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Full text of "Oeuvres de saint François de Sales, évêque de Genève et docteur de l'Église"

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ŒUVRES 


DE 


^rSAINT  FRANÇOIS  DE  SALES 


HVÈaL'E    ET   PRINCE   DE   GENE\  F 


DOCTEUR       DE       l'ÊGLISE 


ÈDinON    COMPLÈTE 

d'après    les   ALTOOSAPHES    et    les    ÉDITIOSS   ORIÔîNALtS 
EN'RICBIE    »E    XOMBRtrSES    PIÈCES    nîÈDITES 

DEDIEE  A  N.  S.  P.  LE  PAPE  LEON  XÎII 

ET    HONOREE    ULS     BREF     DE    SA    SAINTETE 

PUBLIÉE    SUR    l'invitation    DE    M"    ISOARD,    ÉVÊQUÈ    d'aNNECY, 

PAR    LES   SOINS   DES    RELIGIEUSES  DE    LA   VISITATION 

r^V    1*^    MONASTÈRE    d'aNNECY 


T031E  XI 

LETTRES    —    I"    VOLUME 


AXXECY 
IMPRIMERIE     J.     NIÉRAT 

RLE    DE    LA    REPUBLIQUE 
M  C  M 


I 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/oeuvresdesaintfr11fran 


ŒUVRES 


DE 


SAINT    FRANÇOIS    DE    SALES 


EVEQUE   ET    PRINCE   DE   GENEVE 


DOCTEUR      DE      L'ÉGLISE 


TOME  ONZIEME 


LETTRES 


!"■     VOLUME 


585  -  1598 


Propriété 


Genève     —  Librairie  TREMBLEY  Frère  et  S>iur,   rue  Corraterie,    4 
Dépositaire  principal 

Annecy     —  ABRY,  Libraire,  rue  de  l'Evêché,   3 

Paris      —  Victor  LECOFFRE,   rue  Bonaparte,   90 

Lyon       —  Emmanuel  VITTE,   Place  Bellecour,  3 
Bruxelles   —  SOCIÉTÉ  BELGE  DE  LIBRAIRIE,  rue  Treurenberg,    16 
Marseille  —  LIBRAIRIE  SALÉSIENNE,  rue  des  Princes,  78 


ŒUVRES 


DE 

SAINT  FRANÇOIS  DE  SALES 

EVÈaUE   ET   PRINCE   DE   GENÈVE 

ET 

DOCTEUR       DE       l'ÉGLISE 


ÉDITION    COMPLÈTE 

d'après  les  autographes  et  les  éditions  originales 
enrichie   de  nombreuses  pièces   inedites 

DÉDIÉE  A  N.  S.  P.  LE  PAPE  LÉON  XIII 

ET    HONORÉE    D'UN    BREF    DE    SA     SAINTETÉ 

PUBLIÉE    SUR    l'invitation    DE    M^"*    ISOARD,    ÉVÊQUE    d'aNNEGY, 

PAR   LES   SOINS   DES   RELIGIEUSES   DE   LA   VISITATION 

DU    I^"*    MONASTÈRE    d'aNNECY 


TOME  XI 
LETTRES    —    l'^^    VOLUME 


ANNECY 

IMPRIMERIE     J.     NIÉRAT 

RUE    DE    LA    RÉPUBLIdUE 
M  G  M 

Droits  de  traduction  et  de  reproduction  réservés 


AVANT-PROPOS 


Les  Lettres  de  saint  François  de  Sales  peuvent  se 
passer  de  préface  ;  elles  s'expliquent  d'elles-mêmes,  et 
expliquent  admirablement  toutes  les  grandes  œuvres 
qu'il  plut  à  Dieu  d'opérer  par  son  Serviteur  et  l'influence 
considérable  qu'il  lui  donna  d'exercer  sur  ses  contem- 
porains. Après  avoir  fait  la  part  des  réticences  de  son 
humilité ,  on  peut  affirmer  que  la  correspondance  de 
saint  François  de  Sales  est  l'histoire  de  sa  vie  la  plus 
complète  qui  existe  et  la  plus  fidèle.  C'est  là,  et  là  seu- 
lement, qu'il  se  dévoile  tout  entier  ;  à  son  insu,  il  permet 
de  contempler  à  l'aise,  d'étudier  sous  tous  ses  aspects 
cette  personnalité  qui  captive  si  puissamment. 

Ailleurs,  il  se  montre  moins  qu'il  ne  se  laisse  aperce- 
voir ;  ses  divers  ouvrages  révèlent  son  caractère  par  quel- 
que côté,  permettent  d'entrevoir  un  trait  spécial  de  sa 
physionomie  morale  et  intellectuelle,  mais  non  pas  de  la 
saisir  par  un  coup-d'œil  d'ensemble.  On  y  verra  tour  à 
tour  apparaître  le  polémiste,  le  théologien  dogmatique, 
le  moraliste,  l'ascète,  le  prédicateur  ;  dans  ses  lettres,  il 
est  en  même  temps  tout  cela,  il  est  plus  que  cela.  C'est 
encore  et  toujours  le  Saint  et  le  Docteur  de  l'Eglise,  mais 
c'est  aussi  l'homme,  et  l'homme  doué  de  la  nature  la  plus 
exquise  qu'on  puisse  imaginer.  La  tendresse  de  l'amitié 
et  de  la  piété  filiale,  l'ardeur  du  patriotisme,  le  dévoue- 
ment au  prince,  l'attachement  à  l'Eglise,  le  culte  de  la 
Papauté,  le  zèle  des  âmes  et  un  immense  amour  de  Dieu  : 
tous  les  sentiments  les  plus  nobles,  les  plus  purs,  les  plus 
élevés  jaillissent  de  son  cœur  et  coulent  à  flots  dans  ses 


VI  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

lettres.  Et  ce  n'est  pas  seulement  à  une  époque  déter- 
minée qu'il  se  dévoile  et  se  montre  à  découvert  ;  on  le 
rencontre,  on  le  suit  à  toutes  les  périodes  de  son  exis- 
tence. On  peut  constater  le  progrès,  les  transformations 
successives  que  la  grâce  de  Dieu  d'abord ,  puis  l'expé- 
rience, son  travail  personnel  et  celui  des  années  opérèrent 
en  lui.  Nous  le  voyons  développer  toutes  ses  qualités 
naturelles,  et  supprimer  dans  son  style  sinon  des  défauts 
qui  lui  soient  propres,  du  moins  le  tribut  payé  dans  sa 
jeunesse  aux  défauts  du  siècle. 

Dans  cette  correspondance  l'Auteur  ne  revit  pas  seul  ; 
il  anime,  il  ressuscite  pour  ainsi  dire  toute  son  époque  : 
les  personnages  et  les  choses  du  temps,  les  grands  évé- 
nements et  les  grands  caractères  qui  l'ont  illustré,  les 
désastres  qui  l'ont  assombri  et  les  humbles  vertus  qui 
l'ont  honoré  reparaissent  sous  sa  plume,  contés  ou  jugés 
avec  un  charme  infini,  mais  aussi  avec  une  inépuisable 
indulgence.  Tout  est  vu  par  le  meilleur  côté;  les  inten- 
tions semblent  épurées,  et  les  hommes,  grandis  dès  qu'ils 
sont  en  contact  avec  cet  aimable  Saint. 

Cette  réputation  de  bonté  et  de  bienveillance  univer- 
selle ne  contribua  pas  peu  à  élargir  le  cercle  de  ses  rela- 
tions, que  sa  situation  et  ses  divers  mérites  eussent  suffi 
à  créer  très  étendu.  Les  rois  et  les  princes  se  faisaient 
gloire  d'avoir  part  à  l'amitié  de  l'Evêque  de  Genève  : 
tels  Henri  IV  en  France  et  Charles-Emmanuel  I"  en 
Savoie  ;  les  membres  les  plus  marquants  de  l'épiscopat 
le  consultaient  ;  les  Papes  eux-mêmes  recouraient  à  ses 
lumières.  Et,  après  avoir  satisfait  avec  une  aisance  par- 
faite tous  ces  illustres  correspondants,  il  reprenait  la 
plume  pour  consoler  quelque  douleur  obscure  ou  diriger 
dans  les  voies  de  la  perfection  d'humbles  religieuses,  des 
chrétiennes  ignorées.  Notre  Saint  traite  tous  les  sujets 
avec  une  attention  égale,  toutes  les  âmes  a\'ec  un  égal 
respect  ;  il  descend  à  tous  les  détails,  adapte  ses  conseils 
à  toutes  les  conditions,  harmonise  ses  encouragements 
ou  ses  leçons  avec  tous  les  genres  de  caractères.  Il  sait 
trouver  la  note  juste,  le  mot  qui  éclaire  et  qui  fortifie  lors- 
qu'il écrit  aux  gens  de  petite  et  de  moj^enne  condition 


Avant-Propos  vu 

tout  aussi  facilement  que  s'il  s'adresse  au  gentilhomme 
ou  à  la  dame  du  grand  monde.  Toujours  semblable  à  lui- 
même,  il  domine  de  bien  haut  par  l'intelligence  et  par  le 
cœur  la  plupart  de  ses  correspondants,  et,  loin  de  les 
intimider  par  cette  supériorité  incontestable,  il  a  le  rare 
talent  de  la  leur  faire  oublier  à  force  de  grâce,  d'indul- 
gence et  de  bonté. 

Mais  c'est  trop  dire,  puisque  nous  nous  sommes  pro- 
mis d'épargner  au  lecteur  l'ennui  de  lire  une  préface, 
pour  lui  laisser  le  plaisir  de  passer  plus  tôt  à  la  corres- 
pondance du  saint  Evèque.  Ajoutons  néanmoins  qu'une 
Etude  historique  et  critique  sur  cette  correspondance  est 
l'un  des  sujets  les  plus  attrayants  qui  puisse  tenter  la 
plume  d'un  homme  de  talent  et  de  loisir.  Que  si  personne 
jusqu'ici  n'a  succombé  à  la  tentation  de  l'entreprendre, 
c'est  qu'on  manquait  de  l'élément  indispensable  à  un  pa- 
reil travail,  à  savoir  une  édition  authentique  et  complète 
des  Lettres  de  saint  François  de  Sales. 

Le  public  la  réclamait  depuis  longtemps,  et  lui  pro- 
mettait un  accueil  empressé.  De  toutes  les  Œuvres  de 
notre  Saint,  il  sentait  que  sa  Correspondance  était  celle 
qui  avait  été  publiée  de  la  manière  la  moins  conscien- 
cieuse, et  celle  pourtant  qui  offrait  l'intérêt  le  plus  uni- 
versel. Parmi  ses  autres  écrits,  plusieurs  en  effet  ne 
peuvent  avoir  d'attrait  que  pour  une  classe  spéciale  de 
lecteurs.  Qu'ont  affaire  communément  les  simples  fidèles 
des  traités  de  controverse  ?  Et  les  hommes  du  monde  se 
soucieront-ils  beaucoup  des  quatre  volumes  de  Sermons? 
Mais  les  lettres  possèdent  un  charme  que  tous  peuvent 
apprécier.  Pas  n'est  besoin  pour  les  goûter  et  les  com- 
prendre d'être  théologien  ou  littérateur  de  profession.  Il 
suffit  d'une  intelligence,  d'un  cœur  ouvert  à  toutes  les 
impressions  du  vrai,  du  simple,  du  limpide,  en  un  mot, 
à  tout  ce  qui  est  bienfaisant  et  beau,  et,  quelque  mal  que 
l'on  se  plaise  à  dire  de  notre  siècle,  les  gens  de  cette 
trempe  n'y  sont  pas  clair-semés. 

Seulement,  avant  d'entreprendre  la  lecture  de  ce  vo- 
lume et  des  cinq  ou  six  qui  doivent  suivre,  chacun  est  en 
droit  de  nous  poser  deux  questions  :  quels  défauts  peut-on 


vin  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

reprocher  aux  précédentes  éditions  des  Lettres  de  saint 
François  de  Sales,  et  de  quelles  ressources  allez-vous 
disposer  pour  avoir  la  prétention  de  faire  mieux  ?  A  la 
première  de  ces  questions  nous  répondrons  par  un  coup- 
d'œil  rapide  sur  les  collections  les  plus  remarquables  des 
Lettres  :  l'édition  princeps  de  1626,  celle  de  Hérissant 
au  xviii''  siècle  et,  en  celui-ci,  celles  de  Biaise,  de  Vives 
et  de  Migne.  Un  exposé  des  nombreuses  découvertes 
d  Autographes  et  de  documents  authentiques  faites  en 
ces  dernières  années,  avec  un  compte-rendu  sommaire 
des  méthodes  adoptées  et  de  la  marche  suivie  pour  la  nou- 
velle Edition,  sera  notre  réponse  à  la  seconde  question. 


A  Dieu  ne  plaise  que  nous  imitions  certains  éditeurs 
qui,  pour  se  faire  valoir,  ont  la  manie  de  dénigrer  sans 
merci  tous  leurs  devanciers  !  Ce  serait  mal  comprendre 
l'esprit  du  Saint  dont  nous  reproduisons  les  Œuvres.  Du 
reste,  quel  est  l'éditeur  qui  n'ait  besoin  d'indulgence? 

Puis,  la  valeur  d'une  publication  de  ce  genre  peut 
rarement  être  appréciée  d'une  manière  absolue  ;  il  faut 
tenir  compte,  pour  en  juger  équitablement,  de  l'époque 
et  des  circonstances  dans  lesquelles  elle  a  paru,  du  but 
spécial  que  l'on  s'est  proposé,  des  méthodes  qui  avaient 
cours  en  ce  temps-là.  C'est  en  nous  entourant  de  toutes 
ces  réserves  que  nous  dirons  succinctement  comment  fut 
publiée  l'édition  princeps. 

Bien  que  le  chanoine  Louis  de  Sales,  cousin  germain 
du  Saint  et  son  collaborateur  dans  la  mission  du  Cha- 
blais,  soit  éditeur  en  titre,  c'est  par  les  soins  et  sous  la 
haute  direction  de  sainte  Jeanne-Françoise  de  Chantai 
que  parut  ce  recueil.  Il  est  juste  d'ajouter  qu'il  avait  été 
préparé  de  longue  main.  Les  lettres  sorties  de  la  plume 
du  saint  Evoque  étaient  communément  reçues  et  conser- 
vées comme  des  reliques.  Aussi   n'eut-on  qu'un  mot   à 


Avant-Propos  ix 

dire,  et  ces  feuilles  qui  un  jour  ou  l'autre  s'étaient  pour 
la  plupart  envolées  d'Annecy,  s'y  donnèrent  rendez-vous. 
Originaux  ou  copies,  il  en  revint  de  Paris  et  de  Lyon,  de 
la  Bourgogne  et  du  Dauphiné,  de  la  Franche-Comté  et 
de  l'Auvergne  ;  il  en  revint  des  Flandres  et  de  Rome.  On 
n'eut  que  l'embarras  du  choix,  car  par  malheur,  on  voulait 
choisir.  D'une  édition  complète  personne  ne  s'avisait,  et 
les  plus  larges  prétentions  n'allaient  qu'à  donner  au 
public  ce  qui  alors  se  nommait  Epistres  spirituelles.  Le 
titre  explique  le  livre. 

Six  mois  après  la  mort  du  Saint  un  nombre  assez 
considérable  d'Autographes  avaient  déjà  été  rassemblés, 
ainsi  que  le  donne  à  entendre  sainte  Jeanne-Françoise 
de  Chantai  (0.  La  collection  continua  à  s'enrichir  et  c'est 
avec  un  air  de  triomphe  que  la  Sainte  écrit  le  7  avril 
1624  (  =  )  :  «  Nous  avons  trouvé  encore  quantité  de  belles 
lettres  qui  font  fort  connaître  l'esprit  de  notre  Bienheu- 
reux Père.  »  Faire  connaître  de  plus  en  plus  et  propager 
cet  esprit  était  bien  le  but  que  se  proposaient  surtout  les 
éditeurs  ;  nulle  part  il  ne  se  révélait  mieux  que  dans  les 
nombreuses  pages  adressées  à  la  Fondatrice  de  la  Visi- 
tation. Ces  pages  devaient  donc  constituer  le  fonds  le 
plus  riche  de  la  collection  ;  mais  avant  d'y  figurer,  que 
de  retranchements  n'eurent-elles  pas  à  subir  !  Et  combien 
de  regrettables  et  vigoureux  traits  de  plume  furent  tirés 
à  travers  les  Autographes  par  la  main  virile  de  la  Sainte, 
pour  indiquer  les  passages  à  omettre  ! 

Le  chanoine  de  Sales  faisait  également,  de  son  côté, 
œuvre  d'élimination.  Les  lettres  d'affaires,  si  ce  n'est 
qu'elles  s'adressassent  à  des  personnages  de  marque,  les 
lettres  de  famille  ou  d'amitié  furent  généralement  écar- 
tées. Restaient  les  lettres  de  direction.  Quelque  intimes, 
quelque  spirituelles  qu'on  les  suppose,  ces  sortes  de  cor- 
respondances ne  sont  pas  condamnées  inexorablement  à 
rouler  sur  un  même  sujet.  Le  directeur  doit  être  père  et, 
comme  tel,    s'intéresser   à  tout  ce   qui    concerne  l'âme 

(i)  Sainte  Jeanne-Françoise  Frémyot  de   Chantai,    sa    Vie  et   ses    Œuvres 
(Paris,  Pion,  1877),  tome  V,  Lettre  cdlx. 
(2)  Lettre  dxli. 


X  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

ouverte  devant  lui.  De  là,  dans  les  lettres  de  saint  François 
de  Sales,  qui  se  montra  plus  père  que  nul  autre,  bien 
des  détails  jugés  banals  ou  trop  caractéristiques  :  on  les 
supprima.  Ce  qui  survécut  à  ces  suppressions  était  souvent 
d'une  si  minime  étendue  que  Ton  ne  pouvait  convena- 
blement le  présenter  comme  une  lettre.  Que  faire  alors  ? 
Le  bon  chanoine  ne  fut  pas  embarrassé.  Sans  scrupule, 
sans  gène  aucune,  il  entreprend  de  réunir,  de  coordonner 
ces  fragments  d'après  l'analogie  des  sujets,  de  manière 
à  en  composer  des  lettres  d'une  raisonnable  longueur. 
Nul  souci,  bien  entendu,  de  la  diversité  des  destinatai- 
res, des  différentes  époques  auxquelles  remontaient  les 
extraits  ainsi  fusionnés.  Quelquefois,  à  la  fin  de  ces  mo- 
saïques, on  accolait  la  date  de  l'un  des  fragments  dont 
elles  étaient  composées,  on  leur  attribuait  une  adresse  des 
plus  vagues  :  A  une  Dame  mariée;  à  un  Gentilhomme; 
à  une  Religieuse  ;  pxxis,  tout  était  dit.  Les  inconvénients 
d'une  semblable  méthode  sont  faciles  à  imaginer  ;  mais  à 
cette  époque,  où  l'on  se  préoccupait  beaucoup  moins  de 
l'authenticité  et  de  l'intégrité  des  textes  que  de  l'édification 
du  lecteur,  le  système  était  considéré  comme  excellent. 

Hâtons-nous  d'ajouter  toutefois,  pour  être  équitables, 
que  toutes  les  pièces  ne  passaient  point  par  ce  laboratoire. 
Celles  qui  composent  le  Livre  premier  de  l'édition  prin- 
ceps  nous  semblent  être  publiées  assez  intégralement,  et 
si  la  plupart  de  celles  que  fournit  sainte  Jeanne-Françoise 
de  Chantai  ont  subi  bien  des  suppressions,  elles  n'accu- 
sent pas  du  moins  des  interpolations  notables. 

Le  travail  de  préparation  marcha  rapidement  ;  en  au- 
tomne 1624,  il  s'agissait  déjà  de  choisir  l'imprimeur.  Le 
bénéfice  considérable  que  Rigaud  avait  réalisé  dans  l'im- 
pression de  Ylntroduction  à  la  Vie  dévote,  excitait  à 
Lyon  les  prétentions  de  tous  les  gens  du  métier  ;  c'était 
à  qui  d'entre  eux  ferait  des  offres  de  service.  La  Sainte 
aurait  voulu  favoriser  «  le  sieur  Charvet,  »  un  pauvre 
savoisien  établi  dans  la  grande  ville;  car  à  son  avis,  le 
livre  des  Epîtres  était  «  capable  de  rendre  un  homme 
riche  (•).  »  Néanmoins,  à  tout  intérêt  particulier,  et  même 

(  I  )  Lettre  ulxxxvi. 


Avant-Propos  xi 

à  tout  acte  de  charité,  elle  préféra,  comme  il  se  devait,  la 
perfection  de  l'œuvre  :  «  Considérez  bien,  »  écrit-elle  à  la 
Mère  Marie-Aimée  de  Blonay  (0,  «  si  c'est  chose  qu'il 
puisse  bien  faire,  et  s'il  aura  des  bons  caractères  pour 
cela,  et  moyen  d'imprimer  tout  ce  qui  sera  de  notre  Insti- 
tut ;  car  j'entends  que  celui  qui  imprimera  les  Epîtres 
imprime  tout  le  reste  pour  rien.  »  Ce  n'était  pas  se  montrer 
trop  exigeante.  Mais,  si  faciles  que  fussent  les  conditions, 
le  pauvre  homme  ne  dut  pas  être  en  mesure  de  les  rem- 
plir, puisque  l'impression  fut  confiée  à  un  autre. 

Pendant  que  se  discutait  le  côté  matériel,  les  manus- 
crits de  l'ouvrage  étaient  soumis  à  la  révision  des  Pères 
Jésuites  de  Chambéry.  Faute  de  loisir,  ils  firent  traî- 
ner l'affaire  en  longueur.  Enfin,  au  mois  de  mai  1625, 
M.  Michel  Favre,  qui  avait  été  longtemps  le  confesseur  du 
Saint,  et  qui  était  encore  celui  de  la  Communauté  d'An- 
necy, se  rendit  à  Lyon  pour  surveiller  l'impression  (*). 
Néanmoins  sainte  Jeanne-Françoise  de  Chantai  ne  se 
reposait  pas  complètement  sur  sa  vigilance.  Le  7  juin, 
elle  mandait  à  la  Mère  de  Blonay  (?>  :  «  Vous  ferez  bien 
de  retrancher  les  lettres  de  compliments,  s'il  y  en  a  trop  ; 
car  il  en  faut  laisser  quelque  peu,  à  ce  que  l'on  dit,  afin 
que  l'on  voie  le  bel  esprit  de  ce  Saint  en  tout.  Je  voudrais 
encore  que  vous  prissiez  garde  s'il  y  en  a  d'autres  où  il 
n'y  ait  rien  de  remarquable,  que  l'on  les  retranchât.  Il 
me  semble  que  parmi  les  dernières  que  j'ai  reçues,  il  s'en 
pourrait  ôter  quelques-unes.  On  les  a  laissées  à  cause 
de  quelques  points  de  l'Institut  :  elles  sont  au  livre  de 
l'Institut;  voyez-le,  et  accommodez.  C'a  toujours  été  mon 
sentiment  que  l'on  mît  le  Livre  des  Lettres  des  Papes  le 
premier  ;  c'est  un  ornement  au  livre  que  [ce]  beau  ren- 
contre-là. »  Ainsi  fut-il  fait. 

La  sainte  Fondatrice  ne  perdait  pas  de  vue  l'impression 
de  ce  recueil  qui  lui  tenait  si  fort  au  cœur  ;  les  feuilles 
(non  pas  les  épreuves)  lui  en  étaient  envoyées   au  fur 

(  I  )  Lettre  dlxxxvi. 

(2)  Le  chanoine  Louis  de  Sales  semble  ne  s'en  être  aucunement  occupé,  car 
il  n'est  plus  du  tout  question  de  lui.  Peut-être  était-il  atteint  déjà  de  la  maladie 
qui  l'enleva  le  i6  octobre  de  cette  année  1625. 

(  3)  Lettre  dcxxxi. 


XII  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

et  à  mesure  du  tirage,  lui  apportant  souvent  beaucoup 
de  joie,  parfois  une  déception,  comme  il  advint  entre 
autres  le  25  juin,  oii  elle  mande  à  la  Mère  de  Blonay  (  O  : 
«  J'ai  grande  peine  à  me  résoudre  à  la  mortification  que 
j'ai  de  ce  que  l'imprimeur  n'a  pas  mis  au  titre  des  Epîtres 
que  notre  Bienheureux  Père  était  notre  Fondateur  et 
Instituteur...  Je  ne  le  puis  souffrir,  et  vous  prie  qu'il 
refasse  cette  feuille.  »  Cet  ordre  fut  exécuté,  comme  on 
le  verra  par  la  teneur  du  titre  donné  ci-après.  Mais  la 
Sainte  crut  avoir  d'autres  fois  des  protestations  plus  sé- 
rieuses à  élever  ;  c'est  ainsi  qu'elle  écrit  encore  à  la  31ère 
de  Blonay  (=  )  :  «  Oh  !  mon  Dieu,  ma  très  chère  fille,  jamais 
je  ne  me  fierai  à  personne  pour  ce  qui  regarde  les  écrits  de 
notre  Bienheureux  Père.  Certes,  je  les  verrai  moi-même  ; 
car  voyez-vous,  je  ressens  fort  de  ce  que  l'on  a  trop  laissé 
dans  les  Epîtres  des  paroles  d'affection.  Le  monde  n'est 
pas  capable  de  l'incomparable  pureté  de  la  dilection  de 
ce  Saint...  Mandez-moi  si  en  les  corrigeant  j'en  retran- 
cherai ;  mais  sachez  cela  de  quelqu'un  capable.  » 

Des  personnes  très  compétentes  furent  en  effet  consul- 
tées, et  assurèrent  qu'un  tel  retranchement  eût  été  déplo- 
rable. C'est  encore  la  Sainte  qui  nous  l'apprend  dans  l'une 
de  ses  lettres  (3)  :  «  J'en  parlai  à  M.  le  Président  de  cette 
ville  (4),  qui  est  homme  de  très  bon  jugement.  Il  me  dit 
que  si  on  retranchait  les  paroles  affectives,  l'on  en  ôterait 
l'esprit  de  notre  Bienheureux  Père...  M*^' de  Genève  dit 
le  même,  et  disait  que  s'il  n'y  avait  point  de  paroles  de 
compliments  et  recommandations  elles  ne  ressemble- 
raient pas  à  des  Epîtres.  » 

L'ouvrage,  grand  in-4''  de  1012  pages,  non  compris  les 
pièces  préliminaires  et  les  approbations,  contient  519  Let- 
tres, Il  fut  «  achevé  d'imprimer  le  10'""  jour  de  novem- 
bre 1625,  »  et  parut  sous  ce  titre  : 

Les  Epistres  du  Bien-Heureux  Messire  François  de  Sales,  Evesque  et 
Prince  de   Genève,  Instituteur  de  l'Ordre  de  la   Visitation  de  saincte 

{  I  )  Lettre  dcxxxiv. 
(  2  )  Lettre  Dcr.xxxvi. 

(3)  Lettre  dccxiii. 

(4)  René  Favre  de  la  Valbonne,  tlls  de  l'illustre  président  Antoine,  l'ami 
intime  de  notre  Saint. 


Avant-Propos  xiii 

Marie.  Divisées  en  sept  Livres...  (0  Recueillies  par  Messire  Louys  de 
Sales,  Prévost  de  l'Esglise  de  Genève.  A  Lyon,  par  Vincent  de  Cœur- 
silly.  Et  se  vendent  a  Paris,  chez  Sebastien  Huré,  rue  S.  Jacques,  au 
Cœur-bon.  m.dc.xxvi.  Avec  Privilège  du  Roy. 

Deux  courtes  épîtres  dédicatoires,  placées  par  l'éditeur 
au  commencement  du  volume,  sont  adressées,  Tune  :  «  A 
Monseigneur  Messire  Jean  François  de  Sales,  Evesque  et 
Prince  de  Genève,  »  et  l'autre,  «  Aux  dévotes  Religieuses 
de  la  Visitation  de  Saincte  Marie  (2).  » 

Le  public  accueillit  avec  faveur  ce  volume,  tout  en  le 
trouvant  ((  d'un  prix  excessif,  »  (il  coûtait  cinq  livres) 
ce  qui  pourtant  ne  nuisit  pas  à  l'écoulement,  car  en 
février  1626,  on  s'occupait  déjà  d'une  seconde  édition. 
C'était  un  peu  prématuré  ;  ainsi  le  jugeait  sainte  Jeanne- 
Françoise  de  Chantai,  qui  voulait  avoir  le  loisir  d'amé- 
liorer le  premier  travail.  Il  lui  fallut  plus  d'une  année, 
et  le  25  juin  1627,  elle  écrit  encore  à  la  Supérieure  de  la 
Visitation  de  Lyon  (3)  :  «  Voilà  les  Epîtres  rangées 
comme  il  faut.  Je  vous  prie  que  l'on  n'y  touche  point  du 
tout,  et  que  M.  Cœursilly  ait  soin  que  l'on  ne  gâte  point 
l'ordre,  et  qu'elles  soient  imprimées  correctement,  avec 
les  observances  que  M.  Michel  marquera.  » 

La  seconde  édition  parut  en  1628,  augmentée  de  douze 
lettres;  à  la  simple  traduction  des  lettres  latines  et  ita- 
liennes, qui  forment  presque  en  totalité  le  premier  Livre, 
on  joignit  le  texte  original.  De  plus,  une  Table  des  ma- 
tières contenant  le  sommaire  de  chaque  lettre,  et  une 
Table  analytique  des  sujets  qui  y  sont  traités,  ajoutent 
considérablement  à  l'intérêt  de  l'ouvrage  et  en  facilitent 
l'usage.  Cette  seconde  édition  fut  réimprimée  en  1629  ; 
rien  n'est  changé  dans  le  cours  du  volume,  à  la  fin  duquel 
est  scrupuleusement  reproduite  la  formule  insérée  dans 

(  I  )  Suit  un  sommaire  du  contenu  de  chacun  des  sept  Livres,  de  telle  sorte 
que  ce  tilre  a  l'aspect  d'une  table  des  matières  ;  aussi  bien  en  tient-il  lieu. 

(2)  Au-dessous  de  cette  Lettre  dédicatoire  figure  la  note  suivante,  curieuse 
à  recueillir:  «  Vingt-trois  Epistres  du  Bien-Heureux  Messire  François  de  Sales 
Evesque  et  Prince  de  Genève,  escrites  en  Latin  et  traduictes  en  François  par 
Charles  Louys  (sic)  de  Sales,  nepveu  de  l'Autheur.  >< 

On  excuse  le  traducteur  de  revendiquer  ainsi  sa  part  de  mérite  ;  c'était 
un  jeune  homme  de  dix-neuf  ans  ! 

(3)  Lettre  dcclxxxix  (tome  VI). 


XIV  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

la  première  édition  :  »  Achevé  d'imprimer  le  lo""*  jour  de 
novembre  1625.  »  Il  faut  non  moins  se  défier  de  l'indica- 
tion qui  figure  sur  chaque  réimpression,  à  partir  de  1628  : 
«  Revue,  corrigée  et  augmentée.  »  Ce  n'est  ordinairement 
qu'une  répétition  servile  de  la  phrase  ajoutée  au  titre  de 
cette  seconde  édition. 

Les  réimpressions  se  succédèrent  avec  une  telle  rapidité 
qu'il  serait  fastidieux  d'en  donner  ici  la  nomenclature. 
Parfois  un  éditeur  publiait  en  même  temps  les  Epistres 
spirituelles  en  deux  formats  différents  ;  c'est  ce  que  fit 
Cœursilly  en  1634.  Souvent  elles  paraissaient  la  même 
année  et  dans  la  même  ville  chez  trois  imprimeurs,  comme 
il  advint  à  Paris  en  1636  ;  si  bien  que  dans  le  courant 
du  xvir  siècle  ce  recueil  fut  réimprimé  une  quarantaine 
de  fois.  On  l'inséra  de  plus  dans  toutes  les  collections 
à! Œuvres  complètes  du  Bienheureux  François  de 
Sales,  à  partir  de  1637.  Celle  de  1641  (tome  II)  con- 
tient en  plus  que  cette  dernière  53  lettres  inédites. 

C'est  vers  le  milieu  du  xviii"  siècle  que  fut  tenté  pour 
la  première  fois  un  effort  sérieux  dans  le  but  de  donner 
une  édition  complète  et  fidèle  des  Lettres  de  saint  Fran- 
çois de  Sales.  L'abbé  Corru,  avec  un  zèle  et  une  persé- 
vérance dignes  d'éloges,  entreprit  ce  travail.  Il  voulut 
"remonter  aux  sources,  et  fit  un  appel  aux  divers  3Ionas- 
tères  de  la  Visitation,  qui  s'empressèrent  de  lui  commu- 
niquer les  originaux  qu'ils  possédaient  ou  des  copies 
certifiées  conformes.  L'éditeur  parvint  ainsi  à  réunir  831 
pièces,  qu'il  essaya  de  classer  non  plus  par  ordre  de 
matières,  comme  on  l'avait  fait  jusqu'alors,  mais  par  ordre 
de  dates;  il  s'efforça  de  rétablir  les  adresses,  fit  précé- 
der chaque  lettre  d'un  sommaire  assez  diffus,  et  les  ac- 
compagna de  notes  historiques,  qui  pour  la  plupart  ne 
sont  pas  dépourvues  d'intérêt.  L'ouvrage  parut  en  1758 
sous  ce  titre  : 

Ldtrei  de  S.  François  de  Sales,  Evesqiie  et  Prince  de  Genève,  Instituteur 
de  l'Ordre  de  la  Visitation...  Nouvelle  édition,  dans  laquelle  on  a  recueilli 
un  très-grand  nombre  de  ces  Lettres  qui  ne  se  trompent  point  dans  les  édi- 
tions précédentes  ;  mettes  sur  les  Originaux  et  enrichies  de  Sommaires,  de 


Avant-Propos  xv 

Citations,  de  Notes  et  de  Remarques.  A  Paris,  chez  Claude  Hérissant,  im- 
primeur de  l'Ordre,  rue  neuve  Notre  Dame,  à  la  Croix  d'or,  mdcclviii. 

La  collection  se  compose  de  six  volumes  in- 12°,  dont  les 
deux  derniers  contiennent  les  lettres  sans  date. 

Cette  édition  marquait  un  progrès  considérable  sur 
toutes  les  précédentes  ;  mais  combien  il  restait  encore  à 
faire  pour  atteindre  une  parfaite  exactitude  !  Par  exem- 
ple, l'éditeur  insère  au  milieu  des  lettres  du  Saint,  un 
certain  nombre  de  celles  de  ses  correspondants ,  sans 
interrompre  les  numéros  d'ordre,  absolument  comme  si 
elles  appartenaient  à  une  seule  et  même  série  de  pièces 
identiques.  De  plus,  il  se  permet  de  broder  les  canevas 
conservés  par  divers  historiens,  et  fabrique  ainsi  de  pré- 
tendues lettres  de  saint  François  de  Sales  (O  !  Un  tel 
travail  ne  pouvait  être  considéré  comme  définitif,  ^lais 
de  longues  années,  des  années  troublées  et  orageuses, 
devaient  s'écouler  avant  que  personne  songeât  à  le  re- 
prendre et  à  le  parfaire. 

En  181 7,  un  éditeur  de  Paris,  Biaise,  reproduisit  l'édition 
de  1758,  et  l'inséra  quatre  ans  plus  tard  dans  la  collec- 
tion des  Œuvres  complètes  de  saint  François  de  Sales, 
qu'il  publia  en  seize  volumes  in-8°  et  plusieurs  tomes  sup- 
plémentaires. On  ne  prit  même  pas  la  peine,  pour  expli- 
quer l'origine  de  ce  recueil  et  les  méthodes  suivies  par  les 
éditeurs,  de  rédiger  un  simple  Avant-Propos.  Ce  qui 
porte  le  titre  pompeux  de  Préface  (une  page  et  demie 
d'étendue),  n'est  autre  qu'un  emprunt  fait  textuellement 
à  celle  de  l'abbé  Corru.  Suivent,  sans  explication  aucune, 
les  deux  Epîtres  dédicatoires  de  l'édition  de  1625,  qui  font 
assez  étrange  visage  dans  une  publication  postérieure  de 
deux  siècles.  En  1833  cette  collection  fut  réimprimée  et 
suivie  d'un  nouveau  supplément  dans  lequel  paraissent 
37  lettres  inédites. 

Sur  ces  entrefaites,  le  comte  Gloria,  ayant  découvert 
bon  nombre  de  lettres  autographes  de  notre  Saint  aux 

(  I  )  Voir  comme  spécimen,  la  Lettre  II  de  la  collection  Hérissant,  que  nous 
rejetons  de  notre  Edition.  On  peut  aussi,  pour  se  rendre  compte  du  procédé, 
comparer  la  Lettre  IV  de  la  susdite  collection  avec  le  texte  authentique  de  la 
même  pièce  donnée  ci-après,  p.  117. 


XVI  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

Archives  de  la  Cour  de  Sardaigne,  dont  il  était  Président 
chef,  obtint  du  roi  Charles-Albert,  alors  régnant,  l'au- 
torisation de  les  publier.  Non  content  de  ces  trésors,  il  fit 
pour  les  accroître  de  nouvelles  perquisitions,  auxquelles 
il  intéressa  spécialement  ^L*^'  Re}",  alors  Evêque  d'An- 
necy. Ce  Prélat  envoya  au  comte  Gloria  des  copies  faites 
par  lui-même  sur  les  Autographes  et  le  mit  en  relations 
avec  un  prêtre  distingué  de  Genève,  l'abbé  de  Baudry, 
qui,  de  son  côté,  préparait  une  nouvelle  édition  des 
Œuvres  de  notre  Saint.  Avec  un  désintéressement  qui 
l'honore,  cet  ecclésiastique  se  dessaisit  en  faveur  de  l'édi- 
teur piémontais  d'une  centaine  de  lettres  inédites,  prêtes 
à  être  mises  sous  presse.  Ses  propres  découvertes  et  le 
concours  si  actif  qu'il  avait  rencontré  permirent  au  comte 
de  réunir  32g  pièces  (parmi  lesquelles  plusieurs  ne  sont 
pas  des  lettres),  dont  il  confia  la  révision  et  le  classement 
à  l'un  de  ses  subalternes,  le  chevalier  Datta.  On  fit  impri- 
mer cette  riche  collection  chez  Biaise,  qui  la  donna  comme 
un  supplément  de  sa  propre  édition,  sous  ce  titre  : 

Nouvelles  Lettres  médites  de  saint  François  de  Sales,  Evêque  et  Prince 
de  Genève,  dédiées  à  Sa  Majesté  la  Reine  de  Sardaigne,  publiées  par 
M.  le  Ch.  P.-L.  Datta,  etc.  Paris,  Biaise,  mdcccxxxv. 

Cette  publication  se  ressent  de  la  rapidité  avec  laquelle 
elle  fut  exécutée  :  les  textes  latins  et  italiens  fourmillent 
d'inexactitudes  (0  et  les  traductions,  faites  à  l'insu  du 
comte  Gloria,  laissent  beaucoup  à  désirer. 

En  1 856-1 858  parut  en  douze  volumes  in-S"  l'édition  des 
Œuvres  complètes  de  saint  François  de  Sales,  qui 
a  été  pendant  quarante  ans  la  plus  connue  et  la  plus 
appréciée  :  celle  de  Vives.  Le  classement  des  Lettres  y 
est  fait  d'une  manière  assez  singulière.  On  regrette  l'an- 
cien recueil  des  Epistres  spirituelles  et  on  veut  le  re- 
constituer. Ces  Lettres  occupent  trois  volumes  (X-XII)  ; 
quant  aux  autres,  elles  sont  disséminées  dans  les  tomes 
VI-IX,  dont  les  deux  premiers  portent  pour  sous-titre  : 
Opuscules  relatifs  à   la  vie  publique  du  Saint,  à 

(i)  Les  noms  propres  surtout  furent  singulièrement  maltraités;  c'est  ainsi 
qu'AvuUy  se  nomme  Arcilias,  le  chevalier  de  Compois,  CompèU,  et  lEvéque 
d'Albi  devient  l'Evêque  à' Alerta  ! 


AVANT-PR0r05  ^^" 

V administration  de  son  diocèse  et  à  la  direction  de 
diverses  Communautés  religieuses;  et  les  deux  der- 
niers •  Pièces  relatives  à  la  conversion  des  hérétiques 
et  aux  matières  théologiques.  Les  éditeurs  ne  durent 
pas  aller  loin  avant  de  constater  qu'un  tel  système  de 
groupement  ne  pouvait  s'appliquer  sans  amener  des  non- 
sens   Il  était  bien  difficile,  en  effet,  d'établir  exactement 
une  ligne  de  démarcation  entre  les  Epîtres  spirituelles 
et  les  Lettres  d'affaires,  tant  les  Saints  mêlent  à  toutes 
les   choses  de  la  terre  la  pensée  du  Ciel.   Ltait-il  bien 
rationnel  surtout  de  ranger  dans  la  dernière  série  celles 
adressées  à  des  Supérieures  de  Communautés  .-'  Lnfin,  par 
suite  de  ce  procédé,  l'ordre  chronologique  est  sacrifie. 
Signalons  encore,  pour  donner  une  idée  complète  de  cette 
édition,  que,  tout  en  reproduisant  pour  le  fond  celle  de 
Biaise,  elle  renchérit  sur  le  tort  qu'eut  ce  dernier  d  inter- 
caler parmi  les  Lettres  bon  nombre  de  pièces  étrangères  vO. 
Bien  avant  qu'il  fût  question  de  la  collection  Vives,  un 
respectable  ecclésiastique,  l'abbé  de  Baudry,  réunissait, 
comme  nous  l'avons  dit,  les  éléments  d'une  publication 
identique.  Il  y  consacra  une  partie  de  sa  fortune  et  vingt 
années  d'infatigables  labeurs;  surpris  par  la  mort  (2  avril 
i8s4)  avant  d'atteindre  au  terme  de   son   entreprise,  U 
légua  tous  ses  manuscrits  au  i^  Monastère  de  la  Visita- 
tion   Un  peu  plus  tard,  par  ordre  de  M-  Rendu,  alors 
Evêque  d'Annecy,  ils  durent  être  envoyés  à  l'abbe  Migne, 
l'auteur  bien  connu  de  la  Bibliothèque  universelle  du 
clergé  Celui-ci,  sans  prendra  le  temps  de  réviser  un  tra- 
vail auquel  la  dernière  main  n'avait  pu  être  mise,  se  hâta 
d'éditer  les  Œuvres  complètes  de  saint  François  de 
Sales  (1861-1862),  en  six  volumes  grand  in-8",  à  deux 
colonnes,  avec  un  tome  supplémentaire  (1864). 

La  Correspondance  épistolaire  est,  quant  au  nombre  des 
pièces,  bien  supérieure  à  tout  ce  qui  avait  paru  jusque-la; 
car,  outre  les  lettres  livrées,  en  1835,  au  comte  Cxloria, 

(X)  C'est  ainsi  que  sur  les  67  pièces  cotées  dans  le  tome  VIII,  comme 
étant  des  Lettres,  36  sont  étrangères  à  la  Correspondance  ;  telles,  par  exemple, 
divers  Brefs  du  Pape,  des  Lettres  patentes  du  duc  de  Savoie,  et  même  un 
extrait  de  l'édit  de  Nantes  ! 


Lettres   ! 


XVIII  LhTTRES    DE    SAINT    FRANÇOIS    DE    SaLHS 

l'abbé  de  Baudry  en  avait  recueilli  plus  de  150  autres, 
auxquelles  il  faut  en  ajouter  une  cinquantaine  réunies  par 
les  soins  d'un  Religieux  Capucin.  Quelle  fortune  pour  un 
éditeur!  Mais  à  la  condition  de  savoir  l'exploiter.  La  pre- 
mière chose  à  faire  eût  été  de  fusionner  toutes  les  diverses 
séries  et  de  classer  les  Lettres  qui  les  composaient,  d'après 
Tordre  chronologique.  L'idée  n'en  vint  même  pas.  Le 
tome  V  contient  l'édition  de  Biaise,  avec  addition  de 
quelques  pièces,  et  dans  le  tome  VI  sont  placées  succes- 
sivement, comme  formant  des  collections  absolument 
indépendantes,  quatre  sections  distinctes  :  i.  —  Lettres 
inédites  de  saint  François  de  Sales... publiées  eni8}^ 
par  le  chevalier  Datta;  2.  —  Complément  des  Lettres 
inédites  de  saint  François  de  Sales  de  Védition 
Biaise;  3.  —  Nouvelles  Lettres  inédites  ^^\  réunies 
ici  pour  la  première  fois...  recueillies  par  les  soins 
de  l'abbé  de  Baudry...  (Cette  section  est  précédée  d'un 
Avant-Propos  dans  lequel  l'édition  de  1758  est  sévère- 
ment appréciée)  ;  4.  —  Nouvelles  Lettres  inédites, 
seconde  série,  recueillies  par  les  soins  du  P.  Camille 
de  Thonon,  prédicateur  Capucin.  Enfin,  un  dernier 
groupe  de  Lettres  est  inséré  dans  le  tome  supplémen- 
taire. 

Avec  chaque  série  l'ordre  chronologique  recommence. 
Cette  méthode,  ou  plutôt  cette  absence  de  toute  méthode, 
diminue  considérablement  l'intérêt  de  l'ouvrage.  Et 
encore  ne  parlons-nous  pas  de  la  falsification  des  textes, 
de  la  répétition  double  et  parfois  triple  des  mêmes 
lettres  avec  des  adresses  et  des  dates  différentes,  de 
l'intercalation  de  toutes  sortes  de  pièces  étrangères  à  la 
Correspondance.  C'est  au  point  que,  si  l'on  défalque  ces 
pièces  et  les  lettres  répétées,  au  lieu  de  dépasser  1600, 
résultat  que  donne  une  supputation  faite  à  première  vue, 
le  chiffre  des  Lettres  publiées  par  Migne  s'abaisse  à  1360 


(  I  )  Ce  titre  à' inédite  ne  doit  pas  être  accepté  sans  quelque  défiance.  Ainsi,  la 
Lettre  présentée  comme  telle,  tome  VI,  col.  926,  n'est  que  la  répétition  de  celle 
qui  figure  à  la  col.  619  du  même  volume.  Sont  encore  données  comme  inédites 
des  lettres  extraites  des  Vies  imprimées  de  la  Mère  de  Blonay  (col.  990,991), 
de  la  Mère  Rosset  (col.  10^0},  de  la  Mère  de  Chastellux  (col.  1039),  etc. 


Avant-Propos  xix 

environ.  Et  la  conclusion  qui  s'impose  à  tout  lecteur 
intelligent,  après  avoir  parcouru  ces  volumineux  et  indi- 
gestes recueils,  est  celle-ci  :  La  Correspondance  de  saint 
François  de  Sales  reste  encore  à  éditer. 


II 


Mais,  avant  tout,  elle  était  à  compléter.  Ce  qu'on  pos- 
sède de  lettres  de  notre  Saint  ne  représente  qu'une  très 
minime  partie  de  ce  qu'il  a  écrit.  «  Il  ne  se  passoit  gueres 
de  jours,  »  dépose  le  témoin  habituel  de  sa  vie  (i),  «  qu'il  ne 
fist  vingt  a  vingt  cinq  lettres  responsives  a  toutes  sortes 
de  personnes  en  France  et  en  Savoye,  et  cecy  je  le  sçay 
parce  que  c'estoit  moy  qui  fermois  toutes  ses  lettres  et 
fesois  ses  paquets.  » 

La  plupart  de  ces  lettres,  considérées  comme  un  pré- 
cieux héritage  de  famille,  se  transmirent  de  génération  en 
génération  ;  mais  d'autres  furent  morcelées  et  distribuées 
en  guise  de  reliques;  d'autres  enfin  furent  détruites  par 
l'action  du  temps  ou  l'ignorance  des  hommes.  On  en  ren- 
contra dans  des  boutiques  d'épiciers,  employées  aux  plus 
vulgaires  usages.  Il  importait  de  sauver  de  la  destruction 
ce  qui  pouvait  exister  encore.  La  Providence  y  pourvut. 

L'exaltation  de  saint  François  de  Sales  au  rang  des 
Docteurs  de  l'Eglise  attira  plus  que  jamais  l'attention 
générale  sur  sa  personne  et  sur  ses  écrits.  ^^lus  par  le  senti- 
ment religieux  ou  par  l'attrait  littéraire,  des  hommes  de 
conditions  diverses  poursuivirent  une  même  fin  :  exhumer 
des  archives  où  elles  gisaient  les  lettres  inédites  de  notre 
Saint,  et  les  publier  soit  dans  des  Revues  périodiques  (  =  ), 

(i)  François  VaiVre  ( Process.  reiniss.  Gehenn.  (I),  ad  art.  31). 

(2)  'Le.s  Etudes  Religieuses  des  RR.  PP.  Jésuites,  qui  avaient  déjà  donné  des 
lettres  de  notre  Saint  en  1866,  1868,  1874  et  1877,  en  éditaient  encore  une  en  1878, 
et  depuis  leur  rétablissement,  elles  en  ont  publié  en  1893,  et  quatre  en  igoo. 

Citons  de  plus  la  Revue  Savoisienne,  1880;  le  Correspondant,  1881  ;  les  An- 
nales Salésiennes,  1889,  1891;  la  Revue  du  Monde  Catholique,   1891,  etc. 


XX  Lettres  Dii  saint  François  de  Sales 

soit  dans  des  plaquettes  spéciales  (0.  Plusieurs  ecclésias- 
tiques distingués  par  leur  savoir  et  leur  piété  fondèrent 
dans  ce  but  à  Annecy  même  (1878)  une  Société  qui  prit 
le  nom  d'Académie  Salésienne  et  qui,  dans  la  collection 
de  ses  Mémoires  et  Documents,  a  donné  déjà  35  lettres 
inédites,  ou  imprimées  d'une  manière  inexacte  dans  les 
récentes  éditions.  Des  écrivains  savoisiens  insérèrent  des 
lettres  de  TEvêque  de  Genève  jusque-là  inconnues,  dans 
des  ouvrages  destinés  à  populariser  quelqu'un  de  ses 
contemporains  ;  tel  31.  Jules  Vu}",  dans  son  intéressante 
histoire  de  la  Philothée  (^). 

En  1885,  M.  31ugnier,  conseiller  doyen  à  la  Cour  d'appel 
de  Chambér}",  bien  connu  par  sa  patiente  érudition  et  ses 
remarquables  travaux,  eut  la  bonne  fortune  de  découvrir 
aux  Archives  de  l'ancien  Sénat  de  Savoie,  douze  lettres 
inédites  de  notre  Saint.  Il  les  inséra,  en  les  accompagnant 
de  documents  historiques  d'un  haut  intérêt,  dans  une 
brochure  intitulée  :  Saint  François  de  Sales,  Docteur 
en  droit,  Avocat  au  Sénat  et  Sénateur,  etc. 

Vers  le  même  temps,  M.  Pératé,  lui  aussi  archéologue 
infatigable  et  écrivain  de  mérite,  au  cours  de  recherches 
faites  dans  les  Archives  Vaticanes,  mit  la  main  sur  une 
série  de  pièces  concernant  la  conversion  du  Chablais  ; 
parmi  ces  pièces  se  trouvaient  vingt  lettres  italiennes  de 
notre  saint  Docteur,  dont  dix  entièrement  inédites.  Des 
dix  autres,  une  traduction  française  seulement  avait  été 
donnée  par  aligne.  Ces  lettres  parurent  dans  le  tome  VI 
des  Mélanges  d'archéologie  et  d'histoire  publiés  par 
l'Ecole  française  de  Rome  (1886).  Nous  aimons  à  rendre 
hommage  à  l'exactitude  avec  laquelle  fut  faite  cette  re- 
production qui  n'était  pas  sans  offrir  bien  des  difficultés, 
vu  les  irrégularités  de  l'orthographe  du  Saint  et  les  abré- 
viations dont  il  émaille  ses  manuscrits. 

Loin  de  satisfaire  les  pieuses  ambitions  des  Filles  de 
saint  François  de  Sales,  ces  découvertes  les  excitèrent 

(  I  )  Voir  RimeJio  aile  dispute  de' Cattolici  in  Fraïuia,  proposto  nel  MDCXIt 

da  S.  Francesco  di  Sales  e  commetitato  dal  sacerdote  Santé  Pieralisi,  Bibliote- 

cario  délia  B.irberiniana:  a/rqiunte  tre  Lettere  del  medesimo  Santo  (Roma,  1878). 

(  â  )  la  Philothi-e  de  S.  Fr.  de  Sales,  Vie  de  M""  de  Ckarmoisj/  (1879),  vol.  II. 


XXI 

Avant-Propos 


davantage.  Après  ces  riches  filons  »<=  ^^^^^^  "' Pf^^t^ 
mines  plus  riches  encore  à  exploiter  ?  C  est  la  question 
r  les  Sœurs  d'Annecy  se  posaient  à  elles-mêmes    et 
qu  elles  adressèrent  aux  différentes  Communautés  de  leur 
îns'  mt    Presque  toutes  y  répondirent  en   provoquant 
dan    leur  région  des  perquisitions  o/dinairement  couron- 
nées  de  succès  inespérés.  Des  recherches  aux  Archives 
romaines  mirent  en   lumière  une  vingtaine  de  pièces 
X  es  nsérées  dans  un  des  volumes  du  Procès  de  Ca- 
nonisation que  personne  n'avait  jusque-là  songe  a  consul- 
er  Bien  pl-.  Son  Eminence  le  Cardinal  P-occhi  avant 
de  résigner  la  charge  de  Vicaire  de  "°  ^«  ^a^n  -Père 
I  éon  XIII,  a  daigné,  avec  l'assentiment  de  Sa  Sainteté, 
adresser  u;  appe'l  à  tous  les  Evêques  d'Italie...,  appel 
qui  amena  la  découverte  de  plusieurs  Autographes  iné- 
dits D'autres  admirateurs  de  notre  grand  Saint,  des  amis 
dévoués  de  la  Visitation  ont  contribué  avec  un  zèle  et  un 
désintéressement  au-dessus  de  tout  éloge  a  augmenter 
notre  collection.  Nous  devons  un  témoignage  de  spéciale 
gratitude  à  bon  nombre  d'ecclésiastiques  et  de  religieux, 
Notamment  à  plusieurs  Pères  de  la  Compag-e  de  Jésus 
et  à  la  Congrégation  des  Missionnaires  de  saint  François 

de  Sales  d'Annecy. 

Grâce  à  ce  concours  si  bienveillant,  près  de  400  lettres 
inédites  ont  été  réunies;  en  ajoutant  à  ce  nombre  celles 
qui  sont  extraites  des  divers  livres  et  Revues  mentionnes 
ci-dessus,  c'est  une  augmentation  de  plus  de  500  lettres 
que  notre  Edition  compte  sur  celle  de  Migne,  la  plus 
complète  qui  ait  paru  jusqu'ici  ;  et  l'on  peut  espérer  en- 
core de  nouvelles  découvertes. 

Si  la  quantité  des  pièces  constitue  le  premier  mérite 
d  une  collection  épistolaire,  la  manière  de  les  utiliser 
peut,  sinon  ajouter  à  leur  valeur  intrinsèque,  du  moins 
en  augmenter  singulièrement  le  relief;  c'est  pourquoi, 
les  édLurs  de  la  présente  publication  se  sont  efforces 
de  ne  pas  rester  au-dessous  des  exigences  de  la  critique 
contemporaine.  Et  d'abord,  afin  d'assurer  l'intégrité  des 

(I)  La  Lettre  circulaire  de  Son  Eminence  est  donnée  ci-nprès.  p.  xxx. 


XXII  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

textes,  ils  ont  voulu  remonter  aux  sources  toutes  les  fois 
qu'il  a  été  possible  de  le  faire.  Cette  précaution  est  d'au- 
tant plus  indispensable  pour  arriver  à  une  parfaite  exac- 
titude, qu'il  y  a  plus  à  se  défier  de  l'édition  de  1626,  base 
de  toutes  les  autres.  C'est  seulement  en  aj^ant  sous  les 
yeux  les  originaux  ou  des  copies  authentiques,  qu'il  est 
possible  de  reconstituer  intégralement  les  lettres  dont  on 
a  détaché  tant  d'extraits  pour  les  agglomérer  de  la  façon 
que  nous  avons  décrite.  Faute  de  ce  soin,  nos  devanciers, 
après  avoir  donné  les  pièces  de  l'édition  princeps,  ont 
imprimé  ensuite  in  extenso,  en  les  présentant  comme 
inédites,  les  lettres  qui  avaient  servi  à  composer  la  pre- 
mière collection. 

L'ordre  chronologique  s'imposait  de  lui-même  dans  le 
classement  des  pièces,  et  il  était  d'autant  plus  facile  à 
suivre  que  la  plupart  sont  datées.  Quant  aux  autres,  elles 
contiennent  ordinairement  des  détails,  des  allusions  qui 
permettent  de  fixer  presque  à  coup  sûr  l'époque  à  laquelle 
elles  remontent  ;  souvent  aussi  le  caractère  de  l'écriture, 
qui  varie  d'une  manière  assez  sensible  avec  les  années, 
autorise  tout  au  moins  des  conjectures  bien  fondées.  Les 
lettres  pour  lesquelles  tout  moyen  d'information  fait  abso- 
lument défaut  sont  reléguées  à  la  fin  de  la  publication.  Un 
travail  non  moins  consciencieux  préside  à  la  restitution 
des  adresses  pour  les  lettres  dont  les  Autographes  n'en 
portent  aucune,  et  pour  celles  qui  sont  empruntées  aux 
anciennes  éditions.  C'est  sur  des  preuves  certaines,  mais 
qu'il  serait  fastidieux  d'exposer  chaque  fois,  que  nous 
avons  basé  l'attribution  de  ces  adresses  ;  et,  quand  la  cer- 
titude manque,  on  préfère  s'abstenir  de  toute  désignation 
plutôt  que  de  hasarder  quelque  affirmation  contestable. 

Restituer  dates  et  adresses  aux  pièces  d'une  collection 
épistolaire,  c'est  faire  revivre  l'auteur  ;  à  ce  prix  seule- 
ment sa  correspondance  devient  ce  que  nous  avons  dit 
plus  haut,  une  sorte  d'autobiographie  dans  laquelle  il  se 
peint  lui-même.  Mais  à  cette  vie  il  faut  un  terrain  sur  le- 
quel elle  puisse  évoluer.  Scène,  milieu  sont  créés  par  les 
notes  biographiques  et  historiques  qui  groupent  autour 
de  l'écrivain  tous  les  personnages  auxquels  il  eut  affaire. 


Avant-Propos  xxiii 

L'absence  de  ces  données  condamne  le  lecteur  à  errer 
dans  un  monde  tellement  impersonnel  qu'il  ne  peut  s'y 
intéresser  ;  en  effet,  lire  les  lettres  de  notre  Saint  dans  la 
plupart  des  anciennes  éditions,  c'est  se  heurter  à  des 
tombes  sans  épitaphes.  Notre  prétention  est  de  ressusciter 
ces  morts,  de  transformer  ce  cimetière  en  une  promenade 
publique  où  l'on  ne  rencontre  que  des  visages  connus. 

Pour  atteindre  ce  but,  quel  surcroît  de  travail  il  faut 
s'imposer  et  à  quelles  erreurs  ne  s'expose-t-on  pas,  sur- 
tout lorsqu'on  se  trouve,  et  c'est  le  cas  présent,  en  face 
de  plusieurs  milliers  de  noms  à  identifier  !  Telles  sont  les 
objections  très  judicieuses  qui  nous  ont  été  adressées.  La 
majorité  des  lecteurs  nous  saura  gré  de  passer  outre.  On 
allègue  un  surcroît  de  travail.  C'est  plus  que  cela  (l'expé- 
rience faite  au  cours  de  ce  premier  volume  nous  permet 
de  parler  en  connaissance  de  cause)  :  annoter  le  texte 
dans  la  mesure  où  nous  l'avons  entrepris,  c'est  quadrupler 
sa  peine.  Mais  le  résultat  est  proportionné  à  l'effort. 

On  ajoute,  et  ceci  est  plus  grave  :  Que  d'erreurs  possibles  ! 
Ce  serait  témérité  d'en  disconvenir.  Toutefois,  il  est  des 
hardiesses  que  Dieu  bénit,  et  du  reste  nous  ne  hasardons 
pas  beaucoup,  car  les  moyens  d'information  abondent  ; 
telle  est  la  sympathie  qu'éveille  le  nom  de  saint  François 
de  Sales  qu'il  suffit  de  l'évoquer  pour  obtenir  un  concours 
bienveillant.  Nous  l'avons  toujours  trouvé,  ce  concours 
pour  tout  ce  qui  concerne  notre  pays,  auprès  du  savant 
et  regretté  comte  Amédée  de  Foras,  qui  se  survit  à  lui- 
même  dans  son  monumental  ouvrage  :  Armoriai  et 
Nobiliaire  de  Savoie,  malheureusement  inachevé.  Le 
comte  de  Mareschal  de  Luciane,  continuateur  de  cette 
publication,  ne  fait  pas  à  nos  fréquents  recours  un  accueil 
moins  engageant  (i).  Monseigneur  notre  Evêque  a  daigné 
mettre  à  notre  disposition  les  Registres  de  l'Evéché,  con- 
temporains de  notre  Saint.  C'est  une  mine  d'informations 
encore  peu  exploitée,  où  nous  avons  trouvé  des  documents 
utiles  pour  reconstituer  la  physionomie  des  membres 
les  plus  marquants  du  clergé  à  cette  époque.  Nombre 

(  I  )  M.  le  docteur  Favre,  de  Faverges,  vient  de  nous  communiquer  les  pré- 
cieux manuscrits  Besson  dont  il  est  possesseur. 


XXIV  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

d'érudits,  dont  il  serait  trop  long  de  refaire  ici  la  liste, 
veulent  bien  nous  permettre  de  puiser  dans  les  trésors 
de  leurs  connaissances  sûres  et  étendues. 

Les  archives  des  anciennes  familles  en  Savoie  et  ail- 
leurs nous  sont  aussi  très  obligeamment  ouvertes,  sans 
parler  des  Archives  et  des  Bibliothèques  publiques,  où 
des  perquisitions  soigneuses  ont  été  faites  et  se  conti- 
nuent par  nos  correspondants.  Les  Archives  Vaticanes, 
celles  des  diverses  Congrégations  romaines  ;  à  Turin, 
celles  de  l'Etat  et  de  la  Chambre  des  Comptes  ;  à  Paris,  les 
Archives  et  la  Bibliothèque  Nationale  ;  celles  de  l'ancien 
Sénat  de  Savoie,  à  Chambéry,  sont  largement  mises  à 
contribution.  Pour  ce  qui  concerne  l'établissement  et  le 
gouvernement  de  l'Ordre  de  la  Visitation,  sujet  qui  occupe 
une  place  considérable  dans  la  correspondance  du  Fon- 
dateur, le  3lonastère  d'Annecy  possède  des  manuscrits 
d'une  autorité  incontestable,  qui  permettront  de  redres- 
ser bien  des  erreurs  commises  par  nos  devanciers.  Il  n'est 
pas  moins  riche  relativement  à  l'histoire  locale,  grâce  à 
la  générosité  de  feu  3L  Jules  Vuy.  Ce  savant  archéolo- 
gue a  remis  aux  Archives  de  cette  Communauté  la  pré- 
cieuse collection  de  documents,  qui  avait  été  la  passion 
de  sa  vie.  Ces  documents  sont  fréquemment  utilisés  par 
les  éditeurs. 

31oyennant  toutes  ces  ressources,  ils  sont  en  mesure  de 
consacrer  une  note  biographique  non  seulement  à  chacun 
des  correspondants  de  notre  Saint,  mais  encore  à  la  plu- 
part des  personnes  simplement  nommées,  la  première  fois 
qu'il  est  question  d'elles.  Néanmoins,  si  ces  personnes 
doivent  ensuite  compter  parmi  les  correspondants,  la 
note  qui  les  concerne  est  renvo3'ée  à  la  première  lettre 
qui  leur  est  adressée. 

Il  nous  a  semblé  trop  encombrant  d'indiquer  chaque 
fois  sur  place  nos  sources  d'information.  Cette  indication 
est  donnée  dans  le  cas  seulement  où  nous  avons  puisé  à 
des  sources  peu  connues  ou  inaccessibles  au  public.  Une 
Table  générale  de  tous  les  auteurs  qui  nous  ont  fourni 
des  éléments  de  notes  historiques  paraîtra  à  la  fin  du 
dernier  volume  de  la  Correspondance. 


Avant-Propos  xxv 

Après  avoir  exposé  les  soins  pris  pour  assurer  l'exac- 
titude du  texte,  la  marche  suivie  pour  le  classement  et 
l'annotation  des  lettres,  il  reste  à  édifier  le  lecteur  sur 
quelques  autres  détails  de  notre  méthode. 

Parmi  les  lettres  du  Saint  se  trouve  un  petit  groupe 
de  pièces  spéciales  qui  ne  peuvent  être  logiquement 
éparpillées  dans  la  correspondance  :  ce  sont  des  brouil- 
lons écrits  pour  diverses  personnes,  notamment  pour 
M^'  de  Granier.  Ces  pièces  seront  renvo3'ées  à  la  fin  du 
volume  auquel  elles  appartiennent  par  ordre  de  rédaction. 

Il  est  un  certain  nombre  de  lettres  dont  une  double  et 
même  une  triple  leçon  manuscrite  nous  a  été  conservée  (0, 
Les  divergences  qui  existent  entre  les  minutes  et  le  texte 
définitif  sont  ordinairement  signalées  au-dessous  de  ce 
dernier.  Quelquefois  cependant,  pour  éviter  un  encombre- 
ment au  bas  des  pages,  où  se  rencontraient  déjà  notes  et 
traduction,  la  minute  est  donnée  in  extenso  à  la  suite  du 
texte  définitif,  mais  sans  numéro  d'ordre  distinct,  puisque 
dans  ce  cas  les  deux  pièces  ne  forment  qu'un  seul  tout. 

Quelques  lettres,  dont  les  Autographes  n'ont  pu  être 
recouvrés,  sont  insérées  à  la  fois  dans  les  deux  Procès 
de  Canonisation  de  notre  Saint.  Le  texte  du  premier 
Procès,  généralement  le  plus  exact,  est  alors  préféré,  et 
mentionné  seul  dans  l'indication  de  provenance.  C'est 
seulement  quand  ce  premier  texte  est  complété  et  même, 
ce  qui  est  rare,  rectifié  par  l'autre,  que  nous  les  signa- 
lons tous  deux. 

Les  lettres  latines  et  italiennes,  qui  composent  en  ma- 
jeure partie  ce  volume,  ont  été  traduites  avec  soin,  tra- 
vail qui  n'a  pas  été  sans  offrir  quelque  difficulté.  Dans 
les  premières,  la  clarté  ne  va  pas  toujours  de  pair  avec 
l'élégance   du   style,  et  les  jeux  de  mots,  les  allusions 

(i)  Faute  de  se  rendre  compte  de  Tidentité  de  ces  pièces,  les  précédents 
éditeurs  les  ont  pour  l'ordinaire  répétées,  avec  dates  et  numéros  d'ordre 
diflférents.  Telle  est,  par  exemple,  notre  Lettre  LXIII,  dont  le  texte  définitif 
est  conservé  à  Turin,  une  autre  leçon  à  Annecy  et  une  troisième  à  Rennes. 
Celte  dernière  leçon  est  insérée  dans  la  Vie  du  Saint,  par  Charles-Auguste. 
Hérissant  donne  la  minute  conservée  à  Annecy,  avec  addition  entre  crochets 
des  variantes  de  la  leçon  de  Rennes.  Datta  publie  l'original  de  Turin,  daté  du 
29  décembre  1595.  Migne  et  Vives  le  donnent  à  cette  date,  et  de  plus,  repro- 
duisent tous  deux  la  leçon  Hérissant  à  la  date  de  septembre  1^96. 


XXVI  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

recherchées  contribuent  parfois  à  envelopper  d'un  certain 
nuage  la  pensée  de  l'Auteur. 

Plus  simples  et  plus  claires  sont  les  lettres  italiennes  ; 
elles  traitent  pour  la  plupart  d'affaires  si  sérieuses,  qu'en 
les  écrivant  le  Saint  n'a  garde  de  se  préoccuper  du  style, 
et  ne  se  donne  même  pas  toujours  le  temps  de  songer  aux 
règles  de  la  grammaire.  Personne  ne  lui  en  fera  de  re- 
proches, tant  il  met  de  bonne  grâce  à  confesser  que  ses 
lettres  sont  écrites  dans  un  ((  italien  francisé,  ou  un  fran- 
«  çais  italianisé.  »  Les  phrases  sont  souvent  enchevêtrées 
et  l'orthographe  assez  irrégulière,  quelquefois  bizarre. 
Elle  sera  maintenue  néanmoins,  sauf  le  cas  de  faute  évi- 
dente (0  et  avec  les  légères  modifications  que  voici  :  Les 
accents  graves  seront  suppléés  dans  le  texte,  partout  où  ils 
sont  nécessaires,  et  régulièrement  substitués  aux  accents 
aigus  placés  de  loin  en  loin  par  l'Auteur.  Ces  derniers  sont 
conservés  dans  les  variantes,  où  même  on  a  dû  en  ajouter 
quelquefois,  quand  l'absence  d'accent  change  la  signifi- 
cation des  mots.  Les  apostrophes  toujours  omises  dans 
les  originaux  pour  l'article  contracté  de  représentant  dei, 
ont  dû  être  suppléées  afin  de  prévenir  des  équivoques. 
On  a  cru  nécessaire  aussi  de  substituer  la  lettre  v  à  Vu 
fréquemment  employé  par  le  Saint  dans  le  substantif 
vescovo  et  l'adverbe  dove.  Pour  plus  de  clarté,  la  plu- 
part des  abréviations  ont  été  interprétées  ;  on  les  a  con- 
servées néanmoins  dans  les  adresses,  les  variantes,  et  la 
formule  si  souvent  répétée  :   V.  S.  Ill*"'^  et  R*"^^ . 

L'orthographe  des  originaux  a  été  scrupuleusement 
reproduite  dans  le  texte  français.  C'est  bien  cette  ortho- 
graphe essentiellement  progressive  dont  il  est  parlé  dans 
notre  Introduction  générale  (  =  ).  Nulle  part,  mieux  que 
dans  la  correspondance,  on  en  peut  suivre  les  évolu- 
tions, ce  qui,  pour  les  linguistes,  ajoutera  un  intérêt 
spécial  à  cette  partie  des  Œuvres  de  notre  Saint  Docteur. 
Dans  les  lettres  écrites  par  secrétaires,  l'orthographe  de 
ces  derniers  a  été  maintenue. 

(  I  )  C'est  ainsi  que  l'adverbe  non  est  souvent  représenté  par  no,  forme  que 
le  Saint  avait  retenue  de  son  séjour  à  Padoue  et  qui  se  retrouve  encore  dans 
le  dialecte  vénitien. 

(s)  Tome  I""  de  cette  Edition,  p.  xcv. 


Avant-Propos 


XXVI 1 


L'orthographe  ancienne  des  noms  propres  est  conservée 
dans  le  texte  avec  toutes  les  variations  permises  a  cette 
époque  (^)  ;  seulement,  pour  éviter  des  équivoques,  on 
a  régularisé  lusage  des  capitales.  Souvent  le  Saint  les 
emploie  pour  les  particules  nobiliaires,  et  les  supprime 
aux  noms  patronymiques  ;  d'autres  fois  il  les  place  aux 
deux  mots.  Nous  n'avons  respecté  cette  irrégularité  que 
dans  sa  propre  signature. 

Tout  en  réprouvant  la  liberté  que  se  sont  accordée  nos 
devanciers,  de  mélanger  aux  lettres  du  Saint,  celles  de 
ses  correspondants,  nous  n'avons  garde  de  meconnai  re 
le  haut  intérêt  qu'offrent  ces  dernières.  Loin  donc  de  les 
reieter  de  notre  publication,  nous  en  avons  recueilli  bon 
nombre  d'autres  inédites  jusqu'ici  ;  elles  seront  données 
sous  forme  d'Appendice  à  la  fin  du  volume  auquel  elles 
se  rattachent,  par  ordre  de  date. 

Une  Table  de  correspondance  permettra  d  embrasser 
d'un  coup-d'œil  la  provenance  de  chaque  pièce,  de  juger 
du  nombre  de  celles  qui  sont  inédites,  de  voir  a  quelle 
époque  les  autres  ont  été  publiées  une  première  fois  e 
quelle  place  elles  occupent  dans  les  éditions  Vives  et 
Migne. 

Un    mot  maintenant  sur  le  contenu  de  ce   premier 
volume  :  il  correspond  aux  années  de  la  jeunesse  de  samt 
François  de  Sales,  et,  les  dates  fissent-elles  défaut,  on  le 
devinerait  au  style,  du  moins  pour  les  débuts.  On  y  re- 
trouve l'enthousiasme  et,  osons  le  dire,  1  emphase  par- 
donnable à  cet  âge,  surtout  à  la  fin  du  xvr  s.ecle,  ou^e 
goût  littéraire  était  si  peu  sur.  La  langue  vulga  re  ne 
fuifit  pas  au  jeune  Saint,  spécialement  pour  ses  relation 
avec  le  séna  eur  Favre.  Les  deux  amis  échangent  dans 
un    an  recherché,  les  témoignages  d'une  affec.,on  que 
le  temps  devait  consacrer  ;  les  jeux  de  mots  abondent 
et,  si  ces  deux  grands  hommes  ne  nous  étaient  connus,  la 
temation  viendrait  de  penser  qu'ils  visaient  au  be   espnt. 
Le  Prévôt  rédige  avec  soin   des  ébauches  dont  les  sur- 
charges et  les  ratures  accusent  le  travail  et  le  souci  de 

„)  I.o,.h«gr.ph=  usuelle  est  adoptée  d.«  les  uote,  e.  les  traduction.. 


XXVIII  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

bien  dire.  N'ayons  garde  cependant  de  nous  en  plaindre  : 
nous  devons  à  cette  habitude  de  posséder  les  lettres  du 
Saint  à  son  ami,  car  les  originaux  ont  disparu;  il  ne  nous 
reste  que  ces  minutes  oubliées  par  l'Auteur,  au  milieu 
d'autres  papiers. 

Cette  période  de  jeunesse  littéraire  dura  peu.  Les  tra- 
vaux de  l'apostolat  mûrissent  vite,  surtout  un  apostolat 
aussi  laborieux  que  fut  celui  du  Chablais.  Bientôt  le  style 
du  Missionnaire  s'élève,  tout  en  se  montrant  plus  limpide 
et  plus  naturel.  Ce  n'est  plus  alors  le  temps  de  songer 
aux  fleurs  de  rhétorique  ;  le  Saint  ne  pense  qu'à  Dieu  et 
aux  âmes,  et,  s'affranchissant  de  toute  influence  étrangère, 
il  devient  grave  et  simple  parce  qu'il  est  enfin  devenu 
lui-même.  Ses  espérances  et  ses  tristesses  prennent  vie 
sous  sa  plume,  les  dernières  surtout,  qui  furent  longtemps 
les  plus  nombreuses.  Pendant  près  de  deux  ans  ses  let- 
tres ne  sont  pour  ainsi  dire  qu'un  long  gémissement  sur 
la  mauvaise  foi  des  ministres  et  l'obstination  des  protes- 
tants qui  refusent  opiniâtrement  de  l'écouter.  De  loin  en 
loin,  quelques  éclaircies  dans  ce  ciel  si  noir,  quelques 
conversions  éclatantes,  comme  celles  de  l'avocat  Poncet 
et  du  seigneur  d'AvuUy  ;  puis  de  nouveaux  déboires  et 
de  plus  pénibles  déceptions.  Son  voyage  à  Turin,  dans 
l'automne  de  1596,  l'accueil  empressé  que  lui  font  le  duc 
de  Savoie  et  le  Nonce  apostolique  présagent  un  heureux 
revirement  dans  la  marche  des  aff"aires;  on  y  compte,  on 
l'attend,  mais  en  vain.  Et  voilà  notre  saint  Missionnaire 
réduit  de  nouveau  à  jeter  des  cris  de  détresse  à  Charles- 
Emmanuel  I",  qui  fait  de  magnifiques  promesses,  aux 
Chevaliers  des  saints  JMaurice  et  Lazare  qui  en  empêchent 
la  réalisation,  à  JSV  Riccardi  lui-même,  toujours  prêt  à 
lui  compatir  et  souvent  impuissant  à  le  seconder.  L'heure 
viendra  cependant  où  il  moissonnera  dans  la  Joie  ce 
qu'il  a  si  péniblement  semé  dans  les  larmes;  et  les 
cérémonies  triomphales  des  Quarante-Heures  de  Thonon 
seront  le  couronnement  de  son  héroïque  apostolat. 

C'est  bien  dans  ces  lettres  qu'il  faut  chercher  l'histoire 
la  plus  vraie  qui  ait  été  composée  de  la  mission  du  Cha- 
blais, et  la  plus  palpitante  d'intérêt.  Elles  sont  écrites 


Avant-Propos  ^^'^ 

avec  une  émotion  tellement  communicative  que  Ion  croit 
assister  à  cette  lutte  admirable  où  la  vérité  reconquiert 
pied  à  pied  un  terrain  qui  lui  est  si  chèrement  disputé  par 
l'erreur.  Le  Saint  réfute  d'avance  les  récits  calomnieux 
de  nos  adversaires,  et  ferme  la  bouche  à  ceux  qui  veulent 
insinuer  que  la  conversion  de  cette  province  a  été  obtenue 
par  intimidation  militaire  ou  à  prix  d'argent. 

Que  de  révélations  ne  contiendraient  pas  encore  les 
lettres  qui  n'ont  pu  être  recouvrées,  et  il  en  est  un  grand 
nombre  ;  car  nous  constatons  avec  peine  que  cette  pre- 
mière période  de  la  Correspondance  offre  des  lacunes 
considérables.  Et  plût  à  Dieu  qu'il  n'y  en  eût  pas  d'autres! 
Malgré  toutes  les  recherches  faites  depuis  vingt  ans,  il 
reste  assurément  encore  un  grand  nombre  d'épis  ignorés 
à  faire  entrer  dans  la  gerbe  si  belle  déjà  qu'est  la  collec- 
tion des  Lettres  de  saint  François  de  Sales.  Au  nom 
de  la  Religion  et  de  la  littérature ,  nous  adressons  un 
pressant  appel  à  tous  les  possesseurs  de  ces  richesses,  et 
nous  pouvons  promettre  d'avance  à  ceux  qui  voudront 
bien  y  répondre,  avec  notre  gratitude  la  plus  profondé- 
ment sentie,  celle  des  lecteurs  de  cette  Edition,  et,  ce  qui 
est  infiniment  préférable,  la  protection  spéciale  du  plus 
aimable  des  Saints. 

DOM  B.  Mackey,  O.  s.  B. 


LETTRE-CIRCULAIRE 

DE  S.  EM.  LE  CARDINAL  PAROCCHI,  VICAIRE  DE  SA  SAINTETÉ 

AUX  ÉYÊÛUES   D'ITALIE 


Dal  Vicariato,  Roma,  nella  festa  del  S.  Cuore,  9  Giugno  189g. 

Pubblicato  appena  il  primo  volume  (1892)  délia  nuova  edizione 
délie  opère  di  S.  Francesco  di  Sales,  per  cura  délie  religiose  délia 
Visitazione  del  primo  monastero  di  Annecy,  con  1'  intelligente  con- 
corso  del  dotto  benedettino  P.  Mackey,  si  guadagnô  il  plauso  uni- 
versale  degli  eruditi. 

La  solidità  délia  carta,  la  chiarezza  ed  eleganza  de'  tipi,  la  cor- 
rettezza  del  testo,  superiori  a  quanto  poteva  aspettarsi  dalla  piccola 
gemma  délia  Savoia,  furono  giudicati  pregi  bene  inferiori  alla  squisita 
diligenza,  posta  ad  assicurare  1'  autentica  lezione  dell'  opéra,  e  la 
diligenza  porto  si  generosi  frutti,  che  dal  primo  volume  al  decimo 
(1898),  e  sperasi  cosi  fmo  ail'  ultimo,  il  pensiero  di  S.  Francesco  di 
Sales,  quale  egli  medesimo  affidô  aile  immortali  sue  pagine,  v'  è 
fedelmente  riprodotto  e  in  modo  defmitivo. 

Ora,  pubblicate  omai  le  opère  maggiori,  fmo  ai  discorsi,  e  in  essi 
se  ne  trovarono  d' inediti  non  pochi,  come  si  venne  a  stampare  le 


Du  Vicariat,  Rome,  en  la  fête  du  Sacré-Cœur,  9  juin  1899. 

Dès  que  parut  le  premier  volume  (1892)  de  la  nouvelle  édition  des  œuvres 
de  saint  François  de  Sales,  publiée  par  les  soins  des  Religieuses  de  la  Visita- 
tion du  P""  Monastère  d'Annecy,  avec  l'intelligent  concours  du  docte  Béné- 
dictin P.  Mackey,  il  obtint  l'applaudissement  universel  des  érudits. 

La  solidité  du  papier,  la  clarté  et  l'élégance  des  caractères,  la  parfaite  cor- 
rection typographique,  supérieures  à  tout  ce  que  l'on  pouvait  attendre  de  ce 
petit  bijou  qu'on  nomme  la  Savoie,  furent  considérées  comme  des  avantages 
bien  inférieurs  à  l'extrême  diligence  mise  à  assurer  l'authenticité  du  texte. 
Cette  diligence  a  obtenu  des  résultats  si  excellents  que,  du  premier  volume 
au  dixième  (1898)  —  et  l'on  espère  qu'il  en  sera  ainsi  jusqu'au  dernier  —  la 
pensée  de  saint  François  de  Sales,  celle  qu'il  confia  lui-même  à  ses  pages 
immortelles,  s'y  trouve   fidèlement  reproduite  et  d'une   manière  définitive. 

Or,  les  principaux  ouvrages  du  Saint  ayant  été  déjà  édités  jusqu'aux  Ser- 
mons, parmi  lesquels  il  ne  s'en  est  pas  peu  trouvé  d'inédits,  l'impression  des 
lettres  allait  être  commencée,  lorsque  les  éditeurs  constatèrent  qu'un  grand 


Lettre  de  S.  Em.  le  Cardinal  Parocchi  xxxi 

lettere,  notarono  gli  editori  che  moltissime  ancora  ne  giacciono 
ascose  nelle  biblioteche  e  negli  archivi  di  pubblici  e  privati  institut!. 

Si  rivolsero  pertanto  a  me,  corne  a  Superiore  délie  Salesiane 
di  Roma,  affinchè  facessi  appelle  agli  Ordinariati  d' Italia,  in  aiuto 
air  impresa.  Il  chc  avendo  io  significato  alla  Santità  di  N.  Signore, 
Egli  nel  tanto  suo  zelo  per  le  sacre  discipline  e  per  le  lettere,  di 
buon  grado  aderiva. 

E  perô  non  solamente  in  mio  nome  e  délie  Salesiane  d'Annecy, 
ma  in  qualche  modo  anche  da  parte  del  Santo  Padre,  invito  e  prego 
gli  Ordinariati  d' Italia  a  procurare  ricerche  nelle  biblioteche  e  negli 
archivi  dipendenti  dalla  loro  giurisdizione,  se  mai  si  trovassero  let- 
tere od  altri  scritti  inediti  del  Santo  Vescovo  di  Ginevra.  E  trovati, 
li  prego  di  trarne  copia  autentica,  e  spedirli  o  direttamente  alla 
Superiora  del  primo  monastero  délie  Salesiane  d'Annecy,  od  a  me. 

Anticipo  i  più  vivi  ringraziamenti,  e  affido  alla  gratitudine  di 
S.  Francesco  di  Sales,  dell' opéra  che  presteranno  in  onore  di  lui,  la 

débita  ricompensa. 

Dev.mo  afif.  in  G.  G. 
LuciDO  Maria  Gard.  Parocchi, 

Vicario  générale  di  S.  S.,  Superiore  délie  Salesiane  di  Roma. 


nombre  demeurent  encore  cachées  dans  les  bibliothèques  et  dans  les  archives 
des  institutions  publiques  et  privées.  En  conséquence,  ils  s'adressèrent  a  moi. 
comme  au  Supérieur  des  Salésiennes  de  Rome,  afin  que,  faisant  appel  aux 
Evêques  d-Italie,  j'obtinsse  leur  concours  pour  cette  entreprise.  Ce  qu  ayant 
moi-même  exposé  à  Notre  Saint-Père  le  Pape,  si  grand  est  son  zèle  pour  la  dis- 
cipline sacrée  et  pour  les  lettres  qu'il  acquiesça  de  grand  cœur  à  cette  pensée. 

C'est  pourquoi,  non  seulement  en  mon  nom  et  au  nom  des  Salésiennes 
d'Annecv,  mais  aussi,  en  quelque  sorte,  de  la  part  du  Saint-Père  j  invite  et 
je  prie  les  Evéques  d'Italie  défaire  faire  des  recherches  dans  les  bibliothèques 
et  les  archives  dépendantes  de  leur  juridiction,  pour  savoir  s'il  s'y  trouve  des 
Lettres  ou  autres  écrits  inédits  du  saint  Evéque  de  Genève.  Et  en  ayant 
trouvé,  je  les  prie  d'en  tirer  une  copie  authentique  et  de  l'expédier  ou  direc- 
tement à  la  Supérieure  du  I"  Monastère  des  Salésiennes  d'Annecy  ou  a  moi. 

En  leur  offrant  à  l'avance  mes  plus  vifs  remerciements,  je  confie  a  la  grati- 
tude de  saint  François  de  Sales  le  soin  de  rémunérer  la  peine  qu'ils  pren- 
dront pour  procurer  sa  gloire. 

Très  dévoué  et  affectionné  en  Jésus-Christ. 
Lucide-Marie  Cardinal  Parocchi, 
Vicaire  général  de  Sa  Sainteté,  Supérieur  des  Salésiennes  de  Rome. 


AVIS   AU   LECTEUR 


La  plupart  des  Lettres  insérées  dans  ce  volume  ont  été  confrontées  sur 
les  originaux,  comme  l'atteste  l'indication  de  provenance  placée  au  bas  de 
chacune.  U absence  de  cette  indication  distingue  les  Lettres  empruntées  à 
des  publications  antérieures.  Voir  à  la  fin  du  volume  la  Table  de  corres- 
pondance, et  V Avant-Propos,  p.  xxvij. 

Les  éditeurs  sont  seuls  responsables  de  V  adresse  et  de  la  date  qui  précédent 
chaque  pièce  ;  Vune  et  l'autre  sont  répétées  à  la  fin  quand  elles  figurent 
sur  l'original.  Il  n'y  a  d'exception  que  pour  les  lettres  envoyées  au  duc  de 
Savoie  par  intermédiaire.  Ces  lettres  ne  portant  pour  toute  adresse  que  ces 
deux  mots  :  A  Monseigneur,  ce  serait  embarrasser  le  lecteur  de  les  placer 
après  la  clausule  et  la  signature. 

Qliand  la  date  attribuée  à  chaque  lettre  n'est  pas  absolument  sûre,  elle 
est  insérée  entre  [  ] .  Ces  signes  sont  également  employés  pour  les  mots 
qu'il  a  fallu  suppléer  dans  le  texte. 

Les  divergences  qui  existent  entre  les  minutes  et  le  texte  définitif  sont 
données  au  bas  des  pages.  Le  commencement  de  la  variante  est  indiqué  par 
la  répétition  en  italiques  des  mots  qui  la  précédent  immédiatement  au  texte, 
à  moins  que  le  point  de  départ  ne  corresponde  à  un  alinéa,  ou  que  la  cor- 
rélation ne  soit  évidente.  La  fin  est  régulièrement  marquée  par  la  lettre  de 
renvoi.  Celle-ci  signale  le  commencement  de  la  variante  alors  seulement 
que  cette  variante  embrasse  plus  d'une  page.  Les  passages  biffés  dans  l'Au- 
tographe sont  enchâssés  dans  des  V  J. 

Dans  les  variantes  des  lettres  latines  et  italiennes  les  seuls  passages  qui 
diffèrent  considérablement  du  texte  ou  qui  n'y  figurent  pas  du  tout  ont  été 
traduits.  Il  en  est  de  même  pour  la  minute  de  la  Lettre  LII^.  Pour  cette 
dernière,  une  f  indique  le  commencement  du  passage  à  traduire. 

On  trouvera  à  la  suite  de  la  Table  de  correspondance  un  Index  des 
notes  historiques  et  biographiques  contenues  dans  ce  volume.  Pour  l'ortho- 
graphe des  noms  propres,  voir  l'Avant- Propos,  p.  xxvij. 


LETTRES 


DE 


SAINT    FRANÇOIS    DE    SALES 


ANNÉES  ANTÉRIEURES   A    1593 


AU    BARON    d'hER.MANCE  (0 
Protestations  de  respect  et  de  dévouement. 

Paris,  26  novembre   1585. 
Monsieur, 

Despuys  vostre  dernier  voyage  en  ceste  ville  j'avois 
tousjours  bien  bonne  dévotion  de  vous  escrire,  ce  que 
toutefoys  je  n'avoys  osé  fayre.  31ays  nri'ayant  escript  un 
de  mes  amis  de  l'honneur  et  faveur  que  vous  aves  faict 
aune  mienne  seur  >  ,je  me  suys  persuadé  que  le  treuveries 
bon  de  moy,  auquel  vous  listes  tant  d'acueil  dernière- 
ment en  ceste  ville  ;  joinct  aussi  que  ne  pouvant  encores 
(Dieu  m'en  face  la  grâce  pour  Tadvenir)  fayre  paroistre 

{ I  )  François-Melchior  de  Saint-Jeoire,  baron  de  Saint-Jeoire,  de  Féterne 
et  d"Hermance,  seigneur  de  la  Chapelle,  chambellan  du  duc  de  Savoie, 
Charles-Emmanuel  P"".  Dans  le  courant  de  septembre  15S4,  ce  seigneur  fut 
envoyé  à  Paris  pour  notifier  à  la  reine  mère  le  mariage  du  duc  son  sou- 
verain avec  Catherine  d'Espagne.  En  qualité  d'ami  de  M.  de  Boisy,  il  visita 
son  fils,  alors  étudiant  au  collège  de  Clermont.  Devenu  plus  tard  gouverneur 
du  fort  de  Sainte-Catherine  et  de  celui  des  AUinges,  gouverneur  militaire  des 
baillages  de  Chablais,  Ternier  et  Gaillard,  le  baron  d'Hermance  protégea  notre 
Saint  dans  les  débuts  de  la  mission  du  Chablais,  et  lui  donna  pendant  six  mois 
l'hospitalité  au  château  des  AUinges.   Il  mourut  le  20  novembre  1395. 

(2)  Gasparde,  sixième  enfant  de  M.  de  Boisy.  Quoiqu'elle  fût  encore  en 
bas  âge,  peut-être,  selon  les  usages  de  l'époque,  s'agissait-il  déjà  pour  elle 
d'un  projet  d'alliance  auquel  le  baron  d'Hermance  se  serait  intéressé. 

Lettres  I  I 


â  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

TafFection  que  j'a}^  de  vous  fayre  humble  service,  j'ay 
volu  (comme  il  s'accoustume)  vous  en  donner  souvenance 
par  lettres.  Et  maintenant  que  je  su3's  au  milieu  et  meil- 
leur âge  de  mes  estudes,  si  je  puys  cognoistre  seulement 
par  presumption  que  prenies  en  bonne  part  mes  lettres, 
ce  me  sera  comme  un  aultre  corage  pour  poursuyvre  mon 
entreprise  en  Testude,  laquelle  j'oseroys  bien  me  pro- 
mettre (sans  me  flatter)  réussira  au  bien  que  je  désire. 
Dieu  aydant,  qui  est  de  le  bien  pouvoir  servir  ;  puys 
après,  vous  fa3're  service,  a  qui  j'a}'  tant  de  debvoir  et 
obligation. 

J'auroys  bien  Bonne  volonté  de  vous  escrire  des  nou- 
velles de  pardeça,  mays  les  nostres  ne  sont  que  de 
collèges,  outre  ce  qu'elles  sont  si  incertaynes  (on  a  faict 
le  prince  de  Condé  mille  fo3^s  mort)  que  pour  ce  seul 
respect  il  me  semble  que  je  suys  asses  excusé  d'en 
escrire. 

Atant  je  vous  bayse  bien  humblement  les  mains,  et 
prie  Dieu,  Monsieur,  qu'il  vous  tienne  en  santé  et  très 
heureuse  vie,  vous  suppliant  de  vous  resouvenir  de  moy 
comme  de  celluy  qui  est  et  sera  a  jamays 

Vostre  plus  humble  serviteur 

François  De  Sales. 

Monsieur   Deage(0  vous   ba3^se  bien   humblement    les 
[mains].  De  Paris,  ce  26  novembre  1585. 

A  Monsieur 
Monsieur  le  baron  d'Armence 
a  la  Chapelle. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à   Genève,   Archives  de  l'Etat. 
Voir  le  fac-similé  placé  en  tête  de  ce  volume. 

(  i)  Jean  Déage,  natif  de  Cornier  en  Genevois,  précepteur  de  saint  François 
de  Sales  dès  sa  tendre  jeunesse,  le  suivit  à  Annecy,  à  Paris  et  à  Padoue  ;  ce 
fut  dans  cette  dernière  ville  qu'il  prit  le  grade  de  docteur  en  théologie 
(il  septembre  1591).  Rentré  en  Savoie,  il  obtint  un  canonicat  au  Chapitre  de 
Saint-Pierre  de  Genève,  l'année  même  où  son  illustre  disciple  en  était  nommé 
Prévôt.  Quand  celui-ci  fut  élevé  à  la  dignité  épiscopale,  le  chanoine  Déage, 
demeuré  son  conseiller,  devint  son  commensal,  et  vécut  dans  l'intimité  du  saint 
Evéque  jusqu'à  sa  mort.  'L'acte  de  son  inhumation  est  daté  du  8  juin  1610.) 


Année  1590  i  ^'^ 

I  I  *» 

\/      A    UN   ANCIEN    PROFESSEUR  (  l'I 
(minute  inédite)  (2) 

Succès  des  armes  du  roi  de  Navarre.  —  Epidémie  parmi  les  étudiants. 

Padoue,  26  juillet  1390. 

lo  tengo  con  Vostra  Signoria  un  particular  obligo  di 
ringratiarla,  poi  que  (sic)  particularmente  de  i  Savoyani 
suoi  essa  a  (sic)  fatta  memoria  nella  sua  cortesissima 
lettera  messa  a  tutti  i  nostri  concameranti.  La  ringratio 
dunque  que  la  habbi  quella  memoria  di  noi  et  tanta 
cura  del  ben  nostro,  ch'  essendo  in  messo  [sic]  d' una  città 
que  tanto  (se  io  non  m'inganno)  si  rallegra  di  quella 
nuova  Navarrescha,  lei  non  sene  pigli  altramente  con- 
tentezza  per  amor  nostro  ;  se  ben  anchora  il  zelo  délia 
fede  catholica  nostra  impedischa  principalmente  in  V.  S. 
allegrezza  d'un  fatto(»)  tanto  compassionevole  a  chi  lo 


Je  me  tiens  spécialement  obligé  de  remercier  Votre  Seigneurie, 
puisqu'elle  a  fait  une  mention  particulière  de  ses  Savoisiens  dans  sa 
très  aimable  lettre  adressée  à  tous  nos  condisciples.  Je  vous  remercie 
donc  d'avoir  quelque  souvenir  de  nous,  et  tant  de  sollicitude  pour 
notre  bien,  que  vous  trouvant  au  milieu  d'une  ville  où,  si  je  ne  me 
trompe,  on  se  réjouit  beaucoup  de  la  nouvelle  Navarraise  qui  s'y  est 
répandue,  par  affection  pour  nous  vous  n'en  éprouvez  aucun  con- 
tentement. 11  est  bien  vrai  que  le  zèle  de  Votre  Seigneurie  pour  notre 
foi  catholique  est  la  cause  principale  qui  l'empêche  de  se  réjouir  d'un 

(a)  d'unfatto —  [\\  quai  forse  non  riescira  doue  gl"  huomini  creddono.J 


(  I  )  Ce  personnage  paraît  être  Jacques  Ménochius  (1532-1607),  qui  professa 
le  droit  pendant  plus  de  vingt  ans  à  l'Université  de  Padoue.  Il  l'enseigna 
ensuite  à  Pavie,  sa  ville  natale,  durant  l'année  1 589-1 590.  Il  n'est  pas  invrai- 
semblable qu'il  se  soit  rendu  de  là  à  Venise,  ville  dévouée  à  Henri  IV,  pour 
surveiller  l'impression  du  second  volume  de  son  traité  De  Prcesumptionibiis, 
Qonjecturis...  Commentariorum  Pars  secunda.  Venetiis,  apud  F.  Ziletti  1590. 

(  3  )  Cette  lettre  a  été  découverte  et  acquise  par  la  Visitation  d'Annecy  après 
l'impression  des  premières  feuilles  de  ce  volume. 


4  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

je  me  plains  de  celles  que  monsieur  Cadel  et  autres  amys 
ont  porté,  que  j'eusse  pensé  devoir  estre  fidellement 
rendues.  Et  de  vos  nouvelles  nous  en  avons  tousjours  eu 
nostre  parc  quand  vous  escrivies  a  monsieur  Coppier  (O, 
car  de  vostre  grâce  vous  faysies  tousjours  mention  et  de 
moy  et  de  tous  ces  autres  messieurs  ausquels  je  ne  cède 
poinct  en  ce  faict,  et  sans  cérémonie  je  me  nomme  .... 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


III 


A     UN     INCONNU 


(MINUTES    INEDITES) 


Remerciements  pour  une  lettre  reçue  de  lui. 

Padoue,  [vers  octobre   1590.] 

Monsieur, 

Je  ne  fis  jamais  chose  qui  méritasse  que  vous  prissies 
la  peine  de  m'escrire  avec  tant  de  caresses  comme  vous 
aves  faict  le  24  de  septembre  (3),  dont  je  vous  remercie 
d'autant  plus  humblement  de  ceste  vostre  faveur,  pour 
laquelle  je  m'offriroys  a  vous  humblement  si  je  ne  vous 
estoys  desja  tout  obligé  et  dédié.  Or,  vostre  lettre  me 
servira  au  moins  de  tesmoignage  que  vous  prenes  a  gré 
l'affection  que  je  vous  porte,  et  partant  j"ay  pris  un  très 


(a)  (/*  septembre.  —  TBien  que  tousjours  j'aye  eu  extrême  affection  a  vostre 
service... J 

(i)  Jean  Coppier,  alors  étudiant  en  médecine  à  l'Université  de  Padoue; 
il  exerça  dans  la  suite  sa  profession  à  Chambéry,  et  continua  d'entretenir 
avec  le  Saint  des  relations  dont  on  trouve  la  preuve  dans  la  correspondance 
de  celui-ci. 


Année  1590  5 

grand  contentement  de  voir  que  desires  que  je  retourne 
bien  tost  par  devers  vous,  tout  plein  de  belles  qualités... 


Monsieur, 
Vous  pouves  bien  tant  quil  vous  playra  accroistre  le 
monde  d'obligations  que  je  vous  ay,  comme  vous  aves 
faict  prenant  la  peyne  de  m'escrire  le  24  septembre  avec 
tant  de  caresses  comme  vous  aves  faict  ;  mays  vous  ne 
pouves  plus  accroistre  l'affection  que  je  vous  porte,  et  a 
vostre  service,  icelle  estant  aussy  grande  qu'on  la 
pourroit  avoir 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  de  Turin. 


IV 

A     UN     INCONNU 

(minute  inédite) 

Témoignages  de  respect  et  d'affection. 

Padoue,  [octobre  ou  novembre  1590(1).] 

Monsieur, 

Je  me  fais  accroyre  que  monsieur  des  Granges  (  2  ), 
présent  porteur,  m'ayme  beaucoup,  comme  j'en  ay  eu  de 
fort   bons    signes  ;   dont   l'ayant   prié   fort   instamment 

(i  )  L'allusion  que  cette  lettre  fait  à  la  vacance  du  Saint-Siège  justifie  la 
date  que  lui  attribuent  les  éditeurs.  Elle  a  dû  être  écrite  dans  l'intervalle  qui 
s'est  écoulé  entre  la  mort  d'Urbain  VII  (27  septembre  1390)  et  l'élection  de 
Grégoire  XIV  (5  décembre  de  la  même  année).  Il  est  vrai  que  le  Siège  aposto- 
lique fut  vacant  quatre  fois  pendant  les  années  que  saint  François  de  Sales 
passa  à  Padoue  ;  mais  des  raisons  qu'il  serait  trop  long  de  détailler  militent 
en  faveur  de  l'époque  indiquée  ci-dessus. 

(2)  Jacques  des  Granges,  étudiant  à  l'Université  de  Padoue,  appartenait, 
d'après  Charles-Auguste  de  Sales,  à  une  noble   famille  de  la  Val  d'Aoste.  Il 


6  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

qu'estant  de  pardela  il  me  recommandasse  fort  affection- 
nement  a  vostre  bonne  grâce,  je  ne  doute  poinct  que  sil 
vous  peut  trouver  et  se  souvient,  il  ne  face  cela  pour 
moy.  Toutefoys ,  pour  autant  que  peut  estre  ne  vous 
trouvera  il  pas  comme  il  désire,  et  aussy  quil  est  fort  aysé 
a  oublier  si  peu  de  chose  comme  je  suys,  (a)  affin  d'as- 
seurer  mon  intention  j'ay  escrit  ces  deux  mots  que  je 
vous  addresse,  par  lesquels  je  vous  salue  très  humblement 
et  affectionnement,  et  vous  remercie  de  la  memo3^re  que 
vous  eustes  de  moy  quand  monsieur  de  la  Chapelle  (0 
print  congé  de  vous  pour  venir  icy,  lequel  m"a  encores  dict 
que  d'autrefoys  vous  luy  avies  parlé  de  moy  ;  1^)  ce  que 
cognoissant  ne  venir  de  mes  mérites,  j'en  honore  d'autant 
vostre  bonté,  delaquelle  je  reconnoys  toutes  ces  faveurs. 
On  a  dict  que  le  duc  de  Florence  (  =  )  s'en  alloit  mourir 
et  quil  se  traittoit  de  fayre  Pape  le  Cardinal  de  Sens  (3), 
ce  que  n'estant  asseuré  je  m'en  rapporte  a  l'événement. 
Je  présuppose  que  deux  de  mes  lettres  vous  auront  estëes 
données      

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  de  Turin. 


(a)  comme  je  suys,  —    fje  luy  ballie  ceste  lettre. ..J 

(b)  de  moy  ; —  ffaveur  laquelle  bien  que  je  ne  mérite,  si  ne  laysse  je  pas 
d'en  estre  très  ayse...J 

fut  l'un  de  ceux  qui  signèrent  en  qualité  de  témoins  les  lettres-patentes 
concédant  à  saint  François  de  Sales  le  grade  de  docteur  en  droit.  On  lit  en 
effet  dans  ces  lettres  :  Datum  et  actum  Paduœ...  anno  Domini  MDXCI...  die 
Jovis,  V  mensis  Septembris...  prcesentibits  Rdo  Domino  Joanne  de  Agio  et  Nobi- 
libus  Dominis  Joanne  Baptista  Valentiano,  Aniedeo  de  Bavo,  Joanne  Gulielmo 
Martineto...  Jacobo  de  Granares,  et  Joanne  Jacobo  Andrerio,  omnibus  Sabaudis. 
(  I  )  Jean-Baptiste  de  Valence,  fils  de  Jean-Baptiste,  seigneur  de  la  Chapelle, 
dont  le  nom  figure  dans  le  document  cité  ci-dessus  ;  il  fut  toute  sa  vie  l'ami 
de  notre  Saint.  On  le  retrouve  plus  tard  (1617)  juge-mage  à  Ternier  et  Gaillard, 
conseiller  du  duc  de  Savoie,  puis  enfin  sénateur  (i^""  octobre  1632). 

(2)  Ferdinand  P""  de  Médicis,  qui  régna  de  1587  à  1609.  C'étaient  assuré- 
ment de  faux  bruits  qui  circulaient  au  sujet  de  sa  santé;  car  non  seulement 
l'histoire  ne  mentionne  aucune  maladie  du  duc  à  cette  époque,  mais  elle 
témoigne  au  contraire  de  l'activité  qu'il  déploya  pendant  les  diverses  vacances 
du  Saint-Siège  qui  se  succédèrent  alors  à  de  si  courts  intervalles. 

(3)  Nicolas  de  Pellevé  (1^18-1^94),  d'abord  Evéque  d'Amiens,  avait  été 
transféré  à  l'archevêché  de  Sens  en  1361,  et  promu  au  cardinalat  le  i^  juin  1570. 


Année   1591 


V 


A      UN      GENTILHOMME 

(MIXCTE    inédite) 

Remerciements  pour  la  bienveillance  que  lui  témoigne  ce  gentilhomme 
et  pour  la  lettre  qu'il  en  a  reçue. 

Padoue,  l'59'-] 
Monsieur, 

Despuys  Ihonnorable  memoyre  que  vous  fistes  de  moy 
par  lettre  a  monsieur  de  Marry,  il  y  a  quelque  tems,  qui 
me  fut  comme  un'arre  de  vos  grâces,  le  grand  désir  que 
ja  auparadvant  j'avoys  d'estre  accepté  pour  vostre  servi- 
teur très  humble  s'estoit  extrêmement  accreu.  Et  pourtant 
3  avoys  a  plusieurs  foys  prié  monsieur  de  la  Tornette  (0 
et  monsieur  de  la  Porte  .')  de  vous  fayre  présent,  de 
ma  part,  et  de  moy  mesme  et  de  mon  service,  pensant 
par  ce  moyen,  sans  que  je  vous  importunasse  par  lettres 
(que  je  craignoys  fort),  vous  pouvoir  fayre  sçavoyr 
combien  je  me  connoissois  honnoré  de  vostre  mention  et 
combien  humblement  je  vous  en  remercioys.  D'autre  part 
j'estimoys  que  sous  Tadveu  de  ceux  qui  m'eussent  pré- 
senté a  vous,  j'eusse  esté  beaucoup  mieux  receu  que  je 

(  I  )  Louis  de  l'Alée  ou  de  Lallée,  seigneur,  puis  baron  de  la  Tournette  et 
Songy  (ses  terres  furent  érigées  en  baronnie  par  patentes  du  5  février  1615), 
conseigneur  de  la  Val  des  Clefs,  chevalier  grand-croix  de  l'Ordre  des  saints 
Maurice  et  Lazare,  ambassadeur  en  Suisse.  Son  testament  est  daté  du  10  dé- 
cembre 1623. 

(s)  Il  existait  en  Faucigny  une  famille  de  la  Porte,  dite  de  Vallon;  on  ne 
saurait  toutefois  affirmer  que  le  personnage  dont  il  est  ici  question  appartînt 
à  cette  famille  ;  peut-être  est-ce  celui  que  nous  retrouverons  plus  tard 
intendant  de  la  duchesse  de  Mercœur,  et  auquel  notre  Saint  adressa  une  lettre 
le  6  juin  1603. 


8  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

n'eusse  osé  me  promettre  sans  présomption.  (^)  Dont  vous 
pourres  asses  connoistre,  sans  que  je  vous  en  die  autre, 
avec  combien  de  satisfaction  j'ay  receu  vostre  lettre, 
combien  j'en  fays  d'estat  et  combien  estroittement  je 
m'en  sens  obligé,  mays  beaucoup  plus  de  ce  que  par 
icelle  vous  me  présentes.  Dequoy  je  prendray  et  retien- 
dray  bien  chèrement  tout  ce  dont  je  seray  capable;  car 
il  ne  messied  pas  a  vostre  grande  humanité  de  beaucoup 
présenter,  mays  ce  seroit  grande  insolence  a  moy  de(b) 
n'en  vouloir  refuser. 

Et  maintenant,  puys  quil  vous  a  pieu  me  monstrer  de 
si  bons  signes,  ains  de  me  fayre  fayre  de  si  bonnes 
asseurances  de  vostre  amitié  en  mon  endroit,  je  vous 
supplieray  très  humblement  de  me  fayre  ce  bien  que 
de  continuer,  et  me  mettre  en  conte  comme  vostre  très 
humble  et  serviteur.  Et  bien  que  je  n'a5"e  autre  (<=)  mé- 
rite, si  est  que  la  grande  et  bonne  affection  que  j'ay  est 
suffisante  pour  me  fayre  avoyr  un  lieu  de  mortepaye  en 
vostre  service,  affin  que  j'âye  le  contentement,  par  la 
continuation  de  ceste  vostre  faveur 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


(a)  sans  présomption.  —  fVoyla,  Monsieur,  qui  me  garda  de  vous  bayser 
les  mains  en  escrit,  que  je  vous  ay  baysees  mille  foys  humblement  en  mon 
affection.  Et  de  la,  Monsieur,  ny  je  ne  vous  diray  plus  avec  quelle  mesme 
satisfaction  j'ay  leue  et  releu  vostre  si  courtoyse  lettre. ..J 

(h)  de  —  [-penser  a  les  accepter.. .J 

(c)  aufre  —  j-qualité  qui  me  puysse  pousser  en  ce  lieu  la...J 


Année   1591 


VI 


A    UN    AiMI 

(minute  inédite) 

Assurances  d'amitié. —  Désir  d'être  connu  d'un  personnage  de  grand  mérite. — 
Nouvelles  d'un  condisciple.  —  Message  de  son  précepteur.  —  Un  mot  sur 
son  frère  Gallois. 

Padoue,   25   mars   1591. 

Quas  ad  me  3  calend.  Decembris  1590  et  10  calend. 
Februarii  1591  (^)  perscripsisti  simul  accepi  his  diebus, 
ut  copia  litterarum  tuarum  momentanea  paenuriam 
earumdem  diuturnam  compensaret.  Cujusnam  autem 
culpa  factum  sit  ut  priores  illas  tam  tarde  acceperim 
cogitare  nolui,  ne  ab  ea  cogitatione  in  amicorum  quem- 
piam  quippiam  iracundiae  meae  derivaretur.  Ingenti  te 
metu  perculsum  ais  ne  aliquam  in  te  concepissem  indi- 
gnationem,  quod  postremis  meis  litteris  stomachari  vide- 
rer,  quasi  tu  vel  in  amando  me  pertinax  non  esses  aut 
diligens  in  scribendo  ;  quo  magis  miror  in  te  eum 
metum('^)extitisse,  qui  sane  «  in  constantem  virum  cadere 


J'ai  reçu  à  la  fois,  ces  jours-ci,  les  lettres  que  vous  m'avez  écrites 
le  29  novembre  1590  et  le  23  janvier  1591.  Cette  abondance  mo- 
mentanée compensait  ainsi  la  pénurie  dans  laquelle  vous  m'aviez 
laissé.  A  qui  la  faute  si  j'ai  reçu  si  tard  la  première  lettre?  Je  n'ai 
pas  voulu  le  rechercher,  de  peur  que  cette  recherche  ne  fît  retomber 
un  peu  de  mon  mécontentement  sur  quelqu'un  de  mes  amis.  Vous  avez 
grandement  craint,  dites-vous,  que  je  n'eusse  conçu  à  votre  égard 
quelque  indignation,  car  dans  mes  dernières  lettres  je  semblais  fâché 
de  ce  que  vous  n'êtes  pas  ardent  à  m'aimer  ou  diligent  à  m'écrire. 
Je  m'étonne  d'autant  plus  qu'une  telle  crainte  ait  pu  exister  en  vous, 
qu'elle  ne  peut  assurément  «  s'emparer  d'un  homme  fort  et  constant.  » 

(a)  Febfuarti  lypi —   fscripsisti  Chamberii...J 

(b)  timorem 


u 


!0  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

•  Innocent.  III,  in   non   possit  *.  »    Scd   id   ita   solvis  :    «  Cuncta    timemus 

Décrétai., lib.I,tit.  ^       *         r.  ^       •    ^  -i  • 

XL,  c.  IV.  amantes'^,  »  bene  est,  si  tamen  mihi  optio  relicta  est. 

•Ovidius  Metam.,  Gratius  accepi  quod  posterioribus  scribis  adduci  non 
posse  ut  credas  in  me  aliquam  tui  oblivionem  cadere 
posse;  id  apud  te  firmissimum  ac  omni  formidine  remota 
constitutum  velim.  Profecto  scripsi  dedique  ad  te  litteras 
non  semel,  (c)  de  quarum  appulsu  nihil  audivi  ;  postea 
hinc  inde  ab  amicis,  modo  hoc  modo  illo,  de  te  exquisivi 
pœne  importune.  31irum  undique  de  te  (in  te  etiam  fere 
dixi)  silentium.  Te  in  Galliis  esse  audio  ;  ad  te  desino 
scribere,  ab  aliis  de  te  sciscitari  non  desino.  Quid  mihi 
culpae  est  ?  Hae  mihi  sunt  omni  actione  majores  excep- 
tiones.  Ergo,  quantumvis  amantissimus,  his  timoribus 
locum  deinceps  ne  dederis  ;  quamvis  enim  ii  ab  amore 
proficisci  videantur  initio,  postea  tamen  saepe  parvulis  et 
brevissimis  mutationibus  temporisque  processu  genito- 
rem  ipsummet  suum  interimunt.  At  ne  me  de  timoré  tuo 


Si  vous  l'expliquez  de  la  sorte  :  «  Tout  éveille  les  craintes  de  ceux  qui 
aiment,  »  c'est  bien,  mais  à  la  condition  que  vous  me  dispenserez  de 
vous  prouver  mon  affection  en  redoutant  tout  de  votre  part. 

Votre  dernière  lettre  m'a  été  plus  agréable.  Vous  m'écrivez,  en 
effet,  que  rien  ne  vous  persuadera  que  j'aie  pu  vous  oublier  le  moins 
du  monde.  Je  voudrais  que  cette  conviction  demeurât  en  vous  le  plus 
fermement  possible  et  prévint  toute  ombre  de  défiance.  Le  fait  est  que 
je  vous  ai  écrit,  que  je  vous  ai  expédié  plus  d'une  fois  des  lettres, 
sans  savoir  jamais  si  elles  vous  étaient  parvenues,  j'ai  demandé 
ensuite  de  vos  nouvelles  d'ici,  de  là,  tantôt  à  un  ami,  tantôt  à  un 
autre,  jusqu'à  me  rendre  presque  importun  ;  mais  partout,  silence 
étonnant  sur  vous  (peu  s'en  faut-il  que  je  ne  dise  contre  vous). 
J'apprends  que  vous  êtes  en  France.  Je  cesse  de  vous  écrire,  je  ne  cesse 
pas  de  demander  de  vos  nouvelles.  Quelle  faute  ai-je  commise  ?  Ces 
preuves  de  mon  affection  sont  plus  fortes  que  toutes  vos  accusations. 
Donc,  quelle  que  soit  votre  affection,  ne  cédez  plus  désormais  à 
ces  craintes.  En  effet,  bien  qu'elles  semblent  au  début  engendrées 
par  l'amour,  souvent  dans  la  suite,  par  de  très  petits,  d'insensibles 
changements,  elles  tuent,  avec  le  temps,  celui-là  même  qui  les  a 
engendrées.  Toutefois,  ne  croyez  pas  que  votre  crainte  m'inspire  une 

(c)  non  semel,  —   fseptimestre  silentium  non  fuit...J 


Année   1591  il 

timere  reflectas  ;  ('^)  mihi  enim  de  eo  mentio  est,  nuUus 
vero  metus,  Quos  de  me  passim  seris  sermones  apud 
tuos,  maxime  apud  eum  quem  haerum  tuum  appellas, 
vide  ne  ita  accipiantur  quasi  sementem  agri  tui  colloces 
ac  quod  sentio  sentiant  alii  :  tua  tibi  in  ore  esse,  tuoque 
te  melle  delectari.  Hœc  pro  familiaritate.  Alioquin  quid 
mihi  optabilius  quam  me  ex  nomine,  te  nominante,  ab  eo 
cognosci  cujus  nomini  me,  si  annueret,  consecratum 
facere  omnibus  bonis  caeteris  anteponerem  (0  ?  Quam  in 
sententiam  corde  premo  plurima  quse  nec  paenitus  dicere 
possum,  nec  si  possem,  spatium  ad  scribendum  a  latore 
praestitutum  permitteret. 

Antonium,  quem  Franciscum  vi  simpathiae  nominas, 
Merindulensem  (  =  )  suamet  manu  inter  tuas  (sic)  adscri- 
bam,  bonum,  prudentem,  ac  supra  aetatem  philosophum 


crainte  équivalente.  Je  la  mentionne  simplement,  je  ne  l'éprouve 
nullement.  Quant  aux  paroles  que  vous  semez  sur  mon  compte,  par  ci 
par  là,  auprès  de  vos  amis,  surtout  auprès  de  celui  que  vous  appelez 
votre  maître,  prenez  garde  qu'on  ne  les  interprète  comme  si  vous 
semiez  votre  champ  pour  que  les  autres  pensent  ce  que  je  pense 
moi-même,  c'est-à-dire  que  vous  proclamez  vos  vertus,  que  vous 
savourez  votre  propre  miel.  Ceci  entre  nous.  Si  cet  homme  consen- 
tait à  m'accepter  comme  sien  ce  serait  pour  moi  un  bien  préférable  à 
tout  autre  bien  ;  rien  donc  ne  me  sera  aussi  avantageux  que  de  lui 
être  connu,  au  moins  de  nom,  par  votre  entremise  (  '  ).  Sur  ce  sujet, 
je  garde  en  mon  cœur  bien  des  choses  que  je  ne  puis  entièrement 
révéler,  et,  le  pourrais-je,  que  le  temps  laissé  par  le  porteur  ne  me 
permettrait  pas  de  les  écrire. 

Antoine  de  Mérindol  (2)  que,  par  sympathie,  vous  appelez  François, 
de  sa  propre  main  se  consigne  entièrement  entre  les  vôtres.  C'est  un 
jeune  homme  bon,  prudent  et  philosophe  à  un  degré  bien  supérieur 

(d)  timere  reflectas  ;  —   fin  ejus  enim  suni  mentione  non  timoré. ..J 


{  I  )  En  rapprochant  ce  passage  de  la  Lettre  IX,  p.  ao,  lignes  2  et  3,  on  est 
amené  à  conclure  qu'il  s'agit  ici  du  célèbre  Antoine  Favre,  alors  sénateur  à 
Chambéry.  Ce  qui  confirme  encore  cette  hypothèse,  c'est  que  (voir  variante  (a) 
le  destinataire  de  la  présente  lettre  parait  habiter  la  même  ville. 

(2)  Antoine  Mérindol  (i 570-1624),  qui  devint  dans  la  suite  conseiller, 
médecin  ordinaire  de  Louis  XIII  (1616)  et  premier  professeur  de  médecine  à 
l'Université  d'Aix,  avait  fait  de  brillantes  études  à   Paris  et  à  Padoue.    Il  a 


12  Lettkhs  de  saint  François  de  Sales 

juvenem  ;  hoc  solo  nomine  miserandum  quod  tanto 
ingenio  genioque  minime  par  sit  nactus  corpusculum, 
sed  calculo  generando  pessime  aptum  (lapidem  philoso- 
phicum  a  générante  nominarim).  Morbo  sibi  omnibusque 
amicis  suis  gravissimo  decumbens  ipse,  ego  assidens,  de 
te  plurima,  quibus  plane  efFectum  est  ut  tui  desiderio  non 
minus  quam  sanitatis  langueret. 

Deageus  praeceptor  noster  te  plurimum  salvere  jubet. 
Fratrem  meum  non  adeo  mihi  dissimilem  credo  quin 
semper  inter  tuos  remaneat  (O;  quamdiu  vero  pro  setate 
ex  nobis  pendet  tanquam  accessorium  majori  fratri  cedit. 
Porro,  ad  omnes  opéras  jus  in  me  tibi  esse  non  patrinatus 
sed  patronatus  existimes  quœso.  Subinde  scribam  vale. 

Patavii,  ipso  annunciatae  salutis  salutatseque  Virginis 
die. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  de  Turin. 


à  son  âge.  Une  seule  chose  est  à  regretter  en  lui,  c'est  qu'il  ait  un 
corps  chétif,  peu  proportionné  à  ses  grandes  qualités,  à  sa  belle  na- 
ture. Il  est  fort  porté  à  engendrer  la  pierre  (que  chez  lui  on  pourrait 
appeler  pierre  philosophale).  11  a  été  retenu  au  lit  par  cette  maladie 
très  douloureuse  pour  lui  et  pour  tous  ses  amis.  Je  l'assistai.  Nous 
parlâmes  beaucoup  de  vous,  ce  qui  le  fit  soupirer  après  vous  tout 
autant  qu'après  la  santé. 

M.  Déage  notre  précepteur  m'ordonne  de  vous  saluer  mille  fois. 
Mon  frère  me  ressemble  assez,  je  crois,  pour  demeurer  toujours  des 
vôtres  (  I  ).  Pendant  que  son  âge  le  tient  en  dépendance  de  nous,  il  suit 
comme  un  accessoire  son  frère  aîné.  Sachez  que,  pour  n'importe  quel 
service,  vous  avez  droit  d'user  de  moi,  non  il  est  vrai  en  qualité  de 
parrain,  mais  à  titre  de  maître.  Et  sur  ce,  je  vous  dis  adieu. 

Padoue,  jour  de  l'annonce  de  notre  salut  et  de  la  salutation 
donnée  à  la  Vierge. 

laissé  des  traités  de  médecine  très  estimés,  qui  ont  été  publiés  en  un  volume 
in-folio  (Aix,  1633),  sous  ce  titre  :  Anionii  Merindoli...  Ars  medica  in  ditas 
partes  secta,  in  qua  non  solnm  explicantur  ea  quœ  ad  medicinam  discendam  sitnt 
necessaria,  sed  multa  qnœ  Theologos  et  Philosophas  recreare  valeant  continentur. 
(  I  )  Gallois,  frère  puîné  de  saint  François  de  Sales,  avait  été  d'abord 
destiné  à  l'état  ecclésiastique  et  pourvu  même  de  la  cure  de  Corsier  et  d'un 
canonicat  au  Chapitre  de  Saint-Pierre  de  Genève  ;  mais  ses  vues  ne  tardèrent 
pas  à  se  tourner  ailleurs.  Il  épousa  (contrat  dotal  du  30  janvier  IS97)  Jeanne 
du  Fresnoysde  Chuyt,  dont  il  eut  plusieurs  enfants,  et  mourut  le  29  juillet  16  r  4. 


ANNEE     1593 


VII 


A   UN    ANCIEN    CONDISCIPLE 


(minute  inédite) 


Remerciements  pour    l'atteution   qu'a   eue  ce  personnage    de    lui   dédier   ses 
thèses  de  théologie.  —  Espoir  de  le  voir  prochainement  à  Annecy. 

[Annecy,    1593.] 

Tuis  equidem  meritis  ac  virtutibus  me  totum  jam 
pridem  debebam,  doctissime  vir;  nunc  autem  titulo  sane 
omni  exceptione  majore,  ob  benevolentiam  scilicet  qua 
tam  amice  cultissimas  illas  de  theologia  conclusiones 
mihi  nuncupare  dignatus  es,  me  totum  sane  tibi  vindicas. 
Quid  enim  mihi  gloriosius  in  humanis  accidere  potuit 
quam  ignotum  me  quidem,  tibi,  doctissimo  et  absolutis- 
simo  viro,  pro  amico  provocari,  cum  in  me  nihil  sit  taie 
quod  tuam  mihi  possit  conciliare  voluntatem  ?  Quamvis 
enim  patrisR  ac  primi  litterarii  tirocinii  mihi  tecum  inter- 
cesserit  communio,   tôt   me  tamen    ingenii    et    doctrinae 


Depuis  longtemps  déjà  vos  mérites  et  vos  vertus,  homme  très 
savant,  auraient  suffi  pour  m'attacher  à  vous  sans  réserve  ;  mais 
aujourd'hui  vous  vous  êtes  acquis  sur  toute  ma  personne  un  droit 
sans  égal  par  la  bienveillance  qui  vous  a  porté  à  me  dédier  si  amica- 
lement vos  très  savantes  thèses  théologiques.  En  effet,  que  pouvait-il 
humainement  m'arriver  de  plus  glorieux  que  de  m'entendre  donner 
le  titre  d'ami  par  un  personnage  si  docte  et  si  accompli  ?  Il  n'est 
rien  en  moi,  homme  obscur,  qui  puisse  ainsi  me  concilier  vos 
bonnes  grâces.  Sans  doute,  nous  sommes  compatriotes  et  nous 
avons  commencé  ensemble  nos  études  littéraires  ;  mais  vous  m'avez 


14  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

gradibus  inferiorem  tibi  fecisti,  ut  in  tanta  dissimilitu- 
dine  mirum  sit  tantam  amicitiam  esse  posse  quantam 
tibi  mecum  esse  vis. 

Verum  quando  de  tuo  ad  nos  reditu  tam  recte  sperare 
jubet  ducalis  Patrimonii  principalis  procuratorl'  ,consan- 
guineus  tuus,  vir  de  republica  ac  de  me  seorsim  optime 
meritus,  expecto  in  dies  avidius  laetam  illam  horam  qua 
te  videre,  audire  ac  amicissimis  complexibus  excipere 
liceat.  Interea  et  de  tanta  tua  in  me  propensione  gratias 
agere  quantas  maximas  me  [credas]  tibique  scias  addic- 
tissimum,  vir  ornatissime,  et  Christum  habeto  [pro- 
pitium]. 

Revu  sur  l'Autographe  appartenant  à  M™-  Doroz,  née  d'Arcine,  à  Besançon. 


tellement  dépassé ,  votre  génie  et  votre  savoir  ont  établi  une  si 
grande  distance  entre  nous,  que  je  m'étonne  de  l'intime  amitié  que 
vous  voulez  contracter  avec  moi. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  procureur  principal  du  Patrimoine  ducal  (  i  ), 
votre  parent,  qui  a  si  bien  mérité  de  l'Etat  et  de  moi  en  particulier, 
nous  fait  justement  espérer  votre  retour  parmi  nous.  J'appelle 
donc  chaque  jour  avec  plus  d'impatience  cette  heure  de  bonheur  où 
il  me  sera  permis  de  vous  voir,  de  vous  entendre,  de  vous  serrer 
le  plus  affectueusement  possible  dans  mes  bras.  En  attendant , 
daignez  agréer  mes  plus  vifs  remerciements  pour  la  sympathie 
que  vous  me  témoignez,  et  croyez-moi,  très  digne  Monsieur,  votre 
plus  dévoué  serviteur.  Que  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  vous  soit 
[propice]. 

(i)  Noble  Louis    Bonier,  dont  les  patentes  de  procureur  furent  entérinées 
par  le  Sénat  le  15  janvier  i5?7.  Il  mourut  le  9  juin  1613. 


Année  1593  15 

VIII 

AU     RÉGENT     MÉNENC   (  ^ ) 
(minute  inédite) 

Excuses  pour  le  retard  mis  à  répondre  à  deux  lettres.  —  Immunités  assurées 
aux  docteurs  en  droit  et  en  médecine  et  aux  maîtres  d'école. 

[Eté  de  1593.] 

Franciscus  doctissimo  Domino  Menencho. 

Accepi  jam  bis  litteras  tuas  omnino  jucundas,  sed 
maxime  quod  amari  me  abs  te  serio  testentur.  Prioribus 
cur  non  responderim  id  fuit  causae  quod  sperarem,  cum 
Episcopo  meo  Reverendissimo  (-),  istuc  coram  videndi  te 
occasionem  futuram.  Posterioribus  vero  ita  breviter  res- 
pondeo.  Minus  credendum  est  tam  pio  patri  qualis  est 


François  au  très  docte  Monsieur  Ménenc. 
J'ai  reçu  vos  deux  lettres  qui  m'ont  été  très  agréables,  surtout  par 
les  assurances  qu'elles  me  donnent  de  votre  affection  pour  moi.  La 
raison  pour  laquelle  je  n'ai  pas  répondu  à  la  première  est  que 
j'espérais,  avec  mon  Révérendissime  Evêque(2),  avoir  une  occasion 
prochaine  de  vous  voir  ici.  Et  voici  ce  que  je  réponds  brièvement  à 
votre  seconde  lettre.  Il  ne  faut  pas  trop  ajouter  foi  aux  paroles 

(i)  Jean  Ménenc,  qui  se  fit  un  nom  parmi  ses  compatriotes  comme 
moraliste  et  pédagogue ,  était  natif  de  Cluses  en  Faucigny.  Après  avoir 
enseigné  pendant  neuf  ans  à  Thônes,  il  alla  perfectionner  ses  études  à 
l'Université  de  Tournon  ;  rentré  en  Savoie,  il  exerça  successivement  ses  fonc- 
tions à  Rumilly,  une  seconde  fois  à  Thônes  et  enfin  à  Cluses.  On  lui  doit 
entre  autres  ouvrages  un  curieux  traité  de  morale  intitulé  :  Sauvegarde  pour 
les  disciples  de  Jean  Ménenc,  moderne  régent  à  Cluses,  et  autres  à  qui  plaira. 
L'épître  dédicatoire  de  ce  livre,  datée  du  i^""  juillet  1600,  est  adressée  :  «  A  très 
noble  et  très  vertueux  François  de  Sales,  fort  fameux  et  vénérable  Docteur 
Utriusque  Juris,  et  Prévost  de  TEglise  de  Genève,  très  méritant.  »  Ménenc, 
dont  les  dispositions  testamentaires  remontent  au  23  octobre  1395,  mourut 
dans  son  pays  natal  vers  1610. 

(2)  Claude  de  Granier  qui  occupa  le  siège  épiscopal  de  Genève  de  1579 
à  1603. 


i6  Lettres  de  saint  François  de  Salhs 

i^mus  Autistes  meus  de  filio  testificanti,  quod  sœpissime 
etiam  prudentissimi  parentes  quod  volunt  in  filiis  inesse 
credunt  id  bonum.  Verum  qualis  sum  me  tuum  optimo 
modo  scias  esse.  Quod  tam  amanter  scribas  gratias  ago 
quantas  possum  maximas,  ac  ut  etiam  si  et  in  me  referre 
possum  saltem  testificationem  aliquam  referam. 

Quod  audiverim  plebem  illam  apud  quam  sementem 
ingenii  tui  facis  adeo  rudem  esse  ut  te  non  immunem  ab 
oneribus  publiais  existimet,  ac  ego  uti  immunem  te  mea 
non  possum  authoritate  quae  nulla  est  facere,  authoritate 
sane  Imperatoris  Constantini  efficio.  Sic  enim  edixit, 
Lege  6,  Tituli  52,  cujus  titulus  est  De  Professoribus  et 
Medicis,  libro  decimo  Codicis  :  «  Medicos,  grammaticos 
et  doctores  legum,  cum  uxoribus  et  filiis  et  rébus  (hoc 
te  verbum  omnino  liberum  facit)  quas  in  civitatibus  suis 
possident,  ab  omni  functione  et  ab  omnibus  muneribus 
vel  civilibus  vel  publiais  immunes  esse,  et  nec  in  pro- 
vinciis  hospites  recipere  nec  uUo  fungi  munere.  »  Hanc 
Imperatoris  sententiam  et  sua  Glossa,  verho  Muneribus, 


d'un  père  aussi  indulgent  que  l'est  mon  Evêque  lorsqu'il  rend 
témoignage  de  son  fils  ;  car  bien  souvent  les  parents  les  plus 
prudents  se  persuadent  trouver  dans  leurs  enfants  les  qualités  qu'ils 
désirent.  Enfin  vous  savez  du  moins  que  tout  ce  que  je  suis  est 
entièrement  vôtre.  Je  vous  remercie  de  tout  mon  cœur  des  paroles 
si  aimables  que  vous  m'écrivez,  et  je  ferai  tout  ce  qui  dépendra  de 
moi  pour  les  mériter. 

Comme  j'entends  dire  que  les  populations  auxquelles  vous  consa- 
crez vos  talents  sont  si  grossières  qu'elles  ne  veulent  pas  vous 
affranchir  des  charges  publiques,  et  n'ayant  nulle  autorité  pour  le 
faire  par  moi-même,  je  le  fais  du  moins  par  l'autorité  de  l'empereur 
Constantin,  qui  a  édicté  le  décret  suivant  dans  la  vi<"  Loi  du  Titre  LU, 
intitulée  :  De  Professoribus  et  Medicis,  Livre  X  du  Code  :  «  Les 
médecins,  les  maîtres  d'école  et  les  docteurs  en  droit  avec  leurs 
femmes,  leurs  enfants  et  les  biens  qu'ils  possèdent  dans  la  ville  (ce 
mot-là  vous  affranchit  complètement)  sont  exempts  de  tout  impôt 
et  charge  soit  municipale,  soit  publique,  de  toute  corvée  et  obliga- 
tion de  logement.  »  C'est  le  sens  qui  est  par  la  Glose  attribué  au 
décret  de  l'empereur  (au  mot  Muneribus).  La  dernière  Loi  du  même 


Année  1593  17 

et  Lex  ultima  ejusdem  Tituli,  si  recte  principium  cum  fine 
conjungatur,  et  Lex  ultima  in  fine  fF.  De  Munerihus  et 
Honoribus*  '^^)  in    eum    sensum   confirmant  (b),    ut  te  *PaDdect.,i.L,etc. 

.       •       -.r    •       .         •  •  -,  Ut  infra,  annot.  (a). 

imperatoria  JMajestas  immunem  omnmo  pronunciet. 

Haec  raptim,  neque  plura  scribere  per  occupationes 
licet.  Vale  ergo,  et  ab  omni  onere  publico  et  ab  omni 
malo  immunis,  meque  pergas  amare  qui  scilicet  tuus 
sum  totus. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


Titre,  si  l'on  compare  exactement  le  commencement  avec  la  fin,  et 
les  derniers  mots  de  la  dernière  Loi  du  Titre  des  Pandectes,  De 
Muneribiis  et  Honoribus,  le  confirment.  Ainsi  la  Majesté  impériale 
vous  déclare  absolument  affranchi  de  tout  impôt. 

Ceci  à  la  hâte;  car  mes  occupations  ne  me  permettent  pas  d'écrire 
davantage.  Portez-vous  donc  bien  ;  demeurez  exempt  de  toute  charge 
publique  et  de  tout  mal,  et  continuez  à  bien  aimer  celui  qui  est 
tout  vôtre. 


(a)  [Le  Saint  a  ajouté  en  tète  de  la  lettre  la  note  suivante  :] 

Medicis  irmiunitatem  contulit  Augustus  gravi  morbo  liberatus  ab  Antonio 
Musa.  Dion,  [Hist.  Rom.,]  lib.  33.  In  annot.  ad  Legem  finalem  Tit.  4,  lib.  50  ff. 
—  (Auguste  ayant  été  guéri  d'une  maladie  grave  parles  soins  d'Antoine  Musa, 
accorda  l'immunité  aux  médecins.) 

(b)  deducunt 


Lettres  I 


i8  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

IX 

AU  SÉNATEUR  ANTOINE  FAVRE  (0 

(minute) (2) 

Réponse  affectueuse  aux  avances  du  sénateur  Favre.  —  Regret  de  n'avoir  pu 
le  rencontrer  lors  de  deux  voyages  faits  à  Chambéry.  —  Protestations 
d'estime  et  d'attachement. 

[Août  1593.] 

Clarissimo  viro,  Senatori  integerrimo  Antonio  Fabro. 

Accepi  litteras  tuas,  vir  clarissime  et    Senator  inte- 
gerrime,  tuœ  in  me  benevolentise  pignus  suavissimum, 


Au  très  illustre  et  très  vertueux  Sénateur  Antoine  Favre. 

J'ai  reçu  votre  lettre,  très  illustre  et  vertueux  Sénateur,  et  ce  gage 
précieux  et  inattendu  de  votre  bienveillance  pour  moi  m'a  tellement 

(  I  )  Antoine  Favre,  qui  a  été  proclamé  par  le  Parlement  de  Paris  «  le  plus 
grand  magistrat  du  monde,  »  naquit  à  Bourg-en-Bresse  le  5  octobre  1557.  Les 
brillantes  études  qu'il  fit  à  Paris,  puis  à  l'Université  de  Turin,  le  préparèrent 
à  remplir  avec  éclat  les  premières  charges  dans  la  magistrature  savoisienne. 
D'abord  juge-mage  de  la  Bresse  et  du  Bugey  (1584),  sénateur  au  souverain 
Sénat  de  Savoie  (1587),  président  du  Conseil  de  Genevois  {24  décembre  1596), 
il  fut  nommé  en  1610  premier  président  du  Sénat  de  Savoie.  Il  exerça 
quelque  temps  les  fonctions  de  gouverneur  civil  et  militaire  de  tout  le  duché 
en  l'absence  du  marquis  de  Lans  et  du  prince  Thomas  de  Savoie  Carignan, 
qui  furent  successivement  gouverneurs  en  titre,  et  fut  envoyé  à  Paris  (1618)  en 
qualité  d'ambassadeur  extraordinaire.  C'est  pendant  les  quatorze  années  de 
son  séjour  à  Annecy  que  cet  illustre  magistrat  composa  la  plupart  de  ses 
ouvrages,  entre  autres  son  Codex  Fabrianus  qui  lui  acquit  une  célébrité 
européenne.  Antoine  Favre  mourut  à  Chambéry  le  28  février  1624. 

(2)  Le  chevalier  Datta,  qui  le  premier  a  publié  cette  lettre,  en  1835,  la 
présente  à  tort  comme  étant  la  reproduction  d'un  original  conservé  à  la  Visi- 
tation d'Annecy.  Les  Archives  de  ce  Monastère  ne  possèdent  que  l'Autographe 
d'une  minute  plus  incomplète,  de  laquelle  sont  extraites  les  variantes  données 
au  bas  du  texte  principal.  Ce  dernier  est  tiré  d'une  copie  déclarée  authentique, 
qui  se  conserve  aux  Archives  de  l'Etat  à  Turin. 


Année  1593  ï9 

quae  animum  meum  tanquam  insperatœ  adeo  commove- 
runt  ut  permixta  admiration!  gratulatio  mihi  meummet 
ingenium  eriperet.  Ea  videlicet  tua  humanitas  qua  juve- 
nem  tirunculum  vir  gravissimus  senatorii  ordinis  ad 
amicitiam  provocas,  [et]  vêtus  tuae  in  me  pietatis  prome- 
rendce  desiderium,  parem  cum  gratulatione  admirationem 
concitarunt. 

(a)  Si  qualis  in  me  fuit  jam  pridem  observandi  te  et 
amandi  propensio,  ejus  et  fuisset  aliqua  significatio,  non 
tam  ad  amandum  te,  ut  modestissime  loqueris,  aliqua 
provocatione  opus  mihi  fuisse  cognovisses,  quam  conces- 
sione  libère  id  agendi  ac  palam  profitendi  quod  intimis 
haerebat  sensibus.(b) 


rempli  de  joie  et  d'admiration  que  mon  esprit  demeure  impuissant 
à  vous  exprimer  ces  sentiments.  La  bonté  qui  vous  porte,  homme 
vénérable  de  l'ordre  des  sénateurs,  à  rechercher  l'amitié  d'un 
novice  inexpérimenté,  et  mon  désir  déjà  ancien  de  mériter  votre 
affection  excitent  dans  mon  cœur  un  contentement  égal  à  ma 
surprise. 

Si  j'avais  pu  vous  témoigner  l'inclination  que  j'éprouve  depuis 
longtemps  à  vous  honorer  et  à  vous  aimer,  vous  auriez  compris 
que  j'avais  moins  besoin  d'être  excité  à  vous  aimer,  comme  vous  le 
dites  avec  tant  de  modestie,  que  d'obtenir  la  permission  de  vous 
exprimer  ouvertement  les  sentiments  intimes  de  mon  âme. 

(a^  Si  qualis  jam  pridem  mea  in  te  fuit  observantia,  ejus  etiam  fuisset 
aliqua  significatio,  nulla  sane  ad  amandum  te  provocatione  opus  esse,  quam 
observantia  et  amore  fruendi  permissione...  concessione. 

[Au  verso  de  l'Autographe,  le  Saint  a  écrit  une  seconde  leçon  de  cette 
phrase.  Nous  la  reproduisons  ici  :] 

Si  meae  erga  te  observantia  tam  veros  habuissem  testes  quam  virtutum 
mearum,  ut  id  ex  tua  dicam  opinione,  profusos  audivisti  laudatores,  cogno- 
visses sane  me  nulla  ad  amandum  provocatione  indiguisse,  sed  potius  libère 
ac  palam  quod  intimis  hsrebat  sensibus  profitendi  liberali  abs  te  concessione. 

(b)  [A  la  suite  du  mot  concessione,  on  lit  dans  la  minute  autographe  les  deux 
passages  suivants,  qui  se  retrouvent  sous  une  forme  différente  dans  la  seconde 
rédaction.  Voir  p.  20,  (d),  et  p.  23,  (g).] 

Tanto  enim  tuae  amicitiee,  si  quo  fieri  posset  modo,  promerendae  arctabar... 
captus  eram  desiderio,  ut  cum  nihil  amplius  animus  meus  capere  posset, 
omnis  modestiae  ruptis  repaculis,  nisi  brevi  per  aliquam  occasionem  licentiam 


20  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

Universo  enim  orbi  litterario  cum  ex  fructu  arbor 
•  Cf.  Matt.,  VII,  i6,  optima  et  sis  et  habearis  *,  mihi  unus  perpétue  propositus 
^°'  es  quem  noctes  diesque  respicerem  (0,  et  ad  cujus  exem- 

plar  quam  maxime  possem  genuine  animum  meum 
efformarem,  non  tantum  quod  nuUibi  superiorem,  paucos 
etiam  habeas  pares,  sed  quod  provincialia,  civilia  aut, 
ut  ita  dicam,  domestica  exempla  nescio  quid  habeant 
acutioris  energise  ac  efficacise  (<=). 

(^)  Cum  vero  non  solum  speciem,  sed  ne  quidem  spécimen 
tam  expressae  virtutis  in  me  ullum  post  aliquot  annos 
viderem,  meae  tenuitatis  mihimet  satis  conscius,  videndi 


Puisque  vous  êtes  un  arbre  excellent,  et,  par  ses  fruits,  reconnu 
comme  tel  dans  tout  le  monde  savant,  depuis  longtemps  je  me  propose 
votre  exemple,  et,  jour  et  nuit,  je  tâche  autant  que  faire  se  peut 
de  me  conformer  à  ce  modèle  (0-  Je  le  fais  non  seulement  parce 
qu'il  est  impossible  de  rencontrer  ailleurs  des  talents  supérieurs  aux 
vôtres,  et  difficile  d'en  rencontrer  de  semblables,  mais  surtout  parce 
que  les  exemples  que  nous  trouvons  dans  nos  provinces,  dans  nos 
villes,  et  pour  ainsi  dire  à  notre  foyer,  ont  plus  de  force,  d'énergie 
et  d'efficace. 

Cependant,  après  plusieurs  années  ne  voyant  pas  paraître  en 
moi,  je  ne  dis  pas  l'image,  mais  le  moindre  indice  d'un  tel  mérite, 

impetrassem,  opportune,  importune,  ipse,  qualis  qualis  sum  tirunculus,  gra- 
vissinium  et  senatorii  ordinis  virum  evocassem. 

At  dubitandum  fuerat  ne  non  tam  in  senatore  clarissimo  integritatem  ac 
eruditionem  venerari  quam  in  integerrimo  viro  senatoriam  dignitatem,  tute- 
lam...  —  (Mais  il  aurait  semblé  que  [je  cherchais]  moins  l'occasion  de  pro- 
tester de  la  vénération  que  m'inspirent  votre  vertu  et  votre  savoir,  que  les 
avantages  qui  me  reviendraient  de  la  protection  d'un  homme  aussi  respectable 
que  vous  l'êtes.) 

(c)  Non  enim  incerta  aliqua  fama,  sed  clarissima  tui  nominis  celebritas, 
unguis  leonem,  vel  potius,  ut  ex  prasscripto  Christi  loquar,  arborem  fructus, 
apud  omnes  te  adeo  commendat  ut  et  multos  habeat  amatores  sui  simul  et 
admiratores.  —  (Ce  n'est  pas  une  renommée  imméritée,  mais  la  juste  célébrité 
qui  s'attache  à  votre  nom  (l'ongle  révèle  le  lion,  ou  mieux,  selon  le  mot  de 
Jésus-Christ,  le  fruit  révèle  l'arbre),  c'est  cette  célébrité  qui  vous  rend  si 
recommandable  à  tous,  qu'elle  vous  acquiert  quantité  d'amis  et  d'admirateurs.) 

(d)  [Pour  cet  alinéa,  voir  ci-dessus,  p.  19,  remarque  (b),  et  les  cinq  lignes 
qui  suivent.] 


(  I  )  Voir  p.   II,  note  (  i  ). 


Année  1593  21 

te  coram  et  audiendi  manebat  consilium  ;  ac  tuas  in  me 
benevolentiae,  si  quo  fieri  posset  modo,  promerendae 
tanto  tenebar  desiderio,  ut  cum  illud  amplius  animus 
meus  capere  non  posset,  omnis  modestiae  ruptis  repacu- 
lis,  nisi  brevi  per  aliquam  occasionem  licentiam  impe- 
trassem,  opportune,  importune,  ipse  qualis  qualis  sum 
tirunculus  gravissimum  senatorem  in  suavissimum  aman- 
di  certamen  evocare  non  dubitassem. 

Quam  occasionem  cum(e)  prsecipue  spero,  tum  vero, 
nescio  quo  malo  meo,  factum  est  ut  non  utroque  suo 
pede  mihi  constet  opportunitas.  Cum  enim,  ut  in  advo- 
catorum  numerum  adscriberer  (O,  Chamberium  peto,  cre- 
doque  admissus  purpuratos  omnes  Patres  salutare,  de 
more  gratias  agere  ac  per  hanc  occasionem  inter  tuos 
locum  impetrare,  meaque  manu  nomen  meum  scribere, 
quia  coguntur  ad  militiam  nobiles  (-),  hora  intempestiva 


tout  en  étant  convaincu  de  mon  impuissance,  je  n'en  ai  pas  moins 
gardé  le  désir  de  vous  voir  et  de  vous  entretenir.  Ce  désir  de  me 
concilier  votre  bienveillance,  s'il  était  possible,  était  si  ardent  que 
mon  âme  ne  pouvait  plus  se  contenir  ;  et  si  l'occasion  ne  s'en  était 
présentée,  en  dépit  de  toute  modestie,  je  n'aurais  pas  hésité,  moi 
faible  jeune  homme,  à  venir  à  temps  ou  à  contre-temps  vous  provo- 
quer, vénérable  Sénateur,  à  cette  douce  lutte  d'amitié. 

Alors  que  j'aspirais  avec  ardeur  à  saisir  cette  occasion,  je  ne  sais 
par  quel  contre-temps  elle  m'a  échappé.  Lorsque  je  suis  allé  à  Cham- 
béry  me  faire  inscrire  au  nombre  des  avocats  (0,  j'espérais  qu'une 
fois  admis,  je  pourrais  saluer  tous  les  Sénateurs,  les  remercier  selon 
l'usage,  et,  à  cette  occasion,  obtenir  place  parmi  vos  amis  en  vous 
laissant  mon  nom  écrit  de  ma  main  ;  mais  voilà  que  la  noblesse  est 
appelée  aux  armes  (2),  et  que  je  suis  contraint  de  partir  à  une 
heure  indue,  sans  vous  avoir  vu  ;  car  j'aurais  considéré  comme  un 

(e)  Quod  dum 


(i)  Le  24  novembre  1592. 

(2)  Cet  appel  aux  armes  est  sans  doute  celui  que  fit,  en  octobre  1592, 
le  marquis  de  Treffort,  lieutenant-général  de  la  Savoie,  alors  que  le  duc 
Charles-Emmanuel  P"",  pressé  par  Lesdiguières,  se  voyait  contraint  de  concen- 
trer en  Piémont  ses  troupes  régulières. 


22  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

ipse  cogor  discedere  insalutato  te,  quem  obiter  salutare, 
praesertim  cui  antea  eram  ignotus,  nulla  salutatione  minus 
ducebam.  Hisce  vero  Paschalibus  festis  praeteritis  dum 
adessem  tu  aberas,  cum,  D.  Coppier  doctore  medico 
ductore,  tuas  aedes  frustra  peterem. 

(^)  Quare  cum  jam  per  litteras  ac  obsignato  veluti 
rescripto  ferventem  jam  et  suapte  natura  pugnacissimum 
hoc  in  génère  certandi  militem  provocaveris,  videndum 
est  utique  tibi  non  tam  quis  prior  in  aleam  descendent 
observes,  quam  quis  posterior  supersit. 

Neque  tamen  efficias  velim  te  priorem  amasse,  quod 
existimas  aut  hinc  minus  me  tibi  debere  aut  te  magis 
virtutibus  meis.  Ego  enim  tuarum  illustrium  virtutum  et 
amator  et  admirator  fui  priusquam  vel  de  nomine  tibi 
notus  esse  possem,  nec  ante  amavi  quam  in  te  essent  eae 
quae  connatae  tibi  sunt  eximiae  animi  dotes,  quae  te  non 
amari  nullo  unquam  tempore  permiserunt.  Quod  autem 
per  summam  humanitatem  prior  ipse  scripseris,  id  nimi- 


plus  grand  mal  de  vous  saluer  seulement  à  la  hâte,  surtout  vous 
étant  inconnu,  que  de  ne  pas  vous  saluer  du  tout.  Aux  dernières 
fêtes  de  Pâques,  me  trouvant  à  Chambéry,  je  me  présentai  chez  vous, 
conduit  par  le  médecin  Coppier  ;  ce  fut  encore  inutilement,  car  vous 
étiez  absent. 

Maintenant  que  par  votre  lettre,  comme  par  un  cartel  signé, 
vous  avez  provoqué  un  combattant  qui  par  nature  est  très  ardent 
dans  ces  sortes  de  luttes,  prenez  garde  d'avoir  bientôt  à  considérer 
moins  lequel  de  nous  deux  est  le  premier  descendu  dans  l'arène  que 
celui  qui  y  demeurera  le  dernier. 

Ne  prétendez  pas  cependant,  comme  vous  le  faites,  avoir  été  le 
premier  à  m'aimer,  et  ne  croyez  pas  par  suite  que  je  vous  doive  moins 
ou  que  vous  deviez  davantage  à  mon  mérite,  j'ai  admiré  et  aimé  vos 
éclatantes  qualités  avant  même  que  mon  nom  vous  fût  connu,  mais 
non  point  avant  que  vous  ne  fussiez  enrichi  de  ces  dons  éminents 
innés  en  votre  âme,  et  qui,  en  tout  temps,  ont  fait  qu'il  a  été  impossible 
de  ne  vous  pas  aimer.  Si,  par  une  bienveillance  extrême,  vous  avez 
été  le  premier  à  m'écrire,  cela  prouve  seulement  que  vous  avez  donné 

(  f  )  [Ce  qui  suit,  sauf  le  dernier  alinéa,  n'a  pas  de  corrélatif  dans  la  première 
rédaction.] 


Année  1593  23 

rum  causœ  fuit  et  te  priorem  dare,  quod  divinius  est,  et 

me  priorem  accipere,  quod  inferius  decebat  *.  (g)  Et  ego   *  Act.,  xx,  35. 

ne  potius  in  te  senatoriam  dignitatem,  quam  in  senatore 

consummatissimam  virtutem  colère  existimarer,  absen- 

tem  salutare  minime  consentaneum  videbatur,  cum  pras- 

sertim  me  non  ejusmodi  juvenem  crederem  qui  in  ore 

vel  aure  cujusquam  purpuratorum  Patrum  venissem,  m 

intima  videlicet  juvenili  umbra  adhuc  delitescens.  Quod 

cum  secus  evenerit,  et  lœtandum  mihi  est  me  tam  facile 

tuam  benevolentiam  consecutum ,  quae  non  tam  super- 

biam  (etsi  non  levis  esset  titillatio)  excitât  ullam  quam 

in  melius  eundi  animos  addit. 

Et  simul  verendum  ne  cum  minora,  forsan  etiam 
nulla,  quse  de  me  audivisti  majora  in  recessu,  persen- 
seris,  et  te  amasse  et  amorem  significasse  pœniteat, 
ac  is  quem  inde  suavissimum  gusto  fructum  praecoci 
maturitate  perceptum  repente  etiam  marcescat.  Verum 
id  tua  moderabitur   humanitas,   quam  ita  cum    summa 


le  premier,  ce  qui  est  plus  divin,  et  que  j'ai  été  le  premier  à  recevoir, 
comme  il  sied  à  mon  infériorité.  Et  pour  ne  pas  paraître  honorer  en 
vous  la  dignité  sénatoriale  plutôt  que  la  vertu  consommée  du  séna- 
teur, je  n'estimais  pas  convenable  de  vous  adresser  mes  hommages 
à  distance,  car  je  ne  me  croyais  pas  un  jeune  homme  assez  important 
pour  mériter  que  mon  nom  eût  été  prononcé  ou  entendu  par  quel- 
qu'un des  membres  de  votre  illustre  corps.  Mais  puisqu'il  en  est 
autrement,  je  me  réjouis  d'avoir  pu  acquérir  aussi  facilement  votre 
bienveillance,  ce  qui  sera  pour  moi,  non  tant  un  sujet  d'orgueil  (bien 
que  mon  amour-propre  ait  droit  d'en  être  flatté)  qu'un  stimulant  à 
mieux  faire. 

En  même  temps,  j'ai  toutefois  à  redouter  que,  lorsque  je  me 
présenterai  à  vous,  constatant  l'infériorité  de  mon  mérite  qu'à 
distance  vous  vous  figurez  si  grand,  vous  ne  regrettiez  de  m'avoir 
témoigné  tant  d'affection.  J'ai  à  craindre  que,  cueilli  prématurément, 
le  fruit  si  doux  que  me  faisait  goûter  cette  affection  ne  vienne  à  se 
flétrir.  Mais  cette  crainte  sera  modérée  par  la  connaissance  que  j'ai  de 
votre  grande  bonté,  laquelle  est  unie  à  une  prudence  telle  qu'aucune 

(g)  [Voir  ci-devant,  p.  19,  remarque  (b),  et  la  variante,  p.  20,  lignes  3-8.] 


24  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

prudentia  in  te  conjunctam  esse  non  dubito,  ut  nullse 
bonae  vel  malae  famae  exaggeratio,  additio,  substractio, 
nulla  etiam  referentium  ornamenta  ac  locupletationes  te 
decipiant.  Ouare  sive  mei  ad  virtutem  studii  promovendi 
causa,  sive  tuae  in  eos  qui  vel  exiguum  habent  ingenii 
ac  probitatis  sementem  (quorum  in  te  sunt  uberrimœ 
segetes)  propensionis  sedandœ,  non  amaveris  tantum 
(quod  fide  non  negata  referentibus  necesse  habebas), 
sed  etiam  scripseris.  nihil  formido  quin  deinceps  amare 
pergas. 

Ego  quo  minus  me  vel  de  nomine  tibi  notum  esse  divi- 
nabam  ac  adeo  tuas  expectabam  litteras,  eo  magis  tantam 
tuam  humanitatem  sum  praster  modum  admiratus,  quo 
factum  est  ut  in  immensum  tui  aspectus  et  collocutionis 
desiderium  creverit.  Admirationem  enim  cognoscendi 
desiderium  parère  philosophise  in  limine  tutum  est  pro- 

•A^ristot.,Metaph.,    verbium  *. 

Intérim,  dum  id  expecto,  et  mihi  quam  maximae  agendse 
gratiae  quod  prior  scripseris,  promitto  .^)me  in  colendo  te 


1.  I,  c.  II,  ante  med. 


exagération,  addition,  diminution,  aucun  artifice  et  habileté  de 
langage  en  ceux  qui  vous  parleront  de  moi,  soit  en  bien  soit  en  mal, 
ne  saurait  vous  tromper.  Je  ne  m'informerai  donc  pas  si  c'est  pour 
m'exciter  à  la  vertu  que,  non  content  de  m'aimer,  vous  daignez 
encore  m'écrire,  ou  (comme  vous  vous  y  croyez  obligé  par  ce  qu'on 
vous  a  rapporté  de  moi)  si  c'est  pour  satisfaire  votre  propre  inclina- 
tion envers  ceux  qui  ont  en  eux-mêmes  quelque  faible  semence  de 
cette  probité  et  de  ces  talents  qui  fructifient  si  abondamment  en 
vous.  Quoi  qu'il  en  soit,  je  ne  craindrai  plus  que  vous  ne  cessiez 
désormais  de  m'aimer. 

Pour  mon  compte,  moins  j'attendais  de  vos  lettres,  ne  croyant  pas 
vous  être  connu  même  de  nom,  plus  j'ai  admiré  votre  extrême  bonté, 
et  plus  a  grandi  le  désir  que  j'éprouvais  de  vous  voir  et  de  vous 
parler.  Que  l'admiration  excite  le  désir  de  connaître,  c'est  une  maxime 
assurée  qui  s'apprend  avec  les  rudiments  de  la  philosophie. 

En  attendant  le  bonheur  de  vous  voir,  je  vous  remercie  de  ce  que 
vous  avez  bien  voulu  m'écrire  le  premier,  et  je  vous  promets  de  ne 

(h)  prior  scripseris,  —  sanctissime  recipiens 


Année  1593  25 

et  observando  nullum  unquam  habiturum  superiorem,  ac 
tuae  in  me  humanitati  intima  responsurum  voluntate  ('), 
quamvis  meae  minus  tersae  litterae  jucundissimis  et  elegan- 
tissimis  quas  dedisti  non  respondeant.  Quas  dum  capio, 
lego  identidem  ac  relegendi  finem  facio  nullum,  tanta 
me  capit  voluptas  ac  tui  observantia  quantam  animus 
meus  capere  potest  ;  adeo  scilicet  verum  est  captum  esse 
qui  caeperit  * *  Is-,  xiv,  2. 


me  laisser  surpasser  par  qui  que  ce  soit  dans  le  soin  de  vous  honorer 
et  de  correspondre  à  votre  amitié.  Je  le  ferai  de  toute  l'étendue  de  ma 
volonté,  bien  que  cette  si  petite  lettre  ne  puisse  répondre  à  l'amabilité 
et  à  l'élégance  de  la  vôtre.  Toutes  les  fois  que  je  la  prends  (je  la  lis 
et  relis  sans  fin)  je  me  sens  pris  de  la  volonté  et  de  la  joie  de  vous 
estimer  davantage,  à  tel  point  que  mon  âme  reste  prise  dans  son 
impuissance.  Ainsi  est-il  vrai  que  celui-là  est  pris  qui  croyait  prendre. . . 

(i)  humanitati  —  probe  propensissima  intima  respoQsurum  observantia 


X 

AU    MÊME 
(minute  inédite) 

Remerciements  pour  lui  avoir  procuré  l'amitié  de  François  Girard. 

[Fin  octobre   1593.] 

(a)  Factum    hoc    quidem    fabre    est,    amplissime    vir, 
uti  quos  amas  caeteris   etiam    summis    quibusque   viris 


C'est  bien  l'œuvre  d'un  [habile]  artisan,  très  digne  Monsieur,  de 
parvenir,  grâce  à  votre  éloquence,  à  faire  aimer  des  personnages  les 

(a)  [Au  commencement  de  la  page  sur  laquelle  est  écrite  cette  minute,  on 
lit  les  mots  suivants,  qui  appartiennent  au  projet  d'une  lettre  destinée  à 
François  Girard  :] 

Ut  ad  me  hominem  ignotum  scriberes,  vir  clarissime,  D.  Fabrum... 


26  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

amabiles  tua  facias  eloquentia.  (^)  Qua  in  re  parem  gra- 
tiam  reddere  nullo  possum  [modo]  ;  in  amando  namque, 
uti  ne  tecum  quidem,  quem  tamen  amantissimum  im- 
mortali  nota  percipio,  certare  dubitaverim,  sic  alicujus 
amicitiam  tibi  conciliare  nec  meum  fert  ingenium  nec 
clarissimum  tuarum  virtutum  lumen.  Non  enim  is  sum 
apud  aliquem  cujus  authoritate  [hoc  fieri  posset].  Qua- 
mobrem  tam  majores  ago  gratias  quanto  minus  reddere 
nullo  possum  modo.  Amare  namque  omnes  possunt  ; 
amicos  sibi  conciliare  permulti,  ut  ego  quidem  censeo, 
aliis  vero,  non  nisi  quorum  authoritas  prsecipua  atque 
exundans  omnino  sit.  Necesse  (sic)  est  ea  virtus  cujus 
splendor  non  possessori  suo  tantum  illustrando,  sed 
caeteris  etiam  satis  esse  possit. 

Quo  mihi  majores  habendse  sunt  tibi  gratiae,  qui  mihi 
tantum  fabricasti  amicum  quantum  alioquin  ne  Nestorea 
quidem    setate  meis    meritis  consequi   potuissem.   Vere 


plus  illustres  ceux  que  vous  aimez  vous-même.  Je  ne  puis  nullement 
à  cet  égard  vous  rendre  pareille  faveur  ;  car,  bien  qu'en  affection  je 
n'hésiterais  pas  à  lutter  même  avec  vous,  que  je  reconnais  par  des 
signes  indubitables  être  un  homme  des  plus  aimants,  toutefois  la 
prétention  de  vous  concilier  l'amitié  de  qui  que  ce  soit  n'est  compa- 
tible ni  avec  la  médiocrité  de  mon  mérite,  ni  avec  l'éclat  de  vos 
vertus.  Auprès  de  personne,  en  effet,  je  n'ai  l'autorité  suffisante  ; 
aussi  vous  dois-je  une  reconnaissance  d'autant  plus  grande  que  je 
puis  moins  vous  offrir  de  retour.  Tout  le  monde  peut  aimer  ;  beau- 
coup à  mon  avis  peuvent  se  faire  aimer  ;  mais  susciter  aux  autres  des 
amis  est  au  pouvoir  de  ceux-là  seulement  qui  jouissent  d'une 
autorité  transcendante  et  reconnue.  Il  faut  pour  cela  posséder  une 
vertu  dont  la  splendeur  non  seulement  illustre  celui  qui  en  est  doué, 
mais  encore  rejaillisse  sur  tous  les  autres. 

C'est  pourquoi  je  vous  rends  des  actions  de  grâces  d'autant  plus 
vives  pour  m'avoir  procuré  un  ami  tel  que,  dussé-je  vivre  toute  la 
vie  d'un  Nestor,  je  n'eusse  pu  l'acquérir  par  mes  propres  mérites.  Du 
reste,  eussé-je  l'autorité  suffisante  pour  cela,  n'espérez  pas  que  je  vous 

(b)  eloquentia. —  Pin  amando  namque,  quamvis  justa  tecum  lance contendo, 
amare  namque  etiam  ego  possum.. .J 


Année   1593  27 

nullam  unquam  tibi  parem  me  gratiam  daturum  speran- 
dum  est,  propterea  vel  maxime  quod,  ut  ea  poUerem 
authoritate,  qui  te  non  colat,  non  amet,  non  suspiciat,  si 
quis  aliquem  invenire  velim  doctum  aut  probum  virum 
hemispherii  hujus  nostri  limites  deinceps  egrediatur 
necesse  est  ;  neque  alioqui,  si  is  non  esses,  Franciscum 
Girardum  ( '  ■,  quantum  tua  docet  epistola,  accurre  foret... 
Et  rursum  ut  (c)  argumenti  perspicuitate  ac  lumine  res 
confici  verius  quam  proferentis  opéra  diceretur. 

Quapropter,  ut  quod  jam  proximum  est  faciam,  quo- 
niam  nullus  qui  te  non  summopere  suspiciat,  nuUus 
Franciscus  Girardus  alius  superest,  quicquid  hujus  rei 
fuerit  id  tibi  totum  ac  integrum  me  debere  profitear. 
Ecquidenim  in  me  sit  juris  uti  virum  longe  gravissimum, 
annorum  jam  non  exiguo  cumulo  venerandum,  discipli- 
narum  ac  virtutum  omnium  ornamentis  cumulatissimum, 
Franciscum  Girardum,  pro  amico  (ut  ejus  retineam  verba) 
provocassem  nihil  omnino  video,  i^)  In  te  tantum  ille  est 


rende  jamais  pareil  service  ;  car.  à  moins  de  sortir  de  notre  hémi- 
sphère, il  serait  impossible  de  trouver  un  homme  de  science  et  de 
probité  qui  ne  vous  vénère,  ne  vous  aime,  et  ne  se  propose  vos  exem- 
ples pour  modèle.  Et  si  vous  n'aviez  pas  toutes  les  qualités  qu'on 
vous  attribue,  c'est  précisément  à  François  Girard  (  i  ),  d'après  ce  que 
vous  me  dites  de  lui  dans  votre  lettre,  que  je  devrais  aller  pour  les 
rencontrer. .  .Vous  voyez  donc  que  ma  preuve  ressort  plus  évidemment 
par  sa  propre  force  que  par  l'habileté  de  celui  qui  l'expose. 

Pour  en  venir  à  une  conclusion  déjà  manifeste,  comme  il  n'est 
plus  personne  qui  ne  vous  honore  grandement,  comme  il  ne  reste  plus 
d'autre  François  Girard,  je  déclare  que,  dans  cette  affaire,  je  vous 
dois  absolument  tout.  Je  ne  vois  rien  en  moi  qui  puisse  provoquer 
(pour  me  servir  de  la  propre  expression  de  François Girardj  l'amitié  de 
ce  personnage  si  grave,  déjà  vénérable  par  l'âge,  et  si  magnifiquement 

(c)  ut  —  inveniretur 

(d)  video.  —  f  Video  quidem  in  te  mellitissimos  mores,  eloquentiam  singu- 
larem  ac  apud  bonos  omnes  virtutis  comitem  perpetuani  authoritatem,  quae 
demissima  quéeque  possit  altissime  coUocare  ac  exigua  dicendo  maxima 
facere  ;  sed  me  jam  alio  trahit  ingenium.J 


(  I  )  Voir  la  note  jointe  à  la  Lettre  XXXP. 


28  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

amor  erga  me  tuus  singularis  qui  satis  sit  uti  omnes  me 
diligant,  quem  tam  fortunatum  (^)  eo  vident  nomine  ; 
adeo  nimirum  vel  errantes  summos  viros  facile  quilibet 
sequitur.  (f) 

Quare  consentaneum  uti  eum  socium  appelles  qui  sua 
voluntate  quidem  sed  tuo  solo  me  diligat  amore,  quem 
tui  non  sui  cognoverit  opinione.  (s)  Ego  sane  rem  ratam 
haberi  [censeo].(0 

Revu  sur  l'Autographe  appartenant  à  M'"^  Doroz,  née  d'Arcine,  à  Besançon. 


orné  de  toutes  les  sciences  et  de  toutes  les  vertus.  C'est  en  vous, 
c'est  dans  l'affection  singulière  que  vous  me  témoignez  qu'il  faut 
chercher  la  cause  de  mon  bonheur.  Tous  m'aiment  pour  cela  seu- 
lement qu'ils  me  voient  honoré  de  votre  estime,  tant  il  est  vrai  qu'on 
suit  facilement  les  grands  hommes,  même  quand  ils  se  trompent. 

Il  convient  donc  que  vous  appeliez  compagnon  celui  qui  veut  bien 
m'aimer,  il  est  vrai,  mais  seulement  par  amour  pour  vous,  puisqu'il 
ne  me  connaît  pas  personnellement,  mais  seulement  d'après  l'opi- 
nion que  vous  avez  conçue  de  moi.  Certes,  pour  moi  l'affaire  est 
terminée,  (0 


(  e  )  beatum 

(f)  sequitur.  —  FAgnosco  igitur  pressissime  tuum  illud  esse  singulare 
beneficentiam    uti   me  Franciscus  Girardus  minime  antea  cognitum  diligat. J 

(g)  quem  —  tuis  non  suis  cognoverit  oculis.  fQua  in  re  mirum  est  quam 
bene  meus  tuum  sequatur  genius.  Vellem  enim  semper,  vir  amplissime,  quos 
amo  amarent  omnes  ;  plurimumque  cuperem  id  meo  fieri  ministerio  que 
mihi  magis...J 


(i)  Il  peut  se  faire  que  les  pièces  X  et  XI  ne  soient  que  les  ébauches  d'une 
même  lettre  ;  néanmoins,  elles  offrent  assez  de  divergences  de  style  et  de 
pensées  pour  qu'on  n'ose  pas  l'affirmer  absolument. 


Année  1593  ^9 

XI 

AU     MÊME 
(minute) 

Exposition  des  mêmes  pensées. 

[Fin  octobre,  I593-] 

Amplissimo  Senatori  Antonio  Fabro, 
Franciscus  de  Sales,  Ecclesiae  Gebennensis  Praepositus, 
salutem  dicit. 

Si  tuis  virtutibus  jam  pridem,  aut  tuae  erga  me  huma- 
nitati  me  totum  non  deberem,  deberem  nunc  profecto 
titulo  omni  exceptione  majore,  ob  benevolentiam  Fran- 
cisai Girardi,  cujus  tu  mihi  author  extitisti,  tua  scilicet, 
uti  litteris  ad  me  suis  mandavit,  eloquentia  et  apud  eum 
auctoritate.  Quid  enim  tali  amico  optabilius  in  humanis 
esse  potest  ?  Donum  istud  est  ipsa  raritate  illustre,  ac 
quod  nullo  possit  sestimari  pretio  longe  pretiosissimum, 
mihique  eo  suavius  possidendum,  quo  certius  agnosco 
nihil  unquam  taie  meis  meritis  accedere  potuisse. 

Neque   vero   propterea  in  te   quicquam  imprudentise 


Au  très  illustre  Sénateur  Antoine  Favre, 

François  de  Sales,  Prévôt  de  l'Eglise  de  Genève, 
présente  ses  salutations. 
Si  vos  vertus  et  votre  bienveillance  pour  moi  ne  vous  assuraient 
depuis  longtemps  des  droits  à  mon  dévouement,  il  vous  serait  acquis 
aujourd'hui  à  juste  titre  en  retour  des  agréables  relations  que  vous 
m'avez  procurées  avec  François  Girard  ;  car,  d'après  sa  lettre,  c  est 
à  l'influence  et  à  l'autorité  que  vous  avez  sur  lui  que  j'en  suis  rede- 
vable, aue  pouvait-il,  en  effet,  m'arriver  de  plus  heureux,  humaine- 
ment parlant?  La  rareté  de  ce  don  suffirait  seule  à  le  rendre  glorieux, 
tellement  précieux  qu'il  ne  saurait  être  estimé  à  sa  juste  valeur, 
et  d'autant  plus  flatteur  pour  moi  que  j'étais  loin  de  le  mériter. 
Ne  craignez  pas  toutefois  d'être  taxé  d'imprudence  pour  avoir 


30  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

esse  dixerit  quispiam,  quod  num  donatarius  cum  dono 
sibi  certa  respondeat  proportione  parum  prospexeris  ; 
verum  enim  est  quod  Alexander  Magnus  credidit,  satius 
fore  si  donatore  dignum  sit  donum,  licet  alioquin  impa- 

•  Piutarch.,  Apo-  rem  sortiatur  donatarium  *,  ut  in  eo  non  tam  ad  quem, 

phthegm.    Regum,  „    .  .  ,  ,  -^     t» 

etc.,  Alex.  Mao-.  quam  a  quo  pronciscatur  considerandum  sit.  Kern  ergo 
fecisti  meis  longe  superiorem  meritis,  Francisai  Girardi 
humanitate  dignam,  ei  quam  tu  mihi  tecum  esse  voluisti 
amicitise  consentaneam,  qui  mihi  bonum  illud  animi  tui 
singulare ,  hoc  est ,  voluntatem  eximii  viri  Francisci 
Girardi,  mihi  quoque  fecisti  commune,  atque,  quod  con- 
sequens  erat,  me,  jampridem  in  solidum  tuum,  Francisco 
quoque  Girardo  tuo  in  solidum  adduxeris,  ne  vel  minimse 
rei  inter  vos  societas  desideraretur. 

Qua  in  causa  nullam  plane  sentio  formidinem  ne  ali- 
quam  inter  vos  concissionem  dividendo  experiri  velitis, 
quandoquidem  ambo  si  amici  estis  individui,  estis  et 
vestra  utriusque  erga  me  benevolentia  ;  uti  et  mea  erga 
vos  observantia,  cum  animae  penitus  haereat,  ipsi  cedat 
necesse  est  ejusque  sequatur  naturam,  quae  tota  est  in 

•  s.  Aug.,  de  Trin.,  ,  .  ,.  ^ 

1.  VI,  c.  VI.  toto,  et  tota,  ut  secundum  artem  loquar,  m  qualibet  parte*. 


oublié  la  disproportion  qui  existe  entre  le  don  et  l'homme  qui  le 
reçoit  ;  car  Alexandre  le  Grand  pensait  avec  raison  qu'un  présent  doit 
être  plutôt  digne  de  celui  qui  l'offre  que  de  celui  qui  l'accepte.  Vous 
avez  donc  fait  une  chose  bien  supérieure  à  mes  mérites,  mais  bien 
digne  de  la  bonté  de  François  Girard  et  de  l'amitié  qui  existe  entre 
vous  et  moi,  en  me  faisant  participer  à  ce  trésor  singulier  de  votre 
âme,  c'est-à-dire  à  l'intimité  de  votre  ami.  Par  suite,  me  mettant  en 
union  de  sentiments  avec  vous,  vous  m'y  mettez  aussi  avec  François 
Girard,  de  telle  sorte  que  tout,  jusqu'à  la  moindre  bagatelle,  vous 
devient  commun. 

Certes,  je  ne  crains  pas  qu'à  ce  sujet  survienne  entre  vous  la 
moindre  division  ;  car  si  l'amitié  que  vous  vous  portez  mutuellement 
vous  rend  indivisibles,  il  en  sera  de  même  de  votre  bienveillance  pour 
moi.  Pareillement  l'estime  que  je  vous  porte  à  tous  deux  étant  établie 
comme  elle  l'est  dans  mon  âme,  s'identifie  avec  elle,  et  participe  à  sa 
nature  qui  est,  selon  les  termes  de  l'école,  d'être  tout  entière  dans 
le  tout  et  tout  entière  dans  chaque  partie.  D'où  il  suit  que  si,  d'après 


Année  1593  31 

Quo  fit  ut  si  res  ulla,  ex  Salomonio  (O  placito*,  duplicem   *m  R^g-.  "'.  =5- 
admittat  possessorem,  ea  maxime  est  amicitia. 

Vivat  vero  semper  in  pectore  meo  ardens  quoddam 
desiderium  omnes  quidem  amicitias,  sed  hanc  maxime 
Francisci  Girardi,  et  caeteras  quse  ex  tua,  Faber  optime(*), 
prodibunt  officina  diligenter  colendi  ;  quod  ut  praestare 
possem,  utinam  non  verbis  tantum  (qualia  solet  Fran- 
ciscus  Prsepositus,  et  id  genus  alia,  in  quibus  nescio  quid 
inter  nos  est  similitudinis),  sed  re  etiam  et  meritis,  quod 
tu  credis,  conjungeremur,  ut  amore  prsestantissimorum 
virorum  vel  eo  nomine  merito  non  indignus  videar  qui 
me  indignum  esse  agnoscam  libenter,  et  tenuitatem  me- 
ritorum  desiderii  amplitudine  resarciam. 

De  caetero,  quod  parum  promptus  fuerim  in  respon- 
dendo,  vel  tuis  vel  Francisci  Girardi  litteris,  causam 
profero,  non  meo  quidem  judicio  minus  honestam,  nec 


la  sentence  de  Salomon  (O,  un  même  bien  peut  appartenir  à  deux 
personnes  à  la  fois,  c'est  assurément  une  intimité  de  ce  genre. 

Le  désir  qui,  dans  mon  cœur,  demeurera  toujours  très  ardent  est 
de  conserver  toutes  mes  amitiés,  surtout  celle  de  François  Girard, 
et,  excellent  Artisan  (2\  toutes  celles  qu'il  vous  plaira  me  fabriquer. 
Afin  qu'il  en  soit  ainsi,  puissé-je  vous  ressembler  non  seulement 
dans  la  manière  d'exprimer  mes  sentiments  (comme  a  coutume  de 
faire  le  Prévôt  François,  et  en  cela,  ainsi  qu'en  plusieurs  autres 
choses,  il  existe  entre  nous  un  certain  air  de  famille),  mais  encore  en 
réalité  et  par  le  mérite,  comme  vous  vous  persuadez  que  je  le  fais. 
Alors  je  serais  moins  indigne  de  l'amitié  d'hommes  aussi  éminents 
que  vous  l'êtes.  Que  du  moins  cette  indignité  soit  atténuée  par  l'aveu 
que  j'en  fais,  et  que  je  compense  les  qualités  qui  me  manquent  par 
le  vif  désir  que  j'éprouve  de  les  acquérir. 

Du  reste,  si  j'ai  mis  quelque  retard  à  répondre  soit  à  votre  lettre 
soit  à  celle  de  François  Girard,  la  raison  de  ce  délai,  qui  vient  de  ma 
famille,  est,  je  pense,  également  légitime  en  soi  et  agréable  pour 

(  I  )  La  copie  de  Turin  porte  Salomonoriim,  erreur  qui  provient  sans  doute 
de  la  fausse  interprétation  d'une  abréviation  mal  comprise  dans  le  texte  original. 

(2)  Dans  cette  lettre  et  dans  bon  nombre  d'autres  adressées  au  sénateur 
Antoine  Favre,  le  Saint  joue  sur  le  nom  latin  de  ce  magistrat,  qui  peut  se 
traduire  par  ouvrier,  artisan. 


^2  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

tibi,  ut  arbitrer,  minus  jucundam,  qui  familiaritate 
delectaris,  quod  scilicet  ex  média  familia  deprompta  sit. 
Accepi  vestras  utriusque  litteras  Sanctorum  Simonis  et 
Judas  die,  quas  decies  et  iterum,  uti  soleo  omnia  tua, 
repetitas,  dum  demitto  postridie  scripturus,  ut  per  occa- 
sionem  etiam  stati  temporis  quo  togatae  militiae  sacra- 
mentum  faciendi  [gratia]  ad  vos  plerique  contendunt, 
ego  quoque  in  prsecepta  tua  jurarem 

Revu  sur  une  copie  déclarée  authentique,  conservée  à  Turin, 
Archives  de  lEtat. 


VOUS  qui  aimez  à  remplir  les  devoirs  de  l'amitié.  Vos  deux  lettres 
me  sont  parvenues  le  jour  des  saints  Simon  et  Jude.  Après  les  avoir 
relues  plus  de  dix  fois,  comme  j'ai  coutume  de  faire  pour  toutes  les 
vôtres,  pendant  que  je  remettais  d'y  répondre  au  lendemain,  afin 
qu'en  un  jour  où  la  plupart  des  avocats  vont  prêter  serment  entre  vos 
mains,  j'eusse  aussi  moi-même  des  protestations  à  vous  faire 


XII 


AU     MEME 
(mikute) 

Prières  publiques  ordonnées  à  l'occasion  de  la  détention  du  duc  de  Nemours; 
sermon  prononcé  à  cette  occasion.  —  Naissance  de  Jeanne  de  Sales.  — 
Affaire  litigieuse  d'un  paysan  de  Thorens.  —  Témoignages  d'affection.  — 
Désir  de  le  voir  prochainement. 

Annecy,  commencement  de  décembre  1593. 

Ecce  ab  Antistite  nostro  supplicationes  obsecrationes- 
que  pro  captivo  Gebenensi  Duce  (0  (quod  Dux  ipse  per 


Notre  Evêque  vient  d'ordonner  une  neuvaine  de  prières  publiques 
pour  le  duc  de  Genevois  fait  prisonnier  (0.  (Ce  Prince  a  sollicité 

(  i)  Charles-Emmanuel,  fils  de  Jacques  de  Savoie-Nemours  et  d'Anne  d'Esté, 
après  s'être   distingué  dans  les  guerres  de  la  Ligue,  avait  été  arrêté  par  les 


Année  1593  35 

litteras  postulaverat)  per  9  dies  publiée  decretae  ;  ac  uti 
populus  Deo  placando  ardentius  incumbat  in  sequentem 
Dominicam  diem  concionem  indicunt,  idque  muneris 
tyroni  tuo,  qui  extra  scholas  vix  negare  novit,  imposi- 
tum.  Ergo  in  sequentem  hebdomadam  scripturus,  con- 
cioni  parandae  (nec  enim  insalutatis  Doctoribus  id  facere 
noster  ferre  potest  vel  genius  vel  ingenium)  mentem 
attribue. 

Qua  absolutus  cura ,  audio  charissimam  matrem  , 
anno  42  setatis  suae,  decimum  tertium  propediem  paritu- 
ram  filium  (  ^  ),  acutioribus  torsionibus  ac  adeo  non  levi 


lui-même  par  lettres  ces  prières.)  Afin  que  le  peuple  s'attachât  avec 
plus  d'ardeur  à  fléchir  la  justice  de  Dieu,  un  sermon  a  été  annoncé 
pour  le  Dimanche  suivant,  et  on  a  imposé  le  soin  de  le  prononcer  à 
votre  apprenti  qui,  hors  de  l'école,  ne  sait  guère  refuser.  J'ai  donc 
été  obligé,  pour  préparer  ce  sermon,  de  renvoyer  ma  lettre  à  la 
semaine  suivante,  car  ni  mon  caractère  ni  mon  talent  ne  me  per- 
mettent de  prêcher  sans  avoir  consulté  les  Docteurs. 

Délivré  de  ce  souci,  j'apprends  que  ma  très  chère  mère,  étant  déjà 
dans  sa  quarante-deuxième  année,  doit  prochainement  donner  le  jour 
à  son  treizième  enfant  '  ),  et  qu'elle  est  si  fortement  travaillée  de 
douleurs  aiguës  qu'elle  appréhende  d'en  mourir.  Dès  lors,  remettant 


Lyonnais,  le  21  septembre  1593,  et  enfermé  au  château  de  Pierre-Cise.  Il  y 
demeura  jusqu'au  26  juillet  1594  qu'il  parvint  à  s'échapper.  Ce  prince  mourut 
au  château  d'Annecy  le  15  août  1595,  étant  âgé  seulement  de  28  ans. 

(  I  )  Le  Saint  emploie  évidemment  le  mot  /il  tu  m  dans  un  sens  indéterminé. 
Le  treizième  et  dernier  enfant  de  M.  et  de  M™^  de  Boisy  fut  une  fille,  Jeanne, 
qui  mourut  en  Bourgogne  en  octobre   1607. 

On  pourrait  objecter,  à  l'encontre  de  la  date  attribuée  ici  à  cette  lettre  (date 
fixée  d'après  une  lettre  d'Antoine  Favre),  que  dans  celle  qu'il  adressa  à  sainte 
Jeanne-Françoise  de  Chantai  au  sujet  de  la  mort  de  cette  jeune  sœur,  le  Saint  dit 
de  la  défunte  :  «  Ce  fut  la  première  créature  sur  laquelle  j'exerçay  mon  sacerdoce.  >- 
Or,  il  a  seulement  été  ordonné  le  18  décembre  1593  ;  mais  il  est  vraisemblable 
que,  par  considération  pour  la  famille  du  nouveau  prêtre,  l'Evêque  permit  de 
différer  les  cérémonies  du  baptême  jusqu'après  l'ordination  de  celui-ci. 

Faudrait-il  supposer  que  les  précédents  éditeurs  ont  mal  lu  en  imprimant 
anno  4-]  œtatis  suce  au  lieu  de  anno  42,  qui  est  très  lisible  dans  l'Autographe, 
ou  bien  auraient-ils  fait  cette  substitution  pour  ne  pas  contredire  certains 
historiens  d'après  lesquels  M.""^  de  Boisy  aurait  été  âgée  de  vingt-et-un  ans  à  la 
naissance  de  son  fils  aine  (1567 -?  Quoi  quil  en  soit,  la  présente  lettre  corro- 
bore le  témoignage  de  plusieurs  contemporains  qui  affirment  que  'W^'^  de  Boisy 
avait  quatorze  à  quinze  ans  lorsqu'elle  devint  mère  de  notre  Saint. 

Lettres  I  » 


34  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

mortis  suspicione  vexari.  Quare  missis  omnibus  ad  eam, 
mea  enim  praesentia  plurimum  recreari  solet,  propero, 
nec  primum  redii  quin  melius  per  Dei  gratiam ,  licet 
propinquiore  partu,  haberet  ;  vixque  consedi  cum  adest 
nuncius  eam  nuUo  fere  negotio  peperisse,  dolorum  ni- 
mirum  praecedentium  ex  imminentium  summa  substrac- 
tione.  Quare  iterum  redivivam  veluti  visurus  discedo,  ac 
in  itinere  cum  occurreret  D.  Porterius  i^\  unus  ex  cano- 
nicis  nostris,  (^l  ad  te  brevi  profecturus  rogavi  uti  te  meo 
nomine  salutaret,  i^)  quando  scribendi  nuUa  dabatur 
opportunitas. 

Quare  ea  mihi  nunc    demum   constat    conditio    quam 

pro  tua  humanitate  ascripsisti   :  «  cum   tibi   commodum 

erit.  »  Cujus  ego  eam  vim  quod  ad  rem  attinet  esse  credo, 

•Videsupra  p  10,   ^^  i^^-^  demum  obtineat  cum  nuUum  officit  impedimen- 

et  Digest.,   1.    IV,  .   \^ 

tit.  II,  §  6.  tum  quod  «  in  virum  constantem  cadere  possit  *.    » 


toute  autre  affaire,  je  me  rends  en  grande  hâte  auprès  d'elle,  car  ma 
présence  lui  donne  toujours  beaucoup  de  consolation.  Je  ne  revins 
chez  moi  que  lorsque  je  la  vis  beaucoup  mieux,  grâces  à  Dieu,  quoi- 
qu'elle approchât  de  son  terme.  A  peine  avais-je  eu  le  temps  de 
m'asseoir  à  mon  foyer  que  voilà  venir  un  messager  m'annonçant 
qu'elle  était  délivrée  presque  sans  peine,  comme  si  ce  qu'elle  avait 
enduré  auparavant  avait  été  pris  en  déduction  de  ce  qu'elle  aurait 
dû  souffrir  à  ce  moment.  Je  retournai  donc  visiter  celle  qui  était  pour 
ainsi  dire  revenue  à  la  vie.  En  chemin,  je  rencontrai  M.  Portier  (  i  ),  l'un 
de  nos  chanoines,  que  je  priai  de  vous  saluer  en  mon  nom,  puisque  je 
n'avais  aucune  facilité  pour  vous  écrire. 

Me  voici  maintenant  dans  la  condition  que  vous  aviez  la  bienveil- 
lance de  me  poser  en  disant  :  «  Ecrivez-moi  quand  vous  le  pourrez.  » 
C'était,  ce  me  semble,  me  demander  de  vous  écrire  tant  que  je  ne 
serais  pas  retenu  par  un  empêchement  qui  arrêterait  même  «  l'homme 
fort  et  constant.  » 

(a)  ex  caiwiitcis  nostris,  —  Tcum  ad  Senatum  Chamberium  se  quamprimum 
petituruiu...J 

(b)  salutaret,  —  Ptestareturque  me  in  itinere  occurrissc.J 


(i)  Jean  Portier,  prêtre   du  diocèse   de   Besançon,  qui  avait   été    institué 
chanoine  de  l'église  cathédrale  de  Saint-Pierre  de  Genève  le  lo  juin  1577. 


Année  1593  ^5 

Nescio  vero  fœliciusne  an  infœlicius  mecum  actum  sit, 
ut  nimirum  tum  acceperim  ter  a  te  litteras  cum  ne  semel 
quidem  dare  potuerim.  Etsi  enim  tanto  viro,  dicam 
suavius  (quod  per  summam  humanitatem  tuam  jam  mihi 
licere  existimo)  etsi  tanto  amico,  suavissime  alloquenti 
non  respondere  durum  fuerit,  jucundissimum  tamen  fuit, 
interea,  inter  acerbas  nonnullas  animi  occupationes, 
mellificium  illud  tuum  degustare  ac  te  ex  litteris  veluti 
loquentem  subaudire. 

Rogor  enim  inter  hœc  uti  in  quadam  agricole  nostri 
Thorentiani  causa  adversus  Soudanum  ejusdem  loci 
notarium  apud  te  intercessorem  agam,  ac  rogem  ut  rus- 
tici  jus  suum  supersit.  ^qua  sane  petitio  rustici  sed 
rustica,  quam  si  facerem  stultus  merito  judicarer.  Quod 
enim  tibi  curœ  ac  cordi  non  est,  jus  non  est;  quod  vero 
cuique  juris  est,  id  quoad  per  te  potest  integrum  est 
ac  tutum.  Imo  vero  cum  nescio  quid  crimmis  m  ea 
causa  versari  audirem.  prope  fuit  ut  clamavenm  :  Virt 

Te  ne  sais  si  je  dois  m'estimer  heureux  ou  malheureux  d'avoir 
dans  cet  intervalle  reçu  trois  de  vos  lettres  tandis  que  je  n  ai  pas 
même  pu  vous  en  adresser  une  seule.  Si  d'une  part  .1  m  a    te  tre 
pénible  de  ne  pouvoir  répondre  a  un  homme  tel  que  vous,  j  oser 
Lme  dire  (pour  employer  un  terme  plus  doux  ^^ -tor.e  vo 
extrême  obligeance)  à  un  tel  am,,  qui  m  ecnt  avec  tant  d  afFec 
tion,  d'un  autre  coté  ce  m'a  été  une  immense  jo.e  au  m.heu  d 
préoccupations  très  pénibles  de   savourer  le  m,e    qui  decou  e  d 
votre  plume,  et  de  vous  entendre  en  quelque  sorte  parler  par  ^os 

lettres 

On  me  sollicite  en  ce  moment  d'intercéder  auprès  de  vous  en 
faveur  d'un  de  nos  paysans  de  Thorens  au  sujet  du  différend  qu  il  a 
avec  Soudan,  notaire  dans  la  même  localité,  et  de  vous  prier  de  faire 
prévaloir  les  droits  du  villageois.  La  requête  de  cet  homme  rustique 
L  rustique  elle-même,  mais  juste.  Toutefois,  si  je  vous  la  recomman- 
dais je  passerais  pour  un  sot  ;  car  ce  que  vous  ne  prenez  pas  a  cœur 
n'    ipasjuste.toutecausejuste.quellequesoitlapersonneinteres^^^^ 

étant  tou  ours  patronnée  par  vous.  De  plus,  j'ai  entendu  dire  qu  il  y 
a  en  cette  affaire  je  ne  sais  quoi  qui  relevé  de  la  justice  criminelle, 
c'est  pourquoi  j'ai  été  près  de  m'exclamer  :   Eloignc^-vous  de  mot, 


s6  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

»  Ps.  cxxxviii,  19.     sanguiiium  declinate   a    me*,  (c)  Xihil   in  iis    causis 
clericis  negotii  esse  débet. 

Accepi  quidem  ter  a  te  litteras,  quibus  hac  una  sola 
satisfacere  œquum  minime  duxerim;  seorsum  namque  de 
senatoris  dignitate  recusanda  vel  desideranda  huic  tuo 
tironi,  Faber  clarissime,  alio  tempore  scribam,  nisi 
coram,  uti  spero,  hac  de  re  tractandi  sese  det  occasio  (ï). 
Subolfacio  etenim  mihi  brevi  te  visendum,  oui  fœlicitati 
meae  promovendae  non  deero.  Ac  si  quid  erit  in  ea  trac- 
tatione  difficultatis,  opportunus  omnino  judex  occurret 
Franciscus  Girardus,  utriusque  nostrum  licet  in  dispari 
causa  amantissimus,  juri  pariter  ac  theologiae  addictis- 
simus.  Sed  hac  de  re  alias 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  d"Annecy. 


hommes  de  sang  ;  car  en  telles  matières  les  ecclésiastiques  ne  doivent 
pas  intervenir. 

Ayant  reçu  trois  lettres  de  vous,  je  n'estime  pas,  seulement  par 
celle-ci,  m'acquitter  à  votre  égard.  Je  compte  vous  en  adresser, 
illustre  Artisan,  au  sujet  de  la  question  que  vous  soulevez  à  votre 
apprenti,  à  savoir  s'il  doit  désirer  ou  refuser  la  dignité  sénatoriale;  à 
moins  que  je  n'aie,  comme  je  l'espère,  la  possibilité  de  vous  entre- 
tenir de  vive  voix  ;  car  je  pressens  que  j'aurai  bientôt  ce  plaisir,  et  je 
ne  manquerai  pas  d'en  faire  naître  l'occasion  (O.  Si  nous  trouvons 
quelque  difficulté  dans  cette  négociation,  nous  aurons  recours  à  un 
juge  tout  désigné  pour  cela,  François  Girard,  qui  est  versé  dans  le 
droit  aussi  bien  que  dans  la  théologie  et  nous  aime  tous  deux  égale- 
ment, quoique  à  des  titres  divers.  Mais  nous  parlerons  de  cela  une 
autre  fois 

(c)  a  me.  —  PXon  enim  causam  promovere  cujusquam  mihi  licere  credo 
ex  qua...J 


(i)  On  a  des  preuves  certaines  que  la  dignité  de  sénateur  fut  offert"  à 
saint  François  de  Sales  par  le  duc  de  Savoie.  Un  déposant  au  Procès  de 
Béatification  dit  même  positivement  avoir  été  chargé  de  lui  porter  les  lettres 
patentes  de  sa  nomination.  Un  autre  certifie  à  son  tour  avoir  vu  la  lettre 
dans  laquelle  le  Prévôt  exposait  au  sénateur  Favre  les  motifs  de  son  refus. 
Cette  pièce  n'a  pas  été  retrouvée;  la  prétendue  lettre  qui  figure  à  ce  sujet 
pour  la  première  fois  dans  l'édition  Hérissant  (1758)  est  un  composé  des  paroles 
que,  d'après  Charles-Auguste,  le  Saint  aurait  dites  en  cette  circonstance. 


I 


Année  1593  37 


XIII 


AU     MEME 


(minute) 


Sentiments  qui  se  pressent  dans  l'âme  du  Saint  à  l'approche 
de  son  ordination  sacerdotale. 

Annecy,  vers  le  15  décembre  1593. 

Appetente  et  imminente  jam  tremendo  illo  ac,  uti 
Chrisostomi  verbo  loquar  *,  horrendo  mihi  tempore,  quo  •  Hom.  l  (al.  li)  in 
ex  Antistitis  placito,  id  est,  Deo  volente  tantum,  non  ^  "^  ^' 
enim  alio  ad  Dei  voluntatem  explorandam  utor  inter- 
prète, postquam  per  omnium  Ordinum  gradus  sacratis- 
simos  iter  hucusque  feci,  tandem  ad  augustissimum  Sacer- 
dotii  apicem  evehendus  sum(0,  committendum  non  duxi 
quominus  te  de  hac  mea  tanta  (sic)  tam  excellentis 
honoris  et  boni  expectatione  admonerem,  ne  tanta  te 
inscio  in  re  tua  fiât  mutatio.  (-') 


A  l'approche  de  ce  jour  terrible,  de  ce  jour  effroyable,  comme 
l'appelle  saint  Chrysostome,  où  d'après  la  volonté  de  notre  Evêque, 
c'est-à-dire  d'après  la  volonté  de  Dieu  (car  je  ne  cherche  pas  d'autre 
interprète  de  cette  divine  volonté),  à  l'approche  de  ce  jour,  dis-je, 
où  après  avoir  passé  par  tous  les  degrés  des  saints  Ordres,  je  vais  être 
promu  à  l'auguste  dignité  du  sacerdoce  (  '  ),  je  ne  puis  me  dispenser  de 
vous  annoncer  l'insigne  honneur  et  le  bien  excellent  qui  m'attendent. 
11  ne  convient  pas  en  effet  qu'une  telle  transformation  s'opère  à  votre 
insu  dans  un  homme  qui  est  tout  vôtre. 

(a]  fiai  mutatio.  —  fUtinani  vero,  vir  amplissinie...  amantissime  vir,  fausta 
mihi  ea  sit  accessio  qua  nemo  unquam  extitit  dignus.J 


(i)  Saint  François  de  Sales,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  plus  haut,  reçut 
l'ordination  sacerdotale  le  18  décembre  1593, 


38  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

Etsi  namque  etiam  nescientis  melior  fieri  conditio 
potest,  et  haec  omnium  quae  in  hac  mortalitate  expectari 
queunt  mutationum  sit  maxime  gloriosa,  i^)  multo  tamen 
mihi  jucunda  erit  [compassio  tua].  Cum  enim  me  omnium 
quas  antea  sensi  maxima  me  torqueat  solicitudo,  timor- 

'  Ps.  LTV,  6.  que  et  tremor  venerint  super  -ine  *^  [tuae  benevolentiae 

maxime  indigeo.]  Id  enim  moris  est  amantibus,  si  quid 
arduum  ac  periculosum  aggredimur,  soUicitudinem  (c) 
ac  formidinem  nostram  solari  amicis  i^communicatione] 
facta,  ac  formidinis  motus  sedantur  si  negotium  ipsum 
mentemque  nostram  amicis  exponere(<i!  possimus.  Nihil 
vero  unquam  tam  arduum  tamque  periculosum  ,  ni 
fallor,    mortalibus   occurrere   potest  quam    id    manibus 

•  Epist.  cxLvi,  ad   tractare  ac,   ut  cum   Hieronimo    [loquar  *],   id   ore  suc 

^a°g-,9i-  conficere  quod  vix  ac  ne  vix  [quidem]  cogitatione  com- 

plecti    vel    ore    laudare   satis   possunt    beatissimae    illae 

mentes,  quibus  nos  {sic)  laudandis  aut  intellectu  perci- 

piendis  nos  minime  satis  sumus. 


On  peut  améliorer,  il  est  vrai,  la  condition  d'un  autre  sans  qu'il  le 
sache,  et  le  changement  que  je  vais  subir  est  le  plus  glorieux  qui 
puisse  m'arriver  en  ce  monde  ;  néanmoins  votre  sympathie  me  sera 
très  avantageuse,  car  je  suis  assailli  par  la  plus  grande  inquiétude 
que  j'aie  jamais  ressentie.  La  frayeur  et  le  tremblement  se  sont  emparés 
de  moi  :  plus  que  jamais,  j'ai  donc  besoin  de  votre  bienveillance.  C'est 
l'usage  entre  ceux  qui  s'aiment  de  se  confier  leurs  soucis  et  leurs 
appréhensions  au  moment  d'entreprendre  une  œuvre  ardue  et 
périlleuse,  afin  d'obtenir  quelque  consolation.  Leurs  craintes  s'apai- 
sent par  cette  communication.  Et  certes,  si  je  ne  me  trompe,  il  ne 
saurait  rien  arriver  de  plus  difficile  et  de  plus  périlleux  à  l'homme 
que  d'être  appelé  à  tenir  entre  ses  mains  et  à  produire  par  sa  parole, 
selon  l'expression  de  saint  Jérôme,  Celui  que  les  Anges,  ces  intelli- 
gences que  nous  sommes  incapables  de  concevoir  ou  de  louer  digne- 
ment, ne  peuvent  pas  même  embrasser  par  la  pensée  ni  célébrer  par 
de  justes  louanges. 

(b)  maxime  gloriosa, —  id  tamen  cuique  amanti  ab  ipsa  inditum  est  natura... 
Quae  etsi  maxime  gloriosa  futura  est, 

(c)  amantibus,  —  in  rébus  arduis  soUicitudinem.., 
(d  )  explicare 


Année  1593  ^^ 

Et  quidem  non  eram  nescius,  observatissime  vir  («) 
n^atno  cum  periculo  hanc  tantam  (sic)  sacram  d.gnUa- 
renTcon  unctL  esse.  (^  At  maie  providis  oculis  d.stant.a 
iUusit,  aliudque  jam  dicam  esse  rem  e™"- f  "f/';™. 
cominus  metiri.  Tu  vero  unus  es,  a"Pl-™«  ^^Z. 
huic  mentis  meœ  perturbation,  percp.endœ  '^  ."'^'''™« 
mihi  videris  idoneus.  Tanta  namque  observanfa,  tanta 
veneratione  rerum  divinarum  [cultum]  prosequens    ut. 
facile  tecum  reputes  quam  periculosum  sit  ac  tremendum 
earum  officine  prœesse,  in  iis  quam  facile  s.mul  et  gra- 
vHer  peccetur,  quam  vero  difficile  et  lev.ter  (s,c)  pro 
d  gnitate  tractentur.  Atque  si  ingenii  mei  imbec.lhtatem 
fàm  probe  cognosceres,  nihil  in  te  aliud  des.derarem  quo 
sorti  meœ  eam  quam  a  te  suo  jure  quaer.t  m.ser.cord.am 
adhiberes  C),  cum  non  animo  jam  ind.geo,  quem   .nte- 
trrum  erectumque  hactenus  sustinu.. 

Verum   hœc  dixisse    sat   est  ;    tantum    commovendae 
[misericordiœ  tuœ]  gratia  ita  tibi  sensus  meos  explicav., 

Assurément  je  n'ignorais  pas,  mon  vénérable  Ami  q-  d'effroya- 
bles responsabilités  ne  fussent  jointes  a  une  si  sainte  et  s.  auguste 
dgnté     mais  Véioignement  trompe  les  yeux,  et  c'est  chc«e  ^en 
différente  de  mesurer  un  objet  de  près  ou  de  l'apprécier  de  loin  Vous 
•  es  Te  seul.  Monsieur  le  Sénateur,  qui  me  paraissiez  capab  e  de 
fomp  endre  le  trouble  de  mon  esprit  ;  car  vous  traitez  les  choses 
Ses  avec  tant  de  respect  et  de  vénération  que  vous  pouvez  fac.l- 
men"  uger  combien  il  est  dangereux  et  redoutable  d'en  préside   la 
"Ubralon,  combien  il  est  facile  de  pécher  et  de  P-'^^^---;";'. 
et  combien  difficile  de  remplir  dignement  ces  saintes  fonctions.  S 
vous  connaissiez  aussi  bien  ma  faiblesse,  je  -"-<"--=" 
sur  ma  situation  actuelle  votre  commisération  qui  ^.  <^=t  ^ «="  ^ue. 
Cependant  je  ne  manque  pas  de  courage  ;  jusqu  a  présent  il  ne  m  a 

'' MiisSsfarz' Je  vous  ai  déclaré  mes  sentiments  uniquement  pour 
excto  ^ot^e  sympithie  ;  c'est  un  remède  utile,  je  le  sais,  pour  soulager 

•     •  ■  rnuid  in  hoc   munere   discriminis  foret,  longe 

(e)  ohservatissime  vtr,   —    iquia  m  n" 

antequam...J  distantia  intuentis  oculis  iUudit. 

(h)  concederes 


40  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

quod  scirem  medelam  esse  aegris  amicis  opportunam. 
Quamvis  nescio  (ut  me  sensim  teque  ab  iis  cogitationi- 
bus  substraham  quas  exposuisse  omnino  sat  est)  quanam 
id  ratione  fiat  ut  cum  amicus  commiseratione  malum 
abesse  velit  ab  amico  misero,  miser  hic  contra  misera- 
tione  amici  recreetur,  cum  miseratione  mali  particeps 
[miserens]  non  fieri  nequeat.  Nisi  forsitan  illud  est  quod 
miseratione  clarissime  illucescit  amicitia,  quae  cum  sit 
optima  rerum  omnium,  in  amico  longe  melius  est  de- 
prehendere  cum  miseratione  quam  si  sine  uUa  mali 
communione  vel  nulla  vel  exigua  superesset  benevolentia. 
Cseterum,  neque  vellem  ego  me  existimes  tanto  pavore 
afficere  misteria  illa  sacrosancta  uti  suus  recte  spei  ac 
laetitise  nullus  supersit  locus,  quantum  nuUis  unquam 
meritis  promereri  possum.  Laetor  plurimum  et  gaudeo 
me  posthac  eo  saltem  officio  respondere  posse  quod 
omnium  supremum  est,  nimirum  sacrificiis ,  iisque 
Ps.  Lxv,  15.  medullatis  * 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


le  cœur  souffrant.  Et  pourtant,  comment  se  fait-il  (ici  je  m'éloigne 
insensiblement  des  considérations  qu'il  me  suffit  de  vous  avoir 
indiquées),  comment  se  fait-il  que  si  un  ami  s'efforce  par  la  compas- 
sion qu'il  porte  à  son  ami  malheureux  d'éloigner  de  lui  les  maux  qui 
le  menacent,  celui-ci  se  sente  réconforté  par  cette  compassion  même, 
bien  qu'en  s'apitoyant  sur  lui,  le  premier  n'ait  pu  s'empêcher  de 
ressentir  les  mêmes  maux  ?  Sans  doute  cela  vient  de  ce  que  la 
commisération  est  la  marque  incontestable  de  l'amitié,  ce  sentiment 
le  plus  exquis  de  tous,  lequel,  dans  nos  amis,  nous  est  bien  plus 
précieux  étant  mêlé  de  compassion  que  s'il  se  terminait  à  une  froide 
bienveillance  qui  ne  participerait  en  rien  à  nos  douleurs. 

D'autre  part,  ne  vous  persuadez  pas  que  les  saints  mystères  m'ins- 
pirent un  effroi  tel  qu'il  ne  laisse  en  moi  place  à  une  espérance  et 
à  une  allégresse  bien  supérieures  à  ce  que  pourraient  me  valoir  mes 
propres  mérites.  Je  me  réjouis  spécialement  et  j'exulte  de  pouvoir 
correspondre  au  moins  par  cet  office  le  plus  sublime  de  tous,  je  veux 
dire  par  des  sacrifices  et  par  le  sacrifice  de  la  plus  auguste  des 
victimes 


ANNEE    1594 


XIV 


AU     ME  M  E 

(  MIKUTE  ) 


Espoir  d-une  prochaine  réunion  à  Sales.  -  M.  et  M-  de  Boisy  contraints 
de  s'absenter  à  cette  époque.  -  Envoi  d'une  lettre  de  M.  de  Montrottier. 
—  Le  Saint  part  pour  Seyssel  où  il  doit  prêcher  le  Dimanche  suivant. 

Antonio  Fabro  Senatori,  Franciscus  de  Sales, 

PrcDpositus  Ecclesise  Gebennensis,  salutem  dicit. 

[Annecy, ~  commencement  de  février  1594. 

Ego  vero  contra,  Frater  optime,  tanta  me  sensi  totum 
perfundi  voluptate  in  tuarum  litterarum  lectione,  ut  1^) 
nihil  aliud  ejus  confirmandse  quam  Deo  volente  jam  re- 
cuperaveram  valetudinis,  nullum  opportunius  desiderari 
videretur  remedium.  Quid  enim  convalescentibus  optabi- 
lius,  quid  opportunius,  quam  ex  unius  domusculae  umbra 


Au  Sénateur  Antoine  Favre, 
François  de  Sales,  Prévôt  de  l'Eglise  de  Genève, 
présente  ses  salutations. 
Moi  au  contraire,  mon  excellent  Frère,  je  me  suis  senti  inondé 
d'une  si  grande  joie  en  lisant  votre  lettre,  que  je  n'aurais  pu  désirer 
aucun  remède  plus  efficace  pour  rétablir  ma  santé,  si,  grâces  a  Dieu, 
elle  n'eût  été  déjà  remise.  En  effet,   quoi  de  plus  doux,  de  plus 
avantageux  pour  un  convalescent  que  de  quitter  l'obscurité  d'une 

(a)  ut  —  cum  jam  valetudinem  recuperassem... 


42  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

in  amœnissimorum  florentissimorum  hortorum  conspec- 
tum  fréquenter  exire,  ibique  inter  medios  flores  exspatiari 
ac  auras  odoribus  gratissimis  onustas  colligere  ?  Sic 
nempe  amicissimas  tuas  litteras  lego. 

Illud  autem  moleste  admodum  fero,  quod  tam  mec 
nimirum  morbo  angi  te  scribas,  maxime  cum  ego  vel 
nullum  vel  minimum  sentirem  dolorem  ;  ac  cum  tu  per 
summam  amicitiam  de  febricula  mea  doleres,  prope  fuit 
ut  nostra  dicerem  si  malorum  ut  bonorum  inter  nos 
communie  inducta  foret  (quod  ego  vix  indemnis  facere 
possem,  hoc  génère  longe  locupletior),  ovationem  prope- 
modum  ipse  deportassem  ;  at  mihi  jam  vicissim  dolendum 
de  tuo  dolore  foret,  nisi  iis  doloribus  modum  facere 
tandem  aliquando  satius  esset. 

De  Antoniano  convivio  recte  procuratorem  egit  Chap- 
pasius  (0  ;  dicam  libère  pro  candore  pectoris  fraterni  An- 
tonianum.  Si  a  Sancto  Antonio  relis  non  recte  dici  aliter 
posse  quam  Antonianum,  appelles  quod  minime  taie  sit, 
cum  nullum  aliud  convivium  dicatur  Antonius  habuisse, 


maisonnette  pour  aller  souvent  contempler  des  jardins  les  plus 
agréables  et  les  plus  émaillés  de  fleurs  et  d'y  respirer  à  souhait  l'air 
embaumé  des  parfums  les  plus  suaves  !  Telle  est  l'impression  que  me 
fait  éprouver  la  lecture  de  votre  lettre  si  amicale. 

Cependant  une  chose  m'attriste,  c'est  d'apprendre  les  angoisses 
que  vous  a  causées  ma  maladie,  d'autant  plus  que  je  n'ai  rien  ou 
presque  rien  souffert.  Même,  comme  par  l'effet  d'une  souveraine 
affection  vous  ressentiez  ma  fièvre,  je  dirais  presque  notre  fièvre,  si 
entre  nous  les  maux  étaient  communs  comme  les  biens  (et  de  ceux-là 
je  pourrais  vous  enrichir  sans  m'appauvrir,  car  j'en  suis  de  beaucoup 
le  mieux  pourvu),  j'en  aurais  été  pour  ma  part  tout  glorieux  ;  mais 
alors  j'aurais  souffert  à  mon  tour  de  vos  douleurs,  à  moins  qu'il  n'eût 
été  préférable  de  mettre  un  terme  à  cette  communication  de  peines. 

Chappaz  (0  vous  a  bien  représenté  au  festin  antonien  ;  je  dis  vraiment 
bien  antonien  par  la  sincérité  de  la  tendresse  fraternelle.  Si  vous 
vouliez  faire  remonter  à  saint  Antoine  l'origine  de  ce  mot,  vous  vous 

(  I  )  Jean  Chappaz,  procureur  au  conseil  de  Genevois,  était  né  à  Thorens 
en  1559.  Il  sera  encore  question  de  lui  dans  une  lettre  de  saint  François  dç 
Sales  datée  du  23  décembre  1601. 


Année   1594  43 

prseter  unicum  illud  in  quo  convivator  corvus  affuit, 
convivœ  Paulus  et  Antonius,  pro  lautissimo  edulio  panis, 
pro  potu  aqua. 

Ouandoquidem  sperare  jubés  hisce  bacchanalibus  futu- 
rum  ut  ambo  incolumes  et  una  simus,  ab  hac  expectatione 
tantam  mente  concepi  laetitiam,  uti  nuUus  sit  futurus 
cui  tantam  nauseam  edulia  quadragesimalia  pariant,  ut 
magis  festa  Paschalia,  quam  ego  bacchanalia  desideret. 
Sicque  urbanitatis  Christianse  antiqua  illa  forma  inter 
nos  reviviscet,  qua  solebant  ad  honestam  recreationem 
amici  usque  ante  quadragesimale  jejunium  convivia  ce- 
lebrare,  ac  simul  aliquantulum  feriari,  ut  liberius  toto 
pœnitentiae  tempore  sederent  solitarii,  et  tacerent,  ac 
elevarent  se  supra  se  *,  quasi  longioris  silentii  licentiam  *  Thren.,  m,  28. 
vicissim  simul  expetentes. 

Praecipua  vero  quam  appellas  amœnitas  loci  in  quo 
mei  habitant,  quod  nimirum  eos  omnes  mecum  sis  visurus, 
vereor  ne  nobis  desit,  quoniam  per  idem  tempus  claris- 
simus  senator,  nostrum  omnium  amantissimus,  Dominus 


tromperiez  ;  car  dans  la  vie  de  ce  Saint  il  n'est  question  d'aucun 
banquet,  si  ce  n'est  celui  dont  l'amphytrion  était  un  corbeau,  les 
convives,  Paul  et  Antoine,  et  où,  à  la  place  de  mets  somptueux,  l'on 
ne  servait  que  du  pain  et  de  l'eau  pour  boisson. 

Puisque  vous  me  donnez  espoir  que  nous  passerons  ensemble  et 
en  bonne  santé  le  carnaval  prochain,  mon  cœur  est  rempli  d'une  si 
douce  joie  qu'aucun  de  ceux  qui  sont  dégoûtés  du  maigre  quadragé- 
simal  ne  désire  plus  vivement  les  fêtes  de  Pâques  que  je  ne  soupire 
après  le  carnaval.  Alors  renaîtra  pour  nous  cette  antique  forme  de 
l'urbanité  chrétienne  selon  laquelle  les  amis  avaient  coutume,  aux 
approches  du  jeûne  de  la  sainte  Quarantaine,  de  s'accorder  quelque 
honnête  récréation  en  s'invitant  à  de  gracieux  festins,  et  de  diminuer 
aussi  quelque  chose  du  travail  ordinaire.  C'était  afin  d'avoir  l'esprit 
plus  libre  pendant  le  temps  de  pénitence  pour  s'asseoir  dans  la  soli- 
tude, se  taire  et  s'élever  au-dessus  de  soi-même.  Ils  prenaient  en 
quelque  sorte  congé  les  uns  des  autres  avant  cette  longue  retraite. 

Quant  à  ce  qui  fait  à  vos  yeux  le  principal  charme  du  séjour 
habité  par  ma  famille,  le  plaisir  de  nous  y  voir  tous  réunis,  je  crains 
que  nous  en  soyons  privés  ;  car  vers  ce  même  temps  de  carnaval, 


44  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

Rogetius  (0,  filiae  natu  majoris  matrimonium  cum  judice 
majore  Focunacensium  celebrabit  ;  parentes  mei  pro  sua 
erga  senatoris  universam  familiam  observantia,  jam  per 
litteras  rogati,  déesse  minime  poterunt. 

Te  veniente,  non  committam  ut  alibi  sim  quam  tecum. 
Etiam  te  non  veniente,  non  intrarem  ;  quomodo  enim 
Matt.,  xxii,  12.  nuptiis  interessem  qui  vestem  nuUam  habeo  nuptialem*? 
Antonianum  timeo  namque  convivalem  illum  senatum. 
Iterum  scribit  Dominus  de  Montrotieri^),  qui  caracteris 
tui  elegantiam  et  subtilitatem  admiratus  se  deinceps 
silentio  responsurum  dicit.  Ejus  litteras  simul  cum  meis 
procuratori  Chappasio  commendo  ;  jamjam  enim  Seys- 
sellum  versus  pergo,  die  Dominica  concionaturus  (3).  Sic 


M.  le  sénateur  Roget(  0,  un  ami  qui  nous  est  si  cher,  devant  célébrer 
le  mariage  de  sa  fille  aînée  avec  le  juge-mage  du  Faucigny,  mes 
parents,  qui  ont  déjà  reçu  des  lettres  d'invitation,  ne  pourront  se 
dispenser  d'assister  à  ce  mariage  sans  manquer  aux  égards  qu'ils 
doivent  à  la  famille  du  Sénateur. 

Si  vous  venez  ici  je  me  garderai  bien  d'aller  ailleurs,  si  ce  n'est 
avec  vous.  Et,  lors  même  que  vous  ne  viendriez  pas,  je  n'assisterais 
pas  à  cette  fête  ;  car  comment  aller  aux  noces,  moi  qui  n'ai  pas  la 
robe  nuptiale?  D'ailleurs,  je  redoute  ces  réunions  et  ces  festins. 

M.  de  Montrottier  (2)  écrit  encore  une  fois,  mais  il  me  dit  que 
désormais  il  ne  répondra  que  par  le  silence  à  vos  lettres,  dont  le 
style  élégant  et  délicat  le  remplit  d'admiration.  Je  confie  ma  lettre  et 
la  sienne  au  procureur  Chappaz,  et  je  pars  à  l'instant  pour  Seyssel, 
où  je  dois  prêcher   Dimanche  (3).  C'est  ainsi  que  je   vous   écris 

(  I  )  Jean  Roget,  qui  avait  été  lui-même  juge-mage  du  Faucigny  (1377),  était 
sénateur  depuis  le  3  novembre  1593,  et  mourut  le  22  mars  i^9V  H  paraît 
avoir  été  marié  deux  fois,  mais  le  nom  de  sa  seconde  femme,  Philiberte  de 
Chignin,  est  seul  connu.  Dans  son  testament  (6  mars  1593)  le  sénateur  Roget 
nomme  toutes  ses  filles  ;  celle  dont  il  est  ici  question  doit  être  Jeanne,  qui 
aurait  épousé  en  premières  noces  Etienne  Chesnex  ou  Chesney,  juge-mage  du 
Faucigny  dès  le  mois  d'août  1593,  et  en  secondes  noces,  Janus  Bessonet. 

(2)  Charles  III,  fils  de  Pierre  III  de  Menthon,  qui  avait  épousé  Marie  de 
Chastillon,  dame  des  Hayes  Gascelin.  Il  devint  baron  de  Montrottier  le 
30  janvier  1596,  et  comte,  le  i""^  juin  1632.  Ce  seigneur  était  attaché  à  la 
maison  du  marquis  de  Saint-Sorlin.  Il  mourut  le  20  mars  1636,  après  avoir 
légué  le  comté  de  Montrottier  à  Bernard  V  de  Menthon. 

(3)  Ce  sermon  fut  prêché  le  Dimanche  de  la  Septuagésime,  qui  tombait 
cette  année-là  le  6  février.  (Voir  tome  VII  de  la  présente  Edition,  p.  119.) 


Année  1594  45 

enim  scribo  familiariter.  Baro  Chivronius(0  facillime  a 
Principibus  impetravit  ut  in  sententiam  Antistitis  nostri 
consentirent,  quod  ad  ea  spectat  de  quibus  ipse  tecum 
coram  disseruit.  Utinam  tam  consentaneum  rectœ  rationi 
foret  !  Hsec  raptim. 

Revu  sur  une  copie  déclarée  authentique,  conservée  à  Turin, 
Archives  de  l'Etat. 


familièrement.  Le  baron  de  Chivron  (  1  )  a  facilement  obtenu  que  nos 
princes  entrassent  dans  les  vues  de  notre  Evêque,  relativement  à 
l'affaire  dont  il  vous  a  entretenu.  Plût  à  Dieu  que  le  bon  sens  y 
trouvât  son  compte  !  Ceci  à  la  hâte. 


(i)  Hector,  fils  aîné  de  Michel  de  Chevron-Villette  et  de  Béatrix  de  Dérée, 
baron  de  Chevron,  seigneur  de  Dérée,  conseiller  d'Etat  de  Son  Altesse, 
grand  chambellan  par  patentes  du  i^""  mai  1601,  premier  maître  d'hôtel  du 
prince  de  Piémont,  chevalier  du  Sénat  (i^''  décembre  1601),  gouverneur  des 
princes  de  Savoie.  Il  avait  épousé  (contrat  dotal  du  15  mai  1572)  Jeanne  de 
Menthon.  Bien  que  son  testament  soit  daté  du  14  juillet  1608,  il  vécut  jusqu'en 
mi  février  1616.  La  tante  paternelle  de  ce  seigneur,  Bonaventure  de  Chevron- 
Villette,  eut  l'honneur  de  devenir  par  son  mariage  avec  Melchior  de  Sionnaz 
de  Vallières  la  grand'mère  maternelle  de  saint  François  de  Sales. 


46  Lettres  de  saint  François  de  Sales 


XV 


A  U      M  E  M  E 


Rendez-vous  à  Faverges.  —  Salutations  faites  à  M.   de  Montrottier 
de  la  part  du  sénateur  Favre. 

[Annecy,]  mi-février   1594(1). 

(3)  Ne  nihil  omnino  scriberem,  hanc  licet  brevem  mit- 
tendam  duxi  epistolam,  quasi  ejus  quam  brevi  peracturum 
me  puto  coram  salutationis  prodromum.  Sic  enim  mea 
res  se  habet,  ut  cum  vicariam  pro  matre  praesentiam  huic 
nuptiarum  celebritati  conferre  debereml^),  quando  ipsa 
interesse  posse  non  crederet,  et  ego  molestissime  ferrem 
praesentiam    etiam    pro    matre   vicariam   cuiquam  tune 


Pour  ne  pas  garder  un  silence  absolu,  j'ai  jugé  à  propos  de  vous 
écrire  cette  courte  lettre  comme  avant-coureur  de  salutations  que 
je  pense  vous  adresser  sous  peu  de  vive  voix  ;  car  voici  où  en  sont 
les  choses.  Je  devais  représenter  ma  mère  à  ces  noces  auxquelles  elle 
croyait  ne  pouvoir  assister,  et  j'étais  bien  désolé  de  devoir  être 
ailleurs,  même  pour  représenter  ma  mère,  puisqu'il  en  résulterait 
pour  moi  la  privation  d'une  rencontre  avec  vous,  le  meilleur  de  mes 

(a)  TLaconicam  potius  quam  nullam I   Brevem  hanc  epistolam  succisive 

scribendam  potius  duxi,  ne  nihil  omnino  scripsisse  existimarer  ;  quam  ut 
scriberem...  sic  enim  mecum  féliciter  actum  est  ut  qui  excusandae  matris... 
FExpectabo  namque  liberalia  haec  tam  libenter...J 

(b)  ut  cum  —   vices    parentis,  ad   hanc  nuptiarum    celebritatem,   déferre 
deberem 


(  I  )  La  date  de  cette  lettre  et  celle  de  la  suivante  sont  fixées  par  des 
preuves  que  fournissent  la  correspondance  d'Antoine  Favre  et  surtout  le 
Registre  des  Entrées  du  Sénat  dans  lequel  sont  mentionnées  les  diverses 
absences  des  sénateurs.  On  y  voit  que  le  sénateur  de  Passier,  qui  avait  quitté 
Chambéry  pendant  les  vacances  du  carnaval  dont  il  est  question  dans  ces 
deux  lettres,  était  de  retour  pour  la  séance  du  25  février. 


Année   1594  47 

conferre  cum  ex  ea  ab  amantissimo  tuo  conspectu 
sequeretur  absentia,  enimvero  factum  est  ut,  rébus  aliter 
succedentibus,  mater  ipsa  vices  jam  meas  expleverit. 
Quare,  quod  antea  sperabamus,  erimus  simul,  Frater 
amantissime,  hisce  liberalibus,si  intra  Fabricarum  limina 
Fabrum  viderint  Fabricenses.  Ego  namque  cum  primum 
scivero  adesse  te  intra  Fabricarum  limina,  non  commit- 
tam  quin  inter  Fabricenses  imperitum  sed  alacrem  videas 
tyronem  ;  succedetque  TuUiana  deinde  casa(0,  quae  ('^l 
omni  meliori  modo  [a  te  nomen  sortietur].  Caetera  coram. 
Litteras  Antistiti  meo  heri  reddidi,  quas  mira  voluptate 
iterum  et  iterum  perlustravit.  Dominum  de  Montrotier, 
hodie  ad  Marchionem  Sansorlinum  (  =  )  redeuntem,  tuo 
nomine  adeo  opportune  salutavi  ut  cum  eo  vel  ea  causa 


amis.  Les  choses  se  sont  arrangées  autrement,  et  c'est  ma  mère  elle- 
même  qui  me  remplace.  Ainsi,  comme  nous  l'avions  espéré,  mon 
bien  aimé  Frère,  nous  passerons  ensemble  ces  jours  de  liberté  si  les 
Favergiens  ont  le  bonheur  de  voir  Favre  à  Faverges.  Quant  à  moi, 
dès  que  j'aurai  connaissance  de  votre  arrivée  dans  cette  ville,  je 
prendrai  mes  mesures  pour  que  vous  puissiez  voir  parmi  les  Faver- 
giens votre  inhabile  mais  diligent  apprenti  ;  nous  irons  ensuite  à  la 
maison  Tulliane  '  i  \  qui  ne  saurait  être  plus  illustrée  que  de  recevoir 
son  nom  de  vous.  Nous  dirons  le  surplus  quand  nous  nous  verrons. 
J'ai  remis  hier  votre  lettre  à  mon  Evêque,  qui  l'a  lue  plusieurs 
fois  avec  un  plaisir  extraordinaire.  M.  de  Montrottier  retournait 
aujourd'hui  chez  le  marquis  de  Saint-Sorlin  2  .  J'ai  eu  l'occasion  la 
plus  favorable  de  le  saluer  de  votre  part.  Ce  qui  m'a  le  plus  réjoui, 

(c)  qiiœ  —  rab  alio  Fabro  quam  a  te  Tulliani  nomen  sortir!  non  potest.J 


(  I  )  Le  château  de  la  Thuille,  situé  à  Textrémité  méridionale  du  lac  d'An- 
necy. En  rapprochant  le  nom  de  ce  manoir,  possession  de  sa  famille,  du 
souvenir  de  la  demeure  de  Tullius  Cicéron,  le  Saint  semble  vouloir  signifier 
que  le  château  de  la  Thuille  sera  illustré  par  la  présence  du  sénateur  Favre 
comme  la  demeure  de  l'orateur  romain  l'était  par  la  résidence  de  son 
propriétaire. 

(2)  Henri,  fils  de  Jacques  de  Savoie-Nemours  et  d'Anne  d'Esté,  alors 
gouverneur  du  Dauphiné  au  nom  du  duc  de  Savoie.  Il  devint  lui-même  duc  de 
Genevois  et  de  Nemours  à  la  mort  de  son  frère  Charles-Emmanuel,  dont  il  a 
été  parlé  ci-dessus,  p.  32. 


48  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

actum  optime  ducam  quod  de  te  Necienses  (sic)  ultima 
discedenti  verba  animo  sint  injecta,  quasi  odoratissimi 
conditus  oblectamentum 


Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


c'est  qu'à  son  départ  d'Annecy,  j'ai  pu,  dans  les  derniers  mots  que 
nous  avons  échangés,  jeter,  en  lui  parlant  de  vous,  comme  le  parfum 
d'un  baume  odorant  dans  son  esprit 


XVI 


AU    MEME 


^MINUTE    INEDITE) 


Excuses  au  sujet  d'une  lettre  écrite  à  la  hâte. —  Remerciements  pour  celle 
que  le  Saint  a  reçue  du  Sénateur, 

Sales,  24  février   1594. 

Accepisti  sane  tu  nostras  litteras  tardius  quam  volue- 
ram  ;  cum  enim(3^  praeceptori  meo  litteras  antepenulti- 
mas  dares,  Chamberii  te  constantem  fore  iis  totis  feriis 
uti  dixerat  sic  credebam,  atque  litteras  do  Joanni  Bap- 
tistae  Valentiano  (quo  cum  ex  communione  studiorum 
multa  mihi  intercessit  necessitudo)  vixdum  scriptas,  ne 


Vous  avez  reçu  ma  lettre,  mais  assurément  plus  tard  que  je 
n'eusse  voulu.  En  effet,  d'après  celle  qui  précédait  l'avant-dernière, 
remise  à  mon  précepteur,  je  croyais,  comme  il  me  l'avait  dit,  que 
vous  demeureriez  à  Chambery  toutes  ces  vacances,  et  j'ai  confié  ma 
lettre  à  Jean-Baptiste  de  Valence,  qui,  en  qualité  d'ancien  condisciple, 
me  reste  spécialement  cher.  A  peine  ai-je  eu  le  temps  d'écrire  ;  il 

(a)  cum  enim  —  FD.  Deageus  noster...J 


Année   1594  49 

accipiendis  eis  minus  avunculo  suo  D.  de  Passier  (')  excé- 
dent! officiosus  cornes  videretur  ;  illi  alioquin  vix  daturus 
qui  tam  cito  volebat  scribi,  nisi  multo  magis  dari  quam 
cito  dari  ;  quamvis  et  hoc  maxime  postulasse!  quod  tibi 
quem,  ut  est  litterarum  amans  (2),  unice  coiit,  rem  factu- 
rus  gratam  crederet  si  litteras  nostras  redderet. 

At  vero  quonam  fieri  potest  modo  ut  non  sat  cito 
litteras  acceperim.  qui  tam  bene  excepi  quam  bene  aliud 
unquam  sum  excepturus  ?  Non  quidem  quam  bene  sunt 
scriptae  et  elaboratse,  (quis  enim  tuum  illud  mellificium 
satis  pro  dulcedine  non  dicam  coUocare  sed  gustare 
quidem  possit  ?)  sed  jam  tam  eleganter,  tam  amice  ! 
Illud  certe  mihi  accidit  percommode  ut  priores  tuse 
litterae  cum  ad  me  perlatae  sunt,  secederem  in  avitam 


accompagnait  son  oncle,  M.  de  Passier  (O,  qui  était  sur  son  départ, 
et  je  craignais,  si  je  l'eusse  prié  d'attendre,  qu'il  ne  parût  plus 
empressé  à  m'ohliger  qu'à  répondre  aux  désirs  de  son  oncle.  Du  reste, 
je  n'eusse  pas  confié  ma  lettre  à  un  homme  qui  me  pressait  de  la 
sorte,  s'il  n'eût  importé  davantage  de  vous  écrire  qu'il  n'était  regret- 
table de  le  faire  d'une  manière  trop  précipitée.  11  avait  surtout 
insisté  pour  être  mon  intermédiaire  auprès  de  vous  parce  que,  étant 
lui-même  ami  des  lettres  '=  ',  il  vous  a  voué  une  spéciale  admiration, 
et  qu'il  pensait  vous  être  agréable  en  vous  remettant  mon  message. 
Mais  comment  se  fait-il  que  le  vôtre  ne  me  soit  pas  arrivé  assez  tôt, 
à  moi  qui  l'ai  reçu  avec  un  plaisir  tel  que  je  n'en  éprouverai  jamais 
de  plus  grand  en  recevant  tout  autre  envoi  ?  C'est  que  vos  lettres 
ne  sont  pas  seulement  merveilleusement  écrites  et  pensées  (personne 
en  effet  ne  saurait  assez,  je  ne  dis  pas  apprécier,  mais  même  savourer 
Textrême  douceur  de  ces  rayons  de  miel)  ;  elles  sont  aussi  des 
chefs-d'œuvre  d'élégance    et    des  monuments    d'amitié.     Par   une 

(i;  Probablement  Antoine  de  Passier,  fils  de  Jacques,  «juge  corrier  de 
Maurienne,  »  et  d'Anne  Blondel,  lequel  avait  épousé  Jeanne  de  Menthon  de 
la  Balme.  Institué  sénateur  le  8  juillet  1577,  il  devint  second  président  du 
Sénat  le  s  février  1598  et  mourut  le  11  décembre  1615.  Le  sénateur  de  Passier 
fut  l'un  de  ceux  qui  rendirent  témoignage  de  la  capacité  de  saint  François 
de  Sales,  quand  celui-ci  se  présenta  pour  être  reçu  avocat  au  souverain  Sénat 
de  Savoie. 

(2)  Jean-Baptiste  de  Valence  est  l'auteur  d'un  poème  latin  en  quatre 
livres,  qui  fut  publié  en  1611,  chez  Pierre  Du  Four,  à  Chambéry,  sous  ce  titre  : 
Joannis  Bapfistce  Valeniiani  Patricii  Camheriani  SoJ^'tneidos  libri  quatuof. 

Lettres  I  4 


to  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

Salesiorum  domum  ;  ut  enim  eas  excepi  tanta  légère  sum 
aggressus  aviditate  ut  aviditas  saporem  omnem  praeri- 
peret,  at  ubi  mihi  ipsum  otium  itidem  relegendi  faculta- 
tem  comparavit.  tum  vero  undique  sese  mihi  effudit 
voluptas. 

Revu  sur  l'Autographe  appartenant  à  M""=  Doroz,  née  d'Arcine,  à  Besançon. 


heureuse  coïncidence  assurément,  votre  lettre  précédente  me  parvint 
au  moment  où  je  me  retirais  dans  ma  maison  paternelle  de  Sales. 
Lorsque  je  la  reçus,  je  me  pris  à  la  lire  avec  une  avidité  telle  que 
je  ne  pus  la  sa\-ourer  ;  mais  quand  le  loisir  me  permit  de  la  relire, 
alors  un  bonheur  incomparable  s'empara  de  tout  mon  être. 


XVII 


A  U      M  E  M  E 


MINUTE    inédite) 


Recommandation  en  faveur  de  >!"•<=  de  Ville.  —   Eloge  du  P.  Chérubin. 

Annecy,  commencement  de  mars   1394. 

Xobilis  vidua  Villgei  illius  qui  hsereticorum  insidiis  inter 
aedium  suarum  incendia  ante  aliquot  annos  peremptus 
est  (3),  cum  te  referente  de  causa  quadam  quae  inter  (b) 
Villaeos  filios,  et  Dominum  Bessonet  agitatur  ex  Senatu 


Une  noble  femme,  M""*  de  Ville,  veuve  de  celui  qui  par  suite  des 
embûches  des  hérétiques  périt,  il  y  a  quelques  années,  dans  l'incendie 
de  son  château,  attendait  ces  jours  derniers  la  sentence  d'un  procès 
qui  se  plaidait  devant  le  Sénat  entre  ses  fils  et  IVl.  Bessonnet,  procès 

(a)  interiit 

(b)  inter  —   forphanos  suos...J 


Année  1594  5^ 

proximis  hisce  diebus  sententiam  expectaret  (0,  nescio 
quanam  ratione  resciverit,  mulier  quam  nunquam  vidi, 
me  prœcipuo  quodam  amore  tibi  charissimum  esse,  rem 
sibi  admodum  utilem  et  fructuosam  facturam  existimavit 
si  me,  matris  optimae  mese  implorata  authoritate,  inter- 
cessorem  apud  te  faceret,  quo  ei  quod  a  candidissimo 
judice  honestissimum  amicum  petere  posse  antea  mo- 
nuisti,  bonam  exoptes  causam.  Idque  fecit. 

Ego  vero  ne  existimationi  quam  ex  tuo  in  me  amore 
optimam  coUigo  vel  levi  aliqua  suspicione  detraherem, 
scripturum  me  recepi.  Quod  vix  postea  faciendum  duce- 
bam,  cum  non  prœcedentibus  tantum  sed  posterioribus 
quoque  litteris  animorum  nostrorum  vicissim  tantam 
exprimamus  unitatem,  ut  supervacaneum  fere  crederem 
te  de  cogitationibus  meis  deinceps  aliter  certiorem  facere 
quam  profunda  quadam  attentione.  Unico  tantum  hac  in 


dans  lequel  vous  êtes  rapporteur  (O.  Cette  dame,  que  je  n'ai  jamais 
vue,  a  été  informée  je  ne  sais  comment  de  la  très  grande  affection 
que  vous  me  portez.  Elle  a  jugé  qu'il  lui  serait  fort  utile  et  avantageux 
d'implorer  l'autorité  de  mon  excellente  mère,  pour  me  décider  à  vous 
demander  de  faire  en  sa  faveur  ce  que,  de  votre  propre  aveu,  l'ami  le 
plus  loyal  peut  solliciter  du  juge  le  plus  intègre  :  que  vous  patronniez 
sa  cause.  C'est  ce  qu'elle  a  fait. 

Quant  à  moi,  je  me  suis  déterminé  à  vous  écrire  pour  qu'on  ne 
puisse  mettre  en  doute  le  crédit  que  me  donne  sur  vous  l'amitié  que 
vous  me  portez.  Il  me  semblait  à  peine  nécessaire  de  le  faire  parce 
que  nos  dernières  lettres,  comme  les  précédentes,  témoignent  si 
bien  de  l'unité  de  nos  esprits,  que  volontiers  je  croirais  superflu  de 
vous  communiquer  mes  pensées  autrement  qu'en  concentrant  sur 
elles  une  profonde  attention.  Toutefois  cette  hypothèse  est  détruite 

(i)  L'attentat  dont  il  est  ici  question  fut  commis  par  les  Genevois  dans  la 
nuit  du  2  novembre  1582.  S'étant  emparés  par  surprise  de  Gaspard  de  Grailly, 
coseigneur  de  Ville4a-Grand,  ils  l'avaient  mis  à  mort,  avaient  brûlé  son  châ- 
teau et  enlevé  sa  femme,  Guicharde  Duret.  Gaspard  de  Graillj'  était  tuteur 
d'Abel  Bessonnet  ;  dans  la  suite  celui-ci  réclama  de  la  veuve  et  des  enfants  du 
défunt  la  reddition  des  comptes  de  tutelle,  lesquels  avaient  été  détruits  lors  de 
l'incendie  du  château,  De  là  le  procès  mentionné  dans  cette  lettre.  Par  un 
arrêt,  rendu  à  Turin  le  31  octobre  1594,  gain  de  cause  fut  donné  à  M"'=  de 
Ville-la-Grand.  (Dans  les  pièces  du  procès,  aussi  bien  que  dans  les  lettres  de 
saint  François  de  Sales,  elle  est  souvent  appelée,  par  abréviation,  M"'=  de  Ville.) 


52  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

re  perculsus  argumento,  quod  meis  exhortatiunculis  in- 
téresse tantopere  desideres,  quas  tamen  cum  habeam 
summa  quadam  intensione  simul  et  attentione,  alioquin 
cogitatione  subaudire  posses.  (^1  Sed  praestat  uni  Fran- 
ciscano  Cherubino(0  mentem  auresque  praebere,  quem 
tanto  spiritus  fervore  concionantem  audio ,  ut  (<i)  in 
promptu  jam  habeamus  :  Deum  ascendisse  super  Che- 
*  Ps.  xvii,  II.  rubin  *  et  volasse. 

Sed  me  jam  D.  deChavanesl^),  uti  meas  suis  jungat  lit- 
teras  expectat,  vir  nostri  amantissimus.  Episcopo  nostro 
hodie  tuas  reddidi  summa  sua  voluptate.  De  Domini  de 
Montrotier  statu  nihil  suis  hucusque  compertum  est. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  au  i*""  Monastère  de  la  Visitation  de  Naples. 


par  votre  vif  désir  d'assister  à  mes  petites  prédications,  lesquelles  vous 
devriez  pouvoir  entendre  de  la  seule  oreille  spirituelle,  puisque  je  les 
prononce  avec  autant  d'attention  que  de  force.  Vous  ferez  mieux  de 
ne  prêter  l'esprit  et  l'oreille  qu'au  Franciscain  Chérubin  (i).  J'apprends 
qu'il  prêche  avec  une  si  grande  ferveur  qu'elle  semble  réaliser  cette 
parole  :   Dieu  s'élève  et  prend  son  vol,  porte  sur  les  Chérubins. 

Mais  M.  de  Chavanes  (*),  notre  si  cher  ami,  attend  pour  joindre  sa 
lettre  à  la  mienne.  J'ai  remis  aujourd'hui  votre  lettre  à  notre  Evêque  ; 
elle  lui  a  causé  le  plus  grand  plaisir.  Quant  à  M.  de  Montrottier, 
les  siens  jusqu'à  présent  n'ont  encore  rien  appris  sur  son  état. 

(c)  passes.  —  TNi  Franciscani  nostri  concionibus  intentus...J 

(d)  ut  —   rjam  verura  sit  apud  me...J 


(  i)  Le  P.  Chérubin  de  Maurienne  (Alexandre  Fournier),  Capucin,  sur  qui 
des  détails  biographiques  seront  donnés  à  l'occasion  de  la  mission  du  Chablais. 
Bien  que  personne  jusqu'ici  ne  l'ait  avancé,  il  est  certain  que  ce  Religieux 
prêcha  la  station  du  Carême  à  Chambéry  en  1394.  Deux  pièces  récemment  dé- 
couvertes dans  les  Archives  municipales,  prouvent  en  effet  que  le  P.  Chérubin 
se  trouvait  en  cette  ville  dès  le  2  mars  et  recevait,  le  a  avril,  en  sa  qualité 
de  «  Frère  prédicateur,  »  une  somme  de  60  florins  allouée  par  les  syndics. 
D'autre  part,  plusieurs  raisons  trop  longues  à  énumérer  démontrent  que  la 
Lettre  XVII  fut  écrite  par  saint  François  de  Sales  durant  le  Carême  de  1594; 
c'est  donc  bien  à  cette  époque  qu'eurent  lieu  les  prédications  du  «  Franciscain 
Chérubin  »  auxquelles  cette  lettre  fait  allusion. 

(2)  Claude  de  Chavanes,  docteur  ès-droits,  conseiller  du  duc  de  Savoie, 
maître  auditeur  à  la  Chambre  des  Comptes  de  Genevois,  seigneur  de  Manessy 
il  avait  été  condisciple  de  saint  François  de  Sales  à  Padoue. 


Année  1594  53 


XVIII 

AU      MÊME 

(minute) 

Envoi  d'une  lettre  de  Mgr  de  Granier, 

Annecy,  mars   1594, 

Amplissimo  Senatori  Antonio  Fabro, 
Fratri  optimo,  Franciscus  De  Sales  salutem  dicit. 

Cum  hesterna  die  litteras  BJ"'  Antistitis  quas  ad  te 
mitterem  accepissem,  et  non  tam  scribendi  quam  litteras 
mittendi  otium  occasionemque  fecerit  mihi  nunc  bonus 
hic  vir,  qui  me,  in  itinere  verius  quam  in  urbe,  in  ipso 
discessu  salutavit,  non  tantum  laconice  sed  etiam  incitate 
et  praepropere  potius  scribere  volui  quam  non  scribere  ; 
excusatione  dignum  ratus  si,  per  haec  jejuniorum  tem- 
pera, macillentam  aliquantulum  accipias  epistolam,  a 
me  prsesertim  qui  vix  aliter  soleo,  et  cui  non  tam  edulii 
quam  prsesentiae  tuae  recenti  privatione  arida  videantur 
omnia  et  insipida. 


Au  très  illustre  Sénateur  Antoine  Favre, 
son  excellent  Frère,  François  de  Sales  présente  ses  salutations. 

J'ai  reçu  hier  de  mon  Révérendissime  Evêque  une  lettre  à  vous 
transmettre,  et  maintenant  je  n'ai  que  le  temps  de  vous  l'envoyer, 
car  ce  bon  homme  qui  vous  la  portera  est  venu  me  saluer  au  moment 
de  son  départ,  et  en  chemin  plutôt  qu'en  ville.  Cependant  je  préfère 
vous  écrire  non  seulement  d'une  façon  laconique,  mais  à  la  hâte 
et  avec  précipitation,  que  de  ne  pas  le  faire  du  tout  ;  car,  dans  ce 
temps  de  jeûne,  j'ai  pensé  que  je  serais  excusable  de  vous  adresser 
une  lettre  un  peu  maigre,  moi  surtout  qui  rarement  en  écris  d'autres, 
et  qui,  moins  par  la  suppression  des  mets,  que  par  la  récente  priva- 
tion de  votre  présence  ;  trouve  tout  fade  et  insipide. 


54  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

Corpore   videlicet   ac   mente    hucusque  jejunus,    mox 

mentis  jejunium  soluturus,  dum  e  mensa  Domini  sacra- 

tissimam    illam    terrce   pingiiedinem    meduUatamque 

•  Gen.,  XXVII,  28;   hostiam  *  tuo  meoque  nomine,  uti  soleo,  et  ofFeram  et 

Ps.     LXV,      15.      Cf. 

supra,  p.  40.  sumam. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


En  ce  moment,  je  suis  encore  à  jeun  de  corps  et  d'âme  ;  mais  je 
ne  tarderai  pas  à  rompre  le  jeûne  spirituel  en  me  nourrissant  à  la 
table  du  Seigneur  de  cette  très  sainte  graisse  de  la  terre,  de  cette 
victime  de  choix  que  j'offrirai,  comme  j'ai  coutume  de  le  faire  tou- 
jours, en  votre  nom  et  au  mien. 


XIX 

AU     MÊME 

(minute) 

La  brièveté  de  cette  lettre  est  occasionnée  par  le  départ  précipité  du  porteur. 
Témoignages  d'affection. 

Annecy,  mars   1594. 

Illud  a  te,  Frater  optime  ac  amantissime,  enixe  peto 
quœsoque  uti  me  iterum  ad  laconismum  redeuntem 
bénigne  uti  soles  complectaris  ;  (a)  [profectio]  enim  hujus 
[TuUiani]  alioquin  domestici  hominis  [me  ad  scribendum 


Je  vous  prie  et  vous  conjure,  mon  très  bon  et  très  aimant  Frère, 
d'accueillir  avec  votre  bienveillance  accoutumée  le  laconisme  auquel 
je  suis  obligé  de  revenir  ;  car  le  départ  de  cet  homme  de  la  Thuille, 
qui  est  aussi  notre  domestique,   m'oblige  à  vous  écrire.  Comment 

(a)  uti  soles  complectaris  ;  —  frepentina  enim  hujus  alioquin  familiaris 
TuUiani  profectio  nie  ad  scribendum... J 


Année  1594  55 

compellitj.  Ouomodo  namque  hominem  domesticum  lit- 
teris  ad  te  meis  vacuum  abire  permitterem  ?  Repentina 
nihilominus  ejus  profectio,  commodum  hoc  et  succisivum 
scribendi  otium  propemodum  antevertit,  cum,  parentibus 
meis  absentibus,  rusticorum  Tullianorum  nomine  nego- 
tium  quoddam  in  urbe  gesturus,  fere  alia  via  iter  capere 
decrevisset. 

Jam  vero  epistola  illa  tua  postrema  cum  mea  quam 
ad  te  eodem  die  scripseram  adeo  mente  convenit,  ut 
eosdem  duorum  fratrum  animorum  sensus  esse,  in  aman- 
do  prœsertim,  (b)  clare  commonstret,  quamvis  non  uno 
quidem  ore  expressos,  cum  elegantia  longissimo  praecedas 
intervallo.  Quo  fit  ut  quod  hactenus  feci  tu  quoque  vicis- 
sim  faciendum  existimes  (c),  ut  nimirum  qualis  unus  es 
in  me  talem  me  esse  erga  te  nusquam  dubites  ;  sic  enim 
summa  mea  voluptate  conficio  omnino  te  fratrem  aman- 
tissimum  et  omni  meliori  modo  meum  esse,  qui  adeo  me 
fratrem  tuum   esse  perspicio  ut  a   me  fere   alter  mihi 


en  effet  laisser  partir  l'un  de  nos  serviteurs  sans  lui  remettre  une 
lettre  pour  vous  ?  Mais  son  départ  précipité  m'a  ôté  le  loisir  et  la 
facilité  d'écrire  à  mon  gré  ;  en  l'absence  de  mes  parents,  il  doit  aller 
à  Chambéry  traiter  une  affaire  au  nom  des  paysans  de  la  Thuille. 
11  était  presque  résolu  à  prendre  une  autre  route  [lorsqu'il  s'est 
décidé  à  passer  par  Annecy]. 

Quant  à  votre  dernière  lettre,  elle  offre  une  telle  harmonie  de 
pensées  avec  celle  que  je  vous  ai  adressée  le  même  jour,  qu'elle 
montre  clairement  la  parfaite  unanimité  de  sentiments  qui  existe 
entre  les  deux  frères,  surtout  en  matière  d'amitié,  bien  que  ces 
sentiments  ne  soient  pas  exprimés  de  la  même  manière,  car  par 
l'éléo-ance  de  votre  style  vous  me  laissez  bien  loin  derrière  vous.  En 
conséquence,  il  est  juste  qu'à  votre  tour  vous  fassiez  pour  moi  ce  que 
j'ai  fait  jusqu'à  présent  pour  vous  :  puisque  je  vous  tiens  pour  un 
ami  hors  de  pair,  que  vous  me  considériez  aussi  comme  tel  ;  vous 
devenez  donc  ainsi  pour  moi  le  frère  le  plus  aimant,  et  tout  mien 
de  la  meilleure  manière  possible,  et  je  me  sens  devenu  le  vôtre,  au 
point  de  me  croire  un  autre  homme  que  moi-même.  En  effet,  si  je 

(b)  ut  —  unicam  duorum  fratrum  animam  unicamque  prorsus  mentem  essç 

(c)  feci  —  ambo  simul  deinceps  faciendum  existimemus 


56  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

videar,  ne  si  alter  a  me  non  sim,  tyro  graegarius,  idem 
summo  meo  incommode  cum  tanto  fabro  esse  nequeam. 
Bene  vale,  Frater  optime,  ac  te  iis  Paschalibus  quo 
jucundius  ver  appâtât  nobis,  hic  habeamus  efficias. 

Revu  sar  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


n'étais  pas  différent  de  moi-même,  qui  ne  suis  qu'un  apprenti  du 
commun,  je  ne  saurais  être  une  même  chose  avec  un  tel  artisan. 

Adieu,  mon  excellent  Frère  ;  faites  en  sorte  que  nous  vous  ayons 
en  ces  fêtes  de  Pâques  ;  votre  présence  augmentera  pour  nous  les 
charmes  du  printemps. 


XX 

AU     -M  Ê  M  E 
(minute) 

Remerciements  pour  la  protection  accordée  à  diverses  personnes. 
Attente  de  la  prochaine  visite  du  Sénateur. 

Annecy,  vers  le  28  mars   1394. 

Ego  autem,  Frater  suavissime  et  optime,  his  omnibus 
prseteritis  diebus,  non  diligens  tantum,  sed  anxius  fui  in 
quserendo  uno  ex  multis  qui  ad  vos  iverunt  (3),  atque, 
quae  mea  sors  fuit,  [de  suo  discessu  me  facturos]  cer- 
tiorem  non  inveni.  Non    enim  id,   vel  a    servis   D.   de 


C'est  non  seulement  avec  empressement,  mon  très  bon  et  très  doux 
Frère,  mais  avec  une  véritable  anxiété  que  j'ai  cherché  tous  ces  jours 
derniers  à  rencontrer  un  des  nombreux  personnages  qui  se  sont 
rendus  auprès  de  vous  ;  mais,  par  un  regrettable  contretemps,  aucun 
ne   m'a  prévenu.  Je  ne  pouvais  supposer  que  les  gens  de  M.  de 

(a)  ad  vos  iverunt,  —  fnon  patienter...  impatiens  dilationis  tantîe...J 


Année   1594  57 

Charmoysi  ('',  aut  D.  de  Beaumonti»),  vel  a  D.  Porterio, 
Ecclesiae  nostrae  canonico,  vel  a  Chappasio  expectabam, 
uti  me  inscio  discederent,  quod  vel  in  primis  causaefuit  ut 
de  iis  nihil  inquirerem.  Jam  vero  Chappasius  laconicam 
mihi  profert  scribendi  occasionem.  Qua  dum  utor  laco- 
nice,  peto  a  te,  Frater  optime,  ne  unquam,  si  quidem  me 
quod  facis  scribendo  expleveris,  satiatum  credas.  Sunt 
enim  tuae  litterae  ejusmodi  ut  vel  insipidissimum  gusta- 
tum  reficiant  semper,  obruant  autem  nunquam  ;  imper- 
fectae  namque  suavitatis  est  copia  obtundere  gustantem. 
Obruunt  me  potius  tôt  tantaque  bénéficia  quibus  non  sine 
labore  TuUianis  nostris  tuam  in  Salesios  tuos  benevolen- 
tiam  navasti  ;  quao,  qua  parte  tui  in  me  amoris  sunt 
effectus,  recréant  illa  etiam  plurimum,  obruunt  dum  cum 
tanto  otii  sacri  tui  incommodo  proficiscuntur. 

3Iitto  nobilem  viduam  Villaeam,  cujus  causa,  tum  suo 


Charmoisy  (i),  de  M.  de  Beaumont  [-.,  que  M.  Portier,  chanoine  de 
notre  Eglise,  aussi  bien  que  Chappaz,  dussent  partir  sans  m'avertir, 
et  c'est  la  principale  raison  pour  laquelle  je  ne  m'informai  pas  de 
l'époque  de  leur  départ.  Enfin  Chappaz  me  donne  un  court  moment 
pour  vous  tracer  quelques  lignes.  J'en  profite,  mon  excellent  Frère, 
et  je  vous  prie  de  croire  que,  bien  que  vous  me  combliez  de  vos 
lettres,  vous  ne  parviendrez  pas  à  m'en  rassasier  ;  car  telle  en  est  la 
douceur  que,  loin  d'accabler  jamais,  elles  charmeraient  toujours 
l'esprit  le  plus  blasé,  tandis  qu'une  douceur  trop  fade  inspire  le 
dégoût.  La  seule  chose  dont  je  sois  accablé,  ce  sont  les  bienfaits  si 
nombreux  et  si  grands  par  lesquels,  non  sans  peine,  vous  avez 
montré  à  nos  gens  de  la  Thuille  votre  amitié  pour  la  famille  de 
Sales  ;  et  si  d'une  part  cette  preuve  d'affection  me  réjouit,  de  l'autre 
je  déplore  le  sacrifice  de  vos  précieux  instants  de  loisir. 

Je  ne  vous  parle  pas  de  la  noble  veuve  M"^''  de  Ville,  puisque  sa 

(i)  Charles  Vidomne  de  Chaumont,  seigneur  de  Charmoisy,  Marclaz  et 
Villy,  remplit  en  France  et  en  Italie  diverses  missions  qui  lui  attirèrent 
l'estime  du  duc  de  Savoie.  Il  avait  épousé  Françoise  de  Bellegarde,  et  mourut 
à  Samoëns  (1599)  chez  sa  fille,  mariée  au  seigneur  de   Vallon. 

(2)  Probablement  Jacques  de  Menthon,  baron  de  Beaumont  et  de  Confi- 
gnoa,  seigneur  de  Cohendier  et  de  Sauterens,  gentilhomme  de  la  chambre  de 
Son  Altesse.  Il  était  fils  de  Charles  II  de  Menthon,  et  avait  épousé  en  premières 
noces  Jeanne  de  Cohendier  et  en  secondes  noces  Jeanne  de  Charansonay, 
parente  de  la  famille  de  Sales.  Ce  seigneur  mourut  en  septembre  1630. 


58  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

jure,  tum  mei  gratia  tam  bene  apud  te  est.  Venio  ad  Ro- 
dulphum  31ellierum,  Torentianum  rusticum  (0,  quem 
dum  ut  commendatum  habeas  peto,  jam  nunc  gratias 
ago  quantas  maximas  possum  quod  mese  commendationi 
longe  plus  déferas  quam  meis  meritis  déferre  te  par  esset. 
Neque  vero  cuiquam  videri  possum  causam  temerariam 
fovere  velle,  si  quando  ejusmodi  tibi  per  ignorationem 
commendarem  ;  non  enim  aurichalcum  pro  auro  dare 
velle  mala  fide  videri  débet  qui  peritissimo  fabro  offert. 
•  Terent.,  Andria,   Sed  niissa  hœc  jam  facio  ;  «  bona  verba,  quaeso*.  » 

Act.,  I,  scena II,  33.  -,^       .        .     .  r  t-,         i      t  .  .,  ., 

V  enies  igitur  post  resta  Paschalia  quamprimum  ;  nihil 
jucundius  accidere  mihi  potuit  quam  id  audire  ex  D.  de 
Charmoysi,  quocum  heri  in  multam  noctem  mihi  de  te 
fuit  sermo.  Expectamus  te  uterque  (sic)  avidissime  ;  hoc 
tamen  cum  incommodo  meo,  quod  dies  Crucifixo  solem- 
nes,  qui  mihi  ob  Divinorum  tam  solemnem  et  lectissimam 


cause  est  en  si  bonne  voie,  soit  parce  qu'elle  est  juste,  soit  aussi 
parce  que,  en  ma  faveur,  vous  avez  bien  voulu  la  prendre  en  consi- 
dération. J'en  viens  maintenant  à  Rodolphe  Démeiller,  ce  bon  paysan 
de  Thorens  (i)  ;  en  le  recommandant  à  votre  bonté,  je  vous  rends 
d'avance  mille  actions  de  grâces  de  ce  que  vous  avez  déféré  à  ma 
recommandation  dans  une  mesure  bien  supérieure  à  mes  mérites.  Je 
ne  crains  pas  qu'on  m'accusa  de  vouloir  favoriser  une  mauvaise 
cause,  si  par  ignorance  je  vous  en  recommandais  une  qui  fût  telle  ; 
car  celui  qui  présenterait  du  cuivre  pour  de  l'or  à  un  orfèvre  aussi 
habile  que  vous  ne  saurait  être  soupçonné  d'agir  de  mauvaise  foi. 
Mais  laissons  tout  cela  ;  «  soyez-moi  indulgent.  » 

Vous  viendrez  donc  immédiatement  après  les  fêtes  de  Pâques  :  je 
ne  pouvais  recevoir  de  M.  de  Charmoisy  une  nouvelle  plus  agréable. 
Nous  avons  passé  hier  une  bonne  partie  de  la  nuit  à  nous  entretenir 
de  vous.  L'un  et  l'autre  nous  vous  attendons  avec  une  vive  impa- 
tience ;  mais  avec  cet  inconvénient  pour  moi,  que  les  jours  solennels 
consacrés  au  divin  Crucifié,  lesquels  m'auraient  paru  bien  courts  à 

(i)  Sans  doute  celui  doQt  il  a  déjà  été  questiou  Lettre  XII,  p.  35.  La 
famille  Démeiller  existe  encore  à  Thorens. 

(Pour  les  différentes  manières  d'écrire  les  noms  propres,  voir  l'Avis  au 
lecteur.) 


Année  1594  59 

celebrationem  brevissimi  mihi  futuri  erant,  eo  longiores 
sint  quo  te  avidius  expecto. 

Vale,  Frater,  iterum  et  iterum  suavissime. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


raison  des  cérémonies  si  graves  et  si  belles  qui  les  remplissent,  me 
paraîtront  d'autant  plus  longs  que  je  vous  attends  avec  plus 
d'impatience. 

Adieu,  mon  Frère  deux  fois  aimé. 


XXI 

AU     MÊME 
(minute    inédite) 

Désir  de  profiter  des  nombreuses  occasions  que  procurera  la  belle  saison  pour 
se  voir  plus  fréquemment.  —  Nouvelles  de  plusieurs  amis  communs. 

Annecy,  vers  le    16  avril    1594. 

Jam  vero,  Frater  suavissime,  iniquum  prorsus  ac  ab 
omni  humanitatis  lege  alienum  [judicô]  si  Paschales 
hosce  laetissimos  dies  Quadragesimalibus  in  tanta  agro- 
rum,  arborum  aviumque  vernantium  amœnitate,  tristi 
nescio  quo  silentio,  conjungamus.  Etsi  namque  incom- 
modum  est  et  inopportunum  spontaneum  omni  sane 
tempore  inter  fratres  silentium  (quo  me  longe  ab  eo 
sensu   abfuisse   scias  quem    te   aliquando  secutum   esse 


A  mon  avis,  très  aimable  Frère,  il  serait  tout  à  fait  injuste  et 
absolument  en  dehors  de  toutes  les  lois  de  la  bienséance  d'assimiler 
au  temps  du  Carême,  par  je  ne  sais  quel  triste  silence,  ces  jours  de 
Pâques  si  pleins  de  joie,  alors  surtout  que  les  prairies,  les  arbres,  les 
oiseaux  célèbrent  le  printemps  avec  tant  de  suavité.  Le  silence  entre 
frères  est  toujours  pénible,  inopportun  (voyez  que  je  suis  loin  du 
sentiment  que  parfois  je  craignais  un  peu  vous  voir  adopter)  ;  mais 


6o  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

subverebar),at  vero  longe  nunc  acerbius  et  iniquius  esset, 
cum  non  modo  colloquium,  sed  garritum  verni  ipsius 
temporis  leges  permittere  videantur. 

Neque  tamen  velim  credas  Domini  Monodii  (0  reditu 
alla  ratione  me  non  usum  esse  quam  quod  me  inscio 
discesserit.  Neque  deinceps  ipsa  ad  iter  faciendum  gra- 
tissima  tempestas  opportunitate  carere  sinet,  cum  liti- 
gatores  vel  recreationis  gratia  frequentissime  ad  vos 
proficiscentur.  Quibus  ne  amantes  diligentia  cédant, 
curabo  quam  potero  impensissime  ut  quod  operse  mise- 
randum  illud  genus  hominum  suis  discordiis  ac  inimi- 
citiis  [non]  recte  fovendis  tam  libenter  insumunt  et 
turpiter,  id  amicitise  ac  concordiae  liberaliter  simul  pariter 
et  honestissime  conservandse,  per  summam  quae  iis  bonis 
inest  voluptatem,  amantes  saltem  acerrimi  attribuant. 

Atque  eam  in  rem  jam  paratum  habeo  animum  patris, 
habeboque    omnino,    uti    me    Senatoris    nostri  familise 


ce  silence  serait  bien  plus  amer,  plus  dur,  aujourd'hui  que  les  lois 
de  la  saison  printanière  semblent  nous  permettre  non  seulement  une 
conversation  sérieuse,  mais  un  babillage  amical. 

Si  je  n'ai  pas  profité  du  retour  de  M.  Monod  (  0,  c'est  seulement, 
croyez-moi,  parce  que  je  l'ai  ignoré.  D'ailleurs,  la  saison  si  favorable 
aux  voyages  nous  fournira  plus  d'une  occasion  de  nous  rapprocher, 
alors  que  les  plaideurs,  même  par  simple  divertissement,  se  rendront 
bien  souvent  auprès  de  vous.  Pour  ma  part,  je  veillerai  avec  grand 
soin  à  ce  que  des  amis  comme  nous  ne  le  cèdent  pas  à  cette  malheu- 
reuse sorte  de  gens.  Puisqu'ils  se  donnent  volontiers  tant  de  peine 
pour  entretenir  leurs  discordes  et  leurs  inimitiés,  la  bienséance  et  la 
noblesse  exigent  que  des  amis  très  affectionnés  prennent  au  moins 
autant  de  soin  pour  conserver  entre  eux  la  concorde  et  l'amitié,  à 
raison  de  la  souveraine  jouissance  attachée  à  ce  bien. 

J'ai  déjà  sur  ce  point  incliné  le  consentement  de  mon  père,  et  je 
l'obtiendrai  tout  à    fait   pour  m'adjoindre   à  la   famille  de  notre 

(i)  Selon  toute  probabilité,  il  s'agit  de  l'avocat  Georges  Monod,  originaire 
de  Bonneville,  père  du  célèbre  Jésuite  Pierre  Monod.  Dans  le  courant  de 
l'année  1595,  le  duc  de  Savoie  le  destina  aux  charges  de  «  sénateur  et 
conservateur  de  la  gabelle...  desquels  offices  il  n'a  jamais  jouy,  prévenu  par 
la  mort.  »  (Archives  de  la  Chambre  des  Comptes  de  Savoie.) 


Année  1594  61 

adjungam  in  eleemosinarium,  si  me,  sicut  spero,  de  suo 
itinere  tantisper  prsemonuerit.  Sin  minus,  quam  primum 
sequar,  ne  Quadragesimalia,  nisi  tui  conspectus  salu- 
berrimo  [condimento]  et  ab  initio  et  a  fine  condiantur, 
edulia  pessime  stomachum  afficiant.  Sic  enim  efïiciam 
quod  insolentius  soient  ventres  quidam,  qui,  bacchanalio- 
rum  ritu  Paschalia  célébrantes,  obtendunt  consilium  uti 
semper  hinc  inde  inter  bacchanalia,  veluti  carcere  con- 
clusam,  retineant  Quadragesimam. 

Bene  habet  Antistes  noster,  tui  cum  primis  amantissi- 
mus;  Dominus  item  de  Chavanes.  Affinem  vero  nostrum 
D.  de  Charmoysi  podagra  torquet  plurimum.  Prseses 
noster  (0  ad  suos  Lutetianos  crastina  die  proficiscitur,  et 
quando  reversurus  sit  nescio. 

Bene  vale,  suavissime  Frater,  et  Christum  habeto 
propitium. 

Revu  sur  une  copie  conservée  à  la  Visitation  d'Annecy. 


Sénateur  en  qualité  d'aumônier,  pourvu  qu'il  me  donne,  ainsi  que  je 
l'espère,  quelque  avis  de  son  départ.  S'il  en  va  autrement,  je  le  suivrai 
le  plus  tôt  possible  ;  les  mets  de  Carême  chargeraient  trop  doulou- 
reusement mon  estomac,  si,  au  commencement  et  à  la  fin,  je  ne  les 
relevais  par  le  condiment  très  salutaire  de  votre  présence.  J'imiterai 
en  cela  certains  gourmands  lesquels  ont  la  coutume  extravagante  de 
célébrer  les  fêtes  de  Pâques  à  la  manière  du  carnaval,  et  semblent 
vouloir  retenir  le  Carême  comme  prisonnier,  en  le  faisant  précéder  et 
suivre  de  bacchanales. 

Notre  Evêque,  qui  est  l'un  de  vos  meilleurs  amis,  se  porte  bien. 
Il  en  est  de  même  de  M.  de  Chavanes  ;  mais  la  goutte  fait  terrible- 
ment souffrir  notre  parent  M.  de  Charmoisy.  Notre  Président  (  i  )  part 
demain  pour  visiter  ses  Parisiens  ;  j'ignore  l'époque  de  son  retour. 

Portez-vous  bien,  Frère  très  aimable,  et  que  le  Christ  vous  protège  ! 

(i)  Le  Duché  de  Genevois  ayant  été  donné  en  apanage,  le  14  août  1514,  à 
Philippe  de  Savoie-Nemours,  second  fils  de  Philippe-sans-Terre  duc  de  Savoie, 
ce  Prince  établit  à  Annecy  le  siège  de  ses  états,  et  créa  dans  cette  ville  un 
Conseil  présidial  et  une  Chambre  des  Comptes.  En  1394,  le  président  du 
Conseil  était  «  le  sieur  »  Poille  ;  le  président  de  la  Chambre  des  Comptes, 
Louis  Floccard.  (Archives  de  la  Chambre  des  Comptes  de  Genevois.) 


62  Lettres  de  saint  François  de  Sales 


XXII 

A  U     M  È  M  E 
(minute) 

Prochaine  réunion  du  synode  diocésain.  —  Obstacle  imprévu  qui  a  empêché 
le  Saint  de  se  rendre  à  Chambéry.  —  Ses  regrets  en  apprenant  que  le 
Sénateur  est  allé  inutilement  à  sa  rencontre. 

Annecy,  vers  le  25  avril   i|;94. 

Ouid  facerem  jam,  mi  Frater.  aut  quo  me  verterem, 
qui  tam  '3)  ardenti  tuo  illi  desiderio  hactenus  nec  satis- 
feci.  et  jam  exclusus  penuria  temporis  in  promptu  satis- 
facere  minime  possum  ?  Ecce  namque  synodica  tempora 
jam  appetentia  '^ '.  clericis  omnibus  hujus  provinciae  cele- 
berrima,  cui  si  non  intersim  anathemati  caput  ipsum 
objicio.  Subsequitur  deinde  de  reipublicae  nostrae  eccle- 
siasticae  negotiis  per  aliquot  dies  tractatio,  quo  toto 
tempore  abesse  me ,  quamvis  inutilem ,  omnino  non 
patitur  R""  Antistitis  et  parentis  authoritas. 


Que  ferais-je,  mon  Frère,  et  de  quel  côté  me  tourner,  moi  qui  n'ai 
pas  encore  satisfait  à  votre  désir,  et  qui  ne  puis  maintenant  y 
répondre,  faute  de  temps?  Car  nous  voici  à  l'époque  très  solen- 
nelle du  synode  (O,  auquel  tous  les  membres  de  notre  clergé  sont 
tenus  d'assister  ;  et  m'en  dispenser,  ce  serait  attirer  sur  moi  l'excom- 
munication. Ensuite,  vient  pour  quelques  jours  le  règlement  des 
affaires  de  notre  Eglise  ;  et  encore  que  j'y  sois  inutile,  notre  Révéren- 
dissime  Evéque  et  père  ne  permet  absolument  pas  que  je  m'absente 
pendant  tout  ce  temps. 

(a)  qiti  tam  —  fainanter  ac  arJenter  expectanti  coniplecti  minime... J 


(1^  Un  usage  du  diocèse  fixait  ce  synode  pour  chaque  année  au  mercredi 
après  le  Dimanche  du  Bon  Pasteur,  fin  1394,  il  dut  avoir  lieu  le  27  avril. 


Année  1594  63 

At  vero  nudiustertius,  cum  venirem  huc(0  uti  sequenti 
die  cum  D.  Copperio  ad  vos  pergerem,  cum  ad  tria  cir- 
citer  milliaria  inter  medios  ac  densissimos  imbres  pro- 
cessissem,  sese  mihi  de  quo  nihil  cogitaveram,  ita  se  sane 
res  habet,  rapidissimus  quidam  torrens  sese  objicit  qui 
nuUo  loco  tum  vado  transiri  poterat,  sicque  cogor  retro- 
cedere.  Id  autem  causae  fuit  quo  minus  D.  Copperio  me 
in  comitem  adjungerem,  qui  ex  opposito  lacus  littore 
iter  habuit  omnino  pervium. 

Angor  desiderio  incredibili  id  praestandi  quod  promisi, 
quod  quamprimum  potero  faciam  ;  nullamque  dicam 
diem  ne  obviam  accédas  iterum,  quod  te  cum  tali  ac 
tanto  comitatu  semel  fecisse,  mei  scilicet  causa,  nisi 
amor  ille  eximius  (cœcusne  dicam  an  cœcutiens  ?)  erga 
me  tuus  excusaret,  intolerabile  omnino  videretur  in  tanto 
senatore.  Id  ubi  rescivi,  hesterna  scilicet  nocte,  tanto 
me  rubore  sensi  perfundi  uti  ne  tuas  quidem  litteras 
amplius  per  summam  verecundiam  respicere  auderem. 


Avant-hier,  ine  rendant  ici  (O  dans  l'intention  d'aller  à  vous  le 
lendemain  avec  M.  Coppier,  après  environ  trois  milles  de  marche 
sous  une  pluie  torrentielle,  je  fus  arrêté  par  un  obstacle  que  je  n'avais 
pas  prévu,  je  vous  assure  :  le  torrent  était  si  enflé  qu'il  ne  présentait 
aucun  endroit  guéable,  et  je  fus  forcé  de  rebrousser  chemin.  C'est  ce 
qui  m'empêcha  de  rejoindre  M.  Coppier,  lequel  faisait  route  sans 
difficulté  par  le  côté  opposé  du  lac. 

Je  suis  pressé  par  un  incroyable  désir  de  tenir  ma  promesse,  et  je 
le  ferai  aussitôt  que  je  le  pourrai  ;  mais  je  me  garderai  bien  de  vous 
indiquer  le  jour,  de  peur  que  vous  ne  veniez  encore  à  ma  rencontre. 
Vraiment,  si  cette  amitié  extrême  (je  dirais  aveugle  ou  presque 
aveugle)  que  vous  me  portez  ne  vous  servait  d'excuse,  je  jugerais 
intolérable  qu'un  sénateur  aussi  distingué  que  vous  l'êtes  se  fût 
dérangé  une  fois  déjà  pour  moi  avec  toute  une  illustre  compagnie. 
Lorsque  je  l'appris  (c'était  hier  au  soir),  je  sentis  la  rougeur  me 
monter  au  visage,  à  tel  point  que  je  n'osais  plus  jeter  les  yeux  sur 
votre  lettre. 


(  I  )  Le   Saint   avait   sans   doute   passé    quelques  jours   dans  sa   famille,  au 
château  de  la  Thuille.  (Voir  note  (  i  ),  p.  ^j.) 


64  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

Pudet  me,  Frater  optime,  majorem  in  modum  tam 
vehementer  expetitum  abfuisse.  Quid  dicam  ?  Si  mihi  in 
mala  causa  bonus  desit  advocatus,  actum  quidem  est  de 
capite  meo.  At  Saltorio  (0  digna  res  erit  ut  in  desperata 
causa  remedio  adsit  prœsentissimo,  et  mihi  jam  tam 
magno  pudore  et  damno  castigato  veniam ,  utpote  quse 
nemini  noceat,  obtineat.  Utinam,  mi  Frater,  quam  imis 
persentio  meduUis  ex  hac  re  perturbationem  quam  pri- 
mum  Deus  avertat  ;  alioquin  fieri  nunquam  posse  reor 
ut  te  exporrectis  (sic)  videam  oculis 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  d"Annecy. 


Après  avoir  été  attendu  avec  tant  d'impatience,  je  suis  on  ne  peut 
plus  confus,  mon  excellent  Frère,  d'avoir  manqué  au  rendez-vous. 
Que  dirai-je?  Eh  quoi  !  si  dans  une  aussi  mauvaise  cause  je  suis 
dépourvu  d'un  bon  avocat,  c'en  est  fait  de  moi.  Mais  il  est  digne 
de  Salteur(0  de  plaider  victorieusement  une  cause  désespérée,  et 
d'obtenir  un  pardon  qui  ne  peut  nuire  à  personne,  pour  celui  qui 
est  déjà  puni  de  sa  faute  par  la  confusion  qu'il  en  éprouve  et  par  la 
perte  qu'il  a  faite.  Qu'il  plaise  à  Dieu,  mon  Frère,  me  délivrer  au 
plus  tôt  du  trouble  que  je  ressens  jusque  dans  les  profondeurs  de 
mon  être,  sans  quoi  je  cours  risque  de  ne  plus  oser  vous  regarder 
en  face  ! , 

(i)  L'avocat  Jacques  II  Salteur,  qui  devait  être  installé  sénateur  le  3  mars 
1608.  Son  testament  est  daté  de  161 1.  C'est  ce  personnage  qui  présenta  la 
requête  de  saint  François  de  Sales,  sollicitant  sa  réception  comme  avocat  au 
Sénat  de  Savoie,  le  24  novembre  1593. 


Année  1594  65 


XXIII 


AU      MEME 


Projet   d'un   pèlerinage   à  Téglise  de   la    Sainte-Croix   d"Aix.  —    Ordre    que 
doivent  suivre  pendant  le  trajet  les  pèlerins  d'Annecy  et  de  Chambéry. 


Annecy,  vers  le  28  mai    1594. 

Senatori  amplissimo  Antonio  Fabro, 
Franciscus  Salesius,  Ecclesiae  Gebennensis  Praepositus, 

salutem  dicit. 

Fere  conscriptam  habebam  jam  epistolam  aliam  quam 
ad  te  mitterem,  Frater  suavissime,  cum  Soudanus  tuam 
hanc  ultimam  undique  Spiritus  Sancti  odorem  suavissi- 
mum  spirantem  reddidit  ;  ego  illa  dimissa  ut  ad  hanc 
responderem  animum  adjicio. 

Laus  ergo  Deo  per  Christum  pro  vobis  omnibus 
(ut  Pauline  jam  utar  scribendi  modo  *)  quia  fides  vestra   *  Rom.,  i,  8. 
nunc   passim   ubique   annunciatur.   Ad  Aquas(0,   uti 


Au  très  illustre  Sénateur  Antoine  Favre, 
François  de  Sales,  Prévôt  de  l'Eglise  de  Genève, 
présente  ses  salutations. 

J'avais  presque  achevé  une  autre  lettre  qui  vous  était  destinée, 
mon  très  aimable  Frère,  lorsque  Soudan  m'a  remis  de  votre  part 
cette  dernière,  qui  est  toute  remplie  de  la  très  suave  odeur  de  l'Esprit- 
Saint.  Laissant  de  côté  la  première,  je  réponds  à  celle-ci. 

Louange  soit  donc  à  Dieu  pour  vous  tous  par  Jésus-Christ,  vous 
dirai-je  avec  saint  Paul,  parce  que  votre  foi  est  maintenant  annoncée 
partout.  Le  mardi  de  la  Pentecôte,  Dieu  aidant,  nous  ferons  à  Aix  'X:, 


(  I  )  L'église  de  cette  ville,  placée  sous  le  double  vocable  de  Notre-Dame 
et  de  la  Sainte-Croix,  possédait  une  parcelle  considérable  de  la  vraie  Croix, 
apportée  de  la  Terre-Sainte  par  un  seigneur  d'Aix  à  l'époque  des  croisades. 

Lettres  !  5 


66  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

scribis ,  peregrinationem  tertio  Spiritui  Sancto  sacro 
die  institutam,  Deo  dante,  faciemus,  non  alio  apparatu 
quam  quo  vidisti  nuper  cum  adesses,  easdemque  Cru- 
cifixi  Litanias  dicemus.  Calceamenta  pedum  nostrorum 
solvemus ,  locum  enim  ad  quem  pergemus  sanctum 
existimamus,  ligno  illo  pretiosissimo  exornatum  in  quo 
Deus  longe  ardentiori  charitatis  specie  quam  in  rubo 
•  Exod.,  m,  2-5.  illo  ^losaico  majoribus  nostris  apparuit  *.  Non  tamen 
totum  iter,  sed  qusedam  tantum  milliaria  nudis  pedibus 
conficiemus ,  ea  enim  lex  non  sine  causa  dicta  est.  Et 
quoniam  recreandis  viribus  necessarium  erit  cibum  ali- 
quem  capere,  in  unum  omnes  idemque  hospitium  sece- 
dere  decrevimus,  in  quo  dum  omnes  simul  modestissime 
ac  frugaliter  prandebimus ,  pii  alicujus  libelli  lectio 
audiatur,  ne  videlicet  sacrse  peregrinationi  prophana 
admisceatur  confabulatio.  Horam  certam  vix  possum  ego 
dicere,  cum  turba  plurima  eidem  peregrinationi  nobis 
invitis  sese  addixerit,  praesertim  nonnullae  matronae,  quas 
quia  ad  Communionem  caeteraque  pia  exercitia  Societas 
haec   nostra    ab   initio   admisit,   ab  hoc  cœpto  repellere 


ainsi  que  vous  l'écrivez,  le  pèlerinage  convenu.  Le  cérémonial  ne  sera 
pas  différent  de  celui  que  vous  avez  vu  dernièrement  quand  vous  étiez 
ici,  et  nous  dirons  les  mêmes  Litanies  de  Jésus  crucifié.  Nous  ôterons 
Us  souliers  de  nos  pieds,  car  nous  regardons  comme  saint  le  lieu  où 
nous  nous  rendons,  ce  lieu  orné  du  bois  très  précieux  sur  lequel 
Dieu  s'est  montré  à  nos  pères  avec  une  charité  bien  plus  ardente  que 
dans  le  buisson  de  Moïse.  Toutefois  nous  ne  ferons  pas  tout  le 
chemin  pieds  nus,  mais  seulement  quelques  milles,  car  ce  n'est  pas 
sans  raison  que  nous  l'avons  ainsi  réglé.  Comme  il  sera  nécessaire 
de  réparer  nos  forces  en  prenant  un  peu  de  nourriture,  nous  avons 
résolu  de  nous  retirer  tous  sous  un  même  toit,  où  nous  dînerons 
ensemble  modestement  et  frugalement,  écoutant  la  lecture  de  quel- 
que livre  de  dévotion,  afin  que  nul  discours  profane  ne  se  mêle  aux 
conversations  pendant  ce  saint  voyage.  Je  ne  puis  guère  vous  dire 
l'heure  précise,  puisque,  contre  notre  gré,  une  foule  nombreuse  s'est 
jointe  à  nous  pour  ce  pèlerinage,  principalement  quelques  dames  que 
tous  nos  arguments  n'ont  jamais  pu  faire  changer  de  résolution, 
notre   Confrérie   les  ayant,  des  le  commencement,  admises  à   la 


Année  1594  67 

nullis  unquam  potuit  verbislO.  Sane  ante  meridiem  ad 
Sanctae  Crucis  Aquentium  ecclesiam  Missae  sacra  audie- 
mus,  atque  adeo  ante  meridiem  vel  décima  vel  undecima 
hora  adesse  nos  posse  credimus,  vel  forsitan  citius. 
Vestrum  erit  siquidem  eodem  die  veniatis,  nos,  quia 
viciniores  estis  nec  aliis  hominum  cuneis  impediti,  ibidem 
expectare. 

Ita,  mi  Frater,  non  poterit  ea  non  esse  vera  fraterni- 
tas  quse  ad  ejus  ligni  conspectum  jurejurando  firmanda 
est  quod  cœlites  ipsos  immortales  mortalibus  hisce 
inferioribus  conciliavit*.  Neque  vero  praetermittam  unum  *  Coloss.,  i,  30. 
hoc  loco  mirandum,  quod  vos  eo  ipso  scivistis  momento 
hujus  nostrae  peregrinationis  decretum  quo  vixdum  sta- 
tutum  inter  nos  fuerat  ;  extrema  namque  Mercurii  die 
hac    de    re    deliberavimus,    ut    divinitus    factum    videri 


Communion  et  autres  pieux  exercices  (  i  ).  Nous  entendrons  la  Messe 
en  l'église  de  la  Sainte-Croix  d'Aix  sûrement  avant  midi,  et  même 
nous  croyons  pouvoir  arriver  à  dix  ou  onze  heures  du  matin  , 
peut-être  plus  tôt.  Puisque  vous  venez  le  même  jour,  vous  aurez  à 
nous  attendre  là,  parce  que  vous  êtes  plus  rapprochés  et  que  vous 
n'êtes  point  embarrassés  d'un  si  grand  nombre  de  personnes  étran- 
gères au  pèlerinage. 

Ainsi,  mon  Frère,  il  sera  impossible  qu'elle  ne  soit  pas  véritable 
cette  fraternité,  laquelle  doit  être  jurée  en  la  présence  de  ce  bois  qui  a 
réconcilié  les  immortels  des  Cieux  avec  les  mortels  d'ici-bas.  Et  il  ne 
faut  pas  que  j'oublie  une  chose  merveilleuse  :  vous  avez  su  que  notre 
pèlerinage  était  décidé  au  moment  où  nous  venions  à  peine  de  prendre 
cette  détermination,  car  c'est  mercredi  soir  seulement  que  nous  avons 
délibéré  à  ce  sujet;  de  sorte  qu'on  peut  attribuer  à  une  inspiration 
divine  ce  fait  que,  portant  les  regards  sur  la  même  Croix,   nous 


{ I  )  On  sait  que  saint  François  de  Sales  avait  érigé  à  Annecy,  le  i''  sep- 
tembre 159),  avec  l'assentiment  de  M"''  de  Granier  et  le  concours  des 
chanoines,  la  Confrérie  des  Pénitents  de  la  Sainte  Croix,  dont  lui-même  avait 
dressé  les  Statuts  (voir  tome  VII  de  la  présente  Edition,  note  (  i  ),  p.  80). 
Les  congratulations  quil  adresse  à  son  ami  ont  évidemment  trait  à  l'érection 
de  la  Confrérie  de  Chambéry,  qui  eut  lieu  le  Dimanche  de  la  Pentecôte, 
29  mai  1594.  Cet  acte  fut  sanctionné  par  un  arrêt  du  Sénat,  le  ao  décembre 
de  la  même  année. 


68  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

possit,  ut  qui  ad  eamdem  respiciebamus  Crucem,  eum- 

*  I  Tim.,  I,  17.         dem  sensum  receperimus.  Soli  Deo  gloria  *. 

Leges  hujus  nostrae  Societatis  ex  ordine  descriptas  jam 
habeas  ;  si  quid  incommodum  vobis  videbitur  pro  locorum 
varietate,  immutabitis.  Haec  una  omnino  vobis  nobisque 
lex  sit  perpétua,  uti  fratres  hinc  inde  vicissim  omnes  et 

*  I  joan.,  m,  i.      fiUi  Dei  nomtnemur  et  simus  *. 

Sed  jam  iter  ipsum  aggrediamur.  Bene  vale,  mi  Frater 
suavissime ,  amantissime ,  dulcissime  ,  ac  Crucifixum 
habeto  propitium.  Salutamus  te  iterum  quotquot  sumus 
cseterosque  omnes  sanctissimae  Crucis  filios,  sperantes 
protinus  vos  videre   et  os  ad  os  loqiii,  ut  gaudium 

*  II  Joan.,  j^.  12.      omnium  nostrum  sit  plénum  in  Domino  *. 


avons  eu  les  uns  et  les  autres  le  même  sentiment.  A  Dieu  seul  en  soit 
la  gloire. 

Je  vous  envoie  les  Statuts  de  notre  Confrérie  mis  en  ordre  ;  si 
quelque  point  vous  paraît  offrir  des  inconvénients  à  cause  de  la 
variété  des  lieux,  vous  le  modifierez.  Il  faut  seulement  que  vous 
et  nous  ayons  à  jamais  cette  unique  loi,  d'être  non  seulement  appelés, 
mais  d'être  en  effet  tous  frères  et  enfants  de  Dieu. 

Mais  il  est  temps  de  nous  mettre  en  chemin.  Adieu,  mon  très 
aimable,  très  aimant  et  très  doux  Frère,  et  que  le  divin  Crucifié 
vous  soit  propice.  Nous  vous  saluons  encore  une  fois,  tous  tant  que 
nous  sommes,  et  nous  saluons  aussi  tous  les  autres  enfants  de  la  très 
sainte  Croix,  espérant  de  vous  voir  au  plus  tôt  et  de  vous  parler 
bouche  à  bouche,  afin  que  notre  Joie  soit  pleine  dans  le  Seigneur. 


Année  1594  69 


XXIV 

AU     MÊME 

(  MINUTE  ) 

Le  Sénateur  est  attendu  à  Annecy;  plusieurs  maisons  lui  sont  offertes. 
Il  est  instamment  prié  d'amener  sa  femme. 

Annecy,  vers  le  7  juin   1594. 

Fratri  suavissimo  Antonio  Fabro,  Senatori  amplissimo, 
Franciscus  De  Sales  salutem  dicit. 

Expectabunt  te  quamplurimi,  suavissime  Frater.  ad 
extremum  diem  decimumquintum  calend.  Julii.  Ego 
vero  cum  D.  de  Charmoysi,  affini  nostro,  paulo  citius 
expectaturi  sumus  ;  quorum  enim  longe  majus  futurum 
est  bonum,  expectationem  anteriorem  esse  par  est. 

De  domo  quam  (»)  urbanam  in  epistola  ad  D.  de  Char- 
moysi appellas  nihil  est  quod  cures,  habemus  enim 
paratam,  non  unam  tantum  aut  alteram,  sed  tertiam 
quoque  ;  quandoquidem  uti  mea  hoc  nomine  censeatur 
velle  non  debeo,  Domini  vero  de  Charmoysi,  ut  video,  tu 


A  son  très  doux  Frère  Antoine  Favre,  très  illustre  Sénateur. 
François  de  Sales  présente  ses  salutations. 

Bon  nombre  de  nos  amis  vous  attendront  le  17  juin  au  soir;  mais 
notre  parent,  M.  de  Charmoisy,  et  moi  nous  vous  attendrons  de 
meilleure  heure.  11  est  juste  que  ceux  dont  le  bonheur  doit  être  plus 
grand  devancent,  en  vous  attendant  plus  tôt,  le  moment  de  le  goûter. 

Ne  vous  mettez  nullement  en  souci  de  ce  que,  dans  votre  lettre  à 
M.  de  Charmoisy,  vous  appelez  une  maison  de  ville.  Nous  en  avons 
non  seulement  deux  toutes  prêtes,  mais  trois,  puisque  je  ne  dois  pas 
vouloir  que  la  mienne  porte  ce  nom,  et  je  vois  que  vous  n'avez 

(a)  quam  —  fcivilem  velJ 


70  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

ipse  noluisti,  C')  Laconismum  non  tam  verborum  quam 
temporum  inopia  sequar. 

Bene  vale,  expectatissime  Frater.  Suavissimse  sorori, 
conjugi  tuae  clarissimae  et  charissimae(0,  salutem  dicerene 
debeam  non  satis  scio,  qui  te  illi  jam  nolim  sane  addicere 
nisi  tu  ipse  vicissim  eam  etiam  nobis  tecum  addicas. 
Christum  vobis  precor  propitium  et  nobilissimis  liberis. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


pas  voulu  celle  de  M.  de  Charmoisy.  Je  vise  à  la  brièveté,  faute  de 
loisir  et  non  de  choses  à  vous  dire. 

Adieu,  mon  Frère  impatiemment  attendu.  Je  ne  sais  trop  si  je  dois 
envoyer  mes  salutations  à  ma  très  aimable  sœur,  votre  épouse  très 
distinguée  et  très  chère  (  i  ),  car  je  ne  voudrais  pas  la  reconnaître 
pour  vôtre  si,  à  votre  tour,  vous  ne  la  rendiez  nôtre  ainsi  que  vous. 
Je  prie  Jésus-Christ  de  vous  être  propice  à  tous  deux  et  à  vos  très 
nobles  enfants. 

(b)  nolutsti. —  rUtinani  vero  uxor  suavissima  non  magis  tibi  hic  deesset 
quam  domus.J 


(  I  )  Benoîte  Favre,  dame  de  Vaugelas,  fille  de  Claude  Favre  et  de  Jacque- 
mine Guinet;  son  contrat  de  mariage  est  daté  du  i'^'' janvier  1581.  Le  Sénateur 
épousa  en  secondes  noces,  avant  septembre  1606,  Philiberte  Martin  de  la 
Pérouse,  qui  fut  inhumée  à  Chambéry  le  11  janvier  1624. 


Année   1594  71 


XXV 

AU      MÊME 

(  MINUTE ) 

Déception  du  Saint  et  de  ses  amis  en  ne  voyant  pas  arriver  le  Sénateur. 
Le  Prévôt  va  prêcher  à  La  Roche. 

Annecy,   13  juin   1594. 

Quod  D.  de  Charmoysi  affini  nostro  scripseras,  te  ad 
diem  postremum  Veneris  vel  Sabbathi  venturum,  utro- 
que  die  fuimus  cum  D.  de  Chisse  (0,  vicario  R""  Episcopi 
nostri,  D.  de  Montrotier  et  de  Noveri  (*)  in  insidiis  inter 
utrumque  iter  ad  solis  occasum  usque,  ut  te,  sicuti 
prioribus  scribebam  litteris,  paulo  citius  expectaremus 
quam  reliqui  plurimi.  Atque  nihilo  fere  minus  te  inter 
caenandum  apud  Dominum  de  Charmoysi  frequentissime 


Comme  vous  aviez  écrit  à  notre  parent,  M.  de  Charmoysi,  que  vous 
viendriez  vendredi  ou  samedi  soir,  M.  de  Chissé  (  i  ),  grand-vicaire  de 
notre  Révérendissime  Evêque,  M.  de  Montrottier,  M.  de  Novery  (a) 
et  moi  nous  sommes  tenus  chaque  jour  en  embuscade  entre  les  deux 
chemins  jusqu'au  coucher  du  soleil,  afin  de  vous  attendre,  ainsi  que 
je  vous  l'avais  écrit  précédemment,  un  peu  plus  tôt  qu'un  grand 
nombre  d'autres.  Notre  déconvenue  ne  nous  a  pas  empêchés  de  vous 
envoyer  force  compliments  en  soupant  chez  M.  de  Charmoisy,  où 

(  I  )  François  de  Chissé,  coseigneur  de  Pollinge,  chanoine  de  Saint-Pierre 
de  Genève,  puis  vicaire  général  et  officiai  en  1391.  Le  rare  mérite  de  ce  jeune 
ecclésiastique  et  sa  parenté  avec  M»*''  de  Granier  semblaient  le  désigner  pour 
succéder  à  son  oncle  dans  l'épiscopat.  Lui-même  cependant  joignit  ses  propres 
instances  à  la  requête  du  Prélat  sollicitant  auprès  de  Clément  VIII  (1599)  la 
coadjutorerie  de  Genève  pour  saint  François  de  Sales. 

(a)  Amblard-Philibert,  fils  de  Georges  Vidomne  de  Chaumont,  seigneur  de 
Novery  et  de  la  Chapelle,  et  d'Emmanuelle-Philiberte  de  Menthon-Mon- 
trottier.  Il  épousa  en  premières  noces  Marguerite  de  Rossillon,  et  en  secondes 
noces  Philiberte  de  Jase.  Nommé  premier  chevalier  de  la  Chambre  des  Comptes 
de  Savoie  et  conseiller  d'Etat,  il  mourut  en  1634  ou  1635. 


72  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

salutavimus,  quid  causae  esse  posset,  mi  Frater,  cur  non 
venires,  in  utramque  partem  ad  multam  noctem  dispu- 
tantes. De  solemni  quidem  Sancto  Sacramento  Dominico 
die  veniebat  in  mentem,  sed  Dominas  de  Charmoysi  ex 
tua  ad  eum  epistola  confutabat. 

Plurimum  autem  mea  intersit  (sic)  haec  retardatio, 
etsi  hodierna  die  venires,  qui  die  Mercurii  ad  Rupenses 
concionandi  gratia  pergo  (  ^  ).  Ergone  te  accedente  disce- 
dam  ?  Non  facerem  omnino  nisi  scandali  vitandi  causa 
subesset,  et  si  te  non  antea  venturum  credidissem,  nullis 
rationibus  iturum  me  recepissem.  (a)  Tuum  est  videre 
quanam  ratione  tantam  meam  jacturam  resarcire  velis 
Sane  cujusvis  diei  major  pars  est  horarum  septem  pri- 
marum. 

Jam  ergo  quando  venire  non  vis,  salutem  plurimam 
clarissimae  uxori  tuae  quam  impensissime  dico,  itemque 
nobilissimis  liberis.  Dolorem  quem  sentio  cohibeo  quanto 
possum  maximo  conatu,  cum  qui  raptim  scribere  cogor, 


nous  avons  discuté  jusque  bien  avant  dans  la  nuit  sur  les  raisons  qui 
vous  avaient  arrêté,  mon  Frère.  On  pensait  à  la  solennité  du  Di- 
manche du  Saint-Sacrement  ;  mais,  d'après  la  lettre  qu'il  a  reçue 
de  vous,  M.  de  Charmoisy  réfutait  cette  supposition. 

Quoi  qu'il  en  soit,  alors  même  que  vous  arriveriez  aujourd'hui,  ce 
retard  peut  être  bien  fâcheux  pour  moi  qui  me  rends  mercredi  à  La 
Roche  pour  prêcher  (  i  ).  M'en  irai-je  donc  quand  vous  venez  ? 
Assurément  je  ne  le  ferais  pas  sans  la  raison  du  scandale  à  éviter, 
et  si  je  n'avais  cru  que  vous  arriveriez  plus  tôt,  rien  n'aurait  pu  me 
déterminer  à  cette  absence.  A  vous  maintenant  de  voir  comment  vous 
me  dédommagerez  d'une  perte  si  considérable.  Songez  seulement  que 
les  sept  premières  heures  du  jour  en  constituent  la  majeure  partie. 

Si  donc  vous  ne  voulez  pas  venir,  laissez-moi  saluer  cordialement 
votre  digne  épouse  et  vos  nobles  enfants.  Je  réprime  autant  que 
je  le  puis,  et  avec  bien  des  efforts,  la  peine  que  j'éprouve,  ne  pouvant 


{z)  me  recepissem.  —  PNon  enim  aliter  petentibus  obtemperassem  quam  si 
et  quando  credidissem... J 


(i)  Voir  tome  VII  de  la  présente  Edition,  p.  i8j. 


Année  1594  73 

cum    stomacho    et    modestia    simul    non   possim.    Bene 

vale  (^). 

(c)  Habes  urbanas  domos  quibus  utaris  si  venias,  ne  te 

haec  moretur  dubitatio.  (d)  «  Cuncta  timemus  amantes  *;  »   *  Ovid.,  ubi  supra, 

p.  10. 
facile  est  enim  minus  voient!  excusationes  invenire.  De 

valetudine  tua  nihil  ambigo,  audivimus  enim  ex  itinere 

virum    qui    te  togatum    ambulantem    animi   gratia    die 

Veneris  viderit. 

Bene  vale,  et  tertium  Principis  decretum  ut  venias,  si 

ita  tibi  e  re  tua  esse  videbitur,  expecta. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


en  même  temps,  dans  une  lettre  écrite  à  la  hâte,  allier  le  courroux  et 
la  modération.  Adieu. 

Ne  vous  laissez  pas  arrêter  par  la  crainte  de  n'avoir  pas  d'appar- 
tement; si  vous  venez,  vous  aurez  des  maisons  de  ville  à  votre  dispo- 
sition. «  Tout  éveille  les  craintes  de  ceux  qui  aiment,  »  parce  qu'il 
est  facile,  quand  on  n'a  pas  une  très  bonne  volonté,  de  trouver  des 
excuses.  Je  n'ai  aucune  inquiétude  au  sujet  de  votre  santé,  car  nous 
avons  entendu  dire  à  un  voyageur  qu'il  vous  a  vu  vendredi  vous 
promener  en  grande  tenue. 

Adieu,  et  attendez  un  troisième  arrêt  du  prince  pour  venir,  s'il  vous 
semble  à  propos. 

(b)  Bene  vale  —  fet  salteni  nos  ama.J 

(c)  [Les  deux  alinéas  suivants  sont  inédits.] 

(d)  hœc  —  rexcusatio  retineat.  D.  de  Charmoysi  universam  familiam  tuam 
nobilissiniani  salutat.j 


74  Lettres  de  saint  François  de  Sales 


XXVI 


A  FRANÇOIS   GIRARD 

PRÉVÔT  DE  l'Église  notre-dame  de  bourg  (  ^  ) 

(  MINUTK  ) 


Gracieuses  excuses  de  n'avoir  pas  écrit  plus  tôt. —  Le  Saint  est  à  Hautecombe 
avec  le  sénateur  Favre. 


Hautecombe,  vers  le  24  juillet  1594. 

In  tanta  quam  feci  scribendi  cessatione,  humanissime 
et  clarissime  Girarde,  id  mihi  fere  accidit  quod  probis 
pueris  interdum  usuvenire  solet,  qui  si  (a)  statis  collegii 
horis  quibusdam  lectionibus  per  imprudentiam  non  inter- 
fuerint,  quamvis  in  officium  gratiamque  magistri  quam 
primum  redire  cupiant,  nesciunt  tamen  inter  spem  [et] 
metum  nutantes  horam  sibi  ipsis  dicere,  qua  in  irati 
prseceptoris  conspectum  venire  debeant  ;  dum  prsesentem 
ejus  iram  declinare  cum  veniae  speratae  jactura,  an  veniam 


Après  être  demeuré  si  longtemps  sans  vous  écrire,  mon  très  bon 
et  très  respectable  Girard,  je  suis  à  peu  prés  dans  la  situation  où  se 
trouvent  parfois  de  bons  écoliers  qui,  n'étant  pas  arrivés  aux  heures 
fixées,  ont  manqué  inconsidérément  certaines  leçons.  Us  voudraient 
bien  rentrer  dans  le  devoir  et  reconquérir  les  bonnes  grâces  de  leur 
professeur  ;  mais  flottant  entre  la  crainte  et  l'espérance,  ils  ne  savent 
se  déterminer  pour  l'heure  où  ils  devront  paraître  en  présence  du 
maître  irrité  :  faut-il  éviter  sa  colère  présente  en  sacrifiant  le  pardon 
espéré,  ou  obtenir  leur  pardon  en  s'exposant  à  être  punis?  Dans  une 

(a)  qui  si —  fabsentes  notati  unie*  lectioni...J 


(  I  )  Voir  la  note  jointe  à  la  Lettre  XXXF. 


Année  1594  75 

cum  i^)  tanta  molestia  obtinere  satiusne  sit,  dubia  mens 
pueri  vix  statuere  potest.  Quam  maie  ac  imprudenter 
fecerim  hactenus,  qui  per  tôt  menses  nihil  ad  te  scripsi, 
ego  ipse  omnium  maxime  sentio  ;  atque  eo  molestius  fero 
quo  me  abs  te  amari  quale  quantumque  sit  bonum  nemo 
me  melius  percipere  potest.  («=)  Unde  vel  per  epistolam 
intueri  te  absentem  cui  tantam  iracundiae  causam  dede- 
rim,  per  summam  verecundiam  vix  audebam,  nisi  tuae 
humanitatis  ac  pietatis  recordatio  animos  addidisset. 

Ecce  ergo  me  culpam  libenter  agnoscentem  atque 
tuam  implorantem  humanitatem,  ut  quam  jus  aequumque 
negat  majoribus  integram  restitutionem  clementia  bo- 
numque  concédant.  Sic  enim  fîet  ut  qui  me  totum  semel 
pro  ea  qua  me  complexus  [es]  benevolentia  tibi  Fabro- 
que  nostro  observandissimo,  qui  ejus  mihi  fuerit  [auc- 
tor],  ex  unica  causa  debebam,  jam  tibi  uni  idem  ipse 
totum  me  debeam  ;  eoque  sane  majore  ratione  quo  in  eo 
sum  magnificentissimo  cœnobio  quod  qui  ingreditur  eam 


telle  hésitation  l'esprit  de  l'enfant  a  bien  de  la  peine  à  discerner  ce 
qui  lui  est  plus  avantageux.  A  quel  point  j'ai  été  jusqu'ici  inconsidéré 
et  coupable  en  passant  tant  de  mois  sans  vous  écrire,  je  le  sens 
mieux  que  personne,  et  j'en  suis  d'autant  plus  affligé  que  personne 
n'apprécie  mieux  que  moi  les  grands  avantages  de  votre  amitié. 
Aussi,  dans  la  confusion  que  j'éprouve  de  vous  avoir  donné  un  pareil 
sujet  de  mécontentement,  à  peine  aurais-je  osé,  même  par  lettre, 
diriger  sur  vous  mes  regards,  si  le  souvenir  de  votre  douceur  et  de 
votre  indulgence  ne  m'avait  encouragé. 

Me  voici  donc  reconnaissant  volontiers  ma  faute,  implorant  votre 
pitié,  afin  que  la  clémence  et  la  bonté  m'accordent  la  totale  restitution 
que  la  justice  et  l'équité  refusent  aux  majeurs.  Ainsi  moi,  qui  me 
devais  déjà  une  fois  tout  entier  à  vous,  à  raison  de  la  bienveillance 
dont  vous  m'avez  entouré,  et  à  notre  très  digne  Favre  parce  qu'il 
m'a  obtenu  cette  faveur,  je  me  devrai  désormais  tout  entier  à  vous 
seul,  et  cela  avec  d'autant  plus  de  raison  que  je  me  trouve  dans  ce 


(b)  cum  —  rtanto  pudore  ac  tanto  incommodo...J 

(c)  percipere  potest.  —  rDuinque  priiuuni  tuura  vel  per  epistolam  congres- 
suin  forniidanduni...J 


^6  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

subeat  sententiam  necesse  est  :  «  Difficilius  est  reformare 
•  Vide  s.  Bernard.,   quam  formare  *.  » 

?f^  ^Letcon°rover-        Est  eiiim  undevigesimus  hic  dies  quo  cum  fratre  meo 
ses,  tom.  I  hujus   jT^^j-o  nostro  vitam  aaro  suavissimam  (O    cui  ad  perfec- 

Edit.,  p.04;  ettom.  *  ^ 

VII  (Serm.  I),  pp.   tam  fœlicitatem  id  defuisse  unicum  videbatur  quod  te 
"'   ^'*  nobiscum  non  haberemus.  Atque  heri  cum  in  banc  Altae- 

combae  sanctissimam  simul  et  augustissimam  solitudinem 
venissemus  (2),  R™"""  Albiensem  Episcopum  visendi  gratia, 
qui  ut  doctissimus  est  sic  Fabrum  hune  nostrum  summo 
prosequitur  amore,  antequam  a  fratre  suavissimo  divelli 
me  patiar  sic  tam  diuturnse  cessationis  veniam  impetra- 
turum  abs  te  credidi,  si  pollicear  me  futura  diligentia 
et  frequentia  deinceps  moram  hanc  praeteritam  reple- 
turum.  Id  loci  majestas,  integerrimi  ac  optimi  Antistitis 


magnifique  monastère  où  l'on  ne  peut  entrer  sans  se  rappeler  cette 
sentence  :  «  Il  est  plus  difficile  de  réformer  que  de  former.  » 

C'est  aujourd'hui  le  dix-neuvième  jour  que  je  passe  la  vie  la  plus 
douce  avec  mon  frère  notre  cher  Favre  1 1  )  ;  il  ne  manquait,  ce 
semble,  à  notre  bonheur  que  de  vous  avoir  avec  nous.  Nous  sommes 
venus  hier  dans  cette  sainte  et  auguste  solitude  d'Hautecombe  (  =  ) 
pour  voir  l'Evêque  d'Albi,  prélat  aussi  savant  que  très  affectionné  à 
ce  cher  Favre.  Avant  que  j'aie  la  peine  d'être  séparé  d'un  très 
aimable  frère,  je  me  suis  persuadé  que  je  pourrais  obtenir  le  pardon 
de  mon  silence  prolongé  en  vous  promettant  de  vous  dédommager 
à  l'avenir  par  ma  diligence  et  mon  exactitude.  La  majesté  de  ce  lieu, 
le  caractère  sacré  de  cet  excellent  et  très  vertueux  Pontife  vous  feront 
croire  à  ma  parole  ;  pour  le  même  motif  aussi,  je  l'espère,  vous 

(  I  )  Plusieurs  pièces  officielles  conservées  aux  Archives  de  la  Chambre  des 
Comptes  de  Savoie,  ainsi  que  des  lettres  du  Sénateur,  prouvent  qu'il  s'était 
rendu  à  Annecy  vers  le  5  juillet,  pour  traiter  une  question  relative  à  l'impôt 
de  la  gabelle. 

(2  )  Monastère  fondé  au  commencement  du  xii'  siècle  sur  les  rives  du  lac 
du  Bourget  (Savoie),  puis  érigé  en  abbaye  et  incorporé  à  l'Ordre  Cistercien 
en  1135  sous  l'influence  de  saint  Bernard.  Les  princes  de  Savoie  l'enrichirent 
par  des  dons  successifs  et  le  choisirent  pour  le  lieu  de  leur  sépulture.  Après 
plusieurs  siècles  le  relâchement  s'étant  introduit  dans  les  observances  régu- 
lières, les  supérieurs  ecclésiastiques  et  le  pouvoir  civil  s'unirent  pour  ordonner 
une  réforme  en  1549;  mais  les  mesures  prises  alors  n'avaient  pas  encore  obtenu 
tout  leur  effet  en  1594.  Alphonse  Delbene,  Evèque  d'Albi,  était  à  cette  époque 
abbé  commendataire  d'Hautecombe.  (Voir  plus  loin  la  note  biographique  sur 
ce  Prélat,  jointe  à  la  lettre  qui  lui  est  adressée  par  saint  François  de  Sales. 


Année  1594  77 

sanctitas,  uti  credas  efficiet  (sic)  ;  efficientque  eadem  reor 
ut  et  tu  redeuntem  me  par  epistolam  in  officium  amice 
excipias  et  ego  in  officio  diligentior  permaneam.     . 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


recevrez  amicalement  un  coupable  qui  en  vous  écrivant  revient  au 
devoir,  et  j'aurai  moi-même  plus  de  soin  de  rester  fidèle  à  ce  devoir. 


XXVII 

AU  SÉNATEUR  ANTOINE  FAVRE 

(minute) 

Compliments  affectueux. 

'Annecy,  vers  le  13  août^  1594'!). 

(3)  Nulla  sane  minori  authoritate  ea  quam  maximam 
apud  me  habes  adduci  omnino  possem  ut  crederem  id 
ita  semper  esse  verum  quod  scribis,  respondere  nimirum 
facilius  esse  quam  provocare.  Alioquin  cum  in  ipso  fere 


Il  ne  faut  rien  moins  que  la  très  grande  autorité  que  vous  avez 
sur  moi  pour  me  convaincre,  comme  vous  me  l'écrivez,  qu'il  est 
toujours  plus  facile  de  répondre  à  un  ami  que  de  le  provoquer  ;  car 

(a)  Dubitarem  fs»  per  te  liceret...J  Xescio  sane,  clarissime  vir,  an  id  ita 
omnino...  semper  verum  sit  fquod  scribis.. .J  Dubitarem  sane  si  te  minor... 
Indiguit  sane  ea  authoritate  quae  maxima  in  me  tua  est...  tanta  quanta  tua 
in  me  est... 


(i)  Cette  lettre  et  les  quatre  suivantes,  écrites  sur  un  même  feuillet  avec 
caractères  absolument  identiques,  ont  entre  elles  une  étroite  connexion;  il 
convient  donc  de  leur  assigner  des  dates  très  rapprochées  l'une  de  l'autre.  Or, 
la  dernière  (Lettre  XXXI')  est  bien  à  sa  place  dans  le  courant  de  l'été  1^94,  si 
l'on  en  juge  par  les  événements  auxquels  le  Saint  fait  allusion  (voir  note  (  i  ), 
p.  84).  Quant  à  la  première,  elle  n'est  certainement  pas  antérieure  au  11  août, 
puisque  les  Entrées  du  Sénat  constatent  seulement  à  partir  de  ce  jour  la 
présence  du  sénateur  Favre  à  Chambéry. 


yS  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

provocandi  articule,  tuas  illas  amœnissimas  et,  quod 
caput  est,  amicissimas  litteras  accepissem,  tanto  tuae 
humanitatis  lumine  mentem  meam  obtundi  sensi  ut  qui 
jam  jam  scripturus  eram,  tantse  humanitati  respondere 
posse  omnino  deinceps  desperarem.  Sic  enim  ApoUinem 
cum  tanta  subtilitate  respondentem  inducunt,  ut  si  inter- 
rogasset  nulla  humani  ingenii  virtute  responderi  potuis- 
set.  (b)  Tarn  multis  namque  partibus  superior  es  nobis 
ut  nulla  proportione  tecum  certare  possimus,  nisi  tune 
agamus  cum  agere  nondum  caeperis,  vel  si  voluntate  res 
tractanda  sit. 

Tanta  enim  mea  est  erga  te  observantia,  ut  ex  hac 
parte  vix  equidem  parem,  superiorem  omnino  neminem 
habere  possim,  nec  alio  egeat  monumento  quœ  tam  justo 
caractère  sit  insculpta  nullius  ut  temporis  injuria  deleri 
possit.  (c) 

Bene  vale,  et  Christum  habeto  propitium. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


lorsque  j'étais  sur  le  point  de  vous  prévenir,  votre  lettre  si  gracieuse 
et,  qui  plus  est,  si  amicale,  m'est  parvenue.  L'éclat  de  votre  érudition 
m'a  si  fort  ébloui  l'esprit,  que,  tout  en  me  disposant  à  vous  écrire, 
je  désespérais  de  pouvoir  m'élever  à  la  hauteur  de  votre  savoir.  C'est 
ainsi  que  l'oracle  d'Apollon  répondait,  dit-on,  avec  tant  de  subtilité, 
que  s'il  eût  posé  lui-même  des  questions,  la  sagesse  humaine  aurait 
été  incapable  de  les  résoudre.  Vous  nous  êtes  tellement  supérieur  sous 
tous  rapports  que  nous  ne  pouvons  en  aucune  façon  nous  mesurer 
avec  vous,  à  moins  toutefois  que  nous  n'entamions  la  correspondance 
ou  que  nous  n'en  choisissions  le  sujet. 

Si  grande  est  l'estime  que  je  vous  ai  vouée,  que  sur  ce  point  on 
peut  tout  au  plus  rivaliser  avec  moi,  mais  l'emporter,  jamais.  Cette 
estime  n'a  pas  besoin  d'un  monument  qui  en  conserve  le  souvenir  ;  elle 
est  gravée  en  caractères  assez  durables  pour  défier  l'action  du  temps. 

Adieu  ;  que  Jésus-Christ  vous  soit  propice  ! 

(b)  responderi pofuisset.  —  fSin  vero  non  tam  re  quam  voluntate  certandum 
sit.  Age  vero...J 

(c)  deleri  possit.  —  TNon  ergo  respondeo  clarissime,  sed  de  deditione 
tecum...  te  certiorem  facio.  Ago  vero  gratias  immortales...  Sperandum  vero 
mihi  est  tantam  quam  erga  te  habeo  voluntatis  propensioneni...  Curabit  ille... 


Année   1394  79 

XXVIII 

AUX    FILS    DU    SÉNATEUR   ANTOINE    FAVRE  (O 
(minute  inédite) 

Remerciements  pour  une  lettre  reçue  d'eux.  —  Encouragements   à    suivre 
les  exemples  de  leur  père.  —  Message  pour  leur  mère. 

[Annecy,  vers  le   15  août]  1594. 

(3)  Duo  maxime  nunc  praBstabo,  Amici  charissimi  : 
alterum  quidem  ut  vestris  litteris  quibus  non  ita  pridem 
auctiorem  me  sane  fecistis  et  jucundiorem  respondeam  ; 
alterum  vero  ut  quoniam  sentiunt  ex(b)  iterata  lectione 
detrimentum,  hac  eadem  epistola,  récentes  a  vobis  expe- 
tam,  cum  eadem  utrumque  ratione  nitatur. 

Rectissime  namque  facitis  qui,  patris  vestri  clarissimi 
et  optimi  authoritatem  secuti,  ad  me  tam  amanter  scrip- 
sistis.    Hune    vobis    prselucentem    sequamini  ,    quseso  , 


Deux  raisons  principales  me  portent  à  vous  écrire,  mes  très  chers 
Amis  :  la  première  est  de  répondre  à  la  lettre  dont  vous  m'avez 
favorisé  récemment,  et  qui  m'a  causé  tant  de  plaisir  ;  la  seconde 
est  de  vous  demander  une  nouvelle  lettre,  car  celle  que  vous  m'avez 
écrite  est  tout  endommagée  par  la  lecture  répétée  que  j'en  ai  faite.  Ce 
double  motif  s'appuie  sur  un  même  fondement. 

Vous  faites  très  bien  d'imiter  l'exemple  de  votre  illustre  et  excel- 
lent père  en  m'écrivant  si  affectueusement.  Ayez  jour  et  nuit,  mes 

(a)  Vestras  litteras  amoris  in  me  vestri  pignus  suavissimum,  etiamnum... 
THac  epistola  duoj  maxime  faciam... 

(b)  ex  —   fcontinua...  multa  attritione...J 


(i)  D'après  plusieurs  historiens,  Antoine  Favre  eut  de  sa  première  femme 
{voir  note  (  i  ),  p.  70)  huit  fils.  Deux  moururent  en  bas  âge  ;  les  survivants 
furent  :  René,  seigneur  de  la  Valbonne,  baron  d'Aiguebelette  ;  Claude,  seigneur 
de  Vaugelas,  le  célèbre  auteur  des  Remarques  sur  la  langue  française  ;  Antoine, 
aumônier  de  Madame  Royale;  Pierre,  dit  du  Chesne  ;  Philibert,  seigneur  de 
Félicia,  et  Jean-Claude,  seigneur  des  Charmettes  et  de  Moyron.  L'aîné  avait 
près  de  onze  ans,  le  second  neuf,  lorsque  cette  lettre  fut  écrite. 


8o  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

religiose  ;  in  hoc,  Amici  charissimi,  splendidissimum 
exemplar  oculos  vestros  noctes  diesque  intendite.  Sic 
enim  fiet  ut  ex  ejus  officina  ingenui  nunc  quidem  t3'rones, 
subinde  fabri  nobilissimi  prodeatis,  ac  me  uti  facit 
imprimis  diligatis. 

Meo  nomine  impensissime  salutate  clarissimam  ma- 
trem  vestram,  quam  tanta  prosequor  observantia  nulla 
ut  aptius  quam  filiorum  reputari  possit.  Itaque,  eam 
meo  nomine  salutate. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


très  chers  Amis,  les  yeux  fixés  sur  le  modèle  éclatant  qui  resplendit 
devant  vous;  suivez-le  religieusement.  En  agissant  de  la  sorte,  vous 
qui  êtes  dans  son  atelier  d'excellents  apprentis,  vous  en  sortirez  très 
nobles  ouvriers,  et  spécialement  vous  aurez  appris  de  lui  à  m'aimer. 
Saluez  en  mon  nom  votre  illustre  mère  à  qui  j'ai  voué  un  respect 
si  grand  qu'il  ne  peut  être  justement  comparé  qu'à  la  piété  filiale. 
Saluez-la  donc  en  mon  nom. 


,  XXIX 

AU    sénateur   ANTOINE    FAVRE 

(minute  inédite) 

Explications  amicales. 
Remerciements  pour  l'envoi  de  Méditations  sur  la  pénitence. 

[Annecy,  août]   1594. 

Quam  bonus  eram  vir  et  bardus,  mi  Frater,  cum  uti 
sororis  meae  consuetudini  ac  ustricitati  [sic)  tantisper 
indulgeres,  tam  candide  suadebam,  mi  Frater.  Quasi 
vero  tu  aliquid  aliud  cogitasses,  et  jam  me  puderet  in  tam 


Que  j'étais  donc  simple  et  ingénu,  mon  Frère,  quand  je  vous 
conseillais  si  naïvement  d'être  un  peu  condescendant  envers  ma 
sœur,  [votre  femme,]  comme  si  jamais  vous  aviez  eu  d'autres  pensées! 
Je  serais  déjà  plein  de  confusion  d'avoir  été  trompé  en  chose  aussi 


Année  1594  81 

aperta  luce  deceptum  esse  si  ab  alio  quam  ab  ingenio- 
sissimo  fabro.  Gaudeo  sane  plurimum  gratulorque  tibi 
ex  animo  et  sorori  ne  bonse  fidei  viatori  spinas  pedibus 
injicias,  ut  est  in  proverbio  *.  *  Cf.  Prov.,  iv,  12. 

Gratulor  sane  plurimum  sorori  de  diuturniori  illo  tuo 
amœnissimo  conspectu  ;  at  quorsum  eam  in  causam 
rogari,  suaderi  ac  propemodum  cogi  velle,  et  locum 
quem  omnino  tibi  selegeris,  non  nisi  post  multas  aliorum 
praeces,  per  summam  artis  aulicae  subtilitatem  l^),  more 
Locatellaeo  (  0  occupare  ?  Bene  est.  Semel  falli  vel 
prudentissimus  quisque  potest  ;  iterum  si  me  iis  artibus 
fallas,  indignus  omnino  sim  tua  officina  alumnus. 

Opportune  pœnitentiales  ^leditationes  (  =  )  quibus  exer- 
cear  dum  aberis  misisti,  in  quibus  quid  meum  fuerit  non 


évidente  si  je  ne  l'avais  été  par  un  artisan  tel  que  vous.  Je  m'en  réjouis 
vivement  et  je  vous  félicite  tous  deux  de  ce  que,  suivant  le  proverbe, 
vous  ne  jetez  pas  des  épines  sous  les  pieds  du  voyageur  de  bonne  foi. 

Certes,  je  félicite  aussi  grandement  ma  sœur  de  pouvoir  jouir  lon- 
guement de  votre  agréable  présence  ;  mais  pourquoi  vouloir  être  prié, 
pressé  et  presque  contraint  dans  cette  affaire?  Pourquoi  n'occuper 
qu'après  les  nombreuses  instances  de  plusieurs,  la  place  que  vous 
avez  choisie  vous-même,  si  ce  n'est  par  une  extrême  finesse  digne  des 
hommes  de  cour,  à  la  manière  de  notre  Locatel  (  i  )  ?  C'est  bien.  Le  plus 
sage  peut  être  trompé  une  fois  ;  mais  si  je  me  laisse  tromper  de  nou- 
veau, que  je  sois  tenu  pour  un  apprenti  bien  indigne  de  votre  atelier. 

Vous  m'avez  envoyé  fort  à  propos  les  Méditations  sur  la  péni- 
tence (2),  afin  que  je  m'y  exerce  pendant  qu:  je  suis  privé  de  votre 

(  a)  simulationem 


(i)  Il  s'agit  probablement  de  Jacques  de  Locatel,  seigneur  de  Locatel  et  de 
Cevins,  chevalier  du  Saint-Sépulcre  de  Jérusalem,  "  lieutenant  d'une  compagnie 
de  six  cents  hommes  d'armes  deçà  les  monts,  pour  le  service  de  Son  Altesse.  » 
En  1594  et  1395,  il  était  procureur  fiscal  de  l'Archevêque  de  Tarentaise. 

(a)  Ces  Méditations,  soumises  à  l'examen  du  Saint,  furent  publiées  l'année 
suivante  sous  le  titre  de  Centurie  première  de  sonnets  spirituels  de  l'Amour 
divin  et  de  la  Pénitence.  Par  Antoine  Favre,  S.  S.  A  Chambery,  par  Claude 
Pomar,  mdxcv.  —  C'est  au  sujet  de  cet  ouvrage  que  saint  François  de  Sales 
écrivit  à  sainte  J.-F.  de  Chantai,  le  ii  février  1607  ;  «  Je  vous  envoyé  le  livre 
«  ci  joint  auquel  vous  verres  beaucoup  de  beaux  traitz,  qui  furent  en  partie 
•  faitz  sur  mes  premières  praedications,  par  M.  le  Président  de  cette  ville.  » 

Lettres  I  6 


82  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

video,  tôt  nempe  prsetiosis  tuis  illis  lapillis  intertextum 
et  consitum  opus  illud  est  ut  fœlici  mutatione  nomen 
antiquum  et  formam  omnem  perdiderit. 

Nuper  misi  litteras  Episcopi  Albiensis  ;  nescio  num 
exceperis.  Bene  vale  et  ut  valere  vis,  cum  clarissima 
conjuge. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  de  Turin. 


présence.  Mais  je  ne  vois  pas  ce  qui  peut  m'être  attribué  dans  cet 
ouvrage,  car  vous  l'avez  vous-même  tissé  et  enrichi  de  tant  de  belles 
pierreries,  que,  par  une  heureuse  transformation,  il  a  perdu  son 
ancien  nom  et  sa  première  forme. 

Je  vous  ai  transmis  dernièrement  la  lettre  de  l'Evêque  d'Albi,  je 
ne  sais  si  vous  l'avez  reçue.  Portez- vous  bien  et  à  souhait,  ainsi 
que  votre  illustre  épouse. 


XXX 

AU     M Ê  M  E 
(minute    inédite) 

Les  prévenances  d'un  ami  commun  attribuées  à  la  recommandation  du  Sénateur. 
Désir  de  se  procurer  quelques  formules  de  prières. 

[Annecy,  fin  aoùtj    1594. 

(3)  Accepi  tuas  ab  homine  tuo  litteras.  Quid  autem  ju 
cundius  fuerit,  an  hominem  tuum  an  litteras  tuas  videra? 
Non  jucundissimum  quicquid  tuum  esse  non  potest. 


J'ai  reçu  votre  lettre  par  le  porteur  à  qui  vous  l'aviez  remise. 
Qu'est-ce  qui  m'agréa  davantage,  ou  de  voir  votre  envoyé  ou  de 
lire  votre  lettre?  Tout  ce  qui  vient  de  vous  ne  peut  que  m'être 
extrêmement  agréable. 

(a)  Non  sunt  sane  suavioreS  llttera  tua,  qu*  suapte  natura  Junt  suavissimrc, 


Année  1594  ^3 

Sane,  quantum  conjicere  potui,  non  alia  me  ratione 
amare  cupiebat  Franciscus  ChosalliuslO  quam  quod  me 
amares  ;  alioquin  cum  in  me  tam  pauca  e  multis  quse 
dixeras  deprehenderit,  neque  te  neque  me  jam  amaret, 
nisi  amari  me  abs  te,  (b)  te  quidem  excusatione,  me  bene- 
volentia,  utrumque  admiratione  dignum  redderet.  Quo 
mihi  suavior  est  ea  qua  me  prosequitur  benevolentia 
quod  a  tua  omnino  proficiscatur,  ac  ad  tuam  pœnitus,  ut 
,(  adprimam  in  suo  génère  et  cseterarum  mensuram*,  »  [^'^'^flf^^"^'' 
immédiate  referatur.  Jam  autem  tuum  illud  erit  ut  cujus 
boni  author  mihi  fuisti  conservator  ejusdem  esse  velis. 
Pergo.  Audivimus  confratrem  nostrum,  tuum  vero  in 
Cruce  filium,  virum  optimum  Saldium  (^),  centum  prœcum 

En  vérité,  autant  que  j'ai  pu  le  conjecturer,  François  Chosal  (0 
désirait  lier  amitié  avec  moi  pour  cette  seule  raison  que  je  suis  votre 
ami.  Du  reste,  comme  il  aura  trouvé  en  moi  si  peu  des  qualités  que 
vous  m'avez  attribuées,  il  ne  voudra  plus  être  ni  votre  ami  ni  le 
mien,  à  moins  que,  pour  s'expliquer  l'amour  que  vous  me  portez,  il 
ne  vous  considère  avec  beaucoup  d'indulgence,  moi  avec  beaucoup 
de  bienveillance,  et  tous  deux  avec  quelque  surprise.  Cette  bienveil- 
lance dont  je  suis  l'objet  de  sa  part  m'est  d'autant  plus  douce  qu'elle 
procède  uniquement  de  celle  que  vous  avez  pour  moi  et  qu'elle  se 
rapporte  immédiatement  à  celle-ci,  puisque  «  la  première  chose  en 
chaque  genre  sert  de  mesure  à  tout  le  reste.  »  A  vous  maintenant  de 
me  conserver  ce  bien  dont  je  vous  suis  redevable. 

Je  poursuis.  Nous  avons  entendu  dire  que  notre  confrère,  votre  fils 
dans  la  Croix,  l'excellent  Saldoz  (  M ,  possède  une  centaine  de  formules 

non  sunt  inquam  suaviores  litterœ  tux  ex  ejus  qui  eas  attulit  suavitate... 
iucundius  quidem  actum  est  rem  tanti  prastii  magnis  vins  committere... 

Accepi  tuas  litteras;  vidi  Dominum  Chosallium  tuo  nomine  eas  rerferentem. 
Horum  autem  utrum  jucundius,  non  facile  fuerit  judicandum.  Et  l.tteras  qui- 
dem aperte  tuas  videbam.  Chosallius  se  tuum  prorsus  esse  omnmo  asserebat, 
racsummaj   qua  pollet    Tdicendi  facultate  persuadebat...J 

(b)  abs  te,  —  summum  amorem  erga  me  tuum... 

(I)  Selon  toute  probabilité,  Jean-François  Chosal  ou  du  Chosal,  qui  fut 
reçu  avocat  au  Sénat  de  Savoie  en  1594-  ,.-.■» 

(,)  Plusieurs  personnages  portant  le  nom  de  Saldoz  ou  Sardoz  habitaient 
alors  Chambéry.  Peut-être  s'agit-il  ici  d'André  Sardoz.  marchand  de  cette 
ville,  lequel  est  nomme  plus  d'une  fois  dans  les  lettres-patentes  de  Charles^ 
Emmanuel. 


84  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

ad  sanctissimi  Crucifix!  [honorem]  ritus  pênes  se  habere  ; 
nos  unde  habere  possimus  non  videmus  nisi,  quoad  com- 
modum  erit,  decem  vel  duodecim  ex  ipso  accipiamus, 
quorum  praetium 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  de  Turin. 


de  prières  à  Notre-Seigneur  crucifié.  Nous  ne  vo}'ons  pas  le  moyen 
de  nous  en  procurer,  à  moins  qu'il  ne  nous  en  cède  dix  ou  douze 
exemplaires,  dont  le  prix 


XXXI 

A   FRANÇOIS    GIRARD 

PRÉVÔT  DE  l'Église  notre-da.me  de  bourg 

(minute) 


Congratulations  pour  le  zèle  qu'il  déploie  au  service  de  Jésus  crucifié, 
et  pour  son  agrégation  à  la  Confrérie  de  la  Sainte  Croix. 

Annecy,  fin  août  1594. 

(3)    Et   vero    nunc    tibi    ex    animo   gratulandum    est, 
clarissime  Girarde,  cum  te  totis  viribus  sub  sanctissimi 


Il  faut  maintenant  vous  féliciter  du  fond  du  cœur,  excellent  Girard, 
puisque  nous  vous  voyons  combattre  de  toutes  vos  forces  sous 

(a)  [Les  lignes  suivantes,  écrites  en  haut  de  la  minute,  représentent  proba- 
blement la  première  pensée  du  Saint  pour  le  commencement  de  cette  lettre  :] 

NuUa  deinceps  tecum  utar  excusatione  ;  scribam  quam  frequentius  potero. 
«  Bos  lassus,  »  ut  divus  dixit  Hieronimus,  «  fortius  figit  pedem.  »  Et  tu  in 
hac  jam  provecta  aetate  graves  haereticorum  inimicitias  cum  sustineas... 


(i)  François  Girard,  officiai  de  Bresse  pour  l'Archevêque  de  Lyon  dès  1569, 
pois  prévôt  de  l'église  Notre-Dame  de  Bourg  en  1^83.  Cet  ecclésiastique,  de 


Année  1594  85 

Crucifixi  signo(b)  serio  militantem  videamus.  Quid  enim 

est  quos  Deus  odivit  odio  habere  et  super  inimicos  Crucis 

tabescere  *  quam  pro  Christo  decertare?  Nulla  gloriosior  'Cf.Ps.cxjcxvin.ai. 

bene  de  Deo  ipso  et  Ecclesia  merendi  occasio  potest  esse 

quam  haec  quae  tibi  summa  Dei  providentia  occurrit.  Et 

quidem   facillimum   est   cuique  Christiano   ac   omnibus 

fere  obvium,  Christum  languentibus  medentem  l^^),  mor- 

tuos  excitantem  sequi,  at  Christum  languentem  et  mo- 

rientem  id  paucissimis  concessum  est.  Non  arduum  est 

admodum  Crucem  erectam  amplecti  dum  nemo  impellat 

nitaturve  disturbare,  at  contra  pugnantium  impetum  eam 

ne  labatur  sustinere,  id  confirmatae  virtutis  est.  O  fœlix 

pugna  in  qua  Christo  pariter  et  morimur  et  vivïmus*.   •Rom.,xiv,  8. 

Quid,  quaeso,  tanta  religione  gloriosam  nobis  antiquorum 


l'étendard  du  très  saint  Crucifié  ;  car  n'est-ce  pas  combattre  pour  le 
Christ  que  de  haïr  ceux  que  Dieu  hait,  et  de  sécher  de  douleur  à  cause 
cUs  ennemis  de  la  Croix  ?  Vous  ne  pourrez  jamais  rencontrer  une 
occasion  plus  glorieuse  pour  bien  mériter  de  Dieu  et  de  l'Eglise  que 
celle  qui  vous  est  présentement  offerte  par  la  souveraine  providence 
divine.  Oui  sans  doute,  il  est  très  facile  à  un  Chrétien,  et  c'est  une 
chose  pour  ainsi  dire  à  la  portée  de  tous,  de  suivre  Jésus-Christ 
guérissant  les  infirmes,  ressuscitant  les  morts  ;  mais  de  suivre  Jésus- 
Christ  souffrant  et  mourant,  voilà  ce  qui  n'est  accordé  qu'à  un  fort 
petit  nombre.  11  n'est  pas  très  pénible  d'embrasser  la  Croix  lorsqu'elle 
est  debout,  que  personne  ne  l'ébranlé  et  ne  s'efforce  de  la  renverser  ; 
mais  la  soutenir  contre  le  choc  des  assaillants  pour  qu'elle  ne  tombe 
pas,  voilà  le  propre  d'un  courage  éprouvé.  O  bienheureux  combat 
dans  lequel  à  la  fois  nous  mourons  et  nous  vivons  pour  le  Christ  ! 
Qy'est-ce  qui  a,  je  vous  le  demande,  environné  de  tant  de  gloire  et 

(b)  rvexilloj 

(c)  languentibus  medentem,  —  Fdaîmones  fuganteni.J 


concert  avec  les  autres  chanoines  et  les  syndics  de  la  ville,  prit,  en  1594,  des 
mesures  vigoureuses  pour  empêcher  l'hérésie  de  s'infiltrer  à  Bourg.  (Regeste 
de  Véglise  Notre-Dame  de  Bourg,  par  J.  Biossard,  1897.)  C'est  à  ce  propos 
que  saint  François  de  Sales  lui  adresse  ses  félicitations. 

Il  est  l'auteur  de  l'Antipathia  ou  Antithèse  qui  parut  comme  pièce  préli- 
minaire dans  la  Défense  de  l'Estendart  de  la  sainte  Croix,  publiée  pour  la 
première  fois  en  1600.  (Voir  la  Préface  du  tome  II  de  notre  Edition,  p.  xii, 
note  (  I  ),  et  l'Appendice  III,  pp.  412-421.) 


86  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

Ecclesise  Patrum  memoriam  commendavit  quam  quod 
nullis  se  minis  a  Crucifixi  patrocinio  (ut  intérim  ita  loqui 
concédas)  abduci  se  passi  sint?  Martinos  sane,  Chrysos- 
tomos,  Hilarios,  Damascenos  nuUa  adeo  sursum  evexit 
eruditio  quam  ea  Christiani  animi  celsitudo  qua  Impera- 

•  II  Cor.,  XI,  36;   toribus  csèterisque  falsis  fratribus* -pugna-m  pro  Christo 
^  ^  ■'  "'  '*'  indixerunt,  fortesque  sese  omnino  ad  praelia  Domini  prae- 

lianda  praebuerunt. 

Quae  quidem   non   eo  animo    a   me   esse  dicta   velim 
intelligas  quo   tibi  animum   addere  vellem  ;  non  enim 

•  Lucae,  VI,  40.         est  discipiilus  super  magistrum  *,i^)  et  importunum 

omnino  foret  te  veteranum  et  gravioris  armaturse  mili- 
tem  a  greegario  t3^rone  doceri.  Gratulor  potius  tibi 
majorem  in  modum  quod  in  provecta  jam  hsec  setate, 
tam  alacriter  bellum  pro  Christo  susceperis  ac  sus- 
ceptum   sustinueris  ;  ut   verum  jam   sit  illud  etiam   de 

•  Epist.  cil,  ad  Au-  te  pronunciare    quod  est   apud    Hieronimum  *  :    «  Bos 
gus  in.,  s  3.  lassus  fortius  figit  pedem.    »  Quas   tua   mihi  gloria    eo 

suavior  est  perfecta,  quo  nuper  te  in  confratrum  ex 
Cruce  nostrorum    numerum   majore   cum   oblectamento 


d'une  si  religieuse  vénération  la  mémoire  des  anciens  Pères  de 
l'Eglise  ?  C'est  que  jamais  aucune  menace  n'a  pu  les  empêcher  de 
patronner  (permettez-moi  cette  expression)  la  cause  de  Jésus  crucifié. 
Ce  n'est  certainement  pas  la  science  seule  qui  a  élevé  si  haut  les 
Martin,  les  Chrysostome,  les  Hilaire,  les  Damascène  ;  mais  bien 
plutôt  cette  magnanimité  chrétienne  avec  laquelle  ils  ont  déclaré  la 
guerre  pour  le  Christ  aux  empereurs  et  aux  autres  faux  frères,  et  se 
sont  montrés  intrépides  à  combattre  les  combats  du  Seigneur. 

Ne  vous  persuadez  pas,  du  reste,  qu'en  vous  disant  ces  choses  je 
prétende  exciter  votre  courage.  Le  disciple  n'est  pas  au-dessus  du  maître. 
Il  serait  en  effet  déraisonnable  qu'un  vétéran  accoutumé  à  porter  la 
plus  lourde  armure  reçût  les  leçons  d'un  nouvel  enrôlé.  Bien  plutôt, 
je  vous  félicite  hautement  de  ce  que,  dans  un  âge  avancé,  vous  avez 
entrepris  et  poursuivez  si  hardiment  la  guerre  pour  le  Christ.  Nous 
pouvons  avec  vérité  vous  appliquer  la  parole  de  saint  Jérôme  :  «  Le 
bœuf  fatigué  enfonce  plus  fortement  le   pied.   »  Votre  gloire  me 

(d)  [A  partir  d'ici  cette  lettre  est  inédite.] 


Année  1594  ^7 

renunciavit  vir  optimus  et  ipsa  canitie  venerandus, 
Toannes  TissotiuslO,  communis  hujus  Confraternitatis 
prior  meritissimus  ;  ut  jam  certo  quodam  jure  omnium 
nostrum  bona  videantur  esse  communia  qui,  tum  alus 
nominibus  tum  hoc  peculiari  fratres  ex  Cruce  censemur. 
Ouo  fiet  ut  et  nos  gloria  tam  praeclari  tui  certaminis  et 
tu  nostris  prœcibus  et  sacrificiis  participes  vicissim 
efficiamur. 

O  nimium  dilecte  Deo,  tibi  militet  aether  ! 
Dominiis  tibi  adjutor,   non   timebis  quid  facit   tibi 

-  *  •  Ps.cxvii,6;  Heb., 

homo  *.  ^      •       -c  u       co    xiii,  6. 

Commilitoni  tuo,  viro  clarissimo  Domino  Fabro,  sa- 

lutem  plurimam  dico.  Bene  vale. 

Revu  sur  l'Autographe,  dont  la  partie  déjà  publiée  est  conservée  à  la  Visitation 
d'Annecy  et  la  partie  inédite  à  la  Visitation  de  Turin. 


devient  d'autant  plus  douce  que  l'excellent  Jean  Tissot  (0,  déjà 
vénérable  par  ses  cheveux  blancs,  très  digne  prieur  de  notre  Confré- 
rie, vous  a  dernièrement  inscrit  avec  plus  de  bonheur  au  nombre  des 
confrères  de  la  Croix  ;  car  maintenant  il  y  a  entre  nous  une  certame 
communauté  de  biens  à  divers  titres,  et  principalement  parce  que 
nous  sommes  frères  dans  la  Croix.  En  conséquence  nous  participons 
aux  avantages  les  uns  des  autres  :  nous,  à  la  gloire  de  vos  combats, 
vous,  au  mérite  de  nos  prières  et  de  nos  sacrifices. 

O  bien  aimé  de  Dieu,  que  le  Ciel  vous  soit  en  aide  ! 
Le  Seigneur  est  votre  défenseur,  vous  ne  craindrez/»a5  ce  que  l'homme  fera 

contre  vous. 
Je  salue  votre  compagnon  d'armes,  l'illustre  seigneur  Favre.  Adieu. 

(i)  Jean  Tissot,  chanoine  de  Saint-Pierre  de  Genève  et  vicaire  général  en 
1569.  C'est  lui  qui  en  1578  délivra  à  saint  François  de  Sales,  alors  âgé  de 
onze  ans,  les  lettres  diiuissoriales  pour  la  réception  de  la  tonsure.  Ce  véné- 
rable prêtre  lui  succéda  (139.0  dans  la  charge  de  prieur  de  la  Confrérie  de  la 
Sainte  Croix,  charge  que  le  Saint  dut  résigner  en  vue  de  son  prochain  départ 
pour  le  Chablais.  Jean  Tissot  mourut  en  juin  1597. 


88  Lettres  de  saint  François  de  Sales 


XXXII 

A    UN   GENTILHOMME    DE    LA    COUR  DU    DUC    DE    SAVOIE 
(minute) 

Prière  d'intervenir  auprès  du  duc  de  Savoie 
en  faveur  du  Chapitre  de  Genève. 

Annecy,  [vers  la  fin  août  1594.] 

Monsieur, 

Il  pleut  a  Son  Altesse,  il  y  a  quelque  tems  despuys 
ces  guerres,  declairer  pour  Teglise  de  ce  diocaese  estre 
de  son  intention  et  pla3'sir  que  tous  les  biens  qui  se 
trouveroyent  en  ses  estats  (2)  avoir  esté  de  l'église  an- 
ciennement, devant  que  Genève  eut  chassé  les  ecclésias- 
tiques, retournassent  a  l'église,  comme  vray  patrimoyne 
de  Jesuchrist.  Qui  a  faict  que  le  Chappitre  de  Saint 
Pierre  ayant  esté  advisé,  ou  pensant  quil  se  devoit 
tenir  quelque  journée  a  Thurin  touchant  ces  balliages 
et  autres  affayreslO,  il  a  pris  resolution,  en  l'asseurance 
de  vostre  zèle  et  pieté,  de  vous  supplier  très  humblement 
de  leur  faire  ausmosne  de  vostre  crédit  et  intercession  en 
cest  endroict,  affin  qu'en  cas  de  quelque  restitution  de 
païs(b),  ils  ressentent  le  prouffit  (c)  de  la  dévote  inten- 
tion de  sa  dicte  Altesse,  et  que  les  biens  qui  se  trouve- 
ront avoir  esté  dudict  Chappitre  au  tems  de  la  subversion 
de  Genève  leur  soient  restitués. 


(a)  qui  se  trouveroyent  —  es  troys  balliages 

(b)  a/fin  —  que  sil  se  peut  faire  et  il  escheoit  en  traitté...  que  sil  se 
traitte  de  quelque  restitution  fdes  biens  mal  usurpés  des  le  tems  de  l'exil 
de  ce  cors  ecclésiastique.. .J  de  l'autruy 

(c)  l'effect 


(i)  Il  s'agit  probablement  des  négociations  diplomatiques  qui  eurent  lieu 
pour  la  conclusion  et  la  prorogation  des  trêves  indiquées  ci-après,  p.  91. 


Année  1594  89 

Ils  vous  supplient  donques,  Monsieur,  très  humblement, 
tous  en  gênerai  et  moy  en  particulier,  comm'ayant  cest 
honneur  d'estre  Prévost  en  leur  compaignie,  de  prendre 
ce  leur  afFere  en  main  ;  se  promettans  que  si  la  bonne 
intention  de  Son  Altesse,  dressée  sur  la  pieté  de  la  cause, 
est  aydëe  de  vostre  faveur  et  authorité,  elle  sortira  en 
son  efFect  avec  grand  mérite  de  sa  dicte  Altesse,  qui  nous 
aura  remis  nostre  pain  en  la  main,  et  de  vous,  Monsieur, 
qui  nous  aures  procuré  ce  bien,  duquel  je  puys  bien 
vous  asseurer  avec  vérité  que  nous  avons  bon  besoin  , 
pour  s'estre  la  pauvreté  de  cest'eglise  cathédrale  de 
trente  chanoynes,  quasi  tous  gentilhommes  ou  gradués, 
fort  rengregëe  par  ces  guerres,  sans  avoir  voulu  jamais 
diminuer  aucune  chose  de  ce  qui  s'observoit  pour  la  dé- 
coration du  service  divin. 

Vous  suppliant  donques  nous  avoir  pour  recommandés, 
nous  recommanderons  de  toute  nostre  dévotion  vostre 
santé  et  prospérité  a  Nostre  ^Seigneur,  et  demeurerons 
obligés  a  jamais  de  prier  plus  particulièrement  sa  divine 
[Majesté]  qu'elle  vous  comble  de  ses  bénédictions.  Et  pour 
mon  regard.  Monsieur,  continuant  en  la  condition  de 
monsieur  de  Boysi  mon  père,  je  demeureray 

Vostre  très  humble  serviteur. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


90  Lettres  de  saint  François  de  Sales 


v/     XXXIII 

AU    SÉNATEUR   ANTOINE    FAVRE 
(minute) 

Nouvelles  de  la  mission  du   Chablais.  —   Premières  difficultés  suscitées 
par  les  ministres  protestants.  —  Energique  résolution  du  Saint. 

[Forteresse  des  Allinges,]  commencement  d'octobre  1594(1). 

Non  antea  potui,  mi  Frater,  suavissimis  illis  tuis  lit- 
teris  respondere  quam  hic  idem  qui  tuas  attulerat  Cham- 
berium  versus  rediret.  Fecissem  id  quidem  libentissime, 
nuUa  enim  cogitatio  alia  me  dulcius  recréât  quam  ea 
qua  quotidie  te  mihi  praesentem  quoad  expressissime 
fieri  potest  efficio.  Enimvero  tum  post  densissimas 
tenebras  mihi  lux  quaedam  oboriri  videtur,  adeo  mihi 
caliginosus  (a)  hic  est  aer,  cui  procul  dubio  princeps 
•Ephes.,  uit.,  12.     tenebrariLin  harum  *  de  quibus  loqueris  prœest  (  =  ). 

Post  tuum  enim  discessum  non  cessavit  animes  horum 


Je  n'ai  pu,  mon  Frère,  répondre  à  votre  délicieuse  lettre,  avant 
que  le  porteur  retournât  à  Chambéry.  Certes,  je  l'eusse  fait  plus 
tôt  très  volontiers,  car  nulle  autre  pensée  ne  m'est  aussi  douce,  ne 
me  récrée  autant  que  celle  par  laquelle  je  tâche  chaque  jour  de 
vous  représenter  à  mon  esprit  le  plus  fidèlement  qu'il  m'est  possible  ; 
il  me  semble  alors  qu'après  de  très  épaisses  ténèbres,  une  certaine 
lumière  luit  pour  moi,  tant  me  paraît  sombre  le  nuage  auquel  com- 
mande sans  doute  le  prince  de  ces  tèncbrcs  dont  vous  me  parlez  (2). 

Après  votre  départ,  il  n'a  pas  cessé  de  voiler  de  plus  en  plus  les 

(a)  mihi —  tenebricosus  hic  aer   rapparet...J 


(  I  )  Le  classement  des  lettres  non  datées  adressées  au  sénateur  Favre 
pendant  la  mission  du  Chablais  est  déterminé  soit  par  la  teneur  même  de 
ces  lettres,  soit  par  la  date  des  réponses  du  Sénateur,  lesquelles  seront  données 
en  Appendice  à  la  fin  du  présent  volume. 

(2)  Saint  François  de  Sales  fait  allusion  au  protestantisme  qui  régnait  en 
Chablais  depuis  près  de  soixante  ans.  Charles-Emmanuel  !<"■,  ayant  reconquis 
cette  province   sur  les  Bernois,   voulut  y  rétablir  l'exercice  de  la  religion 


Année   1594  91 

hominum  in  deterius  quodque  obvolvere.  Gubernator  (O, 
cum  caeteris  his  Catholicis,  rusticos  circum  circa,  necnon 
et  cives  Aquenses,  secretis  suasionibus  ad  conciones  nos- 
tras  convocare,  rem  Christianam  recte  ac  impensissime 
promovere  [non  destitit.]  Quamprimum  vidit  daemon  ; 
enimvero,  tune  advocato  suorum  concilio,  per  .summam 
perfidiam,  fidem  vicissim  Tononienses  quotquot  sunt  ex 
primariis  sibi  faciunt,  nuUis  se  caeteramque  multitudinem 
unquam  adfuturos  Catholicis  praedicationibus,  ne  nimi- 
rum  satis  non  esset  privata  cujusque  pertinacia  nisi  ne- 
faria  ac  communi  cohortatione  (^),  in  suam  perniciem, 
Principis  desiderio  ac  nostris  conatibus  illudant  ac 
omnino  cervices  opponant  temulentas.  Idque  actum  est, 
quantum  audio,  nudiustertius  in  urbis  ipsius  aedibus 
publicis,  cum  jam  antea  abiissent  in  concilio  impio- 
rum  *,  hoc  est,  per  speciem  matrimonii  cujusdam,  uti  '  Ps.  i,  i,  3- 
soient,    dirimendi  convenissent   in   suo   quod  appellant 


esprits  de  ces  hommes.  Le  gouverneur  (0,  avec  quelques  autres 
Catholiques,  n'a  rien  négh'gé  pour  attirer,  par  de  secrètes  persuasions, 
les  paysans  des  environs  et  les  bourgeois  d'Evian  à  nos  sermons,  et 
pour  faire  avancer,  avec  un  zèle  ardent  et  éclairé,  les  affaires  de  la  reli- 
gion. Mais  le  démon  s'en  est  bien  vite  aperçu  ;  car  les  principaux  de 
Thonon  ayant  assemblé  leur  conseil,  se  sont  juré,  par  une  souveraine 
perfidie,  que  ni  eux  ni  le  peuple  n'assisteraient  jamais  aux  prédica- 
tions catholiques.  Ce  ne  serait  pas  assez,  sans  doute,  de  l'obstination 
privée  de  chacun,  s'ils  ne  se  moquaient  des  désirs  du  prince  aussi 
bien  que  de  nos  efforts,  et  ne  s'acharnaient  à  leur  perte  par  une 
abominable  entente.  Cela  fut  fait,  à  ce  que  l'on  m'a  dit,  avant-hier  à 
la  maison  de  ville,  et  plusieurs  avaient  déjà  pris  cette  résolution 
à  l'assemblée  des  impies,  qu'ils  nomment  leur  consistoire,   où   ils 

(b)  nisi —  mutua  ac  communi  rconjurationej 


catholique  et  demanda  des  missionnaires  à  M""^  de  Granier.  C'est  alors  que 
notre  Saint,  sur  le  désir  de  son  Evéque,  partit  presque  seul  (14  septembre  1394) 
pour  commencer  la  mission  qui  devait  ramener  dans  le  sein  de  l'Eglise  toute 
cette  florissante  contrée.  Pendant  les  six  premiers  mois  il  était  contraint,  pour 
échapper  à  la  fureur  des  hérétiques,  de  se  retirer  chaque  soir  dans  la  forteresse 
des  AUinges. 
(  I  )  Le  baron  d'Hermancc.  Voir  plus  haut,  note  (  i  ),  p.  i. 


92  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

consistorio,  in  quo  idem  jam  plerique  inter  se  decre- 
verant. 

Quid    faceres ,    mi    Frater  ?     Induratiun    est    cor 
Exod.,  vu,  2î  ;   eorum*  ;  dixerunt  Deo  :  Non  serviemus  ;   recède  a 

•  jerêoi.Vn,  20;   îiobis,  viam  mandatorum  Dei  nolurnus*.  Nolimt  au- 
'Ezech^'iu'?         ^^^'^  ^°^'  quoniam  nolunt  audire  Deum*.  Mihi  autem 

videra  videor  quo  hujusmodi  perditissimi  homines  ten- 
dant. Nimirum  vellent  nos  tandem,  rerum  agendarum 
spe  i*^)  amissa,  ad  discessum  quodammodo  compellere. 
At  apud  nos  contra.  Quamdiu  per  inducias  '  0  et  Principis 
utriusque  tum  ecclesiastici  tum  secularis  licuerit  volunta- 
tem,operi  instare,  nullum  non  movere  lapidem,obsecrare, 
increpare  iii  o  j^ifii  qua.  nos  Deus  donâverit  patient  ta  et 

•  II  Tim.,  IV,  2.       doctrina  *  omnino  ac  firmissime  constitutum  W  est. 


s'étaient  réunis  sous  prétexte  d'invalider,  selon  leur  coutume,  certain 
mariage. 

Que  feriez-vous,  mon  Frère?  Leur  cœur  est  endurci;  ils  ont  dit  à 
Dieu  :  Nous  ne  servirons  pas  ;  retire:(-vous  de  nous,  nous  ne  voulons 
point  marcher  dans  la  voie  des  commandements  de  Dieu.  Ils  ne  veulent 
pas  nous  écouter  parce  qn'ils  ne  veulent  pas  écouter  Dieu.  Certes,  il  me 
semble  voir  où  tendent  les  desseins  de  ces  hommes  perdus.  Ils  vou- 
draient assurément  nous  faire  perdre  l'espérance  de  mener  nos  affaires 
à  bonne  fin,  et  partant  nous  contraindre  à  nous  retirer.  Mais  il  n'en 
sera  pas  ainsi  ;  car  aussi  longtemps  qu'il  nous  sera  permis  par  les 
trêves  (  i  )  et  par  la  volonté  du  prince  tant  ecclésiastique  que  séculier, 
nous  sommes  absolument  résolus  de  travailler  sans  relâche  à  cette 
œuvre,  de  ne  pas  laisser  une  pierre  à  remuer,  de  supplier,  de  reprendre 
avec  toute  la  patience  et  la  science  que  Dieu  nous  donnera. 

(c)  spe —  rtandem  destitutos  ad  reditum...J 

(d)  statutum 


(  I  )  La  reprise  des  hostilités  entre  la  France  et  la  Savoie  avait  eu  pour 
prétexte,  sous  Henri  III,  l'appui  que  ce  prince  accordait  aux  Bernois  et  aux 
Genevois  contre  Charles-Emmanuel  1"'.  Elles  continuèrent  pour  diverses 
causes  jusqu'à  l'abjuration  d'Henri  IV.  Les  ligueurs  ayant  alors  successivement 
désarmé,  le  duc  de  Savoie,  qui  les  soutenait,  signa  une  trêve  avec  la  France 
d'abord,  puis  avec  Berne  (septembre  1593)  et  avec  Genève  (juillet  139.)).  Ces 
deux  dernières  seulement  furent  renouvelées  sans  interruption  jusqu'à  la  paix 
de  Vervins  (1598). 


Année  1594  93 

Atque  non  modo  conciones  imo  vero  vSacrificia,  si  quis 
me  judice  certare  in  hac  palsestra  velit,  quamprimum 
fieri  poterit  instituenda  sunt,  uti  non  tam  animos  demere 
nobis  quam  addere  suis  artibus  sentiat  inimicus  homo  *.  *  Matt.,  xm,  38. 
Verum  ea  in  re  magnam  requiri  video  prudentiam,  ut 
nimirum  ea  expectetur  conditio  :  si  hac  temporaria  pace 
diutius  f rua  mur. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


Je  soutiens  à  quiconque  voudra  discuter  avec  moi  sur  cette  affaire, 
que  non  seulement  les  prédications  sont  nécessaires,  mais  encore 
qu'il  faut  rétablir  la  célébration  du  saint  Sacrifice  le  plus  tôt  qu'il  se 
pourra,  afin  que  l'homme  ennemi  voie  que  par  ses  artifices  il  nous 
donne  du  courage  au  lieu  de  nous  l'enlever.  Mais  en  cela,  il  faut  user 
d'une  grande  prudence  dans  l'attente  de  cette  condition,  à  savoir  : 
si  la  paix  temporaire  dont  nous  jouissons  sera  durable. 


XXXIV 


A     UN     RELIGIEUX 


(fragment  inidit) 

Octobre   1594  (i). 


. .  .  que  vous  sçaves  trop  mieux  comme  Ton  manie  ces 
affaires,  et  que  l'affection  et  dévotion  que  vous  y  aves 
vous  y  conseille  asses.  Mays  seulement  je  vous  rends 
ainsy  conte  de  mes  pensers,  lesquelz  vous  advoueres  ou 
rayeres  comm'il  vous  playra. 

Ce  pendant  je  prieray  Dieu  pour  vostre  heureuse  santé 
et    longue   vie,    vous    suppliant    très    humblement    me 

(i)  En  rapprochant  cette  uiinutc  de  la  précédente,  on  voit  qu'elles  ont  été 
écrites  sur  le  même  feuillet,  de  sorte  que  la  date  de  l'une  est  déterminée  par 
celle  de  l'autre. 


94  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

continuer   en   Ihonneur  que  j'ay   de  vostre  Révérende 
Paternité,  et  lequel  je  prise  tant,  d'estre  advoùé  pour 

Vostre  très  humble  filz  selon  Dieu  et 

très  obéissant  serviteur. 

Revu  sur  l'Autographe  appartenant  à  Dom  B.  Mackey,  O.  S.  B. 


,/         XXXV 

A  MONSEIGNEUR  CLAUDE  DE  GRANIER,  ÉVÈQUE  DE  GENÈVE  (O 

Endurcissement  des  hérétiques.  —  Aveu  des  ministres 
en  faveur  des  missionnaires. 

Fin  octobre  i  594  (2), 

Monseigneur, 

Je  diray  donq  simplement  a  Vostre  Seigneurie  Illus- 
trissime que  l'opiniastreté  de  ce  peuple  est  si  grande, 
qu'ilz  ont  derechef  confirmé  l'ordonnance  publique  que 
personne  n'ayt  a  revenir  a  nos  prédications  catholiques  ; 
et  Ihors  que  nous  croyions  que  plusieurs  viendroyent 
a  nous ,  soit  par  curiosité ,  soit  par  quelque  reste  du 
goust  de  l'ancienne  religion,  nous  avons  expérimenté 
leur  endurcissement  commun  par  leurs  mutuelles  exhor- 
tations. Et  apportent  pour  excuse  le  mauvais  traittement 
qu'ilz  recevroj^'ent  des  Bernois  et  Genevois,  qui  les  trait- 
teroj'ent  comme  des  déserteurs  de  leur  créance,  s'ilz  les 

(  I  )  Claude  de  Granier,  fils  d'un  gentilhomme  de  la  cour  du  duc  de  Nemours, 
naquit  à  Yenne  (1348),  au  diocèse  de  Belley  ;  il  prit  l'habit  au  monastère  de 
Talloires,  de  l'Ordre  de  Saint-Benoît,  et  devint  prieur  de  cette  maison  à  l'âge 
de  quinze  ans.  Après  avoir  travaillé  à  la  réforme  de  ses  religieux,  il  fut  nommé 
Evéque  de  Genève  (1579),  et  gouverna  ce  diocèse  avec  autant  de  sagesse  que 
de  piété.  M*''  de  Granier  mourut  le  17  septembre  i6oj,  heureux  de  déposer 
sa  crosse  épiscopale  entre  les  mains  de  saint  François  de  Sales. 

(a)  Bien  que  quelques  historiens  avancent  que  cette  lettre  a  été  écrite 
en  1393,  des  preuves  tirées  du  Procès  de  Canonisation  de  saint  François  de 
Sales  démontrent  qu'elle  remonte  à  une  époque  antérieure  et  permettent 
d'en  déterminer  approximatircment  la  date. 


Année  1594  99 

voyoyent  seulement  venir  a  nous  d'autre  façon  qu'avec  j 

des  injures  a  la  bouche  ou  des  pierres  a  la  main.  Et  non  I 

seulement  il  faut  que  nous  ostions  l'heresie,  mais  tout 
premièrement  l'amour  du  siècle. 

Dans  les  discours  familiers,  les  ministres  mesmes  ont  1 

confessé  que  nous  tirions  de  très  bonnes  conclusions  des 
Saintes  Escritures  touchant  nostre  foy,  mesme  sur  le 
très  aucfuste  31istere  de  l'autel  *  :  les  autres  confessent  la  *  Cf.  Serm.  xxvi, 

,  ,       .  .        ,  ..,       tom.  Vlihui.  Edit. 

mesme    chose,    et    plusieurs    viendroyent    a    nous    s  ilz 

n'estoyent  empeschés  par  ceste  trop  grande  crainte  du 

monde,  ^lais,  .^lonseigneur,  nous  espérons  avec  patience 

que  ce  fort  armé  qui  garde  sa  mayson  sera  chassé 

par  îLU  plus  fort  que  luy*,  qui   est  Nostre   Seigneur   *  Luca»,  xi,  21, 2a. 

Jésus  Christ.  Voyla  Testât  de  nos  affaires 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  un  ancien  Manuscrit  de  l'Année  Sainte 
de  la  Visitation,  conservé  au  Monastère  d'Annecy. 


XXXVI 


AU  SENATEUR  ANTOINE  FAVRE 


(inédite) 

Heureux  présages  pour  le  succès  de  la  mission  du  Chablais. 

Evian,  2  novembre   1594. 

Nunc  demum  mihi  de  rébus  Tononiensibus  bene  spe- 
rare  licet,  quod  te  scire  par  est,  Frater  suavissime,  cum  me 
nudiustertius  ex  eis  quidam  tanto  [obsequio]  prosecutus 
fuerit   quanto   nihil  jucundius   nihil   gratius,  immutata 


Aujourd'hui  enfin  il  m'est  permis  de  bien  augurer  des  affaires  de 
Thonon,  et  je  dois  vous  faire  savoir,  très  aimable  Frère,  qu'avant- 
hier  l'un  de  ces  messieurs  m'a  témoigné  tant  de  bienveillance  et 
d'amabilité  qu'il  ne  se  peut  rien  dire  de  plus.  Ils  ont  donc  en  partie 


g6  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

jam  ex  parte  eorum  lege  qua  cautum  fuerat  uti  ne 
mecum  non  beneficiis  modo,  sed  ne  quidem  verbis  age- 
rent.  Bonum  dubio  procul  omen,  si  ex  uno  omnia  sunt 
ex  veteri  proverbio  cognoscenda.  Tuas  nimirum  litteras 
Tononienses  quidam  attulerant  :  et  quidnam  prsestantius, 
quaeso,  quo  mihi  munere  ingentes  erga  eos  animos  addi- 
derunt  ?  Adeo  nempe  alterum  te  esse  me  comperio,  ut 
sine  te  horum  hominum  colloquiis  uti  minime  possim. 
Exigebant  tuae  illse  litterae  uti  quse  de  Rolandi  nostrilO 
rébus  scriberem.  Verum  prioribus  id  jam  actum  est,  et 
inter  Sanctorum  Omnium  et  Fidelium  Defunctorum  sacra 
solemnia  vix  mihi  otium  suppetit  tecum  colloquendi 
nisi  nobilis  hic  vir  Blonnayus  (  =  )  in  aliam  horam  disces- 
sum  référât.  Alioquin  et  D.  Guichardo  (3)  ut  admodum 


changé  de  dessein,  car  ils  s'étaient  fait  une  loi  non  seulement  de 
ne  point  me  rendre  de  bons  offices,  mais  de  ne  pas  même  m'adresser 
la  parole.  Voilà  qui  est  de  bon  augure,  sans  doute,  si  d'après  le 
vieux  proverbe,  par  un  individu  on  peut  juger  de  tous.  Quelques 
Thononais  avaient  donc  apporté  votre  lettre  :  je  vous  le  demande, 
pouvait-il  y  avoir  rien  de  plus  efficace  que  ce  présent  qui  relevait 
mon  courage  pour  aller  à  eux?  En  effet,  je  me  trouve  tellement  devenu 
un  autre  vous-même,  que  sans  vous  je  ne  pourrais  traiter  avec  ces 
hommes. 

Vous  me  demandiez  de  vous  écrire  au  sujet  des  affaires  de  notre 
Rolland  (i),  mais  je  l'ai  déjà  fait.  D'ailleurs,  la  solennité  des  fêtes 
de  la  Toussaint  et  des  Fidèles  Trépassés  me  laisse  à  peine  le  loisir 
de  m'entretenir  avec  vous,  à  moins  que  ce  noble  M.  de  Blonay  (2) 
ne  remette  son  départ  à  une  autre  heure.  S'il  m'eût  été  possible, 
j'aurais  écrit   aussi  à  M.   Guichard  (3),   comme   vous  me   l'avez 

(  i)  Une  lettre  du  sénateur  Favre,  en  date  du  31  octobre  i59.<,  prouve  qu'il 
s'agit  ici  de  Denis  de  Rolland  de  Versonnex,  qui  avait  reçu  les  Ordres  mineurs 
le  jour  où  saint  François  de  Sales  fut  élevé  au  diaconat  (18  septembre  1593). 
Ordonné  prêtre  le  17  décembre  1594,  Rolland  dut  être  nommé,  en  ce  même 
mois,  chanoine  de  Saint-Pierre  de  Genève.  Il  mourut  en  juin  1610. 

(  a  )  La  famille  de  Blonay  était  très  nombreuse  à  cette  époque,  et  plusieurs  de 
ses  membres  entretenaient  de  fréquentes  relations  avec  saint  François  de  Sales. 

(3)  Claude  Guichard,  seigneur  d'Arandas  et  de  Tenay,  natif  de  Saint- 
Rambert  (Bugey),  fonda  dans  cette  ville  le  collège  du  Saint-Esprit.  Appelé  à 
Chambéry  par   Charles-Emmanuel   I*^"",    il   fut    nommé   historiographe  de  ce 


Année  1594  97 

monuisti  dedissem,  moxque  dabo,  si  tamen  receperis  te 
antea  bona  fide  facturum  ut  et  me  scripsisse  noverit,  et 
tam  maie  quam  soleo  nesciat  ;  sic  enim  fiet  ut  me  dili- 
gentem  sui  cultorem  agnoscat,  tam  incultum  non  omnino 
existimet.   Bene  vale. 

Aquiani,  4  non.  Novembris  1594. 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  le  P''  Procès  de  Canonisation. 


recommandé,  et  je  le  ferai  au  plus  tôt,  pourvu  qu'auparavant  vous 
vous  engagiez  de  bonne  foi  à  l'assurer  que  j'ai  écrit,  et  à  lui  laisser 
ignorer  que  j'ai  l'habitude  d'écrire  si  mal.  Il  connaîtra  par  là  combien 
je  désire  l'honorer,  et  ne  me  jugera  pas  tout  à  fait  inculte.  Adieu. 
Evian,  le  2  novembre  1594. 

prince  en  1583,  secrétaire  d'Etat,  maitre  des  requêtes,  puis  référendaire  ordi- 
naire du  duc  de  Savoie  et  grand  référendaire  du  prince  de  Piémont  en  1398. 
Delbene,  Evêque  d'Albi,  lui  dédia  un  de  ses  livres.  Il  mourut  le  is  mai  1607. 
Entre  plusieurs  autres  ouvrages  en  prose  et  en  vers,  Guichard  publia 
l'opuscule  suivant  :  Agréables  nouvelles  h  fous  bons  Catholiques  de  la  conver- 
sion du  duché  de  Chablais.  A  Chanibery,  chez  Claude  Pomar,  1398. 


XXXVII 

AU     M  Ê  M  E 

(  MIKUTE  ) 

Témoignages  d'estime  et  de  reconnaissance  pour  le  P.  Chérubin. 
Envoi  de  plusieurs  lettres.  —  Premiers  fruits  des  prédications. 

Forteresse  des  Alliiiges,  milieu  de  novembre   1594. 
...(')  Dum  de  pâtre  et  compatre  [mater]  cogitabit,  prolem 
etiam  patri  pariter  et  compatri  [similem]  efficiat  ;   sois 


...  (i)  Tandis  que  [la  mère]  pensera  au  père  et  au  parrain,  la  res- 
semblance avec  tous  les  deux  se  produira  chez  l'enfant,  car  vous  savez 

(i)  Voir  à  l'Appendice  les  lettres  d'Antoine  Favre  en  date  du  31  octobre  et 
du  3  décembre  1594. 

Lettres  I  7 


98  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

enim  imaginationem  facere  casum.  Verum  iis  rébus  tuum 
erit  curam  providere. 

Venio  ad  posteriores,  quse  Patris  Cherubini  nostri(i) 
praeclaram  de  sua  mei  recordatione  testificationem  profe- 
rebant.  Ego  quidem  ejus  erga  me  amorem  eo  jucundius 
et  gratius  praestantiorem  esse  existimo  quod  in  eo  me 
tecum  conjungat.  Sane  vir  est  hic  noster  in  Christo  pater, 
qui  pro  sua  in  Deum  ac  eos  qui  sunt  Dei  charitate 
omnem  omnium  mereatur  observantiam,  et  nonnisi  ab 


que  l'imagination  fait  son  œuvre.  Mais  ces  choses-là  sont  de  votre 
ressort. 

Je  viens  à  votre  dernière  lettre  qui  m'apportait  un  témoignage  très 
manifeste  du  souvenir  que  me  conserve  notre  P.  Chérubin  (O.  Pour 
moi,  j'estime  d'autant  plus  précieuse  son  affection  si  aimable  et  si 
bienfaisante  qu'il  me  fait  partager  cet  avantage  avec  vous.  Cet 
homme  est  vraiment  notre  père  en  Jésus-Christ  ;  sa  charité  envers 
Dieu  et  envers  ceux  qui  sont  à  Dieu  lui  donne  droit  à  la  vénération 
de  tous,  et  il  ne  peut  être  aimé  dignement  que  par  des  hommes  qui 


(i)  Le  p.  Chérubia  (voir  note  (i),  p.  52)  naquit  à  Saint-Jean  de  Maurienne 
le  34  mars  1566,  et  fit  profession  chez  les  Capucins  de  Gênes,  le  8  sep- 
tembre 1584.  Après  avoir  obtenu  à  Avignon  le  grade  de  docteur  en  théologie, 
il  passa  quelque  temps  à  Lyon,  où  il  s'acquit  une  sorte  de  célébrité  oratoire, 
et  fut  attaché  ensuite  au  couvent  de  Montmélian.  Appelé  à  évangéliser  les 
environs  de  Genève,  il  fixa  sa  résidence  à  Annemasse  (janvier  i^Ç?),  d'où 
M»''  de  Granier  l'envoya  solliciter,  en  faveur  de  la  mission  du  Chablais,  la 
protection  du  duc  de  Savoie,  auprès  duquel  l'humble  Franciscain  jouissait 
d'un  grand  crédit. 

Saint  François  de  Sales  avait  commencé  sa  mission  depuis  plus  de  trois 
ans,  lorsque  le  jeune  Religieux  lui  fut  donné  pour  auxiliaire  (novembre  1597). 
Prédications  véhémentes,  conférences  avec  les  ministres  hérétiques,  pompes 
extérieures  données  au  culte,  fatigues  de  tout  genre  supportées  dans  l'exercice 
des  fonctions  sacerdotales  :  rien  ne  put  épuiser  le  zèle  de  l'intrépide  mission- 
naire ;  mais  sa  santé  s'altéra,  et,  atteint  d'une  grave  maladie,  il  fut  obligé  de 
quitter  le  Chablais  dès  les  premiers  mois  de  1599  pour  n'y  revenir  qu'en 
1603,  à  l'occasion  du  grand  Jubilé.  On  le  retrouve  à  Rome  en  1600  et  1601,  avec 
charge  de  négocier  les  questions  relatives  à  la  fondation  de  la  Sainte-Maison 
de  Tlionon  pour  laquelle  il  travailla  beaucoup  encore  dans  la  suite. 

Les  prédications  du  P.  Chérubin,  pendant  les  dernières  années  de  sa  vie, 
contribuèrent  efficacement  i  maintenir  la  foi  dans  le  Valais,  menacé  de 
l'invasion  du  protestantisme.  II  mourut  à  Turin  le  20  juillet  1610,  en  réputa- 
tion de  sainteté. 


Année   1594  99 

nostri  simillimis  amatoribus  satis  amari  possit.  Has 
meas  ad  eum  litteras  cum  aliis  ad  Guichardum  nostrum, 
Girardum  et  Praesulem  Albigensem  commendatas  habeas 
velim  ;  et  a  me  quamprimum  récentes  expectes,  cum  de 
nostra  hac  provincia  et  re  Chri.stiana  conscribam.  Lœ- 
tiores  enim  fructus  in  dies  allatura  mihi  videtur  verbi 
haec  divini  pluvia,  quod  ubi  paulo  pressius  deprehendam, 
non  committam  quin  te,  qui  rem  tantopere  consilio,  auc- 
toritate  et  opéra  promovisti  [certiorem  faciam]. 

Intérim,  bene  vale,  et  Christum  tibi  mihique  in  dies 
magis  ac  magis  concilia.  Sororem  meam  et  commatrem 
nepotesque  omnes  salutatos  omnino  velim. 

Ex  Allingiana  (0. 


aiment  comme  nous.  Permettez-moi  de  vous  confier  une  lettre  pour 
lui,  ainsi  que  d'autres  pour  notre  Guichard,  pour  Girard  et  pour 
l'Evêque  d'Albi.  Je  ne  tarderai  pas  à  vous  écrire  de  nouveau 
pour  vous  parler  de  ce  qui  se  passe  ici  et  des  affaires  de  la  religion. 
Il  me  semble  que  cette  divine  rosée  de  la  parole  de  Dieu  va  porter 
chaque  jour  de  plus  heureux  fruits.  Lorsque  je  l'aurai  mieux  constaté, 
je  ne  manquerai  pas  de  vous  le  faire  savoir,  à  vous  qui  avez  employé 
votre  conseil ,  votre  autorité ,  votre  action  pour  favoriser  cette 
entreprise. 

En  attendant,  portez-vous  bien,  et  que  le  Christ  nous  soit  de  plus 
en  plus  propice  à  vous  et  à  moi.  Veuillez  saluer  de  ma  part  ma  sœur 
et  commère  et  tous  mes  neveux. 

De  la  forteresse  des  Allinges  (  '). 


(  I  )  La  forteresse  des  Alliages,  assise  sur  un  rocher  à  pic  à  peu  de  distance 
de  Thonon  ,  comprenait  dans  son  enceinte  deux  châteaux  construits  à  des 
époques  différentes.  C'était,  en  1591,  la  seule  place  forte  du  Chablais. 


100  Lettres  de  saint  François  de  Sales 


XXXVIII 

A  MONSEIGNEUR  ALPHONSE  DELBENE,  ÉVÊQUE  d'aLBI  (O 

(minute) 

Protestations  de  respect  et  de  dévouement. 

Forteresse  des  Allinges,  milieu  de  novembre   1594. 

Quse  mihi  causa  fuit  hactenus  quominus  tuam  huma- 
nitatem,  gravissimis  semper  studiis  vel  occupationibus 
intentam,  litteris  aliquot  meis  provocarem,  observantia 
nimirum  summa  ac  praecipua  qua  te  veneror  ac  suspicio, 
ea  me  nunc  ad  scribendum  peculiari  jure  compellit. 
Cum  enim  te  discessum  ad  Albienses  tuos  parare  audi- 
verim,  non  debui  committere  quin,  sin  minus  sacras  illas 


Le  très  grand  respect  et  la  profonde  vénération  dont  je  suis 
pénétré  à  votre  égard  m'ont  seuls  empêché  jusqu'à  présent  de  vous 
prévenir  par  mes  lettres,  sachant  Votre  Seigneurie  toujours  appliquée 
à  des  études  ou  à  des  occupations  très  importantes.  La  même  cause 
me  presse  à  bon  droit  de  vous  écrire  aujourd'hui,  j'ai  entendu  dire  en 
effet  que  vous  vous  préparez  à  votre  départ  pour  Albi,  et,  s'il  ne  m'est 
pas  possible  d'aller,  comme  il  conviendrait,  baiser  religieusement 

(i)  Alphonse  Delbene  (ou  Dsl  Bene,  d'Elbèae,  etc.)  naquit  à  Lyon  vers 
1538,  d'une  noble  famille  florentine  que  les  persécutions  des  Médicis  avaient 
obligée  à  s'expatrier.  Il  reçut  les  grades  de  docteur  en  droit,  après  avoir  étudié 
à  Bourges  sous  Cujas,  et  devint,  en  1550,  Abbé  commendataire  d'Haute- 
combe  (voir  note  (2),  p.  76).  Sénateur  en  1574,  historiographe  et  conseiller 
d'Etat,  il  obtint  encore  de  Charles-Emmanuel  P''  (1594^  pour  lui  et  pour  les 
Abbés  ses  successeurs,  le  titre  de  sénateur-né  du  souverain  Sénat  de  Savoie. 
Delbene  avait  été  nommé  Evêque  d'Albi  par  Henri  III  (1588)  et  sacré  à  Hau- 
tecombe  par  M»"^  de  Granier  (1589).  Accusé  quelques  années  plus  tard  d'avoir 
entretenu  de  secrètes  intelligences  avec  les  ennemis  du  duc  de  Savoie,  il 
perdit  les  bonnes  grâces  de  ce  prince,  qui  exigea  la  saisie  des  revenus  de 
l'abbaye  et  porta  plainte  au  Pape.  Bien  que  réconcilié  dans  la  suite  avec  son 


Année  1594  'O' 

tuas  manus  religiose  coram  uti  par  est  exosculari  queam, 
saltem  et  veniam  a  te  peterem  simul  ac,  levi  licet  signi- 
ficatione,  testatum  facerem  me  immortali  recordatione 
tuam  illam  qua  me  quondam  complexus  es  benevolentiam 
animo  servaturum,  tuaeque  Paternitatis  Reverendissimae 
perpetuum  ac  humillimum  cultorem  futurum. 

Quod  cum  ita  sit,  tuae  erit  humanitatis  ac  amplitudinis, 
mihi  inter  tuos  ita  locum  aliquem  fixum  firmumque 
attribuere,  ut  me  non  minus  unquam  tuum  existimare 
possis  quam  esse  possim,  et  quando  tuorum  AUobrogum 
numerum  inire  placuerit,  ego  ultimus  in  mentem  tandem 
tibi  veniam,  qui  si  propensionem  ac  erga  te  observantiam 
animorum  tam  probe  perspectam  haberes  quam  mérita, 
inter  primos  facile  apparerem. 

Quod  reliquum  est,  nobis  tuisque  omnibus  Albigensi- 
bus  ac  reipublicœ  litterarise  Christum  quam   diutissime 


vos  mains  sacrées,  il  est  au  moins  de  mon  devoir  de  vous  en  de- 
mander pardon,  et  je  ne  voudrais  pas  y  manquer.  Ce  faible  témoi- 
gnage de  gratitude  vous  prouvera  l'impérissable  souvenir  que  je 
garde  de  la  bienveillance  dont  vous  m'avez  précédemment  honoré; 
il  vous  montrera  également  mon  désir  d'être  à  jamais  le  très  humble 
serviteur  de  Votre  Révérendissime  Paternité. 

Les  choses  étant  ainsi,  il  appartiendra  à  votre  bonté  et  à  votre 
magnanimité,  Monseigneur,  de  m'attribuer  entre  ceux  qui  vous  sont 
dévoués  une  place  si  sûre  et  si  stable  que  je  ne  puisse  jamais  être 
moins  vôtre  que  vous  n'aurez  daigné  me  croire.  En  conséquence, 
lorsqu'il  vous  plaira  de  faire  le  dénombrement  de  vos  AUobroges,  je 
me  présenterai  enfin  le  dernier  à  votre  mémoire  ;  je  serai  d'ailleurs 
facilement  des  premiers  si  vous  voulez  bien  prendre  en  considération 
non  pas  le  mérite  personnel,  mais  l'estime  et  lalTection  dont  tous  ces 
cœurs  vous  entourent. 

Pour  nous,  unissant  nos  prières  à  celles  de  tous  vos  Albigeois  et 

souverain,  l'Evêque  d'Albi  ne  séjourn.i  plus  en  Savoie  et  il  échangea,  en  1603, 
son  abbaye  dHautecombe  contre  celle  de  Mézières  (Bourgogne).  Il  mourut  le 
8  février  160S  et  fut  inhumé  dans  son  église  cathédrale  d'Albi. 

Alphonse  Delbene  occupe  un  rang  distingué  parmi  les  littérateurs.  Ronsard 
lui  dédia  son  Art  poétique;  Juste  Lipse,  son  Reauil  d'inscriptions.  Lui-même 
composa  plusieurs  ouvrages  historiques  qui  méritent  d'être  consultes. 


I02  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

habeas  servatorem,  ac  x^lbigenses  tuos  ita  ad  Christia- 
nam  disciplinam  composites  ut  ex  tua  praesentia  tantum 
percipiant  fructum  ac  voluptatem  quanta  nos  ex  absentia 
et  dolorem  et  jacturam. 

Ex  arce  Allingiana. 


de  ceux  qui  cultivent  les  lettres,  nous  demanderons  au  Seigneur  de 
vous  conserver  longues  années  et  de  rendre  vos  diocésains  parfaite- 
ment soumis  au  joug  de  la  religion.  Ils  retireront  ainsi  de  votre 
présence  autant  de  bien  et  de  plaisir  que  votre  absence  nous  causera 
de  douleur. 

De  la  forteresse  des  Allinares. 


XXXIX 

AU   SÉNATEUR   ANTOINE    FAVRE 

(fragment) 

Prédications  de  TAvent. 

LThonon,]  27  novembre  1594  (i). 

Dieu  me  faict  icy  entreprendre  une  besoigne  digne  de 
la  seule  vertu  de  sa  droitte.  Je  commence  aujourd'huy 
a  prescher  l'A  vent  a  quatre  ou  cinq  petites  personnes  ; 
tout  le  reste  ignore  malicieusement  que  veut  dire  Avent, 
et  ce  tems  si  auguste  dans  l'Eglise  est  en  opprobre  et 

(i)  Un  ancien  Manuscrit  de  VAnne'^  Sainte  de  la  Visitation,  qui  seul  nous 
a  conservé  ce  fragment,  le  fait  précéder  d'une  indication  ainsi  conçue  :  «  En 
l'année  1594,  notre  Père  saint  François  de  Sales  écrivit,  de  Chablais  a  Chani- 
bery,  au  sénateur  le  grand  Anthoine  Favre,  l'honneur  et  la  gloire  de  la 
jurisprudence,  une  grande  lettre  en  latin,  ou  entre  autres  choses,  il  luy  dit  les 
mots  suivants  qu'on  nous  a  traduits  :  Dieu  me  faict  icy,  »  etc. 

Comme  les  prédications  commencent  le  i'^'"  Dimanche  de  l'Avent,  la  seconde 
phrase  de  ce  fragment  en  indique  la  date. 


Année  1594  *  **^3 

en  dérision  parmy  ces  infidelles.  L  orayson,  1  aumosne  et 
le  jeusne  sont  les  trois  parties  qui  composent  le  cordon 
difficilement  rompu  par  l'ennemi*;  nous  allons,  avec  •  Ecdes.,  .v,  i.. 
la' divine  grâce,  essayer  den  lier  cest  adversaire 


XL 

A     UN     CURIAL  (0 

(minute) 

Réponse  obligeante  à  la  demande  de  quelque  service. 

8  décembre  1594- 

Monsieur  le  Curial, 

Celuy  auquel  vous  voulies  que  je  parlasse  pour  vous 
n'estant  icy ,  je  n'ay  peu  f ayre  ce  dont  vous  m'avies  escrit  ; 
mays  en  toute  sorte  d'occasion  vous  me  trouvères  tous- 
jours  prompt  a  vous  servir.  Je  prie  Dieu  quil  vous  doint 
parfaitte  santé  et  sa  grâce,  et  me  recommande  bien  fort 
a  vostre  bonne  grâce,  de  Madame  la  curiale  et  de  vostre 
beaufilz  et  fille,  attendant  de  bien  tost  aller  voir  mes 
père  et  mère  et  leur 

Le  8  décembre  94. 

Revu  sur  l'Autographe  appartenant  à  M.  le  Chanoine  Collonges, 
aumônier  de  la  Visitation  de  Chambery. 

(I  We  Curial  était  à  cette  époque  un  officier  de  justice  attaché  à  la  curie 
qu'entretenaient  les  seigneurs  jouissant  de  droits  judiciaires  sur  leurs  vassaux 
Il  cumulait  les  attributions  réparties  aujourd'hui  entre  les  notaires,  les  greffiers 
et  les  juges  de  paix. 


104  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

XLI 

AU    PÈRE    AXTOINE    POSSEVIN,  DE   LA   COMPAGNIE    DE    JÉSUS  (0 

(minute) 


Assurance  de  respectueux  attachement.  —  Le  Saint  parle  de  son  ordination 
et  de  ses  débuts  dans  le  ministère. 


[Entre  le  8  et  le  20  décembre   1594.] 

(a)  Monsieur  [mon  Révérend  Père], 

Je  fays  tant  d'estat  de  Ihonneur  que  j'ay  eu  a  Padoue 
d'estre  receu  en  roole  avec  vos  enfans  spirituelz,  que  je 
penserois  avoir  faict  une  perte  signalée  si  j'estois  rayé 
de  ce  nombre.  Pour  me  nourrir  en  vostre  memoyre  [et] 


(a)  Mons''  mon  R.  P. 

Les  faveurs  et  l'amitié  que  j'ay  receu  si  abondamment  de  vous  a  Padoiie, 
desquelles  je  nourris  tousjours  une  fraiche  et  vive  memoyre,  m'ont  faict 
tousjours  désirer  de  sçavoir  de  vostre  santé,  fet  me  persuadent  que  vous  seras 
ayse  de  sçavoir  que  je  suys  devenu.. .J  de  laquelle  ayant  esté  asseuré  par  ceux 
qui  viennent  de  pardela  et  encores,  il  y  a  quelques  moj's,  par  le  Père  Jean 
de  Lorini,  j'ay  pris  asseurance  en  vostre  bonté  que  vous  recevries  contente- 
ment de  sçavoir  de  mes  nouvelles  comme  d'un  de  vos  humbles  enfans;  qui 
m'a  faict  donner  ceste  lettre  a  ce  mien  amy  pour  la  vous  prassenter,  afin  que... 


(i)  Antoine  Possevin,  né  à  Mantoue  en  1534,  entra  dans  la  Société  à 
Rome  en  15^9.  Après  une  mission  très  fructueuse  parmi  les  hérétiques  des 
vallées  du  Piémont,  il  fut  nommé  Recteur  à  Avignon,  puis  à  Lyon,  et  prêcha 
avec  succès  dans  les  plus  grandes  villes  de  France.  Son  dévouement  à  l'Eglise 
et  son  génie  pour  les  négociations  diplomatiques  lui  méritèrent  la  confiance 
de  Grégoire  XIII,  qui  l'envoya  en  qualité  de  nonce  dans  diverses  contrées 
de  l'Europe.  Il  détermina  le  roi  de  Suède,  Jean  III,  à  abjurer  le  luthéranisme, 
obtint  un  traité  de  paix  entre  la  Russie  et  la  Pologne  (15  janvier  158a), 
s'efforça  de  réunir  les  Grecs  schisraatiques  à  l'Eglise  romaine  et  convertit 
grand  nombre  d'hérétiques.  Revenu  à  Padoue  en  1^87,  il  y  composa  son  grand 
ouvrage, la  Bibliofheca  Seîeeta,  qui  fut  imprimé  aux  frais  du  Pape  Clément  VIII. 
C'est  dans  cette  ville  que  François  de  Sales,  alors  étudiant,  connut  le  célèbre 
Jésuite  et  se  plaça  sous  sa  direction.  Possevin  mourut  à  Ferrare  le  36  fé- 
vrier 1611. 


Année   1594  105 

conserver  ce  bien  pour  moy,  je  vous  ay  voulu  addresser 
caste  lettre  comm'une  humble  requeste,  pour  vous  sup- 
plier m'entretenir  tousjours  i^)  en  la  faveur  laquelle  une 
foys  vous  m'avies  accordée,  n'ayant  rien  faict  des  lors  qui 
m'en  puysse  priver,  sinon  que  ce  fut  d'avoir  tant  attendu 
de  vous  escrire  et  salluer.  En  quoy,  le  peu  d'asseurance 
que  j'avoys  du  lieu  ou  vous  esties  et  le  respect  que  je  dois 
a  vos  occupations  me  pourroit  beaucoup  excuser,  puysque 
je  n'ay  pas  layssé  de  demander  a  toutes  occasions  de 
vostre  santé,  tant  quil  y  a  quelques  moys  que  j'en  eus 
des  nouvelles  par  le  P.  Jean  Lorrini(0.  31ays  le  seul 
souvenir  de  vostre  bonté  m'en  promet  un  total  pardon. 
Et  au  reste,  pour  vous  rendre  quelque  conte  du  vostre 
despuys  que  je  suys  de  retour  d'Italie,  je  me  suys  telle- 
ment faict  ecclésiastique  que  j'ay  célébré  Messe  le  jour 
de  saint  Thomas  l'Apostre  dernier,  en  nostre  église  ca- 
thédrale de  Saint  Pierre  de  Genève,  ou  je  suj^s  indigne 
Praevost,  qui  est  la  première  dignité  après  l'episcopale, 
et,  par  le  commandement  de  mon  Evesque,  des  (c)  demy 
année  en  ça  j'ay  praesché  icy  et  ailleurs  parmi  le  diocaese 
la  parole  de  Dieu  -  ;  en  quoy  je  m'accuseroys  bien  fort  de 
témérité  si  l'obéissance  ne  m'en  avoit  osté  le  scrupule. 


(b)  tousjours  —  fau  grade  auquel...J 

(c)  des  —  ri'is  js  suys  d'Esglise...  un  [an]...  neuf  moys...J 

(i)  Jeau  de  Lorini  (ou  de  Lorigny),  né  à  Avignon  (isî9),  entra  au  Collège 
Romain  le  20  octobre  1575  et  fit  S3S  quatre  vœux  à  Milan  le  5  janvier  1^97. 
Après  avoir  enseigné  la  philosophie  à  Rome,  à  Paris,  à  Milan,  il  était  lecteur 
en  théologie  dans  cette  dernière  ville  lorsque  saint  François  de  Sales  l'invita 
à  venir  en  Chablais  pour  soutenir  des  conférences  avec  les  ministres  héré- 
tiques (1597-1598).  Le  P.  de  Lorini  fut  pendant  vingt-quatre  ans  au  nombre  des 
censeurs  de  la  Compagnie  et  théologien  du  Général.  Il  mourut  à  Dôle  le 
3Ô  mars  1634,  après  avoir  publié  des  commentaires  de  la  plus  haute  valeur 
sur  les  Psaumes  et  sur  plusieurs  autres  livres  de  la  Sainte  Ecriture. 

(a)  La  phrase  qu'on  vient  de  lire,  et  même  tout  l'ensemble  de  cette  lettre, 
prouverait  qu'elle  a  été  écrite  dans  les  premiers  mois  de  1^94  (on  sait  que 
saint  François  de  Sales  commença  ses  prédications  en  juin  1^93).  Cependant 
une  preuve  matérielle  oblige  à  la  placer  vers  la  fin  de  l'année.  Cette  minute 
étant  écrite  dans  les  marges  et  les  interlignes  de  la  précédente,  datée  de  la 
main  du  Saint,  il  est  évident  quelle  est  postérieure  au  moins  de  quelques 
jours  à  celle-ci. 


io6  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

C'est  ce  que  j'ay  faict  et  que  je  fa5's  encores  le  mieux  que 
je  scay,  vous  portant  bien  souvent  avec  moy  en  imagi- 
nation en  chaire.  Pleut  a  Dieu  seulement  que  j'y  portasse 
quelque  médiocrité  de  vos  perfections  pour  le  service 
[de]  sa  divine  Majesté,  laquelle  je  prie  continuer  longue- 
ment en  santé  Vostre  Paternité,  a  laquelle  baysant  les 
mains,  je  demeureray 

très  humble  filz  et  serviteur. 

Revu  sur  l'Autographe  appartenant  à  M.  le  Chanoine  CoUonges, 
aumônier  de  la  Visitation  de  Chambéry. 


ANNEE    159  5 


XLII 


AU   SENATEUR    ANTOINE    FAVRE 
(minutes  inédites) 

Commencement  de  la  rédaction  des  Controverses. 

Vers  la  fin  de  janvier   1595. 

Et  reipsa  mihi  nunc  id  faciendum  est  quod  per  jocum 
dixeram,  gallice  scribendum  est  mihi,  Frater.  Nam  cum 
inter  caenandum  cognoverim  Tovaysium  (0  hune  hac 
ipsa  nocte  ad  vos  discessurum,  non  possum  [hora]  pro- 
fecta  (^)  graviter  hispanico  more  scribere.  (^)  Satis  illud 
quidem  est  superque,  graviter  me  admodum  et  mo- 
leste ferre  recentem  hune  meum  a  te  discessum  ;  post 
suaves  illos  dies  omnia  deinceps  mihi  noctis  instar  esse 


Je  dois  de  fait  maintenant  écrire  à  la  française,  comme  je  vous 
le  disais  dernièrement,  mon  Frère,  par  manière  de  plaisanterie, 
car  j'ai  appris  seulement  pendant  le  souper  que  Thovex  (0  doit 
retourner  vers  vous  cette  nuit  même.  Je  ne  puis  à  une  heure  si 
tardive  écrire  gravement  à  l'espagnole.  C'est  assez,  et  même 
trop,  de  ressentir  avec  une  peine  très  vive  mon  récent  éloignement 
de  vous.  Après  ces  jours  délicieux,  toutes  choses  sont  pour   moi 

(a)  hora  profecta  —    ppost  casnam  et  horis  inopportunis...J 

(b)  scribere.  —  TSic  ergo  Icviter...  satis  enim  fuerit...  et  vero  Baro  noster...J 


(  I  )  La  famille  Thovex  occupait  à  Chambéry  un  rang  distingué.  L'un  de  ses 
membres  était  syndic  de  la  ville  en  1618  et  i6i<). 


io8  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

videntur.  Sic  graviter  ego  sentio  qui  tam  leviter  scribo 

Sperabam,  mi  Frater,  ad  te  aliquid  nunc  rerum  nos- 
trarum  transmittere  ;  verum  satius,  mutato  consilio,  duxi 
ut  expectarem  donec  aliquod  possint  corpus  constituere, 
quam  ea  membratim  exponere  (^1  ;  neque  vero  sum  adeo 
diligens  ut  extra  limina  pedem  adhuc  posuerim,  variis 
aliis  distentus  occupationibus.  Scripseram  tamen  nudius- 
tertius  litteras  quas  Tovaysio  ad  te  perferendas  darem  ; 
at  ille,  contra  quam  promiserat,  non  accepit.  Mirum 
ergo  non  fuerit  si,  quod  per  jocum  nuper  dixeram,  nunc 
reipsa  gallice  scribendum  mihi  sit  ;  cum  enim  Servetanus 
noster  (2)  jam  discedat  et  de  hsereticorum  hujus  temporis 
instabilitate  Meditationes  animo  volvam,  vix  quidem  fieri 
posse  reor  ut  graviter  hispanico  more  scribere  possim. 
Sentio  tamen  graviter  et  moleste  recentem  hune  meum 


comme  la  nuit.  Aussi  je  sens  péniblement,  moi  qui  écris  si  légèrement 

J'espérais,  mon  Frère,  vous  envoyer  dés  maintenant  quelque  chose 
de  notre  travail  ;  mais,  changeant  d'avis,  j'ai  résolu  d'attendre  qu'il 
formât  pour  ainsi  dire  un  corps,  plutôt  que  de  vous  le  soumettre 
pièce  à  pièce  (0.  Aussi  bien  suis-je  si  peu  diligent  que,  partagé  entre 
diverses  autres  occupations  ,  je  n'ai  pas  même  bien  commencé. 
Je  vous  avais  cependant  écrit  avant-hier  une  lettre  que  Thovex 
devait  vous  porter  ;  mais  contre  sa  promesse  il  n'est  pas  venu  la 
prendre.  Vous  ne  vous  étonnerez  donc  pas  si,  comme  je  vous  le 
disais  récemment  par  manière  de  plaisanterie,  je  dois  maintenant 
de  fait  écrire  à  la  française.  Notre  ami  de  la  Servette  (2)  est  sur  le 
point  de  partir  ;  d'autre  part  je  roule  en  mon  esprit  des  Méditations 
sur  les  mutations  des  hérétiques  de  notre  temps.  Je  ne  vois  donc  pas 
la  possibilité  d'écrire  gravement  à  l'espagnole.  Ce  que  je  ressens,  ce 
qui   me  peine  gravement  c'est  mon  récent  éloignement  de  vous. 

(i)  Il  s'agit  du  Traité  des  Controverses  que  notre  Saint  commença  vers 
cette  époque.  (Voir  la  Préface  de  cet  ouvrage,  tome  l'"  de  notre  Edition.) 

(î  )  Probablement  Pierre  d'Arloz,  seigneur  de  la  Servette,  de  Leyment,  etc., 
alors  lieutenant  des  Allinges.  Ce  gentilhomme  durant  les  guerres  de  1589-1594, 
avait  armé  à  ses  frais  une  compagnie  de  deux  cents  hommes  pour  le  service 
du  duc  de  Savoie.  Les  seigneurs  de  la  Servette  ne  doivent  pas  être  confondus 
avec  les  d'AUinges,  seigneurs  de  Servette,  qui  habitaient  le  Chablais. 


Année  1595  109 

a  te  discessum.  Sed  tu,  mi  Frater,  inter  tuam  fabram 
Benedictam  clarissimam,  tuosque  omnes  fabros  et  fabri- 
tios,  bene  vale  et  me  quod  facis  ama. 

Revu  sur  l'Autographe  appartenant  à  M.  l'abbé  Paul  Waille,  à  Poligny. 


Qpant  à  vous,  mon  Frère,  portez-vous  bien  en  la  compagnie  de  votre 
illustre  artisane  Benoîte  et  de  tous  vos  artisans  grands  et  petits,  et 
aimez-moi  comme  vous  le  faites. 


XLIII 

AU     MÊME 
(minute  inédite) 

Ingénieuses  excuses  pour  un  silence  trop  prolongé. 

Forteresse  des  Allinges,  février  1595. 

Tantae  me  sane  pudet  tarditatis,  qui  suavissimis  illis 
litteris  quibus  meas  expectabas  hactenus  non  satisfece- 
rim.  At  vero  in  tanta  temporis  opportunitate,  moram 
hanc  culpa  purgare  non  aliter  difficile  fuit  apud  te, 
virum  tam  religiosum,  quam  si  agnoscere  culpam  nolim. 
Hoc  enim  pœnitentiae  solemni  tempore,  etiamque  com- 
mittendo  in  te  peccassem,  dimitteres  ;  ergo  veniam  omis- 
sorum  impetrare  facile  posse  me  extimavi.  Mora  est, 
fateor,  et  quae    culpa   non    careat  ;    ea  tamen  ex  parte 


Je  suis  très  confus  d'avoir  tant  tardé  jusqu'ici  de  répondre  à  votre 
aimable  lettre  par  laquelle  vous  réclamiez  la  mienne.  Mais  dans  ce 
temps  vraiment  favorable,  m'adressant  à  un  homme  si  pieux,  il  n'y 
aurait  de  difficulté  à  obtenir  le  pardon  de  ma  faute  en  ce  retard  que 
si  je  refusais  de  l'avouer.  En  effet,  j'ai  pensé  que  dans  ce  temps 
solennel  de  pénitence  où  vous  me  remettriez  même  les  péchés  commis 
contre  vous,  j'obtiendrais  facilement  grâce  pour  les  omissions.  Le 
retard  existe,  je  le  confesse,  et  il  n'est  pas  sans  coulpe  ;  mais  voici 
une  raison  qui  m'excuse  un  peu.  Vos  lettres  me  sont  si  agréables 


Bonifac,  §  6. 


lîo  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

excusationem  aliquam  habeo,  quod  me  tantopere  tuas 
délectant  litterse,  ut  quamvis  continua  confractatione 
detrimentum  charta  sentiat,  novam  tamen  mihi  quotidie 
suggérant  voluptatem  qua  mihi  récentes  subinde  videan- 
tur  esse,  maxime  cum  nullam  temporis  habeant  notam. 
Quod  autem  inter  milites  pacem  dilexisti,  strenuum  te 
•  Ep.  cLxxxix,  ad  prœstas  militem  ;  sic  enim  monet  Augustinus  *  :  Uspiam 
«  pacem  habere  débet  voluntas,  bellum  nécessitas.  »  Cum 
ego  conditiones  quaslibet  a  te  ultro  recipere  sum  paratus, 
ignosce. 

Vale  in  Christo,  vir  clarissime. 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  le  P""  Procès  de  Canonisation. 


que,  bien  que  le  papier  en  soit  tout  endommagé  par  un  continuel 
maniement,  je  trouve  chaque  jour  tant  de  charme  à  les  relire  qu'elles 
me  paraissent  toujours  récentes,  surtout  lorsqu'elles  ne  sont  pas 
datées.  En  somme,  parce  que  vous  avez  aimé  la  paix  au  milieu  des 
guerriers,  vous  vous  montrez  bon  soldat.  C'est  ce  qu'enseigne  saint 
Augustin  :  «  Nous  devons  vouloir  la  paix  toujours,  et  la  guerre  seu- 
lement quand  elle  est  nécessaire.  »  Puisque  me  voilà  prêt  à  recevoir 
toutes  les  conditions  que  vous  voudrez  m'imposcr,  oubliez  tout. 
Adieu  dans  le  Christ,  très  illustre  Ami. 


XLIV 

AU    IMÈJME 
(minute  inédite) 

Difficultés  qu'offre  la  rédaction  des  Controverses. 

Forteresse  des  Allinges,  milieu  de  février   1595. 

Scribam  nunc  brevius,   mi  Fratcr,   quam  ingens   illa 
lataque    voluptas    quam    ex    tuis    ultimis    litteris    sensi 


J'écrirai  maintenant,   mon  Frère,  plus  brièvement  que  ne  le  de- 
manderait le  grand  et  immense  plaisir  que  m'a  fait  éprouver  votre 


Année   1595  111 

exposcat  (=»).  Ergo  quod  optas,  priores  mei  in  haeredcos 
operis  paginas  videre,  ego  quoque  summopere  desidero, 
nec  prius  qua  par  est  alacritate  in  hostium  cuneos  signa 
inferam  quam  tu  consilium  meum  ac  ordinem  modum- 
que  certandi  probaveris.  Verum  operis  [gravitatem  per- 
cipio],  nec  eas  habeo  copias  auxiliares  quarum  ope  fretus 
negotium  premere  possim,  libris  careo  mihi  necessariis, 
hoc  est,  homini  memoria  exiguam  admodum  servanti 
rerum  supellectilem. 

Incœpi  tamen,  et  ita  incœpi  ut  paulo  difficilius  sit 
quam  credideram  ad  exitum  rem  deducere  ;  ((  dulce  »  bel- 
lum  «  inexpertis  *.  »  Quamprimum  commode  fieri  poterit  'Cf. Horat.,Epist., 
nonnulla  videbis.  Quod  reliquum  est  Quadragesimae  vers.  Sô!^'^*' *^'"' 
Tononi  transigam  (')  ;  id  et  re  mea  est.  Guichardo  nostro 
tandem  conscientia  adactus  litteras  dedi,  idque  raptim, 
qui  coUoquiis  de  re  Christiana  et  concioni  cœteram  diem 


dernière  lettre.  Vous  désirez  voir  les  premières  pages  de  mon 
ouvrage  contre  les  hérétiques  ;  je  le  désire  aussi  extrêmement,  et  je 
ne  porterai  pas  mes  enseignes  dans  les  rangs  de  l'ennemi  avec  toute 
l'ardeur  que  mérite  cette  cause ,  avant  que  vous  ayez  approuvé 
mon  dessein,  le  plan  de  la  bataille  et  la  tactique  adoptée.  Mais  je 
sens  la  difficulté  de  l'entreprise,  et  de  plus,  il  me  manque  les  troupes 
auxiliaires  dont  j'aurais  besoin  :  je  veux  dire  les  livres  nécessaires 
à  un  homme  qui  ne  garde  en  sa  mémoire  qu'un  très  petit  bagage 
de  connaissances. 

J'ai  cependant  commencé,  et  commencé  de  telle  façon  qu'il  sera 
un  peu  plus  difficile  que  je  ne  pensais  de  mener  mon  affaire  à  bonne 
fin.  La  guerre  «  est  douce  à  qui  n'en  a  pas  l'expérience.  »  Aussitôt 
qu'il  se  pourra  facilement  faire,  vous  verrez  quelque  chose  de  mon 
travail.  Je  vais  passer  à  Thonon  le  reste  du  Carême  (0  ;  c'est  ce  qui 
me  parait  être  le  meilleur.  Pressé  par  ma  conscience,  j'ai  enfin  écrit 
à  notre  Guichard,  mais  à  la  hâte,  ayant  employé  la  première  partie 
de  la  journée  à  des  conférences  sur  la  doctrine  chrétienne  et  à  un 

(a)  exposent  —  ex  tuis  serinonibus  extremis,  licet... 


(i)  Ce  ne  fut  pas  seulement  pour  le  Carême,  mais  d'une  manière  dëfini- 
tive ,  que  le  saint  Apôtre  s'installa  à  Tlionon.  Voir  ci-après,  note  (i), 
p.  114. 


112  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

insumpsi.   Sic  enim  te  quid  etiam  singulis  agam  horis 
scire  vellem. 

Bene  vale,  mi  Frater. 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  le  I^''  Procès  de  Canonisation. 


sermon.  Je  vous  le  dis  parce  que  je  voudrais  que  vous  fussiez  instruit 
de  ce  que  je  fais  à  toute  heure  du  jour. 
Adieu,  mon  Frère. 


XLV 

AU     MÊME      { r 
{iîibditb) 


Détermination  de  lutter  intrépidement  contre  l'hérésie. 
Avis  du  P.  Chérubin  pour  assurer  le  succès  de  la  mission. 

Thonon,  7  mars   1595. 

Antonio  Fabro,  viro  clarissimo,  Franciscus  De  Sales 

salutem  dicit. 

Incœperam  jam  tum  ex  tuo  ad  Sebusianos  discessu 
dolere,  cum  ex  nota  temporis  cognovi  te  tune  cum  lit- 
teras  tuas  accepi  rediisse.  Verebar  enim  ne  charissimae 
patriae  miseriam  corde  tuo  illo  piissimo  exceptam  pauUo 


Au  très  illustre  Antoine  Favre, 
François  de  Sales  présente  ses  salutations. 

Je  commençais  à  m'affliger  de  votre  départ  pour  la  Bresse,  lorsque 
j'ai  vu,  par  la  date  de  votre  lettre,  que  vous  étiez  de  retour  au  moment 
où  je  la  recevais.  Je  craignais  en  effet  que,  selon  notre  habitude  de 
ne  regarder  comme  étranger  à  nous-mêmes  rien  de  ce  qui  touche 


Année  1595  113 

durius,   uti  solemus  qui  nihil  a  nobis  humani  alienum 
putavimus  *,  sustineres,  videndo  quam  audiendo.  •  Terent.,  Heaut., 

Quod  dum  ita  cogito,  oculum  in  quemdam  librum  *^'"  '  ^^^^^  ''  '"'■ 
conjicio,  cujus  ea  linea  mihi  primum  occurrit  :  «  Nemo 
laeditur  nisi  a  seipso.  »  O  sententiam  hisce  temporibus 
peropportunam  et  magno  Chrisostomo  dignam,  cujus 
homilia  quaedam*,  quod  omnium  optime  nosti,  clarissimo  •  Patroiog.  Graeca, 
hoc  frontispicio  illustris  est.  Enimvero,  tam  solemni  °"'  '  '^°  '  '*''^' 
admonitione  me  meamque  omnem  illam  de  te  solicitu- 
dinem  immaturam  dissolvi  quam  primum  sensi,  quo- 
namque  vento  ii  animi  mei  motus  excitabantur.  Noveram 
te,  mi  Frater,  rerum  omnium  mortalium  et  temporum 
accurata  observatione  ac  despectione,  immortalium  et 
aeternitatis  expectatione  et  amore,  ejus  qua  te  natura 
donavit  animi  fortitudinis  numéros  omnes  absolvisse  ; 
quibus  praesidiis  munitum  ulla  te  harum  rerum  inferio- 
rum  mutatione  laedi  posse,  inane  sane  fuit  et  debilis 
ingenii  commentum.  Lœdebar  ego  a  meipso,  qui  ideo 
laedebar  quod  te  laedi  existimarem.  Si  quis  enim  unquam 
utilitatis   ex    adversis    capiendae  modum   cognoverit,  si 


l'humanité,  votre  cœur  si  tendre  eût  un  peu  plus  de  peine  à  suppor- 
ter la  vue  des  misères  de  notre  chère  patrie  qu'à  en  entendre  le  récit. 
Pendant  que  je  suis  dans  ces  pensées,  mes  yeux  tombent  sur  un 
livre  dont  je  remarque  tout  d'abord  cette  première  ligne  :  a  Nul  n'est 
blessé  que  par  soi-même.  »  O  maxime  bien  propre  à  notre  temps  et 
digne  du  grand  Chrysostome,  dont  une  certaine  homéhe,  vous  le 
savez  mieux  que  personne,  est  illustrée  par  ce  célèbre  frontispice. 
En  présence  d'un  avertissement  aussi  solennel,  j'ai  senti  s'évanouir 
aussitôt  toute  la  soUicitude  prématurée  qui  avait  d'abord  agité  mon 
cœur  à  votre  sujet.  Je  le  savais,  mon  Frère  :  par  l'observation  atten- 
tive et  le  mépris  des  choses  périssables  du  temps,  par  l'attente  et 
l'amour  des  biens  incorruptibles  de  l'éternité  ,  vous  avez  porté 
jusqu'au  dernier  degré  de  perfection  cette  force  d'âme  dont  la  nature 
vous  a  gratifié.  Supposer  qu^,  si  bien  protégé  et  défendu,  vous 
pouviez  être  blessé  par  quelque  changement  survenu  dans  les  choses 
d'ici-bas,  ce  ne  pouvait  être  que  vaine  imagination  d'un  esprit  faible. 
J'étais  donc  blessé  par  moi-même,  moi  dont  la  blessure  venait  de  ce 
que  je  vous  croyais  blessé.  Si  quelqu'un  a  jamais  su  le  moyen  de 

Lettres  1  8 


114  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

quis  attrita  et  lacerata  tempora  resarcire  unquam  potue- 
rit,  id  a  te  (senatore  dicamne  an  veterano  fabro  ?)  fuit 
expectandum. 

«  Dabit  Deus  his  quoque  finem  ; 

•Virgil.,^aeis,l.I,  ...  et  hcec  olim  meminisse  iuvabit  *,  » 

199,203. 

Laedebar  eg'o  a  meipso  qui  ideo  laedebar  quod  tu  quoque 
laedi  putarem,  cum  primos  hos  animorum  motus  ratione 
antevertere  fabri  sit  non  t3'ronis. 

Cœterum  ad  Tononienses  tandem  descendi  (O  ;  hastam 
morœ  taedio  excitatissimam  hostis  expectet.  Cum  enim  ex 
arce  velut  eminus  impetitus  conditiones  justas  neglexe- 
rit,  cominus  nunc  extremum  impetum  faciam  ;  potior  est 
numéro  at  nos  causa.  Hi  in  curribus  et  ht  in  equis, 
*  Ps.  XIX,  8.  nos  antem  in  nomine  Domine  sperabimus  *  ;  si  tamen 

inter  rodomontia  Davidis  verba  recte  sequantur. 


mettre  à  profit  l'adversité,  si  quelqu'un  a  jamais  pu  remédier  aux 
ruines  et  aux  désastres  de  son  époque,  c'est  de  vous  (dois-je  dire 
sénateur  ou  bien  artisan  expérimenté  ?)  qu'il  faut  attendre  cela. 

a  Dieu  mettra  encore  un  terme  au  malheur  présent  ; 

...  et  un  jour  ce  souvenir  ne  sera  pas  sans  charmes.  » 

J'étais  blessé  par  moi-même,  moi  qui  l'étais  parce  que  je  vous  croyais 
aussi  blessé  ;  c'est  qu'il  appartient  non  à  un  apprenti,  mais  à  un 
artisan  de  prévenir  par  la  raison  ces  premiers  mouvements  de  rame. 
Enfin  je  suis  descendu  à  Thonon  (  i)  ;  que  l'ennemi  s'attende  à  une 
lance  très  excitée  par  l'ennui  du  retard.  Attaqué  des  hauteurs  loin- 
taines de  ma  citadelle,  il  a  méprisé  de  justes  conditions:  maintenant 
je  lui  livrerai  de  près  le  dernier  assaut.  11  l'emporte  par  le  nombre, 
nous  l'emportons  par  la  cause.  Ceux-ci  se  confient  d.ms  des  chariots 
et  ceux-là  dans  des  chevaux  ;  mais  nous,  c'est  dans  le  nom  du  Seigneur  que 
nous  espérerons,  si  toutefois  les  paroles  de  David  peuvent  être  citées 
au  milieu  de  ces  rodomontades. 


(i)  C'est  donc  bien  en  mars  1597,  et  non  pas  en  juillet,  comme  quelques 
historiens  l'ont  avancé,  que  notre  Saint  se  fixa  définitivement  à  Thonon.  Il 
accepta  l'hospitalité  que  lui  offrait  Jeanne  Barbier  du  Maney,  veuve  de 
François  du  Foug  ou  du  Faug,  parent  de  la  famille  de  Sales,  chez  qui  il  avait 
un  picd-à-tcrre  dès  le  commencement  de  son  séjour  en  Chablais. 


Année  1595  115 

Frequentioribus  concionibus  impedior  quominus  jus- 
tam  operam  possim  impendere  Meditationibus  nostris  in 
haereticos.  Non  sum  nescius,  mi  Frater,  quantopere  te 
meae  litterse  délectent  ;  id  enim  facile  ex  ea  qua  tuae  me 
vivissima  afficiunt  voluptate  conjicio.  Ouo  fit,  licet  omnem 
scribendi  nimium  idoneam  arripiam  occasionem,  [nun- 
quam  tamen  dixisse]  et  scripsisse  sat  est. 

Accepi  hodie  litteras  a  R.  P.  Cherubino  nostro,  qui 
inchoatum  hoc  opus  promovendi  sua  industria  et  opéra 
se  summo  desiderio  teneri  scribit,  ac  ita  nos  ad  illud 
hortatur,  ut  intérim  si  a  primo,  secundo  vel  tertio  servo 
ad  nuptias  invitati  noluerint  venire,  quartus  demum  sit 
advocandus  qui  compellat  intrare  *.  Veniat  ergo  ipse  qui  *  Lucse,  xiv,  17-23. 
omnium  instar  esse  poterit,  ac  tum  demum  succédât 
quartus.  Non  miror  sane  si  tam  frigido  invitatore  qualis 
sum  non  reniant  ;  at  si  ab  aliquot  spectatissimis  viris 
accersiti  venire  récusent,  ego  vero  tune  in  sententiam 
P.  Cherubini  descendere  non  recusabo.  At  haec  animi 
gratia   dicta   sint,  cum  ego,   nec  vi   uUa  ingenii   neque 


Des  prédications  plus  nombreuses  m'empêchent  de  donner  à  nos 
Méditations  contre  les  hérétiques  toute  l'attention  qu'il  faudrait.  Je 
n'ignore  pas,  mon  Frère,  combien  mes  lettres  vous  sont  agréables; 
je  le  devine  en  effet  facilement,  puisque  les  vôtres  me  causent  un 
si  vif  plaisir.  D'où  il  suit  que,  nonobstant  mon  grand  empressement 
à  saisir  toute  occasion  favorable  d'écrire,  |je  ne  crois  jamais]  avoir 
assez  écrit. 

J'ai  reçu  aujourd'hui  une  lettre  de  notre  R.  P.  Chérubin.  11  m'écrit 
qu'il  a  un  très  ardent  désir  de  donner  à  l'œuvre  commencée  ici  une 
plus  grande  impulsion  par  son  industrie  et  son  action  personnelles,  et 
voici  ce  qu'il  nous  recommande  :  Si  ceux  qui  sont  conviés  à  la  noce 
refusent  l'invitation  d'un  premier,  d'un  deuxième,  d'un  troisième 
serviteur,  il  faut  en  appeler  un  quatrième  qui  les  force  à  entrer.  Qu'il 
vienne  donc  lui-même,  qui  vaudra  tous  les  autres  ensemble,  et  qu'un 
quatrième  lui  succède  enfin.  Je  ne  m'étonne  pas  qu'ils  refusent  de 
venir  sur  l'invitation  d'un  homme  aussi  froid  que  je  le  suis  ;  mais  s'ils 
refusaient  encore  après  avoir  été  appelés  par  des  hommes  qui  ont 
bien  fait  leurs  preuves,  alors  je  n'hésiterais  pas  à  adopter  le  sentiment 
du  P.  Chérubin.  Ceci  soit  dit  par  plaisanterie,  car  ce  n'est  pas  en 


ii6  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

aliqua   scientia   sed  patientia   fretus,   in    hanc   arenam 
venerim  :  Expecta,  reexpecta,  manda,  remanda,  uti- 
•Cap.xxvm,  10, 13.   nam,    quod    sequitur    apud    Isaiam  *,    non    vadant   et 
cadant  retrorsum  et  confringantur. 

Cœterum,  velim  a  te  scire  quonam  [modo]  latine  expri- 
mere  possim  commissaire  des  guerres  ;  et  num  pro- 
ciirator  Principis  idem  sit  quod  procurator  fisci  ?  vel 
enim  id  antea  numquam  scivi,  vel  scivisse  non  memini. 
Etsi  enim  reciiperatores  Prcefecti  et  caetera  id  genus 
nomina  viderim,  non  tamen  mihi  constat  num  huic 
sig'nificationi  pressissime  conveniant.  Haec  expecto. 

Jamque  vale,  et  Christum  habeto  propitium,  cum 
omnibus  fabris  et  fabritiis. 

Tononi,  non.  ^^lartii  95. 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  le  \^'  Procès  de  Canonisation. 


comptant  sur  la  force  de  mon  esprit,  ni  sur  aucune  science,  mais  sur 
la  patience,  que  je  suis  descendu  dans  l'arène.  Attends,  attends  encore; 
commande,  commande  encore  ;  et  plaise  au  ciel,  pour  continuer  à  em- 
ployer les  paroles  d'Isaïe,  qu'ils  ne  se  retirent  pas,  qu'ils  ne  tombent  pas 
en  arrière  et  qu'ils  ne  se  brisent. 

Encore  un  mot  :  je  voudrais  apprendre  de  vous  comment  il  faut 
traduire  en  latin  commissaire  des  guerres,  et  si  procureur  du  Prince  a  la 
même  signification  que  procureur  fiscal.  Je  n'ai  jamais  su  cela,  ou, 
si  je  l'ai  su,  j'en  ai  perdu  le  souvenir.  J'ai  bien  vu  l'expression  de 
reciiperatores  Prcefecti,  et  autres  semblables,  mais  ces  titres  répondent- 
ils  très  exactement  à  ce  sens?  J'attends  votre  réponse. 

Adieu,  et  que  le  Christ  vous  soit  propice,  ainsi  qu'à  vos  grands  et 
petits  artisans. 

Tlionon,  le  7  mars  1595. 


Année  1595  "7 


y   xLvi 

A    MONSIEUR   DE    BOISY   SON    PÈRE  (i) 


Courage  invincible  en  face  des  dangers  que  présente  la  mission 
du  Chablais. 

Thonon,  milieu  de  mars   1595. 
Monsieur  mon  très  honnoré  Père, 
Si  Roland  (»)  estoit  vostre  filz  aussi  bien  qu'il  n'est 
que  vostre  valet,  il  n'auroit  pas   eu  la  couardise  de  re- 
culer pour  un  si  petit  choc  que  celuy  ou  il  s'est  trouvé, 

(  i)  François,  second  fils  de  Jean  III  de  Sales  et  de  Claudine  de  Charan- 
sonnay  (6  janvier  iij22-<j  avril  1601)  avait  eu  pour  parrain  le  vicomte  François 
de  Luxenibourg-Martigues,  chez  lequel  il  passa  plusieurs  années  en  qualité 
de  page.  Il  servit  ensuite  avec  éclat  dans  les  armées  françaises  «  et  se  signala 
en  diverses  occasions,  principalement  au  siège  de  Landrecies.  »  La  mort  de 
son  père  (1558;  le  rappela  en  Savoie.  Il  substitua  au  titre  de  seigneur  de  Nou- 
velle, sous  lequel  il  avait  été  connu  jusque  là,  celui  de  seigneur  de  Boisy 
lors  de  son  mariage  avec  Françoise  de  Sionnaz,  qui  lui  apporta  cette  terre  en 
dot.  (Contrat  du  n  mai  1560.)  M.  de  Boisy  devint  gentilhomme  ordinaire  du 
duc  Emmanuel-Philibert,  et  fut  chargé  par  ce  prince  de  plusieurs  négociations 
importantes,  notamment  en  Suisse  (1563).  Deux  ans  plus  tard,  il  présida 
l'assemblée  générale  de  la  noblesse  de  Savoie  et  de  Faucigny  réunie  à  Annecy. 
Par  suite  d'acquisitions  ou  d'héritages  il  était  devenu  possesseur  des  terres 
de  La  Thuille,  Vallières,  Groisy,  Villaroget,  etc. 

«  C'estoit,  »  au  témoignage  de  son  petit-fils,  Charles-Auguste  de  Sales,  «  un 
homme  d'un  tres-solide  jugement  et  tres-subtil  esprit;  es  choses  grandes,  d'une 
pensée  très-profonde  et  d'un  courage  tres-constant  :  esloigné  de  tout  fast  et 
arrogance,  tres-temperant  en  son  vivre  et  en  son  parler;  au  reste,  éloquent  et 
élégant  à  délices  quand  il  en  estoit  temps,  espargnant  en  sa  personne,  tres- 
liberal  envers  les  autres,  très-juste  et  équitable  envers  ses  subjects,  qui  secou- 
roit  abondamment  de  ses  richesses  les  misères  des  pauvres,  qui  fuyoit  les 
hérésies  comme  la  peste...  Et  tel  à  la  vérité  devoit  estre  le  père  d'un  Sainct, 
qui  finit  sa  vie  trcs-sainctement,  de  mesme  qu'il  l'avoit  menée  tres-devotement.» 
(a)  Georges  Rolland  (1576-16.(1),  que  nous  retrouverons  constamment 
désormais  aux  cotés  de  saint  François  de  Sales,  entra  à  son  service  en  159s, 
ainsi  qu'il  le  dépose  au  Procès  de  Canonisation  du  Serviteur  de  Dieu,  auquel, 
durant  la  mission  du  Chablais,  il  servit  tour  à  tour  de  laquais  et  de  secrétaire. 
Il  entra  dans  la  cléricature  en  i  V)8,  et  fut  ordonné  prêtre  en  ibo',.  La  confiance 
que  ce  jeune  ecclésiastique  inspirait  à  sou  saint  Maître  était  telle  que  celui-ci, 
devenu  Evéque  (1602),  le  choisit  pour  économe  de  s.i  maison,  bien  qu'il  eût 
à  peine  vingt-six  ans, 

Eo  1607,  Rolland  fut  pourvu  d'un  canonical  à  la  collégiale  de  Notre-Dame 


ii8  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

et  n'en  feroit  pas  le  bruit  d'une  grande  bataille.  Nul  ne 

peut  douter  de  la  mauvaise  volonté  de  nos  adversaires  ; 

mays  aussi  vous  faict  on  tort  quand  on  doute  de  nostre 

courage.  Par  la  grâce  de  Dieu,  nous  sçavons  que  celuy 

•Matt.,x,as;xxiv,   qui perscvcrera  sera  sauvé*,  et  que  Von  ne  donnera 

^'  la  couronne  qu'a  celuy  qui  aura  légitimement  com- 

•II  Tim.,  II,  5.       battu  *,  et  que  les  momens  de  nos  combatz  et  de  nos 

•Il  Cor.,  IV,  17.      tribulations  opèrent  le  prix  d'une  gloire  éternelle  *. 

Je  vous  supplie  donq,  mon  Père,  de  ne  point  attribuer 

ma  persévérance  a  la  desobeyssance,  et  de  me  regarder 

tousjours  comme 

Vostre  filz  le  plus  respectueux. 

Revu  sur  un  ancien  Manuscrit  de  Y  Année  Sainte  de  la   Visitation, 
conservé  au  Monastère  d'Annecy. 

d'Annecy,  puis  résigna  ce  bénéfice,  et,  après  avoir  pris  le  grade  de  docteur 
en  droit  canon,  devint  chanoine  du  Chapitre  de  Saint-Pierre  de  Genève.  Il 
fut  officiai  sous  l'épiscopat  de  Ms""  Jean-François  de  Sales,  frère  et  successeur 
du  Saint,  et  plus  tard,  vicaire  général. 

Selon  toute  probabilité,  le  prétendu  «  si  petit  choc  »  mentionné  dans  cette 
lettre  n'est  rien  moins  qu'une  tentative  d'assassinnt,  à  laquelle  l'Apôtre  du 
Chablais  échappa  comme  par  miracle. 


J     XLVII 

A  MO.VSEIGNEUR  CLAUDE  DE  GRANIER,  ÉVÊQUE  DE  GENÈVE 

Difficulté  et  lenteur  des  conversions. 

[Thonon,  vers  le  commencement  d'avril  1595.] 
Monseigneur, 

Si  vous  desires  de  sçavoir,  comme  il  est  convenable 
que  vous  le  sçachies,  ce  que  nous  avons  faict  et  ce  que 
nous  fai.sons  maintenant,  vous  le  trouvères  tout  en  la 
lecture  des  Epistres  de  saint  Paul.  Je  suis  indigne  d'estre 
mis  en  comparayson  avec  luy,  mais  Nostre  Seigneur 
sçait   fort   bien    se    servir   de   nostre   infirmité   pour    sa 


Année  1595  "9 

gloire*.  Nous  marchons,  mais  a  la  façon  d'un  malade  'Cf.ll  Cor.,xn,9. 
qui,   après  avoir  quitté  le   lict,    se   trouve   avoir  perdu 
lusage  de  ses  piedz  et,  dans  son  infirme  santé,  ne  sçait 
s'il  est  plus  sain  que  malade. 

C'est  la  vérité,  .Monseigneur,  ceste  province  est  toute 
paralytique,  et  devant  qu'elle  puisse  marcher,  je  pourray 
bien  penser  au  voyage  de  la  vraye  patrie.  Une  pieté 
semblable  a  la  vostre  me  peut  obtenir  ce  que  je  ne  me- 
riteray  jamais.  Je  suis  pécheur  *,  et  rien  plus,  indigne  'Lucae.v.s. 
tout  a  faict  des  grâces  que  Dieu  espanche  sur  moy.  Vous 
le  sçaves  plus  que  tous,  .Monseigneur,  aussi  bien  que 
ceste  vérité,  que  toutes  choses  me  rendent  plus  fort  de 
jour  en  jour, 

Vostre  très  humble  et  très  obéissant  filz  et  serviteur. 


XLVIII 

AU    PÈRE   ANTOINE    POSSEVIN,    DE    LA   COMPAGNIE    DE    JÉSUS 

(minute) 

Témoignages  de  reconnaissance  et  désir  d'une  prochaine  entrevue. 
Etat  des  affaires  religieuses  en  Chablais.  — Nouvelles  intimes. 

Thonon,  commencement  d'avril  1595. 

(a)  Monsieur  mon  Révérend  Père, 

Je  ne  vous  sçaurois  dire,  et  ne  sçay  si  vous  sçauries 
croire,  combien  j'ay  receu  de  consolations  de  vostre  let- 
tre, car  il  y  a  long  tems  que  je  desirois  infiniment  d'estre 


(a)  Mons'  mon  R.  P.  Je  loue  infiniment  la  Majesté  divine  de  la  grâce 
qu'elle  me  faict  de  vous  pouvoir... 

Mons^  mon  R.  P.  Je  loue  infiniment  Dieu  de  la  grâce  quil  me  faict  main- 
tenant et  en  ceste  occasion  de  pouvoir  jouir  de  vos  consolations  et  vous 
remercie  treshumblement  de  la  souvenance  que  vous  aves  de  si  peu  de  chose 
que  je  suys. 


120  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

asseuré  de  vostre  santé  ;  mays  en  avoir  Tasseurance  de 
vous  mesme,  et  de  si  près  comme  je  l'ay  eue,  je  ne  l'eusse 
pas  osé  si  tost  espérer.  J'en  loue  Dieu  mille  fois,  et  vous 
remercie  très  humblement  de  la  souvenance  que  vous 
daignés  avoir  de  si  peu  de  chose  que  je  suys  et  du  désir 
que  vous  aves  de  me  voir,  que  je  ne  pense  pas  pouvoir 
estre  plus  grand  que  celuy  que  j'ay  de  jouir  de  vostre 
praesence,  quoy  qu'on  die  que  l'amitié  descend  plus  viste- 
ment  qu'elle  ne  monte,  i^)  Et  si  ce  n'estoit  que  je  su3''s  icy 
engagé  en  un  jeu  ou  qui  la  quitte  la  perd,  je  me  serois 
desja  rendu  par  devers  vous  ;  (<=)  ce  que  je  me  prometz  de 
faire.  Dieu  aydant,  plus  tost  que  je  ne  vous  puys  pro- 
mettre et  non  jamays  si  tost  que  je  souhaitteroys.  ('^)  Si 
ne  veux  je  pas  m'en  remettre  du  tout  a  ce  tems  la  de 
vous  dire  de  mes  affaires  spirituelz. 

Monsieur  le  sénateur  Favre,  mon  frère,  vous  aura  bien 
dict,  a  ce  que  je  voys,  comme  je  suys  venu  en  ce  païs, 
voyci  desja  le  septiesme  mo3^s.  Et  toutefois,  ayant 
presché  en  ceste  ville  ordinairement  toutes  les  festes,  et 
bien  souvent  encor  parmi  la  semayne,  je  n'ay  jamays 
esté  oùy  des  huguenotz  que  de  tro3"s  ou  quatre  qui  sont 
venuz  au  sermon  quatre  ou  cinq  fois,  sinon  a  cachetés, 
par  les  portes  et  fenestres,  ou  ilz  viennent  presque  tous- 
jours,  et  les  principaux.  Ce  pendant  je  ne  perds  point 
d'occasion  de  les  accoster  ;  mays  une  partie  ne  veulent 
pas  entendre,  l'autre  partie  s'excuse  sur  la  fortune  quilz 
courroyent  quand  la  trefve  romproit  avec  Genève,  silz 
avoj^ent  faict  («)  tant  soit  peu  semblant  de  prendre  goust 
aux  raysons  catholiques  ;  qui  les  tient  tellement  en  bride 
quilz  fuyent  tant  quilz  peuvent  ma  conversation.  Neant- 
moins   il  y   en    a  quelques    uns  qui  sont  desja  du  tout 


(b)  ne  monte.  —  FMays  c'est  mon  mal  que  je  suys...J 

(c)  par  devers  vous;—  si  tascherai  je  dans  dix  ou  douze  jours  d'avoir  ce 
bon  heur,  et  ne  sera  jamais  si  tost  que  je  souhaitte.  Ce  qu'attendant,  puysquil 
vous  plnict... 

(d)^^  souhailleroys.  —  fCe  seroit  des  ores,  si  je  n'estois  engage  en  ce  pnjs.,. 
si  ma  liberté  en  cestc  négociation  ou  je  suys...J 
(e)  fayioyent 


Année   1595  121 

persuadés  de  la  foy  ;  mays  il  ni  a  point  de  moyen  de  les 
tirer  a  la  confession  d'icelle  pendant  l'incertitude  de 
l'événement  de  ceste  trefve.  C'est  grand  cas  combien  de 
pouvoir  a  la  commodité  de  ceste  vie  sur  les  hommes.  Et 
ne  faut  pas  penser  d'apporter  aucun  remède  a  cela,  car 
de  leur  apporter  en  jeu  l'enfer,  la  damnation,  ilz  se 
couvrent  de  la  bonté  de  Dieu  ;  si  on  les  presse,  ilz  vous 
quittent  tout  court.  Et  cest'occasion  seule  me  prive  pour 
quelques  jours  du  bien  que  je  recevray  de  vous  ouyr, 
parce  que  Son  Altesse  ayant  un  gentilhomme  en  Suysse 
qui  doit  bien  tost  revenir,  si  par  fortune  il  apportoyt 
point  de  bonnes  nouvelles,  je  pourrois,  me  trouvant  icy, 
fair'esclorre  ceste  foy  secrette.  Quand  aux  vilages  il  ni 
aura  pas  grand  peyne. 

J'en  dis  trop,  a  vous  qui  sçaves  bien  de  quell'estoufFe 
doit  estre  la  resolution  qui  faict  abandonner  le  soucy  des 
biens  de  ce  monde  et  de  la  famille.  C'est  tout  ce  qu'on 
peut  faire  que  de  faire  garder  aux  Catholiques  naiz  et 
nourr3''s,  leur  foy  a  ce  pris  la.  Au  reste,  tous  les  béné- 
fices de  ce  pais  sont  es  mains  des  séculiers,  ou  bien  peu 
s'en  faut  ;  on  attendoit  que  leurs  Altesses  en  fissent 
lascher  quelques  uns  pour  l'entretenement  de  quelques 
praedicateurs,  mays  nous  en  sommes  encor  là,  sans  autre 
ordre  que  celuy  que  le  Gouverneur  y  a  mis  par  provision. 

Au  reste,  j'ay  icy  quelques  parens  et  d'autres  qui  me 
portent  respect  pour  certaynes  raysons  particulières  que 
je  ne  puys  pas  resigner  a  un  autre  ;  et  c'est  ce  qui  me 
tient  du  tout  engagé  sur  l'œuvre.  Je  m'y  fascherois  desja 
beaucoup,  si  ce  n'estoit  l'espérance  que  j'ay  de  mieux  ; 
outre  ce,  que  je  sçay  bien  que  le  munier  ne  perd  pas 
tems  quand  il  martelle  la  meule.  Auss}'-  seroit  il  bien 
dommage  qu'un  autre  employast  icy  sa  peyne  pour 
néant,  qui  pourroit  faire  plus  de  fruict  ailleurs  que  moy, 
qui  ne  su)^s  encor  gueres  bon  pour  préccher  autre  que  les 
murailles,  comme  je  fais  en  ceste  ville. 

Voyla  ce  que  pour  cest'heure  je  puys  escrire,  me  reser- 
vant de  vous  dire  le  reste  a  bouche  plus  seurement  et 
bien  tost,  Dieu  aydant,  quand  vous  me  favoriseres  de  vos 
saints   conscilz  et   instructions,   qui    ne   seront    jamays 


122  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

recueillys  plus  humblement  et  affectionnement  que  de 
moy.  Je  prie  Nostre  Seigneur  quil  vous  conserve  lon- 
guement pour  son  service,  et  demeure, 
31onsieur  mon  Révérend  Père, 

Vostre  très  humble  filz  et  serviteur. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  de  Turin. 


XLIX 


AU    SENATEUR    ANTOINE    FAVRE 


Eloge  d'un  ouvrage  du  P.  Possevin.  —  Motifs  qui  retardent  la  conversion  de 
Pierre  Poncet.  —  Présents  des  PP.  Possevin  et  Chérubin.  —  Encouragements 
reçus  d'un  ami  au  sujet  de  la  mission. 

Thonon,    1 1   avril   1595. 

Clarissimo  Senatori  Antonio  Fabro,  Fratri  suavissimo, 
Franciscus  De  Sales  salutem  dicit. 

Dicamne,  mi  Frater,  quanta  animi  voluptate  tuas  lit- 
teras  et  clarissimi  viri  Antonii  Possevini  nudius  tertius 
exceperim  ?  Et  cum  alterius  (^)  seorsim  recordatio  sola 
animum  omnem  delectare  posset  et  soleret,  quid  quœso 
non  recordatio  solum,  sed  utriusque  erga  me  tantum 
benevolentiae  pignus  efFecerit  ?  Epistola  per  se  scribentis 


Au  très  illustre  Sénateur  Antoine  Favre,  son  très  doux  Frère, 
François  de  Sales  présente  ses  salutations. 

Dirai-je,  mon  Frère,  avec  quelle  joie  intime  j'ai  reçu  avant-hier 
votre  lettre  et  celle  du  très  digne  P.  Antoine  Possevin  ?  Si  le  seul 
souvenir  de  l'un  de  vous  séparément  suffit  d'ordinaire  pour  délecter 
toute  mon  âme,  qu'en  a-t-il  été,  je  vous  le  demande,  non  du  souvenir 
seulement,  mais  de  ce  gage  précieux  de  la  bienveillance  de  l'un  et 

(a)  Et  —  quiJeni  alterutrius  [Voir  ci-après,  p.  124,  (g).] 


Année   1595  123 

quaedam  effigies  manualis  est;  at  in  selecto  illo  libelle  de 
Poësî  et  Pictura  ('',  tam  genuina  est  Possevini  effigies, 
ut  non  in  messem  alienam  misent  manum  qui  tam 
eleganter  et  graphice  seipsum  repraesentarit  et  pinxerit; 
ac  nihilo  fere  minus  se  libello  mihi  prsesentem  exhibeat 
quam  ipsissima  praesentia  tibi.  Ob  id  tamen  nollem  (^) 
existimes  minori  me  teneri  ejus  in  se  videndi  desiderio 
quod  ex  libro  viderim  ;  quin  tam  jucundo  invitamento 
ipse  acuitur  appetitus.  Nihil  est  in  hac  mea  oblectatione 
durius  (c)  quam  quod  in  id  tempus  ceciderit  quo  mihi,  per 
aliquot  saltem  dies,  fixo  pede  in  hoc  agro  sit  perma- 
nendum. 

Nam  tandem  aliquando  albescunt  aliquot  hujus  tantée 
messis    spicae  *,   quœ   si   tempore   tam   incommodo   non   *Cf.  Joan.,  iv,  35. 


de  l'autre  à  mon  égard  ?  Une  lettre  est  déjà  comme  un  portrait  de 
celui  qui  écrit  ;  mais  l'image  de  Possevin  est  si  naturelle  dans  ce 
charmant  ouvrage  J<;  la  Poésie  et  de  la  Peinture  que,  pour  se  représen- 
ter et  se  peindre  soi-même  avec  tant  de  grâce  et  d'exactitude,  il  n'a 
certainement  pas  emprunté  les  pensées  d'autrui.  11  ne  m'est  guère 
moins  présent  par  cet  écrit  qu'il  ne  vous  l'est  en  réalité.  N'allez 
pas  croire  cependant  que,  pour  l'avoir  vu  dans  son  livre,  j'éprouve 
un  désir  moins  vif  de  le  voir  en  personne  ;  au  contraire,  l'appétit 
est  aiguisé  par  un  si  agréable  alléchement.  Une  seule  chose  m'est 
pénible  dans  cette  jouissance,  c'est  qu'elle  m'est  offerte  en  un  temps 
où  je  dois  rester  de  pied  ferme  dans  ce  champ,  au  moins  pour 
quelques  jours. 

En  effet,  voici  enfin  que  commencent  à  jaunir  quelques  épis  de 
cette  grande  moisson,  et  si,  à  cette  époque  malheureuse,  je  ne  les 

(b)  est  Possevini  —  imago  et  reprassentatio,  ut  nihilo  fere  minus  illum 
mihi,  putem,  exhibeat  quam  ipsamet  prassîntia  tibi,  ut  non  in  messem  alie- 
nam misisse  manum  videatur,  qui  dum  de  Poesi  et  Pictura  tractât,  tam 
eleganter  et  graphice  seipsum  repraesentarit  et  pinxerit.  Neque  tamen  propterea 
velim 

(c)  viderim; —  imo  vero  nihil  in  hac  mea  delectatione  diffîcilius 


(  i)  Antonii  Possevini,  S.  J.,  Tr.iclatio  de  Poesi  et  Pictura  elhnica,  hum.ina 
et  fabulosa,  collata  ctim  verj,  honesta  et  sacra.  Adjecta  est  in  hac  editione  novus 
index.  Lugduni,  apud  Joannem  Pillehotte,  ad  insigne  Noniinis  Jesu.  mdxciiii. 
Cet  ouvrage  n'est  que  la  reproduction  du  Livre  XVII'  de  la  Bibliolheca  Selecta. 


124  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

tempestive  coUigantur,  verendum  est  ne  ventis  maxime 
Jerem.,  1, 14.  aquilonaribus  (nam  ab  aquilone,  ut  est  in  Prophetia*, 
omne  mahun  panditur)  vehementius  iis  in  terris  flantibus, 
rectae  fidei  grana  disjiciantur.  In  iis  est  Petrus  Poncetus  (0 
jurisconsultus  doctus  et  vir  bonus  {^),  qui  cum  jampridem 
de  prsesentia  corporis  Christi  in  Eucharistia  recte  sen- 
tiret,  etsi  in  quamplurimis  turpissime  erraret,  a  scola 
Calviniana  quae  in  tanto  Sacramento  falleret  et  fallere- 
tur  (e)  abduci  se  facile  passus  est  ;  ad  caulas  vero  Catho- 
licas  redire  peculiare  fuit  negotium.  Ouod  tamen  nunc 
facere  se  debere  fatetur  ;  sed  rei  familiaris  perdendas  (^) 
timor,  antiquorum  amicorum  objurgatio ,  induciarum 
incerta   g)  duratio,  currenti  alioquin  compedem  injiciunt. 


recueillais  à  temps,  il  serait  à  craindre  que  les  grains  de  la  vraie  foi 
ne  fussent  dispersés,  surtout  si  le  vent  du  nord  venait  à  souffler  plus 
fort  en  ces  quartiers  ;  car  tout  vtal  vient  tf»  côté  de  l'aquilon,  selon 
l'expression  du  Propliète.  Au  nombre  des  épis  dont  je  parle,  est 
Pierre  Poncet  (0,  savant  jurisconsulte  et  cœur  droit.  Malgré  ses 
erreurs  grossières  sur  presque  tous  les  points  de  notre  croyance,  il 
avait  depuis  longtemps  des  idées  justes  sur  la  présence  réelle  du 
corps  de  Jésus-Christ  dans  l'Eucharistie  ;  ainsi  ce  fut  chose  aisée  de 
le  détacher  delà  secte  de  Calvin,  laquelle  se  trompe  et  trompe  les 
autres  en  ce  qui  concerne  cet  auguste  Sacrement.  Mais  il  fut  plus 
difficile  de  le  faire  rentrer  au  bercail  de  l'Eglise.  La  crainte  de  la  perte 
de  ses  biens,  les  reproches  des  amis,  l'incertitude  de  la  durée  des 
trêves,  tout  se  réunit  pour  entraver  sa  conversion.  Si  jamais  on  put 

(d)  In  iis  est  —  jurisconsultus  non  inJoctus,  ac  saltem  omnium  qui  hic 
sunt  doctissimus  Petrus  Poncetus 

(e)  Sacramento  —  h;illucinaretur 

(f)  se  debere  —  si  velit  ad  laeta  cœlestis  montis  pascua  consceudere,  fatetur. 
Rei  familiaris  aniittendae 

(g)  [C'est  assurément  par  suite  d'un  l.ifisits  caîami  que  l'Autographe  porte 
certa,  alors  que  le  sens  exige  incerta.  Ce  dernier  mot  est  celui  qui  se  lit  dans 
une  copie  authentique  de  la  minute  (Turin,  Archives  de  l'Etat)  d'où  sont 
extraites  les  variantes  données  en  regard  du  texte.] 


(  I  )  L'avocat  Pierre  Poncet,  natif  de  Gex.  Bien  que  Charles-Auguste  de  Sales 
fixe  la  date  de  l'abjuration  de  ce  jurisconsulte  au  30  août  i^QS,  il  est  évident, 
d'après  la  correspondance  de  notre  Saint,  qu'il  avait  f.iit  sa  soumission  à 
l'Hgliïe  dès  le  mois  d'avril  précédent, 


Année  1595  125 

{<  Per  calcatum  perge  patrem,  (h)  et  ad  Crucis  vexillum 

evola,  »  Beati  Hieronymi  sententia*,  si  unquam  alibi,  hic   'Epist-xir,  ad  He- 

,  ,      ,  ,1  liod.,  §  s. 

imprimis  locum  habet,  sed  plus  œquo  verum  est  vêtus 
dictum  :  «  Morbos  équités  venire,  pedites  abire.  »  Krgo 
ob  primi  hujus  et  septimestris  partus  dolores  subsiste  (')  ; 
mox  eo  velocius  iturus  (j)  quo  nuUis  unquam  aculeis  pa- 
tientia  mea  tentata  fuit  acrius  quam  hac  tam  morosa 
mora  ('0.  Tarditatem  suavitas  compensabit. 

Intérim  nolo  te  lateat  clarissimorum  PP.  Possevini  et 
Cherubini  nostri  erga  me  concursus  animorum(U.  Misit 


appliquer  ailleurs  le  conseil  de  saint  Jérôme  :  «  Foulez  aux  pieds  votre 
père  et  courez  vous  réfugier  sous  l'étendard  de  la  Croix,  »  c'est  bien 
ici  en  particulier  le  cas  de  le  faire.  Mais  le  vieux  proverbe  est  égale- 
ment vrai  :  «  Le  mal  vient  à  cheval  et  s'en  retourne  à  pied,  a  Je 
m'arrête  donc  ici  à  cause  des  tranchées  de  cet  enfantement  qui  arrive 
au  septième  mois.  Je  m'échapperai  bientôt,  d'autant  plus  vite  que 
jamais  ma  patience  n'a  été  mise  à  plus  cruelle  épreuve  que  par  cet 
ennuyeux  retard.  Le  plaisir  comp:nsera  la  longueur  de  l'attente. 

Cependant  je  n;  veux  pas  vous  laisser  ignorer  avec  quelle  unani- 
mité de  sentiments  les  PP.  Possevin  et  Chérubin  m'ont  prévenu. 

(h)  perge  patrem,  —  per  calcatam  perge  matrem, 

(i)  Beati  Hieronymi  sententia  —  est.  At  si  alibi  unquam,  haec  sane  locum 
habere  deberet,  ubi  tantum  vitas  spiritalis  detrahitur  quantum  iis  humanis 
commodis  tribuitur  ;  sed  verum  est  illud  antiquorum  proverbium  :  «  Equitem 
venire  morbum,  peditem  abire.  »  Jubent  me  cumulatius  deinceps  sperare,  tum 
ipse  Baro  Hermentianus,  tum  eques  Compesius,  vir  alioqnin  militaris,  sed 
summe  Catholicus,  qui  uti  in  hebdomadam  sequentem  expectarem,  nescio 
quibus,  faustis  tamen  si  veris,  prxdictionibus  compulit.  Quare,  tum  ob  primi 
hujus  partus  septimestris  dolores,  tum  ne  prognosticis  amicissimi  viri  fidem 
omnino  negasse  videar  subsisto.  —  (C'est  la  sentence  de  saint  Jérôme,  et,  si 
jamais  elle  fut  applicable  ailleurs,  elle  l'est  particulièrement  dans  une  occasion 
où  l'on  enlève  à  la  vie  spirituelle  ce  qu'on  donne  aux  intérêts  temporels.  Mais 
le  proverbe  des  anciens  est  vrai  :  «  Le  mal  vient  à  cheval  et  s'en  retourne  à 
pied.  »  Le  baron  d'Hermance  et  le  chevalier  de  Compois  veulent  que  j'espère 
plus  fortement  que  jamais.  Ce  dernier,  homme  de  guerre,  mais  excellent 
catholique,  s'appuyant  sur  je  ne  sais  quelles  prédictions  favorables,  si  toute- 
fois elles  sont  vraies,  m'engage  à  patienter  encore  jusqu'à  la  semaine  procliaine. 
C'est  pourquoi  je  reste  ici,  tant  à  cause  des  douleurs  que  je  ressens  de  ce 
premier  enfantement,  que  pour  ne  pas  paraître  tout  à  fait  incrédule  aux 
pronostics  d'un  ami.)  —  [Cf.  le  texte,  p.  iiy,  lignes  1-5.] 

(  j  )  discessurus 

(k)  quant  hac —  retardalionc. 

(  1  )  amicus 


126  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

hic  icunculam  Virginis  Matris  Christum  Infantem  dor- 
mientem  (a^)  adorantis.  Ego  cum  nihil  propemodum  aliud 
hic  oculis  reficiendis  haberem,  identidem  prœ  manibus 
charum  piumque  munus  amantissimi  viri  sumebam.  Ille 
•  Ad  cap.  xviii,  de  vero  libellum  perelegantem,  quem  dum  primum  aperio  *, 
nœniola  venustissima  (")  Virginis  ad  Christum  Infantem 
Horatii  Torcellini  (0  sese  objicit.  Hic  ergo  picturam  pic- 
tam  et  dictam,  ille  picturam  veram  et  factam  dédit.  Alter 
oculos  templorum  solitudine  et  vastitate  obtusos  oblecta- 
vit,  alter  aures  dudum  horrendis  blasphemiis  tinnientes 
recreavit  ;  quo  nimirum  ambo  tam  sanctis  piisque  munus- 
culis  pro  sua  erga  me  benevolentia  altius  mentis  mese 
oculis  Christum  Dominum  imprimèrent.  Quorum  tu  mihi 
bonorum  author  cum  sis,  quid  concludam  tu  ipse  cogita(°). 


Celui-ci  m'a  envoyé  une  image  de  la  Vierge  Mère  adorant  l'Enfant 
Jésus  qui  dort.  Comme  je  n'ai  ici  presque  aucun  autre  objet  pour 
reposer  ma  vue,  je  me  plais  à  prendre  en  main  de  temps  en  temps 
ce  cher  et  pieux  présent  d'un  très  tendre  ami.  De  Possevin  j'ai  reçu  un 
livre  magnifique,  et,  à  peine  l'ai-je  ouvert,  que  j'y  trouve  la  char- 
mante berceuse  de  la  Vierge  Mère  au  Christ  enfant,  composée  par 
Horace  Torsellini  (  i  ).  L'un  m'a  donc  donné  un  portrait  parlé,  l'autre, 
un  portrait  véritable  et  naturel.  L'un  a  charmé  mes  yeux,  que  fatigue 
la  vue  de  nos  temples  déserts  et  ruinés,  l'autre  a  récréé  mes  oreilles, 
continuellement  étourdies  par  d'horribles  blasphèmes.  Ainsi,  par 
leurs  présents  si  pieux  et  si  saints,  tous  les  deux,  remplis  de  bienveil- 
lance à  mon  égard,  impriment  plus  profondément  Jésus-Christ  dans 
mon  cœur.  Pensez  vous-même  quelle  conclusion  je  tirerai  de  ceci  par 
rapport  à  vous  qui  êtes  l'auteur  de  ces  biens. 

(m)  icunculam  —  Christi  puelli  dormientis  et   Virginis  Matris  Salvatoreni 
dormientem  démisse 

(n)  perelegantem,  —  ut  nosti,  queni  dam  priimim  aperio,  naeniola  jucundissima 
(o)  et  factam  dédit.  —  Q_iiis  non  miretur  illum  oculis  templorum  solitudine 
ac  vastitate  obtusos,  huuc  autem  aures  horrendis  blasphemiis  tinnientes,  tam 
amanter  simul  imagine  et  poesi  tam  sancta,  tam  pia  recréasse,  quo  nimirum 
altius  nieo  Christum  animo  imprimèrent  pro  sua  utriusque  erga  me  benevo- 
lentia? Quorum  tu  mihi  bonorum  author  es. 


(i)  Horace  Torsellini  (15.15-1599),  né  à  Rome,  entra  dans  la  Compagnie  de 
Jésus  en  1563.  Il  fut  Recteur  du  Séminaire  romain,  du  collège  de  l'iorence  et 
de  celui  de  Lorette.  Ce  Jésuite  publia  plusieurs  ouvrages. 


Année   1595  127 

Eques  Compesius  (0  vestras  attulit  litteras,  (p)  ac  me 
simul  cumulatius  iisce  de  rébus  Christianis  sperare  jussit, 
nescio  quibus,  faustis  quidem  si  veris,  praedictionibus  ; 
quibus,  cum  vir  sit  summe  Catholicus  et  Sabaudus,  ipse 
facillime  crédit,  ac  adeo  me  uti  crederem  vehementissime 
compulit,  Is  idem  has  nostras  ad  te  perferendas  curabit, 
et  alias  a  te  item  ad  me  referendas  si  voles.  Hermentianus 
Baro  te  quam  impensissime  salutat. 

Bene  vale,  et  ne  suam  erga  me  benevolentiam  remittat 
P.  Possevinus,  ut  facis,  cura,  et  Christum  (l)  habeto 
propitium. 

Tononi,  3  idus  Aprilis  95. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  Enghien  (Belgique), 
chez  les  RR.  PP.  Jésuites,  maison  Saint-Augustin. 


Le  chevalier  de  Compois  (  i  )  m'a  apporté  votre  lettre  et  m'a  exhorté 
à  concevoir  de  meilleures  espérances  de  nos  affaires  religieuses.  Il  se 
fonde  sur  je  ne  sais  quelles  prédictions,  favorables  assurément  si  elles 
sont  vraies.  Comme  c'est  un  homme  éminemment  catholique  et 
savoyard,  il  y  croit  lui-même  très  facilement  et  a  fortement  insisté 
auprès  de  moi  afin  que  je  croie  aussi.  Ce  même  chevalier  se  chargera 
de  vous  porter  cette  lettre  et,  si  vous  le  voulez,  de  m'en  rapporter 
une  autre  de  vous.  Le  baron  d'Hermance  vous  salue  affectueusement. 

Adieu,  veillez,  comme  vous  le  faites,  à  ce  que  le  P.  Possevin  ne 
diminue  rien  de  sa  bienveillance  à  mon  endroit.  Que  le  Christ  vous 
soit  propice  ! 

Thonon,  le  1 1  avril  1595. 

(p)  [La  fin  de  cette  phrase  et  la  suivante  ne  se  trouvent  pas  dans  la  minute. 
Cf.  variante  (i),  p.  la,.] 

(q)  cura,  —  Christumque  Salvatorem 


(i)  Etienne  de  Compois-Féterne,  né  vers  1527,  gentilhomme  de  la  maison 
du  duc  de  Savoie  (1561},  gouverneur  du  château  de  Thonon  (11  octobre  isô?), 
puis  de  Ripaille,  et  chevalier  de  Justice  des  Saints  Maurice  et  Lazare  (isys)- 
Il  s'était  illustré  au  combat  de  Saint -Quentin,  où  il  avait  enlevé  un  drapeau 
français,  ce  qui  lui  mérita  d'être  créé  chevalier  doré  sur  le  champ  de  bataille. 


128  Lettres  de  saint  François  de  Sales 


U      MÊME     À^' 


L'avocat  Poncet  promet  d"abjurer  prochainement  le  protestantisme. 

Thonon^   vers  le    15  avril   1595. 

Quod  non  ad  dictam  diem  servum  suum  in  urbem 
miserit  eques  Compesius ,  alia  via  litteras  ad  te  et  ad 
P.  Possevinum  nuperrime  perferendas  curavi  ;  at  cum 
nunc  idem  ipse  iter  conficiat,  noluit  propter  moram  sine 
meis  ad  te  litteris  proficisci  ac  ea  occasione  salutandi  te 
destitui.  Et  qua  est  statura  et  voce,  ut  vides,  rodomontea, 
non  ausus  sum  omnino  negare  inermis  homuncio  ;  quam- 
vis  nihil  aliud  habeam  quod  iterum  scribam,  prsesertim 
sic  ex  tempore,  quam  Poncetum,  de  quo  superioribus, 
jam  promisisse  se  in  verba  Ecclesiae  Catholicas  palam 
paulo  post  juraturum,  (»)  [^ac  primo]  quidem  Compesio, 


Comme  le  chevalier  de  Compois  n'a  pas  envoyé  son  serviteur  en 
ville  au  jour  convenu,  j'ai  eu  soin  d'expédier  tout  récemment  par  une 
autre  voie  des  lettres  pour  vous  et  pour  le  P.  Possevin.  Mais  le  che- 
valier lui-même  se  mettant  en  route  maintenant,  n'a  pas  voulu  partir 
sans  une  lettre  de  moi,  afin  de  n'être  pas  privé,  à  cause  de  son  retard, 
d'une  occasion  de  vous  saluer.  Et  parce  qu'il  a,  comme  vous  voyez, 
une  stature  et  une  voix  de  géant,  je  n'ai  pas  osé  refuser  tout  à  fait, 
moi  petit  homme  sans  défense,  bien  que,  pris  ainsi  à  l'improviste,  je 
n'aie  rien  de  nouveau  à  vous  écrire,  si  ce  n'est  que  Poncet,  dont  je 
vous  ai  parlé  dans  ma  dernière  lettre,  a  maintenant  promis  de  faire 
publiquement  profession  de  la  foi  catholique  d'ici  à  peu  de  temps.  Cette 
promesse  fut  faite  d'abord  à  Compois,  qui  la  lui  extorqua  en  premier 

[a]  Juraturum,  —  fac  priiioj  quidem  Compesio  fcui  cum  Poncetus  ad  me 
veniens  occurreret,  niox  ille  :  Audivi  te  Christianum  fieri  velle  ;  si  ita  est,  da 
dextram  societatis  et  complcxum  gratulationis...  Ixtitix.  Dédit  et  professioneiu 


Année  1595  129 

qui  id  ab  eo  primum  expressit,  ipsaque  eadem  hora  mihi. 
Oua  in  re  videbis  verbis  militaribus  non  parum  sibi  gra- 
tulari  hune  nostrum  equitem,  quod  meam  hanc  laetitiam 
anteverterit. 

Caeterum  P.  Possevinum  Xeciine  an  Chamberii  malim 
videre,  difficile  dixerim,  nisi  tu  utrimque  adsis.  Sed 
Xeciensibus  diem  dicere  (^)  debeo,  ut  si,  qua  est  in  me 
humanitate,  venire  volet,  expectent  in  ipso  itinere  medio, 
ne  tanti  viri  visitatione  priventur  (').  Salutat  te    .      .     . 


Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  Enghien  (Belgique), 
chez  les  RR.  PP.  Jésuites,  maison  Saint-Augustin. 


lieu,  puis  à  moi  sur  l'heure  même.  Vous  verrez  que  notre  chevalier, 
avec  son  langage  militaire,  ne  se  vante  pas  peu  de  m'avoir  devancé 
dans  la  joie  de  cette  conversion. 

Au  reste,  il  me  serait  difficile  de  dire  si  j'aime  mieux  voir  le 
P.  Possevin  à  Annecy  ou  à  Chambéry,  si  vous  n'êtes  pas  en  l'un  et 
l'autre  endroit.  Mais  je  dois  prévenir  les  Annéciens  du  jour  de  son 
arrivée,  afin  que,  si  sa  bienveillance  pour  moi  le  décide  à  venir,  ils 
aillent  l'attendre  à  mi-chemin  et  ne  soient  pas  privés  de  la  visite  d'un 
tel  homme.  (O  ...  vous  salue 

et  coniplexum.  Cui  cuni  nollein...j  —  (...  d'abord  à  Compois  qui,  rencontrant 
Poncet  lorsqu'il  venait  à  moi,  lui  cria  aussitôt  :  J'ai  entendu  dire  que  tu  veux 
te  faire  Chrétien  ;  s'il  en  est  ainsi,  donne-moi  la  main  et  l'accolade  en  signe 
de  fraternité  et  de  réjouissance.  Il  donna  et  sa  parole  et  l'accolade.  Lorsque 
je  ne  voulais  pas  lui...) 

(b)  [Les  deux  mots  diem  dicere  sont  simplement  représentés  dans  l'Auto- 
graphe par  dd,  dont  l'interprétation  ne  nous  parait  pas  douteuse.] 


(1)  Le  P.  Possevin,  chargé  par  le  Pape  de  négociations  relatives  à  l'abso- 
Intion  de  Henri  IV,  séjournait  alors  au  monastère  de  l'Ile-Barbe,  près  de 
Lyon.  C'est  seulement  à  la  fin  de  juillet  qu'il  traversa  de  nouveau  la  Savoie 
pour  retourner  en  Italie.  Le  3  août  il  se  trouvait  à  Turin, 


LsTT^r*  I 


130  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

LI 


AU     MEME 


Arbitrage  du  Sénateur  réclamé  par  le  Chapitre  de  Genève  et  un  ecclésiastique 
qui  demande  à  en  faire  partie. 

Annecy,  [mai]    1595. 

Facient  sua  negligentia,  mi  Frater,  quibus  ad  te  litte- 
ras  meas  extremas  perferendas  dederam  ut  et  has  simul 
accipias.  Porterio  huic  nostro  cum  quodam  sacerdote 
nomine  Capituli  negotium  coram  te  forsitan  erit.  Nimi- 
rum  Yult  hic  in  canonicum  haberi,  nos  repugnamus  ; 
habemus  enim  Constitutiones  decreto  x\postolico  firmatas 
quae  cuiquam  locum  inter  nos  facere  vêtant,  qui  vel  no- 
bilis  ex  utroque  parente  vel  (^)  doctor  non  sit.  Solus 
PontifexC')  hac  nos  conscientia  potest  solvere  ;  at  Pon- 
tifex  non  aliter  illi  in  BuUa  canonicatum  concessit,  quam 
si  ad  doctoratum  intra  annum  promoveatur.  Horum 
nihil   ab   ipso   factum    est.  (<=)   Nuper   cum    in    Romana 


La  négligence  de  ceux  que  j'avais  chargés  de  vous  remettre  ma 
dernière  lettre  sera  cause,  mon  Frère,  que  vous  recevrez  celle-ci  en 
même  temps.  M.  Portier,  au  nom  de  notre  Chapitre,  portera  peut-être 
devant  vous  une  affaire  concernant  un  certain  prêtre.  Cet  ecclésias- 
tique veut  être  chanoine,  mais  nous  nous  y  opposons  ;  car,  en  vertu 
de  nos  Constitutions,  confirmées  par  un  décret  apostohque,  nous 
devons  exclure  tout  candidat  qui  ne  serait  pas  noble  dans  les  deux 
souches  ou  n'aurait  pas  le  grade  de  docteur.  Le  Souverain  Pontife 
seul  peut  nous  délier  de  cette  obligation  de  conscience  ;  mais  la 
Bulle  par  laquelle  Sa  Sainteté  admet  ce  prêtre  au  canonicat,  stipule 
expressément  qu'il  sera  reçu  docteur  dans  l'espace  d'une  année. 
Le  candidat  ne  se  trouve  donc  dans  aucune  des  conditions  voulues, 

(a)  vel —   rtheologiae,  juris  civilisant  canonicij 

(b)  Solus  Ponti/ex  —  fhanc  nobis  conscientiam  potest  adimere.J 

(c)  faclnm  est.  —  TSummus  Pontifex  cum  ab  co  Constitutionis...  Rogavit 
a  Summo  Pontifice...  remissioneni  postulafet  nuper;  negavit  omnino,  quod 
certo  scimus.J 


Année  1595  131 

Curia  conditionis  remissionem  postularet,  repulsam  quod 
certo  scimus  passus  est  ;  et  vult  nihilominus  canonicus 
et  dici  et  esse.  3lartinus  Ouintus  anathemati  caput 
Prœpositi,  nominatim,  et  canonicorum  objicit  si  secus 
consenserint  (0. 

Verum  petivit  ut  te  judice  controversia  haec  finiatur. 
Nemo  recusavit.  Ouare,  cum  in  Bulla  sua,  illi  nobisque 
lex  dicta  sit,  eam  proférât.  Tu  judica  ;  si  enim  tuta  possit 
fieri  conscientia  non  abnuo,  non  abnuunt  caeteri,  imo 
cupimus  omnes  eum  i*^)  optimo  modo  canonicum  esse  ; 
vir  enim  est  et  doctus  et  pius.  Sed  cum  in  odiosis  ver- 
semur(*\  si  Constitutionum  nostrarum  venerationem,  et, 
si  excommunicationis  asperitatem  spectes,  in  periculosis, 
difficile  adduci  nos  ab  alio  quam  a  te  patiemur,  quem 
non  modo  ut  peritissimum  fabrum,  sed  ut  religiosissi- 
mum  confratrem  veneramur. 

Haec  communia;  at  ego  a  te  expecto  quid  de  Possevino 


et  nous  savons  qu'ayant  sollicité  une  dispense  en  Cour  de  Rome,  il 
a  subi  un  refus.  Néanmoins  il  veut  être  chanoine  et  en  porter  le  titre. 
Martin  V  menace  d'excommunication  les  chanoines,  et  le  Prévôt 
nommément,  s'ils  donnent  leur  consentement  en  telle  occasion  (  i  ). 

Le  postulant  a  demandé  enfin  que  vous  soyez  juge  en  cette  dis- 
cussion. Personne  ne  s'y  est  opposé.  Ainsi  donc  la  Bulle  étant  pour 
lui  comme  pour  nous  la  base  du  jugement,  qu'il  la  produise.  C'est  à 
vous  de  décider.  Si  la  chose  peut  se  faire  en  sûreté  de  conscience,  je 
n'y  mets  pas  d'obstacle,  les  autres  non  plus  ;  au  contraire,  nous 
désirons  tous  qu'il  soit  chanoine  dans  les  meilleures  conditions,  car 
c'est  un  homme  docte  et  pieux.  Mais  nous  sommes  dans  l'odieux  (2), 
eu  égard  au  respect  dû  à  nos  Constitutions,  et  dans  le  dangereux  si 
vous  considérez  le  grand  malheur  d'une  excommunication.  En  consé- 
quence, nous  ne  voudrions  pas  voir  la  question  tranchée  par  un  autre 
que  par  vous,  en  qui  nous  honorons  non  seulement  un  très  habile 
artisan,  mais  un  très  religieux  confrère. 

Voilà  ce  qui  concerne  le  général.  Pour  moi,  j'attends  de  vous  des 

(d)  eum  —  rnobiscum  in  confratrem...j 


(  I  )  Cette  Bulle,  qu'on  ne  trouve  pas  dans  le  GrûriJ  BiiUairf,  remonterait, 
d'après  certains  historiens,  au  34  octobre  1430. 

(a)  Allusion  à  un  principe  du  droit  :  «  Favores  anipliandi,odia  restringcnda.» 


1^2  LETTRtS    DE    SAINT    FRANÇOIS    DE    SaLES 

nostro,  nam  de  (e)  Cantore,  fratre  nostro  (0,  et  de  Girardo 
a  canonico  quodam  Sebusiano  qui  nobiscum  est  audivi. 
Bene  vale,  Frater  millies  suavissime,  et  Christum  habeto 
propitium. 

Necii,  ex  Episcopi  nostri  domo,   95. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


nouvelles  de  notre  Possevin,  car  j'en  ai  eu  du  Chantre,  notre  frère  (0, 
et  de  Girard  par  un  certain  chanoine  de  Bresse  qui  est  auprès  de  nous. 
Adieu,  Frère  mille  et  mille  fois  très  aimable;  que  le  Christ  vous  soit 
propice. 

Annecy,  de  la  maison  de  notre  Evêque,  1595. 

(e)  nam  de  —  fGirardo  nuperrime  auditul  a  Tissottc.J 


(i)  Saint  François  de  Sales  avait  la  coutume  de  donner  le  nom  de  frère 
à  ses  amis  intimes.  Il  l'attribue  ici  à  l'un  des  frères  du  Sénateur,  probablement 
Jean  Favre,  chantre  de  l'église  Notre-Dame  de  Bourg.  On  trouve  cet  ecclé- 
siastique au  nombre  des  personnes  appelées  à  déposer  «  sur  la  conduite  du 
comte  de  Montmayeur  dans  la  nuit  du  ir  août  1600,  lors  de  la  prise  de  Bourg 
par  les  troupes  de  Henri  IV.  >>  (Histoire  de  lu  réunion  à  la  France  des  provinces 
de  Bresse,  Bticrey  et  Gex.  Bourg,  1832.) 


LU 

AU     MÊME 
(minute) 

Visite  à  Sales.—  Remercicmc?nts  pour  l'envoi  de  la  Centurie  première  de  Sonnets, 

Annecy,    16  mai    1595. 

En  iterum  paululum  recedo,  mi  Frater,  mox  rediturus  ; 
nam  me  pater  advocat.  Nolui  tamen  pedem  movere  te 


Je  vais  de  nouveau  m'absenter,  mon  Frère,   mais  pour  revenir 
bientôt.  Mon  pcrc  m'appelle,  et  je  n'ai  pas  voulu  partir  à  votre  insu, 


Année   1595  133 

inscio,  ne  si  Possevinus  veniat  quonam  loco  sim  ignorare 
possitis  ;  ubi  monueris  recurram. 

Ero  igitur  diebus  aliquot  apud  Salesios  nostros.  Nescio 
vero  debeamne  nunc  ex  equo  propemodum  de  l^)  sacra 
tua  poesi  mihi  tam  amice  nuncupata(0  gratias  agere  ; 
et  sane  opportunum  fuerit,  si  ex  temporis  penuria  mihi 
liceat  brevius  agere  quod  si  semper  agam  nequidem 
semel  satis  egisse  videar.  Nulli  magis  pœnitentiam  amo- 
remque  divinum  suadere  [occurritj  quam  mihi.  At  hsec 
fusius  cum  integrum  opus  attentius  paulo,  iis  quatuor  aut 
quinque  diebus,  consideravero  ;  vix  enim  aliquot  pagi- 
nas, partim  concionibus,  partim  aliis  negotiis  abstractus, 
dégustasse  licuit  ;  eramque  in  officio  apud  Dominum  de 
Montrotier  quod  dixeras,  cum  libellum  et  litteras  a  te 
excepit. 

Accepisti  nunc  demum  credo  priores  meas,  quas  uti- 
nam  Porterius  noster  habuisset;  retulisset  reor  responsum 


de  peur  que  si  Possevin  venait,  vous  ne  sussiez  où  je  suis.  Aussitôt 
averti  par  vous,  j'accourrai. 

Je  passerai  donc  quelques  jours  chez  nos  parents  de  Sales.  Je  ne 
sais  si  je  dois  maintenant,  ayant  presque  le  pied  à  l'étrier,  vous 
remercier  de  ces  poésies  sacrées  que  vous  me  dédiez  si  affectueuse- 
ment (0  ;  certes,  l'occasion  est  bonne,  car  la  pénurie  de  temps 
m'autorise  à  faire  plus  courtement  ce  que  je  ne  croirai  pas  avoir 
bien  fait  une  seule  fois,  alors  même  que  je  le  ferais  toujours.  Personne 
plus  que  moi  n'a  besoin  d'être  exhorté  à  la  pénitence  et  à  l'amour 
divin.  Mais  je  vous  dirai  cela  plus  au  long  lorsque  j'aurai  considéré 
un  peu  plus  attentivement  l'ouvrage  entier  pendant  ces  quatre  ou 
cinq  jours.  A  peine  ai-je  pu  jusqu'ici  en  savourer  quelques  pages, 
entraîné  que  j'étais,  soit  par  les  prédications,  soit  par  d'autres 
affaires.  Je  m'acquittais  de  votre  commission  chez  M.  de  Montrottier 
lorsqu'il  reçut  votre  opuscule  et  votre  lettre. 

Vous  aurez  reçu  maintenant  enfin,  je  pense,  ma  précédente  lettre  ; 
plut  à  Dieu  que  j'eusse  pu  la  remettre  à  notre  ami  Portier!  11  m'aurait 

(a)  de  —  ftanto  tuo  munere  ac  amicissimi  aninii  signifIcatione...J 


(i  )  Voir  note  (  J  1,  p.  81, 


134  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

de    rébus    nostris    Chablasianis    vel    promovendis    vel 
removendis  ; 

•Ovid.,Met.,l.I,i9.  «  Frigida  pugnabant  calidis  *.  » 

Sane  tandem  exceptio  locum  habebit  ;  per  me  non  stetit. 

Bene  vale,  mi  Frater,  Christumque  habeto  propitium. 
Clarissimam  sororem ,  fabrosque  nostros  et  fabritios 
impensissime  salutatos  velim. 

Necii,  in  ipso  profectionis  articulo,  16  Maii,  3  Pen- 
tecostes  die,  95. 

Revu  sur  l'Autographe  appartenant  à  M.  l'abbé  Chavaz,  à  Genève, 
église  Notre-Dame. 


sans  doute  rapporté  la  réponse  au  sujet  de  nos  affaires  du  Chablais. 
Fallait-il  les  poursuivre  ou  les  abandonner? 

«  Le  froid  luttait  contre  la  chaleur.  » 

Certainement,  tôt  ou  tard,  quelque  changement  aura  lieu  ;  la  chose 
n'a  pas  dépendu  de  moi. 

Portez-vous  bien,  mon  Frère,  et  que  le  Christ  vous  soit  propice. 
Je  salue  avec  effusion  ma  très  illustre  sœur  et  nos  grands  et  petits 
artisans. 

Annecy,  au  moment  même  de  partir,  le  16  mai,  troisième  jour 
de  Pentecôte  1595. 


I 


Année   1595  13, 


LUI 


AU      MEME 


(minute  inédite) 

Emotion  causée  par  le  malheur  d'un  ami  commun  ;  vif  désir  de  défendre 
sa  cause.  —  Eloge  de  l'ouvrage  du  Sénateur.  —  Pénible  situation  du  Saint 
en  Chablais. 

Annecy,  fin  mai    1595. 

De  Guichardi  nostri  casu  (a)  cum  primum  audivi,  atto- 
nito  similis,  oculis  mens  et  vox  faucibus  haesit  (i),  nihilque 
vel  laetum  vel  infaustum  altius  cordi  insidere  unquam 
mihi  poterit  quam  quod  [dicis]  de  tanto  amico  ;  ut  vix 
tuam  ferre  possim  elegantiam,  qua  meam  diligentiam 
tuse  in  hac  causa  vices  gerere  velis,  cum  nec  si  diligen- 
tissimus  sim  mortalium,  meam  erga  ipsum  clarissimum 
Guichardum  observantiam  et  propensionem  éxplere  pos- 
sim. (^)  Quamquam  et  tuam  illam  diligentiam  quibus 
quaeso  modis  supplere  poteram  ? 


Lorsque  j'ai  appris  l'accident  de  notre  Guichard  j'ai  été  comme  un 
homme  frappé  de  la  foudre,  ma  langue  est  restée  sans  paroles  et 
mes  yeux  fixes  (').  Aucune  nouvelle  triste  ou  joyeuse  n'a  jamais  pu 
m'impressionner  à  l'égal  de  celle  que  vous  me  donnez  d'un  si  grand 
ami.  Je  comprends  donc  à  peine  l'estime  que  vous  faites  de  moi, 
lorsque  vous  voulez  substituer  mon  zèle  au  vôtre  en  cette  affaire. 
Mais  serais-je  le  plus  diligent  des  mortels,  que  je  ne  pourrais  témoi- 
gner tout  ce  que  je  porte  de  respect  et  d'affection  à  ce  très  illustre 
Guichard.  Et  d'ailleurs,  comment,  je  vous  prie,  suppléer  à  un  zèle 
tel  que  le  vôtre  ? 

(a)  easu  —  ftam  alte  sum  corde. ..J 

(b)  expUre  possim.  —  fNulla  me  alia  occasio  aulicum  reddere  potuisset 
accuratum  quain...J 


(i)  Une  lettre  du  sénateur  Favre,  en  date  du  ao  juin,  prouve  que  les  deux 
correspondants  s'étaient  exagéré  la  gravité  de  l'accident  arrivé  à  leur  ami 


136  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

Experiri  tamen  decreveram  ecquidnam  possit  ex  me 
vel  ingenii  vel  solicitudinis  elicere  extremus  conatus, 
nuUum  unquam  a  meipso  pensum  industriae  majus  ac- 
curatiusque  expressurus.  NuUa  par  me,  fœlicius  dicamne 
an  infœlicius,  ex  clerico  aulicum  fecisset  occasio.  Scio 
namque  primum  te  esse  Guichardum,  et  ordine  naturae, 
quod  aiunt,  et  temporis,  me  vero  secundum  ;  qui  si 
ordinem  afFectionis  spectes,  neque  primus  sim  neque 
secundus,  ne  forte  vel  numéro  simus  diversi.  Gratias 
autem  Deo  omnipolienti  quantas  possum  ago  maximas(c), 
quod  amicitiae  nostrae  vires  hisce  conatibus  experiri  nos 
non  sit  passus  qui  i^)  ex  amici  communis  miseria  prodire 
debuerant.  Sic  enim  animi  quietem  hac  in  causa  tuo 
nomine  indixit  idem  qui  tuas  attulit,  hesterna  die(^),  urbis 
hujus  praesbiter.  Quamquam  vix  mihi  temperare  possim 
omnino  nisi  quidnam  paulo  pressius  rem  intelligam. 


J'avais  résolu  cependant  de  tenter  ce  qu'un  suprême  effort  de  mes 
aptitudes  et  de  mon  dévouement  pouvait  tirer  de  moi.  Jamais  tâche 
plus  haute  ni  plus  délicate  ne  s'offrirait  à  mon  activité  ;  aucune 
occasion  comparable  ne  pourrait  faire,  diraije  plus  heureusement  ou 
plus  malheureusement,  d'un  clerc  que  je  suis  un  courtisan.  Je  sais, 
en  effet,  que  le  premier  à  qui  il  appartient  de  venir  en  aide  à  Guichard, 
c'est  vous,  et  par  ordre  de  nature,  comme  on  dit,  et  par  ordre  d'an- 
cienneté ;  moi,  je  ne  suis  que  le  second  ;  mais  au  point  de  vue  de 
l'affection,  que  je  ne  sois,  je  vous  prie,  ni  le  premier  ni  le  second, 
et  que  rien  n'altère  l'unité  qui  existe  entre  vous  et  moi.  Je  rends 
les  plus  vives  actions  de  grâces  au  Dieu  tout-puissant  qui  n'a  pas 
permis  que  notre  amitié  mesurât  ses  forces  à  des  efforts  suscités  par 
le  malheur  d'un  ami  commun.  C'est  ainsi  que  le  prêtre  de  cette  ville 
qui  m'apporta  hier  votre  lettre,  me  tranquillisa  l'esprit  de  votre  part 
touchant  cette  affaire.  Toutefois,  je  ne  puis  me  calmer  entièrement 
avant  d'avoir  compris  d'une  manière  plus  précise  ce  dont  il  s'agit. 

(c)  plurimas 

(d)  qui —  rnoD  sine  aniici  jactura  prodire. ..J 

(e)  hesterna  die,  —   fvicarius  Neciensis  urbis... J 


commun.  Celui-ci,  il  est  vrai,  avait  été  dévalisé  par  les  voleurs,  mais  il  avait 
pu  s'échapper  sain  et  sauf  de  leurs  mains,  n'ayant  à  déplorer  que  des  pertes 
matérielles  peu  considérables. 


Année   1595  137 

Montroterio  vero,  viro  nobilissimo  et  tui  amantissimo, 
[injuriam  faciam]  si  quid  in  hanc  rem  verborum,  quando 
rerum  non  potuit,  et  quam  enixe  contulerit,  non  refe- 
ram  ;  vel  si  tam  elegantem  et  mellitissimam  personam 
referre  velim,  injuriam  insignem,  ni  fallor,  fecero,  et  tu 
facilius  apud  te  cogitaveris  quam  ego  memoria  repetam. 

Caeterum  ita  est  ut  scribis,  mi  Frater  :  ad  priores  illas 
tuas  respondisse  me,  quibus  opus  tuum  illud  poeticum  *  'Videsupra.p.ijj 
neque  probandum  neque  improbandum  sumpseram  (f). 
Nec  enim  sigillatim  adhuc  singula  inspexeram,  et  nostra 
laus  deinceps,  non  minus  quam  mea,  si  quae  mihi  foret 
propria,  in  ore  meo,  verecundiam  movet.  Amo,  ut  uno 
dicam  verbo,  modestiam.  Quid  autem  alii  sentiant,  id 
est.  ^lirantur  leporem  verborum,  rerum  copiam  digni- 
tatemque  ;  et  tam  egregium,  nobile  et  fabrefactum  opus 
obscuro  meo  nomine  sordescere  propemodum  dicebant 
nisi  fratrem  me  tuum  appellasses. 

Dicam  praeterea   libenter,  in  tua  ad  me  epistola,    ut 


Je  ferai  injure  à  ce  très  noble  M.  de  Montrottier,  qui  vous  est  des 
plus  attachés,  si  je  ne  vous  dis  combien  il  a  dépensé  d'énergie 
pour  soutenir  cette  cause  par  son  éloquence  lorsqu'il  ne  pouvait  le 
faire  par  l'action.  Ou  plutôt,  si  je  ne  me  trompe,  ce  serait  déjà  une 
grande  injure  que  de  vouloir  rendre  la  grâce,  la  douceur  toute  de 
miel  de  ce  plaidoyer;  vous  vous  le  représenterez  mieux  par  la  pensée 
que  je  ne  pourrais  vous  le  redire  de  mémoire. 

Oui,  comme  vous  l'écrivez  d'ailleurs,  mon  Frère,  il  est  vrai  que 
j'ai  répondu  à  votre  précédente  lettre  sans  entreprendre  de  louer  ni 
de  blâmer  votre  oeuvre  poétique,  car  je  n'en  avais  pas  encore  examiné 
chaque  partie  isolément.  Du  reste,  notre  louange,  la  mienne  surtout, 
si  j'en  mérite  quelque  peu,  est  malséante  dans  ma  propre  bouche.  Pour 
le  dire  en  un  mot,  j'aime  la  modestie.  Mais  quelle  est  l'opinion  du 
public?  La  voici  :  on  admire  le  charme  du  style,  la  richesse  et  l'élé- 
vation des  pensées  ;  on  semblait  même  dire  que  si  vous  ne  m'eussiez 
appelé  votre  frère,  l'obscurité  de  mon  nom  aurait  rabaissé  un  ouvrage 
si  excellent  et  fait  de  main  de  maître. 

J'avouerai  volontiers  encore  qu'autant  la  dédicace  que  vous  m'en 

(f  )  existimabam 


138  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

venustate  mirifice  recreor,  sic  candorem  desidero.  Quis 
enim  nesciat  talia  qualia  sunt  quae  scribis  ex  paupercula 
officina  mea  non  prodire,  tamque  grandes  materias  in- 
génia parva  sustinere  non  posse  ?  Et  quidem  si  nonnuUa 
quse  tu  procul  dubio  prius  noveras,  ego  vel  prius  dixi 
vel  ad  memoriam  revocavi,  esto  mea  dicas  ;  sed  tabulas 
sunt  rasae  et  informes  quas  tam  accuratae  picturae  cedere 
necesse  est.  Tu  vero  pro  parte  totam  materiam  dixisti, 
et  ut  omnibus  numeris  amoris  arnica  hiperboles  consta- 
ret,  formam  etiam  meam  esse  propemodum  asseveras.  Vel 
meum  ergo  tuumque  pœnitus  inter  nos  non  audiatur, 
vel  candidius  tune  proferatur  cum  me  tuum  teque  meum 
dicere  volueris. 

Expectabasne  pro  tanto  munere  tam  gravem  expostu- 
lationem  ?  Vêtus  tamen  mos  est  debitorum,  cum  non 
sunt  solvendo,  hac  uti  solemni  diversionis  arte.  Ego  vero 
iterum  et  iterum  inter  vernantes  aves  opus  suavissimum 
ad  amussim  apud  Salesios  nostros  contemplatus,  ne  tu 
hoc  nescias,  pulchrius  nusquam  carmen  cantatum  fuisse 


faites  m'a  merveilleusement  charmé  par  sa  grâce,  autant  elle  laisse 
à  désirer  pour  la  franchise.  Qui  ne  sait,  en  effet,  que  des  écrits  tels  que 
les  vôtres  ne  sortent  pas  de  mon  pauvre  atelier  et  que  de  petits 
esprits  ne  peuvent  traiter  de  si  grands  sujets  ?  Et  en  vérité,  si  j'ai 
énoncé  le  premier  ou  rappelé  à  votre  mémoire  quelques  idées  que 
sans  doute  vous  connaissiez  déjà,  soit,  attribuez-le  moi  ;  mais  ce  ne 
sont  là  que  des  tables  rases  et  brutes  qui  doivent  disparaître  sous  une 
peinture  si  achevée.  Vous,  au  contraire,  vous  nommez  fond  ce  qui 
n'est  que  partie,  et,  pour  que  l'hyperbole  amicale  corresponde  en 
tout  point  à  votre  affection,  vous  semblez  affirmer  que  la  façon 
même  est  de  moi.  Eh  bien  !  qu'on  n'entende  plus  entre  nous  ces  mots 
mien  et  vôtre,  ou  qu'ils  ne  se  profèrent  en  toute  vérité  que  lorsque 
vous  voudrez  me  dire  vôtre,  ou  vous  dire  mien. 

Vous  attendiez-vous,  pour  un  si  beau  présent,  à  un  si  grave  réqui- 
sitoire ?  Mais  c'est  la  vieille  coutume  des  débiteurs  insolvables  de 
recourir  à  cette  adresse  ordinaire  de  la  diversion.  Pour  moi,  étant 
chez  nos  parents  de  Sales,  au  milieu  des  oiseaux  qui  chantent  le 
printemps,  j'ai  admiré  et  admiré  encore  dans  tous  ses  détails  ce  très 
suave  poème,  et  il  ne  faut  pas  que  vous  ignoriez  ceci  :  je  ne  crois  pas 


Année   1595  139 

reor  quam  quo  Alexandri  Magni  lachrimas  tam  belle  et 

luculenter  urges  *  ut  nuUus  'Sonnet  ui  (i). 

«  Talia  fando  temperet  a  lachrimis  (g)  *.  »  •  ^neis,  l.Il,  6, 

(2)  Propero  jam,  mi  Frater,  Tononum  versus,  te  pro- 
pemodum  solo,  quod  satis  est,  probante  ;  sicque  sum 
animatus  ut  C^)  sequentes  post  menses  quatuor,  expleto 
nimirum  anno,  nisi  suas  quisque  partes  hoc  in  negotio 
fideliter  obeat,  nullis  me  deinceps  aliis  retineri  in  officio 
verbis  quam  tuis  patiar.  Dicam  planius.  Nos  in  ea  pro- 
vincia  credunt  versari  praeter  Principis  voluntatem  omnes 
fere,  quin  et  contra  plerique,  nec  abs  re.  Magno  namque 
est  argumento  silentium  ubi  vel  levissimum  sufficeret 
verbum,  et  homines  videre,  inter  média  Ecclesise  praedia, 
sub  principe  Catholico,  praecario  propemodum  et  in  dies 


qu'on  ait  jamais  chanté  plus  belle  ode  que  celle  où,  avec  autant 
d'esprit  que  d'élégance,  vous  rappelez  les  larmes  d'Alexandre  le  Grand, 
au  point 

«  Qu'à  tel  récit  nul  ne  retient  ses  pleurs.  » 

Je  me  dispose,  mon  Frère,  à  regagner  Thonon.  Vous  êtes  à  peu  près 
le  seul  qui  m'approuviez,  mais  c'est  assez,  et  voici  ma  résolution  : 
dans  quatre  mois,  c'est-à-dire  mon  année  achevée,  si  chacun  ne 
remplit  pas  fidèlement  son  devoir  en  cette  affaire,  je  ne  souffrirai  plus 
qu'aucun  autre  que  vous  me  retienne  dans  cette  charge.  Parlons  plus 
ouvertement.  On  croit  communément  que  nous  travaillons  dans 
cette  province  en  dehors  du  prince  ;  bon  nombre  même  disent,  non 
sans  raison,  contre  sa  volonté.  Quand  le  moindre  mot  suffirait,  son 
silence  est  en  effet  un  grand  argument.  C'en  est  un  aussi  de  voir 
des  hommes  au  milieu  des  domaines  de  l'Eglise,  sous  un  prince 
catholique,  vivre  d'une  vie  précaire  et  pour  ainsi  dire  au  jour  le  jour. 

(g)  a  lachrimis  —   falbo  notandum  capillo  duxi...J 

(h)  ut  —  fsi,  appetente  hieme,  quatuor  menses...  quibus  expletis...J 


(i)  Voir  Plutarque ,  De  Tranquiîl.  Antmi,  cap.  iv.  Cf.  tome  IX  de  la 
présente  Edition,  p.  350. 

(a)  Bien  que  l'Autographe  ne  forme  certainement  qu'un  seul  tout,  il 
paraîtrait,  d'après  une  réponse  du  sénateur  Favre,  en  date  du  19  juin  1^95,  que 
le  Saint  aurait  puisé  dans  cette  minute  les  éléments  de  deux  lettres  distinctes, 
dont  la  seconde  commencerait  avec  cette  phrase  :  «  Propero  jani,  »  etc. 


140  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

vivere.   Nolim   tamen  alii  haec  cuiquam  dicas,  nam,  ut 
vides,  suum  possunt  habere  periculosum  sensum.  (0 

Si  quid  de  Possevino  audies,  doceas  quaeso.  Bene  vale, 
et  humillimum  fratrem,  quod  facis,  ama  ;  nostrisque 
omnibus  salutem,  meo  si  placet  nomine,  dicas,  seorsim 
clarissimaB  sorori  meae,  quae  mihi  non  aliter    .... 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  de  Voiron. 


Je  ne  voudrais  cependant  pas  que  vous  en  parlassiez  à  personne,  car, 
vous  le  voyez,  ces  propos  pourraient  être  mal  interprétés. 

Si  vous  apprenez  quelque  chose  de  Possevin,  ditesle-moi.  Portez- 
vous  bien  ;  aimez,  comme  vous  le  faites,  votre  très  humble  frère, 
et  s'il  vous  plaît,  saluez  en  mon  nom  tous  les  nôtres,  en  particulier 
ma  très  illustre  sœur  qui  ne  m'est  pas  autrement 

(i)  periculosum  sensum.  —  TMilii  tamen  ipsi  plurinium  quod  te  volente 
redibo  ad  opus.J 


LIV 


AU     BIENHEUREUX     PIERRE     CANISIUS 
DE    LA   COMPAGNIE    DE   JÉSUS  10 

Vénération  qu'inspire  sa  vertu.  —  Désir  d'entrer  en  relations  avec  lui.  — 
Nouvelles  de  la  mission  ;  conversion  de  Pierre  Poncet.  —  Question  de 
controverse. 

Thonon,  21  juillet  1595. 
Virtutis  is  est  splendor,  quod  tu  omnium  minime  igno- 
ras, Pater  observandissime,  nuUis  ut  locorum  intervallis 


Tel  est  l'éclat  de  la  vertu,  vous  le  savez  mieux  que  personne,  très 
vénéré  Père,  qu'aucune  distance  ne  peut  l'empêcher  d'être  aperçue 

(  I  )  Pierre  Canisius,  né  à  Nimègue  en  Hollande  (3  mai  i^ai),  fit  ses  études 
à  Cologne  et  à  Louvain.  Il  entra  dans  la  Compagnie  de  Jésus  le  8  mai  1^43,  à 
Mayence,  et  prononça  ses  quatre  vœux  le  4  septembre  i  S49,  à  Rome.  Théologien 
profond  et  controversiste  distingué,  il  parut  avec  éclat  au  Concile  de  Trente, 
fond.i  uo  collège  de  la  Compagnie  â  Vienue  en  Autriche,   alors  qu'il  était 


Année  1595  141 

impediri  possit  quominus  et  videatur  ipsa,  et  eos  a  quibus 
possidetur  suo  lumine  reddat  omnibus  qui  vel  virtutis 
nomen  tantum  honorant  conspicuos  et  amabiles.  Que 
minus  excusatione  indigere  nunc  me  reor  quod,  ignotus 
et  obscurus  homuncio,  litteras  ad  te  dare  non  verear. 
Non  enim  tu  ignotus  es  vicissim  aut  obscurus,  qui  tôt 
recte  (ut  modestissime  dicam)  factis,  dictis,  scriptis  pro 
Christo  universis  Christi  fidelibus  innotuisti,  ut  miran- 
dum  non  sit  eum  qui  omnibus  toties  scripsit  Christianis, 
a  multis  hoc  solum  nomine  quod  Christiani  sint,  litteras 
item  accipiat. 

Cum  ergo  non  longo  multum  intervallo,  et  solo  fere 
quod  aiunt  Lemano  lacu  a  te  cognovissem  me  abesse, 
rem  quidem  tibi  non  ingratam,  mihi  vero  in  posterum 


et,  par  sa  lumière,  d'illustrer  ceux  qui  la  possèdent  et  les  rendre 
aimables  à  quiconque  honore  au  moins  le  nom  de  la  vertu.  C'est 
pourquoi  je  ne  pense  pas  avoir  besoin  d'excuse  quand  j'ose  vous 
écrire,  moi,  homme  de  rien,  inconnu  et  obscur  ;  car  vous  n'êtes 
pas  également  un  homme  inconnu  et  obscur,  vous  qui  vous  êtes 
signalé  auprès  de  tous  les  fidèles  du  Christ  par  tant  de  choses  (j'em- 
ploie le  terme  le  plus  modéré)  si  bien  faites,  dites  et  écrites  pour 
le  Christ.  Il  n'est  pas  étonnant  que  celui  qui  a  écrit  si  souvent  à  tous 
les  Chrétiens  reçoive  aussi  des  lettres  de  plusieurs,  pour  cela  seul 
qu'ils  sont  Chrétiens. 

Ayant  donc  su  que  je  n'étais  pas  à  une  grande  distance  de  vous,  et 
que  nous  n'étions  séparés,  pour  ainsi  dire,  que  par  le  seul  lac  Léman, 
j'ai  pensé  ne  point  vous  être  désagréable  et  m'ètre  extrêmement  utile 

prédicateur  de  l'empereur  Ferdinand  P"".  Sur  le  désir  de  ce  prince,  il  composa 
sa  Summa  Doctrinœ  Christiance  per  quœstiones  tradita,  qui,  publiée  en  ISSS» 
avait  déjà  atteint,  en  1597,  la  deux  centième  édition.  Cet  abrégé  fut  rédigé 
n  avec  tant  d'exactitude,  de  clarté  et  de  précision,  qu'il  n'en  existe  pas  de 
plus  propre  à  instruire  et  à  confirmer  les  peuples  dans  la  foi  catholique.  » 
(Bref  de  Béatification.)  Canisius,  qui  avait  été  le  premier  Provincial  de  son 
Ordre  en  Allemagne,  fut  nommé  Nonce  apostolique  par  Pie  IV  dans  le  même 
pays,  assista  à  la  diète  d'Augsbourg  (i'j66),  travailla  à  la  fondation  du  Collège 
Germanique  à  Rome,  et  mit  le  comble  à  ses  travaux  par  la  fondation  du 
collège  de  Fribourg  en  Suisse  (1380).  C'est  là  qu'il  termina  sa  laborieuse 
carrière  le  21  décembre  1597.  Cet  illustre  Jésuite  a  été  béatifié  par  Pie  IX 
le  a  août  1864.  On  lui  doit,  outre  son  Catéchisme,  plusieurs  ouvrages  très 
appréciés. 


142  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

longe  utilissimam  facturum  existimaverim  si  qui  prœsens 
nequeo,  absens  per  litteras,  commodum  aliquando  de 
rébus  et  dubitationibus  theologicis  interrogarem,  et  do- 
centem  te  per  litteras  item  interdum  audirem.  Scriptum 
Job,  VIII,  8,  10.  est  enim  *  :  Interroga  generationem  pristinam  et  dili- 
genter  mvestiga  patrum  memoriam,  et  ipsi  docebunt 
te;  loquentur  tibi,  et  de  corde  suo  profèrent  eloquia. 
En  igitur  nonum  jam  ago  mensem  inter  hsereticos,  et 
in  tanta  messe  octo  tantum  spicas  in  arcam  Dominicam 
inferre  potui  ;  summo  Dei  bénéficie,  quippe  qui  non 
tam  sim  operarius  quam  operariorum  prodromus.  In  iis 
Petrus  Poncetus,  jurisconsultus  eruditus  sane,  et  quod 
ad  hseresim  spectat  etiam  Calviniano  ministro  loci  longe 
doctior.  Quem  cum  antiquitatis  authoritate  non  nihil 
moveri  viderem  inter  familiaria  colloquia,  porrexi  tuum 
illud  Opiis  Cathechisticum ,  cum  sententiis  Patrum  a 
Busseo  fuse  descriptis  (0  ;    cujus  lectione  abduci   se   ab 


à  moi-même,  si,  ne  pouvant  m'entretenir  avec  vous,  je  vous  adressais 
par  lettres,  à  l'occasion,  des  questions  sur  les  matières  théologiques 
et  sur  les  difficultés  qu'elles  présentent,  afin  de  recevoir  aussi  par 
lettres  vos  instructions.  Il  est  écrit  en  effet  :  Interroge  l'ancienne  gêne- 
ration,  recueille  avec  soin  les  souvenirs  de  nos  pères,  et  ils  t'enseigneront  ; 
ils  te  parleront  et  te  feront  entendre  le  langage  de  leur  cœur. 

Or,  voici  le  neuvième  mois  que  je  suis  au  milieu  des  hérétiques,  et  si 
vaste  que  soit  la  moisson,  je  n'ai  pu  renfermer  que  huit  épis  dans  le 
coffre  du  Seigneur  ;  encore  est-ce  un  grand  bienfait  de  Dieu  en  faveur 
d'un  homme  qui  est  moins  un  ouvrier  qu'un  avant-coureur  d'ouvriers. 
Au  nombre  de  ces  convertis  se  trouve  un  certain  Pierre  Poncet,  juris- 
consulte très  érudit  et,  pour  ce  qui  concerne  l'hérésie,  beaucoup  plus 
savant  que  le  ministre  calviniste  du  lieu.  Voyant  dans  des  entretiens 
familiers,  que  le  témoignage  de  l'antiquité  faisait  impression  sur 
lui,  je  lui  prêtai  votre  Catcchisiiic  qui  contient  les  enseignements 
des  Pères  rapportés  au  long  par  Busée  (O.  Cette  lecture  le  tira  de 

(  I  )  Pierre  Busée(i540-i587),  Jésuite, concitoyen  et  parent  du  B.  Pierre  Cani- 
sius,  professeur  d'Ecriture  Sainte  et  d'hébreu  au  collège  de  Vienne  en  Autriche. 

Optis  Catechislicum,  sive  de  Sumtiia  Doclriiuv  ChrisItiiiiiT  D.  Pétri  Ciinisit, 
Scripiurce  testimotiiis  sanctoinmque  Pdtnim  senfenliis  i/lits/ratiim ,  opéra 
D,  Pétri  BiiSiri,  Noviomagi.  Coloni;c,  Gervinus  Calenius,  1569,  1^70. 


Année   1595  143 

errore  in  tritam  veteris  Ecclesiae  viam  passus  est,  ac 
manus  tandem  dédit  ;  quo  etiam  tibi  nomine  plurimum 
plurimum  uterque  debemus. 

Cum  vero  nuper  pro  libero  hominis  arbitrio  illud  ur- 
gerem  Gènes.,  4*  :  Siib  te  erit  appetitiis  ejus,  et  tii  'Vers.;. 
dominaberis  illius,  objecit  ex  Calvino  *  voces  (ej'îis  et  '  Comm.  in  Gen., 
illius)  referri  ad  Abelem,  nimirum  ut  dicatur  domUia- 
Z7^r/5  fratris,  non  peccati.  Rationemque  reddebat  eorum, 
Calvino  authore,  quod  relativa  illa  apud  Hebraeos  sint 
masculina,  vocem  autem  Hsebraicam  qua  peccatum  expri- 
mitur  esse  fœmininam.  Huic  nimirum  rationi  refellendse, 
etiam  adhibita  Bellarmini  opéra  (i),  satis  esse  non  potui, 
libris  autem  in  id  necessariis  hic  careo,  quod  paucos 
tantum  de  controversiis  hujus  sseculi,  ut  fit,  mecum  attu- 
lerim.  Hujus  ergo  phrasis  Hsebraicae  interpretationem,  a 
peritissimo  nimirum  et  humanissimo  doctore,  rudis  et 
incultus  tirunculus  postulo,  et  tua  in  proximos  omnes 
adjuvandos  propensione  fretus  expecto. 


l'erreur  et  le  ramena  dans  la  voie  frayée  qui  conduit  à  l'Eglise.  Enfin 
il  s'est  rendu ,  ce  dont  nous  vous  sommes  l'un  et  l'autre  très 
redevables. 

Comme  dernièrement  j'appliquais  au  libre  arbitre  de  l'homme  ce 
passage  de  la  Genèse  :  Ton  appétit  sera  sons  ta  puissance  et  tu  le  domi- 
neras, Poncet  objecta,  d'après  Calvin,  que  les  mots  ejus  et  illius  se 
rapportent  à  Abel,  en  sorte  qu'on  doit  interpréter  :  tu  domineras  ton 
frère,  et  non  le  péché.  Il  en  donnait  cette  raison,  empruntée  à  Calvin, 
qu'en  hébreu  ces  deux  pronoms  sont  du  masculin,  tandis  que  le 
mot  hébraïque  qui  désigne  le  péché  est  du  féminin.  Or,  je  ne  pouvais 
suffisamment  réfuter  cette  objection ,  même  avec  le  secours  des 
œuvres  de  Bellarmin  (  i  ;  ;  les  livres  nécessaires  pour  cela  me  manquent 
ici,  car  il  est  arrivé  que  je  n'en  ai  apporté  avec  moi  qu'un  petit 
nombre  traitant  des  controverses  de  notre  temps.  Je  m'adresse  donc 
à  vous,  qui  êtes  un  docteur  très  habile  et  très  obligeant,  et  je  vous 
demande,  moi  pauvre  débutant  sans  aucune  science  ni  expérience, 
l'interprétation  de  cette  phrase  hébraïque  ;  je  l'attends  de  l'inclination 
que  vous  avez  d'aider  tout  le  monde. 

(  I  )  Dispntationes  Roberti  Bellarmini  Politiani,  de  Controversiis  Christianai 
fidei.  Editio  secunda,  Ingolstadii,  Sartorius,  1588-1393. 


144  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

Quodque  reliquum  est,  Deus  optimus  maximus  vene- 
randam  tuam  canitiem  quam  diutissime  reipublicse 
Christianae  servet  incolumem  ;  at  tu  me,  quod  e  vestra 
Societate  jampridem  fecit  Antonius  Possevinus,  in  humil- 
limum,  queeso,  et  addictissimum  servum  habeto  et  filium 
in  Christo. 

Humillimus  servus 

Fkanciscus  De  Sales, 
Ecclesiae  Cathedralis  S"  Pétri  Gebennen. 
Praepositus  indignus. 

Tononi,  12  calend.  Augusti,  anno  millesimo  quingen- 
tesimo  nonagesimo  quinto. 

Observandissimo  et  plurimum  Reverendo  in  Christo  Patri, 
Patri  Petro  Canisio, 
Societatis  Jesu  Theologo  meritissimo. 
Friburgi. 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  le  P''  Procès  de  Canonisation. 


Il  me  reste  à  souhaiter  que  notre  bon  et  grand  Dieu  conserve 
longuement  à  la  république  chrétienne  votre  vénérable  vieillesse 
exempte  d'infirmités.  Veuillez  vous-même  me  tenir,  comme  l'a  fait 
depuis  longtemps  Antoine  Possevin,  de  votre  Société,  pour  votre  très 
humble  et  très  dévoué  serviteur  et  fils  en  Jésus-Christ. 
Votre  très  humble  serviteur, 

François  de  Sales, 
indigne  Prévôt  de  l'église  cathédrale  de  Saint-Pierre  de  Genève. 
Thonon,  le  21  juillet  1595. 

Au  très  vénéré  et  très  Révérend  Père  en  Jésus-Christ, 
Le  Père  Pierre  Canisius^  très  digne  théologien  de  la  Société  de  Jésus. 

A  Fribourg. 


/  ÀNNéE  1595  145 

MINUTE    DE    LA    LETTRE    PRÉcéOENTE 

(3)  Virtutis  quidem  ea  est  praestantia,  Pater  observan- 
dissime,  ut  quod  tu  omnium  minime  ignoras,  nuUis 
terrarum  aut  locorum  intervallis  impediri  possit,  quomi- 
nus  et  videatur  et  eos  a  quibus  possidetur  lis  etiam  reddat 
conspicuos  et  amabiles  quK^),  quamvis  quid  ipsa  sit  vir- 
tus  ignorent,  virtutis  tamen  nomen  honorant.  Que  minus 
excusatione  nunc  indigere  me  reor  quod,  ignotus  et 
obscurus  homuncio,  i^)  litteras  ad  te  dare  non  verear.  Non 
enim  tu  vicissim  ignotus  es  aut  obscurus.  sed  tôt  rébus 
bene  (ut  modestissime  loquar)  hactenus  pro  Christo  ges- 
tis,  dictis,  scriptis,  universis  Christi  fidelibus  innotuisti, 
ut  mirandum  non  sit  eum  qui  universis  toties  scripsit 
Christianis,  a  multis  hoc  solum  nomine  quod  Christian! 
sint,  epistolas  item  accipiat.  (^) 

Cum  ergo  non  longo  admodum  intervalle,  et  solo  pro- 
pemodum  quod  aiunt  Lemanno  lacu  a  te  me  abesse 
cognovissem,  rem  tibi  quidem  non  ingratam.  mihi  vero 
in  posterum  longe  utilissimam  facturum  existimavi,  si  qui 
praesens  nequeo,  familiarius  per  litteras  absens  interroga- 
rem,  et  docentem  te  per  litteras  item  interdum  audirem, 
pro  tua  in  proximos  charitate.  Sic  enim  scriptum  est*  :  *J°^>  ^''".  S,  10. 
Interroga  generationein  pristinam  et  diligenter  in- 
vestiga  patrtim  memoriam,  et  ipsi  docebunt  te; 
loqiientur  tibi,  et  de  corde  suo  profèrent  eloquia. 

-{■  En  igitur  nonus  agitur  hic  mensis  que  sum  inter  haere- 
ticos  hos  Tononienses,  jussu  R"*'  Antistitis  Gebenensis, 


f  Voici  donc  le  neuvième  mois  que  je  suis  au  milieu  de  ces  hérétiques 
de  Thonon,  par  ordre  du  Révérendissime  Evêque  de  Genève,  pour 

(a)  TMiraberis  forsitan I  Hœsi  aliquantulum  dubius  animo,  consentaneumne 

esset  modestiae  legibus  si  litteras  ad  te,  ignotus  et  obscurus  homuncio... 

(b)  qui  —  fvel  ipsi  a  virtute  possidentur,  vel  virtutis  dcsiderio  teneantur...J 

(c)  obscurus  homuncio,  —  Thisce  litteris  tuaui  huni3nitateni...J 

(d)  accipiat.  —  TAccedit  quod  peculiare  jus  mihi  scribendi  fuit...J 

Lettrvs  I  10 


146  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

ut  quando  nulla  vi  ad  caulas  Ecclesise  eos  reduci  vult 
Serenissimus  Allobrogum  Princeps,  pro  pacto  cum  Ber- 
nensibus  eam  in  sententiam  facto,  videam  etiam  atque 
etiam  num  iis  ad  Christum  convertendis  verbo  et  collo- 
quiis  sit  aliquis  locus.  Quem  ubi  nactus  fuero,  immittet 
in  messem  hanc  idoneos  plerosque,  tum  alios  quidem, 
Matt.,  IX,  uit.  tum  etiam  ex  vestra  Societate,  operarios  *.  Hœc  vero 
rem  omnino  in  multos  hos  dies  protrahunt.  Princeps 
cujus  tamen  authoritate  res  incaepta  (e),  quod  aliis  rébus 
sit  impeditus,  nullam  huic  rei  dat  operam.  Inter  rumores 
bellicos  metuunt  incolae  ne  si  iterum  Bernensium  aut 
Gebenensium  in  nos  explicentur  arma,  et  non  modo  ad 
Ecclesiam  redeat  aliquis  (quod  se  nunquam  factures 
pollicentur  omnes),  sed  tantum  aures  Catholicis  theologis 
dederit,  is  pessime  et  crudelissime  excipiatur. 

Non  commisi  tamen  quin,  pro  mea  tenuitate,concionem 
singulis  Dominicis  diebus  bis  saltem  haberem  et  quidem 
in  templo  publiée,  quo  veluti  prodromus  aliis  opère  et 


examiner  et  examiner  encore  s'il  y  a  quelque  moyen  de  les  convertir 
au  Christ  par  prédications  et  conférences,  puisque  le  sérénissime 
prince  de  Savoie  ne  veut  point  qu'on  les  ramène  par  la  force  au  bercail 
de  l'Eglise,  à  cause  du  traité  conclu  à  cet  effet  entre  lui  et  les  Bernois. 
Dés  que  j'aurai  trouvé  ce  moyen,  Dieu  enverra  dans  cette  moisson 
grand  nombre  d'ouvriers  capables,  ou  de  votre  Société  ou  d'autres 
encore  ;  mais  ces  négociations  traînent  en  longueur  depuis  plusieurs 
jours,  et,  bien  que  la  mission  ait  été  commencée  par  l'ordre  du 
prince,  il  ne  s'en  occupe  plus,  absorbé  qu'il  est  par  d'autres  affaires. 
Au  milieu  des  bruits  de  guerre  qui  courent,  les  habitants  de  ce  pays 
craignent  que,  si  les  armes  des  Bernois  et  des  Genevois  se  tournent 
de  nouveau  contre  nous,  il  suffise  pour  être  cruellement  maltraité, 
je  ne  dis  pas  seulement  d'être  revenu  à  l'Eglise  (ce  que  tous  promet- 
tent hautement  de  ne  jamais  faire),  mais  même  d'avoir  écouté  les 
théologiens  catholiques. 

Cela  ne  m'a  point  empêché  de  prêcher,  aussi  bien  que  me  l'a  permis 
mon  incapacité,  au  moins  deux  fois  chaque  Dimanche,  et  publique- 
ment dans  l'église,  afin  d'ouvrir  la  voie  à  des  hommes  plus  puissants 

(e)  Princeps  —  cum  absit 


Année   1595  147 

verbo  potentioribus  *  viam  aperirem.  Pauci  tantum  qui   *  Cf.LucDe,  uit.,  19. 

supersunt  CathoHci  ea  re  recreati   [sunt]  ;   haereticorum 

nullus  propemodum  accessit  unquam,  ni  si  videndi  me  po- 

tius  (est  enim  genus  hominum  curiosum)  quam  audiendi 

gratia.  Dei  intérim  bénéficie  factum  est  ut  aliquot  animée, 

octo  nimirum,  iis  novem  mensibus  Christo  nomen  reddi- 

derint.    In   iis  Petrus  Poncetus,  jurisconsultus  eruditus 

sane,  et  quod  ad  hœresim  spectat  etiam  ministre  longe 

doctior.  Quem  cum  antiquitatis  authoritate  nonnihil  mo- 

veri  viderem  et  saltem  torqueri,   explicavi   Opus  tuum 

illud  Cathechisticiim,  cum  authoritatibus  sententiisque 

Patrum  a  Busaeo  descriptis  ;  cujus  lectione  sensim  ab  errore 

abduci   se   in   tritam  veteris  Ecclesiae  viam   passus   est 

manusque  tandem  dédit;  quo  etiam  tibi  nomine  plurimum 

uterque  tibi  debemus, 

Is  autem  cum  nuper  pro  libero  hominis  arbitrio  urge- 
rem  locum  Gènes.,  4*  :  Sub  te  erit  appetitus  ejus,  et  *  Vers.  7. 
tu  dominaberis  illius,  objecit  referri  voces  (ejtis  et 
illiiLs)  ad  Abelem  ;  nimirum,  dominaberis  fratris  non 
peccati  ;  rationemque  ex  Calvino  reddebat  quod  in  Hebreo 
relativa  illa  sint  masculina,  peccatum  vero  apud  He- 
brseos  fœminina  voce  exprimatur.  Ego  vero  interpreta- 
tionem  Catholicam  satis  confirmavi,  sed  objectionem  clare 
refellere  non  potui,  quippe  qui  libris  hic  caream  necessa- 
riis.  Advexi  namque  pauca  tantummodo,  ut  fit,  prœcipua 
de  hujus  seculi  controversiis  volumina,  inter  caetera 
quidem  Belarmini  opus  illud  illustre  Contf'oversianim 
quem  dum  hac  in  difficultate  consulo,  non  satis  loci  nodum 
explicuisse  comperio,  dum  de  cohcerentia  relativi  fœmi- 
nini  ad  nomen  masculinum  nihil  agit.  Quare  cum  bonum 
hune  virum  et  ex  auditoribus  meis   Catholicum  ad  vos 


que  moi  en  œuvres  et  en  paroles.  Le  peu  de  Catholiques  qui  restent 
ici  sont  les  seuls  que  ces  exhortations  aient  encouragés  ;  presque 
aucun  hérétique  n'y  est  encore  venu,  si  ce  n'est  pour  me  voir,  bien 
plutôt  que  pour  m'entendre  (car  cette  espèce  de  gens  est  portée  à  la 
curiosité).  Néanmoins  voici  que,  par  la  grâce  de  Dieu,  plusieurs  âmes, 
au  nombre  de  huit,  se  sont  soumises  à  Jésus-Christ. 


148  Lettres  de  saint  François  de  SaLës 

discedentem  moxque  rediturum  cognovissem,  hujus  a  te 
quaestionis  solutionem,  a  peritissimo  nimirum  magistro  et 
humanissimo  doctore,  rudis  tirunculus  petere  constitui, 
tua  in  proximos  omnes  juvandos  fretus  propensione. 

Ouod  reliquum  est,  Deus  optimus  maximus  veneran- 
dam  canitiem  tuam  quamdiutissime  reipublicae  Chris- 
tianse  servet  incolumem,  et  tu  me,  quod  e  vestra  Societate 
Antonius  Possevinus  jam  pridem  fecit,  in  humillimum 
habeto  servum  in  Christo  et  filium. 

Francis... 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


LV 


A   MONSEIGNEUR   JULES-CESAR   RICCARDI 
ARCHEVÊQUE  DE  BARI,  NONCE  APOSTOLIQUE  A  TURIN  (0 

(minute) 

Violation  des  immunités  ecclésiastiques;  le  Saint  sollicite  rintervention 
du  Nonce  auprès  du  duc  de  Savoie. 

Chambéry,  [f\n  juillet   1595.] 

Illustrissimo  et  Reverendissimo  Monsignore, 

Comminciavano  gli  officiali  de  1'  Illustrissimo  Duca  de 
Nemours  et  de  Genevois  (  =  )  a  far  recherca  de'  peccati 
deir  usura  commessi  dalle  personne  ecclesiastiche  nella 


Illustrissime  et  Révérendissime  Monseigneur, 
Les  officiers  de  l'illustrissime  duc  de  Nemours  et  de  Genevois 
commençaient  à  faire  la  recherche  des  délits  dusure  commis  par 

(i)  Jules-César  Riccardi,  de  la  noble  famille  des  marquis  de  Ripa,  d'abord 
chanoine  de  Naples,  avait  été  créé  Archevêque  de  Bari  le  13  octobre  1592,  et 
envoyé  quelques  années  plus  tard  (mai  1593)  en  qualité  de  nonce  apostolique 
à  la  cour  de  Turin,  où  il  demeura  jusqu'en  1601.  Ce  Prélat  s'acquit  une  grande 
considération  auprès  du  duc  de  Savoie,  du  roi  de  France  et  surtout  du  Pape, 
qui  lui  offrit  la  nonciature  de  Vienne.  Il  refusa  cet  honneur  et  revint  terminer 
ses  jours  à  Naples,  le  13  février  i6oî,  à  l'âge  de  cinquante  ans. 

(  a  )  Voir  ci-devant,  note  (  i  ),  p.  3». 


Année  1595  149 

diocsesi  de  Geneva,  et  anco  délia  contraventione  fatta 
di  un  editto  annuale  di  Sua  Altezza  Serenissima,  quai 
prohibiva  la  vendita  de'  frumenti  et  altri  grani  fuor  del 
mercato  ;  credendo  essi  ufficiali  laici  potere  castigare  in- 
differentemente  per  cotesti  peccati  et  laici  et  ecclesiastici, 
et  questo  per  privilégie  spéciale  di  Sua  Santità,  concesso 
a'  serenissimi  praedecessori  di  Sua  Altezza.  31onsignor 
R™"  Vescovo  de  Geneva,  vedendo  esser  contra  1"  una  et 
r  altra  ragione  et  contra  la  libertà  ecclesiastica  questo 
privilegio,  m'  ha  mandato  qui  in  Chiambery  dal  supremo 
Senato  di  Sua  Altezza,  acciô  che  se  ce  ne  fosse  lo  potessi 
veder,  per  poi  darne  avviso  a  V.  S.  111'"''  et  R""^.  Il  Senato 
adunque  no  retrovando  nell'  archivi  ducali  alcun  simile 
privilégie,  et  sapendo  che  in  simile  caso  fa  poco  Sua  Al- 
tezza haveva  prohibito  a'  suoi  ministri  di  por  mano  sopra 
TArcha  di  Dio*,  anzi  haveva  commandato  che  lasciassero  *  Cf.  Il  Reg.,vi,  6. 
questo  negotio  a'  praelati,  ha  scritto  anchora  sopra  di  ciô 
a  Sua  Altezza  per  saperne  generalmente  sua  volontà. 

D' il  che  ho  giudicato  dover  dar  avviso  prontamente 
a  V.  S.  111™^  et  R'"%  acciô  si   degni  pigliar  il  fatto  in 


les  ecclésiastiques  dans  le  diocèse  de  Genève,  et  même  de  la  contra- 
vention faite  à  un  édit  annuel  de  Son  Altesse  Sérénissime  détendant 
la  vente  des  blés  et  autres  grains  hors  du  marché.  Ces  officiers 
laïques  croyaient  pouvoir  châtier  indifféremment  pour  ces  délits  aussi 
bien  les  ecclésiastiques  que  les  laïques,  et  cela  en  vertu  d'un  privilège 
spécial  accordé  par  Sa  Sainteté  aux  sérénissimes  prédécesseurs  de 
Son  Altesse.  M'""  l'Evêque  de  Genève,  voyant  que  ce  privilège  serait 
contre  l'un  et  l'autre  droit  et  contre  la  liberté  ecclésiastique,  m'a 
envoyé  ici  à  Chambéry  auprès  du  souverain  Sénat  de  Son  Altesse  afin 
que,  si  ce  privilège  existait,  je  pusse  le  voir,  pour  en  avertir  ensuite 
Votre  Seigneurie.  Or,  le  Sénat  ne  trouve  aucun  semblable  privilège 
dans  les  archives  ducales,  et  sachant  que  depuis  peu  en  pareil  cas 
Son  Altesse  avait  interdit  à  ses  ministres  de  porter  la  main  sur  l'Arche 
du  Seigneur,  et  que  même  elle  avait  ordonné  qu'on  laissât  cette 
affaire  aux  prélats,  il  a  écrit  encore  sur  ce  sujet  à  Son  Altesse  pour 
connaître  d'une  manière  générale  sa  volonté. 

J'ai  jugé  à  propos  de  donner  promptement  connaissance  de  cela  à 
Votre  Seigneurie  Illustrissime  et  Révérendissime  afin  qu'elle  daigne 


150  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

mano  appresso  di  Sua  Altezza,  comm'  essendo  il  refugio 
nostro  et  protettrice  délia  libertà  ecclesiastica.  Xè  sarà 
cosa  difficile  che  Sua  Altezza  prohibisca  di  nuovo  tali  atti 
a'  ministri  suoi  et  inferiori,  poichè  già  una  volta  ne  ha 
fatta  la  prohibitione  et  che  ha  havuto  sempre  in  gran 
reverenza  la  santa  Chiesa.  L'Illustrissimo,  poi,  Duca  de 
Xemours,  non  solo  non  darà  impedimento  nessuno,  chè 
più  tosto  ci  giovarà  in  ogni  modo,  essendo  di  coscienza 
delicatissima  et  persona  molto  timorata  ;  conciosiachè 
egli  m'  ha  detto  che  se  non  si  trovarà  il  privilegio  délia 
Santissima  Sede  Apostolica  chiarissimo  et  apertissimo, 
non  ne  vuol  godere,  ne  prevalersene. 

Ho  dubbio  che  ^lonsig"  Vescovo  di  Geneva  havendo 
avviso  di  quanto  habbiam  fatto  qui  col  Senato,  scriverà 
sopra  di  ciô  amplissimamente  a  V.  S.  Ill""^  et  R°'*(0  ;  ne 
per  questo  ho  volsuto  lasciar  di  scriverne  io,  acciô  no 
dia  risposta  Sua  Altezza  al  suo  Senato  innanzi  che  lo 
sappia  V.   S,    111"°%  a  cui  pregando  dal  nostro  Signore 


prendre  le  fait  en  main  auprès  de  Son  Altesse,  puisque  vous  êtes 
notre  refuge  et  le  protecteur  de  la  liberté  ecclésiastique.  Il  ne  sera  pas 
difficile  à  Son  Altesse  d'interdire  de  nouveau  de  tels  actes  à  ses 
ministres  et  subordonnés,  puisqu'une  fois  déjà  elle  les  a  défendus 
et  qu'elle  a  toujours  porté  un  grand  respect  à  la  sainte  Eglise.  Quant 
à  l'illustrissime  duc  de  Nemours,  il  n'y  mettra  aucun  empêchement  ; 
au  contraire,  il  nous  aidera  de  toute  manière,  car  il  est  fort  timoré 
et  doué  d'une  grande  délicatesse  de  conscience:  il  m'a  même  dit  que 
si  le  privilège  du  Saint-Siège  Apostolique  ne  se  trouve  pas  très  clair 
et  très  positif,  il  n'en  veut  point  jouir  ni  s'en  prévaloir. 

Je  présume  que  M^''  l'Evêque  de  Genève  étant  averti  de  ce  que 
nous  avons  fait  ici  auprès  du  Sénat,  écrira  très  amplement  sur  cela 
à  Votre  Seigneurie  (O.  Néanmoins  je  n'ai  pas  voulu  laisser  de  vous 
en  écrire,  afin  que  Son  Altesse  ne  donnât  pas  une  réponse  à  son 
Sénat  avant  que  Votre  Seigneurie  Illustrissime  en  fût  informée.  En 

(i)  M»"  de  Granier  donna  effectivement  suite  à  cette  affaire,  ainsi  que  le 
prouvent  une  lettre  du  Nonce  au  C.irdinal  Aldobrandino,  en  date  du  9  octobre, 
et  une  autre  de  l'Evêque  de  Genève  lui-même,  du  16  octobre  is<)S.  (Archives 
du  Vatican,  Nunj.  di  Savoùi,  vol.  ja.) 


Année  1595  151 

Iddio  ogni  vero  contento,  basciogli  humilissimamente  le 
reverendissime  mani  et  resto, 

Di  Sua  Signoria  111""  et  R'"% 

Divotissimo  et  infimo  servitore 

Francesco  De  Sales, 

Prevosto  indegnissimo  délia  Cathédrale  de  Geneva. 

Revu  sur  une  copie  déclarée  authentique,  conservée  à  Turin, 
Archives  de  l'Etat. 


implorant  pour  vous  de  Dieu  notre  Seigneur  tout  contentement,  je 
baise  humblement  vos  mains  vénérées  et  je  demeure, 

De  Votre  Seigneurie  Illustrissime  et  Reverendissime, 

Le  très  dévoué  et  petit  serviteur 
François  de  Sales, 
très  indiofne  Prévôt  de  la  cathédrale  de  Genève. 


LVI 

AU  CHANOINE  GALLOIS  DE  MONTHOUX  (0 

(inédite) 

Recommandation  en  faveur  de  l'abbé  de  Ronis. 

Annecy,  31  juillet   1595. 
Monsieur  mon  Cosin, 

Je  voudrois  bien  vous  salluer  avec  autre  occasion  que 
cellecy,  mays  les  occasions  ne  sont  pas  en  nostre  pou- 
voir ;  elles  viennent,  nous  ne  les  allons  pas  quérir. 

Monsieur  de  Ronis  m'est  venu  voir  ce  matin  et  m'a 
monstre  une  vostre  lettre   par  laquelle   il   semble  que 

(i)  C'est  d'après  la  teneur  de  cette  lettre,  y  compris  le  post-scriptum,  que 
l'adresse  en  est  conjecturée.  Tout  en  effet  porte  à  croire  qu'elle  a  été  écrite  à 
Gallois  de  Monthoux,  qui  résigna  sa  cure  d'Argonnex  vers  la  même  époque. 
Le  chanoine  François  de  Ronis  sollicita  ce  bénéfice  pour  son  neveu,  Jean  de 
Ronis,  jeune  diacre  attaché  à  la  maison  de  M"""  de  Granier.  De  son  côté, 
Etienne  Martinod  fit  des  poursuites  afin  d'en  être  nommé  titulaire.  La  sentence 
définitive  lui  donna  gain  de  cause.  (Registres  de  V Evêché  de  Genève.) 


152  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

vous  aves  desplaysir  de  le  voir  poursuyvre  le  droict  que 
son  neveu  a  sur  la  cure  d'Argonnay.  Et  par  ce  que  d'un 
costé  il  désire  infiniment  ne  faire  chose  qui  vous  despleut, 
et  de  l'autre  il  est  obligé  au  proufit  de  son  neveu,  tant 
qu'il  se  peut  maintenir  avec  rayson,  il  m'a  prié  d'em- 
ployer mon  crédit  vers  vous  affin  qu'il  vous  playse  ne 
vous  desplaire  point  s'il  met  a  effect  le  droit  de  son 
neveu,  quil  a  desja  acheminé  si  avant  et  avec  tant  de  frais 
quil  demeureroit  en  grosse  perte  sil  le  quittoit  ainsy  tout 
court,  sinon  que  sa  partie  voulut  entendre  a  ce  que  .Mon- 
seigneur le  Reverendissime  et  monsieur  d'Angeville  (0 
en  avo3'ent  une  fois  ordonné  a  l'amiable.  L'obligation 
que  j'ay  a  monsieur  de  Ronis  et  a  Monseigneur  le  Reve- 
rendissime, chez  qui  son  neveu  sert,  m'a  faict  a3'sement 
vous  prier,  comme  je  fa5^s,  que  sil  ny  a  point  d'autre 
interest  pour  vous  que  pour  l'affection  que  vous  pourries 
avoir  a  celuy  qui  est  leur  compétiteur,  il  vous  playse  leur 
permettre  la  poursuitte  de  leur  praetention  ;  quilz  vous 
rendront  autant  de  service  que  l'autre. 

Pour  moy,  je  n'employé  point  autre  mérite  vers  vous 
pour  estre  continué  en  vostre  bonne  grâce,  que  Ihonneur 
que  j'ay  de  ma  nature  d'estre  a  jamays. 
Monsieur, 
Vostre  plus  humble  cosin  et  serviteur 
François  De  Sales. 

A  Necy,  le  dernier  juillet  95,  ou  je  baj'se  bien  hum- 
blement les  mains  de  monsieur  et  madame  de  Monthou, 
mes  cosin  et  cosine  i-). 

Revu  sur  l'Autographe  appartenant  à  M.  le  baron  Ludovic  de  Viry, 
au  château  de  Cohendier  (Haute-Savoie). 

(i)  Claude  d'Angeville,  chanoine  de  Saint-Pierre  de  Genève,  priniicier  de 
La  Roche  (1568),  vicaire  général  et  officiai  (i  579-1 591),  plébain  de  Thônes 
(6  octobre  1587),  doyen  de  Vuillonex  (i^  mars  iy)o),  prieur  de  Douvaine 
(6  décembre  1595),  était  à  cette  époque  l'un  des  hommes  les  plus  remarquables 
de  la  Savoie.  Sa  piété,  sa  prudence  et  son  savoir  lui  méritèrent  l'estime  et  la 
confiance  de  son  prince  qui  le  chargea  (1598)  de  seconder  saint  François  de 
Sales  dans  la  réorganisation  des  paroisses  du  Chablais.  Le  priniicier  d'Angeville 
mourut  en  1627,  âgé  de  quatre-vingt-neuf  ans,  après  avoir  été  cinquante-neuf 
ans  à  la  tcte  de  sa  collégiale. 

(  3  )  La  famille  de  Monthoux  était  si  nombreuse  à  cette  époque  qu'il  est 
difficile  d'indiquer  auxquels  de  ses  membres  il  est  fait  ici  allusion. 


/ 


Année  1595  153 


LVII 


AU  SENATEUR  ANTOINE  FAVRE 
(minute)  (  I  ) 

Souffrances  du  saiut  Apôtre  ;  il  désire  s'adjoindre  d'autres  missionnaires.  — 
Remerciements  pour  un  ouvrage  de  Sponde  ;  calomnies  des  hérétiques 
contre  ce  personnage  et  contre  Pierre  Poncet.  —  Sentiments  de  foi  et  de 
confiance. 

Annecy,  2  août  1595. 

Non  .sum  nescius,  suavissime  Frater,  non  mediocriter 
inter  nos  hinc  inde  pariter  molestum  esse  silentium,  ac 
propterea  excusationem  uUam  non  afFero.  Peregrinatio- 
nibus  partim,  partim  necessariis  cursitationibus  insumpsi 
totum  mensem  ;  ac  si  quando  pedem  firmavi,  defuit  qui 
litteras  perferendas  susciperet. 

Onus  messis  Tononiensis ,  mais  impar  humeris ,  non 
nisi  te  volente,  jubente,  deponere  constitui  ;  in  eam 
tamen  rem  alios  operarios  iisdemque  commeatum  dum 
artibus  modisque  omnibus  pergo  parare,  nuUum,  inter 
infinitas  hostis  generis  humani  versutias,  exitum,  nullum 
finem  facio.  Id  me  non  leviter  torquebat,  torquet  autem 


Je  n'ignore  pas,  mon  très  doux  Frère,  que  le  silence  entre  nous 
vous  est  aussi  pénible  qu'à  moi  ;  aussi  je  ne  viens  nullement  m'excu- 
ser.  J'ai  passé  tout  le  mois  soit  en  pèlerinages  soit  en  courses  indis- 
pensables, et  si  je  me  suis  arrêté  quelquefois,  je  n'ai  trouvé  personne 
qui  se  chargeât  de  vous  porter  ma  lettre. 

La  moisson  de  Thonon  est  un  fardeau  qui  dépasse  mes  forces, 
mais  j'ai  résolu  de  ne  l'abandonner  qu'avec  votre  agrément,  par 
votre  ordre.  Cependant,  je  continue  à  préparer  par  toutes  sortes 
d'expédients  et  d'industries  de  nouveaux  ouvriers  pour  cette  œuvre, 
et  à  leur  chercher  des  moyens  de  subsistance.  Je  n'aperçois  nul  terme, 
nulle  issue  parmi  ces  ruses  infinies  de  l'ennemi  du  genre  humain. 

(  I  )  Le  premier,  le  troisième  alinéa  et  les  trois  premières  lignes  du  dernier 
sont  inédits. 


154  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

maxime,  tôt  clades  capitibus  nostris,  mi  Frater,  imminere, 
ut  interea  vix  uUus  pietatis  procurandae  ,  cum  ipsa 
maxime  sit  necessaria,  superesse  locus  videatur.  Animus 
tamen  in  meliorem  spem,  Christo  propitio,  attollendus 
est.  Cum  audiveritis  bella  ac  seditiones,  nolite  ter- 

*  Lucce,  XXI,  9.  rCKl  *. 

Recreor  autem  plurimum  Possevini  nostri  de  me  accu- 
rata  recordatione  (^).  Accepi  namque  et  ejus  munusculum, 
ut  ais,  et  Girardi  nostri  Spondaeum,  utrumque  te  auctore, 
te  meae  scilicet  apud  eos  observantiae  commendatore. 
Ac  Spondaeus  quidem  quam  opportune  cum  sua  recenti 
praefatione  venerit,  vel  ex  eo  intelliges  quod  et  Geben- 
nenses  et  Chablasiani  ministelli  nihil  quod  tante  vire 
tonderent  habebant  quam  eum,  in  pœnam  fractae  fidei, 
amentatum  et  furiosum  in  angulo  quodam  Galliae  deli- 
tescere.  Quin  Gebennenses  gloriabantur  quemdam  de 
sua  schola  Demosthenem  tanta  verborum  ac  rerum  vi 
Spondsei  rationes  oppugnasse,  ut  susceptam  religionem 


J'ai  été  tourmenté  et  je  le  suis  encore,  mon  Frère,  en  voyant  que 
parmi  tant  de  catastrophes  qui  menacent  nos  têtes,  il  nous  reste  à 
peine  un  moment  pour  cultiver  la  dévotion  dont  nous  aurions  un  si 
pressant  besoin.  Il  faut  cependant,  comptant  sur  la  miséricorde  de 
Notre-Seigneur,  élever  nos  cœurs  à  de  meilleures  espérances.  Lorsque 
vous  entendre^  parler  de  guerres  et  de  séditions,  n'en  soye:(  point  effrayes. 
Je  suis  extrêmement  réjoui  du  fidèle  souvenir  que  me  conserve 
notre  Possevin  (0.  J'ai  reçu  en  eflfet  son  petit  présent,  comme  vous 
le  dites,  et  le  Sponde  envoyé  par  notre  Girard,  double  hommage 
dont  je  vous  suis  redevable,  à  vous  qui  avez  fait  valoir  auprès  de 
tous  deux  le  respect  que  je  leur  ai  voué.  Quant  au  Sponde  avec  sa 
nouvelle  préface,  vous  pourrez  juger  par  un  seul  fait  combien  il  est 
arrivé  à  propos.  Les  prédicants  de  Genève  et  du  Chablais,  ne  sachant 
comment  tondre  un  personnage  si  important,  disaient  qu'en  punition 
du  serment  violé,  cet  homme,  devenu  fou  furieux,  était  caché  dans 
quelque  coin  de  la  France.  Bien  plus,  les  Genevois  allaient  répétant 
avec  orgueil  qu'un  certain  Démosthène  de  leur  école  avait  réfuté 
les  arguments  de  Sponde  avec  tant  d'éloquence  et  des  raisons  si 

(  I  )  Voir  ci-devant,  note  (  i),  p.  129. 


Année  1595  155 

primum,  mox  mentem  ipsam  abjecerit(0.  Ouod  ego  ne 
crederem  faciebat,  tum  dicentium  authoritas  mentiendi, 
tum  quod  recenti  et  insigni  petulantia  Poncetum  a  de- 
mone  crudelissime  vexari  dicerent  iidem,  et  me  nocturnis 
exorcismis  abigendo  spiritui  immundo  operam  secretam 
navare.  Quid  enim  [qui]  in  tanta  vicinitate  tam  audacter 
mentiuntur  non  audeant  de  homine  tôt  intervallis  dis- 
juncto  comminisci  ? 

Redeo  crastina  die  ad  Spartam  meam  (utinam  si  non 
ornandam  saltem  aliis  praestantioribus  conservandam), 
faciamque  deinceps  ne  integro  mense  inter  nos  audiatur 
silentium.  Intérim,  mi  Frater,  inter  hos  patries  nostrse 


probantes  que  l'auteur  avait  d'abord  renoncé  à  sa  religion,  puis, 
bientôt  après,  perdu  la  raison  (').  Ce  qui  m'empêchait  de  m'en  rappor- 
ter à  leur  témoignage,  c'était  d'une  part  leur  supériorité  dans  l'art 
de  mentir,  et  de  l'autre,  l'insigne  impudence  avec  laquelle  ces  mêmes 
hommes  affirmaient  dernièrement  que  Poncet  était  affreusement 
tourmenté  du  démon,  et  que  je  passais  les  nuits  à  l'exorciser  en  secret 
pour  chasser  l'esprit  immonde.  Quand  on  calomnie  si  audacieusement 
ses  proches  voisins,  que  n'osera-t-on  pas  inventer  contre  un  homme 
qui  se  trouve  à  une  si  grande  distance  ? 

Je  retourne  demain  à  ma  Sparte  (si  ce  n'est  pour  l'embellir,  plaise 
au  Ciel  que  ce  soit  du  moins  pour  la  conserver  à  de  meilleurs 
ouvriers),  et  je  ferai  en  sorte  qu'il  ne  soit  plus  question  entre  nous 
de  ces  silences  d'un  mois  entier.  Cependant,  mon  Frère,  parmi  ces 

(  I  )  Jean  de  Sponde  {1559-1593),  frère  aîné  de  Henri,  Evêque  de  Pamiers.né  à 
Mauléon  d'une  famille  calviniste,  mort  à  Bordeaux,  fut  successivement  lieu- 
tenant général  de  la  chaussée  de  La  Rochelle,  puis  maître  des  requêtes.  Après 
avoir  abjuré  le  protestantisme,  il  rendit  compte  de  sa  conversion  dans  un 
ouvrage  intitulé  :  Déclaration  des  principaux  motifs  qui  ont  induit  le  sieur  de 
Sponde,  conseiller  et  maistre  des  Reqnestes  du  Roy,  h  s'unir  à  l'Eglise  Catho- 
lique, Apostolique  et  Romaine,  adressée  à  ceux  qui  se  sont  sépare^  et  distinguée 
en  trois  Parties.  Melun,   1593. 

C'est  de  la  cinquième  édition  (Lyon,  1595)  qu'il  s'agit  ici.  On  lit  dans  la 
préface  de  cette  édition,  qui  parut  après  la  mort  de  l'auteur,  la  déclaration 
suivante  :  «  Et  quelque  fresle  de  corps  et  d'esprit  que  je  sois,  jusques  à 
présent  la  mélancolie  que  quelques  uns  me  reprochent  entre  leurs  dents,  ne 
m'a  jamais  tant  gaigné  le  cerveau  qu'on  luy  en  aye  veu  produire  des 
frenpsies.  »  (Voir  la  Défense  de  l'Estendart  de  la  sainte  Croix,  tome  II  de 
cette  Edition,  p.  156.) 


156  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

tumultus  (dicamne,  an  tumulos?),  dum  circum  circa  ocu- 
lis  nostris  ingrata  quaeque  sese  ofFerunt,  in  patriam  illam 
cœlestem  oculos  intensissime  figamus ,  cogitemusque 
perpétue  Heliam  illum  Thesbitem  non  aliter  quam  per 
•IV  Reg.,  II,  II.      ttirbinem  ad  cœliun  ascendisse  *. 

Bene  vale.  mi  Frater.  et  Christum  habeto  propitiuni 
et  Servatorem. 

Xecii,  4  non.  Augusti,  95. 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  le  P""  Procès  de  Canonisation. 


désordres  (dirai-je  plutôt  cette  ruine  de  la  patrie?),  alors  que  nos  yeux 
ne  rencontrent  que  des  sujets  de  tristesse,  fixons  plus  attentivement 
nos  regards  sur  notre  patrie  céleste,  et  souvenons- nous  toujours 
qu'Hélie  le  Thesbite  n'est  monté  au  ciel  que  dans  tin  tourbillon. 

Portez-vous  bien,  mon  Frère,  et  que  le  Christ  vous  protège  et  vous 
conserve  ! 

Annecy,  le  2  août  1595. 


LVIII 


A  U      M  E  M  E 
(minute  inédite) 

Troubles  qui  régnent  à  Annecy. 

Sales,  commencement  d'août   1595. 

Nonne  bene  dixeram,  mi  Frater,  facturum  me  dein- 
ceps  ne  uUum  inter  nos  audiretur  silentium  ?  Cum  inter 
nostros  Tononenses  vix  semel  in  mense  ad  te  possim 
scribere,   scribo  nunc  ex  paterna  Salesiorum  casa  per 


N'avais-je  pas  raison  de  vous  dire,  mon  Frère,  que  je  ferais  en 
sorte  désormais  qu'il  ne  fût  plus  question  de  silence  entre  nous  ? 
Comme  au  milieu  de  nos  gens  de  Thonon,  je  puis  à  peine  vous  écrire 
une  fois  par  mois,  je  vous  écris  maintenant  de  ma  maison  paternelle 


Annéb  1595  15^ 

Coquinum  (0,  eo  sane  jucundius  quod  paulo  meliora  de 
rébus  nostris  jam  audiverim.  Hesterna  namque  die  Necii 
omnia  propemodum  eversa  ac  inversa  dicebantur  (2)  ; 
adeo  nimirum,  sive  in  bonam  sive  in  malam,  res  quam 
longissime  protrahere  solet  vulgus  ;  ac  adeo  incredibile 
est  quanta  amaro  animo  de  te  tuisque  omnibus,  quem 
in  primis,  ut  fît,  periclitari,  importuna  cogitatione  (a)  su- 
bibant.  (^)  Non  tamen  bona  spe  vacuus  omnino,  itaque 
cum  rem  levius  transigi  audiam,  mihi  tibique  plurimum 
gratulor  ;  quando  infœlix  hoc  nostrum  sseculum  C'^),  pro 
faustis  soient  haberi  quae  non  sunt  infaustissima. 

Revu  sur  l'Autographe  appartenant  à  M.  le  baron  Ludovic  de  Viry, 
au  château  de  Cohendier  (Haute-Savoie). 


de  Sales,  par  Coquin  (O,  avec  d'autant  plus  de  plaisir  que  je  viens 
de  recevoir  des  nouvelles  un  peu  meilleures  de  nos  affaires.  On  disait 
hier  à  Annecy  que  tout  était  à  peu  près  sens  dessus  dessous  {2),  tel- 
lement le  vulgaire  a  coutume  d'exagérer  extrêmement  soit  en  bien 
soit  en  mal.  On  ne  saurait  croire  combien  de  pensées  inquiétantes 
agitaient  mon  âme  attristée,  relativement  à  vous  et  à  tous  les  vôtres, 
qui  deviez,  des  premiers,  comme  il  arrive,  être  mis  en  péril.  Je  ne 
suis  pas  cependant  privé  de  tout  espoir  ;  aussi,  en  apprenant  que  la 
chose  se  passe  plus  facilement,  je  m'en  félicite  beaucoup  pour  vous 
et  pour  moi.  Puisque  notre  siècle  est  si  infortuné,  on  s'accoutume 
à  tenir  pour  heureux  tout  ce  qui  n'est  pas  absolument  malheureux. 

(a)  [On  a  dû  suppléer  les  trois  premières  lettres  de  ce  mot,  lesquelles  sont 
indéchiffrables  dans  l'Autographe.] 

(b)  subibant.  —  FDomino  ergo  immortales  gratias  ago...J 

(c)  sœculum  —  fnulla  laeta,  sed  fausta...J 


(  I  )  Maître  Jean  Coquin  était  notaire  ducal  à  Groisy,  seigneurie  qui  appar- 
tenait à  la  famille  de  Sales. 

(2)  Ces  troubles  venaient  probablement  des  craintes  qu'inspiraient  les 
succès  de  l'armée  française,  maîtresse  d'une  partie  de  la  Savoie,  et  les  troupes 
hérétiques  massées  sur  les  frontières  suisses.  De  plus,  tandis  que  des  soldats 
espagnols  commettaient  toutes  sortes  de  déprédations  dans  les  faubourgs 
d'Annecy,  ofi  pourtant  ils  étaient  tenus  pour  alliés,  on  prenait,  en  prévision 
de  la  mort  imminente  du  duc  de  Nemours,  certaines  mesures  militaires  qui 
surexcitaient  la  population  au  lieu  de  la  rassurer. 

Quant  au  sénateur  Favre,  il  savait  ses  possessions  de  Bresse  dévastées  par 
les  troupes  de  Biron,  qui  continuaient  à  guerroyer  dans  cette  province. 


158  Lettres  de  saint  François  de  Sales 


LIX 

A  U      M  Ê  .-NI  E 

(  MINUTE ) 

Ebranlement  qui  se  produit  parmi  les  hérétiques;  ingénieuse  tactique  du  Saint 
pour  les  provoquer  à  la  discussion. 

Thonon,    18  septembre  1595. 

Et  jam,   mi   Frater,   latior   simul  et  lœtior    patet    ad 

Christianorum  messem  aditus.  Heri  namque  parum  ab- 

fuit  quin  Avullaeus  (i)  cum  urbis  sindicis,    uti    vocant, 

ad  concionem  palam  venirent,  quod  me  de  augustissimo 

•Videtom.viihuj.    Eucharistiœ  Sacramento  disputaturum  audivissent*.  Quo 

Edit.,  Serm.  XXXII.      ,  .  .  .  ^      ,      ,.  "^ 

de  m3^steno  sententiam  rationesque  Latholicorum  ex  me 
audiendi  tanto  tenebantur  desiderio,  ut  qui  palam  non- 
dum  venire,  ne  legis  suae  immemores  viderentur,  ausi 
sunt,  me  ex  diverticulo  quodam  secreto  audiverint,  si 
tamen  per  vocis  meae  tenuitatem  licuit. 

Ego   hac   iterum    egi   venatione   ut  promitterem   me, 
sequenti  concione,  de  Scripturis  luce  meridiana  clarius 


Voici  enfin,  mon  Frère,  qu'une  porte  plus  large  et  plus  belle  s'ouvre 
à  nous  pour  entrer  dans  cette  moisson  de  Chrétiens,  car  il  s'en  fallut 
peu  hier  que  M.  d'Avully  (  i  )  et  les  syndics  de  la  ville,  comme  on  les 
appelle,  ne  vinssent  ouvertement  à  la  prédication,  parce  qu'ils  avaient 
ouï  dire  que  je  devais  parler  du  très  auguste  Sacrement  de  l'autel. 
Ils  avaient  un  si  grand  désir  d'entendre  de  moi  l'exposé  de  la  croyance 
des  Catholiques  et  leurs  preuves  touchant  ce  mystère,  que  n'ayant 
osé  venir  publiquement,  crainte  de  paraître  oublieux  de  la  loi  qu'ils 
se  sont  imposée,  ils  m'entendirent  d'un  certain  endroit  où  ils  ne 
pouvaient  être  vus,  si  toutefois  la  faiblesse  de  ma  voix  n'y  a  pas 
mis  obstacle. 

De  mon  côté,  j'ai  fait  encore  ceci  dans  cette  chasse  :  j'ai  promis 
qu'à  la  prédication  suivante  je  mettrais,  par  les  Ecritures,  ce  dogme 
en   plus   grande  lumière  que  le  plein  midi ,  et  que  je  l'appuierais 

(  I  )  Sur  le  seigneur  d'Avully,  voir  la  note  jointe  à  la  lettre  du  10  mai  IS96. 


Année   1595  159 

dogma  commonstraturum,  ac  tantis  rationum  momentis 
propugnaturum,  nullus  ut  futurus  sit  ex  adversariis  qui 
non  cognoscat  densissimis  se  tenebris  excœcatum,  nisi 
qui  humanitati  ac  rationi  nuntium  remisent.  His  nimirum 
rodomonteis  propositionibus  se  ingeniumque  suum  ad 
arenam  vocari  recte  cognoscunt,  ne  videlicet  si  non 
veniant  existimentur  imbelles  omnino,  qui  Catholicam 
vel  homuncionis  nescio  cujus  impressionem  reformident. 
Res  est  in  tuto  ;  jam  enim  ad  colloquia  descendunt,  mox, 
ut  ex  proverbio  dicam,  ad  deditionem  venturi  ;  sic  enim 
Crescanus  advocatus  i^)  nos  docuit  Tononienses  communi 
consilio  confessionem,  uti  vocant,  suae  fidei  scriptis  pro- 
laturos,  uti  si  quid  a  nobis  difFerunt,  ea  de  re  familiari 
ac  privato  colloquio  vel  privatis  scriptis  agamus.  Cum- 
que  legationem  hanc  ministro  suo  quidam  imponere 
vellent,  alii  tutius  contra  fuere,  ne  nobiscum  palsestram 


d'arguments  si  puissants  que  nos  adversaires,  sans  aucune  exception, 
à  moins  qu'ils  n'aient  renoncé  au  bon  sens  et  à  la  raison,  reconnaî- 
traient qu'ils  sont  aveuglés  par  les  épaisses  ténèbres  dans  lesquelles 
ils  sont  plongés.  Us  savent  bien  que  ces  espèces  de  rodomontades  les 
invitent  à  descendre  dans  l'arène,  en  sorte  que  s'ils  ne  venaient  pas 
ils  seraient  tenus  pour  gens  tout  à  fait  pusillanimes,  qui  redoute- 
raient de  se  mesurer  avec  la  religion  catholique,  même  quand  elle 
est  défendue  par  je  ne  sais  quel  homme  de  rien. 

C'est  une  chose  assurée  :  puisqu'ils  consentent  déjà  à  parlementer, 
bientôt,  suivant  le  proverbe,  ils  en  viendront  à  capituler.  En  effet, 
ainsi  que  nous  l'a  appris  l'avocat  du  Crest(0,  les  Thononais  ont 
résolu  d'un  commun  accord  de  nous  présenter  par  écrit  leur  confes- 
sion de  foi  dans  les  points  où  elle  diffère  de  la  nôtre,  afin  que  nous 
puissions  les  discuter  en  particulier  ou  dans  des  entretiens  familiers 
ou  par  écrit.  Quelques-uns  voulaient  charger  le  ministre  de  cette 
négociation,  mais  d'autres  plus  prudents  furent  d'avis  contraire, 

(  I  )  L'avocat  Pierre  du  Crest  de  Cruseilles,  seigneur  de  la  Croix,  bourgeois 
d'Evian,  docteur  ès-droits,  fut  conseiller  de  Charles-Emmanuel  P""  et  lieute- 
nant particulier  de  la  judicature-mage  du  Chablais.  Ce  personnage,  l'un  des 
premiers  convertis  par  les  prédications  de  notre  Saint,  témoigna  dans  la  suite 
d'un  inaltérable  dévouement  envers  lui.  Il  l'accompagna  à  Genève  lors  de  sa 
célèbre  conférence  avec  le  ministre  La  Paye,  et  le  seconda  en  diverses  autres 
occasions.  Pierre  du  Crest  mourut  avant  1629. 


lôo  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

ingrediatur,  ne  subtilîtatibus  scholasticis  vincatui*,  curri 
philosophiae  sit  ignarus. 

Bene  sane  quando  per  vicarium  pugnam  suscipiunt, 
et  tam  exiguis  copiis  nostris  anguntur,  et  de  conditio- 
nibus  proponendis  cogitant.  Hos  vero,  erectis  per  Dei 
gratiam  animis,  concertationem  hanc  bona  spe  proni 
gaudentes  expectamus. 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  le  I'^''  Procès  de  Canonisation. 


craignant  qu'il  n'engageât  la  lutte  avec  nous  et  ne  fût  vaincu  par  les 
subtilités  scholastiques,  car  il  ne  sait  rien  de  la  philosophie. 

Assurément  nous  sommes  en  bonne  voie  puisqu'ils  acceptent  le 
combat  par  leur  lieutenant,  que  nos  si  petites  forces  les  effraient  et 
qu'ils  pensent  à  nous  proposer  des  conditions.  Pour  nous,  ayant  grand 
courage  par  la  grâce  de  Dieu,  nous  attendons  avec  empressement 
et  avec  joie  cette  lutte  qui  donne  bon  espoir. 


^ 


LX 

V  AU     IM  Ê  M  E 

(minute    inédite) 

Attente  de  quelques  lettres  attardées. —  Allusion  à  la  bénédiction  apostolique 
envoyée  à  Henri  IV.  —  Suite  du  travail  des  Controverses.  —  Accueil  fait 
par  les  hérétiques  à  la  Centurie  première.  —  L'avocat  de  Prez  adresse  des 
vers  à  l'auteur, 

Thonon^  commencement  d'octobre   139$. 

Et  ego  quidem,  mi  Frater,  tantum  posteriores,  ad  6 
non.  Octobris  datas  a  te  litteras,  idque  nuperrime  recepi  ; 
de  prioribus  illis  de  quibus  admones,  nec  de  aliis  item 
P.    Possevini,    Porterio    nostro   commendatis,    ne    levi 


Mon  Frère,  je  n'ai  reçu  que  votre  dernière  lettre  du  2  octobre, 
et  cela  tout  récemment.  Quant  à  la  première  dont  vous  me  parlez, 
et  à  celle  du  P.  Possevin,  qui  avaient  été  confiées  à  notre  Portier, 


Année  1595  161 

quidem  susurro  hactenus  audivi  quicquam.  Tu  vero  quam 
me  maie  nunc  haec  tantarum  litterarum  tanta  torqueat 
expectatio,  si  ad  justam  observantise  amorisque  mei  erga 
te  Possevinumque  nostrum  trutinam  omnia  uti  par  est 
expendas,  facile  cognosces. 

Recreor  autem  plurimum  res  tuas  sequiori  loco  a  te 
inventas  quam  credideras.  Ea  est  propemodum  tempo- 
ribus  calamitas  non  minima,  ut  eminus  rem  spectantibus 
apud  viros  probos  et,  ut  sacro  dicam  verbo*,  quibus  est  'Cf-Jerem.,  v,  ai. 
cor,  ipsa  calamitate  sit  calamitosior  opinio.  Quod  autem 
de  Barone  nostro  scribis  ('),  maie  apud  malos  qui  religio- 
nem  ferream  sequuntur  audit,  eo  vero  me  nomine  angit 
quod  spes  quœ  dijfertur  affligit  animam  *.  Audio  *Prov.,  xm,  u. 
equidem  Henricum,  felici  nuntio,  a  Sanctissimo  Pâtre 
nuperrime  «  Gallorum  Regem,  salutem  et  Apostolicam 
benedictionem  »  audivisse  (')  ;  id  si  ita  est,  fiât  pax  in 


je  n'en  ai  pas  entendu  souffler  le  moindre  mot  jusqu'ici.  Si  vous 
pesez  toutes  choses,  comme  il  convient,  à  la  juste  balance  de  l'estime 
et  de  l'affection  que  j'ai  pour  vous  et  pour  notre  Possevin,  vous 
comprendrez  combien  je  souffre  maintenant  dans  la  longue  attente 
de  lettres  d'une  telle  importance. 

Je  suis  très  heureux  de  savoir  que  vous  avez  trouvé  vos  affaires  en 
meilleur  état  que  vous  ne  pensiez.  Voilà  bien  en  effet  un  des  grands 
malheurs  de  notre  temps  :  la  crainte  est  plus  nuisible  que  le  mal  lui- 
même  à  ceux  qui,  entre  les  honnêtes  gens,  ou  pour  employer  l'expres- 
sion du  Texte  sacré,  les  hommes  de  cœur,  voient  les  choses  de  loin. 
Quant  à  ce  que  vous  m'écrivez  de  notre  baron  (0,  c'est  une  mauvaise 
nouvelle  pour  les  méchants  qui  suivent  une  religion  de  fer;  et  moi  je 
souffre  parce  que  l'espérance  différée  afflige  l'âme.  J'apprends,  il  est  vrai, 
que  le  très  Saint-Père  aurait  tout  dernièrement  envoyé  à  Henri  l'heureux 
message  :  «  Salut  et  bénédiction  apostolique  au  Roi  de  France  (2).  » 

(i)  Le  baroa  d'Hermance  et  le  président  de  Rochette  avaient  été  envoyés 
par  le  duc  de  Savoie  à  Bourgoin  afin  de  négocier  avec  les  représentants  du 
roi  de  France  les  conditions  d'un  traité  de  paix. 

(  2  )  Cette  phrase  a  trait  d'une  manière  générale  à  la  rentrée  en  grâce  de 
Henri  IV  auprès  du  Saint-Siège  et  ne  saurait  s'entendre  à  la  lettre.  Il  est  vrai 
que  la  cérémonie  solennelle  de  l'absolution  du  monarque  avait  eu  lieu  le 
17  septembre  1595.  Mais  la  Bulle  d'absolution,  bien  qu'elle  soit  datée  de  ce 
même  jour,  ne  partit  de  Rome  que  le  7  novembre  suivant  ;  c'est  dans  cette 
Bulle  que  pour  la  première  fois  il  est  salué  par  la  formule  indiquée  ci-dessus. 

Lettres  I  1 1 


i62  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

*Ps.  cxxi,  7.  virtute  Domini  *.  Quam  eo  beatiorem  ego  suspicor  fu- 

turam,  quod  videam   haereticis    omnibus   Genevensibus 
maxime  ingratam  esse. 

Nunc  paullo  pressius  rem  cum  iis  Tononensibus  ago, 
agamque  brevi  pressissime,  ubi  quod  jampridem  medi- 

»Vid.supra,not.(i),  tabar  opusculum  *  ad  maturitatem  qualem   meum   fert 

P'  '°  ■  ingenium   perduxero ,    et   tu   negotium   probaveris.    Sic 

enim  apud  me  statutum  est  nihil   nisi   te  censore  pro- 
ferre. Habent  ii  Tononienses  meditationes  tuas  priores  de 

•Idem,  p.  137.  Pœnitentia  et  Ainore  divino  *.  31irantur  omnes  operis 
elearantiam.  Insanus  tantum  ministellus  cum  te  fœlicem 
vocasse  culpam  <(  quse  talem  ac  tantum  meruit  habere 

»Prœcon.Pasciiale.  Redemptorem  *  »  legeret  :  «  O  blasphemiam,  atheismum, 
Papismum  I  »  inclamavit  homo  stultissimus  et  amentissi- 
mus.  Ego  vero  quanta  potui  modestia  per  interlocutorem, 
quando  ne  quidem  mecum  manus  conserere  hactenus 
ausus  est,  hominis  petulantiam  ratione  castigavi. 

Interirri  advocatus  de  Près  (0  ad  me  versus  quosdam  in 


S'il  en  est  ainsi,  que  la  paix  règne  par  la  force  du  Seigneur  !  J'augure 
que  cette  paix  sera  d'autant  plus  heureuse  que  je  la  vois  être  plus 
désagréable  à  tous  les  hérétiques  de  Genève. 

Je  presse  maintenant  davantage  ces  messieurs  de  Thonon,  et  les 
presserai  encore  beaucoup  plus  lorsque  j'aurai  conduit  à  terme  , 
suivant  ma  capacité,  le  petit  ouvrage  que  je  méditais  depuis  long- 
temps, et  que  vous  aurez  approuvé  mon  entreprise.  En  effet,  j'ai 
résolu  ainsi  à  part  moi  de  ne  rien  publier  sans  le  soumettre  à  votre 
censure.  Ces  messieurs  de  Thonon  possèdent  vos  premières  médita- 
tions sur  la  Pénitence  et  l'Amour  de  Dieu.  Tous  admirent  la  beauté 
de  l'œuvre.  Seul,  un  pauvre  ministre  insensé  ayant  lu  que  vous 
nommez  «  heureuse  la  faute  qui  nous  a  valu  un  tel  et  si  grand 
Rédempteur,  »  s'est  écrié  comme  un  iiomme  tout  à  fait  stupide  et 
extravagant  :  «  O  blasphème  !  ô  athéisme  !  ô  Papisme  !  »  Mais  avec 
toute  la  modération  possible,  j'ai,  par  un  tiers,  remis  à  la  raison 
cet  effronté,  car  lui-même  n'a  pas  encore  osé  en  venir  aux  mains 
avec  moi. 

Cependant  l'avocat  de  Prez  (O  m'a  envoyé  quelques  vers,   à 

(i)  Claude  de  Prez,  docteur  ès-droits,  avocat  au  souverain  Sénat  de 
Savoie  (157a),  lieutenant  de  la  judicature-maje  du  Chablais  (1576)»  syndic  de 


Année  1595  163 

tuam,  quod  ipse  dixit,  laudem  misit,  ea  quantum  audivi 
mente  uti  ad  te  quoque,  non  suo  quidem  sed  meo  nomine 
gratulabundus  scilicet,  perferre  curarem.  Habebis  ergo 
qualecumque  id  carminis,  si  placet,  amanter;  vir  enim  est 
admodum  haereticus,  quem  tamen  propter  spem  melioris 
mentis  et  multa  virtutum  semina  non  mediocriter  dilexi. 
Tu  si  separatim,  cum  ad  me  scribes,  nonnullam  de  illis 
versibus  amicam  facias  significationem  (ad  idem  uti  fit 
litterarium),  mihi  rem  tuo  genio  dignam  fecisse  videaris  ; 
hoc  enim  argumento,  quod  saepius  jam  cum  eo  feci,  ver- 
bum  Dei  admonebo.  Vellem  enim,  si  qua  posset,  eum  a 
pertinaci  illa  mente  dimovere.  At  ipse,  quod  conscien- 
tiam  rationibus  Catholicis  concuti  sentiat,  insequentem 
fugit  *  Christum  Dominum.  "Cf.Prov.jXxvm,!. 

Bene  vale. 

Revu  sur  le  texte  insérj  dans  le  P""  Procès  de  Canonisation. 


votre  louange,  dit-il.  Son  désir  serait,  si  j'ai  bien  compris,  que  je 
vous  les  fisse  parvenir  pour  vous  féliciter  non  pas  en  son  nom,  mais 
au  mien.  Acceptez  donc,  s'il  vous  plaît,  avec  bienveillance  cette 
poésie  telle  qu'elle  est.  Cet  homme  est  enfoncé  dans  Thérésie  ;  tou- 
tefois je  lui  ai  témoigné  beaucoup  d'alTection  dans  l'espoir  de  le 
ramener  à  de  meilleurs  sentiments,  et  parce  qu'il  y  a  en  lui  bien  des 
germes  de  vertu.  Si  vous  voulez  me  faire  à  part,  lorsque  vous 
m'écrirez,  une  aimable  allusion  à  ses  vers  (dans  le  même  style  que 
lui),  il  me  semble  que  vous  ferez  quelque  chose  digne  de  votre  carac- 
tère. Je  profiterai  de  cette  occasion,  comme  je  l'ai  déjà  fait  plus  d'une 
fois  à  son  égard,  pour  lui  prêcher  la  parole  de  Dieu.  Je  voudrais  en 
effet,  s'il  était  possible,  le  retirer  de  cette  obstination  d'esprit.  Mais 
parce  qu'il  sent  sa  conscience  ébranlée  par  les  arguments  des  Catho- 
liques, il  fuit  le  Christ  Notre-Seigneur  qui  le  poursuit. 
Portez- vous  bien. 

Thonon  (1598)  et  juge  ordinaire  d'Abondance,  se  signalait  par  son  attachement 
obstiné  à  l'hérésie.  Il  fut  en  conséquence  de  cette  obstination  exilé  de  Savoie  ; 
saint  François  de  Sales  obtint  sa  grâce,  et,  par  la  force  de  sa  douceur,  parvint 
à  le  convertir  (1599).  L'avocat  de  Prez  fit  son  testament  à  Abondance  (lo  avril 
i6ia)  et  mourut  en  1625. 


164  Lettres  de  saint  François  de  Sales 


LXI 

AU     MÊME 
(inédite) 

Prochain  envoi  d'une  partie  de  son  introduction  au  Code  Fabrien. 
Question  de  droit. 

Thonon,    14  octobre  1595. 

Antonio  Fabro,  clarissimo  Senatori, 

Franciscus  De  Sales  salutem  dicit. 

Accepi  tandem  breviores  illas  tuas  cum  Possevini 
nostri  libro  et  litteris  ;  nihilo  sane  longiores  redditurus, 
quod  concionibus  crastinis(0  texendis  tempus  instet.  Ita 
quid  singulis  horis  momentisque  faciam  scire  te  vellem. 

Habebis  a  me  quam  primum  caput  unum  meorum 
adversus  hsereticos  Commentariorum  ('),  in  quo  quam 
veri  non  Ecclesise  sed  antiquarum  hseresum  sint  refor- 
matores   conabor   ostendere.  Ac,  ne  sine   te   quidquam 


A  Antoine  Favre,  très  illustre  Sénateur, 

François  de  Sales  présente  ses  salutations. 

J'ai  enfin  reçu  votre  trop  courte  lettre  avec  le  livre  et  la  lettre  de 
notre  Possevin.  Ma  réponse  ne  sera  pas  beaucoup  plus  longue,  parce 
que  je  dois  composer  mes  sermons  de  demain  (0,  et  le  temps  presse. 
Je  désirerais  vous  tenir  ainsi  au  courant  de  ce  que  je  fais  à  chaque 
heure,  à  chaque  instant. 

Je  vous  enverrai  le  plus  tôt  possible  un  chapitre  de  mes  Commen- 
taires contre  les  hérétiques  (a),  dans  lequel  je  m'efTorcerai  de  montrer 
que,  loin  d'être  les  vrais  réformateurs  de  l'Eglise,  ils  font  revivre  les 
anciennes  hérésies.  Et  afin  que,  même  ici,  rien  ne  se  fasse  sans  vous, 

(i)  Le  15  octobre  coïncidait  cette  année  avec  le  XXII'  Dimanche  après  la 
Pentecôte. 

(a)  Ces  Commentaires  constituent  un  véritable  traité  de  théologie  polé- 
mique :  De  Summa  Trinitate  et  Fide  Calholica,  qui  forme  le  premier  Titre 
du  Code  Fabrien.  (Voir  notre  Introduction  générale,  tome  I"  de  cette  publi- 
cation, p.  I.XXXI.) 


Année  1595  165 

hic  etiam  agatur,  peto  a  te,  Frater  suavissime,  uti  ad 
regulam  illam,  «  aienti  non  neganti  incumbit  probatio,  » 
sensum  genuinum,  rationem  a  priori  et  a  posteriori  adji- 
cias,  idque  Gallice  ;  nam  habeo  caput  unum  in  Commen- 
tariis  quo  haereticos  ex  hac  régula  velim  ad  probationem 
cogère,  quantumvis  negativa  potius  quam  afïirmativa  sit 
eorum  theologia(0.  Quod  tua  limandum  erit,  si  placet, 
opéra,  ut  me  deinceps  eo  vehementius  reformident  mi- 
nistri  quod  me  tuo  pugnare  Marte  certius  cognoscent. 

Bene  vale,  Frater  suavissime,  et  me,  quod  facis,  ama 
Christumque  imprimis  habeto,  cum  clarissima  universa 
familia,  propitium  ac  Servatorem. 

Tononi,  pridie  id.  Octobris  1595. 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  le  P''  Procès  de  Canonisation. 


je  vous  demande,  très  doux  Frère,  de  donner  son  vrai  sens  à  cette 
règle  :  «  La  preuve  incombe  à  celui  qui  affirme  et  non  à  celui  qui 
nie.  »  Veuillez  ajouter  les  preuves  a  priori  et  a  posteriori,  et  cela  en 
français.  J'ai  en  effet,  dans  mes  Commentaires,  un  chapitre  où, 
d'après  cette  règle,  je  voudrais  forcer  les  hérétiques  à  produire  leurs 
preuves,  bien  que  leur  théologie  soit  plus  négative  qu'affirmative  (  i  ) . 
Mettez,  s'il  vous  plaît,  tous  vos  soins  à  le  bien  établir,  afin  que  désor- 
mais les  ministres  me  redoutent  d'autant  plus  qu'ils  verront  plus 
clairement  que  je  combats  sous  votre  égide. 

Portez-vous  bien,  très  doux  Frère,  aimez-moi  comme  vous  le  faites, 
et  surtout  que  le  Christ  vous  protège  et  vous  conserve,  vous  et  toute 
votre  très  noble  famille. 

Thonon,  le  14  octobre  1595. 


(i)   Voir   dans  la    lettre   de   Favre   en   date   du    35    octobre,    l'explication 
demandée. 


i66  Lettres  de  saint  François  de  Sales 


/  LXII 

AU    PÈRE    ANTOINE    POSSEVIN,  DE   LA    COMPAGNIE    DE    JÉSUS 

(inédite) 

Nécessité  pour  le  Saint  d'obtenir  la  permission  de  lire  les  livres  hérétiques. 
—  Remarques  sur  les  Institutions  de  Calvin  et  sur  un  ouvrage  de  Théodore 
de  Bèze.  —  Témoignages  de  respectueuse  confiance. 

Thonon,    14  octobre   1595. 
3Ionsieur  mon  Révérend  Père, 

Je  receu  seulement  avanthier  vostre  lettre  et  le  livre. 
Je  prie  Dieu  qu'il  vous  rende  la  peyne  et  le  soin  que  vous 
prenes  pour  son  honneur,  et  vous  remercie  très  humble- 
ment de  l'affection  qu'il  vous  plaict  prendre  a  ce  dont  je 
vous  avois  prié. 

Pour  vray,  mon  Père,  si  mon  insuffisance  n'est  point 
l'occasion  que  Sa  Sainteté  me  refuse  ces  grâces,  il  n'y  a 
point  faute  [de]  très  urgente  nécessité.  Je  n'ose  reprendre 
Calvin  ni  Beze  en  façon  que  ce  soit,  la  ou  ilz  sont 
imposteurs  et  blasphémateurs  ,  que  chacun  ne  veuille 
sçavoir  ou  ce  que  je  dis  se  trouve  ;  dequoy  j'ay  desja  receu 
deux  afifrontz  que  je  n'eusse  pas  eu  si  ne  me  fusse  pas 
fié  aux  citations  des  livres  qui  m'ont  faict  faute.  Et  quo)' 
que  toutes  ces  gens  ne  disent  ni  escrivent  rien  de  nou- 
veau, si  escrivent  ilz  en  nouvelle  façon  qui  requiert 
quelque  praelusion.  En  fin,  en  ce  balliage  chacun  manie 
les  Institutions  ^^)\  je  suis  es  lieux  ou  chacun  sçait  ses 
Institutions  par  cœur.  Au  reste,  vostre  livre  me  fera  un 
très  grand  office,  quoy  que  j'eusse  desja  vostre  Musœum 
et  alia  opéra  de  statu  hujus  scuculU^).  Quant  a  Beze, 

(i)  Institution  de  ta  Religion  Chrestienne,  par  Jean  Calvin.  Basle,  1535. 

(2)  Aucun  des  ouvrages  du  P.  Possevin  ne  porte  le  titre  de  Musœum;  on 
peut  croire  que  le  Saint  désigne  par  ce  mot  la  Bibliotheca  Select.z,  véritable 
encyclopédie,  qui  traite  des  sciences,  des  arts,  etc. 

Par  alia  opéra  de  statu  hujus  sœculi  il  entend  probablement  le  livre  du 
P.  Possevin  Contra  Chytrceum,  déjà  indiqué  dans  les  Controverses  (tome  P' 
de  cette  Edition,  p.  199).  Ce  livre,  réfutation  de  celui  de  Chytrée  intitulé 
De  Statu  lùclesiarum,  se  divise  en  quatre  parties,  dont  Tune  porte  ce  titre  : 
Alheismi  lutreticorum  hujus  sarculi. 


Année  1595  ^"7 

ray  sceu  despuis,  que  tant  s'en  faut  qu'il  escrive  pour 
appoincter  de  religion,  que  son  livre  (0  monstre  le  diffé- 
rend estre  inappoinctable  et  rejette  l'opinion  d  un  autre 
de  mesme  forme  qui  vouloit  mesler  les  ténèbres  avec  la 
lumière  ;  mays  comme  je  n'en  sçavois  rien  que  par  ouy 
dire,  aussy  j'avois  esté  trompé  de  l'autre  costé  pour  trois 
relaps,  gens  de  simple  condition  et  de  peu  d'importance. 
Te   ne  pense   pas  que    Sa   Sainteté  refuse.    Si    mon 
espérance  réussit,  je  ne  doute   point  que   Sa   Sainteté 
mesme  ne  reçoive  grand  contentement  de  ceste  besoigne. 
Mays  il  seroit  requis  pour  la  gloire  de  Dieu  et  le  salut 
des  âmes  que,  selon  la  malice  du  tems  et  la  distance 
des  lieux.   Sa  Sainteté   nous  ouvrist  par  deçà  un  peu 
libéralement    la    main    de    sa    clémence   in  foro  con- 

scicYittcc 

Je  parle  a  vous  comme  a  celuy  duquel  j  attens  toute 
correction,  laquelle  je  subiray  tousjours  sans  réplique. 
Si  est  il,  a  mon  advis,  nécessaire  que  les  nécessites  par- 
ticulières [soient]  sceûes,  et  révélées  par  ceux  qm  les 
voyent  Je  vous  entretiens  comme  celuy  que  je  sçay  se 
trouver  en  des  grandes  occasions  d'y  prester  ayde  et 
avoir  sur  tout  en  zèle  le  salut  des  âmes.  Ce  pendant  je  ne 
lairray  pas  de  solliciter  vers  Monseigneur  de  Genève  affin 
qu'il  procure  vers  Monseigneur  le  Prince,  de  son  coste,  a 
ce  qu'il  soit  prouveu  a  ces  pauvres  âmes  tant  désolées  et 
affligées,  avec  toute  la  charité  qu'il  sera  possible.    _^ 

Excuses  moy,  Monsieur  mon  Révérend  Père,  si  j  use 
tant  librement  avec  vous.  Je  ne  laisse  pas  d'estre  très 
humble  en  l'affection  que  j'ay  de  vivre  et  mourir 

Vostre  serviteur  et  filz  en  Nostre  Seigneur, 
François  De  Sales. 
De  Thonon,  le  14  octobre  i595- 

Revu  sur  le  texte  iasérc  dans  le  I"  Procès  de  Canonisation. 
(0  II  est  probable  que  le  Saint  fait  allusion  à  ^ -^-^^"^"^^ ^ll^^'^'^ZZl 
(ibid.,  p.  203). 


î68  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

LXIII 

AU    DUC    DE    SAVOIE,    CHARLES-EMMANUEL   I"(i) 

Exposé  des  mesures  à  prendre  pour  assurer  la  conversion  du  Chablais. 
Heureuse  influence  de  M.  d'Avully. 

Thonon,  29  décembre   1595. 
Monseigneur, 

Puysqu'il  plaict  a  Vostr 'Altesse  de  sçavoir  les  moyens 
que  je  pense  (a)  estre  plus  pregnans  pour  faire  sortir  en 
efFect  le  saint  désir  qu'ell'a  de  voir  ces  peuples  de 
Chablaix  réunis  (b)  a  l'Eglise  Catholique,  comme  jay 
appris  de  monsieur  d'Avully  auquel  il  vous  a  pieu  d'en 
escrire,  je  diray  purement  et  fidellement  ce  que  j'en  crois. 

Il  est  du  tout  nécessaire  qu'il  y  aye  un  revenu  certain 
et  infallible  pour  l'entretenement  de  quelque  bon  nombre 
de  praedicateurs  qui  soyent  debrigués  de  tout  autre  soucy 
que  de  porter  la  sainte  parole  au  peuple.  A  faute  dequoy 
voyci  la  second'annëe  qui  se  passe  des  qu'on  a  commencé 
de  prêcher  icy  a  Thonon,  sans  jamais  interrompre,  avec 
fort  peu  de  fruict ,  tant  par  ce  que  les  habitans  n'ont 
voulu  croire  qu'on  prechast  par  commandement  de 
Vostr'Altesse,  ne  nous  voyans  entretenir  que  du  jour  a 


(  a  )  [Les  variantes  qui  suivent  sont  extraites  d'une  copie  autographe  conservés 
à  la  Visitation  de  Rennes.] 
cuyderoys 
(b)  ces  peuples  —  reiinis 

(I)  Charles-Emmanuel  I",  dit  le  Grand  (12  janvier  1561-26  juillet  1630), 
qui  fut,  malgré  ses  défauts,  l'un  des  princes  les  plus  remarquables  de  la  maison 
de  Savoie,  était  monté  sur  le  trône  à  l'âge  de  dix-huit  ans.  Aussi  magnanime  que 
belliqueux,  il  se  montra  le  père  de  son  peuple,  l'ami  des  lettres  et  le  protecteur 
infatigable  de  la  religion.  Après  avoir  activement  secondé  notre  Saint  dans  la 
grande  œuvre  de  la  conversion  du  Chablais,  il  resta  jusqu'à  la  fin  sou  admi- 
rateur et  son  ami,  et  se  plaisait,  en  parlant  de  lui,  à  le  nommer  le  saint  Charles 
de  ses  Etats.  Il  favorisa  l'établissement  de  l'Ordre  de  la  Visitation,  et  après 
la  mort  du  saint  Evêque  de  Genève,  fit  des  démarches  en  Cour  de  Rome 
pour  obtenir  l'introduction  de  sa  cause  de  Béatification. 


Année  1595  169 

la  journée,  qu'aussy  par  ce  qu'on  n'a  peu  attirer  nombre 
suffisant  d'ouvriers  a  ceste  besoigne,  pour  n'avoir  ou  les 
retirer  ni  dequoy  les  nourrir,  puysque  les  frais  mesmes 
qui  s'y  sont  faitz  jusqu'à  présent  ne  sont  encor  payés. 
Et  a  cecy  pourroyent  suffire  les  pensions  qu'on  em- 
ployoit  avant  la  guerre  a  l'entretenement  de  passé  vingt 
ministres  huguenotz  qui  prechoyent  en  ces  balliages,  sil 
playsoit  a  Vostr'Altesse  de  commander  qu'avec  une 
prompt'execution  elles  y  fussent  appliquées. 

Encores  seroit  il  nécessaire  de  faire  redresser  les 
églises  et  y  establir  revenu  convenable  ('^l  pour  les  curés 
qui  en  auront  la  charge,  ne  pouvans  les  prêcheurs  s'at- 
tacher a  aucun  lieu  particulier,  mays  devans  estre  libres 
pour  aller  par  tous  ces  balliages  comme  la  nécessité 
portera.  Et  sur  tout  il  est  besoin  («i)  au  plus  tost  de  dresser 
et  parer  les  églises  de  ceste  ville  de  Thonon  et  de  la 
parroisse  des  Alinges,  et  y  loger  des  curés  pour  l'admi- 
nistration des  (e)  Sacremens,  veu  qu'en  l'un  et  en  l'autre 
lieu  il  y  a  ja  bon  nombre  de  Catholiques  et  plusieurs 
autres  bien  disposés  qui,  faute  de  commodités  spirituelles, 
se  vont  perdans  ;  outre  ce,  que  cela  servira  beaucoup 
pour  appri\'oiser  le  peuple  a  l'exercice  de  la  religion 
Catholique,  principalement  sil  y  a  moyen  (f)  de  faire  les 
offices  honnorablement,  comm'avec  orgues  et  semblables 
solemnités,  au  moins  en  ceste  ville  qui  est  le  rapport  de 
tout  le  duché. 

Mays  l'on  prêchera  pour  néant  si  les  habitans  fuyent 
la  praedication  et  conversation  des  pasteurs,  comm'ilz 
ont  faict  cy  devant  en  ceste  ville.  Playse  donques  (g) 
a  Vostr'Altesse  fair'escrire  une  lettre  aux  scindiques 
de  ceste  ville,  et  commander  a  l'un   des  messieurs  les 


(c)  y  establir —  revenuz  competens 

(d)  El  sur  tout  —  seroit  nécessaire 

(e)  pour  —  administrer  les 

(f)  commodité 

(g)  Mays  parce  que  l'on  precheroit  pour  néant  si  les  habitans  fuyoyent  la 
praedication  et  conversation  des  pasteurs,  comm'ilz  ont  faict  ci  devant  ea 
ceste  ville,  je  crois,  Monseigneur,  que  sil  plaict 


lyo  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

Sénateurs  de  Savo}'e  de  venir  ic)"  convoquer  générale- 
ment les  bourgeois,  et  en  pleyn'assemblëe,  en  habit  de 
magistrat,  les  inviter  de  la  part  de  Vostr 'Altesse  a  pres- 
ter  l'oreille,  entendre,  sonder  et  considérer  de  près  les 
raysons  que  les  prêcheurs  leur  proposent  pour  l'Eglise 
Catholique,  du  giron  de  laquelle  ilz  furent  arrachés  sans 
ra5'son,  par  la  pure  y^)  force  des  Bernois;  et  ce,  en  termes 
qui  ressentent  la  charité  et  l'authorité  d'un  très  bon 
prince,  comm'est  Vostr 'Altesse,  vers  un  peuple  desvoyé. 
Ce  leur  sera,  31onseigneur,  une  douce  violence  qui  les 
contraindra,  ce  me  semble,  de  subir  le  joug  de  vostre 
saint  zèle,  et  fera  (i)  une  grand'ouverture  en  leur  obstina- 
tion. Et  s'il  plaict  a  Vostr' Altesse  y  emploj^er  monsieur 
le  sénateur  Favre,  je  tiens  que  son  affection  et  sa  suffi- 
sance y  seroit  extrêmement  sortable. 

iMonsieur  d'AvuUy  aussy,  avec  son  exemple  et  la  sol- 
licitation familière  quil  pourra  faire  vers  les  particuliers, 
aydera  beaucoup  a  l'œuvre  ;  ce  que  je  crois  quil  fera 
volontiers  selon  la  bonne  volonté  et  disposition  quil  a, 
en  laquelle  mesme  je  l'ay  tous-jours  veu  des  le  commen- 
cement que  je  vins  icy. 

Apres  cela,  dresser  une  compaignie  de  gens  d'armes 
ou  cavallerie  pour  engag'er  la  jeunesse,  suyvant  l'advis 
de  feu  monsieur  le  baron  d'Hermance,  pourveu  qu'elle 
fut  dressée  religieusement,  avec  quelques  institutions 
chrestiennes,  ne  seroit  pas  un  moyen  inutile  d'attirer  les 
courages  a  la  religion  ;  ny  auss)'',  en  cas  d'obstination, 
de  priver  a  forme  des  edictz  de  tous  offices  de  justice  et 
charges  publiques  (j)  les  persistans  en  l'erreur.  En  fin, 
qui  adjousteroit  a  tout  cecy  un  collège  de  Jésuites  en 
ceste  ville,  feroit  ressentir  de  ce  bien  tout  le  voysinage, 
qui,  quand  a  la  religion,  est  presque  tout  morfondu. 

Reste,  Monseigneur,  que  je  remercie  Dieu  qui  vous 
présente  de  si  signalées  occasions,  et  allum'en  vous  de 


(h)  sans  —  autre  raysoa  ni  persuasion,  mais  par  la  "seule 
(i)  qui  les  contraindra  —  de  subir  librement  le  joug  de  vostre  saint  zèle, 
et  fera,  ce  me  semble, 

(j  )  des  edict^  de  —  toute  sorte  d'office  de  justice 


Année  1595  171 

si  sains  i^)  désirs  de  luy  faire  le  service  pour  lequel  il 
vous  a  faict  naistre  prince  et  maistre  des  peuples.  Il  y  a 
de  la  despence  en  ceste  poursuite,  mais  c'est  aussy  le 
suprême  grade  de  l'aumosne  chrestienne  que  de  procurer 
le  salut  des  âmes.  Le  glorieux  saint  Maurice,  auquel 
Vostr'Altesse  porte  tant  d'honneur,  sera  nostr'advocat 
en  ceste  cause  pour  impetrer  de  son  Maistre  toute  béné- 
diction a  Vostr'Altesse,  qui  est(i)  l'instrument  principal 
et  universel  de  l'establissement  de  la  foy  catholique  en 
ces  contrées,  lesquelles  il  arrousa  i'^^)  de  son  sang'  et  de 
ses  sueurs  pour  la  confession  de  la  mesme  foy.  Ainsy 
prie  je  sa  divine  Majesté  pour  la  prospérité  de  Vostre 
Altesse,  comme  je  dois,  puysque  je  suis  né  et  mourray, 

Monseigneur,  de  Vostr'Altesse, 

Très  humble  et  très  obéissant  sujet  et  serviteur, 

François  De  Sales, 
indigne  Praevost  de  l'Eglise  de  Genève  (°). 
De  Thonon,  le  2g  décembre  1595  (»). 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  Turin,.  Archives  de  l'Etat. 


(k)  bons 

(  1  )  auquel  —  vous  portes  tant  d'honneur,  sera  nostr'advocat  en  ceste 
s"=  cnuse  au  près  de  son  Maistre  pour  impetrer  toute  bénédiction  a  V.  Altesse, 
qui  sera 

(m)  a  arrousëes 

in)  je  suis  ne  ei —  nourri,  vivray  et  mourray,  Monseigneur, 

Vostre  treshumble  et  tresobeissaut  sujet  et  serviteur. 

(o)  Le  39.  10.  95.  a  Thonon. 


172  Lettres  de  saint  François  de  Sales 


MINUTE  DE  LA  LETTRE  PRECEDENTE 


(«)  Monseigneur, 

Puysque  il  plaict  a  V.  A.  de  sçavoir  quelz  moyens 
je  cuyderoys  estre  plus  preignans  pour  la  réduction  de 
ces  peuples  a  la  foy  catholique,  comme  j'ay  appris  de 
monsieur  d'Avully  auquel  il  vous  a  pieu  d'en  escrire,  je 
produyray  purement  et  fidellement  ce  qu'il  m'en  semble. 

Voicy  la  second'annëe  que,  par  vostre  bon  playsir  et 
le  commandement  de  Monseigneur  le  R™^  Evesque  de 
Genève,  quelques  vertueux  personnages  et  moy  avons 
prêché  icy  a  Thonon  et  es  Alinges.  Il  est  du  tout  néces- 
saire quil  y  ait  un  revenu  certain  et  infallible  pour  l'en- 
tretenement  de  quelque  bon  nombre  de  prédicateurs, 
pu3^sque  pour  croire  il  faut  ouïr  et  l'on  ne  peut  ouyr  sans 
•Cf.  Rom.,  X,  14.  prêcheur*,  et  que  ceux  qui  viendront  icy  pour  prêcher 
doivent  estre  debrigués  de  tout  autre  soucy  que  de  porter 
la  parole  de  Dieu.  A  faute  dequoy  voicy  la  second'annëe 
que  Ton  prêche  icj^  a  Thonon  sans  beaucoup  de  fruict,  tant 
par  ce  que  les  habitans  ne  peuvent  croire  que  ce  soit 
par  l'aveu  ou  bon  playsir  de  V.  A.,  (b)  ne  nous  voyans 
entretenir  que  du  jour  a  la  journée,  que  par  ce  qu'on  n'a 
peu  attirer  nombre  suffisant  d'ouvriers  ('^)  a  ceste  sainte 
besoigne,  pour  n'avoir  ou  les  retirer  ni  moyen  de  les  y 
nourrir,  mesme  que  la  despence  qui  s'y  est  faite  jusqu'à 
présent  n'a  encor  esté  payée.  A  quoy  pourroyent  suffire 
les  pensions  qu'on  employoit  avant  ces  guerres  a  l'entre- 
tenement  de  vingt  et  tant   de  ministres  huguenotz   qui 


(a)  Monseig'',  Je  loue  Dieu  de  voir  par  effect  le  zèle  et  «"=  affection  que 
je  sçavois...  croyois  estre  en  V.  A.  pour  l'advancement  de  la  foy  catholique 
en  ce  pais.  Monsieur  d'Avully  m"a  faict  voir  que  V.  Alt.  desiroit  sçavoir  les 
moyens  que  je  penserois  estre  plus  propres  pour  ce  dessain.  Monseig'',  ja  que 
sous  vostre  bon  playsir  j'ose  vous  produyre  mon  avis... 

(b)  de   V.  A.,  —  fn'y  voyant  rien  de  ferme. ..J 

(c)  d'oHvritrs  —  fa  U  vigne,. .J 


Année  1595  173 

prechoyent  en  ce  duché,  sil  playsoit  a  V.  A.  de  com- 
mander qu'avec  une  prompt'execution  elles  y  fussent 
appliquées. 

Encores  seroit  il  nécessaire  de  faire  redresser  quelques 
églises  en  quelques  lieux  qui  seroyent  jugés  plus  a 
propos,  avec  les  autelz  bien  proprement  parés,  pour(<i) 
apprivoyser  les  habitantz  a  l'exercice  de  la  religion  catho- 
lique ;  et  en  ces  lieux  la  establir  revenu  compétent  pour 
les  curés  qui  en  auront  charge,  ne  pouvans  les  prêcheurs 
demeurer  fermes  en  aucun  lieu,  mays  devans  discourir 
de  costé  et  d'autre  pour  l'instruction  de  tout  le  duché, 
et  mesme  des  deux  autres  balliages,  s'il  y  eschoit.  Mays 
sur  tout  il  faudroit  qu'au  plus  tost  on  dressât  l'autel  et  («) 
fit  on  parer  l'église  en  ceste  ville  et  de  la  parroisse  des 
Alinges,  et  qu'on  y  logeât  des  prestres  pour  y  admi- 
nistrer les  Sacremens,  y  ayant  en  l'un  et  en  l'autre  lieu 
bon  nombre  de  Catholiques,  et  plusieurs  autres  prestz  a 
se  convertir  quand  ilz  verront  bon  ordre  en  cest  affaire, 
qui,  faute  de  ce  secours,  se  perdent  bien  souvent.  Et 
puys,  de  main  en  main,  a  mesure  qu'on  jugera  conve- 
nable, faudra  ainsy  par  toutes  les  parroisses  remettre  sus 
l'exercice  de  la  foy  catholique  et  y  colloquer  des  pasteurs. 

Et  par  ce  que  l'on  precheroit  pour  néant,  sur  tout  en 
ceste  ville,  si  les  habitans  fuyoyent  les  prêcheurs  et  la 
prédication,  comm'ilz  ont  faict  cy  devant,  et  ne  veulent 
prester  l'oreille  a  l'instruction  ni  conférer  avec  ceux  qui 
viendront,  je  crois,  Monseigneur,  que  sil  plaict  a  V.  A. 
fair'escrire  une  lettre  au  cors  de  ceste  ville,  et  com- 
mander encores  a  l'un  de  messieurs  les  Sénateurs  de 
Savoj^e  de  venir  icy  faire  assembler  le  conseil  gênerai 
des  bourgeois  de  ceste  ville,  et  en  pleyne  assemblée,  en 
habit  de  magistrat,  les  inviter  de  la  part  de  Vostr'Altesse 
a  (f)  prester   l'oreille,    ouyr,    sonder    et    considérer    de 


(d)  pour  —  faccoustumerj 

(e)  il  faudroit  —  fque  tout  promptementj   on  dressât   l'autel  et  friiit   on 
en  ordre...J 

{{)  de  Vostr'Altesse  a  —  se  laisser  instruire  avec  la  rayson,   a  revenir  au 
giron  de  l'Eglise,  duquel  par  la  force... 


174  Lettres  dh  saint  François  de  Sales 

près  les  raysons  et  prédications  de  l'Eglise  Catholique, 
du  giron  de  laquelle  ilz  ont  estes  arrachés  par  les  Bernoys 
sans  aucune  rayson,  et  ce  en  termes  qui  ressentent  et 
la  charité  et  Tauthorité  d'un  très  bon  prince,  vrayement 
catholique  comm'est  V.  A.,  vers  un  peuple  desvoyé,  ce 
leur  sera  une  douce  violence  qui  les  contraindra  de  subir 
librement  le  saint  joug  de  vostre  zèle.  Geste  bonté  et  au- 
thorité  fera,  ce  me  semble,  une  bien  grande  ouverture  a 
leur  obstination,  et  mettra  les  voysins  en  admiration  de 
la  suavité  de  vostre  domination.  Et  pour  ceste  négocia- 
tion je  tiens  la  dévotion  et  la  suffisance  de  monsieur  le 
sénateur  Favre  pour  extrêmement  sortable. 

(g)  Monsieur  d'AvuUy  auss}^,  avec  son  exemple  et  la 
sollicitation  familière  quil  pourra  faire  vers  les  parti- 
culiers, aydera  beaucoup  a  l'œuvre,  ce  que  je  crois  quil 
fera  volontiers,  selon  la  bonne  volonté  et  disposition 
quil  a,  en  laquelle  mesme  je  l'ay  tousjours  veu  des  le 
commencement  que  je  vins  icy. 

iMays  qui  adjousteroit  a  tout  cecy  un  collège  de  Jésuites 
en  ceste  ville,  feroit  ressentir  de  ce  grand  bien  tout  le 
vo3'sinage,  qui,  quand  a  la  religion,  est  quasi  tout 
morfondu. 

Reste,  Monseigneur,  que  je  remercie  de  tout  mon 
cœur  nostre  Sauveur  qui  vous  présente  de  si  grandes 
occasions,  et  donne  de  si  ardantz  désirs  de  luy  faire  le 
service  pour  lequel  il  vous  a  faict  naistre  prince  et 
maistre  des  peuples.  Il  va  de  la  despence  en  ceste  pour- 
suite, ma3^s  c'est  le  suprême  grade  de  l'ausmone  chres- 
tienne  que  de  procurer  le  salut  des  âmes.  Le  glorieux 
JMartir  saint  iVlaurice,  auquel  vous  portes  tant  d'honneur, 
demandera  vangeance  a  son  Maistre  contre  ceux,  quelz 


(g)  TAinsy  ne  doute  je  point,  Monseig'',  que  Vostre  Altesse  ne  se  voye  bien 
tost  en  possession  du  fruict  de  sa  sainte  intention  ;  car  la  principal'excuse  que 
ceux  de  ceste  ville  produysent  pour  ne  venir  a  la  prxdication  catholique  c'est 
que  ce  leur  seroit  légèreté,  sans  autre  sujet,  de  changer...  quilz  ne  croyent  pas 
que  Vostre  Altesse  en  aye  tant  de  désir  qu'on  dict.  Et  quand  aux  vilageois, 
pour  la  plus  part  ilz  sont  resoluz  de  se  ranger  a  l'instruction  quil  plaira  a 
Vostre  Altesse,  parce,  ce  dient  ilz,  qu'ell'est  mieux  entendue  qu'eux. J 


Année  1595  1^5 

quilz  soyent,  qui  empêcheront  et  retarderont  lestablis- 
sement  de  la  foy  catholique  en  ces  contrées,  lesquelles 
il  a  arrousëes  de  ses  sueurs  et  de  son  sang  pour  le  tes- 
moignage  de  ceste  mesme  foy.  Au  contraire,  [il]  attirera 
par  ses  prières  la  bénédiction  du  Père  céleste  a  quicom- 
que  Tadvancera,  et  particulièrement  sur  Vostre  Altesse 
qui  en  est  la  cause  principale  et  universelle,  (h)  pour  la 
prospérité  de  laquelle  je  prie  ordinairement  Dieu,  comme 
je  dois,  puysque  j'ay  ce  bien  d'estre  né  et  nourry  (i), 
ainsy  que  je  vivray  et  mourreiy,  sil  plaict  a  sa  divine 
bonté, 

Monseigneur, 
Vostre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


{h.)  ai  universelle,  —    fsur  Madame  et  Messeigneurs  les   enfans...  pour   la 
prospérité  de  laquelle  je  prie  Dieu  sans  cesse...J 

(  i  )  e/  nourry,  —  fet  Tesperance  de  vivre  et  mourir... J 


ANNEE    1596 


LXIV 


AU    SENATEUR    ANTOINE   FAVRE 
(inédite) 

Rencontre  avec  Martinengo.  —  Visite  du  Saint  à  sa  famille  et  au  baron  de 
Chevron.  —  Bienveillance  que  manifestent  à  son  égard  le  duc  de  Savoie  et 
le  Nonce  apostolique.  —  Désir  de  recevoir  le  douzième  Livre  des  Conjec- 
tures.—  Encouragement  à  dédier  à  l'Evêque  la  Centurie  seconde  de  Sonnets. 

Annecy,  6  février   1596. 

Habes  sane,  fateor,  suavissime  Frater,  quod  de  me 
conqueraris  qui  hoc  anno  a  me  nihil  litterarum  accepisti  ; 
habeo  vero  quod  de  anno  hoc  conquerar  qui  tôt  me  cur- 
sitationibus  initio  torsit  ac  contorsit  ut  nullibi  secundum 
propemodum   diem   quiescere  licuerit.    Martinengius  (  0 


Je  l'avoue  sans  peine,  très  aimable  Frère,  vous  avez  sujet  de  vous 
plaindre  de  moi,  car  vous  n'avez  pas  encore,  cette  année,  reçu  de  ma 
part  la  moindre  lettre.  Et  moi  aussi  j'aurais  raison  de  me  plaindre  de 
cette  année  dont  le  début  m'a  mis  et  remis  en  tourment  par  toutes 
sortes  de  courses,  au  point  de  ne  pas  me  laisser,  pour  ainsi  dire, 
deux  jours  de  tranquillité  de  suite.  On  espérait  que  Martinengo  (  0 

(i)  François  Martinengo,  comte  de  Malpagua,  né  à  Brescia  (1548)  d'une 
illustre  famille  vénitienne,  avait  mis  au  service  de  la  Savoie  sa  bravoure 
et  son  dévouement.  Grand  écuyer,  lieutenant  de  la  cavalerie  et  «  lieutenant- 
général  es  armées  du  duc  Emmanuel-Philibert,  »  il  fut  sous  son  successeur 
«  lieutenant-général  deçà  les  monts  »  (1388),  gouverneur  de  Nice,  puis  de  la 
Provence  (1592),  qui  venait  de  se  soumettre  à  Charles-Emmanuel  V.  Investi 
encore  une  fois  de  la  charge  de  lieutenant-général,  il  dirigea  les  opérations 
militaires  en  Savoie  et  en  Bresse  (1595).  Sa  nationalité  et  la  faveur  dont  il 
jouissait  éveillèrent  les  susceptibilités  des  Espagnols  qui  menacèrent  le  duc 
de  lui  retirer  tout  appui,  dans  les  guerres  qu'il  soutenait  contre  la  France, 


Année   1596  177 

quidem  cum  ad  Divse  Catharinse  arcem  venturus  spera- 
retur,  nostrorum  precibus  adactus  sum  ut  partim  noc- 
turno,  partim  diurno  itinere  ad  condictum  locum  et  diem, 
negotiorum  quorumdam  pro  clericis  cum  eo  tractandorum 
gratia  (  0,  [me  conferrem  ;]  cumque  mœnia  Gebenensia 
mane  lamberemus,  didici  te  inde  [aurora]  ejus  diei  disces- 
sisse  (  =  ),  quo  mecum  longe  durius  actum  existimavi  quod 
tam  parvo  temporis  intervallo  disjungeremur,  ac  ut  fieri 
solet,  veluti  praecurrentem  consequuturus,  ad  multam 
usque  noctem  iter  feci  ;  sed  frustra,  nam  ut,  si  tamen 
factu  possibile  foret,  desiderium  quo  crucior  fruendi  te 
acueres,  mihi  ejus  ingenium  imitatus  videbaris,  quse  fu- 
giebat  «  ad  salices  sed  »  se  cupiebat  «  ante  videri  *.  »  'Virgil.,  Eciog  m, 
At  ego,  ne  igitur  spinetum  rosa  carens  ingrediar  (non     ^' 


viendrait  au  fort  Sainte-Catherine.  Sur  les  instances  de  nos  amis,  je 
fus  obligé  de  me  rendre,  partie  de  jour  et  partie  de  nuit,  au  lieu 
et  au  jour  convenus  pour  y  traiter  certaines  affaires  concernant  le 
clergé  { I  ).  Au  matin,  comme  nous  longions  les  remparts  de  Genève, 
j'appris  que  vous  en  étiez  parti  à  l'aube  de  ce  même  jour  (2).  J'en  ai 
ressenti  un  regret  d'autant  plus  vif  que  moindre  était  l'espace  qui 
nous  séparait,  et  pour  atteindre  celui  qui  semblait,  ainsi  qu'il  arrive 
souvent,  courir  devant  moi,  j'ai  voyagé  une  bonne  partie  de  la  nuit, 
mais  en  vain.  Comme  pour  attiser,  si  toutefois  la  chose  eût  été 
possible ,  le  désir  dont  je  brûlais  de  jouir  de  votre  présence,  vous 
sembhez  imiter  l'industrie  de  celle  «  qui  s'enfuyait  vers  les  saules, 
tout  en  cherchant  auparavant  à  se  faire  voir.  » 

Quant  à  moi,  ne  voulant  pas  m'enfoncer  dans  un  buisson  d'épines 

s'il  n'éloignait  Maitinengo.  Celui-ci  se  retira  dans  sa  patrie,  et  plus  tard  fut 
nommé  lieutenant-général  de  la  cavalerie  vénitienne.  Il  mourut  à  Bergame 
le  3  février  1621. 

(1  )  Les  finances  de  Charles-Emmanuel  I*^''  étant  fort  obérées  par  suite  des 
guerres  qu'il  soutenait  contre  les  hérétiques,  ce  prince  avait  obtenu  du  Pape 
l'autorisation  de  lever  un  impôt  extraordinaire  sur  le  clergé.  L'application  de 
cette  mesure  avait  été  confiée  à  Martinengo,  réputé  «  très  au  courant  des 
affaires  de  la  Savoie.  »  (Archives  du  Vatican,  Nun^.  di  Savoia,  vol.  33.)  C'est 
à  cette  occasion  que  le  Saint  se  rendait  auprès  du  lieutenant-général. 

(2)  Le  registre  des  Entrées  dit  Sénat  permet  de  constater  une  absence  du 
sénateur  Favre  du  12  au  15  janvier  1596.  Il  est  très  probable  qu'il  s'était  rendu 
à  Genève  pour  surveiller  l'impression  de  ses  Conjectures,  confiée  à  Jean 
de  Tournes. 

Lfttrfs  I  13 


iy8  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

enim  me  ad  sui  contemplationem  infœlix  civitas,  sed 
unius  quidem  hominis,  sed  qui  instar  multorum  mihi 
sit,  praesentia  pertraxerat),  et  ut  suavissimi  complexus 
jacturam  aliquo  modo  resarcirem,  ad  Salesios  nostros 
venio,  mox  ad  Baronem  nostrum  Chivronium.  qui  me 
tanta  benevolentia  quanta  maxima  dici  potest  exceptum, 
per  multos  dies  quibusdam  suis  cum  fratribus  et  agnatis 
rébus  componendis  retinuit,  ut  litteras  illas  suavissimas 
ad  7  calend.  Februarii  scriptas,  hesterna  tantum  die 
acceperim.  Sed  plurima  nihilominus  me  de  te  docuerat 
frater  ille  propemodum  alter  Locatellus,  quem  semel  et 
iterum  vidi  epistolam  de  me  tuam  lectitantem,  per  quam 
nobiscum  fere  coUoqui  videbaris,  si  ea  de  te  non  dixis- 
semus  quae  te  prsesente  dici  ipsa  tua  modestia  non 
pateretur. 

At  me  nunc  nulla  potest  diutius  continere  modestia 
quin  tibi  paullulum  succenseam,  quem  cum  toties  serio 
dicentem  audiverim  summopere  optare  te  nomen  tuum 
ab  ore  et  aure   principum  quam   longissime  abesse,  te 


sans  rose  (car  ce  n'était  pas  la  malheureuse  cité  qui  m'attirait  pour 
se  faire  admirer,  c'était  la  présence  de  cet  homme  qui  seul  a  pour  moi 
plus  d'attraits  que  la  foule),  et  afm  de  compenser  en  quelque  sorte  la 
perte  que  j'avais  faite  de  vos  embrassements,  j'allai  chez  nos  parents 
à  Sales.  Bientôt  après  je  me  rendis  chez  notre  baron  de  Chevron, 
qui  me  fit  un  accueil  bienveillant  au  dessus  de  toute  expression,  et  me 
retint  plusieurs  jours  pour  règlement  d'affaires  avec  quelques-uns 
de  ses  frères  et  autres  parents.  Ainsi  je  n'ai  reçu  qu'hier  votre  très 
suave  lettre  du  26  janvier.  Toutefois  Locatel,  que  je  considère  presque 
comme  un  second  frère,  m'avait  beaucoup  parlé  de  vous.  Je  l'ai  vu 
lire  et  relire  attentivement  cette  lettre  où  il  était  question  de  moi,  et 
grâce  à  elle,  vous  auriez  semblé  partager  notre  causerie,  si,  en  nous 
entretenant  de  vous,  nous  n'eussions  dit  des  choses  que  votre  modestie 
n'eût  pas  souffert  être  dites  en  votre  présence. 

Mais  aujourd'hui  aucune  modestie  ne  pourra  me  contenir  plus 
longtemps.  Il  faut  que  je  me  fâche  un  peu  contre  vous.  Comment  ? 
Je  vous  ai  entendu  dire  si  souvent  et  sérieusement  que  votre  ardent 
désir  était  que  votre  nom  fût  écarté  le  plus  possible  de  la  bouche  et 
de  l'oreille  des  princes,  et  voici  que  je  vous  vois  dans  la  plus  grande 


Année  1596  179 

jam  laetitiam  de  eo  maximam  capere  videam  quod  ma- 
gnifice  Principem  nostrum  de  me  passim  et  sentire  et 
loqui  cognoveris.  Ego  vero,  mi  Frater,  quod  postea  dicis, 
Genandi  (0  nostri  fœlicitati  invidere,  vel  potius  deinceps 
niti  non  invidere,  beatius  semper  existimavi.  Quod  si 
stationem  inferiorem  navicula  nostra  sortiatur,  portum 
tamen  teneat  secura  ;  ne  si  veliiicationi  velit  incumbere, 
fiât  temp estas  inairna,  ita  ut  o-periâtur  fluctï bus  *.         *  Jonas.i,  4;Matt., 

yuod  autem  attmet  ad  prioratus,  prior  ratus  sum 
egomet  nihil  ad  me  spectare(2);  hoc  autem  ad  me  spectat 
uti  Chaventius,  qui  a  secretis  est  Principis  (3),  ingratum 
me    non    existimet.    Is    autem    nuper    elegantissime    et 


joie  parce  que  vous  avez  appris  que  notre  prince  manifestait  parfois 
dans  ses  paroles  de  magnifiques  sentiments  à  mon  égard  !  Et  moi 
au  contraire,  mon  Frère,  je  considère  aussi  bien  que  vous,  comme  le 
plus  heureux  le  parti  choisi  par  notre  Genand  (  i  ),  dont  vous  me  dites 
plus  loin  envier  le  bonheur,  ou  plutôt  essayer  de  ne  pas  l'envier.  Si 
notre  nacelle  occupe  un  rang  inférieur,  que  du  moins  elle  soit  en 
sécurité  dans  le  port,  de  peur  que  si  elle  voulait  livrer  sa  voile  au  vent, 
elle  ne  s'exposât  à  une  grande  tempête  et  ne  fût  couverte  par  les  flots. 

Pour  la  question  des  prieurés,  je  suis  le  premier  persuadé  qu'elle  ne 
me  concerne  aucunement  (2).  Une  chose  pourtant  m'intéresse  :  je 
ne  voudrais  pas  que  Chavent,  le  secrétaire  du  prince  (3),  me  crut 
ingrat.  Récemment,  dans  une  lettre  très  élégante  et  très  aimable,  il 

(i)  François  Genand,  avocat  au  Sénat  de  Chambéry  (I789),  avait  quitté 
le  barreau  pour  entrer  dans  l'Ordre  des  Frères-Mineurs  Capucins,  où  il  est 
connu  sous  le  nom  de  P.  François  de  Chambéry.  Il  y  fit  profession  le  25  jan- 
vier 1596,  et  fut  successivement  Gardien  du  couvent  d'Annecy  {1602-1605), 
Custode  général  (1612),  et  enfin  chargé,  en  qualité  de  Commissaire  général, 
du  gouvernement  de  la  Province  de  son  Ordre  en  Savoie  (1614-16181.  Orateur 
éloquent  et  apôtre  zélé,  il  s'était  acquis  par  sa  sagesse  et  sa  vertu  la  confiance 
des  grands  qui  le  consultaient  souvent  et  le  prenaient  pour  arbitre  de  leurs 
différends.  Ce  Religieux  termina  au  couvent  de  Belley  (1634)  une  vie  dont 
plusieurs  prodiges  attestèrent  la  sainteté.  (Archives  des  Capucins  de  Chambéry.) 

(2)11  s'agit  des  prieurés  perpétuellement  unis  de  Talloires  et  de  Saint-Jorioz, 
vacants  d'abord  par  le  décès  de  Jacques  de  Savoie  (13  décembre  159^).  Le  duc 
Charles-Emmanuel  P''  nomma  à  ce  riche  bénéfice  Viale  Calcagni,  grand  au- 
mônier de  la  duchesse  et  précepteur  des  princes;  mais  celui-ci  mourut  à  la  fin 
de  janvier  1596,  avant  d'avoir  reçu  ses  Bulles.  Charles  de  La  Tour  fut  institué 
prieur  commendataire  des  deux  monastères  le  13  septembre  de  la  même  année. 

(3)  Voir  ci-après,  note  (i),  p.  182, 


i8o  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

amantissime  ad  me  scripsit  quaenam  Princeps  et  Xuntius 
Apostolicus  de  me  protulerit  praejudicia,  suamque  ipsius 
erga  me  hominem  alioquin  ignotum  propensionem  copiose 
explicat.  Ego  per  litteras  gratias  acturus,  quo  gratius 
habeat,  si  tamen  ita  videbitur,  tu  quoque  pro  me  et 
habeas  et  agas. 

Duodecimum  Conjecturarum  librum,  mihi  quod  ais 
inscriptum,  videre  non  minus  cupio  quam  soleant  alii 
amicorum  liberos  legitimos  ;  et  quod  duodecimus  sit, 
universitate  numerorum  quam  universam  totius  amicitiae 
summam  inter  nos  esse  commonstrabit,  quod  nihil  mihi 
gloriosius.  Sacrum  autem  de  Eucharistiae  mysteriis 
'Videsupra,p.i37.  poema  (O  non  video  quare  non  possis  Episcopo  dicare  *, 
cum  altius  profundiusque  sit  opus  priore,  et  prasterea 
non  semper  a  supremis  ad  infima,  sed  interdum  ab  infi- 
mis  ad  suprema  transcurrere  asquissime  ordo  patiatur. 

Caput  illud  de  discordi  haereticorum  cum  haereticis 
Vide  supra,  p.  164.   concordia  *  mecum  non  attuli,  vitio  famuli  cui  cum  quae 


m'a  écrit  les  jugements  avantageux  que  portaient  sur  moi  le  prince  et 
le  Nonce  apostolique,  et  exposé  amplement  son  inclination  personnelle 
pour  moi,  qui  lui  suis  d'ailleurs  inconnu.  Je  dois  le  remercier  par 
une  lettre,  et,  afin  de  lui  être  plus  agréable,  si  vous  le  trouvez  bon, 
vous  le  ferez  aussi  en  mon  nom,  après  avoir  retenu  pour  vous-même 
une  part  de  mes  remerciements. 

Vous  m'avez  dédié,  dites-vous,  le  douzième  livre  des  Conjectures. 
Je  désire  le  voir  avec  autant  d'ardeur  que  d'autres  aiment  à  voir 
les  enfants  légitimes  de  leurs  amis.  C'est  le  livre  douzième,  nombre 
parfait  qui  prouvera  qu'entre  nous  existe  la  somme  parfaite  de  toute 
amitié.  Rien  ne  saurait  me  donner  plus  de  gloire.  Quant  au  poème 
sur  les  mystères  de  l'Eucharistie  (O,  je  ne  vois  pas  pourquoi  vous  ne 
pourriez  le  dédier  à  l'Evêque.  Cette  œuvre  est,  en  eîTet,  plus  élevée 
et  plus  profonde  que  la  première  ;  d'ailleurs,  c'est  dans  l'ordre  de 
ne  pas  toujours  descendre  des  plus  hauts  degrés  aux  plus  bas,  mais 
de  monter  parfois  des  degrés  inférieurs  aux  degrés  supérieurs. 

Je  n'ai  pas  apporté  avec  moi  le  chapitre  sur  l'accord  discordant  des 
hérétiques  entre  eux.  C'est  la  faute  d'un  serviteur  qui  l'a  oublié, 

(  I  )  Ce  poème  constitue  la  Centurie  seconde  de  Sonnets  spirituels  en  l'/ion- 
tieur  du  Iressaint  Sacrement  de  l^ Autel. 


Année  1596  '^' 

afFerre  statueram  commissem,  omisit.  At  faciam  [ne] 
diutius  expectes  ;  redeo  namque  ad  opus  Thononiense, 
neque  prius  quicquam  agam  quam  ut  fragmentum  iUud 
remittam.  Illud  autem  unum  te  haec  scribere  me  scire 

par  est. 

Ecce  a  nobili  atque  bona  illa  vidua  de  Plana  O  epi- 
stolam  accipio  qua  modestissime  creditam  pecuniam  a 
Domino  de  Chisse  expetit.  Jamque  vale,  atque  me  sine 
otio  scribentem  excusatum  habeto.  Universis  nostris 
salutem  plurimam. 

Necii,  octava  idus  Februarii,  anno  millésime  quingen- 
tesimo  nonagesimo  sexto. 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  le  P^  Procès  de  Canonisation. 


quoique  je  lui  eusse  donné  la  liste  de  ce  que  je  voulais  emporter  ; 
mais  je  prendrai  mes  mesures  pour  que  votre  attente  ne  soit  pas 
trop  longue.  Je  retourne  en  effet  à  l'œuvre  de  Thonon  et,  avant  toute 
autre  clTose.  je  vous  expédierai  cette  pièce.  Il  est  bon  toutefois  que 
vous  seul  sachiez  que  j'en  suis  l'auteur. 

Je  reçois  de  cette  noble  et  bonne  veuve  de  Planaz  (  i  )  une  lettre 
par  laquelle  elle  réclame  très  respectueusement  au  seigneur  de  Chissé 
l'argent  qu'elle  a  prêté.  Adieu  donc,  et  veuillez  m'excuser,  car  je  vous 
écris  sans  loisir.  Mille  saluts  à  tous  les  nôtres. 

Annecy,  le  6  février  1596. 

(X)  Donade  Pernette  de  BaiUans,  nièce  de  M«^  de  ^ranier  et  cousine- 
,LLe  du  chanoine  de  Chissé,  avait  épousé  (1583)  Gabr.el  de  V.gnod 
seigneur  de  Planaz,  qui  mourut  le  .6  septembre  159t.  Le  7  fevr.er  1^96  M  de 
Planaz  achetait  une  terre,  et  le  chanoine  de  Chissé  signait  en  qualUe  de  temo.n 
le  contrat  d'acquisition.  (Archives  de  la  Visitation  d'Annecy,  Collect.on  Vuy.) 


Lettres  de  saint  François  de  Sales 
LXV 

A    MONSIEUR    CHAVEXt(0 
(minute  inédite) 


Témoignages  de  reconnaissance  et  d'affection.  —  Eloignement  du  Saint 
pour  les  dignités  ecclésiastiques. 

Annecy,  vers  le  8  février  1596  (2). 
Monsieur, 

Mon  insuffisance  ne  me  despleut  onques  tant  qu'elle 
fit  quand  je  vis  avanthier  la  lettre  que  vous  aves  daigné 
m'escrire  ;  car  j'eus  tant  d'honte  de  me  voir  si  peu  de 
chose  au  pris  de  l'opinion  que  Son  Altesse,  de  sa  bonté, 
en  a  conceu  et  qu'avec  son  authorité  il  m'a  faict  valoir 
vers  Monseigneur  le  Nonce,  que  l'honneur  lequel  j'en 
reçois  ne  m'en  peut  pas  relever. 

J'ay  receu  la  faveur  avec  laquelle  vous  m'offres  vostre 
amitié  avec  d'autant  plus  d'humilité  que  j'en  ay  moins 
de  mérite,  avec  ceste  seule  appréhension,  que  peut  estre 
la  connoissance  du  sujet  pourroit  c}'  après  apporter  du 
changement  a  ceste  vostre  volonté;  si  ce  n'est  que  vous 
y  regardies  l'affection  que  j'ay  de  me  rendre  capable  de 
vous  faire  humble  service ,  puisque  vous  me  verries 
aussi  bien  assorti  de  ce  costé  la  que  vous  pourries  jamais 
voir  homme.  Mais  quant  a  la  coadjutorie,  toutes  raysons 
et  ma  propre  expérience  me  défend  de  la  désirer  ;  et  le 

(i)  Théodule  Chavent  avait  été  d'abord  clerc  en  grande  chancellerie  (1589) 
avant  d'être  nommé  secrétaire  ordinaire  de  Son  Altesse  à  Chambéry.  On  lui 
donne  aussi  le  titre  de  secrétaire  d'Etat. 

(2)  Bien  que  cette  lettre  ne  porte  ni  date  ni  adresse,  il  est  cependant 
permis  de  conjecturer  l'une  et  l'autre  d'après  la  mention  donnée  dans  la 
lettre  précédente  au  secrétaire  du  duc.  L'allusion  faite  dans  celle-ci  à  la 
coadjulorerie  de  l'évêché  de  Genève  ne  contredit  pas  à  la  date  ;  car  on  sait 
que  M*"^  de  Granier  avait  résolu  de  choisir  le  jeune  Apôtre  du  Chablais  pour 
coadjuteur  longtemps  avant  d'en  faire  la  proposition  à  celui-ci. 


Année  1596  ^°3 

devoir,  l'honneur  et  le  zèle  que  j'ay  a  Monseigneur  le  Re- 
verendissime  Evesque  m'empêchera  tousjours  de  penser 
a  l'evesché  pendant  que  Dieu  le  me  prestera  pour  Prélat, 
et  mon  incapacité,  quand  Dieu  m'en  auroit  privé. 

Je  supplie  sa  divine  Majesté  pour  vostre  santé,  et 
vous,  de  me  faire  cest  honneur  de  vous  asseurer  que  je 
vivray  tousjours, 

Monsieur, 
Vostre  très  humble  et  affectionné  frère  et  serviteur. 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  le  I"  Procès  de  Canonisation. 


LXVI 


A   MONSEIGNEUR  JULES-CÉSAR   RICCARDI 
ARCHEVÊQUE   DE    BARI,    NONCE   APOSTOLIQUE    A   TURIN  (O 

(  MINUTE  ) 

Joie  qu'éprouvent  les  Savoisiens  de  la  nomination  du  Nonce.  -  Récit  de 
l'apostasie  du  Chablais  et  des  tentatives  faites  pour  la  conversion  de  cette 
province.  -  Mesures  à  prendre  pour  en  assurer  le  succès. 

Thonon,    19  février   1596. 

Illustrissimo  et  Reverendissimo  Signore 
mio  colendissimo, 

Dobbiamo  quanti  siamo  de  Savoyani,  et  io  particolar- 
mente,  laudar  Iddio  et  rallegrarci  délia  felice  elettione 
che  fece  Sua  Beatitudine  di  V.  S.  per  Nuncio  Apostolico 


Mon  très  honoré,  Illustrissime  et  Révérendissime  Seigneur, 

Nous  devons  tous,  tant  que  nous  sommes  de  Savoisiens,  et  moi 

particulièrement,  louer  Dieu  et  nous  réjouir  de  l'heureux  choix  que 

Sa  Sainteté  fit  de  Votre  Seigneurie  pour  l'accréditer  en  qualité  de 

(,)  Le  texte  italien  de  cette  lettre  n'a  jamais  été   publié.  Migne  (tome  V, 
col.  349)  se  borne  à  en  donner  une  traduction  assez  inexacte. 


184  Lettkes  de  saint  François  de  Sales 

presso  Sua  Altezza  Serenissima,  poichè  più  zelante, 
prudente  et  pietoso  protettore  et  medico  non  potevano 
desiderare  queste  povere  et  afflitte  chiese  di  Savoya.  Di- 
cano  gli  altri  quel  che  gliene  pare,  ma  io  dico  che  aile 
afflittioni  et  piaghe  de  queste  chiese  savoyane  si  conve- 
niva  un  rettor  et  medico  quai  non  solo  fosse  sufficiente 
et  prudentissimo,  ma  anco  zelante  et  pietoso. 

Laudato  [sia]  Iddio  benedetto  quale  ci  ha  dato  V.  S. 
111™''  et  R™%  quai  nella  lettera  che  mi  scrisse  un  pezzo 
fa  (0  et  che  ho  un  poco  fa  ricevuta,  mostra  quanto 
sia  il  suo  zelo  nell'  aiutare  questa  afflitta  provincia  col 
degnarsi  scrivere  et  trattare  cosi  amorevolmente  meco, 
che  dalla  predica  in  poi  son  persona  privata  et  vile. 
Onde  mi  rincresce  infinitamente  di  non  haver  in  me  le 
altre  cose  corrispondenti  ail' opinione  che  V.  S.  lU™'^  et 
R'"''  tiene  di  me,  se  non  un  buon  desiderio  di  servire  a 
santa  Chiesa  et  di  ubedire  prontissimamente  alli  com- 
mandamenti  de' superiori  miei,  massime  di  V.  S.  Ill™^  ; 


Nonce  apostolique  auprès  de  Son  Altesse  Sérénissime  ;  car  ces  pauvres 
églises  de  Savoie  si  affligées  ne  pouvaient  désirer  un  protecteur, 
un  médecin  plus  zélé,  plus  prudent  et  plus  compatissant.  Que  les 
autres  disent  ce  que  bon  leur  semble  ;  quant  à  moi  je  dis  que  pour 
remédier  aux  maux  et  aux  afflictions  de  ces  églises  savoisiennes,  il 
fallait  un  guide,  un  médecin  qui  fût  non  seulement  capable  et  très 
prudent,  mais  encore  zélé  et  compatissant. 

Loué  soit  le  Dieu  béni  qui  nous  a  donné  Votre  Seigneurie  Illustris- 
sime et  Révérendissime  laquelle,  dans  la  lettre  qu'elle  m'adressa  il  y 
a  longtemps  (  0  et  que  j'ai  reçue  depuis  peu,  montra  quel  est  son  zèle 
pour  secourir  cette  province  désolée  en  m'écrivant ,  et  traitant  si 
cordialement  avec  moi  qui,  mettant  à  part  ma  qualité  de  prédica- 
teur, suis  une  personne  privée  et  peu  digne  de  considération.  C'est 
pourquoi  je  regrette  infiniment  de  ne  posséder  aucune  des  autres 
conditions  qui  justifieraient  l'opinion  avantageuse  que  vous  avez 
conçue  de  moi,  si  ce  n'est  un  ardent  désir  de  servir  la  sainte  Eglise 
et  d'obéir  avec  une  grande  promptitude  aux  commandements  de  mes 
supérieurs,  surtout  à  ceux  de  Votre  Seigneurie.  Afin  de  commencer 

(  I  )  Voir  à  l'Appendice  cette  lettre  du  Nonce,  qui  est  datée  du  29  dé- 
cembre 1^95. 


Année  1596  185 

alla  quale,  per  communicare  di  quelle  che  mi  commanda 
per  la  lettera  sua,  darô  quanto  più  spesso  far  si  possa 
fedele  avviso  di  quanto  giudicarô  degno  délia  notitia  sua 
et  de  Sua  Beatitudine,  per  bénéficie  spirituale  délia 
Savo3"a.  Ma  per  hora  bastarà  che  io  gli  dia  ragguaglio 
deir  opéra  alla  quale  piacque  a  31onsignore  R™"  Vescovo 
di  Geneva  di  destinarme  fa  un  anno  et  mezzo, 

Fu  occupata  dai  Bernesi  una  parte  di  questa  diocesi  di 
Geneva,  fa  sessant' anni,  [e]  rimase  heretica  ;  la  quale 
essendo  ridotta  in  pieno  potere  di  Sua  Altezza  Serenis- 
sima  questi  anni  passati,  per  la  guerra,  [e  riunita  al]  suo 
antico  patrimonio,  molti  degli  [abitanti,]  mossi  piuttosto 
dal  rimbombo  delli  archebuggi  che  dalle  prediche  che  ivi 
si  facevano  per  ordine  di  JVlonsignor  Vescovo,  si  ridus- 
sero  alla  fede  nel  seno  délia  santa  madré  Chiesa.  Ma 
poi,  essendo  infestate  quelle  contrade  dalle  incursioni 
de'Genevesi  et  Francesi,  ritornarono  nel  fango;  al  quale 
maie  volendo  provedere  si  d'un  canto  Sua  Altezza  Sere- 
nissima,  si  dall'altro  Monsignore  R"""  Vescovo,  io  venni 
qua  per  ordine  di  detto  R'"°  Vescovo,  no  come  medico 


à  exécuter  les  ordres  qui  me  sont  intimés  par  sa  lettre,  je  la  rensei- 
gnerai fidèlement,  et  aussi  souvent  que  faire  se  pourra,  sur  tout  ce  que 
je  jugerai  digne  d'être  porté  à  sa  connaissance  et  à  celle  de  Sa  Sainteté 
pour  le  bien  spirituel  de  la  Savoie.  Mais,  pour  le  moment,  il  suffira 
que  je  lui  rende  compte  de  l'œuvre  à  laquelle  il  plut  à  Monseigneur 
le  Révérendissime  Evêque  de  Genève  me  destiner,  il  y  a  un  an 
et  demi. 

Une  partie  de  ce  diocèse  de  Genève  fut  envahie  par  les  Bernois,  il  y 
a  soixante  ans,  et  demeura  hérétique  ;  mais,  ces  années  passées,  ce 
pays,  par  la  force  des  armes,  rentra  sous  la  domination  de  Son  Altesse 
et  fut  réuni  à  son  antique  patrimoine.  Bon  nombre  des  habitants, 
plus  touchés  du  fracas  des  arquebuses  que  des  prédications  qui  leur 
étaient  faites  par  ordre  de  Monseigneur  l'Evèque,  revinrent  à  la  foi  et 
rentrèrent  dans  le  sein  de  notre  mère  la  sainte  Eglise  ;  mais  ensuite 
ces  contrées  ayant  été  infestées  par  les  incursions  des  Genevois  et  des 
Français,  le  peuple  retomba  dans  son  bourbier.  Son  Altesse  Séré- 
nissime  d'un  côté,  et  Monseigneur  notre  Révérendissime  Evêque  de 
l'autre,  voulant  remédier  à  ce  mal,  je  vins  ici  par  ordre  de  mondit 


I 


i86  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

convenevole  per  tanta  infirmità,  ma  piuttosto  corne  esplo- 
ratore  et  forriero  per  vedere  corne  si  potrebbe  provedere 
di  rimedi  et  di  medici.  Ma  consegliato  dall' occasione  et 
da  pochi  Catholici  che  v'  erano  invitato,  io  incominciai 
[a]  fare  alquante  prediche,  non  senza  qualche  speranza 
di  buon  frutto  ;  et  da  quelF  hora  in  poi,  io  per  lo  più,  et 
a  varie  occasioni  altri,  parte  canonici  délia  Cathédrale, 
parte  curati  di  questa  diocesi,  non  habbiam  mai  intermesso 
Tessercitio  di  predicatione  le  feste,  se  non  due  volte  per 
certe  nécessita.  Etsebene  il  timoré  delli  heretici  vicini  ci 
ha  portato  grave  impedimento  a  questa  impresa,  si  va 
facendo  tuttavia  sempre  qualche  frutto  nella  conversione 
di  alquante  persone,  fra  le  quali  ve  ne  sono  due  le  più 
sufficienti  neir  heresia  che  si  trovassero. 

Siamo  di  più  adesso  in  procinto,  con  questa  nuova  di 
pace  (0,  di  fare  la  raccolta  di  quanto  sin  hora  habbiamo 


Révérendissime  Evêque,  non  comme  médecin  capable  de  guérir  tant 
d'infirmités,  mais  plutôt  comme  explorateur  et  comme  fourrier,  afin 
d'examiner  les  moyens  à  prendre  pour  pourvoir  le  pays  de  remèdes 
et  de  médecins.  Cependant,  inspiré  par  l'occasion  et  invité  par  le  petit 
nombre  de  Catholiques  qui  se  trouvaient  là,  je  commençai  à  faire 
plusieurs  prédications,  non  sans  quelque  espérance  de  leur  voir  pro- 
duire d'heureux  fruits  ;  dès  lors,  soit  par  moi-même  le  plus  souvent, 
soit  par  d'autres  prêtres,  en  partie  chanoines  et  en  partie  curés  de  ce 
diocèse,  l'exercice  de  la  prédication  s'est  continué  sans  interruption 
tous  les  jours  de  fête,  si  ce  n'est  deux  fois  que  nous  avons  été  con- 
traints de  l'omettre.  Bien  que  la  crainte  des  hérétiques  nos  voisins  ait 
grandement  nui  au  succès  de  cette  entreprise,  on  obtient  néanmoins 
toujours  quelques  fruits  par  la  conversion  de  plusieurs  personnes, 
parmi  lesquelles  il  s'en  trouve  deux  des  plus  versées  dans  l'hérésie. 

Nous  sommes  maintenant,  grâce  à  cette  nouvelle  d'une  prochaine 
paix  (  I  ),  à  la  veille  de  récolter  ce  que  nous  avons  semé  jusqu'ici.  Pour 


(  I  )  Cette  nouvelle  était  sans. fondement  ;  car  les  conditions  de  paix  dis- 
cutées à  Bourgoin  (voir  ci-devant,  note  (  i),  p.  i6i)  avaient  été  acceptées  par 
le  duc  de  Savoie  (6  novembre  1595),  mais  non  par  le  roi  de  France.  De  longues 
négociations  se  continuèrent  à  cet  effet  entre  les  deu.\  puissances.  La  confé- 
rence du  Pont-de-Beauvoisin  ayant  été  sans  résultat,  M.  de  Sillery  fut  envoyé 
à  Charles-Emmanuel  I"^'  qu'il    rencontra  à  Suzc  (îo  juillet  IS96),  et  M.  de 


Année   1596  187 

seminato.  Perché  lo  santo  desiderio  di  Sua  Altezza 
Serenissima  venga  in  efFetto,  [alcuni  mezzi  sarebbero  da 
impiegarsi,]  seconde  gl' articoli  che  io  glie  ne  mandai 
ci  è  un  pezzo*,  nelli  quali  davo  awiso  di  quanto  stimai  'Vide supra, Epist. 
necessario.  Cioè  :  che  bisognava  havere  modo  et  entrata 
certa  per  molti  predicatori ,  quali  in  diverse  parti  di 
questa  provincia  heretica  potessero  spargere  la  santa 
parola,  et  altra  entrata  per  sacerdoti  che  nelle  parrochie 
convertite  si  devono  lasciare  per  V  administratione  dei 
Sacramenti  ;  non  potendo  li  predicatori  fermarsi  in  un 
luogho  particolar,  ma  dovendo  esser  liberi  per  trans- 
correre  ove  la  nécessita  de'popoli  richiederà.  ^la  sopra 
tutto,  che  in  questa  terra  di  Tonone,  che  è  recapito  géné- 
rale délia  provincia,  si  deve  prontissimamente  drizzar 
r  altare  et  ristaurare  la  chiesa,  con  ornamenti  et  entrata 
da  potersi  fare  officio  honorato,  come  sarebbe  con  organi 
o  simili  cose  ;  et  oltra  di  questo,  doverebbe  nel  medesimo 
tempo  esser  proveduto  a  quatro  o  cinque  altre  parrochie, 
quali  hanno  dimandati  preti   per  regerle.   Poi,   se  Sua 


que  le  saint  désir  de  Son  Altesse  Sérénissime  s'effectue,  [plusieurs 
mesures  sont  à  prendre,]  selon  les  articles  que  je  lui  en  envoyai,  il  y 
a  longtemps,  dans  lesquels  je  lui  indiquai  ce  que  j'estimais  nécessaire. 
Il  faudrait  avoir  des  moyens  et  des  revenus  assurés  pour  nombre  de 
prédicateurs  qui  pussent  répandre  la  sainte  parole  dans  les  diverses 
parties  de  cette  province  hérétique.  11  faudrait  d'autres  revenus 
destinés  aux  prêtres  qui  doivent  demeurer  dans  les  paroisses  conver- 
ties pour  y  administrer  les  Sacrements  ;  car  les  prédicateurs  ne 
peuvent  se  fixer  dans  un  lieu  particulier,  mais  doivent  être  libres  pour 
se  rendre  là  où  les  besoins  des  populations  les  réclameront.  Mais 
surtout  en  cette  ville  de  Thonon,  qui  est  le  rendez-vous  de  toute  la 
province,  on  doit  très  promptement  ériger  l'autel,  restaurer  l'église  et 
se  procurer  des  ornements  et  des  revenus  pour  y  faire  l'office  conve- 
nablement, avec  accompagnement  d'orgue  et  choses  semblables. 
Et  en  outre,  il  devrait  être  pourvu  dans  le  même  temps  aux  besoins 
de  quatre  ou  cinq  paroisses  qui  ont  demandé  des  prêtres  pour  les 

Chabod,  ambassadeur  de  Savoie,  fut  reçu  par  Henri  IV  le  9  octobre  de  la  même 
année.  Mais  il  obtint  seulement  la  prolongation  de  la  trêve  jusqu'en  mars  1597, 
et  lu  proposition  de  soumettre  tout  le  différend  à  l'arbitrage  du  Saint-Siège. 


i88  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

Altezza  commandasse  al  Governatore  délia  provincia  di 
accarezzare  li  convertit!,  invitare  gl'ostinati  et  privarli, 
[se  ricusano,]  d'  ogni  officio  et  honore  publico,  et  in  par- 
ticolare,  se  commandasse  a  uno  de'  supremi  Senatori  di 
Savoya  di  venire  qui  in  Tonone  invitare  questi  citadini, 
no  sarebbe  poco  aiuto. 

Tutta  l'importanza  sarà  nel  modo  de  havere  le  intrate 
necessarie,  perché  se  bene  sono  in  questo  paese  molti 
beneficii,  sono  tuttavia  occupati  da  varie  persone,  et  per 
lo  più  da'  Cavaglieri  di  Santo  ^lauritio  et  Lazaro  (0,  Ma 
il  servitio  d'Iddio,  di  santa  Chiesa,  di  Sua  Altezza  Sere- 
nissima  richiede  che  prima  si  stabilisca  la  santa  religione, 
ogni  altra  cosa  lasciata  da  parte 

Airill"^°  et  R"»"  Patron  et  S'ig"^  mio  osservandissimo, 
Il  Sig''^  Archivescovo  di  Bari, 
Nuncio  Apostolico  appresso  S.  A.  Seren""''. 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  le  P""  Procès  de  Canonisation. 


desservir.  Ce  serait  un  grand  secours  pour  nous  si  Son  Altesse  com- 
mandait au  gouverneur  de  la  province  de  favoriser  les  convertis, 
d'inviter  les  obstinés ,  et  de  les  priver  [en  cas  de  refus]  de  toute 
charge  et  de  tout  honneur  public,  et  surtout  s'il  ordonnait  à  l'un  des 
membres  du  souverain  Sénat  de  Savoie  de  venir  ici  à  Thonon  exhorter 
les  habitants. 

Le  plus  important  consiste  à  prendre  les  moyens  pour  avoir  les 
revenus  nécessaires  ;  car  bien  qu'il  y  ait  en  ce  pays  bon  nombrj  de 
bénéfices,  ils  sont  détenus  par  diverses  personnes,  et  surtout  par  les 
Chevaliers  des  Saints  Maurice  et  Lazare  (i  ).  Mais  le  service  de  Dieu, 
de  la  très  sainte  Eglise  et  de  Son  Altesse  Sérénissime  exige  que  pre- 
mièrement on  rétablisse  notre  sainte  religion,  toute  autre  considéra- 
tion étant  laissée  de  côté 

A  mon  très  honoré,  Illustrissime  et  Révérendissime  Seigneur, 
Monsieur  l'Archevêque  de  Bari, 
Nonce  apostolique  auprès  de  Son  Altesse  Sérénissime. 

(  i)  Voir  ci-après  la  note  jointe  à  la  lettre  adressée  au  Conseil  des  Cheva- 
liers des  Saints  Maurice  et  Lazare,  février  1597. 


Année  1596  1S9 

LXVII 

AU    DUC   DE    SAVOIE,    CIIARLES-E.MMANUEL    I^'' 

Nécessité  de  rendre  une  des  églises  de  Thonon  au  culte  catholique. 
Ebranlement  général  parmi  les  hérétiques  du  Chablais. 

Thonon,   19  mars   1596. 
3lonseigneur, 

La  disposition  en  laquelle  je  vois  maintenant  ce  peuple 
de  Chablaix  est  telle  que  si,  en  exécution  de  la  sainte 
intention  de  Vostr'Altesse,  on  dressoit  prontement  l'église 
a  Thonon  et  quelques  autres  lieux,  je  ne  doute  point 
d'asseurer  Vostr 'Altesse  qu'elle  verroit  dans  peu  de  moys 
le  gênerai  de  tout  ce  pais  reduict,  puysqu'en  la  ville 
plusieurs  sont  si  bien  disposés  et  les  autres,  tant  esbran- 
lés  en  leur  conscience,  que  si  on  leur  présente  l'occasion 
ilz  prendront  infalliblement  le  port  que  Vostr'Altesse 
leur  désire.  Et  quand  au  reste  du  pais,  ilz  sont  venus 
pieça  de  dix  ou  douze  parroisses  prier  qu'on  leur  donnast 
l'exercice  de  la  foy  catholique.  Si  que  le  tems  est  venu 
de  voir  Dieu  loué  et  le  zèle  de  Vostr'Altesse  en  efFect, 
de  laquelle  j'attens  l'ordre  et  provision  nécessaire;  et  la 
supplie  très  humblement  croire,  quoy  que  peut  estr'on  luy 
die  le  contraire,  que  je  ne  luy  escris  qu'avec  la  realité 
et  conscience  en  laquelle  il  faut  servir  son  sauverain 
Prince  et  Dieu  mesme. 

Je  prie  sa  divine  Majesté  qu'ell' accroisse  tousjours 
ses  bénédictions  en  Vostr'Altesse,  de  laquelle  j'ay  cest 
honneur  d'estre, 

Monseigneur, 
Très  humble  et  très  obéissant  serviteur  et  sujet, 

François  De  Sales, 
indigne  Praevost  de  S'  Pierre  de  Genève. 
De  Thonon,  19  mars  1596. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  Turin,  Archives  de  l'Etat. 


ipo  Lettres  de  saint  François  de  Sales 


LXVIII 

A   MONSEIGNEUR   JULES-CÉSAR   RICCARDI 
ARCHEVÊQUE    DE   BARI,    NONCE   APOSTOLIQUE    A   TURIN 

Instances  pour  obtenir  l'intervention  du  Nonce  auprès  du  duc  de  Savoie.  — 
Opposition  à  redouter  de  la  part  des  Chevaliers  de  Saint-Lazare.  —  On 
découvre  en  Chablais  quantité  de  personnes  possédées  du  démon. 

Thonon,    19  mars   1596. 

Illustrissimo  et  Reverendissimo  Signor 
mio  osservandissimo, 

La  speranza  nella  quale  io  mi  ritruovo  adesso  di  veder 
far  raccolta  di  buon  numéro  d'  anime  in  questa  provincia 
di  Chablaix,  se  si  darà  Tordine  conforme  al  zelo  di 
Sua  Altezza  Serenissima,  mi  fa  pregar  colla  débita 
humiltà  V.  S.  Ill""*  di  degnarsi  di  intercedere  acciô  no 
solo  si  faccia  questo  bene,  ma  si  faccia  ancora  con  quella 
prontezza  che  è  tanto  grata  al  Signore  ;  perché  in  questa 
terra  di  Tonon,  recapito  de  tutta  la  provincia,  sono  molti 
ben  disposti,  et  quasi  tutti  graltri  tanto  commossi  nella 
conscienza,  che  se  vedessero  l' essercitio  délia  religione 
catholica  stabilito,  facilmente  et  fra  pochi  giorni  si  ridur- 
rebbono.   Quanto   poi   a'  luoghi   circonvicini,   di  dieci   o 


Mon  très  honoré,  Illustrissime  et  Révérendissime  Seigneur, 
L'espérance  en  laquelle  je  me  trouve  maintenant  de  moissonner 
bon  nombre  dames  dans  cette  province  du  Chablais,  si  l'on  donne 
des  ordres  conformes  au  zèle  de  Son  Altesse  Sérénissime,  me  fait 
prier  en  toute  humilité  Votre  Seigneurie  de  daigner  intercéder,  afin 
que  non  seulement  ce  bien  s'efitectue,  mais  encore  que  ce  soit  avec 
cette  promptitude  si  agréable  au  Seigneur.  Dans  cette  ville  de  Tho- 
non, rendez-vous  de  toute  la  province,  beaucoup  sont  bien  disposés, 
et  presque  tous  les  autres,  si  ébranlés  dans  leur  conscience  que  s'ils 
voyaient  l'exercice  de  la  religion  catholique  rétabli,  ils  se  rendraient 
facilement  et  en  peu  de  jours.  Qyant  aux  lieux  circonvoisins,   les 


Année   1596  191 

dodeci  parrochie  son  già  venuti  i  capi  addomandare  Tes- 
sercitio  catholico  ;  sî  che  il  soprastare  in  tanto  négocie 
mi  pare  gran  peccato. 

Sua  Altezza  poi  è  affettionatissima  a  questa  impresa  ; 
resta  la  diligenza  nell' essequire ,  la  quai  forse  potrà 
esser  impedita  da'  Cavaglieri  di  San  Lazaro,  i  quali  hanno 
l'intrate  ecclesiastiche  di  questo  paese,  che  alla  restaura- 
tione  délie  chiese  et  alla  provisione  per  curati  et  predica- 
tori  saranno  necessarie.  Ma  si  ricordarà  Sua  Altezza  che 
la  religion  catholica  è  fondamento  de  tutte  V  altre,  et  che 
no  sarà  mai  tanto  servita  da  altra  croce  come  da  quella 
che  nel  cuore  de'suoi  sudditi  si  va  scolpendo.  Oltre  che 
sua  divina  Maestà  richiede  adesso  questo  servitio,  poichè 
permette  che  fra  queste  genti  vi  siano  tanti  inspiritati  et 
tuttavia  se  ne  scuoprano  ogni  giorno  più,  i  quali  rimedio 
et  refrigerio  no  sanno  trovare  se  non  nel  segno  délia 
Croce ,  neir  acqua  et  candele  benedette  ,  nell'  Agniis 
Dei  et  simili  cose  sacre  che  per  lo  innanzi  abhorrivano 
tanto  ;  il  che  mi  pare  un  dolce  invitamento  délia  Provi- 
denza  suprema  a  questo  popolo  di  ritornare  al  grembo 


principaux  de  dix  ou  douze  paroisses  sont  déjà  venus  demander 
l'exercice  du  culte  catholique,  si  bien  que  différer  en  semblable  affaire 
me  parait  grand  dommage. 

En  outre,  Son  Altesse  est  fort  affectionnée  à  cette  entreprise  ;  reste 
à  l'exécuter  diligemment.  Il  pourra  se  faire  qu'on  en  soit  empêché 
par  les  Chevaliers  de  Saint-Lazare  qui  détiennent  les  revenus  ecclé- 
siastiques de  ce  pays,  revenus  nécessaires  pour  la  réparation  des 
églises  et  pour  l'entretien  des  curés  et  des  prédicateurs.  Mais  Son 
Altesse  se  souviendra  que  la  religion  catholique  est  le  fondement  de 
tous  les  Ordres  rehgieux,  et  que  jamais  les  intérêts  du  prince  ne 
seront  aussi  bien  servis  par  aucune  autre  croix  que  par  celle  que  nous 
tâchons  de  graver  dans  les  cœurs  de  ses  sujets.  De  plus,  la  divine 
Majesté  montre  qu'elle  réclame  maintenant  ce  service,  en  permettant 
qu'il  y  ait  parmi  ces  gens  tant  de  possédés  et  que  chaque  jour  on  en 
découvre  davantage.  Ils  ne  peuvent  trouver  remède  et  soulagement 
que  dans  le  signe  de  la  Croix,  l'eau  bénite,  les  cierges  bénits,  les 
Agnus  Dei  et  semblables  pratiques  sacrées  que  jusqu'ici  ils  avaient  en 
si  grande  horreur,  je  crois  voir  en  cela  une  douce  invitation  de  la 


\g2  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

délia  santa  Chiesa,  et  a  quelli  che  possono  di  porgergli 
aiuti  convenienti.  Priego  adunque  Vostra  Paternità  111'"* 
si  degni  di  procurare  un  ordine  pronto  da  le  Loro  Altezze. 
Et  io,  continuando  nella  ubedienza  di  V.  S.  111"*  et 
R'"*,  no  mancarô  di  darglie  poi  certi  avvisi  importanti 
per  aiuto  spirituale  di  questa  diocesi  et  altre  délia 
Savoy  a. 

Fra  tanto  pregarô  l'eterno  Iddio  che  la  conservi  ad 
utilità  délia  Chiesa,  et  basciandoli  riverentemente  le 
sacre  et  paterne  mani,  restarô, 

Di  V.  S.  111™*  et  R"% 

Perpetuo  et  divotissimo  servitore, 
Franc°  De  Sales, 
indegno  Prevosto  di  S.  Pietro  de  Geneva. 
In  Tonon,  alli  19  Marzo  1596. 

A  Ï\\V°°  et  Rever'"°  Sig''  mio  osservandissimo, 
Monsig""  l'Archivescovo  di  Bari, 
Nuncio  Apostolico  appresso  Sua  Altezza  Ser'"*. 
Turino. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  Rome,  Archives  du  Vatican. 


souveraine  Providence  pour  engager  ce  peuple  à  rentrer  dans  le 
giron  de  la  sainte  Eglise,  et  pour  déterminer  ceux  qui  en  ont  le  pou- 
voir à  leur  procurer  les  secours  nécessaires.  Je  prie  donc  Votre 
Paternité  Illustrissime  de  vouloir  bien  nous  obtenir  promptement  un 
ordre  de  la  part  de  Leurs  Altesses. 

Et  moi,  persévérant  dans  la  soumission  que  je  dois  à  Votre  Sei- 
gneurie, je  ne  manquerai  pas  de  lui  donner  avis  dans  la  suite  de 
certaines  choses  importantes  pour  le  bien  spirituel  de  ce  diocèse  et 
des  autres  de  la  Savoie. 

En  attendant,  je  prierai  le  Dieu  éternel  de  vous  conserver  pour 
l'avantage  de  l'Eglise,  et  baisant  respectueusement  vos  mains  sacrées 
et  paternelles,  je  demeurerai, 

De  Votre  Seigneurie  Illustrissime  et  Révérendissime, 

Le  perpétuel  et  très  dévoué  serviteur, 
François  de  Salfs, 
indigne  Prévôt  de  Saint-Pierre  de  Genève. 
A  Thonon,  le  19  mars  1596. 


I 


Année  1596  193 


LXIX 


AU   SENATEUR    ANTOINE    FAVRE 


(minute  inédite) 


Ardent  désir  de  voir  le  duc  de  Savoie  effectuer  un  voyage  projeté  en  Chablais. 
Envoi  d'une  lettre  pour  le  P.  Chérubin. 

Thonon,    16  avril   1596. 

Quam  verum  spem  quœ  dijfertiir  animant  affligere*,  *  Prov.,  xm,  12. 
et  certius  ex  Sacro  Codice  cognoveram,  et  nunc  quod 
peccata  mea  meruerunt,  in  causa  propria  durius  expe- 
rior.  Crastinus  enim  hic  et  semper  crastinus  Principis 
adventus  (0,  quod  crastinum  etiam  tandiu  faciat  hujus 
nostri  Christiani  negotii  eventum  hodiernum,  mihi  jam- 
pridem  excitât  animi  dolorem. 

«  Die  mihi,  cras  istud,  Posthume,  quando  venit  *  »  'Martial. Epigram., 

1.  V,  epigr.  LViii. 

et  accedit,  Frater  suavissime  ?  Videndi  te  ingens,  ut  par 


Combien  il  est  vrai  que  V espérance  différée  afflige  l'âme  !  Je  le  savais 
très  certainement  par  les  Livres  Saints  ;  mais  aujourd'hui,  en  punition 
de  mes  péchés,  j'en  fais  personnellement  une  dure  expérience.  Ce 
demain,  ce  sempiternel  demain  auquel  est  toujours  remise  l'arrivée 
du  prince  (i)  me  cause  depuis  longtemps  une  vive  douleur  ;  car  ce 
retard  renvoie  aussi  au  lendemain  ce  qui  devrait  être  fait  aujour- 
d'hui :  l'achèvement  de  nos  affaires  religieuses. 

«  Dis-moi  donc,  Posthumus,  quand  viendra  ce  demain  ?  » 
Quand  arrivera-t-il,  Frère  très  aimablePJ'ai  eu,  c'est  tout  naturel,  un 

(  I  )  On  voit  par  les  lettres  du  Nonce  de  Turin  que  dès  l'année  précédente 
Charles-Emmanuel  P""  avait  projeté  un  voyage  en  Chablais.  En  février  1S96 
il  semblait  être  sur  le  point  de  se  mettre  en  route  ;  des  raisons  d'Etat  l'obli- 
gèrent à  différer  encore. 

Lettres  l  IJ 


1^4  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

est,  et  me  apud  te  de  mora  in  scribendo  purgandi  desi- 
derium  [erat]  quod  litteris  nulla  possum  ex  parte  explere  ; 
nec  otium  quidem  affuit,  nec  tabellarius  ;  dicam  candide, 
nec  etiam  animus,  cum  singulis  propemodum  momentis 
profectioni  intenderem.  Quod  enim  optamus  credimus. 

Jam  vero,  hoc  redeunte  otio  et  abeunte  nuntio,  lan- 
guescente  etiam  de  profectione  spe,  brevem  hanc  animi 
mei  mitto  sententiam.  Si  venerit  Princeps,  ad  te  propero 
quamprimum  ;  si,  quod  Deus  avertat,  non  venerit,  non 
committam  quin  ad  te  quoque,  si  qua  fieri  possit,  ex  iti- 
nere  omnino  divertam  ;  namque  ecquid  in  animo  habeat, 
quando  per  litteras  nequeo,  coram  extorquere  in  nomine 
Domini  decrevi.  Res  namque  hujus  status  nullam  dein- 
ceps  sine  gravi  damno  patietur  dilationem.  De  demono- 
mania  ista  scribo,  uti  jubebas,  ad  R.  P.  Cherubinum  (0. 
Res  est  memoria  digna  ;  si  placet,  perlegas  antequam 
reddendi  cures  copiam. 

Itaque,  suavissime  Frater,  me  quod  facis  plurimum 


immense  désir  de  vous  voir  et  de  m'excuser  de  vive  voix  de  mon 
retard  à  écrire,  car  je  ne  puis  en  aucune  façon  satisfaire  par  lettres 
mon  affection  pour  vous.  Je  n'avais  d'ailleurs  ni  loisir  ni  courrier, 
et,  je  l'avouerai  naïvement,  pas  même  de  courage,  étant  pour  ainsi 
dire  préoccupé  à  chaque  instant  de  mon  départ,  tant  nous  croyons 
ce  que  nous  souhaitons. 

Mais  voici  que  le  loisir  m'est  rendu,  que  le  courrier  va.  partir,  qu'en 
même  temps  mon  espérance  de  voyage  s'évanouit,  et  je  vous  envoie 
cette  brève  expression  de  ma  pensée.  Si  le  prince  vient,  j'accours 
aussitôt  vers  vous  ;  si,  ce  qu'à  Dieu  ne  plaise,  il  ne  vient  pas,  je  ne 
manquerai  pas  de  me  détourner  de  mon  chemin,  s'il  m'est  possible, 
pour  me  rendre  auprès  de  vous.  Puisque  je  ne  puis  savoir  par  lettres 
quels  sont  ses  sentiments,  j'ai  résolu  de  lui  en  extorquer  l'aveu  au 
nom  du  Seigneur.  Cet  état  de  choses  ne  peut  se  prolonger  sans  un 
grave  dommage.  Selon  vos  désirs,  j'écris  au  R.  P.  Chérubin  au  sujet 
de  cette  démonomanie  (0.  La  chose  est  digne  de  mémoire.  Lisez 
attentivement  la  lettre,  s'il  vous  plait,  avant  de  chercher  l'occasion 
de  la  faire  parvenir. 

Cependant,  Frère  très  aimable,  aimez-moi  beaucoup,  comme  vous 

(i)  Voir  ci-dessus,  p.  190,  la  lettre  au  Nonce,  en  date  du  19  mars  1596. 


Année  1596  195 

ama,   et  bene  vale   cum  clarissima  familia  tua,    quam 

plurimum  salvere  cupio,  Christumque  habeto  propitium. 

Tononii,  tertio  resurgenti  Salvatori  sacro  die,   1596. 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  le  P''  Procès  de  Canonisation. 


le  faites,  et  portez-vous  bien,  ainsi  que  toute  votre  très  noble  famille, 
que  je  désire  en  excellente  santé.  Que  le  Christ  vous  soit  propice  ! 

Thonon,  troisième  jour  des  fêtes  de  la  Résurrection  du  Sauveur, 
1596. 


LXX 


A    .AIOXSEIGNEUR    JULES-CESAR    RICGARDI 
ARCHEVÊQUE  DE  BARI,  NONCE  APOSTOLIQUE  A  TURIN 

Séjour  à  Annecy,  à  roccasion  du  synode.  —  Remerciements  pour  trois  lettres 
reçues  du  Nonce.  —  Conversions  qui  s'opèrent  en  Chablais.  —  Nécessité 
d'y  envoyer  un  nombre  suffisant  de  prédicateurs,  et  de  nommer  aux  cures  des 
prêtres  dignes  de  les  occuper. 

Annecy,  6  mai   1596. 

lUustrissimo  et  Rcverendissimo  Signore  mio 
osservandissinio, 

Essendo  venuto  qui  appresso  ^lonsignor  R'"°  Vescovo 
per  il  sinodo  (')  et  (»)  altri  negotii,  ho  ricevuto  tre  délie 


JVlon  très  honoré,  Illustrissime  et  Révérendissime  Seigneur, 

M'étant  rendu  ici  auprès  de  Monseigneur  notre  Révérendissime 

Evêque  pour  le  synode  (0  et  pour  d'autres  affaires,  j'ai  reçu  trois 

(a)  [Les  variantes  qui  suivent  sont  extraites  d'une  minute  insérée  dans  le 
I"*""  Procès  de  Canonisation.] 

Vescovo,  —  si  per  il  sinodo,  si  ancora  per 


(i;  Ce  synode  dut  avoir  lieu  le  i"^''  mai.  Voir  ci-devant,  note  (i),  p»  62. 


196  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

lettere  che  piacque  a  V.  S.  Ill™*  scrivermi,  due  alli  8  di 
Aprile  di  medesima  sostanza,  et  una  al  terzo,  délie  quali 
la  ringratio  con  ogni  humiltà,  et  délia  memoria  che  hebbe 
di  me  nel  bisogno  ch'  io  havevo  délia  licenza  de'  libri 
prohibiti,  la  quale  io  son  aspettando  ogn'hora,  et  ancora  di 
quella(^)  dispenza  nel  matrimonio  contratto  fra  parenti, 
non  potendo  perô  mandare  a  V.  S.  lU""*  i  nomi,  cognomi, 
patria  et  diocœsi,  corne  mi  commando  (<^),  per  non  haver 
ancora  risposta  del  loro  curato  che  sta  un  pezzo  lontano.l*^) 
Quanto  poi  alli  (^)  frutti  che  si  fanno  et  sonno  per 
farsi  tuttavia  in  Ciablais,  no  posso  mandargliene  ra- 
guaglio  distinto,  massime  dei  nomi  de' convertiti ,  per 
haverli  lasciati  in  Tonon  ;  et  spero  fra  poco  di  darne 
a  V.  S.  lU'"^  un'allegressa  compita  (f\  se  si  darà  modo 
di   potere   inviare    numéro    conveniente    de   predicatori 


des  lettres  qu'il  plut  à  Votre  Seigneurie  Illustrissime  m'écrire  :  deux 
du  8  avril,  traitant  du  même  sujet,  et  une  autre  du  3.  Je  vous  en 
remercie  avec  toute  humilité ,  comme  du  souvenir  que  vous  avez 
eu  de  moi  en  la  nécessité  dans  laquelle  je  me  trouve  d'obtenir  la 
licence  de  lire  les  livres  défendus.  J'attends  encore  cette  permission 
aussi  bien  que  la  dispense  pour  le  mariage  contracté  entre  parents. 
Je  ne  puis  néanmoins  indiquer  à  Votre  Seigneurie  Illustrissime,  ainsi 
qu'elle  me  l'a  ordonné,  les  noms,  prénoms,  patrie  et  diocèse  des 
intéressés,  faute  d'avoir  reçu  la  réponse  de  leur  curé  qui  demeure 
assez  loin. 

Quant  aux  fruits  de  salut  qui  se  produisent  et  se  multiplient  de 
plus  en  plus  dans  le  Chablais,  je  ne  puis  vous  donner  des  renseigne- 
ments détaillés,  ni  vous  envoyer  la  liste  des  convertis,  car  je  l'ai 
laissée  à  Thonon.  J'espère  vous  annoncer  bientôt  des  nouvelles  qui 
seront  pour  Votre  Seigneurie  Illustrissime  le  sujet  d'une  joie  parfaite, 
si  on  nous  procure  le  moyen  d'envoyer  un  nombre  convenable  de 

(b)  prohibiti,  —  et  délia 

(c)  perô  —  dargli  il  nome,  cognome  et  diocœsi,  corne  nii  commandava  per 
fargli  la  gratia 

(d)  un  —  poco  lontano  di  qua  ;  ma  di  subito  ch'  io  l'havero  non  manchero 
di  dargliene  certezza. 

(e)  Quanto  poi  alla  informatione  delli 

(f)  in  Tonon  ;  —  fra  poco  spero  di  famé  a  V.  S.  111""»  un'  allcgressa  piena 


Année   1596  197 

in  quella  ië)  provincia,  il  che  aspettiamo  délia  venuta  di 
Sua  Altezza  et  conclusione  di  questa  benedetta  pace. 

Et  per  conto  degli  beneficii,  no  credo  esser  espediente 
di  restituirli  a  quelli  che  anticamente  ne  hanno  [havute](h) 
le  provisioni  etiandio  di  Sua  Santità,  perché  ancora  che 
fossero  capaci  per  la  cura  dell' anime  in  luoghi  pacifici, 
moltissimi  tuttavia,  per  luoghi  di  guerra  et  contrasto  non 
sono  sofficienti,  se  non  mettessero  altri  capaci  in  luogo 
loro(').  Et  importa  infinitamente  in  questo  principio  di 
far  cosa  illustre  et  compita,  per  esser  quella  provincia 
di  Ciablais  a  petto  de  tanti  heretici.  (j) 

Non  è  tempo  di  dar  quelli  avisi  ch'  io  promisi  (k),  sin 
tanto  che  sii  in  pace  questo  desolato  paese  ;  et  allora  no 
mancarô  di  farlo  con  ogni  studio  et  colla  divotione  ch'  io 
devo  al  servitio  di  santa  Chiesa(i),  et  forse  portandoli 


prédicateurs  en  cette  province.  Nous  attendons  ce  résultat  de  la 
venue  de  Son  Altesse  et  de  la  conclusion  de  cette  bénite  paix. 

Et  pour  ce  qui  est  des  bénéfices,  je  ne  crois  pas  expédient  de  les 
rendre  à  ceux  qui  précédemment  en  avaient  été  pourvus,  même  par 
Sa  Sainteté,  à  moins  qu'ils  ne  mettent  à  leur  place  d'autres  prêtres  ca- 
pables. Encore  qu'ils  fussent  aptes  au  ministère  des  âmes  dans  les  lieux 
où  tout  est  en  paix,  beaucoup  d'entre  eux  toutefois  ne  sauraient  s'en 
acquitter  convenablement  où  l'on  doit  lutter  et  combattre.  II  importe 
infiniment  de  prendre  des  mesures  éclatantes  et  absolues,  cette  pro- 
vince de  Chablais  étant  environnée  d'un  si  grand  nombre  d'hérétiques. 

Ce  serait  hors  de  propos  de  vous  communiquer  les  renseignements 
promis,  jusqu'à  ce  que  la  paix  soit  rendue  à  ce  pays  désolé.  Je  le 
ferai  alors  avec  le  plus  grand  soin,  avec  tout  le  dévouement  que  je 
dois  au  service  de  la  sainte  Eglise,  et  peut-être  pourrai-je  les  porter 
moi-même  à  Votre  Seigneurie  Illustrissime. 


(g)  in  —  quelle  pnrrochie  et 

(h)  ne  hanno  —  havute 

(i)  in  luoghi  pacifici,  —  tuttavia,  per  luoghi  di  guerra  et  contrasto  non 
sono  sofficienti. 

(j  )  et  compita  —  in  quei  luoghi  che  sono  tauto  a  petto  de  tanti  heretici. 
Che  se  nella  conversione  di  questa  provincia  si  Tara  compitamente  con  quello 
zelo  che  si  deve,  si  deve  insienie  sperare  gran  moto  in  tutte  le  provincie  vicine. 

(k)  quelli  avisi  —  che  ho  promessi  a  V.  S.  111""> 

(  1  )  di—  Dio 


198  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

io  stesso  a  V.  S.  111™%  allaquale  priegho  continuamente 
dal  Signore  Iddio  ogni  contento,  essendo, 
Di  Sua  Paternità  lU'"'  et  R™% 

Perpetuo  et  divotissimo  servitore, 

Franc"  De  Sales, 
indegno  Prsevosto  délia  Cathédrale  di  Geneva. 
Di  Anessi,  alli  6  di  Majo  1596. 

A  rill"'°  et  Rever"'*^  Sig''  mio  osservandissimo, 
Monsig''  rArcivescoiio  di  Bari, 
Nuntio  Apostolico  appresso  di  Sua  Altezza. 
Turino. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  Rome,  Archives  du  Vatican. 


Je  prie  sans  cesse  le  Seigneur  notre  Dieu  de  vous  combler  de  toute 
sorte  de  contentement,  demeurant, 

De  Votre  Paternité  Illustrissime  et  Révérendissime, 

Le  perpétuel  et  très  dévoué  serviteur, 
François  de  Sales, 
indigne  Prévôt  de  la  cathédrale  de  Genève. 
Annecy,  le  6  mai  1:596. 


LXXI 

A    MONSIEUR    d'aVULLY  (O 

Envoi  d'un  commentaire  de  saint  Jérôme.  —  Joie  d'apprendre  la  conversion 
de  M™'  de  Rovorée. —  Attente  de  l'arrivée  du  duc  à  Thonon. 

Sales,    10  mai   1596. 

Monsieur, 

•lnEccies.,adcap.       Je  VOUS  envoye  le  commentaire  de  saînt  Hierosme* 
tout  au  long,  duquel   ont   estes   tirées   les  paroles  qui 

(i)  Antoine  de  Saint-Michel,  seigneur  d'Avully,  Montfort ,  Vigny,  la 
Chapelle,  baron  d'Hermance  après  la  mort  de  son  beau-frère,  François- 
Melchior  de  Saint-Jeoire  (1597),  était  un  des  personnages  les  plus  marquants 


IX. 


Annéf.  1596  ^99 

vous  faysoyent  difficulté  (D.  Il  est  clair  et  net,  plein  de 
doctrine  catholique,  puysque  la  parole  de  l'Apostre  *  de-  *  Gaiat.,  uit.,  8. 
meure  :  Ouœ  seminaverit  Jiomo,  hœc  et  metet.  Et  le 
secours  que  les  âmes  qui  sont  en  Purgatoire  reçoyvent, 
n'est   autre   qu'une   recompense   de    la    communion    de 
l'Eglise  en  laquelle  les  personnes  chrestiennes  meurent, 
communion  par  laquelle  elles  ont  mérité  d'estr'aydëes  par 
nos  prières.  Et  c'est  la  ou  se  rapporte  la  première  partie 
du  commentaire,  quand  il  dict  :  «  Mortui  vero  nihil  valent 
adjicere  ;  »  c'est  a  dire,  ilz  ne  peuvent  plus  acquérir  de 
mérites  ni  de  justice,  mais  ilz  peuvent  bien  percevoir  le 
fruict  de  celle  quilz  ont  eu  en  ce  monde,  et  en  vertu  de 
la  communion  des  Saintz,  en  laquelle  ilz  sont  decedés, 
peuvent  estr'aydés  par  les  prières,  ausmones  et  satisfac- 
tions. Le  dernier  sens  quil  apporte  du  chie7i  mort  et 
lion  vivant'^  est  mistique  ou  allégorique  ;   mays  vous  •  Eccies.,  ,x,  4. 
considereres  mieux  que  moy  tout  cecy. 

J'ay  eu  ceste  bonne  nouvelle   que   madame   de    Ra- 
voyrëe  (  =  )  et  sa  fille  de  chambre  avoyent  abjuré  l'heresie. 

du  pays  par  rancienneté  de  sa  maison,  l'importance  des  fiefs  qu'il  possédait 
en  Chablais,  et  par  l'illustration  qu'il  s'était  acquise  dans  les  armes  et  dans 
les  lettres  II  avait  été  longtemps  le  principal  appui  du  protestantisme  et  de- 
meurait encore  juge  du  consistoire  de  Tlionou.  Son  âme  droite  et  loyale  fut 
ébranlée  en  assistant  au  premier  sermon  de  saint  François  de  Sales{24  juin  1593); 
dès  lors  il  chercha  la  vérité,  et,  non  content  de  l'embrasser  dès  qu'elle  lui  fut 
connue,  il  seconda  activement  le  courageux  Apôtre  entre  les  mains  duquel, 
d'après  plusieurs  contemporains,  il  aurait  abjuré  l'hérésie  à  Thonon.  Toutefois 
la  cérémonie  solennelle  de  son  abjuration  eut  lieu  à  Turin,  le  26  août  1396, 
en  présence  du  Nonce  apostolique  et  de  l'Inquisiteur.  Le  seigneur  d  Avully 
épousa  en  premières  noces  (3  janvier  1573)  Jeanne-Andrée  de  Saint-Jeoire, 
fervente  catholique  qui  contribua  beaucoup  à  sa  conversion,   et  en  secondes 

noces  (contrat  dotal  du  10  octobre  1608),  Florise  de  Boy  vin,  baronne  du  ViUars. 

Il  mourut  en  1610,  âgé  d'environ  cinquante-neuf  ans. 

On  a  de  lui  quelques  ouvrages  de  peu  d'étendue,  entre  autres  : 

Copie  de  la  lettre  du  Seigneur  d' Avully  touchant  la  dispute  des  ministres 

avec  le  R.  P.  Chérubin,  prescheur  de  V Ordre  des  Capucins,  mdcviii. 

Armes  offensives  et  défensives  contre  les  hérétiques  calvinistes,  par  messire 

Antoine  de  Sainct  Michel,  gentilhomme  savoy^ien,  seigneur  d' Avully.  Tonon, 

Marc  de  la  Rue,  1602. 

(  I  )  Cet  extrait  de  saint  Jérôme,  écrit  de  la  main  d'un  secrétaire,  est  joint  a 

l'Autographe  de  la  présente  lettre  ;  on  a  jugé  à  propos  de  le  reproduire  ci-après. 
(2)  Madeleine  de  Saint-Michel,  fille  du  seigneur  d'AvuUy  et  de  Jeanne- 
Andrée  de  Saint-Jeoire,  avait  épousé   François  de  la  Fléchère,   seigneur   de 

Rovorée  ou  Ravorée,  en  Faucigny.  Elle  était  veuve  en  1623. 


Vers.  3. 


200  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

Je  ne  sçai  si  elles  auront  esté  instruittes  a  plein  fons,  et 
partant  je  vous  supplie,  ou  par  lettre  ou  autrement,  les 
consoler.  Que  si  loccasion  se  praesentoit,  je  voudrois 
bien  sçavoir  s'il  leur  sera  point  demeuré  de  scrupule,  car 
il  est  mal  aysé  a  personnes  qui  ne  sçavent  pas  poiser  la 
fermeté  de  la  vraye  Eglise  de  démordre  ainsi  tout  a  coup. 
Or,  Monsieur,  c'est  chose  vostre ,  que  je  ne  vous  dois 
pas  recommander  si  je  ne  vous  estois  tant  serviteur  que 
je  suis. 

Je  languis  en  ceste  si  longu' attente  de  Son  Altesse, 
laquelle  ne  venant  pas  ceste  prochaine  semayne,  comme 
on  praetend,  je  retourneray  a  Thonon  pour  l'attendre.  Ce 
pendant  j'y  envoj'e  mon  cosin  (0.  Monseigneur  le  Nonce 
m'escrit  que  Son  Altesse  est  très  bien  résolue  pour  le 
revenu  des  bénéfices  et  affectionnée  a  ceste  besoigne. 

Je  prie  Dieu  nostre  Créateur  quil   nous   face  vivr'et 
mourir  pour  son  service,  et  vous  supplie  croire  que  je  suys, 
Monsieur, 

Vostre  humble  serviteur, 

France  De  Sales. 
A  Sales,  le  lomay  96,  ou  je  bayse  les  mains  de  madame 
i^ostre  compaigne  et  de  toute  vostre  honorable  brigade. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 

(  r  )  Le  chanoine  Louis  de  Sales,  à  qui  une  note  biographique  sera  consacrée 
plus  loin. 


EXTRAIT     DU     COMMENTAIRE     DE     SAINT     JÉRÔME 
(Voir  la  note  (i)  de  U  page  précédente) 

Est  confidentia  quoniam  canis  vivens  nwJior  est  leone  mortuo;  quia 
Eccies.,  IX,  4-6.  viventes  sciunt  quod  moriantur  et  ;w/7?</nesciunt  quicquam*,  etc.  Quia 

supra  dixerat*  cor  filionim  hominum  impleri  maïitia  et  procacitate,  et 
post  hœc  omnia  morte  finiri,  nunc  eadem  complet,  et  repetit  :  donec 
vivunt  homines  eos  posse  fieri  justos,  post  mortem  vero  nullam 
boni  operis  dari  occasionem.  Peccator  enim  vivens  potest  melior  esse 
justo  mortuo  si  voluerit  in  ejus  transira  virtutes  ;  vel  certe,  eo  qui  se 


Année   1596 


201 


in  malitia,  potentia,  procacitate  jactabat  et  mortuus  fuerit,  melior 
potest  quis  pauper  esse  et  vilissimus.  Quare  ?  Quia  viventes,  metu 
mortis,  possunt  bona  opéra  perpetrare  ;  mortui  vero  nihil  valent  ad 
id  adjicere  quod  semel  secum  tulere  de  vita,  et  oblivione  obvoluta 
sunt  omnia  ;  juxta  illud  quod  in  Fsalmo  scriptum  est*  :  Oblivioni 
datus  suin  Uvnqiuvn  mortuus  a  corde.  Sed  et  dilectio  eorum  et  odium  et 
aemulatio,  et  omne  quod  in  seculo  habere  potuerunt,  mortis  finitur 
adventu  ;  nec  juste  quippa  possunt  agere  nec  peccare,  nec  virtutes 
adjicere  nec  vitia. 

Licet  quidam  liuic  expositioni  contradicant,  asserentes  etiam  post 
interitum  excrescere  nos  posse  et  decrescere,  et  in  eo  quod  nunc 
ait*  :  Et  pars  non  erit  eis  adbuc  in  seculo,  in  omni  quod  factum  est  siib 
sole,  ita  intelligunt  ut  dicant  eos  in  hoc  seculo,  et  sub  hoc  sole  quem 
nos  cernimus,  nullam  habere  communionem,  habere  vero  sub  alio 
seculo  (de  quo  Salvator  ait  :  Non  suin  ego  de  hoc  inundo  ''•')  et  sub  sole 
Justitiïe  *  ;  et  non  excludi  opinationem  quœ  contendit,  postquam  de 
hoc  seculo  migraverimus,  et  olïendere  posse  creaturas  rationales  et 
promereri.  Aliter  referebat  mihi  Hebraeus  versiculum  istum  in  quo 
dicitur  :  Melior  est  enim  canis  vivens  super  leoneui  inortuum,  ita  apud 
suos  exponi  :  utiliorem  esse  quemvis  indoctum,  et  eum  qui  adhuc 
vivat  et  doceat  prœceptore  perfecto  qui  jam  mortuus  est.  Verbi  causa, 
ut  canem  intelligerent  unum  quemlibet  de  pluribus  praeceptorem,  et 
leonem  Moysem  aut  alium  quemlibet  Prophetarum. 

Sed  quia  nobis  hsec  expositio  non  placet,  ad  majora  tendamus  ;  et 
Chananasam  illam  cui  dictum  est  :  Fides  tua  te  salvam  fecit,  canem 
esse  juxta  Evangelium  *  dicamus,  leonem  vero  mortuum  circumcisio- 
nis  populum,  sicut  Balaam  Propheta  dicit*  :  Ecce  populus  ut  catulus 
leonis  consurget,  et  ut  leo  exultavit.  Canis  ergo  vivens  nos  sumus,  ex 
nationibus  ;  leo  autem  mortuus  Jud^orum  est  populus,  a  Domino 
derelictus  :  et  melior  est  apud  Dominum  iste  canis  vivens  quam  leo  ille 
mortuus.  Nos  enim  viventes  cognoscimus  Patrem  et  Filium  et  Spiritum 
Sanctum  ;  illi  vero  mortui  nihil  sciunt,  neque  expectant  aliquam  repro- 
missionem  atque  mercedem,  sed  compléta  est  memoria  eorum  ;  neque 
ipsi  meminerunt  quae  scire  debuerant,  neque  illorum  jam  Dominas 
recordaturus  est.  Dilectio  quoque  qua  aliquando  Deum  diligebant 
periit  ;  et  odium,  de  quo  audacter  loquebantur  *  :  Nonne  odientes  te, 
Domine,  odivi  et  super  inimicos  tuos  tabescebam?  necnon  et  :(elus  eorum, 
juxta  quem  Phinees  i^elatus  est*  et  Mathathiae  intremuerunt poplites  **. 
Perspicuum  est  autem  quod  et  pars  eorum  non  est  in  seculo;  non 
enim  possunt  dicere  :  Pars  mea  Dominus  *. 


Ps.  XXX,  13. 


Cap.  cit.,  *.  6. 


*  joan.,  VIII,  2j. 

•  Sap.,  V,  6. 


Matt.,  XXVI,  28. 
Num.,  XXIII,  24. 


Ps.  cxxxviii,  21. 


Num.,  XXV,  ij. 
*I  Mac,  11,  24. 


Thren.,  m,  24. 


202  Lettres  de  saint  François  de  Sales 


LXXII 

A    MONSEIGNEUR   JULES-CÉSAR    RICCARDI 
ARCHEVÊQUE    DE    BARI,    NONCE   APOSTOLIQUE    A    TURIN 

(minute  inédite) 

Calomnies  répandues  à  la  cour  de  Savoie  contre  M.  d'AvuUy  et  l'Apôtre 
du  Chablais.  —  Abandon  dans  lequel  on  laisse  ce  dernier.  —  Désir  de  faire 
un  voyage  à  Turin. 

Thonon,  septembre   1596. 

Illustrissimo  et  Reverendissimo  Signor  mio 
osservandissimo, 

Hebbi  hieri  da  monsieur  di  AvuUy  la  lettra  che  si 
compiacque  V.  S.  111'"''  di  farmi  alli  27  di  Agosto,  con 
intera  et  perfetta  allegrezza  del  contento  ch'  essa  hebbe 
nella  reconciliatione  di  questo  cavagliero.  Speravo  ch'egli 
havrebbe  dato  conto  al  Serenissimo  Prencipe  di  quel 
poco  che  sin  adesso  habbiam  potuto  fare  qui  in  questo 
paese,  et  di  quanto  è  necessario  per  veder  fra  pochi  mesi 
questa  benedetta  opra  compita  et  perfetta.  Ma,  per  quanto 
mi  ha  detto,  fu  avertito  che(^)  non  mancavano  calom- 
niatori  in  quella  corte,  et  délia  sua  conversione  alla  santa 
Chiesa,  et  délia  mia  intentione  in  i^)  queste  mie  poche 


Mon  très  honoré,  Illustrissime  et  Révérendissime  Seigneur, 
Je  reçus  hier,  par  M.  d'Avully,  la  lettre  que  Votre  Seigneurie 
Illustrissime  eut  la  bonté  de  m'écrire  le  27  août,  et  j'éprouvai  une 
entière  et  parfaite  allégresse  du  contentement  que  vous  donna  la 
conversion  de  ce  chevalier.  J'espérais  qu'il  aurait  rendu  compte  au 
Sérénissime  Prince  du  peu  qu'il  nous  a  été  possible  de  faire  jusqu'ici 
dans  ce  pays,  et  de  ce  qui  est  nécessaire  pour  voir  en  peu  de  mois 
cette  bénite  œuvre  achevée  et  affermie.  Mais,  d'après  ce  qu'il  m'a 
dit,  on  l'a  prévenu  qu'il  ne  manquait  pas  de  gens  à  cette  cour  pour 
calomnier  sa  conversion  à  la  sainte  Eglise,  et  mon  intention  dans 

(a)  c/te  —  fal  modo  dalle  corti.J 

(b)  in  —  rquesta  mia  fatica.  Il  che  lo  trattenne  un  poco  piu...J 


Année  1596  203 

fatiche  ;  et  per  questo  hebbe  opinione  di  non  poter  com- 
modamente  esser  creduto,  sî  che  lasciô  di  parlarne  più. 
Il  che  mi  fa  tanto  magiormente  desiderar  d' inviarme  per 
Torino,  acciô  possa  havere  risolutione  del  beneplacito  di 
Sua  Altezza  sopra  questo  tanto  importante  negotio  (0. 

Et  se  si  darà  Tordine  pronto  come  si  conviene,  ritor- 
narô  certo  et  sicuro  di  veder  ben  presto  lieta  raccolta  di 
migliaïa  d' anime  ;  se  per  contrario  no  si  darà,  pigliarô 
la  benedittione  di  V.  S.  Iir^  et  R™"  et  licentia  di  aban- 
donnar  questa  impresa  per  altri  più  capaci,  chè  mi  sento 
spezzar  il  cuore  di  veder  le  parrochie  intere  desiderar  di 
esser  satiate  délia  santa  dottrina  catholica  et  non  po- 
terli  (sic)  provedere,  per  non  havere  il  modo  per  inviare 
a  quest'  opra  numéro  sofïiciente  de  praedicatori  et  pastori. 
Ne  posso  più  io  solo  restare  qui  per  esser  favola  delli 
nemici,  i  quali  vedendo  non  si  dar  altr'  ordine,  sprezzano 
tanto  più  il  mio  ministerio,  del  quale  nientedimeno  io  ad 
ogni  modo  devo  esser  zeloso. 

Quanto  poi  alli  calomniatori,  spero  che  in  fine  si  co- 
gnoscerà,  et  Io  sa  Iddio  benedetto,  che  quanto  a  questo 


ce  peu  de  fatigues  que  j'ai  soutenues.  11  se  persuada  pour  cette  raison 
qu'il  n'aurait  pas  été  cru  facilement  ;  aussi  laissa-t-il  d'en  parler 
davantage.  C'est  ce  qui  me  fait  toujours  plus  désirer  d'aller  moi-même 
à  Turin  afin  d'obtenir  une  déclaration  du  bon  plaisir  de  Son  Altesse 
sur  cette  affaire  si  importante  (  i  '. 

Que  si,  comme  il  convient,  on  donne  promptement  des  ordres,  je 
reviendrai  sûr  et  certain  de  voir  bientôt  mûrir  une  heureuse  moisson 
de  plusieurs  milliers  d'âmes  ;  si  au  contraire  on  ne  les  donne  pas,  je 
demanderai  votre  bénédiction  et  la  permission  d'abandonner  cette 
entreprise  à  d'autres  plus  capables  que  moi.  J'ai  le  cœur  brisé  de  me 
voir  hors  d'état  de  satisfaire  des  paroisses  entières  qui  désirent  être 
rassasiées  de  la  sainte  doctrine  catholique,  faute  d'avoir  les  moyens 
de  leur  envoyer  à  cet  effet  un  nombre  suffisant  de  prédicateurs  et  de 
pasteurs.  Je  ne  puis  plus  rester  seul  ici  pour  devenir  la  fable  de  nos 
ennemis,  qui,  voyant  qu'on  ne  donne  plus  aucun  ordre,  méprisent 
mon  ministère,  dont  cependant  je  dois  être  jaloux  de  toute  manière. 

Quant  aux  calomniateurs,  j'espère  qu'à  la  fin  on  connaîtra,  et  Dieu 

(  I  )  Le  Saint  partit  effectivement  pour  Turin  au  commencement  d'octobre. 


204  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

io  da  ogni  ambitione  sono  libero,  ne  con  queste  poche 
fatiche  cerco  di  esser  cognosciuto  da'  superiori  se  non 
quanto  basta  per  esseguire  questo  servitio  et  altri  cosî 
fatti.  Et  contro  de  tutte  queste  lingue,  ho  sufficiente  pro- 
tettione  nella  bontà  di  V.  S.  111""*;  ne  spruzaranno  giamai 
i  calomniatori  tante  aque  de  maledicentie  che  possano 
estinguere  il  zelo  del  quale  arde  il  serenissimo  cuore 
délie  loro  Altesse. 

Délia  conversione  di  monsieur  d'Avully  già  ne  scrissi 
ultimamente  a  V.  S.  111"*  et  glie  ne  darô  conto  più 
particolar  ;  chè  invero  non  a  luy  (sic)  solo  et  a  me,  ma 
ancora  al  gênerai  di  questo  negotio,  fanno  gran  prejuditio 
questi  tali  maledicenti  ;  et  in  questo  sonno  favorevoli  agli 
hseretici,  quali  vanno  calomniando  tutte  le  conversioni 
che  si  sonno  fatte  a'tempi  nostri,  per  impedir  Tefifetto 
che  suol  far  Tessempio  dei  primi  nelle  conscientie  del 
popolo.  Ma  sopra  questo  et  moite  altre  cose  per  servitio 
di  Iddio  et  di  santa  Chiesa,  spero  che  presto  V.  S.  111"* 
et  R™*  me  darà  udientia  con  quell'  amorevolezza  colla 


le  sait,  combien  en  ceci  je  suis  libre  de  toute  ambition,  et  que,  par 
ces  quelques  travaux,  je  ne  cherche  pas  à  être  bien  vu  de  mes  supé- 
rieurs, sinon  autant  qu'il  le  faut  pour  remplir  cette  mission  et  d'autres 
semblables.  Contre  toutes  ces  langues  je  trouve  une  protection  suffi- 
sante dans  la  bonté  de  Votre  Seigneurie;  du  reste,  les  calomniateurs 
ne  lanceront  jamais  les  eaux  de  leurs  détractions  avec  tant  de  pro- 
fusion qu'elles  puissent  éteindre  le  zélé  dont  brûle  le  cœur  de  leurs 
Altesses  Sérénissimes. 

J'écrivis  dernièrement  à  Votre  Seigneurie  au  sujet  de  la  conversion 
de  M.  d'Avully,  et  je  vous  en  rendrai  un  compte  plus  particulier 
encore  ;  car  vraiment  ce  n'est  pas  seulement  à  lui  et  à  moi,  mais 
c'est  au  général  de  la  mission,  que  ces  médisants  portent  un  grand 
préjudice.  Ils  sont  en  cela  favorables  aux  hérétiques,  qui  calomnient 
toutes  les  conversions  opérées  de  notre  temps  afin  d'empêcher  l'effet 
que  produit  ordinairement  l'exemple  des  plus  notables  sur  les  con- 
sciences du  peuple.  Mais  pour  ceci  et  beaucoup  d'autres  choses  qui 
regardent  le  service  de  Dieu  et  de  la  sainte  Eglise,  j'espère  que  bientôt 
Votre  Seigneurie  me  donnera  audience  selon  cette  bienveillance 
avec  laquelle  elle  daigne  m'inviter  en  son  palais,  afin  que  je  puisse 


Année  1596  205 

quale  si  degna  di  invitarme  al  suo  palazzo,  acciô  che(^) 
io  possi  avantarme  (sic)  poi  no  solo  di  esser  suo  divo- 
tissimo  et  humilissimo,  corne  sono,  ma  ancora  domestico 
servidore.  Corne  tal,  bascio  humilissimamente  le  reve- 
rendissime  mani  et  resto, 

Di  V.  S.  111'"% 
Ubedientissimo  et  indegnissimo  servo, 
F.  De  s.  p. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  de  Rennes. 


m'honorer  non  seulement  d'être,  comme  je  le  suis,  votre  très  humble 
et  tout  dévoué,  mais  encore  votre  serviteur  familier.  En  cette  qualité 
je  baise  humblement  vos  mains  vénérées  et  reste, 
De  Votre  Seigneurie  Illustrissime, 

Le  très  obéissant  et  très  indigne  serviteur, 
François  de  Salfs,  Prévôt. 

(c)  accio  che  —   fsi  corne  io  gia   ad   ogni  modo  glie  sono   divotissimo   et 
humilissimo  servidore,  cosi  ancora — I 


LXXIII 


AU     MEME 


Instances  pour  obtenir  le  rétablissement  du  culte  catholique 
dans  quelques  paroisses  du  Chablais. 

Sales,    14  novembre    1596. 

Illustrissimo  et  Reverendissimo  Signor  mio 
osservandissimo, 
Questa  ritardatione  délia  conclusione  di  pace(0  me  fa 
gran  dubbio  che  Sua  Altezza  Serenissima  no  difFerisca 


Mon  très  honoré,  Illustrissime  et  Révérendissime  Seigneur, 

Ce  délai  apporté  à  la  conclusion  de  la  paix  (  i  )  me  fait  grandement 

redouter  que  Son  Altesse  Sérénissime  ne  difïêre  de  venir  au  secours 

(  I  )  Voir  ci-devant  note  (  i  ),  p.  186. 


2o6  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

r  aiuto  che  se  deve  dar  a  quell'  anime  di  Chiablais  ;  et  no 
sapendo  di  dove  rivolgermi,  supplice  humilissimamente 
V,  S.  m™''  che  per  amor  di  Dio  no  permetta  ch"  io  passi 
costî  r  advento  di  Nostro  Signore  senza  vederlo  venuto 
in  quelle  contrade  ;  anzi  procuri,  colla  solita  carità,  che 
almanco  in  tre  o  quattro  luoghi  si  comminci  Y  essercitio 
catholico,  se  per  il  freddo  no  si  potrà  più  ottenere. 

È  molto  il  comminciare  :  se  venirà  piccolo  Christo 
corne  bambino  in  queste  feste  natalitie,  crescerà  poi  pian 
Ephes.,  IV,  13.  piano  sino  alla  perfetta  mesura  délia  plenitudine  *.  Et 
in  questo,  ad  ogni  modo  non  ciè  altro  pericolo  se  non  di 
tralasciare  l'impresa  et  fugire  di  Bethléem,  in  caso  che 
questo  trattato  di  pace  se  terminasse  in  guerra  ;  il  che  no 
solo  nel  Chiablais,  ma  in  molti  altri  luoghi  di  questa 
diocesi  traverrebbe.  Chi  sa  se  Iddio  vuole  che  la  pace 
spirituale  sii  preparatione  et  fondamento  alla  temporale. 

Son  in  procinto  di  passare  in  Tonone,  quantunque  io 
sia  certo  di  esser  favola  delli  nemici,  sin  tanto  che  ci 
venga  l'ordine  di  Sua  Altezza,  il  quale  io  sempre,  lieto 
et  sicuro,  vado  aspettando,  mentre  mi  ricordo  del  zelo 


de  ces  populations  du  Chablais.  Ne  sachant  de  quel  côté  me  tourner, 
je  supplie  humblement,  pour  l'amour  de  Dieu,  Votre  Seigneurie  de  ne 
pas  permettre  que  l'Avent  s'achève  sans  que  je  voie  Notre-Seigneur 
rentrer  en  ces  contrées.  Veuillez  donc  nous  obtenir  qu'on  commence 
l'exercice  du  culte  catholique  au  moins  dans  trois  ou  quatre  localités, 
si  à  cause  du  froid  on  ne  peut  faire  davantage. 

C'est  beaucoup  de  commencer  :  si  le  Christ  vient  à  nous  comme 
petit  enfant  en  ces  fêtes  de  Noël,  il  grandira  ensuite  peu  à  peu  jusqu'à 
la  pâvhltc  plénitude  de  la  vuituritè.  Et  en  cela,  il  n'y  a  de  toute  façon 
aucun  péril  à  courir,  si  ce  n'est  celui  d'abandonner  l'entreprise  et  de 
fuir  de  Bethléem,  au  cas  où  ces  négociations  de  paix  aboutiraient  à  une 
guerre;  ce  qui  traverserait  [les  intérêts  de  la  religion]  non  seulement 
en  Chablais,  mais  dans  plusieurs  autres  lieux  de  ce  diocèse.  Qui  sait 
si  Dieu  ne  veut  pas  que  la  paix  spirituelle  soit  la  préparation  et  le 
fondement  de  la  temporelle  ? 

Je  suis  sur  le  point  de  me  rendre  à  Thonon,  bien  que  je  sois  certain 
d'être  la  fable  de  nos  ennemis  jusqu'à  ce  que  nous  arrive  l'ordre 
de  Son  Altesse.  Je  l'attends  toujours  avec  joie  et  assurance,  me 


Année  1596  307-. 

ardentissimo  che  V.  S.  lU'""  adopra  in  questa  soUecita- 
tione,  alla  quale  pertanto  no  raccommando  più  il  negotio. 
Solo  dirô  che  la  speran^a  che  si  differisce  ciffligge  in- 
credibilmente  V  anima  mia  *  et  de  molti  buoni  Catholici,  *  Prov.,  xm,  12, 
massime  delli  principianti,  et  sarà  forse  causa  d'afflittione 
aeterna  a  molt'  altre. 

Finisco  con  prieghar  il  Signore  che  ci  conservi  V.  S. 
Ill""",  délia  quale  io  sono  eternamente 

Humilissimo  et  devotissimo  servidore, 
Franc°  De  Sales, 
Prevosto  di  Geneva. 
Di  Sales,  casa  paterna  mia,  alli  14  9^''°  iSgô. 

Air  111'""  et  R"'°  Sig''  mio  osservandissimo, 
Monsig""  r  Arcivescoùo  di  Bari, 
Nuntio  Apostolico  appresso  S.  A.  Seren'"'^. 
Turino. 

Revu  sur  une  copie  authentique  conservée  à  Rome,  Archives  du  Vatican. 


souvenant  du  zèle  très  ardent  que  Votre  Seigneurie  déploie  dans  cette 
poursuite  ;  je  crois  donc  superflu  de  la  lui  recommander  encore. 
Je  dirai  seulement  que  V espérance  diffcrce  afflige  incroyablement  mon 
àme  et  celles  de  beaucoup  de  bons  Catholiques,  surtout  des  nouveaux 
convertis  ;  peut-être  même  sera-t-elle  la  cause  de  la  désolation 
éternelle  d'un  grand  nombre  d'autres. 

Je  termine  en  priant  le  Seigneur  de  nous  conserver  Votre  Seigneu- 
rie Illustrissime,  de  laquelle  je  suis  pour  jamais 

Le  très  humble  et  très  dévoué  serviteur, 
François  de  Sales, 

Prévôt  de  Genève. 
De  Sales,  ma  maison  paternelle,  le  14  novembre  1596. 


2o8  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

LXXIV 

AU    SÉNATEUR    ANTOINE    FAVRE 

(MIXUTE; 

Désir  de  lui  voir  accepter  la  charge  de  Président  du  Conseil  de  Genevois. 
—  Délais  apportés  aux  affaires  du  Chablais.  —  Projet  d'un  pèlerinage  au 
tombeau  de  saint  Claude. 

Annecy,  23  ou  24  novembre  1396  (i). 

3liraberis  et  merito  fateor,  mi  Frater,  me  totis  iis 
octo  quibus  [Necii]  fui  diebus  nihil  ad  te  dédisse  littera- 
rum.  At  ne  propterea  crede,  quaeso,  nihil  me  dédisse 
cogitationum  qui  meae  menti  unus  perpetuo  obversaris  ; 
sed  tôt  undique  sum  obrutus  negotiis,  et  dico  candide, 
ut  Necii  nunquam  mihi  firmus  fuerim.  Xunc  vero  in  pro- 
fectionis  articulo,  quod  a  mora  non  potui,  ab  ipso  discessu 
otium  hoc  scribendi  quale  quale  est  expressi. 

In  Ducis  nostri  Gebennensium  mente  et  ore  eo  es 
imprimis  loco  ut  meliore  vix  esse  possit  quisquam,  et  si 
permittas  intelligi  te  (sic  enim  de  more  aulico  loquor) 


Vous  serez  étonné,  mon  Frère,  et  avec  raison,  que  j'aie  pu  passer 
huit  jours  à  Annecy  sans  vous  donner  de  mes  lettres  ;  mais  ce  n'a 
pas  été  sans  vous  donner  de  mes  pensées,  car  vous  êtes  perpétuelle- 
ment présent  à  mon  esprit.  Les  affaires  m'assiégeaient  de  toutes  parts, 
à  tel  point  que,  je  vous  le  dis  en  parfaite  sincérité,  je  ne  me  suis  pas 
appartenu  un  seul  instant  à  Annecy.  Maintenant  toutefois  j'obtiens  au 
moment  du  départ  ce  que  je  n'ai  pu  me  procurer  en  le  différant  :  le 
loisir  de  vous  écrire  un  mot  n'importe  comment. 

Vous  occupez  la  première  place  dans  l'estime  de  notre  duc  de  Gene- 
vois, et  il  ne  porte  personne  aussi  haut  que  vous  dans  ses  louanges. 

(  I  )  La  corrélation  étroite  qui  existe  entre  cette  lettre  et  celle  du  sénateur 
Favre  du  ai  novembre  1596  (voir  à  rAppcndice\  prouve  qu'elles  ont  été 
écrites  à  la  même  époque. 


Année  1596  209 

Praesidem,  hic  non  optatissimum  modo,  sed  his  tem- 
poribus  necessarium  sumus  habituri.  Plura  nequeo  per 
epistolam  et  atramentiun*.  •Cf.iijoan.,y. la, 

Vidi  sLimma  mea  voluptate  fratrem  nostrum  (  i  )  ;  nihil 
suavius,  candidius,  politius.  Ita  tamen  vidi  ut  vix  vidisse 
dici  possim,  cum  enim  ad  extremum  diei  crepusculum 
convenissemus,  magis  utrimque  audivimus  quam  vidi- 
mus,  etsi  per  duas  horas  simul  fuimus. 

De  re  nostra  Tononiensi  quid  dicam,  mi  Frater  ? 
Dominus  de  Jacob  (*)  mira  dédit  in  promissis.  Undique 
captamus  occasiones  Principis  hac  in  causa  gratiam  serio 
ineundi  :  per  Nuntium  Apostolicum,  per  Jesuitas,  per 
Cappucinos.  Incaeperam  bene  sperare,  sed  de  bello  audio 
nescio  quid  quod  meaB  spei  negotium  facessit.  Verum 
iis  Deus  optimus  maximus  pro  sua  pietate  moderabitur. 


Si  vous  permettez  que  l'on  vous  considère  comme  Président  (c'est 
ainsi  que  je  parle  à  la  façon  des  hommes  de  cour),  nous  aurons  un 
Président  non  seulement  très  désiré  ici,  mais  tel  qu'il  nous  le  faut 
dans  les  circonstances  où  nous  nous  trouvons.  Je  ne  puis  vous  en 
dire  davantage  par  le  moyen  de  l'encre  et  du  papier. 

J'ai  vu  notre  frère  avec  une  très  grande  satisfaction  (0  :  on  ne  saurait 
trouver  quelqu'un  de  plus  aimable,  de  plus  simple,  de  plus  gracieux. 
Cependant  c'est  à  peine  si  je  puis  dire  l'avoir  vu,  car  notre  rencontre 
eut  lieu  en  plein  crépuscule,  de  telle  sorte  que  nous  nous  sommes 
entendus  plutôt  que  nous  ne  nous  sommes  vus,  bien  que  nous  ayons 
passé  deux  heures  ensemble. 

De  notre  affaire  de  Thonon,  que  vous  dirai-je,  mon  Frère?  M.  de 
Jacob  (2)  nous  a  fait  les  plus  belles  promesses.  Nous  saisissons  toutes 
les  occasions  d'intéresser  le  prince  à  notre  cause,  soit  par  l'entremise 
du  Nonce  apostolique,  soit  par  celle  des  Jésuites  et  des  Capucins.  Je 
commençais  à  espérer  un  succès  favorable,  mais  j'entends  je  ne  sais 
quelles  annonces  de  guerre  qui  ébranlent  mes  espérances.  Dieu  très 
bon  et  très  grand  disposera  de  tout  dans  sa  miséricorde. 

(i)  Il  s'agit  probablement  de  l'un  des  frères  du  sénateur  Favre;  nous  les 
rencontrerons  souvent  dans  la  suite  de  la  correspondance  de  saint  François 
de  Sales. 

(a)  Guillaume-François  de  Cbabod,  seigneur  de  Jacob,  gouverneur  de 
Savoie.  Ce  personnage  étant  l'un  des  correspondants  du  Saint,  sa  note  bio- 
graphique sera  donnée  en  regard  de  la  première  lettre  qui  lui  est  adressée. 

Lettres  I  i^ 


210  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

Scribam  quam  primum  peregrinationem  ad  Divi  Clau- 
dii  reliquias  absolvero,  quam  post  concionem  diei  Do- 
minicae  Tononi,  Deo  dante,  faciendam,  incipiam. 

Bene  vale,  Frater  suavissime,  et  me  quod  facis  ama. 
Unicum  id  erit  hoc  tam  acerbo  tempore  oblectamentum. 

Necii. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


Je  VOUS  écrirai  après  le  pèlerinage  que  je  me  propose  de  faire  aux 
reliques  de  saint  Claude.  Je  partirai,  s'il  plait  à  Dieu,  après  le  sermon 
que  je  dois  prêcher  Dimanche  à  Thonon. 

Adieu,  mon  très  doux  Frère,  aimez-moi  toujours  comme  vous  le 
faites  ;  c'est  la  seule  consolation  que  j'aie  en  ces  temps  malheureux. 

Annecy. 


LXXV 

A    UN   COUSIN 
(inéditb) 

Témoignages  d'affection.  —  Annecy  est  menacé  de  la  peste. 
Message  pour  le  P.  de  Lorini. 

Coursinge,  23  novembre   1596. 
Monsieur  mon  Cosin, 

Je  vous  escris  avec  cest'asseurance  que  le  peu  de  loysir 
et  de  commodité  que  j'ay  ne  vous  empêchera  pas  de 
croire  a  bon  escient  que  vous  n'aves  point  de  parent  qui 
soit  plus  vostre  affectionné  que  je  suis. 

Madame  vostre  mère,  ma  cosine,  se  porte  très  bien, 
Dieu  mercy.  A  Necy  il  y  a  eu  quelque  soupçon  de  conta- 
gion, mays  ce  ne  sera  rien,  Dieu  aydant.  Je  ne  sçay  si 


Année  1596  211 

le  R.  P.  Jan  de  Lorini  se  resouviendra  point  de  moy  ;  a 
toutes  fortunes  je  vous  prie  le  saluer  de  ma  part. 

J'ay  voulu  vous  saluer  par  ce  mot  de  mauvays  ancre 
et  de  mauvays  papier,  mais  avec  autant  de  bonne  afifec- 
tion  que  peut  et  doit  un  qui  désire  de  vous  estre  irré- 
vocablement, 

31onsieur  mon  Cosin, 
Vostre  très  humble  et  affectionné  serviteur  et  cosin, 

François  De  Sales, 
Praevost  de  S'  Pierre  de  Genève. 

A  Coursinge,  le  jour  sainte  Catherine  1596,  ou  je  salue 
très  affectionnement  messieurs  nos  cosins. 

Revu  sur  une  copie  déclarée  authentique,  conservée  à  Turin, 
Archives  de  l'Etat. 


LXXVI 

AU   SÉNATEUR    ANTOINE    FAVRE 

(inédite) 

Recommandation  en  faveur  de  M.  de  Coursinge. 

Fin  novembre   1590. 
Monsieur  mon  Frère, 

L'obligation  que  j'ay  d'affectionner  le  service  de  mon- 
sieur de  Coursinge  (O  faict  que  sçachant  qu'il  alloit  au 
Sénat  pour  un  sien  affaire  d'importance,  je  vous  supplie 
que  son  droict  vous  soit  en  recommandation.  Et  bien  que 
la  singulière  recommandation  en  laquelle  vous  aves  la 
justice  soit  un'inseparable  propriété  de  vostre  vie  et  qui 


(i)  Il  s'agit  selon  toute  vraisemblance  d'Annibal  de  Genève,  seigneur  de 
Coursinge  ou  Cursinge,  Cervens  et  Draillans,  capitaine  d'une  compagnie  sous 
le  marquis  de  Treffort  (lo  février  1594).  Il  avait  épousé  Lucrèce  Roëro.  Son 
testament  est  daté  du  7  juin  1599. 


212  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

vous  rend  digne  de  recommandation  immortelle,  si  est  ce 
que  pour  rendre  l'amitié  de  laquelle  vous  m'honnores  et 
l'honneur  que  je  vous  porte  plus  recommandable,  j'ay 
deu,  ce  me  semble,  vous  faire,  et  vous  prie  de  recevoir, 
ceste  humble  recommandation  qui  part  de  celuy  qui  ne 
pense  en  rien  estre  recommandable  qu'en  l'honneur  qu'il 
a  d'estre  advoiié  de  vous, 

Monsieur  mon  Frère, 

Vostre  très  humble  et  très  afifectionné 
frère  et  serviteur. 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  le  P''  Procès  de  Canonisation. 


LXXVII 

A   MONSEIGNEUR  JULES-CÉSAR   RICCARDI 
ARCHEVÊQUE    DE    BARI,    NONCE   APOSTOLIQUE   A    TURIN 

Réclamations  au  sujet  d'un  legs  fait  à  trois  églises  de  Savoie. 

Thonon,  29  novembre   1596. 

lUustrissimo  et  Reverendissimo  Signor  mio 
osservandissimo  (  ^  ), 

La  bontà  di  V.  S.  Iir*  mi  fa  tuttavia  maggior  animo 
di  adoprare(b)  i  sûoi  favori.  Furono  legati  ciè  un  pezzo 


Mon  très  honoré,  Illustrissime  et  Révérendissime  Seigneur, 

La  bonté  de  Votre  Seigneurie  Illustrissime  m'encourage  toujours 

plus  à  me  prévaloir  de  ses  faveurs.  Un  gentilhomme  savoislen, 

(a)  [Les  variantes  qui  suivent  sont  extraites  d'une  minute  insérée  dans  le 
I"^  Procès  de  Canonisation.] 

colendissimo 

(b)  addomandargli 


Année  1596  213 

da  un  gentilhuomo  Savoyano  habitante  in  Roma,  chia- 
mato  il  signor  Vignodi  ('),  400  scudi  per  due  chiese  (<^) 
di  questa  diocesi  et  200  per  un'altra  di  Tarentasia.  Hora 
essendovi,  per  quanto  si  dice,  un  statuto  in  Roma  che 
i  legati  ad  piam  causant  che  no  si  pagano  fra  Tanno 
si  riduccano  ad  utiltà  délia  («^l  fabrica  di  Roma,  gli  so- 
prastanti  di  quella  fabrica,  vedendo  quelli  (^)  legati  non 
essersi  pagati  nel  tempo  prescritto,  vogliono  ritirarli  di 
là(^).  Supplico  adunque  humilissimamente  V,  S.  111™^ 
si  degni  scriverne  a  chi  essa  giudicarà  più  giovevole, 
acciô  no  sian  private  queste  tanto  povere  chiesuole  di 
qua  di  quello  aiuto  che  da  quelli  legati  glie  puô  venire(g); 


nommé  M.  de  Vignod  (  i  ),  habitant  à  Rome,  légua,  il  y  a  longtemps, 
quatre  cents  écus  à  deux  églises  de  ce  diocèse,  et  deux  cents  à  une 
autre  de  Tarentaise.  Or,  il  existe  à  Rome,  à  ce  que  l'on  dit,  un 
décret  d'après  lequel  les  legs  pour  œuvres  pies  qui  ne  sont  pas  ac- 
quittés dans  le  cours  de  l'année,  doivent  être  appliqués  à  la  fabrique 
de  [Saint-Pierre  de]  Rome.  Les  administrateurs  de  cette  fabrique, 
voyant  que  ces  legs  n'ont  pas  été  payés  au  temps  marqué,  prétendent 
les  retenir.  Je  supplie  donc  très  humblement  Votre  Seigneurie  de 
vouloir  bien  écrire  à  qui  de  droit,  afin  que  ces  si  pauvres  petites 
églises  de  notre  pays  ne  soient  pas  privées  du  secours  qui  peut 
leur  revenir  de  ces  legs.  11  faut  faire  à  ce  sujet  les  considérations 

(c)  chiese —  parrochiali 

(d)  ad  ptam  causant  —  se  non  si  pagano  fra  l'anno  sonne  applicati  alla 
(e  )  questi 

(  f  )  vogliono  ritirarli  —  ad  uso  délia  fabrica  roniana,  et  privarne  queste 
tanto  rovinate  et  mal  fabricate  chiesuole. 

(g)  a  chi  essa  —  vedera  esser  piu  espediente,  accio  sian  lasciati  quelli  denari 
a  queste  tanto  rovinate  et  mal  fabricate  chiesuole  di  qua 


(  I  )  «  Magnifique  Jean  de  Vignod,  docteur  en  l'un  et  l'autre  droit,  »  frère 
du  seigneur  de  Planaz  (voir  ci-devant,  note  (a),  p.  i8o),  avait  été  dans  sa 
jeunesse  pourvu  d'un  canonicat,  des  cures  de  Pers  et  d'Eloise  dans  le  diocèse 
de  Genève,  et  de  celle  de  Hauteluce  dans  le  diocèse  de  Tarentaise.  Ne 
se  sentant  pas  d'attrait  pour  l'état  ecclésiastique,  il  résigna  ces  bénéfices 
et  s'établit  à  Rome,  où  il  mourut  en  1^94.  Dans  son  testament  (9  septem- 
bre 1585),  il  avait  fait  aux  trois  paroisses  indiquées  ci-dessus  les  legs  que 
leur  contestait  la  Chambre  apostolique.  (Archives  de  la  Visitation  d'Annecy, 
Collection  Vu'y.) 


214  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

chè  in  questo  vi  sonno  da  farsi  queste  considerationi. 
L'  una ,  che  i  curati  di  queste  chiese  non  han  havuto 
noticia  de'detti  legati  se  non  da  poco  tempo  in  qua,  et 
manco  di  detto  statuto  romano,  in  che  sonno  stati  in 
ignorantia  invincibile;  Taltra,  che  se  bene  vi  fosse  crassa 
ignorantia  de'detti  curati,  le  parrochie  ne  le(b)  chiese 
non  hanno  da  patirne  il  danno  et  castigo.  Oltre  poi  che 
è  litigiosa  quella  heredità,  ne  è  ancora  finita  la  lite  (O,  et 
si  deve  haver  rispetto  alla  calamità  (  i  )  che  ha  sin  adesso 
fermati  i  passi  d'Italia  ;  ne  eran  ubligati  questi  curati  di 
villa  a  mandare  per  haver  passaporti  da  Sua  Altezza(J), 
chè  a  questo  modo  i  legati  si  sariano  dileguati  in  spese, 
ne  hanno  ingegno  di  farlo. 


suivantes  :  l'une,  que  les  curés  de  ces  églises  n'ont  eu  que  depuis  peu 
de  temps  connaissance  de  ces  legs  et  qu'ils  connaissaient  moins  encore 
le  décret  romain  ;  c'est  donc  de  leur  part  une  ignorance  invincible. 
L'autre,  que  si  les  susdits  curés  ont  été  dans  une  ignorance  crasse, 
ce  n'est  pas  aux  paroisses  ni  aux  églises  à  en  subir  le  dommage  et 
la  peine.  En  outre,  cet  héritage  est  contesté,  le  procès  n'est  pas 
terminé  (i).  L'on  doit  aussi  avoir  égard  à  la  calamité  qui  a  jusqu'ici 
fermé  les  passages  d'Italie  ;  ces  curés  de  campagne  n'étaient  pas 
obligés  à  des  démarches  pour  obtenir  des  passeports  de  Son  Altesse, 
car  ainsi  ces  legs  auraient  été  consumés  en  dépenses  qu'ils  ne  sont 
pas  en  mesure  de  faire. 

(h)  considerationi  —  legittime.  L' una,  che  li  curati  di  quelle  chiese  non 
hanno  saputo  se  non  da  poco  tempo  in  qua  la  morte  del  legatore  et  il  statuto 
di  Roma,  et  questo  con  ignorantia  invincibile;  l'altra,  che  etiandio  che  vi 
fosse  negligentia  supina  de' curati,  le  parrochie,  cioé  i  popoli  de' quali  sonno 
dette 

{'\)  et  castigo.  —  Di  piu,  che  non  si  sa  neancho  adesso  a  chi  si  hanno  da 
domandare  questi  legati,  perche  Theredita  é  litigiosa,  né  ancora  é  finita  la 
lite.  Air  ultimo,  si  deve  havere  rispetto  alla  calamità  del  tempo 

(  j  )  di  villa  —  di  mandare  a  domandare  passaporti  a  S.  A.  Seren"* 


(i)  Jean  de  Vignod  n'ayant  pas  d'enfants,  avait  constitué  héritier  universel 
son  frère  puiné  Gabriel,  seigneur  de  Planaz;  mais  celui-ci  étant  mort  en  isçi, 
l'héritage  revenait  de  droit  à  son  fils  Gaspard,  âgé  de  trois  ans.  Il  fut  contesté 
au  pupille  par  sa  tante,  Michelle  de  Vignod,  femme  de  noble  Janus  Pensabin  ; 
de  là  un  procès  qui  se  termina  en  juin  ï^c)G,  par  un  jugement  en  faveur  de 
Gaspard  de  Vignod. 


Année   1596  215 

Mosso  da  queste  ragioni  et  délia  compassione  dalla 
povertà  di  queste  chiese,  (^)  ardisco  di  far' a  nome  loro 
questa  supplica  a  V.  S.  111""*.  Ne  lasciarô  di  pregarla 
con  ogni  humiltà  che  seguiti  col  solito  zelo  di  instare 
alla  fabrica  spirituale  di  questo  Chiablais  appresso  di 
Sua  Altezza  Serenissima ,  laquale  se  in  cosa  veruna 
vuole  adoprare  la  sua  hereditaria  pietà  i^\  lo  puô  et  deve 
fare  con  (™)  questa  occasione,  con  prontezza  et  diligentia 
tanto  grata  a  Dio   °). 

(°)Non  son  ancora  stato  in  Necy  per  il  sospetto,  se  ben 
adesso  no  vi  è  maie  alcuno  (O.  Son  in  procinto  di  fare  la 
secretta  informatione  che  mi  ha  commessaC^),  et  subito 


Pressé  par  ces  raisons  et  par  la  compassion  que  m'inspire  la  pau- 
vreté de  ces  églises,  j'ose  adresser  en  leur  nom  cette  supplique  à 
Votre  Seigneurie.  Je  ne  laisserai  pas  de  la  prier  en  toute  humilité  de 
poursuivre,  avec  son  zèle  accoutumé,  les  instances  auprès  du  duc 
pour  la  restauration  spirituelle  de  cette  province  du  Chablais.  Si  Son 
Altesse  veut  en  chose  aucune  témoigner  de  la  piété  héréditaire  dans 
sa  Maison,  elle  peut  et  doit  le  faire  en  cette  occasion,  avec  la  promp- 
titude et  la  diligence  si  agréables  à  Dieu. 

Je  n'ai  pas  encore  été  à  Annecy  à  cause  des  soupçons  de  peste, 
bien  qu'en  ce  moment  il  n'y  ait  aucun  cas  de  cette  maladie  (  O.  Je 
me  dispose  à  faire  l'information  secrète  que  vous  m'avez  confiée  (2), 


(k)  di  queste  chiese,  —  che  havrebbono  bisogno  d' altre  restaurationi  che  di 
seicento  scudi, 

{ 1  )  pietà  —  et  far  cosa  grata  al  Signore 

(m)  in 

{u]  et  diligentia  —  ché  non  vi  é  pericolo  nessuno  di  Stato. 

(o)  lo  non  sono  ancora  stato  a  Necy  per  il  sospetto,  se  ben  adesso  ogni 


(  I  )  On  ne  laissait  pas  néanmoins  de  prendre  à  Annecy  diverses  mesures 
sanitaires,  ainsi  qu'on  le  voit  par  le  Registre  des  délibérations  municipales. 
Ordre  avait  été  donné  de  construire  près  de  Brogny  des  cabanes  pour  y  retirer 
au  cas  échéant  les  pestiférés  ;  le  27  décembre  un  nommé  Portier  est  séquestré 
dans  sa  maison  parce  qu'on  le  soupçonne  atteint  de  la  redoutable  maladie,  et 
quatre  jours  après  on  lui  renouvelle  la  défense  d'en  sortir.  C'est  seulement  le 
13  janvier  suivant  qu'un  officier  de  santé  venu  de  Chambéry  constate  la  ces- 
sation de  tout  danger. 

(aj  Voir  ci-après,  pp.  332-224. 


2i6  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

fatta  la  mandarô  di  là.  In  tanto  priegho  Iddio  aeterno 
si  degni  benedire  a  tante  fatighe  che  V.  S.  Ill'""  fa  a 
beneficio  nostro  et  délia  santa  Chiesa,  et  basciandoli 
humilissimamente  le  reverendissime  mani,  restarô  in 
perpétue, 

Di  V.  S.  111"^  et  R'"% 

Divotissimo  et  humilissimo  servidore, 
Franc°  De  Sales, 
Prevosto  di  Geneva. 
In  Tonone  de  Chiablais,  alli  29  di  Novembre  159&. 

Air  111™°  et  R™°  Sig""  mio  osservandissimo, 
Monsig""  l'Arcivescovo  di  Bari, 
Nuntio  Apostolico  appresso  di  S.  A.  S'"*. 
Turino. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  Rome,  Archives  du  Vatican. 


et,  aussitôt  terminée,  je  vous  l'enverrai.  En  attendant,  je  prie  le  Dieu 
éternel  de  bénir  tant  de  travaux  que  Votre  Seigneurie  Illustrissime 
entreprend  pour  notre  bien  et  pour  celui  de  la  sainte  Eglise,  et,  bai- 
sant très  humblement  vos  mains  vénérées,  je  demeurerai  à  jamais, 
De  Votre  Seigneurie  Illustrissime  et  Reverendissime, 

Le  très  dévoué  et  très  humble  serviteur, 
François  de  Sales, 

Prévôt  de  Genève. 
De  Thonon  en  Chablais,  le  29  novembre  1596. 

pericolo  é  cessato.  In  tanto  pregho  la  Bonta  suprema  si  degni  benedire  tutte 
[le]  fatighe  che  si  piglia  per  le  cose  nostre  V.  S.  lU""-^,  et  basciandoli  le  mani 
R"'«,  restero  sempre,  di  V.  S.  Ill'"-'', 

Humilissimo  et  perpetuo  servitore. 


Année  1596  217 


LXXVIII 

AU    SÉNATEUR    ANTOINE    FAVRE 
(minute  inédite) 

Espoir  de  solenniser  à  Thonon  les  fêtes  de  Noël.  —  Recommandation 
en  faveur  des  nouveaux  convertis  de  la  paroisse  de  Mésinge. 

Thonon,  vers  le  7  décembre  1596(1). 

Quod  optatissimum  mihi  fuerat,  suavissime  Frater, 
accepi  nudius  tertius  tuas  litteras,  incolumitatis  tuae 
testes,  eo  etiam  vel  maxime  jucundas  quod  de  tuo  ad 
nos  adventu  aliquam  injiciant  conjecturam  ;  ut  enim  in 
maximis  desideriis  fieri  solet,  etiam  levissimum  rei  ge- 
rendae  indicium  spei  certissimae  vices  sustinet.  Et  quidem 
si,  quod  Deo  adspirante  futurum  speramus,  iis  in  locis 
Christus,  inter  sacros  Natalibus  suis  dies  velut  repue- 
rascens,  paucosque  quos  habet  hic  fidèles,  iterum  tandem 
aliquando  nascatur,  certissimum  mihi  est  te  primum 
universa  de  re  admonere,  tum  vero  testem  oculatum  ad- 
vocare.    Quod   si    urbanorum   pastorum   coUoquia    cum 


Comme  je  le  souhaitais  ardemment,  très  aimable  Frère,  j'ai  reçu 
avant-hier  votre  lettre  attestant  votre  bonne  santé.  Elle  m'a  fait 
d'autant  plus  de  plaisir  qu'elle  me  permet  de  conjecturer  votre  arrivée 
auprès  de  nous  ;  car,  ainsi  qu'il  advient  ordinairement  dans  les  grands 
désirs,  le  moindre  indice  de  leur  réalisation  produit  une  espérance 
qui  tient  de  la  certitude.  Si  donc  ce  que  nous  attendons  s'effectue  par 
la  grâce  de  Dieu  :  qu'en  ces  lieux,  durant  les  jours  consacrés  aux 
fêtes  de  sa  Nativité,  le  Christ,  redevenant  pour  ainsi  dire  petit  enfant, 
naisse  enfin  de  nouveau  parmi  ce  peu  de  fidèles  qu'il  a  ici,  je  vous 
préviendrai  très  certainement  de  tout,  puis  je  vous  appellerai  pour 
être  témoin  oculaire.  Dans  le  cas  où  vous  échangeriez  difficilement  la 

(  I  )  Pour  justifier  cette  date,  voir  à  l'Appendice  les  lettres  écrites  par  le 
sénateur  Favre,  le  25  novembre  et  le  14  décembre. 


2i8  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

rusticanorum  societate  non  facile  commutaveris,  at  saltem 
te  cum  Orientalibus  Dynastis  venturum  expectabimus. 
Faxit  Deus  optimus  maximus  uti  tantae  felicitatis  spem 
peccata  nostra  non  antevertant. 

Cœterum  viri  isti  Mezingenses,  qui,  te  praesente,  de 
extremo  haeresi  remittendo  nuntio  mecum  egerant  in  sedi- 
bus  nostris  Marclianis  (O,  post  rectam  fidei  quam  vocant 
professionem,  immunitatem,  quam  eo  nomine  a  Serenis- 
simo  Principe  consecuti  sunt,  ad  principalis  patrimonii 
procuratorem  (2),  quo  eam  ratam  habeant  deferunt  (3). 
Hos  ut  imprimis  tua  opéra  et  authoritate  hoc  in  negotio 
juves  etiam  atque  etiam  obtestor;  quanquam  tam  sedulus 
Crucis  discipulus,  hac  in  causa,  cohortatione  non  indiget. 
Scribo  in  eorum  commendationem  plurimis,  sed  ea  lege 
ut  si  tu  e  re  futuras  putaveris,  litteras  unicuique  statim 
déférant,  sin  minus  référant  easdem 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  d'Amiens. 


compagnie  des  pasteurs  de  la  ville  contre  la  société  de  ceux  de  la 
campagne,  nous  comptons  du  moins  que  vous  viendrez  avec  les  Rois 
de  l'Orient.  Plaise  au  Dieu  très  bon  et  très  haut  que  nos  péchés  ne 
ruinent  pas  l'espoir  d'une  telle  félicité  ! 

Cependant  ces  hommes  de  Mésinge  qui,  dans  notre  maison  forte  de 
MarclazlO,  me  parlaient  en  votre  présence  d'abjurer  l'hérésie,  ont 
fait  ce  qu'on  appelle  la  due  profession  de  foi.  Ils  vont  solliciter  du 
procureur  principal  du  patrimoine  ducal  (2)  la  ratification  des  im- 
munités qu'ils  ont  obtenues  du  prince  en  conséquence  de  cet  acte  (  3  ). 
Je  vous  supplie  donc  instamment  de  les  aider  de  votre  action  et  de 
votre  influence  en  cette  affaire.  Mais  un  si  fidèle  disciple  de  la  Croix 
n'a  pas  besoin  d'exhortation  sur  ce  sujet.  J'écris  à  plusieurs  personnes 
pour  recommander  ces  hommes,  mais  à  condition  qu'ils  remettront 
immédiatement  mes  lettres  à  qui  de  droit,  si  vous  le  jugez  utile  ; 
sinon,  ils  les  rapporteront ,     .     .      . 

(  I  )  Le  château  de  Marclaz,  qui  appartenait  alors  à  M.  de  Charmoisy,  est 
situé  entre  le  lac  de  Genève  et  les  Allinges,  à  deux  kilomètres  de  Thonon. 
(a)  Louis  Bonier  ;  voir  ci-devant,  note  (  I  ),  p.  14. 
(3)  Ces  immunités  avaient  été  concédées  par  patentes  du  24  octobre  1^96. 


Année  1596  219 


LXXIX 

A   MONSEIGNEUR   JULES-CÉSAR    RICCARDI 
ARCHEVÊQUE    DE    BARI,    NONCE    APOSTOLIQUE    A    TURIN 

Remerciements  pour  l'autorisation  d'absoudre  des  cas  réservés. —  Conversions 
opérées  en  Chablais  ;  état  des  esprits  dans  cette  province.  —  Calomnies 
répandues  contre  M.  d'AvuUy. —  Nomination  du  nouvel  Abbé  d'Abondance. 

Thonon,    12  décembre   1596. 

lUustrissimo  et  Reverendissimo  Signor  mio 
osservandissimo, 

Ho  ricevuto  Tordine  di  Sua  Altezza  per  haver  i  scudi 
trecento  per  le  spese  già  fatte,  insieme  con  la  lettera  di 
V.  S.  111"'%  d'il  che  ne  ringratio  humilissimamente  sua 
bontà,  et  délia  licentia  per  i  relapsi,  laquale  io  adoprarô 
con  quella  maggior  discretione  i^)  che  il  Signor  mi  con- 
cédera ;  et  in  vero  che  cie  n'era  gran  bisogno. 

(^)Da  che  son  ritornato  cosî  vuoto  di  espedittioni  neces- 
sarie  per  quest'  opra,  son  stato  la  burla  de  questi  infedeli, 


Mon  très  honoré,  Illustrissime  et  Révérendissime  Seigneur, 
J'ai  reçu  l'ordre  de  Son  Altesse  pour  percevoir  les  trois  cents  écus 
destinés  à  couvrir  les  dépenses  déjà  faites,  en  même  temps  que  la 
lettrede  Votre  Seigneurie  Illustrissime.  J'en  remercie  très  humblement 
votre  bonté,  ainsi  que  de  l'autorisation  d'absoudre  les  relaps  :  j'userai 
avec  toute  la  discrétion  qu'il  plaira  au  Seigneur  m'accorder  de  cette 
permission  dont  nous  avions  vraiment  grand  besoin. 

Depuis  que  je  suis  revenu  ainsi  dépourvu  des  expéditions  néces- 
saires pour  cette  œuvre,  j'ai  été  la  fable  de  ces  mécréants,  et  néan- 
moins quatre-vingts  personnes  ont  été  gagnées,  tant  parmi  les  petits 

(a)  [Les  variantes  qui  suivent  sont  tirées  d'une  minute  insérée  dans  le 
I*""  Procès  de  Canonisation.] 

Hieri  ricevei  la  lettera  di  V.  S.  lU™^  colle  altre  lettere  di  S.  A.  legate 
insieme,  quali  contengono  ordine  che  siano  pagati  i  scudi  trecento  per  la  spesa 
gia  fatta  in  questi  duoi  anni  passati,  di  che  ne  ringratio  humilissimamente 
V.  S.  lU™",  [et]  délia  licentia  che  m' ha  data  per  assolvere  i  relapsi,  délia  quale 
io  usaro  con  tutta  quella  prudentia 

(b)  Da  che  io  son  ritornato  in  questo  Chiablais,  son  stato  [in]  burla  a  questi 
nemici  délia  Chiesa,   si  del  paese  corne  de' viciai  Genevesi  et  Bernesi  ;  ma 


220  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

et  nondimeno  si  sonno  guadagnate  da  ottant'  anime  fra 
piccoli  et  grandi.  Se  Sua  Altezza,  seconde  il  suo  santo 
zelo,  mandarà  qui  un  senatore  ad  invitare  gV  habitatori 
di  Tonone  air  udito  délia  santa  parola,  si  com'  io  lasciai 
in  memoria,  spero  che  si  farà  un  gran  buon  effetto. 

V.  S.  111'"*  mi  ha  dato  la  vita  quando  mi  ha  fatto  certo 
che  nonostante  le  querimonie  de'  Cavaglieri  haveremo 
ben  presto  modo  di  incomminciar  un  poco  piîi  di  esser- 
citio  catholico  fra  queste  genti,  perché  io  mi  son  avve- 
duto  più  che  mai  dell'  estrema  nécessita  che  vi  è  de  santi 
pascoli.  Molti  sonno  Catholici  da  quel  tempo  in  qua  che 
passô  qui  Sua  Altezza  (0  ;  molti  sonno  relapsi  in  for o 
exteriori  solamente,  per  forza  et  violentia  dell'armate 
.»#  ..        ^  TT,      nemiche;  molti  sonno  indifFerenti,  ne  sanno  quel  che  si 

•Matt.jiK,  36,-IPe-  '  * 

tri,  II,  uit.  siano,  et  tutti,  corne  erranti pecorelle,  sen\a  pastore*. 


que  parmi  les  grands.  Si,  conformément  à  son  saint  zèle,  Son  Altesse 
envoie  ici  un  sénateur  pour  inviter  les  habitants  de  Thonon  à  l'audi- 
tion de  la  sainte  parole,  ainsi  que  je  le  marquai  dans  le  mémoire  que 
je  lui  ai  laissé,  j'espère  que  cela  produira  un  très  bon  effet. 

Votre  Seigneurie  m'a  rendu  la  vie  en  m'assurant  que,  nonobstant 
les  plaintes  des  Chevaliers,  nous  aurons  bientôt  le  moyen  de  com- 
mencer à  donner  un  peu  d'extension  au  culte  catholique  parmi  ces 
populations  ;  car  je  me  suis  convaincu  plus  que  jamais  qu'il  est  extrê- 
mement nécessaire  de  leur  ouvrir  de  saints  pâturages.  Un  certain 
nombre  sont  catholiques  depuis  que  Son  Altesse  a  passé  ici  (  O  ; 
beaucoup,  contraints  par  la  force  et  par  la  violence  des  armées  enne- 
mies, sont  relaps  au  for  extérieur  seulement  ;  quantité  d'autres  sont 
indifférents,  ne  sachant  pas  même  à  quelle  religion  ils  appartiennent, 
et  tous  sont  sans  pasteur  comme  des  brebis  errantes. 

questo  poco  importa,  poiche  cio  nonostante,  si  sonno  fatti  Catholici  moite 
persone,  che  potriano  esser,  fra  huomini,  donne  et  giovani,  da  ottanta  anime, 
et  moite  parrochie  sono  molto  disposte  a  ricevere  la  santa  fede.  In  somma  mi 
son  avveduto  piu  che  mai  dell' estrema  nécessita  che  han  questi  popoli  di 
pastori,  poiche  molti  sonno  Catholici  da  quel  tempo  che  venne  ultimamente 
S.  A.  Seren""  in  queste  contrade  ;  molti  sonno  rilassi  per  paura  solamente, 
quali  in  conscientia  han  riserbata  la  santa  fede;  molti  non  sanno  quel  che  si 
sonno,  et  sonno  corne  peccorelle  erranti  ei  sen^a  pastore. 


(  I  )  Le  passage  de  Charles-Emmanuel  V  à  Thonon  datait  du  commencement 
de  septembre  1589,  alors  que,  revenant  victorieux  de  la  rencontre  de  Bonne, 
le  duc  reprit  possession  de  la  capitale  du  Chablais. 


Année  1596  221 

(c)  Me  piace  che  i  signori  Cavaglieri  habbino  per  poca 
cosa  li  béni  ecclesiastici  di  Chiablais,  perché  essendo  poi 
loro  persone  magnanime,  le  (sic)  lasciaranno  volontieri 
a  servitio  d'Iddio,  et  queiroglio  che  glie  (sic)  par  poco 
bastarà  per  far  un  lume  di  santo  essercitio  che  mandarà 
raggi  sin  a  mezzo  [dei]  Bernesi  et  Genevini,  pur  che 
senza  contraste  cie  lo  lascino. 

Ho  ritrovato  ancora  altre  parrochie  et  persone  qui 
molto  ben  disposte  alla  santa  fede,  et  se  si  essequiranno 
le  santé  intentioni  di  Sua  Altezza  con  fervore,  si  farà  una 
grande  conversione,  massime  essendo  il  trattato  di  pace 
in  cosi  pie  et  santé  mani  (O. 


Je  suis  bien  aise  que  messieurs  les  Chevaliers  estiment  peu  consi- 
dérables les  biens  ecclésiastiques  du  Chablais,  car  étant  si  généreux, 
ils  les  céderont  volontiers  pour  le  service  de  Dieu.  Cette  huile, 
qui  leur  paraît  peu  de  chose ,  suffira  pour  produire  une  lumière 
de  saints  exercices  qui  projettera  ses  rayons  jusqu'au  milieu  des 
Bernois  et  des  Genevois,  pourvu  qu'ils  nous  laissent  ce  revenu  sans 
contestation. 

J'ai  retrouvé  encore  ici  nombre  de  personnes  et  des  paroisses  en- 
tières bien  disposées  à  l'égard  de  notre  sainte  foi.  Si  les  intentions  de 
Son  Altesse  s'exécutent  avec  zèle,  il  se  produira  un  grand  mouve- 
ment de  conversions,  surtout  les  négociations  pour  le  traité  de  paix 
étant  confiées  à  de  si  pieuses  et  saintes  mains  (  i  ). 

(c)  [Au  lieu  des  deux  alinéas  du  texte,  la  minute  donne  la  leçon  suivante 
qui  offre  quelque  correspondance  avec  les  lignes  s-^  de  la  page  précédente.] 

Qui  nella  terra  di  Tonone  molti  ancora  si  ridurrebbono  alla  fede  se  vedessero 
r  essercitio  catholico  ben  stabilito ,  quantunque  non  vi  manchino  de' tristi 
quali  in  diverse  manière  cercano  di  ritenerli  nel  fango.  lo  poi  son  certo  che 
se  li  circonvicini  heretici  vedessero  nel  principio  di  quest' opéra  qualche 
fervore  et  ordine  compito,  no  solo  non  ne  sariano  scandalizati,  anzi  ne  piglia- 
rebbono  buon  odor.  Ma  questo  non  si  fara  senza  Tessecutione  del  zelo  che  vi 
ha  S.  A.  Seren"^;  et  saria  molto  a  proposito  che  fosse  qui  mandate  un  senatore 
ad  invitar  questi  habitatori  ad  udire  la  parola  d'Iddio,  si  come  io  lasciai  in 
memoria  a  S.  A.  Seren™*.  —  (En  cette  ville  de  Thonon  beaucoup  revien- 
draient à  la  foi  s'ils  voyaient  le  culte  catholique  bien  établi,  quoiqu'il  ne 
manque  pas  d'hommes  pervers  qui,   de   diverses  manières,  cherchent  à  les 


(  I  )  Le  Cardinal  Alexandre  de  Médicis,  qui  fut  Pape  sous  le  nom  de  Léon  XI 
(160^),  avait  reçu  de  Clément  VIII  la  mission  de  négocier  un  traité  de  paix 
entre  la  France,  l'Espagne  et  la  Savoie. 


222  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

(d)  Haverà  adesso  V.  S.  Iir^  la  lettera  di  monsieur  di 
AvuUy  in  risposta  del  Brève  di  Sua  Santità  (O,  perché 
egli  la  mandô  ciè  un  pezzo.  Ma  non  voglio  mancare  di 
dire  a  V.  S.  Ill"""  che  no  manca  punto  il  nemico  di  far 
a  questo  cavagliere  tutti  gV  assalti  che  egli  puô  per  oscu- 
rare  il  lume  che  si  era  acceso  délia  sua  conversione, 
suscitandogli  molti  odii,  si  dalla  parte  heretica  corne  délia 
catholica.  Et  particolarmente  da  Berna  è  stato  minac- 
ciato  acciô  no  sollecitasse  altri  alla  fede  ;  il  che  niente- 
dimeno  egli  fa  ad  ogni  sorte  di  occasione,  molto  più 
consolato  in  queste  tribolationi  catholiche  che  egli  non 
era  nelle  prosperitade  heretiche.  È  mala  bestia  Y  heresia, 
et  sa  prevalersi  di  ogni  sorte  di  sinistro  evenimento. 

Mando  qui  alligata  la  informatione  secretta  fatta  per 


Votre  Seigneurie  aura  reçu  maintenant  la  lettre  de  M.  d'AvuUy 
en  réponse  au  Bref  de  Sa  Sainteté  (  i  )  ;  car  il  y  a  quelque  temps  qu'il 
vous  l'a  adressée.  Mais  je  ne  laisserai  pas  de  vous  dire  que  l'ennemi 
ne  manque  point  de  diriger  contre  ce  chevalier  tous  les  assauts  pos- 
sibles, afin  d'obscurcir  l'éclat  qu'a  eu  sa  conversion  ;  il  suscite  contre 
lui  beaucoup  de  haines,  tant  de  la  part  des  hérétiques  que  de  celle 
des  Catholiques.  Et  particulièrement  Berne  veut,  par  des  menaces, 
l'empêcher  d'en  solliciter  d'autres  à  se  convertir  à  notre  foi.  11  le  fait 
néanmoins  en  toute  sorte  d'occasions,  et  s'estime  plus  heureux  d'en- 
durer des  tribulations  étant  catholique,  que  s'il  jouissait  de  grandes 
prospérités  étant  hérétique.  C'est  une  mauvaise  bête  que  l'hérésie  : 
elle  sait  exploiter  tout  événement  fâcheux. 

Je  vous  envoie  ci-joint  l'information  secrète  faite  par  ordre  de 

retenir  dans  le  bourbier.  Je  suis  d'ailleurs  certain  que  si  les  hérétiques  du 
voisinage  voyaient  dans  le  commencement  de  cette  œuvre  quelque  zèle  et  de 
l'ordre,  non  seulement  ils  n'en  seraient  pas  scandalisés,  mais  au  contraire 
ils  en  seraient  édifiés.  Cela  n'aura  pas  lieu  sans  la  mise  à  exécution  des 
désirs  de  Son  Altesse  Sérénissime  ;  et  il  serait  fort  à  propos  qu'un  sénateur 
fût  envoyé  ici  pour  inviter  les  habitants  à  entendre  la  parole  de  Dieu,  ainsi  que 
je  le  marquai  dans  le  mémoire  que  j'ai  laissé  à  Son  Altesse  Sérénissime.) 

(d)  [Pour    les    premières    lignes    de    cet   alinéa   et    du    suivant,    voir    la 
variante  (  i  ).] 


(  I  )  Le  Bref  de  félicitation  adressé  par  le  Pape  à  l'illustre  converti  est  daté 
du  20  septembre  1596. 


Année   1596  223 

commissione  di  V.  S.  111'"%  la  quale  io  supplice  di  perdo- 
narmi  se  no  sarà  cosî  ben  acconcia,  sî  perché  questa  è  la 
prima  che  io  feci,  si  perché  non  ho  potuto  haver  secretario 
molto  a  proposito.  3la  per  quanto  vedo,  non  sarà  troppo 
necessaria  questa  informatione ,  poiché  si  ha  da  dar  la 
badia  ad  un  altro.  (^)  Et  laudo  il  Signore  délia  buona 
mente  che  egli  ha  data  a  Sua  Altezza  Serenissima  di  pre- 
sentar  a  Sua  Beatitudine  quel  gentilhomo  cosi  ben  qua- 
lificato  (  i\  come  mi  scrisse  V.  S.  111""*  ;  onde  me  ne  viene 
certa  speranza  che  se  usarà  a  questo  modo  Sua  Altezza,  et 
ne  sarà  maggiore  la  gloria  d' Iddio  et  la  prosperità  délie 
loro  Altezze  et  de  questi  stati(f).  Né  per  questo  lascia- 
ranno  di  haver  bisogno  di  visita  apostolica  queste  badie 
et  altri  luoghi  di  Savoya  (g\  perché,  s'io  no  m'inganno, 
a  tanta  difFormatione  cié  bisogno  d'altra  authorità  che 
di  semplice  praelato. 

No  credo  che  Sua  Santità  possa  far  cosa  più  giovevole  a 


Votre  Seigneurie.  Je  vous  prie  de  me  pardonner  si  elle  n'est  pas  bien 
rédigée,  soit  parce  que  je  m'acquitte  pour  la  première  fois  de  sembla- 
ble commission,  soit  parce  que  je  n'ai  pu  avoir  de  secrétaire  capable. 
iVlais,  à  ce  que  je  vois,  cette  information  ne  sera  pas  très  nécessaire, 
puisqu'on  va  donner  l'abbaye  à  un  autre.  Je  loue  Dieu  de  la  bonne 
pensée  qu'il  a  inspirée  à  Son  Altesse  Sérénissime  de  proposer  à 
Sa  Sainteté  un  gentilhomme  si  bien  qualifié  (  O,  ainsi  que  me  l'écrivit 
Votre  Seigneurie.  J'ai  une  certaine  espérance  que  l'exécution  de  ce 
dessein  contribuera  à  l'accroissement  de  la  gloire  de  Dieu,  à  la  pros- 
périté de  leurs  Altesses  et  de  ces  pays.  Néanmoins,  la  visite  apostolique 
ne  laisse  pas  d'être  nécessaire  à  ces  abbayes  et  à  d'autres  lieux  de 
Savoie,  car,  si  je  ne  me  trompe,  pour  remédiera  de  tels  dérèglements 
il  est  besoin  d'une  autorité  supérieure  à  celle  d'un  simple  prélat. 
Je  ne  crois  pas  que  Sa  Sainteté  puisse  faire  chose  plus  avantageuse 

(e)  Laudato  IJJio  che  ha  posto  nella  mente  di  S.  A.  di  presentare  a  S.  S'=' 
quel  [Reprendre  au  texte,  lig.  8.] 

(f)  V.  S.  Ill'^,  —  pregando  sua  divina  Maesta  che  cosi  si  faccia  hora  per 
maggior  gloria  d' Iddio  et  prosperità  délie  Altezze. 

(g)  queste  bddie  —  comme  anco  il  restante  di  queste  bande  di  qua 


(i)  On  a  tout  lieu  de  croire  qu'il  s'agit  de  la   nomination  de  Vespasien 
Aiazza  à  l'abbaye  d'Abondance.  Ses  Bulles  sont  datées  du  ij  juillet  suivant. 


224  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

queste  contrade  che  mandando  un  Visitator  apostolico  ; 
et  piacess'  al  Signor  che  fosse  V.  S.  111™%  allaqual  con 
humilissima  riverenza  bascio  le  sacre  mani,  prieghandoli 
dal  Signor  ogni  contento.  (^) 

Di  V.  S.  Iir^  et  R'"% 

Devotissimo  et  humilissimo  servitore, 
Franc°  De  Sales, 
Prevosto  di  Geneva.  (0 
Da  Tonone,  alli  12  Décembre   1596. 

Air  111'"°  et  Rever"°  Sig""  mio  osservandissimo, 
Monsig""  l'Arcivescovo  di  Bari, 
Nuntio  Apostolico  appresso  di  S.  A.  S^\ 
Turino. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  Rome,  Archives  du  Vatican, 


à  cette  contrée  que  d'y  envoyer  un  Visiteur  apostolique.  Plût  à  Dieu 
que  ce  fût  Votre  Seigneurie,  dont  je  baise  les  mains  sacrées  avec  un 
très  humble  respect,  suppliant  le  Seigneur  de  vous  combler  de 
bonheur. 

Je  suis,  de  Votre  Seigneurie  Illustrissime  et  Révérendissime, 
Le  très  humble  et  très  dévoué  serviteur, 
Fr;»nçois  de  Sales, 

Prévôt  de  Genève. 
Thonon,  le  12  décembre  1596. 

(h)  o^ni  —  vero  contento,  essendo 

(  i  )  [Les  lignes  suivantes  sont  une  addition  faite  après  coup  dans  la  minute. 
Voir  la  remarque  (d).] 

Mando  qui  alligata  la  informatione  secretta  délia  quale  V.  S.  Ill'"^'  mi  diede 
commissione,  la  quale  supplico  di  perdonarmi  se  non  sara  cosi  ben  fatta  ;  ché 
questo  occorse  per  la  penuria  mia  d'icgegno  et  di  pratica,  essendo  questa  la 
prima  che  io  feci,  et  quella  del  secretario  che  non  ho  trovato  molto  a  proposito. 
Et  per  quanto  vedo,  non  sara  molto  necessaria,  poiche  si  ha  da  dar  la  badia 
ad  altro. 

Havera  adesso  la  lettera  di  Monsig''<'  de  Avully  in  risposta  del  Brève  di 
S.  S'",  perche  egli  la  mando  cie  un  pezzo,  per  quanto  mi  disse  hieri.  Scrivera 
quanto  prima  a  V,  S.  111"'". 


Année  1596  235 

;       LXXX 

AU    DUC    DE    SAVOIE,    CHARLES-EMMANUEL    l" 

Opposition  apportée  par  les  syndics  de  Thonon  à  l'érection  d'un  autel.  — 
Combien  la  protection  du  duc  est  nécessaire  aux  nouveaux  Catholiques. 
—  Conversion  d'un  ministre  protestant. 

Thonon,   21  décembre   1596. 

Monseigneur, 

J'attens  (3)  le  bon  playsir  de  Vostre  Altesse  pour  le  res- 
tablissement  de  la  religion  J^)  catholique  en  ce  balliage 
de  Thonon,  et  ce  pendant  je  pensois  dresser  un  autel  en 
l'église  Saint  Hypolyte,  en  laquelle  je  prêche  ordinayre- 
ment  des  deux  ans  en  ça,  affin  d"y  pouvoir  i'^)  célébrer 
blesse  ces  bonnes  festes  de  Xoel.  Les  scindiques  de  ceste 
ville  y  ont  apporté  ('^j  de  l'opposition,  a  laquelle  par 
après  ilz  ont  renoncé.  Je  ne  puis  sçavoir  avec  quel  fonde- 
ment ilz  se  sont  osés  produir'en  cest  affaire,  puysqu'on 
ne  violoit  point  le  traitté  de  Xion  (0  ;  et,  quand  on  l'eust 
violé,  ce  n'estoit  pas  a  eux  d'y  prouvoir.  On  ne  forçoit 


(a)  [Les  variantes  qui  suivent  sont  extraites  d'une  minute  insérée  dans  les 
deux  Procès  de  Canonisation.] 

Je  suis  attendant 

(b)  foy 

(c)  en  laquelle  —  j'ay  presché  ordinayrement  il  y  a  passé  deux  années, 
affin  d'y 

(d)  voulu  apporter 


(i)  Un  premier  traité  avait  été  arrêté  à  Nyon  et  signé  à  Lausanne  en  1564 
entre  le  duc  Emmanuel-Philibert  et  les  Bernois.  Ceux-ci  restituaient  à  la 
Savoie  les  bailliages  de  Chablais,  Ternier  et  Gaillard,  mais  à  la  condition  que 
le  libre  exercice  du  culte  protestant  y  serait  maintenu,  et  qu'ils  pourraient  y 
entretenir  autant  de  ministres  qu'ils  le  trouveraient  bon. 

Par  le  second  traité  de  Nyon  (11  octobre  i589\  le  duc  Charles-Emmanuel, 
après  ses  victoires  de   CoUonges  et   de   Versoix ,    dictait   des    clauses   plus 

Lettres  I  1 5 


326  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

personne,  et  ne  faisoit  on  autre  que  se  mettr'en  la  posture 
et  au  train  auquel  Vostre  Altesse  avoit  laissé  les  Catho- 
'Videsupra,p.22o.  liques  despuvs  ne  fut  elle  icy  *,  duquel  ayant  esté  levés 
par  force,  on  ne  sçauroit  dire  (^)  pourquoy  ilz  ne  puyssent 
s'}''  remettre  toutes  les  fois  qu'ilz  en  auront  commodité  (  ^ ), 
sous  l'obéissance  de  Vostre  Altesse. 

Le  zèle  que  j'ay  au  service  de  Vostre  Altesse  me  faict  'ë) 
oser  dire  qu'il  importe,  et  de  beaucoup,  que  layssant  icy 
la  liberté  qu'ilz  appellent  de  conscience,  selon  le  traitté 
de  Nyon,  elle  prsefere  néanmoins  en  tout  les  Catholiques 
et  leur  exercice  ;  et  que  partant  elle  se  la3"ss'entendre  a 
ces  gens  quilz  doivent  simplement  et  seulement  user  de 
la  permission  quilz  ont  (^),  sans  se  mesler  d'empêcher 
ceux  qui,  par  toute  rayson  et  par  l'exemple  mesme  de 
leur  souverain  Prince,  taschent  d'avancer  la  foy  catholi- 
que. (^^  Je  ne  pense  point  qu'il  y  ait  aucune  rayson  qui 
puisse  retarder  l'affection  sainte  de  Vostre  Altesse  en 
la  sollicitation  de  [ce]  grand  bien,  ni  qui  la  rend'autre 
qu'aymable  et  admirable  a  ses  plus  endurcis  ennemis  0). 


(e)  que  se  mettr'en  —  traiû  et  en  la  posture  en  laquelle  V.  A.  avoit  laissé 
les  Catholiques  despuys  ne  fut  elle  en  ce  duché  de  Chablais,  delaquelle  ayant 
esté  levés  par  force,  je  ne  puis  entendre 

(f)  toutes  les  fois  —  que  bon  leur  semblera 

(g)  me  —  met  en  courage  de  luy 

(h)  les  Catholiques  et  —  l'exercice  de  la  religion  catholique;  et  partant 
qu'elle  fass'entendre  a  ces  habitans  et  bourgeois  quilz  doivent  user  simplement 
et  purement  de  la  permission  que  V.  A.  leur  faict 

(i)  catholique.  —  Que  s'il  plaist  a  V.  A.  de  com  iiander  a  l'un  des  messieurs 
du  Sénat  ou  deux  (entre  lesquelz  il  me  semble  que  monsieur  Favre  seroit 
extrêmement  sortable]  qu'ilz  se  transportassent  jusques  icy,  et  en  habit  solem- 
nel,  ayant  convoque  la  générale  assemblée  de  ceste  ville,  remonstrassent  le 
zèle  que  V.  A.  a  de  leur  salut  et  combien  est  grande  sa  douceur  a  le  leur 
procurer,  et  les  invitassent  a  fréquenter  les  sermons  des  prescheurs  qui  vien- 
dront icy  sous  son  adveu,  je  croy.  Monseigneur,  que  cela  occasionneroit  une 
grande  conversion  de  ces  pauvres  gens,  et  serviroit  tout  autour  d'un  rare  et 
signalé  exemple  de  la  bonté  de  V.  A.  vers  les  ennemis,  et  de  sa  prudence 
vers  les  amis. 

{'])  et  admirable  —  aux  plus  endurcis  mesme. 


favorables  au  catholicisme.  Trois  localités  seulement.  Bous,  Nernier  et  TuUy, 
étaient  autorisées  à  conserver  un  ministre  protestant.  Celui  de  Thonon  n'était 
que  toléré. 


Année  1596         .  337 

M.  de  Lambert  veut  user  de  libéralité  a  l'endroit 
d'un  ministre  qui  se  convertit  (O  et  qui  par  sa  sollicita- 
tion en  tirera  beaucoup  avant  quil  se  descouvre  k)  ;  je 
crois  que  Vostre  Altesse  l'aura  agréable  et  luy  com- 
mandera quil  en  face  encores  davantage  (i).  Je  supplie 
donq  Vostre  Altesse  commander  comm'il  luy  plaira  sur 
ce  sujet,  et  priant  Dieu  très  afFectionnement  pour  sa 
santé  (™),  je  m'honnoreray  du  bien  que  j"ay  d'estr'advoué, 

Monseigneur, 

De  Vostre  Altesse, 

Très  humble  sujet  et  serviteur, 

François  De  Sales, 

Prsevost  de  S'  Pierre  de  Genève. 

A  Thonon,  jour  S"  Thomas,  96. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  Turin,  Archives  de  l'Etat. 


(k)  M.  de  Lambert,  gouverneur  de  ceste  province,  veut  user  de  quelque 
libéralité  a  l'endroit  d'un  ministre  qui  est  tout  disposé  a  se  convertir 
(1)  quil —  poursuive, 
(m)  et  priant  Dieu  —  quil  l'enrichisse  de  plus  en  plus  de  ses  bénédictions 


(i)  Pierre  Petit,  venu  du  Languedoc,  avait  été  successivement  pasteur  à 
Armoy  et  à  Choulex.  Sa  conversion  fit  grand  bruit  parmi  les  protestants, 
qui,  pour  en  atténuer  le  retentissement,  décrièrent  fort  le  nouveau  converti. 
Celui-ci  abjura  solennellement  l'hérésie  le  i'^''  octobre  1598,  en  présence  du 
Légat  du  Pape  et  du  duc  de  Savoie,  qui  le  nomma,  quatre  ans  plus  tard,  châ- 
telain de  Thonon.  On  lit  dans  le  Registre  paroissial  de  cette  ville  la  note 
suivante  que  nous  traduisons  du  latin  :  «  Noble  Pierre  Petit,  châtelain  de 
Thonon,  est  mort  muni  des  Sacrements  de  Confession,  de  Communion  et 
d'Extréme-Onction,  et  a  été  sépulture  le  16  octobre  i6îi.  » 


228  Lettres  de  saint  François  de  Sales 


LXXXI 

A   MONSEIGNEUR   JULES-CÉSAR   RICCARDI 
ARCHEVÊQUE  DE  BARI,  NONCE  APOSTOLIQUE  A  TURIN 

Instances  pour  obtenir  la  protection  du  Nonce  auprès  du  duc  de  Savoie. 

Thonon,  21   décembre  1596. 

lUustrissimo  et  Reverendissimo  Signor  mio 
osservandissimo, 

Scrivo  a  Sua  Altezza  Serenissima  sopra  un'  oppositione 
che  hanno  fatta  questi  di  Thonone  quando,  per  celebrar 
queste  feste  di  Natale,  io  volevo  incomminciar  a  far  un 
altare  nella  chiesa  nella  quale  io  ho  sin  adesso  praedicato. 
Supplico  V.  S.  lU"'*  di  procurarne  la  risposta,  acciô  che 
con  lettere  io  possa  mostrar  a  quei  pochi  che  mi  fanno 
impedimento  che  glie  (sic)  deve  bastar  V  haver  la  libertà 
chiamata  di  conscientia,  senza  dar  disturbo  a  l'essercitio 
catholico.  Questo  è  Y  ultimo  sforzo  che  vuol  far  il  demonio 
in  quest'opra,  mentre  vede  che  si  va  ritardando  l'esse- 
cutione  délie  buone  intentioni  di  Sua  Altezza.  3la  questo 
sarà  poi  un  niente  quando  V.  S.  Ill™''  ci  aiutarà  dei  suoi 
soliti  favori,  et  soUecitarà  che  quanto  prima  si  metta  qui 


Mon  très-honoré,  Illustrissime  et  Révérendissime  Seigneur, 

J'écris  à  Son  Altesse  Sérénissime  au  sujet  de  l'opposition  que 
m'ont  faite  les  habitants  de  Thonon  quand  j'ai  voulu,  pour  célébrer 
ces  fêtes  de  Noël,  commencer  à  dresser  un  autel  dans  l'église  où  j'ai 
prêché  jusqu'à  présent.  Je  supplie  Votre  Seigneurie  Illustrissime  de 
me  procurer  des  lettres  que  je  puisse  montrer  à  ce  petit  nombre 
d'opposants,  pour  leur  prouver  qu'il  leur  doit  suffire  d'avoir  la  liberté 
appelée  de  conscience,  sans  troubler  l'exercice  du  culte  catholique. 
Ceci  est  le  dernier  elTort  que  le  démon  tente  contre  cette  œuvre,  en 
mettant  à  profit  les  délais  que  l'on  apporte  à  l'exécution  des  bonnes 
intentions  de  Son  Altesse.  Mais  ce  ne  sera  rien  si  Votre  Seigneurie 
nous  secourt  de  ses  faveurs  accoutumées,  et  si  elle  intercède  pour 
qu'au  plus  tôt  on  établisse  ici  d'une  manière  honorable  et  convenable 


Année  1596  229 

un  honorato  et  convenevole  essercitio  cathoHco  ;  chè  tut- 
tavia  ne  vedo  maggior  numéro  disporsi  alla  santa  fede, 
se  bene  alquanti  ci  fanno  délie  borrasche  colla  Hngua  et 
le  maledicentie  et  simili  arti  diaboliche. 

Ho  voluto  più  presto  scriver  cosî  in  fretta  ch'a  non 
darglie  avviso  délie  nostre  nécessita.  Supplico  adunque 
V.  S.  111""'  di  perdonarmi  se  io  glie  son  importuno,  poi- 
chè  non  ho  altro  refugio  humano  di  là  che  appresso 
la  sua  bontà  et  sollecitudine,  alla  quale,  inchinandomi 
humilissimamente,  bascio  le  mani  reverendissime. 

Et  prieghando  ('^/VJ  dal  Signore  ogni  contento,  resterô 
seternamente, 

Di  V.  S.  Ill"^  et  R'% 

Perpetuo  et  divotissimo  servidore, 
Franc°  De  Sales, 
Prevosto  di  Geneva. 
In  Tonone,  il  giorno  di  S.  Thomaso,  96. 

A  r  111°'°  et  Rever™°  Sig""  mio  osservandissimo, 
Monsig''  l'Arcivescoùo  di  Bari, 
Nuntio  Apostolico  appresso  di  S.  A. 
Turino. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  Rome,  Archives  du  Vatican. 


l'exercice  du  culte  catholique.  Je  vois  toujours  un  plus  grand  nombre 
de  personnes  disposées  à  embrasser  notre  sainte  foi,  bien  que  d'autres 
nous  suscitent  des  orages  par  les  propos  de  leur  mauvaise  langue, 
des  calomnies  et  semblables  autres  artifices  diaboliques. 

J'ai  préféré  vous  écrire  ainsi  à  la  hâte,  plutôt  que  de  ne  pas  vous 
avertir  de  nos  besoins.  Je  supplie  donc  Votre  Seigneurie  de  me  par- 
donner si  je  suis  importun,  car  je  n'ai  humainement  autre  refuge  à 
la  cour  que  votre  bonté  et  sollicitude,  devant  laquelle  m'inclinant 
très  humblement,  je  baise  vos  mains  vénérées. 

Priant  le  Seigneur  vous  combler  de  tout  bonheur,  je  reste  à  jamais. 
De  Votre  Seigneurie  Illustrissime  et  Reverendissime, 

Le  perpétuel  et  très  dévoué  serviteur, 
François  de  Sales, 

Prévôt  dç  Genève, 
A  Thonon,  le  jour  de  saint  Thomas,  96, 


ANNEE    1597 


LXXXII 

A   MONSIEUR    BOCHUT,    CURÉ    d'aYSE  (  i  ) 

(  FRAGMENT  INÉDIT  ) 

Invitation  à  venir  desservir  la  paroisse  de  Thonon. 

Thonon^  commencement  de  1507. 

Monsieur  Bochut. 

En  fin,  Dieu  soit  béni.  Je  vo}^  bien  que  vous  et  mo}'" 
sommes  condamnés  a  porter  le  tracas  et  difficultés  de 
l'église  de  Thonon.  C'est  pourquoy  je  vous  escris  ceste 
[lettre],  par  laquelle  je  vous  invite  de  nouveau  m'estre  en 
secours,  attendu  que  la  charge  et  distraction  des  affaires 
de  l'Eglise  me  lèvent  la  commodité  de  m'arrester  dans 
Thonon  pour  la  continuation  des  divins  offices  et  admi- 
nistration des  saintz  Sacremens.  Et  parce  que  vous  estes 
desja  en  ce  lieu  conneu  et  aymé,  pour  3^  avoir  prattiqué 
ceste  mesme  charge,  si  daignes  prendre  ceste  peyne,  je 
mettra)^  ordre  a  la  cuisine  et  obtiendray  de  Monseigneur 
Reverendissime  vostre  congé 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  le  P""  Procès  de  Canonisation. 

(i)  François  Bochut,  natif  de  Cluses,  d'abord  aumônier  de  M^^""  de  Granier, 
avait  été  chargé  par  ce  Prélat  de  travailler  à  la  conversion  du  Chablais,  et 
fut  à  cet  effet  nommé  curé  de  Thonon  (26  octobre  1589).  Les  oppositions  qu'il 
rencontra  et  les  dangers  qu'il  courut  l'obligèrent  pour  lors  à  renoncer  à  cette 
périlleuse  mission.  Il  desservait  la  paroisse  d'Ayse  quand  s.iint  François  de 
Sales  l'invita  à  venir  le  seconder.  François  Bochut  fut  quelque  temps  curé 
d'Hcrmance,  tout  en  conservant  sa  cure  d'Ayse;  il  remplit  aussi  les  fonctions 
de  (<  surveillant  épiscopal  »  dans  le  Bas-Faucigny.  Cet  ecclésiastique  fonda  un 
collège  dans  sa  ville  natale,  et  mourut  à  Ayse  (28  avril  1637),  âgé  d'environ 
soixante  et  onze  ans. 


Année  1597  231 

LXXXIII 

AU    DUC    DE    SAVOIE,    CHARLES-EMMANUEL    l" 
(minute  inédite) 

Erection  d'un  autel  dans  l'église  Saint-Hippolyte.  -  Recommandation  en 
faveur  du  ministre  Petit.  -  Combien  il  importe  que  les  Chevaliers  de 
Saint-Lazare  cèdent  les  revenus  ecclésiastiques  qu'ils  détiennent  en  Chablais. 

Thonon,  vers  le  ai  février  IS97. 

Monseigneur, 

J'ay  receu  un'incroyable  consolation  quand  j'ay  veu  par 
celle  qu'il  a  pieu  a  Vostre  Altesse  signer  le  7  janvier  (0, 
qu'elle  trouvoit  bon  que  l'on  aye  dressé  un  autel  en 
l'église  Saint  Hypolyte  de  Thonon.  Pour  vray,  l'événe- 
ment a  monstre  qu'on  n'a  rien  faict  de  trop  ;  et  je  puis  dire 
a  Vostre  Altesse  que  je  vay  tant  retenu  en  ceste  besoigne 
que  je  ne  crains  point  d'autre  juste  accusation  que  de 
trop  de  lascheté. 

Monsieur  de  Lambert  ayant  receu  advis  que  Vostre 
Altesse  avoit  agréable  qu'il  eust  secouru  le  ministre  qui 
se  veut  catholizer*  n'a  pas  osé  tirer  conséquence  de  la  'Videsupra.p...?. 
pour  la  continuation  de  ce  bienfaict,  qui  me  f àict  supplier 
Vostre  Altesse  de  la  luy  declairer.  Le  seigneur  chevalier 
Bergère  U),  connoissant  bien  que  l'assignation  des  six 
pensions  que  l'on  a  faicte  sur  les  revenus  de  la  Religion 
de  Saint  Lazare  ne  peut  pas  joindre  a  l'œuvre  de  la 
réduction  de  ces  peuples  a  la  foy  catholique,  a  trouvé 
raysonnable  la  proposition  que  je  luy  ay  faicte  que  la 
Religion  rendist  absolument  les  cures  a  cest  effect.  Plaise 

(i)   Voir  cette  lettre  à  l'Appendice. 

(2)  Thomas  Bergera,  de  la  famille  des  Villar  Basse,  en  Piémont,  conseiller 
d'Etat  chevalier  et  auditeur  général  de  l'Ordre  des  Saints  Maurice  et  Lazare, 
était  muni  d'amples  pouvoirs  pour  négocier  les  affaires  de  son  Ordre  en  Savoie. 
Il  fut  nommé  dans  la  suite  conservateur  de  la  Sainte-Maison  de  Thonon,  et 

mourut  à  Turin  en  1622.  /    1     -»  •<. 

La  Sainte-Maison,  dont  il  a  déjà  été  question  ci-dessus,  p.  98,  note  (  i  ),  était 
une  institution  fondée  à  Thonon  (1599)  ?oxu  affermir  dans  la  foi  les  nouveaux 
convertis;  elle  était  dirigée  par  une  communauté  de  prêtres  qui  suivaient  la 
Règle  de  l'Oratoire  de  Rome. 


332  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

a  Vostre  Altesse  se  resouvenir  qu'elle  la  trouva  desja 
juste  quand  j'eus  cest  honneur  de  la  luy  représenter,  et 
d'employer  autant  de  son  authorité  qu'elle  jugera  néces- 
saire pour  réduire  messieurs  du  Conseil  de  la  Religion 
a  ceste  resolution. 

Et  louant  Dieu  de  tout  mon  cœur  du  saint  zèle  dont 
je  voy  dévoré  le  cœur  de  Vostre  x\ltesse,  je  me  resjouis 
d'estre  comme  je  suis, 

Monseigneur, 

De  Vostre  Altesse, 
Très  humble  et  très  fidelle  sujet  et  serviteur. 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  le  pi"  Procès  de  Canonisation. 


LXXXIV 

AU  CONSEIL  DES  CHEVALIERS  DES  SAINTS  MAURICE  ET  LAZARE  (0 

(minute    inédite) 

Instances  afin   d'obtenir   que  les  revenus  ecclésiastiques  dont  les  Chevaliers 
jouissent  en  Chablais  soient  affectés  au  rétablissement  du  culte  catholique. 

Thonon,  vers  le  21  février  1597. 

lUustrissimi  Signori, 

Già  che  il  signor  cavaglier  Bergera  se  ne  ritorna,  cosî 
non  ho  bisogno  di  dargli  (sic)  avviso  particolar  di  quello 
che  si  è  stabilito  qui,  per  ordine  délie  Sig''"  V.  111'"%  ad 


Illustrissimes  Seigneurs, 
Puisque  M.  le  chevalier  Bergera  s'en  retourne,  je  n'ai  pas  besoin 
de  vous  renseigner  sur  ce  qui  a  été  établi  ici,  par  ordre  de  Vos  Sei- 
gneuries Illustrissimes,  à  l'honneur  de  Dieu  et  pour  la  propagation 

(i)  L'Ordre  religieux  militaire  des  Saints  Maurice  et  Lazare  se  composait 
de  deux  institutions  distinctes,  fusionnées  par  une  Bulle  de  Grégoire  XIII 
(13  novembre  157»). 

Les  Chevaliers  de  Saint-Lazare  faisaient  remonter  leur  origine  à  une  asso- 
ciation fondée  à  Jérusalem  dans  le  i'"'  siècle  de  l'ère  chrétienne,  pour  le  service 


Année  1597  233 

honor  d'Iddio  et  propagatione  délia  santa  fede  catholica. 
Dico  solamente  che  io  dal  canto  mio  farô,  piacendo  al 
Signore,  tutto  quel  che  da  huomo  tanto  da  poco  corne  io 
sono  si  puô  giustamente  sperar. 

Pur  vedendo  che  a  me  è  toccato  la  sorte  di  essere  il 
forriero  et  procuratore  de  molti  predicatori  et  altri  hono- 
rati  ecclesiastici  che  sonno  per  venir  qua  combattere  li 
combattimenti  del  Signore  délie  armate,  et  che  non 
potrô  far  di  manco  di  esser  forse  importuno  a  Sua  San- 
tità, aile  Loro  Altezze  et  aile  Sig""  V.  Iir',  per  addimandar 
aiuto  per  le  spese  che  di  giorno   in   giorno  andaranno 


de  la  sainte  foi  catholique.  Je  dis  seulement  que,  de  mon  côté,  je  ferai, 
s'il  plaît  au  Seigneur,  tout  ce  qu'on  peut  justement  espérer  d'un 
homme  aussi  incapable  que  je  le  suis. 

Néanmoins,  puisque  je  me  vois  destiné  à  être  le  fourrier  et  le 
procureur  d'un  grand  nombre  de  prédicateurs  et  d'autres  honorables 
ecclésiastiques  qui  viendront  ici  combattre  les  combats  du  Seigneur 
des  armées,  je  ne  saurai  manquer  de  me  rendre  peut-être  importun  à 
Sa  Sainteté,  à  Leurs  Altesses  et  à  Vos  Seigneuries  pour  leur  demander 
de  nous  alléger  les  dépenses  qui  croîtront  de  jour  en  jour,  selon  le 
nombre  des  ouvriers  nécessaires  au  progrès  de  cette  œuvre.  11  m'a 

des  pèlerins  et  le  soulagement  des  lépreux.  Il  est  certain  néanmoins  que  leur 
existence  comme  Ordre  religieux  militaire  n'est  pas  antérieure  aux  Croisades. 
Pie  IV  accorda  en  1565  des  encouragements  et  des  privilèges  aux  Chevaliers, 
en  considération  de  la  double  fin  qu'ils  se  proposaient  :  secourir  les  lépreux 
et  combattre  les  hérétiques.  Leur  Grand-Maître  Castiglione,  avec  l'approbation 
de  Grégoire  XIII,  résigna  son  titre  et  ses  fonctions  en  faveur  du  duc  de 
Savoie,  Emmanuel-Philibert. 

Un  des  prédécesseurs  de  ce  dernier,  Amédée  VIII,  avait  institué  l'Ordre  de 
Saint-Maurice,  par  lettres  patentes  données  à  Ripaille  le  8  octobre  1434.  Cet 
Ordre,  qui  se  composait  seulement  d'un  petit  nombre  de  Chevaliers,  étaut 
presque  entièrement  déchu,  Emmanuel-Philibert  le  reconstitua,  lui  assignant 
pour  fin  la  guerre  contre  les  pirates,  la  défense  de  l'Eglise  contre  les  héréti- 
ques et  l'exercice  de  l'hospitalité. 

Lors  de  l'invasion  du  Chablais  par  les  Bernois,  ces  hérétiques,  après  avoir 
aboli  le  culte  catholique  dans  toute  la  province,  confisquèrent  à  leur  profit  la 
plupart  des  biens  ecclésiastiques.  Une  Bulle  de  Grégoire  XIII  (13  avril  1575) 
accorda  à  l'Ordre  des  Saints  Maurice  et  Lazare  la  jouissance  d'une  grande 
partie  de  ce  qui  avait  échappé  à  la  rapacité  des  envahisseurs,  mais  à  la  charge 
que  si  le  Chablais  revenait  au  catholicisme,  l'Evèque  du  diocèse  aurait  droit 
de  prélever  sur  ces  biens  tout  ce  qui  serait  nécessaire  à  l'entretien  des  curés. 
On  verra  dans  plusieurs  lettres  du  Saint  quelles  difficultés  «uscita  l'exécution 
de  cette  dernière  clause. 


254  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

crescendo,  secondo  il  numéro  di  lavoranti  che  per  pro- 
gresso  di  questo  negotio  saranno  necessarii,  mi  è  parso 
di  dover  in  una  volta  proporre  aile  Sig""  V.  111"'^  quello 
espediente  che,  essequendosi,  tagliarà  la  strada  alla 
nécessita  in  questa  opéra,  et  alla  importunità  che  esse 
riceveranno  delli  aiuti  che  di  tempo  in  tempo  sariamo 
costretti  di  addomandargli.  Et  questo  saria  che,  vedendo 
*Videsupra,p.i86,  in  cfFetto  la  sperata  pace  *,  le  Sig""  V.  111""=  si  contentas- 
°°  ■  ^  '  ^"  sero  di  lasciare  assolutamente  tutte  le  cure  et  dependenze 

di  esse  che  esse  tengono  qui  ;  et  cosî,  giungendo  quelle  con 
altre  che  da  particolari  sonno  processe,  si  potrà  far  un 
servitio,  in  questo  balliagio,  tanto  chiaro  che  se  ne  vederà 
la  luce  d'ogni  intorno. 

Et  per  questa  propositione  non  ho  bisogno  d'altro 
procuratore,  poichè  vi  è  tanta  ragione  et  che  non  man- 
carà  il  zelo  et  integrità  délie  Sig''"  V.  111'"%  aile  quali 
basciando  humilissimamente  le  mani  et  pregando  dal 
Signore  Iddio  ogni  vero  contento,  le  prego  di  accettarme 
per  essere. 

Délie  Sig^^^  V.  111'"% 

Divotissimo... 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  le  I'"'"  Procès  de  Canonisation. 


donc  semblé  devoir  proposer  une  fois  pour  toutes  à  Vos  Seigneuries 
Illustrissimes  un  expédient  qui  nous  mettrait  à  l'abri  du  besoin  dans 
l'accomplissement  de  cette  œuvre,  et  préviendrait  l'importunité  que 
leur  occasionneraient  les  demandes  de  secours  que  nous  serions 
obligés  de  faire  de  temps  en  temps.  Cet  expédient  consiste  en  ce  que, 
étant  donné  le  traité  de  paix  désiré,  Vos  Seigneuries  voulussent  bien 
céder  absolument  toutes  les  cures  dont  elles  jouissent  en  ce  pays 
avec  leurs  dépendances  ;  en  y  ajoutant  celles  qui  sont  provenues  des 
particuliers,  on  pourrait  faire  en  ce  bailliage  un  service  religieux  si 
éclatant  que  la  lumière  s'en  répandrait  de  tous  côtés. 

Et  pour  cette  proposition  je  n'ai  pas  besoin  d'autre  intercesseur, 
puisqu'elle  est  si  raisonnable  et  que  le  zèle  et  la  justice  de  Vos 
Seigneuries  ne  se  démentiront  pas  en  cette  occasion.  Baisant  très 
humblement  leurs  mains  et  leur  souhaitant  du  Seigneur  notre  Dieu 
tout  vrai  contentement,  je  les  prie  de  me  tenir  pour 
Leur  très  dévoué... 


Année  1597  235 


LXXXV 


A   MONSEIGNEUR  JULES-CÉSAR   RICCARDI 
ARCHEVÊQUE   DE    BARI,    NONCE   APOSTOLIQUE    A    TURIN 

(minute  inédite) 

Excuses  pour  le  délai  mis  à  répondre  aux  lettres  du  Nonce.  -  Proposition 
d'une  conférence  publique  avec  les  ministres.  -  Instante  pnere  de  lui 
obtenir  la  collaboration  du  P.  Chérubin,  du  P.  Esprit  et  de  plusieurs  autres 
missionnaires.  -  Moyens  à  prendre  pour  fournir  aux  frais  de  la  mission. 

Thonon,  vers  le  21   février   1597- 

Illustrissimo  et  Reverendissimo  Signore  mio 
osservandissimo, 

Vedo,  per  l'ultima  sua  del  4  di  Febraro,  V.  S.  111'"'' 
stupirsi  ch'io  non  havessi  ricevute  le  ultime  sue  delli  4 
et  6  di  Genaro  quando  io  glie  scrissi  lultima  volta  del 
27  de  Genaro.  Et  in  vero  hebbi  dette  lettere  di  V.  S. 
111""'  quello  istesso  giorno  nel  quale  io  mandai  le  mie  ; 
et  aspettando  il  mio  ritorno  qua,  et  essendo  ritornato, 
aspettando  di  giorno  in  giorno  che  si  desse  principio 
all'ordine  stabilito  per  li  sei  curati  (che  non  si  è  dato  sin 
adesso),  son  stato  cosî  tardo  a  scrivergli,  d'il  che,  se 
peccato   vi  fosse  delli  reservati,    ne   chiedo  perdono  a 


Mon  très  honoré,  Illustrissime  et  Révérendissime  Seigneur, 
Je  vois  par  votre  dernière  lettre  du  4  février  que  Votre  Seigneurie 
Illustrissime  s'étonnait  de  ce  que  lorsque  je  lui  écrivis  la  dernière  fois 
le  27  janvier,  je  n'avais  pas  encore  reçu  ses  deux  dernières  lettres  du 
4  et  du  6.  A  la  vérité,  lesdites  lettres  me  parvinrent  le  jour  même  où 
l'expédiai  les  miennes  ;  mais  j'attendais  mon  retour  ici  pour  y  répon- 
dre, et  à  mon  retour  j'attendis  de  jour  en  jour  la  mise  à  exécution 
de  l'ordre  donné  pour  les  six  curés,  ce  qui  n'a  pas  encore  été  fait 
jusqu'à  présent  :  telle  est  la  raison  pour  laquelle  j'ai  tant  tardé  à  vous 
écrire.  S'il  y  a  en  ce  délai  quelque  péché  de  ceux  qui  constituent  un 
cas  réservé,  j'implore  en  toute  humilité  mon  pardon.  Il  me  semble 


236  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

V.  S,  111'"^  con  ogni  humiltà.  Et  non  era  bisogno,  per 
quanto  mi  pare,  che  V.  S.  Ill""^  usasse  meco  il  precetto 
in  virtute  sanctœ  obedientiœ  per  far  che  io  più  spesso 
giie  dia  avvisi  délie  cose  di  qua ,  poichè  la  semplice 
volontà  di  V.  S.  Iir^  mi  stringe  tanto  quanto  basta  per 
farme  far  ogni  gran  cosa  possibile. 

Son  stato  consolatissimo  vedendo  che  V.  S.  111""^  gusta 
la  cosa  délia  conferenza.  purchè  si  faccia  con  débite 
modo  ;  chè  persevero  io  a  dire  che  maggior  cosa  che 
quella  non  si  è  fatta  ad  honor  d'Iddio  da  un  pezzo,  se 
perseverano  i  Genevrini  in  questa  intentione,  si  come  da 
una  lettera  scritta  da  un  citadine  di  Geneva,  del  19  Fe- 
braro,  al  P.  Cherubino  i^),  me  par  che  si  possa  sperare. 
Ad  ogni  modo,  sia  che  se  faccia,  sia  che  non  se  faccia 
questa  conferenza,  supplico  V.  S.  Ill""^  che  con  l'authorità 


qu'il  n'était  nullement  besoin  d'user  à  mon  égard  du  commandement 
in  virtute  sanctœ  obûJicntiœ  pour  m'obliger  à  vous  donner  plus  souvent 
des  nouvelles  de  nos  affaires,  puisque  votre  simple  volonté  me  presse 
assez  fortement  pour  me  faire  accomplir  les  plus  grandes  choses  qui 
soient  en  mon  pouvoir. 

J'ai  été  bien  consolé  en  voyant  que  Votre  Seigneurie  Illustrissime 
goûte  le  projet  de  la  conférence,  pourvu  qu'elle  se  fasse  dans  les 
conditions  voulues  ;  car  je  persiste  à  dire  que  depuis  longtemps  il 
ne  se  sera  rien  fait  de  plus  avantageux  à  la  gloire  de  Dieu,  si  les 
Genevois  persévèrent  dans  cette  intention,  comme  il  me  semble  qu'on 
peut  l'espérer  d'après  une  lettre  écrite  au  P.  Chérubin  le  19  février 
par  un  bourgeois  de  Genève  (i).  Qiioi  qu'il  advienne,  soit  que  cette 
conférence  se  fasse  ou  qu'elle  ne  se  fasse  pas,  je  supplie  Votre  Sei- 
gneurie d'employer  son  autorité  afin  que  cette  année  nous  ayons  ici 

(  I  )  Pendant  qu'au  mois  de  janvier  1597  le  P.  Chérubin  évangélisait,  avec  le 
zèle  et  l'ardeur  qui  lui  étaient  ordinaires,  les  environs  de  Genève,  un  habitant 
de  cette  ville,  l'orfèvre  Jean  Corajod,  engagea  plusieurs  fois  avec  lui  des  dis- 
cussions sur  les  matières  de  controverse.  Enfin  il  l'invita  de  la  part  des  autorités 
civiles,  disait-il,  à  venir  soutenir  une  conférence  publique  à  Genève  même, 
contre  les  ministres.  Le  9  février  cette  invitation  fut  renouvelée  par  Corajod, 
au  nom  du  ministre  Perrot  et  de  plusieurs  autres.  Le  P.  Chérubin  sollicita  de 
Rome  la  permission  d'accepter  la  dispute,  à  laquelle  le  provoquait  une  nou- 
velle lettre  datée  du  19  février.  Sur  ces  entrefaites,  il  dut  aller  prêcher  la 
station  du  Carême  à  Annecy,  et  le  projet  de  conférence  fut  remis  à  plut  tard. 


Année  1597  ^^7 

sua  habbiamo  qui  in  Chiablais  per  questo  anno  detto 
P  Cherubino  et  il  P.  Spirito,  dello  stesso  OrdmeCO,  et 
altri  quanto  più  si  potrà,  si  di  quell'Ordine  corne  délia 
Compagnia  di  Gesù,  accio  che  uniti  quelli  con  altn  seco- 
Urrche  verranno,  possiamo  far  un  vivo  assalto  al  hère- 
1  in  questi  paesini,  ohé  pian  piano  se  ne  senUra  odor 
in  tutta  la  vicinanza,  si  de'Bernesi  corne  de  Genevnn. 
Et  per  farglie  le  spese  (chè  in  vano  cercarebbero  la 
«mosina  frf  queste  genti),  bisognarà  far  una  d,  queste 
dTe  cose  :  o  risserbar  a  questo  effetto  per  un  poco  d. 
fempo  due  pensioni  délie  sei,  o  vero  pigliar  per  v,a  d. 
contributione  qualche  parte  délie  intrate  che  ,  part.colar 
cavlno  delli  béni  ecclesiastici  di  questo  balUag.o,  g.a 
che  da'  Cavaglieri  non  bisogna  sperar  altro. 

en  Chablais  le  P.  Chérubin  et  le  P.  Esprit,  du  même  Ordre  (  ■  ).  U  nous 
audÏarencore  d'autres  missionnaires  en  aussi  grand  nombre  que 
ooss  b  soit  de  l'Ordre  des  Capucins,  soit  de  la  Compagnie  de  Jésus 
afm  u  ™is  aux  prêtres  séculiers  qui  viendront,  nous  pu.ss.ons  l.vr  r 
un  v'"oureu.  assaut  à  l'hérésie  en  ces  petits  pays;  ams,,  peu  a  peu, 
Vodeur  s  nTépandra  dans  tout  le  voisinage,  tant  à  Berne  qu'a  Genève. 
Et  nour  les  défrayer  (car  ils  chercheraient  en  vain  l'aumône  parm, 
!  s  gens  )  faudr  faire  l'une  de  ces  deux  choses  :  ou  reserver  a 
ce  !ff"  pendant  quelque  temps,  deux  des  six  pens.ons,  ou  b,en 
nrél  V  'par  voie  de  contribution  une  partie  des  revenus  que  les 
pScuTiers  tirent  des  biens  ecclésiastiques  de  ce  bailhage  ;  car  des 
Chevaliers  il  ne  faut  rien  espérer  de  plus. 

, ,  M.  P  Esorit  de  B«um=,  originaire  de  la  peti.e  ville  de  Beaume-de-VenUe 

^^"m::»?;  'de  T  uTn       lilo....,o.  ,.  ^^m>,^  de  Ter.i,r,  et 
"«ritf  po^rTn:  graade  par.  a„  succès  prodigieux  des  Q.ua,an.e-Heu,.s 

d-A.».n.a,se  ("P"™""' 'J7,^,  „„a„   à   R„,„e   pour  assister  au  Chapitre 
L'a.nee  P""^"  "^."^Vv'  ^'ppor.é  un  Bref  de  Clément  VIII  à  l'adresse 

,^t::::pt^;.rTd'':,?:re;^:;u:^,,^,LeP.B%ru 

mourut  à  Lyon  eu  i6oa  à  un  âge  très  avance. 


238  Lettres  de  saint  François  de  Salbs 

È  vero  che  il  signor  cavaglier  Bergera,  lator  di  queste, 
mi  ha  promesse,  mediante  l'authorità  di  V.  S.  111'"%  di 
far  ogni  sforzo  appresso  il  Consiglio  délia  Religione 
de' Cavaglieri  acciô  ci  sian  lasciate  afFatto  tutte  le  cure 
di  questo  balliagio.  per  far  poi  il  servitio  compito,  con 
questa  conditione,  che  altro  da  loro  non  cercassero.  Et 
sopra  questa  sua  intentione  mi  ha  sollecitato  di  scrivere 
a  V.  S.  111'"'';  il  che  io  faccio  molto  volontieri,  per  esser  la 
cosa  et  giusta  et  molto  a  proposito  per  conto  di  questa 
impresa,  acciô  non  habbiamo  da  esser  cortegiani  de' Ca- 
vaglieri et  loro  pensionarii,  che  è  cosa,  se  m' è  lecito  di 
dirlo,  molto  disdicevole  et  di  gran  danno  al  frutto  che  si 
puô  sperare.  Esso  ha  ancora  voluto  che  io  ne  scriva  a  Sua 
Altezza  et  al  Consig-lio  de' Cavaglieri ,  il  che  ho  fatto 
per  non  pretermettere  dal  canto  mio  quel  poco  che  da 
me  si  puô  addimandare.  A'oleva  ancora  che  io  ne  scrivessi 
a  Sua  Santità;  ma  quanto  a  questo  non  me  basta  l'anima 
di  far  volare  le  lettere  mie  cosi  alto  immediatamente, 
massime  che  in  questo  particolar  V.  S.  111'""  puô  et  vuole 
tutto  il  necessario.  Cosî  ancora  non  ho  dato  altro  ragua- 
giio  a  V.  S.  Ill'"''  delli  trecento  scudi  ordinati  per  pagar 


Il  est  vrai  que  M.  le  chevalier  Bergera,  porteur  de  ces  lettres,  m'a 
promis,  moyennant  l'autorité  de  Votre  Seigneurie  Illustrissime,  de 
faire  tous  ses  efforts  auprès  du  Conseil  de  l'Ordre  des  Chevaliers, 
afin  que  toutes  les  cures  de  ce  bailliage  nous  soient  complètement 
abandonnées  pour  que  le  service  divin  puisse  s'y  faire  entièrement  ; 
mais  cela,  à  la  condition  qu'on  ne  leur  demanderait  plus  rien.  Il  m'a 
pressé  de  vous  communiquer  cette  proposition,  ce  que  je  fais  très 
volontiers,  la  jugeant  juste  et  très  utile  à  cette  entreprise  ;  car  il  ne 
faut  pas  que  nous  ayons  à  devenir  courtisans  et  pensionnaires  des 
Chevaliers,  ce  qui,  s'il  m'est  permis  de  le  dire,  serait  inconvenant  et 
préjudiciable  au  fruit  qu'on  peut  espérer.  11  a  encore  voulu  que  j'en 
écrivisse  à  Son  Altesse  et  au  Conseil  des  Chevaliers,  ce  que  j'ai  fait 
pour  ne  pas  négliger  de  mon  côté  le  peu  qui  est  en  mon  pouvoir.  Il 
voulait  aussi  m'engager  à  écrire  à  Sa  Sainteté  ;  mais  quant  à  cela  je 
ne  me  sens  pas  le  courage  de  faire  voler  directement  mes  lettres  si 
haut,  d'autant  plus  que  Votre  Seigneurie  peut  et  veut  tout  ce  qui  est 
nécessaire  à  cet  égard.  De  même,  je  ne  vous  ai  point  encore  parlé  des 


Année   1597  239 

le  spese  fatle  sin  adesso,  per  non  esser  ancora  finito  il 
pagamento  di  essi  ;  et  tuttavia,  et  quelle  et  ogni  altra 
gratia  venuta  di  là,  la  devo  et  ricognosco  dalla  bontà 
di  V.  S.  iir-^ 

AU'Ill'"''  et  R"^°  Patron  Sig''^  mio  osservandissimo, 
Il  Sig""^  Archivescovo  di  Bari, 
Noncio  Apostolico  appresso  S.  A.  Seren"'*. 
Turino. 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  le  P'  Procès  de  Canonisation. 


trois  cents  ëcus  destinés  à  couvrir  les  dépenses  faites  jusqu'ici,  vu 
que  le  paiement  n'en  est  pas  achevé.  Toutefois,  ce  bienfait  et  tous  les 
autres  qui  nous  sont  venus  de  Son  Altesse,  je  reconnais  les  devoir  à 
la  bonté  de  Votre  Seigneurie  Illustrissime 


LXXXVI 

A  U       M  Ê  M  E 

(  MINUTE ) 

Lettres  reçues  du  Nonce.  —  Remerciements  pour  la  protection  accordée  à 
trois  églises  de  Savoie.  —  Eloge  du  chevalier  Bergera.  —  Difficultés  qui 
retardent  rétablissement  des  curés  en  Chablais.  —  Pauvreté  des  paroisses. 
—  Prétentions  injustes  des  Chevaliers  des  Saints  Maurice  et  Lazare  relati- 
vement à  la  nomination  des  curés.  —  Pension  due  au  prédicateur  d'Evian. 

Thonon,  2  mars   1597. 

Illustrissimo  et  Reverendissimo  Signor  mio 
osservandissimo, 

Da  quindeci  giorni  in  qua  ho  ricevuto  tre  lettre  che 
si  compiacque  V.  S.  lU'""  et  R™"  di  scrivermi  :  una  alli 


Mon  très  honoré,  Illustrissime  et  Révérendissime  Seigneur, 
Depuisquinzejoursj'ai  reçu  lestrois  lettresqu'il  plut  à  Votre  Seigneu- 
rie Illustrissime  et  Révérendissime  m'écrire  :  l'une  du  10  décembre 


LXXVII 


240  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

X  di  Décembre  de  l'anno  passato,  la  seconda  al  4  de 
Genaro  et  la  terza  alli  6,  (0  et  la  quarta  alli  4  de  Febraro. 
Ma  quanto  alla  prima,  nella  quale  V.  S.  111""'  mi  co- 
mandava  di  ritornar  qui  in  Tonone,  non  ho  da  farglie 
altra  risposta  colla  carta,  poi  che  già  Tho  latta  alla  sua 
intentione  col  l'efFetto. 

Quanto  alla  seconda,  ho  da  ringratiare  quanto  più 
posso  humilissimamente  V.  S.  Iir"^qual  si  degna  pigliarsi 
cosi  volontieri  in  protettione  le  nostre  cose  di  questa 
diocaesi,  et  particolarmente  nel  procurar  che  quel  legato 
lasciato  in  Roma  ci  sia  riservato  (»),  non  ostante  la  prse- 
Vide  supra, Epist.  tentione  délia  fabrica  di  San  Pietro*;  et  già  che  per 
l'ultima  sua  V.  S.  111™"  mi  commanda  che  se  ne  scriva 
a  qualche  savoyardo  stante  in  Roma,  acciô  ne  tratti  con 
li  deputati  délia  fabrica  et  habbia  ricorso  al  signor  Car- 
dinale Aldobrandino,  cosi  si  farà. 

Vedo  poi  la  gran  fatica  che  V.  S.  111""'  havrà  durata 
per  haver  la  provisione  per  li  sei  curati,  et  no  posso  ch'io 
non  ammiri  il  poco  zelo  de  chi,  in  questo  negotio,  havrà 


de  l'année  passée,  la  seconde  du  4  janvier  et  la  troisième  du  6,  (  i  )  et 
la  quatrième  du  4  février.  Quant  à  la  première,  par  laquelle  Votre 
Seigneurie  m'ordonnait  de  revenir  ici  à  Thonon,  je  n'ai  pas  à  y 
répondre  par  écrit,  puisque  j'y  ai  répondu  de  fait  en  obéissant  à  votre 
intention. 

Pour  la  seconde,  j'ai  à  vous  remercier  le  plus  humblement  que  je 
le  puis  d'avoir,  avec  tant  de  bienveillance,  pris  sous  votre  protection 
les  intérêts  de  ce  diocèse,  surtout  en  procurant  que  le  legs  de  Rome 
nous  soit  réservé,  nonobstant  les  prétentions  de  la  fabrique  de  Saint- 
Pierre.  Puisque  Votre  Seigneurie  me  commande  par  sa  dernière 
lettre  d'écrire  à  quelque  savoyard  habitant  Rome,  afin  qu'il  traite  de 
cette  affaire  avec  les  mandataires  de  la  fabrique  et  qu'il  recoure  au 
Cardinal  Aldobrandino,  ainsi  sera-t-il  fait. 

Je  vois  les  grands  embarras  que  Votre  Seigneurie  Illustrissime  aura 
eus  pour  obtenir  la  provision  en  faveur  des  six  curés,  et  je  ne  puis 
que  m'étonner  du  peu  de  zèle  de  ceux  qui  font  des  difficultés  en 

(a  )  lasciato 


(  I  )  La  fin  de  cette  phrase  est  ajoutée  en  surcliarge  dans  l'Autographe. 


Année  1597  241 

fatto  le  difficoltà.  Et  sia  laudato  Iddio  seterno  (^)  délia 
patientia  et  zelo  che  ha  dato  a  V.  S.  111™''  per  far  infine 
spontar  questa  benedetta  impresa  con  questo  principio, 
del  quai,  per  dar  distinto  raguaglio  a  V,  S.  lU'"'',  dirô  che 
ciè  un  pezzo  che  il  signor  cavagiier  Bergera  è  giunto 
qui  con  quel  ordine  che  mi  scrisse  V.  S.  111'""  ;  (  =  )  et 
essendo  allhora  in  Annessi  per  certo  negotio  (<^),  ritornai 
quanto  prima  per  non  esser  cagione  délia  retardatione 
di  cosî  importante  servitio,  quantumque  io  fossi  certo 
che  questo  cavagiier  saria  qui  un  pezzo,  per  haver  a  ris- 
cuotere  da  sette  millia  ducati  per  la  sua  Religione,  che  è 
una  summa  laquale  no  si  fa  cosî  presto  fra  questi  trava- 
gli  di  guerra.  Onde  essendo  venuto,  ho  trovato  questo 
gentilhuomo  tanto  ben  disposto,  che  io  son  ubligato  di 
dar  testimonio  a  V.  S.  111'"^  che  se  tutti  gli  altri  di 
quella  Relligione  fossero  cosî  fatti,  V.  S.  111'""  non  fosse 
stata   tanto    travagliata.    Et  hieri  si  diede   principio   al 


un  pareil  sujet.  Loué  soit  le  Dieu  éternel  de  la  patience  et  du  zèle 
qu'il  vous  a  départis  pour  faire,  par  un  modeste  commencement, 
éclore  enfin  cette  bénite  entreprise.  Afin  de  vous  donner  pleine  con- 
naissance des  choses,  je  dirai  que  M.  le  chevalier  Bergera  est  arrivé 
ici  depuis  longtemps,  muni  de  l'ordre  dont  vous  m'avez  écrit.  Je  me 
trouvais  alors  à  Annecy  pour  quelque  affaire,  mais  je  revins  aussitôt 
afin  de  ne  pas  causer  de  retard  dans  un  aussi  important  service.  Ce- 
pendant j'étais  sûr  que  le  séjour  de  ce  chevalier  serait  de  longue 
durée,  car  il  avait  à  percevoir  pour  son  Ordre  sept  mille  ducats, 
somme  qui  ne  peut  se  toucher  si  vite  parmi  ces  troubles  de  guerre. 
Or,  à  mon  arrivée,  ce  gentilhomme  me  parut  si  bien  disposé,  que 
je  dois  lui  rendre  ce  témoignage  :  si  tous  les  membres  du  même 
Ordre  lui  ressemblaient,  Votre  Seigneurie  Illustrissime  n'aurait  pas 
été  si  fort  importunée.   Hier  on  commença  le  paiement  du  blé  : 

(b)  Iddio  œterno  —  fde  questo  poco  principio  che  con  tante  fatighe  di 
V.  S.  I11'"»...J 

(c)  V.  S.  Ill'"" ; —  fma  perche  haveva  da  riscuotsre  qui  per  la  sua  Relli- 
gione da  sette  millia  ducati,  é  stato...  et  ha  ritrovato  i  suoi  debitori  senza 
denari.  Et  hieri  si  diede  principio  al  pagamento  de'frumenti  che  furono 
assegnati,  et  domani,  per  quanto  egli  pur  hieri  me  disse,  si  dara  principio  al 
pagamento  del  denaro.J 

(d)  in  Annessi —  fet  con  i  miei  parentij  per  certo  negotio  fd'importanzaj 

Lettres   I  '6 


242  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

pagamento  del  frumento  ;  domani,  per  quanto  mi  ha 
detto,  si  comminciarà  il  pagamento  de  vino  et  denari. 

Et  per  dire  del  praetio  di  queste  pensioni,  seconde  che 
me  ne  riferiscono  questi  habitatori  di  Thonone,  no  puô 
esser  uno  anno  per  Taltro  più  di  ottanta  scudi;  et  confes- 
se che  questo  potria  bastar  dove  li  sacerdoti  havriano 
qualche  commodità  di  casa  et  albergo  et  di  star  molti 
insieme.  Et  si  dovriano  pensare  i  signori  Cavaglieri,  che 
in  questo  paese  mancaranno  tutte  le  cose  mondane  alli 
sacerdoti,  dalla  discortesia  in  poi.  31a,  come  mi  scrive 
V.  S.  111'"^,  l'istesso  Signore  che  da  piccoli  semi,  per  mezzo 
del  tempo,  fa  uscir  grandissimi  alberi,  darà  ancora  col 
tempo  et  la  fatica  di  V.  S.  111""  un  giusto  augmente  a 
questo  debole  principio. 

Ho  buona  provisione  de  sacerdoti,  quali  di  subito  si 
sbrigheranno  per  venire  qui  (e)  alla  patientia  et  mortifica- 
tione,  et  usarô  ogni  diligentia  acciô  siano  ricchi  di  buona 
vita  et  almanco  commodi  di  lettere.  Questa  Quadrage- 
sima  spero  di  collocarne  quattro  in  diversi  luoghi,  et 
si  (sic)  io  potessi  li  collocaria  tutti  sei.  31a  no  si  possono 


demain,  à  ce  qu'il  m'a  dit,  on  commencera  les  paiements  en  vin  et 
en  argent. 

Quant  à  la  valeur  de  ces  pensions,  elle  ne  peut,  au  rapport  de  ces 
habitants  de  Thonon,  dépasser  en  moyenne  quatre-vingts  écus. 
J'avoue  que  cela  pourrait  suffire  là  où  hs  desservants  auraient  la 
jouissance  d'une  maison  et  habitation  et  la  facilité  de  demeurer  plu- 
sieurs ensemble.  Cependant  messieurs  les  Chevaliers  devraient  penser 
que,  dans  ce  pays,  les  prêtres  souffriront  disette  de  toutes  choses,  si 
ce  n'est  de  procédés  désobligeants.  Mais,  comme  Votre  Seigneurie 
me  l'écrit,  le  même  Dieu  qui,  avec  le  temps,  fait  sortir  de  très  grands 
arbres  des  petites  semences,  donnera  aussi,  moyennant  le  temps  et 
votre  travail,  un  accroissement  convenable  à  ce  faible  commencement. 

J'ai  un  bon  nombre  de  prêtres  qui  se  dégageront  bientôt  pour 
venir  s'exercer  ici  à  la  patience  et  à  la  mortification  ;  je  mettrai 
tous  mes  soins  afin  qu'ils  soient  riches  de  bonne  vie  et  du  moins, 
bien  pourvus  de  savoir.  Ce  Carême,  j'espère  en  placer  quatre  en 

(c)  qui —  fa  patirc.J 


Année  1597  243 

ben  introdurre  sensa  far  un  poco  de  prseparatione  con  il 
far  qualche  sermoni  cathechistici  ;  il  che  si  deve  far  da 
qualche  predicatore  prattico,  et  adesso  non  è  possibile 
haverne  per  esser  impediti  tutti  nelle  quadregesimali  prae- 
diche.(f)  Egli  m'è  necessario  di  star  qui  la  Ouaresima, 
ne  posso  io  molto  trascorrere  adesso,  poichè  egli  m' è 
necessario  horamai,  per  mancamento  d'altri,  di  attender 
aile  confessioni  per  Pasqua. 

Non  v'è  poi  ne  chiesa  ristaurata,  ne  altare  drissato  ; 
manco  habbiam  calici,  messali  et  altre  simili  commodità 
necessarie  per  le  sei  parrochie.  D'il  che  trattando  col 
signor  cavaglier  Bergera  et  non  havendo  egli  carico  di 
lasciarci  denari  per  questi  servitii,  si  è  contentato  di 
spender  da  otto  o  dieci  ducatoni  per  la  chiesa  di  Tonone, 
dove  ogni  cosa  era  sotto  sopra,  sensa  altra  commodità  se 
non  d'un  semplice  et  mal  fatt' altare  de  legno  che  s' era 
fatto  questo  Natale*.  Et  per  aiutarci  al  restante  che  si  *  Cf.  supra,  p.  228. 
conveniva  haver  si  in  Tonone  corne  nell'  altre  parrochie, 


divers  endroits,  et  si  je  le  pouvais  je  les  placerais  tous  six.  Mais  on  ne 
saurait  les  introduire  sans  leur  préparer  d'abord  les  voies  par  quel- 
ques sermons  catéchistiques  faits  par  un  prédicateur  expérimenté  ; 
et  maintenant  il  est  impossible  d'en  avoir  parce  qu'ils  sont  tous 
retenus  par  les  prédications  quadragésimales.  Pour  moi ,  je  suis 
contraint  de  passer  le  Carême  ici  ;  je  ne  puis  non  plus  beaucoup  me 
déplacer,  étant  désormais  obligé,  à  défaut  d'autres,  d'entendre  les 
confessions  pascales. 

Au  reste,  il  n'y  a  ni  église  restaurée  ni  autel  dressé;  nous  n'avons 
pas  même  des  calices,  missels  et  tels  autres  objets  indispensables 
aux  six  paroisses.  J'en  ai  parlé  au  chevalier  Bergera  ;  mais  n'étant 
pas  chargé  de  nous  délivrer  de  l'argent  à  cet  elTet,  il  s'est  borné  à 
dépenser  huit  ou  dix  ducatons  pour  l'église  de  Thonon  où  tout  était 
sens  dessus  dessous,  sans  autre  ameublement  qu'un  simple  autel 
de  bois,  mal  fait,  qui  a  été  construit  pour  Noël.  Afin  d'aider  à  nous 
pourvoir  de  ce  qui  est  encore  requis,  soit  à  Thonon  soit  dans  les 
autres  paroisses,  il  a  bien  voulu  alTectcr  à  cette  dépense  le  montant 

(f)  prcediche.  —  fSaro  costretto  a  contentarme  di  collocarne  4;  il  che,  oltra 
ch'  io  no  posso  esser  molto  tempo  fuora  di  Tonone...  absente  in  questo 
tempo. ..J 


244  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

si  [è]  contentato  di  assegnar  il  principio  délie  sei  pensioni 
dal  15  di  Genaro  sin  al  primo  di  3Iarzo,  che  si  è  dato 
principio  al  pagamento  ;  et  dal  primo  di  Marzo  sin  tanto 
che  sian  coUocati  li  sei  curati,  correndo  sempre  le  pen- 
sioni, potremo  forse  avanzare  da  60  o  70  scudi  per 
comperar  le  cose  più  necessarie  et  far  il  manco  maie  che 
fia  possibile.  Et  accio  li  signori  Cavaglieri  no  facciano 
compassione  a  Sua  Santità  col  la  loro  povertà  protestata, 
assicuro  V.  S.  111'"''  che  Tintrata  che  cavano  da  questo 
balliagio  de'  béni  ecclesiastici  sarà  d'un  anno  per  l'altro 
di  quattro  millia  ducati  buoni. 

Quanto  alla  polizza  del  signor  di  Ruffia,  nella  quale 
desiderano  li  Cavaglieri  che  alcuni  curati  che  prestano 
il  nome  a'  laici  che  tengono  cure  ne'balliagi  rimettessero 
esse  cure  alla  Religione,  come  proprietaria,  per  conces- 
sione  di  Sua  Santità,  de' beneficii  de'balliagi,  quando 
tai  curati  non  siano  habili  a  far  servitio,  et  essendo  habili, 
che  siano  admessi  al  numéro  delli  sei,  il  signor  cavaglier 
Bergera  no  m' ha  proposto  questo  particolare  ;  ne  posso 
intendere  come  vogliono   questi   clerici   armati   che  un 


des  six  pensions  à  partir  du  15  janvier  jusqu'au  i'^'"  mars,  époque  à 
laquelle  on  a  commencé  le  paiement.  Depuis  le  i^""  mars  jusqu'à 
ce  que  les  six  curés  soient  installés,  ces  pensions  courant  toujours, 
nous  pourrons  peut-être  réaliser  une  avance  de  soixante  à  soixante 
et  dix  écus  pour  acheter  les  choses  les  plus  nécessaires  et  faire  le 
moins  mal  possible.  Mais  afin  que  messieurs  les  Chevaliers  n'exci- 
tent pas  la  compassion  de  Sa  Sainteté  par  leur  pauvreté  prétendue, 
j'assure  Votre  Seigneurie  Illustrissime  que  le  revenu  qu'ils  tirent  des 
biens  ecclésiastiques  de  ce  bailliage  est  en  moyenne  de  quatre  mille 
bons  ducats. 

Par  un  billet  de  M.  de  Ruffia,  les  Chevaliers  témoignent  désirer  que 
plusieurs  curés  qui  prêtent  leur  nom  à  des  laïques,  possesseurs  actuels 
de  certaines  cures  en  ces  bailliages,  remettent  ces  cures,  s'ils  ne  sont 
pas  aptes  à  les  desservir,  à  l'Ordre  qui  est  propriétaire,  par  concession 
de  Sa  Sainteté,  des  bénéfices  des  bailliages;  et,  s'ils  ont  les  qualités 
requises,  qu'ils  soient  compris  au  nombre  des  six  curés  pensionnés. 
Le  chevalier  Bergera  ne  m'a  fait  aucune  proposition  à  ce  sujet.  A  la 
vérité,  je  ne  puis  comprendre  comment  ces  clercs  armés  prétendent 


Année  1597  245 

curato  confidentiario  possa  esser  habile  per  esser  admesso 
nel  numéro  delli  sei,  che  devono  esser  un  poco  più  cos- 
tumati  che  non  sogliono  esser  li  confidentiari. 

Laudo  Iddio  benedetto  che  Sua  Santità  habbia  qualche 
intentione    di    coUocare    nell' abadia   dell' Abondanza  i 
riformati  di  San  Bernardo,  et  priegho  il  Signore  glie  ne 
dia  absolutissima  volontà  a  beneficio  dell'  anime.  Quanto 
poi  al   novo   Abbate,  vorrei   ben  preghar  humilissima- 
mente  V.    S.  111™^  si   degni   commandarglie  che  faccia 
paghar  essattamente  et  compitamente  la  pensione  che  si 
sud  dar  dall' Abbate  (g)  al  P.  Prœdicator  ordinario  di 
Evian,  il  quai  adesso  è  un  meritevole  dottor,  Provinciale 
delOrdinedi  San  Domenico(0;  et  T  hanno  fatto  stentare 
già  r  anno  passato,    et   tuttavia   lo  fanno  più  stentare 
questo.  Et  io  ho  in  questo  un  poco  de  l'intéresse  parti- 
colare,  per  esser  Evian  una  terra  vicina,  catholica  quanto 
si  puô  dire,  et  ha  gran  bisogno  di  buon  praedicatore,  quale 
non  puo  havere  senza  questa  pensione. 


qu'un  curé  confidentiaire  puisse  être  capable  de  compter  parmi  les 
six,  qui  doivent  avoir  des  mœurs  un  peu  plus  réglées  que  n'en  ont 
d'ordinaire  les  confidentiaires. 

Je  loue  le  Dieu  béni  de  ce  que  Sa  Sainteté  a  quelque  intention  de 
placer  dans  l'abbaye  d'Abondance  les  réformés  de  Saint-Bernard,  et  je 
supplie  le  Seigneur  lui  en  donner  une  volonté  absolue  pour  le  bien  des 
âmes,  auant  au  nouvel  Abbé,  je  voudrais  supplier  Votre  Seigneurie 
Illustrissime  de  lui  ordonner  de  payer  exactement  et  entièrement  la 
pension  que  l'Abbé  de  ce  monastère  a  coutume  de  délivrer  au  P.  Pré- 
dicateur ordinaire  d'Evian.  Celui-ci  est  actuellement  un  très  digne  doc- 
teur de  l'Ordre  de  Saint-Dominique  (0  :  on  l'a  déjà  fait  endurer  l'année 
dernière,  et  on  le  fait  encore  plus  endurer  cette  année.  J'ai  en  ceci  un 
certain  intérêt  particulier,  parce  qu'Evian  est  une  ville  de  notre  voisi- 
nage, catholique  autant  qu'on  peut  le  dire;  elle  a  donc  grand  besoin 
d'un  bon  prédicateur,  qu'elle  ne  saurait  avoir  sans  cette  pension. 

(g)  si  suol  —  dair  Abbate  paghar 


(i)  Le  P.  Jean  de  Fossias  ou  de  Foissia,  religieux  Dominicain  du  couvent 
de  Montmélian,  docteur  de  la  Faculté  de  Nantes.  Il  avait  été  élu  vicaire  géné- 
ral de  la  province  Gallicane  de  son  Ordre  au  Chapitre  de  Blois  {i6  mai  1^96), 
et  fut  absous  de  cette  charge  trois  ans  plus  tard  au  Chapitre  de  Troycs. 


246  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

Vedo  poi  il  dispiacere  che  ha  sentito  Sua  Altezza 
deir  oppositione  che  fecero  questi  di  Thonone  ail"  eret- 
tione  deir  altar.  et  ne  ho  ricevuto  una  lettera  quai  mi 
consola  assai  :  non  havendo  perô  lasciato  di  ériger  T  altar 
nonostante  V  oppositione  fatta,  perché  no  si  faceva  dal 
consenso  publico  délia  terra,  ma  dalla  sola  passione  de 
certi  particolari 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


Je  vois  de  plus  la  peine  que  Son  Altesse  a  éprouvée  en  apprenant 
l'opposition  apportée  par  ces  gens  de  Thonon  à  l'érection  de  l'autel  ; 
j'en  ai  reçu  une  lettre  qui  m'a  bien  consolé.  Nous  ne  laissâmes  pas 
pour  autant  d'ériger  l'autel,  malgré  cette  opposition,  car  elle  ne  se 
taisait  pas  du  consentement  public  de  la  ville,  mais  seulement  par  la 
passion  de  quelques  particuliers 


LXXXVII 


AU     MEME 


.MINUTE     INEDITE 


Protestations  d'obéissance  et  de  dévouement.  —  Nouvel  exposé  des  difficultés 
de  la  mission.  —  Promesse  faite  par  les  Religieux  d'Ainay.  —  Prédication 
du  Saint  à  Cervens.  —  Destination  du  chanoine  Roget.  —  Les  hérétiques 
prétendent  retirer  à  M.  d'Avully  la  dignité  de  juge  de  leur  consistoire. 

Thonon,    12  mars   1597. 

lUustrissimo  et  Reverendissimo  Signor  mio 
osservandissimo. 

Hoggi  ho  ricevuta  la  lettera  di  Y.   S.  Ill~'  del  25  de 
Febraio,  con  il  triplicato  délie  praecedenti.  laquale  mi  ha 


Mon  très  honoré.  Illustrissime  et  Révérendissime  Seigneur, 

J'ai  reçu  aujourd'hui  votre  lettre  en  date  du  2^  février,  avec  la 

triple  copie  des  précédentes  :  elle  m'a  causé  autant  de  douleur  que 


Année  1597 


247 


recato  altretanto  di  dolore  quanto  V.  S.  lU  '  m,  mostra 
Thaver  in  ammiratione  la  tardità  dalla  m.a  r.sposta  a 
quelle  prœcedenti.  temendo  che  V.  S.   IIV"  m  habb.a 
per  poco  desideroso  di  esseguire  li  suoi  commandament.. 
Et  supplice  humilissimamente  la  sua  bonta  d>  creder  p.u 
fosto  ogni  aura  cosa  d'un  servuor  tanto  ubl.gato  et  d,- 
oto  e?  che  me  è  mattcato  la  comntod.tà,  no  la  volonta, 
mas  ime  perché  io  andavo  aspettando  di  giorno  m  gtorno 
Tpartenza  del  signor  cavaglier  Bergera  et  ,1  pnncp.o 
dell-essecutione  delVordine   dato   per  1.  set  curati,  per 
dar  poi  risposta  a  V.  S.  lU-  et  più  grata.  et  pu.  stcura, 

'^Hora 3ratio  humilissimamente  V.  S.  lU"  délia  pro- 

Jriora  nii-^ictLiv^  f^^pnpva  *    et    *  Vide  supra,  p.240. 

tettione  che  se  presa  da  queste  ch.ese  d>  (^ene^a  et 
délia  risposta  havuta  dal  signor  Cardinale  Aldobrandmo. 
Dalla  partenza  del  signor  cavaglier  Bergera  m  qua, 
non  ho  havuto  né  danari.  ne  altro  che  quelle  tren  a 
coppe  (  ■  1  di  fromento  che  lasciô.  Xè  questo  e  mancamento 
de  detto  cavaglier.  quai  è  buon  et  di  buona  intent.one; 

Votre  Seigneurie  Illustrissime  me  montre  détonnement  du  retard  de 
la  rlponfe  aux  lettres  précédentes,  car  elle  minsp.re  la  cra.n    d  et^e 
Lu  pour  peu  empresse  a  exécuter  vos  ordres.  Je  suppl.e  tre.  hum 
bCent  votre  bonté  de  croire  plutôt  toute  autre  chose  d^-  «.m  eu 
oui  vous  a  tant  d'obligations  et  qui  vous  est  s,  attache,  et  d  être  per 
suadé  que  c'est  l'occasion  et  non  la  volonté  qui  m'a  manque.  C  e,t 
rtou  que  j'attendais  de  jour  en  jour  le  départ  du  chevaer  Bergera 
et  la  mise  à  exécution  de  l'ordre  donné  pour  les  s,x  cures,  ^f"  «^""^^ 
ensuite  une  réponse  plus  satisfaisante,  plus  sure  et  Pl"^.'»"^?  f^' 

Maintenant  je  remercie  très  humblement  Votre  S-gne  r  =  U'us- 
trissime  de  la  protection  accordée  a  ces  egl.se,  du  d.ocese  de 
Genève  et  de  la  réponse  du  Cardinal  .\lJobrand.no. 

Depuis  le  départ  de  M.  le  chevalier  Bergera  je  n  a,  plus  reçu  m 
argent  ni  autre  chose,  sinon  les  trente  coupes!.^  de  froment  qu  ,1 
laissa.  Ce  n'est  pas  la  faute  dudit  chevalier,  qui  est  bon  et  b,en  .nten- 
tionné,  mais  celle  des  gens  qui  ont  affermé  les  b.ens  de  la  Rel.g.on 

(,)  „.„„  de  capacité  ,ui  variai,  .a  Savoie  selon  les  locali.es.  La  coupe 
de  Thonou  équivalait  à  ci!i<iuan.e-qua.re  litres. 


248  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

ma  è  mancamento  di  quelli  che  hanno  tolto  in  affitto  li 
béni  de  quella  Religione,  alli  quali  haveva  datto  ordine 
di  pagare,  et  essi  van  differendo  di  giorno  in  altro  quanto 
possono  :  et  per  questo  non  posso  chiamare  i  sacerdoti 
et  curati,  non  havendo  danari  da  dargli  per  principiar  le 
loro  residentie  qui  in  questo  balliagio.  Si  che  io  non  ho 
speranza  di  veder  grand'  effetto  de  queste  pensioni  avanti 
Quaresima  passata,  si  perché  io  non  ho  ancora  denari,  si 
perché  no  potremmo  cavare  horamai  li  sacerdoti  che 
devono  venire  dalle  chiese  dove  sonno,  per  le  confessioni 
et  altre  nécessita  ;  et  io  no  posso  accompagnarli  et  col- 
locarli ,  restando  ancora  qui  impedito  per  l' istessa 
ragione. 

Oltre  le  sei  pensioni  assegnate  dalla  Religione  di  San 
Lazaro,  ne  haveremo  doppo  Pasqua  una  settima  dalli 
Religiosi  di  Henai,  di  Lione(i),  i  quali  havendo  qui 
un  buon  priorato,  mi  han  promesso  di  darne  una  taie 
quale  io  addimandarô ,  senza  regolarsi  aile  pensioni 
cavaleresche. 


et  auxquels  déjà  il  avait  ordonné  de  payer  ;  néanmoins  ils  diffèrent 
tant  qu'ils  peuvent  d'un  jour  à  l'autre.  C'est  pourquoi  je  ne  puis  appe- 
ler des  prêtres'et  des  curés,  n'ayant  pas  d'argent  à  leur  donner  pour 
commencer  à  établir  leur  résidence  dans  ce  bailliage.  Je  n'espère  donc 
pas  un  grand  résultat  de  ces  pensions  avant  la  fin  du  Carême,  soit 
parce  que  je  manque  d'argent,  soit  parce  que  nous  ne  pourrions  retirer 
les  prêtres  des  églises  où  ils  sont  occupés  à  entendre  les  confessions 
et  à  exercer  d'autres  ministères.  Quant  à  moi,  je  ne  puis  les  accompa- 
gner ni  les  installer,  me  trouvant  retenu  ici  pour  la  même  raison. 
Outre  les  six  pensions  assignées  par  l'Ordre  de  Saint-Lazare,  nous 
en  aurons  après  Pâques  une  septième  des  Religieux  d'Ainay,  de 
Lyon  (O,  qui,  ayant  ici  un  bon  prieuré,  m'ont  promis  d'en  donner 
une  telle  que  je  la  demanderai,  sans  se  régler  sur  les  pensions  des 
Chevaliers. 

(i)  Abbaye  de  Lyon,  située  dans  une  ile  au  confluent  du  Rhône  et  de  la 
Saône;  on  en  attribue  la  fondation  à  saint  Badulphe,  qu'on  croit  avoir  vécu 
au  iv"*  siècle.  Ce  célèbre  monastère,  qui  se  rangea  plus  tard  sous  la  Règle  de 
saint  Benoît,  comptait  dans  sa  filiation  un  grand  nombre  de  prieurés,  entre 
autres  celui  de  Bellevau.x  dans  le  haut  Chablais,  qui  aurait  été  établi  au 
xi"^  siècle. 


Année  1597  249 

Domenica  passata,  terza  di  Quaresima(0,  havendo 
praedicato  secondo  il  solito  la  matina  a  buon  hora  nella 
parrochia  delT  Alinges,  passai  in  una  altra  parrochia 
di  là  tre  millia,  dove  sin  allhora  non  ero  stato,  chiamata 
Cervens  ;  et  havendo  dato  aviso  al  popolo  che  io  deside- 
ravo  di  predicare,  mi  fecero  una  numerosa  et  gratissima 
audientia,  et  all'uscir  délia  praedica  mi  diedero  segno  di 
haver  desiderio  grande  di  quel  pane  de  figlioli  *.  Ma  *  Matt.,  xv,  26. 
hebbi  gran  difficoltà  a  ritrovarmi  per  tempo  alla  praedica 
di  Thonone,  che  era  discosto  di  Cervens  de  cinque  or 
sei  millia  ;  si  che,  stando  qui ,  è  quasi  impossibile  di 
trascorrere  in  più  luoghi.  Havendo  dunque  provato 
l'animo  del  popolo  di  quella  parrochia,  son  risoluto  di 
coUocarvi  uno  delli  sei  pensionarii  ;  nelli  Alinges  un 
altro.  Qui  verra,  per  quanto  mi  ha  promesso,  il  dottor 
Rogetto  (2),  il  quai  son  certo  che  V.  S.  111""'  haverà  ve- 
duto,  per  esser  stato  deputato  per  il  viaggio  di  Piemonte  ; 
et  essendo  egli  buono  et  prattico  praedicatore,  potrà  sup- 
plire  in  duoi  luoghi.  Ma  io  non  son  risoluto  di  ricevere 


Dimanche  dernier,  troisième  de  Carême  (0,  ayant  prêché  le 
matin  de  bonne  heure,  selon  la  coutume,  dans  la  paroisse  des  Allin- 
ges,  je  passai  dans  une  autre  paroisse  distante  de  trois  milles,  appelée 
Cervens,  où  je  n'avais  pas  encore  été.  Et  ayant  averti  le  peuple  que 
je  souhaitais  prêcher,  j'eus  une  nombreuse  et  bienveillante  assis- 
tance qui,  au  sortir  du  sermon,  me  témoigna  un  ardent  désir  de  ce 
pain  des  enfants.  Mais  j'eus  grand'peine  à  me  rendre  à  temps  pour  le 
sermon  de  Thonon,  qui  est  à  cinq  ou  six  milles  de  Cervens,  de  sorte 
que,  étant  fixé  ici,  il  m'est  presque  impossible  d'évangéliser  plu- 
sieurs localités.  Ayant  donc» sondé  la  disposition  du  peuple  de  cette 
paroisse,  j'ai  résolu  d'y  placer  un  des  six  curés  pensionnés  et  un 
autre  aux  AUinges.  C'est  le  docteur  Roget  (  =  )  qui  viendra  ici,  selon 
la  promesse  qu'il  m'en  a  faite,  lequel  doit  vous  être  certainement 
connu,  puisqu'il  a  été  député  pour  le  voyage  de  Piémont;  étant  bon 
et  très  expérimenté  prédicateur,  il  pourra  desservir  deux  paroisses. 

(  I  )  En  1597,  le  troisième  Dimaache  de  Carême  se  trouvait  être  le  9  mars. 

(2)  Philibert  Roget,  natif  de  Talloires,  docteur  en  théologie  et  chanoine  de 
Saint-Pierre  de  Genève.  Il  fut  plus  tard  {1610)  vicaire  général  et  officiai 
substitué,  curé  de  Vallières  et  de  Minzier.  Le  chanoine  Roget  mourut  le 
27  mai  1628,  à  l'âge  de  soixante-quinze  ans. 


250  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

a  l'abiuratione  se  non  quelli  che  saranno  ben  instrutti, 
et  da  dovero,  per  quanto  la  loro  capacité  comportarà. 
Et  cosî  vede  V.  S.  Ill™^  d'onde  avviene  che  le  cose  di 
religione  no  si  facciano  con  quel  fervore  che  si  deve  : 
ciô  è  dalla  avaritia  et  mal  uso  de' béni  ecclesiastici. 

No  voglio  lasciar  di  dire  a  V,  S.  111™''  che  monsieur 
d'Avully  essendo  per  lo  inanzi  giudice  del  consistorio 
supremo  delli  hseretici,  volendo  questi  giorni  passati  essi 
heretici  ricusarlo,  non  lo  ha  voluto  patire,  allegando  che 
non  essendo  questo  consistorio  per  altro  salvo  per  la 
correttione  de'vitii,  facendosi  catholico  non  solamente 
non  gli  era  mancato  il  zelo  et  giudicio  necessario  per 
quella  correttione,  ma  gli  era  augmentato  di  gran  lunga, 
si  che  non  doveva  esser  tenuto  per  incapace. 

Vengo  a  supplicare  ancora  una  volta  V.  S.  111"^  si  de- 

*Videsupra,p.223,   gni  di  incaricar  strettamente  al  novo  Abbate*,  o  vecchio, 

°°"^^''  quai  si  sia,  di  far  paghar  essattamente  la  pensione  do- 

vuta  al  prsedicator  ordinario  di  Evian,  perché  et  quella 

terra  è  meritevole  di  esser  aiutata,  et  il  predicator  che 

hanno  adesso  è  risguardevole  per  più  rispetti. 


Mais  je  suis  résolu  de  n'admettre  à  l'abjuration  que  des  personnes 
véritablement  bien  instruites,  dans  la  mesure  que  leur  capacité  com- 
portera. Votre  Seigneurie  Illustrissime  voit  donc  la  cause  pour  laquelle 
les  affaires  de  la  religion  ne  se  font  pas  avec  l'ardeur  désirable  : 
c'est  l'avarice  de  ceux  qui  détiennent  les  biens  ecclésiastiques  et  le 
mauvais  usage  qu'ils  en  font. 

Je  ne  veux  pas  omettre  de  vous  dire  que  M.  d'AvuUy  ayant  été 
jusqu'ici  juge  du  consistoire  suprême  des  hérétiques,  ceux-ci  préten- 
daient le  récuser  ces  jours  passés.  11  n'a  point  voulu  le  souffrir,  disant 
que  ce  consistoire  n'étant  établi  que  pour  la  correction  des  vices,  sa 
conversion  au  catholicisme  ne  lui  a  point  ôté  le  zèle  et  le  jugement 
nécessaires  à  cette  correction,  mais  qu'elle  les  lui  a  grandement  aug- 
mentés, en  sorte  qu'il  ne  doit  point  être  tenu  pour  incapable. 

Je  viens  supplier  encore  une  lois  Votre  Seigneurie  de  vouloir  bien 
presser  le  nouvel  Abbé,  ou  l'ancien,  n'importe  lequel,  de  faire  payer 
exactement  la  pension  due  au  prédicateur  ordinaire  d'Evian,  parce 
que  cette  ville  mérite  d'être  aidée,  et  le  prédicateur  qu'ils  ont  main- 
tenant est  digne  d'égards  sous  plusieurs  rapports. 


Année  1597  251 

Dove  non  occorrendo  altro  particolar  degno  di  esser- 
gli  scritto,  priegho  Nostro  Signor  le  dia  ogni  vero  con- 
tente, et  sarô  sempre, 

Di  V.  S.  111"% 

Revu  sur  l'Autographe  appartenant  à  M*"^  Doroz,  née  d'Arcine,  à  Besançon. 


N'ayant  présente  à  l'esprit  aucune  autre  particularité  qui  vaille  la 
peine  d'être  signalée,  je  prie  Notre-Seigneur  vous  donner  tout  vrai 
contentement,  et  je  serai  toujours, 

De  Votre  Seigneurie  Illustrissime, 


LXXXVIII 

AU   DUC   DE    SAVOIE,    CHARLES-EMMANUEL   l^"^ 

Demande  de  secours  pour  des  indigents.  —  Requête  en  faveur  de  quelques 
hameaux  des  Allinges.  —  Menées  des  protestants  contre  M.  d'Avully. 

Thonon,   12  mars  1597. 

Monseigneur, 

Dernièrement,  quand  j'en  (sic)  cest  honneur  de  bayser 
les  mains  a  Vostre  Altesse,  je  luy  repraesentaj'  six  ou  sept 
pauvres  gens,  vieux  et  impuyssans  a  gaigner  leur  vie, 
qui  ont  vescu  icy  avec  une  admirable  constance  en  la 
foi  (3)  catholique.  Et  parce  que  leur  pauvreté  '>)  pourroit 
estre    secourue   avec   une   petite   pièce   des   graines   de 


(a)  [Les  variantes  qui  suivent  sont  extraites  d'une  minute  écrite  sur  le 
même  feuillet  que  la  lettre  précédente.] 

pauvres  —  Catholiques,   vieux,    rinhabiles...J    qui  ont  vescu  icy  un  grand 
espace  de  tems  avec  un'admirable  constance  en  la  religion 

(b)  nécessité 


252  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

Ripaille  et  Fillr  i  qui  sont  destinées  aux  aumosnes,  je 
suppliay  très  humblement  Yostre  Altesse,  a  leur  nom,  de 
leur  en  assigner  quelque  portion  ;  et  selon  la  pieté  dont 
Dieu  Ta  enrichie  elle  le  trouva  raysonnable.  31aintenant 
je  sçai  que  ces  aumosnes  (c)  se  reduysent  aux  Alinges 
pour  la  munition  de  la  garnison  ;  ma3's  je  ne  laisseray 
pas  pour  cela  d'oser  supplier  Vostre  Altesse  quil  luy 
plais'ordonner  '^^  que,  d'une  si  grande  quantité,  quattre 
ou  cinq  muys  (-;  en  soyent  appliqués  a  ces  pauvres  gens 
vieux  et  a  un  autre  qui,  estant  encores  de  bon  aage,  ne 
laisse  pas  d'estre  pauvre  1^"  et,  moyennant  cest'aumosne, 
pourra  servir  au  clocher  pour  les  Catholiques. 

Il  y  a  aussy  certains  petitz  vilages  qui  estoyent  an- 
ciennement de  la  parroisse  d'Alinges,  et  personne  ne 
leur  contredisoit  d'en  estre  encores  maintenant  ;  mays 
par  ce  que  Vostre  x\ltesse,  selon  son  saint  zèle,  a  gra- 
tiffié'^^  la  parroisse  d'Alinges  d'un'immunité  de  toutes 
charges  pour  quattre  ans  a  venir,  en  contemplation  de 


(c)  Vostre  Altesse  —  de  leur  en  assigner  une  portion,  et  elle  le  jugea 
raysonnable.  Mais  parce  que  je  n'eu  pas  le  tems  pour  en  solliciter  le  dé- 
pêche, la  chose  en  demeura-la.  Maintenant  je  sçai  fque  ces  aumosnes  la  ont 
esté  portées. ..J   qu'elles 

{d)  je  ne  —  lairray  pas  pour  cela  de  supplier  encores  V.  A.  de  commander 

(e)  <2  ces  pauvres  —  fqui  tous  sont  impuyssans,  vieux,  sinon  un  qui  ne  laysse 
pas  d'estr'indigent  et  que  je  desirerois  employer  a  un  service  public. ..J  et 
impuyssans  gens  vieux,  et  a  un  autre  qui,  estant  encores  jeune,  ne  laysse  pas 
d'estre  indigent 

(f)  a  —  voulu  gratiffier 


(  i)  Les  prieurés  de  Ripaille  et  de  Filly,  placés  tous  deux  sous  la  Règle  de 
Saint-Augustin,  comptaient,  l'un  quinze  religieux,  l'autre,  huit  seulement. 
Le  premier  avait  été  fondé  près  de  Thonon  (1410),  par  le  duc  de  Savoie 
Amédée  VIII  ;  le  second,  situé  entre  Thonon  et  Douvaine,  faisait  remonter 
son  origine  au  commencement  du  xi^  siècle.  Ils  avaient  été  pourvus  de  riches 
dotations,  mais  à  la  charge  de  faire  d'abondantes  largesses  aux  pauvres  des 
paroisses  environnantes.  Lors  de  l'occupation  bernoise,  les  envahisseurs  chas- 
sèrent les  moines  et  confisquèrent  toutes  leurs  possessions.  Néanmoins  ces 
nouveaux  maîtres  continuèrent  à  Ripaille  «  une  aumône  solennelle  qu'ils 
faisaient  trois  fois  la  semaine  pour  se  faire  aimer  du  peuple.  »  Les  bâtiments 
de  Filly  furent  convertis  en  hospice  destiné  à  héberger  les  mendiants. 

(  3  )  Mesure  de  capacité  qui  pour  le  froment  équivalait  à  douze  coupes  (voir 
ci-devant,  note  (i),  p.  247),  et  à  vingt-quatre  pour  les  céréales  de  moindre  valeur. 


Année  1597 


-?p 


leur  retour  a  l'Eglise  (g),  on  a  opposé  a  ces  petitz  vilages 
que  du  tems  de  l'occupation  des  Bernois  on  leur  com- 
manda d'aller  ailleurs  a  la  praeche.  Je  supplie  donques 
très  humblement  Vostre  Altesse  d'eslargir  plus  tost  sa 
libéralité  sur  ces  vilages  par  une  déclaration,  que  d'es- 
tressir(h)  ceste  première  parroisse  qu'on  a  dressé  en  ce 
pais  a  la  foy  catholique. 

Les  gens  du  consistoire  suprême  de  ce  balliage  taschent 
de  lever  a  monsieur  d'AvuUy  la  judicature  qu'il  (  i  )  y  tient 
de  Vostre  Altesse  ;  mays  puysque  ce  consistoire  n'est  que 
pour  la  correction  des  meurs  et  qu'il  n'en  est  faitte  aucune 
mention  au  traitté  de  Nion,  a  ce  que  j'ay  peu  apprendre, 
comm'on  ne  perd  pas  le  jugement  pour  se  faire  catho- 
lique, aussy  n'en  devroit  on  j  '  pas  perdre  la  judicature, 
spécialement  quand  elle  dépend  de  la  volonté  (^)  de 
Vostre  Altesse,  pour  la  santé  de  laquelle  je  ne  cesseray 
de  prier  Dieu  nostre  Seigneur,  comm'ayant  ce  bien  [de] 
me  pouvoir  et  devoir  dire, 

Monseigneur, 

De  Vostre  Altesse, 
Très  fidelle  et  très  humble  sujet  et  serviteur, 

François  De  Sales, 

indigne  Prévost  de  S'  Pierre  de  Genève  (  ^  ). 

A  Thonon,  le  12  mars  97. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  Turin,  Archives  de  l'Etat. 


(g)  l'Eglise —  Catholique 

(h)  d'aller — a  la  prseche  ailleurs  qu'Alinges.  Je  supplieray  très  humblement 
V.  A.  d'eslargir  plus  tost  sa  libéralité  sur  ces  petitz  vilages  que  d'accourcir 

(i)  de  ce  balliage  —  tascheroyent  volontiers  de  lever  la  judicature  que 
monsieur  d'Avully 

(j )  devra-on 

(k)  nomination 

{\)  je  —  prie  Dieu  en  tout'humilité,  comm'ayant  cest  honneur  d'estre , 
Monseig""... 


254  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

LXXXIX 

A    .■\10XSEIGXEUR   JULES-CÉSAR    RICCARDI 
ARCHEVÊQUE    DE    BARI.    XONXE    APOSTOLIQUE    A    TURIN 

(  INÉDITE  ) 

Installation  d'un  curé  à  Cervens.  —  Eloge  de  M.  de  Blonay. 

Thonon,    \6  mars   1597. 

Illustrissimo  et  Reverendissimo  Signore  mio 

osservandissimo, 

Credo  che  tutti  quelli  ai  quali  ho  dato  lettere  per  essere 
appresentate  a  V.  S.  111''"  fanno  a  gara  per  farmi  parère 
negligentissimo,  poichè  il  signor  cavaglier  Bergera  non 
è  ancora  partito  di  Chamberi,  per  quanto  mi  vien  detto, 
et  a  questo  gentilhuomo ,  il  quale  doveva  inviarsi  la 
settimana  passata,  fu  dato  tempo  di  far  questa  giunta 
aile  precedenti  mie. 

Sono  ritornato  hoggi,  quarta  Domenica  di  Quaresima, 
nella  parrochia  di  Cervens,  dove  quel  popolo  mi  ha 
consolato  con  queU'avida  et  attenta  audientia.  In  somma, 
quest' anime,  da  Tonone  in  poi,  ci  sonno  date  in  preda, 
et  mancano  solo  i  cacciatori.  Ho  coUocato  a  Cervens  un 
buon  sacerdote  il  quale,  al  principio  di  queste  guerre,  fu 
già  nominato  per  star  in   quella    parrochia    se  le  cose 


Mon  très  honoré,  Illustrissime  et  Révérendissime  Seigneur, 
Je  crois  que  tous  ceux  à  qui  j'ai  confié  des  lettres  pour  être  présentées 
à  Votre  Seigneurie  Illustrissime  rivalisent  entre  eux  pour  me  faire 
paraitre  très  négligent,  puisque,  d'après  ce  qu'on  me  dit,  M.  le  che- 
valier Bergera  n'est  pas  encore  parti  de  Chambéry,  et  on  laisse  assez 
de  temps  à  ce  gentilhomme  qui  devait  se  mettre  en  route  la  semaine 
dernière,  pour  me  permettre  d'ajouter  ceci  à  mes  lettres  précédentes. 
Je  suis  retourné  aujourd'hui,  quatrième  Dimanche  de  Carême, 
dans  la  paroisse  de  Cervens  où  ce  peuple  m'a  consolé  en  montrant 
tant  d'avidité  pour  la  parole  de  Dieu  et  tant  d'attention  à  l'écouter. 
En  somme,  si  l'on  en  excepte  Thonon,  les  âmes  nous  sont  partout 
offertes  comme  une  proie;  il  ne  manque  que  des  chasseurs.  J'ai  placé 
à  Cervens  un  bon  prêtre  qui,  au  commencement  de  ces  guerres,  avait 


Année  1597  255 

succedevano,  et  era  cognosciuto  da  una  gran  parte  degli 
habitantilO,  Ho  ricevuto  cento  fiorini  délie  pension!  et 
non  più,  dei  quali  parte  ne  ho  data  per  certe  provision! 
necessarie,  parte  ne  darù  a  quello  sacerdote  di  Cervens 
postdomani,  acciô  cominci  la  sua  residentia.  Hieri  si  diede 
un  cosî  grande  rumore  di  guerra,  che  questi  poveri  Ca- 
tholici  ne  sono  restati  tutti  sbigottiti.  Se  per  sorte  il  latore 
di  queste,  M.  di  Blonnay  (-',  havesse  bisogno  di  ricorrere 
al  favore  di  V.  S.  111'"'',  la  supplico  humilissimamente  di 
fargliene  gratia,  perché  egli  è  buon  catholico  et  zelante. 

Priegho  il  Signor  si  degni  conservare  V.  S.  111™^  ad 
honor  di  sua  divina  31aestà  et  beneficio  nostro,  et  io 
resto  per  sempre,  di  V.  S.  111'"^  et  R""", 

Devotissimo  et  humillissimo  servidore, 
Franc"  De  Sales, 
indegno  Prevosto  di  Geneva. 

Tonone,  alli  16  di  JMarzo  97. 

Revu  sur  une  copie  déclarée  authentique  de  l'Autographe  conservé 
à  la  cathédrale  de  Nardô  (Italie,  Fouille). 


déjà  été  nommé  pour  desservir  cette  paroisse  si  les  choses  réussissaient 
et  il  était  connu  d'une  grande  partie  des  habitants  (  i  ).  J'ai  reçu  cent 
florins  des  pensions  et  pas  davantage.  J'en  ai  donné  une  partie  pour 
certaines  provisions  nécessaires  ;  je  donnerai  l'autre  après-demain  à 
ce  prêtre  de  Cervens  afin  qu'il  commence  sa  résidence.  Hier  on  fit 
circuler  de  telles  rumeurs  de  guerre  que  ces  pauvres  Catholiques  en 
ont  été  tout  effrayés.  Si  par  hasard  le  porteur  des  présentes,  M.  de 
Blonay(2),  avait  besoin  de  recourir  à  votre  protection,  je  vous  supplie 
très  humblement  la  lui  accorder,  car  il  est  un  bon  et  zélé  catholique. 
Je  prie  le  Seigneur  de  conserver  Votre  Seigneurie  pour  la  gloire  de 
sa  divine  Majesté  et  pour  notre  avantage,  et  je  demeure  à  jamais, 
De  Votre  Seigneurie  Illustrissime  et  Révérendissime, 

Le  très  dévoué  et  très  humble  serviteur, 
François  de  Sales, 
indigne  Prévôt  de  Genève. 
Thonon,  le  16  mars  1597. 

(1  )  Bernard  Chevalier  avait  été  nommé  curé  de  Cervens  le  lo  janvier  1590. 
(î)  D'après  une  lettre  du  Nonce  de  Turin,  en  date  du  2  juin  1^97  (voir  à 
l'Appendice),  il  s'agit  de  Claude  de  Blonay,  coseigaeur  de  Saint-Paul; 


256  Lettres  de  saint  François  de  Sales 


XC 


AU    MEME 
(minute  inédite) 

Mesures  à  prendre  pour  pourvoir  à  la  subsistance  des  curés  du  Chablais.  — 
Voyage  du  chanoine  Louis  de  Sales  à  Genève. —  Désignation  des  PP.  Capu- 
cins et  Jésuites  dont  le  concours  serait  le  plus  utile  à  la  mission  ;  frais  que 
nécessiterait  leur  entretien. 

Thonon,  25  mats  1597. 

Illustrissimo  et  Reverendissimo  Signor  mio 
osservandissimo, 

Supplice  humilissimamente  V.  S.  111'"^  per  amor  di 
Dio  si  degni  perdonarme  se  cosî  spesso  non  haverà  rice- 
vute  lettere  da  me  (^),  perché  la  poca  commodità  che 
havemo  qui,  et  massime  io,  di  inviare  le  lettere  in  Cham- 
beri,  overo  in  Aousta,  ne  è  stata  la  causa  principale.  Et 
credo  che  tutti  quelli  alli  quali  io  do  le  mie  lettere  per 
farle  appresentare  a  V.  S.  lU""'  fanno  a  gara  per  farme 
parère  negligentissimo  ;  poichè  uno,  tre  giorni  fa,  me  ne 
mandô  una  che  già  molti  giorni  sono  haveva  tolto  per 
portar  in  Piemonte,  dicendo  che  egli  non  poteva  passar  ; 


Mon  très  honoré,  Illustrissime  et  Révérendissime  Seigneur, 
Je  supplie  très  humblement  pour  l'amour  de  Dieu  Votre  Seigneurie 
Illustrissime  de  daigner  me  pardonner  si  elle  n'a  pas  reçu  de  mes 
lettres  aussi  souvent  qu'EUe  le  souhaitait  ;  le  peu  de  facilité  que 
nous  avons  ici,  moi  surtout,  d'en  envoyer  à  Chambéry  ou  à  Aoste 
en  a  été  la  cause  principale.  Je  crois  que  tous  ceux  à  qui  je  confie 
mes  lettres  pour  être  présentées  à  Votre  Seigneurie  Illustrissime 
s'efforcent  à  l'envi  de  me  faire  paraître  très  négligent  ;  car,  il  y  a 
trois  jours,  l'un  d'entre  eux  m'en  renvoya  une  qu'il  avait  depuis 
quelque  temps  pour  la  porter  en  Piémont,  assurant  qu'il  ne  pouvait 

(  a  )  ricevute  —  da  me  risposte 


Année  1597  257 

et  il  cavaglier  Bergera,  quale  ne  ha  una  altra,  era 
ancora  fa  poco  in  Chamberi,  par  quanto  mi  vien  detto. 
Hieri  mi  capitô  nelle  mani,  per  huomo  mandate  espresso 
da  monsignor  Vicario  di  Geneva  (0,  quella  che  V.  S.  Ill"* 
mi  scrisse  alli  1 2  di  questo  mese,  insieme  con  l'altra  alli- 
gata  per  monsieur  d'AvuUi  et  la  copia  délia  lettera  del 
signor  Cardinale  di  Santa  Severina  (-). 

Monsieur  d'AvuUi  ha  ragione  dicendo  che  saranno 
necessarii  vintidue  curati  in  questo  Chiablais,  poichè  (per 
venir  al  particolar)  vi  sono  da  45  parrochie  (>).  Ma  perché 
io  no  so  chi  voglia  dar  tanta  intrata  necessaria  a  tante 
persone,  ho  sempre  havuto  opinione  che  basterebbero 
da  18  curati,  li  quali,  per  dire  quanto  io  credo,  devono 
havere  honorata  provisione  per  se  et  per  un  vicario  che 


passer  outre,  et,  d'après  ce  qui  m'a  été  dit,  le  chevalier  Bergera, 
qui  en  a  une  autre,  était  encore  naguère  à  Chambéry.  Hier  je  reçus, 
par  l'entremise  d'un  exprès  que  m'envo3^a  M.  le  Vicaire  de  Genève  (0, 
celle  que  Votre  Seigneurie  m'écrivit  le  12  de  ce  mois,  avec  une 
autre  pour  M.  d'Avully  et  la  copie  de  la  lettre  de  M.  le  Cardinal  de 
Santa-Severina  (  =  ), 

M.  d'Avully  a  raison  de  dire  que  vingt-deux  curés  seraient  néces- 
saires en  Chablais  puisque,  pour  en  venir  à  quelque  particularité, 
cette  province  comprend  environ  quarante-cinq  paroisses  (3).  Mais 
parce  que  je  ne  sais  qui  voudrait  fournir  les  revenus  nécessaires  à  tant 
de  personnes,  j'ai  toujours  été  d'avis  qu'environ  dix-huit  curés  suffi- 
raient. Pour  dire  ce  que  je  crois,  les  paroisses  étant  très  étendues, 
ils  doivent  avoir  une  pension  convenable,  suffisant  à  leur  entretien 

(  I  )  Le  vicaire  général  François  de  Chissé  (voir  note  (i),  p.  71). 

(2)  Jules-Antoine  Santorio,  né  à  Caserte  en  1533,  avait  été  élevé  au  siège 
archiépiscopal  de  Santa-Severina  en  1566,  et,  quatre  ans  plus  tard,  créé  car- 
dinal du  titre  de  Sainte-Barbe.  Dans  la  suite,  il  résigna  son  archevêché  et 
accepta  celui  de  Palestrina,  sans  laisser  néanmoins  d'être  toujours  connu  sous 
le  nom  de  Cardinal  de  Santa-Severina.  Ce  Prélat,  après  avoir  rempli  avec 
beaucoup  de  zèle  les  fonctions  de  grand  Inquisiteur,  mourut  à  Rome  en  1602. 

C'est  à  propos  de  la  conférence  projetée  entre  les  missionnaires  et  les 
ministres  que  le  Cardinal  écrivit  la  lettre  mentionnée  ici.  (Voir  à  l'Appendice 
celle  de  Mk""  Riccardi  du  12  mars  1597.) 

(  3  )  La  lettre  écrite  à  ce  sujet  par  M.  d'Avully  au  Nonce  de  Turin,  en  date 
du  8  février  1597,  a  paru  dans  le  tome  VI  (p.  351)  des  Mélanges  d'archéologie 
et  d'histoire  publiés  par  l'Ecole  française  de  Rome,  i886. 


Lettres  I 


>7 


258  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

potesse  aiutarli ,  già  che  le  parrochie  sariano  molto 
grandi,  et  acciô  possano  con  decentia  far  l'officio  loro  et 
no  pigiino  le  limosine  per  le  confessioni,  sépulture,  Xesse 
et  altre  cose  ;  chè  se  ben  questo  sarà  forse  lecito,  tutta- 
*  Cf.  I  Cor.,  VI,  II.  via  non  è  per  nessun  conto  espediente  *.  Se  vorranno  i 
Cavaglieri  lasciar  le  cure  et  beneficii  curati,  purchè  li 
particolari  che  ne  hanno  qui  facciano  il  medesimo  et  se 
ne  faccia  un  grosso  per  esser  diviso  in  parti  eguali,  da 
Tonone  in  poi  dove  deve  esser  un  essercitio  più  décente, 
crederei  che  questo  saria  un  buon  ordine.  3Ia  non  vorria 
che  i  Cavaglieri  havessero  il  jus  patronatus  sopra 
queste  cure,  chè  questo  sarebbe  rovinar  il  concorso,  et  col 
tempo  se  vederiano  nominationi  da  non  dire  ;  et  essi  non 
sonno  ne  fondatori,  ne  restauratori  de  queste  cure. 

Quanto  poi  aile  considerationi  fatte  in  Roma  sopra 
la  conferentia,  sono  veramente  degnissime,  et  io  ne  ho 
scritte  memorie  amplissime  di  quanto  me  ne  pare,  et  le 
ho  mandate  al  signor  Ludovico  de  Sales,  canonico  de 
Geneva,  persona  prattica,  zelante,  facunda  nel  predicare 
et  accortissima  nel  servitio  d"  Iddio,  il  quale  è  cosi  ben 


et  à  celui  d'un  vicaire  qui  les  seconde,  en  sorte  qu'ils  puissent  rem- 
plir leur  ministère  avec  bienséance,  et  qu'ils  n'aient  pas  à  exiger  des 
aumônes  pour  les  confessions,  sépultures,  Messes  et  autres  choses  ; 
car  si  cela  est  peut-être  licite,  toutefois  il  n'est  en  aucune  manière 
expédient.  Si  les  Chevaliers  consentaient  à  céder  les  cures  et  les 
bénéfices-cures,  et  si  les  particuliers  qui  en  détiennent  ici  faisaient 
de  même,  on  pourrait  les  réunir  en  un  lot  qu'on  diviserait  en  parties 
égales  entre  les  paroisses  rurales  ;  car  à  Thonon  l'exercice  du  culte 
demande  plus  de  solennité.  Je  crois  que  cet  arrangement  serait  avan- 
tageux ;  mais  je  ne  voudrais  pas  que  les  Chevaliers  eussent  le  droit 
de  patronage  sur  ces  cures  :  ce  serait  ruiner  le  concours,  et,  avec  le 
temps,  on  verrait  des  nominations  peu  avouables.  Du  reste,  ils  ne 
sont  ni  fondateurs  ni  restaurateurs  de  ces  cures. 

Quant  aux  considérations  faites  à  Rome  au  sujet  de  la  conférence, 
elles  sont  vraiment  très  sages  ;  j'ai  écrit  de  très  amples  mémoires 
sur  ce  qu'il  m'en  semble,  et  je  les  ai  envoyés  à  M.  Louis  de  Sales, 
chanoine  de  Genève,  homme  expérimenté,  zélé,  éloquent  dans  la 
prédication,  très  prudent  pour  ce  qui  regarde  le  service  de  Dieu  et 


Année  1597  259 

informato  dei  miei  pensieri  quanto  io  stesso  ;  et  fu  già 
mandato  fa  poco  in  Geneva,  dal  comune  consenso  di 
Monsignor  R!""  et  del  Padre  Cherubino,  per  scuoprir 
un  poco  meglio  questo  negotio,  et  vidde  una  gran  porta 
aperta  al  santissimo  Crocifisso  in  quella  terra,  purchè  sia 
portato  con  secrète  da  persone  pratiche  di  questi  humori, 
humili  et  patienti.  Bisogna  far  corne  facciamo  la  Setti- 
mana  Santa  :  scuoprir  una  corna  délia  Croce,  poi  Taltra 
piano  piano,  et  cosî  tutto,  et  gridar  dolcemente  :  Ecce 
lignum  Crucis,  venite  adoremus. 

Et  io  saria  vqlentieri  andato  sin  ad  Annessi  per  esser 
un  poco  consolato  con  3lonsignor  R™"  et  quelli  Padri 
benedetti,  poichè  io  son  qui  solo  corne  leproso  fuori 
deir  armata  ;  ma  un  poco  de  ressentimento  di  febre  che 
io  hebbi  questi  giorni  passati,  le  confession!  aile  quali 
per  forza  bisogna  che  io  attenda  et  le  altre  nécessita  di 
qua  mi  tengono  alligato  qui  sin  alla  Pasqua.  Dirô  in- 
genuamente  il  mio  parer  :  no  potrà  meglio  far  Sua 
Beatitudine  che  di  lasciar  in  questo  et  simili  negotii 
l'assoluta  libertà  et  authorità  fra  V.  S.  111"^  et  31onsi- 
gnor  R"",  perché  questa  guerra  devesi  fare  con  1"  occhio 


qui  connaît  mes  pensées  aussi  bien  que  moi-même.  Ayant  été  naguère 
mandé  à  Genève,  du  commun  consentement  de  M»""  notre  Evèque  et 
du  P.  Chérubin,  pour  approfondir  un  peu  mieux  cette  affaire,  il  vit 
en  cette  ville  une  grande  porte  ouverte  au  très  saint  Crucifix,  pourvu 
qu'il  y  soit  porté  secrètement  par  des  personnes  humbles,  patientes 
et  familiarisées  avec  les  mœurs  des  hérétiques.  11  faut  faire  comme 
nous  faisons  pendant  la  Semaine  Sainte  :  découvrir  un  bras  de  la 
Croix,  puis  l'autre,  et  ainsi  peu  à  peu,  la  Croix  tout  entière,  en 
chantant  doucement  :  Ecce  lignum  Crucis,  venite  adoremus. 

Je  serais  allé  volontiers  jusqu'à  Annecy  pour  me  consoler  un  peu 
avec  M'""  le  Révérendissime  et  ces  bons  Pères,  puisque  je  suis  seul  ici, 
comme  un  lépreux  hors  de  l'armée  ;  mais  un  petit  ressentiment  de 
fièvre  que  j'eus  ces  jours  passés,  les  confessions  que  je  dois  forcément 
entendre,  et  d'autres  devoirs  me  tiennent  lié  ici  jusqu'à  Pâques.  Je 
dirai  ingénuement  mon  avis  :  Sa  Sainteté  ne  pourrait  faire  mieux  que 
de  laisser  toute  autorité  et  liberté  d'action  en  cette  affaire  et  en 
d'autres  semblables  à  Votre  Seigneurie  et  à  M*»'  notre  Evêque,  puisque 


200  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

et  non  colF  orecchio,  perché  le  occasioni  si  appresentano 
bene  spesso,  et  passano  senza  ritornar  più  da  quelli  che 
non  le  pigliano.  Questo  sia  detto  da  me  con  humillissima 
obedientia.  È  tanto  ammalata  questa  provincia,  che  ogni 
minimo  accidente  che  sopravenga  impedisce  un  grande 
effetto. 

Ritornai  la  Domenica  quarta  a  Cervens  et  hebbi 
magior  audientia  che  la  prima.  lo  vi  lasciai  un  buon 
sacerdote  che  era  già  destinato  per  esser  curato  in  quella 
parrochia  al  principio  di  queste  guerre  se  le  cose  succe- 
devano,  et  era  già  conosciuto  da  molti  de  gl'habitatori. 
Heri  (sic)  mi  mandarono  [ad]  invitare  per  ritornare,  chè 
desideravano  farsi  Catholici  ;  ma  parte  la  mia  dappo- 
cagine,  parte  i  negotii  pure  spirituali  et  paschalitii  di 
questo  Tonone  [et]  d'Alinges,  mi  diedero  occasione  di 
prorogar  questo  bene  sino  al  dopo  Pasqua  che  haveremo 
aiuto  da  altri  predicatori. 

Li  Padri  Cappucini  li  quali  io  per  adesso  vorrei  che 
fossero  deputati  a  quest'opra,  sono  il  Padre  Cherubino  et 
il  Padre  Spirito,  dottissimi,  santissimi,  humilissimi,  et 


cette  guerre  doit  se  diriger  par  l'œil  et  non  par  l'oreille  ;  car  bien 
souvent  les  occasions  se  présentent  et  passent  sans  retour  pour  ceux 
qui  ne  savent  pas  les  saisir.  Ceci  soit  dit  de  ma  part  avec  une  très 
humble  obéissance.  Cette  province  est  tellement  malade  que  le 
moindre  accident  qui  surviendrait  empêcherait  un  grand  succès. 

Je  suis  retourné  le  quatrième  Dimanche  de  Carême  à  Cervens,  et 
j'ai  eu  un  auditoire  plus  nombreux  que  le  premier.  J'y  ai  laissé  un 
bon  prêtre,  qui  déjà  au  commencement  de  ces  guerres  avait  été 
désigné  pour  être  curé  de  cette  paroisse  si  les  affaires  réussissaient  ; 
il  était  déjà  connu  d'un  grand  nombre  d'habitants.  Hier  les  parois- 
siens me  firent  inviter  à  y  retourner  parce  qu'ils  désirent  se  faire 
catholiques  ;  mais  mon  insuffisance  d'une  part ,  et  de  l'autre  les 
affaires  spirituelles  et  les  confessions  pascales  de  Thonon  et  des  Al- 
linges  m'ont  contraint  de  différer  ce  bien  jusqu'après  Pâques,  où  nous 
serons  aidés  par  d'autres  prédicateurs. 

Les  Pères  Capucins  que,  pour  le  moment,  je  voudrais  voir  destinés 
à  cette  œuvre  sont  le  P.  Chérubin,  le  P,  Esprit,  l'un  et  l'autre  très 
doctes,  très  saints,  très   humbles  ;    tous  deux  prêchent  dans  ce 


Année  1597  261 

ambiduoi  predicano  nella  diocesilO;  li  Padri  Giesuiti, 
ilPadre  Giovan  Saunerio(  =  ),  dei  primi  che  habbiano  di 
qua,  et  un  altro  che  ha  predicato  questa  Quaresima  in 
Rumilly,  ma  no  me  sovienne  il  nome  (3).  Priegharô 
Monsignor  R'"°  che  lo  nomini.  Et  pur  no  mi  par  che  si 
debba  restringer  il  numéro  a  questi  soli,  ma  si  estendere 
ad  altri,  se  bisogno  ne  fosse  a  l'anime,  chè  in  questo  no 
vedo  che  vi  possa  esser  abuso  veruno.  Et  pertanto  si 
potria  observar  quest'ordine,  che  commandi  V.  S.  Iir" 
alli  Provinciali  [che]  essi  mandassero  secondo  le  occur- 
rentie,  chè  faremo  poi  venir  delli  secolari  quanti  più 
potremo. 

V.  S.  Iir''  mi  commanda  che  io  le  dica  la  spesa  che 
ci  potrebbe  andar  per  mantener  questi  Padri.  Dico  in 
verità  che  cento  scudi  per  huomo  sonno  necessarii,  perché 
bisognerà  che  habbino  un  compagno  per  uno,  et  quelli 


diocèse  (i).  Quant  aux  Pères  Jésuites,  je  voudrais  le  P.  Jean  Saunier  (=), 
un  des  premiers  qu'ils  aient  envoyés  ici,  et  un  autre  qui  a  prêché  ce 
Carême  à  Rumilly,  mais  dont  je  ne  me  rappelle  pas  le  nom  (3).  Je 
prierai  M»'  le  Révérendissime  de  le  demander.  Cependant  il  me  semble 
qu'on  ne  devrait  pas  se  limiter  à  ce  petit  nombre,  mais  l'augmenter 
d'autres  encore  si  les  âmes  en  avaient  besoin,  car  en  ceci  je  ne  vois 
pas  qu'il  puisse  y  avoir  aucun  abus.  Partant,  on  pourrait  procéder 
ainsi  :  Votre  Seigneurie  Illustrissime  donnerait  ordre  aux  Provinciaux 
d'envoyer  des  Religieux  selon  les  occasions  ;  nous  ferons  ensuite 
venir  autant  de  prêtres  séculiers  que  nous  pourrons. 

Votre  Seigneurie  m'ordonne  de  lui  dire  jusqu'où  montera  la  dé- 
pense pour  l'entretien  de  ces  Pères.  Je  dis  en  vérité  que  cent  écus  par 
tête  sont  nécessaires,  parce  qu'il  faudra  à  chacun  un  compagnon,  et 

(i)  Le  P.  Chérubin  prêchait  le  Carême  à  Annecy  (voir  note  (  i  ),  p.  236), 
et  le  P.  Esprit  le  prêchait  à  La  Roche. 

(a)  Le  P.  Jean  Saunier,  né  en  1543,  entra  dans  la  Compagnie  de  Jésus  à 
la  fin  de  l'année  1572.  Il  professa  douze  ans  les  basses  classes  avant  d'être 
employé  au  ministère  apostolique.  Le  zèle  qu'il  déployait  depuis  plus  de  deux 
ans  dans  l'évangélisation  des  b-nilliages  de  Ternier  et  de  Gaillard  inspira  à 
saint  François  de  Sales  le  désir  de  l'obtenir  pour  collaborateur  dans  la  mission 
du  Chablais.  Le  P.  Saunier  fut  ensuite  préfet  des  études  au  collège  de  Cham- 
béry  ;  il  mourut  à  Paris  le  9  octobre  1610. 

(3)  Probablement  le  P.  Alexandre  Hume  (voir  ci-après,  p.  304). 


202  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

che  non  saranno  Cappucini,  ancora  un  cavallo  per  tras- 
correre  di  luogho  in  luogho  ;  ma  le  cure  faranno  questa 
spesa  sin  tanto  che  siano  stabiliti  i  curati,  purchè  ci  sian 
lasciate.  No  sapria  dire  circa  questa  riduttione  più  par- 
ticolarmente  che  io  feci  nelle  memorie  lasciate  a  V.  S. 
lU"^  et  al  P.  Giulio  Coccapane  '^s  da  presentarsi  a  Sua 
Altezza. 

Una  sola  cosa  dirô  di  più  :  che  la  reformatione  di 
queste  badie  di  qua  importa  infinitamente  per  far  un 
buon  odor  da  per  tutta  la  vicinantia 

Air  111™°  et  R"^''  Sig''  mio  osservandissimo, 
Monsig''^  l'Arcivescovo  di  Bari, 

Nuntio  Apostolico  appresso  S.  A.  S. 

Revu  sur  une  copie  déclarée  authentique  de  l'Autographe  conservé 
à  la  cathédrale  de  Nardô  (Italie,  Fouille). 


à  ceux  qui  ne  sont  pas  Capucins  il  faut  encore  un  cheval  pour  aller 
d'un  lieu  à  un  autre  ;  mais  les  cures  fourniront  à  cette  dépense,  pourvu 
qu'elles  nous  soient  cédées,  jusqu'à  l'établissement  des  curés.  Je  ne 
saurais  sur  cette  réduction  rien  dire  de  plus  spécial  que  le  contenu 
des  mémoires  laissés  à  Votre  Seigneurie  Illustrissime  et  au  P.  Jules 
Coccapane  (O  pour  être  présentés  à  Son  Altesse. 

Je  n'ajouterai  qu'une  seule  chose  :  c'est  qu'il  importe  infiniment 
de  réformer  les  abbayes  de  ce  pays  pour  répandre  dans  tout  le  voisi- 
nage un  parfum  d'édification 

(  I  )  Le  Jésuite  Jules  Coccapane,  né  à  Carpi  en  I756,  d'une  famille  illustre, 
avait  prononcé  ses  grands  vœux  à  Milan  le  19  avril  1387.  Dix  ans  plus  tard, 
le  duc  de  Savoie  le  choisit  pour  confesseur,  et  lui  conserva  longtemps  cette 
charge  qui  mettait  le  P.  Coccapane  en  mesure  de  protéger  à  la  cour  les  inté- 
rêts de  la  religion.  Il  mourut  à  Turin  en  161 5. 


Année  1597  363 

XCI 

AU    DUC    DE    SAVOIE,    CHARLES-EMMANUEL   1^" 
(minute  inédite) 

Instances  pour  obtenir  quelques  libéralités  déjà  sollicitées 
en  faveur  de  nouveaux  Catholiques. 

Sales,  1 1  avril  1597. 
Monseigneur, 
Je  suppliay  nagueres  Vostre  Altesse  par  une  lettre*  * Epist. Lxxxvm. 
qu'il   luy   pleust    accorder   une  portion   de  cinq  ou  six 
muys  de  froment  des  aumosnes  de  Ripaille  et  de  Filly 
pour  le  soulagement  de  sept  ou  huit  vieux  bons  Catholi- 
ques, paiivres  et  indigens,  et  pour  un  qui  servist  a  Thonon 
au  clocher  pour  les  Catholiques.  Quand  j'eus  ce  bonheur 
d'approcher  Vostre  Altesse  l'année  passée  a  Turin  elle 
eut  aggreable  la  proposition  que  je  luy  en  fis,  et  main- 
tenant j'ay  prié  M.  de  Blonnay  de  la  luy  représenter. 
Plaise  donq  lautrefois  a  Vostre  Altesse  de  faire  ceste 
aumosne  a  ces  pauvres  gens,  puisque  c'est  d'un  bien  qui 
est  desja  destiné  aux  pauvres. 

Je  supplie  encor  Vostre  Altesse  pour  certains  petitz 
vilages  qui  estoyent  anciennement  de  la  parroisse  des 
Alinges  et  en  furent  distraitz  sous  les  Bernois,  lesquelz 
désirent  estre  reunis  a  leur  ancienne  église  et  y  faire 
l'exercice  catholique  ;  a  quoy  personne  ne  contrediroit,  si 
ce  n'estoit  que  Vostre  Altesse  a,  par  sa  libéralité,  exempté 
la  parroisse  des  Alinges  des  charges  et  subsides,  a  quoy 
ilz  auroyent  part  par  conséquent.  Plaise  donq  a  Vostre 
Altesse  estendre  plustost  sa  libéralité  sur  ces  petitz  vi- 
lages, qu'accourcir  la  première  parroisse  qui  s'est  faitte 
catholique  par  deçà. 

Ces  huguenotz  ont  intention  de  priver  monsieur  d'Avul- 
ly  de  la  judicature  du  suprême  consistoire  parce  qu'il  est 
catholique  ;  mais  puysque  cecy  ne  touche  en  rien  au 
traitté  de  Nion  et  qu'il  a  esté  institué  en  cest  office  par 


264  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

Vostre  Altesse,  je  cuyde  que  ce  soit  pour  l'honneur  de 
Dieu  et  de  Vostre  Altesse  qu'il  y  soit  expressément 
continué.  Le  ministre  qui  se  veut  catholiser  et  s'y  dispose 
de  plus  en  plus  fut  secouru  de  quelque  peu  de  bled  par 
monsieur  de  Lambert,  et  Vostre  Altesse  declaira  l'avoir 
aggreable  ;  mais  monsieur  de  Lambert  n'a  pas  osé  en 
tirer  conséquence  qu'il  failloit  continuer,  qui  me  faict 
encor  supplier  Vostre  Altesse  de  le  luy  faire  entendre. 
Ainsy  ne  cessé-je  de  demander  a  Vostre  x^ltesse,  ma5^s 
je  ne  cesse  aussi  de  demander  a  Dieu  qu'il  la  conserve 
longuement  en  très  parfaitte  santé,  puysquej'ay  l'hon- 
neur d'estre. 

De  Votre  Altesse, 

Très  humble  sujet. 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  les  deux  Procès  de  Canonisation. 


XCII 


A    MONSEIGNEUR   JULES-CESAR   RICCARDI 
ARCHEVÊQUE    DE   BARI,    NONCE    APOSTOLIQUE    A   TURIN 

Difficultés  que  présente  la  mission  du  Chablais. —  Intérêt  du  Pape  pour  cette 
œuvre.  —  Il  est  urgent  de  réformer  quelques  abbayes  de  la  contrée. 

Sales,  1 1  avril  1597. 

lUustrissimo  et  Reverendissimo  Signor  mio 
osservandissimo, 

Hebbi  hieri  quella  di  V.  S.  Iir^  scrittami  alli  4  di  Apri- 
le,  et  viddi  nella  alligata  (3)  copia  del  signor  Cardinale 


Mon  très  honoré,  Illustrissime  et  Révérendissime  Seigneur, 

J'ai  reçu  hier  votre  lettre  du  4  avril,  et  j'ai  vu  dans  la  copie  de 

celle  du    Cardinal  Aldobrandino  qui  s'y  trouvait  jointe  combien 

(a)  [Les  variantes  qui  suivent  sont  extraites  d'une  minute  insérée  dans  le 
I""  Procès  de  Canonisation.] 

di  Aprile,  —  con  infinita  mia  consolatione  di  vedermi  concesso  il  perdono 
délia  negligenza  passata,  o  vero  accettata  la  scusa  délia  retardatione.  Vedo  bene 
dair  alligata 


Année  1597  265 

Aldobrandino  quanto  Sua  Santità  habbia  a  caro  di 
haver  avvisi  (b)  délie  cose  di  qua.  Et  io  vorrei  poterne 
dar  ogni  giorno  délie  grate  et  vere  nuove,  ma  sin  adesso 
le  cose  sonno  andate  tanto  lentamente  et  con  tanta  ma- 
linconia  che  faceano  noya  alli  più  sani  et  saldi  stomachi. 
Ne  sin  adesso  ho  ricevuto  altro  per  li  curati  se  non  (<=) 
cento  fiorini  et  30  coppe  di  fromento,  corne  scrissi  a  V.  S. 
111'"'',  délie  quali  ne  darô  buon  et  fedel  conto,  acciô  sap- 
piano  i  Cavaglieri  che  la  nostra  povertà  no  ricerca  i  loro 
béni  per  farsi  ricca  o  gTassa.  Laudo  il  Signor  il  quai  ha 
dato  buona  intentione  a  Sua  Santità  di  restituir  le  cure 
al  servitio  d'Iddio  et  dell' anime,  come  viiol  il  dovere.  i^) 


Sa  Sainteté  a  pour  agréable  d'être  tenue  au  courant  de  nos  affaires. 
Je  voudrais  pouvoir  lui  en  donner  chaque  jour  de  vraies  et  réjouis- 
santes nouvelles;  mais  jusqu'ici  les  choses  sont  allées  si  lentement 
.  et  si  tristement  qu'elles  fatiguaient  les  estomacs  les  plus  sains  et  les 
plus  forts.  Comme  je  l'écrivais  à  Votre  Seigneurie  Illustrissime,  je 
n'ai  encore  reçu  pour  les  curés  que  cent  florins  et  trente  coupes  de 
froment,  dont  je  rendrai  bon  et  fidèle  compte  afin  que  les  Cheva- 
liers sachent  que  notre  pauvreté  ne  recherche  pas  leurs  biens  pour 
s'enrichir  et  devenir  opulente.  Je  loue  le  Seigneur  de  ce  qu'il  a  donné 
à  Sa  Sainteté  l'intention  de  rendre  au  service  de  Dieu  et  des  âmes 
les  revenus  des  cures,  ainsi  que  le  demande  la  justice. 

(b)  di  —  saper 

(c)  alli  più  sani  ei  —  ben  disposti  stomachi.  Hora  non  ho  ricevuto  altro  che 

(d)  i  Cavaglieri  che  —  se  bene  io  aJdomando  li  béni  loro,  non  é  per  farmene 
ricco  né  grasso.  Laudo  il  Sig'''^  Iddio  che  ha  dato,  per  quanto  vedo,  buona 
intentione  a  S.  A.  di  restituire  le  cure  al  servitio  dalle  anime,  conie  si  conve- 
niva,  accio  si  possa  un  poco  piu  liberamente,  assolutameate  et  lietamente 
inviare  questo  negotio.  Il  sig""  cavaglier  Bergera  mi  lascio  certe  assignation! 
appresso  questo  o  quel  altro  délia  terra  di  Tonone  ;  ma  essi  non  paghando, 
non  so  corne  sforzarli  et  farmeli  nemici,  poiche  devo  piuttosto  tirarli  a  volerme 
bene  per  poterli  far  Catholici.  —  (...  quoique  je  demande  leurs  biens,  ce  n'est 
pas  pour  m'enrichir  et  devenir  opulent.  Je  loue  le  Seigneur  notre  Dieu  de  ce 
qu'il  a  donné  à  Son  Altesse  l'intention  de  rendre  au  service  des  âmes  les  reve- 
nus des  cures,  ainsi  qu'il  était  convenable,  afin  que  nous  puissions  un  peu  plus 
librement,  absolument  et  joyeusement  acheminer  cette  affaire.  M.  le  chevalier 
Bergera  me  laissa  certaines  assignations  auprès  de  tel  et  tel  habitant  de  la  ville 
de  Thonon  ;  mais  comme  ils  ne  payent  pas,  je  ne  sais  par  quel  moyen  les  y 
obliger,  et  je  ne  veux  pas  m'en  faire  des  ennemis,  puisque  je  dois  plutôt  leur 
inspirer  de  la  bienveillance  à  mon  égard  pour  pouvoir  les  rendre  catholiques.) 


266  Lettres  de  saint  François  de  Sales  » 

*  Epist.  Lxxxvii.  Ho  scritto  *  a  V.  S.  111""  délia  giudicatura  del  consis- 

torio  di  Chiablais  quai  vogiiono  1^)  levar  a  monsieur 
d'Avully,  et  non  è  ragionevole.  Ne  scrivo  Taltra  volta 
a  Sua  Altezza  acciô  si  degni  farne  qualche  dichiaratione. 
No  voglio  mancar  di  raccommandargli  la  prebenda  so 
lita  a  pagharsi  al  P.  Predicator  di  Evian  sopra  la  badia 
deir  Abondanza,  con  incolcar,  anzi  gridar  nelle  viscère 

*  Philip.,  I,  8.         di  Christo  *,  che  si  faccia  o  la  riformatione  o  la  muta- 

tione  délie  badie  d'Aux  et  Abondanza  (  0  et  délie  altre 
ancora  di  qua  che  sonno  seminarii  de  scandali  (f). 

Monsieur  di  Blonnay,  lator  di  questa,  è  gentilhuomo 
meritevole  et  puô  fare  buoni  servitii  di  qua  ;  per  tanto, 
s'havesse  bisogno  di  ricorrer' al  favor  di  V.  S.  111'"''  in 


J'ai  écrit  à  Votre  Seigneurie  au  sujet  de  la  judicature  du  consistoire 
du  Chablais  que  l'on  veut  ôter  à  M.  d'Avully  ;  c'est  déraisonnable.  J'en 
écris  de  nouveau  à  Son  Altesse  afin  qu'elle  prononce  un  arrêt  à  cet 
égard.  Je  ne  veux  pas  manquer  de  vous  recommander  l'affaire  de  la 
prébende  d'Abondance  que  l'on  a  coutume  d'appliquer  au  P.  Pré- 
dicateur d'Evian.  Jamais  non  plus  je  ne  cesserai  de  presser,  voire 
même  de  crier  afin  d'obtenir  par  les  entrailles  de  Jésus-Christ,  que  l'on 
prenne  des  mesures  pour  la  réforme  ou  le  changement  des  Religieux 
des  abbayes  d'Aulps,  d'Abondance  (  r  ),  et  d'autres  encore  qui  sont 
en  cette  province  des  séminaires  de  scandales. 

M.  de  Blonay,  porteur  de  cette  lettre,  est  un  gentilhomme  de 
grand  mérite,  qui  peut  nous  rendre  bien  des  services.  Par  conséquent, 
s'il  avait  besoin  de  la  protection  de  Votre  Seigneurie  Illustrissime, 

(e)  del  consistorio  —  la  quale  vogiiono  quelli  di  Tonone 

(f)  0  la  mutaiione  —  di  quelli  Religiosi  d'Aux  et  dell' Abondanza. 


(  I  )  Ces  abbayes,  tombées  dans  un  si  déplorable  relâchement,  avaient  autre- 
fois répandu  un  admirable  éclat  de  sainteté  dans  tout  le  pays.  Celle  d'Aulps 
devait  son  existence  à  des  moines  de  Molesme,  envoyés  dans  ces  régions  par 
saint  Robert,  vers  la  fin  du  xi''  siècle.  Après  la  mort  de  Guy,  son  premier 
Abbé  ,  elle  avait  été  gouvernée  par  saint  Guérin,  l'ami  de  saint  Bernard.  Ce 
grand  Saint  lui-même  avait  visité  l'abbaye  d'Aulps,  ou  de  Notre-Dame  des 
Alpes,  et  adressé  plusieurs  lettres  aux  Religieux  qui  l'habitaient. 

L'abbaye  d'Abondance  se  glorifiait  d'avoir  eu  pour  fondateur  saint  Colom- 
ban,  qui  aurait  été  contraint  de  fuir  devant  la  fureur  des  barbares.  Dans  les 
dernières  années  du  xi'^  siècle,  des  Chanoines  réguliers  venus  d'Agaune  repri- 
rent l'œuvre  du  moine  irlandais,  et  placèrent  sous  la  Règle  de  saint  Augustin 
ce  monastère,  qui  eut  pour  troisième  Abbé  le  B.  Ponce  de  Faucigny  (1171). 


Année   1597  267 

qualche  suo  negotio,  la  vorrei  ben  preghar  di  farne 
gratia  et  a  luy  (sic)  et  a  me.  Son  sforzato  a  far  alta  per 
certi  giorni  per  venir  al  sinodo  et  altri  negotii,  et  per 
prevenire  una  malatia  délia  quale  sono  minacciato  ciè 
un  pezzo.  Ma  questo  sarà  poco ,  et  ritornarô  poi  alla 
tralasciata  impresa  con  più  impeto  (s). 

Fra  tanto  priegho  il  Signor  conservi  ad  utile  délia  sua 
Chiesa  V.  S.  111"'%  alla  quale  bascio  con  ogni  humiltà 
le  mani  reverendissime. 

Di  V.  S.  111'"^  et  R'"% 

Humilissimo  et  divotissimo  servitore, 
Franc"  De  Sales, 
indegno  Prevosto  di  Geneva  >). 
Di  Sales,  alli  11  di  Aprile  97. 

Air  111'"°  et  Rever"^°  Sig'"  mio  osservandissimo, 
Monsig'^  l'Arcivescovo  di  Bari, 

Nuntio  Apostolico  appresso  S.  A. 
Taurino. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  Rome,  Archives  du  Vatican. 


en  quelqu'une  de  ses  affaires,  je  vous  prierais  de  nous  en  accorder  la 
grâce  à  lui  et  à  moi.  J'ai  été  contraint  de  m'absenter  quelques  jours 
afin  d'assister  au  synode,  mettre  ordre  à  certaines  choses,  et  préve- 
nir une  maladie  dont  je  suis  menacé  depuis  longtemps.  Mais  cette 
absence  sera  courte  et  je  retournerai  ensuite  reprendre  avec  plus 
d'ardeur  mes  travaux  interrompus. 

En  attendant,  je  prie  le  Seigneur  de  vous  conserver  pour  l'utilité 
de  son  Eglise,  et  je  baise  en  toute  humilité  vos  mains  vénérées. 
De  Votre  Seigneurie  Illustrissime  et  Reverendissime, 

Le  très  humble  et  très  dévoué  serviteur, 
François  de  Sales, 
indigne  Prévôt  de  Genève. 
De  Sales,  le  11  avril  1597. 

(g)  Son  sfor^^ato  —  di  fare  alta  per  certi  giorni,  si  per  venire  al  sinodo  et 
veder  di  condurre  i  Padri  Cappucini  nel  Chablais,  si  per  prevenire  con  qualche 
rimedio  una  malatia  délia  quale  son  minacciato.  Ma  questo  sara  poco,  et 
ritornarô  poi  piu  gagliardamente  alla  tralasciata  impresa. 

(h)  il  Signor —  nostro  dia  a  V.  S.,  con  buona  sanita,  lungho,  vero  et  perfetto 
contento,  et  restaro  per  sempre,  di  V.  S.  111""»  et  R"'» 


268  Lettres  de  saint  François  de  Sales 


XCIII 

A    SA    SAINTETÉ    CLEMENT    VIII  (0 


Entrevue  avec  Théodore  de  Bèze;  endurcissement  de  ce  vieillard.  —  Tyrannie 
exercée  par  les  Genevois  sur  les  Catholiques.  —  Espoir  d'obtenir  la 
liberté  de  conscience  à  Genève  movennant  la  médiation  du  roi  de  France. 


Annecy,  21   avril   1597. 

Beatissime  Pater, 

Cum  anno  préeterito  de  Bezse(2\  primarii  inter  Calvi- 
nianos  haeretici ,  ad  Ecclesiam  Catholicam  reditu  ac 
conversione,  tum  Pater  Spiritus  Balmensis,  ex  Ordine 
Cappuccinorum  concionator,  tum  ego  ipse  quoque,  non 


Très  Saint  Père, 

L'année  dernière  le  P.  Esprit  de  Beaume,  prédicateur  de  l'Ordre 
des  Capucins,  et  moi-même,  persuadés  par  les  sérieuses  affirmations 
d'un  grand  nombre,  avions  commencé  à  bien  espérer  de  la  conver- 
sion de  Bèze  (  2  )  et  de  son  retour  à  l'Eglise  Catholique.  Pour  contribuer 


(i)  Clément  VIII  (  Hippolyte  Aldobrandino),  né  en  1535,  à  Fano,  d'une 
illustre  famille  vénitienne,  avait  étudié  d'abord  la  jurisprudence.  Il  devint 
auditeur  consistorial  à  Rome,  jdataire  sous  Sixte  V  (1383);  bientôt  après 
cardinal  et  légat  en  Pologne,  et  enfin  il  fut  élu  Pape  par  acclamation  (30  jan- 
vier 1595).  Clément  VIII  déploya  toujours  un  grand  zèle  pour  l'extirpation 
de  l'hérésie,  et  encouragea  par  plusieurs  Brefs  les  travaux  de  l'Apôtre  du 
Chablais.  En  1599  il  le  nomma  coadjuteur  de  l'Evêque  de  Genève  avec  future 
succession,  et  voulut  à  cette  occasion  le  soumettre  à  un  examen  public,  moins 
pour  s'assurer  de  son  savoir  que  pour  le  faire  briller  devant  le  Sacré  Collège. 
C'est  à  la  suite  de  cet  examen  que  Clément  VIII,  embrassant  le  jeune  Saint, 
lui  appliqua  ces  paroles  du  Livre  des  Proverbes  :  Bibe  aquam  de  cisterna  tua 
et  fluenta  putei  fui  ;  deriventiir  fontes  tui  foras,  et  in  plateis  aqitas  tuas  divide. 
Ce  Pontife  mourut  le  3  mars  1605. 

(a)  Théodore  de  Bèze,  qui  devait  être  une  des  colonnes  du  protestantisme, 
était  né  à  Vézelay,  en  Bourgogne  {1519).  Les  écarts  d'une  jeunesse  orageuse 
l'ayant  conduit  à  l'apostasie,  il  se  rendit  à  Genève  où  il  devint  l'auxiliaire 


Année  1597  269 

levibus  multorum  permoti  sermonibus ,  bene  sperare 
cœpissemus,  ne  in  re  tam  optata  aut  industria  nostra  aut 
adminicula  caetera  desiderarentur,  ita  inter  nos  convenit, 
uti  nimirum  ille  quidam,  qui  ad  Capitulum,  quod  vocant, 
générale  sui  Ordinis,  Romse  indictum,  properabat,  de  re 
tota  cum  Beatitudinis  Vestrse  clementia  coram  dissereret, 
peteretque  ne  redeunti  haeresiarchse  (si  videlicet  rumo- 
rem  sequatur  eventus)  Apostolica  desit  providentia.  3Iihi 
vero  ea  contigit  cura  ut,  quam  diligentissime  et  cautis- 
sime  fieri  queat,  intimos  Bezae  sensus,  aliqua  ut  fit  accepta 
occasione,  ipsiusmet  ore  detegerem  et  explicarem. 

Id  autem  ut  facerem,  varia  prœtexens  negotia,  saepius 
Genevam  ingressus,  nullus  unquam  mihi  ad  hominis 
quem  quaerebam  privata  ac  sécréta  colloquia  patuit 
aditus,  praeterquam  hoc  ultimo  tertio  Paschali  die,  cum 
et  solum  et  satis  primo  quidem  accessu  facilem  inveni  ; 
sed  tandem  aliquando  in  recessu,  postquam  extorquendae 


à  un  événement  si  désirable,  nous  ne  pouvions  épargner  notre  indus- 
trie ni  négliger  aucun  autre  moyen.  Comme  ce  Religieux  devait  se 
rendre  à  ce  qu'ils  appellent  le  Chapitre  général  de  leur  Ordre,  lequel 
se  tenait  à  Rome,  nous  avions  convenu  que,  pour  lui,  il  traiterait  de 
toute  cette  affaire  en  présence  de  Votre  clémente  Béatitude,  et  qu'il 
vous  prierait  de  ne  pas  refuser  (si  toutefois  ce  bruit  de  conversion  se 
réalisait)  votre  bienveillance  apostolique  à  cet  hérésiarque  rentrant 
au  bercail.  Quant  à  moi,  ma  mission  devait  être  de  profiter,  aussi 
prudemment  et  aussi  soigneusement  que  possible,  de  la  première 
occasion  pour  apprendre  de  la  bouche  même  de  Bèze  ses  sentiments 
intimes  et  m'expliquer  avec  lui. 

A  cette  fin,  prétextant  diverses  affaires,  je  suis  entré  fort  souvent 
à  Genève  ;  mais  je  n'ai  pu  trouver  ouverture  à  un  entretien  parti- 
culier et  secret  avec  l'homme  que  je  cherchais,  jusqu'à  la  troisième 
fête  de  Pâques.  J'ai  rencontré  Bèze  seul  et  d'un  accès  d'abord  assez 
facile.  Quand  enfin  je  me  retirai  après  avoir  tenté  tous  les  moyens  de 

infatigable,  puis  le  successeur  de  Calvin  (1564).  Il  figura  au  Colloque  de 
Poissy  à  la  tête  des  ministres  protestants,  souffla  le  feu  de  la  révolte  à  Paris 
et  dans  plusieurs  autres  villes  de  France,  et  revint  à  Genève  où  il  mourut 
le  13  octobre  1605.  Théodore  de  Bèze  contribua  beaucoup  au  mouvement  de 
renaissance  littéraire  en  France  :  il  a  laissé  un  grand  nombre  d'ouvrages. 


270  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

ab  eo  animi  sententiae  modos  omnes  tentassem,  omnem- 

que,  quoad  per  me  fieri  potuit,  lapidem  movissem,  la- 

*  Ezech.,  XI,  19  ;  pidcimi   deprehendi  cor  ejus  *  immotum  hactenus,  aut 

XXXVI,   20.  . 

sane  non  omnmo  probe  commotum,  inveteratum  scilicet 
*Dan.,  xin,  55.  dicrum  inalorum  *.  3Ieum  vero  de  illo  judicium,  quan- 
tum quidem  ex  ejus  verbis  conjicere  possum,  hoc  sane 
fuerit.  Si  paulo  frequentior  ac  tutior  ad  ejus  congressum 
accessus  pateret,  futurum  forsitan  ut  reduci  possit  ad 
caulas  Domini,  sed  in  homine  octogenario  periculum  est 
in  mora.  Qua  de  re  tota  Beatitudinem  Suam  monuisse 
debui.  ne  vel  negligens  videar  vel  minus  obsequens  au- 
ditor  mandatorum  quae  mihi  Clementiae  Suae  Litteris 
Apostolicis  et  Patris  Spiritus  voce  exposita  sunt. 

Verum,  quando  per  tantam  benignitatem  licet,  com- 
mittendum  non  existimo  quin  dicam  passim  finitimos 
undequaque  Genevensium  populos,  hactenus  haereticos, 
ballivagiorum  ut  loquuntur  de  Gex  et  Gaillara,  restitu- 
tionem  fidei  reique  Catholicœ  infimis  postulare  precibus, 
quo  deinceps  Catholice  vivere  queant;  atque  plurimorum 


lui  arracher  l'aveu  de  sa  pensée,  sans  avoir  laissé  une  pierre  à  remuer, 
je  trouvai  en  lui  un  cœur  de  pierre,  jusqu'ici  immobile,  ou,  du  moins, 
insuffisamment  remué  ;  c'est-à-dire,  un  vieillard  endurci,  plein  de 
jours  mauvais.  Autant  que  ses  paroles  me  permettent  de  le  juger, 
voici  quelle  serait  mon  appréciation  :  s'il  était  possible  de  l'aborder 
et  plus  fréquemment  et  avec  plus  de  sécurité,  peut-être  pourrait-on 
le  ramener  au  bercail  du  Seigneur  ;  mais  pour  un  octogénaire,  tout 
retard  est  périlleux.  J'ai  dû  mettre  Votre  Béatitude  au  courant  de 
toute  cette  affaire,  car  je  ne  voudrais  pas  passer  pour  négligent  ou 
peu  attentif  à  exécuter  les  ordres  qui  m'ont  été  transmis,  soit  par 
les  Lettres  Apostoliques  de  Votre  Clémence,  soit  par  la  bouche  du 
P.  Esprit. 

Et  puisque  votre  bonté  si  grande  m'y  autorise,  je  ne  veux  pas 
manquer  l'occasion  de  vous  dire  que  les  populations  hérétiques 
jusqu'ici,  qui  de  tous  côtés  environnent  Genève,  celles  des  pays 
qu'on  nomme  bailliages  de  Gex  et  de  Gaillard,  demandent  avec  les 
plus  humbles  prières,  le  rétablissement  de  la  foi  et  du  culte  catho- 
liques afin  de  pouvoir  vivre  en  catholiques.  J'ai  entendu  bon  nom- 
bre d'hommes  de  ces  pays  se  plaindre  chaque  jour  de  ce  qu'étant 


Année  1597  271 

inter  eos  quotidianam  audivi  quserimoniam  quod  Catho- 
lici  cum  sint,  ritu  tamen  Catholico  vivere  Reipublicse 
Genevensis  tirannide  prohibeantur,  cum  alioquin  ea 
Respublica  non  suo,  sed  Francorum  Régis  Christianis- 
simi  nomine  in  ejusmodi  populos  violentum  illud  exer- 
ceat  imperium  ;  neque  probabile  sit  ejus  tyrannidis  qua 
Catholicorum  conscientise  opprimantur  conscium  esse 
Regem ,  qui  nuperrime  tanta  contentione  Catholicam 
communionem  expetivit.  Quare  libenter  crediderim,  fore 
ut  si  a  Sede  Apostolica  iis  de  rébus  Rex  ipse  moneatur, 
longe  fœlicius  res  habeat  (0,  Quin  etiam  si  paulo  pres- 
sius  idem  ipse  Rex  a  Genevensi  Republica  contenderet 
ut  libertatem,  quam  vocant,  conscientise  in  civitate  ipsa 
admitteret,  non  omnino  improbabile  esset  rei  gerendae 
argumentum.  Atque  sane,  Beatissime  Pater,  in  rébus 
arduis  et  magni  momenti  etiam  periculum  fecisse  operae 
pretium  est.  Haec  ita  fusius  Beatitudini  Suae  exhibere 
suni  ausus,  quod  non  sim  nescius  quam  fidei  ac  disciplinée 


catholiques ,  ils  sont  empêchés  par  la  tyrannie  de  la  répubhque  de 
Genève  de  rempHr  leurs  devoirs  de  catholiques,  d'autant  plus  que 
cette  répubhque  opprime  ces  peuples  non  pas  en  son  nom,  mais  au 
nom  du  très  chrétien  roi  de  France.  Le  roi  connaît-il  cette  tyrannie 
que  l'on  fait  peser  sur  les  consciences  catholiques?  Ce  n'est  pas  pro- 
bable, puisque  tout  récemment  il  a  poursuivi  avec  tant  d'ardeur  sa 
réunion  à  l'Eglise  Catholique.  Je  croirais  volontiers  que  si  le  roi  lui- 
même  était  averti  par  le  Siège  Apostolique,  les  choses  se  passeraient 
tout  autrement  (i).  Et  d'ailleurs,  si  le  roi  faisait  quelques  efforts  plus 
pressants  afin  d'obtenir  que  la  république  de  Genève  accordât  dans 
cette  ville  même  ce  qu'ils  appellent  liberté  de  conscience,  il  ne  serait 
pas  tout  à  fait  improbable  qu'il  y  réussit.  Aussi  bien,  Très  Saint  Père, 
vaut-il  déjà  la  peine  d'avoir  tenté  un  essai  dans  les  choses  difficiles  et 
graves.  Si  j'ai  osé  présenter  à  Votre  Béatitude  ce  trop  long  exposé, 

(  I  )  En  regard  de  cette  phrase  on  lit  dans  l'Autographe  la  note  suivante, 
écrite  de  la  propre  main  de  Clément  VIII  :  Attendendum  quia  scribendum  in 
Gaîliam.  Il  fut  effectivement  donné  suite  à  cette  affaire,  car  dans  une  lettre 
du  31  mai  de  la  même  année  (Archives  du  Vatican,  Nnn^.  di  Francia,  vol.  44) 
le  Cardinal  Aldobrandino  chargeait  le  Nonce  de  Paris  de  faire  valoir  auprès 
de  Henri  IV  les  réclamations  du  «  Prévôt  de  Sales.  » 


272  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

Christianae  instaurandae  Clementia  Sua  libenter  animum 
adjiciat,  et  absentia  (quse  hujus  mortalitatis  est  conditio) 
non  nisi  per  praesentes  cognosci  possint. 

Beatitudinem  Tuam,  Sanctissime  Pater,  Christus  Op- 
timus  Maximus  Ecclesise  suœ  quam  diutissime  servet 
incolumem. 

Ad  pedum  oscula  demississime  provolutus, 
Sanctitatis  Suae, 

Humillimus  servus, 

Francs  De  Sales, 
Ecclesiae  Gebennensis  Praepositus  indignus. 
Necii  Gebennensium,  21  Aprilis,  anno  1597. 

A  Sua  Santità. 
Sanctissimo   Patri,    Clementi    octavo, 
Summo  Christianorum  Pontifici. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  Rome,  Archives  du  Vatican  (i). 


c'est  que  je  n'ignore  pas  quel  zèle  Sa  Clémence  apporte  à  restaurer 
la  discipline  chrétienne,  et  que,  dans  les  conditions  de  cette  vie 
mortelle,  on  ne  peut  apprendre  ce  qui  se  passe  au  loin  que  par  ceux 
qui  sont  présents. 

Très  Saint  Père,  que  le  Christ  très  bon  et  très  grand  conserve 
longuement  à  Votre  Béatitude  une  heureuse  vie  ! 

Prosterné  très  humblement  à  vos  pieds  que  je  baise,  je  suis, 
De  Votre  Sainteté, 

Le  très  humble  serviteur, 
François  de  Sales, 
indigne  Prévôt  de  l'Eglise  de  Genève. 
Annecy,  diocèse  de  Genève,  le  21  avril  1597- 

A  Sa  Sainteté. 
Au  Très  Saint  Père  Clément  VIIF, 

Souverain  Pontife  des  Chrétiens. 

(i)  Au  dos  de  la  lettre,  le  Pape  Clément  VIII  a  écrit  ces  mots  :  A  quesfo 
hisogna  rispondere  con  un  Brève.  Ce  Bref,  donné  le  29  mai  1597,  fut  reçu  par 
le  Saint  le  23  juin  suivant. 


Année  1597  273 


MINUTE    DE    LA    LETTRE    PRÉCÉDENTE 

Beatissime  Pater, 

Cum  anno  praeterito  de  Theodori  Bezae,  primarii  inter 
Calvinianos  hseretici,  ad  Ecclesiam  Catholicam  reditu  et 
conversione,  tum  Pater  Spiritus  Balmensis,  ex  Ordine 
Cappuccinorum,  insignis  et  probitate  et  doctrina  concio- 
nator,  tum  etiam  ego  ipse,  multorum  non  levibus  permoti 
sermonibus,  bene  sperare  cœpissemus,  ne  in  re  tam 
desideranda  aut  industria  nostra  aut  adminicula  caetera 
desiderarentur,  ita  inter  nos  conventum  fuit,  uti  scilicet 
ille  quidem,  qui  per  ea  tempora  ad  Capitulum,  quod  vo- 
cant,  générale  sui  Ordinis,  Romse  indictum,  properabat, 
de  re  tota  coram  Beatitudine  Tua  dissereret,  peteretque 
ne  (si  rumorem  sequatur  eventus)  redeunti  haeresiarchse 
Apostolica  providentia  desit.  Mihi  vero  ea  contigit  cura 
uti,  quam  diligentissime  et  cautissime  fieri  queat,  intimos 
Bezse  sensus,  aliqua  accepta  ut  fit  occasione  commoda, 
ipsiusmet  ore  detegerem  ac  explicarem. 

Id  autem  ut  facerem,  varia  praetexens  negotia,  saepius 
Genevam  eam  ob  causam  ingressus  sum  ;  sed  nullus  mihi 
patuit  aditus   ad    hominis   quem   quaerebam    privata   et 
sécréta  colloquia,  praeterquam  hoc  ultimo  tertio  Paschatis 
die,  cum  et  solum  et  satis  primo  accessu  facilem  inveni  ; 
sed  tandem  aliquando,  postquam  extorquendae  illius  ani- 
mi  sententiae  gratia,  omnem,  quoad  per  me  fieri  potuit, 
movissem  lapidem,  lapideum  tamen  ror  ejus  *  immotum   '  Ezech.,  xi,  19  ; 
adhuc,    aut    sane   non   omnino    conversum   deprehendi ,         ^'-• 
inveteratum  scilicet  dierum  malorum  *.  Qua  de  re  tota  *  Dan.,  xm,  53. 
BeatitudinemTuam  monuissedebui,nevel  minus  diligens 
videar,  vel  minus  obediens  mandatis  quae  mihi  Sanctitatis 
Tuae  Litteris  et  Patris  Spiritus  sermone  sunt  exposita. 

Meum  vero  de  homine  illo  judicium  est,  si  paulo  fre- 
quentior,  tutior  ac  commodior  ad  ejus  colloquia  pateret 
accessus,  forsitan  fore  ut  reducatur  ad  caulas  Domini  ;  sed 
praecipue  si,  quod  speramus,  Beatitudine  Tua  annuente, 

Lettres  I  i8 


274  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

Genevse  instituatur  cum  ministris  disputatio.  Atque  qui- 
dem,  Beatissime  Pater,  in  rébus  arduis  et  magni  momenti 
etiam  periculum  fecisse  opérée  pretium  est. 

Verum ,  quando  per  Beatitudinis  Tuae  clementiam 
licet,  committendum  non  duxi  quin  eam  certiorem  fa- 
ciam,  undequaque  passim  finitimos  Genevensium  popu- 
los, hactenus  in  haeresim  abductos,  ditionum  Gexensis 
et  Galliardensis,  ritusque  et  rei  Catholicse  restitutionem 
demississime  postulare,  quo  deinceps  Catholicam  vitam 
agere  queant  ;  atque  quotidianam  plurimorum  inter  eos 
audiri  querimoniam,  qui,  Catholici  cum  sint,  Genevensis 
Reipublicae  tyrannide  prohibeantur  ritu  Catholico  vi- 
vere  :  cum  alioquin  Genevenses,  non  suo  sed  Christia- 
nissimi  Francorum  Régis  nomine,  in  ejusmodi  populos 
imperium  ac  vim  exerceant  ;  neque  probabile  sit  ejus 
tyrannidis  qua  conscientiae  Catholicorum  opprimantur 
conscium  esse  Regem,  qui  tanta  contentione  Catholicam 
communionem  nuper  obtinuit.  Quare  credibile  admodum 
est ,  si  a  Beatitudine  Tua  his  de  rébus  Rex  ipse  admo- 
neatur,  fore  uti  quamprimum  longe  certius  res  habeat. 
Quin  etiam,  si  paulo  pressius  idem  ipse  Rex  a  Genevensi 
Republica  contenderet  ut  libertas,  quam  vocant,  con- 
scientiae intra  civitatis  ipsius  Genevensis  mœnia  permit- 
tatur,  sperandum  esset  rem  eam,  qua  vix  alia  magis  hisce 
temporibus  optanda  occurrit,  fœlicem  habituram  even- 
tum,  Hsec  ita,  Beatissime  Pater,  fusius  explicare  sum 
ausus ,  quod  non  sim  nescius  quam  fidei  ac  disciplinas 
Christianae  instaurandae  Clementia  Tua  libenter  incum- 
bat,  et  absentia  nonnisi  per  prœsentes  possit  cognoscere. 

Sanctitatem  Tuam,  Pater  Beatissime,  Christus  Optimus 
Maximus  incolumem  diutissime  conservet. 

Ad  pedum  oscula  démisse  provolutus, 
Beatitudinis  Suae, 

Humillimus  servulus, 
Franciscus. 

Necii  AUobrogum. 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  le  P'  Procès  de  Canonisation. 


Année  1597  275 


/      XCIV 

A   MONSEIGNEUR   JULES-CÉSAR   RICCARDI 
ARCHEVÊQUE    DE    BARI,    NONCE   APOSTOLIQUE   A   TURIN 

Heureux  résultats  que  promet  la  cooférence  projetée  avec  les  hérétiques.  — 
Lettre  du  Saint  au  Pape.  —  Pression  qu'exercent  les  Genevois  sur  les 
Catholiques  de  Gex  et  de  Gaillard.  —  Etat  des  affaires  du  Chablais. 

Annecy^  23  avril   1597. 

lUustrissimo  et  Reverendissimo  Signor  mio 
osservandissimo, 

Essendoci  ritrovati  insieme  questi  giorni  passati  il 
Padre  Cherubino,  il  Padre  Spirito  et  io,  et  conferendo 
di  quelle  cose  particolari  che  sonne  seguite  nei  luoghi 
dove  habbiam  predicato  questa  Quaresima,  (a)  si  vede  che 
la  conferentia  per  laquale  si  aspetta  la  licentia  da  Roma 
sarà,  mediante  la  gratia  del  Signor,  una  cosa  molto  frut- 
tuosa,  et  la  premevano  molto  questa  Quaresima  quelli  di 
Geneva.  Ma  non  patendo  cavar  da'  nostri  certa  risposta, 
la  quale  non  si  poteva  dar,  mi  par  di  vederli  un  poco  riti- 
rati  sopr' il  freddo.  Basta  :  che  se  si  farà,  sarà  fruttuosa; 


Mon  très  honoré,  Illustrissime  et  Révérendissime  Seigneur, 
Nous  étant  retrouvés  ensemble  ces  jours  passés,  le  P.  Chérubin,  le 
P.  Esprit  et  moi,  et  conférant  des  incidents  particuliers  qui  sont 
arrivés  dans  les  localités  ou  nous  avons  prêché  le  Carême,  nous 
avons  jugé  que  la  conférence  pour  laquelle  on  attend  l'autorisation 
de  Rome  sera,  moyennant  la  grâce  de  Dieu,  une  chose  très  fruc- 
tueuse. Ceux  de  Genève  poursuivaient  fort  pendant  ce  Carême  pour 
qu'elle  se  fit  ;  mais  ne  pouvant  tirer  des  nôtres  une  réponse  précise, 
que  nous  n'étions  pas  à  même  de  donner,  il  me  semble  qu'ils  se  sont 
un  peu  refroidis.  N'importe  :  si  elle  a  lieu,  elle  sera  fructueuse,  et 

(a)  [Les  variantes  de  cette  lettre  et  des  trois  suivantes  sont  extraites  de 
minutes  insérées  dans  le  P""  Procès  de  Canonisation.] 

si  vede  la  conferentia  con  quelli  di  Geneva  dover  esser  molto  fruttuosa, 
se  perô  la  licentia  ne  sara  data  da  superiori.  Et  la  premevano  al  principio; 
ma  non  havendone  havuta  certa  risposta  da  nostri,  che  aspettavano  l'ordine 


276  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

se  non  si  farà  per  mancamento  loro,  sarà  cosa  gloriosa 
per  la  causa  catholica.  Una  cosa  è  successa  che  me 
ne  rincresce  i^)  incredibilmente,  et  è  che  la  cosa  è  stata 
divolgata  con  gran  rumore  dalla  corte  nostra,  la  quale  è 
tanto  sécréta  che  bastaria  a  rivelar  li  misteriosi  secreti 
délia  Apocalisse  ;  et  habbiam  a  trattar  con  animali  che 
ogni  piccol  rumore  hanno  in  (•=)  sospetto. 

Scrivo  a  Sua  Santità  per  (d)  quel  particolar  che  vederà 
V.  S.  lU""^,  poichè  per  questo  le  mando  la  lettera  col 
sigillo  volante  ;  et  havendola  letta,  si  degni  di  chiuderla 
acciô  nessun'altro  la  veda,  perché  egli  è  cosa  importan- 
tissima  per  me  che  no  si  sappia  donde  vengono  questi 
avisi  (s).  3la  V.  S.  111™*  si  farà  un  gran  merito(^)  se 
incolcarà  molto  bene  a  Sua  Santità  quel  particolar  di 
Gex  et  Gaillard,  chè  in  vero  la  cosa  è  vituperosissima  che 


si  c'est  par  leur  faute  qu'elle  ne  se  fait  pas,  ce  sera  glorieux  pour  la 
cause  catholique.  Ce  que  je  regrette  incroyablement,  c'est  que  cette 
affaire  ait  été  divulguée  à  grand  bruit  par  notre  cour,  qui  est  si 
discrète  qu'elle  suffirait  à  révéler  les  mystérieux  secrets  de  l'Apoca- 
lypse; et  nous  avons  à  traiter  avec  des  animaux  auxquels  le  moindre 
bruit  est  suspect. 

J'écris  à  Sa  Sainteté  sur  le  sujet  que  Votre  Seigneurie  verra  ;  je 
vous  envoie  à  cet  effet  la  lettre  sous  cachet  volant,  en  vous  priant 
de  la  fermer  aussitôt  après  l'avoir  lue,  afin  que  personne  autre  ne  la 
voie,  parce  qu'il  est  très  important  pour  moi  que  l'on  ne  sache  pas  d'où 
viennent  les  avis  qu'elle  contient.  Mais  Votre  Seigneurie  acquerra  un 
grand  mérite  en  sollicitant  fortement  auprès  de  Sa  Sainteté  l'affaire 
de  Gex  et  de  Gaillard  ;  car  à  la  vérité  c'est  une  chose  honteuse  que 

di  Roiiia,  rai  pare  che  si  siano  un  poco  affreddati.  Basta  :  che  se  la  ricuseranno, 
in  caso  che  si  possa  far,  non  sara  piccolo  argumente  contra  di  loro.  Una  cosa 
[Reprendre  au  texte,  lig.  2.] 

(b)  che  —  mi  dispiace 

(c)  divolgata  —  dalla  corte  nostra,  la  quale  é  tanto  sécréta;  et  adesso  il 
rumor  se  ne  fa  tanto  grande  che  bastaria  a  far  serrar  le  porte  a  Genevrini  che 
ogni  cosa  hanno  per 

(d)  a  Sua  —  Beatitudine  sopra 

(e)  et  —  la  pregho  humilissimamente  che  havendola  letta  la  chiuda  et 
sigilli,  accio  nessun  altro  la  veda  che  sua  stessa  Santità,  perche  se  la  cosa  si 
sapesse  non  potria  poi  esser  sicuro  apprcsso  [i]  Genevrini. 

(  f  )  merito  —  appresso  Chrislo  Signor  nostro 


Année  1597  277 

[i]  Genevrini  occupando  quelli  luoghi  a  nome  del  Re  di 
Francia,  sforsino  li  Catholici  a  viver  malamente  ;  et  non 
è  dubbio  che  il  Re  sapendolo,  darà  ordine  che  si  usi  (g) 
almanco  libertà  di  conscientia  o  V  Intérim  ('',  che  vo- 
gliono  dire. 

Cosî  foss'inspirato  detto  Re  di  addomandare  Tistessa 
libertà  nella  città  medesima  (^)  di  Geneva,  che  forse  non 
saria  cosa  impossibile  da  ottenersi,  purchè  si  trattasse(i) 
un  poco  vivamente.  Anzi  questi  giorni  passati  essendosi 
dato  questo  rumor  in  Geneva,  no  so  da  che  banda  ne 
con  quai  fondamento,  si  sentivano  già  molti  dispareri 
de'cittadini.  Certo,  in  queste  cose  tanto  grandi,  egli  è 
molto  meglio  il  tentare  et  sperar  molto  (j  ),  in  caso  che  il 
fallar  no  possa  recar  gran  danno,  che  per  troppa  discre- 
tione  perdere  l'occasioni  del  bene(k). 


les  Genevois,  occupant  ces  pays  au  nom  du  roi  de  France,  contrai- 
gnent les  Catholiques  à  mal  vivre.  Lorsque  le  roi  le  saura,  il  donnera 
sans  doute  ordre  de  les  laisser  jouir  au  moins  de  la  liberté  de 
conscience  ou  de  Y  Intérim  (O,  comme  ils  l'appellent. 

Plût  à  Dieu  qu'il  eût  aussi  l'inspiration  de  demander  la  même 
liberté  pour  la  ville  de  Genève,  ce  que  peut-être  il  ne  serait  pas  im- 
possible d'obtenir  en  traitant  l'affaire  un  peu  énergiquement.  Ces 
jours  passés  le  bruit  s'en  étant  répandu  à  Genève,  je  ne  sais  de  quel 
côté  ni  sur  quel  fondement,  on  voyait  déjà  de  nombreux  dissenti- 
ments surgir  entre  les  citoyens.  Certes,  dans  ces  choses  si  impor- 
tantes, il  vaut  mieux  tenter  et  espérer  beaucoup,  lorsque  l'échec  ne 
peut  apporter  grand  dommage,  que  de  perdre  par  trop  de  discrétion 
les  occasions  de  faire  le  bien. 

(g)  a  viver  malamente  —  et  prohibiscano  1' essercitio  catholico  ;  et  non  è 
dubbio  che  se  il  Re  lo  sapesse,  daria  ordine  che  si  usasse 

(h)  Cosi  piacesse  [a]  Dio  che  l'istesso  Re  domandasse  che  detta  libertà  fosse 
concessa  dentro  l'istessa  città 

(  i  )  purchè  —  la  cosa  si  trattasse  dal  Re 

(j  )  de'cittadini.  —  In  somma,  in  queste  cose  tanto  importanti,  egli  è  molto 
meglio  il  sperar  molto  et  tentare 

(k)  Toccasioni —  di  ben  fare. 


(i)  Vlntérim  était  un  formulaire  en  vingt-six  articles,  rédigé  par  ordre  de 
Charles-Quint  (1541-1548),  sur  les  matières  controversées  entre  les  Catholi- 
ques et  les  Luthériens.  Il  ne  devait  faire  autorité  qu'en  attendant  les  décisions 
d'un  Concile  général. 


278  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

Quanto  poi  al  nostro  Chiablais,  vado  un  poco  trattenuto 
sin  tanto  che  sia  saldata  questa  tregua  laquale,  per 
quanto  mi  vien  detto,  si  traita,  et  (i)  in  questo  principio 
di  Maggio  spero  di  condurvi  et  Padri  Cappucini  et  altri  i^'^) 
necessarii  quanto  più  potrô  ;  et  se  si  darà  tranquillità  et 
modo  di  poter  continuare,  credo  che  il  Signore  ne  sarà 
servito.  Queste  feste  i  nuovi  Cattholici  mi  hanno  straccato 
col  le  loro  confessioni  generali ,  ma  con  incredibil  mia 
consolatione  di  vederli  molto  divoti,  con  monsieur  di 
Avulli  in  capo,  il  quai  non  ha  tralasciato  un  sol  punto 
di  buon  essempio.  Laudato  ne  sia  il  Signor  Iddio. 

Glie  rimetterô  di  nuovo  nella  memoria,  con  confidentia 
nella  bontà  sua,  le  riforme  délie  badie  di  qua  di  monti, 
et  particolarmente  di  Aux  et  Abondantia,  et  la  provisione 
per  il  Padre  Predicator  di  Eviano,  acciô  glie  sia  paghata 
essattamente  la  prsebenda  solita. 

Priegho  poi  il  Signor  Iddio  dia  ogni  vero  contento  a 
V.  S.  111""'  et  R™^,  conservandola  lungamente  a  beneficio 


Quant  à  notre  Chablais,  je  suis  un  peu  arrêté  jusqu'à  la  conclu- 
sion de  la  trêve,  qui,  me  dit-on,  se  négocie  maintenant.  J'espère  y 
conduire,  au  commencement  du  mois  de  mai,  les  PP.  Capucins  et 
les  autres  prêtres  nécessaires  en  plus  grand  nombre  possible  ;  et  si 
on  nous  procure  la  paix  et  le  moyen  de  continuer,  je  crois  que  le 
Seigneur  en  sera  bien  servi.  Ces  fêtes  ,  les  nouveaux  Catholiques 
m'ont  lassé  par  leurs  confessions  générales;  mais  j'ai  éprouvé  une 
immense  consolation  de  les  voir  si  pieux,  M.  d'Avully  à  leur  tête, 
lequel  n'a  pas  manqué  une  seule  occasion  de  donner  le  bon  exemple. 
Que  le  Seigneur  notre  Dieu  en  soit  loué  ! 

Me  confiant  en  votre  bonté,  je  vous  remémorierai  la  réforme  des 
abbayes  de  cette  contrée,  particulièrement  de  celles  d'Aulps  et 
d'Abondance,  ainsi  que  la  provision  pour  le  P.  Prédicateur  d'Evian, 
afin  qu'on  lui  paie  exactement  la  prébende  accoutumée. 

Je  prie  le  Seigneur  notre  Dieu  de  donner  à  Votre  Seigneurie  tout 

(  1  )  poi 

(m)  necessarii  all'opra;  et  se  si  dara  modo  di  poter  continuar,  et  la  pace, 
spero  che  il  Signore  ne  sara  servito,  il  qualc  supplico  dia  ogni  vero  contento 
a  V.  S.  111'"",  conservandola  lungamente  sana,  a  beneficio  et  consolatione  di 
queste  afflitte  chiese.  Et  cosi  sono,  di  V.  S.  111'"" 


Année  1597  279 

et  consolatione  di  quest'afflitte  chiesuole  ;  et  cosî  resto 
perpetuamente, 

Di  V.  S.  111'"^  et  R'"% 

Humilissimo  et  devotissimo  servitore, 
Franc  De  Sales, 
Prevosto  indegno  di  Geneva. 

Air  111"""  et  R"^'^  Sig'"  mio  osservandissimo, 
Monsig""  l'Arcivescovo  di  Bari, 

Nuntio  Apostolico  appresso  S.  A.  S. 
Turino. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  Rome,  Archives  du  Vatican. 


vrai  contentement  et  de  la  conserver  longtemps  pour  le  bien  et  la 
consolation  de  ces  petites  églises  si  affligées,  et  je  demeure  à  jamais. 
De  Votre  Seigneurie  Illustrissime  et  Révérendissime, 

Le  très  humble  et  très  dévoué  serviteur, 
François  de  Sales, 
indigne  Prévôt  de  Genève. 


xcv 


AU   DUC   DE   SAVOIE,    CHARLES-EMMANUEL   I^'' 
(inédite) 

Le  curé  de  Saint-Julien  est  contraint  de  se  retirer.  —  Requête  des  habitants 
de  Bernex.  —  Incident  survenu  entre  le  P.  Esprit  et  le  ministre  protestant. 
—  Combien  il  est  désirable  que  le  duc  signifie  aux  Thononais  le  désir  qu'il 
a  de  leur  conversion. 

Thonon,  27  mai   1597. 
Monseigneur, 

Ce  pendant  que  j'attens  plusieurs  grâces  de  la  libéra- 
lité (3)  de  Vostre  Altesse,  desquelles  je  l'ay  suppliée  ci 
devant,  les  occasions  me  naissent  tous  les  jours  de  luy  en 
demander  des  autres  (^\  On  avoit  establi  un  curé  a  Saint 


(a)  bonté 

(b  )  occasions  —  de  luy  en  demander  des  nouvelles  me  naissent  tous  les  jours. 


28o  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

Jullin  près  Genève  (i),  qui  jusques  a  prœsent  a  fort  bien 
fait  son  devoir,  selon  le  tesmoignage  de  plusieurs  gens 
de  bien  ;  le  peuple  tout  autour  en  estoit  fort  consolé. 
Maintenant,  Monseigneur,  le  voyla  (^)  contraint  d'abban- 
donner  pour  n'avoir  dequoy  vivre  ;  et  néanmoins  la  cure, 
qui  est  en  commande  a  messieurs  de  Saint  Lazare,  est  de 
fort  bon  revenu.  Cecy  n'est  pas  un  petit  scandale.  Ceux 
de  Bernex,  qui  sont  une  liëue  près  de  Genève,  au  balliage 
de  Ternier,  m'ont  addressé  une  requeste  pour  avoir 
l'exercice  catholique,  comme  si  j'avois  ou  le  moyen  ou 
l'authorité  de  ce  faire.  Je  représente  volontiers  (^)  toutes 
ces  nécessités  a  Vostre  Altesse  delaquelle  seule  en 
dépend  (^)  le  remède. 

Aussy  ne  dois  je  pas  oublier  la  nécessité  du  lieu  ou 
je  suis.  Le  P.  Esprit,  docte  et  signalé  praedicateur  Cappu- 
cin,  estant  icy  ces  festes  (f),  ou  il  a  apporté  très  grande 
consolation  a  tous  les  gens  de  bien,  et  a  luy  mesme  esté 
consolé  d'y  en  voir  plus  qu'il  ne  pensoit,  voyant  que 
ceux  de  la  ville  s'opiniastroyent  si  fort  a  ne  point  ouyr 
les  praedicateurs  catholiques ,  voulut  vendredy  dernier 
remonstrer  publiquement,  mais  gratieusement,  au  minis- 
tre (2)  la  fauseté  de  sa  doctrine.  Sur  quoy  les  bourgeois 
dirent  que  Son  Altesse  ne  vouloit  pas  quilz  traittassent 
avec  nous.  Je  repliquay  qu'au  contraire  Son  Altesse  l'au- 
roit  très  aggreable.  Hz  respondirent  que  Vostre  Altesse 
ne  leur  en  avoit  donné  d'advis,  et  que  quand  il  l'auroit 
fait  ce  seroit  autre  chose,  et  qu'au  reste  ilz  ne  m'en 
croyoient  pas.   Mays  un  bourgeois  plus  impatient  vint 


[c)  Jusques  a  prctsent  a  —  rendu  fort  bon  devoir  en  sa  charge,  ainsy  que 
j'ay  appris  de  plusieurs  personnes  dignes  de  foy;  le  peuple  d'autour  en  avoit 
receu  un  grand  prouffit.  Maintenant  il  est 

(  d)  comme  si  —  j'en  avois  ou  le  pouvoir  ou  l'authorité.  Je  représente 

(e)  delaquelle  —  dépend  tout 

(f)  Le  P.  Esprit,  —  praedicateur  Cappucin,  estant  venu  icy 


I 


(  I  )  Pierre  Mugnier,  natif  de  Talloires,  avait  été  nommé  curé  de  Saint-Julien 
le  i"^  décembre  1589.  II  permuta  cette  cure  contre  celle  de  Copponex  le 
6  avril  1601. 

(  2  )  Louis  Viret. 


Année  1597  281 

tirer  par  force  le  ministre  de  la  compaignie  affin  qu'on  ne 
sceut  ce  qu'il  sçavoit  faire  (g).  La  ou,  Monseigneur,  je  me 
sens  obligé  en  mon  ame  de  supplier  très  humblement 
Vostre  Altesse  de  faire  meshuy  sçavoir  a  ces  gens  qu'elle 
aura  aggreable  qu'ilz  oyent  et  sondent  les  raysons  catho- 
liques, sans  plus  alléguer  de  si  impertinentes  excuses  (i^) 
comm'est  cellecy,  de  mettr'en  doute  le  bon  désir  que 
Vostre  Altesse  a  de  leur  conversion.  Le  traitté  avec  les 
Bernois  ne  peut  en  estr'alteré  puysque,  sans  forcer  per- 
sonne au  changement  de  religion,  on  les  invite  seulement 
a  la  considération  de  (i)  Testât  de  leur  conscience. 

(j  )  Je  ne  lairray  pas  encores  de  remettr'en  memoyre  a 
Vostre  Altesse  la  pauvreté  du  ministre  qui  se  recatholise, 
duquel  je  luy  ay  ja  si  souvent  escrit,  qui  ne  peut  estre 
secouru  d'ailleurs,  et  celle  de  ces  set  ou  huict  personnes 
catholiques  qui  sont  en  extrême  disette ,  pour  lesquelz 
aussy  j'ay  ci  devant  supplié  a  Vostre  Altesse,  affin  que 
quattr'ou  cinq  muis  des  aumosnes  de  Ripaille  et  Filly 
leur  soyent  appliqués  en  pension  leur  vie  durant,  qui  ne 
peut  plus  guère  durer  puysque  ce  sont  presque  tout 
gens  vieux  ;  et  ces  aumosnes  ne  touchent  en  aucune  façon 
la  Religion  de  Saint  Lazare.  Ce  sera  un'aumosne  des  plus 
fleuries  qui  puissent  partir  de  la  main  de  Vostre  Altesse. 


(g)  de  sa  doctfine.  —  Pour  quoy  les  bourgeois  vindrent  empoigner  le 
ministre  par  le  bras  et  le  tirèrent  par  force  hors  du  lieu,  et  dirent  que  Vostre 
Altesse  ne  vouloit  pas  quilz  traittassent  avec  nous  de  la  religion.  Je  repliquay 
que  nous  n'estions  toutefois  icy  pour  autre  que  pour  traitter  des  choses  de 
leur  conscience.  Hz  me  dirent  que  V.  A.  ne  leur  en  avoit  encores  point  donné 
d'advis,  et  que  quand  elle  l'auroit  fait  ce  seroit  autre  chose. 

(h)  qtt'il^  oyent  —  les  raysons  catholiques  sans  plus  trouver  ces  excuses 
tant  impertinentes 

(\)  le  bon  désir  —  de  V.  A.  touchant  leur  salut.  Le  traitté  avec  les  Bernois 
ne  peut  en  estre  altéré,  puysqu'on  ne  force  personne  au  changement  de  reli- 
gion, ains  seulement  on  les  invite  a  bien  considérer 

(j  )  Je  ne  lairray  pas  de  représenter  encores  a  V.  A.  la  nécessité  du  ministre 
qui  se  recatholise,  qui  ne  peut  estre  secouru  que  de  la  bonté  de  V.  A.,  et  celle 
de  ces  sept  ou  huict  vielles  personnes  catholiques,  qui  sont  en  extrême  pau- 
vreté, pour  lesquelz  j'ay  desja  souvent  supplié  V.  A.,  affin  que  trois  ou  quattre 
muis  des  aumosnes  de  l'abbaye  de  Ripaille  et  Filly,  qui  ne  touchent  point  en 
aucune  façon  les  seigneurs  Chevaliers  de  S'  Lazare,  leur  fussent  appliqués 
en  pension  leur  vie  durant,  qui  ne  peut  meshuy  estre  guère  longue.  Ce  seroit 


282  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

Je  prie  Nostre  Seigneur  Jésus  Christ  qu'il  accroysse 
de  plus  en  plus  ses  bénédictions  sur  elle,  comm'estant  et 
devant  estr'a  jamais, 

Monseigneur, 

De  Vostre  Altesse, 
Très  humble  et  très  obéissant  sujet  et  serviteur, 

France  De  Sales, 
indigne  Prsevost  de  Genève. 
A  Thonon,  le  27  may  97. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  Turin,  Biblioteca  Civica. 


une  des  plus  fleuries  aumosnes  qui  puissent  partir  de  la  main  de  V.-  A.,  pour 
la  prospérité  de  laquelle  et  eux  et  moy  prierons  Dieu  toute  nostre  vie,  comme 
je  fais  des  ores,  suppliant  Nostre  [Reprendre  au  texte,  lig.  i.] 


XCVI 


A   MONSEIGNEUR   JULES-CESAR   RICCARDI 
ARCHEVÊQUE  DE  BARI,  NONCE  APOSTOLIQUE  A  TURIN 

Mêmes  sujets.  —  Installation  d'un  curé  à  Brens. 

Thonon,  27  mai   1507. 

Illustrissimo  et  Reverendissimo  Signor  mio 
osservandissimo, 

Duoi  sospetti  m'hanno  sin  hora  trattenuto  per  un  poco 
di  scriver  a  V.  S.  111"^^^  :  uno  délia  guerra,  i^)  Taltrodel 


Mon  très  honoré,  Illustrissime  et  Révérendissime  Seigneur, 

Deux  craintes  m'ont  empêché  jusqu'ici  d'écrire  à  Votre  Seigneurie 
Illustrissime  :  l'une  provenant  des  bruits  de  guerre,  l'autre,  de  la 

(a)  Duoi  sospetti    mi   hanno  sin   adesso  trattenuto  alquanti  giorni  senza 
•crivér  a  V.  S.  111"»»  :  uno  délia  guerra,  mentre  non  ardiva  di  ritornar  qui  ; 


Année  1597  283 

contagio  del  quale  ciè  stato  un  poco  di  pericolo  in  queste 
bande.  Dirô  adesso  a  V.  S.  Iir^  che  dalla  parrochia  di 
Bernex,  del  balliaggio  di  Ternier,  discosta  da  Geneva  tre 
millia,  mi  viene  indrissata  una  richiesta  1^)  per  laquale 
mi  addomandano  l'essercitio  catholico,  con  questa  imper- 
tinente presuppositione,  che  da  Sua  Altezza  habbia  et 
modo  et  («=)  authorità  di  far  ogni  progresso  nelle  cose 
délia  religione  i^). 

Da  San  Giuliano,  poco  più  discosto  di  Geneva,  mi 
furono  indrissate  '.^)  lettere  dal  giudice  maggiore  di  Gex  (0 
et  altri,  in  favore  del  curato  di  detto  luogho  (il  quale  fu 
stabilito  là  fa  poco(f)  et  haveva  molto  ben  esseguito  il 
suo  carico  sin  adesso),  che  non  havendo  modo  di  viver, 
è  costretto  di  lasciar  il  (g)  luogho  senza  pastore.  La  cura 


peste,  dont  on  a  été  un  peu  menacé  de  nos  côtés.  Je  vous  dirai 
maintenant  qu'on  vient  de  m'adresser  une  requête  de  la  paroisse  de 
Bernex,  au  bailliage  de  Ternier,  distante  de  Genève  d'environ  trois 
milles.  Sur  cette  déraisonnable  supposition  que  j'ai  reçu  de  Son  Al- 
tesse le  moyen  et  l'autorité  d'avancer  les  affaires  de  la  religion,  on 
me  demande  l'exercice  du  culte  catholique. 

De  Saint-Julien,  qui  n'est  guère  plus  éloigné  de  Genève,  me  sont 
arrivées  des  lettres  du  juge-mage  de  Gex  (  0  et  autres  en  faveur  du 
curé  dudit  lieu.  11  y  fut  installé  depuis  peu,  et  avait  jusqu'à  présent 
fort  bien  rempli  sa  charge  ;  mais,  n'ayant  pas  de  quoi  vivre,  il  est 

(b)  bande.  —  Adesso  che  dell' uno  et  deir  altro  siamo  pero  alquanto  liberi, 
scrivero  a  V.  S.  111"'^  sopra  questi  tre  capi.  Prima,  essendo  io  nel  nostro 
Genevois,  mi  fu  indrissata  una  richiesta  de  molti  délia  parrochia  di  Bernex, 
discosta  da  Geneva  tre  miglia,  cioe  una  lega, 

(c)  c/te  —  S.  A.  Seren™''  mi  havesse  data  plena 

(d)  délia  religione  —  in  questa  bande,  et  il  modo  di  poter  farlo. 

(e)  Da  San  Giuliano  ancora,  discosto  di  tre  miglia  poco  piu  di  Geneva,  mi 
furono  mandate 

(  f  )  in  favore  —  di  un  certo  buon  curato,  quale  fu  stabilito  in  quel  luogho  di 
San  Giuliano  un  pezzo  [fa] 
(g)  detto 


(  I  )  Antoine  de  Lescheraine,  seigneur  de  la  Compote,  fut  juge-mage  de  Gex 
depuis  le  19  septembre  1 586  jusqu'au  traité  de  Lyon  (janvier  i6or),  qui  annexa 
ce  pays  à  la  France.  Il  devint  ensuite  juge-mage  de  Ternier  et  Gaillard,  puis 
•énateur  (14  juillet  1610). 


284  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

è  délia  Religione  di  San  Lazaro,  C^)  et  sin  hora  si  dava 
certa  pensione  al  curato,  laquale  adesso  gli  è  stata  tolta  ; 
onde  ne  riesce  questo  scandalo  che  maggior  non  puô 
esser.  ^li  è  stato  riferito  ch'  il  popolo,  con  le  lachrime 
airocchio,  in  genocchione  pregava  il  curato  di  (')  restar  ; 
ma  esso  vedendo  che  mentre  li  sacerdoti  staranno  da 
pecorelle  il  lupo  li  mangiarà,  si  risolse  di  lasciarli  ad 
ogni  modo,  perô  con  questa  intentione  di  ritornarvi  le 
Domeniche(j)  a  consolarli. 

Queste  cose  travengono  fuora  del  Chiablais,  appresso 
di  Geneva,  et  ne  ricorro  alla  bontà  di  V.  S.  111'"";  et  per 
questo  glie  mando  la  richiesta  di  quelli  di  Bernex  et 
un'altra  del  curato  di  San  Giulino,  già  un'altra  volta 
appresentata  a  Sua  Altezza  senza  risposta  al  principalei^). 
Glie  mando  ancora  le  lettere  del  signor  giudice  majore 


contraint  de  laisser  la  paroisse  sans  pasteur.  Cette  cure  appartient  à 
l'Ordre  de  Saint-Lazare  qui  donnait  une  certaine  pension  au  curé  ; 
maintenant  on  vient  de  la  lui  ôter,  d'où  résulte  ce  scandale  qui  ne 
pourrait  être  plus  grand.  On  m'a  raconté  que  le  peuple,  les  larmes 
aux  yeux,  priait  à  genoux  le  curé  de  rester  ;  mais,  voyant  bien  que 
tant  que  les  prêtres  seront  regardés  comme  des  agneaux  le  loup  les 
mangera,  il  résolut,  malgré  tout,  de  quitter  ses  paroissiens,  avec  l'in- 
tention néanmoins  de  retourner  chaque  Dimanche  les  consoler. 

Ces  choses  arrivent  hors  du  Chablais,  tout  près  de  Genève.  J'ai 
donc  recours  à  la  bonté  de  Votre  Seigneurie  Illustrissime,  lui  en- 
voyant à  cet  effet  la  requête  des  gens  de  Bernex  et  celle  du  curé  de 
Saint-Julien  qui,  une  fois  déjà  présentée  à  Son  Altesse,  est  demeurée 
sans  réponse  sur  son  principal  objet.  Je  vous  adresse  aussi  les  lettres 

(h)  di  San  Lazaro,  —  possessa  da  un  cavaglier  particolar  in  commanda, 

(  i  )  che  maggior  non  puô  —  immaginarsi.  Mi  é  stato  riferito  che  volendo  il 
curato  partirsi,  il  popolo  gia  catholico,  in  genocchione,  colle  lagrime  lo  pre- 
gava di 

(j  )  //'  mangiarà,  —  ad  ogni  modo  li  lascio  sospiranti;  pero  con  intentione 
di  ritornarci  le  Domeniche,  non  piu  come  curato,  ma  come  fratello, 

(k)  travengono  —  appresso  di  Geneva,  una  sola  lega  fuora  del  Chiablais,  nel 
balliaggio  di  Ternier,  et  io  in  questo  non  ho  né  carico,  né  poter  di  aiutarli. 
Solo  questo  posso,  cioe  ricorrere  alla  bonta  di  V.  S.  Ill"""  ;  et  per  tanto  glie 
mando  si  la  richiesta  di  quelli  di  Bernex,  si  ancora  un'altra  richiesta  di  quelli 
di  San  Giuliano,  presentata  a  S.  A.  senza  esser  decretato  sopra  il  principale, 
con  risposta  a  certi  incidenti. 


Année  1597  285 

di  Gex  et  del  signor  Barone  di  Viri  (0,  persona  honorata 
et  importante,  acciô  vedano  i  Cavaglieri  ch'io  no  son 
parte,  ma  avvocato  délia  parte,  et  che  la  parte  non  è 
altro  salvo  che  il  ben  publico.  Sonno  [in]  francese,  ma 
V.  S.  lU""*  se  le  potrà  far  leggere  o  dal  signor  de  Lulino  (=) 
o  da  altri  ;  ma  la  priegho  bene  di  non  perder  dette  lettere, 
acciô  mi  servano  contra  quelli  che  potriano  haver  per 
maie  ch'io  di  tante  cose  m'impacci.  Scrivo  sopra  di 
ciô(M  una  parola  a   Sua  Altezza;;  si  degni  V.  S.  lU'"'', 


du  juge-mage  de  Gex  et  du  baron  de  Viry  (  0,  personnage  distingué 
et  influent,  afin  que  les  Chevaliers  voient  que  je  suis  seulement 
avocat  et  non  point  partie,  car  la  partie  n'est  autre  que  le  bien  public. 
Ces  lettres  sont  en  français,  mais  Votre  Seigneurie  pourra  se  les  faire 
lire  par  M.  de  LuUin  (  =  )  ou  par  d'autres.  Je  vous  prie  instamment  de 
ne  pas  les  égarer,  afin  que  je  puisse  m'en  servir  contre  ceux  qui 
trouveraient  mauvais  que  je  m'entremette  en  tant  de  choses.  J'écris 

(1)  del  signor  giudice  —  et  pregho  humilissiniamente  V.  S.  Ill"i^  di  farsele 
leggere  et  interpretare  a  monsieur  de  Lulino,  o  dal  Barone  de  Chevron,  o  da 
qualche  altro,  perche  sonno  [in]  francese,  et  di  procurarne  l'effetto  appresso  di 
S.  A.  Seren""^,  senza  lasciarle  in  arrière  (sic),  accio  possa  mostrare  con  quali 
titoli  habbiamo  da  desiderar  altri  possessori  de  béni  ecclesiastici  che  non  siano 
Cavaglieri.  Ne  scrivo 


(  I  )  Marin,  baron  de  Viry  et  seigneur  de  la  Perrière,  était  non  moins 
remarquable  par  son  dévouement  à  l'Eglise  que  par  l'éclat  et  l'illustration  de 
sa  maison,  l'une  des  plus  anciennes  du  pays,  et  par  sa  valeur  guerrière.  Au 
témoignage  des  protestants  eux-mêmes,  -<  il  se  distinguait  parmi  les  plus  zélés 
convertisseurs,  »  sans  toutefois  négliger  le  service  de  son  prince  dont  il  gagna 
l'estime  et  la  confiance.  Charles-Emmanuel  \" ,  après  avoir  mis  le  baron  de 
Viry  à  la  tête  des  troupes  levées  contre  les  Bernois  (1582),  le  nomma  cham- 
bellan et  conseiller  d'Etat  (lettres  patentes  du  21  avril  1583),  érigea  la  baronnie 
de  Viry  en  comté  le  12  mars  1598,  et,  le  24  mai  de  la  même  année,  donna  au 
nouveau  comte  le  commandement  général  de  la  noblesse  du  Genevois  et  du 
Faucigny,  appelée  sous  les  armes  pour  la  défense  du  pays.  Ce  seigneur  fit  son 
testament  le  2  juillet  1605,  et  mourut  peu  de  jours  après.  Il  avait  épousé 
Claudine  de  Lambert  qui  lui  survécut. 

(s)  Gaspard  de  Genève,  premier  marquis  de  LuUia  (1597)  et  de  Pancarlier 
(1616),  chevalier  de  l'Annonciade  (159S),  chambellan,  conseiller  d'Etat,  gou- 
verneur et  lieutenant-général  au  duché  d'Aoste  et  cité  d'Ivrée,  était  l'ami  le 
plus  dévoué  et  le  protecteur  le  plus  influent  que  saint  François  de  Sales  eût 
à  la  cour  de  Turin.  Rien  ne  put  affaiblir  cette  constante  amitié,  ni  la  faveur 
croissante  dont  le  marquis  jouissait ,  ni  les  nombreuses  ambassades  qu'il 
remplit  auprès  des  empereurs,  des  rois  de  France,  d'Angleterre  et  d'Ecosse, 


286  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

per   carità,   procurarne  qualche   brève   et  fruttuosa  (™) 
risposta. 

Il  buon,  dotto  P.  Fra  Spirito,  Cappucino  (ii),  essendo 
venuto  qui  queste  feste  di  Pentecoste  et  predicato  qui 
nella  terra  et  nella  parrochia  des  Alinges,  si  è  sentito 
molto  consolato  di  questo  nuovo  popolo,  et  il  popolo 
incredibilmente  délie  sue  fruttuose  prediche.  lo  fra  tanto 
son  andato  a  visitar  la  nuova  parrochia  di  Cervens  dove 
ancora  ho  havuto  consolatione  ;  et  tuttavia  si  vederà 
maggior  frutto  quando  questi  ed  altri  predicatori  vene- 
ranno  qui  et  si  fermeranno  alquanto,  il  che  adesso  dette 
Padre  non  ha  potuto  far,  («)  chiamato  dal  Padre  Pro- 
vinciale (0. 


à  ce  sujet  un  mot  à  Son  Altesse,  suppliant  Votre  Seigneurie  de 
daigner,  par  charité,  nous  obtenir  une  courte  mais  efficace  réponse. 
Le  bon  et  docte  P.  Esprit,  Capucin,  étant  venu  ici  ces  fêtes  de 
Pentecôte  et  ayant  prêché  soit  en  cette  ville,  soit  dans  la  paroisse  des 
AUinges,  est  demeuré  fort  consolé  de  ce  nouveau  peuple,  et  le  peuple, 
à  son  tour,  l'a  été  incroyablement  de  ses  fructueuses  prédications. 
Pendant  ce  temps  je  suis  allé  visiter  la  nouvelle  paroisse  de  Cervens, 
où  j'ai  reçu  aussi  beaucoup  de  consolation.  Toutefois,  les  fruits  seront 
encore  plus  abondants  lorsque  ces  prédicateurs  et  d'autres  viendront 
ici  pour  y  séjourner  ;  ce  que  le  P.  Esprit  n'a  pu  faire,  ayant  été 
rappelé  par  le  P.  Provincial  (  i  ). 

(m)  per  —  bontâ,  di  cavarne 

(n)  Per  il  secondo,  il  P.  Spirito  Balmense,  Cappuciao  predicatore 
(o)  molto   consolato  —    dall"  auditorio    délie    sue   prediche  ;   et  tuttavia   si 
vedera  maggior  frutto  quando   questo  Padre  et   altri  veneranno  a  fermarsi 
alquanto  in  queste  bande,  il  che  per  adesso  non  puo  far  per  esser 


des  archiducs  d'Autriche,  des  princes  électeurs  et  des  Ligues  suisses.  Il  mourut 
à  Thonon,  âgé  de  soixante-dix  ans  (23  juin  1619),  après  avoir  recommandé  à 
son  petit-fils,  Albert  de  Genève,  de  se  conduire  en  tout  d'après  les  conseils  du 
saint  Evêque. 

(  I  )  Le  P.  Abonde  de  Côme  avait  été,  en  1^88,  nommé  une  première  fois  à  cette 
charge  pour  la  province  de  Lyon,  à  laquelle  appartenaient  alors  les  couvents 
de  Savoie.  Pendant  un  second  triennat  (1594-1597),  il  envoya  des  missionnaires 
évangéliser  les  environs  de  Genève,  et  plus  tard,  il  fut  chargé  lui-même 
par  saint  Laurent  de  Brindes,  Ministre  général  des  Frères  Mineurs  Capucins, 
de  la  direction  des  Religieux  employés  à  la  mission  du  Chablais. 


Année  1597  287 

Una  cosa  ciè  travenuta  :  il  Padre  vedendo  gli  habita- 
tori  di  Tonone  seguitar  con  tanta  furia  il  loro  ministro 
heretico  senza  voler  intendere  le  nostre  prediche,  Venerdî 
passato  volse  mostrar  al  ministre  la  falsità  délia  sua 
dottrina,  et  questo  in  publico.  Ma  uno  délia  terra,  dei  più 
ostinati,  vedendo  che  la  cosa  non  poteva  riuscir  per  il 
ministro,  lo  toise  con  violentia  del  luogho,  con  dire  che 
Sua  Altezza  Serenissima  non  intendeva  (p)  che  essi  trat- 
tassero  con  noi  délie  cose  délia  religione.  Onde,  dicendo 
noi  che  pur  in  queste  bande  non  eravamo  venuti  per 
altro(l),  dissero  molti  fra  gli  altri  ch' io  questo  non  po- 
tevo  provar,  et  non  'volevano  sopra  di  ciô  darmi  fede,  et 
che  quando  Sua  Altezza  gli  dess'  avviso  délia  sua  inten- 
tione  saria  altra  cosa. 

Questa  è  la  scusa  de  certi  pochi  ostinati  délia  terra 
(che  quanto  alla  campagna  non  ci  sono  queste  difficoltà), 
li  (0  quali  poi,  con  diversi  modi  et  prœtesti,  impediscono 


Sur  ces  entrefaites,  un  incident  est  survenu  :  le  Père,  voyant  les 
habitants  de  Thonon  suivre  si  opiniâtrement  leur  ministre  hérétique 
sans  vouloir  écouter  nos  prédications,  résolut  vendredi  passé  de  dé- 
montrer à  celui-ci  la  fausseté  de  sa  doctrine,  et  cela  en  pubHc.  Mais  un 
des  plus  obstinés  de  la  ville,  s' apercevant  que  l'issue  de  la  dispute 
ne  pouvait  être  à  l'honneur  du  ministre,  l'entraîna  de  force  hors  de 
la  place,  disant  que  Son  Altesse  n'entendait  pas  qu'ils  traitassent 
avec  nous  des  choses  de  la  religion.  Or,  comme  nous  répliquions 
que  néanmoins  nous  n'étions  pas  venus  en  ces  oays  dans  un  autre 
but,  plusieurs  entre  autres  repartirent  que  je  ne  saurais  le  prouver,  et 
qu'au  reste  ils  refusaient  de  me  croire  là-dessus,  mais  que  si  Son 
Altesse  leur  signifiait  son  intention,  ce  serait  autre  chose. 

Voilà  l'excuse  d'un  petit  nombre  d'obstinés  de  la  ville  (dans  la 
campagne  nous  n'avons  pas  ces  difficultés),  lesquels  ensuite,  par 
divers  moyens  et  sous  divers  prétextes,  empêchent  les  autres  de  se 

(p)  seguitar  con  —  tutto  impeto  il  ministro  heretico  senza  voler  sentire  le 
nostre  prediche,  Venerdi  passato  volse  publicauiente  mostrare  al  ministro  la 
falsita  délia  sua  dottrina.  Et  essendosi  inviata  la  disputa,  uno  délia  terra,  ostinatOj 
vedendo  che  la  causa  non  poteva  riuscir  per  il  ministro,  lo  toise  con  violentia 
dalla  disputa,  con  questo  pretesto,  che  S.  A.  Seren'"-^  non  haveria  per  buono 

(q)  per  altro  —  effetto  che  per  trattare  con  loro  délia  conscientia 

(r)  ostinati  —  di  questa  terra, 


288  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

gli  altri  di  ridursi.  A  talchè,  se  Sua  Altezza  Serenissima 
con  og'ni  minima  parola  si  lasciasse  intendere  del  buon 
desiderio  che  tiene  circa  la  loro  salute ,  senza  romperla 
con  Bernesi,  se  ne  vederia  buon  frutto  (s).  Di  questo 
scrivo  ancora  a  Sua  Altezza.  Egli  è  gran  cosa,  ma  non 
miracolosa  perché  è  ordinaria,  che  questi  nefandi  figli 
di  ténèbre  sono  piii  accorti  et  prudenti  \^)  nelle  loro 
Lucae,  XVI,  8.  gcneratioui  che  non  sono  i  figli  di  luce*.  Per  conto 
mio  son  restato  consolatissimo  di  veder  qui  questo  buon 
P.  Spirito,  il  quai  potrà  testificar  délie  cose  comme 
stanno.  (") 

CoUocarô  questa  settimana  un  curato  nella  parrochia 
di  Brens,  et  sarà  la  quarta  in  questo  balliaggio  (0.  Il 


convertir.  De  sorte  que  si  Son  Altesse  donnait  le  moindre  témoignage 
du  désir  qu'elle  a  de  leur  salut,  sans  rompre  avec  les  Bernois,  on  en 
verrait  d'heureux  fruits.  Je  lui  écris  aussi  à  ce  sujet.  Chose  étrange, 
mais  non  point  miraculeuse,  car  elle  est  ordinaire  :  ces  misérables 
enfants  de  ténèbres  sont  plus  avisés  çX  prudents  dans  la  conduite  de  leurs 
affaires  que  les  enfants  de  lumière  !  Pour  mon  compte,  j'ai  été  très  consolé 
de  voir  ici  ce  bon  P.  Esprit  qui  pourra  certifier  de  l'état  des  choses. 
Cette  semaine  je  placerai  un  curé  dans  la  paroisse  de  Brens  :  c'est 
la  quatrième  de  ce  bailliage  qui  sera  pourvue  (O.  M.  Roget  viendra 

(s)  circa  -^  questo  negotio,  senza  romperla  con  Bernesi.  spero  che  se  ne 
vederebbe  gran  frutto,  quale  non  possiamo  sperare  mentre  non  vorranno 
trattar  con  noi. 

(  t  )  nta  —  ordinaria  et  vera,  che  questi  figlioli  di  ténèbre  sono  assai  piti 
prudenti  et  fer%-enti 

(u)  consolatissimo  —  délia  venuta  di  questo  buon  Padre,  quale  pue  testifi- 
care  del  stato  di  queste  cose,  cioe  :  per  conto  délia  campagna  non  cie  difûcolta 
veruna,  et  per  conto  délia  terra  cie  solamente  questo  da  fare,  che  S.  A.  dia 
aviso  del  suo  buon  desiderio,  o  scrivendo,  o  per  bocca  di  qualche  magistrato 
d'importanza,  comme  saria  di  un  présidente  o  senatore.  —  (...  de  la  venue  de 
ce  bon  Père  qui  peut  certifier  létat  de  ces  affaires,  savoir  :  pour  ce  qui  regarde 
la  campagne,  il  n'y  a  aucune  difficulté  ;  quant  à  la  ville,  il  y  aurait  seulement 
un  moyen  à  prendre.  Son  Altesse  devrait  notifier  son  désir,  soit  en  écrivant 
elle-même,  soit  par  lintermédiaire  de  quelque  magistrat  haut  place,  tel  qu'un 
président  ou  un  sénateur.) 


(i)  C'est  le  chanoine  Louis  de  Sales  qui  fut  installé  à  Brens.  Les  autres 
paroisses  pourvues  de  curés  étaient  Cervens,  les  Allinges-Mésinge  et  pro- 
bablement Bons. 


Année  1597  289 

signor  Rogetio  venerà  qui  fra  pochi  giorni,  comme 
V.  S.  111'"''  glie  commando  (O,  et  già  saria  venuto  se  non 
fossero  certi  negotii  del  clero  che  lo  trattengono.  lo  dirô 
poi  a  V.  S.  111'""  che  le  cose  di  queste  pension!  van  maie  ; 
io  sin  adesso  non  ho  potuto  cavarne'^)  altro  senon  160  fio- 
rini  et  trentacinque  coppe  di  fromento.  È  vero  che  me 
ne  sonno  state  appresentate  da  75,  ma  tanto  cattive  che 
io  non  potevo  accettarle.  Starô  a  sollecitare,  et  havendo 
fatto  quanto  potrô,  sarô  scusato  di  far  piùl^;.  Mancano 
alberghi  per  curati,  manca  omnis  ecclesiastica  suppel- 
lex  et  tutto  bisogna  comprar  :  hora  lascio  a  considerar  a 
V.  S.  111'"^  in  che  stato  stiamo.  Dubitavo  molto  che  la  con- 
ferentia  di  Geneva  non  fosse  andata  in  fumo  con  queste 


dans  quelques  jours,  comme  Votre  Seigneurie  Illustrissime  le  lui  a 
commandé  (  i  )  ;  il  serait  déjà  venu  sans  certaines  affaires  du  clergé  qui 
le  retiennent  encore.  Je  vous  dirai  de  plus  que  les  choses  vont  mal 
au  sujet  de  ces  pensions  ;  jusqu'ici  je  n'ai  pu  en  tirer  que  cent  soixante 
florins  et  trente-cinq  coupes  de  froment.  Il  est  vrai  qu'on  m'en  a 
offert  environ  soixante-quinze,  mais  de  si  mauvaise  qualité  que  je 
n'ai  pu  les  accepter.  Je  poursuivrai  mes  sollicitations;  puis,  ayant 
fait  tout  mon  possible,  je  serai  dispensé  d'en  faire  davantage.  Nous 
manquons  de  logements  pour  les  curés,  nous  manquons  de  tout  ameu- 
blement pour  les  églises  et  il  faut  tout  acheter  :  je  vous  laisse  à  penser 
en  quel  état  nous  nous  trouvons.  Je  craignais  beaucoup  qu'avec  ces 
retards  la  conférence  de  Genève  ne  fût  allée  en  fumée  ;  mais,  d'après 


(v)  ^/  Siirà  —  il  quarto  ia  questo  paese.  Ma  io  diro  liberamente  che  le  cose 
vanno  maie,  et  non  si  puo  peggio.  Io  sin  adesso  non  ho  potuto  haver 

(w)  di  fromento  —  et  tuttavia  staro  a  sollecitare.  Il  Sig''  Rogetio  venerà 
qui,  comme  glie  commando  V.  S.  Ill"'»,  fra  pochi  giorni,  havendo  esso  esseguito 
certi  negotii  del  clero. 

[La  fin  de  la  minute  manque  dans  le  Procès.] 


(  I  )  Le  chanoine  Roget,  qui  fut  longtemps  «  auditeur  des  comptes  du 
clergé,  »  avait  fait  récemment  le  voyage  de  Turin  pour  présenter  des  récla- 
mations au  sujet  des  impôts  extraordinaires  levés  sur  les  biens  ecclésiastiques. 
(Le  15  mars  1597  il  date  de  Turin  et  signe,  avec  le  chanoine  Floccard  et  les 
autres  députés  des  diocèses  de  Savoie,  une  lettre  au  Cardinal  Aldobrandino.) 
Cest  alors  sans  doute  qu'il  avait  reçu  des  ordres  du  Nonce  relativement  à 
la  mission  du  Chablais.  (Voir  ci-devant,  note  (  i  ),  p.  177,  et  p.  249.) 

Lettres   I  19 


2Q0  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

ritardationi  ;  ma ,  per  quanto  vengo  avvisato ,  si  potrà 
haver,  et  in  modo  debito  :  la  cosa  sarà  fruttuosissima. 
V.  S.  Ill™^  mi  fa  tanto  animo  di  scrivergli  spesso,  ch'io 
etiamdio  délie  cose  minutissime  glie  scriverô  liberamente, 
corne  a  Padre  amantissimo  di  questi  popoli,  quantumque 
nel  servitio  d'Iddio  le  cose  minute  siano  importanti. 
Bascio  con  ogni  humiltà  le  sue  mani  reverendissime,  et 
prieghando  il  Signor  la  conservi,  resto  eternamente, 

Di  V.  S.  Iir^  et  R"'% 

Devotissimo  servitore, 

Franc°  De  Sales, 

Prsevosto  di  Geneva. 

Da  Tonone,  alli  27  di  Maggio  97. 

Airill"""  et  R"^°  Sig""  mio  osservandissimo, 
Monsig»"  l'Arcivescovo  di  Bari, 

Nuntio  Apostolico  appresso  S.  A.  S. 
Turino. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  Rome,  Archives  du  Vatican. 


ce  que  j'apprends,  elle  pourra  avoir  lieu  et  d'une  manière  convenable  : 
elle  sera  très  fructueuse. 

Votre  Seigneurie  m'encourage  si  fort  à  lui  écrire  souvent,  que  je 
lui  parlerai  librement  même  des  choses  les  plus  minimes  (bien  que 
dans  le  service  de  Dieu  les  moindres  choses  soient  importantes), 
comme  au  Père  très  affectionné  de  ces  populations.  Je  baise  en  toute 
humilité  vos  mains  vénérées  et,  priant  le  Seigneur  de  vous  conserver 
longtemps,  je  demeure  à  jamais, 

De  Votre  Seigneurie  Illustrissime  et  Reverendissime, 
Le  très  dévoué  serviteur, 
François  de  Sales, 

Prévôt  de  Genève. 
Thonon,  le  27  mai  1597. 


Année  1597  291 


XCVII 

A  U      M  Ê  M  E 

Maladie  de  TEvéque  de  Genève.  —  Obligations  de  TAbbé  d'Abondance  envers 
le  prédicateur  d'Evian.  —  Indigence  des  Religieuses  de  Sainte-Claire.  — 
Poursuites  à  faire  pour  obtenir  la  conférence  avec  les  ministres.  —  Le 
Saint  sollicite  l'autorisation  de  concourir  pour  la  cure  du  Petit-Bornand.  — 
La  permission  de  lire  les  livres  hérétiques  est  nécessaire  aux  missionnaires. 

Annecy,  31   mai    1597. 

Illustrissimo  et  Reverendissimo  Signor  mio 
osservandissimo, 

Doppo  haver  scritto  (a)  a  V.  S.  111""^  et  R""^  di  ïonone 
al  2  7  di  questo,  (^) hebbi  nuova  che  Monsignor  R"""  Vescovo 
stava  molto  ammalato  et  desiderava  sopra  modo  di  ve- 
dermi,  essendo  in  pericolo  délia  vita.  Ond'io  venni  di 
.subito,  et  giunto  (c)  trovai  la  lettera  di  V.  S.  111""  del 
XII  del  praesente.  Et  per  haver  scritto  nella  précédente 
il  stato  délie  cose  del  Chiablais,  non  occorre  adesso  di 
farglie  altra  risposta(<^),  salvo  .sopra  il  particolar  del  prœ- 
dicator  di  Eviano.  (e) 


Mon  très  honoré,  Illustrissime  et  Révérendissime  Seigneur, 
Après  avoir  écrit  de  Thonon  à  Votre  Seigneurie  Illustrissime  le  27 
de  ce  mois,  je  reçus  la  nouvelle  que  M'""  notre  Révérendissime  Evèque 
était  très  malade,  et  que,  se  sentant  en  danger  de  mort,  il  désirait 
extrêmement  me  voir.  Je  partis  aussitôt,  et  à  peine  arrivé  ici  j'y 
trouvai  votre  lettre  du  12  courant.  Vous  ayant  exposé  dans  la  pré- 
cédente l'état  des  affaires  du  Chahlais,  je  n'ai  maintenant  aucune 
réponse  à  vous  faire,  si  ce  n'est  au  sujet  du  prédicateur  d'Evian. 

(a)  Scrissi 

(b)  di  questo,  —  et  doppo  haverglie  scritto 

(c)  et  desiderava  —  incredibilmente  di  vedermi.  Onde  io  di  subito  venni 
et  giunsi  hieri  qui,  et  vi 

(d)  Et  —  perche  gli  ho  scritto  délie  cose  nostre  di  Chiablais  nella  précé- 
dente, non  mi  pare  di  haver  a  scrivergli  altro 

(  e  )  Ho  veduto  la  lettera  di  Monsig""  délia  Novalesa,  nella  quale  egli  mostra 
veramente  una  grande  abondanza  di  liberalita  a  dare  via  tre  prébende  délie  sue. 


292  LtTTRES  DE  SAINT  FRANÇOIS  DE  SaLES 

Mando  a  V.  S.  lU'"''  una  copia  del  Brève  di  Sua 
Santità  in  favor  del  P.  Papardi,  morto(i',  nella  quale 
vederà  li  motivi  per  li  quali  Sua  Beatitudine  giudicô  ra- 
gionevolissimo  che  l'Abbate  desse  quella  prsebenda,  li 
quali  sonno  adesso  piîi  potenti  che  mai.  Quella  terra  è 
in  faucibus  hcereticorum,  non  ha  altro  modo  di  haver 
praedicatore  ;  T  Abbate  (  =  )  cava  tutte  le  loro  décime,  et  è 
ragionevole  ch'  egli  (f  )  pasca  la  pecorella  délia  quale  egli 
si  piglia  la  lana.  Ouesto  è  'g)  il  magior  servitio  che  si 
faccia  al  Signor  in  tutta  quella  badia.  L'Abbate  d'Aux(3), 
il  quai  non  v'  è  tanto  ubligato,  dà  una  pensione  intera 


J'envoie  à  Votre  Seigneurie  Illustrissime  une  copie  du  Bref  de  Sa 
Sainteté  en  faveur  du  feu  P.  Papard  (O  :  vous  v  verrez  les  motifs 
pour  lesquels  le  Pape  jugea  raisonnable  que  l'Abbé  donnât  cette  pré- 
bende, motifs  qui  actuellement  sont  plus  pressants  que  jamais.  Ce 
pays  est  dans  la  gueule  des  hérétiques  et  n'a  aucun  autre  moyen  d'en- 
tretenir un  prédicateur;  l'Abbé  (2)  perçoit  toutes  les  dimes,  c'est 
donc  justice  qu'il  paisse  la  brebis  dont  il  tond  la  laine.  C'est  le  plus 
grand  service  qui  soit  rendu  au  Seigneur  en  toute  cette  abbaye. 
L'Abbé  d'Aulps   3  ',  lequel  n'y  est  pas  si  fort  tenu,  donne  une  pension 

(f)  in  favor  del —  prsedicator  morto  ;  non  perche  si  possa  far  conseguenza 
per  un  altro,  ma  per  monstrar  a  V.  S.  Ill""^  che  Sua  S'^  giudico  esser  molto 
ragionevole  che  l'Abbate,  il  quale  cava  tutte  le  décime  di  quella  banda,  dia 
agli  habitanti  un  poco  di  contraccambio  spirituale  et 

(g)  /a  lana.  —  Vedera  che  quella  terra  é  in  faucibus  hcereiicoriim  ;  ma  di 
questo  poi  l'assicuro,  ch' io  non  so  donde  possano  havere  praedicatori  soffi- 
cienti,  se  non  col  mezzo  di  questa  praebenda,  la  quale  cessando,  cessara 


(i)  Le  P.  François  Papard,  de  l'Ordre  des  Frères  Prêcheurs,  docteur  en 
théologie,  Inquisiteur  général  en  Savoie,  était  prieur  du  couvent  de  son  Ordre 
à  Annecy,  en  1556.  11  mourut  en  1592. 

(2)  Il  s'agit  de  Philibert  Provana,  Abbé  commendataire  d'Abondance  et  de 
l'abbaye  bénédictine  de  Novalèse,  en  Piémont.  Au  mois  de  juin  suivant,  il 
résigna  ce  dernier  bénéfice  en  faveur  du  fils  d'un  autre  Philibert  Provana, 
premier  Président  de  la  Cour  des  Comptes  de  Turin.  (Archives  du  Vatican, 
Nun^.  di  Savoia,  vol.  34.)  Quant  à  l'abbaye  d'Abondance,  elle  était  l'objet  des 
prétentions  de  deux  compétiteurs  :  Gaspard  Provana,  Prieur  de  Novalèse, 
qui  s'attribue  en  1597  et  1598  le  titre  d'Abbé  d'Abondance,  et  Vespasien  Aiazza 
(voir  note  (  r  ),  p.  223),  qui  obtint  gain  de  cause  le  27  novembre  1399.  (Rome, 
Archives  de   l'Etat,  Ubbliga^ioni.) 

(3)  Philibert  Milliet  fut  Abbé  commendataire  d'Aulps  de  1591  à  1618. 


Année   i 597  293 

alla  scuola  de'fanciulli.  Ouesto  praedicator  moderno  (0  è 
persona  honoratissima  ;  et  quantumque  sia  vicario  géné- 
rale nella  provincia  Gallicana  del  suo  Ordine,  non  ha 
lasciato  quest'anno  le  praediche  delFAdvento  et  Quare- 
sima,  et  essendo  scaricato  di  quel  ufficio  farà  ancora 
maggior  beneficio.  S' egli  no  sarà  andato  nell'Abondan- 
tia,  sarà  o  vero  '.^)  che  no  sarà  stato  invitato,  o  vero  che 
la  cessatione  délia  prsebenda  haverà  preceduta  la  ces- 
satione  délia  prsedica.  Quanto  alTaltro  praedicator  ch'il 
signor  Abbate  dice  di  dover  mantener  nella  sua  badia, 
credo  che  si  deve  far,  ma  so  et  credo  che  non  si  fa  ;  ne 
saria  troppo  caricato  l' Abbate  havendo  per  lui  duoi  prae- 
dicatori,  anzi  mi  par  molto  caricato  non  havendoli. 

Le  religiose  îMonache  di  Eviano  (*)  sonno  non  solo(») 
poverissime,  anzi  fameliche,  et  so  ch'il  signor  Abbate 


entière  pour  l'école  des  enfants.  Le  prédicateur  actuel  (0  est  un 
homme  de  grand  mérite  ;  quoiqu'il  soit  vicaire  général  de  la  province 
Gallicane  de  son  Ordre,  il  n'a  pas  laissé  néanmoins  cette  année  de 
prêcher  l'Avent  et  le  Carême,  et  quand  il  sera  déchargé  de  son  office 
il  fera  encore  plus  de  bien.  S'il  n'est  pas  allé  à  Abondance,  ce  sera 
sans  doute  ou  parce  qu'il  n'aura  pas  été  invité,  ou  parce  que  la  cessa- 
tion de  la  prébende  aura  précédé  la  cessation  des  prédications.  Quant 
à  l'autre  prédicateur  que  l'Abbé  dit  être  obligé  d'entretenir  dans  son 
abbaye,  je  crois  que  cela  doit  se  faire,  mais  je  sais  et  je  crois  que  cela 
ne  se  fait  pas.  A  la  vérité,  l'Abbé  ne  serait  pas  trop  chargé  d'avoir 
deux  prédicateurs  à  son  compte  ;  il  me  semble,  au  contraire,  qu'il 
le  serait  bien  davantage  s'il  ne  les  avait  pas. 

Les  Religieuses  d'Evian  (  =  )  sont  non  seulement  pauvres,  mais  elles 

(h)  in  tutta  qiiella  badia.  —  Et  se   questo  prxJicatore  moderno  non   sarâ 
andato  nella  Abondanza,  sara  forse  o 

(1)  Quanto  aile  signore  Monache,  so  che  sonno 


(  I  )  Le  P.  de  Fossias  (voir  ci-devant,  note  (  i  ),  p.  243). 

(  2)  Les  Religieuses  Clarisses  fondées  à  Orbe  par  sainte  Colette  (1427-1428), 
ayant  été  chassées  de  leur  couvent  par  les  hérétiques,  s'étaient  réfugiées  à 
Evian  le  24  mai  1555.  Saint  François  de  Sales  témoigna  toujours  un  profond 
intérêt  à  cette  Communauté,  qui  se  distingua  constamment  par  sa  ferveur  et 
sa  régularité.  Dissoute  à  la  révolution  française,  elle  a  été  reconstituée  au 
mois  de  septembre  1875  par  une  colonie  sortie  du  monastère  de  Sainte-Claire 
de  Versailles.  (Les  Clarisses  d'Evi.ui-les-Bafus,  pnr  le  P.  Ladislas  de  Marlioz.) 


294 


Lettres  de  saint  François  de  Sales 


glie  fa  limosina  ;  ma  quanto  a  darglie  una  praebenda, 
corne  egli  dice,  credo  che  questo  si  debba  intendere  con 
distintione  di  praebende.  Haverô  ben  presto  vero  et  dis- 
tinto  raguaglio  di  queste  cose. 

Quanto  a  quella  suasione  ch'  il  signor  Abbate,  per 
gratia  sua,  desidera  di  far  a  V.  S.  111'"%  che  non  dia  fede 
a  Savoyardi  in  générale  (J  ),  io  Tho  per  una  impertinentia 
taie  che  non  mérita  risposta.  Ch'egli  pur  si  sforsi  di 
far  queste  suasioni  ,  ch'  io  son  certo  di  far  con  effetto 
contraria  persuasione  :  cioè  ch'io,  in  questo  ne  in  altro, 
non  uso  ne  bugia,  ne  tratto  sinistro  appresso  V.  S,  111"'*, 
ne  domando  un  solo  baggatino  délia  sua  badia  W. 


endurent  la  faim,  et  je  sais  que  l'Abbé  leur  fait  l'aumône  ;  pour  ce 
qui  est  de  leur  donner  une  prébende,  comme  il  le  prétend,  je  pense 
qu'il  faut  distinguer  entre  prébende  et  prébende.  J'aurai  bientôt  des 
renseignements  vrais  et  détaillés  à  ce  sujet. 

Quant  à  l'opinion  que  M.  l'Abbé  prétend  donner  si  gratuitement  à 
Votre  Seigneurie  Illustrissime,  qu'en  général  il  ne  faut  pas  se  fier 
aux  Savoyards,  je  la  regarde  comme  une  impertinence  telle  qu'elle 
ne  mérite  pas  de  réponse.  Qu'il  s'efforce  tant  qu'il  voudra  d'insinuer 
de  semblables  opinions  ;  pour  moi  je  suis  sûr  de  convaincre  du  con- 
traire par  des  effets  :  c'est-à-dire,  qu'en  cela  ni  en  chose  quelconque 
je  n'use  point  de  mensonge  ou  d'artifice  auprès  de  Votre  Seigneurie, 
et  que  je  ne  demande  pas  un  seul  denier  des  revenus  de  son  abbaye. 

(j)  ch'  il  signor  Ahhate  —  desidera  di  far,  per  gratia  sua,  che  V.  S.  111"^* 
[non]  creda  a  Savoyardi,  soliti  di  usar  questi  et  altri  tiri 

(k)  risposta  —  et  mi  pare  che  se  non  fosse  mai  per  altro  che  per  rispetto 
del  fondatore  dell' Abondanza,  doveria  trattar  piu  cortesemente  gli  Savoyardi. 
Basta;  che  egli  puo  suadere  a  V.  S.  111'"-''  quel  che  gli  pare  et  place,  ma  io  son 
certo  di  persuadere  sempre  con  effetto  che  io  non  uso  in  questo  né  in  altro, 
di  bugia  o  tiro.  Et  a  che  modo  farei  io  altrimenti,  poiche  in  questo  non  ho  né 
poco,  né  assai,  né  voglio  niente  del  suo  ?  Ma  di  questo  basta  appresso  V.  S.  111"^", 
che  é  giudice  retto  et  non  appassionato.  —  (Et  il  me  semble  que,  quand  ce  ne 
serait  que  par  respect  pour  le  fondateur  d'Abondance,  il  devrait  traiter  plus 
courtoisement  les  Savoyards.  N'importe  :  il  peut  insinuer  à  Votre  Seigneurie 
Illustrissime  ce  qu'il  lui  plaît  et  ce  que  bon  lui  semble,  car  je  suis  siir  de 
convaincre  toujours  par  des  effets  que  je  n'use  en  ceci  ni  en  chose  quelconque 
de  mensonge  ou  de  ruse.  Et  à  quelle  fin  ferais-je  autrement,  puisque  je  n'ai  en 
cela  ni  peu  ni  beaucoup,  et  que  je  n'ambitionne  rien  du  sien  ?  Mais  c'est  assez 
sur  ce  sujet  auprès  de  Votre  Seigneurie  Illustrissime,  qui  est  un  juge  équitable 
et  non  point  passionné.) 


Année  1597  295 

Hieri  hebbi  T  altra  lettera  di  V.  S.  Iir*  et  viddi  la 
copia  di  quella  del  .signor  Cardinale  Santa  Severina. 
Monsignor  Reverendissimo  chiamô  subito  il  P.  Provin- 
ciale de'Cappucini  (O,  quale  era  qui  (U,  acciô  scrivesse 
al  P.  Cherubino,  che  era  in  Mommelliano,  per  farlo 
venire  qui  acciô  dia  assoluta  risposta  a  quelli  di  Geneva, 
la  quale  sin  adesso  non  si  è  potuta  dare,  et  si  pigli 
quanto  prima,  di  banda  et  d'altra,  qualche  risoluta  con- 
clusione("^).  Quel  Padre  è  diligentissimo  (n)  et  sagace,  et 
ben  presto  haverà  trattato  ;  il  che  havendo  fatto,  subito 
sarà  avvisata  V.  S.  lU""  minutissimamente  d' ogni  nostro 
pensiero,  acciô  li  moderi  tutti  ;  et  secondo  il  numéro  che 
vorranno  quelli  de  Geneva  de  conferenti,  domandaremo 


Hier  je  reçus  l'autre  lettre  de  Votre  Seigneurie  Illustrissime  et  je 
vis  la  copie  de  celle  de  M.  le  Cardinal  de  Santa-Severina.  M^""  le 
Révérendissime  manda  aussitôt  le  P.  Provincial  des  Capucins  (0, 
qui  était  ici,  pour  le  charger  d'écrire  au  P.  Chérubin,  actuellement  à 
Montmélian,  et  lui  ordonner  de  venir  rendre  une  réponse  positive  à 
ceux  de  Genève.  Cette  réponse  n'a  pu  être  donnée  jusqu'à  présent  ;  ce- 
pendant il  faut  au  plus  tôt  prendre  de  part  et  d'autre  une  résolution 
définitive.  Ce  Père  est  très  diligent  et  adroit,  il  traitera  donc  promp- 
tement  l'affaire.  Dès  qu'il  aura  achevé,  Votre  Seigneurie  sera  informée 
par  le  menu  de  nos  moindres  projets  afin  qu'ils  soient  tous  dirigés 
par  vous.  Nous  vous  demanderons  plus  ou  moins  de  théologiens  selon 

(  1  )  Hieri  pure  hebbi  ancora  una  lettera  di  V.  S.  111™^  del  25  di  Maggio,  per 
la  quale  si  riferiva  ad  una  copia  di  lettera  del  Sig''  Cardinale  S"*  Severina  ;  et 
ho  veduto  attentamente  tutto,  con  incredibil  consolatione  che  si  sia  data  tutta 
l'authorita  per  la  conferentia  a  V.  S.  111"*  et  a  Monsig""  R™°,  ché  cosi  si 
spediranno  presto  le  cose,  et  fruttuosamente.  Subito  Monsig''  R"'°  maudô  a 
chiamare  il  Padre  Provinciale  de  Cappucini 

(m)  venire  qui —  affinche  faccia  horamai  risposta  a  quelli  di  Geneva,  con  la 
quale  si  possa  venire  a  qualche  risolutione  ;  poiche  sin  adesso  si  é  andato 
differendo,  con  arti  varie,  di  fare  assoluta  risposta. 

(n)  et  sagace,  et  spero  che  ben  presto  haveremo  da  scrivergli  i  disegni 
nostri  minutissimamente,  accio  li  moderi;  poiche  sin  tanto  che  si  comminci  a 
capitulare  con  quelli  di  Geneva  del  numéro  de  conferenti  et  del  modo  délia 
conferenza,  non  possiamo  pigliare  risolutione  ;  et  questo  tocca  a  detto  Padre, 
quale  é  stato  chiamato  in  questo  campo.  Ma  sara  avvertita  V.  S.  111""*  di  tutto 


I  )  Voir  ci-devant,  note  ;  i),  p. 


296  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

a  V.  S.  lU""'  o  più  o  meno  de  theologi,  et  ad  ogni  modo 
cercaremo  che  vi  siano  duoi  o  tre  Giesuiti.  Non  dormi- 
remo  punto  in  questo  negotio,  et  sarà  et  diligentissima- 
mente  et  minutissimamente  avisata  V.  S.  Ill'"\  Laudo 
che  Sua  Santità  habbia  lasciato  questo  carico  a  V.  S.  111™* 
et  a  Monsignor  Reverendissimo,  perché  veramente  si 
farà  et  più  speditamente  et  più  fruttuosamente. 

Monsignor  Reverendissimo  è  stato  da  vinti  giorni 
in  qua  nel  letto  molto  ammalato.  et  havendo  ricevuto  in 
questo  mentre  due  lettere  di  V.  S.  111™%  una  il  26  et  l'altra 
hieri  per  le  mani  del  signor  Floccardo,  canonico  (0,  glie 
rincrebbe  infinitamente  di  non  potergli  far  risposta  per 
allhora  perché  il  medico  non  lo  volse  permettere.  Spera 
nientedimeno  che  fra  pochi  giorni,  havendo  ricuperato 
un  poco  più  di  vigore,  egli  darà  piena  et  compita  sodis- 
fattione  si  aile  lettere  di  V.  S.  111'"%  si  ancora  a  quelle 


le  nombre  de  conférenciers  voulu  par  ceux  de  Genève,  et  nous  tâche- 
rons de  toute  façon  qu'il  y  ait  deux  ou  trois  Jésuites.  Nous  ne  nous 
endormirons  point  en  cette  négociation ,  et  vous  en  serez  averti 
immédiatement,  dans  le  plus  grand  détail.  Je  me  félicite  de  ce  que 
Sa  Sainteté  en  a  laissé  le  soin  à  Votre  Seigneurie  et  à  M^""  le  Révé- 
rendissime,  car  ainsi  tout  se  fera  d'une  manière  plus  expéditive  et 
plus  fructueuse. 

Depuis  vingt  jours  Monseigneur  est  au  lit  très  malade  ;  il  a  reçu 
pendant  ce  temps  deux  lettres  de  Votre  Seigneurie,  l'une  le  26.  l'autre 
hier  par  M.  le  chanoine  Floccard  (0,  et  regrette  beaucoup  de  n'avoir 
pu  vous  répondre,  parce  que  le  médecin  n'a  pas  voulu  le  lui  permettre. 
Il  espère  néanmoins  recouvrer  un  peu  de  force  et  vous  donner,  dans 
quelques  jours,  pleine  et  entière  satisfaction  au  sujet  de  vos  lettres 

distintamente  et  veramente,  et  de  theologi  che  si  faranno  di  bisogno;  et  ad 
ogni  modo  cercaremo  per  tutte  le  vie  possibili  di  haver  duoi  Padri  Giesuiti, 
se  non  fosse  mai  per  altro  che  per  far  vedere  a  quelli  heretici  la  concordia 
fra  Catholici. 

[La  suite  de  la  minute  ne  se  trouve  pas  dansle  Procès.  Reprendre  au  texte, 
lig.  8.] 


(i)  Barthélémy  Floccard,  chanoine  de  la  Collégiale  de  Notre-Dame  de 
Liesse  d'Annecy  dès  1577,  P'^'*  sacristain  de  cette  même  église.  Il  mourut  en 
juin  i6îi. 


Année  1597  297 

del  signor  Giustiniano,  il  quale  non  è  certo  ben  informato 
délie  cose  di  qua,  ne  de  li  cunti  del  R""*  JMonsignor  suo 
zio  (').  Priegha  adunque  Monsignor  R"'°  Vescovo  V.  S. 
111™'  di  haverglie  un  poco  di  patientia  sin  tanto  che  possa 
farglie  risposta  aile  sue. 

È  vacante  adesso  un  bénéficie  curato,  cioè  una  cura  (  =  ), 
che  puô  valer  di  intrata  dugento  scudi,  nelli  buoni  anni, 
et  si  darà,  seconde  l'ordinario,  per  concorso.  lo  son 
sollecitato  da  varii  amici,  etiamdio  spirituali,  di  preva- 
lermi  di  questa  occasione,  che  maggior  non  habbiamo  di 
qua.  lo,  per  non  spregiar  V  aviso  loro,  lo  farô,  ma  con 
questa  conditione,  di  non  riservare  quel  bénéficie  se  non 
con  il  beneplacito  et  giudicio  di  V.  S.  111'"%  poichè  io 
non  posso  haver  et  ritener  insieme  con  quella  cura  il 
praevostato  délia  chiesa  Cathédrale.  E  ben  vero  ch'il  pre- 
vostato  non  havendo  neanche  un  quattrino  d' intrata,  et 
il  canonicato  che  si  dà  al  Praevosto  non  havendo  un  anno 
per  l'altro  sessanta  scudi,  io  stimo  più  giovevole  di  esser 


et  de  celles  de  M.  Giustiniani,  lequel  n'est  certainement  pas  bien 
informé  des  affaires  de  ce  pays  ni  des  comptes  de  Monseigneur  son 
oncle  (0.  M»""  notre  Révérendissime  Evêque  vous  prie  donc  de 
patienter  un  peu  jusqu'à  ce  qu'il  puisse  vous  répondre. 

Un  bénéfice-cure,  c'est-à-dire  une  cure,  est  maintenant  vacant  (a)  ; 
il  peut  rapporter  environ  deux  cents  écus  de  revenu  les  bonnes  années, 
et  doit,  comme  de  coutume,  se  donner  au  concours.  Plusieurs  de  mes 
amis,  même  spirituels,  m'engagent  à  me  prévaloir  de  cette  occasion, 
car  nous  n'en  avons  pas  de  meilleure  dans  ce  pays.  Pour  ne  point 
mépriser  leur  avis,  je  le  ferai,  mais  à  la  condition  de  ne  jouir  de  ce 
bénéfice  que  sous  le  bon  plaisir  et  avec  l'assentiment  de  Votre  Sei- 
gneurie Illustrissime,  puisque  je  ne  puis  avoir  et  conserver  avec  cette 
cure  la  prévôté  de  l'église  cathédrale.  11  est  bien  vrai  que  la  prévôté 
n'a  pas  un  liard  de  rente  et  le  canonicat  que  l'on  donne  au  Prévôt  ne 
rapporte  en  moyenne  que  soixante  écus  par  an  ;  j'estimerais  donc  plus 

(  I  )  M8>'  Ange  Giustiniani ,  après  avoir  été  dix  ans  Evèque  de  Genève 
(i 568-1 578),  avait  échangé  avec  Claude  de  Granier  la  crosse  épiscopale  contre 
les  prieurés  unis  de  Talloires  et  de  Saint-Jorioz.  Il  était  mort  à  Gènes,  sa 
patrie,  le  22  février  1596. 

{  2  )  La  cure  du  Petit-Bornand,  vacante  par  la  mort  de  Jacques  Bally. 


298  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

commodo  curato  che  povero  Prsevosto,  se  non  fosse  la 
speranza  del  ritorno  nostro  in  Geneva,  laquale  sin  adesso 
pasce  molti  honorati  dottori  et  nobili  che  sonno  stati  nella 
Chiesa  nostra.  3Ia  parlando  poi  assolutamente,  io  son 
poco  meno  costretto  di  lasciar  questo  praevostato  ad  altri 
che  possano  far  mag"gior  residentia  di  quella  ch'  io  posso 
far  mentre  son  in  Chiablais,  et  habbiano  modo  di  vivere 
senza  quello.  Io  veramente  ho  vissuto  sin  adesso,  et 
meglio  di  quello  ch'  io  non  merito,  ma  egli  è  stato  prse- 
cario  ;  onde,  ponderando  bene  ogni  cosa,  mi  risolvo  alla 
cura,  che  è  il  più  ricco  beneficio  di  questa  diocesi.  fra 
quelli  ch'io  posso  et  mi  è  lecito  sperar. 

Desiderarei  bene  preghar  humilissimamente  V.  S.  111'"'' 
che  col  beneplacito  di  Sua  Santità  mi  fosse  lecito  rite- 
ner  il  canonicato  semplice,  acciô  venendo  qui  io  habbia 
luogo  nel  cuoro  (sic)  nostro,  il  quale  è  tanto  ben  ufficiato 
che  è  una  délie  più  grandi  consolationi  ch'io  ne  habbia. 
Et  cosî,  havendo  da  vivere  quanto  basta  per  la  mia  con- 
ditione,  io  altro  non  cercarô  senon,  con  quelle  poche 
fatighe  nelle  quali  sarô  adoprato,  servire  al  Signore  et 


avantageux  d'être  un  curé  rente,  que  d'être  un  pauvre  Prévôt,  n'était 
l'espoir  de  notre  retour  à  Genève,  lequel  soutient  encore  maintenant 
plusieurs  docteurs  distingués  et  nobles  qui  ont  appartenu  à  notre 
Eglise.  Mais,  pour  parler  clairement,  je  suis  presque  contraint  de 
céder  cette  prévôté  à  quelqu'un  qui  puisse  résider  ici  plus  assiduement 
que  je  ne  le  fais  moi-même  pendant  que  je  suis  occupé  en  Chablais, 
et  qui  ait  en  même  temps  de  quoi  vivre  sans  ce  revenu.  J'ai  à  la  vérité 
vécu  jusqu'à  présent,  et  mieux  que  je  ne  le  mérite,  mais  d'une  ma- 
nière précaire  ;  c'est  pourquoi,  toutes  choses  bien  pesées,  je  me  résous 
à  demander  la  cure,  qui  est  le  plus  riche  bénéfice  de  ce  diocèse  parmi 
ceux  qu'il  m'est  possible  et  permis  d'espérer. 

Je  désire  aussi  prier  Votre  Seigneurie  Illustrissime  d'obtenir  qu'il 
me  soit  loisible,  avec  l'agrément  de  Sa  Sainteté,  de  garder  le  cano- 
nicat  simple,  afin  que,  venant  ici,  j'aie  une  place  dans  notre  chœur  ; 
car  les  offices  s'y  célèbrent  si  dignement  que  c'est  là  une  de  mes 
plus  grandes  consolations.  Ayant  ainsi  de  quoi  vivre  selon  ma  con- 
dition, je  ne  chercherai  plus  autre  chose  sinon  de  servir  le  Seigneur 
et  l'Eglise  de  ce   diocèse  par  les  petits  travaux  auxquels  je  serai 


Année   1597  399 

alla  Chiesa  di  questa  diocœsi.  Mi  perdoni  per  bontà  sua 
V.  S.  111"''  s'io,  fra  tanti  pensieri  d'importantia,  la  tra- 
tengo  sopra  questo  mio  particolar,  perché  in  questi  miei 
dubbii  no  so  dove  quietarme  senon  nel  seno  di  Sua  Pater- 
nità  Iir^  et  R"'\ 

Non  so  ancora  se  Sua  Beatitudine  si  sarà  compiaciuta 
di  dar  la  licentia  de'  libri  prohibiti  alli  signori  Grandis  (0 
et  Rogetio,  dottori  de  theologia  ;  so  bene  che  non  bisogna 
impacciarsi  di  praedicar  fra  gl'  haeretici  sensa  quella.  La 
conferentia  me  vuol  trattener  un  pezzo  di  qua,  ma  fra 
tanto  il  signor  Rogetio  passarà  in  Tonone  acciô  faccia 
quel  che  si  conviene  in  quelF  opra. 

Priegho  il  Signor  conservi  molti  anni   V.  S.  lU"''*  ad 


employé.  Que  votre  bonté  daigne  me  pardonner  si,  au  milieu  de 
tant  de  graves  sollicitudes  qui  l'accablent,  je  l'entretiens  d'une  affaire 
qui  m'est  personnelle  ;  mais,  dans  mes  doutes,  je  ne  sais  où  me  repo- 
ser si  ce  n'est  dans  le  cœur  de  Votre  Illustrissime  et  Révérendissime 
Paternité. 

Je  ne  sais  pas  encore  s'il  aura  plu  à  Sa  Sainteté  d'accorder  à 
MM.  Grandis (i)  et  Roget,  docteurs  en  théologie,  la  permission  de 
lire  les  livres  défendus  ;  mais  je  sais  bien  que,  sans  cette  permission, 
il  ne  faut  pas  se  mêler  de  prêcher  parmi  les  hérétiques.  La  conférence 
me  retiendra  longtemps  ici  ;  en  attendant,  M.  Roget  ira  à  Thonon 
pour  remplir  les  devoirs  du  ministère. 

Je  prie  le  Seigneur  de  vous  conserver  longues  années  pour  l'utilité 

(i)  Claude  Grandis,  docteur  de  Louvain,  était  uu  ecclésiastique  plus 
remarquable  encore  par  ses  éminentes  vertus  que  par  son  savoir.  Ordonné 
prêtre  le  27  mai  1589,  il  avait  été  institué  curé  d'Arthaz  le  3  novembre  de 
la  même  année,  et  sept  ans  plus  tard  (i^'"  octobre  1506),  il  permuta  ce  bénéfice 
contre  un  canonicat  à  la  cathédrale.  Il  s'était  acquis  l'estime  et  l'affection  de 
saint  François  de  Sales,  qui  voulut  l'avoir  pour  collaborateur  dans  la  mission 
du  Chablais,  et,  en  1608,  le  nomma  préfet  de  la  Sainte-Maison. 

La  mort  de  ce  chanoine,  arrivée  en  juillet  1617,  fut  un  deuil  public, 
ainsi  que  l'écrit  sainte  Jeanne-Françoise  de  Chantai  en  rendant  le  témoignage 
suivant  à  ses  vertus  :  M.  Grandis  est  un  «  homme  de  parfaite  sainteté  que 
chacun  pleure  et  regrette  pour  l'extrême  perte  que  l'Eglise  a  faite.  Les  sei- 
gneurs de  Genève  même,  forcés  par  sa  rare  vertu,  le  regrettent,  et  disent  que 
c'était  un  ange  du  Ciel  ;  certes,  cette  mort  me  toucha  jusqu'au  fond  du  cœur. 
Monseigneur  en  a  ressenti  et  ressent  une  douleur  nonpareille.  Encore  ce 
matin  les  larmes  lui  en  venaient  aux  yeux.  "   (Lettre  du  i'^''  août  1617.) 


^oo  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

utiltà  di   queste   provincie,  et  basciandoli  humilissima- 
mente  le  mani  reverendissime,  resto  eternamente, 

Di  V.  S.  Iir^'  et  R'"% 

Humilissimo  et  devotissimo  servitore, 

Franc°  De  Sales, 

indegno  Prevosto  di  Geneva. 

In  Annessy,  alli  31  di  Maggio  97. 

Doppo  questa  scritta  et  non  mandata,  il  P.  Spirito  mi 
ha  mandata  una,  quale  io  [ho]  giunta  qui,  et  credo  che 
glie  darà  aviso  délie  cose  di  Tonone. 

Air  111'"°  et  R"^*'  Sig''  mio  osservandissimo, 
Monsig""  l'Archlvescovo  di  Bari, 

Nuntio  Apostolico  appresso  S.  A. 
Turino. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  Rome,  Archives  du  Vatican. 


de  ces  provinces,  et  baisant  très  humblement  vos  mains  vénérées,  je 
demeure  à  jamais, 

De  Votre  Seigneurie  Illustrissime  et  Reverendissime, 

Le  très  humble  et  très  dévoué  serviteur, 
François  de  Sales, 
indigne  Prévôt  de  Genève. 
Annecy,  le  31  mai  1597- 

Cette  lettre  était  écrite  et  non  encore  expédiée,  quand  le  P.  Esprit 
m'en  a  fait  remettre  une  que  je  joins  à  celle-ci  ;  je  crois  qu'il  vous 
renseignera  sur  les  affaires  de  Thonon. 


Année  1597  301 


XCVIII 

AU      M  Ê  iVI  E 
(minute) 

Affaires  du  Chablais  :  démêlés  avec  les  Chevaliers  des  Saints  Maurice 
et  Lazare;  encore  la  conférence  de  Genève. 

Sales,  29  juin   1597. 

Illustrissimo  et  Reverendissimo  Signor  mio 
osservandissimo, 

Mi  furono  mandate  le  lettere  di  V.  S.  111"%  insieme 
col  Brève  di  Sua  Santità''),  dal  signor  praesidente  Po- 
bello(  =  )  con  grandissima  diligentia,  si  che  capitorono 
nelle  mie  mani  in  Tonone  alli  23  di  Giugno.  Ringratio 
infinitamente  V.  S.  Ill""  del  zelo  con  il  quale  Ella  si 
adopra  per  questi  poveri  popoli. 

Quanto  ail' ordine  il  quale  il  signor  Ripa  (3)  fa  inten- 
dere  essersi  dato,  si  per  la  conservatione  del  luogho  di 
monsieur  di  Avulli  nel  consistorio  di  Chiablais,  si  anche 


Mon  très  honoré,  Illustrissime  et  Révérendissime  Seigneur, 
Les  lettres  de  Votre  Seigneurie  et  le  Bref  de  Sa  Sainteté  (  i  )  me 
furent  envoyés  si  promptement  par  M.  le  président  PobeKa),  qu'ils 
me  parvinrent  à  Thonon  le  23  juin.  Je  vous  remercie  infiniment  du 
zèle  avec  lequel  vous  vous  employez  pour  ces  pauvres  populations. 
Quant  à  l'ordre  que  M.  Ripa  (  3  )  dit  avoir  été  donné,  soit  pour  le 
maintien  de  M.  d'AvuUy  dans  la  charge  de  chef  du  consistoire  du 

(  I  )  Voir  ci-devant  note  (  i  ),  p.  272. 

(2)  Raymond  Pobel,  seigneur  d'Asnières  et  du  MoUard,  d'abord  avocat  au 
Sénat  de  Savoie  (1566),  juge-mage  de  Bresse  (1569),  puis  sénateur  (1571),  avait 
été  nommé  troisième  président  du  Sénat  le  9  janvier  1581,  et  devint  second 
président  le  5  août  1585.  Il  mourut  le  5  août  1597. 

(3)  Augustin  Ripa,  premier  secrétaire  d'Etat,  comte  de  Jaillon  (1394),  réunis- 
sait au  titre  de  conseiller  d'Etat,  celui  de  «  secrétaire  des  Commandements, 
des  Finances,  de  l'Ordre  de  l'Annonciade  et  de  la  sacrée  Religion  et  Milice  des 
Saints  Maurice  et  Lazare.   >< 


302  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

per  la  restitutione  delFintrata  al  curato  di  San  Giulino, 
non  ne  ho  sin  adesso  sentito  nuova  veruna. 

Quanto  poi  a  (»)  quello  che  è  stato  promesso  dalli 
Cavaglieri,  è  vero  che  il  signor  cavaglier  Bergera  mi 
obligé  gl'affitauoli,  ma  è  vero  ancora  ch"  io  protestai  di 
non  voler  litigar  con  essi,  che  eran  tutti  habitatori  di 
Tonone  ;  et  non  fa  bisogno  che  quelli  i  quali  cercano 
di  ridurli  habbiano  questi  intrighi  con  loro,  massime  in 
questi  calamitosissimi  tempi  et  paesi  dove  ogn'  uno  è 
povero. 

Circa  1*  accrescer  li  curati,  persisto  io  a  dire  che  è  con- 
venientissimo  che  non  solo  li  Cavaglieri ,  ma  quanti 
sonno  che  si  ritruovano  haver  beneficii  in  Chiablais,  li 
lascino  in  mano  di  ^lonsignor  Reverendissimo  per  darli 
a  capaci.  31a  non  mi  par  che  debbano  li  signori  Cava- 
glieri, con  questi  prsetesti,  ritardar  l'opra  et  dire  che 
quasi  tutte  le  cure  siano  nelle  mani  de'prœti,  perché  non 
saranno  cinque  praeti  che  godano  pacificamente  detti 
beneficii  .t').  Et  io  non  ne  so  senon  uno.  de  quelli  cinque. 


Chablais,  soit  encore  pour  la  restitution  du  traitement  dû  au  curé  de 
Saint-Julien,  je  n'en  ai  jusqu'ici  reçu  aucune  nouvelle. 

Au  sujet  de  ce  qui  a  été  promis  par  les  Chevaliers,  il  est  vrai  que 
le  chevalier  Bergera  obligea  les  fermiers  en  ma  faveur  ;  mais  il  est 
vrai  aussi  que  j'ai  protesté  ne  point  vouloir  plaider  avec  ces  gens, 
qui  sont  tous  habitants  de  Thonon  ;  et  il  ne  faut  pas  que  ceux  qui 
tâchent  de  les  convertir  aient  ces  démêlés  avec  eux,  surtout  en  des 
temps  si  calamiteux,  et  en  des  pays  où  tout  le  monde  est  pauvre. 

Pour  ce  qui  est  d'augmenter  le  nombre  des  curés,  je  persiste  à  dire 
qu'il  est  très  convenable  que  non  seulement  les  Chevaliers,  mais 
encore  tous  ceux  qui  détiennent  des  bénéfices  en  Chablais  les  remet- 
tent à  M'""  le  Révérendissime  afin  qu'il  les  donne  ensuite  aux 
plus  capables.  Toutefois,  il  me  semble  que  MM.  les  Chevaliers  ne 
doivent  pas,  sous  de  vains  prétextes,  retarder  cette  œuvre  et  dire 
que  presque  toutes  les  cures  sont  entre  les  mains  des  ecclésiasti- 
ques ;  car  il  n'y  a  pas  cinq  prêtres  qui  jouissent  paisiblement  de  ces 
bénéfices.  Sur  les  cinq  je  n'en  connais  qu'un  qui  ne  soit  pas  molesté 

(a)  d  —  Tqucl  grauo  et  vino...J 

(b)  delti  beneficii  —  et  non  siano   fquerelali  dall' istessi...J 


Année  1597  303 

il  quale  non  sia  querelato  dall'istessi  Cavaglieri.  et 
quello  sin  adesso  non  ne  ha  cavato  un  sol  quattrino  per 
esser  stato  impedito  dalli  Genevrini;  et  nel  resto  ha  speso 
del  suo  et  delli  suoi  amici,  nell'opra  di  Chiablais,  quanto 
basta  per  non  essergli  rimproverato  quel  beneficio  (i). 

Ho  ricevuto  il  Brève  di  Sua  Santità  con  ogni  humiltà, 
et  vederô  di  essequire  quanto  in  quello  mi  è  comman- 
dato,  con  ogni  diligentia.  È  vero  che  il  tempo  è  molto 
cattivo  di  qua.  3Ionsignor  R™"  Vescovo  mi  ha  mandate 
una  lettera  per  esser  mandata  a  V.  S.  111™%  nella  quale 
glie  dà  raguaglio  délia  sanità  ricuperata  per  gratia 
d' Iddio. 

Il  P.  Cherubino  glie  scrive  circa  la  conferentia  in  che 
stato  siamo.  Temo  che  li  movimenti  délia  Maurianna  non 
ci  diano  gran  disturbo  (  =  ),  massime  alla  venuta  del  Padre 
Giesuito  che  V.  S.  111"^  vuol  far  venire.  Et  già  che  mi 


par  les  Chevaliers  mêmes,  et  celui-ci  n'en  a  pas  tiré  un  seul  liard  parce 
qu'il  en  a  été  empêché  par  les  Genevois.  Du  reste,  il  a  suffisamment 
dépensé  de  son  bien  et  de  celui  de  ses  amis  dans  la  mission  du  Cha- 
blais,  pour  qu'on  ne  lui  reproche  pas  ce  bénéfice  (i). 

J'ai  reçu  en  toute  humilité  le  Bref  de  Sa  Sainteté  ;  je  tâcherai 
d'exécuter  avec  grande  diligence  ce  qu'il  m'enjoint.  Il  est  vrai  que  les 
temps  sont  bien  mauvais  pour  ce  pays.  M"""  notre  Révéren- 
dissime  Evêque  m'a  envoyé,  pour  faire  parvenir  à  Votre  Seigneurie, 
une  lettre  dans  laquelle  il  vous  annonce  que,  par  la  grâce  de  Dieu,  il 
a  recouvré  la  santé. 

Le  P.  Chérubin  vous  écrit  où  nous  en  sommes  touchant  la  confé- 
rence. Je  crains  que  les  mouvements  des  troupes  en  Maurienne 
ne  nous  causent  de  grands  embarras  (=  \  surtout  pour  la  venue  du 
P.  Jésuite  que  Votre  Seigneurie  Illustrissime  veut  nous  envoyer. 
Puisque  vous  me  demandez  lequel  serait  le  plus  utile,  du  Recteur  de 

(  I  )  Le  Saint  parle  ici  de  lui-même  ;  car  il  avait  obtenu  au  concours,  le 
II  mai  1595,  ^^  ^^^^  ^^  Corsier-Asnières,  dont  les  revenus  étaient  aliénés  par 
les  hérétiques. 

(  2  )  Lesdiguières  venait  de  faire  une  descente  dans  cette  province  ;  le  23  juin 
il  avait  surpris  Saint-Jean  de  Maurienne.  Dom  Sanche  de  Salinas,  chargé  de 
défendre  le  pays,  au  lieu  d'opposer  quelque  résistance,  avait  replié  ses 
troupes  sur  le  Piémont.  Lesdiguières  le  poursuivit  jusqu'au  pied  du  Mont- 
Cenis,  et  s'empara  du  château  de  Saint-Michel. 


304  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

domanda  quale  ûa.  più  utile,  o  vero  il  Rettor  de  Turino  (»), 
o  vero  il  theologo  francese  che  legge  in  ^Lilano  (=),  stimo 
ch'il  francese  tornarà  più  a  commodo,  si  per  il  commercio 
délia  lingua,  si  ancora  per  parer  minor  affettatione  dalla 
banda  nostra,  g'ià  che  questa  conferentia  non  ha  da  farsi 
se  non  sotto  nome  di  3Lonsignor  Reverendissimo  nostro. 
3la  saria  bisogno  di  tenerlo  avvertito  acciô  che  venga 
al  primo  avviso  senza  dilatione,  perché  il  differire  non 
potrà  esser  senon  nocivo.  Habbiamo  in  Chiambery  duoi 
Padri  Giesuiti  valenti  :  il  Padre  Saunerio  et  il  Padre 
Alexandro,  scossese  (3);  et  in  caso  che  fossero  chiusi  i 
passi  et  le  strade  per  venire,  mi  pare  che  bastariano.  È 
ben  vero  che  questi  Genevrini  fanno  gran  difficoltà  di 
ricevere  Giesuiti  in  questa  conferentia,  con  dire  che  sonno 
huomini  di  Stato  et  esploratori  di  Spagna  ;  ma  noi,  dal 
canto  nostro,  faremo  oofni  sorte  di  instantia. 


Turin  d  )  ou  du  français,  lecteur  de  théologie  à  Milan  (  =  ),  je  crois  que 
le  français  nous  conviendra  mieux,  soit  à  cause  de  la  langue,  soit  aussi 
pour  qu'il  y  ait  moins  d'affectation  de  notre  côté  ;  car  cette  confé- 
rence ne  doit  se  faire  que  sous  le  nom  de  M^""  notre  Evêque.  Mais 
il  faudrait  prévenir  ce  Père  afin  qu'il  vint  sans  retard  au  premier 
appel  :  tout  délai  ne  pourrait  être  que  nuisible.  Nous  avons  à 
Chambéry  deux  Pères  Jésuites  de  grand  mérite  :  le  P.  Saunier  et  le 
P.  Alexandre,  écossais  (  3  )  ;  si  les  passages  et  les  routes  [d'Italie]  étaient 
fermés,  il  me  semble  que  ces  Religieux  suffiraient.  Les  Genevois,  il  est 
vrai,  font  grande  difficulté  d'admettre  des  Jésuites  à  cette  conférence, 
disant  qu'ils  sont  hommes  d'Etat  et  explorateurs  d'Espagne  ;  cepen- 
dant nous  emploierons  de  notre  côté  toutes  sortes  d'instances. 

(i)  Le  P.  Antoine  Marchesi,  milanais,  qui  exerça  cette  charge  pendant  les 
années  1 595-1598  et  1602,  1603. 

(2)  Le  P.  Jean  de  Lorini  (voir  ci-devant,  note  (  i  ),  p.  105). 

{})  Le  P.  Alexandre  Hume  ou  Humasus,  né  en  Ecosse  en  1560,  appartenait 
probablement  à  la  famille  des  barons  Hume  de  PoUvarth  ;  il  entra  dans  la 
Compagnie  de  Jésus  en  1581.  Un  de  ses  contemporains  fait  de  lui  réloge 
suivant  :  Il  se  rendit  recommandable  «  par  son  humilité  et  par  le  cou- 
rage qu'il  témoigna  en  plusieurs  rencontres  où  il  s'agissait  de  la  conquête  des 
âmes...  C'était  un  saint,  tenu  pour  tel  en  Chablais  et  partout  ailleurs.  »  Le 
P.  Hume  partagea  avec  beaucoup  de  zèle  et  de  dévouement  les  travaux  de 
saint  François  de  Sales  pour  la  conversion  des  hérétiques.  H  mourut  à  Cham- 
béry le  29  mars  1606. 


Année  1597  305 

Quanto  alla  parrochia  per  laquale  desideravo  di  haver 
dispensa ,  il  fratello  del  defunto  curato  prétende  di 
esserne  proviso  (<=),  per  resignatione,  da  Roma  ;  il  che  se 
sarà  vero,  non  vorrei  esser  importune  con  V.  S.  111""* 
indarno.  Aspettarô  adunque  di  supplicarla,  sin  tanto  che 
di  Roma  venga  la  resolutione  per  questo  praetendente. 

Fra  tanto  mi  fanno  intendere  che  il  signor  Cantor  délia 
metropolitana  di  Lione(i)  indrizza  certi  avvisi  a  Mon- 
signor  riU™"  Cardinale  Legato  in  Francia(  =  )  circa  le  cose 
di  Genevra  ;  et  perché  è  persona  degna  de  fede,  mi  è 
parso  di  dover  darne  aviso  a  V.  S.  111'"%  acciô  che  se 
per  sorte  la  scrivesse  a  detto  signor  Legato  et  venisse  a 
proposito,  lo  favorischi 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


Quant  à  la  paroisse  pour  laquelle  je  désirais  avoir  une  dispense,  le 
frère  du  défunt  prétend  en  être  pourvu  de  Rome  par  résignation.  S'il 
est  vrai,  je  ne  voudrais  pas  importuner  inutilement  Votre  Seigneurie; 
j'attendrai  donc  pour  vous  supplier  à  ce  sujet  la  décision  de  Rome  à 
l'égard  du  prétendant. 

On  m'avertit  que  M.  le  chantre  de  la  métropole  de  Lyon  (  i  )  adresse 
à  M"""  l'Illustrissime  Cardinal  Légat  de  France  (2)  certains  avis  tou- 
chant les  affaires  de  Genève  ;  comme  il  est  un  homme  digne  de 
foi,  j'ai  cru  devoir  vous  en  informer,  afin  que  si  par  hasard  Votre 
Seigneurie  écrit  audit  Légat  et  qu'EUe  en  ait  occasion,  Elle  daigne 
le  favoriser 

(c)  proviso  —  fcon  derogatione...J 


(  I  )  Louis  de  Sacconay,  qui  appartenait  à  une  famille  savoisienne,  était 
chanoine  de  la  métropole  de  Lyon  dès  le  24  décembre  157».  Il  remplit  suc- 
cessivement dans  ce  Chapitre  les  charges  de  maître  de  chœur  (1377),  chantre 
(i5|8a)  et  chamarier  (1604);  il  mourut  le  ij  juin  1613. 

(2)  Alexandre  de  Médicis  ;  voir  ci-devant,  note  (  i  ),  p.  221. 


LïtTRES    1 


3o6  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

XCIX 

AU    DUC    DE    SAVOIE,    CHARLES-EMMANUEL    V^ 

(minute) 

Témoignages  de  reconnaissance. 

[Juillet]    1597. 
(a)  Monseigneur, 

Je  remercie  très  humblement  Vostre  Altesse  du  favo- 
rable jugement  qu'elle  fit  de  moy  dernièrement  (0,  quand 
la  nouvelle  se  donna  que  Monseigneur  le  R™"  Evesque 
de  Genève  estoit  en  danger  de  mort(-).  Et  sachant  que 
cest  heur  de  comparoistre  en  vostre  mémoire  en  une  si 
honnorable  occasion  ne  peut  partir  que  de  la  bonté  de 
Vostre  Altesse,  qui  aura  peut  [être]  esté  persuadée  qu'il 
y  aye  quelque  suffisance  en  moy,  proportionëe  a  ceste 
sienne  faveur,  je  rougis  d'honte  d'en  estre  tant  indigne  (b), 
et  loue  Dieu  néanmoins  qui  a  donné  a  Vostre  Altesse 
ceste  resolution  de  vouloir  procurer  des  bons  pasteurs  a 
vostre  peuple  ;  car  encores  que  je  soys  le  plus  indigne  de 
tous  ceux  qu'elle   pouvoit  se  reduyr'en  souvenance,   si 


(a)  Monseig'',  Je  remercie  Vostre  Ser'""^  Altesse  du  favorable  souvenir 
qu'ell'eust  de  moy  dernièrement  quand  ell'eut  advis  que  Monseig""  le  R""= 
Evesque  de  Genève  estoit  en  danger  de  mort;  lequel,  bien  quil  partit  du 
respect  que  V.  A.  porte  a  la  vertu,  du  mérite  delaquelle  elle  croyoit  que  je 
fusse  prouveu,  dont  je  suis  bien  esloigné,  ne  peut  qu'il  n'anime  a  se  rendre 
vertueux  tous  ceux  qui  l'auront  sceu,  et  ne  me  donne  courage  pour  m'acquerir 
la  suffisance  en  contemplation  de  laquelle  V.  A.  s'advisa  Ihors  de  me  bienfaire. 
Et  bien  que  je  sois...  Ell'animera  néanmoins  tous  ceux  qui  le  sçauront  a  se 
Prendre  capables  de  semblablc.J  procurer  une  vraye  capacité  qui  puysse 
mériter  un  bien  semblable... 

(b)  [Un  léger  trait  de  plume  a  été  passé,  probablement  par  distraction,  sur 
les  sept  mots  qui  précèdent.] 


(i)  Voir  à  l'Appendice  la  lettre  du  Nonce  en  date  du  i6  juin  1597. 

(  2  )  Malgré  le  rétablissement  de  M'^''  de  Granier,  le  duc  de  Savoie  ne  perdit 
pas  de  vue  le  projet  de  lui  donner  le  Prévôt  pour  successeur;  le  29  aoiit  de 
cette  même  année,  il  signait  les  lettres  patentes  par  lesquelles  celui-ci  était 
nommé  coadjuteur  de  l'Evèque  de  Genève  avec  future  succession. 


Année  1597  307 

est  ce  que  l'intention  droitte  de  Vostre  Altesse  ne  laisse 
pas  d'en  estre  très  recommandable  (<=). 

J"ay  escrit  pieça  a  Vostre  Altesse  des  nécessités  du 
Chablais,  et  i^)  quoy  que  je  ne  doute  point  que  le  zèle 
dont  Nostre  Seigneur  a  eschauffé  son  cœur  ne  luy  en 
tienne  tousjours  la  memoyre  fraiche,  si  ay  je  prié  mon- 
sieur le  baron  de  Chevron  de  la  luy  repraesenter. 

Je  prie  sa  divine  Majesté  qu'elle  (e)  conserve  et  confère 
toute  bénédiction  a  Vostre  Altesse,  delaquelle  je  suis, 
Monseigneur, 
(f)  Très  humble  et  très  obéissant  serviteur  et  sujet. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


(c)  très  recommandahle.  —  rPuys,  en  un  siècle  si  désespéré...  infortuné. ..J 

(d)  et —  fay  prié  monsieur  le  baron  de  Chivron  d'en  resouvenir  par  fois 
V.  A...J 

(e)  qu'elle  —   fsoit  la  protection  de  V.  A...J 

(f)  a  Vostre  Altesse,  —  flaquelle  je  supplie  de  m'advoiierj  Monseigneur, 
fpour  sonj 


A   UN    GENTILHOMME    DE    LA    COUR    DU    DUC    DE    SAVOIE 
(minute  inédite) 

Même  sujet. 

"juillet]    1597. 

Monsieur, 

Je  ne  puys  penser  d'ou  me  vient  la  faveur  [par  la- 
quelle] il  vous  pleut  embrasser  dernièrement  l'honno- 
rable  souvenance  que  Son  Altesse  eut  de  moy  sur  la 
nouvelle  qui  courut  de  la  maladie  de  31onseigneur 
TEvesque  de  Genève,  si  ce  n'est  vostre  bonté,  qui  vous 
sollicite  a  bienfaire  jusques  aux  inconneuz.  Mays  je  sçai 
bien  que  ceste  vostre  courtoisie  ne  se  pouvoit  adresser  a 


308  LETTRtS    DE    SAINT   FrANÇoIS   DE   SaLKS 

sujet  qui  s'en  tint  plus  indigne  et  plus  obligé  a  vou.ê 
rendre  humble  service. 

Je  prie  Dieu  quil  vous  conserve  longuement  en  prospé- 
rité, et  m'offre  meshuy  a  vous  pour  demeurer  a  jamais, 
3lonsieur, 

Vostre  très  humble  serviteur. 

Revu  sur  TAutographe  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


CI 


A   MONSEIGNEUR  JULES-CÉSAR    RICCARDI 
ARCHEVÊQUE    DE    BARI,    NONCE   APOSTOLIQUE    A    TURIN 


Assemblée  faite  à  Annemasse  pour  traiter  des  intérêts  de  la  religion  en 
Chablais.  —  Le  P.  Chérubin  député  auprès  du  duc.  —  Succès  prodigieux 
des  Quarante-Heures  d'Annemasse. 

[Thonon,]    14  septembre  1597. 

Illustrissimo  et  Reverendissimo  Signor  mio 
osservandissimo, 

3lentre  son  stato  dififerendo  di  giorno  in  giorno  di 
scriver  a  V.  S.  IIP'*  sin  tanto  che  io  potessi  concorrere 
col  P.  Cherubino  per  scrivergii  più  compitamente,  sonno 
occorse  tante  cose  degne  di  esser  scritte  ch'  io  non  so  se 
le  potrô  ben  tutte  ridurre  nella  memoria. 

Essendosi  ridotti  in  Annemasse  li  R""  Padri  Giovanni 
Saunerio,    Giesuito,    Spirito   et  Cherubino,    Cappucini, 


Mon  très  honoré,  Illustrissime  et  Révérendissime  Seigneur, 
Pendant  que  Je  différais  de  jour  en  jour  d'écrire  à  Votre  Seigneurie 
Illustrissime  en  attendant  que  je  pusse  me  concerter  avec  le  P.  Chéru- 
bin pour  le  faire  plus  amplement,  il  est  arrivé  tant  de  choses  dignes 
de  vous  être  communiquées,  que  je  ne  sais  si  je  pourrai  les  rappeler 
toutes  à  mon  souvenir. 

Comme  je  vous  l'écrivais  dans  ma  dernière  lettre,  les  RR.  PP.  Jean 
Saunier,  Jésuite,  Esprit  et  Chérubin,  Capucins,  le  chanoine  de  Sales, 


Année  1597  309 

insieme  col  signor  canonico  de  Sales,  il  curato  di  Anne- 
masse  (i),  tutti  prœdicalori,  et  il  Barone  di  Viri,  consi- 
gliere  di  Stato  di  Sua  Altezza,  per  cercar  li  mezzi 
convenevoli  di  ridurre  alla  fede  li  popoli  che  sonno 
intorno  a  Geneva,  si  corne  io  scrissi  a  V.  S.  111™^  per 
l'ultima  mia,  si  fece  questa  conclusione.  Che  bisognava 
ad  ogni  modo  che  le  cure  fossero  restituite  dalli  Cava- 
glieri  di  San  Lazare  et  altri  ;  che  fosse  drissato  un  coUegio 
in  Tonone  de  Padri  Giesuiti,  od  al  manco  una  residentia 
ad  tempus,  et  per  ciô  fare,  vi  foss' applicata  l'intrata 
di  un  priorato  conventuale  posseduto  dalla  communità  di 
esso  luogho.  Et  acciô  che  gl'  habitatori  non  ne  havessero 
ramarico  verso  detti  Padri,  il  che  impedirebbe  assai  il 
progresse  délia  loro  conversione ,  fu  avisato  che  saria 
preghata  Sua  Altezza  di  voler  dar  a  detta  communità,  in 
vece  del  priorato,  un  datio  o  taglione  che  si  cava  di  detta 
terra  di  Tonone.  Questo  fu  il  sommario  délie  conclusioni 
fatte  unanimamente  da  detti  Padri  et  altri  da  un  canto. 


le  curé  d'Annemasse  (i),  tous  prédicateurs,  et  le  baron  de  Viry, 
conseiller  d'Etat  de  Son  Altesse,  se  sont  réunis  à  Annemasse  afin 
d'aviser  aux  moyens  les  plus  convenables  pour  ramener  à  la  foi  les 
populations  des  environs  de  Genève  ;  voici  ce  qui  a  été  conclu.  Il  est 
absolument  nécessaire  que  les  Chevaliers  de  Saint-Lazare  et  autres 
cèdent  les  cures  qu'ils  possèdent  ;  qu'un  collège  de  PP.  Jésuites,  ou 
du  moins  une  résidence  ad  tempus  soit  établie  à  Thonon.  11  faudrait 
appliquer  à  cela  le  revenu  d'un  prieuré  conventuel  qui  appartient  à 
la  commune  dudit  lieu.  Mais  afin  d'empêcher  les  habitants  de  conser- 
ver quelque  froideur  à  l'égard  des  Pères,  ce  qui  entraverait  beau- 
coup le  progrès  de  leur  conversion,  on  proposa  de  prier  Son  Altesse 
de  vouloir  bien,  en  dédommagement  de  ce  prieuré,  abandonner  à  la 
commune  l'impôt  ou  taille  qu'elle  perçoit  maintenant  de  la  ville  de 
Thonon.  Tel  est  le  résumé  des  propositions  faites  unanimement  par 
les  Pères  et  autres  qui  assistaient  à  l'assemblée. 

(  I  )  Balthazar  Maniglier,  «  personnage  de  beaucoup  d'érudition  et  d'une 
grande  piété,  »  lié  d'amitié  avec  saint  François  de  Sales  depuis  l'époque  où 
ils  faisaient  ensemble  leurs  études  à  Paris,  avait  été  nommé  curé  d'Annemassa 
le  29  octobre  1596.  Honoré  de  la  confiance  de  son  Evéque  et  de  celle  du  duc 
de  Savoie,  il  fut  chargé  par  ce  dernier  de  plusieurs  missions  importantes.  Il 
mourut  curé  de  Serraval  en  1636. 


3IO  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

Si  trattô  poi  délia  conferentia,  a  che  modo  la  potres- 
simo  inviare  ;  ma  di  questo  lasciarô  scriver  al  P.  Cheru- 
bino  al  quale  sonno  state  fatte  le  risposte.  In  summa,  li 
ministri  temono  incredibilmente  questa  impresa.  Et  per- 
ché il  P.  Cherubino  mi  ha  detto  che  V.  S.  IIP*  proponeva 
di  prieghar  Sua  Santità  che  ci  facesse  gratia  di  scriver 
al  signor  Cardinale  Legato  di  Francia  acciô  procuri  ch'  il 
Re  coramandi  a'  Genevrini  di  venir  a  conferentia  (  ^  ),  non 
posso  tralasciar  di  dire  che  a  questo  modo  si  farebbe 
detta  conferentia  et  più  fruttuosamente  et  con  conditioni 
più  avantaggiose. 

Hora,  di  quanto  fu  proposto  in  Annemasse,  si  fece 
un  scritto  et  memoriale  da  esser  appraesentato  a  Sua 
Altezza  Serenissima,  et  fu  deputato  il  P.  Spirito  per 
andar  in  corte  a  trattarne  ;  ma  poi  Monsignor  Reveren- 
dissimo  nostro  volse,  et  prudentissimamente,  che  il  Padre 
Cherubino  facesse  questo  viaggio.  Et  insieme  fu  trattato 
di  far  V  oratione  di  Quarant'  hore  in  detto  luogho  di 
Annemasse,    per   svegliar    quelli    ministri    di    Geneva  ; 


On  traita  ensuite  des  moyens  à  prendre  pour  acheminer  le  projet 
de  la  conférence  ;  mais  je  laisserai  le  P.  Chérubin  écrire  sur  ce  sujet, 
puisque  c'est  à  lui  que  les  réponses  ont  été  données.  En  somme,  les 
ministres  redoutent  incroyablement  cette  entreprise.  Le  P.  Chérubin 
m'a  dit  que  Votre  Seigneurie  Illustrissime  se  proposait  de  prier  Sa 
Sainteté  de  vouloir  bien  écrire  à  M.  le  Cardinal  Légat  de  France, 
afin  qu'il  tâche  d'obtenir  que  le  roi  ordonne  aux  Genevois  de  venir  à 
la  conférence  (  i  )  ;  or,  je  ne  puis  omettre  de  vous  prévenir  que,  de 
cette  manière,  elle  se  ferait  avec  beaucoup  plus  de  fruit  et  dans  des 
conditions  plus  avantageuses. 

De  tout  ce  qui  a  été  proposé  à  Annemasse,  on  a  dressé  un  écrit  ou 
mémoire  pour  être  présenté  à  Son  Altesse.  Le  P.  Esprit  avait  d'abord 
été  désigné  pour  aller  en  cour  traiter  de  cette  affaire  ;  mais  ensuite 
Monseigneur  voulut,  et  cela  très  prudemment,  que  le  P.  Chérubin 
entreprît  ce  voyage.  11  avait  été  aussi  question  de  célébrer  les  prières 
des  Quarante-Heures  audit  lieu  d'Annemasse  pour  réveiller  les  mi- 
nistres de  Genève.  Le  Père  se  trouvant  donc  à  la  cour,  obtint  sur 

(  I  )  Il  ne  fut  pas  donné  suite  à  ces  projets,  et  les  ministres  protestants, 
après  avoir  fait  traîner  l'affaire  en  longueur,  finirent  par  refuser  la  discussion. 


Année   1597  311 

onde  detto  Padre,  essendo  in  corte,  hebbe  del  tutto 
piissima  et  gratissima  risposta.  Ma  le  cose  délie  cure  et 
del  collegio  furono  lasciate  nelle  mani  delli  signori  di 
Lulino  et  di  Giacob  per  avisare  del  modo  col  quale  si 
potessero  essequire  ;  et  adesso,  per  quanto  mi  vien  detto, 
si  aspetta  la  venuta  del  signor  cavaglier  di  Ruffia  per 
farne  fine. 

Oueir  oratione  di  40  hore  si  fece  in  Annemasse  la 
Domenica  prima  di  Settembre  et  il  giorno  délia  Natività 
délia  ^ladonna,  con  un  frutto  molto  più  grande  di  quello 
che  si  sperava  0  ;  et  ha  un  poco  del  miracolo.  Annemasse 
è  una  parrochia  nel  contado,  vicina  a  Geneva  tre  millia, 
dove  non  ciè  commodità  di  allogiare  quattro  persone, 
Ivi,  intorno  alla  chiesa  che  è  tutta  guasta  da  gl'  hugue- 
notti,  si  fece  un  tentorio  capacissimo  con  tele,  legnami, 
tapisserie  (sic)  et  altre  cose  simili  acciô  potessero  li 
popoli  star  ail"  or 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  d"Annecy. 


chaque  proposition  une  très  pieuse  et  très  agréable  réponse.  Mais  les 
projets  relatifs  aux  cures  et  au  collège  ont  été  remis  entre  les  mains 
de  MM.  de  Lullin  et  de  Jacob,  qui  doivent  aviser  comment  on  pourrait 
les  mettre  à  exécution  ;  maintenant,  à  ce  qui  m'est  dit,  on  attend 
pour  en  finir  l'arrivée  de  xM.  le  chevalier  de  Ruffia. 

Cet  exercice  des  Quarante-Heures  se  fit  à  Annemasse  le  premier 
Dimanche  de  septembre  et  le  jour  de  la  Nativité  de  Notre-Dame,  avec 
un  fruit  beaucoup  plus  grand  que  celui  que  nous  en  espérions  (  i  )  ;  il 
tient  même  un  peu  du  miracle.  Annemasse  est  une  paroisse  de  la  cam- 
pagne, à  trois  milles  de  Genève,  où  il  n'y  a  pas  moyen  de  loger  quatre 
personnes.  Là,  autour  de  l'église,  qui  a  été  tout  endommagée  par  les 
huguenots,  on  construisit  avec  des  toiles,  des  boiseries,  des  tapisse- 
ries et  autres  choses  semblables  une  tente  très  vaste,  afin  que  tout 
le  peuple  pût  demeurer 

(i)  Au  sujet  des  Quarante-Heures,  voir  tome  II  de  cette  Edition,  Préface 
des  éditeurs  (F^  Partie)  et  Avant-Propos  de  l'Auteur,  pp.  25,  a6. 


I 


ANNEE    1598 


Cil 

A    MONSIEUR    CLAUDE    MARIN,    PROCUREUR    FISCAL 
EN   CHABLAIS  (  '  ) 

(inédite) 

Prochain  retour  du  P.  Chérubin  à  Thonon.  —  Promesse  du  président  Farre. 

Annecy,  3  janvier  1598. 
Monsieur, 

L'ayse  que  j'attendois  de  vostre  présence  m'a  fait 
moins  gouster  celluy  que  j'ay  accoustumé  de  prendre 
quand  je  reçois  de  vos  lettres,  a  la  réception  de  vostre 
dernière,  laquelle  néanmoins,  a  faute  de  vous,  a  esté  la 
très  bien  venue  en  une  heure  en  laquelle  j'estois  en  con- 
versation avec  le  Père  Chérubin,  vers  lequel  je  me  suis 
servi  de  vostre  authorité  pour  luy  persuader  de  retourner 
bien  tost  par  delà,  ce  quil  fera.  Monsieur  le  président 
Favre  est  a  Chambery,  et  m'asseure  qu'il  mettra  au  jour 
les  calomnies  de  ceux  qui  n'ont  point  d'autre  religion 
que  le  mensonge,  et  reformera  les  accusations  de  ces 
si  mal  formés  reformateurs. 


(  I  )  Claude  Marin,  originaire  de  Bonneville,  «  procureur  fiscal  pour  Son 
Altesse  au  duché  de  Chablais  »  (lettres  patentes  du  9  février  1594),  était 
le  chef  de  l'une  des  sept  familles  qui  composaient  toute  la  population  catho- 
lique de  Thonon  lors  de  l'arrivée  de  saint  François  de  Sales.  C'est  dans  sa 
maison  que  le  Saint  réunit  et  évangélisa  pour  la  première  fois  ce  petit 
groupe  de  fidèles  ;  c'est  là  qu'il  eut  un  pied-à-terre  au  commencement  de  son 
apostolat.  Claude  Marin,  qui  lui  demeura  toujours  profondément  dévoué, 
devint  dans  la  suite  conseiller  et  administrateur  de  la  Sainte-Maison.  Il  mou- 
rut le  18  avril  1620. 


Année  1598  313 

Faites  moy  cest  honneur  de  croire  que  la  nouvelle 
santé  que  Dieu  me  donne  vous  est  toute  acquise,  puisque 
je  suis 

Vostre  plus  humble  serviteur, 
Franc*  De  Sales, 
Praevost  de  Genève. 
Annec3%   3  janvier  1598. 

A  Monsieur  Marin, 
Procureur  fiscal  du  Ciiablais. 

Revu  sur  une  copie  déclarée  authentique,  conservée  à  Turin, 
Archives  de  l'Etat. 


cm 


A    MONSEIGNEUR   JULES-CESAR    RICCARDI 
ARCHEVÊQUE    DE    BARI,    NONCE    APOSTOLIQUE    A    TURIN 

(isédite) 

Le  voyage  du  Saint  à  Rome  retardé  par  une  maladie  grave.  —  Envoi  de 
trois  lettres  du  duc.  —  Bonnes  dispositions  des  habitants  du  Chablais.  — 
Intervention  en  faveur  de  deux  religieux  qui  ont  encouru  des  censures 
ecclésiastiques. 

Annecy,    14  janvier   1598. 

<.^'  Illustrissimo  et  Reverendissimo  Signor  mio 

osservandissimo, 

Visitato  dalla  bontà  d'Iddio  Signore  nostro  con  una 
febre  continua  et  una  ricaduta  tanto  véhémente  che 
sette  giorni  continui  poco  da  me  si  sperava  altro  che  la 


Mon  très  honoré,  Illustrissime  et  Révérendissime  Seigneur, 

Après  avoir  été  visité  de  la  bonté  de  Dieu  notre  Seigneur  par  une 

fièvre  continue,  j'ai  fait  récemment  une  rechute  si  dangereuse  que 

(a)  [La  minute  et  l'original  de  cette  lettre,  dont  les  Autographes  n'ont  pas 
été  retrouvés,  sont  insérés  dans  le  P''  Procès  de  Canonisation.  D'après  une 
note  qui  y  est  jointe,  la  seconde  de  ces  pièces  était  signée  de  la  main  du 
Saint;  le  post-scriptum  non  plus  que  la  date  ne  figure  pas  dans  la  minute 
d'où  sont  tirées  les  variantes  données  ci-après.] 


314  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

morte  (0,  adesso  che  per  la  medesima  bontà  sono  conva- 
lescente, mi  è  restata  una  tanta  debolezza,  massime  di 
gambe,  che  io  non  so  se  devo  sperare  di  poter  fare  il 
viaggio  di  Roma  avanti  Pasqua,  quantunque  desiderarei 
infinitamente  di  ritrovarmi  costî  per  li  giorni  santi,  et 
farô  ogni  sforzo  di  farlo. 

Onde,  essendo  andato  nell'  armata  nostra  avanti  ch'  io 
mi  ammalassi  (=),  per  pigliar  passaporto  da  Sua  Altezza 
da  un  canto,  et  dall'  altro  per  haver  dichiaratione  da  lui 
del  suo  consenso  quanto  alla  restitutione  délie  cure  di 
Chiablais  per  li  curati  che  subito  fatta  detta  restitutione 
ivi  si  stabiliranno,  Sua  Altezza,  con  tutta  quella  dimo- 
stratione  di  pietà  che  si  poteva  sperare,  commando  tre 
lettere  :  una  a  Sua  Santità  et  le  altre  a  duoi  Signori 
Cardinali,  nelle  quali  ella  pregha  instantemente  la  Santa 


pendant  sept  jours  consécutifs  on  n'attendait  guère  autre  que  ma 
mort  (i).  Maintenant  que,  par  la  même  divine  bonté,  je  suis  en 
convalescence,  il  m'est  resté  une  telle  faiblesse,  surtout  aux  jambes, 
que  je  ne  sais  si  je  pourrai  faire  le  voyage  de  Rome  avant  Pâques, 
quoique  je  désire  infiniment  de  m'y  trouver  pour  la  Semaine  Sainte; 
aussi  ferai-je  tous  mes  efforts  à  cette  fin. 

C'est  dans  cette  prévision  que  je  m'étais  rendu  au  camp  avant  de 
tomber  malade  (2)  :  d'abord  pour  avoir  un  passeport  de  Son  Altesse, 
et  ensuite  pour  obtenir  la  déclaration  de  son  consentement  à  la 
restitution  des  cures  du  Chablais  aux  curés  qui  s'y  établiront  aus- 
sitôt que  cette  restitution  sera  faite.  Son  Altesse,  avec  toutes  les 
démonstrations  de  piété  que  l'on  pouvait  espérer,  donna  ordre  d'écrire 
trois  lettres,  l'une  à  Sa  Sainteté  et  les  autres  à  deux  Cardinaux,  afin 
de  prier  instamment  le  Saint-Siège  de  révoquer  l'union  de  ces  béné- 
fices avec  ceux  des  Chevaliers.  Or,  parce  que  dans  ces  lettres  je  suis 

(  I  )  Saint  François  de  Sales  avait  été  atteint  de  cette  fièvre  continue  qui  mit 
ses  jours  en  péril,  à  la  fin  d'octobre  1597,  ainsi  que  le  prouvent  deux  pièces 
signées,  l'une  par  les  chanoines  Déage  et  Grandis,  en  date  du  9  novembre, 
et  l'autre  par  Mf*""  de  Granier,  le  20  du  même  mois.  C'est  donc  à  tort,  comme 
nous  l'avons  dit  ailleurs  (Préface  de  notre  tome  II,  note  (  3  ),  p.  x),  que  Charles- 
Auguste  de  Sales  et  les  historiens  qui  l'ont  suivi  placent  cette  maladie  une 
année  plus  tard. 

(a)  Le  duc  se  trouvait  alors  à  Barraux.^sur  les  frontières  du  Dauphiné  et 
de  la  Savoie,  pour  surveiller  la  construction  du  fort  qu'il  y  faisait  élever,  et 
qui  fut  pris  par  Lesdiguières  l'année  suivante. 


Année  1598  315 

Sede  di  rivocare  la  unione  fatta  alli  Cavaglieri.  Hora, 
perché  dette  lettere  fanno  mentione  di  me  corne  latore 
et  instruttore  délia  nécessita  délia  desiderata  revoca- 
tione,  ho  dififerito  sin  adesso  d'inviarle,  sperando  di 
poter  portarle  fra  poco.  Ma  già  ch'  io  vedo  le  dette  lettere 
invecchiarsi  et  dubito  che  vi  sia  pericolo  nella  retarda- 
tione,  mi  è  parso  bene  di  mandarle  a  V.  S.  111"^  et  R""", 
protettrice  amorevolissima  di  tutto  questo  negotio,  acciô 
che  overo  le  trattenga  se  cosî  glie  parera,  overo  le  mandi 
per  accelerare  il  negotio,  il  quale  non  si  terminarà  gia- 
mai  cosî  presto  quanto  si  ha  da  desiderare. 

Spero  che  Sua  Santità  non  haverà  in  questo  difficoltà  ; 
ma  Sua  Altezza  in  particolare  mi  disse  che  questa  opéra 
haveva  da  farsi  senza  communicarne  una  sola  parola 
col  signore  Arconato  (O,  suo  Imbasciatore  appresso  Sua 
Santità,  perché  egli  Timpedirebbe  per  il  proprio  inte- 
resse. È  vero  che  la  nécessita  é  grande  ;  et  si  conosce 
da  questo,  che  queste  feste  di  Natale  havendo  Sua  Altezza 


mentionné  comme  devant  en  être  le  porteur,  avec  charge  d'expliquer 
la  nécessité  de  la  révocation  désirée,  j'ai  différé  jusqu'à  présent  de  les 
expédier,  espérant  pouvoir  les  remettre  moi-même  sous  peu.  Mais 
voyant  que  lesdites  lettres  vieillissent,  je  crains  qu'il  y  ait  quelque 
danger  en  ce  retard,  et  il  me  semble  devoir  les  envoyer  à  Votre  Sei- 
gneurie Illustrissime  et  Révérendissime,  protectrice  très  dévouée  de 
toute  cette  affaire,  afin  qu'Elle  les  retienne  si  Elle  le  juge  bon,  ou 
qu'EUe  les  expédie  pour  hâter  cette  œuvre,  laquelle  ne  se  terminera 
jamais  aussi  promptement  qu'on  peut  le  désirer. 

J'espère  que  Sa  Sainteté  ne  verra  pas  de  difficulté  en  cela  ;  mais 
Son  Altesse  m'a  dit  en  particulier  que  cette  affaire  doit  être  traitée 
sans  en  souffler  mot  à  M.  Arconato  (  0,  son  ambassadeur  auprès  de 
Sa  Sainteté,  parce  qu'il  s'y  opposerait  en  vue  de  son  intérêt  person- 
nel. Il  y  a  vraiment  urgence  :  ce  qui  le  prouve,  c'est  que  pendant 

(i)  François  Arconato,  d'origine  milanaise,  comte  de  Tronzano,  en  Piémont, 
s'était  fait  connaître  dans  les  armées  du  duc  de  Savoie  pendant  les  guerres  de 
1589;  mais  il  servit  encore  plus  utilement  ce  prince  dans  la  carrière  diplo- 
matique. D'abord  ambassadeur  à  Rome  (1593-1599),  puis  en  Espagne,  il  fut 
l'un  des  plénipotentiaires  qui  négocièrent  le  traité  de  Lyon.  Charles-Emma- 
nuel P""  le  nomma  conseiller  d'Etat,  chevalier  des  Saints  Maurice  et  Lazare, 
puis  de  l'Annonciade  en   1608. 


I 


3i6  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

mandato  il  signor  Présidente  Fabro ,  persona  di  sin- 
golarissima  pietà  et  sufficentia,  in  Tonone  per  conoscer 
l'animo  delli  habitatori  di  Chiablais  circa  l'essercitio 
catholico,  quasi  tutti  mostrorno  di  desiderarlo,  et  aspet- 
tano  di  hora  in  hora  che  si  restituisca. 

Il  Padre  Cherubino  ha  predicato  l' Advento  in  Tonone 
et  deve  giungere  qua  domani,  dal  quale  V.  S.  Ill""* 
haverà  più  particolar  avviso.  ^li  è  stato  detto  che  Sua 
Altezza  ha  tolto  l'intrata  de"  Cavaglieri  per  servitio  suo, 
et  r  ho  fatta  preghare  che  facesse  dar  la  provisione 
necessaria  per  li  ecclesiastici  che  sono  nelle  tre  cure  già 
stabilité. 

(*')Ma  non  posso  finirla  senza  domandare  a  V.  S.  111'"* 
qualche  gratia  seconde  il  solito.  Sono  duoi  poveri  reli- 
giosi,  ma  da  bene,  délia  badia  délia  Madonna  di  Six(0, 


les  fêtes  de  Noël,  Son  Altesse  ayant  envoyé  à  Thonon  M.  le  président 
Favre,  homme  d'une  piété  singulière  et  d'un  grand  mérite,  pour 
connaître  le  sentiment  des  habitants  du  Chablais  sur  l'exercice  du 
culte  catholique,  presque  tous  ont  témoigné  le  désirer  et  ils  attendent 
d'heure  en  heure  qu'il  soit  rétabli. 

Le  P.  Chérubin  a  prêché  l'Avent  à  Thonon,  et  il  doit  arriver  ici 
demain  ;  il  renseignera  plus  particulièrement  Votre  Seigneurie  Illus- 
trissime. On  m'a  dit  que  Son  Altesse  a  saisi  à  son  profit  le  revenu 
des  Chevaliers,  et  je  l'ai  fait  prier  de  donner  la  provision  nécessaire 
aux  ecclésiastiques  qui  sont  dans  les  trois  cures  déjà  établies. 

Mais  je  ne  puis  finir  sans  demander,  selon  mon  habitude,  quel- 
que faveur  à  Votre  Seigneurie.  Deux  pauvres  et  vertueux  reli- 
gieux de  l'abbaye  de  Notre-Dame  de  Sixt  (  i  )  ont  célébré  avant  le 

(b)  Ma  io  non  posso  finirla  senza  diiuandar  qualche  gratia  a  V.  S.  111'"". 
Cié  un  monasterio  di  Canoaici  regolari,  sottoposto  ail' abadia  d'Âbondanza, 


(  I  )  Ce  monastère,  fondé  dans  une  pittoresque  vallée  du  Faucigay  par  des 
Chanoines  réguliers  venus  d'Abondance,  fut,  en  1144,  élevé  au  rang  d'abbaye. 
Sous  la  conduite  du  bienheureux  Ponce  de  Faucigny,  son  premier  Abbé,  il 
atteignit  un  haut  degré  de  prospérité  et  de  ferveur  ;  mais  après  plusieurs 
siècles  la  régularité  s'altéra  dans  cette  Communauté  que  saint  François  de 
Sales  eut  la  gloire  de  réformer.  Ce  sont  précisément  les  deux  religieux  dont 
il  est  ici  question  qui  furent  députés  auprès  de  lui  pour  solliciter  cette  réforme. 
Ils  survécurent  tous  deux  à  notre  Saint,  et  déposèrent  sur  ses  vertus  lors  des 
informations  pour  sa  Béatification  (1632). 


Année  1598  317 

(^ualî  hanno  celebrato  avanti  il  tempo  :  cioè  uno,  chia- 
mato  Francesco  Biord,  quale  celebrô  nelT  anno  19"; 
Taltro,  Nicolô  Desfaiet,  che  celebrô  nel  23%  et  questo 
dopo  la  Bulla  di  Sisto  V  (i),  senza  tuttavia  haver  notitia 
di  detta  Bulla  ;  délia  quale,  subito  che  sonno  stati  avvi- 
sati,  mossi  di  grandissima  penitenza,  colle  lag'rime  nei 
occhi,  sonno  ricorsi  da  me  per  haver  consolatione.  Et  io 
in  questo  non  posso  altro  se  non  ricorrere  alla  bontà  di 
V,  S.  111™^,  acciô  possino  impetrare  la  consolatione 
deir  assolutione.  Quel  monasterio  è  di  Canonici  regolari, 
sottoposto  all'Abondantia  ;  ma  tiene  de'  monachi  quali 
sono  dabbene  et  timorati,  si  come  mi  ha  riferito  il  signor 
canonico  de  Sales,  quale  ivi  ha  predicato  queste  feste. 


temps  :  l'un,  appelé  François  Biord,  dans  sa  dix-neuvième  année; 
l'autre,  Nicolas  Desfayet,  dans  sa  vingt-troisième  ;  et  cela  après  la 
Bulle  de  Sixte  V  d),  dont  ils  n'avaient  toutefois  aucune  connaissance. 
Aussitôt  qu'ils  ont  connu  l'existence  de  cette  Bulle,  touchés  d'un 
grand  sentiment  de  pénitence,  les  larmes  aux  yeux,  ils  ont  eu  recours 
à  moi  pour  recevoir  quelque  consolation.  Et  moi  je  ne  puis  faire  autre 
chose  que  de  recourir  à  la  bonté  de  Votre  Seigneurie  afin  de  leur 
obtenir  l'absolution.  Sixt  est  un  monastère  de  Chanoines  réguliers, 
sous  la  juridiction  de  l'abbaye  d'Abondance  ;  mais  les  moines  qui 
l'habitent  sont  des  hommes  de  bien,  vivant  en  la  crainte  de  Dieu, 
ainsi  que  me  l'a  rapporté  M.  le  chanoine  de  Sales  qui  a  prêché  là 
ces  fêtes  passées. 

nel  quale  sonno  undici  religiosi,  quali  tutti  hanno  celebrato  avanti  il  tempo, 
et  alcuni  dopo  la  Bulla  délia  S"''  di  Sisto  V,  senza  tuttavia  haver  notitia  di 
detta  Bulla.  Hora,  sapendo  la  irregolarita  che  corre,  desiderano  d' havere 
assolutione,  ma  non  sanno  che  strada  pigliare.  Onde  supplico  V.  S.  111"'='  di 
consolarli  in  questo,  avisandome  del  modo  che  si  ha  da  tenere,  poichè,  per 
miracolo,  questo  solo  monasterio,  fra  altri,  desidera  unanimaraente  la  sua  refor- 
matione.  Se  non  vivono  da  frati,  per  non  haver  chi  li  conduca  et  animaestri, 
vivono  al  meno  da  buoni  sacerdoti,  come  testifica  il  Sig''  canonico  de  Sales,  quale 
vi  é  stato  [a]  predicare  queste  feste  passate,  et  ne  ritornô  raolto  edificato  délia 
loro  conversatione,  in  comparatione  degl'  altri  religiosi  savoyani.  Il  monaste- 
rio si  chiama  Nostra  Dama  di  Six.  —  (Mais  je  ne  puis  finir  sans  demander  quel- 
que faveur  à  Votre  Seigneurie  Illustrissime.  Il  y  a  un  monastère  de  Chanoines 
réguliers,  sous  la  juridiction  de  l'abbaye  d'Abondance,  où  se  trouvent  onze 
religieux,  qui  tous  ont  célébré  avant  le  temps,  et  quelques-uns  après  la  Bulle 


(  I  )  La  Bulle  Sanctiim  et  salut  are,  donnée  le  5  janvier  15S 


3i8  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

Et  per  fine,  Iddio  havendome  dato  questo  pezzo  di  vita 
che  mi  resta,  io  ricognosco  di  tenerla  per  servitio  di  Sua 
divina  Maestà,  délia  santa  Chiesa  et  in  particolare  per 
essere, 

Di  V.  S.  Iir^  et  R'"%  (c) 

Humilissimo  ('!)  et  devotissimo  servitore, 
Franc°  De  Sales, 

Prsevosto  di  Geneva. 
Di  Annessy,  alli   14  Genaro  1598. 
Li  medici,  quali  non  hanno  per  bene  che  io  scriva, 
m'hanno  fatta  usare  la  man  d'altri,    il  che  V.    S.  Iir* 
me  perdoni. 

Revu  sur  les  deux  textes  insérés  dans  le  P""  Procès  de  Canonisation. 


Et  finalement,  Dieu  m'ayant  donné  ce  peu  de  vie  qui  me  reste, 
je  reconnais  devoir  l'employer  au  service  de  sa  divine  Majesté,  de  la 
sainte  Eglise  et  tout  particulièrement  à  me  témoigner. 
De  Votre  Seigneurie  Illustrissime  et  Révérendissime, 

Le  très  humble  et  très  dévoué  serviteur, 
François  de  Sales^ 

Prévôt  de  Genève. 
Annecy,  le  14  janvier  1598. 

Les  médecins,  qui  ne  trouvent  pas  bon  que  j'écrive,  m'ont  obligé 
à  me  servir  de  la  main  d'autrui.  Que  Votre  Seigneurie  Illustrissime 
me  le  pardonne. 

de  Sa  Sainteté  Sixte  V,  dont  ils  n'avaient  aucune  connaissance.  Or,  ayant  été 
avertis  de  l'irrégularité  qu'ils  ont  encourue,  ils  désirent  en  être  absous,  mais  ne 
savent  quel  chemin  prendre.  C'est  pourquoi  je  supplie  Votre  Seigneurie  de  les 
consoler  sur  ce  point,  en  m'indiquant  à  quels  moyens  il  faut  recourir;  car, 
par  miracle,  ce  monastère,  seul  parmi  les  autres,  désire  unanimement  la 
réforme.  S'ils  ne  vivent  pas  en  religieux  parce  qu'ils  n'ont  personne  qui  les 
conduise  et  les  instruise,  ils  vivent  du  moins  en  bons  prêtres,  comme  l'atteste 
M.  le  chanoine  de  Sales  qui  a  prêché  là  ces  fêtes  passées,  et  qui  s'en  est 
retourné  très  édifié  de  leur  conduite,  si  on  la  compare  à  celle  des  autres  reli- 
gieux savoisiens.  Le  monastère  est  appelé  Notre-Dame  de  Sixt.) 
[Reprendre  au  texte,  lig.  i.] 

(c)  et  R'»"—  Paternita 

(d)  affettionatissimo 


Année  1598  319 

CIV 

AU    DUC    DE    SAVOIE,    CHARLES-EMMANUEL    l" 


Instantes  prières  pour  que  les  Chevaliers  des  Saints  Maurice  et  Lazare  soient 
contraints  à  payer  les  pensions  dues  aux  curés  du  Chablais.  —  Députation 
des  villageois  de  cette  province  pour  obtenir  du  duc  la  restauration  de  leurs 
églises.  —  Maladie  du  Saint. 

Annecy,  janvier   1598. 

(a)  Je  crois  que  Vostre  Altesse  se  resouviendra  que 
l'année  passée,  appres  plusieurs  déclarations  de  la  bonne 
intention  qu'elle  avoit  de  prouvoir  a  l'entretenement  des 
gens  d'Eglise  qui  seroient  emploies  pour  le  service  de 
Dieu  au  duché  de  Chablais,  messieurs  les  Chevaliers  de 
Saint  Lazare  promirent  en  fin  finale  a  Monseigneur  le 
Nonce  de  donner  chasque  année  six  pensions  pour  autant 
de  gens  d'Eglise  ;  mais  pour  ne  se  forcer  pas  de  premier 
coup,  ilz  ne  firent  ceste  première  année  la  que  la  moytié 
de  ce  quilz  avoient  promis,  qui  fut  cause  de  réduire  les 
six  a  troys.  Or  pensois  je  que  ceste  année  ilz  envoie- 
roient  les  commandementz  nécessaires  a  leurs  fermiers 
pour  faire  délivrer   tout  entièrement   les   six   pensions 


(a)  [Ce  qui  suit  est  écrit  par  saint  François  de  Sales,  d'une  main  ferme  et 
appliquée,  sur  un  feuillet  dont  la  moitié  est  restée  en  blanc.  Empêché  peut-être 
par  la  rechute  dont  il  parle  ci-dessus  de  terminer  cette  lettre,  il  dicta  à 
Georges  Rolland,  son  valet  de  chambre,  lequel  écrivit  au  verso  du  même 
feuillet  la  minute  qui  constitue  notre  Pièce  CIV.] 
Monseigneur, 

Il  a  pieu  a  Nostre  Seigneur  de  retarder  par  une  longue  et  grosse  maladie 
le  voyage  de  Rome,  pour  lequel  j'avois  receu  les  commandemens  de  Vostre 
Altesse  Ihors  qu'ell'estoit  a  Barraux,  et  par  lequel  j'esperois  d'obtenir  pleyne 
provision  pour  les  gens  d'Eglise  qui  se  fussent  employés  a  l'instruction  du 
peuple  de  Chablaix  qui  auroit  affection  de  se  réduire  a  la  sainte  foy,  selon  le 
saint  zèle  avec  lequel  V.  A.  avoit  fait  une  très  ample  déclaration  a  Sa  Sainteté 
qu'elle  consentoit  que  toutes  les  cures  fussent  employées  a  cest  effect. 

Ce  pendant,  le  tems  qui  va  fuyant  nous  a  portés  en  une  nouvell'annee;  et..» 


330  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

promises ,  affin  non  seulement  de  conserver  Texercice 
commencé  en  trois  lieux  par  les  trois  ecclésiastiques 
dejaz  establys 

Mais  voiant  quilz  n'en  tiennent  aucun  conte,  je  suis 
contraint  de  recourir  a  la  bonté  de  Vostre  Altesse  pour  la 
supplier  très  humblement  que,  comme  par  son  authorité 
et  zèle  elle  tira  la  promesse  desditz  seigneurs  Chevaliers, 
il  luy  plaise  aussy  d'en  faire  sortir  l'efFait,  commandant 
a  ses  officiers  et  ministres  de  Chablais  de  faire  saisir 
sur  le  revenu  des  cures  ces  six  pensions,  au  prouffit 
des  trois  curés  dejaz  constitués  et  de  trois  autres  qu'on 
y  establira  tout  aussi  tost  que  l'on  aura  le  moien  de  les 
entretenir.  Autrement,  Monseigneur,  le  service  cessera 
tout  a  coup  la  ou  il  est  commencé,  qui  sera  un  grand 
scandale  et  perte  d'ames,  et  ne  se  trouvera  personne  qui 
veuUie  plus  y  aller  pour  5^  estre  a  la  mercy  de  la  pro- 
vision de  messieurs  les  Chevaliers. 

Ce  pendant,  voicy  une  preuve  certaine  de  la  nécessité 
que  l'on  a  en  ce  pais  la  de  beaucoup  d'ouvriers  spirituelz. 
Ces  bons  paisans,  députés  de  plusieurs  parroisses,  vont 
supplier  Vostre  Altesse  de  leur  doner  moyen  de  refaire 
leurs  églises  et  d'avoir  des  pasteurs  catholiques.  Je  puis 
dire  avec  vérité  que  la  pluspart  des  vilages  du  balliage 
de  Thonon  sont  de  mesme  vollonté  ;  pour  tous  lesquelz 
je  prie  Dieu  de  tout  mon  cœur  quil  les  fasse  jouir  des 
désirs  quil  a  mis  en  eux,  et  supplie  Vostre  Altesse  en 
toutte  humilité  qu'elle  leur  fasse  voir  la  grandeur  de 
l'affection  qu'ell'a  a  l'honneur  de  Dieu,  puisque  l'acueil 
et  faveur  que  leur  simplicité  recepvra  de  Vostre  Altesse 
servira  de  mesure  et  de  reigle  a  tout  le  reste  de  Chablais, 
et  en  fin  mesme  a  ceux  de  la  ville  de  Thonon,  quoy  quilz 
semblent  maintenant  revesches  et  rebelles  a  la  lumière. 
Aussi  est  ce  l'ordinaire  que  les  pauvres  et  simples  em- 
brassent plus  vollontiers  le  Crucifix  que  les  riches  et 
I  Cor.,  I,  23, 26.  sages  mondains  *.  Ce  furent  des  bergers  qui  les  premiers 
adorèrent  Nostre  Seigneur  né. 

Je  pensois  bien  obtenir  de  vSa  Sainteté  la  restitution 
universelle  des  cures  des  balliages,  suivant  l'exprès  con- 
sentement que  Vostre  Altesse  en  avoit  donné  par  escrit, 


Année  1598  321 

si  Dieu  n'eust  retardé  par  une  longue  maladie  le  voiage 
de  Rome  pour  lequel  j'avois  prins  a  Barraux  les  comman- 
dementz  et  le  congé  de  Vostre  Altesse.  Ce  sera  incon- 
tinant  que  je  me  verray  asses  fort  pour  l'entreprendre. 
Je  prie  très  instamment  Nostre  Seigneur  quil  vous 
doint 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


cv 

A   MONSIEUR   LOUIS    DE    PINGON,     BARON    DE   CUSY  (  i  ) 

Requête  présentée  au  duc  de  Savoie  pour  obtenir  que  l'usage  de  la  cloche 
de  l'église  Saint-Hippolyte  soit  interdit  aux  hérétiques. 

Annecy,    12  février  1598. 

Monsieur, 

On  avoit  défendu  aux  huguenotz  de  Thonon  de  sonner 
la  cloche  qui  est  en  Teglise  des  Catholiques.  Hz  sont 
sur  le  point  de  demander  a  Son  Altesse  qu'il  leur  soit 
permis  de  s'en  servir  autant  qu'a  nous,  et  sont  si  outre- 
cuydés  qu'ilz  pensent  de  l'obtenir.  Certes,  ilz  ont  gasté 
desja  une  autre  plus  grosse  cloche,  en  haine  de  nous 
autres  Catholiques  qui  la  sonnions.  Leur  presche  ne  se 
fait  pas  en  ceste  église  la  ni  en  la  ville,  car  il  leur  est 
défendu  ;  pourquoy  leur  permettra  on  de  le  sonner  la 
ou  ilz  ne  le  disent  ni  peuvent  dire  ?  Une  cloche  ne  peut 
servir  a  Dieu  et  a  Belial  *.  C'est  ce  que  j'escris  a  Son  *Cf.  iiCor.,vi,  15. 
Altesse,  et  la  supplie  que  si  ceux  de  Thonon  s'addres- 
sent  a  elle  pour  luy  présenter  requeste  de  ceste  affaire, 
elle  les  renvoyé  sans  décret  ou  avec  nouvelle  défense  de 

(i)  Probablement  Louis  de  Pingon,  baron  de  Cusy,  gentilhomme  de  la 
duchesse  de  Savoie,  capitaine  des  ordonnances  d'infanterie,  seigneur  de  Pran- 
gin  par  son  mariage  avec  Melchionne,  fille  unique  de  Pierre  de  Luyrieux, 
possesseur  de  cette  seigneurie  (1363).  Il  avait  un  fils  et  un  neveu  nommés  l'un 
Louis-Antoine  et  l'autre  Louis-Ange  de  Pingon,  mais  tous  deux  trop  jeunes 
pour  que  le  Saint  prît  à  leur  endroit  la  qualité  de  neveu,  et  par  conséquent 
pour  que  l'un  d'eux  put  être  destinataire  de  cette  lettre. 

Lettres  I  ai 


322  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

sonner.  La  cloche  n'est  pas  si  légère  qu'elle  semble  ;  car 
ilz  sçavent  faire  valoir  la  moindre  chose  qu'on  leur  ac- 
corde pour  contrister  les  bons  Catholiques. 

Désirant  donq  infiniment,  pour  l'honneur  de  Dieu,  que 
Son  Altesse  daigne  lire  ou  faire  lire  promptement  ma 
lettre  affin  que  je  ne  sois  prévenu  par  les  requestes  de 
ces  huguenotz,  je  n'ay  sceu  a  qui  mieux  m'addresser  qu'a 
vous,  pour  vous  supplier  très  humblement  de  bailler  ma 
lettre  et  prier  Son  Altesse  la  voir,  et,  s'il  ne  la  veut  voir, 
luy  discourir  du  sujet.  La  grande  confiance  que  j'ay  en 
vostre  bonté  me  fait  ainsy  vous  importuner,  ayant  mesme 
ce  bien  et  honneur  d'estre  et  devoir  estre  a  jamais. 
Monsieur, 

Vostre  très  humble  neveu  et  serviteur, 
Franc^  De  Sales, 
Indigne  Prsevost  de  Saint  Pierre  de  Genève. 
A  Necy,  le  12  février  98. 


CVI 


A    MONSEIGNEUR   JULES-CESAR    RICCARDI 
ARCHEVÊQUE    DE    BARI,    NONCE    APOSTOLIQUE    A    TURIN 

(minute) 

Projet  de  célébrer  les  Quarante-Heures  à  Thonon,  et  de  les  faire  suivre  de 
disputes  publiques  sur  les  matières  controversées.  —  Une  conférence  de  ce 
genre  vient  d'avoir  lieu  entre  le  P.  Chérubin  et  le  professeur  Lignarius. 

[Sales,]    17  mars  1598. 

Illustrissime  et  Reverendissimo  Signor  mio 
osservandissimo. 

Ho  ricevuto  lettere  dal  P.  Cherubino  et   di  monsieur 
di  Avulli  sopra  un  concetto  che  han  fatto  insieme  di  far 


Mon  très  honoré,  Illustrissime  et  Révérendissime  Seigneur, 

J'ai  reçu  des  lettres  du  P.  Chérubin  et  de  M.  d'Avully  touchant 

le   dessein  qu'ils  ont  conçu  ensemble  de  célébrer  les  prières  des 


Année  1598  323 

le  40  hore  di  oratione  in  Tonone,  con  la  maggior  decentia 
che  far  si  possa  ;  et  passate  le  40  hore,  di  proporre  délie 
dispute  theologique  (sic)  authenticamente,  et  invitarvi 
gl'hseretici  d' ogni  intorno,  acciô  che  non  si  lascii  cosa 
veruna  da  tentar  per  scuotere  quest'  anime  apestate 
dair  heresia. 

Mando  adunque  queste  lettere  loro  a  V.  S.  111""'  ;  et 
insieme,  per  dire  quanto  me  ne  pare,  priegho  V.  S.  Ill""' 
di  credere  che  quanto  aile  Quarant'  hore  egli  non  puô 
esser  senon  cosa  fruttuosissima.  Il  che  già  per  isperienza 
habbiam  veduto  nelle  40  [ore]  fatte  V  anno  passato  in 
Annemasse,  dove  si  fece  un  gran  movimento  nelle  con- 
scientie  de  gli  haeretici  che  le  viddero,  dei  quali  se  ne 
ridussero  alquanti,  et  fu  una  grande  consolatione  alli 
Catholici  ;  et  spero  che  in  Tonone  la  cosa  sarà  molto 
più  a  proposito  et  utile. 

Quanto  poi  aile  dispute,  spero  certo  che  saranno  di 
grandissima  œdificatione,  non  ostante  tutte  le  ragioni 
quali  puotrebbono  parer  in  contrario  :  perché  o  no  ver- 
ranno,  et  la  vittoria  ci  resta;  o  vero  verranno,  et  in  questo 


Quarante-Heures  à  Thonon  le  plus  dignement  possible;  puis,  après 
les  Q.uarante-Heures,  de  proposer  officiellement  des  disputes  théolo- 
giques. Tous  les  hérétiques  des  environs  seraient  invités  à  y  assister, 
afin  de  ne  négliger  aucune  tentative  pour  ébranler  ces  âmes  infectées 
d'hérésie. 

J'envoie  donc  leurs  lettres  à  Votre  Seigneurie  Illustrissime  ;  et, 
pour  dire  en  même  temps  ce  qu'il  m'en  semble,  je  vous  prie  de  croire 
que,  quant  à  l'exercice  des  Qiiarante-Heures,  il  ne  peut  être  que  très 
fructueux.  Nous  en  avons  déjà  fait  l'expérience  l'année  dernière  à 
celles  d'Annemasse.  Un  grand  mouvement  se  produisit  alors  dans  les 
consciences  des  hérétiques  qui  en  furent  témoins  ;  un  certain  nombre 
d'entre  eux  se  convertirent,  et  les  Catholiques  en  reçurent  une  grande 
consolation.  J'espère  qu'à  Thonon,  cette  dévotion  sera  encore  plus 
opportune  et  plus  utile. 

Q.uant  aux  disputes,  j'ai  la  ferme  confiance  qu'elles  apporteront 
une  très  grande  édification,  malgré  toutes  les  raisons  qui  semble- 
raient contraires  ;  car,  ou  les  liérétiques  ne  viendront  pas,  et  alors  la 
victoire  nous  demeurera,  ou  bien  ils  viendront,  et  dans  ce  cas,  nous 


^24  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

caso,  oltra  la  ragione  et  verità,  haveremo  queste  grandi 
prorogative,  che  staremo  sopra  la  defensiva  et  si  potranno 
fare,  nelle  risposte,  délie  piccole  essortationi.  Ne  la  cosa 
è  nuova  di  invitare  grheretici  aile  dispute,  poichè  dal 
coUegio  di  Turnone(0  spessissime  volte  sonno  stati  in- 
vitati  li  ministri  di  Vivares  et  Linguadocha  ;  et  per  haver 
trattato  in  particolar  col  Beza,  Faïa  (2),  Perrotto  (3), 
Belcastello  (4)  et  altri  principalissimi  ministri,  non  vedo 


prouverons  que  la  raison  et  la  vérité  sont  de  notre  côté  ;  nous  aurons 
de  plus  le  grand  avantage  de  nous  tenir  sur  la  défensive  et  de  pou- 
voir, en  répondant,  faire  de  petites  exhortations.  Du  reste,  ce  n'est 
pas  chose  nouvelle  d'inviter  les  hérétiques  à  des  disputes,  puisque 
les  ministres  du  Vivarais  et  du  Languedoc  y  ont  été  invités  fort  sou- 
vent par  le  collège  de  Tournon  (0.  Ayant  traité  en  particulier  avec 
Bèze,  La  Paye  (2),  Perrot(3),  Beauchâteau  ( 4 )  et  autres  principaux 
ministres,  je  ne  vois  pas  qu'il  y  ait  grand  péril.  Or,  si  Votre  Seigneurie 

(i)  Le  fameux  collège  de  Tournon  avait  été  fondé  et  confié  aux  Jésuites 
(1560-1561)  par  le  Cardinal  du  même  nom,  qui  désirait  l'opposer  comme  un 
boulevard  aux  envahissements  du  protestantisme  dans  la  contrée.  Vingt  ans 
plus  tard  cet  établissement  atteignait  l'apogée  de  sa  gloire.  Une  foule  consi- 
dérable d'étudiants,  parmi  lesquels  beaucoup  de  calvinistes,  y  recevaient 
les  leçons  de  maîtres  distingués,  dont  le  nombre  s'éleva  parfois  jusqu'à 
quarante-cinq.  Ces  religieux  se  délassaient  des  fatigues  de  l'enseignement  en 
évangélisant  les  hérétiques,  et  en  provoquant  les  ministres  à  des  conférences 
publiques  dont  plusieurs  eurent  un  grand  retentissement. 

(2)  Antoine  de  La  Paye  (1540-1613),  natif  de  Châteaudun  en  Berry,  après 
avoir  fait  ses  études  à  l'Université  de  Padoue,  vint  se  fixer  à  Genève,  où  il 
obtint  une  place  de  régent  (1561).  Il  fut  ensuite  pasteur,  professeur  de  philo- 
sophie et  de  théologie,  puis  recteur  de  l'Académie,  et  acquit  une  si  grande 
influence  qu'après  la  mort  de  Théodore  de  Bèze  il  dirigea  le  mouvement 
religieux.  C'est  pour  réfuter  un  pamphlet  publié  par  ce  ministre  sous  le  voile 
de  l'anonyme  que  saint  François  de  Sales  écrivit  la  Défense  de  PEstendart  de 
la.  sainte  Croix  (tome  II  de  cette  Edition). 

(3)  Charles  Perrot  (i 341-1608),  fils  d'un  conseiller  au  Parlement  de  Paris, 
était  le  quatrième  de  la  compagnie  des  pasteurs  de  Genève,  et  fut  deux  fois 
recteur  de  l'Académie  de  cette  ville.  C'était  un  homme  «  courtois,  doux  et 
patient,  et  qui  se  »  plaisait  «  à  la  lecture  des  Pères.  »  (Lettre  d'un  gentil-homme 
Savoysien,  etc.,  1598.)  Il  se  fit  parmi  ses  corréligionnaires  l'apôtre  de  la  tolé- 
rance, qu'il  représentait  comme  étant  «  une  branche  nécessaire  de  la  charité.  » 
On  lui  doit  l'abolition  du  serment  de  fidélité  au  calvinisme  que  l'on  avait 
coutume  d'exiger  des  étudiants. 

(4)  Probablement  Etienne  Beauchâteau,  qui  fut  ministre  à  Lutry  dans  le 
pays  de  Vaud.  Il  eut  plusieurs  fois  occasion  de  conférer  avec  l'Apôtre  du 
Chablais  et  se  sentit  tellement  ébranlé  dans  ses  croyances  protestantes  que,  de 


Année   1598  325 

che  vi  sia  gran  pericolo.  Perô,  se  cosî  parera  a  V.  S.  lU'"", 
saria  molto  a  proposito  ch'il  R.  P.  Giovanni  Laurinio, 
quale  intendo  esser  adesso  in  Milano,  si  ritruovasse  in 
questo  concerto.  Hora  commandi  V.  S.  111""'  quel  tanto 
che  glie  parera. 

Mentre  scrivevo,  ecco  che  è  giunto  qui  il  signor  Pro- 
curator  fiscale  di  Chiablais,  persona  catholicissima  (0,  il 
quale  mi  dà  nuova  che  Sabbato,  14  del  présente,  vennero 
quattro  persone  di  Geneva  in  Tonone,  fra  i  quali  era  un 
certo  Hermannus  Lignarius,  tedescho,  celeberrimo  pro- 
fessore  di  theologia  in  Geneva,  il  quale  et  Sabbato  et 
Domenica ,  in  praesentia  di  moltissime  persone,  venne 
argumentare  et  disputare  col  P.  Cherubino,  et  si  scrisse 
di  banda  et  d'altra  le  risposte  et  argumenti  (2)  ;  et  mi  ha 


est  de  cet  avis,  il  serait  très  à  propos  que  le  R.  P.Jean  de  Lorini,  qu'on 
dit  être  actuellement  à  Milan,  se  trouvât  à  cette  assemblée.  Veuillez 
maintenant  en  ordonner  comme  bon  vous  semblera. 

Pendant  que  j'écrivais,  M.  le  procureur  fiscal  du  Chablais,  homme 
très  catholique  (0,  est  arrivé  ici.  11  m'apprend  que  samedi,  14 courant, 
quatre  personnes  vinrent  de  Genève  à  Thonon,  parmi  lesquelles  se 
trouvait  un  certain  Herman  Lignarius,  allemand,  très  célèbre  pro- 
fesseur de  théologie  à  Genève.  Samedi  et  Dimanche  il  se  prit  à  argu- 
menter et  disputer  avec  le  P.  Chérubin  en  présence  d'un  grand 
nombre  d'assistants  ;  l'on  écrivit  de  part  et  d'autre  les  réponses 
et  les  arguments  (2).   M.  le   procureur  fiscal  m'a  communiqué  le 

son  propre  aveu,  il  se  serait  converti,  si  des  vues  d'intérêt  ne  l'eussent  retenu 
dans  l'hérésie.  (Process.  remiss.  Gebenn.  (I),  déposition  de  Jean-Gaspard  de 
Prez,  ad  art.  24.) 

(i)  Claude  Marin;  voir  ci-devant,  note  (  i  ),  p.  31Î. 

(2)  Herman  Lignarius,  ou  Lignaridus,  dont  le  vrai  nom  est  Diirrholz,  était 
originaire  de  Westphalie.  Après  avoir  été  précepteur  des  fils  de  l'électeur 
palatin,  il  fut  appelé  à  Genève  en  159'î,  et  nommé  professeur  de  théologie  au 
commencement  de  l'année  suivante;  mais  ayant  eu  des  démêlés  avec  La  Faye 
et  d'autres  ministres,  il  se  retira  à  Berne  (1598).  Lignarius  mourut  en  1628. 
(Voir  Histoire  de  l'Université  de  Genève,  par  Ch.  Bourgeaud.) 

Quant  à  la  dispute  publique  qui  eut  lieu  à  Thonon  entre  le  P.  Chérubin  et 
le  professeur  calviniste,  elle  ne  se  termina  pas  à  l'avantage  de  ce  dernier. 
Poussé  à  bout  par  son  antagoniste,  il  feignit  de  vouloir  remettre  la  discussion 
à  plus  tard,  et,  par  acte  signé  devant  notaire,  il  s'engagea  à  venir  la  reprendre 
après  Pâques.  Mais,  malgré  toutes  les  sommations  du  P.  Chérubin  qui  l'atten- 
dait de  pied  ferme,  Lignarius  ne  reparut  plus. 


326  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

communicato  detto  signor  Procuratore  fiscale  il  princi- 
pio  di  detta  disputa,  nella  quale  il  P.  Cherubino  ha  fatto 
valentissimamente  et  con  grande  desterità.  Havendo, 
corne  spero,  ben  presto  rilatione  et  scritto  più  particolare 
di  quanto  si  è  fatto,  ne  darô  subito  raguaglio  a  V.  S.  111"*. 
Detto  Hermanno  è  in  grandissimo  concetto  appresso 
grhaeretici,  et  è  stato  chiamato  di  Allemagna  per  esser 
stimato  sottilissimo  ;  et  tuttavia  è  stato  impeditissimo 
col  P.  Cherubino,  comme  dice  detto  Procurator  fiscale. 
Vado  pian  piano  disponendomi  al  viaggio  con  gran 
desiderio  di  basciarli  le  sacre  mani 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  de  Turin. 


commencement  de  cette  dispute  dans  laquelle  le  P.  Chérubin  a  fait 
preuve  d'une  science  et  d'une  dextérité  très  grandes.  J'aurai  bientôt, 
je  l'espère,  une  relation  et  un  mémoire  plus  détaillés  de  tout  ce  qui 
s'est  passé,  et  j'en  donnerai  de  suite  connaissance  à  Votre  Seigneurie. 
Cet  Herman,  qui  jouit  d'une  très  grande  réputation  auprès  des  héréti- 
ques, a  été  appelé  d'Allemagne  parce  qu'on  le  tient  pour  très  subtil  ; 
toutefois,  au  témoignage  dudit  procureur  fiscal,  il  s'est  trouvé  fort 
embarrassé  avec  le  P.  Chérubin. 

Je  me  dispose  tout  doucement  au  voyage,  avec  un  grand  désir  de 
baiser  vos  mains  sacrées 


CVII 

AU    DUC    DE    SAVOIE,    CHARLES-EMMANUEL    I^" 

(minute  inédite) 

Rumeurs  inquiétantes   qui   circulent  en  Chablais  ;  alarmes  des  Catholiques. 

[Sales,]  fin  mars   1398. 
Monseigneur, 
(3)  Ce  pendant  que  je  ne  puis  aller  en  Chablais,   les 
bons  Catholiques  qui  y  sont  me  font  part  a  toutes  heures 


(a)  Il  semble  a  ces  bons  Catholiques  de  Chablais  qu'ilz  sont  a  moitié  allégés 
de  leurs  ennuis  quand  ilz  les  m'ont  fait  entendre.  Hz  m'escrivent  de  plusieurs 


Année  1598  3^7 

de   leurs  nouvelles,  et   sur  tout  de   leurs   ennuis,    leur 
semblant  bien  qu'ilz  en  sont  a  moitié  allégés  quand  ilz 
les  ont  declairés.  3Laintenant  ilz  m'escrivent  de  trois  ou 
quattre   endroitz  que  le  bruit  y  est  bien  gros   qu'a  la 
sollicitation  des  Bernois,  on  3'  redoublera  le  nombre  des 
ministres  pour  y  accroistre  l'exercice  de  la  nouvelle  reli- 
gion. Je  les  ay  asseurés  que  Vostre  Altesse  a  trop  de 
fermeté  et  reconnoist  trop  bien  les  obligations  qu'elle  a 
a  la  faveur  que  Dieu  luy  a  fait  en  ces  dernières  vic- 
toires (0,  pour  vouloir  accorder  aux  Bernois  chose  qui 
apportast  aucune  incommodité  au  service  de  sa  divine 
Majesté,  et  que  je  ne  croyois  pas  qu'il  y  eust  personne 
auprès  de  Vostre  Altesse,  si  mal  appris  de  son  zèle  et  sa 
pieté,  qui  osast  entreprendre  d'en  faire  la  proposition. 
Je   supplie   très  humblement  Vostre   Altesse   d'avoir 
aggreable  ceste  mienne  responce,  et  ladvoùer  pour  la 
consolation  de  ces  pauvres  gens,  lesquelz  ne  se  laissent 
aller  a  ces  craintes  que  par  une  grande  jalousie  qu'ilz 
ont  de  l'honneur  de  Dieu.  Ainsy  prie  je  Dieu  tout  puis- 
sant qu'il  la  conserve  très  longuement  et  luy  face  voir 
tous    ses   Estatz   entièrement   affermis  et  dédiés   a   son 
obéissance!^' 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  le  I"  Procès  de  Canonisation. 


endroitz  que  les  huguenotz  se  promettent  qu'a  la  sollicitation  des  Bernois  on 
leur  redoublera  le  nombre  de  leurs  ministres  et  l'exercice  de  leur  religion. 
T'ay  respondu  que  V.  A.  fait  trop  de  profession  de  reconnoistre  la  bonté  de 
Dieu  et  tenir  de  Dieu  ces  dernières  victoires  pour  ne  s'en  promettre  pas 
d'autres,  plustost  que  d'accorder  a  qui  que  ce  soit  chose  qui  avançast  tant  soit 
peu  l'impiété,  et  que  je  ne  sçavois  personne  si  mal  apprise  du  zèle  et  dévotion 
de  V  A  ,  qui  osast  luy  en  faire  la  proposition.  [Reprendre  au  texte,  lig.  15.] 
(h)  de  Dieu  -  Je  supplie  sa  divine  Bonté  qu'il  luy  plaise  estendre  les 
victoires  de  V.  A.  sur  tous  ses  ennemis,  et  luy  faire  voir  tous  ses  Estatz  establis 
en  l'obéissance  qu'ilz  doivent  a  leur  Dieu  et  a  leur  Prince. 

(  I  )  En  dix  jours  seulement  le  duc  de  Savoie  avait  repris  le  fort  de  Char- 
bonnières (7  mars),  remporté  une  brillante  victoire  sur  Créqui  à  Epierre, 
et  reconquis  toute  la  Maurienne  (17  mars). 


528  Lettres  de  saint  François  de  Sales 


CVIII 

A    MONSEIGNEUR  JULES-CÉSAR    RICCARDI 
ARCHEVÊQUE    DE    BARI,    NONCE    APOSTOLIQUE    A   TURIN 

Affaire  de  la  cure  du  Petit-Bornand.  —  Peste  à  Annecy.  —  Mauvais  vouloir 
des  Chevaliers.  —  Ebranlement  produit  par  l'annonce  des  Quarante-Heures 
à  Thonon.  —  Faveurs  spirituelles  qui  sont  à  désirer  pour  cette  occasion.  — 
Zèle  du  duc  de  Savoie  mal  secondé  par  ses  officiers. 

Sales,    10  avril    1598. 

Illustrissime  et  Reverendissimo  Signor  mio 
osservandissimo, 

Essendo  avisato  da  Roma  che  le  speditioni  délia  cura 
di  Bornando  in  favor  mio  sonno  nelle  mani  del  Favretto 
ciè  già  un  gran  pezzo,  et  havendo  mandato  li  dinari 
necessarii  per  due  vie  senza  che  per  questo  sin  adesso 
habbia  potuto  ricuperare  le  dette  speditioni,  ne  un  solo 
avviso  di  detto  Favretto,  et  che  fra  tanto  il  fratello  del 
defunto  curato  sta  nel  beneficio,  litigando  per  non  lasciar- 
lo  sin  tanto  che  vengano  dette  speditioni  (O,   etiamdio 


Mon  très  honoré,  Illustrissime  et  Révérendissime  Seigneur, 
Ayant  été  averti  de  Rome  que  les  expéditions  de  la  cure  du  Petit- 
Bornand  en  ma  faveur  sont  déjà  depuis  longtemps  entre  les  mains 
de  M.  Favret,  j'ai  envoyé  l'argent  nécessaire  par  deux  voies,  sans 
que  malgré  cela  j'aie  pu  jusqu'ici  recevoir  ces  expéditions,  ni  un  seul 
mot  dudit  Favret.  En  attendant,  le  frère  du  curé  défunt  jouit  du 
bénéfice,  plaidant  pour  ne  pas  l'abandonner  jusqu'à  ce  que  les  expé- 
ditions soient  arrivées  (i).   11   administre    même  les  Sacrements, 

(i)  Jacques  Bally,  curé  du  Petit-Bornand,  était  décédé  le  26  mai  1597, 
après  avoir,  disait-on,  résigné  ce  bénéfice  à  son  frère,  Nicolas  Bally,  qui 
desservait  la  paroisse  en  qualité  de  vicaire  ;  mais  toutes  les  conditions  exigées 
par  le  droit  canon  n'ayant  pas  été  remplies,  cette  résignation  était  nulle,  et 
la  cure  devait  se  donner  au  concours,  selon  les  prescriptions  du  Concile  de 
Trente.  Ce  concours  eut  lieu  le  30  juin  :  en  voyant  paraitre  le  Prévôt  tous  ses 
compétiteurs  s'éclipsèrent,  et  il  fut  nommé  par  l'Evêque  curé  du  Petit-Bornand, 
moyennant  l'assentiment  du  Pape.  Nicolas  Bally,  faisant  valoir  la  résignation 
de  son  frère,  s'était  pourvu  en  Cour  de  Rome,  et  avait  obtenu  (4  juillet  1597) 


Année  1598  329 

administra n do  li  Sacramenti  contra  l'espressissima  prohi- 
bitione  del  R'""  Ordinario,  il  che  non  si  fa  senza  scandalo  ; 
dubitando  che  detto  Favretto  trattenga  dette  provisioni 
per  qualche  summa  dovutagli  dal  suo  commettente  o 
rispondente  di  qua,  son  costretto  di  ricorrere  alla  sua 
amorevolissima  bontà,  acciochè  io  non  tenga  detto  bene- 
ficio  ne  in  parte,  ne  in  tutto  senon  dal  suo  favore  ;  prie- 
gando  humilissimamente  Sua  Signoria  lU'"^  et  R""^  di 
commandar  in  Roma  al  suo  agente  che  glie  mandi  dette 
speditioni,  pigliandole  dal  Favretto.  Et  se  bisognaranno 
dinari,  saranno  subito  sborsati  in  Turino  dal  signor  Lu- 
ciano  Gilli  (O  dove  piacerà  a  Sua  Signoria  lU""*  et  R""^  di 
commandare.  No  vorrei  dar  queste  importunità  a  V.  wS. 
111""*,  ma  et  la  sua  bontà  et  la  nécessita  me  ne  dà  animo. 
Speravo  di  inviarmi  ben  presto  costi  et  fare  queste 
cose  ;  ma  la  peste  travenuta  in  Annessi  doppo  mia 
partenza,  poichè  Monsignor  Reverendissimo  nostro  non 


nonobstant  la  défense  très  expresse  du  Révérendissime  Ordinaire,  ce 
qui  ne  se  fait  pas  sans  scandale.  Craignant  que  M.  Favret  ne  retienne 
ces  provisions  pour  quelque  somme  que  lui  doit  son  commettant  ou 
correspondant  d'ici,  je  suis  contraint  de  recourir  à  votre  très  bien- 
veillante bonté,  afin  que,  soit  en  partie,  soit  en  entier,  je  ne  tienne 
ce  bénéfice  que  de  la  faveur  de  Votre  Seigneurie  Illustrissime  et  Révé- 
rendissime. Je  vous  prie  très  humblement  de  commander  à  votre 
agent  à  Rome,  de  retirer  lesdites  expéditions  des  mains  de  Favret  et 
de  vous  les  envoyer.  Et  s'il  faut  de  l'argent,  il  sera  aussitôt  délivré  à 
Turin  par  M.  Lucien  Gilli  (0  là  où  il  plaira  à  Votre  Seigneurie  l'or- 
donner. Je  ne  voudrais  pas  vous  occasionner  cet  embarras,  mais 
votre  bonté  et  la  nécessité  m'en  donnent  le  courage. 

J'espérais  pouvoir  aller  bientôt  moi-même  traiter  ces  affaires  sur 
les  lieux  ;  mais  la  peste  ayant  éclaté  à  Annecy  après  mon  départ, 

une  Bulle  qui  lui  attribuait  le  même  bénéfice.  Le  13  septembre  suivant,  le 
Saint  obtint  à  son  tour  des  Bulles  d'institution,  que  Bally  traita  de  subrep- 
tices.  Néanmoins,  le  2  juillet  1598  M.  de  Chissé,  vicaire  général,  alla  au  nom 
du  Prévôt  prendre  possession  de  la  cure;  mais  les  portes  de  l'église  lui  furent 
fermées  et  il  dut  se  retirer.  Nous  verrons  plus  loin  la  suite  de  ce  débat. 

(  I  )  Lucien  Gilli  ou  Gilio,  marchand  de  soieries,  était  l'un  des  fournisseurs 
de  la  cour  de  Turin.  (Archives  de  la  Chambre  des  Comptes  du  Piémont,  Contro- 
rolo  générale  délie  Finance  di  Piemonte,  vol.  xi,) 


330  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

ha  voluto  uscirne  (0,  mi  fa  gran  dubio  che  non  potremo 
partire  cosî  presto,  non  havendo  le  carte  necessarie  dalla 
banda  di  detto  Monsignore  Reverendissimo.  Ho  nuova 
che  egli  sta  benissimo  et  allegramente,  ma  non  senza 
pericolo.  Iddio  ne  sia  protettore  et  conservatore. 

Per  quanto  vedo,  non  mancarà  dalla  banda  de'  signori 
Cavaglieri  che  le  cose  del  Chiablais  non  vadano  in  ro- 
vina,  poichè  non  tengono  conto  di  far  pagar  le  pensioni 
promesse,  senza  lequali  non  si  puô  continuare  Y  esser- 
citio  comminciato  nelle  tre  parochie,  et  molto  manco 
augmentarlo.  No  si  puô  dire  le  grande  (sic)  dispositioni 
che  sonno  in  quel  paese  alla  fede  catholica,  lequali  sonno 
vane  per  mancamento  di  essercitio,  il  quale  no  si  puô 
fare  senza  persone,  ne  le  persone  ponno  inviarsi  senza 
spesa  et  intrata.  Ho  le  lettere  lequali  Sua  Altezza  Se- 
renissima  inviava  a  Sua  Santità,  nelle  quali  priegava 
la  Santa  Sede  che  si  degnasse  restituir  le  parrochie 
di    Chiablais,   cavandole   délie  mani   profane  ;   ma   per 


M"""  notre  Révérendissime  Evêque  n'a  pas  voulu  en  sortir  (  i  )  ;  ainsi  je 
crains  beaucoup  que  nous  ne  puissions  partir  de  sitôt,  faute  d'obtenir 
de  la  part  de  Monseigneur  les  papiers  nécessaires.  J'ai  su  qu'il  se  porte 
très  bien,  sans  éprouver  aucune  appréhension,  mais  non  sans  courir 
quelque  danger.  Dieu  soit  son  protecteur  et  son  conservateur  ! 

A  ce  que  je  vois,  rien  ne  manquera  du  côté  de  MM.  les  Chevaliers 
pour  ruiner  les  affaires  du  Chablais,  puisqu'ils  ne  se  mettent  aucune- 
ment en  peine  de  faire  payer  les  pensions  promises,  sans  lesquelles 
on  ne  peut  continuer  l'exercice  du  culte  commencé  dans  les  trois 
paroisses,  et  bien  moins  encore  l'augmenter.  Il  ne  se  peut  dire  quelles 
excellentes  dispositions  on  trouve  en  ce  pays  pour  la  foi  catholique  ; 
mais  elles  demeurent  infructueuses  par  le  manque  d'exercice  du  culte, 
lequel  ne  peut  être  rétabli  sans  des  ecclésiastiques,  et  les  ecclésiasti- 
ques ne  peuvent  être  envoyés  sans  faire  des  dépenses  et  avoir  besoin 
de  revenus.  J'ai  les  lettres  que  Son  Altesse  Sérénissime  adressait  à 
Sa  Sainteté  pour  prier  le  Saint-Siège  de  daigner  retirer  les  paroisses 
du  Chablais  des  mains  profanes  et  les  remettre  à  la  disposition  de 

(i)  On  voit  dans  le  Registre  des  délibérations  municipales  d"Annecy  que 
le  Conseil  de  ville  était  à  cette  époque  contraint  de  tenir  ses  assemblées 
«  dans  l'enclos  et  murailles  du  prieuré  du  Saint-Sepulcre...  à  cause  de  la 
contagion  arrivée  en  cette  dite  ville  des  le  i'^'  d'avril  1598.  » 


Année  1598  331 

l'accidente  délia  mia  malatia  sonno  restate  qui.  Se  parera 
a  V.  S.  111""'  et  R"'^  di  mandarle  inanzi  ch' io  faccia  il 
viaggio,  per  tanto  più  accelerare  il  negotio,  il  quale  no 
si  tarda  una  sola  hora  senza  perdita  di  moltissime  anime, 
io  subito  glie  le  mandarô. 

Il  R.  P.  Cherubino  è  qui  con  noi  da  duoi  giorni  in  qua, 
aspettando  nuova  del  convento  di  Annessi  ;  et  ciô  ha  fatto 
vedere  il  progresso  délia  conferentia  fra  luy  (sic)  et 
Hermanno  Lignario,  famoso  lettore  di  theologia  fra  [gli] 
uguonotti,  con  molto  mio  gusto.  Ne  mandarà  la  relatione 
a  V.  S.  111""'  et  R""  et  il  successo  che  ne  spera. 

Fra  tanto  egli  si  dispone  di  far  la  devotione  délie 
Quarant'  hore  in  Tonone  con  quella  maggior  soUemnità 
che  si  potrà  fare.  Et  essendosene  data  la  nuova  nelli 
luoghi  circonvicini,  da  ogni  banda  si  dispongono  le  per- 
sone  di  concorrere  a  questa  divotione,  non  solo  dalla 
banda  catholica,  corne  di  Fribourgo,  de  Sguisseri  et  del 
Valeise,  ma  anco  dalla  banda  haeretica,  corne  del  Bernese 
et  Genevrino  ;  il  che  ci  fa  una  grandissima  speranza  di 
molto  frutto  et  grande  confusione  per  [i]  ministri.    Ma 


l'Evêque;  mais,  par  suite  de  ma  maladie,  elles  sont  restées  ici.  Si 
Votre  Seigneurie  juge  bon  de  les  envoyer  avant  que  j'entreprenne  le 
voyage  [de  Rome],  afin  d'accélérer  cette  affaire,  qui  ne  peut  être 
retardée  d'une  seule  heure  sans  compromettre  le  salut  de  beaucoup 
d'âmes,  je  me  ferai  un  devoir  de  les  lui  expédier  aussitôt. 

Le  R.  P.  Chérubin  est  ici  avec  nous  depuis  deux  jours,  attendant 
des  nouvelles  du  couvent  d'Annecy  ;  ce  qui,  à  mon  grand  conten- 
tement, m'a  donné  lieu  d'être  renseigné  sur  la  marche  de  sa  confé- 
rence avec  Herman  Lignarius,  fameux  lecteur  de  théologie  parmi 
les  huguenots.  Il  en  enverra  la  relation  à  Votre  Seigneurie  Illustris- 
sime et  Révérendissime,  et  lui  dira  le  résultat  qu'il  en  espère. 

Cependant,  il  se  prépare  à  célébrer  les  Quarante- Heures  à  Thonon 
avec  la  plus  grande  solennité  possible.  La  nouvelle  s'en  étant  répandue 
dans  les  environs,  on  se  dispose  de  tous  côtés  à  venir  assister  à  cette 
dévotion,  non  seulement  des  régions  catholiques,  comme  de  Fri- 
bourg,  de  Schwitz  et  du  Valais  ;  mais  aussi  des  territoires  hérétiques, 
comme  de  ceux  de  Berne  et  de  Genève,  ce  qui  nous  donne  une  très 
grande  espérance  de  recueillir  beaucoup  de  fruits,  à  la  grande  confu- 
sion des  ministres.  Il  serait  très  à  propos  que  Sa  Sainteté  voulût  bien 


3^2  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

saria  molto  a  proposito  se  Sua  Beatudine  per  quel  tempo 
concedesse  qualche  gratia  spirituale,  oltra  la  Indulgentia 
plenaria,  corne  deir  assolutione  de'casi  riservati  ;  chè  in 
vero  in  quelle  bande  ne  sonno  moltissimi  che  ne  havranno 
portati  li  diece  et  vinti  anni  nella  conscientia,  liquali  in 
questa  occasione  li  deponeranno.  Et  perché  mi  pare  che 
la  facoltà  di  commettere  huomini  per  T  assolutione  de 
Thaeresia,  che  era  stata  communicata  a  31onsignor  Re- 
verendissimo ,  no  passa  questo  mese ,  saria  sopra  tutto 
bisogno  di  haverla  di  nuovo. 

Vado  hoggi  verso  Tonone  dove  per  un  poco  son  neces- 
sario,  et  pigliarô  il  numéro  de'  Catholici  fattisi  in  questi 
tre  anni  passati,  per  mandarne  raguaglio  a  V.  S.  111"% 
acciô  con  questo  mezzo  si  dia  animo  a  Sua  Santità  di 
farci  quelle  gratie  che  a  queste  imprese  sonno  necessarie. 

Non  habbiamo  quasi  altro  amico  nella  corte  senon 
Sua  Altezza  Serenissima ,  laquale  ci  giova  poco  per 
mancamento  di  essecutione  de'  suoi  commandamenti.  In 
vero  egli  è  zelantissimo,  ma  non  puô  esser  ubedito.  Che 
se  fosse  ubedito  come  vuole  il  dover,  havressimo  avanzato 
assai   più   di    quel    che   habbiamo,   et   insieme  no  saria 


pour  la  circonstance  accorder,  outre  l'indulgence  pléniére,  quelque 
grâce  spirituelle,  comme  l'absolution  des  cas  réservés;  car  en  vérité, 
de  ces  côtés  il  y  a  beaucoup  de  gens  qui,  en  ayant  sur  la  conscience 
depuis  dix  et  vingt  ans,  s'en  déchargeraient  en  cette  occasion.  Comme 
il  me  semble  que  la  faculté  communiquée  à  M'''  le  Révérendissime 
de  déléguer  des  ecclésiastiques  pour  l'absolution  de  l'hérésie  expire  à 
la  fin  de  ce  mois,  il  serait  surtout  urgent  de  la  renouveler. 

Je  vais  aujourd'hui  à  Thonon  où,  pendant  quelque  temps,  je  suis 
nécessaire.  J'y  dresserai  la  liste  des  personnes  rentrées  dans  le  sein  de 
l'Eglise  durant  ces  trois  dernières  années,  pour  en  informer  Votre 
Seigneurie,  afin  que  par  ce  moyen  Sa  Sainteté  soit  encouragée  à 
nous  accorder  les  grâces  qui  sont  nécessaires  à  cette  entreprise. 

Nous  n'avons  presque  pas  d'autre  ami  à  la  cour  que  Son  Altesse 
Sérénissime,  ce  qui  ne  nous  sert  pas  beaucoup  puisque  ses  ordres  ne 
s'exécutent  pas.  Le  duc  est  très  zélé,  il  est  vrai,  mais  ne  peut  se 
faire  obéir.  Si  on  lui  obéissait  comme  on  le  devrait,  nous  serions  bien 
plus  avancés  que  nous  ne  le  sommes  et,  de  plus,  nous  n'aurions  pas 


Année  1598  3}} 

bisogno  di  dar  noïa  a  V.  S.  Ill""*  circa  le  pensioni,  perché 
egli  ha  commandato  spesse  volte  che  si  pigliassero,  facen- 
dosi  giustitia  sopra  la  promessa  fattaci  da' Cavaglieri. 
Ma  gl'  inferiori  fanno  poi  tante  considération!  di  non 
offendere  questo  et  quelFaltro,  che  fra  tanto  si  ofFende 
gravemente  il  Signor. 

Il  R.  P.  Cherubino  mi  ha  dato  parola  di  scriver  a 
V.  S.  111""'  circa  moltissime  cose  degnissime  di  esser 
considerate,  délie  quali  habbiam  trattato  insieme.  V.  S. 
111™''  et  R"""  è  il  nostro  solo  protettore  et  solatio  in  queste 
occasioni,  onde  preghiamo  continuamente  Sua  divina 
3laestà  per  la  sua  salute  et  conservatione.  Et  bascio 
humilissimamente  le  sue  reverendissime  mani. 
Di  V.  S.  Iir^  et  R™% 

Humilissimo  et  divotissimo  servidore, 
Franc^  De  Sales, 
indegno  Prœvosto  di  Geneva. 
Di  Sales,  alli  10  di  Aprile  98. 

Air  111""°  et  Rêver""*'  Sig""  mio  osservandissimo, 

Monsig""  l'Arcivescouo  di  Bari, 
Nuntio  Apostolico  nel  Stato  di  Savoya.  —  Turino. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  Rome,  Archives  du  Vatican. 


à  causer  tant  d'ennui  à  Votre  Seigneurie  au  sujet  des  pensions.  11  a 
déjà  commandé  plusieurs  fois  de  les  saisir,  cette  mesure  étant  justifiée 
par  la  promesse  que  nous  avons  reçue  des  Chevaliers  ;  mais  les  subor- 
donnés font  tant  de  considérations  pour  ne  pas  offenser  celui-ci  et 
celui-là,  qu'ils  finissent  par  offenser  grièvement  le  Seigneur. 

Le  R.  P.  Chérubin  m'a  donné  parole  de  vous  écrire  touchant 
plusieurs  choses  très  dignes  d'attention  dont  nous  avons  traité  en- 
sem.ble.  Votre  Seigneurie  est  notre  seul  protecteur  et  consolateur 
en  ces  occasions  ;  aussi  prions-nous  continuellement  la  divine  Ma- 
jesté pour  votre  santé  et  conservation.  C'est  en  baisant  très  hum- 
blement vos  mains  vénérées,  que  je  suis, 

De  Votre  Seigneurie  Illustrissime  et  Reverendissime, 

Le  très  humble  et  très  dévoué  serviteur, 
François  de  Sales, 
indigne  Prévôt  de  Genève. 
De  Sales,  le  10  avril  1598. 


; 


^^4  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

AU     MÊME 

Voyage  du  président  Favre  à  Turin  et  à  Ferrare.  —  Nouvelles  poursuites  au 
sujet  de  la  cession  des  cures  du  Chablais.  —  Mesures  à  prendre  pour 
assurer  le  triomphe  du  catholicisme  sur  l'hérésie. 

Sales,    i8  mai   1598. 

lUustrissimo  et  Reverendissimo  Signor  mio 
osservandissimo, 

Andando  costî  et  quindi  in  Ferrara  il  signore  Prsesi- 
dente  Fabro(i),  persona  di  pietà  et  sufïicientia  singola- 
rissima,  et  per  dirla  (^)  a  modo  mio,  pbœnice  délia  nostra 
Savoïa,  desideravo  incredibilmente  di  far  il  viaggio  con 
esso  lui,  (b)  perché  essendo  egii  solo  fra  laici  consapevole 
di  quanto  si  è  fatto  di  qua  et  si  deve  fare  per  la  santa 
fede,  haverebbe  certo  dato  un  grande  aiuto  nel  negocio 
che  per  questo  l'^)  habbiam  da  far  appresso  Sua  Santità. 


Mon  très  honoré,  Illustrissime  et  Révérendissime  Seigneur, 
M.  le  président  Favre,  personnage  d'une  piété  et  d'un  mérite  sin- 
guliers, et,  pour  le  dire  à  ma  façon,  le  phénix  de  notre  Savoie,  se 
rend  à  Turin,  puis  à  Ferrare  (  ^  ) .  Je  désirais  extrêmement  entreprendre 
ce  voyage  avec  lui,  parce  qu'étant  le  seul  laïque  bien  au  courant  de 
ce  qui  s'est  fait  et  de  ce  qui  reste  encore  à  faire  pour  la  sainte  foi  dans 
ces  pays,  il  nous  aurait  certainement  été  d'un  grand  secours  dans  les 
affaires  que  nous  devrons  traiter  à  ce  sujet  auprès  de  Sa  Sainteté. 

(a)  [Ces  variantes  sont  tirées  d'une  minute  autographe  conservée  à  la  Visi- 
tation d'Annecy.] 

di  —  dottrina  et  pietà  singolarissima,  et  se  io  lo  dico 

(b)  con  esso  lui,  —  si  per  godere  la  sua  suavissima  presentia,  che  anco 

(c)  saniii  fede,  —  zelantissimo  et  prudentissimo,   haverebbe  grandemente 
aiutatici  nella  negociatione  che 


(i)  Il  était  député  par  la  duchesse  de  Nemours,  Anne  d'Esté,  pour  faire 
valoir  les  droits  de  cette  princesse  sur  la  succession  d'Alphonse  II,  duc  de 
Ferrare. 


Année  1598  335 

Ma  Monsignor  R'""  Vescovo  non  havendo  fatta  la  quaran- 
tena  che  si  usa  per  il  contagio  (0,  non  ha  volsuto  far  li 
scritti  necessarii  al  viaggio,  ne  addimandare  i'^)  licentia 
a  Sua  Altezza  per  il  passagio,  per  non  dar  alcun  sospetto 
ne  a  Sua  Beatudine  (e),  ne  a  V.  S.  111""'. 

Havendo  adunque  le  lettere  che  Sua  Altezza  scrisse  a 
Sua  Santità  et  alli  Signori  Cardinali,  nelle  quali  prie- 
ghava  instantissimamente  la  Santa  Sede  di  restituire  le 
cure  delli  balliaggi  ad  uso  delli  sacerdoti  che  vi  facciano 
il  servitio  santo,  et  non  havendo  voluto  esponerle  al  pe- 
ricolo  che  sin  adesso  è  stato  nelle  strade  (f),  massime 
credendo  di  esserne  latore  di  giorno  in  giorno  :  hora  ch'  io 
vedo  dette  lettere  invechiarsi,  et  che  se  la  provisione  di 
Sua  Santità  circa  detta  restitutione  non  viene  inanzi  la 
raccolta  le  cose  saranno  ritardate  sin  all'altr'anno  (et  Dio 


Mais  Ms''  notre  Révérendissime  Evêque  n'ayant  pas  terminé  la  qua- 
rantaine usitée  en  temps  de  peste  (O,  n'a  pas  voulu  préparer  les 
écritures  nécessaires  à  ce  voyage,  ni  demander  la  permission  de  Son 
Altesse  pour  le  passage,  afin  de  ne  donner  aucune  alarme  au  Saint- 
Père  ni  à  Votre  Seigneurie  Illustrissime. 

J'ai  entre  les  mains  les  lettres  que  Son  Altesse  a  écrites  à  Sa 
Sainteté  et  à  MM.  les  Cardinaux,  pour  prier  instamment  le  Saint- 
Siège  de  rendre  la  jouissance  des  cures  des  bailliages  aux  prêtres  qui 
doivent  y  faire  le  service  divin.  Je  n'ai  pas  voulu  les  exposer  au 
danger  qui  jusqu'ici  a  été  sur  les  routes,  d'autant  plus  que  je  croyais 
de  jour  en  jour  pouvoir  en  être  le  porteur.  Mais  maintenant  je  vois  que 
ces  lettres  vieillissent  ;  en  outre,  si  le  décret  de  Sa  Sainteté  touchant 
la  restitution  des  bénéfices  ne  nous  parvient  pas  avant  la  récolte,  cette 

(d)  la  quarantena,  —  non  ha  volsuto  scriver  le  cose  necessarie  per  far  la 
sua  ubedientia,  né  domandare 

(e)  non  dar  —  dal  canto  suo  alcun  sospetto  né  a  S.  S'^ 

(f)  Havendo  adunque  riserbato  le  lettre  che  S.  A.  scrisse  a  S.  S>^,  alli 
111™'  Cardinali  et  a  V.  S.  Ill'"^'  et  R""*  sopra  il  desiderio  buono  che  ella 
tiene  che  si  restituiscano  le  cure  delli  balliaggi  ad  uso  de  gli  ecclesiastici, 
accio  si  convertano  l'anime  dall'  haeresia,  et  non  havendo  mai  havuto  Tardire 
di  esponerle  al  pericolo  délie  strade  fra  tante  difficolta  che  sin  adesso  vi  sonno 
state 


(i)  L'Evêque    faisait  quarantaine    à   Vignères,    hameau    de    la    commune 
d'Annecy-le-Vieux. 


336  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

solo  sa  se  saremo  vivi),  per  questo  (g)  ho  dato  dette  lettere 
a  questo  mio  signore  Prœsidente,  acciô  le  dia  a  V.  S.  Iir*, 
protettrice  di  tutto  questo  négocie,  la  quale  accompa- 
gnandole  di  una  strettissima  et  caldissima  ricommanda- 
tione(^),  potrà  farne  latore  Tistesso  signor  Prœsidente, 
chè  più  fedele  et  zelante  non  si  puô  trovare(0. 

Che  si  (sic)  con  (j  )  queste  nuove  di  pace  (0  si  stabilisée 
da  dovero  Tessercitio  catholico  in  quelli  balliagi,  si  farà 
presto  un  efFetto  taie  che  ritardandosi  poi  non  seguirà  W. 
Et  per  conto  délie  sei  pensioni  promesse  T  anno  1596 
dalli  Cavaglieri,  non  si  è  dato  ordine  (i)  se  non  per  tre 
r  anno  passato  et  questo  per  nuUa.  È  tempo  horamai  che 
da  un  canto  sia  soUecitata  Geneva  al  ricever  per  il 
•Vide supra.p. 277.  manco  V  Intérim  *  col  mezo  di  questa  pace,  et  dall'  altro 


affaire  sera  retardée  jusqu'à  l'année  prochaine,  et  Dieu  seul  sait  si 
nous  serons  en  vie  !  Pour  toutes  ces  raisons,  j'ai  donné  lesdites  lettres 
à  M.  le  Président  afin  qu'il  les  remette  à  Votre  Seigneurie,  protec- 
trice de  l'entreprise.  Vous  pourrez  ensuite,  les  accompagnant  d'une 
très  pressante  et  très  chaude  recommandation,  en  rendre  porteur  le 
même  Président;  car  l'on  ne  saurait  trouver  quelqu'un  de  plus  fidèle 
et  de  plus  zélé. 

Si  à  la  faveur  de  la  paix  qui  nous  est  annoncée  (0,  l'exercice 
du  culte  catholique  est  rétabli  définitivement  dans  ces  bailliages,' 
on  obtiendra  bientôt  un  résultat  que  tout  retard  pourrait  compro- 
mettre. Quant  au  payement  des  six  pensions  promises  en  1596  par 
les  Chevaliers,  aucun  ordre  n'a  été  donné,  sinon  l'année  dernière 
pour  trois;  et  cette  année,  pour  aucune.  11  est  temps  désormais  de 
presser  d'un  côté  Genève  à  recevoir  au  moins  \' Intérim,  grâce  à  cette 

(g)  in  giofno,  (p.  335)  — vedo  che  essendo  tanto  vicina  la  raccolta,  se  la 
provisione  di  S.  S'"  non  ci  vien  presto,  si  perdera  questo  anno,  non  senza 
grandissimo  danno  dell' anime.  Onde 

(h)  a  V.S.  Ill""',  —  laquale  accompagnandole  di  un.i  sua  stretta  raccoman- 
datione  a  S.  S'» 

(i)  ehè  più  —  zelante  Tné  capace,  pio,J   non  si  puo  ritruovar. 

(  j  )   Questa  é  vera  verita,  che  se  con 

(k)  si  —  faranno  ben  presto  efïetti  che  ritardandosi  poi  alquanto  non  si 
potranno  cavare. 

(  1  )   l'anno  1^96,  —  sino  adesso  non  si  é  dato  ordine  da  Cavaglieri 

(  i)  On  sait  que,  par  la  médiation  du  Saint-Siège,  un  traité  de  paix  venait 
d'être  conclu  à  Vervins,  entre  la  France,  l'Espagne  et  la  Savoie. 


Année   1598  337 

che  (ni)  si  faciano  intorno  intorno  opère  pie  in  gran  quaii- 
tità  :  riformatione  di  badie,  prsedicationi,  dispute,  libretti 
et  altre  cose  simili  ;  chè  cosî  creparà  la  volpe  nelle  sua 
caverna. 

Et  fra  r  altre  cose  necessarie,  una  è  che  si  habbia  in 
Annessi  un  stampatore.  Griiœretici  mandano  fuora  ogni 
hora  libretti  pestilentissimi,  et  restano  moite  oprette  ca- 
tholiche  (11)  nelle  mani  de  gl' authori  per  non  poterie 
sicuramente  inviare  in  Lione  et  non  haver  commodità  di 
stampatore.  (o)  Se  dalle  badie  et  altri  maggiori  beneficii 
délia  diocaesi  si  cavasse  un  certo  che  per  anno,  sino  alla 
summa  di  scudi  cento,  non  saria  cosa  grave  ad  alcuno  et 
saria  una  sufficiente  provisione  per  un  stampatore.  (P) 

Credo  che  ben  presto  passa  il  tempo  prefisso  aile 
facoltà    concesse    a    ^lonsignor    Reverendissimo    circa 


paix,  et  de  l'autre,  de  faire  aux  alentours  de  cette  ville  des  œuvres 
pies  en  grand  nombre  :  réforme  d'abbayes,  prédications,  disputes, 
publication  d'opuscules  et  choses  semblables  ;  car  ainsi  le  renard 
crèvera  dans  sa  tanière. 

Entre  autres,  il  faudrait  avoir  un  imprimeur  à  Annecy.  Les  héré- 
tiques publient  à  chaque  instant  des  livres  très  pernicieux,  tandis  que 
plusieurs  ouvrages  catholiques  demeurent  entre  les  mains  de  leurs 
auteurs  parce  qu'on  ne  peut  les  envoyer  sûrement  à  Lyon,  et  qu'ils 
n'ont  pas  d'imprimeur  à  leur  disposition.  Si  l'on  prélevait  sur  les 
abbayes  et  autres  bénéfices  les  plus  considérables  du  diocèse  une 
certaine  somme  chaque  année  jusqu'à  la  concurrence  de  cent  écus, 
cela  ne  chargerait  personne  et  suffirait  à  l'entretien  d'un  imprimeur. 

Je  crois  que  la  durée  des  pouvoirs  accordés  à  M^""  le  Révérendissime 
touchant  l'absolution  des  hérétiques  est  près  d'expirer.  Ces  pouvoirs 

(m;  E  tempo  (p.  336)  —  veramente  horjiiiai  che  da  ua  canto  si  soUeciti 
Geneva  a  ricever  almanco  Y  Intérim  col  mezzo  di  questa  pace  fra  li  Régi,  et 
che  daU'altra  banda 

(n)  che  si  —  possa  havers  un  stampatore  qui  ia  Annsssi,  il  quale  sia  dili- 
gente et  zolante,  percha  questi  hiretici  mandaao  faora  ogni  hora  libretti  pesti- 
lenti,  et  non  se  gli  fa  risposta  per  mancaniento  di  stampa.  So  certo  che  restano 
gia  alquante  oprelte 

(o)  in  Lione  —  lequali  se  fossero  divulgate,  farebbono  un  buon  friit'o.  Flora 

(p)  cento,  —  per  darli  di  provisione  ad  un  stampatore,  non  siria  cosa  grave 
a  veruno  et  bastaria  a  fare  un  grande  effetto. 

[L'avant-dernicr  alinéa  du  texte  ne  se  trouve  pas  dans  la  minute.] 

I.ETTRF.S    I  2i 


^38  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

l'assolutione  de  grhaeretici.  E  necessario  primo  modo 
che  non  ci  manchino,  perché  ogni  hora  cie  n'è  bisogno  in 
questi  paesi.  Già  tre  volte  ho  inviato  queste  altre  lettere, 
le  quai  adesso  io  glie  mando,  et  non  han  potuto  passare. 
Mi  perdoni  per  bontà  sua  V.  S.  lU""'  et  R™^  se  io  glie 
sono  importuno  ;  et  rimettendomi  a  quanto  potrà  co- 
gnoscere  di  queste  et  simili  altre  cose  dal  Signor  latore, 
priegho  Iddio  ognipotente  che  (1)  la  conservi  fœlice  et 
contenta  moltissimi  anni  ad  utile  di  santa  Chiesa,  et  glie 
bascio  humilissimamente  le  mani  reverendissime. 

Di  V.  S.  111'"'  et  R'"% 

Divotissimo  servidore, 
Franc°  De  Sales, 

Prsevosto  di  Gène  va. 
Di  Sales,  alli  18  di  3lagio,  98. 

Air  111'"^  et  R'"°  Sig''^  mio  osservandissimo, 
Monsig''^  r  Arcivescovo  di  Bari, 
Nuntio  Apostolico  appresso  S.  A.  S. 
Turino. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  Rome,  Archives  du  Vatican. 


sont  pour  nous  de  première  nécessité,  car  à  toute  heure  on  a  besoin 
d'en  user  dans  ces  pays.  J'ai  déjà  par  trois  fois  envoyé  les  autres 
lettres  ci-jointes,  mais  elles  n'ont  pu  passer. 

Que  votre  bonté  daigne  me  pardonner  de  lui  être  si  importun.  Je 
m'en  remets  au  porteur  des  présentes  pour  vous  donner  une  plus 
grande  connaissance  des  affaires  dont  elles  traitent  et  d'autres 
semblables  ;  et  priant  le  Dieu  tout-puissant  de  vous  conserver  heu- 
reux et  content  de  très  longues  années  pour  l'utilité  de  la  sainte 
Eglise,  je  baise  très  humblement  vos  mains  vénérées. 

De  Votre  Seigneurie  Illustrissime  et  Reverendissime, 
Le  très  dévoué  serviteur, 

François  de  Sales, 

Prévôt  de  Genève. 
De  Sales,  le  18  mai  1598. 

(q)  potra  —  dirne  di  queste  et  simili  cose  il  Sig'  latore,  priegho  il  Sig''  Iddio 


ANNÉE  1598  339 

ex 


AU     MEME 

Espérance  d'obtenir,  moyennant  la  médiation  du  roi  de  France, 
le  libre  exercice  du  culte  catholique  à  Genève. 

Sales,   13  juin   1598. 

Illustrissimo  et  Reverendissimo  Signore  mio 
osservandissimo, 

Fra  grinfiniti  béni  spirituali  che  da  questa  benedetta 
pace  (0  sperano  molti  servi  d' Iddio,  uno  è  ch'il  Ré  di 
Francia,  invitato  dalla  Santa  Sede  Apostolica,  procuri 
vivamente  che  la  città  di  Geneva  apra  le  sue  porte  a 
r  essercitio  catholico  coW  Intérim  (-),  acciô  che  in  una 
tanta  et  tanto  desiderata  pace,  sia  fatto  luogho  al  Si- 
gnore et  Prencipe  di  pace  *.  Et  questo  sarà  tagliar  il  *  Is.,  ix,  6. 
calvinismo  nella  radice.  So  che  Sua  Altezza,  dal  canto 
suo,  ne  farà  ogni  instantia  possibile,  corne  in  opra  di 
importantia  incredibile.  Il  R.  P.  Cherubino  ha  sopra  di 
questo  molti  buoni  et  particolari  avisi,  et  son  certo  che 


Mon  très  honoré,  Illustrissime  et  Révérendissime  Seigneur, 
Entre  les  incalculables  avantages  spirituels  que  plusieurs  serviteurs 
de  Dieu  espèrent  de  cette  bénite  paix  (  i  ),  ils  se  promettent  que  le  roi 
de  France,  sur  l'invitation  du  Saint-Siège  Apostolique,  s'emploiera 
vigoureusement  pour  obtenir  que  la  ville  de  Genève  ouvre  ses  portes 
à  l'exercice  du  culte  catholique  au  moyen  de  V Intérim  (  2  ),  afin  que 
le  Seigneur  et  Prince  de  paix  ait  sa  place  dans  une  pacification  si  im- 
portante et  tant  désirée.  Ce  serait  couper  le  calvinisme  par  la  racine. 
Je  sais  que,  de  son  côté.  Son  Altesse  fera  toute  sorte  d'instances, 
comme  pour  une  œuvre  d'une  importance  incroyable.  Le  R.  P.  Ché- 
rubin a  plusieurs  vues   spéciales  et  bonnes  sur  ce  sujet  ;  je  suis 

(i)  Cette  lettre  fut  écrite  le  jour  même  où  la  paix  de  Vervins  était  pro- 
mulguée à  Annecy. 

(2)  Le  17  juin.  M»""  de  Granier  adressait  dans  le  même  sens  une  supplique 
au  Pape  Clément  VIII  et  une  lettre  au  Nonce.  Au  sujet  de  VInh'rim,  voir 
note  (i),  p.  277. 


^^O  LeTTRKS    Dt    SAINT    FRANÇOIS    DE    SaLES 

ne  darà  raguaglio  a  V.  S.   IIP''  et  R""  (O,  la  quale  per 
tanto  io  supplice  di  haverli  in  grande  consideratione. 

A  me,  il  quale  in  taie  occurrentie  non  hô  altro  valore 
se  non  nelli  sospiri  et  desiderii,  basta  di  aprirne  il  cuore 
inanzi  di  V.  S.  111""  ;  et  mentre  sto  aspettando  quel 
giorno  nel  quale  io  possa  farglie  in  praesentia  la  débita 
riverentia,  glie  bascio  humilissimamente  le  mani  reve- 
rendissime,  prieghando  il  Signore  che  la  conservi  mol- 
tissimi  anni  a  servitio  delF  honor  suo  divino. 

Di  V.  S.  111'"'-^  et  R'"% 

Humilissimo  et  divotissimo  servitore. 
Franc"  De  Sales, 
Prsevosto  di  (reneva. 
Di  Sales,  alli  13  di  C-riugnio  1598. 

Air  111"^''  et  R"^°  Sig'"«  mio  osservandissimo, 
Monsig"""  l'Arcivescovo  di  Bari, 

Nuntio  Apostolico  appresso  S.  A.  S. 
Turino. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  Rome,  Archives  du  Vatican. 


sur  qu'il  les  communiquera  à  Votre  Seigneurie  Illustrissime  et  Ré- 
vérendissime  (i  ,  partant  je  la  supplie  de  les  prendre  en  grande 
considération. 

Pour  moi,  qui  n'ai  en  telles  rencontres  d'autre  pouvoir  que  celui 
des  soupirs  et  des  désirs,  il  me  suffit  d'ouvrir  mon  cœur  à  Votre 
Seigneurie.  En  attendant  le  jour  où  je  pourrai  la  voir  et  lui  offrir  les 
hommages  qui  lui  sont  dus,  je  baise  très  humblement  ses  mains 
vénérées,  priant  le  Seigneur  de  la  conserver  de  très  longues  années 
pour  le  service  de  sa  divine  gloire. 

De  Votre  Seigneurie  Illustrissime  et  Révérendissime, 

Le  très  humble  et  très  dévoué  serviteur, 
François  de  Sales, 

Prévôt  de  Genève. 
De  Sales,  le  1 3  juin  1598. 

(  I  )  Le  P.  Chérubin  se  proposait  de  l'aire  un  voyage  à  Rome,  ainsi  qu'il  le  dit 
dans  une  lettre  adressée  au  Nonce  de  Turin  le  23  juin  de  cette  nic'nie  année. 


Année   1598  341 


CXI 


A   MONSIEUR   AMEDEE    DE    CIIEVROX 
SEIGNEUR   DE    VILLETTeI'Î 

(inédite) 

Témoignages  de  respect  et  de  reconnaissance.   —  Annonce  de  sa  visite. 

Sales,   7  juillet  1598. 
Monsieur, 

Je  me  garderay  bien,  Dieu  a3'dant,  d'attribuer  a  mes 
mérites,  qui  sont  ou  petitz  ou  nulz ,  la  faveur  avec 
laquelle  il  vous  plait  recueillir  mes  importunités.  Je  la 
dois  du  tout  a  vostre  bonté,  laquelle  j'honnore  d'autant 
plus  que  je  me  vois  tous  les  jours  obliger  davantage  a 
elle  par  tant  d'effetz,  qui  me  fait  extrêmement  désirer 
d'estre  tel  que  je  devrois  estre  pour  estre  digne  sujet  de 
ses  bienfaitz  ;  la  ou  je  n'ay  rien  de  sortable  a  ce  bon 
heur  qu'une  très  humble  affection  d'estre  et  vouloir  estre, 
et  confesser  devoir  estre  vostre  très  redevable. 

Je  desirois  bien  fort  de  vous  baiser  les  mains  en  prae- 
sence,  mais  je  suis  lié  sur  le  banq  pour  ceste  semaine. 
Que  si  je  puys,  a  la  prochaine  je  me  rendray  par  delà, 
et  sans  honte  ni  autre  appréhension  je  prendra}^  logis 
chez  vous,  comme  vous  me  commandes  ;  car  puysque  je 
suis  des-ja  tant  insolvable  des  obligations  que  je  vous 
ay,  il  ne  m'importe  meshu}-  de  rien  de  l'estre  tous-jours 

(i)  Amédée  III  de  Chevron,  seigneur  de  Villette,  Giez,  Pontvoyre  et 
autres  lieux,  conseiller  et  maître  d'hôtel,  chambellan  et  majordome  de  Son 
Altesse,  fut  ambassadeur  en  Suisse,  surintendant  général  des  mines  de  Savoie, 
chef  des  troupes  en  Tarentaise.  C'est  en  sa  faveur  que  la  terre  de  Villette 
fut  érigée  en  baronnie,  le  i"^""  avril  1604.  Il  avait  épousé  Marguerite  de 
Pingon,  dame  d'honneur  de  Marguerite  de  France,  mère  du  duc  Charles- 
Emmanuel  P"".  Ce  seigneur  était  cousin  germain  de  Françoise  de  Sionnaz, 
mère  de  saint  François  de  Sales;  il  fit  son  testament  le  15  juillet  1621  et 
mourut  peu  de  jours  après. 


^42  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

plus  ;  et  quoy  qu'on  me  juge  importun,  je  ne  lairray 
d'estre  bien  glorieux  si  par  la  je  me  puys  faire  connois- 
tre  tel  que  je  suis,  Monsieur,  non  seulement  vostre  très 
et  très  obligé,  mais  encores 

Votre  domestique  serviteur  et  neveu, 
France  De  Sales, 

A  Sales,  ou  mes  père  et   mère  et  toutes  leurs  gens 
vous  saluent  très  humblement. 
Le  7  juUet  98. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  de  Milan. 


CXII 


A   MONSIEUR   CLAUDE   MARIN,    PROCUREUR    FISCAL 
EN    CIIABLAIS 

Préparatifs  à  faire  en  vue  des  Quarante-Heures  qui  doivent  se  célébrer  à 
Thonon.  —  Indications  pour  le  logement  de  l'Evêque.  —  Audience  du  duc 
de  Savoie.  —  Destination  de  deux  ecclésiastiques. 

Sales,  6  aoîit   1 598. 
Monsieur  (0, 

Puisque  Son  Altesse  veut  que  les  Quarente  Heures  se 
facent  le  quinziesme  de  ce  moys,  et  qu'elle  veut  qu'elles 
.se  facent  le  plus  solemnellement  que  l'on  pourra , 
baillant  partant  espérance  de  vouloir  rembourser  les 
frais  qui  s'y  feront,  ne  voyant  point  d'argent  prest,  il 
m'a  semblé  que  on  ne  pouvoit  point  avoir  de  meilleur 
moyen  pour  loger  les  musiciens  et  autres  semblables 
personnes  nécessaires   et  les  nourrir,    que  de  faire  que 

(i)  Cette  lettre  cSt  écrite  par  Georges  Rolland,  sauf  la  signature,  l'adresse 
et  une  partie  du  post-scriptum,  qui  sont  de  la  main  du  Saint  (voir  ci-après, 
note  (3),  p.  31-1). 


Année  1598  343 

les  fermiers  qui  sont  reliquateurs  de  plus  de  mille 
florins  vaillant  pour  les  pensions  de  ceste  année,  res- 
pondent  vers  quelqu'un  de  la  despence  que  lesditz  musi- 
ciens pourront  faire,  a  rate  dequo^'^  je  les  dechargeray 
de  ladite  dette.  Et  a  ces  fins  je  fais  trois  mandatz  :  un 
a  ]Me3'net,  l'autre  a  Vernaz  et  l'autre  a  Castellani  (O, 
affin  quilz  respondent  vers  quelqu'un  [de]  la  despence 
qui  se  fera  par  lesditz  musiciens,  chacun  jusques  a  la 
somme  de  cent  florins.  Restera  qu'il  vous  plaise  d'essaier 
si  l'on  pourra  trouver  qui  veuille  fournir  aux  frais  a 
ceste  condition,  en  advançant,  et  je  tiendrois  main  a  les 
faire  bien  paier  dans  le  terme  quilz  prendroient  ;  et  si 
vous  le  trouvies,  il  faudroit  faire  marcher  (sic)  a  combien 
par  jour  ilz  entretiendroient  la  personne  honnestement 
et  sans  superfluité. 

Item,  je  vous  prie  de  trouver  un  logis  parmi  les 
Catholiques  pour  31onseigneur  l'Evesque.  On  paiera  le 
louage  a  tant  par  jour,  en  fournissant  seulement  le  bois, 
linge  et  vaiselle,  car  quant  au  reste,  Monseigneur  le  Re- 
verendissime  fera  sa  despence  luy  mesme  ;  mais  il  faut 
que  ce  soit  chez  un  Catholique  et  qu'on  aye  pour  le  moins 
trois  chambres.  Si  ce  n'estoit  qu'il  m'a  tant  recommandé 
que  son  hoste  fut  catholique,  j'eusse  nommé  monsieur 
d'Alemand(2)  ;  touttefois,  au  pis  aller,  encor  ne  seroit  il 
pas  mal  la,  si  autrement  ne  se  peut  faire.  Jamais  Ouarente 

(  I  )  Il  est  difficile  d'identifier  ces  personnages  qui  portent  des  noms  très 
répandus  en  Chablais.  Plusieurs  Meynet,  bourgeois  de  Thonon,  figurent  sur 
la  liste  des  protestants  convertis  par  notre  Saint  et  ses  collaborateurs.  Le 
procès-verbal  de  rétablissement  des  greniers  à  sel  à  Thonon  (mars  1597) 
mentionne  «  Thomas  et  François  Meynet  »  parmi  les  marchands  qui  avaient 
précédemment  débité  du  sel  dans  cette  ville. 

Dans  un  accord  passé  en  1602  entre  les  seigneurs  de  Fribourg  et  les  habi- 
tants de  Thonon,  on  trouve  parmi  les  signataires,  bourgeois  de  cette  dernière 
ville,  Maurice  et  Pierre  Vernaz.  Celui-ci  parait  n'être  pas  différent  d'un  Pierre 
Vernaz  qui  est  mentionné  dans  le  procès-verbal  précité  comme  étant  curial 
de  Thonon.  (Voir  ci-devant,  note  (i),  p.  103.) 

(2)  La  famille  des  nobles  du  Nant  dAUeman  était  représentée  en  Cha- 
blais à  cette  époque  par  Georgios,  coseigneur  d'AUeman,  seigneur  de  la  Place, 
de  ThoUon,  etc.,  et  par  ses  deux  neveux  :  François,  seigneur  de  Saint-Paul, 
possesseur  du  château  d'AUeman,  et  un  autre  Georgios,  seigneur  de  Grilly, 
d'AUeman,  etc.  Il  n'est  pas  possible  de  préciser  quel  est  de  ces  trois  per- 
sonnages celui  qui  est  désigné  dans  cette  lettre. 


344  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

Heures  n'eurent  tant  de  difficultés  que  celles  c}^  qui  m'en 
fait  tant  mieux  espérer. 

J'ay  esté  beaucoup  déplaisant  de  ne  m'estre  pas  trouvé 
icy  quand  vous  y  aves  esté,  pour  jouir  de  vostre  conver- 
sation et  apprendre  a  sohait  de  voz  nouvelles.  Son 
Altesse,  quo}'  que  très  empêché,  me  bailla  une  audience 
de  quattre  motz  lundi  (  i  ),  et  entre  autres  choses  me 
promit  de  m'en  bailler  une  plus  grande  aux  Ouarente 
Heures  de  Thonon  ou  elle  esperoit  se  trouver.  Dieu 
le  voulust,  mais  je  crains  fort  quil  n'en  sera  rien. 

Je  vous  salue  de  tout  mon  cœur  avec  toutte  vostre 
compagnie,  et  suis, 

.Monsieur, 

Vos'.re  plus  humble  serviteur, 

Francs  De  Sales. 

Je  baise  très  humblement  les  mains  a  madame  ma 
tante  2  \  a  madamoyselle  du  ^laney  et  a  toutte  la  con- 
versation, (3)  a  laquelle  je  me  rendray  dans  quattre  ou 
cinq  jours. 

A  Sales,  le  6  d'aust  g8. 

Il  m'est  advis  quil  seroit  bon  que  monsieur  Cheval- 
lier (4),  qui  a  commencé  a  Bellevaux,  poursuivit,  et  que 


(i)  Ce  jour-là,  3  août,  le  duc  se  trouvait  à  Chambéry. 

(  2  )  Le  Saint  avait  coutume  de  donner  ce  titre  à  Jeanne  du  Maney,  veuve  de 
François  du  Foug,  qui  l'avait  accueilli  et  assisté  avec  un  grand  dévouement 
dès  son  arrivée  en  Chablais.  (Voir  ci-devant,  note  (i),  p.  114.) 

Quant  à  «  madamoyselle  du  Maney,  »  ce  pouvait  être  Claudine,  fille  de 
Marius  du  Maney  et  de  Jeanne-Marie  du  Foug,  parente  de  la  précédente. 

(3)  Ce  qui  suit,  moins  la  date,  est  autographe. 

(4)  Claude  Gaspard  Chevallier,  natif  d'Annecy,  était  un  prêtre  de  mérite 
que  '<  le  Serviteur  de  Dieu  cherissoit  fort.  »  Cette  affection  remontait  à 
l'époque  où  M.  Chevallier,  récemment  sorti  d.;  l'Université  de  Louvain, 
choisit  le  Prévôt  pour  présider  la  thèse  publique  de  théologie  qu'il  soutint 
dans  sa  ville  natale.  Pendant  cinq  années,  il  desservit  la  paroisse  de  Bellevaux, 
sans  laisser  de  suppléer  le  Saint  chaque  fois  que  celui-ci  devait  s'éloigner  de 
Thonon.  Le  21  août  1601,  cet  ecclésiastique  fut  pourvu  de  la  cure  de  Fessy- 
Lully,  puis  il  devint  théologal  de  Belley  et  finit  par  entrer  dans  l'Ordre  des 
Récollets  où  il  est  connu  sous  le  nom  de  P.  Antoine.  On  a  de  lui  un  court 
mais  intéressant  Mémoire  encore  inédit,  sur  la  vie  et  les  vertus  de  saint 
François  de  Sales. 


Année   1598  345 

monsieur  Clerici  (0  fut  curé  a  Thonon  ou  il  feroit  rage 
a  bien  tenir  l'église  et  instruire  la  jeunesse  ;  mais  il 
faudroit  que  le  P.  Chérubin  fit  un  peu  de  disposition  a 
cela  tout  bellement. 

Encor  aurons  nous  besoin  d'un  logis  pour  sept  ou  huit 
personnes  ecclésiastiques  qui  iront  la,  en  payant  comme 
dessus  ;  sinon  que  celuy  qui  fournira  pour  les  musiciens 
fournit  encor  a  cela,  comm'il  se  pourroit  bien  faire. 

A  Monsieur 
Monsieur  Marin, 
Procureur  fiscal  en  Chablaix. 

Revu  sur  l'original  conservé  à  la  Visitation  de  Turin. 

(  I  )  Nicolas  Clerc  ou  Clerici,  qui  se  trouvait  à  Padoue  lorsque  saint  François 
de  Sales  y  reçut  le  bonnet  de  docteur,  fut  curé  de  Chanay,  puis  de  Saint- 
Félix  (1587),  et  protonotaire  apostolique.  Il  accompagna  le  P.  Chérubin  dans 
le  voyage  que  ce  religieux  fit  à  Rome  (1599)  pour  traiter  des  intérêts  de  la 
Sainte-Maison.   M.  Clerici  mourut  en  septembre   1617. 


CXIII 


A    MONSIEUR    SEBASTIEN   WERRO 

ADMINISTRATEUR   APOSTOLIQUE    DU    DIOCÈSE    DE    LAUSANNE 

PRÉVÔT    DE    SAINT-NICOLAS    DE    FRIBOURG(0 

Les  exercices  des  Quarante-Heures  à  Thonon  sont  fixés  aux  23  et  24  août. 

Thonon,    12  août  1598. 

Monsieur, 

La  dévotion  des  Quarante  Heures  a  esté  retardée  jus- 
ques  au  Dimanche  e.  jour  de  saint  Bar^helemi,    23   et 

(i)  Sébastien  Werro,  né  à  Fribourg  en  Suisse  (i^ïîi,  avait  suivi  les  cours 
da  l'Université  de  Fribourg  en  Brisgau,  où  il  obtint  le  grade  de  ii:aître 
ès-arts  (liV^).  Etant  entré  dans  les  Ordres,  il  se  vit.  peu  après  son  retour 
dans  sa  ville  natale,  nommé  chanoine,  puis  chantre  du  Chapitre  de  Saint- 
Nicolas,  et  fut  pendant  dix  ans  (  i  ^80-1 590)  curé  de  Fribourg. 

A  la  dignité  de  Prévôt  de  la  Collégiale  (1596)  il  joignit,  après  la  mort  de 
l'Evêque  de  Lausanne,   Antoine    de   Gorrevod   (iS98\  celle  d'administrateur 


346  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

24  de  ce  mo3^s.  C'est  pour  un  beaucoup  plus  grand  bien. 
Je  vous  ay  bien  voulu  faire  ce  mot  d'advis,  affin  que  si 
quelcun  de  delà  desiroit  honnorer  cest'action  de  pieté 
de  sa  prsesence,  il  ne  s'acheminast  pas  en  vain  ceste 
semayne.  Mais  aussi  je  voudrois  que  personne  ne  perdit 
courage  de  venir  pour  ceste  retardation,  puisque  la  tar- 
diveté  sera  récompensée  d'une  bien  grande  consolation 
si  Dieu  nous  fait  les  grâces  que  nous  espérons. 

Je  bayse  très  humblement  vos  mains  sacrées,  et  me  dis 
a  jamais, 

Monsieur, 

Vostre  plus  humble  confrère  et  serviteur, 
France  De  Sales, 
Praevost  de  S'  Pierre  de  Genève. 

Le  R.  P.  Chérubin  et  toute  la  brigade  des  serviteurs 
de  Dieu  que  nous  avons  icy  vous  salue  très  affection- 
nement. 

A  Thonon,  le  12  aoust  1598, 

A  Monsieur  le  Prévost  de  S'  Nicolas  de  Fribourg. 

Revu  sur  l'Autographe  appartenant  à  M.  le  docteur  Jean  Schaller, 
à  Fribourg. 

apostolique  du  diocèse,  puis  de  vicaire  général  du  nouvel  Evêque,  Jean  Doroz. 
L'étude  et  la  prière  remplirent  les  treize  dernières  années  de  sa  vie,  qui  se 
termina  en  novembre  1614.  Il  fut  inhumé  auprès  du  bienheureux  Canisius,  son 
ami,  qu'il  avait  lui-même  assisté  à  son  lit  de  mort,  et  dont  il  avait  composé 
répitaphe  et  prononcé  l'oraison  funèbre. 

Sébastien  Werro  a  laissé  plusieurs  ouvrages  estimés,  entre  autres  la  Chro- 
nica  Ecclesiœ  et  Monarckiarum  a  condito  niundo  (1599),  et  un  traité  sur  le 
Cantique  des  Cantiques,  intitulé  De  Philotheïa,  qui  parut  la  même  année  (1609) 
que  V Introduction  à  la  Vie  dévote.  (Notice  sur  la  Vie  et  les  Œuvres  de  Sébastien 
Werro.  Fribourg,  1841.) 


Année  1598  347 


CXIV 

A    DON   JUAN    DE    MENDOÇA 
COMMANDANT    DES    TROUPES    ESPAGNOLES  (O 

(minute) 

Supplications  collectives  des  missionnaires  du  Chablais  pour  obtenir 
que  les  troupes  espagnoles  ne  traversent  pas  cette  province. 

Thonon,    16  août   IS98. 

Eccellentissimo  Signer  osservandissimo, 

Siamo  in  procinto  di  celebrar  la  oratione  délie  Qua- 
rant'hore  in  questa  terra  Domenica,  23  di  questo  mese, 
secondo  il  beneplacito  di  Sua  Santità  et  di  Sua  Altezza, 
havendo  procurata  la  praeparatione  necessaria  a  cotesta 
impresa  non  senza  grandissima  spesa,  parte  fatta  dalla 
limosina  concessa  dalla  Santa  Sede,  parte  di  quella  di 
Sua  Altezza  (3).  Et  si  inviaranno  questa  settimana  mol- 
tissimi  popoli,  sî  dalla  banda  de'  Valesani  che  di  quella 


Excellentissime  et  très  honoré  Seigneur, 
Nous  sommes  sur  le  point  de  célébrer  Dimanche,  23  de  ce  mois, 
les  prières  des  Quarante-Heures  en  cette  ville,  avec  l'agrément  de  Sa 
Sainteté  et  de  Son  Altesse,  Les  préparatifs  nécessaires  à  cette  solen- 
nité n'ont  pas  été  faits  sans  de  grandes  dépenses,  couvertes  en  partie 
par  les  aumônes  du  Saint-Siège,  en  partie  par  celles  de  Son  Altesse. 
Des  multitudes  considérables,  venues  soit  du  côté  du  Valais,  soit  du 

(a)  di  Sua  Alte^^a  —   fet  altri.J 


(i)  Don  Juan  appartenait  à  la  famille  Hurtado  de  Mendoça  ,  l'une  des 
plus  illustres  de  l'Espagne.  Placé  par  son  souverain  à  la  tète  d'un  corps 
d'armée  milanais  mis  au  service  de  la  Savoie,  il  fit  preuve  de  grande  bravoure, 
et  fut  créé  par  le  duc,  comte  de  Saint-Germain.  Néanmoins  il  est  surtout  connu 
sous  le  titre  de  marquis  de  Hynojosa.  Don  Juan,  rappelé  à  Milan,  succéda 
plus  tard  (1612)  à  son  oncle  maternel,  Juan  Fernandez  de  Velasco,  le  fameux 
connétable  de  Castille,  dans  la  charge  de  gouverneur  de  cette  ville.  Bon  et 
conciliant,  il  s'acquit  l'affection  du  peuple  et  l'estime  de  tous.  C'est  lui  qui 


3^8  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

di  Fribourgo,  et  da  ogni  intorno  ancora,  per  venir  a 
questa  solemnità,  laquale  si  è  prseparata  per  la  conver- 
sione  di  questa  gente  hseretica  ;  et  se  ne  spera  un  frutto 
grandissime  a  gloria  d'Iddio  et  sainte  delT  anime. 

Hora  ci  vien  detto  che  Vostra  Eccellentia,  con  le  sue 
forze,  era  per  pigliar  la  strada  del  suo  ritorno  costî  (0  ;  il 
che  se  facesse,  è  cosa  certissima  che  detta  celebratione 
délie  40  hore  non  potrà  farsi  per  nessun  conto,  poichè 
grhabitatori,  carghi  de  soldati,  non  potran  assi stère  ; 
anzi,  per  quanto  si  risolvono,  lasciaranno  le  case  vode  et 
passaranno  il  lagho,  et  li  forestieri  non  verranno.  Si  che 
questa  divotione,  prseparata  con  tante  spese  et  fatighe, 
con  tanta  speranza  di  buon  frutto,  con  particolar  licentia 
di  Sua  Santità  et  di  Sua  Altezza  et  cont^»)  tanta  fama 
appresso  li  nemici  délia  santa  fede,  si  resolverà  in  fumo  ; 
non  senza  cattivissimo  essempio  et  grandissimo  scandalo 


côté  de  Fribourg,  comme  aussi  de  tous  les  environs,  se  mettront  en 
route  cette  semaine  afin  d'assister  à  une  fête  qui  a  été  préparée  pour 
la  conversion  de  ces  hérétiques.  On  en  espère  un  très  grand  fruit,  à 
la  gloire  de  Dieu  et  au  salut  des  âmes. 

Or,  nous  apprenons  que  Votre  Excellence  se  dispose  à  prendre 
ce  chemin  pour  s'en  retourner  avec  ses  troupes  (O.  S'il  en  est  ainsi, 
très  certainement  la  célébration  des  (Quarante -Heures  ne  pourra  au- 
cunement se  faire,  car  les  habitants,  chargés  de  soldats,  ne  sauront 
y  assister  ;  au  contraire,  comme  ils  l'ont  déjà  résolu,  ils  laisseront 
les  maisons  vides  et  passeront  de  l'autre  côté  du  lac.  Q.uant  aux  étran- 
gers, ils  ne  viendront  pas.  Ainsi  cette  dévotion,  préparée  avec  tant 
de  frais  et  de  fatigues,  tant  d'espoir  de  succès,  avec  une  spéciale 
autorisation  de  Sa  Sainteté  et  de  Son  Altesse  et  un  si  grand  retentis- 
sement parmi  les  ennemis  de  notre  sainte  foi,  s'en  ira  en  fumée.  Cela 
n'arrivera  pas  sans  produire  un  très  mauvais  exemple  et  même  sans 
occasionner  un  très  grand  scandale   parmi  les  Catholiques  et  les 

(b)  coH  —  rtanto  rumorc.J 


lit  une  réception  solennelle  à  saint  Fr.mçois  de  Sales,  lorsqu'en  1613  il  se 
rendit  en  pèlerinage  au  tombeau  de  saint  Charles.  Trois  ans  plus  tard,  le 
gouverneur  fut  disgracié. 

(  1  )  La  paix  de  Vervins  permettait  au  duc  de  Savoie  de  congédier  les  troupes 
milanaises  qui  étaient  à  son  service,  lesquelles  étaient  alors  campées  à  Bonne. 


Année   1598  349 

et  alli  Catholici  et  agli  haeretici,  et  perdita  di  una  occa- 
sione,  quale  forse  non  ci  ritornarà  mai  nelle  mani,-de 
fruttificar  fra  questa  gente,  con  un  disgusto  grandissime 
di  Sua  Beatitudine  et  .^lonsignor  Xuntio. 

Per  il  che  supplichiamo  con  ogni  humiltà  possibiie 
Vostra  Eccellentia,  et  la  scongiuriamo  per  Je  viscère  di 
Christo  *  et  per  quanto  sangue  ha  sparso  per  le  anime.  '  Philip.,  1,  s. 
la  cui  salute  procuriamo  col  mezzo  di  queste  divotioni, 
di  degnarsi  di  pigliar  altra  strada  per  il  suo  viaggio  et 
lasciar  questa  libéra  al  Salvatore  ;  il  che  se  si  degnarà 
di  fare,  sia  poi  certa  ch'  Iddio  benedetto  l' haverà  per 
gran  servitio  de  sua  divina  3lajestà  et  ne  terra  buon 
conto  nel  giorno  del  giuditio.  Faccia  adunque  Vostra  Ec- 
cellentia («=>,  da  quel  valoroso  et  zelante  animo  ch"  Ellal'î 
tiene,  questo  servitio  ail"  honore  d' Iddio.  Diremo  bene 
ancora  che  non  sappiamo  chi  1'  habbia  avvisata  di  questa 
.strada,  ma  che  v'  è  un  passo  appresso  il  lagho,  fra  Evian 
et  San  3lauritio,  il  più  horribile  et  pericoloso,  in  questo 
tempo  nel  quale  le  acque  di  detto  lagho  crescono.  che 
si  possa  imaginare. 


hérétiques.  Ce  sera  aussi,  au  très  grand  regret  de  Sa  Sainteté  et  de 
M^""  le  Nonce,  perdre  une  occasion  qui  ne  se  retrouvera  peut-être 
jamais  de  recueillir  quelques  fruits  parmi  ces  gens. 

C'est  pourquoi,  nous  supplions  avec  toute  l'humilité  possible  Votre 
Excellence,  et  nous  la  conjurons  par  les  entrailles  de  Jésus-Christ,  par 
tout  le  sang  qu'il  a  répandu  pour  ces  âmes  dont  nous  tâchons  de 
procurer  le  salut  au  moyen  de  ces  exercices,  de  daigner  prendre  un 
autre  chemin  pour  son  voyage  et  de  laisser  celui-ci  libre  au  Sauveur. 
Soyez  du  reste  assuré  que,  s'il  vous  plait  en  agir  ainsi,  Dieu  le 
regardera  comme  un  grand  service  rendu  à  sa  divine  Majesté  et  vous 
en  tiendra  bon  compte  au  jour  du  jugement.  Q.ue  Votre  Excellence, 
avec  ce  courage  vaillant  et  zélé  dont  Elle  est  douée,  rende  donc  ce 
service  à  l'honneur  de  Dieu.  Nous  dirons  de  plus  que  nous  ne  savons 
qui  a  pu  lui  indiquer  cette  route  :  car  il  y  a  prés  du  lac,  entre  Evian 
et  Saint-Maurice,  un  passage  le  plus  horrible  et  le  plus  dangereux 
qu'on  puisse  imaginer,  en  cette  saison  de  la  crue  des  eaux. 

(c)  Vostra  Eccellentia  —  fquesto  favorc.J 

(d)  ch'  Ella  —  fpossedej 


3^0  Lettres  de  saint  François  de  Salés 

Confidatici  dunque  nella  pietà,  bontà  et  zelo  di  Sua 
Eccellentia,  glie  mandiamo  questo  nostro  compagne  et 
fratello  sacerdote,  il  quai  anco  esso  con  parole  potrà 
darglie  avviso  di  quanta  importantia  saria  il  scandalo 
che  verrebbe  dalla  cessatione  délia  solemnità  praeparata. 
Et  fra  tanto  staremo  certi  che,  per  honor  d' Iddio  et  délia 
Corte  cseleste,  Vostra  Eccelentia  concédera  quanto  addi- 
mandiamo  con  tanto  ardore  et  humiltà  che  maggior  non 
si  puô  truovare,  restando  in  aeterno,  si  per  li  sûoi  meriti, 
si  per  questo  beneficio  et  atto  di  zelo  tanto  segnalato, 

Di  Vostra  Eccellentia, 
Humilissimi  et  divotissimi  servidori  in  Christo. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  de  Turin. 


Nous  confiant  donc  dans  la  piété,  la  bonté  et  le  zèle  de  Son  Excel- 
lence, nous  lui  envoyons  ce  prêtre,  notre  compagnon  et  frère,  qui 
pourra  aussi  lui  exposer  verbalement  de  quelle  conséquence  serait  le 
scandale  qui  résulterait  de  la  suppression  de  la  solennité  préparée.  .^ 

En  attendant,  nous  nous  tiendrons  assurés  que,  pour  l'honneur  de  • 

Dieu  et  de  la  Cour  céleste,  Votre  Excellence  nous  accordera  ce  que  î 

nous  lui  demandons  avec  une  ardeur  et  une  liumilité  qui  n'ont  point  | 

d'égales.  Nous  demeurerons  à  jamais,  soit  en  considération  de  son 
mérite,  soit  pour  ce  bienfait  et  cet  acte  si  éclatant  de  zèle, 
De  Votre  Excellence, 

Les  très  humbles  et  très  dévoués  serviteurs  en  Jésus-Christ. 


Année   1598  ^^i 


CXV 

A    MONSIEUR    SÉBASTIEN    WERRO 

ADMINISTRATEUR   APOSTOLIQUE   DU    DIOCESE    DE    LAUSANNE 

PRÉVÔT   DE   SAINT-NICOLAS    DE    FRIBOURG 

Remerciements.  —  Retard  des  Quarante-Heures  projetées  à  Thonon. 

Thonon,  20  août  1598. 
Révérende  ac  plurimum  in  Christo  colende  Domine, 

Accepi  litteras,  quas  ad  me  postridie  iVssumptionis 
Beatee  Virginis  dedisti,  incredibili  cum  animi  mei  volup- 
tate,  quod  ex  iis  non  mediocrem  in  te  erga  Deum  pie- 
tatem  et  erga  nos  benevolentiam  perspexerim,  cum  hanc 
precum  nostrarum  destinatam  celebritatem,  non  tuis 
tantum  sed  etiam  populi  oui  praees  precibus  cumulasse 
significas,  eam  utique,  si  res  tulisset,  tua  prsesentia 
exornaturus.  Facis  sane  tu  quam  liberaliter  et  Christiane, 
et  nos  quam  maximam  habemus  gratiam. 

Caeterum,  pro  rerum  humanarum  inconstantia ,  hac 
ipsa  hora  qua  scribo  advolat  ad  nos  qui,  gravissimis  de 


Révérendissinie  et  très  respectable  Seigneur  en  Jésus-Christ, 
C'est  avec  une  joie  incroyable  que  j'ai  reçu  la  lettre  que  vous 
m'avez  adressée  le  lendemain  de  l'Assomption  de  la  Bienheureuse 
Vierge  Marie  ;  j'y  ai  reconnu  clairement  combien  grande  est  votre 
piété  envers  Dieu  et  votre  bienveillance  à  notre  égard.  D'après  vos 
paroles,  je  vois  que  vous  avez  mis  le  comble  à  la  solennité  projetée 
de  nos  fêtes,  non  seulement  par  vos  prières,  mais  encore  par  celles 
du  peuple  qui  vous  est  confié.  Vous  les  auriez  même  ornées  de  votre 
présence,  si  la  chose  eût  été  possible.  C'est  agir  assurément  de  la 
façon  la  plus  généreuse  et  la  plus  chrétienne,  et  nous  vous  en  rendons 
les  plus  vives  actions  de  grâces. 

Du  reste,  telle  est  l'inconstance  des  choses  humaines,  qu'à  l'heure 
même  où  je  vous  écris,  survient  un  ordre  de  nos  supérieurs  qui,  pouf 
les  motifs  les  plus  graves,  nous  enjoignent  de  remettre  à  la  fête  de 


353  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

causis,  in  festum  Xativitatis  Virginis,  superiorum  volun- 
tate,  solemnem  hanc  quam  instituebamus  praecationem 
referre  jubet  (  I  .  Intempestive  sane  ;  at  obtemperandum, 
et  quemadmodum  par  est  existimandum  moram  uberiores 
fructus  allaturam. 

Qua  de  re  tecum  primis  monitum  volui,  ac  tantam 
tibi  salutem,  tum  meo  tum  P.  Cherubini  nomine,  dico 
quantam  non  possim  majorem. 

Révérendes  tuœ  Dominationis, 

Humilis  in  Christo  servus, 
Franc*  De  Sales, 
Ecclesiae  Gebennensis  Prsepositus. 
Tononi.  20  Augusti  98. 

R'"  in  Christo  Domino  plurimuni  colendo, 
D.  Sebastiano  Verronio. 
Sacrée  Theologis  Doctori  clarissimo, 
et  Friburgensis  Ecclesis  Prceposito  meritissimo. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  au  Musée  cantonal  de  Fribourg. 


la  Nativité  de  la  Sainte  Vierge,  les  supplications  solennelles  que  nous 
préparions  (O.  C'est  certainement  fâcheux  :  mais  nous  devons  obéir 
et  croire,  comme  il  convient,  que  ce  retard  apportera  des  fruits  plus 
abondants. 

J'ai  voulu  que  vous  en  fussiez  averti  l'un  des  premiers,  et,  tant  en 
mon  nom  qu'en  celui  du  P.  Chérubin,  je  \-ous  offre  nos  meilleures 
salutations. 

De  Votre  Révérence, 

L'humble  serviteur  en  Jésus-Christ, 

François  de  Sales, 

Prévôt  de  l'Eglise  de  Genève. 

Au  Révérend  et  très  respectable  en  Notre-Seigneur  Jésus-Christ, 
Seigneur  Sébastien  Werro, 
très  illustre  docteur  en  théologie  et  très  méritant  Prévôt 
de  l'Eglise  de  Fribourg. 

(i)  Le  duc  de  Savoie,  qui  avait  promis  de  rehausser  par  sa  présence  l'éclat 
des  Quarante-Heures,  se  trouvant  obligé  d'aller  en  Bresse,  avait  prié  l'Evèque 
de  retarder  ces  solennités  jusqu'à  ce  qu'il  put  se  rendre  à  Thonon. 


Année  1598  353 


CXVI 

A    MONSIEUR    AMÉDÉE    DE    CHEVRON 
SEIGNEUR    DE    VILLETTE 

(inédite) 

Prière  de  se  rendre  en  Cbablais  pour  protéger  les  habitants  si  les  troupes 
espagnoles  traversent  la  province.  —  Recommander  au  duc  les  intérêts  de 
la  mission  et  l'engager  à  assister  aux  Quarante-Heures  de  Thonon. 

Thonon,  23  août  1598. 
Monsieur, 

Ceste  infinité  de  peyne  que  vous  aves  pour  l'affaire  de 
Dieu  vous  sera  récompensée  par  Celuy  pour  Ihonneur 
duquel  vous  le  faittes.  Ces  gens  de  Thonon  désirent  quil 
vous  plaise  leur  faire  ce  bien  qu'au  cas  que  le  seigneur 
Dom  Joan  veuUie  passer  icy  résolument  *,  il  vous  plaise  *  Vide  supra,  p. 347. 
d'assister  a  son  passage,  estimans  que  vostre  praesence 
adoucira  l'aigreur  quilz  en  pourroyent  sentir.  Leur  reli- 
gion ne  mérite  pas  ceste  faveur  ;  mais  qui  sçait  si  Dieu 
se  veut  servir  de  vostre  courtoisie  pour  les  faire  penser 
a  leur  conscience  ?  Hz  promettent  bien  quilz  n'en  seront 
pas  ingratz.  Si  donq  cela  ne  vous  incommode  pas  beau- 
coup, je  vous  supplie  très  humblement  de  le  faire.  Nous 
solliciterons  vivement  l'exacteur  pour  la  partie  quil  vous 
doit  (i),  comme  pour  celuy  auquel  nous  avons  de  si 
grosses  obligations. 

Mais  pour  Dieu,  escrivant  a  Son  Altesse,  touchés  vi- 
vement un  mot  affin  quil  vienne  a  ces  40  [heures].  Sil 
nous  baille  moyen  de  loger  honnestement  des  curés  par 
tout  ce  balliage  après  les  40  heures,  tout  est  emporté 
pour  la  foy  catholique.  Il  ne  se  fera  jamais  plus  a  propos, 
et  sans  offencer  personne,  car  cela  viendra  au  désir  de 
presque  tous.  Il  ne  coste  rien  a  Son  Altesse,  car  ces 
bénéfices  de  ce  pais  ne  peuvent  avoir  moindre  emploite 

(  I  )  Peut-être  s'agit-il  d'une  pension  qui,  par  patentes  du  26  juillet  1 598,  devait 
être  prélevée  sur  les  «  ...  condempnations  et  compositions  des  usures  riere  le 
Grand  et  Petit  Bornand.  »  (Arch.de  la  Ch.  des  Comptes  de  Sav.,  Patenti, \ol.2ï.) 

Lettres  I  »j 


XIX,  4-1. 


354  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

que  de  demeurer  aux  Chevalliers  de  Saint  Lazare;  il  sera 
bien  emploj'é  qu'on  les  reduyse  a  leur  premier  usage  en 
une  si  belle  occasion.  Sa  Sainteté  approuvera  tout  in- 
dubitablement. 

Je  pensois  partir  passé  demain,  aller  vers  vous  et  a 
Sales;  mais  j'attendra)^  jusques  a  mercredi,  par  ce  que 
le  P.  Chérubin  me  vient  de  dire  qu'a  son  advis  il  ne  seroit 
que  bon  que  vous  donnies  un  coup  d'esperon  jusques  icy 
pour  voir  tant  plus  briefvement  ouverture  a  vostre  paye- 
ment. Que  Son  Altesse  ne  perde  pas  cest'occasion  de 
réduire  ses  peuples  en  unité  de  foy  ;  Nostre  Seigneur 
»  is.,  X,  3;  Lues,   mesprise  ceux  qui  mesprisent  le  jour  de  sa  Visitation*. 

Quand  au  bruit  qui  a  couru  que  les  Bernois  avoyent 
des  trouppes  de  reitres  delà  le  lac,  c'est  une  bride  a 
veau  :  est  spaventa  velliacho.  Hz  ont  bien  fait  leurs 
monstres  de  la  milice  ordinaire,  que  je  metz  en  mesme 
conte  que  les  monstres  du  papegai  de  Neci  (O. 

Or  sus,  Monsieur,  je  prie  Dieu  pour  vostre  santé,  et 
suis  irrévocablement 

Vostre  très  humble  et  très  asseuré  serviteur  et  neveu, 

France  De  Sales. 

Thonon,  23  aoust  98. 

Je  salue  monsieur  et  madame  de  la  Faverge,  mes 
oncle  et  tante  '.-). 

A  Monsieur 
Monsieur  de  Vilette, 

Maistre  d'hostel  de  S.  A. 
Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  Gênes,  Sanctuaire  de  la  Madonneltj. 

(  I  )  Par  «  monstre  du  papegai  de  Neci,  »  il  faut  entendre  la  parade  que 
faisaient  chaque  année  les  chevaliers  tireurs  au  jour  du  tir  à  l'oiseau.  Ces 
compagnies,  qui  existaient  dans  la  ville  de  date  immémoriale,  avaient  obtenu 
plusieurs  privilèges  des  ducs  de  Savoie.  L'exercice  du  tir  était  une  réjouissance 
publique,  dans  laquelle  la  religion  avait  une  large  place.  Des  institutions  sem- 
blables furent  créées  non  seulement  à  Chambéry,  mais  encore  dans  la  plupart 
des  villes  de  Savoie,  telles  que  Thonon,  La  Roche.  Cluses,  Rumiliy,  etc. 
Charles-Emmanuel  P'  alloua  une  prime  de  cent  florins  au  vainqueur  ou  roi 
du  tir,  avec  l'exemption  des  droits  de  gabelle  durant  une  année. 

(2)  Janus  de  la  Faverge,  seigneur  de  Cormand,  avait  épousé  Remette  de 
Chevron-Villette,  cousine  germaine  de  M'"'  de  Boisy,  mère  de  saint  François 
de  Sales.  Ils  habitaient  La  Roche,  et  probablement  le  destinataire  de  cette 
lettre,  qui  était  aussi  leur  cousin  germain,  se  trouvait  auprès  d'eux. 


Année  1598  355 

CXVII 

A   MONSIEUR   JEAN   SARASIN   (O 

Invitation  à  exposer  par  écrit  la  mission  dont  il  est  chargé. 

Thonon,  entre  le  18  et  le  24  septembre  1598. 
Monsieur, 

Puysque  nous  avons  observé  jusques  a  prsesent  de 
mettre  nos  dires  de  part  et  d'autre  par  escrit,  je  vous 
prie  d'escrire  le  vostre  encores  sur  le  particulier  de  l'in- 
tention des  messieurs  vos  supérieurs  touchant  vostre 
venue,  ce  pendant  qu'en  responce  (sachans  que  ce  ne 
sera  autre  que  ce  que  vous  aves  proposé  a  bouche)  nous 
dressons  les  articles  demandés. 

A  tant,  me  vojda  tous-jours,  ^lonsieur, 

Vostre  très  affectionné 

et  humble  serviteur  en  Dieu, 
France  De  Sales. 

A  Monsieur 
Monsieur  Sarazin. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  Genève,  Bibliothèque  publique. 

(  i)  Noble  Jean  Sarasiu  (137 4-1 63 2)  qui  déjà  à  cette  époque  était  à  Genève  un 
personnage  marquant,  devait  l'être  plus  encore  dans  la  suite.  Il  devint  membre, 
puis  auditeur  du  Conseil  des  Deux-Cents  (1600),  secrétaire  d'Etat  (1603-1621), 
fut  huit  fois  syndic  et  quatre  fois  lieutenant  de  la  justice.  Sarasin  publia,  de 
concert  avec  Jacques  Lect,  l'ouvrage  intitulé  :  Le  Citadin  de  Genève  (1606). 
Pendant  la  longue  période  où  il  fut  investi  de  fonctions  publiques,  il  eut  à 
remplir  presque  chaque  année  des  missions  importantes  en  Savoie,  en  France 
et  auprès  des  divers  cantons  suisses. 

Mais  avant  de  le  charger  de  ces  négociations,  les  magistrats  de  Genève  le 
choisirent  en  1598  pour  traiter  en  leur  nom  des  préliminaires  de  la  conférence 
demandée  par  le  P.  Chérubin.  C'est  à  ce  sujet  qu'il  reçut  du  Saint  le  billet 
ci-dessus. 


356  Lettres  de  saint  François  de  Sales 


CXVIII 

A    MONSEIGNEUR   JULES-CÉSAR    RICCARDI 
ARCHEVÊQUE    DE    BARI,    XON'CE    APOSTOLIQUE    A    TURIN 


Recours  à  la  protection  du  Nonce.  —  Pouvoirs  spéciaux  nécessaires  aux 
missionnaires.  —  Mesures  à  prendre  contre  les  Chevaliers  des  Saints 
Maurice  et  Lazare. —  Admirables  résultats  des  Quarante-Heures  de  Thonon. 
—  Zèle  des  Evêques  de  Genève  et  de  Saint-Paul-Trois-Chàteaux. —  Alarmes 
au  sujet   de  Genève. 

Thonon,    13  octobre   1598. 

Illustrissimo  et  Reverendissimo  Signore  mio 
osservandissimo, 

La  felice  raccolta  di  moite  migliaia  d'  anime  quai  si  è 
fatta  questi  giorni  passati  in  questo  balliagio  di  Tonone, 
ci  ha  data  una  incredibile  consolatione  ,  et  veramente 
compita,  se  la  lettera  di  V.  S.  Iir"  et  R"'^  ricevuta  hoggi 
dal  P.  Cherubino  fosse  capitata  ail"  hora.  Ma  è  forza  ch'  io 
glie  dica  che  Monsignor  di  Geneva  et  di  San  Paolo(0  et 


Mon  très  honoré,  Illustrissime  et  Révérendissime  Seigneur, 

L'heureuse  moisson  de  plusieurs  milliers  d'âmes  qui  s'est  faite  ces 
jours  passés  dans  ce  bailliage  de  Thonon,  nous  a  donné  une  consolation 
incroyable  ;  consolation  qui  eût  été  vraiment  à  son  comble,  si  la  lettre 
de  Votre  Seigneurie  Illustrissime  et  Révérendissime,  reçue  aujourd'hui 
par  le  P.  Chérubin,  nous  fût  arrivée  en  ce  même  temps.  Mais  je  suis 
contraint  de  dire  que  Nosseigneurs  de  Genève  et  de  Saint-Paul  (O  et 

(  I  )  Thomas  Pobel,  fils  de  Catherin,  qui  fut  le  premier  président  du  Sénat 
de  Chambéry  (15^9),  avait  été  en  1378  nommé  à  l'évêché  de  Saint-Paul-Trois- 
âteaux  en  Dauphiné  ;  mais  les  hérétiques  étant  maîtres  de  cette  ville,  il 
ne  put  jamais  prendre  possession  de  son  siège  épiscopal  qu'il  résigna  en  1585. 
Ce  Prélat,  après  un  long  séjour  à  Rome,  revint  en  Savoie  (1595),  où  il  cumula 
les  dignités  ecclésiastiques;  c'est  ainsi  qu'il  était  simultanément  doyen  de  Cey- 
serieu,  prieur  de  Ripaille  (1571),  de  Peillonnex  (1585-1619)  et  Abbé  d'Entremont 
(1596-160'j).  Thomas  Pobel  fut  en  1605  l'un  des  consécrateurs  de  saint  François 
de  Sales.  Il  mourut  à  Chambéry  où  il  fut  inhumé  le  30  septe>mbre  1619, 


Année  1598  557 

quanti  siamo  qui  de  suoi  divoti  havevamo  non  poca  ma- 
raviglia  et  altro  tanto  di  ramarico  in  non  haver  nuova 
veruna  délia  sanità  sua,  laquale  se  mai  ci  è  stata  cara, 
adesso  ci  deve  esser  carissima,  quando  sonno  le  cose 
nostre  venute  in  tal  stato  che  più  che  mai  han  bisogno 
di  un  taie  protettore  et  promotore  quale  si  è  sempre 
mostrata  V.  S.  111'"^  et  R'"\  Poichè  dal  canto  di  Sua  Al- 
tezza  altro  ne  sperare,  ne  desiderare  si  puô  ne  deve, 
senon  la  perseveranza  délie  christianissime  opre  quali 
ha  già  fatte,  et  non  ciè  altro  da  domandare  senon  un 
favor  fervente ,  pronto  et  libérale  dalla  Santa  Sede 
Apostolica,  acciô  abbracci  questa  impresa  con  quelle 
favorevole  (sic)  braccia  colle  quali  suole  stringer  le 
cose  del  Signore.  Hora,  se  questo  bene  non  ci  viene  per 
mezzo  di  V.  S.  lU™"  et  R"^,  non  vedo  per  quai  strada 
possa  venire. 

Habbiam  bisogno  di  gratie  spirituali  per  le  assolutioni, 
acciô  si  possa  no  far  con  ogni  libertà  fra  questi  rozzi  et 
novitii  popoli,  non  solamente  da  3lonsignor  et  R™"  Ve- 
scovo  et  da  me,  ma  da  quanti  sarà  bisogno  di  commettere. 


nous  tous  qui  vous  sommes  dévoués  ici,  avions  été  fort  étonnés  et  non 
moins  affligés  de  ne  recevoir  aucune  nouvelle  de  votre  santé.  Si 
toujours  elle  nous  fut  chère,  elle  doit  maintenant  nous  être  très  chère, 
puisque  nos  affaires  sont  dans  un  tel  état  que  nous  avons  besoin  plus 
que  jamais  d'un  protecteur  et  promoteur  tel  que  Votre  Seigneurie 
Illustrissime  et  Révérendissime  l'a  toujours  été  à  notre  égard  ;  car 
du  côté  de  Son  Altesse  on  ne  peut,  on  ne  doit  même  espérer  ni  dé- 
sirer que  la  continuation  des  œuvres  très  chrétiennes  qu'elle  a  déjà 
accomplies.  Il  n'y  a  autre  chose  à  demander  sinon  un  concours 
actif,  prompt  et  libéral  du  Saint-Siège  Apostolique,  afin  qu'il  embrasse 
cette  entreprise  du  même  bras  favorable  avec  lequel  il  a  coutume 
de  soutenir  les  œuvres  de  Dieu.  Or,  si  ce  bien  ne  nous  arrive  par 
l'intermédiaire  de  Votre  Seigneurie,  je  ne  sais  par  quelle  voie  il 
peut  nous  venir. 

Nous  avons  besoin  de  grâces  spirituelles  relativement  aux  absolu- 
tions, afin  qu'elles  puissent  être  accordées  en  toute  liberté  à  ces 
peuples  grossiers  et  nouvellement  convertis ,  non  seulement  par 
M»""  notre  Révérendissime  Evèque  et  par  moi,  mais  aussi  par  tous 


358  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

non  bastando  a  tanta  messe  se  non  gran  numéro  di 
*Cf.  Matt.,  IX,  37,  messori  *.  Cosî  anco  habbiam  bisogno  di  qualche  autho- 
3  ,  ucs,  X,  2.  ^^^^  ^^  communicarsi,  secondo  le  particolari  occurrentie, 
ad  uno  o  più  persone  ;  et  se  non  fossimo  cosî  vicini  del- 
r  anno  del  Giubilaeo,  io  diria  una  parola,  che  per  noi  saria 
bisogno  per  un  anno  di  un  perfetto  et  gran  Jubilaeo. 

Et  non  solamente  per  le  gratie  spirituali,  ma  per  le 
temporali,  habbiam  bisogno  di  Giubilaeo;  et  questo  non 
si  puô  difFerire  senza  un  gran  danno  délia  conscientia. 
Cioè,  che  Sua  Santità,  conforme  alla  buona  mente  di 
Sua  Altezza ,  faccia  restituir  li  beneficii  tenuti  da'  si- 
gnori  Cavaglieri  alli  pastori  et  ecclesiastici,  li  quali  si 
stabiliranno  adesso  per  modo  di  provisione  in  questo 
balliaggio.  Ne  è  necessario  di  procedere  in  questo  con 
quelle  formalità  ordinarie  che  richiedono  un  gran  tratto 
di  tempo,  perché  fra  tanto  si  perdono  le  anime  redente 
da  Christo,  et  è  pur  vero  che  salus  populi  suprema 
* Inter leges  perdi-   lex  esto  *.  Ne  bisogna  in  questo  usar  rispetti,  perché 

tas  XII  Tabularum     ,         .        ,  ,      .  <,,  ,  ^-    r-u    •   <. 

(juxta  piures).        periculiim  est  in  mora.   Sonno   le  cose  di  Christo  a 
tal  segno  in  queste   provintie  adesso,  che   se  habbiam 


ceux  qu'il  sera  nécessaire  de  déléguer  à  cet  effet  ;  car  pour  recueillir 
une  telle  moisson  un  grand  nombre  de  moissonneurs  peut  à  peine 
suffire.  De  même  encore,  nous  avons  besoin  de  quelques  pouvoirs  qui 
puissent  être  communiqués,  selon  les  occurrences  particulières,  à 
une  ou  plusieurs  personnes  ;  et  si  nous  n'étions  pas  aussi  proches  de 
l'année  du  Jubilé,  je  dirais  qu'il  serait  nécessaire  pour  nous  d'obtenir 
une  année  de  parfait  et  grand  Jubilé. 

C'est  non  seulement  pour  les  grâces  spirituelles,  mais  encore  pour 
les  temporelles  que  nous  avons  besoin  d'un  Jubilé,  et  ceci  ne  se  peut 
différer  qu'au  grand  détriment  des  consciences.  Il  faudrait  que  Sa 
Sainteté,  conformément  à  la  bonne  intention  de  Son  Altesse,  fit  res- 
tituer les  bénéfices  détenus  par  MM.  les  Chevaliers,  aux  pasteurs  et 
ecclésiastiques  qui  s'établiront  maintenant  en  ce  bailliage  par  manière 
de  provision.  11  n'est  pas  nécessaire  de  procéder  en  ceci  selon  les  for- 
malités ordinaires  qui  exigent  beaucoup  de  temps,  puisque  en  atten- 
dant les  âmes  rachetées  par  Jésus-Christ  se  perdent,  et  il  est  très  vrai 
que  «  le  salut  du  peuple  doit  être  la  suprême  loi.  »  En  cela  il  ne  faut 
point  user  de  ménagements,  car  tout  délai  est  un  péril.  Les  intérêts 
de  Jésus-Christ  sont  maintenant  en  tel  état  dans  ces  provinces,  que 


Année   1598  359 

modo  di  farle  splendidamente,  il  capo  del  serpente  se 
ne  va  spezzato.  Guai  a  chi  darà  impedimento  a  cosî 
santa  opra. 

Le  Bulle  di  Sua  Santità,  per  le  quali  concède  a  quelli 
délia  Relisfione  li  beneficii  di  questa  provincia  *,  vogliono   *Videsupra,p.253, 

,.  ,1  r     ,         ■  ■       ■  1-  j  •     not.(i\  adfineru. 

che  m  caso  che  la  santa  lede  si  restituisca,  diano  ad  ogni 

curato  cinquanta    ducati   di  provisione.    Ecco  restituita 

poco  meno  la  santa  fede  per  tutto  generalmente  ;  ma  le 

chiese  sono  rovinate,  senza  paramenti.  senza  calici,  senza 

croci  :  dove  ne  pigliaremo  ?  Li   curati  da  stabilire  qui 

non  devono  esser  persone  di  cinquanta  ducati  ;  devono 

haver  compagnia  di  un  altro  sacerdote.  Vœ  homini  soli*,   ^Eccies.,  iv,  10. 

massime  nella  vicinanza  de' pardi,  ursi  et  lupi.  Bisogna, 

si  (sic)  fia  necessario,  vender  i  calici  et  altre  gioie  non 

necessarie  dell'  altre  chiese,  per  fare  queste  spese  et  dar 

da  mangiar  a  queste  anime  fameliche,  lequali  altrimente 

sonno  hora  per  hora  per  morire,  acciô  non  si  possa  dire 

di  noi  :  Qiiem  non  pavisti  occidisti*.  Voglio  dire  che   o.^t^Lxxxvr'c^xii' 

Sua  Santità.  havendo  rispetto  ail"  importantia  di  questo   ubi  haec  verba  s. 

.  .  , .     Ambrosio  tribuun- 

negotio,  darà  ordine  che  li  Cavaglieri  si  contentmo  di   tur. 


si  nous  pouvons  donner  au  culte  la  splendeur  convenable,  la  tête  du 
serpent  sera  brisée.  Malheur  à  qui  s'opposera  à  une  œuvre  aussi 
sainte  ! 

Les  Bulles  par  lesquelles  Sa  Sainteté  concède  aux  Chevaliers  de 
Saint-Lazare  les  bénéfices  de  cette  province  exigent  que  dans  le  cas 
où  la  sainte  foi  y  serait  rétablie,  ils  donnent  à  chaque  curé  une  pro- 
vision de  cinquante  ducats.  Voici  que  la  sainte  foi  est  rétablie  à  peu 
prés  partout,  mais  les  églises  sont  ruinées,  sans  ornements  sacrés, 
sans  calices,  sans  croix.  Où  en  prendrons-nous?  Les  curés  que  l'on 
aura  à  placer  ici  ne  doivent  pas  être  des  personnes  à  cinquante 
ducats  ;  ils  doivent  avoir  un  autre  ecclésiastique  avec  eux.  Malheur 
à  l'homme  seul,  surtout  dans  le  voisinage  des  léopards,  des  ours  et 
des  loups  !  11  faut  même,  au  besoin,  vendre  les  calices  et  objets 
précieux  non  nécessaires  aux  autres  églises,  pour  faire  ces  dépenses 
et  nourrir  ces  âmes  affamées,  qui  autrement  sont  exposées  d'heure 
en  heure  à  périr,  afin  qu'on  ne  puisse  pas  nous  appliquer  ces 
paroles  :  «  Vous  avez  tué  ceux  que  vous  n'avez  pas  nourris.  »  Je 
veux  dire  qu'il  faut  que  Sa  Sainteté,  ayant  égard  à  l'importance  de 
cette  affaire,  intime  des  ordres  pour  que  les  Chevaliers  permettent 


560  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

permettere  { 0  che  sia  servito  Christo  Signore  nostro  dalle 
intrate  delli  béni  che  a  questo  effetto  sonno  dati  dalli  pii 
et  religiosi  padri  et  antichi  nostri.  Mi  perdoni  per  bontà 
sua  V.  S.  111""'  se  io,  rapito  dal  desiderio  di  veder  questo 
principio  glorioso  capitar  in  un  fine  gloriosissimo,  glie 
scrivo  con  questa  gran  libertà  et  forse  importunità  ;  è 
avezza  alli  miei  sconci  et  semplici  concetti,  et  non  li 
haverà  per  maie. 

Vorrei  poter  et  saper  dar  rilatione  a  V.  S.  111™*  di 
quello  che  Iddio  ha  fatto  qui  nel  tempo  délie  prime 
40  hore  celebrate  il  20  et  2  i  del  mese  passato,  inanzi  che 
fosse  giunta  Sua  Altezza,  et  nelle  seconde  celebrate  nel 
primo  et  2  del  présente  ;  son  certo  che  io  glie  cavaria  il 
fastidio  che  gli  ho  dato  colli  miei  desiderati  Jubilaei. 
Vorrei  potergiie  dire  1"  allegrezza  che  ha  ricevuto  Monsi- 
gnor  Vescovo  nostro  di  Geneva ,  vedendosi  ritornare 
nelle  braccia  tanti  figlioli  prodighi,  et  con  quanta  faticha 
si  adopra  in  si  felice  impresa.  Vorrei  potergiie  dar 
conto  délia  desterità,  prudentia  et  buon  animo  col  quale 


que  les  revenus  des  biens  donnés  à  cet  effet  par  la  piété  et  la  religion 
de  nos  pères  et  de  nos  ancêtres  soient  employés  au  service  de  Notre- 
Seigneur  Jésus-Christ.  Que  la  bonté  de  Votre  Seigneurie  Illustrissime 
veuille  bien  me  pardonner  si,  transporté  du  désir  de  voir  ce  glorieux 
commencement  aboutir  à  une  fin  plus  glorieuse  encore,  je  lui  écris 
avec  une  si  grande  liberté  et  peut-être  même  trop  d'importunité  ; 
mais  Votre  Seigneurie,  habituée  à  recevoir  la  confidence  de  mes  pen- 
sées souvent  bien  mal  exprimées,  ne  le  prendra  pas  en  mauvaise  part. 
Je  voudrais  pouvoir  et  savoir  vous  donner  la  relation  de  ce  que 
Dieu  a  fait  ici  pendant  les  premières  Quarante-Heures  célébrées  le 
20  et  2 1  du  mois  dernier,  avant  l'arrivée  de  Son  Altesse,  et  pendant 
les  secondes  célébrées  le  i"  et  le  2  courant  ;  je  suis  sûr  que  je  vous 
dédommagerais  de  l'ennui  que  je  vous  ai  causé  par  mes  désirs  de 
Jubilés.  Je  voudrais  pouvoir  vous  dire  la  joie  de  M^""  de  Genève,  notre 
Evêque,  en  voyant  revenir  entre  ses  bras  tant  d'enfants  prodigues,  et 
avec  quelle  peine  il  se  dévoue  à  cette  heureuse  entreprise.  Je  voudrais 
pouvoir  vous  rendre  compte  de  la  dextérité,  de  la  prudence  et  du 

(  I  )  C'est  sans  doute  par  distraction  que  le  Saint  a  écrit  promtttere.  On  a 
cru  nécessaire  de  rétablir  le  mot  exigé  par  le  sens. 


Année  1598  361 

Monsignor  R"""  di  San  Paolo  si  è  affaticato  per  incaminar 
queste  conversioni  et  opre  pie,  il  zelo  col  quale  ne  ha 
trattato  et  appresso  Sua  Altezza  et  in  ogni  occasione  ; 
chè  se  crescer  poteva  Tamicitia  che  V.  S.  111™"  tiene 
verso  di  questo  Prelato,  son  certo  che  d'  altro  tanto  cre- 
scerebbe.  Lascio  il  Padre  Cherubino,  il  quale  è  tanto 
consolato  sin  adesso,  che  se  non  fossero  le  fatighe  gran- 
dissime che  sente,  crederebbe  che  Tonone  fosse  Paradiso, 
vedendo  tante  conversioni  et  il  frutto  maturo  delli  suoi 
sudori. 

Direi  ancora  di  me  che  sto  consolatissimo,  se  un  ru- 
more  sparso  di  qua  non  mi  desse  noïa  :  cioè,  che  il  Re 
Christianissimo  vuole  che  nell'  honorata  pace  fatta  dalla 
Santa  Sede  fra  li  potentati  catholici  vi  sia  compresa  la 
vituperosa  Babilonia  di  Geneva.  Non  la  posso  creder, 
perché  l' ho  per  troppo  disdicevole  che  quella  terra  ma- 
ledetta  habbia  pace  per  mano  délia  Santa  Sede  ;  senza 
altro,  assolutamente  non  la  posso  capire.  Iddio  ci  darà 
nuove  più  grate.  Ad  ogni  modo  glie  faremo  guerra  colle 
prediche,  et  già  che  ci  chiamano  ad  una  conferentia,  ci 


courage  avec  lesquels  M'"  de  Saint-Paul  a  travaillé  pour  avancer  ces 
conversions  et  œuvres  pies,  le  zèle  avec  lequel  il  a  traité  cette  affaire 
auprès  de  Son  Altesse  et  celui  qu'il  déploie  en  toute  occasion.  Si 
l'amitié  de  Votre  Seigneurie  pour  ce  Prélat  pouvait  s'accroître,  je  suis 
sûr  qu'elle  s'augmenterait  d'autant.  Je  ne  parle  pas  du  P.  Chérubin, 
tellement  consolé  jusqu'ici,  que,  n'étaient  les  fatigues  très  grandes 
qu'il  ressent,  il  croirait  que  Thonon  est  un  paradis,  voyant  tant  de 
conversions  et  recueillant  en  pleine  maturité  le  fruit  de  ses  sueurs. 
Je  dirais  encore  de  moi-même  que  je  suis  très  consolé,  si  un  bruit 
qui  se  répand  de  nos  côtés  ne  m'attristait  beaucoup  :  c'est  que  le  roi 
très  chrétien  veut  que  l'infâme  Babylone  de  Genève  soit  comprise 
dans  la  paix  honorable  faite  par  la  médiation  du  Saint-Siège  entre 
les  puissances  catholiques.  Je  ne  puis  y  croire,  car  il  serait  trop 
inconvenant  que  cette  terre  maudite  reçût  la  paix  par  l'entremise  du 
Saint-Siège  ;  je  ne  puis  absolument  pas  le  comprendre.  Dieu  nous 
donnera  de  plus  réjouissantes  nouvelles.  Quoi  qu'il  en  soit,  nous 
lui  ferons  la  guerre  par  la  prédication,  et  puisqu'on  nous  appelle  à 
une  conférence  nous  nous  préparons  à  faire  tous  nos  efforts.  Mais, 


^62  Lettres  de  saint  Fkançois  de  Sai.es 

prepariamo  a  far  ogni  sforzo.  Ma  la  preghiamo  che  il 
Padre  Laurinio  venga  da  Milano  a  concorrere  con  noi 
ogni  volta  che  sarà  chiamato;  il  che,  con  la  sua  authorità, 
puô  procurare  ,  corne  Sua  Altezza  si  propone  di  farlo 
dal  canto  suo. 

Supplico  V.  S.  lU'"^  et  R'"^  di  perdonarmi  Taltra  volta 
et  credere  che  la  libertà  col  laquale  ejfundo  animam 

*  I  Reg.,  I,  15;  Ps.   ineam  inansi  di  lei  *,  non  nasce  senon  dal  vivo  et  can- 

'^^"'  ^'  dido  afifetto  col  quale  io  sono, 

Di  V.  S.  111'"^  et  R'"% 

Divotissimo  et  humilissimo  servitore, 
Franc°  De  Sales, 
Praevosto  di  Geneva. 
In  Tonone,   alli  13  di  Ottobre  98. 

Air  III"'''  et  Rf""  Sig''  mio  osservandissimo, 
Monsig''  l'Archivescovo  di  Bari, 
Noncio  Apostolico  appresso  Sua  Altezza. 
Saluzzo. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  Rome,  Archives  du  Vatican. 


de  grâce,  que  le  P.  de  Lorini  vienne  de  Milan  nous  apporter  sa 
coopération  chaque  fois  qu'il  sera  appelé  ;  ce  que  Votre  Seigneurie 
peut  obtenir  par  son  autorité,  ainsi  que  Son  Altesse  se  propose  de 
faire  de  son  côté. 

Je  supplie  Votre  Seigneurie  de  me  pardonner  une  fois  encore  et  de 
croire  que  la  liberté  avec  laquelle  je  répands  mon  âme  en  sa  présence 
ne  provient  que  de  la  vive  et  sincère  affection  avec  laquelle  je  suis, 
De  Votre  Seigneurie  Illustrissime  et  Révérendissime 

Le  très  dévoué  et  très  humble  serviteur, 
François  de  Sales, 

Prévôt  de  Genève. 
Thonon,  le   13  octobre   1598. 


MINUTES 
ÉCRITES    PAR    SAINT    FRANÇOIS    DE    SALES 

POUR  MONSEIGNEUR   DE   GRANIEr(') 


CXIX 


A    SA   SAINTETE    CLEMENT    VIII 


Fruits  merveilleux  produits  par  les  Quarante-Heures  de  Thonon.  —  Prière 
d'intervenir  auprès  du  roi  de  France  et  du  duc  de  Savoie  pour  que  Genève 
ne  soit  pas  comprise  dans  le  traité  de  Vervins. 

Thonon,  vers  le  20  octobre   1598. 

(3)  Quam  lœtos  atque  uberes  animarum  fructus  ex  hac 
Gebennensis  diœcaesis  vinea  hisce  diebus  perceperimus, 
Illustrissimi  in  Christo  Patris  Domini  Cardinalis  a  Medi- 
ces,  a  latere  Legati  [narratione,]  uti  spero,  cognoscet(^) 
Sanctitas  Vestra.  Cum  enim  hoc  in  oppido  40  horarum 


Votre  Sainteté  aura  appris,  je  l'espère,  par  le  rapport  de  l'Illustris- 
sime Père  et  Seigneur  en  Jésus-Christ,  le  Cardinal  de  Médicis,  son 
Légat  a  latere,  quelle  belle  et  abondante  récolte  d'âmes  nous  venons 
de  faire  ces  jours  passés  dans  la  vigne  de  ce  diocèse.  En  effet,  Dieu 
a  disposé  si  heureusement  les  choses,  que  ce  grand  Cardinal  a  pris 

(a)  rHosce...J  Quam  laetos  atque  uberes  animarum  fructus,  Deo  propitio, 
fquosj  hisce  diebus  perceperimus... 

(b)  Legati,  —  fet  hujus  quem  ad  B.  V.  pedes  supplicem  destinavimus... 
mittimus,  narratione  fusius  cognoscet...J 


(  I  )  Ces  deux  minutes,  qui  occupent  le  recto  et  le  verso  d'un  même  feuillet, 
ont  été  écrites  par  le  Saint  avant  son  départ  pour  Rome,  bien  que  la  seconde 
lettre  paraisse  n'avoir  été  envoyée  qu'après  son  arrivée  dans  la  ville  éternelle. 


364  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

oratio  celebraretur,  f'^)  ejusdem  Cardinalis  Illustrissimi  ex 
itinere  et  Serenissimi  Ducis  nostri  praesentia,  Deo  procul 
dubio  ita  disponente,  incidit,  faustis  admodum  auspiciis, 
quando  per  idem  tempus  innumera  hominum  multitude 
haeresim  abjurare  fidemque  Catholicam  amplecti  statue- 
rat,  quorum  pars  id  in  ipsius  Illustrissimi  Legati,  pars 
in  meis  manibus  sancté  praestitit ,  Serenissimo  Duce 
quam  impensissime  rem  totam  promovente.  Quse  omnia 
hic,  quem  ad  Beatitudinis  Vestrae  pedes  supplicem  des- 
tinamus,  fusius  facillime  exponet,  quod  omnibus  rerum 
harum  successibus  interfuerit. 

At  vero,  dum  ita  fœliciter  coram  Domino  laetamur, 
sictit  qui  lœtantur  in  messe,  siciit  exultant  victores 
Is.,  IX,  3.  capta  prœda  quando   dividunt   spolia'^,  hoc  unum 

accidit  intempestive  et  molestissime  :  nimirum  Rex  Chris- 
tianissimus  per  litteras  Serenissimum  Ducem  serio  admo- 
net,  velle  se  ejus  quam  tam  opportune  Sanctitas  Vestra, 
tanta  totius  orbis  Catholici  voluptate,  perfecit  pacis  vin- 
culo  comprehendi  hseresis  totius  Calvinianae  matricem  et 


la  route  de  son  retour  par  cette  ville,  où  il  s'est  rencontré  avec  le 
duc  au  temps  où  l'on  y  célébrait  les  Quarante-Heures.  Une  multitude 
innombrable  d'hommes,  qui  avaient  résolu  de  renoncer  à  l'hérésie 
et  d'embrasser  la  foi  catholique,  ont  fait  leur  abjuration,  partie 
entre  les  mains  de  l'Illustrissime  Légat,  partie  entre  les  miennes. 
L'influence  de  notre  sérénissime  duc  a  beaucoup  contribué  à  ce  ré- 
sultat. Celui  que  nous  députons  aux  pieds  de  Votre  Sainteté,  ayant 
été  témoin  de  tout  ce  qui  s'est  passé,  lui  en  fera  un  exposé  plus 
complet  et  plus  fidèle. 

Mais  pendant  que  nous  nous  réjouissons  heureusement  devant  le 
Seigneur  comme  ceux  qui  se  réjouissent  au  temps  de  la  moisson,  comme 
se  réjouissent  les  victorieux  lorsqu'ils  se  partagent  les  dépouilles  de 
l'ennemi,  voici  que  nous  arrive  une  nouvelle  fort  inopportune  et 
affligeante  :  le  roi  très  chrétien  prévient  sérieusement  par  lettres  le 
duc  de  Savoie  qu'il  entend  que  Genève,  mère  et  source  de  l'hérésie 
calviniste,  soit  comprise  dans  le  traité  de  paix  que  Votre  Sainteté  a 
fait  conclure  à  la  grande  satisfaction  de  l'univers  catholique,  bien 

(c)  oratio  —  rper  Patres  CappucinosJ  celebraretur,  rfocUcibus  omnino 
auspiciis. ..j 


Année  1598  365 

fontem,  Genevensem  videlicet  civitatem,  quamvis  pacis 
articulis,  ut  par  erat,  nulla  illius  mentio  habeatur  (0.  Quae 
res  incredibilem  haereticis  omnibus  audaciam  addit,  fidei 
Catholicae  aditum  prsecludit,  novissime  converses  animos, 
si  non  abjicit  omnino  W,  at  sane  perturbât  quam  maxime; 
mihi  ac  canonicis  meis  bonorum  ecclesiasticorum  recupe- 
randorum,  quae  per  summam  iniquitatem  a  Genevensi- 
bus  detinentur,  spem  omnem  funditus  evellit. 

Quapropter  istum  Ecclesise  mese  Praepositum,  quot- 
quot  sumus  hic  ordinis  ecclesiastici  viri,  quoad  ejus  fieri 
potuit  celerrime  misimus  qui,  nostro  omnium  nomine, 
ad  démentis  Beatitudinis  Vestrse  pedes  provolutus , 
quantam  res  haec,  si  succédât,  jacturam  sit  allatura  rei- 
publicae  Christianse,  quamque  atram  tanto  ac  tam  fœlici 
pacis  exitui  sit  notam  impressura,  nostro  omnium  nomine. 


que,  comme  il  était  raisonnable,  nulle  mention  n'ait  été  faite  de  cette 
ville  dans  les  articles  du  traité  (O.  Cette  nouvelle  inspire  une  in- 
croyable audace  à  tous  les  hérétiques  et  leur  ferme  l'entrée  à  la  foi 
catholique  ;  si  elle  n'abat  pas  entièrement  le  courage  des  nouveaux 
convertis,  du  moins  les  trouble-t-elle  grandement,  et  nous  ôte,  aussi 
bien  à  moi  qu'à  mes  chanoines,  tout  espoir  de  recouvrer  les  biens  ecclé- 
siastiques que  les  Genevois  retiennent  par  une  souveraine  injustice. 
C'est  pourquoi,  tant  que  nous  sommes  ici  d'ecclésiastiques,  nous 
vous  avons  député  le  plus  promptement  qu'il  a  été  possible,  le  Prévôt 
de  mon  Eglise  cathédrale  qui,  en  notre  nom  à  tous,  se  prosternera 
aux  pieds  de  Votre  clémente  Béatitude ,  et  lui  exposera  combien 
grand  serait  le  dommage  qu'une  telle  paix,  si  elle  vient  à  se  conclure, 
causerait  à  la  république  chrétienne  et  la  tache  honteuse  qu'elle 
imprimerait  à  un  si  grand  et  si  heureux  succès.  Que,  selon  la  clémence 

(d)  sinon —  TadimitJ  omnino,    Tquod  minime  futurum  speramus,  at   de- 
mittit  sanc.J 


(  I  )  Le  traité  de  Vervins  contenait  la  stipulation  suivante  :  «  De  la  part 
dudict  sieur  Roy  Très  Chrétien  seront  comprins  au  présent  traité,  si  comprins 
y  veulent  estre...  les  treze  cantons  des  ligues  de  Suisse,  les  sieurs  des  trois 
ligues  Grises,  l'Evesque  et  seigneurie  du  pais  du  Valais,  l'Abbé  et  ville  de 
Sainct-Gall...  et  attires  allie^  desdicts  sieurs  des  Ligues.  »  Or,  par  cette  formule 
si  vague,  «  autres  alliez,  »  Henri  IV  avait  entendu  désigner  Genève,  comme  il 
le  déclare  dans  une  pièce  datée  de  Monceaux  le  ii  novembre  1598. 


^66 


Lettres  de  saint  François  de  Sales 


quam  humillime  explicabit,  ut  pro  sua  erga  orbem  Catho- 
licum,  maxime  vero  erga  hanc  tôt  malis  exagitatam  pro- 
vinciam,  paterna  clementia  Sanctitas  Vestra  serio,  tum 
apud  Christianissimum  Regem  tum  apud  Ducem  Sere- 
Is.,  xLviii,  ult.,  nissimum  agat  ne  tanta  pax  sit  impiis  *,  nec  ejus 
laetentur  privilégie  qui  ecclesiasticam  pacem  tôt  scissuris 
convellere  (^)  nituntur.  Cui  debent  honorem,  potius 
honorem ,  cui  vectigal,  vectigal  compellantur  red- 
dere*;  ac  tum  demum  veniat^^;sc  super  illos  in  virtute 
Domini  *  et  authoritate  Sanctse  Sedis  Apostolicae.  Cui 
Sanctitatem  Vestram  clementissime  et  beatissime  (^)  in- 
sidentem,  Deus  optimus  maximus  quam  diutissime  ser- 
vet  incolumem. 

Revu  sur  l'Autographe   conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


LVII,  ult 


*  Rom.,  XIII,  7. 

*  Ps.  cxxi,  7. 


paternelle  qu'Elle  témoigne  à  toute  la  Catholicité  et  surtout  à  cette 
province  agitée  par  tant  de  maux,  Votre  Sainteté  daigne  intervenir 
sérieusement  auprès  du  roi  très  chrétien  et  du  sérénissime  duc,  afin 
qu'une  telle  paix  ne  soit  pas  accordée  aux  impies,  et  qu'ils  n'en  goûtent 
point  les  avantages  ceux  qui  s'efforcent  de  bouleverser  par  tant  de 
divisions  la  paix  de  l'Eglise;  mais  que  plutôt  ils  soient  contraints  de 
rendre  l'honneur  èc  qui  ils  doivent  l'honneur,  le  tribut  à  qui  ils  doivent 
le  tribut,  et  que,  par  ce  moyen,  la  paix  vienne  sur  eux  en  la  vertu  du 
Seigneur  et  par  l'autorité  du  Siège  Apostolique  que  Votre  Sainteté 
occupe  si  heureusement  et  avec  tant  de  clémence,  et  sur  lequel  nous 
supplions  le  Dieu  très  grand  et  très  bon  de  vous  conserver  de  longues 
années  pour  le  bien  de  son  Eglise. 


(e)  convellere  —  (omnibus  quibus  possunt  modis,J 
(  f  j  beatissime  —  TpraesidentemJ 


Année   1598  367 


CXX 

AU      MÊME 

Raisons  qui  ont  contraint  le  Prévôt  de  différer  le  voyage  de  Rome.  —  Envoi 
des  documents  qui  doivent  être  présentés  à  Sa  Sainteté. 

Fin   1598. 

Jamdudum  Apostolorum  limina  meo  nomine  visitasset 
Reverendus  Franciscus  De  Sales,  Ecclesiae  meae  Praepo- 
situs,  nisi  periculosissimo  morbo  quo  per  multos  menses 
decubuisset  [impeditus  fuisset,]  et  propter  pestem  in  plu- 
rimas  hujus  provinciae  partes  hactenus  saevientem,  aditus 
omnes  nobis  ad  Italiam  interclusi  fuissent.  Perrexit  nihi- 
lominus  tandem  aliquando,  ac  superatis  itinerum  difficul- 
tatibus,  uti  spero,  ad  Sanctitatis  Vestrae  pedes  accessit. 

Ac  quidem,  quando  res  propter  quam  abiit  nullam 
sine  summo  periculo  moram  patiebatur,  nec  omnia  tune 
haberem  prae  manibus  quae  visitationi  sanctorum  limi- 
num  necessaria  sunt,  ea  nunc  duxi  mittenda,  quo  vices 
meas  hac  in  re  apud  Sanctitatem  Vestram  agat  meo 
nomine  ;  ratus  Clementiae  suée  id  acceptum  iri,  tum  ut 


Il  y  a  longtemps  que  Révérend  François  de  Sales,  Prévôt  de  ma 
Cathédrale,  aurait  visité  en  mon  nom  les  tombeaux  des  Apôtres, 
s'il  n'en  avait  été  empêché  par  une  très  dangereuse  maladie  qui  l'a 
tenu  alité  plusieurs  mois,  et  si  les  voies  d'Italie  ne  nous  eussent  été 
fermées  par  la  peste  qui  a  affligé  et  afflige  encore  presque  toute  cette 
province.  Mais  enfin  il  s'est  mis  en  route,  et  ayant,  comme  je  l'espère, 
surmonté  les  difficultés  des  chemins,  il  a  dû  se  prosterner  déjà  aux 
pieds  de  Votre  Sainteté. 

Or,  parce  que  l'affaire  pour  laquelle  il  est  allé  à  Rome  ne  pouvait 
être  différée  sans  un  très  grand  danger,  et  que  je  n'avais  pas,  lors  de 
son  départ,  tous  les  documents  nécessaires  pour  un  voyage  ad  limina, 
j'ai  jugé  bon  de  les  envoyer  maintenant,  afin  qu'en  mon  nom  il  ren- 
dit ses  devoirs  à  Votre  Sainteté,  espérant  que  Sa  Clémence  l'aura 


368  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

difficillimo  tempore  '.  ^  quae  fieri  possunt  per  pauciora, 
per  plura  nequaquam  iiant.  tum  ut  hic  meus  procurator, 
qui  non  inutilem  omnino  hoc  in  agro  operam  navare 
consuevit,  variis  peregrinationibus  ab  opère  abstrahatur. 
Praecor  autem  Deum  optimum  maximum  uti  Sancti- 
tatem  Vestram  Beatissimam  Ecclesiae  suae  quam  diutis- 
sime  servet  incolumem. 

Revu  sur  l'Autographe  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


pour  agréable.  C'est  autant  pour  ne  pas  employer  plusieurs  moyens 
là  où  un  seul  suffit  dans  les  temps  si  difficiles  où  nous  vivons,  que 
pour  donner  occasion  à  mon  procureur,  qui  n'a  pas  travaillé  inutile- 
ment dans  le  champ  du  Seigneur,  de  se  délasser  par  divers  pèlerinages 
des  fatigues  qu'il  a  soutenues. 

Je  prie  le  Dieu  très  bon  et  très  grand  de  conserver  longuement 
Votre  Sainteté  à  son  Eglise. 

(a)  difficillimo  tempore  —  Texpensis  una  eademque  via  quam  plurima  fiant 
si  possint...J 


APPENDICE 


Lettres  I  *4 


Les  notes  marginales  indiquent  la  corrélation  des  pièces  de  V Appendice 
avec  le  texte  des  Lettres  de  saint  François  de  Sales. 


LETTRES 

ADRESSÉES    A    SAINT    FRANÇOIS    DE    SALES 
PAR   QUELQUES    CORRESPONDANTS 


A 


LETTRES     D'ANTOINE     FAVRE 


I 

Chambéry,  30  juillet  1593. 

Viro  clarissimo  Francisco  De  Sales, 
Praeposito  Cathedralis  Ecclesiœ  Sancti  Pétri  Gebenensis, 
Antonius  Faber,  Senator,  salutem  dicit. 

*  Est  omnino  virtuti  hoc  insitum  et  peculiare,  vir  clarissime,  ut  '  vide  Epist.  ix. 
possessores  suos  non  illis  tantùm  quos  et  ipsa  possidet,  sed  iis  quo- 
que  omnibus  quibus  amabilem  se  exhibet,  sola  sui  contemplatione 
et  admiratione  reddat  amabiles.  Sic  enim  pr^efari  lubet,  non  quomodo 
plerique  soient,  qui  cùm  primùm  eos  quos  numquam  viderint  aut 
coràm  aut  per  literas  salutant,  ab  excusationibus  initium  sumunt, 
ac  si  vel  suspecta  minusque  laudabilis  videri  possit  honesta  illa 
ineundfe  amicitiae  provocatio,  vel  in  eo  quod  per  se  honestum  atque 
laudabile  sit  exequendo,  aliam  quàm  debiti  officii  rationem  exquiri 
constareve  oporteat. 

Tu  vixdum  equidem  mihi  de  facie  notus.  sed  nominis  tui  fama 
pro  singulari  qua  excellis  virtute,  probitate  ac  eruditione  notissimus, 
tanta  me  fruendi  tui  cupiditate  allectum  devinctumque  habes,  ut 
jam  inde  à  quo  tempore  milii  ad  cadem  ista  bonarum  literarum  et 
jurisprudenticc  studia,  licet  minus  féliciter,  incumbere  contigit,  de 
amando  te  et  observando  non  tantùm  consilium  cepisse  videar,  sed 


j^2  Appendice 

etiam  obligationis  perpetuœ  vinculum  contraxisse.  Neque  tamen 
id  à  te  sic  accipi  velim,  quasi  in  me  vel  singula  et  mediocria  esse 
putem  quae  in  te  universa  sunt  ac  absolutissima,  sed  ut  intelligas  et 
morum  et  animorum  similitudinem  quae  ad  conciliandas  inter  igno- 
tos  quoque  amicitias  plurimùm  posse  creditur,  in  eo  etiam  interdum 
elucere,  in  quo  disparia  sint  omnia  prœter  unam  eandemque  similia 
consectandi  voluntatem. 

Nam  quod  iis  usu  venire  solet  qui  longiore  absentis  aut  defuncti 
alicujus  desiderio  torquentur,  ut  ea  demùm  ratione  recreari  se  sen- 
tiant,  si  non  solum  amici  memoriam  diligenter  et  religiosè,  ut  par 
est,  colant,  sed  etiam  exactissima  naturœ  imitatione,  quantum  arte 
effmgi  potest,  ejus  quasi  praesentis  imaginem  oculis  suis  intuendam 
objiciant,  id  ipsum  nobis,  quotquot  ad  virtutem  contendimus,  fa- 
ciendum  existimo  ;  ut  quoniam  admirabilem  ejus  pulchritudinem, 
qualis  quantaque  est,  ne  animi  quidem  cogitatione  assequi  possu- 
mus,  eos  saltem  nobis  ad  amandum  et  imitandum  proponamus  in 
quibus  vivam  illa  sui  effigiem.  elegantioribus  et  aptioribus,  ut  ita 
dicam,  coloribus  depinxerit.  Ita  namque  fit  ut  ad  ejus  cultum  stu- 
diumque  vehementiùs  accendamur,  quam  oculis  si  cernere  posse- 
mus,  proculdubio  longé  vivaciores  prorsùsque  mirabiles  sui  amores 
in  animis  nostris  excitaret.  Nec  enim  malè  quis,  judicio  meo,  prs- 
clarum  hoc  encomium  virtuti  adscribat ,  jam  olim  à  divino  illo 
Platone  soli  attributum  sapientia,  quam  utique  sapiens  nemo  unquam 
à  virtute  sejunxit. 

Ego  sanè,  quamquam  id  miiii  semper  enitendum  credidi,  ut  boni 
cujusque  amicitiam  quibus  possem  officiis  et  obsequiis  promerêrer, 
nihil  tamen  facio  libentiùs  quàm  ut  totum  me,  quantulus  sum,  iis 
dedam  ultroque  voveam  quos  mihi  persuadée  sic  natos  et  educatos 
esse  ut  ab  iis  consilii,  doctrinœ  et,  quod  in  re  ardua  laboranti  pras- 
cipuum  est,  boni  exempli  adjumenta  comparare  possim. 

In  quibus  si  te  unum  esse  dicam,  qui  hodie  mihi  instar  omnium 
esse  possis,  in  ista  prœsertim  vixdum  virili  œtate,  in  qua  tôt  tantaque 
virtutum  ac  scientiarum  omnium,  non  argumenta  modo  sed  claris- 
sima  lumina  proferas  ut  à  quo  superari  in  posterum  queas  alium 
quàm  te  habeas  neminem,  vereor  ne  adulatorem  me  potiùs  quàm 
probum  amicitias  Fabrum  suspicêre.  Non  quod  non  sis  tu  tibi  ipsi 
mihique  testis  optimus,  nisi  tua  te  fallit  modestia,  majorem  tibi 
laudem  deberi  quàm  ex  commendatione  mea  possit  accedere  ;  sed 
quia  minus  fortassis  credibile  tibi  futurum  sit  taie  jam  meum  de  te 
judicium  esse  quale  esse  deberet,  si  mihi  tam  perspecta  probataque 
foret  virtus  tua  quàm  frequentissimis  omnium  quos  de  te  loquentes 
audio  sermonibus  est  commendata. 


Lettres  d'Antoine  Favre  373 

Itaque  quod  superest,  ne  longiori  epistola  fiât  importuna  salutatio, 
rogo  te  et,  si  pateris,  etiam  atque  etiam  peto,  ut  hanc  perexiguam 
quidem,  sed  promptissimam  et  liberalem  singularis  mece  erga  te 
voluntatis  significationem  sic  excipias,  tanquam  ab  eo  profectam  à 
quo  omnia  devotissimi  et  amicissimi  hominis  officia,  non  tam  expec- 
tare  debeas  quàm  pro  jure  et  arbitriotuo,  quoties  videbitur,  vindicare. 

Esset  quidem  honorificentius  milii,  et  optabilius,  jam  amari  abs 
te,  si  merêrer  ut  hoc  ipso  merêri  me  intelligerem  ;  sed  erit  jucundius, 
fortassis  etiam  gloriosius,  si  ob  eam  causam  amari  me  post  hac  intel- 
ligam,  quôd  prior  ego  te  tuique  animi  dotes  eximias  amaverim.  Nam 
et  plus  prsestat  qui  prior  amat,  et  in  prceclaro  isto  et  laudabili  con- 
tentionis  génère  ex  quo  suavissimam  sibi  quisque  speret  victoriam, 
priorem  vinci  vincere  est.  Sic  fiet  ut  plus  tu  mihi  debeas  quàm  ego 
tibi  ;  sed  plus  ego  vicissim  virtutibus  tuis  quàm  tu  meis,  si  tamen  is 
ego  sum  qui  meas  possim  uUas  dicere. 

Benè  vale,  vir  clarissime,  et  me  ama. 

Ex  urbe  Chamberii,  3  calend.  Augusti  1593. 

A  Monsieur 

Monsieur  De  Sales, 
Prévost  en  l'Esglise  Cathédrale  de  Sainct  Pierre  de  Genève. 

Revu  sur  l'original  conservé  à  Annecy,  Archives  de  la  Société  Florimontane. 


Octobre  1593. 

*  Ais  velle  te  à  theologia  impetrare  facultatem  ad  jurisprudentiœ  '  videEpist.xn,  p.  36. 
sacra,  quae  superiore  biennio  intermisisti,  quodam  postliminii  jure 
repetenda.  Quo  nomine  non  solùm  mirabiliter  gaudeo,  sed  etiam,  si 
tua  causa  id  facis,  ut  facere  debes,  et  tibi  et  jurisprudentiœ  gratulor  : 
tibi,  cui  amplissimam  gloriae  messem  ex  eo  consilio  paratam  esse 
prospicio  ;  jurisprudentiœ,  quam  mira  ingenii  tui  felicitate  ornatam 
maxime  et  illustratam  iri  confido  si,  quod  facturum  te  non  dubito,  ad 
eam  sic  voles  incumbere  ut  qute  te  prior  disciplinae  sus  alumnum 
habuit,  ejus  laudem  cum  tua  putes  esse  conjunctam.  Sin  ut  ais,  et 
ego  ut  mihi  magis  placeam  credere  volo,  mea  potiùs  causa  et  quo- 
niam  ita  suadeo  idipsum  facere  voles,  equidem  perinde  gratulabor 
jurisprudentiae,  cùm  jam  sic  affectus  esse  debeam  ut  in  eo  quôd  mea 
causa  faciès,  non  minorem  quàm  si  tua  diligentiam  et  industriam 
collaturum  te  persuasum  habeam  ;  sed  mihi  potissimùm,  cui  tam 


374  Appendice 

prœclara  ista  tamque  facilis  obtigerit  benè  de  jurisprudentia  merendi 
occasio,  vel  hoc  solo  quôd  te  induxerim  uti  de  ea  benè  merereris. 

Utcumque  verô  sit,  est  quôd  quantas  possum  tibi  referam  gratias, 
qui  meis  sive  precibus  sive  consiliis  tantùm  indulgere  te  profitearis 
ut  studiorum  tuorum  legem  ex  arbitrio  meo  non  solùm  instituere, 
quod  esset  facilius,  sed  etiam  institutam  et  compositam  immutare 
non  récuses.  Ego  certè  ad  sancta  mutuce  necessitudinis  nostrœ  fœdera 
constringenda  adeo  pertinere  arbitror  uti  studiis  iisdem  exerceamur, 
ut,  ni  tu  mihi  hac  parte  prior  concessisses,  fuerim  fortassis,  dum  per 
Senatum  et  uxorem  licuisset,  theologiam  pro  jurisprudentia  sequu  • 
turus. 

Sed  extra  jocum,  placere  tibi  imprimis  theologiam  nec  miror  nec 
doleo  :  est  enim  propria  illa  et  peculiaris  illorum  scientia  quos  Deus 
optimus  maximus,  non  tam  ad  amplissimas  quasque  Ecclesiae  digni- 
tates,  quas  jam  tibi  sua  spontè  obvias  video,  quàm  ad  pietatem 
informaverit,  cujus  te  gravissimum  et  sanctissimum,  non  nomen, 
sed  numen  praecipuo  cultu  habere  certô  scio.  Atque  utinam  eadem 
mihi  quae  tibi  in  eam  rem  opportunitas  adesset  !  non  voluntas,  mihi 
crede,  abesset,  non  animus.  Neque  tamen  despero  quin,  si  quando 
una  nos  vivere  et  securiore  plenioreque  otio  frui  Deus  volet  ,  et 
exemplo  et  auxilio  tuo,  theologias  quoque  degustandae  desiderium 
non  parvum  subeat,  quo  jampridem  titillari  me  sentio,  in  eaque,  ut 
in  Domino  mori  discam,  qui  Christianae  vitœ  scopus  esse  débet, 
tandem  aliquando  consenescam. 

At  cùm  neque  Spartam  quas  mihi  divinitùs  data  est  deserere  ultro 
debeam,  neque  à  meipso  tanto  abesse  intervallo  ut,  qui  vel  soli  ju- 
risprudentia imparem  me  video,  theologias  etiam  amplectendas  teme- 
rarios  spiritus  sumere  velim,  plané  conveniens  est,  ea  mihi  intérim 
studia  praecipuè  et  in  amoribus  et  curas  esse  sine  quibus  nec  officii 
mei  nec  dignitatis  ratio  satis  recta  constare  possit.  Tu  verô  longé 
beatior,  qui.  in  ista  potissimùm  cetatœ  quas,  ut  ais,  restitutionis  be- 
neficium  admittere  adhuc  posset,  jam  consecutus  sis,  ut  et  utramque 
scientiam,  et  tua  et  utriusque  dignitate,  capessere  possis,  si  voles, 
et  velle  debeas,  quia  potes. 

At  hic  videor  mihi  videra  haesitantem  te,  quasnam  illa  conditio  sit 
quam  admisi  :  «  Si  una  nos  vivere  Deus  volet.  »  An  fortassis  quôd 
eventurum  sperem  ut  in  sanctissimo  illo  vestro  collegio  canonicatum 
brevi  ambiam,  et  libcralitate  vestra  tuaque  praesertim  authoritate 
adipiscar?  Sed  à  dilectissima  conjuge  prius  impetraverim  ut  mortem 
optet  et  oppetat,  quàm  ut  id  patiatur. 

Quid  ergo?  Ad  nostrum  ego  te,  ad  nostrum,  inquam  (vereor  enim 
ne  non  exaudieris),  collegium  voco,  et  quanta  possum  contentione 


LETTRts  d'Antoine  Favre  375 

hortor  ut  senatoriam  dignitatem,  non  jam  ambias ,  sed  summis 
meritis  tuis  tam  honorificè  novoque  exemplo  oblatam  alacriter  susci- 
pias,  praesentemque  urgeas  occasionem  :  non  quôd  verendum  sit,  si 
te  respicis,  ne  invitum  te  unquam  effugiat,  sed  ut  tantô  longiores 
dulcioresque  dignitatis  tuae  fructus  percipias,  cujus  nec  minima  pars 
illa  futura  sit  quôd,  in  tanta  rerum  omnium  perturbatione  tamque 
perdita  temporum  conditione,  tam  citô  vereque  dignus  habitus  sis 
qui  ad  eam  promovereris. 

Quid  verô  esse  potest  quôd  te  remorari  aut  ad  cunctandum  movere 
debeat?  An  non  et  Episcopos  et  Abbates  habemus,  et,  ut  de  re  ju- 
dicata  prsescribam  ne  dubitationi  locus  relinquatur,  nonne  ipsum 
quoque  Ecclesiie  vestrae  Prœpositum,  decessorem  tuum,  virum  cla- 
rissimum,  miliique  praî  csteris  omnibus,  nçscio  quo  bono  fato, 
familiarissimum,  eumdemque  Imparatorem  (i)  et  theologiae  deditissi- 
mum,  senatorem  habuimus  ?  An  non  et  sacerdotes  sumus,  et  sacro- 
sancta  divinarum  et  Iiumanarum  rerum  mysteria  tractamus?  An  non 
denique  et  breviarium  (si  inter  séria  jocari  me  pateris),  quoties  in 
secreto  auditorio  lites  ex  breviario,  recitamus  ?  Quid  autem  vel  tibi 
gloriosius,  vel  amplissimo  ordini  honorificentius,  vel  denique  bonis 
omnibus  optatius,  quàm  inter  eos  te  sedere,  quorum  dignitas  tibi 
communis,  et  illustriorem  tuam  reddere  et  ex  tua  accessione  illustrior 
ipsa  fieri  possit  ? 

At  revocaret  te,  inquies,  ea  functio  ab  institutas  vitte  studiorum- 
que  ratione.  Imô  admoneret  potiùs,  quamquam  admonitione  nulla 
eges,  uti  teipsum  et  tibi  et  nobis  semper  ad  imitandum  proponeres, 
et  quibus  studiis  eam  tibi  pietatis  et  scientiae  famam  comparasses 
qu£e  tantae  dignitatis  materiam  peperisset  ea  perpetuô  sectareris.  Nec 
erit  tibi  difficiliùs  à  Principe  et  Senatu  quàm  ab  ipsa  jurisprudentia 
impetrare,  ut  et  potiores  et  quantas  voles  theologiœ  horas  largiare. 
A  me  etiam,  quem  in  eo  pertinaciorem  contradictorem  vereri  deberes, 
idipsum  te  facile  impetraturum  recipio;  quippe  qui  nimis  féliciter  et 
cùm  jurisprudentia  et  mecum  actum  putabo,  si  te  aliquando  senato- 
rem et,  ut  voluntatis  ita  dignitatis  communione,  fratrem  dicere 
potero. 

Et  verô,  si  tantùm  mihi  tribuis  ut,  quia  sic  volo,  jurisprudentiam, 
cui  repudium  mittere  cogitabas,  in  gratiam  recipere  paratus  sis, 
quidni  ea  quoque  tibi  persuader!  patiare,  qucC  sunt  prorsus  conse- 
quentia,  et  tibi  longé  magnificentiora,  mihi  jucundiora,  ipsi  quoque 
Reipublicae,  cujus  praecipuam  rationem  semper  haberi  œquum  est, 
utiliora  ? 

(i)  François  Empereur,  à  qui  saint  François  de  Sales  avait  succédé  dans  la 
dignité  de  Prévôt  de  l'Eglise  cathédrale  de  Genève. 


376  Appendice 

Non  te  hortor  ad  vanam  illam  gloriam,  quam  à  te  tantùm  abesse 
scio  quantum  à  Christiano  pioque  viro,  ad  veram  gloriam  nato, 
abesse  debeat,  quœque,  etiamsi  ex  hominum  existimatione  aucupanda 
esset,  sequi  tamen,  non  appeti  deberet  :  sed  hoc  unum  contendo, 
nihil  esse  quod  tu,  vel  tua  vel  mea  vel  denique  publicae  utilitatis 
causa,  libentiùs  concedere  et  prœstare  debeas  ;  quo  magis  mihi  spe- 
randum  est,  non  commissurum  te  uti  minorem  dignitatis  tuae  quàm 
voluntatis  rationem  habuisse  videaris 


m 


Chambéry,  30  novembre  1593. 


Amplissimo  viro  Francisco  De  Sales,  Prasposito  Ecclesiae  Gebenensis, 
Antonius  Faber  salutem  dicit. 

Vide  Epist.  XII.  "^Mihi  verô  jam  longior  ista  cessatio  videbatur  ;  neque  tamen  tam 

eo  nomine  molesta  quôd  nullas  ad  me  literas  mitteres  (quamquam 
hoc  ipsum  esset  molestissimum,  nisi  vel  ex  eo  maxime  cognoscerem 
quod  malo,  gravioribus  te  intentum  studiis  ocio  minus  abundare) 
quàm  quia  subvereri  inciperem  ne  quid  adversi  vel  tuae  valetudini 
accidisset  vel  meis  literis,  quas  Octobri  superiore,  cùm  apud  Sebu- 
sianos  meos  feriarer,  binas  ad  te  longissimasque  exararam.  Quas 

Vide  p.  44.  enim  proximè  dedi  viro  clarissimo  D.  Rogeto*,  senatori  nostro,  et  ut 

video  gaudeoque,  utriusque  nostrum  amantissimo,  ut  pro  sua  erga  me 
benevolentia  perferri  ad  te  curaret,  eas  tibi  redditas  esse  certô  scio. 

Vide  p.  54.  Peropportunè  autem  anxio  mihi  obtigit  adventus  D.  Porterii*,  viri 

optimi  mihique  jam  inde  à  multis  annis  cogniti  ;  qui  primo  statim 
congressu  rogatus  à  me  quàm  benè  haberes  et  num  quid  à  te  litera- 
rum,  respondit  valere  te  optimè,  literasque  pro  salutatione  missurum 
fuisse  confirmavit,  si  non  eodem  fere  instanti  ab  urbe  fuisset  tibi 
decedendum.  Utrumque  sane  quàm  fuit,  ut  esse  debuit,  jucundissi- 
mum,  sed  hoc  mihi  ad  plenam  defuit  voluptatem  quôd  de  prioribus 
meis  literis  intelligere  nihil  potui;  qu^e  si  aut  interceptas  essent,  aut, 
quod  vix  credo,  deperditîe,  ferrem  equidem  gravissimè,  et  eo  penè 
animi  affectu  quo  ferre  soleo  illa  ipsa  quae  ad  publicam  jacturam 
pertinent. 

In  quo  si  me  tu  minus  verecundum  putas,  ne  dicam  impudentem, 
qui  tantùm  mihi  arrogem  ut  magnum  aliquod  Reipublicae  detrimen- 
tum  illatum  existimem  si  eas  non  acceperis,  scito  non  tanti  me  nugas 
et  ineptias  meas  facere,  nisi  quoniam  et  ad   te  scriptîe  fuerunt  et 


Lettres  d'Antoine  Favre  377 

de  re  ad  publicam,  ni  fallor,  utilitatem  spectante.  Priores  illas  intel- 
ligo,  quibus  ego  te  tam  enixis  multisque  rationibus  ad  senatoriam 
dignitatem  quîe  tibi  delata  est  capessendam  cohortabar.  Neque  enim 
magis  publicè  referre  arbitrer  ut  te  senatorem  omnes  videant,  quàm 
mea  interesse  ut  qui  videbunt  sciant  quantum  mutuo  amori  nostro 
indulseris,  qui  meis  potissimum,  sive  precibus  sive  consiliis,  persua- 
sus  sis ,  ut  in  hanc  tam  pr^eclaram  de  Republica  benè  merendi 
occasionem  traduci  te  paterêre.  Itaque  mihi  gratissimum  erit  si  me 
ab  hac  suspicione  et  dubitatione  liberaveris,  sed  longé  gratius  (non 
enim  dimittam  te  donec  benè  dixeris  mihi)  si  voluntatem  tuam  à  judicio 
meo  nihil  discrepare  testaberis,  deque  eo  intérim,  ut  desideria  mea 
spe  aliqua  sustentem,  aliquid  ad  me,  si  lubet,  rescribes.  Igitur  tuas 
literas  expecto. 

Benè  vale,  mi  amicissime,  meque,  ut  facis,  ama. 

Datum  Chamberii,  pridie  calend.  Decembris  1593. 

A  Monsieur 

Monsieur  De  Sales^ 
Prévost  en  l'Esglise  Cathédrale  de  S'  Pierre  de  Genève. 
A  Necy. 

Revu  sur  Toriginal  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


IV 


Chambéry,  ii  décembre  159?. 


Clarissimo  viro  Francisco  De  Sales,  Ecclesi£e  Gebenensis  Praeposito, 
Antonius  Faber  salutem  dicit. 
*  Siccine  igitur  te  mihi  tamdiu  sors  nostra  invidebit,  me^que  illu-  '  vide  Epistxn. 
det  expectationi  ?  At,  inquies,  multùm  distat  à  longissimo  tempore 
mensis  unus.  Imô  verô  mensis  hic,  si  mihi  credis,  annus  est  qui  in 
sequentem  annum  incidat,  aut  potius  anni  plures,  apud  me  quem 
incredibile  videndi  tui  desiderium  sic  accendit  ut  ipsas  etiam  horas 
penè  singulas  pro  mensibus  numerem,  et  invita  quoque  natura,  ne 
dicam  astrologia  cujus  plané  sum  ignarus,  toto  hoc  hyemali  solstitio 
dies  noctibus  factas  putem  longiores.  Quando  tamen  ita  res  fert,  volo 
ego  mihi  quoque  ipsi  illudere,  et  in  longioris  augurium  felicitatis 
accipere  si  te  in  anni  principio  quàm  si  in  fine  videbo  ;  quamquam 
si  qu£e  mihi,  quod  nondum  despero,  ad  te  citiùs  convolandi  nascetur 
occasio,  non  ero  tam  superstitiosus  ut  non  malim  incipere  à  fine  : 
quod  prudentiores,  ex  vulgari  sapientiae  prascepto,  sois  facere  debere. 


378  Appendice 

Intereà  expecto  avide  literas  illas  quas  brevi,  bono,  ut  loqueris, 
argiimento,  scripturum  te  fuisse  insinuas.  Nihil  enim  est  quod  com- 
modius  facere  possis,  ut  dulcissim£e  consuetudinis  tuas  suavitatem, 
quam  toto  animo  jam  amplector  et  deosculor,  etiam  desiderando 
sentiam.  prœsertim  cùm  excellens  quoddam  argumentum  illud  fore 
necesse  sit,  si  tu  minus  bonum  istud  vocas  quod  posterioribus  his 
tuis  literis  causam  dédit,  nisi  forte  ad  id  respicis  quod  litium  odio  et 
execratione,  ut  arbitror,  inverecundus  tibi  et  importunus  videare,  si 
pro  inverecundo  et  importuno  isto  litigantiuni  hominum  génère  me 
interpelles. 

Quod  si  ita  est,  patere,  obsecro,  me  in  hoc  uno  à  te  dissentire  :  non 
quoniam  ea  me  ratio  litigatoribus  aequiorem  faciat,  quôd  inter  eos  et 
in  mediis  litium  anfractibus  assidue  versari  me  sit  necesse  (tantô 
magis  enim  odisse  deberem,  cùm  vel  pulcherrimarum  rerum  oblec- 
tatio  satietate  sordescat),  sed  quia  multùm  iis  debere  me  sentiam 
qui,  ut  mihi  per  te  commendentur,  literas  ad  me  tuas  déferre  volent. 
Q.uid  enim  jucundius  habere  possim,  quàm  si  ex  his  veluti  testa- 
tionibus  intelligam  perspectam  esse  quàm  plurimis  cunjunctionem 
nostram,  nec  minus  exploratum  quantum  me  âmes  quàm  illud  etiam 
quanti  ego  vicissim  te  faciam  ? 

Itaque  agam  iis  gratias  tùm  maxime  cùm  importuni  tibi  videbun- 
tur,  petoque  à  te  ut  mea  saltem  causa  eos  in  posterum  âmes,  tan- 
quam  peropportunos  amiciti^  nostr^e  nuncios  et  tabellarios.  Faciam 
si  potero  ut  ad  te  redeant  testes  animi  erga  te  mei,  easdemque  tibi 
gratias  référant  quas  à  me  acceperint,  cùm  sic  habitos  se  videbunt 
ut  negare  non  possint  praecipuum  apud  me  pondus  commendatio- 
nem  tuam  habuisse. 

Jam  verô  de  patruelis  tui  causa,  quam  mihi  commendas  verecun- 
diùs  cùm  pro  tuo  in  me  imperio  jubere  potiùs  debuisses,  jam  audie- 
ram  qute  pérorantes  in  publico  auditorio  advocati  in  utramque 
Vide  p.  42.  partem  disputaverant,  et  procurator  Chappa*,  ejusdem  litis  correus 

deque  toto  negotio  adprimè  instructus,  mihi  omnia  diligenter  expla- 
navit.  Sic,  obsecro,  tibi  persuade,  in  iis  omnibus  quœ  tu  me  prœstare 
voles,  id  est,  ut  teipsum  interpretari  video,  quae  salvo  pudore  et 
officio  praestari  ab  amicissimo  viro  possunt,  non  magis  me  tibi 
tuisque  familiaribus  quàm  mihi  defuturum.  Amicissimus  mihi  est, 
quisquis  amici  mei  se  amicum  probat.  Nequc  facile  fero  rigidos  istos 
Catones,  qui  apud  probum  judicem  nuUum  amicitiae  aut  commen- 
dationi  locum  relictum  volunt.  Sunt  enim  nonnuUa  quc'e  vel  à  seve- 
rissimo  judice  amicus  flagitare  honestè  ac  pro  suo  jure  possit,  quale 
illud  imprimis  ut  bonam  amico  causam  judex  optet  ;  quod  ipsum 
non  parvi  momenti  est  ad  impetrandum  ut ,   si  rêvera  sit  bona , 


Lettres  d'Antoine  Favre  379 

defendatur  pertinaciùs,  nec  tam  facile  per  imperitiam  aut  timiditatem 
deseratur.  Castera  taceo  quse  quotidie  experiuntur,  qui  inter  amicos 
et  cognitos  litigatores  judicandi  munere  sic  funguntur,  ut  neque 
amicitiœ  desertores  videri  velint,  neque  improbiores  fieri  ut  amiciores 
videantur.  Quid  enim  amicitiis  tam  contrarium  quàm  improbitas? 

Facis  tamen  tu  injuriam,  non  probitati  meae,  sed  necessitudini 
nostrœ  et,  si  dicere  audeam,  existimationi ,  qui  ad  me  ita  scribis 
quasi  existimes  Salesios  uUos,  quicumque  tandem  illi  sint,  nedum 
patrueles  tuos  aliqua  egere  apud  me  commendatione.  Sed  me  ab 
hac  eo-o  injuria  non  improbè  vindicabo,  et  quibus  ofificiis  potero 
enitar  ut  se  milii  commendatissimum  fuisse  gloriari  possit,  non  quia 
fuerit  per  te  commendatus,  sed  quoniam  is  sit  quem,  cùm  ex  tuis 
esset,  hoc  ipso  milii  commendare  non  debueras  quôd  aliis  minus  tuis 
commendare  illum  pro  officii  necessitate  debuisses. 

Benè  vale,  mi  amicissime,  et  me,  ut  facis,  ama. 

Datum  Chamberii,  3  id.  Decembris  1593. 

A  Monsieur 

Monsieur  de  Sales, 
Prévost  en  l'Esglise  Cathédrale  de  Sainct  Pierre  de  Genève. 
A  Necy. 

Revu  sur  l'original  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


Chambéry,   20  décembre  i=j()3. 

(i)  Clarissimo  viro  Francisco  De  Sales,  Ecclesiae  Gebenensis  Prœposito, 
Antonius  Faber  salutem  dicit. 
*  Eo-o  verô  non  solùm  non  misereor,  sed  etiam  plané  mihi  gaudeo  *  vide  Epist.  xm. 
tibique  ex  animo  gratulor,  de  tam  excellenti  ista  sacerdotalis  digni- 
tatis  accessione.  Gratularer  ipsi  etiam  dignitati  si  ad  vulgare  aliarum 
exemplum  accomodari  eam  posse  crederem.  Nam  in  caeteris  et  am- 
plissima  et  propemodùm  singularis  verae  gratulationis  materies  illa 
esse  solet,  si  quantum  ex  dignitatis  acquisitione  novo  possessori 
laudis  tantùm  vicissim  ex  possessoris  laudibus  commendationis  di- 
gnitati possit  accedere  ;  in  ista  verô  nimis  impudens  sim  adulator  si 
te,  prœsertim  repugnantem,  eum  esse  dicam  ex  cujus  meritis  possit 
illa  dignior  fieri  et  illustrior.  Etsi  enim  quœcumque  probitatis,  pîe- 
tatis  et  eruditionis  exempla  ab   homine   uUo  vel  singula  sperari 

(  I  )  Le  texte  latin  de  cette  lettre  est  inédit. 


380  Appendice 

possunt  ea  scio  expectari  à  te  debere  universa,  quis  tamen  mortalium 
tantis  misteriis  pro  dignitate  exequendis  par  esse  queat  quibus  ipsi 
quoque  immortales,  ut  sanctè  vereque  profiteris,  omnino  sunt 
impares? 

Sed  tamen  non  potest  ea  res  facere  quominùs  tibi  gratulandum 
putem,  quamvis  ita  me  affectum  esse  deceat  ut  in  quo  salutis  tuae 
periculum  versari  dicis,  période  ego  debeam  ac  tu  ipse  laborare.  lUa 
enim  me  ratio  consolatur  qu^e  tibi  per  modestiam  tuam  fortasse 
minus  perspecta  est  :  quôd  ad  functionem  istam  probe  capessendam 
dignitatis  tantùm  adferas  quantum  humanae  condicionis  imbecillitas 
patiatur,  nec  quicquam  causas  sit  cur  in  eo  officio,  quod  tibi  cum 
tôt  sanctissimis  viris  commune  esse  voluit  idem  ille  Deus  optimus 
maximus  quem  tu  ut  debes  suspicis  et  vereris,  praecipua  quadam  so- 
licitudine  angi  velis  ;  nisi  forte  hominem  te  natum  pudet,  cui  nec 
satis  esset  humanam  condicionem  cum  angelica  commutasse  ut 
tanto  muneri  obeundo  sufficere  (quomodo  theologos  tuos  loqui  au- 
dio)  ex  condigno  posses. 

Te  tamen  maxime  commotum  esse,  ut  scribis,  non  solùm  patior 
libentissimè  sed  etiam  laetor.  Est  enim  id  prasclarum  eximiumque 
argumentum  et  amoris  tui  erga  Deum  maximi  et  observantiae , 
quando  nec  aliter  Deum  amare  nobis  concessum  est  quàm  timendo 
tremendoque,  nec  sacrosanctœ  religionis  nostras  arcana  sublimiùs 
venerari  quàm  enitendo,  quoad  ejus  facere  liceat,  ut  quae  ne  animi 
quidem  cogitatione  assequi  possumus,  verecundo  saltem  silentio  et 
admiratione  prosequamur.  Est  omnino,  ut  scis,  Divinae  Majestatis 
hoc  proprium,  ut  tum  maxime  amari  se  intelligat  cùm  timetur, 
agatque  nobiscum  tam  liberaliter,  ne  dicam  humaniter,  ut  timorem 
nostrum  pro  amore  habeat  et,  quod  est  consequens,  humilitatem  pro 
dignitate.  Longé  aliter  quàm  seculi  principes  facere  soleant,  qui  cùm 
amari  sine  timoré  possint,  timeri  tamen  quàm  amari  malunt  ;  unde 
illud  etiam  fit  ut  suorum  metum  pro  odio  nec  abs  re  habendum 
existiment. 

Atque  utinam  plerosque  in  consimili  causa  tui  simillimos  habe- 
remus.  Non  essent  in  sanctissimo  sacerdotum  ordine  tam  multi  qui, 
prôh  indignissimum  facinus  lachrymisque  sanguineis  expiandum  ! 
ad  ambiendum  sacerdotium  tam  inconsiderato  ferrentur  impetu, 
idque  assecuti  tam  irreligiosè  tractarent  ut  dici  nihil  possit  indignius. 
Putes  aut  nescire  eos  quis  Ille  sit  quem  quotidie  habent  in  manibus, 
aut  non  satis  compertum  habere  nihil  sacerdotio  majus  ac  divinius 
à  Deo  optimo  maximo  mortalibus  datum  esse.  Sed  quamquam  ita 
est,  nolim  tamen  sic  te  commoveri  ut  perturberis,  nisi  ea  fortasse 
perturbationis  specie  quae  divinae  gratiae  nuntia  esse  solet,  quamque 


Lettres  d'Antoine  Favre  381 

piorum  animis  tune  prascipuè  Deus  inserit  cùm  cœlestes  planeque 
divinas  iis  parât  consolationes.  Sic  Beatissimam  Virginem  in  Angeli 
sermone  turbatam  legimus  cùm  cogitaret  qualis  essct  salutatio  ;  sic 
dilectissimos  Apostolos  in  Transfigurationis  fidem  testes  adscitos 
cecidisse  in  faciès  suas,  cùm  ad  cetern^e  felicitatis  prœmia  gaudiaque 
jamjam  delibanda  essent  invitati  ;  sic  denique  mulieres  sanctissimas 
cùm  ad  sepulchrum  Domini  venissent  expavisse,  viso  Angelo  qui 
tam  optatum  gloriosissimœ  Resurrectionis  nuncium  adferebat. 

Ac  sanè  quid  esse  potest  quod  te  tantopere  debeat  conturbare  ? 
An  humanas  naturœ  infirmitas?  An  non  verô  et  hominem  te  nasci 
Deus  voluit  et  homines  illos  esse  per  quos  juge  illud  tremendumque 
sacrificium  offerretur?  An  ergo  indignitas  tua  cum  sacerdotii  digni- 
tate  collata?  At  hoc  ipso  dignum  te  facis  quod  indignum  esse  agnos- 
cis,  nec  tuas  est  pietatis  tam  inverecunda  verecundia  obsistere  ne 
quô  te  Deus  vocat  trahitque  ultrô  evehi  patiare.  Gaude  potiùs  quôd 
non  cum  terrestri  principe  tibi  res  est,  qui  quos  ad  dignitatem 
aliquam  immeritos  provehit  sic  ornare  nequeat  ut  ex  imperitis  eru- 
ditos  faciat  aut  ex  balbis  oratores  ;  sed  cum  Deo  illo  cui  non  sit 
difficilius  dignum  te  sacerdotali  dignitate  facere  quàm  dignitatem 
ipsam  conferre.  Idem  enim  ille  est  à  quo  evasit  disertissimus  qui 
legationem  imperanti  responderat  :  A,  a,  Domine^  nescio  loqui.  Idem 
ille  per  quem  tam  sanctus  fortisque  Rex  factus  est  qui  anteà  non  nisi 
belluis  imperare  didicerat.  Is  ipse  denique,  ne  caetera  congeram  quîe 
mihi  ex  officina  tua  petenda  essent,  cui  inculta  piscatorum  simpli- 
citas  pro  sapientia  fuit  ad  profligandam  philosophorum  insaniam. 

Quare  cùm  ad  istam  omnium  optimam  vitœ  rationem  sis  vocatus, 
tanquam  Aaron,  in  eoque  proprium  habeas  conscientice  tu«  testi- 
monium  (taceoenim,  quod  sciunt  omnes  qui  te  norunt,  quot  quan- 
tisque  difficultatibus  impediri  poteras  ne  tam  sanctum  institutum 
susciperes  aut  in  suscepto  eo  perstares  nisi  te  solus  divini  amoris 
ardor  inflammasset),  quid  aliud  optandum  tibi  aut  faciendum  res- 
tabat  nisi  ut  vero  nostro  Aaroni  sacerdotem  te  exhiberes  secundum 
ordinem  Melchisedech  ? 

At  ridiculus  plané  sum  qui  theologum  ago,  leviaque  héec  mitto 
ad  te  cui  longé  preciosiora  domi  nascuntur  ;  quamquam  ut  ineptire 
audeam  cogis  tu  qui,  in  tanta  celestium  beneficiorum  abundantia 
quantam  tibi  jam  obtigisse  credendum  est,  non  solùm  participem  me 
habere  vis  consiliorum  tuorum  et,  quod  amicius  est,  intimiorum  (sic) 
affectuum,  verum  etiam  adjutore  met  quasi  consolatorem.  In  quo  etsi 
nihil  me  praestare  posse  sentio  quod  vel  tua  erga  Deum  pietate  vel 
mea  in  te  voluntate  dignum  videri  debeat,  putavi  tamen  faciendum  uti 
quantum  in  me  esset  animum  tibi  declararem  meum,  ut  intelligeres 


382  Appendice 

si  quantum  tibi  me  hoc  nomine  pro  tanta  benevolentiœ  significatione 
debere  agnosco,  tantundem  referre  possem  non  magis  voluntatem 
mihi  quàm  facultatem  defuturam.  Igitur,  quod  facere  et  possum  et 
debeo,  non  te  hortabor  ad  istam  dignitatem  sic  tuendam  tractandam- 
que  ut  appareat  dignitatis  functionem  tibi  cum  multis  communem 
esse  functionis  verô  dignitatem  cum  paucis  (neque  enim  tu  is  es  qui 
moneri  aut  excitari  debeas),  sed  illum  ipsum  Christum  qui  sacrifi- 
cator  tecum  erit  supplex  orabo,  ut  qui  tam  sancti  propositi  autor 
fuit  idem  sit  et  adjutor  perpetuus  et  remunerator,  tantaeque  pietatis 
fructus  in  dies  tibi  praestet  uberiores  et  cumulatiores,  in  annos  lon- 
gissimos  sola  œternitatis  commutatione  fmiendos. 

Videbo  te,  ut  spero,  propediem  et,  si  me  nihil  fallet,  tam  oppor- 
tune fortassis  ut  primis  sacrorum  tuorum  solennibus  adesse  possim. 
Q.uod  si  accidet,  non  tantùm  in  felicitatis  tuœ  partem  venisse  me 
putabo,  verùm  etiam  pro  animorum  nostrorum  conjunctione  felici- 
tatem  tuam  quanta  tota  erit  in  me  transfudisse  si  non  invidebis. 
Invidendi  verô  causa  non  suberit  si  cogitabis  eodem  prorsus  jure 
quaecumque  mea  erunt  tibi  etiam  fore  communia.  Itaque  me  expecta, 
et  benè  vale. 

Datum  Cliamberii,  13  calend.  Januarii  1594. 

Vide  p.  84.  His  jam  scriptis  accepi  literas  à  Girardo  nostro  *  quibus  mirum  in 

modum  et  gratulatur  sibi  et  agit  milii  gratias  de  singulari  tua  erga 
se  voluntate.  Quantum  autem  tibi  debere  putet,  etsi  pluribus  ad  me 
scribit,  malo  tamen  ex  ipsius  te  literis  quàm  ex  meis  cognoscere 
Iterùm  vale,  mi  amicissime,  et  me  ama. 

A  Monsieur 

Monsieur  De  Sales, 
Prévost  en  l'Esglise  Cathédrale  de  Sainct  Pierre  de  Genève. 

A  Necy, 

Revu  sur  l'original  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


VI 


Chambéry,   31  mars  1594. 


Fratri  dulcissimo  Francisco  De  Sales,  EcclesicT  Gebenensis  Prc-eposito, 
Antonius  Faber  salutem  dicit. 

Vide  Epibi.  XIX,  XX.        *  Silentii  mei  votum,  ut  ego  nunc  quidem  agnosco,  improbum  fregit 
lectio  tuarum  literarum,  ex  quibus  cognovi  in  tanta  ista  taciturnitate 


Lettres  d'Antoine  Favre  383 

nihil  minus  quàm  tacendi  animum  te  in  votis  habuisse.  Itaque  re- 
scribo  ad  te,  ut  intelligas  id  unum  mihi  votum  esse  foreque  perpe- 
tuum,  ut  voluntates  et  actiones  meas  omnes  ad  exemplum  tuum 
accommodem. 

De  Tullianorum  negotio  *  quod  habes,  gratiam  facis  tu  liberaliter,    '  V''^^  pp-  53-  57 
qui  in  beneficiorum  loco  ponis  officia  qucC  à  me  sine  scelere  prœter- 
mitti  non  potuerunt.  In  Millierei  *  causa  feci  quod  imprœsentiarum   ,  vide  p.  :;8. 
fieri  potuit,  curaboque  in  caeteris  omnibus  ut  commendationis  tu£e 
memoriam  sentiat  apud  me  manere  alta  mente  repostam. 

De  mea  ad  vos  profectione  nihildum  habeo  constituti,  sed  si  quid 
me  morabitur,  tuum  erit  quam  mihi  jam  pridem  dedisti  fidem  prœ- 
stare  et  ad  nos  venire  ;  liic  enim  videre  te  quàm  Necii  malo. 

Intereà  benè  vale  et  in  Christo  Jaetus  sanusque  vive. 

Ex  urbe  et  ex  tempore  pridie  calend.  Aprilis  1594. 

A  Monsieur  et  Frère, 

Monsieur  De  Sales, 
Prévost  en  l'Esglise  Cathédrale  de  Sainct  Pierre  de  Genève. 
A  Necy. 

Revu  sur  l'original  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy, 


VII 

Chambéry,  2  septembre  1594. 

Fratri  suavissimo  Francisco  Salesio, 
Ecclesice  Gebenensis  Episcopo  et  Principi  designato, 
Antonius  Faber  salutem  dicit. 
Benè  vale,   Frater  dulcissime,   suavissime,    mellitissime,  iterum 
atque  iterum  vale.  jamjàm  ad  te  advolo,  quando  terrestre  iter  in 
tanta  imbrium  abundantia  nullum  superest.  Non  possim  ad  te  aut 
scribere  breviùs,  aut  ire  citius.  Ego  valeo  ;  benè" est  si  vales.  Iterum 
ergo,  tu,  cum  Salesiistuis  Salesianisque  omnibus,  benè  vale. 
Ex  urbe,  4  non.  Septembris94. 
Ad  literas  tuas  quia  non  rescribo,  quàm  primùm  ex  ore  respondebo. 

A  Monsieur  mon  Frère, 

Monsieur  De  Sales, 
Prévost  de  l'Esglise  Cathédrale  de  Sainct  Pierre  de  Genève. 

A  Necy. 

Revu  sur  l'original  inédit,  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


384  Appendice 


VIII 


Bonneville,  27  septembre  1594. 


(i)Fratri  dulcissimo  Francisco  De  Sales,  EcclesiaGebenensisPrœposito, 
Antonius  Faber  salutem  dicit. 

Vide  Epist.  xxxiii.  *  Nihildum   habebam  quôd  ad  te  scriberem,  Frater  dulcissime, 

cùm  haec  mihi  tam  prœclara  sese  obtulit  scribend:  occasio,  nisi  hoc 
ipsum  quôd  nihil  habebam.  Cur  enim  certiorem  te  faciam  quan- 
tum ex  absentia  tua  mœroris  contraxerim  ?  Id  ita  futurum  esse,  et 
ego  jam  tibi  praedixeram,  et  tu,  etiam  tacente  me,  credere  non  solùm 
potes  sed  etiam  debes. 

Nebulones  istos  Deus  malè  perdat  si  diutius  in  tenebris  versabun- 
tur,  quarum  fugandarum  gratia  lux  mihi  mea  erepta  est  !  Quam- 
quam  id  ipsum  est  quod  me  maxime  consolatur,  quôd  de  praclaris 
tuis  conatibus  tam  benè  spero  quàm  qui  optimè,  nec  dubito  quin 
tuam  et  industriam  et  diligentiam,  sed  pr^cipué  pietatem,  Deus 
optimus  maximus  sit  fortunaturus. 

Mitto  ad  te  versiculos  quibus  ex  itinere  in  hiereticos  seriô  jocatus 

Vide  p.  91.  sjjrn  ;  si  e  re  videbitur  ut  eos  Baroni  nostro*  legendos  exhibeas,  non 

recuso.  Sed  illud  etiam  à  te  peto,  ut  emendes  quae  putabis  et  elegan- 
tiùs  scribi  potuisse  et  argutiùs;  vellem  enim  dignos  fieri  qui  ubique 
gentium  legerentur  ac  insculperentur.  Prcetermittebam  quôd  scire 
te  non  nihil  interest,  quamquam  nec  erit  novum  :  hodie,  si  Deus 
volet,  senator  noster  D.  Rogetus,  qui  te  salvere  et  bono  animo 
esse  jubet,  mecum  ad  parentes  nostros  Salesium  versus  proficiscitur. 
Rem  faciemus,  ut  confido,  parentibus  gratissimam,  mihi  verô  tanto 
jucundiorem  quanto  suaviorem  apud  vos  experiar,  non  tantùm  nomi- 
nis  tui  recordationem,  sed  ipsam  quoque  penè  expressam  in  materna 
facie  vultus  tui  imaginem. 

Benè  vale,  Frater  dulcissime,  et  me,  ut  soles,  ama. 
Ex  Bonavillano  oppido,  5  calend.  Octobris  1594. 

Monsieur  mon  Frère, 

Monsieur  De  Sales, 
Prévost  de  l'Esglise  Cathédrale  de  Sainct  Pierre  de  Genève. 

A  Chablaix. 

Revu  sur  le  texte   inséré  dans  le  I'^''  Procès  de  Canonisation, 
(i)  Cette  lettre  est  inédite,  sauf  le  deuxième  alinéa. 


Lettres  d'Antoine  Favre  385 


IX 


Annecy,  10  octobre  i5<)4. 


(0  Fratri  dulcissimo  Francisco  Salesio, 
Ecclesiae  Gebenensis  Prœposito  et  Pontifici  designato, 
Antonius  Faber  salutem  dicit. 

Nequedum  habui,  Frater  charissime,  cui  poterim  literas  ad  te  dare 
neque  occurrebat  ferè  quod  scriberem.  Nam  qua2  de  sacrosancti  Epis- 
copi  nostri*  optimorumque  omnium  gratulatione  scribi  possunt,  ea  '  vide  p.  94. 
tu  et  reputare  tecum  pro  prudentia  tua  debes  et  ex  consobrini  tui 
fidelissimi  relatione  jam  cognoscere  potuisti  ;  quœ  vero  proprie  mea 
sunt,  id  est,  quàm  ex  absentia  tua  dolorem  capio,  etsi  non  ab  alio 
quàm  à  meipso  te  intelligere  œquum  est ,  vereor  tamen  ne  videar 
importunus  si  hanc  amoris  erga  te  mei  significationem  adferam, 
quae  tam  insigne  pietatis  tuse  officium  aut  quam  ex  ofFicio  percipis 
voluptatem  incommodé  interpellât. 

lUud  scito  in  summa  omnium  expectatione  esse  quid  praeclarus 
iste  conatus  enixurus  sit  ;  non  quôd  quisquam  verendum  existimet 
ne  tu  ea  omnia  pr^estare  non  possis  qu^e  ab  eximio  et  omni  ex  parte 
prccstantissimo  viro  expectari  debeant,  sed  quoniam  tibi  cum  eo 
génère  hominum  res  est  ut  verendum  sit  potiùs  ne,  cùm  omnia 
praestiteris,  margan'tns  ante  porcos  sparsisse  videaris.  Itaque,  sic  ple- 
rosque  omnes  affectos  video  :  ut  si  féliciter  res  cedet ,  laudatores 
habiturus  sis  etiam  improbos  et  perditos  viros,  non  laudandi  tui 
studio  vel  impetu  elatos,  quod  esset  infamias  proximum,  sed  virtutis 
veritatisque  viribus  fractos;  sin,  quod  abominor,  aliter  eveniet,  boni 
sanè  conatum  laudabunt  nec  nisi  hîereticorum  insaniam  accusabunt, 
pessimi  temeritati  tribuent  quod  industrice  potiùs  et  charitati  Chris- 
tiancc  acceptum  ferre  deberent  ;  omnes  plane  fatebuntur,  neque 
animum  tibi  defuisse  ad  audendam  rem  maximam  neque  ingenium 
ad  agendam,  sed  seculi  potiùs  felicitatem  ad  peragendam.  Nec  uUos 
ferè  puto  tam  iniquos  bonarum  rerum  et  alienae  solertiœ  aestimatores, 
ut  non  plus  tibi  laudis  ex  propria  industria  quàm  opprobrii  ex  aliéna 
infamia  accedere  debere  existiment. 

Me  hoc  unum  malè  habet  quôd  parentem  nostrum  optimum  de 
tua  salute  adeo  anxiè  laborare  animadverto,  ut  vix  persuaderi  à  me 

(  I  )  Les  cinq  premières  lignes  de  cette  lettre,  ainsi  que  les  lignes  6-9  et 
13-33  de  la  page  suivante  sont  inédites. 

Lettres  I  35 


386  Appendice 

possit  nullo  te  ingeri  periculo,  ac  ne  quidem  (sic  enim  existimo) 
uUa  periculi  suspicione.  Confirmo  tamen,  quantum  in  me  est,  et 
bono  animo  esse  jubeo,  id  saepissime  adseverans,  de  quo  te  non  puto 
dubitare,  numquam  me  abs  te  discessurum  fuisse  si  quam  tibi  vel 
minimam  suspicandi  periculi  causam  relictam  existimassem. 

Ego  te  proxima  ut  spero  hebdomade  videbo,  et  ut  patri  tuisque 
omnibus  restituam,  dabo  operam  ut  successorem  habeas  Spiritum 

•  Vide  p.  237.     ■        Cappucinum  "^j  jamjam  hune  venturum,  et  si  qui  alii  erunt  (neque 

enim  adhuc  exploratum  Iiabeo)  quos  Episcopus  noster  in  locum  tuum 
substituere  volet.  Te  intérim  valere  et  bono  animo  esse  cupio  ;  nam 
si  juberem,  vereor  ne  tu  me  gallicè  potiùs  quàm  latine  locutum 
putares,  quasi  prudentiœ  et  Constantin  tuœ  diffiderem,  quae  mihi 
omnium  maxime  est  explorata.  Quid  tamen  hactenus  profeceris,  aut 
in  posterum  profici  posse  speres,  vellem  jam  ex  tuis  literis  intel- 
lexisse  ;  gratissimum  erit  si  quod  tuo  commodo  facere  poteris  non- 
nihil  ad  me  de  eo  rescribes  ;  versor  enim  in  maxima  animi,  non 
solùm  anxietate  sed  etiam  perturbatione,  non  tam  quôd  hinc  absis, 
quàm  quia  tibi  adesse  non  possim,  tecumque  et  diligentiœ  et  periculi 

*  Cf.  Digest.,  1.  XVII,    societatem  inire,  ne  alioqui  Jcoiiiiiain*  contraxisse  videar,  si  nulla 
1 .  II,  ex  29.  laboris  et  incommodi  parte  suscepta  laudis  tuœ  particeps  fieri  velim. 

•  Vide  p.  £1.  Mitto  ad  te  Locatelli  nostri  *  literas,  tui  meique  amantissimas,  ut 

quando  aliter  non  possum  amicissimi  fratris  memoria  te  oblectem. 

*  Vide  p.  108.  Baroni  nostro,  Domino  Servetano  *  Cceterisque  nobilissimis  viris  quos 

nunc  in  castris  habes,  plurimam,  si  placet,  sed  consobrino  tuo  meo- 
que  Salesio  potissimam  salutem. 

Benè  valc,  Frater  suavissime,  et  quo  graviore  urgeris  hœreticorum 
numéro,  eo  magis  crede  me  tibi  et  amicissimum  esse  et  nil  morante 
locorum  intervallo  conjunctissimum.  Iterum  vale. 

Ex  tempore,  Necii,  6  idib.  Octobris  1594. 

A  Monsieur  mon  Frère, 

Monsieur  De  Sales, 
Prévost  de  l'Esglise  Cathédrale  de  Sainct  Pierre  de  Genève. 
Aux  Allinges. 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  le  P'"  Procès  de  Canonisation. 


Lettres  d'Antoine  Favre  587 


X 

Annecy,  31  octobre  1594- 

(  I  )  Fratri  suavissimo  Francisco  De  Sales, 
Ecclesi^  Gebenensis  Prasposito  et  Pontifici  designato, 
Antonius  Faber  salutem  dicit. 

*Cùm  hcec  tibi  epistola  reddetur,  mi  Frater,  cupio  magnoperè  ne  'Vid.Ep.xxxvi.xxxvn. 
ad  risum  paratus  sis  et  solutus.  Ego  enim  nudis  ut  aiunt  lentibus 
video  ;  ita  undique  occurrunt  lœta  omnia  quse  scribam.  Primum 
illud  est  quôd  tuas  accepi  literas  dulcissimas,  suavissimas  et,  ut  meis 
mala  fide  tametsi  bona  mente  objicis,  Ciceronianas  plané,  quando 
non  pateris  ut  dicam  Athenienses  ;  quid  enim  mihi  potuit  esse  jucun- 
dius?  Prsesertim  exilla  parte  qua  significas  id,  de  quo  non  dubitabam, 
nec  ullam  te  scribendi  occasionem  prastermissuram  nec  amandi  mei 
finem  umquam  facturum  esse  ;  nam  caetera  quœ  tu  tam  faciliter  et 
eleganter  de  vale  nostro  gallicè  latineque  rescribis,  etsi  demulcent 
mirum  in  modum,  ne  tamen  tam  jucunda  esse  possint  illud  facit  quôd 
absentiae  nostrae  memoriam  efficaciùs  rénovant,  nec  patiuntur  ut  tam 
facile  mihi  possim  imponere  cùm  te  praesentem  videri  volo. 

Secundum  est  quod  scire  te  mea  refert.  Natus  est  nobis  felicis- 
simo  partu  filius,  junior  (dicamne  an  senior  ?)  mense  uno  quàm 
speraram,  neque  enim  partum  ante  calend.  Decembris  expectabam. 
Quôd  nobis  non  mihi  natum  dico,  quamquam  mirari  non  potes  qui 
omnia  mea  tecum  communia  esse  jampridem  voluisti,  minus  tamen 
miraberis  cùm  pulcherrimum  et  suavissimum  (sic  enim  adrelatum 
est)  videbis  ;  patrem  namque  in  eo  ut  te  habeat  necesse  est  qui  me 
habere  non  potest.  Optabam  mirabiliter  ut  si  pater  videri  nolles,  ne 
multorum  qui  nostram  illam  mirificam  unitatem  minus  norunt  ani- 
mos  oflfenderes,  compater  saltem  esses,  ne  unum  hoc  vinculum  con- 
junctioni  nostras  deesset,  melioribus  licet  ac  fortioribus  coUigats  ; 
sed  occupavit  Guichardus  noster*,  cogitque  ut  in  annum  proximum  *  Vide  p.  96. 
necessitudinis  hujus  accessionem  differri  oporteat,  quam  tamen  jam 
inde  ab  hac  hora  volo  te  pro  petita  habere,  cùm  habeam  ego  pro 
impetrata. 

Tertium  est  quod  te  scire  volo.  Egi  cum  pâtre  nostro  observantis- 
simo  de  canonicatu,  et  qua  ille  est  in  omnes  humanitate  et  erga  me 
propensione  obtinui  facillimè  quae  volebam,  factus  paulo  impuden- 
tior  in  tam  aperta  tuisque  literis  tam  mirificè  expressa  voluntatis  erga 

(i)  Cette  lettre  est  inédite, snuflecinquicnie,  le  sixième  et  le  septième  alinéa. 


388  Appendice 

•  Vide  p.  96.  Rolandum*tuae  significatione.  Rei  executio  in  Decembrem  proximum 

dilata  est,  quôd  eo  mense  ut  audio  canonicatuum  vestrorum  collatio 
ad  vos  pertineat.  Faciam  ut  Rolandus  noster  intelligat  non  solùm 
peracta  féliciter  omnia,  sed  etiani  quantum  tibi  hoc  nomine  debeat, 
quantum  etiam  patri,  qui  Domini  de  Sacconex  precibus  urgebatur 

•  Cf.  p.  305.  ut  fratrem  suum  Comitem  Lugdunensem  *  honore  isto  dignaretur. 

Non  te  pœnitebit  collati  in  amicissimum  tuique  amantissimum  vi- 
rum  beneficii  ;  qui  sicut  de  tuo  erga  se  studio  numquam  dubitavit, 
ita  sibi  facile  persuasit  neque  alio  quàm  te  apud  patrem  intercessore 
neque  uUo  sibi  apud  te  adjutore  opus  esse;  officium  tamen  meum 
imploravit  ideo  fortasse  ne  inviderem  si  tuus  magis  esse  vellet  quàm 
meus,  aut  potiùs  ut  socium  obligationis  sibi  quaereret,  nimis  (minus  ?) 
suis  fidens  facultatibus  quàm  ut  tantum  tibi  solus  debere  vellet. 

Restât  ut  Necio  tuo  discedens  salutem  tibi  plurimam  impertiam. 
Vale  enim  non  dicam,  ut  agendum  aliquid  supersit  quod  me  hue 
proximo  quoque  tempore  reducem  faciat.  Nec  rursus  îequum  est  ut 
absente  me  valere  te  jubeam  qui  absente  te  vix  valere  possim  ;  prcc- 
sertim  mense  proximo,  quo  neque  tecum  vivere  licebit  neque  cum 
uxore  dormire,  nisi  forte  postremum  hoc  potiùs  ad  valetudinem 
meam  conférât.  Quo  magis  asquum  erit,  quantum  otii  et  commodi 
uxoris  accubitus  afferet  tantùm  me  conscribendis  expediendisque 
Vide  p.  180.  Conjecturis  nostris  *  impendere. 

Faciam  te  de  omnibus  certiorem,  habeboque  ut  spero  crebriores 
post  hac  tabellarios,  qui  meas  ad  te  literas  perferant,  non  in  istam 
solitudinem  in  qua  nunc  degis,  sed  in  urbem  hanc,  ad  quam  te  brevi 
ut  pr^video  revocabit,  non  solùm  parentis  nostri  observantissimi 
votum,  sed  etiam  et  Episcopi  amantissimi  jussus.  Sic  enim  inter  eos, 
me  présente,  multis  sermonibus  actum  est  de  te  revocando  tibique 
dando  successore.  Miram  animadverti  patris  impatientiam,  dùm  et 
saluti  tuœ  diffidit  et  se  diutiùs  tantis  Baronis  nostri  erga  te  beneficiis, 
aut  potiùs  officiis,  onerari  premique  molesté  fert.  Episcopus  pro  sua 
prudentia  verebatur  ne  multùm  de  tuis  laudibus  detraheretur,  si  quo 
tempore  magis  enitendum  esset  ut  pietatis  industriœque  tuae  fructus 
aliquis  constaret,  eam  de  te  homines  opinionem  conciperent  ut  pera- 
gendi  animum  tibi  potiùs  quàm  facultatem  defuisse  suspicarentur. 

Ego  verô,  cujus  maxime  interest  non  tantùm  te  salvum  esse,  sed 
etiam  sic  de  me  sentire  ut  neque  minus  te  amare  videar  quàm  à  pa- 
rente ipso  ameris,  neque  minus  prudens  providensque  quàm  senato- 
rem  deceat,  id  unum  verebar  :  ne  aut  minus  amare  viderer  parenti 
nostro  si  cum  Episcopo  sentirem,  aut  minus  prudens  Episcopo  si 
parentis  consilium  adprobarem.  Dixi  tandem  videri  mihi  totam  rem 
istam  tui  esse  debere  consilii  et  judicii,  ut  si  nihil  istic  profici  posse 


Lettres  d'Antoine  Favre  389 

videres,  majorem  salutis  tuae  paternique  desiderii  quàm  tuae  laudis 
rationem  haberes  (neque  enim  dubito  quin  ex  conatibus  istis,  tametsi, 
quod  abominer,  irriti  forent,  eo  major  tibi  laudis  materia  paretur 
quo  longiores  erunt  et,  utita  dicam,  quando  tibi  cum  obstinatissimis 
res  est,°obstinatiores),  sin  verô  benè  sperares,  non  committeres  ut 
ex  pr^ecipuis  laboribus  et  victoriis  tuis  successori  tuo,  quisquis  ille 
futurus  sit,  triumphus  qusreretur,  sicut  etiam  quod  te  magis  ut  scio 
movebit,  lît  tanti  momenti  res  prospéré  inchoata  successoris  tui  sive 
inscitia  sive  minus  felici  industria  concideret. 

Vides  quàm  egerim  ex  bona  fide  et  ut  amicum  decebat,  qui  adver- 
sus  mea  commoda  pro  tua  dignitate  etiam  contra  patrem  laborarim. 
In  quo  tamen  satis  mihi  fuit  officio  paruisse,  succubuisse  verô  etiam 
perjucundum.  Placuit  enim  communibus  utriusque  parentis  votis, 
nec  me  valdé  répugnante,  ut  jamjam  redire  et  successorem  accipere 
jubereris.  Cupio  ex  tuis  literis  intelligere  quid  tu  aut  feceris  aut  facere 
constitueris  ;  mihi  probabuntur  omnia  quas  tu  e  re  et  dignitate  tua  esse 
putabis,  si  tamen  primœ  salutis  tu3equae  mihi  meacharior  est  habueris 
ut  par  est  rationem.  Bené  vale,  mi  suavissime,  et  me,  ut  facis,  ama. 
Necii,  pridie  calend.  Novembris  1594. 

Endo  procinctu.  Baronem  nostrum,  Servetanum  cseterosque  no- 
biles  salutatos  velim,  sed  praecipuo  quodam  studio  nostrum  conso- 
brinum.  Iterum  vale,  sed  ita  ne  vale  tibi  à  me  dictum  putes. 
A  Monsieur  mon  Frère, 

Monsieur  De  Sales, 
Prévost  de  l'Esglise  Cathédrale  de  Sainct  Pierre  de  Genève. 
Aux  Allinges. 
Revu  sur  le  texte  inséré  dans  le  I"  Procès  de  Canonisation. 


XI 

Chambéry,  8  novembre  159^. 

Fratri  dulcissimo  Francisco  De  Sales. 
Ecclesi^  Gebenensis  Praeposito  et  Pontifici  designato, 
Antonius  Faber  salutem  dicit. 
*  Ovabam,  môx,  ut  mihi  videbar,  triumphaturus  de  Thononiensi-   •  vide  Epist.  xxxv,. 
bus,  Frater  suavissime,  cum  primam  literarum  tuarum  legerem,  in 
qua  scriptum  erat  magno  te  et  prœcipuo  quodam  ab  lis  beneficio 
aflfectum  esse  :  postea  verô  quàm  ex  reliqua  lectione  comperi  quid 
sentires,  in  eo  uno  scilicet  de  te  benè  meritos  Thononienses  quod 
quidam  ex  iis  meas  tibi  literas  reddiderat,  cognovi  quàm  parùm  tibi 


390  Appendice 

mihique  de  istorum  animis  studiisque  sperare  liceat,  si  tam  levé,  in 
re  tam  pusilla  officium  magni  beneficii  loco  constituendum  videatur. 

Facis  tamen  tu  non  solùm  liberaliter,  sed  etiam  Christianè, 
utrumque  autem  ex  bona  fide,  qui  et  magna  putes  omnia  quse  à  me 
ad  te  proficiscuntur,  nec  prius  de  perditissimorum  hominum  salute 
desperare  velis  quàm  desperandi  fmem  perditio  ipsa  afferat.  Est  sané 
quôd  ils  habeam  gratiam  de  meis  literis  tam  fidellter  tibi  redditis  ; 
nam  cùm  vix  ignorare  possint  quanta  sit  inter  nos  animorum  volun- 
tatumque  consensio,  credibile  est  non  valdè  tibi  infestes  esse  qui 
erga  me  adeo  fuerint  officiosi. 

Scripsi  ad  te  non  ita  dudùm  quid  de  toto  isto  negotio  parens  noster 
suspicaretur,  quid  Episcopus  speraret,  denique  quid  ego  sentirem. 
Non  patiuntur  temporis  angustiîe  quibus  premor  ut  vel  repetam  vel 
pluribus  me  explicem,  pr^sertim  cùm  nec  sit  necesse  :  neque  enim 
dubito  quin  tibi  literœ  meas  redditce  sint,  tuque  pro  singulari  pru- 
dentia  tua  jam  ex  te  constitueris  quid  me  tibi  consulere,  hoc  est, 
quid  te  facere  opporteret,  prius  etiam  quàm  literas  meas  accepisses. 
Jam  intelligere  cupio  quid  feceris  aut  faciendum  decreveris. 

Mitto  ad  te  Patris  Clierubini  literas,  mihi  nudius  tertius  redditas, 
quas  vir  ille  optimuset  religiosissimus  milii,  ut  videbis,  tecum  com- 
munes esse  voluit,  in  hoc  uno  fortassis  minus  cautus,  quôd  universa- 
lem  illam  bonorum  nostrorum  omnium  communionem  quàm  habet 
perspectissimam  ignorasse  videatur.  Reddes,  si  placebit,  cùm  perle- 
geris,  et  mittes  quas  ad  Guichardum  nostrum  dare  te  velle  profiteris  ; 
eas  ut  ille  accipiat  curabo  majore  quàm  anteà,  non  fide,  sed  dili- 
gentia.  Ut  verô  gratas  habeat,  facile  impetrabit  non  tantùm  summus 
erga  te  amor  suus,  sed  etiam  mellitissima  illa  eloquentia  quœ  Thono- 
niensium  quoque  barbaros  licet  animos  alliceret  et  conciliaret,  si  tam 
faciles  illi  se  auditores  praeberent  quàm  te  disertum  et  efficacem  ora- 
torem  experirentur. 

Uxor  mea  et  filioli  omnes  benè  valent,  teque  salutant  quotquot 
loqui  sciunt  ;  ego  pro  me  meisque  omnibus  tantam  tibi  salutem 
dico  quanta  non  possim  mihi  meisque  omnibus  majorem,  conso- 
brino  nostro,  quando  per  te  licet,  nec  minorem.  Benè  vale,  mi  sua- 
vissime,  et  Fabrum  tuum,  ut  facis,  ama. 

Ex  urbe,  6  idib.  Novembris  1594. 

A  Monsieur  mon  Frère, 

Monsieur  De  Sales, 
Prévost  de  PEsglise  Cathédrale  de  Sainct  Pierre  de  Genève. 

Aux  Allinges. 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  les  deux  Procès  de  Canonisation. 


Lettkes  d'Antoine  Favre  39' 


XII 


Chambéry,  2 s  novembre  1794- 

Fratri  suavissimo  Francisco  De  Sales, 
Ecclesis  Gebenensis  Pricposito  et  Pontifici  designato, 
Antonius  Faber  salutem  plurimam  dicit. 
De  tuo    mi  Frater,  ad  Necienses  nostros  reditu,  etsi  ex  multorum 
sermonibûs  audiebam,  ne  tamen  facile  possem  credere  illud  fac.ebat 
quôd  nullis  à  te  literis  de  eo  certior  factus  essem,  quas  cuni  multis 
de  causis  avidissimè  expectabam,  tum  ob  hoc  maxime  "t  sc.rem  ve- 
nisses  ne  tantum  an  etiam  rediisses.  Occurrebat  enim  quod  de  Attilio 
Reaulo  apud  Pomponium  nostrum  quodam  loco  légère  memmeram, 
cum  à  Carthaginensibus  Romam  missus  esset,  non  visum  eum  post- 
liminio  rediisse,  quia  dixerat  se  reversurum  nec  anmiam  habuerat 
Romœ  remanendi.  Etsi  namque  subverebar  ne  qua  tempons  proro- 
gatio  et  desiderio  meo  et  labori  tuo  accederet,  malebamque  te  ubivis 
gentium  quàm  inter  perditos  et  desperatos  istos  helluones  vivere, 
tamen  non  dubitabam  quin  si  quid  aut  jam  proficeres,  aut  longiore 
molestia  profici  posse  sperares,  nihil  tibi  adeô  durum  aut  diflFici  e 
videretur  quod  non  facile  concoqueres,  ne  tam  prseclan  mstitut,  te 

umquam  pœniteret. 

Nunc  verô  mirificam  capio  voluptatem  ex  constantia  consilu  tui. 
cujus  audio  majores  quotidie  fructus  tibi  totique  Reipubl.cœ  Chns- 
tianœ  constare,  inclinata  jam  ad  partes  nostras  Victoria,  paratoque 
triumpho  de  Avullœo  csterisque  non  minorum  dumtaxat  gentium, 
utsibi  videntur,  diis,  sed  melioris  etiam  notae  adversarus  ;  quorum 
alios  intelligo,  argumentorum  tuorum  sola  recitatione  fractos,  aspec- 
tum  congressumque  tuum  fugere,  (quid  verô,  Deus  bone  !  si  dicen- 
tem  et  disserentem  audissent  ?)  alios,  oblat^  disputationi  impares, 
scripto  agere  decrevisse,  hoc  ipso  impudentes  quôd  chartam,  quam- 
tumvis  mendacem  et  impudentem,  non  putant  erubescere  posse. 

Sed  h^c  omnia,  c^eteraque  hujus  generis  quœ  me  singulari  oblec- 
tatione  afificiunt,  essent  multo  jucundiora  si  mihi  per  te,  non  per 
alios,  essent  explorata.  auamquàm  enim  te  scio  eum  esse  qui  laudes 
tuas  ne  audire  quidem  libenter,  narrare  verô  multo  minus  velis, 
tuam  tamen  modestiam  hac  in  re  illud  frangere  deberet  quôd  de  11s 
nihil  possis  detrahere  quin  tantumdem  ferè  ex  Dei  optimi  maximi 
gloria,  ad  quam  omnia  ut  debes  refers,  detrahatur. 

De  me  nihil  est  quod  scire  te  putem  oportere.  auid  enim  publicas 


392  Appendice 

privatasque  de  temporum  injuria  querelas  ad  te  deferam,  aut  cur 
Vide  p.  70,  not.  (1).  velut  in  picta  tabula  ponam  tibi  ante  oculos  profugam  ad  me  socrum  * 
cum  liberis,  quos  misera  nostra  tenebat  Sebusia,  amissos  biennii  ferè 
integri  redditus  et  facultates  penè  omnes  quae  per  lasciviam  exercitus 
eripi  diripique  potuerunt,  caeterarum,  quarum  amissio  paulô  difFici- 
lior  est,  jacturam  nec  dubiam  ab  hostibus  imminentem  ? 

Malo  te  ista  vel  omninô  nescire,  vel  ex  verbis  quàm  ex  literis  meis 
intelligere,  ne  tu  pro  singulari  tua  erga  me  voluntate,  magis  mea 
causa  commoveare  quàm  ego  ipse,  qui  fero,  non  dicam  omninô  cons- 
tanter  et  indolenter,  sed  tamen  ita  moderatè  ut  appareat  «  nihil  me 
Vide  p.  113.  humani  à  me  alienum*  »  putare  ;   nam  prêter  id  quôd  jam  inde  à 

multis  annis  omnimodo  eventura  ista  praevideram,  nisi  Deus  à  nobis 
averteret  quem  ipsum  nos  à  nobis  avertimus,  illa  quoque  me  non 
parùm  juvat  consolatio,  miserrima  quidem  sed  tamen  efficacissima, 
tôt  tantisque  nos  infortuniis  premi  non  posse  ut  non  plura  gravio- 
raque,  et  pati  possimus  et  expectare  debeamus. 

Magis  me  illud  afficit  et  perturbât  quôd  nos  omnes  video  in  com- 
munibus  maximisquepericulis  versari,  ipsamque  rempublicam,  cujus 
malis  et  incommodis  non  moveri  tam  sit  insipientis  quàm  moveri 
propriis.  Erit  mihi  adversùs  ingruentia  omnia  praecipuum  solatium, 
si  tu  me  amare  perges  et  votis  tuis  piisque  ad  Deum  optimum  maxi- 
mum precibus  adjuvare,  literis  quoque  et  exhortationibus  ad  miserias 
istas  publicas  privatasque  tolerandas,  quanta  poteris  ope  ac  diligentia 
confirmare.  Itaque  tuas  literas  quàm  primùm  expecto. 

Bené  vale,  Frater  suavissime,  et  consobrinum  nostrum,  itemque 
D.  Servetanum,  caeterosque  nostri  amantissimos,  meo,  si  placet,  no- 
mine  salvere  jubé. 

Ex  urbe,  7  calend.  Decembris  1594. 

Monsieur  mon  Frère, 

Monsieur  De  Sales, 
Prévost  de  l'Esglise  Cathédrale  de  Sainct  Pierre  de  Genève. 

A  Thonon. 

RcYU  sur  le  texte  inséré  dans  les  deux  Procès  de  Canonisation. 


Lettres  d'Antoine  Favre  393 


XIII 


Chambéry,  5  décembre  159J. 

(I)  Fratri  suavissimo  Francisco  De  Sales, 
Ecclesias  Gebenensis  Prœposito  et  Pontifie!  designato, 
Antonius  Faber  salutem  dicit. 

*  Penè  accidit,  mi  Frater,  ut  proficiscenti  ad  te  Locatello  nostro  '  vide  Epist.  xxxvn. 
nullas  dederim  literas,  non  ob  id  solùm  quôd  earum  usus  minus  ne- 
cessarius  videretur  prassente  te,  quem  tu  alterum  me  existimare 
hoc  ipso  debeas  quôd  alterum  te  esse  scis,  sed  etiam  ne  amantissimi 
et  disertissimi  fratris  aut  voluntati  aut  eloquentias  diffidere  viderer. 
Sic  enim  dixerat  et  receperat  facturum  se,  si  nihil  scriberem,  ut 
nullas  tibi  antehac  à  me  prjestantiores  literas  redditas  faterere. 

Verùm  placuit  temperamentum  ut  neque  nullas  omninô  neque 
prolixas  darem,  pr^sertim  cùm  exarandae  longioris  epistolas  facul- 
tatem  angustia  temporis  denegaret.  Scribam  igitur,  quantum  dum- 
taxat  necesse  erit,  ne  dulcissimum  scribendi  officium  ultrô  intermit- 
tere  videar,  rursùm  ut  significem  redditas  mihi  tuas  posteriores 
literas,  in  quibus  cùm  amantissima  omnia  fuerunt,  tùm  illud  etiam 
honorificum,  quôd  petitioni  meas  de  compaternitate  tam  liberaliter 
subscribis.  Quae  res  me  movet  ut  beneficii  hujus  amplissimi,  licet 
tacitam  conditionem  habeat  :  si  quis  filius  mihi  nascitur,  tamen  non 
tam  spem  quàm  praesentem  fructum  animi  cogitatione  hauriam.  Id 
enim  occurrit  quod  prudentibus  nostris  placere  scis  :  pure  promissum 
videri  quod  sub  conditione  omnimodè  extitura  promittitur. 

Tuas  de  h^ereticis  pr^eclaras  victorias  plures  majoresque  in  singu- 
los  dies  audio,  tibique  eo  nomine  ut  et  toti  Christianas  religioni  mi- 
rificè  gratulor,  vel  ob  id  maxime  quôd  ex  ipsis  Episcopi  nostri  literis 
intellexi  conatus  istos  Serenissimo  Principi  nostro,  non  tantùm  per- 
spectos  esse,  sed  etiam  probatos  dignosque  visos  quos  omni  studio 
ac  voluntate  prosequi  et  adjuvare  deberet. 

Qjuas  sic  me  apud  Senatum  tui  honoris  causa  curare  oportuit  jam 
perfecissein,  nisi  quorumdam  superstitiosa  religio,  ne  quid  gravius 
dicam,  obstitisset  ;  quibus  visum  est  ante  omnia  faciendum  ut  tanta 
Episcopi  erga  te  voluntas  subscriptione  aliqua  constaret.  Scripsi  ea 
de  re  ad  Episcopum  itemque  ad  Deageum  nostrum  *,  quibus  scio  *  vide  p  2. 
majori  id  quàm  tibi  cura  futurum.  Quare  nec  te  rogatum  volo  ut 

(  I  )  Cette  lettre  est  inédite,  sauf  le  troisième  alinéa. 


594  Appendice 

aliquam  mihi  tibique  in  hanc  rem  praïstes  diligentiam.  sed  tantùm  ut 
D.  Deageum  roges  meo  nomine  ne  quam  in  ea  re  quœ  cito  expediri 
possit  moram  fieri  patiatur. 
Vide  p.  loo.  Habebis  epistolam  Albiensis  nostri  Episcopi  *,  mox  Guichardi  quo- 

videp.  98.  que,  ut  is  ad  me  scripsit,  habiturus  à  Pâtre  Ciierubino^''  et  Girardo; 

si  quas  ut  spero  accepero,  brevi  ad  te  perferandas  curabo.  Benè  vale, 
Frater  suavissime,  et  me,  ut  soles,  amare  perge,  Salesiisque  nostris 
et  Salesianis  omnibus,  itemque  confratribus,  plurimam,  si  placet, 
salutem. 

Ex  urbe  et  ex  tempore,  3  non.  Decembris  1594. 

A  Monsieur  mon  Frère, 

Monsieur  De  Sales, 
Prévost  de  l'Esglise  Cathédrale  de  S'  Pierre  de  Genève. 
A  Chablaix. 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  le  P""  Procès  de  Canonisation. 


XIV 


Chambéry,  i^'' janvier  1595. 

Fratri  suavissimo  Francisco  De  Sales, 

Ecclesiœ  Gebenensis  Prœposito  et  Pontifici  désignât©, 

Antonius  Faber  salutem  dicit. 

Cùm  opportune  omnia  mihi  abs  te  veniunt,  mi  Frater,  tùm  nihil 
umquàm  opportunius,  quàm  quôd  hoc  ipso  die  qui  dandis  accipien- 
disque  xeniis  faustus  creditur  ,  reddidit  mihi  Filliardus  tuas  illas 
amantissimas  literas,  cteterarum,  ut  ais,  obsignatorias  quas  anno 
superiore  tam  multas  tamque  élégantes,  ut  ad  me  scriberes  incredi- 
bilis  immensusque  amor  erga  me  tuus  coegit.  Itaque  noli  quaerere 
quanta  me  voluptate  perfuderint  ;  nam  cùm  toto  isto  novendio  mihi 
in  mentem  veniret  illius  (illud  ?)  temporis  quod  Necii,  annus  unus  est, 
tam  suaviter  tecum  transegeram,  nec  facile  ferrem,  auctis  tantoperè 
amandi  tui  rationibus,  prœreptum  mihi  usum  dulcissimas  consuetu- 
dinis  tuae,  commodissima  fuit  ea  consolatio  quam  literae  tuae  attu- 
lerunt,  in  quibus  utinam  oris  istius  castissimi  oculorumque  quos 
semper  in  oculis  fero  vivam  imaginem  tam  benè  expressisses,  quàm 
expressisti  praeclarè  magnitudinem  animi  studiique  in  te  mei  ! 

Unum  illud  facere  poterat  me  Thononiensibus  qui  te  fruuntur  in- 
videre,  unaque  succensendi  non  minor  quàm  invidendi  causa  esset, 


Lettres  d'Antoine  Favre  395 

quôd  te  cùm  habeant,  frui  tamen  nesciunt,  nisi  scriberes  incipere 
eos  sapere,  tuisque  conatibus  favere  ;  quo  nomine,  quantum  tibi  to- 
tique  Reipublicœ  Christianae  gratulor,  potes  tu  faciliùs  ex  gratulandi 
ratione  et  necessitate  conjicere  quàm  ego  verbisaut  vultu  explicare. 
Neque  verô  quotquot  sumus  tui  in  Christo  confratres,  aut  potiùs  filii, 
quoties  convenimus,  desistimus,  quantum  votis  precibusque  possu- 
mus,  Deo  supplicare,  ut  tam  fortunata  initia  feliciore  in  dies  progressu 
augeat,  tandemque  optatissimo  fine  compleat  ;  quod  ita  venturum 
sperant  omnes,  neque  dubitare  possunt,  qui  pietatem  tuam  et  ad 
maxima  quseque  peragenda  faciliùs  quàm  audenda  prœstantem  pro- 
clivemque  industriam  perspectam  habent.  Itaque,  ut  omnia  complec- 
terer,  poteram  breviùs  scribere  id  unum  nos  à  Deo  flagitare,  ut  te 
unum  quàm  diutissimè  servet  incolumem. 

Sed  ad  id  redeundum  est,  unde  potiùs  epistolam  ordiri  debueram. 
Pudet  incredibiliter  quôd  per  Thovesium  *,  qui  priores  mihi  à  te  *  vide  p.  107. 
literas  attulerat,  nullas  à  me  acceperis,  nec  memini  umquàm  id  con- 
tigisse  ut  binas  à  te  haberem  cùm  tu  à  me  nullas.  Id  qua  ratione, 
aut  ut  veriùs  dicam,  cujus  culpa  factum  sit,  si  ex  eo  cognovisti,  non 
excuso  tam  improbabilem  hominis  negligentiam,  sed  ignosco  culpae, 
satis  enim  mihi  fuerit  quôd  culpa  me  vacare  intelliges  ;  sin  fuit  ille 
in  hoc  ipso  negligens  ne  se  accusaret,  neque  excuso,  neque  ignosco, 
tametsi  querelas  omnes  et  injurias  à  me  hodie,  ut  par  fuit,  remissas 
esse  non  nesciam;  adeô  mihi  constitutum  est  perpétuas  cum  lis  ini- 
micitias  gerere  si  qui  erunt  quorum  culpa  fiet  ut  de  mea,  non  dicam 
voluntate,  (qui  enim  facere  posset  ?)  sed  diligentia  malè  suspicandi 
quaesita  tibi  occasio  videatur. 

Eo  nimirùm  tempore  scribae  meo  dixerat  velle  se  equum  conscen- 
dere,  cùm  mihi  ad  confraternitatis  nostrce  sacra  jam  inclinata  hora 
proficiscendum  erat.  Quàm  verô  dolendum  mihi  est,  tùm  fuisse 
negligentem,  cùm  diligentior  esse  debueram,  ut  eodem  quo  tu  animo 
tam  féliciter  transacti  inter  nos  anni  partem  extremam  singulari  et 
mirifica  quadam  amoris  erga  te  mei  significatione,  aut  saltem  nota 
concluderem.  Sed  quando  id  mihi  denegatum  est,  contendam  post- 
hac  tantô  vehementiùs,  ut  nihil  à  me  de  pristina  voluntate  et  diligentia 
remissum  neque  vero  remitti  potuisse  fateare.  Nec  tamen  volo  tecum 
agere  tam  familiariter  ut  hanc  epistolam  tam  malè  compositam , 
et,  ut  agnoscis,  extemporariam,  xeniorum  loco  tibi  redditam  velim. 

Habeo  alia  in  promptu  mutuœ  nostrœ  necessitudinis  dignitati  ap- 
tiora,  quae  etsi  nunc  dare  non  possim,  brevi  tamen  hoc  ipso  die  sibi 
à  me  data  fuisse  intelliges.  Meditationes  illae  sunt  meae  poëticas  *,    '  vide  p.  81. 
tibi,  ut  scis,  inscriptœ,  quas,  cùm  primùm  per  frigoris  intemperiem 
licebit,   typographus    noster   excusurus  est  ;    addo   et  posteriores 


396  Appendice 

Cf.  p.  388.  Conjecturarum  mearum  libros*,  Gebenensi  typographe  jam  traditos, 

ut  te  Gebenensis  quoque  civitas  perinvita  Ecclesite  Gebenensis  Prae- 
positum  et  Pontificem  designatum  agnoscere  incipiat.  Sic  fiet  ut 
gallicè  latineque  me  tibi  et  fratrem  et  amicissimum,  si  non  omnes, 
certè  quamplures  intelligant.  Guichardus  noster,  qui  adest,  te  salu- 

vide  p.  47.  tat,  impeditus  partim  dubia  valetudine,  partim  Marchionis  nostri  * 

assidua  consuetudine,  ne  scribere  potuerit. 

Scripsissem  ad  Baronem  nostrum  si  otium  fuisset.  Singularem 
ejus  erga  me  benevolentiam  etsi  perspectissimam  habeo,  per  te  ta- 
men  non  tantùm  conservatam,  sed  etiam  auctam  iri,  et  spero  et  cu- 
pio.  Plurimam  illi,  si  placet,  caeterisque  nobilissimis  viris  nostris 
amantissimis  à  me  salutem,  sed  prœcipuam  consobrino  nostro.  Fa- 
bricelli  tui  omnes  te  salutant,  et  quae  tôt  Fabros  fabricata  est  soror 

Vide  p.  70.  tua  Benedicta  Fabra*.  Omnes  benè  valemus  ;  tu,  Frater  suavissime, 

quantum  me  amas,  cura  ut  valeas. 

Ex  urbe  et  ex  tempore,  calend.  Januarii  1595. 

A  Monsieur  mon  Frère, 

Monsieur  De  Sales, 
Prévost  de  l'Esglise  Cathédrale  de  Sainct  Pierre  de  Genève. 
Aux  Allinges. 
Revu  sur  le  texte  inséré  dans  les  deux  Procès  de  Canonisation. 


XV 


Chambéry,  26  janvier  IS95. 

Fratri  suavissime  Francisco  De  Sales, 
Ecclesiœ  Gebennensis  Praeposito  et  Pontifici  designato, 
Antonius  Faber  salutem  plurimam  dicit. 

Defuisse  tibi  ad  scribendum  chartam  inter  arma  facile  credo,  qui 
propemodum  déesse  mihi  video  inter  chartas.  Itaque  accipio,  quam- 
quam  illubenter  et  perinvitus,  excusationem  illam  quam  mihi  Tho- 
vesius  tuo  nomine  pro  literis  reddidit  ;  sed  ea  legc  ,  ut  si  posthac 
chartae  penurià  ullius  ex  amicissimis  meis  literis  mihi  carendum  sit, 
des  operam  et  diligentiam  aliorum  ut  omnium  quotquot  sunt,  fuerunt 
et  erunt,  caream  potius  quàm  tuis.  An  non  antem  tibi  nescio  quo 
fato  factum  videtur,  quod  eodem  tempore  typographe  quoque  nostro 
charta  defuit,  ne  poëticas  illas  meas  Meditationes  adhuc  excudere 
potuerit?  Id  tamen  propediem  facturum  se  pollicetur,  et  ut  faciat 
quantum  possum  urgeo,  non  tam  quôd  meas  sint,  quàm  quod  tibi  jam- 
pridem  nuncupatae.  lUa  enim  pr^ecipua  laus  mihi  futura  sit,  si  assequi 


Lettres  d'Antoine  Favre  397 

potero,  ut  hoc  veluti  nuncio  singularis  nostrae  necessitudinis  et,  ut 
verè  soles  dicere,  incomparabilis  ad  exteros  quoque  fama  perferatur. 

Angustior  sané  est  tota  heec  nostra  Sabaudia  quàm  ut  rem  tantam 
suis  finibus  continere  possit.  Sed  charta  mihi  quoque  defuerit,  si 
longioris  epistolae  argumentum  petere  velim  ex  magnitudine  mutui 
amoris  nostri,  quae  licet  mihi  œquè  ac  tibi  perspectissima,  non  ahà 
tamen  quàm  tua  eloquentia  ex  dignitate  commendari  se  aut  exprimi 
patiatur. 

Benè  vale,  mi  Frater  suavissime,  et  me,  ut  facis,  ama  ;  consobrino 
nostro  charissimo  plurimam,  si  placet,  ex  me  salutem. 

Ex  urbe,  7  calend.  Februarii  1595. 

A  Monsieur  mon  Frère, 

Monsieur  De  Sales, 
Prévost  de  l'Esglise  Cathédrale  de  S'  Pierre  de  Genève. 

Revu  sur  l'original  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


XVI 


Chambéry,   3  février  1395. 

Fratri  suavissimo  Francisco  Salesio, 
Ecclesias  Gebenensis  Fr^eposito  et  Pontifici  designato, 
Antonius  Faber  salutem  dicit. 

*Jam  dederam  discedenti  Thovesio  literas  ad  te,  mi  Frater,  perfe-  '  vide  Ep.  xui,  xuv. 
rendas  cùm  posteriores  tuas  Servetanus  noster  mihi  reddidit.  Ex 
quibus  et  ex  Servetani  sermonibus  cognovi  te  et  optimè  valere,  quod 
fuit  praecipuum,  et  absentis  mei  pr^esentem  memoriam,  de  quo  du- 
bitare  non  poteram,  constantissimé  retinere.  Fuisset  aequè  perjucun- 
dum  tui  in  haireticos  operis  priores  paginas  videre  ;  aestuo  enim 
desiderio  incredibili  legendi  quas  scribis,  quôd  ea  scio  futura  ejusmodi 
qu£e  et  te  digna  videri  debeant  et  toti  Reipublicae  Christianae  mirabi- 
liter  prodesse  possint.  Nec  erat  cur  vereris  ne  minus  grata  forent  si  ea 
membratim  exponeres;  etsi  enim  multo  jucundius  rem  totam  quanta 
est  et  corporis  et  animi  oculis  subjicere,  nihil  tamen  de  jucunditatis 
magnitudine  detrahet  occupata  per  partes  oblectatio.  Cujus  sola  spe 
non  possis  credere  quantoperè  delector. 

Cum  typographo  nostro  nondùm  agere  potui,  nec  agam  prius- 
quàm  à  te  aliquid  accepero  cujus  exhibitione  possim  hominem,  alio- 
quin   minus  liberalem,   permovere  ut  impensam  excudendo  operi 


398  Appendice 

necessariam  prorogare  non  recuset.  Vereor  etiam  ne  illam  excusatio- 
nem  afferat  qua  uti  solet  cum  urgeo  ut  poësim  meam  gallicam 
excudendam  aggrediatur,  quod  chartam  non  hàbet  ;  quamquam  jubet 
me  sperare  futurum  ut  brevi  habeat.  Moram  hanc  fero  impatientis- 
simé,  meo  certè  nomine  potiùs  quàm  tuo,  neque  prius  conquiescam 
quàm  meo  erga  te  officio  studioque  hac  saltem  parte  satisfecero  ; 
adeô  mihi  videor  nihil  non  benè  posse  facere  si  te  vel  authorem 
habeam,  vel  motorem,  vel  adprobatorem. 

Sed  parûm  cautus  sum  qui,  cùm  nec  gallicè  scribere  audeam  nec 
latine  possim  in  tanta  temporis  penuria,  tam  longa  tamen  te  morer 
epistola.  Eo  namque  tempore  hic  noster  amicissimus  mihi  significavit 
paratum  se  discedere  cùm  salutandi  tui  potiùs  quàm  ad  te  scribendi 
otium  fuit.  Non  potui  tamen  facere  ut  is  sine  literis  ad  te  meis  profi- 
cisceretur,  prjesertim  cùm  haberem  à  Girardo  nostro  quas  ad  te 
perferendas  curarem  ;  ut  taceam  quôd  politior  illa  scribendi  ratio 
quàm  tu,  vel  invitis  ha^reticis  et  barbaris,  tam  constanter  rétines, 
mihi  jam  tecum  familiarius  et  ut  inter  fratres  par  est  agenti,  sicuti 
non  necessaria  ita  minus  curanda  videtur. 

Benè  vale,  et  meo,  si  placet,  nomine  charissimum  nostrum  conso- 
brinum  salvere  jubé. 

Ex  tempore,  sine  tempore,  5  non.  Februarii  1595. 

A  Monsieur  mon  Frère, 

Monsieur  De  Sales, 
Prévost  de  l'Esglise  Cathédrale  de  Sainct  Pierre  de  Genève, 
Aux  Allinges. 

Revu  sur  le  texte  inédit,  inséré  dans  le  P""  Procès  de  Canonisation. 


XVII 


Chambéry,   18  mars  1595. 

Fratri  suavissimo  Francisco  De  Sales, 
EcclesitC  Gebenensis  Prœposito  et  Pontifici  designato, 
Antonius  Faber  salutem  plurimam  dicit. 
Eram  apudSebusianosmeos,  et  cum  Guichardo  nostro,  viro  (quod 
te  scire  arbitror)  nunc  prorsùs  militari,  ut  tempori  nihil  nisi  bcUa  et 
classicum  resonanti  magis  quàm  genio  meo  inservirem, 
Ludebam  efifigiem  belli,  similalaque  veris 
Praelia^  buxo  acies  fictas  et  ludicra  régna, 

cum  reddita;  nobis  sunt  amantissinice  \\\x  tux  litera  ad  xi  calendas 


Lettres  d'Antoine  Favre 


399 


Martis  date,  sanè  perquàm  opportune,  ut  communi  utriusque  desi- 
derio  satisfieret,  cum  mira  amoris  erga  te  nostri  impatientia  urgere- 
mur  ne  longiorem  earum  expectationem  ferre  possemus.  Ego  verô 
proprioquodam  jure,  in  mediis  publicarum  etprivatarum  miseriarum 
doloribus,  hanc  implorarem  consolationem,  quce  mœrorem  aliqua  ex 
parte  saltem  levaret  meum. 

Itaque  noli  quœrere  quàm  gratœ  jucundaeque  nobis  fuerint,  quales 
et  quàm  multi,  quamque  honorifici  inter  nos  de  te  sermones,  cùm, 
omisso  statim  ludo  quasi  ambo  vicisse  videremur,  id  unum  agere 
cœpimus,  ut  suavissimis  de  mutui  amoris  nostri  magnitudine,  deque 
tuis  et  virtutibus  et  laudibus  colloquiis  reliquum  diem  transigeremus. 

111e,  ut  est  ingenii  non  minus  q-uàm  animi  impetu  potens,  ex  tem- 
pore  conscripsit  epistolam,  si  quid  mei  judicii  est,  non  inelegantem, 
quam  post  dies  aliquot  discedenti  mihi  tradidit  ut  curarem  ad  te 
perferendam.  Mihi,  qui  majorem  et  jucundiorem  legendis  tuis  quàm 
conscribendis  aut  poliendis  meis  diligentiam  adhibere  soleo,  melius 
visum  est  et  commodius  differre  rescriptionem  in  id  usque  tempus 
quo  in  haec  loca  rediissem,  pr^esertim  cùm  nec  haberem  ad  manum 
per  quos  possem  scribere;  quamquàm  non  parum  diligentiam  meam 
illud  expectabat,  quod  tardius  quàm  putaram  ad  Sebusianos  meos 
profectus,  videbam  ex  eo  futurum  ut  longiorem  quoque  scribendo 
moram  facerem  quàm  sperares. 

Post  meum  verô  reditum  (is  fuit  nudius  tertiusi,  posteriores  tuas 
accepi  ex  Thononiensi  Babylone  conscriptas  *,  quarum  repetita  '  ^'^e  Epist.  xlv. 
sœpiùs  lectione  mirum  in  modum  recreatus  sum,  ex  ea  potissimum 
parte  qua  tu  me  bono  et  forti  animo  esse  jubés  ad  publicas  istas  ca- 
lamitates  constanter  moderateque  perferendas.  Est  omninô ,  mi 
Frater,  ut  scribis  :  oculi  augent  dolorem,  fitque  luctus  multô  acerbior 
cùm  ea  videre  cogimur  qus  nec  audire  sine  gravissimo  mœrore 
possemus.  Teterrimum  prorsùs  et  miserrimum  spectaculum  !  op- 
pressa prœcepsque  in  ruinam  patria,  cui  opitulari  non  possis.  Neque 
verô  possuni  negare,  tametsi  ad  meos  profecturus  sic  me  comparas- 
sem  ut  quem  misera  quœque  et  videre  et  perferre  oporteret,  me 
tamen  non  leviter  commotum  esse,  cùm  multô  graviora  et  deplora- 
toria  vidi  omnia  quàm  timueram. 

Nihil  de  privatis  meis  rébus  conqueror,  quarum  perturbatio  non 
mediocris  animum  meum  longé  graviùs  perturbaret,  si  à  meipso, 
ut  eleganter  ais,  lœdi  vellem.  Fero  licet  ista  minus  aequo  fortasse 
quàm  deceret,  tamen  satis  erecto  animo  :  non  quôd  ad  eum  sapientiœ 
gradum  pervenerim  quem  tu  mihi  ob  oculos  ponis  (nimirum,  ut 
astutè  quidem  sed  bénévole  mihi  imponas,  ne  cunctari  possem  quin 
talem  me  prsestare  debeam  qualem  me  tibi  videri  fmgis),  sed  quia 


400  Appendice 

nihiltam  durum  aut  calamitosum  accidere  potuit  quod  non  jam  inde 
à  multis  annis  eventurum  praeviderim,  quodque  ridendus  mihi  ipsi 
videar  magis  quàm  miserendus,  si  in  tantis  totius  reipublicce  cala- 
mitatibus,  cùm  in  eadem  sim  navi  in  qua  cfeteri,  praecipua  quadam 
immunitate  viteque  conditione  gaudere  velim. 

Et  nihil  me  îequè  ac  illud  confirmât,  quod  quoties  de  te  cogito  (facio 
autem  ferè  assidue),  agnosco  indignum  fore  me  quem  tu  fraterno 
amore  prosequi  deberes,  si  ab  ea  desciscerem  animi  magnitudine 
quam  in  te  admirabilem  et  propemodùm  singularem,  non  modo  vultu 
et  oratione  prs  te  fers,  quod  tibi  cùm  multis  commune  est,  sed 
etiam,  quod  paucis  contigit,  facto  ipso  totaque  institutae  vitae  ra- 
tione  testaris. 

Quàm,  putas.  animo  meo  hxret  h^rebitque  semper,  quod  te 
nuper  cùm  una  essemus  dicere  memini,  cùm  quidam  ad  te  retulis- 
sent  me ,  levissimo  implicitum  morbo,  graviore  quàm  par  fuerat 
mortis  metu  cruciatum  fuisse,  id  te  de  eo  qui  se  fratrem  tuum  dice- 
ret  et  gloriaretur  non  temerè  credere  potuisse  .'  Nam  qui,  te  potis- 
simùm  magistro,  didicerit  mortem  non  pertimescere ,  quam  ego 
nunquam  sanè  pertimescendam  existimavi,  an  non  multo  stultior  sit, 
si  iis  rébus  moveatur  quse  non  aliam  ob  causam  acerb<e  videri  pos- 
sint  quàm  quia  mortem,  vel  quod  adliuc  insanius  fuerit,  vitam  quo- 
que  ipsam  reddere  soleant  acerbiorem?  Sed  tamen  facere  non  possum 
quin  me  communes  miseris  conturbent,  quibus  non  valde  affici 
vereor  ne  inhumani  potiùs  quàm  constantis  hominis  esse  videretur. 
Idque  me  tuo  etiam  exemplo,  quod  mihi  instar  omnium  est  ut  esse 
débet,  facere  certô  scio.  Verùm  de  iis  fortasse  nimis  multa. 

Reliquum  est,  mi  Frater,  ut  te  non  jam  horter  ad  pugnam  istam 
quam  te  adversùs  hîereticos  tanta  contentione  capessere  video,  sed 
moneam  potiùs  et  rogem  ut  salutis  et  incolumitatis  tuœ  rationem 
habeas,  tibi  parcas,  caveasque  ne  tenuiores  corporis  vires  et  animi 
viribus  impares,  jamque  tôt  jejuniis  attritas,  dicendo  scribendoque 
exhaurias,  quas  tibi  intégras  salvasque  conservari  non  minus  reipu- 
blicîe  quàm  mea  scis  interesse,  quandoquidem  tibi  cum  eo  hoste  res 
est  quem  nonnisi  longo  lentoque,  ut  vides,  bello  possis  ad  deditionem 
compellere.  Ego,  si  quid  hoc  ad  rem  pertinet,  votis  saltem  et  quantis 
potero  ad  Deum  optimum  maximum  precibus  adjuvare  te  non  desi- 
nam.  faciamque  ut  confratrum  nostrorum.  quorum  omnium  propen- 
sissimus  est  ut  esse  débet  erga  te  animus,  idem  quoque  studium 
experiare. 

Benè  vale,  mi  suavissime.  et  Baronem  nostrum,  itemque  conso- 
brinum  si  nunc  tecum  est,  ac  caeteros  omnes  tui  amantissimos , 
meo,  si  placet,  nomine  salvere  jubé. 


Lettres  d'Antoine  Favre  401 

Senator  noster  *,  longissimo  jam  et  periculosissimo  morbo  conster-  *  '^''•^  p-  44.  not.  (1). 
natus,  tam  malè  habet  ut  necdum  medicis  exploratum  sit  speran- 
dumne  magis  de  clarissimi  viri  salute  an  pertimescendum  habeant. 
Non  possis  credere  quàm  id  me  malè  torqueat,  pro  arctissima  qu£e 
inter  nos,  non  tantùm  dignitatis  et  ordinis,  sed  etiam,  quod  primum 
est,  animorum  conjunctione.  Faxit  Deus  optimus  maximus  ut  brevi 
convalescat,  quem  diutissime  sospitem  salvumque  esse,  non  tua 
solum  et  mea,  sed  totius  quoque  reipublica;  causa  cupio.  Intérim, 
iterum  vale,  et  me,  ut  soles,  ama. 

Ex  urbe,  15  calend.  Aprilis  1595. 

A   Moiisieur  mon  Frerc, 

Monsieur  De  Sales, 
Prévost  de  rEsglisc  Calhediale  de  Sainct  Pierre  de  Genève. 
Aux  Allinges. 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  le  l'-'"  Procès  de  Canonisation. 


XVIII 


Chambéry,   19  avril  isi)^. 

Fratri  suavissimo  Francisco  De  Sales,  Ecclesiae  Gebenensis  Prœposito, 
Antonius  Faber  salutem  plurimam  dicit. 

*  Majorem  te  in  dies,  mi  Frater,  voluptatem  fructumque  capere  *  vide  Epist.  xux,  l. 
ex  praeclaro  isto  consilio  et  ad  rei  Christianae  dignitatem  cœlitus 
comparato  instituto,  etsi  minus  miror,  qui  numquàm  dubitavi  quin 
tam  sanctos  conatus  Deus  optimus  maximus  solita  sua  ergà  te  mu- 
nificentia  fortunaturus  esset,  gaudeo  tamen  mirum  in  modum,  cùm 
ex  tuis  literis  ea  ipsa  intelligo  quœ  frequentissimis  hominum  de 
te  sermonibus  publicè  testata  circumferuntur.  Magna  omnium  fuit 
expectatio  quid  rei  eventus  laturus  esset  à  quo  tempore  auditum  est 
hanc  à  te  tam  difficilem  susceptam  esse  provinciam,  hac  potissi- 
mùm  tempestate  qua;  omnium  maxime  novas  ac  propemodùm  inex- 
plicabiles,  ut  tuto  expertus  es,  difficultates  allatura  videbatur. 

Nunc  verô,  majorne  dicam  nescio  voluptas  an  admiratio  est,  non 
eorum  dumtaxat  qui  negotio  magis  quàm  tibi  diîTidebant,  sed  illorum 
etiam  qui,  cùm  eam  probarent,  vix  tamen  persuaderi  poterant  lutu- 
rum  ut  jam  citô  tam  uberes  diligentiœ  et  contentionis  tua?  fructus 
constarent,  quod  minus  tibi  opis  et  auxilii  parari  vidèrent  ab  iis 
quorum  authoritate  prascipuè  geri  res  debebat  quàm  necesse  esset 

Lettres  I  26 


402  Appendice 

ad  tantam  rem  féliciter  aggrediendam  gerendamque  ;  sic  enim  jam 
omnibus  ferè  persuasum  est  fore  brevi  ut  sacrosancta  religio  per  tôt 
annos  ab  istis  populis  explosa  pristinam  suam  per  te  recuperet  digni- 
tatem,  indeque  tamquam  ex  armario  munitissimo  potentissima  ad 
expugnandam  Babylonem  machina  tandem  depromatur. 

*  Vide  p.  124.  Mihi  sanè  non  parvi  momenti  esse  videtur  quod  de  Ponceto*  recu- 

perato  scribis;  fuit  enim  ille  hucusque  prœcipui,  ut  audio,  inter  hae- 
reticos  nominis  pro  ea  qua  praestat  juris  nostri  rerumque  agendarum 
scientia,  ut  liceat  sperare  non  defuturos  permultos  qui  exempli  au- 
thoritate  movebuntur,  ut  ratione  tandem  vinci  se  patiantur.  O  si 
Avullœus  tibi  datam  fidem  praestaret,  Deo  autem  redderet  !  Omnia 
penè  acta  putarem  his  duobus  antesignanis  adeô  egregiis  ad  dedi- 
tionem  compulsis.  Sed  de  hoc  audio  nescio  quid  quod  mihi  bilem 
movet  et  stomachum  facit  ;  verùm  ipse  viderit. 

*  Vide  p.  104.  Possevinus  noster*,  cùm  hic  esset  superioribus  diebus  in  eumque 

sermonem  incidissemus,  testabatur  nihil  se  aut  antiquius,  aut  opta- 
tius  umquam  habuisse  quàm  ut  te  videret  deque  toto  isto  negotio 
alloqueretur,  non  solum  ne  dubitare  posset  quin  ad  consilii  capien- 
dum  esset  quod  optimum  uterque  vestrum  probaret,  sed  etiam  ut 
quantum  haberet  ingenii,  virium  et  authoritatis,  totum  id  conatibus 
istis  adjuvandis  fovendisque  conferret.  Sed  accidit  ut  cùm  proximo 
quoque  die  Necium  se  profecturum  crederet,  measque  jam  ad  te  literas 
urgeret,  Lugdunum  versus  pergere  coactus  fuerit  ad  ea  tractanda 
negotia  cum  Duce  Monmorentiano  quorum  maxime  gratia  in  hac 

*  Vide  p.  129.  usque  loca  peragravit  *.  Quando  rediturus  sit,  plané  adhuc  in  incerto 

est,  etsi  Bonaldus  ille  noster  (i  ,  cui  tuas  ad  se  et  ad  Possevinum  lite- 
ras reddidi,  sperat  non  diutiùs  abfuturum,  quod  ex  ejus  rescriptione 
commodiùs  cognosces. 

Ubi  verô  redierit,  si  nihil  intercessit  quod  consilii  mutandi  causam 
prasbeat,  hoc  possim  confirmare  facturum  eum  ut  ad  te  quàm  citô 
advolet  ;  quamquam  multo  gratius  mihi  fuerit  si  pro  sua  gravitate 
hanc  tibi  ad  se,  ut  aequius  est,  veniendi  necessitatem  imponet,  ut  quod 
per  me,  ut  video,  impetrare  abs  te  vix  possem,  per  eum  assequerer 
cui  nihil  tu  denegare  magis  possis  quàm  debeas.  Nam  quôd  me  inter- 
pellas ut  ego  ad  te  potiùs,  etsi  concedo  libentissimè  praestare,  tamen 
mihi  paulo  difficiliùs  est  quàm  velle,  tametsi  non  despero  fieri  posse 
ut  in  eos  dies  profectio  conferatur  quibus  possem  desiderio  meo  non 
minus  quàm  tuo  satisfacere.  Quid  enim  ardentiùs  cupiam,  quàm  te 
videre,  et  Salesium  meum,  quid  meum  imô  meissimum,  aut,  ut 
tandem  dicam  expressiùs,  meipsissimum,  totis  oculis,  brachiis  et 
sensibus  amplecti,  totque  et  tam  enixis  amplexibus  fatigare? 

(  I  )  Sans  doute  le  P.  François  Bonald,  Jésuite,  recteur  du  collège  de  Chambéry. 


Lettres  d'Antoine  Favre  403 

Nam  ut  ea  taceam  quse  mutuam  nostram  necessitudinem  jam  tôt 
vinculis  constringunt,  ut  neque  addi  quicquam  neque  diminui  posse 
videatur,  placet  mihi  ratio  illa  quam  tu  proponis  inducendae  acces- 
sionis,  quôd  Senatore  nostro  vita  functo  *,  quem  nos  singulari  quidem  *  vide  p.  40:. 
sed  tamen  communi  studio  et  voluntate  prosequebamur,  sic  nos  agere 
par  est,  ut  quodam  veluti  accrescendi  jure*,  viriles  nostras  amicitiœ   '  Digest.,  1.  xxxvii, 

.  .  .    .  t't-'i  le''-  3- 

partes  augeri  sentiamus  :  quamquam  non  improbarem,  si  jus  hoc 
non  tam  accrescendi  diceres  quàm  non  decrescendi,  ne  qua  incompa- 
rabili  conjunctioni  nostrœ  fiât  injuria,  si  quid  ad  ejus  magnitudinem 
accedere  posse  fateamur.  Sed  vim  malo  in  re  esse  quàm  in  verbis. 

Hic  ego  finem  facerem  (sum  enim  meo  more  jam  longior,  sed 
consulte,  ut  hoc  habeas  diuturnioris  meœ,  licet  inculpât^  cessationis 
fœnus),  nisi  quod  tu  de  Pâtre  Cherubino  posterioribus  literis  adscrip- 
sisti  cogeret  me  ut  de  tam  propensa  tanti  viri  erga  te  voluntate, 
tamque  pio  officio  testata,  tibi  gratularer.  Pervenerat  ad  nos  superiore 
mense  nec  varius  nec  inconstans  rumor,  defunctum  apud  Salinates 
virum  clarissimum  ;  hoc  solo  incertus,  quôd  alii  ferro  hostium,  alii 
veneno  inter  pocula  propinato  necatum  mentiebantur  ;  mirus  ex  eo 
stupor  dolorque  optimorum  omnium  animos  occupaverat,  me  verô, 
licet  non  sim  ex  optimis,  tanto  gravior  quanto  major  jactura  fuisset 
mea,  defuncto  illo  cujus  probitate  et  summo  in  me  studio  possim  ali- 
quando,  si  non  optimus,  quod  propemodùm  despero,  saltem  bonus 
fieri,  aut  minus  malus  quàm  sim.  Posteà  compertum  est,  nonnisi 
mundo  eum  mortuum,  sibi  verô  totique  Reipublicas  Christian^e  adhuc 
superstitem  esse  ;  nec  desunt  qui  affirment  eum  vos  Necii  proxima 
Quadragesima  habituros.  Quo  tamen  nomine,  ne  tibi  gratulari  possim 
illud  facit  quôd  mihi  jam  doleo  qui  tecum  non  ero.  Nos  Guarinum 
Franciscanum  expectamus. 

Sed  jam  nimis  multa,  qui  ad  mediam  usque  noctem  Guichardo 
nostro  literas  tuas  curavi  perferendas.  Expecto  à  Girardo  quas  ad  te 
scripturum  se  discedenti  nuper  mihi  receperat.  Superest  ut  plurimam 
à  meis  omnibus,  sed  à  me  maximam  tibi  et  consobrino  nostro  tùm 
Baroni  casterisque  amicis  nostris  salutem  accipias.  Benè  vale,  Frater 
terque  quaterque  suavissime,  et  me,  ut  facis,  ama. 

Ex  urbe  Camberii,  13  calend.  Maii  1595,  ex  tempore,  ut  facile 
agnosces. 

Monsieur  mon  Frère, 

Monsieur  De  Sales, 
Prévost  de  l'Esglise  Cathédrale  de  Sainct  Pierre  de  Genève. 
Aux  Allinges. 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  le  l^'  Procès  de  Canonisation. 


404  Appendice 


XIX 


Chambéry,  20  juin  1595. 

Fratri  suavissimo  Francisco  De  Sales, 
Ecclesiœ  Gebenensis  Prasposito  et  Pontifici  designato, 
Antonius  Faber  salutem  plurimam  dicit. 
Vide  Epist.  lui.  *  Bifiis  à  te,  mi  Frater,  acceptis  literis  hac  una  epistola  respondebo, 

et  breviùs  sanè  quàm  vellem  aut  soleam,  in  tantis  quibus  nunc  op- 
primor  temporum  angustiis.  Priores  erant  de  inopinato  magis  quàm 
acerbo  Guichardi  nostri  casu,  de  Alexandri  mei  lachrymis,  aliisque 
ejusmodi  meis  ineptiis.  Posteriores,  de  tuo  ad  Thononienses  reditu. 

Ad  priores  vix  habeo  quid  respondeam  :  namque  de  Guichardo 
nostro,  si  repetam  liberatum  eum  à  latronibus,  casumque  illum  mo- 
deratè,  ut  debuit,  pertulisse,  nihil  novi  dixerim,  nisi  quôd  suis  ille 
ad  me  literis  idipsum  testatus  est,  quod  ego  ex  liominis  moribus  mihi 
perspectissimis  jam  satis  per  me  conjiciebam,  quorum  testimonium 
mihi  multo  certiùs  est  quàm  literarum. 

lllud  tamen  possum  addere,  quôd  licet  novum  tibi  tamen  per- 
suasu  facile  erit.  novam  illi  amandi  colendique  tui  causam  accessisse, 
cùm  ex  literis  meis  intellexerit  quàm  tu  levius  istud  infortunium, 
pecuniario  tantùm  incommodo  cestimatum,  malè  habuisse  ;  qua  de  re 
brevi  gratias  tibi  habiturus  est,  redditurus  haud  dubio  cùm  et  tu 
voles,  et  ille  poterit.  Expecto  ut  primo  quoque  die  ad  nos  veniat, 
mox  ad  Principem,  ut  audio,  perrecturus. 

De  libello  meo,  quem  tibi  aliisque  multis  exemplo  tuo  tantoperè 
probari  video,  quid  rursus  dicam,  aut  novas  habeam  gratias?  Vêtus 
jam  istud  beneficium  tuum  est,  quod  ego  sic  accipio  ut  quasi  nihil 
dùm  prœstiterim,  majus  quidpiam  à  te  expectari,  et  à  me  plura 
praestari  debere  intelligam  ;  quie  si  voto  et  animo  meo  respondebunt, 
possis  tu  faciliùs  et  lubentiùs  tua  agnoscere  quàm  hxc  leviora  quae 
tu  tanta  contentione  mea  esse  défendis,  ne  quid  de  tuis  laudibus  de- 
trahatur.  Sic  enim  sales  illos  tuos  interpréter,  ut  ironicum  agas  in 
eo  ipso  in  quo  me  hyperbolicum  fmgis;  sed  alias,  et  ni  fallor  brevi, 
jocandum  erit  liberiùs  et  longiùs. 

Venio  ad  posteriores  tuas  literas  (0,  in  quibus  jucundissimum  illud 
fuit  quôd  te  video  nihil  de  pristina  ista  animi  alacritate  remittere, 
nihilque  non  tentare  ut,  si  (quod  abominor)  minus  féliciter  res 
succedet,  ea  sola  tibi  culpa  objici  possit  quôd  plus  animi  et  ingenii 

(i)  Voir  p.  139,  note  (1).  C'est  par  erreur  que  dans  cette  note,  la  lettre 
du  sénateur  Favre  est  indiquée  comme  étant  du  19  juin. 


Lettres  d'Antoine  Favre  405 

habueris  ad  audendum,  quàm  ii  omnes,  quorum  hac  parte  prœcipua 
authoritas  est,  voluntatis  ad  adjuvandum. 

Sed  illud  sané  molestissimum  estquod  conquereris,  nec  immerito, 
tam  frigide  tantam  rem  ab  ipsis  tractari,  qui  tam  prsclaros  conatus 
tuos  et  modis  et  artibus  omnibus  fovere  deberent.  Nihil  autem  mise- 
rius,  quàm  quôd  hoc  tempore  in  quo  pax  ista  precaria,  aut,  ut  Vir- 
gilius  loquitur,  •>  séquestra  »  totque  mensium  firmatœ  inducias  facere 
deberent  ut  benè  sperare  liceret,  vix  quisquam  est  qui  pr^eter  te  in 
hanc  curam  velit  incumbere.  Sed  tamen  si  tibi  mihique  credis,  perge 
ut  cœpisti  in  id  usque  tempus  quo  desperatio  non  minus  proba- 
tam  omnibusque  cognitam  quàm  justam  habitura  sit  excusationem. 
Habebis  tuae  fortitudinis  virtutisque,  non  modo  testes  sed  etiam  ad- 
miratores,  eos  ipsos  quos  fautores  habere,  ut  decebat,  non  potuisti  ; 
Deum  vero  optimum  maximum  retributorem,  qui  laborum  tuorum 
îestimationem  non  ex  perceptis  fructibus,  sed  ex  iis  qui  percipi  po- 
tuerunt  et  debuerunt  pro  pietate  sua  initurus  est  :  quamquam  vix 
mihi  in  animum  cadere  potest  ut  de  tam  piis  et,  quod  prjecipuum 
est,  pie  habitis  conatibus  desperandum  putem. 

Inter  haec  scribendum,  opportune  advenit  frater  ille  noster  Hiero- 
solymitanus,  scis  quem  intelligam,  Locatellus,  faustus  lœtusque  ;  hoc 
uno  minus,  ut  sibi  mihique  videtur,  felix,  quod  superioribus  diebus 
Necium  profectus,  videre  te  non  potuit.  Quo  nomine  mirum  est 
quantis  eum  onerem  ludibriis,  quôd  ille  non  ita  dudum  gloriaretur 
hanc  sibi  praecipuam  fore  oblectationem  si ,  absente  me ,  solus  te 
frueretur  ;  ego  verô  tantam  felicitatem,  fateor  enim  libéré,  etiam 
fratri  inviderem. 

Soror  tua,  quam  tu  clarissimam  vocas,  quam  charissimam  dicere 
clariùs  posses,  te  salutat,  sed  ut  fratrem  potiùs  quam  ut  compatrem, 
adeo  ineptit  illa  in  hoc  ipso  quôd  ineptire  velle  desinit,  nisi  sororis 
nostras  Locatellae,  quam  adprimé  gravidam  esse  scis,  exemplo  mo- 
vebitur  ;  nec  enim  ignoras  hoc  genus,  penè  adjeci  dasmoniorum, 
exemplo  magis  quàm  ratione  vel  authoritate  moveri. 

Benè  vale,  mi  suavissime,  et  consobrino  primum  nostro,  tùm 
Baroni,  caeterisque  amicisnostris  plurimam,  si  placet,  ex  me  salutem. 
Iterum  vale,  et  me,  ut  facis,  ama. 

Ex  urbe  et  ex  tempore,  12  calend.  Julii  1595. 
A  Monsieur  mon  Frère, 

Monsieur  De  Sales, 
Prévost  de  l'Esglise  Cathédrale  de  Sainct  Pierre  de  Genève. 
A  Tonon. 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  les  deux  Procès  de  Canonisation. 


4o6  Appendice 


XX 


Chambéry,  3  août  1595. 

Fratri  suavissimo  Francisco  De  Sales, 
Ecclesias  Gebenensis  Pr^eposito  et  Pontifici  designato, 
Antonius  Faber  salutem  plurimam  dicit. 

Vide  Epist.  lvii.  *  Etsi  tam  longo  inter  nos,  mi  Frater,  silentio  non  magis  delector 

quàm  tu,  dicam  tamen  ingénue,  me  meœ  pudet  pœnitetque  diligen- 
tias  ;  audio  enim  te,  si  posteriores  meas  literas  paulô  tardiùs  acce- 
pisses,  ad  nos  venturum  fuisse  ut  clarissimum  Patrem  Possevinum 
videres,  quem  si  videre  non  potuisses,  ego  sanè  te  vidissem.  Sed 
quando  ita  res  tulit,  ut  neque  tu  illum,  neque  ego  te  videre  potuerim, 
utrumque  nimia  et  illius  in  discedendo  et  mea  in  scribendo  dili- 
gentia,  erit  quod  meae  posthac  ignoscas  negligentiœ,  si  quid  à  me 
hac  in  re  peccabitur  ;  licet  non  ignorem  vix  fieri  posse  ut  damnum 
contingens  ex  diligentia  per  negligentiam  sarciatur,  mihi  praesertim, 
cui  hoc  unum  restât  absentias  tuas  solatium,  si  per  literas  tuas  te 
videam,  per  meas  te  alloquar. 

Grata  tibi  fuisse  et  Patris  Possevini  et  Girardi   nostri   munera 

'  Vide  p.  155.  gaudeo.  Quôd  vero  tam  opportune  Spondœus*  advenerit,  non  tantùm 

tibi,  sed  etiam  mihi  summoperè  gratulor;  nihil  enim  est  quod  feram 
molestiùs  quàm,  cùm  nebulones  istos  audio  de  suis  ineptiis  tam 
magnificè  sentire  et  gloriari,  de  nostris  verô  nostrorumque  egregiis 
meritis  tam  audacter  et  impudenter  mentiri. 

'  Vide  p.  384.  Baronem  nostrum  qui,  ut  scis,  nunc  adest*,  iterum  atque  iterum 

conveni,  primùm  ut  viro  nobilissimo  meique  amantissimo  grati 
animi  testimonium  exhiberem,  deindè  ut  ex  ejus  potissimùm  sermo- 
nibus  intelligerem  quid  ille  de  tuis  conatibus,  non  tam  sentiret 
quàm  speraret.  Ille  verô,  quasi  certa  jam  et  explorata,  nedùm  in- 
clinata  Victoria  jam  triumphum  canere  mihi  visus  est,  et  ea  credere 
quae  ad  felicitatem  satis  mihi  fuerit  sperare  posse.  De  Ponceto  prae- 
cipuè  tibi  mirum  in  modum  gratulatur,  pr^edicatque  tua  illum 
opéra  et  eruditione  ab  inferis  revocatum,  sacra  religionis  nostr»  tam 
serio  amplexatum  esse,  ut  tôt  ministellis  in  posterum  nullo  negotio 
profligandis,  pro  ea  qua  fuit  inter  ipsos  authoritate  sibi  unus  suffi- 
cere  posse  videatur.  De  Avullaeo  verô  sic  loquitur  quasi  nec  dubitet 
quin  ex  nostris  sit,  totamque  rem  ex  voto  tuo  confici  ardentissimè 
desideret.  Quôd  si  ita  est,  non  video  quid  te  malè  jam  habere  debeat, 
nisi  quôd  in  re  tanti  momenti  vix  est  ut  Christiana  impatientia  lon- 
gioris  mora;  incommoda  concoquere  possit. 


Lettres  d'Antoine  Favre  407 

De  caeteris  rébus,  sivè  publicis  sivè  privatis,  nihil  attinet  in  se- 
quentem  paginam  protrahere  epistolam.  Publier  in  eum  statum  de- 
ductœ  sunt  ut  eas  miseratione  multo  faciliùs  quàm  auxilio  prosequi 
quilibet  possit  ;  meae  verô  ejusmodi  ut  earum  conditionem  parùm 
curare  debeat  quisquis  publicis  ita  uti  par  est  afficiatur.  Id  unum 
nobis  benè  cedit,  quod  cùm  nihil  sit  in  tanta  rerum  omnium  pertur- 
batione  quod  non  ducat  ad  desperationem,  de  omnibus  tamen  benè 
et  in  dies  meliùs  ac  meliùs  sperare  non  desinimus  ;  sed  cedet  multo 
faciliùs  si,  quôd  tecum  precari  faciliùs  est  quàm  ominari,  una  cum 
Elia  illo  tuo  *  per  turbinem  in  Cœlum  rapimur.  '  Vide  p.  156, 

Literas  tuas  ad  Girardum  quàm  cito  perferri  curabo  diligenter. 
Benè  vale,  mi  Frater  suavissime,  et  me,  ut  facis,  amare  perge. 

Ex  urbe,  3  non.  Augusti  1595. 

Soror  tua,  itemque  cœteri  tui,  quotquot  ferè  hic  mei  sunt,  te  sa- 
lutant  ;  ego  nostrum  quoque,  si  placet,  consobrinum.  Iterum  vale. 

A  Monsieur  mon  Frère, 

Monsieur  De  Sales, 
Prévost  en  l'Esglise  Cathédrale  de  Sainct  Pierre  de  Genève. 
A  Necy  ou  a  Tonon. 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  le  I"  Procès  de  Canonisation. 


XXI 


Monsieur  mon  Frère, 

*Je  ne  suis  plus  marry  que,  pour  faute  de  porteur,  j'aye  retardé  *  vide  Epist.  ix,  lxi. 
plus  que  je  ne  voulois  de  respondre  a  voz  premières  lettres,  qui  me 
furent  rendues  ces  jours  passés  avec  les  sonnetz  de  ma  Seconde 
Centurie*  par  monsieur  de  Chavanes**  ;  car  je  me  fusse  plaint  fort  '^vide  p.^80. 
aigrement  de  nostre  monsieur  Portier,  auquel  j'avois  remis  mes  pré- 
cédentes lettres,  avec  celles  du  Père  Possevin  et  le  livre  quil  m'avoit 
adressé  pour  vous  faire  tenir.  Maintenant  je  suis  hors  de  ceste  peine, 
voyant  par  les  vostres  dernières  qu'en  fm  le  tout  vous  a  esté  rendu. 

J'ay  pris  fort  a  mon  avantage  ce  que  vous  m'escrivez,  que  noz 
messieurs  de  Tonon  facent  estât  de  ma  Première  Centurie  *;  car  outre  »  vide  p.  8t. 
ce,  que  malaisément  peut  il  estre  ainsy  quilz  ne  facent  sans  compa- 
raison plus  d'estat  de  vous  a  qui  je  la  rapporte  toute,  comme  je  doy, 
il  me  semble  que  c'est  un  commencement  de  tesmoignage  quilz  don- 
nent de  leur  résipiscence,  sil  est  vray  ce  que  j'ay  tousjours  ouy  dire, 


4o8  Apphndice 

que  les  hérétiques  ne  veuUent  point  ouyr  parler  de  pénitence,  du 
moins  en  la  façon  que  j'en  parle. 
Vide  p.  162.  Les  vers  desquelz  monsieur  Després*  m'a  honoré  m'ont  esté  fort 

aggreables,  et  vous  remercie  de  la  recommandation  que  vous  y  avez 
adjousté  du  vostre,  et  luy  de  la  faveur.  C'est  un  personnage  duquel 
j'ay  desja  ouy  souvent  parler,  et  tousjours  en  bonne  part,  osté  le 
poinct,  qui  est  le  principal,  de  la  religion.  Ce  seul  poinct  a  esté  cause 
que  je  n'en  ay  peu  faire  Testât  que  j'eusse  voulu  ;  car,  comme  il  me 
souvient  de  vous  avoir  autrefois  dit,  je  ne  peux  me  commander 
de  croire  qu'un  hérétique  puisse  rien  avoir  de  bon,  du  moins  que 
l'heresie  ne  gaste  et  corrompe.  Non  que  j'estime  quil  y  aye  en  tous 
de  la  malice  (j'en  ay  congnu  qui.  hors  le  faict  de  la  religion,  pou- 
voient  passer  en  monstre  pour  honestes  hommes)  ;  mais  je  ne  peux 
les  excuser  que  je  ne  les  accuse  tous,  et  tant  plus  ceux  qui  sont  les 
plus  habiles  entre  eux,  d'un  grand  deflFaut  de  jugement  et  de  trop  de 
présomption  en  ce  quilz  osent  faire  plus  d'estat  de  leur  jugement 
particulier  que  de  celuy  de  l'Esglise  universelle,  fondés  seulement  sur 
l'opinion  d'un  homme,  lequel  sil  eust  esté  de  moins  ilz  seroient 
maintenant  des  nostres. 

Toutefois,  je  veux  bien  espérer  de  sa  conversion  puis  que  vous 
qui  le  voyez  de  plus  près  en  concevez  ceste  espérance.  Aussy  me 
semble  il  bien  difficile  qu'un  honeste  et  si  habile  homme  comme  il 
est  puisse  croupir  longuement  en  telle  misère,  pour  peu  quil  veuille 
ouyr  parler  de  la  religion  a  un  vostre  semblable.  Je  remetray  a  ce 
tems  là  de  l'embrasser  et  de  recueillir  avec  plus  de  démonstration 
l'amitié  que  sa  poésie  me  présente,  vous  priant  toutefois  de  l'en 
remercier  de  ma  part.  Si  j'estois  venu  a  bout  de  ma  Seconde  Cen- 
turie, je  luy  escrirois  très  volontiers  pour  le  prier  de  l'avoir  aggrea- 
ble.  Si  ainsy  estoit  nous  aurions  tout  gaigné,  puis  qu'elle  sera  toute 
en  l'honneur  du  Sainct  Sacrement  ;  et  non  moins  sil  fait  estât  de 
la  troisième,  laquelle  je  pretens  faire,  Dieu  aydant,  en  l'honneur  de 
Nostre  Dame. 

J'attens  de  bon  cœur  l'ornement  que  vous  m'avez  promis  pour 
•  Vide  p.  164.  mon  Code  Savovsien*,  lequel  je  vay  avançant  de  jour  a  autre  le  plus 

que  je  peux  pendant  le  loisir  que  m'en  donnent  ces  feries. 

Entre  autres  poinctz,  n'oubliez  pas,  sil  vous  plait,  celuy  là,  que 
noz  hérétiques  font  mestier  de  nier  tout  et  ne  rien  dire.  Hz  le  font 
sans  doubte  par  art  et  par  finesse,  affin  quilz  ne  soyent  tenus  de  rien 
preuver  et  quilz  nous  chargent  tant  plus  de  preuve,  dautant  quil  est 
beaucoup  plus  aisé  de  nier  la  vérité  que  de  preuver  le  mensonge.  Hz 
se  fondent  sur  la  reigle  qui  dit  que  aienti ,  non  neganti ,  mcumhit 
prohatio;  mais  vous  sçavez  mieux  que  moy  comment  telle  reigle  est 


Lettres  d'Antoine  Favre  409 

entendue  en  nostre  jurisprudence,  a  laquelle  proprement  elle  apper- 
tient.  Noz  loix  dient  que  celuy  qui  dit  et  afferme  quelque  chose  [est 
tenu  de  le  prouver,  mais  que  celui  qui  soutient  la  négative  ;i  )]  n'est 
tenu  de  la  preuver;  la  raison  est  parce  que  la  preuve  d'une  négative 
semble  estre  impossible  par  la  nature  mesme,  dautant  que  ce  n'est 
qu'une  pure  privation  qui  en  somme  n'est  rien  selon  les  philosophes. 
Mais  ceste  raison  mesme  monstre  que  la  reigle  doit  estre  entendue 
d'une  pure  négative  qui  ne  puisse  estre  circunstantiee  de  point  de 
façon;  car  quand  ell'est  coarctee,  comme  parlent  noz  maistres,  de  la 
circonstance  de  quelque  lieu  ou  de  quelque  tems,  la  preuve  s'en  peut 
faire,  et  faut  qu'elle  se  face  par  celuy  qui  nie  :  comme  si  quelqu'un 
nioit  d'avoir  esté  a  Romme  un  tel  jour,  il  pourroit  et  devroit  preuver 
en  quel  autre  lieu  il  fut  ce  jour  là. 

Il  y  a  de  plus  que  la  négative  mesme  qui  est  pure  privation,  et 
quœ  nihil  ponit,  nec  inchidit  affirmativam  contrariain.  doit  estre  neant- 
moins  preuvee  par  celuy  qui  l'avance,  toutes  et  quantes  fois  que  c'est 
le  fondement  de  son  intention  ;  et  en  ce  poinct  s'accordent  tous  noz 
docteurs,  fondés  sur  ce  que  tousjours  le  demandeur  doit  estre  chargé 
de  preuver  son  intention  et  ce  sur  quoy  il  la  fonde.  Il  y  en  a  une  infinité 
d'exemples  ramassez  par  le  premier  Marian  Socin  en  ses  Commentaires 
sur  le  Droit  canon,  qui  traite  ceste  matière  plus  amplement  qu'autre 
docteur  quelconque  qui  jamais  en  aye  parlé.  Il  me  souvient  de  l'y 
avoir  veu  autrefois  a  plein  fonds,  combien  que  je  n'aye  pas  a  pré- 
sent le  livre. 

Je  me  suis  fort  appuyé  autrefois  sur  ceste  dernière  considération 
pour  conclurre  que  noz  hérétiques,  pour  nieurs  quilz  soyent,  sont 
tenus  de  preuver  toutes  leurs  négatives  ;  car  ilz  ne  peuvent  nier 
quilz  ne  soyent  demandeurs,  puis  qu'ilz  viennent  a  nous  troubler  en 
nostre  possession  de  sezecentz  ans  qui  nous  rend  defifendeurs  ;  et 
vous  sçavez  que  c'est  la  principale  commodité  de  la  possession, 
qu'elle  décharge  le  possesseur  de  toute  nécessité  de  preuve  jusques  a 
ce  que  le  demandeur  aye  fondé  et  preuve  son  action  :  de  là  vient  que 
adversus  extraneos,  id  est,  nihil  juris  habentes  actores,  etiam  viciosa  pos- 
sessio  prodest.  Mais  c'est  trop  faire  le  docteur  avec  vous  ;  aussy  me 
faites  vous  dottor  in  volgar.  Escrivez  moy  si  vous  voulez  que  je  le  tire 
en  conséquence,  affm  que  je  n'en  abuse. 

Je  feray  tenir  voz  lettres  a  Père  Possevin  et  a  nostre  frère  mon- 
sieur de  Locatel.  J'ay  esté  presque  botté  pour  vous  aller  voir  affm  de 
vous  conduire  au  Baptesme  de  nostre  neveu,  lequel  nous  espérions 


(  i)  L"auteur,  probablement  par  distraction,  a  omis  ici  un  membre  de  phrase 
qu'il  a  semblé  indispensable  de  suppléer. 


410  Appendice 

devoir  estre  fait  le  jour  de  la  Toussainctz;  mais  j'ay  esté  retenu  par 
une  infinité  d'incommodités,  et  pour  avoir  sceu  aussy  que  monsieur 
le  Commandeur  doit  partir  aujourdliuy  pour  Lyon,  et  qu'a  ceste 
occasion  la  solemnité  du  Baptesme  sera  remise  en  autre  tems. 

Vous  me  treuverez  aussy  long  en  françois  qu'en  latin,  mais  je  ne 
sçaurois  qu'y  faire.  Encor  avois  je  a  vous  prier  de  m'ayder  a  me 
faire  avoir  responce  des  lettres  que  j'ay  escrit  a  Genève  et  addressé  a 
l'hoste  du  Lyon  d'Or,  pour  sçavoir  si  ces  imprimeurs  mettront  la 
main  a  imprimer  mes  derniers  Livres  de  Conjectures  suyvant  les  pro- 
messes qu'ilz  m'en  ont  faites  toute  ceste  année.  Je  ne  peux  attendre 
davantage  pour  le  désir  que  j'ay  de  faire  sçavoir  en  Allemagne  et  en 
l'Italie,  aussy  bien  qu'en  France,  que  nous  sommes  frères;  et  comme 
tel  je  vous  baise  les  mains.  Aussy  font  ma  belle  mère  et  ma  mais- 
tresse  (  I  ),  avec  noz  escoliers,  qui  prient  tous  Dieu  avec  moy  quil  vous 
conserve,  Monsieur  mon  Frère,  a  longues  années  en  sa  grâce,  et  nous, 
en  la  vostre. 

Vostre  plus  humble  et  plus  intime 
frère  et  serviteur, 

A.  Favre. 

De  Cliambery,  en  haste,  ce  25  octobre  1595. 

Revu  sur  l'original  consen'é  à  la  Visitation  d'Annecy. 

(  I  )  Le  Sénateur  avait  coutume  de  désigner  ainsi  M™®  Favre. 


XXII 


Chambéry,  22  novembre  1S95. 

Fratri  suavissimo  Francisco  De  Sales, 
Ecclesiae  Gebenensis  Prœposito  et  Pontifici  designato, 
Antonius  Faber  salutem  dicit. 
Non  est  quod  ex  me  nunc,  mi  Frater,  aut  longas  aut  suaves  literas 
expectes,   adeô   me  conturbat  repentinus  sic  obitus  Baronis  nostri 
Vide  p.  I.  Hermanciani  *,  sivè  privatam  jacturam  meam  considero  sivè  totius 

reipublicae  nostras  causam,  qu^e  tôt  jam  adversis  casibus  cladibus- 
que  miserè  conflictatam  spes  erat  maxima,  hujus  potissimùm  viri 
opéra  vehementique  pacis  studio  quo  flagrabat,  restitui  posse  et  re- 
creari.  Movet  me  etiam  non  parùm  quôd,  postremis  qui  mihi  cum 
illo  ante  morbum  intercesserunt  sermonibus,  videbatur  in  eam  potis- 
simùm curam  velle  in  posterum  incumbere  ut  sacrosancta  religio 


Lettres  d'Antoine  Favre  411 

nostra,  tuis  potissimùm  prîeclaris  conatibus  adjuta,  per  totam  istam 
provinciam  quàm  latissimè  et  vivissimè  diflFunderetur.  Quamquam 
si,  ut  plerique  ominantur,  provincice  moderatio  ad  Baronem  Petrœ 
differretur,  sperandum  est  aequè  féliciter,  ne  quid  amplius  dicam, 
cessura  omnia,  dummodô  quantum  ille  animi  et  contentionis  in  eam 
rem  collaturus  est,  tantum  ad  rem  agendam  habiturus  sit  authori- 
tatis  ;  quam  ego  in  hujusmodi  causis  semper  plus  posse  credidi  quàm 
Ipsum  etiam  jus  potestatis.  Sed  de  hoc  postea  videbimus. 

Gaudeo  intérim  te  in  Salesianum  venire,  in  quo  ita  futurus  sis 
otiosus  ut  numquam  minus  otiosus.  Etsi  enim  ea  ingenii  tui  vis  est, 
ut  ubi  voles  esse  gentium  non  possis  aut  tui  similis  non  esse  aut 
extrinsecis  hujusmodi  subsidiis  indigere,  conducet  tamen  non  parùm 
ad  edendum  féliciter  partum  hune  quem  jampridem  parturis,  ut  in 
eo  loco  sis  in  quo  favorabilior  tibi  gratiorque  Lucina  adfutura  sit. 
Ego  Librum  meum  duodecimum,  tibi  inscriptum  et  proprio  quodam 
jure  tuum  quôd  in  Salesiano  tuo,  ut  meministi,  inchoatus  sit,  dedi 
optimo  et  ornatissimo  huic  viro  perferendum  ad  typographum  qui 
saepiùs  jam  ad  me  scripsit  facturum  se  ut  quamprimum  prœlo  detur. 
Id  ego  incredibiliter  fieri  cupio  ut  ita  saltèm  publicum  extet  singu- 
laris  meœ  erga  te  voluntatis  monumentum  si  facere  posthac  non 
potero  ut  majus  quidpiam  à  me  proficiscatur. 

Benè  vale,  mi  Frater,  et  me,  ut  facis,  ama.  Meiomnes,  aut  tui  po- 
tiùs,  te  salutant  ;  ego  nominatim  consobrinum  nostrum.  Iterum  vale. 

Ex  urbe,  10  calend.  Decembris  1595. 

A  Monsieur  mon  Frère, 

Monsieur  De  Sales, 
Prévost  de  l'Esglise  Cathédrale  de  Sainct  Pierre  de  Genève. 

A  Chablaix. 

Revu  sur  le  texte  inédit,  inséré  dans  le  P""  Procès  de  Canonisation. 


XXIII 


Chambéry,  2  janvier  IS96. 

Fratri  suavissimo  Francisco  De  Sales, 
Ecclesise  Gebenensis  Praeposito  et  Pontifici  designato, 
Antonius  Faber  salutem  dicit. 
*Non  minus  ex  Avultei**,  tandem  nostri,  sermonibus  quàm  ex   *  vide  Epist.  lxiv. 

,....„  .  ,  .      .  .    ,  ,       .     "Vide  p.  198. 

literis  tuis,  mi  Frater,  cognovi  quod  maxime  cupiebam,  prseclare 
illum  de  religione  sentire  nec  magisquidquam  in  votis  habere  quàm 


412 


Appendice 


ut  publicè  id  testatum  faciat.  Sic  enim  mecum  egit  ut  priecipuo  quo- 
dam  animi  dolore  angi  videretur  quod,  tantopere  urgentibus  con- 
scientia;  stimulis,  rem  tanti  momenti  tanidiù  prociastinando  in  hune 
usque  diem  distulisset. 

Libris  illis  de  politica,  ut  eleganter  inscribis,  auscultatione  id 
prœscribentibus,  hoc  mihi  quàm  dulce  optatumque  fuerit,  etsi  facile 
aestimare  potes  qui  optimus  testis  es  nihil  me  umquam  ardentiùs  de- 
siderasse,  vix  tamen  possis  credere  ni  tibi  persuadeas  eum  esse  me 
qui  factis  laudibusque  tuis  magis  délecter  quàm  tu  ipse,  in  ea  praeser- 
tim  re  in  qua  nominis  tui  laus  cum  Dei  gloria  non  possit  non  esse 
conjuncta.  Itaque  noli  quœrere  quàm  alacriter  utroque  ut  jubebas 
amplexu  hominem  sim  complexus,  quamquam  in  eo  mihi  minus 
satisfecerit  quod  visus  est  publicam  conversionis  suse  significationem 
nescio  qua  majoris  boni  spe  in  ultcriorem  diem  differre  velle.  Adjecit 
sibi  tecum  sic  convenisse  ut  Principem  rogaretis  de  me  in  provin- 
ciam  istam  mittendo,  ut  quae  ad  sacrosanctae  religionis  nostrae  resti- 
tuendam  dignitatem  pertinere  videbuntur  à  provincialibus  impetrem 
aut  potiùs  extorqueam.  Id  verô  quàm  mihi  honorificum  si  succédât  ; 
etsi  nec  dubitandi  causa  est  si  Deum  authorem  habebimus  Principem 
fautorem  et  adjutorem.  Intereà  expectationem  nostram  spe  susten- 
temus. 

De  Pâtre  Cherubino  facere  non  potui  ut  eum  Avullfeus  tam  citô 

•  Vide  p.  179.  conveniret.  Expectabam  ut  ad  me  scriberes  aliquid  de  prioratibus*; 

•  Cf.  p.  178.  audio  enim  Baronem  nostrum  venisse*,  ex  cujus  literis  sperabam 

fore  ut  ea  de  re  fausti  aliquid  lactique  intelligerem.  Ad  eum  enim, 
cum  tuis  literis,  meas  etiam  dederam.  Sed  quando  id  hactenus  fac- 
tum  non  est,  cura  si  placet  ut  quamprimùm  fiat.  Non  gratiora  mihi 
aut  melioris  ominis  xenia  possis  mittere  ;  ne  (sic)  si  fragmentum 
illud  quôd  poUiceris,  et  quo  tamen  scito  nihil  mihi  advenire  posse 
optât  iùs. 

Benè  vale,  Frater  suavissime,  et  quod  felix  faustumque  sit  ad  me 
scribe.  Mei  omnes,  aut  tui  potiùs,  valent  optime  et  te  salutant  ami- 
cissimè.  Iterum  vale. 

Ex  urbe  et  ex  tempore,  4  non.  Januarii  1396. 

A   Monsieur  mon  Frère, 

Monsieur  De  Sales, 
Prévost  de  l'Esglise  Cathédrale  de  Sainct  Pierre  de  Genève. 

A  Tonon. 

Revu  sur  le  texte  inédit,  inséré  dans  le  I*""  Procès  de  Canonisation. 


Lettres  d'Antoine  Favre  413 


XXIV 


Chambéry,  19  février   1396. 

Fratri  suavissimo  Francisco  De  Sales, 
Ecclesice  Gebenensis  Prœposito  et  Pontifici  designato, 
Antonius  Faber  salutem  dicit. 

*Acceptis  uno  die  binis  à  te,  mi  Frater,  literis,  expertus  sum,  quod   »  vide  Epist.  lxiv. 
jam  saspe  anteà,  numquam  te  minus  negligentem  esse  quàm  cùm 
negligens  videris.  Nam  eo  ipso  aut  prœcedenti  die  scripseram  ad  te 
epistolam,  perbrevem  quidem,  sed  plenam  expostulationis  quôd  per 
tam  longum  tempus  nuUas  à  te  habuissem. 

Nunc  mihi  plané  satisfactum  est  iis  literis  quibus  ad  omnia  mea- 
rum  capita  tam  diligenter  et  accuratè  respondisti,  nisi  quod  subti- 
cuisti  (dolone  bono  an  malo  non  ausim  dicere),  quod  maxime  signi- 
ficare  debueras,  quodque  ex  Chaventio*  cùm  ei  tuas  darem  intellexi.  •  vide  p.  iSi. 
habere  te  nunc  Principis  nostri,  non  voluntatem  solùm,  quae  tibi 
numquam  defuit,  sed  eam  qu^e  tamdiu  desiderata  et  expectata  est 
subscriptionem.  Q.uo  nomine  si  tibi  et  mihi  totique  reipublicae  nos- 
tras  non  gratuler,  indignus  sanè  sim  quem  boni  ament,  nedum  tu  qui 
es  optimus.  Sed  id  mallem  coram  et  in  fraternis  amplexibus  quàm 
in  literis,  prœsertim  quas  aut  longiores  aut  politiores  facere  ocium 
nunc  non  detur. 

De  prioratu  Talloriarum  *  rursum  benè  sperare  cœperam,  defuncto   •  Vide  contra. 
Calcaneo,  qui  Principis  voluntatem  praecipiti  ambitione  meritis  tuis 
prasripuerat.  Sed,  ut  audio,  Baronis  de  la  Bastie,  magistri  hospitii, 
filio  id  indultum  est. 

De  Centuria  mea  faciam  quod  suades  et  scribis.  De  pacunia  curavi 
quod  petis  ut  humanissim^e  creditrici  meas  satisfiat*,  duplici  in  eam  '  Vide  p.  181. 
rem  exquisita  ratione,  ut  si  una  deesset,  altéra  succederet.  Si,  quod 
abominor,  neutra  succedet,  curabo  artibus  omnibus  ne  illam  collati 
in  me  beneficii,  te  vero  praestiti  amicissimè  officii  pœnitere  possit. 
De  eo  scripsi  ad  Chiss^um  nostrum  *  itemque  ad  Agiaeum  **,  à  quo   '  ^'^^^  p-  7'- 

.  °  '  "Vide  p.  3. 

etiam  habui  de  ea  re  suavem  et  benevolam  mterpellationem. 

Nos  omnes  valemus  et  te  salvere  jubemus.  Tu  vale,  et  nos,  ut 
facis,  ama. 

Ex  urbe,  12  calend.  Martii  1596. 

Post  haec  scripta,  accepi  posteriores  tuas  literas,  et  quas  tu  de  hcc- 
reticis  nostris  tam  argutè  et  copiosè  scripta  adjecisti  ;  habeo  gratiam, 


414  Appendice 

Vide  p.  285.  et  de  eo  brevi  ad  te  rescribam.  Dominum  de  Lullin*,  à  quo  tempore 

tuas  accepi  literas,  non  vidi  ;  faciam  ut  intelligat  se  mihi  per  te 
commendatum. 

A  Monsieur  et  Frère, 

Monsieur  De  Sales, 
Prévost  de  l'Esglise  Cathédrale  de  S'  Pierre  de  Genève. 
A  Tenon. 

Revu  sur  l'original  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


XXV 


Chambéry,  27  mars  1596. 

Fratri  suavissimo  Francisco  De  Sales, 
Ecclesi^  Gebennensis  Praeposito  et  Pontifici  designato, 
Antonius  Faber  salutem  dicit. 

Vide  Epist.  lxix.  *  Scripsissem  ad  te,  mi  Frater,  diligentiùs,  si  de  Serenissimi  Duels 

nostri  adventu,  de  quo  te  scio  potissimùm  laborare,  certi  quid  et 
explorati  habuissem  ;  sed  fuerunt  omnia  in  hune  usque  diem  adeô 
incerta  et  in  utrumque  eventum  titubantia,  ne  dicam  penè  deplo- 
rata,  ut  nihil  scribendum  occurreret  quod  levandi  et  consolandi  tui 
causa  scirè  te  mea  interesset.  Nunc  certioribus  quàm  anteà  rerum 
argumentis  erecta  sunt  spes  nostrîe  reditu  Praesidis  Rochetani,  qui 
affirmât  esse  omnia  non  solùm  in  expedito,  sed  etiam  in  tuto,  et 
ante  festa  Paschalia  venturos  à  Rege  in  hanc  urbem  legatos,  qui  per- 
petuum  inter  Principes  fœdus  sanciant  et  jurejurando  devinciant.  Id 
si  ita  erit,  non  dubitamus  quin  ad  nos  Princeps  quoque  statim  sit 
advolaturus.  Tu,  quod  facturum  te  promittis,  si  et  Principem  et  nos 
amas,  fac  ut  venias  ;  multum  tibi  ex  loci  et  temporis  opportunitate 
auxilii  prssidiique  accesserit  ad  ista  quae  solo  Deo  optimo  maximo 
auspice  tam  féliciter  instituisti,  et  commode  et  honorificè  peragenda. 
De  Avullaeo  nostro  doleo  mirum  in  modum  quod  longioribus  eum 
sermonibus  tenere,  ut  sperabam  et  cupiebam,  non  potuerim.  Réces- 
sif enim  postridie  quàm  Necio  veni,  cùm  tamen  non  priùs  reces- 
surum  putarem  quàm  Principem  vidissct.  Literas  à  te  nuUas  mihi 
reddidit  ;  itaque  quas  Necii  dixeras  ad  me  scripsisse  video  intercep- 
tas, feroque,  ut  debeo,  molestissimè  ;  etsi  fuit  illud  multo  jucundius 
te  videre,  tanta  prassertim  videndi  mei  cupiditate  incitatum,  ni  pu- 
deret  magis  quod  mea  causa  tam  grave  et  noctis  et  itineris  incom- 

'  Vide  p.  177.  modum  suscepisses  *. 


Lettres  d'Antoine  Favre 


415 


Pater  Cherubinus  infinitam  tibi  salutem  ;  ardebat  miro  videndi 
amplectendique  hominis  desiderio,  maxime  cùm  id  tibi  optatissimum 
esse  ex  me  intellexisset.  De  demonomania  ista  Tononensi  *  aliquas  *  Vide  p.  194. 
à  te  literas  hiabere  vellet.  Si  ocium  erit,  scribe  ;  at  etiam  si  ocium  non 
erit,  quod  tamen  sine  ocio  facere  potes,  me  ama;  et  vale,  mi  Frater, 
iterum  atque  iterum  suavissime,  iterùm  atque  iterum  vale. 

Ex  urbe  Camberii,  6  calend.  Aprilis  1596. 

Tui  omnes,  quos  cùm  aliis  scribo  soleo  meos  dicere,  te  salutant. 

A  Monsieur  mon  Frère, 

Monsieur  De  Sales, 
Prévost  en  PEsglise  Cathédrale  de  S»  Pierre  de  Genève. 
A  Tonon. 

Revu  sur  l'original  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


XXVI 


Monsieur  mon  Frère, 

*  Je  me  doubte  fort  que  la  lettre  que  je  vous  escrivis  la  semaine  '  vide  Epist.  lxxiv. 
dernière  par  la  voye  de  monsieur  de  Crans  ne  vous  aye  pas  esté 
rendue,  par  les  dangers  de  contagion  continués  et  accreus,  comme 
l'on  nous  dit,  du  costé  de  Necy  *.  Je  porteray  la  perte  fort  patiem-  *  vide  p.  215. 
ment,  pourveu  que  vous  croyez  que  je  n'ay  pas  esté  si  paresseux 
d'attendre  jusques  a  présent  de  me  conjouir  avec  vous  de  vostre 
heureux  retour  (car  aussy  n'estoit  elle  pour  autre),  en  attendant 
qu'avec  plus  de  loisir  je  puisse  vous  escrire.  Despuis,  j'ay  eu  quel- 
ques heures  de  meilleur  loisir,  mais  point  de  commodité  de  porteur 
qui  s'en  allast  du  costé  de  Sales  ou  de  Tonon. 

Je  m'asseure  que  vous  n'aurez  pas  esté  moins  impatient  en  l'attente 
de  recevoir  de  mes  nouvelles  que  moy,  en  l'attente  de  pouvoir  vous 
faire  part  des  miennes  et  d'avoir  des  vostres,  combien  que  pour  ma 
consolation  j'aye  veu  nostre  bon  frère*,  qui  m'a  bien  au  long  entre-  •  vide  p.  209. 
tenu,  et  discouru  plusieurs  particularités  de  vostre  voyage,  toutes 
très  aggreables,  mesme  celle  du  françois  converti  ;  car  elle  vise  a 
l'honneur  de  Dieu  premièrement,  puis  au  vostre,  qui  sont  les  deux 
plus  grandes  grandeurs  que  j'appréhende  dans  ce  monde.  Bref,  il  me 
semble  que  je  vous  ay  veu  et  que  je  vous  voy,  et  peut  estre  encor 
que  je  vous  verray  en  brief. 


4i6  Appendicb 

Au  reste,  j'ay  a  vous  dire  pour  bonne  nouvelle,  et  meilleure  pour 

Vide  p.  aog.  moy  que  pour  vous,  que  monsieur  de  Jacob*,  venant  de  France,  m'a 

fait  entendre  que  Madame  de  Nemours  l'avoit  prié  fort  afFectionne- 
ment  de  sçavoir  de  Son  Altesse  si  elle  auroit  aggreable  que  je  fusse 

Vide  p.  6i.  convié  d'estre  Président  du  Genevois*;  a  quoy  s'accorde  un  billet 

escrit  par  monsieur  de  Charmoisy,  nostre  parent,  a  monsieur  son 

Vide  p.  57.  père  *,  qui  adjouste  que  Monsieur  et  Madame  de  Nemours  estoyent 

sur  le  poinct  de  m'en  prier.  Je  serois  trop  long  a  vous  conter  tout  ce 
qui  a  esté  dit  sur  ce  propos  entre  luy  et  moy  ;  tant  y  a,  que  son 
advis  a  esté  que  je  peux  et  doy  entendre  a  ceste  condition,  et  que 
Son  Altesse  l'aura  très  aggreable,  et  a  résolu  de  faire  l'office  a  ce 
voyage  qu'il  fait  en  nostre  court,  ou  il  s'est  aclieminé  despuis  deux 
jours.  Je  m'asseure  que  le  commandement  ne  tardera  gueres  de 
venir;  il  ne  restera  sinon  que  de  l'autre  costé  on  m'escrive.  Et  voyla 
ma  cause  gaignee.  Apprestes  vous  seulement  d'estre  le  président 
du  Président,  et  de  rabbattre  trois  ou  quattre  heures  tous  les  jours 
de  vostre  plus  sérieuse  estude.  Je  fcrois  tort  a  ceste  lettre,  pleine 
d'un  sujet  tant  désiré,  si  je  la  cbargeois  d'autre  matière,  sinon  pour 
vous  dire  que  j'ay  fait  tenir  voz  pacquetz  a  monsieur  de  LuUin  par  le 
secrétaire  mesme  de  monsieur  de  Jacob,  qui  m'a  promis  de  les  deli- 
\rer  en  mains  propres. 

Nostre  santé  est  très  bonne  en  gênerai,  grâces  a  Dieu,  lequel  vueille 
qu'ainsy  soit  de  celle  de  Necy  bien  tost.  Quant  a  la  vostre,  je  la  tiens 
et  désire  toute  telle  que  celle  de  l'autre  vous  mesme,  sinon  que  de 
plus  il  est 

"Vostre  serviteur, 

A.  Favre. 
Ma  maistresse  avec  toute  la  suite  vous  salue  ;  ainsy  fait    elle 
■  Vide  p.  344.  madame  du  Foug  *,  et  moy  encores  plus,  sans  oublier  monsieur 

Vide  p.  159.  l'advocat  du  Crest  *,  et  monsieur  le  Procureur  fiscal  **. 

'Vide  p.  312. 

De  Chambery,  en  haste,  ce  21  novembre  1596. 

Monsieur  mon  Frère, 

Monsieur  De  Sales, 
Prévost  de  PEsglise  Cathédrale  de  Sainct  Pierre  de  Genève. 
A  Tonon. 

Revu  sur  le  texte  inédit,  inséré  dans  le  I'"''  Procès  de  Cnnonisation, 


LbTTRts  d'Antoine  Favre  417 


XXVII 


Monsieur  mon  Frère, 

Combien  que  je  vous  aye  escrit  ny  a  que  deux  ou  trois  jours  par 
l'homme  de  monsieur  de  Coudree  bien  amplement,  et  avec  beau- 
coup de  contentement  pour  la  bonne  nouvelle  de  laquelle  je  vous 
ay  fait  part  de  ma  promotion  a  Testât  que  je  desirois,  tousjours  plus 
pour  m'approcher  de  vous,  qui  m'estes  et  serez  in  œternum  instar  om- 
nium, que  pour  m'esloigner  du  reste  de  mes  amis,  si  est  ce  que  j'ay 
recherché  encores  ceste  commodité  de  vous  pouvoir  escrire  par  mon- 
sieur le  Gouverneur*,  pour  me  réintégrer  en  la  possession  de  noz  '  Cf.  p.  127. 
premières  diligences,  autant  que  la  commodité  ou,  pour  mieux  dire, 
l'incommodité  et  le  malheur  du  tems  le  pourra  permettre  ;  car  Necy 
est  maintenant  plus  décrié  que  jamais  pour  le  mal  qui  est  naguieres 
survenu  près  du  pont  de  Nostre  Dame.  Nous  sommes  de  par  deçà 
assez  asseurés,  mais  non  pas  entièrement,  parce  quil  y  a  deux  vil- 
lages ausquelz  le  mal  va  encores  s'entretenant. 

Tout  mon  train  se  porte  bien,  grâces  a  Dieu,  et  sur  toutz  celuy  que 
vous  tenez  et  recognoissez  pour 

L'autre  vous  mesme  et  rien  moins  qu'autre, 

A.   Favre. 

Tous  mes  gens  se  recommandent,  et  moy  particulièrement,  mesmes 
a  monsieur  d'Avully,  monsieur  du  Crest,  a  monsieur  le  Procureur 
fiscal  et  a  madame  du  Foug. 

De  Chambery,  en  haste,  ce  25  novembre  1596. 

A  Monsieur  mon  Frere^ 

Monsieur  De  Sales, 
Prévost  de  l'Esglise  Cathédrale  de  Genève. 
A  Tonon. 

Revu  sur  l'original  inédit,  conservé  à  la  Visitation  de  Rennes. 


Lettres  I 


4i8 


Appendice 


XXVIII 


Monsieur  mon  Frère, 

Vide  Epist.  Lxxviii.  *  jg  n'cusse  pas  laissé  partir  ces  bons  villageois  sans  les  charger  de 
mes  lettres  si  j'eusse  esté  adverty  de  leur  despart  ;  mais  la  faute  n'en 
est  qu'a  leur  procureur  qui  m'avoit  promis  de  me  les  faire  voir,  ce 
qu'il  n'a  fait.  Je  sçay  qu'ilz  ont  esté  dépêchés  a  leur  contentement, 
mais  non  pas  sans  beaucoup  de  despence  :  en  quoy  peut  estre  que 
j'eusse  peu  leur  apporter  quelque  soulagement,  si  leur  procureur 
m'en  eust  parlé  avant  que  l'argent  eust  esté  déboursé,  s'estant  aussy 
en  cela  comporté  plus  nonchalamment  qu'il  ne  devoit;  combien  qu'a 
la  vérité,  en  semblables  matières  d'argent,  si  peu  de  gens  ont  le  cré- 
dit d'en  faire  rien  rabbattre. 

Je  feray  voir  au  Conseil  d'Estat  la  requeste  du  gentilhomme  duquel 

Cf.  Epist.  Lxxvi.  vous  m'escrivez*  a  la  première  assemblée  qui  se  fera,  qui  ne  peut 
estre  devant  demain,  15^  de  ce  mois,  et  n'oublieray  rien  de  ce  que 
je  pourray  pour  luy  faire  ressentir  quelque  bon  effect  de  vostre  re- 
commandation ;  me  resjouissant  au  reste  des  bonnes  espérances  que 
vous  donne  Monsieur  le  Nonce,  ne  pouvant  croire  qu'elles  doivent 
plus  longuement  demeurer  sans  effect  en  chose  de  telle  importance, 
et  laquelle  je  ne  doubte  point  que  Son  Altesse,  aussy  bien  que  luy, 
n'affectionne  beaucoup  plus  qu'auparavant  des  qu'ilz  vous  ont  veu  : 
et  me  semble  qu'icy  l'autheur  doit  admirer  leur  tardiveté  autant  que 
son  sçavoir. 

Je  m'estois  bien  promis  que  je  me  treuverois  a  la  première 
grand'Messe  que  vous  diriez  a  Tonon  pour  ces  festes  de  Noël,  mais 
a  ce  que  je  voy,  la  chose  sera  remise  a  l'an  qui  vient.  Bon  Dieu, 
que  le  tems  m'en  dure,  et  de  vous  voir  et  en  cest  acte  là  !  l'un  et 
l'autre  sera  quand  il  plaira  a  Dieu.  Je  suis  retenu  plus  que  jamais 
d'aller  en  Genevois  jusques  a  ce  que  j'y  aille  pour  une  bonne  fois, 
pour  ne  sembler  vouloir  courir  au  devant  des  honneurs  ;  sinon  que 
les  lettres  de  monsieur  de  Charmoisy,  mon  cousin,  ou  quelque  sien 
commandement  ou  vostre  m'en  fist  naistre  l'occasion.  Ce  pendant, 
pour  accroistre  ce  contentement  qui  n'est  qu'un  a  vous  et  a  moy,  je 
vous  diray  que  je  viens  de  recevoir  lettres  de  monsieur  de  Jacob, 
par  lesquelles  il  m'asseure  que  Son  Altesse  a  très  aggreable  que 
j'aille  en  Genevois  et  qu'elle  m'en  priera  (voyez  quelz  termes)  ;  et 
qu'en  tesmoignage  de  cela,  mes  gaiges  de  sénateur  me  demeureront. 


Lettres  d'Antoine  Favre  419 

Mais  tenez,  je  vous  prie,  ce  dernier  poinct  secret,  car  il  m'importe 
affin  qu'on  ne  me  rabbatte  rien  dans  cela  des  gaiges  qu'avoit  mon- 
sieur Poille*,  qui  est  le  plus  haut  degré  d'ambition  et  d'avarice  *  videp.  6i,not.  (i). 
auquel  ma  pauvreté  aspire.  Il  ne  reste  sinon  que  je  reçoive  mes  dé- 
pêches et  d'une  part  et  d'autre.  J'espère  que  de  nostre  court  mon- 
sieur de  Jacob  les  apportera  a  son  retour  ;  mais  ce  ne  sera  pas, 
comme  je  croy,  avant  Pasques,  car  il  fait  estât  de  se  treuver  a  Paris 
seulement  pour  le  quinziesme  du  mois  prochain,  a  ce  que  dit  mon- 
sieur de  TroUioux  qui  est  passé  pour  luy  aller  préparer  son  logis. 
Cela  me  fait  très  bien  espérer  de  noz  affaires,  quoy  qu'on  veuille  dire 
ou  gazouiller  au  contraire.  Autres  advis  n'en  ay  je  desquelz  je  puisse 
vous  faire  part. 

Ma  maistresse  et  tous  voz  neveux  qui  sçavent  parler  vous  saluent, 
mais  le  père  sur  tous  et  plus  que  tous,  comme  celuy  qui  est  et  sera 
a  jamais, 

Monsieur  mon  Frère, 

Vostre  très  humble  frère  et  serviteur, 
Favre. 

Je  resalue  infiniment  tous  ces  messieurs  qui  se  resouviennent  de 
moy,  et  outre  les  messieurs,  madame  du  Foug,  de  laquelle  je  suis 
bien  humble  et  obligé  serviteur. 

De  Chambery,  ce  14  décembre  1596. 

Monsieur  mon  Frère, 

Monsieur  De  Sales, 
Prévost  de  l'Esglise  Cathédrale  de  Sainct  Pierre  de  Genève. 
A  Tonon. 

Revu  sur  le  texte  inédit,  inséré  dans  le  P''  Procès  de  Canonisation. 


XXIX 


Monsieur  mon  Frère, 

Estant  au  plus  fort  des  Méditations  poétiques  que  j'ay  commen- 
cées despuis  quelques  jours  sur  les  misteres  du  tressainct  Rosaire  *,    *  Cf.  p.  408. 
pour  faire  quelque  provision  de  dévotion  pour  ces  bonnes  festes,  j'ay 
sceu  par  monsieur  l'advocat  Salteur  *,  lequel  m'a  remis  voz  der-   '  vide  p.  64 
nieres  lettres,  quil  y  avoit  commodité  de  vous  faire  responce  par  le 


420  Appendice 

greffier  de  Thonon  ;  et  a  Tinstant,  sans  poser  la  plume,  j'ay  seulement 
changé  de  papier  pour  vous  faire  ce  mot,  non  moins  pour  accroistre 
en  moy  cet  esprit  de  dévotion  par  l'imagination  que  je  conçoy  de 
vostre  conversation,  que  pour  vous  advertir  comme  du  jour  mesme 
que  je  receus  vostre  pacquet,  ou,  pour  ne  mentir,  du  lendemain,  je 
le  remis  a  la  poste  avec  les  autres  que  le  Conseil  d'Estat  depechoit  par 
courrier  exprès  a  Son  Altesse  et  soubs  une  mesme  couverture,  de  sorte 
que  je  m'asseure  quil  aura  esté  bien  et  seurement  rendu  ;  dequoy  je 
n'eusse  pas  tant  tardé  de  vous  advertir  si  j'eusse  heu  la  commodité 
d'un  porteur. 

Car,  quant  au  reste  que  vous  vouliez  sçavoir  de  moy,  de  la  nego- 
tiation  de  monsieur  de  Jacob  pour  moy  en  nostre  court,  je  vous  ay  ja 
escrit,  et  m'asseure  qu'aurez  receu  la  lettre,  que  Son  Altesse  treuve 
tout  bon  et  me  laisse,  avec  Testât  de  sénateur,  mes  gaiges.  On  m'en 
escrit  en  ces  termes  :  «  Vous  irez,  vous  demeurerez  et  tirerez  voz 
gaiges.  »  Toutefois,  je  n'ay  encor  point  receu  de  lettres  de  Son  Altesse, 
non  plus  que  de  Leurs  Excellences,  tellement  que,  non  sans  beaucoup 
de  peine,  je  suis  contraint  de  dissimuler  et  ne  faire  pas  semblant  que 
je  désire  de  voir  la  chose  exécutée,  quand  ce  ne  seroit  que  pour  em- 
pêcher que  noz  confrères  ne  vous  veullent  mal,  pour  l'asseurance 
quilz  ont  que  la  force  de  nostre  amitié  mattire  a  ceste  resolution 
autant  qu'autre  chose  quelconque.  J'espère  que  le  retour  de  mon- 
sieur de  Marclaz,  mon  cousin,  m'apportera  ce  contentement  avec  les 
autres. 
•  Cf.  p.  222.  Cependant,  felix  nohis  de  la  lettre  de  nostre  Sainct  Père  *.  C'est 

maintenant,  a  ce  que  je  voy,  quil  fera  bon  estre  de  voz  amis  a  qui 
en  voudra  avoir  a  Romme  et  a  Turin.  Je  ne  pers  point  pour  cela 
courage  d'espérer  que  vous  aymerez  tousjours  le  Président,  lequel 
vous  avez  bien  aymé  sénateur.  Encor  veux  je  que  le  Pape  le  sçache 
quelque  jour,  aussy  bien  que  Son  Altesse  le  sçait. 

Je  ne  pensois  vous  escrire  qu'un  mot,  et  vous  voyez  ou  la  passion 
me  porte.  Encor  feroy  je  bien  ceste  plus  longue,  si  le  dernier  coup  de 
Matines  ne  me  pressoit  ;  car  je  vous  escris  ceste  en  semblable  tems 
auquel  je  jouissois  de  nostre  première  entreveuë  a  Necy  en  vostre 
estude,  sont  passés  trois  ans.  La  seule  souvenance  me  recrée  infi- 
niment ;  Dieu  veuille  que  dans  un  an  je  la  puisse  rafreschir  par  une 
nouvelle  jouissance. 

Je  n'escris  rien  a  monsieur  de  Charmoisy,  mon  cousin,  en  responce 
de  la  sienne,  tant  pour  n'en  avoir  a  ceste  heure  le  loisir,  que  pou^ 
avoir  desja  satisfait  a  tout  ce  quil  attend  de  sçavoir  de  moy  par  celle 
quil  aura  receu  de  moy  despuis  la  sienne  escritte.  Si  je  puis  retirer 
de  monsieur  Chaven  le  dépêche  du  gentilhomme   avant  que   ce 


Lettres  d'Antoine  Favre 


421 


porteur  soit  party,  je  feray  quil  le  portera  ;  si'n  minw;,  ce  sera  pour 
l'autre  fois. 

Je  vous  baise  bien  liumblement  les  mains,  et  a  monsieur  nostre 
cousin,  sans  oublier  tout  ce  quil  y  a  de  bon  et  d'honeste  en  vostre 
ville  de  Tonon.  Ma  maistresse  et  voz  neveus  vous  en  présentent  au- 
tant, et  du  mesme  cœur  duquel  nous  prions  Dieu,  tous  tant  que 
nous  sommes,  monsieur  mon  Frère,  pour  vostre  santé  et  prospérité. 

Vostre  plus  humble  frère  et  serviteur, 

A.  Favre. 

De  Chambery,  en  haste,  la  veille  de  Noël,  a  9  heures  du  soir,  1 596. 

A  Monsieur  mon  Frère, 

Monsieur  De  Sales, 
Prévost  de  l'Esglise  Cathédrale  de  S'  Pierre  de  Genève. 
A  Tonon. 

Revu  sur  l'original  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


XXX 


Monsieur  mon  Frère, 

Je  vous  avois  escrit  en  grande  haste  la  veille  de  Noël,  comme 
vous  verrez  par  la  cy  jointe,  pour  ne  perdre  la  commodité  qu'on 
m'avoit  enseigné  du  greffier  de  Tonon  ;  mais  il  se  treuva  au  lende- 
main qu'il  estoit  parti  le  soir  devant,  fort  tard,  de  peur,  comme  je 
croy,  de  se  treuver  a  nostre  Messe  de  minuit.  Despuis,  j'ay  receu  une 
des  vostres  datée  du  jour  de  Sainct  Thomas,  non  toutefois  l'autre 
laquelle  vous  dites  m'avoir  escrit  par  autre  voye. 

Je  ne  treuve  pas   moins  estrange  que  vous  l'empêchement  que 
vous  font  ces  messieurs  de  Tonon  *,  et  en  ay  conféré  bien  a  plein   *  cf  Ep.  lxxx,  lxxxi. 
avec  monsieur  le  Gouverneur  *  lequel  m'a  dit  les  mesmes  raisons   *  Cf.  p.  417. 
lesquelles  il  a  discouru  avec  vous  sur  ce  sujet.  Tout  ce  que  je  treuve 
de  plus  considérable,  c'est  qu'il  dit  que  par  les  lettres  mesmes  de 
Monsieur  le  Nonce  a  vous  *,  il  est  fait  mention  des  dépêches  qu'en   •  videAppend.B.Ep.v. 
veut  faire  Son  Altesse *,  lesquelz  ne  sont  encor  venus  ;  car  sans  doute   «vide  Append.c,  Ep.i. 
s'ilz  estoient  entre  vos  mains,  la  chose  se  pourroit  faire  avec  beau- 
coup plus  de  réputation.   L'autre  raison  qui  m'esmeut  beaucoup, 
c'est  que  la  trefve  estant  sur  le  poinct  de  finir,  il  ne  faut  doubter  que 


422  Appendice 

si  elle  estoit  finie  ou  rompue  l'ennemy  courroit  quant  et  quant  du 
costé  de  Tonon,  quand  ce  ne  seroit  que  pour  abbattre  l'autel  lequel 
vous  auriez  fait  construire. 

Nous  sommes  attendans  monsieur  de  Jacob  dans  deux  ou  trois 
jours.  Je  ne  fauldray,  incontinent  après  qu'il  sera  arrivé,  de  luy  en 
parler,  tant  pour  sçavoir  s'il  apporte  point  de  commandement  de 
Son  Altesse  sur  ce  faict,  que  pour  entendre  ce  qui  luy  en  semblera  ; 
et  sera  bon  que  vous  luy  en  escriviez,  affm  qu'il  s'en  prenne  quelque 
bonne  resolution  entre  luy  et  monsieur  de  Lambert,  lequel  m'a  dit 
que  si  la  trefve  est  continuée  il  viendra  le  voir.  Qu'y  feriez  vous, 
mon  bon  Frère  ?  Il  faut  joindre  encor  ceste  patience  a  tant  d'autres 
desquelles  Dieu  vous  a  donné  et  le  sujet  et  le  mérite  en  ceste  vostre 
si  saincte  et  digne  negotiation.  Ce  pendant,  il  faut  presser  Monsieur 
le  Nonce  pour  avoir,  par  son  moyen,  le  commandement  de  Son 
Altesse.  Je  vous  escriray  dans  peu  de  jours  ce  que  j'en  auray  appris 
de  monsieur  de  Jacob. 

Et  en  ceste  attente,  vous  baisant  bien  humblement  les  mains, 
comm'aussy  ma  maistresse  avec  voz  neveux,  sans  oublier  madame 
du  Foug,  monsieur  le  Procureur  fiscal  et  monsieur  du  Crest,  je  prie 
Dieu  vous  donner  la  santé  longue  et  contente  vie. 

Monsieur  mon  Frère, 
Vostre  plus  humble  frère  et,  s'il  se  peut  dire,  quelque  chose  de  plus, 

Favre. 

De  Chambery,  ce  28  décembre  1596. 

Monsieur  mon  Frere^ 

Monsieur  De  Sales, 
Prévost  en  l'Esglise  Cathédrale  de  Sainct  Pierre  de  Genève. 
A  Tenon. 

Revu  sur  le  texte  inédit,  inséré  dans  le  P''  Procès  de  Canonisation. 


XXXI 


Monsieur  mon  Frère, 

Je  receus  hier  tant  seulement  voz  deux  lettres,  l'une  du  jour  de 
Sainct  Estienne,  l'autre  de  Sainct  Thomas.  Le  subjet  meritoit  bien 
qu'elles  me  fussent  plus  tost  rendues,  affin  que  j'eusse  peu  faire  plus 
diligemment  et  plus  chaudement  l'affaire  duquel  vous  m'escrivez. 


Lettres  d'Antoine  Favke  423 

La  faute  est  venue  en  partie  des  porteurs,  en  partie  aussy  de  ce  que 
j'ay  esté  absent  de  ceste  ville  pour  certain  appointement  que  je  suis 
allé  faire  du  costé  de  Belley.  Mais,  grâces  a  Dieu,  tout  va  bien  puis- 
que vous  avez  réintégré  la  Messe  en  sa  possession  en  un  jour  si 
solemnel,  quoy  que  non  pas  si  solemnellement  que  vous  et  moy 

eussions  désiré.  ,  . 

Tant  y  a  que  voz  scyndics  de  Tonon  n'ont  point  este  icy  pour  se 
plaindre  de  vous,    mais  seulement  pour  présenter   requeste  a  la 
Chambre  des  Comptes  a  cause  de  la  gabelle  du  sel  *,  a  ce  que  leur   *  vide  p.  343,  not.  (.)• 
Procureur  mesme  m'a  asseuré.  Je  l'ay  aussy  sceu  de  monsieur  le  pré- 
sident Pobel  *,  qui  a  tousjours  présidé  au  Conseil  d'Estat  en  l'absence  *  Vide  p.  30.. 
de  monsieur  de  Jacob  ;  j'en  ay  encores  parlé  a  monsieur  de  Jacob, 
qui  me  dit  n'avoir  ouy  aucunes  plaintes  de  vous,  ny  deçà  ny  delà 
les   monts,   au   contraire  toutes  les  voix  du  monde  favorables  a 
vostre  réputation,  et  l'un  et  l'autre  treuvent  bon  ce  que  vous  avez 
fait  et  que  vous  continuiez,  estant  bien  résolus,  si  quelqu'un  de  ces 
messieurs  vient  se  plaindre  a  eux,  de  luy  bien  laver  la  teste  sans  sa- 
von  Mais  ilz  sont  bien  d'advis  que  pour  ce  qui  reste  a  faire  de  plus, 
vous  attendiez  quelque  commandement  plus  exprès  de  Son  Altesse, 
pour  ne  contraindre  Son  Altesse  de  venir  aux   remèdes  violens  qui 
seroient  nécessaires  si  ces  messieurs  faisoient  quelque  insolence  qui 
eust  forme  de  mespris  ou  de  rébellion  ;  car  en  somme,  comme  vous 
escrivez,  ilz  n'ont  point  capitulé  avec  Son  Altesse. 

Monsieur  de  Jacob  m'a  asseuré  que  Son  Altesse  est  très  bien  dis- 
posée a  plaider  vostre  cause  (si  ainsy  la  faut  appeller  plustost  que 
celle  de  Dieu)  contre  Messieurs  de  Sainct  Lazare  *,  et  que  luy  mesme  '  vide  p.  .y.. 
s'y  est  aydé,  s'asseurant  qu'en  brief  vous  l'emporterez,  du  moins 
pour  l'entretenement  de  six  curés.  11  dit  que  monsieur  de  Lullin  fait 
merveilles,  et  m'asseure  que  si  a  son  retour  de  France  la  chose  n'est 
résolue  il  employera  tout  son  crédit  pour  la  faire  réussir  a  l'honneur 
de  Dieu  et  a  vostre  contentement.  Nous  avons  résolu  d'en  conférer 
avec  monsieur  de  Lambert,  par  lequel  en  après  je  vous  en  escnray 
plus  a  plein,  car  je  suis  maintenant  merveilleusement  presse.  La  trefve 
générale  avec  la  France  est  continuée  jusques  au  dernier  d  avril  ; 
monsieur  de  Jacob  s'y  en  retourne  dans  huict  ou  neuf  jours^ 

l'ay  de  rechef  recommandé  a  monsieur  le  président  Pobel  1  affaire 
de  ce  bon  gentilhomme  de  Tonon,  et  a  monsieur  Chaven  encor  qui 
m'avoit  promis  merveilles  sans  y  avoir  encor  rien  fait  ;  et  l'un  et 
l'autre  m'ont  promis  de  le  favoriser  pour  amour  de  vous,  et  de  la 
plus  briefve  expédition  qu'il  sera  possible. 

Monsieur  l'Evesque  de  Sainct  Paul  *  se  recommande  a  vos  bonnes  '  vide  p.  356. 
grâces  et  m'a  asseuré  d'avoir  fait  tenir  vostre  pacquet  a  Monseigneur 


424  Appendice 

le  Nonce,  qui  doit  l'avoir  receu  ja  des  samedy  dernier.  Excusez 
ma  haste,  et  tenez  moy  in  infinitum,  extensivè  et  intensive,  pour  celuy 
qui  est, 

Monsieur  mon  Frère, 

Vostre  plus  humble  frère  et  serviteur, 

Favre. 
De  Chambery,  ce  9  janvier  1597. 

Ma  maistresse  et  voz  neveux  vous  baisent  les  mains  ;  aussy  fay 
je  moy  a  tous  ceux  de  qui  vous  m'escrivez.  Nostre  troisième  frère 
m'a  escrit  de  France  qu'il  se  porte  très  bien. 
Monsieur  mon  Frère, 

Monsieur  De  Sales, 
Prévost  de  l'Esglise  Cathédrale  de  Sainct  Pierre  de  Genève. 

A  Tonon. 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  le  I"  Procès  de  Canonisation. 


XXXII 


Monsieur  mon  Frère, 

En  responce  de  celle  que  ce  porteur  m'a  remis  de  vostre  part,  je 
vous  diray  qu'il  n'y  a  que  quattre  ou  cinq  jours  que  je  vous  ay  escrit 
bien  a  plein  par  le  solliciteur  de  monsieur  de  Colombier,  pour  res- 
pondre  aux  deux  dernières  que  j'avois  eu  de  vous,  dont  la  première 
estoit  datée  du  jour  de  Sainct  Estienne,  l'autre,  du  jour  de  Sainct 
Thomas.  Je  m'asseure  que  ma  lettre  ne  s'esgarera  pas,  car  je  l'ay 
recommandée  fort  estroittement  ;  toutefois,  parce  que  peut  estre  elle 
ne  vous  sera  pas  si  tost  rendue,  je  vous  en  feray  par  ceste  cy  un  épi- 
logue. 

Je  vous  escrivois  qu'ayant  conféré  avec  monsieur  le  président 
Pobel  et  autres  seigneurs  du  Conseil  d'Estat,  j'avois  sceu  que  le 
scyndic  Vernaz,  qui  estoit  venu  en  ceste  ville,  ne  s'estoit  aucunement 
plaint  de  vous,  et  que  quand  luy  ou  quelque  autre  viendroit  a  si 
mauvaise  fm,  on  luy  lavera  bien  la  teste.  11  estoit  venu  seulement 
pour  se  plaindre  de  l'imposition  qu'on  leur  veut  mettre  sus  de  la  ga- 
belle du  sel  ;  son  procureur  mesme  me  l'a  ainsy  confirmé.  Tous  ces 
messieurs  treuvent  bien  fait  ce  que  vous  avez  fait  et  monsieur  de 
Jacob  encor,  avec  lequel  j'en  ay  conféré  bien  au  long  ;  et  est  d'advis, 
puisque  vous  avez  commencé  de  dire  la  Messe  a  Sainct  Hippolite, 


Lettres  d'Antoine  Favre  425 

que  vous  continuiez  ;  mais  il  ne  treuveroit  pas  bon  que  vous  y  fissiez 
construire  aucuns  autelz  jusques  a  ce  que  vous  ayez  receu  dépêches 
de  Son  Altesse,  pour  ne  donner  point  de  sujet  ou  d'occasion  de 
nouveau  remuement  en  un  tems  si  chatouilleux  comme  est  celuy  cy. 

Qu'y  feriez  vous,  mon  Frère  ?  Il  faut  prendre  ceste  mortification 
et  la  joindre  a  tant  d'autres  qui  ont  esprouvé  vostre  patience.  Dieu 
est  bien  le  chef  des  Conseilz  d'Estat,  lesquelz  se  tiennent  en  ce  tems 
par  tout  le  monde  ;  mais  quand  on  vient  a  parler  de  luy  et  de  ses 
affaires,  je  croy  qu'il  faut  qu'il  sorte  de  l'assemblée,  comme  s'il  en 
estoit  seulement  le  président  ou  l'un  des  conseillers.  Je  me  console 
en  l'espérance  que  j'ay  que  vostre  dépêche  ne  tardera  plus  gueres, 
et  que  vous  n'avez  pas  peu  fait  par  ceste  boutée. 

Monsieur  de  Jacob  m'a  dit  que  monsieur  de  LuUin  fait  merveilles 
contre  les  Chevaliers  de  Sainct  Lazare,  et  que  Son  Altesse  la  combat 
pour  nous  a  spada  traita.  Il  m'a  dit  de  plus  que  s'y  estant  une  fois 
treuvé  et  convié  par  Son  Altesse  d'en  dire  son  advis,  il  le  dit  tel  qu'il 
devoit  pour  la  cause  de  la  religion,  et  se  promet  qu'a  son  retour, 
s'il  reste  a  faire  quelque  chose,  il  s'y  employera  si  chaudement  que 
nous  en  verrons  les  effects.  Il  tient  desja  pour  fait  qu'il  y  aura  six 
curés  entretenus,  a  six  vingts  escus  pour  curé. 

II  y  a  plusieurs  autres  choses  en  ma  dernière  lettre,  a  laquelle  je 
suis  contraint  de  me  remettre  pour  le  peu  de  loisir  que  me  donnent 
les  occupations  du  Sénat,  ou  je  me  treuve  en  rapport  et  chargé  d'ail- 
leurs d'une  infinité  d'affaires.  Si  faut  il  qu'encor  je  vous  die  que  j'ay 
receu  par  monsieur  de  Jacob  les  patentes  de  Son  Altesse,  qui  me 
permet  d'aller  en  Genevois  en  retenant  mon  estât  de  sénateur  avec 
mes  gaiges.  Mais  je  n'ay  encores  point  receu  des  lettres  de  Leurs 
Excellences,  et  croy  que  monsieur  de  Jacob  a  son  retour  de  France, 
ou  il  n'est  pas  encores  allé,  me  les  apportera,  et  que  par  conséquent 
la  chose  ira  a  la  longue. 

Je  le  porte  impatiemment  pour  le  désir  que  j'ay  de  vous  voir,  et 
monsieur  vostre  père,  avec  tout  ce  qui  est  de  la  suite.  Mais  je  me 
console  en  l'espérance  qu'entre  cy  et  la,  Son  Altesse  fera  lever  ceste 
gendarmerie  qui  ruine  tout  le  pauvre  Genevois,  ou  du  moins  la  ca- 
vallerie.  Monsieur  de  Jacob  m'a  asseuré  que  Son  Altesse  est  en  ceste 
volonté,  et  que  cela  seroit  ja  fait,  sans  l'advis  qui  vint  a  nostre  court  de 
la  contagion  reprise  a  Necy,  lors  qu'on  estoit  sur  le  poinct  d'en  faire 
les  dépêches.  Il  attend  que  monsieur  TroUioux  les  luy  apporte  dans 
peu  de  jours,  parce  qu'il  en  a  chargé  ses  mémoires  et  escrit  a  Son 
Altesse  de  bonne  encre.  Toutefois,  j'ay  escrit  a  messieurs  du  Conseil 
qu'il  me  sembleroit  très  expédient  que  toute  la  province  deputast 
quelque  gentilhomme  pour  aller  représenter  a  Son  Altesse  ses  plaintes 


426  Appendice 

et  le  misérable  estât  auquel  se  treuve  réduit  tout  le  peuple.  J'espère 
que  monsieur  de  Beaumont,  avec  lequel  j'en  ay  aussy  parlé,  prendra 
bien  ceste  peine,  s'il  en  est  prié  un  peu  vivement. 

J'ay  escrit  bien  au  long  a  Monsieur  nostre  père  par  l'homme 
de  Necy  qui  m'apporta  la  lettre  de  messieurs  du  Conseil  ;  je  m'as- 
seure  que  îa  lettre  luy  aura  esté  rendue.  Ceste  cy  ne  laissera,  s'il  luy 
plaist,  d'estre  pour  vous  deux,  comme  encores  les  très  humbles  re- 
commandations que  ma  maistresse  et  moy  présentons  a  ses  bonnes 
grâces  et  a  celles  de  Madame  nostre  mère,  Messieurs  nos  frères,  et 
Mesdemoiselles  nos  sœurs,  priant  Dieu  vous  donner  a  tous,  Monsieur 
mon  Frère,  une  santé  longue  et  contente  vie. 

Vostre  plus  humble  frère  et  serviteur  in  infinitum, 

Favre. 
De  Chambery,  en  haste,  ce  quatorzième  janvier  mil  cinq  centz 
nouante  sept. 
^^-  P-  4'5-  J'ay  remis  au  Père  Chérubin  vostre  traitté*  incontinent  que  je  le 

vis  a  Necy  après  vous  avoir  laissé.  Je  m'asseure  qu'il  l'aura  veu  dili- 
gemment, car  il  me  le  promit,  et  je  sçay  qu'il  desiroit  extrêmement 
de  le  voir. 

A  Monsieur  mon  Frère, 

Monsieur  De  Sales, 
Prévost  en  l'Esglise  Cathédrale  de  S^  Pierre  de  Genève. 
A  Sales. 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  le  P""  Procès  de  Canonisation. 


XXXIII 


Monsieur  mon  Frère, 

Vous  m'avez  osté  d'une  extrême  peine  me  faisant  sçavoir  de  voz 
nouvelles  et  m'envoyant  la  requeste  de  ce  bon  gentilhomme  qui 
languit  des  si  long  tems  ;  car  ayant  eu  je  ne  sçay  combien  de  fois  la 
main  a  la  plume  pour  vous  escrire,  j'ay  tousjours  esté  retenu  et  em- 
pêché par  honte  que  j'ay  du  tort  que  nous  avons,  monsieur  Chaven 
et  moy,  de  l'avoir  abusé  si  longuement.  11  n'a  pas  tenu  a  moy  que 
l'expédition  ne  s'en  soit  ensuyvie  ;  mais  quoy  que  j'aye  sceu  faire, 
mesme  despuis  mon  dernier  retour  de  Necy,  il  ne  m'a  jamais  esté 
possible  ny  par  courtoisie  ny  par  force  d'avoir  de  ce  petit  homme 
autre  que  paroles  et  vaines  promesses.  Maintenant  je  me  passeray 


Lettres  d'Antoine  Favre  427 

de  luy,  et  au  premier  Conseil  d'Estat,  qui  se  tiendra  demain  comme 
j'espère,  j'auray  quelque  bonne  provision,  a  ce  que  me  fait  espérer 
monsieur  le  président  Pobel,  auquel  j'en  ay  parlé  ja  des  long  tems  et 
qui  m'a  promis  toute  la  faveur  qui  luy  sera  possible.  Vous  serez  ad- 
verty  par  la  première  commodité  de  ce  que  j'auray  peu  negotier. 

Ce  pendant  tenez  vous  joyeux,  nonobstant  les  traverses  ou  non- 
chalances de  ceux  qui  devroyent  vous  ayder  en  ceste  vostre  si  saincte 
entreprise  ;  vostre  patience  a  desja  vaincu  les  plus  grandes  difficultés, 
j'estime  que  ce  qui  reste  a  faire  ne  vous  peut  estre  que  subjet  d'hon- 
neur et  de  contentement.  Je  ne  vous  escris  rien  de  ce  malheureux 
acte  qui  s'est  naguieres  commis  a  Mussel,  tant  pour  n'en  avoir  le 
loisir  que  pour  n'interrompre  voz  dévotes  pensées  d'un  si  fascheux 
entretien.  J'en  ay  escrit  a  monsieur  vostre  père  ce  qui  m'en  sembloit. 

J'ayme  mieux  vous  parler  de  monsieur  Locatel,  nostre  frère,  qui 
m'a  chargé  par  sa  dernière  lettre  de  vous  baiser  bien  humblement 
les  mains,  et  vous  advertir  qu'il  est  père  d'une  Marguerite.  J'espère 
qu'avec  vostre  bonne  ayde  je  pourray  dans  cinq  mois  estre  père  d'un 
François,  si  ma  maistresse  ne  me  trompe,  laquelle  en  ceste  appréhen- 
sion vous  baise  bien  humblement  les  mains,  comm'aussy  je  fay,  et 
a  madame  du  Foug  et  a  tous  ces  messieurs  nos  communs  amis, 
priant  Dieu  vous  donner  a  tous  une  santé  longue  et  contente  vie. 
Monsieur  mon  Frère, 

Vostre  plus  humble  et  plus  obligé, 
Favre. 

De  Chambery,  en  haste,  ce  14  mars  1597. 

A  Monsieur  mon  Frère, 

Monsieur  De  Sales, 
Prévost  de  l'Esglise  Cathédrale  de  Sainct  Pierre  de  Genève. 
A  Tonon. 

Revu  sur  le  texte  inédit,  inséré  dans  le  P"'  Procès  de  Canonisation. 


XXXIV 


Monsieur  mon  Frère, 

J'avoy  différé  quelques  jours  de  vous  escrire  tout  expressément 
pour  donner  loisir  a  mes  dépêches  de  venir,  affm  de  vous  entretenir 
désormais  de  quelque  subjet  plus  aggreable  que  ne  sont  ces  espérances 
languissantes  qui  nous  ont  morfondus  despuis  tant  de  mois.  Enfin 


428  Appendice 

tout  est  arrivé  avec  monsieur  de  Jacob,  horsmis  la  paix.  Je  ne  pou- 
vois  désirer  lettres  plus  favorables  que  celles  qui  m'ont  esté  escrittes 
par  Leurs  Excellences,  outre  les  patentes.  Dieu  soit  loué  que  nous 
voilà  tous  deux  a  l'égal  contens  et  en  beau  chemin  de  jouir,  sil  plait 
a  Dieu,  a  longues  années  de  ceste  mutuelle  et  incomparable  amitié, 
laquelle  se  fait  desja  paroistre  es  lieux  mesmes  ou  nous  n'avons 
jamais  esté  veus  ny  congnus. 

11  ne  reste  sinon  que  ceste  jouissance  s'ensuyve  de  plus  près.  Et 
pour  ceste  cause,  je  ne  refuse  pas  d'estre  le  premier  a  vous  aller  au 
devant,  si  messieurs  du  Sénat  et  du  Conseil  treuvent  bon  que  j'aille 
prendre  possession  de  mon  presidentat,  affm  qu'a  nostre  première 
veuë  je  vous  mette  un  président  entre  les  bras.  J'espère  que  si  ce 
n'est  pour  les  derniers  jours  de  la  semaine  prochaine,  ce  sera  pour  la 
suy  vante.  Dieu  sçait  combien  je  desireroys  de  vous  y  treuver,  et  pour 
combien  de  raisons  ;  mais  je  prendray  bien  patience  pour  quelques 
jours,  pourveu  que  je  sois  bien  adverty  de  vostre  bon  portement,  et 
que  la  conversation  du  Père  Esprit  vous  console  parmy  tant  de  tra- 
vaux que  vous  continuez  de  prendre  a  cultiver  ceste  barbarie  hugue- 
notte,  si  cultiver  se  peut  dire  pour  déraciner;  mais  je  parle  du  terroir, 
non  pas  de  la  semence. 
Vide  pp.  236, 295.  Quant  a  la  conférence  *,  je  ne  désire  rien  tant  que  d'ouir  dire  le 
jour  auquel  elle  se  fera,  et  ne  croy  pas  quil  y  aye  presidentat  que  je 
ne  quittasse  pour  aller  en  estre  tesmoin  ;  mais  je  suis  bien  comme 
vous,  je  crains  que  ces  longueurs  n'en  facent  perdre  et  le  goust  et 
l'occasion.  Sil  se  fait  quelque  chose,  je  m'asseure  que  j'en  seray  ad- 
verty des  premiers  et  que  j'auray  ce  crédit  de  m'y  pouvoir  treuver 
en  quelque  coin. 

Je  vous  envoyé  une  lettre  que  je  viens  de  recevoir  de  JVlonsieur 
l'Evesque  de  Mauriane.  Vostre  commère  vous  salue  pour  elle  et  pour 
son  petit  François  qui  se  fait  tous  les  jours  plus  gros  que  grand  ; 
nostre  frère  de  mesme,  avec  toute  la  brigade  ;  mais  moy  plus  que 
tous,  qui  suis, 

Monsieur  mon  Frère, 

Vostre  vous  mesme,  frère  et  serviteur, 
A.  Favke. 
De  Chambery,  en  haste,  ce  21  may  97. 

A  Monsieur  mon  Frère, 

Monsieur  De  Sales, 
Prévost  de  TEsglise  Cathédrale  de  S'  Pierre  de  Genève. 
A  Tonon. 

Revu  sur  l'original  conservé  à  la  Visitation  d'Annecy. 


LETTRES     DE     M^"^    JULES-CESAR     RICCARDI 

AKCHEVÉaUE    DE    BARI,    NONCE    APOSTOLiaUE    A    TURIN  (0 


Molto  Reverendo  Signore, 

*  Per  il  carico  che  io  tengo  di  Nuntio  appresso  il  Serenissimo  Signor  *  vide  Epist.  lxvi. 
Duca  di  Savoia,  son  stato  obligato  d' informarmi  de'  prelati  et  mi- 
nistri  che  fanno  bene  Tofficio  loro.  Et  tra  questi,  havendo  havuto 
ottima  relatione  delzelo,  délia  sufficentia  et  bontà  di  V.  S.  per  bocca 
medesima  di  Sua  Altezza,  ho  voluto  scriverle  la  présente  acciô 
sappia  la  satisfattione  che  io  sento  di  lei  et  il  testimonio  che  son  per 
renderne  a  Nostro  Signore  in  ogni  occasione  di  suo  servitio. 

Et  perché  Sua  Santità  desidera  di  haver  spesso  raguaglio  del 
frutto  che  se  va  facendo  nella  diocesi  di  Geneva,  et  dello  stato  in  che 
si  trovano  le  cose  di  quella  Chiesa  et  dell'  aiuto  che  se  li  potrebbe 
dare,  io  desidero  che  V.  S.  mi  avvisi  spesso  di  tutto  quello  che  giu- 
dicarà  degno  délia  notitia  di  Sua  Beatitudine,  cosi  circa  le  cose  délia 
diocesi  di  Geneva  corne  di  ogni  altra  cosa  che  si  potrebbe  fare  per 
beneficio  spirituale  délia  provincia  délia  Savoia,  chè  me  ne  farà  pia- 
cere  accettissimo. 

Et  offerendomele  con  tutto  l' animo,  le  prego  dal  Signore  Dio 
félicita  continova. 

Di  V.  S.  molto  Reverenda, 

Come  fratello  afFettionatissimo, 

G.  Cesare,  Arcivescovo  di  Bari. 
Di  Torino,  a  di  29  di  Décembre  1595. 

Al  Molto  Reverendo  Sig^", 
Mons''^  di  Sales,  Vicario  di  Geneva. 

(  I  )  Ces  lettres  sont  revues  sur  les  textes  insérés  dans  le  I^""  Procès  de  Ca- 
nonisation. Elles  sont  inédites,  sauf  les  lettres  IV,  V,  X. 


430 


Appendice 


Molto  Reverendo  Signore, 

Vide  Epist.  lxvi.  *  Ho  presa  molta  consolatione  délia  lettera  di  V.  S.  di  19  di  Febraro, 

conoscendo  il  zelo  che  tiene  délia  religione  cattolica  et  quanto  frut- 
tuosamente  spenda  il  talento  che  Dio  benedetto  le  ha  dato.  Et  per 
non  defraudarle  del  suo  merito,  io  di  novo  ne  ho  fatto  testimonio  a 
Sua  Santità,  et  le  ho  mandata  la  medesima  sua  lettera  per  ottener 
la  licentia  delli  libri  prohibiti  et  per  poter  assolvere  quelli  che  ha 
trovato  haver  contratto  matrimonio  senza  dispensa  ;  et  dell'  uno  et 
delFaltro  se  ne  haverà  tra  pochi  giorni  risposta. 

Et  perché  Nostro  Signore  desidera  di  haver  particular  raguaglio 
dello  stato  di  quelle  anime  délia  diocesi  di  Geneva,  et  del  frutto  che 
si  va  facendo  et  delli  aiuti  che  si  possono  dare,  io  desidero  che  V.  S. 
sia  contenta  di  darmene  spesso  avviso.  Nel  resto,  tenga  per  certo  che 
io  le  sono  affettionatissimo  et  che  nessuna  cosa  desidero  più  che  di 
havere  occasione  di  procurarle  servitio  et  accrescimento  ;  et  me  le 
raccommando  con  tutto  l'animo. 

Di  V.  S.  molto  Reverenda, 

Come  fratello  affettionatissimo, 

G.  Ces  ARE,  Arcivescovo  di  Bari. 

Di  Torino,  a  7  di  Marzo  1596. 

Al  Molto  Revdo  Sig'"% 
11  Sig""*^  Francesco  di  Sales,  Prevosto  di  Geneva. 


III 


'  Vide  Epist.  ixxii. 
*Vide  p.  198. 


Molto  Reverendo  Signore, 

*  Monsignore  di  AvuUy**  mi  ha  presentata  a  25  di  Agosto  la 
lettera  di  V.  S.  di  23  di  Luglio,  et  l'impedimento  del  contagio  haverà 
ritardato  il  cammino.  In  conformità  di  quel  che  V.  S.  mi  ha  scritto, 
ho  cognosciuto  in  questo  cavalliero  ottima  dispositione  di  venire  alla 
fede  cattolica.  Et  cosi  hieri,  che  furono  li  26,  l'essegui  con  incredibile 
mio  contento,  havendo  abiurato  avanti  di  me  et  del  P.  Inquisitore  le 
sue  hérésie  ;  et  reconciliatose  con  la  santa  Chiesa  Cattolica,  volse 


Lettres  de  M''"  Jules-César  Riccardi  431 

anco  che  io  lo  communicassi  di  mia  mano,  et  in  ogni  attione  mostrô 
gran  segno  di  pentimento.  Et  spero  che  Dio  benedetto  se  ne  vorrà 
servire  per  instrumente  da  convertir  quel  ducato  di  Ciables,  si  corne 
mi  ha  promesso  di  fare  con  tutto  lo  spirito.  Io  ho  dato  conto  délia  sua 
conversione  a  Nostro  Signore  (  1  )  che  se  ne  rallegra  incredibilmente, 
et  gli  ho  mandato  anco  la  lettera  che  V.  S.  mi  ha  scritta,  acciô 
cognosca  quanto  fruttuosamente  Ella  s' impiega  in  servitio  di  Dio 
benedetto. 

Mando  qui  alligata  la  commissione  al  signor  Vicario  di  Geneva  *  '  vide  p.  257,  not.  (i). 
che  assolva  et  dispensi  sopra  quelle  persone  che  hanno  contratto  ma- 
trimonii  in  gradi  prohibiti,  et  si  potrà  regolare  conforme  alla  stessa 
commissione. 

Mi  è  stato  gratissimo  di  haver  inteso  che  V.  S.  sta  per  venire  a 
Torino  *,  et  venendo  non  ha  da  pensare  ad  altro  hospitio  che  a  questo   '  vide  p.  203.  not.  (i). 
mio,  poichè  questa  casa  è  sua.  Et  me  le  offero  et  raccommando  con 
tutto  l'animo. 

Di  V.  S.  molto  Reverenda, 

Affettionatissimo  per  servirla, 
G.  Arcivescovo  di  Bari. 

Di  Torino,  a  27  di  Agosto  1596. 

Al  Molto  R^io  Sig'-e, 

Il  Sig''^  Francesco  di  Sales,  Prevosto  di  Geneva. 

Ad  Annessy. 

(  I  )  Cette  lettre,  adressée  au  Cardinal  de  Saota-Severiaa,  a  été  insérée  dans 
le  tome  VI  des  Mélanges  d'archéologie  et  d'histoire,  publiés  par  l'Ecole  fran- 
çaise de  Rome,  1886.  (Voir  p.  xxiii  de  notre  Avant-Propos.^ 


IV 


Molto  Reverendo  Signore, 
*  La  lettera  di  V.  S.  di  14  di  Novembre,  scrittami  da  Sales,  non  mi  'VideEp.Lxxiu.txxxvi. 
è  capitata  prima  chea'vi  di  Décembre,  et  perô  non  si  maraviglierà 
délia  tardità  délia  risposta.  Vedo  che  Ella  sta  con  pensiero  délia  tarda 
spedittione  che  si  fa  qui  circa  li  curati  di  Ciables,  et  con  gran  causa, 
per  il  zelo  che  Dio  benedetto  le  ha  dato  délia  conversione  di  quelle 
anime.  Perô  non  ha  da  perdere  la  speranza,  per  l'ottima  intentione 
di  Sua  Altezza  et  per  il  carico  che  io  ho  di  sollecitarla. 


432  Appendice 

Vide  p.  232.  Il  contrasto  dei  Cavallieri  di  San  Lazaro*  è  causa  di  questa  dila- 

tione,  perché  pretendono  di  cavar  tanto  poca  somma  di  denari  da 
quelli  béni  ecclesiastici  ciie  non  possono  concorrere  a  questa  spesa  dei 
curati.  Finalmente,  dopo  moite  repliche  che  io  ho  fatto  con  Sua  Al- 
tezza  et  lettere  venutegli  dal  signor  Cardinale  Aldobrandino,  si  sta  in 
disponerli  a  concorrere  al  meno  alla  spesa  di  sei  curati,  et  spero  con 
la  gratia  di  Dio  che  si  concluderà.  Et  almeno  V.  S.  sia  certa  che  io  non 
pretermetto  un  punto  di  diligentia,  corne  le  potrà  far  fede  monsignor 
et.  p.  413.  délia  Bastia  *,  il  quale  anchor  si  adopra  gagliardamente  per  la  sua 

parte,  acciô  quanto  prima  ne  segua  l'effetto. 

Io  mandai  a  V.  S.  le  lettere  di  Sua  Altezza  perché  le  fossero  pagati 
li  trecento  scudi  d'  oro,  et  ne  sto  aspettando  risposta;  et  desidero  in 
ogni  modo  che  Ella  si  disporiga  di  tornare  in  Ciables,  perché  la  sua 
presentia  sarà  occasione  di  risolvere  tanto  più  presto  questo  benedetto 
negotio,  il  quale  creda  V.  S.  che  mi  è  più  a  cuore  che  qualsivoglia 
altro  che  io  habbia  in  questa  nuntiatura. 

Et  con  questo  fine,  assicurandola  che  la  tengo  sempre  scolpita  nella 
memoria,  me  le  offero  et  raccommando  di  cuore. 
Di  V.  S.  molto  Reverenda, 

Corne  fratello  affettionatissimo  per  servirla, 
G.  Cesare,  Arcivescovo  di  Bari. 
Di  Torino,  a  x  di  Décembre  1596. 

AI  Molto  Revdo  Sig'% 
Il  Sig'''=  Francesco  di  Sales,  Prevosto  di  Geneva. 
Ad  Annessy. 


LXXIX,  LXXXI,    LXXXVI. 


V 

Molto  Reverendo  Signore, 

Vide  Epist.  Lxxvii,  *  In  pochi  giorni  ho  ricevuto  tre  lettere  di  V.  S.  :  una  di  12  et  l'altra 
di  14  di  Décembre,  et  questa  ultima  di  2 1  (  '  ),  consegnatami  questa  sera 
con  l'alligata  per  Sua  Altezza.  Rispondo  alla  prima,  che  trattava  delli 
legati  pii  lasciati  da  quel  gentilhuomo  Savoiardo  nelli  quali  prétende 

(  I  )  Il  doit  y  avoir  ici  quelque  confusion  dans  les  souvenirs  du  Nonce. 
C'est  dans  sa  lettre  du  29  novembre  (voir  ci-devant,  p.  212)  que  saint  Fran- 
çois de  Sales  traite  du  legs  fait  par  le  gentiliomme  savoisien,  et  les  pièces  de 
rinformation  secrète  entreprise  par  ordre  du  Nonce  accompagnaient  la  lettre 
adressée  à  celui-ci  le  12  (voir  p.  222)  et  non  pas  le  14  décembre.  A  celte 
dernière  date,  nous  ne  connaissons  aucune  lettre  du  Saint. 


Lettres  de  Ms'  Jules-César  Riccardi  435 

la  fabrica  di  San  Pietro  *,  che  io  ho  mandata  la  lettera  di  V.  S.  a  Sua  '  vide  p.  113. 
Santità  et  supplicatala  instantissimamente  a  volerli  rilasciare  aile 
chiese  délia  diocesi  di  Geneva  et  Tarantasia,  conforme  alla  disposi- 
tione  del  testatore,  et  rimettere  qualsivoglia  ragione  che  si  potesse 
pretendere  la  fabrica;  et  spero  che  restaremo  consolati,  et  V.  S.  sarà 
avvisata  délia  risposta. 

Quanto  alla  seconda,  che  tratta  delli  curati  di  Ciables,  V.  S. 
sappia  che  in  tutte  le  audientie  che  ho  havute  da  Sua  Altezza  ne  ho 
trattato  vivamente,  et  insieme  con  li  signori  Cavallieri  di  San  Lazaro  ; 
et  fmalmente,  dopo  moite  dispute,  ho  ottenuto  che  per  adesso  si 
stabiliscano  sei  curati  aile  spese  délia  Religione,  la  quale  si  obligarà 
di  darli  18  coppe  di  frumento,  duoi  carra  di  vino  et  ducento  fiorini 
di  moneta  di  Savoia  per  ciascuno,  corne  V.  S.  vederà  dalla  copia 
alligata  di  [una]  polizza  che  mi  ha  scritta  monsignor  di  Ruffia  *.  lo  *  vide  p.  244. 
non  intendo  la  moneta  ne  le  misure  di  Savoia,  ma  monsignor  di 
LuUin,  che  è  stato  présente  alla  trattatione,  mi  ha  assicurato  che  un 
anno  per  l'altro  sarà  di  cento  scudi  et  forse  davantaggio.  Partira  di 
qua  fra  duoi  giorni  il  cavallier  Bergera  *,  mandato  dalla  Religione,  il  *  vide  p.  231. 
quale  haverà  carico  di  assignar  subito  il  trattenimento  per  li  suddetti 
curati.  Perô  V.  S.,  al  ricever  di  questa,  provveda  di  sacerdoti  lette- 
rati  et  di  buona  vita,  et  li  dia  animo,  chè  piacendo  a  Dio  s'aumen- 
teranno  l'entrate  et  anco  il  numéro  delli  altri  sacerdoti  ;  et  Ella  sa 
che  tutti  li  principj  sono  deboli. 

In  questa  medesima  polizza  mi  ricercano  li  suddetti  Cavallieri  un 
altro  particolare  circa  li  curati  che  prestano  nome  ai  laici  ;  et  non 
intendendo  bene  questo  negotio,  lo  rimetto  a  V.  S.  et  le  do  la  mia 
authorità  acciô  che  in  tutto  quel  che  honestamente  si  puô,  si  dia  satis- 
fattione  alla  Religione. 

Non  voglio  dire  a  V.  S.  la  fatica  che  ho  trovata  in  concludere 
questo  negotio,  con  tutta  la  pietà  di  Sua  Altezza  che  in  cose  di  reli- 
gione non  puô  essere  più  ardente  ;  ma  le  dico  bene,  che  se  l' havessi 
durata  cento  volte  più  la  fatica,  devo  reputarmi  inutile  in  servitio 
d' Iddio  benedetto.  Sarà  necessario  che  dopo  la  deputatione  di  questi 
sei  curati  V.  S.  mi  scriva  più  spesso  et  distintamente  di  tutto  quello 
bene  che  se  andarà  facendo,  perché  Sua  Santità  ne  riceverà  consola- 
tione  grandissima  et  s'  andarà  animando  a  farli  délie  gratie. 

Con  la  lettera  di  V.  S.  di  14,  hebbi  anco  l' informatione  presa  in 
quel  negotio  che  le  commisi,  et  è  venuta  cosî  bene  corne  se  V.  S. 
fusse  stato  giudice  un  gran  tempo.  L'abbadia  dell' Abondantia*  non  é  •  Vide  p.  266. 
anco  data  per  certi  degni  rispetti,  et  Sua  Santità  ha  qualche  intentione 
di  levarne  quelli  monaci  et  mettervi  in  suo  loco  li  riformati  di  San 
Bernardo,  et  al  novo  Abbate  credo  che  sarà  data  questa  commissione. 

Lettres  t  38 


434 


Appendice 


Da  questa  ultima  di  V.  S.  di  21  ho  intesa  l'oppositione  che  le 
hanno  fatto  quelli  di  Tonone  ;  et  perché  ero  stato  il  giorno  avanti  aile 
audientie  di  Sua  Altezza  gli  ho  mandato  subito  la  lettera  di  V.  S. 
eon  la  mia,  et  supplicatala  a  farne  risentimento  et  dar  a  lei  risposta, 
la  quale  procurarô  che  le  se  mandi  quanto  prima. 

V.  S.  attenda  a  faticare  allegramente  et  a  scrivermi  spesso,  et  sia 
sicura  che  la  tengo  scolpita  nel  cuore.  Et  me  le  offero  et  raccommando 
quanto  più  posso. 

Di  V.  S.  molto  Reverenda, 

Corne  fratello  affettionatissimo, 

G.  Cesare,  Arcivescovo  di  Bari. 
Di  Torino,  a  4  di  Gennaro  1597- 

Al  Molto  Reverendo 
Sig""^  Francesco  de  Sales,  Prevosto  di  G;neva. 


VI 

Molto  Reverendo  Signore, 

»  Vide  Ep.ix>:x,Lxxxi.  *  Sua  Altezza  ha  sentito  gran  dispiacere  dell'  oppositione  che  quelli 
heretici  di  Tonon  hanno  fatta  a  V.  S.,  et  mi  ha  mandato  [a]  dire 
che  per  il  segretario  Marchande  ne  ha  fatto  subito  la  provisione 
Vide  Append.c,  Ep.i.  necessaria,  la  quai  V.  S.  riceverà  prima  di  questa  con  la  sua  risposta*. 
lo  sarô  domani  a  [audienza]  et  soggiungerô  quel  di  più  che  sarà  ne- 
cessario;  et  V.  S.  stia  di  buon  animo,  che  Dio  benedetto  concorrerà 
con  la  sua  santa  gratia,  et  Sua  Altezza  non  mancarà  délia  sua  solita 
pietà  et  zelo,  et  io  sarô  diligentissimo  procuratore. 

Et  perché  duoi  giorni  sono  io  ho  scritto  a  pieno  a  V.  S.,  avvisandola 
del  stabilimento  che  sarà  preso  per  sei  curati,  mi  rimetto  a  quella 
lettera,  et  me  le  offero  et  raccommando  di  cuore. 
Di  V.  S.  molto  Reverenda, 

Come  fratello  affettionatissimo, 

G.  Cesare,  Arcivescovo  di  Bari. 
Di  Turino,  a  di  6  de  Gennaro  1597. 

Al  Molto  Rev*"»  Sig''^, 

Il  Sig"^  Prevosto  di  Geneva. 

A  Tonone. 


Lettres  de  M'''  Jules-César  Riccardi  435 


VII 


Molto  Reverendo  Signore, 

*  Resto  admiratissimo  di  non  havere  havuto  risposta  a  due  o  tre  '  vide  Epist.  lxxxvu. 
lettere  che  io  ho  scritte  a  V.  S.  sopra  la  risolutione  che  si  prese  delli 
sei  curati  di  Ciables,  et  non  è  possibile  che  qualcuna  non  vi  sia  capi- 
tata,  et  massime  con  l'arrivo  del  signor  cavaUiero  Bergera,  mandate 
dalla  Religione  per  questo  et  per  altro  effetto.  Per  assicurarmi  del 
mal  recapito,  a  4  di  Febraro,  sotto  coperta  di  Monsignor  di  San 
Paolo*,  rispondendo  ail'  ultima  di  V.  S.  di  27  di  Gennaro  sopra  la  *  ^'^^^  p-  336- 
conferentia  di  Geneva,  le  mandai  il  duplicato  di  tutte  le  lettere  ante- 
cedenti  ;  et  perché  da  Monsignor  di  San  Paolo  in  capo  di  vinti  giorni 
non  ho  ne  anco  havuta  risposta,  mi  sono  risoluto  di  mandarli  il  tri- 
plicato,  accio  in  un  negotio  tanto  grave  sappia  tutto  quello  che  si  è 
trattato  et  stabilito  in  quel  spatio  passato. 

Mandai  a  V,  S.  una  copia  délia  lettera  del  signor  Cardinale  Aldo- 
brandino  sopra  quelli  legati  pii  lasciati  dal  signor  Gioanni  Vignodi  *,  *  vide  p.  433. 
et  hora  ne  le  mando  un'  altra  ricevuta  questa  settimana,  dalla  quale 
intenderà  la  risolutione  del  negotio.  Io  spero  di  haver  assai  presto 
risposta  da  Sua  Santità  di  quel  che  commandarà  che  si  faccia  circa 
la  conferentia  di  Geneva,  et  subito  V.  S.  ne  sarà  avvisata,  la  quale 
torno  a  pregare  che  settimana  per  settimana  mi  tenga  avvisato  di 
tutto  quello  che  se  va  opérande  in  Ciables,  cosi  circa  la  religione 
cattolica,  corn.'  introdur  li  sei  curati.  Et  potrà  mandar  le  lettere  a  Ciam- 
beri,  dirette  al  signor  Présidente  Pobel,  perché  mi  verranno  presto  et 
a  buon  recapito  ;  et  la  medesima  farô  io  in  scriverle,  perche  non  mi 
assicuro  che  JVIonsignor  di  San  Paolo  stia  a  Ciamberi. 

Sua  Santità  preme  tanto  in  domandar  i  progressi  di  Ciables,  che 
V.  S.  farebbe  torto  a  se  medesimo  a  non  tenerme  avvisato  giorno 
per  giorno,  se  fusse  possibile,  come  spero  che  farà  per  l'avvenire, 
posponendo  tutte  le  altre  occupationi  a  quest'  una.  Et  me  le  offero  et 
raccommando  di  cuore. 

Di  V.  S.  molto  Reverenda, 

Come  fratello  affettionatissimo, 

G.  Cesare,  Arcivescovo  di  Bari. 

Di  Torino,  a  25  di  Febraro  1597. 

Non  incaricaro  più  V.  S.  di  quel  che  fo  a  scrivermi  continuamente 


4}6  Appendice 

li  progressi  délie  sue  fatiche,  et  se  Ella  sapesse  quanto  Sua  Santità 
preme  nella  conversione  di  Ciables,  son  certo  che  mi  haverebbe 
scritto  più  spesso. 

Al  Molto  Rev''" 
Sig'''^  Francesco  de  Sales,  Prevosto  di  Geneva. 


VIII 


Vide  Epist.  xc.  *  Resto  il  più  admirato  huomo  del  mondo  di  non  haver  lettere 

di  V.  S.  et  non  so  a  che  attribuirne  causa.  Monsieur  de  AvuIIy, 
con  una  sua  di  8  di  Febraro,  mi  ha  scritta  la  gran  conversione 
che  si  fa  in  Ciables,  et  Monsignore  non  discende  alli  particolari, 
rimettendosi  a  V.  S.,  ma  dice  solamente  che  vi  sarebbono  necessarii 
vinti  duoi  curati.  Et  non  sapendosi  li  particolari  di  quel  paese,  non 
vedo  che  Nostro  Signore  possa  fare  altra  risolutione,  se  bene  io  gli 

Vide  p.  257,  not  (3).    habbia  mandata  la  medesima  lettera  di  monsieur  d'Avully  *,  che  è 
brevissima. 

Io  mando  a  V.  S.  una  copia  di  lettera  che  ho  ricevuta  dal  signor 

■  Vide  p.  237.  Cardinal  di  Santa  Severina  *  circa  la  conferentia  da  farsi  in  Geneva, 

dalla  quale  vederà  tutte  le  considération!  che  sonno  state  fatte  da 
Sua  Santità  et  da  tutti  quelli  111"^'  Signori  del  Santo  Officio  in  questa 
materia,  et  tutte  le  particularità  che  desiderano  di  sapere  prima  che 
si  faccia  altra  risolutione.  Perô  io  desidero  che  Ella  vada  subito  a 

•  Vide  p.  98.  trovar  IVlonsignor  di  Geneva  et  il  Padre  Fra  Cherubino*,  et  unita- 

mente  mi  rispondano  subito  capo  per  capo  et  punto  per  punto,  et 
tutto  quello  che  Sua  Santità  desidera  di  sapere,  con  tutte  le  altre  cir- 
costanze  che  essi  giudicaranno  degne  délia  notitia  di  Sua  Beatitudine. 
Li  Generali  di  Gesuiti  et  Cappuccini  hanno  ordine  di  Sua  Santità 
di  proveder  di  quanti  Padri  saranno  necessarii  per  il  ducato  di  Ciables 
et  la  diocesi  Sedunense,  secundo  l'avviso  che  sarà  dato  da  me.  Ma 
perô  V.  S.,  insieme  con  Monsignor  di  Geneva  et  il  Padre  Fra  Cheru- 
bino, pensaranno  a  quelli  Cappuccini  che  costi  si  potranno  havere  et 
mandarmi  li  nomi  et  cognomi  di  loro  ;  et  l'istesso  faranno  circa  li 
Gesuiti,  li  quali  si  potrebbono  facilmente  havere  dal  coUegio  di  Fri- 
borgo  et  di  Ciamberi  per  haver  la  lingua  francese  ;  et  se  anco  ne 
vorranno  di  qua,  si  potrà  mandar  il  Rettore  del  collegio  di  Torino, 
Vide  p.  304.  che  è  un  valante  theologo  *  ;  et  mi  potrà  anco  avvisar  della  spesa 

che  si  potrebbe  andare  per  mantener  quelli  Padri,  per  poterne  dar 
conto  a  Sua  Santità  et  a  Sua  Altezza. 


Lettres  de  M'""  Jules-César  Riccardi  437 

Torno  a  ricordare  a  V.  S.  che  leggano  insieme  attentamente  la 
lettera  del  signor  Cardinal  di  Santa  Severina  et  rispondano  pontual- 
mente  ;  et  in  caso  che  fussero  invitati  di  andar  a  predicare  a  Geneva, 
mi  pare  che  [sarà  bene  che]  si  trattengano  finché  Sua  Santità  veda 
quest'  altra  loro  replica.  Se  V.  S.  per  qualche  impedimento  non  po- 
tesse  andare  a  trovar  Monsignor  di  Geneva,  li  mandarà  questa  mia 
istessa  lettera  ;  et  mi  rispondino  subito. 

Et  me  le  offero  et  raccommando  con  tutto  l'animo. 
Di  V.  S.  molto  Reverenda, 

Corne  fratello  affettionatissimo, 

G.  Cesare,  Arcivescovo  di  Bari. 
Di  Torino,  a  12  di  Marzo  1597- 

Al  Molto  R''° 
Sig''«  Francesco  de  Sales,  Prevosto  di  Geneva. 


XCII. 


IX 


Molto  Reverendo  Signore, 

*In  un  medesimo  tempo  ho  ricevuto  due  lettere  di  V.  S.,  di  12  •  vide Ep. lxxxvu,  xc, 
et  25  di  Marzo,  in  risposta  di  moite  mie,  le  quali  quanto  più  tempo 
sono  state  desiderate,  tanto  più  mi  sono  state  care.  L'  altra  che  Ella 
mi  dice  di  havermi  scritta  per  il  cavallier  Bergera  non  l'ho  ricevuta, 
non  essendo  esso  mai  comparso  a  Torino,  né  preso  pensiero  di  man- 
darmela.  Accetto  la  scusa  di  V.  S.  di  non  havermi  scritto  per  il  pas- 
sato  ;  ma,  per  penitentia,  le  impongo  che  per  l'advenire  mi  scriva 
più  spesso,  poichè  le  occupationi  saranno  minori  dopo  laQuaresima 
et  le  giornate  più  lunghe  ;  et  tanto  più,  quanto  che  Ella  potrà  vedere 
dair  alligata  copia  di  lettera  del  signor  Cardinal  Aldobrandino, 
quanta  consolatione  senta  Nostro  Signore  del  progresso  di  Ciables 
et  quanto  habbia  gradito  1'  opéra  et  diligentia  di  monsieur  d'AvulIy. 

Ho  mandato  a  Sua  Santità  queste  ultime  due  lettere  di  V.  S.,  le 
quali  si  leggeranno  nella  Congregatione  del  Santo  Officio  insieme 
con  altre  di  Monsignor  Vescovo  di  Geneva  et  Padre  Fra  Cherubino 
in  materia  délia  conferentia  di  Geneva,  et  di  tutto  si  haverà  presto 
risolutione.  Et  quanto  alli  curati,  credo  ccrto  che  Sua  Santità  con- 
stringerà  li  Cavallieri  a  lasciare  li  béni  liberi  aile  suddette  cure. 

Non  rispondo  capo  per  capo  aile  lettere  di  V.  S.  per  non  esser 


438 


Appendice 


troppo  lungo,  ma  sappia  solo  che  a  tutto  quello  ch'  Ella  propone  io 
darô  la  mano  con  ogni  cura  possibile.  Con  che  me  le  offero  con  tutto 
r  animo. 

Di  V.  S.  molto  lUustrissima, 

Come  fratello  affettionatissimo, 

G.  Cesare,  Arcivescovo  di  Bari. 

Di  Torino,  a  4  di  Aprile  1597. 

Al  Molto  Revdo  Sig'"", 
Il  Sig'"'=  Francesco  de  Sales,  Prevosto  di  Geneva. 


X 


Molto  Reverendo  Signore, 

■videEp.  xciv,  xcvii.  "  Non  mi  sono  capitate  le  lettere  di  V.  S.  di  23  di  Aprile  se  non 
alli  otto  di  Maggio,  et  venendo  ogni  giorno  corrieri  di  Savoia  mi 
maraviglio  che  tardino  tanto  per  cammino. 

Mi  è  piaciuta  infmitamente  la  lettera  che  V.  S.  ha  scritta  a  Sua 

'  Vide  Epist.  xcm.        Santità  *,  la  quai  con  questo  ordinario  gli  ho  mandata  con  l'altra  del 

'  Vide  p.  237.  Padre  Spirito*  et  tutto  il  resto  délie  scritture  alligate;  et  non  dubito 

punto  che  Sua  Santità  darà  ordini  efficaci  al  Signor  Legato  che  tratti 
col  Re  di  Francia  per  la  restitutione  délia  Messa  nelli  balliagi  di  Gex 
et  Gaillard,  et  spero  anco  che  si  habbia  da  ottener  secondo  il  desi- 
derio  di  quelle  povere  anime.  Sentira  anco  gran  gusto  Sua  Santità 
délia  devotione  delli  novi  cattolizati,  et  in  particolare  che  sia  stato 
capo  del  buon  essempio  monsieur  de  Avully,  come  si  poteva  sperare 
da  un  cavalliero  suo  pari. 

•  Vide  p.  292,  nof.  (2).  Io  ho  scritto  efficacemente  a  monsignor  délia  Novalesa*  che  faccia 
proveder  délia  sua  prebenda  il  predicatore  di  Eviano,  et  non  lasciarô 
r  instantia  fmchè  realmente  sia  satisfatto.  Se  succédera  pace  o  tregua 
presto,  presto  V.  S.  sentira  (sic)  la  provisione  necessaria  per  la 
riforma  délie  badie  di  Savoia,  et  in  particolare  di  quella  d'  Aux  et 
dell'Abondantia. 

Aspetto  con  desiderio  che  V.  S.  mi  avvisi  spesso  delli  progressi  di 
Ciables,  et  creda  certo  che  io  non  manco  di  ricordare  perpetuamente 
a  Sua  Santità  che  si  trovi  qualche  modo  d'accrescere  li  predicatori 


Lettres  de  M^"*  Jules-César  Riccardi  439 

et  li  curati.  Et  con  questo  fine,  assicurandola  délia  singolare  affettione 
che  iole  porto,  me  le  offero  et  raccommando  con  tutto  l'animo. 

Di  V.  S.  molto  Reverenda, 

Corne  fratello  affettionatissimo, 

G.  Cesare,  Arcivescovo  di  Bari. 

Di  Torino,  a  xii  di  Maggio  1597. 

Avanti  ch'  io  habbia  mandata  a  V.  S.  questa  mia  lettera,  ho  rice- 
vuta  r  alligata  risposta  di  monsignor  délia  Novalesa,  dalla  quale  ve- 
derà  quel  che  mi  risponde  intorno  al  predicatore  di  Eviano.  Et  perche 
io  non  sono  informato  di  questo  fatto,  V.  S.  mi  potrà  rescrivere 
tutto  quel  che  passa  et  quel  che  sarà  conveniente  che  si  dia  di  ele- 
mosina  al  predicatore. 

Al  Molto  Revilo  Sig'% 
11  Sig™  Francesco  de  Sales,  Prevosto  di  Geneva. 


XI 


Molto  Reverendo  Signore, 
*Ho  mandato  a  Monsignor  Vescovo  di  Geneva  la  copia  di  una   * 
lettera  di  dieci  di  Maggio  che  ho  ricevuto  dal  signor  Cardinal  di 
Santa  Severina,  acci6  intenda  la  risolutione  che  Sua  Santita  ha  fatta 
di  rimettere  a  noi  altri  di  qua  il  negotio  délia  conferent.adi  Geneva. 
Et  perché  la  mia  lettera  a  Monsignor  Vescovo,  con  la  suddetta  copia 
del  signor  Cardinale  di  Santa  Severina,  haverà  da  esser  partecipata 
a  V   S   et  alli  Padri  Cappuccini,  io  non  mi  estendero  in  altro  se  non 
in  dire  a  V.  S.  che  vorrei  ogni  giorno,  se  fusse  possibile,  avv.so  di 
tutto  quel  che  pensano  di  fare  in  questo  negotio  et  di  ^^f'^^l^^^^^. 
n  animo,  con  fondamento.  Et  insieme  aspetto  avviso  delli  theo logi 
che  se  havessero  bisogno  per  questa  conferentia.  perche  10  ho  autho- 
rità  da  Nostro  Signore  di  avvalermi  di  tutti  li  Rehgiosi  ,    t  qu    in 
Torino  ci  sono  dei  valentissimi  Gesuiti,  cioe  un  francese  et  un  ita- 
liano    il  quale  è  Rettore  del  coUegio,  et  quando  s  havesse  a  venire 
a  conferentia  et  che  V.  S.  giudicasse  la  venuta  loro  utile,  10  h  man- 
darei  subito  subito.  Ma  non  sono  per  movermi  senza  haver  raguagl.o 
minutissimo  da  V.  S.  et  dalli  Padri  Cappuccini,  perche  cosi  ncerca 
la  qualità  del  negotio. 

Il  Padre  Cherubino  ha  havuto  licentia  da  Nostro  Signore  d.  poter 


Vide  Epist.  xcvii. 


440 


Appendice 


scrivere  liberamente  a  quelli  di  Geneva,  et  sarà  bene  che  Sua  Pater- 
nità  mi  avvisi  délie  proposte  et  risposte  per  poterne  dar  conto  a 
Nostro  Signore.  Accusai  a  V.  S.  la  ricevuta  délie  ultime  sue  lettere 
delli  2 1  di  Aprile  (  i  ),  et  a  Sua  Santità  furono  mandate  tutte  et  presto 
ne  haveremo  risposta.  V.  S.,  di  gratia,  si  sforzi  di  scrivermi  il  più 
spesso  che  sia  possibile,  per  mostrare  a  Sua  Santità  che  non  si  perde 
tempo  in  un  negotio  di  tanto  momento. 
Et  me  le  offero  et  raccommando  di  cuore. 
Di  V.  S.  molto  Reverenda, 

Corne  fratello  afifettionatissimo, 

G.  Cksarr.  Arcivescovo  di  Bari. 

Di  Torino,  a  25  di  Maggio  1597. 

Al   Molto  Rev'l'J  Sig^^ 

Il  Sig''  Prevosto  di  Geneva. 

(i)  La  lettre  du  21  avril,  adressée  au  Pape  par  l'intermédiaire  du  Nonce,  était 
accompagnée  d'une  autre  lettre,  datée  du  23,  écrite  au  Nonce  lui-même.  (Voir 
la  lettre  précédente.) 


XII 


Molto  Reverendo  Signore, 

Vide  p.  255.  Monsignor  di  Blonay  *  mi  ha  mandato  le  lettere  di  V.  S.  delli 

Vide Epist.  xcii.  II  di  Aprile*,  le  quali  son  capitate  ben  tardi,  poiché  non  le  ho 

havute  se  non  ail'  ultimo  di  Maggio.  Questo  gentilhuomo  non  ho 

anchor  veduto,  et  venendo  da  me  non  mancaro  di  fargli  ogni  sorte 

di  servitio  per  le  sue  qualità  et  per  amor  di  V.  S.  che  le  desidera. 

Circa  la  conferentia  di  Geneva  io  ho  scritto  a  V.  S.  sei  giorni  sono 

■  Vide  p.  296.  a  lungo,  con  un  canonico  di  Geneva  che  si  parti  di  qua*,  et  me  ri- 

metto  a  quelle  lettere  che  haveranno  havuto  buon  recapito.  Circa 

r  abbadia  d'  Aux  et  d'  Abondantia  è  già  deputato  il  Visitatore  da 

Nostro  Signore,  [e]  per  il  decanato  di  Ciamberi  ;  ma  non  si  puô  mettere 

in  cammino  per  aspettare  1'  esito  délia  guerra.  Quanto  ail'  accrescere 

li  curati  nel  balliagio  di  Ciables,  li  Cavallieri  dicono  che  non  ci  è 

tanta  conversione  che  sia  necessario  maggior  numéro  ;  et  perô  io 

vorrei  da  V.  S.  un  poco  più  distinto  raguaglio  per  disponer  Nostro 

Signore  a  concederci  quel  che  si  prétende. 


Lettres  de  M='  Jules-César  Riccardi  44  i 

Et  con  questo  fine,  ricordandomele  affettionatissimo,  me  le  oflfero 
et  raccommando  di  cuore. 

Di  V.  S.  molto  Reverenda, 

Come  fratello  affettionatissimo, 

G.  Cesare,  Arcivescovo  di  Bari. 
Di  Torino,  a  2  di  Giugno  1597. 

Al  Molto  Rev''»  Sig'-% 
Il  Sig""  Francesco  di  Sales,  Prevosto  di  Geneva. 


XIII 


Molto  Reverendo  Signore, 

*  Hebbi  il  plico  di  V.  S.,  con  tutte  le  lettere  et  scritture  alligate,  di  •  videEpist.xcv,xcvi. 
27  di  Maggio,  et  di  mia  mano  présentai  quella  che  era  scritta  a  Sua 
Altezza,  la  quai  la  lesse  con  molto  suo  gusto  et  mi  usô  parole  verso 
di  le!  di  tanta  amorevolezza  che  non  si  puô  desiderare  maggiore. 
Quanto  a  monsieur  de  Avully,  mi  assicurô  che  in  ogni  modo  voleva 
che  li  fusse  conservato  il  solito  suo  loco  in  quel  Consiglio  et  che 
fusse  restituita  la  entrata  a  quel  curato  che  s' era  partito  ;  et  il  signor 
Ripa  *  mi  ha  fatto  intendere  che  dell'uno  et  dell'altro  si  è  mandato  *  ^'^e  p.  301. 
l'ordine.  Et  circa  questo,  rimando  a  V.  S.  le  lettere  et  l'attestatione, 
acciô  in  ogni  tempo,  come  Ella  mi  scrive,  possa  monstrare  di  mo- 
versi  a  quest'officio  per  puro  zelo  et  ricercata  da  altri. 

Quanto  al  grano  et  al  vino  promessi  dalli  Cavallieri  alli  quattro 
curati  et  non  accettato  da  lei  per  esser  cattivo,  io  ne  ho  fatto  gran 
risentimento  con  questi  signori  del  Consiglio,  li  quali  mi  hanno 
rispostoche  non  è  colpa  loro.  Et  il  cavallier  Bergera  dice  in  sua  giu- 
stificatione  che  obligé  a  V.  S.  gli  affitavoli  per  la  suddetta  somma,  et 
che  perô,  se  non  le  danno  roba  buona,  Ella  li  astringa  avanti  il  giu- 
dice  0  governatore,  chè  con  poca  fatica  haverà  quanto  l' è  stato 
promesso. 

Circa  l'accrescere  li  curati,  persistono  li  medesimi  Cavallieri  a 
volerme  dare  ad  intendere  che  dalle  cure  loro  non  ne  cavano  ducento 
scudi,  et  che  quasi  tutte  sono  in  mano  di  preti  cattolici  li  quali  non 
vogliono  resedere  ;  et  che  perô  tocca  a  Monsignor  di  Geneva,  per  la 
sua  authorità  ordinaria  et  per  quella  che  io  gli  communico  per  ogni 
bisogno,  di  constringere  li  suddetti  curati  a  resedere,  et  non  volendo, 


442 


Appendice 


proveder  d'altri  in  suo  loco;  perché  usando  questo  rimedio,  li  bal- 
liaggi  verranno  provisti  di  curati  a  sufficentia. 

*  Vide  Append.  D,  il.         Mando  a  V.  S,  un  Brève  di  Nostro  Signore*  in  risposta  délia  lettera 

che  Ella  gli  scrisse,  et  per  sua  consolatione  non  lasciarô  di  dirle  che 
Sua  Santità  l' ama  assai  et  dalla  lettere  mie  vedo  che  1'  ha  in  ottimo 
concetto. 

•  Vide Ep.xcvii.xc VIII.        Ho  poi  ricevuto  l'ultime  lettere  di  V.  S.  di  31   di  Maggio  *  in 

risposta  délie  mie  di  25,  et  mi  son  rallegrato  infmitamente  d' inten- 
dere  che  Monsignore  R"'"  di  Geneva  stia  meglio  délia  sua  indisposi- 
tione,  la  quale  io  havevo  intesa  con  infinito  dispiacere.  V,  S.  gli 
basci  le  mani  da  mia  parte,  et  gli  dica  che  procuri  di  conservarsi  sano 
per  beneficio  délia  sua  Chiesa  et  contento  de'  suoi  amici  et  servitori, 
fra  quali  io  non  cedo  a  nissuno. 

Quanto  alla  conferentia,  poichè  hanno  ricevuta  la  copia  délia 
lettera  del  signor  Cardinale  di  Santa  Severina  et  chiamato  il  Padre 
Fra  Cherubino  per  concertar  del  modo,  io  non  replicarô  altro  se  non 
che  starô  aspettando  d' intender  quando  doverô  mandar  li  Padri  Ge- 
suiti,  senza  li  quali  in  nissuna  maniera  desidero  che  si  faccia  questa 
disputa.  Et  perche  il  Rettore  di  questo  coUegio  di  Torino,  che  è  un 
valante  theologo,  è  italiano  et  non  ha  la  lingua  francese,  desidero 
d'intendere  da  V.  S.  se  sarà  a  proposito  d'inviarlo,  o  pur  sarà  più 
utile  che  sia  francese  ;  perché  nel  collegio  di  Milano  ve  n'é  uno  che 

*  Vide  p.  30^,  not.(2;.    legge  la  Scrittura  et  è  un  valenthuomo*,  et  io  Io  farô  venire  quando 

farà  di  bisogno. 

Aspetto  r  informatione  circa  il  predicatore  di  Eviano,  la  quale  sia 
chiara  et  distinta,  per  poter  constringere  l'Abbate  délia  Novalesa,  il 
quale  fugge  quanto  puô  di  non  (sic)  far  la  spesa,  non  ostante  che  sia 
moribondo. 

Quanto  al  pensiero  che  V.  S.  mi  ha  communicato  di  voler  con- 

•  Vide  p.  297,  not.  (2).    correre  a  quella  parocchia  che  rende  200  scudi  *,  io  non  posso  se  non 

rimettermi  a  quello  che  Ella  deliberarà  col  consiglio  di  amici,  sapendo 
che  a  lei  non  manca  né  bontà,  né  spirito,  né  prudentia.  Assicuro 
ben  V.  S.  che  la  tenerà  per  poco  tempo,  perché  Sua  Altezza  1'  ha 
destinata  a  cose  maggiori,  et  se  io  me  trovarô  qui  nella  vacanza 
sarô  diligentissimo  procuratore.  Intanto  io  ho  supplicato  Nostro  Si- 
gnore  per  la  dispensa  di  poter  tener  anco  il  canonicato,  et  presto  se 
ne  haverà  risposta  et  pero  anco,  senza  fallo,  la  gratia. 

Circa  la  licentia  di  leggere  libri  prohibiti  per  il  signor  Grandis  et 
Roget*,  io  ne  scrissi  già  al  signor  Cardinale  di  Santa  Severina,  ma 
poi,  a  confessar  la  verità,  per  moite  occupationi  non  ho  havuto  me- 
moria  di  soUecitarla.  Con  quest'  ordinario  ne  ho  scritto  di  nuovo  a 
Sua  Signoria  111'""  et  dimandatola  anco  per  il  Padre  Fra  Cherubino. 


•  Vide  p.  299,  not.  (i), 
et  p.  249,  not.  (2). 


Lettres  de  M^""  Jules-César  Riccardi  443 

Sua  Santità  a  me  ha  conceduta  facultà  di  poter  dare  questa  licentia 
a  quelli  Padri  che  interveneranno  alla  conferentia,  et  per  tempo  limi- 
tato  et  per  quello  effetto  solo  ;  et  perô  mi  è  parso  bene  di  scriver 
per  tutti  al  signor  Cardinale  di  Santa  Severina. 

Et  con  questo  fine,  salutandolaetabbracciandoladicuore,  le  prego 
dal  Signore  Dio  la  sua  santa  gratia. 

Di  V.  S.  molto  Reverenda, 

Corne  fratello  affettlonatissimo, 

G.  Cesare,  Arcivescovo  di  Bari. 
DiTorino,  a  16  di  Giugno  1597. 

Al  Molto  Rev''°  Sig''S 
Il  Sig''^  Francesco  de  Sales,  Prevosto  di  Geneva. 
Annessi. 


XIV 


Molto  Reverendo  Signore, 

*  Ho  inteso  con  incredibile  mio  contento  da  quest'  ultima  di  V.  S.    *  vide  Epist.  cm. 
[del]  XIV  di  Gennaro  la  sua  convalescenza.  et  se  Ella  sapesse  la  pena 
ch'  io  ho  sentita  del  suo  maie  crederebbe  che  è  infinito  l'amore  che 
io  le  porto.  Spero  che  Dio  benedetto  la  conservarà  lungo  tempo,  et 
l'aspetto  per  dopo  Pasqua  con  gran  desiderio. 

11  portator  che  mi  ha  consegnata  la  lettera  di  V.  S.  non  mi  dà 
tempo  se  non  hoggi  a  rispondere,  di  maniera  che  non  ho  havuto 
commodità  di  trattare  con  questi  signori  délia  Religione  per  conto 
di  pagare  Io  stipendio  promesso  alli  curati  ;  ma  Io  farô  quanto  prima 
et  procuraro  di  mandare  a  V.  S.  le  provisioni  necessarie.  Mando  a 
V.  S.  la  facultà  di  assolvere  li  duoi  Religiosi  délia  Madonna  di  Six*,  '  vide  p.  316. 
li  quali  hanno  celebrato  innanzi  il  tempo,  et  insieme  di  dispensare 
coloro  sopra  l' irregolarità  contratta. 

Con  che  fo  fine,  et  me  le  offero  et  raccommando  di  tutto  il  cuore. 

Di  V.  S.  molto  Reverenda, 

Come  fratello  affettionatissimo, 

G.  Cesare,  Arcivescovo  di  Bari. 
Di  Torino,  a  10  di  Febraro  1598. 

Spero  che  non  farà  bisogno  che  V.  S.  arrivi  a  Roma,  perché  la 
Sua  Santità  ha  risoluto  di  venire  a  Ferrara  dopo  Pasqua.  Io  ho 


444  Appendice 

facultà  di  assolvere  dalle  censure  et  dispensar  per  1'  irregolarità  di 
questi  duoi  Religiosi  dummodo  non  insorduerint  per  atnium,  perché  in 
questo  caso  bisognarebbe  andare  o  mandare  a  Roma. 

Al  Molto  Rev''» 
Sigre  Francesco  de  Sales,  Prevosto  di  Geneva. 


XV 

Molto  Reverendo  Signore, 
Vide  Epist.  cvi.  *  Insieme  con  quest'  ultima  di  V.  S.  di  17  di  Marzo  ho  ricevuta  la 

lettera  di  monsieur  d'Avully  et  del  Padre  Fra  Cherubino,  le  quali  mi 
hanno  data  infmita  consolatione.  Intendo  il  frutto  che  si  va  facendo 
nella  religione  cattolica,  et  poichè  giovarebbe  che  s'introducesse  in 
Tonone  l'oratione  délie  Quarant'hore,  corne  giovô  ad  Annemasse, 
io  laudo  assai  il  parère  di  V.  S.  et  perô  desidero  che  si  esseguisca  ;  et 
intanto  starô  aspettando  di  intendere  quelle  frutto  che  ne  spero. 

Quanto  poi  aile  conclusioni  che  Ella  giudica  che  sarebbono  utili 
proponere  alli  ministri  heretici,  bisogna  che  in  questo  caso  si  cam- 
mini  con  gran  prudentia  et  con  altrettanta  sicurezza,  et  sopra  tutto 
che  si  venga  alla  disputa  non  di  commissione  o  authorità  di  Sua 
Santità  et  délia  Sede  Apostolica,  ma  di  Monsignor  Vescovo  di  Ge- 
neva, come  pastore  ;  avvertendo  perô  che  vi  sia  almeno  un  theologo 
Gesuita,  chè  a  questo  fine  scrivo  le  alligate  al  Padre  Rettore  di 
Ciamberi  et  di  Friborgo,  acciô  da  un  collegio  o  l'altro  si  mandi  un 
Padre  a  richiesta  di  V.  S.  et  del  P.  Fra  Cherubino  :  et  con  la  sua  assi- 
stentia  si  potrà  venire  alla  suddetta  disputa,  rimettendomi  in  tutto,  di 
farla  o  non  farla,  alla  prudentia  sua  et  del  suddetto  P.  FraCherubino. 

Ho  havuto  anco  consolatione  che  il  medesimo  Padre  impugnasse 
con  tanto  valore  li  errori  di  quel  thedesco  ministro  heretico,  quanto 
Vide  p.  325.  Ella  mi  dice  *,  et  mi  sarà  caro  di  havere  più  particolarmente  ragua- 

glio  di  tutto  quello  che  passô  fra  loro. 

Con  che  finisco,  et  a  V.  S.  mi  offero  et  raccommando  con  tutto 
l'animo. 

Di  V.  S.  molto  Illustre, 

Come  fratello  affettionatissimo, 

G.  Cesare,  Arcivescovo  di  Bari. 

Di  Torino,  a  25  Aprile  1598. 

La  lettera  di  V.  S.  mi  è  giunta  tardi,  et  perô  V.  S.  non  si  maravigli 


Lettres  de  Ms'  Jules-César  Riccardi  445 

delta  tardità  délia  risposta.  lo  la  sto  aspettando  con  infinito  desi- 
derio,  et  verra  a  pigliar  il  possesso  di  una  casa  che  è  sua. 

Al  Molto  Revilo 
Sig™  Francesco  de  Sales,  Prevosto  di  Geneva. 


XVI 


Molto  Reverendo  Signore, 

Pochi  giorni  sono  fu  qui  il  signor  Présidente  Fabro,  il  quale  io 
conobbi  con  grandissime  mio  contento  per  haver  trovato  in  lui  tutte 
quelle  parti  di  pietà  et  di  dottrina  che  V.  S.  mi  haveva  testificato 
con  le  sue  di  25  d'Aprile  et  di  18  di  Maggio  *.  Mi  fu  bene  di  gran  ♦  vide  Epist.  cix. 
dispiacere  che  non  li  fosse  permesso  d'intrare  nella  cita,  per  non 
haverlo  potuto  honorare  nel  mio  hospitio  conforme  al  suo  merito  et 
al  mio  desiderio. 

Trattammo  a  lungo  insieme  di  tutti  li  particolari  che  V.  S.  mi  ha 
scritti  in  queste  ultime  sue,  le  quali  io  mandai  a  Sua  Santità,  suppli- 
candola  instantissimamente  a  darmi  risolutione  sopra  tutti  quelli 
capi  che  si  contengono  in  esse.  Et  per  facilitarle  con  la  viva  voce  del 
signor  Présidente,  io  l'accompagnai  con  lettere  caldissime  al  signor 
Cardinal  Aldobrandino,  onde  io  spero  ben  presto  haveremo  risolu- 
tione sopra  tutti  li  capi  ;  et  almeno  io  dal  canto  mio  ho  fatto  tutto 
quello  che  dovevo,  et  sono  per  fare  sempre  mentre  che  starô  in  questo 
carico.  Ho  anco  dato  ordine  al  mio  agente  che  ad  ogni  modo,  senza 
risparmio  di  spesa,  veda  di  ricuperare  le  BoUe  di  V.  S.  da  quel  Fa- 
vretto*,  et  presto  haverà  nova  se  sono  spedite.  *  Vide  p.  328. 

Mi  occorre  di  dare  avviso  a  V.  S.  che  Nostro  Signore  mi  ha  desti- 
nato  per  suo  Nuntio  ordinario  alla  corte  dell'  Imperatore,  etcommesso 
che  io  mi  metta  quanto  prima  ail'  ordine  [pel]  viaggio.  Io  ho  repli- 
cato  a  Sua  Santità,  rendendoli  humilissime  gratie  del  concetto  che  si 
degna  haver  di  me  senza  nissun  mio  merito  ;  ma,  con  la  maggior 
modestia  che  ho  potuto,  le  ho  rappresentato  la  mia  poca  sanità  et  un 
lungo  catarro  che  mi  ha  occupato  tutto  il  lato  dritto,  et  l' évidente 
pericolo  che  portarei  di  stroppiarmi  in  pochi  giorni  in  quelli  freddi 
di  Germania,  con  disservitio  di  Sua  Beatitudine  ;  oltre  che  quel  carico 
ricerca  tanta  gran  spesa  che  sarebbe  impossibile  di  sopportarla.  Per 
le  quali  ragioni  spero  che  Sua  Santità  se  degnerà  di  liberarmene,  et 
che  la  sua  infmita  benignità  non  permetterà  che  io  perda  questa  poca 


446  Appendice 

sanità  che  mi  resta  et  mi  renda  per  sempre  inabile  al  suo  servitio. 
Di  quel  che  ne  seguirà  darô  parte  a  V.  S.,  la  quale  in  ogni  luogo 
dove  sarô  la  terrô  impressa  nell'  animo. 
Et  me  le  offero  et  raccommando  di  cuore. 
Di  V.  S.  molto  Reverenda, 

Corne  fratello  aflfettionatissimo, 

G.  Cesare,  Arcivescovo  di  Bari. 
Di  Torino,  a  5  di  Luglio  1598. 

Prima  di  haver  mandata  questa,  ho  ricevuto  l' ultima  di  V.  S.  di  13 

Vide  Epist.  ex.  di  Giugno  *,  che  tratta  ex  professa  di  far  restituire  la  Messa  in  Geneva. 

lo  l'ho  mandata  subito  a  Sua  Santità,  con  una  di  Monsignor  Vescovo 

sopra  r  istesso  proposito,  et  son  certo  che  Sua  Santità  abbracciarà 

vivamente  l' impresa. 

Con  lettere  ricevute  hora  hora  dal  signor  Cardinale  Aldobrandino 
sono  assicurato  che  Nostro  Signore  mi  ha  liberato  dal  carico  dell'  Im- 
peratore,  havendo  havuta  consideratione  alla  mia  poca  sanità,  la 
quale  havrei  fmita  di  perdere  in  quelli  freddi  et  in  quella  sorte  di 
vita  ;  et  il  signor  Duca  mi  avvisa  in  questo  punto  che  Sua  Santità  li 
haveva  fatta  gratia  che  io  potessi  continuare  con  questo  carico,  et 
cosi  haverô  tempo  di  goder  et  riverir  V.  S.,  come  farô  sempre. 

Al  Molto  R<'° 
Sigr^  Francesco  de  Sales,  Prevosto  di  Geneva. 


LETTRES    DE    CHARLES-EMMANUEL    P" 

DUC    DE    SAVOIE 


A  Révérend,  cher,  bien  amé  et  féal 
Messire  François  de  Sales,  Prévost  de  Sainct  Pierre  de  Genève. 

Révérend,  cher,  bien  amé  et  féal, 

*  En  responce  de  celle  que  avez  escript,  vous  disons  que  treuvons  *videEp.Lxxx,Lxxxiii. 
bon  qu'ayez  faict  dresser  un  autel  en  l'esglise  de  Sainct  Hipolite, 
comme  aussy  les  aultres  bonnes  œuvres  qu'a  la  louange  de  Dieu  et 
extirpation  des  hérésies  vous  y  allez  exercitant  ;  et  Nous  desplaict 
des  oppositions  que  l'on  vous  y  a  faictes,  que  neantmoings  avez  sur- 
monté ainsy  que  vous  Nous  escrivez.  A  quoy  vous  continuerez  avec 
la  dextérité  et  prudence  que  vous  sçavez  convenir,  ayant  escript  au 
sieur  de  Lambert  qu'il  a  très  bien  faict  de  secourir  le  ministre  qui  se 
veult  catholiser  *,  ainsy  que  vous  et  luy  Nous  escripvez.  '  vide  p.  227. 

A  tant  prions  Dieu  que  vous  aye  en  sa  garde. 
De  Thurin,  ce  7  janvier  1597. 

Le  Duc  de  Savoye, 

Charles  Emanuel. 
Ripa. 

Au  Prévost  de  Sainct  Pierre  de  Genève. 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  le  P''  Procès  de  Canonisation. 


448  Appendice 


LETTRES    PATENTES    DE    NOMINATION    DE  SAINT    FRANÇOIS   DE  SALES 
A    LA     COADJUTORERIE    DE    L'ÉVÊCHÉ    DE    GENÈVE 

Charles  Emanuel,  par  la  grâce  de  Dieu  Duc  de  Savoye,  Chablais, 
Aouste  et  Genevois,  Prince  de  Piedmont,  etc. 

A  tous  ceux  qui  ces  présentes  verront  sçavoir  faisons  qu'estant 
deuement  informé  du  sainct  zèle  que  très  Révérend  Père  en  Dieu, 
nostre  très  cher,  bien  amé,  féal  Conseiller  et  dévot  Orateur  Messire 
Claude  de  Granier,  Evesque  de  Genève,  a  de  faire  colloquer  en  son 
Evesché,  par  coadjutorie  ou  autrement,  homme  cappable  de  telle 
charge,  conforme  a  nostre  intention,  qu'a  tousjours  esté  qu'es  béné- 
fices dependantz  de  nostre  nomination  les  personnes  méritantes 
soient  préférez  aux  aultres.  A  ceste  cause,  ayant  remarqué  la  doctrine, 
vie  exemplaire  et  autres  rares  qualitez  qui  reluisent  en  nostre  très 
cher  et  bien  aymé  Orateur  Messire  François  de  Sales,  Prévost  de 
Sainct  Pierre  de  Genève,  heu  d'allieurs  esgard  aux  travaux  que  cy 
devant  il  a  supportez  et  a  présent  supporte  a  la  conversion  des 
dévoyés  de  nostre  religion  riesre  nostre  Duché  du  Chablais,  de  quoy 
nous  sçavons  aussy  Sa  Saincteté  estre  bien  informée,  avons  par  ces 
présentes,  en  vertu  des  concessions  et  indultz  que  Nous  avons  du 
Sainct  Siège  Apostolique,  icelluy  nommé  et  présenté,  nommons  et 
présentons  audict  Evesché  de  Genève,  suppliant  Très  Sainct  Père  le 
Pape  et  le  Sacré  Collège  des  Cardinaulx  quilz  veuillent  a  nostre  no- 
mination prouvoir  ledict  Messire  François  de  Sales  dudict  Evesché, 
soit  par  coadjutorie  ou  autrement,  luy  octroyant  les  despeches  sur  ce 
nécessaires. 

Et  pour  meilleure  asseurance  de  nostre  volonté,  avons  signé  les 
présentes  de  nostre  main  et  y  faict  apposer  nostre  seel  accoustumé. 
♦  Cf.  p.  314,  not.  (2),       Donné  au  camp  de  Barreaux  *,  ce  29*  jour  d'Aoust  1597. 
C.  Emanuel. 

Visa  pour  Monsieur  le  Grand  Chancelier  :    Rochettb. 

L.    +    S.  ■  RONCAS. 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  le  II*  Procès  de  Canonisation. 


Lettres  de  Charles-Emmanuel  I"  449 


III 


(i)  A  Révérend,  cher,  bien  amé  et  féal  Conseiller  et  dévot  Orateur, 
le  Prévost  de  l'Esglise  de  Sainct  Pierre  de  Genève, 
Le  Duc  de  Savoye. 

Révérend,  cher,  bien  amé  et  féal  Orateur, 
Nous  avons  receu  un  singulier  contentement  de  l'asseurance  que 
me  donnez  par  vostre  lettre  du  unziesme  du  présent,  de  différer  les 
Quarente  Heures  pour  le  vingtiesme  du  présent  mois*,  auquel  jour   '  cf.  p.  360. 
je  ne  faudray  de  me  treuver  a  poinct  nommé,  sans  aulcune  aultre 
sorte  de  dilation  ;  ayant  esté  très  aise  de  l'expédient  qu'a  treuvé  le 
sieur  de  Lambert  pour  arrester  le  Père  Chérubin,  qu'indubitablement 
seroit  tumbé  mallade  s'il  heust  voullu  suivre  sa  délibération  d'aller 
a  Saluces  pour  rendre  son  obéissance,  que  je  m'asseure  sera  excu- 
sable auprès  de  son  General,  auquel  j'en  escris  la  cy  enclose  pour  le 
prier  de  le  nous  laisser  pour  achever  l'œuvre  qu'a  esté  si  bien  encom- 
mencee  par  luy.  Je  vous  prie  de  tenir  main  a  ceste  délibération,  et  je 
prieray  le  Créateur  vous  conserver  en  sa  saincte  et  digne  garde. 
DeAutecombe,  le  14  septembre  1598. 

Charles  Emanuel. 
Boursier. 

Au  Prévost  de  Sainct  Pierre  de  Genève, 

(i)  Les  cinq  lettres  qui  suivent  sont  revues  sur  le  texte  inséré  dans  le  I"  Pro- 
cès de  Canonisation  ;  la  Lettre  VI  a  été  seule  publiée  par  Datta. 


IV 


A   Révérend,   cher,  bien  amé  et  féal  Orateur, 
le  Prévost  de  Sainct  Pierre  de  Genève. 

Révérend,  cher,  bien  amé  et  féal  Orateur, 
Sur  l'advis  que  Nous  avons  heu  du  passage  du  Légat  *  par  nostre  '  vide  p.  22,. 
Estât  et  par  le  pays  de  Valley,  nous  depeschames  hier  un  courrier  au 
Père  Chérubin  pour  le  prier  de  différer  les  Quarente  Heures  jusques 

Lettres  I  *' 


450  Appendice 

•  Vide  infra,  Ep.  V,  VI.  au  [28]  du  présent''',  qui  sera  justement  le  jour  de  son  arrivée  a 
Thonon.  De  quoy  je  reçois  un  très  grand  contentement,  attendu  que 
nostre  attente  nous  a  appourté  ce  bon  heur  que  d'y  avoir  un  tant 
principal  Prélat,  lequel  Nous  attendrons  audict  lieu,  ou  Nous  nous 
acheminerons  a  l'advantaige  ;  vous  en  ayant  bien  voullu  donner 
[advis]  a  celle  fin,  que  ce  pendant  vous  vous  disposiez  a  une  bonne 
patience  qui  se  terminera  a  ladicte  venue,  sans  aultre  dilation. 
A  tant  je  prie  Dieu  qu'il  vous  aye  en  sa  garde. 
De  Villeneufve[-les-ChambéryJ,  ce  17  septembre  1598. 

Le  Duc  de  Savoye, 

Chakles  Emanuel. 
Boursier. 

Au  Prévost  de  Sales. 


A  Révérend  Pei'e  en  Dieu,  le  Prévost  de  Sainct  Pierre  de  Genève. 

Révérend,  cher,  bien  amé  et  féal  Orateur, 

Par  mes  antécédentes  lettres,  vous  aurez  sceu  de  la  venue  du 
Légat  et  le  désir  qu'avons  qu'il  se  treuve  aux  Quarente  Heures,  qui 
les  soUempnisera  beaucoup  plus;  et  seroit  bien  marry  si  pour  un  peu 
de  temps  luy  et  moy  en  perdions  la  commodité.  11  sera  mardy  pro- 
chain a  Bourg,  et  de  la,  il  sera  dans  six  jours  a  Thonon  ou  Nous 
nous  treuverons  un  peu  advantaige  pour  l'y  reçoipvre.  Je  vous  prie 
qu'un  peu  de  temps  ne  nous  soit  vendu  si  cher,  comme  il  seroit  si 
icelle  (sic)  se  faisoit  sans  Nous,  qui  Nous  causeroit  un  regret  inévita- 
ble. Et  si  bien  je  crois  que,  mes  lettres  receues,  vous  aurez  changé 
de  délibération,  si  n'ay  je  pourtant  voullu  laisser  de  vous  en  donner 
advis,  priant  Dieu  qu'il  vous  aye  en  sa  garde. 

De  Villeneufve,  le  19  septembre  1598. 

Le  duc  de  Savoye, 

Charles  Emanuel* 
Au  Prévost  de  Sainct  Pierre. 


Lettres  de  Charles-Emmanuel  I"  451 


VI 


A  Rcverend,  cher,  bien  amé  et  féal  dévot  Orateur, 
le  Prévost  de  Sainct  Pierre  de  Genève. 

Révérend,  cher,  bien  amé  et  féal  Orateur, 

Peu  appres  la  lettre  que  vous  avons  escript  du  jourd'huy  est  arri- 
vée la  vostre  du  dix  huictiesme,  qui  Nous  appourte  un  très  grand 
contentement  et  ensemble  remplit  de  toutte  consolation,  voyant  tant 
d'ames  bien  disposées  pour  se  remettre  au  vray  chemin.  A  quoy 
Nous  sommes  tout  disposé  pour  les  y  assister  de  nostre  présence  et 
y  appourter  tout  ce  que  Nous  pourrons,  soit  en  luminaires  que  pour 
fournir  a  la  despense,  ainsy  qu'escripvons  au  sieur  de  Lambert  de 
faire.  Si  aultre  ne  retarde  le  Légat,  il  s'y  treuvera  des  mardy  pro- 
chain en  six  jours,  non  compris  le  mardy,  et  Nous  un  peu  auparavant, 
ne  le  désirant  pas  moingtz  que  vous. 

A  tant  prions  Dieu  qu'il  vous  aye  en  sa  garde. 

De  Villeneufve,  ce  19  septembre  98. 

Le  Duc  de  Savoy e, 


Boursier. 


Charles  Emanuel. 
Au  Prévost  de  Sales. 


VII 


A  Révérend,  cher,  bien  amé  et  féal, 
le  Prévost  de  Sainct  Pierre  de  Genève, 
Le  Duc  de  Savoye. 

Révérend,  cher,  bien  amé  et  féal. 
Nous  ayant,  appres  vostre  despart,  le  Révérend  Monsieur  Louys 
Perrucard  faict  apparoir  de  la  nomination  faicte  en  sa  personne,  des 
l'année  1 589,  Ihors  que  nous  estions  a  Gex,  du  prieuré  de  Sainct  Jean 
soubz  le  vocable  de  Sainct  Jean  hors  les  murs  de  Genève,  riesre  le- 
dict  pays,  et  supplié  de  ne  luy  prejudicier  en  son  anterieurité  par 
l'aultre  nomination  qu'en  avons  faict  au  Baron  de  Viry*  :  ce  que    '  vide  p.  283 


452  Appendice 

Nous  semblant  raysonnable,  et  estant  d'ailleurs  bien  memoratif  des 
causes  que  Nous  meurent  de  le  faire,  Nous  a  semblé  par  ce  de  vous 
dire  qu'ayez  a  vous  desporter  de  la  charge  et  sollicitation  qu'en 
pourriez  faire  pour  l'union  dudict  prieuré  a  la  Collégiale  de  Viry, 
ains  faire  instance  pour  en  obtenir  les  provisions  nécessaires  en 
faveur  dudict  Perrucard,  docteur  es  droictz  et  esleu  de  Seseri,  en  es- 
Vide  p.  315.  cripvant  en  ceste  conformité  a  monsieur  l'Ambassadeur  Arconat  *  et 

au  Cardinal  Aldobrandin.  De  quoy  avons  voullu  vous  donner  advis, 
priant  Dieu  qu'il  vous  aye  en  sa  garde. 

De  Thonon,  ce  vingtiesme  novembre  1598. 

Charles  Emanuel. 
Boursier, 

Au  Prévost  de  Sales. 


I 


BREFS    DE    SA    SAINTETE    CLÉMENT    VIII 


Dilecto  filio  Francisco  de  Sales, 
Prasposito  Cathedralis  Ecclesiœ  Genevensis, 
Clemens  Papa  Octavus. 

Dilecte  Fili,  salutem  et  Apostolicam  benedictionem. 

*  Narravit  Nobis  vir  religiosus  Frater  Spiritus,  ex  Ordine  Capuci- 
norum,  verbi  Dei  concionator,  de  tua  pietate  et  zelo  divini  honoris, 
quod  pergratum  Nobis  accidit.  Idem  autem  qusdam  nostro  nomine 
exponit,  quae  ad  Dei  gloriam  pertinent  quœque  Nobis  cordi  sunt 
maxime.  Tu  fidem  illi  cumulatam  habebis,  perinde  ac  Nobis  ipsis  ; 
eamque  diligentiam  adhibebis  quam  a  tua  prudfintia  et  erga  Nos 
atque  hanc  Sanctam  Sedem  devotione  expectamus  ;  tibique  paterne 
benedicimus. 

Datum  Romœ,  apud  Sanctum  Marcum,  sub  annulo  Piscatoris, 
die  prima  Octobris,  anno  millesimo  quingentesimo  nonagesimo  sexto, 
Pontificatus  nostri  anno  quinto. 

Sylvius  Antonianus. 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  le  P'"  Procès  de  Canonisation. 


Vide  Epist.  xcin. 


Dilecto  filio  Francisco  de  Sales,  Ecclesiae  Genevensis Praeposito, 
Clemens  Papa  Octavus. 

Dilecte  Fili,  salutem  et  Apostolicam  benedictionem. 

*  Fidei  Catholicae  studium  et  zelum  salutis  animarum  servo  Dei  et   •  vide  Epist.  xcm. 
in  sortem  Domini  vocato  plane  dignum,  in  tuis  litteris  perspeximus  ; 


454 


Appendice 


et  quid  hactenus  egeris  in  negotio  illo  de  perdita  ove  ad  Christi  ovile 
reducenda,  cognovimus. 

Tuam,  Fili,  diligentiam  et  sedulitatem  in  Domino  commendamus, 
etquamvis  ea  res,  cujus  felicem  exitum  valde  optavimus,  non  medio- 
crem,  ut  scribis,  difficultatem  habeat,  quia  tamen  Dei  opus  est, 
cujus  gloriam  qu^erimus  et  cujus  misericordia  atque  auxilio  nitimur, 
te  propterea  magnopere  hortamur  ne  eam  curam  deseras,  neve 
cesses  quod  semel  inchoasti,  Dei  adjutrice  gratia,  urgere.  Speramus 
enim  quod  labor  tuus  non  erit  inanis  in  Domino. 

Quod  ad  populos  illos  attinet,  quos  Catliolicas  religionis  restitutio- 

Vide  p.  270.  nem  avide  expetere  significas*,  id  quidem  perjucundum  Nobis  accidit 

ut  ea  de  re  scribamus  in  eam  sententiam  quam  res  postulat  et  tu 

videp.  27i,not.(i).   admones*.  Tu  interea  quod  potes  prœsta,  Deo  juvante;  et  Nos  tibi 

paterne  benedicimus. 

Datum  Romae,  apud  Sanctum  Petrum,  sub  annulo  Piscatoris,  die 
vigesima  nona  Maii,  anno  millesimo  quingentesimo  nonagesimo 
septimo,  Pontificatus  nostri  anno  sexto. 

Sylvius  Antonianus. 

Revu  sur  le  texte  inséré  dans  le  P""  Procès  de  Canonisation. 


1 


TABLE    DE    CORRESPONDANCE 

DE   CETTE   NOUVELLE   ÉDITION   AVEC   LES   PRÉCÉDENTES 
ET  INDICATION  DE  LA  PROVENANCE  DES  MANUSCRITS 


NOUVELLE    ÉDITION  PROVENANCE   DES  MSS.         PREMIERE   PUBLICATION  (l) 

j         GESEVE.Arch.de  l'Etat     Revue  Sav.,  mzvs  iS6-j 

l  i,is AxxECY.  Visitation 

Ij Idem 

jj j Turin.   Visitation 

XV Idem 

V Annecy.  Visitation 

VX Turin.  Visitation 

VXX Besançon.  M"^  Dorez      

VIXI Annecy.  Visitation 

/minute  incomplète     Idem 

IX  .      ,              iTuRiN.Archiv.delEtat/  ^^^^^^    ^^  g     __ 
jautre  minute ^      (Copie) ) 

X  Besançon.  M-n-^  Dorez      

^\ iTL-R.N.  Archiv.de  l'Etat  j  ^^^^^_  ^^   ^^^ 

XI I       (Copie) ) 

■^Ij     Annecy.  Visitation Ibid.,  p.  36 


ÉDITIONS    MODERNES 


XIII 
XIV 


Idem Ibid.,  p.  31. 

TuRiN.Archiv.delEtat|  j^.^^p^,_ 
(Copie) ) 


XV Annecy.  Visitation Ibid.,  p.  50 

XVI Besançon.  M'"^  Doroz     

XVII Naples.  Visitation  (i^"" 

Monastère) 

Datta,  I,  p.  74. 


XVIII Annecy.  Visitation. 

XIX Idem Ibid.,  p.  71. 

XX 


Idem Ibid.,  p.  54. 


Inédite 

Inédite  . 

Inédite 

Inédite 

Inédite 

Inédite 

Inédite 

Inédite 

Vives 

,  VII,  p. 

12 

Mign 

e,  VI,  col.  416 

Inédite 

t    Viv. 

vu,  p. 

20 

!  Mi^. 

VI,  col. 

421 

■^    Viv. 

VII,  p. 

47 

\  Mig. 

VI,  col. 

436 

^    Viv. 

VII,  p. 

43 

\  ^ig 

VI,  col 

433 

(    Viv 

VII,    p. 

54 

\  ^ig- 

VI,  col 

444 

t    Viv 

VII,    p. 

58 

iMig 

VI,  col 
Inédite 

Inédite 

445 

t     Viv 

VII,   p. 

76 

XMig 

VI,  col 

464 

(    Viv 

VII,  p. 

74 

[Mig 

VI,  col. 

461 

^    Viv. 

vu,  p.  ( 

32 

(  Mig. 

VI,  col. 

449 

(  I  )  C'est  sous  toutes  réserves  que  nous  indiquons  les  publications  dans  lesquelles  les 
lettres  ont  paru  pour  la  première  fois. 

(2)   Voir  r Avant-Propos  de  ce  volume,  p.  xvi. 


456 


NOUVELLE    ÉDITION  PROVENANCE  DES  MSS. 

XXI AsxECY.  Visit.  (Copie) 

XXII Idem 


XXIII 


XXIV Annecy.  Visitation  . 

XXV Idem 

XXVI Idem 


XXVII Idem. 


XXVIII Idem 

XXIX TcRiN'.  Visitation. 

XXX Idem 

(  pp.  84-86  (II.  )    .               „.  .,  ,. 

,,,,„  \            «  5  Annecy.  Visitatioi 

XXXI  <    i-ii) \ 

(  suite Turin.  Visitation. 


XXXII Annecy.  Visitation  . . . 


XXXIII Idem. 


XXXIV  (fragment) .  . .      Annecy.  Dom  Mackey, 
O.  S.  B 

f  Annecy. Visitation(An- 
XXXV I    cien  Ms.    de   l'Année 

\     Sainte 

XXXVI I"  Procès  de  Canonis. 

XXXVII 

XXXVIII 

(  Annecy. Visitation  (An- 
XXXIX  ;fragment). .  .  ]     cien    Ms.    de  l'Année 

{     Sainte) 

XL Chambéry.    Chanoine 

CoUonges 

variante  (a). . .      Idem 
XLI  ' 


texte Idem. 


XLII PoLiGNY.  Abbé  P.Waille 

XLIII I^""  Procès  de  Canonis. 

XLIV Idem 

XLV Idem 


XLVI 


r 

l  Annecy. Visitation  An- 
'       cien  Ms.  de   l'Année 
Sainte) 


(i)  Voir  notre  Avant-Propos,  note  (  i  ),  p. 


PREStlERE  PUBLICATION        ÉDITIONS     MODERNES 

Inédite 

Datta,  I,  p.  42 ]  ^  / 

(  Mig.  VI,  col.  441 

[     Viv.  VII,  p.  65  (tra- 
Vie  du  Saint  par  Char-  \      duction) 
les-Auguste,  liv.  II  j  A/^^.v,col.îI^(t^a- 
(       duction) 

Datta,  I,  p.  37 ]   ^.  , 

l  Mig.  VI,  col.  452 

,  l    Viv.  vu,  p.  69 

Ibid.,  p.  59 '  '  " 

(  Mig.  VI,  col.  453 

Ibid.,  p.  61 ]   ,..  ^ .' 

(  Mig.  VI,  col.  453 

....  i     Viv.  VII,  p.  18 

Ibid.,  p.  15 '  '^ 

(  Mig.  VI,  col.  421 

Inédite 

Inédite 

Inédite 

^  .  l     Viv.  VIII,  p.   19 

Datta,  I,  p.  65 K, .  '  ^.      ^ 

(  Mtg.  VI,  col.  457 

Inédite 

Datt.i,  I,  p.  97 ,,.         '  ^  .      ^ 

l  Mig.  VI,  col.  479 

Vie  du  Saint  par  Char-  J    Viv.  viii,  p.  10 

les-Auguste,  liv.    II  (  Mig.  v,  col.  313 

Inédit 

Vie  du  Saint  par  Char-  ^     Viv.  viii,  p.  3 
les-Auguste,  liv.  II  {  Mig.  v,  col.  307 

Inédite 

Mig.  VI,  col.  1067 

Ibid.,  col.  1066 

Année  Sainte  de  la  Visi- 
/a/to«,t.XII,i^''déc. 

Mig.  VI,  col.  1065 

Ibid. 

\  Viv.  VII,  p.  5 

D^i'^,h  P-  41 \  Mig.  vi,  col.  A39 

Inédite 

Inédite 

Inédite 

Inédite 

(  ,^-.  ,, .  ,.    f    ^«f-  vin,  p.  28  (cf. 

l  £)j//j,i,p.99  Cf.  l'édi-l       .,.,      '^,      ^ 
\  >   '  r  /  /\  \       ibid.,   p.  2) 

tïoa  Hérissant  (ï),i.  <   ,y  •  10 

j  Mtg.   VI,   col.    481 

^'  P-  '7)   (      (cf.  V,  col.  306) 

XVi 


457 


NOUVELLE    EDITION  PROVENANCE   DES  MSS.  PREMIERE  PUBLICATION         EDITIONS     MODERNES 

XLVII 

XLVIII Tltiin.  Visitation . . 


Vie  du  Saint  par  Char-  v    Viv.  vin,  p.  91 
les-Auguste,   liv.   II  [  Mig.  v,  col.  334 

Œuvres  1641,  t.  II  (i),  t     Viv.  viii,  p.  as 
Ep.  IX (  Mig.  V,  col.  317 


XLIX 


l  Turin.  Archiv.de  l'Etat  )  {    Viv.  viii,  p.  82 

minute j       ,/^      ■  \  i  Datta,  i,  p.  iso i    i^  •  1 

/       (Copie) \  '   '  ^      '  {  Mtg.  VI,  col.  334 

ÎEnghien    iBelffiaue).  i 
RR.  PP.  Jésuites ...  5  t      j   \  1 


\       RR.  PP.  Jésuites  . , 
L Idem Ibid. 


Viv.  vu,  p.  77 
Mig.  VI,  col.  46g 


LI Ankecy.  Visitation  . , .      Datta,  1,  p.  83 

/  La  Philothée  de  S.  Fr. 
LU Genève.  Abbé  Chavaz  ]      de  S.,  par  J.  Vuy,  II 

(      (1879),  p.  273 

LUI VoiROK.  Visitation Inédite 

(    texte  définitif     P'"  Procès  de  Canonis Inédit 

LIV   \  .  ,r.  ■      .  ^  ,  ^    ^"'-  VI".  P-  72 

/  minute Annecy.  Visitation  . . .      Datta,  i,  p.  106 ]  ,,.  ,      <, 

[  >    '  jr-  ^  ^iig-  VI,  col.  405 

(  Turin.  Archiv.de l'Etat  )  t    Viv.  vi,  p.  173 

LV ,n     ■^  Ibid.,  p.  270 ,..         '  f      '^ 

(      (Copie)  )  '  ^     '  i  Mig.  VI,  col.  597 

LVI CoHEMDiER{H'<^-Savoie) 

Baron  Lud.  de  Viry      Inédite 

i^"" et 3"=  alinéas;  1  r    ■  i-, 

■^       „  i   Inédits 

dernier,  11. 1-3  ) 

Lvil  l ^'^'^  Procès  de  Canonis. 

2*alinéaetsuite  ^  I    Fî>  du  Saint  par  Char- l  F/r.  viii,  p.  5 

du  dernier  ...  \   /       les-Auguste,  liv.  II  r  Mig.  v,  col.  308 

LVIII CoHENDiER(H'^-Savoie) 

Baron  Lud.  de  Viry      Inédite 

_      _  _  î   Vie  du  Saint  par  Char-  v  Viv.  viii,  p.  62 

LIX I*""  Procès  de  Canonis.  \      ,       .  ^      ,.      tt  )   j/f  •  ^1    ,-- 

(       les-Auguste,   liv.  II  (  Mig.  v,  col.  325 

LX Idem Inédite 

LXI Idem Inédite 

LXII Idem Inédite 

i\    Viv.  viii,  p.  45 
texte  définitif     Turin.  Archiv.de  1  Etat     Ddtta,  i,  p.  124 )   ir-  1 

'   '  t-       1  (  Mtg.  VI,  col.  499 

(  F/tf  du  Saint  par  Char- ] 
autre  leçon..     Rennes.  Visitation.  ...  5      ,       .  *      i-       tt  /     rr- 

^  (       les-Auguste,   liv.   11  r     Viv.  viii,  p.  loi 

(  Œmcz-^s  1641 ,  tome  II,  (  Mig.  v,  col.  341 
minute Annecy.  Visitation  ■  •  •  j       pj,    jre  ) 

LXIV I"  Procès  de  Canonis Inédite 

LX  V Idem Inédite 

l    Viv.  VIII,    p.    136 
{  Hérissant,   t.   I,   p.  83  )        (traduction) 

LXVI I- Procès  de  Canonis.  j      (^^^duction) )Mig.^,    col.    349 

[        (traduction) 

(  I  )  Voir  notre  Avant-Propos,  p.  xiv. 

(2)  Quelques  Manuscrits  autographes  de  Saint  François  de  Sales,  par  le  R,  P.  E.  Griselle, 
S.  J.  (Lille  1899). 

(3)  Voir  notre  Avant-Propos,  note  (i),  p.  xxv. 


458 


NOUVELLE    EDITION  PROVENANCE  DES  MSS, 

LXVII Turin.  Archiv.de  l'Etat 


LXVIII 


[  Rome.  Archives Vatica-  \ 
(       nés  {Savoia,  ^^) / 

LXIX I'^'"  Procès  de  Canonis. 

(texte  définitif  Rome.  Archives  Vatica- 

LXX..]  nés  (5ap.,  33) 

(minute P""  Procès  de  Canonis. 

LXXI Annecy.  Visitation  , .  . 

LXXII Rennes.  Visitation .... 

\  Roue.  Archives  Vatica- 
/       nés  [Sav.,  34) 


LXXI  II 


LXXIV Annecy.  Visitation  . . . 

LXXV Turin.  Archiv.  de  l'Etat 

(Copie)  

LXXVI ï"  Procès  de  Canonis. 

S  texte  définitif     Rome. Archives  Vatica- 
nes  (Sav.,  ^3] 
minute P''  Procès  de  Canonis. 

LXXVIII Amiens.  Visitation 

/  C  Rome.  Archives  Vatica- 

LXXIXp'^*^^^^^"^!      nés  (S...,  34) 

(minute I'"'  Procès  de  Canonis. 

Itexte  définitif     Turin.  Archiv.de  l'Etat 

jiQute Procès  de  Canonis.. .  . 


LXXX 


LXXXI 


;  Rome.  Archives  Vatica- 

(      nés  {S.tv.,  33) 

LXXXII  I, fragment)  . .      P''  Procès  de  Canonis. 

LXXXIII Idem 

LXXXI  V Idem 

LXXXV Idem 


LXXXVI Annecy.  Visitation  . . . 

LXXXVII Besançon.  M"'«  Doroz 

f  texte  défi-  )  _  .     .  •     j    uc^  .. 

\  .  .,  >  Turin. Archiv.de l'Etat 
LXXXVIII  j     nitif  . . .  ) 

(rpinute...      Besançon.  M™"^  Doroz 

LXXXIX Nardo  (Italie),  Po;u7/?. 

Cathédrale 

XC..." Idem 

XCI Procès  de  Canonis. . . . 


PREMIERE  PUBLICATION         EDITIONS     .MODERNES 

i      Viv.  VIII,  p.  58 
Oatta,i,^.  136 )  3f,;^.  VI,  col.  507 

Pératé,  La  mission  de 

F.  de  S.  dans  le  Cha- 

blais  (i) 
Inédite 

Pératé 

Inédite 

(     Viv.  VIII,  p.  78 
Datta,  I,  p.  148 j  3^,-^_  ^,^  ^^^    .^^ 

Inédite 

Pératé  \  ^^^'  ^''    '^°^'    *'°" 
\      (traduction) 

î    Viv.  VIII,  p.  170 

Datta,  I,  p.  20g \  -K/r-  1 

'    '  ^        '  I  ^^g-  ■''ij  col.  557 

Inédite 

Inédite 

Pératé 

Inédite 

Inédite 

Pératé i^'f;    7'   "^-    9°^ 

(         (traduction) 

Inédite 

Datta,  I,  p.  169.    (Cf.  ) 

K/.duSaintparCh.-  ^'''- vui,  p.  117 

Aug.,  liv.  III) J  A%.  V,  col.  346 

Inédite 

Pératé.  (Cf.  Datta,  i,  y  Cf.  Fir. viir, p.  119 

p.  167) (  Cf.Af/]§'.vi,col.529 

Inédit 

Inédite 

Inédite 

Inédite 

C    Viv.  VIII,  p.   140 

Datta,  I,  p.   105 i   \A-  1 

'    '  ^         '  (  Mtg.  VI,  col.  541 

Inédite 

(    Viv.  VIII,  p.  151 

Datta,  I,  p.  197 \    \ji-  1 

'    '  ^      '^'  (  Mtg.  VI,  col.  550 

Inédite 

Inédite 

Inédite 

Inédite 


(  I  )  Documents  inédits  tirés  des  Archives  du  Vaticin.  Extrait  du  tome  VI  des  Mélanges 
d'archéologie  et  d'histoire  publiés  par  l'Ecole  française  de  Rome,  1886.  (Voir  l'Avant-Propos 
du  présent  volume,  p.  xx.) 


459 


NOUVELLE    EDITION 


PROVENANCE   DES  MSS. 


PREMIERE  PUBLICATION         EDITIONS     MODERNES 


i texte  définitif     Rome.  Archives Vatica- 
nes  (5^-^!.,  34) Pératé 
minute I'^''  Procès  de  Canonis 

/texte  définitif     Rome.  Archives  Vatica- 

^  nés  [Sav.,  29) Pératé 


Inédite 


XCIII 


nnin 


T     T>       ,  „  i    VzV  du  Saint  par  Char- (    F/f .  viii,  p.  15? 

ute I"  Procès  de  Canonis.  ,       .  /   ,.      .tt  )   ;w  1 

(       les-Auguste,  liv.  III  l.  Mig.  v,  col.  333 


'       ^      .,c    .,.„  \  Rome.  Archives  Vatica- 
Uexte  définitif,              ,„ 
XCIV    j  f      nés  (5«î).,  34) 

(minute P''Procès  de  Canonis. 

rtexte  définitif     Turin.  Bibliot.  Civica. 

xcv..]    .  -,^„      .    ^   ^ 

/minute 1'-'^  rroces  de  Canonis. 


,  C  Ibid.,  VI,    col.   905 

(         (traduction) 


Dafta,  II,  p.  225. 


^texte  définitif  Rome.  Archives  Vatica- 

XCVI    j  nés  (Sav.,  ^4) Pératé 

(minute P'  Procès  de  Canonis 

f  texte  définitif, 
pp.  291-297 

(11-1-5) 

jpp.  297-299(11. 

1-5) 

[p.  299, 11.  6-14 

[fin 

,  minute P'  Procès  de  Canonis. 


XCVII< 


Rome.  Archives  Vatica- 

nes  [Sav.,  34) \  Pératé 


XCVIII Annecy.  Visitation 


Datt. 


r,  I,  p.  212 


XCIX. 

c 

CI   ... 


Idem Ibid.,  p.  256. . . 

Idem 

Idem Datta,  i,  p.  204 


Inédite 

Inédit 

Viv.  IX,  p.  503 

Mig.  VI,  col.  761 

Ibid., col. 9o6(trad.) 
Inédite 

Mig.   VI,   col.    909 

(traduction) 


Ibid.,  col.  911 

Inédite 

Viv.  VIII,  p.  172 

Mig.  VI,  col.  560 

Viv.  VII,  p.  92 

Mig.  VI,  col.  591 

Inédite 

Viv.  vni,  p.   166 

Mig.  VI,  col.  536 


CII TuRiN.Archiv.de  l'Etat 

(Copie) 

cm I"^'"  Procès  de  Canonis. 


CIV 
CV  . 
CVI 


Annecy.  Visitation. .. .     Datta,  \,  p.  258. 


Inédite 

Inédite 

Viv.  IX,  p.  300 

Mig.  VI,  col.  577 

(  5/i2w,  Lettres  inédites  \    Viv.  vm,  p.  183 

}       de  1833,  p.  7 (  Mig.  VI,  col.  855 

i)    Viv.  viii,  p.  176 
Turin.  Visitation Datta,  i,  p.  217 (  ^^.^^  ^^^  ^^^_  ^^^ 

Inédite 


CVII I*-'""  Procès  de  Canonis , 

i  i*-'''  alinéa.  ■  ■  ■  (  \ 

1  Rome.  Archives  Vatica- /  p,';-^/^.' 
)      nés  {Sav.,  35) ( 


CVIII 


CIX... 

ex... 


fsuite 

Itexte  définitif     Idem. 


(minute Annecy.  Visitation  .  . . 

[  Rome.  Archives  Vatica- 

(       nés  (Sav.,  35) 

CXI Milan.  Visitation 


^  Mig.  VI,    col.    911 

l        (traduction) 

Pératé Ibid., col. 9i3(trad.) 

Inédite 

Mig.   VI,    col.    915 

(traduction) 

Inédite 


Pératé 


460 

NOUVELLE    ÉDITION  PROVENANCE   DES  MSS.  PREMIERE  PUBLICATION         EDITIONS     MODERNES 

CXII Turin.  Visitation Notes  histor.  sur  S.  Fr. 

de  S., Bouchage, 1880 
CXIII Fribourg.  D''  Schaller     Notice  sur  Séb.  Werro, 

(Fribourg,  1841). . .  .      Mig.  vi,  col.  916 

CXIV Turin.  Visitation Datta,  \,  p.  221 iw-'        '  ^,'     ^o 

'    '  ^  (  Mtg.  VI,  col.  568 

CXV Fribourg.  Musée  Can- 
tonal       Notice  sur  Séb.  Werro     Ibid.,col.9i7(trad.) 

CXVI Gènes.  Sanctuaire   de 

la  Madonnetta Inédite 

CXVII Genève.  Bibliothèque 

publique Mig.  vi,  col.  1343 

ex VIII Rome.  Archives  Vatica- 

nes  [Sav.,  35) Pératê 

r\'T\r  A  ir-  •*  *■  i  Fi>  du  Saint  par  Char- t    F/c.  ix,  p.  280 

CXIX Annecy. Visitation ]      ,      .  ^  ,.      t-,,  W 

f      les-Auguste,  liv.  IV  (  Mtg.  v,  col.  360 

CXX Idem Ibid i   ,^'''- ''''  P/9' 

Mig.  V,  col.  361 


APPENDICE 


[  Annecy. Archives  de  la  1   ^  (    Viv   vu   p    6 

1 i     c     •  '4-  tri  .         i  Datta,  I,  p.  I i    w  , 

(     Société  Flonmontane  \  '    '  ^  (  Mig.  vi,    col.   409 

Ij  \   FzV  du  Saint  par  Char- ^     Viv.  \iï,  -p.  24 

(       les-Auguste,   liv.  II  (  Mig.  v,  col.  296 

TTT  .  Tr-  ■■     .  r^  \    Viv.  VII,  p.  34 

111 Annecy.  Visitation . ,  .      Datta,  i,  p.  21 , , .  , 

{  Mig.  VI,  col.  425 

TTr  T,  ....  {    F/p.  VII,  p.  38 

IV Idem Ibid.,  p.  25 , . .  "^.-^     „ 

'  ^      -^  (  Mig.  VI,  col.  428 

V Idem Ibid.,col.897(trad.) 

T  ,  r^  i    ^^^-  VII,  p.  60 

VI Idem Datta,  i,  v.  1)2 j   ,^.  10 

'    '  ^    -^  /  ^f^-  VI,  col.  448 

VII Idem Inédite 

[  i'^''  alinéa . .  .  .  ^   Inédit 

\       ,     ,  1  ,    ^  .     ^   FzV  du  Saint  par  Char- ^    F/v.  viii,  p.  27 

VIII  ..  \a<' alinéa >  P'' Procès  de  Canonis.  i      ,       .  ^      ,.       tt)   i^-  1 

I  r  (      les-Auguste,  liv.   II  '  Mig.  v,  col.  321 

(.suite ;   Inédite 

(  T  ^  i    ^^'^'-  viii|  P-   24 

TV  Trr  r>       •    j    /^  •     >  F/V  du  Sai ut  par  Cha T- \  ,^ .  ,        ,      . 

IX P"^  Procès  de  Canonis.  1  *  <  AZ;^.v,col.3ao(voir 

V       les-Auffuste.    liv.    II  /  .     .   ,  o  . 


les-Auguste,   liv.   II  /         *    ,  \  o  > 

°  \     note  (i),  p.  305) 

!  alinéas  1-4.  .  .  >    Inédits 
(                                              \    Vie  du  Saint  parChar-  {     Viv.  viii,  p.  7 
alinéas  5-7.  ..)  pi"  Procès  de  Canonis.  >       1       .          x      i-       tt)    »-/•  i 

i                                             (       les-Auguste,  liv.   II  '.  Mtg.  v,  col.  309 
fin )   Inédite 

I    Viv.  VIII,  p.  15 
XI Procès  de  Canonis...  .      Datta,  i,  p.  67 |  ^.^   ^^^  ^^^    ^^ 


461 

NOUVELLE    ÉDITION  PROVENANCE  DES  MSS.  PREMIERE  PUBLICATION         ÉDITIONS      MODERNES 

=  ''et2'=alinéas      F/V  du  Saint  par  Char- 
les-Auguste, liv.  II 

XII  . .  .1  (    Viv.  viii,  p.  40 
^texte  complet     Procès  de  Canonis....      Datfa,  i,  p.  118 ]  Af/V.  v,  col.  328,et 

''       VI,  col.  496 
('"■ets^alinéas^   Inédits 

VTTT       'or-  (  Tcrn       >     j     /"  •     ^   FiV  du  Saint  par  Char- [     F/u.  viii,  p.   5: 

XIII  .  .3"  alinéa >  I"  Procès  de  Canonis.  J       ,       ,  ,      ,.       tt  1    w  '  *-     ^ 

j  (  !       les-Auguste,  liv.    II  (  Mig.  v,  col.  324 

(suite )   Inédite 

XIV Procès  de  Canonis.. . .      Datta,  i,  p.  76 i   ,*  •  '  . 

f  Mtg.  VI,  col.  464 

XV Annecy. Visitation....      Ibid.,  p.  86 \   X'.'"'  ^"'  P"  ^° 

(  Mig.  VI,  col.  472 

XVI P''  Procès  de  Canonis Inédite 

XVII Idem Z).//.,  I,  p.  88 S    Viv.vi^,^.Zz 


XVIII Idem Ibid.,  p.  140 !  JT" "'''"'  ''i'  ^^ 

f  M.ig.  VI,  col.  512 


(  Mig.  VI,  col.  473 

i^'^et  6"^  alinéas      Fi>  du  Saint  par  Char- 
les-Auguste,  liv.   II     Mig.  V,  col.  324 
texte  complet      Procès  de  Canonis....      Uatta,  i,  p.  100 \   -y.  ■  ,      ' 

^  (  -Mî^.  VI,  col.  481 

•^r^r  TptT^  •         J        /-  •  T1.-J  ^        ^'^-    "^'"I;     P'     ^7 

XX 1     Procès  de  Canonis.      Ibid.,  p.  is? i   w  , 

(  Mig.  VI,  col.  520 

XXI Annecy.  Visitation.  . . .      Ibid..  p.  113 ,.!"'  '^'"'  ^'  ^^ 

(  ■'^'^-  vi,  col.  491 

XXII P''  Procès  de  Canonis Inédite 

XXIII Idem Inédite 

XXIV Annecy. Visitation. . . .      Dalta,  i,  p.  152 \  Z'^'  '^"''  \  ^^ 

^  (  Mig.  VI,  col.   505 

XXV Idem Ibid.,  p.  137 1  J-"'^"''^;  '\ 

'  '^      -"  [  Mtg.  VI,  col.  508 

XXVI  I'"'  Procès  de  Canonis Inédite 

XXVII Rennes.  Visitation Inédite 

XXVIII I"  Procès  de  Canonis Inédite 

-r.  .      .  ^  \     V'iv.  VIII,  p.   121 

XXIX  ..      Annecy. Visitation. .. .      Datta,  i,  p.   171 1   ,,.  . 

■'^■^'^-^ >    t  t       I  t  Mtg.  VI,  col.  331 

XXX I'^'^  Procès  de  Canonis Inédite 

Viv.  VIII,  p.  12S 

4ig.  VI,  col.  537 

\    Viv.  vni,  p.  131 


XXXI Idem Datta,  i,  p.  179 I  Mig.  vi,  col.  ^y^ 


XXXII      Idem Ibid.,  p.  181 ,   ,..  . 

^■^■^^'^ iucm  ,  t-  ^  24ig.  VI,  col.  539 

XXXIII Idem Inédite 

.....                  T^  S    ^''"'-  '^'"'>  P-  160 

XXXIV Annecy. Visitation. . . .      Datta,  i,  p.  202 |  ^.^^  ^^^  ^^j_  ^^^ 

B 

I-III I'^'  Procès  de  Canonis Inédites 

^     Viv.  viii,  p.  115 


tV Idem Datta,  1,  p.  H 


i  Mig.  VI,  col.  528 


4^2 


NOUVELLE    EDITION 


PROVENANCE  DES  MSS. 


PREMIERE  PUBLICATION         EDITIONS     MODERNES 


V 1^"^  Procès  de  Canonis.     Datta,  i,  p.  174 1   , - .  ,       ' 

'   >  t-     /1  I  Mtg.  VI,  col.  533 

VI-IX . .      Idem Inédiies 

^    Vi'v.  vin,  p.  157 

}  Mig.  VI,  col.  552 

Inédites 


X Idem Datta,  i,  p.   199  , 

XI-XVI Idem 


T  Ter  T>       ■     4    ^  •     \   F«^  du  Saint  par  Char- k    Fir.  viii,  p.  12c 

I I^"^  Procès  de  Canonis.  ,       .  ,.      ^^x  w  ,        k 

'       les- Auguste,  liv.  III  '  Mtg.  \,  col.  348 

TTj  D       ■     4    /-  •         n  ^^  ^    ^'^-  '^°''  p-  ^98 

11"-  Procès  de  Canonis.      Datta,  i,  p.  227 1   i^- 

'       ^        '  {  Mtg.  VI,  col.  571 

III-V I'"'  Procès  de  Canonis 


II 


VI Idem Datta,  ï,  p.  22S 

VII Idem 


^    T7c.  VIII,  p.  199 
I  Mig.  vr,  col.  57a 


D 


T  T,^r  r>       •    j    /-  ■     i   F^V  du  Saint  par  Char- ^     17c.  vin,  p.  104 

1 P"^  Procès  de  Canonis.  1       ,       ,  ^      ,•       tt  y    w  f 

(       les-Auguste.   Iiv.  II  f  M/g.  v,  col.  345 


II. 


Idem Ibid..  liv.  III 


\    Viv.  vni,  p.  162 
(  Mig.  V,  col,  357 


INDEX 

DES    PRINCIPALES    NOTES   HISTORIQUES    ET   BIOGRAPHIQUES 
CONTENUES    DANS   CE  VOLUME  '  i  ) 


Abondance  (abbaye  d') Pages          •  266 

Abonde  de  Côme,  Provincial  des  Capucins »  286 

AiAZZA  Vespasien »  223 

AiNAY  (abbaye  d') »  248 

Alleman  (nobles  du  Nant,  seigneurs  d') »  343 

Angeville  Claude  d' »  152 

Arconato  François »  315 

AuLPs  (abbaye  d') »  266 

AvuLLY  Antoine  de  Saint-Michel  (seigneur  d').. .  »  198 

Bally  Jacques,  curé  du  Petit-Bornand »  328 

Bally  Nicolas,  son  frère »  328 

Beauchateau  Etienne »  324 

Beaumont  Jacques  de  Menthon  (baron  de) »  57 

Bercera  Thomas »  23 1 

BÈZE  Théodore  de »  268 

BocHUT  François »  230 

Boisy  François  de  Sales  (seigneur  de) »  117 

BusÉE  Pierre,  Jésuite »  143 

Canisius  Pierre  (Bienheureux),  Jésuite »  140 

Chapelle  Jean-Baptiste  de  Valence  (seigneur  de 

la).  Voir  Valence »  6,  49 

I }  Les  personnages  qui  figurent  dans  cet  Index  sont  désignés  de  la  même 
manière  que  dans  le  texte  des  Lettres.  Saint  François  de  Sales  emploie  le 
nom  sous  lequel  ils  sont  le  plus  connus  ;  c"est  tantôt  le  nom  patronymique, 
tantôt  celui  de  quelque  seigneurie.  D'autres  fois,  il  ne  les  désigne  que  par  leur 
charge;  nous  donnons  alors  cette  indication  à  la  suite  du  nom. 

Si,  au  cours  de  la  publication,  nous  pouvons  découvrir  des  renseignements 
supplémentaires  d"un  haut  intérêt  sur  les  personnages  auxquels  des  notes 
auront  été  consacrées,  ces  renseignements  seront  réunis  à  la  fin  du  dernier 
volume  de  la  Correspondance. 


464  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

Chappaz  Jean Pages  42 

Charles-Emmanuel  I^'',  duc  de  Savoie >  168 

Charmoisy  Charles  Vidomne  de  Chaumont  (sei- 
gneur de) »  57 

Chavanes  Claude  de »  52 

Chavent  Théodule »  182 

Chérubin  de  Maurienne  (Alexandre  Fournier), 

Capucin »  52,  98 

Chesnex   ou   Chesney   Etienne ,   juge-mage   du 

Faucigny »  44 

Chevalier  Bernard,  curé  de  Cervens »  255 

Chevallier  Claude-Gaspard »  344 

Chevron  Hector,  baron  de »  45 

Chissé  François  de »  71 

Chosal  ou  du  Chosal  Jean-François »  83 

Clarisses  d'Evian »  293 

Clément  VllI  (Hippolyte  Aldobrandino) »  268 

Clerc  ou  Clerici  Nicolas »  345 

Coccapane  Jules,  Jésuite »  262 

Compois-Féterne  Etienne  de »  127 

CoppiERjean »  4 

Coquin  Jean »  157 

Coursinge  ou  Cursinge  Annibal  de  Genève  (sei- 
gneur de) »  211 

Crest  Pierre  du »  159 

DÉAGE  Jean »  3 

Delbene  ou  Del  Bene  Alphonse,  E\êque  d'Albi. .  »  100 

Esprit  de  Heaume,  Capucin »  237 

Faverge  Janus  de  la »  354 

Faverge  Pernette  de  Chevron-Villette  (dame  de 

la) *  354 

Favre  Antoine »  18 

Favre  Benoite,  sa  femme »  70 

Favre  René,  Claude,  Antoine,  Pierre,  Philibert, 

Jean-Claude,  fils  du  Sénateur »  79 

Faye  Antoine  de  la »  324 

FiLLY  (prieuré  de) »  252 

Fléchère  François  de  la »  3 

Floccard  Barthélémy »  296 


Index  des  notes  465 

FossiAS  ou  FoissiA  Jean  (de),  Provincial  des  Do- 
minicains    Pages  245 

FouGou  Faug  Jeanne  Barbier  du  Maney  (dame  du)  »        114,    344 

Genand  (P.  François  de  Chambéry),  Capucin..  »  179 

GiLLi  ou  GiLio  Lucien »  3^9 

Girard  François »  84 

GiUSTiNiANi  Ange,  Evêque  de  Genève »  297 

Grandis  Claude »  299 

Granier  Claude  (de),  Evèque  de  Genève »  94 

Guichard  Claude »  9^ 

Hautecombe  (abbaye  d') »  7^ 

Hermance    François -Melchior    de    Saint-Jeoire 

(baron  d') »  ï 

Hume  ou  Hum>€US  Alexandre,  Jésuite »  304 

Jacob  Guillaume-François  deChabod (seigneur  de)  »  209 

Lescheraine  Antoine  (de),  juge-mage  de  Gex. . .  »  283 

Lignarius  ou  Lignaridus  (Diirrbol^)  Herman  . .  »  325 

Locatel  Jacques  de »  81 

LoRiNi  ou  Lorigny  Jean  (de),  Jésuite »  105 

Lullin  Gaspard  de  Genève  (marquis  de) »  285 

Maniguer  Balthazar,  curé  d'Annemasse »  309 

Marchesi  Antoine,  Jésuite,   Recteur  du  collège 

de  Turin »  3^4 

Marin  Claude »  3^2 

Martinengo  François »  176 

Médicis  Ferdinand  I"  (de),  duc  de  Florence »  6 

Mendoça  Don  Juan  Hurtado  de »  347 

MÉNENC  Jean »  15 

MÉNOCHius  (Menocchio)  Jacques »  ^  his 

MÉRiNDOL  Antoine »  1  ï 

MiLUET  Philibert,  Abbé  d'Aulps »  292 

MoNOD  Georges »  60 

MoNTHOux  Gallois  de »  1  >  1 

MoNTROTTiER  Charles  de  Menthon  (baron  de). . .  »  44 

MuGNiER  Pierre,  curé  de  Saint-Julien »  280 

Nemours  Charles-Emmanuel  de  Savoie  (duc  de 

Genevois  et  de) »  3^ 

Lettres   I  3° 


3M 

227 


466  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

Nemours  Henri  de  Savoie  (duc  de).  Voir  Saint- 

SoRLiN Pages  47 

NovERY   Amblard-Philibert  Vidomne  de   Chau- 

mont  (seigneur  de) »  71 

Papard  François,  Dominicain »  292 

Passier  Antoine  de »  4^ 

Pellevé  Nicolas  (de),    Cardinal- Archevêque   de 

Sens »  6 

Perrot  Cliarles » 

Petit  Pierre » 

PiNGON  Louis  (de),  baron  de  Cusy »  321 

Planaz  Donade-Pernette  de  Baillans  (dame  de). .  »  181 

PoBEL  Raymond »  301 

PoBEL    Tliomas,    Evêque    de    Saint-Paul-Trois- 

Cliàteaux »  356 

PoNCET  Pierre »  124 

Portier  Jean »  34 

PossEviN  Antoine,  Jésuite »  104 

Prez  Claude  de »  162 

Provana  Gaspard »  292 

Provana  Philibert »  292 

Riccardi  Jules-César,  Archevêque  de  Bari,  Nonce 

à  Turin »  148 

Ripa  Augustin »  301 

Ripaille  (prieuré  de) »  252 

RoGET  Jean »  44 

RoGET  Philibert »  249 

Rolland  Denis  de »  96 

Rolland  Georges »  117 

Rovorée  ou  Ravorée  JVladeleine  de  Saint-Michel 

(dame  de) »  I99 

Sacconay  Louis  (de),  chantre  de  la  métropole 

de  Lyon »  305 

Saints  Maurice  ET  Lazare  (Ordre  des) »  232 

Saint-Sorlin  Henri  de  Savoie-Nemours  (marquis 

de).  Voir  Nemours »  47 

Sales  Gallois  de »  ï2 

Salteur  Jacques »  64 

Santorio    Jules-Antoine,    Cardinal    de   Santa- 

Severina *  257 


Index  des  notes  467 

Sarasin  Jean Pages  355 

Saunier  Jean,  Jésuite »  261 

Servette  Pierre  d'Arloz  (seigneur  de  la) »  108 

SixT  (abbaye  de) »  316 

Sponde  Jean  de »  155 

TissoT  Jean »  87 

ToRSELLiNi  Horace,  Jésuite »  126 

TouRNETTE  Louis  de  l'Alée  ou  de  Lallée  (baron 

de  la) »  7 

TouRNON  (collège  de) »  324 

Valence  (de)  Jean-Baptiste.  Voir  Chapelle »  6,  49 

ViGNOD  Jean  de »  213 

VjLLEGuichardeDuret,veuvedeGrailly(damede)  »  51 

Villette  Amédée  de  Chevron  (seigneur  de) »  341 

ViRY  Marin,  baron  de '>  285 

Werro  Sébastien »  345 


GLOSSAIRE 


DES    LOCUTIONS    ET   DES    MOTS    SURANNÉS 

ou    PRIS    DANS    UNE    ACCEPTION    INUSITEE    AUJOURD'HUI 

QUI    SE   TROUVENT 

DANS   LES   LETTRES   DE   SAINT   FRANÇOIS  DE  SALES 

CONTENUES     EN     CE    VOLUME 


(Les  mots  distingués  par  une*  ont  paru  dans  le  Glossaire  des  tomes  précédents.) 


ACCOURCIR  —  pour  diminuer  (voir 
p.  253,  var.  (h),  et  p.  263). 

*ADVEU  —  pour  protection,  appro- 
bation, agrément  'v.  p.  7,  et  var.  (i), 
p.  226). 

ANCRE  —  pour  encre  (v.  p.  211). 

'APPOINCTER  —  pour  accorder, 
concilier  (v.  p.  167". 

APPRIVOISER  —  pour  accoutumer, 
familiariser  (voir  pp.  169,  173). 

*  ASSORTI   —  pour  pourvu,  fourni 

(voir  p.  182). 
ATANT,  A  TANT  —  là-dessus   (voir 

PP-  2,  355)- 
AUTOUR  (d')  —  pour  des  alentours 

(v.  var.  (  c),  p.  380). 
AVANCER  —  pour  favoriser  [v.  var. 

(a),  p.  327). 

•  AYSE  —  COUT  joie,  consolation. 

'  BAILLER  —  donner. 
BIENFAIRE  —  faire  du   bien  (voir 

p.  306,  var.  (a),  et  p.  307). 
BRIDE  A  VEAU  —  nouvelle  absurde, 

conte  ridicule  (v.  p.  354). 
BRIGADE  —  pour  assemblée,  société 

d'amis  (v,  pp,  300,  346). 


CACHETES  (a)  —  en  cachette,  en  se- 
cret (v.  p.  120). 

CATHOLIZER  (se)  —  se  convertir  au 
catholicisme  [v.  pp.  231,  264). 

*  CE  —  pour  ceci,  cela. 

*  CE  FE'SDA'ST  —  pendant,  pendant 
ce  temps. 

*  COLLOQUER—  du  lat.  collocare, 

mettre,  placer  (v.  p.  173). 
COMMANDE  —  pour  commende (voir 
p.  280). 

*  CONTE  —  pour  compte. 
CONTE   (mettre   en)  —  pour  consi- 
dérer (v.  p.  8). 

*  CONTEMPLATION  (en)  —  pour 
en  considération  (v.  p.  252,  et  var. 
;a),  p.  306.) 

*  CONVERSATION  —  pour  compa- 
gnie (v.  p.  344). 

CORAGE  —  encouragement  ^v.  p.  2). 

*  COSTER  —  coûter. 

*  CREANCE  —  pour  croyance  reli- 
gieuse (v.  p.  94;. 

*  CUYDER  —  du  lat.  coQ\i\s.t, penser , 
juger,  croire. 

CY  APRES  —  pour  plus  tard,  dans 
la.  suite  (v,  p.  i8a). 


470 


Lettres  de  saint  François  de  Sales 


DE  (sa  bonté)  —  pour  dans,  par  voir 
p.  182). 

DEBRIGUÉ  —  de  l'ital.  disbrigato, 
dégagé,  débarrassé  [v.  pp.  168,  172). 

DELA  (de)  —  de  là  (v.  p.  346). 

DEPECHE  (le)  -  expédition  (voir 
var.  (c),  p.  252). 

DEPLAISANT  —  pour  contristé,  fâ- 
ché (v.  p.  344). 

*  DES  ORES  —  dès  maintenant. 
DESPUYS  NE  FUT  ELLE  —  depuis 

qu'elle  fitt  (v.  p.  226). 

*  DESSUS    —    pour    ci-dessus    (voir 

F-  34S). 

*  DEVANT  —  pour  avant. 

*  DISCOURIR  —  du  lat.  discurrere, 

courir  ça  et  là  (v.  p.  173). 

*  DOINT  —   ancienne  forme   de    la 

3'^  personne  du  subjonctif  présent 

du  verbe  donner  (v.  pp.  103,  321). 

DONT  —  pour  c'est  pourquoi,  d'oii 

(v.  pp.  3,  8,  etc.) 

DOUTER  —  pour  craindre  (v.  p.  iSq^i. 

*  DU  TOUT  —  tout  à  fait,  absolument. 

*  EMPLOITE  —  emploi  (v.  p.  353). 

*  EMPORTER  —  pour  gagner  (voir 

P-  353)- 
EN  ÇA  —  jusquici  (v.   p.    105).  Cf. 

l'ital.  IN  QUA. 
*ENTRETENEMENT    —    entretien. 

*  ESCHOIT  (sïl  y)  —  au  cas  échéant, 

s'il  est  nécessaire  (v.  p.  173). 
ESTOUFFE  —  pour  étoffe  (v.  p.  121). 
ESTRESSIR  —  pour  diminuer  (voir 

P-  253)- 

FERME  —  pour  stable  (v.  p.  173). 
FORCER    (se)   —  pour  s'imposer  un 

effort  excessif  [v.  p.  319). 
FORME  (a)  — par  forme,  sous  forme? 

(v.  p.  1701. 
FORTUNE  (par)  —  par  hasard  (voir 

p.  121). 

*  GRADE  —  du  lat.  gradus,  degré. 

*  HEUR  —    bonne  fortune,    bonheur 

(v.  p.  306). 

•IMPERTINENT  —  hors  de  propos, 
déplacé  (v.  p.  281).  Négatif  de  per- 
tinent (lat.  PBRTiNENs),  à  propos. 


*  IMPETRER  —  du  lat.    impetrare, 

obtenir  par  supplications  (v.p.  171). 
INAPPOINCTABLE  -  inconciliable 

(v.  p.  167). 
INCOMMODITÉ  —  du  lat.  incom- 

UODITAS,  préjudice  (v.  p.  327). 

»  JA  —  dijà. 

JOINDRE  —  pour  suffire  (v.  p.  231). 

JOUR  (mettre  au)   —  pour  exposer, 

révéler  (v.  p.  312). 
JOURNEE    (tenir  une)  —  tenir   un 

conseil  pour   délibérer  sur  quelque 

affaire  publique  (v.   p.  88^.   Cf.   le 

Diction'''^  de  Littré. 

*  LAIRRAY  —  ancienne  forme  de 
laisserai. 

LA  OU  —  pour  c'est  pourquoi  (voir 
p.  281). 

*  LAUTREFOIS  —  de  nouveau  (voir 
p.  263). 

*  LE  VER  —  du  bas-latin  levare,  ôter, 

enlever  (v.  pp.  226,  230,  etc.) 
LHORS  —  pour  alors,  en  ce  temps-là 
(v.  var.  (a),  p.  306). 

MARCHER —  pour  marché,  prix  fait 
(v.  p.  343). 

*  MESHUY  —  désormais. 
MESSIED  (il)  —  il  sied  mal  (v.  p.  8)  ; 

présent  de  l'indicatif  de  l'ancien 
verbe  messeoir.  Cf.  le  Diction'"'^ 
de  Hatzfeld  et  Darmesteter,  au  mot 
messéanf. 

*  MONSTRE  —  revue,  inspection,  pa- 

rade (v.  p.  354). 

MORTEPAYE  —  vieux  domestique 
qu'on  garde  sans  le  faire  travailler 
(v.  p.  8).  Cf.  le  Diction'''^  de  Hatz- 
feld et  Darmesteter. 

MUNIER  —  meunier  (v.  p.  121.) 

*  NOURRIR  —  pour  entretenir,  éle- 
ver, conserver  (v.  pp.  104,  121,  etc.) 

*  ONQUES  —  du  latinuNQUAM,y<7wa/j. 
*OR  SUS  —  parole  d'encouragement. 

Cf.  l'ital.  ORSÙ. 
•OUTRECUYDÉ    —  arrogant,  pré- 
somptueux. 


Glossaire 


47» 


*  PAPEGAI  —  ancien  nom  du  per- 
roquet (v.  p.  354'. 

PAR  DEÇA  —  de  ce  côté-ci  (v.  p.  263). 

Cf.  le  Diction""^  de  Littré,  au  mot 

deçà. 
PARDELA  (de)  —  de  Vautre  côté  (voir 

p.  6,  et  var.  (a),  p.  104).  Cf.  le  Dic- 

tion''^  de  Littré,  au  mot  delà. 

*  PAR  DEVERS  —  auprès  de. 

PASSÉ  —  pour  plus  de  (v.  p.  169). 

*PIEÇA  —  il  y  a  quelque  temps,  ja- 
dis, autrefois  ;  étym.  pièce  et  a,  il 
y  a  une  pièce  de  temps  (v.  pp.  189, 

307 ;>.  Cf.  le  Diction"'^  de  Littré. 
POINT  —  pour  quelques  (v.  p.  121). 

*  POISER  —  peser  (v.  p.  200). 

*  POUR  QUOY  —  a  cause  de  quoi 
(v.  var.  (g),  p.  281). 

PRtïLUSION  —  du  lat.  pr.œlusio, 

prélude,  préparation  [v.  p.  166). 
♦PRECHEUR  —  prédicateur. 
»PREGNANT,  PREIGNANT— /^w- 

sant  (v.  pp.  168,   172).  Adj.   parti- 

cip.  de  l'ancien  verbe  preindre  (lat. 

premere).  Cf.  le  Diction"^"^  de  Hatz- 

feld  et  Darmesteter. 
PRESUMPTION  —  du  lat.  prjesump- 

Tio,  supposition  (v.  p.  2). 
PRINS  —  participe  passé  du  verbe 

prendre. 
PRIS  —  pour /^-/x  (v.  p.  121). 

*  PRIS  (au)   —   en    comparaison    de. 
PROPREMENT  —  pour  convenable- 
ment (v.  p.  173). 

*  PROUVOIR  —  du  lat.  providere, 
pourvoir. 

QUAND  —  pour  quant. 

*  QUE  —  pour  ce  que,  puisque  (voir 

pp.  7,  167). 

RAGE  (faire)  —faire  des  efforts  vio- 
lents (v.  p.  345). 

RAPPORT  —  pour  rendez-vous  (voir 
p.  169). 


RATE  (a)  —  a  proportion  (v.  p.  343). 

Cf.  l'ital.  rata. 
RÉALITÉ  —  pour  loyauté  (v.  p.  189). 
RECATHOLISER   (se)   —  entrer  de 

nouveau  dans  le  sein  de  l'Eglise. 

*  RECUEILLIR    —    pour    accueillir 

(v.  p.  341;. 

REDUIRE  —  du  lat.  reducere,  ra- 
mener (v.  pp.  189,  232,  etc.) 

RELIQUATEUR  —  du  lat.  rbliqua- 
TOR,    reliquataire,    redevable    (voir 

P-  343'- 

REMETTRE  SUS  —  rétablir,  remet- 
tre en  vigueur  (v.  p.  173)- 

RENGREGÉ  —  aggravé,  augmenté 
(v.  p.  89\  Cf.  le  bas-lat.  ingreviare. 

*  RETARDATION  —  du  lat.  retar- 

DATio,  retard  (v.  p.  346). 
ROOLE   (recevoir  en)  —   mettre  au 
rang,  enrôler  (v.  p.  104). 

*  SCRUPULE  —petite  difficulté {woÏT 

p.    200).   Du  lat.  SCRUPULXJM. 

*  SI  —  pour  toutefois. 

*  SI  QUE  —  de  sorte  que,  si  bien  que. 
SORTIR  EN  EFFECT  —  se  réaliser, 

s'effectuer  (v.  pp.  89,  168). 

*  SUBVERSION  —  du  lat.  subversio, 

renversement,  action  de  renverser 
dans  les  esprits  toute  loi,  toute  rè- 
gle (v.  p.  88). 
♦SUFFISANCE— dulat.suFFicENTiA, 
capacité  intellectuelle,  mérite  (voir 
pp.  170,  306,  etc.) 

*  TARDIVETÉ  -  retard  (v.  p.  346). 
TOUTES  FORTUNES  (a)  —  en  tout 

cas,  quoi  qu'il  en  soit  (v.  p.  21 1). 

*  VERS  —  pour  auprès  de,  envers  (voir 

pp.  167;  226,  var.  (i),  etc.) 
VENIR  —  pour  être  conforme  (voir 

p.  353)- 
VISITATION  —  du  lat.    visitatio, 

visite  (v.  p.  334). 

*  VISTEMENT  —  vite  (v.  p.  120). 


ERRATA 


Page  2,  note  (i)  :  obtint  un  canonicat...  l'année  même  où  son 
illustre  disciple  en  était  nommé  Prévôt  — 
lire  :  fut  institué  chanoine  le  2^  mars  i^gi . 

Philiberte  de  Jase  —  lire  :  de  Juge. 

Noble  Louis  Bonier  —  lire  :  Humhert  de  Ville 
était  procureur  patrimonial.  (Bonier  n'était 
qu'avocat  patrimonial.) 

19  juin  1595  —  lire  :  20  Juin. 

Pierre  Petit...  pasteur  à  Armoy  et  à  Choulex 
—  lire  :  fut  proposé  pour  la  cure  d' Armoy,  et 
devint  pasteur  à  Choulex. 

Pancarlier  —  lire  :  Pancalier. 


71. 

note  (2) 

14, 

note  (1) 

139. 

note  (2) 

227, 

note  (i) 

285. 

note  (2) 

TABLE    DES    MATIERES 


Avant-Propos v 

Lettre-circulaire  de  S.  Em.   le  Cardinal  Parocchi,  Vicaire  de 

Sa  Sainteté,  aux  Evêques  d'Italie xxx 

Avis  au  Lecteur xxxii 


ANNEES   ANTERIEURES   A    1593 

Lettre  I   —  Au  baron   d'HermanCE.  —  Protestations  de  respect 

et  de  dévouement I 

I  bis   —   A  UN  ANCIEN  PROFESSEUR  (Inédite).  —   Succès    des    armes 

du  roi  de  Navarre.  —  Epidémie  parmi  les  étudiants I   t>is 

II  —  A  DOM  François  de  la   Fléchère  (Inédite).   —  Regret 

de  n'avoir  pas  reçu  de  réponse  à  ses  lettres ^ 

III  —  A  UN  INCONNU  (Inédite).  —  Remerciements  pour  une  lettre 

reçue  de  lui 4 

IV  —   A   UN    INCONNU    (Inédite).    —    Témoignages   de    respect   et 

d'affection 5 

V  —  A  UN   GENTILHOMME  (Inédite).   —    Remerciements  pour   la 

bienveillance  que  lui  témoigne  ce  gentilhomme  et  pour  la  lettre 

qu'il  en  a  reçue 7 

VI  —    A  UN  AMI  (Inédite).  —  Assurances  d'amitié.  —  Désir  d'être 

connu  d'un  personnage  de  grand  mérite.  —  Nouvelles  d'un 
condisciple.  —  Message  de  son  précepteur.  —  Un  mot  sur  son 
frère  Gallois 9 

ANNÉE    1593 

VII  —    A   UN   ANCIEN  CONDISCIPLE   (Inédite).  —   Remerciements 

pour  l'attention  qu"a  eue  ce  personnage  de  lui  dédier  ses  thèses 

de  théologie.  —  Espoir  de  le  voir  prochainement  à  Annecy. ...  13 

VIII  —  Au  RÉGENT  MÉNENC  (Inédite).  —  Excuses  pour  le  retard 

mis  à  répondre  à  deux  lettres.  —  Immunités  assurées  aux  doc- 
teurs en  droit  et  en  médecine  et  aux  maîtres  d'école 1 5 


474  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

IX  —    Au  SÉNATEUR  Favre.   —   Réponse  affectueuse  aux  avances 

du  sénateur  Favre.  —  Regret  de  n'avoir  pu  le  rencontrer  lors 
de  deux  voyages  faits  à  Chambéry.  —  Protestations  d'estime  et 
d'attachement l8 

X  —  Au   MÊME  (Inédite).    —    Remerciements  pour  lui  avoir  pro- 

curé l'amitié  de  François  Girard 25 

XI  —  Au   MÊME.    —    Exposition  des  mêmes  pensées 29 

XII  —   Au   MÊME.  —    Prières  publiques  ordonnées  à  l'occasion  de 

la  détention  du  duc  de  Nemours  ;  sermon  prononcé  à  cette 
occasion.  —  Naissance  de  Jeanne  de  Sales.  —  Affaire  litigieuse 
d'un  paysan  de  Thorens.  —  Témoignages  d'affection.  —  Désir 
de  le  voir  prochainement 52 

XIII  —   Au  MEME.  —    Sentiments   qui  se  pressent  dans   l'âme  du 

Saint  à  l'approche  de   son   ordination    sacerdotale 37 

ANNÉE    1594 

XIV  —  Au  MÊME.  —  Espoir  d'une  prochaine  réunion  à  Sales.  —  M.  et 

M"'^  de  Boisy  contraints  de  s'absenter  à  cette  époque.  —  Envoi 
d'une  lettre  de  M.  de  Montrottier.  —  Le  Saint  part  pour  Seyssel 
où  il  doit  prêcher  le  Dimanche  suivant 41 

XV  —  Au   MÊME.  —  Rendez-vous  à  Faverges.  —  Salutations  faites 

à  M.  de  Montrottier  de  la  part  du  sénateur  Favre 46 

XVI  —  Au  MÊME  (Inédite).  —  Excuses  au  sujet  d'une  lettre  écrite 

à  la  hâte.  —  Remerciements  pour  celle  que  le  Saint  a  reçue  du 
Sénateur 48 

XVII  —  Au  MÊME   (Inédite).   —   Recommandation   en  faveur   de 

Mme  de  Ville.  —  Eloge  du  P.  Chérubin 50 

XVIII  —    Au  MÊME.  —  Envoi  d'une  lettre  de  Ms"'  de  Granier 53 

XIX  —  Au  MÊME.   —    La  brièveté  de  cette  lettre  est  occasionnée 

par  le  départ  précipité  du  porteur.  —  Témoignages  d'affection..         54 

XX  —   Au  MÊME.    —   Remerciements  pour  la  protection  accordée  à 

diverses  personnes. —  Attente  de  la  prochaine  visite  du  Sénateur.         56 

XXI  —   Au  MÊME  (Inédite).  —  Désir  de   profiter  des    nombreuses 

occasions  que  procurera  la  belle  saison  pour  se  voir  plus  fré- 
quemment. —  Nouvelles  de  plusieurs  amis  communs 59 

XXII  —  Au  MÊME.  —  Prochaine  réunion  du  synode  diocésain.  — 
Obstacle  imprévu  qui  a  empêché  le  Saint  de  se  rendre  à  Cham- 
béry. —  Ses  regrets  en  apprenant  que  le  Sénateur  est  allé  inuti- 
lement à  sa  rencontre 62 

XXIII  —  Au  MÊME.  —  Projet  d'un  pèlerinage  à  l'église  de  la 
Sainte-Croix  d'Aix.  —  Ordre  que  doivent  suivre  pendant  le  trajet 

les  pèlerins  d'Annecy  et  de  Chambéry 65 


Table  des  matières  475 

XXIV  —  Au  MÊME.  —  Le  Sénateur  est  attendu  à  Annecy  ;  plu- 
sieurs maisons  lui  sont  offertes.  —  Il  est  instamment  prié  d'ame- 
ner sa  femme 69 

XXV  —  Au  MÊiME.  —  Déception  du  Saint  et  de  ses  amis  en  ne 
voyant  pas  arriver  le  Sénateur.  —  Le  Prévôt  va  prêcher  à  La 
Roche "7 1 

XXVI  —  Au  Prévôt  Girard.  —  Gracieuses  excuses  de  n'avoir 
pas  écrit  plus  tôt.  —  Le  Saint  est  à  Hautecombe  avec  le  sénateur 
Favre 74 

XXVII  —   Au  SÉNATEUR  Favre.  —  Compliments  affectueux 77 

XXVIII  —  Aux  FILS  DU  SÉNATEUR  Favre  (Inédite).  —  Remercie- 
ments pour  une  lettre  reçue  d'eux.  —  Encouragements  à  suivre 

les  exemples  de  leur  père.  —  Message  pour  leur  mère no 

XXIX —  Au  SÉNATEUR  Favre  (Inédite). —  Explications  amicales. 

—  Remerciements  pour  l'envoi  de  Méditations  sur  la  pénitence.        80 

XXX  —  Au  MÊME  (Inédite).  —  Les  prévenances  d'un  ami  commun 
attribuées  à  la  recommandation  du  Sénateur.  —  Désir  de  se  pro- 
curer quelques  formules  de  prières 82 

XXXI  —  Au  Prévôt  Girard.  —  Congratulations  pour  le  zèle 
qu'il  déploie  au  service  de  Jésus  crucifié,  et  pour  son  agrégation 

à  la  Confrérie  de  la  Sainte  Croix 84 

XXXII  —   A  UN  GENTILHOMME.  —    Prière   d'intervenir  auprès   du 

duc  de  Savoie  en  faveur  du  Chapitre  de  Genève 88 

XXXIII  —  Au  SÉNATEUR  Favre. —  Nouvelles  de  la  mission  du 
Chablais.  —  Premières  difficultés  suscitées  par  les  ministres 
protestants.  —  Energique  résolution  du  Saint QO 

XXXIV  —  A  UN  RELIGIEUX  (Fragment  inédit) 93 

XXXV  —   A  Ms""  DE  GrANIER.  —   Endurcissement  des  hérétiques. 

—  Aveu  des  ministres  en  faveur  des  missionnaires 94 

XXXVI  —  Au  SÉNATEUR  Favre  (Inédite).  —  Heureux  présages 
pour  le  succès  de  la  mission  du  Chablais 95 

XXXVII  —  Au  MÊME. —  Témoignages  d'estime  et  de  reconnaissance 
pour  le  P.  Chérubin.  —  Envoi  de  plusieurs  lettres.  —  Premiers 
fruits  des  prédications 97 

XXXVIII —  A  M'''  DelbENE.  —  Protestations  de  respect  et  de  dé- 
vouement        1 00 

XXXIX —  Au  SÉNATEUR  Favre.  —  Prédications  de  l'Avent 102 

XL  —  A  UN  CURIAL.  —  Réponse  obligeante  à  la  demande  de  quel- 
que service 1 03 

XLI  —  Au  PÈRE  POSSEVIN.  —  Assurance  de  respectueux  attache- 
ment. —  Le  Saint  parle  de  son  ordination  et  de  ses  débuts  dans 
le  ministère 1 04 


476  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

ANNÉE    1595 

XLII  —   Au   Sénateur  Favre  (Inédite).    —   Commencement    de 

la  rédaction  des  Con: reverses IO7 

XLIII  —    Au     MÊME     (Inédite).   —    Ingénieuses  excuses   pour  un 

silence  trop  prolongé 1 09 

XLIV    —  Au  MÊME  (Inédite).   —  Difficultés  qu'offre  la  rédaction 

des  Controverses 110 

XLV  —  Au  h\Êy\E  (Inédite).  —  Détermination  de  lutter  intrépide- 
ment contre  l'hérésie.  —  Avis  du  P.  Chérubin  pour  assurer  le 
succès  de  la  mission 112 

XLVI  —  A  M.   DE  BoiSY.   —  Courage  invincible  en  face  des  dangers 

que  présente  la  mission  du  Chablais II7 

XLVII  —  A  M»""  DE  GraNIER. —  Difficulté  et  lenteur  des  conversions.       I  18 

XLVIII  —  Au  PÈRE  P0SSEVIN.  —  Témoignages  de  reconnaissance 
et  désir  d'une  prochaine  entrevue. —  Etat  des  affaires  religieuses 
en  Chablais.  —  Nouvelles  intimes 1 19 

XLIX  —  Au  sénateur  Favre.  —  Eloge  d'un  ouvrage  du 
P.  Possevin.  —  Motifs  qui  retardent  la  conversion  de  Pierre 
Poncet.  —  Présents  des  PP.  Possevin  et  Chérubin.  —  Encoura- 
gements reçus  d'un  ami  au  sujet  de  la  mission 1 22 

L  —  Au  MÊME.  —  L'avocat  Poncet  promet  d'abjurer  prochainement 

le  protestantisme 1 2o 

LI  —   Au  MÊME.  —  Arbitrage  du  Sénateur  réclamé  par  le  Chapitre 

de  Genève  et  un  ecclésiastique  qui  demande  à  en  faire  partie. .       130 

LU   —   Au    MÊME,  —  Visite  à  Sales.  —  Remerciements  pour  l'envoi 

de  la  Centurie  première  de  Sonnets IJ2 

LUI  —  Au  MÊME  (Inédite). —  Emotion  causée  par  le  malheur  d'un 
ami  commun;  vif  désir  de  défendre  sa  cause.  —  Eloge  de  l'ou- 
vrage du  Sénateur.  —  Pénible  situation  du  Saint  en  Chablais..  135 
LIV  —  Au  Bienheureux  CaNISIUS.  —  "Vénération  qu'inspire  sa 
vertu. —  Désir  d'entrer  en  relations  avec  lui.  —  Nouvelles  de  la 
mission  ;  conversion  de  Pierre  Poncet. —  Question  de  controverse.       1 40 

Minute  de  la  lettre  précédente 145 

LV  A  M'"'  RiCCARDI.  —  Violation  des  immunités  ecclésiasti- 
ques ;  le  Saint  sollicite  l'intervention  du  Nonce  auprès  du  duc 
de  Savoie 1 4° 

LVl  —  Au  Chanoine  de  M0NTH0UX('/«^i//^^.  —  Recommandation 

en  faveur  de  l'abbé  de  Ronis 1  5  1 

LVII  —  Au  sénateur  Favre.  —  Souffrances  du  saint  Apôtre;  il 
désire  s'adjoindre  d'autres  missionnaires,  —  Remerciements  pour 


Table  des  matières  477 

un  ouvrage  de  Sponde  ;  calomnies  des  hérétiques  contre  ce  per- 
sonnage et  contre  Pierre  Poncet.  —  Sentiments  de  foi  et  de 
confiance 153 

LVIII  —   Av  MÊ^\E  (Inédite).  —  Troubles  qui  régnent  à  Annecy 156 

LIX —  Au  MEME. —  Ebranlement  qui  se  produit  parmi  les  hérétiques; 

ingénieuse  tactique  du  Saint  pour  les  provoquer  à  la  discussion.       158 

LX  —  Au  MÊME  (Inédite).  —  Attente  de  quelques  lettres  attar- 
dées.—  Allusion  à  la  bénédiction  apostolique  envoyée  à  Henri  IV. 
—  Suite  du  travail  des  Controverses.  —  Accueil  fait  par  les  héré- 
tiques à  la  Centurie  première.  —  L'avocat  de  Prez  adresse  des 
vers  à  l'auteur 1 60 

LXI  —  Au  MÊME  (Inédite).  —    Prochain  envoi  d'une  partie  de  son 

introduction  au  Code  Fahrien.  —  Qjuestion  de  droit 164 

■^LXII  —  Au  PÈRE  POSSEVIN  {Inédite). — Nécessité  pour  le  Saint 
d'obtenir  la  permission  de  lire  les  livres  hérétiques.  —  Remar- 
ques sur  les  Institutions  de  Calvin  et  sur  un  ouvrage  de  Théodore 
de  Bèze.  —  Témoignages  de  respectueuse  confiance 166 

LXIII  —  Au  Duc  DE  Savoie.  —  Exposé  des  mesures  à  prendre 
pour  assurer  la  conversion  du  Chablais.  —  Heureuse  influence 

de  M.  d'Avully 1 68 

Minute  de  la  lettre  précédente 172 

ANNÉE    1596 

LXIV  —  Au  SÉNATEUR  Favre  (Inédite).  —  Rencontre  avec  Mar- 
tinengo.  —  Visite  du  Saint  à  sa  famille  et  au  baron  de  Chevron. 
—  Bienveillance  que  manifestent  à  son  égard  le  duc  de  Savoie 
et  le  Nonce  apostolique.  —  Désir  de  recevoir  le  douzième  Livre 
des  Conjectures.  —  Encouragement  à  dédier  à  l'Evêque  la  Cen- 
turie seconde  de  Sonnets 1 76 

LXV  —  A  M.  ChAVENT  (Inédite).  —  Témoignages  de  reconnaissance 
et  d'affection.  —  Eloignement  du  Saint  pour  les  dignités  ecclé- 
siastiques        182 

LXVl  —  A  M»""  R1CCARDI.  —  Joie  qu'éprouvent  les  Savoisiens  de 
la  nomination  du  Nonce.  —  Récit  de  l'apostasie  du  Chablais  et 
des  tentatives  faites  pour  la   conversion    de    cette  province.  — 

Mesures  à  prendre  pour  en  assurer  le  succès 183 

LXVII  —  Au  Duc  DE  Savoie.  —  Nécessité  de  rendre  une  des 
églises  de  Thonon  au  culte  catholique.  —  Ebranlement  général 

parmi  les  hérétiques  du  Chablais 189 

LXVIII A  M"''  R1CCARDI.  —  Instances  pour  obtenir  l'intervention 

du  Nonce  auprès  du  duc  de  Savoie.  —  Opposition  à   redouter 


478  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

de  la  part  des  Chevaliers  de  Saint-Lazare.  —  On  découvre  eil 
Chablais  quantité  de  personnes  possédées  du  démon igO 

LXIX  —  Au  SÉNATEUR  FaVRE  (Inédite).  —  Ardent  désir  de  voir 
le  duc  de  Savoie  effectuer  un  voyage  projeté  en  Chablais.  — 
Envoi  d'une  lettre  pour  le  P.  Chérubin 1 03 

LXX  —  A  Ms""  RlCCARDI.  —  Séjour  à  Annecy  à  l'occasion  du 
synode.  —    Remerciements  pour  trois  lettres  reçues  du  Nonce. 

—  Conversions  qui  s'opèrent  en  Chablais.  —  Nécessité  d'y  en- 
voyer un  nombre  suffisant  de  prédicateurs,  et  de  nommer  aux 
cures  des  prêtres  dignes  de  les  occuper me 

LXXI  —  A  M.  d'AvullY.  —  Envoi  d'un  commentaire  de  saint 
Jérôme.  —  Joie  d'apprendre  la  conversion  de  M'"^  de  Rovorée. 

—  Attente  de  l'arrivée  du  duc  à  Thonon 198 

Extrait  du  commentaire  de  saint  Jérôme 200 

LXXII  —  A  M°''  RlCCARDI  (Inédite).  —  Calomnies  répandues  à 
la  cour  de  Savoie  contre  M.  d'Avully  et  l'Apôtre  du  Chablais. 

—  Abandon    dans  lequel  on  laisse  ce  dernier.    —  Désir  de  faire 

un  voyage  à  Turin 202 

LXXIII  —  Au  MÊME.  —  Instances  pour  obtenir   le  rétablissement 

du  culte  catholique  dans  quelques  paroisses  du  Chablais 205 

LXXIV  —  Au  SÉNATEUR  Favre,  —  Désir  de  lui  voir  accepter  la 
charge  de  Président  du  Conseil  de  Genevois.  —  Délais  apportés 
aux  affaires  du  Chablais.  —  Projet  d'un  pèlerinage  au  tombeau 
de  saint  Claude 2o8 

LXXV  —  A   UN  COUSIN   (Inédite).  — Témoignages  d'affection. — 

Annecy  est  menacé  de  la  peste. —  Message  pour  le  P.  de  Lorini.      210 

LXXVI  —  Au  SÉNATEUR  Favre  (Inédite).    —    Recommandation 

en  faveur  de  M.    de  Coursinge 211 

LXXVII  —  A  M"""  RlCCARDI  —  Réclamations  au   sujet  d'un  legs 

fait  à  trois  églises  de  Savoie 2  12 

LXXVIII  —  Au  SÉNATEUR  Favre  [Inédite).  — Espoir  de  solenniser 
à  Thonon  les  fêtes  de  Noël.  —  Recommandation  en  faveur  des 
nouveaux  convertis  de  la  paroisse  de  Mésinge 2  1 7 

LXXIX  —  A  M^""  RlCCARDI.  —  Remerciements  pour  l'autorisation 
d'absoudre  des  cas  réservés.  —  Conversions  opérées  en  Chablais; 
état  des  esprits  dans  cette  province. —  Calomnies  répanduescontre 
M.  d'Avully. —  Nomination  du  nouvel  Abbé  d'Abondance....      2IQ 

LXXX  —  Au  Duc  DE  Savoie.  —  Opposition  apportée  par  les 
syndics  de  Thonon  à  l'érection  d'un  autel.  —  Combien  la 
protection  du  duc  est  nécessaire  aux  nouveaux  Catholiques.  — 
Conversion  d'un  ministre  protestant 225 

LXXXI  —  A  M"""  RlCCARDI.  —  Instances  pour  obtenir  la  protec- 
tion du  Nonce  auprès  du  duc  de  Savoie 228 


Table  des  matières  479 

ANNÉE    1597 

LXXXII  —  A  M.  BOCHUT  (Fragment  inédit).  —  Invitation  à  venir 

desservir  la  paroisse  de  Thonon 23O 

LXXXIII  —  Au  Duc  DE  Savoie  ^  Inédite).  —  Erection  d'un  autel 
dans  l'église  Saint-Hippolyte.  —  Recommandation  en  faveur  du 
ministre  Petit.  —  Combien  il  importe  que  les  Chevaliers  de 
Saint-Lazare  cèdent  les  revenus  ecclésiastiques  qu'ils  détiennent 
en  Chablais 23  I 

LXXXIV  —  Au  Conseil  des  Chevaliers  des  Saints  Maurice 

ET  Lazare  (Inédite).  —  Instances  afin  d'obtenir  que  les  revenus 
ecclésiastiques  dont  les  Chevaliers  jouissent  en  Chablais  soient 
affectés  au  rétablissement  du  culte  catholique 232 

LXXXV  —  A  M'""  RiCCARDI  (Inédite).  —  Excuses  pour  le  délai  mis 
à  répondre  aux  lettres  du  Nonce.  —  Proposition  d'une  confé- 
rence publique  avec  les  ministres.  —  Instante  prière  de  lui  obtenir 
la  collaboration  du  P.  Chérubin,  du  P.  Esprit  et  de  plusieurs 
autres  missionnaires.  —  Moyens  à  prendre  pour  fournir  aux 
frais  de  la  mission 235 

LXXXVI  —  Au  MÊME.  —  Lettres  reçues  du  Nonce.  —  Remer- 
ciements pour  la  protection  accordée  à  trois  églises  de  Savoie.  — 
Eloge  du  chevalier  Bergera.  —  Difficultés  qui  retardent  l'éta- 
blissement des  curés  en  Chablais.  —  Pauvreté  des  paroisses.  — 
Prétentions  injustes  des  Chevaliers  des  Saints  Maurice  et  Lazare 
relativement  à  la  nomination  des  curés.  —  Pension  due  au  pré- 
dicateur d'Evian 239 

LXXXVII  —  Au  MÊME  (Inédite).  —  Protestations  d'obéissance 
et  de  dévouement. —  Nouvel  exposé  des  difficultés  de  la  mission. 
—  Promesse  faite  par  les  Religieux  d'Ainay.  —  Prédication  du 
Saint  à  Cervens.  —  Destination  du  chanoine  Roget.  —  Les 
hérétiques  prétendent  retirer  à  M.  d'Avully  la  dignité  de  juge 
de  leur  consistoire 246 

LXXXVIII  —  Au  Duc  DE  Savoie.  —  Demande  de  secours  pour 
des  indigents.  —  Requête  en  faveur  de  quelques  hameaux  des 
AUinges.  —  Menées  des  protestants  contre  M.  d'Avully . .       25  I 

LXXXIX  —  A  M'''  RiCCARDI  (Inédite).  —    Installation  d'un  curé 

à  Cervens.  —  Eloge  de  M.  de  Blonay 254 

XC  —  Au  MÊME  (Inédite).  —  Mesures  à  prendre  pour  pourvoir 
à  la  subsistance  des  curés  du  Chablais.  —  Voyage  du  chanoine 
Louis  de  Sales  à  Genève.  —  Désignation  des  PP.  Capucins  et 
Jésuites  dont  le  concours  serait  le  plus  utile  à  la  mission  ;  frais 
que  nécessiterait  leur  entretien 256   ^ 


480  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

XCI  —  Au  Duc  de  Savoie  (Inédite).  —  Instances  pour  obtenir 
quelques  libéralités  déjà  sollicitées  en  faveur  de  nouveaux 
Catholiques 263 

XCII —  A  M°''  RiCCARDI.  —  Difficultés  que  présente  la  mission  du 
Chablais.  —  Intérêt  du  Pape  pour  cette  œuvre.  —  Il  est 
urgent    de  réformer   quelques  abbayes  de  la  contrée 264 

XCIII  —  A  S.  S.  Clément  VIII.  —  Entrevue  avec  Théodore  de 
Bèze;  endurcissement  de  ce  vieillard.  —  Tyrannie  exercée  par  les 
Genevois  sur  les  Catholiques.  —  Espoir  d'obtenir  la  liberté  de 
conscience  à  Genève  moyennant  la  médiation  du  roi  de  France.      268 

Minute  de  la  lettre  précédente 273 

XCIV  —  A  MS""  RiCCARDI.  —  Heureux  résultats  que  promet  la 
conférence  projetée  avec  les  hérétiques.  —  Lettre  du  Saint  au 
Pape.  —  Pression  qu'exercent  les  Genevois  sur  les  Catholiques 
de  Gex  et  de  Gaillard.  —  Etat  des  affaires  du  Chablais 275 

XCV  —  Au  Duc  DE  Savoie  (Inédite).  —  Le  curé  de  Saint-Julien 
est  contraint  de  se  retirer.  —  Requête  des  habitants  de  Bernex. — 
Incident  survenu  entre  le  P.  Esprit  et  le  ministre  protestant.  — 
Combien  il  est  désirable  que  le  duc  signifie  aux  Thononais  le 
désir  qu'il  a  de  leur  conversion 279 

XCVI —   A   M°''   RiCCARDI.  —   Mêmes  sujets.  —  Installation  d'un 

curé  à  Brens 2o2 

XCVII  —  Au  MÊME.  —  Maladie  de  l'Evêque  de  Genève.  —  Obliga- 
tions de  l'Abbé  d'Abondance  envers  le  prédicateur  d'Evian. —  In- 
digence des  Religieuses  de  Sainte-Claire. —  Poursuites  à  faire  pour 
obtenir  la  conférence  avec  les  ministres.  —  Le  Saint  sollicite  l'au- 
torisation de  concourir  pour  la  cure  du  Petit-Bornand. —  La  permis- 
sion de  lire  les  livres  hérétiques  est  nécessaire  aux  missionnaires.      29 1 

XCVill  —  Au  MEME.  —  Affaires  du  Chablais  :  démêlés  avec  les 
Chevaliers  des  Saints  Maurice  et  Lazare  ;  encore  la  conférence 
de    Genève ^OI 

XCIX  —  Au   Duc  DE  Savoie.  —  Témoignages  de  reconnaissance.      306 

C  —   A  UN   GENTILHOMME  (Inédite).  —  Même  sujet 307 

CI  —  A  M"""  RiCCARDI.  —  Assemblée  faite  à  Annemasse  pour 
traiter  des  intérêts  de  la  religion  en  Chablais.  —  Le  P.  Chérubin 
député  auprès  du  duc.  —  Succès  prodigieux  des  Quarante- 
Heures  d'Annemasse 308 

ANNÉE    1598 

Cil  —  A  M.  Marin  (Inédite). —  Prochain  retour  du  P.  Chérubin  à 

Thonon.  —  Promesse  du  président  Favre 312 


Table  des  matières  481 

cm  —  A  M"'""  RiCCARDI  (Inédite).  —  Le  voyage  du  Saint  à  Rome 
retardé  par  une  maladie  grave.  —  Envoi  de  trois  lettres  du  duc. 
—  Bonnes  dispositions  des  habitants  du  Chablais.  —  Interven- 
tion en  faveur  de  deux  religieux  qui  ont  encouru  des  censures 

ecclésiastiques '^^'^ 

CIV  —  Au  Duc  DE  Savoie.  —  Instantes  prières  pour  que  les 
Chevaliers  des  Saints  Maurice  et  Lazare  soient  contraints  à  payer 
les  pensions  dues  aux  curés  du  Chablais.  —  Députation  des  villa- 
geois de  cette  province  pour  obtenir  du  duc  la  restauration  de 

leurs  églises.  —  Maladie  du  Saint 3^9 

CV  —  A  M.  DE  PiNGON.  —  Requête  présentée  au  duc  de  Savoie 
pour  obtenir  que  l'usage  de  la  cloche  de  l'église  Saint  Hippolyte 

soit  interdit  aux  hérétiques.  .' 3-  ' 

CVI   —    A    M'""    RiCCARDI.    —    Projet    de    célébrer  les    Quarante- 

Heures  à  Thonon,  et  de  les  faire  suivre  de  disputes  publiques 

sur  les  matières  controversées.  —  Une  conférence  de  ce  genre 

vient  d'avoir  lieu  entre  le  P.  Chérubin  et  le  professeur  Lignarius.      322 

CVII  —    Au   Duc   DE    Savoie   (Inédite).    —    Rumeurs  inquiétantes 

qui  circulent  en  Chablais  ;  alarmes  des  Catholiques 326 

CVUl  —  A  IV1=''  RiCCARDI.  —  Affaire  de  la  cure  du  Petit-Bornand. 
Peste  à  Anuecy.  —  Mauvais  vouloir  des  Chevaliers.  —  Ebran- 
lement produit  par  l'annonce  des  Quarante-Heures  à  Thonon. 
—  Faveurs  spirituelles  qui  sont  à  désirer  pour  cette  occasion.  — 

Zèle  du  duc  de  Savoie  mal  secondé  par  ses  officiers 328 

CIX  —  Au  MÊME.  —  Voyage  du  président  Favre  à  Turin  et  à  Fer- 

lare. Nouvelles   poursuites  au  sujet  de  la  cession   des  cures 

du  Chablais.  —  Mesures  à  prendre  pour  assurer  le  triomphe  du 

catholicisme  sur  l'hérésie 334 

ex  Au  MÊME.  —  Espérance  d'obtenir,  moyennant  la  médiation 

du  roi  de  France,  le  libre  exercice  du  culte  catholique  à  Genève.      339 
CXI  —  A  M.  DE  Chevron  VillhTTE  (Inédite).  —  Témoignages  de 

respect  et  de  reconnaissance.  —  Annonce  de  sa  visite 34 1 

CXII  —  A  M.  Marin.  —  Préparatifs  à  faire  en  vue  des  Quarante- 
Heures  qui  doivent  se  célébrer  à  Thonon.  —  Indications  pour 
le  logement  de  l'Evéque.—  Audience  du  duc  de  Savoie.—  Desti- 
nation de  deux  ecclésiastiques 34^ 

CXIII Au  Prévôt  WerrO.  —  Les  exercices  des  Quarante-Heures 

à  Thonon  sont  fixés  aux  23  et  24  août 345 

CXIV  A  DON  Juan   de   MenDOÇA.  —   Supplications  collectives 

des    missionnaires   du    Chablais    pour    obtenir   que   les   troupes 

espagnoles  ne  traversent  pas  cette  province 347 

(2)(Y /^u  Prévôt  WerkO. —  Remerciements.—  Retard  des  Qua- 
rante-Heures projetées  à  Thonon 351 

Lettres  I  ■'' 


483  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

CXVI  —  A  M.  de  Chevron  Villette  (Inêd'te).  —  Prière  de  se 

rendre  en  Chablais  pour  protéger  les  habitants  si  les  troupes 
espagnoles  traversent  la  province.  —  Recommander  au  duc  les 
intérêts  de  la  mission  et  l'engager  à  assister  aux  Quarante-Heures 
de  Thonon 353 

CXVII  —  A  M.  SaRASIN.  —  Invitation  à  exposer  par  écrit  la  mis- 
sion dont  il  est  chargé 3C5 

CXVIII  —  A  M'""  RiCCARDI.  —  Recours  à  la  protection  du  Nonce. 
—  Pouvoirs  spéciaux  nécessaires  aux  missionnaires.  —  Mesures 
à  prendre  contre  les  Chevaliers  des  Saints  Maurice  et  Lazare.  — 
Admirables  résultats  des  Quarante-Heures  de  Thonon. —  Zèle  des 
Evêques  de  Genève  et  de  Saint-Paul-Trois-Chàteaux.  —  Alarmes 
au  sujet  de  Genève ^56 

MINUTES    ÉCRITES    PAR    SAINT   FRANÇOIS    DE    SALES 
POUR    MONSEIGNEUR    DE    GRANIER 

CXIX  —  A  S.  S.  Clément  VIIL  —  Fruits  merveilleux  produits  par 
les  Quarante-Heures  de  Thonon.—  Prière  d'intervenir  auprès  du 
roi  de  France  et  du  duc  de  Savoie  pour  que  Genève  ne  soit  pas 
comprise  dans  le  traité  de  Vervins 263 

CXX  —  Au  même.  —  Raisons  qui  ont  contraint  le  Prévôt  de  diffé- 
rer le  voyage  de  Rome.  —  Envoi  des  documents  qui  doivent 
être  présentés  à  Sa  Sainteté 367 


APPENDICE 

LETTRES    ADRESSÉES    A    SAINT    FRANÇOIS   DE    SALES 
PAR  QUELQUES   CORRESPONDANTS 

A      LETTRES      D'ANTOINE      FAVRE 

1 371 

II 373 

III 376 

IV 377 

V 379 

VI 382 

Vil 383 

VIII 384 


Table  des  matières  483 

IX 385 

X 387 

XI 389 

XII 391 

XIll 393 

XIV 394 

XV 306 

XVI 397 

XVII 398 

XVIII 401 

XIX 404 

XX ^06 

XXI 407 

XXII 410 

XXIII 4,, 

XXIV 4,3 

XXV 4,4 

XXVI 415 

XXVIi 417 

XXVIII 4,8 

XXIX 419 

XXX 42 1 

XXXI 422 

XXXII 424 

XXXIII 426 

XXXIV 427 


B    LETTRES     DE     M'^''     JULES-CESAR      RICCARDI 

ARCHF.VÈQL-E  DE    BARI,    KO.VCE    APOSTOLIQUE    A    TURIN 

I 429 

H 430 

m 430 

IV 43' 

V 432 

VI 434 

VII 435 

VIII 436 

IX 437 

X 438 

XI 439 

XII 440 

XIII 441 


!  8501  i 


484  Lettres  de  saint  François  de  Sales 

XIV 443 

XV 444 

XVI 445 

C     LETTRES    DE    CHARLES-EMMANUEL     1^'',    DUC     DE     SAVOIE 

ï 447 

II  —  Lettres  patentes  de  nomination  de  saint  François  de  Sales 

à  la  coadjutorerie  de  l'évêché  de  Genève 448 

III 449 

IV 449 

V 450 

VI 451 

VU 451 

D     BREFS     DE    SA     SAINTETÉ     CLÉMENT     VUI 

!•••    453 

» 453 


Table  de  correspondance  de  cette  nouvelle  Edition  avec  les 

précédentes,  et  indication  de  la  provenance  des  Manuscrits  455 

Index  des  principales  Notes  historiques  et  biographiques  ....  463 

Glossaire  des  locutions  et  des  mots  surannés 469 

Errata 472 


Annecy,  imprimé  par  J.  Niérat,  1900.-5862 


BX  1750  ,n   1892  v.ll  SMC 

Francis, 

Oeuvres  de  saint  François  de 

Sale$,  eveque  de  Genève  et  d 

Edition  complète  d'après  les 

autographes  et  les  éditions 

oriainalRfî   p.nrinhip  dp   nnmhr