequiori loco a te
inventas quam credideras. Ea est propemodum tempo-
ribus calamitas non minima, ut eminus rem spectantibus
apud viros probos et, ut sacro dicam verbo*, quibus est 'Cf-Jerem., v, ai.
cor, ipsa calamitate sit calamitosior opinio. Quod autem
de Barone nostro scribis ('), maie apud malos qui religio-
nem ferream sequuntur audit, eo vero me nomine angit
quod spes quœ dijfertur affligit animam *. Audio *Prov., xm, u.
equidem Henricum, felici nuntio, a Sanctissimo Pâtre
nuperrime « Gallorum Regem, salutem et Apostolicam
benedictionem » audivisse (') ; id si ita est, fiât pax in
je n'en ai pas entendu souffler le moindre mot jusqu'ici. Si vous
pesez toutes choses, comme il convient, à la juste balance de l'estime
et de l'affection que j'ai pour vous et pour notre Possevin, vous
comprendrez combien je souffre maintenant dans la longue attente
de lettres d'une telle importance.
Je suis très heureux de savoir que vous avez trouvé vos affaires en
meilleur état que vous ne pensiez. Voilà bien en effet un des grands
malheurs de notre temps : la crainte est plus nuisible que le mal lui-
même à ceux qui, entre les honnêtes gens, ou pour employer l'expres-
sion du Texte sacré, les hommes de cœur, voient les choses de loin.
Quant à ce que vous m'écrivez de notre baron (0, c'est une mauvaise
nouvelle pour les méchants qui suivent une religion de fer; et moi je
souffre parce que l'espérance différée afflige l'âme. J'apprends, il est vrai,
que le très Saint-Père aurait tout dernièrement envoyé à Henri l'heureux
message : « Salut et bénédiction apostolique au Roi de France (2). »
(i) Le baroa d'Hermance et le président de Rochette avaient été envoyés
par le duc de Savoie à Bourgoin afin de négocier avec les représentants du
roi de France les conditions d'un traité de paix.
( 2 ) Cette phrase a trait d'une manière générale à la rentrée en grâce de
Henri IV auprès du Saint-Siège et ne saurait s'entendre à la lettre. Il est vrai
que la cérémonie solennelle de l'absolution du monarque avait eu lieu le
17 septembre 1595. Mais la Bulle d'absolution, bien qu'elle soit datée de ce
même jour, ne partit de Rome que le 7 novembre suivant ; c'est dans cette
Bulle que pour la première fois il est salué par la formule indiquée ci-dessus.
Lettres I 1 1
i62 Lettres de saint François de Sales
*Ps. cxxi, 7. virtute Domini *. Quam eo beatiorem ego suspicor fu-
turam, quod videam haereticis omnibus Genevensibus
maxime ingratam esse.
Nunc paullo pressius rem cum iis Tononensibus ago,
agamque brevi pressissime, ubi quod jampridem medi-
»Vid.supra,not.(i), tabar opusculum * ad maturitatem qualem meum fert
P' '° ■ ingenium perduxero , et tu negotium probaveris. Sic
enim apud me statutum est nihil nisi te censore pro-
ferre. Habent ii Tononienses meditationes tuas priores de
•Idem, p. 137. Pœnitentia et Ainore divino *. 31irantur omnes operis
elearantiam. Insanus tantum ministellus cum te fœlicem
vocasse culpam <( quse talem ac tantum meruit habere
»Prœcon.Pasciiale. Redemptorem * » legeret : « O blasphemiam, atheismum,
Papismum I » inclamavit homo stultissimus et amentissi-
mus. Ego vero quanta potui modestia per interlocutorem,
quando ne quidem mecum manus conserere hactenus
ausus est, hominis petulantiam ratione castigavi.
Interirri advocatus de Près (0 ad me versus quosdam in
S'il en est ainsi, que la paix règne par la force du Seigneur ! J'augure
que cette paix sera d'autant plus heureuse que je la vois être plus
désagréable à tous les hérétiques de Genève.
Je presse maintenant davantage ces messieurs de Thonon, et les
presserai encore beaucoup plus lorsque j'aurai conduit à terme ,
suivant ma capacité, le petit ouvrage que je méditais depuis long-
temps, et que vous aurez approuvé mon entreprise. En effet, j'ai
résolu ainsi à part moi de ne rien publier sans le soumettre à votre
censure. Ces messieurs de Thonon possèdent vos premières médita-
tions sur la Pénitence et l'Amour de Dieu. Tous admirent la beauté
de l'œuvre. Seul, un pauvre ministre insensé ayant lu que vous
nommez « heureuse la faute qui nous a valu un tel et si grand
Rédempteur, » s'est écrié comme un iiomme tout à fait stupide et
extravagant : « O blasphème ! ô athéisme ! ô Papisme ! » Mais avec
toute la modération possible, j'ai, par un tiers, remis à la raison
cet effronté, car lui-même n'a pas encore osé en venir aux mains
avec moi.
Cependant l'avocat de Prez (O m'a envoyé quelques vers, à
(i) Claude de Prez, docteur ès-droits, avocat au souverain Sénat de
Savoie (157a), lieutenant de la judicature-maje du Chablais (1576)» syndic de
Année 1595 163
tuam, quod ipse dixit, laudem misit, ea quantum audivi
mente uti ad te quoque, non suo quidem sed meo nomine
gratulabundus scilicet, perferre curarem. Habebis ergo
qualecumque id carminis, si placet, amanter; vir enim est
admodum haereticus, quem tamen propter spem melioris
mentis et multa virtutum semina non mediocriter dilexi.
Tu si separatim, cum ad me scribes, nonnullam de illis
versibus amicam facias significationem (ad idem uti fit
litterarium), mihi rem tuo genio dignam fecisse videaris ;
hoc enim argumento, quod saepius jam cum eo feci, ver-
bum Dei admonebo. Vellem enim, si qua posset, eum a
pertinaci illa mente dimovere. At ipse, quod conscien-
tiam rationibus Catholicis concuti sentiat, insequentem
fugit * Christum Dominum. "Cf.Prov.jXxvm,!.
Bene vale.
Revu sur le texte insérj dans le P"" Procès de Canonisation.
votre louange, dit-il. Son désir serait, si j'ai bien compris, que je
vous les fisse parvenir pour vous féliciter non pas en son nom, mais
au mien. Acceptez donc, s'il vous plaît, avec bienveillance cette
poésie telle qu'elle est. Cet homme est enfoncé dans Thérésie ; tou-
tefois je lui ai témoigné beaucoup d'alTection dans l'espoir de le
ramener à de meilleurs sentiments, et parce qu'il y a en lui bien des
germes de vertu. Si vous voulez me faire à part, lorsque vous
m'écrirez, une aimable allusion à ses vers (dans le même style que
lui), il me semble que vous ferez quelque chose digne de votre carac-
tère. Je profiterai de cette occasion, comme je l'ai déjà fait plus d'une
fois à son égard, pour lui prêcher la parole de Dieu. Je voudrais en
effet, s'il était possible, le retirer de cette obstination d'esprit. Mais
parce qu'il sent sa conscience ébranlée par les arguments des Catho-
liques, il fuit le Christ Notre-Seigneur qui le poursuit.
Portez- vous bien.
Thonon (1598) et juge ordinaire d'Abondance, se signalait par son attachement
obstiné à l'hérésie. Il fut en conséquence de cette obstination exilé de Savoie ;
saint François de Sales obtint sa grâce, et, par la force de sa douceur, parvint
à le convertir (1599). L'avocat de Prez fit son testament à Abondance (lo avril
i6ia) et mourut en 1625.
164 Lettres de saint François de Sales
LXI
AU MÊME
(inédite)
Prochain envoi d'une partie de son introduction au Code Fabrien.
Question de droit.
Thonon, 14 octobre 1595.
Antonio Fabro, clarissimo Senatori,
Franciscus De Sales salutem dicit.
Accepi tandem breviores illas tuas cum Possevini
nostri libro et litteris ; nihilo sane longiores redditurus,
quod concionibus crastinis(0 texendis tempus instet. Ita
quid singulis horis momentisque faciam scire te vellem.
Habebis a me quam primum caput unum meorum
adversus hsereticos Commentariorum ('), in quo quam
veri non Ecclesise sed antiquarum hseresum sint refor-
matores conabor ostendere. Ac, ne sine te quidquam
A Antoine Favre, très illustre Sénateur,
François de Sales présente ses salutations.
J'ai enfin reçu votre trop courte lettre avec le livre et la lettre de
notre Possevin. Ma réponse ne sera pas beaucoup plus longue, parce
que je dois composer mes sermons de demain (0, et le temps presse.
Je désirerais vous tenir ainsi au courant de ce que je fais à chaque
heure, à chaque instant.
Je vous enverrai le plus tôt possible un chapitre de mes Commen-
taires contre les hérétiques (a), dans lequel je m'efTorcerai de montrer
que, loin d'être les vrais réformateurs de l'Eglise, ils font revivre les
anciennes hérésies. Et afin que, même ici, rien ne se fasse sans vous,
(i) Le 15 octobre coïncidait cette année avec le XXII' Dimanche après la
Pentecôte.
(a) Ces Commentaires constituent un véritable traité de théologie polé-
mique : De Summa Trinitate et Fide Calholica, qui forme le premier Titre
du Code Fabrien. (Voir notre Introduction générale, tome I" de cette publi-
cation, p. I.XXXI.)
Année 1595 165
hic etiam agatur, peto a te, Frater suavissime, uti ad
regulam illam, « aienti non neganti incumbit probatio, »
sensum genuinum, rationem a priori et a posteriori adji-
cias, idque Gallice ; nam habeo caput unum in Commen-
tariis quo haereticos ex hac régula velim ad probationem
cogère, quantumvis negativa potius quam afïirmativa sit
eorum theologia(0. Quod tua limandum erit, si placet,
opéra, ut me deinceps eo vehementius reformident mi-
nistri quod me tuo pugnare Marte certius cognoscent.
Bene vale, Frater suavissime, et me, quod facis, ama
Christumque imprimis habeto, cum clarissima universa
familia, propitium ac Servatorem.
Tononi, pridie id. Octobris 1595.
Revu sur le texte inséré dans le P'' Procès de Canonisation.
je vous demande, très doux Frère, de donner son vrai sens à cette
règle : « La preuve incombe à celui qui affirme et non à celui qui
nie. » Veuillez ajouter les preuves a priori et a posteriori, et cela en
français. J'ai en effet, dans mes Commentaires, un chapitre où,
d'après cette règle, je voudrais forcer les hérétiques à produire leurs
preuves, bien que leur théologie soit plus négative qu'affirmative ( i ) .
Mettez, s'il vous plaît, tous vos soins à le bien établir, afin que désor-
mais les ministres me redoutent d'autant plus qu'ils verront plus
clairement que je combats sous votre égide.
Portez-vous bien, très doux Frère, aimez-moi comme vous le faites,
et surtout que le Christ vous protège et vous conserve, vous et toute
votre très noble famille.
Thonon, le 14 octobre 1595.
(i) Voir dans la lettre de Favre en date du 35 octobre, l'explication
demandée.
i66 Lettres de saint François de Sales
/ LXII
AU PÈRE ANTOINE POSSEVIN, DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS
(inédite)
Nécessité pour le Saint d'obtenir la permission de lire les livres hérétiques.
— Remarques sur les Institutions de Calvin et sur un ouvrage de Théodore
de Bèze. — Témoignages de respectueuse confiance.
Thonon, 14 octobre 1595.
3Ionsieur mon Révérend Père,
Je receu seulement avanthier vostre lettre et le livre.
Je prie Dieu qu'il vous rende la peyne et le soin que vous
prenes pour son honneur, et vous remercie très humble-
ment de l'affection qu'il vous plaict prendre a ce dont je
vous avois prié.
Pour vray, mon Père, si mon insuffisance n'est point
l'occasion que Sa Sainteté me refuse ces grâces, il n'y a
point faute [de] très urgente nécessité. Je n'ose reprendre
Calvin ni Beze en façon que ce soit, la ou ilz sont
imposteurs et blasphémateurs , que chacun ne veuille
sçavoir ou ce que je dis se trouve ; dequoy j'ay desja receu
deux afifrontz que je n'eusse pas eu si ne me fusse pas
fié aux citations des livres qui m'ont faict faute. Et quo)'
que toutes ces gens ne disent ni escrivent rien de nou-
veau, si escrivent ilz en nouvelle façon qui requiert
quelque praelusion. En fin, en ce balliage chacun manie
les Institutions ^^)\ je suis es lieux ou chacun sçait ses
Institutions par cœur. Au reste, vostre livre me fera un
très grand office, quoy que j'eusse desja vostre Musœum
et alia opéra de statu hujus scuculU^). Quant a Beze,
(i) Institution de ta Religion Chrestienne, par Jean Calvin. Basle, 1535.
(2) Aucun des ouvrages du P. Possevin ne porte le titre de Musœum; on
peut croire que le Saint désigne par ce mot la Bibliotheca Select.z, véritable
encyclopédie, qui traite des sciences, des arts, etc.
Par alia opéra de statu hujus sœculi il entend probablement le livre du
P. Possevin Contra Chytrceum, déjà indiqué dans les Controverses (tome P'
de cette Edition, p. 199). Ce livre, réfutation de celui de Chytrée intitulé
De Statu lùclesiarum, se divise en quatre parties, dont Tune porte ce titre :
Alheismi lutreticorum hujus sarculi.
Année 1595 ^"7
ray sceu despuis, que tant s'en faut qu'il escrive pour
appoincter de religion, que son livre (0 monstre le diffé-
rend estre inappoinctable et rejette l'opinion d un autre
de mesme forme qui vouloit mesler les ténèbres avec la
lumière ; mays comme je n'en sçavois rien que par ouy
dire, aussy j'avois esté trompé de l'autre costé pour trois
relaps, gens de simple condition et de peu d'importance.
Te ne pense pas que Sa Sainteté refuse. Si mon
espérance réussit, je ne doute point que Sa Sainteté
mesme ne reçoive grand contentement de ceste besoigne.
Mays il seroit requis pour la gloire de Dieu et le salut
des âmes que, selon la malice du tems et la distance
des lieux. Sa Sainteté nous ouvrist par deçà un peu
libéralement la main de sa clémence in foro con-
scicYittcc
Je parle a vous comme a celuy duquel j attens toute
correction, laquelle je subiray tousjours sans réplique.
Si est il, a mon advis, nécessaire que les nécessites par-
ticulières [soient] sceûes, et révélées par ceux qm les
voyent Je vous entretiens comme celuy que je sçay se
trouver en des grandes occasions d'y prester ayde et
avoir sur tout en zèle le salut des âmes. Ce pendant je ne
lairray pas de solliciter vers Monseigneur de Genève affin
qu'il procure vers Monseigneur le Prince, de son coste, a
ce qu'il soit prouveu a ces pauvres âmes tant désolées et
affligées, avec toute la charité qu'il sera possible. _^
Excuses moy, Monsieur mon Révérend Père, si j use
tant librement avec vous. Je ne laisse pas d'estre très
humble en l'affection que j'ay de vivre et mourir
Vostre serviteur et filz en Nostre Seigneur,
François De Sales.
De Thonon, le 14 octobre i595-
Revu sur le texte iasérc dans le I" Procès de Canonisation.
(0 II est probable que le Saint fait allusion à ^ -^-^^"^"^^ ^ll^^'^'^ZZl
(ibid., p. 203).
î68 Lettres de saint François de Sales
LXIII
AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL I"(i)
Exposé des mesures à prendre pour assurer la conversion du Chablais.
Heureuse influence de M. d'Avully.
Thonon, 29 décembre 1595.
Monseigneur,
Puysqu'il plaict a Vostr 'Altesse de sçavoir les moyens
que je pense (a) estre plus pregnans pour faire sortir en
efFect le saint désir qu'ell'a de voir ces peuples de
Chablaix réunis (b) a l'Eglise Catholique, comme jay
appris de monsieur d'Avully auquel il vous a pieu d'en
escrire, je diray purement et fidellement ce que j'en crois.
Il est du tout nécessaire qu'il y aye un revenu certain
et infallible pour l'entretenement de quelque bon nombre
de praedicateurs qui soyent debrigués de tout autre soucy
que de porter la sainte parole au peuple. A faute dequoy
voyci la second'annëe qui se passe des qu'on a commencé
de prêcher icy a Thonon, sans jamais interrompre, avec
fort peu de fruict , tant par ce que les habitans n'ont
voulu croire qu'on prechast par commandement de
Vostr'Altesse, ne nous voyans entretenir que du jour a
( a ) [Les variantes qui suivent sont extraites d'une copie autographe conservés
à la Visitation de Rennes.]
cuyderoys
(b) ces peuples — reiinis
(I) Charles-Emmanuel I", dit le Grand (12 janvier 1561-26 juillet 1630),
qui fut, malgré ses défauts, l'un des princes les plus remarquables de la maison
de Savoie, était monté sur le trône à l'âge de dix-huit ans. Aussi magnanime que
belliqueux, il se montra le père de son peuple, l'ami des lettres et le protecteur
infatigable de la religion. Après avoir activement secondé notre Saint dans la
grande œuvre de la conversion du Chablais, il resta jusqu'à la fin sou admi-
rateur et son ami, et se plaisait, en parlant de lui, à le nommer le saint Charles
de ses Etats. Il favorisa l'établissement de l'Ordre de la Visitation, et après
la mort du saint Evêque de Genève, fit des démarches en Cour de Rome
pour obtenir l'introduction de sa cause de Béatification.
Année 1595 169
la journée, qu'aussy par ce qu'on n'a peu attirer nombre
suffisant d'ouvriers a ceste besoigne, pour n'avoir ou les
retirer ni dequoy les nourrir, puysque les frais mesmes
qui s'y sont faitz jusqu'à présent ne sont encor payés.
Et a cecy pourroyent suffire les pensions qu'on em-
ployoit avant la guerre a l'entretenement de passé vingt
ministres huguenotz qui prechoyent en ces balliages, sil
playsoit a Vostr'Altesse de commander qu'avec une
prompt'execution elles y fussent appliquées.
Encores seroit il nécessaire de faire redresser les
églises et y establir revenu convenable ('^l pour les curés
qui en auront la charge, ne pouvans les prêcheurs s'at-
tacher a aucun lieu particulier, mays devans estre libres
pour aller par tous ces balliages comme la nécessité
portera. Et sur tout il est besoin («i) au plus tost de dresser
et parer les églises de ceste ville de Thonon et de la
parroisse des Alinges, et y loger des curés pour l'admi-
nistration des (e) Sacremens, veu qu'en l'un et en l'autre
lieu il y a ja bon nombre de Catholiques et plusieurs
autres bien disposés qui, faute de commodités spirituelles,
se vont perdans ; outre ce, que cela servira beaucoup
pour appri\'oiser le peuple a l'exercice de la religion
Catholique, principalement sil y a moyen (f) de faire les
offices honnorablement, comm'avec orgues et semblables
solemnités, au moins en ceste ville qui est le rapport de
tout le duché.
Mays l'on prêchera pour néant si les habitans fuyent
la praedication et conversation des pasteurs, comm'ilz
ont faict cy devant en ceste ville. Playse donques (g)
a Vostr'Altesse fair'escrire une lettre aux scindiques
de ceste ville, et commander a l'un des messieurs les
(c) y establir — revenuz competens
(d) El sur tout — seroit nécessaire
(e) pour — administrer les
(f) commodité
(g) Mays parce que l'on precheroit pour néant si les habitans fuyoyent la
praedication et conversation des pasteurs, comm'ilz ont faict ci devant ea
ceste ville, je crois, Monseigneur, que sil plaict
lyo Lettres de saint François de Sales
Sénateurs de Savo}'e de venir ic)" convoquer générale-
ment les bourgeois, et en pleyn'assemblëe, en habit de
magistrat, les inviter de la part de Vostr 'Altesse a pres-
ter l'oreille, entendre, sonder et considérer de près les
raysons que les prêcheurs leur proposent pour l'Eglise
Catholique, du giron de laquelle ilz furent arrachés sans
ra5'son, par la pure y^) force des Bernois; et ce, en termes
qui ressentent la charité et l'authorité d'un très bon
prince, comm'est Vostr 'Altesse, vers un peuple desvoyé.
Ce leur sera, 31onseigneur, une douce violence qui les
contraindra, ce me semble, de subir le joug de vostre
saint zèle, et fera (i) une grand'ouverture en leur obstina-
tion. Et s'il plaict a Vostr' Altesse y emploj^er monsieur
le sénateur Favre, je tiens que son affection et sa suffi-
sance y seroit extrêmement sortable.
iMonsieur d'AvuUy aussy, avec son exemple et la sol-
licitation familière quil pourra faire vers les particuliers,
aydera beaucoup a l'œuvre ; ce que je crois quil fera
volontiers selon la bonne volonté et disposition quil a,
en laquelle mesme je l'ay tous-jours veu des le commen-
cement que je vins icy.
Apres cela, dresser une compaignie de gens d'armes
ou cavallerie pour engag'er la jeunesse, suyvant l'advis
de feu monsieur le baron d'Hermance, pourveu qu'elle
fut dressée religieusement, avec quelques institutions
chrestiennes, ne seroit pas un moyen inutile d'attirer les
courages a la religion ; ny auss)'', en cas d'obstination,
de priver a forme des edictz de tous offices de justice et
charges publiques (j) les persistans en l'erreur. En fin,
qui adjousteroit a tout cecy un collège de Jésuites en
ceste ville, feroit ressentir de ce bien tout le voysinage,
qui, quand a la religion, est presque tout morfondu.
Reste, Monseigneur, que je remercie Dieu qui vous
présente de si signalées occasions, et allum'en vous de
(h) sans — autre raysoa ni persuasion, mais par la "seule
(i) qui les contraindra — de subir librement le joug de vostre saint zèle,
et fera, ce me semble,
(j ) des edict^ de — toute sorte d'office de justice
Année 1595 171
si sains i^) désirs de luy faire le service pour lequel il
vous a faict naistre prince et maistre des peuples. Il y a
de la despence en ceste poursuite, mais c'est aussy le
suprême grade de l'aumosne chrestienne que de procurer
le salut des âmes. Le glorieux saint Maurice, auquel
Vostr'Altesse porte tant d'honneur, sera nostr'advocat
en ceste cause pour impetrer de son Maistre toute béné-
diction a Vostr'Altesse, qui est(i) l'instrument principal
et universel de l'establissement de la foy catholique en
ces contrées, lesquelles il arrousa i'^^) de son sang' et de
ses sueurs pour la confession de la mesme foy. Ainsy
prie je sa divine Majesté pour la prospérité de Vostre
Altesse, comme je dois, puysque je suis né et mourray,
Monseigneur, de Vostr'Altesse,
Très humble et très obéissant sujet et serviteur,
François De Sales,
indigne Praevost de l'Eglise de Genève (°).
De Thonon, le 2g décembre 1595 (»).
Revu sur l'Autographe conservé à Turin,. Archives de l'Etat.
(k) bons
( 1 ) auquel — vous portes tant d'honneur, sera nostr'advocat en ceste
s"= cnuse au près de son Maistre pour impetrer toute bénédiction a V. Altesse,
qui sera
(m) a arrousëes
in) je suis ne ei — nourri, vivray et mourray, Monseigneur,
Vostre treshumble et tresobeissaut sujet et serviteur.
(o) Le 39. 10. 95. a Thonon.
172 Lettres de saint François de Sales
MINUTE DE LA LETTRE PRECEDENTE
(«) Monseigneur,
Puysque il plaict a V. A. de sçavoir quelz moyens
je cuyderoys estre plus preignans pour la réduction de
ces peuples a la foy catholique, comme j'ay appris de
monsieur d'Avully auquel il vous a pieu d'en escrire, je
produyray purement et fidellement ce qu'il m'en semble.
Voicy la second'annëe que, par vostre bon playsir et
le commandement de Monseigneur le R™^ Evesque de
Genève, quelques vertueux personnages et moy avons
prêché icy a Thonon et es Alinges. Il est du tout néces-
saire quil y ait un revenu certain et infallible pour l'en-
tretenement de quelque bon nombre de prédicateurs,
pu3^sque pour croire il faut ouïr et l'on ne peut ouyr sans
•Cf. Rom., X, 14. prêcheur*, et que ceux qui viendront icy pour prêcher
doivent estre debrigués de tout autre soucy que de porter
la parole de Dieu. A faute dequoy voicy la second'annëe
que Ton prêche icj^ a Thonon sans beaucoup de fruict, tant
par ce que les habitans ne peuvent croire que ce soit
par l'aveu ou bon playsir de V. A., (b) ne nous voyans
entretenir que du jour a la journée, que par ce qu'on n'a
peu attirer nombre suffisant d'ouvriers ('^) a ceste sainte
besoigne, pour n'avoir ou les retirer ni moyen de les y
nourrir, mesme que la despence qui s'y est faite jusqu'à
présent n'a encor esté payée. A quoy pourroyent suffire
les pensions qu'on employoit avant ces guerres a l'entre-
tenement de vingt et tant de ministres huguenotz qui
(a) Monseig'', Je loue Dieu de voir par effect le zèle et «"= affection que
je sçavois... croyois estre en V. A. pour l'advancement de la foy catholique
en ce pais. Monsieur d'Avully m"a faict voir que V. Alt. desiroit sçavoir les
moyens que je penserois estre plus propres pour ce dessain. Monseig'', ja que
sous vostre bon playsir j'ose vous produyre mon avis...
(b) de V. A., — fn'y voyant rien de ferme. ..J
(c) d'oHvritrs — fa U vigne,. .J
Année 1595 173
prechoyent en ce duché, sil playsoit a V. A. de com-
mander qu'avec une prompt'execution elles y fussent
appliquées.
Encores seroit il nécessaire de faire redresser quelques
églises en quelques lieux qui seroyent jugés plus a
propos, avec les autelz bien proprement parés, pour(<i)
apprivoyser les habitantz a l'exercice de la religion catho-
lique ; et en ces lieux la establir revenu compétent pour
les curés qui en auront charge, ne pouvans les prêcheurs
demeurer fermes en aucun lieu, mays devans discourir
de costé et d'autre pour l'instruction de tout le duché,
et mesme des deux autres balliages, s'il y eschoit. Mays
sur tout il faudroit qu'au plus tost on dressât l'autel et («)
fit on parer l'église en ceste ville et de la parroisse des
Alinges, et qu'on y logeât des prestres pour y admi-
nistrer les Sacremens, y ayant en l'un et en l'autre lieu
bon nombre de Catholiques, et plusieurs autres prestz a
se convertir quand ilz verront bon ordre en cest affaire,
qui, faute de ce secours, se perdent bien souvent. Et
puys, de main en main, a mesure qu'on jugera conve-
nable, faudra ainsy par toutes les parroisses remettre sus
l'exercice de la foy catholique et y colloquer des pasteurs.
Et par ce que l'on precheroit pour néant, sur tout en
ceste ville, si les habitans fuyoyent les prêcheurs et la
prédication, comm'ilz ont faict cy devant, et ne veulent
prester l'oreille a l'instruction ni conférer avec ceux qui
viendront, je crois, Monseigneur, que sil plaict a V. A.
fair'escrire une lettre au cors de ceste ville, et com-
mander encores a l'un de messieurs les Sénateurs de
Savoj^e de venir icy faire assembler le conseil gênerai
des bourgeois de ceste ville, et en pleyne assemblée, en
habit de magistrat, les inviter de la part de Vostr'Altesse
a (f) prester l'oreille, ouyr, sonder et considérer de
(d) pour — faccoustumerj
(e) il faudroit — fque tout promptementj on dressât l'autel et friiit on
en ordre...J
{{) de Vostr'Altesse a — se laisser instruire avec la rayson, a revenir au
giron de l'Eglise, duquel par la force...
174 Lettres dh saint François de Sales
près les raysons et prédications de l'Eglise Catholique,
du giron de laquelle ilz ont estes arrachés par les Bernoys
sans aucune rayson, et ce en termes qui ressentent et
la charité et Tauthorité d'un très bon prince, vrayement
catholique comm'est V. A., vers un peuple desvoyé, ce
leur sera une douce violence qui les contraindra de subir
librement le saint joug de vostre zèle. Geste bonté et au-
thorité fera, ce me semble, une bien grande ouverture a
leur obstination, et mettra les voysins en admiration de
la suavité de vostre domination. Et pour ceste négocia-
tion je tiens la dévotion et la suffisance de monsieur le
sénateur Favre pour extrêmement sortable.
(g) Monsieur d'AvuUy auss}^, avec son exemple et la
sollicitation familière quil pourra faire vers les parti-
culiers, aydera beaucoup a l'œuvre, ce que je crois quil
fera volontiers, selon la bonne volonté et disposition
quil a, en laquelle mesme je l'ay tousjours veu des le
commencement que je vins icy.
iMays qui adjousteroit a tout cecy un collège de Jésuites
en ceste ville, feroit ressentir de ce grand bien tout le
vo3'sinage, qui, quand a la religion, est quasi tout
morfondu.
Reste, Monseigneur, que je remercie de tout mon
cœur nostre Sauveur qui vous présente de si grandes
occasions, et donne de si ardantz désirs de luy faire le
service pour lequel il vous a faict naistre prince et
maistre des peuples. Il va de la despence en ceste pour-
suite, ma3^s c'est le suprême grade de l'ausmone chres-
tienne que de procurer le salut des âmes. Le glorieux
JMartir saint iVlaurice, auquel vous portes tant d'honneur,
demandera vangeance a son Maistre contre ceux, quelz
(g) TAinsy ne doute je point, Monseig'', que Vostre Altesse ne se voye bien
tost en possession du fruict de sa sainte intention ; car la principal'excuse que
ceux de ceste ville produysent pour ne venir a la prxdication catholique c'est
que ce leur seroit légèreté, sans autre sujet, de changer... quilz ne croyent pas
que Vostre Altesse en aye tant de désir qu'on dict. Et quand aux vilageois,
pour la plus part ilz sont resoluz de se ranger a l'instruction quil plaira a
Vostre Altesse, parce, ce dient ilz, qu'ell'est mieux entendue qu'eux. J
Année 1595 1^5
quilz soyent, qui empêcheront et retarderont lestablis-
sement de la foy catholique en ces contrées, lesquelles
il a arrousëes de ses sueurs et de son sang pour le tes-
moignage de ceste mesme foy. Au contraire, [il] attirera
par ses prières la bénédiction du Père céleste a quicom-
que Tadvancera, et particulièrement sur Vostre Altesse
qui en est la cause principale et universelle, (h) pour la
prospérité de laquelle je prie ordinairement Dieu, comme
je dois, puysque j'ay ce bien d'estre né et nourry (i),
ainsy que je vivray et mourreiy, sil plaict a sa divine
bonté,
Monseigneur,
Vostre très humble et très obéissant serviteur.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
{h.) ai universelle, — fsur Madame et Messeigneurs les enfans... pour la
prospérité de laquelle je prie Dieu sans cesse...J
( i ) e/ nourry, — fet Tesperance de vivre et mourir... J
ANNEE 1596
LXIV
AU SENATEUR ANTOINE FAVRE
(inédite)
Rencontre avec Martinengo. — Visite du Saint à sa famille et au baron de
Chevron. — Bienveillance que manifestent à son égard le duc de Savoie et
le Nonce apostolique. — Désir de recevoir le douzième Livre des Conjec-
tures.— Encouragement à dédier à l'Evêque la Centurie seconde de Sonnets.
Annecy, 6 février 1596.
Habes sane, fateor, suavissime Frater, quod de me
conqueraris qui hoc anno a me nihil litterarum accepisti ;
habeo vero quod de anno hoc conquerar qui tôt me cur-
sitationibus initio torsit ac contorsit ut nullibi secundum
propemodum diem quiescere licuerit. Martinengius ( 0
Je l'avoue sans peine, très aimable Frère, vous avez sujet de vous
plaindre de moi, car vous n'avez pas encore, cette année, reçu de ma
part la moindre lettre. Et moi aussi j'aurais raison de me plaindre de
cette année dont le début m'a mis et remis en tourment par toutes
sortes de courses, au point de ne pas me laisser, pour ainsi dire,
deux jours de tranquillité de suite. On espérait que Martinengo ( 0
(i) François Martinengo, comte de Malpagua, né à Brescia (1548) d'une
illustre famille vénitienne, avait mis au service de la Savoie sa bravoure
et son dévouement. Grand écuyer, lieutenant de la cavalerie et « lieutenant-
général es armées du duc Emmanuel-Philibert, » il fut sous son successeur
« lieutenant-général deçà les monts » (1388), gouverneur de Nice, puis de la
Provence (1592), qui venait de se soumettre à Charles-Emmanuel V. Investi
encore une fois de la charge de lieutenant-général, il dirigea les opérations
militaires en Savoie et en Bresse (1595). Sa nationalité et la faveur dont il
jouissait éveillèrent les susceptibilités des Espagnols qui menacèrent le duc
de lui retirer tout appui, dans les guerres qu'il soutenait contre la France,
Année 1596 177
quidem cum ad Divse Catharinse arcem venturus spera-
retur, nostrorum precibus adactus sum ut partim noc-
turno, partim diurno itinere ad condictum locum et diem,
negotiorum quorumdam pro clericis cum eo tractandorum
gratia ( 0, [me conferrem ;] cumque mœnia Gebenensia
mane lamberemus, didici te inde [aurora] ejus diei disces-
sisse ( = ), quo mecum longe durius actum existimavi quod
tam parvo temporis intervallo disjungeremur, ac ut fieri
solet, veluti praecurrentem consequuturus, ad multam
usque noctem iter feci ; sed frustra, nam ut, si tamen
factu possibile foret, desiderium quo crucior fruendi te
acueres, mihi ejus ingenium imitatus videbaris, quse fu-
giebat « ad salices sed » se cupiebat « ante videri *. » 'Virgil., Eciog m,
At ego, ne igitur spinetum rosa carens ingrediar (non ^'
viendrait au fort Sainte-Catherine. Sur les instances de nos amis, je
fus obligé de me rendre, partie de jour et partie de nuit, au lieu
et au jour convenus pour y traiter certaines affaires concernant le
clergé { I ). Au matin, comme nous longions les remparts de Genève,
j'appris que vous en étiez parti à l'aube de ce même jour (2). J'en ai
ressenti un regret d'autant plus vif que moindre était l'espace qui
nous séparait, et pour atteindre celui qui semblait, ainsi qu'il arrive
souvent, courir devant moi, j'ai voyagé une bonne partie de la nuit,
mais en vain. Comme pour attiser, si toutefois la chose eût été
possible , le désir dont je brûlais de jouir de votre présence, vous
sembhez imiter l'industrie de celle « qui s'enfuyait vers les saules,
tout en cherchant auparavant à se faire voir. »
Quant à moi, ne voulant pas m'enfoncer dans un buisson d'épines
s'il n'éloignait Maitinengo. Celui-ci se retira dans sa patrie, et plus tard fut
nommé lieutenant-général de la cavalerie vénitienne. Il mourut à Bergame
le 3 février 1621.
(1 ) Les finances de Charles-Emmanuel I*^'' étant fort obérées par suite des
guerres qu'il soutenait contre les hérétiques, ce prince avait obtenu du Pape
l'autorisation de lever un impôt extraordinaire sur le clergé. L'application de
cette mesure avait été confiée à Martinengo, réputé « très au courant des
affaires de la Savoie. » (Archives du Vatican, Nun^. di Savoia, vol. 33.) C'est
à cette occasion que le Saint se rendait auprès du lieutenant-général.
(2) Le registre des Entrées dit Sénat permet de constater une absence du
sénateur Favre du 12 au 15 janvier 1596. Il est très probable qu'il s'était rendu
à Genève pour surveiller l'impression de ses Conjectures, confiée à Jean
de Tournes.
Lfttrfs I 13
iy8 Lettres de saint François de Sales
enim me ad sui contemplationem infœlix civitas, sed
unius quidem hominis, sed qui instar multorum mihi
sit, praesentia pertraxerat), et ut suavissimi complexus
jacturam aliquo modo resarcirem, ad Salesios nostros
venio, mox ad Baronem nostrum Chivronium. qui me
tanta benevolentia quanta maxima dici potest exceptum,
per multos dies quibusdam suis cum fratribus et agnatis
rébus componendis retinuit, ut litteras illas suavissimas
ad 7 calend. Februarii scriptas, hesterna tantum die
acceperim. Sed plurima nihilominus me de te docuerat
frater ille propemodum alter Locatellus, quem semel et
iterum vidi epistolam de me tuam lectitantem, per quam
nobiscum fere coUoqui videbaris, si ea de te non dixis-
semus quae te prsesente dici ipsa tua modestia non
pateretur.
At me nunc nulla potest diutius continere modestia
quin tibi paullulum succenseam, quem cum toties serio
dicentem audiverim summopere optare te nomen tuum
ab ore et aure principum quam longissime abesse, te
sans rose (car ce n'était pas la malheureuse cité qui m'attirait pour
se faire admirer, c'était la présence de cet homme qui seul a pour moi
plus d'attraits que la foule), et afm de compenser en quelque sorte la
perte que j'avais faite de vos embrassements, j'allai chez nos parents
à Sales. Bientôt après je me rendis chez notre baron de Chevron,
qui me fit un accueil bienveillant au dessus de toute expression, et me
retint plusieurs jours pour règlement d'affaires avec quelques-uns
de ses frères et autres parents. Ainsi je n'ai reçu qu'hier votre très
suave lettre du 26 janvier. Toutefois Locatel, que je considère presque
comme un second frère, m'avait beaucoup parlé de vous. Je l'ai vu
lire et relire attentivement cette lettre où il était question de moi, et
grâce à elle, vous auriez semblé partager notre causerie, si, en nous
entretenant de vous, nous n'eussions dit des choses que votre modestie
n'eût pas souffert être dites en votre présence.
Mais aujourd'hui aucune modestie ne pourra me contenir plus
longtemps. Il faut que je me fâche un peu contre vous. Comment ?
Je vous ai entendu dire si souvent et sérieusement que votre ardent
désir était que votre nom fût écarté le plus possible de la bouche et
de l'oreille des princes, et voici que je vous vois dans la plus grande
Année 1596 179
jam laetitiam de eo maximam capere videam quod ma-
gnifice Principem nostrum de me passim et sentire et
loqui cognoveris. Ego vero, mi Frater, quod postea dicis,
Genandi (0 nostri fœlicitati invidere, vel potius deinceps
niti non invidere, beatius semper existimavi. Quod si
stationem inferiorem navicula nostra sortiatur, portum
tamen teneat secura ; ne si veliiicationi velit incumbere,
fiât temp estas inairna, ita ut o-periâtur fluctï bus *. * Jonas.i, 4;Matt.,
yuod autem attmet ad prioratus, prior ratus sum
egomet nihil ad me spectare(2); hoc autem ad me spectat
uti Chaventius, qui a secretis est Principis (3), ingratum
me non existimet. Is autem nuper elegantissime et
joie parce que vous avez appris que notre prince manifestait parfois
dans ses paroles de magnifiques sentiments à mon égard ! Et moi
au contraire, mon Frère, je considère aussi bien que vous, comme le
plus heureux le parti choisi par notre Genand ( i ), dont vous me dites
plus loin envier le bonheur, ou plutôt essayer de ne pas l'envier. Si
notre nacelle occupe un rang inférieur, que du moins elle soit en
sécurité dans le port, de peur que si elle voulait livrer sa voile au vent,
elle ne s'exposât à une grande tempête et ne fût couverte par les flots.
Pour la question des prieurés, je suis le premier persuadé qu'elle ne
me concerne aucunement (2). Une chose pourtant m'intéresse : je
ne voudrais pas que Chavent, le secrétaire du prince (3), me crut
ingrat. Récemment, dans une lettre très élégante et très aimable, il
(i) François Genand, avocat au Sénat de Chambéry (I789), avait quitté
le barreau pour entrer dans l'Ordre des Frères-Mineurs Capucins, où il est
connu sous le nom de P. François de Chambéry. Il y fit profession le 25 jan-
vier 1596, et fut successivement Gardien du couvent d'Annecy {1602-1605),
Custode général (1612), et enfin chargé, en qualité de Commissaire général,
du gouvernement de la Province de son Ordre en Savoie (1614-16181. Orateur
éloquent et apôtre zélé, il s'était acquis par sa sagesse et sa vertu la confiance
des grands qui le consultaient souvent et le prenaient pour arbitre de leurs
différends. Ce Religieux termina au couvent de Belley (1634) une vie dont
plusieurs prodiges attestèrent la sainteté. (Archives des Capucins de Chambéry.)
(2)11 s'agit des prieurés perpétuellement unis de Talloires et de Saint-Jorioz,
vacants d'abord par le décès de Jacques de Savoie (13 décembre 159^). Le duc
Charles-Emmanuel P'' nomma à ce riche bénéfice Viale Calcagni, grand au-
mônier de la duchesse et précepteur des princes; mais celui-ci mourut à la fin
de janvier 1596, avant d'avoir reçu ses Bulles. Charles de La Tour fut institué
prieur commendataire des deux monastères le 13 septembre de la même année.
(3) Voir ci-après, note (i), p. 182,
i8o Lettres de saint François de Sales
amantissime ad me scripsit quaenam Princeps et Xuntius
Apostolicus de me protulerit praejudicia, suamque ipsius
erga me hominem alioquin ignotum propensionem copiose
explicat. Ego per litteras gratias acturus, quo gratius
habeat, si tamen ita videbitur, tu quoque pro me et
habeas et agas.
Duodecimum Conjecturarum librum, mihi quod ais
inscriptum, videre non minus cupio quam soleant alii
amicorum liberos legitimos ; et quod duodecimus sit,
universitate numerorum quam universam totius amicitiae
summam inter nos esse commonstrabit, quod nihil mihi
gloriosius. Sacrum autem de Eucharistiae mysteriis
'Videsupra,p.i37. poema (O non video quare non possis Episcopo dicare *,
cum altius profundiusque sit opus priore, et prasterea
non semper a supremis ad infima, sed interdum ab infi-
mis ad suprema transcurrere asquissime ordo patiatur.
Caput illud de discordi haereticorum cum haereticis
Vide supra, p. 164. concordia * mecum non attuli, vitio famuli cui cum quae
m'a écrit les jugements avantageux que portaient sur moi le prince et
le Nonce apostolique, et exposé amplement son inclination personnelle
pour moi, qui lui suis d'ailleurs inconnu. Je dois le remercier par
une lettre, et, afin de lui être plus agréable, si vous le trouvez bon,
vous le ferez aussi en mon nom, après avoir retenu pour vous-même
une part de mes remerciements.
Vous m'avez dédié, dites-vous, le douzième livre des Conjectures.
Je désire le voir avec autant d'ardeur que d'autres aiment à voir
les enfants légitimes de leurs amis. C'est le livre douzième, nombre
parfait qui prouvera qu'entre nous existe la somme parfaite de toute
amitié. Rien ne saurait me donner plus de gloire. Quant au poème
sur les mystères de l'Eucharistie (O, je ne vois pas pourquoi vous ne
pourriez le dédier à l'Evêque. Cette œuvre est, en eîTet, plus élevée
et plus profonde que la première ; d'ailleurs, c'est dans l'ordre de
ne pas toujours descendre des plus hauts degrés aux plus bas, mais
de monter parfois des degrés inférieurs aux degrés supérieurs.
Je n'ai pas apporté avec moi le chapitre sur l'accord discordant des
hérétiques entre eux. C'est la faute d'un serviteur qui l'a oublié,
( I ) Ce poème constitue la Centurie seconde de Sonnets spirituels en l'/ion-
tieur du Iressaint Sacrement de l^ Autel.
Année 1596 '^'
afFerre statueram commissem, omisit. At faciam [ne]
diutius expectes ; redeo namque ad opus Thononiense,
neque prius quicquam agam quam ut fragmentum iUud
remittam. Illud autem unum te haec scribere me scire
par est.
Ecce a nobili atque bona illa vidua de Plana O epi-
stolam accipio qua modestissime creditam pecuniam a
Domino de Chisse expetit. Jamque vale, atque me sine
otio scribentem excusatum habeto. Universis nostris
salutem plurimam.
Necii, octava idus Februarii, anno millésime quingen-
tesimo nonagesimo sexto.
Revu sur le texte inséré dans le P^ Procès de Canonisation.
quoique je lui eusse donné la liste de ce que je voulais emporter ;
mais je prendrai mes mesures pour que votre attente ne soit pas
trop longue. Je retourne en effet à l'œuvre de Thonon et, avant toute
autre clTose. je vous expédierai cette pièce. Il est bon toutefois que
vous seul sachiez que j'en suis l'auteur.
Je reçois de cette noble et bonne veuve de Planaz ( i ) une lettre
par laquelle elle réclame très respectueusement au seigneur de Chissé
l'argent qu'elle a prêté. Adieu donc, et veuillez m'excuser, car je vous
écris sans loisir. Mille saluts à tous les nôtres.
Annecy, le 6 février 1596.
(X) Donade Pernette de BaiUans, nièce de M«^ de ^ranier et cousine-
,LLe du chanoine de Chissé, avait épousé (1583) Gabr.el de V.gnod
seigneur de Planaz, qui mourut le .6 septembre 159t. Le 7 fevr.er 1^96 M de
Planaz achetait une terre, et le chanoine de Chissé signait en qualUe de temo.n
le contrat d'acquisition. (Archives de la Visitation d'Annecy, Collect.on Vuy.)
Lettres de saint François de Sales
LXV
A MONSIEUR CHAVEXt(0
(minute inédite)
Témoignages de reconnaissance et d'affection. — Eloignement du Saint
pour les dignités ecclésiastiques.
Annecy, vers le 8 février 1596 (2).
Monsieur,
Mon insuffisance ne me despleut onques tant qu'elle
fit quand je vis avanthier la lettre que vous aves daigné
m'escrire ; car j'eus tant d'honte de me voir si peu de
chose au pris de l'opinion que Son Altesse, de sa bonté,
en a conceu et qu'avec son authorité il m'a faict valoir
vers Monseigneur le Nonce, que l'honneur lequel j'en
reçois ne m'en peut pas relever.
J'ay receu la faveur avec laquelle vous m'offres vostre
amitié avec d'autant plus d'humilité que j'en ay moins
de mérite, avec ceste seule appréhension, que peut estre
la connoissance du sujet pourroit c}' après apporter du
changement a ceste vostre volonté; si ce n'est que vous
y regardies l'affection que j'ay de me rendre capable de
vous faire humble service , puisque vous me verries
aussi bien assorti de ce costé la que vous pourries jamais
voir homme. Mais quant a la coadjutorie, toutes raysons
et ma propre expérience me défend de la désirer ; et le
(i) Théodule Chavent avait été d'abord clerc en grande chancellerie (1589)
avant d'être nommé secrétaire ordinaire de Son Altesse à Chambéry. On lui
donne aussi le titre de secrétaire d'Etat.
(2) Bien que cette lettre ne porte ni date ni adresse, il est cependant
permis de conjecturer l'une et l'autre d'après la mention donnée dans la
lettre précédente au secrétaire du duc. L'allusion faite dans celle-ci à la
coadjulorerie de l'évêché de Genève ne contredit pas à la date ; car on sait
que M*"^ de Granier avait résolu de choisir le jeune Apôtre du Chablais pour
coadjuteur longtemps avant d'en faire la proposition à celui-ci.
Année 1596 ^°3
devoir, l'honneur et le zèle que j'ay a Monseigneur le Re-
verendissime Evesque m'empêchera tousjours de penser
a l'evesché pendant que Dieu le me prestera pour Prélat,
et mon incapacité, quand Dieu m'en auroit privé.
Je supplie sa divine Majesté pour vostre santé, et
vous, de me faire cest honneur de vous asseurer que je
vivray tousjours,
Monsieur,
Vostre très humble et affectionné frère et serviteur.
Revu sur le texte inséré dans le I" Procès de Canonisation.
LXVI
A MONSEIGNEUR JULES-CÉSAR RICCARDI
ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN (O
( MINUTE )
Joie qu'éprouvent les Savoisiens de la nomination du Nonce. - Récit de
l'apostasie du Chablais et des tentatives faites pour la conversion de cette
province. - Mesures à prendre pour en assurer le succès.
Thonon, 19 février 1596.
Illustrissimo et Reverendissimo Signore
mio colendissimo,
Dobbiamo quanti siamo de Savoyani, et io particolar-
mente, laudar Iddio et rallegrarci délia felice elettione
che fece Sua Beatitudine di V. S. per Nuncio Apostolico
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,
Nous devons tous, tant que nous sommes de Savoisiens, et moi
particulièrement, louer Dieu et nous réjouir de l'heureux choix que
Sa Sainteté fit de Votre Seigneurie pour l'accréditer en qualité de
(,) Le texte italien de cette lettre n'a jamais été publié. Migne (tome V,
col. 349) se borne à en donner une traduction assez inexacte.
184 Lettkes de saint François de Sales
presso Sua Altezza Serenissima, poichè più zelante,
prudente et pietoso protettore et medico non potevano
desiderare queste povere et afflitte chiese di Savoya. Di-
cano gli altri quel che gliene pare, ma io dico che aile
afflittioni et piaghe de queste chiese savoyane si conve-
niva un rettor et medico quai non solo fosse sufficiente
et prudentissimo, ma anco zelante et pietoso.
Laudato [sia] Iddio benedetto quale ci ha dato V. S.
111™'' et R™% quai nella lettera che mi scrisse un pezzo
fa (0 et che ho un poco fa ricevuta, mostra quanto
sia il suo zelo nell' aiutare questa afflitta provincia col
degnarsi scrivere et trattare cosi amorevolmente meco,
che dalla predica in poi son persona privata et vile.
Onde mi rincresce infinitamente di non haver in me le
altre cose corrispondenti ail' opinione che V. S. lU™'^ et
R'"'' tiene di me, se non un buon desiderio di servire a
santa Chiesa et di ubedire prontissimamente alli com-
mandamenti de' superiori miei, massime di V. S. Ill™^ ;
Nonce apostolique auprès de Son Altesse Sérénissime ; car ces pauvres
églises de Savoie si affligées ne pouvaient désirer un protecteur,
un médecin plus zélé, plus prudent et plus compatissant. Que les
autres disent ce que bon leur semble ; quant à moi je dis que pour
remédier aux maux et aux afflictions de ces églises savoisiennes, il
fallait un guide, un médecin qui fût non seulement capable et très
prudent, mais encore zélé et compatissant.
Loué soit le Dieu béni qui nous a donné Votre Seigneurie Illustris-
sime et Révérendissime laquelle, dans la lettre qu'elle m'adressa il y
a longtemps ( 0 et que j'ai reçue depuis peu, montra quel est son zèle
pour secourir cette province désolée en m'écrivant , et traitant si
cordialement avec moi qui, mettant à part ma qualité de prédica-
teur, suis une personne privée et peu digne de considération. C'est
pourquoi je regrette infiniment de ne posséder aucune des autres
conditions qui justifieraient l'opinion avantageuse que vous avez
conçue de moi, si ce n'est un ardent désir de servir la sainte Eglise
et d'obéir avec une grande promptitude aux commandements de mes
supérieurs, surtout à ceux de Votre Seigneurie. Afin de commencer
( I ) Voir à l'Appendice cette lettre du Nonce, qui est datée du 29 dé-
cembre 1^95.
Année 1596 185
alla quale, per communicare di quelle che mi commanda
per la lettera sua, darô quanto più spesso far si possa
fedele avviso di quanto giudicarô degno délia notitia sua
et de Sua Beatitudine, per bénéficie spirituale délia
Savo3"a. Ma per hora bastarà che io gli dia ragguaglio
deir opéra alla quale piacque a 31onsignore R™" Vescovo
di Geneva di destinarme fa un anno et mezzo,
Fu occupata dai Bernesi una parte di questa diocesi di
Geneva, fa sessant' anni, [e] rimase heretica ; la quale
essendo ridotta in pieno potere di Sua Altezza Serenis-
sima questi anni passati, per la guerra, [e riunita al] suo
antico patrimonio, molti degli [abitanti,] mossi piuttosto
dal rimbombo delli archebuggi che dalle prediche che ivi
si facevano per ordine di JVlonsignor Vescovo, si ridus-
sero alla fede nel seno délia santa madré Chiesa. Ma
poi, essendo infestate quelle contrade dalle incursioni
de'Genevesi et Francesi, ritornarono nel fango; al quale
maie volendo provedere si d'un canto Sua Altezza Sere-
nissima, si dall'altro Monsignore R""" Vescovo, io venni
qua per ordine di detto R'"° Vescovo, no come medico
à exécuter les ordres qui me sont intimés par sa lettre, je la rensei-
gnerai fidèlement, et aussi souvent que faire se pourra, sur tout ce que
je jugerai digne d'être porté à sa connaissance et à celle de Sa Sainteté
pour le bien spirituel de la Savoie. Mais, pour le moment, il suffira
que je lui rende compte de l'œuvre à laquelle il plut à Monseigneur
le Révérendissime Evêque de Genève me destiner, il y a un an
et demi.
Une partie de ce diocèse de Genève fut envahie par les Bernois, il y
a soixante ans, et demeura hérétique ; mais, ces années passées, ce
pays, par la force des armes, rentra sous la domination de Son Altesse
et fut réuni à son antique patrimoine. Bon nombre des habitants,
plus touchés du fracas des arquebuses que des prédications qui leur
étaient faites par ordre de Monseigneur l'Evèque, revinrent à la foi et
rentrèrent dans le sein de notre mère la sainte Eglise ; mais ensuite
ces contrées ayant été infestées par les incursions des Genevois et des
Français, le peuple retomba dans son bourbier. Son Altesse Séré-
nissime d'un côté, et Monseigneur notre Révérendissime Evêque de
l'autre, voulant remédier à ce mal, je vins ici par ordre de mondit
I
i86 Lettres de saint François de Sales
convenevole per tanta infirmità, ma piuttosto corne esplo-
ratore et forriero per vedere corne si potrebbe provedere
di rimedi et di medici. Ma consegliato dall' occasione et
da pochi Catholici che v' erano invitato, io incominciai
[a] fare alquante prediche, non senza qualche speranza
di buon frutto ; et da quelF hora in poi, io per lo più, et
a varie occasioni altri, parte canonici délia Cathédrale,
parte curati di questa diocesi, non habbiam mai intermesso
Tessercitio di predicatione le feste, se non due volte per
certe nécessita. Etsebene il timoré delli heretici vicini ci
ha portato grave impedimento a questa impresa, si va
facendo tuttavia sempre qualche frutto nella conversione
di alquante persone, fra le quali ve ne sono due le più
sufficienti neir heresia che si trovassero.
Siamo di più adesso in procinto, con questa nuova di
pace (0, di fare la raccolta di quanto sin hora habbiamo
Révérendissime Evêque, non comme médecin capable de guérir tant
d'infirmités, mais plutôt comme explorateur et comme fourrier, afin
d'examiner les moyens à prendre pour pourvoir le pays de remèdes
et de médecins. Cependant, inspiré par l'occasion et invité par le petit
nombre de Catholiques qui se trouvaient là, je commençai à faire
plusieurs prédications, non sans quelque espérance de leur voir pro-
duire d'heureux fruits ; dès lors, soit par moi-même le plus souvent,
soit par d'autres prêtres, en partie chanoines et en partie curés de ce
diocèse, l'exercice de la prédication s'est continué sans interruption
tous les jours de fête, si ce n'est deux fois que nous avons été con-
traints de l'omettre. Bien que la crainte des hérétiques nos voisins ait
grandement nui au succès de cette entreprise, on obtient néanmoins
toujours quelques fruits par la conversion de plusieurs personnes,
parmi lesquelles il s'en trouve deux des plus versées dans l'hérésie.
Nous sommes maintenant, grâce à cette nouvelle d'une prochaine
paix ( I ), à la veille de récolter ce que nous avons semé jusqu'ici. Pour
( I ) Cette nouvelle était sans. fondement ; car les conditions de paix dis-
cutées à Bourgoin (voir ci-devant, note ( i), p. i6i) avaient été acceptées par
le duc de Savoie (6 novembre 1595), mais non par le roi de France. De longues
négociations se continuèrent à cet effet entre les deu.\ puissances. La confé-
rence du Pont-de-Beauvoisin ayant été sans résultat, M. de Sillery fut envoyé
à Charles-Emmanuel I"^' qu'il rencontra à Suzc (îo juillet IS96), et M. de
Année 1596 187
seminato. Perché lo santo desiderio di Sua Altezza
Serenissima venga in efFetto, [alcuni mezzi sarebbero da
impiegarsi,] seconde gl' articoli che io glie ne mandai
ci è un pezzo*, nelli quali davo awiso di quanto stimai 'Vide supra, Epist.
necessario. Cioè : che bisognava havere modo et entrata
certa per molti predicatori , quali in diverse parti di
questa provincia heretica potessero spargere la santa
parola, et altra entrata per sacerdoti che nelle parrochie
convertite si devono lasciare per V administratione dei
Sacramenti ; non potendo li predicatori fermarsi in un
luogho particolar, ma dovendo esser liberi per trans-
correre ove la nécessita de'popoli richiederà. ^la sopra
tutto, che in questa terra di Tonone, che è recapito géné-
rale délia provincia, si deve prontissimamente drizzar
r altare et ristaurare la chiesa, con ornamenti et entrata
da potersi fare officio honorato, come sarebbe con organi
o simili cose ; et oltra di questo, doverebbe nel medesimo
tempo esser proveduto a quatro o cinque altre parrochie,
quali hanno dimandati preti per regerle. Poi, se Sua
que le saint désir de Son Altesse Sérénissime s'effectue, [plusieurs
mesures sont à prendre,] selon les articles que je lui en envoyai, il y
a longtemps, dans lesquels je lui indiquai ce que j'estimais nécessaire.
Il faudrait avoir des moyens et des revenus assurés pour nombre de
prédicateurs qui pussent répandre la sainte parole dans les diverses
parties de cette province hérétique. 11 faudrait d'autres revenus
destinés aux prêtres qui doivent demeurer dans les paroisses conver-
ties pour y administrer les Sacrements ; car les prédicateurs ne
peuvent se fixer dans un lieu particulier, mais doivent être libres pour
se rendre là où les besoins des populations les réclameront. Mais
surtout en cette ville de Thonon, qui est le rendez-vous de toute la
province, on doit très promptement ériger l'autel, restaurer l'église et
se procurer des ornements et des revenus pour y faire l'office conve-
nablement, avec accompagnement d'orgue et choses semblables.
Et en outre, il devrait être pourvu dans le même temps aux besoins
de quatre ou cinq paroisses qui ont demandé des prêtres pour les
Chabod, ambassadeur de Savoie, fut reçu par Henri IV le 9 octobre de la même
année. Mais il obtint seulement la prolongation de la trêve jusqu'en mars 1597,
et lu proposition de soumettre tout le différend à l'arbitrage du Saint-Siège.
i88 Lettres de saint François de Sales
Altezza commandasse al Governatore délia provincia di
accarezzare li convertit!, invitare gl'ostinati et privarli,
[se ricusano,] d' ogni officio et honore publico, et in par-
ticolare, se commandasse a uno de' supremi Senatori di
Savoya di venire qui in Tonone invitare questi citadini,
no sarebbe poco aiuto.
Tutta l'importanza sarà nel modo de havere le intrate
necessarie, perché se bene sono in questo paese molti
beneficii, sono tuttavia occupati da varie persone, et per
lo più da' Cavaglieri di Santo ^lauritio et Lazaro (0, Ma
il servitio d'Iddio, di santa Chiesa, di Sua Altezza Sere-
nissima richiede che prima si stabilisca la santa religione,
ogni altra cosa lasciata da parte
Airill"^° et R"»" Patron et S'ig"^ mio osservandissimo,
Il Sig''^ Archivescovo di Bari,
Nuncio Apostolico appresso S. A. Seren""''.
Revu sur le texte inséré dans le P"" Procès de Canonisation.
desservir. Ce serait un grand secours pour nous si Son Altesse com-
mandait au gouverneur de la province de favoriser les convertis,
d'inviter les obstinés , et de les priver [en cas de refus] de toute
charge et de tout honneur public, et surtout s'il ordonnait à l'un des
membres du souverain Sénat de Savoie de venir ici à Thonon exhorter
les habitants.
Le plus important consiste à prendre les moyens pour avoir les
revenus nécessaires ; car bien qu'il y ait en ce pays bon nombrj de
bénéfices, ils sont détenus par diverses personnes, et surtout par les
Chevaliers des Saints Maurice et Lazare (i ). Mais le service de Dieu,
de la très sainte Eglise et de Son Altesse Sérénissime exige que pre-
mièrement on rétablisse notre sainte religion, toute autre considéra-
tion étant laissée de côté
A mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,
Monsieur l'Archevêque de Bari,
Nonce apostolique auprès de Son Altesse Sérénissime.
( i) Voir ci-après la note jointe à la lettre adressée au Conseil des Cheva-
liers des Saints Maurice et Lazare, février 1597.
Année 1596 1S9
LXVII
AU DUC DE SAVOIE, CIIARLES-E.MMANUEL I^''
Nécessité de rendre une des églises de Thonon au culte catholique.
Ebranlement général parmi les hérétiques du Chablais.
Thonon, 19 mars 1596.
3lonseigneur,
La disposition en laquelle je vois maintenant ce peuple
de Chablaix est telle que si, en exécution de la sainte
intention de Vostr'Altesse, on dressoit prontement l'église
a Thonon et quelques autres lieux, je ne doute point
d'asseurer Vostr 'Altesse qu'elle verroit dans peu de moys
le gênerai de tout ce pais reduict, puysqu'en la ville
plusieurs sont si bien disposés et les autres, tant esbran-
lés en leur conscience, que si on leur présente l'occasion
ilz prendront infalliblement le port que Vostr'Altesse
leur désire. Et quand au reste du pais, ilz sont venus
pieça de dix ou douze parroisses prier qu'on leur donnast
l'exercice de la foy catholique. Si que le tems est venu
de voir Dieu loué et le zèle de Vostr'Altesse en efFect,
de laquelle j'attens l'ordre et provision nécessaire; et la
supplie très humblement croire, quoy que peut estr'on luy
die le contraire, que je ne luy escris qu'avec la realité
et conscience en laquelle il faut servir son sauverain
Prince et Dieu mesme.
Je prie sa divine Majesté qu'ell' accroisse tousjours
ses bénédictions en Vostr'Altesse, de laquelle j'ay cest
honneur d'estre,
Monseigneur,
Très humble et très obéissant serviteur et sujet,
François De Sales,
indigne Praevost de S' Pierre de Genève.
De Thonon, 19 mars 1596.
Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat.
ipo Lettres de saint François de Sales
LXVIII
A MONSEIGNEUR JULES-CÉSAR RICCARDI
ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN
Instances pour obtenir l'intervention du Nonce auprès du duc de Savoie. —
Opposition à redouter de la part des Chevaliers de Saint-Lazare. — On
découvre en Chablais quantité de personnes possédées du démon.
Thonon, 19 mars 1596.
Illustrissimo et Reverendissimo Signor
mio osservandissimo,
La speranza nella quale io mi ritruovo adesso di veder
far raccolta di buon numéro d' anime in questa provincia
di Chablaix, se si darà Tordine conforme al zelo di
Sua Altezza Serenissima, mi fa pregar colla débita
humiltà V. S. Ill""* di degnarsi di intercedere acciô no
solo si faccia questo bene, ma si faccia ancora con quella
prontezza che è tanto grata al Signore ; perché in questa
terra di Tonon, recapito de tutta la provincia, sono molti
ben disposti, et quasi tutti graltri tanto commossi nella
conscienza, che se vedessero l' essercitio délia religione
catholica stabilito, facilmente et fra pochi giorni si ridur-
rebbono. Quanto poi a' luoghi circonvicini, di dieci o
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,
L'espérance en laquelle je me trouve maintenant de moissonner
bon nombre dames dans cette province du Chablais, si l'on donne
des ordres conformes au zèle de Son Altesse Sérénissime, me fait
prier en toute humilité Votre Seigneurie de daigner intercéder, afin
que non seulement ce bien s'efitectue, mais encore que ce soit avec
cette promptitude si agréable au Seigneur. Dans cette ville de Tho-
non, rendez-vous de toute la province, beaucoup sont bien disposés,
et presque tous les autres, si ébranlés dans leur conscience que s'ils
voyaient l'exercice de la religion catholique rétabli, ils se rendraient
facilement et en peu de jours. Qyant aux lieux circonvoisins, les
Année 1596 191
dodeci parrochie son già venuti i capi addomandare Tes-
sercitio catholico ; sî che il soprastare in tanto négocie
mi pare gran peccato.
Sua Altezza poi è affettionatissima a questa impresa ;
resta la diligenza nell' essequire , la quai forse potrà
esser impedita da' Cavaglieri di San Lazaro, i quali hanno
l'intrate ecclesiastiche di questo paese, che alla restaura-
tione délie chiese et alla provisione per curati et predica-
tori saranno necessarie. Ma si ricordarà Sua Altezza che
la religion catholica è fondamento de tutte V altre, et che
no sarà mai tanto servita da altra croce come da quella
che nel cuore de'suoi sudditi si va scolpendo. Oltre che
sua divina Maestà richiede adesso questo servitio, poichè
permette che fra queste genti vi siano tanti inspiritati et
tuttavia se ne scuoprano ogni giorno più, i quali rimedio
et refrigerio no sanno trovare se non nel segno délia
Croce , neir acqua et candele benedette , nell' Agniis
Dei et simili cose sacre che per lo innanzi abhorrivano
tanto ; il che mi pare un dolce invitamento délia Provi-
denza suprema a questo popolo di ritornare al grembo
principaux de dix ou douze paroisses sont déjà venus demander
l'exercice du culte catholique, si bien que différer en semblable affaire
me parait grand dommage.
En outre, Son Altesse est fort affectionnée à cette entreprise ; reste
à l'exécuter diligemment. Il pourra se faire qu'on en soit empêché
par les Chevaliers de Saint-Lazare qui détiennent les revenus ecclé-
siastiques de ce pays, revenus nécessaires pour la réparation des
églises et pour l'entretien des curés et des prédicateurs. Mais Son
Altesse se souviendra que la religion catholique est le fondement de
tous les Ordres rehgieux, et que jamais les intérêts du prince ne
seront aussi bien servis par aucune autre croix que par celle que nous
tâchons de graver dans les cœurs de ses sujets. De plus, la divine
Majesté montre qu'elle réclame maintenant ce service, en permettant
qu'il y ait parmi ces gens tant de possédés et que chaque jour on en
découvre davantage. Ils ne peuvent trouver remède et soulagement
que dans le signe de la Croix, l'eau bénite, les cierges bénits, les
Agnus Dei et semblables pratiques sacrées que jusqu'ici ils avaient en
si grande horreur, je crois voir en cela une douce invitation de la
\g2 Lettres de saint François de Sales
délia santa Chiesa, et a quelli che possono di porgergli
aiuti convenienti. Priego adunque Vostra Paternità 111'"*
si degni di procurare un ordine pronto da le Loro Altezze.
Et io, continuando nella ubedienza di V. S. 111"* et
R'"*, no mancarô di darglie poi certi avvisi importanti
per aiuto spirituale di questa diocesi et altre délia
Savoy a.
Fra tanto pregarô l'eterno Iddio che la conservi ad
utilità délia Chiesa, et basciandoli riverentemente le
sacre et paterne mani, restarô,
Di V. S. 111™* et R"%
Perpetuo et divotissimo servitore,
Franc° De Sales,
indegno Prevosto di S. Pietro de Geneva.
In Tonon, alli 19 Marzo 1596.
A Ï\\V°° et Rever'"° Sig'' mio osservandissimo,
Monsig"" l'Archivescovo di Bari,
Nuncio Apostolico appresso Sua Altezza Ser'"*.
Turino.
Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Archives du Vatican.
souveraine Providence pour engager ce peuple à rentrer dans le
giron de la sainte Eglise, et pour déterminer ceux qui en ont le pou-
voir à leur procurer les secours nécessaires. Je prie donc Votre
Paternité Illustrissime de vouloir bien nous obtenir promptement un
ordre de la part de Leurs Altesses.
Et moi, persévérant dans la soumission que je dois à Votre Sei-
gneurie, je ne manquerai pas de lui donner avis dans la suite de
certaines choses importantes pour le bien spirituel de ce diocèse et
des autres de la Savoie.
En attendant, je prierai le Dieu éternel de vous conserver pour
l'avantage de l'Eglise, et baisant respectueusement vos mains sacrées
et paternelles, je demeurerai,
De Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime,
Le perpétuel et très dévoué serviteur,
François de Salfs,
indigne Prévôt de Saint-Pierre de Genève.
A Thonon, le 19 mars 1596.
I
Année 1596 193
LXIX
AU SENATEUR ANTOINE FAVRE
(minute inédite)
Ardent désir de voir le duc de Savoie effectuer un voyage projeté en Chablais.
Envoi d'une lettre pour le P. Chérubin.
Thonon, 16 avril 1596.
Quam verum spem quœ dijfertiir animant affligere*, * Prov., xm, 12.
et certius ex Sacro Codice cognoveram, et nunc quod
peccata mea meruerunt, in causa propria durius expe-
rior. Crastinus enim hic et semper crastinus Principis
adventus (0, quod crastinum etiam tandiu faciat hujus
nostri Christiani negotii eventum hodiernum, mihi jam-
pridem excitât animi dolorem.
« Die mihi, cras istud, Posthume, quando venit * » 'Martial. Epigram.,
1. V, epigr. LViii.
et accedit, Frater suavissime ? Videndi te ingens, ut par
Combien il est vrai que V espérance différée afflige l'âme ! Je le savais
très certainement par les Livres Saints ; mais aujourd'hui, en punition
de mes péchés, j'en fais personnellement une dure expérience. Ce
demain, ce sempiternel demain auquel est toujours remise l'arrivée
du prince (i) me cause depuis longtemps une vive douleur ; car ce
retard renvoie aussi au lendemain ce qui devrait être fait aujour-
d'hui : l'achèvement de nos affaires religieuses.
« Dis-moi donc, Posthumus, quand viendra ce demain ? »
Quand arrivera-t-il, Frère très aimablePJ'ai eu, c'est tout naturel, un
( I ) On voit par les lettres du Nonce de Turin que dès l'année précédente
Charles-Emmanuel P"" avait projeté un voyage en Chablais. En février 1S96
il semblait être sur le point de se mettre en route ; des raisons d'Etat l'obli-
gèrent à différer encore.
Lettres l IJ
1^4 Lettres de saint François de Sales
est, et me apud te de mora in scribendo purgandi desi-
derium [erat] quod litteris nulla possum ex parte explere ;
nec otium quidem affuit, nec tabellarius ; dicam candide,
nec etiam animus, cum singulis propemodum momentis
profectioni intenderem. Quod enim optamus credimus.
Jam vero, hoc redeunte otio et abeunte nuntio, lan-
guescente etiam de profectione spe, brevem hanc animi
mei mitto sententiam. Si venerit Princeps, ad te propero
quamprimum ; si, quod Deus avertat, non venerit, non
committam quin ad te quoque, si qua fieri possit, ex iti-
nere omnino divertam ; namque ecquid in animo habeat,
quando per litteras nequeo, coram extorquere in nomine
Domini decrevi. Res namque hujus status nullam dein-
ceps sine gravi damno patietur dilationem. De demono-
mania ista scribo, uti jubebas, ad R. P. Cherubinum (0.
Res est memoria digna ; si placet, perlegas antequam
reddendi cures copiam.
Itaque, suavissime Frater, me quod facis plurimum
immense désir de vous voir et de m'excuser de vive voix de mon
retard à écrire, car je ne puis en aucune façon satisfaire par lettres
mon affection pour vous. Je n'avais d'ailleurs ni loisir ni courrier,
et, je l'avouerai naïvement, pas même de courage, étant pour ainsi
dire préoccupé à chaque instant de mon départ, tant nous croyons
ce que nous souhaitons.
Mais voici que le loisir m'est rendu, que le courrier va. partir, qu'en
même temps mon espérance de voyage s'évanouit, et je vous envoie
cette brève expression de ma pensée. Si le prince vient, j'accours
aussitôt vers vous ; si, ce qu'à Dieu ne plaise, il ne vient pas, je ne
manquerai pas de me détourner de mon chemin, s'il m'est possible,
pour me rendre auprès de vous. Puisque je ne puis savoir par lettres
quels sont ses sentiments, j'ai résolu de lui en extorquer l'aveu au
nom du Seigneur. Cet état de choses ne peut se prolonger sans un
grave dommage. Selon vos désirs, j'écris au R. P. Chérubin au sujet
de cette démonomanie (0. La chose est digne de mémoire. Lisez
attentivement la lettre, s'il vous plait, avant de chercher l'occasion
de la faire parvenir.
Cependant, Frère très aimable, aimez-moi beaucoup, comme vous
(i) Voir ci-dessus, p. 190, la lettre au Nonce, en date du 19 mars 1596.
Année 1596 195
ama, et bene vale cum clarissima familia tua, quam
plurimum salvere cupio, Christumque habeto propitium.
Tononii, tertio resurgenti Salvatori sacro die, 1596.
Revu sur le texte inséré dans le P'' Procès de Canonisation.
le faites, et portez-vous bien, ainsi que toute votre très noble famille,
que je désire en excellente santé. Que le Christ vous soit propice !
Thonon, troisième jour des fêtes de la Résurrection du Sauveur,
1596.
LXX
A .AIOXSEIGNEUR JULES-CESAR RICGARDI
ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN
Séjour à Annecy, à roccasion du synode. — Remerciements pour trois lettres
reçues du Nonce. — Conversions qui s'opèrent en Chablais. — Nécessité
d'y envoyer un nombre suffisant de prédicateurs, et de nommer aux cures des
prêtres dignes de les occuper.
Annecy, 6 mai 1596.
lUustrissimo et Rcverendissimo Signore mio
osservandissinio,
Essendo venuto qui appresso ^lonsignor R'"° Vescovo
per il sinodo (') et (») altri negotii, ho ricevuto tre délie
JVlon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,
M'étant rendu ici auprès de Monseigneur notre Révérendissime
Evêque pour le synode (0 et pour d'autres affaires, j'ai reçu trois
(a) [Les variantes qui suivent sont extraites d'une minute insérée dans le
I"*"" Procès de Canonisation.]
Vescovo, — si per il sinodo, si ancora per
(i; Ce synode dut avoir lieu le i"^'' mai. Voir ci-devant, note (i), p» 62.
196 Lettres de saint François de Sales
lettere che piacque a V. S. Ill™* scrivermi, due alli 8 di
Aprile di medesima sostanza, et una al terzo, délie quali
la ringratio con ogni humiltà, et délia memoria che hebbe
di me nel bisogno ch' io havevo délia licenza de' libri
prohibiti, la quale io son aspettando ogn'hora, et ancora di
quella(^) dispenza nel matrimonio contratto fra parenti,
non potendo perô mandare a V. S. lU""* i nomi, cognomi,
patria et diocœsi, corne mi commando (<^), per non haver
ancora risposta del loro curato che sta un pezzo lontano.l*^)
Quanto poi alli (^) frutti che si fanno et sonno per
farsi tuttavia in Ciablais, no posso mandargliene ra-
guaglio distinto, massime dei nomi de' convertiti , per
haverli lasciati in Tonon ; et spero fra poco di darne
a V. S. lU'"^ un'allegressa compita (f\ se si darà modo
di potere inviare numéro conveniente de predicatori
des lettres qu'il plut à Votre Seigneurie Illustrissime m'écrire : deux
du 8 avril, traitant du même sujet, et une autre du 3. Je vous en
remercie avec toute humilité , comme du souvenir que vous avez
eu de moi en la nécessité dans laquelle je me trouve d'obtenir la
licence de lire les livres défendus. J'attends encore cette permission
aussi bien que la dispense pour le mariage contracté entre parents.
Je ne puis néanmoins indiquer à Votre Seigneurie Illustrissime, ainsi
qu'elle me l'a ordonné, les noms, prénoms, patrie et diocèse des
intéressés, faute d'avoir reçu la réponse de leur curé qui demeure
assez loin.
Quant aux fruits de salut qui se produisent et se multiplient de
plus en plus dans le Chablais, je ne puis vous donner des renseigne-
ments détaillés, ni vous envoyer la liste des convertis, car je l'ai
laissée à Thonon. J'espère vous annoncer bientôt des nouvelles qui
seront pour Votre Seigneurie Illustrissime le sujet d'une joie parfaite,
si on nous procure le moyen d'envoyer un nombre convenable de
(b) prohibiti, — et délia
(c) perô — dargli il nome, cognome et diocœsi, corne nii commandava per
fargli la gratia
(d) un — poco lontano di qua ; ma di subito ch' io l'havero non manchero
di dargliene certezza.
(e) Quanto poi alla informatione delli
(f) in Tonon ; — fra poco spero di famé a V. S. 111""» un' allcgressa piena
Année 1596 197
in quella ië) provincia, il che aspettiamo délia venuta di
Sua Altezza et conclusione di questa benedetta pace.
Et per conto degli beneficii, no credo esser espediente
di restituirli a quelli che anticamente ne hanno [havute](h)
le provisioni etiandio di Sua Santità, perché ancora che
fossero capaci per la cura dell' anime in luoghi pacifici,
moltissimi tuttavia, per luoghi di guerra et contrasto non
sono sofficienti, se non mettessero altri capaci in luogo
loro('). Et importa infinitamente in questo principio di
far cosa illustre et compita, per esser quella provincia
di Ciablais a petto de tanti heretici. (j)
Non è tempo di dar quelli avisi ch' io promisi (k), sin
tanto che sii in pace questo desolato paese ; et allora no
mancarô di farlo con ogni studio et colla divotione ch' io
devo al servitio di santa Chiesa(i), et forse portandoli
prédicateurs en cette province. Nous attendons ce résultat de la
venue de Son Altesse et de la conclusion de cette bénite paix.
Et pour ce qui est des bénéfices, je ne crois pas expédient de les
rendre à ceux qui précédemment en avaient été pourvus, même par
Sa Sainteté, à moins qu'ils ne mettent à leur place d'autres prêtres ca-
pables. Encore qu'ils fussent aptes au ministère des âmes dans les lieux
où tout est en paix, beaucoup d'entre eux toutefois ne sauraient s'en
acquitter convenablement où l'on doit lutter et combattre. II importe
infiniment de prendre des mesures éclatantes et absolues, cette pro-
vince de Chablais étant environnée d'un si grand nombre d'hérétiques.
Ce serait hors de propos de vous communiquer les renseignements
promis, jusqu'à ce que la paix soit rendue à ce pays désolé. Je le
ferai alors avec le plus grand soin, avec tout le dévouement que je
dois au service de la sainte Eglise, et peut-être pourrai-je les porter
moi-même à Votre Seigneurie Illustrissime.
(g) in — quelle pnrrochie et
(h) ne hanno — havute
(i) in luoghi pacifici, — tuttavia, per luoghi di guerra et contrasto non
sono sofficienti.
(j ) et compita — in quei luoghi che sono tauto a petto de tanti heretici.
Che se nella conversione di questa provincia si Tara compitamente con quello
zelo che si deve, si deve insienie sperare gran moto in tutte le provincie vicine.
(k) quelli avisi — che ho promessi a V. S. 111"">
( 1 ) di— Dio
198 Lettres de saint François de Sales
io stesso a V. S. 111™% allaquale priegho continuamente
dal Signore Iddio ogni contento, essendo,
Di Sua Paternità lU'"' et R™%
Perpetuo et divotissimo servitore,
Franc" De Sales,
indegno Prsevosto délia Cathédrale di Geneva.
Di Anessi, alli 6 di Majo 1596.
A rill"'° et Rever"'*^ Sig'' mio osservandissimo,
Monsig'' rArcivescoiio di Bari,
Nuntio Apostolico appresso di Sua Altezza.
Turino.
Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Archives du Vatican.
Je prie sans cesse le Seigneur notre Dieu de vous combler de toute
sorte de contentement, demeurant,
De Votre Paternité Illustrissime et Révérendissime,
Le perpétuel et très dévoué serviteur,
François de Sales,
indigne Prévôt de la cathédrale de Genève.
Annecy, le 6 mai 1:596.
LXXI
A MONSIEUR d'aVULLY (O
Envoi d'un commentaire de saint Jérôme. — Joie d'apprendre la conversion
de M™' de Rovorée. — Attente de l'arrivée du duc à Thonon.
Sales, 10 mai 1596.
Monsieur,
•lnEccies.,adcap. Je VOUS envoye le commentaire de saînt Hierosme*
tout au long, duquel ont estes tirées les paroles qui
(i) Antoine de Saint-Michel, seigneur d'Avully, Montfort , Vigny, la
Chapelle, baron d'Hermance après la mort de son beau-frère, François-
Melchior de Saint-Jeoire (1597), était un des personnages les plus marquants
IX.
Annéf. 1596 ^99
vous faysoyent difficulté (D. Il est clair et net, plein de
doctrine catholique, puysque la parole de l'Apostre * de- * Gaiat., uit., 8.
meure : Ouœ seminaverit Jiomo, hœc et metet. Et le
secours que les âmes qui sont en Purgatoire reçoyvent,
n'est autre qu'une recompense de la communion de
l'Eglise en laquelle les personnes chrestiennes meurent,
communion par laquelle elles ont mérité d'estr'aydëes par
nos prières. Et c'est la ou se rapporte la première partie
du commentaire, quand il dict : « Mortui vero nihil valent
adjicere ; » c'est a dire, ilz ne peuvent plus acquérir de
mérites ni de justice, mais ilz peuvent bien percevoir le
fruict de celle quilz ont eu en ce monde, et en vertu de
la communion des Saintz, en laquelle ilz sont decedés,
peuvent estr'aydés par les prières, ausmones et satisfac-
tions. Le dernier sens quil apporte du chie7i mort et
lion vivant'^ est mistique ou allégorique ; mays vous • Eccies., ,x, 4.
considereres mieux que moy tout cecy.
J'ay eu ceste bonne nouvelle que madame de Ra-
voyrëe ( = ) et sa fille de chambre avoyent abjuré l'heresie.
du pays par rancienneté de sa maison, l'importance des fiefs qu'il possédait
en Chablais, et par l'illustration qu'il s'était acquise dans les armes et dans
les lettres II avait été longtemps le principal appui du protestantisme et de-
meurait encore juge du consistoire de Tlionou. Son âme droite et loyale fut
ébranlée en assistant au premier sermon de saint François de Sales{24 juin 1593);
dès lors il chercha la vérité, et, non content de l'embrasser dès qu'elle lui fut
connue, il seconda activement le courageux Apôtre entre les mains duquel,
d'après plusieurs contemporains, il aurait abjuré l'hérésie à Thonon. Toutefois
la cérémonie solennelle de son abjuration eut lieu à Turin, le 26 août 1396,
en présence du Nonce apostolique et de l'Inquisiteur. Le seigneur d Avully
épousa en premières noces (3 janvier 1573) Jeanne-Andrée de Saint-Jeoire,
fervente catholique qui contribua beaucoup à sa conversion, et en secondes
noces (contrat dotal du 10 octobre 1608), Florise de Boy vin, baronne du ViUars.
Il mourut en 1610, âgé d'environ cinquante-neuf ans.
On a de lui quelques ouvrages de peu d'étendue, entre autres :
Copie de la lettre du Seigneur d' Avully touchant la dispute des ministres
avec le R. P. Chérubin, prescheur de V Ordre des Capucins, mdcviii.
Armes offensives et défensives contre les hérétiques calvinistes, par messire
Antoine de Sainct Michel, gentilhomme savoy^ien, seigneur d' Avully. Tonon,
Marc de la Rue, 1602.
( I ) Cet extrait de saint Jérôme, écrit de la main d'un secrétaire, est joint a
l'Autographe de la présente lettre ; on a jugé à propos de le reproduire ci-après.
(2) Madeleine de Saint-Michel, fille du seigneur d'AvuUy et de Jeanne-
Andrée de Saint-Jeoire, avait épousé François de la Fléchère, seigneur de
Rovorée ou Ravorée, en Faucigny. Elle était veuve en 1623.
Vers. 3.
200 Lettres de saint François de Sales
Je ne sçai si elles auront esté instruittes a plein fons, et
partant je vous supplie, ou par lettre ou autrement, les
consoler. Que si loccasion se praesentoit, je voudrois
bien sçavoir s'il leur sera point demeuré de scrupule, car
il est mal aysé a personnes qui ne sçavent pas poiser la
fermeté de la vraye Eglise de démordre ainsi tout a coup.
Or, Monsieur, c'est chose vostre , que je ne vous dois
pas recommander si je ne vous estois tant serviteur que
je suis.
Je languis en ceste si longu' attente de Son Altesse,
laquelle ne venant pas ceste prochaine semayne, comme
on praetend, je retourneray a Thonon pour l'attendre. Ce
pendant j'y envoj'e mon cosin (0. Monseigneur le Nonce
m'escrit que Son Altesse est très bien résolue pour le
revenu des bénéfices et affectionnée a ceste besoigne.
Je prie Dieu nostre Créateur quil nous face vivr'et
mourir pour son service, et vous supplie croire que je suys,
Monsieur,
Vostre humble serviteur,
France De Sales.
A Sales, le lomay 96, ou je bayse les mains de madame
i^ostre compaigne et de toute vostre honorable brigade.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
( r ) Le chanoine Louis de Sales, à qui une note biographique sera consacrée
plus loin.
EXTRAIT DU COMMENTAIRE DE SAINT JÉRÔME
(Voir la note (i) de U page précédente)
Est confidentia quoniam canis vivens nwJior est leone mortuo; quia
Eccies., IX, 4-6. viventes sciunt quod moriantur et ;w/7?</nesciunt quicquam*, etc. Quia
supra dixerat* cor filionim hominum impleri maïitia et procacitate, et
post hœc omnia morte finiri, nunc eadem complet, et repetit : donec
vivunt homines eos posse fieri justos, post mortem vero nullam
boni operis dari occasionem. Peccator enim vivens potest melior esse
justo mortuo si voluerit in ejus transira virtutes ; vel certe, eo qui se
Année 1596
201
in malitia, potentia, procacitate jactabat et mortuus fuerit, melior
potest quis pauper esse et vilissimus. Quare ? Quia viventes, metu
mortis, possunt bona opéra perpetrare ; mortui vero nihil valent ad
id adjicere quod semel secum tulere de vita, et oblivione obvoluta
sunt omnia ; juxta illud quod in Fsalmo scriptum est* : Oblivioni
datus suin Uvnqiuvn mortuus a corde. Sed et dilectio eorum et odium et
aemulatio, et omne quod in seculo habere potuerunt, mortis finitur
adventu ; nec juste quippa possunt agere nec peccare, nec virtutes
adjicere nec vitia.
Licet quidam liuic expositioni contradicant, asserentes etiam post
interitum excrescere nos posse et decrescere, et in eo quod nunc
ait* : Et pars non erit eis adbuc in seculo, in omni quod factum est siib
sole, ita intelligunt ut dicant eos in hoc seculo, et sub hoc sole quem
nos cernimus, nullam habere communionem, habere vero sub alio
seculo (de quo Salvator ait : Non suin ego de hoc inundo ''•') et sub sole
Justitiïe * ; et non excludi opinationem quœ contendit, postquam de
hoc seculo migraverimus, et olïendere posse creaturas rationales et
promereri. Aliter referebat mihi Hebraeus versiculum istum in quo
dicitur : Melior est enim canis vivens super leoneui inortuum, ita apud
suos exponi : utiliorem esse quemvis indoctum, et eum qui adhuc
vivat et doceat prœceptore perfecto qui jam mortuus est. Verbi causa,
ut canem intelligerent unum quemlibet de pluribus praeceptorem, et
leonem Moysem aut alium quemlibet Prophetarum.
Sed quia nobis hsec expositio non placet, ad majora tendamus ; et
Chananasam illam cui dictum est : Fides tua te salvam fecit, canem
esse juxta Evangelium * dicamus, leonem vero mortuum circumcisio-
nis populum, sicut Balaam Propheta dicit* : Ecce populus ut catulus
leonis consurget, et ut leo exultavit. Canis ergo vivens nos sumus, ex
nationibus ; leo autem mortuus Jud^orum est populus, a Domino
derelictus : et melior est apud Dominum iste canis vivens quam leo ille
mortuus. Nos enim viventes cognoscimus Patrem et Filium et Spiritum
Sanctum ; illi vero mortui nihil sciunt, neque expectant aliquam repro-
missionem atque mercedem, sed compléta est memoria eorum ; neque
ipsi meminerunt quae scire debuerant, neque illorum jam Dominas
recordaturus est. Dilectio quoque qua aliquando Deum diligebant
periit ; et odium, de quo audacter loquebantur * : Nonne odientes te,
Domine, odivi et super inimicos tuos tabescebam? necnon et :(elus eorum,
juxta quem Phinees i^elatus est* et Mathathiae intremuerunt poplites **.
Perspicuum est autem quod et pars eorum non est in seculo; non
enim possunt dicere : Pars mea Dominus *.
Ps. XXX, 13.
Cap. cit., *. 6.
* joan., VIII, 2j.
• Sap., V, 6.
Matt., XXVI, 28.
Num., XXIII, 24.
Ps. cxxxviii, 21.
Num., XXV, ij.
*I Mac, 11, 24.
Thren., m, 24.
202 Lettres de saint François de Sales
LXXII
A MONSEIGNEUR JULES-CÉSAR RICCARDI
ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN
(minute inédite)
Calomnies répandues à la cour de Savoie contre M. d'AvuUy et l'Apôtre
du Chablais. — Abandon dans lequel on laisse ce dernier. — Désir de faire
un voyage à Turin.
Thonon, septembre 1596.
Illustrissimo et Reverendissimo Signor mio
osservandissimo,
Hebbi hieri da monsieur di AvuUy la lettra che si
compiacque V. S. 111'"'' di farmi alli 27 di Agosto, con
intera et perfetta allegrezza del contento ch' essa hebbe
nella reconciliatione di questo cavagliero. Speravo ch'egli
havrebbe dato conto al Serenissimo Prencipe di quel
poco che sin adesso habbiam potuto fare qui in questo
paese, et di quanto è necessario per veder fra pochi mesi
questa benedetta opra compita et perfetta. Ma, per quanto
mi ha detto, fu avertito che(^) non mancavano calom-
niatori in quella corte, et délia sua conversione alla santa
Chiesa, et délia mia intentione in i^) queste mie poche
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,
Je reçus hier, par M. d'Avully, la lettre que Votre Seigneurie
Illustrissime eut la bonté de m'écrire le 27 août, et j'éprouvai une
entière et parfaite allégresse du contentement que vous donna la
conversion de ce chevalier. J'espérais qu'il aurait rendu compte au
Sérénissime Prince du peu qu'il nous a été possible de faire jusqu'ici
dans ce pays, et de ce qui est nécessaire pour voir en peu de mois
cette bénite œuvre achevée et affermie. Mais, d'après ce qu'il m'a
dit, on l'a prévenu qu'il ne manquait pas de gens à cette cour pour
calomnier sa conversion à la sainte Eglise, et mon intention dans
(a) c/te — fal modo dalle corti.J
(b) in — rquesta mia fatica. Il che lo trattenne un poco piu...J
Année 1596 203
fatiche ; et per questo hebbe opinione di non poter com-
modamente esser creduto, sî che lasciô di parlarne più.
Il che mi fa tanto magiormente desiderar d' inviarme per
Torino, acciô possa havere risolutione del beneplacito di
Sua Altezza sopra questo tanto importante negotio (0.
Et se si darà Tordine pronto come si conviene, ritor-
narô certo et sicuro di veder ben presto lieta raccolta di
migliaïa d' anime ; se per contrario no si darà, pigliarô
la benedittione di V. S. Iir^ et R™" et licentia di aban-
donnar questa impresa per altri più capaci, chè mi sento
spezzar il cuore di veder le parrochie intere desiderar di
esser satiate délia santa dottrina catholica et non po-
terli (sic) provedere, per non havere il modo per inviare
a quest' opra numéro sofïiciente de praedicatori et pastori.
Ne posso più io solo restare qui per esser favola delli
nemici, i quali vedendo non si dar altr' ordine, sprezzano
tanto più il mio ministerio, del quale nientedimeno io ad
ogni modo devo esser zeloso.
Quanto poi alli calomniatori, spero che in fine si co-
gnoscerà, et Io sa Iddio benedetto, che quanto a questo
ce peu de fatigues que j'ai soutenues. 11 se persuada pour cette raison
qu'il n'aurait pas été cru facilement ; aussi laissa-t-il d'en parler
davantage. C'est ce qui me fait toujours plus désirer d'aller moi-même
à Turin afin d'obtenir une déclaration du bon plaisir de Son Altesse
sur cette affaire si importante ( i '.
Que si, comme il convient, on donne promptement des ordres, je
reviendrai sûr et certain de voir bientôt mûrir une heureuse moisson
de plusieurs milliers d'âmes ; si au contraire on ne les donne pas, je
demanderai votre bénédiction et la permission d'abandonner cette
entreprise à d'autres plus capables que moi. J'ai le cœur brisé de me
voir hors d'état de satisfaire des paroisses entières qui désirent être
rassasiées de la sainte doctrine catholique, faute d'avoir les moyens
de leur envoyer à cet effet un nombre suffisant de prédicateurs et de
pasteurs. Je ne puis plus rester seul ici pour devenir la fable de nos
ennemis, qui, voyant qu'on ne donne plus aucun ordre, méprisent
mon ministère, dont cependant je dois être jaloux de toute manière.
Quant aux calomniateurs, j'espère qu'à la fin on connaîtra, et Dieu
( I ) Le Saint partit effectivement pour Turin au commencement d'octobre.
204 Lettres de saint François de Sales
io da ogni ambitione sono libero, ne con queste poche
fatiche cerco di esser cognosciuto da' superiori se non
quanto basta per esseguire questo servitio et altri cosî
fatti. Et contro de tutte queste lingue, ho sufficiente pro-
tettione nella bontà di V. S. 111""*; ne spruzaranno giamai
i calomniatori tante aque de maledicentie che possano
estinguere il zelo del quale arde il serenissimo cuore
délie loro Altesse.
Délia conversione di monsieur d'Avully già ne scrissi
ultimamente a V. S. 111"* et glie ne darô conto più
particolar ; chè invero non a luy (sic) solo et a me, ma
ancora al gênerai di questo negotio, fanno gran prejuditio
questi tali maledicenti ; et in questo sonno favorevoli agli
hseretici, quali vanno calomniando tutte le conversioni
che si sonno fatte a'tempi nostri, per impedir Tefifetto
che suol far Tessempio dei primi nelle conscientie del
popolo. Ma sopra questo et moite altre cose per servitio
di Iddio et di santa Chiesa, spero che presto V. S. 111"*
et R™* me darà udientia con quell' amorevolezza colla
le sait, combien en ceci je suis libre de toute ambition, et que, par
ces quelques travaux, je ne cherche pas à être bien vu de mes supé-
rieurs, sinon autant qu'il le faut pour remplir cette mission et d'autres
semblables. Contre toutes ces langues je trouve une protection suffi-
sante dans la bonté de Votre Seigneurie; du reste, les calomniateurs
ne lanceront jamais les eaux de leurs détractions avec tant de pro-
fusion qu'elles puissent éteindre le zélé dont brûle le cœur de leurs
Altesses Sérénissimes.
J'écrivis dernièrement à Votre Seigneurie au sujet de la conversion
de M. d'Avully, et je vous en rendrai un compte plus particulier
encore ; car vraiment ce n'est pas seulement à lui et à moi, mais
c'est au général de la mission, que ces médisants portent un grand
préjudice. Ils sont en cela favorables aux hérétiques, qui calomnient
toutes les conversions opérées de notre temps afin d'empêcher l'effet
que produit ordinairement l'exemple des plus notables sur les con-
sciences du peuple. Mais pour ceci et beaucoup d'autres choses qui
regardent le service de Dieu et de la sainte Eglise, j'espère que bientôt
Votre Seigneurie me donnera audience selon cette bienveillance
avec laquelle elle daigne m'inviter en son palais, afin que je puisse
Année 1596 205
quale si degna di invitarme al suo palazzo, acciô che(^)
io possi avantarme (sic) poi no solo di esser suo divo-
tissimo et humilissimo, corne sono, ma ancora domestico
servidore. Corne tal, bascio humilissimamente le reve-
rendissime mani et resto,
Di V. S. 111'"%
Ubedientissimo et indegnissimo servo,
F. De s. p.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Rennes.
m'honorer non seulement d'être, comme je le suis, votre très humble
et tout dévoué, mais encore votre serviteur familier. En cette qualité
je baise humblement vos mains vénérées et reste,
De Votre Seigneurie Illustrissime,
Le très obéissant et très indigne serviteur,
François de Salfs, Prévôt.
(c) accio che — fsi corne io gia ad ogni modo glie sono divotissimo et
humilissimo servidore, cosi ancora — I
LXXIII
AU MEME
Instances pour obtenir le rétablissement du culte catholique
dans quelques paroisses du Chablais.
Sales, 14 novembre 1596.
Illustrissimo et Reverendissimo Signor mio
osservandissimo,
Questa ritardatione délia conclusione di pace(0 me fa
gran dubbio che Sua Altezza Serenissima no difFerisca
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,
Ce délai apporté à la conclusion de la paix ( i ) me fait grandement
redouter que Son Altesse Sérénissime ne difïêre de venir au secours
( I ) Voir ci-devant note ( i ), p. 186.
2o6 Lettres de saint François de Sales
r aiuto che se deve dar a quell' anime di Chiablais ; et no
sapendo di dove rivolgermi, supplice humilissimamente
V, S. m™'' che per amor di Dio no permetta ch" io passi
costî r advento di Nostro Signore senza vederlo venuto
in quelle contrade ; anzi procuri, colla solita carità, che
almanco in tre o quattro luoghi si comminci Y essercitio
catholico, se per il freddo no si potrà più ottenere.
È molto il comminciare : se venirà piccolo Christo
corne bambino in queste feste natalitie, crescerà poi pian
Ephes., IV, 13. piano sino alla perfetta mesura délia plenitudine *. Et
in questo, ad ogni modo non ciè altro pericolo se non di
tralasciare l'impresa et fugire di Bethléem, in caso che
questo trattato di pace se terminasse in guerra ; il che no
solo nel Chiablais, ma in molti altri luoghi di questa
diocesi traverrebbe. Chi sa se Iddio vuole che la pace
spirituale sii preparatione et fondamento alla temporale.
Son in procinto di passare in Tonone, quantunque io
sia certo di esser favola delli nemici, sin tanto che ci
venga l'ordine di Sua Altezza, il quale io sempre, lieto
et sicuro, vado aspettando, mentre mi ricordo del zelo
de ces populations du Chablais. Ne sachant de quel côté me tourner,
je supplie humblement, pour l'amour de Dieu, Votre Seigneurie de ne
pas permettre que l'Avent s'achève sans que je voie Notre-Seigneur
rentrer en ces contrées. Veuillez donc nous obtenir qu'on commence
l'exercice du culte catholique au moins dans trois ou quatre localités,
si à cause du froid on ne peut faire davantage.
C'est beaucoup de commencer : si le Christ vient à nous comme
petit enfant en ces fêtes de Noël, il grandira ensuite peu à peu jusqu'à
la pâvhltc plénitude de la vuituritè. Et en cela, il n'y a de toute façon
aucun péril à courir, si ce n'est celui d'abandonner l'entreprise et de
fuir de Bethléem, au cas où ces négociations de paix aboutiraient à une
guerre; ce qui traverserait [les intérêts de la religion] non seulement
en Chablais, mais dans plusieurs autres lieux de ce diocèse. Qui sait
si Dieu ne veut pas que la paix spirituelle soit la préparation et le
fondement de la temporelle ?
Je suis sur le point de me rendre à Thonon, bien que je sois certain
d'être la fable de nos ennemis jusqu'à ce que nous arrive l'ordre
de Son Altesse. Je l'attends toujours avec joie et assurance, me
Année 1596 307-.
ardentissimo che V. S. lU'"" adopra in questa soUecita-
tione, alla quale pertanto no raccommando più il negotio.
Solo dirô che la speran^a che si differisce ciffligge in-
credibilmente V anima mia * et de molti buoni Catholici, * Prov., xm, 12,
massime delli principianti, et sarà forse causa d'afflittione
aeterna a molt' altre.
Finisco con prieghar il Signore che ci conservi V. S.
Ill""", délia quale io sono eternamente
Humilissimo et devotissimo servidore,
Franc° De Sales,
Prevosto di Geneva.
Di Sales, casa paterna mia, alli 14 9^''° iSgô.
Air 111'"" et R"'° Sig'' mio osservandissimo,
Monsig"" r Arcivescoùo di Bari,
Nuntio Apostolico appresso S. A. Seren'"'^.
Turino.
Revu sur une copie authentique conservée à Rome, Archives du Vatican.
souvenant du zèle très ardent que Votre Seigneurie déploie dans cette
poursuite ; je crois donc superflu de la lui recommander encore.
Je dirai seulement que V espérance diffcrce afflige incroyablement mon
àme et celles de beaucoup de bons Catholiques, surtout des nouveaux
convertis ; peut-être même sera-t-elle la cause de la désolation
éternelle d'un grand nombre d'autres.
Je termine en priant le Seigneur de nous conserver Votre Seigneu-
rie Illustrissime, de laquelle je suis pour jamais
Le très humble et très dévoué serviteur,
François de Sales,
Prévôt de Genève.
De Sales, ma maison paternelle, le 14 novembre 1596.
2o8 Lettres de saint François de Sales
LXXIV
AU SÉNATEUR ANTOINE FAVRE
(MIXUTE;
Désir de lui voir accepter la charge de Président du Conseil de Genevois.
— Délais apportés aux affaires du Chablais. — Projet d'un pèlerinage au
tombeau de saint Claude.
Annecy, 23 ou 24 novembre 1396 (i).
3liraberis et merito fateor, mi Frater, me totis iis
octo quibus [Necii] fui diebus nihil ad te dédisse littera-
rum. At ne propterea crede, quaeso, nihil me dédisse
cogitationum qui meae menti unus perpetuo obversaris ;
sed tôt undique sum obrutus negotiis, et dico candide,
ut Necii nunquam mihi firmus fuerim. Xunc vero in pro-
fectionis articulo, quod a mora non potui, ab ipso discessu
otium hoc scribendi quale quale est expressi.
In Ducis nostri Gebennensium mente et ore eo es
imprimis loco ut meliore vix esse possit quisquam, et si
permittas intelligi te (sic enim de more aulico loquor)
Vous serez étonné, mon Frère, et avec raison, que j'aie pu passer
huit jours à Annecy sans vous donner de mes lettres ; mais ce n'a
pas été sans vous donner de mes pensées, car vous êtes perpétuelle-
ment présent à mon esprit. Les affaires m'assiégeaient de toutes parts,
à tel point que, je vous le dis en parfaite sincérité, je ne me suis pas
appartenu un seul instant à Annecy. Maintenant toutefois j'obtiens au
moment du départ ce que je n'ai pu me procurer en le différant : le
loisir de vous écrire un mot n'importe comment.
Vous occupez la première place dans l'estime de notre duc de Gene-
vois, et il ne porte personne aussi haut que vous dans ses louanges.
( I ) La corrélation étroite qui existe entre cette lettre et celle du sénateur
Favre du ai novembre 1596 (voir à rAppcndice\ prouve qu'elles ont été
écrites à la même époque.
Année 1596 209
Praesidem, hic non optatissimum modo, sed his tem-
poribus necessarium sumus habituri. Plura nequeo per
epistolam et atramentiun*. •Cf.iijoan.,y. la,
Vidi sLimma mea voluptate fratrem nostrum ( i ) ; nihil
suavius, candidius, politius. Ita tamen vidi ut vix vidisse
dici possim, cum enim ad extremum diei crepusculum
convenissemus, magis utrimque audivimus quam vidi-
mus, etsi per duas horas simul fuimus.
De re nostra Tononiensi quid dicam, mi Frater ?
Dominus de Jacob (*) mira dédit in promissis. Undique
captamus occasiones Principis hac in causa gratiam serio
ineundi : per Nuntium Apostolicum, per Jesuitas, per
Cappucinos. Incaeperam bene sperare, sed de bello audio
nescio quid quod meaB spei negotium facessit. Verum
iis Deus optimus maximus pro sua pietate moderabitur.
Si vous permettez que l'on vous considère comme Président (c'est
ainsi que je parle à la façon des hommes de cour), nous aurons un
Président non seulement très désiré ici, mais tel qu'il nous le faut
dans les circonstances où nous nous trouvons. Je ne puis vous en
dire davantage par le moyen de l'encre et du papier.
J'ai vu notre frère avec une très grande satisfaction (0 : on ne saurait
trouver quelqu'un de plus aimable, de plus simple, de plus gracieux.
Cependant c'est à peine si je puis dire l'avoir vu, car notre rencontre
eut lieu en plein crépuscule, de telle sorte que nous nous sommes
entendus plutôt que nous ne nous sommes vus, bien que nous ayons
passé deux heures ensemble.
De notre affaire de Thonon, que vous dirai-je, mon Frère? M. de
Jacob (2) nous a fait les plus belles promesses. Nous saisissons toutes
les occasions d'intéresser le prince à notre cause, soit par l'entremise
du Nonce apostolique, soit par celle des Jésuites et des Capucins. Je
commençais à espérer un succès favorable, mais j'entends je ne sais
quelles annonces de guerre qui ébranlent mes espérances. Dieu très
bon et très grand disposera de tout dans sa miséricorde.
(i) Il s'agit probablement de l'un des frères du sénateur Favre; nous les
rencontrerons souvent dans la suite de la correspondance de saint François
de Sales.
(a) Guillaume-François de Cbabod, seigneur de Jacob, gouverneur de
Savoie. Ce personnage étant l'un des correspondants du Saint, sa note bio-
graphique sera donnée en regard de la première lettre qui lui est adressée.
Lettres I i^
210 Lettres de saint François de Sales
Scribam quam primum peregrinationem ad Divi Clau-
dii reliquias absolvero, quam post concionem diei Do-
minicae Tononi, Deo dante, faciendam, incipiam.
Bene vale, Frater suavissime, et me quod facis ama.
Unicum id erit hoc tam acerbo tempore oblectamentum.
Necii.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
Je VOUS écrirai après le pèlerinage que je me propose de faire aux
reliques de saint Claude. Je partirai, s'il plait à Dieu, après le sermon
que je dois prêcher Dimanche à Thonon.
Adieu, mon très doux Frère, aimez-moi toujours comme vous le
faites ; c'est la seule consolation que j'aie en ces temps malheureux.
Annecy.
LXXV
A UN COUSIN
(inéditb)
Témoignages d'affection. — Annecy est menacé de la peste.
Message pour le P. de Lorini.
Coursinge, 23 novembre 1596.
Monsieur mon Cosin,
Je vous escris avec cest'asseurance que le peu de loysir
et de commodité que j'ay ne vous empêchera pas de
croire a bon escient que vous n'aves point de parent qui
soit plus vostre affectionné que je suis.
Madame vostre mère, ma cosine, se porte très bien,
Dieu mercy. A Necy il y a eu quelque soupçon de conta-
gion, mays ce ne sera rien, Dieu aydant. Je ne sçay si
Année 1596 211
le R. P. Jan de Lorini se resouviendra point de moy ; a
toutes fortunes je vous prie le saluer de ma part.
J'ay voulu vous saluer par ce mot de mauvays ancre
et de mauvays papier, mais avec autant de bonne afifec-
tion que peut et doit un qui désire de vous estre irré-
vocablement,
31onsieur mon Cosin,
Vostre très humble et affectionné serviteur et cosin,
François De Sales,
Praevost de S' Pierre de Genève.
A Coursinge, le jour sainte Catherine 1596, ou je salue
très affectionnement messieurs nos cosins.
Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin,
Archives de l'Etat.
LXXVI
AU SÉNATEUR ANTOINE FAVRE
(inédite)
Recommandation en faveur de M. de Coursinge.
Fin novembre 1590.
Monsieur mon Frère,
L'obligation que j'ay d'affectionner le service de mon-
sieur de Coursinge (O faict que sçachant qu'il alloit au
Sénat pour un sien affaire d'importance, je vous supplie
que son droict vous soit en recommandation. Et bien que
la singulière recommandation en laquelle vous aves la
justice soit un'inseparable propriété de vostre vie et qui
(i) Il s'agit selon toute vraisemblance d'Annibal de Genève, seigneur de
Coursinge ou Cursinge, Cervens et Draillans, capitaine d'une compagnie sous
le marquis de Treffort (lo février 1594). Il avait épousé Lucrèce Roëro. Son
testament est daté du 7 juin 1599.
212 Lettres de saint François de Sales
vous rend digne de recommandation immortelle, si est ce
que pour rendre l'amitié de laquelle vous m'honnores et
l'honneur que je vous porte plus recommandable, j'ay
deu, ce me semble, vous faire, et vous prie de recevoir,
ceste humble recommandation qui part de celuy qui ne
pense en rien estre recommandable qu'en l'honneur qu'il
a d'estre advoiié de vous,
Monsieur mon Frère,
Vostre très humble et très afifectionné
frère et serviteur.
Revu sur le texte inséré dans le P'' Procès de Canonisation.
LXXVII
A MONSEIGNEUR JULES-CÉSAR RICCARDI
ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN
Réclamations au sujet d'un legs fait à trois églises de Savoie.
Thonon, 29 novembre 1596.
lUustrissimo et Reverendissimo Signor mio
osservandissimo ( ^ ),
La bontà di V. S. Iir* mi fa tuttavia maggior animo
di adoprare(b) i sûoi favori. Furono legati ciè un pezzo
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,
La bonté de Votre Seigneurie Illustrissime m'encourage toujours
plus à me prévaloir de ses faveurs. Un gentilhomme savoislen,
(a) [Les variantes qui suivent sont extraites d'une minute insérée dans le
I"^ Procès de Canonisation.]
colendissimo
(b) addomandargli
Année 1596 213
da un gentilhuomo Savoyano habitante in Roma, chia-
mato il signor Vignodi ('), 400 scudi per due chiese (<^)
di questa diocesi et 200 per un'altra di Tarentasia. Hora
essendovi, per quanto si dice, un statuto in Roma che
i legati ad piam causant che no si pagano fra Tanno
si riduccano ad utiltà délia («^l fabrica di Roma, gli so-
prastanti di quella fabrica, vedendo quelli (^) legati non
essersi pagati nel tempo prescritto, vogliono ritirarli di
là(^). Supplico adunque humilissimamente V, S. 111™^
si degni scriverne a chi essa giudicarà più giovevole,
acciô no sian private queste tanto povere chiesuole di
qua di quello aiuto che da quelli legati glie puô venire(g);
nommé M. de Vignod ( i ), habitant à Rome, légua, il y a longtemps,
quatre cents écus à deux églises de ce diocèse, et deux cents à une
autre de Tarentaise. Or, il existe à Rome, à ce que l'on dit, un
décret d'après lequel les legs pour œuvres pies qui ne sont pas ac-
quittés dans le cours de l'année, doivent être appliqués à la fabrique
de [Saint-Pierre de] Rome. Les administrateurs de cette fabrique,
voyant que ces legs n'ont pas été payés au temps marqué, prétendent
les retenir. Je supplie donc très humblement Votre Seigneurie de
vouloir bien écrire à qui de droit, afin que ces si pauvres petites
églises de notre pays ne soient pas privées du secours qui peut
leur revenir de ces legs. 11 faut faire à ce sujet les considérations
(c) chiese — parrochiali
(d) ad ptam causant — se non si pagano fra l'anno sonne applicati alla
(e ) questi
( f ) vogliono ritirarli — ad uso délia fabrica roniana, et privarne queste
tanto rovinate et mal fabricate chiesuole.
(g) a chi essa — vedera esser piu espediente, accio sian lasciati quelli denari
a queste tanto rovinate et mal fabricate chiesuole di qua
( I ) « Magnifique Jean de Vignod, docteur en l'un et l'autre droit, » frère
du seigneur de Planaz (voir ci-devant, note (a), p. i8o), avait été dans sa
jeunesse pourvu d'un canonicat, des cures de Pers et d'Eloise dans le diocèse
de Genève, et de celle de Hauteluce dans le diocèse de Tarentaise. Ne
se sentant pas d'attrait pour l'état ecclésiastique, il résigna ces bénéfices
et s'établit à Rome, où il mourut en 1^94. Dans son testament (9 septem-
bre 1585), il avait fait aux trois paroisses indiquées ci-dessus les legs que
leur contestait la Chambre apostolique. (Archives de la Visitation d'Annecy,
Collection Vu'y.)
214 Lettres de saint François de Sales
chè in questo vi sonno da farsi queste considerationi.
L' una , che i curati di queste chiese non han havuto
noticia de'detti legati se non da poco tempo in qua, et
manco di detto statuto romano, in che sonno stati in
ignorantia invincibile; Taltra, che se bene vi fosse crassa
ignorantia de'detti curati, le parrochie ne le(b) chiese
non hanno da patirne il danno et castigo. Oltre poi che
è litigiosa quella heredità, ne è ancora finita la lite (O, et
si deve haver rispetto alla calamità ( i ) che ha sin adesso
fermati i passi d'Italia ; ne eran ubligati questi curati di
villa a mandare per haver passaporti da Sua Altezza(J),
chè a questo modo i legati si sariano dileguati in spese,
ne hanno ingegno di farlo.
suivantes : l'une, que les curés de ces églises n'ont eu que depuis peu
de temps connaissance de ces legs et qu'ils connaissaient moins encore
le décret romain ; c'est donc de leur part une ignorance invincible.
L'autre, que si les susdits curés ont été dans une ignorance crasse,
ce n'est pas aux paroisses ni aux églises à en subir le dommage et
la peine. En outre, cet héritage est contesté, le procès n'est pas
terminé (i). L'on doit aussi avoir égard à la calamité qui a jusqu'ici
fermé les passages d'Italie ; ces curés de campagne n'étaient pas
obligés à des démarches pour obtenir des passeports de Son Altesse,
car ainsi ces legs auraient été consumés en dépenses qu'ils ne sont
pas en mesure de faire.
(h) considerationi — legittime. L' una, che li curati di quelle chiese non
hanno saputo se non da poco tempo in qua la morte del legatore et il statuto
di Roma, et questo con ignorantia invincibile; l'altra, che etiandio che vi
fosse negligentia supina de' curati, le parrochie, cioé i popoli de' quali sonno
dette
{'\) et castigo. — Di piu, che non si sa neancho adesso a chi si hanno da
domandare questi legati, perche Theredita é litigiosa, né ancora é finita la
lite. Air ultimo, si deve havere rispetto alla calamità del tempo
( j ) di villa — di mandare a domandare passaporti a S. A. Seren"*
(i) Jean de Vignod n'ayant pas d'enfants, avait constitué héritier universel
son frère puiné Gabriel, seigneur de Planaz; mais celui-ci étant mort en isçi,
l'héritage revenait de droit à son fils Gaspard, âgé de trois ans. Il fut contesté
au pupille par sa tante, Michelle de Vignod, femme de noble Janus Pensabin ;
de là un procès qui se termina en juin ï^c)G, par un jugement en faveur de
Gaspard de Vignod.
Année 1596 215
Mosso da queste ragioni et délia compassione dalla
povertà di queste chiese, (^) ardisco di far' a nome loro
questa supplica a V. S. 111""*. Ne lasciarô di pregarla
con ogni humiltà che seguiti col solito zelo di instare
alla fabrica spirituale di questo Chiablais appresso di
Sua Altezza Serenissima , laquale se in cosa veruna
vuole adoprare la sua hereditaria pietà i^\ lo puô et deve
fare con (™) questa occasione, con prontezza et diligentia
tanto grata a Dio °).
(°)Non son ancora stato in Necy per il sospetto, se ben
adesso no vi è maie alcuno (O. Son in procinto di fare la
secretta informatione che mi ha commessaC^), et subito
Pressé par ces raisons et par la compassion que m'inspire la pau-
vreté de ces églises, j'ose adresser en leur nom cette supplique à
Votre Seigneurie. Je ne laisserai pas de la prier en toute humilité de
poursuivre, avec son zèle accoutumé, les instances auprès du duc
pour la restauration spirituelle de cette province du Chablais. Si Son
Altesse veut en chose aucune témoigner de la piété héréditaire dans
sa Maison, elle peut et doit le faire en cette occasion, avec la promp-
titude et la diligence si agréables à Dieu.
Je n'ai pas encore été à Annecy à cause des soupçons de peste,
bien qu'en ce moment il n'y ait aucun cas de cette maladie ( O. Je
me dispose à faire l'information secrète que vous m'avez confiée (2),
(k) di queste chiese, — che havrebbono bisogno d' altre restaurationi che di
seicento scudi,
{ 1 ) pietà — et far cosa grata al Signore
(m) in
{u] et diligentia — ché non vi é pericolo nessuno di Stato.
(o) lo non sono ancora stato a Necy per il sospetto, se ben adesso ogni
( I ) On ne laissait pas néanmoins de prendre à Annecy diverses mesures
sanitaires, ainsi qu'on le voit par le Registre des délibérations municipales.
Ordre avait été donné de construire près de Brogny des cabanes pour y retirer
au cas échéant les pestiférés ; le 27 décembre un nommé Portier est séquestré
dans sa maison parce qu'on le soupçonne atteint de la redoutable maladie, et
quatre jours après on lui renouvelle la défense d'en sortir. C'est seulement le
13 janvier suivant qu'un officier de santé venu de Chambéry constate la ces-
sation de tout danger.
(aj Voir ci-après, pp. 332-224.
2i6 Lettres de saint François de Sales
fatta la mandarô di là. In tanto priegho Iddio aeterno
si degni benedire a tante fatighe che V. S. Ill'"" fa a
beneficio nostro et délia santa Chiesa, et basciandoli
humilissimamente le reverendissime mani, restarô in
perpétue,
Di V. S. 111"^ et R'"%
Divotissimo et humilissimo servidore,
Franc° De Sales,
Prevosto di Geneva.
In Tonone de Chiablais, alli 29 di Novembre 159&.
Air 111™° et R™° Sig"" mio osservandissimo,
Monsig"" l'Arcivescovo di Bari,
Nuntio Apostolico appresso di S. A. S'"*.
Turino.
Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Archives du Vatican.
et, aussitôt terminée, je vous l'enverrai. En attendant, je prie le Dieu
éternel de bénir tant de travaux que Votre Seigneurie Illustrissime
entreprend pour notre bien et pour celui de la sainte Eglise, et, bai-
sant très humblement vos mains vénérées, je demeurerai à jamais,
De Votre Seigneurie Illustrissime et Reverendissime,
Le très dévoué et très humble serviteur,
François de Sales,
Prévôt de Genève.
De Thonon en Chablais, le 29 novembre 1596.
pericolo é cessato. In tanto pregho la Bonta suprema si degni benedire tutte
[le] fatighe che si piglia per le cose nostre V. S. lU""-^, et basciandoli le mani
R"'«, restero sempre, di V. S. Ill'"-'',
Humilissimo et perpetuo servitore.
Année 1596 217
LXXVIII
AU SÉNATEUR ANTOINE FAVRE
(minute inédite)
Espoir de solenniser à Thonon les fêtes de Noël. — Recommandation
en faveur des nouveaux convertis de la paroisse de Mésinge.
Thonon, vers le 7 décembre 1596(1).
Quod optatissimum mihi fuerat, suavissime Frater,
accepi nudius tertius tuas litteras, incolumitatis tuae
testes, eo etiam vel maxime jucundas quod de tuo ad
nos adventu aliquam injiciant conjecturam ; ut enim in
maximis desideriis fieri solet, etiam levissimum rei ge-
rendae indicium spei certissimae vices sustinet. Et quidem
si, quod Deo adspirante futurum speramus, iis in locis
Christus, inter sacros Natalibus suis dies velut repue-
rascens, paucosque quos habet hic fidèles, iterum tandem
aliquando nascatur, certissimum mihi est te primum
universa de re admonere, tum vero testem oculatum ad-
vocare. Quod si urbanorum pastorum coUoquia cum
Comme je le souhaitais ardemment, très aimable Frère, j'ai reçu
avant-hier votre lettre attestant votre bonne santé. Elle m'a fait
d'autant plus de plaisir qu'elle me permet de conjecturer votre arrivée
auprès de nous ; car, ainsi qu'il advient ordinairement dans les grands
désirs, le moindre indice de leur réalisation produit une espérance
qui tient de la certitude. Si donc ce que nous attendons s'effectue par
la grâce de Dieu : qu'en ces lieux, durant les jours consacrés aux
fêtes de sa Nativité, le Christ, redevenant pour ainsi dire petit enfant,
naisse enfin de nouveau parmi ce peu de fidèles qu'il a ici, je vous
préviendrai très certainement de tout, puis je vous appellerai pour
être témoin oculaire. Dans le cas où vous échangeriez difficilement la
( I ) Pour justifier cette date, voir à l'Appendice les lettres écrites par le
sénateur Favre, le 25 novembre et le 14 décembre.
2i8 Lettres de saint François de Sales
rusticanorum societate non facile commutaveris, at saltem
te cum Orientalibus Dynastis venturum expectabimus.
Faxit Deus optimus maximus uti tantae felicitatis spem
peccata nostra non antevertant.
Cœterum viri isti Mezingenses, qui, te praesente, de
extremo haeresi remittendo nuntio mecum egerant in sedi-
bus nostris Marclianis (O, post rectam fidei quam vocant
professionem, immunitatem, quam eo nomine a Serenis-
simo Principe consecuti sunt, ad principalis patrimonii
procuratorem (2), quo eam ratam habeant deferunt (3).
Hos ut imprimis tua opéra et authoritate hoc in negotio
juves etiam atque etiam obtestor; quanquam tam sedulus
Crucis discipulus, hac in causa, cohortatione non indiget.
Scribo in eorum commendationem plurimis, sed ea lege
ut si tu e re futuras putaveris, litteras unicuique statim
déférant, sin minus référant easdem
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Amiens.
compagnie des pasteurs de la ville contre la société de ceux de la
campagne, nous comptons du moins que vous viendrez avec les Rois
de l'Orient. Plaise au Dieu très bon et très haut que nos péchés ne
ruinent pas l'espoir d'une telle félicité !
Cependant ces hommes de Mésinge qui, dans notre maison forte de
MarclazlO, me parlaient en votre présence d'abjurer l'hérésie, ont
fait ce qu'on appelle la due profession de foi. Ils vont solliciter du
procureur principal du patrimoine ducal (2) la ratification des im-
munités qu'ils ont obtenues du prince en conséquence de cet acte ( 3 ).
Je vous supplie donc instamment de les aider de votre action et de
votre influence en cette affaire. Mais un si fidèle disciple de la Croix
n'a pas besoin d'exhortation sur ce sujet. J'écris à plusieurs personnes
pour recommander ces hommes, mais à condition qu'ils remettront
immédiatement mes lettres à qui de droit, si vous le jugez utile ;
sinon, ils les rapporteront , . . .
( I ) Le château de Marclaz, qui appartenait alors à M. de Charmoisy, est
situé entre le lac de Genève et les Allinges, à deux kilomètres de Thonon.
(a) Louis Bonier ; voir ci-devant, note ( I ), p. 14.
(3) Ces immunités avaient été concédées par patentes du 24 octobre 1^96.
Année 1596 219
LXXIX
A MONSEIGNEUR JULES-CÉSAR RICCARDI
ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN
Remerciements pour l'autorisation d'absoudre des cas réservés. — Conversions
opérées en Chablais ; état des esprits dans cette province. — Calomnies
répandues contre M. d'AvuUy. — Nomination du nouvel Abbé d'Abondance.
Thonon, 12 décembre 1596.
lUustrissimo et Reverendissimo Signor mio
osservandissimo,
Ho ricevuto Tordine di Sua Altezza per haver i scudi
trecento per le spese già fatte, insieme con la lettera di
V. S. 111"'% d'il che ne ringratio humilissimamente sua
bontà, et délia licentia per i relapsi, laquale io adoprarô
con quella maggior discretione i^) che il Signor mi con-
cédera ; et in vero che cie n'era gran bisogno.
(^)Da che son ritornato cosî vuoto di espedittioni neces-
sarie per quest' opra, son stato la burla de questi infedeli,
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,
J'ai reçu l'ordre de Son Altesse pour percevoir les trois cents écus
destinés à couvrir les dépenses déjà faites, en même temps que la
lettrede Votre Seigneurie Illustrissime. J'en remercie très humblement
votre bonté, ainsi que de l'autorisation d'absoudre les relaps : j'userai
avec toute la discrétion qu'il plaira au Seigneur m'accorder de cette
permission dont nous avions vraiment grand besoin.
Depuis que je suis revenu ainsi dépourvu des expéditions néces-
saires pour cette œuvre, j'ai été la fable de ces mécréants, et néan-
moins quatre-vingts personnes ont été gagnées, tant parmi les petits
(a) [Les variantes qui suivent sont tirées d'une minute insérée dans le
I*"" Procès de Canonisation.]
Hieri ricevei la lettera di V. S. lU™^ colle altre lettere di S. A. legate
insieme, quali contengono ordine che siano pagati i scudi trecento per la spesa
gia fatta in questi duoi anni passati, di che ne ringratio humilissimamente
V. S. lU™", [et] délia licentia che m' ha data per assolvere i relapsi, délia quale
io usaro con tutta quella prudentia
(b) Da che io son ritornato in questo Chiablais, son stato [in] burla a questi
nemici délia Chiesa, si del paese corne de' viciai Genevesi et Bernesi ; ma
220 Lettres de saint François de Sales
et nondimeno si sonno guadagnate da ottant' anime fra
piccoli et grandi. Se Sua Altezza, seconde il suo santo
zelo, mandarà qui un senatore ad invitare gV habitatori
di Tonone air udito délia santa parola, si com' io lasciai
in memoria, spero che si farà un gran buon effetto.
V. S. 111'"* mi ha dato la vita quando mi ha fatto certo
che nonostante le querimonie de' Cavaglieri haveremo
ben presto modo di incomminciar un poco piîi di esser-
citio catholico fra queste genti, perché io mi son avve-
duto più che mai dell' estrema nécessita che vi è de santi
pascoli. Molti sonno Catholici da quel tempo in qua che
passô qui Sua Altezza (0 ; molti sonno relapsi in for o
exteriori solamente, per forza et violentia dell'armate
.»# .. ^ TT, nemiche; molti sonno indifFerenti, ne sanno quel che si
•Matt.jiK, 36,-IPe- ' *
tri, II, uit. siano, et tutti, corne erranti pecorelle, sen\a pastore*.
que parmi les grands. Si, conformément à son saint zèle, Son Altesse
envoie ici un sénateur pour inviter les habitants de Thonon à l'audi-
tion de la sainte parole, ainsi que je le marquai dans le mémoire que
je lui ai laissé, j'espère que cela produira un très bon effet.
Votre Seigneurie m'a rendu la vie en m'assurant que, nonobstant
les plaintes des Chevaliers, nous aurons bientôt le moyen de com-
mencer à donner un peu d'extension au culte catholique parmi ces
populations ; car je me suis convaincu plus que jamais qu'il est extrê-
mement nécessaire de leur ouvrir de saints pâturages. Un certain
nombre sont catholiques depuis que Son Altesse a passé ici ( O ;
beaucoup, contraints par la force et par la violence des armées enne-
mies, sont relaps au for extérieur seulement ; quantité d'autres sont
indifférents, ne sachant pas même à quelle religion ils appartiennent,
et tous sont sans pasteur comme des brebis errantes.
questo poco importa, poiche cio nonostante, si sonno fatti Catholici moite
persone, che potriano esser, fra huomini, donne et giovani, da ottanta anime,
et moite parrochie sono molto disposte a ricevere la santa fede. In somma mi
son avveduto piu che mai dell' estrema nécessita che han questi popoli di
pastori, poiche molti sonno Catholici da quel tempo che venne ultimamente
S. A. Seren"" in queste contrade ; molti sonno rilassi per paura solamente,
quali in conscientia han riserbata la santa fede; molti non sanno quel che si
sonno, et sonno corne peccorelle erranti ei sen^a pastore.
( I ) Le passage de Charles-Emmanuel V à Thonon datait du commencement
de septembre 1589, alors que, revenant victorieux de la rencontre de Bonne,
le duc reprit possession de la capitale du Chablais.
Année 1596 221
(c) Me piace che i signori Cavaglieri habbino per poca
cosa li béni ecclesiastici di Chiablais, perché essendo poi
loro persone magnanime, le (sic) lasciaranno volontieri
a servitio d'Iddio, et queiroglio che glie (sic) par poco
bastarà per far un lume di santo essercitio che mandarà
raggi sin a mezzo [dei] Bernesi et Genevini, pur che
senza contraste cie lo lascino.
Ho ritrovato ancora altre parrochie et persone qui
molto ben disposte alla santa fede, et se si essequiranno
le santé intentioni di Sua Altezza con fervore, si farà una
grande conversione, massime essendo il trattato di pace
in cosi pie et santé mani (O.
Je suis bien aise que messieurs les Chevaliers estiment peu consi-
dérables les biens ecclésiastiques du Chablais, car étant si généreux,
ils les céderont volontiers pour le service de Dieu. Cette huile,
qui leur paraît peu de chose , suffira pour produire une lumière
de saints exercices qui projettera ses rayons jusqu'au milieu des
Bernois et des Genevois, pourvu qu'ils nous laissent ce revenu sans
contestation.
J'ai retrouvé encore ici nombre de personnes et des paroisses en-
tières bien disposées à l'égard de notre sainte foi. Si les intentions de
Son Altesse s'exécutent avec zèle, il se produira un grand mouve-
ment de conversions, surtout les négociations pour le traité de paix
étant confiées à de si pieuses et saintes mains ( i ).
(c) [Au lieu des deux alinéas du texte, la minute donne la leçon suivante
qui offre quelque correspondance avec les lignes s-^ de la page précédente.]
Qui nella terra di Tonone molti ancora si ridurrebbono alla fede se vedessero
r essercitio catholico ben stabilito , quantunque non vi manchino de' tristi
quali in diverse manière cercano di ritenerli nel fango. lo poi son certo che
se li circonvicini heretici vedessero nel principio di quest' opéra qualche
fervore et ordine compito, no solo non ne sariano scandalizati, anzi ne piglia-
rebbono buon odor. Ma questo non si fara senza Tessecutione del zelo che vi
ha S. A. Seren"^; et saria molto a proposito che fosse qui mandate un senatore
ad invitar questi habitatori ad udire la parola d'Iddio, si come io lasciai in
memoria a S. A. Seren™*. — (En cette ville de Thonon beaucoup revien-
draient à la foi s'ils voyaient le culte catholique bien établi, quoiqu'il ne
manque pas d'hommes pervers qui, de diverses manières, cherchent à les
( I ) Le Cardinal Alexandre de Médicis, qui fut Pape sous le nom de Léon XI
(160^), avait reçu de Clément VIII la mission de négocier un traité de paix
entre la France, l'Espagne et la Savoie.
222 Lettres de saint François de Sales
(d) Haverà adesso V. S. Iir^ la lettera di monsieur di
AvuUy in risposta del Brève di Sua Santità (O, perché
egli la mandô ciè un pezzo. Ma non voglio mancare di
dire a V. S. Ill""" che no manca punto il nemico di far
a questo cavagliere tutti gV assalti che egli puô per oscu-
rare il lume che si era acceso délia sua conversione,
suscitandogli molti odii, si dalla parte heretica corne délia
catholica. Et particolarmente da Berna è stato minac-
ciato acciô no sollecitasse altri alla fede ; il che niente-
dimeno egli fa ad ogni sorte di occasione, molto più
consolato in queste tribolationi catholiche che egli non
era nelle prosperitade heretiche. È mala bestia Y heresia,
et sa prevalersi di ogni sorte di sinistro evenimento.
Mando qui alligata la informatione secretta fatta per
Votre Seigneurie aura reçu maintenant la lettre de M. d'AvuUy
en réponse au Bref de Sa Sainteté ( i ) ; car il y a quelque temps qu'il
vous l'a adressée. Mais je ne laisserai pas de vous dire que l'ennemi
ne manque point de diriger contre ce chevalier tous les assauts pos-
sibles, afin d'obscurcir l'éclat qu'a eu sa conversion ; il suscite contre
lui beaucoup de haines, tant de la part des hérétiques que de celle
des Catholiques. Et particulièrement Berne veut, par des menaces,
l'empêcher d'en solliciter d'autres à se convertir à notre foi. 11 le fait
néanmoins en toute sorte d'occasions, et s'estime plus heureux d'en-
durer des tribulations étant catholique, que s'il jouissait de grandes
prospérités étant hérétique. C'est une mauvaise bête que l'hérésie :
elle sait exploiter tout événement fâcheux.
Je vous envoie ci-joint l'information secrète faite par ordre de
retenir dans le bourbier. Je suis d'ailleurs certain que si les hérétiques du
voisinage voyaient dans le commencement de cette œuvre quelque zèle et de
l'ordre, non seulement ils n'en seraient pas scandalisés, mais au contraire
ils en seraient édifiés. Cela n'aura pas lieu sans la mise à exécution des
désirs de Son Altesse Sérénissime ; et il serait fort à propos qu'un sénateur
fût envoyé ici pour inviter les habitants à entendre la parole de Dieu, ainsi que
je le marquai dans le mémoire que j'ai laissé à Son Altesse Sérénissime.)
(d) [Pour les premières lignes de cet alinéa et du suivant, voir la
variante ( i ).]
( I ) Le Bref de félicitation adressé par le Pape à l'illustre converti est daté
du 20 septembre 1596.
Année 1596 223
commissione di V. S. 111'"% la quale io supplice di perdo-
narmi se no sarà cosî ben acconcia, sî perché questa è la
prima che io feci, si perché non ho potuto haver secretario
molto a proposito. 3la per quanto vedo, non sarà troppo
necessaria questa informatione , poiché si ha da dar la
badia ad un altro. (^) Et laudo il Signore délia buona
mente che egli ha data a Sua Altezza Serenissima di pre-
sentar a Sua Beatitudine quel gentilhomo cosi ben qua-
lificato ( i\ come mi scrisse V. S. 111""* ; onde me ne viene
certa speranza che se usarà a questo modo Sua Altezza, et
ne sarà maggiore la gloria d' Iddio et la prosperità délie
loro Altezze et de questi stati(f). Né per questo lascia-
ranno di haver bisogno di visita apostolica queste badie
et altri luoghi di Savoya (g\ perché, s'io no m'inganno,
a tanta difFormatione cié bisogno d'altra authorità che
di semplice praelato.
No credo che Sua Santità possa far cosa più giovevole a
Votre Seigneurie. Je vous prie de me pardonner si elle n'est pas bien
rédigée, soit parce que je m'acquitte pour la première fois de sembla-
ble commission, soit parce que je n'ai pu avoir de secrétaire capable.
iVlais, à ce que je vois, cette information ne sera pas très nécessaire,
puisqu'on va donner l'abbaye à un autre. Je loue Dieu de la bonne
pensée qu'il a inspirée à Son Altesse Sérénissime de proposer à
Sa Sainteté un gentilhomme si bien qualifié ( O, ainsi que me l'écrivit
Votre Seigneurie. J'ai une certaine espérance que l'exécution de ce
dessein contribuera à l'accroissement de la gloire de Dieu, à la pros-
périté de leurs Altesses et de ces pays. Néanmoins, la visite apostolique
ne laisse pas d'être nécessaire à ces abbayes et à d'autres lieux de
Savoie, car, si je ne me trompe, pour remédiera de tels dérèglements
il est besoin d'une autorité supérieure à celle d'un simple prélat.
Je ne crois pas que Sa Sainteté puisse faire chose plus avantageuse
(e) Laudato IJJio che ha posto nella mente di S. A. di presentare a S. S'='
quel [Reprendre au texte, lig. 8.]
(f) V. S. Ill'^, — pregando sua divina Maesta che cosi si faccia hora per
maggior gloria d' Iddio et prosperità délie Altezze.
(g) queste bddie — comme anco il restante di queste bande di qua
(i) On a tout lieu de croire qu'il s'agit de la nomination de Vespasien
Aiazza à l'abbaye d'Abondance. Ses Bulles sont datées du ij juillet suivant.
224 Lettres de saint François de Sales
queste contrade che mandando un Visitator apostolico ;
et piacess' al Signor che fosse V. S. 111™% allaqual con
humilissima riverenza bascio le sacre mani, prieghandoli
dal Signor ogni contento. (^)
Di V. S. Iir^ et R'"%
Devotissimo et humilissimo servitore,
Franc° De Sales,
Prevosto di Geneva. (0
Da Tonone, alli 12 Décembre 1596.
Air 111'"° et Rever"° Sig"" mio osservandissimo,
Monsig"" l'Arcivescovo di Bari,
Nuntio Apostolico appresso di S. A. S^\
Turino.
Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Archives du Vatican,
à cette contrée que d'y envoyer un Visiteur apostolique. Plût à Dieu
que ce fût Votre Seigneurie, dont je baise les mains sacrées avec un
très humble respect, suppliant le Seigneur de vous combler de
bonheur.
Je suis, de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime,
Le très humble et très dévoué serviteur,
Fr;»nçois de Sales,
Prévôt de Genève.
Thonon, le 12 décembre 1596.
(h) o^ni — vero contento, essendo
( i ) [Les lignes suivantes sont une addition faite après coup dans la minute.
Voir la remarque (d).]
Mando qui alligata la informatione secretta délia quale V. S. Ill'"^' mi diede
commissione, la quale supplico di perdonarmi se non sara cosi ben fatta ; ché
questo occorse per la penuria mia d'icgegno et di pratica, essendo questa la
prima che io feci, et quella del secretario che non ho trovato molto a proposito.
Et per quanto vedo, non sara molto necessaria, poiche si ha da dar la badia
ad altro.
Havera adesso la lettera di Monsig''<' de Avully in risposta del Brève di
S. S'", perche egli la mando cie un pezzo, per quanto mi disse hieri. Scrivera
quanto prima a V, S. 111"'".
Année 1596 235
; LXXX
AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL l"
Opposition apportée par les syndics de Thonon à l'érection d'un autel. —
Combien la protection du duc est nécessaire aux nouveaux Catholiques.
— Conversion d'un ministre protestant.
Thonon, 21 décembre 1596.
Monseigneur,
J'attens (3) le bon playsir de Vostre Altesse pour le res-
tablissement de la religion J^) catholique en ce balliage
de Thonon, et ce pendant je pensois dresser un autel en
l'église Saint Hypolyte, en laquelle je prêche ordinayre-
ment des deux ans en ça, affin d"y pouvoir i'^) célébrer
blesse ces bonnes festes de Xoel. Les scindiques de ceste
ville y ont apporté ('^j de l'opposition, a laquelle par
après ilz ont renoncé. Je ne puis sçavoir avec quel fonde-
ment ilz se sont osés produir'en cest affaire, puysqu'on
ne violoit point le traitté de Xion (0 ; et, quand on l'eust
violé, ce n'estoit pas a eux d'y prouvoir. On ne forçoit
(a) [Les variantes qui suivent sont extraites d'une minute insérée dans les
deux Procès de Canonisation.]
Je suis attendant
(b) foy
(c) en laquelle — j'ay presché ordinayrement il y a passé deux années,
affin d'y
(d) voulu apporter
(i) Un premier traité avait été arrêté à Nyon et signé à Lausanne en 1564
entre le duc Emmanuel-Philibert et les Bernois. Ceux-ci restituaient à la
Savoie les bailliages de Chablais, Ternier et Gaillard, mais à la condition que
le libre exercice du culte protestant y serait maintenu, et qu'ils pourraient y
entretenir autant de ministres qu'ils le trouveraient bon.
Par le second traité de Nyon (11 octobre i589\ le duc Charles-Emmanuel,
après ses victoires de CoUonges et de Versoix , dictait des clauses plus
Lettres I 1 5
326 Lettres de saint François de Sales
personne, et ne faisoit on autre que se mettr'en la posture
et au train auquel Vostre Altesse avoit laissé les Catho-
'Videsupra,p.22o. liques despuvs ne fut elle icy *, duquel ayant esté levés
par force, on ne sçauroit dire (^) pourquoy ilz ne puyssent
s'}'' remettre toutes les fois qu'ilz en auront commodité ( ^ ),
sous l'obéissance de Vostre Altesse.
Le zèle que j'ay au service de Vostre Altesse me faict 'ë)
oser dire qu'il importe, et de beaucoup, que layssant icy
la liberté qu'ilz appellent de conscience, selon le traitté
de Nyon, elle prsefere néanmoins en tout les Catholiques
et leur exercice ; et que partant elle se la3"ss'entendre a
ces gens quilz doivent simplement et seulement user de
la permission quilz ont (^), sans se mesler d'empêcher
ceux qui, par toute rayson et par l'exemple mesme de
leur souverain Prince, taschent d'avancer la foy catholi-
que. (^^ Je ne pense point qu'il y ait aucune rayson qui
puisse retarder l'affection sainte de Vostre Altesse en
la sollicitation de [ce] grand bien, ni qui la rend'autre
qu'aymable et admirable a ses plus endurcis ennemis 0).
(e) que se mettr'en — traiû et en la posture en laquelle V. A. avoit laissé
les Catholiques despuys ne fut elle en ce duché de Chablais, delaquelle ayant
esté levés par force, je ne puis entendre
(f) toutes les fois — que bon leur semblera
(g) me — met en courage de luy
(h) les Catholiques et — l'exercice de la religion catholique; et partant
qu'elle fass'entendre a ces habitans et bourgeois quilz doivent user simplement
et purement de la permission que V. A. leur faict
(i) catholique. — Que s'il plaist a V. A. de com iiander a l'un des messieurs
du Sénat ou deux (entre lesquelz il me semble que monsieur Favre seroit
extrêmement sortable] qu'ilz se transportassent jusques icy, et en habit solem-
nel, ayant convoque la générale assemblée de ceste ville, remonstrassent le
zèle que V. A. a de leur salut et combien est grande sa douceur a le leur
procurer, et les invitassent a fréquenter les sermons des prescheurs qui vien-
dront icy sous son adveu, je croy. Monseigneur, que cela occasionneroit une
grande conversion de ces pauvres gens, et serviroit tout autour d'un rare et
signalé exemple de la bonté de V. A. vers les ennemis, et de sa prudence
vers les amis.
{']) et admirable — aux plus endurcis mesme.
favorables au catholicisme. Trois localités seulement. Bous, Nernier et TuUy,
étaient autorisées à conserver un ministre protestant. Celui de Thonon n'était
que toléré.
Année 1596 . 337
M. de Lambert veut user de libéralité a l'endroit
d'un ministre qui se convertit (O et qui par sa sollicita-
tion en tirera beaucoup avant quil se descouvre k) ; je
crois que Vostre Altesse l'aura agréable et luy com-
mandera quil en face encores davantage (i). Je supplie
donq Vostre Altesse commander comm'il luy plaira sur
ce sujet, et priant Dieu très afFectionnement pour sa
santé (™), je m'honnoreray du bien que j"ay d'estr'advoué,
Monseigneur,
De Vostre Altesse,
Très humble sujet et serviteur,
François De Sales,
Prsevost de S' Pierre de Genève.
A Thonon, jour S" Thomas, 96.
Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat.
(k) M. de Lambert, gouverneur de ceste province, veut user de quelque
libéralité a l'endroit d'un ministre qui est tout disposé a se convertir
(1) quil — poursuive,
(m) et priant Dieu — quil l'enrichisse de plus en plus de ses bénédictions
(i) Pierre Petit, venu du Languedoc, avait été successivement pasteur à
Armoy et à Choulex. Sa conversion fit grand bruit parmi les protestants,
qui, pour en atténuer le retentissement, décrièrent fort le nouveau converti.
Celui-ci abjura solennellement l'hérésie le i'^'' octobre 1598, en présence du
Légat du Pape et du duc de Savoie, qui le nomma, quatre ans plus tard, châ-
telain de Thonon. On lit dans le Registre paroissial de cette ville la note
suivante que nous traduisons du latin : « Noble Pierre Petit, châtelain de
Thonon, est mort muni des Sacrements de Confession, de Communion et
d'Extréme-Onction, et a été sépulture le 16 octobre i6îi. »
228 Lettres de saint François de Sales
LXXXI
A MONSEIGNEUR JULES-CÉSAR RICCARDI
ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN
Instances pour obtenir la protection du Nonce auprès du duc de Savoie.
Thonon, 21 décembre 1596.
lUustrissimo et Reverendissimo Signor mio
osservandissimo,
Scrivo a Sua Altezza Serenissima sopra un' oppositione
che hanno fatta questi di Thonone quando, per celebrar
queste feste di Natale, io volevo incomminciar a far un
altare nella chiesa nella quale io ho sin adesso praedicato.
Supplico V. S. lU"'* di procurarne la risposta, acciô che
con lettere io possa mostrar a quei pochi che mi fanno
impedimento che glie (sic) deve bastar V haver la libertà
chiamata di conscientia, senza dar disturbo a l'essercitio
catholico. Questo è Y ultimo sforzo che vuol far il demonio
in quest'opra, mentre vede che si va ritardando l'esse-
cutione délie buone intentioni di Sua Altezza. 3la questo
sarà poi un niente quando V. S. Ill™'' ci aiutarà dei suoi
soliti favori, et soUecitarà che quanto prima si metta qui
Mon très-honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,
J'écris à Son Altesse Sérénissime au sujet de l'opposition que
m'ont faite les habitants de Thonon quand j'ai voulu, pour célébrer
ces fêtes de Noël, commencer à dresser un autel dans l'église où j'ai
prêché jusqu'à présent. Je supplie Votre Seigneurie Illustrissime de
me procurer des lettres que je puisse montrer à ce petit nombre
d'opposants, pour leur prouver qu'il leur doit suffire d'avoir la liberté
appelée de conscience, sans troubler l'exercice du culte catholique.
Ceci est le dernier elTort que le démon tente contre cette œuvre, en
mettant à profit les délais que l'on apporte à l'exécution des bonnes
intentions de Son Altesse. Mais ce ne sera rien si Votre Seigneurie
nous secourt de ses faveurs accoutumées, et si elle intercède pour
qu'au plus tôt on établisse ici d'une manière honorable et convenable
Année 1596 229
un honorato et convenevole essercitio cathoHco ; chè tut-
tavia ne vedo maggior numéro disporsi alla santa fede,
se bene alquanti ci fanno délie borrasche colla Hngua et
le maledicentie et simili arti diaboliche.
Ho voluto più presto scriver cosî in fretta ch'a non
darglie avviso délie nostre nécessita. Supplico adunque
V. S. 111""' di perdonarmi se io glie son importuno, poi-
chè non ho altro refugio humano di là che appresso
la sua bontà et sollecitudine, alla quale, inchinandomi
humilissimamente, bascio le mani reverendissime.
Et prieghando ('^/VJ dal Signore ogni contento, resterô
seternamente,
Di V. S. Ill"^ et R'%
Perpetuo et divotissimo servidore,
Franc° De Sales,
Prevosto di Geneva.
In Tonone, il giorno di S. Thomaso, 96.
A r 111°'° et Rever™° Sig"" mio osservandissimo,
Monsig'' l'Arcivescoùo di Bari,
Nuntio Apostolico appresso di S. A.
Turino.
Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Archives du Vatican.
l'exercice du culte catholique. Je vois toujours un plus grand nombre
de personnes disposées à embrasser notre sainte foi, bien que d'autres
nous suscitent des orages par les propos de leur mauvaise langue,
des calomnies et semblables autres artifices diaboliques.
J'ai préféré vous écrire ainsi à la hâte, plutôt que de ne pas vous
avertir de nos besoins. Je supplie donc Votre Seigneurie de me par-
donner si je suis importun, car je n'ai humainement autre refuge à
la cour que votre bonté et sollicitude, devant laquelle m'inclinant
très humblement, je baise vos mains vénérées.
Priant le Seigneur vous combler de tout bonheur, je reste à jamais.
De Votre Seigneurie Illustrissime et Reverendissime,
Le perpétuel et très dévoué serviteur,
François de Sales,
Prévôt dç Genève,
A Thonon, le jour de saint Thomas, 96,
ANNEE 1597
LXXXII
A MONSIEUR BOCHUT, CURÉ d'aYSE ( i )
( FRAGMENT INÉDIT )
Invitation à venir desservir la paroisse de Thonon.
Thonon^ commencement de 1507.
Monsieur Bochut.
En fin, Dieu soit béni. Je vo}^ bien que vous et mo}'"
sommes condamnés a porter le tracas et difficultés de
l'église de Thonon. C'est pourquoy je vous escris ceste
[lettre], par laquelle je vous invite de nouveau m'estre en
secours, attendu que la charge et distraction des affaires
de l'Eglise me lèvent la commodité de m'arrester dans
Thonon pour la continuation des divins offices et admi-
nistration des saintz Sacremens. Et parce que vous estes
desja en ce lieu conneu et aymé, pour 3^ avoir prattiqué
ceste mesme charge, si daignes prendre ceste peyne, je
mettra)^ ordre a la cuisine et obtiendray de Monseigneur
Reverendissime vostre congé
Revu sur le texte inséré dans le P"" Procès de Canonisation.
(i) François Bochut, natif de Cluses, d'abord aumônier de M^^"" de Granier,
avait été chargé par ce Prélat de travailler à la conversion du Chablais, et
fut à cet effet nommé curé de Thonon (26 octobre 1589). Les oppositions qu'il
rencontra et les dangers qu'il courut l'obligèrent pour lors à renoncer à cette
périlleuse mission. Il desservait la paroisse d'Ayse quand s.iint François de
Sales l'invita à venir le seconder. François Bochut fut quelque temps curé
d'Hcrmance, tout en conservant sa cure d'Ayse; il remplit aussi les fonctions
de (< surveillant épiscopal » dans le Bas-Faucigny. Cet ecclésiastique fonda un
collège dans sa ville natale, et mourut à Ayse (28 avril 1637), âgé d'environ
soixante et onze ans.
Année 1597 231
LXXXIII
AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL l"
(minute inédite)
Erection d'un autel dans l'église Saint-Hippolyte. - Recommandation en
faveur du ministre Petit. - Combien il importe que les Chevaliers de
Saint-Lazare cèdent les revenus ecclésiastiques qu'ils détiennent en Chablais.
Thonon, vers le ai février IS97.
Monseigneur,
J'ay receu un'incroyable consolation quand j'ay veu par
celle qu'il a pieu a Vostre Altesse signer le 7 janvier (0,
qu'elle trouvoit bon que l'on aye dressé un autel en
l'église Saint Hypolyte de Thonon. Pour vray, l'événe-
ment a monstre qu'on n'a rien faict de trop ; et je puis dire
a Vostre Altesse que je vay tant retenu en ceste besoigne
que je ne crains point d'autre juste accusation que de
trop de lascheté.
Monsieur de Lambert ayant receu advis que Vostre
Altesse avoit agréable qu'il eust secouru le ministre qui
se veut catholizer* n'a pas osé tirer conséquence de la 'Videsupra.p...?.
pour la continuation de ce bienfaict, qui me f àict supplier
Vostre Altesse de la luy declairer. Le seigneur chevalier
Bergère U), connoissant bien que l'assignation des six
pensions que l'on a faicte sur les revenus de la Religion
de Saint Lazare ne peut pas joindre a l'œuvre de la
réduction de ces peuples a la foy catholique, a trouvé
raysonnable la proposition que je luy ay faicte que la
Religion rendist absolument les cures a cest effect. Plaise
(i) Voir cette lettre à l'Appendice.
(2) Thomas Bergera, de la famille des Villar Basse, en Piémont, conseiller
d'Etat chevalier et auditeur général de l'Ordre des Saints Maurice et Lazare,
était muni d'amples pouvoirs pour négocier les affaires de son Ordre en Savoie.
Il fut nommé dans la suite conservateur de la Sainte-Maison de Thonon, et
mourut à Turin en 1622. / 1 -» •<.
La Sainte-Maison, dont il a déjà été question ci-dessus, p. 98, note ( i ), était
une institution fondée à Thonon (1599) ?oxu affermir dans la foi les nouveaux
convertis; elle était dirigée par une communauté de prêtres qui suivaient la
Règle de l'Oratoire de Rome.
332 Lettres de saint François de Sales
a Vostre Altesse se resouvenir qu'elle la trouva desja
juste quand j'eus cest honneur de la luy représenter, et
d'employer autant de son authorité qu'elle jugera néces-
saire pour réduire messieurs du Conseil de la Religion
a ceste resolution.
Et louant Dieu de tout mon cœur du saint zèle dont
je voy dévoré le cœur de Vostre x\ltesse, je me resjouis
d'estre comme je suis,
Monseigneur,
De Vostre Altesse,
Très humble et très fidelle sujet et serviteur.
Revu sur le texte inséré dans le pi" Procès de Canonisation.
LXXXIV
AU CONSEIL DES CHEVALIERS DES SAINTS MAURICE ET LAZARE (0
(minute inédite)
Instances afin d'obtenir que les revenus ecclésiastiques dont les Chevaliers
jouissent en Chablais soient affectés au rétablissement du culte catholique.
Thonon, vers le 21 février 1597.
lUustrissimi Signori,
Già che il signor cavaglier Bergera se ne ritorna, cosî
non ho bisogno di dargli (sic) avviso particolar di quello
che si è stabilito qui, per ordine délie Sig''" V. 111'"% ad
Illustrissimes Seigneurs,
Puisque M. le chevalier Bergera s'en retourne, je n'ai pas besoin
de vous renseigner sur ce qui a été établi ici, par ordre de Vos Sei-
gneuries Illustrissimes, à l'honneur de Dieu et pour la propagation
(i) L'Ordre religieux militaire des Saints Maurice et Lazare se composait
de deux institutions distinctes, fusionnées par une Bulle de Grégoire XIII
(13 novembre 157»).
Les Chevaliers de Saint-Lazare faisaient remonter leur origine à une asso-
ciation fondée à Jérusalem dans le i'"' siècle de l'ère chrétienne, pour le service
Année 1597 233
honor d'Iddio et propagatione délia santa fede catholica.
Dico solamente che io dal canto mio farô, piacendo al
Signore, tutto quel che da huomo tanto da poco corne io
sono si puô giustamente sperar.
Pur vedendo che a me è toccato la sorte di essere il
forriero et procuratore de molti predicatori et altri hono-
rati ecclesiastici che sonno per venir qua combattere li
combattimenti del Signore délie armate, et che non
potrô far di manco di esser forse importuno a Sua San-
tità, aile Loro Altezze et aile Sig"" V. Iir', per addimandar
aiuto per le spese che di giorno in giorno andaranno
de la sainte foi catholique. Je dis seulement que, de mon côté, je ferai,
s'il plaît au Seigneur, tout ce qu'on peut justement espérer d'un
homme aussi incapable que je le suis.
Néanmoins, puisque je me vois destiné à être le fourrier et le
procureur d'un grand nombre de prédicateurs et d'autres honorables
ecclésiastiques qui viendront ici combattre les combats du Seigneur
des armées, je ne saurai manquer de me rendre peut-être importun à
Sa Sainteté, à Leurs Altesses et à Vos Seigneuries pour leur demander
de nous alléger les dépenses qui croîtront de jour en jour, selon le
nombre des ouvriers nécessaires au progrès de cette œuvre. 11 m'a
des pèlerins et le soulagement des lépreux. Il est certain néanmoins que leur
existence comme Ordre religieux militaire n'est pas antérieure aux Croisades.
Pie IV accorda en 1565 des encouragements et des privilèges aux Chevaliers,
en considération de la double fin qu'ils se proposaient : secourir les lépreux
et combattre les hérétiques. Leur Grand-Maître Castiglione, avec l'approbation
de Grégoire XIII, résigna son titre et ses fonctions en faveur du duc de
Savoie, Emmanuel-Philibert.
Un des prédécesseurs de ce dernier, Amédée VIII, avait institué l'Ordre de
Saint-Maurice, par lettres patentes données à Ripaille le 8 octobre 1434. Cet
Ordre, qui se composait seulement d'un petit nombre de Chevaliers, étaut
presque entièrement déchu, Emmanuel-Philibert le reconstitua, lui assignant
pour fin la guerre contre les pirates, la défense de l'Eglise contre les héréti-
ques et l'exercice de l'hospitalité.
Lors de l'invasion du Chablais par les Bernois, ces hérétiques, après avoir
aboli le culte catholique dans toute la province, confisquèrent à leur profit la
plupart des biens ecclésiastiques. Une Bulle de Grégoire XIII (13 avril 1575)
accorda à l'Ordre des Saints Maurice et Lazare la jouissance d'une grande
partie de ce qui avait échappé à la rapacité des envahisseurs, mais à la charge
que si le Chablais revenait au catholicisme, l'Evèque du diocèse aurait droit
de prélever sur ces biens tout ce qui serait nécessaire à l'entretien des curés.
On verra dans plusieurs lettres du Saint quelles difficultés «uscita l'exécution
de cette dernière clause.
254 Lettres de saint François de Sales
crescendo, secondo il numéro di lavoranti che per pro-
gresso di questo negotio saranno necessarii, mi è parso
di dover in una volta proporre aile Sig"" V. 111"'^ quello
espediente che, essequendosi, tagliarà la strada alla
nécessita in questa opéra, et alla importunità che esse
riceveranno delli aiuti che di tempo in tempo sariamo
costretti di addomandargli. Et questo saria che, vedendo
*Videsupra,p.i86, in cfFetto la sperata pace *, le Sig"" V. 111""= si contentas-
°° ■ ^ ' ^" sero di lasciare assolutamente tutte le cure et dependenze
di esse che esse tengono qui ; et cosî, giungendo quelle con
altre che da particolari sonno processe, si potrà far un
servitio, in questo balliagio, tanto chiaro che se ne vederà
la luce d'ogni intorno.
Et per questa propositione non ho bisogno d'altro
procuratore, poichè vi è tanta ragione et che non man-
carà il zelo et integrità délie Sig''" V. 111'"% aile quali
basciando humilissimamente le mani et pregando dal
Signore Iddio ogni vero contento, le prego di accettarme
per essere.
Délie Sig^^^ V. 111'"%
Divotissimo...
Revu sur le texte inséré dans le I'"'" Procès de Canonisation.
donc semblé devoir proposer une fois pour toutes à Vos Seigneuries
Illustrissimes un expédient qui nous mettrait à l'abri du besoin dans
l'accomplissement de cette œuvre, et préviendrait l'importunité que
leur occasionneraient les demandes de secours que nous serions
obligés de faire de temps en temps. Cet expédient consiste en ce que,
étant donné le traité de paix désiré, Vos Seigneuries voulussent bien
céder absolument toutes les cures dont elles jouissent en ce pays
avec leurs dépendances ; en y ajoutant celles qui sont provenues des
particuliers, on pourrait faire en ce bailliage un service religieux si
éclatant que la lumière s'en répandrait de tous côtés.
Et pour cette proposition je n'ai pas besoin d'autre intercesseur,
puisqu'elle est si raisonnable et que le zèle et la justice de Vos
Seigneuries ne se démentiront pas en cette occasion. Baisant très
humblement leurs mains et leur souhaitant du Seigneur notre Dieu
tout vrai contentement, je les prie de me tenir pour
Leur très dévoué...
Année 1597 235
LXXXV
A MONSEIGNEUR JULES-CÉSAR RICCARDI
ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN
(minute inédite)
Excuses pour le délai mis à répondre aux lettres du Nonce. - Proposition
d'une conférence publique avec les ministres. - Instante pnere de lui
obtenir la collaboration du P. Chérubin, du P. Esprit et de plusieurs autres
missionnaires. - Moyens à prendre pour fournir aux frais de la mission.
Thonon, vers le 21 février 1597-
Illustrissimo et Reverendissimo Signore mio
osservandissimo,
Vedo, per l'ultima sua del 4 di Febraro, V. S. 111'"''
stupirsi ch'io non havessi ricevute le ultime sue delli 4
et 6 di Genaro quando io glie scrissi lultima volta del
27 de Genaro. Et in vero hebbi dette lettere di V. S.
111""' quello istesso giorno nel quale io mandai le mie ;
et aspettando il mio ritorno qua, et essendo ritornato,
aspettando di giorno in giorno che si desse principio
all'ordine stabilito per li sei curati (che non si è dato sin
adesso), son stato cosî tardo a scrivergli, d'il che, se
peccato vi fosse delli reservati, ne chiedo perdono a
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,
Je vois par votre dernière lettre du 4 février que Votre Seigneurie
Illustrissime s'étonnait de ce que lorsque je lui écrivis la dernière fois
le 27 janvier, je n'avais pas encore reçu ses deux dernières lettres du
4 et du 6. A la vérité, lesdites lettres me parvinrent le jour même où
l'expédiai les miennes ; mais j'attendais mon retour ici pour y répon-
dre, et à mon retour j'attendis de jour en jour la mise à exécution
de l'ordre donné pour les six curés, ce qui n'a pas encore été fait
jusqu'à présent : telle est la raison pour laquelle j'ai tant tardé à vous
écrire. S'il y a en ce délai quelque péché de ceux qui constituent un
cas réservé, j'implore en toute humilité mon pardon. Il me semble
236 Lettres de saint François de Sales
V. S, 111'"^ con ogni humiltà. Et non era bisogno, per
quanto mi pare, che V. S. Ill""^ usasse meco il precetto
in virtute sanctœ obedientiœ per far che io più spesso
giie dia avvisi délie cose di qua , poichè la semplice
volontà di V. S. Iir^ mi stringe tanto quanto basta per
farme far ogni gran cosa possibile.
Son stato consolatissimo vedendo che V. S. 111""^ gusta
la cosa délia conferenza. purchè si faccia con débite
modo ; chè persevero io a dire che maggior cosa che
quella non si è fatta ad honor d'Iddio da un pezzo, se
perseverano i Genevrini in questa intentione, si come da
una lettera scritta da un citadine di Geneva, del 19 Fe-
braro, al P. Cherubino i^), me par che si possa sperare.
Ad ogni modo, sia che se faccia, sia che non se faccia
questa conferenza, supplico V. S. Ill""^ che con l'authorità
qu'il n'était nullement besoin d'user à mon égard du commandement
in virtute sanctœ obûJicntiœ pour m'obliger à vous donner plus souvent
des nouvelles de nos affaires, puisque votre simple volonté me presse
assez fortement pour me faire accomplir les plus grandes choses qui
soient en mon pouvoir.
J'ai été bien consolé en voyant que Votre Seigneurie Illustrissime
goûte le projet de la conférence, pourvu qu'elle se fasse dans les
conditions voulues ; car je persiste à dire que depuis longtemps il
ne se sera rien fait de plus avantageux à la gloire de Dieu, si les
Genevois persévèrent dans cette intention, comme il me semble qu'on
peut l'espérer d'après une lettre écrite au P. Chérubin le 19 février
par un bourgeois de Genève (i). Qiioi qu'il advienne, soit que cette
conférence se fasse ou qu'elle ne se fasse pas, je supplie Votre Sei-
gneurie d'employer son autorité afin que cette année nous ayons ici
( I ) Pendant qu'au mois de janvier 1597 le P. Chérubin évangélisait, avec le
zèle et l'ardeur qui lui étaient ordinaires, les environs de Genève, un habitant
de cette ville, l'orfèvre Jean Corajod, engagea plusieurs fois avec lui des dis-
cussions sur les matières de controverse. Enfin il l'invita de la part des autorités
civiles, disait-il, à venir soutenir une conférence publique à Genève même,
contre les ministres. Le 9 février cette invitation fut renouvelée par Corajod,
au nom du ministre Perrot et de plusieurs autres. Le P. Chérubin sollicita de
Rome la permission d'accepter la dispute, à laquelle le provoquait une nou-
velle lettre datée du 19 février. Sur ces entrefaites, il dut aller prêcher la
station du Carême à Annecy, et le projet de conférence fut remis à plut tard.
Année 1597 ^^7
sua habbiamo qui in Chiablais per questo anno detto
P Cherubino et il P. Spirito, dello stesso OrdmeCO, et
altri quanto più si potrà, si di quell'Ordine corne délia
Compagnia di Gesù, accio che uniti quelli con altn seco-
Urrche verranno, possiamo far un vivo assalto al hère-
1 in questi paesini, ohé pian piano se ne senUra odor
in tutta la vicinanza, si de'Bernesi corne de Genevnn.
Et per farglie le spese (chè in vano cercarebbero la
«mosina frf queste genti), bisognarà far una d, queste
dTe cose : o risserbar a questo effetto per un poco d.
fempo due pensioni délie sei, o vero pigliar per v,a d.
contributione qualche parte délie intrate che , part.colar
cavlno delli béni ecclesiastici di questo balUag.o, g.a
che da' Cavaglieri non bisogna sperar altro.
en Chablais le P. Chérubin et le P. Esprit, du même Ordre ( ■ ). U nous
audÏarencore d'autres missionnaires en aussi grand nombre que
ooss b soit de l'Ordre des Capucins, soit de la Compagnie de Jésus
afm u ™is aux prêtres séculiers qui viendront, nous pu.ss.ons l.vr r
un v'"oureu. assaut à l'hérésie en ces petits pays; ams,, peu a peu,
Vodeur s nTépandra dans tout le voisinage, tant à Berne qu'a Genève.
Et nour les défrayer (car ils chercheraient en vain l'aumône parm,
! s gens ) faudr faire l'une de ces deux choses : ou reserver a
ce !ff" pendant quelque temps, deux des six pens.ons, ou b,en
nrél V 'par voie de contribution une partie des revenus que les
pScuTiers tirent des biens ecclésiastiques de ce bailhage ; car des
Chevaliers il ne faut rien espérer de plus.
, , M. P Esorit de B«um=, originaire de la peti.e ville de Beaume-de-VenUe
^^"m::»?; 'de T uTn lilo....,o. ,. ^^m>,^ de Ter.i,r, et
"«ritf po^rTn: graade par. a„ succès prodigieux des Q.ua,an.e-Heu,.s
d-A.».n.a,se ("P"™""' 'J7,^, „„a„ à R„,„e pour assister au Chapitre
L'a.nee P""^" "^."^Vv' ^'ppor.é un Bref de Clément VIII à l'adresse
,^t::::pt^;.rTd'':,?:re;^:;u:^,,^,LeP.B%ru
mourut à Lyon eu i6oa à un âge très avance.
238 Lettres de saint François de Salbs
È vero che il signor cavaglier Bergera, lator di queste,
mi ha promesse, mediante l'authorità di V. S. 111'"% di
far ogni sforzo appresso il Consiglio délia Religione
de' Cavaglieri acciô ci sian lasciate afFatto tutte le cure
di questo balliagio. per far poi il servitio compito, con
questa conditione, che altro da loro non cercassero. Et
sopra questa sua intentione mi ha sollecitato di scrivere
a V. S. 111'"''; il che io faccio molto volontieri, per esser la
cosa et giusta et molto a proposito per conto di questa
impresa, acciô non habbiamo da esser cortegiani de' Ca-
vaglieri et loro pensionarii, che è cosa, se m' è lecito di
dirlo, molto disdicevole et di gran danno al frutto che si
puô sperare. Esso ha ancora voluto che io ne scriva a Sua
Altezza et al Consig-lio de' Cavaglieri , il che ho fatto
per non pretermettere dal canto mio quel poco che da
me si puô addimandare. A'oleva ancora che io ne scrivessi
a Sua Santità; ma quanto a questo non me basta l'anima
di far volare le lettere mie cosi alto immediatamente,
massime che in questo particolar V. S. 111'"" puô et vuole
tutto il necessario. Cosî ancora non ho dato altro ragua-
giio a V. S. Ill'"'' delli trecento scudi ordinati per pagar
Il est vrai que M. le chevalier Bergera, porteur de ces lettres, m'a
promis, moyennant l'autorité de Votre Seigneurie Illustrissime, de
faire tous ses efforts auprès du Conseil de l'Ordre des Chevaliers,
afin que toutes les cures de ce bailliage nous soient complètement
abandonnées pour que le service divin puisse s'y faire entièrement ;
mais cela, à la condition qu'on ne leur demanderait plus rien. Il m'a
pressé de vous communiquer cette proposition, ce que je fais très
volontiers, la jugeant juste et très utile à cette entreprise ; car il ne
faut pas que nous ayons à devenir courtisans et pensionnaires des
Chevaliers, ce qui, s'il m'est permis de le dire, serait inconvenant et
préjudiciable au fruit qu'on peut espérer. 11 a encore voulu que j'en
écrivisse à Son Altesse et au Conseil des Chevaliers, ce que j'ai fait
pour ne pas négliger de mon côté le peu qui est en mon pouvoir. Il
voulait aussi m'engager à écrire à Sa Sainteté ; mais quant à cela je
ne me sens pas le courage de faire voler directement mes lettres si
haut, d'autant plus que Votre Seigneurie peut et veut tout ce qui est
nécessaire à cet égard. De même, je ne vous ai point encore parlé des
Année 1597 239
le spese fatle sin adesso, per non esser ancora finito il
pagamento di essi ; et tuttavia, et quelle et ogni altra
gratia venuta di là, la devo et ricognosco dalla bontà
di V. S. iir-^
AU'Ill'"'' et R"^° Patron Sig''^ mio osservandissimo,
Il Sig""^ Archivescovo di Bari,
Noncio Apostolico appresso S. A. Seren"'*.
Turino.
Revu sur le texte inséré dans le P' Procès de Canonisation.
trois cents ëcus destinés à couvrir les dépenses faites jusqu'ici, vu
que le paiement n'en est pas achevé. Toutefois, ce bienfait et tous les
autres qui nous sont venus de Son Altesse, je reconnais les devoir à
la bonté de Votre Seigneurie Illustrissime
LXXXVI
A U M Ê M E
( MINUTE )
Lettres reçues du Nonce. — Remerciements pour la protection accordée à
trois églises de Savoie. — Eloge du chevalier Bergera. — Difficultés qui
retardent rétablissement des curés en Chablais. — Pauvreté des paroisses.
— Prétentions injustes des Chevaliers des Saints Maurice et Lazare relati-
vement à la nomination des curés. — Pension due au prédicateur d'Evian.
Thonon, 2 mars 1597.
Illustrissimo et Reverendissimo Signor mio
osservandissimo,
Da quindeci giorni in qua ho ricevuto tre lettre che
si compiacque V. S. lU'"" et R™" di scrivermi : una alli
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,
Depuisquinzejoursj'ai reçu lestrois lettresqu'il plut à Votre Seigneu-
rie Illustrissime et Révérendissime m'écrire : l'une du 10 décembre
LXXVII
240 Lettres de saint François de Sales
X di Décembre de l'anno passato, la seconda al 4 de
Genaro et la terza alli 6, (0 et la quarta alli 4 de Febraro.
Ma quanto alla prima, nella quale V. S. 111""' mi co-
mandava di ritornar qui in Tonone, non ho da farglie
altra risposta colla carta, poi che già Tho latta alla sua
intentione col l'efFetto.
Quanto alla seconda, ho da ringratiare quanto più
posso humilissimamente V. S. Iir"^qual si degna pigliarsi
cosi volontieri in protettione le nostre cose di questa
diocaesi, et particolarmente nel procurar che quel legato
lasciato in Roma ci sia riservato (»), non ostante la prse-
Vide supra, Epist. tentione délia fabrica di San Pietro*; et già che per
l'ultima sua V. S. 111™" mi commanda che se ne scriva
a qualche savoyardo stante in Roma, acciô ne tratti con
li deputati délia fabrica et habbia ricorso al signor Car-
dinale Aldobrandino, cosi si farà.
Vedo poi la gran fatica che V. S. 111""' havrà durata
per haver la provisione per li sei curati, et no posso ch'io
non ammiri il poco zelo de chi, in questo negotio, havrà
de l'année passée, la seconde du 4 janvier et la troisième du 6, ( i ) et
la quatrième du 4 février. Quant à la première, par laquelle Votre
Seigneurie m'ordonnait de revenir ici à Thonon, je n'ai pas à y
répondre par écrit, puisque j'y ai répondu de fait en obéissant à votre
intention.
Pour la seconde, j'ai à vous remercier le plus humblement que je
le puis d'avoir, avec tant de bienveillance, pris sous votre protection
les intérêts de ce diocèse, surtout en procurant que le legs de Rome
nous soit réservé, nonobstant les prétentions de la fabrique de Saint-
Pierre. Puisque Votre Seigneurie me commande par sa dernière
lettre d'écrire à quelque savoyard habitant Rome, afin qu'il traite de
cette affaire avec les mandataires de la fabrique et qu'il recoure au
Cardinal Aldobrandino, ainsi sera-t-il fait.
Je vois les grands embarras que Votre Seigneurie Illustrissime aura
eus pour obtenir la provision en faveur des six curés, et je ne puis
que m'étonner du peu de zèle de ceux qui font des difficultés en
(a ) lasciato
( I ) La fin de cette phrase est ajoutée en surcliarge dans l'Autographe.
Année 1597 241
fatto le difficoltà. Et sia laudato Iddio seterno (^) délia
patientia et zelo che ha dato a V. S. 111™'' per far infine
spontar questa benedetta impresa con questo principio,
del quai, per dar distinto raguaglio a V, S. lU'"'', dirô che
ciè un pezzo che il signor cavagiier Bergera è giunto
qui con quel ordine che mi scrisse V. S. 111'"" ; ( = ) et
essendo allhora in Annessi per certo negotio (<^), ritornai
quanto prima per non esser cagione délia retardatione
di cosî importante servitio, quantumque io fossi certo
che questo cavagiier saria qui un pezzo, per haver a ris-
cuotere da sette millia ducati per la sua Religione, che è
una summa laquale no si fa cosî presto fra questi trava-
gli di guerra. Onde essendo venuto, ho trovato questo
gentilhuomo tanto ben disposto, che io son ubligato di
dar testimonio a V. S. 111'"^ che se tutti gli altri di
quella Relligione fossero cosî fatti, V. S. 111'"" non fosse
stata tanto travagliata. Et hieri si diede principio al
un pareil sujet. Loué soit le Dieu éternel de la patience et du zèle
qu'il vous a départis pour faire, par un modeste commencement,
éclore enfin cette bénite entreprise. Afin de vous donner pleine con-
naissance des choses, je dirai que M. le chevalier Bergera est arrivé
ici depuis longtemps, muni de l'ordre dont vous m'avez écrit. Je me
trouvais alors à Annecy pour quelque affaire, mais je revins aussitôt
afin de ne pas causer de retard dans un aussi important service. Ce-
pendant j'étais sûr que le séjour de ce chevalier serait de longue
durée, car il avait à percevoir pour son Ordre sept mille ducats,
somme qui ne peut se toucher si vite parmi ces troubles de guerre.
Or, à mon arrivée, ce gentilhomme me parut si bien disposé, que
je dois lui rendre ce témoignage : si tous les membres du même
Ordre lui ressemblaient, Votre Seigneurie Illustrissime n'aurait pas
été si fort importunée. Hier on commença le paiement du blé :
(b) Iddio œterno — fde questo poco principio che con tante fatighe di
V. S. I11'"»...J
(c) V. S. Ill'"" ; — fma perche haveva da riscuotsre qui per la sua Relli-
gione da sette millia ducati, é stato... et ha ritrovato i suoi debitori senza
denari. Et hieri si diede principio al pagamento de'frumenti che furono
assegnati, et domani, per quanto egli pur hieri me disse, si dara principio al
pagamento del denaro.J
(d) in Annessi — fet con i miei parentij per certo negotio fd'importanzaj
Lettres I '6
242 Lettres de saint François de Sales
pagamento del frumento ; domani, per quanto mi ha
detto, si comminciarà il pagamento de vino et denari.
Et per dire del praetio di queste pensioni, seconde che
me ne riferiscono questi habitatori di Thonone, no puô
esser uno anno per Taltro più di ottanta scudi; et confes-
se che questo potria bastar dove li sacerdoti havriano
qualche commodità di casa et albergo et di star molti
insieme. Et si dovriano pensare i signori Cavaglieri, che
in questo paese mancaranno tutte le cose mondane alli
sacerdoti, dalla discortesia in poi. 31a, come mi scrive
V. S. 111'"^, l'istesso Signore che da piccoli semi, per mezzo
del tempo, fa uscir grandissimi alberi, darà ancora col
tempo et la fatica di V. S. 111"" un giusto augmente a
questo debole principio.
Ho buona provisione de sacerdoti, quali di subito si
sbrigheranno per venire qui (e) alla patientia et mortifica-
tione, et usarô ogni diligentia acciô siano ricchi di buona
vita et almanco commodi di lettere. Questa Quadrage-
sima spero di collocarne quattro in diversi luoghi, et
si (sic) io potessi li collocaria tutti sei. 31a no si possono
demain, à ce qu'il m'a dit, on commencera les paiements en vin et
en argent.
Quant à la valeur de ces pensions, elle ne peut, au rapport de ces
habitants de Thonon, dépasser en moyenne quatre-vingts écus.
J'avoue que cela pourrait suffire là où hs desservants auraient la
jouissance d'une maison et habitation et la facilité de demeurer plu-
sieurs ensemble. Cependant messieurs les Chevaliers devraient penser
que, dans ce pays, les prêtres souffriront disette de toutes choses, si
ce n'est de procédés désobligeants. Mais, comme Votre Seigneurie
me l'écrit, le même Dieu qui, avec le temps, fait sortir de très grands
arbres des petites semences, donnera aussi, moyennant le temps et
votre travail, un accroissement convenable à ce faible commencement.
J'ai un bon nombre de prêtres qui se dégageront bientôt pour
venir s'exercer ici à la patience et à la mortification ; je mettrai
tous mes soins afin qu'ils soient riches de bonne vie et du moins,
bien pourvus de savoir. Ce Carême, j'espère en placer quatre en
(c) qui — fa patirc.J
Année 1597 243
ben introdurre sensa far un poco de prseparatione con il
far qualche sermoni cathechistici ; il che si deve far da
qualche predicatore prattico, et adesso non è possibile
haverne per esser impediti tutti nelle quadregesimali prae-
diche.(f) Egli m'è necessario di star qui la Ouaresima,
ne posso io molto trascorrere adesso, poichè egli m' è
necessario horamai, per mancamento d'altri, di attender
aile confessioni per Pasqua.
Non v'è poi ne chiesa ristaurata, ne altare drissato ;
manco habbiam calici, messali et altre simili commodità
necessarie per le sei parrochie. D'il che trattando col
signor cavaglier Bergera et non havendo egli carico di
lasciarci denari per questi servitii, si è contentato di
spender da otto o dieci ducatoni per la chiesa di Tonone,
dove ogni cosa era sotto sopra, sensa altra commodità se
non d'un semplice et mal fatt' altare de legno che s' era
fatto questo Natale*. Et per aiutarci al restante che si * Cf. supra, p. 228.
conveniva haver si in Tonone corne nell' altre parrochie,
divers endroits, et si je le pouvais je les placerais tous six. Mais on ne
saurait les introduire sans leur préparer d'abord les voies par quel-
ques sermons catéchistiques faits par un prédicateur expérimenté ;
et maintenant il est impossible d'en avoir parce qu'ils sont tous
retenus par les prédications quadragésimales. Pour moi , je suis
contraint de passer le Carême ici ; je ne puis non plus beaucoup me
déplacer, étant désormais obligé, à défaut d'autres, d'entendre les
confessions pascales.
Au reste, il n'y a ni église restaurée ni autel dressé; nous n'avons
pas même des calices, missels et tels autres objets indispensables
aux six paroisses. J'en ai parlé au chevalier Bergera ; mais n'étant
pas chargé de nous délivrer de l'argent à cet elTet, il s'est borné à
dépenser huit ou dix ducatons pour l'église de Thonon où tout était
sens dessus dessous, sans autre ameublement qu'un simple autel
de bois, mal fait, qui a été construit pour Noël. Afin d'aider à nous
pourvoir de ce qui est encore requis, soit à Thonon soit dans les
autres paroisses, il a bien voulu alTectcr à cette dépense le montant
(f) prcediche. — fSaro costretto a contentarme di collocarne 4; il che, oltra
ch' io no posso esser molto tempo fuora di Tonone... absente in questo
tempo. ..J
244 Lettres de saint François de Sales
si [è] contentato di assegnar il principio délie sei pensioni
dal 15 di Genaro sin al primo di 3Iarzo, che si è dato
principio al pagamento ; et dal primo di Marzo sin tanto
che sian coUocati li sei curati, correndo sempre le pen-
sioni, potremo forse avanzare da 60 o 70 scudi per
comperar le cose più necessarie et far il manco maie che
fia possibile. Et accio li signori Cavaglieri no facciano
compassione a Sua Santità col la loro povertà protestata,
assicuro V. S. 111'"'' che Tintrata che cavano da questo
balliagio de' béni ecclesiastici sarà d'un anno per l'altro
di quattro millia ducati buoni.
Quanto alla polizza del signor di Ruffia, nella quale
desiderano li Cavaglieri che alcuni curati che prestano
il nome a' laici che tengono cure ne'balliagi rimettessero
esse cure alla Religione, come proprietaria, per conces-
sione di Sua Santità, de' beneficii de'balliagi, quando
tai curati non siano habili a far servitio, et essendo habili,
che siano admessi al numéro delli sei, il signor cavaglier
Bergera no m' ha proposto questo particolare ; ne posso
intendere come vogliono questi clerici armati che un
des six pensions à partir du 15 janvier jusqu'au i'^'" mars, époque à
laquelle on a commencé le paiement. Depuis le i^"" mars jusqu'à
ce que les six curés soient installés, ces pensions courant toujours,
nous pourrons peut-être réaliser une avance de soixante à soixante
et dix écus pour acheter les choses les plus nécessaires et faire le
moins mal possible. Mais afin que messieurs les Chevaliers n'exci-
tent pas la compassion de Sa Sainteté par leur pauvreté prétendue,
j'assure Votre Seigneurie Illustrissime que le revenu qu'ils tirent des
biens ecclésiastiques de ce bailliage est en moyenne de quatre mille
bons ducats.
Par un billet de M. de Ruffia, les Chevaliers témoignent désirer que
plusieurs curés qui prêtent leur nom à des laïques, possesseurs actuels
de certaines cures en ces bailliages, remettent ces cures, s'ils ne sont
pas aptes à les desservir, à l'Ordre qui est propriétaire, par concession
de Sa Sainteté, des bénéfices des bailliages; et, s'ils ont les qualités
requises, qu'ils soient compris au nombre des six curés pensionnés.
Le chevalier Bergera ne m'a fait aucune proposition à ce sujet. A la
vérité, je ne puis comprendre comment ces clercs armés prétendent
Année 1597 245
curato confidentiario possa esser habile per esser admesso
nel numéro delli sei, che devono esser un poco più cos-
tumati che non sogliono esser li confidentiari.
Laudo Iddio benedetto che Sua Santità habbia qualche
intentione di coUocare nell' abadia dell' Abondanza i
riformati di San Bernardo, et priegho il Signore glie ne
dia absolutissima volontà a beneficio dell' anime. Quanto
poi al novo Abbate, vorrei ben preghar humilissima-
mente V. S. 111™^ si degni commandarglie che faccia
paghar essattamente et compitamente la pensione che si
sud dar dall' Abbate (g) al P. Prœdicator ordinario di
Evian, il quai adesso è un meritevole dottor, Provinciale
delOrdinedi San Domenico(0; et T hanno fatto stentare
già r anno passato, et tuttavia lo fanno più stentare
questo. Et io ho in questo un poco de l'intéresse parti-
colare, per esser Evian una terra vicina, catholica quanto
si puô dire, et ha gran bisogno di buon praedicatore, quale
non puo havere senza questa pensione.
qu'un curé confidentiaire puisse être capable de compter parmi les
six, qui doivent avoir des mœurs un peu plus réglées que n'en ont
d'ordinaire les confidentiaires.
Je loue le Dieu béni de ce que Sa Sainteté a quelque intention de
placer dans l'abbaye d'Abondance les réformés de Saint-Bernard, et je
supplie le Seigneur lui en donner une volonté absolue pour le bien des
âmes, auant au nouvel Abbé, je voudrais supplier Votre Seigneurie
Illustrissime de lui ordonner de payer exactement et entièrement la
pension que l'Abbé de ce monastère a coutume de délivrer au P. Pré-
dicateur ordinaire d'Evian. Celui-ci est actuellement un très digne doc-
teur de l'Ordre de Saint-Dominique (0 : on l'a déjà fait endurer l'année
dernière, et on le fait encore plus endurer cette année. J'ai en ceci un
certain intérêt particulier, parce qu'Evian est une ville de notre voisi-
nage, catholique autant qu'on peut le dire; elle a donc grand besoin
d'un bon prédicateur, qu'elle ne saurait avoir sans cette pension.
(g) si suol — dair Abbate paghar
(i) Le P. Jean de Fossias ou de Foissia, religieux Dominicain du couvent
de Montmélian, docteur de la Faculté de Nantes. Il avait été élu vicaire géné-
ral de la province Gallicane de son Ordre au Chapitre de Blois {i6 mai 1^96),
et fut absous de cette charge trois ans plus tard au Chapitre de Troycs.
246 Lettres de saint François de Sales
Vedo poi il dispiacere che ha sentito Sua Altezza
deir oppositione che fecero questi di Thonone ail" eret-
tione deir altar. et ne ho ricevuto una lettera quai mi
consola assai : non havendo perô lasciato di ériger T altar
nonostante V oppositione fatta, perché no si faceva dal
consenso publico délia terra, ma dalla sola passione de
certi particolari
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
Je vois de plus la peine que Son Altesse a éprouvée en apprenant
l'opposition apportée par ces gens de Thonon à l'érection de l'autel ;
j'en ai reçu une lettre qui m'a bien consolé. Nous ne laissâmes pas
pour autant d'ériger l'autel, malgré cette opposition, car elle ne se
taisait pas du consentement public de la ville, mais seulement par la
passion de quelques particuliers
LXXXVII
AU MEME
.MINUTE INEDITE
Protestations d'obéissance et de dévouement. — Nouvel exposé des difficultés
de la mission. — Promesse faite par les Religieux d'Ainay. — Prédication
du Saint à Cervens. — Destination du chanoine Roget. — Les hérétiques
prétendent retirer à M. d'Avully la dignité de juge de leur consistoire.
Thonon, 12 mars 1597.
lUustrissimo et Reverendissimo Signor mio
osservandissimo.
Hoggi ho ricevuta la lettera di Y. S. Ill~' del 25 de
Febraio, con il triplicato délie praecedenti. laquale mi ha
Mon très honoré. Illustrissime et Révérendissime Seigneur,
J'ai reçu aujourd'hui votre lettre en date du 2^ février, avec la
triple copie des précédentes : elle m'a causé autant de douleur que
Année 1597
247
recato altretanto di dolore quanto V. S. lU ' m, mostra
Thaver in ammiratione la tardità dalla m.a r.sposta a
quelle prœcedenti. temendo che V. S. IIV" m habb.a
per poco desideroso di esseguire li suoi commandament..
Et supplice humilissimamente la sua bonta d> creder p.u
fosto ogni aura cosa d'un servuor tanto ubl.gato et d,-
oto e? che me è mattcato la comntod.tà, no la volonta,
mas ime perché io andavo aspettando di giorno m gtorno
Tpartenza del signor cavaglier Bergera et ,1 pnncp.o
dell-essecutione delVordine dato per 1. set curati, per
dar poi risposta a V. S. lU- et più grata. et pu. stcura,
'^Hora 3ratio humilissimamente V. S. lU" délia pro-
Jriora nii-^ictLiv^ f^^pnpva * et * Vide supra, p.240.
tettione che se presa da queste ch.ese d> (^ene^a et
délia risposta havuta dal signor Cardinale Aldobrandmo.
Dalla partenza del signor cavaglier Bergera m qua,
non ho havuto né danari. ne altro che quelle tren a
coppe ( ■ 1 di fromento che lasciô. Xè questo e mancamento
de detto cavaglier. quai è buon et di buona intent.one;
Votre Seigneurie Illustrissime me montre détonnement du retard de
la rlponfe aux lettres précédentes, car elle minsp.re la cra.n d et^e
Lu pour peu empresse a exécuter vos ordres. Je suppl.e tre. hum
bCent votre bonté de croire plutôt toute autre chose d^- «.m eu
oui vous a tant d'obligations et qui vous est s, attache, et d être per
suadé que c'est l'occasion et non la volonté qui m'a manque. C e,t
rtou que j'attendais de jour en jour le départ du chevaer Bergera
et la mise à exécution de l'ordre donné pour les s,x cures, ^f" «^""^^
ensuite une réponse plus satisfaisante, plus sure et Pl"^.'»"^? f^'
Maintenant je remercie très humblement Votre S-gne r = U'us-
trissime de la protection accordée a ces egl.se, du d.ocese de
Genève et de la réponse du Cardinal .\lJobrand.no.
Depuis le départ de M. le chevalier Bergera je n a, plus reçu m
argent ni autre chose, sinon les trente coupes!.^ de froment qu ,1
laissa. Ce n'est pas la faute dudit chevalier, qui est bon et b,en .nten-
tionné, mais celle des gens qui ont affermé les b.ens de la Rel.g.on
(,) „.„„ de capacité ,ui variai, .a Savoie selon les locali.es. La coupe
de Thonou équivalait à ci!i<iuan.e-qua.re litres.
248 Lettres de saint François de Sales
ma è mancamento di quelli che hanno tolto in affitto li
béni de quella Religione, alli quali haveva datto ordine
di pagare, et essi van differendo di giorno in altro quanto
possono : et per questo non posso chiamare i sacerdoti
et curati, non havendo danari da dargli per principiar le
loro residentie qui in questo balliagio. Si che io non ho
speranza di veder grand' effetto de queste pensioni avanti
Quaresima passata, si perché io non ho ancora denari, si
perché no potremmo cavare horamai li sacerdoti che
devono venire dalle chiese dove sonno, per le confessioni
et altre nécessita ; et io no posso accompagnarli et col-
locarli , restando ancora qui impedito per l' istessa
ragione.
Oltre le sei pensioni assegnate dalla Religione di San
Lazaro, ne haveremo doppo Pasqua una settima dalli
Religiosi di Henai, di Lione(i), i quali havendo qui
un buon priorato, mi han promesso di darne una taie
quale io addimandarô , senza regolarsi aile pensioni
cavaleresche.
et auxquels déjà il avait ordonné de payer ; néanmoins ils diffèrent
tant qu'ils peuvent d'un jour à l'autre. C'est pourquoi je ne puis appe-
ler des prêtres'et des curés, n'ayant pas d'argent à leur donner pour
commencer à établir leur résidence dans ce bailliage. Je n'espère donc
pas un grand résultat de ces pensions avant la fin du Carême, soit
parce que je manque d'argent, soit parce que nous ne pourrions retirer
les prêtres des églises où ils sont occupés à entendre les confessions
et à exercer d'autres ministères. Quant à moi, je ne puis les accompa-
gner ni les installer, me trouvant retenu ici pour la même raison.
Outre les six pensions assignées par l'Ordre de Saint-Lazare, nous
en aurons après Pâques une septième des Religieux d'Ainay, de
Lyon (O, qui, ayant ici un bon prieuré, m'ont promis d'en donner
une telle que je la demanderai, sans se régler sur les pensions des
Chevaliers.
(i) Abbaye de Lyon, située dans une ile au confluent du Rhône et de la
Saône; on en attribue la fondation à saint Badulphe, qu'on croit avoir vécu
au iv"* siècle. Ce célèbre monastère, qui se rangea plus tard sous la Règle de
saint Benoît, comptait dans sa filiation un grand nombre de prieurés, entre
autres celui de Bellevau.x dans le haut Chablais, qui aurait été établi au
xi"^ siècle.
Année 1597 249
Domenica passata, terza di Quaresima(0, havendo
praedicato secondo il solito la matina a buon hora nella
parrochia delT Alinges, passai in una altra parrochia
di là tre millia, dove sin allhora non ero stato, chiamata
Cervens ; et havendo dato aviso al popolo che io deside-
ravo di predicare, mi fecero una numerosa et gratissima
audientia, et all'uscir délia praedica mi diedero segno di
haver desiderio grande di quel pane de figlioli *. Ma * Matt., xv, 26.
hebbi gran difficoltà a ritrovarmi per tempo alla praedica
di Thonone, che era discosto di Cervens de cinque or
sei millia ; si che, stando qui , è quasi impossibile di
trascorrere in più luoghi. Havendo dunque provato
l'animo del popolo di quella parrochia, son risoluto di
coUocarvi uno delli sei pensionarii ; nelli Alinges un
altro. Qui verra, per quanto mi ha promesso, il dottor
Rogetto (2), il quai son certo che V. S. 111""' haverà ve-
duto, per esser stato deputato per il viaggio di Piemonte ;
et essendo egli buono et prattico praedicatore, potrà sup-
plire in duoi luoghi. Ma io non son risoluto di ricevere
Dimanche dernier, troisième de Carême (0, ayant prêché le
matin de bonne heure, selon la coutume, dans la paroisse des Allin-
ges, je passai dans une autre paroisse distante de trois milles, appelée
Cervens, où je n'avais pas encore été. Et ayant averti le peuple que
je souhaitais prêcher, j'eus une nombreuse et bienveillante assis-
tance qui, au sortir du sermon, me témoigna un ardent désir de ce
pain des enfants. Mais j'eus grand'peine à me rendre à temps pour le
sermon de Thonon, qui est à cinq ou six milles de Cervens, de sorte
que, étant fixé ici, il m'est presque impossible d'évangéliser plu-
sieurs localités. Ayant donc» sondé la disposition du peuple de cette
paroisse, j'ai résolu d'y placer un des six curés pensionnés et un
autre aux AUinges. C'est le docteur Roget ( = ) qui viendra ici, selon
la promesse qu'il m'en a faite, lequel doit vous être certainement
connu, puisqu'il a été député pour le voyage de Piémont; étant bon
et très expérimenté prédicateur, il pourra desservir deux paroisses.
( I ) En 1597, le troisième Dimaache de Carême se trouvait être le 9 mars.
(2) Philibert Roget, natif de Talloires, docteur en théologie et chanoine de
Saint-Pierre de Genève. Il fut plus tard {1610) vicaire général et officiai
substitué, curé de Vallières et de Minzier. Le chanoine Roget mourut le
27 mai 1628, à l'âge de soixante-quinze ans.
250 Lettres de saint François de Sales
a l'abiuratione se non quelli che saranno ben instrutti,
et da dovero, per quanto la loro capacité comportarà.
Et cosî vede V. S. Ill™^ d'onde avviene che le cose di
religione no si facciano con quel fervore che si deve :
ciô è dalla avaritia et mal uso de' béni ecclesiastici.
No voglio lasciar di dire a V, S. 111™'' che monsieur
d'Avully essendo per lo inanzi giudice del consistorio
supremo delli hseretici, volendo questi giorni passati essi
heretici ricusarlo, non lo ha voluto patire, allegando che
non essendo questo consistorio per altro salvo per la
correttione de'vitii, facendosi catholico non solamente
non gli era mancato il zelo et giudicio necessario per
quella correttione, ma gli era augmentato di gran lunga,
si che non doveva esser tenuto per incapace.
Vengo a supplicare ancora una volta V. S. 111"^ si de-
*Videsupra,p.223, gni di incaricar strettamente al novo Abbate*, o vecchio,
°°"^^'' quai si sia, di far paghar essattamente la pensione do-
vuta al prsedicator ordinario di Evian, perché et quella
terra è meritevole di esser aiutata, et il predicator che
hanno adesso è risguardevole per più rispetti.
Mais je suis résolu de n'admettre à l'abjuration que des personnes
véritablement bien instruites, dans la mesure que leur capacité com-
portera. Votre Seigneurie Illustrissime voit donc la cause pour laquelle
les affaires de la religion ne se font pas avec l'ardeur désirable :
c'est l'avarice de ceux qui détiennent les biens ecclésiastiques et le
mauvais usage qu'ils en font.
Je ne veux pas omettre de vous dire que M. d'AvuUy ayant été
jusqu'ici juge du consistoire suprême des hérétiques, ceux-ci préten-
daient le récuser ces jours passés. 11 n'a point voulu le souffrir, disant
que ce consistoire n'étant établi que pour la correction des vices, sa
conversion au catholicisme ne lui a point ôté le zèle et le jugement
nécessaires à cette correction, mais qu'elle les lui a grandement aug-
mentés, en sorte qu'il ne doit point être tenu pour incapable.
Je viens supplier encore une lois Votre Seigneurie de vouloir bien
presser le nouvel Abbé, ou l'ancien, n'importe lequel, de faire payer
exactement la pension due au prédicateur ordinaire d'Evian, parce
que cette ville mérite d'être aidée, et le prédicateur qu'ils ont main-
tenant est digne d'égards sous plusieurs rapports.
Année 1597 251
Dove non occorrendo altro particolar degno di esser-
gli scritto, priegho Nostro Signor le dia ogni vero con-
tente, et sarô sempre,
Di V. S. 111"%
Revu sur l'Autographe appartenant à M*"^ Doroz, née d'Arcine, à Besançon.
N'ayant présente à l'esprit aucune autre particularité qui vaille la
peine d'être signalée, je prie Notre-Seigneur vous donner tout vrai
contentement, et je serai toujours,
De Votre Seigneurie Illustrissime,
LXXXVIII
AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL l^"^
Demande de secours pour des indigents. — Requête en faveur de quelques
hameaux des Allinges. — Menées des protestants contre M. d'Avully.
Thonon, 12 mars 1597.
Monseigneur,
Dernièrement, quand j'en (sic) cest honneur de bayser
les mains a Vostre Altesse, je luy repraesentaj' six ou sept
pauvres gens, vieux et impuyssans a gaigner leur vie,
qui ont vescu icy avec une admirable constance en la
foi (3) catholique. Et parce que leur pauvreté '>) pourroit
estre secourue avec une petite pièce des graines de
(a) [Les variantes qui suivent sont extraites d'une minute écrite sur le
même feuillet que la lettre précédente.]
pauvres — Catholiques, vieux, rinhabiles...J qui ont vescu icy un grand
espace de tems avec un'admirable constance en la religion
(b) nécessité
252 Lettres de saint François de Sales
Ripaille et Fillr i qui sont destinées aux aumosnes, je
suppliay très humblement Yostre Altesse, a leur nom, de
leur en assigner quelque portion ; et selon la pieté dont
Dieu Ta enrichie elle le trouva raysonnable. 31aintenant
je sçai que ces aumosnes (c) se reduysent aux Alinges
pour la munition de la garnison ; ma3's je ne laisseray
pas pour cela d'oser supplier Vostre Altesse quil luy
plais'ordonner '^^ que, d'une si grande quantité, quattre
ou cinq muys (-; en soyent appliqués a ces pauvres gens
vieux et a un autre qui, estant encores de bon aage, ne
laisse pas d'estre pauvre 1^" et, moyennant cest'aumosne,
pourra servir au clocher pour les Catholiques.
Il y a aussy certains petitz vilages qui estoyent an-
ciennement de la parroisse d'Alinges, et personne ne
leur contredisoit d'en estre encores maintenant ; mays
par ce que Vostre x\ltesse, selon son saint zèle, a gra-
tiffié'^^ la parroisse d'Alinges d'un'immunité de toutes
charges pour quattre ans a venir, en contemplation de
(c) Vostre Altesse — de leur en assigner une portion, et elle le jugea
raysonnable. Mais parce que je n'eu pas le tems pour en solliciter le dé-
pêche, la chose en demeura-la. Maintenant je sçai fque ces aumosnes la ont
esté portées. ..J qu'elles
{d) je ne — lairray pas pour cela de supplier encores V. A. de commander
(e) <2 ces pauvres — fqui tous sont impuyssans, vieux, sinon un qui ne laysse
pas d'estr'indigent et que je desirerois employer a un service public. ..J et
impuyssans gens vieux, et a un autre qui, estant encores jeune, ne laysse pas
d'estre indigent
(f) a — voulu gratiffier
( i) Les prieurés de Ripaille et de Filly, placés tous deux sous la Règle de
Saint-Augustin, comptaient, l'un quinze religieux, l'autre, huit seulement.
Le premier avait été fondé près de Thonon (1410), par le duc de Savoie
Amédée VIII ; le second, situé entre Thonon et Douvaine, faisait remonter
son origine au commencement du xi^ siècle. Ils avaient été pourvus de riches
dotations, mais à la charge de faire d'abondantes largesses aux pauvres des
paroisses environnantes. Lors de l'occupation bernoise, les envahisseurs chas-
sèrent les moines et confisquèrent toutes leurs possessions. Néanmoins ces
nouveaux maîtres continuèrent à Ripaille « une aumône solennelle qu'ils
faisaient trois fois la semaine pour se faire aimer du peuple. » Les bâtiments
de Filly furent convertis en hospice destiné à héberger les mendiants.
( 3 ) Mesure de capacité qui pour le froment équivalait à douze coupes (voir
ci-devant, note (i), p. 247), et à vingt-quatre pour les céréales de moindre valeur.
Année 1597
-?p
leur retour a l'Eglise (g), on a opposé a ces petitz vilages
que du tems de l'occupation des Bernois on leur com-
manda d'aller ailleurs a la praeche. Je supplie donques
très humblement Vostre Altesse d'eslargir plus tost sa
libéralité sur ces vilages par une déclaration, que d'es-
tressir(h) ceste première parroisse qu'on a dressé en ce
pais a la foy catholique.
Les gens du consistoire suprême de ce balliage taschent
de lever a monsieur d'AvuUy la judicature qu'il ( i ) y tient
de Vostre Altesse ; mays puysque ce consistoire n'est que
pour la correction des meurs et qu'il n'en est faitte aucune
mention au traitté de Nion, a ce que j'ay peu apprendre,
comm'on ne perd pas le jugement pour se faire catho-
lique, aussy n'en devroit on j ' pas perdre la judicature,
spécialement quand elle dépend de la volonté (^) de
Vostre Altesse, pour la santé de laquelle je ne cesseray
de prier Dieu nostre Seigneur, comm'ayant ce bien [de]
me pouvoir et devoir dire,
Monseigneur,
De Vostre Altesse,
Très fidelle et très humble sujet et serviteur,
François De Sales,
indigne Prévost de S' Pierre de Genève ( ^ ).
A Thonon, le 12 mars 97.
Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat.
(g) l'Eglise — Catholique
(h) d'aller — a la prseche ailleurs qu'Alinges. Je supplieray très humblement
V. A. d'eslargir plus tost sa libéralité sur ces petitz vilages que d'accourcir
(i) de ce balliage — tascheroyent volontiers de lever la judicature que
monsieur d'Avully
(j ) devra-on
(k) nomination
{\) je — prie Dieu en tout'humilité, comm'ayant cest honneur d'estre ,
Monseig""...
254 Lettres de saint François de Sales
LXXXIX
A .■\10XSEIGXEUR JULES-CÉSAR RICCARDI
ARCHEVÊQUE DE BARI. XONXE APOSTOLIQUE A TURIN
( INÉDITE )
Installation d'un curé à Cervens. — Eloge de M. de Blonay.
Thonon, \6 mars 1597.
Illustrissimo et Reverendissimo Signore mio
osservandissimo,
Credo che tutti quelli ai quali ho dato lettere per essere
appresentate a V. S. 111''" fanno a gara per farmi parère
negligentissimo, poichè il signor cavaglier Bergera non
è ancora partito di Chamberi, per quanto mi vien detto,
et a questo gentilhuomo , il quale doveva inviarsi la
settimana passata, fu dato tempo di far questa giunta
aile precedenti mie.
Sono ritornato hoggi, quarta Domenica di Quaresima,
nella parrochia di Cervens, dove quel popolo mi ha
consolato con queU'avida et attenta audientia. In somma,
quest' anime, da Tonone in poi, ci sonno date in preda,
et mancano solo i cacciatori. Ho coUocato a Cervens un
buon sacerdote il quale, al principio di queste guerre, fu
già nominato per star in quella parrochia se le cose
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,
Je crois que tous ceux à qui j'ai confié des lettres pour être présentées
à Votre Seigneurie Illustrissime rivalisent entre eux pour me faire
paraitre très négligent, puisque, d'après ce qu'on me dit, M. le che-
valier Bergera n'est pas encore parti de Chambéry, et on laisse assez
de temps à ce gentilhomme qui devait se mettre en route la semaine
dernière, pour me permettre d'ajouter ceci à mes lettres précédentes.
Je suis retourné aujourd'hui, quatrième Dimanche de Carême,
dans la paroisse de Cervens où ce peuple m'a consolé en montrant
tant d'avidité pour la parole de Dieu et tant d'attention à l'écouter.
En somme, si l'on en excepte Thonon, les âmes nous sont partout
offertes comme une proie; il ne manque que des chasseurs. J'ai placé
à Cervens un bon prêtre qui, au commencement de ces guerres, avait
Année 1597 255
succedevano, et era cognosciuto da una gran parte degli
habitantilO, Ho ricevuto cento fiorini délie pension! et
non più, dei quali parte ne ho data per certe provision!
necessarie, parte ne darù a quello sacerdote di Cervens
postdomani, acciô cominci la sua residentia. Hieri si diede
un cosî grande rumore di guerra, che questi poveri Ca-
tholici ne sono restati tutti sbigottiti. Se per sorte il latore
di queste, M. di Blonnay (-', havesse bisogno di ricorrere
al favore di V. S. 111'"'', la supplico humilissimamente di
fargliene gratia, perché egli è buon catholico et zelante.
Priegho il Signor si degni conservare V. S. 111™^ ad
honor di sua divina 31aestà et beneficio nostro, et io
resto per sempre, di V. S. 111'"^ et R""",
Devotissimo et humillissimo servidore,
Franc" De Sales,
indegno Prevosto di Geneva.
Tonone, alli 16 di JMarzo 97.
Revu sur une copie déclarée authentique de l'Autographe conservé
à la cathédrale de Nardô (Italie, Fouille).
déjà été nommé pour desservir cette paroisse si les choses réussissaient
et il était connu d'une grande partie des habitants ( i ). J'ai reçu cent
florins des pensions et pas davantage. J'en ai donné une partie pour
certaines provisions nécessaires ; je donnerai l'autre après-demain à
ce prêtre de Cervens afin qu'il commence sa résidence. Hier on fit
circuler de telles rumeurs de guerre que ces pauvres Catholiques en
ont été tout effrayés. Si par hasard le porteur des présentes, M. de
Blonay(2), avait besoin de recourir à votre protection, je vous supplie
très humblement la lui accorder, car il est un bon et zélé catholique.
Je prie le Seigneur de conserver Votre Seigneurie pour la gloire de
sa divine Majesté et pour notre avantage, et je demeure à jamais,
De Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime,
Le très dévoué et très humble serviteur,
François de Sales,
indigne Prévôt de Genève.
Thonon, le 16 mars 1597.
(1 ) Bernard Chevalier avait été nommé curé de Cervens le lo janvier 1590.
(î) D'après une lettre du Nonce de Turin, en date du 2 juin 1^97 (voir à
l'Appendice), il s'agit de Claude de Blonay, coseigaeur de Saint-Paul;
256 Lettres de saint François de Sales
XC
AU MEME
(minute inédite)
Mesures à prendre pour pourvoir à la subsistance des curés du Chablais. —
Voyage du chanoine Louis de Sales à Genève. — Désignation des PP. Capu-
cins et Jésuites dont le concours serait le plus utile à la mission ; frais que
nécessiterait leur entretien.
Thonon, 25 mats 1597.
Illustrissimo et Reverendissimo Signor mio
osservandissimo,
Supplice humilissimamente V. S. 111'"^ per amor di
Dio si degni perdonarme se cosî spesso non haverà rice-
vute lettere da me (^), perché la poca commodità che
havemo qui, et massime io, di inviare le lettere in Cham-
beri, overo in Aousta, ne è stata la causa principale. Et
credo che tutti quelli alli quali io do le mie lettere per
farle appresentare a V. S. lU""' fanno a gara per farme
parère negligentissimo ; poichè uno, tre giorni fa, me ne
mandô una che già molti giorni sono haveva tolto per
portar in Piemonte, dicendo che egli non poteva passar ;
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,
Je supplie très humblement pour l'amour de Dieu Votre Seigneurie
Illustrissime de daigner me pardonner si elle n'a pas reçu de mes
lettres aussi souvent qu'EUe le souhaitait ; le peu de facilité que
nous avons ici, moi surtout, d'en envoyer à Chambéry ou à Aoste
en a été la cause principale. Je crois que tous ceux à qui je confie
mes lettres pour être présentées à Votre Seigneurie Illustrissime
s'efforcent à l'envi de me faire paraître très négligent ; car, il y a
trois jours, l'un d'entre eux m'en renvoya une qu'il avait depuis
quelque temps pour la porter en Piémont, assurant qu'il ne pouvait
( a ) ricevute — da me risposte
Année 1597 257
et il cavaglier Bergera, quale ne ha una altra, era
ancora fa poco in Chamberi, par quanto mi vien detto.
Hieri mi capitô nelle mani, per huomo mandate espresso
da monsignor Vicario di Geneva (0, quella che V. S. Ill"*
mi scrisse alli 1 2 di questo mese, insieme con l'altra alli-
gata per monsieur d'AvuUi et la copia délia lettera del
signor Cardinale di Santa Severina (-).
Monsieur d'AvuUi ha ragione dicendo che saranno
necessarii vintidue curati in questo Chiablais, poichè (per
venir al particolar) vi sono da 45 parrochie (>). Ma perché
io no so chi voglia dar tanta intrata necessaria a tante
persone, ho sempre havuto opinione che basterebbero
da 18 curati, li quali, per dire quanto io credo, devono
havere honorata provisione per se et per un vicario che
passer outre, et, d'après ce qui m'a été dit, le chevalier Bergera,
qui en a une autre, était encore naguère à Chambéry. Hier je reçus,
par l'entremise d'un exprès que m'envo3^a M. le Vicaire de Genève (0,
celle que Votre Seigneurie m'écrivit le 12 de ce mois, avec une
autre pour M. d'Avully et la copie de la lettre de M. le Cardinal de
Santa-Severina ( = ),
M. d'Avully a raison de dire que vingt-deux curés seraient néces-
saires en Chablais puisque, pour en venir à quelque particularité,
cette province comprend environ quarante-cinq paroisses (3). Mais
parce que je ne sais qui voudrait fournir les revenus nécessaires à tant
de personnes, j'ai toujours été d'avis qu'environ dix-huit curés suffi-
raient. Pour dire ce que je crois, les paroisses étant très étendues,
ils doivent avoir une pension convenable, suffisant à leur entretien
( I ) Le vicaire général François de Chissé (voir note (i), p. 71).
(2) Jules-Antoine Santorio, né à Caserte en 1533, avait été élevé au siège
archiépiscopal de Santa-Severina en 1566, et, quatre ans plus tard, créé car-
dinal du titre de Sainte-Barbe. Dans la suite, il résigna son archevêché et
accepta celui de Palestrina, sans laisser néanmoins d'être toujours connu sous
le nom de Cardinal de Santa-Severina. Ce Prélat, après avoir rempli avec
beaucoup de zèle les fonctions de grand Inquisiteur, mourut à Rome en 1602.
C'est à propos de la conférence projetée entre les missionnaires et les
ministres que le Cardinal écrivit la lettre mentionnée ici. (Voir à l'Appendice
celle de Mk"" Riccardi du 12 mars 1597.)
( 3 ) La lettre écrite à ce sujet par M. d'Avully au Nonce de Turin, en date
du 8 février 1597, a paru dans le tome VI (p. 351) des Mélanges d'archéologie
et d'histoire publiés par l'Ecole française de Rome, i886.
Lettres I
>7
258 Lettres de saint François de Sales
potesse aiutarli , già che le parrochie sariano molto
grandi, et acciô possano con decentia far l'officio loro et
no pigiino le limosine per le confessioni, sépulture, Xesse
et altre cose ; chè se ben questo sarà forse lecito, tutta-
* Cf. I Cor., VI, II. via non è per nessun conto espediente *. Se vorranno i
Cavaglieri lasciar le cure et beneficii curati, purchè li
particolari che ne hanno qui facciano il medesimo et se
ne faccia un grosso per esser diviso in parti eguali, da
Tonone in poi dove deve esser un essercitio più décente,
crederei che questo saria un buon ordine. 3Ia non vorria
che i Cavaglieri havessero il jus patronatus sopra
queste cure, chè questo sarebbe rovinar il concorso, et col
tempo se vederiano nominationi da non dire ; et essi non
sonno ne fondatori, ne restauratori de queste cure.
Quanto poi aile considerationi fatte in Roma sopra
la conferentia, sono veramente degnissime, et io ne ho
scritte memorie amplissime di quanto me ne pare, et le
ho mandate al signor Ludovico de Sales, canonico de
Geneva, persona prattica, zelante, facunda nel predicare
et accortissima nel servitio d" Iddio, il quale è cosi ben
et à celui d'un vicaire qui les seconde, en sorte qu'ils puissent rem-
plir leur ministère avec bienséance, et qu'ils n'aient pas à exiger des
aumônes pour les confessions, sépultures, Messes et autres choses ;
car si cela est peut-être licite, toutefois il n'est en aucune manière
expédient. Si les Chevaliers consentaient à céder les cures et les
bénéfices-cures, et si les particuliers qui en détiennent ici faisaient
de même, on pourrait les réunir en un lot qu'on diviserait en parties
égales entre les paroisses rurales ; car à Thonon l'exercice du culte
demande plus de solennité. Je crois que cet arrangement serait avan-
tageux ; mais je ne voudrais pas que les Chevaliers eussent le droit
de patronage sur ces cures : ce serait ruiner le concours, et, avec le
temps, on verrait des nominations peu avouables. Du reste, ils ne
sont ni fondateurs ni restaurateurs de ces cures.
Quant aux considérations faites à Rome au sujet de la conférence,
elles sont vraiment très sages ; j'ai écrit de très amples mémoires
sur ce qu'il m'en semble, et je les ai envoyés à M. Louis de Sales,
chanoine de Genève, homme expérimenté, zélé, éloquent dans la
prédication, très prudent pour ce qui regarde le service de Dieu et
Année 1597 259
informato dei miei pensieri quanto io stesso ; et fu già
mandato fa poco in Geneva, dal comune consenso di
Monsignor R!"" et del Padre Cherubino, per scuoprir
un poco meglio questo negotio, et vidde una gran porta
aperta al santissimo Crocifisso in quella terra, purchè sia
portato con secrète da persone pratiche di questi humori,
humili et patienti. Bisogna far corne facciamo la Setti-
mana Santa : scuoprir una corna délia Croce, poi Taltra
piano piano, et cosî tutto, et gridar dolcemente : Ecce
lignum Crucis, venite adoremus.
Et io saria vqlentieri andato sin ad Annessi per esser
un poco consolato con 3lonsignor R™" et quelli Padri
benedetti, poichè io son qui solo corne leproso fuori
deir armata ; ma un poco de ressentimento di febre che
io hebbi questi giorni passati, le confession! aile quali
per forza bisogna che io attenda et le altre nécessita di
qua mi tengono alligato qui sin alla Pasqua. Dirô in-
genuamente il mio parer : no potrà meglio far Sua
Beatitudine che di lasciar in questo et simili negotii
l'assoluta libertà et authorità fra V. S. 111"^ et 31onsi-
gnor R"", perché questa guerra devesi fare con 1" occhio
qui connaît mes pensées aussi bien que moi-même. Ayant été naguère
mandé à Genève, du commun consentement de M»"" notre Evèque et
du P. Chérubin, pour approfondir un peu mieux cette affaire, il vit
en cette ville une grande porte ouverte au très saint Crucifix, pourvu
qu'il y soit porté secrètement par des personnes humbles, patientes
et familiarisées avec les mœurs des hérétiques. 11 faut faire comme
nous faisons pendant la Semaine Sainte : découvrir un bras de la
Croix, puis l'autre, et ainsi peu à peu, la Croix tout entière, en
chantant doucement : Ecce lignum Crucis, venite adoremus.
Je serais allé volontiers jusqu'à Annecy pour me consoler un peu
avec M'"" le Révérendissime et ces bons Pères, puisque je suis seul ici,
comme un lépreux hors de l'armée ; mais un petit ressentiment de
fièvre que j'eus ces jours passés, les confessions que je dois forcément
entendre, et d'autres devoirs me tiennent lié ici jusqu'à Pâques. Je
dirai ingénuement mon avis : Sa Sainteté ne pourrait faire mieux que
de laisser toute autorité et liberté d'action en cette affaire et en
d'autres semblables à Votre Seigneurie et à M*»' notre Evêque, puisque
200 Lettres de saint François de Sales
et non colF orecchio, perché le occasioni si appresentano
bene spesso, et passano senza ritornar più da quelli che
non le pigliano. Questo sia detto da me con humillissima
obedientia. È tanto ammalata questa provincia, che ogni
minimo accidente che sopravenga impedisce un grande
effetto.
Ritornai la Domenica quarta a Cervens et hebbi
magior audientia che la prima. lo vi lasciai un buon
sacerdote che era già destinato per esser curato in quella
parrochia al principio di queste guerre se le cose succe-
devano, et era già conosciuto da molti de gl'habitatori.
Heri (sic) mi mandarono [ad] invitare per ritornare, chè
desideravano farsi Catholici ; ma parte la mia dappo-
cagine, parte i negotii pure spirituali et paschalitii di
questo Tonone [et] d'Alinges, mi diedero occasione di
prorogar questo bene sino al dopo Pasqua che haveremo
aiuto da altri predicatori.
Li Padri Cappucini li quali io per adesso vorrei che
fossero deputati a quest'opra, sono il Padre Cherubino et
il Padre Spirito, dottissimi, santissimi, humilissimi, et
cette guerre doit se diriger par l'œil et non par l'oreille ; car bien
souvent les occasions se présentent et passent sans retour pour ceux
qui ne savent pas les saisir. Ceci soit dit de ma part avec une très
humble obéissance. Cette province est tellement malade que le
moindre accident qui surviendrait empêcherait un grand succès.
Je suis retourné le quatrième Dimanche de Carême à Cervens, et
j'ai eu un auditoire plus nombreux que le premier. J'y ai laissé un
bon prêtre, qui déjà au commencement de ces guerres avait été
désigné pour être curé de cette paroisse si les affaires réussissaient ;
il était déjà connu d'un grand nombre d'habitants. Hier les parois-
siens me firent inviter à y retourner parce qu'ils désirent se faire
catholiques ; mais mon insuffisance d'une part , et de l'autre les
affaires spirituelles et les confessions pascales de Thonon et des Al-
linges m'ont contraint de différer ce bien jusqu'après Pâques, où nous
serons aidés par d'autres prédicateurs.
Les Pères Capucins que, pour le moment, je voudrais voir destinés
à cette œuvre sont le P. Chérubin, le P, Esprit, l'un et l'autre très
doctes, très saints, très humbles ; tous deux prêchent dans ce
Année 1597 261
ambiduoi predicano nella diocesilO; li Padri Giesuiti,
ilPadre Giovan Saunerio( = ), dei primi che habbiano di
qua, et un altro che ha predicato questa Quaresima in
Rumilly, ma no me sovienne il nome (3). Priegharô
Monsignor R'"° che lo nomini. Et pur no mi par che si
debba restringer il numéro a questi soli, ma si estendere
ad altri, se bisogno ne fosse a l'anime, chè in questo no
vedo che vi possa esser abuso veruno. Et pertanto si
potria observar quest'ordine, che commandi V. S. Iir"
alli Provinciali [che] essi mandassero secondo le occur-
rentie, chè faremo poi venir delli secolari quanti più
potremo.
V. S. Iir'' mi commanda che io le dica la spesa che
ci potrebbe andar per mantener questi Padri. Dico in
verità che cento scudi per huomo sonno necessarii, perché
bisognerà che habbino un compagno per uno, et quelli
diocèse (i). Quant aux Pères Jésuites, je voudrais le P. Jean Saunier (=),
un des premiers qu'ils aient envoyés ici, et un autre qui a prêché ce
Carême à Rumilly, mais dont je ne me rappelle pas le nom (3). Je
prierai M»' le Révérendissime de le demander. Cependant il me semble
qu'on ne devrait pas se limiter à ce petit nombre, mais l'augmenter
d'autres encore si les âmes en avaient besoin, car en ceci je ne vois
pas qu'il puisse y avoir aucun abus. Partant, on pourrait procéder
ainsi : Votre Seigneurie Illustrissime donnerait ordre aux Provinciaux
d'envoyer des Religieux selon les occasions ; nous ferons ensuite
venir autant de prêtres séculiers que nous pourrons.
Votre Seigneurie m'ordonne de lui dire jusqu'où montera la dé-
pense pour l'entretien de ces Pères. Je dis en vérité que cent écus par
tête sont nécessaires, parce qu'il faudra à chacun un compagnon, et
(i) Le P. Chérubin prêchait le Carême à Annecy (voir note ( i ), p. 236),
et le P. Esprit le prêchait à La Roche.
(a) Le P. Jean Saunier, né en 1543, entra dans la Compagnie de Jésus à
la fin de l'année 1572. Il professa douze ans les basses classes avant d'être
employé au ministère apostolique. Le zèle qu'il déployait depuis plus de deux
ans dans l'évangélisation des b-nilliages de Ternier et de Gaillard inspira à
saint François de Sales le désir de l'obtenir pour collaborateur dans la mission
du Chablais. Le P. Saunier fut ensuite préfet des études au collège de Cham-
béry ; il mourut à Paris le 9 octobre 1610.
(3) Probablement le P. Alexandre Hume (voir ci-après, p. 304).
202 Lettres de saint François de Sales
che non saranno Cappucini, ancora un cavallo per tras-
correre di luogho in luogho ; ma le cure faranno questa
spesa sin tanto che siano stabiliti i curati, purchè ci sian
lasciate. No sapria dire circa questa riduttione più par-
ticolarmente che io feci nelle memorie lasciate a V. S.
lU"^ et al P. Giulio Coccapane '^s da presentarsi a Sua
Altezza.
Una sola cosa dirô di più : che la reformatione di
queste badie di qua importa infinitamente per far un
buon odor da per tutta la vicinantia
Air 111™° et R"^'' Sig'' mio osservandissimo,
Monsig''^ l'Arcivescovo di Bari,
Nuntio Apostolico appresso S. A. S.
Revu sur une copie déclarée authentique de l'Autographe conservé
à la cathédrale de Nardô (Italie, Fouille).
à ceux qui ne sont pas Capucins il faut encore un cheval pour aller
d'un lieu à un autre ; mais les cures fourniront à cette dépense, pourvu
qu'elles nous soient cédées, jusqu'à l'établissement des curés. Je ne
saurais sur cette réduction rien dire de plus spécial que le contenu
des mémoires laissés à Votre Seigneurie Illustrissime et au P. Jules
Coccapane (O pour être présentés à Son Altesse.
Je n'ajouterai qu'une seule chose : c'est qu'il importe infiniment
de réformer les abbayes de ce pays pour répandre dans tout le voisi-
nage un parfum d'édification
( I ) Le Jésuite Jules Coccapane, né à Carpi en I756, d'une famille illustre,
avait prononcé ses grands vœux à Milan le 19 avril 1387. Dix ans plus tard,
le duc de Savoie le choisit pour confesseur, et lui conserva longtemps cette
charge qui mettait le P. Coccapane en mesure de protéger à la cour les inté-
rêts de la religion. Il mourut à Turin en 161 5.
Année 1597 363
XCI
AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL 1^"
(minute inédite)
Instances pour obtenir quelques libéralités déjà sollicitées
en faveur de nouveaux Catholiques.
Sales, 1 1 avril 1597.
Monseigneur,
Je suppliay nagueres Vostre Altesse par une lettre* * Epist. Lxxxvm.
qu'il luy pleust accorder une portion de cinq ou six
muys de froment des aumosnes de Ripaille et de Filly
pour le soulagement de sept ou huit vieux bons Catholi-
ques, paiivres et indigens, et pour un qui servist a Thonon
au clocher pour les Catholiques. Quand j'eus ce bonheur
d'approcher Vostre Altesse l'année passée a Turin elle
eut aggreable la proposition que je luy en fis, et main-
tenant j'ay prié M. de Blonnay de la luy représenter.
Plaise donq lautrefois a Vostre Altesse de faire ceste
aumosne a ces pauvres gens, puisque c'est d'un bien qui
est desja destiné aux pauvres.
Je supplie encor Vostre Altesse pour certains petitz
vilages qui estoyent anciennement de la parroisse des
Alinges et en furent distraitz sous les Bernois, lesquelz
désirent estre reunis a leur ancienne église et y faire
l'exercice catholique ; a quoy personne ne contrediroit, si
ce n'estoit que Vostre Altesse a, par sa libéralité, exempté
la parroisse des Alinges des charges et subsides, a quoy
ilz auroyent part par conséquent. Plaise donq a Vostre
Altesse estendre plustost sa libéralité sur ces petitz vi-
lages, qu'accourcir la première parroisse qui s'est faitte
catholique par deçà.
Ces huguenotz ont intention de priver monsieur d'Avul-
ly de la judicature du suprême consistoire parce qu'il est
catholique ; mais puysque cecy ne touche en rien au
traitté de Nion et qu'il a esté institué en cest office par
264 Lettres de saint François de Sales
Vostre Altesse, je cuyde que ce soit pour l'honneur de
Dieu et de Vostre Altesse qu'il y soit expressément
continué. Le ministre qui se veut catholiser et s'y dispose
de plus en plus fut secouru de quelque peu de bled par
monsieur de Lambert, et Vostre Altesse declaira l'avoir
aggreable ; mais monsieur de Lambert n'a pas osé en
tirer conséquence qu'il failloit continuer, qui me faict
encor supplier Vostre Altesse de le luy faire entendre.
Ainsy ne cessé-je de demander a Vostre x^ltesse, ma5^s
je ne cesse aussi de demander a Dieu qu'il la conserve
longuement en très parfaitte santé, puysquej'ay l'hon-
neur d'estre.
De Votre Altesse,
Très humble sujet.
Revu sur le texte inséré dans les deux Procès de Canonisation.
XCII
A MONSEIGNEUR JULES-CESAR RICCARDI
ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN
Difficultés que présente la mission du Chablais. — Intérêt du Pape pour cette
œuvre. — Il est urgent de réformer quelques abbayes de la contrée.
Sales, 1 1 avril 1597.
lUustrissimo et Reverendissimo Signor mio
osservandissimo,
Hebbi hieri quella di V. S. Iir^ scrittami alli 4 di Apri-
le, et viddi nella alligata (3) copia del signor Cardinale
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,
J'ai reçu hier votre lettre du 4 avril, et j'ai vu dans la copie de
celle du Cardinal Aldobrandino qui s'y trouvait jointe combien
(a) [Les variantes qui suivent sont extraites d'une minute insérée dans le
I"" Procès de Canonisation.]
di Aprile, — con infinita mia consolatione di vedermi concesso il perdono
délia negligenza passata, o vero accettata la scusa délia retardatione. Vedo bene
dair alligata
Année 1597 265
Aldobrandino quanto Sua Santità habbia a caro di
haver avvisi (b) délie cose di qua. Et io vorrei poterne
dar ogni giorno délie grate et vere nuove, ma sin adesso
le cose sonno andate tanto lentamente et con tanta ma-
linconia che faceano noya alli più sani et saldi stomachi.
Ne sin adesso ho ricevuto altro per li curati se non (<=)
cento fiorini et 30 coppe di fromento, corne scrissi a V. S.
111'"'', délie quali ne darô buon et fedel conto, acciô sap-
piano i Cavaglieri che la nostra povertà no ricerca i loro
béni per farsi ricca o gTassa. Laudo il Signor il quai ha
dato buona intentione a Sua Santità di restituir le cure
al servitio d'Iddio et dell' anime, come viiol il dovere. i^)
Sa Sainteté a pour agréable d'être tenue au courant de nos affaires.
Je voudrais pouvoir lui en donner chaque jour de vraies et réjouis-
santes nouvelles; mais jusqu'ici les choses sont allées si lentement
. et si tristement qu'elles fatiguaient les estomacs les plus sains et les
plus forts. Comme je l'écrivais à Votre Seigneurie Illustrissime, je
n'ai encore reçu pour les curés que cent florins et trente coupes de
froment, dont je rendrai bon et fidèle compte afin que les Cheva-
liers sachent que notre pauvreté ne recherche pas leurs biens pour
s'enrichir et devenir opulente. Je loue le Seigneur de ce qu'il a donné
à Sa Sainteté l'intention de rendre au service de Dieu et des âmes
les revenus des cures, ainsi que le demande la justice.
(b) di — saper
(c) alli più sani ei — ben disposti stomachi. Hora non ho ricevuto altro che
(d) i Cavaglieri che — se bene io aJdomando li béni loro, non é per farmene
ricco né grasso. Laudo il Sig'''^ Iddio che ha dato, per quanto vedo, buona
intentione a S. A. di restituire le cure al servitio dalle anime, conie si conve-
niva, accio si possa un poco piu liberamente, assolutameate et lietamente
inviare questo negotio. Il sig"" cavaglier Bergera mi lascio certe assignation!
appresso questo o quel altro délia terra di Tonone ; ma essi non paghando,
non so corne sforzarli et farmeli nemici, poiche devo piuttosto tirarli a volerme
bene per poterli far Catholici. — (... quoique je demande leurs biens, ce n'est
pas pour m'enrichir et devenir opulent. Je loue le Seigneur notre Dieu de ce
qu'il a donné à Son Altesse l'intention de rendre au service des âmes les reve-
nus des cures, ainsi qu'il était convenable, afin que nous puissions un peu plus
librement, absolument et joyeusement acheminer cette affaire. M. le chevalier
Bergera me laissa certaines assignations auprès de tel et tel habitant de la ville
de Thonon ; mais comme ils ne payent pas, je ne sais par quel moyen les y
obliger, et je ne veux pas m'en faire des ennemis, puisque je dois plutôt leur
inspirer de la bienveillance à mon égard pour pouvoir les rendre catholiques.)
266 Lettres de saint François de Sales »
* Epist. Lxxxvii. Ho scritto * a V. S. 111"" délia giudicatura del consis-
torio di Chiablais quai vogiiono 1^) levar a monsieur
d'Avully, et non è ragionevole. Ne scrivo Taltra volta
a Sua Altezza acciô si degni farne qualche dichiaratione.
No voglio mancar di raccommandargli la prebenda so
lita a pagharsi al P. Predicator di Evian sopra la badia
deir Abondanza, con incolcar, anzi gridar nelle viscère
* Philip., I, 8. di Christo *, che si faccia o la riformatione o la muta-
tione délie badie d'Aux et Abondanza ( 0 et délie altre
ancora di qua che sonno seminarii de scandali (f).
Monsieur di Blonnay, lator di questa, è gentilhuomo
meritevole et puô fare buoni servitii di qua ; per tanto,
s'havesse bisogno di ricorrer' al favor di V. S. 111'"'' in
J'ai écrit à Votre Seigneurie au sujet de la judicature du consistoire
du Chablais que l'on veut ôter à M. d'Avully ; c'est déraisonnable. J'en
écris de nouveau à Son Altesse afin qu'elle prononce un arrêt à cet
égard. Je ne veux pas manquer de vous recommander l'affaire de la
prébende d'Abondance que l'on a coutume d'appliquer au P. Pré-
dicateur d'Evian. Jamais non plus je ne cesserai de presser, voire
même de crier afin d'obtenir par les entrailles de Jésus-Christ, que l'on
prenne des mesures pour la réforme ou le changement des Religieux
des abbayes d'Aulps, d'Abondance ( r ), et d'autres encore qui sont
en cette province des séminaires de scandales.
M. de Blonay, porteur de cette lettre, est un gentilhomme de
grand mérite, qui peut nous rendre bien des services. Par conséquent,
s'il avait besoin de la protection de Votre Seigneurie Illustrissime,
(e) del consistorio — la quale vogiiono quelli di Tonone
(f) 0 la mutaiione — di quelli Religiosi d'Aux et dell' Abondanza.
( I ) Ces abbayes, tombées dans un si déplorable relâchement, avaient autre-
fois répandu un admirable éclat de sainteté dans tout le pays. Celle d'Aulps
devait son existence à des moines de Molesme, envoyés dans ces régions par
saint Robert, vers la fin du xi'' siècle. Après la mort de Guy, son premier
Abbé , elle avait été gouvernée par saint Guérin, l'ami de saint Bernard. Ce
grand Saint lui-même avait visité l'abbaye d'Aulps, ou de Notre-Dame des
Alpes, et adressé plusieurs lettres aux Religieux qui l'habitaient.
L'abbaye d'Abondance se glorifiait d'avoir eu pour fondateur saint Colom-
ban, qui aurait été contraint de fuir devant la fureur des barbares. Dans les
dernières années du xi'^ siècle, des Chanoines réguliers venus d'Agaune repri-
rent l'œuvre du moine irlandais, et placèrent sous la Règle de saint Augustin
ce monastère, qui eut pour troisième Abbé le B. Ponce de Faucigny (1171).
Année 1597 267
qualche suo negotio, la vorrei ben preghar di farne
gratia et a luy (sic) et a me. Son sforzato a far alta per
certi giorni per venir al sinodo et altri negotii, et per
prevenire una malatia délia quale sono minacciato ciè
un pezzo. Ma questo sarà poco , et ritornarô poi alla
tralasciata impresa con più impeto (s).
Fra tanto priegho il Signor conservi ad utile délia sua
Chiesa V. S. 111"'% alla quale bascio con ogni humiltà
le mani reverendissime.
Di V. S. 111'"^ et R'"%
Humilissimo et divotissimo servitore,
Franc" De Sales,
indegno Prevosto di Geneva >).
Di Sales, alli 11 di Aprile 97.
Air 111'"° et Rever"^° Sig'" mio osservandissimo,
Monsig'^ l'Arcivescovo di Bari,
Nuntio Apostolico appresso S. A.
Taurino.
Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Archives du Vatican.
en quelqu'une de ses affaires, je vous prierais de nous en accorder la
grâce à lui et à moi. J'ai été contraint de m'absenter quelques jours
afin d'assister au synode, mettre ordre à certaines choses, et préve-
nir une maladie dont je suis menacé depuis longtemps. Mais cette
absence sera courte et je retournerai ensuite reprendre avec plus
d'ardeur mes travaux interrompus.
En attendant, je prie le Seigneur de vous conserver pour l'utilité
de son Eglise, et je baise en toute humilité vos mains vénérées.
De Votre Seigneurie Illustrissime et Reverendissime,
Le très humble et très dévoué serviteur,
François de Sales,
indigne Prévôt de Genève.
De Sales, le 11 avril 1597.
(g) Son sfor^^ato — di fare alta per certi giorni, si per venire al sinodo et
veder di condurre i Padri Cappucini nel Chablais, si per prevenire con qualche
rimedio una malatia délia quale son minacciato. Ma questo sara poco, et
ritornarô poi piu gagliardamente alla tralasciata impresa.
(h) il Signor — nostro dia a V. S., con buona sanita, lungho, vero et perfetto
contento, et restaro per sempre, di V. S. 111""» et R"'»
268 Lettres de saint François de Sales
XCIII
A SA SAINTETÉ CLEMENT VIII (0
Entrevue avec Théodore de Bèze; endurcissement de ce vieillard. — Tyrannie
exercée par les Genevois sur les Catholiques. — Espoir d'obtenir la
liberté de conscience à Genève movennant la médiation du roi de France.
Annecy, 21 avril 1597.
Beatissime Pater,
Cum anno préeterito de Bezse(2\ primarii inter Calvi-
nianos haeretici , ad Ecclesiam Catholicam reditu ac
conversione, tum Pater Spiritus Balmensis, ex Ordine
Cappuccinorum concionator, tum ego ipse quoque, non
Très Saint Père,
L'année dernière le P. Esprit de Beaume, prédicateur de l'Ordre
des Capucins, et moi-même, persuadés par les sérieuses affirmations
d'un grand nombre, avions commencé à bien espérer de la conver-
sion de Bèze ( 2 ) et de son retour à l'Eglise Catholique. Pour contribuer
(i) Clément VIII ( Hippolyte Aldobrandino), né en 1535, à Fano, d'une
illustre famille vénitienne, avait étudié d'abord la jurisprudence. Il devint
auditeur consistorial à Rome, jdataire sous Sixte V (1383); bientôt après
cardinal et légat en Pologne, et enfin il fut élu Pape par acclamation (30 jan-
vier 1595). Clément VIII déploya toujours un grand zèle pour l'extirpation
de l'hérésie, et encouragea par plusieurs Brefs les travaux de l'Apôtre du
Chablais. En 1599 il le nomma coadjuteur de l'Evêque de Genève avec future
succession, et voulut à cette occasion le soumettre à un examen public, moins
pour s'assurer de son savoir que pour le faire briller devant le Sacré Collège.
C'est à la suite de cet examen que Clément VIII, embrassant le jeune Saint,
lui appliqua ces paroles du Livre des Proverbes : Bibe aquam de cisterna tua
et fluenta putei fui ; deriventiir fontes tui foras, et in plateis aqitas tuas divide.
Ce Pontife mourut le 3 mars 1605.
(a) Théodore de Bèze, qui devait être une des colonnes du protestantisme,
était né à Vézelay, en Bourgogne {1519). Les écarts d'une jeunesse orageuse
l'ayant conduit à l'apostasie, il se rendit à Genève où il devint l'auxiliaire
Année 1597 269
levibus multorum permoti sermonibus , bene sperare
cœpissemus, ne in re tam optata aut industria nostra aut
adminicula caetera desiderarentur, ita inter nos convenit,
uti nimirum ille quidam, qui ad Capitulum, quod vocant,
générale sui Ordinis, Romse indictum, properabat, de re
tota cum Beatitudinis Vestrse clementia coram dissereret,
peteretque ne redeunti haeresiarchse (si videlicet rumo-
rem sequatur eventus) Apostolica desit providentia. 3Iihi
vero ea contigit cura ut, quam diligentissime et cautis-
sime fieri queat, intimos Bezae sensus, aliqua ut fit accepta
occasione, ipsiusmet ore detegerem et explicarem.
Id autem ut facerem, varia prœtexens negotia, saepius
Genevam ingressus, nullus unquam mihi ad hominis
quem quaerebam privata ac sécréta colloquia patuit
aditus, praeterquam hoc ultimo tertio Paschali die, cum
et solum et satis primo quidem accessu facilem inveni ;
sed tandem aliquando in recessu, postquam extorquendae
à un événement si désirable, nous ne pouvions épargner notre indus-
trie ni négliger aucun autre moyen. Comme ce Religieux devait se
rendre à ce qu'ils appellent le Chapitre général de leur Ordre, lequel
se tenait à Rome, nous avions convenu que, pour lui, il traiterait de
toute cette affaire en présence de Votre clémente Béatitude, et qu'il
vous prierait de ne pas refuser (si toutefois ce bruit de conversion se
réalisait) votre bienveillance apostolique à cet hérésiarque rentrant
au bercail. Quant à moi, ma mission devait être de profiter, aussi
prudemment et aussi soigneusement que possible, de la première
occasion pour apprendre de la bouche même de Bèze ses sentiments
intimes et m'expliquer avec lui.
A cette fin, prétextant diverses affaires, je suis entré fort souvent
à Genève ; mais je n'ai pu trouver ouverture à un entretien parti-
culier et secret avec l'homme que je cherchais, jusqu'à la troisième
fête de Pâques. J'ai rencontré Bèze seul et d'un accès d'abord assez
facile. Quand enfin je me retirai après avoir tenté tous les moyens de
infatigable, puis le successeur de Calvin (1564). Il figura au Colloque de
Poissy à la tête des ministres protestants, souffla le feu de la révolte à Paris
et dans plusieurs autres villes de France, et revint à Genève où il mourut
le 13 octobre 1605. Théodore de Bèze contribua beaucoup au mouvement de
renaissance littéraire en France : il a laissé un grand nombre d'ouvrages.
270 Lettres de saint François de Sales
ab eo animi sententiae modos omnes tentassem, omnem-
que, quoad per me fieri potuit, lapidem movissem, la-
* Ezech., XI, 19 ; pidcimi deprehendi cor ejus * immotum hactenus, aut
XXXVI, 20. .
sane non omnmo probe commotum, inveteratum scilicet
*Dan., xin, 55. dicrum inalorum *. 3Ieum vero de illo judicium, quan-
tum quidem ex ejus verbis conjicere possum, hoc sane
fuerit. Si paulo frequentior ac tutior ad ejus congressum
accessus pateret, futurum forsitan ut reduci possit ad
caulas Domini, sed in homine octogenario periculum est
in mora. Qua de re tota Beatitudinem Suam monuisse
debui. ne vel negligens videar vel minus obsequens au-
ditor mandatorum quae mihi Clementiae Suae Litteris
Apostolicis et Patris Spiritus voce exposita sunt.
Verum, quando per tantam benignitatem licet, com-
mittendum non existimo quin dicam passim finitimos
undequaque Genevensium populos, hactenus haereticos,
ballivagiorum ut loquuntur de Gex et Gaillara, restitu-
tionem fidei reique Catholicœ infimis postulare precibus,
quo deinceps Catholice vivere queant; atque plurimorum
lui arracher l'aveu de sa pensée, sans avoir laissé une pierre à remuer,
je trouvai en lui un cœur de pierre, jusqu'ici immobile, ou, du moins,
insuffisamment remué ; c'est-à-dire, un vieillard endurci, plein de
jours mauvais. Autant que ses paroles me permettent de le juger,
voici quelle serait mon appréciation : s'il était possible de l'aborder
et plus fréquemment et avec plus de sécurité, peut-être pourrait-on
le ramener au bercail du Seigneur ; mais pour un octogénaire, tout
retard est périlleux. J'ai dû mettre Votre Béatitude au courant de
toute cette affaire, car je ne voudrais pas passer pour négligent ou
peu attentif à exécuter les ordres qui m'ont été transmis, soit par
les Lettres Apostoliques de Votre Clémence, soit par la bouche du
P. Esprit.
Et puisque votre bonté si grande m'y autorise, je ne veux pas
manquer l'occasion de vous dire que les populations hérétiques
jusqu'ici, qui de tous côtés environnent Genève, celles des pays
qu'on nomme bailliages de Gex et de Gaillard, demandent avec les
plus humbles prières, le rétablissement de la foi et du culte catho-
liques afin de pouvoir vivre en catholiques. J'ai entendu bon nom-
bre d'hommes de ces pays se plaindre chaque jour de ce qu'étant
Année 1597 271
inter eos quotidianam audivi quserimoniam quod Catho-
lici cum sint, ritu tamen Catholico vivere Reipublicse
Genevensis tirannide prohibeantur, cum alioquin ea
Respublica non suo, sed Francorum Régis Christianis-
simi nomine in ejusmodi populos violentum illud exer-
ceat imperium ; neque probabile sit ejus tyrannidis qua
Catholicorum conscientise opprimantur conscium esse
Regem , qui nuperrime tanta contentione Catholicam
communionem expetivit. Quare libenter crediderim, fore
ut si a Sede Apostolica iis de rébus Rex ipse moneatur,
longe fœlicius res habeat (0, Quin etiam si paulo pres-
sius idem ipse Rex a Genevensi Republica contenderet
ut libertatem, quam vocant, conscientise in civitate ipsa
admitteret, non omnino improbabile esset rei gerendae
argumentum. Atque sane, Beatissime Pater, in rébus
arduis et magni momenti etiam periculum fecisse operae
pretium est. Haec ita fusius Beatitudini Suae exhibere
suni ausus, quod non sim nescius quam fidei ac disciplinée
catholiques , ils sont empêchés par la tyrannie de la répubhque de
Genève de rempHr leurs devoirs de catholiques, d'autant plus que
cette répubhque opprime ces peuples non pas en son nom, mais au
nom du très chrétien roi de France. Le roi connaît-il cette tyrannie
que l'on fait peser sur les consciences catholiques? Ce n'est pas pro-
bable, puisque tout récemment il a poursuivi avec tant d'ardeur sa
réunion à l'Eglise Catholique. Je croirais volontiers que si le roi lui-
même était averti par le Siège Apostolique, les choses se passeraient
tout autrement (i). Et d'ailleurs, si le roi faisait quelques efforts plus
pressants afin d'obtenir que la république de Genève accordât dans
cette ville même ce qu'ils appellent liberté de conscience, il ne serait
pas tout à fait improbable qu'il y réussit. Aussi bien, Très Saint Père,
vaut-il déjà la peine d'avoir tenté un essai dans les choses difficiles et
graves. Si j'ai osé présenter à Votre Béatitude ce trop long exposé,
( I ) En regard de cette phrase on lit dans l'Autographe la note suivante,
écrite de la propre main de Clément VIII : Attendendum quia scribendum in
Gaîliam. Il fut effectivement donné suite à cette affaire, car dans une lettre
du 31 mai de la même année (Archives du Vatican, Nnn^. di Francia, vol. 44)
le Cardinal Aldobrandino chargeait le Nonce de Paris de faire valoir auprès
de Henri IV les réclamations du « Prévôt de Sales. »
272 Lettres de saint François de Sales
Christianae instaurandae Clementia Sua libenter animum
adjiciat, et absentia (quse hujus mortalitatis est conditio)
non nisi per praesentes cognosci possint.
Beatitudinem Tuam, Sanctissime Pater, Christus Op-
timus Maximus Ecclesise suœ quam diutissime servet
incolumem.
Ad pedum oscula demississime provolutus,
Sanctitatis Suae,
Humillimus servus,
Francs De Sales,
Ecclesiae Gebennensis Praepositus indignus.
Necii Gebennensium, 21 Aprilis, anno 1597.
A Sua Santità.
Sanctissimo Patri, Clementi octavo,
Summo Christianorum Pontifici.
Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Archives du Vatican (i).
c'est que je n'ignore pas quel zèle Sa Clémence apporte à restaurer
la discipline chrétienne, et que, dans les conditions de cette vie
mortelle, on ne peut apprendre ce qui se passe au loin que par ceux
qui sont présents.
Très Saint Père, que le Christ très bon et très grand conserve
longuement à Votre Béatitude une heureuse vie !
Prosterné très humblement à vos pieds que je baise, je suis,
De Votre Sainteté,
Le très humble serviteur,
François de Sales,
indigne Prévôt de l'Eglise de Genève.
Annecy, diocèse de Genève, le 21 avril 1597-
A Sa Sainteté.
Au Très Saint Père Clément VIIF,
Souverain Pontife des Chrétiens.
(i) Au dos de la lettre, le Pape Clément VIII a écrit ces mots : A quesfo
hisogna rispondere con un Brève. Ce Bref, donné le 29 mai 1597, fut reçu par
le Saint le 23 juin suivant.
Année 1597 273
MINUTE DE LA LETTRE PRÉCÉDENTE
Beatissime Pater,
Cum anno praeterito de Theodori Bezae, primarii inter
Calvinianos hseretici, ad Ecclesiam Catholicam reditu et
conversione, tum Pater Spiritus Balmensis, ex Ordine
Cappuccinorum, insignis et probitate et doctrina concio-
nator, tum etiam ego ipse, multorum non levibus permoti
sermonibus, bene sperare cœpissemus, ne in re tam
desideranda aut industria nostra aut adminicula caetera
desiderarentur, ita inter nos conventum fuit, uti scilicet
ille quidem, qui per ea tempora ad Capitulum, quod vo-
cant, générale sui Ordinis, Romse indictum, properabat,
de re tota coram Beatitudine Tua dissereret, peteretque
ne (si rumorem sequatur eventus) redeunti haeresiarchse
Apostolica providentia desit. Mihi vero ea contigit cura
uti, quam diligentissime et cautissime fieri queat, intimos
Bezse sensus, aliqua accepta ut fit occasione commoda,
ipsiusmet ore detegerem ac explicarem.
Id autem ut facerem, varia praetexens negotia, saepius
Genevam eam ob causam ingressus sum ; sed nullus mihi
patuit aditus ad hominis quem quaerebam privata et
sécréta colloquia, praeterquam hoc ultimo tertio Paschatis
die, cum et solum et satis primo accessu facilem inveni ;
sed tandem aliquando, postquam extorquendae illius ani-
mi sententiae gratia, omnem, quoad per me fieri potuit,
movissem lapidem, lapideum tamen ror ejus * immotum ' Ezech., xi, 19 ;
adhuc, aut sane non omnino conversum deprehendi , ^'-•
inveteratum scilicet dierum malorum *. Qua de re tota * Dan., xm, 53.
BeatitudinemTuam monuissedebui,nevel minus diligens
videar, vel minus obediens mandatis quae mihi Sanctitatis
Tuae Litteris et Patris Spiritus sermone sunt exposita.
Meum vero de homine illo judicium est, si paulo fre-
quentior, tutior ac commodior ad ejus colloquia pateret
accessus, forsitan fore ut reducatur ad caulas Domini ; sed
praecipue si, quod speramus, Beatitudine Tua annuente,
Lettres I i8
274 Lettres de saint François de Sales
Genevse instituatur cum ministris disputatio. Atque qui-
dem, Beatissime Pater, in rébus arduis et magni momenti
etiam periculum fecisse opérée pretium est.
Verum , quando per Beatitudinis Tuae clementiam
licet, committendum non duxi quin eam certiorem fa-
ciam, undequaque passim finitimos Genevensium popu-
los, hactenus in haeresim abductos, ditionum Gexensis
et Galliardensis, ritusque et rei Catholicse restitutionem
demississime postulare, quo deinceps Catholicam vitam
agere queant ; atque quotidianam plurimorum inter eos
audiri querimoniam, qui, Catholici cum sint, Genevensis
Reipublicae tyrannide prohibeantur ritu Catholico vi-
vere : cum alioquin Genevenses, non suo sed Christia-
nissimi Francorum Régis nomine, in ejusmodi populos
imperium ac vim exerceant ; neque probabile sit ejus
tyrannidis qua conscientiae Catholicorum opprimantur
conscium esse Regem, qui tanta contentione Catholicam
communionem nuper obtinuit. Quare credibile admodum
est , si a Beatitudine Tua his de rébus Rex ipse admo-
neatur, fore uti quamprimum longe certius res habeat.
Quin etiam, si paulo pressius idem ipse Rex a Genevensi
Republica contenderet ut libertas, quam vocant, con-
scientiae intra civitatis ipsius Genevensis mœnia permit-
tatur, sperandum esset rem eam, qua vix alia magis hisce
temporibus optanda occurrit, fœlicem habituram even-
tum, Hsec ita, Beatissime Pater, fusius explicare sum
ausus , quod non sim nescius quam fidei ac disciplinas
Christianae instaurandae Clementia Tua libenter incum-
bat, et absentia nonnisi per prœsentes possit cognoscere.
Sanctitatem Tuam, Pater Beatissime, Christus Optimus
Maximus incolumem diutissime conservet.
Ad pedum oscula démisse provolutus,
Beatitudinis Suae,
Humillimus servulus,
Franciscus.
Necii AUobrogum.
Revu sur le texte inséré dans le P' Procès de Canonisation.
Année 1597 275
/ XCIV
A MONSEIGNEUR JULES-CÉSAR RICCARDI
ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN
Heureux résultats que promet la cooférence projetée avec les hérétiques. —
Lettre du Saint au Pape. — Pression qu'exercent les Genevois sur les
Catholiques de Gex et de Gaillard. — Etat des affaires du Chablais.
Annecy^ 23 avril 1597.
lUustrissimo et Reverendissimo Signor mio
osservandissimo,
Essendoci ritrovati insieme questi giorni passati il
Padre Cherubino, il Padre Spirito et io, et conferendo
di quelle cose particolari che sonne seguite nei luoghi
dove habbiam predicato questa Quaresima, (a) si vede che
la conferentia per laquale si aspetta la licentia da Roma
sarà, mediante la gratia del Signor, una cosa molto frut-
tuosa, et la premevano molto questa Quaresima quelli di
Geneva. Ma non patendo cavar da' nostri certa risposta,
la quale non si poteva dar, mi par di vederli un poco riti-
rati sopr' il freddo. Basta : che se si farà, sarà fruttuosa;
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,
Nous étant retrouvés ensemble ces jours passés, le P. Chérubin, le
P. Esprit et moi, et conférant des incidents particuliers qui sont
arrivés dans les localités ou nous avons prêché le Carême, nous
avons jugé que la conférence pour laquelle on attend l'autorisation
de Rome sera, moyennant la grâce de Dieu, une chose très fruc-
tueuse. Ceux de Genève poursuivaient fort pendant ce Carême pour
qu'elle se fit ; mais ne pouvant tirer des nôtres une réponse précise,
que nous n'étions pas à même de donner, il me semble qu'ils se sont
un peu refroidis. N'importe : si elle a lieu, elle sera fructueuse, et
(a) [Les variantes de cette lettre et des trois suivantes sont extraites de
minutes insérées dans le P"" Procès de Canonisation.]
si vede la conferentia con quelli di Geneva dover esser molto fruttuosa,
se perô la licentia ne sara data da superiori. Et la premevano al principio;
ma non havendone havuta certa risposta da nostri, che aspettavano l'ordine
276 Lettres de saint François de Sales
se non si farà per mancamento loro, sarà cosa gloriosa
per la causa catholica. Una cosa è successa che me
ne rincresce i^) incredibilmente, et è che la cosa è stata
divolgata con gran rumore dalla corte nostra, la quale è
tanto sécréta che bastaria a rivelar li misteriosi secreti
délia Apocalisse ; et habbiam a trattar con animali che
ogni piccol rumore hanno in (•=) sospetto.
Scrivo a Sua Santità per (d) quel particolar che vederà
V. S. lU""^, poichè per questo le mando la lettera col
sigillo volante ; et havendola letta, si degni di chiuderla
acciô nessun'altro la veda, perché egli è cosa importan-
tissima per me che no si sappia donde vengono questi
avisi (s). 3la V. S. 111™* si farà un gran merito(^) se
incolcarà molto bene a Sua Santità quel particolar di
Gex et Gaillard, chè in vero la cosa è vituperosissima che
si c'est par leur faute qu'elle ne se fait pas, ce sera glorieux pour la
cause catholique. Ce que je regrette incroyablement, c'est que cette
affaire ait été divulguée à grand bruit par notre cour, qui est si
discrète qu'elle suffirait à révéler les mystérieux secrets de l'Apoca-
lypse; et nous avons à traiter avec des animaux auxquels le moindre
bruit est suspect.
J'écris à Sa Sainteté sur le sujet que Votre Seigneurie verra ; je
vous envoie à cet effet la lettre sous cachet volant, en vous priant
de la fermer aussitôt après l'avoir lue, afin que personne autre ne la
voie, parce qu'il est très important pour moi que l'on ne sache pas d'où
viennent les avis qu'elle contient. Mais Votre Seigneurie acquerra un
grand mérite en sollicitant fortement auprès de Sa Sainteté l'affaire
de Gex et de Gaillard ; car à la vérité c'est une chose honteuse que
di Roiiia, rai pare che si siano un poco affreddati. Basta : che se la ricuseranno,
in caso che si possa far, non sara piccolo argumente contra di loro. Una cosa
[Reprendre au texte, lig. 2.]
(b) che — mi dispiace
(c) divolgata — dalla corte nostra, la quale é tanto sécréta; et adesso il
rumor se ne fa tanto grande che bastaria a far serrar le porte a Genevrini che
ogni cosa hanno per
(d) a Sua — Beatitudine sopra
(e) et — la pregho humilissimamente che havendola letta la chiuda et
sigilli, accio nessun altro la veda che sua stessa Santità, perche se la cosa si
sapesse non potria poi esser sicuro apprcsso [i] Genevrini.
( f ) merito — appresso Chrislo Signor nostro
Année 1597 277
[i] Genevrini occupando quelli luoghi a nome del Re di
Francia, sforsino li Catholici a viver malamente ; et non
è dubbio che il Re sapendolo, darà ordine che si usi (g)
almanco libertà di conscientia o V Intérim ('', che vo-
gliono dire.
Cosî foss'inspirato detto Re di addomandare Tistessa
libertà nella città medesima (^) di Geneva, che forse non
saria cosa impossibile da ottenersi, purchè si trattasse(i)
un poco vivamente. Anzi questi giorni passati essendosi
dato questo rumor in Geneva, no so da che banda ne
con quai fondamento, si sentivano già molti dispareri
de'cittadini. Certo, in queste cose tanto grandi, egli è
molto meglio il tentare et sperar molto (j ), in caso che il
fallar no possa recar gran danno, che per troppa discre-
tione perdere l'occasioni del bene(k).
les Genevois, occupant ces pays au nom du roi de France, contrai-
gnent les Catholiques à mal vivre. Lorsque le roi le saura, il donnera
sans doute ordre de les laisser jouir au moins de la liberté de
conscience ou de Y Intérim (O, comme ils l'appellent.
Plût à Dieu qu'il eût aussi l'inspiration de demander la même
liberté pour la ville de Genève, ce que peut-être il ne serait pas im-
possible d'obtenir en traitant l'affaire un peu énergiquement. Ces
jours passés le bruit s'en étant répandu à Genève, je ne sais de quel
côté ni sur quel fondement, on voyait déjà de nombreux dissenti-
ments surgir entre les citoyens. Certes, dans ces choses si impor-
tantes, il vaut mieux tenter et espérer beaucoup, lorsque l'échec ne
peut apporter grand dommage, que de perdre par trop de discrétion
les occasions de faire le bien.
(g) a viver malamente — et prohibiscano 1' essercitio catholico ; et non è
dubbio che se il Re lo sapesse, daria ordine che si usasse
(h) Cosi piacesse [a] Dio che l'istesso Re domandasse che detta libertà fosse
concessa dentro l'istessa città
( i ) purchè — la cosa si trattasse dal Re
(j ) de'cittadini. — In somma, in queste cose tanto importanti, egli è molto
meglio il sperar molto et tentare
(k) Toccasioni — di ben fare.
(i) Vlntérim était un formulaire en vingt-six articles, rédigé par ordre de
Charles-Quint (1541-1548), sur les matières controversées entre les Catholi-
ques et les Luthériens. Il ne devait faire autorité qu'en attendant les décisions
d'un Concile général.
278 Lettres de saint François de Sales
Quanto poi al nostro Chiablais, vado un poco trattenuto
sin tanto che sia saldata questa tregua laquale, per
quanto mi vien detto, si traita, et (i) in questo principio
di Maggio spero di condurvi et Padri Cappucini et altri i^'^)
necessarii quanto più potrô ; et se si darà tranquillità et
modo di poter continuare, credo che il Signore ne sarà
servito. Queste feste i nuovi Cattholici mi hanno straccato
col le loro confessioni generali , ma con incredibil mia
consolatione di vederli molto divoti, con monsieur di
Avulli in capo, il quai non ha tralasciato un sol punto
di buon essempio. Laudato ne sia il Signor Iddio.
Glie rimetterô di nuovo nella memoria, con confidentia
nella bontà sua, le riforme délie badie di qua di monti,
et particolarmente di Aux et Abondantia, et la provisione
per il Padre Predicator di Eviano, acciô glie sia paghata
essattamente la prsebenda solita.
Priegho poi il Signor Iddio dia ogni vero contento a
V. S. 111""' et R™^, conservandola lungamente a beneficio
Quant à notre Chablais, je suis un peu arrêté jusqu'à la conclu-
sion de la trêve, qui, me dit-on, se négocie maintenant. J'espère y
conduire, au commencement du mois de mai, les PP. Capucins et
les autres prêtres nécessaires en plus grand nombre possible ; et si
on nous procure la paix et le moyen de continuer, je crois que le
Seigneur en sera bien servi. Ces fêtes , les nouveaux Catholiques
m'ont lassé par leurs confessions générales; mais j'ai éprouvé une
immense consolation de les voir si pieux, M. d'Avully à leur tête,
lequel n'a pas manqué une seule occasion de donner le bon exemple.
Que le Seigneur notre Dieu en soit loué !
Me confiant en votre bonté, je vous remémorierai la réforme des
abbayes de cette contrée, particulièrement de celles d'Aulps et
d'Abondance, ainsi que la provision pour le P. Prédicateur d'Evian,
afin qu'on lui paie exactement la prébende accoutumée.
Je prie le Seigneur notre Dieu de donner à Votre Seigneurie tout
( 1 ) poi
(m) necessarii all'opra; et se si dara modo di poter continuar, et la pace,
spero che il Signore ne sara servito, il qualc supplico dia ogni vero contento
a V. S. 111'"", conservandola lungamente sana, a beneficio et consolatione di
queste afflitte chiese. Et cosi sono, di V. S. 111'""
Année 1597 279
et consolatione di quest'afflitte chiesuole ; et cosî resto
perpetuamente,
Di V. S. 111'"^ et R'"%
Humilissimo et devotissimo servitore,
Franc De Sales,
Prevosto indegno di Geneva.
Air 111""" et R"^'^ Sig'" mio osservandissimo,
Monsig"" l'Arcivescovo di Bari,
Nuntio Apostolico appresso S. A. S.
Turino.
Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Archives du Vatican.
vrai contentement et de la conserver longtemps pour le bien et la
consolation de ces petites églises si affligées, et je demeure à jamais.
De Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime,
Le très humble et très dévoué serviteur,
François de Sales,
indigne Prévôt de Genève.
xcv
AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL I^''
(inédite)
Le curé de Saint-Julien est contraint de se retirer. — Requête des habitants
de Bernex. — Incident survenu entre le P. Esprit et le ministre protestant.
— Combien il est désirable que le duc signifie aux Thononais le désir qu'il
a de leur conversion.
Thonon, 27 mai 1597.
Monseigneur,
Ce pendant que j'attens plusieurs grâces de la libéra-
lité (3) de Vostre Altesse, desquelles je l'ay suppliée ci
devant, les occasions me naissent tous les jours de luy en
demander des autres (^\ On avoit establi un curé a Saint
(a) bonté
(b ) occasions — de luy en demander des nouvelles me naissent tous les jours.
28o Lettres de saint François de Sales
Jullin près Genève (i), qui jusques a prœsent a fort bien
fait son devoir, selon le tesmoignage de plusieurs gens
de bien ; le peuple tout autour en estoit fort consolé.
Maintenant, Monseigneur, le voyla (^) contraint d'abban-
donner pour n'avoir dequoy vivre ; et néanmoins la cure,
qui est en commande a messieurs de Saint Lazare, est de
fort bon revenu. Cecy n'est pas un petit scandale. Ceux
de Bernex, qui sont une liëue près de Genève, au balliage
de Ternier, m'ont addressé une requeste pour avoir
l'exercice catholique, comme si j'avois ou le moyen ou
l'authorité de ce faire. Je représente volontiers (^) toutes
ces nécessités a Vostre Altesse delaquelle seule en
dépend (^) le remède.
Aussy ne dois je pas oublier la nécessité du lieu ou
je suis. Le P. Esprit, docte et signalé praedicateur Cappu-
cin, estant icy ces festes (f), ou il a apporté très grande
consolation a tous les gens de bien, et a luy mesme esté
consolé d'y en voir plus qu'il ne pensoit, voyant que
ceux de la ville s'opiniastroyent si fort a ne point ouyr
les praedicateurs catholiques , voulut vendredy dernier
remonstrer publiquement, mais gratieusement, au minis-
tre (2) la fauseté de sa doctrine. Sur quoy les bourgeois
dirent que Son Altesse ne vouloit pas quilz traittassent
avec nous. Je repliquay qu'au contraire Son Altesse l'au-
roit très aggreable. Hz respondirent que Vostre Altesse
ne leur en avoit donné d'advis, et que quand il l'auroit
fait ce seroit autre chose, et qu'au reste ilz ne m'en
croyoient pas. Mays un bourgeois plus impatient vint
[c) Jusques a prctsent a — rendu fort bon devoir en sa charge, ainsy que
j'ay appris de plusieurs personnes dignes de foy; le peuple d'autour en avoit
receu un grand prouffit. Maintenant il est
( d) comme si — j'en avois ou le pouvoir ou l'authorité. Je représente
(e) delaquelle — dépend tout
(f) Le P. Esprit, — praedicateur Cappucin, estant venu icy
I
( I ) Pierre Mugnier, natif de Talloires, avait été nommé curé de Saint-Julien
le i"^ décembre 1589. II permuta cette cure contre celle de Copponex le
6 avril 1601.
( 2 ) Louis Viret.
Année 1597 281
tirer par force le ministre de la compaignie affin qu'on ne
sceut ce qu'il sçavoit faire (g). La ou, Monseigneur, je me
sens obligé en mon ame de supplier très humblement
Vostre Altesse de faire meshuy sçavoir a ces gens qu'elle
aura aggreable qu'ilz oyent et sondent les raysons catho-
liques, sans plus alléguer de si impertinentes excuses (i^)
comm'est cellecy, de mettr'en doute le bon désir que
Vostre Altesse a de leur conversion. Le traitté avec les
Bernois ne peut en estr'alteré puysque, sans forcer per-
sonne au changement de religion, on les invite seulement
a la considération de (i) Testât de leur conscience.
(j ) Je ne lairray pas encores de remettr'en memoyre a
Vostre Altesse la pauvreté du ministre qui se recatholise,
duquel je luy ay ja si souvent escrit, qui ne peut estre
secouru d'ailleurs, et celle de ces set ou huict personnes
catholiques qui sont en extrême disette , pour lesquelz
aussy j'ay ci devant supplié a Vostre Altesse, affin que
quattr'ou cinq muis des aumosnes de Ripaille et Filly
leur soyent appliqués en pension leur vie durant, qui ne
peut plus guère durer puysque ce sont presque tout
gens vieux ; et ces aumosnes ne touchent en aucune façon
la Religion de Saint Lazare. Ce sera un'aumosne des plus
fleuries qui puissent partir de la main de Vostre Altesse.
(g) de sa doctfine. — Pour quoy les bourgeois vindrent empoigner le
ministre par le bras et le tirèrent par force hors du lieu, et dirent que Vostre
Altesse ne vouloit pas quilz traittassent avec nous de la religion. Je repliquay
que nous n'estions toutefois icy pour autre que pour traitter des choses de
leur conscience. Hz me dirent que V. A. ne leur en avoit encores point donné
d'advis, et que quand elle l'auroit fait ce seroit autre chose.
(h) qtt'il^ oyent — les raysons catholiques sans plus trouver ces excuses
tant impertinentes
(\) le bon désir — de V. A. touchant leur salut. Le traitté avec les Bernois
ne peut en estre altéré, puysqu'on ne force personne au changement de reli-
gion, ains seulement on les invite a bien considérer
(j ) Je ne lairray pas de représenter encores a V. A. la nécessité du ministre
qui se recatholise, qui ne peut estre secouru que de la bonté de V. A., et celle
de ces sept ou huict vielles personnes catholiques, qui sont en extrême pau-
vreté, pour lesquelz j'ay desja souvent supplié V. A., affin que trois ou quattre
muis des aumosnes de l'abbaye de Ripaille et Filly, qui ne touchent point en
aucune façon les seigneurs Chevaliers de S' Lazare, leur fussent appliqués
en pension leur vie durant, qui ne peut meshuy estre guère longue. Ce seroit
282 Lettres de saint François de Sales
Je prie Nostre Seigneur Jésus Christ qu'il accroysse
de plus en plus ses bénédictions sur elle, comm'estant et
devant estr'a jamais,
Monseigneur,
De Vostre Altesse,
Très humble et très obéissant sujet et serviteur,
France De Sales,
indigne Prsevost de Genève.
A Thonon, le 27 may 97.
Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Biblioteca Civica.
une des plus fleuries aumosnes qui puissent partir de la main de V.- A., pour
la prospérité de laquelle et eux et moy prierons Dieu toute nostre vie, comme
je fais des ores, suppliant Nostre [Reprendre au texte, lig. i.]
XCVI
A MONSEIGNEUR JULES-CESAR RICCARDI
ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN
Mêmes sujets. — Installation d'un curé à Brens.
Thonon, 27 mai 1507.
Illustrissimo et Reverendissimo Signor mio
osservandissimo,
Duoi sospetti m'hanno sin hora trattenuto per un poco
di scriver a V. S. 111"^^^ : uno délia guerra, i^) Taltrodel
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,
Deux craintes m'ont empêché jusqu'ici d'écrire à Votre Seigneurie
Illustrissime : l'une provenant des bruits de guerre, l'autre, de la
(a) Duoi sospetti mi hanno sin adesso trattenuto alquanti giorni senza
•crivér a V. S. 111"»» : uno délia guerra, mentre non ardiva di ritornar qui ;
Année 1597 283
contagio del quale ciè stato un poco di pericolo in queste
bande. Dirô adesso a V. S. Iir^ che dalla parrochia di
Bernex, del balliaggio di Ternier, discosta da Geneva tre
millia, mi viene indrissata una richiesta 1^) per laquale
mi addomandano l'essercitio catholico, con questa imper-
tinente presuppositione, che da Sua Altezza habbia et
modo et («=) authorità di far ogni progresso nelle cose
délia religione i^).
Da San Giuliano, poco più discosto di Geneva, mi
furono indrissate '.^) lettere dal giudice maggiore di Gex (0
et altri, in favore del curato di detto luogho (il quale fu
stabilito là fa poco(f) et haveva molto ben esseguito il
suo carico sin adesso), che non havendo modo di viver,
è costretto di lasciar il (g) luogho senza pastore. La cura
peste, dont on a été un peu menacé de nos côtés. Je vous dirai
maintenant qu'on vient de m'adresser une requête de la paroisse de
Bernex, au bailliage de Ternier, distante de Genève d'environ trois
milles. Sur cette déraisonnable supposition que j'ai reçu de Son Al-
tesse le moyen et l'autorité d'avancer les affaires de la religion, on
me demande l'exercice du culte catholique.
De Saint-Julien, qui n'est guère plus éloigné de Genève, me sont
arrivées des lettres du juge-mage de Gex ( 0 et autres en faveur du
curé dudit lieu. 11 y fut installé depuis peu, et avait jusqu'à présent
fort bien rempli sa charge ; mais, n'ayant pas de quoi vivre, il est
(b) bande. — Adesso che dell' uno et deir altro siamo pero alquanto liberi,
scrivero a V. S. 111"'^ sopra questi tre capi. Prima, essendo io nel nostro
Genevois, mi fu indrissata una richiesta de molti délia parrochia di Bernex,
discosta da Geneva tre miglia, cioe una lega,
(c) c/te — S. A. Seren™'' mi havesse data plena
(d) délia religione — in questa bande, et il modo di poter farlo.
(e) Da San Giuliano ancora, discosto di tre miglia poco piu di Geneva, mi
furono mandate
( f ) in favore — di un certo buon curato, quale fu stabilito in quel luogho di
San Giuliano un pezzo [fa]
(g) detto
( I ) Antoine de Lescheraine, seigneur de la Compote, fut juge-mage de Gex
depuis le 19 septembre 1 586 jusqu'au traité de Lyon (janvier i6or), qui annexa
ce pays à la France. Il devint ensuite juge-mage de Ternier et Gaillard, puis
•énateur (14 juillet 1610).
284 Lettres de saint François de Sales
è délia Religione di San Lazaro, C^) et sin hora si dava
certa pensione al curato, laquale adesso gli è stata tolta ;
onde ne riesce questo scandalo che maggior non puô
esser. ^li è stato riferito ch' il popolo, con le lachrime
airocchio, in genocchione pregava il curato di (') restar ;
ma esso vedendo che mentre li sacerdoti staranno da
pecorelle il lupo li mangiarà, si risolse di lasciarli ad
ogni modo, perô con questa intentione di ritornarvi le
Domeniche(j) a consolarli.
Queste cose travengono fuora del Chiablais, appresso
di Geneva, et ne ricorro alla bontà di V. S. 111'""; et per
questo glie mando la richiesta di quelli di Bernex et
un'altra del curato di San Giulino, già un'altra volta
appresentata a Sua Altezza senza risposta al principalei^).
Glie mando ancora le lettere del signor giudice majore
contraint de laisser la paroisse sans pasteur. Cette cure appartient à
l'Ordre de Saint-Lazare qui donnait une certaine pension au curé ;
maintenant on vient de la lui ôter, d'où résulte ce scandale qui ne
pourrait être plus grand. On m'a raconté que le peuple, les larmes
aux yeux, priait à genoux le curé de rester ; mais, voyant bien que
tant que les prêtres seront regardés comme des agneaux le loup les
mangera, il résolut, malgré tout, de quitter ses paroissiens, avec l'in-
tention néanmoins de retourner chaque Dimanche les consoler.
Ces choses arrivent hors du Chablais, tout près de Genève. J'ai
donc recours à la bonté de Votre Seigneurie Illustrissime, lui en-
voyant à cet effet la requête des gens de Bernex et celle du curé de
Saint-Julien qui, une fois déjà présentée à Son Altesse, est demeurée
sans réponse sur son principal objet. Je vous adresse aussi les lettres
(h) di San Lazaro, — possessa da un cavaglier particolar in commanda,
( i ) che maggior non puô — immaginarsi. Mi é stato riferito che volendo il
curato partirsi, il popolo gia catholico, in genocchione, colle lagrime lo pre-
gava di
(j ) //' mangiarà, — ad ogni modo li lascio sospiranti; pero con intentione
di ritornarci le Domeniche, non piu come curato, ma come fratello,
(k) travengono — appresso di Geneva, una sola lega fuora del Chiablais, nel
balliaggio di Ternier, et io in questo non ho né carico, né poter di aiutarli.
Solo questo posso, cioe ricorrere alla bonta di V. S. Ill""" ; et per tanto glie
mando si la richiesta di quelli di Bernex, si ancora un'altra richiesta di quelli
di San Giuliano, presentata a S. A. senza esser decretato sopra il principale,
con risposta a certi incidenti.
Année 1597 285
di Gex et del signor Barone di Viri (0, persona honorata
et importante, acciô vedano i Cavaglieri ch'io no son
parte, ma avvocato délia parte, et che la parte non è
altro salvo che il ben publico. Sonno [in] francese, ma
V. S. lU""* se le potrà far leggere o dal signor de Lulino (=)
o da altri ; ma la priegho bene di non perder dette lettere,
acciô mi servano contra quelli che potriano haver per
maie ch'io di tante cose m'impacci. Scrivo sopra di
ciô(M una parola a Sua Altezza;; si degni V. S. lU'"'',
du juge-mage de Gex et du baron de Viry ( 0, personnage distingué
et influent, afin que les Chevaliers voient que je suis seulement
avocat et non point partie, car la partie n'est autre que le bien public.
Ces lettres sont en français, mais Votre Seigneurie pourra se les faire
lire par M. de LuUin ( = ) ou par d'autres. Je vous prie instamment de
ne pas les égarer, afin que je puisse m'en servir contre ceux qui
trouveraient mauvais que je m'entremette en tant de choses. J'écris
(1) del signor giudice — et pregho humilissiniamente V. S. Ill"i^ di farsele
leggere et interpretare a monsieur de Lulino, o dal Barone de Chevron, o da
qualche altro, perche sonno [in] francese, et di procurarne l'effetto appresso di
S. A. Seren""^, senza lasciarle in arrière (sic), accio possa mostrare con quali
titoli habbiamo da desiderar altri possessori de béni ecclesiastici che non siano
Cavaglieri. Ne scrivo
( I ) Marin, baron de Viry et seigneur de la Perrière, était non moins
remarquable par son dévouement à l'Eglise que par l'éclat et l'illustration de
sa maison, l'une des plus anciennes du pays, et par sa valeur guerrière. Au
témoignage des protestants eux-mêmes, -< il se distinguait parmi les plus zélés
convertisseurs, » sans toutefois négliger le service de son prince dont il gagna
l'estime et la confiance. Charles-Emmanuel \" , après avoir mis le baron de
Viry à la tête des troupes levées contre les Bernois (1582), le nomma cham-
bellan et conseiller d'Etat (lettres patentes du 21 avril 1583), érigea la baronnie
de Viry en comté le 12 mars 1598, et, le 24 mai de la même année, donna au
nouveau comte le commandement général de la noblesse du Genevois et du
Faucigny, appelée sous les armes pour la défense du pays. Ce seigneur fit son
testament le 2 juillet 1605, et mourut peu de jours après. Il avait épousé
Claudine de Lambert qui lui survécut.
(s) Gaspard de Genève, premier marquis de LuUia (1597) et de Pancarlier
(1616), chevalier de l'Annonciade (159S), chambellan, conseiller d'Etat, gou-
verneur et lieutenant-général au duché d'Aoste et cité d'Ivrée, était l'ami le
plus dévoué et le protecteur le plus influent que saint François de Sales eût
à la cour de Turin. Rien ne put affaiblir cette constante amitié, ni la faveur
croissante dont le marquis jouissait , ni les nombreuses ambassades qu'il
remplit auprès des empereurs, des rois de France, d'Angleterre et d'Ecosse,
286 Lettres de saint François de Sales
per carità, procurarne qualche brève et fruttuosa (™)
risposta.
Il buon, dotto P. Fra Spirito, Cappucino (ii), essendo
venuto qui queste feste di Pentecoste et predicato qui
nella terra et nella parrochia des Alinges, si è sentito
molto consolato di questo nuovo popolo, et il popolo
incredibilmente délie sue fruttuose prediche. lo fra tanto
son andato a visitar la nuova parrochia di Cervens dove
ancora ho havuto consolatione ; et tuttavia si vederà
maggior frutto quando questi ed altri predicatori vene-
ranno qui et si fermeranno alquanto, il che adesso dette
Padre non ha potuto far, («) chiamato dal Padre Pro-
vinciale (0.
à ce sujet un mot à Son Altesse, suppliant Votre Seigneurie de
daigner, par charité, nous obtenir une courte mais efficace réponse.
Le bon et docte P. Esprit, Capucin, étant venu ici ces fêtes de
Pentecôte et ayant prêché soit en cette ville, soit dans la paroisse des
AUinges, est demeuré fort consolé de ce nouveau peuple, et le peuple,
à son tour, l'a été incroyablement de ses fructueuses prédications.
Pendant ce temps je suis allé visiter la nouvelle paroisse de Cervens,
où j'ai reçu aussi beaucoup de consolation. Toutefois, les fruits seront
encore plus abondants lorsque ces prédicateurs et d'autres viendront
ici pour y séjourner ; ce que le P. Esprit n'a pu faire, ayant été
rappelé par le P. Provincial ( i ).
(m) per — bontâ, di cavarne
(n) Per il secondo, il P. Spirito Balmense, Cappuciao predicatore
(o) molto consolato — dall" auditorio délie sue prediche ; et tuttavia si
vedera maggior frutto quando questo Padre et altri veneranno a fermarsi
alquanto in queste bande, il che per adesso non puo far per esser
des archiducs d'Autriche, des princes électeurs et des Ligues suisses. Il mourut
à Thonon, âgé de soixante-dix ans (23 juin 1619), après avoir recommandé à
son petit-fils, Albert de Genève, de se conduire en tout d'après les conseils du
saint Evêque.
( I ) Le P. Abonde de Côme avait été, en 1^88, nommé une première fois à cette
charge pour la province de Lyon, à laquelle appartenaient alors les couvents
de Savoie. Pendant un second triennat (1594-1597), il envoya des missionnaires
évangéliser les environs de Genève, et plus tard, il fut chargé lui-même
par saint Laurent de Brindes, Ministre général des Frères Mineurs Capucins,
de la direction des Religieux employés à la mission du Chablais.
Année 1597 287
Una cosa ciè travenuta : il Padre vedendo gli habita-
tori di Tonone seguitar con tanta furia il loro ministro
heretico senza voler intendere le nostre prediche, Venerdî
passato volse mostrar al ministre la falsità délia sua
dottrina, et questo in publico. Ma uno délia terra, dei più
ostinati, vedendo che la cosa non poteva riuscir per il
ministro, lo toise con violentia del luogho, con dire che
Sua Altezza Serenissima non intendeva (p) che essi trat-
tassero con noi délie cose délia religione. Onde, dicendo
noi che pur in queste bande non eravamo venuti per
altro(l), dissero molti fra gli altri ch' io questo non po-
tevo provar, et non 'volevano sopra di ciô darmi fede, et
che quando Sua Altezza gli dess' avviso délia sua inten-
tione saria altra cosa.
Questa è la scusa de certi pochi ostinati délia terra
(che quanto alla campagna non ci sono queste difficoltà),
li (0 quali poi, con diversi modi et prœtesti, impediscono
Sur ces entrefaites, un incident est survenu : le Père, voyant les
habitants de Thonon suivre si opiniâtrement leur ministre hérétique
sans vouloir écouter nos prédications, résolut vendredi passé de dé-
montrer à celui-ci la fausseté de sa doctrine, et cela en pubHc. Mais un
des plus obstinés de la ville, s' apercevant que l'issue de la dispute
ne pouvait être à l'honneur du ministre, l'entraîna de force hors de
la place, disant que Son Altesse n'entendait pas qu'ils traitassent
avec nous des choses de la religion. Or, comme nous répliquions
que néanmoins nous n'étions pas venus en ces oays dans un autre
but, plusieurs entre autres repartirent que je ne saurais le prouver, et
qu'au reste ils refusaient de me croire là-dessus, mais que si Son
Altesse leur signifiait son intention, ce serait autre chose.
Voilà l'excuse d'un petit nombre d'obstinés de la ville (dans la
campagne nous n'avons pas ces difficultés), lesquels ensuite, par
divers moyens et sous divers prétextes, empêchent les autres de se
(p) seguitar con — tutto impeto il ministro heretico senza voler sentire le
nostre prediche, Venerdi passato volse publicauiente mostrare al ministro la
falsita délia sua dottrina. Et essendosi inviata la disputa, uno délia terra, ostinatOj
vedendo che la causa non poteva riuscir per il ministro, lo toise con violentia
dalla disputa, con questo pretesto, che S. A. Seren'"-^ non haveria per buono
(q) per altro — effetto che per trattare con loro délia conscientia
(r) ostinati — di questa terra,
288 Lettres de saint François de Sales
gli altri di ridursi. A talchè, se Sua Altezza Serenissima
con og'ni minima parola si lasciasse intendere del buon
desiderio che tiene circa la loro salute , senza romperla
con Bernesi, se ne vederia buon frutto (s). Di questo
scrivo ancora a Sua Altezza. Egli è gran cosa, ma non
miracolosa perché è ordinaria, che questi nefandi figli
di ténèbre sono piii accorti et prudenti \^) nelle loro
Lucae, XVI, 8. gcneratioui che non sono i figli di luce*. Per conto
mio son restato consolatissimo di veder qui questo buon
P. Spirito, il quai potrà testificar délie cose comme
stanno. (")
CoUocarô questa settimana un curato nella parrochia
di Brens, et sarà la quarta in questo balliaggio (0. Il
convertir. De sorte que si Son Altesse donnait le moindre témoignage
du désir qu'elle a de leur salut, sans rompre avec les Bernois, on en
verrait d'heureux fruits. Je lui écris aussi à ce sujet. Chose étrange,
mais non point miraculeuse, car elle est ordinaire : ces misérables
enfants de ténèbres sont plus avisés çX prudents dans la conduite de leurs
affaires que les enfants de lumière ! Pour mon compte, j'ai été très consolé
de voir ici ce bon P. Esprit qui pourra certifier de l'état des choses.
Cette semaine je placerai un curé dans la paroisse de Brens : c'est
la quatrième de ce bailliage qui sera pourvue (O. M. Roget viendra
(s) circa -^ questo negotio, senza romperla con Bernesi. spero che se ne
vederebbe gran frutto, quale non possiamo sperare mentre non vorranno
trattar con noi.
( t ) nta — ordinaria et vera, che questi figlioli di ténèbre sono assai piti
prudenti et fer%-enti
(u) consolatissimo — délia venuta di questo buon Padre, quale pue testifi-
care del stato di queste cose, cioe : per conto délia campagna non cie difûcolta
veruna, et per conto délia terra cie solamente questo da fare, che S. A. dia
aviso del suo buon desiderio, o scrivendo, o per bocca di qualche magistrato
d'importanza, comme saria di un présidente o senatore. — (... de la venue de
ce bon Père qui peut certifier létat de ces affaires, savoir : pour ce qui regarde
la campagne, il n'y a aucune difficulté ; quant à la ville, il y aurait seulement
un moyen à prendre. Son Altesse devrait notifier son désir, soit en écrivant
elle-même, soit par lintermédiaire de quelque magistrat haut place, tel qu'un
président ou un sénateur.)
(i) C'est le chanoine Louis de Sales qui fut installé à Brens. Les autres
paroisses pourvues de curés étaient Cervens, les Allinges-Mésinge et pro-
bablement Bons.
Année 1597 289
signor Rogetio venerà qui fra pochi giorni, comme
V. S. 111'"'' glie commando (O, et già saria venuto se non
fossero certi negotii del clero che lo trattengono. lo dirô
poi a V. S. 111'"" che le cose di queste pension! van maie ;
io sin adesso non ho potuto cavarne'^) altro senon 160 fio-
rini et trentacinque coppe di fromento. È vero che me
ne sonno state appresentate da 75, ma tanto cattive che
io non potevo accettarle. Starô a sollecitare, et havendo
fatto quanto potrô, sarô scusato di far piùl^;. Mancano
alberghi per curati, manca omnis ecclesiastica suppel-
lex et tutto bisogna comprar : hora lascio a considerar a
V. S. 111'"^ in che stato stiamo. Dubitavo molto che la con-
ferentia di Geneva non fosse andata in fumo con queste
dans quelques jours, comme Votre Seigneurie Illustrissime le lui a
commandé ( i ) ; il serait déjà venu sans certaines affaires du clergé qui
le retiennent encore. Je vous dirai de plus que les choses vont mal
au sujet de ces pensions ; jusqu'ici je n'ai pu en tirer que cent soixante
florins et trente-cinq coupes de froment. Il est vrai qu'on m'en a
offert environ soixante-quinze, mais de si mauvaise qualité que je
n'ai pu les accepter. Je poursuivrai mes sollicitations; puis, ayant
fait tout mon possible, je serai dispensé d'en faire davantage. Nous
manquons de logements pour les curés, nous manquons de tout ameu-
blement pour les églises et il faut tout acheter : je vous laisse à penser
en quel état nous nous trouvons. Je craignais beaucoup qu'avec ces
retards la conférence de Genève ne fût allée en fumée ; mais, d'après
(v) ^/ Siirà — il quarto ia questo paese. Ma io diro liberamente che le cose
vanno maie, et non si puo peggio. Io sin adesso non ho potuto haver
(w) di fromento — et tuttavia staro a sollecitare. Il Sig'' Rogetio venerà
qui, comme glie commando V. S. Ill"'», fra pochi giorni, havendo esso esseguito
certi negotii del clero.
[La fin de la minute manque dans le Procès.]
( I ) Le chanoine Roget, qui fut longtemps « auditeur des comptes du
clergé, » avait fait récemment le voyage de Turin pour présenter des récla-
mations au sujet des impôts extraordinaires levés sur les biens ecclésiastiques.
(Le 15 mars 1597 il date de Turin et signe, avec le chanoine Floccard et les
autres députés des diocèses de Savoie, une lettre au Cardinal Aldobrandino.)
Cest alors sans doute qu'il avait reçu des ordres du Nonce relativement à
la mission du Chablais. (Voir ci-devant, note ( i ), p. 177, et p. 249.)
Lettres I 19
2Q0 Lettres de saint François de Sales
ritardationi ; ma , per quanto vengo avvisato , si potrà
haver, et in modo debito : la cosa sarà fruttuosissima.
V. S. Ill™^ mi fa tanto animo di scrivergli spesso, ch'io
etiamdio délie cose minutissime glie scriverô liberamente,
corne a Padre amantissimo di questi popoli, quantumque
nel servitio d'Iddio le cose minute siano importanti.
Bascio con ogni humiltà le sue mani reverendissime, et
prieghando il Signor la conservi, resto eternamente,
Di V. S. Iir^ et R"'%
Devotissimo servitore,
Franc° De Sales,
Prsevosto di Geneva.
Da Tonone, alli 27 di Maggio 97.
Airill""" et R"^° Sig"" mio osservandissimo,
Monsig»" l'Arcivescovo di Bari,
Nuntio Apostolico appresso S. A. S.
Turino.
Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Archives du Vatican.
ce que j'apprends, elle pourra avoir lieu et d'une manière convenable :
elle sera très fructueuse.
Votre Seigneurie m'encourage si fort à lui écrire souvent, que je
lui parlerai librement même des choses les plus minimes (bien que
dans le service de Dieu les moindres choses soient importantes),
comme au Père très affectionné de ces populations. Je baise en toute
humilité vos mains vénérées et, priant le Seigneur de vous conserver
longtemps, je demeure à jamais,
De Votre Seigneurie Illustrissime et Reverendissime,
Le très dévoué serviteur,
François de Sales,
Prévôt de Genève.
Thonon, le 27 mai 1597.
Année 1597 291
XCVII
A U M Ê M E
Maladie de TEvéque de Genève. — Obligations de TAbbé d'Abondance envers
le prédicateur d'Evian. — Indigence des Religieuses de Sainte-Claire. —
Poursuites à faire pour obtenir la conférence avec les ministres. — Le
Saint sollicite l'autorisation de concourir pour la cure du Petit-Bornand. —
La permission de lire les livres hérétiques est nécessaire aux missionnaires.
Annecy, 31 mai 1597.
Illustrissimo et Reverendissimo Signor mio
osservandissimo,
Doppo haver scritto (a) a V. S. 111""^ et R""^ di ïonone
al 2 7 di questo, (^) hebbi nuova che Monsignor R""" Vescovo
stava molto ammalato et desiderava sopra modo di ve-
dermi, essendo in pericolo délia vita. Ond'io venni di
.subito, et giunto (c) trovai la lettera di V. S. 111"" del
XII del praesente. Et per haver scritto nella précédente
il stato délie cose del Chiablais, non occorre adesso di
farglie altra risposta(<^), salvo .sopra il particolar del prœ-
dicator di Eviano. (e)
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,
Après avoir écrit de Thonon à Votre Seigneurie Illustrissime le 27
de ce mois, je reçus la nouvelle que M'"" notre Révérendissime Evèque
était très malade, et que, se sentant en danger de mort, il désirait
extrêmement me voir. Je partis aussitôt, et à peine arrivé ici j'y
trouvai votre lettre du 12 courant. Vous ayant exposé dans la pré-
cédente l'état des affaires du Chahlais, je n'ai maintenant aucune
réponse à vous faire, si ce n'est au sujet du prédicateur d'Evian.
(a) Scrissi
(b) di questo, — et doppo haverglie scritto
(c) et desiderava — incredibilmente di vedermi. Onde io di subito venni
et giunsi hieri qui, et vi
(d) Et — perche gli ho scritto délie cose nostre di Chiablais nella précé-
dente, non mi pare di haver a scrivergli altro
( e ) Ho veduto la lettera di Monsig"" délia Novalesa, nella quale egli mostra
veramente una grande abondanza di liberalita a dare via tre prébende délie sue.
292 LtTTRES DE SAINT FRANÇOIS DE SaLES
Mando a V. S. lU'"'' una copia del Brève di Sua
Santità in favor del P. Papardi, morto(i', nella quale
vederà li motivi per li quali Sua Beatitudine giudicô ra-
gionevolissimo che l'Abbate desse quella prsebenda, li
quali sonno adesso piîi potenti che mai. Quella terra è
in faucibus hcereticorum, non ha altro modo di haver
praedicatore ; T Abbate ( = ) cava tutte le loro décime, et è
ragionevole ch' egli (f ) pasca la pecorella délia quale egli
si piglia la lana. Ouesto è 'g) il magior servitio che si
faccia al Signor in tutta quella badia. L'Abbate d'Aux(3),
il quai non v' è tanto ubligato, dà una pensione intera
J'envoie à Votre Seigneurie Illustrissime une copie du Bref de Sa
Sainteté en faveur du feu P. Papard (O : vous v verrez les motifs
pour lesquels le Pape jugea raisonnable que l'Abbé donnât cette pré-
bende, motifs qui actuellement sont plus pressants que jamais. Ce
pays est dans la gueule des hérétiques et n'a aucun autre moyen d'en-
tretenir un prédicateur; l'Abbé (2) perçoit toutes les dimes, c'est
donc justice qu'il paisse la brebis dont il tond la laine. C'est le plus
grand service qui soit rendu au Seigneur en toute cette abbaye.
L'Abbé d'Aulps 3 ', lequel n'y est pas si fort tenu, donne une pension
(f) in favor del — prsedicator morto ; non perche si possa far conseguenza
per un altro, ma per monstrar a V. S. Ill""^ che Sua S'^ giudico esser molto
ragionevole che l'Abbate, il quale cava tutte le décime di quella banda, dia
agli habitanti un poco di contraccambio spirituale et
(g) /a lana. — Vedera che quella terra é in faucibus hcereiicoriim ; ma di
questo poi l'assicuro, ch' io non so donde possano havere praedicatori soffi-
cienti, se non col mezzo di questa praebenda, la quale cessando, cessara
(i) Le P. François Papard, de l'Ordre des Frères Prêcheurs, docteur en
théologie, Inquisiteur général en Savoie, était prieur du couvent de son Ordre
à Annecy, en 1556. 11 mourut en 1592.
(2) Il s'agit de Philibert Provana, Abbé commendataire d'Abondance et de
l'abbaye bénédictine de Novalèse, en Piémont. Au mois de juin suivant, il
résigna ce dernier bénéfice en faveur du fils d'un autre Philibert Provana,
premier Président de la Cour des Comptes de Turin. (Archives du Vatican,
Nun^. di Savoia, vol. 34.) Quant à l'abbaye d'Abondance, elle était l'objet des
prétentions de deux compétiteurs : Gaspard Provana, Prieur de Novalèse,
qui s'attribue en 1597 et 1598 le titre d'Abbé d'Abondance, et Vespasien Aiazza
(voir note ( r ), p. 223), qui obtint gain de cause le 27 novembre 1399. (Rome,
Archives de l'Etat, Ubbliga^ioni.)
(3) Philibert Milliet fut Abbé commendataire d'Aulps de 1591 à 1618.
Année i 597 293
alla scuola de'fanciulli. Ouesto praedicator moderno (0 è
persona honoratissima ; et quantumque sia vicario géné-
rale nella provincia Gallicana del suo Ordine, non ha
lasciato quest'anno le praediche delFAdvento et Quare-
sima, et essendo scaricato di quel ufficio farà ancora
maggior beneficio. S' egli no sarà andato nell'Abondan-
tia, sarà o vero '.^) che no sarà stato invitato, o vero che
la cessatione délia prsebenda haverà preceduta la ces-
satione délia prsedica. Quanto alTaltro praedicator ch'il
signor Abbate dice di dover mantener nella sua badia,
credo che si deve far, ma so et credo che non si fa ; ne
saria troppo caricato l' Abbate havendo per lui duoi prae-
dicatori, anzi mi par molto caricato non havendoli.
Le religiose îMonache di Eviano (*) sonno non solo(»)
poverissime, anzi fameliche, et so ch'il signor Abbate
entière pour l'école des enfants. Le prédicateur actuel (0 est un
homme de grand mérite ; quoiqu'il soit vicaire général de la province
Gallicane de son Ordre, il n'a pas laissé néanmoins cette année de
prêcher l'Avent et le Carême, et quand il sera déchargé de son office
il fera encore plus de bien. S'il n'est pas allé à Abondance, ce sera
sans doute ou parce qu'il n'aura pas été invité, ou parce que la cessa-
tion de la prébende aura précédé la cessation des prédications. Quant
à l'autre prédicateur que l'Abbé dit être obligé d'entretenir dans son
abbaye, je crois que cela doit se faire, mais je sais et je crois que cela
ne se fait pas. A la vérité, l'Abbé ne serait pas trop chargé d'avoir
deux prédicateurs à son compte ; il me semble, au contraire, qu'il
le serait bien davantage s'il ne les avait pas.
Les Religieuses d'Evian ( = ) sont non seulement pauvres, mais elles
(h) in tutta qiiella badia. — Et se questo prxJicatore moderno non sarâ
andato nella Abondanza, sara forse o
(1) Quanto aile signore Monache, so che sonno
( I ) Le P. de Fossias (voir ci-devant, note ( i ), p. 243).
( 2) Les Religieuses Clarisses fondées à Orbe par sainte Colette (1427-1428),
ayant été chassées de leur couvent par les hérétiques, s'étaient réfugiées à
Evian le 24 mai 1555. Saint François de Sales témoigna toujours un profond
intérêt à cette Communauté, qui se distingua constamment par sa ferveur et
sa régularité. Dissoute à la révolution française, elle a été reconstituée au
mois de septembre 1875 par une colonie sortie du monastère de Sainte-Claire
de Versailles. (Les Clarisses d'Evi.ui-les-Bafus, pnr le P. Ladislas de Marlioz.)
294
Lettres de saint François de Sales
glie fa limosina ; ma quanto a darglie una praebenda,
corne egli dice, credo che questo si debba intendere con
distintione di praebende. Haverô ben presto vero et dis-
tinto raguaglio di queste cose.
Quanto a quella suasione ch' il signor Abbate, per
gratia sua, desidera di far a V. S. 111'"% che non dia fede
a Savoyardi in générale (J ), io Tho per una impertinentia
taie che non mérita risposta. Ch'egli pur si sforsi di
far queste suasioni , ch' io son certo di far con effetto
contraria persuasione : cioè ch'io, in questo ne in altro,
non uso ne bugia, ne tratto sinistro appresso V. S, 111"'*,
ne domando un solo baggatino délia sua badia W.
endurent la faim, et je sais que l'Abbé leur fait l'aumône ; pour ce
qui est de leur donner une prébende, comme il le prétend, je pense
qu'il faut distinguer entre prébende et prébende. J'aurai bientôt des
renseignements vrais et détaillés à ce sujet.
Quant à l'opinion que M. l'Abbé prétend donner si gratuitement à
Votre Seigneurie Illustrissime, qu'en général il ne faut pas se fier
aux Savoyards, je la regarde comme une impertinence telle qu'elle
ne mérite pas de réponse. Qu'il s'efforce tant qu'il voudra d'insinuer
de semblables opinions ; pour moi je suis sûr de convaincre du con-
traire par des effets : c'est-à-dire, qu'en cela ni en chose quelconque
je n'use point de mensonge ou d'artifice auprès de Votre Seigneurie,
et que je ne demande pas un seul denier des revenus de son abbaye.
(j) ch' il signor Ahhate — desidera di far, per gratia sua, che V. S. 111"^*
[non] creda a Savoyardi, soliti di usar questi et altri tiri
(k) risposta — et mi pare che se non fosse mai per altro che per rispetto
del fondatore dell' Abondanza, doveria trattar piu cortesemente gli Savoyardi.
Basta; che egli puo suadere a V. S. 111'"-'' quel che gli pare et place, ma io son
certo di persuadere sempre con effetto che io non uso in questo né in altro,
di bugia o tiro. Et a che modo farei io altrimenti, poiche in questo non ho né
poco, né assai, né voglio niente del suo ? Ma di questo basta appresso V. S. 111"^",
che é giudice retto et non appassionato. — (Et il me semble que, quand ce ne
serait que par respect pour le fondateur d'Abondance, il devrait traiter plus
courtoisement les Savoyards. N'importe : il peut insinuer à Votre Seigneurie
Illustrissime ce qu'il lui plaît et ce que bon lui semble, car je suis siir de
convaincre toujours par des effets que je n'use en ceci ni en chose quelconque
de mensonge ou de ruse. Et à quelle fin ferais-je autrement, puisque je n'ai en
cela ni peu ni beaucoup, et que je n'ambitionne rien du sien ? Mais c'est assez
sur ce sujet auprès de Votre Seigneurie Illustrissime, qui est un juge équitable
et non point passionné.)
Année 1597 295
Hieri hebbi T altra lettera di V. S. Iir* et viddi la
copia di quella del .signor Cardinale Santa Severina.
Monsignor Reverendissimo chiamô subito il P. Provin-
ciale de'Cappucini (O, quale era qui (U, acciô scrivesse
al P. Cherubino, che era in Mommelliano, per farlo
venire qui acciô dia assoluta risposta a quelli di Geneva,
la quale sin adesso non si è potuta dare, et si pigli
quanto prima, di banda et d'altra, qualche risoluta con-
clusione("^). Quel Padre è diligentissimo (n) et sagace, et
ben presto haverà trattato ; il che havendo fatto, subito
sarà avvisata V. S. lU"" minutissimamente d' ogni nostro
pensiero, acciô li moderi tutti ; et secondo il numéro che
vorranno quelli de Geneva de conferenti, domandaremo
Hier je reçus l'autre lettre de Votre Seigneurie Illustrissime et je
vis la copie de celle de M. le Cardinal de Santa-Severina. M^"" le
Révérendissime manda aussitôt le P. Provincial des Capucins (0,
qui était ici, pour le charger d'écrire au P. Chérubin, actuellement à
Montmélian, et lui ordonner de venir rendre une réponse positive à
ceux de Genève. Cette réponse n'a pu être donnée jusqu'à présent ; ce-
pendant il faut au plus tôt prendre de part et d'autre une résolution
définitive. Ce Père est très diligent et adroit, il traitera donc promp-
tement l'affaire. Dès qu'il aura achevé, Votre Seigneurie sera informée
par le menu de nos moindres projets afin qu'ils soient tous dirigés
par vous. Nous vous demanderons plus ou moins de théologiens selon
( 1 ) Hieri pure hebbi ancora una lettera di V. S. 111™^ del 25 di Maggio, per
la quale si riferiva ad una copia di lettera del Sig'' Cardinale S"* Severina ; et
ho veduto attentamente tutto, con incredibil consolatione che si sia data tutta
l'authorita per la conferentia a V. S. 111"* et a Monsig"" R™°, ché cosi si
spediranno presto le cose, et fruttuosamente. Subito Monsig'' R"'° maudô a
chiamare il Padre Provinciale de Cappucini
(m) venire qui — affinche faccia horamai risposta a quelli di Geneva, con la
quale si possa venire a qualche risolutione ; poiche sin adesso si é andato
differendo, con arti varie, di fare assoluta risposta.
(n) et sagace, et spero che ben presto haveremo da scrivergli i disegni
nostri minutissimamente, accio li moderi; poiche sin tanto che si comminci a
capitulare con quelli di Geneva del numéro de conferenti et del modo délia
conferenza, non possiamo pigliare risolutione ; et questo tocca a detto Padre,
quale é stato chiamato in questo campo. Ma sara avvertita V. S. 111""* di tutto
I ) Voir ci-devant, note ; i), p.
296 Lettres de saint François de Sales
a V. S. lU""' o più o meno de theologi, et ad ogni modo
cercaremo che vi siano duoi o tre Giesuiti. Non dormi-
remo punto in questo negotio, et sarà et diligentissima-
mente et minutissimamente avisata V. S. Ill'"\ Laudo
che Sua Santità habbia lasciato questo carico a V. S. 111™*
et a Monsignor Reverendissimo, perché veramente si
farà et più speditamente et più fruttuosamente.
Monsignor Reverendissimo è stato da vinti giorni
in qua nel letto molto ammalato. et havendo ricevuto in
questo mentre due lettere di V. S. 111™% una il 26 et l'altra
hieri per le mani del signor Floccardo, canonico (0, glie
rincrebbe infinitamente di non potergli far risposta per
allhora perché il medico non lo volse permettere. Spera
nientedimeno che fra pochi giorni, havendo ricuperato
un poco più di vigore, egli darà piena et compita sodis-
fattione si aile lettere di V. S. 111'"% si ancora a quelle
le nombre de conférenciers voulu par ceux de Genève, et nous tâche-
rons de toute façon qu'il y ait deux ou trois Jésuites. Nous ne nous
endormirons point en cette négociation , et vous en serez averti
immédiatement, dans le plus grand détail. Je me félicite de ce que
Sa Sainteté en a laissé le soin à Votre Seigneurie et à M^"" le Révé-
rendissime, car ainsi tout se fera d'une manière plus expéditive et
plus fructueuse.
Depuis vingt jours Monseigneur est au lit très malade ; il a reçu
pendant ce temps deux lettres de Votre Seigneurie, l'une le 26. l'autre
hier par M. le chanoine Floccard (0, et regrette beaucoup de n'avoir
pu vous répondre, parce que le médecin n'a pas voulu le lui permettre.
Il espère néanmoins recouvrer un peu de force et vous donner, dans
quelques jours, pleine et entière satisfaction au sujet de vos lettres
distintamente et veramente, et de theologi che si faranno di bisogno; et ad
ogni modo cercaremo per tutte le vie possibili di haver duoi Padri Giesuiti,
se non fosse mai per altro che per far vedere a quelli heretici la concordia
fra Catholici.
[La suite de la minute ne se trouve pas dansle Procès. Reprendre au texte,
lig. 8.]
(i) Barthélémy Floccard, chanoine de la Collégiale de Notre-Dame de
Liesse d'Annecy dès 1577, P'^'* sacristain de cette même église. Il mourut en
juin i6îi.
Année 1597 297
del signor Giustiniano, il quale non è certo ben informato
délie cose di qua, ne de li cunti del R""* JMonsignor suo
zio ('). Priegha adunque Monsignor R"'° Vescovo V. S.
111™' di haverglie un poco di patientia sin tanto che possa
farglie risposta aile sue.
È vacante adesso un bénéficie curato, cioè una cura ( = ),
che puô valer di intrata dugento scudi, nelli buoni anni,
et si darà, seconde l'ordinario, per concorso. lo son
sollecitato da varii amici, etiamdio spirituali, di preva-
lermi di questa occasione, che maggior non habbiamo di
qua. lo, per non spregiar V aviso loro, lo farô, ma con
questa conditione, di non riservare quel bénéficie se non
con il beneplacito et giudicio di V. S. 111'"% poichè io
non posso haver et ritener insieme con quella cura il
praevostato délia chiesa Cathédrale. E ben vero ch'il pre-
vostato non havendo neanche un quattrino d' intrata, et
il canonicato che si dà al Praevosto non havendo un anno
per l'altro sessanta scudi, io stimo più giovevole di esser
et de celles de M. Giustiniani, lequel n'est certainement pas bien
informé des affaires de ce pays ni des comptes de Monseigneur son
oncle (0. M»"" notre Révérendissime Evêque vous prie donc de
patienter un peu jusqu'à ce qu'il puisse vous répondre.
Un bénéfice-cure, c'est-à-dire une cure, est maintenant vacant (a) ;
il peut rapporter environ deux cents écus de revenu les bonnes années,
et doit, comme de coutume, se donner au concours. Plusieurs de mes
amis, même spirituels, m'engagent à me prévaloir de cette occasion,
car nous n'en avons pas de meilleure dans ce pays. Pour ne point
mépriser leur avis, je le ferai, mais à la condition de ne jouir de ce
bénéfice que sous le bon plaisir et avec l'assentiment de Votre Sei-
gneurie Illustrissime, puisque je ne puis avoir et conserver avec cette
cure la prévôté de l'église cathédrale. 11 est bien vrai que la prévôté
n'a pas un liard de rente et le canonicat que l'on donne au Prévôt ne
rapporte en moyenne que soixante écus par an ; j'estimerais donc plus
( I ) M8>' Ange Giustiniani , après avoir été dix ans Evèque de Genève
(i 568-1 578), avait échangé avec Claude de Granier la crosse épiscopale contre
les prieurés unis de Talloires et de Saint-Jorioz. Il était mort à Gènes, sa
patrie, le 22 février 1596.
{ 2 ) La cure du Petit-Bornand, vacante par la mort de Jacques Bally.
298 Lettres de saint François de Sales
commodo curato che povero Prsevosto, se non fosse la
speranza del ritorno nostro in Geneva, laquale sin adesso
pasce molti honorati dottori et nobili che sonno stati nella
Chiesa nostra. 3Ia parlando poi assolutamente, io son
poco meno costretto di lasciar questo praevostato ad altri
che possano far mag"gior residentia di quella ch' io posso
far mentre son in Chiablais, et habbiano modo di vivere
senza quello. Io veramente ho vissuto sin adesso, et
meglio di quello ch' io non merito, ma egli è stato prse-
cario ; onde, ponderando bene ogni cosa, mi risolvo alla
cura, che è il più ricco beneficio di questa diocesi. fra
quelli ch'io posso et mi è lecito sperar.
Desiderarei bene preghar humilissimamente V. S. 111'"''
che col beneplacito di Sua Santità mi fosse lecito rite-
ner il canonicato semplice, acciô venendo qui io habbia
luogo nel cuoro (sic) nostro, il quale è tanto ben ufficiato
che è una délie più grandi consolationi ch'io ne habbia.
Et cosî, havendo da vivere quanto basta per la mia con-
ditione, io altro non cercarô senon, con quelle poche
fatighe nelle quali sarô adoprato, servire al Signore et
avantageux d'être un curé rente, que d'être un pauvre Prévôt, n'était
l'espoir de notre retour à Genève, lequel soutient encore maintenant
plusieurs docteurs distingués et nobles qui ont appartenu à notre
Eglise. Mais, pour parler clairement, je suis presque contraint de
céder cette prévôté à quelqu'un qui puisse résider ici plus assiduement
que je ne le fais moi-même pendant que je suis occupé en Chablais,
et qui ait en même temps de quoi vivre sans ce revenu. J'ai à la vérité
vécu jusqu'à présent, et mieux que je ne le mérite, mais d'une ma-
nière précaire ; c'est pourquoi, toutes choses bien pesées, je me résous
à demander la cure, qui est le plus riche bénéfice de ce diocèse parmi
ceux qu'il m'est possible et permis d'espérer.
Je désire aussi prier Votre Seigneurie Illustrissime d'obtenir qu'il
me soit loisible, avec l'agrément de Sa Sainteté, de garder le cano-
nicat simple, afin que, venant ici, j'aie une place dans notre chœur ;
car les offices s'y célèbrent si dignement que c'est là une de mes
plus grandes consolations. Ayant ainsi de quoi vivre selon ma con-
dition, je ne chercherai plus autre chose sinon de servir le Seigneur
et l'Eglise de ce diocèse par les petits travaux auxquels je serai
Année 1597 399
alla Chiesa di questa diocœsi. Mi perdoni per bontà sua
V. S. 111"'' s'io, fra tanti pensieri d'importantia, la tra-
tengo sopra questo mio particolar, perché in questi miei
dubbii no so dove quietarme senon nel seno di Sua Pater-
nità Iir^ et R"'\
Non so ancora se Sua Beatitudine si sarà compiaciuta
di dar la licentia de' libri prohibiti alli signori Grandis (0
et Rogetio, dottori de theologia ; so bene che non bisogna
impacciarsi di praedicar fra gl' haeretici sensa quella. La
conferentia me vuol trattener un pezzo di qua, ma fra
tanto il signor Rogetio passarà in Tonone acciô faccia
quel che si conviene in quelF opra.
Priegho il Signor conservi molti anni V. S. lU"''* ad
employé. Que votre bonté daigne me pardonner si, au milieu de
tant de graves sollicitudes qui l'accablent, je l'entretiens d'une affaire
qui m'est personnelle ; mais, dans mes doutes, je ne sais où me repo-
ser si ce n'est dans le cœur de Votre Illustrissime et Révérendissime
Paternité.
Je ne sais pas encore s'il aura plu à Sa Sainteté d'accorder à
MM. Grandis (i) et Roget, docteurs en théologie, la permission de
lire les livres défendus ; mais je sais bien que, sans cette permission,
il ne faut pas se mêler de prêcher parmi les hérétiques. La conférence
me retiendra longtemps ici ; en attendant, M. Roget ira à Thonon
pour remplir les devoirs du ministère.
Je prie le Seigneur de vous conserver longues années pour l'utilité
(i) Claude Grandis, docteur de Louvain, était uu ecclésiastique plus
remarquable encore par ses éminentes vertus que par son savoir. Ordonné
prêtre le 27 mai 1589, il avait été institué curé d'Arthaz le 3 novembre de
la même année, et sept ans plus tard (i^'" octobre 1506), il permuta ce bénéfice
contre un canonicat à la cathédrale. Il s'était acquis l'estime et l'affection de
saint François de Sales, qui voulut l'avoir pour collaborateur dans la mission
du Chablais, et, en 1608, le nomma préfet de la Sainte-Maison.
La mort de ce chanoine, arrivée en juillet 1617, fut un deuil public,
ainsi que l'écrit sainte Jeanne-Françoise de Chantai en rendant le témoignage
suivant à ses vertus : M. Grandis est un « homme de parfaite sainteté que
chacun pleure et regrette pour l'extrême perte que l'Eglise a faite. Les sei-
gneurs de Genève même, forcés par sa rare vertu, le regrettent, et disent que
c'était un ange du Ciel ; certes, cette mort me toucha jusqu'au fond du cœur.
Monseigneur en a ressenti et ressent une douleur nonpareille. Encore ce
matin les larmes lui en venaient aux yeux. " (Lettre du i'^'' août 1617.)
^oo Lettres de saint François de Sales
utiltà di queste provincie, et basciandoli humilissima-
mente le mani reverendissime, resto eternamente,
Di V. S. Iir^' et R'"%
Humilissimo et devotissimo servitore,
Franc° De Sales,
indegno Prevosto di Geneva.
In Annessy, alli 31 di Maggio 97.
Doppo questa scritta et non mandata, il P. Spirito mi
ha mandata una, quale io [ho] giunta qui, et credo che
glie darà aviso délie cose di Tonone.
Air 111'"° et R"^*' Sig'' mio osservandissimo,
Monsig"" l'Archlvescovo di Bari,
Nuntio Apostolico appresso S. A.
Turino.
Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Archives du Vatican.
de ces provinces, et baisant très humblement vos mains vénérées, je
demeure à jamais,
De Votre Seigneurie Illustrissime et Reverendissime,
Le très humble et très dévoué serviteur,
François de Sales,
indigne Prévôt de Genève.
Annecy, le 31 mai 1597-
Cette lettre était écrite et non encore expédiée, quand le P. Esprit
m'en a fait remettre une que je joins à celle-ci ; je crois qu'il vous
renseignera sur les affaires de Thonon.
Année 1597 301
XCVIII
AU M Ê iVI E
(minute)
Affaires du Chablais : démêlés avec les Chevaliers des Saints Maurice
et Lazare; encore la conférence de Genève.
Sales, 29 juin 1597.
Illustrissimo et Reverendissimo Signor mio
osservandissimo,
Mi furono mandate le lettere di V. S. 111"% insieme
col Brève di Sua Santità''), dal signor praesidente Po-
bello( = ) con grandissima diligentia, si che capitorono
nelle mie mani in Tonone alli 23 di Giugno. Ringratio
infinitamente V. S. Ill"" del zelo con il quale Ella si
adopra per questi poveri popoli.
Quanto ail' ordine il quale il signor Ripa (3) fa inten-
dere essersi dato, si per la conservatione del luogho di
monsieur di Avulli nel consistorio di Chiablais, si anche
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,
Les lettres de Votre Seigneurie et le Bref de Sa Sainteté ( i ) me
furent envoyés si promptement par M. le président PobeKa), qu'ils
me parvinrent à Thonon le 23 juin. Je vous remercie infiniment du
zèle avec lequel vous vous employez pour ces pauvres populations.
Quant à l'ordre que M. Ripa ( 3 ) dit avoir été donné, soit pour le
maintien de M. d'AvuUy dans la charge de chef du consistoire du
( I ) Voir ci-devant note ( i ), p. 272.
(2) Raymond Pobel, seigneur d'Asnières et du MoUard, d'abord avocat au
Sénat de Savoie (1566), juge-mage de Bresse (1569), puis sénateur (1571), avait
été nommé troisième président du Sénat le 9 janvier 1581, et devint second
président le 5 août 1585. Il mourut le 5 août 1597.
(3) Augustin Ripa, premier secrétaire d'Etat, comte de Jaillon (1394), réunis-
sait au titre de conseiller d'Etat, celui de « secrétaire des Commandements,
des Finances, de l'Ordre de l'Annonciade et de la sacrée Religion et Milice des
Saints Maurice et Lazare. ><
302 Lettres de saint François de Sales
per la restitutione delFintrata al curato di San Giulino,
non ne ho sin adesso sentito nuova veruna.
Quanto poi a (») quello che è stato promesso dalli
Cavaglieri, è vero che il signor cavaglier Bergera mi
obligé gl'affitauoli, ma è vero ancora ch" io protestai di
non voler litigar con essi, che eran tutti habitatori di
Tonone ; et non fa bisogno che quelli i quali cercano
di ridurli habbiano questi intrighi con loro, massime in
questi calamitosissimi tempi et paesi dove ogn' uno è
povero.
Circa 1* accrescer li curati, persisto io a dire che è con-
venientissimo che non solo li Cavaglieri , ma quanti
sonno che si ritruovano haver beneficii in Chiablais, li
lascino in mano di ^lonsignor Reverendissimo per darli
a capaci. 31a non mi par che debbano li signori Cava-
glieri, con questi prsetesti, ritardar l'opra et dire che
quasi tutte le cure siano nelle mani de'prœti, perché non
saranno cinque praeti che godano pacificamente detti
beneficii .t'). Et io non ne so senon uno. de quelli cinque.
Chablais, soit encore pour la restitution du traitement dû au curé de
Saint-Julien, je n'en ai jusqu'ici reçu aucune nouvelle.
Au sujet de ce qui a été promis par les Chevaliers, il est vrai que
le chevalier Bergera obligea les fermiers en ma faveur ; mais il est
vrai aussi que j'ai protesté ne point vouloir plaider avec ces gens,
qui sont tous habitants de Thonon ; et il ne faut pas que ceux qui
tâchent de les convertir aient ces démêlés avec eux, surtout en des
temps si calamiteux, et en des pays où tout le monde est pauvre.
Pour ce qui est d'augmenter le nombre des curés, je persiste à dire
qu'il est très convenable que non seulement les Chevaliers, mais
encore tous ceux qui détiennent des bénéfices en Chablais les remet-
tent à M'"" le Révérendissime afin qu'il les donne ensuite aux
plus capables. Toutefois, il me semble que MM. les Chevaliers ne
doivent pas, sous de vains prétextes, retarder cette œuvre et dire
que presque toutes les cures sont entre les mains des ecclésiasti-
ques ; car il n'y a pas cinq prêtres qui jouissent paisiblement de ces
bénéfices. Sur les cinq je n'en connais qu'un qui ne soit pas molesté
(a) d — Tqucl grauo et vino...J
(b) delti beneficii — et non siano fquerelali dall' istessi...J
Année 1597 303
il quale non sia querelato dall'istessi Cavaglieri. et
quello sin adesso non ne ha cavato un sol quattrino per
esser stato impedito dalli Genevrini; et nel resto ha speso
del suo et delli suoi amici, nell'opra di Chiablais, quanto
basta per non essergli rimproverato quel beneficio (i).
Ho ricevuto il Brève di Sua Santità con ogni humiltà,
et vederô di essequire quanto in quello mi è comman-
dato, con ogni diligentia. È vero che il tempo è molto
cattivo di qua. 3Ionsignor R™" Vescovo mi ha mandate
una lettera per esser mandata a V. S. 111™% nella quale
glie dà raguaglio délia sanità ricuperata per gratia
d' Iddio.
Il P. Cherubino glie scrive circa la conferentia in che
stato siamo. Temo che li movimenti délia Maurianna non
ci diano gran disturbo ( = ), massime alla venuta del Padre
Giesuito che V. S. 111"^ vuol far venire. Et già che mi
par les Chevaliers mêmes, et celui-ci n'en a pas tiré un seul liard parce
qu'il en a été empêché par les Genevois. Du reste, il a suffisamment
dépensé de son bien et de celui de ses amis dans la mission du Cha-
blais, pour qu'on ne lui reproche pas ce bénéfice (i).
J'ai reçu en toute humilité le Bref de Sa Sainteté ; je tâcherai
d'exécuter avec grande diligence ce qu'il m'enjoint. Il est vrai que les
temps sont bien mauvais pour ce pays. M""" notre Révéren-
dissime Evêque m'a envoyé, pour faire parvenir à Votre Seigneurie,
une lettre dans laquelle il vous annonce que, par la grâce de Dieu, il
a recouvré la santé.
Le P. Chérubin vous écrit où nous en sommes touchant la confé-
rence. Je crains que les mouvements des troupes en Maurienne
ne nous causent de grands embarras (= \ surtout pour la venue du
P. Jésuite que Votre Seigneurie Illustrissime veut nous envoyer.
Puisque vous me demandez lequel serait le plus utile, du Recteur de
( I ) Le Saint parle ici de lui-même ; car il avait obtenu au concours, le
II mai 1595, ^^ ^^^^ ^^ Corsier-Asnières, dont les revenus étaient aliénés par
les hérétiques.
( 2 ) Lesdiguières venait de faire une descente dans cette province ; le 23 juin
il avait surpris Saint-Jean de Maurienne. Dom Sanche de Salinas, chargé de
défendre le pays, au lieu d'opposer quelque résistance, avait replié ses
troupes sur le Piémont. Lesdiguières le poursuivit jusqu'au pied du Mont-
Cenis, et s'empara du château de Saint-Michel.
304 Lettres de saint François de Sales
domanda quale ûa. più utile, o vero il Rettor de Turino (»),
o vero il theologo francese che legge in ^Lilano (=), stimo
ch'il francese tornarà più a commodo, si per il commercio
délia lingua, si ancora per parer minor affettatione dalla
banda nostra, g'ià che questa conferentia non ha da farsi
se non sotto nome di 3Lonsignor Reverendissimo nostro.
3la saria bisogno di tenerlo avvertito acciô che venga
al primo avviso senza dilatione, perché il differire non
potrà esser senon nocivo. Habbiamo in Chiambery duoi
Padri Giesuiti valenti : il Padre Saunerio et il Padre
Alexandro, scossese (3); et in caso che fossero chiusi i
passi et le strade per venire, mi pare che bastariano. È
ben vero che questi Genevrini fanno gran difficoltà di
ricevere Giesuiti in questa conferentia, con dire che sonno
huomini di Stato et esploratori di Spagna ; ma noi, dal
canto nostro, faremo oofni sorte di instantia.
Turin d ) ou du français, lecteur de théologie à Milan ( = ), je crois que
le français nous conviendra mieux, soit à cause de la langue, soit aussi
pour qu'il y ait moins d'affectation de notre côté ; car cette confé-
rence ne doit se faire que sous le nom de M^"" notre Evêque. Mais
il faudrait prévenir ce Père afin qu'il vint sans retard au premier
appel : tout délai ne pourrait être que nuisible. Nous avons à
Chambéry deux Pères Jésuites de grand mérite : le P. Saunier et le
P. Alexandre, écossais ( 3 ) ; si les passages et les routes [d'Italie] étaient
fermés, il me semble que ces Religieux suffiraient. Les Genevois, il est
vrai, font grande difficulté d'admettre des Jésuites à cette conférence,
disant qu'ils sont hommes d'Etat et explorateurs d'Espagne ; cepen-
dant nous emploierons de notre côté toutes sortes d'instances.
(i) Le P. Antoine Marchesi, milanais, qui exerça cette charge pendant les
années 1 595-1598 et 1602, 1603.
(2) Le P. Jean de Lorini (voir ci-devant, note ( i ), p. 105).
{}) Le P. Alexandre Hume ou Humasus, né en Ecosse en 1560, appartenait
probablement à la famille des barons Hume de PoUvarth ; il entra dans la
Compagnie de Jésus en 1581. Un de ses contemporains fait de lui réloge
suivant : Il se rendit recommandable « par son humilité et par le cou-
rage qu'il témoigna en plusieurs rencontres où il s'agissait de la conquête des
âmes... C'était un saint, tenu pour tel en Chablais et partout ailleurs. » Le
P. Hume partagea avec beaucoup de zèle et de dévouement les travaux de
saint François de Sales pour la conversion des hérétiques. H mourut à Cham-
béry le 29 mars 1606.
Année 1597 305
Quanto alla parrochia per laquale desideravo di haver
dispensa , il fratello del defunto curato prétende di
esserne proviso (<=), per resignatione, da Roma ; il che se
sarà vero, non vorrei esser importune con V. S. 111""*
indarno. Aspettarô adunque di supplicarla, sin tanto che
di Roma venga la resolutione per questo praetendente.
Fra tanto mi fanno intendere che il signor Cantor délia
metropolitana di Lione(i) indrizza certi avvisi a Mon-
signor riU™" Cardinale Legato in Francia( = ) circa le cose
di Genevra ; et perché è persona degna de fede, mi è
parso di dover darne aviso a V. S. 111'"% acciô che se
per sorte la scrivesse a detto signor Legato et venisse a
proposito, lo favorischi
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
Quant à la paroisse pour laquelle je désirais avoir une dispense, le
frère du défunt prétend en être pourvu de Rome par résignation. S'il
est vrai, je ne voudrais pas importuner inutilement Votre Seigneurie;
j'attendrai donc pour vous supplier à ce sujet la décision de Rome à
l'égard du prétendant.
On m'avertit que M. le chantre de la métropole de Lyon ( i ) adresse
à M""" l'Illustrissime Cardinal Légat de France (2) certains avis tou-
chant les affaires de Genève ; comme il est un homme digne de
foi, j'ai cru devoir vous en informer, afin que si par hasard Votre
Seigneurie écrit audit Légat et qu'EUe en ait occasion, Elle daigne
le favoriser
(c) proviso — fcon derogatione...J
( I ) Louis de Sacconay, qui appartenait à une famille savoisienne, était
chanoine de la métropole de Lyon dès le 24 décembre 157». Il remplit suc-
cessivement dans ce Chapitre les charges de maître de chœur (1377), chantre
(i5|8a) et chamarier (1604); il mourut le ij juin 1613.
(2) Alexandre de Médicis ; voir ci-devant, note ( i ), p. 221.
LïtTRES 1
3o6 Lettres de saint François de Sales
XCIX
AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL V^
(minute)
Témoignages de reconnaissance.
[Juillet] 1597.
(a) Monseigneur,
Je remercie très humblement Vostre Altesse du favo-
rable jugement qu'elle fit de moy dernièrement (0, quand
la nouvelle se donna que Monseigneur le R™" Evesque
de Genève estoit en danger de mort(-). Et sachant que
cest heur de comparoistre en vostre mémoire en une si
honnorable occasion ne peut partir que de la bonté de
Vostre Altesse, qui aura peut [être] esté persuadée qu'il
y aye quelque suffisance en moy, proportionëe a ceste
sienne faveur, je rougis d'honte d'en estre tant indigne (b),
et loue Dieu néanmoins qui a donné a Vostre Altesse
ceste resolution de vouloir procurer des bons pasteurs a
vostre peuple ; car encores que je soys le plus indigne de
tous ceux qu'elle pouvoit se reduyr'en souvenance, si
(a) Monseig'', Je remercie Vostre Ser'""^ Altesse du favorable souvenir
qu'ell'eust de moy dernièrement quand ell'eut advis que Monseig"" le R""=
Evesque de Genève estoit en danger de mort; lequel, bien quil partit du
respect que V. A. porte a la vertu, du mérite delaquelle elle croyoit que je
fusse prouveu, dont je suis bien esloigné, ne peut qu'il n'anime a se rendre
vertueux tous ceux qui l'auront sceu, et ne me donne courage pour m'acquerir
la suffisance en contemplation de laquelle V. A. s'advisa Ihors de me bienfaire.
Et bien que je sois... Ell'animera néanmoins tous ceux qui le sçauront a se
Prendre capables de semblablc.J procurer une vraye capacité qui puysse
mériter un bien semblable...
(b) [Un léger trait de plume a été passé, probablement par distraction, sur
les sept mots qui précèdent.]
(i) Voir à l'Appendice la lettre du Nonce en date du i6 juin 1597.
( 2 ) Malgré le rétablissement de M'^'' de Granier, le duc de Savoie ne perdit
pas de vue le projet de lui donner le Prévôt pour successeur; le 29 aoiit de
cette même année, il signait les lettres patentes par lesquelles celui-ci était
nommé coadjuteur de l'Evèque de Genève avec future succession.
Année 1597 307
est ce que l'intention droitte de Vostre Altesse ne laisse
pas d'en estre très recommandable (<=).
J"ay escrit pieça a Vostre Altesse des nécessités du
Chablais, et i^) quoy que je ne doute point que le zèle
dont Nostre Seigneur a eschauffé son cœur ne luy en
tienne tousjours la memoyre fraiche, si ay je prié mon-
sieur le baron de Chevron de la luy repraesenter.
Je prie sa divine Majesté qu'elle (e) conserve et confère
toute bénédiction a Vostre Altesse, delaquelle je suis,
Monseigneur,
(f) Très humble et très obéissant serviteur et sujet.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
(c) très recommandahle. — rPuys, en un siècle si désespéré... infortuné. ..J
(d) et — fay prié monsieur le baron de Chivron d'en resouvenir par fois
V. A...J
(e) qu'elle — fsoit la protection de V. A...J
(f) a Vostre Altesse, — flaquelle je supplie de m'advoiierj Monseigneur,
fpour sonj
A UN GENTILHOMME DE LA COUR DU DUC DE SAVOIE
(minute inédite)
Même sujet.
"juillet] 1597.
Monsieur,
Je ne puys penser d'ou me vient la faveur [par la-
quelle] il vous pleut embrasser dernièrement l'honno-
rable souvenance que Son Altesse eut de moy sur la
nouvelle qui courut de la maladie de 31onseigneur
TEvesque de Genève, si ce n'est vostre bonté, qui vous
sollicite a bienfaire jusques aux inconneuz. Mays je sçai
bien que ceste vostre courtoisie ne se pouvoit adresser a
308 LETTRtS DE SAINT FrANÇoIS DE SaLKS
sujet qui s'en tint plus indigne et plus obligé a vou.ê
rendre humble service.
Je prie Dieu quil vous conserve longuement en prospé-
rité, et m'offre meshuy a vous pour demeurer a jamais,
3lonsieur,
Vostre très humble serviteur.
Revu sur TAutographe conservé à la Visitation d'Annecy.
CI
A MONSEIGNEUR JULES-CÉSAR RICCARDI
ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN
Assemblée faite à Annemasse pour traiter des intérêts de la religion en
Chablais. — Le P. Chérubin député auprès du duc. — Succès prodigieux
des Quarante-Heures d'Annemasse.
[Thonon,] 14 septembre 1597.
Illustrissimo et Reverendissimo Signor mio
osservandissimo,
3lentre son stato dififerendo di giorno in giorno di
scriver a V. S. IIP'* sin tanto che io potessi concorrere
col P. Cherubino per scrivergii più compitamente, sonno
occorse tante cose degne di esser scritte ch' io non so se
le potrô ben tutte ridurre nella memoria.
Essendosi ridotti in Annemasse li R"" Padri Giovanni
Saunerio, Giesuito, Spirito et Cherubino, Cappucini,
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,
Pendant que Je différais de jour en jour d'écrire à Votre Seigneurie
Illustrissime en attendant que je pusse me concerter avec le P. Chéru-
bin pour le faire plus amplement, il est arrivé tant de choses dignes
de vous être communiquées, que je ne sais si je pourrai les rappeler
toutes à mon souvenir.
Comme je vous l'écrivais dans ma dernière lettre, les RR. PP. Jean
Saunier, Jésuite, Esprit et Chérubin, Capucins, le chanoine de Sales,
Année 1597 309
insieme col signor canonico de Sales, il curato di Anne-
masse (i), tutti prœdicalori, et il Barone di Viri, consi-
gliere di Stato di Sua Altezza, per cercar li mezzi
convenevoli di ridurre alla fede li popoli che sonno
intorno a Geneva, si corne io scrissi a V. S. 111™^ per
l'ultima mia, si fece questa conclusione. Che bisognava
ad ogni modo che le cure fossero restituite dalli Cava-
glieri di San Lazare et altri ; che fosse drissato un coUegio
in Tonone de Padri Giesuiti, od al manco una residentia
ad tempus, et per ciô fare, vi foss' applicata l'intrata
di un priorato conventuale posseduto dalla communità di
esso luogho. Et acciô che gl' habitatori non ne havessero
ramarico verso detti Padri, il che impedirebbe assai il
progresse délia loro conversione , fu avisato che saria
preghata Sua Altezza di voler dar a detta communità, in
vece del priorato, un datio o taglione che si cava di detta
terra di Tonone. Questo fu il sommario délie conclusioni
fatte unanimamente da detti Padri et altri da un canto.
le curé d'Annemasse (i), tous prédicateurs, et le baron de Viry,
conseiller d'Etat de Son Altesse, se sont réunis à Annemasse afin
d'aviser aux moyens les plus convenables pour ramener à la foi les
populations des environs de Genève ; voici ce qui a été conclu. Il est
absolument nécessaire que les Chevaliers de Saint-Lazare et autres
cèdent les cures qu'ils possèdent ; qu'un collège de PP. Jésuites, ou
du moins une résidence ad tempus soit établie à Thonon. 11 faudrait
appliquer à cela le revenu d'un prieuré conventuel qui appartient à
la commune dudit lieu. Mais afin d'empêcher les habitants de conser-
ver quelque froideur à l'égard des Pères, ce qui entraverait beau-
coup le progrès de leur conversion, on proposa de prier Son Altesse
de vouloir bien, en dédommagement de ce prieuré, abandonner à la
commune l'impôt ou taille qu'elle perçoit maintenant de la ville de
Thonon. Tel est le résumé des propositions faites unanimement par
les Pères et autres qui assistaient à l'assemblée.
( I ) Balthazar Maniglier, « personnage de beaucoup d'érudition et d'une
grande piété, » lié d'amitié avec saint François de Sales depuis l'époque où
ils faisaient ensemble leurs études à Paris, avait été nommé curé d'Annemassa
le 29 octobre 1596. Honoré de la confiance de son Evéque et de celle du duc
de Savoie, il fut chargé par ce dernier de plusieurs missions importantes. Il
mourut curé de Serraval en 1636.
3IO Lettres de saint François de Sales
Si trattô poi délia conferentia, a che modo la potres-
simo inviare ; ma di questo lasciarô scriver al P. Cheru-
bino al quale sonno state fatte le risposte. In summa, li
ministri temono incredibilmente questa impresa. Et per-
ché il P. Cherubino mi ha detto che V. S. IIP* proponeva
di prieghar Sua Santità che ci facesse gratia di scriver
al signor Cardinale Legato di Francia acciô procuri ch' il
Re coramandi a' Genevrini di venir a conferentia ( ^ ), non
posso tralasciar di dire che a questo modo si farebbe
detta conferentia et più fruttuosamente et con conditioni
più avantaggiose.
Hora, di quanto fu proposto in Annemasse, si fece
un scritto et memoriale da esser appraesentato a Sua
Altezza Serenissima, et fu deputato il P. Spirito per
andar in corte a trattarne ; ma poi Monsignor Reveren-
dissimo nostro volse, et prudentissimamente, che il Padre
Cherubino facesse questo viaggio. Et insieme fu trattato
di far V oratione di Quarant' hore in detto luogho di
Annemasse, per svegliar quelli ministri di Geneva ;
On traita ensuite des moyens à prendre pour acheminer le projet
de la conférence ; mais je laisserai le P. Chérubin écrire sur ce sujet,
puisque c'est à lui que les réponses ont été données. En somme, les
ministres redoutent incroyablement cette entreprise. Le P. Chérubin
m'a dit que Votre Seigneurie Illustrissime se proposait de prier Sa
Sainteté de vouloir bien écrire à M. le Cardinal Légat de France,
afin qu'il tâche d'obtenir que le roi ordonne aux Genevois de venir à
la conférence ( i ) ; or, je ne puis omettre de vous prévenir que, de
cette manière, elle se ferait avec beaucoup plus de fruit et dans des
conditions plus avantageuses.
De tout ce qui a été proposé à Annemasse, on a dressé un écrit ou
mémoire pour être présenté à Son Altesse. Le P. Esprit avait d'abord
été désigné pour aller en cour traiter de cette affaire ; mais ensuite
Monseigneur voulut, et cela très prudemment, que le P. Chérubin
entreprît ce voyage. 11 avait été aussi question de célébrer les prières
des Quarante-Heures audit lieu d'Annemasse pour réveiller les mi-
nistres de Genève. Le Père se trouvant donc à la cour, obtint sur
( I ) Il ne fut pas donné suite à ces projets, et les ministres protestants,
après avoir fait traîner l'affaire en longueur, finirent par refuser la discussion.
Année 1597 311
onde detto Padre, essendo in corte, hebbe del tutto
piissima et gratissima risposta. Ma le cose délie cure et
del collegio furono lasciate nelle mani delli signori di
Lulino et di Giacob per avisare del modo col quale si
potessero essequire ; et adesso, per quanto mi vien detto,
si aspetta la venuta del signor cavaglier di Ruffia per
farne fine.
Oueir oratione di 40 hore si fece in Annemasse la
Domenica prima di Settembre et il giorno délia Natività
délia ^ladonna, con un frutto molto più grande di quello
che si sperava 0 ; et ha un poco del miracolo. Annemasse
è una parrochia nel contado, vicina a Geneva tre millia,
dove non ciè commodità di allogiare quattro persone,
Ivi, intorno alla chiesa che è tutta guasta da gl' hugue-
notti, si fece un tentorio capacissimo con tele, legnami,
tapisserie (sic) et altre cose simili acciô potessero li
popoli star ail" or
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d"Annecy.
chaque proposition une très pieuse et très agréable réponse. Mais les
projets relatifs aux cures et au collège ont été remis entre les mains
de MM. de Lullin et de Jacob, qui doivent aviser comment on pourrait
les mettre à exécution ; maintenant, à ce qui m'est dit, on attend
pour en finir l'arrivée de xM. le chevalier de Ruffia.
Cet exercice des Quarante-Heures se fit à Annemasse le premier
Dimanche de septembre et le jour de la Nativité de Notre-Dame, avec
un fruit beaucoup plus grand que celui que nous en espérions ( i ) ; il
tient même un peu du miracle. Annemasse est une paroisse de la cam-
pagne, à trois milles de Genève, où il n'y a pas moyen de loger quatre
personnes. Là, autour de l'église, qui a été tout endommagée par les
huguenots, on construisit avec des toiles, des boiseries, des tapisse-
ries et autres choses semblables une tente très vaste, afin que tout
le peuple pût demeurer
(i) Au sujet des Quarante-Heures, voir tome II de cette Edition, Préface
des éditeurs (F^ Partie) et Avant-Propos de l'Auteur, pp. 25, a6.
I
ANNEE 1598
Cil
A MONSIEUR CLAUDE MARIN, PROCUREUR FISCAL
EN CHABLAIS ( ' )
(inédite)
Prochain retour du P. Chérubin à Thonon. — Promesse du président Farre.
Annecy, 3 janvier 1598.
Monsieur,
L'ayse que j'attendois de vostre présence m'a fait
moins gouster celluy que j'ay accoustumé de prendre
quand je reçois de vos lettres, a la réception de vostre
dernière, laquelle néanmoins, a faute de vous, a esté la
très bien venue en une heure en laquelle j'estois en con-
versation avec le Père Chérubin, vers lequel je me suis
servi de vostre authorité pour luy persuader de retourner
bien tost par delà, ce quil fera. Monsieur le président
Favre est a Chambery, et m'asseure qu'il mettra au jour
les calomnies de ceux qui n'ont point d'autre religion
que le mensonge, et reformera les accusations de ces
si mal formés reformateurs.
( I ) Claude Marin, originaire de Bonneville, « procureur fiscal pour Son
Altesse au duché de Chablais » (lettres patentes du 9 février 1594), était
le chef de l'une des sept familles qui composaient toute la population catho-
lique de Thonon lors de l'arrivée de saint François de Sales. C'est dans sa
maison que le Saint réunit et évangélisa pour la première fois ce petit
groupe de fidèles ; c'est là qu'il eut un pied-à-terre au commencement de son
apostolat. Claude Marin, qui lui demeura toujours profondément dévoué,
devint dans la suite conseiller et administrateur de la Sainte-Maison. Il mou-
rut le 18 avril 1620.
Année 1598 313
Faites moy cest honneur de croire que la nouvelle
santé que Dieu me donne vous est toute acquise, puisque
je suis
Vostre plus humble serviteur,
Franc* De Sales,
Praevost de Genève.
Annec3% 3 janvier 1598.
A Monsieur Marin,
Procureur fiscal du Ciiablais.
Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin,
Archives de l'Etat.
cm
A MONSEIGNEUR JULES-CESAR RICCARDI
ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN
(isédite)
Le voyage du Saint à Rome retardé par une maladie grave. — Envoi de
trois lettres du duc. — Bonnes dispositions des habitants du Chablais. —
Intervention en faveur de deux religieux qui ont encouru des censures
ecclésiastiques.
Annecy, 14 janvier 1598.
<.^' Illustrissimo et Reverendissimo Signor mio
osservandissimo,
Visitato dalla bontà d'Iddio Signore nostro con una
febre continua et una ricaduta tanto véhémente che
sette giorni continui poco da me si sperava altro che la
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,
Après avoir été visité de la bonté de Dieu notre Seigneur par une
fièvre continue, j'ai fait récemment une rechute si dangereuse que
(a) [La minute et l'original de cette lettre, dont les Autographes n'ont pas
été retrouvés, sont insérés dans le P'' Procès de Canonisation. D'après une
note qui y est jointe, la seconde de ces pièces était signée de la main du
Saint; le post-scriptum non plus que la date ne figure pas dans la minute
d'où sont tirées les variantes données ci-après.]
314 Lettres de saint François de Sales
morte (0, adesso che per la medesima bontà sono conva-
lescente, mi è restata una tanta debolezza, massime di
gambe, che io non so se devo sperare di poter fare il
viaggio di Roma avanti Pasqua, quantunque desiderarei
infinitamente di ritrovarmi costî per li giorni santi, et
farô ogni sforzo di farlo.
Onde, essendo andato nell' armata nostra avanti ch' io
mi ammalassi (=), per pigliar passaporto da Sua Altezza
da un canto, et dall' altro per haver dichiaratione da lui
del suo consenso quanto alla restitutione délie cure di
Chiablais per li curati che subito fatta detta restitutione
ivi si stabiliranno, Sua Altezza, con tutta quella dimo-
stratione di pietà che si poteva sperare, commando tre
lettere : una a Sua Santità et le altre a duoi Signori
Cardinali, nelle quali ella pregha instantemente la Santa
pendant sept jours consécutifs on n'attendait guère autre que ma
mort (i). Maintenant que, par la même divine bonté, je suis en
convalescence, il m'est resté une telle faiblesse, surtout aux jambes,
que je ne sais si je pourrai faire le voyage de Rome avant Pâques,
quoique je désire infiniment de m'y trouver pour la Semaine Sainte;
aussi ferai-je tous mes efforts à cette fin.
C'est dans cette prévision que je m'étais rendu au camp avant de
tomber malade (2) : d'abord pour avoir un passeport de Son Altesse,
et ensuite pour obtenir la déclaration de son consentement à la
restitution des cures du Chablais aux curés qui s'y établiront aus-
sitôt que cette restitution sera faite. Son Altesse, avec toutes les
démonstrations de piété que l'on pouvait espérer, donna ordre d'écrire
trois lettres, l'une à Sa Sainteté et les autres à deux Cardinaux, afin
de prier instamment le Saint-Siège de révoquer l'union de ces béné-
fices avec ceux des Chevaliers. Or, parce que dans ces lettres je suis
( I ) Saint François de Sales avait été atteint de cette fièvre continue qui mit
ses jours en péril, à la fin d'octobre 1597, ainsi que le prouvent deux pièces
signées, l'une par les chanoines Déage et Grandis, en date du 9 novembre,
et l'autre par Mf*"" de Granier, le 20 du même mois. C'est donc à tort, comme
nous l'avons dit ailleurs (Préface de notre tome II, note ( 3 ), p. x), que Charles-
Auguste de Sales et les historiens qui l'ont suivi placent cette maladie une
année plus tard.
(a) Le duc se trouvait alors à Barraux.^sur les frontières du Dauphiné et
de la Savoie, pour surveiller la construction du fort qu'il y faisait élever, et
qui fut pris par Lesdiguières l'année suivante.
Année 1598 315
Sede di rivocare la unione fatta alli Cavaglieri. Hora,
perché dette lettere fanno mentione di me corne latore
et instruttore délia nécessita délia desiderata revoca-
tione, ho dififerito sin adesso d'inviarle, sperando di
poter portarle fra poco. Ma già ch' io vedo le dette lettere
invecchiarsi et dubito che vi sia pericolo nella retarda-
tione, mi è parso bene di mandarle a V. S. 111"^ et R""",
protettrice amorevolissima di tutto questo negotio, acciô
che overo le trattenga se cosî glie parera, overo le mandi
per accelerare il negotio, il quale non si terminarà gia-
mai cosî presto quanto si ha da desiderare.
Spero che Sua Santità non haverà in questo difficoltà ;
ma Sua Altezza in particolare mi disse che questa opéra
haveva da farsi senza communicarne una sola parola
col signore Arconato (O, suo Imbasciatore appresso Sua
Santità, perché egli Timpedirebbe per il proprio inte-
resse. È vero che la nécessita é grande ; et si conosce
da questo, che queste feste di Natale havendo Sua Altezza
mentionné comme devant en être le porteur, avec charge d'expliquer
la nécessité de la révocation désirée, j'ai différé jusqu'à présent de les
expédier, espérant pouvoir les remettre moi-même sous peu. Mais
voyant que lesdites lettres vieillissent, je crains qu'il y ait quelque
danger en ce retard, et il me semble devoir les envoyer à Votre Sei-
gneurie Illustrissime et Révérendissime, protectrice très dévouée de
toute cette affaire, afin qu'Elle les retienne si Elle le juge bon, ou
qu'EUe les expédie pour hâter cette œuvre, laquelle ne se terminera
jamais aussi promptement qu'on peut le désirer.
J'espère que Sa Sainteté ne verra pas de difficulté en cela ; mais
Son Altesse m'a dit en particulier que cette affaire doit être traitée
sans en souffler mot à M. Arconato ( 0, son ambassadeur auprès de
Sa Sainteté, parce qu'il s'y opposerait en vue de son intérêt person-
nel. Il y a vraiment urgence : ce qui le prouve, c'est que pendant
(i) François Arconato, d'origine milanaise, comte de Tronzano, en Piémont,
s'était fait connaître dans les armées du duc de Savoie pendant les guerres de
1589; mais il servit encore plus utilement ce prince dans la carrière diplo-
matique. D'abord ambassadeur à Rome (1593-1599), puis en Espagne, il fut
l'un des plénipotentiaires qui négocièrent le traité de Lyon. Charles-Emma-
nuel P"" le nomma conseiller d'Etat, chevalier des Saints Maurice et Lazare,
puis de l'Annonciade en 1608.
I
3i6 Lettres de saint François de Sales
mandato il signor Présidente Fabro , persona di sin-
golarissima pietà et sufficentia, in Tonone per conoscer
l'animo delli habitatori di Chiablais circa l'essercitio
catholico, quasi tutti mostrorno di desiderarlo, et aspet-
tano di hora in hora che si restituisca.
Il Padre Cherubino ha predicato l' Advento in Tonone
et deve giungere qua domani, dal quale V. S. Ill""*
haverà più particolar avviso. ^li è stato detto che Sua
Altezza ha tolto l'intrata de" Cavaglieri per servitio suo,
et r ho fatta preghare che facesse dar la provisione
necessaria per li ecclesiastici che sono nelle tre cure già
stabilité.
(*')Ma non posso finirla senza domandare a V. S. 111'"*
qualche gratia seconde il solito. Sono duoi poveri reli-
giosi, ma da bene, délia badia délia Madonna di Six(0,
les fêtes de Noël, Son Altesse ayant envoyé à Thonon M. le président
Favre, homme d'une piété singulière et d'un grand mérite, pour
connaître le sentiment des habitants du Chablais sur l'exercice du
culte catholique, presque tous ont témoigné le désirer et ils attendent
d'heure en heure qu'il soit rétabli.
Le P. Chérubin a prêché l'Avent à Thonon, et il doit arriver ici
demain ; il renseignera plus particulièrement Votre Seigneurie Illus-
trissime. On m'a dit que Son Altesse a saisi à son profit le revenu
des Chevaliers, et je l'ai fait prier de donner la provision nécessaire
aux ecclésiastiques qui sont dans les trois cures déjà établies.
Mais je ne puis finir sans demander, selon mon habitude, quel-
que faveur à Votre Seigneurie. Deux pauvres et vertueux reli-
gieux de l'abbaye de Notre-Dame de Sixt ( i ) ont célébré avant le
(b) Ma io non posso finirla senza diiuandar qualche gratia a V. S. 111'"".
Cié un monasterio di Canoaici regolari, sottoposto ail' abadia d'Âbondanza,
( I ) Ce monastère, fondé dans une pittoresque vallée du Faucigay par des
Chanoines réguliers venus d'Abondance, fut, en 1144, élevé au rang d'abbaye.
Sous la conduite du bienheureux Ponce de Faucigny, son premier Abbé, il
atteignit un haut degré de prospérité et de ferveur ; mais après plusieurs
siècles la régularité s'altéra dans cette Communauté que saint François de
Sales eut la gloire de réformer. Ce sont précisément les deux religieux dont
il est ici question qui furent députés auprès de lui pour solliciter cette réforme.
Ils survécurent tous deux à notre Saint, et déposèrent sur ses vertus lors des
informations pour sa Béatification (1632).
Année 1598 317
(^ualî hanno celebrato avanti il tempo : cioè uno, chia-
mato Francesco Biord, quale celebrô nelT anno 19";
Taltro, Nicolô Desfaiet, che celebrô nel 23% et questo
dopo la Bulla di Sisto V (i), senza tuttavia haver notitia
di detta Bulla ; délia quale, subito che sonno stati avvi-
sati, mossi di grandissima penitenza, colle lag'rime nei
occhi, sonno ricorsi da me per haver consolatione. Et io
in questo non posso altro se non ricorrere alla bontà di
V, S. 111™^, acciô possino impetrare la consolatione
deir assolutione. Quel monasterio è di Canonici regolari,
sottoposto all'Abondantia ; ma tiene de' monachi quali
sono dabbene et timorati, si come mi ha riferito il signor
canonico de Sales, quale ivi ha predicato queste feste.
temps : l'un, appelé François Biord, dans sa dix-neuvième année;
l'autre, Nicolas Desfayet, dans sa vingt-troisième ; et cela après la
Bulle de Sixte V d), dont ils n'avaient toutefois aucune connaissance.
Aussitôt qu'ils ont connu l'existence de cette Bulle, touchés d'un
grand sentiment de pénitence, les larmes aux yeux, ils ont eu recours
à moi pour recevoir quelque consolation. Et moi je ne puis faire autre
chose que de recourir à la bonté de Votre Seigneurie afin de leur
obtenir l'absolution. Sixt est un monastère de Chanoines réguliers,
sous la juridiction de l'abbaye d'Abondance ; mais les moines qui
l'habitent sont des hommes de bien, vivant en la crainte de Dieu,
ainsi que me l'a rapporté M. le chanoine de Sales qui a prêché là
ces fêtes passées.
nel quale sonno undici religiosi, quali tutti hanno celebrato avanti il tempo,
et alcuni dopo la Bulla délia S"'' di Sisto V, senza tuttavia haver notitia di
detta Bulla. Hora, sapendo la irregolarita che corre, desiderano d' havere
assolutione, ma non sanno che strada pigliare. Onde supplico V. S. 111"'=' di
consolarli in questo, avisandome del modo che si ha da tenere, poichè, per
miracolo, questo solo monasterio, fra altri, desidera unanimaraente la sua refor-
matione. Se non vivono da frati, per non haver chi li conduca et animaestri,
vivono al meno da buoni sacerdoti, come testifica il Sig'' canonico de Sales, quale
vi é stato [a] predicare queste feste passate, et ne ritornô raolto edificato délia
loro conversatione, in comparatione degl' altri religiosi savoyani. Il monaste-
rio si chiama Nostra Dama di Six. — (Mais je ne puis finir sans demander quel-
que faveur à Votre Seigneurie Illustrissime. Il y a un monastère de Chanoines
réguliers, sous la juridiction de l'abbaye d'Abondance, où se trouvent onze
religieux, qui tous ont célébré avant le temps, et quelques-uns après la Bulle
( I ) La Bulle Sanctiim et salut are, donnée le 5 janvier 15S
3i8 Lettres de saint François de Sales
Et per fine, Iddio havendome dato questo pezzo di vita
che mi resta, io ricognosco di tenerla per servitio di Sua
divina Maestà, délia santa Chiesa et in particolare per
essere,
Di V. S. Iir^ et R'"% (c)
Humilissimo ('!) et devotissimo servitore,
Franc° De Sales,
Prsevosto di Geneva.
Di Annessy, alli 14 Genaro 1598.
Li medici, quali non hanno per bene che io scriva,
m'hanno fatta usare la man d'altri, il che V. S. Iir*
me perdoni.
Revu sur les deux textes insérés dans le P"" Procès de Canonisation.
Et finalement, Dieu m'ayant donné ce peu de vie qui me reste,
je reconnais devoir l'employer au service de sa divine Majesté, de la
sainte Eglise et tout particulièrement à me témoigner.
De Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime,
Le très humble et très dévoué serviteur,
François de Sales^
Prévôt de Genève.
Annecy, le 14 janvier 1598.
Les médecins, qui ne trouvent pas bon que j'écrive, m'ont obligé
à me servir de la main d'autrui. Que Votre Seigneurie Illustrissime
me le pardonne.
de Sa Sainteté Sixte V, dont ils n'avaient aucune connaissance. Or, ayant été
avertis de l'irrégularité qu'ils ont encourue, ils désirent en être absous, mais ne
savent quel chemin prendre. C'est pourquoi je supplie Votre Seigneurie de les
consoler sur ce point, en m'indiquant à quels moyens il faut recourir; car,
par miracle, ce monastère, seul parmi les autres, désire unanimement la
réforme. S'ils ne vivent pas en religieux parce qu'ils n'ont personne qui les
conduise et les instruise, ils vivent du moins en bons prêtres, comme l'atteste
M. le chanoine de Sales qui a prêché là ces fêtes passées, et qui s'en est
retourné très édifié de leur conduite, si on la compare à celle des autres reli-
gieux savoisiens. Le monastère est appelé Notre-Dame de Sixt.)
[Reprendre au texte, lig. i.]
(c) et R'»"— Paternita
(d) affettionatissimo
Année 1598 319
CIV
AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL l"
Instantes prières pour que les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare soient
contraints à payer les pensions dues aux curés du Chablais. — Députation
des villageois de cette province pour obtenir du duc la restauration de leurs
églises. — Maladie du Saint.
Annecy, janvier 1598.
(a) Je crois que Vostre Altesse se resouviendra que
l'année passée, appres plusieurs déclarations de la bonne
intention qu'elle avoit de prouvoir a l'entretenement des
gens d'Eglise qui seroient emploies pour le service de
Dieu au duché de Chablais, messieurs les Chevaliers de
Saint Lazare promirent en fin finale a Monseigneur le
Nonce de donner chasque année six pensions pour autant
de gens d'Eglise ; mais pour ne se forcer pas de premier
coup, ilz ne firent ceste première année la que la moytié
de ce quilz avoient promis, qui fut cause de réduire les
six a troys. Or pensois je que ceste année ilz envoie-
roient les commandementz nécessaires a leurs fermiers
pour faire délivrer tout entièrement les six pensions
(a) [Ce qui suit est écrit par saint François de Sales, d'une main ferme et
appliquée, sur un feuillet dont la moitié est restée en blanc. Empêché peut-être
par la rechute dont il parle ci-dessus de terminer cette lettre, il dicta à
Georges Rolland, son valet de chambre, lequel écrivit au verso du même
feuillet la minute qui constitue notre Pièce CIV.]
Monseigneur,
Il a pieu a Nostre Seigneur de retarder par une longue et grosse maladie
le voyage de Rome, pour lequel j'avois receu les commandemens de Vostre
Altesse Ihors qu'ell'estoit a Barraux, et par lequel j'esperois d'obtenir pleyne
provision pour les gens d'Eglise qui se fussent employés a l'instruction du
peuple de Chablaix qui auroit affection de se réduire a la sainte foy, selon le
saint zèle avec lequel V. A. avoit fait une très ample déclaration a Sa Sainteté
qu'elle consentoit que toutes les cures fussent employées a cest effect.
Ce pendant, le tems qui va fuyant nous a portés en une nouvell'annee; et..»
330 Lettres de saint François de Sales
promises , affin non seulement de conserver Texercice
commencé en trois lieux par les trois ecclésiastiques
dejaz establys
Mais voiant quilz n'en tiennent aucun conte, je suis
contraint de recourir a la bonté de Vostre Altesse pour la
supplier très humblement que, comme par son authorité
et zèle elle tira la promesse desditz seigneurs Chevaliers,
il luy plaise aussy d'en faire sortir l'efFait, commandant
a ses officiers et ministres de Chablais de faire saisir
sur le revenu des cures ces six pensions, au prouffit
des trois curés dejaz constitués et de trois autres qu'on
y establira tout aussi tost que l'on aura le moien de les
entretenir. Autrement, Monseigneur, le service cessera
tout a coup la ou il est commencé, qui sera un grand
scandale et perte d'ames, et ne se trouvera personne qui
veuUie plus y aller pour 5^ estre a la mercy de la pro-
vision de messieurs les Chevaliers.
Ce pendant, voicy une preuve certaine de la nécessité
que l'on a en ce pais la de beaucoup d'ouvriers spirituelz.
Ces bons paisans, députés de plusieurs parroisses, vont
supplier Vostre Altesse de leur doner moyen de refaire
leurs églises et d'avoir des pasteurs catholiques. Je puis
dire avec vérité que la pluspart des vilages du balliage
de Thonon sont de mesme vollonté ; pour tous lesquelz
je prie Dieu de tout mon cœur quil les fasse jouir des
désirs quil a mis en eux, et supplie Vostre Altesse en
toutte humilité qu'elle leur fasse voir la grandeur de
l'affection qu'ell'a a l'honneur de Dieu, puisque l'acueil
et faveur que leur simplicité recepvra de Vostre Altesse
servira de mesure et de reigle a tout le reste de Chablais,
et en fin mesme a ceux de la ville de Thonon, quoy quilz
semblent maintenant revesches et rebelles a la lumière.
Aussi est ce l'ordinaire que les pauvres et simples em-
brassent plus vollontiers le Crucifix que les riches et
I Cor., I, 23, 26. sages mondains *. Ce furent des bergers qui les premiers
adorèrent Nostre Seigneur né.
Je pensois bien obtenir de vSa Sainteté la restitution
universelle des cures des balliages, suivant l'exprès con-
sentement que Vostre Altesse en avoit donné par escrit,
Année 1598 321
si Dieu n'eust retardé par une longue maladie le voiage
de Rome pour lequel j'avois prins a Barraux les comman-
dementz et le congé de Vostre Altesse. Ce sera incon-
tinant que je me verray asses fort pour l'entreprendre.
Je prie très instamment Nostre Seigneur quil vous
doint
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
cv
A MONSIEUR LOUIS DE PINGON, BARON DE CUSY ( i )
Requête présentée au duc de Savoie pour obtenir que l'usage de la cloche
de l'église Saint-Hippolyte soit interdit aux hérétiques.
Annecy, 12 février 1598.
Monsieur,
On avoit défendu aux huguenotz de Thonon de sonner
la cloche qui est en Teglise des Catholiques. Hz sont
sur le point de demander a Son Altesse qu'il leur soit
permis de s'en servir autant qu'a nous, et sont si outre-
cuydés qu'ilz pensent de l'obtenir. Certes, ilz ont gasté
desja une autre plus grosse cloche, en haine de nous
autres Catholiques qui la sonnions. Leur presche ne se
fait pas en ceste église la ni en la ville, car il leur est
défendu ; pourquoy leur permettra on de le sonner la
ou ilz ne le disent ni peuvent dire ? Une cloche ne peut
servir a Dieu et a Belial *. C'est ce que j'escris a Son *Cf. iiCor.,vi, 15.
Altesse, et la supplie que si ceux de Thonon s'addres-
sent a elle pour luy présenter requeste de ceste affaire,
elle les renvoyé sans décret ou avec nouvelle défense de
(i) Probablement Louis de Pingon, baron de Cusy, gentilhomme de la
duchesse de Savoie, capitaine des ordonnances d'infanterie, seigneur de Pran-
gin par son mariage avec Melchionne, fille unique de Pierre de Luyrieux,
possesseur de cette seigneurie (1363). Il avait un fils et un neveu nommés l'un
Louis-Antoine et l'autre Louis-Ange de Pingon, mais tous deux trop jeunes
pour que le Saint prît à leur endroit la qualité de neveu, et par conséquent
pour que l'un d'eux put être destinataire de cette lettre.
Lettres I ai
322 Lettres de saint François de Sales
sonner. La cloche n'est pas si légère qu'elle semble ; car
ilz sçavent faire valoir la moindre chose qu'on leur ac-
corde pour contrister les bons Catholiques.
Désirant donq infiniment, pour l'honneur de Dieu, que
Son Altesse daigne lire ou faire lire promptement ma
lettre affin que je ne sois prévenu par les requestes de
ces huguenotz, je n'ay sceu a qui mieux m'addresser qu'a
vous, pour vous supplier très humblement de bailler ma
lettre et prier Son Altesse la voir, et, s'il ne la veut voir,
luy discourir du sujet. La grande confiance que j'ay en
vostre bonté me fait ainsy vous importuner, ayant mesme
ce bien et honneur d'estre et devoir estre a jamais.
Monsieur,
Vostre très humble neveu et serviteur,
Franc^ De Sales,
Indigne Prsevost de Saint Pierre de Genève.
A Necy, le 12 février 98.
CVI
A MONSEIGNEUR JULES-CESAR RICCARDI
ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN
(minute)
Projet de célébrer les Quarante-Heures à Thonon, et de les faire suivre de
disputes publiques sur les matières controversées. — Une conférence de ce
genre vient d'avoir lieu entre le P. Chérubin et le professeur Lignarius.
[Sales,] 17 mars 1598.
Illustrissime et Reverendissimo Signor mio
osservandissimo.
Ho ricevuto lettere dal P. Cherubino et di monsieur
di Avulli sopra un concetto che han fatto insieme di far
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,
J'ai reçu des lettres du P. Chérubin et de M. d'Avully touchant
le dessein qu'ils ont conçu ensemble de célébrer les prières des
Année 1598 323
le 40 hore di oratione in Tonone, con la maggior decentia
che far si possa ; et passate le 40 hore, di proporre délie
dispute theologique (sic) authenticamente, et invitarvi
gl'hseretici d' ogni intorno, acciô che non si lascii cosa
veruna da tentar per scuotere quest' anime apestate
dair heresia.
Mando adunque queste lettere loro a V. S. 111""' ; et
insieme, per dire quanto me ne pare, priegho V. S. Ill""'
di credere che quanto aile Quarant' hore egli non puô
esser senon cosa fruttuosissima. Il che già per isperienza
habbiam veduto nelle 40 [ore] fatte V anno passato in
Annemasse, dove si fece un gran movimento nelle con-
scientie de gli haeretici che le viddero, dei quali se ne
ridussero alquanti, et fu una grande consolatione alli
Catholici ; et spero che in Tonone la cosa sarà molto
più a proposito et utile.
Quanto poi aile dispute, spero certo che saranno di
grandissima œdificatione, non ostante tutte le ragioni
quali puotrebbono parer in contrario : perché o no ver-
ranno, et la vittoria ci resta; o vero verranno, et in questo
Quarante-Heures à Thonon le plus dignement possible; puis, après
les Q.uarante-Heures, de proposer officiellement des disputes théolo-
giques. Tous les hérétiques des environs seraient invités à y assister,
afin de ne négliger aucune tentative pour ébranler ces âmes infectées
d'hérésie.
J'envoie donc leurs lettres à Votre Seigneurie Illustrissime ; et,
pour dire en même temps ce qu'il m'en semble, je vous prie de croire
que, quant à l'exercice des Qiiarante-Heures, il ne peut être que très
fructueux. Nous en avons déjà fait l'expérience l'année dernière à
celles d'Annemasse. Un grand mouvement se produisit alors dans les
consciences des hérétiques qui en furent témoins ; un certain nombre
d'entre eux se convertirent, et les Catholiques en reçurent une grande
consolation. J'espère qu'à Thonon, cette dévotion sera encore plus
opportune et plus utile.
Q.uant aux disputes, j'ai la ferme confiance qu'elles apporteront
une très grande édification, malgré toutes les raisons qui semble-
raient contraires ; car, ou les liérétiques ne viendront pas, et alors la
victoire nous demeurera, ou bien ils viendront, et dans ce cas, nous
^24 Lettres de saint François de Sales
caso, oltra la ragione et verità, haveremo queste grandi
prorogative, che staremo sopra la defensiva et si potranno
fare, nelle risposte, délie piccole essortationi. Ne la cosa
è nuova di invitare grheretici aile dispute, poichè dal
coUegio di Turnone(0 spessissime volte sonno stati in-
vitati li ministri di Vivares et Linguadocha ; et per haver
trattato in particolar col Beza, Faïa (2), Perrotto (3),
Belcastello (4) et altri principalissimi ministri, non vedo
prouverons que la raison et la vérité sont de notre côté ; nous aurons
de plus le grand avantage de nous tenir sur la défensive et de pou-
voir, en répondant, faire de petites exhortations. Du reste, ce n'est
pas chose nouvelle d'inviter les hérétiques à des disputes, puisque
les ministres du Vivarais et du Languedoc y ont été invités fort sou-
vent par le collège de Tournon (0. Ayant traité en particulier avec
Bèze, La Paye (2), Perrot(3), Beauchâteau ( 4 ) et autres principaux
ministres, je ne vois pas qu'il y ait grand péril. Or, si Votre Seigneurie
(i) Le fameux collège de Tournon avait été fondé et confié aux Jésuites
(1560-1561) par le Cardinal du même nom, qui désirait l'opposer comme un
boulevard aux envahissements du protestantisme dans la contrée. Vingt ans
plus tard cet établissement atteignait l'apogée de sa gloire. Une foule consi-
dérable d'étudiants, parmi lesquels beaucoup de calvinistes, y recevaient
les leçons de maîtres distingués, dont le nombre s'éleva parfois jusqu'à
quarante-cinq. Ces religieux se délassaient des fatigues de l'enseignement en
évangélisant les hérétiques, et en provoquant les ministres à des conférences
publiques dont plusieurs eurent un grand retentissement.
(2) Antoine de La Paye (1540-1613), natif de Châteaudun en Berry, après
avoir fait ses études à l'Université de Padoue, vint se fixer à Genève, où il
obtint une place de régent (1561). Il fut ensuite pasteur, professeur de philo-
sophie et de théologie, puis recteur de l'Académie, et acquit une si grande
influence qu'après la mort de Théodore de Bèze il dirigea le mouvement
religieux. C'est pour réfuter un pamphlet publié par ce ministre sous le voile
de l'anonyme que saint François de Sales écrivit la Défense de PEstendart de
la. sainte Croix (tome II de cette Edition).
(3) Charles Perrot (i 341-1608), fils d'un conseiller au Parlement de Paris,
était le quatrième de la compagnie des pasteurs de Genève, et fut deux fois
recteur de l'Académie de cette ville. C'était un homme « courtois, doux et
patient, et qui se » plaisait « à la lecture des Pères. » (Lettre d'un gentil-homme
Savoysien, etc., 1598.) Il se fit parmi ses corréligionnaires l'apôtre de la tolé-
rance, qu'il représentait comme étant « une branche nécessaire de la charité. »
On lui doit l'abolition du serment de fidélité au calvinisme que l'on avait
coutume d'exiger des étudiants.
(4) Probablement Etienne Beauchâteau, qui fut ministre à Lutry dans le
pays de Vaud. Il eut plusieurs fois occasion de conférer avec l'Apôtre du
Chablais et se sentit tellement ébranlé dans ses croyances protestantes que, de
Année 1598 325
che vi sia gran pericolo. Perô, se cosî parera a V. S. lU'"",
saria molto a proposito ch'il R. P. Giovanni Laurinio,
quale intendo esser adesso in Milano, si ritruovasse in
questo concerto. Hora commandi V. S. 111""' quel tanto
che glie parera.
Mentre scrivevo, ecco che è giunto qui il signor Pro-
curator fiscale di Chiablais, persona catholicissima (0, il
quale mi dà nuova che Sabbato, 14 del présente, vennero
quattro persone di Geneva in Tonone, fra i quali era un
certo Hermannus Lignarius, tedescho, celeberrimo pro-
fessore di theologia in Geneva, il quale et Sabbato et
Domenica , in praesentia di moltissime persone, venne
argumentare et disputare col P. Cherubino, et si scrisse
di banda et d'altra le risposte et argumenti (2) ; et mi ha
est de cet avis, il serait très à propos que le R. P.Jean de Lorini, qu'on
dit être actuellement à Milan, se trouvât à cette assemblée. Veuillez
maintenant en ordonner comme bon vous semblera.
Pendant que j'écrivais, M. le procureur fiscal du Chablais, homme
très catholique (0, est arrivé ici. 11 m'apprend que samedi, 14 courant,
quatre personnes vinrent de Genève à Thonon, parmi lesquelles se
trouvait un certain Herman Lignarius, allemand, très célèbre pro-
fesseur de théologie à Genève. Samedi et Dimanche il se prit à argu-
menter et disputer avec le P. Chérubin en présence d'un grand
nombre d'assistants ; l'on écrivit de part et d'autre les réponses
et les arguments (2). M. le procureur fiscal m'a communiqué le
son propre aveu, il se serait converti, si des vues d'intérêt ne l'eussent retenu
dans l'hérésie. (Process. remiss. Gebenn. (I), déposition de Jean-Gaspard de
Prez, ad art. 24.)
(i) Claude Marin; voir ci-devant, note ( i ), p. 31Î.
(2) Herman Lignarius, ou Lignaridus, dont le vrai nom est Diirrholz, était
originaire de Westphalie. Après avoir été précepteur des fils de l'électeur
palatin, il fut appelé à Genève en 159'î, et nommé professeur de théologie au
commencement de l'année suivante; mais ayant eu des démêlés avec La Faye
et d'autres ministres, il se retira à Berne (1598). Lignarius mourut en 1628.
(Voir Histoire de l'Université de Genève, par Ch. Bourgeaud.)
Quant à la dispute publique qui eut lieu à Thonon entre le P. Chérubin et
le professeur calviniste, elle ne se termina pas à l'avantage de ce dernier.
Poussé à bout par son antagoniste, il feignit de vouloir remettre la discussion
à plus tard, et, par acte signé devant notaire, il s'engagea à venir la reprendre
après Pâques. Mais, malgré toutes les sommations du P. Chérubin qui l'atten-
dait de pied ferme, Lignarius ne reparut plus.
326 Lettres de saint François de Sales
communicato detto signor Procuratore fiscale il princi-
pio di detta disputa, nella quale il P. Cherubino ha fatto
valentissimamente et con grande desterità. Havendo,
corne spero, ben presto rilatione et scritto più particolare
di quanto si è fatto, ne darô subito raguaglio a V. S. 111"*.
Detto Hermanno è in grandissimo concetto appresso
grhaeretici, et è stato chiamato di Allemagna per esser
stimato sottilissimo ; et tuttavia è stato impeditissimo
col P. Cherubino, comme dice detto Procurator fiscale.
Vado pian piano disponendomi al viaggio con gran
desiderio di basciarli le sacre mani
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Turin.
commencement de cette dispute dans laquelle le P. Chérubin a fait
preuve d'une science et d'une dextérité très grandes. J'aurai bientôt,
je l'espère, une relation et un mémoire plus détaillés de tout ce qui
s'est passé, et j'en donnerai de suite connaissance à Votre Seigneurie.
Cet Herman, qui jouit d'une très grande réputation auprès des héréti-
ques, a été appelé d'Allemagne parce qu'on le tient pour très subtil ;
toutefois, au témoignage dudit procureur fiscal, il s'est trouvé fort
embarrassé avec le P. Chérubin.
Je me dispose tout doucement au voyage, avec un grand désir de
baiser vos mains sacrées
CVII
AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL I^"
(minute inédite)
Rumeurs inquiétantes qui circulent en Chablais ; alarmes des Catholiques.
[Sales,] fin mars 1398.
Monseigneur,
(3) Ce pendant que je ne puis aller en Chablais, les
bons Catholiques qui y sont me font part a toutes heures
(a) Il semble a ces bons Catholiques de Chablais qu'ilz sont a moitié allégés
de leurs ennuis quand ilz les m'ont fait entendre. Hz m'escrivent de plusieurs
Année 1598 3^7
de leurs nouvelles, et sur tout de leurs ennuis, leur
semblant bien qu'ilz en sont a moitié allégés quand ilz
les ont declairés. 3Laintenant ilz m'escrivent de trois ou
quattre endroitz que le bruit y est bien gros qu'a la
sollicitation des Bernois, on 3' redoublera le nombre des
ministres pour y accroistre l'exercice de la nouvelle reli-
gion. Je les ay asseurés que Vostre Altesse a trop de
fermeté et reconnoist trop bien les obligations qu'elle a
a la faveur que Dieu luy a fait en ces dernières vic-
toires (0, pour vouloir accorder aux Bernois chose qui
apportast aucune incommodité au service de sa divine
Majesté, et que je ne croyois pas qu'il y eust personne
auprès de Vostre Altesse, si mal appris de son zèle et sa
pieté, qui osast entreprendre d'en faire la proposition.
Je supplie très humblement Vostre Altesse d'avoir
aggreable ceste mienne responce, et ladvoùer pour la
consolation de ces pauvres gens, lesquelz ne se laissent
aller a ces craintes que par une grande jalousie qu'ilz
ont de l'honneur de Dieu. Ainsy prie je Dieu tout puis-
sant qu'il la conserve très longuement et luy face voir
tous ses Estatz entièrement affermis et dédiés a son
obéissance!^'
Revu sur le texte inséré dans le I" Procès de Canonisation.
endroitz que les huguenotz se promettent qu'a la sollicitation des Bernois on
leur redoublera le nombre de leurs ministres et l'exercice de leur religion.
T'ay respondu que V. A. fait trop de profession de reconnoistre la bonté de
Dieu et tenir de Dieu ces dernières victoires pour ne s'en promettre pas
d'autres, plustost que d'accorder a qui que ce soit chose qui avançast tant soit
peu l'impiété, et que je ne sçavois personne si mal apprise du zèle et dévotion
de V A , qui osast luy en faire la proposition. [Reprendre au texte, lig. 15.]
(h) de Dieu - Je supplie sa divine Bonté qu'il luy plaise estendre les
victoires de V. A. sur tous ses ennemis, et luy faire voir tous ses Estatz establis
en l'obéissance qu'ilz doivent a leur Dieu et a leur Prince.
( I ) En dix jours seulement le duc de Savoie avait repris le fort de Char-
bonnières (7 mars), remporté une brillante victoire sur Créqui à Epierre,
et reconquis toute la Maurienne (17 mars).
528 Lettres de saint François de Sales
CVIII
A MONSEIGNEUR JULES-CÉSAR RICCARDI
ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN
Affaire de la cure du Petit-Bornand. — Peste à Annecy. — Mauvais vouloir
des Chevaliers. — Ebranlement produit par l'annonce des Quarante-Heures
à Thonon. — Faveurs spirituelles qui sont à désirer pour cette occasion. —
Zèle du duc de Savoie mal secondé par ses officiers.
Sales, 10 avril 1598.
Illustrissime et Reverendissimo Signor mio
osservandissimo,
Essendo avisato da Roma che le speditioni délia cura
di Bornando in favor mio sonno nelle mani del Favretto
ciè già un gran pezzo, et havendo mandato li dinari
necessarii per due vie senza che per questo sin adesso
habbia potuto ricuperare le dette speditioni, ne un solo
avviso di detto Favretto, et che fra tanto il fratello del
defunto curato sta nel beneficio, litigando per non lasciar-
lo sin tanto che vengano dette speditioni (O, etiamdio
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,
Ayant été averti de Rome que les expéditions de la cure du Petit-
Bornand en ma faveur sont déjà depuis longtemps entre les mains
de M. Favret, j'ai envoyé l'argent nécessaire par deux voies, sans
que malgré cela j'aie pu jusqu'ici recevoir ces expéditions, ni un seul
mot dudit Favret. En attendant, le frère du curé défunt jouit du
bénéfice, plaidant pour ne pas l'abandonner jusqu'à ce que les expé-
ditions soient arrivées (i). 11 administre même les Sacrements,
(i) Jacques Bally, curé du Petit-Bornand, était décédé le 26 mai 1597,
après avoir, disait-on, résigné ce bénéfice à son frère, Nicolas Bally, qui
desservait la paroisse en qualité de vicaire ; mais toutes les conditions exigées
par le droit canon n'ayant pas été remplies, cette résignation était nulle, et
la cure devait se donner au concours, selon les prescriptions du Concile de
Trente. Ce concours eut lieu le 30 juin : en voyant paraitre le Prévôt tous ses
compétiteurs s'éclipsèrent, et il fut nommé par l'Evêque curé du Petit-Bornand,
moyennant l'assentiment du Pape. Nicolas Bally, faisant valoir la résignation
de son frère, s'était pourvu en Cour de Rome, et avait obtenu (4 juillet 1597)
Année 1598 329
administra n do li Sacramenti contra l'espressissima prohi-
bitione del R'"" Ordinario, il che non si fa senza scandalo ;
dubitando che detto Favretto trattenga dette provisioni
per qualche summa dovutagli dal suo commettente o
rispondente di qua, son costretto di ricorrere alla sua
amorevolissima bontà, acciochè io non tenga detto bene-
ficio ne in parte, ne in tutto senon dal suo favore ; prie-
gando humilissimamente Sua Signoria lU'"^ et R""^ di
commandar in Roma al suo agente che glie mandi dette
speditioni, pigliandole dal Favretto. Et se bisognaranno
dinari, saranno subito sborsati in Turino dal signor Lu-
ciano Gilli (O dove piacerà a Sua Signoria lU""* et R""^ di
commandare. No vorrei dar queste importunità a V. wS.
111""*, ma et la sua bontà et la nécessita me ne dà animo.
Speravo di inviarmi ben presto costi et fare queste
cose ; ma la peste travenuta in Annessi doppo mia
partenza, poichè Monsignor Reverendissimo nostro non
nonobstant la défense très expresse du Révérendissime Ordinaire, ce
qui ne se fait pas sans scandale. Craignant que M. Favret ne retienne
ces provisions pour quelque somme que lui doit son commettant ou
correspondant d'ici, je suis contraint de recourir à votre très bien-
veillante bonté, afin que, soit en partie, soit en entier, je ne tienne
ce bénéfice que de la faveur de Votre Seigneurie Illustrissime et Révé-
rendissime. Je vous prie très humblement de commander à votre
agent à Rome, de retirer lesdites expéditions des mains de Favret et
de vous les envoyer. Et s'il faut de l'argent, il sera aussitôt délivré à
Turin par M. Lucien Gilli (0 là où il plaira à Votre Seigneurie l'or-
donner. Je ne voudrais pas vous occasionner cet embarras, mais
votre bonté et la nécessité m'en donnent le courage.
J'espérais pouvoir aller bientôt moi-même traiter ces affaires sur
les lieux ; mais la peste ayant éclaté à Annecy après mon départ,
une Bulle qui lui attribuait le même bénéfice. Le 13 septembre suivant, le
Saint obtint à son tour des Bulles d'institution, que Bally traita de subrep-
tices. Néanmoins, le 2 juillet 1598 M. de Chissé, vicaire général, alla au nom
du Prévôt prendre possession de la cure; mais les portes de l'église lui furent
fermées et il dut se retirer. Nous verrons plus loin la suite de ce débat.
( I ) Lucien Gilli ou Gilio, marchand de soieries, était l'un des fournisseurs
de la cour de Turin. (Archives de la Chambre des Comptes du Piémont, Contro-
rolo générale délie Finance di Piemonte, vol. xi,)
330 Lettres de saint François de Sales
ha voluto uscirne (0, mi fa gran dubio che non potremo
partire cosî presto, non havendo le carte necessarie dalla
banda di detto Monsignore Reverendissimo. Ho nuova
che egli sta benissimo et allegramente, ma non senza
pericolo. Iddio ne sia protettore et conservatore.
Per quanto vedo, non mancarà dalla banda de' signori
Cavaglieri che le cose del Chiablais non vadano in ro-
vina, poichè non tengono conto di far pagar le pensioni
promesse, senza lequali non si puô continuare Y esser-
citio comminciato nelle tre parochie, et molto manco
augmentarlo. No si puô dire le grande (sic) dispositioni
che sonno in quel paese alla fede catholica, lequali sonno
vane per mancamento di essercitio, il quale no si puô
fare senza persone, ne le persone ponno inviarsi senza
spesa et intrata. Ho le lettere lequali Sua Altezza Se-
renissima inviava a Sua Santità, nelle quali priegava
la Santa Sede che si degnasse restituir le parrochie
di Chiablais, cavandole délie mani profane ; ma per
M""" notre Révérendissime Evêque n'a pas voulu en sortir ( i ) ; ainsi je
crains beaucoup que nous ne puissions partir de sitôt, faute d'obtenir
de la part de Monseigneur les papiers nécessaires. J'ai su qu'il se porte
très bien, sans éprouver aucune appréhension, mais non sans courir
quelque danger. Dieu soit son protecteur et son conservateur !
A ce que je vois, rien ne manquera du côté de MM. les Chevaliers
pour ruiner les affaires du Chablais, puisqu'ils ne se mettent aucune-
ment en peine de faire payer les pensions promises, sans lesquelles
on ne peut continuer l'exercice du culte commencé dans les trois
paroisses, et bien moins encore l'augmenter. Il ne se peut dire quelles
excellentes dispositions on trouve en ce pays pour la foi catholique ;
mais elles demeurent infructueuses par le manque d'exercice du culte,
lequel ne peut être rétabli sans des ecclésiastiques, et les ecclésiasti-
ques ne peuvent être envoyés sans faire des dépenses et avoir besoin
de revenus. J'ai les lettres que Son Altesse Sérénissime adressait à
Sa Sainteté pour prier le Saint-Siège de daigner retirer les paroisses
du Chablais des mains profanes et les remettre à la disposition de
(i) On voit dans le Registre des délibérations municipales d"Annecy que
le Conseil de ville était à cette époque contraint de tenir ses assemblées
« dans l'enclos et murailles du prieuré du Saint-Sepulcre... à cause de la
contagion arrivée en cette dite ville des le i'^' d'avril 1598. »
Année 1598 331
l'accidente délia mia malatia sonno restate qui. Se parera
a V. S. 111""' et R"'^ di mandarle inanzi ch' io faccia il
viaggio, per tanto più accelerare il negotio, il quale no
si tarda una sola hora senza perdita di moltissime anime,
io subito glie le mandarô.
Il R. P. Cherubino è qui con noi da duoi giorni in qua,
aspettando nuova del convento di Annessi ; et ciô ha fatto
vedere il progresso délia conferentia fra luy (sic) et
Hermanno Lignario, famoso lettore di theologia fra [gli]
uguonotti, con molto mio gusto. Ne mandarà la relatione
a V. S. 111""' et R"" et il successo che ne spera.
Fra tanto egli si dispone di far la devotione délie
Quarant' hore in Tonone con quella maggior soUemnità
che si potrà fare. Et essendosene data la nuova nelli
luoghi circonvicini, da ogni banda si dispongono le per-
sone di concorrere a questa divotione, non solo dalla
banda catholica, corne di Fribourgo, de Sguisseri et del
Valeise, ma anco dalla banda haeretica, corne del Bernese
et Genevrino ; il che ci fa una grandissima speranza di
molto frutto et grande confusione per [i] ministri. Ma
l'Evêque; mais, par suite de ma maladie, elles sont restées ici. Si
Votre Seigneurie juge bon de les envoyer avant que j'entreprenne le
voyage [de Rome], afin d'accélérer cette affaire, qui ne peut être
retardée d'une seule heure sans compromettre le salut de beaucoup
d'âmes, je me ferai un devoir de les lui expédier aussitôt.
Le R. P. Chérubin est ici avec nous depuis deux jours, attendant
des nouvelles du couvent d'Annecy ; ce qui, à mon grand conten-
tement, m'a donné lieu d'être renseigné sur la marche de sa confé-
rence avec Herman Lignarius, fameux lecteur de théologie parmi
les huguenots. Il en enverra la relation à Votre Seigneurie Illustris-
sime et Révérendissime, et lui dira le résultat qu'il en espère.
Cependant, il se prépare à célébrer les Quarante- Heures à Thonon
avec la plus grande solennité possible. La nouvelle s'en étant répandue
dans les environs, on se dispose de tous côtés à venir assister à cette
dévotion, non seulement des régions catholiques, comme de Fri-
bourg, de Schwitz et du Valais ; mais aussi des territoires hérétiques,
comme de ceux de Berne et de Genève, ce qui nous donne une très
grande espérance de recueillir beaucoup de fruits, à la grande confu-
sion des ministres. Il serait très à propos que Sa Sainteté voulût bien
3^2 Lettres de saint François de Sales
saria molto a proposito se Sua Beatudine per quel tempo
concedesse qualche gratia spirituale, oltra la Indulgentia
plenaria, corne deir assolutione de'casi riservati ; chè in
vero in quelle bande ne sonno moltissimi che ne havranno
portati li diece et vinti anni nella conscientia, liquali in
questa occasione li deponeranno. Et perché mi pare che
la facoltà di commettere huomini per T assolutione de
Thaeresia, che era stata communicata a 31onsignor Re-
verendissimo , no passa questo mese , saria sopra tutto
bisogno di haverla di nuovo.
Vado hoggi verso Tonone dove per un poco son neces-
sario, et pigliarô il numéro de' Catholici fattisi in questi
tre anni passati, per mandarne raguaglio a V. S. 111"%
acciô con questo mezzo si dia animo a Sua Santità di
farci quelle gratie che a queste imprese sonno necessarie.
Non habbiamo quasi altro amico nella corte senon
Sua Altezza Serenissima , laquale ci giova poco per
mancamento di essecutione de' suoi commandamenti. In
vero egli è zelantissimo, ma non puô esser ubedito. Che
se fosse ubedito come vuole il dover, havressimo avanzato
assai più di quel che habbiamo, et insieme no saria
pour la circonstance accorder, outre l'indulgence pléniére, quelque
grâce spirituelle, comme l'absolution des cas réservés; car en vérité,
de ces côtés il y a beaucoup de gens qui, en ayant sur la conscience
depuis dix et vingt ans, s'en déchargeraient en cette occasion. Comme
il me semble que la faculté communiquée à M''' le Révérendissime
de déléguer des ecclésiastiques pour l'absolution de l'hérésie expire à
la fin de ce mois, il serait surtout urgent de la renouveler.
Je vais aujourd'hui à Thonon où, pendant quelque temps, je suis
nécessaire. J'y dresserai la liste des personnes rentrées dans le sein de
l'Eglise durant ces trois dernières années, pour en informer Votre
Seigneurie, afin que par ce moyen Sa Sainteté soit encouragée à
nous accorder les grâces qui sont nécessaires à cette entreprise.
Nous n'avons presque pas d'autre ami à la cour que Son Altesse
Sérénissime, ce qui ne nous sert pas beaucoup puisque ses ordres ne
s'exécutent pas. Le duc est très zélé, il est vrai, mais ne peut se
faire obéir. Si on lui obéissait comme on le devrait, nous serions bien
plus avancés que nous ne le sommes et, de plus, nous n'aurions pas
Année 1598 3}}
bisogno di dar noïa a V. S. Ill""* circa le pensioni, perché
egli ha commandato spesse volte che si pigliassero, facen-
dosi giustitia sopra la promessa fattaci da' Cavaglieri.
Ma gl' inferiori fanno poi tante considération! di non
offendere questo et quelFaltro, che fra tanto si ofFende
gravemente il Signor.
Il R. P. Cherubino mi ha dato parola di scriver a
V. S. 111""' circa moltissime cose degnissime di esser
considerate, délie quali habbiam trattato insieme. V. S.
111™'' et R""" è il nostro solo protettore et solatio in queste
occasioni, onde preghiamo continuamente Sua divina
3laestà per la sua salute et conservatione. Et bascio
humilissimamente le sue reverendissime mani.
Di V. S. Iir^ et R™%
Humilissimo et divotissimo servidore,
Franc^ De Sales,
indegno Prœvosto di Geneva.
Di Sales, alli 10 di Aprile 98.
Air 111""° et Rêver""*' Sig"" mio osservandissimo,
Monsig"" l'Arcivescouo di Bari,
Nuntio Apostolico nel Stato di Savoya. — Turino.
Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Archives du Vatican.
à causer tant d'ennui à Votre Seigneurie au sujet des pensions. 11 a
déjà commandé plusieurs fois de les saisir, cette mesure étant justifiée
par la promesse que nous avons reçue des Chevaliers ; mais les subor-
donnés font tant de considérations pour ne pas offenser celui-ci et
celui-là, qu'ils finissent par offenser grièvement le Seigneur.
Le R. P. Chérubin m'a donné parole de vous écrire touchant
plusieurs choses très dignes d'attention dont nous avons traité en-
sem.ble. Votre Seigneurie est notre seul protecteur et consolateur
en ces occasions ; aussi prions-nous continuellement la divine Ma-
jesté pour votre santé et conservation. C'est en baisant très hum-
blement vos mains vénérées, que je suis,
De Votre Seigneurie Illustrissime et Reverendissime,
Le très humble et très dévoué serviteur,
François de Sales,
indigne Prévôt de Genève.
De Sales, le 10 avril 1598.
;
^^4 Lettres de saint François de Sales
AU MÊME
Voyage du président Favre à Turin et à Ferrare. — Nouvelles poursuites au
sujet de la cession des cures du Chablais. — Mesures à prendre pour
assurer le triomphe du catholicisme sur l'hérésie.
Sales, i8 mai 1598.
lUustrissimo et Reverendissimo Signor mio
osservandissimo,
Andando costî et quindi in Ferrara il signore Prsesi-
dente Fabro(i), persona di pietà et sufïicientia singola-
rissima, et per dirla (^) a modo mio, pbœnice délia nostra
Savoïa, desideravo incredibilmente di far il viaggio con
esso lui, (b) perché essendo egii solo fra laici consapevole
di quanto si è fatto di qua et si deve fare per la santa
fede, haverebbe certo dato un grande aiuto nel negocio
che per questo l'^) habbiam da far appresso Sua Santità.
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,
M. le président Favre, personnage d'une piété et d'un mérite sin-
guliers, et, pour le dire à ma façon, le phénix de notre Savoie, se
rend à Turin, puis à Ferrare ( ^ ) . Je désirais extrêmement entreprendre
ce voyage avec lui, parce qu'étant le seul laïque bien au courant de
ce qui s'est fait et de ce qui reste encore à faire pour la sainte foi dans
ces pays, il nous aurait certainement été d'un grand secours dans les
affaires que nous devrons traiter à ce sujet auprès de Sa Sainteté.
(a) [Ces variantes sont tirées d'une minute autographe conservée à la Visi-
tation d'Annecy.]
di — dottrina et pietà singolarissima, et se io lo dico
(b) con esso lui, — si per godere la sua suavissima presentia, che anco
(c) saniii fede, — zelantissimo et prudentissimo, haverebbe grandemente
aiutatici nella negociatione che
(i) Il était député par la duchesse de Nemours, Anne d'Esté, pour faire
valoir les droits de cette princesse sur la succession d'Alphonse II, duc de
Ferrare.
Année 1598 335
Ma Monsignor R'"" Vescovo non havendo fatta la quaran-
tena che si usa per il contagio (0, non ha volsuto far li
scritti necessarii al viaggio, ne addimandare i'^) licentia
a Sua Altezza per il passagio, per non dar alcun sospetto
ne a Sua Beatudine (e), ne a V. S. 111""'.
Havendo adunque le lettere che Sua Altezza scrisse a
Sua Santità et alli Signori Cardinali, nelle quali prie-
ghava instantissimamente la Santa Sede di restituire le
cure delli balliaggi ad uso delli sacerdoti che vi facciano
il servitio santo, et non havendo voluto esponerle al pe-
ricolo che sin adesso è stato nelle strade (f), massime
credendo di esserne latore di giorno in giorno : hora ch' io
vedo dette lettere invechiarsi, et che se la provisione di
Sua Santità circa detta restitutione non viene inanzi la
raccolta le cose saranno ritardate sin all'altr'anno (et Dio
Mais Ms'' notre Révérendissime Evêque n'ayant pas terminé la qua-
rantaine usitée en temps de peste (O, n'a pas voulu préparer les
écritures nécessaires à ce voyage, ni demander la permission de Son
Altesse pour le passage, afin de ne donner aucune alarme au Saint-
Père ni à Votre Seigneurie Illustrissime.
J'ai entre les mains les lettres que Son Altesse a écrites à Sa
Sainteté et à MM. les Cardinaux, pour prier instamment le Saint-
Siège de rendre la jouissance des cures des bailliages aux prêtres qui
doivent y faire le service divin. Je n'ai pas voulu les exposer au
danger qui jusqu'ici a été sur les routes, d'autant plus que je croyais
de jour en jour pouvoir en être le porteur. Mais maintenant je vois que
ces lettres vieillissent ; en outre, si le décret de Sa Sainteté touchant
la restitution des bénéfices ne nous parvient pas avant la récolte, cette
(d) la quarantena, — non ha volsuto scriver le cose necessarie per far la
sua ubedientia, né domandare
(e) non dar — dal canto suo alcun sospetto né a S. S'^
(f) Havendo adunque riserbato le lettre che S. A. scrisse a S. S>^, alli
111™' Cardinali et a V. S. Ill'"^' et R""* sopra il desiderio buono che ella
tiene che si restituiscano le cure delli balliaggi ad uso de gli ecclesiastici,
accio si convertano l'anime dall' haeresia, et non havendo mai havuto Tardire
di esponerle al pericolo délie strade fra tante difficolta che sin adesso vi sonno
state
(i) L'Evêque faisait quarantaine à Vignères, hameau de la commune
d'Annecy-le-Vieux.
336 Lettres de saint François de Sales
solo sa se saremo vivi), per questo (g) ho dato dette lettere
a questo mio signore Prœsidente, acciô le dia a V. S. Iir*,
protettrice di tutto questo négocie, la quale accompa-
gnandole di una strettissima et caldissima ricommanda-
tione(^), potrà farne latore Tistesso signor Prœsidente,
chè più fedele et zelante non si puô trovare(0.
Che si (sic) con (j ) queste nuove di pace (0 si stabilisée
da dovero Tessercitio catholico in quelli balliagi, si farà
presto un efFetto taie che ritardandosi poi non seguirà W.
Et per conto délie sei pensioni promesse T anno 1596
dalli Cavaglieri, non si è dato ordine (i) se non per tre
r anno passato et questo per nuUa. È tempo horamai che
da un canto sia soUecitata Geneva al ricever per il
•Vide supra.p. 277. manco V Intérim * col mezo di questa pace, et dall' altro
affaire sera retardée jusqu'à l'année prochaine, et Dieu seul sait si
nous serons en vie ! Pour toutes ces raisons, j'ai donné lesdites lettres
à M. le Président afin qu'il les remette à Votre Seigneurie, protec-
trice de l'entreprise. Vous pourrez ensuite, les accompagnant d'une
très pressante et très chaude recommandation, en rendre porteur le
même Président; car l'on ne saurait trouver quelqu'un de plus fidèle
et de plus zélé.
Si à la faveur de la paix qui nous est annoncée (0, l'exercice
du culte catholique est rétabli définitivement dans ces bailliages,'
on obtiendra bientôt un résultat que tout retard pourrait compro-
mettre. Quant au payement des six pensions promises en 1596 par
les Chevaliers, aucun ordre n'a été donné, sinon l'année dernière
pour trois; et cette année, pour aucune. 11 est temps désormais de
presser d'un côté Genève à recevoir au moins \' Intérim, grâce à cette
(g) in giofno, (p. 335) — vedo che essendo tanto vicina la raccolta, se la
provisione di S. S'" non ci vien presto, si perdera questo anno, non senza
grandissimo danno dell' anime. Onde
(h) a V.S. Ill""', — laquale accompagnandole di un.i sua stretta raccoman-
datione a S. S'»
(i) ehè più — zelante Tné capace, pio,J non si puo ritruovar.
( j ) Questa é vera verita, che se con
(k) si — faranno ben presto efïetti che ritardandosi poi alquanto non si
potranno cavare.
( 1 ) l'anno 1^96, — sino adesso non si é dato ordine da Cavaglieri
( i) On sait que, par la médiation du Saint-Siège, un traité de paix venait
d'être conclu à Vervins, entre la France, l'Espagne et la Savoie.
Année 1598 337
che (ni) si faciano intorno intorno opère pie in gran quaii-
tità : riformatione di badie, prsedicationi, dispute, libretti
et altre cose simili ; chè cosî creparà la volpe nelle sua
caverna.
Et fra r altre cose necessarie, una è che si habbia in
Annessi un stampatore. Griiœretici mandano fuora ogni
hora libretti pestilentissimi, et restano moite oprette ca-
tholiche (11) nelle mani de gl' authori per non poterie
sicuramente inviare in Lione et non haver commodità di
stampatore. (o) Se dalle badie et altri maggiori beneficii
délia diocaesi si cavasse un certo che per anno, sino alla
summa di scudi cento, non saria cosa grave ad alcuno et
saria una sufficiente provisione per un stampatore. (P)
Credo che ben presto passa il tempo prefisso aile
facoltà concesse a ^lonsignor Reverendissimo circa
paix, et de l'autre, de faire aux alentours de cette ville des œuvres
pies en grand nombre : réforme d'abbayes, prédications, disputes,
publication d'opuscules et choses semblables ; car ainsi le renard
crèvera dans sa tanière.
Entre autres, il faudrait avoir un imprimeur à Annecy. Les héré-
tiques publient à chaque instant des livres très pernicieux, tandis que
plusieurs ouvrages catholiques demeurent entre les mains de leurs
auteurs parce qu'on ne peut les envoyer sûrement à Lyon, et qu'ils
n'ont pas d'imprimeur à leur disposition. Si l'on prélevait sur les
abbayes et autres bénéfices les plus considérables du diocèse une
certaine somme chaque année jusqu'à la concurrence de cent écus,
cela ne chargerait personne et suffirait à l'entretien d'un imprimeur.
Je crois que la durée des pouvoirs accordés à M^"" le Révérendissime
touchant l'absolution des hérétiques est près d'expirer. Ces pouvoirs
(m; E tempo (p. 336) — veramente horjiiiai che da ua canto si soUeciti
Geneva a ricever almanco Y Intérim col mezzo di questa pace fra li Régi, et
che daU'altra banda
(n) che si — possa havers un stampatore qui ia Annsssi, il quale sia dili-
gente et zolante, percha questi hiretici mandaao faora ogni hora libretti pesti-
lenti, et non se gli fa risposta per mancaniento di stampa. So certo che restano
gia alquante oprelte
(o) in Lione — lequali se fossero divulgate, farebbono un buon friit'o. Flora
(p) cento, — per darli di provisione ad un stampatore, non siria cosa grave
a veruno et bastaria a fare un grande effetto.
[L'avant-dernicr alinéa du texte ne se trouve pas dans la minute.]
I.ETTRF.S I 2i
^38 Lettres de saint François de Sales
l'assolutione de grhaeretici. E necessario primo modo
che non ci manchino, perché ogni hora cie n'è bisogno in
questi paesi. Già tre volte ho inviato queste altre lettere,
le quai adesso io glie mando, et non han potuto passare.
Mi perdoni per bontà sua V. S. lU""' et R™^ se io glie
sono importuno ; et rimettendomi a quanto potrà co-
gnoscere di queste et simili altre cose dal Signor latore,
priegho Iddio ognipotente che (1) la conservi fœlice et
contenta moltissimi anni ad utile di santa Chiesa, et glie
bascio humilissimamente le mani reverendissime.
Di V. S. 111'"' et R'"%
Divotissimo servidore,
Franc° De Sales,
Prsevosto di Gène va.
Di Sales, alli 18 di 3lagio, 98.
Air 111'"^ et R'"° Sig''^ mio osservandissimo,
Monsig''^ r Arcivescovo di Bari,
Nuntio Apostolico appresso S. A. S.
Turino.
Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Archives du Vatican.
sont pour nous de première nécessité, car à toute heure on a besoin
d'en user dans ces pays. J'ai déjà par trois fois envoyé les autres
lettres ci-jointes, mais elles n'ont pu passer.
Que votre bonté daigne me pardonner de lui être si importun. Je
m'en remets au porteur des présentes pour vous donner une plus
grande connaissance des affaires dont elles traitent et d'autres
semblables ; et priant le Dieu tout-puissant de vous conserver heu-
reux et content de très longues années pour l'utilité de la sainte
Eglise, je baise très humblement vos mains vénérées.
De Votre Seigneurie Illustrissime et Reverendissime,
Le très dévoué serviteur,
François de Sales,
Prévôt de Genève.
De Sales, le 18 mai 1598.
(q) potra — dirne di queste et simili cose il Sig' latore, priegho il Sig'' Iddio
ANNÉE 1598 339
ex
AU MEME
Espérance d'obtenir, moyennant la médiation du roi de France,
le libre exercice du culte catholique à Genève.
Sales, 13 juin 1598.
Illustrissimo et Reverendissimo Signore mio
osservandissimo,
Fra grinfiniti béni spirituali che da questa benedetta
pace (0 sperano molti servi d' Iddio, uno è ch'il Ré di
Francia, invitato dalla Santa Sede Apostolica, procuri
vivamente che la città di Geneva apra le sue porte a
r essercitio catholico coW Intérim (-), acciô che in una
tanta et tanto desiderata pace, sia fatto luogho al Si-
gnore et Prencipe di pace *. Et questo sarà tagliar il * Is., ix, 6.
calvinismo nella radice. So che Sua Altezza, dal canto
suo, ne farà ogni instantia possibile, corne in opra di
importantia incredibile. Il R. P. Cherubino ha sopra di
questo molti buoni et particolari avisi, et son certo che
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,
Entre les incalculables avantages spirituels que plusieurs serviteurs
de Dieu espèrent de cette bénite paix ( i ), ils se promettent que le roi
de France, sur l'invitation du Saint-Siège Apostolique, s'emploiera
vigoureusement pour obtenir que la ville de Genève ouvre ses portes
à l'exercice du culte catholique au moyen de V Intérim ( 2 ), afin que
le Seigneur et Prince de paix ait sa place dans une pacification si im-
portante et tant désirée. Ce serait couper le calvinisme par la racine.
Je sais que, de son côté. Son Altesse fera toute sorte d'instances,
comme pour une œuvre d'une importance incroyable. Le R. P. Ché-
rubin a plusieurs vues spéciales et bonnes sur ce sujet ; je suis
(i) Cette lettre fut écrite le jour même où la paix de Vervins était pro-
mulguée à Annecy.
(2) Le 17 juin. M»"" de Granier adressait dans le même sens une supplique
au Pape Clément VIII et une lettre au Nonce. Au sujet de VInh'rim, voir
note (i), p. 277.
^^O LeTTRKS Dt SAINT FRANÇOIS DE SaLES
ne darà raguaglio a V. S. IIP'' et R"" (O, la quale per
tanto io supplice di haverli in grande consideratione.
A me, il quale in taie occurrentie non hô altro valore
se non nelli sospiri et desiderii, basta di aprirne il cuore
inanzi di V. S. 111"" ; et mentre sto aspettando quel
giorno nel quale io possa farglie in praesentia la débita
riverentia, glie bascio humilissimamente le mani reve-
rendissime, prieghando il Signore che la conservi mol-
tissimi anni a servitio delF honor suo divino.
Di V. S. 111'"'-^ et R'"%
Humilissimo et divotissimo servitore.
Franc" De Sales,
Prsevosto di (reneva.
Di Sales, alli 13 di C-riugnio 1598.
Air 111"^'' et R"^° Sig'"« mio osservandissimo,
Monsig""" l'Arcivescovo di Bari,
Nuntio Apostolico appresso S. A. S.
Turino.
Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Archives du Vatican.
sur qu'il les communiquera à Votre Seigneurie Illustrissime et Ré-
vérendissime (i , partant je la supplie de les prendre en grande
considération.
Pour moi, qui n'ai en telles rencontres d'autre pouvoir que celui
des soupirs et des désirs, il me suffit d'ouvrir mon cœur à Votre
Seigneurie. En attendant le jour où je pourrai la voir et lui offrir les
hommages qui lui sont dus, je baise très humblement ses mains
vénérées, priant le Seigneur de la conserver de très longues années
pour le service de sa divine gloire.
De Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime,
Le très humble et très dévoué serviteur,
François de Sales,
Prévôt de Genève.
De Sales, le 1 3 juin 1598.
( I ) Le P. Chérubin se proposait de l'aire un voyage à Rome, ainsi qu'il le dit
dans une lettre adressée au Nonce de Turin le 23 juin de cette nic'nie année.
Année 1598 341
CXI
A MONSIEUR AMEDEE DE CIIEVROX
SEIGNEUR DE VILLETTeI'Î
(inédite)
Témoignages de respect et de reconnaissance. — Annonce de sa visite.
Sales, 7 juillet 1598.
Monsieur,
Je me garderay bien, Dieu a3'dant, d'attribuer a mes
mérites, qui sont ou petitz ou nulz , la faveur avec
laquelle il vous plait recueillir mes importunités. Je la
dois du tout a vostre bonté, laquelle j'honnore d'autant
plus que je me vois tous les jours obliger davantage a
elle par tant d'effetz, qui me fait extrêmement désirer
d'estre tel que je devrois estre pour estre digne sujet de
ses bienfaitz ; la ou je n'ay rien de sortable a ce bon
heur qu'une très humble affection d'estre et vouloir estre,
et confesser devoir estre vostre très redevable.
Je desirois bien fort de vous baiser les mains en prae-
sence, mais je suis lié sur le banq pour ceste semaine.
Que si je puys, a la prochaine je me rendray par delà,
et sans honte ni autre appréhension je prendra}^ logis
chez vous, comme vous me commandes ; car puysque je
suis des-ja tant insolvable des obligations que je vous
ay, il ne m'importe meshu}- de rien de l'estre tous-jours
(i) Amédée III de Chevron, seigneur de Villette, Giez, Pontvoyre et
autres lieux, conseiller et maître d'hôtel, chambellan et majordome de Son
Altesse, fut ambassadeur en Suisse, surintendant général des mines de Savoie,
chef des troupes en Tarentaise. C'est en sa faveur que la terre de Villette
fut érigée en baronnie, le i"^"" avril 1604. Il avait épousé Marguerite de
Pingon, dame d'honneur de Marguerite de France, mère du duc Charles-
Emmanuel P"". Ce seigneur était cousin germain de Françoise de Sionnaz,
mère de saint François de Sales; il fit son testament le 15 juillet 1621 et
mourut peu de jours après.
^42 Lettres de saint François de Sales
plus ; et quoy qu'on me juge importun, je ne lairray
d'estre bien glorieux si par la je me puys faire connois-
tre tel que je suis, Monsieur, non seulement vostre très
et très obligé, mais encores
Votre domestique serviteur et neveu,
France De Sales,
A Sales, ou mes père et mère et toutes leurs gens
vous saluent très humblement.
Le 7 juUet 98.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Milan.
CXII
A MONSIEUR CLAUDE MARIN, PROCUREUR FISCAL
EN CIIABLAIS
Préparatifs à faire en vue des Quarante-Heures qui doivent se célébrer à
Thonon. — Indications pour le logement de l'Evêque. — Audience du duc
de Savoie. — Destination de deux ecclésiastiques.
Sales, 6 aoîit 1 598.
Monsieur (0,
Puisque Son Altesse veut que les Quarente Heures se
facent le quinziesme de ce moys, et qu'elle veut qu'elles
.se facent le plus solemnellement que l'on pourra ,
baillant partant espérance de vouloir rembourser les
frais qui s'y feront, ne voyant point d'argent prest, il
m'a semblé que on ne pouvoit point avoir de meilleur
moyen pour loger les musiciens et autres semblables
personnes nécessaires et les nourrir, que de faire que
(i) Cette lettre cSt écrite par Georges Rolland, sauf la signature, l'adresse
et une partie du post-scriptum, qui sont de la main du Saint (voir ci-après,
note (3), p. 31-1).
Année 1598 343
les fermiers qui sont reliquateurs de plus de mille
florins vaillant pour les pensions de ceste année, res-
pondent vers quelqu'un de la despence que lesditz musi-
ciens pourront faire, a rate dequo^'^ je les dechargeray
de ladite dette. Et a ces fins je fais trois mandatz : un
a ]Me3'net, l'autre a Vernaz et l'autre a Castellani (O,
affin quilz respondent vers quelqu'un [de] la despence
qui se fera par lesditz musiciens, chacun jusques a la
somme de cent florins. Restera qu'il vous plaise d'essaier
si l'on pourra trouver qui veuille fournir aux frais a
ceste condition, en advançant, et je tiendrois main a les
faire bien paier dans le terme quilz prendroient ; et si
vous le trouvies, il faudroit faire marcher (sic) a combien
par jour ilz entretiendroient la personne honnestement
et sans superfluité.
Item, je vous prie de trouver un logis parmi les
Catholiques pour 31onseigneur l'Evesque. On paiera le
louage a tant par jour, en fournissant seulement le bois,
linge et vaiselle, car quant au reste, Monseigneur le Re-
verendissime fera sa despence luy mesme ; mais il faut
que ce soit chez un Catholique et qu'on aye pour le moins
trois chambres. Si ce n'estoit qu'il m'a tant recommandé
que son hoste fut catholique, j'eusse nommé monsieur
d'Alemand(2) ; touttefois, au pis aller, encor ne seroit il
pas mal la, si autrement ne se peut faire. Jamais Ouarente
( I ) Il est difficile d'identifier ces personnages qui portent des noms très
répandus en Chablais. Plusieurs Meynet, bourgeois de Thonon, figurent sur
la liste des protestants convertis par notre Saint et ses collaborateurs. Le
procès-verbal de rétablissement des greniers à sel à Thonon (mars 1597)
mentionne « Thomas et François Meynet » parmi les marchands qui avaient
précédemment débité du sel dans cette ville.
Dans un accord passé en 1602 entre les seigneurs de Fribourg et les habi-
tants de Thonon, on trouve parmi les signataires, bourgeois de cette dernière
ville, Maurice et Pierre Vernaz. Celui-ci parait n'être pas différent d'un Pierre
Vernaz qui est mentionné dans le procès-verbal précité comme étant curial
de Thonon. (Voir ci-devant, note (i), p. 103.)
(2) La famille des nobles du Nant dAUeman était représentée en Cha-
blais à cette époque par Georgios, coseigneur d'AUeman, seigneur de la Place,
de ThoUon, etc., et par ses deux neveux : François, seigneur de Saint-Paul,
possesseur du château d'AUeman, et un autre Georgios, seigneur de Grilly,
d'AUeman, etc. Il n'est pas possible de préciser quel est de ces trois per-
sonnages celui qui est désigné dans cette lettre.
344 Lettres de saint François de Sales
Heures n'eurent tant de difficultés que celles c}^ qui m'en
fait tant mieux espérer.
J'ay esté beaucoup déplaisant de ne m'estre pas trouvé
icy quand vous y aves esté, pour jouir de vostre conver-
sation et apprendre a sohait de voz nouvelles. Son
Altesse, quo}' que très empêché, me bailla une audience
de quattre motz lundi ( i ), et entre autres choses me
promit de m'en bailler une plus grande aux Ouarente
Heures de Thonon ou elle esperoit se trouver. Dieu
le voulust, mais je crains fort quil n'en sera rien.
Je vous salue de tout mon cœur avec toutte vostre
compagnie, et suis,
.Monsieur,
Vos'.re plus humble serviteur,
Francs De Sales.
Je baise très humblement les mains a madame ma
tante 2 \ a madamoyselle du ^laney et a toutte la con-
versation, (3) a laquelle je me rendray dans quattre ou
cinq jours.
A Sales, le 6 d'aust g8.
Il m'est advis quil seroit bon que monsieur Cheval-
lier (4), qui a commencé a Bellevaux, poursuivit, et que
(i) Ce jour-là, 3 août, le duc se trouvait à Chambéry.
( 2 ) Le Saint avait coutume de donner ce titre à Jeanne du Maney, veuve de
François du Foug, qui l'avait accueilli et assisté avec un grand dévouement
dès son arrivée en Chablais. (Voir ci-devant, note (i), p. 114.)
Quant à « madamoyselle du Maney, » ce pouvait être Claudine, fille de
Marius du Maney et de Jeanne-Marie du Foug, parente de la précédente.
(3) Ce qui suit, moins la date, est autographe.
(4) Claude Gaspard Chevallier, natif d'Annecy, était un prêtre de mérite
que '< le Serviteur de Dieu cherissoit fort. » Cette affection remontait à
l'époque où M. Chevallier, récemment sorti d.; l'Université de Louvain,
choisit le Prévôt pour présider la thèse publique de théologie qu'il soutint
dans sa ville natale. Pendant cinq années, il desservit la paroisse de Bellevaux,
sans laisser de suppléer le Saint chaque fois que celui-ci devait s'éloigner de
Thonon. Le 21 août 1601, cet ecclésiastique fut pourvu de la cure de Fessy-
Lully, puis il devint théologal de Belley et finit par entrer dans l'Ordre des
Récollets où il est connu sous le nom de P. Antoine. On a de lui un court
mais intéressant Mémoire encore inédit, sur la vie et les vertus de saint
François de Sales.
Année 1598 345
monsieur Clerici (0 fut curé a Thonon ou il feroit rage
a bien tenir l'église et instruire la jeunesse ; mais il
faudroit que le P. Chérubin fit un peu de disposition a
cela tout bellement.
Encor aurons nous besoin d'un logis pour sept ou huit
personnes ecclésiastiques qui iront la, en payant comme
dessus ; sinon que celuy qui fournira pour les musiciens
fournit encor a cela, comm'il se pourroit bien faire.
A Monsieur
Monsieur Marin,
Procureur fiscal en Chablaix.
Revu sur l'original conservé à la Visitation de Turin.
( I ) Nicolas Clerc ou Clerici, qui se trouvait à Padoue lorsque saint François
de Sales y reçut le bonnet de docteur, fut curé de Chanay, puis de Saint-
Félix (1587), et protonotaire apostolique. Il accompagna le P. Chérubin dans
le voyage que ce religieux fit à Rome (1599) pour traiter des intérêts de la
Sainte-Maison. M. Clerici mourut en septembre 1617.
CXIII
A MONSIEUR SEBASTIEN WERRO
ADMINISTRATEUR APOSTOLIQUE DU DIOCÈSE DE LAUSANNE
PRÉVÔT DE SAINT-NICOLAS DE FRIBOURG(0
Les exercices des Quarante-Heures à Thonon sont fixés aux 23 et 24 août.
Thonon, 12 août 1598.
Monsieur,
La dévotion des Quarante Heures a esté retardée jus-
ques au Dimanche e. jour de saint Bar^helemi, 23 et
(i) Sébastien Werro, né à Fribourg en Suisse (i^ïîi, avait suivi les cours
da l'Université de Fribourg en Brisgau, où il obtint le grade de ii:aître
ès-arts (liV^). Etant entré dans les Ordres, il se vit. peu après son retour
dans sa ville natale, nommé chanoine, puis chantre du Chapitre de Saint-
Nicolas, et fut pendant dix ans ( i ^80-1 590) curé de Fribourg.
A la dignité de Prévôt de la Collégiale (1596) il joignit, après la mort de
l'Evêque de Lausanne, Antoine de Gorrevod (iS98\ celle d'administrateur
346 Lettres de saint François de Sales
24 de ce mo3^s. C'est pour un beaucoup plus grand bien.
Je vous ay bien voulu faire ce mot d'advis, affin que si
quelcun de delà desiroit honnorer cest'action de pieté
de sa prsesence, il ne s'acheminast pas en vain ceste
semayne. Mais aussi je voudrois que personne ne perdit
courage de venir pour ceste retardation, puisque la tar-
diveté sera récompensée d'une bien grande consolation
si Dieu nous fait les grâces que nous espérons.
Je bayse très humblement vos mains sacrées, et me dis
a jamais,
Monsieur,
Vostre plus humble confrère et serviteur,
France De Sales,
Praevost de S' Pierre de Genève.
Le R. P. Chérubin et toute la brigade des serviteurs
de Dieu que nous avons icy vous salue très affection-
nement.
A Thonon, le 12 aoust 1598,
A Monsieur le Prévost de S' Nicolas de Fribourg.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. le docteur Jean Schaller,
à Fribourg.
apostolique du diocèse, puis de vicaire général du nouvel Evêque, Jean Doroz.
L'étude et la prière remplirent les treize dernières années de sa vie, qui se
termina en novembre 1614. Il fut inhumé auprès du bienheureux Canisius, son
ami, qu'il avait lui-même assisté à son lit de mort, et dont il avait composé
répitaphe et prononcé l'oraison funèbre.
Sébastien Werro a laissé plusieurs ouvrages estimés, entre autres la Chro-
nica Ecclesiœ et Monarckiarum a condito niundo (1599), et un traité sur le
Cantique des Cantiques, intitulé De Philotheïa, qui parut la même année (1609)
que V Introduction à la Vie dévote. (Notice sur la Vie et les Œuvres de Sébastien
Werro. Fribourg, 1841.)
Année 1598 347
CXIV
A DON JUAN DE MENDOÇA
COMMANDANT DES TROUPES ESPAGNOLES (O
(minute)
Supplications collectives des missionnaires du Chablais pour obtenir
que les troupes espagnoles ne traversent pas cette province.
Thonon, 16 août IS98.
Eccellentissimo Signer osservandissimo,
Siamo in procinto di celebrar la oratione délie Qua-
rant'hore in questa terra Domenica, 23 di questo mese,
secondo il beneplacito di Sua Santità et di Sua Altezza,
havendo procurata la praeparatione necessaria a cotesta
impresa non senza grandissima spesa, parte fatta dalla
limosina concessa dalla Santa Sede, parte di quella di
Sua Altezza (3). Et si inviaranno questa settimana mol-
tissimi popoli, sî dalla banda de' Valesani che di quella
Excellentissime et très honoré Seigneur,
Nous sommes sur le point de célébrer Dimanche, 23 de ce mois,
les prières des Quarante-Heures en cette ville, avec l'agrément de Sa
Sainteté et de Son Altesse, Les préparatifs nécessaires à cette solen-
nité n'ont pas été faits sans de grandes dépenses, couvertes en partie
par les aumônes du Saint-Siège, en partie par celles de Son Altesse.
Des multitudes considérables, venues soit du côté du Valais, soit du
(a) di Sua Alte^^a — fet altri.J
(i) Don Juan appartenait à la famille Hurtado de Mendoça , l'une des
plus illustres de l'Espagne. Placé par son souverain à la tète d'un corps
d'armée milanais mis au service de la Savoie, il fit preuve de grande bravoure,
et fut créé par le duc, comte de Saint-Germain. Néanmoins il est surtout connu
sous le titre de marquis de Hynojosa. Don Juan, rappelé à Milan, succéda
plus tard (1612) à son oncle maternel, Juan Fernandez de Velasco, le fameux
connétable de Castille, dans la charge de gouverneur de cette ville. Bon et
conciliant, il s'acquit l'affection du peuple et l'estime de tous. C'est lui qui
3^8 Lettres de saint François de Sales
di Fribourgo, et da ogni intorno ancora, per venir a
questa solemnità, laquale si è prseparata per la conver-
sione di questa gente hseretica ; et se ne spera un frutto
grandissime a gloria d'Iddio et sainte delT anime.
Hora ci vien detto che Vostra Eccellentia, con le sue
forze, era per pigliar la strada del suo ritorno costî (0 ; il
che se facesse, è cosa certissima che detta celebratione
délie 40 hore non potrà farsi per nessun conto, poichè
grhabitatori, carghi de soldati, non potran assi stère ;
anzi, per quanto si risolvono, lasciaranno le case vode et
passaranno il lagho, et li forestieri non verranno. Si che
questa divotione, prseparata con tante spese et fatighe,
con tanta speranza di buon frutto, con particolar licentia
di Sua Santità et di Sua Altezza et cont^») tanta fama
appresso li nemici délia santa fede, si resolverà in fumo ;
non senza cattivissimo essempio et grandissimo scandalo
côté de Fribourg, comme aussi de tous les environs, se mettront en
route cette semaine afin d'assister à une fête qui a été préparée pour
la conversion de ces hérétiques. On en espère un très grand fruit, à
la gloire de Dieu et au salut des âmes.
Or, nous apprenons que Votre Excellence se dispose à prendre
ce chemin pour s'en retourner avec ses troupes (O. S'il en est ainsi,
très certainement la célébration des (Quarante -Heures ne pourra au-
cunement se faire, car les habitants, chargés de soldats, ne sauront
y assister ; au contraire, comme ils l'ont déjà résolu, ils laisseront
les maisons vides et passeront de l'autre côté du lac. Q.uant aux étran-
gers, ils ne viendront pas. Ainsi cette dévotion, préparée avec tant
de frais et de fatigues, tant d'espoir de succès, avec une spéciale
autorisation de Sa Sainteté et de Son Altesse et un si grand retentis-
sement parmi les ennemis de notre sainte foi, s'en ira en fumée. Cela
n'arrivera pas sans produire un très mauvais exemple et même sans
occasionner un très grand scandale parmi les Catholiques et les
(b) coH — rtanto rumorc.J
lit une réception solennelle à saint Fr.mçois de Sales, lorsqu'en 1613 il se
rendit en pèlerinage au tombeau de saint Charles. Trois ans plus tard, le
gouverneur fut disgracié.
( 1 ) La paix de Vervins permettait au duc de Savoie de congédier les troupes
milanaises qui étaient à son service, lesquelles étaient alors campées à Bonne.
Année 1598 349
et alli Catholici et agli haeretici, et perdita di una occa-
sione, quale forse non ci ritornarà mai nelle mani,-de
fruttificar fra questa gente, con un disgusto grandissime
di Sua Beatitudine et .^lonsignor Xuntio.
Per il che supplichiamo con ogni humiltà possibiie
Vostra Eccellentia, et la scongiuriamo per Je viscère di
Christo * et per quanto sangue ha sparso per le anime. ' Philip., 1, s.
la cui salute procuriamo col mezzo di queste divotioni,
di degnarsi di pigliar altra strada per il suo viaggio et
lasciar questa libéra al Salvatore ; il che se si degnarà
di fare, sia poi certa ch' Iddio benedetto l' haverà per
gran servitio de sua divina 3lajestà et ne terra buon
conto nel giorno del giuditio. Faccia adunque Vostra Ec-
cellentia («=>, da quel valoroso et zelante animo ch" Ellal'î
tiene, questo servitio ail" honore d' Iddio. Diremo bene
ancora che non sappiamo chi 1' habbia avvisata di questa
.strada, ma che v' è un passo appresso il lagho, fra Evian
et San 3lauritio, il più horribile et pericoloso, in questo
tempo nel quale le acque di detto lagho crescono. che
si possa imaginare.
hérétiques. Ce sera aussi, au très grand regret de Sa Sainteté et de
M^"" le Nonce, perdre une occasion qui ne se retrouvera peut-être
jamais de recueillir quelques fruits parmi ces gens.
C'est pourquoi, nous supplions avec toute l'humilité possible Votre
Excellence, et nous la conjurons par les entrailles de Jésus-Christ, par
tout le sang qu'il a répandu pour ces âmes dont nous tâchons de
procurer le salut au moyen de ces exercices, de daigner prendre un
autre chemin pour son voyage et de laisser celui-ci libre au Sauveur.
Soyez du reste assuré que, s'il vous plait en agir ainsi, Dieu le
regardera comme un grand service rendu à sa divine Majesté et vous
en tiendra bon compte au jour du jugement. Q.ue Votre Excellence,
avec ce courage vaillant et zélé dont Elle est douée, rende donc ce
service à l'honneur de Dieu. Nous dirons de plus que nous ne savons
qui a pu lui indiquer cette route : car il y a prés du lac, entre Evian
et Saint-Maurice, un passage le plus horrible et le plus dangereux
qu'on puisse imaginer, en cette saison de la crue des eaux.
(c) Vostra Eccellentia — fquesto favorc.J
(d) ch' Ella — fpossedej
3^0 Lettres de saint François de Salés
Confidatici dunque nella pietà, bontà et zelo di Sua
Eccellentia, glie mandiamo questo nostro compagne et
fratello sacerdote, il quai anco esso con parole potrà
darglie avviso di quanta importantia saria il scandalo
che verrebbe dalla cessatione délia solemnità praeparata.
Et fra tanto staremo certi che, per honor d' Iddio et délia
Corte cseleste, Vostra Eccelentia concédera quanto addi-
mandiamo con tanto ardore et humiltà che maggior non
si puô truovare, restando in aeterno, si per li sûoi meriti,
si per questo beneficio et atto di zelo tanto segnalato,
Di Vostra Eccellentia,
Humilissimi et divotissimi servidori in Christo.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Turin.
Nous confiant donc dans la piété, la bonté et le zèle de Son Excel-
lence, nous lui envoyons ce prêtre, notre compagnon et frère, qui
pourra aussi lui exposer verbalement de quelle conséquence serait le
scandale qui résulterait de la suppression de la solennité préparée. .^
En attendant, nous nous tiendrons assurés que, pour l'honneur de •
Dieu et de la Cour céleste, Votre Excellence nous accordera ce que î
nous lui demandons avec une ardeur et une liumilité qui n'ont point |
d'égales. Nous demeurerons à jamais, soit en considération de son
mérite, soit pour ce bienfait et cet acte si éclatant de zèle,
De Votre Excellence,
Les très humbles et très dévoués serviteurs en Jésus-Christ.
Année 1598 ^^i
CXV
A MONSIEUR SÉBASTIEN WERRO
ADMINISTRATEUR APOSTOLIQUE DU DIOCESE DE LAUSANNE
PRÉVÔT DE SAINT-NICOLAS DE FRIBOURG
Remerciements. — Retard des Quarante-Heures projetées à Thonon.
Thonon, 20 août 1598.
Révérende ac plurimum in Christo colende Domine,
Accepi litteras, quas ad me postridie iVssumptionis
Beatee Virginis dedisti, incredibili cum animi mei volup-
tate, quod ex iis non mediocrem in te erga Deum pie-
tatem et erga nos benevolentiam perspexerim, cum hanc
precum nostrarum destinatam celebritatem, non tuis
tantum sed etiam populi oui praees precibus cumulasse
significas, eam utique, si res tulisset, tua prsesentia
exornaturus. Facis sane tu quam liberaliter et Christiane,
et nos quam maximam habemus gratiam.
Caeterum, pro rerum humanarum inconstantia , hac
ipsa hora qua scribo advolat ad nos qui, gravissimis de
Révérendissinie et très respectable Seigneur en Jésus-Christ,
C'est avec une joie incroyable que j'ai reçu la lettre que vous
m'avez adressée le lendemain de l'Assomption de la Bienheureuse
Vierge Marie ; j'y ai reconnu clairement combien grande est votre
piété envers Dieu et votre bienveillance à notre égard. D'après vos
paroles, je vois que vous avez mis le comble à la solennité projetée
de nos fêtes, non seulement par vos prières, mais encore par celles
du peuple qui vous est confié. Vous les auriez même ornées de votre
présence, si la chose eût été possible. C'est agir assurément de la
façon la plus généreuse et la plus chrétienne, et nous vous en rendons
les plus vives actions de grâces.
Du reste, telle est l'inconstance des choses humaines, qu'à l'heure
même où je vous écris, survient un ordre de nos supérieurs qui, pouf
les motifs les plus graves, nous enjoignent de remettre à la fête de
353 Lettres de saint François de Sales
causis, in festum Xativitatis Virginis, superiorum volun-
tate, solemnem hanc quam instituebamus praecationem
referre jubet ( I . Intempestive sane ; at obtemperandum,
et quemadmodum par est existimandum moram uberiores
fructus allaturam.
Qua de re tecum primis monitum volui, ac tantam
tibi salutem, tum meo tum P. Cherubini nomine, dico
quantam non possim majorem.
Révérendes tuœ Dominationis,
Humilis in Christo servus,
Franc* De Sales,
Ecclesiae Gebennensis Prsepositus.
Tononi. 20 Augusti 98.
R'" in Christo Domino plurimuni colendo,
D. Sebastiano Verronio.
Sacrée Theologis Doctori clarissimo,
et Friburgensis Ecclesis Prceposito meritissimo.
Revu sur l'Autographe conservé au Musée cantonal de Fribourg.
la Nativité de la Sainte Vierge, les supplications solennelles que nous
préparions (O. C'est certainement fâcheux : mais nous devons obéir
et croire, comme il convient, que ce retard apportera des fruits plus
abondants.
J'ai voulu que vous en fussiez averti l'un des premiers, et, tant en
mon nom qu'en celui du P. Chérubin, je \-ous offre nos meilleures
salutations.
De Votre Révérence,
L'humble serviteur en Jésus-Christ,
François de Sales,
Prévôt de l'Eglise de Genève.
Au Révérend et très respectable en Notre-Seigneur Jésus-Christ,
Seigneur Sébastien Werro,
très illustre docteur en théologie et très méritant Prévôt
de l'Eglise de Fribourg.
(i) Le duc de Savoie, qui avait promis de rehausser par sa présence l'éclat
des Quarante-Heures, se trouvant obligé d'aller en Bresse, avait prié l'Evèque
de retarder ces solennités jusqu'à ce qu'il put se rendre à Thonon.
Année 1598 353
CXVI
A MONSIEUR AMÉDÉE DE CHEVRON
SEIGNEUR DE VILLETTE
(inédite)
Prière de se rendre en Cbablais pour protéger les habitants si les troupes
espagnoles traversent la province. — Recommander au duc les intérêts de
la mission et l'engager à assister aux Quarante-Heures de Thonon.
Thonon, 23 août 1598.
Monsieur,
Ceste infinité de peyne que vous aves pour l'affaire de
Dieu vous sera récompensée par Celuy pour Ihonneur
duquel vous le faittes. Ces gens de Thonon désirent quil
vous plaise leur faire ce bien qu'au cas que le seigneur
Dom Joan veuUie passer icy résolument *, il vous plaise * Vide supra, p. 347.
d'assister a son passage, estimans que vostre praesence
adoucira l'aigreur quilz en pourroyent sentir. Leur reli-
gion ne mérite pas ceste faveur ; mais qui sçait si Dieu
se veut servir de vostre courtoisie pour les faire penser
a leur conscience ? Hz promettent bien quilz n'en seront
pas ingratz. Si donq cela ne vous incommode pas beau-
coup, je vous supplie très humblement de le faire. Nous
solliciterons vivement l'exacteur pour la partie quil vous
doit (i), comme pour celuy auquel nous avons de si
grosses obligations.
Mais pour Dieu, escrivant a Son Altesse, touchés vi-
vement un mot affin quil vienne a ces 40 [heures]. Sil
nous baille moyen de loger honnestement des curés par
tout ce balliage après les 40 heures, tout est emporté
pour la foy catholique. Il ne se fera jamais plus a propos,
et sans offencer personne, car cela viendra au désir de
presque tous. Il ne coste rien a Son Altesse, car ces
bénéfices de ce pais ne peuvent avoir moindre emploite
( I ) Peut-être s'agit-il d'une pension qui, par patentes du 26 juillet 1 598, devait
être prélevée sur les « ... condempnations et compositions des usures riere le
Grand et Petit Bornand. » (Arch.de la Ch. des Comptes de Sav., Patenti, \ol.2ï.)
Lettres I »j
XIX, 4-1.
354 Lettres de saint François de Sales
que de demeurer aux Chevalliers de Saint Lazare; il sera
bien emploj'é qu'on les reduyse a leur premier usage en
une si belle occasion. Sa Sainteté approuvera tout in-
dubitablement.
Je pensois partir passé demain, aller vers vous et a
Sales; mais j'attendra)^ jusques a mercredi, par ce que
le P. Chérubin me vient de dire qu'a son advis il ne seroit
que bon que vous donnies un coup d'esperon jusques icy
pour voir tant plus briefvement ouverture a vostre paye-
ment. Que Son Altesse ne perde pas cest'occasion de
réduire ses peuples en unité de foy ; Nostre Seigneur
» is., X, 3; Lues, mesprise ceux qui mesprisent le jour de sa Visitation*.
Quand au bruit qui a couru que les Bernois avoyent
des trouppes de reitres delà le lac, c'est une bride a
veau : est spaventa velliacho. Hz ont bien fait leurs
monstres de la milice ordinaire, que je metz en mesme
conte que les monstres du papegai de Neci (O.
Or sus, Monsieur, je prie Dieu pour vostre santé, et
suis irrévocablement
Vostre très humble et très asseuré serviteur et neveu,
France De Sales.
Thonon, 23 aoust 98.
Je salue monsieur et madame de la Faverge, mes
oncle et tante '.-).
A Monsieur
Monsieur de Vilette,
Maistre d'hostel de S. A.
Revu sur l'Autographe conservé à Gênes, Sanctuaire de la Madonneltj.
( I ) Par « monstre du papegai de Neci, » il faut entendre la parade que
faisaient chaque année les chevaliers tireurs au jour du tir à l'oiseau. Ces
compagnies, qui existaient dans la ville de date immémoriale, avaient obtenu
plusieurs privilèges des ducs de Savoie. L'exercice du tir était une réjouissance
publique, dans laquelle la religion avait une large place. Des institutions sem-
blables furent créées non seulement à Chambéry, mais encore dans la plupart
des villes de Savoie, telles que Thonon, La Roche. Cluses, Rumiliy, etc.
Charles-Emmanuel P' alloua une prime de cent florins au vainqueur ou roi
du tir, avec l'exemption des droits de gabelle durant une année.
(2) Janus de la Faverge, seigneur de Cormand, avait épousé Remette de
Chevron-Villette, cousine germaine de M'"' de Boisy, mère de saint François
de Sales. Ils habitaient La Roche, et probablement le destinataire de cette
lettre, qui était aussi leur cousin germain, se trouvait auprès d'eux.
Année 1598 355
CXVII
A MONSIEUR JEAN SARASIN (O
Invitation à exposer par écrit la mission dont il est chargé.
Thonon, entre le 18 et le 24 septembre 1598.
Monsieur,
Puysque nous avons observé jusques a prsesent de
mettre nos dires de part et d'autre par escrit, je vous
prie d'escrire le vostre encores sur le particulier de l'in-
tention des messieurs vos supérieurs touchant vostre
venue, ce pendant qu'en responce (sachans que ce ne
sera autre que ce que vous aves proposé a bouche) nous
dressons les articles demandés.
A tant, me vojda tous-jours, ^lonsieur,
Vostre très affectionné
et humble serviteur en Dieu,
France De Sales.
A Monsieur
Monsieur Sarazin.
Revu sur l'Autographe conservé à Genève, Bibliothèque publique.
( i) Noble Jean Sarasiu (137 4-1 63 2) qui déjà à cette époque était à Genève un
personnage marquant, devait l'être plus encore dans la suite. Il devint membre,
puis auditeur du Conseil des Deux-Cents (1600), secrétaire d'Etat (1603-1621),
fut huit fois syndic et quatre fois lieutenant de la justice. Sarasin publia, de
concert avec Jacques Lect, l'ouvrage intitulé : Le Citadin de Genève (1606).
Pendant la longue période où il fut investi de fonctions publiques, il eut à
remplir presque chaque année des missions importantes en Savoie, en France
et auprès des divers cantons suisses.
Mais avant de le charger de ces négociations, les magistrats de Genève le
choisirent en 1598 pour traiter en leur nom des préliminaires de la conférence
demandée par le P. Chérubin. C'est à ce sujet qu'il reçut du Saint le billet
ci-dessus.
356 Lettres de saint François de Sales
CXVIII
A MONSEIGNEUR JULES-CÉSAR RICCARDI
ARCHEVÊQUE DE BARI, XON'CE APOSTOLIQUE A TURIN
Recours à la protection du Nonce. — Pouvoirs spéciaux nécessaires aux
missionnaires. — Mesures à prendre contre les Chevaliers des Saints
Maurice et Lazare. — Admirables résultats des Quarante-Heures de Thonon.
— Zèle des Evêques de Genève et de Saint-Paul-Trois-Chàteaux. — Alarmes
au sujet de Genève.
Thonon, 13 octobre 1598.
Illustrissimo et Reverendissimo Signore mio
osservandissimo,
La felice raccolta di moite migliaia d' anime quai si è
fatta questi giorni passati in questo balliagio di Tonone,
ci ha data una incredibile consolatione , et veramente
compita, se la lettera di V. S. Iir" et R"'^ ricevuta hoggi
dal P. Cherubino fosse capitata ail" hora. Ma è forza ch' io
glie dica che Monsignor di Geneva et di San Paolo(0 et
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,
L'heureuse moisson de plusieurs milliers d'âmes qui s'est faite ces
jours passés dans ce bailliage de Thonon, nous a donné une consolation
incroyable ; consolation qui eût été vraiment à son comble, si la lettre
de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, reçue aujourd'hui
par le P. Chérubin, nous fût arrivée en ce même temps. Mais je suis
contraint de dire que Nosseigneurs de Genève et de Saint-Paul (O et
( I ) Thomas Pobel, fils de Catherin, qui fut le premier président du Sénat
de Chambéry (15^9), avait été en 1378 nommé à l'évêché de Saint-Paul-Trois-
âteaux en Dauphiné ; mais les hérétiques étant maîtres de cette ville, il
ne put jamais prendre possession de son siège épiscopal qu'il résigna en 1585.
Ce Prélat, après un long séjour à Rome, revint en Savoie (1595), où il cumula
les dignités ecclésiastiques; c'est ainsi qu'il était simultanément doyen de Cey-
serieu, prieur de Ripaille (1571), de Peillonnex (1585-1619) et Abbé d'Entremont
(1596-160'j). Thomas Pobel fut en 1605 l'un des consécrateurs de saint François
de Sales. Il mourut à Chambéry où il fut inhumé le 30 septe>mbre 1619,
Année 1598 557
quanti siamo qui de suoi divoti havevamo non poca ma-
raviglia et altro tanto di ramarico in non haver nuova
veruna délia sanità sua, laquale se mai ci è stata cara,
adesso ci deve esser carissima, quando sonno le cose
nostre venute in tal stato che più che mai han bisogno
di un taie protettore et promotore quale si è sempre
mostrata V. S. 111'"^ et R'"\ Poichè dal canto di Sua Al-
tezza altro ne sperare, ne desiderare si puô ne deve,
senon la perseveranza délie christianissime opre quali
ha già fatte, et non ciè altro da domandare senon un
favor fervente , pronto et libérale dalla Santa Sede
Apostolica, acciô abbracci questa impresa con quelle
favorevole (sic) braccia colle quali suole stringer le
cose del Signore. Hora, se questo bene non ci viene per
mezzo di V. S. lU™" et R"^, non vedo per quai strada
possa venire.
Habbiam bisogno di gratie spirituali per le assolutioni,
acciô si possa no far con ogni libertà fra questi rozzi et
novitii popoli, non solamente da 3lonsignor et R™" Ve-
scovo et da me, ma da quanti sarà bisogno di commettere.
nous tous qui vous sommes dévoués ici, avions été fort étonnés et non
moins affligés de ne recevoir aucune nouvelle de votre santé. Si
toujours elle nous fut chère, elle doit maintenant nous être très chère,
puisque nos affaires sont dans un tel état que nous avons besoin plus
que jamais d'un protecteur et promoteur tel que Votre Seigneurie
Illustrissime et Révérendissime l'a toujours été à notre égard ; car
du côté de Son Altesse on ne peut, on ne doit même espérer ni dé-
sirer que la continuation des œuvres très chrétiennes qu'elle a déjà
accomplies. Il n'y a autre chose à demander sinon un concours
actif, prompt et libéral du Saint-Siège Apostolique, afin qu'il embrasse
cette entreprise du même bras favorable avec lequel il a coutume
de soutenir les œuvres de Dieu. Or, si ce bien ne nous arrive par
l'intermédiaire de Votre Seigneurie, je ne sais par quelle voie il
peut nous venir.
Nous avons besoin de grâces spirituelles relativement aux absolu-
tions, afin qu'elles puissent être accordées en toute liberté à ces
peuples grossiers et nouvellement convertis , non seulement par
M»"" notre Révérendissime Evèque et par moi, mais aussi par tous
358 Lettres de saint François de Sales
non bastando a tanta messe se non gran numéro di
*Cf. Matt., IX, 37, messori *. Cosî anco habbiam bisogno di qualche autho-
3 , ucs, X, 2. ^^^^ ^^ communicarsi, secondo le particolari occurrentie,
ad uno o più persone ; et se non fossimo cosî vicini del-
r anno del Giubilaeo, io diria una parola, che per noi saria
bisogno per un anno di un perfetto et gran Jubilaeo.
Et non solamente per le gratie spirituali, ma per le
temporali, habbiam bisogno di Giubilaeo; et questo non
si puô difFerire senza un gran danno délia conscientia.
Cioè, che Sua Santità, conforme alla buona mente di
Sua Altezza , faccia restituir li beneficii tenuti da' si-
gnori Cavaglieri alli pastori et ecclesiastici, li quali si
stabiliranno adesso per modo di provisione in questo
balliaggio. Ne è necessario di procedere in questo con
quelle formalità ordinarie che richiedono un gran tratto
di tempo, perché fra tanto si perdono le anime redente
da Christo, et è pur vero che salus populi suprema
* Inter leges perdi- lex esto *. Ne bisogna in questo usar rispetti, perché
tas XII Tabularum , . , , . <,, , ^- r-u • <.
(juxta piures). periculiim est in mora. Sonno le cose di Christo a
tal segno in queste provintie adesso, che se habbiam
ceux qu'il sera nécessaire de déléguer à cet effet ; car pour recueillir
une telle moisson un grand nombre de moissonneurs peut à peine
suffire. De même encore, nous avons besoin de quelques pouvoirs qui
puissent être communiqués, selon les occurrences particulières, à
une ou plusieurs personnes ; et si nous n'étions pas aussi proches de
l'année du Jubilé, je dirais qu'il serait nécessaire pour nous d'obtenir
une année de parfait et grand Jubilé.
C'est non seulement pour les grâces spirituelles, mais encore pour
les temporelles que nous avons besoin d'un Jubilé, et ceci ne se peut
différer qu'au grand détriment des consciences. Il faudrait que Sa
Sainteté, conformément à la bonne intention de Son Altesse, fit res-
tituer les bénéfices détenus par MM. les Chevaliers, aux pasteurs et
ecclésiastiques qui s'établiront maintenant en ce bailliage par manière
de provision. 11 n'est pas nécessaire de procéder en ceci selon les for-
malités ordinaires qui exigent beaucoup de temps, puisque en atten-
dant les âmes rachetées par Jésus-Christ se perdent, et il est très vrai
que « le salut du peuple doit être la suprême loi. » En cela il ne faut
point user de ménagements, car tout délai est un péril. Les intérêts
de Jésus-Christ sont maintenant en tel état dans ces provinces, que
Année 1598 359
modo di farle splendidamente, il capo del serpente se
ne va spezzato. Guai a chi darà impedimento a cosî
santa opra.
Le Bulle di Sua Santità, per le quali concède a quelli
délia Relisfione li beneficii di questa provincia *, vogliono *Videsupra,p.253,
,. ,1 r , ■ ■ ■ 1- j • not.(i\ adfineru.
che m caso che la santa lede si restituisca, diano ad ogni
curato cinquanta ducati di provisione. Ecco restituita
poco meno la santa fede per tutto generalmente ; ma le
chiese sono rovinate, senza paramenti. senza calici, senza
croci : dove ne pigliaremo ? Li curati da stabilire qui
non devono esser persone di cinquanta ducati ; devono
haver compagnia di un altro sacerdote. Vœ homini soli*, ^Eccies., iv, 10.
massime nella vicinanza de' pardi, ursi et lupi. Bisogna,
si (sic) fia necessario, vender i calici et altre gioie non
necessarie dell' altre chiese, per fare queste spese et dar
da mangiar a queste anime fameliche, lequali altrimente
sonno hora per hora per morire, acciô non si possa dire
di noi : Qiiem non pavisti occidisti*. Voglio dire che o.^t^Lxxxvr'c^xii'
Sua Santità. havendo rispetto ail" importantia di questo ubi haec verba s.
. . , . Ambrosio tribuun-
negotio, darà ordine che li Cavaglieri si contentmo di tur.
si nous pouvons donner au culte la splendeur convenable, la tête du
serpent sera brisée. Malheur à qui s'opposera à une œuvre aussi
sainte !
Les Bulles par lesquelles Sa Sainteté concède aux Chevaliers de
Saint-Lazare les bénéfices de cette province exigent que dans le cas
où la sainte foi y serait rétablie, ils donnent à chaque curé une pro-
vision de cinquante ducats. Voici que la sainte foi est rétablie à peu
prés partout, mais les églises sont ruinées, sans ornements sacrés,
sans calices, sans croix. Où en prendrons-nous? Les curés que l'on
aura à placer ici ne doivent pas être des personnes à cinquante
ducats ; ils doivent avoir un autre ecclésiastique avec eux. Malheur
à l'homme seul, surtout dans le voisinage des léopards, des ours et
des loups ! 11 faut même, au besoin, vendre les calices et objets
précieux non nécessaires aux autres églises, pour faire ces dépenses
et nourrir ces âmes affamées, qui autrement sont exposées d'heure
en heure à périr, afin qu'on ne puisse pas nous appliquer ces
paroles : « Vous avez tué ceux que vous n'avez pas nourris. » Je
veux dire qu'il faut que Sa Sainteté, ayant égard à l'importance de
cette affaire, intime des ordres pour que les Chevaliers permettent
560 Lettres de saint François de Sales
permettere { 0 che sia servito Christo Signore nostro dalle
intrate delli béni che a questo effetto sonno dati dalli pii
et religiosi padri et antichi nostri. Mi perdoni per bontà
sua V. S. 111""' se io, rapito dal desiderio di veder questo
principio glorioso capitar in un fine gloriosissimo, glie
scrivo con questa gran libertà et forse importunità ; è
avezza alli miei sconci et semplici concetti, et non li
haverà per maie.
Vorrei poter et saper dar rilatione a V. S. 111™* di
quello che Iddio ha fatto qui nel tempo délie prime
40 hore celebrate il 20 et 2 i del mese passato, inanzi che
fosse giunta Sua Altezza, et nelle seconde celebrate nel
primo et 2 del présente ; son certo che io glie cavaria il
fastidio che gli ho dato colli miei desiderati Jubilaei.
Vorrei potergiie dire 1" allegrezza che ha ricevuto Monsi-
gnor Vescovo nostro di Geneva , vedendosi ritornare
nelle braccia tanti figlioli prodighi, et con quanta faticha
si adopra in si felice impresa. Vorrei potergiie dar
conto délia desterità, prudentia et buon animo col quale
que les revenus des biens donnés à cet effet par la piété et la religion
de nos pères et de nos ancêtres soient employés au service de Notre-
Seigneur Jésus-Christ. Que la bonté de Votre Seigneurie Illustrissime
veuille bien me pardonner si, transporté du désir de voir ce glorieux
commencement aboutir à une fin plus glorieuse encore, je lui écris
avec une si grande liberté et peut-être même trop d'importunité ;
mais Votre Seigneurie, habituée à recevoir la confidence de mes pen-
sées souvent bien mal exprimées, ne le prendra pas en mauvaise part.
Je voudrais pouvoir et savoir vous donner la relation de ce que
Dieu a fait ici pendant les premières Quarante-Heures célébrées le
20 et 2 1 du mois dernier, avant l'arrivée de Son Altesse, et pendant
les secondes célébrées le i" et le 2 courant ; je suis sûr que je vous
dédommagerais de l'ennui que je vous ai causé par mes désirs de
Jubilés. Je voudrais pouvoir vous dire la joie de M^"" de Genève, notre
Evêque, en voyant revenir entre ses bras tant d'enfants prodigues, et
avec quelle peine il se dévoue à cette heureuse entreprise. Je voudrais
pouvoir vous rendre compte de la dextérité, de la prudence et du
( I ) C'est sans doute par distraction que le Saint a écrit promtttere. On a
cru nécessaire de rétablir le mot exigé par le sens.
Année 1598 361
Monsignor R""" di San Paolo si è affaticato per incaminar
queste conversioni et opre pie, il zelo col quale ne ha
trattato et appresso Sua Altezza et in ogni occasione ;
chè se crescer poteva Tamicitia che V. S. 111™" tiene
verso di questo Prelato, son certo che d' altro tanto cre-
scerebbe. Lascio il Padre Cherubino, il quale è tanto
consolato sin adesso, che se non fossero le fatighe gran-
dissime che sente, crederebbe che Tonone fosse Paradiso,
vedendo tante conversioni et il frutto maturo delli suoi
sudori.
Direi ancora di me che sto consolatissimo, se un ru-
more sparso di qua non mi desse noïa : cioè, che il Re
Christianissimo vuole che nell' honorata pace fatta dalla
Santa Sede fra li potentati catholici vi sia compresa la
vituperosa Babilonia di Geneva. Non la posso creder,
perché l' ho per troppo disdicevole che quella terra ma-
ledetta habbia pace per mano délia Santa Sede ; senza
altro, assolutamente non la posso capire. Iddio ci darà
nuove più grate. Ad ogni modo glie faremo guerra colle
prediche, et già che ci chiamano ad una conferentia, ci
courage avec lesquels M'" de Saint-Paul a travaillé pour avancer ces
conversions et œuvres pies, le zèle avec lequel il a traité cette affaire
auprès de Son Altesse et celui qu'il déploie en toute occasion. Si
l'amitié de Votre Seigneurie pour ce Prélat pouvait s'accroître, je suis
sûr qu'elle s'augmenterait d'autant. Je ne parle pas du P. Chérubin,
tellement consolé jusqu'ici, que, n'étaient les fatigues très grandes
qu'il ressent, il croirait que Thonon est un paradis, voyant tant de
conversions et recueillant en pleine maturité le fruit de ses sueurs.
Je dirais encore de moi-même que je suis très consolé, si un bruit
qui se répand de nos côtés ne m'attristait beaucoup : c'est que le roi
très chrétien veut que l'infâme Babylone de Genève soit comprise
dans la paix honorable faite par la médiation du Saint-Siège entre
les puissances catholiques. Je ne puis y croire, car il serait trop
inconvenant que cette terre maudite reçût la paix par l'entremise du
Saint-Siège ; je ne puis absolument pas le comprendre. Dieu nous
donnera de plus réjouissantes nouvelles. Quoi qu'il en soit, nous
lui ferons la guerre par la prédication, et puisqu'on nous appelle à
une conférence nous nous préparons à faire tous nos efforts. Mais,
^62 Lettres de saint Fkançois de Sai.es
prepariamo a far ogni sforzo. Ma la preghiamo che il
Padre Laurinio venga da Milano a concorrere con noi
ogni volta che sarà chiamato; il che, con la sua authorità,
puô procurare , corne Sua Altezza si propone di farlo
dal canto suo.
Supplico V. S. lU'"^ et R'"^ di perdonarmi Taltra volta
et credere che la libertà col laquale ejfundo animam
* I Reg., I, 15; Ps. ineam inansi di lei *, non nasce senon dal vivo et can-
'^^"' ^' dido afifetto col quale io sono,
Di V. S. 111'"^ et R'"%
Divotissimo et humilissimo servitore,
Franc° De Sales,
Praevosto di Geneva.
In Tonone, alli 13 di Ottobre 98.
Air III"''' et Rf"" Sig'' mio osservandissimo,
Monsig'' l'Archivescovo di Bari,
Noncio Apostolico appresso Sua Altezza.
Saluzzo.
Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Archives du Vatican.
de grâce, que le P. de Lorini vienne de Milan nous apporter sa
coopération chaque fois qu'il sera appelé ; ce que Votre Seigneurie
peut obtenir par son autorité, ainsi que Son Altesse se propose de
faire de son côté.
Je supplie Votre Seigneurie de me pardonner une fois encore et de
croire que la liberté avec laquelle je répands mon âme en sa présence
ne provient que de la vive et sincère affection avec laquelle je suis,
De Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime
Le très dévoué et très humble serviteur,
François de Sales,
Prévôt de Genève.
Thonon, le 13 octobre 1598.
MINUTES
ÉCRITES PAR SAINT FRANÇOIS DE SALES
POUR MONSEIGNEUR DE GRANIEr(')
CXIX
A SA SAINTETE CLEMENT VIII
Fruits merveilleux produits par les Quarante-Heures de Thonon. — Prière
d'intervenir auprès du roi de France et du duc de Savoie pour que Genève
ne soit pas comprise dans le traité de Vervins.
Thonon, vers le 20 octobre 1598.
(3) Quam lœtos atque uberes animarum fructus ex hac
Gebennensis diœcaesis vinea hisce diebus perceperimus,
Illustrissimi in Christo Patris Domini Cardinalis a Medi-
ces, a latere Legati [narratione,] uti spero, cognoscet(^)
Sanctitas Vestra. Cum enim hoc in oppido 40 horarum
Votre Sainteté aura appris, je l'espère, par le rapport de l'Illustris-
sime Père et Seigneur en Jésus-Christ, le Cardinal de Médicis, son
Légat a latere, quelle belle et abondante récolte d'âmes nous venons
de faire ces jours passés dans la vigne de ce diocèse. En effet, Dieu
a disposé si heureusement les choses, que ce grand Cardinal a pris
(a) rHosce...J Quam laetos atque uberes animarum fructus, Deo propitio,
fquosj hisce diebus perceperimus...
(b) Legati, — fet hujus quem ad B. V. pedes supplicem destinavimus...
mittimus, narratione fusius cognoscet...J
( I ) Ces deux minutes, qui occupent le recto et le verso d'un même feuillet,
ont été écrites par le Saint avant son départ pour Rome, bien que la seconde
lettre paraisse n'avoir été envoyée qu'après son arrivée dans la ville éternelle.
364 Lettres de saint François de Sales
oratio celebraretur, f'^) ejusdem Cardinalis Illustrissimi ex
itinere et Serenissimi Ducis nostri praesentia, Deo procul
dubio ita disponente, incidit, faustis admodum auspiciis,
quando per idem tempus innumera hominum multitude
haeresim abjurare fidemque Catholicam amplecti statue-
rat, quorum pars id in ipsius Illustrissimi Legati, pars
in meis manibus sancté praestitit , Serenissimo Duce
quam impensissime rem totam promovente. Quse omnia
hic, quem ad Beatitudinis Vestrae pedes supplicem des-
tinamus, fusius facillime exponet, quod omnibus rerum
harum successibus interfuerit.
At vero, dum ita fœliciter coram Domino laetamur,
sictit qui lœtantur in messe, siciit exultant victores
Is., IX, 3. capta prœda quando dividunt spolia'^, hoc unum
accidit intempestive et molestissime : nimirum Rex Chris-
tianissimus per litteras Serenissimum Ducem serio admo-
net, velle se ejus quam tam opportune Sanctitas Vestra,
tanta totius orbis Catholici voluptate, perfecit pacis vin-
culo comprehendi hseresis totius Calvinianae matricem et
la route de son retour par cette ville, où il s'est rencontré avec le
duc au temps où l'on y célébrait les Quarante-Heures. Une multitude
innombrable d'hommes, qui avaient résolu de renoncer à l'hérésie
et d'embrasser la foi catholique, ont fait leur abjuration, partie
entre les mains de l'Illustrissime Légat, partie entre les miennes.
L'influence de notre sérénissime duc a beaucoup contribué à ce ré-
sultat. Celui que nous députons aux pieds de Votre Sainteté, ayant
été témoin de tout ce qui s'est passé, lui en fera un exposé plus
complet et plus fidèle.
Mais pendant que nous nous réjouissons heureusement devant le
Seigneur comme ceux qui se réjouissent au temps de la moisson, comme
se réjouissent les victorieux lorsqu'ils se partagent les dépouilles de
l'ennemi, voici que nous arrive une nouvelle fort inopportune et
affligeante : le roi très chrétien prévient sérieusement par lettres le
duc de Savoie qu'il entend que Genève, mère et source de l'hérésie
calviniste, soit comprise dans le traité de paix que Votre Sainteté a
fait conclure à la grande satisfaction de l'univers catholique, bien
(c) oratio — rper Patres CappucinosJ celebraretur, rfocUcibus omnino
auspiciis. ..j
Année 1598 365
fontem, Genevensem videlicet civitatem, quamvis pacis
articulis, ut par erat, nulla illius mentio habeatur (0. Quae
res incredibilem haereticis omnibus audaciam addit, fidei
Catholicae aditum prsecludit, novissime converses animos,
si non abjicit omnino W, at sane perturbât quam maxime;
mihi ac canonicis meis bonorum ecclesiasticorum recupe-
randorum, quae per summam iniquitatem a Genevensi-
bus detinentur, spem omnem funditus evellit.
Quapropter istum Ecclesise mese Praepositum, quot-
quot sumus hic ordinis ecclesiastici viri, quoad ejus fieri
potuit celerrime misimus qui, nostro omnium nomine,
ad démentis Beatitudinis Vestrse pedes provolutus ,
quantam res haec, si succédât, jacturam sit allatura rei-
publicae Christianse, quamque atram tanto ac tam fœlici
pacis exitui sit notam impressura, nostro omnium nomine.
que, comme il était raisonnable, nulle mention n'ait été faite de cette
ville dans les articles du traité (O. Cette nouvelle inspire une in-
croyable audace à tous les hérétiques et leur ferme l'entrée à la foi
catholique ; si elle n'abat pas entièrement le courage des nouveaux
convertis, du moins les trouble-t-elle grandement, et nous ôte, aussi
bien à moi qu'à mes chanoines, tout espoir de recouvrer les biens ecclé-
siastiques que les Genevois retiennent par une souveraine injustice.
C'est pourquoi, tant que nous sommes ici d'ecclésiastiques, nous
vous avons député le plus promptement qu'il a été possible, le Prévôt
de mon Eglise cathédrale qui, en notre nom à tous, se prosternera
aux pieds de Votre clémente Béatitude , et lui exposera combien
grand serait le dommage qu'une telle paix, si elle vient à se conclure,
causerait à la république chrétienne et la tache honteuse qu'elle
imprimerait à un si grand et si heureux succès. Que, selon la clémence
(d) sinon — TadimitJ omnino, Tquod minime futurum speramus, at de-
mittit sanc.J
( I ) Le traité de Vervins contenait la stipulation suivante : « De la part
dudict sieur Roy Très Chrétien seront comprins au présent traité, si comprins
y veulent estre... les treze cantons des ligues de Suisse, les sieurs des trois
ligues Grises, l'Evesque et seigneurie du pais du Valais, l'Abbé et ville de
Sainct-Gall... et attires allie^ desdicts sieurs des Ligues. » Or, par cette formule
si vague, « autres alliez, » Henri IV avait entendu désigner Genève, comme il
le déclare dans une pièce datée de Monceaux le ii novembre 1598.
^66
Lettres de saint François de Sales
quam humillime explicabit, ut pro sua erga orbem Catho-
licum, maxime vero erga hanc tôt malis exagitatam pro-
vinciam, paterna clementia Sanctitas Vestra serio, tum
apud Christianissimum Regem tum apud Ducem Sere-
Is., xLviii, ult., nissimum agat ne tanta pax sit impiis *, nec ejus
laetentur privilégie qui ecclesiasticam pacem tôt scissuris
convellere (^) nituntur. Cui debent honorem, potius
honorem , cui vectigal, vectigal compellantur red-
dere*; ac tum demum veniat^^;sc super illos in virtute
Domini * et authoritate Sanctse Sedis Apostolicae. Cui
Sanctitatem Vestram clementissime et beatissime (^) in-
sidentem, Deus optimus maximus quam diutissime ser-
vet incolumem.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
LVII, ult
* Rom., XIII, 7.
* Ps. cxxi, 7.
paternelle qu'Elle témoigne à toute la Catholicité et surtout à cette
province agitée par tant de maux, Votre Sainteté daigne intervenir
sérieusement auprès du roi très chrétien et du sérénissime duc, afin
qu'une telle paix ne soit pas accordée aux impies, et qu'ils n'en goûtent
point les avantages ceux qui s'efforcent de bouleverser par tant de
divisions la paix de l'Eglise; mais que plutôt ils soient contraints de
rendre l'honneur èc qui ils doivent l'honneur, le tribut à qui ils doivent
le tribut, et que, par ce moyen, la paix vienne sur eux en la vertu du
Seigneur et par l'autorité du Siège Apostolique que Votre Sainteté
occupe si heureusement et avec tant de clémence, et sur lequel nous
supplions le Dieu très grand et très bon de vous conserver de longues
années pour le bien de son Eglise.
(e) convellere — (omnibus quibus possunt modis,J
( f j beatissime — TpraesidentemJ
Année 1598 367
CXX
AU MÊME
Raisons qui ont contraint le Prévôt de différer le voyage de Rome. — Envoi
des documents qui doivent être présentés à Sa Sainteté.
Fin 1598.
Jamdudum Apostolorum limina meo nomine visitasset
Reverendus Franciscus De Sales, Ecclesiae meae Praepo-
situs, nisi periculosissimo morbo quo per multos menses
decubuisset [impeditus fuisset,] et propter pestem in plu-
rimas hujus provinciae partes hactenus saevientem, aditus
omnes nobis ad Italiam interclusi fuissent. Perrexit nihi-
lominus tandem aliquando, ac superatis itinerum difficul-
tatibus, uti spero, ad Sanctitatis Vestrae pedes accessit.
Ac quidem, quando res propter quam abiit nullam
sine summo periculo moram patiebatur, nec omnia tune
haberem prae manibus quae visitationi sanctorum limi-
num necessaria sunt, ea nunc duxi mittenda, quo vices
meas hac in re apud Sanctitatem Vestram agat meo
nomine ; ratus Clementiae suée id acceptum iri, tum ut
Il y a longtemps que Révérend François de Sales, Prévôt de ma
Cathédrale, aurait visité en mon nom les tombeaux des Apôtres,
s'il n'en avait été empêché par une très dangereuse maladie qui l'a
tenu alité plusieurs mois, et si les voies d'Italie ne nous eussent été
fermées par la peste qui a affligé et afflige encore presque toute cette
province. Mais enfin il s'est mis en route, et ayant, comme je l'espère,
surmonté les difficultés des chemins, il a dû se prosterner déjà aux
pieds de Votre Sainteté.
Or, parce que l'affaire pour laquelle il est allé à Rome ne pouvait
être différée sans un très grand danger, et que je n'avais pas, lors de
son départ, tous les documents nécessaires pour un voyage ad limina,
j'ai jugé bon de les envoyer maintenant, afin qu'en mon nom il ren-
dit ses devoirs à Votre Sainteté, espérant que Sa Clémence l'aura
368 Lettres de saint François de Sales
difficillimo tempore '. ^ quae fieri possunt per pauciora,
per plura nequaquam iiant. tum ut hic meus procurator,
qui non inutilem omnino hoc in agro operam navare
consuevit, variis peregrinationibus ab opère abstrahatur.
Praecor autem Deum optimum maximum uti Sancti-
tatem Vestram Beatissimam Ecclesiae suae quam diutis-
sime servet incolumem.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
pour agréable. C'est autant pour ne pas employer plusieurs moyens
là où un seul suffit dans les temps si difficiles où nous vivons, que
pour donner occasion à mon procureur, qui n'a pas travaillé inutile-
ment dans le champ du Seigneur, de se délasser par divers pèlerinages
des fatigues qu'il a soutenues.
Je prie le Dieu très bon et très grand de conserver longuement
Votre Sainteté à son Eglise.
(a) difficillimo tempore — Texpensis una eademque via quam plurima fiant
si possint...J
APPENDICE
Lettres I *4
Les notes marginales indiquent la corrélation des pièces de V Appendice
avec le texte des Lettres de saint François de Sales.
LETTRES
ADRESSÉES A SAINT FRANÇOIS DE SALES
PAR QUELQUES CORRESPONDANTS
A
LETTRES D'ANTOINE FAVRE
I
Chambéry, 30 juillet 1593.
Viro clarissimo Francisco De Sales,
Praeposito Cathedralis Ecclesiœ Sancti Pétri Gebenensis,
Antonius Faber, Senator, salutem dicit.
* Est omnino virtuti hoc insitum et peculiare, vir clarissime, ut ' vide Epist. ix.
possessores suos non illis tantùm quos et ipsa possidet, sed iis quo-
que omnibus quibus amabilem se exhibet, sola sui contemplatione
et admiratione reddat amabiles. Sic enim pr^efari lubet, non quomodo
plerique soient, qui cùm primùm eos quos numquam viderint aut
coràm aut per literas salutant, ab excusationibus initium sumunt,
ac si vel suspecta minusque laudabilis videri possit honesta illa
ineundfe amicitiae provocatio, vel in eo quod per se honestum atque
laudabile sit exequendo, aliam quàm debiti officii rationem exquiri
constareve oporteat.
Tu vixdum equidem mihi de facie notus. sed nominis tui fama
pro singulari qua excellis virtute, probitate ac eruditione notissimus,
tanta me fruendi tui cupiditate allectum devinctumque habes, ut
jam inde à quo tempore milii ad cadem ista bonarum literarum et
jurisprudenticc studia, licet minus féliciter, incumbere contigit, de
amando te et observando non tantùm consilium cepisse videar, sed
j^2 Appendice
etiam obligationis perpetuœ vinculum contraxisse. Neque tamen
id à te sic accipi velim, quasi in me vel singula et mediocria esse
putem quae in te universa sunt ac absolutissima, sed ut intelligas et
morum et animorum similitudinem quae ad conciliandas inter igno-
tos quoque amicitias plurimùm posse creditur, in eo etiam interdum
elucere, in quo disparia sint omnia prœter unam eandemque similia
consectandi voluntatem.
Nam quod iis usu venire solet qui longiore absentis aut defuncti
alicujus desiderio torquentur, ut ea demùm ratione recreari se sen-
tiant, si non solum amici memoriam diligenter et religiosè, ut par
est, colant, sed etiam exactissima naturœ imitatione, quantum arte
effmgi potest, ejus quasi praesentis imaginem oculis suis intuendam
objiciant, id ipsum nobis, quotquot ad virtutem contendimus, fa-
ciendum existimo ; ut quoniam admirabilem ejus pulchritudinem,
qualis quantaque est, ne animi quidem cogitatione assequi possu-
mus, eos saltem nobis ad amandum et imitandum proponamus in
quibus vivam illa sui effigiem. elegantioribus et aptioribus, ut ita
dicam, coloribus depinxerit. Ita namque fit ut ad ejus cultum stu-
diumque vehementiùs accendamur, quam oculis si cernere posse-
mus, proculdubio longé vivaciores prorsùsque mirabiles sui amores
in animis nostris excitaret. Nec enim malè quis, judicio meo, prs-
clarum hoc encomium virtuti adscribat , jam olim à divino illo
Platone soli attributum sapientia, quam utique sapiens nemo unquam
à virtute sejunxit.
Ego sanè, quamquam id miiii semper enitendum credidi, ut boni
cujusque amicitiam quibus possem officiis et obsequiis promerêrer,
nihil tamen facio libentiùs quàm ut totum me, quantulus sum, iis
dedam ultroque voveam quos mihi persuadée sic natos et educatos
esse ut ab iis consilii, doctrinœ et, quod in re ardua laboranti pras-
cipuum est, boni exempli adjumenta comparare possim.
In quibus si te unum esse dicam, qui hodie mihi instar omnium
esse possis, in ista prœsertim vixdum virili œtate, in qua tôt tantaque
virtutum ac scientiarum omnium, non argumenta modo sed claris-
sima lumina proferas ut à quo superari in posterum queas alium
quàm te habeas neminem, vereor ne adulatorem me potiùs quàm
probum amicitias Fabrum suspicêre. Non quod non sis tu tibi ipsi
mihique testis optimus, nisi tua te fallit modestia, majorem tibi
laudem deberi quàm ex commendatione mea possit accedere ; sed
quia minus fortassis credibile tibi futurum sit taie jam meum de te
judicium esse quale esse deberet, si mihi tam perspecta probataque
foret virtus tua quàm frequentissimis omnium quos de te loquentes
audio sermonibus est commendata.
Lettres d'Antoine Favre 373
Itaque quod superest, ne longiori epistola fiât importuna salutatio,
rogo te et, si pateris, etiam atque etiam peto, ut hanc perexiguam
quidem, sed promptissimam et liberalem singularis mece erga te
voluntatis significationem sic excipias, tanquam ab eo profectam à
quo omnia devotissimi et amicissimi hominis officia, non tam expec-
tare debeas quàm pro jure et arbitriotuo, quoties videbitur, vindicare.
Esset quidem honorificentius milii, et optabilius, jam amari abs
te, si merêrer ut hoc ipso merêri me intelligerem ; sed erit jucundius,
fortassis etiam gloriosius, si ob eam causam amari me post hac intel-
ligam, quôd prior ego te tuique animi dotes eximias amaverim. Nam
et plus prsestat qui prior amat, et in prceclaro isto et laudabili con-
tentionis génère ex quo suavissimam sibi quisque speret victoriam,
priorem vinci vincere est. Sic fiet ut plus tu mihi debeas quàm ego
tibi ; sed plus ego vicissim virtutibus tuis quàm tu meis, si tamen is
ego sum qui meas possim uUas dicere.
Benè vale, vir clarissime, et me ama.
Ex urbe Chamberii, 3 calend. Augusti 1593.
A Monsieur
Monsieur De Sales,
Prévost en l'Esglise Cathédrale de Sainct Pierre de Genève.
Revu sur l'original conservé à Annecy, Archives de la Société Florimontane.
Octobre 1593.
* Ais velle te à theologia impetrare facultatem ad jurisprudentiœ ' videEpist.xn, p. 36.
sacra, quae superiore biennio intermisisti, quodam postliminii jure
repetenda. Quo nomine non solùm mirabiliter gaudeo, sed etiam, si
tua causa id facis, ut facere debes, et tibi et jurisprudentiœ gratulor :
tibi, cui amplissimam gloriae messem ex eo consilio paratam esse
prospicio ; jurisprudentiœ, quam mira ingenii tui felicitate ornatam
maxime et illustratam iri confido si, quod facturum te non dubito, ad
eam sic voles incumbere ut qute te prior disciplinae sus alumnum
habuit, ejus laudem cum tua putes esse conjunctam. Sin ut ais, et
ego ut mihi magis placeam credere volo, mea potiùs causa et quo-
niam ita suadeo idipsum facere voles, equidem perinde gratulabor
jurisprudentiae, cùm jam sic affectus esse debeam ut in eo quôd mea
causa faciès, non minorem quàm si tua diligentiam et industriam
collaturum te persuasum habeam ; sed mihi potissimùm, cui tam
374 Appendice
prœclara ista tamque facilis obtigerit benè de jurisprudentia merendi
occasio, vel hoc solo quôd te induxerim uti de ea benè merereris.
Utcumque verô sit, est quôd quantas possum tibi referam gratias,
qui meis sive precibus sive consiliis tantùm indulgere te profitearis
ut studiorum tuorum legem ex arbitrio meo non solùm instituere,
quod esset facilius, sed etiam institutam et compositam immutare
non récuses. Ego certè ad sancta mutuce necessitudinis nostrœ fœdera
constringenda adeo pertinere arbitror uti studiis iisdem exerceamur,
ut, ni tu mihi hac parte prior concessisses, fuerim fortassis, dum per
Senatum et uxorem licuisset, theologiam pro jurisprudentia sequu •
turus.
Sed extra jocum, placere tibi imprimis theologiam nec miror nec
doleo : est enim propria illa et peculiaris illorum scientia quos Deus
optimus maximus, non tam ad amplissimas quasque Ecclesiae digni-
tates, quas jam tibi sua spontè obvias video, quàm ad pietatem
informaverit, cujus te gravissimum et sanctissimum, non nomen,
sed numen praecipuo cultu habere certô scio. Atque utinam eadem
mihi quae tibi in eam rem opportunitas adesset ! non voluntas, mihi
crede, abesset, non animus. Neque tamen despero quin, si quando
una nos vivere et securiore plenioreque otio frui Deus volet , et
exemplo et auxilio tuo, theologias quoque degustandae desiderium
non parvum subeat, quo jampridem titillari me sentio, in eaque, ut
in Domino mori discam, qui Christianae vitœ scopus esse débet,
tandem aliquando consenescam.
At cùm neque Spartam quas mihi divinitùs data est deserere ultro
debeam, neque à meipso tanto abesse intervallo ut, qui vel soli ju-
risprudentia imparem me video, theologias etiam amplectendas teme-
rarios spiritus sumere velim, plané conveniens est, ea mihi intérim
studia praecipuè et in amoribus et curas esse sine quibus nec officii
mei nec dignitatis ratio satis recta constare possit. Tu verô longé
beatior, qui. in ista potissimùm cetatœ quas, ut ais, restitutionis be-
neficium admittere adhuc posset, jam consecutus sis, ut et utramque
scientiam, et tua et utriusque dignitate, capessere possis, si voles,
et velle debeas, quia potes.
At hic videor mihi videra haesitantem te, quasnam illa conditio sit
quam admisi : « Si una nos vivere Deus volet. » An fortassis quôd
eventurum sperem ut in sanctissimo illo vestro collegio canonicatum
brevi ambiam, et libcralitate vestra tuaque praesertim authoritate
adipiscar? Sed à dilectissima conjuge prius impetraverim ut mortem
optet et oppetat, quàm ut id patiatur.
Quid ergo? Ad nostrum ego te, ad nostrum, inquam (vereor enim
ne non exaudieris), collegium voco, et quanta possum contentione
LETTRts d'Antoine Favre 375
hortor ut senatoriam dignitatem, non jam ambias , sed summis
meritis tuis tam honorificè novoque exemplo oblatam alacriter susci-
pias, praesentemque urgeas occasionem : non quôd verendum sit, si
te respicis, ne invitum te unquam effugiat, sed ut tantô longiores
dulcioresque dignitatis tuae fructus percipias, cujus nec minima pars
illa futura sit quôd, in tanta rerum omnium perturbatione tamque
perdita temporum conditione, tam citô vereque dignus habitus sis
qui ad eam promovereris.
Quid verô esse potest quôd te remorari aut ad cunctandum movere
debeat? An non et Episcopos et Abbates habemus, et, ut de re ju-
dicata prsescribam ne dubitationi locus relinquatur, nonne ipsum
quoque Ecclesiie vestrae Prœpositum, decessorem tuum, virum cla-
rissimum, miliique praî csteris omnibus, nçscio quo bono fato,
familiarissimum, eumdemque Imparatorem (i) et theologiae deditissi-
mum, senatorem habuimus ? An non et sacerdotes sumus, et sacro-
sancta divinarum et Iiumanarum rerum mysteria tractamus? An non
denique et breviarium (si inter séria jocari me pateris), quoties in
secreto auditorio lites ex breviario, recitamus ? Quid autem vel tibi
gloriosius, vel amplissimo ordini honorificentius, vel denique bonis
omnibus optatius, quàm inter eos te sedere, quorum dignitas tibi
communis, et illustriorem tuam reddere et ex tua accessione illustrior
ipsa fieri possit ?
At revocaret te, inquies, ea functio ab institutas vitte studiorum-
que ratione. Imô admoneret potiùs, quamquam admonitione nulla
eges, uti teipsum et tibi et nobis semper ad imitandum proponeres,
et quibus studiis eam tibi pietatis et scientiae famam comparasses
qu£e tantae dignitatis materiam peperisset ea perpetuô sectareris. Nec
erit tibi difficiliùs à Principe et Senatu quàm ab ipsa jurisprudentia
impetrare, ut et potiores et quantas voles theologiœ horas largiare.
A me etiam, quem in eo pertinaciorem contradictorem vereri deberes,
idipsum te facile impetraturum recipio; quippe qui nimis féliciter et
cùm jurisprudentia et mecum actum putabo, si te aliquando senato-
rem et, ut voluntatis ita dignitatis communione, fratrem dicere
potero.
Et verô, si tantùm mihi tribuis ut, quia sic volo, jurisprudentiam,
cui repudium mittere cogitabas, in gratiam recipere paratus sis,
quidni ea quoque tibi persuader! patiare, qucC sunt prorsus conse-
quentia, et tibi longé magnificentiora, mihi jucundiora, ipsi quoque
Reipublicae, cujus praecipuam rationem semper haberi œquum est,
utiliora ?
(i) François Empereur, à qui saint François de Sales avait succédé dans la
dignité de Prévôt de l'Eglise cathédrale de Genève.
376 Appendice
Non te hortor ad vanam illam gloriam, quam à te tantùm abesse
scio quantum à Christiano pioque viro, ad veram gloriam nato,
abesse debeat, quœque, etiamsi ex hominum existimatione aucupanda
esset, sequi tamen, non appeti deberet : sed hoc unum contendo,
nihil esse quod tu, vel tua vel mea vel denique publicae utilitatis
causa, libentiùs concedere et prœstare debeas ; quo magis mihi spe-
randum est, non commissurum te uti minorem dignitatis tuae quàm
voluntatis rationem habuisse videaris
m
Chambéry, 30 novembre 1593.
Amplissimo viro Francisco De Sales, Prasposito Ecclesiae Gebenensis,
Antonius Faber salutem dicit.
Vide Epist. XII. "^Mihi verô jam longior ista cessatio videbatur ; neque tamen tam
eo nomine molesta quôd nullas ad me literas mitteres (quamquam
hoc ipsum esset molestissimum, nisi vel ex eo maxime cognoscerem
quod malo, gravioribus te intentum studiis ocio minus abundare)
quàm quia subvereri inciperem ne quid adversi vel tuae valetudini
accidisset vel meis literis, quas Octobri superiore, cùm apud Sebu-
sianos meos feriarer, binas ad te longissimasque exararam. Quas
Vide p. 44. enim proximè dedi viro clarissimo D. Rogeto*, senatori nostro, et ut
video gaudeoque, utriusque nostrum amantissimo, ut pro sua erga me
benevolentia perferri ad te curaret, eas tibi redditas esse certô scio.
Vide p. 54. Peropportunè autem anxio mihi obtigit adventus D. Porterii*, viri
optimi mihique jam inde à multis annis cogniti ; qui primo statim
congressu rogatus à me quàm benè haberes et num quid à te litera-
rum, respondit valere te optimè, literasque pro salutatione missurum
fuisse confirmavit, si non eodem fere instanti ab urbe fuisset tibi
decedendum. Utrumque sane quàm fuit, ut esse debuit, jucundissi-
mum, sed hoc mihi ad plenam defuit voluptatem quôd de prioribus
meis literis intelligere nihil potui; qu^e si aut interceptas essent, aut,
quod vix credo, deperditîe, ferrem equidem gravissimè, et eo penè
animi affectu quo ferre soleo illa ipsa quae ad publicam jacturam
pertinent.
In quo si me tu minus verecundum putas, ne dicam impudentem,
qui tantùm mihi arrogem ut magnum aliquod Reipublicae detrimen-
tum illatum existimem si eas non acceperis, scito non tanti me nugas
et ineptias meas facere, nisi quoniam et ad te scriptîe fuerunt et
Lettres d'Antoine Favre 377
de re ad publicam, ni fallor, utilitatem spectante. Priores illas intel-
ligo, quibus ego te tam enixis multisque rationibus ad senatoriam
dignitatem quîe tibi delata est capessendam cohortabar. Neque enim
magis publicè referre arbitrer ut te senatorem omnes videant, quàm
mea interesse ut qui videbunt sciant quantum mutuo amori nostro
indulseris, qui meis potissimum, sive precibus sive consiliis, persua-
sus sis , ut in hanc tam pr^eclaram de Republica benè merendi
occasionem traduci te paterêre. Itaque mihi gratissimum erit si me
ab hac suspicione et dubitatione liberaveris, sed longé gratius (non
enim dimittam te donec benè dixeris mihi) si voluntatem tuam à judicio
meo nihil discrepare testaberis, deque eo intérim, ut desideria mea
spe aliqua sustentem, aliquid ad me, si lubet, rescribes. Igitur tuas
literas expecto.
Benè vale, mi amicissime, meque, ut facis, ama.
Datum Chamberii, pridie calend. Decembris 1593.
A Monsieur
Monsieur De Sales^
Prévost en l'Esglise Cathédrale de S' Pierre de Genève.
A Necy.
Revu sur Toriginal conservé à la Visitation d'Annecy.
IV
Chambéry, ii décembre 159?.
Clarissimo viro Francisco De Sales, Ecclesi£e Gebenensis Praeposito,
Antonius Faber salutem dicit.
* Siccine igitur te mihi tamdiu sors nostra invidebit, me^que illu- ' vide Epistxn.
det expectationi ? At, inquies, multùm distat à longissimo tempore
mensis unus. Imô verô mensis hic, si mihi credis, annus est qui in
sequentem annum incidat, aut potius anni plures, apud me quem
incredibile videndi tui desiderium sic accendit ut ipsas etiam horas
penè singulas pro mensibus numerem, et invita quoque natura, ne
dicam astrologia cujus plané sum ignarus, toto hoc hyemali solstitio
dies noctibus factas putem longiores. Quando tamen ita res fert, volo
ego mihi quoque ipsi illudere, et in longioris augurium felicitatis
accipere si te in anni principio quàm si in fine videbo ; quamquam
si qu£e mihi, quod nondum despero, ad te citiùs convolandi nascetur
occasio, non ero tam superstitiosus ut non malim incipere à fine :
quod prudentiores, ex vulgari sapientiae prascepto, sois facere debere.
378 Appendice
Intereà expecto avide literas illas quas brevi, bono, ut loqueris,
argiimento, scripturum te fuisse insinuas. Nihil enim est quod com-
modius facere possis, ut dulcissim£e consuetudinis tuas suavitatem,
quam toto animo jam amplector et deosculor, etiam desiderando
sentiam. prœsertim cùm excellens quoddam argumentum illud fore
necesse sit, si tu minus bonum istud vocas quod posterioribus his
tuis literis causam dédit, nisi forte ad id respicis quod litium odio et
execratione, ut arbitror, inverecundus tibi et importunus videare, si
pro inverecundo et importuno isto litigantiuni hominum génère me
interpelles.
Quod si ita est, patere, obsecro, me in hoc uno à te dissentire : non
quoniam ea me ratio litigatoribus aequiorem faciat, quôd inter eos et
in mediis litium anfractibus assidue versari me sit necesse (tantô
magis enim odisse deberem, cùm vel pulcherrimarum rerum oblec-
tatio satietate sordescat), sed quia multùm iis debere me sentiam
qui, ut mihi per te commendentur, literas ad me tuas déferre volent.
Q.uid enim jucundius habere possim, quàm si ex his veluti testa-
tionibus intelligam perspectam esse quàm plurimis cunjunctionem
nostram, nec minus exploratum quantum me âmes quàm illud etiam
quanti ego vicissim te faciam ?
Itaque agam iis gratias tùm maxime cùm importuni tibi videbun-
tur, petoque à te ut mea saltem causa eos in posterum âmes, tan-
quam peropportunos amiciti^ nostr^e nuncios et tabellarios. Faciam
si potero ut ad te redeant testes animi erga te mei, easdemque tibi
gratias référant quas à me acceperint, cùm sic habitos se videbunt
ut negare non possint praecipuum apud me pondus commendatio-
nem tuam habuisse.
Jam verô de patruelis tui causa, quam mihi commendas verecun-
diùs cùm pro tuo in me imperio jubere potiùs debuisses, jam audie-
ram qute pérorantes in publico auditorio advocati in utramque
Vide p. 42. partem disputaverant, et procurator Chappa*, ejusdem litis correus
deque toto negotio adprimè instructus, mihi omnia diligenter expla-
navit. Sic, obsecro, tibi persuade, in iis omnibus quœ tu me prœstare
voles, id est, ut teipsum interpretari video, quae salvo pudore et
officio praestari ab amicissimo viro possunt, non magis me tibi
tuisque familiaribus quàm mihi defuturum. Amicissimus mihi est,
quisquis amici mei se amicum probat. Nequc facile fero rigidos istos
Catones, qui apud probum judicem nuUum amicitiae aut commen-
dationi locum relictum volunt. Sunt enim nonnuUa quc'e vel à seve-
rissimo judice amicus flagitare honestè ac pro suo jure possit, quale
illud imprimis ut bonam amico causam judex optet ; quod ipsum
non parvi momenti est ad impetrandum ut , si rêvera sit bona ,
Lettres d'Antoine Favre 379
defendatur pertinaciùs, nec tam facile per imperitiam aut timiditatem
deseratur. Castera taceo quse quotidie experiuntur, qui inter amicos
et cognitos litigatores judicandi munere sic funguntur, ut neque
amicitiœ desertores videri velint, neque improbiores fieri ut amiciores
videantur. Quid enim amicitiis tam contrarium quàm improbitas?
Facis tamen tu injuriam, non probitati meae, sed necessitudini
nostrœ et, si dicere audeam, existimationi , qui ad me ita scribis
quasi existimes Salesios uUos, quicumque tandem illi sint, nedum
patrueles tuos aliqua egere apud me commendatione. Sed me ab
hac eo-o injuria non improbè vindicabo, et quibus ofificiis potero
enitar ut se milii commendatissimum fuisse gloriari possit, non quia
fuerit per te commendatus, sed quoniam is sit quem, cùm ex tuis
esset, hoc ipso milii commendare non debueras quôd aliis minus tuis
commendare illum pro officii necessitate debuisses.
Benè vale, mi amicissime, et me, ut facis, ama.
Datum Chamberii, 3 id. Decembris 1593.
A Monsieur
Monsieur de Sales,
Prévost en l'Esglise Cathédrale de Sainct Pierre de Genève.
A Necy.
Revu sur l'original conservé à la Visitation d'Annecy.
Chambéry, 20 décembre i=j()3.
(i) Clarissimo viro Francisco De Sales, Ecclesiae Gebenensis Prœposito,
Antonius Faber salutem dicit.
* Eo-o verô non solùm non misereor, sed etiam plané mihi gaudeo * vide Epist. xm.
tibique ex animo gratulor, de tam excellenti ista sacerdotalis digni-
tatis accessione. Gratularer ipsi etiam dignitati si ad vulgare aliarum
exemplum accomodari eam posse crederem. Nam in caeteris et am-
plissima et propemodùm singularis verae gratulationis materies illa
esse solet, si quantum ex dignitatis acquisitione novo possessori
laudis tantùm vicissim ex possessoris laudibus commendationis di-
gnitati possit accedere ; in ista verô nimis impudens sim adulator si
te, prœsertim repugnantem, eum esse dicam ex cujus meritis possit
illa dignior fieri et illustrior. Etsi enim quœcumque probitatis, pîe-
tatis et eruditionis exempla ab homine uUo vel singula sperari
( I ) Le texte latin de cette lettre est inédit.
380 Appendice
possunt ea scio expectari à te debere universa, quis tamen mortalium
tantis misteriis pro dignitate exequendis par esse queat quibus ipsi
quoque immortales, ut sanctè vereque profiteris, omnino sunt
impares?
Sed tamen non potest ea res facere quominùs tibi gratulandum
putem, quamvis ita me affectum esse deceat ut in quo salutis tuae
periculum versari dicis, période ego debeam ac tu ipse laborare. lUa
enim me ratio consolatur qu^e tibi per modestiam tuam fortasse
minus perspecta est : quôd ad functionem istam probe capessendam
dignitatis tantùm adferas quantum humanae condicionis imbecillitas
patiatur, nec quicquam causas sit cur in eo officio, quod tibi cum
tôt sanctissimis viris commune esse voluit idem ille Deus optimus
maximus quem tu ut debes suspicis et vereris, praecipua quadam so-
licitudine angi velis ; nisi forte hominem te natum pudet, cui nec
satis esset humanam condicionem cum angelica commutasse ut
tanto muneri obeundo sufficere (quomodo theologos tuos loqui au-
dio) ex condigno posses.
Te tamen maxime commotum esse, ut scribis, non solùm patior
libentissimè sed etiam laetor. Est enim id prasclarum eximiumque
argumentum et amoris tui erga Deum maximi et observantiae ,
quando nec aliter Deum amare nobis concessum est quàm timendo
tremendoque, nec sacrosanctœ religionis nostras arcana sublimiùs
venerari quàm enitendo, quoad ejus facere liceat, ut quae ne animi
quidem cogitatione assequi possumus, verecundo saltem silentio et
admiratione prosequamur. Est omnino, ut scis, Divinae Majestatis
hoc proprium, ut tum maxime amari se intelligat cùm timetur,
agatque nobiscum tam liberaliter, ne dicam humaniter, ut timorem
nostrum pro amore habeat et, quod est consequens, humilitatem pro
dignitate. Longé aliter quàm seculi principes facere soleant, qui cùm
amari sine timoré possint, timeri tamen quàm amari malunt ; unde
illud etiam fit ut suorum metum pro odio nec abs re habendum
existiment.
Atque utinam plerosque in consimili causa tui simillimos habe-
remus. Non essent in sanctissimo sacerdotum ordine tam multi qui,
prôh indignissimum facinus lachrymisque sanguineis expiandum !
ad ambiendum sacerdotium tam inconsiderato ferrentur impetu,
idque assecuti tam irreligiosè tractarent ut dici nihil possit indignius.
Putes aut nescire eos quis Ille sit quem quotidie habent in manibus,
aut non satis compertum habere nihil sacerdotio majus ac divinius
à Deo optimo maximo mortalibus datum esse. Sed quamquam ita
est, nolim tamen sic te commoveri ut perturberis, nisi ea fortasse
perturbationis specie quae divinae gratiae nuntia esse solet, quamque
Lettres d'Antoine Favre 381
piorum animis tune prascipuè Deus inserit cùm cœlestes planeque
divinas iis parât consolationes. Sic Beatissimam Virginem in Angeli
sermone turbatam legimus cùm cogitaret qualis essct salutatio ; sic
dilectissimos Apostolos in Transfigurationis fidem testes adscitos
cecidisse in faciès suas, cùm ad cetern^e felicitatis prœmia gaudiaque
jamjam delibanda essent invitati ; sic denique mulieres sanctissimas
cùm ad sepulchrum Domini venissent expavisse, viso Angelo qui
tam optatum gloriosissimœ Resurrectionis nuncium adferebat.
Ac sanè quid esse potest quod te tantopere debeat conturbare ?
An humanas naturœ infirmitas? An non verô et hominem te nasci
Deus voluit et homines illos esse per quos juge illud tremendumque
sacrificium offerretur? An ergo indignitas tua cum sacerdotii digni-
tate collata? At hoc ipso dignum te facis quod indignum esse agnos-
cis, nec tuas est pietatis tam inverecunda verecundia obsistere ne
quô te Deus vocat trahitque ultrô evehi patiare. Gaude potiùs quôd
non cum terrestri principe tibi res est, qui quos ad dignitatem
aliquam immeritos provehit sic ornare nequeat ut ex imperitis eru-
ditos faciat aut ex balbis oratores ; sed cum Deo illo cui non sit
difficilius dignum te sacerdotali dignitate facere quàm dignitatem
ipsam conferre. Idem enim ille est à quo evasit disertissimus qui
legationem imperanti responderat : A, a, Domine^ nescio loqui. Idem
ille per quem tam sanctus fortisque Rex factus est qui anteà non nisi
belluis imperare didicerat. Is ipse denique, ne caetera congeram quîe
mihi ex officina tua petenda essent, cui inculta piscatorum simpli-
citas pro sapientia fuit ad profligandam philosophorum insaniam.
Quare cùm ad istam omnium optimam vitœ rationem sis vocatus,
tanquam Aaron, in eoque proprium habeas conscientice tu« testi-
monium (taceoenim, quod sciunt omnes qui te norunt, quot quan-
tisque difficultatibus impediri poteras ne tam sanctum institutum
susciperes aut in suscepto eo perstares nisi te solus divini amoris
ardor inflammasset), quid aliud optandum tibi aut faciendum res-
tabat nisi ut vero nostro Aaroni sacerdotem te exhiberes secundum
ordinem Melchisedech ?
At ridiculus plané sum qui theologum ago, leviaque héec mitto
ad te cui longé preciosiora domi nascuntur ; quamquam ut ineptire
audeam cogis tu qui, in tanta celestium beneficiorum abundantia
quantam tibi jam obtigisse credendum est, non solùm participem me
habere vis consiliorum tuorum et, quod amicius est, intimiorum (sic)
affectuum, verum etiam adjutore met quasi consolatorem. In quo etsi
nihil me praestare posse sentio quod vel tua erga Deum pietate vel
mea in te voluntate dignum videri debeat, putavi tamen faciendum uti
quantum in me esset animum tibi declararem meum, ut intelligeres
382 Appendice
si quantum tibi me hoc nomine pro tanta benevolentiœ significatione
debere agnosco, tantundem referre possem non magis voluntatem
mihi quàm facultatem defuturam. Igitur, quod facere et possum et
debeo, non te hortabor ad istam dignitatem sic tuendam tractandam-
que ut appareat dignitatis functionem tibi cum multis communem
esse functionis verô dignitatem cum paucis (neque enim tu is es qui
moneri aut excitari debeas), sed illum ipsum Christum qui sacrifi-
cator tecum erit supplex orabo, ut qui tam sancti propositi autor
fuit idem sit et adjutor perpetuus et remunerator, tantaeque pietatis
fructus in dies tibi praestet uberiores et cumulatiores, in annos lon-
gissimos sola œternitatis commutatione fmiendos.
Videbo te, ut spero, propediem et, si me nihil fallet, tam oppor-
tune fortassis ut primis sacrorum tuorum solennibus adesse possim.
Q.uod si accidet, non tantùm in felicitatis tuœ partem venisse me
putabo, verùm etiam pro animorum nostrorum conjunctione felici-
tatem tuam quanta tota erit in me transfudisse si non invidebis.
Invidendi verô causa non suberit si cogitabis eodem prorsus jure
quaecumque mea erunt tibi etiam fore communia. Itaque me expecta,
et benè vale.
Datum Cliamberii, 13 calend. Januarii 1594.
Vide p. 84. His jam scriptis accepi literas à Girardo nostro * quibus mirum in
modum et gratulatur sibi et agit milii gratias de singulari tua erga
se voluntate. Quantum autem tibi debere putet, etsi pluribus ad me
scribit, malo tamen ex ipsius te literis quàm ex meis cognoscere
Iterùm vale, mi amicissime, et me ama.
A Monsieur
Monsieur De Sales,
Prévost en l'Esglise Cathédrale de Sainct Pierre de Genève.
A Necy,
Revu sur l'original conservé à la Visitation d'Annecy.
VI
Chambéry, 31 mars 1594.
Fratri dulcissimo Francisco De Sales, EcclesicT Gebenensis Prc-eposito,
Antonius Faber salutem dicit.
Vide Epibi. XIX, XX. * Silentii mei votum, ut ego nunc quidem agnosco, improbum fregit
lectio tuarum literarum, ex quibus cognovi in tanta ista taciturnitate
Lettres d'Antoine Favre 383
nihil minus quàm tacendi animum te in votis habuisse. Itaque re-
scribo ad te, ut intelligas id unum mihi votum esse foreque perpe-
tuum, ut voluntates et actiones meas omnes ad exemplum tuum
accommodem.
De Tullianorum negotio * quod habes, gratiam facis tu liberaliter, ' V''^^ pp- 53- 57
qui in beneficiorum loco ponis officia qucC à me sine scelere prœter-
mitti non potuerunt. In Millierei * causa feci quod imprœsentiarum , vide p. :;8.
fieri potuit, curaboque in caeteris omnibus ut commendationis tu£e
memoriam sentiat apud me manere alta mente repostam.
De mea ad vos profectione nihildum habeo constituti, sed si quid
me morabitur, tuum erit quam mihi jam pridem dedisti fidem prœ-
stare et ad nos venire ; liic enim videre te quàm Necii malo.
Intereà benè vale et in Christo Jaetus sanusque vive.
Ex urbe et ex tempore pridie calend. Aprilis 1594.
A Monsieur et Frère,
Monsieur De Sales,
Prévost en l'Esglise Cathédrale de Sainct Pierre de Genève.
A Necy.
Revu sur l'original conservé à la Visitation d'Annecy,
VII
Chambéry, 2 septembre 1594.
Fratri suavissimo Francisco Salesio,
Ecclesice Gebenensis Episcopo et Principi designato,
Antonius Faber salutem dicit.
Benè vale, Frater dulcissime, suavissime, mellitissime, iterum
atque iterum vale. jamjàm ad te advolo, quando terrestre iter in
tanta imbrium abundantia nullum superest. Non possim ad te aut
scribere breviùs, aut ire citius. Ego valeo ; benè" est si vales. Iterum
ergo, tu, cum Salesiistuis Salesianisque omnibus, benè vale.
Ex urbe, 4 non. Septembris94.
Ad literas tuas quia non rescribo, quàm primùm ex ore respondebo.
A Monsieur mon Frère,
Monsieur De Sales,
Prévost de l'Esglise Cathédrale de Sainct Pierre de Genève.
A Necy.
Revu sur l'original inédit, conservé à la Visitation d'Annecy.
384 Appendice
VIII
Bonneville, 27 septembre 1594.
(i)Fratri dulcissimo Francisco De Sales, EcclesiaGebenensisPrœposito,
Antonius Faber salutem dicit.
Vide Epist. xxxiii. * Nihildum habebam quôd ad te scriberem, Frater dulcissime,
cùm haec mihi tam prœclara sese obtulit scribend: occasio, nisi hoc
ipsum quôd nihil habebam. Cur enim certiorem te faciam quan-
tum ex absentia tua mœroris contraxerim ? Id ita futurum esse, et
ego jam tibi praedixeram, et tu, etiam tacente me, credere non solùm
potes sed etiam debes.
Nebulones istos Deus malè perdat si diutius in tenebris versabun-
tur, quarum fugandarum gratia lux mihi mea erepta est ! Quam-
quam id ipsum est quod me maxime consolatur, quôd de praclaris
tuis conatibus tam benè spero quàm qui optimè, nec dubito quin
tuam et industriam et diligentiam, sed pr^cipué pietatem, Deus
optimus maximus sit fortunaturus.
Mitto ad te versiculos quibus ex itinere in hiereticos seriô jocatus
Vide p. 91. sjjrn ; si e re videbitur ut eos Baroni nostro* legendos exhibeas, non
recuso. Sed illud etiam à te peto, ut emendes quae putabis et elegan-
tiùs scribi potuisse et argutiùs; vellem enim dignos fieri qui ubique
gentium legerentur ac insculperentur. Prcetermittebam quôd scire
te non nihil interest, quamquam nec erit novum : hodie, si Deus
volet, senator noster D. Rogetus, qui te salvere et bono animo
esse jubet, mecum ad parentes nostros Salesium versus proficiscitur.
Rem faciemus, ut confido, parentibus gratissimam, mihi verô tanto
jucundiorem quanto suaviorem apud vos experiar, non tantùm nomi-
nis tui recordationem, sed ipsam quoque penè expressam in materna
facie vultus tui imaginem.
Benè vale, Frater dulcissime, et me, ut soles, ama.
Ex Bonavillano oppido, 5 calend. Octobris 1594.
Monsieur mon Frère,
Monsieur De Sales,
Prévost de l'Esglise Cathédrale de Sainct Pierre de Genève.
A Chablaix.
Revu sur le texte inséré dans le I'^'' Procès de Canonisation,
(i) Cette lettre est inédite, sauf le deuxième alinéa.
Lettres d'Antoine Favre 385
IX
Annecy, 10 octobre i5<)4.
(0 Fratri dulcissimo Francisco Salesio,
Ecclesiae Gebenensis Prœposito et Pontifici designato,
Antonius Faber salutem dicit.
Nequedum habui, Frater charissime, cui poterim literas ad te dare
neque occurrebat ferè quod scriberem. Nam qua2 de sacrosancti Epis-
copi nostri* optimorumque omnium gratulatione scribi possunt, ea ' vide p. 94.
tu et reputare tecum pro prudentia tua debes et ex consobrini tui
fidelissimi relatione jam cognoscere potuisti ; quœ vero proprie mea
sunt, id est, quàm ex absentia tua dolorem capio, etsi non ab alio
quàm à meipso te intelligere œquum est , vereor tamen ne videar
importunus si hanc amoris erga te mei significationem adferam,
quae tam insigne pietatis tuse officium aut quam ex ofFicio percipis
voluptatem incommodé interpellât.
lUud scito in summa omnium expectatione esse quid praeclarus
iste conatus enixurus sit ; non quôd quisquam verendum existimet
ne tu ea omnia pr^estare non possis qu^e ab eximio et omni ex parte
prccstantissimo viro expectari debeant, sed quoniam tibi cum eo
génère hominum res est ut verendum sit potiùs ne, cùm omnia
praestiteris, margan'tns ante porcos sparsisse videaris. Itaque, sic ple-
rosque omnes affectos video : ut si féliciter res cedet , laudatores
habiturus sis etiam improbos et perditos viros, non laudandi tui
studio vel impetu elatos, quod esset infamias proximum, sed virtutis
veritatisque viribus fractos; sin, quod abominor, aliter eveniet, boni
sanè conatum laudabunt nec nisi hîereticorum insaniam accusabunt,
pessimi temeritati tribuent quod industrice potiùs et charitati Chris-
tiancc acceptum ferre deberent ; omnes plane fatebuntur, neque
animum tibi defuisse ad audendam rem maximam neque ingenium
ad agendam, sed seculi potiùs felicitatem ad peragendam. Nec uUos
ferè puto tam iniquos bonarum rerum et alienae solertiœ aestimatores,
ut non plus tibi laudis ex propria industria quàm opprobrii ex aliéna
infamia accedere debere existiment.
Me hoc unum malè habet quôd parentem nostrum optimum de
tua salute adeo anxiè laborare animadverto, ut vix persuaderi à me
( I ) Les cinq premières lignes de cette lettre, ainsi que les lignes 6-9 et
13-33 de la page suivante sont inédites.
Lettres I 35
386 Appendice
possit nullo te ingeri periculo, ac ne quidem (sic enim existimo)
uUa periculi suspicione. Confirmo tamen, quantum in me est, et
bono animo esse jubeo, id saepissime adseverans, de quo te non puto
dubitare, numquam me abs te discessurum fuisse si quam tibi vel
minimam suspicandi periculi causam relictam existimassem.
Ego te proxima ut spero hebdomade videbo, et ut patri tuisque
omnibus restituam, dabo operam ut successorem habeas Spiritum
• Vide p. 237. ■ Cappucinum "^j jamjam hune venturum, et si qui alii erunt (neque
enim adhuc exploratum Iiabeo) quos Episcopus noster in locum tuum
substituere volet. Te intérim valere et bono animo esse cupio ; nam
si juberem, vereor ne tu me gallicè potiùs quàm latine locutum
putares, quasi prudentiœ et Constantin tuœ diffiderem, quae mihi
omnium maxime est explorata. Quid tamen hactenus profeceris, aut
in posterum profici posse speres, vellem jam ex tuis literis intel-
lexisse ; gratissimum erit si quod tuo commodo facere poteris non-
nihil ad me de eo rescribes ; versor enim in maxima animi, non
solùm anxietate sed etiam perturbatione, non tam quôd hinc absis,
quàm quia tibi adesse non possim, tecumque et diligentiœ et periculi
* Cf. Digest., 1. XVII, societatem inire, ne alioqui Jcoiiiiiain* contraxisse videar, si nulla
1 . II, ex 29. laboris et incommodi parte suscepta laudis tuœ particeps fieri velim.
• Vide p. £1. Mitto ad te Locatelli nostri * literas, tui meique amantissimas, ut
quando aliter non possum amicissimi fratris memoria te oblectem.
* Vide p. 108. Baroni nostro, Domino Servetano * Cceterisque nobilissimis viris quos
nunc in castris habes, plurimam, si placet, sed consobrino tuo meo-
que Salesio potissimam salutem.
Benè valc, Frater suavissime, et quo graviore urgeris hœreticorum
numéro, eo magis crede me tibi et amicissimum esse et nil morante
locorum intervallo conjunctissimum. Iterum vale.
Ex tempore, Necii, 6 idib. Octobris 1594.
A Monsieur mon Frère,
Monsieur De Sales,
Prévost de l'Esglise Cathédrale de Sainct Pierre de Genève.
Aux Allinges.
Revu sur le texte inséré dans le P'" Procès de Canonisation.
Lettres d'Antoine Favre 587
X
Annecy, 31 octobre 1594-
( I ) Fratri suavissimo Francisco De Sales,
Ecclesi^ Gebenensis Prasposito et Pontifici designato,
Antonius Faber salutem dicit.
*Cùm hcec tibi epistola reddetur, mi Frater, cupio magnoperè ne 'Vid.Ep.xxxvi.xxxvn.
ad risum paratus sis et solutus. Ego enim nudis ut aiunt lentibus
video ; ita undique occurrunt lœta omnia quse scribam. Primum
illud est quôd tuas accepi literas dulcissimas, suavissimas et, ut meis
mala fide tametsi bona mente objicis, Ciceronianas plané, quando
non pateris ut dicam Athenienses ; quid enim mihi potuit esse jucun-
dius? Prsesertim exilla parte qua significas id, de quo non dubitabam,
nec ullam te scribendi occasionem prastermissuram nec amandi mei
finem umquam facturum esse ; nam caetera quœ tu tam faciliter et
eleganter de vale nostro gallicè latineque rescribis, etsi demulcent
mirum in modum, ne tamen tam jucunda esse possint illud facit quôd
absentiae nostrae memoriam efficaciùs rénovant, nec patiuntur ut tam
facile mihi possim imponere cùm te praesentem videri volo.
Secundum est quod scire te mea refert. Natus est nobis felicis-
simo partu filius, junior (dicamne an senior ?) mense uno quàm
speraram, neque enim partum ante calend. Decembris expectabam.
Quôd nobis non mihi natum dico, quamquam mirari non potes qui
omnia mea tecum communia esse jampridem voluisti, minus tamen
miraberis cùm pulcherrimum et suavissimum (sic enim adrelatum
est) videbis ; patrem namque in eo ut te habeat necesse est qui me
habere non potest. Optabam mirabiliter ut si pater videri nolles, ne
multorum qui nostram illam mirificam unitatem minus norunt ani-
mos oflfenderes, compater saltem esses, ne unum hoc vinculum con-
junctioni nostras deesset, melioribus licet ac fortioribus coUigats ;
sed occupavit Guichardus noster*, cogitque ut in annum proximum * Vide p. 96.
necessitudinis hujus accessionem differri oporteat, quam tamen jam
inde ab hac hora volo te pro petita habere, cùm habeam ego pro
impetrata.
Tertium est quod te scire volo. Egi cum pâtre nostro observantis-
simo de canonicatu, et qua ille est in omnes humanitate et erga me
propensione obtinui facillimè quae volebam, factus paulo impuden-
tior in tam aperta tuisque literis tam mirificè expressa voluntatis erga
(i) Cette lettre est inédite, snuflecinquicnie, le sixième et le septième alinéa.
388 Appendice
• Vide p. 96. Rolandum*tuae significatione. Rei executio in Decembrem proximum
dilata est, quôd eo mense ut audio canonicatuum vestrorum collatio
ad vos pertineat. Faciam ut Rolandus noster intelligat non solùm
peracta féliciter omnia, sed etiani quantum tibi hoc nomine debeat,
quantum etiam patri, qui Domini de Sacconex precibus urgebatur
• Cf. p. 305. ut fratrem suum Comitem Lugdunensem * honore isto dignaretur.
Non te pœnitebit collati in amicissimum tuique amantissimum vi-
rum beneficii ; qui sicut de tuo erga se studio numquam dubitavit,
ita sibi facile persuasit neque alio quàm te apud patrem intercessore
neque uUo sibi apud te adjutore opus esse; officium tamen meum
imploravit ideo fortasse ne inviderem si tuus magis esse vellet quàm
meus, aut potiùs ut socium obligationis sibi quaereret, nimis (minus ?)
suis fidens facultatibus quàm ut tantum tibi solus debere vellet.
Restât ut Necio tuo discedens salutem tibi plurimam impertiam.
Vale enim non dicam, ut agendum aliquid supersit quod me hue
proximo quoque tempore reducem faciat. Nec rursus îequum est ut
absente me valere te jubeam qui absente te vix valere possim ; prcc-
sertim mense proximo, quo neque tecum vivere licebit neque cum
uxore dormire, nisi forte postremum hoc potiùs ad valetudinem
meam conférât. Quo magis asquum erit, quantum otii et commodi
uxoris accubitus afferet tantùm me conscribendis expediendisque
Vide p. 180. Conjecturis nostris * impendere.
Faciam te de omnibus certiorem, habeboque ut spero crebriores
post hac tabellarios, qui meas ad te literas perferant, non in istam
solitudinem in qua nunc degis, sed in urbem hanc, ad quam te brevi
ut pr^video revocabit, non solùm parentis nostri observantissimi
votum, sed etiam et Episcopi amantissimi jussus. Sic enim inter eos,
me présente, multis sermonibus actum est de te revocando tibique
dando successore. Miram animadverti patris impatientiam, dùm et
saluti tuœ diffidit et se diutiùs tantis Baronis nostri erga te beneficiis,
aut potiùs officiis, onerari premique molesté fert. Episcopus pro sua
prudentia verebatur ne multùm de tuis laudibus detraheretur, si quo
tempore magis enitendum esset ut pietatis industriœque tuae fructus
aliquis constaret, eam de te homines opinionem conciperent ut pera-
gendi animum tibi potiùs quàm facultatem defuisse suspicarentur.
Ego verô, cujus maxime interest non tantùm te salvum esse, sed
etiam sic de me sentire ut neque minus te amare videar quàm à pa-
rente ipso ameris, neque minus prudens providensque quàm senato-
rem deceat, id unum verebar : ne aut minus amare viderer parenti
nostro si cum Episcopo sentirem, aut minus prudens Episcopo si
parentis consilium adprobarem. Dixi tandem videri mihi totam rem
istam tui esse debere consilii et judicii, ut si nihil istic profici posse
Lettres d'Antoine Favre 389
videres, majorem salutis tuae paternique desiderii quàm tuae laudis
rationem haberes (neque enim dubito quin ex conatibus istis, tametsi,
quod abominer, irriti forent, eo major tibi laudis materia paretur
quo longiores erunt et, utita dicam, quando tibi cum obstinatissimis
res est,°obstinatiores), sin verô benè sperares, non committeres ut
ex pr^ecipuis laboribus et victoriis tuis successori tuo, quisquis ille
futurus sit, triumphus qusreretur, sicut etiam quod te magis ut scio
movebit, lît tanti momenti res prospéré inchoata successoris tui sive
inscitia sive minus felici industria concideret.
Vides quàm egerim ex bona fide et ut amicum decebat, qui adver-
sus mea commoda pro tua dignitate etiam contra patrem laborarim.
In quo tamen satis mihi fuit officio paruisse, succubuisse verô etiam
perjucundum. Placuit enim communibus utriusque parentis votis,
nec me valdé répugnante, ut jamjam redire et successorem accipere
jubereris. Cupio ex tuis literis intelligere quid tu aut feceris aut facere
constitueris ; mihi probabuntur omnia quas tu e re et dignitate tua esse
putabis, si tamen primœ salutis tu3equae mihi meacharior est habueris
ut par est rationem. Bené vale, mi suavissime, et me, ut facis, ama.
Necii, pridie calend. Novembris 1594.
Endo procinctu. Baronem nostrum, Servetanum cseterosque no-
biles salutatos velim, sed praecipuo quodam studio nostrum conso-
brinum. Iterum vale, sed ita ne vale tibi à me dictum putes.
A Monsieur mon Frère,
Monsieur De Sales,
Prévost de l'Esglise Cathédrale de Sainct Pierre de Genève.
Aux Allinges.
Revu sur le texte inséré dans le I" Procès de Canonisation.
XI
Chambéry, 8 novembre 159^.
Fratri dulcissimo Francisco De Sales.
Ecclesi^ Gebenensis Praeposito et Pontifici designato,
Antonius Faber salutem dicit.
* Ovabam, môx, ut mihi videbar, triumphaturus de Thononiensi- • vide Epist. xxxv,.
bus, Frater suavissime, cum primam literarum tuarum legerem, in
qua scriptum erat magno te et prœcipuo quodam ab lis beneficio
aflfectum esse : postea verô quàm ex reliqua lectione comperi quid
sentires, in eo uno scilicet de te benè meritos Thononienses quod
quidam ex iis meas tibi literas reddiderat, cognovi quàm parùm tibi
390 Appendice
mihique de istorum animis studiisque sperare liceat, si tam levé, in
re tam pusilla officium magni beneficii loco constituendum videatur.
Facis tamen tu non solùm liberaliter, sed etiam Christianè,
utrumque autem ex bona fide, qui et magna putes omnia quse à me
ad te proficiscuntur, nec prius de perditissimorum hominum salute
desperare velis quàm desperandi fmem perditio ipsa afferat. Est sané
quôd ils habeam gratiam de meis literis tam fidellter tibi redditis ;
nam cùm vix ignorare possint quanta sit inter nos animorum volun-
tatumque consensio, credibile est non valdè tibi infestes esse qui
erga me adeo fuerint officiosi.
Scripsi ad te non ita dudùm quid de toto isto negotio parens noster
suspicaretur, quid Episcopus speraret, denique quid ego sentirem.
Non patiuntur temporis angustiîe quibus premor ut vel repetam vel
pluribus me explicem, pr^sertim cùm nec sit necesse : neque enim
dubito quin tibi literœ meas redditce sint, tuque pro singulari pru-
dentia tua jam ex te constitueris quid me tibi consulere, hoc est,
quid te facere opporteret, prius etiam quàm literas meas accepisses.
Jam intelligere cupio quid feceris aut faciendum decreveris.
Mitto ad te Patris Clierubini literas, mihi nudius tertius redditas,
quas vir ille optimuset religiosissimus milii, ut videbis, tecum com-
munes esse voluit, in hoc uno fortassis minus cautus, quôd universa-
lem illam bonorum nostrorum omnium communionem quàm habet
perspectissimam ignorasse videatur. Reddes, si placebit, cùm perle-
geris, et mittes quas ad Guichardum nostrum dare te velle profiteris ;
eas ut ille accipiat curabo majore quàm anteà, non fide, sed dili-
gentia. Ut verô gratas habeat, facile impetrabit non tantùm summus
erga te amor suus, sed etiam mellitissima illa eloquentia quœ Thono-
niensium quoque barbaros licet animos alliceret et conciliaret, si tam
faciles illi se auditores praeberent quàm te disertum et efficacem ora-
torem experirentur.
Uxor mea et filioli omnes benè valent, teque salutant quotquot
loqui sciunt ; ego pro me meisque omnibus tantam tibi salutem
dico quanta non possim mihi meisque omnibus majorem, conso-
brino nostro, quando per te licet, nec minorem. Benè vale, mi sua-
vissime, et Fabrum tuum, ut facis, ama.
Ex urbe, 6 idib. Novembris 1594.
A Monsieur mon Frère,
Monsieur De Sales,
Prévost de PEsglise Cathédrale de Sainct Pierre de Genève.
Aux Allinges.
Revu sur le texte inséré dans les deux Procès de Canonisation.
Lettkes d'Antoine Favre 39'
XII
Chambéry, 2 s novembre 1794-
Fratri suavissimo Francisco De Sales,
Ecclesis Gebenensis Pricposito et Pontifici designato,
Antonius Faber salutem plurimam dicit.
De tuo mi Frater, ad Necienses nostros reditu, etsi ex multorum
sermonibûs audiebam, ne tamen facile possem credere illud fac.ebat
quôd nullis à te literis de eo certior factus essem, quas cuni multis
de causis avidissimè expectabam, tum ob hoc maxime "t sc.rem ve-
nisses ne tantum an etiam rediisses. Occurrebat enim quod de Attilio
Reaulo apud Pomponium nostrum quodam loco légère memmeram,
cum à Carthaginensibus Romam missus esset, non visum eum post-
liminio rediisse, quia dixerat se reversurum nec anmiam habuerat
Romœ remanendi. Etsi namque subverebar ne qua tempons proro-
gatio et desiderio meo et labori tuo accederet, malebamque te ubivis
gentium quàm inter perditos et desperatos istos helluones vivere,
tamen non dubitabam quin si quid aut jam proficeres, aut longiore
molestia profici posse sperares, nihil tibi adeô durum aut diflFici e
videretur quod non facile concoqueres, ne tam prseclan mstitut, te
umquam pœniteret.
Nunc verô mirificam capio voluptatem ex constantia consilu tui.
cujus audio majores quotidie fructus tibi totique Reipubl.cœ Chns-
tianœ constare, inclinata jam ad partes nostras Victoria, paratoque
triumpho de Avullœo csterisque non minorum dumtaxat gentium,
utsibi videntur, diis, sed melioris etiam notae adversarus ; quorum
alios intelligo, argumentorum tuorum sola recitatione fractos, aspec-
tum congressumque tuum fugere, (quid verô, Deus bone ! si dicen-
tem et disserentem audissent ?) alios, oblat^ disputationi impares,
scripto agere decrevisse, hoc ipso impudentes quôd chartam, quam-
tumvis mendacem et impudentem, non putant erubescere posse.
Sed h^c omnia, c^eteraque hujus generis quœ me singulari oblec-
tatione afificiunt, essent multo jucundiora si mihi per te, non per
alios, essent explorata. auamquàm enim te scio eum esse qui laudes
tuas ne audire quidem libenter, narrare verô multo minus velis,
tuam tamen modestiam hac in re illud frangere deberet quôd de 11s
nihil possis detrahere quin tantumdem ferè ex Dei optimi maximi
gloria, ad quam omnia ut debes refers, detrahatur.
De me nihil est quod scire te putem oportere. auid enim publicas
392 Appendice
privatasque de temporum injuria querelas ad te deferam, aut cur
Vide p. 70, not. (1). velut in picta tabula ponam tibi ante oculos profugam ad me socrum *
cum liberis, quos misera nostra tenebat Sebusia, amissos biennii ferè
integri redditus et facultates penè omnes quae per lasciviam exercitus
eripi diripique potuerunt, caeterarum, quarum amissio paulô difFici-
lior est, jacturam nec dubiam ab hostibus imminentem ?
Malo te ista vel omninô nescire, vel ex verbis quàm ex literis meis
intelligere, ne tu pro singulari tua erga me voluntate, magis mea
causa commoveare quàm ego ipse, qui fero, non dicam omninô cons-
tanter et indolenter, sed tamen ita moderatè ut appareat « nihil me
Vide p. 113. humani à me alienum* » putare ; nam prêter id quôd jam inde à
multis annis omnimodo eventura ista praevideram, nisi Deus à nobis
averteret quem ipsum nos à nobis avertimus, illa quoque me non
parùm juvat consolatio, miserrima quidem sed tamen efficacissima,
tôt tantisque nos infortuniis premi non posse ut non plura gravio-
raque, et pati possimus et expectare debeamus.
Magis me illud afficit et perturbât quôd nos omnes video in com-
munibus maximisquepericulis versari, ipsamque rempublicam, cujus
malis et incommodis non moveri tam sit insipientis quàm moveri
propriis. Erit mihi adversùs ingruentia omnia praecipuum solatium,
si tu me amare perges et votis tuis piisque ad Deum optimum maxi-
mum precibus adjuvare, literis quoque et exhortationibus ad miserias
istas publicas privatasque tolerandas, quanta poteris ope ac diligentia
confirmare. Itaque tuas literas quàm primùm expecto.
Bené vale, Frater suavissime, et consobrinum nostrum, itemque
D. Servetanum, caeterosque nostri amantissimos, meo, si placet, no-
mine salvere jubé.
Ex urbe, 7 calend. Decembris 1594.
Monsieur mon Frère,
Monsieur De Sales,
Prévost de l'Esglise Cathédrale de Sainct Pierre de Genève.
A Thonon.
RcYU sur le texte inséré dans les deux Procès de Canonisation.
Lettres d'Antoine Favre 393
XIII
Chambéry, 5 décembre 159J.
(I) Fratri suavissimo Francisco De Sales,
Ecclesias Gebenensis Prœposito et Pontifie! designato,
Antonius Faber salutem dicit.
* Penè accidit, mi Frater, ut proficiscenti ad te Locatello nostro ' vide Epist. xxxvn.
nullas dederim literas, non ob id solùm quôd earum usus minus ne-
cessarius videretur prassente te, quem tu alterum me existimare
hoc ipso debeas quôd alterum te esse scis, sed etiam ne amantissimi
et disertissimi fratris aut voluntati aut eloquentias diffidere viderer.
Sic enim dixerat et receperat facturum se, si nihil scriberem, ut
nullas tibi antehac à me prjestantiores literas redditas faterere.
Verùm placuit temperamentum ut neque nullas omninô neque
prolixas darem, pr^sertim cùm exarandae longioris epistolas facul-
tatem angustia temporis denegaret. Scribam igitur, quantum dum-
taxat necesse erit, ne dulcissimum scribendi officium ultrô intermit-
tere videar, rursùm ut significem redditas mihi tuas posteriores
literas, in quibus cùm amantissima omnia fuerunt, tùm illud etiam
honorificum, quôd petitioni meas de compaternitate tam liberaliter
subscribis. Quae res me movet ut beneficii hujus amplissimi, licet
tacitam conditionem habeat : si quis filius mihi nascitur, tamen non
tam spem quàm praesentem fructum animi cogitatione hauriam. Id
enim occurrit quod prudentibus nostris placere scis : pure promissum
videri quod sub conditione omnimodè extitura promittitur.
Tuas de h^ereticis pr^eclaras victorias plures majoresque in singu-
los dies audio, tibique eo nomine ut et toti Christianas religioni mi-
rificè gratulor, vel ob id maxime quôd ex ipsis Episcopi nostri literis
intellexi conatus istos Serenissimo Principi nostro, non tantùm per-
spectos esse, sed etiam probatos dignosque visos quos omni studio
ac voluntate prosequi et adjuvare deberet.
Qjuas sic me apud Senatum tui honoris causa curare oportuit jam
perfecissein, nisi quorumdam superstitiosa religio, ne quid gravius
dicam, obstitisset ; quibus visum est ante omnia faciendum ut tanta
Episcopi erga te voluntas subscriptione aliqua constaret. Scripsi ea
de re ad Episcopum itemque ad Deageum nostrum *, quibus scio * vide p 2.
majori id quàm tibi cura futurum. Quare nec te rogatum volo ut
( I ) Cette lettre est inédite, sauf le troisième alinéa.
594 Appendice
aliquam mihi tibique in hanc rem praïstes diligentiam. sed tantùm ut
D. Deageum roges meo nomine ne quam in ea re quœ cito expediri
possit moram fieri patiatur.
Vide p. loo. Habebis epistolam Albiensis nostri Episcopi *, mox Guichardi quo-
videp. 98. que, ut is ad me scripsit, habiturus à Pâtre Ciierubino^'' et Girardo;
si quas ut spero accepero, brevi ad te perferandas curabo. Benè vale,
Frater suavissime, et me, ut soles, amare perge, Salesiisque nostris
et Salesianis omnibus, itemque confratribus, plurimam, si placet,
salutem.
Ex urbe et ex tempore, 3 non. Decembris 1594.
A Monsieur mon Frère,
Monsieur De Sales,
Prévost de l'Esglise Cathédrale de S' Pierre de Genève.
A Chablaix.
Revu sur le texte inséré dans le P"" Procès de Canonisation.
XIV
Chambéry, i^'' janvier 1595.
Fratri suavissimo Francisco De Sales,
Ecclesiœ Gebenensis Prœposito et Pontifici désignât©,
Antonius Faber salutem dicit.
Cùm opportune omnia mihi abs te veniunt, mi Frater, tùm nihil
umquàm opportunius, quàm quôd hoc ipso die qui dandis accipien-
disque xeniis faustus creditur , reddidit mihi Filliardus tuas illas
amantissimas literas, cteterarum, ut ais, obsignatorias quas anno
superiore tam multas tamque élégantes, ut ad me scriberes incredi-
bilis immensusque amor erga me tuus coegit. Itaque noli quaerere
quanta me voluptate perfuderint ; nam cùm toto isto novendio mihi
in mentem veniret illius (illud ?) temporis quod Necii, annus unus est,
tam suaviter tecum transegeram, nec facile ferrem, auctis tantoperè
amandi tui rationibus, prœreptum mihi usum dulcissimas consuetu-
dinis tuae, commodissima fuit ea consolatio quam literae tuae attu-
lerunt, in quibus utinam oris istius castissimi oculorumque quos
semper in oculis fero vivam imaginem tam benè expressisses, quàm
expressisti praeclarè magnitudinem animi studiique in te mei !
Unum illud facere poterat me Thononiensibus qui te fruuntur in-
videre, unaque succensendi non minor quàm invidendi causa esset,
Lettres d'Antoine Favre 395
quôd te cùm habeant, frui tamen nesciunt, nisi scriberes incipere
eos sapere, tuisque conatibus favere ; quo nomine, quantum tibi to-
tique Reipublicœ Christianae gratulor, potes tu faciliùs ex gratulandi
ratione et necessitate conjicere quàm ego verbisaut vultu explicare.
Neque verô quotquot sumus tui in Christo confratres, aut potiùs filii,
quoties convenimus, desistimus, quantum votis precibusque possu-
mus, Deo supplicare, ut tam fortunata initia feliciore in dies progressu
augeat, tandemque optatissimo fine compleat ; quod ita venturum
sperant omnes, neque dubitare possunt, qui pietatem tuam et ad
maxima quseque peragenda faciliùs quàm audenda prœstantem pro-
clivemque industriam perspectam habent. Itaque, ut omnia complec-
terer, poteram breviùs scribere id unum nos à Deo flagitare, ut te
unum quàm diutissimè servet incolumem.
Sed ad id redeundum est, unde potiùs epistolam ordiri debueram.
Pudet incredibiliter quôd per Thovesium *, qui priores mihi à te * vide p. 107.
literas attulerat, nullas à me acceperis, nec memini umquàm id con-
tigisse ut binas à te haberem cùm tu à me nullas. Id qua ratione,
aut ut veriùs dicam, cujus culpa factum sit, si ex eo cognovisti, non
excuso tam improbabilem hominis negligentiam, sed ignosco culpae,
satis enim mihi fuerit quôd culpa me vacare intelliges ; sin fuit ille
in hoc ipso negligens ne se accusaret, neque excuso, neque ignosco,
tametsi querelas omnes et injurias à me hodie, ut par fuit, remissas
esse non nesciam; adeô mihi constitutum est perpétuas cum lis ini-
micitias gerere si qui erunt quorum culpa fiet ut de mea, non dicam
voluntate, (qui enim facere posset ?) sed diligentia malè suspicandi
quaesita tibi occasio videatur.
Eo nimirùm tempore scribae meo dixerat velle se equum conscen-
dere, cùm mihi ad confraternitatis nostrce sacra jam inclinata hora
proficiscendum erat. Quàm verô dolendum mihi est, tùm fuisse
negligentem, cùm diligentior esse debueram, ut eodem quo tu animo
tam féliciter transacti inter nos anni partem extremam singulari et
mirifica quadam amoris erga te mei significatione, aut saltem nota
concluderem. Sed quando id mihi denegatum est, contendam post-
hac tantô vehementiùs, ut nihil à me de pristina voluntate et diligentia
remissum neque vero remitti potuisse fateare. Nec tamen volo tecum
agere tam familiariter ut hanc epistolam tam malè compositam ,
et, ut agnoscis, extemporariam, xeniorum loco tibi redditam velim.
Habeo alia in promptu mutuœ nostrœ necessitudinis dignitati ap-
tiora, quae etsi nunc dare non possim, brevi tamen hoc ipso die sibi
à me data fuisse intelliges. Meditationes illae sunt meae poëticas *, ' vide p. 81.
tibi, ut scis, inscriptœ, quas, cùm primùm per frigoris intemperiem
licebit, typographus noster excusurus est ; addo et posteriores
396 Appendice
Cf. p. 388. Conjecturarum mearum libros*, Gebenensi typographe jam traditos,
ut te Gebenensis quoque civitas perinvita Ecclesite Gebenensis Prae-
positum et Pontificem designatum agnoscere incipiat. Sic fiet ut
gallicè latineque me tibi et fratrem et amicissimum, si non omnes,
certè quamplures intelligant. Guichardus noster, qui adest, te salu-
vide p. 47. tat, impeditus partim dubia valetudine, partim Marchionis nostri *
assidua consuetudine, ne scribere potuerit.
Scripsissem ad Baronem nostrum si otium fuisset. Singularem
ejus erga me benevolentiam etsi perspectissimam habeo, per te ta-
men non tantùm conservatam, sed etiam auctam iri, et spero et cu-
pio. Plurimam illi, si placet, caeterisque nobilissimis viris nostris
amantissimis à me salutem, sed prœcipuam consobrino nostro. Fa-
bricelli tui omnes te salutant, et quae tôt Fabros fabricata est soror
Vide p. 70. tua Benedicta Fabra*. Omnes benè valemus ; tu, Frater suavissime,
quantum me amas, cura ut valeas.
Ex urbe et ex tempore, calend. Januarii 1595.
A Monsieur mon Frère,
Monsieur De Sales,
Prévost de l'Esglise Cathédrale de Sainct Pierre de Genève.
Aux Allinges.
Revu sur le texte inséré dans les deux Procès de Canonisation.
XV
Chambéry, 26 janvier IS95.
Fratri suavissime Francisco De Sales,
Ecclesiœ Gebennensis Praeposito et Pontifici designato,
Antonius Faber salutem plurimam dicit.
Defuisse tibi ad scribendum chartam inter arma facile credo, qui
propemodum déesse mihi video inter chartas. Itaque accipio, quam-
quam illubenter et perinvitus, excusationem illam quam mihi Tho-
vesius tuo nomine pro literis reddidit ; sed ea legc , ut si posthac
chartae penurià ullius ex amicissimis meis literis mihi carendum sit,
des operam et diligentiam aliorum ut omnium quotquot sunt, fuerunt
et erunt, caream potius quàm tuis. An non antem tibi nescio quo
fato factum videtur, quod eodem tempore typographe quoque nostro
charta defuit, ne poëticas illas meas Meditationes adhuc excudere
potuerit? Id tamen propediem facturum se pollicetur, et ut faciat
quantum possum urgeo, non tam quôd meas sint, quàm quod tibi jam-
pridem nuncupatae. lUa enim pr^ecipua laus mihi futura sit, si assequi
Lettres d'Antoine Favre 397
potero, ut hoc veluti nuncio singularis nostrae necessitudinis et, ut
verè soles dicere, incomparabilis ad exteros quoque fama perferatur.
Angustior sané est tota heec nostra Sabaudia quàm ut rem tantam
suis finibus continere possit. Sed charta mihi quoque defuerit, si
longioris epistolae argumentum petere velim ex magnitudine mutui
amoris nostri, quae licet mihi œquè ac tibi perspectissima, non ahà
tamen quàm tua eloquentia ex dignitate commendari se aut exprimi
patiatur.
Benè vale, mi Frater suavissime, et me, ut facis, ama ; consobrino
nostro charissimo plurimam, si placet, ex me salutem.
Ex urbe, 7 calend. Februarii 1595.
A Monsieur mon Frère,
Monsieur De Sales,
Prévost de l'Esglise Cathédrale de S' Pierre de Genève.
Revu sur l'original conservé à la Visitation d'Annecy.
XVI
Chambéry, 3 février 1395.
Fratri suavissimo Francisco Salesio,
Ecclesias Gebenensis Fr^eposito et Pontifici designato,
Antonius Faber salutem dicit.
*Jam dederam discedenti Thovesio literas ad te, mi Frater, perfe- ' vide Ep. xui, xuv.
rendas cùm posteriores tuas Servetanus noster mihi reddidit. Ex
quibus et ex Servetani sermonibus cognovi te et optimè valere, quod
fuit praecipuum, et absentis mei pr^esentem memoriam, de quo du-
bitare non poteram, constantissimé retinere. Fuisset aequè perjucun-
dum tui in haireticos operis priores paginas videre ; aestuo enim
desiderio incredibili legendi quas scribis, quôd ea scio futura ejusmodi
qu£e et te digna videri debeant et toti Reipublicae Christianae mirabi-
liter prodesse possint. Nec erat cur vereris ne minus grata forent si ea
membratim exponeres; etsi enim multo jucundius rem totam quanta
est et corporis et animi oculis subjicere, nihil tamen de jucunditatis
magnitudine detrahet occupata per partes oblectatio. Cujus sola spe
non possis credere quantoperè delector.
Cum typographo nostro nondùm agere potui, nec agam prius-
quàm à te aliquid accepero cujus exhibitione possim hominem, alio-
quin minus liberalem, permovere ut impensam excudendo operi
398 Appendice
necessariam prorogare non recuset. Vereor etiam ne illam excusatio-
nem afferat qua uti solet cum urgeo ut poësim meam gallicam
excudendam aggrediatur, quod chartam non hàbet ; quamquam jubet
me sperare futurum ut brevi habeat. Moram hanc fero impatientis-
simé, meo certè nomine potiùs quàm tuo, neque prius conquiescam
quàm meo erga te officio studioque hac saltem parte satisfecero ;
adeô mihi videor nihil non benè posse facere si te vel authorem
habeam, vel motorem, vel adprobatorem.
Sed parûm cautus sum qui, cùm nec gallicè scribere audeam nec
latine possim in tanta temporis penuria, tam longa tamen te morer
epistola. Eo namque tempore hic noster amicissimus mihi significavit
paratum se discedere cùm salutandi tui potiùs quàm ad te scribendi
otium fuit. Non potui tamen facere ut is sine literis ad te meis profi-
cisceretur, prjesertim cùm haberem à Girardo nostro quas ad te
perferendas curarem ; ut taceam quôd politior illa scribendi ratio
quàm tu, vel invitis ha^reticis et barbaris, tam constanter rétines,
mihi jam tecum familiarius et ut inter fratres par est agenti, sicuti
non necessaria ita minus curanda videtur.
Benè vale, et meo, si placet, nomine charissimum nostrum conso-
brinum salvere jubé.
Ex tempore, sine tempore, 5 non. Februarii 1595.
A Monsieur mon Frère,
Monsieur De Sales,
Prévost de l'Esglise Cathédrale de Sainct Pierre de Genève,
Aux Allinges.
Revu sur le texte inédit, inséré dans le P"" Procès de Canonisation.
XVII
Chambéry, 18 mars 1595.
Fratri suavissimo Francisco De Sales,
EcclesitC Gebenensis Prœposito et Pontifici designato,
Antonius Faber salutem plurimam dicit.
Eram apudSebusianosmeos, et cum Guichardo nostro, viro (quod
te scire arbitror) nunc prorsùs militari, ut tempori nihil nisi bcUa et
classicum resonanti magis quàm genio meo inservirem,
Ludebam efifigiem belli, similalaque veris
Praelia^ buxo acies fictas et ludicra régna,
cum reddita; nobis sunt amantissinice \\\x tux litera ad xi calendas
Lettres d'Antoine Favre
399
Martis date, sanè perquàm opportune, ut communi utriusque desi-
derio satisfieret, cum mira amoris erga te nostri impatientia urgere-
mur ne longiorem earum expectationem ferre possemus. Ego verô
proprioquodam jure, in mediis publicarum etprivatarum miseriarum
doloribus, hanc implorarem consolationem, quce mœrorem aliqua ex
parte saltem levaret meum.
Itaque noli quœrere quàm gratœ jucundaeque nobis fuerint, quales
et quàm multi, quamque honorifici inter nos de te sermones, cùm,
omisso statim ludo quasi ambo vicisse videremur, id unum agere
cœpimus, ut suavissimis de mutui amoris nostri magnitudine, deque
tuis et virtutibus et laudibus colloquiis reliquum diem transigeremus.
111e, ut est ingenii non minus q-uàm animi impetu potens, ex tem-
pore conscripsit epistolam, si quid mei judicii est, non inelegantem,
quam post dies aliquot discedenti mihi tradidit ut curarem ad te
perferendam. Mihi, qui majorem et jucundiorem legendis tuis quàm
conscribendis aut poliendis meis diligentiam adhibere soleo, melius
visum est et commodius differre rescriptionem in id usque tempus
quo in haec loca rediissem, pr^esertim cùm nec haberem ad manum
per quos possem scribere; quamquàm non parum diligentiam meam
illud expectabat, quod tardius quàm putaram ad Sebusianos meos
profectus, videbam ex eo futurum ut longiorem quoque scribendo
moram facerem quàm sperares.
Post meum verô reditum (is fuit nudius tertiusi, posteriores tuas
accepi ex Thononiensi Babylone conscriptas *, quarum repetita ' ^'^e Epist. xlv.
sœpiùs lectione mirum in modum recreatus sum, ex ea potissimum
parte qua tu me bono et forti animo esse jubés ad publicas istas ca-
lamitates constanter moderateque perferendas. Est omninô , mi
Frater, ut scribis : oculi augent dolorem, fitque luctus multô acerbior
cùm ea videre cogimur qus nec audire sine gravissimo mœrore
possemus. Teterrimum prorsùs et miserrimum spectaculum ! op-
pressa prœcepsque in ruinam patria, cui opitulari non possis. Neque
verô possuni negare, tametsi ad meos profecturus sic me comparas-
sem ut quem misera quœque et videre et perferre oporteret, me
tamen non leviter commotum esse, cùm multô graviora et deplora-
toria vidi omnia quàm timueram.
Nihil de privatis meis rébus conqueror, quarum perturbatio non
mediocris animum meum longé graviùs perturbaret, si à meipso,
ut eleganter ais, lœdi vellem. Fero licet ista minus aequo fortasse
quàm deceret, tamen satis erecto animo : non quôd ad eum sapientiœ
gradum pervenerim quem tu mihi ob oculos ponis (nimirum, ut
astutè quidem sed bénévole mihi imponas, ne cunctari possem quin
talem me prsestare debeam qualem me tibi videri fmgis), sed quia
400 Appendice
nihiltam durum aut calamitosum accidere potuit quod non jam inde
à multis annis eventurum praeviderim, quodque ridendus mihi ipsi
videar magis quàm miserendus, si in tantis totius reipublicce cala-
mitatibus, cùm in eadem sim navi in qua cfeteri, praecipua quadam
immunitate viteque conditione gaudere velim.
Et nihil me îequè ac illud confirmât, quod quoties de te cogito (facio
autem ferè assidue), agnosco indignum fore me quem tu fraterno
amore prosequi deberes, si ab ea desciscerem animi magnitudine
quam in te admirabilem et propemodùm singularem, non modo vultu
et oratione prs te fers, quod tibi cùm multis commune est, sed
etiam, quod paucis contigit, facto ipso totaque institutae vitae ra-
tione testaris.
Quàm, putas. animo meo hxret h^rebitque semper, quod te
nuper cùm una essemus dicere memini, cùm quidam ad te retulis-
sent me , levissimo implicitum morbo, graviore quàm par fuerat
mortis metu cruciatum fuisse, id te de eo qui se fratrem tuum dice-
ret et gloriaretur non temerè credere potuisse .' Nam qui, te potis-
simùm magistro, didicerit mortem non pertimescere , quam ego
nunquam sanè pertimescendam existimavi, an non multo stultior sit,
si iis rébus moveatur quse non aliam ob causam acerb<e videri pos-
sint quàm quia mortem, vel quod adliuc insanius fuerit, vitam quo-
que ipsam reddere soleant acerbiorem? Sed tamen facere non possum
quin me communes miseris conturbent, quibus non valde affici
vereor ne inhumani potiùs quàm constantis hominis esse videretur.
Idque me tuo etiam exemplo, quod mihi instar omnium est ut esse
débet, facere certô scio. Verùm de iis fortasse nimis multa.
Reliquum est, mi Frater, ut te non jam horter ad pugnam istam
quam te adversùs hîereticos tanta contentione capessere video, sed
moneam potiùs et rogem ut salutis et incolumitatis tuœ rationem
habeas, tibi parcas, caveasque ne tenuiores corporis vires et animi
viribus impares, jamque tôt jejuniis attritas, dicendo scribendoque
exhaurias, quas tibi intégras salvasque conservari non minus reipu-
blicîe quàm mea scis interesse, quandoquidem tibi cum eo hoste res
est quem nonnisi longo lentoque, ut vides, bello possis ad deditionem
compellere. Ego, si quid hoc ad rem pertinet, votis saltem et quantis
potero ad Deum optimum maximum precibus adjuvare te non desi-
nam. faciamque ut confratrum nostrorum. quorum omnium propen-
sissimus est ut esse débet erga te animus, idem quoque studium
experiare.
Benè vale, mi suavissime. et Baronem nostrum, itemque conso-
brinum si nunc tecum est, ac caeteros omnes tui amantissimos ,
meo, si placet, nomine salvere jubé.
Lettres d'Antoine Favre 401
Senator noster *, longissimo jam et periculosissimo morbo conster- * '^''•^ p- 44. not. (1).
natus, tam malè habet ut necdum medicis exploratum sit speran-
dumne magis de clarissimi viri salute an pertimescendum habeant.
Non possis credere quàm id me malè torqueat, pro arctissima qu£e
inter nos, non tantùm dignitatis et ordinis, sed etiam, quod primum
est, animorum conjunctione. Faxit Deus optimus maximus ut brevi
convalescat, quem diutissime sospitem salvumque esse, non tua
solum et mea, sed totius quoque reipublica; causa cupio. Intérim,
iterum vale, et me, ut soles, ama.
Ex urbe, 15 calend. Aprilis 1595.
A Moiisieur mon Frerc,
Monsieur De Sales,
Prévost de rEsglisc Calhediale de Sainct Pierre de Genève.
Aux Allinges.
Revu sur le texte inséré dans le l'-'" Procès de Canonisation.
XVIII
Chambéry, 19 avril isi)^.
Fratri suavissimo Francisco De Sales, Ecclesiae Gebenensis Prœposito,
Antonius Faber salutem plurimam dicit.
* Majorem te in dies, mi Frater, voluptatem fructumque capere * vide Epist. xux, l.
ex praeclaro isto consilio et ad rei Christianae dignitatem cœlitus
comparato instituto, etsi minus miror, qui numquàm dubitavi quin
tam sanctos conatus Deus optimus maximus solita sua ergà te mu-
nificentia fortunaturus esset, gaudeo tamen mirum in modum, cùm
ex tuis literis ea ipsa intelligo quœ frequentissimis hominum de
te sermonibus publicè testata circumferuntur. Magna omnium fuit
expectatio quid rei eventus laturus esset à quo tempore auditum est
hanc à te tam difficilem susceptam esse provinciam, hac potissi-
mùm tempestate qua; omnium maxime novas ac propemodùm inex-
plicabiles, ut tuto expertus es, difficultates allatura videbatur.
Nunc verô, majorne dicam nescio voluptas an admiratio est, non
eorum dumtaxat qui negotio magis quàm tibi diîTidebant, sed illorum
etiam qui, cùm eam probarent, vix tamen persuaderi poterant lutu-
rum ut jam citô tam uberes diligentiœ et contentionis tua? fructus
constarent, quod minus tibi opis et auxilii parari vidèrent ab iis
quorum authoritate prascipuè geri res debebat quàm necesse esset
Lettres I 26
402 Appendice
ad tantam rem féliciter aggrediendam gerendamque ; sic enim jam
omnibus ferè persuasum est fore brevi ut sacrosancta religio per tôt
annos ab istis populis explosa pristinam suam per te recuperet digni-
tatem, indeque tamquam ex armario munitissimo potentissima ad
expugnandam Babylonem machina tandem depromatur.
* Vide p. 124. Mihi sanè non parvi momenti esse videtur quod de Ponceto* recu-
perato scribis; fuit enim ille hucusque prœcipui, ut audio, inter hae-
reticos nominis pro ea qua praestat juris nostri rerumque agendarum
scientia, ut liceat sperare non defuturos permultos qui exempli au-
thoritate movebuntur, ut ratione tandem vinci se patiantur. O si
Avullœus tibi datam fidem praestaret, Deo autem redderet ! Omnia
penè acta putarem his duobus antesignanis adeô egregiis ad dedi-
tionem compulsis. Sed de hoc audio nescio quid quod mihi bilem
movet et stomachum facit ; verùm ipse viderit.
* Vide p. 104. Possevinus noster*, cùm hic esset superioribus diebus in eumque
sermonem incidissemus, testabatur nihil se aut antiquius, aut opta-
tius umquam habuisse quàm ut te videret deque toto isto negotio
alloqueretur, non solum ne dubitare posset quin ad consilii capien-
dum esset quod optimum uterque vestrum probaret, sed etiam ut
quantum haberet ingenii, virium et authoritatis, totum id conatibus
istis adjuvandis fovendisque conferret. Sed accidit ut cùm proximo
quoque die Necium se profecturum crederet, measque jam ad te literas
urgeret, Lugdunum versus pergere coactus fuerit ad ea tractanda
negotia cum Duce Monmorentiano quorum maxime gratia in hac
* Vide p. 129. usque loca peragravit *. Quando rediturus sit, plané adhuc in incerto
est, etsi Bonaldus ille noster (i , cui tuas ad se et ad Possevinum lite-
ras reddidi, sperat non diutiùs abfuturum, quod ex ejus rescriptione
commodiùs cognosces.
Ubi verô redierit, si nihil intercessit quod consilii mutandi causam
prasbeat, hoc possim confirmare facturum eum ut ad te quàm citô
advolet ; quamquam multo gratius mihi fuerit si pro sua gravitate
hanc tibi ad se, ut aequius est, veniendi necessitatem imponet, ut quod
per me, ut video, impetrare abs te vix possem, per eum assequerer
cui nihil tu denegare magis possis quàm debeas. Nam quôd me inter-
pellas ut ego ad te potiùs, etsi concedo libentissimè praestare, tamen
mihi paulo difficiliùs est quàm velle, tametsi non despero fieri posse
ut in eos dies profectio conferatur quibus possem desiderio meo non
minus quàm tuo satisfacere. Quid enim ardentiùs cupiam, quàm te
videre, et Salesium meum, quid meum imô meissimum, aut, ut
tandem dicam expressiùs, meipsissimum, totis oculis, brachiis et
sensibus amplecti, totque et tam enixis amplexibus fatigare?
( I ) Sans doute le P. François Bonald, Jésuite, recteur du collège de Chambéry.
Lettres d'Antoine Favre 403
Nam ut ea taceam quse mutuam nostram necessitudinem jam tôt
vinculis constringunt, ut neque addi quicquam neque diminui posse
videatur, placet mihi ratio illa quam tu proponis inducendae acces-
sionis, quôd Senatore nostro vita functo *, quem nos singulari quidem * vide p. 40:.
sed tamen communi studio et voluntate prosequebamur, sic nos agere
par est, ut quodam veluti accrescendi jure*, viriles nostras amicitiœ ' Digest., 1. xxxvii,
. . . . t't-'i le''- 3-
partes augeri sentiamus : quamquam non improbarem, si jus hoc
non tam accrescendi diceres quàm non decrescendi, ne qua incompa-
rabili conjunctioni nostrœ fiât injuria, si quid ad ejus magnitudinem
accedere posse fateamur. Sed vim malo in re esse quàm in verbis.
Hic ego finem facerem (sum enim meo more jam longior, sed
consulte, ut hoc habeas diuturnioris meœ, licet inculpât^ cessationis
fœnus), nisi quod tu de Pâtre Cherubino posterioribus literis adscrip-
sisti cogeret me ut de tam propensa tanti viri erga te voluntate,
tamque pio officio testata, tibi gratularer. Pervenerat ad nos superiore
mense nec varius nec inconstans rumor, defunctum apud Salinates
virum clarissimum ; hoc solo incertus, quôd alii ferro hostium, alii
veneno inter pocula propinato necatum mentiebantur ; mirus ex eo
stupor dolorque optimorum omnium animos occupaverat, me verô,
licet non sim ex optimis, tanto gravior quanto major jactura fuisset
mea, defuncto illo cujus probitate et summo in me studio possim ali-
quando, si non optimus, quod propemodùm despero, saltem bonus
fieri, aut minus malus quàm sim. Posteà compertum est, nonnisi
mundo eum mortuum, sibi verô totique Reipublicas Christian^e adhuc
superstitem esse ; nec desunt qui affirment eum vos Necii proxima
Quadragesima habituros. Quo tamen nomine, ne tibi gratulari possim
illud facit quôd mihi jam doleo qui tecum non ero. Nos Guarinum
Franciscanum expectamus.
Sed jam nimis multa, qui ad mediam usque noctem Guichardo
nostro literas tuas curavi perferendas. Expecto à Girardo quas ad te
scripturum se discedenti nuper mihi receperat. Superest ut plurimam
à meis omnibus, sed à me maximam tibi et consobrino nostro tùm
Baroni casterisque amicis nostris salutem accipias. Benè vale, Frater
terque quaterque suavissime, et me, ut facis, ama.
Ex urbe Camberii, 13 calend. Maii 1595, ex tempore, ut facile
agnosces.
Monsieur mon Frère,
Monsieur De Sales,
Prévost de l'Esglise Cathédrale de Sainct Pierre de Genève.
Aux Allinges.
Revu sur le texte inséré dans le l^' Procès de Canonisation.
404 Appendice
XIX
Chambéry, 20 juin 1595.
Fratri suavissimo Francisco De Sales,
Ecclesiœ Gebenensis Prasposito et Pontifici designato,
Antonius Faber salutem plurimam dicit.
Vide Epist. lui. * Bifiis à te, mi Frater, acceptis literis hac una epistola respondebo,
et breviùs sanè quàm vellem aut soleam, in tantis quibus nunc op-
primor temporum angustiis. Priores erant de inopinato magis quàm
acerbo Guichardi nostri casu, de Alexandri mei lachrymis, aliisque
ejusmodi meis ineptiis. Posteriores, de tuo ad Thononienses reditu.
Ad priores vix habeo quid respondeam : namque de Guichardo
nostro, si repetam liberatum eum à latronibus, casumque illum mo-
deratè, ut debuit, pertulisse, nihil novi dixerim, nisi quôd suis ille
ad me literis idipsum testatus est, quod ego ex liominis moribus mihi
perspectissimis jam satis per me conjiciebam, quorum testimonium
mihi multo certiùs est quàm literarum.
lllud tamen possum addere, quôd licet novum tibi tamen per-
suasu facile erit. novam illi amandi colendique tui causam accessisse,
cùm ex literis meis intellexerit quàm tu levius istud infortunium,
pecuniario tantùm incommodo cestimatum, malè habuisse ; qua de re
brevi gratias tibi habiturus est, redditurus haud dubio cùm et tu
voles, et ille poterit. Expecto ut primo quoque die ad nos veniat,
mox ad Principem, ut audio, perrecturus.
De libello meo, quem tibi aliisque multis exemplo tuo tantoperè
probari video, quid rursus dicam, aut novas habeam gratias? Vêtus
jam istud beneficium tuum est, quod ego sic accipio ut quasi nihil
dùm prœstiterim, majus quidpiam à te expectari, et à me plura
praestari debere intelligam ; quie si voto et animo meo respondebunt,
possis tu faciliùs et lubentiùs tua agnoscere quàm hxc leviora quae
tu tanta contentione mea esse défendis, ne quid de tuis laudibus de-
trahatur. Sic enim sales illos tuos interpréter, ut ironicum agas in
eo ipso in quo me hyperbolicum fmgis; sed alias, et ni fallor brevi,
jocandum erit liberiùs et longiùs.
Venio ad posteriores tuas literas (0, in quibus jucundissimum illud
fuit quôd te video nihil de pristina ista animi alacritate remittere,
nihilque non tentare ut, si (quod abominor) minus féliciter res
succedet, ea sola tibi culpa objici possit quôd plus animi et ingenii
(i) Voir p. 139, note (1). C'est par erreur que dans cette note, la lettre
du sénateur Favre est indiquée comme étant du 19 juin.
Lettres d'Antoine Favre 405
habueris ad audendum, quàm ii omnes, quorum hac parte prœcipua
authoritas est, voluntatis ad adjuvandum.
Sed illud sané molestissimum estquod conquereris, nec immerito,
tam frigide tantam rem ab ipsis tractari, qui tam prsclaros conatus
tuos et modis et artibus omnibus fovere deberent. Nihil autem mise-
rius, quàm quôd hoc tempore in quo pax ista precaria, aut, ut Vir-
gilius loquitur, •> séquestra » totque mensium firmatœ inducias facere
deberent ut benè sperare liceret, vix quisquam est qui pr^eter te in
hanc curam velit incumbere. Sed tamen si tibi mihique credis, perge
ut cœpisti in id usque tempus quo desperatio non minus proba-
tam omnibusque cognitam quàm justam habitura sit excusationem.
Habebis tuae fortitudinis virtutisque, non modo testes sed etiam ad-
miratores, eos ipsos quos fautores habere, ut decebat, non potuisti ;
Deum vero optimum maximum retributorem, qui laborum tuorum
îestimationem non ex perceptis fructibus, sed ex iis qui percipi po-
tuerunt et debuerunt pro pietate sua initurus est : quamquam vix
mihi in animum cadere potest ut de tam piis et, quod prjecipuum
est, pie habitis conatibus desperandum putem.
Inter haec scribendum, opportune advenit frater ille noster Hiero-
solymitanus, scis quem intelligam, Locatellus, faustus lœtusque ; hoc
uno minus, ut sibi mihique videtur, felix, quod superioribus diebus
Necium profectus, videre te non potuit. Quo nomine mirum est
quantis eum onerem ludibriis, quôd ille non ita dudum gloriaretur
hanc sibi praecipuam fore oblectationem si , absente me , solus te
frueretur ; ego verô tantam felicitatem, fateor enim libéré, etiam
fratri inviderem.
Soror tua, quam tu clarissimam vocas, quam charissimam dicere
clariùs posses, te salutat, sed ut fratrem potiùs quam ut compatrem,
adeo ineptit illa in hoc ipso quôd ineptire velle desinit, nisi sororis
nostras Locatellae, quam adprimé gravidam esse scis, exemplo mo-
vebitur ; nec enim ignoras hoc genus, penè adjeci dasmoniorum,
exemplo magis quàm ratione vel authoritate moveri.
Benè vale, mi suavissime, et consobrino primum nostro, tùm
Baroni, caeterisque amicisnostris plurimam, si placet, ex me salutem.
Iterum vale, et me, ut facis, ama.
Ex urbe et ex tempore, 12 calend. Julii 1595.
A Monsieur mon Frère,
Monsieur De Sales,
Prévost de l'Esglise Cathédrale de Sainct Pierre de Genève.
A Tonon.
Revu sur le texte inséré dans les deux Procès de Canonisation.
4o6 Appendice
XX
Chambéry, 3 août 1595.
Fratri suavissimo Francisco De Sales,
Ecclesias Gebenensis Pr^eposito et Pontifici designato,
Antonius Faber salutem plurimam dicit.
Vide Epist. lvii. * Etsi tam longo inter nos, mi Frater, silentio non magis delector
quàm tu, dicam tamen ingénue, me meœ pudet pœnitetque diligen-
tias ; audio enim te, si posteriores meas literas paulô tardiùs acce-
pisses, ad nos venturum fuisse ut clarissimum Patrem Possevinum
videres, quem si videre non potuisses, ego sanè te vidissem. Sed
quando ita res tulit, ut neque tu illum, neque ego te videre potuerim,
utrumque nimia et illius in discedendo et mea in scribendo dili-
gentia, erit quod meae posthac ignoscas negligentiœ, si quid à me
hac in re peccabitur ; licet non ignorem vix fieri posse ut damnum
contingens ex diligentia per negligentiam sarciatur, mihi praesertim,
cui hoc unum restât absentias tuas solatium, si per literas tuas te
videam, per meas te alloquar.
Grata tibi fuisse et Patris Possevini et Girardi nostri munera
' Vide p. 155. gaudeo. Quôd vero tam opportune Spondœus* advenerit, non tantùm
tibi, sed etiam mihi summoperè gratulor; nihil enim est quod feram
molestiùs quàm, cùm nebulones istos audio de suis ineptiis tam
magnificè sentire et gloriari, de nostris verô nostrorumque egregiis
meritis tam audacter et impudenter mentiri.
' Vide p. 384. Baronem nostrum qui, ut scis, nunc adest*, iterum atque iterum
conveni, primùm ut viro nobilissimo meique amantissimo grati
animi testimonium exhiberem, deindè ut ex ejus potissimùm sermo-
nibus intelligerem quid ille de tuis conatibus, non tam sentiret
quàm speraret. Ille verô, quasi certa jam et explorata, nedùm in-
clinata Victoria jam triumphum canere mihi visus est, et ea credere
quae ad felicitatem satis mihi fuerit sperare posse. De Ponceto prae-
cipuè tibi mirum in modum gratulatur, pr^edicatque tua illum
opéra et eruditione ab inferis revocatum, sacra religionis nostr» tam
serio amplexatum esse, ut tôt ministellis in posterum nullo negotio
profligandis, pro ea qua fuit inter ipsos authoritate sibi unus suffi-
cere posse videatur. De Avullaeo verô sic loquitur quasi nec dubitet
quin ex nostris sit, totamque rem ex voto tuo confici ardentissimè
desideret. Quôd si ita est, non video quid te malè jam habere debeat,
nisi quôd in re tanti momenti vix est ut Christiana impatientia lon-
gioris mora; incommoda concoquere possit.
Lettres d'Antoine Favre 407
De caeteris rébus, sivè publicis sivè privatis, nihil attinet in se-
quentem paginam protrahere epistolam. Publier in eum statum de-
ductœ sunt ut eas miseratione multo faciliùs quàm auxilio prosequi
quilibet possit ; meae verô ejusmodi ut earum conditionem parùm
curare debeat quisquis publicis ita uti par est afficiatur. Id unum
nobis benè cedit, quod cùm nihil sit in tanta rerum omnium pertur-
batione quod non ducat ad desperationem, de omnibus tamen benè
et in dies meliùs ac meliùs sperare non desinimus ; sed cedet multo
faciliùs si, quôd tecum precari faciliùs est quàm ominari, una cum
Elia illo tuo * per turbinem in Cœlum rapimur. ' Vide p. 156,
Literas tuas ad Girardum quàm cito perferri curabo diligenter.
Benè vale, mi Frater suavissime, et me, ut facis, amare perge.
Ex urbe, 3 non. Augusti 1595.
Soror tua, itemque cœteri tui, quotquot ferè hic mei sunt, te sa-
lutant ; ego nostrum quoque, si placet, consobrinum. Iterum vale.
A Monsieur mon Frère,
Monsieur De Sales,
Prévost en l'Esglise Cathédrale de Sainct Pierre de Genève.
A Necy ou a Tonon.
Revu sur le texte inséré dans le I" Procès de Canonisation.
XXI
Monsieur mon Frère,
*Je ne suis plus marry que, pour faute de porteur, j'aye retardé * vide Epist. ix, lxi.
plus que je ne voulois de respondre a voz premières lettres, qui me
furent rendues ces jours passés avec les sonnetz de ma Seconde
Centurie* par monsieur de Chavanes** ; car je me fusse plaint fort '^vide p.^80.
aigrement de nostre monsieur Portier, auquel j'avois remis mes pré-
cédentes lettres, avec celles du Père Possevin et le livre quil m'avoit
adressé pour vous faire tenir. Maintenant je suis hors de ceste peine,
voyant par les vostres dernières qu'en fm le tout vous a esté rendu.
J'ay pris fort a mon avantage ce que vous m'escrivez, que noz
messieurs de Tonon facent estât de ma Première Centurie *; car outre » vide p. 8t.
ce, que malaisément peut il estre ainsy quilz ne facent sans compa-
raison plus d'estat de vous a qui je la rapporte toute, comme je doy,
il me semble que c'est un commencement de tesmoignage quilz don-
nent de leur résipiscence, sil est vray ce que j'ay tousjours ouy dire,
4o8 Apphndice
que les hérétiques ne veuUent point ouyr parler de pénitence, du
moins en la façon que j'en parle.
Vide p. 162. Les vers desquelz monsieur Després* m'a honoré m'ont esté fort
aggreables, et vous remercie de la recommandation que vous y avez
adjousté du vostre, et luy de la faveur. C'est un personnage duquel
j'ay desja ouy souvent parler, et tousjours en bonne part, osté le
poinct, qui est le principal, de la religion. Ce seul poinct a esté cause
que je n'en ay peu faire Testât que j'eusse voulu ; car, comme il me
souvient de vous avoir autrefois dit, je ne peux me commander
de croire qu'un hérétique puisse rien avoir de bon, du moins que
l'heresie ne gaste et corrompe. Non que j'estime quil y aye en tous
de la malice (j'en ay congnu qui. hors le faict de la religion, pou-
voient passer en monstre pour honestes hommes) ; mais je ne peux
les excuser que je ne les accuse tous, et tant plus ceux qui sont les
plus habiles entre eux, d'un grand deflFaut de jugement et de trop de
présomption en ce quilz osent faire plus d'estat de leur jugement
particulier que de celuy de l'Esglise universelle, fondés seulement sur
l'opinion d'un homme, lequel sil eust esté de moins ilz seroient
maintenant des nostres.
Toutefois, je veux bien espérer de sa conversion puis que vous
qui le voyez de plus près en concevez ceste espérance. Aussy me
semble il bien difficile qu'un honeste et si habile homme comme il
est puisse croupir longuement en telle misère, pour peu quil veuille
ouyr parler de la religion a un vostre semblable. Je remetray a ce
tems là de l'embrasser et de recueillir avec plus de démonstration
l'amitié que sa poésie me présente, vous priant toutefois de l'en
remercier de ma part. Si j'estois venu a bout de ma Seconde Cen-
turie, je luy escrirois très volontiers pour le prier de l'avoir aggrea-
ble. Si ainsy estoit nous aurions tout gaigné, puis qu'elle sera toute
en l'honneur du Sainct Sacrement ; et non moins sil fait estât de
la troisième, laquelle je pretens faire, Dieu aydant, en l'honneur de
Nostre Dame.
J'attens de bon cœur l'ornement que vous m'avez promis pour
• Vide p. 164. mon Code Savovsien*, lequel je vay avançant de jour a autre le plus
que je peux pendant le loisir que m'en donnent ces feries.
Entre autres poinctz, n'oubliez pas, sil vous plait, celuy là, que
noz hérétiques font mestier de nier tout et ne rien dire. Hz le font
sans doubte par art et par finesse, affin quilz ne soyent tenus de rien
preuver et quilz nous chargent tant plus de preuve, dautant quil est
beaucoup plus aisé de nier la vérité que de preuver le mensonge. Hz
se fondent sur la reigle qui dit que aienti , non neganti , mcumhit
prohatio; mais vous sçavez mieux que moy comment telle reigle est
Lettres d'Antoine Favre 409
entendue en nostre jurisprudence, a laquelle proprement elle apper-
tient. Noz loix dient que celuy qui dit et afferme quelque chose [est
tenu de le prouver, mais que celui qui soutient la négative ;i )] n'est
tenu de la preuver; la raison est parce que la preuve d'une négative
semble estre impossible par la nature mesme, dautant que ce n'est
qu'une pure privation qui en somme n'est rien selon les philosophes.
Mais ceste raison mesme monstre que la reigle doit estre entendue
d'une pure négative qui ne puisse estre circunstantiee de point de
façon; car quand ell'est coarctee, comme parlent noz maistres, de la
circonstance de quelque lieu ou de quelque tems, la preuve s'en peut
faire, et faut qu'elle se face par celuy qui nie : comme si quelqu'un
nioit d'avoir esté a Romme un tel jour, il pourroit et devroit preuver
en quel autre lieu il fut ce jour là.
Il y a de plus que la négative mesme qui est pure privation, et
quœ nihil ponit, nec inchidit affirmativam contrariain. doit estre neant-
moins preuvee par celuy qui l'avance, toutes et quantes fois que c'est
le fondement de son intention ; et en ce poinct s'accordent tous noz
docteurs, fondés sur ce que tousjours le demandeur doit estre chargé
de preuver son intention et ce sur quoy il la fonde. Il y en a une infinité
d'exemples ramassez par le premier Marian Socin en ses Commentaires
sur le Droit canon, qui traite ceste matière plus amplement qu'autre
docteur quelconque qui jamais en aye parlé. Il me souvient de l'y
avoir veu autrefois a plein fonds, combien que je n'aye pas a pré-
sent le livre.
Je me suis fort appuyé autrefois sur ceste dernière considération
pour conclurre que noz hérétiques, pour nieurs quilz soyent, sont
tenus de preuver toutes leurs négatives ; car ilz ne peuvent nier
quilz ne soyent demandeurs, puis qu'ilz viennent a nous troubler en
nostre possession de sezecentz ans qui nous rend defifendeurs ; et
vous sçavez que c'est la principale commodité de la possession,
qu'elle décharge le possesseur de toute nécessité de preuve jusques a
ce que le demandeur aye fondé et preuve son action : de là vient que
adversus extraneos, id est, nihil juris habentes actores, etiam viciosa pos-
sessio prodest. Mais c'est trop faire le docteur avec vous ; aussy me
faites vous dottor in volgar. Escrivez moy si vous voulez que je le tire
en conséquence, affm que je n'en abuse.
Je feray tenir voz lettres a Père Possevin et a nostre frère mon-
sieur de Locatel. J'ay esté presque botté pour vous aller voir affm de
vous conduire au Baptesme de nostre neveu, lequel nous espérions
( i) L"auteur, probablement par distraction, a omis ici un membre de phrase
qu'il a semblé indispensable de suppléer.
410 Appendice
devoir estre fait le jour de la Toussainctz; mais j'ay esté retenu par
une infinité d'incommodités, et pour avoir sceu aussy que monsieur
le Commandeur doit partir aujourdliuy pour Lyon, et qu'a ceste
occasion la solemnité du Baptesme sera remise en autre tems.
Vous me treuverez aussy long en françois qu'en latin, mais je ne
sçaurois qu'y faire. Encor avois je a vous prier de m'ayder a me
faire avoir responce des lettres que j'ay escrit a Genève et addressé a
l'hoste du Lyon d'Or, pour sçavoir si ces imprimeurs mettront la
main a imprimer mes derniers Livres de Conjectures suyvant les pro-
messes qu'ilz m'en ont faites toute ceste année. Je ne peux attendre
davantage pour le désir que j'ay de faire sçavoir en Allemagne et en
l'Italie, aussy bien qu'en France, que nous sommes frères; et comme
tel je vous baise les mains. Aussy font ma belle mère et ma mais-
tresse ( I ), avec noz escoliers, qui prient tous Dieu avec moy quil vous
conserve, Monsieur mon Frère, a longues années en sa grâce, et nous,
en la vostre.
Vostre plus humble et plus intime
frère et serviteur,
A. Favre.
De Cliambery, en haste, ce 25 octobre 1595.
Revu sur l'original consen'é à la Visitation d'Annecy.
( I ) Le Sénateur avait coutume de désigner ainsi M™® Favre.
XXII
Chambéry, 22 novembre 1S95.
Fratri suavissimo Francisco De Sales,
Ecclesiae Gebenensis Prœposito et Pontifici designato,
Antonius Faber salutem dicit.
Non est quod ex me nunc, mi Frater, aut longas aut suaves literas
expectes, adeô me conturbat repentinus sic obitus Baronis nostri
Vide p. I. Hermanciani *, sivè privatam jacturam meam considero sivè totius
reipublicae nostras causam, qu^e tôt jam adversis casibus cladibus-
que miserè conflictatam spes erat maxima, hujus potissimùm viri
opéra vehementique pacis studio quo flagrabat, restitui posse et re-
creari. Movet me etiam non parùm quôd, postremis qui mihi cum
illo ante morbum intercesserunt sermonibus, videbatur in eam potis-
simùm curam velle in posterum incumbere ut sacrosancta religio
Lettres d'Antoine Favre 411
nostra, tuis potissimùm prîeclaris conatibus adjuta, per totam istam
provinciam quàm latissimè et vivissimè diflFunderetur. Quamquam
si, ut plerique ominantur, provincice moderatio ad Baronem Petrœ
differretur, sperandum est aequè féliciter, ne quid amplius dicam,
cessura omnia, dummodô quantum ille animi et contentionis in eam
rem collaturus est, tantum ad rem agendam habiturus sit authori-
tatis ; quam ego in hujusmodi causis semper plus posse credidi quàm
Ipsum etiam jus potestatis. Sed de hoc postea videbimus.
Gaudeo intérim te in Salesianum venire, in quo ita futurus sis
otiosus ut numquam minus otiosus. Etsi enim ea ingenii tui vis est,
ut ubi voles esse gentium non possis aut tui similis non esse aut
extrinsecis hujusmodi subsidiis indigere, conducet tamen non parùm
ad edendum féliciter partum hune quem jampridem parturis, ut in
eo loco sis in quo favorabilior tibi gratiorque Lucina adfutura sit.
Ego Librum meum duodecimum, tibi inscriptum et proprio quodam
jure tuum quôd in Salesiano tuo, ut meministi, inchoatus sit, dedi
optimo et ornatissimo huic viro perferendum ad typographum qui
saepiùs jam ad me scripsit facturum se ut quamprimum prœlo detur.
Id ego incredibiliter fieri cupio ut ita saltèm publicum extet singu-
laris meœ erga te voluntatis monumentum si facere posthac non
potero ut majus quidpiam à me proficiscatur.
Benè vale, mi Frater, et me, ut facis, ama. Meiomnes, aut tui po-
tiùs, te salutant ; ego nominatim consobrinum nostrum. Iterum vale.
Ex urbe, 10 calend. Decembris 1595.
A Monsieur mon Frère,
Monsieur De Sales,
Prévost de l'Esglise Cathédrale de Sainct Pierre de Genève.
A Chablaix.
Revu sur le texte inédit, inséré dans le P"" Procès de Canonisation.
XXIII
Chambéry, 2 janvier IS96.
Fratri suavissimo Francisco De Sales,
Ecclesise Gebenensis Praeposito et Pontifici designato,
Antonius Faber salutem dicit.
*Non minus ex Avultei**, tandem nostri, sermonibus quàm ex * vide Epist. lxiv.
,....„ . , . . . , , . "Vide p. 198.
literis tuis, mi Frater, cognovi quod maxime cupiebam, prseclare
illum de religione sentire nec magisquidquam in votis habere quàm
412
Appendice
ut publicè id testatum faciat. Sic enim mecum egit ut priecipuo quo-
dam animi dolore angi videretur quod, tantopere urgentibus con-
scientia; stimulis, rem tanti momenti tanidiù prociastinando in hune
usque diem distulisset.
Libris illis de politica, ut eleganter inscribis, auscultatione id
prœscribentibus, hoc mihi quàm dulce optatumque fuerit, etsi facile
aestimare potes qui optimus testis es nihil me umquam ardentiùs de-
siderasse, vix tamen possis credere ni tibi persuadeas eum esse me
qui factis laudibusque tuis magis délecter quàm tu ipse, in ea praeser-
tim re in qua nominis tui laus cum Dei gloria non possit non esse
conjuncta. Itaque noli quœrere quàm alacriter utroque ut jubebas
amplexu hominem sim complexus, quamquam in eo mihi minus
satisfecerit quod visus est publicam conversionis suse significationem
nescio qua majoris boni spe in ultcriorem diem differre velle. Adjecit
sibi tecum sic convenisse ut Principem rogaretis de me in provin-
ciam istam mittendo, ut quae ad sacrosanctae religionis nostrae resti-
tuendam dignitatem pertinere videbuntur à provincialibus impetrem
aut potiùs extorqueam. Id verô quàm mihi honorificum si succédât ;
etsi nec dubitandi causa est si Deum authorem habebimus Principem
fautorem et adjutorem. Intereà expectationem nostram spe susten-
temus.
De Pâtre Cherubino facere non potui ut eum Avullfeus tam citô
• Vide p. 179. conveniret. Expectabam ut ad me scriberes aliquid de prioratibus*;
• Cf. p. 178. audio enim Baronem nostrum venisse*, ex cujus literis sperabam
fore ut ea de re fausti aliquid lactique intelligerem. Ad eum enim,
cum tuis literis, meas etiam dederam. Sed quando id hactenus fac-
tum non est, cura si placet ut quamprimùm fiat. Non gratiora mihi
aut melioris ominis xenia possis mittere ; ne (sic) si fragmentum
illud quôd poUiceris, et quo tamen scito nihil mihi advenire posse
optât iùs.
Benè vale, Frater suavissime, et quod felix faustumque sit ad me
scribe. Mei omnes, aut tui potiùs, valent optime et te salutant ami-
cissimè. Iterum vale.
Ex urbe et ex tempore, 4 non. Januarii 1396.
A Monsieur mon Frère,
Monsieur De Sales,
Prévost de l'Esglise Cathédrale de Sainct Pierre de Genève.
A Tonon.
Revu sur le texte inédit, inséré dans le I*"" Procès de Canonisation.
Lettres d'Antoine Favre 413
XXIV
Chambéry, 19 février 1396.
Fratri suavissimo Francisco De Sales,
Ecclesice Gebenensis Prœposito et Pontifici designato,
Antonius Faber salutem dicit.
*Acceptis uno die binis à te, mi Frater, literis, expertus sum, quod » vide Epist. lxiv.
jam saspe anteà, numquam te minus negligentem esse quàm cùm
negligens videris. Nam eo ipso aut prœcedenti die scripseram ad te
epistolam, perbrevem quidem, sed plenam expostulationis quôd per
tam longum tempus nuUas à te habuissem.
Nunc mihi plané satisfactum est iis literis quibus ad omnia mea-
rum capita tam diligenter et accuratè respondisti, nisi quod subti-
cuisti (dolone bono an malo non ausim dicere), quod maxime signi-
ficare debueras, quodque ex Chaventio* cùm ei tuas darem intellexi. • vide p. iSi.
habere te nunc Principis nostri, non voluntatem solùm, quae tibi
numquam defuit, sed eam qu^e tamdiu desiderata et expectata est
subscriptionem. Q.uo nomine si tibi et mihi totique reipublicae nos-
tras non gratuler, indignus sanè sim quem boni ament, nedum tu qui
es optimus. Sed id mallem coram et in fraternis amplexibus quàm
in literis, prœsertim quas aut longiores aut politiores facere ocium
nunc non detur.
De prioratu Talloriarum * rursum benè sperare cœperam, defuncto • Vide contra.
Calcaneo, qui Principis voluntatem praecipiti ambitione meritis tuis
prasripuerat. Sed, ut audio, Baronis de la Bastie, magistri hospitii,
filio id indultum est.
De Centuria mea faciam quod suades et scribis. De pacunia curavi
quod petis ut humanissim^e creditrici meas satisfiat*, duplici in eam ' Vide p. 181.
rem exquisita ratione, ut si una deesset, altéra succederet. Si, quod
abominor, neutra succedet, curabo artibus omnibus ne illam collati
in me beneficii, te vero praestiti amicissimè officii pœnitere possit.
De eo scripsi ad Chiss^um nostrum * itemque ad Agiaeum **, à quo ' ^'^^^ p- 7'-
. ° ' "Vide p. 3.
etiam habui de ea re suavem et benevolam mterpellationem.
Nos omnes valemus et te salvere jubemus. Tu vale, et nos, ut
facis, ama.
Ex urbe, 12 calend. Martii 1596.
Post haec scripta, accepi posteriores tuas literas, et quas tu de hcc-
reticis nostris tam argutè et copiosè scripta adjecisti ; habeo gratiam,
414 Appendice
Vide p. 285. et de eo brevi ad te rescribam. Dominum de Lullin*, à quo tempore
tuas accepi literas, non vidi ; faciam ut intelligat se mihi per te
commendatum.
A Monsieur et Frère,
Monsieur De Sales,
Prévost de l'Esglise Cathédrale de S' Pierre de Genève.
A Tenon.
Revu sur l'original conservé à la Visitation d'Annecy.
XXV
Chambéry, 27 mars 1596.
Fratri suavissimo Francisco De Sales,
Ecclesi^ Gebennensis Praeposito et Pontifici designato,
Antonius Faber salutem dicit.
Vide Epist. lxix. * Scripsissem ad te, mi Frater, diligentiùs, si de Serenissimi Duels
nostri adventu, de quo te scio potissimùm laborare, certi quid et
explorati habuissem ; sed fuerunt omnia in hune usque diem adeô
incerta et in utrumque eventum titubantia, ne dicam penè deplo-
rata, ut nihil scribendum occurreret quod levandi et consolandi tui
causa scirè te mea interesset. Nunc certioribus quàm anteà rerum
argumentis erecta sunt spes nostrîe reditu Praesidis Rochetani, qui
affirmât esse omnia non solùm in expedito, sed etiam in tuto, et
ante festa Paschalia venturos à Rege in hanc urbem legatos, qui per-
petuum inter Principes fœdus sanciant et jurejurando devinciant. Id
si ita erit, non dubitamus quin ad nos Princeps quoque statim sit
advolaturus. Tu, quod facturum te promittis, si et Principem et nos
amas, fac ut venias ; multum tibi ex loci et temporis opportunitate
auxilii prssidiique accesserit ad ista quae solo Deo optimo maximo
auspice tam féliciter instituisti, et commode et honorificè peragenda.
De Avullaeo nostro doleo mirum in modum quod longioribus eum
sermonibus tenere, ut sperabam et cupiebam, non potuerim. Réces-
sif enim postridie quàm Necio veni, cùm tamen non priùs reces-
surum putarem quàm Principem vidissct. Literas à te nuUas mihi
reddidit ; itaque quas Necii dixeras ad me scripsisse video intercep-
tas, feroque, ut debeo, molestissimè ; etsi fuit illud multo jucundius
te videre, tanta prassertim videndi mei cupiditate incitatum, ni pu-
deret magis quod mea causa tam grave et noctis et itineris incom-
' Vide p. 177. modum suscepisses *.
Lettres d'Antoine Favre
415
Pater Cherubinus infinitam tibi salutem ; ardebat miro videndi
amplectendique hominis desiderio, maxime cùm id tibi optatissimum
esse ex me intellexisset. De demonomania ista Tononensi * aliquas * Vide p. 194.
à te literas hiabere vellet. Si ocium erit, scribe ; at etiam si ocium non
erit, quod tamen sine ocio facere potes, me ama; et vale, mi Frater,
iterum atque iterum suavissime, iterùm atque iterum vale.
Ex urbe Camberii, 6 calend. Aprilis 1596.
Tui omnes, quos cùm aliis scribo soleo meos dicere, te salutant.
A Monsieur mon Frère,
Monsieur De Sales,
Prévost en PEsglise Cathédrale de S» Pierre de Genève.
A Tonon.
Revu sur l'original conservé à la Visitation d'Annecy.
XXVI
Monsieur mon Frère,
* Je me doubte fort que la lettre que je vous escrivis la semaine ' vide Epist. lxxiv.
dernière par la voye de monsieur de Crans ne vous aye pas esté
rendue, par les dangers de contagion continués et accreus, comme
l'on nous dit, du costé de Necy *. Je porteray la perte fort patiem- * vide p. 215.
ment, pourveu que vous croyez que je n'ay pas esté si paresseux
d'attendre jusques a présent de me conjouir avec vous de vostre
heureux retour (car aussy n'estoit elle pour autre), en attendant
qu'avec plus de loisir je puisse vous escrire. Despuis, j'ay eu quel-
ques heures de meilleur loisir, mais point de commodité de porteur
qui s'en allast du costé de Sales ou de Tonon.
Je m'asseure que vous n'aurez pas esté moins impatient en l'attente
de recevoir de mes nouvelles que moy, en l'attente de pouvoir vous
faire part des miennes et d'avoir des vostres, combien que pour ma
consolation j'aye veu nostre bon frère*, qui m'a bien au long entre- • vide p. 209.
tenu, et discouru plusieurs particularités de vostre voyage, toutes
très aggreables, mesme celle du françois converti ; car elle vise a
l'honneur de Dieu premièrement, puis au vostre, qui sont les deux
plus grandes grandeurs que j'appréhende dans ce monde. Bref, il me
semble que je vous ay veu et que je vous voy, et peut estre encor
que je vous verray en brief.
4i6 Appendicb
Au reste, j'ay a vous dire pour bonne nouvelle, et meilleure pour
Vide p. aog. moy que pour vous, que monsieur de Jacob*, venant de France, m'a
fait entendre que Madame de Nemours l'avoit prié fort afFectionne-
ment de sçavoir de Son Altesse si elle auroit aggreable que je fusse
Vide p. 6i. convié d'estre Président du Genevois*; a quoy s'accorde un billet
escrit par monsieur de Charmoisy, nostre parent, a monsieur son
Vide p. 57. père *, qui adjouste que Monsieur et Madame de Nemours estoyent
sur le poinct de m'en prier. Je serois trop long a vous conter tout ce
qui a esté dit sur ce propos entre luy et moy ; tant y a, que son
advis a esté que je peux et doy entendre a ceste condition, et que
Son Altesse l'aura très aggreable, et a résolu de faire l'office a ce
voyage qu'il fait en nostre court, ou il s'est aclieminé despuis deux
jours. Je m'asseure que le commandement ne tardera gueres de
venir; il ne restera sinon que de l'autre costé on m'escrive. Et voyla
ma cause gaignee. Apprestes vous seulement d'estre le président
du Président, et de rabbattre trois ou quattre heures tous les jours
de vostre plus sérieuse estude. Je fcrois tort a ceste lettre, pleine
d'un sujet tant désiré, si je la cbargeois d'autre matière, sinon pour
vous dire que j'ay fait tenir voz pacquetz a monsieur de LuUin par le
secrétaire mesme de monsieur de Jacob, qui m'a promis de les deli-
\rer en mains propres.
Nostre santé est très bonne en gênerai, grâces a Dieu, lequel vueille
qu'ainsy soit de celle de Necy bien tost. Quant a la vostre, je la tiens
et désire toute telle que celle de l'autre vous mesme, sinon que de
plus il est
"Vostre serviteur,
A. Favre.
Ma maistresse avec toute la suite vous salue ; ainsy fait elle
■ Vide p. 344. madame du Foug *, et moy encores plus, sans oublier monsieur
Vide p. 159. l'advocat du Crest *, et monsieur le Procureur fiscal **.
'Vide p. 312.
De Chambery, en haste, ce 21 novembre 1596.
Monsieur mon Frère,
Monsieur De Sales,
Prévost de PEsglise Cathédrale de Sainct Pierre de Genève.
A Tonon.
Revu sur le texte inédit, inséré dans le I'"'' Procès de Cnnonisation,
LbTTRts d'Antoine Favre 417
XXVII
Monsieur mon Frère,
Combien que je vous aye escrit ny a que deux ou trois jours par
l'homme de monsieur de Coudree bien amplement, et avec beau-
coup de contentement pour la bonne nouvelle de laquelle je vous
ay fait part de ma promotion a Testât que je desirois, tousjours plus
pour m'approcher de vous, qui m'estes et serez in œternum instar om-
nium, que pour m'esloigner du reste de mes amis, si est ce que j'ay
recherché encores ceste commodité de vous pouvoir escrire par mon-
sieur le Gouverneur*, pour me réintégrer en la possession de noz ' Cf. p. 127.
premières diligences, autant que la commodité ou, pour mieux dire,
l'incommodité et le malheur du tems le pourra permettre ; car Necy
est maintenant plus décrié que jamais pour le mal qui est naguieres
survenu près du pont de Nostre Dame. Nous sommes de par deçà
assez asseurés, mais non pas entièrement, parce quil y a deux vil-
lages ausquelz le mal va encores s'entretenant.
Tout mon train se porte bien, grâces a Dieu, et sur toutz celuy que
vous tenez et recognoissez pour
L'autre vous mesme et rien moins qu'autre,
A. Favre.
Tous mes gens se recommandent, et moy particulièrement, mesmes
a monsieur d'Avully, monsieur du Crest, a monsieur le Procureur
fiscal et a madame du Foug.
De Chambery, en haste, ce 25 novembre 1596.
A Monsieur mon Frere^
Monsieur De Sales,
Prévost de l'Esglise Cathédrale de Genève.
A Tonon.
Revu sur l'original inédit, conservé à la Visitation de Rennes.
Lettres I
4i8
Appendice
XXVIII
Monsieur mon Frère,
Vide Epist. Lxxviii. * jg n'cusse pas laissé partir ces bons villageois sans les charger de
mes lettres si j'eusse esté adverty de leur despart ; mais la faute n'en
est qu'a leur procureur qui m'avoit promis de me les faire voir, ce
qu'il n'a fait. Je sçay qu'ilz ont esté dépêchés a leur contentement,
mais non pas sans beaucoup de despence : en quoy peut estre que
j'eusse peu leur apporter quelque soulagement, si leur procureur
m'en eust parlé avant que l'argent eust esté déboursé, s'estant aussy
en cela comporté plus nonchalamment qu'il ne devoit; combien qu'a
la vérité, en semblables matières d'argent, si peu de gens ont le cré-
dit d'en faire rien rabbattre.
Je feray voir au Conseil d'Estat la requeste du gentilhomme duquel
Cf. Epist. Lxxvi. vous m'escrivez* a la première assemblée qui se fera, qui ne peut
estre devant demain, 15^ de ce mois, et n'oublieray rien de ce que
je pourray pour luy faire ressentir quelque bon effect de vostre re-
commandation ; me resjouissant au reste des bonnes espérances que
vous donne Monsieur le Nonce, ne pouvant croire qu'elles doivent
plus longuement demeurer sans effect en chose de telle importance,
et laquelle je ne doubte point que Son Altesse, aussy bien que luy,
n'affectionne beaucoup plus qu'auparavant des qu'ilz vous ont veu :
et me semble qu'icy l'autheur doit admirer leur tardiveté autant que
son sçavoir.
Je m'estois bien promis que je me treuverois a la première
grand'Messe que vous diriez a Tonon pour ces festes de Noël, mais
a ce que je voy, la chose sera remise a l'an qui vient. Bon Dieu,
que le tems m'en dure, et de vous voir et en cest acte là ! l'un et
l'autre sera quand il plaira a Dieu. Je suis retenu plus que jamais
d'aller en Genevois jusques a ce que j'y aille pour une bonne fois,
pour ne sembler vouloir courir au devant des honneurs ; sinon que
les lettres de monsieur de Charmoisy, mon cousin, ou quelque sien
commandement ou vostre m'en fist naistre l'occasion. Ce pendant,
pour accroistre ce contentement qui n'est qu'un a vous et a moy, je
vous diray que je viens de recevoir lettres de monsieur de Jacob,
par lesquelles il m'asseure que Son Altesse a très aggreable que
j'aille en Genevois et qu'elle m'en priera (voyez quelz termes) ; et
qu'en tesmoignage de cela, mes gaiges de sénateur me demeureront.
Lettres d'Antoine Favre 419
Mais tenez, je vous prie, ce dernier poinct secret, car il m'importe
affin qu'on ne me rabbatte rien dans cela des gaiges qu'avoit mon-
sieur Poille*, qui est le plus haut degré d'ambition et d'avarice * videp. 6i,not. (i).
auquel ma pauvreté aspire. Il ne reste sinon que je reçoive mes dé-
pêches et d'une part et d'autre. J'espère que de nostre court mon-
sieur de Jacob les apportera a son retour ; mais ce ne sera pas,
comme je croy, avant Pasques, car il fait estât de se treuver a Paris
seulement pour le quinziesme du mois prochain, a ce que dit mon-
sieur de TroUioux qui est passé pour luy aller préparer son logis.
Cela me fait très bien espérer de noz affaires, quoy qu'on veuille dire
ou gazouiller au contraire. Autres advis n'en ay je desquelz je puisse
vous faire part.
Ma maistresse et tous voz neveux qui sçavent parler vous saluent,
mais le père sur tous et plus que tous, comme celuy qui est et sera
a jamais,
Monsieur mon Frère,
Vostre très humble frère et serviteur,
Favre.
Je resalue infiniment tous ces messieurs qui se resouviennent de
moy, et outre les messieurs, madame du Foug, de laquelle je suis
bien humble et obligé serviteur.
De Chambery, ce 14 décembre 1596.
Monsieur mon Frère,
Monsieur De Sales,
Prévost de l'Esglise Cathédrale de Sainct Pierre de Genève.
A Tonon.
Revu sur le texte inédit, inséré dans le P'' Procès de Canonisation.
XXIX
Monsieur mon Frère,
Estant au plus fort des Méditations poétiques que j'ay commen-
cées despuis quelques jours sur les misteres du tressainct Rosaire *, * Cf. p. 408.
pour faire quelque provision de dévotion pour ces bonnes festes, j'ay
sceu par monsieur l'advocat Salteur *, lequel m'a remis voz der- ' vide p. 64
nieres lettres, quil y avoit commodité de vous faire responce par le
420 Appendice
greffier de Thonon ; et a Tinstant, sans poser la plume, j'ay seulement
changé de papier pour vous faire ce mot, non moins pour accroistre
en moy cet esprit de dévotion par l'imagination que je conçoy de
vostre conversation, que pour vous advertir comme du jour mesme
que je receus vostre pacquet, ou, pour ne mentir, du lendemain, je
le remis a la poste avec les autres que le Conseil d'Estat depechoit par
courrier exprès a Son Altesse et soubs une mesme couverture, de sorte
que je m'asseure quil aura esté bien et seurement rendu ; dequoy je
n'eusse pas tant tardé de vous advertir si j'eusse heu la commodité
d'un porteur.
Car, quant au reste que vous vouliez sçavoir de moy, de la nego-
tiation de monsieur de Jacob pour moy en nostre court, je vous ay ja
escrit, et m'asseure qu'aurez receu la lettre, que Son Altesse treuve
tout bon et me laisse, avec Testât de sénateur, mes gaiges. On m'en
escrit en ces termes : « Vous irez, vous demeurerez et tirerez voz
gaiges. » Toutefois, je n'ay encor point receu de lettres de Son Altesse,
non plus que de Leurs Excellences, tellement que, non sans beaucoup
de peine, je suis contraint de dissimuler et ne faire pas semblant que
je désire de voir la chose exécutée, quand ce ne seroit que pour em-
pêcher que noz confrères ne vous veullent mal, pour l'asseurance
quilz ont que la force de nostre amitié mattire a ceste resolution
autant qu'autre chose quelconque. J'espère que le retour de mon-
sieur de Marclaz, mon cousin, m'apportera ce contentement avec les
autres.
• Cf. p. 222. Cependant, felix nohis de la lettre de nostre Sainct Père *. C'est
maintenant, a ce que je voy, quil fera bon estre de voz amis a qui
en voudra avoir a Romme et a Turin. Je ne pers point pour cela
courage d'espérer que vous aymerez tousjours le Président, lequel
vous avez bien aymé sénateur. Encor veux je que le Pape le sçache
quelque jour, aussy bien que Son Altesse le sçait.
Je ne pensois vous escrire qu'un mot, et vous voyez ou la passion
me porte. Encor feroy je bien ceste plus longue, si le dernier coup de
Matines ne me pressoit ; car je vous escris ceste en semblable tems
auquel je jouissois de nostre première entreveuë a Necy en vostre
estude, sont passés trois ans. La seule souvenance me recrée infi-
niment ; Dieu veuille que dans un an je la puisse rafreschir par une
nouvelle jouissance.
Je n'escris rien a monsieur de Charmoisy, mon cousin, en responce
de la sienne, tant pour n'en avoir a ceste heure le loisir, que pou^
avoir desja satisfait a tout ce quil attend de sçavoir de moy par celle
quil aura receu de moy despuis la sienne escritte. Si je puis retirer
de monsieur Chaven le dépêche du gentilhomme avant que ce
Lettres d'Antoine Favre
421
porteur soit party, je feray quil le portera ; si'n minw;, ce sera pour
l'autre fois.
Je vous baise bien liumblement les mains, et a monsieur nostre
cousin, sans oublier tout ce quil y a de bon et d'honeste en vostre
ville de Tonon. Ma maistresse et voz neveus vous en présentent au-
tant, et du mesme cœur duquel nous prions Dieu, tous tant que
nous sommes, monsieur mon Frère, pour vostre santé et prospérité.
Vostre plus humble frère et serviteur,
A. Favre.
De Chambery, en haste, la veille de Noël, a 9 heures du soir, 1 596.
A Monsieur mon Frère,
Monsieur De Sales,
Prévost de l'Esglise Cathédrale de S' Pierre de Genève.
A Tonon.
Revu sur l'original conservé à la Visitation d'Annecy.
XXX
Monsieur mon Frère,
Je vous avois escrit en grande haste la veille de Noël, comme
vous verrez par la cy jointe, pour ne perdre la commodité qu'on
m'avoit enseigné du greffier de Tonon ; mais il se treuva au lende-
main qu'il estoit parti le soir devant, fort tard, de peur, comme je
croy, de se treuver a nostre Messe de minuit. Despuis, j'ay receu une
des vostres datée du jour de Sainct Thomas, non toutefois l'autre
laquelle vous dites m'avoir escrit par autre voye.
Je ne treuve pas moins estrange que vous l'empêchement que
vous font ces messieurs de Tonon *, et en ay conféré bien a plein * cf Ep. lxxx, lxxxi.
avec monsieur le Gouverneur * lequel m'a dit les mesmes raisons * Cf. p. 417.
lesquelles il a discouru avec vous sur ce sujet. Tout ce que je treuve
de plus considérable, c'est qu'il dit que par les lettres mesmes de
Monsieur le Nonce a vous *, il est fait mention des dépêches qu'en • videAppend.B.Ep.v.
veut faire Son Altesse *, lesquelz ne sont encor venus ; car sans doute «vide Append.c, Ep.i.
s'ilz estoient entre vos mains, la chose se pourroit faire avec beau-
coup plus de réputation. L'autre raison qui m'esmeut beaucoup,
c'est que la trefve estant sur le poinct de finir, il ne faut doubter que
422 Appendice
si elle estoit finie ou rompue l'ennemy courroit quant et quant du
costé de Tonon, quand ce ne seroit que pour abbattre l'autel lequel
vous auriez fait construire.
Nous sommes attendans monsieur de Jacob dans deux ou trois
jours. Je ne fauldray, incontinent après qu'il sera arrivé, de luy en
parler, tant pour sçavoir s'il apporte point de commandement de
Son Altesse sur ce faict, que pour entendre ce qui luy en semblera ;
et sera bon que vous luy en escriviez, affm qu'il s'en prenne quelque
bonne resolution entre luy et monsieur de Lambert, lequel m'a dit
que si la trefve est continuée il viendra le voir. Qu'y feriez vous,
mon bon Frère ? Il faut joindre encor ceste patience a tant d'autres
desquelles Dieu vous a donné et le sujet et le mérite en ceste vostre
si saincte et digne negotiation. Ce pendant, il faut presser Monsieur
le Nonce pour avoir, par son moyen, le commandement de Son
Altesse. Je vous escriray dans peu de jours ce que j'en auray appris
de monsieur de Jacob.
Et en ceste attente, vous baisant bien humblement les mains,
comm'aussy ma maistresse avec voz neveux, sans oublier madame
du Foug, monsieur le Procureur fiscal et monsieur du Crest, je prie
Dieu vous donner la santé longue et contente vie.
Monsieur mon Frère,
Vostre plus humble frère et, s'il se peut dire, quelque chose de plus,
Favre.
De Chambery, ce 28 décembre 1596.
Monsieur mon Frere^
Monsieur De Sales,
Prévost en l'Esglise Cathédrale de Sainct Pierre de Genève.
A Tenon.
Revu sur le texte inédit, inséré dans le P'' Procès de Canonisation.
XXXI
Monsieur mon Frère,
Je receus hier tant seulement voz deux lettres, l'une du jour de
Sainct Estienne, l'autre de Sainct Thomas. Le subjet meritoit bien
qu'elles me fussent plus tost rendues, affin que j'eusse peu faire plus
diligemment et plus chaudement l'affaire duquel vous m'escrivez.
Lettres d'Antoine Favke 423
La faute est venue en partie des porteurs, en partie aussy de ce que
j'ay esté absent de ceste ville pour certain appointement que je suis
allé faire du costé de Belley. Mais, grâces a Dieu, tout va bien puis-
que vous avez réintégré la Messe en sa possession en un jour si
solemnel, quoy que non pas si solemnellement que vous et moy
eussions désiré. , .
Tant y a que voz scyndics de Tonon n'ont point este icy pour se
plaindre de vous, mais seulement pour présenter requeste a la
Chambre des Comptes a cause de la gabelle du sel *, a ce que leur * vide p. 343, not. (.)•
Procureur mesme m'a asseuré. Je l'ay aussy sceu de monsieur le pré-
sident Pobel *, qui a tousjours présidé au Conseil d'Estat en l'absence * Vide p. 30..
de monsieur de Jacob ; j'en ay encores parlé a monsieur de Jacob,
qui me dit n'avoir ouy aucunes plaintes de vous, ny deçà ny delà
les monts, au contraire toutes les voix du monde favorables a
vostre réputation, et l'un et l'autre treuvent bon ce que vous avez
fait et que vous continuiez, estant bien résolus, si quelqu'un de ces
messieurs vient se plaindre a eux, de luy bien laver la teste sans sa-
von Mais ilz sont bien d'advis que pour ce qui reste a faire de plus,
vous attendiez quelque commandement plus exprès de Son Altesse,
pour ne contraindre Son Altesse de venir aux remèdes violens qui
seroient nécessaires si ces messieurs faisoient quelque insolence qui
eust forme de mespris ou de rébellion ; car en somme, comme vous
escrivez, ilz n'ont point capitulé avec Son Altesse.
Monsieur de Jacob m'a asseuré que Son Altesse est très bien dis-
posée a plaider vostre cause (si ainsy la faut appeller plustost que
celle de Dieu) contre Messieurs de Sainct Lazare *, et que luy mesme ' vide p. .y..
s'y est aydé, s'asseurant qu'en brief vous l'emporterez, du moins
pour l'entretenement de six curés. 11 dit que monsieur de Lullin fait
merveilles, et m'asseure que si a son retour de France la chose n'est
résolue il employera tout son crédit pour la faire réussir a l'honneur
de Dieu et a vostre contentement. Nous avons résolu d'en conférer
avec monsieur de Lambert, par lequel en après je vous en escnray
plus a plein, car je suis maintenant merveilleusement presse. La trefve
générale avec la France est continuée jusques au dernier d avril ;
monsieur de Jacob s'y en retourne dans huict ou neuf jours^
l'ay de rechef recommandé a monsieur le président Pobel 1 affaire
de ce bon gentilhomme de Tonon, et a monsieur Chaven encor qui
m'avoit promis merveilles sans y avoir encor rien fait ; et l'un et
l'autre m'ont promis de le favoriser pour amour de vous, et de la
plus briefve expédition qu'il sera possible.
Monsieur l'Evesque de Sainct Paul * se recommande a vos bonnes ' vide p. 356.
grâces et m'a asseuré d'avoir fait tenir vostre pacquet a Monseigneur
424 Appendice
le Nonce, qui doit l'avoir receu ja des samedy dernier. Excusez
ma haste, et tenez moy in infinitum, extensivè et intensive, pour celuy
qui est,
Monsieur mon Frère,
Vostre plus humble frère et serviteur,
Favre.
De Chambery, ce 9 janvier 1597.
Ma maistresse et voz neveux vous baisent les mains ; aussy fay
je moy a tous ceux de qui vous m'escrivez. Nostre troisième frère
m'a escrit de France qu'il se porte très bien.
Monsieur mon Frère,
Monsieur De Sales,
Prévost de l'Esglise Cathédrale de Sainct Pierre de Genève.
A Tonon.
Revu sur le texte inséré dans le I" Procès de Canonisation.
XXXII
Monsieur mon Frère,
En responce de celle que ce porteur m'a remis de vostre part, je
vous diray qu'il n'y a que quattre ou cinq jours que je vous ay escrit
bien a plein par le solliciteur de monsieur de Colombier, pour res-
pondre aux deux dernières que j'avois eu de vous, dont la première
estoit datée du jour de Sainct Estienne, l'autre, du jour de Sainct
Thomas. Je m'asseure que ma lettre ne s'esgarera pas, car je l'ay
recommandée fort estroittement ; toutefois, parce que peut estre elle
ne vous sera pas si tost rendue, je vous en feray par ceste cy un épi-
logue.
Je vous escrivois qu'ayant conféré avec monsieur le président
Pobel et autres seigneurs du Conseil d'Estat, j'avois sceu que le
scyndic Vernaz, qui estoit venu en ceste ville, ne s'estoit aucunement
plaint de vous, et que quand luy ou quelque autre viendroit a si
mauvaise fm, on luy lavera bien la teste. 11 estoit venu seulement
pour se plaindre de l'imposition qu'on leur veut mettre sus de la ga-
belle du sel ; son procureur mesme me l'a ainsy confirmé. Tous ces
messieurs treuvent bien fait ce que vous avez fait et monsieur de
Jacob encor, avec lequel j'en ay conféré bien au long ; et est d'advis,
puisque vous avez commencé de dire la Messe a Sainct Hippolite,
Lettres d'Antoine Favre 425
que vous continuiez ; mais il ne treuveroit pas bon que vous y fissiez
construire aucuns autelz jusques a ce que vous ayez receu dépêches
de Son Altesse, pour ne donner point de sujet ou d'occasion de
nouveau remuement en un tems si chatouilleux comme est celuy cy.
Qu'y feriez vous, mon Frère ? Il faut prendre ceste mortification
et la joindre a tant d'autres qui ont esprouvé vostre patience. Dieu
est bien le chef des Conseilz d'Estat, lesquelz se tiennent en ce tems
par tout le monde ; mais quand on vient a parler de luy et de ses
affaires, je croy qu'il faut qu'il sorte de l'assemblée, comme s'il en
estoit seulement le président ou l'un des conseillers. Je me console
en l'espérance que j'ay que vostre dépêche ne tardera plus gueres,
et que vous n'avez pas peu fait par ceste boutée.
Monsieur de Jacob m'a dit que monsieur de LuUin fait merveilles
contre les Chevaliers de Sainct Lazare, et que Son Altesse la combat
pour nous a spada traita. Il m'a dit de plus que s'y estant une fois
treuvé et convié par Son Altesse d'en dire son advis, il le dit tel qu'il
devoit pour la cause de la religion, et se promet qu'a son retour,
s'il reste a faire quelque chose, il s'y employera si chaudement que
nous en verrons les effects. Il tient desja pour fait qu'il y aura six
curés entretenus, a six vingts escus pour curé.
II y a plusieurs autres choses en ma dernière lettre, a laquelle je
suis contraint de me remettre pour le peu de loisir que me donnent
les occupations du Sénat, ou je me treuve en rapport et chargé d'ail-
leurs d'une infinité d'affaires. Si faut il qu'encor je vous die que j'ay
receu par monsieur de Jacob les patentes de Son Altesse, qui me
permet d'aller en Genevois en retenant mon estât de sénateur avec
mes gaiges. Mais je n'ay encores point receu des lettres de Leurs
Excellences, et croy que monsieur de Jacob a son retour de France,
ou il n'est pas encores allé, me les apportera, et que par conséquent
la chose ira a la longue.
Je le porte impatiemment pour le désir que j'ay de vous voir, et
monsieur vostre père, avec tout ce qui est de la suite. Mais je me
console en l'espérance qu'entre cy et la, Son Altesse fera lever ceste
gendarmerie qui ruine tout le pauvre Genevois, ou du moins la ca-
vallerie. Monsieur de Jacob m'a asseuré que Son Altesse est en ceste
volonté, et que cela seroit ja fait, sans l'advis qui vint a nostre court de
la contagion reprise a Necy, lors qu'on estoit sur le poinct d'en faire
les dépêches. Il attend que monsieur TroUioux les luy apporte dans
peu de jours, parce qu'il en a chargé ses mémoires et escrit a Son
Altesse de bonne encre. Toutefois, j'ay escrit a messieurs du Conseil
qu'il me sembleroit très expédient que toute la province deputast
quelque gentilhomme pour aller représenter a Son Altesse ses plaintes
426 Appendice
et le misérable estât auquel se treuve réduit tout le peuple. J'espère
que monsieur de Beaumont, avec lequel j'en ay aussy parlé, prendra
bien ceste peine, s'il en est prié un peu vivement.
J'ay escrit bien au long a Monsieur nostre père par l'homme
de Necy qui m'apporta la lettre de messieurs du Conseil ; je m'as-
seure que îa lettre luy aura esté rendue. Ceste cy ne laissera, s'il luy
plaist, d'estre pour vous deux, comme encores les très humbles re-
commandations que ma maistresse et moy présentons a ses bonnes
grâces et a celles de Madame nostre mère, Messieurs nos frères, et
Mesdemoiselles nos sœurs, priant Dieu vous donner a tous, Monsieur
mon Frère, une santé longue et contente vie.
Vostre plus humble frère et serviteur in infinitum,
Favre.
De Chambery, en haste, ce quatorzième janvier mil cinq centz
nouante sept.
^^- P- 4'5- J'ay remis au Père Chérubin vostre traitté* incontinent que je le
vis a Necy après vous avoir laissé. Je m'asseure qu'il l'aura veu dili-
gemment, car il me le promit, et je sçay qu'il desiroit extrêmement
de le voir.
A Monsieur mon Frère,
Monsieur De Sales,
Prévost en l'Esglise Cathédrale de S^ Pierre de Genève.
A Sales.
Revu sur le texte inséré dans le P"" Procès de Canonisation.
XXXIII
Monsieur mon Frère,
Vous m'avez osté d'une extrême peine me faisant sçavoir de voz
nouvelles et m'envoyant la requeste de ce bon gentilhomme qui
languit des si long tems ; car ayant eu je ne sçay combien de fois la
main a la plume pour vous escrire, j'ay tousjours esté retenu et em-
pêché par honte que j'ay du tort que nous avons, monsieur Chaven
et moy, de l'avoir abusé si longuement. 11 n'a pas tenu a moy que
l'expédition ne s'en soit ensuyvie ; mais quoy que j'aye sceu faire,
mesme despuis mon dernier retour de Necy, il ne m'a jamais esté
possible ny par courtoisie ny par force d'avoir de ce petit homme
autre que paroles et vaines promesses. Maintenant je me passeray
Lettres d'Antoine Favre 427
de luy, et au premier Conseil d'Estat, qui se tiendra demain comme
j'espère, j'auray quelque bonne provision, a ce que me fait espérer
monsieur le président Pobel, auquel j'en ay parlé ja des long tems et
qui m'a promis toute la faveur qui luy sera possible. Vous serez ad-
verty par la première commodité de ce que j'auray peu negotier.
Ce pendant tenez vous joyeux, nonobstant les traverses ou non-
chalances de ceux qui devroyent vous ayder en ceste vostre si saincte
entreprise ; vostre patience a desja vaincu les plus grandes difficultés,
j'estime que ce qui reste a faire ne vous peut estre que subjet d'hon-
neur et de contentement. Je ne vous escris rien de ce malheureux
acte qui s'est naguieres commis a Mussel, tant pour n'en avoir le
loisir que pour n'interrompre voz dévotes pensées d'un si fascheux
entretien. J'en ay escrit a monsieur vostre père ce qui m'en sembloit.
J'ayme mieux vous parler de monsieur Locatel, nostre frère, qui
m'a chargé par sa dernière lettre de vous baiser bien humblement
les mains, et vous advertir qu'il est père d'une Marguerite. J'espère
qu'avec vostre bonne ayde je pourray dans cinq mois estre père d'un
François, si ma maistresse ne me trompe, laquelle en ceste appréhen-
sion vous baise bien humblement les mains, comm'aussy je fay, et
a madame du Foug et a tous ces messieurs nos communs amis,
priant Dieu vous donner a tous une santé longue et contente vie.
Monsieur mon Frère,
Vostre plus humble et plus obligé,
Favre.
De Chambery, en haste, ce 14 mars 1597.
A Monsieur mon Frère,
Monsieur De Sales,
Prévost de l'Esglise Cathédrale de Sainct Pierre de Genève.
A Tonon.
Revu sur le texte inédit, inséré dans le P"' Procès de Canonisation.
XXXIV
Monsieur mon Frère,
J'avoy différé quelques jours de vous escrire tout expressément
pour donner loisir a mes dépêches de venir, affm de vous entretenir
désormais de quelque subjet plus aggreable que ne sont ces espérances
languissantes qui nous ont morfondus despuis tant de mois. Enfin
428 Appendice
tout est arrivé avec monsieur de Jacob, horsmis la paix. Je ne pou-
vois désirer lettres plus favorables que celles qui m'ont esté escrittes
par Leurs Excellences, outre les patentes. Dieu soit loué que nous
voilà tous deux a l'égal contens et en beau chemin de jouir, sil plait
a Dieu, a longues années de ceste mutuelle et incomparable amitié,
laquelle se fait desja paroistre es lieux mesmes ou nous n'avons
jamais esté veus ny congnus.
11 ne reste sinon que ceste jouissance s'ensuyve de plus près. Et
pour ceste cause, je ne refuse pas d'estre le premier a vous aller au
devant, si messieurs du Sénat et du Conseil treuvent bon que j'aille
prendre possession de mon presidentat, affm qu'a nostre première
veuë je vous mette un président entre les bras. J'espère que si ce
n'est pour les derniers jours de la semaine prochaine, ce sera pour la
suy vante. Dieu sçait combien je desireroys de vous y treuver, et pour
combien de raisons ; mais je prendray bien patience pour quelques
jours, pourveu que je sois bien adverty de vostre bon portement, et
que la conversation du Père Esprit vous console parmy tant de tra-
vaux que vous continuez de prendre a cultiver ceste barbarie hugue-
notte, si cultiver se peut dire pour déraciner; mais je parle du terroir,
non pas de la semence.
Vide pp. 236, 295. Quant a la conférence *, je ne désire rien tant que d'ouir dire le
jour auquel elle se fera, et ne croy pas quil y aye presidentat que je
ne quittasse pour aller en estre tesmoin ; mais je suis bien comme
vous, je crains que ces longueurs n'en facent perdre et le goust et
l'occasion. Sil se fait quelque chose, je m'asseure que j'en seray ad-
verty des premiers et que j'auray ce crédit de m'y pouvoir treuver
en quelque coin.
Je vous envoyé une lettre que je viens de recevoir de JVlonsieur
l'Evesque de Mauriane. Vostre commère vous salue pour elle et pour
son petit François qui se fait tous les jours plus gros que grand ;
nostre frère de mesme, avec toute la brigade ; mais moy plus que
tous, qui suis,
Monsieur mon Frère,
Vostre vous mesme, frère et serviteur,
A. Favke.
De Chambery, en haste, ce 21 may 97.
A Monsieur mon Frère,
Monsieur De Sales,
Prévost de TEsglise Cathédrale de S' Pierre de Genève.
A Tonon.
Revu sur l'original conservé à la Visitation d'Annecy.
LETTRES DE M^"^ JULES-CESAR RICCARDI
AKCHEVÉaUE DE BARI, NONCE APOSTOLiaUE A TURIN (0
Molto Reverendo Signore,
* Per il carico che io tengo di Nuntio appresso il Serenissimo Signor * vide Epist. lxvi.
Duca di Savoia, son stato obligato d' informarmi de' prelati et mi-
nistri che fanno bene Tofficio loro. Et tra questi, havendo havuto
ottima relatione delzelo, délia sufficentia et bontà di V. S. per bocca
medesima di Sua Altezza, ho voluto scriverle la présente acciô
sappia la satisfattione che io sento di lei et il testimonio che son per
renderne a Nostro Signore in ogni occasione di suo servitio.
Et perché Sua Santità desidera di haver spesso raguaglio del
frutto che se va facendo nella diocesi di Geneva, et dello stato in che
si trovano le cose di quella Chiesa et dell' aiuto che se li potrebbe
dare, io desidero che V. S. mi avvisi spesso di tutto quello che giu-
dicarà degno délia notitia di Sua Beatitudine, cosi circa le cose délia
diocesi di Geneva corne di ogni altra cosa che si potrebbe fare per
beneficio spirituale délia provincia délia Savoia, chè me ne farà pia-
cere accettissimo.
Et offerendomele con tutto l' animo, le prego dal Signore Dio
félicita continova.
Di V. S. molto Reverenda,
Come fratello afFettionatissimo,
G. Cesare, Arcivescovo di Bari.
Di Torino, a di 29 di Décembre 1595.
Al Molto Reverendo Sig^",
Mons''^ di Sales, Vicario di Geneva.
( I ) Ces lettres sont revues sur les textes insérés dans le I^"" Procès de Ca-
nonisation. Elles sont inédites, sauf les lettres IV, V, X.
430
Appendice
Molto Reverendo Signore,
Vide Epist. lxvi. * Ho presa molta consolatione délia lettera di V. S. di 19 di Febraro,
conoscendo il zelo che tiene délia religione cattolica et quanto frut-
tuosamente spenda il talento che Dio benedetto le ha dato. Et per
non defraudarle del suo merito, io di novo ne ho fatto testimonio a
Sua Santità, et le ho mandata la medesima sua lettera per ottener
la licentia delli libri prohibiti et per poter assolvere quelli che ha
trovato haver contratto matrimonio senza dispensa ; et dell' uno et
delFaltro se ne haverà tra pochi giorni risposta.
Et perché Nostro Signore desidera di haver particular raguaglio
dello stato di quelle anime délia diocesi di Geneva, et del frutto che
si va facendo et delli aiuti che si possono dare, io desidero che V. S.
sia contenta di darmene spesso avviso. Nel resto, tenga per certo che
io le sono affettionatissimo et che nessuna cosa desidero più che di
havere occasione di procurarle servitio et accrescimento ; et me le
raccommando con tutto l'animo.
Di V. S. molto Reverenda,
Come fratello affettionatissimo,
G. Ces ARE, Arcivescovo di Bari.
Di Torino, a 7 di Marzo 1596.
Al Molto Revdo Sig'"%
11 Sig""*^ Francesco di Sales, Prevosto di Geneva.
III
' Vide Epist. ixxii.
*Vide p. 198.
Molto Reverendo Signore,
* Monsignore di AvuUy** mi ha presentata a 25 di Agosto la
lettera di V. S. di 23 di Luglio, et l'impedimento del contagio haverà
ritardato il cammino. In conformità di quel che V. S. mi ha scritto,
ho cognosciuto in questo cavalliero ottima dispositione di venire alla
fede cattolica. Et cosi hieri, che furono li 26, l'essegui con incredibile
mio contento, havendo abiurato avanti di me et del P. Inquisitore le
sue hérésie ; et reconciliatose con la santa Chiesa Cattolica, volse
Lettres de M''" Jules-César Riccardi 431
anco che io lo communicassi di mia mano, et in ogni attione mostrô
gran segno di pentimento. Et spero che Dio benedetto se ne vorrà
servire per instrumente da convertir quel ducato di Ciables, si corne
mi ha promesso di fare con tutto lo spirito. Io ho dato conto délia sua
conversione a Nostro Signore ( 1 ) che se ne rallegra incredibilmente,
et gli ho mandato anco la lettera che V. S. mi ha scritta, acciô
cognosca quanto fruttuosamente Ella s' impiega in servitio di Dio
benedetto.
Mando qui alligata la commissione al signor Vicario di Geneva * ' vide p. 257, not. (i).
che assolva et dispensi sopra quelle persone che hanno contratto ma-
trimonii in gradi prohibiti, et si potrà regolare conforme alla stessa
commissione.
Mi è stato gratissimo di haver inteso che V. S. sta per venire a
Torino *, et venendo non ha da pensare ad altro hospitio che a questo ' vide p. 203. not. (i).
mio, poichè questa casa è sua. Et me le offero et raccommando con
tutto l'animo.
Di V. S. molto Reverenda,
Affettionatissimo per servirla,
G. Arcivescovo di Bari.
Di Torino, a 27 di Agosto 1596.
Al Molto R^io Sig'-e,
Il Sig''^ Francesco di Sales, Prevosto di Geneva.
Ad Annessy.
( I ) Cette lettre, adressée au Cardinal de Saota-Severiaa, a été insérée dans
le tome VI des Mélanges d'archéologie et d'histoire, publiés par l'Ecole fran-
çaise de Rome, 1886. (Voir p. xxiii de notre Avant-Propos.^
IV
Molto Reverendo Signore,
* La lettera di V. S. di 14 di Novembre, scrittami da Sales, non mi 'VideEp.Lxxiu.txxxvi.
è capitata prima chea'vi di Décembre, et perô non si maraviglierà
délia tardità délia risposta. Vedo che Ella sta con pensiero délia tarda
spedittione che si fa qui circa li curati di Ciables, et con gran causa,
per il zelo che Dio benedetto le ha dato délia conversione di quelle
anime. Perô non ha da perdere la speranza, per l'ottima intentione
di Sua Altezza et per il carico che io ho di sollecitarla.
432 Appendice
Vide p. 232. Il contrasto dei Cavallieri di San Lazaro* è causa di questa dila-
tione, perché pretendono di cavar tanto poca somma di denari da
quelli béni ecclesiastici ciie non possono concorrere a questa spesa dei
curati. Finalmente, dopo moite repliche che io ho fatto con Sua Al-
tezza et lettere venutegli dal signor Cardinale Aldobrandino, si sta in
disponerli a concorrere al meno alla spesa di sei curati, et spero con
la gratia di Dio che si concluderà. Et almeno V. S. sia certa che io non
pretermetto un punto di diligentia, corne le potrà far fede monsignor
et. p. 413. délia Bastia *, il quale anchor si adopra gagliardamente per la sua
parte, acciô quanto prima ne segua l'effetto.
Io mandai a V. S. le lettere di Sua Altezza perché le fossero pagati
li trecento scudi d' oro, et ne sto aspettando risposta; et desidero in
ogni modo che Ella si disporiga di tornare in Ciables, perché la sua
presentia sarà occasione di risolvere tanto più presto questo benedetto
negotio, il quale creda V. S. che mi è più a cuore che qualsivoglia
altro che io habbia in questa nuntiatura.
Et con questo fine, assicurandola che la tengo sempre scolpita nella
memoria, me le offero et raccommando di cuore.
Di V. S. molto Reverenda,
Corne fratello affettionatissimo per servirla,
G. Cesare, Arcivescovo di Bari.
Di Torino, a x di Décembre 1596.
AI Molto Revdo Sig'%
Il Sig'''= Francesco di Sales, Prevosto di Geneva.
Ad Annessy.
LXXIX, LXXXI, LXXXVI.
V
Molto Reverendo Signore,
Vide Epist. Lxxvii, * In pochi giorni ho ricevuto tre lettere di V. S. : una di 12 et l'altra
di 14 di Décembre, et questa ultima di 2 1 ( ' ), consegnatami questa sera
con l'alligata per Sua Altezza. Rispondo alla prima, che trattava delli
legati pii lasciati da quel gentilhuomo Savoiardo nelli quali prétende
( I ) Il doit y avoir ici quelque confusion dans les souvenirs du Nonce.
C'est dans sa lettre du 29 novembre (voir ci-devant, p. 212) que saint Fran-
çois de Sales traite du legs fait par le gentiliomme savoisien, et les pièces de
rinformation secrète entreprise par ordre du Nonce accompagnaient la lettre
adressée à celui-ci le 12 (voir p. 222) et non pas le 14 décembre. A celte
dernière date, nous ne connaissons aucune lettre du Saint.
Lettres de Ms' Jules-César Riccardi 435
la fabrica di San Pietro *, che io ho mandata la lettera di V. S. a Sua ' vide p. 113.
Santità et supplicatala instantissimamente a volerli rilasciare aile
chiese délia diocesi di Geneva et Tarantasia, conforme alla disposi-
tione del testatore, et rimettere qualsivoglia ragione che si potesse
pretendere la fabrica; et spero che restaremo consolati, et V. S. sarà
avvisata délia risposta.
Quanto alla seconda, che tratta delli curati di Ciables, V. S.
sappia che in tutte le audientie che ho havute da Sua Altezza ne ho
trattato vivamente, et insieme con li signori Cavallieri di San Lazaro ;
et fmalmente, dopo moite dispute, ho ottenuto che per adesso si
stabiliscano sei curati aile spese délia Religione, la quale si obligarà
di darli 18 coppe di frumento, duoi carra di vino et ducento fiorini
di moneta di Savoia per ciascuno, corne V. S. vederà dalla copia
alligata di [una] polizza che mi ha scritta monsignor di Ruffia *. lo * vide p. 244.
non intendo la moneta ne le misure di Savoia, ma monsignor di
LuUin, che è stato présente alla trattatione, mi ha assicurato che un
anno per l'altro sarà di cento scudi et forse davantaggio. Partira di
qua fra duoi giorni il cavallier Bergera *, mandato dalla Religione, il * vide p. 231.
quale haverà carico di assignar subito il trattenimento per li suddetti
curati. Perô V. S., al ricever di questa, provveda di sacerdoti lette-
rati et di buona vita, et li dia animo, chè piacendo a Dio s'aumen-
teranno l'entrate et anco il numéro delli altri sacerdoti ; et Ella sa
che tutti li principj sono deboli.
In questa medesima polizza mi ricercano li suddetti Cavallieri un
altro particolare circa li curati che prestano nome ai laici ; et non
intendendo bene questo negotio, lo rimetto a V. S. et le do la mia
authorità acciô che in tutto quel che honestamente si puô, si dia satis-
fattione alla Religione.
Non voglio dire a V. S. la fatica che ho trovata in concludere
questo negotio, con tutta la pietà di Sua Altezza che in cose di reli-
gione non puô essere più ardente ; ma le dico bene, che se l' havessi
durata cento volte più la fatica, devo reputarmi inutile in servitio
d' Iddio benedetto. Sarà necessario che dopo la deputatione di questi
sei curati V. S. mi scriva più spesso et distintamente di tutto quello
bene che se andarà facendo, perché Sua Santità ne riceverà consola-
tione grandissima et s' andarà animando a farli délie gratie.
Con la lettera di V. S. di 14, hebbi anco l' informatione presa in
quel negotio che le commisi, et è venuta cosî bene corne se V. S.
fusse stato giudice un gran tempo. L'abbadia dell' Abondantia* non é • Vide p. 266.
anco data per certi degni rispetti, et Sua Santità ha qualche intentione
di levarne quelli monaci et mettervi in suo loco li riformati di San
Bernardo, et al novo Abbate credo che sarà data questa commissione.
Lettres t 38
434
Appendice
Da questa ultima di V. S. di 21 ho intesa l'oppositione che le
hanno fatto quelli di Tonone ; et perché ero stato il giorno avanti aile
audientie di Sua Altezza gli ho mandato subito la lettera di V. S.
eon la mia, et supplicatala a farne risentimento et dar a lei risposta,
la quale procurarô che le se mandi quanto prima.
V. S. attenda a faticare allegramente et a scrivermi spesso, et sia
sicura che la tengo scolpita nel cuore. Et me le offero et raccommando
quanto più posso.
Di V. S. molto Reverenda,
Corne fratello affettionatissimo,
G. Cesare, Arcivescovo di Bari.
Di Torino, a 4 di Gennaro 1597-
Al Molto Reverendo
Sig""^ Francesco de Sales, Prevosto di G;neva.
VI
Molto Reverendo Signore,
» Vide Ep.ix>:x,Lxxxi. * Sua Altezza ha sentito gran dispiacere dell' oppositione che quelli
heretici di Tonon hanno fatta a V. S., et mi ha mandato [a] dire
che per il segretario Marchande ne ha fatto subito la provisione
Vide Append.c, Ep.i. necessaria, la quai V. S. riceverà prima di questa con la sua risposta*.
lo sarô domani a [audienza] et soggiungerô quel di più che sarà ne-
cessario; et V. S. stia di buon animo, che Dio benedetto concorrerà
con la sua santa gratia, et Sua Altezza non mancarà délia sua solita
pietà et zelo, et io sarô diligentissimo procuratore.
Et perché duoi giorni sono io ho scritto a pieno a V. S., avvisandola
del stabilimento che sarà preso per sei curati, mi rimetto a quella
lettera, et me le offero et raccommando di cuore.
Di V. S. molto Reverenda,
Come fratello affettionatissimo,
G. Cesare, Arcivescovo di Bari.
Di Turino, a di 6 de Gennaro 1597.
Al Molto Rev*"» Sig''^,
Il Sig"^ Prevosto di Geneva.
A Tonone.
Lettres de M''' Jules-César Riccardi 435
VII
Molto Reverendo Signore,
* Resto admiratissimo di non havere havuto risposta a due o tre ' vide Epist. lxxxvu.
lettere che io ho scritte a V. S. sopra la risolutione che si prese delli
sei curati di Ciables, et non è possibile che qualcuna non vi sia capi-
tata, et massime con l'arrivo del signor cavaUiero Bergera, mandate
dalla Religione per questo et per altro effetto. Per assicurarmi del
mal recapito, a 4 di Febraro, sotto coperta di Monsignor di San
Paolo*, rispondendo ail' ultima di V. S. di 27 di Gennaro sopra la * ^'^^^ p- 336-
conferentia di Geneva, le mandai il duplicato di tutte le lettere ante-
cedenti ; et perché da Monsignor di San Paolo in capo di vinti giorni
non ho ne anco havuta risposta, mi sono risoluto di mandarli il tri-
plicato, accio in un negotio tanto grave sappia tutto quello che si è
trattato et stabilito in quel spatio passato.
Mandai a V, S. una copia délia lettera del signor Cardinale Aldo-
brandino sopra quelli legati pii lasciati dal signor Gioanni Vignodi *, * vide p. 433.
et hora ne le mando un' altra ricevuta questa settimana, dalla quale
intenderà la risolutione del negotio. Io spero di haver assai presto
risposta da Sua Santità di quel che commandarà che si faccia circa
la conferentia di Geneva, et subito V. S. ne sarà avvisata, la quale
torno a pregare che settimana per settimana mi tenga avvisato di
tutto quello che se va opérande in Ciables, cosi circa la religione
cattolica, corn.' introdur li sei curati. Et potrà mandar le lettere a Ciam-
beri, dirette al signor Présidente Pobel, perché mi verranno presto et
a buon recapito ; et la medesima farô io in scriverle, perche non mi
assicuro che JVIonsignor di San Paolo stia a Ciamberi.
Sua Santità preme tanto in domandar i progressi di Ciables, che
V. S. farebbe torto a se medesimo a non tenerme avvisato giorno
per giorno, se fusse possibile, come spero che farà per l'avvenire,
posponendo tutte le altre occupationi a quest' una. Et me le offero et
raccommando di cuore.
Di V. S. molto Reverenda,
Come fratello affettionatissimo,
G. Cesare, Arcivescovo di Bari.
Di Torino, a 25 di Febraro 1597.
Non incaricaro più V. S. di quel che fo a scrivermi continuamente
4}6 Appendice
li progressi délie sue fatiche, et se Ella sapesse quanto Sua Santità
preme nella conversione di Ciables, son certo che mi haverebbe
scritto più spesso.
Al Molto Rev''"
Sig'''^ Francesco de Sales, Prevosto di Geneva.
VIII
Vide Epist. xc. * Resto il più admirato huomo del mondo di non haver lettere
di V. S. et non so a che attribuirne causa. Monsieur de AvuIIy,
con una sua di 8 di Febraro, mi ha scritta la gran conversione
che si fa in Ciables, et Monsignore non discende alli particolari,
rimettendosi a V. S., ma dice solamente che vi sarebbono necessarii
vinti duoi curati. Et non sapendosi li particolari di quel paese, non
vedo che Nostro Signore possa fare altra risolutione, se bene io gli
Vide p. 257, not (3). habbia mandata la medesima lettera di monsieur d'Avully *, che è
brevissima.
Io mando a V. S. una copia di lettera che ho ricevuta dal signor
■ Vide p. 237. Cardinal di Santa Severina * circa la conferentia da farsi in Geneva,
dalla quale vederà tutte le considération! che sonno state fatte da
Sua Santità et da tutti quelli 111"^' Signori del Santo Officio in questa
materia, et tutte le particularità che desiderano di sapere prima che
si faccia altra risolutione. Perô io desidero che Ella vada subito a
• Vide p. 98. trovar IVlonsignor di Geneva et il Padre Fra Cherubino*, et unita-
mente mi rispondano subito capo per capo et punto per punto, et
tutto quello che Sua Santità desidera di sapere, con tutte le altre cir-
costanze che essi giudicaranno degne délia notitia di Sua Beatitudine.
Li Generali di Gesuiti et Cappuccini hanno ordine di Sua Santità
di proveder di quanti Padri saranno necessarii per il ducato di Ciables
et la diocesi Sedunense, secundo l'avviso che sarà dato da me. Ma
perô V. S., insieme con Monsignor di Geneva et il Padre Fra Cheru-
bino, pensaranno a quelli Cappuccini che costi si potranno havere et
mandarmi li nomi et cognomi di loro ; et l'istesso faranno circa li
Gesuiti, li quali si potrebbono facilmente havere dal coUegio di Fri-
borgo et di Ciamberi per haver la lingua francese ; et se anco ne
vorranno di qua, si potrà mandar il Rettore del collegio di Torino,
Vide p. 304. che è un valante theologo * ; et mi potrà anco avvisar della spesa
che si potrebbe andare per mantener quelli Padri, per poterne dar
conto a Sua Santità et a Sua Altezza.
Lettres de M'"" Jules-César Riccardi 437
Torno a ricordare a V. S. che leggano insieme attentamente la
lettera del signor Cardinal di Santa Severina et rispondano pontual-
mente ; et in caso che fussero invitati di andar a predicare a Geneva,
mi pare che [sarà bene che] si trattengano finché Sua Santità veda
quest' altra loro replica. Se V. S. per qualche impedimento non po-
tesse andare a trovar Monsignor di Geneva, li mandarà questa mia
istessa lettera ; et mi rispondino subito.
Et me le offero et raccommando con tutto l'animo.
Di V. S. molto Reverenda,
Corne fratello affettionatissimo,
G. Cesare, Arcivescovo di Bari.
Di Torino, a 12 di Marzo 1597-
Al Molto R''°
Sig''« Francesco de Sales, Prevosto di Geneva.
XCII.
IX
Molto Reverendo Signore,
*In un medesimo tempo ho ricevuto due lettere di V. S., di 12 • vide Ep. lxxxvu, xc,
et 25 di Marzo, in risposta di moite mie, le quali quanto più tempo
sono state desiderate, tanto più mi sono state care. L' altra che Ella
mi dice di havermi scritta per il cavallier Bergera non l'ho ricevuta,
non essendo esso mai comparso a Torino, né preso pensiero di man-
darmela. Accetto la scusa di V. S. di non havermi scritto per il pas-
sato ; ma, per penitentia, le impongo che per l'advenire mi scriva
più spesso, poichè le occupationi saranno minori dopo laQuaresima
et le giornate più lunghe ; et tanto più, quanto che Ella potrà vedere
dair alligata copia di lettera del signor Cardinal Aldobrandino,
quanta consolatione senta Nostro Signore del progresso di Ciables
et quanto habbia gradito 1' opéra et diligentia di monsieur d'AvulIy.
Ho mandato a Sua Santità queste ultime due lettere di V. S., le
quali si leggeranno nella Congregatione del Santo Officio insieme
con altre di Monsignor Vescovo di Geneva et Padre Fra Cherubino
in materia délia conferentia di Geneva, et di tutto si haverà presto
risolutione. Et quanto alli curati, credo ccrto che Sua Santità con-
stringerà li Cavallieri a lasciare li béni liberi aile suddette cure.
Non rispondo capo per capo aile lettere di V. S. per non esser
438
Appendice
troppo lungo, ma sappia solo che a tutto quello ch' Ella propone io
darô la mano con ogni cura possibile. Con che me le offero con tutto
r animo.
Di V. S. molto lUustrissima,
Come fratello affettionatissimo,
G. Cesare, Arcivescovo di Bari.
Di Torino, a 4 di Aprile 1597.
Al Molto Revdo Sig'"",
Il Sig'"'= Francesco de Sales, Prevosto di Geneva.
X
Molto Reverendo Signore,
■videEp. xciv, xcvii. " Non mi sono capitate le lettere di V. S. di 23 di Aprile se non
alli otto di Maggio, et venendo ogni giorno corrieri di Savoia mi
maraviglio che tardino tanto per cammino.
Mi è piaciuta infmitamente la lettera che V. S. ha scritta a Sua
' Vide Epist. xcm. Santità *, la quai con questo ordinario gli ho mandata con l'altra del
' Vide p. 237. Padre Spirito* et tutto il resto délie scritture alligate; et non dubito
punto che Sua Santità darà ordini efficaci al Signor Legato che tratti
col Re di Francia per la restitutione délia Messa nelli balliagi di Gex
et Gaillard, et spero anco che si habbia da ottener secondo il desi-
derio di quelle povere anime. Sentira anco gran gusto Sua Santità
délia devotione delli novi cattolizati, et in particolare che sia stato
capo del buon essempio monsieur de Avully, come si poteva sperare
da un cavalliero suo pari.
• Vide p. 292, nof. (2). Io ho scritto efficacemente a monsignor délia Novalesa* che faccia
proveder délia sua prebenda il predicatore di Eviano, et non lasciarô
r instantia fmchè realmente sia satisfatto. Se succédera pace o tregua
presto, presto V. S. sentira (sic) la provisione necessaria per la
riforma délie badie di Savoia, et in particolare di quella d' Aux et
dell'Abondantia.
Aspetto con desiderio che V. S. mi avvisi spesso delli progressi di
Ciables, et creda certo che io non manco di ricordare perpetuamente
a Sua Santità che si trovi qualche modo d'accrescere li predicatori
Lettres de M^"* Jules-César Riccardi 439
et li curati. Et con questo fine, assicurandola délia singolare affettione
che iole porto, me le offero et raccommando con tutto l'animo.
Di V. S. molto Reverenda,
Corne fratello affettionatissimo,
G. Cesare, Arcivescovo di Bari.
Di Torino, a xii di Maggio 1597.
Avanti ch' io habbia mandata a V. S. questa mia lettera, ho rice-
vuta r alligata risposta di monsignor délia Novalesa, dalla quale ve-
derà quel che mi risponde intorno al predicatore di Eviano. Et perche
io non sono informato di questo fatto, V. S. mi potrà rescrivere
tutto quel che passa et quel che sarà conveniente che si dia di ele-
mosina al predicatore.
Al Molto Revilo Sig'%
11 Sig™ Francesco de Sales, Prevosto di Geneva.
XI
Molto Reverendo Signore,
*Ho mandato a Monsignor Vescovo di Geneva la copia di una *
lettera di dieci di Maggio che ho ricevuto dal signor Cardinal di
Santa Severina, acci6 intenda la risolutione che Sua Santita ha fatta
di rimettere a noi altri di qua il negotio délia conferent.adi Geneva.
Et perché la mia lettera a Monsignor Vescovo, con la suddetta copia
del signor Cardinale di Santa Severina, haverà da esser partecipata
a V S et alli Padri Cappuccini, io non mi estendero in altro se non
in dire a V. S. che vorrei ogni giorno, se fusse possibile, avv.so di
tutto quel che pensano di fare in questo negotio et di ^^f'^^l^^^^^.
n animo, con fondamento. Et insieme aspetto avviso delli theo logi
che se havessero bisogno per questa conferentia. perche 10 ho autho-
rità da Nostro Signore di avvalermi di tutti li Rehgiosi , t qu in
Torino ci sono dei valentissimi Gesuiti, cioe un francese et un ita-
liano il quale è Rettore del coUegio, et quando s havesse a venire
a conferentia et che V. S. giudicasse la venuta loro utile, 10 h man-
darei subito subito. Ma non sono per movermi senza haver raguagl.o
minutissimo da V. S. et dalli Padri Cappuccini, perche cosi ncerca
la qualità del negotio.
Il Padre Cherubino ha havuto licentia da Nostro Signore d. poter
Vide Epist. xcvii.
440
Appendice
scrivere liberamente a quelli di Geneva, et sarà bene che Sua Pater-
nità mi avvisi délie proposte et risposte per poterne dar conto a
Nostro Signore. Accusai a V. S. la ricevuta délie ultime sue lettere
delli 2 1 di Aprile ( i ), et a Sua Santità furono mandate tutte et presto
ne haveremo risposta. V. S., di gratia, si sforzi di scrivermi il più
spesso che sia possibile, per mostrare a Sua Santità che non si perde
tempo in un negotio di tanto momento.
Et me le offero et raccommando di cuore.
Di V. S. molto Reverenda,
Corne fratello afifettionatissimo,
G. Cksarr. Arcivescovo di Bari.
Di Torino, a 25 di Maggio 1597.
Al Molto Rev'l'J Sig^^
Il Sig'' Prevosto di Geneva.
(i) La lettre du 21 avril, adressée au Pape par l'intermédiaire du Nonce, était
accompagnée d'une autre lettre, datée du 23, écrite au Nonce lui-même. (Voir
la lettre précédente.)
XII
Molto Reverendo Signore,
Vide p. 255. Monsignor di Blonay * mi ha mandato le lettere di V. S. delli
Vide Epist. xcii. II di Aprile*, le quali son capitate ben tardi, poiché non le ho
havute se non ail' ultimo di Maggio. Questo gentilhuomo non ho
anchor veduto, et venendo da me non mancaro di fargli ogni sorte
di servitio per le sue qualità et per amor di V. S. che le desidera.
Circa la conferentia di Geneva io ho scritto a V. S. sei giorni sono
■ Vide p. 296. a lungo, con un canonico di Geneva che si parti di qua*, et me ri-
metto a quelle lettere che haveranno havuto buon recapito. Circa
r abbadia d' Aux et d' Abondantia è già deputato il Visitatore da
Nostro Signore, [e] per il decanato di Ciamberi ; ma non si puô mettere
in cammino per aspettare 1' esito délia guerra. Quanto ail' accrescere
li curati nel balliagio di Ciables, li Cavallieri dicono che non ci è
tanta conversione che sia necessario maggior numéro ; et perô io
vorrei da V. S. un poco più distinto raguaglio per disponer Nostro
Signore a concederci quel che si prétende.
Lettres de M=' Jules-César Riccardi 44 i
Et con questo fine, ricordandomele affettionatissimo, me le oflfero
et raccommando di cuore.
Di V. S. molto Reverenda,
Come fratello affettionatissimo,
G. Cesare, Arcivescovo di Bari.
Di Torino, a 2 di Giugno 1597.
Al Molto Rev''» Sig'-%
Il Sig"" Francesco di Sales, Prevosto di Geneva.
XIII
Molto Reverendo Signore,
* Hebbi il plico di V. S., con tutte le lettere et scritture alligate, di • videEpist.xcv,xcvi.
27 di Maggio, et di mia mano présentai quella che era scritta a Sua
Altezza, la quai la lesse con molto suo gusto et mi usô parole verso
di le! di tanta amorevolezza che non si puô desiderare maggiore.
Quanto a monsieur de Avully, mi assicurô che in ogni modo voleva
che li fusse conservato il solito suo loco in quel Consiglio et che
fusse restituita la entrata a quel curato che s' era partito ; et il signor
Ripa * mi ha fatto intendere che dell'uno et dell'altro si è mandato * ^'^e p. 301.
l'ordine. Et circa questo, rimando a V. S. le lettere et l'attestatione,
acciô in ogni tempo, come Ella mi scrive, possa monstrare di mo-
versi a quest'officio per puro zelo et ricercata da altri.
Quanto al grano et al vino promessi dalli Cavallieri alli quattro
curati et non accettato da lei per esser cattivo, io ne ho fatto gran
risentimento con questi signori del Consiglio, li quali mi hanno
rispostoche non è colpa loro. Et il cavallier Bergera dice in sua giu-
stificatione che obligé a V. S. gli affitavoli per la suddetta somma, et
che perô, se non le danno roba buona, Ella li astringa avanti il giu-
dice 0 governatore, chè con poca fatica haverà quanto l' è stato
promesso.
Circa l'accrescere li curati, persistono li medesimi Cavallieri a
volerme dare ad intendere che dalle cure loro non ne cavano ducento
scudi, et che quasi tutte sono in mano di preti cattolici li quali non
vogliono resedere ; et che perô tocca a Monsignor di Geneva, per la
sua authorità ordinaria et per quella che io gli communico per ogni
bisogno, di constringere li suddetti curati a resedere, et non volendo,
442
Appendice
proveder d'altri in suo loco; perché usando questo rimedio, li bal-
liaggi verranno provisti di curati a sufficentia.
* Vide Append. D, il. Mando a V. S, un Brève di Nostro Signore* in risposta délia lettera
che Ella gli scrisse, et per sua consolatione non lasciarô di dirle che
Sua Santità l' ama assai et dalla lettere mie vedo che 1' ha in ottimo
concetto.
• Vide Ep.xcvii.xc VIII. Ho poi ricevuto l'ultime lettere di V. S. di 31 di Maggio * in
risposta délie mie di 25, et mi son rallegrato infmitamente d' inten-
dere che Monsignore R"'" di Geneva stia meglio délia sua indisposi-
tione, la quale io havevo intesa con infinito dispiacere. V, S. gli
basci le mani da mia parte, et gli dica che procuri di conservarsi sano
per beneficio délia sua Chiesa et contento de' suoi amici et servitori,
fra quali io non cedo a nissuno.
Quanto alla conferentia, poichè hanno ricevuta la copia délia
lettera del signor Cardinale di Santa Severina et chiamato il Padre
Fra Cherubino per concertar del modo, io non replicarô altro se non
che starô aspettando d' intender quando doverô mandar li Padri Ge-
suiti, senza li quali in nissuna maniera desidero che si faccia questa
disputa. Et perche il Rettore di questo coUegio di Torino, che è un
valante theologo, è italiano et non ha la lingua francese, desidero
d'intendere da V. S. se sarà a proposito d'inviarlo, o pur sarà più
utile che sia francese ; perché nel collegio di Milano ve n'é uno che
* Vide p. 30^, not.(2;. legge la Scrittura et è un valenthuomo*, et io Io farô venire quando
farà di bisogno.
Aspetto r informatione circa il predicatore di Eviano, la quale sia
chiara et distinta, per poter constringere l'Abbate délia Novalesa, il
quale fugge quanto puô di non (sic) far la spesa, non ostante che sia
moribondo.
Quanto al pensiero che V. S. mi ha communicato di voler con-
• Vide p. 297, not. (2). correre a quella parocchia che rende 200 scudi *, io non posso se non
rimettermi a quello che Ella deliberarà col consiglio di amici, sapendo
che a lei non manca né bontà, né spirito, né prudentia. Assicuro
ben V. S. che la tenerà per poco tempo, perché Sua Altezza 1' ha
destinata a cose maggiori, et se io me trovarô qui nella vacanza
sarô diligentissimo procuratore. Intanto io ho supplicato Nostro Si-
gnore per la dispensa di poter tener anco il canonicato, et presto se
ne haverà risposta et pero anco, senza fallo, la gratia.
Circa la licentia di leggere libri prohibiti per il signor Grandis et
Roget*, io ne scrissi già al signor Cardinale di Santa Severina, ma
poi, a confessar la verità, per moite occupationi non ho havuto me-
moria di soUecitarla. Con quest' ordinario ne ho scritto di nuovo a
Sua Signoria 111'"" et dimandatola anco per il Padre Fra Cherubino.
• Vide p. 299, not. (i),
et p. 249, not. (2).
Lettres de M^"" Jules-César Riccardi 443
Sua Santità a me ha conceduta facultà di poter dare questa licentia
a quelli Padri che interveneranno alla conferentia, et per tempo limi-
tato et per quello effetto solo ; et perô mi è parso bene di scriver
per tutti al signor Cardinale di Santa Severina.
Et con questo fine, salutandolaetabbracciandoladicuore, le prego
dal Signore Dio la sua santa gratia.
Di V. S. molto Reverenda,
Corne fratello affettlonatissimo,
G. Cesare, Arcivescovo di Bari.
DiTorino, a 16 di Giugno 1597.
Al Molto Rev''° Sig''S
Il Sig''^ Francesco de Sales, Prevosto di Geneva.
Annessi.
XIV
Molto Reverendo Signore,
* Ho inteso con incredibile mio contento da quest' ultima di V. S. * vide Epist. cm.
[del] XIV di Gennaro la sua convalescenza. et se Ella sapesse la pena
ch' io ho sentita del suo maie crederebbe che è infinito l'amore che
io le porto. Spero che Dio benedetto la conservarà lungo tempo, et
l'aspetto per dopo Pasqua con gran desiderio.
11 portator che mi ha consegnata la lettera di V. S. non mi dà
tempo se non hoggi a rispondere, di maniera che non ho havuto
commodità di trattare con questi signori délia Religione per conto
di pagare Io stipendio promesso alli curati ; ma Io farô quanto prima
et procuraro di mandare a V. S. le provisioni necessarie. Mando a
V. S. la facultà di assolvere li duoi Religiosi délia Madonna di Six*, ' vide p. 316.
li quali hanno celebrato innanzi il tempo, et insieme di dispensare
coloro sopra l' irregolarità contratta.
Con che fo fine, et me le offero et raccommando di tutto il cuore.
Di V. S. molto Reverenda,
Come fratello affettionatissimo,
G. Cesare, Arcivescovo di Bari.
Di Torino, a 10 di Febraro 1598.
Spero che non farà bisogno che V. S. arrivi a Roma, perché la
Sua Santità ha risoluto di venire a Ferrara dopo Pasqua. Io ho
444 Appendice
facultà di assolvere dalle censure et dispensar per 1' irregolarità di
questi duoi Religiosi dummodo non insorduerint per atnium, perché in
questo caso bisognarebbe andare o mandare a Roma.
Al Molto Rev''»
Sigre Francesco de Sales, Prevosto di Geneva.
XV
Molto Reverendo Signore,
Vide Epist. cvi. * Insieme con quest' ultima di V. S. di 17 di Marzo ho ricevuta la
lettera di monsieur d'Avully et del Padre Fra Cherubino, le quali mi
hanno data infmita consolatione. Intendo il frutto che si va facendo
nella religione cattolica, et poichè giovarebbe che s'introducesse in
Tonone l'oratione délie Quarant'hore, corne giovô ad Annemasse,
io laudo assai il parère di V. S. et perô desidero che si esseguisca ; et
intanto starô aspettando di intendere quelle frutto che ne spero.
Quanto poi aile conclusioni che Ella giudica che sarebbono utili
proponere alli ministri heretici, bisogna che in questo caso si cam-
mini con gran prudentia et con altrettanta sicurezza, et sopra tutto
che si venga alla disputa non di commissione o authorità di Sua
Santità et délia Sede Apostolica, ma di Monsignor Vescovo di Ge-
neva, come pastore ; avvertendo perô che vi sia almeno un theologo
Gesuita, chè a questo fine scrivo le alligate al Padre Rettore di
Ciamberi et di Friborgo, acciô da un collegio o l'altro si mandi un
Padre a richiesta di V. S. et del P. Fra Cherubino : et con la sua assi-
stentia si potrà venire alla suddetta disputa, rimettendomi in tutto, di
farla o non farla, alla prudentia sua et del suddetto P. FraCherubino.
Ho havuto anco consolatione che il medesimo Padre impugnasse
con tanto valore li errori di quel thedesco ministro heretico, quanto
Vide p. 325. Ella mi dice *, et mi sarà caro di havere più particolarmente ragua-
glio di tutto quello che passô fra loro.
Con che finisco, et a V. S. mi offero et raccommando con tutto
l'animo.
Di V. S. molto Illustre,
Come fratello affettionatissimo,
G. Cesare, Arcivescovo di Bari.
Di Torino, a 25 Aprile 1598.
La lettera di V. S. mi è giunta tardi, et perô V. S. non si maravigli
Lettres de Ms' Jules-César Riccardi 445
delta tardità délia risposta. lo la sto aspettando con infinito desi-
derio, et verra a pigliar il possesso di una casa che è sua.
Al Molto Revilo
Sig™ Francesco de Sales, Prevosto di Geneva.
XVI
Molto Reverendo Signore,
Pochi giorni sono fu qui il signor Présidente Fabro, il quale io
conobbi con grandissime mio contento per haver trovato in lui tutte
quelle parti di pietà et di dottrina che V. S. mi haveva testificato
con le sue di 25 d'Aprile et di 18 di Maggio *. Mi fu bene di gran ♦ vide Epist. cix.
dispiacere che non li fosse permesso d'intrare nella cita, per non
haverlo potuto honorare nel mio hospitio conforme al suo merito et
al mio desiderio.
Trattammo a lungo insieme di tutti li particolari che V. S. mi ha
scritti in queste ultime sue, le quali io mandai a Sua Santità, suppli-
candola instantissimamente a darmi risolutione sopra tutti quelli
capi che si contengono in esse. Et per facilitarle con la viva voce del
signor Présidente, io l'accompagnai con lettere caldissime al signor
Cardinal Aldobrandino, onde io spero ben presto haveremo risolu-
tione sopra tutti li capi ; et almeno io dal canto mio ho fatto tutto
quello che dovevo, et sono per fare sempre mentre che starô in questo
carico. Ho anco dato ordine al mio agente che ad ogni modo, senza
risparmio di spesa, veda di ricuperare le BoUe di V. S. da quel Fa-
vretto*, et presto haverà nova se sono spedite. * Vide p. 328.
Mi occorre di dare avviso a V. S. che Nostro Signore mi ha desti-
nato per suo Nuntio ordinario alla corte dell' Imperatore, etcommesso
che io mi metta quanto prima ail' ordine [pel] viaggio. Io ho repli-
cato a Sua Santità, rendendoli humilissime gratie del concetto che si
degna haver di me senza nissun mio merito ; ma, con la maggior
modestia che ho potuto, le ho rappresentato la mia poca sanità et un
lungo catarro che mi ha occupato tutto il lato dritto, et l' évidente
pericolo che portarei di stroppiarmi in pochi giorni in quelli freddi
di Germania, con disservitio di Sua Beatitudine ; oltre che quel carico
ricerca tanta gran spesa che sarebbe impossibile di sopportarla. Per
le quali ragioni spero che Sua Santità se degnerà di liberarmene, et
che la sua infmita benignità non permetterà che io perda questa poca
446 Appendice
sanità che mi resta et mi renda per sempre inabile al suo servitio.
Di quel che ne seguirà darô parte a V. S., la quale in ogni luogo
dove sarô la terrô impressa nell' animo.
Et me le offero et raccommando di cuore.
Di V. S. molto Reverenda,
Corne fratello aflfettionatissimo,
G. Cesare, Arcivescovo di Bari.
Di Torino, a 5 di Luglio 1598.
Prima di haver mandata questa, ho ricevuto l' ultima di V. S. di 13
Vide Epist. ex. di Giugno *, che tratta ex professa di far restituire la Messa in Geneva.
lo l'ho mandata subito a Sua Santità, con una di Monsignor Vescovo
sopra r istesso proposito, et son certo che Sua Santità abbracciarà
vivamente l' impresa.
Con lettere ricevute hora hora dal signor Cardinale Aldobrandino
sono assicurato che Nostro Signore mi ha liberato dal carico dell' Im-
peratore, havendo havuta consideratione alla mia poca sanità, la
quale havrei fmita di perdere in quelli freddi et in quella sorte di
vita ; et il signor Duca mi avvisa in questo punto che Sua Santità li
haveva fatta gratia che io potessi continuare con questo carico, et
cosi haverô tempo di goder et riverir V. S., come farô sempre.
Al Molto R<'°
Sigr^ Francesco de Sales, Prevosto di Geneva.
LETTRES DE CHARLES-EMMANUEL P"
DUC DE SAVOIE
A Révérend, cher, bien amé et féal
Messire François de Sales, Prévost de Sainct Pierre de Genève.
Révérend, cher, bien amé et féal,
* En responce de celle que avez escript, vous disons que treuvons *videEp.Lxxx,Lxxxiii.
bon qu'ayez faict dresser un autel en l'esglise de Sainct Hipolite,
comme aussy les aultres bonnes œuvres qu'a la louange de Dieu et
extirpation des hérésies vous y allez exercitant ; et Nous desplaict
des oppositions que l'on vous y a faictes, que neantmoings avez sur-
monté ainsy que vous Nous escrivez. A quoy vous continuerez avec
la dextérité et prudence que vous sçavez convenir, ayant escript au
sieur de Lambert qu'il a très bien faict de secourir le ministre qui se
veult catholiser *, ainsy que vous et luy Nous escripvez. ' vide p. 227.
A tant prions Dieu que vous aye en sa garde.
De Thurin, ce 7 janvier 1597.
Le Duc de Savoye,
Charles Emanuel.
Ripa.
Au Prévost de Sainct Pierre de Genève.
Revu sur le texte inséré dans le P'' Procès de Canonisation.
448 Appendice
LETTRES PATENTES DE NOMINATION DE SAINT FRANÇOIS DE SALES
A LA COADJUTORERIE DE L'ÉVÊCHÉ DE GENÈVE
Charles Emanuel, par la grâce de Dieu Duc de Savoye, Chablais,
Aouste et Genevois, Prince de Piedmont, etc.
A tous ceux qui ces présentes verront sçavoir faisons qu'estant
deuement informé du sainct zèle que très Révérend Père en Dieu,
nostre très cher, bien amé, féal Conseiller et dévot Orateur Messire
Claude de Granier, Evesque de Genève, a de faire colloquer en son
Evesché, par coadjutorie ou autrement, homme cappable de telle
charge, conforme a nostre intention, qu'a tousjours esté qu'es béné-
fices dependantz de nostre nomination les personnes méritantes
soient préférez aux aultres. A ceste cause, ayant remarqué la doctrine,
vie exemplaire et autres rares qualitez qui reluisent en nostre très
cher et bien aymé Orateur Messire François de Sales, Prévost de
Sainct Pierre de Genève, heu d'allieurs esgard aux travaux que cy
devant il a supportez et a présent supporte a la conversion des
dévoyés de nostre religion riesre nostre Duché du Chablais, de quoy
nous sçavons aussy Sa Saincteté estre bien informée, avons par ces
présentes, en vertu des concessions et indultz que Nous avons du
Sainct Siège Apostolique, icelluy nommé et présenté, nommons et
présentons audict Evesché de Genève, suppliant Très Sainct Père le
Pape et le Sacré Collège des Cardinaulx quilz veuillent a nostre no-
mination prouvoir ledict Messire François de Sales dudict Evesché,
soit par coadjutorie ou autrement, luy octroyant les despeches sur ce
nécessaires.
Et pour meilleure asseurance de nostre volonté, avons signé les
présentes de nostre main et y faict apposer nostre seel accoustumé.
♦ Cf. p. 314, not. (2), Donné au camp de Barreaux *, ce 29* jour d'Aoust 1597.
C. Emanuel.
Visa pour Monsieur le Grand Chancelier : Rochettb.
L. + S. ■ RONCAS.
Revu sur le texte inséré dans le II* Procès de Canonisation.
Lettres de Charles-Emmanuel I" 449
III
(i) A Révérend, cher, bien amé et féal Conseiller et dévot Orateur,
le Prévost de l'Esglise de Sainct Pierre de Genève,
Le Duc de Savoye.
Révérend, cher, bien amé et féal Orateur,
Nous avons receu un singulier contentement de l'asseurance que
me donnez par vostre lettre du unziesme du présent, de différer les
Quarente Heures pour le vingtiesme du présent mois*, auquel jour ' cf. p. 360.
je ne faudray de me treuver a poinct nommé, sans aulcune aultre
sorte de dilation ; ayant esté très aise de l'expédient qu'a treuvé le
sieur de Lambert pour arrester le Père Chérubin, qu'indubitablement
seroit tumbé mallade s'il heust voullu suivre sa délibération d'aller
a Saluces pour rendre son obéissance, que je m'asseure sera excu-
sable auprès de son General, auquel j'en escris la cy enclose pour le
prier de le nous laisser pour achever l'œuvre qu'a esté si bien encom-
mencee par luy. Je vous prie de tenir main a ceste délibération, et je
prieray le Créateur vous conserver en sa saincte et digne garde.
DeAutecombe, le 14 septembre 1598.
Charles Emanuel.
Boursier.
Au Prévost de Sainct Pierre de Genève,
(i) Les cinq lettres qui suivent sont revues sur le texte inséré dans le I" Pro-
cès de Canonisation ; la Lettre VI a été seule publiée par Datta.
IV
A Révérend, cher, bien amé et féal Orateur,
le Prévost de Sainct Pierre de Genève.
Révérend, cher, bien amé et féal Orateur,
Sur l'advis que Nous avons heu du passage du Légat * par nostre ' vide p. 22,.
Estât et par le pays de Valley, nous depeschames hier un courrier au
Père Chérubin pour le prier de différer les Quarente Heures jusques
Lettres I *'
450 Appendice
• Vide infra, Ep. V, VI. au [28] du présent''', qui sera justement le jour de son arrivée a
Thonon. De quoy je reçois un très grand contentement, attendu que
nostre attente nous a appourté ce bon heur que d'y avoir un tant
principal Prélat, lequel Nous attendrons audict lieu, ou Nous nous
acheminerons a l'advantaige ; vous en ayant bien voullu donner
[advis] a celle fin, que ce pendant vous vous disposiez a une bonne
patience qui se terminera a ladicte venue, sans aultre dilation.
A tant je prie Dieu qu'il vous aye en sa garde.
De Villeneufve[-les-ChambéryJ, ce 17 septembre 1598.
Le Duc de Savoye,
Chakles Emanuel.
Boursier.
Au Prévost de Sales.
A Révérend Pei'e en Dieu, le Prévost de Sainct Pierre de Genève.
Révérend, cher, bien amé et féal Orateur,
Par mes antécédentes lettres, vous aurez sceu de la venue du
Légat et le désir qu'avons qu'il se treuve aux Quarente Heures, qui
les soUempnisera beaucoup plus; et seroit bien marry si pour un peu
de temps luy et moy en perdions la commodité. 11 sera mardy pro-
chain a Bourg, et de la, il sera dans six jours a Thonon ou Nous
nous treuverons un peu advantaige pour l'y reçoipvre. Je vous prie
qu'un peu de temps ne nous soit vendu si cher, comme il seroit si
icelle (sic) se faisoit sans Nous, qui Nous causeroit un regret inévita-
ble. Et si bien je crois que, mes lettres receues, vous aurez changé
de délibération, si n'ay je pourtant voullu laisser de vous en donner
advis, priant Dieu qu'il vous aye en sa garde.
De Villeneufve, le 19 septembre 1598.
Le duc de Savoye,
Charles Emanuel*
Au Prévost de Sainct Pierre.
Lettres de Charles-Emmanuel I" 451
VI
A Rcverend, cher, bien amé et féal dévot Orateur,
le Prévost de Sainct Pierre de Genève.
Révérend, cher, bien amé et féal Orateur,
Peu appres la lettre que vous avons escript du jourd'huy est arri-
vée la vostre du dix huictiesme, qui Nous appourte un très grand
contentement et ensemble remplit de toutte consolation, voyant tant
d'ames bien disposées pour se remettre au vray chemin. A quoy
Nous sommes tout disposé pour les y assister de nostre présence et
y appourter tout ce que Nous pourrons, soit en luminaires que pour
fournir a la despense, ainsy qu'escripvons au sieur de Lambert de
faire. Si aultre ne retarde le Légat, il s'y treuvera des mardy pro-
chain en six jours, non compris le mardy, et Nous un peu auparavant,
ne le désirant pas moingtz que vous.
A tant prions Dieu qu'il vous aye en sa garde.
De Villeneufve, ce 19 septembre 98.
Le Duc de Savoy e,
Boursier.
Charles Emanuel.
Au Prévost de Sales.
VII
A Révérend, cher, bien amé et féal,
le Prévost de Sainct Pierre de Genève,
Le Duc de Savoye.
Révérend, cher, bien amé et féal.
Nous ayant, appres vostre despart, le Révérend Monsieur Louys
Perrucard faict apparoir de la nomination faicte en sa personne, des
l'année 1 589, Ihors que nous estions a Gex, du prieuré de Sainct Jean
soubz le vocable de Sainct Jean hors les murs de Genève, riesre le-
dict pays, et supplié de ne luy prejudicier en son anterieurité par
l'aultre nomination qu'en avons faict au Baron de Viry* : ce que ' vide p. 283
452 Appendice
Nous semblant raysonnable, et estant d'ailleurs bien memoratif des
causes que Nous meurent de le faire, Nous a semblé par ce de vous
dire qu'ayez a vous desporter de la charge et sollicitation qu'en
pourriez faire pour l'union dudict prieuré a la Collégiale de Viry,
ains faire instance pour en obtenir les provisions nécessaires en
faveur dudict Perrucard, docteur es droictz et esleu de Seseri, en es-
Vide p. 315. cripvant en ceste conformité a monsieur l'Ambassadeur Arconat * et
au Cardinal Aldobrandin. De quoy avons voullu vous donner advis,
priant Dieu qu'il vous aye en sa garde.
De Thonon, ce vingtiesme novembre 1598.
Charles Emanuel.
Boursier,
Au Prévost de Sales.
I
BREFS DE SA SAINTETE CLÉMENT VIII
Dilecto filio Francisco de Sales,
Prasposito Cathedralis Ecclesiœ Genevensis,
Clemens Papa Octavus.
Dilecte Fili, salutem et Apostolicam benedictionem.
* Narravit Nobis vir religiosus Frater Spiritus, ex Ordine Capuci-
norum, verbi Dei concionator, de tua pietate et zelo divini honoris,
quod pergratum Nobis accidit. Idem autem qusdam nostro nomine
exponit, quae ad Dei gloriam pertinent quœque Nobis cordi sunt
maxime. Tu fidem illi cumulatam habebis, perinde ac Nobis ipsis ;
eamque diligentiam adhibebis quam a tua prudfintia et erga Nos
atque hanc Sanctam Sedem devotione expectamus ; tibique paterne
benedicimus.
Datum Romœ, apud Sanctum Marcum, sub annulo Piscatoris,
die prima Octobris, anno millesimo quingentesimo nonagesimo sexto,
Pontificatus nostri anno quinto.
Sylvius Antonianus.
Revu sur le texte inséré dans le P'" Procès de Canonisation.
Vide Epist. xcin.
Dilecto filio Francisco de Sales, Ecclesiae Genevensis Praeposito,
Clemens Papa Octavus.
Dilecte Fili, salutem et Apostolicam benedictionem.
* Fidei Catholicae studium et zelum salutis animarum servo Dei et • vide Epist. xcm.
in sortem Domini vocato plane dignum, in tuis litteris perspeximus ;
454
Appendice
et quid hactenus egeris in negotio illo de perdita ove ad Christi ovile
reducenda, cognovimus.
Tuam, Fili, diligentiam et sedulitatem in Domino commendamus,
etquamvis ea res, cujus felicem exitum valde optavimus, non medio-
crem, ut scribis, difficultatem habeat, quia tamen Dei opus est,
cujus gloriam qu^erimus et cujus misericordia atque auxilio nitimur,
te propterea magnopere hortamur ne eam curam deseras, neve
cesses quod semel inchoasti, Dei adjutrice gratia, urgere. Speramus
enim quod labor tuus non erit inanis in Domino.
Quod ad populos illos attinet, quos Catliolicas religionis restitutio-
Vide p. 270. nem avide expetere significas*, id quidem perjucundum Nobis accidit
ut ea de re scribamus in eam sententiam quam res postulat et tu
videp. 27i,not.(i). admones*. Tu interea quod potes prœsta, Deo juvante; et Nos tibi
paterne benedicimus.
Datum Romae, apud Sanctum Petrum, sub annulo Piscatoris, die
vigesima nona Maii, anno millesimo quingentesimo nonagesimo
septimo, Pontificatus nostri anno sexto.
Sylvius Antonianus.
Revu sur le texte inséré dans le P"" Procès de Canonisation.
1
TABLE DE CORRESPONDANCE
DE CETTE NOUVELLE ÉDITION AVEC LES PRÉCÉDENTES
ET INDICATION DE LA PROVENANCE DES MANUSCRITS
NOUVELLE ÉDITION PROVENANCE DES MSS. PREMIERE PUBLICATION (l)
j GESEVE.Arch.de l'Etat Revue Sav., mzvs iS6-j
l i,is AxxECY. Visitation
Ij Idem
jj j Turin. Visitation
XV Idem
V Annecy. Visitation
VX Turin. Visitation
VXX Besançon. M"^ Dorez
VIXI Annecy. Visitation
/minute incomplète Idem
IX . , iTuRiN.Archiv.delEtat/ ^^^^^^ ^^ g __
jautre minute ^ (Copie) )
X Besançon. M-n-^ Dorez
^\ iTL-R.N. Archiv.de l'Etat j ^^^^^_ ^^ ^^^
XI I (Copie) )
■^Ij Annecy. Visitation Ibid., p. 36
ÉDITIONS MODERNES
XIII
XIV
Idem Ibid., p. 31.
TuRiN.Archiv.delEtat| j^.^^p^,_
(Copie) )
XV Annecy. Visitation Ibid., p. 50
XVI Besançon. M'"^ Doroz
XVII Naples. Visitation (i^""
Monastère)
Datta, I, p. 74.
XVIII Annecy. Visitation.
XIX Idem Ibid., p. 71.
XX
Idem Ibid., p. 54.
Inédite
Inédite .
Inédite
Inédite
Inédite
Inédite
Inédite
Inédite
Vives
, VII, p.
12
Mign
e, VI, col. 416
Inédite
t Viv.
vu, p.
20
! Mi^.
VI, col.
421
■^ Viv.
VII, p.
47
\ Mig.
VI, col.
436
^ Viv.
VII, p.
43
\ ^ig
VI, col
433
( Viv
VII, p.
54
\ ^ig-
VI, col
444
t Viv
VII, p.
58
iMig
VI, col
Inédite
Inédite
445
t Viv
VII, p.
76
XMig
VI, col
464
( Viv
VII, p.
74
[Mig
VI, col.
461
^ Viv.
vu, p. (
32
( Mig.
VI, col.
449
( I ) C'est sous toutes réserves que nous indiquons les publications dans lesquelles les
lettres ont paru pour la première fois.
(2) Voir r Avant-Propos de ce volume, p. xvi.
456
NOUVELLE ÉDITION PROVENANCE DES MSS.
XXI AsxECY. Visit. (Copie)
XXII Idem
XXIII
XXIV Annecy. Visitation .
XXV Idem
XXVI Idem
XXVII Idem.
XXVIII Idem
XXIX TcRiN'. Visitation.
XXX Idem
( pp. 84-86 (II. ) . „. ., ,.
,,,,„ \ « 5 Annecy. Visitatioi
XXXI < i-ii) \
( suite Turin. Visitation.
XXXII Annecy. Visitation . . .
XXXIII Idem.
XXXIV (fragment) . . . Annecy. Dom Mackey,
O. S. B
f Annecy. Visitation(An-
XXXV I cien Ms. de l'Année
\ Sainte
XXXVI I" Procès de Canonis.
XXXVII
XXXVIII
( Annecy. Visitation (An-
XXXIX ;fragment). . . ] cien Ms. de l'Année
{ Sainte)
XL Chambéry. Chanoine
CoUonges
variante (a). . . Idem
XLI '
texte Idem.
XLII PoLiGNY. Abbé P.Waille
XLIII I^"" Procès de Canonis.
XLIV Idem
XLV Idem
XLVI
r
l Annecy. Visitation An-
' cien Ms. de l'Année
Sainte)
(i) Voir notre Avant-Propos, note ( i ), p.
PREStlERE PUBLICATION ÉDITIONS MODERNES
Inédite
Datta, I, p. 42 ] ^ /
( Mig. VI, col. 441
[ Viv. VII, p. 65 (tra-
Vie du Saint par Char- \ duction)
les-Auguste, liv. II j A/^^.v,col.îI^(t^a-
( duction)
Datta, I, p. 37 ] ^. ,
l Mig. VI, col. 452
, l Viv. vu, p. 69
Ibid., p. 59 ' ' "
( Mig. VI, col. 453
Ibid., p. 61 ] ,.. ^ .'
( Mig. VI, col. 453
.... i Viv. VII, p. 18
Ibid., p. 15 ' '^
( Mig. VI, col. 421
Inédite
Inédite
Inédite
^ . l Viv. VIII, p. 19
Datta, I, p. 65 K, . ' ^. ^
( Mtg. VI, col. 457
Inédite
Datt.i, I, p. 97 ,,. ' ^ . ^
l Mig. VI, col. 479
Vie du Saint par Char- J Viv. viii, p. 10
les-Auguste, liv. II ( Mig. v, col. 313
Inédit
Vie du Saint par Char- ^ Viv. viii, p. 3
les-Auguste, liv. II { Mig. v, col. 307
Inédite
Mig. VI, col. 1067
Ibid., col. 1066
Année Sainte de la Visi-
/a/to«,t.XII,i^''déc.
Mig. VI, col. 1065
Ibid.
\ Viv. VII, p. 5
D^i'^,h P- 41 \ Mig. vi, col. A39
Inédite
Inédite
Inédite
Inédite
( ,^-. ,, . ,. f ^«f- vin, p. 28 (cf.
l £)j//j,i,p.99 Cf. l'édi-l .,., '^, ^
\ > ' r / /\ \ ibid., p. 2)
tïoa Hérissant (ï),i. < ,y • 10
j Mtg. VI, col. 481
^' P- '7) ( (cf. V, col. 306)
XVi
457
NOUVELLE EDITION PROVENANCE DES MSS. PREMIERE PUBLICATION EDITIONS MODERNES
XLVII
XLVIII Tltiin. Visitation . .
Vie du Saint par Char- v Viv. vin, p. 91
les-Auguste, liv. II [ Mig. v, col. 334
Œuvres 1641, t. II (i), t Viv. viii, p. as
Ep. IX ( Mig. V, col. 317
XLIX
l Turin. Archiv.de l'Etat ) { Viv. viii, p. 82
minute j ,/^ ■ \ i Datta, i, p. iso i i^ • 1
/ (Copie) \ ' ' ^ ' { Mtg. VI, col. 334
ÎEnghien iBelffiaue). i
RR. PP. Jésuites ... 5 t j \ 1
\ RR. PP. Jésuites . ,
L Idem Ibid.
Viv. vu, p. 77
Mig. VI, col. 46g
LI Ankecy. Visitation . , . Datta, 1, p. 83
/ La Philothée de S. Fr.
LU Genève. Abbé Chavaz ] de S., par J. Vuy, II
( (1879), p. 273
LUI VoiROK. Visitation Inédite
( texte définitif P'" Procès de Canonis Inédit
LIV \ . ,r. ■ . ^ , ^ ^"'- VI". P- 72
/ minute Annecy. Visitation . . . Datta, i, p. 106 ] ,,. , <,
[ > ' jr- ^ ^iig- VI, col. 405
( Turin. Archiv.de l'Etat ) t Viv. vi, p. 173
LV ,n ■^ Ibid., p. 270 ,.. ' f '^
( (Copie) ) ' ^ ' i Mig. VI, col. 597
LVI CoHEMDiER{H'<^-Savoie)
Baron Lud. de Viry Inédite
i^"" et 3"= alinéas; 1 r ■ i-,
■^ „ i Inédits
dernier, 11. 1-3 )
Lvil l ^'^'^ Procès de Canonis.
2*alinéaetsuite ^ I Fî> du Saint par Char- l F/r. viii, p. 5
du dernier ... \ / les-Auguste, liv. II r Mig. v, col. 308
LVIII CoHENDiER(H'^-Savoie)
Baron Lud. de Viry Inédite
_ _ _ î Vie du Saint par Char- v Viv. viii, p. 62
LIX I*"" Procès de Canonis. \ , . ^ ,. tt ) j/f • ^1 ,--
( les-Auguste, liv. II ( Mig. v, col. 325
LX Idem Inédite
LXI Idem Inédite
LXII Idem Inédite
i\ Viv. viii, p. 45
texte définitif Turin. Archiv.de 1 Etat Ddtta, i, p. 124 ) ir- 1
' ' t- 1 ( Mtg. VI, col. 499
( F/tf du Saint par Char- ]
autre leçon.. Rennes. Visitation. ... 5 , . * i- tt / rr-
^ ( les-Auguste, liv. 11 r Viv. viii, p. loi
( Œmcz-^s 1641 , tome II, ( Mig. v, col. 341
minute Annecy. Visitation ■ • • j pj, jre )
LXIV I" Procès de Canonis Inédite
LX V Idem Inédite
l Viv. VIII, p. 136
{ Hérissant, t. I, p. 83 ) (traduction)
LXVI I- Procès de Canonis. j (^^^duction) )Mig.^, col. 349
[ (traduction)
( I ) Voir notre Avant-Propos, p. xiv.
(2) Quelques Manuscrits autographes de Saint François de Sales, par le R, P. E. Griselle,
S. J. (Lille 1899).
(3) Voir notre Avant-Propos, note (i), p. xxv.
458
NOUVELLE EDITION PROVENANCE DES MSS,
LXVII Turin. Archiv.de l'Etat
LXVIII
[ Rome. Archives Vatica- \
( nés {Savoia, ^^) /
LXIX I'^'" Procès de Canonis.
(texte définitif Rome. Archives Vatica-
LXX..] nés (5ap., 33)
(minute P"" Procès de Canonis.
LXXI Annecy. Visitation , . .
LXXII Rennes. Visitation ....
\ Roue. Archives Vatica-
/ nés [Sav., 34)
LXXI II
LXXIV Annecy. Visitation . . .
LXXV Turin. Archiv. de l'Etat
(Copie)
LXXVI ï" Procès de Canonis.
S texte définitif Rome. Archives Vatica-
nes (Sav., ^3]
minute P'' Procès de Canonis.
LXXVIII Amiens. Visitation
/ C Rome. Archives Vatica-
LXXIXp'^*^^^^^"^! nés (S..., 34)
(minute I'"' Procès de Canonis.
Itexte définitif Turin. Archiv.de l'Etat
jiQute Procès de Canonis.. . .
LXXX
LXXXI
; Rome. Archives Vatica-
( nés {S.tv., 33)
LXXXII I, fragment) . . P'' Procès de Canonis.
LXXXIII Idem
LXXXI V Idem
LXXXV Idem
LXXXVI Annecy. Visitation . . .
LXXXVII Besançon. M"'« Doroz
f texte défi- ) _ . . • j uc^ ..
\ . ., > Turin. Archiv.de l'Etat
LXXXVIII j nitif . . . )
(rpinute... Besançon. M™"^ Doroz
LXXXIX Nardo (Italie), Po;u7/?.
Cathédrale
XC..." Idem
XCI Procès de Canonis. . . .
PREMIERE PUBLICATION EDITIONS .MODERNES
i Viv. VIII, p. 58
Oatta,i,^. 136 ) 3f,;^. VI, col. 507
Pératé, La mission de
F. de S. dans le Cha-
blais (i)
Inédite
Pératé
Inédite
( Viv. VIII, p. 78
Datta, I, p. 148 j 3^,-^_ ^,^ ^^^ .^^
Inédite
Pératé \ ^^^' ^'' '^°^' *'°"
\ (traduction)
î Viv. VIII, p. 170
Datta, I, p. 20g \ -K/r- 1
' ' ^ ' I ^^g- ■''ij col. 557
Inédite
Inédite
Pératé
Inédite
Inédite
Pératé i^'f; 7' "^- 9°^
( (traduction)
Inédite
Datta, I, p. 169. (Cf. )
K/.duSaintparCh.- ^'''- vui, p. 117
Aug., liv. III) J A%. V, col. 346
Inédite
Pératé. (Cf. Datta, i, y Cf. Fir. viir, p. 119
p. 167) ( Cf.Af/]§'.vi,col.529
Inédit
Inédite
Inédite
Inédite
C Viv. VIII, p. 140
Datta, I, p. 105 i \A- 1
' ' ^ ' ( Mtg. VI, col. 541
Inédite
( Viv. VIII, p. 151
Datta, I, p. 197 \ \ji- 1
' ' ^ '^' ( Mtg. VI, col. 550
Inédite
Inédite
Inédite
Inédite
( I ) Documents inédits tirés des Archives du Vaticin. Extrait du tome VI des Mélanges
d'archéologie et d'histoire publiés par l'Ecole française de Rome, 1886. (Voir l'Avant-Propos
du présent volume, p. xx.)
459
NOUVELLE EDITION
PROVENANCE DES MSS.
PREMIERE PUBLICATION EDITIONS MODERNES
i texte définitif Rome. Archives Vatica-
nes (5^-^!., 34) Pératé
minute I'^'' Procès de Canonis
/texte définitif Rome. Archives Vatica-
^ nés [Sav., 29) Pératé
Inédite
XCIII
nnin
T T> , „ i VzV du Saint par Char- ( F/f . viii, p. 15?
ute I" Procès de Canonis. , . / ,. .tt ) ;w 1
( les-Auguste, liv. III l. Mig. v, col. 333
' ^ .,c .,.„ \ Rome. Archives Vatica-
Uexte définitif, ,„
XCIV j f nés (5«î)., 34)
(minute P''Procès de Canonis.
rtexte définitif Turin. Bibliot. Civica.
xcv..] . -,^„ . ^ ^
/minute 1'-'^ rroces de Canonis.
, C Ibid., VI, col. 905
( (traduction)
Dafta, II, p. 225.
^texte définitif Rome. Archives Vatica-
XCVI j nés (Sav., ^4) Pératé
(minute P' Procès de Canonis
f texte définitif,
pp. 291-297
(11-1-5)
jpp. 297-299(11.
1-5)
[p. 299, 11. 6-14
[fin
, minute P' Procès de Canonis.
XCVII<
Rome. Archives Vatica-
nes [Sav., 34) \ Pératé
XCVIII Annecy. Visitation
Datt.
r, I, p. 212
XCIX.
c
CI ...
Idem Ibid., p. 256. . .
Idem
Idem Datta, i, p. 204
Inédite
Inédit
Viv. IX, p. 503
Mig. VI, col. 761
Ibid., col. 9o6(trad.)
Inédite
Mig. VI, col. 909
(traduction)
Ibid., col. 911
Inédite
Viv. VIII, p. 172
Mig. VI, col. 560
Viv. VII, p. 92
Mig. VI, col. 591
Inédite
Viv. vni, p. 166
Mig. VI, col. 536
CII TuRiN.Archiv.de l'Etat
(Copie)
cm I"^'" Procès de Canonis.
CIV
CV .
CVI
Annecy. Visitation. .. . Datta, \, p. 258.
Inédite
Inédite
Viv. IX, p. 300
Mig. VI, col. 577
( 5/i2w, Lettres inédites \ Viv. vm, p. 183
} de 1833, p. 7 ( Mig. VI, col. 855
i) Viv. viii, p. 176
Turin. Visitation Datta, i, p. 217 ( ^^.^^ ^^^ ^^^_ ^^^
Inédite
CVII I*-'"" Procès de Canonis ,
i i*-''' alinéa. ■ ■ ■ ( \
1 Rome. Archives Vatica- / p,';-^/^.'
) nés {Sav., 35) (
CVIII
CIX...
ex...
fsuite
Itexte définitif Idem.
(minute Annecy. Visitation . . .
[ Rome. Archives Vatica-
( nés (Sav., 35)
CXI Milan. Visitation
^ Mig. VI, col. 911
l (traduction)
Pératé Ibid., col. 9i3(trad.)
Inédite
Mig. VI, col. 915
(traduction)
Inédite
Pératé
460
NOUVELLE ÉDITION PROVENANCE DES MSS. PREMIERE PUBLICATION EDITIONS MODERNES
CXII Turin. Visitation Notes histor. sur S. Fr.
de S., Bouchage, 1880
CXIII Fribourg. D'' Schaller Notice sur Séb. Werro,
(Fribourg, 1841). . . . Mig. vi, col. 916
CXIV Turin. Visitation Datta, \, p. 221 iw-' ' ^,' ^o
' ' ^ ( Mtg. VI, col. 568
CXV Fribourg. Musée Can-
tonal Notice sur Séb. Werro Ibid.,col.9i7(trad.)
CXVI Gènes. Sanctuaire de
la Madonnetta Inédite
CXVII Genève. Bibliothèque
publique Mig. vi, col. 1343
ex VIII Rome. Archives Vatica-
nes [Sav., 35) Pératê
r\'T\r A ir- •* *■ i Fi> du Saint par Char- t F/c. ix, p. 280
CXIX Annecy. Visitation ] , . ^ ,. t-,, W
f les-Auguste, liv. IV ( Mtg. v, col. 360
CXX Idem Ibid i ,^'''- '''' P/9'
Mig. V, col. 361
APPENDICE
[ Annecy. Archives de la 1 ^ ( Viv vu p 6
1 i c • '4- tri . i Datta, I, p. I i w ,
( Société Flonmontane \ ' ' ^ ( Mig. vi, col. 409
Ij \ FzV du Saint par Char- ^ Viv. \iï, -p. 24
( les-Auguste, liv. II ( Mig. v, col. 296
TTT . Tr- ■■ . r^ \ Viv. VII, p. 34
111 Annecy. Visitation . , . Datta, i, p. 21 , , . ,
{ Mig. VI, col. 425
TTr T, .... { F/p. VII, p. 38
IV Idem Ibid., p. 25 , . . "^.-^ „
' ^ -^ ( Mig. VI, col. 428
V Idem Ibid.,col.897(trad.)
T , r^ i ^^^- VII, p. 60
VI Idem Datta, i, v. 1)2 j ,^. 10
' ' ^ -^ / ^f^- VI, col. 448
VII Idem Inédite
[ i'^'' alinéa . . . . ^ Inédit
\ , , 1 , ^ . ^ FzV du Saint par Char- ^ F/v. viii, p. 27
VIII .. \a<' alinéa > P'' Procès de Canonis. i , . ^ ,. tt) i^- 1
I r ( les-Auguste, liv. II ' Mig. v, col. 321
(.suite ; Inédite
( T ^ i ^^'^'- viii| P- 24
TV Trr r> • j /^ • > F/V du Sai ut par Cha T- \ ,^ . , , .
IX P"^ Procès de Canonis. 1 * < AZ;^.v,col.3ao(voir
V les-Auffuste. liv. II / . . , o .
les-Auguste, liv. II / * , \ o >
° \ note (i), p. 305)
! alinéas 1-4. . . > Inédits
( \ Vie du Saint parChar- { Viv. viii, p. 7
alinéas 5-7. ..) pi" Procès de Canonis. > 1 . x i- tt) »-/• i
i ( les-Auguste, liv. II '. Mtg. v, col. 309
fin ) Inédite
I Viv. VIII, p. 15
XI Procès de Canonis... . Datta, i, p. 67 | ^.^ ^^^ ^^^ ^^
461
NOUVELLE ÉDITION PROVENANCE DES MSS. PREMIERE PUBLICATION ÉDITIONS MODERNES
= ''et2'=alinéas F/V du Saint par Char-
les-Auguste, liv. II
XII . . .1 ( Viv. viii, p. 40
^texte complet Procès de Canonis.... Datfa, i, p. 118 ] Af/V. v, col. 328,et
'' VI, col. 496
('"■ets^alinéas^ Inédits
VTTT 'or- ( Tcrn > j /" • ^ FiV du Saint par Char- [ F/u. viii, p. 5:
XIII . .3" alinéa > I" Procès de Canonis. J , , , ,. tt 1 w ' *- ^
j ( ! les-Auguste, liv. II ( Mig. v, col. 324
(suite ) Inédite
XIV Procès de Canonis.. . . Datta, i, p. 76 i ,* • ' .
f Mtg. VI, col. 464
XV Annecy. Visitation.... Ibid., p. 86 \ X'.'"' ^"' P" ^°
( Mig. VI, col. 472
XVI P'' Procès de Canonis Inédite
XVII Idem Z).//., I, p. 88 S Viv.vi^,^.Zz
XVIII Idem Ibid., p. 140 ! JT" "'''"' ''i' ^^
f M.ig. VI, col. 512
( Mig. VI, col. 473
i^'^et 6"^ alinéas Fi> du Saint par Char-
les-Auguste, liv. II Mig. V, col. 324
texte complet Procès de Canonis.... Uatta, i, p. 100 \ -y. ■ , '
^ ( -Mî^. VI, col. 481
•^r^r TptT^ • J /- • T1.-J ^ ^'^- "^'"I; P' ^7
XX 1 Procès de Canonis. Ibid., p. is? i w ,
( Mig. VI, col. 520
XXI Annecy. Visitation. . . . Ibid.. p. 113 ,.!"' '^'"' ^' ^^
( ■'^'^- vi, col. 491
XXII P'' Procès de Canonis Inédite
XXIII Idem Inédite
XXIV Annecy. Visitation. . . . Dalta, i, p. 152 \ Z'^' '^"'' \ ^^
^ ( Mig. VI, col. 505
XXV Idem Ibid., p. 137 1 J-"'^"''^; '\
' '^ -" [ Mtg. VI, col. 508
XXVI I'"' Procès de Canonis Inédite
XXVII Rennes. Visitation Inédite
XXVIII I" Procès de Canonis Inédite
-r. . . ^ \ V'iv. VIII, p. 121
XXIX .. Annecy. Visitation. .. . Datta, i, p. 171 1 ,,. .
■'^■^'^-^ > t t I t Mtg. VI, col. 331
XXX I'^'^ Procès de Canonis Inédite
Viv. VIII, p. 12S
4ig. VI, col. 537
\ Viv. vni, p. 131
XXXI Idem Datta, i, p. 179 I Mig. vi, col. ^y^
XXXII Idem Ibid., p. 181 , ,.. .
^■^■^^'^ iucm , t- ^ 24ig. VI, col. 539
XXXIII Idem Inédite
..... T^ S ^''"'- '^'"'> P- 160
XXXIV Annecy. Visitation. . . . Datta, i, p. 202 | ^.^^ ^^^ ^^j_ ^^^
B
I-III I'^' Procès de Canonis Inédites
^ Viv. viii, p. 115
tV Idem Datta, 1, p. H
i Mig. VI, col. 528
4^2
NOUVELLE EDITION
PROVENANCE DES MSS.
PREMIERE PUBLICATION EDITIONS MODERNES
V 1^"^ Procès de Canonis. Datta, i, p. 174 1 , - . , '
' > t- /1 I Mtg. VI, col. 533
VI-IX . . Idem Inédiies
^ Vi'v. vin, p. 157
} Mig. VI, col. 552
Inédites
X Idem Datta, i, p. 199 ,
XI-XVI Idem
T Ter T> ■ 4 ^ • \ F«^ du Saint par Char- k Fir. viii, p. 12c
I I^"^ Procès de Canonis. , . ,. ^^x w , k
' les- Auguste, liv. III ' Mtg. \, col. 348
TTj D ■ 4 /- • n ^^ ^ ^'^- '^°'' p- ^98
11"- Procès de Canonis. Datta, i, p. 227 1 i^-
' ^ ' { Mtg. VI, col. 571
III-V I'"' Procès de Canonis
II
VI Idem Datta, ï, p. 22S
VII Idem
^ T7c. VIII, p. 199
I Mig. vr, col. 57a
D
T T,^r r> • j /- ■ i F^V du Saint par Char- ^ 17c. vin, p. 104
1 P"^ Procès de Canonis. 1 , , ^ ,• tt y w f
( les-Auguste. Iiv. II f M/g. v, col. 345
II.
Idem Ibid.. liv. III
\ Viv. vni, p. 162
( Mig. V, col, 357
INDEX
DES PRINCIPALES NOTES HISTORIQUES ET BIOGRAPHIQUES
CONTENUES DANS CE VOLUME ' i )
Abondance (abbaye d') Pages • 266
Abonde de Côme, Provincial des Capucins » 286
AiAZZA Vespasien » 223
AiNAY (abbaye d') » 248
Alleman (nobles du Nant, seigneurs d') » 343
Angeville Claude d' » 152
Arconato François » 315
AuLPs (abbaye d') » 266
AvuLLY Antoine de Saint-Michel (seigneur d').. . » 198
Bally Jacques, curé du Petit-Bornand » 328
Bally Nicolas, son frère » 328
Beauchateau Etienne » 324
Beaumont Jacques de Menthon (baron de) » 57
Bercera Thomas » 23 1
BÈZE Théodore de » 268
BocHUT François » 230
Boisy François de Sales (seigneur de) » 117
BusÉE Pierre, Jésuite » 143
Canisius Pierre (Bienheureux), Jésuite » 140
Chapelle Jean-Baptiste de Valence (seigneur de
la). Voir Valence » 6, 49
I } Les personnages qui figurent dans cet Index sont désignés de la même
manière que dans le texte des Lettres. Saint François de Sales emploie le
nom sous lequel ils sont le plus connus ; c"est tantôt le nom patronymique,
tantôt celui de quelque seigneurie. D'autres fois, il ne les désigne que par leur
charge; nous donnons alors cette indication à la suite du nom.
Si, au cours de la publication, nous pouvons découvrir des renseignements
supplémentaires d"un haut intérêt sur les personnages auxquels des notes
auront été consacrées, ces renseignements seront réunis à la fin du dernier
volume de la Correspondance.
464 Lettres de saint François de Sales
Chappaz Jean Pages 42
Charles-Emmanuel I^'', duc de Savoie > 168
Charmoisy Charles Vidomne de Chaumont (sei-
gneur de) » 57
Chavanes Claude de » 52
Chavent Théodule » 182
Chérubin de Maurienne (Alexandre Fournier),
Capucin » 52, 98
Chesnex ou Chesney Etienne , juge-mage du
Faucigny » 44
Chevalier Bernard, curé de Cervens » 255
Chevallier Claude-Gaspard » 344
Chevron Hector, baron de » 45
Chissé François de » 71
Chosal ou du Chosal Jean-François » 83
Clarisses d'Evian » 293
Clément VllI (Hippolyte Aldobrandino) » 268
Clerc ou Clerici Nicolas » 345
Coccapane Jules, Jésuite » 262
Compois-Féterne Etienne de » 127
CoppiERjean » 4
Coquin Jean » 157
Coursinge ou Cursinge Annibal de Genève (sei-
gneur de) » 211
Crest Pierre du » 159
DÉAGE Jean » 3
Delbene ou Del Bene Alphonse, E\êque d'Albi. . » 100
Esprit de Heaume, Capucin » 237
Faverge Janus de la » 354
Faverge Pernette de Chevron-Villette (dame de
la) * 354
Favre Antoine » 18
Favre Benoite, sa femme » 70
Favre René, Claude, Antoine, Pierre, Philibert,
Jean-Claude, fils du Sénateur » 79
Faye Antoine de la » 324
FiLLY (prieuré de) » 252
Fléchère François de la » 3
Floccard Barthélémy » 296
Index des notes 465
FossiAS ou FoissiA Jean (de), Provincial des Do-
minicains Pages 245
FouGou Faug Jeanne Barbier du Maney (dame du) » 114, 344
Genand (P. François de Chambéry), Capucin.. » 179
GiLLi ou GiLio Lucien » 3^9
Girard François » 84
GiUSTiNiANi Ange, Evêque de Genève » 297
Grandis Claude » 299
Granier Claude (de), Evèque de Genève » 94
Guichard Claude » 9^
Hautecombe (abbaye d') » 7^
Hermance François -Melchior de Saint-Jeoire
(baron d') » ï
Hume ou Hum>€US Alexandre, Jésuite » 304
Jacob Guillaume-François deChabod (seigneur de) » 209
Lescheraine Antoine (de), juge-mage de Gex. . . » 283
Lignarius ou Lignaridus (Diirrbol^) Herman . . » 325
Locatel Jacques de » 81
LoRiNi ou Lorigny Jean (de), Jésuite » 105
Lullin Gaspard de Genève (marquis de) » 285
Maniguer Balthazar, curé d'Annemasse » 309
Marchesi Antoine, Jésuite, Recteur du collège
de Turin » 3^4
Marin Claude » 3^2
Martinengo François » 176
Médicis Ferdinand I" (de), duc de Florence » 6
Mendoça Don Juan Hurtado de » 347
MÉNENC Jean » 15
MÉNOCHius (Menocchio) Jacques » ^ his
MÉRiNDOL Antoine » 1 ï
MiLUET Philibert, Abbé d'Aulps » 292
MoNOD Georges » 60
MoNTHOux Gallois de » 1 > 1
MoNTROTTiER Charles de Menthon (baron de). . . » 44
MuGNiER Pierre, curé de Saint-Julien » 280
Nemours Charles-Emmanuel de Savoie (duc de
Genevois et de) » 3^
Lettres I 3°
3M
227
466 Lettres de saint François de Sales
Nemours Henri de Savoie (duc de). Voir Saint-
SoRLiN Pages 47
NovERY Amblard-Philibert Vidomne de Chau-
mont (seigneur de) » 71
Papard François, Dominicain » 292
Passier Antoine de » 4^
Pellevé Nicolas (de), Cardinal- Archevêque de
Sens » 6
Perrot Cliarles »
Petit Pierre »
PiNGON Louis (de), baron de Cusy » 321
Planaz Donade-Pernette de Baillans (dame de). . » 181
PoBEL Raymond » 301
PoBEL Tliomas, Evêque de Saint-Paul-Trois-
Cliàteaux » 356
PoNCET Pierre » 124
Portier Jean » 34
PossEviN Antoine, Jésuite » 104
Prez Claude de » 162
Provana Gaspard » 292
Provana Philibert » 292
Riccardi Jules-César, Archevêque de Bari, Nonce
à Turin » 148
Ripa Augustin » 301
Ripaille (prieuré de) » 252
RoGET Jean » 44
RoGET Philibert » 249
Rolland Denis de » 96
Rolland Georges » 117
Rovorée ou Ravorée JVladeleine de Saint-Michel
(dame de) » I99
Sacconay Louis (de), chantre de la métropole
de Lyon » 305
Saints Maurice ET Lazare (Ordre des) » 232
Saint-Sorlin Henri de Savoie-Nemours (marquis
de). Voir Nemours » 47
Sales Gallois de » ï2
Salteur Jacques » 64
Santorio Jules-Antoine, Cardinal de Santa-
Severina * 257
Index des notes 467
Sarasin Jean Pages 355
Saunier Jean, Jésuite » 261
Servette Pierre d'Arloz (seigneur de la) » 108
SixT (abbaye de) » 316
Sponde Jean de » 155
TissoT Jean » 87
ToRSELLiNi Horace, Jésuite » 126
TouRNETTE Louis de l'Alée ou de Lallée (baron
de la) » 7
TouRNON (collège de) » 324
Valence (de) Jean-Baptiste. Voir Chapelle » 6, 49
ViGNOD Jean de » 213
VjLLEGuichardeDuret,veuvedeGrailly(damede) » 51
Villette Amédée de Chevron (seigneur de) » 341
ViRY Marin, baron de '> 285
Werro Sébastien » 345
GLOSSAIRE
DES LOCUTIONS ET DES MOTS SURANNÉS
ou PRIS DANS UNE ACCEPTION INUSITEE AUJOURD'HUI
QUI SE TROUVENT
DANS LES LETTRES DE SAINT FRANÇOIS DE SALES
CONTENUES EN CE VOLUME
(Les mots distingués par une* ont paru dans le Glossaire des tomes précédents.)
ACCOURCIR — pour diminuer (voir
p. 253, var. (h), et p. 263).
*ADVEU — pour protection, appro-
bation, agrément 'v. p. 7, et var. (i),
p. 226).
ANCRE — pour encre (v. p. 211).
'APPOINCTER — pour accorder,
concilier (v. p. 167".
APPRIVOISER — pour accoutumer,
familiariser (voir pp. 169, 173).
* ASSORTI — pour pourvu, fourni
(voir p. 182).
ATANT, A TANT — là-dessus (voir
PP- 2, 355)-
AUTOUR (d') — pour des alentours
(v. var. ( c), p. 380).
AVANCER — pour favoriser [v. var.
(a), p. 327).
• AYSE — COUT joie, consolation.
' BAILLER — donner.
BIENFAIRE — faire du bien (voir
p. 306, var. (a), et p. 307).
BRIDE A VEAU — nouvelle absurde,
conte ridicule (v. p. 354).
BRIGADE — pour assemblée, société
d'amis (v, pp, 300, 346).
CACHETES (a) — en cachette, en se-
cret (v. p. 120).
CATHOLIZER (se) — se convertir au
catholicisme [v. pp. 231, 264).
* CE — pour ceci, cela.
* CE FE'SDA'ST — pendant, pendant
ce temps.
* COLLOQUER— du lat. collocare,
mettre, placer (v. p. 173).
COMMANDE — pour commende (voir
p. 280).
* CONTE — pour compte.
CONTE (mettre en) — pour consi-
dérer (v. p. 8).
* CONTEMPLATION (en) — pour
en considération (v. p. 252, et var.
;a), p. 306.)
* CONVERSATION — pour compa-
gnie (v. p. 344).
CORAGE — encouragement ^v. p. 2).
* COSTER — coûter.
* CREANCE — pour croyance reli-
gieuse (v. p. 94;.
* CUYDER — du lat. coQ\i\s.t, penser ,
juger, croire.
CY APRES — pour plus tard, dans
la. suite (v, p. i8a).
470
Lettres de saint François de Sales
DE (sa bonté) — pour dans, par voir
p. 182).
DEBRIGUÉ — de l'ital. disbrigato,
dégagé, débarrassé [v. pp. 168, 172).
DELA (de) — de là (v. p. 346).
DEPECHE (le) - expédition (voir
var. (c), p. 252).
DEPLAISANT — pour contristé, fâ-
ché (v. p. 344).
* DES ORES — dès maintenant.
DESPUYS NE FUT ELLE — depuis
qu'elle fitt (v. p. 226).
* DESSUS — pour ci-dessus (voir
F- 34S).
* DEVANT — pour avant.
* DISCOURIR — du lat. discurrere,
courir ça et là (v. p. 173).
* DOINT — ancienne forme de la
3'^ personne du subjonctif présent
du verbe donner (v. pp. 103, 321).
DONT — pour c'est pourquoi, d'oii
(v. pp. 3, 8, etc.)
DOUTER — pour craindre (v. p. iSq^i.
* DU TOUT — tout à fait, absolument.
* EMPLOITE — emploi (v. p. 353).
* EMPORTER — pour gagner (voir
P- 353)-
EN ÇA — jusquici (v. p. 105). Cf.
l'ital. IN QUA.
*ENTRETENEMENT — entretien.
* ESCHOIT (sïl y) — au cas échéant,
s'il est nécessaire (v. p. 173).
ESTOUFFE — pour étoffe (v. p. 121).
ESTRESSIR — pour diminuer (voir
P- 253)-
FERME — pour stable (v. p. 173).
FORCER (se) — pour s'imposer un
effort excessif [v. p. 319).
FORME (a) — par forme, sous forme?
(v. p. 1701.
FORTUNE (par) — par hasard (voir
p. 121).
* GRADE — du lat. gradus, degré.
* HEUR — bonne fortune, bonheur
(v. p. 306).
•IMPERTINENT — hors de propos,
déplacé (v. p. 281). Négatif de per-
tinent (lat. PBRTiNENs), à propos.
* IMPETRER — du lat. impetrare,
obtenir par supplications (v.p. 171).
INAPPOINCTABLE - inconciliable
(v. p. 167).
INCOMMODITÉ — du lat. incom-
UODITAS, préjudice (v. p. 327).
» JA — dijà.
JOINDRE — pour suffire (v. p. 231).
JOUR (mettre au) — pour exposer,
révéler (v. p. 312).
JOURNEE (tenir une) — tenir un
conseil pour délibérer sur quelque
affaire publique (v. p. 88^. Cf. le
Diction'''^ de Littré.
* LAIRRAY — ancienne forme de
laisserai.
LA OU — pour c'est pourquoi (voir
p. 281).
* LAUTREFOIS — de nouveau (voir
p. 263).
* LE VER — du bas-latin levare, ôter,
enlever (v. pp. 226, 230, etc.)
LHORS — pour alors, en ce temps-là
(v. var. (a), p. 306).
MARCHER — pour marché, prix fait
(v. p. 343).
* MESHUY — désormais.
MESSIED (il) — il sied mal (v. p. 8) ;
présent de l'indicatif de l'ancien
verbe messeoir. Cf. le Diction'"'^
de Hatzfeld et Darmesteter, au mot
messéanf.
* MONSTRE — revue, inspection, pa-
rade (v. p. 354).
MORTEPAYE — vieux domestique
qu'on garde sans le faire travailler
(v. p. 8). Cf. le Diction'''^ de Hatz-
feld et Darmesteter.
MUNIER — meunier (v. p. 121.)
* NOURRIR — pour entretenir, éle-
ver, conserver (v. pp. 104, 121, etc.)
* ONQUES — du latinuNQUAM,y<7wa/j.
*OR SUS — parole d'encouragement.
Cf. l'ital. ORSÙ.
•OUTRECUYDÉ — arrogant, pré-
somptueux.
Glossaire
47»
* PAPEGAI — ancien nom du per-
roquet (v. p. 354'.
PAR DEÇA — de ce côté-ci (v. p. 263).
Cf. le Diction""^ de Littré, au mot
deçà.
PARDELA (de) — de Vautre côté (voir
p. 6, et var. (a), p. 104). Cf. le Dic-
tion''^ de Littré, au mot delà.
* PAR DEVERS — auprès de.
PASSÉ — pour plus de (v. p. 169).
*PIEÇA — il y a quelque temps, ja-
dis, autrefois ; étym. pièce et a, il
y a une pièce de temps (v. pp. 189,
307 ;>. Cf. le Diction"'^ de Littré.
POINT — pour quelques (v. p. 121).
* POISER — peser (v. p. 200).
* POUR QUOY — a cause de quoi
(v. var. (g), p. 281).
PRtïLUSION — du lat. pr.œlusio,
prélude, préparation [v. p. 166).
♦PRECHEUR — prédicateur.
»PREGNANT, PREIGNANT— /^w-
sant (v. pp. 168, 172). Adj. parti-
cip. de l'ancien verbe preindre (lat.
premere). Cf. le Diction"^"^ de Hatz-
feld et Darmesteter.
PRESUMPTION — du lat. prjesump-
Tio, supposition (v. p. 2).
PRINS — participe passé du verbe
prendre.
PRIS — pour /^-/x (v. p. 121).
* PRIS (au) — en comparaison de.
PROPREMENT — pour convenable-
ment (v. p. 173).
* PROUVOIR — du lat. providere,
pourvoir.
QUAND — pour quant.
* QUE — pour ce que, puisque (voir
pp. 7, 167).
RAGE (faire) —faire des efforts vio-
lents (v. p. 345).
RAPPORT — pour rendez-vous (voir
p. 169).
RATE (a) — a proportion (v. p. 343).
Cf. l'ital. rata.
RÉALITÉ — pour loyauté (v. p. 189).
RECATHOLISER (se) — entrer de
nouveau dans le sein de l'Eglise.
* RECUEILLIR — pour accueillir
(v. p. 341;.
REDUIRE — du lat. reducere, ra-
mener (v. pp. 189, 232, etc.)
RELIQUATEUR — du lat. rbliqua-
TOR, reliquataire, redevable (voir
P- 343'-
REMETTRE SUS — rétablir, remet-
tre en vigueur (v. p. 173)-
RENGREGÉ — aggravé, augmenté
(v. p. 89\ Cf. le bas-lat. ingreviare.
* RETARDATION — du lat. retar-
DATio, retard (v. p. 346).
ROOLE (recevoir en) — mettre au
rang, enrôler (v. p. 104).
* SCRUPULE —petite difficulté {woÏT
p. 200). Du lat. SCRUPULXJM.
* SI — pour toutefois.
* SI QUE — de sorte que, si bien que.
SORTIR EN EFFECT — se réaliser,
s'effectuer (v. pp. 89, 168).
* SUBVERSION — du lat. subversio,
renversement, action de renverser
dans les esprits toute loi, toute rè-
gle (v. p. 88).
♦SUFFISANCE— dulat.suFFicENTiA,
capacité intellectuelle, mérite (voir
pp. 170, 306, etc.)
* TARDIVETÉ - retard (v. p. 346).
TOUTES FORTUNES (a) — en tout
cas, quoi qu'il en soit (v. p. 21 1).
* VERS — pour auprès de, envers (voir
pp. 167; 226, var. (i), etc.)
VENIR — pour être conforme (voir
p. 353)-
VISITATION — du lat. visitatio,
visite (v. p. 334).
* VISTEMENT — vite (v. p. 120).
ERRATA
Page 2, note (i) : obtint un canonicat... l'année même où son
illustre disciple en était nommé Prévôt —
lire : fut institué chanoine le 2^ mars i^gi .
Philiberte de Jase — lire : de Juge.
Noble Louis Bonier — lire : Humhert de Ville
était procureur patrimonial. (Bonier n'était
qu'avocat patrimonial.)
19 juin 1595 — lire : 20 Juin.
Pierre Petit... pasteur à Armoy et à Choulex
— lire : fut proposé pour la cure d' Armoy, et
devint pasteur à Choulex.
Pancarlier — lire : Pancalier.
71.
note (2)
14,
note (1)
139.
note (2)
227,
note (i)
285.
note (2)
TABLE DES MATIERES
Avant-Propos v
Lettre-circulaire de S. Em. le Cardinal Parocchi, Vicaire de
Sa Sainteté, aux Evêques d'Italie xxx
Avis au Lecteur xxxii
ANNEES ANTERIEURES A 1593
Lettre I — Au baron d'HermanCE. — Protestations de respect
et de dévouement I
I bis — A UN ANCIEN PROFESSEUR (Inédite). — Succès des armes
du roi de Navarre. — Epidémie parmi les étudiants I t>is
II — A DOM François de la Fléchère (Inédite). — Regret
de n'avoir pas reçu de réponse à ses lettres ^
III — A UN INCONNU (Inédite). — Remerciements pour une lettre
reçue de lui 4
IV — A UN INCONNU (Inédite). — Témoignages de respect et
d'affection 5
V — A UN GENTILHOMME (Inédite). — Remerciements pour la
bienveillance que lui témoigne ce gentilhomme et pour la lettre
qu'il en a reçue 7
VI — A UN AMI (Inédite). — Assurances d'amitié. — Désir d'être
connu d'un personnage de grand mérite. — Nouvelles d'un
condisciple. — Message de son précepteur. — Un mot sur son
frère Gallois 9
ANNÉE 1593
VII — A UN ANCIEN CONDISCIPLE (Inédite). — Remerciements
pour l'attention qu"a eue ce personnage de lui dédier ses thèses
de théologie. — Espoir de le voir prochainement à Annecy. ... 13
VIII — Au RÉGENT MÉNENC (Inédite). — Excuses pour le retard
mis à répondre à deux lettres. — Immunités assurées aux doc-
teurs en droit et en médecine et aux maîtres d'école 1 5
474 Lettres de saint François de Sales
IX — Au SÉNATEUR Favre. — Réponse affectueuse aux avances
du sénateur Favre. — Regret de n'avoir pu le rencontrer lors
de deux voyages faits à Chambéry. — Protestations d'estime et
d'attachement l8
X — Au MÊME (Inédite). — Remerciements pour lui avoir pro-
curé l'amitié de François Girard 25
XI — Au MÊME. — Exposition des mêmes pensées 29
XII — Au MÊME. — Prières publiques ordonnées à l'occasion de
la détention du duc de Nemours ; sermon prononcé à cette
occasion. — Naissance de Jeanne de Sales. — Affaire litigieuse
d'un paysan de Thorens. — Témoignages d'affection. — Désir
de le voir prochainement 52
XIII — Au MEME. — Sentiments qui se pressent dans l'âme du
Saint à l'approche de son ordination sacerdotale 37
ANNÉE 1594
XIV — Au MÊME. — Espoir d'une prochaine réunion à Sales. — M. et
M"'^ de Boisy contraints de s'absenter à cette époque. — Envoi
d'une lettre de M. de Montrottier. — Le Saint part pour Seyssel
où il doit prêcher le Dimanche suivant 41
XV — Au MÊME. — Rendez-vous à Faverges. — Salutations faites
à M. de Montrottier de la part du sénateur Favre 46
XVI — Au MÊME (Inédite). — Excuses au sujet d'une lettre écrite
à la hâte. — Remerciements pour celle que le Saint a reçue du
Sénateur 48
XVII — Au MÊME (Inédite). — Recommandation en faveur de
Mme de Ville. — Eloge du P. Chérubin 50
XVIII — Au MÊME. — Envoi d'une lettre de Ms"' de Granier 53
XIX — Au MÊME. — La brièveté de cette lettre est occasionnée
par le départ précipité du porteur. — Témoignages d'affection.. 54
XX — Au MÊME. — Remerciements pour la protection accordée à
diverses personnes. — Attente de la prochaine visite du Sénateur. 56
XXI — Au MÊME (Inédite). — Désir de profiter des nombreuses
occasions que procurera la belle saison pour se voir plus fré-
quemment. — Nouvelles de plusieurs amis communs 59
XXII — Au MÊME. — Prochaine réunion du synode diocésain. —
Obstacle imprévu qui a empêché le Saint de se rendre à Cham-
béry. — Ses regrets en apprenant que le Sénateur est allé inuti-
lement à sa rencontre 62
XXIII — Au MÊME. — Projet d'un pèlerinage à l'église de la
Sainte-Croix d'Aix. — Ordre que doivent suivre pendant le trajet
les pèlerins d'Annecy et de Chambéry 65
Table des matières 475
XXIV — Au MÊME. — Le Sénateur est attendu à Annecy ; plu-
sieurs maisons lui sont offertes. — Il est instamment prié d'ame-
ner sa femme 69
XXV — Au MÊiME. — Déception du Saint et de ses amis en ne
voyant pas arriver le Sénateur. — Le Prévôt va prêcher à La
Roche "7 1
XXVI — Au Prévôt Girard. — Gracieuses excuses de n'avoir
pas écrit plus tôt. — Le Saint est à Hautecombe avec le sénateur
Favre 74
XXVII — Au SÉNATEUR Favre. — Compliments affectueux 77
XXVIII — Aux FILS DU SÉNATEUR Favre (Inédite). — Remercie-
ments pour une lettre reçue d'eux. — Encouragements à suivre
les exemples de leur père. — Message pour leur mère no
XXIX — Au SÉNATEUR Favre (Inédite). — Explications amicales.
— Remerciements pour l'envoi de Méditations sur la pénitence. 80
XXX — Au MÊME (Inédite). — Les prévenances d'un ami commun
attribuées à la recommandation du Sénateur. — Désir de se pro-
curer quelques formules de prières 82
XXXI — Au Prévôt Girard. — Congratulations pour le zèle
qu'il déploie au service de Jésus crucifié, et pour son agrégation
à la Confrérie de la Sainte Croix 84
XXXII — A UN GENTILHOMME. — Prière d'intervenir auprès du
duc de Savoie en faveur du Chapitre de Genève 88
XXXIII — Au SÉNATEUR Favre. — Nouvelles de la mission du
Chablais. — Premières difficultés suscitées par les ministres
protestants. — Energique résolution du Saint QO
XXXIV — A UN RELIGIEUX (Fragment inédit) 93
XXXV — A Ms"" DE GrANIER. — Endurcissement des hérétiques.
— Aveu des ministres en faveur des missionnaires 94
XXXVI — Au SÉNATEUR Favre (Inédite). — Heureux présages
pour le succès de la mission du Chablais 95
XXXVII — Au MÊME. — Témoignages d'estime et de reconnaissance
pour le P. Chérubin. — Envoi de plusieurs lettres. — Premiers
fruits des prédications 97
XXXVIII — A M''' DelbENE. — Protestations de respect et de dé-
vouement 1 00
XXXIX — Au SÉNATEUR Favre. — Prédications de l'Avent 102
XL — A UN CURIAL. — Réponse obligeante à la demande de quel-
que service 1 03
XLI — Au PÈRE POSSEVIN. — Assurance de respectueux attache-
ment. — Le Saint parle de son ordination et de ses débuts dans
le ministère 1 04
476 Lettres de saint François de Sales
ANNÉE 1595
XLII — Au Sénateur Favre (Inédite). — Commencement de
la rédaction des Con: reverses IO7
XLIII — Au MÊME (Inédite). — Ingénieuses excuses pour un
silence trop prolongé 1 09
XLIV — Au MÊME (Inédite). — Difficultés qu'offre la rédaction
des Controverses 110
XLV — Au h\Êy\E (Inédite). — Détermination de lutter intrépide-
ment contre l'hérésie. — Avis du P. Chérubin pour assurer le
succès de la mission 112
XLVI — A M. DE BoiSY. — Courage invincible en face des dangers
que présente la mission du Chablais II7
XLVII — A M»"" DE GraNIER. — Difficulté et lenteur des conversions. I 18
XLVIII — Au PÈRE P0SSEVIN. — Témoignages de reconnaissance
et désir d'une prochaine entrevue. — Etat des affaires religieuses
en Chablais. — Nouvelles intimes 1 19
XLIX — Au sénateur Favre. — Eloge d'un ouvrage du
P. Possevin. — Motifs qui retardent la conversion de Pierre
Poncet. — Présents des PP. Possevin et Chérubin. — Encoura-
gements reçus d'un ami au sujet de la mission 1 22
L — Au MÊME. — L'avocat Poncet promet d'abjurer prochainement
le protestantisme 1 2o
LI — Au MÊME. — Arbitrage du Sénateur réclamé par le Chapitre
de Genève et un ecclésiastique qui demande à en faire partie. . 130
LU — Au MÊME, — Visite à Sales. — Remerciements pour l'envoi
de la Centurie première de Sonnets IJ2
LUI — Au MÊME (Inédite). — Emotion causée par le malheur d'un
ami commun; vif désir de défendre sa cause. — Eloge de l'ou-
vrage du Sénateur. — Pénible situation du Saint en Chablais.. 135
LIV — Au Bienheureux CaNISIUS. — "Vénération qu'inspire sa
vertu. — Désir d'entrer en relations avec lui. — Nouvelles de la
mission ; conversion de Pierre Poncet. — Question de controverse. 1 40
Minute de la lettre précédente 145
LV A M'"' RiCCARDI. — Violation des immunités ecclésiasti-
ques ; le Saint sollicite l'intervention du Nonce auprès du duc
de Savoie 1 4°
LVl — Au Chanoine de M0NTH0UX('/«^i//^^. — Recommandation
en faveur de l'abbé de Ronis 1 5 1
LVII — Au sénateur Favre. — Souffrances du saint Apôtre; il
désire s'adjoindre d'autres missionnaires, — Remerciements pour
Table des matières 477
un ouvrage de Sponde ; calomnies des hérétiques contre ce per-
sonnage et contre Pierre Poncet. — Sentiments de foi et de
confiance 153
LVIII — Av MÊ^\E (Inédite). — Troubles qui régnent à Annecy 156
LIX — Au MEME. — Ebranlement qui se produit parmi les hérétiques;
ingénieuse tactique du Saint pour les provoquer à la discussion. 158
LX — Au MÊME (Inédite). — Attente de quelques lettres attar-
dées.— Allusion à la bénédiction apostolique envoyée à Henri IV.
— Suite du travail des Controverses. — Accueil fait par les héré-
tiques à la Centurie première. — L'avocat de Prez adresse des
vers à l'auteur 1 60
LXI — Au MÊME (Inédite). — Prochain envoi d'une partie de son
introduction au Code Fahrien. — Qjuestion de droit 164
■^LXII — Au PÈRE POSSEVIN {Inédite). — Nécessité pour le Saint
d'obtenir la permission de lire les livres hérétiques. — Remar-
ques sur les Institutions de Calvin et sur un ouvrage de Théodore
de Bèze. — Témoignages de respectueuse confiance 166
LXIII — Au Duc DE Savoie. — Exposé des mesures à prendre
pour assurer la conversion du Chablais. — Heureuse influence
de M. d'Avully 1 68
Minute de la lettre précédente 172
ANNÉE 1596
LXIV — Au SÉNATEUR Favre (Inédite). — Rencontre avec Mar-
tinengo. — Visite du Saint à sa famille et au baron de Chevron.
— Bienveillance que manifestent à son égard le duc de Savoie
et le Nonce apostolique. — Désir de recevoir le douzième Livre
des Conjectures. — Encouragement à dédier à l'Evêque la Cen-
turie seconde de Sonnets 1 76
LXV — A M. ChAVENT (Inédite). — Témoignages de reconnaissance
et d'affection. — Eloignement du Saint pour les dignités ecclé-
siastiques 182
LXVl — A M»"" R1CCARDI. — Joie qu'éprouvent les Savoisiens de
la nomination du Nonce. — Récit de l'apostasie du Chablais et
des tentatives faites pour la conversion de cette province. —
Mesures à prendre pour en assurer le succès 183
LXVII — Au Duc DE Savoie. — Nécessité de rendre une des
églises de Thonon au culte catholique. — Ebranlement général
parmi les hérétiques du Chablais 189
LXVIII A M"'' R1CCARDI. — Instances pour obtenir l'intervention
du Nonce auprès du duc de Savoie. — Opposition à redouter
478 Lettres de saint François de Sales
de la part des Chevaliers de Saint-Lazare. — On découvre eil
Chablais quantité de personnes possédées du démon igO
LXIX — Au SÉNATEUR FaVRE (Inédite). — Ardent désir de voir
le duc de Savoie effectuer un voyage projeté en Chablais. —
Envoi d'une lettre pour le P. Chérubin 1 03
LXX — A Ms"" RlCCARDI. — Séjour à Annecy à l'occasion du
synode. — Remerciements pour trois lettres reçues du Nonce.
— Conversions qui s'opèrent en Chablais. — Nécessité d'y en-
voyer un nombre suffisant de prédicateurs, et de nommer aux
cures des prêtres dignes de les occuper me
LXXI — A M. d'AvullY. — Envoi d'un commentaire de saint
Jérôme. — Joie d'apprendre la conversion de M'"^ de Rovorée.
— Attente de l'arrivée du duc à Thonon 198
Extrait du commentaire de saint Jérôme 200
LXXII — A M°'' RlCCARDI (Inédite). — Calomnies répandues à
la cour de Savoie contre M. d'Avully et l'Apôtre du Chablais.
— Abandon dans lequel on laisse ce dernier. — Désir de faire
un voyage à Turin 202
LXXIII — Au MÊME. — Instances pour obtenir le rétablissement
du culte catholique dans quelques paroisses du Chablais 205
LXXIV — Au SÉNATEUR Favre, — Désir de lui voir accepter la
charge de Président du Conseil de Genevois. — Délais apportés
aux affaires du Chablais. — Projet d'un pèlerinage au tombeau
de saint Claude 2o8
LXXV — A UN COUSIN (Inédite). — Témoignages d'affection. —
Annecy est menacé de la peste. — Message pour le P. de Lorini. 210
LXXVI — Au SÉNATEUR Favre (Inédite). — Recommandation
en faveur de M. de Coursinge 211
LXXVII — A M""" RlCCARDI — Réclamations au sujet d'un legs
fait à trois églises de Savoie 2 12
LXXVIII — Au SÉNATEUR Favre [Inédite). — Espoir de solenniser
à Thonon les fêtes de Noël. — Recommandation en faveur des
nouveaux convertis de la paroisse de Mésinge 2 1 7
LXXIX — A M^"" RlCCARDI. — Remerciements pour l'autorisation
d'absoudre des cas réservés. — Conversions opérées en Chablais;
état des esprits dans cette province. — Calomnies répanduescontre
M. d'Avully. — Nomination du nouvel Abbé d'Abondance.... 2IQ
LXXX — Au Duc DE Savoie. — Opposition apportée par les
syndics de Thonon à l'érection d'un autel. — Combien la
protection du duc est nécessaire aux nouveaux Catholiques. —
Conversion d'un ministre protestant 225
LXXXI — A M""" RlCCARDI. — Instances pour obtenir la protec-
tion du Nonce auprès du duc de Savoie 228
Table des matières 479
ANNÉE 1597
LXXXII — A M. BOCHUT (Fragment inédit). — Invitation à venir
desservir la paroisse de Thonon 23O
LXXXIII — Au Duc DE Savoie ^ Inédite). — Erection d'un autel
dans l'église Saint-Hippolyte. — Recommandation en faveur du
ministre Petit. — Combien il importe que les Chevaliers de
Saint-Lazare cèdent les revenus ecclésiastiques qu'ils détiennent
en Chablais 23 I
LXXXIV — Au Conseil des Chevaliers des Saints Maurice
ET Lazare (Inédite). — Instances afin d'obtenir que les revenus
ecclésiastiques dont les Chevaliers jouissent en Chablais soient
affectés au rétablissement du culte catholique 232
LXXXV — A M'"" RiCCARDI (Inédite). — Excuses pour le délai mis
à répondre aux lettres du Nonce. — Proposition d'une confé-
rence publique avec les ministres. — Instante prière de lui obtenir
la collaboration du P. Chérubin, du P. Esprit et de plusieurs
autres missionnaires. — Moyens à prendre pour fournir aux
frais de la mission 235
LXXXVI — Au MÊME. — Lettres reçues du Nonce. — Remer-
ciements pour la protection accordée à trois églises de Savoie. —
Eloge du chevalier Bergera. — Difficultés qui retardent l'éta-
blissement des curés en Chablais. — Pauvreté des paroisses. —
Prétentions injustes des Chevaliers des Saints Maurice et Lazare
relativement à la nomination des curés. — Pension due au pré-
dicateur d'Evian 239
LXXXVII — Au MÊME (Inédite). — Protestations d'obéissance
et de dévouement. — Nouvel exposé des difficultés de la mission.
— Promesse faite par les Religieux d'Ainay. — Prédication du
Saint à Cervens. — Destination du chanoine Roget. — Les
hérétiques prétendent retirer à M. d'Avully la dignité de juge
de leur consistoire 246
LXXXVIII — Au Duc DE Savoie. — Demande de secours pour
des indigents. — Requête en faveur de quelques hameaux des
AUinges. — Menées des protestants contre M. d'Avully . . 25 I
LXXXIX — A M''' RiCCARDI (Inédite). — Installation d'un curé
à Cervens. — Eloge de M. de Blonay 254
XC — Au MÊME (Inédite). — Mesures à prendre pour pourvoir
à la subsistance des curés du Chablais. — Voyage du chanoine
Louis de Sales à Genève. — Désignation des PP. Capucins et
Jésuites dont le concours serait le plus utile à la mission ; frais
que nécessiterait leur entretien 256 ^
480 Lettres de saint François de Sales
XCI — Au Duc de Savoie (Inédite). — Instances pour obtenir
quelques libéralités déjà sollicitées en faveur de nouveaux
Catholiques 263
XCII — A M°'' RiCCARDI. — Difficultés que présente la mission du
Chablais. — Intérêt du Pape pour cette œuvre. — Il est
urgent de réformer quelques abbayes de la contrée 264
XCIII — A S. S. Clément VIII. — Entrevue avec Théodore de
Bèze; endurcissement de ce vieillard. — Tyrannie exercée par les
Genevois sur les Catholiques. — Espoir d'obtenir la liberté de
conscience à Genève moyennant la médiation du roi de France. 268
Minute de la lettre précédente 273
XCIV — A MS"" RiCCARDI. — Heureux résultats que promet la
conférence projetée avec les hérétiques. — Lettre du Saint au
Pape. — Pression qu'exercent les Genevois sur les Catholiques
de Gex et de Gaillard. — Etat des affaires du Chablais 275
XCV — Au Duc DE Savoie (Inédite). — Le curé de Saint-Julien
est contraint de se retirer. — Requête des habitants de Bernex. —
Incident survenu entre le P. Esprit et le ministre protestant. —
Combien il est désirable que le duc signifie aux Thononais le
désir qu'il a de leur conversion 279
XCVI — A M°'' RiCCARDI. — Mêmes sujets. — Installation d'un
curé à Brens 2o2
XCVII — Au MÊME. — Maladie de l'Evêque de Genève. — Obliga-
tions de l'Abbé d'Abondance envers le prédicateur d'Evian. — In-
digence des Religieuses de Sainte-Claire. — Poursuites à faire pour
obtenir la conférence avec les ministres. — Le Saint sollicite l'au-
torisation de concourir pour la cure du Petit-Bornand. — La permis-
sion de lire les livres hérétiques est nécessaire aux missionnaires. 29 1
XCVill — Au MEME. — Affaires du Chablais : démêlés avec les
Chevaliers des Saints Maurice et Lazare ; encore la conférence
de Genève ^OI
XCIX — Au Duc DE Savoie. — Témoignages de reconnaissance. 306
C — A UN GENTILHOMME (Inédite). — Même sujet 307
CI — A M""" RiCCARDI. — Assemblée faite à Annemasse pour
traiter des intérêts de la religion en Chablais. — Le P. Chérubin
député auprès du duc. — Succès prodigieux des Quarante-
Heures d'Annemasse 308
ANNÉE 1598
Cil — A M. Marin (Inédite). — Prochain retour du P. Chérubin à
Thonon. — Promesse du président Favre 312
Table des matières 481
cm — A M"'"" RiCCARDI (Inédite). — Le voyage du Saint à Rome
retardé par une maladie grave. — Envoi de trois lettres du duc.
— Bonnes dispositions des habitants du Chablais. — Interven-
tion en faveur de deux religieux qui ont encouru des censures
ecclésiastiques '^^'^
CIV — Au Duc DE Savoie. — Instantes prières pour que les
Chevaliers des Saints Maurice et Lazare soient contraints à payer
les pensions dues aux curés du Chablais. — Députation des villa-
geois de cette province pour obtenir du duc la restauration de
leurs églises. — Maladie du Saint 3^9
CV — A M. DE PiNGON. — Requête présentée au duc de Savoie
pour obtenir que l'usage de la cloche de l'église Saint Hippolyte
soit interdit aux hérétiques. .' 3- '
CVI — A M'"" RiCCARDI. — Projet de célébrer les Quarante-
Heures à Thonon, et de les faire suivre de disputes publiques
sur les matières controversées. — Une conférence de ce genre
vient d'avoir lieu entre le P. Chérubin et le professeur Lignarius. 322
CVII — Au Duc DE Savoie (Inédite). — Rumeurs inquiétantes
qui circulent en Chablais ; alarmes des Catholiques 326
CVUl — A IV1='' RiCCARDI. — Affaire de la cure du Petit-Bornand.
Peste à Anuecy. — Mauvais vouloir des Chevaliers. — Ebran-
lement produit par l'annonce des Quarante-Heures à Thonon.
— Faveurs spirituelles qui sont à désirer pour cette occasion. —
Zèle du duc de Savoie mal secondé par ses officiers 328
CIX — Au MÊME. — Voyage du président Favre à Turin et à Fer-
lare. Nouvelles poursuites au sujet de la cession des cures
du Chablais. — Mesures à prendre pour assurer le triomphe du
catholicisme sur l'hérésie 334
ex Au MÊME. — Espérance d'obtenir, moyennant la médiation
du roi de France, le libre exercice du culte catholique à Genève. 339
CXI — A M. DE Chevron VillhTTE (Inédite). — Témoignages de
respect et de reconnaissance. — Annonce de sa visite 34 1
CXII — A M. Marin. — Préparatifs à faire en vue des Quarante-
Heures qui doivent se célébrer à Thonon. — Indications pour
le logement de l'Evéque.— Audience du duc de Savoie.— Desti-
nation de deux ecclésiastiques 34^
CXIII Au Prévôt WerrO. — Les exercices des Quarante-Heures
à Thonon sont fixés aux 23 et 24 août 345
CXIV A DON Juan de MenDOÇA. — Supplications collectives
des missionnaires du Chablais pour obtenir que les troupes
espagnoles ne traversent pas cette province 347
(2)(Y /^u Prévôt WerkO. — Remerciements.— Retard des Qua-
rante-Heures projetées à Thonon 351
Lettres I ■''
483 Lettres de saint François de Sales
CXVI — A M. de Chevron Villette (Inêd'te). — Prière de se
rendre en Chablais pour protéger les habitants si les troupes
espagnoles traversent la province. — Recommander au duc les
intérêts de la mission et l'engager à assister aux Quarante-Heures
de Thonon 353
CXVII — A M. SaRASIN. — Invitation à exposer par écrit la mis-
sion dont il est chargé 3C5
CXVIII — A M'"" RiCCARDI. — Recours à la protection du Nonce.
— Pouvoirs spéciaux nécessaires aux missionnaires. — Mesures
à prendre contre les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare. —
Admirables résultats des Quarante-Heures de Thonon. — Zèle des
Evêques de Genève et de Saint-Paul-Trois-Chàteaux. — Alarmes
au sujet de Genève ^56
MINUTES ÉCRITES PAR SAINT FRANÇOIS DE SALES
POUR MONSEIGNEUR DE GRANIER
CXIX — A S. S. Clément VIIL — Fruits merveilleux produits par
les Quarante-Heures de Thonon.— Prière d'intervenir auprès du
roi de France et du duc de Savoie pour que Genève ne soit pas
comprise dans le traité de Vervins 263
CXX — Au même. — Raisons qui ont contraint le Prévôt de diffé-
rer le voyage de Rome. — Envoi des documents qui doivent
être présentés à Sa Sainteté 367
APPENDICE
LETTRES ADRESSÉES A SAINT FRANÇOIS DE SALES
PAR QUELQUES CORRESPONDANTS
A LETTRES D'ANTOINE FAVRE
1 371
II 373
III 376
IV 377
V 379
VI 382
Vil 383
VIII 384
Table des matières 483
IX 385
X 387
XI 389
XII 391
XIll 393
XIV 394
XV 306
XVI 397
XVII 398
XVIII 401
XIX 404
XX ^06
XXI 407
XXII 410
XXIII 4,,
XXIV 4,3
XXV 4,4
XXVI 415
XXVIi 417
XXVIII 4,8
XXIX 419
XXX 42 1
XXXI 422
XXXII 424
XXXIII 426
XXXIV 427
B LETTRES DE M'^'' JULES-CESAR RICCARDI
ARCHF.VÈQL-E DE BARI, KO.VCE APOSTOLIQUE A TURIN
I 429
H 430
m 430
IV 43'
V 432
VI 434
VII 435
VIII 436
IX 437
X 438
XI 439
XII 440
XIII 441
! 8501 i
484 Lettres de saint François de Sales
XIV 443
XV 444
XVI 445
C LETTRES DE CHARLES-EMMANUEL 1^'', DUC DE SAVOIE
ï 447
II — Lettres patentes de nomination de saint François de Sales
à la coadjutorerie de l'évêché de Genève 448
III 449
IV 449
V 450
VI 451
VU 451
D BREFS DE SA SAINTETÉ CLÉMENT VUI
!••• 453
» 453
Table de correspondance de cette nouvelle Edition avec les
précédentes, et indication de la provenance des Manuscrits 455
Index des principales Notes historiques et biographiques .... 463
Glossaire des locutions et des mots surannés 469
Errata 472
Annecy, imprimé par J. Niérat, 1900.-5862
BX 1750 ,n 1892 v.ll SMC
Francis,
Oeuvres de saint François de
Sale$, eveque de Genève et d
Edition complète d'après les
autographes et les éditions
oriainalRfî p.nrinhip dp nnmhr